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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le jeudi 25 août 2005 - Vol. 38 N° 148

Consultation générale sur le document intitulé Politique du médicament


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente et une minutes)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, s'il vous plaît, nous allons débuter cette séance de consultation générale tenue par la Commission des affaires sociales qui est réunie afin de poursuivre l'audition des documents et des mémoires concernant la politique du médicament.

Je demande, pour la bonne marche des travaux, à celles et ceux qui font habituellement usage de téléphones cellulaires, de téléavertisseurs de les mettre hors tension. Je vous remercie beaucoup.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Charbonneau (Borduas) remplace Mme Champagne (Champlain).

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Alors, les membres de la commission ont devant eux le nouvel ordre du jour de la commission. Les travaux de la commission se terminent normalement, je le fais observer, à 17 heures, aujourd'hui, plutôt que 18, tel qu'annoncé précédemment. Nous recevons ce matin trois groupes que nous aurons l'occasion de présenter à tour de rôle et, cet après-midi, trois groupes également.

Auditions (suite)

Alors, j'invite les personnes qui sont mandatées par la Fondation Le Monde de Charlotte Audrey-Anne et ses ami-e-s et Groupe de patients Fabry à prendre place, s'il vous plaît. Bonjour. Alors, il s'agit de Mme Sacha Nadeau?

Fondation Le Monde de Charlotte
Audrey-Anne et ses ami-e-s et
Groupe de patients Fabry

Une voix: Sacha Nadeau, il n'est pas ici, ce matin.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Ah, c'est monsieur, c'est un monsieur, c'est vrai. M. Sacha Nadeau n'est pas là. Alors, je laisse le soin aux membres de la fondation et du groupe de s'identifier. Vous avez 20 minutes pour présenter l'essentiel de vos mémoires, et ensuite suivra une discussion avec les membres de la commission.

M. Fiset (Denis): Mon nom est Denis Fiset, je suis directeur général pour la Fondation Le Monde de Charlotte Audrey-Anne et ses ami-e-s. Mme Chantal Michaud m'accompagne, ce matin, elle est responsable de la division Québec. Et nous avons Mme Guylaine Saulnier qui représente Fabry, les patients de Fabry, Québec. Si vous permettez, Mme Saulnier va débuter sa présentation en premier. Mme Saulnier n'est pas rattachée à la Fondation Le Monde de Charlotte, elle représente les patients de Fabry.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Alors, ce que je comprends, c'est que Mme Saulnier donc commencerait, suivie de, éventuellement?

M. Fiset (Denis): Moi-même, Denis Fiset, et ensuite Mme Michaud.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Denis Fiset. Alors, très bien. Alors, vous êtes les bienvenus à cette commission. La parole est à vous, Mme Saulnier.

Mme Saulnier (Gaétane): Bonjour à tous. Je vous remercie de nous avoir reçus ce matin et de nous donner la chance d'exprimer un petit peu ce qu'on pense par rapport à la politique du médicament. Je fais suite avec mon mémoire.

Bon, comme on est dans... Excusez-moi, je suis un petit peu nerveuse. Comme on a dit à l'entrée, je représente les patients de Fabry du Québec. Et, depuis un an, j'ai été confrontée aux limites de la politique du médicament, car mon fils et d'autres membres de ma famille sont atteints de la maladie de Fabry, une maladie génétique orpheline. Je suis entrée en contact avec des patients vivant d'autres maladies métaboliques, et nous avons fait des démarches auprès du ministère de la Santé, qui nous a appris les limites des politiques actuelles. C'est dans ce contexte et suite à mes observations que je désire vous faire part de mes suggestions face aux maladies orphelines.

Idées importantes à tenir compte lors du développement de la politique du médicament. Selon moi, il devrait y avoir un statut particulier pour les maladies orphelines pour protéger le droit d'être soigné. Il existe dans d'autres pays un statut particulier qui permet à un patient de recevoir les soins appropriés. Actuellement, les malades sont pris entre le gouvernement et les compagnies pharmaceutiques. Ce sont la province ou le gouvernement en place qui placent les règles de remboursement, qui sont différentes. Les coûts sont fixés par d'autres, mais ce sont nos vies et celles de nos proches qu'on met en jeu. Par exemple, une maladie couverte pourrait-elle, avec un changement de gouvernement, ne plus l'être, puisqu'étant trop dispendieuse?

On a beaucoup parlé qu'une autorisation de médicament est jugée selon sa valeur thérapeutique. Pourtant, j'ai beaucoup plus entendu parler du coût que de la valeur thérapeutique. À mon avis, il est bien de vérifier l'efficacité d'un médicament, mais le choix ne doit pas être arrêté à cause du coût, puisque souvent un seul médicament existe pour les maladies orphelines. Il est important, comme société, de ne pas s'arrêter seulement au coût lorsque c'est la seule chance de soigner une personne.

Évidemment, il serait préférable de trouver la façon de produire les enzymes chez le malade ? ce qui veut dire, en bout de ligne, de provoquer le corps à fabriquer ses propres enzymes, dans notre cas ? pour peut-être éventuellement ne plus avoir besoin de ces médicaments si dispendieux. Par exemple, pour le Fabrazyme, qui est le médicament en ce moment pour la maladie de Fabry, selon les recherches, il devrait donner 60 % d'efficacité, de moins de crises de coeur et d'atteintes rénales ou d'ACV. Puis le Replagal, en Europe, a quand même une bonne réputation.

Il est important de prendre en compte les coûts importants d'une maladie non soignée. Une personne souffrant d'une maladie orpheline devra voir plusieurs spécialistes si elle n'est pas soignée spécifiquement pour sa maladie ? exemple du cas de la maladie de Fabry, on doit voir des néphrologues, des cardiologues, des neurologues, dermatologues, immunologues, neuropsychologues, ophtalmologistes, oto-rhino-laryngologistes, etc. ? afin de se soigner, ce qui représente des coûts énormes pour la société. Les patients devraient avoir droit d'être soignés sans tergiverser de midi à quatorze heures, parce que le résultat de tout ça, c'est qu'éventuellement on rentre sur la dialyse, on s'en va à subir des transplantations rénales, cardiaques, ou on pose un pacemaker, ou tous les résultats d'un ACV, les conséquences d'un ACV.

Un autre point, qui n'est pas sur mon mémoire, c'est que, si on donne des enzymes de remplacement, ne pas attendre que les reins, le coeur soient déjà atteints, ce qui veut dire que déjà plusieurs cellules seront mortes, donc non renouvelables, et ces organes vitaux ne fonctionneraient qu'à 40 %, 50 % ou 60 % de leur capacité. Et en plus le fait qu'on attende trop pour donner les médicaments et que déjà les organes sont tellement atteints, le fait que ça leur demande de travailler trop fort, ça les use encore plus vite, même, en bout de ligne, s'il y avait les médicaments. Donc, moi, je prévaux pour la prévention de la destruction des organes vitaux.

Les porteurs des maladies génétiques devraient avoir droit à un dépistage en cascade des proches, qui ne se fait pas de manière systématique en ce moment pour toutes les maladies orphelines. Les personnes le désirant devraient avoir droit au dépistage en prévention d'une future grossesse ou pour savoir si elles sont atteintes d'autres maladies génétiques. Plusieurs personnes interrogées seraient même prêtes à débourser un coût raisonnable pour se faire dépister. Les gens doivent avoir le droit de faire des choix éclairés pour de futures grossesses.

Il serait aussi intéressant d'encourager le développement de recherches spécialisées sur la maladie génétique orpheline, peut-être faire plus de publicité auprès de vos jeunes étudiants pour qu'éventuellement il y ait plus de recherche, identifier les soins et idéalement les guérir. Un autre exemple, les étudiants en médecine aussi pourraient ? soit au niveau de la maîtrise ou du doctorat ? pourraient, comme projet de recherche, faire le dépistage ou le recensement auprès de la population et des banques de données par rapport aux maladies génétiques.

Sur ce, je vous remercie de l'attention que vous porterez à mes suggestions et je vous prie d'accepter, mesdames messieurs de la commission, l'expression de mes meilleurs sentiments.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci, Mme Saulnier. Nous passons maintenant à M. Fiset.

M. Fiset (Denis): Bonjour. Alors, merci, M. le ministre Couillard, de nous accueillir, M. ou Mme la Présidente de ce comité ? je m'excuse, tout à l'heure, je n'ai pas vraiment entendu ? et les différents représentants des partis politiques.

Alors, je suis ici, ce matin... Premièrement, j'aurais beaucoup aimé vous rencontrer à une date autre qu'aujourd'hui. J'ai dû vivre les trois dernières semaines très pénibles, j'ai assisté mon enfant dans son décès. Charlotte Audrey-Anne est décédée dimanche matin, dans un hôpital de la région de Saint-Eustache. Et les émotions naturellement ont gagné le dessus et la fatigue aussi, puisque nous avons vécu avec elle trois semaines sur un lit d'hôpital, ce n'est pas toujours pratique.

n (9 h 40) n

Alors, voilà, je suis ici, ce matin, pour défendre, oui, les médicaments pour les maladies orphelines mais aussi défendre une autre cause que je vais faire suivre, qui s'appelle la prévention. Nous savons tous que le coût des médicaments relié à des maladies orphelines rares est astronomique, très dispendieux à développer. Il faut reconnaître par contre, aussi, lorsqu'on considère les coûts investis pour essayer de traiter ces maladies, parce que vous savez qu'on ne peut pas guérir une maladie génétique héréditaire, mais on peut la traiter, il faut considérer aussi le nombre de personnes qu'on doit traiter.

En général, les patients atteints de ces maladies-là qui sont vivants et qui peuvent être traités représentent des groupes de 15 à 20 personnes. C'est sûr que, lorsqu'on calcule 15, 20 fois la somme de 300 000 $, 400 000 $, ça fait des gros montants d'argent. Mais on dépense des sommes astronomiques en santé au Québec aussi pour traiter des gens qui ont fumé toute leur vie, qui sont pris de cancer aujourd'hui, qu'on doit traiter et qu'on doit supporter jusqu'à leur décès. Je pense qu'il faut s'arrêter à un coût puis à une valeur aussi. C'est important de dire qu'au Québec on a un service de santé qui se veut d'être universel pour tout le monde. Alors, vous savez, un patient qui souffre d'une maladie génétique héréditaire qui est mortelle mais qui peut être traitée est un patient, et on doit le considérer comme un être humain au même niveau que tous les autres patients.

À mon opinion, on a un certain problème à évaluer aujourd'hui la pertinence du médicament pour les maladies génétiques orphelines. On évalue ces médicaments-là sur la même base qu'on va évaluer une pilule anticonceptionnelle ou un autre médicament. Il faut comprendre encore une fois que les évaluations sont difficiles à faire dû au fait qu'il y a très peu de personnes. Et il faut que cette politique-là soit modifiée pour permettre une évaluation réelle et honnête. Ce serait important de commencer à considérer ce fait. On a toujours dit que les maladies orphelines étaient des maladies de cas rares, mais, quand on les regroupe, on sait que ça fait des centaines et souvent des milliers de personnes qui souffrent de maladies génétiques héréditaires familiales et en grande majorité vont en décéder.

Vous n'êtes pas sans savoir qu'aujourd'hui, dans les hôpitaux du Québec comme dans les hôpitaux du monde, on retrouve environ 50 % des enfants hospitalisés et plus qui souffrent de maladies génétiques. Vous savez que ça commence à être sérieux et critique. C'est quelque chose qui a évolué très rapidement depuis les 30 dernières années, ces fameuses maladies qui apparaissent de jour en jour et qui viennent nous voler nos enfants. On le voit, dans ces enfants hospitalisés, le 50 %, on en perd en moyenne le tiers. Et on vit au Québec un taux de dénatalité comme on n'a jamais connu depuis les 40 dernières années. Il n'y a plus personne qui fait des enfants, là. 72 000 naissances à peine au Québec en 2004, et qu'est-ce que ce sera en 2005 et en 2006? Alors, on est en train de dépopulationner le Québec. Et, si vous comparez les taux de mortalité en regard des taux de décès, on est à à peu près 2,5 près, là, en pourcentage.

Alors, il faut qu'on commence à faire quelque chose pour offrir aux familles, premièrement, un accès à de l'information. Il faut qu'on pense aussi à offrir aux familles des méthodes de prévention, ce qui seraient le meilleur outil à utiliser. N'oublions pas qu'actuellement il y a des compagnies qui s'acharnent, et avec raison, à développer des médicaments pour traiter les maladies orphelines, et, tout à l'heure, vous allez avoir des médicaments qui vont être approuvés par Santé Canada. Et j'espère que le gouvernement du Québec ne prendra pas 10 ans à les approuver parce que c'est important de traiter les maladies à la base et de ne pas attendre que le mal soit installé et que la personne soit en phase terminale, parce que, là, il n'y a plus rien à faire. Mais il faut comprendre que, lorsque ces médicaments-là vont apparaître sur le marché, d'ici deux, trois, quatre, cinq ans, on va devoir prendre des décisions et on va devoir prendre des actions. Et c'est à partir de là qu'on doit considérer aujourd'hui les moyens de payer de notre gouvernement, et je pense très honnêtement que vous n'aurez pas les moyens de payer. Quel que soit le gouvernement au pouvoir, nous n'aurons plus les moyens de supporter des patients à 500 000 $ par année pour des traitements à vie, c'est impensable.

Alors, si on ne réagit pas maintenant, si on ne prend pas des mesures adéquates aujourd'hui pour faire de la prévention et informer les populations à risque dans les régions à risque, alors vous allez voir, tout à l'heure, qu'on va en souffrir. Et ce n'est pas en retournant, je vous dirais, le soin de santé au privé qu'on va régler notre problème. Le problème, il a été causé pendant qu'on est là, nous, les citoyens, nous, le peuple, vous, les élus. C'est pendant cette période-là que le problème est en train de se créer. Et je pense que vous le savez qu'on vit actuellement... qu'il y a à peu près 5 000 maladies génétiques, dont une trentaine se retrouvent ici, au Québec, et elles sont mortelles. Et ces maladies-là doivent être combattues maintenant, et c'est facile de le faire. On sait que le gouvernement du Québec a mandaté un organisme qui s'appelle AETMIS, qui a fait une étude justement de faisabilité, à laquelle nous avons participé. Et je suis fier d'avoir participé à cette rencontre-là, je pense que des choses concrètes se sont dites et des valeurs morales ont été aussi déposées à ce moment-là.

Et c'est important de respecter l'individu, c'est important de respecter l'être humain, mais c'est aussi important de respecter la famille. Un enfant qui va naître d'une maladie mortelle et qui va mourir après trois, quatre, cinq ans de souffrance, là, vous devez considérer qu'il y a une famille derrière l'enfant, il y a des frères, il y a des soeurs, il y a une relation d'individus qui entourent, et ces souffrances-là sont terribles. Je peux vous dire, pour avoir vécu trois ans et demi avec une enfant qui allait mourir, c'est épouvantable de savoir que cette enfant va mourir, mais c'est aussi épouvantable de la voir mourir et de savoir qu'on n'a rien fait pour prévenir, alors qu'on savait ? et je cite ? suite aux recommandations de l'association des omnipraticiens et gynécologues du Canada, que le Québec était à risque dans beaucoup de ses régions, et qu'on recommandait la prévention et le dépistage, et qu'il n'y a eu rien de fait. Ça, c'est déplorable que le milieu médical ait adopté cette attitude et qu'il n'ait pas pris les moyens de faire de la prévention.

Et, sur ce, si vous me permettez, je vais demander à Mme Chantal Michaud de prendre parole et de vous expliquer son cas personnel, s'il vous plaît.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Michaud, s'il vous plaît.

Mme Michaud (Chantal): Bien oui, c'est ça, moi, nous avons perdu notre garçon, il y a deux ans de ça, de la maladie de Tay-Sachs. Puis on vient du Bas-Saint-Laurent, nous. C'est une région où est-ce que le risque est très élevé. Puis, c'est ça, on a dû payer de la vie de notre garçon pour apprendre que cette maladie-là, dans notre coin, était élevée, tout ça, parce que, voilà 30 ans... Après avoir parlé de notre garçon Jacob dans notre village, puis tout ça ? on est 3 000 habitants, là, ce n'est pas très gros ? après avoir vu mon garçon, de savoir qu'il était malade, tout ça, dans notre village, ça s'est parlé. Puis on a ressorti un professeur en tout cas que je connais très bien, là, dans mon école, puis tout ça, qui avait perdu sa petite fille voilà 30 ans de ça. Ça fait que je me dis: C'était là, c'était quelque chose de connu. Et il y a eu une période de dépistage à ce moment-là, quand cette personne-là a vécu ce drame-là, si je peux dire, puis le dépistage a cessé parce que, bon, il n'y avait plus de sous, le gouvernement ne voulait plus payer pour ça. Ça fait que ça s'est tu, on n'a jamais réentendu parler de ça. Puis, c'est ça, nous, on a eu...

Ça s'est continué, je veux dire, le gène est toujours là, ça s'est poursuivi, puis il a fallu payer, c'est ça, de la vie de notre garçon pour remettre ça sur le tapis puis redemander que justement le dépistage, même s'il n'est pas fait partout... Parce que, oui, on se fait toujours dire que c'est des coûts faramineux puis que c'est très cher, puis tout ça. Sauf que je me dis: Le dépistage devrait être fait dans les régions justement où est-ce que le risque est plus élevé. Je me dis: Je n'aurais peut-être pas perdu mon garçon aujourd'hui.

Heureusement, on en a eu un autre, là, qui a cinq mois et demi en ce moment. Avec l'amniocentèse puis toute la chance qu'on a eue de pouvoir... ils ont pu dépister justement si notre enfant allait être porteur de la maladie ou non. On a été chanceux, il y a ça. Ça fait que je me dis: Je pense que le dépistage devrait être fait pour tout le monde, pour les populations en tout cas à risque pour que ces gens-là n'aient pas à vivre, là, ce qu'on a vécu, parce qu'en tout cas c'est épouvantable, là. Je pense qu'il y aurait quelqu'un ici qui aurait vécu ça, je pense qu'il y aurait des gens qui se pencheraient davantage à regarder que le dépistage, ce serait quelque chose d'important, là. Je pense que des fois on est reculés, on est loin de ça, puis on passe un peu la main, mais je pense que ça devrait être un grand livre ouvert puis que le dépistage soit vraiment regardé de près. Puis, c'est ça, je pense que ça sauverait bien des vies d'enfants qui n'auraient pas...

On se dit que c'est nous autres qui vivons ça, puis tout ça, mais l'enfant là-dedans aussi, il ne faut pas l'oublier. Parce que c'est dur de les voir partir. Je veux dire, c'est comme Denis, moi aussi, j'ai accompagné mon garçon, je l'ai accompagné à la maison jusqu'à la fin. Ce n'est pas facile, c'est pénible parce que tu ne peux rien faire. Puis je me dis: Oui, le dépistage coûte cher, mais combien mon enfant a coûté en argent pour les soins qu'on lui a donnés pendant l'année, là? En tout cas, moi, j'ai trouvé que c'étaient des sous, l'hospitalisation. En tout cas, c'est des choses à voir, je pense. Puis le dépistage ne reviendrait peut-être pas nécessairement plus cher s'il serait fait avant que les enfants soient malades puis qu'on soit obligés de subir plein de soins comme ça. Ça fait que c'est ça, je pense, ce serait l'importance du dépistage que je pense qui devrait être regardée, en tout cas. Merci.

M. Fiset (Denis): Je peux ajouter un mot, s'il vous plaît?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui, certainement.

n (9 h 50) n

M. Fiset (Denis): Alors, pour conclure, voilà ce que vous devez comprendre dans tout ça, c'est que, lorsqu'un enfant vit avec une maladie génétique, et qu'il doit subir une maladie mortelle, et qu'il doit subir des soins tout au long de sa vie... Et je prends le cas de mon amour, de mon enfant, Charlotte Audrey-Anne aura coûté à l'État québécois environ 500 000 $ à 750 000 $, incluant les frais d'hospitalisation et les frais de médecins et de médicaments tout au long de sa vie, mis à part les pertes de salaire. Parce que j'ai fait le choix d'arrêter de travailler et de vivre avec mon enfant les trois dernières années et demie de sa vie et je ne le regretterai jamais. Et je peux vous dire que ça, ça coûte cher à l'État. Alors, vous savez qu'il faut commencer à considérer tous ces cas-là, les mettre ensemble et faire des calculs si on veut arriver à des vérités.

Un point final à tout ça, c'est aussi lorsqu'on approuve un médicament pour des maladies orphelines telle la maladie, par exemple, de Gaucher, qui actuellement a été approuvé, on vit des problèmes, voyez-vous, au niveau de l'application du traitement de la maladie. On sait que le budget est très limité, on sait qu'il y a des sommes qui ont été déposées et on sait très bien aujourd'hui qu'il y a des enfants et des personnes malades qui ne reçoivent pas les doses adéquates de traitement pour vraiment stopper la progression de la maladie, et ces gens-là continuent de progresser malgré tout vers une mort certaine à moyen terme parce que le traitement n'est pas appliqué selon les besoins réels dans le dossier.

Alors, je vous remercie de nous avoir écoutés. Et, si vous vous demandiez qu'est-ce que c'était, alors c'était ma muse que je dépose et que je transporte avec moi à tous les jours de ma vie et à qui je demande à chaque matin de me donner la force de continuer. Elle s'appelle Charlotte Audrey-Anne. Merci de nous avoir reçus ce matin.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, maintenant, M. Fiset, vos voeux sont exaucés parce que vous avez cette force. Nous apprécions considérablement et vraiment très vivement votre contribution aux travaux de la commission, étant donné ce que vous traversez maintenant, et nous vous offrons notre plus profonde sympathie et des voeux de courage.

En même temps, nous apprécions aussi le témoignage de Mme Michaud et la contribution de Mme Saulnier. Mme Saulnier, vous avez commencé par dire que vous étiez nerveuse. L'environnement ne contribue pas à calmer notre nervosité. Je peux vous dire que, la première fois qu'un député pose une question à l'Assemblée nationale, les rotules lui branlent dans la bouche littéralement. Alors, nous sommes tous impressionnés par ces environnements, mais vous avez fait une contribution remarquable et tout à fait utile. Merci.

Alors, la parole est au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Et également merci pour votre présentation, Mme Saulnier, Mme Michaud, M. Fiset. Et bien sûr nos condoléances à M. Fiset et à Mme Michaud. Il n'y a rien de plus douloureux que d'être touché dans son enfant. La mort d'un enfant est un des éléments les plus traumatiques qui puisse se produire.

Vous nous présentez en fait deux problèmes. Le grand problème, c'est celui des maladies génétiques, mais il y a deux problèmes: il y a le problème des médicaments, de la certification des médicaments utilisés pour ces maladies, d'une part, et, d'autre part, le problème du dépistage des maladies génétiques. Alors, si vous me le permettez, je vais brièvement vous expliquer quelle est la situation dans les deux cas, et par la suite on pourra échanger.

D'abord, parlons des médicaments et prenons le cas de la maladie de Fabry, puisqu'essentiellement nous avons discuté de cette maladie en termes de traitement, là, dans votre présentation, et le cas de la maladie de Tay-Sachs plutôt du côté du dépistage. Alors, on pourra faire le lien comme ça.

Il s'agit de ce qu'on appelle les maladies orphelines. Alors, les gens se demandent: Mais qu'est-ce que c'est qu'une maladie orpheline? Bien, une maladie orpheline, c'est une maladie qui est toute seule parce qu'il n'y a pas beaucoup de patients qui en sont atteints. Et on a une situation, par exemple, où il y a des médicaments qui sont découverts par des compagnies pharmaceutiques, reçoivent le certificat de conformité de Santé Canada, ce qui ne veut pas dire qu'ils ont une valeur thérapeutique démontrée ? je vais revenir là-dessus ? pour la maladie, et par la suite chaque province a le fardeau de décider si, oui ou non, ils ajoutent ce médicament à leur liste de couverture.

Au Canada, par exemple, il n'y a aucune province qui actuellement défraie le coût du Fabrazyme jusqu'à maintenant, et vous allez voir qu'on travaille fort au Québec pour que ça change. Il y a deux médicaments également qui sont utilisés ? vous avez mentionné tantôt le Repragal ? il y a deux médicaments, donc il y a deux compagnies pharmaceutiques avec une situation de compétition, ce qui complique un peu le tableau, comme vous le savez.

Alors, il serait également facile ? puis d'autres gouvernements le font et l'ont fait, et nous aurions pu le faire ? de dire: Bien, écoutez, il n'y a pas d'étude qui montre de façon scientifiquement valable qu'il y a une valeur thérapeutique au médicament, donc nous ne rembourserons pas le médicament. Et jusqu'à maintenant c'est l'attitude des gouvernements des provinces canadiennes, incluant du Québec. Attitude facile peut-être mais pas correcte sur le plan éthique. Pourquoi? Parce qu'on n'aura jamais, compte tenu du petit nombre de patients ? vous l'avez expliqué tantôt ? on n'aura jamais le nombre de patients nécessaire, si on les met tous par petits groupes, pour faire une étude suffisamment puissante pour démontrer hors de tout doute raisonnable qu'il y a une efficacité thérapeutique. Elle n'est peut-être pas là, l'efficacité thérapeutique, ou elle est là, mais on n'a pas actuellement le nombre de patients ou l'étude de taille suffisante pour statuer là-dessus.

Alors, ce que nous avons fait au Québec... Et je dois dire que je suis assez content qu'au Québec on ait pris le leadership de cette question-là au niveau canadien, parce que la tendance, c'est toujours l'inertie. Comme vous savez, dans les grandes machines gouvernementales, c'est toujours plus confortable de laisser les choses comme elles sont puis de se réfugier derrière les critères et les règlements plutôt que d'essayer de changer les choses. Et, lorsque personnellement j'ai pris conscience de ce problème éthique, dans le sens qu'on... la valeur thérapeutique d'un niveau de preuve scientifique qui, par définition, est très difficile sinon impossible à avoir, je me suis dit: Non, il faut qu'on aille plus loin.

Alors, qu'est-ce que nous avons fait, qu'est-ce que nous faisons et qu'est-ce que nous allons faire là-dessus? C'est en cours ces jours-ci. Nous avons déposé, lors d'une conférence provinciale-territoriale des ministres de la Santé, un projet de projet de recherche pancanandien. Nous avons dit aux collègues des autres provinces: Écoutez, on a tous le même problème. Et, en passant, il y a des provinces comme la Nouvelle-Écosse... Au Québec, il y a une douzaine de patients mais peut-être plus, on ne le sait pas vraiment, hein?

Une voix: ...

M. Couillard: Oui, mais, tu sais, les cas déclarés sous traitement, les cas diagnostiqués, semi-diagnostiqués, c'est très difficile à avoir le nombre précis. Puis justement le projet de recherche va nous aider là-dessus. En Nouvelle-Écosse, qui est une province beaucoup plus petite que nous, ils ont 60 patients...

Une voix: ...

M. Couillard: 70 patients.

Mme Saulnier (Gaétane): ...24 patients diagnostiqués.

M. Couillard: Alors, vous voyez, les nombres varient, puis ce n'est pas nécessairement en rapport avec la population. Alors, une petite province comme la Nouvelle-Écosse, avec encore moins de ressources financières que le Québec, est littéralement perturbée, là, pour dire le moins, devant l'ampleur du problème. Alors, nous avons dit aux collègues du Canada: Mettons nos énergies ensemble et faisons un projet de recherche pancanadien qui va nous permettre de répondre aux vraies questions quant à l'efficacité thérapeutique et quant à ce que vous avez mentionné, l'efficacité du traitement lorsqu'il est débuté tôt dans la maladie. Et nous avons même mis à la disposition des autres collègues des experts du FRSQ, du Fonds de recherche en santé du Québec, qui ont mis au point le devis du projet de recherche qui a été accepté par les autres provinces. Une belle nouvelle. Alors, les autres provinces ont reconnu le leadership du Québec dans le domaine et sa capacité de mettre au point ce projet de recherche là. Il y a des petits ajustements à faire, mais en gros le projet de recherche, tel que nous l'avons mis au point, est accepté.

Maintenant, ce que nous faisons ? et c'est depuis plusieurs semaines, ce n'est pas juste hier parce que vous venez aujourd'hui ? depuis plusieurs semaines, on fait forte pression sur le gouvernement fédéral. Pourquoi faire forte pression sur le gouvernement fédéral? Parce que nous lui disons la chose suivante: Écoutez, gouvernement fédéral, vous donnez un certificat de conformité au médicament Fabrazyme puis après vous vous retirez du tableau et vous laissez la province, avec ses fonds tels qu'ils sont ? on sait que les fonds sont rares ? décider, oui ou non, de la couverture. Nous leur disons: Votre responsabilité également est engagée dans ce processus-là. Vous avez émis le certificat de conformité, vous ne pouvez pas dire que maintenant c'est aux provinces d'en assumer la suite. Alors, ce que nous avons en cours, ce sont les conversations pour le financement maintenant qui assurerait, pendant les nombreuses années que va durer le projet de recherche, l'accès gratuit aux médicaments pour les patients, avec un financement au moins fédéral, au moins des compagnies pharmaceutiques. Et bien sûr les gouvernements provinciaux également sont prêts à mettre leur part dans l'architecture finale du financement.

On espère beaucoup qu'à l'automne, lors de notre conférence annuelle, on aura pu compléter tout ça de façon à ce qu'on puisse commencer le projet de recherche en y incluant également les patients au début de la maladie, de façon à ce qu'on puisse vraiment déterminer l'impact sur les complications. Évidemment, tout ça, ça a l'air bien compliqué, puis on dit: Pourquoi pas tout de suite? Pourquoi pas maintenant? Il faut faire comme ça parce qu'il y a un problème général de reconnaissance des médicaments et de la valeur thérapeutique et il faut...

D'un autre côté, vous avez raison, oui, les maladies génétiques doivent être traitées différemment des autres; c'est ce qu'on fait, avec le projet de recherche. Mais, d'un autre côté, le principe fondamental de la valeur thérapeutique, lui, il est essentiel à la gestion d'un programme d'assurance médicaments comme celui du Québec. Mais on dit: Dans le cas des maladies génétiques, bien on va faire un cas particulier puis on va essayer de faire nous-mêmes l'effort de la démontrer. On ne fait pas ça, comme vous le savez, dans toutes les autres maladies. Il y a des maladies plus fréquentes où, le médicament proposé n'ayant pas de valeur thérapeutique, ce n'est pas au Québec d'organiser un projet de recherche pour, par exemple, voir si un nouveau médicament pour le diabète est efficace. Mais ce que je vous dis, c'est que, si on n'avait pas pris le leadership de ça, il n'y en aurait pas eu, de projet de recherche.

Alors, on espère beaucoup, au cours des prochaines semaines et de l'automne, pouvoir compléter ça. Puis il faut savoir que c'est un projet qui va s'échelonner sur de nombreuses années parce que, comme c'est une maladie, comme vous l'avez dit, monsieur, tantôt, qui a plusieurs années d'évolution, bien il faut qu'on puisse suivre les patients du début avec des objectifs de mesure. Qu'est-ce qui arrive à la fonction rénale? Qu'est-ce qui arrive au foie? Qu'est-ce qui arrive à la qualité de vie également? Toutes ces questions-là vont nous permettre de répondre à... je veux dire, aux grandes questions qui sont posées.

Alors, responsabilité, oui, de l'État québécois qui la prend, je dirais, en ne se sauvant pas devant ses responsabilités dans ce cas-là. Responsabilité du gouvernement fédéral, oui, aussi. Responsabilité de l'industrie pharmaceutique qui introduit des médicaments extrêmement coûteux dans les centres hospitaliers en les finançant et tout d'un coup, comme vous l'avez su, décide que, non, ils ne les financent plus. Alors, où est l'éthique également dans cette question-là? Et je pense que les compagnies pharmaceutiques sont également conscientes de la question. Je suis content qu'au Québec, actuellement, à ce que je sache, les patients reçoivent le médicament, là...

Mme Saulnier (Gaétane): ...seulement qui le reçoivent.

n (10 heures) n

M. Couillard: Seulement, mais il faut qu'il soit prescrit et, je suppose, suivi par les médecins spécialistes de la question. L'espoir qu'on a, c'est qu'avec le début du projet de recherche tous les patients diagnostiqués, chez qui la maladie est vraiment confirmée pourront être enrôlés dans le projet de recherche et avoir le médicament de façon à ce qu'on puisse enfin avoir la réponse à ces questions. Puis le Québec et le Canada, au niveau international également, je pense, pourront apporter des réponses utiles.

Alors ça, c'est la situation sur le plan du médicament de la maladie de Fabry. Puis bien sûr je crois que votre association est en contact avec nous de façon répétée...

Mme Saulnier (Gaétane): Mme Marie Gagnon, oui.

M. Couillard: ...et donc on va vous informer de ce qui se produit dans ce dossier-là.

Maintenant, l'autre problème que vous décrivez ou que vous touchez, c'est celui du dépistage des maladies génétiques. Et là également c'est un grand problème parce que c'est évalué un peu, si vous voulez ? pas seulement au Québec, mais partout ailleurs ? un peu de la même façon lorsqu'on a affaire à une maladie génétique rare. Je vous dirais qu'actuellement tout ça est en train d'être réévalué, là, avec l'étude de l'AETMIS et d'autres travaux qui se font. Mais je vous donne les principes tels qu'ils sont, qui sont des principes de santé publique. Ça, ce n'est pas des principes politiques, c'est des principes scientifiques de santé publique.

Lorsqu'on a une maladie génétique rare qu'on peut dépister avant la naissance dans les gènes de la personne, on a une décision à prendre: Est-ce qu'on fait un dépistage global de la population ou est-ce qu'on fait un dépistage systématique dans certains groupes particuliers ou dans certaines régions si par hasard, effectivement, il y a plus de cas dans une région que l'autre?

Il est clair que, dans une maladie excessivement rare comme la maladie de Tay-Sachs, il n'est probablement pas approprié de faire un dépistage général de la population. Et, encore une fois, ça, ce n'est pas par des principes politiques, c'est des principes de santé publique quant au nombre de tests de dépistage qu'il faut faire pour trouver un patient qui est un cas sporadique et non pas un cas dans un regroupement. Par exemple, on sait que la maladie de Tay-Sachs est plus marquée chez certaines populations de la communauté juive, comme vous le savez, les juifs ashkénazes, je crois, qui ont une concentration plus marquée de cette maladie-là. Alors, dans ces cas-là, il est certainement justifié d'envisager de faire le dépistage. De même que, je suppose, s'il y avait des éclosions dans certaines régions effectivement de cas plus nombreux, on pourrait mettre cette question à l'étude.

Mais toute cette question est en train d'être réévaluée mais sur des questions, je vous dirais... sur la base de principes qui ne sont pas des principes politiques. Ce n'est pas les membres du cabinet politique du ministre puis du gouvernement qui décident comment ça doit se faire, c'est les gens de santé publique puis c'est nos experts en génétique. Et tout ça également se fait dans l'optique d'une réforme un peu de la médecine génétique au Québec, parce que, vous en avez parlé, monsieur, l'avenir non seulement pour les maladies rares, mais pour d'autres maladies également, ça va être d'utiliser de plus en plus la génétique comme dépistage et traitement des maladies.

Alors, écoutez, c'est des points importants que vous amenez aujourd'hui, dans des circonstances douloureuses également, puis on le reconnaît pleinement. Mais ce que je voulais vous dire au nom du gouvernement, là, et en mon nom personnel, c'est que nous ne nous voilons pas la face devant le problème, nous reconnaissons le problème tel qu'il est sur le plan éthique, nous prenons nos responsabilités, nous voulons vraiment assurer la disponibilité du médicament des maladies héréditaires.

Et on utilise la maladie de Fabry un peu comme un squelette qu'on va pouvoir utiliser pour les prochains exemples qui vont se manifester dans le même domaine, parce que, vous l'avez dit, dans cinq, 10, 15 ans, il va y avoir d'autres médicaments qui vont apparaître pour d'autres types de maladies aussi rares que la maladie de Fabry, et il faut qu'on se soit dotés d'un système d'évaluation, et on pense que le système qu'on est en train de mettre sur pied pour la maladie de Fabry va servir de modèle. Et, pour le dépistage, bien c'est dans le cadre de la réévaluation de notre politique sur les maladies génétiques ou la génétique médicale. Mais ce que je voudrais vous assurer, c'est que les décisions quant au niveau de dépistage à faire dans les maladies génétiques ne sont pas prises pour des raisons politiques, pour des motifs politiques, elles sont faites par les spécialistes de santé publique, par les gens qui sont spécialisés en épidémiologie et en génétique, et on suit leurs recommandations, de la même façon qu'on suit les recommandations pour les médicaments.

