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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mardi 23 août 2005 - Vol. 38 N° 146

Consultation générale sur le document intitulé Politique du médicament


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Si vous voulez bien prendre place, s'il vous plaît. La Commission des affaires sociales est réunie aujourd'hui afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le document intitulé Politique du médicament.

Alors, pour la bonne marche des travaux, je rappelle à celles et ceux qui font usage du téléphone cellulaire ou de téléavertisseurs qu'ils sont interdits dans cette salle et de bien vouloir les mettre hors tension pour la durée de nos travaux.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Charbonneau (Borduas) remplace M. St-André (L'Assomption).

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci, M. le secrétaire. Alors, bienvenue à tous les membres de la commission, nouveaux membres comme anciens, et au personnel qui accompagne les membres de la commission, bienvenue à cette séance.

Je rappelle à nos invités qu'ils ont 20 minutes pour résumer l'essentiel de leurs mémoires. Nous disposons de blocs de 60 minutes, suite à quoi donc on aura 40 minutes pour les échanges avec les membres de la commission. Alors, nous accueillons, ce matin, trois groupes: VisualMed Clinical Solutions Corporation, maintenant; à 10 h 30, la Fédération des chambres de commerce du Québec; et, à 11 h 30, l'Association des étudiants en pharmacie de l'Université de Montréal. Suite à quoi les travaux seront suspendus à 12 h 30. Nous verrons l'ordre du jour pour le reste de la journée lors de la reprise des travaux, en après-midi.

Auditions (suite)

Alors, nous accueillons maintenant donc les représentants de VisualMed Clinical Solutions Corporation, M. Claude Michel Morin et M. André Nadeau, André G. Nadeau. Je comprends que ce sera M. Nadeau qui prendra la parole. Alors, la parole est à vous.

VisualMed Clinical Solutions Corporation

M. Nadeau (André G.): Merci. D'accord, merci. Alors, bonjour, M. le Président, M. le ministre, les membres de la commission, mesdames et messieurs.

J'aimerais m'introduire très rapidement. Je suis un conseiller en stratégie et en gestion du changement et je travaille avec VisualMed. M. Morin est un investisseur et un des fondateurs de VisualMed, société qui est basée à Montréal.

Maintenant, avant de rentrer dans la présentation comme telle, est-ce que je dois faire l'hypothèse que les membres de la commission ont le document?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): C'est une très bonne hypothèse.

n (9 h 40) n

M. Nadeau (André G.): Excellent. Bon. Alors, avant de rentrer dans le document, j'aimerais vous amener dans une situation un peu imaginaire. Alors, imaginez que vous êtes patient dans un hôpital, au Québec, et vous avez un diagnostic qui s'en vient, vous ne savez pas exactement c'est quoi. Votre médecin vient vous voir, vous regarde et, fait étrange, il rentre avec une petite tablette, un PC électronique, l'ouvre, rentre quelques données, rentre votre nom, est capable de vérifier vos signes vitaux et décide de vous prescrire un antibiotique. Soudainement, j'entends l'ordinateur qui fait bip-bip. Il dit: Ah, c'est vrai. Il dit: Vous avez une insuffisance rénale, donc l'ordinateur m'avise que je devrais peut-être changer la prescription. Après ça, j'entends un autre petit bip-bip. Il dit: Ah bien, peut-être qu'on va vous donner un générique au lieu de ce qui m'apparaît à l'écran, en fonction du protocole de l'hôpital, pour votre diagnostic. Alors, moi, je ne vois pas de prescription, il n'y a rien qui se passe.

Un peu plus tard, il y a une garde-malade, une infirmière qui vient me voir, scanne mon petit bracelet, et scanne la prescription, et m'informe que la prescription avait été transmise électroniquement, à partir de mon lit, à la pharmacie de l'hôpital. Elle m'administre les médicaments. Je me sens mieux. Le soir, avant de m'endormir, elle vient me voir et m'informe qu'à partir de son cabinet privé le médecin avait vu un progrès dans mes signes vitaux, qu'il avait lus à distance, et qu'en fait la dose allait être réduite pour la nuit.

Alors, c'est une situation imaginaire, vous croyez, mais en fait ce produit, cette application, cette technologie, hein, existe aujourd'hui et elle commence à être installée dans certains hôpitaux, notamment aux États-Unis. Alors, c'est avec cette connaissance-là et le fait que j'ai passé sept ans de ma carrière avec Le Groupe CGI comme chef de la stratégie informatique de cette grande entreprise québécoise là qu'on a commencé à voir comment une société comme VisualMed pourrait aider la problématique des hôpitaux et des sociétés aujourd'hui. Alors ça, c'est mon entrée en matière, parce que c'est beau, l'imagination, mais il faut savoir que ces choses-là existent.

Ma profession en stratégie, c'est d'abord la gestion du changement. Alors, lorsqu'on parle de changement, il faut bien comprendre que des nouveautés technologiques, des nouvelles politiques gouvernementales, ça apporte toujours des changements, puis, dans le domaine de la santé, c'est toujours délicat et important comme changement. Alors, il faut comprendre que c'est avec cette mentalité-là d'agent de changement qu'on a écrit le mémoire qui est devant vous. Et, avant de vous amener dans notre proposition spécifique, j'aimerais vous référer à la page 6 du document, où il y a le premier de deux modèles conceptuels, qui est essentiellement que tout dans ces politiques-là devrait être centré sur le citoyen-patient. On le définit comme tel, parce qu'on pense souvent au patient ou on pense toujours au citoyen, mais en fait, à terme, on est tous des citoyens et on deviendra tous des patients.

Le citoyen qui est patient, lui, ce qui l'intéresse, c'est évidemment la qualité des soins. Il veut que ces soins-là soient prodigués de façon sécuritaire. Il veut que son information personnelle soit gardée de façon confidentielle. Et le coût est quand même parfois à l'arrière-plan, mais en bout de piste il faut savoir que le citoyen-patient paie toujours soit directement par une prime d'assurance ou par son impôt. Alors ça, pour nous, c'est au coeur de la préoccupation, et puis, quand on avait lu le mémoire, évidemment on trouvait que c'était bien fait, mais c'est cette notion de citoyen-patient là qu'on voulait voir apparaître.

À la page 7, on se rend compte que le citoyen-patient n'est pas seul, il a une interaction avec son médecin et avec le pharmacien, et ça, c'est le triumvirat d'échange d'information, et de prodigage de soins, et de médicaments qui est clé, et là évidemment il s'agit d'avoir la bonne information pour faire le bon choix puis éviter les erreurs. Alors, lorsqu'on regardait cette dynamique-là, nous, ce qu'on s'est dit, c'est: Bien, comment est-ce qu'on peut améliorer la qualité des soins, et en même temps réduire les coûts, et offrir aux Québécois et aux Québécoises un service hors pair? Alors, nous, on a pensé que la clé de toute cette équation-là, c'était le médecin. Et par conséquent, si vous voulez bien aller à la page n° 10, le médecin, c'est vraiment au coeur de ce système-là. Évidemment, il est appuyé par les infirmières et les pharmaciens, mais le médecin est au coeur de l'idée.

Alors, nous, ce qu'on a pensé, c'est qu'au lieu de procéder par une approche où soit un hôpital ou une région se convertisse à des nouvelles technologies... Parce que les nouvelles technologies aujourd'hui contiennent tellement d'informations, elles peuvent être tellement intelligentes, entre guillemets, qu'il s'agit d'amener cette intelligence-là et le pouvoir de l'information auprès du décideur.

Puis il y a des principes de gestion qui disent: Il faut l'amener le plus proche du point de contact où aura lieu l'intervention. Alors, le médecin, si on était capable de le rendre mieux équipé, s'il était capable d'avoir une aide à la décision, et ce que VisualMed permet, il y a 12 000 interactions médicamenteuses qui sont bâties dans ce système-là, de sorte que, dans mon exemple, le médecin peut automatiquement savoir s'il y a un problème dans un médicament qu'il donne à un patient, il peut également voir si la dose n'est pas correcte, il peut, selon les protocoles, être dirigé vers des produits génériques, au cas échéant.

Mais, pour revenir à votre question de fond, nous, ce qu'on a dit, c'est que, si on est capable d'équiper le médecin, de le rendre automatisé puis de le rendre à l'aise à travailler avec un outil informatique, le reste va s'ensuivre. Donc, le principe, ici, c'est de fournir soit un PC ou un ordinateur tablette qui serait équipé d'une version de base de VisualMed, et, lorsque le médecin prescrit... le médecin prescrirait une prescription qui sortirait de façon papier dans une première phase et, dans une deuxième phase, elle deviendrait transmise... électronique au pharmacien. Alors, autrement dit, imaginez que tous les médecins du Québec soient capables et se soient rendus à l'aise avec une partie de l'équation, donc seraient capables d'avoir des questions-réponses, d'avoir de l'aide à la décision, d'améliorer la qualité des soins puis en même temps de se retrouver familiers avec un papier, lequel papier pourrait évidemment être utilisé dans une pharmacie.

Dans un deuxième temps, les pharmacies pourraient consulter cette base de données là pour bien comprendre l'intention pharmaceutique... l'intention thérapeutique, pardon, du médecin, puis après ça être capables de préparer la prescription. Une fois que ces acteurs-là seront à l'aise avec ça, ce sera un simple jeu électronique de faire disparaître le papier ? parce que tous ces gens-là peuvent être mis en réseau aujourd'hui, la technologie existe, il y en a même, des réseaux dédiés, qui sont bâtis ? bien, à ce moment-là, vous allez réduire la notion de prescription sur papier, qui, elle aussi, est une source d'erreurs.

Alors donc, si vous regardez à la page 11, nous, ce qu'on a prévu, c'est une approche étapiste pour introduire ces technologies-là dans la société québécoise à même d'outils simples, à même d'outils qui sont sécuritaires, où l'information est encryptée, où le médecin ou l'infirmière, pour avoir accès, peuvent utiliser la biométrie. Tous ces éléments-là sont déjà bâtis, intégrés et en application aujourd'hui avec ces applications-là, notamment dans trois hôpitaux aux États-Unis et une partie du système qui est en train d'être installé à l'Hôpital Jewish General, à Montréal. En plus, on a signé des ententes de coopération avec une société, en Hollande, qui s'appelle Imtech pour l'Europe et le Groupe SNC-Lavalin à Montréal. Alors, c'est sûr que ce sont des nouvelles technologies, mais ce sont des technologies qui sont plus légères, plus faciles d'apprentissage, des choses qui sont plus... qu'on peut toucher l'écran. Enfin, il y a toutes sortes de nouvelles technologies aujourd'hui qui permettent de rendre le médecin plus informé et puis d'accélérer le processus.

n (9 h 50) n

Alors, d'où viennent les économies? Les économies viennent d'abord par un souci de la qualité, parce qu'on peut prescrire plus spécifiquement, les doses sont plus adaptées à l'individu, et puis c'est ces genres d'économies là qui arrivent. Selon nos estimés puis les tests premiers à l'Hôpital d'El Paso, selon eux, environ 15 % du budget pharmaceutique a été sauvé par les erreurs médicales qui ont été réduites, par des meilleures doses, par des réductions de traitement lorsque les signes vitaux puis le patient réagissaient de façon, tu sais, précoce, enfin davantage que prévu. Alors donc, selon nous, ça peut apporter des économies importantes, là, par rapport à la société.

Alors donc, je résume. La clé, c'est de passer par le médecin, de lui donner un outil informatique facile d'usage, qui peut être rempli de protocoles, d'informations médicamenteuses, qui le rend plus habilité à faire son travail. Parce que, je ne sais pas, il y a une vingtaine d'années, je crois qu'il y en avait des dizaines, de médicaments; aujourd'hui, il y en a des milliers, alors c'est une tâche très, très lourde. Et évidemment, pour un gouvernement, ça permet de suivre les dépenses, ça permet de suivre les institutions, ça permet de suivre les maladies, ça permet de suivre les compagnies informatiques, les compagnies pharmaceutiques. Alors, il y a beaucoup d'avantages d'être capable de faire ça. C'est mis en réseau. Alors donc, si vous avez un CSSS qui voudrait être un projet pilote pour quelque chose du genre, ce serait ce qu'on vous demanderait de considérer à un moment donné, c'est de voir ce système et puis de le voir en oeuvre. Enfin, c'est une invitation évidemment à M. le ministre et à son équipe, mais c'est à vous tous, parce que, même si, moi, je suis un simple citoyen, la première fois que j'ai vu ça... Évidemment que, lorsqu'on a déjà eu à faire face à un hôpital ou lorsqu'on consulte son médecin, on se rend bien compte du pouvoir qu'un outil du genre peut apporter. Enfin, je vous laisse sur ces quelques idées là. Claude.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, M. Morin, vous avez quelque chose à ajouter?

M. Morin (Claude Michel): Oui. Je voudrais, pour faire un portrait assez simple de ce produit... D'abord, c'est une invention d'un médecin. Donc, ce n'est pas du tout un produit qui a été créé par des ingénieurs pour dire aux médecins comment ils doivent travailler à partir d'aujourd'hui, c'est-à-dire que c'est un produit qui a été créé par un médecin qui pendant 22 ans a oeuvré à l'Hôpital Royal Vic, donc un interne qui connaît très, très bien le milieu hospitalier, et c'est un système qu'on a développé les quatre dernières années, ici, à Montréal. Et les premières installations ont été faites donc à El Paso, à Détroit et au Kansas, donc à Wichita, au Kansas. Et, à l'heure actuelle, les trois hôpitaux américains, dont surtout celui d'El Paso, sont les seuls hôpitaux au monde à travailler sans papier, c'est-à-dire qu'il n'y a plus de papier, plus de crayons. Aucune prescription n'est manuscrite, et les patients sont suivis par ces médecins-là aussi à l'extérieur de l'hôpital, parce qu'aucun de ces médecins... des médecins sont attachés à l'hôpital, comme ici, par exemple, au Québec, ou en France... là où on doit installer également, à Rouen, à l'Hôpital universitaire de Rouen.

Par extrapolation, ces systèmes-là sont extrêmement simples à installer dans les pharmacies privées, c'est-à-dire, ils ont déjà des réseaux informatiques, le module est extrêmement simple, ce qui veut dire que l'objectif, ce serait qu'au Québec, en très peu de temps, il n'y aurait plus une seule prescription manuscrite en circulation. Et la technologie existe aujourd'hui, elle est installée, on peut la visiter, on peut voir, on peut en discuter. Et, par le biais de cette technologie et grâce au module d'aide à la décision, il est évident que les réductions énormes de coûts, en fonction des médicaments prescrits... Le système va donner une alternative aux médecins sur un médicament précis, par exemple, qui coûterait 80 $ la dose. Le système tient compte des allergies, tient compte des antécédents et surtout tient compte des médicaments qui sont déjà pris par les patients, analyse... fait les interactions médicamenteuses, mais, au-delà, va aussi... c'est un système qui a 30 niveaux d'aide à la décision. Ça va jusqu'au moment où, par exemple, un antibiotique, comme Amoxil, serait prescrit à un patient qui serait atteint d'un problème cardiaque, parce qu'il a une infection quelconque, et, en lui prescrivant de l'Amoxil, il risque de faire un troisième galop, donc de provoquer une crise. Le système, lui, va réagir à ça, il va suggérer au médecin un autre médicament. Et, par le fait même, vous pouvez tous imaginer les réductions de coûts extrêmement importantes.

Il y a aussi l'impossibilité, entre guillemets, là, évidemment, parce que, toujours, tout est possible, de se tromper, c'est-à-dire que le mauvais médicament soit administré à un patient qui, même dans un hôpital, prenne le médicament de son voisin qui... Ici, au Canada, il y a une chance sur 13, comme vous le savez, de recevoir le mauvais médicament dans un hôpital. Pas une chance sur 100, là, une chance sur 13! Le rapport Francoeur déjà faisait office de ça il y a quelques années; le nouveau rapport qui vient de sortir au Canada, comme vous le savez aussi, parle de ça. C'est le plus gros fléau au monde à l'heure actuelle, l'interaction médicamenteuse, au-delà des maladies «nosocoïdales»...  «nosocoïdales», en fait, vous comprenez ce que je veux dire. C'est le plus gros fléau à l'heure actuelle. Les Français ont investi énormément d'argent, à l'heure actuelle, pour éliminer ça. Ils nous ont invités, on a fait une présentation même au ministère; ils m'ont fait visiter quelques hôpitaux, ils sont venus ici, à Montréal, et ils ont vu notre système, le Directeur général de la santé en France... la même chose, les Italiens. On doit installer en Italie, d'ici deux mois, à Rome et à Naples. Ça commence à se savoir, et on aimerait bien avoir au moins une installation ou du moins espérer d'avoir une installation dans le pays dans lequel on a créé le système et dans lequel on vit.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je comprends que ça termine votre intervention, MM. Nadeau et Morin, et que nous passons au bloc d'interaction avec les membres de la commission.

J'invite donc le ministre de la Santé et des Services sociaux à ouvrir ce premier bloc de questions.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Vous ne m'en voudrez pas, je l'espère, de consacrer quelques secondes de mon intervention à souhaiter la bienvenue à notre collègue député de Borduas, qui agit maintenant comme critique en santé de l'opposition officielle, lui dire que nous sommes heureux maintenant d'avoir l'occasion de travailler avec lui, tout en regrettant le départ dans des fonctions autres, qu'on dit temporaires, de celle qui l'a précédé dans ce poste. Nous connaissons toute l'expérience parlementaire du député de Borduas. Nous connaissons également son passage comme président de l'Assemblée nationale, et je ne doute pas que ceci soit garant de débats fructueux, élevés et empreints du décorum nécessaire à l'Assemblée nationale. Et encore une fois je l'assure de ma collaboration entière dans les importants travaux que nous aurons à mener au cours des prochains mois. Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Ça va être consigné au procès-verbal. La bonne volonté étant exprimée, désormais vous pouvez poser votre première question.

M. Couillard: Bien sûr, il reste l'étape de la première période de questions à franchir, M. le Président...

M. Charbonneau: ...étape par étape.

M. Couillard: L'étapisme, vous voyez, est toujours au coeur des préoccupations.

Alors, M. Nadeau et M. Morin, bienvenue. Je m'excuse de cette digression. Il ne s'agissait pas pour moi d'éloigner l'attention des parlementaires de votre présentation mais de souhaiter la bienvenue à mon collègue.

Écoutez, je voudrais mettre votre présentation dans son contexte. Bien sûr, ça s'inscrit dans tout le versant de l'usage optimal, là, des médicaments, ce que vous nous présentez aujourd'hui, et bien sûr le lien indispensable avec les nouvelles technologies, dont on sait qu'il s'agit d'un élément essentiel pour permettre un meilleur usage des médicaments.

Je rappelle que la loi n° 83 est en cours d'adoption ici, à l'Assemblée nationale. Nous allons en débuter l'étude détaillée au cours des prochaines semaines. Elle contient, comme vous le savez, des dispositions assurant la circulation de l'information qui permettront justement de transmettre le type d'information dont vous nous parlez aujourd'hui. Il faut savoir qu'actuellement nous ne disposons pas, au Québec, jusqu'à l'adoption du projet de loi n° 83, de l'armement législatif, si vous me passez l'expression, me permettez l'expression, qui nous permette de faire circuler l'information.

Deuxièmement, nous avons des expériences en cours sur ce qu'on appelle en général les aviseurs thérapeutiques ou les aides à la prescription, ce qui est un peu le genre de technologie que vous nous présentez aujourd'hui, d'une part, dans les groupes de médecine de famille et, d'autre part, dans certains CSSS où nous avons commencé à mettre certains systèmes à l'essai.

Je ne doute pas de la qualité de votre système, et bien sûr vous êtes là pour nous en vanter les mérites. Il est certain que, lorsque le plan d'informatisation, comme c'est le cas actuellement, du réseau de santé du Québec débutera, vous serez appelés à présenter une soumission, dans le cadre du processus normal, pour que votre produit soit évalué, et bien sûr, d'ici là ? et je pense que vous l'avez fait d'ailleurs ? avoir des rencontres avec les officiels du ministère pour décrire votre... Mme Dagenais, qui est derrière moi, sous-ministre adjointe, je crois, vous a rencontrés là-dessus. On pourra également discuter de tout cet aspect.

Également, il faut voir comment votre approche s'intégrera à l'architecture informatique que nous avons adoptée. Parce que nous avons d'abord adopté l'architecture informatique dont nous voulons doter le réseau de la santé, pour par la suite greffer tous ces modules qui doivent absolument être compatibles les uns avec les autres. C'est le grand défaut des dernières années, c'est l'éclosion de multiples systèmes à gauche et à droite, sans cohésion.

n (10 heures) n

Je vois dans ce document que vous nous faites parvenir, vous parlez un peu d'intention thérapeutique. J'aimerais que vous nous donniez un peu plus de détails sur la façon dont vous voyez cette notion d'intention thérapeutique, peut-être sur la façon dont vous l'avez vue en action ailleurs dans le monde. Parce que nous avons d'une part des groupes qui sont venus en commission pour nous dire qu'ils souhaitaient fortement que cette intention thérapeutique soit permise, et d'autres, notamment les médecins, qui nous ont dit qu'ils voyaient là une intrusion dans le diagnostic et qu'ils avaient des fortes réserves sur la question de l'intention thérapeutique.

Alors, pourriez-vous nous parler des expériences de ce type dont vous avez été témoin?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Bon, M. Morin.

M. Morin (Claude Michel): Oui. Bonjour, M. le ministre. Je veux simplement vous dire qu'au niveau de l'interopérabilité, pour nos systèmes, là, ils fonctionnent avec tous les systèmes existants dans le monde à l'heure actuelle, y compris Meditech, y compris Cerner, y compris tout ça. Donc, on n'a aucun problème d'interopérabilité. Et on l'a déjà prouvé, parce que les hôpitaux dans lesquels on l'a installé ont déjà Meditech, ont déjà... je veux juste faire cette petite parenthèse. Bon.

Évidement, dans le cadre optimum où la prescription n'est pas manuscrite et où je me rends à la pharmacie privée avec une prescription où il y aurait un code-barres ou que ce soit biométrique, parce que notre système est biométrique, pour l'accès pour les médecins et les infirmières, à ce moment-là apparaîtrait sur son écran la partie du dossier que le médecin veut bien dévoiler au pharmacien avec son ordonnance. Donc, ce qui veut dire que le pharmacien saurait, pour une fois, quelles sont les intentions thérapeutiques du médecin qui a prescrit tel médicament. Et le pharmacien pourrait intervenir, parce que le pharmacien connaît beaucoup plus les médicaments que le médecin. Comme il disait tout à l'heure: Il y a 30 ans ou 40 ans, il y avait 40 médicaments sur le marché; il y en a 12 000 aujourd'hui, puis il y en aura 15 000 dans trois ans, comme vous le savez. Il n'y a pas un être humain, aussi bon médecin soit-il, qui peut savoir à quoi servent tous ces médicaments. Et aujourd'hui les médicaments sont beaucoup plus pointus et tuent beaucoup plus de monde qu'à une certaine époque.

Donc, le pharmacien, lui, pourrait automatiquement savoir pourquoi le médicament a été prescrit et il pourrait intervenir à ce moment-là, soit de recommander un médicament équivalent ou pourrait faire des recommandations, évidemment pourrait parler avec le patient en face de lui sur la prise de ce médicament, pourquoi il le prend, si évidemment la loi permet le dévoilement... ou de certaines parties du dossier, ce que j'appelle le dossier-patient informatisé, comme, par exemple, le ministre... En France, ils ont passé la loi pour qu'en 2007 ? je ne sais pas comment ils vont réussir à faire ça, ça me semble invraisemblable ? tous les Français aient accès à leur dossier-patient informatique sur Internet. La loi est passée. Et j'ai eu des rencontres il n'y a pas très, très longtemps, en France, au sujet de ça parce qu'on va présenter notre projet... on l'a présenté pour ça. Ce qu'il y a: 2007, c'est une impossibilité humaine, mais peut-être que ce sera prêt pour 2009, 2010.

Cela dit, donc avoir accès à son dossier-patient par Internet, encrypté évidemment, par des systèmes aujourd'hui qui sont extrêmement sécuritaires, de la même façon peut être transmise à une pharmacie privée la raison pour laquelle, le patient, on lui a prescrit tel médicament, et le pharmacien pourrait à ce moment-là, lui, intervenir.

Mais, notre système, n'oubliez pas qu'au moment où la prescription va avoir été faite et entrée à la pharmacie, il y aura déjà eu ce que j'appelle l'aide à la décision, qui aura déjà provoqué probablement des changements de dosage. Notre système va jusqu'à changer les doses, par exemple, au moment des améliorations. Dans l'évolution médicale, comme vous le savez, par exemple, on va prescrire un antibiotique pour 10 jours ou 15 jours, et puis on dit au patient: Il faut que vous le preniez jusqu'au bout. Mais ce n'est pas tout à fait exact, parce que ça dépend de la constitution de la personne, ça dépend de son degré de maladie, de ses signes vitaux, ça dépend surtout de sa surface corporelle. En fonction de la surface corporelle, de l'âge et du sexe, la dose doit être différente. Mon associé, vous comprenez, il fait six pieds sept et demi puis il pèse pas loin de 315 livres, et, pour la même infection, on a exactement eu la même ordonnance, tous les deux, ce qui est inadmissible aujourd'hui, connaissant à quel point les médicaments peuvent tuer. Donc, l'intention thérapeutique, c'est vraiment pour cette raison-là qu'on voudrait que le pharmacien soit au courant du pourquoi on prend tel médicament.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. le ministre.

M. Couillard: C'est que j'aimerais qu'on ait peut-être un peu plus de détails pratiques, parce que, vous voyez, dans le dossier médical que nous proposons, à l'intérieur du projet de loi n° 83, il n'y a pas de diagnostic. Et d'ailleurs notre société, comme toutes les sociétés, est extrêmement réticente, avec raison, à ce que de telles informations circulent. Alors, on n'aurait pas dans le dossier médical qui va être disponible dans les banques régionales, par exemple, le diagnostic de pneumonie ou de... par contre, on aura des résultats de laboratoire ou de radiologie qui, pour le professionnel évidemment, indiquent quel est l'état de santé de la personne. Donc, pour revenir à votre exemple, si je me présente à la pharmacie et que le médecin m'a prescrit un antibiotique pour une pneumonie, dans votre système, qu'est-ce qui apparaît à l'écran? Est-ce que c'est le diagnostic? Est-ce que c'est le médecin qui décide d'écrire «infection respiratoire», ce qui revient au même? Comment est-ce qu'on fait le partage entre le diagnostic et l'intention thérapeutique?

M. Morin (Claude Michel): C'est ce que vous voulez, c'est ce que vous allez décider, c'est-à-dire que tout peut apparaître ou seulement certaines parties du dossier qui peuvent être permises d'apparaître. Par exemple, en France, ils sont en train de légiférer sur qu'est-ce qui va apparaître dans le dossier-patient informatique accessible sur Web. En Italie, ils font exactement la même chose en ce moment. Ils se sont penchés sur cette question-là, et ce n'est pas à nous à décider, si vous voulez, qu'est-ce qui va apparaître dans mon dossier à la pharmacie. C'est soit mon médecin, c'est soit une loi, c'est soit... C'est-à-dire que, nous, on peut par le biais de la technologie faire ce que vous voulez. On peut faire apparaître le dossier au complet, si vous voulez, ou faire apparaître... y compris l'imagerie médicale, parce que notre système contient... tout ce qui est PACS, je veux dire, je peux le recevoir sur mon portable, à distance, sans fil. C'est ce qui se passe à El Paso à l'heure actuelle, c'est ce qui se passe au Kansas. Les médecins prescrivent de l'extérieur de l'hôpital parce qu'ils ont accès instantanément aux signes vitaux, à l'imagerie médicale, aux résultats de laboratoire. Ils ne peuvent pas prescrire sans résultat, c'est-à-dire que c'est impossible de prescrire sans que le résultat apparaisse à l'écran... de laboratoire, ce qui est contraire à ce qui se pratique ici, au Québec. Bien souvent, les médecins n'ont pas le temps d'attendre les résultats de lab avant de prescrire, ce qui crée d'autres situations, comme vous le savez. Et ça, c'est fini avec ce genre de système. Ça ne peut pas se faire, parce que d'abord les résultats sont instantanés, il n'y a pas d'attente, il n'y a pas d'envoi de papier à personne, il n'y a pas un dossier qui traîne, il n'y a pas... ça arrive instantanément sur mon écran, en face de moi.

Donc, nous, on ne peut pas légiférer, comme vous le savez, et on ne peut pas décider ce qui va ou ce qui ne va pas dans le dossier. C'est un cadre, donc, et ça devrait être laissé aux médecins. Enfin, c'est une opinion.

M. Nadeau (André G.): Est-ce que je peux rajouter quelque chose?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Nadeau, oui.

M. Nadeau (André G.): Je pense qu'il y a deux notions importantes, c'est-à-dire: la première, c'est que tout système informatique, toute aide à la décision ne remplace pas la décision du médecin. O.K.? C'est-à-dire que, là, je vous parlais d'alerte ou d'avis, etc., le système peut lui proposer, peut l'aviser, peut faire toutes sortes de choses, mais en bout de piste le médecin agit et fait ce qu'il veut. Il peut passer outre la recommandation du système. Alors, la primauté du médecin, là-dedans, demeure toujours.

L'autre élément qui est important, c'est le citoyen. Même lorsqu'il est devant un pharmacien... Bon, si on me prescrit une drogue... enfin, un générique ou l'autre, j'ai le choix de dire oui ou non.

Il y a des médecins des fois qui vont dire: Bon, vous prenez, je ne sais pas, du Zyloprim, qui est pour l'acide urique, bon, bien, si vous prenez ça, bien ne demandez pas de substitut ou de générique. La même chose, le pharmacien a quelque chose à apporter. Moi, je pense que c'est intéressant qu'il y ait cette intention thérapeutique là qui soit partagée, parce que tout le monde est au courant, tout le monde a idée sur quoi on essaie d'oeuvrer, puis on essaie de tout simplement arriver à la meilleure décision puis à la meilleure recommandation.

Alors, le médecin n'est jamais brimé dans son choix, puis le patient a toujours l'option, dans le cas du pharmacien, de dire oui ou non, j'accepte ou je n'accepte pas la recommandation ou le changement qui est fait. Moi, je ne pense pas que l'information est mauvaise comme telle. Je veux dire, plus on est informé, plus on sait, plus on est capable de prendre la bonne décision.

M. Couillard: Mais c'est bien que vous fassiez cette mise au point, parce qu'en vous écoutant décrire l'univers dans lequel les médecins d'El Paso fonctionnent maintenant, j'espère qu'ils vont continuer à questionner et à examiner les malades. Je dis ça à la blague un peu, mais c'est le danger de la technologie, hein? La technologie peut facilement devenir une façon de couper les coins ronds. C'est facile, on n'a qu'à demander un «scan» du corps entier, puis d'avoir un ordinateur qui nous dit quel médicament prescrire, et ça y est, c'est... la médecine est faite comme ça. Mais, la médecine, ce n'est pas juste une science, c'est un art aussi, on le sait, hein? Comme disait Hippocrate: «L'art est long et la vie est brève», hein? Et de savoir questionner quelqu'un, de savoir repérer les signes cliniques, ce ne sera jamais remplacé par une technologie, et, je pense... je suis content que vous le rappeliez.

n (10 h 10) n

L'autre élément que vous soulignez, peut-être, bon, de façon un peu sensationnelle, lorsque vous dites que les médicaments tuent, mais vous avez raison en partie. Bien sûr, ils rendent énormément de services, les médicaments, également à la population. Mais on doit les approcher maintenant comme les technologies ou la chirurgie. Moi, c'est quelque chose que j'essaie de répéter souvent, c'est qu'il y a autant de questions à poser et d'information à avoir, quand on est un patient bien informé, au sujet d'un médicament qu'on nous prescrit qu'au sujet d'une chirurgie qu'on nous propose, et ça, de toute évidence, ça devient de plus en plus présent dans l'esprit de la population.

Alors, écoutez, nous sommes très sensibles à l'importance de l'introduction des technologies de l'information dans notre système de santé; pour nous, c'est une chose excessivement importante. L'adoption de la loi n° 83, que nous souhaitons bientôt, va permettre de débuter enfin ce qui est attendu depuis des années, donc ce que vous nous décrivez aujourd'hui. Et je terminerai en vous souhaitant la meilleure des chances dans la présentation de votre système aux autorités du ministère et du gouvernement du Québec. Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Est-ce qu'il y a d'autre monde, du côté ministériel, qui veulent poser des questions? Alors, je cède la parole au député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien. Merci, M. le Président. Vous me permettrez d'abord de remercier mon collègue le député de Mont-Royal et ministre de la Santé et des Services sociaux pour ses bons mots. Je le remercie également pour, disons, l'appui qu'il m'a donné depuis que je suis en fonction, l'offre d'information puis de briefing qui m'a été faite et qui a commencé à donner des résultats. J'ai eu une première rencontre avec sa sous-ministre et deux de ses conseillers politiques, alors je pense que ça a été utile. Je peux l'assurer, puis je pense qu'il me connaît, que les choses vont se faire dans la dignité. En général, j'ai la réputation de cogner dur mais en haut de la ceinture, et je cogne dur quand c'est nécessaire. Quand ce n'est pas nécessaire, je suis capable de rendre à César ce qui revient à César. Et, comme par exemple, de dire que ce projet de politique était attendu. Nous avions fait la loi sur le régime d'assurance générale des médicaments et nous avions annoncé qu'éventuellement il faudrait qu'il y ait une politique. Bon. C'est à votre tour, vous avez pris le pouvoir, vous êtes en fonction, vous le faites très bien, et je pense que c'est une bonne chose. Maintenant, il s'agit de voir si les paramètres de la politique conviennent aux uns et aux autres, et on est dans cet exercice-là.

Et je n'ai pas la prétention au départ d'avoir l'expertise que le ministre a, je ne suis pas un médecin ni un pharmacien, mais je suis un bon patient, comme tout le monde ici, et un bon prototype de quelqu'un qui a de temps à autre des problèmes de santé. Alors, déjà en partant, ça me donne un certain niveau d'intérêt et de sensibilité à cette question. Je pense que tout le monde a ça.

Alors, je vais essayer, avec l'aide de ma nouvelle collaboratrice, M. le Président, qui connaît bien le réseau de la santé depuis fort longtemps, de faire un travail correct, efficace, d'intérêt public ici, à cette commission, et puis à l'Assemblée également. Malheureusement, à l'Assemblée, nos moeurs sont différentes des commissions, et parfois la partie spectacle prend un peu trop de... et les effets de toge prennent un peu trop de place. On verra si on peut essayer de contenir de part et d'autre ces effets de toge. Puis je compte aussi sur la collaboration de mes collègues qui ont des dossiers connexes mais qui sont membres de la Commission des affaires sociales depuis plus longtemps que moi et qui ont dans certains cas suivi, par exemple, les travaux de la commission sur la loi n° 83 qu'on aura à étudier bientôt. Ils ont de l'avance, comme vous, sur moi, parce que, moi, je n'ai pas assisté aux consultations, et donc il y a un travail de rattrapage à faire et on va essayer de le faire le plus correctement possible.

Cela étant dit, on va aller à nos invités d'aujourd'hui, et je voudrais finalement leur poser la question suivante en premier lieu, c'est que dans le fond vous nous dites: Les médecins et les pharmaciens, avec un système... avec une technologie de l'information nouvelle qui pourrait être appliquée auraient une meilleure capacité, un, de collaboration mutuelle puis d'efficience à l'égard des prescriptions puis du traitement. Le patient dans ça, le citoyen-patient, dans quelle mesure, lui, pourrait-il collaborer plus efficacement à son propre traitement et être informé, lui aussi? Parce que, dans la mesure où il n'y aurait plus de truc papier, c'est-à-dire où le papier ne circulerait plus, finalement ça se passerait entre experts, le patient, lui, il ne verrait pas passer ni la prescription, ni les diagnostics, ni rien. Dans quelle mesure pourrait-il finalement suivre un peu son...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Morin, c'est une question à propos de la médecine participative.

M. Morin (Claude Michel): Non, non, mais, à partir du moment où il a déjà été patient, est-ce que vous avez une copie de votre dossier à la maison? Est-ce que vous pouvez consulter, vous, votre dossier papier quand vous voulez?

M. Charbonneau: Non, mais, quand j'ai une prescription, je peux regarder ce qui est... ce qu'on me prescrit.

M. Morin (Claude-Michel): Oui, oui...

M. Charbonneau: Non, mais vous avez raison, là, que le patient, déjà, actuellement n'est pas très informé, là.

M. Morin (Claude Michel): Oui, oui, mais ce serait exactement la même chose, il pourrait voir sa prescription, sauf qu'elle ne serait pas écrite à la main, elle serait imprimée et écrite lisiblement, c'est-à-dire qu'on ne pourrait pas déjà se tromper sur ce qui est écrit, et il y a beaucoup de médicaments qui comportent, comme vous le savez, probablement une ou deux syllabes de différence d'un médicament à l'autre, et qu'il est très facile de faire une erreur quand on ne sait pas lire l'écriture d'un médecin. Et je...

M. Charbonneau: ...en principe, souvent, très compliquée.

M. Morin (Claude Michel): Oui, oui. Oui.

M. Charbonneau: Je n'ai pas eu de prescription du ministre encore, là...

M. Morin (Claude Michel): Ça, c'est la première chose. L'autre chose, l'avantage, à partir du moment où vous avez un dossier informatique, vous pouvez le recevoir à la maison, chez vous, par Internet. Il suffit de donner les moyens pour le faire. C'est-à-dire que le patient sera autrement beaucoup plus informé grâce à l'informatique que ce qui existe aujourd'hui, où il ne peut avoir qu'en général une prescription sur un papier de cette taille-là, vous savez, puis c'est surtout pour éviter des erreurs importantes.

Moi, je fais des pierres dans les reins. J'en étais à ma cinquième pyélographie il y a deux ans, et je sais que, dans la vie d'un homme, on ne peut en général pas en avoir plus que trois ou quatre au maximum. Donc, pourquoi? Parce que le médecin... ou quand ça m'est arrivé, à Saint-Jérôme, ils n'ont pas eu le temps de consulter le dossier que j'avais à St. Mary's puis l'autre que j'avais à... Et voilà donc. Et ils m'ont mis encore une pyélo, et tout ce que ça veut dire, et ça, ça n'existera plus.

M. Nadeau (André G.): Mais, moi, j'oserais dire que...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Nadeau.

M. Nadeau (André G.): Oui. Si on voulait, ce serait très facile de créer une base de données, avec des sites Internet pour les patients, puis automatiquement chaque prescription pourrait être envoyée là pour être lue. Même si la personne n'a pas une adresse personnelle ou n'est pas équipée, elle pourrait aller à un café cyber, et puis être capable de rentrer dans une base de données, puis aller voir c'est quoi exactement, sa prescription. Si tu as un e-mail, par courriel, ce serait facile, à ce moment-là, de dire: Bon, bien, je t'envoies une copie de la prescription pour que tu le saches. Comme en France, il va avoir des éléments du dossier qu'on va pouvoir consulter à distance. Donc, les récentes prescriptions pourraient également apparaître, hein? Ces choses-là sont, entre guillemets, relativement faciles à faire, et le patient va être beaucoup plus informé à ce niveau-là.

M. Charbonneau: Bon. On a une technologie d'information maintenant éprouvée, disponible, qui pourrait bonifier le fonctionnement du système québécois. Bon, très bien. Mais je ne sais pas si vous êtes la seule détentrice de cette technologie-là, mais faisons l'hypothèse qu'une ou plusieurs entreprises détiennent cette... La question aussi qui va se poser pour le gouvernement puis pour l'État, c'est: Quel est le prix d'installation? Autrement dit, combien ça nous coûterait pour, par exemple, équiper le réseau québécois? Vous dites qu'on commence à l'installer aux États-Unis, en Europe, en France, en Italie. Bon. Votre entreprise, c'est Visual, alors, si on fait un peu de visualisation pour l'avenir puis on se dit: Bon, bien, dans un certain nombre d'années, si on se disait que la conclusion des autorités de santé publique serait qu'on devrait avoir ce système-là implanté partout puis que l'ensemble du réseau québécois opère à partir de ça, ça voudrait dire quoi en termes de coûts?

M. Morin (Claude Michel): Écoutez, simplement, les études qu'on a faites au niveau... surtout l'Hôpital Sacré-Coeur, à Montréal, et du Jewish... qui ont des pharmacies très importantes, des budgets de pharmacie, parce qu'ils ont des départements d'oncologie qui consomment énormément de médicaments ? je pense que c'est des budgets au-delà de 14 millions dans les deux cas ? à partir du moment où vous avez une économie de 15 % assurée en utilisant ce genre de système, bien vous pouvez faire une extrapolation et imaginer très, très bien... Mettez-le à 10 % d'économies sur les budgets de médicaments que vous avez à l'heure actuelle, et ce serait nettement inférieur, ces économies-là, aux coûts du système, c'est-à-dire que, la première année d'économies que vous faites, vous payez le système pour les années à venir. Ce n'est pas plus compliqué que ça.

C'est sûr que le démarrage, c'est très compliqué. D'abord, il faut y croire, à ce que je vous raconte, donc ça veut dire qu'il faut le voir au moins en opération pour se rendre compte de quoi il s'agit.

n (10 h 20) n

Vous parliez, bon, il n'y a pas beaucoup de compagnies dans le monde qui font ce qu'on fait. On est la seule, à l'heure actuelle, dans le monde à avoir un hôpital... le troisième hôpital qui fonctionne sans papier. Il n'y a aucun autre système, à l'heure actuelle, au monde qui fait ça. On est les seuls, c'est vrai. C'est une toute nouvelle technologie, qui est prête seulement depuis quelques mois, là. Donc, ça veut dire qu'on est à la dernière technologie, qu'on est le plus avancé au niveau de la technologie, et d'utilisation des interfaces, et l'interopérabilité de nos systèmes, qui s'intègrent à d'autres systèmes existants. On ne va pas jeter les systèmes qui existent à l'heure actuelle pour les remplacer par notre système, ce n'est pas du tout notre objectif, ce n'est pas du tout ça. Donc, il faut comprendre la façon dans laquelle on a bâti nos plateformes pour comprendre exactement tout ce que ça peut faire. Mais ce n'est pas à nous à définir le cadre. Par exemple, c'est comme si j'avais inventé l'automobile, mais ce n'est pas moi qui invente les feux rouges puis ce n'est pas moi qui invente les trottoirs et les rues. C'est-à-dire, il faut que vous fassiez les feux rouges, les trottoirs, les rues; nous, on a créé l'automobile. Bon. Prenez-le comme ça, et c'est ça.

