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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le jeudi 1 septembre 2005 - Vol. 38 N° 150

Consultation générale sur le document intitulé Politique du médicament


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente et une minutes)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je souhaite la bienvenue à toutes et à tous. La Commission des affaires sociales poursuit ses travaux dans le cadre des consultations générales concernant la politique du médicament.

Mme la Présidente, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. St-André (L'Assomption) va être remplacé par M. Charbonneau (Borduas).

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, bienvenue, M. Charbonneau (Borduas). Pour la bonne marche de nos travaux, je demande à celles et à ceux qui font usage de téléavertisseurs ou de cellulaires de bien vouloir les mettre hors tension, s'il vous plaît.

Alors, vous avez l'ordre du jour devant vous. Je rappelle que nous recevrons trois groupes, ce matin, et, cet après-midi, deux autres groupes. Suite à l'ajournement, nous aurons également, vers 16 h 30, je le rappelle aux membres de la commission, une session de travail avec le Conseil du médicament.

Auditions (suite)

Alors, pour le moment, nous accueillons les représentants de Sopropharm. Je laisserai le soin au président, M. Gilles Raymond, de nous présenter les personnes qui l'accompagnent. M. Raymond, je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire, suite à quoi nous aurons deux blocs d'échange avec vous et avec les personnes qui vous accompagnent. Vous savez que vous êtes les bienvenus à cette commission, et nous vous écoutons attentivement. M. Raymond.

Sopropharm

M. Raymond (Gilles): Merci. M. le ministre, Mmes et MM. les députés membres de la commission, je vous remercie de nous avoir invités à commenter la politique du médicament. Mon nom est Gilles Raymond, pharmacien propriétaire de Valleyfield et président de Sopropharm, une association professionnelle regroupant plus de 80 % des pharmaciens propriétaires de pharmacies exploitées sous la bannière commerciale Jean Coutu, ce qui représente plus de 30 % de toutes les ordonnances remplies au Québec. L'association existe depuis 24 ans. Elle offre divers services sur le modèle coopératif et assure la promotion des intérêts professionnels et économiques de ses membres.

Permettez-moi de vous présenter les pharmaciens propriétaires administrateurs de notre association qui ont pu se joindre à moi aujourd'hui: M. Claude Saucier, pharmacien propriétaire de Montréal-Est, M. Louis Legault, pharmacien propriétaire de la région ouest de Montréal, M. Benoît Poirier, pharmacien propriétaire de la région de Québec, M. Jacques Bourget, pharmacien propriétaire de Laval, et M. Yves Pichette, pharmacien propriétaire de Montréal également. D'autres pharmaciens propriétaires se sont joints à nous et sont présents dans cette salle. Je suis également accompagné de Mme Nycol Pageau-Goyette, directrice générale de l'association.

La présence ici des pharmaciens témoigne de l'importance que nous attachons à cette communication avec vous, car, en ces temps de grave pénurie de pharmaciens, il faut bien reconnaître que la difficulté de trouver un ou une professionnelle pour nous remplacer le temps de cette équipée à Québec n'a d'égal que la difficulté d'apporter quelque chose de neuf à la présente consultation. Nous ne reprendrons pas le débat sur chacune des propositions, puisque nous endossons de façon générale les positions de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, l'AQPP, et de l'Ordre des pharmaciens, mais aussi bien vous dire d'entrée de jeu que nous avons été surpris qu'une politique du médicament n'apporte rien aux pharmaciens. Elle apporte beaucoup à plein d'intervenants mais aux pharmaciens alors, là, rien du tout: plus de travail, plus d'exigences, pas de compensation. Mais là n'est pas notre propos.

Par notre mémoire, nous souhaitions nous attarder à une facette du document de politique, exprimer une réalité, notre réalité, celle que vivent chaque jour les pharmaciens sur le terrain, en contact direct et permanent avec les consommateurs de médicaments et de soins pharmaceutiques. Notre mémoire contient l'essentiel des vives discussions survenues au sein de notre membership, consulté sur le projet de politique du médicament dans le cadre de rencontres à travers tout le Québec.

Dans l'ensemble donc, la politique du médicament nous est agréable. Il y a pourtant quelques propositions ministérielles et surtout quelques-uns des moyens suggérés qui nous chatouillent, et c'est de cela dont nous voulions parler. Certains préjugés semblent avoir la vie plus longue que d'autres, il nous a semblé que des précisions étaient nécessaires.

Allons-y franchement donc avec le dossier des pratiques commerciales en général, et plus particulièrement des rabais et ristournes obtenus, notamment des fabricants de produits génériques. Depuis la mise en place du tout premier programme public d'assurance médicaments, la vérité des prix a toujours représenté un défi. Cela fait sans doute partie des lois du commerce. De tout temps, de toute époque, les fabricants ont consenti des avantages pour fidéliser leurs clients. C'est ainsi pour tous les produits de consommation, et il en va de même dans l'univers des médicaments.

Malgré ce qu'ont voulu laisser croire certains médias, ces avantages que fournissent les fabricants de médicaments aux professionnels de la santé ne présentent aucun enjeu déontologique pour le pharmacien, qui, faut-il le rappeler, ne prescrit pas, et, en ce qui nous concerne, n'ont aucun impact sur le prix des médicaments, puisque ces prix sont fixés par le gouvernement. Comme rien ne ressemble davantage à un générique qu'un autre générique, le jugement professionnel n'a pas vraiment à intervenir, de sorte que, pour le patient, c'est un enjeu à somme nulle.

Le document de politique semble tenir pour acquis que les rabais et ristournes ont tous servi à des fins impropres, alors qu'il est très facile de démontrer que, dans la très grande majorité des cas, ces avantages ont permis et permettent d'offrir gratuitement à la population des services et des soins pharmaceutiques qu'elle n'aurait vraisemblablement pas autrement.

L'honoraire versé par le gouvernement couvre les coûts liés à l'exécution d'une ordonnance ou à la rédaction d'un avis, il ne couvre pas les activités de prévention, de suivi de médication, de conseils offerts aux patients, même sans dispensation de médicaments. L'honoraire ne couvre pas la disponibilité les soirs, les week-ends, sans rendez-vous ni file d'attente. L'honoraire ne couvre pas non plus les dépenses qui servent à remodeler les pharmacies, à améliorer et faciliter les pratiques de consultation, à informatiser toujours davantage, à soutenir des activités de promotion de la santé physique ou des bonnes habitudes de vie dans nos communautés. C'est à cela essentiellement que servent les avantages consentis par les génériques.

Autant dire franchement que les rabais et ristournes font, depuis plusieurs années, la différence entre une pharmacie rentable, capable d'offrir plus de services et des services de plus grande qualité, et une pharmacie peinant à répondre aux besoins. On ne peut exploiter un commerce sans faire de profits. Des propriétaires de pharmacies en difficulté, cela veut dire des pharmacies qui peuvent fermer leurs portes ou qui ne seront pas en mesure d'offrir la même accessibilité, qui seront incapables d'embaucher les professionnels et les effectifs en nombre suffisant pour répondre aux besoins, cela veut dire des propriétaires qui n'auront d'autre choix que de réduire les heures d'ouverture, dégraisser l'inventaire, bref rogner partout. D'aucuns seront sans doute tentés ou n'auront pas le choix de réclamer aux patients des frais pour des services jusqu'ici gratuits.

n (9 h 40) n

Peut-être y en a-t-il parmi vous qui croient encore que tous les pharmaciens propriétaires nagent dans l'argent. Hélas, ça, c'était le bon vieux temps. Deux phénomènes survenus au cours de la dernière décennie ont changé du tout au tout la donne des pharmacies à la fois comme commerces et comme officines. Pour la majeure partie de ma carrière, la proportion commerce-officine s'établissait à 65-35, c'est-à-dire 65 % pour la portion de produits offerts au détail et 35 % pour les services pharmaceutiques. Or, aujourd'hui, cette proportion est totalement inversée. La concurrence des très grands détaillants, qu'il ne faut plus nommer, les magasins d'alimentation et autres grandes surfaces, a réduit comme peau de chagrin la portion des revenus provenant du devant et éliminé à peu près tout rendement digne de ce nom.

En revanche, l'officine connaît une croissance exponentielle, conséquence du vieillissement de la population, du virage ambulatoire, des avancées technologiques de la pharmacologie et de plus en plus à cause de la publicité sur les médicaments. Mais là, étant donné le contrôle des prix sur les médicaments, c'est avec le seul honoraire d'ordonnances que le pharmacien doit payer l'ensemble des coûts d'exploitation de l'officine et notamment rémunérer des professionnels difficiles à trouver et de plus en plus coûteux à retenir.

S'ajoutent les nouveaux services, les coûts des techniciens et des techniciennes du laboratoire, les aménagements qu'il faut régulièrement refaire pour offrir des espaces plus adaptés aux clientèles, de la modernisation informatique toujours à recommencer, du coût du loyer et des autres dépenses qui, elles aussi, n'en finissent plus d'augmenter, des dépenses enfin pour lesquelles l'honoraire ne suffit pas et que le devant ne peut plus compenser. Pour tout dire, les marges bénéficiaires de l'officine ont fondu en quelques années, de 30 % qu'elles étaient, à moins de 24 %. C'est avec ce 24 % que nous payons les redevances aux franchiseurs, les salaires, les multiples frais d'exploitation.

Et, avant de clore ce chapitre, nous voudrions insister sur le fait qu'en voulant voir disparaître les avantages consentis aux pharmaciens par les fabricants de médicaments le gouvernement met carrément en péril l'indépendance des pharmaciens, car il n'y aura plus grand-chose pour empêcher que le regroupement ou la bannière prenne le contrôle du choix des molécules et limite les fournisseurs de produits ainsi que les produits eux-mêmes à ceux qu'ils auront choisis selon des critères qui échappent au contrôle des pharmaciens et possiblement fondés sur des considérations commerciales ? comprenons avantages consentis ? plutôt que sur l'intérêt des patients.

Répétons-le, les avantages consentis par les fabricants aux professionnels de la santé ne causent absolument aucun préjudice aux patients. Mieux, ils en sont les grands gagnants, car c'est avec ces avantages que nous pouvons ajouter des services et des soins non rémunérés, avoir de belles pharmacies et suffisamment d'employés pour les servir. Il faut comprendre aussi qu'en changeant le régime actuel le gouvernement se tirerait dans le pied, car il n'y aurait plus aucun incitatif à recommander le médicament générique lorsque cela est indiqué bien sûr et ainsi contribuer à réduire les coûts du régime de santé au Québec.

Vous êtes, M. le ministre, l'ultime garant de l'indépendance des pharmaciens. Il faut faire confiance à notre ordre professionnel qui est parfaitement en mesure d'identifier les pratiques dérogatoires à l'intégrité professionnelle et à la dignité de la profession et, le cas échéant, d'appliquer les mécanismes de punition qui existent déjà et qui ont fait leurs preuves. Cela dit, il appartient au gouvernement de négocier le bon prix pour le bon médicament. Si c'est le bon prix, alors le gouvernement n'aura pas besoin de mesures compensatoires, et nous pourrons en toute quiétude continuer d'offrir les meilleurs services à la population avec le souci du meilleur rapport coût- efficacité.

Nous ne voulons pas d'ingérence dans nos officines, pas de la part des regroupements et bannières ni des grossistes, et pas davantage des pharmaceutiques. Leurs conseils sont appréciés, les informations qu'ils nous livrent sont extrêmement utiles, mais l'exercice de la profession de pharmacien est et doit demeurer notre domaine. Nous détenons une expertise unique, faite de formation formelle et de gestion quotidienne de problèmes et de situations liés à la pharmacothérapie. Nous sommes là, disponibles, à l'écoute. Ce qui se pratique au Québec en termes de pharmacie est unique et tout à l'avantage du client. Le pharmacien propriétaire est, par la force des choses, solidement ancré dans sa communauté. Il est un peu le nouveau curé du village. Il est visible, accessible, disponible en tout temps pour participer à la santé et au bien-être des membres de sa communauté. Puisse-t-il, mesdames et messieurs de la commission, continuer d'en être ainsi.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci, M. le président. Je cède maintenant la parole à M. le ministre de la Santé et des Services sociaux pour un premier bloc d'échange avec vous.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci à M. Raymond et également à vos collègues, MM. Saucier, Legault, Pichette, Poirier et Bourget. Je vous remercie de votre visite et de votre présentation.

Le point, je pense, qui attire le plus l'attention des pharmaciens propriétaires, autant votre association que ceux que j'ai pu rencontrer un peu partout au Québec, c'est la proposition touchant le prix réel d'acquisition par rapport aux avantages auxquels vous avez fait allusion. Dans un premier temps, afin qu'on engage bien le débat, pourriez-vous nous énumérer le type d'avantages dont vous parlez, là, que vous voulez préserver? Quels sont les avantages que les compagnies, surtout génériques, vous consentent lorsque vous négociez avec eux des achats?

M. Raymond (Gilles): Ça peut être très variable d'un pharmacien à l'autre, et les montants aussi, c'est très variable aussi. Ça, je ne peux pas parler pour tout le monde, là.

M. Couillard: Mais, je veux dire, sous quelle forme? Est-ce que c'est des rabais volume? Est-ce que c'est des ristournes? Est-ce que c'est des avantages autres, style matériel, même des choses liées à des activités de loisir ou de vacances? Quels sont les avantages qui sont...

M. Raymond (Gilles): Ça aussi, c'est très différent d'une pharmacie à l'autre. Il y en a qui négocient des pourcentages sur les médicaments et d'autres qui négociaient autre chose. Ça, je ne peux pas parler de tout le monde.

M. Pichette (Yves): ...me permettre, M. le Ministre ? je ne sais pas si on m'entend ? je pense que les dernières années ont fait en sorte que le système a créé des dérapages dans le domaine de la pharmacie. Tous les pharmaciens propriétaires ont fait amende honorable face à ça, et c'est maintenant la transparence que nos membres veulent prôner. D'ailleurs, un code d'éthique sur les pratiques commerciales des pharmaciens propriétaires va faire son chemin. Puis c'est justement, on veut profiter de cette commission parlementaire là pour dire aux gens... on veut justement rétablir l'image pour dire que, s'il y a des rabais qui sont accordés, il faut que ce soit un rabais sur facture dont tout le monde, dont le gouvernement et dont tous les gens qui sont concernés ont connaissance que ces rabais-là existent. On ne veut pas créer d'économie occulte ou de rabais qui sont distribués sous différentes formes et qui sont tout à fait honteux. Donc, on veut vraiment parler en toute intégrité de rabais que, nous, nous pensons... on pense qu'on est les mieux placés pour en faire profiter nos patients.

Si je suis ici, aujourd'hui, c'est vraiment parce que je tiens à ce que mes patients continuent à recevoir le meilleur service, les meilleurs services professionnels possible. Et je tiens aussi à souligner que, comme pharmacien propriétaire et non pas comme propriétaire pharmacien ? je suis avant tout pharmacien ? quand je remplis des ordonnances, c'est dans le but de bien servir mes patients. Puis, lorsque le volume d'ordonnances, comme on l'a vu augmenter ces dernières années, augmente sans cesse, il faut s'entourer de gens qui nous permettent de remplir nos ordonnances.

Donc, nous, le but de ça, c'est de dire aux gens: Ce n'est pas une agence qui va être mieux placée que nous pour faire profiter aux gens, nos patients puis vos électeurs, de ces montants-là qui sont disponibles par les compagnies génériques. C'est le point que, nous, on veut insister, parce qu'on est sur le terrain puis on veut les aider à mieux comprendre l'assurance médicaments. On veut travailler avec vous, on veut être des partenaires. On veut être des gens qui font partie de la solution, pas partie du problème.

n (9 h 50) n

M. Couillard: Bien, je vous remercie de ces clarifications. Je ne sais pas si vous avez suivi les travaux de la commission. Les étudiants en pharmacie sont venus ici puis, je trouvais ça bien, ils ont eux-mêmes manifesté une inquiétude quant à l'image de la profession et leur désir de voir cette image se raffermir, et ce que vous venez de dire est très bien à cet effet-là.

Maintenant, quand j'ai discuté avec les pharmaciens propriétaires dans mes déplacements au Québec, je dois dire que d'emblée, là, on n'a rien, nous, contre la notion de profit, une pharmacie, c'est un commerce, puis il est normal qu'un commerce fasse un profit, la question est de savoir quelle visibilité les mécanismes par lesquels le profit arrive doit exister et, en bout de ligne, qui paie la note. Alors, il y a un élément auquel je suis sensible, c'est la question des rabais volume, c'est-à-dire que ce qu'on me dit, c'est qu'il n'est pas normal d'isoler, parmi tout le commerce de détail du Québec, la pharmacie comme étant le seul endroit où un détaillant ne peut pas négocier avec le grossiste ou le fabricant un rabais volume.

M. Pichette (Yves): En fait, ça s'est toujours fait, M. le ministre, si vous permettez.

M. Couillard: Alors, je comprends bien. Puis je peux vous dire que, dans toutes les régions où je suis allé, il y avait toujours un pharmacien propriétaire pour me l'expliquer. Alors, je l'ai compris comme il faut.

Maintenant, dans votre présentation, dans votre remarque, vous avez également parlé de la transparence. Les rabais volume, ça nécessite, pour que ce soit justifiable pour le contribuable et le gouvernement, d'une part, que leur importance ou leur ampleur soit raisonnable ? et là je ne sais pas comment vous suggérez qu'on évalue ça ? et, deuxièmement, que ce soit entièrement visible et transparent sur facture, donc visible également sur le plan fiscal. Est-ce que vous êtes confortables avec ça?

M. Pichette (Yves): Par rapport à ça, je vous dirais que, selon le pouvoir d'achat de différents intervenants dans la pharmacie, il va y avoir différents rabais qui vont être accordés. Je ne pourrai pas vous dire quelle ampleur ils vont prendre, mais c'est sûr qu'il faut que cette industrie-là demeure rentable. Puis pour ma part je crois que les gens ou les pharmaciens qui ne feront pas profiter de ces rabais-là à leurs patients vont être perdants à long terme, parce qu'au moment où moi j'investis dans mes services professionnels, que je permets à deux pharmaciens de travailler simultanément pour donner plus de services, pour orienter les patients vers l'urgence, si besoin est, ou tout simplement retarder sa visite à l'urgence, si j'ai les ressources, des bonnes techniciennes bien formées, j'investis dans la formation, j'investis dans des équipements qui me permettent de faire du suivi, j'investis dans des systèmes informatiques ou des ressources humaines qui me permettent d'améliorer la «compliance» des patients à leurs traitements, à ce moment-là je vais être probablement un pharmacien qui va se distinguer dans sa communauté et qui va faire en sorte qu'à long terme le patient va être gagnant. Puis le pharmacien qui n'investira pas ces sommes-là, lui, il va sortir perdant de tout ça. Donc, je suis convaincu qu'en nous permettant d'utiliser ces sommes-là pour nos patients on est les mieux placés pour gérer ces argents-là sans avoir une agence qui vienne décider pour nous c'est quoi, les besoins de nos patients. Moi, j'en ai la ferme conviction.