Vous savez, s'il y avait une preuve scientifique hors de tout doute que le Fabrazyme est utile et valable, on le paierait. Regardez l'Herceptin récemment, là, pour le cancer du sein, ça coûte 25 millions de dollars par année, on ne s'est pas posé la question longtemps si c'était trop cher ou pas cher, ça sauve la vie des gens, alors on le donne à la disposition de la population parce que c'est notre devoir de le faire. Même chose pour le test génétique, si nos scientifiques, nos conseillers scientifiques nous disent: Vous devez élargir le dépistage pour tel type de population ou telle région, on va le faire. Après, on trouvera le moyen de le financer, mais on prendra d'abord la décision de le faire. Alors, c'est dans cette optique-là qu'on se situe.

Mais, dans le domaine du médicament comme dans le domaine de la génétique, pour le bien de l'ensemble de la population également, il n'y a pas d'autre voie à suivre que celle de la rigueur puis de la rigueur prolongée; pas juste deux mois, trois mois, la rigueur qui s'étend sur plusieurs années. Mais ça, ça ne peut se faire cependant aux dépens de l'humanisme puis des considérations éthiques. Et c'est ce qu'on essaie de faire avec la maladie de Fabry actuellement.

Alors, bon, voici donc des éléments de ce qui se fait actuellement, de ce qui est nouveau au Québec, de ce qui fait que le Québec, là, prend un rôle de leadership dans ce domaine-là. Puis j'espère personnellement qu'on va pouvoir conclure cette question du Fabrazyme au cours de l'automne et, pour ce qui est du dépistage, également en arriver à des décisions, là, non seulement pour la maladie de Tay-Sachs, mais les autres types de maladies génétiques auxquelles nous serons confrontés.

Je m'excuse d'avoir pris beaucoup de temps, mais je pensais que c'était important de vous informer de tous ces processus-là pour que vous soyez bien au fait de la situation. Puis encore une fois on est toujours disponibles pour répondre à vos questions, là, soit ici, en commission, soit au cabinet ou au ministère pour vous donner la suite des événements.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Vous voulez réagir, M. Fiset?

M. Fiset (Denis): Oui. J'avais une question pour vous, M. le ministre Couillard. Premièrement, vous devez comprendre que la Fondation Le Monde de Charlotte, à l'origine, a été créée pour défendre les patients de Tay-Sachs et leurs familles, mais c'est devenu un véhicule de défense aussi pour les familles des maladies génétiques héréditaires qu'on retrouve, comme la leucodystrophie métachromatique, Morquio, mucolipidose de type 2, et tout. Alors, nous regroupons toutes ces familles-là maintenant sous le même chapeau avec ce qui s'appelle le Portail québécois des maladies génétiques orphelines.

Lorsqu'on dit, M. le ministre, que, exemple, la maladie de Tay-Sachs est une maladie excessivement rare et qu'il y a très peu de cas au Québec, je suis obligé de ne pas être de votre avis parce que je suis directement impliqué avec la maladie et nos recherches nous ont prouvé le contraire. Je peux déjà vous dire que des médecins de haut niveau pratiquant dans des hôpitaux de réputation internationale ici, au Québec, ont déjà affirmé qu'on perdait 15 enfants Tay-Sachs par année, au Québec. Alors ça, c'est déjà beaucoup. Et ça a été rendu public dans des journaux suite au témoignage de ce médecin qui était dans une réunion et qui a laissé tomber les chiffres qui m'ont un petit peu foudroyé parce que, moi, je pensais 12 en moyenne. Ça veut donc dire qu'on aurait perdu au Québec, en moyenne, 500 quelques enfants depuis les 30 dernières années, là, de la maladie de Tay-Sachs. C'est-à-dire que c'est 500 quelques êtres humains qu'on a laissé mourir ou qu'on a laissé naître pour mourir parce qu'on ne s'est pas donné la peine de prévenir. Et ça, c'est une maladie, là, on parle d'une maladie. Leucodystrophie est encore pire. O.K.? La maladie de Morquio est une autre maladie difficile et dure. La mucolipidose de type 2 est une autre maladie qui tue à peu près autant d'enfants.

Mais le problème qu'on rencontre actuellement, au Québec, c'est le manque d'information, et le manque d'information, il se situe au niveau des hôpitaux. Et je pense que vous savez tous ici, aujourd'hui, que les hôpitaux ne se parlent plus entre eux, hein? Alors, on est rendu maintenant que c'est des guerres ouvertes entre Sainte-Justine?Montréal, Montréal-CHUL. Ces gens-là ne se parlent plus, puis ils nous l'avouent directement quand on parle avec eux, ils n'ont plus de communication et, en plus de ne pas communiquer entre eux, ils ne communiquent plus avec le ministère de la Santé. Alors, on commence à avoir un très sérieux problème au niveau des évaluations.

n (10 h 10) n

Lorsqu'on nous avance des chiffres et ? M. le ministre, je m'excuse ? lorsque le ministère de la Santé m'avance des chiffres de 10 cas de Tay-Sachs au Québec dans 11 ans, je dois dire que le ministère de la Santé ne connaît rien de la maladie. Et je m'en excuse, mais c'est un fait. Pourquoi? Parce que les informations ne sont pas collectées correctement ou ne sont pas reçues correctement. Et c'est facile pour un médecin de signer un acte de décès, de dire qu'un enfant est décédé d'une pneumonie. Il a oublié de marquer que c'était relié à la maladie de Tay-Sachs, ce n'est pas compliqué. Alors, c'est comme ça que les informations sont transmises au ministère de la Santé. Et, moi, je m'élève contre ça. Ce n'est pas acceptable qu'une population soit gardée dans l'ignorance volontairement par un corps médical, volontairement par un corps médical, pour quelle raison ou pour quelque raison que ce soit, ce n'est plus acceptable. Et ces gens-là doivent aujourd'hui faire leur travail honnêtement et donner des informations honnêtes.

Premièrement, on n'a même pas de généticiens au Québec, on en a à peine 20 pour faire le travail sur le terrain. Alors, je vous dis que ce n'est pas facile d'être capable de communiquer avec ces gens-là puis d'avoir des informations honnêtes. Mais notre gros problème se situe là, M. le ministre, la communication n'existe plus et elle doit revenir où elle était auparavant. Et malheureusement c'est la responsabilité du ministère de la Santé de mettre le pied par terre et de dire: Ça suffit, on veut les vérités puis on veut les avoir. Et on veut que les familles, à qui on ment littéralement... O.K.? De la part du milieu médical, on leur ment littéralement, et j'en ai des preuves, là. Il faut que ça arrête, ça aussi. Il faut qu'on arrête de nous dire qu'on est des cas uniques avec des maladies où on en a 15, 20 cas par année. Il faut qu'on arrête de nous mentir. Et ça, ce n'est pas acceptable pour une population, ça doit s'arrêter. Et malheureusement, encore une fois, M. le ministre, je suis obligé de vous dire que le ministère de la Santé doit prendre ce problème en charge et le régler. Et, à partir de là, vous aurez des statistiques honnêtes qui vous permettront de prendre des décisions éclairées. Mais malheureusement, actuellement, vous n'avez pas ces informations-là. Merci.

M. Couillard: Écoutez, M. Fiset, oui, d'accord. Cependant, moi, l'attitude que j'ai, c'est toujours le doute raisonnable. C'est-à-dire que vous me donnez des chiffres, 15, 20 cas par année, prouvons-le. Bon. Prouvons-le. Alors, moi, je vous demanderais: Chaque cas que vous avez, envoyez-le au ministère...

M. Fiset (Denis): Absolument. Vous avez raison.

M. Couillard: ...puis, nous, on fera le contrôle. Parce qu'entre six cas puis 15 cas il y a une différence, hein? Alors, on va voir, là. Puis s'agit-il vraiment de cas de la maladie diagnostiquée, etc.? Moi, je veux bien, là, mais je veux voir ? je suis un peu comme saint Thomas dans ces questions-là, là ? je veux voir les données comme elles sont.

Vous avez raison sur un point également qui est la... Encore que ça s'améliore. Il y a une certaine compétition malsaine entre certains hôpitaux surspécialisés. Ça fait partie de la nature humaine malheureusement, hein? On a essayé ? puis c'est le gouvernement précédent qui l'avait débuté, ça ? de créer le réseau mère-enfant avec Sainte-Justine et tous les hôpitaux pédiatriques, Sherbrooke, Québec. Tout le monde partage, doit partager l'information et doit échanger les informations, les découvertes et les nouveaux traitements, et on espère que ça se fait en pratique. Maintenant, ce que vous nous dites nous laisse supposer que parfois il y a encore peut-être des querelles de clocher qui ne sont pas dans l'intérêt des patients et de la population. On s'élève tous contre ça, il n'y a pas de place pour ce genre de choses là.

Maintenant, vous affirmez également ? puis c'est une affirmation qui est grave ? que le corps médical ment à la population du Québec, et je pense qu'il faudrait peut-être expliquer. C'est une grosse affirmation. Moi, j'ai pratiqué la médecine pendant plus de 20 ans puis je n'ai pas vu souvent de collègues mentir aux patients puis à la population. Alors, il faudrait que vous m'expliquiez, là, qu'est-ce que vous voulez dire par là.

M. Fiset (Denis): Alors, M. le ministre, ce que je veux dire par là, c'est que je l'ai vécu moi-même, lorsque mon enfant a été hospitalisée à Sainte-Justine, je me suis fait dire que le cas de mon enfant était un cas unique, qu'on n'en avait pas vu au Québec, qu'étant Franco-Canadien d'origine la maladie de Tay-Sachs, ce n'était pas une maladie connue, c'était une maladie très rare. Et j'ai tout de suite arrêté le médecin ? puis je ne le nommerai pas ? et je lui ai dit: Monsieur, gardez vos histoires pour vous, je connais le dossier de Tay-Sachs plus que vous et je peux vous affirmer déjà que vous traitez déjà des enfants ici, à votre hôpital, et à l'Hôpital de Montréal pour enfants, et dans d'autres hôpitaux du Québec. Alors donc, il s'est arrêté, puis ça l'a un petit peu secoué. Et j'ai rencontré ce même médecin la semaine passée qui est venu me voir pour me féliciter du travail qu'on fait. Il m'a encouragé à continuer et il m'a offert tous les supports et les appuis nécessaires pour continuer. Je pense qu'il a réalisé à un moment donné qu'assez, c'était assez.

Je pense que Mme Michaud peut vous dire, elle aussi, qu'on lui a menti sur le nombre de cas de la maladie, on lui a fait croire qu'elle était un cas unique. Et je peux vous dire que neuf patients... neuf parents d'enfants sur 10, M. le ministre, que nous avons rencontrés ? parce que nous rencontrons les comités de familles maintenant ? nous ont affirmé par écrit qu'ils avaient été mal informés, mal dirigés et qu'on leur avait menti quant au nombre de cas de la maladie dont leur enfant était atteint. Alors, c'est pour ça que j'affirme... et j'affirme encore qu'on a menti et qu'il faut qu'on arrête de mentir aux familles. On a beau ne pas vouloir leur révéler les noms et les autres familles qui existent, mais qu'on arrête de leur faire accroire qu'ils sont des cas uniques. Ce n'est pas vrai. Et c'est de cette façon-là que la mentalité humaine perçoit le fait que la maladie est excessivement rare. Ce n'est plus vrai, et ça, ça doit cesser, M. le ministre.

M. Couillard: Mais là je suis obligé d'être un peu en désaccord quant à l'interprétation que vous faites des événements. Je prends le cas du médecin dont vous me parlez, qui est venu vous féliciter, là, récemment, là, pour votre action, je ne pense pas, moi, que ce médecin ait décidé de vous mentir. Peut-être qu'il ne le savait pas, lui non plus. C'est ça, le problème. Peut-être que l'information, même au niveau du corps médical, ne circule pas bien. Et c'est ça qu'il faut vérifier ? et on va vérifier ? et qu'il faut mettre au coeur d'une meilleure organisation de la médecine génétique au Québec. Je ne pense pas qu'il y ait des médecins au Québec qui se disent: Bien, on va cacher ça à la population. Je ne crois pas. Je suis peut-être un peu idéaliste, mais, cette partie-là de la nature humaine et de la conscience professionnelle, je ne pense pas qu'on en soit rendu là. Je ne pense pas que le médecin qui vous a parlé s'est dit: Bien, je vais volontairement lui dire, alors que je sais qu'il y a x nombre de cas, je vais lui dire qu'il y en a moins. Non, je pense qu'il ne le savait peut-être pas, le nombre de cas.

C'est très différent s'il y avait quelqu'un quelque part qui avait la véritable information ? ce qu'on n'a pas encore, de toute évidence ? puis qu'il décidait de la cacher. Ça, c'est différent. Ça, c'est un mensonge, puis ce n'est pas correct, certainement. Mais je ne suis pas d'accord, je pense que vous êtes un peu dur envers les membres individuels de la profession médicale, qui sont dévoués en général, je pense que vous allez le reconnaître. Et je pense que le problème, c'est essentiellement un problème d'information. Puis le problème d'information n'est pas juste pour la population, je crois que, dans la communauté médicale également, il se présente.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, si vous permettez, je dois maintenant céder la parole aux membres de l'opposition. Vous aurez l'occasion, M. Fiset, de revenir sur cette dimension-là du dossier sans doute avec le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Mesdames messieurs, essentiellement, vous avez mis le doigt sur deux problèmes, la problématique du dépistage et même, avant même le dépistage, la prévention, liée au dépistage, la prévention, parce qu'il peut y avoir... On peut confondre les deux, mais c'est deux choses distinctes. Dépister, prévenir, c'est une chose, et puis après ça il y a la problématique du traitement, en particulier avec des médicaments. Bon.

Quand le ministre dit: Prouvez finalement les situations, je crois que ce que vous dites, ce que vous nous dites, si je comprends bien, c'est que le Québec n'a pas une stratégie d'information et de dépistage général pour l'ensemble des maladies héréditaires. C'est ça que je comprends, là. Est-ce que c'est ça que vous nous dites? Et ce que vous constatez, c'est que, tant qu'on n'aura pas une approche systématique et une approche intégrée, globale, on va se retrouver avec un manque d'information et on va se retrouver avec des situations qui seront amenées à être traitées alors qu'on aurait pu agir au préalable et qu'on va se retrouver avec de plus en plus de situations si en plus...

Et ça, je voulais juste que vous précisiez ça. Est-ce que j'ai bien compris quand vous nous dites qu'il va y avoir, au cours des prochaines années, de nouvelles maladies génétiques? C'est-à-dire, on en a découvert un certain nombre, et il y en a d'autres qui se développent, qu'on ne connaît pas, et qui vont apparaître, et pour lesquelles... Ce que vous dites, c'est que, si on n'a pas une stratégie globale de dépistage systématique des maladies génétiques, bien finalement on va se retrouver à apprendre sur le tard, comme dans les autres cas, les réalités, et ces réalités-là ne vont nous être connues que d'une façon partielle parce qu'on n'aura pas l'ensemble du portrait.

C'est clair qu'on ne peut pas systématiquement tester 7,5 millions de Québécois, là. Bon. Mais, entre ne pas tester tout le monde puis avoir une stratégie qui ferait en sorte qu'on aurait une approche plus systématique pour le dépistage, il y a peut-être une marge. Est-ce que...

M. Fiset (Denis): Il y a une très grande marge, vous avez raison. Vous savez, il y a des maladies qui sont actuellement connues au Québec, qui font des dommages sévères dans la population et qu'on pourrait dépister. Si vous me permettez, tout à l'heure, M. le ministre Couillard a cité qu'il y avait déjà du dépistage qui existait pour certaines populations au Québec, dont les populations juives. Ces gens-là ont été évalués porteurs du gène, exemple, de Tay-Sachs, encore une fois, à un sur 27 dans l'ensemble de leur population et ils bénéficient d'un service de dépistage depuis les 30 dernières années, ce qui a réduit de 95 % les cas de naissance et de mortalité dans cette population-là, au Québec.

M. Charbonneau: Je vous arrête tout de suite. Comment vous expliquez le fait que, dans ce cas-là, pour ce groupe-là ou cette communauté-là, on a ça depuis 30 ans, on dépiste depuis 30 ans?

M. Fiset (Denis): Il y a des médecins qui ont pris en charge le dossier à l'époque et qui ont travaillé avec la communauté juive. Et vous savez qu'en général la communauté juive, ce sont des gens qui se défendent, hein?

M. Charbonneau: Ils s'organisent bien. On ne peut pas les blâmer.

M. Fiset (Denis): Ils s'organisent. Nous, les Franco-Canadiens, on a été longtemps... on a, pendant trop longtemps, d'années, laissé l'image qu'on était des moutons qui allaient à la bergerie. On n'en est plus depuis quelques années, on a évolué. Mais ces gens-là ont bénéficié de ce service par le ministère de la Santé et ils en sont gagnants, et le ministère de la Santé en est ressorti très gagnant au niveau financier, au niveau coûts. Nous avons, dans la population du Québec, des groupes de population où ils sont porteurs à un sur 14 du même gène de la même maladie, du même gène de la même maladie, et les gens de ces populations-là ne sont même pas informés de ça, là, ils ne le savent pas, là, ils continuent de donner la vie à des enfants qui meurent et qui coûtent 400 000 $, 500 000 $, 600 000 $, 800 000 $ à l'État.

M. Charbonneau: Puis on connaît ces populations-là, on sait lesquelles.

M. Fiset (Denis): Oui. Oui, elles ont été identifiées. Et une étude récente que nous avons menée avec les fonds de notre fondation, que nous avons payé pour, nous a démontré que, sur 212 personnes qui ont été testées lors d'une période donnée de tests qu'on a faits, là... nous ont apporté 28 porteurs de la maladie de Tay-Sachs. 28 sur 212, ça, c'est 13 % de cette population-là. Alors, ça commence à faire pas mal plus de monde que le un sur 27 de tout à l'heure, ça, là, là. Puis ces gens-là, ils ne sont pas au courant, ils ne le savent pas. Je fais partie de ce groupe-là, moi. Vous savez, j'ai payé de la vie de mon enfant pour apprendre ça. C'est à partir de là que j'ai décidé d'aller plus loin et de faire ma recherche. Et malheureusement, je ne blâmerai pas le ministère de la Santé de ne pas avoir fait son travail, mais, je veux dire, mon Dieu, il est temps qu'on sorte, là, un petit peu, là, puis qu'on aille sur le terrain faire le travail qu'on devrait faire.

Et, vous savez, ce n'est pas de dépister la population de 7,2 millions de Québécois, parce que, sur 7,2 millions, je pense qu'on en a à peu près 60 % qui ne sont plus en âge de procréer, sauf les vieux comme moi qui décident de faire une folie puis d'avoir un enfant à mon âge. Mais en général on peut compter sur à peu près 36 % d'une population qui est en âge de procréer. Avec 35 %, on peut peut-être commencer par eux. On peut peut-être commencer par les mères porteuses aussi au début de la grossesse. On peut peut-être commencer à quelque part au lieu de fermer les yeux comme on fait et de regarder ailleurs. Parce que la souffrance de l'autre n'est pas notre souffrance personnelle, et c'est ce qu'on oublie, malheureusement.

n (10 h 20) n

Alors, moi, je dis qu'on a manqué à quelque part et on a manqué très sérieusement de faire notre travail, et cela, malgré des recommandations du comité canadien des obstétriciens et gynécologues. Et tout à l'heure, quand je disais à M. le ministre Couillard qu'il y a des médecins qui nous mentent, je ne veux pas attaquer le milieu médical, j'ai des amis dans le milieu médical qui nous aident et qui travaillent avec nous, mais il y a des cas clairs et précis de médecins qui ne disent pas la vérité, et surtout en génétique. Et il va falloir que ça change, parce que ces gens-là vont être rendus publics, ils vont être dénoncés maintenant. Il faut que ça change. C'est terminé, cette attitude de penser qu'on peut dire n'importe quoi à quelqu'un et que cette personne-là est obligée de croire ça. Ce n'est plus de même que ça marche, là.

M. Charbonneau: Donc, on vient de parler de la question du dépistage puis on a mis le doigt sur des lacunes et puis... Bon. Si on parlait maintenant de la situation des personnes atteintes. Une fois qu'elles sont atteintes, là, bon, c'est quoi, la situation par rapport... Bon. On est dans une évaluation d'une politique du médicament. Si je vous comprends bien, vous avez des problèmes, parce que vous ne seriez pas ici, à part pour nous parler du dépistage, mais vous seriez peut-être dans un autre forum pour parler de la même réalité si c'était juste un problème de dépistage. Je comprends que vous avez des problèmes avec l'utilisation ou l'accessibilité aux médicaments. Et quelle est la réalité ? peut-être que vous n'avez pas pu faire d'étude exhaustive, mais ce que vous savez ? quelle est la réalité des problématiques d'accessibilité aux médicaments des gens qui justement sont atteints puis des familles qui doivent supporter ces personnes-là, ces enfants-là en particulier?

M. Fiset (Denis): Dans le cas de la maladie de Gaucher, le problème qu'on a, c'est qu'il y a eu une enveloppe budgétaire de déposée pour répondre aux besoins des patients de la maladie de Gaucher, mais il y a malheureusement, chez les patients de la maladie de Gaucher, des stades de la maladie ou des niveaux de la maladie qui sont plus élevés chez certains patients, qui nécessitent donc un traitement en plus grande quantité. Et le problème qu'on a, c'est de répartir les sous selon les besoins du patient. Puis actuellement, malheureusement, on y va au compte-gouttes, là. Alors, s'il y a un nouveau patient qui arrive, on doit aller puiser dans la même enveloppe budgétaire puis on doit traiter le nouveau patient avec l'enveloppe budgétaire existante. Et le problème que ça cause, c'est qu'on enlève à un patient un dosage qui devrait être approprié mais qui ne le devient plus pour traiter cet autre patient là. Alors ça, c'est une des lacunes principales.

Dans le cas de la maladie de Fabry, le médicament n'a pas encore été approuvé ici, au Québec, mais ce médicament-là a déjà été approuvé dans d'autres pays du monde ? est-ce que je me trompe, madame? ? où le médicament, semblerait-il, a fait ses preuves. Est-ce que le gène québécois est différent du gène australien, ou japonais, ou chinois? Alors, sûrement, d'une façon, oui, il l'est. Mais est-ce qu'un médicament peut être accepté quelque part et ne pas l'être ici? Quelle est notre méthode d'évaluation? Quelle est notre qualité d'évaluateurs en rapport avec ce que d'autres personnes ont pu évaluer?

Mais, je comprends, la problématique de l'évaluation d'un médicament, ce n'est pas facile, surtout quand on parle de la maladie... M. le ministre Couillard le disait tout à l'heure, ce n'est pas facile d'évaluer un médicament, ça prend un nombre de personnes sur lesquelles on peut faire des tests. Je pense qu'on devrait commencer à aller de l'avant, et à parler avec les compagnies pharmaceutiques qui produisent des médicaments, et à faire un partenariat de développement et de recherche, et de travailler dans le sens que, s'ils sont capables de prouver l'efficacité de leurs médicaments selon une période d'étude valable, bon on leur remboursera le coût de leurs médicaments, puis, s'ils ne sont pas capables, on leur dira: Bonjour, mes amis, merci!

M. Charbonneau: Mais, si je vous comprends bien, ce que vous venez de dire, c'est qu'ailleurs dans d'autres sociétés ou dans d'autres États, dans d'autres pays, il y a eu des évaluations, il y a des tests. Autrement dit, c'est comme si, au Québec, il fallait toujours recommencer à zéro. Si, par exemple, en Europe, en France, en Australie ou aux États-Unis, on a fait des tests qui ont une rigueur scientifique, bien, nous, il faut les recommencer ou il faut revalider tout avant d'approuver.

M. Fiset (Denis): Bien, vous savez, malheureusement, c'est le cas, hein, souvent dans beaucoup de pays du monde, hein? Vous savez: Ce que l'autre a fait, ce n'est pas bon, on doit faire mieux que lui ou on doit être meilleurs. J'aimerais ça qu'on soit meilleurs que les autres ici, au Québec, pour une fois, puis qu'on leur montre qu'on est capables de prendre en charge des dossiers puis de les faire évoluer. Vous avez... Madame.

Mme Saulnier (Gaétane): Moi, ce que j'en sais par rapport au Fabrazyme pertinemment, je suis allée à Toronto, et, quand ils ont déposé, je pense que c'est la phase IV de la recherche sur le Fabrazyme, les chercheurs sont arrivés avec les chiffres de 60 % d'efficacité. Moi, ce qui me choque à quelque part, là-dedans, je me dis: Je pense, en tout cas, j'espère, comme M. Couillard, que ces gens-là sont d'une honnêteté et d'une intégrité pour affirmer ça. On part du principe: on leur dit oui.

Moi, la question que je me pose, c'est: Pourquoi, si on me dit: Le médicament est à 60 % d'efficacité, que ce soit au Québec ou que ce soit dans le Canada anglais, le médicament n'est pas accepté au niveau des provinces? M. Couillard fait des démarches, bon, il est un leadership. Parfait, j'en suis très contente et très fière, sauf que, moi, je sais ce qui se passe au Canada anglais: plein d'autres provinces ne veulent rien savoir parce qu'ils se cachent sur l'efficacité du coût du médicament... c'est-à-dire l'efficacité du médicament, au lieu de dire peut-être les vraies affaires, c'est le coût du médicament. Parce que, je pense, 60 % du médicament, si tu as 60 % moins de crises de coeur, 60 % moins de crises d'ACV, ou de conséquences des ACV, ou des atteintes rénales, il me semble que ça donne en tout cas... enfin, je présume que ça donne une meilleure qualité de vie en bout de ligne, tu sais, parce qu'il y a 60 % de moins de coûts à l'État.

M. Charbonneau: De toute façon, je pense que le ministre le disait tantôt, à partir du moment où on reconnaît que, le problème des maladies orphelines, dites orphelines, il n'y aura jamais une masse critique pour faire en sorte qu'on ait de l'expérimentation aussi rapide que dans d'autres domaines et qu'il y ait des investissements, alors il faut accepter la conséquence. La conséquence, c'est que, si on n'est pas en mesure de faire le même type d'expérimentation ici, peut-être que ce qui se fait ailleurs devrait être aussi pris en considération. Puis peut-être que ce qu'on devrait mettre en place, c'est une «task force» ou un groupe qui, au Conseil du médicament, a une approche spécifique pour les maladies orphelines et qu'on ait une approche différenciée à partir du moment où on reconnaît même le fait qu'on ne peut pas avoir la même rigueur ou la même expérimentation à cause...

Mme Saulnier (Gaétane) C'est une recherche sur 24 patients...

M. Charbonneau: ...justement des coûts et des échantillons.

Mme Saulnier (Gaétane) Sauf que, moi, ce que j'en sais, Genzyme a fait la recherche à travers le monde. Il y a des chercheurs, je ne sais pas, moi... en tout cas, il y en avait des États, il y en avait d'Europe, et tous ces chercheurs-là à droite et à gauche se sont tous unifiés pour amener leurs recherches, et c'est comme ça qu'ils ont comptabilisé leur nombre de patients un peu partout à travers la planète. C'est sûr qu'au Québec ou individuellement au Canada, si on se ramasse avec, quoi, 300 patients, la recherche ne tiendra pas la route, c'est évident. Mais effectivement, en allant chercher ce qui est allé se faire ailleurs, et sur quoi qu'ils ont travaillé, et quels sont les résultats, je pense qu'avec tout ça mis ensemble, oui, on peut avancer la recherche nous-mêmes, oui, on peut peut-être, je ne sais pas, moi, avec la recherche, la mettre plus efficace ? bon, là, je ne peux pas m'avancer trop parce que je ne suis pas médecin. Mais on ne peut pas tout recommencer, ça, c'est évident. Donc, on n'a pas le choix, moi, à mon avis, de tenir compte de qu'est-ce qui se fait ailleurs et quels ont été leurs résultats et d'étudier ça avec rigueur, de voir c'est quoi, les conséquences, qu'est-ce qu'il en est et est-ce que ça tient la route.

n (10 h 30) n

M. Charbonneau: Parce qu'on parle aussi, dans la politique, qu'il y a un axe qui veut qu'on optimise l'usage des médicaments. Est-ce que vous êtes satisfaits actuellement des renseignements qui vous sont transmis par les médecins ou par les pharmaciens concernant l'état de santé des personnes qui sont atteintes? Bon. Tantôt, vous posiez le problème... en fait, vous disiez que les gens mentaient, bien, tout au moins, ils ne donnent pas l'heure juste soit parce qu'ils ne l'ont pas, peut-être parce que, des fois, ils n'osent vous la donner, en tout cas pour toutes sortes de raisons qui sont difficiles à décoder pour chaque individu. Mais le fait est que c'est que vous n'avez pas l'heure juste tout le temps. Et est-ce que, quand on vous donne l'heure juste en fin de compte ? parce qu'à un moment donné, de temps en temps, vous finissez par l'avoir ? est-ce qu'à ce moment-là les renseignements qu'on vous donne, que les pharmaciens vous donnent ou que les médecins traitants vous donnent sont adéquats ou s'il y a encore un problème dans la relation entre le patient, le pharmacien puis le médecin, ou les médecins? Parce que vous en avez une gang, là, si je comprends bien, là...

Mme Saulnier (Gaétane) Moi, je parle de ma généticienne par rapport à mon fils, juste ça, je voulais avoir une conversation privée avec elle et ne pas avoir tout à élaborer les conséquences de la maladie devant mon fils, juste ça, elle me l'a refusé. Elle m'a dit: Parle devant ton fils. Mais j'ai dit... J'étais très fâchée, j'étais insultée parce que je me disais: Mon fils, il en sait déjà assez comme ça, il n'a pas besoin d'avoir tous les détails de la maladie. Et ça m'a blessée comme mère, puis je me suis dit: Bien, tu ne m'arrêteras pas, madame, je vais te la poser, la question, devant mon fils. Sauf que je savais que je risquais de l'apeurer, cet enfant-là. Et je trouve honteux que ma généticienne m'ait refusé ce droit-là de discuter en adulte c'est quoi, les conséquences, qu'est-ce qui peut arriver ou de me sécuriser dans telle, telle, telle chose.

Moi, je suis confrontée... Ce que Denis vit en ce moment, moi, je peux le vivre à 19 ans, à 20 ans. Quand mon garçon va avoir... en tout cas, 19 ans et plus, il peut avoir des atteintes rénales, il peut me péter des ACV n'importe quand. Son coeur, ça paraît déjà sur son coeur. Qu'est-ce que ça va être dans cinq ans, dans 10 ans? J'aurais aimé, j'aurais apprécié qu'elle prenne le temps... O.K.

M. Charbonneau: ...pas encore Bagdag.

Mme Saulnier (Gaétane) Pardon?

M. Charbonneau: Ce n'est pas Bagdad. Le président pourrait peut-être vous donner l'information qu'il nous a donnée hier pour vous rassurer, là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Ça va, il y a des travaux pas loin.

Mme Saulnier (Gaétane) Bon, c'est ça, j'aurais apprécié qu'elle le fasse, tu sais, puis qu'on puisse avoir une discussion d'adulte sans... parce que j'essaie de... Même si je suis la représentante, je me suis donné la responsabilité, mon fils est au courant, je ne lui ai pas menti et je ne le lui ai pas caché, sauf qu'il y a des choses... que j'essaie quand même d'éviter de donner les détails. Puis ça, je pense que j'aurais dû, comme parent, pouvoir discuter de ça en privé avec ma généticienne, la généticienne de mon enfant.

M. Charbonneau: Une dernière question rapide, M. le Président. Est-ce que votre pharmacien ou votre pharmacienne, quand vous allez chercher les médicaments, là, que...

Mme Saulnier (Gaétane): On n'en a pas, nous, encore.

M. Charbonneau: Vous, vous n'en avez pas encore?

Mme Saulnier (Gaétane): Non. Mon fils n'est pas soigné, moi, en ce qui me concerne, pas du tout. Il y a six patients. Je vais vous expliquer le cas de Fabry en ce moment. Il y a six patients, O.K.? Il y en a trois qui étaient sur la recherche et trois sur le compassionnel parce qu'eux avaient des atteintes assez sévères. Maintenant, la recherche est officiellement terminée. Les trois patients qui étaient sur la recherche sont sur le compassionnel. Donc, ces six patients-là, eux, ont des médicaments. Les autres, on a 24 patients au Québec, des garçons... Parce que, là, je ne parle pas des femmes. Les femmes, là, plus qu'elles vieillissent, plus qu'elles peuvent avoir des... Comme moi, ça paraît sur mon coeur aussi, bon, puis je peux avoir... Il y a des femmes, en Colombie, ailleurs, elles ont des atteintes rénales, là. Tu sais, les femmes aussi, sauf que c'est plus tard, nous autres, parce qu'on a un des X, un de nos deux X fonctionne. Les garçons n'ont pas de... ont très peu le... soit très peu ou pas du tout l'enzyme. Pour revenir... Excusez-moi, là, j'ai...

M. Charbonneau: Vous disiez que vous n'aviez pas de traitement, là, à part quelques...

Mme Saulnier (Gaétane): Non, c'est ça, mon fils n'a pas de traitement. Il y a six patients qui sont soignés et, tu vois, il y en a 24 patients déclarés. Donc, ces autres... Et je sais qu'il y en a trois autres, patients, qui devraient être soignés parce que les atteintes commencent, là, ça commence à être problématique, là, dans certains cas. Puis en plus, écoutez, moi, mon approche, c'est aussi de prévenir, comme j'expliquais à M. Couillard. Je vas-tu attendre qu'il ait 19, 20 ans? Quand est-ce que cet enfant-là va être soigné? En ce moment, il est quand même en bon état. Moi, j'ai peur des ACV, des conséquences de cette affaire-là. Mon gars, il est intelligent, en ce moment. J'ai-tu le goût, là, parce qu'il a un ACV, qu'à un moment donné il soit paralysé, ou qu'il ait le cerveau abîmé parce qu'il n'est plus capable de réfléchir, ou il n'est plus capable de penser à cause des conséquences?

M. Charbonneau: Les médecins que vous avez consultés, est-ce qu'ils vous disent que plus ça tarde à avoir de la médication, plus il y a une aggravation ou il y a un dépérissement de la...

Mme Saulnier (Gaétane): Moi, ce que... Bon, ici puis en Europe, le discours est différent. C'est ce que j'entends, O.K.? En Europe... Aux États-Unis, il y a une médecin, une femme médecin, elle a deux enfants, ils ont 7 ans, ils sont soignés. O.K.? Bon, est-ce que c'est une question d'assurances et tout le tralala, que les parents sont plus en moyens et qu'ils ont payé des assurances qui paient les médicaments? Bon, O.K., ça, Dieu seul sait. En tout cas, moi, je ne le sais pas. Ceci étant dit, en Europe aussi, il y a des enfants qui sont soignés, tandis qu'ici on ne parle pas de ça.

Moi, je me suis fâchée, à Toronto, avec un médecin pédiatre. Je ne savais pas qu'il était pédiatre par contre, mais en tout cas j'étais insultée: Mais, voyons donc, on ne soignera pas les enfants! Mais j'ai dit: Savez-vous, monsieur, que, moi, mon enfant, depuis qu'il est bébé qu'il est malade, que ça commence juste à se calmer, mais là par contre ça commence à paraître sur les organes vitaux? Avant, il me faisait des crises, des 105,5 °F régulièrement de fièvre, des douleurs dans les pieds, dans les mains, à ne même pas savoir qu'est-ce qu'il avait. En tout cas, pour certains enfants, on doit savoir qu'est-ce qu'ils ont pour être capable de les traiter. Il y a d'autres enfants Fabry, je ne vous dirai pas que tous les enfants Fabry sont comme ça, mais il y a d'autres enfants qui n'ont pas de symptômes, il y a des jeunes qui n'ont pas de symptômes. Par contre, ça ne veut pas dire que les organes ne se détruisent pas à l'intérieur. Comprenez-vous?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, Mme Saulnier, si vous permettez, nous allons clore vos témoignages maintenant, puisque le temps est écoulé déjà depuis quelques minutes. Nous vous remercions de votre contribution. Les membres de la commission ont apprécié vos interventions.

Nous demandons désormais aux représentants de Force Jeunesse de venir s'asseoir à la place qui leur convient.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, la commission poursuit ses travaux. Nous accueillons donc M. François Tremblay, président de Force Jeunesse. Il est accompagné de M. Paul Huynh, vice-président. M. Tremblay, vous allez prendre la parole au nom du groupe. Vous avez 20 minutes pour résumer l'essentiel de votre mémoire, suite à quoi nous allons avoir une période d'échange avec vous deux. Alors, vous êtes les bienvenus. Allez-y.