Alors donc, le cadre de ce que le patient doit savoir... va savoir de son dossier, de ce que le médecin doit faire, de ce que... c'est à définir par vous, dans le fond. Ce n'est pas à nous à dire qu'il faut un feu rouge à tel coin de rue ou à telle chose. Nous, on a créé l'automobile, maintenant, il faut savoir se servir de l'automobile. Entre autres, on sait que notre système est intuitif pour les médecins, c'est-à-dire qu'il n'y a pas eu... Aujourd'hui, il y a près de 4 000 médecins qui vont utiliser notre système, et ils ont appris ça... oui, en dedans d'une heure. Il n'y a pas de souris, entre autres, il n'y a pas d'élément très lourd dans le... il n'y a pas de souris, c'est tout du «touchscreen». Les notes cliniques... vous vous rendez compte que, pour avoir un dossier-patient informatisé sans dossier... c'est-à-dire sans papier, il faut que les notes cliniques puissent être entrées par les médecins. Il y a énormément de médecins que, nous, on a formés qui n'avaient aucune idée de ce qu'était un ordinateur. Il reste encore des vieux médecins comme ça, et pourtant ils utilisent le système sans problème parce que c'est intuitif.

Vous avez l'ancien ministre de la santé du Nouveau-Brunswick, entre autres, Dr Furlong, Dennis Furlong, qui maintenant fait la promotion de notre système ? je ne sais pas si vous vous rendez compte. Pourquoi? Parce qu'il a compris, lui-même qui était réfractaire à tout ce qui est informatique, et peut se servir du système. Donc, ça va jusque-là. Mais on est les seuls au monde à l'heure actuelle, pour répondre à votre question, à avoir un système comme celui-là. Je ne dis pas qu'on va être les seuls souvent. IBM vient d'annoncer qu'ils allaient mettre un budget de 400 millions avec l'Université de Pittsburgh pour en créer un, et pour en créer un comme le nôtre, et d'ailleurs ils l'ont dit, à ce niveau-là. À ma connaissance, à l'heure actuelle, c'est le système que Gartner donne dans son rapport comme la cinquième génération des systèmes qui vont apparaître en 2010.

M. Charbonneau: Donc, ce que vous dites, c'est que finalement ce n'est pas à vous d'établir quel est le niveau d'information qui doit être autorisé, mais vous, vous pouvez vous adapter. Ce que vous dites, c'est que dans le fond, au Québec, une entreprise a développé une technologie qui commence à être utilisée ailleurs, qui ne l'est pas ici et qui à votre avis devrait l'être, et que vous êtes prêts à...

M. Morin (Claude Michel): Voilà. Oui. C'est pour ça que j'ai fait ce métier-là, moi, j'ai commencé ça il y a six ans. C'est parce que je ne veux pas être soigné dans un hôpital ? j'ai 56 ans ? comme on est soigné aujourd'hui.

M. Charbonneau: Mais les expériences que vous avez...

M. Morin (Claude Michel): Je ne... pas soigné, parce que les médecins sont extrêmement compétents, je parle... c'est le système. C'est comment le bon médicament se rend à ma chambre.

M. Charbonneau: Et, dans les expériences que vous avez menées, là, quelle est l'amélioration du niveau d'interaction entre les médecins et le pharmacien? Parce que, moi, je suis d'accord avec vous que finalement, à bien des égards, le pharmacien connaît mieux les médicaments que...

M. Morin (Claude Michel): C'est son métier.

M. Charbonneau: ...bon, je pense que le médecin, sa job, c'est de faire le diagnostic puis d'évaluer la problématique, mais, une fois qu'on a à utiliser un traitement «médicamental», donc avec des médicaments, le professionnel-conseil est d'abord le pharmacien. Alors, l'idée, c'est d'améliorer l'interaction entre... les relations entre le médecin puis le pharmacien. Et quelle est la conclusion des études qui... en fait, des expériences qui ont été faites à l'étranger, là?

M. Morin (Claude Michel): Écoutez, le...

M. Charbonneau: Parce que, là, ce que je comprends, c'est que c'est assez nouveau comme introduction.

M. Morin (Claude Michel): Oui. Et je ne peux pas vraiment répondre à cette question, honnêtement, là, parce que d'abord on n'a pas, nous, fait d'étude particulière sur le sujet, ce ne serait pas à nous à le faire. Encore là, je vous dis: On a créé, nous, une technologie et on a créé un système qui devrait normalement faire le cas de... Mais ce n'est pas vraiment à nous à faire ça. Les études qui ont été faites à Sacré-Coeur, entre autres, ont été entreprises par les HEC, je pense, ce n'est pas nous qui les avons faites. Au Royal Vic, qui utilise notre système depuis 11 ans, sur quatre étages, eux nous ont dit qu'ils avaient 30 % d'économies sur les médicaments.

M. Charbonneau: Juste en terminant, quel est, disons, le mécanisme de sécurité? Parce que finalement les systèmes informatiques, eux autres aussi, ils se plantent, puis on se retrouve parfois avec ? on dit ? des bogues informatiques, alors... Et comment on peut...

M. Morin (Claude Michel): Bien, écoutez, pour le moment, nous, on en est à notre quatrième installation, on n'en a pas installé 100. Pour l'instant, on n'a aucun problème, les hôpitaux fonctionnent depuis un an parfaitement bien, sans interruption, aucune interruption, et ce n'est pas très lourd comme matériel informatique. Puis, de toute façon, le matériel informatique qui existe aujourd'hui est tellement d'avant-garde, est tellement extraordinaire pour supporter le genre d'application qu'on a fabriquée qu'on n'a pas ces problèmes-là. On a d'abord attendu d'avoir fait notre application, de l'avoir testée en laboratoire chez nous avant de décider sur quel matériel ça allait rouler, dans le fond, et on ne s'est pas vraiment trompés jusqu'à maintenant, parce qu'il n'y a pas d'interruption du tout.

M. Nadeau (André G.): Mais il y a trois niveaux de sécurité quand même: il y a l'accès biométrique, hein, qui est à 99,999; après ça, tu as quand même les mots de passe; et puis après ça l'information est transmise de façon encryptée. Alors, ce sont les plus hautes formes de sécurité qui existent aujourd'hui.

Mais je sais qu'on arrive un peu à la fin. Alors, moi, seulement, comme conclusion, la technologie, c'est beau, la loi, c'est beau, mais en bout de piste il y a un être humain, puis c'est pour ça que l'approche ici, nous, on a dit: Il faut commencer par le médecin. Ça prend un leader sur un dossier, dans toute chose, puis nous, la proposition qu'on suggère, c'est de travailler avec le médecin comme l'agent de changement, comme l'agent pour introduire ces technologies-là, de réduire la gamme d'erreurs, de réduire dès le départ les variétés par rapport aux médicaments, etc., de transmettre l'indication médicamenteuse, parce que finalement, une fois réduit, c'est un point de contrôle final que le pharmacien peut donner, et tout ça, c'est au bénéfice du citoyen-patient.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, ceci met fin à la contribution de MM. Morin et Nadeau, et, au nom des membres de la commission, je vous remercie beaucoup de votre contribution et je vous invite à céder votre place aux prochains intervenants. Merci.

M. Nadeau (André G.): ...un CD avec les témoignages des professionnels, les médecins et les infirmiers d'El Paso, qu'on a fait notamment pour une occasion du genre.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, s'il vous plaît, j'invite les prochains intervenants à prendre place. Il s'agit de la Fédération des chambres de commerce du Québec, et je salue Mme Françoise Bertrand, présidente; M. Denis Drolet, qui est président du comité biopharmaceutique; et Mme Audrey Azoulay, qui est économiste. Alors, vous connaissez les règles du jeu: 20 minutes pour résumer l'essentiel de votre mémoire, suite à quoi nous aurons un bloc d'interaction avec les parlementaires membres de cette commission. Et je présume que c'est Mme Bertrand qui prendra la parole au point de départ? La parole est à vous.

Fédération des chambres de
commerce du Québec (FCCQ)

Mme Bertrand (Françoise): Vous présumez bien. Bonjour, M. le Président. M. le ministre, bonjour. Mmes et MM. les députés, bonjour. Bon retour, j'imagine, pour plusieurs d'entre vous. Quand je vois la couleur de nos peaux, c'est le signe d'un bel été.

n (10 h 30) n

Alors, la Fédération des chambres de commerce du Québec remercie la Commission des affaires sociales de lui donner l'opportunité d'apporter ses éléments de réflexion dans le cadre de la mise en place d'une nouvelle politique du médicament. La FCCQ fut fondée, je vous le rappelle, en 1909 et est le plus important regroupement des gens d'affaires au Québec. Par l'entremise de son vaste réseau de 170 chambres de commerce, elle représente plus de 57 000 petites, moyennes et grandes entreprises. La liberté d'entreprendre et le dynamisme économique de toutes les régions du Québec sont au coeur de notre mission. Vous comprendrez, M. le ministre, que la présente démarche vise à conserver les avantages concurrentiels et la prééminence qu'a acquis l'industrie biopharmaceutique québécoise sur l'échiquier international. Dans un souci de préserver la vivacité de notre économie, nous nous opposons à tout affaiblissement de la grappe biopharmaceutique. Un tel appauvrissement engendrerait des pertes pour l'ensemble des régions du Québec. Il y va de l'intérêt du développement économique des régions que l'industrie biopharmaceutique poursuive sa progression. En considérant l'importance économique que revêt l'industrie biopharmaceutique au Québec, la FCCQ souhaite contribuer au présent débat.

L'industrie biopharmaceutique constitue un apport important non seulement au développement économique, mais à l'accroissement de la richesse collective québécoise. En considérant que près de la moitié de l'industrie biopharmaceutique canadienne se trouve au Québec et que la majeure partie, soit tout près de 80 %, de ses activités de recherche fondamentale et clinique au Canada soit menée à Montréal, la FCCQ estime qu'il est essentiel de veiller à la viabilité des compagnies biopharmaceutiques et de s'assurer que la Politique du médicament n'entrave pas les retombées positives qu'elle procure sur l'ensemble des activités industrielles au Québec. En effet, si l'industrie biopharmaceutique s'est principalement développée autour de la grande région de Montréal, d'autres régions bénéficient de la présence de cette industrie et connaissent leur part de développement, puisque les régions de Québec et de l'Estrie récoltent à leurs deux 20 % des entreprises de la filière sur les médicaments.

L'industrie biopharmaceutique contribue nettement au développement économique du Québec. Avec ses quelque 117 entreprises, incluant biotechnologie et pharmaceutique, et ses quelque 14 500 employés, en plus de sa vingtaine d'entreprises pharmaceutiques innovatrices, le secteur pharmaceutique occupe dans l'économie québécoise une place significative, et ce, à plus d'un titre. Il emploie au total près de 1 000 chercheurs au sein des centres de recherche privés de niveau international. En 2003, cette industrie a participé à hauteur de 2,2 milliards de dollars dans le PIB du Québec et a généré 1,6 milliard en termes de valeur ajoutée.

Pour illustrer la capacité de cette industrie à créer la richesse, selon l'Institut de la statistique du Québec, chaque 100 millions de dollars de production dans l'industrie pharmaceutique et de médicaments produit, en termes d'effets économiques directs et indirects, près de 650 emplois année-personne, 58 millions de dollars en termes de valeur ajoutée, équivalente à celle du domaine de l'aérospatiale, mais par ailleurs crée 21 % plus d'emplois. De plus, près de 3,3 millions de dollars de revenus fiscaux supplémentaires sont générés pour le gouvernement, en plus d'offrir 3,1 millions en parafiscalité.

Il importe donc que le gouvernement du Québec poursuive son engagement et continue de poser des gestes concrets à l'égard de cette industrie jugée stratégique pour le Québec. Plus que jamais, les compagnies pharmaceutiques doivent développer des stratégies complètes pour rester rentables. La présence gouvernementale est importante dans la régulation du marché. Nous pensons que les perspectives de l'industrie et son développement doivent être envisagés de concert avec le secteur privé. Alors que l'industrie fonde son activité sur la R & D et l'innovation, les pays qui négligeront les besoins et les paramètres de son bon développement, dans un environnement où le jeu compétitif se trouve de plus en plus serré, verront leur grappe industrielle à l'échelle globale perdre en compétitivité. Le Québec doit donc s'employer à préserver ses acquis et à demeurer compétitif sur le marché mondial.

Comme le Québec et le Canada, plusieurs pays consacrent déjà d'importantes ressources pour maintenir une industrie qui soit innovante et dynamique afin de demeurer compétitifs à l'échelle mondiale. À titre d'exemple, la Commission européenne a mis en place, en 2001, un groupe de travail sur l'innovation dont l'objectif est d'améliorer la compétitivité de l'industrie en Europe. Pour sa part, le Royaume-Uni a quant à lui implanté, en 2000, la Pharmaceutical Industry & Competitiveness Task Force de manière à demeurer hautement attrayant pour la R & D. Le Japon, évidemment, a également manifesté son intention d'implanter des politiques pour générer de l'innovation, ce qui constitue la force d'une industrie en pleine expansion. L'Inde, considérée comme un pays émergent, a tout récemment amendé la Loi sur les brevets en faveur des compagnies innovatrices. Avec sa main-d'oeuvre, bon marché certes mais extrêmement qualifiée, son expérience et son vaste marché, l'Inde tend à devenir un pôle mondial pour la découverte de nombreux médicaments. L'industrie pharmaceutique aux États-Unis demeure pour sa part un marché très ouvert tant sur le plan de l'innovation que de la commercialisation. Le jeu de la concurrence mondiale est donc féroce.

Si le Québec est devenu un exemple de réussite dans le secteur biopharmaceutique avec ses nombreux centres de recherche publics et parapublics et son réseau québécois d'universités lui permettant de participer pleinement à l'économie du savoir, il doit toutefois conserver et développer sa position. Rappelons d'ailleurs que cette position enviable découle d'une volonté et d'actions gouvernementales affirmées, combinées bien sûr avec le dynamisme d'entreprises et un modèle éclairé et novateur de gouvernance.

Nous sommes conscients que le gouvernement est confronté aux besoins que posent l'assainissement des finances publiques et le défi du fléchissement de la croissance démographique. Nous croyons par ailleurs que des pistes de solution résident dans une reconfiguration de la coexistence des régimes publics et privés d'assurance. C'est pourquoi nous participerons activement à la consultation, au cours des prochains mois, qui se penchera sur la question des régimes d'assurance. Et ce n'est pas le propos de la présente commission parlementaire, nous le savons. C'est... Nous... Bon. Excusez-moi, j'ai perdu ma page. Voilà.

L'industrie biopharmaceutique est l'une des plus intensives en R & D au pays. Les dépenses en R & D au Canada sont principalement concentrées au Québec et en Ontario. C'est-à-dire que, du 1,2 milliard de dollars investis en R & D au Canada en 2004, 46 % sont issus du Québec et 43 % de l'Ontario. Au Québec, l'intensité en R & D, c'est-à-dire les efforts de recherche en proportion des ventes, apparaît deux fois plus élevée que dans le reste du Canada. Nous croyons qu'une politique du médicament contribue à maintenir cet avantage. Or, si les dépenses en R & D apparaissent relativement plus élevées au Québec qu'au Canada, on constate cependant un affaissement du ratio des dépenses en R & D aux ventes depuis quelques années. Étant donné le caractère de la R & D dans les activités de cette industrie, il nous semble capital de défendre la position du Québec sur le marché de la R & D.

Avec 68 % des brevets canadiens, le Québec se présente comme un leader en matière de recherche et développement. Or, il ne faut cependant pas perdre de vue que l'industrie biopharmaceutique est une industrie au sein de laquelle les compagnies en compétition dépendent fondamentalement de leur capacité à innover, de leur potentiel de recherche et du système de commercialisation. Force est de constater que la pression sur l'industrie ne parvient pas uniquement des pays étrangers. Les multinationales implantées au Canada sont en concurrence pour le développement de nouveaux médicaments avec d'autres centres de recherche au sein même de leurs entreprises.

Si nos politiques gouvernementales, tant du point de vue de la réglementation canadienne que provinciale, sont moins stimulantes pour l'industrie, nous courons un risque sérieux que les projets de recherche et de développement des industries biopharmaceutiques se déplacent vers d'autres provinces ou pays qui offriraient un meilleur environnement d'affaires. À cet effet, en juin dernier, la Colombie-Britannique a annoncé qu'elle mettait en place une nouvelle formule visant à minimiser l'imposition sur les royautés provenant des découvertes locales. Pour sa part, l'Ontario parle d'un ministère de Recherche et d'Innovation qui serait directement un portefeuille sous la gouverne du premier ministre lui-même.

La possibilité d'une éventuelle érosion de l'industrie pharmaceutique au Québec est donc bien réelle, et cela, malgré la présence d'éléments avantageux pour le maintien et le développement de l'industrie au Québec. Malgré un système de crédits d'impôt vraisemblablement efficace en ce qui a trait à la R & D et un bassin de chercheurs très important et compétent dans le domaine biopharmaceutique, la reconnaissance internationale du Québec dans ce secteur industriel reste d'autant plus fragile que les maisons mères opérant à l'échelle mondiale sont plus sollicitées que jamais dans leurs choix d'investissement, et cela, en regard d'un environnement commercial propice.

n (10 h 40) n

Selon KPMG, Montréal et le Québec en général offrent des coûts de production et de R & D très compétitifs. Montréal obtient la meilleure cote globale parmi les grandes villes nord-américaines et européennes pour la conduite d'activités de recherche et développement dans le domaine biomédical. Il n'en demeure pas moins qu'un environnement concurrentiel qui favorise l'innovation et la croissance de l'industrie est primordial au maintien des investissements. L'accessibilité du marché demeure donc hautement essentielle. Or, au cours de la dernière année, le gouvernement a procédé avec parcimonie en acceptant très peu de nouvelles inscriptions, nous dit-on. Le report de l'inscription des médicaments fragilise l'équilibre entre les dépenses de développement et les revenus nécessaires au réinvestissement bien sûr dans la R & D. La FCCQ souhaite que le présent débat puisse contribuer à apporter des solutions à ce problème pour l'industrie.

Nous invitons donc le gouvernement à conserver et à entretenir les avantages comparatifs de la grappe biopharmaceutique au Québec et à réduire les obstacles qui entravent son bon développement. Car force est d'admettre que, dans l'industrie biopharmaceutique plus que dans toute autre, le fruit de la R & D et l'innovation n'ouvrent pas systématiquement sur de nouveaux marchés mais débouchent sur la création de nouveaux produits. En ce sens, la R & D est une activité de base dans la production biopharmaceutique, et les provinces ou les pays qui prendront du retard verront leur grappe biopharmaceutique perdre en force. C'est pourquoi la FCCQ demande au gouvernement du Québec de maintenir une politique d'accès aux médicaments qui encourage l'innovation afin de maintenir une industrie forte et dynamique.

Nous recommandons que le gouvernement du Québec évite d'adopter des mesures de contrôle qui pourraient nuire considérablement au développement de l'industrie biopharmaceutique et mette en place le plus rapidement possible un forum permanent d'échange pour le maintien de l'équilibre entre les politiques de santé et de développement économique et qu'il invite les représentants de l'industrie à siéger à ces forums.

La règle des 15 ans. Au Québec, on a adopté, en 1993, la règle dite de 15 ans. Cette protection pour le médicament d'origine a été bénéfique pour le développement de l'industrie. La FCCQ salue cette mesure car elle favorise non seulement le développement de nouveaux médicaments, mais assure la croissance du secteur biopharmaceutique au Québec.

L'appui du Québec au renforcement des brevets biopharmaceutiques est acquis depuis un bon moment déjà. Pour préserver les incitatifs à innover davantage, il est essentiel de permettre aux entreprises innovatrices d'amortir leurs investissements. D'ailleurs, il a été démontré que les pays dépourvus de système de brevet ont été incapables de développer une industrie biopharmaceutique significative. Une protection solide par les brevets est donc à nos yeux essentielle pour stimuler l'innovation. Sans compter qu'il devient de plus en plus coûteux pour l'industrie biopharmaceutique de développer de nouvelles molécules et de nouveaux médicaments.

Contrôle sur les prix. Depuis 1994, le gouvernement du Québec a imposé un gel des prix des médicaments. Ce gel des prix, croyons-nous, a des conséquences importantes sur l'innovation biopharmaceutique. Selon l'Institut économique de Montréal, le niveau artificiellement bas des prix des médicaments brevetés et la distorsion dans la structure des prix qui en résulte nuisent à l'introduction de nouveaux médicaments.

En effet, selon les données du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, depuis 1995, les prix canadiens des médicaments brevetés sont de 5 % à 12 % inférieurs par rapport aux prix internationaux médians. Pour la FCCQ, cette situation de gel des prix des médicaments, en plus de freiner l'innovation de l'industrie biopharmaceutique, réduit les activités de recherche et détourne selon nous les flux potentiels d'investissement.

Globalement, le contrôle des prix cause des pertes économiques qui entravent l'innovation biopharmaceutique. La non-indexation de prix sur l'évolution générale des prix entraîne une érosion des prix réels. Alors que les coûts totaux, eux, augmentent, on se retrouve dans un contexte où le profit réel diminue. Or, les profits réels alimentent, on le sait, les activités de R & D. On comprend donc que la diminution des profits réels a clairement un impact négatif sur le financement de la R & D au Québec.

Nous recommandons donc que le gouvernement mette fin à sa politique du gel des prix des médicaments et qu'il propose des mécanismes plus flexibles et qui s'apparentent à un marché plus ouvert; que le gouvernement revoie le mécanisme mis en place pour la fixation des prix des médicaments d'origine et qu'il travaille de concert avec l'industrie biopharmaceutique pour apporter des solutions; que le Québec hausse annuellement les prix des médicaments équivalents à celle de l'IPC; et que la Politique du médicament que le gouvernement s'apprête à adopter se concrétise par une nouvelle réglementation le plus tôt possible ? et nous espérons d'ici la fin de l'année 2005.

Nous saluons les efforts consacrés à l'élaboration de la Politique du médicament. Cependant, la FCCQ insiste sur l'importance de maintenir un climat économique propice au développement d'une industrie biopharmaceutique innovatrice, forte et dynamique au Québec. Cette industrie doit pouvoir bénéficier d'actions gouvernementales qui lui permettront de maintenir son leadership aux niveaux canadien et mondial. Créatrice de nombreux emplois directs et indirects, l'industrie est un moteur économique non seulement pour la grande région de Montréal, mais aussi pour les régions du Québec. Toutes les mesures prises ont donc un impact réel sur l'économie du Québec. Et ici nous voulons insister non seulement sur le fait de son importance dans la production nationale, mais surtout sur son poids dans son potentiel de développement économique pour le Québec. Avec sa Politique du médicament, le gouvernement selon nous se doit de maintenir un équilibre et d'arrimer ses politiques santé avec la politique économique que le gouvernement s'apprête à dévoiler. Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci, Mme Bertrand. Je cède la parole au ministre de la Santé... et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci pour l'ajout, je ne doutais pas que vous y songiez, M. le Président. Merci, Mme Bertrand, M. Drolet, Mme Azoulay, pour votre communication. Effectivement, l'arrimage que vous demandez, à la fin de votre intervention, est bien là, puisque dans ce document de proposition de politique du médicament se trouve un axe sur le maintien et le développement d'une industrie pharmaceutique prospère au Québec. Donc, on voit bien que les deux préoccupations sont liées.

Une petite correction quant à l'inscription de nouveaux médicaments: Il n'y a pas eu de diminution. Le Québec demeure de loin la province canadienne où il y a le plus de nouveaux médicaments qui sont inscrits sur la liste, et je pense que c'est important de remettre ça en perspective.

Vous avez d'abord placé l'essentiel de votre présentation sur le plan de la création de la richesse et de la prospérité, et, là-dessus, moi, je... le gouvernement vous rejoint entièrement. On connaît l'état précaire des finances publiques ? il en a été fait état à plusieurs reprises au cours des derniers jours ? essentiellement autour de trois facteurs. Il y a bien sûr le déséquilibre fiscal dont on parle, mais également les deux facteurs internes et structurels qui sont propres à nous, les Québécois: la taille de notre dette et également le fait que nous avons créé, grâce, je dirais, à notre esprit généreux et solidaire, de nombreux programmes sociaux mais peut-être pas la prospérité économique et la richesse nécessaires pour les appuyer, ces programmes. Je pense que là il y a un problème, comme vous le savez, fondamental sur lequel il faut se pencher.

L'importance de l'industrie pharmaceutique dans la création de la richesse au Québec, je crois, a fait, en tout cas à ce que je sache, au cours des dernières années l'unanimité des deux formations politiques qui ont exercé le gouvernement. Vous avez souligné que la règle de 15 ans a été adoptée en 1993, le gouvernement qui a suivi ne l'a pas modifiée, et, dans notre document, nous ne proposons pas non plus de la modifier. Également, je pense que le haut niveau de compétence du Québec, et vous l'avez également fait remarquer, est apprécié non seulement à cause des politiques gouvernementales visant à soutenir l'industrie, mais également à cause de la qualité de la main-d'oeuvre qu'on retrouve au Québec et particulièrement dans la région de Montréal, avec ses universités et ses centres de recherche. Témoin en est l'ouverture récente d'un centre, comme vous le savez, à Laval, d'une des grandes compagnies pharmaceutiques. Donc, il y a là des bonnes nouvelles. Il faut mentionner les bonnes nouvelles lorsqu'elles sont avec nous. Vous suggérez la présence d'un forum d'échange, c'est recommandé dans la Politique du médicament. Vous suggérez le dégel, j'espère, encadré ? c'est ce que nous recommandons ? des prix, c'est recommandé également dans notre politique, projet de politique.

Maintenant, je voudrais vous questionner sur un aspect, je dirais, fondamental de votre position. On sait que, dans la société civile, l'organisme que vous représentez milite en général pour le contrôle des dépenses publiques et particulièrement la limitation des dépenses en santé. Est-ce qu'il n'y a pas une apparence, une apparence d'incohérence entre cette position classique et la suggestion d'avoir des augmentations de prix annuelles de médicaments qui parfois peuvent dépasser l'IPC et certaines autres politiques? Est-ce que vous voyez là une cohérence ou une faiblesse dans votre position?

n (10 h 50) n

Mme Bertrand (Françoise): C'est la question qu'on a travaillée très... Oui, il peut y avoir contradiction et incohérence, et c'est pour ça, l'espèce de parenthèse que j'ai faite dans la présentation en disant que, pour nous, il faudra revoir les régimes d'assurance. Nous avons été, au Québec, vous le disiez vous-même, M. le ministre, extrêmement généreux dans nos programmes sociaux, et ce n'est pas devant le président de la commission que je veux m'insurger de ça, mais certainement qu'il faut pouvoir, au Québec, repenser nos programmes sociaux en termes de distinguer ce qui est accessibilité, universalité et gratuité. Et, pour ça, peut-être faudra-t-il resonger à un autre équilibre que celui qui existe présentement entre l'effort public et privé en termes, par exemple... et c'est à ça que je faisais référence dans mes notes, à savoir notre volonté de participer très activement dans la révision des régimes d'assurance pour revoir ces règles-là. Parce qu'il nous apparaît que de fait on ne peut pas, surtout avec une population vieillissante qu'on veut garder le plus longtemps en santé, aller impunément sans regarder qu'est-ce que ça constitue en termes du poids aux finances publiques.

Alors, vous avez raison de dire que, si on ne considérait pas des solutions de remise en question d'équilibre qui existe aujourd'hui, oui, en effet nous serions incohérents, mais il faut absolument avoir ce courage-là, et nous l'aurons. Nous serons, dans la consultation, très actifs pour pouvoir représenter le point de vue des entreprises à cet égard-là, pour un meilleur équilibre de ce côté-là, pour tenter non pas de supprimer complètement cette dépense publique là, mais certainement de trouver un meilleur équilibre pour ne pas que ce soit exponentiel.

M. Couillard: On peut se demander également quel doit être le meilleur mécanisme ou outil de soutien de l'industrie pharmaceutique. Vous avez mentionné à juste titre qu'il est important de la soutenir, et là-dessus je pense que l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale, la majorité, je crois, sont d'accord avec cette affirmation. Cependant, historiquement, l'industrie a été soutenue grandement en raison ou à l'aide de mécanismes internes au système de santé, qui lui-même est sujet à d'énormes pressions. Et là vous avez, je trouve, un exemple très intéressant... Parce que vous avez cité la Colombie-Britannique, vous avez dit: La Colombie-Britannique vient d'adopter un outil fiscal pour encourager, je crois, l'innovation et la recherche. La Colombie-Britannique, par contre, a adopté le prix de référence.

Alors, j'explique brièvement le prix de référence. Il s'agit de décider que, pour quatre classes de médicaments ? c'est ce qu'a fait la Colombie-Britannique ? l'État ne paie, dans la classe des médicaments d'innovation, que le prix le moins cher des médicaments jugés équivalents sur le plan biologique, et, s'il y a une différence à payer, bien c'est le client ou le patient qui la paie. Il s'agit d'une mesure que nous ne proposons pas dans le document mais dont nous voulons discuter à l'aide de cette commission. Vous nous recommandez de ne pas l'adopter, en raison des effets négatifs qu'elle aurait sur l'industrie. Mais là on a un exemple différent d'un gouvernement qui a adopté et n'a pas modifié cette politique de prix de référence et a plutôt choisi d'utiliser les outils fiscaux classiques pour soutenir son industrie. Alors, est-ce que vous ne pensez pas que c'est une approche également qui mérite, je dirais, plus de considération?

Mme Bertrand (Françoise): Certainement, puis vous avez raison, je pense, M. le ministre, définitivement de regarder la question plus globalement. On ne peut pas choisir simplement les éléments qui nous favorisent et ne pas regarder la question plus globale. Mais je pense qu'ici, pour parler plus spécifiquement de cette question-là, je passerai la parole à M. Denis Drolet, qui est le chef de service des relations gouvernementales et politiques industrielles chez Merck & Frosst, mais il est membre du conseil d'administration de la Fédération des chambres de commerce du Québec et il est président du comité de biopharmaceutique, des industries biopharmaceutiques de la fédération, et je le laisserai répondre plus spécifiquement à cette question.

M. Drolet (Denis): Vous avez tout à fait raison, M. le ministre, quand vous dites que, d'une part, on s'amène avec une nouvelle politique qui touche l'imposition sur des royautés potentielles, et, d'autre part, depuis plusieurs années, on a contraint l'industrie avec des mécanismes de prix très agressifs, comme le prix de référence. Il faut comprendre ici que le contexte, où on a amené les initiatives de la Colombie-Britannique et de l'Ontario, c'est dans un contexte de marché global. On expliquait, à toutes fins pratiques, comme Mme Bertrand l'a fait, que c'est un marché qui est de plus en plus compétitif. Nous saluons grandement ce que le Québec a fait dans le passé. Ça a été mentionné, puis on le répète encore une fois. C'est ce qui fait qu'aujourd'hui le Québec a une proportion très importante de toute la R & D au Canada. Mais on s'aperçoit grandement... Et c'est le devoir qu'on a, comme Fédération des chambres de commerce du Québec et comme comité biopharmaceutique, de s'assurer qu'on va garder cette compétitivité-là. Et c'est dans ce sens-là qu'on se doit de faire de plus en plus... à tout le moins on se doit de maintenir les acquis et voir à améliorer, et c'est ce que la Colombie-Britannique semble reconnaître de plus en plus. Il faudra voir, dans le futur, qu'est-ce qu'ils vont faire au niveau de leurs prix. Et c'est ce que l'Ontario de plus en plus semble s'apercevoir. On revient du congrès BIO, à Philadelphie, où votre premier ministre était présent, où le premier ministre McGuinty y était et également M. Campbell. Au retour, immédiatement on entend une nouvelle à l'effet qu'il y a création d'un ministère Recherche et Innovation, avec l'injection d'un budget très substantiel, et c'est le premier ministre McGuinty lui-même qui va en prendre charge.

Donc, on s'aperçoit que cette compétitivité-là est la vraie que nous avons ici, au Québec, et que l'Ontario ou la Colombie-Britannique ont, c'est celle du marché global. Donc, c'est les États-Unis, la côte Ouest et la côte Est, et c'est aussi l'Europe, qui de plus en plus veut rattraper le terrain perdu, et bien sûr les pays émergents. Donc, c'est vraiment ça, la vraie compétitivité. Mais, en plus de ça, on s'aperçoit qu'on veut venir chercher une part de ce qui existe déjà ici, au Québec, parce que l'Ontario et la Colombie-Britannique mettent l'épaule à la roue. Alors, c'est clair que, nous, toute mesure, comme le prix de référence, est tout à fait à l'encontre d'une industrie qui se veut dynamique et prospère et qui veut maintenir cette compétitivité-là, puis on est très heureux d'avoir l'appui du Québec.

Je pense que ce qu'on fait ici aujourd'hui, c'est simplement vous dire: Bien, voici, d'un point de vue économique, l'ampleur de cette industrie-là. On sait que vous en connaissez beaucoup, on se fait le devoir de le répéter puis d'apporter certaines précisions, mais en même temps on vient vous dire qu'il faut poursuivre dans ce sens-là parce que c'est précaire. Et on voit qu'au Canada on est de moins en moins compétitifs en R & D. On a perdu, de l'an 2000 à aujourd'hui, de 12 % à 8,5 % de ratio R & D sur ventes, qui est le ratio utilisé pour évaluer notre performance. Mais c'est clair qu'éventuellement, même si le Québec a le double de ce ratio-là, il va y perdre aussi, il a plus à perdre dans tout ça, finalement.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): ...

M. Couillard: Merci, M. le Président. Vous recommandez un assouplissement du processus d'inscription des nouveaux médicaments. Je répète que le Québec, encore maintenant, est de loin la province où les inscriptions se font le plus rapidement et en plus grand nombre. Et là il y a un dilemme. D'abord, nous avons comme principe que l'inscription d'un médicament à la charge des contribuables ? c'est de ça dont nous parlons; à la charge des contribuables ? doit se faire en vertu de critères scientifiques, objectifs, rigoureux, et ça, ça demande nécessairement une évaluation qui n'est pas simple, qui ne se fait pas en l'espace d'une semaine ou deux. Il y a parfois des exceptions, on a vu récemment avec le nouveau médicament pour le cancer du sein, où le poids de... je préfère ne pas mentionner le nom de commerce, mais un nouveau médicament, que tout le monde connaît, qui a été introduit cet été, où le poids de l'évidence scientifique était tel qu'il était jugé, par nous et d'autres gouvernements au Canada, impossible de retarder sa disponibilité au moins dans les établissements, puis par la suite on verra l'étendue de ces indications.

Mais là on a un problème fondamental, c'est que... Voyez-vous ce qui est arrivé avec le Herceptin, puisqu'il faut l'appeler par son nom? C'est que le prix initial de ce médicament-là a été fixé en fonction d'une indication restreinte, puisqu'initialement... Je donne l'exemple parce que c'est très symptomatique du problème qu'on vit. Donc, le médicament a été autorisé pour les malades qui étaient en phase terminale de leur maladie, et voilà qu'on vient de découvrir ? c'est une très bonne nouvelle ? qu'il s'agit probablement d'une des plus fortes avancées de la recherche sur le cancer du sein au cours des 20 dernières années, puisque, pour les patients en stade précoce, ça change considérablement le pronostic. Mais là on vient de décupler ou même plus le nombre de patients qui vont utiliser le médicament, dont le prix avait été fixé en vertu d'un bassin d'indication restreint, mais le prix, lui, il n'a pas changé. Alors, on estime, par exemple, que le coût annuel de ce médicament, un médicament, va être de 25 millions de dollars au Québec.

Alors, on ne peut pas combiner une inscription de ce type-là avec une absence de rigueur dans l'inscription d'autres médicaments, d'une part, et, d'autre part, il faut absolument s'assurer que les prix peuvent être révisés, par exemple, lorsqu'il y a un changement d'indication ou un changement de bassin de clientèle d'un médicament. Est-ce que... Peut-être... M. Drolet, là-dessus, vous qui êtes plus interne au domaine, est-ce que vous réfléchissez à ces questions?

n (11 heures) n

M. Drolet (Denis): Oui. Définitivement, on y réfléchit régulièrement. Il est clair que ? puis on est conscients de ça ? il y a une assiette budgétaire, il y a une limitation et un conseil pour voir à l'utilisation ou en fait au choix des médicaments qui seront remboursés. Nous, on croit que ça passe par la maximisation de cette ressource-là. D'avoir un médicament sur une liste, c'est une chose. À quelque part, puis c'est ce que les citoyens souhaitent, les gens contribuent au régime puis il y en a d'autres qui y contribuent de façon... indirectement. On souhaite tous avoir une maximisation des sous qu'on investit en fait pour cette ressource médicament là, de sorte qu'on évite des coûts additionnels éventuellement, que ce soient des coûts engendrés soit par des urgences qui aboutissent soit en clinique, soit en urgence des hôpitaux. Alors, c'est clair qu'une fois qu'on a identifié le médicament qui est à rembourser, nous, on pense que de ne pas y avoir accessibilité, c'est définitivement une limitation pour les gens. Les gens veulent un service, ils veulent qu'il soit équilibré en termes de coût, mais ils veulent aussi y avoir accès, à quelque part, et c'est là peut-être que les solutions ou l'innovation peut prendre place en travaillant conjointement pour s'assurer qu'il y a une utilisation appropriée de ces ressources-là.

Les prix, ils sont, à toutes fins pratiques, déjà... Puis là il faut faire une différence. Je vous écoutais tout à l'heure mentionner que ça augmente plus que l'IPC, etc. Ça, c'est les coûts du service, définitivement, qui augmentent face à une utilisation croissante, face à une disponibilité de technologies sur le marché, mais les prix en tant que tels, eux, n'ont pas bougé, vous le savez. Ils sont gelés, au Québec, depuis plusieurs années, depuis 1994 en fait, et ils sont contrôlés à l'entrée au marché par le Conseil d'examen des prix des médicaments et annuellement par la suite via des mécanismes qui visent à éviter des excès de ce côté-là.

Alors, déjà il y a des mécanismes en place. Je pense qu'il faut regarder à d'autres étapes... qui fait qu'on maximise cette ressource-là, que le citoyen a plus de services mais qu'il ne dépense pas à outrance, et qu'à quelque part on ne nuit pas non plus à la richesse collective et à l'industrie. Parce qu'il y a beaucoup d'autres services que les citoyens veulent avoir, que ce soit en éducation ou autre, mais, comme vous le disiez souvent vous-même, pour payer ces programmes sociaux là, ça prend une richesse collective. Il faut la créer et il faut éviter de contrecarrer finalement avec des mesures très coercitives, mais plutôt des mesures innovatrices qui se font de concert et conjointement avec une industrie.

Mme Bertrand (Françoise): Si vous me permettez, M. le ministre, je pense que la fédération...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Le président vous le permet.

Mme Bertrand (Françoise): Oui, merci. Excusez. Mais je voulais ajouter à ce que M. Drolet... parce que la question était directement adressée à lui. Je pense que, lorsqu'on propose de revoir le mécanisme de fixation des prix et qu'on parle de flexibilité, évidemment ça demande de regarder les choses dans les deux sens. Et conséquemment, dans l'exemple que vous nous donnez, je pense que ça demande vraiment un dialogue et puis des mécanismes en place, entre l'industrie et le gouvernement, pour être capables de se parler de ces situations-là et d'apporter les solutions qui bien sûr sont dans un mécanisme global, mais qui font aussi la possibilité d'apporter des solutions à des cas particuliers. Et je pense qu'il faut avoir cette cohérence-là, que, si le dégel est nécessaire lorsque les coûts sont trop élevés, bien ça doit l'être aussi lorsque le marché est plus important que ce qu'on avait anticipé.

M. Couillard: Je soupçonne que j'arrive à la fin du temps qui nous est réservé?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Il vous reste trois minutes d'interaction.

M. Couillard: Bon. Et merci donc pour ces éclaircissements. Dans votre document, vous mentionnez que le coût du développement d'une nouvelle molécule se chiffre à 1,3 milliard de dollars. Comment arrivez-vous à ce calcul? Et pourriez-vous nous donner, là-dedans, la provenance des fonds? Est-ce que ce sont tous des fonds qui viennent de l'entreprise elle-même ou est-ce qu'ils ne viennent pas également en partie des contribuables, soit par les avantages fiscaux donnés aux entreprises, soit par les organismes subventionnaires de recherche? Avez-vous fait la dissection du 1,3 milliard de dollars? Parce que vous savez qu'il y a eu des articles économiques qui l'ont redessiné, ce 1,3 milliard de dollars, où il y a en fait, on s'aperçoit, là-dessus, plusieurs centaines de millions de dollars qui viennent du contribuable par un des deux mécanismes que j'ai énoncés tantôt. Est-ce que vous avez fait cette évaluation de votre côté?

M. Drolet (Denis): L'évaluation a été faite. La référence à ça, c'est Tufts, T-u-f-t-s, qui est un groupe qui s'est penché là-dessus. Je ne pourrais pas vous donner les détails comme ça. Ils existent, et, de la façon que c'est fait, c'est qu'on évalue, de préclinique, phases I, II et III, les coûts de recherche. Le 1,3 milliard est évidemment 1,3 milliard canadiens, en tant que tel. Mais ces données-là se retrouvent chez Tufts et dans d'autres références également que nous pourrions soumettre définitivement à cette commission-ci pour plus de détails.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Alors, je cède maintenant la parole au député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Ce qui est clair, c'est que la recherche d'équilibre dont on parle, c'est une mission assez complexe. Et ce que vous dites, c'est que finalement les mesures du passé que le Québec a mises en place pour favoriser l'industrie pharmaceutique, en particulier la recherche, ont été efficaces mais le sont moins à cause du climat, en fait de l'environnement général concurrentiel.