M. Bourget (Jacques): ...M. Pichette a parlé tout à l'heure de dérapages...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Excusez-moi, monsieur. M. Bourget? Est-ce que c'est bien votre nom? Quelquefois, c'est utile de le rappeler pour des fins de transcription à l'Assemblée nationale. Merci.

M. Bourget (Jacques): Je suis Jacques Bourget. Pour soutenir les propos de M. Pichette qui vous a parlé tout à l'heure de dérapages, ça répond un petit peu à votre question, je peux vous dire que, depuis quelques années, les dérapages n'existent presque plus. Il y a beaucoup de mesures mises en place par les compagnies pharmaceutiques et par les pharmaciens propriétaires pour mieux gérer ces argents-là puis les rendre évidemment accessibles au public et imposables selon les lois fiscales du Québec. Il y a eu une grande réforme qui est faite, une prise de conscience par les pharmaciens, et le code d'éthique que l'AQPP doit présenter met l'accent sur cet aspect-là.

M. Couillard: Dans les activités qui parfois sont financées directement ou indirectement par les compagnies pharmaceutiques dans votre milieu, il y a les journées santé ou les sessions, par exemple, où vous offrez à la population un dépistage de la glycémie, ou de la tension artérielle, ou même plus récemment du gras dans le sang, comme on dit, pour que les gens nous comprennent. Comment est-ce que le public peut être assuré que, lorsque vous tenez ces activités-là qui sont financées par une compagnie qui manufacture un produit spécifique, il n'y a pas là une méthode pour lier la journée à l'augmentation des volumes de vente de ce produit-là?

M. Legault (Louis): Louis Legault.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Legault.

M. Legault (Louis): Bien, je peux répondre à ça. Comment s'assurer? C'est sûr, quand on fait ça, comme M. Pichette disait tantôt, c'est un service additionnel à la population qu'on offre. Les gens apprécient énormément ces services-là. Ils rentrent chez nous, je ne pense pas que la personne s'imagine, là, que, si c'est la compagnie X qui supporte ce programme-là, c'est dans le but de faire des ventes additionnelles. Nous, ça nous donne l'occasion d'offrir un service à la population qui... C'est accessible, c'est annoncé une semaine d'avance, et ils viennent. C'est disponible, c'est régulier, et ça ne coûte rien à personne. Et puis ces argents-là, bien, d'après moi, ils sont dépensés très convenablement, et le patient ou le citoyen n'a jamais derrière l'idée que c'est pour encourager quelqu'un, mais c'est le pharmacien de la place qui le fait.

M. Saucier (Claude): Je peux prendre la parole? Claude Saucier.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Saucier, s'il vous plaît.

M. Saucier (Claude): Oui. De plus, dans ces journées-là, habituellement, la plupart des pharmacies que je connais, le pharmacien essaie d'être présent le plus possible pour rencontrer ces patients-là, sinon il embauche une infirmière. Puis, quand il y a quelqu'un qui a un problème de dépisté, il est toujours référé à son médecin, et c'est au médecin à décider s'il va le prescrire, ce n'est pas nous qui prescrivons les médicaments.

M. Couillard: Je pense, c'est des clarifications fort utiles. Parlons un peu de... Vous avez fait allusion, au début de votre présentation, M. Raymond, à la pénurie de pharmaciens. Moi, j'ai tendance à la diviser en deux. La pénurie de pharmaciens en établissement est extrêmement préoccupante, même presque critique dans certaines régions. Et il y a effectivement une pénurie, entre guillemets, de pharmaciens d'officines. Dans quelle mesure, compte tenu de l'augmentation rapide du nombre de pharmacies ? il s'en ouvre beaucoup, des pharmacies, actuellement, notamment dans les grandes chaînes ? dans quelle mesure, cette pénurie, dans le marché qu'on peut qualifier de privé de la profession de pharmacien, n'est pas entretenue par la multiplication des points de vente puis des officines?

M. Raymond (Gilles): Pardon? Entretenue par...

M. Couillard: Par le fait qu'il s'ouvre beaucoup de pharmacies, notamment dans les grandes surfaces. Donc, plus qu'il y a de pharmacies, plus qu'il y a de demande pour des pharmaciens dans l'officine.

M. Pichette (Yves): Si je peux me permettre, M. le ministre. Yves Pichette. L'ouverture de ces pharmacies-là est souvent motivée par des bannières dont les objectifs sont peut-être de s'installer dans un marché qui va être prometteur. Si on se réfère au droit de propriété exclusif de la pharmacie par des pharmaciens, est-ce que des pharmaciens indépendants iraient ouvrir des pharmacies là où les besoins ne sont pas nécessaires? Est-ce qu'on peut se questionner à savoir si vraiment tous ces points de vente, où le volume d'ordonnance souvent est très, très faible puis qui monopolisent des ressources professionnelles comme dans le contexte de pénurie de pharmaciens... on peut se questionner, vous avez tout à fait raison, à savoir vraiment... Si on revoit le projet de règlement de l'Ordre des pharmaciens sur les pharmaciens propriétaires, la propriété exclusive, je pense que ce serait important de bien revoir ce projet-là de façon à éviter qu'on installe des points de vente qui ne sont pas rentables, et qui monopolisent des ressources, puis qui privent les établissements de santé aussi de ces ressources-là.

M. Couillard: Parce que, lorsqu'il est question de pénurie de professionnels de la santé, j'essaie toujours d'aborder la question de façon relative. Il y a certainement une pénurie absolue, d'après les chiffres, mais, autant dans le cas des médecins que des pharmaciens, il y a également une pénurie que je qualifierais de fonctionnelle, une pénurie qui vient de la façon dont les services sont organisés et déployés et le style de pratique des personnes, le style de pratique surtout pour les médecins, plus que pour les pharmaciens. Mais, compte tenu de ce qu'on vient de mentionner, et vous-même, vous reconnaissez que les grandes surfaces ont tendance à ouvrir beaucoup, beaucoup, beaucoup de pharmacies, bien c'est certain que plus on crée un marché nouveau pour les pharmaciens d'officines, moins on facilite la tâche aux établissements de santé pour recruter des pharmaciens. Non?

M. Pichette (Yves): Il est important de laisser l'initiative de l'ouverture des pharmacies aux pharmaciens et non pas nécessairement aux bannières. Et je pense que, dans les points de service que nous avons établis au niveau du Groupe Jean Coutu, nous avons fait en sorte que nos pharmaciens soient libérés des tâches techniques et s'occupent des services professionnels, de la relation humaine qu'on doit développer avec les patients et la vérification des ordonnances avec la relation avec l'infirmière, avec le médecin puis tout ce qui s'entoure. Mais je pense que, nous, dans notre cas, on fait en sorte d'optimiser les services professionnels des pharmaciens. Mais je suis d'accord avec vous qu'il faut vraiment regarder du côté de l'ouverture. Mais ça, ce n'est pas sous l'initiative de pharmaciens qu'il y a autant d'ouvertures de pharmacies qui se produisent.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Legault, oui.

M. Legault (Louis): Je pourrais répondre à ça. On n'a aucun contrôle sur l'ouverture des magasins, des pharmacies à grande surface, des magasins d'alimentation qui mettent un dispensaire, un laboratoire dans une épicerie de 150 000 pi² et que c'est ouvert 75 heures par semaine. Il a besoin de trois pharmaciens pour couvrir son service. Il fait 15 prescriptions par jour; on fait ça dans 10 minutes, nous autres. Comment justifier ça? Mais il vient chercher trois pharmaciens. Il crée une rareté automatique. Mais ça, on vit en Amérique du Nord, c'est la compétition, c'est le libre-échange.

n (10 heures) n

Qu'est-ce qu'on fait avec cette situation-là? On ne peut rien y faire. Ce n'est pas de notre faute s'il y a des pharmacies qui s'ouvrent partout à travers la province. C'est sûr que la pénurie de pharmaciens... Les deux universités, Montréal et Laval, fournissent 120 pharmaciens par année pour les hôpitaux, pour l'industrie, pour le détail. Il y en a qui prennent leur retraite, qui s'en vont. J'ai l'impression qu'on est dans une situation qu'on n'améliorera pas le problème à court terme parce qu'on n'en forme pas plus qu'on en formait, ou presque pas plus, et il y a plus de pharmacies qui s'ouvrent. Ça fait que, cette situation-là, on ne pourra pas y remédier.

M. Couillard: Mais je ne mentionnais pas ça pour vous en attribuer la responsabilité, je voulais juste illustrer ce que, moi, je qualifie de pénurie fonctionnelle, là, tu sais.

M. Legault (Louis): Et tout ça est relié aussi au droit de propriété. Si le droit de propriété était maintenu sévèrement et suivi à la lettre, ça prend un pharmacien pour être propriétaire d'un magasin, d'une pharmacie au Québec, mais, dans ces grandes surfaces là, on sait pertinemment bien que ce n'est pas le pharmacien. Puis ça, il faut y arriver avec une loi ou avec quelque chose. Le type ne peut pas financièrement justifier de faire 15 ordonnances par jour puis payer des ordinateurs, payer une assistante, puis payer un inventaire, puis être ouvert 75 heures par semaine. Mais ça existe, c'est dans la vraie vie, c'est ça. Mais ça, c'est très difficile pour nous, là. Puis on est dans cette foulée-là présentement, et je pense qu'il faudrait y remédier parce qu'on est dans un cul-de-sac.

M. Couillard: Mais je pense qu'il est important de mettre le doigt sur ce problème-là. Vous l'avez très bien expliqué, merci beaucoup. Dieu sait que je me promène beaucoup en auto, comme la plupart des collègues, là, dans beaucoup de régions du Québec, puis, quand je suis dans une petite ville ? pas une grosse ville, même une très petite ville, disons une petite ville ? puis que je vois trois, quatre pharmacies dans trois, quatre épiceries ou grandes surfaces littéralement à la porte l'une de l'autre, que je sais que chacune d'entre elles doit recruter trois pharmaciens pour rester ouverte, d'après les heures que vous dites, bien je me pose des questions, là, tu sais: Qu'est-ce que c'est que cette situation? Et comment est-ce qu'on doit y remédier?

Ce n'est pas nécessairement au ministère de la Santé que revient la responsabilité de clarifier la question du droit de propriété puis de l'ouverture de pharmacies. Il y a la question du marché nord-américain également. On est en Amérique du Nord, on n'est pas sur la planète Mars. Mais je pense qu'il est important d'illustrer cet effet-là, parce que, quand on parle de pénurie, il faut toujours la qualifier.

Je vais terminer avec la question de l'intention thérapeutique. Chaque fois qu'il y a des pharmaciens ou des médecins qui viennent, je dois poser la question parce que, si vous avez suivi les débats, les avis varient là-dessus. Les pharmaciens, comme corps professionnel, demandent et pensent que l'intention thérapeutique est un outil d'améliorer l'utilisation des médicaments et de valoriser le rôle professionnel des pharmaciens. Par contre, les médecins sont plus craintifs quant à ça. Comment est-ce que vous voyez cette question-là?

M. Saucier (Claude): Si je peux me permettre...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Saucier.

M. Saucier (Claude): ... ? Claude Saucier ? de répondre, ça fait 26 ans que je suis pharmacien, puis, quand j'ai commencé, on remplissait la prescription, on se posait quelques questions, mais on ne se demandait pas toujours les détails qu'on se pose aujourd'hui. Aujourd'hui, on veut savoir exactement si le dosage est approprié à la maladie, on calcule, pour les enfants, toujours tous les dosages en fonction du poids de l'enfant, on vérifie toujours ça. Plusieurs antibiotiques doivent être ajustés en fonction de l'infection. Certains enfants font deux infections, on ne le sait pas. Puis souvent les parents qui viennent, ce n'est pas le parent qui a vu le médecin, l'enfant et le parent ne savent pas qu'est-ce que l'enfant a. Certaines personnes âgées, personnes confuses ne connaissent pas toujours leur maladie en détail.

Nous, c'est une mesure de sécurité, dans notre pratique de tous les jours, qui fait que, par notre travail... On a des ordinateurs qui sont très, très modernes, maintenant. En touchant un bouton, on connaît tous les dosages suggérés pour toutes les utilisations possibles de ce médicament-là et on travaille ça constamment. Et de plus en plus d'ailleurs, dans les hôpitaux, c'est rendu comme ça, les techniciens surveillent le contenu des pilules dans le pot, si on peut le dire comme ça, le pharmacien ne touche même plus ces tâches-là. Ce n'est pas arrivé en officine encore, mais on sait que l'Ordre des pharmaciens aimerait ça. Le pharmacien se consacre de plus en plus à une analyse du dossier et à s'assurer que le patient soit vraiment avec le meilleur dosage, le meilleur traitement possible. Puis, si on a l'intention thérapeutique, bien on peut s'assurer que le patient soit le mieux traité possible.

Nous, on n'a aucune intention de contester le médecin. On appelle les médecins souvent, oui, mais souvent... Moi, je suis dans une clinique médicale dans une de mes deux pharmacies, puis on a une très bonne entente entre les médecins, puis souvent ils sont très contents qu'on leur dise: Bien, dans cette affection-là, bien tu serais mieux avec ce dosage-là. Parce que personne ne peut tout savoir, et, nous, on est équipés pour aider les médecins. C'est pour aider le patient et le traitement du patient.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Je cède maintenant la parole au député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Messieurs, est-ce que dans le fond le problème de pénurie dont on parlait tantôt n'est pas la conséquence de cette évolution qu'on connaît depuis plusieurs années, c'est-à-dire justement une pharmacie située dans une espèce de supermarché? Vous dites que ça vous a payés longtemps, que ça commence à être moins payant, que finalement le devant n'est plus aussi payant. Mais est-ce que ce n'est pas le problème d'avoir mis des devants devant les officines de pharmacies puis d'avoir transformé des professionnels de la santé en marchands? Est-ce qu'aujourd'hui finalement on ne paie pas le prix de cette tendance-là? Parce qu'à ce moment-là les grandes surfaces, qu'est-ce qu'ils font, ils font juste des plus gros devants et ils mettent une officine qui est encore plus petite par rapport à l'ensemble du devant, et finalement on se retrouve avec des professionnels de la santé un peu noyés dans un supermarché, là.

M. Pichette (Yves): Si je peux me permettre ? Yves Pichette ? je voudrais vous dire tout simplement que la pharmacie a évolué depuis plusieurs années, mais, avec la venue de l'assurance médicaments, le volume d'ordonnances à traiter par pharmacie a augmenté, ce qui a fait en sorte que... Puis le coût des médicaments a augmenté, si je ne me trompe pas, de 48 % depuis cinq ans, là, les médicaments. Ça fait que, là, ce qui arrive, avec le volume d'ordonnances augmentant, il faut pouvoir traiter de façon professionnelle et de façon compétente ce volume d'ordonnances là. Donc, auparavant, lorsqu'un pharmacien suffisait dans une officine, on en a besoin de deux, parfois trois, on a besoin de plus de ressources humaines. Donc, les points de vente dont on parle, pour nous, comme franchisés Jean Coutu, ces points-là sont devenus encore plus, je vous dirais, performants pour pouvoir remplir adéquatement ces ordonnances-là.

Le problème s'est accentué parce que les ressources humaines au niveau des professionnels ont augmenté pour nous, mais, lorsque les grandes surfaces ouvrent des points de service... On ne parle pas de nos points de service, à nous, qui ont des volumes d'ordonnances très élevés, on parle de points de service qui ne remplissent pas ces critères-là et qui remplissent un faible taux d'ordonnances en monopolisant des ressources humaines qui seraient plus utiles peut-être dans des établissements de santé ou peut-être pour nous aider à répondre à la demande que les gens ont au niveau des médicaments, qui maintenant sont de plus en plus utilisés en externe. Auparavant, il y a beaucoup d'ordonnances qui étaient données, livrées en hôpital, puis maintenant on voit maintenant des médicaments qui coûtent au-dessus de 1 000 $, des fois 2 000 $, 3 000 $ que, nous-mêmes, nous devons... des fois, des médicaments qui sont donnés intraveineux par les infirmières en CLSC, avec le virage ambulatoire. Donc, on a ajouté beaucoup à nos tâches.

On doit aussi expliquer l'assurance médicaments, qui n'est pas nécessairement une sinécure à expliquer pour plusieurs personnes, qui nous a quand même compliqué la vie. Le 1er juillet, lorsqu'ils ont décrété que certaines personnes n'auraient plus rien à payer, là tout le monde s'est imaginé qu'il n'y avait plus rien à payer, donc il fallait revenir en arrière puis réexpliquer encore c'est quoi, l'assurance médicaments, référer des gens vers l'assurance médicaments privée ou l'assurance médicaments gouvernementale. Je vous dirais que, toutes ces tâches-là, c'est nous qui avons absorbé ce volume-là. Maintenant, la problématique, ce n'est pas les points de service que, nous, nous avons. La problématique s'est vraiment accentuée par les nouveaux points qui finalement ne performent pas.

M. Charbonneau: Bien. Tantôt, vous avez dit: Bon, bien, on reconnaît qu'il y a eu des dérapages. Juste pour qu'on se comprenne bien, là, vous avez reconnu qu'il y a eu des dérapages, quelle était la nature de ces dérapages-là puis jusqu'où finalement vous avez changé de comportement, là? Autrement dit, pour qu'on se comprenne bien, là, ça a été jusqu'où, ces dérapages-là? Je comprends que c'est un peu gênant, là, mais c'est juste pour qu'on se comprenne bien. Si vous dites qu'il y a eu des dérapages, quelle était la nature de ces dérapages-là? Et quelle est l'importance du virage que vous avez pris? Je ne parle pas chacun individuellement, mais je veux dire collectivement, là, comme...