Force Jeunesse

M. Tremblay (François): Merci, M. le Président. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, Mmes et MM. les députés. Donc, il nous fait plaisir aujourd'hui de participer aux travaux de cette commission parlementaire. Nous remercions donc les membres de la commission pour nous avoir invités.

Donc, avant de débuter, je pense qu'il convient de présenter brièvement l'organisme Force Jeunesse, que nous représentons aujourd'hui, pour ceux et celles qui ne le connaissent pas. Donc, Force Jeunesse a été fondé en 1998. C'est un regroupement de jeunes travailleurs et professionnels qui oeuvrent pour l'amélioration des conditions de travail et des perspectives d'avenir des jeunes. Force Jeunesse s'est principalement fait connaître par la lutte contre les clauses orphelin ou clauses discriminatoires contenues dans les contrats de travail envers les jeunes. Donc, à partir de 1998, Force Jeunesse s'était fait connaître sur ce dossier-là. Par la suite, Force Jeunesse a cherché à soutenir le principe d'équité intergénérationnelle à travers différentes questions, dont, bien entendu, celui des clauses orphelin mais également au travers la question des finances publiques. D'ailleurs, Force Jeunesse a toujours eu comme position le remboursement de la dette pour assurer pour le futur la pérennité des programmes sociaux.

Donc, ce qui nous intéresse ici, avec la politique du médicament, c'est la pérennité du régime d'assurance médicaments, parce que Force Jeunesse est inquiet donc de la pérennité du régime. On croit que sa survie est menacée et que la politique du médicament devrait être élaborée de manière à garantir la pérennité du régime d'assurance médicaments pour les générations futures. Donc, en fait, pourquoi on craint pour la survie du régime d'assurance médicaments? Essentiellement, depuis 1997, les coûts du régime n'ont pas cessé d'augmenter, puis il n'y a aucune raison de croire actuellement que ces augmentations vont s'estomper. Tout au contraire, lorsqu'on considère la commercialisation de nouveaux médicaments de plus en plus coûteux, lorsqu'on considère le vieillissement de la population, tout ça nous amène à conclure que les coûts ne vont aller qu'en augmentant et que, lorsque le Québec va connaître le choc démographique, on n'aura plus les moyens de s'offrir le régime d'assurance médicaments actuel.

Alors, en plus, c'est clair que la situation financière du Québec est aussi importante dans le tableau parce qu'actuellement les finances publiques demeurent précaires et pour l'avenir il est peu probable que la capacité de payer de l'État s'améliore. Donc, nous, il est clair qu'une partie de la solution réside dans le remboursement de la dette, mais aussi, parce qu'on croit que le remboursement de la dette seul n'est pas suffisant, on croit qu'il faut s'efforcer de contrôler ces augmentations de coûts que le système de santé connaît mais également que le régime d'assurance médicaments subit. Alors, le but de notre présentation, c'est donc de proposer certains moyens pour justement contrôler ces augmentations de coûts qui mettent en péril la survie du régime.

n (10 h 40) n

Donc, tout au long de notre mémoire, on a proposé différents moyens pour justement faire en sorte de rendre le régime plus efficace, si on peut dire, donc sans trop restreindre l'accessibilité aux médicaments. Donc, on parle, entre autres, du système de prix de référence, que les membres de la commission connaissent sûrement, donc qui consiste essentiellement à rembourser le médicament qui présente le meilleur rapport coût-efficacité dans une même classe thérapeutique. Donc, il est clair que cette méthode permettrait de réaliser des économies parce que généralement, lorsque le premier générique d'une classe est commercialisé, bien, tout de suite, la différence de prix par rapport aux autres médicaments de la classe est relativement importante.

La question, dans la politique du médicament, on voit que la proposition ministérielle propose d'écarter en fait le système de prix de référence, mais on ne précise pas pourquoi exactement on choisit d'écarter. On peut deviner, bien entendu, que le fait d'écarter est un incitatif pour l'industrie innovatrice à investir davantage au Québec. Même si ce n'est pas clairement indiqué, on peut comme deviner entre les lignes qu'indirectement le fait de ne pas aller avec un système de prix de référence favorise donc les investissements d'industries innovatrices.

Notre question en fait ou notre inquiétude, c'est de savoir: Est-ce que ce choix qui est fait par le gouvernement est, au bout de la ligne, profitable pour l'ensemble de la société québécoise? Il n'y a aucun chiffre pour nous dire, dans la politique du médicament, combien ça coûte exactement au gouvernement d'écarter le système de prix de référence et en fait combien aussi les investissements de l'industrie pharmaceutique rapportent au Québec si on n'adoptait pas, par exemple... ou si en fait on adoptait plutôt un système de prix de référence. Donc, c'est une question en fait qu'on lance. On se demande, nous, sérieusement si le Québec a avantage à écarter le système de prix de référence et on désirerait donc que l'analyse soit poussée.

Ensuite, nous proposons aussi un autre moyen pour, je dirais, modifier l'accessibilité aux médicaments, donc un moyen qui est inspiré de ce qui se fait déjà en France. On parle de notion de SMR donc, qui signifie «service médical rendu». En France, on établit des catégories de médicaments selon leur utilité médicale, si on peut dire. Et plus un médicament est utile, plus son taux de remboursement est élevé. Donc, au Québec, actuellement, on a un peu trois catégories, si on peut dire: les médicaments inscrits sur la liste, donc ceux qui sont inscrits sur la liste de médicaments d'exception, et les autres non inscrits. Bien entendu, le remboursement est modulé par le système d'assurance médicaments qui, selon les revenus, détermine une coassurance, franchise et en fait une contribution du patient.

Par contre, on pense que l'introduction d'une notion de SMR à l'intérieur du système d'assurance médicaments permettrait de rendre le régime plus flexible, donc c'est-à-dire qu'on pourrait avoir des catégories intermédiaires entre les médicaments inscrits sur la liste, ceux non inscrits et les médicaments d'exception. Alors, ce serait un moyen, bien entendu, qui pourrait permettre de réaliser certaines économies et en même temps de rendre le système plus flexible. Et évidemment le SMR ou, je dirais, l'utilité du médicament serait déterminée par le Conseil du médicament qui a déjà la fonction d'évaluer la valeur thérapeutique des médicaments.

Donc, même si toutes nos propositions ne visent pas précisément à favoriser, entre autres, le développement d'une industrie pharmaceutique au Québec, il est possible, je pense, de concilier les deux, c'est-à-dire concilier le soutien à l'industrie pharmaceutique et le contrôle des coûts, de l'augmentation des coûts de l'assurance médicaments.

Donc, je pense que, dans les différentes mesures que le Québec met en place pour favoriser les investissements des industries innovatrices, il faut faire une certaine distinction. On a, premièrement, des incitatifs fiscaux et aussi certaines politiques donc qui favorisent les investissements de l'industrie innovatrice. Il est clair qu'avec les incitatifs fiscaux il n'y a pas vraiment en fait de problème, étant donné que les coûts pour le gouvernement sont directement reliés aux investissements que l'industrie pharmaceutique fait au Québec. Par contre, en ce qui concerne les politiques, par exemple la règle des 15 ans ou le fait de rejeter un système de prix de référence, donc, ces politiques-là, on n'est pas certain de la rentabilité, si on veut, pour le Québec, on n'est pas sûrs que leurs coûts en valent la peine. Donc, nous, comme groupe, si on est en mesure de prouver que, par la création d'emplois, par la création de richesse collective, toutes ces mesures, toutes ces politiques sont profitables pour le Québec, on appuie le gouvernement. Mais il faudrait savoir, avoir davantage d'analyses ou d'études qui démontrent justement que ces politiques, qui encouragent les investissements de l'industrie pharmaceutique, soient profitables pour le Québec.

Donc, il y a une dernière idée aussi qui nous apparaît importante, ça concerne en fait la coexistence du régime d'assurance public avec les régimes d'assurance privés. Actuellement, bon, il y a coexistence de deux systèmes. Les assurances privées sont généralement offertes par les employeurs, bon, pour leurs employés et la plupart des assurances prennent fin au moment de la retraite. Ensuite, les retraités sont assurés par le régime public. Ce qui nous semble étrange en fait, c'est qu'au moment de la retraite c'est justement au moment où généralement les personnes, les assurés commencent à consommer plus de médicaments, étant donné l'âge, et donc ce qui augmente les pressions sur le régime public, alors que les régimes privés pour la plupart ? parce qu'il y a quelques exceptions ? se désengagent au moment de la retraite et le public doit donc assumer la responsabilité de la couverture des médicaments pour le reste de leur vie. Alors, je pense que ça aussi, ce point-là pourrait être un moyen de contrôler les coûts de l'assurance médicaments.

Alors, ce qui termine ma présentation. Donc, je suis maintenant disponible pour les questions.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci, M. Tremblay. Peut-être une petite question avant de céder la parole au ministre: Est-ce que ces remarques sur la question du privé et du public sont... Étant donné le mémoire que vous avez déposé, je ne pense pas que le mémoire contient ce type de considérations. Est-ce que vous avez une version écrite que vous pouvez déposer auprès des membres de la commission?

M. Tremblay (François): Non, pas précisément... Désolé. Pas précisément. En fait, on n'a pas de version écrite...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Prenez votre temps. Prenez un peu d'eau.

M. Tremblay (François): Oui, c'est ça, parce que... Alors, c'est ça, on n'a pas de version écrite parce que ça avait été discuté à notre comité politique, mais on avait manqué de temps pour l'inclure dans la version du 4 février.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): D'accord. Alors, écoutez, en tant que président, là, je vous ferai simplement savoir que, si jamais vous voulez faire parvenir au secrétariat une version écrite que vous voudriez finale, là, de votre position là-dessus, nous serions heureux de l'accueillir.

M. Tremblay (François): Parfait.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je cède la parole à M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Tremblay et M. Huynh, pour votre présentation. Je commencerais par vous dire que les retombées économiques de l'industrie pharmaceutique ont déjà été bien démontrées et documentées. C'est une étude qui avait été faite par le ministère des Finances sous le gouvernement précédent, qui est disponible, on pourra vous donner la référence si vous le désirez. Le nombre d'emplois de haut niveau varie selon les estimés de 21 000 à 30 000 ? 21 000, c'est plutôt du côté gouvernemental, 30 000, du côté de l'industrie ? mais il est très important, et les retombées économiques se chiffrent en centaines de millions de dollars sur l'économie du Québec.

n (10 h 50) n

Ce qui m'amène à parler du prix de référence. Pour expliquer de quoi il s'agit ? il faut le répéter parce que c'est des termes techniques auxquels les citoyens bien sûr... avec lesquels ils sont peu familiers ? il s'agit, pour une même classe de médicaments innovateurs, de ne payer qu'en pratique finalement le prix le plus bas. Alors, disons qu'on a quatre pilules pour l'ulcère d'estomac, dont une... le prix varie de 1,50 $ à 3,50 $, le gouvernement rembourse seulement 1,50 $. Et, si le patient ou son médecin insiste pour que ce soit celle de 3,50 $ qui soit utilisée, bien c'est le patient qui paie le 2 $ de différence. Bon. Évidemment, sur le plan financier, là, c'est quelque chose qui apparaît attrayant, mais cependant, lorsqu'on le regarde de plus près, il n'est pas certain que ceci soit recommandable, et, nous, on ne suggère pas de le mettre en application au Québec.

Bon, il y a la question des retombées économiques, des retombées sur l'industrie pharmaceutique. Puis vous avez entendu, hier, ou peut-être ne l'avez-vous pas entendu, mais les représentants de l'industrie ont indiqué que, parmi les critères d'évaluation de ce qu'ils appellent le climat d'affaires au Québec, l'absence du prix de référence et la règle de 15 ans sont les deux éléments les plus importants. Et là les gouvernements, quels qu'ils soient, sont dans la situation où on fait une hypothèse, où on pourrait dire: Bien, on va le mettre puis on va voir ce qui va arriver après. Le problème, c'est qu'après, quand l'entreprise est partie puis que les emplois ne sont plus là, ils ne sont plus là.

Deuxièmement, c'est que le patient lui-même, quand il va comprendre le prix de référence... Le citoyen a une attitude différente selon qu'il parle du système en général ou de son cas particulier, et c'est normal et naturel. Alors, quand on regarde ça sur le plan du système, ça a l'air attrayant parce qu'effectivement ça entraîne des économies. Cependant, lorsque le patient se présente à la pharmacie et se fait dire que, pour le médicament que son médecin lui a prescrit, auquel il a confiance ? le médecin lui a dit: C'est le médicament pour vous ? il doit débourser 2 $ de plus, je ne suis pas certain comment le citoyen en pratique réagit à ça.

Et deuxièmement, lorsqu'il se produit des réactions d'intolérance, ou d'allergie, ou d'effets secondaires, il faut faire un changement. C'est une lourdeur administrative considérable, similaire et même plus lourde que le médicament d'exception. Alors, nous ne suggérons pas, là, la mise en place de cet outil-là dont les effets négatifs sur le plan économique dépasseraient de beaucoup les effets positifs. Puis, comme représentants de la jeunesse et de la capacité de payer des citoyens de demain que vous êtes, vous avez intérêt, je crois, à faire comme nous et les gouvernements qui se sont succédé au cours des dernières années, veiller à garder notre prospérité et garder la création de la richesse au Québec au niveau où elle est pour nous aider à payer ces programmes sociaux. Votre remarque sur la dette d'ailleurs est intéressante à ce sujet-là.

Maintenant, sur ce qui est de l'instauration du service médical rendu, pour encore une fois expliquer, il s'agit d'un système qui est utilisé en France, où on classifie le médicament selon le niveau de service médical rendu, en trois catégories, avec un remboursement qui varie, dont le taux varie, là, entre 35 % et 100 % selon qu'on porte le jugement que le service est minimum, moyen ou important. Alors, il y a plusieurs problèmes liés à ça.

D'abord, il faut dire que, parmi les médicaments qui ont été déremboursés ou non remboursés suite à l'instauration du SMR, il n'y en a, à toutes fins pratiques, aucun qui est sur la liste des médicaments du Québec. C'étaient des médicaments qui étaient là depuis très longtemps, et on a fait le ménage dans la pharmacopée française. Il faut savoir que la France est le pays au monde où la consommation des médicaments est la plus élevée, c'est plus qu'au Québec. Le Québec se comporte malheureusement bien à ce niveau-là au Canada, mais, au niveau international, la France est un pays où les médicaments sont consommés de façon importante.

Une voix: ...

M. Couillard: Pardon?

M. Charbonneau: ...français dans les Amériques.

M. Couillard: Oui, voilà, c'est ça, le trait latin. Maintenant, l'autre chose également sur le plan éthique, c'est que l'instauration d'un tel système... Lorsqu'on classifie le SMR, on porte un jugement sur la gravité de la maladie, on déclare, c'est un des critères, on déclare: Bien, cette maladie-là est plus grave qu'une autre, donc pour ça je vais rembourser plus. Et la philosophie du régime d'assurance médicaments, en 1997, ça a été justement de déclasser les maladies, d'enlever la nécessité ou la possibilité d'avoir à porter un jugement de valeur sur la gravité relative du diabète par rapport à l'hypertension artérielle, par exemple, ou du psoriasis par rapport au cancer. Alors, la philosophie, c'est que les maladies ont toutes des effets négatifs sur les citoyens et que le régime d'assurance médicaments est là pour privilégier l'accessibilité et la capacité de payer du citoyen, et sans donner en plus la charge au Conseil du médicament qui déjà se fait, comme vous l'avez vu au cours de la commission, prendre d'assaut considérablement sur ses jugements sur la valeur thérapeutique et les inscriptions dans une liste ou l'autre. S'il faut en plus que les gens du Conseil du médicament se mettent à avoir à porter des jugements sur l'importance relative ou la sévérité relative d'une maladie par rapport à l'autre, comme on dit chez nous, on n'est pas sorti du bois.

Alors, je pense que ce qu'il faut plutôt... bon, il faut regarder cet élément-là, c'est certain, mais je pense que ça présente plusieurs éléments négatifs, mais il faut également aller dans d'autres directions: la façon de faire les listes, la façon d'établir les listes d'exception, la possibilité ? on a entendu une suggestion de l'industrie, hier ? d'avoir une catégorie de médicaments qui seraient sous surveillance et qu'on pourrait suivre lors de leur introduction pour vérifier leur utilisation optimale. Ça, je trouve que c'est des choses intéressantes et pratiquement intéressantes, également. La question du SMR, je ne suis pas certain, certain que la complexité et le problème éthique n'est pas trouble.

Puis enfin votre remarque finale sur la coexistence public-privé, bien c'est un problème assez fondamental. Il faut savoir que, lorsque le régime a été mis sur pied, rapidement l'État s'est retrouvé avec les clientèles les plus à risque de consommer les médicaments, que ce soient les personnes âgées ou les personnes à très faibles revenus. Si on regarde la strate de revenus des gens couverts par le régime général d'assurance médicaments, elle est beaucoup plus basse que la strate générale de la population, ce qui présente des problèmes d'ailleurs pour la levée de cotisations et des contributions.

Il y a eu, à ce sujet-là, des suggestions d'un régime public universel mais qui présente des problèmes importants, également. On se prive de la contribution de l'employeur, qu'il faudrait remplacer par un alourdissement de la fiscalité des entreprises, ce qui n'est pas nécessairement une bonne nouvelle sur le plan international. On se prive du revenu des taxes applicables sur les primes d'assurance. Et enfin il y a beaucoup d'assureurs québécois qui disparaîtraient probablement du marché aux dépens des gros assureurs multinationaux.

Alors, tout ça fait en sorte que les problèmes que vous soulevez sont, je crois, bien intéressants, sont étudiés puis vont continuer à l'être également, mais je crois qu'il faut... Et puis on pourra vous donner les informations qui vous seraient nécessaires, d'une part, sur les retombées de l'industrie pharmaceutique, d'autre part, sur une analyse du système SMR, là, du système de valeur ajoutée, là, ou de service médical rendu, pour votre information.

Pour ce qui est de la façon dont les médicaments sont évalués, est-ce que vous avez des recommandations quant à la notion de valeur thérapeutique, par exemple? Est-ce que vous vous êtes penchés sur cette question-là?

M. Tremblay (François): Pas nécessairement. Par contre... Mais j'aimerais peut-être faire certains commentaires, là, suite aux réponses, là, que vous nous avez données, quand vous... Bon. L'étude du ministère des Finances, si je me rappelle bien, là, la lecture que, nous, on a faite de cette étude, c'est qu'elle considérait le coût de la règle des 15 ans par rapport aux retombées économiques des investissements de l'industrie pharmaceutique. Par contre, je pense, on n'a jamais parlé précisément du coût du rejet, par exemple, du système de prix de référence et que d'autant plus, pour l'avenir, étant donné qu'il y aura beaucoup plus de génériques, là, dans les prochaines années, dans les médicaments qu'on utilise, de base, le coût de rejeter ce système de prix de référence sera de plus en plus élevé. Donc, à ma connaissance, l'étude du ministère des Finances est loin d'être exhaustive et de présenter surtout une vision à long terme des coûts des choix que le Québec fait présentement. Peut-être que les chiffres existent sous d'autres formes d'études, mais je ne pense pas qu'on ait d'études approfondies sur le sujet.

L'autre question concernant le système du prix de référence, on discutait, tout à l'heure, qu'il y avait une possibilité d'allergie entre les classes, et, à ce moment-là, bien il serait difficile pour le gouvernement de... ce serait de la bureaucratie parce qu'il faudrait faire des demandes pour que les autres médicaments soient remboursés. En tant que pharmacien, je pourrais vous dire qu'il serait facile pour le gouvernement de corriger ce problème en tout simplement demandant au pharmacien d'inscrire un code de remboursement au moment de la réclamation par ordinateur, qui justement permet au pharmacien de donner le médicament lorsqu'on constate une allergie chez le patient. C'est un problème qui pourrait se résoudre facilement, sans bureaucratie. Et déjà le pharmacien a déjà cette responsabilité, lorsque les gens perdent leurs médicaments et que le gouvernement donc ne paie plus les médicaments parce que les médicaments doublent ou encore quand le patient part en voyage et a besoin de ses médicaments à l'avance, le gouvernement ne paie pas, bien le pharmacien a la responsabilité d'inscrire un code à l'assurance pour que le médicament soit remboursé.

Enfin, ensuite, en ce qui concerne donc le système de SMR, c'est clair qu'au niveau, bon, du déclassement des maladies, j'admets que c'est un aspect négatif du système. Par contre, il faut toujours se mettre, je pense, à notre place, parce que nous sommes très inquiets de la survie du système. Donc, je pense que, dans un contexte où le système est menacé, le système du SMR est un moindre mal. Parce qu'il est clair que, dans 10 ou 20 ans, ce système-là, il ne sera plus viable, donc il serait important de prendre aujourd'hui les décisions pour assurer sa survie à long terme. Donc, c'est notre principal point.

n (11 heures) n

Et en ce qui concerne, je pense, la valeur thérapeutique, ce qui était votre question, je pense qu'en instaurant un système de SMR justement on sera davantage en mesure d'évaluer la véritable utilité des médicaments et ainsi réduire les coûts pour assurer toujours ? et le but est là ? la pérennité du système.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci, M. Tremblay.

M. Couillard: Bien, brièvement, pour le SMR, il faut savoir qu'il y a des médicaments homéopathiques qui sont encore remboursés avec le SMR, en France, et également que c'est tellement compliqué que, comme je disais toujours, comme il faut classer les maladies et les symptômes, le même médicament peut avoir deux ou trois taux de remboursement selon l'indication pour laquelle il est prescrit. Alors, imaginez la complexité de gestion. Mais évidemment pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? C'est la question qu'on peut se poser. Mais on vous remercie de votre contribution.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci, M. le ministre. Je cède la parole au député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien. Merci, M. le Président. Alors, messieurs, je reprends tout de suite la balle au bond, d'une certaine façon. Vous venez de dire que le système ne sera plus viable dans 10 ou 20 ans. Qu'est-ce qui vous permet de dire ça à partir du moment où on prendrait, à partir de maintenant, une série de mesures qui justement viseraient à assurer sa pérennité et qui encadreraient d'une façon peut-être plus efficace à la fois le prix et aussi l'utilisation des médicaments?

Parce que ce qu'on a eu comme témoignage, notamment hier, entre autres, d'un médecin-chercheur, Dr Perreault, c'est qu'il y a tout un espace de réduction possible de l'usage des médicaments, et d'un usage plus adéquat aussi, qui n'est pas utilisé ou qui n'est pas occupé actuellement comme espace et qui pourrait, s'il l'était, uniquement, entre autres, avec l'aide des nouvelles technologies de l'information, faire en sorte qu'on diminue la pression sur les coûts du système à cause justement d'une réduction de la consommation.

Quand on regarde ça, est-ce que néanmoins vous pensez que c'est comme inévitable que le système va craquer, sinon, comme on dit en bon québécois, péter au fret dans 10 ou 20 ans?

M. Tremblay (François): Bien, moi, je dirais que c'est presque mathématique quand on regarde l'endettement du Québec, quand on regarde le vieillissement de la population, quand on regarde le déclin démographique que le Québec va connaître, quand on regarde la commercialisation de médicaments de plus en plus coûteux, quand on regarde aussi l'augmentation de certaines maladies chroniques, la prévalence de certaines maladies chroniques comme le diabète, par exemple, ou l'obésité, c'est tous des indices qui nous indiquent que les coûts du système de santé au complet, incluant aussi le régime d'assurance médicaments, vont augmenter, bien sûr.

M. Charbonneau: Quand vous nous dites ça, vous faites.. en fait, vous nous dites: Toutes les politiques qu'on pourrait mettre en place, de prévention ou d'amélioration des conditions de vie, des styles de vie, tout ça, ça n'aura aucun impact, ne perdons pas notre temps à le faire, de toute façon c'est inévitable. Non?

M. Tremblay (François): En fait, c'est très utile et même essentiel aussi, mais ce n'est pas suffisant, je ne pense pas que ce soit suffisant. Mais c'est sûr qu'il est clair qu'une stratégie nationale en matière de prévention et de santé publique est nécessaire, à notre avis. Et d'ailleurs on a un mémoire sur la question. Et il est clair aussi qu'il faut essayer d'améliorer l'utilisation des médicaments. Et c'est évident qu'il y a des coûts qu'on peut sauver, on peut réaliser des économies en améliorant l'utilisation des médicaments. Mais ça, on essaie depuis déjà plusieurs années. Puis bien sûr on pourra améliorer l'utilisation des médicaments dans le futur, mais je ne pense pas que ce soit suffisant.

Donc, nous, ce qu'on propose, c'est un ensemble de mesures. On ne dit pas de mettre de côté les campagnes de prévention ni de mettre de côté les campagnes pour améliorer l'utilisation des médicaments parce qu'il est clair que c'est un bénéfice tant sur la santé de la population que sur l'économie du Québec.

M. Charbonneau: Je comprends que vous ne dites pas de le mettre de côté, mais en fait j'ai l'impression... ça donne l'impression que vous n'avez aucune confiance dans l'impact éventuel de ça si on se donnait la peine d'investir suffisamment. C'est clair que, si on fait semblant d'avoir une stratégie, puis si on saupoudre des mesures, puis si on n'est pas très agressifs dans la façon dont on va opérer, puis qu'il n'y a pas vraiment un changement visible des comportements, ça, c'est clair qu'il n'y aura pas beaucoup d'impact, sinon aucun impact. Mais, si jamais on se décidait à faire ce qu'on a de la difficulté à se décider de faire ? parce qu'il y a toujours plus d'urgence à mettre de l'argent dans le curatif que dans le préventif, là ? mais, si jamais on y allait à fond de train, néanmoins vous ne pensez pas qu'il y aurait un impact si significatif que ça.

M. Tremblay (François): Absolument. Mais je ne crois pas que ce soit suffisant. Donc, nous, on pense que c'est un ensemble de mesures. Et, quand, tout à l'heure, j'ai parlé de remboursement de la dette, je pense que c'est incontournable si on veut assurer la pérennité de l'ensemble des programmes sociaux, incluant aussi le régime d'assurance médicaments. Mais il faut aussi insister sur la prévention, parce que je le disais tout à l'heure, je parlais de l'augmentation de certaines maladies chroniques comme le diabète ou l'obésité, bien la plupart de ces facteurs-là sont peu considérés dans l'évaluation des coûts futurs du système de santé et du régime général d'assurance médicaments, alors qu'il est clair que ça aura un impact certain.

Mais donc la prévention a aussi comme rôle d'éviter une véritable catastrophe en matière de santé publique. Parce que, là, quand on regarde l'obésité ou l'augmentation de la prévalence du diabète, c'est très inquiétant parce que c'est des gens qui vont consommer énormément de médicaments, parce que ça engendre toutes sortes de problèmes de santé, et là présentement on ne fait rien. Ça a augmenté, là, de plus de 30 % dans les 10 dernières années, là. Il n'y a rien qui est fait. C'est clair qu'il faut faire quelque chose. Mais ça ne sera pas suffisant. En raison du vieillissement de la population, il y aura une augmentation des coûts associés au vieillissement de la population et aussi par le fait que les jeunes seront moins nombreux aussi pour s'offrir des services sociaux.

M. Charbonneau: Donc, si on prend... Oui. Allez-y, oui.

M. Huynh (Paul): Si je peux me permettre d'ajouter, je pense que le problème du contrôle des coûts doit être attaqué sur plusieurs fronts. Comme François a dit, dans la consultation de la Stratégie d'action jeunesse qu'on va déposer la semaine prochaine, on voit plus le volet de la prévention parce qu'on croit aussi que ça doit être axé vers les populations les plus jeunes. Mais qu'est-ce qu'on veut contrôler, aujourd'hui, avec les propositions qu'on propose, c'est plus pour les gens qui consomment déjà des médicaments ou des gens qui vont les consommer à très court terme, d'ici les prochaines années. Il est clair que les impacts de moyens de prévention vont prévenir à long terme les coûts. Mais pour pouvoir préserver le système, pour que, quand les jeunes auront accès à ce système ou en auront de besoin, le système sera encore viable et sera encore présent au niveau qu'il est en ce moment, là.

M. Charbonneau: Bon. Moi, j'ai compris l'argumentation du ministre par rapport à ses réticences à l'égard du système du service médical rendu, le système français. Sans être un spécialiste, mon réflexe, ce serait plutôt d'être d'accord avec lui. Mais, si vous aviez à nous convaincre plus, là, qu'est-ce que vous ajouteriez en termes de réplique à l'argument que le ministre a présenté?

M. Tremblay (François): Moi, je dirais qu'on n'a jamais proposé de reprendre intégralement le système de SMR qu'on applique actuellement en France parce que...

M. Charbonneau: ...on l'adaptait, on l'adapterait comment?

M. Tremblay (François): Oui, c'est ça, parce qu'en France on rembourse des médicaments homéopathiques, alors qu'ici ce n'est pas vraiment le cas. Donc, c'est sûr qu'on ne peut pas appliquer intégralement le système. Par contre, nous, en fait, le système de SMR permettrait de créer peut-être des catégories intermédiaires et même, dans certains cas, de rembourser peut-être des médicaments non couverts actuellement, mais les rembourser comme faiblement si on est capable de démontrer que ça a un effet bénéfique, au bout de la ligne, là, sur la santé du patient. Parce qu'actuellement il y a des médicaments d'exception qui sont remboursés sous condition, donc le médecin doit faire une demande auprès du gouvernement pour que le médicament soit remboursé, puis on a des médicaments inscrits sur la liste qui sont remboursés automatiquement. Mais, dans tous les médicaments inscrits, ce n'est pas vrai que tous les médicaments ont la même utilité et qu'ils sont tous essentiels.

Et, dans un contexte... et je le répète, s'il n'y avait pas de contexte où le système serait menacé, je vous dirais: Laissez tomber le système de SMR qu'on applique en France et n'essayez pas de l'adapter au Québec, c'est inutile. Par contre, dans un contexte où la survie du régime est menacée, je pense que le Québec peut s'intéresser à ce système, toutefois en l'adaptant à la situation qu'on vit au Québec.

M. Charbonneau: Mais, quand vous dites «l'adapter», avez-vous des idées sur la façon dont on devrait l'adapter, là, y avez-vous réfléchi?

M. Tremblay (François): C'est sûr que... parce qu'on peut être très...

M. Charbonneau: Je comprends que vous n'êtes pas des spécialistes, puis on ne vous demande pas de l'être non plus, là, mais, quand vous nous proposez ça, avez-vous pensé à quel type d'adaptation ça pourrait correspondre?

n (11 h 10) n

M. Tremblay (François): On détaille un peu plus cette idée dans notre mémoire, parce que ça devient très technique, là, en plus quand on le combine avec le système d'assurance médicaments au Québec, qui quand même va demeurer. Parce que déjà les patients doivent payer des coûts assurance et une franchise, en fait. Puis en fait on pourrait déterminer des catégories dans les médicaments inscrits sur la liste. Certains pourraient être remboursés partiellement. Le pourcentage qui ne serait pas remboursé pourrait être imposé au patient comme un excédent.

C'est sûr que ça complique le système. De toute façon, le système est relativement assez compliqué que, parmi les patients que, moi, j'ai dans ma pharmacie, il n'y a pas grand monde qui le comprend, de toute manière. Donc, le rendre plus compliqué, je ne pense pas que ça ait un grand impact.

M. Charbonneau: Puisque vous vous intéressez, disons, aux coûts du système puis aux coûts pour l'avenir aussi, quelle est votre position? Avez-vous réfléchi à la position de notre système actuellement, qui, dans le cas des pauvres, n'est pas aussi généreux qu'il pourrait l'être? Par exemple, les assistés sociaux aptes au travail n'ont pas le droit à la gratuité. Hier, la Coalition de lutte contre la pauvreté nous proposait même d'élargir la gratuité pour tous ceux qui sont sous le seuil de la pauvreté. Comment vous réagissez à ça?

M. Tremblay (François): Nous, on n'a pas de position précise en ce qui concerne les médicaments pour les personnes très défavorisées. Par contre, bien entendu, là, je veux dire, on est en faveur de la gratuité pour les gens très pauvres, ça, c'est clair. Donc, la décision du gouvernement, de votre gouvernement justement, de diminuer... d'exiger une contribution pour les gens sur l'aide sociale qui sont aptes au travail, il faut évaluer tout ça, au bout de la ligne, si la société est gagnante. Parce que ces gens-là souvent ne consomment pas leurs médicaments et se retrouvent ensuite à l'hôpital, et là ça coûte beaucoup plus cher aux contribuables et au gouvernement, par la suite.

Donc, il faut être aussi logique dans les choix qu'on fait. Si on exige une contribution de leur part, puis là ça a pour effet qu'ils ne prennent plus leurs médicaments, puis ça coûte deux fois plus cher au gouvernement parce que tous ces gens-là se retrouvent à l'hôpital, ce n'est pas mieux. Et c'est ça aussi qu'il faut considérer. Donc, moi, je pense que la décision qui doit être prise, c'est celle qui est à l'avantage des patients mais aussi du gouvernement et des finances publiques, parce qu'il faut toujours avoir ça en tête.

M. Charbonneau: Je comprends, mais là, à un moment donné, il y a des choix à faire dans les finances publiques, parce que les finances publiques qui... Est-ce que c'est au détriment de la réalité du pauvre? En tout cas, ce que je voulais voir, c'est est-ce que vous aviez réfléchi, vous aviez une position particulière.

M. Tremblay (François): J'ai réfléchi, mais je n'ai pas comme fait de recherche sur le sujet. Donc, je me demande, moi, la question que je me pose justement, c'est que beaucoup justement de personnes sur l'aide sociale, de qui on exigeait une contribution, certains d'entre eux ont cessé de prendre leurs médicaments parce qu'ils n'avaient pas les moyens de payer leur contribution et ensuite se retrouvaient à l'hôpital... Puis je n'ai pas cherché, voir si c'était vraiment le cas, est-ce que tout ça entraînait des coûts pour le gouvernement, est-ce que c'était significatif ou c'était simplement quelques personnes. Donc, on n'a pas approfondi le sujet parce que, bon, on n'a pas non plus énormément de temps à consacrer à tout notre travail bénévole. Donc, écoutez, ça dépend, là, des conclusions d'une recherche que je ferais éventuellement sur le sujet pour que l'organisme se positionne.

M. Charbonneau: Bien. Alors, merci, M. le Président. Merci beaucoup, tous les deux, de votre présence.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je vous remercie, M. Tremblay, M. Huynh, de votre contribution de ce matin.

Et j'invite maintenant les représentants de Pfizer Canada à se présenter à la table, s'il vous plaît. Je suspends les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 14)

 

(Reprise à 11 h 16)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, la commission reprend ses travaux. Nous accueillons maintenant le groupe Pfizer Canada. Je reconnais devant moi Mme Cloutier, bonjour, madame, vous en prenez l'habitude, M. Halfon, également qui y prend goût, et M. Lallemand, à gauche, qui prendra goût à venir en commission. Alors, nous vous écoutons pour une vingtaine de minutes et ensuite nous aurons une période d'échange avec vous. Allez-y.

Pfizer Canada inc.

Mme Cloutier (Denise): Merci, M. le Président. M. le ministre, distingués membres de la Commission parlementaire des affaires sociales, rebonjour. Et permettez-moi tout d'abord de vous présenter les personnes qui m'accompagnent: M. Jean-Michel Halfon, notre président chez Pfizer Canada; M. Guy Lallemand, vice-président aux Affaires gouvernementales.

Nous aimerions vous présenter, aujourd'hui, bien humblement, quelques propositions pour une vision d'un système de santé québécois amélioré. Nous vous expliquerons comment, grâce à la convergence sans précédent des technologies de la recherche et de l'évolution démographique, le gouvernement du Québec, les intervenants du système de santé et Pfizer Canada pourraient conjuguer leurs efforts pour améliorer la santé et la qualité de vie des Québécois. Notre présence, aujourd'hui, s'inscrit dans notre volonté de s'impliquer concrètement dans l'élaboration d'une politique du médicament dont l'impact se ferait sentir non seulement sur le système de santé, mais sur l'ensemble de la société québécoise.

D'entrée de jeu, nous souhaitons mentionner notre appui à l'égard des fondements de cette politique qui, à travers ses quatre axes, souligne l'importance de l'accès aux médicaments, de leur utilisation optimale, du prix juste et raisonnable et du maintien d'une industrie pharmaceutique dynamique au Québec. Nous accueillons favorablement la très grande majorité des propositions ministérielles. Et, à titre de membre des compagnies de recherche pharmaceutique du Canada, Pfizer appuie à part entière les propositions présentées dans le mémoire de notre association, y compris évidemment les réserves exprimées quant à certaines propositions ministérielles, tout particulièrement le mécanisme de dégel des prix sur lequel nous reviendrons un peu plus tard.