Mme Bertrand (Françoise): En fait, elles sont mises en concurrence. Disons que l'avancée que nous avons connue n'est certainement pas arrivée par génération spontanée.

M. Charbonneau: On a contribué à ça.

Mme Bertrand (Françoise): On a collaboré puis de façon... sciemment, je dirais. Et là, au moment où on remet en question certains éléments, on est craintif, parce qu'on se dit... En même temps qu'on se questionne chez nous, bien, évidemment, il y a eu des réveils et puis des comparaisons. Prenons juste le Canada. On le sait, les autres provinces n'aiment pas tellement ça quand on est en avance, elles accélèrent. Puis évidemment il y a des opportunités de marché aussi puis des situations. Alors, oui, on est très inquiets de l'érosion que pourraient connaître les avancées que nous avons eues dans le passé, oui.

M. Charbonneau: Bon. Si on avait à établir un niveau, disons, d'alarme ou de situation critique, est-ce qu'on est au point où on risque à court terme de perdre ces avantages, de voir des entreprises quitter le Québec pour s'installer aux États-Unis, ou en Ontario, ou en Colombie-Britannique, ou si nos avantages sont encore suffisamment probants pour qu'on ait une marge de manoeuvre? Parce que finalement tout ça, c'est dans l'évaluation de notre positionnement par rapport aux autres et la façon dont les autres bougent et que, nous, on pourrait ne pas bouger, là.

Mme Bertrand (Françoise): Je vais me tourner vers l'économiste de la fédération, Mme Azoulay, qui certainement a une plus grande connaissance de ces analyses plus comparatives au plan de la concurrence, qui peut-être peut apporter un certain éclairage à votre question.

Mme Azoulay (Audrey): Alors effectivement les incitatifs... enfin les avantages comparatifs du Québec, dans cette grappe pharmaceutique, sont bien reconnus. On a un bassin de main-d'oeuvre, et en particulier de scientifiques, très intéressant. On a une compétitivité-coût, particulièrement dans le secteur pharmaceutique, qui est très bien reconnue. On a des centres de recherche, un gros bassin de centres de recherche, et on a une capacité d'attractivité, au niveau des investissements pharmaceutiques, qui n'est pas négligeable et qui est reconnue sur l'échiquier mondial.

Ceci dit, si on est capable de concevoir déjà, à court terme, le petit biais qui est en train de se dessiner en termes de compétitivité, on est aussi peut-être capable, si on a un peu de vision à long terme, d'envisager, à long terme justement, que ce biais s'écarte et s'agrandisse, c'est ça justement qu'on craint. Un exemple qui est très pertinent, qui a été mentionné dans le discours de Mme Bertrand aujourd'hui, l'exemple de l'Inde, qui a amendé très récemment une loi, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2005, je crois, qui favorise l'innovation et qui protège davantage les brevets. Comparativement à l'Inde, le Québec a, en termes de coûts de main-d'oeuvre, même en termes de bassin de scientifiques... reste dans le jeu mais a ? et c'est relativement bien reconnu ? des avantages qui sont encore à rattraper par rapport à l'Inde à moyen et long terme.

Donc, ce qu'on dit, c'est que, oui, les avantages comparatifs de la grappe sont reconnus, mais que, si on laisse le petit biais qui est en train de se dessiner, en termes d'avantages, grimper, ça risque effectivement de laisser la grappe pharmaceutique perdre en attractivité.

M. Charbonneau: ...bien comprendre quand vous dites: L'Inde a fait... a posé des jalons ou a mis en place des mécanismes qui visent à s'accaparer une plus grande part du marché de la pharmaceutique, du développement de produits sur son territoire. Quelles sont justement ces mesures-là? Et, par rapport à celles qui existent au Québec, jusqu'où on est menacé, là?

Mme Azoulay (Audrey): J'ai des chiffres... Pardon.

Mme Bertrand (Françoise): Bien, ce qu'on disait sur l'Inde ? je vais reprendre la parole ici ? on disait ici, dans notre texte, que l'Inde ne manque pas de Ph. D., ne manque pas d'une main-d'oeuvre qui est meilleur marché que celle du Québec, ne manque pas non plus de marché, au sens où évidemment, s'ils sortent un nouveau médicament, ils risquent de l'amortir plus dans leur bassin de population que chez nous...

M. Charbonneau: ...ça commence à...

Mme Bertrand (Françoise): ...ça consomme davantage que nous. Et évidemment dans quelle mesure sommes-nous prêts à risquer? J'ai envie de vous dire: Est-ce qu'on peut se permettre un certain recul? Parce qu'on verra simplement par les statistiques... puis vous connaissez le monde des statistiques, habituellement il y a un certain écart entre le moment où on a la lecture puis où les choses qui se sont passées. Alors, nous pensons qu'on est en avance et qu'on doit garder notre avance. Et ce qu'on s'aperçoit, c'est qu'il y a des pays... puis n'allons pas si loin, là, l'Ontario se positionne puis la Colombie-Britannique se positionne. Ce n'est pas encore d'autres pays pour nous, mais ce sont d'autres provinces ? et M. Drolet y faisait référence ? qui se positionnent pour aller attaquer justement notre avance ici, au Canada, sans compter celle dans le monde.

n (11 h 10) n

M. Drolet (Denis): Si je peux me permettre, M. le Président, une autre intervention là-dessus puis dans le contexte de votre première question. Et, si on prend l'Inde, au travers de tout ça... On remonte à une trentaine d'années. Les compagnies pharmaceutiques, au moment où l'Inde était très restrictive, où il n'y avait aucun support, où on a, à toutes fins pratiques, laissé aller la Loi sur les brevets et qu'on a manifesté des contrôles... l'industrie est sortie, à toutes fins pratiques, de l'Inde. Nous sommes présentement en train de la réintégrer sur la base d'un environnement d'affaires qui est beaucoup plus compétitif et propice aux investissements et sur la base des sollicitations qui sont faites de la part de ce pays-là.

On n'est pas dans ce contexte-là, au Québec. On est évidemment très compétitifs, on a déjà une base très solide de cerveaux, d'universités, de coûts de productivité qui font du sens, etc., puis évidemment on a le support que le ministre a bien mentionné tout à l'heure, sauf que, de maintenir ce que nous avons là au moment où tout le reste bouge ? et, si on prend les plus gros compétiteurs, présentement ce sont les États-Unis ? c'est un marché ouvert, essentiellement. Ça fait qu'au niveau des prix ça se négocie, hein, et c'est ce qu'ils font, puis, avec les négociations, ils arrivent à des prix quand même intéressants, et, d'un point de vue de l'accès, bien, les médicaments sont accessibles.

C'est clair qu'au Québec on a la liste la plus généreuse, le ministre faisait mention de ça, sauf que, si on regarde les dernières années, et au rythme où ça va d'un point de vue de l'accès des nouveaux médicaments à cette liste-là et des restrictions qu'on opère via des listes de médicaments d'exception, mais, à ce rythme-là, on n'aura pas une liste plus généreuse que les autres provinces dans quelques années. Alors, est-ce qu'on risque de perdre des entreprises? Une chose qui est sûre, c'est qu'on risque de perdre des mandats de recherche et des mandats de production. Alors, le statu quo, c'est reculer, à quelque part, parce que la recherche continue à progresser et les compagnies continuent à mettre des sous en R & D. C'est clair que la R & D, c'est une des dernières dépenses que les compagnies pharmaceutiques veulent couper, sauf qu'elles ont le choix de la mettre là où elles veulent.

M. Charbonneau: C'est clair qu'avec vous on discute plus de l'axe... du quatrième axe, le projet de politique, que des trois autres, là, mais, parlons-nous franchement, on est devant un projet de politique gouvernementale qui est soumis au débat puis à la consultation. Vous venez nous dire qu'on est dans une période critique, où il faut faire attention, puis que les choix qu'on va faire peuvent faire en sorte qu'on peut maintenir notre avantage comparatif ou on peut rapidement subir une détérioration puis être complètement sortis du portrait d'ici quelques années, là.

Alors, est-ce que le projet de politique qui est sur la table convient ou est-ce qu'il ne convient pas? C'est une question simple, mais en bout de piste là, le commun des mortels puis le citoyen, ils se posent la question: Comment on doit juger ce projet-là, par rapport à ce que vous dites, indépendamment, là, des autres dimensions qui vous préoccupent moins, mais pour celle qui vous préoccupe puis pour laquelle vous êtes ici, là?

Mme Bertrand (Françoise): Dans l'ensemble, pour nous, c'est clair que cette politique, on la salue et on la trouve en grande partie en continuité avec les efforts qui ont déjà été faits. Et notre contribution ce matin, c'est la mise en garde sur les éléments sur lesquels on a insisté. Et vous avez raison de dire qu'on s'est adressé à l'aspect création de richesses et ces éléments-là. Pour nous, c'est très important d'apporter soit un appui plus fort encore que ce qui est mentionné dans la politique ou quelques modifications, comme nous le présentons.

M. Drolet (Denis): Essentiellement, quand on regarde le projet, il est définitivement intéressant d'un point de vue de perspective économique. L'axe industriel en soi revêt... Et il s'agira de voir comment est-ce que tout ceci va être implanté par la suite. Mais, à partir du moment qu'on a un comité permanent qui inclut la santé, le développement industriel et le secteur privé, bien, de ce qu'on a pu voir ailleurs, dans certains autres pays, ceci mène à des solutions très intéressantes qui peuvent faire en sorte qu'on gère efficacement la ressource médicaments mais qu'en même temps on assure le maintien d'une industrie qui est dynamique et prospère.

Là, il faudrait voir. Au niveau des prix, on dit qu'ils ont... on parle d'un dégel des prix, mais aussi on parle de compensation potentielle. Alors, dans la mesure où on parle d'un vrai dégel des prix puis qu'il y a un travail qui se fait de concert pour améliorer cette gestion-là, mais que ce n'est pas un dégel déguisé, bien je pense que, oui, définitivement c'est une politique qui revêt beaucoup de potentiel.

Mme Bertrand (Françoise): Si vous me permettez. Je pense que c'est pour ça que nous parlons d'une mise en oeuvre le plus rapidement possible par une réglementation, car c'est dans l'implantation des choses ou l'opérationnalisation des choses qu'on va voir le véritable sens de l'appui à cette richesse collective.

M. Charbonneau: Oui. Ce que vous dites, c'est que, bon, bien, finalement on nous propose éventuellement des mécanismes de discussion ou de concertation plus intéressants, plus efficaces, plus étroits, et c'est à l'usage qu'on va voir si...

Mme Bertrand (Françoise): Bien, à l'usage, mais aussi...

M. Charbonneau: Bien, c'est-à-dire... Ce que vous dites, c'est que, par exemple, la proposition de dégel, ça va dans la direction que vous suggérez.

Mme Bertrand (Françoise): Absolument. Oui.

M. Charbonneau: Mais en même temps la contre-proposition de le faire avec des balises vous inquiète.

Mme Bertrand (Françoise): Bien, tant qu'on n'aura pas déterminé quelles balises et le comment, c'est clair qu'on va être alertes là-dessus, c'est ce qu'on vient vous dire. On est d'accord avec la politique dans l'ensemble, mais nous sommes conscients... Et c'est pour ça qu'on demande ? je ne dirai pas «réclamer», mais ? qu'on espère que beaucoup des éléments seront décidés avant la fin de l'année, de telle sorte qu'on puisse savoir exactement dans quel univers nous travaillons.

M. Charbonneau: Est-ce qu'au niveau fiscal ? je termine avec ça, M. le Président ? est-ce qu'au niveau fiscal, par rapport aux autres États concurrentiels, est-ce qu'on est... Comment vous évaluez les politiques fiscales du Québec par rapport à l'industrie pharmaceutique?

Mme Bertrand (Françoise): Bien, ça a certainement été un... Quand on parle des actions gouvernementales et de la volonté ferme de vouloir soutenir, c'est clair que les mesures fiscales ont aidé. Maintenant, comme on dit, ce n'est pas statique, hein, l'univers ne l'est pas, d'aucune manière. Alors, est-ce que ce que nous avons actuellement est suffisant aujourd'hui par rapport à ce que d'autres mettent en place? C'est là où la question se pose. Puis on dit en fait: Soyons alertes à ce point de vue là pour ne pas se laisser dépasser par d'autres qui voudront rattraper, puis, voulant rattraper, ils vont devenir tellement plus alléchants dans leurs propositions que, là, ce qui était bien avantageux va devenir moins avantageux.

M. Drolet (Denis): À plusieurs égards et dans plusieurs pays, on retrouve essentiellement, de plus en plus à tout le moins, certains avantages au niveau de l'imposition, etc. Là où le travail se fait beaucoup de concurrence, c'est au niveau des éléments du système de commercialisation, alors toute la réglementation qui entoure les prix et l'accès à la ressource des nouveaux médicaments en tant que tels, puis pour des bonnes raisons. L'industrie investit régulièrement et beaucoup d'argent, 1,3 milliard, avant d'arriver à mettre un nouveau médicament sur le marché, et puis là, woups, au pays, on règle les prix au fédéral, on les gèle au provincial, on prend un temps plus grand pour valider, homologuer les nouveaux médicaments au fédéral, et on prend un temps pour les valider, les rembourser ou accepter le remboursement dans les provinces, et ça se fait de moins en moins. Alors, ces deux aspects-là font que l'attrait pour le Canada et le Québec, en termes de R & D, sur le point de vue des éléments commerciaux, c'est là où on doit définitivement s'arrêter, se pencher là-dessus et voir comment est-ce qu'on peut innover de manière encore une fois à assurer un bon service à la population pour un coût qui est raisonnable, mais en même temps ne pas nuire et continuer à prospérer, continuer à créer cette richesse-là qui va nous amener à payer justement pour le régime général d'assurance médicaments qu'on s'est donné il y a quelques années.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée de Lotbinière, s'il vous plaît.

Mme Roy: Merci, M. le Président. On a bien compris tout l'aspect, là, l'importance de la création de la richesse, puis c'est d'autant plus pertinent, quand on sait la part du budget de la santé pour l'État, d'en parler ici. Ça aurait pu être une autre entreprise que la vôtre, mais la richesse, au Québec, il va falloir continuer à en générer pour supporter ne serait-ce que la hausse du budget à la santé. Par contre, il faut continuer d'être capable de se payer ces médicaments-là puis il faut aussi continuer, pour les Québécois et les Québécoises, à avoir accès à ces médicaments-là, puis vous venez d'en toucher un petit peu une bribe de ça.

Le processus d'accessibilité d'un médicament à la liste. Moi, ce qui m'étonne souvent ? comme le dernier médicament que vous mentionnez ? on parle de preuves scientifiques, mais on voit qu'il est souvent admis dans la plupart des autres provinces et pas la nôtre, ou c'est souvent un peu plus long, j'ai cette impression-là. Ou c'est parce que c'est les exemples qu'on met en exergue? Avez-vous des commentaires suite à la prise de décision de l'accessibilité, le mécanisme, l'expertise scientifique, l'accessibilité d'un nouveau médicament, là, que vous pouvez mettre sur le marché?

Mme Bertrand (Françoise): Je demanderais à M. Drolet de faire ses commentaires.

n (11 h 20) n

M. Drolet (Denis): Écoutez, nous, on a ? et je me dois de prendre la parole au nom de la Fédération des chambres et du Comité biopharmaceutique ? ...évidemment, on a axé notre mémoire sur l'angle économique et l'impact que ça peut avoir, l'impact direct et indirect, au niveau des entreprises, non seulement celles de haut savoir, mais aussi les petites et les moyennes entreprises. Alors, tout l'aspect clinique en tant que tel, on ne l'a pas abordé, mais je peux quand même vous dire... Et on en est conscient, c'est sûr, puisqu'on est en contact avec les gens de l'industrie, et j'en fais partie. C'est clair que, dans les deux, trois dernières années, ça s'est détérioré, au Québec, d'un point de vue de l'accès à des nouveaux médicaments. C'est un processus qui est un petit peu plus complexe, avec un peu moins de transparence. Je ne dis pas qu'il est moins rigoureux, au contraire, mais à quelque part on sent qu'il n'y a plus cette coopération ou transparence pour faire en sorte qu'on prend les meilleures décisions possible. On souhaite que dans le futur on puisse... Mais je vous dirais que c'est un processus qui est...

On regarde au niveau fédéral, quand on veut faire valider nos médicaments, je l'ai mentionné tout à l'heure, on n'est pas compétitif à ce niveau-là. On prend pratiquement le double du temps de nos voisins américains. Et donc je ne fais pas... Moi, je ne dis pas qu'il faut aller plus rapidement puis risquer de ne pas homologuer les bons médicaments, mais c'est de mettre les ressources qu'il faut pour compétitionner en termes de temps et prendre le marché, etc., alors c'est ce que les autres font, aux États-Unis particulièrement et dans certains pays européens.

Une voix: ...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Si vous permettez, est-ce que, Mme la députée de Lotbinière, vous avez terminé vos interventions?

Mme Roy: Mais je n'ai pas axé sur le niveau économique, parce que vous avez bien fait votre message, il a été bien compris. Mais ça, on peut dire qu'à ce niveau-là ça améliorerait votre environnement d'affaires.

M. Drolet (Denis): Définitivement que l'accès, c'est un des éléments premiers les plus importants. C'est que, si on n'a pas de marché pour nos médicaments... Et c'est clair qu'au Québec 50 % de la population pratiquement sont couverts par le régime général d'assurance médicaments; le reste, c'est le secteur privé. Ce qu'on s'aperçoit présentement, c'est que, dans le secteur privé ? et, pour de bonnes raisons, ils veulent garder les gens au travail ? on accepte, à toutes fins pratiques, beaucoup de nouveaux médicaments. Ce n'est pas géré sous forme d'exceptions. On fait quand même une révision de ces dossiers-là, puis on évalue les coûts, puis on essaie de mettre des programmes en place dans le milieu de travail, mais il y a longtemps qu'on a réalisé bien sûr qu'un employé au travail, c'est beaucoup plus productif et moins coûteux qu'une liste de médicaments qui est plus large en tant que telle. Alors, on a ce marché-là, mais celui public est très important aussi pour nous. Alors, l'accès, définitivement on se doit de regarder ça. Le projet de loi fait état de ça, et il semble y avoir des pistes intéressantes d'un point de vue de la gestion du médicament, d'un point de vue utilisation optimale, etc. Il faut explorer ça davantage. Mais, encore une fois, pour répondre à votre question, c'est un élément majeur.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, c'est tout le temps malheureusement que nous avions à notre...

Une voix: ...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Non, je suis désolé, il ne reste plus de temps à l'horloge pour la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je remercie Mme Bertrand, M. Drolet et Mme Azoulay de leur contribution et j'invite le prochain groupe à prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): J'invite les membres de l'Association des étudiants en pharmacie de l'Université de Montréal à prendre place, s'il vous plaît. Alors, je reconnais Mme Catherine K. Beaumier, M. Jean-Philippe Roy, à gauche, et M. François P. Turgeon, au centre.

Est-ce que je me trompe en pensant que ce sera M. Turgeon qui prendra la parole au point de départ?

M. Turgeon (François P.): Non, vous ne vous trompez pas.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Alors, vous savez que vous avez 20 minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire, suite à quoi nous aurons un bloc d'interaction avec les membres de la commission parlementaire. Alors, vous êtes les très bienvenus. À vous la parole.

Association des étudiants en pharmacie de
l'Université de Montréal (AEPUM)

M. Turgeon (François P.): Merci. M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, bonjour. Avant de débuter, je vais rapidement vous présenter notre groupe. L'Association des étudiants en pharmacie de l'Université de Montréal représente environ 800 étudiants, dont 600 au premier cycle, répartis sur les quatre années d'études. Là-dessus, environ 75 % se destinent à faire de la pharmacie en milieu communautaire, environ 20 % en milieu hospitalier, et le 5 % restant sera distribué entre poursuivre ses études ou l'industrie pharmaceutique. Donc, comme je vous le disais, elle est représentée aujourd'hui par le président sortant, Jean-Philippe Roy, et moi-même, François Turgeon. Nous sommes accompagnés de nos collègues de l'Assemblée générale des étudiants en pharmacie de l'Université Laval, donc des étudiants qui ont le même profil que nous dans la capitale.

Donc, le point de vue que nous avons pris pour commenter ce mémoire, c'est celui d'étudiants qui vont avoir à pratiquer durant plusieurs dizaines d'années dans le cadre qui va être créé par cette politique. Donc, nous voulons... nous espérons qu'elle nous permette d'utiliser au maximum les capacités que nous acquerrons au cours de notre formation. Nous espérons également qu'elle va nous permettre de mettre en oeuvre notre volonté de prendre en charge la santé de nos patients en collaboration avec nos collègues des autres disciplines de la santé. Donc, considérant cela, notre attention s'est surtout portée sur la partie III du document, mais nous allons tout de même commenter les deux autres parties, les trois autres parties, excusez-moi.

Donc, à propos de la première partie, à titre de futurs professionnels de la santé, il y a une chose qui nous est évidente: tout individu devrait pouvoir avoir accès aux médicaments dont il a besoin à un prix raisonnable pour ses moyens. Passé cela, nous ne sommes pas vraiment le groupe pour vous dire qu'est-ce qu'un prix raisonnable. Et, comme nous ne sommes pas comptables ni actuaires, nous ne sommes pas non plus le meilleur groupe pour vous dire comment gérer le programme d'assurance médicaments.

D'ailleurs, à ce sujet, nous aimerions rappeler que les professionnels de la santé ne sont pas formés ni employés dans le but de gérer des programmes d'assurance médicaments ou des programmes d'assurance. Donc, malgré qu'on soit conscients de la nécessité des mesures de contrôle pour promouvoir un usage optimal, nous tenons à rappeler que les procédures liées aux médicaments ne peuvent... nous rappelons plutôt que les procédures liées aux médicaments ne peuvent être complètement dissociées de la pratique pharmaceutique, mais elles ne doivent pas reposer trop lourdement sur le pharmacien. Il en va de même pour tous les autres professionnels de la santé, médecins, optométristes, dentistes. Nous espérons donc qu'un usage optimal pourra se conjuguer avec des procédures d'exception simples et des couvertures d'assurance aisées à comprendre pour les patients et à appliquer pour les pharmaciens.

Pour terminer sur la section I, nous aimerions revenir sur la proposition 3, soit la modification plus rapide ou automatique à la liste des médicaments, surtout dans le cas des génériques. Nous ne voyons aucun avantage à créer des délais qui rendent plus complexe la gestion des génériques et peuvent augmenter les coûts.

Nous serons également brefs sur la section II. Sans se positionner sur la question de l'augmentation des prix, nous croyons que ces augmentations devraient être à des moments fixes, soit une ou deux fois par année. Le coût des médicaments est déjà très difficile à déterminer pour le patient principalement en raison du fait que, selon le système d'assurance ou le système d'assurance médicaments, le patient ne paie pas le même prix pour le même médicament de mois en mois, selon dans quel ordre il va les renouveler. Donc, c'est déjà difficile à comprendre actuellement. Si le prix des médicaments commence à varier tous les mois ou plus fréquemment, ça va être impossible à suivre pour les patients.

La section nous affectant le plus est clairement la section III, à commencer par la proposition 19. En fait, c'est de loin l'élément sur lequel nous voulons mettre le plus d'emphase. Actuellement, les pharmaciens doivent se baser sur les médicaments que prend le patient et sur ce qu'il a compris de ce que son médecin lui a dit pour identifier quel est le problème et quelle est l'indication. Cela revient globalement à travailler à l'aveugle. Contrairement à ce qui fut le cas à une époque, le pharmacien ne traite plus des médicaments, il traite des patients. Il faut donc partir du patient pour voir si sa médication est appropriée. Dans ce cadre, la connaissance de l'état de santé du patient est essentielle.

n (11 h 30) n

L'intention thérapeutique permet au pharmacien de connaître la raison qui explique le choix de ce médicament pour ce patient. Elle permet également de connaître et de noter les pathologies chroniques du patient pour connaître l'état de santé général du patient. Pour illustrer mon point, je vous donnerai deux exemples relativement simples: si un patient fait une crise de goutte et que l'indication n'est pas connue, ce n'est pas noté, il n'y a rien qui va pouvoir me dire, quelques années plus tard, lorsque le patient va arriver avec une prescription pour un diurétique, que cette prescription est inappropriée. Puisque les diurétiques sont inappropriés pour un patient qui a un risque de goutte, mais, si rien ne me dit que le patient a déjà fait de la goutte par le passé, je ne pourrai pas savoir que le médicament est inapproprié.

Même chose avec la classe des médicaments, les inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine, les IECA, des médicaments généralement utilisés pour l'hypertension artérielle que, si on donne pour cette indication, on va donner la dose la plus faible possible pour atteindre une tension artérielle sous les 140/90, mais, s'ils sont utilisés en insuffisance cardiaque, on donne la dose la plus forte possible que tolérera le patient. Donc, deux indications différentes, deux ajustements posologiques complètement différents. Si on ne connaît pas l'indication, on ne peut pas faire cet ajustement posologique optimal. Donc, nous sommes convaincus que l'intention thérapeutique sera utile dans de nombreuses autres situations et que cette information nous permettra d'améliorer notre pratique et de maximiser l'usage des médicaments.

Le mode de communication de cette information devra être déterminé conjointement par le prescripteur, donc principalement les médecins et les pharmaciens, pour qu'il soit simple, rapide, clair et respecte la confidentialité. Un système de codification des intentions thérapeutiques semble le meilleur choix. Le prescripteur n'aurait donc qu'à marquer un code composé de quelques chiffres sur la prescription pour indiquer son intention; les chiffres seraient ensuite traduits dans le système informatique de la pharmacie pour que le pharmacien ait une idée claire de quelle est l'intention thérapeutique.

Évidemment, ces méthodes ne doivent pas servir de méthode de contrôle envers les prescripteurs. Le choix thérapeutique reste un choix de professionnels et doit s'adapter spécifiquement à chaque patient. L'intention thérapeutique permet de moins travailler à l'aveugle pour juger et améliorer la thérapie. Mais, en plus de celle-ci, plusieurs autres informations peuvent permettre aux pharmaciens de prendre de meilleures décisions. En fait, l'ensemble des informations du dossier médical du patient peuvent être utiles pour la prise de meilleures décisions au sujet des médicaments. Cela revient à la notion de circulation de l'information entre les professionnels de la santé. Donc, au risque de répéter d'autres intervenants, l'implantation d'un système d'échange d'information nous semble clairement être le prochain pas de notre système de santé pour améliorer l'ensemble des soins. La carte à puce, dont il a souvent été question, est l'option qui nous semble la plus intéressante.

Nous voulons simplement utiliser cette tribune pour encourager le développement et l'implantation de cette technologie. Au niveau de la pharmacie, nous croyons que ce changement pourrait réellement modifier la pratique de la profession, certainement pour le mieux. Pour atteindre ses pleines possibilités, cette technologie devra supporter les informations d'un grand nombre de professionnels et offrir à un grand nombre de professionnels l'accès aux informations des autres. Avec leur support informatique déjà bien intégré à leur pratique, les pharmaciens sont tout à fait prêts à utiliser cette nouvelle technologie. Nous permettrons donc aux autres professionnels d'avoir accès à une liste à jour des médicaments du patient, et nous pourrons améliorer les thérapies médicamenteuses, tout en connaissant l'ensemble de la situation du patient ainsi que les actions et les opinions des autres professionnels de la santé.

Deux autres éléments que nous considérons importants et sur lesquels nous aimerions revenir sont la distribution d'échantillons et la publicité directe aux consommateurs. Nous croyons que la distribution d'échantillons de médicaments sous sa forme actuelle ne permet pas une utilisation optimale des médicaments. Si nous voulons poursuivre cette pratique qui n'est pas nécessairement très avantageuse, mais, du moins, si nous voulons la conserver, il faudrait que le pharmacien soit une partie de cette procédure. Donc, ce qui nous semblerait le plus logique serait que les compagnies pharmaceutiques puissent distribuer aux médecins, plutôt que des échantillons sous sa forme physique, des formes de cartes qui, enfin une fois signées par le médecin au nom d'un patient et indiquant le nom du médicament de la compagnie, pourraient être remises au pharmacien, qui l'utiliserait comme une prescription, donc qui remettrait le médicament au patient en lui prodiguant tous les conseils appropriés, en analysant le dossier, en faisant finalement tout ce qu'il y a à faire lors d'une première prescription, et le remboursement pourrait être fait à partir d'une compagnie d'assurance qui, elle, ensuite, se ferait rembourser par la compagnie, donc conserverait le concept d'échantillon, où le patient n'a pas à débourser finalement pour obtenir le produit.

Donc, la principale raison de ça, c'est simplement que la majorité des actes que nous avons à poser sont lors de la première prescription. C'est celle où il y a toujours le plus de renseignements à donner, le plus d'éléments à surveiller. Donc, c'est important qu'elle soit faite par le pharmacien, et ça permet également d'avoir une idée de l'ensemble du dossier, contrairement à s'il y a des échantillons. C'est même intéressant, je vous dirais, pour les autres professionnels, puisque, si le patient a à aller à l'urgence, ou quoi que ce soit, le pharmacien, s'il y a des échantillons, ne connaîtra pas tous les médicaments du patient, si jamais l'urgence, le médecin ou l'infirmière lui demandent. Donc, si les pharmaciens ont la distribution des échantillons, ils vont pouvoir donner toute l'information lorsque ce sera nécessaire.

Finalement, nous aimerions toucher un petit mot sur la publicité directe aux consommateurs. Malgré que ce ne soit pas présent dans le document et que ce soit principalement de juridiction fédérale, nous voulons réaffirmer que cette pratique ne peut qu'encourager le mauvais usage des médicaments.

Dans le américain, la publicité est essentiellement faite pour les médicaments plus récents, qui sont généralement également plus coûteux. De plus, l'idée de créer un besoin par l'usage de la publicité nous semble très peu appropriée dans le domaine de la santé. Par contre, la promotion de la santé par ces mêmes voies est évidemment une entreprise qui a tout notre appui, puisque les gens eux-mêmes resteront toujours le plus important déterminant de leur santé.

Finalement, nous pensons que la présence d'industries pharmaceutiques fortes au Québec est un avantage pour tous les Québécois. Les mesures pour encourager son développement sont donc les bienvenues. À l'aube d'une carrière dans le domaine de la pharmacie, les étudiants en pharmacie de la province espèrent que c'est ce projet de loi, qui rend un cadre législatif, dans lequel ils pourront utiliser au maximum leurs capacités. Pour ce faire, nous devons voir plus qu'à court terme et se demander à quoi nous voudrions que ressemble la pharmacie au Québec dans quelques dizaines d'années. Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci, M. Turgeon, pour votre intervention. Je cède maintenant la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux pour un bloc d'interactions.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Turgeon, M. Roy, Mme Beaumier, pour votre présentation. D'abord, merci de faire l'effort de faire le mémoire et de venir le présenter à la commission parlementaire. En plus d'une responsabilité professionnelle du monde dans lequel vous allez évoluer bientôt, c'est également un devoir de citoyen, et c'est bien de voir la jeunesse également remplir ce devoir de la façon dont vous le faites.

Je voulais vous demander: Dans votre formation ? vous êtes étudiants en pharmacie ? quelle est l'exposition que vous avez au concept d'utilisation optimale et également à la pharmaco-économie, rapport coût-efficacité, etc.? Est-ce que vous avez des notions de ces sujets-là?

M. Turgeon (François P.): M. le Président, au curriculum, dans les deux universités... Généralement, c'est évidemment relativement limité, quoique généralement le... évidemment, le gros de notre formation est en pharmacothérapie. Cette formation nous pousse vers cet usage optimal, sans vraiment le faire de manière formelle, mais à ça s'ajoutent des cours de pharmaco-économie qui, eux, sont vraiment formellement axés sur le meilleur usage, l'usage optimal, tout ça; donc c'est assez présent dans notre formation jusqu'à présent, oui.

Mme Beaumier (Catherine K.): Si je peux me permettre de rajouter quelque chose aussi? Au sein de notre formation, on a des stages auprès de l'Ordre des pharmaciens, puis c'est vraiment là, en pratiquant vraiment dans le milieu, on a aussi l'occasion, là, de pouvoir avoir un peu une meilleure idée de cette approche-là, là, de l'usage optimal des médicaments, grâce à nos maîtres de stage aussi qui nous supervisent.

M. Couillard: Vous avez mentionné que 5 % des diplômés se destinent à l'industrie pharmaceutique. Est-ce que j'ai bien compris le chiffre que vous avez...

M. Turgeon (François P.): Environ. Je vous dirais, le 5 % restant, c'est un peu dans le sens que c'est des gens qui vont poursuivre des études supérieures, aller dans l'industrie à différents titres, poursuivre des études dans d'autres domaines. Mais je vous dirais que c'est très peu de gens. On parle en fait de deux, trois, quatre personnes par année qui vont réellement aller travailler dans l'industrie, donc ça reste très minoritaire.

M. Couillard: Évidemment, il y a d'autres types de scientifiques qui vont travailler dans l'industrie, comme les pharmacologues ou les biochimistes ou ce type de professionnels là également.

M. Turgeon (François P.): Oui. En fait, si on regarde aux cycles supérieurs, donc il y a des étudiants à la maîtrise, au doctorat, c'est majoritairement des gens qui ne sont pas des pharmaciens, c'est plutôt des gens qui viennent des baccalauréats que vous avez nommés précédemment, donc des biochimistes, des chimistes. Ils font des études supérieures bien plus que des pharmaciens.

M. Couillard: Dans les promotions récentes, quelle est la proportion d'étudiants, si vous avez le chiffre, là, approximatif peut-être, qui vont en officine privée par rapport à la pratique en établissement? Parce que vous savez qu'en établissement on a un gros problème avec la pénurie de personnel.

M. Turgeon (François P.): Oui. Bien, je vous dirais qu'on sait que, par année, il y a environ 25 à 30 personnes, à Montréal, qui vont aller en hôpital, environ le même nombre à Québec. Donc, ça représente environ 50 étudiants sur une promotion totale de quelque 350, donc ça fait un sur sept, donc c'est un peu...

M. Couillard: Ce n'est pas beaucoup.

M. Turgeon (François P.): Ce n'est pas beaucoup. Je suis encore d'accord avec vous, ce n'est pas beaucoup.

M. Couillard: C'est un problème sur lequel on se penche, puis on espère bien augmenter ce pourcentage au cours des prochaines années.

Dans votre mémoire, il y a plusieurs suggestions, dont la question des pratiques commerciales. Peut-être que les trois d'entre vous ou certains d'entre vous vont avoir une pharmacie ou vont être propriétaires de pharmacie, puis là il y a des propositions, dans le projet de politique, qui visent par exemple la facturation du prix réel d'acquisition. Et des pharmaciens propriétaires ne sont pas en accord avec ça, parce qu'ils disent qu'en disant ça on ampute la possibilité de faire des négociations de libre marché, évidemment qu'on restreint la capacité d'adaptation des entreprises et qu'on prive même peut-être des clients ou les patients de services.

n (11 h 40) n

Est-ce que vous avez réfléchi à cette question-là? Parce que, vous, vous favorisez la proposition d'uniquement facturer le prix réel d'acquisition, excluant donc les avantages, ristournes, cadeaux, etc. Mais ce n'est pas une opinion qui est partagée par vos futurs collègues, là, en établissement... en pharmacie, pardon.

M. Turgeon (François P.): Oui, je dirais que ce n'est pas une opinion qui est très claire à l'intérieur de nos membres non plus. Il y a plusieurs points de vue à ce sujet-là.

Une chose qui est très claire, c'est qu'on aimerait régler le problème auquel on a fait face durant la dernière année surtout, donc tous les problèmes de déontologie, les problèmes avec le fisc qu'on a eus par rapport aux rabais et ristournes. On considère évidemment que la solution est plus globale que simplement au niveau du pharmacien. C'est certain que ce que vous amenez est une piste de solution. Toutefois, la solution globale doit toucher aussi la RAMQ, les assureurs, les grossistes, les médicaments génériques, les compagnies de médicaments originaux également.

C'est un peu difficile pour nous, je vous dirais, de s'avancer sur cette question-là en ce sens où la gestion d'une pharmacie est quelque chose qui est un peu loin de nous, donc je n'aurais pas de réponse claire à vous donner à ce sujet actuellement.

M. Couillard: Mais vous semblez, d'après ce que vous écrivez et ce que vous dites, inquiets de la répercussion sur l'opinion publique ou la perception publique de votre future profession, hein? C'est ce que je comprends.

M. Turgeon (François P.): Oui. Ça, je suis entièrement d'accord, puisque, malgré que ça n'ait pas réellement de lien avec la pratique, la confiance que le patient a envers nous est entachée par ça. Donc, même les résultats que je vais obtenir avec le patient peuvent être moindres parce que le patient a moins confiance en mes conseils, moins confiance en mes suggestions. Donc, là j'ai un élément un peu externe qui vient réduire ma capacité à finalement prodiguer des bons soins.

Donc, c'est certain qu'on veut que le problème se règle. C'est certain que ce que vous avancez est une piste de solution, donc, si ma mémoire est bonne, simplement que le coût réel soit facturé. Par contre, c'est certain que, si on fait ça, il faut aussi qu'on voie avec la RAMQ, par rapport au PPB, comment c'est ajustable. Donc, ça revient un peu au concept de «il faudrait vraiment régler le problème d'un bloc». Je ne pense pas qu'on peut le régler dans une section en particulier de toute cette chaîne-là de distribution du médicament, il faut vraiment le mettre au clair sur l'ensemble du processus de la distribution du médicament.

M. Couillard: Je voudrais clarifier quelque chose qui nous a surpris un peu, parce que dans le texte vous semblez avoir les mêmes objectifs que nous au sujet d'informer le patient au sujet de ses médicaments. Alors, il y a la proposition d'Info-Médicaments qui est en fait quelque chose qu'on ajouterait à Info-Santé où... c'est fait, en passant, ailleurs au Canada, en Colombie-Britannique en particulier ? où, lorsqu'un citoyen téléphone à Info-Santé, s'il s'agit d'un appel concernant l'usage d'un médicament, l'appel est automatiquement basculé vers un pharmacien en pratique qui peut parler directement au citoyen. Mais ça me surprend que vous ne semblez pas être en accord avec cette proposition. J'ai été un peu surpris de ça, parce que, le texte, lui, est plutôt en accord avec l'objectif poursuivi.

M. Turgeon (François P.): La raison pourquoi on est... De prime abord, on était en accord. En y réfléchissant d'une manière plus approfondie, ce qu'on a fini par se dire, c'est que la personne qui est le mieux placée pour répondre à ces questions-là, c'est la pharmacie du patient, c'est la pharmacie qui a son dossier puis normalement qui a un pharmacien en service qui peut répondre à ses questions, qui est son pharmacien. Donc, c'est un peu en ce sens-là qu'on voyait plus ou moins l'utilité du service, en ce sens que c'est normalement quelque chose qui devrait être fait par la pharmacie, qui normalement devrait être mieux fait par la pharmacie, dans le sens qu'elle a toutes les informations sur le patient. Donc, c'est un peu le questionnement qu'on avait, à savoir: À quel point est-ce que cette ligne-là serait intéressante versus ce qui existe déjà et est-ce que ça ne va pas plutôt aller gruger finalement des questions auxquelles devraient répondre les pharmaciens communautaires du patient avec l'information qu'il a plutôt que s'orienter vers un service beaucoup plus général qui n'a pas les informations en particulier sur ce patient?

Donc, oui, ce serait intéressant un peu comme service de deuxième ligne pour supporter les infirmières du service Info-Santé, qui ont des questions plus complexes des fois sur une base régulière. Nous croyons que les pharmacies, des pharmacies de quartier, des pharmacies communautaires devraient rester le premier élément d'information du patient.

M. Couillard: Effectivement, c'est une approche de deuxième ligne qu'on suggère et non pas de première ligne. C'est uniquement lorsque l'infirmière qui répond à Info-Santé constate qu'il s'agit d'un problème pharmacologique ou pharmaceutique qu'elle fait appel à ce service-là éventuellement. Et vous allez constater avec les années que les questions et les problèmes les plus pertinents en santé en général ont tendance à se présenter le soir, la nuit et les fins de semaine.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Non, non, mais ce n'est pas une suggestion pour que cette commission siège la nuit, là! Alors...

M. Charbonneau: ...le ministre, la dernière question qu'il a posée, c'était une de celles que je voulais poser, parce qu'effectivement le problème, c'est ça. C'est-à-dire que le pharmacien n'est pas ouvert 24 heures par jour, et puis... alors que le...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Vous comprendrez que maintenant le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé vient de prendre le micro.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau: Voilà, exactement.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Son temps est déjà compté.

M. Charbonneau: J'ai compris ça également, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau: Alors, bon, ceci étant, je pense que vous avez noté finalement l'objection qu'on peut avoir par rapport à cette position que vous avez, parce qu'effectivement, comme les pharmacies de quartier ou les pharmacies dans la communauté... Ma collègue me disait: Ce n'est pas vraiment des pharmacies communautaires, c'est plutôt des pharmacies dans la communauté, parce que, le monde communautaire, ça les agace un peu d'avoir l'impression que tout à coup il y a une nouvelle sorte de pharmacies au Québec: des pharmacies communautaires, mais... Donc, les pharmacies dans la communauté ne sont pas encore des pharmacies accessibles 24 heures par jour en général.

M. Turgeon (François P.): Il y a tout de même des heures d'ouverture étendues pour plusieurs, mais, toutefois, c'est vrai qu'en période où c'est inaccessible ce serait bien d'avoir un support, de la part du pharmacien, à la ligne Info-Santé. Puis ça, je comprends que les infirmières ne puissent pas répondre à toutes ces questions-là qui nous sont plus spécifiques.

M. Charbonneau: Est-ce que dans votre formation vous avez une préparation à établir et à maintenir et à développer des relations interdisciplinaires avec, par exemple, les médecins puis les infirmières? Puis, on parle éventuellement qu'il y aura des infirmières praticiennes qui pourront prescrire certains types de médicaments. Est-ce que votre univers de formation est un univers cloisonné ou si déjà il y a un accent qui est mis à la collaboration avec les autres professionnels de la santé?