M. Pichette (Yves): Dans les journaux, il y a eu le scandale, là, des dérapages justement et que ça a pris différentes formes. On parle de certificats-cadeaux, des choses comme ça. Il faut vous mettre à la place des compagnies génériques qui se voient interdire d'utiliser aucun moyen de marketing pour convaincre les pharmaciens propriétaires d'utiliser leurs molécules. Donc, étant donné que la Loi de l'assurance maladie leur interdisait toute forme de rabais qui pourrait apparaître sur les factures, il y a eu, à un moment donné, un dérapage vers des moyens divers donc que vous avez connus comme moi et qui ont été... Parfois, il y a eu de la fabulation, il y a eu de l'exagération. Je ne peux pas vous dire lesquels, je ne les connais pas en détail, tous ces... Mais je pense qu'en lisant les journaux on a vu quelle forme ça a pu prendre.

Mais il faut toujours garder à l'esprit que le patient n'a jamais été affecté aucunement par ces dérapages-là, en aucun moment, et que la plupart des pharmacies... Ça, ce que vous avez vu, c'est vraiment ce qui était spectaculaire, mais souvent les journées santé et les argents qu'on recevait pour aider nos patients ont été utilisés pour payer des infirmières, pour payer des appareils, des compte-pilules, pour ajouter des ressources humaines dans nos pharmacies. Il ne faut pas penser que ces dérapages-là, c'était la majorité des argents qui étaient distribués. En tout cas, je parle pour mon cas. Mais c'est terminé, cette période-là. Puis c'est justement la bonne occasion, le bon moment pour le gouvernement de mettre fin à des systèmes qui ont prouvé qu'ils ne fonctionnent pas puis de faire en sorte que... On vit une réalité nord-américaine, donc adaptons-nous et faisons en sorte que ces rabais-là aillent directement aux gens qui en ont besoin.

n (10 h 10) n

M. Charbonneau: O.K. Mais, quand vous dites, bon, qu'on parlait de ces dérapages dans les journaux, je comprends que vous ne voulez pas revenir sur ça aujourd'hui, là, puis c'est un peu gênant, là, mais vous dites: Maintenant, on veut que ce soit plus transparent. Moi, là, comme citoyen, là, quand je vais à la pharmacie, là, où est-ce que je vois ça, maintenant? Si jamais le rabais, là, était accepté, où est-ce que je verrais ça sur ma facture?

M. Pichette (Yves): Bien, au moment où on peut avoir ces argents-là, on peut améliorer le service aux gens justement, on peut permettre d'avoir plus de ressources humaines, plus de pharmaciens peut-être pour diminuer justement les compte-pilules, l'automatisation, plus d'écrans pour qu'on puisse... possiblement aussi des espaces de confidentialité pour qu'on puisse conseiller les gens dans des espaces qui nous permettent de les conseiller sans qu'ils souffrent du fait que les autres personnes puissent entendre. Dans ma pharmacie, dans mon officine, personnellement, j'ai aménagé dès le début un espace confidentiel, que j'ai investi de ma poche, puis j'ai investi aussi pour avoir un coin pour avoir une infirmière qui puisse, à l'écart, donner des services. Donc, c'est ça que vous allez voir. Vous allez voir ça progresser, les laboratoires vont avoir plus d'investissements puis les gens en profiter.

M. Charbonneau: Ce que je comprends, c'est que vous dites: Bon, bien, si j'ai le droit à encaisser ces rabais-là ? je ne sais pas, moi, disons, sur une base annuelle, je ne sais pas, moi, quelque dizaines de milliers de dollars ? vous dites: Cet argent-là, je vais le prendre, je vais l'investir, je vais faire un certain nombre d'améliorations pour la qualité professionnelle. Donc, moi, je vais le voir au niveau de l'amélioration.

Mais la question, je pense, que le ministre posait tantôt, c'était aussi de savoir: Bon, bien, c'est le régime d'assurance public qui va payer la note, est-ce que ça va se traduire aussi au niveau du prix du médicament? Parce qu'est-ce qu'en bout de piste, je veux dire, ces rabais-là vont avoir une influence sur ce que le régime d'assurance public va devoir payer?

M. Legault (Louis): Louis Legault. Je peux répondre là-dessus. C'est que, l'industrie du médicament générique, ce n'est pas nous qui fixons les prix des génériques, c'est le gouvernement. Le gouvernement a une job à faire face au prix des médicaments génériques. Ils sont là, ils sont acceptés, ils sont approuvés par l'État. Si l'État s'en mêle sérieusement puis qu'il impose un prix, bien il va sûrement y avoir moins de profits dans l'industrie. Puis, si vous pensez que les rabais, ristournes qui reviennent chez nous, il va y en avoir moins, il va y avoir moins de services professionnels de rendus. Mais, à la base, c'est qu'ils ont de la disponibilité. Puis, la disponibilité, ils n'ont pas...

Comme on expliquait dans le mémoire, c'est qu'il n'y a rien de plus pareil qu'un générique qu'un autre générique. Il y en a huit compagnies au Québec qui nous sollicitent, ils sont tous au même prix, ils n'ont rien de différent. Puis on est en Amérique du Nord, dans une démocratie, puis du marketing, du merchandising, ça existe, à moins que vous vouliez abolir ça complètement puis...

M. Charbonneau: ...pas que ce soit...

M. Legault (Louis): Bien, c'est parce que, là, ces argents-là ne coûtent rien à personne, là. Elle ne coûte rien à l'État puis elle ne coûte rien aux citoyens. Elle vient des profits de d'autres entreprises. Est-ce que c'est acceptable ou non acceptable? On peut bien en discuter, mais, si c'est acceptable, qu'on s'en serve. Si on offre des services professionnels améliorés à cause de ça, qui ne coûtent rien à l'État... Parce qu'on n'est pas capables, nous autres, de payer deux pharmaciens en devoir à...

On a 7,70 $ d'honoraires par prescription, comme pharmacien. Ça fait quatre ou cinq ans qu'on n'a jamais été ajustés. On travaille à deux pharmaciens quasiment toutes nos pharmacies ici, en même temps. Ils coûtent cher, puis ça en prend deux. Parce que, si on n'en a pas deux, on ne fournit pas puis on peut faire des erreurs, puis on... Ça demande beaucoup de concentration. Mais il n'y a personne qui nous paie pour ça, puis on l'offre, puis on est ouverts 95 heures par semaine. On ne serait pas obligés d'être ouverts le samedi soir jusqu'à 11 heures puis le dimanche, mais on l'est. Mais, à un moment donné, là, c'est un package.

C'est la société nord-américaine, mais on subit des influences de partout. On vit en Amérique, et les grandes surfaces arrivent, puis ils ouvrent de grandes heures, subventionnent leurs pharmacies peut-être par des épiceries, par des grands magasins, les Wal-Mart de ce monde. Bien, nous autres, on essaie de faire du mieux qu'on peut et avec l'argent qu'on a, mais je vais vous dire que ça fait longtemps qu'on n'a pas été réajustés en honoraires professionnels. Et ce que M. Raymond disait tantôt, la régie, c'est rendu 55 % de tout notre chiffre d'affaires total du laboratoire, du laboratoire.

M. Charbonneau: Les honoraires d'ordonnances, là...

M. Legault (Louis): Pardon?

M. Charbonneau: Les honoraires d'ordonnances...

M. Legault (Louis): Je n'ai pas compris.

M. Charbonneau: Les honoraires dont vous parlez, vous dites que ça fait longtemps que ça n'a pas été réajusté. Ça veut dire depuis quand?

M. Legault (Louis): Bien, ça fait combien d'années?

Une voix: Quatre ans.

M. Legault (Louis): Quatre ans. On a le même prix.

Une voix: ...

M. Charbonneau: Je m'excuse, je ne vous ai pas compris.

M. Bourget (Jacques): Nous sommes rendus à une nouvelle négociation pour l'honoraire du médicament, mais on va laisser le gouvernement régler d'autres problèmes entre-temps. Mais, pour soutenir les arguments de M. Legault...

M. Charbonneau: Vous avez une confiance...

M. Bourget (Jacques): Illimitée en mon gouvernement.

M. Charbonneau: Illimitée.

M. Bourget (Jacques): Je voudrais vous dire que le coût des médicaments au Québec n'est pas uniquement relié aux compagnies génériques. M. le ministre a certainement tous ces chiffres-là. L'industrie d'origine est responsable en grande partie de la hausse du coût des médicaments. Donc, il faudrait peut-être arrêter de taper toujours sur le même clou que sont les compagnies génériques, qui représentent quand même un pourcentage assez bas du coût des médicaments au Québec par rapport aux comprimés d'origine qui nous arrivent avec des produits à 800 $, 500 $, à 1 000 $ d'une façon régulière, depuis quelques années. Il faudrait peut-être aussi regarder cet aspect-là. Là, je pense qu'il y aurait une grosse différence sur la facture du client si on changeait notre regard puis on regardait de ce côté-là. Il faudrait exploiter aussi cet aspect-là des compagnies d'origine.

M. Charbonneau: Tantôt, vous avez dit, à un moment donné, dans votre présentation, que l'indépendance des pharmaciens pourrait être compromise ou l'est peut-être déjà, là. J'aimerais ça comprendre ce que vous vouliez dire par là, là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Pichette?

M. Pichette (Yves): Au moment où les négociations pour avoir droit à ces rabais-là vont échapper aux pharmaciens propriétaires. Parce que, si, par exemple, on veut absolument mettre au pas l'industrie puis par tous les moyens, bien peut-être que, si ces rabais-là nous échappent, ils vont peut-être profiter à quelqu'un d'autre. Nous, c'est des hypothèses qu'on pose. Mais on pense que ça pourrait nous priver de...

Vous savez, pour être un pharmacien propriétaire, le nerf de la guerre pour offrir des services professionnels aux gens, de qualité, c'est justement des argents qui sont disponibles pour nous permettre de les donner. Ça fait que, si les rabais sur volume sont éliminés ou n'ont pas lieu, bien, évidemment, ça va être nos patients qui vont en souffrir puis notre indépendance professionnelle, parce qu'au moment où je ne peux plus décider moi-même de ce que je vais faire dans ma pharmacie parce que je n'ai pas suffisamment les revenus pour le faire bien mon indépendance professionnelle est en jeu.

M. Charbonneau: Bien. Vous disiez qu'il y a un certain nombre de changements envisagés dans la politique qui vous fragilisent. Est-ce que c'est uniquement cette question des rabais dont vous vouliez parler ou...

M. Pichette (Yves): Quand on veut alourdir le processus d'utilisation des médicaments, quand on veut rajouter des agences, quand on veut ajouter des systèmes de PRA qu'on a déjà vécus il y a plusieurs années. Ça fait 20 ans que je suis pharmacien propriétaire, j'ai vu à peu près toutes les formules, avec les 3 $, la gratuité, les PRA, les PRA sur tant de médicaments, toutes les formules ont été...

M. Charbonneau: C'est quoi, ça? Je m'excuse, mais je ne suis pas trop familier, là.

M. Pichette (Yves): Non, mais ce que je vous dis, c'est qu'on a vécu beaucoup de bureaucratie. On a vécu la venue de l'assurance médicaments qui est une belle réalisation du gouvernement. C'est quelque chose auquel nous tenons, que je trouve personnellement extraordinaire, que les gens aient accès, tous les Québécois aient accès à l'assurance médicaments, on doit maintenir ça. Mais on doit travailler avec le gouvernement, comme pharmaciens propriétaires, pour pouvoir maintenir ces acquis-là puis on est prêts à faire tout ce qu'il faut pour ça. Ce qu'on dit, c'est que, pour maintenir l'exclusivité de propriété aux pharmaciens, on a besoin que le pouvoir décisionnel soit à nous. Donc, on ne veut pas que le système s'alourdisse de d'autres bureaucraties, on veut... Pourquoi faire compliqué quand on peut faire les choses simplement?

M. Charbonneau: Est-ce que ça veut dire que vous vous méfiez éventuellement, là, des systèmes qui sont envisagés, par exemple, de gestion intégrée ou de systèmes informatiques où on pourrait avoir à la fois, dans un même réseau informatisé, médecins, pharmaciens, tout ça? Ce n'est pas de ça dont vous parlez, là?

M. Pichette (Yves): Non, on ne parle pas de ça. Nous, on est prêts à faire le partage d'information. Notre collaboration avec les médecins, ce sont les patients qui en profitent en premier. L'intention thérapeutique d'ailleurs, c'est dans le but de prévenir les erreurs, c'est dans le but de nous aider à mieux conseiller nos patients pour aller dans le même sens que les médecins, c'est pour qu'ils nous orientent, nous aident à faire un meilleur suivi puis un meilleur conseil aux patients, ce n'est pas dans le but évidemment de se substituer aux médecins. On veut simplement les aider parce qu'on sait qu'eux autres aussi sont débordés. Puis, lorsqu'on veut intervenir, lorsqu'on veut les appeler, on veut évidemment que ce soit une intervention qui soit... Peut-être qu'on peut prévenir cette intervention-là s'ils nous donnent plus d'information sur l'ordonnance. Peut-être que, s'ils peuvent écrire mieux encore, ça pourrait nous aider aussi.

M. Charbonneau: Ah, bien, écoutez, il y a un médecin ici qui a peut-être compris le message, là. Mais, moi, je veux revenir, c'est parce que je n'arrive pas à voir, là, concrètement de quelles mesures vous parlez quand vous dites dans votre mémoire, puis vous venez d'en parler: «Qu'il nous soit aussi permis d'exprimer nos craintes quant à l'implantation de mécanismes trop formels et bureaucratiques.» Quelles sont les propositions dont vous faites allusion qui amèneraient trop de mécanismes et trop bureaucratiques, là?

n (10 h 20) n

M. Pichette (Yves): Selon ce que j'ai compris, dans le livre blanc présentement qui est à l'étude, qui fait l'objet de la commission parlementaire, on parle d'une agence qui pourrait décider de l'argent qui serait disponible pour les patients puis qui pourrait donner lieu à l'approbation de journées santé. Je pense que l'industrie du générique a fait ses représentations là-dessus. On pourra revoir peut-être ce qui s'est dit à leur niveau, mais, pour nous, on pense que ce serait évidemment une structure qui est inutile, à notre point de vue. C'est de ça qu'on parle.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui. Alors, je cède la parole à la députée de Rimouski, pour une question.

Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Et bienvenue, messieurs. Je pense que c'est intéressant que vous soyez là, les propriétaires pharmaciens. Je me suis toujours posé la question: Jusqu'où va l'indépendance d'un professionnel versus sa responsabilité comme commerçant? Et vous nous avez donné quand même plusieurs indications, vous avez parlé d'un code d'éthique. Alors, moi, je voudrais savoir, ce code d'éthique, vous en faites quoi. Je veux dire, vous l'avez fait connaître à vos membres. Quelqu'un qui ne le respecte pas, est-ce qu'il y a des processus, est-ce qu'il y a des façons de faire pour ramener le pharmacien à un code d'éthique plus acceptable, en tout cas celui que vous vous êtes donné?

M. Pichette (Yves): Voyez-vous, ce qu'il est important de souligner dans notre pratique, c'est que nous sommes, premièrement, des pharmaciens, donc soumis au code de déontologie qui a lieu au niveau de l'Ordre des pharmaciens, celui de l'Ordre des pharmaciens. Donc, on est soumis, premièrement, à celui-là. Deuxièmement, par contre, le code de déontologie des pharmaciens est fait pour tous les pharmaciens du Québec, donc les pharmaciens d'hôpitaux, les pharmaciens des industries, c'est fait pour tous les types.

Mme Charest (Rimouski): ...pas d'un code spécifique aux pharmaciens propriétaires?

M. Pichette (Yves): Le deuxième volet, présentement l'AQPP s'est rendu compte justement qu'il y a des situations qui font en sorte que les pharmaciens propriétaires vivent des situations que les autres pharmaciens ne vivent pas. On parle, par exemple, de ce qui se passe dans certains foyers de personnes âgées, du maraudage qui peut se produire pour nos pharmaciens salariés. Donc, l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires veut se doter d'un code d'éthique pour justement qu'entre nous, entre pharmaciens propriétaires de différentes bannières, nous ayons un code qui fait en sorte que, lorsqu'on ne peut pas se référer à notre code de déontologie, on se réfère à ce code-là pour agir, pour agir avec des normes convenables.

Mme Charest (Rimouski): Est-ce que vous l'avez ou si vous ne l'avez pas, votre code?

M. Pichette (Yves): Le code est présentement à l'étape, là, de consultation auprès de ses membres. Il n'est pas encore finalisé. On assiste présentement à des représentations de la part de nos...

Une voix: De l'AQPP.

M. Pichette (Yves): De l'AQPP, du conseil d'administration. Et je peux vous dire que la première ébauche est très prometteuse et me réjouit beaucoup pour...

Mme Charest (Rimouski): ...on va pouvoir le consulter?

M. Pichette (Yves): Oui, on pourra...

Une voix: ...présentation à Québec...

Mme Charest (Rimouski): Écoutez, moi, j'ai reçu à mon bureau de comté des pharmaciens de ma région qui sont venus me voir et qui m'ont bien avertie que, les pharmaciens, c'était important pour eux, les bonus, ou les rabais, ou les compensations. On m'a parlé, entre autres, des piluliers, que ça pouvait représenter, dépendamment du volume de chacune des pharmacies, des montants quand même importants. Une petite pharmacie dans un petit village rural, elle peut aller chercher jusqu'à 10 000 $, parce qu'un pilulier, même s'il coûte 1 $ la boîte puis que ça... À l'item, ça ne veut rien dire, hein, on peut acheter ça chez Dollarama, mais, je veux dire, pour un pharmacien qui reçoit 10 000 piluliers pour sa clientèle, ça représente quand même un rabais et ça facilite l'organisation de la prescription pour le patient et pour le pharmacien. Il y en a d'autres types de bonus comme ça, les échantillons, et tout ça. Les échantillons, est-ce que vous avez encore de vos pharmaciens qui reçoivent ce type de...

M. Pichette (Yves): Les échantillons, ce n'est pas du tout notre domaine. On ne reçoit pas d'échantillons pour les patients, ce sont les médecins qui reçoivent les échantillons et qui ont la responsabilité de les distribuer. On parle toujours de médicaments d'ordonnance. Nous, ce n'est vraiment pas notre...

M. Saucier (Claude): Est-ce que je peux prendre la parole sur... Claude Saucier. Sur les échantillons, on a la même position que notre ordre, on est contre que les compagnies pharmaceutiques laissent des échantillons dans les bureaux de médecins. On préconise plus le nouveau système, qui est en fonction depuis six mois environ, de cartes de paiement d'échantillons que le client... Le médecin signe la carte d'échantillon, le patient se présente à la pharmacie avec cette carte, on lui remet les échantillons de notre inventaire gratuitement. Nous sommes remboursés par la compagnie pharmaceutique, et les échantillons sont inscrits au dossier, évitant les erreurs, les duplications de traitement, les mauvais traitements et interactions.