Je commencerai tout d'abord par vous donner un aperçu de notre entreprise et de son fonctionnement en tant que première société pharmaceutique mondiale. Nous exploitons la plus grande société de recherche biomédicale privée du monde, qui compte près de 15 000 scientifiques à l'échelle de la planète. Cette année seulement, nos investissements mondiaux en recherche et développement totaliseront près de 10 milliards de dollars canadiens. Notre société possède la gamme de produits la plus importante et la plus diversifiée de toute l'industrie pharmaceutique, notamment dans les domaines cardiovasculaires, de la maladie d'Alzheimer, des maladies infectieuses, en oncologie et en ophtalmologie. Par ailleurs, grâce à son engagement indéfectible à la recherche, Pfizer dispose d'une réserve de produits prometteurs qui ne cesse de croître, et ce, dans plusieurs domaines, tels le diabète, l'asthme, la douleur, la dégénérescence maculaire, pour ne nommer que ceux-là.

Pfizer a connu, comme vous le savez, une croissance importante au cours de la dernière décennie. Nous avons procédé à trois importants agrandissements de nos installations à Kirkland, dans l'Ouest-de-l'Île, tout en augmentant considérablement notre investissement dans la recherche. Notre effectif québécois, de plus de 1 000 employés, a plus que doublé depuis 1999. La vaste majorité de ces employés occupent des postes de grande qualité. Plus des deux tiers de notre personnel ont une formation universitaire.

n (11 h 20) n

Joueur industriel important au Québec, Pfizer y dépense à divers postes des sommes totalisant près de 100 millions de dollars annuellement, incluant les salaires, la R & D, les investissements communautaires, l'éducation médicale continue et d'autres projets, tels que le Conseil canadien de recherche en gestion thérapeutique, que nous partageons d'ailleurs avec nos collègues de Merck Frosst, AstraZeneca et Sanofi-Aventis, la Chaire en nutrition et lipidologie de l'Université Laval, la Chaire de recherche sur l'artériosclérose de l'Université de Montréal et le programme LOYAL qui est un programme de gestion optimale de l'hypertension. Nous prenons part aussi à de nombreux autres projets communautaires. Je parle ici de notre contribution à Centraide du Grand Montréal ainsi que du rôle primordial de partenaire institutionnel que nous jouons auprès du Centre des sciences de Montréal depuis sa fondation.

Au seul chapitre de la R & D, Pfizer investit chaque année au Québec quelque 66 millions de dollars. La vaste majorité de ces sommes est affectée à des projets de recherche réalisés dans des établissements publics et privés au Québec, qui génèrent des retombées diverses pour l'ensemble de la province et permettent à des chercheurs de calibre international d'avoir une carrière enrichissante en région tout en continuant à soigner leurs patients. Ces médecins mènent leur recherche en desservant leur clientèle à Sherbrooke, Trois-Rivières, Rimouski, Chicoutimi et Gatineau. Je cède ici la parole à mon collègue, M. Lallemand.

M. Lallemand (Guy): Bien que nous jouions un rôle important dans l'économie du Québec, notre travail vise une fin encore plus vitale, soit contribuer à la santé et au bien-être des Québécois et Québécoises. Il est crucial pour nous de garder en tête les retombées considérables de notre investissement dans la conception de médicaments de pointe. Nos médicaments ont contribué à accroître l'espérance de vie, à réduire le nombre et la durée des hospitalisations et à améliorer la qualité de la vie.

Toutefois, en améliorant un aspect de la santé, nous suscitons de nouveaux défis liés justement au prolongement de la vie. En examinant le projet de politique du médicament, nous devons tenir compte de ces diverses répercussions éventuelles sur la société. Une politique du médicament judicieuse est un outil vital pour stimuler l'activité et la croissance économique, pour créer et maintenir une infrastructure de recherche, pour réaliser des économies en matière de soins de santé et finalement pour améliorer et prolonger la vie des gens. Peu de politiques gouvernementales ont une telle portée pour la société. Pfizer est très heureuse de constater que l'objectif de la politique du médicament proposée prend en compte ces importantes répercussions, et nous en félicitons le gouvernement.

Nous saluons tout particulièrement la décision de ne pas instaurer un système fondé sur le prix de référence. Ce type de système restrictif, mis à l'essai ailleurs, a produit des économies à court terme trompeuses dans le budget des médicaments, tout en augmentant les autres coûts liés à la santé, brimant aussi la liberté des médecins de faire le meilleur choix pour leurs patients et aussi décourageant du même coup les investissements dans la recherche et l'innovation.

Nous accueillons également favorablement la décision du Québec de maintenir son engagement envers l'innovation grâce à la règle de 15 ans. Un aspect de la politique va toutefois à l'encontre de l'encouragement de la recherche et de l'innovation et diminue de ce fait sa capacité d'attirer les investissements. Je pense tout particulièrement aux modalités proposées concernant le dégel des prix, qui sont nettement plus contraignantes que celles appliquées dans le reste du Canada. Après un gel de prix de plus de 10 ans, il est incompréhensible que le Québec ne soit pas prêt à reconnaître au minimum l'indice de prix à la consommation comme base d'une augmentation, comme le font déjà les autres provinces et le gouvernement fédéral. De ne pas aller dans ce sens créera une situation de déséquilibre des prix, à l'intérieur du Canada, qui serait à la fois injustifiée et aussi ingérable.

Le gouvernement a reconnu la nécessité de permettre l'augmentation des prix dans plusieurs secteurs relevant de sa compétence, entre autres le secteur de l'hydroélectricité. À l'instar des autres secteurs d'activité, l'industrie pharmaceutique fait face à une hausse constante de ses coûts d'opération. Quelle autre industrie est forcée de composer, depuis plus de 10 ans, avec un gel de prix parce qu'aucun système d'augmentation régulière et équitable des prix n'a été institué?

Nous sommes bien conscients que le régime public d'assurance médicaments est un programme qui implique un investissement majeur de fonds publics, et il est, bien entendu, essentiel que le gouvernement s'assure de sa saine gestion. Cependant, cet exercice doit se faire dans une perspective globale qu'il faut voir à travers le prisme des coûts du système de santé tout en tenant compte du bien-être de la société québécoise dans son ensemble. Il faut donc considérer l'impact du médicament sous tous ces aspects en termes de retombées thérapeutiques mais également économiques. Ainsi, si le gouvernement établit un environnement favorable à l'innovation pharmaceutique, le Québec pourrait en retour récolter des bénéfices appréciables.

Plus tôt, nous avons affirmé qu'une occasion unique nous est offerte de conclure un partenariat entre l'industrie et le gouvernement. Nous avons besoin de ce partenariat pour relever le défi démographique important que représente le vieillissement de la population. D'ici seulement 25 ans, le nombre de Québécois et d'autres Canadiens âgés de 65 ans ou plus doublera et le nombre de personnes âgées de plus de 80 ans triplera presque. À ce moment-là, les Québécois âgés de plus de 65 ans seront plus nombreux que ceux de moins de 20 ans.

Permettez-moi aussi d'ajouter quelques données. Actuellement, au Québec, 5 % des Québécois et Québécoises sont diabétiques, 14 % font de l'hypertension artérielle, 20 % fument, 47 % ont un excès de poids et 59 % de Québécois et Québécoises ne font pas d'exercice. Je cède ici la parole à M. Jean-Michel Halfon.

M. Halfon (Jean-Michel): Merci, M. Lallemand. Comment notre société assumera-t-elle le fardeau qui en découlera sur le plan des soins de santé? Tout comme l'a mentionné le récent rapport Ménard, la prévention et l'éducation représentent des pistes importantes à suivre. Et d'ailleurs le gouvernement du Québec a déjà fait un grand pas dans la reconnaissance de l'importance de la prévention en lançant le programme Vas-y, qui vise à promouvoir des habitudes de vie saines, et en développant la toute récente campagne grand public sur l'utilisation optimale du médicament.

C'est, bien entendu, un excellent départ, mais notre vision repose sur une participation beaucoup plus grande d'entreprises, comme Pfizer, qui prendrait la forme d'un partenariat avec le gouvernement afin de relever ce grand défi de société à l'aide des outils et du savoir que nous avons développés. Malgré les réserves exprimées dans le projet de politique relativement à l'implication de l'industrie pharmaceutique dans les programmes de gestion thérapeutique, Pfizer Canada demeure convaincue du bien-fondé de ces initiatives et de leur pertinence dans l'optimisation des ressources du système de santé.

Dans cette optique, Pfizer milite en faveur d'une plus grande ouverture du gouvernement pour la mise en oeuvre structurée de projets porteurs. Nous sommes conscients de l'importance pour le ministère de maintenir son leadership en ce qui a trait aux orientations et au financement de la santé, mais ce dernier devrait le faire tout en s'enrichissant de l'expertise et des ressources du secteur privé. L'apport de Pfizer à cet égard pourrait représenter une contribution que nous pensons significative.

En effet, toutes ces années, consacrées à la recherche de nouveaux médicaments, nous ont également permis d'en apprendre beaucoup plus sur les malades et sur les maladies. Nos recherches produisent ainsi beaucoup plus que des pilules. Elles nous permettent de progresser dans la connaissance des causes, de l'évolution et de la prise en charge des maladies. Ce sont ces connaissances et ce savoir-faire que nous voulons partager dans le cadre d'un partenariat avec le gouvernement du Québec. En effet, Pfizer a déjà démontré sa responsabilité et son implication dans le développement de partenariats au Québec. Mon coeur j'y vois, programme de promotion de la santé cardiovasculaire en milieu de travail, et le programme LOYAL, en communauté, en sont des exemples.

n (11 h 30) n

De plus, Pfizer a acquis, depuis 10 ans, une grande expertise en matière de gestion thérapeutique qui a mené à la création d'une entité distincte, Solutions de santé Pfizer, vouée à la mise en oeuvre de partenariats novateurs qui ne se limitent pas à fournir des médicaments mais qui visent à prodiguer de meilleurs soins de santé. Pfizer a d'ailleurs récemment conclu des partenariats public-privé au Royaume-Uni et en Italie afin d'introduire de tels programmes, centrés principalement sur la gestion du risque cardiovasculaire.

Ces programmes de prise en charge de la maladie sont inspirés d'un partenariat entre Pfizer et l'État de Floride en place depuis 2001 et qui a démontré des résultats impressionnants, notamment en termes d'économies pour le système de santé. Le programme, appelé Florida Healthy State, vise à améliorer l'état de santé des malades chroniques prestataires de Medicaid et à réduire les coûts de soins de santé pour l'État. Jusqu'à ce jour, 150 000 personnes ont pu prendre part à ce programme. Grâce au support et au réseau de soins instaurés par le projet, bon nombre de participants ont amélioré leur comportement ainsi que leur état de santé. Les patients ont modifié l'utilisation qu'ils font du système de santé, ceux-ci ont davantage tendance à consulter leur médecin en clinique plutôt que de se rendre à l'urgence ou à l'hôpital. En fait, les experts ont estimé que c'est plus de 40 millions de dollars qui ont été économisés en coûts médicaux depuis le début de ce programme, soit beaucoup plus que ce qui était prévu initialement. Nous avons donc fait, nous le pensons, la preuve concrète que nous pouvions, à titre de partenaires sérieux et solides, mettre à profit notre expérience avec des résultats concluants, et ce, dans l'esprit de nos valeurs corporatives, soit la transparence, l'intégrité et le souci communautaire.

Il est clair que nous souhaitons également en faire bénéficier le Québec. C'est pourquoi nous désirons pouvoir développer avec le gouvernement un programme de gestion du risque cardiovasculaire. Nous sommes prêts à utiliser notre expertise pour concevoir une solution, une solution originale propre au Québec. Il existe plusieurs modèles dont pourrait s'inspirer le programme. Il pourrait, par exemple, faire appel aux services de professionnels de la santé qualifiés ainsi qu'à des outils informatiques pour suivre les besoins des patients, les services offerts et les progrès accomplis. Le programme serait mis sur pied au sein du système de soins de santé du Québec, à savoir les réseaux locaux de services des centres de santé et de services sociaux, les hôpitaux, les cliniques réseaux, les cliniques médicales, de concert avec les prestataires de soins, soit les médecins, le personnel infirmier et les pharmaciens.

Nous croyons qu'un tel programme, centré sur l'amélioration de la santé des patients et sur une meilleure gestion de la maladie et des ressources, rejoindrait les priorités d'action en matière de santé identifiées par le gouvernement, entre autres la réduction de l'attente et le désengorgement des salles d'urgence, le soutien aux personnes malades et vulnérables, la réorganisation en vue d'une meilleure efficacité, l'allocation des ressources financières en fonction de nouvelles règles.

Voilà donc un très bref survol de ce qui pourrait s'avérer un partenariat fructueux entre le gouvernement et Pfizer et qui serait, nous le pensons, bénéfique tant aux patients qu'au système de santé. Ainsi, dans un environnement d'affaires favorable, Pfizer pourrait mettre à la fois son expertise et ses connaissances au service de l'ensemble des Québécois et des Québécoises dans le secteur de la gestion du risque cardiovasculaire. Une initiative de cette nature serait une opportunité de miser sur nos forces respectives afin de faire face aux difficultés que connaît notre système de santé et d'assurer aux patients québécois une rigoureuse prise en charge visant à optimiser leur qualité de vie et à assurer une réelle intégration des efforts des acteurs du système.

Il va sans dire que nous croyons fermement que ce travail doit se faire en étroite collaboration avec l'ensemble des intervenants touchés par l'avenir de notre système de santé, dont les patients, les professionnels de santé ainsi que les groupes sociaux que cette question préoccupe. Les efforts de tous doivent être canalisés autour d'un objectif commun.

Le gouvernement du Québec souhaite un système de santé efficace, nous aussi. Le gouvernement du Québec souhaite une politique industrielle qui contribue à la richesse collective des Québécois, nous aussi. Nous croyons sincèrement que c'est en travaillant dans le cadre d'un partenariat véritable que nous pourrons ensemble atteindre ces objectifs. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci, Mme Cloutier, M. Lallemand, M. Halfon. Nous allons maintenant passer aux échanges avec les membres de la commission. Je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci à nouveau, Mme Cloutier, M. Halfon, et bienvenue, M. Lallemand. Merci pour votre présentation. Je voudrais prendre le temps qui est le nôtre pour discuter de deux questions, d'abord la question du dégel des prix et ensuite ce que vous décrivez comme étant un projet de partenariat avec un programme de gestion du risque cardiovasculaire. On prendra la deuxième partie, et je crois que ma consoeur de Nelligan voudrait également intervenir, M. le...

D'abord, nous indiquons dans le projet de politique ? et nous l'avons fait à plusieurs reprises au cours des travaux de cette commission ? que nous avons convenu qu'il était impossible pour le Québec de continuer à s'isoler du marché d'une façon totale, comme c'est le cas depuis 1993-1994, et que ceci risquait d'avoir des conséquences économiques négatives sur l'ensemble de nos activités et encore une fois de la création de la prospérité et de la richesse au Québec. Cependant, lorsqu'on parle du gel des prix comme ayant été une période difficile, oui, mais je dirais: Oui, mais... C'est-à-dire qu'il ne faut pas donner non plus l'impression aux citoyens ? et ce n'est certainement pas votre intention ? que le gel des prix signifie gel des revenus pour les entreprises parce qu'il y a d'autres facteurs qui contribuent aux entrées financières, dont l'augmentation marquée du volume des médicaments et l'arrivée de nouveaux produits sur la liste des médicaments, de sorte qu'en pratique il y a eu une augmentation importante, puis on s'en réjouit parce que le Québec a bénéficié des retombées que cette activité a produites, mais il y a eu une augmentation des revenus des compagnies pharmaceutiques même durant cette période de gel des prix. Mais nous convenons qu'il faut maintenant encadrer et mettre fin à cette période.

Maintenant, là, on arrive à la question des ententes compensatoires. Et, hier, également M. Marcheterre, l'air excédé, avait la même remarque que la vôtre. Il est clair que, pour nous, il s'agit d'atténuer et de minimiser ou même d'éliminer l'impact budgétaire qui rehausserait... d'une hausse de prix, et les ententes compensatoires visent à atteindre cet objectif. La réponse que M. Marcheterre nous faisait hier, c'est de dire: Écoutez, il faut que vous considériez l'impact du médicament sur le reste du système de santé. Par exemple, si on fait moins de chirurgies, etc., grâce aux médicaments, globalement ça coûte moins cher. Je dirais encore une fois: Oui, mais... parce que l'économie de la santé est telle qu'en pratique, dans nos comptes à nous, à chaque année, le nombre de salles d'opération non utilisées suite à l'introduction d'une nouvelle molécule, je peux vous garantir une chose, c'est qu'elles vont être utilisées par d'autres patients pour d'autres pathologies et pour d'autres chirurgies. Donc, en termes globaux, l'effet d'économie est très difficile à mesurer, de sorte qu'il faut quand même avoir un mécanisme de compensation pour atténuer l'impact budgétaire des hausses de prix. Si on ne fait pas les ententes compensatoires, est-ce que vous avez d'autres méthodes à nous suggérer?

M. Halfon (Jean-Michel): M. le ministre, dans notre proposition, dans l'esprit de notre partenariat, bien entendu, si nous devions nous acheminer vers un partenariat, tel que nous l'avons proposé, en termes de recherche d'efficience à l'intérieur du système de santé, il est bien évident qu'un des objectifs importants de cet effort serait d'en mesurer, comme vous l'indiquez, sa performance. Parce que, si on n'en mesurait pas la performance, je crois que, comme vous l'indiquez, on n'aurait aucun moyen de pouvoir se convaincre qu'on améliore l'efficience du système de santé.

Autrement dit, il faudrait avoir un moyen objectif de mesurer l'impact d'un tel partenariat, l'impact financier d'un tel partenariat sur le système de santé du Québec. Et un des objectifs de la politique de santé, c'est d'améliorer l'efficience à l'intérieur du système. Nous, nous disons qu'un partenariat doit inclure un moyen de mesurer cette efficience, un moyen objectif qui serait indiscutable pour les acteurs autour de la table, hein? C'est très, très important, car, si vous voulez, c'est un indicateur de mesure financière, c'est aussi un indicateur de confiance.

M. Couillard: Donc, en pratique, vous nous dites: Pas d'entente compensatoire, les partenariats proposés sont notre réponse à l'impact budgétaire de la hausse des prix.

M. Halfon (Jean-Michel): Oui. Nous disons, comme nous l'avons dit hier, qu'un partenariat... qu'une mesure compensatoire à l'intérieur du silo du médicament aurait des effets, pour résumer, aurait des effets pervers. Ce que nous proposons, ce sont des partenariats à l'intérieur d'une maladie. Et là nous parlons, par exemple, de la gestion de la maladie cardiovasculaire donc avec la recherche d'efficience non pas à l'intérieur du poste médicament, mais réellement sur l'ensemble du système.

n (11 h 40) n

M. Couillard: Prenons l'exemple de ce type de programme de gestion du risque cardiovasculaire et appliquons-le par hypothèse à la ville de Québec. Alors, c'est un programme dans lequel votre entreprise entre en partenariat avec le système de santé du Québec pour bâtir un système de suivi continu et complet. J'ai bien compris que ce n'est pas uniquement le médicament, c'est tous les facteurs de risque et le suivi des patients. Et vous avez démontré d'ailleurs dans certains endroits que les patients ont tendance à suivre plus fidèlement, je crois, leurs prescriptions et leurs rendez-vous au médecin. À l'intérieur de ce programme, vous fournissez bien sûr les produits pharmaceutiques appropriés. Est-ce que je comprends correctement?

M. Halfon (Jean-Michel): Je pense qu'il est important, sur ce point-là, de bien préciser que nous proposons un partenariat qui est indépendant de nos médicaments. Nous ne proposons pas un partenariat pour stimuler la demande des médicaments de Pfizer, nous proposons un partenariat pour améliorer l'efficience à l'intérieur du système de santé québécois dans l'intérêt des patients et des patientes québécois. Donc, nous ne lions pas du tout ce partenariat avec la stimulation de la demande des médicaments de Pfizer.

M. Couillard: O.K. Donc, il n'y a pas de demande d'exclusivité de prescription pour les médecins.

M. Halfon (Jean-Michel): Non.

M. Couillard: Un médecin qui participe au programme à la ville de Québec pourrait fort bien prescrire un médicament de X plutôt qu'un médicament de votre entreprise.

M. Halfon (Jean-Michel): ...médicament pour le patient québécois et québécoise.

M. Couillard: Mais quel est le bénéfice pour votre entreprise, alors?

M. Halfon (Jean-Michel): Le bénéfice pour notre entreprise, fondamentalement c'est de répondre à un besoin qui est un besoin du système québécois, qui est un besoin du système de santé québécois. Le bénéfice pour notre entreprise... a développé depuis 10 ans une expertise dans ce domaine. Et nous souhaitons construire un partenariat gagnant-gagnant, hein ? un partenariat, c'est gagnant-gagnant ? un partenariat gagnant-gagnant avec le gouvernement et le système de santé du Québec, comme nous essayons d'ailleurs... comme nous avons d'ailleurs déjà signé des partenariats avec le Royaume-Uni, l'Italie sur la base de l'expérience que nous avons eue en Floride.

M. Couillard: Et comment, dans ce système-là, comment la concurrence joue-t-elle son jeu? Parce qu'on pourrait soupçonner ? juste un instant ? que, pour une décision de mettre sur pied un programme de gestion thérapeutique de la maladie cardiovasculaire pour la ville de Québec, vous avez une proposition, mais peut-être qu'AstraZeneca ou Aventis auraient également une proposition. Est-ce que c'est un système d'appel d'offres? Est-ce que c'est comme ça que ça s'est fait en Floride?

M. Halfon (Jean-Michel): En Floride, nous avons fait une proposition qui a été acceptée par le gouvernement de Floride. Nous, nous croyons en la valeur de l'innovation et de la concurrence. Nous avons développé une compétence dans le domaine cardiovasculaire. Je dirais que c'est le privilège du gouvernement du Québec de choisir le partenaire qui lui paraît le plus compétent. Bien entendu, nous nous positionnons comme un partenaire très compétent.

M. Couillard: Maintenant ? et je pose la question pour qu'on comprenne bien ? déjà, on a éclairci la question de la prescription, de la libre prescription du médecin, je pense que c'est déjà important. Il est bien sûr qu'à l'intérieur de ce programme on a, et c'est bienvenu, un rehaussement des services, c'est clair. Il y a des meilleurs services en plus grande quantité, je pense qu'on peut le dire, et donc des services à un coût globalement probablement plus élevé que ce qui est fait actuellement en termes d'intensité et de fréquence. Et la beauté du partenariat bien sûr, telle que vous la présentez, c'est de partager les coûts de ce rehaussement de services entre l'État et l'entreprise. Mais que se produit-il lorsque l'entreprise se retire ou que le partenariat prend fin? Est-ce qu'à ce moment-là toute la facture du programme en question retombe sur l'État?

M. Halfon (Jean-Michel): Écoutez, l'objectif du partenariat, c'est de créer une efficience dans le système de santé. C'est donc que le coût général, global ne devrait pas augmenter, mais il devrait diminuer, hein? Et donc l'utilisation du système devrait diminuer. L'utilisation de certains postes à l'intérieur du système pourrait augmenter, mais l'utilisation du système globalement devrait diminuer pour la cible de patients, pour les patients dont nous parlons, qui feraient l'objet de ce partenariat, par exemple des patients dans la maladie cardiovasculaire, par exemple des patients atteints d'insuffisance cardiaque, pour lesquels les coûts sont plus élevés. Pour ces patients-là, la qualité des soins devrait être maintenue ou même augmentée, le coût devrait diminuer. Ensuite, c'est la définition d'un partenariat et comment les acteurs autour de la table définissent ce partenariat lui-même et puis définissent, si nous parlons, par exemple, d'un partenariat à cinq ans, ce qui se passerait la sixième année.

M. Couillard: Voilà. Voilà la question.

M. Halfon (Jean-Michel): Et c'est aux partenaires ensemble. Nous voulons être des acteurs sérieux et raisonnables et nous pensons que c'est aux acteurs autour de la table de définir ensemble, par exemple, ce qui se passerait la sixième année.

M. Couillard: Pour compléter la discussion sur les prix, évidemment vous souhaiteriez qu'on ne fasse pas la correction de 0,5 % à partir de l'indice des prix à la consommation et minimalement qu'on respecte le niveau de l'indice des prix à la consommation. Mais, hier, M. Marcheterre, dans son exposé ? et vous également, je crois, M. Halfon ? disait qu'on devrait se diriger vers un mécanisme de marché libre pour fixer le prix des médicaments.

M. Halfon (Jean-Michel): Absolument. Vous voyez, vous m'avez fait réfléchir, hier, sur votre question sur l'Herceptin, pour laquelle je vous ai répondu d'une certaine manière. Mais je voudrais peut-être compléter ma réponse sur l'Herceptin et en même temps répondre à votre question, n'étant pas du tout concerné par ce médicament, comme vous le savez.

Dans un système de prix régulé au niveau fédéral, il est très difficile pour une compagnie de répondre à votre question. Dans un système de prix régulé par le marché, il est plus possible pour l'entreprise concernée de répondre à cette question. Alors, je ne veux pas aller beaucoup plus loin parce que la Loi sur la concurrence... mais je réponds en termes de politique, si vous voulez, de prix et je pense que, dans un système régulé par le marché, il est plus facile à l'acteur concerné de répondre à votre question, la question que vous avez posée hier sur l'Herceptin.

M. Couillard: En autant qu'il y ait plusieurs fournisseurs qui...

M. Halfon (Jean-Michel): Qu'il y ait une concurrence.

M. Couillard: Parce que, s'il n'y a qu'un fournisseur pour un médicament, bien, là, la question est différente bien sûr, hein?

M. Halfon (Jean-Michel): Absolument.

M. Couillard: Maintenant, dans un système de marché libre, là, quel serait ? parce qu'on compare toujours avec les États-Unis, là, en Amérique du Nord, les prix ? quel serait, d'après vous, l'écart de prix idéal entre le Canada et les États-Unis? Est-ce qu'il en existerait un?

M. Halfon (Jean-Michel): D'abord, il dépendrait des médicaments, des classes thérapeutiques et du marché et puis il dépendrait de la nature... Dans un marché libre, il dépendrait de la nature des accords entre les compagnies concernées et puis les acteurs, en l'occurrence, au Québec, le gouvernement du Québec et puis les acteurs privés. Je ne pense pas qu'on puisse dire qu'il y ait un chiffre qui est un chiffre magique.

M. Couillard: Le Québec représente quoi, 2 % du marché nord-américain?

M. Halfon (Jean-Michel): 2 % du marché mondial.

M. Couillard: Alors, quel serait, dans un système de marché libre, quel serait le rapport de force ou la marge de manoeuvre que le gouvernement du Québec pourrait utiliser pour jouer son rôle de régulateur dans les prix?

M. Halfon (Jean-Michel): Même si le Canada représente 2 % du marché mondial, la province du Québec, le gouvernement du Québec représente un acteur important, très, très important. Et je peux vous le dire, je le mesure à travers ? vous me posiez une question, hier, sur nos sièges sociaux ? à travers la visibilité, par exemple, du processus de la loi sur le médicament au Québec auprès de nos sièges sociaux. Donc, il est clair que, du point de vue de nos entreprises, le Québec joue un rôle très, très important, et notre CEO au niveau mondial connaît bien l'environnement au Québec.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci. Mme la députée de Nelligan.

Mme James: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Halfon, Mme Cloutier et M. Lallemand. C'est bien sûr, M. le Président, avec beaucoup de fierté que j'écoute les représentants de Pfizer Canada étant donné que c'est une compagnie qui est dans le beau comté de Nelligan. Je vous dirais que je vous ai écoutés...

Une voix: ...

Mme James: Pardon?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): ...un certain temps, depuis un certain temps.

Mme James: Depuis un certain temps, effectivement. Alors, je voudrais vous dire en premier lieu à quel point que je suis contente de vous recevoir puis d'écouter le ton de votre discours. Parce que j'ai eu le temps, depuis mes entrées en fonction, de parler à beaucoup de personnes, et on a eu la chance d'en parler même entre nous, de la perception un peu des compagnies pharmaceutiques, aussi de leur réalité. Je pourrais vous dire... Et j'aimerais m'entretenir avec vous quelques instants là-dessus, sur votre rôle, sur votre rôle très général. On a parlé... Quand on parle plus précisément de cette politique, on veut bien que l'industrie pharmaceutique soit dynamique au Québec. Mais vous avez touché sur votre engagement communautaire et sur la responsabilisation que vous portez. Je pense que c'est très important de ne pas négliger ce point. Et j'aimerais vous entendre parler un peu de ces projets-là, de votre point de vue à l'égard de votre engagement au Québec mais plus précisément bien sûr à l'Ouest-de-l'Île de Montréal.

n (11 h 50) n

M. Halfon (Jean-Michel): Merci beaucoup pour votre question, merci beaucoup. Comme vous le savez, depuis maintenant plusieurs années, nous sommes impliqués. Nous avons été un acteur, je crois, important dans le développement de Partage-Action, au niveau de Partage-Action au niveau de l'Ouest-de-l'Île, et c'est un exemple, un exemple très important pour lequel nombre de nos collègues à l'intérieur de Pfizer sont personnellement impliqués. Nous avons été aussi impliqués, comme l'a indiqué Mme Cloutier, dans Centraide et beaucoup d'autres engagements communautaires. Nous avons, il n'y a pas si longtemps, avec M. le ministre, invité l'ACT Foundation ici, hein, qui nous ont fait une démonstration concrète de la formation des enfants.

Et je peux vous dire que le rôle que l'engagement communautaire joue au niveau de la cohésion au niveau de l'entreprise est absolument fondamental. Nous avions récemment une réunion de l'ensemble de nos collègues, en juin dernier, et vraiment les témoignages de nos actions au niveau communautaire sont vraiment déterminants dans le lien et la cohésion de l'entreprise. Je ne sais pas si M. Lallemand ou Mme Cloutier ont envie d'ajouter.

M. Lallemand (Guy): Merci, M. Halfon. Donc, c'est une totalité d'environ 16 millions de dollars pour l'ensemble du Canada, et nous avons une grande variété de causes. Et puis évidemment la santé est un aspect privilégié, et donc nous donnons des fonds à plusieurs endroits. C'est aussi dans nos moeurs, hein? Je pense, c'est peut-être difficile pour M. Halfon d'en parler parce que c'est vraiment... je pense que M. Halfon a eu un impact magistral sur l'instauration dans nos moeurs de cette vision-là, la vision de contribuer aux communautés auxquelles nous travaillons. Donc, évidemment, l'Ouest-de-l'Île est un endroit privilégié, mais nous contribuons environ 16 millions à travers l'ensemble du Canada.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien, merci. Je cède la parole maintenant au député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien. Merci, M. le Président. Alors, madame messieurs, on se retrouve à nouveau, à l'exception de M. Lallemand qui n'était pas avec nous hier. Écoutez, dans le fond, la crainte qu'on peut avoir, je pense que le ministre l'a exprimée, puis c'est la même chose de notre côté, le danger... Bon, faisons l'hypothèse qu'on va dans le sens qui est proposé par le gouvernement puis qu'on accepte votre contre-proposition, c'est-à-dire on ne met pas de mesures compensatoires, on fait un dégel des prix. Le risque, c'est que, le marché, vous êtes dans une dynamique où, à un moment donné, il va y en avoir, des hausses des prix. Et qu'est-ce qui garantit que ces hausses, à un moment donné, ne seront pas insupportables pour les citoyens payeurs de taxes et pour le régime public qui a à assumer le coût de la gratuité des médicaments pour un grand nombre de produits? Qu'est-ce qui nous garantit que vous allez rester dans l'univers du raisonnable?

Parce qu'en bout de piste c'est parce qu'il y a des entreprises, dans le passé, qui ne sont pas restées dans l'univers du raisonnable que l'État ou que les États ont cru bon de se donner des mécanismes de régulation et qu'on a dit: Bon, bien, on va geler les prix puis on va... et puis encore là que le gouvernement a dit: Si on dégèle, on veut avoir des mesures compensatoires. Dans le fond, on ne vous truste pas trop, pas parce qu'on ne vous aime pas individuellement ou parce qu'on n'a pas confiance en telle ou telle compagnie, c'est que, qu'est-ce que vous voulez, c'est les règles du marché libre puis du capitalisme, c'est que vous n'êtes pas là pour les beaux yeux de personne, vous êtes là pour faire des profits. Et puis le premier critère, c'est la cote en Bourse, hein? Alors, si votre cote, elle diminue... Donc, qu'est-ce qui nous garantit, là, qu'on ne va pas se retrouver dans un piège à cons, à un moment donné, puis qu'on ne va pas se retrouver les dindons de la farce?

M. Halfon (Jean-Michel): D'abord, ce qui est garanti, c'est que ce sont les règles en matière de l'indice des prix à la consommation, hein? Nous ne parlons pas d'augmentations de prix dans tous les sens, hein, on parle d'augmentations de prix qui sont encadrées par l'indice des prix à la consommation, avec des règles du jeu qui sont définies, déjà définies au niveau fédéral. Et d'ailleurs les règles s'appliquent dans l'ensemble des autres provinces. Pfizer, par exemple, au cours des 11 dernières années, a augmenté une fois ses prix, en 2003, et de 4 % en 11 ans, donc ça vous donne un exemple... à l'exception du Québec, hein, bien sûr. Donc, ça vous donne un exemple. Donc, la garantie, c'est les règles du jeu en ce qui concerne les mécanismes d'augmentation de prix au Canada par l'intermédiaire de l'indice des prix à la consommation. C'est déjà une réponse à votre question, hein? Il y a un autre élément de réponse à votre question, je crois, qui est très, très important, et je crois qu'il est bien écrit entre les lignes du projet de loi sur le médicament: le médicament est un investissement, l'utilisation optimale du médicament est un investissement. L'utilisation optimale du médicament, pour moi, est un investissement à trois niveaux. Premier niveau, c'est un certain contrôle du coût du médicament. Un deuxième niveau, c'est un certain contrôle du coût de l'ensemble des dépenses de santé, parce que le médicament, on l'a dit, on l'a redit, a un impact sur l'ensemble du système de santé. Mais un troisième niveau, c'est de favoriser, par l'allongement de l'âge de la vie, par l'amélioration de la qualité de la vie, la richesse collective des Québécois et des Québécoises. Des Québécois et des Québécoises en bonne santé produisent une richesse collective supérieure. Donc, il y a vraiment ces trois niveaux. En ce sens, le médicament, c'est un investissement. La garantie, c'est les règles du jeu. L'esprit, c'est la confiance entre les acteurs et la richesse collective du Québec.

M. Charbonneau: Comment concilier l'intérêt de votre entreprise puis de l'industrie en général, qui nécessairement, dans sa dynamique intrinsèque, doit viser à ce que la consommation de médicaments reste constante sinon qu'elle augmente, et que dans le fond vous avez en plus un marketing assez agressif, assez efficace pour vous assurer de stimuler la demande, puis de stimuler l'action des prescripteurs, puis de faire en sorte que finalement, bon, ils prescrivent vos produits plutôt que l'autre ? ça, c'est dans la dynamique, mais, tout le monde faisant ça, le résultat, c'est qu'on en prescrit pas mal ? puis en même temps l'intérêt de diminuer la consommation de médicaments?

Et, hier, on recevait un médecin, un chercheur qui mettait sur la table des pistes d'action qui, si on les utilisait efficacement puis d'une façon importante, pourraient amener une diminution significative de l'usage des médicaments. Alors, comment on concilie ça? Parce qu'en bout de piste la santé, ce n'est pas nécessairement une augmentation de l'usage des médicaments, là. Je comprends qu'il y a des médicaments qui sont nécessaires, il y a des maladies avec lesquelles on ne peut pas fonctionner si on n'a pas un traitement médicamenteux. Ça, on se comprend. Mais est-ce que c'est toujours le cas? Vous donniez des statistiques sur l'activité physique puis d'autres problématiques. Bon, bien, si le monde se mettait tout à coup à faire pas mal plus d'activité physique au Québec comme dans d'autres sociétés, peut-être qu'on aurait pas mal moins besoin de certains de vos médicaments. Mais donc la conséquence de ça, c'est que vous autres, vos profits, ils baisseraient, hein?