M. Turgeon (François P.): Je vais répondre pour l'Université de Montréal, je vais laisser Catherine répondre pour l'Université Laval par la suite. La réponse est très simple: Non, c'est un gros manque. Les étudiants essaient un peu de se regrouper entre eux, faire des activités, mais ça reste sur cette base-là. Sur la base de la formation à proprement parler, ce n'est pas présent. Il n'y a normalement pas de cours avec nos confrères ou du moins qui sont orientés pour que nous apprenions à nous connaître. Je vous dirais qu'il y a à peine des cours sur ce que font les autres professionnels de la santé, et c'est manquant. C'est des choses qu'on voit généralement dans les stages, donc ce serait très bien de les aborder plus tôt que quand on arrive finalement...

M. Charbonneau: Je ne sais pas si le ministre a pris note, là, parce que c'est un peu incroyable, là, d'apprendre ça ce matin, là.

M. Turgeon (François P.): Disons qu'on est quelque peu en retard par rapport à d'autres universités canadiennes là-dessus qui ont des modèles un peu plus avancés, mais c'est vraiment quelque chose qu'on aura à développer pour améliorer les services, à mon avis.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): À moins que ce soit différent à l'Université Laval.

Mme Beaumier (Catherine K.): Non, la situation est assez similaire aussi à l'Université Laval en ce qui a trait vraiment aux cours. Dans un proche avenir, je pourrais vous dire par contre que ça va changer, là, avec la rénovation du pavillon actuel qui va devenir un centre intégré, là, pour les sciences de la santé, qui va regrouper médecine... bien, la Faculté de médecine plutôt, avec ses programmes comme ergothérapie, physiothérapie, etc., sciences infirmières et pharmacie. Donc, là on a vraiment une... ils ont vraiment une idée d'approche globale d'interdisciplinarité, je vous dirais. Ça semble assez intéressant.

Par contre, il y a un cours qui se donne mais qui n'est pas obligatoire, qui est justement Travail interdisciplinaire. Ça demeure cependant un cours optionnel qui est seulement obligatoire pour les personnes qui étudient en sciences infirmières. Donc, c'est sûr que, ça aussi, ça pourrait être une mesure, là, qui pourrait être prise afin de rendre ça obligatoire peut-être pour tous les étudiants en sciences de la santé.

Par contre, en dehors des cours, il y a une association, qu'on appelle le Bloc Santé, qui a pour but de réunir justement tous les étudiants des sciences de la santé qui prennent un peu, là, position puis qui prennent des décisions, un organisme un peu plus politique, je vous dirais, là, puis qui vise justement à rassembler tous les étudiants qui étudient en sciences de la santé.

M. Charbonneau: Et ce qui est clair, c'est que finalement vous sortez de l'université et vous n'avez pas pris l'habitude d'apprivoiser ou de bien connaître ce que les médecins ou les infirmières font, leurs pratiques, leurs façons de fonctionner; eux non plus d'ailleurs. Et par ailleurs vous avez à intervenir auprès des mêmes individus qui sont les patients, les citoyens.

Et puis ce qu'on disait tantôt, c'est qu'en bout de piste, si on veut améliorer l'utilisation optimale des médicaments, il y a comme un espèce de manque, là...

Une voix: Il y a un maillon, oui.

M. Charbonneau: ...dès le départ, qui fait que ceux qui devraient faire en sorte qu'il y ait une utilisation optimale parce qu'ils se parlent et qu'ils sont plus certains d'avoir bien saisi la problématique de santé d'un individu, s'ils n'ont pas de pratique dès le départ, et, si on ne leur dit pas puis on ne les amène pas à se préparer à travailler en interdisciplinarité, je veux dire, on a un gros problème, là, à ce moment-ci, là.

n (11 h 50) n

Quelle est votre position par rapport à la proposition de la politique qui propose qu'il y ait un travail à domicile qui se fasse pour finalement aider les citoyens, les patients à pouvoir non seulement faire le ménage de leur pharmacie personnelle, mais peut-être de s'y comprendre aussi et encore là avoir une attitude ou une pratique de consommation qui soit plus en accord avec leurs problèmes de santé? Parce que vous n'en avez pas parlé, je pense, dans votre...

M. Turgeon (François P.): Non. Peut-être, une des raisons pour lesquelles on n'en a pas parlé, c'est en ce sens: Ce n'est pas révolutionnaire outre mesure pour nous, chose qui se fait déjà, il y a des pharmacies qui le font déjà.

Dans le fond, ce qu'on voyait plutôt dans le document, nous, c'était plutôt un mode de remboursement pour ça. C'est plutôt ce qui est problématique, parce qu'actuellement il y a des pharmaciens qui le font: aller à domicile, genre voir les clientèles les plus vulnérables, puisque souvent, en plus, c'est des clientèles qui ne viendront pas à la pharmacie, qui ont de la misère à se déplacer, qui vont faire livrer leurs médicaments, qu'on ne voit jamais ? donc, c'est quelque chose évidemment qu'on appuie de tout coeur; ces gens-là, les clientèles, comme je le disais, qui sont les plus vulnérables, qui prennent le plus de médicaments, qui ont le plus de chances de les prendre incorrectement. Donc, c'est évidemment une chose qu'il faut valoriser, puis je pense que je n'ajouterai rien d'autre que... Ça a tout notre appui, c'est vraiment une mesure qui est intéressante.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui. Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Bonjour, madame et messieurs. Merci pour votre mémoire. Tout à l'heure, vous avez abordé la question avec le ministre concernant le nombre d'étudiants susceptibles de travailler en établissement de santé versus ceux qui vont dans la communauté.

À quoi vous attribuez ce peu d'intérêt ou cette non-disponibilité pour la pratique en milieu hospitalier ou en milieu de santé comme tel?

M. Turgeon (François P.): La raison qui apparaît la plus évidente à court terme, c'est évidemment le salaire. Le salaire n'étant pas mauvais en tant que tel, c'est simplement que, comparativement au milieu privé, il est nettement inférieur. Donc, quelqu'un qui veut aller travailler en milieu hospitalier fait 16 mois d'études de plus pour avoir un salaire qui va être, dans les grandes lignes, peut-être de 20 000 $ inférieur à celui de quelqu'un qui irait en pratique privée. Donc, personnellement, j'étudie à la maîtrise qui mène à ce diplôme. Puis, comme le disait un de nos profs tout récemment, c'est presque plus une vocation qu'une profession. Il faut vraiment avoir la volonté de pratiquer en milieu hospitalier pour le faire, puisque c'est désavantageux au niveau financier. Donc, c'est vraiment des gens, je vous dirais, qui ont la foi dans leur pratique qui le font. Sinon...

C'est peut-être que c'est un peu moins... simplement que les étudiants durant leur formation vont généralement travailler en milieu... en officine, donc c'est un milieu qui est plus connu de la part des étudiants. Donc, c'est peut-être un peu le choix facile, c'est ce qu'on s'imagine faire quand on va graduer. Le milieu hospitalier est un milieu qui est un peu plus difficile d'accès...

Mme Charest (Rimouski): ...des stages?

M. Turgeon (François P.): Je ne sais pas ce que vous en pensez?

M. Roy (Jean-Philippe): Au niveau des stages, comment on va fonctionner? C'est qu'à chaque année on a des stages obligatoires, mais le stage en hôpital, qui est obligatoire, est d'une durée de trois semaines durant nos trois premières années d'études.

Mme Charest (Rimouski): Trois semaines seulement?

M. Roy (Jean-Philippe): Oui, c'est trois semaines, puis durant...

Mme Charest (Rimouski): Et les autres stages sont de...

M. Roy (Jean-Philippe): On a trois stages à faire en trois ans, chaque stage a une durée de trois semaines, puis, à ce moment-là, il y en a un qui est obligatoire en officine, un qui est obligatoire en hôpital et l'autre est au choix. En quatrième année, à ce moment-là, on a sept semaines en hôpital et sept semaines en milieu communautaire. C'est pour ça... au niveau des stages...

Évidemment, tous ces stages-là vont changer, l'année prochaine. À Montréal, on va avoir l'implantation de nouveaux programmes, les stages vont être complètement restructurés. Alors, il va y avoir, bon, plus de stages en hôpital, plus de stages en officine, ce qui risque un petit peu de probablement changer l'aspect qui se déroule présentement.

M. Turgeon (François P.): Peut-être pour compléter: il y a également que les gens travaillent généralement dans des pharmacies en officine ou en hôpital. Toutefois, c'est un peu plus facile de travailler en officine, dans le sens où on a plus les connaissances rapidement pour faire quelque chose. En hôpital, c'est un peu plus complexe d'être étudiant et de vraiment voir sa place, je vous dirais, puisqu'évidement les connaissances, souvent, dans un hôpital, sont plus avancées, les maladies sont plus aiguës... Elles sont plus spécialisées, exactement, tu as bien raison.

M. Roy (Jean-Philippe): L'autre aspect, c'est que les années d'études qu'on fait de plus, la pharmacie est en hôpital, mais elle n'est pas reconnue pour une certaine spécialité. Un médecin peut être, mettons, un urologue ou un neurologue ou... bon, il va se spécialiser au niveau des reins. Mais, si on prend un pharmacien, on ne peut pas dire «un pharmacien spécialisé dans les reins», ça va être un pharmacien qui a un intérêt pour telle sorte, tel domaine. Puis ça aussi, ça décourage plusieurs, parce qu'au niveau de l'étude, au niveau des connaissances, on est aptes à pouvoir avoir un titre comme ça, mais ce n'est pas disponible. Puis ça aussi, je pense que c'est un autre facteur qui pourrait peut-être décourager les gens à poursuivre dans ce domaine-là.

M. Turgeon (François): Comme vous le savez peut-être, l'OPQ travaille au processus de spécialisation; donc il y aurait une spécialité en pharmacothérapie avancée. Le projet devrait venir à terme dans un ou deux ans; il nous a été présenté récemment sous sa forme finale. Donc ça, ça peut être une voie qui va aider, mais ça reste un début.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. le député... Oui, Mme la députée de...

Mme Champagne: Est-ce que tu as terminé?

Mme Charest (Rimouski): Ah! Excuse-moi. J'ai une autre question, oui.

Mme Champagne: Continue.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui, je pensais... Vous avez indiqué que vous avez une nouvelle question.

Mme Champagne: Oui, mais j'irai après Solange.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien.

Mme Charest (Rimouski): O.K.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest (Rimouski): Je voulais rapidement revenir sur la question d'Info-Santé-CLSC. Je comprends ce que vous nous avez donné comme argument, que ça demeure quand même un acte professionnel pour les pharmaciens que d'avoir accès aux patients pour expliquer la médication, et tout ça, et les effets qui peuvent exister ou les effets intermédicaments, tout ça.

Mais est-ce qu'une ligne comme celle qui est proposée a un niveau de risque d'erreur plus élevé que si c'est directement avec vous en pharmacie ou...

M. Turgeon (François P.): Bien, je veux peut-être justement faire une parenthèse avant de répondre à votre question. On ne s'oppose pas réellement à cette ligne-là, on voyait plus ou moins son objectif. Toutefois, on ne croit pas que ce soit une mauvaise idée.

Pour répondre à votre seconde question, c'est simplement que c'est évident que le pharmacien n'aura pas toute l'information sur le dossier patient, puis ce n'est pas nécessairement rare que des patients vont nous appeler avec des questions, parlant de leurs pilules rouges, de leurs pilules blanches, de leurs pilules bleues. Lorsqu'on a le dossier du patient devant les yeux, c'est facile de s'y retrouver. Lorsque c'est un pharmacien qui n'a pas le dossier du patient, qui ne connaît pas le patient, c'est beaucoup plus dur de s'y retrouver, quoique je ne crois pas que ça augmente nécessairement le risque d'erreur, en ce sens où normalement les gens sont assez sages pour ne pas prendre de décisions qui pourraient être fâcheuses. Toutefois, est-ce qu'on va pouvoir autant répondre aux besoins exacts de ce patient? J'en doute peut-être un peu, à cause justement du manque d'information complète qu'on pourrait avoir.

Mme Charest (Rimouski): Est-ce que je peux déduire de ce que vous nous dites que vous ne voyez pas qu'Info-Santé CLSC ce soit un pharmacien qui réponde à toutes les questions qui sont en lien avec la médication, comme présentement c'est une infirmière qui fait une première évaluation pour toute question qui est acheminée à Info-Santé?

J'essaie de voir... parce que je comprends qu'on veuille avoir une ligne d'info-médicaments, je comprends qu'on puisse aussi vouloir l'acheminer avec ce qui existe déjà qui est la ligne Info-Santé des CLSC, question d'économie de coûts. Par ailleurs, je ne vous entends pas revendiquer la propriété de la connaissance pour répondre, peu importe que ça s'appelle Info-Santé CLSC ou Info-Médicaments CLSC ou Info-Médicaments Pharmacies, là. C'est ça que je...

M. Turgeon (François P.): Bien, je peux vous donner un exemple comment, disons, je verrais l'implantation de ça: simplement que le patient appelle à Info-Santé; donc c'est l'infirmière qui lui répond, comme à l'habitude. Si la personne a une question sur les médicaments, la première option à laquelle elle devrait être référée, c'est d'appeler à sa pharmacie d'officine. Si c'est impossible, si elle n'a pas la réponse, c'est fermé ou quoi que ce soit, là je crois que ce serait pertinent de la référer à un pharmacien qui serait de garde, ou quelqu'entente que ce soit avec le service Info-Santé CLSC. Ça me semble être le...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Nous avons le temps pour une dernière question du côté de l'opposition.

Mme Champagne: Une toute petite question.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée de Champlain, je vous reconnais.

Mme Champagne: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à vous tous, à vous trois particulièrement. Si je comprends bien toute l'importance que vous donnez à la bonne information pour le patient ? parce que c'est avec des patients que vous allez travailler, et on en fait tous partie, on va souvent voir notre pharmacien et on le questionne sur tout et sur rien ? je suppose que vous êtes tout à fait en accord avec une fiche informatisée du patient, parce que vous savez qu'il y a des patients qui se promènent d'un endroit à l'autre, qui ont beaucoup d'interventions dans leur vie, et le pharmacien ne le sait pas toujours, et ça peut avoir une influence sur le genre de médicaments qu'il va prendre. Moi, personnellement, je serais rassurée de savoir qu'on connaît un peu mon pedigree. Alors, j'aimerais vous entendre sur l'opinion que vous avez sur la fiche informatisée de vos patients.

M. Turgeon (François P.): On est entièrement d'accord avec ça, c'est évident. Je veux dire, c'est très difficile de travailler en se disant qu'on n'a peut-être pas tous les médicaments du patient, qu'on n'a peut-être pas tout son profil. Donc, c'est évident que, si...

n (12 heures) n

Bon, les deux options seraient peut-être d'avoir une banque centralisée à partir de laquelle on pourrait aller chercher ces données-là ou que le patient les laisse sous une forme électronique quelconque, mais je crois que ça revient un peu au concept de carte à puce qui aurait toutes les informations du patient. C'est certain que c'est quelque chose qui nous serait excessivement utile, qui réduirait les erreurs, qui augmenterait notre compréhension du patient. Donc, si c'est technologiquement possible et si c'est faisable, c'est quelque chose que nous appuyons entièrement et que nous aimerions voir le plus tôt possible.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je vous remercie, M. Turgeon, Mme Beaumier, M. Roy, de votre contribution aux travaux de cette commission parlementaire.

M. Turgeon (François P.): Bienvenue.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Je suspends les travaux jusqu'à 14 heures. Et le secrétaire de la commission m'informe que les membres de la commission peuvent laisser leur matériel sur la table, c'est verrouillé durant cette période de suspension. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

 

(Reprise à 14 h 4)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, si vous permettez, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux, et nous allons donc poursuivre cette consultation générale sur le document intitulé Politique du médicament. Cet après-midi, nous entendrons successivement l'Association des maladies gastro-intestinales fonctionnelles, l'Association pulmonaire du Québec, AstraZeneca Canada et l'Association québécoise des personnes stomisées.

Alors, j'accueille avec plaisir les représentants de l'Association des maladies gastro-intestinales fonctionnelles. M. Paul-André Malo, que je reconnais, au centre ? je vous situe géographiquement pour que les transcriptions soient faites aux bonnes personnes; M. Gilles Larose, qui est à ma droite, et M. Pierre Pagé, à ma gauche. C'est ça?

Alors, je comprends que le porte-parole sera M. Paul-André Malo, qui est président de l'association. Vous connaissez les règles du jeu: 20 minutes pour présenter l'essentiel de vos observations et de votre mémoire, et ensuite deux blocs successifs d'échange avec vous. La parole est à vous, M. Malo.

Association des maladies
gastro-intestinales fonctionnelles (AMGIF)

M. Malo (Paul-André): Merci. M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, permettez-moi dans un premier temps de vous présenter de nouveau les personnes... mais là cette présentation est déjà faite: M. Larose, à ma gauche, directeur général de l'association, et le Dr Pierre Paré, gastroentérologue à l'Hôpital Saint-Sacrement, spécialisé en troubles digestifs fonctionnels, qui a aimablement accepté notre invitation pour vous exposer, vous expliquer la nature du syndrome de l'intestin irritable. Je tiens aussi à souligner la présence dans la salle d'un bon nombre de membres de l'association, surtout des femmes. Vous verrez plus tard que ça touche surtout les femmes, cette maladie-là.

Au nom de l'Association des maladies gastro-intestinales fonctionnelles, je tiens à remercier la Commission des affaires sociales de nous permettre de vous faire part de nos commentaires dans le cadre de cette consultation.

Nous souhaitons tout d'abord féliciter le ministre pour son projet de Politique du médicament et tout particulièrement parce que ce document souligne l'importance du médicament dans notre système de santé et pour les patients. Nous nous réjouissons de la publication d'un tel document de consultation nous donnant l'opportunité de réagir et de commenter les propositions du ministre. Nous sommes persuadés qu'une telle participation d'intervenants externes, telle que notre association, favorisera la mise en oeuvre de la politique.

Notre association est le seul organisme québécois voué aux intérêts de ceux et celles qui souffrent de maladies gastro-intestinales fonctionnelles. Nous sommes un organisme sans but lucratif fondé en 1999 par un groupe de bénévoles, supporté par des professionnels de la santé. Nous comptons actuellement près de 1 000 membres et nous en accueillons de nouveaux à tous les mois.

Nous prenons position, au nom du million de Québécois et de Québécoises affligés de symptômes du syndrome de l'intestin irritable. De ce nombre, on évalue que 300 000 personnes consultent un médecin qui posera d'abord un diagnostic, proposera par la suite des traitements appropriés, dont la prise de médicaments si nécessaire. Sur ce point, je voudrais apporter une clarification à notre mémoire. En page 4, où il faudrait plutôt lire que les 300 000 personnes atteintes du syndrome utiliseront des médicaments si nécessaire. Toutes ces personnes ne prendront donc pas nécessairement des médicaments.

Il est important de souligner que 70 % des personnes atteintes du syndrome sont des femmes. Notre association parle également pour les quelque 300 000 Québécois et Québécoises aux prises avec les symptômes du reflux gastro-oesophagien et de la dyspepsie non ulcéreuse ou fonctionnelle. On entend par «trouble digestif fonctionnel» un désordre dans la fonction d'un organe du système digestif sans lésion visible par radiographie ou par endoscopie. La dyspepsie non ulcéreuse et le reflux gastro-oesophagien sont les manifestations les plus connues des troubles digestifs fonctionnels.

Le syndrome de l'intestin irritable, qui affecte, comme je le mentionnais, un nombre important de personnes, est pour sa part moins connu. Je vous dirais même qu'il fait l'objet de certains préjugés, car malheureusement le syndrome ne semble pas être considéré comme étant aussi sérieux que les autres maladies mieux connues. Probablement parce que ça se passe en bas de la ceinture.

Nous ne comprenons pas d'ailleurs pourquoi aucun des nouveaux médicaments développés spécifiquement pour le syndrome n'est remboursé par le régime d'assurance médicaments. Nous comprenons encore moins le fait que certains médicaments qui étaient remboursés par le biais du programme patients d'exception ont été retirés de ce programme en 2003 par le Conseil du médicament. On semble ainsi nier l'importance du syndrome et son impact sur la vie des personnes qui en souffrent. Pourtant, les personnes qui sont atteintes du syndrome voient leur vie profondément perturbée par des symptômes souvent débilitants qui affectent leur assiduité au travail, dans certains cas leur capacité même de travailler, ainsi que leur vie familiale et sociale. Selon un sondage mené par Ipsos-Reid, en 2002, 12 % des personnes atteintes du syndrome ont été ou sont incapables de travailler.

À ce moment-ci, je demanderais au Dr Paré, gastroentérologue, de vous présenter brièvement le syndrome. Dr Paré.

M. Paré (Pierre): Merci, M. Malo. Bonjour, mesdames et messieurs, et merci de nous recevoir. Alors, M. Malo m'a demandé de vous présenter brièvement la maladie. Je vais vous parler de qu'est-ce que la maladie, comment elle affecte la qualité de vie, comment les médecins font pour établir un diagnostic et quelle approche on a pour traiter, mais très brièvement.

Alors, la maladie. C'est une condition chronique mais fluctuante. Alors, fluctuante, ça veut dire des périodes d'exacerbation, des périodes plus tranquilles, et les patients ont des douleurs abdominales, c'est ça qui est le coeur... le symptôme important, et des troubles intestinaux qui peuvent être diarrhée, constipés, ou les deux.

n (14 h 10) n

Autrefois, c'était considéré une maladie psychosomatique et probablement aussi il y a 25 ans, quand, moi, j'ai fait mon cours de médecine. On sait aujourd'hui... on connaît très bien les mécanismes qui expliquent les symptômes, deux mécanismes importants: des troubles de la contraction de l'intestin ? ça se contracte, le tube digestif ? qui sont la source de douleurs et de la sensibilité du tube digestif. Comment on peut évaluer la sensibilité? On met un petit ballon dans le tube digestif, on gonfle un petit peu; quelqu'un qui a le syndrome de l'intestin irritable ou d'autres conditions apparentées aussi, lorsqu'il est un peu gonflé, les patients ressentent des douleurs. Une personne normale peut tolérer un gonflement trois fois plus grand peut-être ne ressentira rien. Donc, il y a des mécanismes où on ne voit rien à l'oeil... à l'oeil nu ni au microscope.

La cause est encore inconnue, mais on connaît deux facteurs importants actuellement, dans les connaissances modernes: un, c'est que 25 % à 30 % des gens qui ont ça l'ont acquis à la suite d'une vulgaire gastroentérite. Alors, ça élimine encore plus l'effet psychosomatique. Et on sait que, si on fait des études subtiles du tube digestif, on va voir des vestiges d'inflammation ou des signaux encore d'inflammation qui sont détectables seulement avec des techniques raffinées. Donc, j'espère que je vous ai convaincus que ce n'est pas une maladie psychosomatique.

Elle affecte la qualité de vie des patients. Comment on mesure la qualité de vie? C'est par des questionnaires que les patients remplissent, puis c'est des questionnaires validés, c'est des outils de recherche. On distingue les plus malades des moins malades, des malades modérés. Et les questionnaires évaluent des impacts sur les activités de vie courante: les activités professionnelles, sociales, affectives, émotives et psychologiques. On sait que ces patients-là sont plus atteints dans leur qualité de vie que ceux qui n'ont pas l'intestin irritable. Ils ont une atteinte qui est comparable à d'autres maladies chroniques comme l'asthme, comme la migraine, comme le reflux gastro-oesophagien, et ceux ou celles qui en sont le plus atteints, comparable même à quelqu'un qui a une dépression.

Comment on fait le diagnostic, les médecins? On peut faire ça assez facilement par questionner les patients, en les questionnant, et on pourrait éviter souvent des tests qu'on répète dans certaines circonstances. C'est un diagnostic qui est sécuritaire, parce que c'est une condition chronique. Et malheureusement on n'a pas de test à faire, mais souvent les tests sont faits et refaits, parce que, chez certains patients, on n'a pas de ressource thérapeutique appropriée pour les soulager, et un patient non soulagé va demander plus de visites chez le médecin, et le médecin aussi va être porté à investiguer plus souvent.

Comment on traite les patients? L'approche principale, c'est non médicamenteux, hein? C'est d'abord établir le diagnostic, expliquer au malade sa condition. Ce n'est pas une maladie psychosomatique, c'est des symptômes réels, même si on ne voit rien avec les examens. C'est gérer une attente très importante pour le patient et investir sur des facteurs d'influence de la maladie ? que ce n'est pas la cause ? d'ordre alimentaire, que tout le monde connaît ? la diète et les fibres alimentaires, et tout ça ? et l'aspect psychologique. Mais, l'aspect psychologique, toutes les maladies chroniques, qu'on ait le diabète, qu'on soit coronarien, si on a une période de vie difficile, on va être influencé par l'aspect psychologique. Dans l'intestin irritable, ce n'est pas parce qu'on n'avait pas découvert d'anomalie qu'on devra penser que c'est psychologique; or, ce ne l'est pas. Juste à faire ça, on améliore énormément de patients, heureusement, avec peu ou pas de médicaments.

Dans certaines circonstances, on pense à utiliser des médicaments ? je vous dirais que c'est plutôt occasionnel ? et on le désirerait parce que les traitements sont prouvés efficaces, et c'est quand les mesures de base ne suffisent pas, donc c'est une deuxième ligne et non pas un traitement d'emblée. Le traitement va être habituellement épisodique ou occasionnel et non pas à long terme, sauf exception. À date, on avait deux traitements ou médicaments qui étaient disponibles et qui ont été retirés de la liste d'exception, un autre qui n'a pas été accepté comme médicament d'exception. On allègue qu'il y a un gain thérapeutique qu'on dit faible, c'est-à-dire qu'on n'améliore pas tellement de patients plus qu'une pilule de sucre, mais le gain thérapeutique faible, c'est 15 % à 20 %. Ce n'est pas si faible que ça, et c'est cliniquement important parce que c'est souvent le seul recours des patients, dans certains cas, parce que les autres étapes ont été épuisées. Mais le plus important, c'est quand on traite un patient avec certains médicaments modernes qui ne sont pas acceptés. Non seulement on améliore les symptômes, mais on améliore la qualité de vie. Alors, ce n'est pas des médicaments qui agissent sur le cerveau, ils agissent sur le tube digestif. Si on gère, si on améliore les symptômes puis, secondairement, on améliore la qualité de vie, on peut penser que la source de la qualité de vie anormale, ce sont les symptômes des patients.

Alors, je comprends que la commission n'a pas pour but d'établir une liste de traitements. J'ai voulu donner le syndrome de l'intestin irritable comme une ouverture à réflexion, dans un champ qui est fort complexe ? du rôle des médicaments ? en pensant surtout qu'il y a des éléments autres que l'espérance de vie, comme la qualité de vie, qui est très importante pour soulager beaucoup de conditions. Merci beaucoup.

M. Malo (Paul-André): Merci, Dr Paré. J'aimerais maintenant commenter certaines propositions du projet de politique. Nous ne reprendrons pas tous les commentaires que nous avons formulés dans notre mémoire, auquel nous vous référons.

Nous souhaitons aborder aujourd'hui deux axes du projet de politique qui nous touchent tout particulièrement, soit l'accessibilité aux médicaments ainsi que l'utilisation optimale des médicaments.

Notre association se réjouit que l'accessibilité constitue le premier axe de la politique. Je voudrais d'ailleurs citer un passage: «L'inscription d'un médicament à la liste du RGAM est déterminante afin que l'assuré y ait accès.» Une telle affirmation est primordiale pour une organisation comme la nôtre qui représente des patients qui doivent avoir accès aux médicaments requis par leur état de santé. Nous sommes aussi bien placés pour savoir que les patients ne sont pas toujours dans une situation financière leur permettant de se procurer les médicaments dont ils ont besoin.

Comme je le mentionnais plus tôt, il est incompréhensible qu'aucun des médicaments spécifiquement développés pour traiter le syndrome ne soit remboursé par le régime d'assurance médicaments. Pourtant, ces médicaments sont utilisés par de nombreuses personnes atteintes du syndrome et s'avèrent efficaces. On se retrouve donc dans une véritable situation de médecine à deux vitesses: les patients couverts par des assurances privées, qui ont accès aux médicaments, et ceux couverts par le régime d'assurance gouvernemental, qui n'y ont pas accès. Pour nous, cette situation injustifiée ne peut plus durer.

Nous sommes également d'accord, comme le propose le document de consultation, que la valeur thérapeutique soit le premier critère d'inscription d'un médicament à la liste. Il ne faudrait toutefois pas que cette étape se transforme plutôt en une forme de contrôle budgétaire.

Bien que nous ne remettions pas en cause la compétence des membres du Conseil du médicament ainsi que leur expertise dans leurs domaines respectifs, nous croyons cependant qu'une consultation externe de médecins cliniciens experts serait appropriée pour déterminer la valeur thérapeutique d'un médicament et la pertinence de l'inscrire à la liste. Nous croyons que cela serait d'autant plus pertinent dans le cas des maladies moins connues comme le syndrome de l'intestin irritable, pour lequel des comités d'experts constitués de gastroentérologues cliniciens particulièrement dédiés aux maladies fonctionnelles devraient être créés. Nous joignons donc notre voix à d'autres groupes qui ont soulevé ces points lors de la commission parlementaire ce printemps, dont la Fédération des médecins spécialistes.

Je demanderais maintenant à M. Larose de terminer notre présentation. M. Larose.

M. Larose (Gilles): Bonjour. Notre association salue la proposition visant un assouplissement du processus administratif relié à la gestion de la liste des médicaments. Cette proposition pourrait, nous croyons, favoriser une meilleure utilisation des médicaments notamment en ce qui a trait aux médicaments d'exception. Nous sommes en effet d'avis que le processus actuel entourant la liste d'exception, qui génère trop de paperasse, constitue un frein à l'accès des patients aux médicaments requis par leur état de santé.

Le projet de politique propose d'assurer une plus grande transparence du processus et des décisions. Nous croyons que cette transparence devrait aller au-delà de l'accès aux recommandations du conseil. Nous estimons que le Conseil du médicament devrait être ouvert à rencontrer les associations de patients ainsi que des médecins cliniciens. Parmi les acteurs concernés par la pharmacothérapie qui ont été identifiés dans le projet de politique du médicament figure le citoyen comme consommateur de médicaments. C'est celui-ci que nous aimerions représenter devant le Conseil du médicament. Nous souhaitons pouvoir parler au nom des patients que nous regroupons afin de faciliter le droit et l'accessibilité au traitement.

Nous partageons la volonté du ministre de conduire la société à une utilisation optimale des médicaments. Nous voulons l'assurer de notre implication à la poursuite de cet objectif par le biais de notre présence active auprès des patients. Nous estimons d'ailleurs que les associations de patients devraient aussi être reconnues, dans la politique du médicament, comme des agents promoteurs de l'utilisation optimale.

Notre association est une des premières sources d'information pour les patients atteints d'une maladie gastro-intestinale fonctionnelle. En effet, les personnes atteintes se tournent vers notre organisme pour obtenir de l'information sur les maladies et leur traitement. Notre association de patients pourrait ainsi devenir, à travers ses différentes activités, un promoteur actif de l'utilisation optimale des médicaments notamment en diffusant les outils de communication créés par le gouvernement.

n (14 h 20) n

Avant de terminer, je voudrais aborder le sujet des IPP. D'abord, nous avons été informés que le gouvernement n'avait pas renouvelé l'entente sur les inhibiteurs de la pompe à protons pour les IPP. Tel que nous l'avons indiqué précédemment, nous sommes entièrement d'accord avec toutes les mesures visant une utilisation optimale des médicaments. Nous recommandons ainsi que la proposition ministérielle visant la conclusion d'ententes de partenariat soit maintenue et appliquée. Ces ententes de partenariat devraient toutefois toujours avoir comme objectif premier le bien-être des patients et non viser uniquement les économies. Au-delà de ces ententes, ce qui nous préoccupe par-dessous tout, c'est l'accès des patients aux médicaments dont ils ont besoin. Nous demandons donc au ministre de maintenir tous les IPP sur la liste régulière, et ce, au bénéfice de tous les patients atteints de maladies gastriques.

Aussi, nous tenons à indiquer que nous sommes en accord avec la décision du ministre de ne pas implanter un système de prix de référence au Québec. Nous croyons qu'un tel système entraînerait forcément une substitution thérapeutique susceptible d'aller à l'encontre du choix thérapeutique du médecin pour son patient.

En conclusion, nous croyons que ce projet de Politique du médicament est une très belle initiative du ministre. Le document reconnaît la grande importance du médicament dans l'ensemble des soins accordés aux patients et son rôle dans l'amélioration de leur qualité de vie et de leur bien-être. Nous sommes persuadés que la nouvelle politique du médicament garantira la viabilité du régime public d'assurance médicaments, et nous assurons le ministre de notre entière collaboration pour l'atteinte des objectifs. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci pour cette présentation à la fois claire et concise. Je donne la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux pour un premier bloc d'interactions.

M. Couillard: Merci, M. le Président, merci, M. Malo, M. Larose et Dr Paré, pour votre visite aujourd'hui. D'abord, merci pour votre mémoire également. Il comporte plusieurs remarques intéressantes et également une bonne dose d'appui pour plusieurs des propositions qui sont dans le projet de politique.

Je dirais d'entrée de jeu que ? et je reprends un peu vos commentaires initiaux ? on ne peut pas faire de lien entre l'inscription ou non d'un médicament à la liste du régime et la reconnaissance de l'importance d'une maladie. Ce n'est pas parce qu'un médicament est inscrit ou non à une liste de médicaments qu'on reconnaît que la maladie est plus ou moins importante. C'est un critère qui n'entre pas en jeu du tout. Les critères du Conseil du médicament vous sont connus et ils vont être complétés. Vous savez qu'il y avait quatre critères, depuis le début de la Loi sur l'assurance médicaments, dont seulement un et demi sont appliqués jusqu'à maintenant, et on va les étendre maintenant pour l'utilisation des quatre critères, dont l'impact sur la société, ce qui permet d'augmenter un peu les impacts de qualité de vie, par exemple, comme ceux dont vous parlez.

La consultation externe, elle est faite par le Conseil du médicament. C'est toujours une surprise quand j'indique aux gens le nombre d'experts externes qui sont consultés, mais il faut être un peu prudent, puis je veux vous faire la même remarque que j'ai faite à la Fédération des médecins spécialistes qui sont venus nous voir ici. Et bien sûr on veut entendre le point de vue des cliniciens, mais il faut réaliser que le fait d'être un médecin, même un spécialiste ? et je l'ai été moi-même ? n'est pas une garantie d'expertise en pharmacologie ou en pharmaco-économie ou en pharmaceutique sur le plan général. Il faut être très prudent. La médecine, c'est une science et un art à la fois, puis les décisions de prescription ne sont pas toujours aussi rationnelles qu'on le croit, malheureusement, en général.

On est d'accord pour faire les partenariats. Vous avez fait mention de l'entente sur les IPP. Il n'y a pas eu que des points de réussite, il y a eu des petits ratés, dans cette entente-là, et on veut faire d'autres ententes avec l'industrie dans d'autres domaines, y compris dans celui-là. Et le projet de politique d'ailleurs comporte nettement les orientations à ce sujet-là.

Vous parlez d'un point qui m'apparaît bien important pour la population. Vous faites une opposition entre le bien-être des patients, les recherches d'économies et la mission générale du système de santé. Il n'y a pas d'opposition entre les deux, parce que, si on n'a pas... vous voyez, si on n'a pas de critères très stricts et très rigoureux pour l'inscription des médicaments à la liste, le système va s'écrouler sous son propre poids et on va mettre en danger l'accessibilité pour tous les patients à tous les médicaments. Alors, comme on dit en général, si on veut continuer à avoir accès aux médicaments, il faut absolument conserver cette approche rigoureuse qu'on a eue jusqu'à maintenant, et le rôle du Conseil du médicament est essentiel à ce sujet-là.

Par exemple, il y a un médicament, dans le cas de la maladie qui vous occupe, la maladie du côlon irritable, qui est le Zelnorm, qui est un médicament qui est actuellement payé d'après la règle du médicament d'exception. Il y a des prescriptions actuellement qui sont défrayées par la Régie d'assurance maladie du Québec en utilisant la règle du patient d'exception. Donc, le médecin a encore la latitude d'utiliser cette justification-là pour prescrire ce médicament dans le cadre d'un jugement individuel de la situation de ce patient en particulier, parce que les jugements ou les décisions du Conseil du médicament sont des décisions générales, mais il y a toujours une place, avec ce règlement du patient d'exception, pour des considérations plus particulières ou plus individuelles.

J'ai été intéressé par votre offre de participation également à l'utilisation optimale. Comment est-ce que vous voyez le rôle d'une association comme la vôtre dans justement le rehaussement ou le maintien de l'utilisation optimale des médicaments?

M. Malo (Paul-André): Bien, écoutez, nous, déjà, on est en contact avec les patients qui nous appellent parce qu'ils sont perdus un peu avec leur maladie après avoir eu un diagnostic. Alors, on est presque en première ligne, après le gastroentérologue, pour expliquer au patient qu'est-ce que c'est au juste, sa maladie, puis comment la traiter. Il y a certains gastroentérologues, comme le Dr Paré, qui sont plus dédiés aux maladies fonctionnelles, qui prennent un peu de temps avec le patient puis lui expliquer tout ça; mettons qu'il y en a d'autres qui ont moins le temps d'expliquer tout ça. Alors, c'est nous qui faisons cette éducation populaire là, si vous voulez.

Alors, on organise des conférences, on a des bénévoles au téléphone, on a un journal trimestriel d'ailleurs que tous les députés et tous les ministres reçoivent trimestriellement depuis un an et demi, et nos canaux de communication sont déjà en place. Alors, pour nous, s'intégrer dans un mouvement d'utilisation optimale du médicament à travers des instruments développés par le ministère, et tout ça, pour nous, c'est extrêmement facile. Les canaux existent déjà puis on a le contact avec les patients, les patients communiquent avec nous. On a une diététiste au téléphone régulièrement, bénévole et tout. Donc, on a tout ce qu'il faut pour... on a tout ce qu'il faut pour collaborer à ce projet-là.

D'ailleurs, nous-mêmes, on ne préconise pas... l'association ne préconise pas l'utilisation de médicaments. Le cheminement que le Dr Paré décrivait tantôt, c'est exactement celui qu'on suit. La personne qui appelle, on commence à lui parler de son stress, puis on commence à lui parler de sa diète, et ensuite on lui parle de médicaments, mais on n'est pas là pour donner des conseils... des conseils médicaux. Alors, on fait des recommandations, de parler à son médecin de telle, telle, telle et telle chose. Et je pense que le cheminement que le Dr Paré a décrit, c'est celui qui est utilisé par plusieurs médecins en termes de traitement.

Anyway, on a le contact avec le patient, ce qui nous permet de jouer un rôle. En tout cas, on croit qu'on peut jouer un rôle dans cet élément-là de la politique de santé... de la politique du médicament, pardon.

M. Couillard: Et vous appuyez la création d'un service de type Info-Médicaments, je vois dans votre...

M. Malo (Paul-André): Absolument, absolument.

M. Couillard: Vous pensez que ce serait utile?

M. Malo (Paul-André): Absolument. D'ailleurs, je me permets de faire une parenthèse, et puis vous m'apprenez que Zelnorm est remboursé à titre de patients d'exception, je ne le savais pas. La façon dont vous le dites, je prends pour acquis que c'est quelque chose qui est implanté puis qui va continuer, autrement dit. Je comprends qu'un patient d'exception ça demande au médecin certaines justifications, là, mais je comprends que ça va se continuer. On peut dire à un patient: Demande à ton médecin qu'il te prescrive Zelnorm comme patient d'exception.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. le ministre.

M. Couillard: Il faut ? merci, M. le Président ? il faut rappeler que le patient d'exception, c'est un patient d'exception, hein? Il y a 35 ordonnances qui ont été remplies et financées, depuis janvier 2005, donc il y a des patients qui actuellement reçoivent le médicament, financé par la RAMQ, mais d'après les règles du règlement sur les médicaments d'exception, qui sont des règles qui font en sorte que le patient d'exception demeure un patient d'exception. Sinon, c'est très facile à contourner, tout le monde devient un patient exceptionnel, hein? On se sent tous un peu exceptionnels, à juste titre, mais on l'est tous également.

M. Malo (Paul-André): Non, je comprends.

M. Couillard: Mais il faut que le patient d'exception demeure une circonstance exceptionnelle, je pense. En tout cas, c'est important comme message également.

M. Malo (Paul-André): Oui, je comprends, M. le ministre. J'aimerais aussi peut-être ajouter quelque chose. Tantôt, vous avez amené la valeur thérapeutique, en lien avec ? en tout cas, ma compréhension, peut-être que c'est ma déformation d'ancien banquier, là ? mais vous avez amené la valeur thérapeutique avec la notion de coût.

n (14 h 30) n

M. Couillard: Je vais clarifier ce que j'ai dit, c'est qu'il ne faut pas les mettre en opposition. Le premier critère, c'est la valeur thérapeutique, et d'ailleurs c'est ce que le projet de politique dit. Mais souvent les gens disent: Bien, il ne devrait pas être question du tout de l'aspect économique ou pas être du tout question de l'aspect de l'utilisation optimale dans l'évaluation des médicaments. Et là, moi, je serais en désaccord avec ça, parce que, oui, la valeur thérapeutique, c'est le premier critère. C'est comme ce qui ouvre la porte ou qui ferme la porte. Une fois que la porte est ouverte, bien là on regarde les autres impacts du médicament, mais le premier geste, c'est de démontrer la valeur thérapeutique. Mais, si on en vient à considérer comme inopportun ou inutile ou, même, à la rigueur, un peu méprisable de s'occuper de l'impact économique des médicaments, on va démolir notre système d'assurance médicaments, puis là il n'y aura plus d'accès pour aucun médicament. Alors, c'est ça, là.