M. Pichette (Yves): La relation qu'on a avec les échantillons...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Pichette.

M. Pichette (Yves): Oui, je m'excuse.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Non. M. Pichette, je suis désolé...

M. Pichette (Yves): Ah, excusez-moi.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): ...c'est tout le temps dont nous disposons. Mais, si vous pouvez faire ça dans 15 secondes, ce serait bien.

M. Pichette (Yves): Juste ce que je veux dire, c'est que les gens se présentent parfois avec des échantillons qu'ils ont reçus de leur médecin puis ils nous apportent le médicament, puis, à ce moment-là, nous, cet élément-là peut nous échapper dans l'étude de leur dossier. Donc, on aime bien que les gens nous fassent part du fait qu'ils prennent des médicaments qui sortent de notre contrôle. C'est ça.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci beaucoup. Je remercie M. Raymond, M. Saucier, M. Pichette, M. Legault, M. Poirier, M. Bourget de leur contribution.

Et j'invite les représentants du prochain groupe à bien vouloir prendre place à la table, s'il vous plaît. Je suspends les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 26)

 

(Reprise à 10 h 28)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, j'attends... Alors, voilà. Merci. Alors, la commission reprend ses travaux. Nous accueillons les représentants du groupe Revivre, Association québécoise de soutien aux personnes souffrant de troubles anxieux, dépressifs ou bipolaires. Je reconnais le directeur général, M. Jean-Rémy Provost, qui nous présentera son monde. M. Provost, vous connaissez les règles du jeu: 20 minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire, suite à quoi les échanges avec les parlementaires. La parole est à vous, vous êtes le bienvenu.

Revivre, Association québécoise
de soutien aux personnes souffrant de
troubles anxieux, dépressifs ou bipolaires

M. Provost (Jean-Rémy): Alors, M. le Président de la commission, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, Mmes et MM. les membres de la commission, mon nom est Jean-Rémy Provost et je me présente devant vous, aujourd'hui, à titre de directeur général de Revivre, Association québécoise de soutien aux personnes souffrant de troubles anxieux, dépressifs ou bipolaires.

Je vous présente les personnes qui m'accompagnent. À ma droite, Dre Marie Plante, médecin psychiatre spécialisée en psychiatrie pour enfants et adolescents. Elle pratique au Centre de pédopsychiatrie du CHUQ, à l'unité d'hospitalisation des adolescents. Dre Plante est présidente du Comité de pédopsychiatrie de l'Association des médecins psychiatres du Québec et présidente du Comité des partenaires en santé mentale des jeunes. Elle est également bénévole experte de Revivre. À ma gauche, M. Pierre Levesque, pharmacien spécialisé en pharmacie psychiatrique, est aussi un des bénévoles experts de Revivre.

Au nom de notre association, je remercie chaleureusement la Commission des affaires sociales de son invitation à lui faire part de notre point de vue sur le document intitulé Politique du médicament. Après avoir abordé très brièvement la mission et les services de Revivre, nous traiterons des points de la politique du médicament qui touchent plus particulièrement notre association et nos membres.

n (10 h 30) n

Revivre est un organisme national qui regroupe les meilleures expertises et ressources pour venir en aide adéquatement et efficacement aux personnes de troubles anxieux et dépressifs ou bipolaires, à leurs proches, aux professionnels de la santé et aux organismes communautaires concernés. Dans l'exécution de sa mission, l'association privilégie l'écoute, l'information et la référence, de même que des moyens préventifs et curatifs inspirés par une approche biopsychosociale. À cet effet, elle a développé plusieurs programmes et services visant à répondre aux besoins des personnes atteintes ainsi que de leurs proches. L'aide et l'entraide sont les pierres d'assise de notre mission et représentent les principaux éléments du soutien global apporté à ceux et celles qui font appel à nous.

Les services de Revivre comportent: de l'écoute téléphonique disponible partout au Québec; des références en santé mentale et d'autres données susceptibles de faciliter un traitement biopsychosocial optimal; des groupes d'entraide sous forme de groupes d'expression, d'ateliers d'écriture ou d'ateliers d'art; de la relation d'aide individuelle, avec ou sans rendez-vous, pour toute personne qui se présente aux bureaux de l'association; un service de documentation comprenant des dépliants, des brochures, des livres et des documents audiovisuels; des outils d'information comme le bulletin trimestriel d'information L'envolée pour les membres, un rapport d'activité annuel et des bulletins de liaison pour les bénévoles; des conférences bimensuelles animées par des professionnels oeuvrant dans le domaine de la santé mentale; un site Internet offrant de l'information, des références et un service de courrier électronique qui permet à quiconque de nous transmettre des questions ou des demandes d'aide ponctuelle; de l'encadrement de programmes de stages issus de tous les domaines liés à la santé mentale, sciences infirmières, psychologie, travail social, etc.; et enfin de la coproduction d'émissions de télévision portant sur la démystification des maladies mentales.

Toutes ces activités nous permettent de rejoindre, année après année, des dizaines de milliers de personnes et leurs proches, et ce, à travers tout le Québec. Il va de soi que l'association ne peut privilégier une médication particulière pour le traitement des troubles qui sont au coeur de sa mission; là n'est pas son rôle. Nous considérons néanmoins que des traitements pharmacologiques s'inscrivent dans un plan de traitement global qui doit inclure aussi des traitements psychologiques et des ressources communautaires. Malheureusement, les personnes atteintes de troubles anxieux, dépressifs ou bipolaires ont difficilement accès aux traitements psychologiques.

Comme je vous l'ai mentionné, nous aborderons l'accessibilité aux médicaments et l'utilisation optimale des médicaments, deux éléments de la politique du médicament qui influent considérablement sur la vie des personnes souffrant de maladie mentale. Au cours des dernières décennies, d'immenses progrès ont été accomplis quant aux traitements pharmacologiques des troubles anxieux, dépressifs et bipolaires. En pratique, l'état mental des personnes atteintes a été grandement amélioré et, par le fait même, leur qualité de vie. Pour les personnes concernées, l'accès à de nouveaux médicaments plus efficaces est donc primordial, ne serait-ce qu'en raison de la rémission de la maladie qui s'en trouve grandement améliorée. Puisque la médication s'avère hautement prioritaire parmi les choix thérapeutiques, nous ne pouvons nous permettre, comme société, d'empêcher quiconque, d'un commun accord avec son médecin traitant, d'avoir accès à une nouvelle médication susceptible de lui apporter un allégement significatif des symptômes et parfois des lourds effets secondaires qui l'empêchent de vivre une vie normale. Nous pensons notamment aux nouveaux antidépresseurs et aux nouvelles classes de ce type de médicaments prescrits aussi pour les troubles anxieux et de l'humeur.

Tout d'abord, chaque métabolisme réagit différemment aux médicaments. Si l'un peut être hautement bénéfique, l'autre par contre peut s'avérer terriblement néfaste. Pour l'individu qui réagit bien, cela signifie, à moyen et à long terme, une stabilisation de son état, condition sine qua non pour reprendre sa vie en main, ainsi que des répercussions positives sur son entourage immédiat. Pour la personne qui ne réagit pas bien au même type d'antidépresseurs, l'accès à d'autres médicaments de ce type constitue une nécessité absolue pour quitter au plus vite l'état dépressif ou anxiogène qui détruit quotidiennement son moral, sa dignité et sa vie et qui l'empêche de jouer un rôle actif au sein de la société.

Nombre de personnes que Revivre a aidées nous ont confirmé et nous confirment qu'un changement de médicament dans une même classe d'antidépresseurs ou de stabilisateurs de l'humeur se traduit par une amélioration significative de leur état mental. C'est la raison pour laquelle nous croyons qu'il faut impérativement encourager le développement de nouveaux médicaments et de traitements novateurs et surtout que le régime public les rende accessibles le plus rapidement possible.

En ce qui concerne le prix des médicaments, Revivre est sensible à la capacité de payer des personnes atteintes de troubles anxieux et affectifs. Parce que les coûts sont élevés et parce que les psychothérapies ne sont pas remboursées par les soins de santé québécois, la très grande majorité de ces personnes n'est malheureusement pas en mesure d'avoir accès à la psychothérapie, pourtant essentielle pour accroître les effets positifs de la pharmacothérapie. Ces personnes doivent donc avoir accès à des médicaments à coût raisonnable.

S'il est indéniable qu'un médicament novateur est plus coûteux que les précédents pour le régime public d'assurance médicaments, nous sommes convaincus que l'État y trouve largement son compte en journées d'hospitalisation et en traitements institutionnels réduits, d'où l'importance de toujours mettre en balance les impacts de médicaments novateurs sur les coûts économiques et sociaux assumés par l'État.

En ce qui concerne l'accessibilité financière, nous sommes d'avis qu'il sera essentiel, dès la mise en oeuvre de la politique du médicament, d'assurer l'accès gratuit aux médicaments des clientèles à faibles revenus. Tout comme les personnes âgées qui bénéficient de la prestation maximale du supplément de revenu garanti, ces clientèles n'ont à peu près aucune marge de manoeuvre économique, leur capacité de payer étant très limitée.

Concernant l'utilisation optimale des médicaments, Revivre est d'accord avec le principe de lui accorder une importance primordiale et de faire jouer un rôle prépondérant à la personne utilisatrice. Comme le mentionne avec à-propos le document gouvernemental sur la politique du médicament, et je cite, «une thérapie peut être optimale sans nécessairement générer des économies pour le régime public d'assurance médicaments ni même pour le système de santé et de services sociaux dans son ensemble. [...]une meilleure utilisation des médicaments dans le traitement de problèmes de santé mentale peut avoir pour conséquence d'accroître la consommation de certains médicaments, plus coûteux dans la mesure où la qualité de vie du patient et son intégration sociale sont améliorées.» Fin de la citation.

En conséquence, ne cibler que le médicament novateur dans les dépenses inhérentes au traitement pharmacologique entraîne inévitablement une augmentation directe du coût inhérent. Cependant, on ne parle jamais des économies directes et indirectes générées par une meilleure stabilisation de la personne souffrant de maladie mentale: moins de risque d'hospitalisation, retour plus rapide au travail, climat familial plus sain, risque amoindri que la personne concernée ne devienne un fardeau économique pour la société, etc.

En ce qui a trait à l'objectif d'une utilisation optimale de la médication, nous croyons qu'il doit y avoir une combinaison de plusieurs facteurs permettant de l'atteindre.

Premièrement, une autoprise en charge de la personne bénéficiant d'une pharmacothérapie, soit: une gestion quotidienne de la médication; un respect de la posologie, donc la fidélité au traitement; une information rapide du médecin traitant et du pharmacien de tout effet indésirable de la médication; une gestion avertie de l'utilisation d'autres produits, notamment ceux dits naturels; un développement différent de la relation médecin-patient, de sorte que la personne atteinte d'un trouble anxieux ou de l'humeur participe à l'élaboration et au suivi du plan pharmacologique auprès du médecin en lui transmettant tous les renseignements nécessaires à trouver l'équilibre mental optimal.

Deuxièmement, le développement d'outils de communication permettant à la personne d'avoir accès à de l'information précise sur sa médication et son état global de santé, par exemple: une ligne Info-Médicaments; des entretiens téléphoniques avec le pharmacien, le médecin traitant ou l'infirmière responsable du dossier; un site Internet offrant une information complète sur les différents médicaments, etc.

Finalement, des échanges d'expertises entre les divers professionnels de la santé, tels que les médecins, infirmières, pharmaciens ou autres intervenants, de sorte que les personnes utilisatrices puissent bénéficier d'un soutien constant, d'où la nécessité d'éliminer le travail en vase clos et en silo.

La problématique de la sous-consommation et de la non-consommation de médicaments chez les personnes atteintes de troubles anxieux et dépressifs ou bipolaires est un autre élément important à considérer dans l'utilisation optimale des médicaments. La surconsommation de médicaments est un problème évident et fortement dénoncé pour toutes les catégories de la population et auquel il faudra continuer à s'attaquer au cours des prochaines années. Un autre phénomène, peu discuté socialement, doit être cependant l'objet d'une attention particulière. Il s'agit de la sous-consommation de médicaments pour les personnes ayant absolument besoin de moyens pharmacologiques indispensables à la stabilisation de leur état mental.

Bon nombre d'utilisateurs de notre ligne d'écoute, d'information et de référence ne sont pas diagnostiqués mais présentent tous les symptômes d'un trouble anxieux ou affectif. Non seulement ces individus nous font-ils part de leur sentiment de souffrance et de désespoir qui persiste depuis plusieurs années, mais la plupart d'entre eux avouent aussi n'avoir jamais consulté un médecin. Face à ce réel problème de santé publique, il faut impérativement accroître les programmes de prévention afin de rejoindre cette catégorie de personnes qui n'ont pas accès à une information leur permettant d'accéder aux ressources nécessaires.

Il importe d'insister sur le fait qu'il arrive très fréquemment que les troubles anxieux et de l'humeur ne soient pas diagnostiqués. Cette situation risque d'entraîner une aggravation de la maladie et conséquemment d'alourdir les impacts sur les services de santé. Puisqu'un diagnostic précoce et que des traitements adéquats améliorent l'issue thérapeutique et en réduisent les coûts, des programmes et des outils de formation continue pour les intervenants doivent être favorisés.

n (10 h 40) n

Le problème de la non-fidélité au traitement ajoute aux problèmes en ce qui concerne les troubles anxieux, dépressifs et bipolaires, il est sûrement le plus épineux problème sur le plan de la médication. Compte tenu des tabous et des préjugés qui perdurent sur les maladies mentales, les personnes atteintes sont probablement encore moins fidèles à leur médication que toute autre catégorie de personnes malades. D'expérience, nous savons qu'en début de traitement ces mêmes personnes sont les plus susceptibles de véhiculer ces tabous et ces préjugés. La non-fidélité au traitement est en effet un problème de comportement. La fidélité à la médication est tributaire de facteurs aussi sensibles que le comportement et les attitudes envers la maladie et les médicaments, la relation patient-médecin ainsi que la nature de la maladie.

Pour les personnes souffrant d'une maladie mentale telle qu'un trouble anxieux, une dépression ou une maniaco-dépression, la non-fidélité au traitement constitue un problème d'autant plus grave que toutes les conditions et incidents sont souvent réunis chez les personnes atteintes. Or, c'est presque toujours par l'entremise de programmes d'aide et de suivi que les personnes concernées finissent par trouver la motivation de prendre les médicaments prescrits. Comme société, nous avons donc tout intérêt à développer ce type de programmes.

Revivre est convaincue qu'une meilleure fidélité au traitement ainsi qu'un emploi plus judicieux des médicaments permettraient d'épargner, chaque année, des milliers de dollars en soins de santé. Jour après jour, nous constatons à quel point l'éducation relative aux maladies mentales et aux médications inhérentes est déficiente. Si des informations prônaient l'arrêt de l'insuline pour le diabétique, l'opinion publique ne serait sûrement pas aussi réceptive envers celles-ci qu'elle l'est envers certaines campagnes contre des médicaments utilisés pour les maladies mentales.

Revivre, comme d'autres organismes d'ailleurs, constitue un exemple frappant du travail essentiel qui peut s'accomplir en dehors des structures publiques. Comme nous travaillons aussi en étroite collaboration avec d'autres organismes en santé mentale, nous ne pouvons que favoriser le soutien à ce type d'organismes et à d'autres ressources non institutionnelles dont la principale préoccupation est le mieux-être de leurs membres. Selon nous, il est indéniable que les organismes communautaires font partie de la solution. Une fois ce postulat admis, il ne faut jamais perdre de vue que ces ressources doivent disposer des moyens nécessaires pour remplir leur mission. Pour elles, l'argent a été et demeure le nerf de la guerre.

Revivre croit aussi au maintien d'une industrie pharmacologique au Québec. Les dernières décennies ont permis à la psychiatrie de faire des pas de géant en matière de recherche et de développement. Comme nous pourrions être à l'aube de découvertes encore plus importantes dans ce domaine, il faut assurer des conditions propices à ces activités. Le Québec est et doit demeurer un leader dans ce domaine, car beaucoup de ses chercheurs ont acquis une réputation internationale. Au cours des prochaines années et des prochaines décennies, des résultats tangibles apporteront des modifications importantes dans le traitement des maladies mentales. Et il faut faciliter l'émergence et le maintien de nos talents et, par voie de conséquence, maintenir, voire améliorer les conditions dans lesquelles ils travaillent.

Pour conclure, les troubles anxieux, dépressifs et bipolaires ont des répercussions diverses dans tous les domaines. De la baisse de productivité et de l'absentéisme au travail à la perturbation de la vie familiale et à l'altération de la santé de la personne atteinte, ces répercussions sont majeures et souvent catastrophiques. Ces troubles mentaux représentent un lourd fardeau économique pour les services de santé, pour la collectivité, pour les employeurs et surtout pour les personnes qui en sont victimes et leurs proches. Toute recherche sérieuse de solutions efficaces et durables doit impérativement prendre en compte ces différents aspects économiques.

Des diagnostics exacts, l'accès à des traitements biologiques et psychothérapeutiques adéquats, des programmes de formation, d'information et de suivi sérieux rejoignant l'ensemble des publics concernés, un véritable soutien aux organismes et aux ressources oeuvrant auprès des personnes atteintes, de la recherche et du développement dans ce domaine, de même qu'un accès rapide aux médicaments novateurs, voilà en quelques mots les éléments à intégrer dans une politique du médicament digne de ce nom.

Si l'État québécois peut et doit faire tout ce qui est possible, si les organismes communautaires peuvent et doivent compléter les actions gouvernementales, il n'en demeure pas moins qu'ultimement chaque individu doit disposer des moyens requis pour assumer ses propres responsabilités quant à sa santé mentale et physique. Nous nous réjouissons que le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec considère la santé mentale comme une priorité nationale et ait déposé un plan d'action quinquennal. Compte tenu de leur importance primordiale dans le traitement des maladies mentales, les médicaments novateurs doivent être au coeur de la politique du médicament.