M. Halfon (Jean-Michel): C'est pour ça que nous sommes impliqués dans Mon coeur j'y vois, dans Mon coeur j'y vois, en entreprise. Et Mon coeur j'y vois, en entreprise, c'est un investissement que nous avons fait pour encourager l'exercice physique, pour encourager la mesure des paramètres, qui n'a pas d'impact direct sur l'utilisation des médicaments. Ce que nous essayons de dire, c'est qu'une entreprise comme Pfizer, aujourd'hui, se positionne vraiment dans le domaine de la santé et que, nous, ce que nous cherchons, c'est le mieux pour les patientes et pour les patients, et que, si le mieux pour les patientes et pour les patients, c'est de changer leurs pratiques de vie à travers Mon coeur j'y vois ou à travers le 0, 5, 30 ? c'est ça, 0, 5, 30 ? eh bien c'est ce qu'il faut faire, et que les campagnes de communication auprès... les campagnes de sensibilisation auprès des Québécoises et des Québécois ont un rôle très, très important.

Dans certains cas, je vous l'accorde, il peut y avoir des mauvaises utilisations du médicament dues à une surutilisation du médicament, peut-être dans des indications qui ne sont pas les bonnes indications. Prenons le cas le plus marginal si vous voulez. C'est dans ce cas, je crois, qu'on parle des revues d'utilisation du médicament. C'est dans ce cas qu'on parle des interventions. C'est dans ces cas-là qu'on parle d'une meilleure communication auprès des acteurs du système de santé pour faire des corrections qu'on a identifiées et qui s'imposent. Mais une compagnie comme les compagnies que vous avez citées, compagnies comme Pfizer sont des compagnies qui sont résolument engagées dans cette voie.

n (12 heures) n

Vous avez parlé des pratiques marketing. Je ne vais pas rerépondre à la question, mais... Aujourd'hui ? juste un petit détail ? aujourd'hui, l'ensemble des employés de Pfizer a signé un engagement sur le code de déontologie. L'ensemble de tous les employés de Pfizer signe un engagement et l'ensemble de tous les employés de Pfizer, y compris moi, signe un document disant qu'on a été formés au code de déontologie. C'est une condition d'appartenance à l'entreprise. Donc, vous voyez, les choses changent, et c'est en travaillant ensemble. Et, nous, aujourd'hui, on arrive avec des idées de partenariat. On n'arrive pas avec un partenariat tout construit, tout fait, on arrive avec un partenariat, avec une expérience et quelque chose à construire ensemble.

M. Charbonneau: Bon. La société est faite d'acteurs sociaux différents qui ont parfois des intérêts ou des points de vue différents, puis il y a comme un équilibre dans une société quand les partenariats comprennent l'ensemble des acteurs sociaux. Est-ce que, quand vous parlez des partenariats avec le gouvernement, est-ce que vous seriez prêts à envisager des partenariats où les groupes sociaux de la société, ceux qui se méfient le plus ou qui sont les plus critiques, par exemple, de vos activités économiques parce que soit idéologiquement ils sont plus opposés à l'approche des entreprises privées ou encore parce qu'ils représentent des groupes qui ont l'impression parfois qu'on abuse d'eux... Est-ce que vous seriez prêts à ce que ce partenariat au Québec soit suffisamment spécifique pour qu'il inclue, par exemple, des centrales syndicales, des organismes, des groupes qui représentent les consommateurs, des groupes sociaux ? on recevait la Coalition de lutte contre la pauvreté ? autrement dit, des groupes qui finalement pourraient être une espèce de garantie que, s'il y a un partenariat, ça ne se joue pas juste entre l'État ou le gouvernement et l'entreprise privée mais que le monde social aussi au Québec sont partie prenante de ce partenariat-là?

M. Halfon (Jean-Michel): Je sais que Mme Cloutier a beaucoup réfléchi à cette question. Si vous permettez.

Mme Cloutier (Denise): Si je peux ajouter, les différents exemples de partenariat qu'on a développés au Québec, entre autres celui Mon coeur j'y vois, en entreprise, c'est fait en collaboration avec certains groupes de patients, Diabète Québec, par exemple, qui étaient ici hier et qui vous parlaient des initiatives importantes qu'ils ont faites pour leurs membres et pour la population en général, des programmes de sensibilisation. Alors, Diabète Québec, leur comité scientifique, ainsi que le comité scientifique de la Fondation des maladies du coeur ont participé et ont développé avec nous les différentes conférences et les différentes brochures qu'on utilise dans notre programme.

Alors, si ça peut vous sécuriser, ceci amène une certaine crédibilité des acteurs qui connaissent bien leur milieu, et qui connaissent bien leurs maladies, et qui voient l'avantage dans des programmes communautaires comme ceux-là. Alors, on travaille aussi avec des entreprises dans lesquelles il y a des employés syndiqués et qui trouvent vraiment un avantage à ce que leur employeur les aide à se prendre en main, finalement. Alors, c'est une autoresponsabilisation et c'est très bien accueilli.

M. Charbonneau: Oui, mais je vous ai vue tiquer un peu quand je vous parlais des centrales syndicales. Ça va pour des employés syndiqués, mais, je veux dire... Autrement dit, s'il y a un partenariat entre une grande entreprise comme Pfizer, par exemple, puis le gouvernement du Québec, le ministère de la Santé dans une région, est-ce que les acteurs socioéconomiques de cette région-là ne pourraient pas être partie prenante de la proposition ou de l'action concertée pour ce territoire-là?

Mme Cloutier (Denise): Je pense que ce sera à discuter. Si le partenariat voit le jour, je pense qu'on pourrait ouvrir la discussion.

M. Charbonneau: Est-ce que Pfizer, ici ou à l'étranger, je ne le sais pas... bon, vous faites des médicaments novateurs, mais est-ce que vous êtes aussi dans le générique ou si c'est étanche?

M. Halfon (Jean-Michel): Pour être exhaustif, nous avons, dans l'acquisition d'une de nos sociétés aux États-Unis, acquis une société générique. Nous avons une commercialisation, un médicament générique aux États-Unis. À ma connaissance, c'est le seul exemple.

M. Charbonneau: Est-ce qu'à votre connaissance ailleurs dans... Est-ce que la plupart des grandes entreprises dans votre domaine ont aussi des groupes témoins ou en fait des antennes dans... des participations dans le générique ou si c'est plutôt...

M. Halfon (Jean-Michel): Je ne voudrais pas parler pour mes collègues des autres entreprises, mais il est bien connu que certaines entreprises ont fait des acquisitions dans le domaine des génériques récemment, oui.

M. Charbonneau: Et, dans ce contexte-là, comment... Parce qu'on nous disait aussi hier qu'il y aurait peut-être intérêt à ce qu'on modifie la consommation pour aller plus, dans certains cas, vers le générique que vers les médicaments, disons, innovateurs, entre autres pour justement avoir un effet à la baisse sur les prix, sur le système. Comment vous voyez ça?

M. Halfon (Jean-Michel): Nous, nous pensons que les meilleures décisions thérapeutiques doivent être prises en face du patient et que, face à un patient, un médecin a des solutions et doit choisir la meilleure solution. Nous, Pfizer, notre société est basée sur l'innovation et la recherche depuis maintenant plus de 50 ans. Nous avons trouvé des médicaments dans le domaine de l'antibiothérapie, de la rhumatologie, de la cardiologie, du diabète et nous espérons, nous, trouver de nouvelles solutions au fur et à mesure et trouver des solutions meilleures. Mais, si, un jour, le médicament, le seul médicament qui existe est un médicament générique, donnez le médicament générique une fois que la patente est passée.

M. Charbonneau: Est-ce que...

M. Halfon (Jean-Michel): Nous sommes très pragmatiques.

M. Charbonneau: Comme les gens d'affaires, en général. Vous dites que vous vous opposez... En fait, moi, je voudrais revenir sur la raison de votre objection au prix de référence parce que, dans la politique, disons qu'il y a un choix de ne pas aller dans cette direction-là, mais il y a plusieurs groupes néanmoins qui viennent ici puis qui pensent qu'on devrait aller dans cette direction-là. Puis même, peut-être, à l'intérieur même du gouvernement, il y a peut-être des membres du Conseil des ministres qui... Je ne sais pas si, au Conseil du trésor, on n'est pas plutôt favorable à un prix de référence.

Dans quelle mesure le fait qu'on n'accepte pas un prix de référence pourrait être la bonne solution d'un point de vue du coût du système? Parce que je présume que ceux qui prônent le prix de référence, c'est parce qu'en bout de piste ils ont la conviction qu'il y aurait un effet significatif sur le coût du système, le coût du régime.

M. Halfon (Jean-Michel): Il y a deux réponses à votre question, et l'une est une question de qualité des soins, et l'autre est une question de richesse économique. En ce qui concerne la qualité des soins, nous sommes là devant une vision de société. Est-ce que votre vision de société, c'est de dire à un médecin de prescrire tel médicament dans une classe thérapeutique lorsque vous savez qu'il y a un choix et que vous savez que chaque patient ne réagit pas de la même manière à chaque médicament? Les médicaments sont différents. Un générique par définition est identique à son... mais, dans une classe... les médicaments sont différents, et les patients ne réagissent pas de la même façon.

M. Charbonneau: C'est ce que me dit mon pharmacien.

M. Halfon (Jean-Michel): C'est une première chose. Et la deuxième chose, heureusement on a des... Le système du prix de référence, ce n'est pas une grande inconnue. L'Allemagne pratique le prix de référence, la Nouvelle-Zélande pratique le prix de référence, et la Colombie-Britannique. Il n'y a pas eu à ma connaissance beaucoup de médicaments découverts en Nouvelle-Zélande. La Nouvelle-Zélande n'a pas produit énormément de nouveaux médicaments. Quant à l'Allemagne, l'évolution des investissements en recherche biopharmaceutique en Allemagne, depuis 20 ans, est bien connue. Donc, on a des modèles. Quant aux investissements en Colombie-Britannique, on peut en parler aussi. Donc, à la fois sur le plan de la qualité des soins et à la fois sur la richesse économique d'un pays, le système de prix de référence a démontré sa négativité et son inefficacité. C'est pour ça que nous saluons ce commentaire qui est dans la politique du médicament.

M. Charbonneau: Ce que vous dites dans le fond à ceux qui voudraient l'instauration du prix de référence, c'est que ? parlons-nous franchement, là ? il y a un risque qu'à court ou à moyen terme il y ait un déplacement de localisation d'entreprises vers des cieux qui...

M. Halfon (Jean-Michel): Écoutez, je disais, hier, que mon entreprise, deux fois, on est passés... deux fois, on a maintenu notre siège social au Québec. J'étais président de Pfizer Canada. Ces deux décisions, en vérité, n'ont pas fait un pli. Bon. Si, demain, on rentre dans un prix de référence, je ne suis pas en même position vis-à-vis de mon entreprise, c'est sûr. Je parle très franchement.

n (12 h 10) n

M. Charbonneau: C'est ça. Je pense qu'un des enjeux, c'est celui-là, c'est jusqu'où on accorde... Puis, je veux dire, ça va être... c'est une question de choix. Puis je pense que, de part et d'autre, on y a cru d'une certaine façon. C'est que ceux qui veulent le prix de référence, comme un certain nombre d'autres mesures, c'est qu'ils ne croient pas que vous allez partir. Mais la réalité de l'économie mondiale maintenant, c'est que les déplacements sont plus une possibilité réelle qu'autre chose.

M. Halfon (Jean-Michel): Mais franchement le premier argument avant tout, c'est la qualité des soins vis-à-vis du patient. Vous voulez, nous voulons la meilleure qualité des soins vis-à-vis du patient. C'est la priorité. Une entreprise comme Pfizer ? et je vois que le temps passe ? elle est avant tout... Vous parliez tout à l'heure de la valeur de l'action. Notre entreprise, l'entreprise Pfizer et le dévouement des collègues à l'intérieur de Pfizer est, avant tout et en premier lieu, centré sur le patient.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, M. Halfon, je suis persuadé que vous allez voir apparaître cette dernière phrase avec plaisir dans vos témoignages, puisque nous concluons cet échange d'information. Merci donc, M. Lallemand et également Mme Cloutier.

Je suspends les travaux de la commission jusqu'à 2 heures, cet après-midi. J'informe les membres qu'ils peuvent laisser leur matériel sur la table, c'est verrouillé.

(Suspension de la séance à 12 h 11)

 

(Reprise à 14 h 4)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): S'il vous plaît! La Commission des affaires sociales poursuit ses travaux. Nous sommes toujours à entendre les mémoires sur la politique du médicament.

J'invite donc les personnes représentant Omni-Med à prendre place devant moi. Il y a M. Jean Boilard, M. Jean-Benoît Cournoyer et M. Xavier Blais-Boilard. Alors, bienvenue à la Commission des affaires sociales.

J'ai une petite remarque technique au point de départ. Si vous voulez bien éteindre vos cellulaires et téléavertisseurs, s'il vous plaît, les mettre au moins en mode discret. Et je vous informe, messieurs, que vous avez 20 minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire. Ensuite, il y a une période d'échange avec vous. Je présume que c'est M. Jean Boilard qui fera l'essentiel de la présentation. Vous débuterez, à tout le moins, la présentation.

Omni-Med.com

M. Boilard (Jean): Oui.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, vous êtes bienvenu. Et la parole est à vous.

M. Boilard (Jean): On s'excuse d'abord de notre retard. On a été avisés un petit peu en retard, là, du fait qu'on passait à 2 heures, alors on s'excuse. M. le Président, mesdames messieurs, membres de la Commission parlementaire des affaires sociales, M. le ministre, MM. les députés, je vous remercie de nous accorder l'opportunité de comparaître devant vous et d'aborder le domaine d'activité qui tient tout particulièrement à coeur notre entreprise, Omni-Med.

Mon nom est Jean Boilard. Je suis médecin omnipraticien ou de famille et président de l'entreprise. Je suis accompagné, aujourd'hui, de Jean-Benoît Cournoyer, qui est vice-président exécutif, et de M. Xavier Blais-Boilard, qui est responsable aux communications, à ma droite.

D'entrée de jeu, je dirais d'abord qu'à l'instar de mes collègues ici présents nous sommes préoccupés d'efficacité et d'efficience du système de santé dans son ensemble, à telle enseigne que nous avons voulu en faire notre gagne-pain. Cette préoccupation d'efficience et d'efficacité est d'ailleurs partagée, et ce, de plus en plus, par les gestionnaires actuels de notre régime public de santé et de services sociaux. Quoi qu'on en dise, notre régime de santé fait l'envie de la plupart des pays, à commencer par les États-Unis, notamment parce qu'au cours des années nous avons été en mesure d'y apporter les incontournables ajustements exigés par les transformations de nature technologique, économique, financière et sociale.

Cela dit et en toute justice, il faut aussi reconnaître que les objectifs du ministre actuel, que nous appuyons sans réserve, se situent dans la suite logique des objectifs de ses prédécesseurs, qu'ils avaient, à leurs époques respectives, énoncés peut-être avec des mots différents mais toujours avec le cap sur la recherche d'une performance systémique complète et totale.

En notre qualité de regroupement de spécialistes dans le secteur des technologies de l'information, Omni-Med partage, faut-il le rappeler, ces objectifs, disons nobles, pour ne pas dire des objectifs de survivance même du système dans son ensemble. Nous n'allons pas jusqu'à prétendre que nous détenons la clé du Code Da Vinci de la santé des Québécois et des Québécoises, mais nous sommes persuadés pouvoir contribuer, dans notre secteur d'expertise, à l'atteinte des buts communs poursuivis par l'ensemble des parties intervenantes dans le dossier de la santé publique.

Les enjeux sont évidemment très nombreux et les joueurs multiples. L'apport de l'industrie pharmaceutique est fondamental dans l'économie du Québec. À l'instar du ministre, l'ensemble du gouvernement du Québec semble tout à fait conscient de l'ampleur des enjeux. Une telle ouverture s'est avérée particulièrement inspiratrice pour persuader la direction de notre entreprise de participer aux travaux de la Commission parlementaire des affaires sociales. Notre exposé ne couvre cependant pas tous les aspects mais quelques-uns qui nous semblent faire partie intégrale de la dynamique pharmacologique en support de la santé des Québécois et des Québécoises.

Dans le secteur de la santé, un des défis fondamentaux qui se posent aux administrations publiques, du moins dans l'ensemble des sociétés occidentales, est de faire face de manière équitable aux besoins croissants, entre autres, d'une population vieillissante mais aussi doublés de l'avancement des solutions pharmacologiques disponibles et surtout d'être en mesure de maintenir la corrélation entre besoins et solutions à l'intérieur de limites budgétaires réalistes et abordables.

Nous évoluons assurément dans un domaine particulier de la science, soit celui des technologies de l'information. Notre présence dans l'actuel débat ne vise cependant pas le gain financier à court terme. Au-delà de la stricte équation économique, nous souhaitons que cet instant de réflexion collective sur un dossier d'une très grande ampleur permette véritablement l'introduction de nouveaux paradigmes où le mariage de la haute technologie deviendra un véritable réflexe conditionné non seulement dans l'acquisition d'instruments et de médicaments très coûteux, mais également dans l'organisation de la dispensation des soins de santé ainsi que de leur gestion au jour le jour.

n (14 h 10) n

En affirmant ceci, Omni-Med ne fait que s'inscrire dans le sillage du Conseil canadien de la santé qui soulignait, dans son premier rapport annuel rendu public le 27 janvier 2005, la nécessité de la modernisation de la technologie de l'information comme étant un autre domaine qui nécessite des mesures accélérées. L'organisme établissait d'ailleurs une comparaison des systèmes de santé canadiens avec le système bancaire en soulignant qu'il est aujourd'hui possible de voyager à travers le monde avec sa carte bancaire en main et d'avoir accès à ses comptes bancaires sans difficulté.

La sécurité dans les transports aériens, le monitoring des pièces de moteurs, la mise en place de systèmes d'information de gestion permettent la prise de décisions éclairées. Ils sont aussi des exemples pouvant être pris en compte par les systèmes médicaux. En comparaison de ces systèmes courants et performants, il est fort à parier que l'hospitalisation urgente au premier établissement du quartier ou la première visite du patient dans une clinique laissera tout à fait perplexes les médecins traitants, car ils seront dans la quasi-impossibilité d'avoir accès rapidement à votre histoire médicale. Ils ne pourront certes pas connaître la liste des médicaments que vous utilisez sur une base régulière ainsi que celle des examens récents que vous avez pu subir. Par ailleurs, il est aussi peu probable que votre médecin de famille habituel recevra à temps un rapport détaillé des soins que vous aurez subis et du suivi recommandé. Pourquoi? Parce que la grande majorité des médecins n'a pas accès à un dossier santé électronique leur permettant de recevoir toutes les données cliniques pertinentes au patient et de les partager entre eux mais aussi entre les différents professionnels de la santé impliqués dans le traitement du patient.

La question qui suit est pertinente, à mon sens: Se pourrait-il que ce constat explique pourquoi environ un tiers des hospitalisations d'aînés soit le résultat de toxicité médicamenteuse, que la moitié des erreurs dans les ordonnances survient parce que les médecins traitants n'ont pas accès à l'histoire médicale des patients ou à la liste des médicaments qu'ils leurs prescrivent?

De manière générale, dans l'environnement actuel, il n'est donc pas étonnant de constater que l'information sur les patients est enfouie dans des dossiers papier éparpillés dans l'ensemble du système de soins de santé. Cela signifie donc que des millions de dollars sont gaspillés quotidiennement dans des ordonnances dupliquées, dans des tests de laboratoire prescrits inutilement et dans la frustration des travailleurs et travailleuses de la santé chargés de manipuler et de gérer des dossiers inextricables. Efficience, où es-tu?

Pour les dossiers médicaux tout autant que pour les dossiers pharmacologiques, n'y a-t-il pas lieu de réfléchir collectivement à l'extérieur de la boîte traditionnelle? Nous croyons, chez Omni-Med, que les Québécois et Québécoises supportent la mise en place de télédossiers médicaux, et ce, dans le plus proche avenir possible. C'est également, tel que je le comprends, aussi l'avis du ministre actuel ainsi que du nouveau critique de l'opposition officielle, M. Jean-Pierre Charbonneau, dont nous avons eu la chance d'entendre les commentaires à l'occasion du passage des Drs Tamblyn et Perreault devant cette commission.

Cela dit, voici donc à notre avis les paramètres qui doivent dicter les efforts des développeurs comme nous et des décideurs comme vous. Et ce sont: une sécurité accrue pour les patients grâce à l'évitement d'erreurs causées par des dossiers incomplets; un accès plus rapide aux soins grâce à la réduction des temps d'attente et à la transmission accélérée de l'information; une efficacité améliorée grâce à la réduction des dédoublements de tests et des copies multiples de dossiers sur papier; un meilleur partage de l'information et un soutien accru pour les soins prodigués en équipe, telle, par exemple, la nouvelle formation des GMF.

Nous réitérons que les moyens technologiques existent, qu'ils ont été développés ici en vue de répondre aux besoins des médecins et des citoyens d'ici. Nous croyons donc qu'en partageant avec la commission quelques-uns des résultats atteints par une des seules technologies fonctionnelles actuellement au Canada, Omni-Med pourra contribuer positivement à la réflexion initiée au sein de celle-ci et qui s'avère d'une importance capitale pour l'avenir des soins de santé en général et pour une politique du médicament efficace et abordable.

Si notre participation aux présents travaux permet de rehausser l'acuité de l'éveil collectif, nous aurons fait oeuvre utile. Permettez-nous d'ajouter que le volet des technologies de l'information ne semble pas constituer nécessairement un axe privilégié dans le présent débat sur une future politique du médicament. Pour rappel, les quatre axes principaux qui guident la réflexion ministérielle sont l'accessibilité aux médicaments, le prix juste et raisonnable, l'utilisation optimale des médicaments et le maintien d'une industrie pharmaceutique dynamique au Québec. L'actualisation de chacun de ces axes peut et doit mettre à contribution de manière intensive les technologies de l'information et tout leur potentiel.

Depuis 1998, année de fondation d'Omni-Med, nous pouvons témoigner d'une constante, soit l'accompagnement de l'ensemble des intervenants en santé grâce à des solutions informationnelles favorisant l'accès et le partage d'informations cliniques des patients entre les médecins et les autres professionnels, permettant ainsi la continuité des soins. C'est grâce à l'accessibilité et à la gestion efficace des données cliniques dans un environnement technologique universel, légal, sécuritaire et confidentiel que les objectifs précités se sont concrétisés.

L'entreprise a développé un vaste éventail de produits intégrés aux besoins des cliniciens et des patients tant en termes de fonctionnalité que d'architecture. La clinique médicale virtuelle est la pierre angulaire de cette avancée technologique de connectivité médicale. Celle-ci est en fait un système d'échange régional ou interrégional et de communication des données cliniques, lesquelles génèrent un dossier patient informatisé, accessible par Internet et permettant l'intégration de toutes les données cliniques. La CMV a fait la preuve de sa fiabilité et de sa convivialité au cours de deux expériences de longue durée dans les régions de l'Estrie et de Laval. Le rapport d'évaluation du système régional de requêtes et résultats électronique générique compilé par le GRIS, qui s'est passé à Laval ? projet SI-RIL ? dans sa version finale d'avril 2004, identifiait une satisfaction élevée chez les médecins et un accueil très favorable des patients.

Depuis plusieurs années, les médecins des deux régions ont accès à un dossier médical électronique régional complet comprenant notamment un prescripteur, les outils de détection d'interactions, les aviseurs thérapeutiques pertinents. Certains GMF pilotes ont même accès, par le prescripteur, au profil médicamenteux inscrit à la RAMQ. Ils souhaitent une connectivité bidirectionnelle avec les pharmacies communautaires du réseau local de leur région pour compléter le tout. Le dossier santé électronique d'Omni-Med a établi sa preuve de concept et a démontré que des médecins peuvent accéder aux données cliniques de leurs patients, les partager et assurer ainsi un meilleur suivi.

Nous souhaiterions que les actifs acquis dans le cadre de ces deux projets puissent être répétés dans les régions du Québec en facilitant leur financement auprès du corps médical. Nous avons les outils cliniques permettant aux médecins d'accéder aux bases de données médicales, de prescrire de façon électronique, de détecter les interactions médicamenteuses, de connaître le coût total de la prescription, tout en ayant accès à son profil pharmacologique. Ne croyez-vous pas que cette percée technologique québécoise aiderait à améliorer la gestion et la prise de médicaments?

En conclusion, Omni-Med salue la position de l'Association médicale du Québec, qui a présenté son mémoire ici, dernièrement, à l'égard de l'utilisation optimale du médicament. Cette utilisation optimale n'est pas l'affaire que du patient et de son médecin. Selon l'association, le succès de la politique du médicament est largement tributaire de la pleine et entière collaboration de toutes les catégories de professionnels de l'industrie pharmaceutique, de la population en général et du gouvernement.

L'AMQ suggère ainsi de fournir aux médecins un outil informatique de gestion des médicaments et que ce système soit intégré au fonctionnement des cliniques médicales, des cabinets privés et des pharmacies communautaires. Il est urgent que les professionnels concernés puissent avoir accès électronique au profil médicamenteux et d'étendre à tous les professionnels de la santé un système d'ordonnance informatisé basé sur une requête, l'ordonnance, et un résultat, le médicament servi.

n (14 h 20) n

Pour mener à bien cette entreprise de connectivité clinique d'une population mobile, il faudra d'ailleurs que le système ait l'architecture et la performance nécessaires. De plus, la législation devra autoriser la circulation des informations entre les nouveaux CSSS et favoriser les communications à l'intérieur d'un RLS, et voire même d'une région entière. Chez Omni-Med, nous répondons présent dès que vous, décideurs, prendrez position nette dans ce virage. M. le Président, mesdames messieurs, nous vous remercions de votre attention.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci, M. Boilard. La parole est au ministre de la Santé et des Services sociaux, pour une période d'échange.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Dr Boilard, M. Cournoyer et M. Blais-Boilard, pour votre communication. Je dirais que, même si l'axe des technologies de l'information n'est pas un des axes de la politique, il sous-tend au moins trois de ces quatre axes, bien sûr si on fait l'exception du dernier, et il faut mettre la politique du médicament que nous présentons en complément du projet de loi n° 83 qui, comme vous le savez, comprend tout le corpus législatif nécessaire à la circulation, celle que vous désirez tant, la circulation de l'information à l'intérieur des établissements et entre les établissements et leurs partenaires. Et on peut dire qu'on est enfin à l'aube, là, de l'informatisation du réseau de santé du Québec.

Ce que nous prévoyons faire, et d'ailleurs ce qui est dans la loi n° 83 ? je profite de l'occasion de votre visite pour le dire ? ce qui est dans la loi n° 83 et ce qui est actuellement déployé est en grande partie suite aux expériences terrains telles que celles que vous avez citées, notamment à Laval, avec le projet SI-RIL qui a servi d'inspiration, je crois, à beaucoup de ce que vous allez retrouver dans les textes législatifs, actuellement.

Donc, dans un premier temps, ce que nous pensons mettre à la disposition du système de santé, c'est, je dirais, le squelette de base de l'informatisation qui est le fichier index-patients, requêtes-résultats pour laboratoire et radiologie et le dossier pharmacologique. Ça, c'est la grande... on peut dire le «core», en anglais, le centre essentiel du dossier médical informatisé. Et la loi n° 83 permet également de joindre un aviseur thérapeutique, un aviseur de prescription, si on veut, à ce système-là. Il y en a d'ailleurs qui sont à l'essai et dans des GMF et ailleurs, avec MOXXI, dont on recevait hier le Dr Tamblyn, justement.

Comment est-ce que vous voyez la prescription électronique? Actuellement, il n'y a pas de disposition législative pour permettre la prescription électronique. Est-ce que vous avez réfléchi à cette question, soit à SI-RIL, dans le cadre de votre expérience terrain, soit plus en général?

M. Boilard (Jean): Oui, effectivement. Bien, si on s'en rapporte aux responsabilités et au code de déontologie des médecins, on ne doit pas endiguer les patients dans l'obtention de leurs services, que ce soit pharmaceutiques ou autres, vers une pharmacie particulière, il faut leur laisser le dernier choix, le choix ultime. Or, nous avons établi, ainsi que pour la requête électronique de laboratoire, un concept de dépôt régional qui essentiellement est déclenché lorsque le patient se présente à un endroit, soit un centre de prélèvement ou, dans le cas qui nous regarde ici, une pharmacie, pour se faire servir son médicament. L'intervenant, soit du centre de prélèvement ou de la pharmacie, pourra alors accéder au dépôt régional et réserver, je dirais, la requête électronique qui pourra, à ce moment-là, être formatée de façon à ce que le receveur puisse la comprendre, hein? Parce que tous les systèmes ne parlent pas le même langage, et donc il y a des arrimages et des transformations de message qui doivent être faites. Donc, Omni-Med fait la transformation de message et adapte le message en fonction du receveur.

Alors, dans le cas qui nous regarde, pour les pharmacies, bien, effectivement, ce serait le même scénario. À moins que le patient demande de l'acheminer directement à la pharmacie, la requête sera dans un dépôt régional qui permettra au pharmacien d'y accéder et permettra donc le libre choix du patient, de pouvoir choisir sa pharmacie. Ce qu'on espère et ce que les médecins espèrent, c'est que ce ne soit pas juste un dépôt de requêtes et de prescriptions électroniques mais que ce soit aussi une occasion d'échange bidirectionnel parce que, pour nous, médecins, c'est important de savoir quel médicament le patient a comme prescription, mais c'est aussi important de savoir lesquels ont été servis, et s'ils ont tous été servis, et quels sont ceux qui sont pris.

L'autre chose, c'est qu'autant un patient peut visiter... Et, hier, vous aviez des statistiques assez éloquentes sur le sujet avec le Dr Perreault. Ils peuvent visiter plusieurs médecins. De même, ils peuvent aussi visiter plusieurs pharmacies. Et il serait opportun que les médecins traitants puissent avoir accès à la liste complète et colligée de toutes ces prescriptions-là qui ont pu être prises à gauche et à droite et pour lesquelles malheureusement, dans le système actuel, les médecins sont mal outillés pour être capables de s'assurer effectivement du complet des listes de médicaments que les patients nous rapportent. Et il faut donc aussi effectivement, pour être capable de permettre ça, faire une impression de la prescription pour que le patient puisse l'avoir dans ses mains et avoir le choix justement de sa pharmacie.

M. Couillard: Donc, si je résume ? parce que vous savez que la loi n° 83 prévoit également des banques de données régionales, c'est une des grandes modifications par rapport au projet antérieur qui avait été soumis ? donc le médecin inscrit une prescription électronique sur son ordinateur, dans son bureau; celle-ci est acheminée à la banque régionale dans le dossier du patient en question; le pharmacien, lorsque le patient se présente à la pharmacie de son choix, a accès à la banque régionale, au dossier, imprime la prescription. C'est ce que vous dites?

M. Boilard (Jean): Non, le pharmacien n'aurait pas besoin de l'imprimer, il pourrait carrément l'importer.

M. Couillard: Mais, si on veut que le patient l'ait en main, il pourrait...

M. Boilard (Jean): Ça, c'est le médecin qui donne au patient la prescription.

M. Couillard: Ah, d'accord. O.K. Et donc également possibilité pour le pharmacien de confirmer rétroactivement à la banque de données que la prescription a été effectivement remplie.

M. Boilard (Jean): Oui. Et cette communication-là devrait suivre jusque dans la visualisation du médecin de ses listes des médicaments pour ce patient-là, puis effectivement il a été servi.

M. Couillard: Lorsque vous avez fait...

M. Boilard (Jean): Ou non, s'il y avait un problème détecté autre qui n'aurait pas pu être détecté par le système avant.

M. Couillard: Lorsque vous avez fait l'évaluation du suivi du projet SI-RIL notamment, au point de vue du patient, du citoyen, quel a été le plus grand bénéfice? Je vois que, dans vos chiffres, il y a 90 % des personnes qui étaient satisfaites d'avoir eu accès à ce service-là. Quels sont les aspects surtout qui les enchantaient, là?

M. Boilard (Jean): Bien, c'était la rapidité d'accès à l'information, par exemple. Et les patients qu'on voit souvent impliqués dans des relations de tests de laboratoire, par exemple les patients qui sont sous Coumadin et qu'on suit pour des INR, bien ils sont toujours surpris de se rendre compte que le médecin les appelle environ 15 à 20 minutes après qu'ils sont partis de l'hôpital, entre autres à Laval, parce qu'il y a un temps de réponse presque instantané. Aussitôt que l'analyse sort de l'analyseur, en dedans de cinq minutes, il est disponible au médecin, et donc il peut effectivement rappeler tout de suite son patient.

Donc, c'était la rapidité, je dirais, et les outils possibles d'analyse de ces données-là dans le temps, soit en bâtissant des courbes de suivi, d'évolution des paramètres de suivi, que ce soit pour le cholestérol ou autre. Ça a été, je pense, l'aspect le plus important et, je dirais, d'une certaine façon sécurisant pour le patient. Parce qu'ils ne sont pas fous puis ils se rendent bien compte que, les médecins, on n'a pas souvent toutes les informations, et honnêtement, du côté du patient, ça ne doit pas être très sécurisant.

Notez qu'il y avait seulement 6 % des patients qui se sont plaints et qui trouvaient ça un peu dérangeant que les médecins utilisent l'ordinateur en leur présence. Et on se serait peut-être attendu à plus que ça, mais l'acceptation des patients fait qu'il n'y a que 6 % qui ont mentionné ce petit défaut là de voir les médecins attirés par un écran. Il faut bien dire que, dans la réalité des choses papier, quand on n'est pas attiré par un écran, on est attiré par un dossier, et souvent beaucoup plus que l'écran, parce qu'on est obligé de le repasser pour se bâtir nos listes à date.

M. Couillard: Oui, on a tous été témoins, soit comme patients ou soit comme cliniciens, de situations où la personne se présente pour un rendez-vous pour obtenir un résultat de laboratoire et repart chez elle sans avoir obtenu le résultat. Moi, j'ai vu ça à maintes reprises, et c'est extrêmement dérangeant pour tout le monde.

M. Boilard (Jean): Tout à fait. Et d'autres occasions où on a été témoins de tests qui ont été passés, soit de routine ou autres, lors d'un épisode de soins, et le patient ressort avec une anomalie dans un des tests qui n'a pas été relevée et qui devient relevée de façon presque par accident en mode papier mais pas en mode électronique. À Laval, un des médecins qui étaient les plus farouches pragmatiques, je dirais, de l'utilisation de l'informatique pour ce que ça donne a eu un de ces exemples-là où effectivement, parce qu'il était déclaré médecin de famille et qu'il avait consentement aux données produites dans sa région, il a découvert une condition qui avait passé complètement inaperçue au niveau de l'hôpital et de l'épisode de soins, et ça a permis effectivement, en plus de lui donner une satisfaction accrue de pouvoir faire son travail correctement, de réaliser que l'outil donnait plus que juste la rapidité d'information mais le global de l'information.

n (14 h 30) n

M. Couillard: Pour terminer, M. le président, je note que, dans les statistiques que vous présentez sur ce même suivi, le taux de satisfaction des médecins est également élevé mais moins que les patients. C'est intéressant de voir qu'il y a un petit... Est-ce que vous trouvez ça significatif, ou c'est dans la marge d'erreur, ou il y a un facteur que vous avez identifié qui fait que les médecins étaient une petite chose plus réticents?

M. Boilard (Jean): Oui. Je dois dire qu'à Laval les médecins ont été très, je dirais, éprouvés par les lignes téléphoniques. Et, pendant deux ans de temps, ils ont eu des déconnexions à plus que 10 à 15 fois par jour, et c'est une solution qui a été trouvée. Maintenant, le RTSS a été réparé, et je dirais que, depuis deux mois, ça fonctionne très bien. Mais qu'on ait des médecins à Laval qui ont utilisé ce système-là pendant deux ans et demi, compte tenu de la réalité frustrante de te faire déconnecter, on était nous-mêmes surpris qu'ils continuent à l'utiliser.

Alors, je pense qu'une partie de l'insatisfaction, là, du 10 % qui n'est pas satisfait est probablement en grande partie en relation avec ça. Si on avait fait le sondage il y a un mois et demi, on aurait probablement monté à 50 % comme quoi ils n'étaient pas satisfaits. Je pense que ça, ça a été un des facteurs majeurs. Depuis que c'est réparé, on revoit une courbe ascendante de la réutilisation du système. Mais je pense que ça se comprend que, si on a une auto qui a de la misère à démarrer ou qui arrête aux coins de rues, on aime moins conduire l'auto.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Alors, la parole est au député de Borduas.