Alors, il faut accepter que ça fait partie du paysage, mais ce n'est pas le premier critère. Le premier critère, c'est la valeur thérapeutique, proprement démontrée par les études que vous connaissez, là, les études de bon niveau, qui sont sanctionnées par les experts du Conseil du médicament et des experts externes qui sont consultés ? il y en a plusieurs qui sont consultés de façon rapide. Ce n'est pas facile de trouver des gens, non plus, qui sont prêts à donner le temps ? le docteur probablement en sait quelque chose ? des gens qui sont prêts à donner, en plus de leur pratique, du temps pour faire ces études et participer aux travaux du Conseil du médicament. Mais, heureusement, on a accès à plusieurs médecins spécialistes du Québec là-dessus.

M. Malo (Paul-André): O.K. M. le Président, j'aimerais répondre à M. le ministre de la Santé que je vous encourage à utiliser des gastroentérologues dédiés aux maladies fonctionnelles de manière... même si on a... je vois qu'il semble qu'on en utilise déjà, mais je vous encourage à en encourager encore plus. Et, nous, on vise... ou en tout cas on voudrait qu'un comité de gastroentérologues soit formé spécifiquement pour ces maladies-là, parce que c'est évident que la maladie n'est pas facile à circonscrire. Ça, ça fait 20 ans que j'en souffre, moi. Il y a 20 ans, il n'y avait même pas de médicament. Le médecin qui me soignait à ce moment-là m'a dit: Il va falloir que tu attendes l'évolution de la science. Mais là la science a évolué, les médicaments sont là, mais maintenant il faut pouvoir se les procurer. Alors, je le sais que ce n'est pas facile comme détermination de la maladie.

Ça ne doit pas être facile non plus de juger de la valeur thérapeutique de ce que les experts appellent des molécules. Moi, vous savez, les molécules, comme patient, ça me dépasse un peu, mais je pense que des gastroentérologues qui se consacrent... qui ont consacré leur carrière à des maladies fonctionnelles sont, je ne peux pas dire, plus aptes, mais ils sont certainement aptes à aider les autres spécialistes qui font partie du Conseil du médicament, puis je vous encourage à le faire.

M. Couillard: Puis d'ailleurs, M. le Président, dans les conversations qu'on a au ministère, j'ai souvent remarqué qu'une façon d'améliorer ce système, c'est justement donner un peu le rôle d'input à nos cliniciens. On manque parfois un peu... Et on le reconnaît ? c'est pour ça que le projet de politique est là, pour l'améliorer, le système, là ? qu'il faut donner un peu cette coloration de nos cliniciens québécois qui participent au traitement des patients, là, dans tel ou tel domaine. Cependant, là encore, il faut être prudent, c'est... Comme vous dites, vous ne voulez pas qu'ils remplacent les experts du Conseil du médicament, vous voulez qu'ils leur donnent leur point de vue. Et là-dessus je pense qu'on ne peut pas être contre ça, c'est une bonne notion. Parce que, voyez-vous, le problème, M. Malo, c'est le suivant: c'est que, même si vous ameniez aujourd'hui sept, huit, neuf, 10 patients qui disent qu'ils ont pris tel médicament, qu'ils sont mieux après, ce n'est pas une preuve, ce n'est pas une preuve d'efficacité d'un médicament. Et, même si vous avez des médecins qui l'ont prescrit pendant 15, 20 ans qui disent que, dans plusieurs patients, ça a aidé, ce n'est pas une preuve non plus pour une inscription dans les médicaments.

Par contre, ce que ces gens-là, ces gastroentérologues et les associations de patients, peuvent faire, c'est d'amener le conseil, les experts du conseil à donner un angle plus particulier sur certains aspects. Par exemple, le docteur mentionnait la qualité de vie tantôt, bien les amener à reconsidérer l'évaluation d'un médicament sur l'aspect de la qualité de vie, par exemple. Ça, ça peut être, je crois, une amélioration importante du système. Mais il faut être prudent, d'appeler une preuve une preuve et de garder un critère très, très rigoureux, parce que, je vous le répète, si on ne fait pas ça, on va être submergés d'ici quatre, cinq, six ans, puis il n'y en aura plus, d'assurance médicaments, puis il n'y en aura plus, d'accessibilité, pour rien, pour personne, comme avant, hein, il y avait...

C'est une chose que je salue, la création de l'assurance médicaments, quoique... avions-nous les moyens collectivement de nous la payer? C'est une autre question. Mais, sur le plan de la mission, d'intégrer le système de santé et les médicaments, de donner une couverture à 1,2 million de Québécois qui n'en avaient pas, c'était bien, c'est bien de le faire. Mais, si on n'a pas cette approche extrêmement prudente et rigoureuse dans le maintien, là, de la liste, dans l'évaluation des médicaments, il n'y en aura plus, d'accessibilité, pour personne. C'est un peu comme la forêt. Si on coupe toute la forêt, il n'y en aura plus, de jobs, pour personne, dans 20 ans, hein? C'est un peu pareil. Alors, c'est un peu le même raisonnement, il faut être prudent. Puis, moi, je suis ouvert à cette suggestion que vous nous faites d'amener une participation des patients ou des cliniciens du Québec, mais cependant en la gardant au niveau où elle doit se situer, c'est-à-dire que ce n'est pas ça qui va remplacer l'évaluation de la preuve telle que faite actuellement par le Conseil du médicament.

M. Malo (Paul-André): Là, nous, on veut aider, on ne veut pas remplacer... Les patients, on ne veut surtout pas prendre part à la décision. Ce n'est pas notre domaine, ce n'est pas dans notre niveau de connaissance. On veut participer, on voudrait avoir la chance d'expliquer aux experts du Conseil du médicament qu'est-ce qu'on vit comme patients, quand ça fait mal au ventre, à quelle hauteur ça fait mal, ça fait-u vraiment mal ou... Je comprends que la molécule... Le Dr Paré semble dire que... parle de 10 %, 15 % d'avantages thérapeutiques, mais, vous savez, quand ça fait mal, là, 10 %, 15 % d'avantages thérapeutiques, là, tu oublies ça, là. Ça fait mal, puis qu'est-ce que ça prend pour régler mon cas?

M. le Président, ça fait 20 ans que je fais de la diarrhée, moi, sept jours par semaine, 24 heures par jour. Moi, j'achète l'Imodium à la grosse. Écoutez, le comité qui est là, là, qui est... Bien, évidemment, on ne parlera pas de Zelnorm, là, Zelnorm est bon à rien pour la diarrhée. Alors, je n'amène pas mon cas comme exemple. Mais ce que je veux dire, c'est que, moi, je sais ce que c'est. Les autres patients qui vivent un SIID, un syndrome d'intestin irritable avec diarrhée, ils savent qu'est-ce que c'est. Il me semble que les membres du Conseil du médicament auraient avantage à parler du péché avec le pécheur ? façon de s'exprimer, là. Alors, le patient, lui, il sait où ça fait mal, il sait comment ça fait mal, il sait comment c'est achalant, comment c'est compliqué d'utiliser les transports en commun, l'autobus, le métro, quand vous faites de la diarrhée, puis vous ne savez pas quand, ni comment, ni... Alors, écoutez, c'est juste ça qu'on veut faire, c'est juste aider. Mais on veut avoir la possibilité... on voudrait que la possibilité nous soit accordée d'aider le Conseil du médicament.

M. Couillard: ...et puis, là-dessus, je pense, c'est un point que vous présentez qui est utile, mais vous savez également ? et moi également quand je traitais des patients ? quand on est aux prises avec une douleur chronique ou un problème pour lequel il ne semble pas y avoir d'issue ou de réponse, vous le savez très bien, on devient peut-être désespéré dans certains cas mais certainement très angoissé en raison de cette situation-là, et il faut malheureusement dissocier cette réaction normale, humaine qu'on a tous devant un problème de santé de la mission d'un organisme comme le Conseil du médicament, qui doit faire une évaluation pour le bénéfice de l'ensemble des citoyens et bien sûr, parmi ces citoyens, ceux qui ont à consommer le médicament.

Mais, encore une fois, moi, je suis ouvert à ce que les cliniciens du Québec et les associations de patients puissent donner leur point de vue ou aider, comme vous dites, dans ces délibérations-là, tout en conservant bien intact ? et il faut le répéter ? le rôle central du Conseil du médicament dans l'évaluation et la constitution de la liste des médicaments.

M. Malo (Paul-André): Merci beaucoup.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, il y a d'autres membres de l'aile parlementaire qui veulent intervenir? Très bien. Alors, M. Malo, après 20 ans de douleurs chroniques, il y a peut-être quelque chose d'irritable chez vous mais pas votre caractère, en tous les cas. Alors, je cède la parole au député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Ce qui est clair, c'est que vous posez le problème de la transparence et du fonctionnement du Conseil du médicament. Et, de deux choses l'une, on peut se satisfaire du fonctionnement actuel... Moi, bon, je retiens de ce que le ministre a dit, il y avait quatre critères pour l'inscription des médicaments sur la liste, il y en a un seul qui a été finalement plutôt utilisé... un et demi, là, disons, et, jusqu'à ce jour, on veut utiliser plus les autres. Mais, en bout de piste, ce qui est important pour le citoyen payeur de taxes mais qui est aussi le citoyen souffrant, c'est qu'il veut être convaincu que l'organisme gouvernemental ou public qui a la responsabilité justement d'établir un point de vue scientifique, il le fasse en connaissance de cause. Et ce que vous dites, c'est que finalement les gens qui souffrent des problèmes dont vous parlez, qui vous intéressent, qui vous préoccupent n'ont pas cette conviction-là, ont plutôt la conviction que le conseil n'est pas empathique, n'est pas branché sur la réalité souffrante des gens. Et, si je comprends bien, c'est la raison pour laquelle vous dites: Vous devriez avoir plus d'experts cliniciens, donc plus d'experts qui sont en contact quotidien avec cette souffrance-là.

n (14 h 40) n

M. Malo (Paul-André): Effectivement. M. le Président, écoutez, nous, on existe depuis six ans, et tout ce qu'on sait actuellement, c'est que les médicaments qui sont là, ils ne passent pas la valeur thérapeutique. Mais, comme patients, nous, là, le test de la valeur thérapeutique, là, c'est un peu chinois, ça, là, pour... Comment, comme président, moi, je peux expliquer à mes membres en congrès que... Il y a trois médicaments qui existent, là, il y a Dicetel, il y a Modulon puis il y a Zelnorm. Comment ça se fait qu'aucun de ces trois médicaments-là passe le test... passe pas le test de la valeur thérapeutique? À date, c'est juste ça qu'on sait, là.

M. Charbonneau: Quand vous dites ça, est-ce que, puisque vous êtes en contact avec les médecins traitants ? vous en avez un à côté de vous, là ? est-ce que c'est parce que ces médecins-là vous disent que le conseil n'a pas fait son travail correctement et que ces médicaments-là, contrairement à l'opinion qui a été donnée, devraient être? Parce que, de deux choses l'une, ou bien ils devraient l'être et ils ne le sont pas parce que finalement l'évaluation n'a pas été correcte ou bien ils ne le sont pas à juste titre. Mais, dans le fond, vous, vous n'êtes pas les experts, mais j'imagine que vos médecins à qui vous parlez, il y en a une couple qui doivent se plaindre puis qui disent: Écoutez, moi, je serais prêt à vous... Et je pense qu'on a des médicaments, mais ils ne sont pas sur la liste. En bout de piste, vous devez être un peu influencés par les médecins qui vous traitent.

M. Malo (Paul-André): M. le Président, en toute honnêteté, là, je dois dire qu'il n'y a jamais un médecin qui m'a dit que le Conseil du médicament ne faisait pas bien sa job. D'un autre côté, j'ai des gastroentérologues qui me disent que Zelnorm devrait être approuvé pour remboursement, parce qu'eux, comme le Dr Paré, croient que Zelnorm présente un gain thérapeutique. C'est un beau mot, là, en médical, là, mais présente un gain thérapeutique. Alors, là...

M. Charbonneau: Mais comment vos médecins vous expliquent-ils les raisons pour lesquelles eux pensent que ça devrait l'être, puis que le conseil, lui, pense que non? Parce qu'en bout de piste...

M. Malo (Paul-André): M. le Président, là, c'est un exercice auquel je ne me suis pas soumis. Je n'ai pas questionné les gastroentérologues que je connais pour savoir...

M. Charbonneau: Mais votre expert à côté de vous, là, peut-être qu'il aurait une réponse.

M. Malo (Paul-André): Dr Paré.

M. Paré (Pierre): Bien, écoutez, moi, je ne veux sûrement pas faire un peu le procès du Conseil du médicament.

M. Charbonneau: Non, il ne s'agit pas de faire le procès, mais on regarde le projet de politique, on regarde... Vous nous dites aujourd'hui qu'il y a des médicaments qui devraient l'être puis qui ne le sont pas. À un moment donné, il faut regarder pourquoi.

M. Paré (Pierre): Je vous dirais deux aspects. Un, je pense que le rôle des cliniciens experts devrait être privilégié de façon habituelle au Conseil du médicament. Ça, c'est ma perception. Je comprends la position du ministre, qu'on peut être un expert en méthodologie, en pharmacologie. Moi, je fais énormément de recherche clinique. Je n'ai aucune formation là-dedans, mais je suis toujours invité pour siéger sur un comité de direction de recherche parce que j'apporte un élément important: je connais la maladie, je connais les patients, je connais les bonnes questions à poser. Alors, je pense qu'il faut aller plus loin que la méthodologie. Et, sur le comité, il y a sûrement des gens qui ont cette habileté-là aussi. Jamais que je vais penser qu'ils ne l'ont pas; j'en suis convaincu. Sans les connaître personnellement, je connais leur formation. Mais il y a des maladies qui sont plus spécifiques.

Deuxièmement, bien il y a peut-être une culture, aussi, vis-à-vis certaines maladies, ou une présomption. On parlait du syndrome de l'intestin irritable. Je pense que, même dans le monde médical, ça a longtemps été véhiculé comme étant une condition qui était non réelle. Alors, on a fait beaucoup de chemin pour amener la maladie au stage où elle est, avec les connaissances qu'on a acquises, pour démontrer que c'est une condition vraie, avec des anomalies qui sont non perceptibles à moins de faire des tests raffinés. Alors, il y a deux éléments.

M. Charbonneau: En tout cas, ce que je sais, c'est que les fédérations de médecins, entre autres la Fédération des médecins spécialistes, partagent votre point de vue à l'effet qu'il devrait y avoir plus d'experts, de médecins cliniciens, plus d'experts dans l'environnement immédiat, conseil de l'organisme, justement pour... et finalement...

M. Malo (Paul-André): M. le Président, pour répondre à ça, disons que, comme je suis retraité, j'ai du temps à moi un peu, là, je me consacre au bénévolat. Alors, ça donne du temps. Alors, j'ai regardé la présentation du Dr Dugré. Et je ne me souviens pas si c'est le Dr Dugré ou le Dr Hudon qui était à côté de lui, qui a dit très clairement que des experts externes devraient être consultés. À ça, M. le ministre de la Santé a répondu qu'il y en avait eu 78 en 2004, et le Dr Dugré ou Dr Hudon ont ajouté à ça: Ce n'est pas tout de consulter des experts, il faut consulter... Eux, ils prétendaient qu'il fallait consulter les associations de médecins pour s'assurer qu'on a bien le «top-notch», là, le patient qui est à la fine pointe de la maladie. Alors, dans notre cas, mon mémoire comportait déjà ça avant. Alors, le Dr Dugré qui dit la même chose que moi par-dessus, disons que ça me donne un peu l'impression que j'étais dans la bonne direction, là.

Mais là, nous autres, c'est notre maladie, là. Je veux dire, le Dr Dugré, il parlait pour toutes les maladies. Moi, j'applique ça au syndrome puis je dis: L'expertise pointue, bon, c'est-u au niveau de l'association des gastroentérologues du Québec qu'il faut aller la demander? Moi, des gastroentérologues dédiés aux maladies fonctionnelles, j'en connais. Mais je connais des gastroentérologues aussi qui ne veulent rien savoir de ça, qui disent que c'est dans la tête que ça se passe. Alors, ce n'est pas ceux-là qu'il faut que le Conseil du médicament aille consulter. Autrement, on ne s'en va pas nulle part.

Alors, le Dr Dugré, d'une part ? ou en tout cas la fédération; d'une part ? encourageait le ministre à aller vers l'expertise externe et, d'autre part, vers de l'expertise externe pointue. Nous, on est d'accord avec ça à 100 %.

M. Charbonneau: Et, quand vous dites que finalement vous aimeriez que, bon, entre autres, les associations de patients, et notamment la vôtre, soient plus impliquées, c'est parce que... J'imagine que ce que vous voulez dire ? puis vous me corrigerez si je n'ai pas bien compris ? ce que vous voulez dire, c'est que, puisque vous êtes en contact avec les médecins qui sont les médecins cliniciens experts, vous seriez en mesure, d'une certaine façon, de faire en sorte que ce soient les bons médecins qui soient ceux qui soient consultés, c'est-à-dire ceux qui sont reconnus dans le milieu de cette problématique-là de santé comme étant ceux qui... Autrement, pourquoi, là?

M. Malo (Paul-André): Oui, mais, M. le Président, écoutez, j'aimerais ça que l'association soit consultée à savoir quel médecin, quel gastroentérologue on recommanderait pour aller siéger avec les membres du Conseil du médicament. Remarquez qu'on n'est pas une très, très grosse association encore, je ne suis pas convaincu que... En tout cas, j'aimerais être convaincu qu'on constitue un interlocuteur valable pour faire ce travail-là. On n'est quand même pas la ligue de hockey de la caisse de 24 non plus, là, on existe depuis six ans, et puis on a une structure, puis on est organisés.

Mais, d'un autre côté, il faut bien comprendre, M. le président, que ce sont deux choses distinctes pour nous, là. Nous, on veut que le Conseil du médicament accepte de rencontrer les patients pour parler de ce qu'un patient vit avec sa maladie puis essayer d'influencer la fameuse notion de valeur thérapeutique. Et, dans la politique même, on parle d'impact sur la population. Les critères nouveaux qui vont être ajoutés en plus de la valeur thérapeutique: l'impact sur la population, assurer un accès raisonnable du médicament. Alors, nous, comme patients, on pense qu'on pourrait influencer les membres du conseil à partir de ce qu'on ressent nous-mêmes.

La présence de gastroentérologues experts, ça, c'est une autre chose, c'est... Le Conseil du médicament devrait consulter à notre avis des experts gastroentérologues dédiés aux maladies fonctionnelles, mais ça n'a pas besoin de se faire avec nous. Ce n'est pas nous qui allons... on ne veut pas nécessairement jaser de maladie avec des gastroentérologues comme patients, tout ça. Ça pourrait se faire ensemble, ça pourrait se faire séparément, mais ce sont deux opérations distinctes pour nous. D'une part, c'est un malade qui parle puis, d'autre part, c'est un docteur qui parle avec des spécialistes de la molécule, puis là il leur explique... Moi, il me semble, si j'étais là, je dirais: Bien, écoutez, là, dans les livres, c'est écrit comme ça, telle molécule, elle réagit à ça de telle façon. Mais, dans la vraie vie, là, ce n'est pas tout à fait ça, elle réagit, mais elle ne réagit pas assez, puis le gars est obligé de rester chez eux parce qu'il n'est pas capable de travailler. Alors, il me semble que c'est des médecins aussi... des médecins, des docteurs aussi qui sont sur le Conseil du médicament. Alors, entre docteurs, il devrait y avoir moyen d'avoir un échange qui, il me semble, serait profitable pour tout le monde mais surtout pour le patient. Parce que, s'il n'y a pas de patients, il n'y a pas de Conseil du médicament puis il n'y a pas de médicaments, je veux dire, on a réglé le problème. Ce serait... L'euthanasie réglerait un maudit paquet de problèmes, mais là on en a, des malades, puis on est malades puis... Alors...

M. Charbonneau: En fait, vous questionnez le jugement sur la valeur thérapeutique qui est porté. Vous dites: Dans le fond, on sous-estime les impacts positifs de certains médicaments et on a un jugement... ou on a des critères d'évaluation de l'acceptabilité de certains médicaments qui ne tiennent pas compte finalement du degré de soulagement, par exemple, de notre souffrance. Parce que, quand vous parliez, tantôt, d'espérance de vie par rapport à la qualité de vie, tu peux vivre longtemps puis souffrir longtemps, aussi.

n (14 h 50) n

M. Malo (Paul-André): Exactement. Puis je peux vous dire, M. le Président, que, moi, je connais des gens qui... Parce qu'on devient confesseur un peu en faisant du bénévolat, puis tout ça, il y a des gens qui aimeraient mieux avoir une jambe coupée puis être en chaise roulante que d'être pris avec le côlon irritable depuis 10, 15, 20 ou 25 ans. La maladie, ça a l'air bien le fun parce que c'est fonctionnel, il n'y a pas de blessure, il n'y a pas de bobo, même les docteurs n'ont rien à couper, il n'y a rien.

M. Charbonneau: Ça ne paraît pas à l'oeil nu.

M. Malo (Paul-André): Pardon?

M. Charbonneau: Ça ne paraît pas à l'oeil nu.

M. Malo (Paul-André): Ça ne paraît à l'oeil nu, il n'y a pas de morceau à couper, il n'y a rien. Mais, quand même, c'est un maudit... Excusez, là, ce n'est pas un langage parlementaire tellement, mais c'est un problème.

M. Charbonneau: On en a entendu pire ici.

M. Malo (Paul-André): Certainement.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Et le député de Borduas sait de quoi il parle.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau: J'ai eu à interdire certains propos.

M. Malo (Paul-André): Dans l'autre salle, probablement.

M. Charbonneau: Ça va pour moi, M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Alors, est-ce qu'il y a d'autres membres de l'opposition qui... Oui, M. le ministre.

M. Couillard: M. le Président, merci. Un petit point d'éclaircissement. Ça prouve que vous avez été très attentif aux débats de la commission, M. Malo, parce que vous vous souveniez du chiffre de 78. C'est bien. Effectivement, c'est le chiffre que j'avais donné au Dr Dugré. En 2004-2005, le Conseil du médicament a eu recours à 120 experts externes, donc pas des gens de l'appareil, là, du Conseil du médicament. Parmi ces 120, 78 sont des médecins spécialistes du Québec. Mais on veut voir s'il n'y a pas moyen de bonifier cette participation-là, comme je l'expliquais tantôt, de même que celle d'associations de patients, toujours avec la prudence. Et, vous voyez, c'est un peu la tâche ingrate que j'ai comme représentant du gouvernement aujourd'hui, de dire que le niveau de preuve requis pour que les contribuables assument le coût d'un médicament inscrit à la liste doit être absolument rigoureux et bien déterminé, et je pense que c'est comme ça que le Conseil du médicament a été conçu par nos prédécesseurs. On essaie de voir si on peut l'améliorer et le rendre plus sensible à ce que vous nous représentez aujourd'hui, mais on va toujours rester devant ce noyau dur, là, pour la question de la valeur thérapeutique, qui doit être l'objet d'analyse extrêmement rigoureuse non pas seulement de l'espérance de vie, parce que je suis persuadé, sans avoir connaissance des détails des travaux, que, lorsque les médicaments qui touchent votre maladie ont été évalués, ce n'est pas d'espérance de vie dont il a été question ? on sait bien qu'on ne meurt pas de cette maladie-là ? c'est essentiellement de phénomènes comme la douleur, la qualité de vie qu'on essaie d'évaluer, puis vous savez comme moi combien c'est difficile d'évaluer ces questions-là.

Alors, c'est un problème compliqué, puis je suis conscient également que vous comprenez également que c'est un problème compliqué. Ça, ça m'encourage sur la façon dont les interactions, au cours des prochaines années, vont pouvoir se faire entre le Conseil du médicament, les associations comme la vôtre et les cliniciens du Québec.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Bienvenue, messieurs. Vous avez, dans votre mémoire, à quelques reprises insisté sur le fait que vous vous posiez la question que, si on inclut un médicament dans la catégorie des médicaments d'exception, est-ce que ça conduit effectivement à une utilisation optimale de ce médicament-là. Qu'est-ce qui vous amène à soulever ce genre d'interrogation que vous avez? Et est-ce que, pour vous, il y a une définition précise ou... Qu'est-ce que vous entendez, vous... Pas selon le ministère ou selon le Conseil du médicament, mais, pour vous, c'est quoi, l'utilisation optimale d'un médicament?

M. Malo (Paul-André): Je vais répondre à votre question...

Mme Charest (Rimouski): La première puis la deuxième.

M. Malo (Paul-André): Votre première question. Écoutez, M. le Président, écoutez, un médicament, lorsqu'il est sur la liste d'exception, ça, je pense que c'est connu de bien du monde ? moi, je le connais juste depuis le mois de mai, depuis que j'ai 65 ans ? mais ça demande de la paperasse. Il y a des docteurs apparemment qui se font payer pour compléter ces formulaires, qui demandent, je ne sais pas, 25 $, 35 $. Ça demande de la paperasse, ça demande des échanges de correspondance avec le ministère, puis des fois ça finit que le médicament n'est pas approuvé. Bon.

On a fait valoir, on a simplement... On n'a pas fait d'intervention précise là-dessus, on a simplement indiqué: Bien, attention, il y a ça, quand même. Si vous me posez la question: Aimez-vous mieux avoir un médicament sur la liste d'exception que de ne pas l'avoir du tout? Bien, évidemment, je vais vous répondre: On aime mieux l'avoir sur la liste d'exception que de l'avoir comme patient d'exception ou que de ne pas l'avoir du tout. C'est bien évident. Notre remarque dans notre mémoire était à cet effet-là. Malheureusement, votre deuxième question, madame, l'âge, là...

Mme Charest (Rimouski): Ce n'était pas tout à fait ce que je vous demandais. Je vous demandais qu'est-ce qui vous amenait à douter que le fait que ce soit un médicament d'exception, ce n'est pas nécessairement automatique que ça va nous amener à une utilisation optimale de ce médicament.

M. Malo (Paul-André): Justement à cause des... M. le Président, à cause des contraintes rattachées à l'obtention du médicament, les contraintes de paperasse.

Mme Charest (Rimouski): Administratives.

M. Malo (Paul-André): Oui, exact, les contraintes administratives reliées à la prescription. Je ne peux pas avancer ça, mais je ne serais pas surpris que certains médecins, au lieu de prescrire un médicament qui est sur la liste d'exception, vont prescrire deux, trois autres bébelles moins fortes parce qu'ils sont déjà remboursés ou bien donc parce qu'ils sont au comptoir, ils sont sans prescription, au lieu de remplir le formulaire, soumettre ça à Québec, je ne sais pas par quel canal. Heureusement, la politique prévoit une amélioration de cette liste-là, alors tant mieux. Si la mécanique de paperasse administrative autour de la liste d'exception est améliorée, ça va être un bien pour tout le monde. Mais le seul risque qu'on voit, c'est que, comme je vous dis, l'environnement de la gestion d'un médicament sur la liste pourrait potentiellement être susceptible d'une sous-utilisation par les médecins, je pense.

Mme Charest (Rimouski): L'utilisation optimale, ce n'est pas strictement une question administrative et budgétaire, c'est également, aussi une question d'efficience, efficacité versus problèmes à corriger. Alors, je pense que... Vous, vous insistez sur l'aspect administratif, c'est ce que je retiens de votre commentaire. Alors, je vous remercie, monsieur.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Malo, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Malo (Paul-André): Non, je pense que...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Excusez-moi. M. Larose, est-ce que vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Larose (Gilles): Non. Seulement, je voudrais vous remercier de nous avoir accueillis aujourd'hui, ici. Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Ah, c'est les membres de la commission qui vous sont très reconnaissants. Nous vous remercions de votre contribution à nos travaux. Et j'invite la prochaine personne, représentant l'Association pulmonaire du Québec, à prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Si vous permettez, la commission poursuit ses travaux. Nous accueillons avec plaisir M. Louis P. Brisson, qui est directeur général de l'Association pulmonaire du Québec. M. Brisson, vous avez 20 minutes pour nous présenter l'essentiel de votre mémoire, et ensuite suivront des questions et réponses avec les membres de la commission parlementaire. Alors, vous êtes le bienvenu.

Association pulmonaire du Québec (APQ)

M. Brisson (Louis P.): M. le ministre, M. le Président, membres de la commission, je voudrais en premier lieu remercier de l'invitation. De plus, je tiens, M. le ministre, à vous féliciter, vous et vos collègues, pour la Loi modifiant la Loi sur le tabac, que vous avez passée tout récemment. Cette initiative permettra de sauver plusieurs vies au Québec.

n (15 heures) n

Nous sommes très heureux que des groupes représentant les patients soient partie prenante de ce débat, ce qui n'a pas toujours été fait dans le passé. Nous sommes ici non seulement pour représenter les 1,4 million de personnes atteintes de maladies respiratoires, mais aussi leurs familles, amis et collègues de travail, ce qui représente probablement 50 % de la population québécoise. Vous comprendrez que les maladies respiratoires telles que l'asthme, la sarcoïdose, l'apnée du sommeil, la MPOC, maladie pulmonaire obstructive chronique, mieux connue encore sous le nom d'emphysème et bronchite chronique, et toutes les autres maladies respiratoires ont des impacts importants sur le taux d'absentéisme au travail et à l'école, sur le tissu familial ainsi que sur la qualité de vie de ceux et celles qui en souffrent.

L'Association pulmonaire, autrefois connue sous le nom de l'Association antituberculeuse du Québec, ensuite sous le nom de la Société du timbre de Noël, est présente parmi nous depuis 1938. Aujourd'hui, nos champs d'intérêt sont non seulement la tuberculose, mais aussi toute autre maladie respiratoire et la lutte contre le tabagisme et la pollution, qui causent les problèmes de santé que nous subissons aujourd'hui. Je dois ajouter, M. le ministre et membres de la commission, que nous accomplissons notre mission sans aucune ? et je souligne ? sans aucune subvention de votre gouvernement ni du gouvernement canadien. Les dons des Québécois et Québécoises nous permettent d'accomplir notre mission.

Voici quelques statistiques: 1,4 million de personnes souffrent de maladies respiratoires au Québec; 450 Canadiens en meurent à chaque année; 700 000 Québécois en souffrent, dont 300 000 enfants; elles occasionnent à elles seules plus de 760 000 visites médicales, 100 000 visites à l'urgence, 56 000 jours d'hospitalisation, 325 000 journées de travail perdues, 4 000 appels aux services ambulanciers et malheureusement, au Québec, plus de 150 décès; il en coûte 150 millions aux services de santé à chaque année.

L'asthme est une maladie grave que trop de patients et de professionnels de la santé prennent à la légère. Six personnes sur 10 ne maîtrisent pas bien leur asthme, et des études ont démontré qu'avec une bonne compréhension de la maladie on réduirait de 40 % les visites à l'urgence et de 80 % les séjours à l'hôpital. Présentement, nous sommes à mettre de l'avant une chaire en santé respiratoire au CHU, à Sherbrooke, une chaire de 2,5 millions intitulée Immuno-pharmacologie de l'asthme: vers une rémission de la maladie, et ce, encore une fois sans l'aide de nos gouvernements.

À l'association, nous comptons présentement trois infirmières, deux inhalothérapeutes, en plus d'une travailleuse sociale qui viennent en aide aux Québécois et Québécoises qui ont des problèmes respiratoires ou de cessation tabagique. Nous faisons de l'éducation par voie téléphonique, nous sommes présents dans les écoles, nos kiosques d'information sont toujours disponibles lors de la tenue de journées thématiques sur la santé et sommes aussi, M. le ministre et membres de la commission, intervenus à deux reprises à l'Assemblée nationale afin de sensibiliser les fonctionnaires et nos élus à la cause des personnes atteintes de maladies respiratoires.

Régulièrement, l'association, par l'entremise de ses groupes d'entraide, organise des journées d'information et d'éducation un peu partout au Québec. La prochaine se fera à Shawinigan le 1er octobre prochain. Je vous invite donc à y participer.

Nous offrons aujourd'hui aux Québécois et aux Québécoises trois lignes de soutien et d'éducation, dont la ligne Poumon-9, Info-Asthme et Action-Air. Cette dernière nous a permis, cette année, de venir en aide à plus de 2 000 personnes désireuses d'en apprendre davantage sur la maladie, soit la MPOC, et ainsi avoir une meilleure qualité de vie. La ligne Poumoest la première et encore le seul service d'intervention téléphonique au Québec où des professionnels de la santé aident des gens à cesser de fumer. Nous sommes présentement à revoir notre programme d'asthme, un programme de 400 000 $, et soyez assuré, M. le ministre, que votre ministère est sur la liste des commanditaires potentiels.

Nous offrons aussi des bourses de recherche via le Fonds de recherche en santé du Québec et de l'Institut de recherche en santé du Canada, en plus des bourses d'études postdoctorales dans les quatre centres universitaires au Québec.

En 1992, l'Association pulmonaire a mis sur pied le Réseau québécois d'enseignement sur l'asthme, qui est mieux connu aujourd'hui sous le Réseau québécois d'enseignement sur l'asthme et la MPOC, soit le RQAM. La mission de cette association est l'éducation des professionnels de la santé.

Depuis quelques années, nous organisons des groupes d'entraide pour des gens atteints de maladies respiratoires. Nous comptons aujourd'hui plus de 25 groupes et, cet automne, nous ajouterons les groupes du Saguenay?Lac-Saint-Jean à notre liste, probablement cinq nouveaux groupes. Ces groupes se rencontrent habituellement une fois par mois, avec ou sans conférencier, pour apprendre à mieux vivre avec leur maladie. J'ai aujourd'hui avec moi quelques-uns de ces membres de Victoriaville et de Sherbrooke, je les remercie de leur support.

Accès aux médicaments. Vous ne serez sûrement pas surpris, M. le ministre, si j'aborde tout d'abord la question d'une décision de votre ministère qui a été pour nous une décision incompréhensible. En octobre 2004, suite à une recommandation du Conseil du médicament, vous posez un geste historique sans précédent en transférant les thérapies de combinaison pour le traitement de l'asthme sur la liste d'exception. Cette décision a été prise sans consultation avec notre association, qui représente les patients asthmatiques au Québec. De plus, le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, le Dr Dutil, déclarait à L'Actualité médicale, et je cite: «Le transfert des thérapies de combinaison sur la liste d'exception aura pour effet de réduire l'accessibilité à un médicament qui venait en remplacer deux autres qu'on prescrivait habituellement pour l'asthme. Fera-t-on une économie? C'est loin d'être sûr. Là encore, on a l'exemple d'une décision qui a été prise de façon hâtive et sans consultation.» Fin de la citation.

Nous pouvons aujourd'hui affirmer aux membres de la Commission des affaires sociales que le transfert des thérapies de combinaison a entraîné des problèmes de santé chez les personnes souffrant de maladies respiratoires. L'Association des pneumologues de la province de Québec, le Réseau québécois d'enseignement sur l'asthme et la MPOC ainsi que plusieurs omnipraticiens, patients et pneumologues se sont joints à l'Association pulmonaire pour non seulement vous demander, mais surtout de vous implorer à remettre ces médicaments sur la liste régulière. Nous comprenons mal le fait que les médecins n'aient pas le droit de prescrire des médicaments à distance, alors que le gouvernement permet à des pharmaciens de la RAMQ de statuer sur l'autorisation de remboursement des médicaments et, par le fait même, à l'accessibilité à certains médicaments prescrits par le médecin traitant sans avoir accès au patient ni à son dossier médical. Nous espérons que la décision de remettre ces médicaments sur la liste régulière sera prise dans les heures à suivre, M. le ministre.

n (15 h 10) n

Si nous comparons la couverture des médicaments offerts par le régime privé à celle du régime public, nous constatons que les assurés du public paient à peu près les mêmes primes que le privé. Toutefois, malheureusement, les assurés du public bénéficient d'une couverture beaucoup moins généreuse. Or, le régime général d'assurance médicaments a été instauré en 1997 afin précisément d'assurer un accès équitable aux médicaments pour toute la population du Québec sans égard à l'âge, à la maladie ou la situation financière.

Nous voulons aussi profiter de l'occasion qui nous est offerte pour vous sensibiliser sur la question du programme de médicaments d'exception. La façon dont ce programme est conçu nous laisse perplexes à cause de la procédure administrative imposée aux médecins et des délais d'autorisation de remboursement, qui peuvent prendre plusieurs jours, sans oublier l'iniquité que cause le programme de médicaments d'exception. Depuis trois ans, le Conseil du médicament limite de plus en plus l'inscription de nouveaux médicaments sur la liste régulière. Un de ces médicaments pour la MPOC est toujours sur la liste d'exception, même si notre Société de thoracologie Canada l'a inscrit comme médicament de première ligne dans le traitement chronique de la MPOC. Notre sondage nous démontre que peu de gens atteints de cette maladie ont entendu parler de ce médicament justement parce que leurs médecins ne sont pas intéressés à remplir les documents. Les médicaments initialement inscrits à la liste d'exception doivent être transférés sur la liste régulière après un certain temps. Leur transfert sur la liste régulière peut être assujetti à un suivi d'utilisation serré pour s'assurer de leur utilisation optimale dans l'intérêt du patient.

Il y a aussi notre inquiétude quant à l'impact de la publicité directe sur les médicaments. Nos voisins du Sud autorisent cette publicité et nous mettent dans une situation vulnérable. Comme citoyens, nous devons nous opposer fermement à cette publicité, qui peut avoir des conséquences négatives sur la façon dont nous recevons des prescriptions.

À la proposition 18 du projet de politique du médicament. Les membres de la commission conviendront avec nous que le patient joue un rôle déterminant dans le concept de l'utilisation optimale des médicaments et qu'il est responsable de l'observance du traitement qui lui est prescrit. Comment se fait-il qu'au sein de la table de concertation, dont un des mandats est de faciliter la mise en place des actions pour favoriser l'utilisation optimale des médicaments, il n'y ait aucun représentant des groupes de patients qui y siège? Le ministre de la Santé voudrait revoir le mandat et statuer sur la composition de la table de concertation. Nous l'invitons à inclure un représentant des patients au sein de cette table.

À la proposition 20 du projet de politique du médicament. L'information des citoyens sur l'utilisation des médicaments est un moyen important au maintien et à l'amélioration de la santé. Nous saluons l'initiative de recourir aux services d'Info-Santé CLSC afin d'intégrer les renseignements sur les médicaments. Comme nous l'avons déjà mentionné, l'Association pulmonaire du Québec offre plusieurs services téléphoniques sans frais pour répondre aux besoins des citoyens. La ligne Info-Asthme et le programme ActionAir en sont qui informent, entre autres, les patients de toute question concernant leur médication. Le gouvernement, par le biais des partenaires, doit tenir compte des initiatives déjà en place, comme celles d'Info-Asthme, ActionAir et Poumon-9, qui pourraient compléter et appuyer le service Info-Santé CLSC, qui d'ailleurs nous réfère régulièrement des patients. Au lieu de nous demander de cesser d'offrir ces services, vous devriez nous encourager. Nous croyons que la mise sur pied de partenariats entre le gouvernement et les différents acteurs qui sont en lien avec le médicament est la façon la plus appropriée pour améliorer les soins de santé en général et l'utilisation des médicaments en particulier. Ces partenariats permettront aussi d'exercer un impact positif sur le coût de la santé au Québec.

En conclusion, M. le Président, la politique du médicament qui sera adoptée après la consultation générale doit avoir comme objectif premier l'accès équitable aux médicaments et leur utilisation optimale. Un accès restreint aux médicaments, surtout essentiels, entraînerait forcément une utilisation inadéquate et sous-optimale. Nous espérons que la future politique du médicament sera mise en vigueur dans sa totalité et qu'elle ne sera pas mise au rancart, comme plusieurs autres politiques, faute de moyens. Merci, M. le ministre, M. le Président et membres de la commission.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci, M. Brisson, pour la qualité de cette présentation. Vous n'êtes sans doute pas menacé du syndrome de la langue de bois, c'est très clair, et j'ai l'impression que M. le ministre de la Santé et des Services sociaux a quelques réparties de préparées.

M. Couillard: Oui, parce que, moi non plus, je ne suis pas affecté par cette maladie, M. le Président. J'espère que...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mais vous êtes plus à risque.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Couillard: Disons que ça peut devenir une maladie professionnelle pour nous. Sujette à compensation ou pas, il faut voir.

Bien, moi aussi, je vais vous remercier, M. Brisson, de la qualité de votre présentation. C'était très bien, très clair, alors j'ai bien reçu tous vos messages puis je vais centrer... Évidemment, il y a deux, trois autres points plus mineurs sur lesquels je voudrais discuter avec vous si le temps le permet, mais je vais essentiellement centrer mes échanges avec vous sur la question du médicament d'exception. Parce qu'on a bien sûr vécu cet épisode, là, avec l'Advair et le Symbicort, là, et, là-dessus, je vais faire un bref retour pour d'abord parler du Conseil du médicament.

Le Conseil du médicament, on veut l'améliorer. Le député de Borduas en a parlé tantôt, un des buts du présent exercice, c'est d'améliorer le fonctionnement du Conseil du médicament sans cependant toucher à son rôle essentiel d'arbitre. À partir du moment où un gouvernement décide de créer un forum ou un groupe d'experts qui lui fait des recommandations sur un sujet aussi délicat et complexe que la médication ou la pharmacologie, il devient extrêmement risqué, sinon dangereux pour un gouvernement de se mettre à mettre en doute les décisions du conseil selon qu'on a plus ou moins de pression même des groupes de patients ou des médecins. Parce que, le jour où on commence ça, à ce moment-là quelle est la valeur de la recommandation du Conseil du médicament?

Alors, moi, ce que j'ai fait avec le Conseil du médicament, c'est exceptionnellement mettre en doute certaines de leurs recommandations ? et je dis bien exceptionnellement ? ou plutôt leur demander de revenir avec une nouvelle analyse, avec d'autres experts, ce que j'ai fait à l'occasion. Et souvent ils reviennent avec la même conclusion ou légèrement différente. Et ce qu'on cherche ici à faire ? et je pense que le député de Borduas l'a bien résumé tantôt ? ce n'est pas d'abolir le Conseil du médicament ni de retirer de notre société cet outil essentiel de gestion des médicaments, mais c'est de l'améliorer. Alors, comment est-ce qu'on veut l'améliorer? On a parlé tantôt d'un plus grand recours à des médecins cliniciens du Québec. Je pense que, dans le cas qui nous occupe, ça aurait probablement été utile rétrospectivement d'avoir cet éclairage dans l'exercice qui a été fait.