Nous vous remercions de votre attention et sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci beaucoup, M. Provost. Lorsque vous avez présenté Mme Plante et M. Levesque, vous les avez présentés aussi comme des bénévoles experts. Alors, on doit comprendre qu'ils sont experts dans leur spécialité et experts en bénévolat. Et c'est bien que vous l'ayez fait ainsi parce que très souvent on oublie que les gens qui sont devant nous sont des bénévoles dans leur association, organisation, et c'est bien que vous l'ayez souligné. Merci. Je cède maintenant la parole à M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Provost, Dre Plante, M. Levesque, pour votre visite et votre présentation. Je voudrais d'abord saluer votre association, avec laquelle, comme vous le savez, nous avons des contacts assez réguliers, et porter particulièrement l'attention des citoyens qui nous écoutent sur le courage et l'effet positif, le fait de le dire, de parler de ces questions-là, et notamment des interventions comme des personnalités connues du milieu artistique, dont M. Guy Latraverse, qui est bien sûr au centre de votre association. Lorsque ces personnes ont le courage d'aller sur la place publique et de raconter leur histoire, il y a beaucoup, des centaines et des milliers de personnes qui les écoutent qui se trouvent en soi rassurées sur le fait qu'elles ne sont pas seules dans cette souffrance.

Vous parlez essentiellement dans votre présentation, outre votre accueil généralement favorable au projet de politique, de la question de l'accès à la nouvelle médication. Là-dessus, je dois tout de suite faire une mise au point, et elle sera refaite, je pense, plus tard, aujourd'hui, encore une fois. Compte tenu que nous devons nous doter d'un mécanisme d'encadrement, que par définition un mécanisme d'encadrement n'est pas aussi immédiat et rapide que l'absence d'encadrement, on a parfois la perception au Québec que nous sommes la province ou l'endroit au Canada où l'acquisition ou la mise en disponibilité de nouveaux médicaments est la plus lourde. C'est loin d'être le cas. En fait, c'est le contraire.

Les données probantes montrent ? et nous avons ces données ? que c'est au Québec qu'on introduit le plus rapidement les nouvelles molécules, que c'est au Québec qu'on utilise le plus souvent les nouvelles molécules sur la liste et que c'est au Québec qu'on a le moins souvent recours à la liste des médicaments d'exception. Je pense que c'est toujours important de remettre ça en perspective. Parce qu'évidemment il y a des frustrations, comme dans tout processus administratif, mais il faut remettre ça à l'avant-scène, et on le refera plus tard, aujourd'hui, avec les données nécessaires.

Bien sûr, une fois qu'on s'est doté d'un système d'assurance médicaments public ? et vous en avez salué les bénéfices pour la population ? nécessairement, il faut l'encadrer, il faut avoir un système d'évaluation. Et, outre la mise sur pied de l'assurance médicaments, bien c'est le gouvernement précédent qui a créé le Conseil du médicament en regroupant le Conseil de pharmacologie et d'autres organismes qui existaient alors pour remplir cette mission extrêmement difficile. Et je pense que, là, il y a des principes très importants qui doivent être réitérés.

Et le Conseil du médicament, comme vous le savez, a des critères d'évaluation des nouveaux médicaments, mais il y en a un qui est incontournable et qui est comme la première porte. L'évaluation d'un médicament et de son autorisation, c'est une succession de portes qu'on ouvre les unes après les autres, et, lorsqu'on a passé à travers ces quatre portes... Parce que finalement, à la fin de la transformation actuelle, il va y avoir quatre critères pleinement utilisés. Mais la première porte, le premier critère est celui qui détermine si on a accès aux autres, et c'est celui de la valeur thérapeutique.

Parce que nouveauté n'est pas synonyme nécessairement de valeur ajoutée, et je pense que l'ensemble des économistes de la santé sont d'accord avec ça. Et je dirais également que l'opinion d'un clinicien, si valable soit-elle, quant à l'utilité ou l'efficacité d'un médicament observée chez tel ou tel patient n'est pas en soi une garantie d'efficacité et de valeur thérapeutique donnant lieu au remboursement par les contribuables du Québec. Il s'agit d'avoir des critères extrêmement rigoureux, des critères basés sur le type de démonstrations scientifiques qui sont publiées.

Mais ce qu'on a entendu ? et là-dessus vous pourriez commenter peut-être beaucoup ? c'est la nécessité de donner, un, plus de transparence au processus, un peu plus de souplesse, et également de permettre à des groupes, tels que d'une part les cliniciens qui oeuvrent au Québec dans le domaine dont il est question et les groupes de patients, de s'exprimer pendant le processus d'évaluation. Est-ce que ce serait quelque chose que vous verriez favorablement?

M. Provost (Jean-Rémy): Tout à fait. Moi, je vous répondrais, M. le ministre, par l'opinion des patients, parce qu'elle est très importante au niveau des médicaments prescrits, dans le sens suivant. Au cours des dernières années, les médicaments novateurs, en psychiatrie plus spécifiquement, ont apporté des avantages vraiment, là, très intéressants par rapport notamment à l'amoindrissement des effets secondaires. Et, pour une personne atteinte, en psychiatrie, c'est très, très... les effets secondaires... On parlait tantôt de tabous et de préjugés véhiculés pour les maladies mentales. Déjà de prendre une médication, c'est quelque chose, parce que très souvent les proches, l'entourage va dire: Non, non, non, tu n'es pas malade, c'est beau, tu n'as pas besoin de médicaments. Donc, déjà, la prise de médicaments est une décision difficile à prendre.

n (10 h 50) n

Donc, de s'impliquer, d'impliquer les patients, les personnes qui sont aux prises avec ces maladies-là face à des cliniciens, face au gouvernement et de leur dire: Écoutez, oui, il se peut qu'un nouveau médicament, pour l'ensemble de la population, il n'y a pas vraiment de changement avec l'ancien médicament, mais ça s'avère que, sur 100 personnes, il y en a peut-être quatre, cinq personnes qui vont avoir un avantage vraiment intéressant et, sur ces cinq personnes là, il y en a peut-être deux, trois que, si elles ne l'avaient pas pris, peut-être qu'elles se seraient suicidées...

Parce qu'il ne faut pas oublier qu'en maladie mentale... 90 % des gens qui se suicident avaient une maladie mentale, dont 50 % à 60 % étaient dépressifs. Alors, on parle de mort. On ne parle pas de douleurs, face à d'autres maladies, qui sont réelles, on parle vraiment de la vie de la personne. Alors, ce point-là est extrêmement important parce que, quand on le regarde plus à froid, on peut dire: Ah, ça apporte des avantages, mais peut-être pas assez élevés pour le transmettre. Mais, pour certaines personnes, c'est ce qui fait toute la différence dans sa vie, en général.

M. Couillard: Je dirais qu'à ce moment-là la réponse à cette question-là n'est pas la mise sur la liste des remboursements par les contribuables ? pas par le gouvernement, hein, par les contribuables, c'est de ça qu'on parle actuellement ? d'un nouveau médicament, mais d'utiliser un mécanisme comme le patient d'exception, par exemple. Et là il y a toujours possibilité pour le médecin d'avoir accès à un médicament, même s'il n'est pas sur la liste régulière parce que...

Et je pense que c'est important de dire à la population les choses telles qu'elles sont. Je l'ai encore dit plusieurs fois et je vais le répéter, puis, étant moi-même médecin, ça me donne peut-être plus l'occasion de le faire, la détention d'un diplôme médical et même d'un certificat de spécialiste n'est pas en soi une garantie d'expertise sur l'évaluation des médicaments et leur valeur thérapeutique. Qu'un médecin me dise: Tu devrais lister tel médicament parce que je l'ai essayé sur des patients puis ça marche, je ne pense pas que ça va m'influencer beaucoup, ni le Conseil du médicament. Et, de la même façon, qu'un groupe de patients arrivent puis nous disent: Bien, nous avons telle personne, telle personne qui a pris ce médicament-là, puis chez eux ça a eu des effets bénéfiques, ça ne constitue pas une preuve d'efficacité non plus.

Mais cependant il existe d'autres mécanismes comme le patient d'exception, et on veut même utiliser ? on en verra dans l'aperçu plus tard, aujourd'hui, dans les remarques finales ? une autre catégorie également pour certains médicaments novateurs. Là, il y a des façons de le faire. Mais, je vous le dis, même si ça paraît dur de dire ça, je préfère le dire franchement à la population parce que, si on ne fait pas ça, on va mettre en péril l'accessibilité sur tous les médicaments, pour tous les citoyens.

Comme disait avec éloquence l'ancien président du conseil d'administration du Conseil du médicament, M. Goyer, à une reprise et dans son langage imagé qu'on lui connaissait bien, il dit: Si on veut continuer à se payer des Cadillac de temps en temps, il faut le plus souvent possible rouler en Volkswagen, parce que, si on roule toujours en Cadillac, on va se donner l'illusion de la richesse et de l'accessibilité, et c'est une illusion qui va être extrêmement fragile et qui va être détruite en l'espace de... très court, compte tenu des tendances que vous connaissez.

Mais je répète encore, pour terminer là-dessus, que le Québec est l'endroit au Canada où les nouveaux médicaments sont les plus nombreux sur la liste, les plus rapidement autorisés et où on a le moins recours à la mécanique du médicament d'exception. Et, je pense, c'est important qu'une association comme la vôtre ? qui bien sûr sont des personnes atteintes d'une maladie spécifique impliquées dans l'évaluation d'une classe de médicaments mais sont également des citoyens du Québec, des contribuables ? fasse un équilibre, là, entre les demandes qui peuvent paraître légitimes et les critères rigoureux qu'une société doit se donner.

Par contre, c'est certain que, si on n'avait pas d'assurance médicaments, si tout le monde payait directement ses médicaments, il n'y en aurait pas de critères. Dès qu'un médicament est nouveau, bien il serait mis en vente dans la pharmacie, puis ou bien on peut le payer ou bien on ne peut pas le payer. Mais, à partir du moment où on a une assurance médicaments qui couvre l'ensemble de la population, les mécanismes de contrôle, tels qu'ils existent, sont incontournables. Je pense qu'il faut qu'on soit d'accord là-dessus, comme société.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Plante.

Mme Plante (Marie): Oui. Dre Marie Plante. Je voulais ajouter là-dessus. Je pense que, oui, ça va prendre un système où on va pouvoir se faire entendre par rapport à la liste des médicaments. Et je reviens sur l'idée de l'accès aux nouvelles molécules, nouveaux médicaments, c'est d'abord de l'accès financier dont il est question. Et la clientèle des personnes avec maladie mentale, ici, on parle de troubles anxieux, troubles affectifs, mais, si je le fais de façon plus large, se retrouve généralement dans la catégorie de population à faibles revenus ou revenus limités, et n'a pas nécessairement accès au régime d'assurance médicaments public, et peut se retrouver donc avec des revenus limités et un pourcentage de son budget et du budget familial, O.K., à accorder à l'achat de médicaments, et là ça pose problème.

Alors, on peut se demander si l'accès aux médicaments n'implique pas de redéfinir, O.K., quelle est cette population qui y a droit. Parce qu'on parle, là, de maladies chroniques, ce qui est différent d'aller s'acheter des médicaments pour une période de 10 jours pour traiter une infection, hein? On parle, là, de médicaments qui vont être utiles sur une longue période d'années et dans certains cas à vie. Donc, c'est quand même un pourcentage du budget important.

Et, comme pédopsychiatre, je suis encore plus sensible à l'aspect de la famille parce qu'il y a des jeunes donc qui peuvent avoir huit ans, qui peuvent avoir 10 ans, et le nombre d'années où ils devront prendre des médicaments est extrêmement important. L'observance du traitement va être facilitée effectivement si le médicament est efficace et a le moins d'effets secondaires possible. Le fonctionnement de ce jeune-là non seulement dans le système de santé, mais dans le système scolaire, hein, et toutes les répercussions sur sa vie d'adulte et sur sa santé d'adulte, hein, c'est majeur. C'est majeur.

On sait qu'une dépression, hein, non traitée crée un effet neurotoxique sur l'hippocampe qui diminue de volume et dont le nombre de neurones diminuent, et plus le temps passe plus il y a cette neurotoxicité, et, si on ne le traite pas, on a des risques bien évidemment de suicide. Puis on a malheureusement le taux le plus élevé pour la population des 15-29. Alors, il faut prendre des moyens. Et, si la personne n'en meure pas, il y a une morbidité importante. Et on connaît là aussi l'effet qu'on appelle de «kindling», hein, qui fait qu'une dépression non traitée ou l'épisode de non-traitement crée une cicatrice biologique dans le cerveau qui va faciliter l'apparition d'un deuxième épisode et éventuellement l'accélération des épisodes de dépression avec raccourcissement des périodes interépisodes dépressifs.

Donc, c'est toutes des raisons qui ne sont pas évaluables directement. Et on sait que, du côté des jeunes, les études avec valeur probante ne sont pas disponibles. Donc, le Conseil du médicament a un gros problème quand il arrive à vouloir évaluer la disponibilité du médicament en question, d'où l'importance qu'on puisse faire valoir. Et par ailleurs, bien, le point premier que je disais qui est le point de l'accessibilité financière aux médicaments en général pour cette population.

M. Couillard: Mais je dirais, peut-être pour corriger, que tout le monde a accès à l'assurance médicaments au Québec, que ce soit dans un système privé, collectif ou d'assurance... Parce que vous avez peut-être involontairement donné l'impression aux personnes qui écoutent qu'il y a des gens qui n'ont pas accès à l'assurance médicaments. Tout le monde est couvert par l'assurance médicaments, soit le régime public, soit les régimes privés et collectifs.

Mme Plante (Marie): Bien sûr.

M. Couillard: Et je suis certain que ce n'est pas ça que vous vouliez dire, mais c'est important de le clarifier.

L'autre principe de base de l'assurance médicaments qui a été finalement énoncé lors de sa mise sur pied, c'est que l'État refuse de faire des choix de valeur entre les différents types de maladies. Il n'y a pas un système spécifique pour la maladie mentale, un système spécifique pour la maladie cardiovasculaire, un système spécifique pour le diabète, un système spécifique pour l'arthrite ? les gens de l'arthrite vont venir tantôt. Et ce n'est pas à l'État de dire que socialement ou en général, cette maladie étant plus importante qu'une autre, en vertu de quels critères, il faut lui donner un mécanisme d'accès aux nouveaux médicaments différent des autres. Je pense que c'est très important de le dire parce qu'à ce moment-là on n'en sortira plus.

Maintenant, lorsque vous dites: Il y a des difficultés à obtenir des données probantes sur certains groupes de population, exemple les jeunes, bien, là, c'est le genre d'argument qu'il faut présenter au Conseil du médicament. Et à mon avis ce serait le rôle d'une association comme la vôtre, avec des experts bénévoles comme nous avons aujourd'hui, de rappeler ça au Conseil du médicament. Et, à ce moment-là, il y a des mécanismes qui peuvent être mis en place pour pallier à ce manque d'information, d'abord le reconnaître que l'information n'est pas disponible ou ne peut être obtenue et ensuite avoir d'autres mécanismes plus particuliers.

Mais, moi, personnellement, et, je pense, en général du côté parlementaire, je résisterais beaucoup à la tentation, même si elle peut paraître attirante, de faire des catégories de maladies et des catégories de traitements d'évaluation des médicaments différentes parce que ce que vous dites sur la dépression, c'est vrai pour le diabète aussi, c'est vrai pour d'autres types de maladies, même celles qui apparaissent les plus bénignes initialement, qui, si laissées non traitées, ont des effets dévastateurs et coûteux sur la société et sur l'individu, bien sûr. Alors, je pense qu'il faut également résister à cette tentation.

n (11 heures) n

M. Provost (Jean-Rémy): Il faut comprendre aussi qu'on vient parler de troubles anxieux, dépressifs, bipolaires et non pas d'arthrose ou de... Donc, on vient présenter notre point de vue aussi. C'est à vous de prendre ça dans sa globalité. Nous, on voulait vraiment tâter le pouls de nos membres qui ne nous parlent que de ça, puisqu'ils ne vivent que ça, donc.

M. Levesque (Pierre): Si vous permettez.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Levesque, oui.

M. Levesque (Pierre): Oui. Pierre Levesque, pharmacien à l'Hôpital de Baie-Comeau depuis 31 ans. J'ai aussi mon «board» américain de spécialité en pharmacie psychiatrique et, depuis maintenant presque 10 ans, je suis bénévole pour Revivre parce que je suis aussi un malade mental, tel que vous me voyez ce matin. J'ai célébré au mois de mars dernier le 20e anniversaire de mon premier diagnostic d'épisode dépressif. Je suis dépressif unipolaire, dépressif majeur unipolaire récurrent. Donc, je suis placé aux premières loges pour comprendre le problème. J'ai à date cinq épisodes à mon compte.

Il est vrai qu'effectivement je comprends qu'on ne puisse pas faire ou qu'on puisse faire difficilement de catégories de maladie. Mais par contre il y a une chose très importante qui a été mentionnée et que je vois régulièrement, c'est... même s'il y a l'assurance médicaments, il n'en reste pas moins qu'il y a un faible coût à payer pour les personnes qui vont chercher leurs médicaments. Chez les personnes psychiatrisées, c'est un problème énorme.

Je vais vous donner un exemple. Personnellement, moi, évidemment, bon, je n'ai pas de problème, je bénéficie aussi d'une assurance groupe, bon, ça, pour moi, ce n'est pas un problème, même si je prends trois antidépresseurs et quatre «boosters» antidépresseurs. C'est un gros problème parce que souvent ces gens-là aussi fument. Et, croyez-moi, rendus à la fin du mois, s'ils ont à choisir entre les pilules et quelques cigarettes, ils vont choisir la cigarette.

Il y aurait sûrement moyen d'améliorer ou peut-être de se servir plus du patient d'exception parce qu'en psychiatrie malheureusement la molécule miracle est loin, très loin d'être arrivée. Ça fait qu'effectivement il y a des patients qui vont répondre à quelque chose et ne répondront pas à d'autre. Par exemple, lors de mon deuxième épisode, que j'ai très mal accepté et où j'ai fait toutes les erreurs possibles pour que ce soit long et difficile et qui m'a beaucoup appris, par le fait même, c'est la cinquième recette que mon psychiatre et moi avons essayée qui m'a sorti de cet épisode. Donc, ce qui a marché pour Pierre Levesque, ne marche pas nécessairement pour tout le monde. Il y a cet aspect-là qu'en psychiatrie vous avez un large éventail de maladies, un large éventail de patients puis un large éventail de médicaments qui sont loin d'être parfaits. Ça fait que c'est pour ça qu'on en arrive à faire plusieurs essais chez les différents individus.

Évidemment, j'ai beaucoup appris avec le deuxième épisode. Maintenant, de toute façon ma décision était prise après ce deuxième épisode en question: Je vais prendre des antidépresseurs pour le restant de mes jours. Parce que les épisodes 3, 4 et 5 ont été beaucoup plus simples à traiter, je n'ai pas eu besoin de m'absenter du travail, et ça a été tout simplement une question d'ajustement de médication.