M. Charbonneau: Bien. Merci, M. le Président. Est-ce qu'on peut évaluer... En fait, je vais poser ma question autrement: Est-ce qu'on peut espérer que, si on avait à court terme l'informatisation dont on parle, on pourrait avoir un impact vraiment significatif à court terme sur non seulement l'utilisation optimale de médicaments, mais sur la consommation de médicaments? Bon. Parce qu'il y a deux... D'abord, il y a un objectif de santé; je pense, ça, c'est le premier objectif. Mais aussi peut-être avoir un impact sur la surutilisation des médicaments parce qu'on aurait une gestion plus adéquate, plus intégrée des médicaments. Est-ce qu'on peut penser que... Parce qu'un des objectifs de la politique qui est proposée, c'est d'avoir une espèce de contrôle de l'augmentation considérable, constante des coûts du régime d'assurance médicaments pour assurer sa pérennité.

M. Boilard (Jean): La réponse est oui. Puis je vais vous donner un exemple personnel. Quand j'ai commencé à utiliser le prescripteur, il y a quatre ans, et que je me suis astreint à faire la liste des médicaments de chacun de mes patients, d'abord la première chose qui m'a surpris, c'est de me rendre compte que les patients prennent beaucoup de médicaments. Et effectivement, quand on a une occasion de pouvoir voir quelle est la facture au prix réel d'acquisition qui est générée, on est les premiers surpris. Et ça réveille rapidement une espèce de conscience, de dire: Oh, est-ce qu'il y a peut-être moyen de soit prescrire du générique ou prescrire un autre médicament? Ou carrément: Est-ce que le patient a vraiment besoin de ça? Ça, c'est la première chose.

La deuxième chose, c'est quand, en plus de prendre une histoire de liste de médicaments, comme on peut actuellement parce que c'est dans la tête et dans la mémoire des patients... on s'aperçoit qu'il y a plusieurs des médicaments qu'ils prennent qu'eux ne considèrent pas comme des médicaments soit parce qu'ils le prennent de façon sporadique pour une condition qui revient, mal de dos ou quoi que soit ? mais il y a de la codéine là-dedans, il y a toutes sortes de choses ? ou soit parce qu'ils consomment des médicaments dits naturels qui ne sont que des médicaments chimiques un coup qu'ils rentrent dans notre physiologie et qui ont potentiellement des interactions et des effets secondaires.

M. Charbonneau: Juste... Je vous interromps 30 secondes. Ce que je comprends, c'est que vous avez inscrit dans votre fichier les renseignements concernant aussi les produits naturels, les vitamines, puis tout ça, là?

M. Boilard (Jean): C'est exact, oui.

M. Charbonneau: Autrement dit, vous avez demandé à vos patients de...

M. Boilard (Jean): Amène toute la poche de médicaments que tu prends, O.K., et on va la rentrer. Et essentiellement c'est surprenant de voir qu'effectivement il y a plusieurs médicaments que les patients prennent et qui ont un impact majeur sur des paramètres. On parlait du Coumadin et du suivi des anticoagulés, bien le ginkgo biloba, qui est beaucoup, beaucoup... bien ça a un effet majeur au niveau de potentialiser le temps de saignement et donc des accidents potentiels autres qui seront sûrement reflétés soit dans une hospitalisation, dans un autre diagnostic et dans la prise d'autres médicaments, là, pour contrer ce problème-là.

M. Charbonneau: Est-ce qu'actuellement il y a des sociétés qui sont totalement informatisées ou s'il n'y a pas encore de pays ou d'États qui sont complètement...

M. Boilard (Jean): Jean-Benoît.

M. Cournoyer (Jean-Benoît): Oui. Ça, c'est une très bonne question. Représentant Québec sur deux des quatre comités d'Infoway, Inforoute Canada, depuis un an, je suis assez bien renseigné sur l'état de la situation. La réponse, c'est non. On a beaucoup d'hôpitaux ou d'institutions, comme le disait M. le ministre, qui sont informatisés et qui en sont à leur troisième génération de système depuis 25 ans. Le problème n'est pas la production des données cliniques en laboratoire ou en radiologie, dans l'hôpital, le CLSC ou peu importe l'endroit du réseau; le problème, c'est le partage. On n'a pas de systèmes présentement, à ma connaissance, à part celui d'Omni-Med et plusieurs systèmes américains... je ne commencerai pas à faire de la publicité pour nos amis américains ici, mais rares sont les systèmes qui ont une approche régionale.

Qu'est-ce que c'est qu'une approche régionale? C'est l'idée, comme le disait M. le ministre tantôt, d'avoir une banque de données régionale qui au départ est inaccessible et qui comprend l'ensemble des informations cliniques d'un patient, et ce, peu importe l'endroit où la donnée clinique a été produite. Que ce soit un laboratoire privé, un laboratoire public, que ce soit par un centre de radiologie privé ou public, même chose, les informations sont envoyées dans le dépôt clinique. Lorsque le patient se présente en cabinet ou à n'importe quel lieu dans le CSSS ou le RLS, lorsque le patient donne son consentement, il y a toute une série de démarches à travers lesquelles le médecin doit passer, c'est-à-dire s'identifier, s'authentifier, obtenir le consentement du patient. Ça nous amène dans une infostructure où le médecin peut accéder à cette banque de données régionale là mais n'accéder qu'aux petits casiers parmi les 600 000 à Laval qui contiennent les données cliniques de ce patient-là.

Alors, vous imaginez l'impact que peut avoir pour un médecin d'avoir accès, dans son outil clinique qui est le dossier santé électronique, à tous les problèmes, les examens, les notes, les rapports de blocs opératoires, l'historique de médicaments, l'ensemble des résultats de laboratoire et d'être en mesure de visualiser et, comme le disait le Dr Boilard, d'être en mesure d'utiliser ces outils et ces paramètres pour faire un suivi de patient. Ce système-là...

Malheureusement, dans les autres provinces, on commence à peine à s'informatiser. Je ne parle pas des institutions, elles le sont depuis très longtemps. Mais une vision régionale où les médecins vont pouvoir ensemble se partager l'information avec le consentement du patient, on est aux premiers balbutiements de ça. Ici, au Québec, parmi tous les projets d'Infoway et Inforoute Canada, il faut réaliser que Laval est la seule région du Canada où un dossier santé électronique régional, partageable, légal, qui a été accepté par la Commission d'accès à l'information, qui nous a obligés d'ailleurs à réécrire notre système trois fois pour le rendre absolument confidentiel... C'est un endroit où ça fonctionne.

Le prescripteur que l'on parle, le médecin peut voir ses interactions médicamenteuses en un clic, accéder à des bases de données de médicaments en un clic, être capable de détecter les allergies immédiatement, il est capable de les imprimer. J'en parlais justement, ils sont, quoi, 125 médecins à Laval qui utilisent notre prescripteur. Ils ont dit: Jean-Benoît, on recevait plusieurs coups de téléphone de notre pharmacien qui était incapable de lire notre prescription. Depuis qu'on utilise ton système, nous n'en recevons plus.

n (14 h 40) n

Alors, à votre réponse: Est-ce qu'à ma connaissance il y en a beaucoup?, je peux vous dire que, pour avoir fait 18 années d'international et avoir travaillé dans une quarantaine de pays, on est tous au même point, présentement. La France, l'Angleterre, tous les membres de la communauté d'HL7, par exemple, qui essaient de trouver un langage commun ? commun ? international pour être capables de s'échanger des informations, c'est devenu un challenge. Et, comme Québécois, M. le député, je dois vous dire, moi, je suis content et fier de ma compagnie qui a réalisé ce dossier électronique à Laval. Ce que vous parlez, ça existe ici, et c'est opérationnel, et ça produit les bénéfices que tout le monde attend. Mais le système étant le système, le processus de décision est fort complexe, on peut comprendre.

Mais, pour répondre à votre question, n'allez pas chercher en Ontario ni en Saskatchewan ni dans les provinces maritimes, c'est ici, au Québec, que ce système existe, oui...

Une voix: ...

M. Cournoyer (Jean-Benoît): Dans l'approche qu'on parle, là.

M. Charbonneau: Moi, je n'étais pas critique, donc je n'avais pas cette responsabilité, il y a quelques mois. Donc, je n'ai pas fait la commission, les audiences publiques, là, sur le projet de loi n° 83. Dans quelques semaines, on va se retrouver à l'étude détaillée, par exemple, du projet de loi, mais je sais qu'il y a un aspect du projet de loi qui concerne ça. Ce qui m'intéresse ? parce que j'ai été malgré tout un peu sensibilisé ? c'est que, là, on est face à un dilemme, c'est: Jusqu'où on rend accessible l'information ou est-ce qu'on est restrictifs? Moi, je regarde ce que le Dr Perreault disait hier, c'est que dans le fond on devrait privilégier, disons, le fait qu'on ait le maximum d'information disponible pour le médecin et le pharmacien. Ça, ça veut dire le dossier complet. Jusqu'où on va être capables d'aller jusque-là? Et est-ce qu'on devrait...

Parce que, là, il y a des résistances: la Commission d'accès à l'information, à ce que j'ai entendu, un certain nombre d'autres. Mais à l'inverse, l'envers de la médaille, c'est que c'est aussi les citoyens, à travers le Trésor public, qui paient les conséquences de ne pas mettre sur la table à ces médecins ou à ces pharmaciens... plusieurs, la réalité de notre situation. J'ai l'impression que c'est peut-être pour ça que la France a décidé, dans quelques années ? ou je ne sais pas si c'est déjà fait, là ? que législativement ils vont obliger à ce que tout soit sur la table. Comment vous voyez ça, là?

M. Boilard (Jean): Mais même là... Parce que je suis allé en France justement, et ça fait beaucoup de remous, cette obligation-là. Pourquoi? Parce qu'en quelque part, je pense, la clé de l'utilisation des systèmes d'information en médecine et dans la santé, c'est la confiance. Alors, est-ce que le citoyen a confiance, pour commencer, que ces données vont être traitées de façon aussi religieusement confidentielle que ce qu'il est habitué d'avoir actuellement et... d'avoir, donc?

Deuxièmement, est-ce que ces données-là vont être disponibles «at large» ou vont juste être disponibles en fonction du consentement qu'il a donné? Alors, je pense que, si on est capables de respecter le fait que son consentement est majeur dans la libération et l'accessibilité à ces données-là et qu'il puisse contrôler facilement cette accessibilité-là, je pense que, du côté du patient, on aura une meilleure «compliance» et la confiance nécessaire pour qu'on puisse engranger ces données-là. Parce que, vous avez raison, si une majorité de patients au Québec n'ont pas confiance dans le système qu'on leur propose et disent: Je suis exclu du système, on n'aura pas plus avancé, là, on va avoir juste une partie de la population et on ne sera pas capables d'avoir des grands nombres qui vont nous permettre de rationaliser et de faire la gestion qui s'impose.

C'est à bascule aussi. Les médecins, à Laval et en Estrie, ont une préoccupation de cette confidentialité-là dont ils sont les gardiens par code de profession et par notre Collège des médecins qui s'assure que c'est comme ça. Alors, ils sont habitués de constituer des dossiers, de les tenir, de les détenir, de les maintenir et d'assurer qu'effectivement seules les personnes habilitées, pour le grand bénéfice de son patient, puissent avoir accès aux données et seulement qu'aux données qui sont pertinentes de l'intervention.

Alors, le médecin a aussi cette première considération là de confiance: Est-ce que d'abord le système va me reproduire la même chose que je suis habitué sur papier? Idéalement, il faudrait qu'il m'en donne un peu plus pour que ça vaille la peine de changer. Est-ce que le patient va accepter qu'effectivement j'utilise un médium électronique ? ce qui revient à la première question de confiance? Et, troisièmement, est-ce que les données qui vont être engrangées régionalement ou autres sont protégées de la même façon que, moi, je voudrais qu'elles soient protégées? Et donc est-ce que les données que je contribue à participer au niveau régional, est-ce que je m'expose, en faisant ça, à du coulage, à de l'utilisation qui ne pourrait pas être, je dirais, professionnelle ou médicale?

M. Charbonneau: Et la réponse à ça, c'est: Quel est le mécanisme de sécurité, là, qui existe? Par exemple, avec les nouveaux réseaux de santé régionaux, là, c'est des centaines puis des fois des milliers de personnels qui sont en mesure éventuellement... qui seraient potentiellement en mesure d'avoir accès aux dossiers.

M. Boilard (Jean): Oui, effectivement. Le modèle, à Laval, est un modèle où les bases de données comme telles sont d'abord dénominalisées, et ça prend un algorithme spécial pour être capable de changer un numéro pseudonyme en une... et la rendre nominale, premièrement. Deuxièmement, toutes ces données-là sont d'emblée inaccessibles. Elles ne sont accessibles que par exception, c'est-à-dire, si vous êtes l'auteur de la donnée, vous y avez accès, si vous êtes mandaté par l'auteur de la donnée pour supporter les pratiques de groupes, vous y avez accès, et si vous avez le consentement du patient. Et là il y a différents niveaux de profondeur de consentement, jusqu'au consentement du médecin de famille ou du médecin GMF qui obtient un consentement plus élargi que seulement sa consultation, mais toute l'équipe de soins, dans le fond. Alors, je pense qu'il faut absolument que le consentement et la façon d'accéder aux données soient vraiment comme dans une boîte noire et qu'on ne voie que les données qui sont consenties.

M. Charbonneau: Ça va. Est-ce que...

M. Boilard (Jean): O.K.? Maintenant, il y a le modèle légal aussi, à Laval, qui essentiellement a, je dirais, solutionné une partie de la satisfaction des patients et qui a fait qu'on n'a eu qu'un seul refus sur 550 000 patients qui ont été dans la banque, et c'est la fiducie des médecins. Essentiellement, à Laval, la façon dont ça fonctionne, c'est que les médecins ont créé une fiducie. Ils utilisent une fiducie de données, et le nom «clinique médicale virtuelle» représente exactement ce qui se passe. On a pris exactement les mêmes contrats, les mêmes ententes légales qui se passent entre un médecin qui travaille dans un groupe ? cinq ou 10 médecins, ou GMF, par exemple ? et on a reproduit ça à une échelle régionale avec les mêmes, mêmes, mêmes éléments de partage de responsabilités et de protection de l'information et de son intégrité. Alors, quand les patients nous demandent: Où vont les données? Bien, elles vont dans une banque régionale. Oui? Qui contrôle la banque régionale? Ce sont les médecins en fiducie, ensemble. C'est fini, on n'en entend plus parler. Alors ça, c'est déjà un des éléments qui sécurise beaucoup, je dirais, la population et, par ricochet, aussi les médecins. C'est un modèle qui pourrait s'appliquer pour régler le problème des RLS, entre autres, et des autres...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je vous remercie, M. Boilard, M. Blais-Boilard et M. Cournoyer, de votre contribution aux travaux de cette commission. Je vous souhaite un bon retour à la maison.

Et j'invite les prochains intervenants à prendre place à la table, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, la commission poursuit ses travaux. Nous accueillons la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec. Je reconnais Mme la présidente Manon Jean. Bonjour, madame.

Fédération des locataires d'habitations
à loyer modique du Québec (FLHLMQ)

Mme Jean (Manon): Bonjour.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Je vais vous laisser le soin de présenter celles et ceux qui vous accompagnent. Vous connaissez les règles du jeu déjà: 20 minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire.

Je fais l'observation... Je ne le fais pas souvent, là, mais, comme c'est arrivé trois fois depuis le début de la journée, quelquefois il y a des grondements et des tremblements, là, ce n'est pas un tremblement de terre, c'est un dynamitage pas très loin de la colline Parlementaire. Alors, on peut s'imaginer ce que ça a l'air là où ça saute parce que ça vibre beaucoup ici. Alors donc, Mme Jean, s'il vous plaît.

n (14 h 50) n

Mme Jean (Manon): Merci. Je suis aussi représentante du Saguenay?Lac-Saint-Jean?Côte-Nord au conseil d'administration de la fédération. Je vais vous présenter mes compagnons: à ma droite, ça, c'est Gabrielle Couture, représentante de la région de Mauricie, et M. Jean Crépeau, de la région de Montérégie; à ma gauche, Nicole Papillon, de la région de Québec, et M. Robert Pilon, le coordonnateur de la fédération.

Vu que notre mémoire est bref, on va faire la lecture complète. Mais, après la lecture, il va y avoir quelques témoignages de Mme Nicole Papillon et de Mme Gabrielle Couture.

Même si nous ne sommes pas des experts ou des spécialistes du milieu de la santé, notre fédération tient à s'exprimer sur le projet de politique du médicament, car il s'agit d'une question essentielle au quotidien pour un très grand nombre de nos membres.

La Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec regroupe 300 associations de résidents et résidentes à travers les HLM de la province. Comme les 65 000 logements à prix modique sont attribués aux ménages ayant le plus bas revenu, nous représentons donc les 35 000 ménages de personnes âgées et les 30 000 familles comptant parmi les plus pauvres au Québec. À 70 %, il s'agit de femmes seules ou monoparentales vivant de la sécurité du revenu ou des pensions des gouvernements.

Si nous nous avançons sur le terrain de la santé, c'est parce que nos membres doivent souvent faire des choix difficiles entre l'achat de nourriture ou de médicaments. Nos associations locales nous affirment recevoir souvent des confidences de personnes âgées ou de personnes prestataires de la sécurité du revenu qui avouent ne pas pouvoir acheter les médicaments qui leur sont prescrits, surtout dans la deuxième partie du mois.

Comment peut-on affirmer sérieusement que le droit à la santé est reconnu pour tous, tous les citoyens, citoyennes du Québec, peu importe leur classe sociale, quand les plus pauvres ne peuvent pas se payer les médicaments prescrits par leur médecin? Alors que le Parti libéral a promis, lors des élections, de rétablir la gratuité des médicaments pour les plus pauvres, nous sommes amèrement déçus de constater que le projet de politique ne se fixe pas pour but principal de corriger cette situation profondément troublante pour notre système de santé.

Pire, le projet évacue toutes les propositions controversées du point de vue de l'industrie pharmaceutique ou des compagnies d'assurance privées qui permettraient peut-être de réaliser vraiment des économies et donc de financer la gratuité pour les plus pauvres. Comment croire à la sincérité de votre réflexion et au fait que vous trouverez les moyens de tenir votre promesse à l'égard des plus pauvres lorsque vous vous empressez de balayer du revers de la main les propositions concernant l'abolition des privilèges accordés aux compagnies pharmaceutiques ou la fusion du régime public et privé?

Alors que le Parti libéral s'engageait à assurer la gratuité des médicaments aux 712 000 personnes qui sont prestataires de la sécurité du revenu et aux aînés qui reçoivent le supplément de revenu, le projet n'accorde la gratuité qu'aux 46 000 aînés qui reçoivent la prestation maximale du supplément de revenu garanti. Nous sommes donc loin du compte. Tout en se réjouissant pour ceux et celles parmi nos membres qui pourront dorénavant bénéficier de cet accès élargi aux médicaments, nous ne pouvons que nous opposer à la logique qui conduit à cette ouverture toute ciblée.

Si le gouvernement est d'accord pour reconnaître que les personnes âgées gagnant autour de 10 000 $ ont besoin de la gratuité des médicaments en raison de leurs bas revenus, comment peut-il en toute décence refuser d'accorder le même traitement à ceux et celles qui gagnent 6 000 $? Ce n'est pas la logique qui étouffe le gouvernement dans cette décision mais plutôt son idéologie de droite qui l'empêche de voir clair dans les besoins de la population. Les personnes jugées sans contraintes sévères à l'emploi, qui sont deux fois plus pauvres, n'auront toujours pas d'accès gratuit aux médicaments parce qu'on veut les punir de ne pas travailler. Deux poids, deux mesures qui n'ont rien à voir avec des considérations de santé.

Plus pragmatique dans son approche, l'Association des hôpitaux du Québec se demande, dans un communiqué émis le 16 décembre 2004, pourquoi les personnes ayant de graves problèmes de santé mentale ne sont pas couvertes. Le Collectif pour l'élimination de la pauvreté évalue à 50 millions de dollars la somme nécessaire à trouver pour garantir la gratuité des médicaments. À quoi sert votre consultation si elle ne permet pas de trouver cet argent? Je passe la parole à M. Crépeau.

M. Crépeau (Jean): Merci, M. le Président. Le Québec est la seule province canadienne à accorder un brevet de 15 ans aux fabricants de médicaments innovateurs. En vertu de cette stratégie de développement industriel, le gouvernement se prive d'appliquer la règle du prix le plus bas. Ainsi, au lieu d'acheter des médicaments génériques pour le bien des consommateurs et du régime public, on privilégie le dynamisme de l'industrie et la protection de ses avantages concurrentiels. C'est ce parti pris bien affirmé qui explique sans doute que, dans les quatre axes proposés par le ministre, deux privilégient le développement de l'industrie des médicaments brevetés, l'un pour garantir la prospérité et l'autre pour permettre l'indexation des coûts.

L'industrie est-elle si malade que l'on doive penser à elle dans une politique concernant la santé? Pourtant, une étude de chercheurs de l'Université du Québec à Montréal a démontré que le taux de rendement après impôt des six plus grandes compagnies pharmaceutiques était de 40,9 % pour la période 1991-2000. En comparaison, les bénéfices des banques sur les cartes de crédit ne s'élevaient qu'à 10,7 % pour la même période.

Nous aurions aimé que, dans le projet de politique, on étudie les conséquences sociales et économiques d'un tel choix. Priver de la gratuité des médicaments les plus pauvres de la société sous prétexte des coûts élevés d'un système et en même temps, obnubilé par les 17 000 jobs, accorder des avantages financiers importants à l'industrie, est-ce vraiment la meilleure décision? Les emplois disparaîtraient-ils tous si nous avions la même politique du prix le plus bas que les autres provinces ou une stratégie économique différente?

La Fondation canadienne de la recherche sur les services santé nous apprenait dans son bulletin de décembre 2004 que le Conseil d'examen des prix des médicaments brevetés concluait que seulement 6 % des médicaments introduits entre 1996 et 2000 pouvaient être qualifiés de découvertes. Le président du Conseil du médicament, M. Robert Goyer, affirmait récemment que l'utilisation des inhibiteurs de pompe à protons, moins coûteux et aussi efficaces, permettrait d'épargner environ 60 millions par année dans le traitement de l'asthme. On comprend mieux pourquoi, depuis des années, au Québec, les syndicats oeuvrant dans le domaine de la santé revendiquent que le gouvernement se dote d'une politique favorisant l'utilisation des médicaments génériques. Pourquoi, lorsque l'on discute d'une politique du médicament qui concerne d'abord et avant tout la santé, avons-nous la désagréable impression de devoir non pas en appeler à la raison du ministre de la Santé et des Services sociaux, mais plutôt au calcul du ministre du Développement économique et régional et de la Recherche?

Toujours dans la perspective de trouver l'argent nécessaire pour financer la gratuité des médicaments pour les plus pauvres de notre société, nous trouvons pour le moins cavalier que le gouvernement lève si rapidement le nez sur la possibilité de fusionner les régimes publics et privés en un seul régime universel. Depuis quand une seule étude suffit-elle à convaincre le gouvernement? La saga du CHUM ne nous a pas habitués à tant de promptitude de votre part.

n (15 heures) n

Selon le comité Montmarquette, un seul régime universel et public signifierait une perte de 148 millions en taxes, une perte de contribution des employeurs et une perte d'un repère comparatif pour le public. Ainsi, il n'y aurait vraiment aucun profit à tirer de l'étatisation de ce secteur de l'assurance privée. Pourtant, du même souffle, le projet de politique nous apprend que la mise en place d'un régime universel public n'est pas la voie souhaitée par les assureurs, puisqu'ils perdraient presque entièrement le marché, ne conservant que le marché de l'assurance complémentaire, la proposition n° 6. Cette contradiction apparente entre le discours de l'un et la réalité commerciale de l'autre nous amène à réclamer qu'on nous explique comment une activité apparemment lucrative du secteur de l'assurance pourrait subitement devenir non rentable si elle est recyclée au profit de l'ensemble de la société. En 1995, le rapport Gagnon proposait pourtant de développer la réflexion dans cette direction. Nous ajoutons donc notre voix à tous ceux et celles qui réclament une étude sérieuse sur la faisabilité d'un régime universel.

Nulle part dans les propositions ministérielles il n'est fait mention de la nécessité de mettre de la pression sur les libéraux fédéraux afin que ceux-ci modifient la Loi sur les brevets pour que le Conseil d'examen des prix des médicaments brevetés puisse mieux contrôler les prix des médicaments avant leur lancement et imposer une augmentation en fonction de l'IPC.

Pire, le gouvernement compte mettre fin à la politique de non-augmentation des prix des médicaments ? la proposition 12 ? et maintenir la règle de 15 ans dans sa forme actuelle ? la proposition 31. Le refus du gouvernement de même envisager des mesures de contrôle des coûts de même que des mesures d'encadrement plus strictes des pratiques de l'industrie en dit long sur l'orientation en matière de santé.

Si le gouvernement ne fait aucun effort pour contrôler les coûts des médicaments et pour peut-être récupérer la partie florissante du régime réservé aux assureurs privés, il faut être bien naïf pour croire qu'il respectera son engagement de rétablir la gratuité des médicaments pour les plus pauvres, selon la proposition 11. Par contre, il pourra assurément continuer de subventionner allégrement les profits du lobby pharmaceutique. Merci de votre attention.

Mme Jean (Manon): Merci. Je passe la parole à Nicole Papillon.

Mme Papillon (Nicole): Bonjour. Moi, mon nom est Nicole Papillon. Je suis sur le C.A. de la fédération et en même temps je suis sur le comité dans notre bloc qui font des activités pour l'ensemble des gens qui restent dans notre bloc, qui a 120 logements, et j'ai à côtoyer la majeure partie des gens.

Je suis sur l'aide sociale. Je suis soutien financier, et j'ai la chance de... la majeure partie de mes médicaments... mes médicaments sont tous payés, sauf mes vitamines. Mais, comme je vous disais tantôt, j'ai à côtoyer les gens qui ne sont pas sur le soutien financier, qui ont à payer une franchise d'au minimum 16,66 $ par mois, et j'ai réalisé, avec les années, qu'il y en a quelques-uns parmi eux, quelques-uns ou quelques-unes parmi eux qui, non, ne sont pas capables de se payer leur franchise et encore moins d'avoir leurs médicaments, et ça paraît.

Et je déplore, je suis incapable de comprendre le principe de la gratuité de ces gens-là. Quand vous avez des gens qui ne sont pas capables de... Oui, vous allez me dire qu'on paie 25 % de notre loyer, mais c'est justement pour essayer d'arriver à la fin du mois. Mais encore là, quand tu es à 500 quelques dollars et que tu as à payer ton loyer, à payer tes vêtements, à te nourrir et à penser de payer tes médicaments, ton téléphone, et j'en oublie peut-être au travers, je trouve ça déplorable de...

Juste à les voir agir, les gens, là, je vois que, rendus au milieu du mois, rendus aux trois quarts du mois, ça paraît sur leur comportement physique et mental aussi, sans dire qu'ils ont la... je ne veux pas dire qu'ils ont la maladie, mais que ça affecte leur moral, dire: Je n'ai pas les médicaments. S'il va m'arriver de quoi, je vais-tu rentrer à l'hôpital, je vais-tu... Toutes des questions qui... il y a un point d'interrogation fort et énorme. Et mentalement, moi, ça m'affecte aussi parce que, de les voir aller, je ne comprends pas qu'on ne peut pas avoir un système, de ces gens-là aussi, gratuitement, qu'ils n'aient pas de franchise à payer pour pouvoir avoir leurs médicaments et se nourrir convenablement en même temps. Merci.

Mme Jean (Manon): Merci. Je passe la parole à Gabrielle Couture.

Mme Couture (Gabrielle): Bonjour. Moi, j'ai 500 $ de revenus par mois, il m'en reste 184 $ pour payer ma nourriture et pour payer les autobus quand j'ai des rendez-vous. Alors, voilà environ deux ans, j'ai eu besoin de médicaments, je ne pouvais pas les payer, ce qui a fait que je me suis ramassée à l'hôpital pour une opération d'urgence. À ce moment-là, j'ai passé trois jours à l'hôpital. Il ne faut pas être comptable pour vérifier vraiment combien coûte une journée d'hospitalisation par rapport à un an de médicaments payés par l'aide sociale. Parce que bien souvent, au lieu de passer une journée, on peut en passer deux ou trois, ça fait qu'à ce moment-là ça coûterait moins cher aux payeurs de taxes et d'impôts et au gouvernement de donner la gratuité aux personnes de l'assurance sociale que de risquer qu'ils puissent retourner à l'hôpital environ combien de fois dans l'année. Parce que bien souvent ils jouent à la roulette russe avec leurs médicaments, puis, au lieu de gagner le jackpot, ils se ramassent dans des endroits comme des hôpitaux, comme chez les médecins. Ça coûte très cher au gouvernement, plus cher que leur donner la gratuité des médicaments. Merci.

Mme Jean (Manon): Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Jean, M. Pilon, M. Crépeau, Mme Couture, Mme Papillon. Félicitations pour vos présentations. On sait que ce n'est pas facile de se présenter puis de raconter son histoire, puis vous l'avez très bien fait, on a bien compris votre argument.

Évidemment, là, vous faites allusion à une idéologie de droite, j'ai compris, là. Apparemment, on est de ce bord-là, on est les méchants de la droite, là. Mais comment vous expliquez que les politiques, dans le domaine du médicament, sont remarquablement continues et complémentaires, quel que soit le parti au pouvoir, que ce soit le soutien à l'industrie, que ce soient les méthodes également de contrôle des médicaments avec les listes d'exception, d'utilisation optimale, que ce soit la question de la gratuité des personnes à l'aide sociale? Nous, on a l'intention de la rétablir. Elle a été abolie en 1997. Est-ce qu'ils sont de droite aussi? Tout le monde est de droite.

Je pense qu'il faut être un peu plus ouvert que ça, là. On a, au Québec, le régime d'assurance médicaments le plus généreux... un des plus généreux au Canada et certainement plus généreux que la majorité des États américains ou canadiens. On veut continuer dans ce domaine-là puis on veut le préserver, c'est pour ça qu'on est ici. Et puis ce qu'il faut se demander, pour les prochaines années, c'est: Est-ce qu'il ne faut pas faire attention à notre industrie qui crée les emplois? On n'en a pas beaucoup, d'industries de pointe, au Québec. On en a trois sortes, hein? On a les avions, les ordinateurs puis la biopharmaceutique. Alors, je sais bien qu'on pourrait dire: On va leur enlever leurs avantages puis on verra bien après ce qui va arriver. Mais après on va dire: Oups! Puis où est-ce qu'on va trouver l'argent pour financer nos services?

C'est un peu un contre-argument que je vous présente. Puis je vous fais remarquer encore une fois que ce n'est pas juste le parti ici, au gouvernement, là; l'ensemble des formations qui ont occupé le gouvernement, depuis la fin des années quatre-vingt, au Québec, a toujours adopté la même politique de soutien pour l'industrie pharmaceutique. Et est-ce que ça ne vous laisse pas soupçonner qu'à l'analyse il y a véritablement un bénéfice collectif qu'il est important de préserver? Ou alors tout le monde était de droite depuis 1990? Comment est-ce que vous voyez ça?

Mme Jean (Manon): Je vais laisser la parole à M. Pilon, si ça ne vous dérange pas.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Pilon.

M. Pilon (Robert): Bonjour. Je vous dirais, ce qui est de droite ? et votre parti n'est pas le seul à avoir endossé cette idée-là ? ce qui est de droite, c'est l'idée qu'on doit punir ou traiter différemment les personnes qui sont aptes au travail. Et, quand vous proposez de redonner la gratuité aux personnes âgées et de ne pas la donner à ceux qui sont aptes au travail, bien la seule raison qu'on voit, nous, c'est que vous endossez l'idée qu'on doit punir ces gens-là parce qu'ils sont aptes au travail, donc eux ne méritent pas la gratuité des médicaments. C'est la seule raison qui tienne. Parce qu'un gouvernement qui a vos budgets devrait être capable de trouver les quelques dizaines de millions qui devraient permettre la gratuité. Ça, on trouve que c'est de droite, et, sous le PQ, c'était une idéologie aussi fausse que sous le Parti libéral.

Notre but, en venant ici, aujourd'hui, c'est de dire: Vous avez fait une promesse, ça fait deux ans maintenant, on souhaiterait que vous la teniez, puis que vous la teniez le plus tôt possible. Et c'est pour ça qu'on vous propose des moyens de récupérer de l'argent. Peut-être que nos moyens sont bons, peut-être qu'ils ne sont pas bons. Dans le cas de la possibilité d'aller rechercher l'assurance du privé, je pense que ça vaudrait au moins la peine de faire un véritable débat là-dessus. Et on n'est pas les seuls à le dire, il y a des centrales syndicales qui sont venues en discuter avec vous. Même la FTQ, qui était contre l'idée au départ, ils voulaient sauver le régime privé en disant que ça leur permettait de négocier puis d'obtenir une contribution des employeurs, en 15 minutes de discussion, ils branlaient dans le manche. Donc, je pense que cette proposition-là pour récupérer de l'argent doit absolument être discutée rapidement, si on veut... tenir votre promesse.

n (15 h 10) n

Nous, ce qui nous inquiète quand on regarde le projet de politique, c'est que vous nous dites: Si jamais on réussit, au bout de nos 30 quelques mesures, à trouver de l'argent, de l'efficience, on va la tenir... on va essayer de la tenir, notre promesse, progressivement. Vous comprendrez qu'on ne peut pas prendre ça pour du cash, tu sais. On espère que vous allez faire des économies, c'est pour ça qu'on vient ici vous proposer, peut-être maladroitement, des propositions.

Quand on voit les brevets accordés aux industries québécoises, ce n'est pas toutes les provinces, même s'il y a eu une évolution récente dans ce sens-là, ce n'est quand même pas toutes les provinces canadiennes qui accordent de tels privilèges aux industries. Pour nous, on n'a pas vu d'étude qui nous montre que c'est vraiment nécessaire pour assurer le maintien ici, au Québec, des emplois. J'ai suivi les débats que vous avez eus là-dessus, vous dites qu'on n'a pas non plus d'étude qui nous garantisse du contraire. C'est vrai. Mais, écoutez, M. Crépeau pourrait vous donner un exemple simple qu'on se donne souvent: on regarde le prix des médicaments génériques puis on constate qu'on devrait avoir une politique qui encourage très ouvertement l'utilisation des médicaments génériques. Ça permettrait de maintenir... peut-être d'empêcher que les coûts de notre assurance médicaments continuent à exploser, comme c'est le cas actuellement.

Donc, on souhaiterait que le gouvernement adopte des mesures vraiment plus... de contrôle des médicaments plus sévères et non pas l'inverse. Nous, ce qu'on a vu dans les mesures proposées, vous proposez le dégel, ça nous inquiète. On a peur que les coûts continuent d'augmenter, que les primes donc aux plus pauvres continuent d'augmenter, que les franchises que les plus pauvres ont de la misère à payer à 16 $ soient à 20 $ ou à 24 $, dans quelques années, et qu'on n'avance pas vers la gratuité mais au contraire qu'on s'en éloigne. C'est nos craintes, c'est honnête.

L'autre chose, puis, écoutez, on doit vous le dire, on n'est pas les premiers à vous le dire, vous aviez fait une promesse avant les élections, vous aviez non seulement des promesses du côté de la santé, mais vous aviez aussi votre cadre économique, votre cadre budgétaire, et tout devait balancer. Et ça fait deux ans qu'on attend, dans le cas des plus pauvres, que vous teniez vos promesses, alors que tout devait balancer. Et, nous, on a bien peur que, dans deux ans, lorsque vous allez vous représenter aux élections, vous allez tenter de vous faire réélire avec la gratuité scolaire, comme d'autres ont tenté de se faire réélire avec le prolongement de l'autoroute 30. C'est nos craintes, c'est franc. Et on ne voit malheureusement rien dans la politique qui nous assure que vous avez la volonté de faire des économies.

M. Couillard: Alors, là-dessus, M. Pilon, on n'a, comme je l'ai dit hier, pas l'intention de reculer sur notre engagement, on a l'intention de le compléter. Vous avez souligné quand même qu'on en a accompli une partie, cette année, avec les personnes âgées recevant le maximum du supplément de revenu garanti. Il faut savoir qu'il s'agit des personnes qui sont les plus grands consommateurs de médicaments. Alors, ce n'est pas une décision arbitraire pour punir les gens sur l'assistance-emploi. C'est que, si on décide de l'introduire progressivement, cette gratuité-là, on a décidé de commencer par les personnes qui sont les plus, statistiquement, fréquemment malades et qui consomment le plus de médicaments, et il n'y a pas de doute que c'est les personnes âgées malheureusement qui consomment plus de médicaments que les gens plus jeunes. Mais on a l'intention de compléter notre engagement dans la direction des personnes recevant l'assistance-emploi qui sont aptes au travail.