Même chose pour les associations de patients. Votre recommandation pour la table de concertation, bien elle est bienvenue. Moi, je l'ai remarqué déjà à quelques reprises, que ce serait bien d'avoir un représentant soit de la population... Est-ce qu'il faut vraiment que ce soient des groupes de malades ou plutôt de la population en général? C'est une chose sur laquelle on pourrait s'interroger également.

Mais la question également qui nous amène, à partir du Conseil du médicament, à discuter des éléments que vous avez apportés, c'est la question du médicament d'exception. Et là je pense qu'il faut être bien clair ? puis c'est encore une fois une tâche ingrate, M. le Président, un peu pour moi ? mais la modalité de médicament d'exception, elle est là pour rester. Il n'y a pas une seule juridiction nord-américaine ou internationale qui a un programme de médicaments géré par l'État qui n'a pas une disposition de médicaments d'exception. C'est un outil essentiel, non pas un outil essentiel uniquement en termes budgétaires... Et, à ce sujet, je vous ferais remarquer que la question des Advair, Symbicort n'a pas apporté d'économies, il n'y a pas eu d'économies. Pourquoi? Parce qu'on a donné une clause grand-père à presque la totalité des patients qui le recevaient déjà et que de toute façon le nombre de prescriptions n'a pas baissé. C'est quelque chose qui est intéressant à vous souligner en passant.

Mais donc on doit garder cet outil. Mais je ferai remarquer également qu'au Québec on est de loin, au Canada... Puis j'ai des données que je pourrais partager avec les collègues, c'est fort intéressant, on est la province qui, malgré la perception qu'on pourrait avoir aujourd'hui, recourt le moins à l'outil du médicament d'exception. Je vous donne une statistique qui est particulièrement révélatrice. Entre mai 2002 et mai 2005, on mesure le pourcentage de médicaments sur une liste qui ont la pleine autorisation, donc des médicaments sur la liste régulière, et quelle est la province au Canada qui a le plus haut pourcentage? Bien, je vous le donne en mille, c'est le Québec. En fait, c'est la seule province canadienne avec plus de 20 % de médicaments sur sa liste avec autorisation complète. Comme point de comparaison, l'Ontario, c'est 10 %; la Colombie-Britannique, c'est entre 2 % et 5 %.

n (15 h 20) n

Alors, vous voyez que là il y a cette perception qui doit être changée. On entend dire devant nous: Les médicaments ne sont pas assez inscrits; c'est au Québec qu'on en inscrit le plus. Les médicaments ne sont pas inscrits assez rapidement; c'est au Québec qu'on les inscrit le plus rapidement. On utilise trop le médicament d'exception; c'est au Québec qu'on l'utilise le moins. Alors, les faits ont la vie dure, par rapport aux perceptions, et c'est notre rôle de fournir des faits. Je serai heureux de donner ce document aux collègues, de le faire circuler. On pourra donner la référence également pour qu'il soit compatible avec les travaux de la commission. Ce sont des données qui sont fort intéressantes.

Mais là on a parlé tantôt ? puis, là-dessus, là, ce serait intéressant d'avoir votre commentaire ? on a dit: On veut améliorer la table de concertation, on veut améliorer le fonctionnement du Conseil du médicament, notamment en le rendant plus transparent et plus en ligne, si vous voulez, avec la communauté, soit la communauté des cliniciens soit les groupes de patients, mais on peut améliorer également la modalité du médicament d'exception. Alors, ce qu'on propose, vous l'avez vu dans le document de politique, c'est d'une part d'accélérer la mise en ligne des formulaires, au lieu d'avoir des formulaires écrits, que ce soit en ligne. C'est de plus en plus possible de le faire. Pas aussi rapidement que je le souhaiterais, mais ça augmente. On a également une suggestion qui va vous intéresser, c'est la préautorisation d'un groupe de prescripteurs. Par exemple, dans le cas qui nous occupe, si on avait eu ça en place, on aurait pu dire: Les pneumologues du Québec sont d'emblée autorisés à prescrire ce médicament sans utiliser la technique ou la modalité du médicament d'exception. Est-ce que vous accueillez favorablement ces façons d'améliorer la procédure?

M. Brisson (Louis P.): Si on retourne un peu en arrière puis on dit «médicament d'exception», il faut penser que Symbicort et Advair étaient sur le formulaire régulier. Alors, cette décision-là qui a été de reculer en arrière a coûté beaucoup. Non seulement c'était équitable... enfin de coût, au Conseil du médicament ou à la RAMQ, mais dans les coûts de santé aux Québécois et les coûts aussi sur la vie sociale et la qualité de vie des gens, a été un impact incroyable. À notre association, on a eu plein de téléphones à ce sujet-là. Oui. Est-ce que je dirais non, s'il y a des médecins qui sont préautorisés à accepter... à pouvoir prescrire ces médicaments-là?

On ne peut pas être contre la vertu, mais par contre tous les autres 7 000, 8 000 omnipraticiens, qui traitent à 80 % l'asthme au Québec, on est encore dans la même position. On a changé la formule écrite pour une formule en ligne. Est-ce que ça va aider? Est-ce que ça va être plus rapide? C'est à voir. Vous aviez dit, il y a quelques années passées, que la RAMQ serait là pour prendre une décision, là, dans les heures après la décision d'une prescription, et, quand, nous, à l'association, on a téléphoné à la RAMQ, on s'est fait dire: C'est le même système pour tout le monde, on n'a pas des effectifs plus intéressants ou plus... on n'a pas plus d'effectif en asthme que pour les autres maladies respiratoires.

Je pense qu'un médicament qui est à l'exception, genre Symbicort et Advair, et Spiriva pour le MPOC, doit avoir un temps prescrit pour être sur le médicament d'exception, pour donner l'occasion au médecin traitant de s'habituer à faire une prescription en bonne et due forme pour son patient et non prescrire un nouveau médicament parce qu'il est nouveau. Mais, après un an, deux ans sur le formulaire d'exception, j'ose croire que les médecins du Québec puissent prescrire ces médicaments-là d'une façon optimale pour leurs patients. Et j'ose croire que, quand je vais voir un médecin, que je ne suis pas là pour décider si c'est un médecin qui va me traiter d'une bonne façon ou d'une façon ? non, je crois que les médecins du Québec sont de très haute qualité ? et qu'il puisse, j'espère, hein, me traiter d'une façon optimale.

M. Couillard: Bien, écoutez, je le souhaite aussi. Puis on a effectivement une profession médicale de très haute qualité au Québec, mais elle n'est pas différente d'ailleurs. Puis les études montrent que, dans le geste de la prescription, le processus est beaucoup moins rationnel et informé qu'on pense et que malheureusement, c'est prouvé dans plusieurs recherches, les pressions de marketing, les représentations des industriels, des compagnies pharmaceutiques ont un rôle important dans la décision de prescription. Dans un monde idéal, ce serait une décision purement rationnelle et scientifique. Dans le monde réel, humain dans lequel on est, malheureusement ce n'est pas toujours le cas.

Et, si je reviens en arrière encore une fois, parce que c'est une discussion intéressante qu'on a là sur l'histoire de ces pompes-là, je vous dirais que, si vous voulez faire modifier la décision et revenir au statu quo ante, ce n'est pas moi qu'il faut convaincre, c'est le Conseil du médicament. Alors, vous avez dit ? ça m'a beaucoup intéressé ? vous avez dit: On a documenté des effets négatifs sur la santé, des problèmes pour les patients. On ne veut pas ça, nous autres. Personne, ici, ne veut créer de problèmes pour les patients, là. Alors, documentez-le, puis présentez-le au Conseil du médicament, et on va le regarder. Mais il faut le documenter. Parce que, nous, on n'a pas documenté aucune baisse de prescriptions, en passant, d'Advair et de Symbicort depuis octobre 2003, il n'y a pas moins de prescriptions. Il y a une augmentation des deux autres, et ça me ramène maintenant à la raison pour laquelle le Conseil du médicament a fait cette recommandation. Puis là, moi, je ne suis pas un pneumologue, hein? J'ai dit tantôt: Ce n'est pas le fait d'être un médecin qui nous rend miraculeusement expert en n'importe quoi. Alors, pas plus...

M. Charbonneau: Ça me rassure.

M. Couillard: Oui? Bien, c'est important. Parce que c'est un petit problème qu'on a également dans la communauté clinique québécoise, parce qu'on est clinicien en quelque chose, on devient expert en toutes les affaires qui concernent cette chose-là. Bien, la pharmacologie, puis la pharmacocinétique, puis la pharmacoéconomie, c'est compliqué. Puis, quand on est clinicien, on est compétent dans beaucoup de choses mais pas nécessairement là-dedans. On peut l'être, et tant mieux si on l'est en même temps.

Alors, ce que les experts du Conseil du médicament ont présenté, je dirais, comme rationnel... Ce n'est pas une décision qui a été tirée d'un chapeau, c'est des gens compétents qui sont là, qui ont des compétences professionnelles. Ils ont fait une étude d'utilisation optimale pour déterminer qu'avant d'utiliser la combinaison des deux médicaments il fallait que le patient ait d'abord eu une tentative de traitement avec un des deux composés avant d'avoir le médicament combiné. Sauf qu'en pratique l'analyse des prescriptions a montré que le pourcentage d'utilisation initiale du médicament combiné était beaucoup, beaucoup plus élevé qu'il ne devrait l'être. Donc, en pratique, il y a des patients qui, dès la première visite pour leur asthme, se voyaient prescrire le médicament combiné. Peut-être que dans certains cas c'est une bonne chose, je ne le sais pas, je ne suis pas pneumologue. Je vous explique comment les experts du Conseil du médicament ont...

Je vais juste terminer, puis vous allez pouvoir répondre après. Alors, il faut que vous alliez sur le même terrain. Moi, si le Conseil du médicament arrive puis me dit: Écoutez, après analyse, on pense qu'il serait préférable pour le bien de la population puis du système de santé de remettre les médicaments sur la liste régulière, bien ça va me faire plaisir de le faire. Mais il faut que leur recommandation soit faite sur la même base que la recommandation initiale a été faite. Donc, il faut que vous leur démontriez que l'utilisation optimale est garantie, même si on assure ce retour-là, et qu'on n'entraîne pas, là, un encouragement à la mauvaise utilisation des médicaments. Il faut que vous soyez exactement sur le même terrain. C'est dur, mais c'est la façon de procéder. Et je pense que, là-dessus, rétrospectivement, pour cette décision-là qui est maintenant faite, on peut la réévaluer dans les circonstances que je viens de vous expliquer, mais il s'agit également de regarder vers l'avenir les prochaines décisions, les prochaines évaluations du Conseil du médicament. Moi, ce que je vous dis, c'est qu'on est là pour essayer d'améliorer le fonctionnement, de le rendre plus transparent, plus efficace, plus en ligne également avec la population puis les cliniciens du Québec. Moi, je suis très ouvert à ça, dans les limites que j'ai indiquées tantôt aux personnes qui vous ont précédé.

Alors, voyez-vous, là-dessus, là, on est ici pour améliorer les choses. On réalise que tout n'est pas parfait. Sinon, on n'aurait pas de Parlement, on n'aurait pas de gouvernement, tout irait très bien, hein?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Ça, c'est sûr.

M. Couillard: Mais, stupéfaction!, nous sommes dans une société imparfaite, alors qu'on essaie d'améliorer. Vous, vous êtes ici pour ça aussi, pour améliorer la société. Alors, voyez-vous comment, moi, je vois ça, là? La décision qui a été prise, elle peut être réévaluée sur les bases sur lesquelles elle a été prise et non pas sur les bases de pressions ou d'impressions. Et les prochaines décisions du conseil sur l'utilisation de la règle d'exception, qui va demeurer, il faut probablement qu'elles soient rendues plus souples, plus transparentes et plus faciles d'application.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Brisson.

M. Brisson (Louis P.): Vous conviendrez avec moi, M. le ministre, que les médicaments Symbicort et Advair étaient prescrits d'une façon... en première instance chez les gens asthmatiques, et je ne suis pas médecin, je ne suis pas pneumologue, je suis un simple directeur d'association, que... Oui, vous aviez raison de dire que ces médicaments-là étaient prescrits d'une façon peut-être... Vous avez eu une expression: On tue une mouche avec une bombe atomique, je crois, quand vous avez parlé de ce médicament-là, au début. Même, je pense que la décision, c'était la même chose, on a pris une décision pour tuer une mouche avec une bombe atomique en reculant, en remettant ces médicaments-là sur le formulaire. Ça a été plus facile de les enlever de sur le formulaire que de les remettre. C'est ça qui est la difficulté dans le moment.

Parce que, si on se souvient, à l'occasion, vous n'aviez pas le support des pneumologues de la province de Québec, et les gens qui avaient fait les recommandations au Conseil du médicament n'étaient pas du tout d'accord avec la décision du Conseil du médicament, et il y en a certains qui se sont désistés du rapport. J'espère que dans le futur, quand on va faire une présentation conjointe, probablement avec la RQAM, avec l'Association des pneumologues et les gens de notre chaire en santé respiratoire à Sherbrooke, on puisse avoir un dialogue avec le Conseil du médicament pour en arriver à une conclusion de cette problématique-là qui nous hante encore aujourd'hui.

M. Couillard: Donc, vous êtes bienvenus, puis je vous encourage à faire cette présentation-là. Mais, encore une fois, sur la même base que... il faut que vous repreniez les arguments qui ont mené à la décision du conseil et que vous démontriez, un, que ses arguments étaient non fondés, s'ils l'étaient, et, deux, que la décision a eu effectivement, comme vous semblez le dire, des effets négatifs sur les patients. Je ne le mets pas en doute, mais il faut que vous le montriez, il faut que vous expliquiez c'est quoi, ces effets-là. Parce que, sur le plan financier, il n'y a pas eu de gains, là, sur le plan économique, c'est équivalent à ce qui était auparavant la situation.

n (15 h 30) n

Toujours dans le même domaine, on va aller sur deux ou trois petits points. Votre conversation est intéressante, puis on en prend parti. Moi, je ne comprends pas pourquoi on devrait automatiquement retransférer un médicament d'exception à la liste régulière. Peut-être que j'ai mal compris votre recommandation. Ce que vous sembliez dire, c'est qu'au bout d'un certain temps automatiquement le médicament d'exception revient sur la liste régulière. J'ai de la difficulté à comprendre la raison de cette proposition-là.

M. Brisson (Louis P.): Un nouveau médicament qui arrive sur le marché québécois, c'est un nouveau médicament, et je crois qu'il doit avoir une période de probation pour que les compagnies pharmaceutiques puissent le présenter d'une façon adéquate aux médecins, pour que les médecins puissent avoir le temps de comprendre l'effet de ces médicaments-là sur leurs patients. Alors, un nouveau médicament accepté par Santé Canada devrait être au formulaire d'exception pour une probation, et, une fois qu'on voit que les médecins comprennent le pourquoi de ce nouveau médicament-là, on peut ensuite le transférer à la liste régulière.

Je ne parle pas des médicaments d'exception. Je n'ai pas de médicaments en... Un nouveau médicament qui vient d'être accepté par Santé Canada, qui est Xolair, pour l'asthme allergique, parce que c'est un médicament très dispendieux qui va répondre aux besoins de peut-être 250 Québécois, alors je pense que ce médicament-là devrait être mis sur la liste d'exception et demeurer sur la liste d'exception, parce que c'est vraiment une exception, ce médicament-là. Mais, dans des médicaments comme Spiriva, qui est en première ligne, ils devraient être là pour une période prédéterminée, peut-être d'un an, et ensuite transférés. C'est le gros de ce que je demande.

M. Couillard: Par contre, si la raison pour laquelle le médicament est sur la liste d'exception, c'est qu'il doit absolument être utilisé en deuxième ligne, il n'y a pas de raison de le remettre sur la liste régulière. Puis, il y a des médicaments nouveaux qui arrivent puis sont directement sur la liste régulière également.

M. Brisson (Louis P.): Oui. Ça, je...

M. Couillard: Mais ce que vous soulevez, c'est également un point important, c'est le suivi du médicament une fois son inscription faite, et ça, je pense qu'il y a beaucoup de juridictions partout dans le monde ? et l'histoire du Vioxx est un exemple tout à fait éclairant là-dessus ? qui insistent sur l'importance du suivi après l'inscription, en termes d'utilisation, en termes d'effets secondaires, et là-dessus je pense que votre remarque est bonne.

Donc, écoutez, je pense que j'ai terminé, en ce qui me concerne. On pourra vous donner également à vous, si vous le désirez, la copie sur les pourcentages des médicaments d'exception, ça va vous intéresser grandement. Je vous remercie de votre présence aujourd'hui puis je vous invite à représenter votre dossier au Conseil du médicament, si vous le désirez, sur la question de l'asthme, mais surtout, encore une fois, pas au ministre, au Conseil du médicament.

M. Brisson (Louis P.): Au Conseil du médicament.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je cède la parole au député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. J'ai noté que... Bon, le ministre a indiqué que finalement... C'est un aveu intéressant, vous dites que finalement les prescriptions ne sont pas toujours très rationnelles. Sauf qu'on se retrouve aussi devant une autre dynamique, c'est qu'à partir du moment où on invite des gens comme vous à retourner devant une instance qui a déjà statué ? on voit ça dans plusieurs instances ? les citoyens sont toujours mal à l'aise, et on n'a pas toujours la conviction qu'on va être traité au mérite quand, devant la même instance, on se retrouve à finalement faire une espèce d'appel d'une décision. Parce que, la nature humaine étant ce qu'elle est, puisque la rationalité n'est pas toujours au rendez-vous, la nature humaine, elle, est toujours au rendez-vous, puis la nature humaine fait en sorte que souvent on défend ses propres décisions puis qu'on a bien de la misère à reconnaître qu'on s'est trompé ou qu'on a mal évalué. Et, dans ce contexte-là, quand je prends l'exemple que vous nous donnez, vous dites: Il y a eu même des experts... Si j'ai bien compris, il y a eu des experts qui avaient été consultés, dont on n'a pas tenu compte de l'avis, et on a émis un avis qui a amené, bon, le retrait du médicament dont on parle. Alors là, vous vous imaginez, là on vous invite à aller devant le même conseil qui n'a pas tenu compte des avis de certains de ces experts. J'imagine que vous allez être sceptiques un peu.

Devant cette situation-là, comment le conseil devrait être organisé ou amélioré? Quel type de mécanisme pourrait vous garantir que, si vous faites l'exercice que propose le ministre, c'est-à-dire de retourner devant le conseil avec peut-être des nouveaux éléments d'information, vous allez avoir la conviction que vous allez être traités au mérite et qu'on va avoir pris en bonne considération, cette fois-là, des éléments qui dans le premier cas n'ont pas été pris en considération, alors que ce n'étaient pas des... On parle d'experts, on parle de gens qui avaient une connaissance, et qui n'étaient pas d'accord, et qui ont même osé démissionner ou quitter à ce moment-là en signe de protestation, là.

M. Brisson (Louis P.): En premier lieu, les gens qui étaient sur les premières interventions pour mesurer Symbicort et Advair, c'étaient des pneumologues dont je connais très bien, et la recommandation du Conseil du médicament d'enlever les médicaments sur le formulaire régulier, les gens n'étaient pas d'accord. Ceux qui ont fait les recommandations sur le médicament, ils n'étaient pas d'accord avec la décision de les enlever. Oui, il y avait un problème de surprescription ou de prescriptions inadéquates, hein, mais la conclusion de ça, ce n'était pas d'enlever les médicaments sur le formulaire régulier mais plutôt de faire de l'éducation des professionnels de la santé et des patients pour en connaître plus sur ça. La décision du Conseil du médicament a été prise, je crois, uni... uni...

Une voix: Unilatéralement.

M. Brisson (Louis P.): ...unilatéralement.

M. Charbonneau: Voilà!

M. Brisson (Louis P.): Et ce, sans consultation et sans débat là-dessus. Alors, ça a été pris... d'après ce que j'ai pu voir. Oui, il y a des gens qui se sont... un des médecins qui s'est désisté du rapport qui a été fait sur les médicaments.

M. Charbonneau: Ce que je veux dire, c'est que, bon, une fois qu'on sait ça, là ? puis je suis d'accord avec le ministre ? je veux dire, c'est évident que ce n'est pas à l'instance politique, dans une société comme la nôtre, je veux dire, de prendre la décision. Il faut qu'il y ait un mécanisme neutre et scientifique qui prenne cette décision-là. Mais le mécanisme, même dans ce domaine-là, il n'est pas parfait, c'est des humains. Et si, dans le cas dont vous nous parlez, on n'a pas tenu compte de certains avis dont on aurait dû tenir compte, c'est évident que des gens vont protéger leurs décisions. Ça, c'est un réflexe. C'est rare, ça arrive. Mais il y a bien du monde qui finalement ont bien de la misère à accepter qu'ils se sont trompés et que revenir sur leur décision, c'est un aveu qui est souvent inacceptable.

Alors, quel serait le mécanisme pour consolider ou renforcer le processus qui permettrait à la fois à n'importe quel gouvernement, ou à n'importe quel ministre qui se retrouve en situation de recevoir un avis, ou aux citoyens en général, ou aux députés qui reçoivent des représentations dans leurs bureaux de se dire: Bon, bien, finalement, on a un mécanisme qui nous garantit qu'on a reconsidéré de façon adéquate une décision et que, si la décision est maintenue ou renversée, bon, bien, là, à ce moment-là, on a une garantie, en tout cas on a... il n'y a rien de parfait, mais on a quelque chose qui nous permet d'accepter plus facilement la décision parce qu'il y a un mécanisme qui donne une garantie supplémentaire à l'égard de la crédibilité. Parce qu'en bout de piste c'est le problème de la crédibilité du conseil qu'on peut poser, là. Et on n'a pas intérêt à avoir un conseil qui n'a pas de crédibilité ou dont la crédibilité est souvent mise en cause.

M. Brisson (Louis P.): Il y a trois ans passés, l'Association pulmonaire ne connaissait pas tous les enjeux de la politique au Québec, ou de la Politique du médicament, ou ces choses-là. On se fiait sur... On avait un accès aux médicaments. On fonctionnait dans une association où on aidait les gens un à un avec notre ligne Poumon-9, Info-Asthme et ces choses-là. Il y a trois ans... ou deux ans et demi... En 2004, octobre 2004, quand on est arrivé avec ce phénomène-là, on a réalisé que, pour faire les changements au Québec en santé respiratoire, on devrait être vus en public, et c'est le début où on a commencé à comprendre c'est quoi, le Conseil du médicament, c'est quoi, la RAMQ, c'est quoi, le Conseil des ministres, c'est quoi, le gouvernement. On n'était pas politisés du tout, on l'est plus aujourd'hui.

Comment on fait pour avoir accès au Conseil du médicament aujourd'hui? Je ne le sais pas. Je vous promets que, demain, je vais le savoir, par contre. Je vous promets que je vais trouver les partenaires nécessaires, comme l'Association des pneumologues et les omnipraticiens du Québec, pour endosser la cause des maladies respiratoires au Québec. Mais, pour une association qui est de bénévoles et de gens qui travaillent avec les patients, tout à coup, du jour au lendemain, de mieux reconnaître tous ces enjeux-là, ça prend du temps.

n (15 h 40) n

M. Charbonneau: Écoutez, moi, je pourrais être... Moi, j'ai un problème d'apnée du sommeil. À la limite, je pourrais être un bénévole, en tout cas un supporteur de votre association, je pourrais être un membre de votre association, puis là tout à coup mon association se fait dire non, puis en plus il y a des médecins qui prennent parti pour l'association. Bon, moi, je suis ministre tout à coup, là, qu'est-ce que c'est que je fais, là, avec ça, là? Le conseil dit non, mais dans le fond des experts médicaux disent que c'est une mauvaise décision que le conseil a prise. Le ministre, lui, ne peut pas prendre la décision à la place du conseil. C'est ça, le mécanisme qu'on a au plan législatif.

Qu'est-ce que c'est qu'on fait? C'est pour ça que je posais la question. Est-ce que vous seriez plus à l'aise, est-ce que ce serait possible, on ne le sait pas, mais éventuellement soit d'avoir un mécanisme d'appel ou d'avoir une obligation, dans certains cas, d'avoir une opinion scientifique d'expert clinicien avec laquelle le conseil doit vivre? Tu sais, par exemple, si, dans ce cas-là, on n'a pas tenu compte de l'avis des experts, qui a pris la décision? Est-ce que ceux qui ont pris la décision finale étaient qualifiés et avaient le même niveau de qualification que ceux qui se sont opposés à la décision?

M. Brisson (Louis P.): J'ose croire que le jour ne viendra pas, au Québec, où on met notre doigt dans un ordinateur pour que l'ordinateur nous dise quel médicament qu'on a besoin puis quel est accessible ou non. Et le Conseil du médicament, d'après moi ? ce que je comprends dans le moment ? s'est basé sur des critères scientifiques prédéterminés, où on coche oui ou non, oui ou non, oui ou non. Alors, c'est une décision, dans ma tête, qui est une décision d'ordinateur, et sans âme, et sans coeur, hein? Probablement, il faut que ce soit comme ça pour qu'on puisse, M. le ministre disait tantôt, pour qu'on puisse avoir des médicaments au Québec et pas, pour une journée, couper tous les arbres, puis il ne nous en reste plus, de médicaments, au Québec. Alors, il faut comprendre ça aussi.

Mais c'est difficile pour une personne comme moi, qui est une personne de tous les jours qui doit faire affaire avec un conseil du médicament, quand je ne comprends pas les critères de ça et que, si j'amène avec moi l'Association des pneumologues et ils font des recommandations, on se base sur quoi, sur le traitement ou... C'est difficile pour nous. J'espère que vous allez écouter le Réseau québécois d'enseignement sur l'asthme qui va venir présenter, je pense, dans les jours à venir, qui ont plus un sens scientifique que l'Association pulmonaire. On est là pour les patients, alors on connaît le problème des patients, mais c'est plus facile pour le Réseau québécois d'enseignement sur l'asthme ou l'Association des pneumologues ou des omnipraticiens.

M. Charbonneau: Mon collègue de l'ADQ avait une question, puis je sais que le président voulait poser une question, puisque, dans la réforme que j'ai pilotée quand j'étais le président de l'Assemblée, les présidents des commissions peuvent intervenir.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, j'en suis très redevable aux réformes que mon collègue a faites. La députée de Champlain? Ah! c'est la députée de Lotbinière. Allez-y.

Mme Roy: Sur le même sujet, puisque ça va être plus facile de débattre ainsi. Le Conseil du médicament, finalement ce que je vois, là, à travers nos travaux, le problème est un problème de transparence, parce que ? vous nous le dites, là ? pour vous, vous qui travaillez dans le domaine puis qui militez dans le domaine, si on peut dire, c'est pour vous un organisme qui prend des décisions avec des motifs plutôt occultes, on n'arrive pas à comprendre la façon dont les décisions, les bases scientifiques... s'il y avait des dissidences, pourquoi les dissidences ont été rejetées. Mais, ici, la transparence, je pense que ce n'est pas une fin en soi, mais c'est plutôt un moyen de préserver la confiance du public dans le Conseil du médicament. C'est revenu à plusieurs reprises, ce problème-là ou cette préoccupation, ici, au... puis je pense que vous vous joignez à toutes ces personnes pour dénoncer un petit peu ou demander un peu plus de transparence puis aussi demander que les parties ne soient pas juge et partie en appel de leur propre décision. Finalement, là, c'est ce qui arrive, là. Si vous allez devant, vous allez aller en appel de leur propre décision devant les mêmes personnes qui ont pris la première décision, qui vont nécessairement avoir tendance à vouloir se justifier d'une première décision, c'est ce que vous dites?

M. Brisson (Louis P.): Le Conseil du médicament, je crois, devrait avoir écouté les associations des pneumologues avant de prendre une décision sur un médicament qui s'adresse à la santé respiratoire. Et, dans chaque instance, le médicament répond à un besoin d'une telle maladie. Il devrait y avoir, tu sais, une discussion entre le Conseil du médicament et ces instances-là. Avec les associations de patients, probablement qu'on n'a pas l'expertise médicale ou pharmacologique pour arriver à des conclusions, mais par contre on peut aussi, via d'autres associations, parler de l'impact social sur les gens atteints de maladies.

Mme Roy: Vous pouvez faire la collecte de données, là, comme les personnes qui vous ont téléphoné pour vous expliquer leurs problèmes face au retrait du médicament, là, d'exception, vous pouvez documenter d'une certaine façon, et votre organisme, quand on vous appelle à faire un tel travail, je pense qu'il ne faudrait pas qu'elle tombe dans l'oreille d'un sourd, votre demande un peu de fonds pour vous aider à établir cette fonction-là.

M. Brisson (Louis P.): ...depuis deux ans maintenant, avoir des statistiques sur les maladies pulmonaires obstructives chroniques, parce que c'est très bien documenté sur un système informatisé. Pour l'asthme, on est en train de monter ce programme-là et, d'ici un an, on devrait avoir des données plus spécifiques sur la raison pour laquelle les gens nous appellent. Mais on peut dire aujourd'hui que les gens nous appellent pour: Comment on se sert des médicaments? J'ai ce médicament-là, pourquoi j'ai... Alors, toute la question des médicaments, je dirais que c'est plus de 60 % des appels qu'on a au sujet de l'asthme, au Québec.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Alors, merci. Je sais que le ministre et les membres de la commission du côté ministériel ont encore quelques minutes, trois minutes, je pense. Alors, si vous voulez en disposer.

M. Couillard: Oui, ce sera très brièvement, M. Brisson, parce que c'est vraiment intéressant, la discussion qu'on a aujourd'hui. Je vais vous donner... Je reviens encore sur les fameuses pompes, là, pour que tout le monde comprenne bien le problème auquel on fait face, la vraie vie des prescriptions au Québec, pas juste au Québec, partout où il y a de la médecine, puis une industrie, puis toutes les pressions qu'on sait qui s'exercent sur les prescripteurs.

Lorsque le conseil a fait la revue des prescriptions ? vous avez reconnu vous-même tantôt qu'il y avait un problème d'utilisation avec ces médicaments-là, puis je vais juste l'illustrer pour montrer l'ampleur du problème ? plus de 50 % des prescriptions n'étaient utilisées qu'à une reprise, jamais renouvelées, alors que théoriquement c'est un médicament pour l'asthme chronique. On peut probablement soupçonner qu'il y a des gens avec la grippe qui se sont fait prescrire le médicament. Dans 68 % des cas, le médicament n'avait jamais été précédé d'un autre médicament pour l'asthme avant l'utilisation de ce médicament-là. Alors donc, voici un problème évident d'utilisation.

Maintenant, ce que vous nous dites, vous me retournez mon argument, vous me dites: Vous avez tué une mouche avec ? je ne me souviens plus qu'est-ce que j'avais dit, là ? ...

Des voix: Une bombe atomique.

M. Couillard: ...une bombe atomique, et on aurait pu faire de l'éducation pour changer ça. Bien, moi, je vais vous lancer le défi de nous montrer comment on aurait pu faire, compte tenu de l'environnement dans lequel on est, combien de temps ça prend puis comment on fait pour changer ça. Puis je pense que, dans votre présentation... Je vous donne ces statistiques peut-être pour vous aider pour votre prochaine présentation, là. C'est ça, le problème, là. Ce n'était pas le fait que le médicament était efficace ou pas, c'est un problème d'utilisation du médicament de façon appropriée, au bon moment, à la bonne personne.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Brisson, parce que c'est à vous que s'adresse la question ou la remarque.

M. Brisson (Louis P.): Je vois soit le ministère de la Santé ou le gouvernement du Québec, qui fait beaucoup d'éducation du public en général sur les médicaments et la surutilisation des médicaments. Je crois que, si on s'était assis à l'époque et regardé comment on aurait pu éduquer les médecins de la province de Québec à bien utiliser la prescription de Symbicort et Advair, on serait arrivé avec une façon de procéder... à faire cette éducation-là. C'est quelque chose qui aurait coûté probablement beaucoup de sous mais pas aux dépens des gens qui ont été affectés par cette décision-là. Vous comprenez que les gens qui ont été affectés par la décision, c'est des gens aussi qui n'avaient pas d'assurance privée. Les gens qui avaient de l'assurance privée n'ont senti aucun effet de ce problème-là, alors ce qui met une médecine à deux vitesses, là, tout à coup, du jour au lendemain.

L'éducation des professionnels de la santé, je vous l'accorde, c'est très difficile, et je ne suis pas la personne qui va dire que je peux faire l'éducation des professionnels de la santé, pas du tout. Le Réseau québécois d'enseignement sur l'asthme et la MPOC, probablement qu'avec les moyens financiers de votre ministère, pourraient peut-être envisager de faire ça dans les années à venir.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, pour l'essentiel, votre réponse, c'est que ce n'est pas un problème de consommation, un problème de prescription. Est-ce que... Et là ça m'amène à ma question, parce que j'ai trouvé qu'en page 6 de votre mémoire vous y alliez assez fermement lorsque vous dites: «Nous pouvons affirmer aux membres de la Commission des affaires sociales que le transfert des thérapies de combinaison a entraîné des problèmes de santé chez certains de nos patients.» Et vous fondez cette affirmation sur le fait que vous avez eu des témoignages et des appels reçus à l'association. Est-ce que vous avez d'autres indications ou d'autres signes, d'autres données, outre ces témoignages, à l'effet que les patients auraient pu éprouver des problèmes? Est-ce qu'il y a des études, par exemple, que...

M. Brisson (Louis P.): Non, je n'ai pas d'étude, je n'ai aucune copie d'étude, mais je dois vous dire que ma fille Charlotte a subi les conséquences de cette décision-là. Alors, c'est plus proche de la maison que ça, là. C'est incroyable, parce qu'elle a passé une journée à l'urgence et a manqué trois jours d'ouvrage parce que tout à coup, du jour au lendemain, elle n'avait plus accès à son médicament. Alors, c'est des... Alors ça, c'est une partie des statistiques, oui, c'est là, mais, au point de vue d'une étude formelle, non, je n'en ai pas.

n (15 h 50) n

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Est-ce que, d'une certaine façon, vous avez connaissance que ce type de situation ou d'impact est porté à la connaissance du conseil?

M. Brisson (Louis P.): Qui a été porté...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): À la connaissance du conseil?

M. Brisson (Louis P.): Non. Non, M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Est-ce que ce ne serait pas un mécanisme intéressant à instituer, quelque part, qu'il puisse y avoir, selon certaines circonstances, des études d'impact prévues et qu'elles soient acheminées directement au conseil, selon vous?

M. Brisson (Louis P.): Vous comprendrez que, pour une association comme la nôtre qui a des moyens financiers limités...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mais je ne posais pas la question en vertu d'une obligation de votre part mais plus en vertu d'une obligation du gouvernement.

M. Brisson (Louis P.): Surtout quand une décision est prise comme ça, rapidement, puis qui affecte des gens, je pense qu'on devrait mettre un mécanisme sur pied pour vraiment mesurer l'impact à court terme et à long terme de cette décision-là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Oui, oui, je vous ai reconnu, M. le député de Borduas. Je vous en prie.

M. Charbonneau: Juste pour ajouter quelque chose, parce que je comprends ce que le ministre a dit tantôt, mais on peut convenir aussi du fait que, si le conseil avait des indications à l'effet qu'il y avait des problématiques de prescription, qu'on prescrivait peut-être inutilement, dans certains cas, un médicament, je comprends... Est-ce que je vous ai bien compris quand vous disiez «la bombe atomique»? C'est que finalement, en enlevant le médicament à tout le monde, d'une certaine façon, en l'enlevant sur la liste, vous faisiez en sorte que, même ceux pour qui la prescription était adéquate, on n'y avait plus accès?

M. Couillard: Vous permettrez, parce que c'est important pour la population qui nous écoute, ce n'est pas ça qui est arrivé, là. On n'a pas retiré le médicament à personne, là.

M. Charbonneau: Non, mais vous l'avez enlevé sur la liste.

M. Couillard: Les gens qui l'avaient déjà ont bénéficié... C'est pour ça, le cas de la fille de monsieur, il faudrait le voir, puis je serais heureux de le regarder si vous me décriviez, à un autre moment, en détail ce qui est arrivé, mais les gens qui avaient déjà la prescription n'ont pas eu à faire de démarche, ils ont continué à pouvoir avoir la prescription. C'est pour ça qu'il n'y a pas eu d'effet économique finalement.

M. Charbonneau: Non, mais ce que je comprends de ce que vous avez dit, c'est que, pour la suite des choses, des gens qui auraient pu se voir prescrire correctement... en fait, disons, adéquatement ou d'une façon justifiée le médicament n'ont pas pu...

M. Couillard: Non, tout le monde a pu l'avoir. Il s'agissait juste pour le médecin de remplir le formulaire d'exception et d'avoir l'autorisation de la RAMQ, ce qui se fait au maximum en quelques jours. Donc, il n'y a pas eu de retrait du médicament, là, c'est l'introduction du mécanisme d'exception ? avec une clause grand-père pour les gens qui avaient déjà le médicament, en passant ? pour les nouvelles prescriptions pour lesquelles le médecin devait remplir un formulaire d'exception, comme tous les médicaments qui sont sur la liste d'exception. On pourra...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Brisson, vous voulez réagir une dernière fois à cette conversation que vous venez d'entendre?

M. Brisson (Louis P.): La problématique existe encore aujourd'hui. Prenons le cas d'une personne qui est à la retraite, et qui a une assurance privée, et arrive à un âge d'à peu près 70 ans, je crois, où tout à coup il part du public au privé, et il se présente pour aller chercher son Advair, Symbicort ou Spiriva, qui étaient payés directement par son assurance. Alors, je poserais la question à M. le ministre: Qu'est-ce qui arrive à cette personne-là quand elle se présente chez le pharmacien? Elle est refusée, je crois.

M. Couillard: C'est-à-dire qu'il faut qu'il informe son médecin qu'il a changé d'assureur, puis il lui demande de remplir le formulaire de médicament d'exception. Actuellement, c'est ça, mais il n'y a pas de retrait du médicament, il peut continuer à avoir le médicament sans interruption.

M. Brisson (Louis P.): Non, mais je dois revenir, parce qu'il faut penser, cette personne-là qui a 70 ans n'est pas toujours au courant du fait que son médicament qui était payé aujourd'hui n'est plus payé demain, doit retourner voir son médecin et redemander une prescription. Et on ne regarde pas sur... Parce qu'à la RAMQ ils n'ont aucun document qui dit que cette personne-là a pris Symbicort, Advair ou Spririva sur une base régulière depuis peut-être cinq ans, et, du jour au lendemain, le médecin, par exception, doit écrire tout le formulaire pour remettre cette personne-là en lien. Et habituellement le patient s'en rend compte quand il se présente à la pharmacie pour renouveler sa prescription, et on lui dit: Oui, c'est 100 $, c'est 80 $, je ne sais pas le prix, là. Alors, ça existe encore aujourd'hui. Alors, le lien entre le public et le privé doit être aussi révisé, je pense, par la RAMQ.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, M. Brisson, merci de votre contribution, fort appréciée ? c'est très évident ? par les membres de cette commission, et j'invite les représentants d'AstraZeneca Canada à prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, si vous permettez, la commission poursuit ses travaux. Nous sommes heureux d'accueillir Mme Sheila Frame, qui est vice-présidente d'AstraZeneca Canada; M. Alain Madgin, qui est assis à ma gauche, et un invité qui s'ajoute à la liste, M. Jean Jutras, qui est directeur aux affaires extérieures. Alors, bienvenue à cette commission. Vous avez 20 minutes pour présenter l'essentiel du mémoire, suivra une période d'interaction avec les membres de la commission. Allez-y.

AstraZeneca Canada inc.

Mme Frame (Sheila): Merci beaucoup, M. le Président. Alors, comme vous avez dit, pour notre présentation aujourd'hui, je suis accompagnée de M. Alain Madgin, qui est à ma droite, notre directeur des relations aux affaires gouvernementales du Québec, et, à ma gauche, M. Jean Jutras, qui est notre directeur aux affaires extérieures aussi pour le Québec.

Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, M. le critique officiel en matière de santé, Mmes et MM. les députés et mesdames et messieurs dans la chambre. Depuis plusieurs décennies, le médicament est devenu un outil technologique incontournable dans les soins de santé rendus à la population, notamment dans le traitement d'un grand nombre de maladies. Le médicament a même rendu certaines chirurgies désuètes, comme le sait le ministre. Pensons, par exemple, à l'ulcère gastrique, dont le traitement se faisait auparavant par chirurgie alors qu'aujourd'hui il est traité en ambulatoire par des médicaments efficaces.

Dans le monde, AstraZeneca est un leader mondial de la recherche, de la fabrication et de la commercialisation des médicaments novateurs dans six champs thérapeutiques: la cardiologie, la gastroentérologie, l'infectiologie, les neurosciences, l'oncologie et la pneumologie. AstraZeneca compte près de 1 400 employés au Canada dont 303 au Québec. De ce nombre, 138 sont des scientifiques qui oeuvrent à notre centre de recherche fondamentale sur la douleur d'AstraZeneca, situé dans le Technoparc Saint-Laurent, à Montréal. AstraZeneca, qui souhaitait devenir le chef de file mondial dans le domaine thérapeutique de la maîtrise de la douleur, place au coeur de cette vision les opérations de son centre de recherche de Montréal.