Donc, puis, comme le disait aussi le Dre Plante tantôt, il ne faut pas non plus oublier que les maladies mentales sont par elles-mêmes neurotoxiques. C'est fascinant de voir les études en résonnance magnétique à positrons ou non, émission de positrons ou non, les images du cerveau humain avec ou sans dépression, avec ou sans médicament, et, comme le mentionnait le Dre Plante, effectivement on s'est aperçus que, chez les dépressifs, la zone qu'on appelle l'hippocampe ratatine quand on est dépressif. Quand on devient en rémission totale, ça dératatine, mais, à chaque épisode, probablement qu'on en perd, qu'on perd quelques neurones, ce qui fait que c'est sûr que j'en ai perdu quelques-uns. J'espère que ça ne paraît pas trop. Donc, de fois en fois, c'est pire, de fois en fois, c'est plus difficile de sortir les gens de là, de la maladie où ils sont, ça fait que c'est très important qu'ils aient accès aux médicaments, d'autant plus que les fameux tabous et les préjugés sont extraordinairement répandus. Récemment, Tom Cruise... Oui?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Levesque, je devrais vous interrompre maintenant. Si vous voulez bien conclure.

M. Levesque (Pierre): Oui, d'accord. C'est vrai, vous avez raison de le faire parce que, quand je pars en psychiatrie...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Je n'ai pas de contrôle sur l'horloge, c'est elle qui règle mes conduites.

M. Levesque (Pierre): Vous avez bien fait, M. le Président, parce que, sans ça, je serais encore ici à 2 heures. Donc, oui, voilà. Et un dernier facteur que je voulais souligner, qui est très important vis-à-vis des tabous et des préjugés, il a été démontré que 40 % des patients à qui on prescrit un antidépresseur pour la première fois ne dépassent pas la première... vont à la pharmacie le chercher et n'y retournent jamais par la suite, 40 %. Voilà.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Je céderai bientôt la parole au député de Borduas, mais avant, M. Provost, j'ai une petite question. Vous avez mentionné dans votre présentation, et ça me rappelle des vieux résultats de recherche d'il y a déjà 15 ou 18 ans, à l'effet qu'une thérapie duale, c'est-à-dire médicaments et psychothérapie, est plus avantageuse, et on en tire plus de profits, de résultats positifs. Ça présente donc un double problème, si je comprends bien, pour les personnes qui sont à bas revenus, d'une part, parce qu'il y a une franchise sur les médicaments, mais, d'autre part, aussi parce que les psychothérapies coûtent cher, elles ne sont pas remboursées. C'est ce qu'on comprend?

M. Provost (Jean-Rémy): Tout à fait. Encore...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Est-ce que c'est un phénomène qui est important dans les gens qui... Qu'est-ce que ça peut représenter comme proportion chez les gens qui ont recours aux services de Revivre?

M. Provost (Jean-Rémy): Bien, je vous dirais que la plupart ne peuvent pas se payer une psychothérapie et même ceux qui ont une assurance privée, c'est très, très dérisoire, là, le montant qui est donné pour une psychothérapie, et la psychothérapie devrait durer beaucoup plus longtemps que ce qu'on leur donne. Donc, c'est évident que, quand on parle de pharmacothérapie, bon, on va alléger certains symptômes, mais on ne va pas s'attarder à d'autres phénomènes, à la compréhension de la maladie, à l'estime de soi de la personne, à tous les chamboulements qui ont eu lieu dans sa vie, la personne a pu perdre son emploi, a pu vivre un divorce, et tout, donc toute cette reconstruction-là psychologique qui est à faire. Et donc on mise beaucoup sur les médicaments, ce qui est important, mais, si on n'a que les médicaments, ça ajoute encore un lourd fardeau sur l'effet de trouver une pilule miracle qui malheureusement n'existe pas. Mais, dans le meilleur des mondes, la combinaison, et c'est encore là aujourd'hui, pharmacothérapie et psychothérapie est le meilleur effet possible.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Je tenais à souligner ça pour deux raisons, parce que, un, votre observation a été faite assez rapidement dans le cadre de votre présentation, mais je pense que c'est un phénomène important, et, deux, pour faire la démonstration que, même après de très nombreux jours à écouter des mémoires, on peut découvrir d'autres phénomènes et mettre au jour d'autres phénomènes importants auxquels les parlementaires doivent porter une attention particulière. Alors, M. le député de Borduas et porte-parole officiel en matière de santé.

M. Charbonneau: Bien. Merci beaucoup, M. le Président et porte-parole de l'opposition officielle en matière de pauvreté. Donc, on voit votre intérêt pour ces questions et votre formation en psychologie aussi. Moi, j'ajouterais à ce que mon collège viens de dire: Il y a un autre problème.

Vous avez parlé tantôt que vous devez faire face à des préjugés. Un des préjugés que je remarque depuis plusieurs années, une espèce de double préjugé répandu dans beaucoup de médias, une espèce de mode chez des bien-pensants, qui finalement donne à penser que les gens qui prennent des antidépresseurs, ils en prennent trop, on est une société où on prend trop de médicaments antidépresseurs, puis finalement les gens qui font des psychothérapies, bon, finalement, aller chez le psy, tu sais, c'est un... Ça aussi.

n (11 h 10) n

Ça veut dire qu'on est dans une espèce de système où déjà les gens qui souffrent de problèmes anxieux ou d'angoisse... Parce que dans le fond il y a un autre mot, hein ? je regardais le dictionnaire tantôt ? vous ne l'avez pas utilisé, mais c'est l'angoisse. Les gens vivent de l'angoisse, donc de l'anxiété sous toutes sortes de formes. Et, quand ils se font ostraciser déjà puis qu'en plus, s'ils prennent des médicaments, ils ont l'impression, en lisant souvent certains magazines ou articles, qu'ils sont crétins parce qu'ils prennent des antidépresseurs ou parce qu'ils vont chez... ils suivent une psychothérapie...

Je veux dire, on est dans une société où l'ambiance générale, une espèce de mode pour dénoncer la présence des psychothérapies, ou des psychologues, ou psychiatres, ou psychanalystes et l'utilisation des antidépresseurs... Il y a une espèce de toxicité ambiante qui, j'imagine, aggrave un peu ou qui ne facilite pas à la fois votre travail puis la vie des gens qui souffrent. Et il y en a beaucoup qui souffrent de ça, là.

M. Provost (Jean-Rémy): On récupère souvent les médias. Justement, je vous dirais qu'à une question posée par un journaliste qui nous demandait: Est-ce qu'on prescrit trop ou pas assez d'antidépresseurs?, nous, on répondait: Oui et non. Oui, chez les personnes qui se présentent chez un médecin et que, par un très, très court examen et par quelques symptômes somatiques, on lui prescrit un antidépresseur. Non, ce n'est pas ça dont la personne a besoin. Il faut voir, c'est minimum 45 minutes et plus pour vraiment diagnostiquer quelqu'un en dépression majeure. Donc, on en prescrit trop à des gens qui n'en ont pas besoin.

Par ailleurs, on n'en prescrits pas assez parce qu'il y a des gens qui souffrent trop en silence, qui ne sont pas diagnostiqués. Des gens qui nous appellent ça fait sept, huit, neuf, 10 ans qu'ils souffrent vraiment de dépression, ça s'est confirmé par la suite par le diagnostic du médecin. Donc, on est dans les zones grises, on est dans les nuances, et l'effet médiatique parfois est noir ou blanc. Donc, on a des centaines d'appels de gens, après un reportage ou un texte dans un quotidien, où les gens veulent abandonner leur médication: Ah, je le savais, ce n'est pas bon pour moi. Et là le proche nous appelle une semaine plus tard, et la personne, elle a décompensé, et c'est le bordel à la maison.

M. Charbonneau: Je voudrais, en passant, que vous offriez mes salutations à votre président, c'est un citoyen de mon comté, le ministre en a parlé, Guy Latraverse. Et c'est un exemple de quelqu'un qui a souffert très longtemps et qui a payé très cher, pas juste financièrement mais individuellement, puis qui a fait payer très cher à ses proches aussi pendant des années, avant que finalement il trouve... il accepte puis qu'il trouve la médication adéquate et qu'il puisse fonctionner. Maintenant, bon, il a retrouvé le maximum de sa forme professionnelle, et autres. Mais c'est un bon exemple. Je veux dire, souvent, ça prend des années avant qu'on puisse être diagnostiqué.

M. Provost (Jean-Rémy): Petite anecdote, entre parenthèses. Il en est fortement désolé, de ne pas être présent ce matin, il ne pouvait pas déplacer un rendez-vous extrêmement important. Il est de toutes les tribunes avec nous, donc il était très, très, très déçu de ne pas y être ce matin. Et effectivement il raconte même la même anecdote. C'est que c'est lui qui a convaincu feu Pierre Péladeau de s'ouvrir et de dire qu'il est maniaco-dépressif. Et ça a engendré énormément de livraison de témoignages et d'appels à notre organisme, justement par ce témoignage-là d'une personnalité connue. Et il l'avait convaincu en disant que Ted Turner venait de le faire, donc qu'il n'avait pas le choix de le faire. Donc, ça l'a piqué un peu au vif, et il s'est tout de suite livré. Et effectivement notre président, c'est ça qu'il tente de faire, notre porte-parole aussi, François Massicotte. Tout de suite après qu'il y a un texte sur eux dans les médias, on reçoit des centaines d'appels disant: Bon, bien, je me reconnais en lui, je veux lui parler, j'ai besoin d'aide. Alors, on en a besoin.

M. Charbonneau: À l'égard du lien... Parce que tantôt on a parlé puis un peu brièvement de l'impact. Bon, le ministre a dit, en réponse, pour corriger un peu l'impression que vous aviez pu laisser, que tous sont couverts. Tous sont couverts, mais certains doivent payer une franchise, parmi les plus pauvres. C'est ça dont vous parliez. Et, quand on regarde l'effet pauvreté sur la santé, il y a un lien direct.

Et en plus, dans le contexte des maladies mentales, les gens qui souffrent de problèmes d'anxiété ou d'angoisse, tout ça, il y a un effet aussi chez les proches, c'est-à-dire les proches finissent par être atteints. C'est-à-dire qu'à un moment donné, à vivre avec quelqu'un qui est angoissé, dépressif, grand anxieux, tu finis toi-même parfois par devenir dépressif parce que les conditions de vie... Et là c'est le conjoint, c'est les enfants, c'est une dynamique. Autrement dit, ce que vous dites, c'est qu'il y a un effet pervers de ne pas permettre aux pauvres ou aux plus pauvres d'avoir l'accès facile aux médicaments. Et cet effet pervers, ce n'est pas juste pour l'individu, mais c'est parfois pour tout l'entourage.

M. Levesque (Pierre): Effectivement, c'est exact. C'est ce qui crée d'ailleurs, probablement, les tabous et les préjugés. C'est que les maladies mentales, contrairement à toutes les autres maladies, ont pour effet d'agir sur le comportement de la personne atteinte. Ça fait qu'effectivement ça se répercute chez tous les membres de la famille, ça se répercute au travail, on peut perdre son emploi, ça se répercute chez les voisins qui ne viennent plus te parler, etc.

Vous parliez aussi tantôt, M. Charbonneau, de la presse écrite ou parlée. J'ai ici un petit article qui est paru dans le journal régional chez nous qui s'appelle Plein-Jour sur la Manicouagan, où on parle d'une madame qui s'implique en services communautaires versus les personnes qui ont des problèmes de santé mentale. Et, à l'occasion d'une visite de la ministre Marois, à l'époque où elle était ministre de la Santé, cette dame-là avait demandé ? je vais citer l'article: «Dans notre région, il y a juste la psychiatrie. Les personnes n'ont pas accès à du sevrage, de la thérapie ou encore une maison de crise ? O.K., la maison de crise, je suis bien d'accord, ce serait très utile. Le manque d'alternatives fait en sorte, poursuit la présidente, que les malades sont des surconsommateurs de médicaments. Pourtant, il est bien possible d'arriver à bien fonctionner sans médicament.» C'est des messages comme ça qui vous détruisent une motivation à prendre vos médicaments.

D'ailleurs, chez nous, je peux vous dire, si vous permettez, je peux vous dire que nul n'est prophète en son pays. J'ai offert mes services plus d'une fois et personne n'en a voulu parce que chez nous le communautaire est complètement contrôlé par des personnes antipilules. C'est pour ça que j'en suis à faire du bénévolat à Montréal ou à Québec. Et c'est pour ça aussi que les organismes communautaires comme Revivre sont absolument essentiels, je l'ai vu, je le vois quotidiennement. Par exemple, chez nous, quand on a implanté un service qui s'appelle Suivi intensif dans la communauté, des gens, bipolaires ou schizophrènes, qu'on voyait à l'hôpital, mettons, comme 10 mois sur 12 ont été maintenus en dehors de l'hôpital, dans la société, pendant des mois et même des années sans qu'on les revoie. Pourquoi? Parce que, chaque jour, on s'occupait que ces gens-là prennent leurs médicaments et, aussitôt qu'il y avait quelque chose qui dérapait, on s'en occupait aussi. Ça fait que c'est... Oui?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): ...s'il vous plaît. Mme Plante, vous avez demandé la parole aussi?

Mme Plante (Marie): Oui, je voudrais prendre la parole après.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Vous avez terminé... Est-ce que vous avez terminé, M. Levesque?

M. Levesque (Pierre): Oui, oui, allez-y.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): O.K. Mme Plante, oui.

Mme Plante (Marie): Oui. Parce que je voulais reprendre, dans votre intervention, le fait exactement que je parlais, pour la population qui n'est pas bénéficiaire, là, de l'assurance médicaments publique, de l'impact du, disons, 20 % de frais à payer pour obtenir les médicaments, ce qui peut avoir, là, un impact sur le budget familial. C'était donc de ça dont je parlais.

Vous avez mentionné tout l'impact familial de ces problèmes. Je vous dirais que c'est un impact double. Si on parle d'un trouble anxieux que la personne vit, si c'est le parent qui est anxieux, bien il faut penser que, oui, ça peut faire que les enfants se développent dans un climat d'anxiété, une perspective d'anxiété, mais il ne faut pas oublier que génétiquement ils sont aussi vulnérables davantage qu'un autre à cette maladie et que donc il y aura aussi double source, double risque de développer la maladie.

n (11 h 20) n

Et, moi, ça m'amène à l'autre point qu'on a soulevé dans le mémoire, qui est celui de l'utilisation optimale des médicaments, qui est un point important de la politique. Et je pense que tout ce qu'on en disait réfère aussi à ça. Il y a l'accès puis ensuite il y a l'utilisation, la bonne utilisation, non pas la surutilisation ou la sous-utilisation, donc comment utiliser optimalement. Mais, on le soulignait, ce n'est pas juste une question de médicaments, c'est un traitement qui est global. Dans la politique, on parle, à différents niveaux, qu'il faut prendre en perspective la santé globale de la personne. Bien, c'est d'autant vrai avec les maladies mentales. Et, pour ça, oui, la communication médecin-patient, c'est le premier lieu, je dirais, mais il est important d'avoir de l'information.

On a mentionné différentes solutions possibles, et il était mention de l'intention thérapeutique. J'ai aussi certaines réticences. Dire dépression comme intention thérapeutique, c'est une chose, mais dire toute la spécificité et le pourquoi je vais aller sur ce médicament-là, cette dose-là, ce n'est pas juste une question de milligrammes par kilogramme, ça va bien au-delà de ça. Donc, comment le faire?

Le dossier-patient informatique peut être une solution, puis, à ce moment-là, le pharmacien, dans son expertise professionnelle, peut y collaborer. Mais il y avait dans la politique du médicament aussi les guides thérapeutiques mais qui étaient comme associés strictement à l'industrie pharmaceutique qui propose les guides thérapeutiques, alors qu'on peut penser, par exemple, qu'un des rôles du Conseil du médicament, en collaboration bien évidemment avec de multiples partenaires, dont l'industrie pharmaceutique, mais pourrait envisager des guides thérapeutiques qui, à ce moment-là, considèrent le traitement global, par exemple, de la dépression, de la dépression chez les jeunes.

Je sors un peu du cadre, ici, mais trois associations médicales, la Fédération des médecins omnipraticiens, l'Association des pédiatres et l'Association des psychiatres, ont envoyé une lettre au ministre pour faire part du problème que constitue le traitement pharmacologique de la dépression chez les moins de 18 ans et l'utilisation des antidépresseurs, que ce soit dans les troubles anxieux ou les troubles dépressifs, et a demandé l'aide du Conseil du médicament pour qu'au Québec il y ait une position à cet effet-là. Donc, ça pourrait être quelque chose de ce type-là, où on toucherait à la fois de l'information aux populations, de l'information aux médecins, aux autres intervenants, qu'ils soient psychosociaux ou communautaires, et où on dégagerait aussi pour le réseau quels services offrir.

Par exemple la luminothérapie, une lampe, ça coûte 225 $, 250 $, ce n'est pas facile, là, pour une famille, nécessairement, de se procurer ça. Bon, on va prendre un médicament ou on va prendre la luminothérapie. À quelle place que c'est disponible dans le réseau? Alors, il y a des choses comme ça qui pourraient se dégager à partir de guides thérapeutiques et pourraient peut-être être une option. Et, à partir de là, le Conseil du médicament, le gouvernement, le réseau de services de santé pourraient peut-être faire certains choix qui orienteraient le développement des services. On parlait tantôt de pénurie fonctionnelle, bien c'est vrai en termes de services aussi et d'accès aux services. Donc, oui, il y a un médicament, mais ça se présente dans une globalité, tout ça.

M. Charbonneau: Écoutez, moi, je suis très frustré parce que c'est le genre de questions dont j'aimerais parler longuement. Malheureusement, nos contraintes d'horaire font qu'on ne peut pas prendre deux heures avec un groupe, là. Mais je pense que ça aurait été utile et d'intérêt public qu'on poursuive plus longuement avec vous. Alors, merci beaucoup de votre présence.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Je remercie M. Provost, Mme Plante et M. Levesque de leur contribution aux travaux de cette commission. Je les invite à céder leur place aux représentants du prochain groupe, s'il vous plaît. Je suspends les travaux.

(Suspension de la séance à 11 h 25)

 

(Reprise à 11 h 27)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, on reprend les travaux, s'il vous plaît. Alors, la commission reprend ses travaux.