Maintenant, la question des brevets de l'industrie. Encore une fois, c'est une tendance historique constante, là, c'est tous les gouvernements du Québec. En fait, la loi fédérale des brevets actuelle, c'est le Québec qui a fait en sorte qu'elle soit ce qu'elle est, hein? Je vois que vous êtes d'accord. C'est les gouvernements du Québec qui ont insisté pour que, les brevets, la propriété intellectuelle soit mieux protégée. Je ne veux pas engager un débat idéologique avec vous, mais il me semble quand même nécessaire, au Québec, là, quelle que soit notre orientation politique, qu'on prenne les moyens pour ne pas perdre le peu d'économie de valeur ajoutée qu'on a puis la voir se développer.

La richesse collective, c'est avec ça qu'on paie les services, et l'argent, comme vous le savez, il ne vient pas du ciel pour personne, pas plus pour vous qui vivez des situations de pauvreté, que pour l'État en général qui a à subventionner tous ces services-là qu'on veut toujours améliorer. C'est normal, on veut toujours que ce soit plus et mieux, mais il faut trouver les ressources pour le faire. Et ça peut paraître simple de dire: Bien, écoutez, on va supprimer les avantages à l'industrie, puis ça va coûter moins cher, mais, si, en faisant ça, on démolit une partie de notre économie puis qu'on démolit une partie de notre richesse collective, on n'en aura pas plus, de services, on va en avoir moins.

M. Pilon (Robert): Est-ce que vous me permettez une réplique là-dessus?

M. Couillard: Bien oui.

M. Pilon (Robert): Moi, je trouve pour le moins paradoxal qu'on puisse, au Québec, se vanter d'être, au Canada, une des deux provinces qui a une forte et dynamique industrie pharmaceutique et en même temps on n'est pas capables d'assurer la gratuité des médicaments à ceux qui en ont le plus besoin. Je trouve ça pour le moins paradoxal. Une chance que ça va bien, une chance qu'on a l'aide financière qu'on donne aux industries, ça nous donne de la richesse collective. Expliquez-moi pourquoi donc on n'est pas capables en même temps d'assurer l'accessibilité aux soins de santé puis aux médicaments aux plus pauvres de notre société. C'est pour le moins... En tout cas, moi, je trouve que c'est... Je comprendrais que d'autres provinces qui n'ont pas cette riche industrie là tiennent ce discours-là, mais, nous, on l'a, donc on devrait avoir les moyens ou on devrait être capables de trouver les moyens d'assurer un meilleur accès aux médicaments, puisqu'on a cette chance-là.

M. Couillard: Bien, c'est justement, monsieur, c'est parce qu'on a aussi le régime d'assurance médicaments le plus généreux et qui offre la plus grande accessibilité aux médicaments au Canada. Avant l'instauration du régime d'assurance médicaments, il y a 1,2 million de personnes qui n'avaient aucune couverture de médicaments. Puis le choix qui a été fait à ce moment-là, c'est de transformer ce régime-là, qui était un régime purement d'assistance ? parce qu'à l'époque il y avait la gratuité pour les personnes âgées et pour les personnes assistées sociales ? le choix qui a été fait, c'est de transformer ce régime pur d'assistance en un régime d'assurance qui a comme caractéristique de couvrir un plus grand nombre de personnes puis bien sûr comme caractéristique d'être financé en grande partie avec des contributions. Alors, progressivement, les missions d'assistance et d'assurance se sont intégrées.

Mais vous ne trouverez pas d'autres provinces, à part peut-être la Colombie-Britannique, où l'accès aux médicaments est aussi vaste qu'il l'est au Québec, actuellement. Et ça, c'est en grande partie à cause de notre vitalité économique, ou du moins celle qu'on a. Il n'y en a pas des tonnes, de vitalité économique. Il y a beaucoup de compétition entre les pays, même les continents maintenant pour la garder, cette activité économique là. Et on n'est pas ici pour le perdre, cet avantage d'accessibilité aux médicaments, on est là pour l'améliorer puis le préserver pour les autres générations, également. Alors, je ne pense pas qu'il y ait d'opposition entre la santé de la population puis la santé de l'économie. On a besoin d'une économie en santé pour se donner des services.

M. Pilon (Robert): Dans une politique sur les médicaments qui concerne la santé, j'ai souvent entendu le ministre de la Santé dire qu'il fallait garder l'équilibre entre le développement de l'industrie et l'accessibilité aux médicaments. Nous, on souhaiterait ? je ne vous le cacherai pas ? que le ministre de la Santé, dans une politique du médicament, prenne clairement parti en faveur de l'accessibilité des médicaments et on ne souhaite pas... on ne trouve pas ça rassurant que les intérêts de l'industrie pharmaceutique puissent rentrer en considération dans des choix qui concernent la santé.

Un exemple. Moi, avant de venir ici, je suis allé à Laval. À Laval, il y a cinq gros immeubles HLM, c'est des grandes tours personnes âgées. Et la régie régionale de la santé a décidé de payer une personne qui loge dans chacune de ces tours-là ? c'est des tours de 100, 150 logements personnes âgées ? afin d'assurer que les gens puissent demeurer là le plus longtemps possible. Et ils font un bilan extrêmement positif de ça, depuis 10 ans. Puis ça fait que ces gens-là sont mieux orientés dans le réseau de la santé, il y a du dépistage qui se fait, ils ne vont pas encombrer, en désespoir de cause, les salles d'attente ? ce n'est surtout pas la meilleure place où aller, à Laval, malgré tous les efforts qui ont été faits. Donc, il y a ça.

Et je discutais avec les intervenants sociaux justement, dans ces immeubles-là où il y a des personnes âgées ? mais, quand je parle de personnes âgées, on va se comprendre, il y a des personnes âgées, mais il y a aussi des bénéficiaires de la sécurité du revenu, des gens de 50 ans et 60 ans qui sont souvent parmi les plus pauvres, très hypothéqués par la vie ? et leur constat, c'était de dire que beaucoup d'entre eux ne prenaient pas les médicaments qu'ils devraient prendre parce que financièrement ils n'étaient pas capables à cause de la maudite franchise.

Ça, c'est la réalité, et cette réalité-là, on veut qu'elle change maintenant ou le plus tôt possible. Et ça fait deux ans qu'on attend que vous trouviez les moyens. Vous ne les avez pas trouvés, jusqu'à présent. Et, je le répète, dans la politique, au bout de cet exercice-là de réflexion collective de toute la société, il n'y a rien qui nous indique que vous allez finalement trouver le moyen financier ou l'efficience pour tenir votre promesse. Et on a l'impression qu'on va sortir Gros-Jean comme devant de l'exercice. Et c'est là où on déplore le manque de volonté politique affichée. Et c'est là où on revient à l'idée que, ah, peut-être que c'est parce que vous poursuivez deux lièvres à la fois, la santé économique de notre industrie puis l'accessibilité aux médicaments, et je ne suis pas sûr que c'est si conciliable que ça.

n (15 h 20) n

M. Couillard: Je pense qu'ils ne sont pas non plus en contradiction l'un avec l'autre parce que la santé de l'économie, je le répète, c'est ce dont on a besoin pour se payer nos services.

Et, sur le reste de vos remarques, écoutez, oui, je suis bien votre logique, mais également vous pourriez dire que, dans une politique, dans la politique du médicament, il n'y a rien qui garantit la pérennité du régime, il n'y a rien qui garantit que, dans cinq, 10, 15 ans, le régime va être encore là. Il y a des moyens suggérés pour assurer cette pérennité. Puis, en assurant ces moyens, nous, je le répète, on veut compléter notre engagement et, entre autres, redonner la gratuité aux prestataires de l'assistance-emploi. On l'a dit hier, on le redit aujourd'hui encore puis on l'a déjà dit avant également, et le plus tôt sera le mieux, je suis d'accord avec vous. Et pour ça il faut se créer un régime qui fonctionne mieux, qui fonctionne plus souplement. Ça ne prendra pas des siècles.

Moi, je suis assez optimiste. Si vous regardez les rythmes d'augmentation du régime depuis les trois dernières années, ils ont diminué. Ça augmente encore beaucoup, là, mais on est passés d'un rythme de 14 %, 15 % à un peu plus de 9 %, l'an dernier, puis, cette année, on va peut-être se diriger vers un rythme encore plus bas. Mais c'est encore beaucoup plus élevé que le rythme de croissance des revenus du gouvernement. Donc, il faut qu'on continue ces efforts-là tout en maintenant notre industrie, là, ou notre économie en santé aussi.

Et puis la raison pour laquelle c'est là, ça, c'est que c'est une politique du gouvernement, ce n'est pas une politique... Elle est présentée par le ministère de la Santé, mais c'est une politique qui vient de tout le gouvernement, de tous les ministres, qui, à travers moi, vous proposent ce que le gouvernement du Québec voit comme avenir pour notre régime d'assurance médicaments, et que ça nécessite nécessairement, là, l'intégration limitée. Parce que, vous avez entendu ? je ne sais pas si vous étiez là, ce matin ? il y a des choses là-dedans dont l'industrie n'est pas contente. Ils trouvent qu'on est un petit peu trop raides avec eux autres, notamment les engagements qu'on leur demande de prendre sur l'utilisation optimale, les ententes de compensation qu'on leur demande de faire pour les augmentations de prix. Ils trouvent ça exagéré, mais, nous, on ne trouve pas que c'est exagéré. Alors, vous voyez, il y a l'équilibre à atteindre, hein, là-dedans, puis on pense bien humblement qu'on est en bonne position pour atteindre cet équilibre.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, cela clôt ce premier bloc d'échange. Je cède maintenant la parole au député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Mesdames messieurs, je l'ai dit hier, je ne répéterai pas le même discours que j'ai fait hier, mais j'ai fait le constat, hier, que nous avions la part de responsabilité, puis je le reconnais, et je reconnais aussi l'impact négatif que ça a eu et que ça continue d'avoir, cette décision qui a été prise en 1997 de retirer la gratuité des médicaments pour ceux qui étaient sur l'aide sociale. Bon.

Mais ma responsabilité aussi, comme élu, c'est celle, de ce côté-ci de l'Assemblée, c'est celle de dire au ministre puis à mes collègues d'en face: Vous avez fait un engagement politique, vous avez pris un engagement, vous nous aviez critiqués longuement quand on avait pris cette mesure-là, vous avez, à une semaine des élections, pris un engagement, qui n'était pas conditionnel... Ils étaient prêts. Nous sommes prêts, disait leur slogan. Et le texte de l'engagement qui a été pris par le premier ministre, qui, lui, était à l'Assemblée quand les critiques qu'il faisait se formulaient à notre endroit ? le ministre, lui, n'était pas encore député à ce moment-là, mais les autres l'étaient puis le premier ministre l'était ? et c'était clair, son texte, qu'il n'y avait pas de conditionnel, ce n'était pas: Un jour peut-être on va remplir notre engagement si on réussit à l'autofinancer dans des économies qu'on ferait en modifiant, ou en bonifiant, ou en faisant une politique du médicament. On est prêts.

Puis, en plus de ça, vous l'avez à juste titre bien signalé, il y avait un cadre financier. Nous, on le sait, le cadre financier, on leur a dit: Ça n'a pas d'allure, Ça ne tenait pas la route. Ce n'est pas possible de tout promettre en même temps, de promettre de diminuer les impôts et de maintenir les services publics, de faire des promesses comme on avait faites aux plus pauvres puis en même temps d'augmenter la qualité des services. Ce n'est pas possible. On a ri de nous, de l'autre côté, puis finalement, aujourd'hui, on se retrouve avec le constat que finalement on avait raison. On avait raison dans le sens où ce n'était pas possible, ça ne tenait pas la route.

Mais, même si ça ne tenait pas la route, on n'est pas dans un contexte, au Québec, où une société qui génère un budget de dépenses de 555,4 milliards de dollars par année n'est pas en mesure de payer 17 millions pour les plus pauvres, et de finalement honorer un engagement, ou de corriger une situation qui a fait avec le temps la démonstration qu'elle n'était pas acceptable.

Des témoignages comme vous en avez faits aujourd'hui, de gens qui ne sont pas capables, qui sont obligés de choisir entre la nourriture puis le médicament, là, il y en a de plus en plus, puis il y en a eu beaucoup. Puis, à un moment donné, il ne faut pas être sourd à ces témoignages-là puis à cette réalité-là, il faut être empathique puis il faut constater. Et c'est pour ça que je l'ai dit aussi franchement que je l'ai fait hier, que ça a été de notre... ça a été une erreur de prendre cette décision-là. Bon.

Mais, maintenant qu'on en est là où on en est, il faut que le gouvernement... Moi, j'entendais le ministre tantôt dire: Moi, j'ai l'intention de l'abolir. Oui, mais ça, c'était l'engagement électoral. Sauf qu'on est deux ans et demi après. Et encore une fois l'engagement n'était pas de le faire si on peut l'autofinancer. Tant mieux, si on peut l'autofinancer. Puis je ne sais pas si on va réussir à générer des économies suffisamment rapidement, autant que le ministre le souhaite et aussi rapidement qu'il le souhaite. Très bien, si c'est ça, et tant mieux, si c'est ça, personne au Québec ne souhaite le contraire, mais néanmoins il y a des choix politiques. C'est ça, gouverner. Il y a des choix. Parfois, il y a des mauvais choix, puis, quand on fait des mauvais choix, il faut le reconnaître. Et ce n'est pas parce que...

Tu sais, moi, j'ai l'impression que parfois, quand on est du côté gouvernemental, on est incapable ? d'un côté ou de l'autre, là ? on est incapable de reconnaître qu'on est dans la mauvaise direction. Il faut des fois très longtemps vivre avec les conséquences pour tout à coup se rendre compte que c'était un mauvais choix. Ça, c'est un mauvais choix qui continue d'être là, puis je crois qu'il est temps que ça se règle, cette question-là. Et on a les moyens de le faire. Puis on a encore plus les moyens de le faire qu'on a généré le quart des revenus de surplus budgétaires à Ottawa de 10 milliards dont on parlait il y a à peine quelques jours. Et, à un moment donné, il y a un combat politique qui doit être fait. Et tout le monde, au Québec, est témoin qu'il n'y a pas une vigueur dans le combat politique qui est fait de l'autre côté pour aller chercher notre part des surplus budgétaires qu'on a générés par notre richesse collective. Ça, c'est la première chose.

La deuxième, c'est que je suis d'accord avec le ministre, puis sur ça il y a... Au-delà du fait qu'on peut discuter si, oui ou non, la partie qui concerne le développement économique de l'industrie pharmaceutique a dû être dans cet énoncé de politique là ou ailleurs, présenté par un autre ministre, le fait est qu'on ne peut pas ne pas en tenir compte. Je ne sais pas si c'est le professeur Lauzon, à l'Université du Québec, là, qui avait fait cette étude dont vous parliez tantôt. À ma connaissance, il n'a pas été entendu par la commission, hein? Ça aurait été intéressant qu'il nous...

M. Pilon (Robert): Il s'occupe d'autre chose.

M. Charbonneau: Je sais, mais, quand on fait ce qu'il fait... En tout cas, vous lui passerez le message, ça aurait été bien s'il avait pu envoyer aux membres de la commission un texte, un document. À la limite, s'il ne vient pas témoigner, au moins qu'il nous présente un peu l'argumentaire. Parce que jusqu'à maintenant on ne peut pas, il n'y a personne qui peut jouer avec l'avenir économique du Québec. Ce n'est pas un... On ne peut pas prendre le risque.

Et, moi, je suis obligé de reconnaître une chose, c'est qu'on est dans un environnement économique mondialisé, et c'est vrai que... Puis les entreprises qui sont toutes venues, là ? puis il y en a d'autres qui vont venir ? leurs sièges sociaux ne sont pas à Toronto puis ne sont pas à Montréal, ils sont ailleurs. Et ça, qu'on aime ça ou qu'on n'aime pas ça, on vit avec ça. Alors, je ne pense pas qu'on doit faire exprès pour que les décisions qui seront prises à Londres, à Washington, à je ne sais pas quel autre endroit aux États-Unis, en Allemagne ou peu importe les endroits où les sièges sociaux des multinationales pharmaceutiques sont installés, où les décisions se prennent... Mais on ne peut pas ne pas tenir compte qu'aujourd'hui on peut très bien décider de fermer la shop dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal puis d'aller installer nos entreprises aux États-Unis ou aux Indes. Et, ce matin, un dirigeant d'entreprise nous disait très clairement: Écoutez, il y a une étude qui indique qu'aux États-Unis actuellement, c'est là où ça se passe; partout ailleurs, c'est en train d'être déclassé. Nous, on est dans ce contexte-là.

La question qu'on peut se poser, c'est... On peut très bien décider qu'il n'y a pas une entreprise pharmaceutique au Québec puis on va acheter nos médicaments de l'étranger, ou, par des entreprises qui vont juste avoir des centres de distribution ici, on va acheter juste des génériques. La question qu'on peut se poser, c'est: À ce moment-là, le prix économique qu'on va avoir à payer, est-ce qu'il n'est pas trop lourd et est-ce qu'on est prêts à le vivre?

n (15 h 30) n

On est une petite société de 7 millions et demi. On est à côté de l'empire romain du XXe puis du XXIe siècles, ça doit être avec lui qu'on concurrence. Puis on ne peut pas faire comme s'il n'existe pas puis on ne peut pas faire comme si les autres n'existent pas. Alors, sur ça, on ne peut pas vous suivre sur ce terrain-là. Mais, par ailleurs, sur le terrain de savoir si actuellement notre société est suffisamment riche pour générer... pour accepter la solidarité sociale de supporter les plus démunis, je crois que la réponse doit être oui, puis est oui.

Il y a un autre groupe qui est venu hier, qui est allé plus loin, qui nous ont dit: Non seulement vous devriez rétablir la gratuité des médicaments pour ceux qui sont sur l'aide sociale, mais vous devriez regarder la possibilité de voir qu'est-ce qu'on peut faire pour tous ceux qui sont sous le seuil de la pauvreté. Parce qu'un des problèmes qu'on nous a signalés, puis il y a des gens, aujourd'hui, qui me disaient: Oui, mais une des raisons, à l'époque, pour laquelle on n'a pas voulu maintenir la gratuité, c'est parce qu'on voulait éviter de créer un avantage démesuré aux assistés sociaux par rapport aux travailleurs à faibles revenus qui sont juste sur le bord, là, et faire en sorte que finalement du monde décide de rester sur l'aide sociale ou d'aller sur l'aide sociale pour pouvoir se payer les médicaments gratuitement plutôt que de travailler puis donc de ne pas être en mesure de pouvoir le faire. Alors, ça aussi, c'est un dilemme.

Mais je crois que collectivement il y a une capacité plus grande qu'on le pense, mais on est dans un système politique... Puis ça, je m'excuse, mais je vais être direct aussi. Je veux dire, les gens n'aiment pas ça parce que c'est comme si, quand on parle de ces questions-là, on ne parle pas des vraies affaires. Mais les vraies affaires, là, c'est qu'on paie des taxes et des impôts à deux niveaux de gouvernement. On en paie pas mal. Si on en paie pas mal, on a des surplus énormes qu'on a générés par notre richesse collective. Alors, ils doivent nous revenir. Puis, si ce n'est pas dans le fédéralisme puis on n'est pas capables, bien ce sera par rapport à l'indépendance. Je veux dire, il y a une façon ou l'autre: ou bien on change le système puis on réussit à le domestiquer puis à le dompter de telle sorte que finalement, dans le cadre actuel du système politique, on réussisse à obtenir notre part du gâteau; autrement, on sort de cette patente-là puis on s'occupe de nos propres affaires. Nous, notre choix est fait. Eux ont choisi l'autre option. Sauf qu'eux maintenant ils doivent faire le combat qu'ils disaient qu'ils s'apprêtent à faire. Ils étaient supposés être meilleurs que nous autres parce qu'ils sont fédéralistes puis ils se parlent entre fédéralistes parce qu'ils sont fédéralistes à Ottawa aussi. Le résultat, là, il n'est pas mieux, là.

Puis j'ai reçu, moi, une lettre, comme tous les députés, comme le ministre, il y a trois semaines, du président de l'Assemblée nationale, qui était une copie de la réponse du ministre des Finances fédéral à une motion qu'on a votée unanimement à l'Assemblée nationale, au printemps, disant que c'est assez, le déséquilibre fiscal. Une autre motion. Je ne sais pas combien qu'on en a voté à l'Assemblée pour dénoncer le déséquilibre fiscal. Dans le deuxième paragraphe, le ministre des Finances fédéral écrit à tous les députés de l'Assemblée nationale que ça n'existe pas. Mais, si on ne fait pas le combat, là... Ce midi, je faisais une entrevue téléphonique à la radio puis on me disait: Oui, mais parlez-nous pas de référendum ou de constitution. Très bien. Dans ce cas-là, qu'est-ce qu'on fait? Il y a un rapport de force à établir, il y a un combat à faire, et il y a des ultimatums à mettre sur la table, puis il y a, à un moment donné, des choix fondamentaux à faire.

Nous, on vous le dit, on va vous amener à les faire, les choix. Mais entre-temps c'est eux qui sont au batte, c'est à eux à assumer la responsabilité. Et je crois que vous n'avez pas à payer, vous, ceux qui sont sur l'aide sociale, pour des engagements électoraux qui ont été peut-être pris inconsidérément, si on regarde le fait qu'ils ne sont pas capables de les tenir. Moi, je pense qu'on a les moyens, on peut le faire maintenant, c'est une question de volonté politique. C'est ça, la position qu'on a. Et, pour le reste, en regard de l'industrie, bien ça, il y a un désaccord.

Mais, comme vous disiez tantôt, vous dites: Peut-être que nos solutions pour financer ne sont pas les bonnes, moi, je pense qu'effectivement vous tombez dans le piège de penser que, si on éliminait finalement les avantages aux entreprises, le Québec pourrait tirer son épingle du jeu pareil au plan économique. Moi, je pense qu'il y a un risque. On peut décider de le prendre, le risque. Nous, on a décidé de ne pas le prendre à l'époque, puis le gouvernement actuel décide de ne pas le prendre non plus parce que le risque est trop grand. On croit, peut-être à tort, mais personne ne nous a fait la démonstration ? puis je vais vous laisser terminer ? personne ne nous a fait la démonstration, que, si on abolissait tous les avantages, finalement, dans un an, deux ans, trois ans, cinq ans, les entreprises ne seraient pas parties. Personne ne peut nous garantir ça. Est-ce qu'on veut prendre le risque? C'est ça, la question.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, il vous reste quelques minutes pour réagir, mais vous êtes nos invités, alors je vais étirer l'horloge un brin.

M. Pilon (Robert): Merci. Juste un mot. On a discuté des avantages consentis à l'industrie pharmaceutique. L'autre proposition qu'on faisait, c'est... On joignait notre voix à ceux qui demandent qu'on fasse une véritable étude sur ce serait quoi, les retombées, si on s'attaquait aux assurances privées. Et ça, on n'en a pas discuté du tout. Et j'imagine que ça vous ferait moins peur parce que le secteur des assurances privées en tout cas, c'est... Je pense que ça mériterait qu'on le discute. Si ce n'est pas aujourd'hui... C'est surtout dans une étude. Mais je pense que les dangers sont moins grands, je pense.

Et, nous, ce qu'on affirme, c'est qu'on croit que c'est une industrie qui est florissante, qui est payante. Il y a plusieurs groupes qui sont venus devant vous expliquer que, selon eux, si on reprenait au compte de l'État cette business-là, il y aurait moyen de sauver des coûts en termes de gestion. Et, nous, en tout cas, comme je le disais tantôt, on aimerait que le gouvernement libéral étudie sérieusement cette avenue-là. La coalition Urgences-santé parlait d'économie allant peut-être de l'ordre de 100 à 200 millions. Si c'est vrai, vous avouerez que ça vaut la peine et qu'on pourrait par là financer la gratuité des médicaments non seulement pour les personnes assistées sociales, mais pour un bon nombre de petits travailleurs. Et on ne comprend pas que le ministre n'ait pas encore affirmé qu'il comptait prendre... au moins étudier sérieusement la question et qu'on se contente seulement de l'étude Montmarquette.

Ça, je vous avoue qu'on souhaiterait beaucoup aussi faire la discussion là-dessus puis que le gouvernement au moins travaille là-dessus. Si la conclusion, en bout de ligne, c'est que ce n'est pas une business qui pourrait être reprise, d'accord, mais au moins qu'on ne nous laisse pas sur l'impression que la chasse gardée des compagnies puis des assurances, on préfère ne pas y toucher parce que c'est nos petits amis.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui.

M. Crépeau (Jean): Si vous permettez, M. le Président, moi, je voudrais, si vous voulez, vous donner une proposition collective.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Crépeau, hein?

M. Crépeau (Jean): Oui. C'est ça.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien.

M. Crépeau (Jean): Merci. On est habitués, si vous voulez, là, à travailler en vase clos. Nous, on travaille toujours en vases généraux. Si, collectivement, le patient, le médecin, le pharmacien, on travaillait ensemble, on pourrait... Le 17 millions, là, il est là. Il y en a même beaucoup plus que ça.

Je prends en thèse, si vous voulez, les rapports que Mme Gingras, Nathalie Gingras, a fait en 2003 sur le régime d'assurance collective de l'Université du Québec, les employés. O.K.? Le deuxième plus grand médicament donné est des antidépresseurs, mais le troisième, c'est des gastro-intestinaux, Losec, qui est donné en grande partie à au-delà de 40 % des utilisateurs. Si on prend Losec et puis qu'on prend un comparatif avec le générique qui est Omeprazole, vous avez 29 $ de différence dans le coût pour chaque prescription. Si on transfère ça sur l'ensemble de la province, vos 17 millions sont là, juste dans un petit bonjour de médicament.

Nom de Dieu! mettons-nous tous ensemble puis travaillons collectivement pour essayer, si vous voulez, d'avoir une collaboration intense entre patients, médecins et pharmaciens de façon à en arriver à ce que le produit aussi bon et même plus... Je peux vous dire que, pour être un utilisateur depuis au-delà de 30 ans, le générique est meilleur que l'original. Et de là j'ai dû subir, en 1986, une opération de l'estomac pour ça. Alors, je vais vous dire bien franchement, c'est tous ensemble qu'on doit travailler. Et de là, M. le ministre ou M. le Président, on est capables collectivement de se donner les moyens de ce que l'on demande sans avoir à pourchasser à gauche ou à droite. On est là, nous sommes la solution, collectivement. Merci.

n (15 h 40) n

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci de ce dernier mot, M. Crépeau. Et je remercie les participants qui nous ont fait part de leur point de vue.

J'invite maintenant les représentants du Réseau québécois de l'asthme et des maladies pulmonaires obstructives chroniques à s'installer à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, si vous permettez, si vous permettez, après ce moment de détente, pour ne pas dire de dissipation, la commission reprend ses travaux.

Nous recevons donc M. Henri Tremblay, qui est président du conseil d'administration du Réseau québécois de l'asthme et de la MPOC, M. Denis Villeneuve, Mme Patricia Côté et Mme Rachel Rouleau. Mme Rouleau, vous êtes assise où? À ma gauche. Très bien. Alors, nous entendrons Mme Côté. Vous avez 20 minutes pour exposer l'essentiel de vos remarques, suite à quoi nous aurons une période d'échange du côté ministériel puis ensuite du côté de l'opposition. Alors, vous êtes les bienvenus, nous vous écoutons.

Réseau québécois de l'asthme
et de la MPOC (RQAM)

Mme Côté (Patricia): Merci, M. le Président de la commission. M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission. Pour cette présentation, les porte-parole du Réseau québécois de l'asthme et de la MPOC ? on va dire RQAM ? sont: à ma gauche, M. Denis Villeneuve, le vice-président du conseil d'administration; à ma droite, Mme Rachel Rouleau, qui occupait le poste de conseillère au programme Asthme pédiatrique lors de la rédaction de notre mémoire et maintenant consultante pour notre organisme; et moi-même, Patricia Côté, directrice générale. Notre président, M. Henri Tremblay, vous transmet ses salutations et vous prie de l'excuser de ne pouvoir être présent, aujourd'hui.

Nous tenons à remercier les membres de la Commission des affaires sociales de nous permettre de s'exprimer sur le document de consultation de la politique du médicament. Cette présentation, faite au nom du RQAM, résume le mémoire déposé en février dernier.

À notre avis, la politique du médicament doit chercher à établir un certain équilibre entre les besoins de la population québécoise et la disponibilité des traitements pharmacologiques. Nous avons été rassurés de constater qu'il existe une convergence entre certaines valeurs soulevées dans ce projet de politique et celles de notre organisme. Citons principalement: faciliter l'autogestion par les personnes atteintes de maladies chroniques et favoriser la collaboration interprofessionnelle.

Permettez-moi tout d'abord de vous présenter notre organisme. Le RQAM supporte plus d'une centaine de centres d'enseignement sur l'asthme et la MPOC, CEAM, en offrant à leurs éducateurs le soutien nécessaire à l'éducation et à la responsabilisation de patients atteints de maladies pulmonaires chroniques. Nous possédons 11 années d'expérience en éducation sur les maladies chroniques et en projets divers reliés de près à l'enseignement et à l'éducation des patients. L'expertise du RQAM est complémentaire et s'intègre bien aux services de santé. Encore récemment, les résultats d'études sont venus appuyer l'importance et la pertinence de l'éducation quant à la participation du patient dans la prise en charge globale de l'asthme et l'amélioration de sa santé.

Appuyés sur l'expérience reliée à la réalisation de notre mission, principalement dédiée à la formation des professionnels, nous croyons qu'il est nécessaire et souhaitable pour tous que les organismes qui développent des formations demeurent indépendants afin de conserver toute l'autonomie nécessaire à l'atteinte d'excellents résultats. De façon plus précise, notre mission consiste à offrir de la formation interdisciplinaire et des services-conseils aux intervenants du réseau de la santé et à favoriser une synergie et le partage d'expériences dans le but d'optimiser l'autogestion de la maladie et le bien-être des personnes atteintes d'asthme et de MPOC. Nous avons fait de l'interdisciplinarité un créneau prioritaire, celle-ci nous apparaissant comme une solution à privilégier en matière de maladie chronique et d'utilisation optimale des traitements. Par notre pratique, nous avons su démontrer qu'elle est une des approches à favoriser.

Plusieurs caractéristiques de notre réseau représentent des avantages incontestables lorsqu'il est question d'éducation aux patients visant une utilisation optimale des médicaments, entre autres l'accessibilité privilégiée via les quelque 140 centres d'enseignement sur l'asthme et la MPOC, le caractère stratégique de nos groupes cibles, l'implication de professionnels de la recherche de calibre national et international, le professionnalisme de nos intervenants, le déploiement géographique provincial de notre réseau de centres d'enseignement et la composition pluridisciplinaire de nos membres.

Comme vous le savez, le ministère de la Santé et des Services sociaux, par le biais de sa Direction des services de santé et médecine universitaire, est notre principal partenaire, et nous croyons que nous avons su démontrer, hors de tout doute, la pertinence de ce partenariat. Nos autres partenaires, les compagnies Altana Pharma, AstraZeneca, Boehringer Ingelheim et Pfizer, GlaxoSmithKline, Merck Frosst Canada et 3M Pharmaceutiques, ont eux aussi été en mesure de constater l'à-propos de leur participation au RQAM.

Notre conseil d'administration est composé de 12 membres, dont la moitié représente le public et la population atteinte d'asthme et de MPOC. Le RQAM compte sur l'expertise des membres de ses différents comités, dont les groupes de référence en asthme adulte, en asthme pédiatrique et en MPOC. Nous aimerions souligner que deux sièges d'invités au comité scientifique sont réservés spécifiquement au ministère de la Santé et des Services sociaux.

Depuis 1994, le RQAM compte de nombreuses réalisations. À titre d'exemple, le soutien aux établissements dans le développement et le fonctionnement d'environ 140 centres d'enseignement sur l'asthme et/ou la MPOC ? l'acronyme CEAM. Notez qu'annuellement, selon nos données de 2002-2003, ces CEAM offrent des services d'éducation à plus de 10 000 personnes asthmatiques et 3 000 personnes atteintes de MPOC. Parmi nos autres réalisations: le développement de programmes-cadres d'enseignement en asthme et en MPOC; la formation et le perfectionnement des éducateurs; seuls ou en collaboration avec les bureaux de formation médicale continue des facultés de médecine, la formation de quelques milliers de professionnels de la santé, dont des inhalothérapeutes, infirmières, pharmaciens, médecins.

Dans les autres programmes que nous avons... développement de projets que nous avons faits dans les dernières années: la collaboration à différents projets, dont le Programme provincial de formation en MPOC et en insuffisance cardiaque; la collaboration avec le ministère de la Santé et des Services sociaux et ses différents organismes et directions pour favoriser l'utilisation optimale des médicaments; la réalisation de différents projets pour certaines directions du ministère de la Santé et des Services sociaux, par exemple un atelier facilitant l'approche intégrée multidisciplinaire pour les groupes de médecine de famille; et finalement le soutien et la collaboration d'intervenants de différents pays afin de développer l'éducation pour ces maladies chroniques. Je pense entre autres à la Belgique et à la France.

L'asthme et la MPOC sont des problèmes de santé chroniques fréquents ayant des conséquences majeures sur la mortalité, la morbidité, la qualité de vie des personnes atteintes et l'utilisation des ressources de santé. Telles qu'identifiées dans la politique de la santé et du bien-être, les maladies du système respiratoire comme l'asthme et la MPOC font d'ailleurs partie des problèmes qui affectent le plus les Québécoises et les Québécois. Elles engendrent des coûts importants pour notre système de santé. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons tenu à nous prononcer dans le cadre de cette commission parlementaire. Impliqués comme nous le sommes dans les traitements médicamenteux des patients, nous croyons être en mesure de contribuer à une utilisation optimale de ces médicaments.

L'asthme affecte 10 % de la population, soit environ 700 000 Québécois, et cause près de 11 000 hospitalisations et 100 000 visites à l'urgence. Son incidence est toujours à la hausse. La MPOC atteint environ 4,3 % de la population adulte de 35 ans et plus. Le coût total de cette maladie est estimé à 418 millions pour la province. Au Québec, ses impacts sur la morbidité et la mortalité sont majeurs, soit 13 000 hospitalisations et 3 000 décès.

n (15 h 50) n

L'implantation des programmes en éducation sur l'asthme, tels que développés et supportés par le RQAM, contribue à diminuer de 29 % les visites à l'urgence, de 43 % les hospitalisations et de 40 % les visites en urgence, en plus d'améliorer la qualité de vie. Du côté de la MPOC, ces programmes diminuent de 40 % les visites à l'urgence et de 40 % les hospitalisations, tout en améliorant également la qualité de vie des personnes atteintes de cette maladie. Il va sans dire que tous ces bénéfices sont issus en grande partie d'une meilleure utilisation des médicaments.

Nous portons à votre attention que des données québécoises récentes situent la province dans une position enviable face à la mortalité due à l'asthme, avec l'un des taux les plus bas des pays industrialisés, soit environ 80 décès par année. Dans son plan stratégique 2005-2006, le RQAM mise sur l'accroissement des centres d'enseignement sur l'asthme et sur l'efficacité de leurs programmes et croit ainsi pouvoir contribuer encore plus à améliorer ces données. Parmi nos priorités d'action, nous tenons à mettre un accent particulier sur la mise en oeuvre de nouveaux services pour les personnes atteintes de maladie pulmonaire obstructive chronique. Le RQAM désire poursuivre le développement des CEAM afin de rendre encore plus accessible son programme à toute la province de Québec en vue d'améliorer son impact.

Une importance est accordée au volet réadaptation, qui est présentement inexistant dans plusieurs régions. Le RQAM collabore actuellement avec différents organismes et directions du ministère de la Santé et des Services sociaux afin de structurer et de définir les services spécifiques en asthme et en MPOC, de proposer des outils de suivi systématique, en plus de travailler à rédiger un protocole de soins de fin de vie pour les personnes atteintes de MPOC.