Notre centre à Montréal est l'un des 11 centres de recherche fondamentale et développement qu'exploite AstraZeneca dans le monde. Inauguré en 1997, il concentre ses efforts sur la découverte de produits novateurs destinés au marché mondial de l'analgésie. La mission de ce centre de recherche est de concevoir, découvrir et mettre au point de nouveaux agents pharmaceutiques, lesquels offriront des solutions thérapeutiques de pointe pour le traitement de la douleur aiguë et chronique. Ce centre de recherche préclinique de calibre international abrite des laboratoires ultramodernes de chimie, de biologie moléculaire et de pharmacologie. Les chercheurs, représentant 37 nationalités différentes, dont certains Québécois revenus travailler ici avec les meilleurs chercheurs dans le domaine, concentrent leurs efforts sur les mécanismes à l'origine des douleurs inflammatoires et neuropathiques, soit les deux types de douleur chronique les plus courants.

n (16 heures) n

Trois éléments ont motivé AstraZeneca à installer un centre de recherche fondamentale à Montréal: premièrement, la réputation mondiale dont jouissent l'Université McGill et l'Université de Montréal dans l'étude de la douleur; deuxièmement, la politique du Québec à l'égard de l'accès au marché pour les nouveaux médicaments; troisièmement, les politiques industrielles du Québec, dont la politique du BAP15 ans. Je vous invite à prendre connaissance, dans notre mémoire, des divers partenariats que nous avons mis en place ou que nous soutenons présentement avec des partenaires du Québec.

Maintenant, à propos de la politique du médicament, nous tenons tout d'abord à mentionner que nous endossons totalement les recommandations soumises par notre association, les Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada, Rx & D, dans le cadre de cette consultation. Nous souhaitons aujourd'hui discuter avec les membres de la commission de certaines questions touchant notre compagnie.

Concernant les propositions touchant l'utilisation optimale des médicaments, nous sommes heureux de constater que le ministre vient confirmer ce que nous avons toujours plaidé, à savoir la participation de notre industrie, en partenariat avec le gouvernement et d'autres acteurs du milieu de la santé, dans des programmes d'optimisation de l'utilisation des médicaments. Le choix d'un médicament pour traiter une maladie doit se faire sur la base de plusieurs critères, comme l'efficacité, l'innocuité, l'observance au traitement et le coût d'acquisition de ce médicament. Ce dernier critère ne doit pas être le seul élément pris en considération par le prescripteur et/ou l'agent payeur pour initier une pharmacothérapie.

L'exemple de l'entente relative à l'utilisation optimale des inhibiteurs de la pompe à protons, les IPP, fut une première réussite dont nous devrions tous être très fiers. Depuis plus de trois ans, AstraZeneca a fièrement participé au plan d'action visant l'amélioration de l'utilisation optimale de la classe des IPP. Cette initiative de partenariat entre le gouvernement du Québec, les acteurs du système de la santé et les manufacturiers nous a permis de mettre en oeuvre des mesures tout à fait en ligne avec la proposition de la politique du médicament que nous avons aujourd'hui devant nous.

Nous avons été surpris d'apprendre la décision du ministre de la Santé et des Services sociaux de mettre fin à l'entente sous sa forme actuelle. En dressant le bilan des activités accomplies jusqu'à ce jour, nous constatons que nous avons réalisé la plupart des objectifs importants du plan d'action mais que plusieurs projets en cours doivent être poursuivis.

Nous sommes également d'avis que la future politique du médicament devrait s'intéresser au phénomène de la sous-utilisation des médicaments, élément important dans la mise en oeuvre de programmes d'utilisation optimale. Il s'agit d'une problématique importante, particulièrement au niveau des maladies chroniques, par exemple dans le traitement des maladies cardiovasculaires.

Pour le comité, j'ai deux exemples. Les médicaments pour les maladies cardiovasculaires, on sait, comme industrie pharmaceutique, que la «compliance» avec les médicaments de la part des patients, après un an, se réduit à moins d'un tiers. Alors, ça veut dire qu'à la fin d'une année, pour une maladie chronique, les patients arrêtent de prendre leur prescription après... Bien, seulement un tiers restent «compliants» avec leurs médicaments.

Je vais vous donner un autre exemple, et c'est l'exemple du cancer du sein. On vient juste de compléter une étude, nous autres, on a des médicaments... Tous les scientifiques nous disent qu'après une chirurgie du cancer du sein les femmes devraient prendre ou bien Tamoxifene ou bien Arimidex pendant cinq ans. Presque un tiers des femmes, à la fin de la première année, ont terminé leurs médicaments et ne continuent pas du tout. Alors, la sous-optimisation des médicaments, c'est un problème vraiment qu'on devrait travailler en partenariat pour essayer de comprendre la raison pour laquelle les patients ne continuent pas dans le domaine de leurs médicaments.

Nous aimerions maintenant soulever trois exemples de situations que nous souhaiterions voir encadrées par la future politique du médicament. Je décrirai brièvement chaque situation et la solution que nous proposons au comité. Tout d'abord, le transfert de médicaments de la liste régulière à la section des médicaments d'exception ? on vient juste d'en parler. Les combinaisons, dans le traitement de l'asthme, constituent des médicaments très importants pour traiter les patients qui souffrent d'asthme modéré à sévère. Le transfert de cette classe de médicaments à la section des médicaments d'exception a créé une situation d'utilisation non optimale pour plusieurs patients asthmatiques. Nous espérons que la future politique du médicament définira d'autres moyens, comme un plan d'action de... pour corriger les lacunes liées à l'utilisation non optimale des médicaments avant qu'un transfert soit envisagé.

La deuxième situation concerne l'application de la méthode du prix le plus bas. Le PPB devrait être appliqué lorsque deux médicaments sont bioéquivalents. Normalement, c'est le cas, puisque l'un des critères d'inscription d'un médicament générique est le dépôt d'une étude de bioéquivalence. Cependant, le ministre de la Santé et des Services sociaux a récemment accepté la recommandation du Conseil du médicament d'inscrire l'Apo-Omeprazole à la liste de médicaments comme un générique, alors que Santé Canada ne reconnaît pas de bioéquivalence entre l'Apo-Omeprazole et le comparateur canadien, ici le médicament Losec. De plus, le ministre a également accepté la recommandation du conseil d'appliquer le prix le plus bas au Losec, alors que l'Apo-Omeprazole n'est plus considéré comme un générique. Serait-ce une première application d'un exemple de prix de référence pour le Québec? Nous souhaitons que, dans le cadre de la politique sur le médicament, le ministre de la Santé et des Services sociaux clarifie les conditions quant à l'application du prix le plus bas pour un médicament novateur.

Finalement, l'an dernier, AstraZeneca a été interpellée par le ministère de la Santé et des Services sociaux sur le prix de vente, jugé trop bas, d'un de ses médicaments offerts en milieu hospitalier. Il serait donc souhaitable qu'un certain encadrement soit inclus dans la future politique. Par exemple, le Conseil du médicament pourrait suggérer un prix plancher pour certaines classes de médicaments utilisés dans le milieu hospitalier. AstraZeneca vous offre son entière collaboration pour poursuivre la discussion sur ces trois points.

L'une des propositions les plus prometteuses de la politique porte sur la mise en place d'un comité permanent d'échange, la proposition n° 34. Nous supportons avec force cette proposition, d'autant que des expériences à l'étranger ont déjà porté fruit. AstraZeneca a annoncé un investissement de plus de 250 millions de dollars canadiens en Angleterre lorsque le premier ministre Tony Blair et notre président-directeur général, Sir Tom McKillop, ont mis en place le UK Competitive Task Force afin d'améliorer les conditions de marché pour les produits pharmaceutiques novateurs. Nous croyons qu'il faille même aller plus loin encore. Nous nous faisons aujourd'hui les promoteurs d'un partenariat pancanadien appelé le Partenariat des industries canadiennes de la santé, ou bien PICS. Nous pensons que tous les acteurs des sciences de la vie, soit les technologies de la santé, les sociétés biopharmaceutiques, les compagnies pharmaceutiques innovatrices, les investisseurs et tous les paliers de gouvernement doivent trouver des solutions à long terme à la détérioration des conditions de marché au Canada. Cette situation entraîne ainsi une baisse significative des investissements du secteur privé dans la recherche scientifique des sciences de la vie.

Comme le Québec a traditionnellement joué un rôle de leader en matière de recherche et développement, il a été tributaire d'une portion plus importante que son poids démographique des investissements privés que les autres provinces, mais désormais nous ne pouvons plus compter sur ce seul élément. Il faut agir maintenant afin d'améliorer notre compétitivité. Si les deux niveaux de gouvernement travaillent ensemble afin d'attirer plus d'investissements étrangers, le Québec en retirera les plus grands bénéfices.

n (16 h 10) n

La première étape de cette nouvelle coopération fut franchie lorsque des représentants de tous les secteurs des industries des sciences de la vie se sont rencontrés, en avril dernier. Sous l'égide du Forum des politiques publiques, des représentants du secteur des biotechnologies, des manufacturiers d'équipements médicaux, des grandes sociétés pharmaceutiques ainsi que des représentants des deux niveaux de gouvernement et des chercheurs universitaires ont décidé de créer le Partenariat des industries canadiennes de la santé. La participation souhaitée du gouvernement du Québec à cette initiative permettra au Canada de redevenir un leader mondial des sciences de la vie et ainsi d'accroître les investissements en recherche et développement.

Annuellement, AstraZeneca investit plus de 3,5 milliards de dollars américains en recherche et développement au niveau mondial. Plus de 150 millions de dollars canadiens sont investis au Canada par année, dont plus de la moitié au Québec. De cette somme, une grande part est injectée directement à notre centre de recherche fondamentale et l'autre part est utilisée dans le cadre des recherches cliniques et précliniques dans les centres de soins de santé du Québec. Afin de nous assurer de protéger les acquis et surtout d'augmenter nos investissements ici, au Canada, et particulièrement au Québec, il est primordial d'améliorer les conditions d'innovation et de commercialisation dès maintenant.

Pour conclure, nous réitérons notre volonté plus que réelle à travailler avec le ministre de la Santé, le ministre du Développement économique et l'ensemble du gouvernement du Québec afin d'optimaliser l'utilisation des médicaments et aussi offrir un environnement propice aux investissements. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci, Mme Frame. Avant de céder la parole au ministre, je veux tout simplement rassurer les membres de cette commission à l'effet que les bruits sourds que vous entendez, les tremblements, sont dus à un dynamitage non loin de la colline Parlementaire et n'ont aucun lien avec les négociations dans le secteur public. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Frame, M. Madgin et M. Jutras, pour votre présentation aujourd'hui. Effectivement, vous soulignez d'entrée de jeu l'exemple de bénéfices pour le système de santé que les découvertes pharmaceutiques ont. Vous avez cité l'exemple de l'ulcère d'estomac. C'est un très bon exemple, parce que, moi, quand j'étais en formation, il y avait dans les hôpitaux quatre, cinq, six, parfois plus d'interventions chirurgicales pour ulcère chaque semaine. Chaque semaine. Et, du jour au lendemain, ces interventions ont totalement disparu du paysage, et maintenant les gens sont traités médicalement.

Vous avez raison également de dire que l'utilisation optimale, c'est de corriger un problème de surutilisation et de sous-utilisation des médicaments, de bons médicaments pour la bonne période, à la bonne personne.

Vous avez également raison d'inviter le gouvernement à continuer le partenariat avec l'industrie, pour toutes les raisons économiques qu'on a citées ce matin, création de la richesse et maintien de l'avantage du Québec, mais il faut bien définir le partenariat. Et je pense qu'on a de plus en plus une compréhension commune de ce qu'est le partenariat, qui est un véritable partage des risques et des bénéfices autour d'une activité. Et je vais prendre, par exemple, la question qu'on posait à votre prédécesseur, M. Brisson, quant à l'utilisation des médicaments combinés pour l'asthme, où on a de toute évidence documenté une utilisation non optimale et une surprescription. Est-ce que la compagnie qui manufacture ce médicament aurait poussé l'esprit de partenariat jusqu'à diminuer son chiffre d'affaires et diminuer le nombre de prescriptions volontairement? À mon avis, ça aurait été gagnant à long terme pour la compagnie de le faire, mais est-ce qu'elle l'aurait fait?

Mme Frame (Sheila): Bien, je pense que ce que la compagnie aimerait faire, c'est de travailler sûrement en partenariat avec le gouvernement pour s'assurer que c'est le bon médicament pour la bonne personne, pour un temps allongé qui serait propice pour le bénéfice du patient.

Je pense que, M. le ministre, ce qu'on veut demander, c'est vraiment d'encourager la commission de regarder non seulement à restreindre l'utilisation des médicaments, mais plutôt de regarder la compétitivité du Canada. Le Québec, l'Ontario et d'autres provinces sont dans une position de vraiment comprendre au niveau de la science, au niveau de l'utilisation des médicaments et d'être capables d'exporter une... scientifique qui est différente de ce que, nous autres, on a fait traditionnellement.

Alors, au niveau des compagnies pharmaceutiques, d'AstraZeneca, comme la vice-présidente du marketing, je peux vous dire que ça fait longtemps que je travaille dans le domaine et que, oui, je vois des chiffres comme vous avez donné tout à l'heure. La question que je me demanderai, ce serait: C'est quoi au juste, l'utilisation optimale? Et je sais qu'on peut faire beaucoup mieux que ce qu'on fait aujourd'hui. Et je vous dis aujourd'hui qu'on est prêts, comme AstraZeneca, au moins de faire un partenariat pour regarder la façon dont on peut changer la façon dont on a mis en marché nos produits.

M. Couillard: Parce que l'application concrète du partenariat dans un cas semblable ? et vous pourrez y réfléchir, puis c'est des conversations qu'on a déjà eues ? ça aurait été, par exemple, pour la compagnie, de s'investir dans un programme de publicité auprès des professionnels visant à restreindre la prescription du médicament à la population de patients qui en a vraiment besoin. Moi, je crois fermement qu'à long terme l'industrie est gagnante d'une approche semblable. Mais une industrie comme la vôtre, une industrie solide, bien établie, est gagnante de s'engager dans un exercice semblable, parce que, bien prosaïquement, l'exemple que je donne, c'est que, si quelqu'un me dit: Bien, je veux être partenaire avec toi, je dis: Bien, qu'est-ce que tu appelles «partenariat»? Et, si la compagnie me dit: Bien, moi, je vends 60 millions de dollars de tel médicament dont je sais que 30 millions sont utilisés de façon non optimale, puis ça ne me dérange pas, on ne peut pas faire de partenariat. Il y a une compréhension à la base qui n'existe pas. Alors, il faut qu'il y ait une compréhension commune, comme vous le dites, de l'utilisation optimale et il faut que les actions de marketing et de mise en marché, qui sont légitimes, hein, comme entreprise, suivent ces critères-là. Et c'est ça, le grand défi au cours des prochaines années. Je ne doute pas qu'on soit en mesure de le relever.

Maintenant, vous parlez de l'initiative pancanadienne. Vous savez que, là, c'est un sujet un peu délicat. Nous, au Québec, on est très jaloux de nos prérogatives en santé. Et également vous savez que, depuis que la règle du 15 ans existe, depuis 1993, ça a coûté beaucoup d'efforts, et de sueurs, et d'argent au Québec pour maintenir cette politique-là, et là on se dit: Bien, pourquoi, nous, on s'inscrirait dans une plus grande entreprise ou une plus grande initiative pour que peut-être d'autres provinces viennent accaparer une partie de ce que, nous, on a maintenu et bâti? Cette concentration d'expertise que vous avez décrite tantôt, à Montréal, elle n'est pas arrivée par hasard, elle est arrivée par une action commune de l'industrie puis des gouvernements. La règle de 15 ans, c'est une modification courageuse, parce qu'il y des groupes dans la société ? on l'a vu au cours de la commission ? qui s'opposent au maintien de la règle de 15 ans et qui nous reprochent de maintenir cette règle-là. Même chose pour la non-adoption du prix de référence. Alors, voici donc un exemple d'un effort majeur que le Québec a fait depuis des années dont on espère continuer à retirer les fruits au Québec. Alors, quels seraient les avantages pour le Québec de s'inscrire dans une stratégie, là, comme celle que vous décrivez?

Mme Frame (Sheila): Je pense que ce que j'encouragerai, c'est que le Québec est très fort au niveau du Canada, mais le Canada est en train de perdre au niveau mondial. Moi, je dépense probablement un quart de mon temps à travailler à attirer l'investissement d'AstraZeneca au Canada. Et, oui, le Québec est très fort, oui, c'est notre... pour nous autres, parce qu'on a déjà investi au Québec, à Montréal. C'est certainement un de nos centres de recherche dont on est très fiers, mais franchement le Canada en tout... tu sais, au niveau mondial, on perd. On perd. Tu sais, aux États-Unis, je pense que c'est 30 milliards de dollars qui sont investis. Au Canada, c'est 1,1 billion. On est 10 % de la population, on devrait avoir plus que 1,1 milliard. Alors, pour moi, c'est l'opportunité. Oui, le Québec va gagner. Absolument. Nous autres, on est très prêts à nous affirmer là-dedans comme une compagnie, on l'a fait déjà. Mais, quand le Canada perd, le Québec va perdre aussi.

M. Couillard: On va parler du coût des médicaments dans les établissements. Je veux juste éclairer les collègues, parce que j'en ai vu qui ont sourcillé quand vous avez dit que le ministère avait interpellé votre compagnie pour avoir chargé pas assez cher dans les établissements, puis là je vais expliquer qu'est-ce qui se passe. C'est que c'est une... ? puis je ne vous en fais pas reproche, là, c'est normal pour une entreprise de le faire ? c'est que c'est une façon d'introduire la prescription dans la communauté. C'est-à-dire qu'on offre un médicament à très bas prix dans un hôpital, pour un court séjour hospitalier, et le patient qui sort de l'hôpital sort avec la même prescription qui, cette fois, est transmise au coût réel au régime général d'assurance-médicaments. Alors, on est d'accord pour parler... D'ailleurs, vous voyez qu'on n'est pas allés très loin dans ce domaine-là.

Qu'est-ce que vous entendez par le prix plancher? Expliquez-nous comment vous voyez ça. Parce que vous comprenez le problème de notre côté, c'est l'acquisition de l'habitude de prescription dans l'établissement, à un prix peut-être artificiellement bas, qui est par la suite transférée à plein coût au régime général d'assurance médicaments.

Mme Frame (Sheila): ...M. Jutras, M. le Président, de répondre à la question.

n (16 h 20) n

M. Jutras (Jean): Oui. J'aimerais peut-être rappeler l'objectif des compagnies pharmaceutiques, c'est que nous souhaitons que les médicaments que nous commercialisons soient accessibles partout, alors pas seulement dans le communautaire, mais également dans le domaine hospitalier. Pourquoi? Parce que, lorsque le patient est hospitalisé, c'est important que le médicament qu'il prend déjà, il puisse continuer à le prendre dans l'hôpital, alors que ce qu'on voit généralement, c'est qu'un seul médicament d'une classe va être accepté dans un centre hospitalier, ce qui pose une problématique à ce moment-là pour le patient. Et notre objectif est de s'assurer que notre médicament est disponible. Alors, ce n'est pas une problématique pour nous qui est reliée à l'utilisation optimale, mais on a soulevé cette question-là lorsque des médicaments ont été offerts à un prix jugé trop bas, trop bas par rapport à d'autres classes de médicaments qui pourraient être également utilisés et qui pourraient peut-être, à cause d'un prix trop bas, ne plus l'être.

Alors, comment régler cette situation-là? Nous espérons qu'elle sera abordée dans la politique du médicament, parce qu'elle existe quand même à l'heure actuelle, qu'elle n'est pas réglée et qu'une façon de l'adresser serait peut-être d'en définir les balises... en élaborer certaines balises dans la future politique. Nous suggérons une façon de traiter le problème, il pourrait y en avoir d'autres. J'espère qu'il y en aura dans l'élaboration de la future politique. Mais, nous, ce que nous pensons, c'est que le conseil pourrait se pencher sur justement un prix minimum qui ne pourrait pas justement nuire à la bonne utilisation et qui serait le prix plancher. Mais il pourrait y avoir d'autres suggestions, d'autres mesures à adopter.

M. Couillard: Mme Frame, pourquoi le Canada perd-il actuellement?

Mme Frame (Sheila): Bien, je pense que, nous autres, ce qu'on essaie de suggérer, c'est que les Canadiens, à l'instant, regardent les soins de la santé comme un coût qui doit être débordé. Tu sais, c'est trop grand pour les Canadiens. Nous autres, ce qu'on essaie de suggérer, c'est que, si on regardait l'industrie des soins de la santé, de laquelle on est tous très fiers, que le Canada franchement pourrait vraiment être très compétitif. Quand tu regardes nos chiffres de productivité au niveau du national, quand tu regardes les types de postes qui viennent maintenant au Canada, on est en train de perdre dans le domaine du «knowledge-based economy» ? je regrette mon anglais. Alors, le Canada, on a un système d'éducation qui est compétitif, mais les autres pays sont en train d'aller beaucoup plus loin que le Canada.

Alors, moi, quand je vais à l'international puis je suis en train de... On fait des présentations, le Canada contre les autres pays, tu n'arrives pas à la table sans avoir la science et la Loi sur les brevets. Après ça, c'est l'impression artistique. Ça fait que tout ce qu'on peut faire, nous autres, pour promouvoir les Canadiens, c'est ce qu'on fait. Pour moi, c'est la différence entre 1,1 milliard et... au moins 10 % de ce que reçoivent les Américains et 3 milliards. Moi, je pense que, les Canadiens, on est prêts à le faire, on est capables, mais il faut vraiment changer la façon dont on regarde les soins de la santé. Il y a tellement de recherche. Nous autres, on est en train de faire de la recherche clinique comme ça. Si on regarde le système en total, on est capables, nous autres, d'investir là-dedans, on est capables de regarder le système dans son entièreté et non pas juste au niveau des médicaments. C'est les médicaments, comment ça affecte l'hospitalier, comment ça affecte la façon dont les patients prennent les médicaments, tout ça. Tu sais, il y a un grand... une opportunité de vraiment faire ça. On a un système qui est fermé, c'est beaucoup plus facile qu'aux États-Unis de regarder ça.

Alors, moi, je suis impressionnée, comme Canadienne, qu'il y ait beaucoup d'opportunités pour rendre le Canada beaucoup plus compétitif qu'on l'est maintenant. Mais je peux vous dire, M. le ministre, qu'on travaille très fort, nous autres, juste pour être invités à la table aujourd'hui.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Madgin.

M. Madgin (Alain): Juste un point pour ajouter ce que Sheila a dit. Nous, on fait le pari que les 110 milliards d'argent qui sont investis chaque année dans le système de santé canadien, une partie de cet argent-là devrait servir à des fins de développement économique. Actuellement, la santé, c'est perçu comme un trou sans fin. La pérennité du système... Vous avez reçu un rapport récemment qui dit que le système ne pourra pas subvenir aux besoins de la population vieillissante. Pourquoi ne pas utiliser cet argent-là, qui est de toute façon investi par les gouvernements, pour aller chercher des investissements étrangers, pour amener les gens qui font des découvertes ici, au Canada... de non plus les vendre à Boston ou en Californie, mais de les développer ici, les commercialiser ici puis de les acheter?

Actuellement, le système de santé canadien achète grosso modo 10 milliards de dollars canadiens par année à l'étranger. On fait le pari que, si les gouvernements, avec les industriels, s'assoyaient ensemble, on pourrait peut-être trouver soit des prix spécifiques pour les achats canadiens... Il y a toutes sortes de méthodes qui sont possibles. Si on fait le pari de s'asseoir ensemble puis de voir qu'est-ce qu'on peut faire de mieux avec cet argent-là qu'on investit de toute façon comme payeurs de taxes, comme gouvernement... Si on fait le pari que 10 % de cet argent-là reste ici, au Canada, bien 1 milliard de plus de ventes au Canada.

Et l'autre pari qu'on fait, c'est que, comme le Québec a toujours tiré son épingle du jeu là-dedans en ayant 45 % à 50 % des investissements, bien, nous, on pense que la moitié de cette somme-là pourrait rester ici, au Québec. Ça, ça crée des emplois, ça crée de l'économie. Et, si le système de santé ne peut pas subvenir aux besoins de la population, bien l'autre solution, c'est de développer l'économie puis de grossir la tarte, puis le budget du ministre de la Santé va paraître moins gros si l'économie est plus grande. Je sais que c'est un... ce qu'on appelle en anglais un «long shot»...

M. Couillard: Que Dieu vous entende!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Madgin (Alain): ...mais il faut essayer. On le fait, cet investissement-là, vous l'investissez chaque année dans le régime. Alors, utilisons cet argent-là pour faire aussi du développement économique.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je ne sais pas si vous avez quelque chose d'autre à rajouter qu'une invocation à Dieu, monsieur... C'est tout? C'était votre dernier argument? Très bien. Alors, je vais du côté de l'opposition et je céderai la parole d'abord au député de Borduas. Et je vois aussi que...

Une voix: ...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Ah, c'est... O.K. Vous avez eu un geste envers quelqu'un d'autre. Alors, le député de Borduas, s'il vous plaît.

M. Charbonneau: Bien, merci beaucoup, M. le Président. Madame, messieurs, je voudrais voir comment un gouvernement d'un État comme le Québec peut faire un partenariat à son avantage autant qu'à l'avantage d'une entreprise comme la vôtre dans une entreprise multinationale qui a des antennes dans plusieurs endroits, et antennes, si on se comprend bien, qui sont en compétition les uns avec les autres. Parce que, dans le fond, là, ce que vous nous dites, c'est que votre entreprise, à un moment donné, vous allez retirer vos billes du Québec, retirer vos billes de l'Ontario, retirer vos billes d'ailleurs au Canada pour les mettre ailleurs. Parce que, tu sais, vous êtes une filiale d'une entreprise internationale; la vraie décision ne se prend pas à Montréal, puis je ne pense pas qu'elle se prenne à Toronto, si je comprends bien. Alors, votre sénateur ou votre parlementaire anglais, je ne sais pas si c'est en Grande-Bretagne que cette entreprise-là a son siège social puis les principaux capitaux... Donc, disons que c'est une entreprise anglaise. Dans le fond, jusqu'où n'est-on pas à la merci d'une entreprise étrangère qui peut, à un moment donné, aller chercher des concessions exagérées?

Autrement dit, moi, je comprends votre logique et je crois que les partis politiques qui sont autour de cette table l'ont comprise. Deux ont exercé le pouvoir et ont fait en sorte que 50 % de la production... en fait, de la recherche scientifique en médicaments se fasse au Québec. Mais il y a une limite, là, qu'on... Comment on peut rester compétitifs? Comment on va vous convaincre dans le fond de garder vos billes au Québec puis d'en mettre plus? Puis dans le fond, d'une certaine façon, nous, autour de la table, là, si vous mettez 100 % de vos affaires canadiennes au Québec, ça va être tant mieux pour nous autres. Alors, tu sais, je veux dire, on n'a pas trop d'angoisse à... Tu sais, quand vous dites: Si le Canada perd, le Québec perd aussi. Pas nécessairement. Si le Québec récupère ce que les autres n'ont pas, tant mieux. Alors, on est un peu gourmands, mais, en même temps, comment faire ça tout en n'étant pas à votre merci et à la merci de vos dirigeants en Grande-Bretagne, qui vont nous faire faire des concessions avec lesquelles on n'est pas capables de vivre?

Mme Frame (Sheila): Merci, M. le Président. Et, pour la question, ce que je vous dirai, c'est que, nous autres, la majorité de nos employés sont des Canadiens, plusieurs sont des Québécois. Il y a plusieurs Québécois qui sont revenus au Québec pour travailler chez nous. Je dirais que la compétitivité du Québec, c'est les États-Unis et non pas... Alors, si le Québec est meilleur que le Canada, quand tes compétiteurs sont aux États-Unis, je pense qu'on devrait regarder qu'est-ce qui arrive dans le marché américain et qu'est-ce que le Québec pourrait faire.

Maintenant, quand vous demandez qu'est-ce qu'on peut faire de plus comme une compagnie, ce n'est pas à la limite. Je dirais que le Canada, le Québec a des écoles, a un système d'éducation qui est très fort. On a, je crois... Au moins, on dit, comme Canadiens, qu'on veut avoir une économie de base éduquée, mais ce qu'on fait dans le marché, tout ce que tu lis dans... c'est que, pour créer une économie d'innovateurs, il faut avoir un marché d'innovateurs. Le Canada n'est pas vraiment un marché qui est «early adopter». Tu sais, on attend, on regarde les nouvelles technologies...

M. Charbonneau: Nous ne sommes pas vite sur la gâchette, quoi, hein?

n (16 h 30) n

Mme Frame (Sheila): C'est ça. Alors, si vraiment on dit qu'on veut créer... que la compétitivité du Canada, du Québec serait au niveau des postes et des entreprises qui sont formés par notre système universitaire à faire de la recherche, si c'est ça, notre futur, bien on est bien mieux de s'assurer qu'on a... puis le Québec, ce serait vraiment... C'est un système fermé, comme je vous dis, on peut faire beaucoup plus pour exporter notre expérience, et non pas les vendre à des compagnies comme les nôtres, de faire la commercialisation ici.

M. Charbonneau: Je pense que, tout le monde autour de la table, on partage ça, mais, moi, ce que je n'ai pas encore compris, c'est comment tirer plus vite que les Texans, pour parler avec... en compétition... On est en compétition avec les Américains, on parle de tirer plus vite...

Mme Frame (Sheila): ...on dirait chez nous, là...

M. Charbonneau: Ou avec Boston, peu importe, là, mais ce que je veux dire... C'est une analogie, là. Mais comment on peut, de votre point de vue, comment peut-on se positionner pour, dans...

Une voix: ...marché...

M. Charbonneau: Oui, dans un marché, mais dans un délai qui va faire en sorte qu'on va être capables de bouger, se garder et même consolider notre position par rapport non seulement au Canada, mais aux États-Unis. Concrètement, là. On parle de la politique des médicaments, puis le gouvernement actuel a décidé que, dans cette politique qui est une politique de santé publique, il y a aussi un volet économique. On aurait pu... Certains ont reproché au gouvernement de l'avoir mis dans cette politique-là, mais, de toute façon, que ce soit là ou que ce soit un collègue du Développement économique du même gouvernement qui présente la politique, en bout de piste c'est le même gouvernement, c'est le même État. Alors, on se comprend que, de toute façon, il faut en tenir compte. Alors, concrètement, là, moi, ce que j'aimerais, c'est... Qu'est-ce qu'on devrait faire qu'on ne fait pas?

Mme Frame (Sheila): M. Madgin, si vous voulez répondre.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Madgin.

M. Madgin (Alain): Si je peux me permettre...

M. Charbonneau: Parce que tantôt vous disiez... Celui qui va répondre, vous disiez, M. Nadeau...

Des voix: Madgin.

M. Charbonneau: ...Madgin, que c'est une vision à long terme, mais je comprends qu'il faut bouger à court terme. Alors, si on bouge à court terme, c'est parce qu'on a aussi une vision assez à court terme de ce qu'il faut faire, et je présume que vous avez peut-être quelques idées, là.

M. Madgin (Alain): Oui. Vous savez, ici, on est déjà privilégiés, comme province, d'accueillir autant de centres de recherche. Demain, nos collègues représentant Rx & D, notre association, vont venir vous parler de ça, il y a cinq des six centres de recherche de l'industrie pharmaceutique novatrice, comme nous, qui sont à Montréal. Pourquoi? Il y a trois conditions. Le marché, il faut avoir une ouverture de marché, il faut que le pays ou la région où on s'installe soit ouvert, soit...

M. Charbonneau: On est un État, c'est un État.

M. Madgin (Alain): Oui, l'État, l'État soit ouvert aux produits que nous manufacturons et que nous faisons, dont nous faisons la découverte aussi.

Deux, ça prend un environnement d'innovation. Le BAP15 a été ? et a traversé les partis politiques, comme vous l'avez dit ? un excellent instrument de vente à l'international pour nos CEO canadiens, nos 10 présidents-directeurs généraux, pour aller chercher cet investissement-là.

Trois, ça prend des cerveaux. Montréal, le Québec a d'excellents cerveaux, et on peut tabler là-dessus pour continuer à attirer les investissements. Mais, quand, moi, mon CEO canadien, qui représente 2 % du marché mondial, s'en va à Londres et fait le «pitch» de vente pour qu'on continue à investir aussi au Canada, et ensuite quand la décision... Là, la décision est d'investir en Amérique du Nord. Puis là, une fois que l'Amérique du Nord est choisie par rapport à l'Europe, l'Asie, les pays émergents comme l'Inde et la Chine, qui sont très intéressants parce qu'il y a des milliards de patients potentiels, une fois que le choix est fait, là il faut se battre pour avoir ça ici. Puis, à l'intérieur de la structure pancanadienne, c'est entre Toronto, souvent, Vancouver puis Montréal.

Nous, le message qu'on lance, c'est: Les conditions d'accès au marché et les conditions d'innovation ne sont plus ce qu'elles étaient. On a encore la base scientifique, les universités de Montréal, Laval, McGill, le réseau universitaire. L'Université du Québec aussi est là, très fort, on peut l'utiliser comme exercice de vente. Il y a cinq ans, le Québec remboursait 80 % des médicaments dont les dossiers étaient déposés ici. Aujourd'hui, c'est 30 %. C'est difficile de vendre le marché ici quand on ne rembourse que 30 % des médicaments.

Quant à l'innovation, le BAP15 était une excellente... c'était très, très innovateur dans le temps, en 1993, mais aujourd'hui on se bat contre Singapour puis on se bat contre l'Irlande, qui ont des programmes sinon aussi bons que ceux-là, sinon meilleurs. Et, nous, on fait le pari qu'en travaillant avec l'industrie des sciences de la vie il y a encore des investissements possibles. Le Québec est basé sur trois types d'économie principalement: les télécoms, l'aéronautique et les sciences de la vie. Les télécoms, la bulle a pas mal éclaté. L'aéronautique, ce n'est pas facile, et l'aéronautique demande des subventions. Jamais l'industrie pharmaceutique ne demande de subventions. Ce que l'industrie veut, c'est un environnement positif pour nous permettre de faire le «pitch» de vente quand nos CEO vont à l'étranger pour s'assurer que l'investissement qu'on va chercher, bien que ce ne soit pas à Boston, que ce ne soit pas au Texas puis que ce ne soit pas en Irlande, mais que ce soit ici.

C'est vrai qu'on peut partir demain matin. Mais, nous, là, comme directeurs ici, sur le terrain, ce serait la pire des nouvelles. Moi, je travaille quotidiennement pour assurer un meilleur environnement pour notre société puis pour notre industrie. Puis, dans ça, bien il y a le remboursement des médicaments puis il y a l'innovation. Alors, c'est le message qu'on lance.

M. Charbonneau: Et, si vous aviez à évaluer, quand vous faites votre «pitch» de vente à Londres, là, combien de temps vos boss à Londres vous donnent pour que votre environnement d'affaires soit amélioré, au Québec, avant qu'ils décident d'aller ailleurs? Je sais bien, là, que vous n'avez pas de boule de cristal, mais c'est...

M. Madgin (Alain): Moi, je suis trop bas dans la structure pour savoir ça.

M. Charbonneau: Je ne sais pas si vous êtes trop bas ou pas ou si c'est un élan d'humilité exagéré, là, mais vous devez avoir... Vous connaissez suffisamment le marché, là, est-ce qu'on est à minuit moins cinq ou on est à minuit moins vingt?

M. Madgin (Alain): Oui. Je vais vous répondre là-dessus. L'image que je donne, moi, c'est qu'il ne faut pas attendre que le Texas vienne nous faire des offres, comme il l'a fait à Bombardier, pour délocaliser nos entreprises, il faut travailler maintenant pour... On n'est pas négatifs. Au contraire, le Québec a été une terre d'asile, elle le demeure. Quand on se compare, on se console. Ça va très bien ici, au Québec, par rapport aux autres provinces canadiennes, mais il ne faut pas... L'objectif est ne pas de se ramener aux autres provinces canadiennes, c'est de se dépasser encore une fois puis de faire le pari que nos investissements vont pouvoir venir ici.

M. Charbonneau: Qu'est-ce que vous répondez aux gens, parce qu'il y a d'autres groupes qui ont présenté des mémoires à la commission qui craignent que finalement les entreprises... qui craignent la trop grande proximité dans les programmes d'échange ou d'optimisation, de discussion, de partenariat avec le gouvernement, qu'il y ait comme une espèce, à un moment donné, de liens trop incestueux, là, qu'il y ait trop finalement... à quelque part qu'il y ait une espèce de conflit d'intérêts, là, que les citoyens n'aient pas l'impression que... Parce que les compagnies pharmaceutiques, puis je sais que ma collègue Louise Harel, dans ses remarques préliminaires, au départ, avait même reconnu que... Bon, vous êtes comme nous autres, vous n'avez pas bonne presse, et les gens perçoivent l'industrie pharmaceutique comme une industrie qui a bien de l'argent et qui, dans le fond... ? et vous ne vous êtes pas aidés en donnant un cadeau à tout le monde, là ? mais en plus qui... une industrie qui, à quelque part... dont il faut se méfier.

Alors, comment on peut créer un contexte où les citoyens vont avoir l'impression qu'ils peuvent faire confiance à des entreprises pharmaceutiques, par exemple, comme la vôtre, tout en étant convaincus qu'il n'y aura pas d'excès, c'est-à-dire qu'on ne tirera pas un profit indu d'un partenariat avec l'État, là, et donc avec les pouvoirs publics?

Mme Frame (Sheila): ...M. le Président, avec la transparence. Avec notre association, on est en train de publier les codes d'éthique que, nous autres, on suit, avec des exemples. Si vous voulez sortir avec nos représentants lorsqu'ils parlent avec les omnipraticiens et les spécialistes, vous êtes certainement les bienvenus de venir avec nos représentants, chez AstraZeneca.

n (16 h 40) n

La valeur dont laquelle l'information... On est les experts, en fin de compte, sur nos produits. C'est nous autres qui avons conduit la recherche, on le sait. Alors, oui, on est en train de s'améliorer là-dedans, mais je demanderais si la société voit que la valeur dont laquelle l'éducation continue... professionnelle continue, que, nous autres, on apporte... Je suis bien surprise s'il y a d'autres personnes qui vont payer pour ça. Alors, nous autres, on est en train de le faire, on va le faire dans une façon transparente. On encourage les gens de sortir avec nous autres. Est-ce qu'on peut s'améliorer? Absolument. Est-ce qu'on peut l'améliorer avec les partenariats des gouvernements? Absolument. Est-ce qu'on est prêts à le faire? Oui. Alors, on n'est pas parfaits, mais on est ici.

M. Madgin (Alain): Juste un point à rajouter là-dessus.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Nous autres aussi.

M. Madgin (Alain): Nous, on a été partie prenante à une des premières ententes. Ça a très bien fonctionné. Évidemment, il y a toujours des questions... Il y a eu des délais parce que c'était une première, et tout ça. Ça a porté fruit, jusqu'à un certain point. C'est normal, c'était une première expérience. Nous, on était très heureux de travailler avec le ministère. C'est toujours plus simple de travailler ensemble que de se faire imposer des choses. Mais le rôle du Conseil du médicament était là, et, nous, on veut maintenir ce rôle-là. Demain, vous allez voir, notre industrie va venir parler du rôle du Conseil du médicament. Il faut maintenir le rôle du Conseil du médicament. Ça prend, pour le grand public ? et c'est normal, et j'en suis le premier ? un organisme qui fait la différence entre différents points de vue, et ces choses-là. La question est: Est-ce qu'on peut faire mieux? Sûrement.

Vous savez, on est très heureux d'être ici aujourd'hui. Il n'y a aucune autre province qui a une politique du médicament, il n'y a aucune autre province qui a été aussi dynamique et progressive, tous partis politiques confondus, avec nous. Nous, on est prêts à continuer, mais il y a des petits points qu'il faut améliorer. Si on avait fait la même présentation dans une autre province, on n'aurait pas eu juste trois points à soulever, on en aurait eu des dizaines et des dizaines. On vient lancer le message ici aux parlementaires, en commission, et au ministre, et au gouvernement qu'on veut continuer les efforts qu'on a déjà investis.

Quant à notre réputation, oui, c'est vrai qu'il y a eu des soubresauts dans le passé. Il y a maintenant des codes d'éthique, il y a eu des décisions qui ont été prises de s'autoréguler, et c'est toujours mieux comme ça. Tout ça n'est pas parfait, c'est en évolution, mais on pense qu'on peut faire mieux si on est assis avec les gens du gouvernement, la fonction publique, le personnel politique pour trouver des solutions avant qu'il y ait des problèmes.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): ...si vous permettez, la députée de Lotbinière brûle de vous poser une question.

Mme Roy: Merci. Je pense qu'on a bien compris le contexte où vous vous situez au niveau de la globalisation et que, dans toutes les industries, on sait que la meilleure façon d'y faire face, c'est d'investir dans le savoir, dans l'excellence des cerveaux québécois. Ça, pour ça, je pense que c'est acquis, puis votre démonstration est éloquente à ce sujet.

La partie que j'ai moins perçue ou que vous avez moins matérialisée, là, c'est la façon de faire un partenariat. On comprend que vous voulez en faire un, mais, la façon dont vous voulez en faire un, ça, il n'y a pas d'image claire dans mon esprit, là, suite à votre présentation. Est-ce que ça veut dire, par exemple, comme en Ontario, là, qu'ils vont partager les risques d'un nouveau médicament, là, émis, accepté par le Conseil du médicament, que la compagnie pourrait accepter de partager les risques découlant de l'introduction d'un nouveau médicament? Est-ce que ça peut vouloir dire ça? Est-ce que ça veut dire une implication au niveau du préventif? Est-ce que ça veut dire un nouveau mécanisme au niveau du Conseil du médicament? Qu'est-ce que ça veut dire exactement, là, «partenariat», pour vous?