Nous accueillons le Groupement provincial de l'industrie du médicament. Je reconnais M. le président Pierre Boivin. Il est accompagné de M. Pierre Morin, directeur général. Alors, M. Boivin, vous connaissez les règles du jeu: 20 minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire, suite à quoi nous procédons à des échanges avec vous. Alors, vous êtes le bienvenu, la parole est à vous.

Groupement provincial de
l'industrie du médicament (GPIM)

M. Boivin (Pierre): Merci, M. le Président. M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, mesdames messieurs. Je suis Pierre Boivin, pharmacien de formation, ardent défenseur d'ailleurs de ma profession, plusieurs le savent ici, président de Pro Doc ltée, dont nous marquons cette année le 50e anniversaire de fondation, et ici en qualité de président du Groupement provincial de l'industrie du médicament, que l'on nommera la plupart du temps le GPIM. M. Pierre Morin, notre directeur général, m'accompagne. Merci de nous avoir invités à participer aux travaux de cette commission chargée de mener une consultation publique sur les propositions contenues dans le document ministériel intitulé la Politique du médicament.

Un mot d'abord sur le GPIM. Cette association, fondée en 1983, réunit maintenant quelque 23 entreprises ou groupes d'entreprises qui fabriquent ou commercialisent des produits pharmaceutiques. Je dis bien des produits pharmaceutiques et non des génériques ou des produits de marque. Effectivement, les membres du GPIM sont actifs sur toute la gamme des produits pharmaceutiques: des spécialités, pour certains, comme les produits de contraste; les médicaments génériques pour un autre groupe; les produits brevetés pour un autre groupe; et enfin de la fabrication à façon comme activité pour plusieurs de nos membres. Sa diversité fait justement la richesse de notre organisation, d'autant plus que les membres ont développé entre eux plusieurs axes de collaboration. Le plus important critère d'adhésion au GPIM est d'avoir un centre de décision au Québec.

n (11 h 30) n

Avant de céder la parole à notre directeur général, je tiens à vous signaler notre accord général avec le contenu de la politique proposée et vous indiquer que nous souhaitons aborder trois questions particulières, aujourd'hui, qui nous ont semblé peu soulignées dans le document questions particulières, aujourd'hui, qui nous ont semblé peu soulignées dans le document ministériel, pour les deux premières, et une dernière qui devrait accessoirement en faire partie. Ces questions portent d'abord sur le maintien du PVG, ou du prix de vente garanti, sur les règles devant gouverner les conditions de vente de médicaments, leur encadrement et son ampleur, ainsi que la volonté de les faire respecter. Enfin, nous entendons aborder une mesure d'équité pour répliquer à des circonstances qui nous en privent. Je cède maintenant la parole à M. Morin.

M. Morin (Pierre): Merci, M. le Président. Bonjour. La proposition 26 du document ministériel parle brièvement, si ma mémoire est fidèle, du maintien du prix de vente garanti. Pour nous, en fait, c'est une question de principe. C'est à la base de l'ensemble du programme et un des principes soutenant le régime d'assurance médicaments au Québec. Il résulte d'un engagement exigé du fabricant et du grossiste de garantir pour un an le prix d'un médicament dans un format donné qui ne soit pas supérieur au prix exigé pour le même médicament d'un autre programme provincial d'assurance de médicaments.

Ce qu'on veut soulever ici, c'est que le prix de vente garanti est quelque chose qui s'applique en amont et en aval et, parce qu'il s'applique en amont et en aval, il est particulièrement avantageux à la fois pour le gouvernement mais d'abord et avant tout pour le consommateur et pour la profession de pharmacien. Parce qu'on a le prix de vente garanti, nous n'avons pas de pénurie de services pharmaceutiques au Québec. Il y a une pénurie de pharmaciens, mais les services sont très largement accessibles à des heures étendues, tout au cours de l'année, tout au cours de la semaine, et c'est une des conséquences effectivement du prix de vente garanti.

J'explique très brièvement. Si, parce que quelqu'un est localisé à Val-d'Or, il doit payer un prix différent du prix de Montréal pour ses médicaments ? et là je parle du pharmacien ? ce qui va se produire, c'est qu'il va y avoir une délocalisation. À terme, ça amène une délocalisation. Or, le prix de vente garanti permet effectivement qu'il y ait partout au Québec présence de pharmacies, de pharmaciens et que les prix soient les mêmes pour eux ainsi que pour les consommateurs. Et on croit que c'est très important de maintenir comme principe le prix de vente garanti. On le mentionnait in extenso dans notre mémoire, mais on tenait ici à le souligner, à le rappeler comme peut-être élément de base au régime.

Notre deuxième préoccupation porte, vous vous en douterez, sur l'encadrement des conditions de commerce autour des produits pharmaceutiques. Et ça nous amène à la politique, en fait les propositions 12 et 13... en fait, 12, où nous signalons notre accord, 13... Excusez-moi, je suis au mauvais endroit, ce n'est pas 12 et 13 mais plutôt la proposition ministérielle 27 ? et on reviendra à 26 ? dans l'encadrement des pratiques commerciales des fabricants de médicaments génériques. Il faut constater qu'il y a actuellement encadrement. Effectivement, les pratiques commerciales des fabricants de médicaments génériques sont actuellement encadrées. Il est interdit au fabricant de consentir un quelconque avantage au pharmacien, ce qui nie ce que permet la loi sur l'impôt en la matière.

Nous croyons qu'il y a lieu de prévoir un cadre où des relations d'affaires plus normales seraient permises entre fabricant et pharmacien. Par exemple, le gouvernement a adopté des règles touchant les fonctionnaires et les administrés. Ces derniers peuvent, par exemple, recevoir... en fait, ce n'est pas ces derniers, mais c'est plutôt les fonctionnaires... peuvent recevoir un bien en cadeau en autant qu'il n'ait pas plus qu'une valeur déterminée. Mais il n'est pas interdit d'inviter un fonctionnaire à un déjeuner ou même à un événement sportif. Pourtant, ces pratiques sont interdites entre un fabricant de médicaments et son client, le pharmacien.

L'idée de mettre en place une agence indépendante financée par les fabricants de médicaments génériques pour encadrer les pratiques commerciales de ces mêmes fabricants n'a de valeur que dans la mesure où l'agence dispose d'un pouvoir d'enquête et surtout un pouvoir de mettre un terme aux pratiques qu'elle aurait identifiées comme non conformes. Permettez-nous de douter de la volonté de doter une telle agence de semblables pouvoirs.

Et ça nous ramène sur la proposition ministérielle précédente, 26: établir des règles claires entourant les pratiques commerciales pour l'ensemble des compagnies pharmaceutiques. On est effectivement tout à fait d'accord avec le principe, sauf qu'on a constaté qu'on en a actuellement, des règles claires qui sont appliquées ou applicables à l'ensemble de l'industrie. Cependant, dans la proposition, on reste un peu sur notre appétit quant aux moyens que l'on veut... sur la façon d'abord de le faire et sur les moyens qu'on veut y mettre pour la rendre applicable parce qu'il faut voir qu'actuellement la sanction présentement prévue est inapplicable, car un tribunal l'a jugée trop sévère. Il y a lieu de moduler les sanctions, mais, si elles n'interviennent qu'aux termes d'une enquête qui s'étend sur plusieurs mois, voire plus d'un an, les délais sont tels qu'ils minent l'intégrité du système.

Dans les faits, nos craintes sont les mêmes que celles exprimées à l'instauration de la politique du prix de vente garanti: l'efficacité des mécanismes de contrôle et la volonté de mettre en place des mécanismes susceptibles d'en assurer une intégrité. Notons que deux grandes enquêtes menées par la RAMQ ont eu cours depuis 1998, et effectivement il y en avait eu une autre auparavant, débutée en 1995. Des poursuites ont été lancées, mais aucune sanction n'a été appliquée. Si l'on doit en tirer un enseignement, c'est qu'il est naïf de croire que, parce qu'on adopte une loi contraignante sur papier sans y consacrer les moyens de l'appliquer, les personnes visées vont la respecter, surtout si elle va à l'encontre de leurs intérêts perçus. Le gouvernement ne le savait peut-être pas en 1992, mais il le savait en 1996, en 1999 et en 2002 alors qu'il a soumis des propositions législatives où les règles auraient pu être changées.

Nous avons trois autres préoccupations face à cette proposition. La première, qu'elle n'avance aucun moyen, ou disposition, ou dispositif pour exercer un contrôle sur les transactions qui se déroulent hors Québec mais dont les effets s'y font sentir. Par exemple, comment prévoit-on exercer un contrôle efficace sur les chaînes de pharmacies pancanadiennes dont les achats de médicaments sont groupés hors du Québec et qui ont obtenu des pharmaciens du Québec qui exercent sous leur bannière le droit de les approvisionner en exclusivité à partir du siège social? Non plus qu'elle n'avance ? la proposition ? de moyens pour contrôler les transactions entre les fabricants et les tiers dont les activités s'exercent au bénéfice direct des pharmaciens. Par exemple, un fabricant verse une somme proportionnelle aux achats consentis par les pharmaciens qui adhèrent à une chaîne ou bannière, laquelle utilise les fonds pour payer les dépenses publicitaires de tous les pharmaciens adhérents plutôt que de cotiser leur commerce pour payer ces dépenses. Les deux dernières rondes d'enquêtes sur les pratiques des fabricants de médicaments génériques, celle de 1998 et celle de 2002, de la RAMQ, ont démontré de grandes difficultés pour la RAMQ à cueillir la preuve auprès d'une entreprise située hors Québec. Il est impératif de prévoir ces situations.

Et enfin le troisième point. Et vous me permettrez de citer un intervenant devant cette commission pas plus tard que le 24 août, la semaine dernière, mercredi. Il s'agissait de M. Gariépy et qui comparaissait, je crois, au nom de la chaîne Familiprix, à titre de grossiste. Et je cite donc ce texte: «C'est que, si on veut se qualifier comme grossiste, il exige déjà une liste de médicaments qui est publiée, qui est celle du formulaire. Alors, à tout le moins, on devrait demander à ces gens-là: Est-ce que vous tenez en entrepôt de façon continue et constante le formulaire du gouvernement du Québec?»

n(11 h 40)n

Bon, ça semble lapidaire, comme ça, mais, lorsque vous êtes appelé à soumissionner auprès d'une firme, un grossiste qui agit sur l'ensemble du Canada, dont le siège est à l'extérieur et que vous ne satisfaites pas les conditions commerciales que lui peut imposer, vous n'êtes tout simplement pas dans ses ordinateurs, donc les pharmaciens qui en dépendent au Québec ne peuvent pas acheter de vous. C'est un mécanisme en fait où on croit qu'on devrait imposer aux grossistes le formulaire. Et le formulaire comprend la liste de tous les fabricants inscrits et reconnus par le ministre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Je vous en prie. Alors, je cède la parole à M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Morin et M. Boivin, pour votre visite. Plusieurs points intéressants qui nous permettent de leur donner un éclairage un peu différent par rapport à celui que d'autres groupes ont présenté ici. Je commencerais bien sûr par le principal axe de votre présentation, qui est la question des pratiques commerciales entre génériques et pharmaciens. On a vu à plusieurs reprises, encore une fois, ce matin, plusieurs personnes nous dire: Écoutez, il n'est pas nécessaire pour l'État d'intervenir dans ce domaine-là, puisque, par exemple, les pharmaciens propriétaires sont en train de se doter d'un code d'éthique qu'on nous promet devant être très serré et que d'autre part l'industrie générique également va se doter d'un code d'éthique, un peu comme il a été déjà publié par une autre section de l'industrie. Donc, ce qu'on nous dit, c'est: Laissez l'autorégulation suivre son cours et, l'État, n'intervenez pas dans cette question du comportement commercial éthique.

Est-ce que c'est un peu le message que vous nous envoyez, vous aussi? Parce que je n'ai pas compris vraiment ce que vous recommandez. Est-ce que vous voulez qu'on laisse l'autorégulation, à travers les codes d'éthique existants, suivre son cours ou vous nous dites d'autre part qu'il faut être encore plus interventionnistes pour prévoir des pouvoirs d'inspection, de sanction et de correction?

M. Morin (Pierre): Je pense que je vous répondrai, M. le ministre: Ni un ni l'autre. Ce n'est pas... Bon, à titre de payeur, tiers payeur principal pour 50 % des médicaments remboursés au Québec, c'est normal d'avoir des règles. Vous seriez une entreprise privée et vous en auriez. O.K.? Bon. Alors, ce n'est pas à ce titre-là. Mais quel type de règles? Là, on en a actuellement qui interdisent tout. On le sait, ces règles-là sont inopérantes. Il a beau y avoir des poursuites, il a beau y avoir... jusqu'à maintenant personne n'a été trouvé coupable ou n'a dû débourser suite à un jugement du tribunal en vertu des règles existantes. Bon. Alors, vous me permettrez de les qualifier à peu près d'inopérantes. Bon.

Il existe par ailleurs des relations encadrées, entre autres, pour une partie par la loi sur l'impôt: comment un fournisseur peut traiter un client, qu'est-ce qui est permis, qu'est-ce qui n'est pas permis. Bon. Ça, c'est déjà bien établi.

Il existe aussi, si on prend l'exemple de l'Ontario, une règle. D'abord, l'Ontario fixe le prix des médicaments génériques, d'une part, d'autre part, alloue aux pharmaciens une marge. Elle est automatique. Je crois qu'elle est de 10 %, mais là... Mais grosso modo, là, pour simplement manipuler les médicaments, pour simplement en prendre soin, il a le droit à une marge bénéficiaire sur le médicament de 10 %, ce qui n'inclut d'aucune façon les rabais, ristournes toujours légales qui peuvent être versées au siège social, puisqu'ailleurs au Canada les chaînes sont... les pharmacies ne sont pas toujours propriété du pharmacien. Il faut établir cette distinction-là. Alors, il y a un encadrement même en Ontario. Il faut bien voir qu'il y a un encadrement.

Alors, ce dont on parle, c'est de reconnaître certaines règles entre un fournisseur et son client principal, qui est le pharmacien, et délimiter un petit peu ces règles-là, qu'est-ce qui est permis, qu'est-ce qui ne l'est pas ? et ça, c'est peut-être plus simple ? puis après s'assurer qu'on a les moyens d'abord de percevoir rapidement des déviances et, deuxièmement, de les réprimer. Fondamentalement, c'est ça. Et, je vous le dis, vous seriez une entreprise du secteur privé, une HMO aux États-Unis, et vous en adopteriez, des règles semblables. Alors, ça n'a rien à voir, là, pour l'instant avec l'aspect... On dit le gouvernement, sauf que c'est effectivement l'État ici qui est le tiers payeur.

M. Couillard: En fait, les règles des HMO sont encore plus sévères que les règles québécoises, puisqu'elles incluent également des guides de pratique obligatoires pour les médecins qui sont des salariés d'une HMO, alors que la pratique professionnelle au Québec est beaucoup plus autonome, et vous savez à quel point c'est déterminant pour la prescription.

La proposition, ici ? puis je serais intéressé d'obtenir votre avis là-dessus ? demande de ne facturer que le prix réel d'acquisition, étant exempt des ristournes, avantages, incluant les rabais volume. Comme je l'ai indiqué précédemment, moi, je suis sensible à l'argument sur les rabais volume parce qu'il n'est pas question de ne pas considérer les pharmacies comme étant des entreprises qui ont également droit d'utiliser les règles du marché puis de faire du profit. Cependant, j'ai indiqué ce matin, en conversant avec un groupe, que la permission de rabais volume devrait nécessairement s'accompagner d'une grande transparence de factures et également au point de vue fiscal. Comment est-ce que vous voyez cette question des rabais volume par rapport aux autres types d'avantages?

M. Morin (Pierre): Effectivement, ça existe partout dans le commerce. Si vous l'autorisez, effectivement il faut que ce soit transparent. Il y a une très grande différence entre un rabais volume ? qui est justifié, en passant, par la Loi sur la concurrence, et on doit traiter de façon équitable et égale sensiblement tous les clients qui ont des volumes semblables, et ces volumes-là varient, en fait les rabais sont articulés en fonction des volumes ? à une situation où vous donnez des dessous de table. On ne parle pas de la même chose, là. Les rabais volume, effectivement ça a sa place dans l'industrie. Les dessous de table n'ont pas leur place nulle part.

M. Couillard: Vous êtes d'accord avec nous qu'il faut distinguer les deux. Parce qu'essentiellement c'est la réflexion qui est en cours, c'est qu'il y a les rabais volume, qui sont des pratiques commerciales, entre guillemets, normales mais qui doivent être transparentes, et il y a d'autre part les autres types d'avantages, et ce n'est pas la même chose. Vous êtes d'accord avec ça?

M. Morin (Pierre): Effectivement. Oui, tout à fait.

M. Couillard: O.K. La question, c'est également... vous y avez fait allusion à la fin de votre présentation. Je pense que vous parliez essentiellement de la définition du statut de grossiste. Lorsque vous dites que le gouvernement, pour... J'interprète vos propos, puis vous me corrigerez si ce n'est pas le cas, là. Vous dites: Le gouvernement, pour accréditer un grossiste, devrait exiger qu'il détienne en stock l'ensemble du formulaire du Québec. Alors ça, c'est une des recommandations qu'on a eues également d'autres intervenants.

Il y a un autre aspect également qui était la desserte du territoire, notamment les petites localités rurales. Est-ce que vous avez réfléchi à cette question-là? Parce qu'on nous dit, de la part des entreprises plus concentrées au Québec, que, si on ne définit pas cette caractéristique, on risque de se retrouver dans une situation où des grossistes hors Québec vont s'accaparer la plus grande part du marché sans nécessairement servir ? puis je reprends l'exemple qui nous était donné ? Chute-aux-Outardes ou des très petites localités où le volume de prescription n'est pas là. Est-ce que vous pensez que cette question de la desserte du territoire doit faire partie de la définition également?

M. Morin (Pierre): Non. Ça nous touche très peu. Comme vous le savez, les changements aux règles de pratique ont fait que l'industrie générique assume les coûts de distribution de ses médicaments. Alors, ce n'est pas quelque chose en plus; on le paie. Et très souvent on va vendre directement à des pharmacies. Alors, les pharmacies appellent, et puis on passe commande, et puis on répond à la commande quand ce n'est pas à travers un grossiste. C'est-à-dire qu'il y a les deux réseaux effectivement, réseau grossistes et réseau vente directe aux pharmacies, qui existent. Alors, ce n'est pas vraiment, pour nous, un problème, de cette perspective-là. On répond, je crois et nous croyons, à l'ensemble des demandes qui nous sont adressées.