Nous souhaitons intensifier le volet formation des professionnels de la santé, que ce soient des médecins, des pharmaciens, des infirmiers, des inhalothérapeutes et d'autres professionnels de la santé oeuvrant de près ou de loin avec les CEAM. Dans un esprit de collaboration implicite aux partenariats avec les secteurs public et privé, le RQAM a déployé tous les efforts nécessaires pour mener à terme différents projets et entend ainsi atteindre ses objectifs d'aider les patients à retirer tous les bénéfices possibles de leur traitement. Conscients de l'importance grandissante des coûts des traitements médicamenteux, nous tenons à saluer l'effort du ministère d'analyser la situation pour y apporter les solutions requises.

Une de nos priorités a toujours été et continuera d'être l'adhésion aux traitements médicamenteux, qui est, selon nous, un des enjeux majeurs lorsqu'on parle d'efficience des traitements médicamenteux. Il est donc capital que les responsables de la politique du médicament comprennent que l'éducation demeure la solution à prioriser afin de prévenir ou de régler les problèmes de non-adhésion aux traitements. C'est à cette fin que nous ferons maintenant nos commentaires sur le document de consultation concernant la politique du médicament.

Tout d'abord, nous appuyons ce qui est énoncé dans le chapitre sur l'accessibilité. Le consensus canadien sur le traitement de l'asthme précise que l'éducation sur l'asthme n'est efficace que si le traitement antiasthmatique l'est aussi. Il est donc tout en notre intérêt que le traitement soit accessible au Québec. Nous ne pouvons qu'encourager les divers moyens envisagés en ce qui concerne les médicaments d'exception. Nous croyons à cet effet que le projet de loi n° 83 sera facilitant et que la proposition d'étendre la gratuité des médicaments aux personnes âgées qui reçoivent la prestation de supplément de revenu garanti est un point positif. Cette proposition touche une partie de la population atteinte de MPOC.

Nous avons suivi de près le dossier de remboursement des combinaisons de médicaments associant un agoniste B2 à longue action et un corticostéroïde en inhalation ainsi que celui d'un nouvel anticholinergique à longue durée d'action. Au-delà de la controverse que les interventions du Conseil du médicament ont suscitée, nous croyons que ce débat a créé un intérêt certain à analyser de plus près l'importance d'un encadrement adéquat de l'utilisation des traitements médicamenteux dans l'asthme et la MPOC. Cette attention portée aux traitements des maladies chroniques n'a pu que contribuer à une plus grande sensibilisation des professionnels de la santé au Québec.

Cependant, nous sommes inquiets pour nos patients qui se voient présentement limiter l'accès à des médicaments essentiels au traitement de leur maladie, que ce soient les patients atteints de maladie pulmonaire obstructive chronique ou d'asthme. Nous voulons ainsi soulever les problèmes d'accès limité qu'engendrent des mesures administratives imposées, précisément les formulaires de médicaments d'exception, et la rigueur extrême d'application des critères qui décourage les médecins, les professionnels et les patients. Nous sommes en faveur d'un certain contrôle basé sur des guides de pratique de sociétés professionnelles et d'experts, et ce, dans le but de favoriser une utilisation optimale des médicaments. Nous sommes d'avis cependant que le processus qui permet l'accès aux médicaments d'exception est désuet et ne convient pas à l'objectif visé, qui est d'éviter une utilisation inappropriée. Nous souhaitons grandement, tel que mentionné dans notre mémoire, que ce processus soit amélioré en corrigeant les lacunes qui ont un impact négatif constaté dans les milieux de pratique de nos intervenants.

L'éducation des patients passe par leur responsabilisation et leur propre prise en charge qui ne peut cependant pas se faire sans un accès facilité aux traitements optimaux. Il nous apparaît donc souhaitable que la politique du médicament accorde une attention particulière aux problèmes qu'occasionne la gestion des médicaments d'exception et que le ministère tente d'y remédier rapidement.

Il existe aussi une disparité entre le régime public et le régime privé, comme il est mentionné aux pages 20, 21 et 22 de la politique. En effet, les enfants et les étudiants du régime public n'ont pas de contribution à payer lorsqu'ils utilisent des médicaments remboursés. Leurs parents doivent tous les deux payer la prime annuelle déterminée par la Régie de l'assurance maladie du Québec. Dans les contrats privés les plus répandus, une seule prime familiale est exigée et un seul plafond de contribution s'applique à toute la famille pour toute l'année. Nous comprenons que la prime versée couvre en plus des bénéfices autres que ceux de l'assurance médicaments. La somme plafonnée provient du total des copaiements de 20 % sur chaque achat de médicament, indistinctement pour des enfants ou des adultes. Or, certains de nos membres ont la perception que les deux groupes de famille, ceux bénéficiant du régime public et ceux bénéficiant du régime privé, n'ont pas le même support de leur régime d'assurance médicaments. Nous n'avons pas trouvé d'étude pour leur répondre. Il faudrait s'assurer qu'il n'y a pas de disparité entre ces deux groupes.

L'utilisation optimale des médicaments est primordiale dans le traitement des maladies chroniques. Nous appuyons ce qui est énoncé dans le chapitre sur les mesures d'utilisation optimale des médicaments. Cependant, nous voulons être rassurés sur certaines propositions et vous offrir notre appui.

La proposition 19 de la politique favoriserait la mise en place d'interventions dont la valeur a été démontrée ailleurs, notamment en Australie. Nous sommes en faveur de cette proposition de révision de la médication à domicile une fois adaptée aux particularités du Québec. Nos centres d'enseignement sont déjà opérationnels et pourraient collaborer à tout projet pilote où notre support et notre expertise pour les populations atteintes d'asthme et de MPOC procureraient des résultats rapidement évaluables.

Nous sommes persuadés, tout comme vous, que l'une des mesures les plus efficaces pour favoriser l'utilisation optimale des médicaments est l'éducation des patients mais également celle des professionnels. Nous vous offrons notre support pour informer les professionnels et les patients et nous possédons une expertise incontestée en la matière. Plus nous serons d'intervenants à diffuser ce message, plus le message sera cohérent et compris. Nous ne pouvons insister trop sur le fait que de changer le comportement des patients en matière d'autonomie doit essentiellement passer par une modification de l'attitude qu'ils ont face à cette démarche.

La proposition 24 de la politique, qui consiste à encourager la formation professionnelle continue et la mise en place d'un fonds particulier qui pourrait être disponible autant pour les universités que pour les associations et les ordres professionnels, concerne la formation professionnelle et continue, un domaine que nous connaissons très bien. Si le ministre propose la création d'un fonds pour financer de telles activités, le RQAM suggère plutôt de bonifier le système actuel, de clarifier les exigences de l'éthique professionnelle et de définir les pratiques qui vont en assurer le respect. Nous considérons qu'il est important surtout d'éviter la création d'un autre organisme à ajouter dans le système de santé où le cloisonnement organisationnel est déjà exacerbé.

n (16 heures) n

Le concept de la gestion thérapeutique est grandement variable dans l'esprit des intervenants de la santé, au Québec. Notre compréhension de la gestion thérapeutique est qu'un tel programme se doit d'être d'abord et avant tout axé sur la recherche avec mesure de base et de suivi de l'effet. Ces programmes devraient être effectués par une firme indépendante et être implantés sur une base continue avec, entre autres, comme objectif d'améliorer les soins aux personnes atteintes principalement de maladie chronique. Nous comprenons fort bien les questions que vous soulevez dans cette section du document de la consultation sur la politique du médicament en regard des programmes de l'industrie pharmaceutique, ayant nous-mêmes participé ou été cités dans certains de ceux-ci.

Nous appuyons ce qui est énoncé dans le chapitre sur l'industrie pharmaceutique dynamique, le RQAM bénéficiant déjà de leur support. Nous comprenons bien que vous croyez que l'optimisation du traitement des maladies, principalement chroniques, rapportera plus à la population que le simple contrôle du coût des médicaments. Nous partageons votre avis et en avons fait en partie notre mission.

En conclusion, comme réseau d'enseignement réunissant la plupart des intervenants en santé pulmonaire, nous sommes conscients de la place que doivent occuper les traitements médicamenteux. Les patients auxquels nous enseignons ont su bénéficier grandement de ces traitements. Et nous ne saurions vous dire à quel point l'accessibilité aux médicaments doit être assurée. Nous tenons à conserver notre place de leader en termes d'enseignement en asthme et en MPOC et à être considérés comme une ressource incontournable lorsqu'il est question d'utilisation optimale des médicaments.

Compte tenu que l'enseignement au patient favorise sa compréhension et donc son implication dans le traitement, de laquelle découlera une meilleure utilisation des médicaments, il va sans dire que le gouvernement doit accorder l'appui nécessaire à des organismes comme le nôtre. Tant au plan d'un financement à long terme que de la place qu'il doit nous allouer lorsque vient le temps de mettre en place des mesures pouvant toucher de près ou de loin l'accès aux médicaments pour les patients, nous nous devons d'être entendus et impliqués. Nous espérons que notre mémoire vous permettra de bien cerner l'importance pour notre organisme des enjeux des changements envisagés au niveau de la formation professionnelle et de son financement. Nous tenons à réaffirmer notre volonté de continuer à être impliqués auprès des patients et des professionnels de la santé afin d'améliorer les soins offerts à la population québécoise.

Pour terminer, permettez-nous encore une fois d'insister sur l'importance de prendre en considération notre expertise et l'impact que nous avons eu et que nous aurons sur la santé des patients lorsque viendra le temps de prendre des décisions et de mettre en place des mesures d'intervention. M. le Président de la commission, les membres de cette dernière et vous tous ici présents, merci de votre attention.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je vous remercie, Mme Côté, et souligne la qualité de votre intervention et en même temps le respect du temps, ce qui est apprécié de part et d'autre de ces tables. Et je demande maintenant au ministre de la Santé d'utiliser son droit de parole.

M. Couillard: Merci, M. le Président...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): ...de la Santé et des Services sociaux, bien sûr.

M. Couillard: Oui, n'oubliez jamais les services sociaux. Merci, Mme Rouleau, Mme Côté, M. Villeneuve, pour votre présentation. Comme brève introduction, qui n'a pas été abordée dans votre présentation verbale, je crois que, dans votre mémoire, vous posez une question quant au programme Patients d'exception, quant à son application aux régimes privés. Je voulais juste vous mentionner rapidement ? vous pourrez avoir des détails plus tard ? qu'il y a un règlement qui a été publié le 10 août et qui va entrer en vigueur, qui est en vigueur le 1er septembre. Donc, le programme Patients d'exception s'appliquera également aux régimes privés.

Maintenant, pour ce qui est de la question de l'éducation continue, je veux profiter de votre intervention pour rétablir un peu les choses parce qu'il y a d'autres groupes comme le vôtre, dont Diabète Québec et autres groupes représentant les patients, qui semblent avoir la compréhension que ce que nous proposons dans la politique vise à éliminer leurs activités d'éducation médicale continue. Ce n'est pas le cas du tout, là. Il n'y a rien là-dedans qui vous empêche de continuer tout ce que vous faites. Ce qu'on dit, c'est qu'on suggère... Puis on ne crée pas non plus un nouvel organisme. Il y en a déjà un, qui est le Conseil québécois d'éducation médicale continue, qui est en relation avec le Collège des médecins puis les associations professionnelles.

C'est qu'on veut créer une distance entre les contributions de l'industrie, par exemple, aux activités d'éducation médicale. Si votre organisation le fait ? et je ne doute pas que vous le fassiez très bien ? cette distance entre la contribution et, par exemple, la mise au point du programme, le choix des conférenciers, etc., il n'y a aucun problème. On veut être certain que, pour l'ensemble des autres activités d'éducation médicale continue, on crée une sorte de fonds indépendant ou à distance de l'organisation de l'événement. Alors, ça n'empêche en rien la poursuite de vos activités d'éducation médicale, que ce soit chez vous, ou chez Diabète Québec, ou les autres associations comme ça.

Vous avez parlé un peu de la liste de médicaments d'exception. Il est certain que la liste de médicaments d'exception, comme vous le savez, est une mesure qui est à peu près universelle. Dans à peu près tous les systèmes d'assurance médicaments, publics du moins, qui existent, on retrouve une disposition de ce genre-là, qui porte un nom différent souvent, mais essentiellement c'est l'autorisation de remboursement seulement selon certains critères. Et il y a toujours quelque part un processus administratif de validation des critères ? alors, formulaire en ligne ou pas, etc. ? et rigueur bien sûr s'impose. Parce qu'il est clair, comme vous dites, que c'est une barrière, mais c'est une barrière qui vise également à faire prendre conscience au médecin de l'acte de prescription et le faire réfléchir sur la prescription qui est en train d'être écrite, quant à sa validité et sa cohérence.

Maintenant, si on va directement au cas que vous avez soulevé, de la même façon que l'ont fait d'autres personnes au cours de la commission, la question des pompes combinées pour l'asthme, j'ai expliqué, hier, le constat de départ qui a mené à l'inscription à la liste d'exceptions. Et vous pourriez peut-être nous dire comment vous auriez pu participer à la solution sans qu'on ait recours peut-être à cet instrument-là. On s'est rendu compte que, dans plus de 50 % des prescriptions, c'était une prescription à une seule reprise, non jamais renouvelée. Alors, vous êtes très familière avec le domaine, là. Il est donc clair que les patients ont reçu cette prescription pour un épisode respiratoire x ? et je suis gentil quand je dis x ? de faible durée, ce qui était... Et également il y a un autre élément où il y avait 68 % ou environ des patients chez qui il n'y avait pas trace de l'essai d'un médicament, d'une des deux composantes, avant l'utilisation du médicament combiné.

Une fois qu'on a fait ce constat, moi, je sais que le recours à la liste d'exceptions apporte un résultat immédiat, je le sais immédiatement quand on voit le changement des prescriptions et le rétablissement des choses. Maintenant, la critique qu'on fait du mécanisme, c'est qu'on dit: Bien, vous avez voulu régler un problème d'utilisation optimale et peut-être avez-vous créé une sous-utilisation du médicament en raison du mécanisme que vous avez choisi. Qu'est-ce qu'on aurait pu faire de différent et comment est-ce qu'on aurait pu arriver au même résultat, peut-être pas aussi rapidement, mais dans un intervalle raisonnable? Est-ce que vous auriez eu d'autres suggestions à nous faire?

Mme Rouleau (Rachel): Oui, si vous permettez. Donc, Rachel Rouleau. On a tenté de vous aider. Outre avec le conseil, en collaboration avec eux, et dans ces deux études-là sur le traitement de l'asthme, nous avons également développé un atelier de formation médicale et pharmaceutique continue, donc les médecins et les pharmaciens conjoints qui peuvent discuter. Évidemment, vous avez compris que notre solution, c'est souvent l'éducation, là, on n'a rien réinventé, on suit notre créneau habituel. Et donc, dans cet atelier-là qui favorise l'utilisation optimale des médicaments, on aborde le traitement de trois pathologies, dont les infections x, là, la toux, et on situe très bien l'utilisation des différents produits dans ces pathologies-là, de même que dans la MPOC et dans l'asthme.

L'atelier était en fait plus que le bienvenu finalement, puisque, pour l'avoir vu donné à quelques reprises, on est à même de constater qu'on fait mouche, dans les trois pathologies, sur le choix finalement de la thérapie et dans l'asthme, et dans la MPOC, et dans la toux, qu'elle soit aiguë, subaiguë ou chronique, et donc qu'on améliore l'utilisation. En tout cas, du moins, l'atelier leur apporte des nouvelles connaissances pour faciliter l'amélioration de l'utilisation des médicaments dans ces trois pathologies-là qui sont celles où le médicament est le plus utilisé.

Ce qui nous inquiète un petit peu plus, c'est que le fait... Si je reviens, par exemple, au consensus canadien sur le traitement de l'asthme, exemple, les thérapies d'ajout pourraient être requises et devraient être utilisées chez presque 50 % de la population asthmatique. Donc, ça représente un bassin de patients asthmatiques quand même assez important. Ils y ont accès, c'est sûr, par contre en produits séparés, ce qui n'est peut-être pas l'idéal. Et évidemment d'avoir fait une mesure d'exception pour un médicament qui vise peut-être 50 % de la population, lorsqu'on parle de thérapie d'ajout, ça nous paraît probablement un volume élevé de dossiers à traiter et certainement important pour les médecins aussi qui doivent en rédiger plusieurs. Outre ça, les conséquences sont qu'il risque d'y avoir aussi pour les patients donc non-accès aux médicaments dû à la difficulté de compléter le formulaire et peut-être même des coûts directs ou indirects reliés à la complétion du formulaire aussi, ce qui fait que c'est clair qu'il y a des patients qui pourraient en bénéficier et qui n'y ont pas accès dû à cette mesure-là.

M. Couillard: Oui, vous avez raison, puis également on se penche sur cette question-là. Mais, outre la question des dépenses, parce qu'il est clair que, là, avec une utilisation non optimale comme celle qui a été démontrée, le contribuable prend en charge le remboursement de pratique de prescription inadéquate. C'est un problème. L'autre chose, juste globalement, il n'est pas nécessairement bon de prendre des corticoïdes par inhalation si on n'en a pas besoin. On va être d'accord là-dessus. Troisième chose, évidemment, les protestations ou les réactions à la décision sont venues souvent des pneumologues ou des experts qui traitent l'asthme. Malheureusement, la population des prescripteurs globalement n'est pas nécessairement experte. Alors, c'est là que le problème d'éducation vient en jeu, là.

n (16 h 10) n

Est-ce que vous pensez qu'il y aurait une avenue de solution ? et il faudrait certainement l'aborder avec beaucoup de prudence pour qu'elle ne devienne pas une échappatoire à la liste d'exceptions ? où on pourrait se donner la possibilité, si je prends un terme médical, de placer un médicament sous observation? Alors, on dirait, par exemple, pour retourner en arrière, remonter l'horloge, là, on dirait à l'Association des pneumologues, à la Fédération des omnipraticiens, à votre association: Écoutez, là, on est d'accord... ? parce qu'initialement les gens étaient d'accord sur le constat d'une utilisation non optimale ? alors, on va se donner ensemble un objectif de correction de cette mauvaise pratique, on va se donner un échéancier raisonnable, on va mesurer le résultat obtenu une fois cet échéancier terminé, qui ne peut pas être infini ni éternel, et, si on n'a pas atteint le résultat, bien on va avoir recours à l'utilisation du médicament d'exception. Est-ce que vous pensez que c'est quelque chose qui serait de nature à améliorer les choses?

Mme Rouleau (Rachel): C'est sûr que c'est intéressant. C'est un petit peu le concept de la gestion thérapeutique mais là ciblée, si on veut, sur un médicament plutôt que sur une pathologie, là, à moindre échelle, donc une mesure avant une intervention et une mesure après. Le problème, avec la mesure de médicament d'exception, c'est le retour en arrière, comment ça marche finalement pour revenir et le rendre accessible maintenant que... Bon, l'atelier n'a pas été diffusé peut-être à très large échelle, au moment où on se parle, puisqu'il est disponible depuis le printemps dernier seulement, mais, d'ici octobre prochain, on a des objectifs de diffusion qui sont quand même assez importants et sincèrement on pense que l'éducation devrait solutionner le problème. Et la majorité des prescripteurs, pour les nommer, disons, les omnipraticiens, qui suivent, je crois, la majeure partie de la population atteinte d'asthme ou de maladie chronique, vont être au courant finalement de l'utilisation optimale qu'on peut faire de ces médicaments-là, et ça devrait faciliter.

M. Couillard: Bon. Évidemment, on peut être optimiste et penser qu'ils vont rapidement changer leur façon de faire.

Mme Rouleau (Rachel): Bien là, ils n'ont pas eu le choix.

M. Couillard: Effectivement, je ne vous le fais pas dire. Alors, c'est bien, merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. le député de Borduas.

M. Charbonneau: Bien, merci. Alors, mesdames messieurs, peut-être aller dans... pour poursuivre sur ce sujet-là, j'aurais le goût de vous poser la question: Comment devrait fonctionner... comment pourrait fonctionner différemment le Conseil du médicament pour justement arriver à une évaluation peut-être plus satisfaisante, de votre point de vue puis du point de vue peut-être de d'autres groupes de personnes qui souffrent de différentes problématiques, pour l'évaluation des médicaments?

Mme Rouleau (Rachel): Écoutez, c'est sûr que... je pense que le conseil a fait... Premièrement, la création du conseil est un pas dans la bonne direction, je pense, au niveau du gouvernement, comme plusieurs autres mesures qui ont été mises en place. Évidemment, quand on ne fait rien, on ne se trompe jamais, ce n'est pas compliqué. Mais, quand on fait plein de choses, il arrive que parfois on doive remettre...

M. Charbonneau: Il arrive qu'on se trompe.

Mme Rouleau (Rachel): C'est ça, c'est ça. Et je ne pense pas qu'il y ait de solution idéale, nécessairement. Mais c'est sûr que, quand un médicament vise un grand bassin de population, comme par exemple 50 % de la population, d'en faire un médicament d'exception, c'est de faire une exception de beaucoup de cas, et là c'est sûr que ça risque de devenir problématique. Je pense que la mesure de médicament d'exception est importante puis elle doit être maintenue, là. Elle peut peut-être être modifiée à quelques égards, là, comme vous l'avez mentionné. Mais je pense que, quand on touche un grand bassin de population ou un bassin important, si on ne veut pas que ça crée des protestations ou que ça fasse vraiment une barrière économique, administrative ? on pourrait toutes les nommer, là, elles sont quand même importantes ? auprès des omnipraticiens, il faut essayer d'avoir d'autres mesures, et je pense que l'éducation est la meilleure mesure.

M. Charbonneau: Est-ce que vous avez été consultés d'une façon ou d'une autre à l'égard de la décision pour ce médicament-là?

Mme Rouleau (Rachel): L'organisme, le Réseau québécois de l'asthme et de la MPOC, personnellement, non, mais les individus, donc les professionnels ? parce qu'on est associés avec des pneumologues, avec des pharmaciens ? ont été consultés. «Consultés» est le mot exact.

M. Charbonneau: Pas associés finalement à l'évaluation, consultés mais pas associés dans le processus de questionnement, d'évaluation puis de prise de décision.

Mme Rouleau (Rachel): On a été consultés et dans le développement de l'étude, dans le développement des critères, en tant que professionnels, en tant qu'individus, avisés aussi des résultats de l'étude et consultés au niveau de la décision, là, qui devrait être prise. Et les chiffres que mentionnait le ministre Couillard sont tout à fait exacts, là, sur la première prescription et la seule dans le fond, là, dans le cas de... dans plusieurs cas, finalement.

M. Charbonneau: J'aimerais ça comprendre un peu mieux, là. Quand vous parliez tantôt de la problématique de la disparité entre les assurances privées puis le régime public, j'aimerais ça que vous alliez un petit peu plus loin dans l'explication de la problématique, là.

Mme Rouleau (Rachel): Oui. En somme, la problématique est peut-être un mot un petit peu large. Je ne sais pas si c'est un problème, mais je sais que ce n'est pas pareil. Et j'essaie de...

M. Charbonneau: Parlons de la situation, dans ce cas-là.

Mme Rouleau (Rachel): En somme, on ne le sait pas, si ça peut avoir eu une incidence. Mais, si je reprends... Denis et Patricia, vous pourrez me compléter, là, je sais que c'est assez complexe, quand on embarque dans les chiffres, là, avec la coassurance, puis le copaiement, puis... Bon. Mais, au niveau du régime public, le montant est assumé de façon individuelle pour la famille. Donc, le père, la mère, pour en nommer, là, doivent atteindre leur maximum pour avoir atteint, si on veut, le montant maximal par année, ce qui fait en sorte que par la suite tous les médicaments sont gratuits. Alors que, dans le régime privé, ce montant-là est cumulatif pour la famille. Donc, si un seul individu achète beaucoup de médicaments et atteint le maximum, bien tous les autres peuvent en bénéficier, là, et donc avoir accès à la gratuité. Alors que, dans le régime public, ce n'est pas le cas, il faut que tout le monde individuellement ? alors, du moins les adultes, ceux qui doivent contribuer à ce paiement-là ? l'ait atteint avant d'avoir accès à la gratuité, même si une personne le dépasse. Les montants sont un petit peu variables aussi entre le régime public et le régime privé. Et ce qu'on ne sait pas, c'est: Est-ce que ça crée une disparité finalement entre ces deux groupes-là? Est-ce que ça peut... Je ne le sais pas. Je ne sais pas si vous avez évalué tout ça ou...

M. Couillard: On m'indique une différence importante entre les deux types de régime également, dont il faut tenir compte. C'est que, dans le régime public, pour les enfants, c'est complètement gratuit, alors que, dans les régimes privés, il faut payer une partie puis il faut laisser l'assureur payer le reste.

L'autre chose, c'est que, dans les régimes privés, le maximum est calculé sur une base annuelle, alors que, sur le régime public, c'est sur une base mensuelle. Donc, on donne beaucoup plus de souplesse de ce côté-là. Alors, vous savez, comme vous dites, il y a une situation. Est-ce que c'est un problème? La balle est quelque part en haut, là. Ça semble être une situation pour moi plus qu'un problème.

M. Charbonneau: Ça va pour...

Mme Rouleau (Rachel): Oui.

M. Charbonneau: Je sais que ma collègue voulait... Parce que, dans ce cas-là, il y avait... Moi, je me demandais si vous ne voyiez pas un problème. Parce qu'il y a comme une espèce de problématique éthique, là, dans la proximité de la complicité ou du partenariat avec les pharmaceutiques et puis les patients. En même temps, il y a quelque chose, on pourrait même dire, nécessaire pour la connaissance puis la diffusion de l'information. Mais est-ce qu'il n'y a pas une difficulté aussi ou un danger, à un moment donné, à créer des partenariats puis, à un moment donné, à se retrouver finalement, lorsqu'il y a un désengagement des entreprises privées, à peut-être finalement mettre fin abruptement à des programmes de sensibilisation ou d'éducation ou encore à vous retrouver, vous, dans des situations ou à être en mesure de ne pas tout à fait dire ce que vous devriez dire? Parce que, s'il y a une critique à formuler par rapport à des pharmaceutiques, puis vous êtes bien partenaires et que vous avez... qu'ils sont commanditaires de vos activités, ça commence à être gênant un peu, là, à des moments donnés, là.

Mme Rouleau (Rachel): Oui, je comprends ce que vous mentionnez. Il me venait un mot à l'esprit, ce n'est pas tout à fait des commandites, quand même. Mais il est tard, hein?

M. Charbonneau: Il y a des mots maintenant qui vont... Il y a des mots qui vont être difficiles d'utilisation, dorénavant. Mais, moi, je préfère encore le mot «commanditaire» au mot «sponsoring», tu sais.

Mme Rouleau (Rachel): Ce qui nous rend la tâche extrêmement facile puis qui fait en sorte qu'on n'est pas liés aucunement, premièrement, vous avez vu, notre liste de partenaires, là, est privée, donc, évidemment, on se doit d'être neutres si on ne veut pas biaiser finalement tout ça. Et je pense que, par exemple dans vos projets de gestion thérapeutique, de favoriser le multiple partenariat, c'est facilitant, c'est clair, même dans l'éducation médicale continue. D'ailleurs, nos ateliers sont toujours multipartenaires, associés avec toutes les facultés de médecine et l'Ordre des pharmaciens. En tout cas, plus on est finalement, plus c'est compliqué, mais plus on s'assure d'une certaine neutralité.

n (16 h 20) n

L'autre avantage, c'est que notre partenariat est public et privé. Donc, on a aussi... j'étais pour dire un autre ami finalement de qui on doit tenir compte. Et donc ça nous permet, avec l'avis de tout ce monde-là, de se permettre de se faire notre propre avis finalement et d'être tout à fait neutres dans ce domaine. Et c'est sûr qu'il n'y a pas personne... Je vous dirais bien qu'on aimerait ça, faire des contributions personnelles, là, et ce serait plus simple, mais ce n'est pas le cas, là, pour personne. Mais je pense qu'avec les mécanismes qu'on a mis en place, nos codes aussi et les multiples partenaires, ça nous assure d'une certaine neutralité à ce niveau.

M. Charbonneau: Vous n'avez pas eu de cas où vous avez eu à souffrir d'un désengagement, par exemple, d'un partenariat privé qui vous aurait obligés à mettre fin à des programmes d'action?

Mme Rouleau (Rachel): Non, pas pour le moment. C'est sûr qu'en somme ? soyons honnêtes, là, clairs, là ? notre partenaire...

M. Charbonneau: Bien sûr, oui.

Mme Rouleau (Rachel): ...notre partenaire qui est probablement le plus difficile, puisqu'on doit renouveler à chaque année, c'est certainement notre partenaire public, le ministère de la Santé. D'ailleurs...

M. Charbonneau: ...ça, avoir un partenariat à long terme, triennal, quinquennal, quoi.

Mme Rouleau (Rachel): Bien oui. Bien oui.

M. Charbonneau: Le message est passé, M. le ministre.

Mme Rouleau (Rachel): D'ailleurs, notre...

M. Charbonneau: Il faut être transparent et honnête. Il faut oser parfois.

Mme Rouleau (Rachel): D'ailleurs, notre financement est échu depuis mars et on attend toujours la réponse officielle.

M. Charbonneau: Très bien. Ça, c'est intéressant pour nous de savoir ça. C'est notre job de faire en sorte que, par exemple, ça arrive à temps. Avez-vous d'autres éléments comme ça, intéressants?

M. Villeneuve (Denis): Puis c'est ça qui va assurer la neutralité, justement. Il y a la présence du ministère, puis, sur nos comités de professionnels, c'est les professionnels de la santé, c'est neutre, il n'y a une présence que de professionnels de la santé. Ça fait qu'on pense qu'on a réussi à prouver que, public-privé, malgré ce que vous dites, l'influence de ces partenaires-là est selon moi totalement absente.

M. Charbonneau: Très bien. Bien, écoutez, ça va pour moi, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Peut-être une dernière petite question. Parce que, dans votre mémoire, en page 10, vous dites la chose suivante, c'est: «Nous croyons [...] que le processus qui permet l'accès aux médicaments d'exception est désuet et ne convient pas à l'objectif visé qui consiste à éviter une utilisation inappropriée.» Et là vous dites: «Nous souhaitons grandement [...] que ce processus soit amélioré en corrigeant les lacunes...» Avez-vous des propositions précises, spécifiques à avancer à cet effet-là?

Mme Rouleau (Rachel): Mais c'est un petit peu, là, ce qu'on mentionnait tout à l'heure. Je pense que, de mettre un médicament qui vise un grand bassin de population en exception, donc de compléter un formulaire... Je sais que c'est accessible en ligne, mais je sais que la majorité des praticiens n'ont pas accès nécessairement à tout ça en ligne. Donc, c'est vraiment des papiers, là, qu'il faut compléter et faxer. Vous avez fait mention dans votre politique, par exemple, de l'intention thérapeutique sur la prescription. Il y a déjà plein de documents que les gens rédigent, et des codes comme ça seraient probablement beaucoup plus simples qu'un formulaire fastidieux, complexe, à télécopier, à faire analyser par...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Merci. Ceci met fin à notre séance. Je vous remercie de votre contribution aux travaux de la commission. Nous...

Une voix: ...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Je viens de mettre fin à la séance et...

M. Charbonneau: ...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Vous faites une demande à la commission.

M. Charbonneau: ...une demande à la commission avant que...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, nous n'ajournons pas les travaux tout de suite.

La Secrétaire: ...de la commission, mais les gens peuvent se retirer.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Les gens peuvent se retirer. Mais le député de Borduas m'indique qu'il a une demande à faire à la commission. Alors, par consentement, est-ce que les membres de la commission consentent à entendre la demande du député de Borduas?

M. Charbonneau: ...c'est parce que j'en ai parlé un peu...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Non, non, mais j'ai besoin du consentement des membres.

M. Charbonneau: Ah bon! Excusez.

Une voix: ...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Voilà. Alors, M. le député de Borduas, vous êtes le bienvenu, maintenant.

M. Charbonneau: Très bien. Alors...

Une voix: ...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Bien là...

M. Charbonneau: Alors, c'était simplement pour... c'était pour demander au ministre... On s'en est parlé un petit peu, mais c'est parce qu'à un moment donné il faut qu'il y ait une décision prise formellement si on veut que... Moi, j'aimerais bien, compte tenu, de un, que je suis nouveau dans le dossier, premièrement... Puis, deuxièmement, je pense que, dans la bonne logique d'une commission parlementaire qui se penche sur une politique comme ça, alors qu'il y a un organisme qui a été créé il y a quelques années, il me semble que ce serait intéressant d'entre le Conseil du médicament, pas pour faire le procès du conseil mais peut-être pour savoir un peu comment il voit les choses. Je veux dire, ils ont entendu, il y avait des représentants ici. En fait, ils pourraient peut-être aussi donner un point de vue qui pourrait être intéressant pour les membres de la commission, en tout cas pour votre humble serviteur, sans aucun doute. Et puis, compte tenu que le secrétaire de la commission nous informe qu'il y avait des groupes qui se sont désistés, il ne s'agirait pas d'ajouter un temps additionnel à la commission.

Puis, moi, je vous en fais une autre, demande, là, parce que semble-t-il qu'il y a deux groupes qui se sont... deux ou trois, là... J'aurais été intéressé aussi à entendre... si vous avez des experts du ministère qui ont travaillé avec le rapport Montmarquette. Autrement dit, il y a plusieurs groupes ? j'ai vu ça dans la revue des audiences qui ont été faites au printemps ? il y a beaucoup de groupes qui ont demandé à ce qu'il y ait un régime universel. Bon. Finalement, ça n'a pas été une option retenue. Puis une des raisons, je pense que le ministre l'a invoquée même dans sa politique, c'est de dire que ce n'était pas la proposition qui... c'est-à-dire, la conclusion du rapport Montmarquette n'allait pas dans cette direction-là puis que le gouvernement actuel n'avait pas l'intention, tu sais, donc d'aller, lui non plus, à l'encontre de la recommandation ou des recommandations du rapport Montmarquette.

Et encore là ce serait intéressant juste pour une fin de compréhension puis de faire un peu le portrait avant de terminer. Parce que le ministre me disait plus tôt qu'il y aura une législation éventuellement, à l'automne. Comme on est dans l'étape de consultation puis de compréhension aussi, là, ce serait utile, s'il est d'accord, là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, nous ouvrons les négociations. Ce n'est pas l'habitude de la commission que d'ouvrir des négociations publiques, alors...

M. Couillard: Oui, regardez, M. le Président, je pense qu'on va se donner un peu de temps de réflexion, mais je peux quand même réagir. Moi, je n'ai pas d'objection formelle à ça, là. Maintenant, ce qu'il faut savoir, c'est que le Conseil du médicament, sentant bien qu'il serait l'objet de discussion dans cette commission, a voulu volontairement rester en retrait pour ne pas apparaître comme voulant défendre sa propre cause devant la commission. Alors, une alternative à ceci ? mais je pense que le mieux, ce serait qu'on y réfléchisse de part et d'autre et qu'on se reparle, là ? ce serait que...

M. Charbonneau: En réalité, ce n'est pas de faire un procès non plus, tu sais, de dire...

M. Couillard: Non, non, j'ai bien compris ça.

M. Charbonneau: Autrement dit, là, ce n'est pas parce qu'il y a eu des critiques, là, que...

M. Couillard: Non, non, j'ai bien compris ça également. Puis également il faut faire attention parce que, là, le projet de loi va être en voie d'élaboration, ce n'est pas non plus au Conseil du médicament d'annoncer quelle va être la teneur du projet de loi. Je pense que c'est d'obtenir des clarifications sur leur fonctionnement peut-être et leur façon de procéder. Il va falloir qu'on les consulte, là, parce que ce n'est pas un organisme qui est sous nos ordres.

M. Charbonneau: Ma collègue m'a dit, puis ça pourrait être fait, c'est-à-dire que, dans la fin d'une des journées qui restent, on pourrait transformer la séance publique par la suite en séance privée puis on pourrait faire, à ce moment-là, si ça...

M. Couillard: Je pense qu'on va se donner quelques heures. Puis on va reprendre contact pour le faire. Quant à l'étude Montmarquette, effectivement, bien il y aurait... M. Montmarquette lui-même est-il disponible? Je l'ignore. Il y a des gens qui ont participé à l'étude au sein du ministère. Est-ce que... L'étude elle-même est disponible, en passant, mais...

M. Charbonneau: C'est une chose de lire l'étude, c'est une deuxième de parler avec les gens qui l'ont...

M. Couillard: Bon, écoutez, on va se donner quelques heures de réflexion. Mais il n'y a pas de refus de notre part, d'emblée, là. On va y réfléchir puis on va se reparler.

M. Charbonneau: Bon. D'accord. Bien. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, la commission ajourne ses travaux jusqu'à mardi matin, le 31 du mois d'août, dans cette même salle, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 16 h 29)


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