Mme Frame (Sheila): Alors, M. le Président, il y a plusieurs façons dont on pourrait envisager un partenariat. Le partenariat qu'on a fait avec le gouvernement au niveau des IPP, on a appris beaucoup. Je peux vous dire... Comme la personne qui est responsable du marketing à Toronto, ça n'a pas bien marché à Toronto non plus, il a fallu changer la culture de notre organisation pour qu'ils comprennent la façon dont on devrait faire le marketing au Québec. Alors, c'était une expérience où... aussi pour la compagnie et aussi pour le gouvernement, je crois, de changer la façon dont on met nos nouveaux produits sur le marché. Je crois que ça va dépendre du médicament, ça va dépendre de l'utilisation qui se fait aujourd'hui de ce médicament-là, ça va dépendre de la demande au niveau des consommateurs. Ça va dépendre de beaucoup de choses, et je crois que ce qu'on aimerait encourager, c'est que, tant qu'on peut travailler avec le Conseil du médicament à développer des programmes pour s'assurer que les médicaments sont accessibles aux gens qui en ont besoin pour le temps qu'ils ont besoin, que les décisions se font sur une base d'évidence scientifique et qui sont appropriées, par un jugement qui ne serait pas plus que juste une personne qui ferait la décision, on est prêts à voir tout ce qui serait possible.

Je ne sais pas, Jean, si tu veux ajouter, au niveau des IPP, l'expérience spécifique qu'on a eue?

M. Jutras (Jean): Avant, je voudrais peut-être dire un mot au sujet des partenariats. Je pense que le partenariat est naturel entre le gouvernement, qui a pour intérêt le mieux-être de la population du Québec... Et, nous, on vous rejoint, en ce sens que, nous, on a un intérêt aussi pour la santé de la population du Québec, pas seulement que les patients, mais aussi la population. On veut garder la population en santé le plus longtemps possible pour que, lorsque les gens tomberont malades, ils puissent avoir accès aux médicaments.

Alors, vous parliez de prévention. Effectivement, la prévention, c'est un domaine qui nous intéresse de plus en plus, et on aurait un partenariat naturel à faire avec le gouvernement du Québec pour faire des programmes, des choses ensemble, et aussi avec les autres acteurs du système de santé qui sont intéressés également par ce genre de programmes. Alors, il y a la prévention. Il y a également l'éducation, l'information. Il y a beaucoup de choses qui peuvent se faire pour les professionnels de la santé, mais aussi pour les patients. Et je crois que, si nous réussissons à communiquer ce que nous faisons ensemble à la population, elle appréciera la valeur que ces programmes-là pourront apporter.

On a déjà eu des expériences récentes, dont le plan d'action sur les IPP qui est une première. On peut l'améliorer, il y aura probablement, je l'espère, une nouvelle forme de partenariat. C'est ce que le ministre souhaite que nous accomplissions, et je crois que, cet automne, nous allons travailler avec les gens du ministère pour élaborer un modèle. Mais je crois que le partenariat est la voie du futur, et, au Québec, on peut créer un modèle qui nous servira peut-être à inspirer d'autres provinces et à nous démarquer encore une fois.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, c'est sans doute promis à un très bel avenir, puisque dans le passé le Québec a aussi fait la démonstration de sa capacité en coopération, collaboration et concertation. C'est une terre très fertile en la matière. Alors, merci de votre contribution, Mme Frame, M. Madgin, M. Jutras. J'invite les représentants de la prochaine association à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): ...s'il vous plaît! La commission poursuit ses travaux. Nous accueillons les représentants de l'Association québécoise des personnes stomisées: M. Jean-Pierre Lapointe au centre, M. Réal Lamarche à ma droite, donc à sa gauche, et M. Jude Ruest à ma gauche. Alors, je vous invite à résumer l'essentiel de votre mémoire en quelque 20 minutes, suite à quoi, comme vous le savez, vous aurez des échanges avec les parlementaires. Alors, M. Jean-Pierre Lapointe, vous êtes le bienvenu, à vous la parole.

Association québécoise des
personnes stomisées (AQPS)

M. Lapointe (Jean-Pierre): Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs de la commission parlementaire des affaires sociales, M. le ministre, mes premiers mots seront pour vous remercier de nous accueillir en cette audition de la Commission des affaires sociales.

J'assume la présidence de ce regroupement volontaire qui a pour raison sociale l'Association québécoise des personnes stomisées. Je suis accompagné à la table: à ma gauche, M. Réal Lamarche, de l'Estrie, qui est vice-président de l'association, et, à ma droite, M. Jude Ruest, qui est trésorier, qui vient du Saguenay?Lac-Saint-Jean.

Notre regroupement a été fondé officiellement en 2003. Il est le fruit du regroupement... avec l'encouragement formel, je le souligne avec emphase, du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec ainsi que de la Régie de l'assurance maladie du Québec, afin de donner une voix coordonnée à un contingent approximatif de 10 000 Québécois et Québécoises affectés à cette condition de personne stomisée à la suite de multiples raisons pathologiques et médicales.

n (16 h 50) n

Cette condition n'est pas une maladie émergente, et nombreux sont nos concitoyens et concitoyennes qui en sont affectés, et ce, depuis bien des décennies. D'ailleurs, il existe, depuis plus de 50 ans, des regroupements régionaux de personnes stomisées qui historiquement négociaient des conditions d'assistance avec les organismes réglementaires. C'est d'ailleurs dans le but de standardiser ces ententes et faciliter d'autant les négociations implicites que l'association québécoise sera mise sur pied. En témoignant devant vous aujourd'hui, nous prétendons donc à juste titre représenter l'ensemble des personnes stomisées, qu'elles soient ou non membres d'une ou l'autre d'une quinzaine d'associations régionales, et parler en leur nom, peu importe que leur condition soit temporaire ou permanente, comme c'est très souvent le cas.

Notre représentation à ce jour se veut inspirée des valeurs de compensation qui doivent animer toute société évoluée comme la société québécoise et qui fournit à chacun de ses citoyens et citoyennes le filet de sécurité essentiel au maintien d'une certaine qualité de vie. Comme ce n'est pas le cas d'autres catégories de personnes qui ont comparu ou comparaîtront devant les membres de cette commission parlementaire, nous tenons à souligner que depuis de nombreuses années le gouvernement du Québec, par le truchement de la RAMQ, a accordé à cette catégorie de citoyens à part entière que sont les personnes stomisées du Québec une assistance financière. Cette assistance a pour but d'alléger une partie des frais encourus pour faciliter leur intégrité physique tout autant que leurs capacités fonctionnelles dans la vie de tous les jours.

Pour les personnes qui sont peu familières avec le dossier des personnes stomisées, constatons qu'avec les développements technologiques, l'augmentation de l'espérance de vie et l'amélioration générale des soins médicaux il est indéniable que le contingent de personnes stomisées n'est pas appelé à diminuer dans un avenir prévisible.

Comme c'est souvent le cas lors des comparutions d'organismes comme le nôtre, nous ne revendiquons pas de montants nouveaux pour réaliser des recherches en vue de la guérison. Nous sommes pleinement conscients qu'il s'agit, dans de nombreux cas, d'une situation irrévocable. C'est d'ailleurs pourquoi l'AQPS s'est également donné, dans sa mission institutionnelle, le mandat de travailler en étroite collaboration avec les entreprises pharmaceutiques au développement de médicaments certes, mais surtout de systèmes efficaces permettant de faire face aux aléas quotidiens de notre situation. Je souligne d'ailleurs avec plaisir que cette collaboration est très dynamique et qu'elle permet avec une certaine régularité la mise en marché de nouveaux systèmes de soins performants et adaptés à notre situation. Là où la situation des personnes stomisées du Québec s'avère plus délicate et milite en faveur de notre intervention devant une commission parlementaire chargée de définir une politique du médicament moderne et adaptée, c'est certes la recherche d'un équilibre entre la capacité gouvernementale d'apporter une assistance financière et l'allégement direct des souffrances subies par divers contingents de ces citoyens affaiblis par la maladie et autres conditions pathologiques temporaires ou permanentes.

De manière à bien comprendre le contexte qui est le nôtre, il est important de rappeler que les personnes stomisées reçoivent une aide financière de l'État de l'ordre de 600 $ annuellement pour les soutenir dans l'acquittement des frais qu'elles doivent assumer pour le maintien d'une qualité de vie acceptable compte tenu des circonstances. Nous en sommes infiniment reconnaissants. Cette allocation financière fait l'objet d'un versement unique annuellement par la RAMQ à la date d'anniversaire du patient. Or, le montant de cette allocation n'a pas été révisé depuis 1992, malgré les représentations nombreuses effectuées d'une part par les associations régionales et par l'AQPS depuis sa fondation. Notre présence ici se veut donc un appel à l'équité, un vocable bien entendu utilisé à toute sauce par les temps qui courent mais qui s'applique de manière tout à fait intégrale à notre revendication. 13 ans sans ajustement nous semble refléter sinon un déni d'équité, à tout le moins un comportement administratif négligent à l'égard d'un contingent de citoyens qui doivent endurer, en plus d'une situation personnelle extrêmement difficile, voire démoralisante, la lourdeur d'une bureaucratie qui limite son action à des personnes non tenues... au report systématique de toute tentative d'entente. Ces paroles sembleront peut-être dures à plusieurs d'entre vous, mais nous croyons devoir les utiliser en toute légitimité, puisqu'il y a longtemps que les limites de la patience des personnes stomisées du Québec ont été atteintes, sinon carrément dépassées. Le moment que vit actuellement la structure parlementaire qui est celle de la Commission des affaires sociales apparaît tout indiqué pour réparer le préjudice que vivent quotidiennement de nombreux Québécois et Québécoises.

Nous croyons fermement que la politique du médicament actuellement à l'étude doit inclure un chapitre relatif à l'assistance fournie aux personnes stomisées québécoises, afin de régulariser une situation déplorable où des personnes assumant des conditions pathologiques difficiles doivent au surplus faire valoir leurs intérêts, sans grand résultat, auprès de nombreuses instances. L'inclusion d'une approche globale de l'assistance médicamenteuse et pharmacologique à l'égard de cet important contingent de la population à la politique québécoise du médicament s'impose. D'autre part, il apparaît souhaitable que la RAMQ, qui est en somme un organisme payeur, soit relevée des volets fixation de barèmes et négociation directe avec les bénéficiaires.

Dans une politique du médicament qui veut être inclusive, il serait probablement approprié qu'elle prévoie des mécanismes d'indexation ou de mise à niveau clairs et limpides pour l'ensemble des parties. On économiserait inévitablement des tractations, des négociations, des rencontres récurrentes qui ont souvent comme caractéristique principale d'achopper de manière systématique. Cette constance d'improductivité reflète bien mal, à notre sens, la mission gouvernementale que sous-tend un régime d'assurance santé, aussi qu'une politique universelle de médicament.

En annonçant la tenue de la présente commission parlementaire le printemps dernier, le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec a précisé que la consultation avait pour but de présenter à la population une proposition globale et cohérente sur l'accès, l'utilisation optimale et le prix des médicaments, exprimée sous forme d'orientations. Le ministre ajoutait que l'accès aux médicaments requis est une nécessité pour nos concitoyennes et concitoyens, tout en souhaitant pouvoir en arriver à des propositions financières justes et équitables à toutes les étapes du processus. C'est donc dans cette trajectoire que nous situons la présente intervention.

En terminant, nous nous permettons de réitérer les principes qui devraient guider à notre avis le législateur québécois dans l'énoncé de sa politique. Nous sommes convaincus que la solution au mur d'incompréhension actuel réside dans l'inclusion des principes directeurs de l'assistance pharmacologique et médicamenteuse consentie aux personnes stomisées dans l'éventuelle politique générale du médicament que souhaite faire adopter le ministre de la Santé.

n (17 heures) n

Ces principes, au nombre de deux, sont les suivants. Dans l'esprit d'une saine gestion du médicament au Québec, nous reconnaissons la nécessité de définir des paramètres généraux s'appliquant aux nombreuses et multiples clientèles. Compte tenu des besoins particuliers des personnes stomisées du Québec, des principes généraux d'ajustement périodique de l'allocation annuelle devront être intégrés à la politique générale du médicament. En définissant de tels paramètres, la RAMQ se verrait sans doute relevée de la responsabilité de partie prenante à une négociation qui déborde jusqu'à un certain point sa fonction fondamentale d'agent payeur de prestations diverses dispensées dans le domaine de la santé au Québec. Et l'enchâssement dans la politique québécoise du médicament d'orientations financières relativement précises quant à l'ajustement périodique de l'allocation consentie aux personnes stomisées serait indiscutablement un moyen utile et approprié pour redresser l'actuelle situation préjudiciable à leur égard.

Historiquement, les personnes stomisées du Québec ont su maintenir à travers vents et marées un réseau de solidarité efficient et qui a fonctionné avec dynamisme depuis des décennies. En mettant sur pied l'AQPS, ces personnes ont estimé que le temps et les conditions étaient réunis pour mieux structurer ce réseau d'entraide afin de fournir à tous les intervenants sans exception, des malades aux décideurs politiques et administratifs, sans oublier l'ensemble des intermédiaires, fournisseurs spéciaux, médicaux et infirmiers, un organisme dont l'extension couvre véritablement l'ensemble du territoire québécois et qui sait parler d'une seule voix, comme nous le faisons dans la présente intervention.

Nous avons la sincère conviction d'avoir affiché une très grande patience depuis des mois, sinon des années. En toute déférence, l'inhabilité de l'appareil bureaucratique ? on est arrivé jusqu'à maintenant à une solution marquée à la fois de compassion et d'honnêteté pour un fort contingent de Québécoises et de Québécois ? force presque l'AQPS à prendre publiquement parti pour cette demande d'inclusion dans l'éventuelle politique québécoise du médicament. Nous croyons sincèrement que les quatre axes, soit l'accessibilité aux médicaments, le prix juste et raisonnable, l'utilisation optimale des médicaments et le maintien d'une industrie pharmaceutique dynamique, se retrouveront mieux définis, comme le souhaite le ministre dans son document d'encadrement dévoilé par la tenue de cette consultation.

Nous vous remercions de votre attention et nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci, M. Lapointe. Je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Lapointe, M. Ruest, M. Lamarche. En venant ici, vous faites un témoignage également de détermination. Mon père a trop brièvement été membre de votre... pas membre de votre association, mais touché par le problème que vous représentez aujourd'hui et, n'ayant pas vécu très longtemps après sa chirurgie, il n'a eu accès qu'une fois à l'allocation qui est versée pour le matériel.

Pour donner une information à la population qui nous écoute et aux collègues ? et bien sûr vous avez résumé le problème tel qu'il existe... le programme tel qu'il existe ? effectivement, sur présentation du certificat qui certifie le caractère permanent de la stomie, il y a versement annuel de 600 $ à la date anniversaire de la chirurgie. Il faut ajouter que, pour les prestataires de l'assistance-emploi, les appareillages sont fournis et remboursés complètement sur présentation de factures. C'est un programme donc qui existe depuis plusieurs années. Le dernier rehaussement... En fait, la compensation date du 1er novembre 1991. Elle est passée de 300 $ à 600 $ alors, et, depuis ce temps-là, bien, à chaque année, elle est restée à 600 $. Le coût global du système, du programme, actuellement est passé de 5,4 millions en 1994-1995 à 6 590 000 $ en 2004-2005. Alors, 6,5 millions, presque 7 millions de dollars.

Et, bien sûr, moi, je suis, comme tous les collègues et les gens qui nous écoutent, très sensible à votre demande. Pourriez-vous nous illustrer la différence pratique entre le 600 $ que vous recevez chaque année et les coûts réels que vous avez à assumer? Je suppose que vous avez fait de nombreux travaux là-dessus, alors vous devez savoir ces chiffres par coeur.

M. Lapointe (Jean-Pierre): Je vais vous présenter M. Ruest, qui est capable de répondre statistiquement à ça, à votre question.

M. Ruest (Jude): Alors, je vais vous répondre premièrement par un exemple concret, précis de la semaine dernière. J'ai quelqu'un qui m'a appelé ? au niveau du Saguenay?Lac-Saint-Jean, il y a 300 personnes stomisées qui communiquent avec nous de façon assez régulière ? puis elle m'a affirmé que, dans un mois, ça lui coûtait 150 $. Ça fait que comptez, pour 12 mois, combien est-ce que ça peut coûter. C'est une personne que ça faisait sept ans qu'elle était stomisée. Ça veut dire que l'ajustement de l'appareillage était d'après moi adéquat, et c'est le coût approximatif que ça peut coûter. Ça dépend... La première année d'une intervention chirurgicale, après qu'une personne soit stomisée, l'adaptation à différents appareils et aux compagnies peut varier. Ça veut dire qu'un appareil coûte environ 10 $ à 12 $, et on peut changer, la première année, entre trois et cinq fois par semaine. Ça veut dire que le coût peut aller de 2 000 $ à 3 000 $, la première année, pour l'appareillage. Et, dépendant du type de personne, du type de peau et du type de stomie, là, ça peut diminuer, et les frais vont varier entre 1 000 $ et 1 500 $ annuellement. C'est à peu près le coût approximatif.

Il y a des études qui ont été faites, et on définit la moyenne pour les trois types de stomie principale qui existent au niveau des personnes québécoises. L'urostomie, pour l'urine, c'est environ 1 000 $; la colostomie, pour le côlon, est environ 800 $; et l'iléostomie, pour l'iléon, le petit intestin, qui est environ 1 200 $. C'est une moyenne que... Je n'ai pas les statistiques pour le justifier, mais, au niveau des stomothérapeutes, c'est des informations qu'on nous a données. Personnellement, ça me coûte à peu près 1 000 $. Au niveau des autres statistiques, là, si mes confrères veulent renchérir, c'est à peu près ce que ça peut coûter, là. M. Lamarche.

M. Lamarche (Réal): On peut sortir des statistiques. Moi, je suis le président de l'Association de l'Estrie des personnes stomisées, et le téléphone de l'association aboutit chez moi. Ça fait que les gens m'appellent assez régulièrement. Et un des... L'association n'a pas les moyens financiers d'aider ces gens-là, mais les trois quarts, je dirais, des téléphones sont: Quand est-ce qu'on va changer, quand est-ce qu'on va changer? Et je me permets de leur poser la question: Combien ça vous coûte, combien ça vous coûte? Et, plus souvent qu'autrement, c'est des chiffres de 1 400 $, 1 600 $, 1 800 $. Plusieurs excèdent 2 000 $, mais c'est quand même, je pense, sur le total, peut-être l'exception, là. Je pense que les chiffres varient de 1 200 $ à 1 800 $ selon... pas des chiffres statistiques, là, parce que je ne les ai pas, selon l'information directement des utilisateurs. Donc, ça varie, comme M. Jude Ruest disait, ça dépend de ta condition personnelle, ça dépend de... Souvent, la température extérieure y fait beaucoup, parce que, quand il fait chaud, comme l'été qui s'en vient, on change l'appareil pas mal plus souvent. C'est trois jours, quatre jours plutôt que cinq jours, six jours, donc ça fait un impact financier au bout de l'année. Mais ce que les gens, les membres de l'association nous disent: C'est des tarifs qui varient de 1 200 $ à 1 800 $.

M. Couillard: Évidemment, là, votre collègue a également mentionné que le coût varie selon le type de stomie.

M. Lamarche (Réal): Oui.

M. Couillard: Alors, il y aurait peut-être là une piste, de faire des allocations différenciées selon le type de stomie, ce qui n'est pas le cas actuellement, c'est le même 600 $ pour tout le monde, quel que soit le type.

M. Lamarche (Réal): Effectivement.

M. Couillard: Et l'autre chose... Je comprends un peu mieux à écouter votre présentation, parce qu'on m'a mentionné qu'il y avait eu des conversations ? je ne sais pas si c'est avec votre association ou certains de vos collègues ? pour essayer d'améliorer le système, par exemple en vous donnant le matériel par le gouvernement, mais le gouvernement profiterait de son pouvoir d'achat en grande quantité pour obtenir des rabais sur la quantité... en raison de la quantité, des rabais sur le produit, ce qui économiquement pourrait rendre possible plus d'aide par rapport à ce qui est donné actuellement. Et je crois comprendre que le problème, c'est l'ajustement puis le changement de type d'appareil, surtout dans la première année. Est-ce que c'est pour cette raison que vous avez été réticents à accepter cette...

M. Lapointe (Jean-Pierre): Non. C'est que... Qu'est-ce que vous avez mentionné, M. le ministre... Nous avons rencontré des personnes à votre cabinet concernant l'aide matérielle au lieu de l'aide financière. Et les dernières correspondances que nous avons eues de M. Bureau mentionnent que le gouvernement se retire de cette option-là parce que ça deviendrait trop dispendieux, puis il n'y a pas assez de main-d'oeuvre pour nous fournir l'appareillage voulu d'une région à l'autre.

M. Couillard: Donc, l'orientation est de demeurer avec l'allocation financière plutôt que d'aller vers un achat gouvernemental.

M. Lapointe (Jean-Pierre): Oui.

M. Lamarche (Réal): Je vais rajouter qu'on est 15 alentour de la table, là, si on était 15 personnes stomisées, on aurait 15 situations différentes. Donc, une fourniture centrale, ce serait un problème administratif que je suis certain que vous ne voulez pas vous imposer. C'est trop spécifique. C'est sûr qu'après deux ans, trois ans, ça devient un petit peu systématique. On utilise le même produit. Mais, même si on utilise le même produit pendant deux, trois jours, il arrive une réaction où tu es obligé de changer puis tu es obligé de t'ajuster. Donc, tu ne peux pas appeler... dring, dring, dring St-Hubert BBQ, puis je veux un familial, là, parce qu'il faut que tu l'ajustes vraiment à ce que tu as besoin. Donc, je pense que ce serait plus un fardeau administratif à gérer de cette façon-là. Je pense qu'on a les services des stomothérapeutes, dans certaines régions, qui vont nous aider à ajuster ça, puis je pense qu'eux autres pourraient aussi vous dire que tu ne peux pas avoir «one fit for all».

M. Couillard: Il y a un monsieur qui veut parler.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Ah, le député d'Arthabaska?

M. Couillard: M. Ruest veut parler.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Ah! M. Ruest. O.K. Allez-y, M. Ruest.

n (17 h 10) n

M. Ruest (Jude): Et, même avec les années, l'appareillage qu'on pense qui va nous faire pendant plusieurs années ? on est venu qu'on s'est adapté avec les trois compagnies, on finit par avoir un appareillage qui nous satisfait ? ...notre corps change, souvent notre volume corporel aussi change, et ça influence, on devient... Moi, je suis devenu allergique à certains produits d'une compagnie, ça fait que j'ai été obligé de prendre l'appareillage d'un produit puis d'autres produits d'une autre compagnie pour avoir un système d'appareillage satisfaisant. Ça fait que c'est pour ça que ça peut varier. Le coût dans une année peut varier, quasiment doubler dans une autre année, là, dépendant de certaines conditions, là, puis ce n'est pas uniforme. Malheureusement, ce n'est pas uniforme, puis, comme M. Lamarche disait, ça varie d'une personne à l'autre.

M. Couillard: Vous faites notre éducation aujourd'hui, là, c'est important qu'on prenne bien conscience de votre vécu. Je reviens à l'histoire de mon père, là. Quand il a été hospitalisé, c'était à Montréal, alors il y a probablement plus de ressources professionnelles à Montréal. C'est une infirmière en fait qui était spécialisée dans le soin aux patients stabilisés qui lui a enseigné, ainsi qu'à ma mère, la façon de s'occuper, de soigner la stomie. Est-ce que... Vous me dites que, dans les régions, ce n'est pas partout pareil, le service pour l'enseignement aux personnes qui ont des stomies. Décrivez-nous un peu le portrait québécois de ça, là.

M. Lapointe (Jean-Pierre): Exactement. Présentement, au Québec, nous avons 12 infirmières ou 13 infirmières qui sont spécialisées en la matière. Nous les appelons les infirmières stomothérapeutes. Ces personnes-là fonctionnent avec le budget de l'hôpital, ce n'est pas un poste établi par le gouvernement, c'est sur les frais administratifs de l'hôpital. Il y a certains hôpitaux, dans les régions, qui ne pratiquent pas de chirurgie pour les stomies, ça fait qu'ils n'ont pas besoin d'infirmières stomothérapeutes. Mais, par contre, il y a des grandes régions éloignées, comme en Abitibi ou en Gaspésie, où il y a des personnes stomisées parce qu'elles se sont fait opérer à Québec ou à Montréal, qui sont rendues dans cette région-là, qui ont besoin de traitements, qui ont besoin de consultations annuellement, elles n'ont pas de service d'infirmières stomothérapeutes. C'est pour cette raison-là que, dans une de nos revendications qu'on a faites à votre cabinet, M. le ministre, nous demandions, en plus de hausser nos prestations, d'avoir accès à ces infirmières stomothérapeutes là pour nous aider à fonctionner normalement.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): C'est bien. Alors, je cède la parole au député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Messieurs, est-ce que vous avez une indication sur... parce que là vous nous avez parlé des coûts des équipements actuels. Mais, en 1992, quand on a accordé 600 $, c'était combien, les équipements, à ce moment-là?

M. Lapointe (Jean-Pierre): Pour votre information, M. le député, j'ai passé à la commission Rochon, nous avons présenté un mémoire à la commission Rochon, qui remonte à quelques années antérieures, et, dans le temps, nous avions 300 $, le gouvernement nous donnait 300 $. Et, dans ce temps-là, ça nous coûtait 400 $ et 500 $, en 1990, ou 1989, 1990. Et, lorsque nous avons rencontré la commission Rochon, à Montréal, nous avons demandé, avec des preuves à l'appui, que... Ça ne coûte plus 300 $, ça coûte 500 $ et 600 $ pour nos appareils, nos prothèses. Et, à la suite de ça, le gouvernement, le ministère de la Santé nous a donné 600 $, à partir de fin septembre 1991, début 1992.

M. Charbonneau: Est-ce que je vous comprends bien? Si je vous comprends bien, ce que vous dites, c'est qu'en 1992, quand on vous a accordé 600 $, ça couvrait à peu près... totalement le coût ou, disons, la grosse proportion, peut-être 80 %...

M. Lapointe (Jean-Pierre): Oui, d'accord, mais dépendamment de la condition de la personne, oui.

M. Charbonneau: Oui, je comprends. Mais disons que pour... Globalement, là, on peut dire peut-être 80 %, si on veut simplifier, des coûts, par rapport à une réalité aujourd'hui qui est pas mal moindre.

M. Lapointe (Jean-Pierre): Exactement.

M. Charbonneau: Et ce que vous dites, c'est que, un, vous souhaiteriez que, bon, on rehausse finalement dans le même sens...

M. Lapointe (Jean-Pierre): Oui, monsieur.

M. Charbonneau: ...d'une part, puis qu'on assimile cette prothèse-là ? parce que vous utilisez le mot «prothèse» dans votre mémoire ? à un médicament.

M. Lapointe (Jean-Pierre): Oui.

M. Charbonneau: Parce que dans le fond, si vous êtes ici alors qu'on étudie la Politique du médicament, c'est que vous dites: Nous, ce n'est pas un produit chimique qu'on utilise, c'est un produit physique, c'est un matériel, mais vous aimeriez qu'il soit assimilé à un produit médicamenteux.

M. Lapointe (Jean-Pierre): Exactement.

M. Charbonneau: Et donc, à ce moment-là, que le gouvernement considère la possibilité de le traiter comme un médicament en plus de... Donc, il y a comme une double revendication, à la fois que les produits soient traités comme un médicament ou assimilés à un médicament d'une part, et puis, indépendamment de ça, qu'on rehausse le coût de l'aide gouvernementale à l'équivalent de ce qu'il était au départ puis quand il y a eu un ajustement.

M. Lapointe (Jean-Pierre): Oui.

M. Charbonneau: Parce que dans le fond ce que vous posez comme problème, puis c'est vrai pour tous les gouvernements, quelque parti politique que ce soit, c'est que, quand on met en place une mesure qui vaut tant à un moment donné et qu'on n'ajuste pas au coût de la vie, bien, avec le temps, la mesure ne vaut plus tant et elle ne vaut plus ce qu'elle était au départ. Et, à ce moment-là, finalement on fait porter, sans le dire, le fardeau additionnel aux patients ou aux citoyens, là. Est-ce que... Par rapport à la politique, est-ce que les gens qui vivent dans des conditions comme les vôtres, là, est-ce qu'ils ont aussi besoin d'aide médicamentée?

M. Lapointe (Jean-Pierre): Non, je ne croirais pas qu'on ait besoin d'aide médicamentée. On a besoin d'aide infirmière, de personnel stomothérapeute pour nous guider, pour vérifier annuellement nos prothèses ou les soins qu'on a besoin.

M. Charbonneau: Parce que ça, c'est moins une problématique. La Politique du médicament est une problématique, disons, de services, d'accès à des services, de disponibilité de services qui ne sont pas offerts partout de façon équivalente, là. Le ministre dit que son père n'a sans doute pas eu les mêmes problèmes que certains autres concitoyens dans d'autres régions du Québec, parce qu'il n'y avait pas les ressources médicales. Vous me parliez de certaines...

M. Lapointe (Jean-Pierre): Sûrement, sûrement. Si le père du ministre avait été traité dans une région comme en Gaspésie ou à Mont-Laurier, il aurait eu moins de services puis il n'aurait pas eu de conseils d'une infirmière spécialisée en la matière.

M. Charbonneau: Juste une question, mais ce n'est peut-être pas tellement à vous. Finalement, je pense que le ministre l'a donnée, la réponse, et je ne l'ai pas saisie. Le budget actuel, c'est 6 millions?

M. Couillard: Dans le programme de la RAMQ, les aides techniques, c'est 6 590 000 $ juste pour ça.

M. Charbonneau: Ça veut dire que, si on voulait... Dans le fond, si, disons, 600 $ correspond... Par rapport, disons, à une moyenne de 1 500 $ à 2 000 $, si on voulait faire en sorte que ce soit l'équivalent de 80 %, comme c'était au début, ça peut nous donner une idée un peu de ce que ça pourrait vouloir dire.

M. Couillard: C'est un problème constant dans le système de santé, avec les ressources financières. Mais, moi, je suis très sensible à ce qui nous est présenté aujourd'hui. Et je sais bien que ce n'est pas beaucoup de vous dire ça aujourd'hui, mais on va regarder le problème et voir ce qu'on peut faire. Je sais que vous avez entendu ça souvent au cours des 13 dernières années et...

M. Lapointe (Jean-Pierre): ...M. le ministre, c'est qu'à un moment donné, dans vos statistiques que vous mentionnez, c'est que vous mentionnez les 10 000 personnes stomisées qui reçoivent un montant de 600 $ présentement, plus les excès que les personnes sur l'aide sociale reçoivent aussi, que malheureusement, nous, on n'a pas le droit de... on a juste un montant de 600 $. Ça fait que ça ne figure pas, honnêtement, un chiffre précis, combien ça nous coûte individuellement.

M. Charbonneau: Dans le fond, la question, c'est: Est-ce que l'État québécois aujourd'hui veut et peut payer 80 % de ce qu'il avait accepté de payer en 1992? Autrement dit, est-ce qu'il est prêt à maintenir... à rétablir, en 2005, le niveau d'aide qu'il avait déjà accepté d'accorder il y a 13 ans?

M. Lapointe (Jean-Pierre): Exactement.

M. Charbonneau: C'est ça, la question qu'on pose.

M. Couillard: ...hiatus.

M. Charbonneau: Appelons-le hiatus ou la culpabilité partagée. Oui. Puis l'autre question, ce serait la suivante aussi, puis je pense que le ministre en conviendrait, si on veut éviter que son successeur éventuel, aujourd'hui ou dans 13 ans, ait le même problème, c'est qu'il faudrait se poser la question: Est-ce que, là comme dans d'autres domaines, on est capable d'envisager aussi une politique d'indexation de l'aide gouvernementale à l'augmentation des coûts? Parce que ça aussi, c'est... je veux dire...

M. Lapointe (Jean-Pierre): C'est important.

M. Charbonneau: Dans le fond, il y a 13 ans, on a reconnu 80 %. On a laissé la situation en fait se détériorer d'une certaine... en tout cas, sûrement de votre point de vue. Et aujourd'hui on se retrouve avec le problème que vous nous posez. Faisons l'hypothèse qu'on le réglerait puis qu'on ajusterait à 80 %, mais est-ce qu'on l'ajusterait avec un mécanisme...

M. Lapointe (Jean-Pierre): Bien, c'est important, M. le député, parce qu'on ne reviendra pas, au bout de cinq, six ans, pour rencontrer encore de la bureaucratie puis rencontrer encore des présentations.

n (17 h 20) n

M. Charbonneau: La question, c'est... la question... puis je n'ai pas de réponse, parce que ça peut être facile de faire du surf pour vous faire plaisir, là, mais la question, c'est: Est-ce que notre société ou l'État est capable de payer, dans toute une série de domaines, l'indexation? La question, elle se pose. C'est clair que la réponse n'est pas si simple que ça, là. En tout cas, si ce n'est pas pour le ministre de la Santé, c'est sûrement pour le ministre des Finances, c'est pour tout le monde aussi d'une certaine façon. Mais le fait est là, c'est qu'on pourrait éventuellement décider, mais est-ce qu'on va... est-ce qu'un jour ou l'autre on va se donner la capacité, est-ce qu'on va avoir la capacité de pouvoir suivre les aides gouvernementales à l'augmentation du coût de la vie, dans toute une série de domaines?

M. Lapointe (Jean-Pierre): On subit cette augmentation-là, nous.

M. Charbonneau: Je sais. C'est clair que le citoyen, le patient, lui... parce que, si ce n'est pas le pouvoir... autrement dit, si ce n'est pas le trésor public, donc l'ensemble de la collectivité qui supporte l'augmentation, bien c'est l'individu qui le supporte.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, la parole est à la députée de Rimouski.

Mme Charest (Rimouski): Merci. Bienvenue, messieurs. Et je trouve que c'est important, la démarche que vous faites aujourd'hui. Écoutez, je pense que la plupart des élus autour de la table et probablement ceux du salon bleu, lorsqu'on y sera tous, n'ont pas la connaissance de l'état de votre dossier, et le fait que vous soyez ici aujourd'hui est un pas, je pense, important pour vous et les personnes qui vivent la même situation.

Ceci étant dit, je me posais la question... Il existe à la RAMQ un programme qui finance certains types de prothèses, avec des critères, là, et je me demandais: Est-ce que vous avez évalué que... Plutôt que de recevoir une allocation de x dollars par année, est-ce que ce ne serait pas mieux de vous faire reconnaître pour que ces prothèses-là soient financées au même titre que ce que la RAMQ finance déjà pour d'autres types de prothèses? Je pose à la fois la question au ministre et à l'association: Est-ce qu'il y a eu une exploration, hein, est-ce qu'on a pu explorer cette avenue-là pour essayer de trouver une solution au problème et justement pour éviter de se retrouver, dans cinq ans ou peu importe le nombre d'années, en se disant: Bien là, c'est rendu tellement cher qu'on n'est plus capables d'assumer même 80 %? Et là on crée encore un problème pour les personnes qui ont besoin de la prothèse et qui n'ont pas nécessairement les moyens d'assumer le coût total de ces équipements qu'ils ont besoin pour survivre.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Lapointe.

M. Lapointe (Jean-Pierre): Je demanderais à M. Ruest...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. M. Ruest, alors.

M. Lamarche (Réal): Je vais essayer de répondre. C'est qu'effectivement, à moins qu'il y ait, sous le chapeau d'une prothèse, une augmentation automatique et une indexation automatique, je vais dire oui. Mais effectivement ce n'est pas nécessairement une prothèse dans le sens de prothèse. C'est qu'à tous les trois jours, quatre jours, on la jette aux poubelles puis on en met une autre. Donc, c'est...

Une voix: ...

M. Lamarche (Réal): C'est plus un genre de pansement. Dans ma tête à moi, c'est plus pansement que prothèse. C'est sûr que ça n'a pas la même utilité, ça n'a pas la même utilité qu'un pansement tous les jours, c'est un mélange des deux. Mais effectivement c'est des choses qu'il faut ajuster à notre corps une fois par semaine, ou presque, au minimum, là, pour presque tous les types de stomie. Donc, ce n'est pas nécessairement une prothèse.

Mme Charest (Rimouski): ...prothèse, médicament?

M. Lamarche (Réal): Je ne connais pas la mécanique du programme des prothèses, mais c'est plus, pour nous, un médicament.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, puisque le ministre a été invité à participer à la conversation, je vais aller de ce côté-là, mais je vais revenir ensuite à la députée de Champlain.

M. Couillard: Bien, je dirais, de façon préliminaire, que ce qui est suggéré m'apparaîtrait assez complexe sur le plan administratif, surtout qu'on a vu que le type d'appareillage change beaucoup dans l'année. Ce serait à mon avis d'une complexité énorme de mettre ça centralement. Je pense que l'allocation financière globale demeure quand même le bon choix, puis là évidemment on est confronté au non-ajustement du coût, comme mon collègue le soulignait.

Afin de compléter le portrait de la situation, là, la partie du coût que vous défrayez vous-mêmes, la différence entre le coût réel et l'allocation que vous recevez, est-ce que c'est déductible? Est-ce que vous pouvez faire des réclamations fiscales, là-dessus, dans vos frais médicaux? Non?

M. Lapointe (Jean-Pierre): Non.

M. Couillard: Ce n'est pas acceptable?

M. Lapointe (Jean-Pierre): Non.

M. Lamarche (Réal): Bien, les gens qui ont une assurance privée peuvent réclamer l'excédent. Comme moi, personnellement, j'ai une assurance avec le gouvernement fédéral, et l'excédent, je le récupère par mon assurance médicale personnelle. Mais...

M. Couillard: Donc, il y a des assureurs privés qui paient le plein...

M. Lamarche (Réal): C'est ça.

M. Couillard: O.K.

M. Lamarche (Réal): Mais, dans notre population de membres, il n'y a pas beaucoup de monde dans cette situation-là, je dirais. Il n'y a pas plus que 30 % ou 40 % des gens qui sont membres des associations qui possèdent une assurance privée.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci, M. Lamarche.

M. Couillard: Puis, attendez un peu, j'en ai une dernière, très brève. Ça ne sera pas long.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Une dernière, très brève, du côté ministériel.

M. Couillard: C'est plus, je dirais, un clin d'oeil qu'une question. Je vous écoutais dire que vous avez été à la commission Rochon. Je serais tenté de vous demander combien de ministres de la Santé vous avez rencontrés depuis pour parler de ce problème-là, mais j'aime mieux ne pas entendre la réponse. Ça va.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Alors, vous poursuivrez cette conversation-là privément, s'il vous plaît. Alors, Mme la députée de Champlain. Est-ce que, Mme la députée de Rimouski, vous aviez fini de poser vos questions?

Mme Charest (Rimouski): Non, ça va. C'est parce que j'avais soulevé la question, là, de voir à explorer d'autres pistes. J'en conviens, que ça peut être lourd administrativement parlant, et je trouve que c'est un petit peu embêtant, parce que ce n'est pas un médicament, ce n'est pas une prothèse, c'est un équipement. En tout cas. Mais, peu importe, là, la suite de la réflexion, et le travail, et l'attention que le ministre va consacrer au dossier me rassurent, parce que ce que j'entends, ça me dit qu'il va s'en occuper. Alors...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Ça va être encore plus rassurant si vous vous occupez du ministre.

M. Charbonneau: Je vais vous dire une chose, c'est qu'on va le féliciter, de ce côté-ci, si, après 13 ans et malgré notre part, lourde, de responsabilité, il décidait de régler le problème. Je ne sais pas s'il y aurait un mécanisme d'indexation en plus. Là, on le féliciterait doublement en rendant à César ce qui revient à César.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, sur ce, Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Vous vous souvenez toujours de votre question?

Mme Champagne: Oui. Bonjour à vous trois.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Je m'excuse du délai.

Mme Champagne: Ah, il n'y a pas de problème. Deux petites questions. On apprend beaucoup, hein, de ce que vous nous dites, là. D'ailleurs, je pense que, dans la région de Trois-Rivières, il y a une association de stomisés, si je ne me trompe. Bon. Donc, ils ont fréquenté mon bureau, si je ne me trompe, également, parce qu'effectivement il y a des besoins pour les associations afin de faire connaître la problématique que vous avez à vivre.

Dans un deuxième temps, qui va être ma vraie question, là, est-ce que vous tenez à ce que vous soyez comme dans la Politique du médicament? Parce que ce que disait ma collègue, j'en conviens, ce n'est pas un médicament. En fait, vous avez besoin d'une allocation pour vous soutenir dans des besoins matériels. Je comprends que vous releviez de la RAMQ, mais, quand on lit votre propos, qu'on a lu avec vous tantôt, là, vous laissez voir que, dans une politique du médicament qui veut être inclusive, il serait probablement approprié qu'elle prévoie des mécanismes d'indexation et de mise à niveau clairs et limpides pour l'ensemble des parties. Mais je n'en fais pas, moi, de lien avec le médicament, j'ai l'impression que vous devriez être comme considérés ailleurs que dans la Politique du médicament, mais à l'intérieur de la RAMQ. Alors, qu'est-ce que vous en pensez?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Lapointe.

M. Lapointe (Jean-Pierre): Nous, qu'est-ce qu'on peut en penser, c'est qu'à un moment donné on a un besoin... nous avons un besoin... toute personne stomisée a un besoin d'avoir une hausse de prestations. Puis, ça n'a jamais été défini clairement, ce qu'on a négocié avec M. Rochon ou avec les autres députés du MSSS, où nous nous situons exactement. Ce n'est pas un médicament, ce n'est pas une prothèse, ce n'est pas... Où on est?

Mme Champagne: ...être placés au bon endroit, là.

M. Lapointe (Jean-Pierre): Exactement, pour qu'on soit reconnus.

Mme Champagne: Donc, vous n'y tenez pas à tout prix, d'être dans la Politique du médicament, mais qu'à quelque part on vous trouve l'endroit où vous allez être reconnus, avec le besoin que vous avez en termes de santé. C'est ce que je comprends. Et, si vous êtes reconnus dans un endroit x au niveau de la RAMQ, eh bien, qu'on puisse indexer. Bien évidemment, ça, on a très bien compris le propos. Alors, merci. Moi, ça répond à ma question.

M. Lapointe (Jean-Pierre): D'accord, mais nous croyons que c'est la meilleure place, avec la Politique du médicament.

Mme Champagne: Parfait.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je remercie M. Lapointe, M. Lamarche et M. Ruest de leur contribution aux travaux de cette commission, au nom des membres de la commission.

J'ajourne les travaux jusqu'à demain matin, 9 h 30, au même endroit.

(Fin de la séance à 17 h 29)


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