M. Couillard: Donc, concrètement, si le pharmacien de Chute-aux-Outardes vous appelle puis il a besoin d'un lot de tel médicament, il va l'avoir puis vous allez le desservir.

n(11 h 50)n

M. Morin (Pierre): Puis il va l'avoir rapidement en plus, effectivement. S'il ne l'a pas chez son grossiste habituel, il va l'avoir de chez nous très rapidement. Donc, on parle... Par exemple, Shoppers Drug Mart, en Ontario, fait un appel d'offres pour des médicaments, et ces médicaments-là seront distribués dans toutes ses pharmacies, incluant au Québec. Shoppers Drug Mart a des politiques de rabais volume. La loi interdit à une société québécoise d'en donner. Alors, on répond: Oui, mais on ne peut pas vous donner de rabais volume. On n'apparaît pas à la liste. Donc, tous les pharmaciens de Pharmaprix ne peuvent s'approvisionner chez nous. Et, nous, quand on vous parle du formulaire, c'est ce qu'on entend, c'est-à-dire qu'un grossiste devrait avoir non seulement les médicaments, mais l'ensemble des fabricants que vous avez reconnus dans le formulaire dans leur liste.

M. Couillard: Dernière question, M. le Président. Est-ce qu'il n'y a pas un conflit potentiel entre le prix de vente garanti, dont vous recommandez le maintien, là, et la question des rabais volume? Parce que les rabais volume risquent d'être hétérogènes sur le territoire, compte tenu du volume d'activité justement, compte tenu des endroits où ça se situe. Vous dites: Il faut maintenir le prix de vente garanti parce qu'il faut maintenir un état d'équité à travers le territoire. Est-ce que les rabais volume ne risquent pas d'annuler cette équité-là?

M. Boivin (Pierre): Excusez-moi. Si naturellement ils sont encadrés puis il y a des normes. Je sais qu'à un moment donné on parlait d'un certain pourcentage maximum qu'on pouvait atteindre. C'est dans ce cadre-là qu'on accepte, qu'on dit qu'on peut avoir des rabais volume. C'est sûr qu'il faut avoir, comme on dit, des «guidelines», jusqu'à un certain point, parce qu'un des dangers, comme vous dites... On croit sincèrement que le PVG a fait en sorte que des pharmacies, il y en a partout dans la province de Québec. Puis c'est évident que, lorsqu'on entre la notion de rabais volume, un des principaux dangers, c'est que les plus gros joueurs, à ce moment-là, vont complètement... C'est pour ça que, notre introduction, on disait beaucoup que, pour nous, le PVG, on trouvait que vous ne mettiez pas assez d'ampleur par rapport à le maintenir parce que, d'après nous, c'est une des forces présentement du système, qui fait que le système des médicaments est distribué partout dans la province, comme ça.

M. Morin (Pierre): Mais il n'y a pas de contradiction, M. le Président, entre les deux. Le PVG, c'est un prix affiché que rembourse la régie à un pharmacien. Selon le volume généré par le pharmacien, il peut être autorisé à toucher des rabais volume. Et je pense que, si on se rappelle un témoignage un peu plus tôt, ce matin, en disant: Bien, ces sommes-là sont utilisées pour accroître les services offerts en pharmacie, à ce moment-là, il y a transparence, c'est... Alors, ce n'est pas... Effectivement, il faut la transparence, mais la notion de prix de vente garanti et le potentiel de rabais volume contrôlés ne sont pas incompatibles.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Je cède maintenant la parole au député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, je suis moins familier avec votre regroupement. Si j'ai bien compris, vous regroupez les entreprises de fabrication de médicaments génériques.

M. Morin (Pierre): ...non, mais ce n'est pas... Pour nous, on se définit comme étant une association regroupant des fabricants de produits pharmaceutiques, de médicaments, pas spécifiquement de médicaments génériques. Il y en a chez nous qui fabriquent des médicaments génériques, d'autres sont dans les médicaments de marque, d'autres sont dans les spécialités pharmaceutiques. Juste pour vous éclairer, une spécialité pharmaceutique, c'est, par exemple, des produits de contraste, lorsque vous allez pour un lavement baryté. Alors, c'est...

M. Charbonneau: Est-ce que votre regroupement regroupe... Parce que, là, il y en a tellement, là, de regroupements, là. Il y a des regroupements juste pour les pharmaceutiques...

M. Morin (Pierre): Juste pour les génériques... Non, vous avez un groupement canadien qui regroupe exclusivement des fabricants de produits de marque, les produits brevetés, qu'on appelle. Vous en avez une autre association canadienne qui a déjà comparu ici, qui regroupe les fabricants de médicaments génériques exclusivement. D'accord? Nous, il y en a de ceux-là qui ont été membres chez nous. Ils peuvent être membres d'une ou l'autre en étant membres chez nous quand même.

M. Charbonneau: Vous avez dit tantôt que, bon, vous étiez contre la création, là, d'une agence d'encadrement. Quels seraient les effets si...

M. Morin (Pierre): Non, excusez, permettez-moi de... On n'a pas dit qu'on était contre. Ce qu'on a dit...

M. Charbonneau: Ah bon!

M. Morin (Pierre): Non. Ce qu'on a dit, et vous reprendrez mes propos...

M. Charbonneau: Non, non, mais, écoutez, je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit.

M. Morin (Pierre): Non, non, on n'a pas dit qu'on était contre. Ce qu'on a dit, c'est qu'on note qu'il y a une proposition ministérielle à l'effet de créer une agence, bon, et elle parle, décrit un tout petit peu les responsabilités de l'agence. On dit: Si cette agence-là n'a pas les pouvoirs de réglementer, de contrôler, autrement dit de constater rapidement des déviances et de les réprimer, ça ne donne pas grand-chose d'avoir une agence. Il y en a déjà une, il y a la RAMQ qui a des pouvoirs d'enquête, actuellement. Alors, si c'est pour créer une agence avec un mandat de superviser l'encadrement des... bien il faut aussi donner des pouvoirs d'enquête ? puis là on parle de confier ça à une agence, donc ce n'est plus le gouvernement ? alors, pouvoirs d'enquête et pouvoirs de répression. Or, on ne retrouve pas ça dans la proposition. C'est ce qu'on dit. D'accord?

M. Charbonneau: O.K. D'accord. Et, si je vous comprends bien, vous dites qu'il y a déjà des pouvoirs qui sont attribués à la régie?

M. Morin (Pierre): Oui.

M. Charbonneau: Alors, est-ce que vous souhaiteriez plutôt que les pouvoirs de la régie soient renforcés? Parce que ce que j'ai compris aussi, c'est que vous dites que finalement les règles de contrôle actuelles sont assez inopérantes, là.

M. Morin (Pierre): Alors, quel que soit l'organisme qui aura des pouvoirs...

M. Charbonneau: Mais, vous, qu'est-ce que vous nous suggérez? Parce que dans le fond est-ce qu'on crée un autre organisme ou vous...

M. Morin (Pierre): Non, ce n'est pas là l'important.

M. Charbonneau: Pour vous, ce n'est pas important.

M. Morin (Pierre): Ce n'est pas ça qui est important. Ce qui est important, c'est de pouvoir... Parce que les outils informatiques existent déjà. O.K.? Il y a possibilité, à l'analyse des données à la RAMQ... Et j'espère qu'éventuellement qu'ils seront aussi bien organisés en matière informatique que ne l'est Costco qui connaît exactement ses ventes, à la fin de chacune des journées, de chacun de ses produits. Alors, quand la RAMQ sera organisée comme ça, c'est très facile de voir là où il y a des déviances dans les achats, les types d'achats, et d'enquêter non pas sur l'ensemble de l'industrie, mais sur les situations suspectes, encadrer immédiatement et, si elles sont identifiées, trouver le mécanisme pour la réprimer rapidement.

Actuellement, il y avait, jusqu'à cet été ou au printemps, des dossiers de 1998 qui n'étaient pas réglés. Il y a finalement eu un jugement du tribunal qui a trouvé que l'entreprise en question n'était pas coupable de ce qu'on lui reprochait. Bon. Là, on parle de 1998, là. Depuis ce temps-là, il y a une enquête de 2002 à 2004 et puis il y a eu effectivement le dépôt de poursuites, mais il n'y en a pas une de celles-là qui est encore réglée non plus, voyez-vous. Et, dans le contexte actuel, si on lit bien un jugement rendu dans le cas d'une injonction prise à l'encontre du ministre, le ministre ne peut signifier son intention de délister quelqu'un tant qu'un jugement n'a pas été rendu. Il ne peut pas le faire strictement sur l'allégué que lui présente la RAMQ à travers le conseil. Alors, on est rendu, là, entre l'infraction et une sanction potentielle, là, l'entreprise a eu le temps de changer de propriétaire trois fois, puis le gouvernement, deux fois, puis tout le monde...

Une voix: ...

M. Morin (Pierre): Une fois? Bon, ça dépend.

M. Charbonneau: Ça dépend, là. On verra ça pour...

M. Morin (Pierre): Ça dépend du nombre de mandats...

M. Charbonneau: Étape par étape.

M. Morin (Pierre): ...mais fondamentalement ce qu'on vous dit... Et ça, là, vous n'avez pas idée à quel point ça mine le système...

M. Charbonneau: J'imagine.

M. Morin (Pierre): O.K.? Parce que, pendant ce temps-là, actuellement, au moment où on se parle, les choses qui ont été évoquées comme scandales, ça continue, ça continue. Ça a changé un petit peu de forme, mais ça continue.

M. Charbonneau: Ça veut dire que non seulement le système de contrôle est inopérant, mais son effet dissuasif est nul.

M. Morin (Pierre): Il n'y en a aucun. Il n'y en a aucun. Mais, l'effet dissuasif, il y a un tribunal qui a dit que la sanction ne pouvait pas être appliquée, carrément.

M. Charbonneau: Écoutez, je ne connais pas ce jugement-là, mais est-ce que vous pouvez nous expliquer un peu pourquoi, qu'est-ce qui est arrivé?

n(12 heures)n

M. Morin (Pierre): Oui. En fait, il y a deux choses. Il ne faut pas être trop lapidaire, là, mais c'est un jugement rendu en 1998, je crois ? je vais vous référer en tout cas ? rendu effectivement le 28 septembre 1998. Le ministre de l'époque avait signifié son intention de délister, comme le permet la loi, une entreprise qui s'appelle Novopharm pour manquement aux dispositions de la loi. Novopharm a tout de suite demandé une injonction à l'encontre du ministre, basée sur deux choses, essentiellement. D'abord, sur le mécanisme, c'est-à-dire qu'il y avait un rapport de la RAMQ qui, soi-disant, contenait des preuves à l'effet qu'elle avait manqué, mais ça n'avait pas été soumis à un tribunal, et ces preuves-là n'avaient pas été jugées comme étant acceptables par un tribunal. Il y avait donc un jugement, une sanction rendue avant que la preuve ait été faite devant un tribunal. Première des choses. La deuxième, c'est que la sanction, pour une première offense, c'est délister tous les produits de l'entreprise pendant trois mois. Le juge a dit: C'est déraisonnable, ça tue l'entreprise. Bon. Et cette injonction-là, on en a appelé ? je parle du gouvernement ? et les demandes en appel ont été rejetées. Alors, elle dure toujours, elle est toujours là.

Alors, vous avez une loi qui dit quelque chose, vous avez un jugement qui dit: Bien, le ministre a les deux mains liées et puis la régie qui prend entre deux et trois ans pour faire une enquête parce qu'elle fait une enquête non pas sur une entreprise ou sur un cas mais sur une industrie. Alors, vous vous retrouvez, vous voyez, il y a un scandale récurrent à tous les quatre ou cinq... qui dans le fond n'est peut-être même pas un scandale. C'est un scandale parce que la loi l'interdit, mais partout ailleurs ce sont des choses qui sont... Entendons-nous. Si on parle de rabais volume, ce sont des choses qui sont permises. Si on parle d'autre chose, bien, là, c'est interdit, de toute façon.

M. Charbonneau: Bien. Une autre chose que je voudrais comprendre, en terminant, c'est toute la question de l'utilisation du formulaire. Vous en avez parlé un peu avec la ministre tantôt, là, mais, pour moi, ce n'est pas clair, là.

M. Morin (Pierre): Le formulaire, c'est plusieurs choses. C'est une liste de produits qui, elle, varie à l'occasion, c'est aussi une liste de fabricants et de grossistes reconnus par le ministre, qui varie périodiquement, et c'est l'énoncé des conditions par lesquelles les uns peuvent vendre aux autres. C'est tout ça, le formulaire.

Alors, quand on dit que, pour être grossiste reconnu, il faudrait tenir tout le formulaire, ce n'est pas simplement tenir tous les médicaments, mais c'est donner accès, pour un grossiste, à tous les fabricants reconnus par le ministre, et ça, que ce soit un grossiste hors Québec ou un grossiste au Québec.

M. Charbonneau: Dans votre mémoire, vous prétendez qu'il y a des «pressions considérables ? je vous cite, là ? pour faire de la pharmacie communautaire du Québec non plus un lieu soumis entièrement aux règles particulières de la profession mais plutôt un commerce dont une partie des activités sont réalisées par un professionnel». De quel ordre de pressions parlez-vous, là? Et qu'est-ce que c'est, ces pressions-là?

M. Morin (Pierre): Ça, c'est un suivi à un débat qu'on a eu avec l'Ordre des pharmaciens où... Bon, on parle beaucoup ici de la pharmacie bazar, là. Bon. Mais où...

M. Charbonneau: ...que j'entends cette expression-là. C'est intéressant.

M. Morin (Pierre): Bien, ça a été... Je pense qu'il y a un artiste qui l'a déjà utilisée, là, effectivement dans les années ? et ça marque mon âge ? dans les années soixante, début des années soixante. Mais essentiellement c'est qu'il y a des pressions considérables qui s'exercent sur le fait qu'au Québec et seulement au Québec, en Amérique du Nord, le pharmacien doit être propriétaire de sa pharmacie. C'est un professionnel en exercice libéral de la profession, c'est-à-dire que tout est fait sur son compte personnel ? d'accord? ? pour ce qui est de la pharmacie. Bien, ça, ça pose, qu'on le veuille ou non, des contraintes qu'on pourrait appeler pratiques par rapport aux autres pratiques en Amérique du Nord où ce sont des sociétés, des corporations avec un conseil d'administration qui mènent une activité commerciale qui comprend la pharmacie et qui demande à avoir un professionnel dispensateur qui est un employé généralement de l'entreprise. O.K.?

Alors, il y a un modèle, et ça, c'est le modèle nord-américain de la pharmacie. Ce modèle-là, il y a des pressions pour tenter de l'imposer aussi au Québec. Et c'est dans ce sens-là qu'on dit qu'il faut faire attention, ces pressions-là font partie de l'environnement, et il faut trouver des moyens effectivement de, si on veut conserver le système qu'on a... ça, c'est une autre question, mais, si on veut conserver le système qu'on a, il faut trouver des moyens pour faire en sorte que ça puisse continuer de s'exercer. À partir du moment où les pharmaciens viendront vous voir puis disent: Nous, on ne veut plus de cette disposition de la loi qui nous oblige à être propriétaires de notre pharmacie, comment allez-vous réagir? Alors, vraiment, la question se pose beaucoup plus au législateur qu'elle se pose à nous, mais il faut voir que, dans l'environnement actuel, ces pressions-là existent.

M. Charbonneau: Et, à votre avis, est-ce qu'il y a intérêt à maintenir notre différence?

M. Morin (Pierre): Intérêt énorme.

M. Charbonneau: Et j'aimerais ça que vous nous expliquiez, dans ce cas-là.

M. Morin (Pierre): Bien mieux de parler à un apôtre de la profession qu'à moi.

M. Boivin (Pierre): Ce serait plutôt le fait que, le propriétaire, il faut qu'il soit pharmacien. Alors, ce n'est plus lui qui prend les décisions par rapport à sa pratique pharmaceutique dans son entreprise. Puis j'utilise le mot «entreprise» parce que, «pharmacie», il y en a qui délimitent le côté professionnel, le côté pharmaceutique, là, accessible à... C'est ce qui fait que, dans la province de Québec, on a une très grande variété de pratiques professionnelles. C'est ce qui fait que vous pouvez avoir deux pharmacies qui sont une en avant de l'autre qui n'ont pas tout à fait la même approche professionnelle. Ça donne beaucoup de latitude individuelle à pratiquer de la façon qu'on décide de le faire, puis c'est particulier.

Il y a plusieurs... je ne peux pas vous dire qu'il y a des recherches scientifiques, mais c'est pas mal reconnu que la pratique pharmaceutique dans la province de Québec serait la meilleure en Amérique du Nord, serait la meilleure pratique en Amérique du Nord, meilleure que la balance du Canada puis qu'aux États-Unis. Ça fait que c'est pour ça que souvent ça me... ce n'est pas que ça me surprend, mais je dis aux gens: Au lieu d'essayer d'être comme les moins bons, essayons plutôt de continuer notre différenciation puis faisons ce qu'on fait de bien ici. N'essayons pas de faire comme les autres, c'est les autres qui devraient faire comme nous.

Puis une des principales raisons de ça, c'est justement le droit de propriété. Puis c'est pour ça que, lorsqu'on revient avec le PVG, quand on revient souvent avec ça, c'est le danger qu'il peut y avoir à quelqu'un qui a une pratique professionnelle. C'est sûr qu'il y a toujours des coûts inhérents à ça, tandis qu'une pratique commerciale, c'est un prix. Alors, le prix sur un litre de lait, ce n'est pas tellement important, là, tu ne deales pas avec la santé d'un individu.

Puis souvent j'explique: En pharmacie, ce n'est pas des clients qu'on a, c'est des patients, puis il faut comprendre bien la différence. C'est qu'un client, c'est rarement quelqu'un qui est bien énervé, tandis qu'un patient, c'est quelqu'un qui est fragilisé psychologiquement par la maladie. Donc, on se rend compte souvent, en pharmacie, que, même quand les gens viennent chercher leurs médicaments, le médecin leur a dit c'était quoi... comment les prendre, on leur dit, puis ils rappellent après encore pour le savoir. Alors, on travaille différemment, c'est un autre... Oui, excusez.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Non, je vous en prie, si vous voulez terminer votre réponse, il n'y a pas de problème.

M. Boivin (Pierre): Alors, c'est pour ça que c'est une approche qui est totalement différente. Alors, quand vous dites le droit de propriété, quand on parle de droit de propriété, pour moi, c'est essentiel à non seulement la pratique de la profession que l'on a présentement, mais pour même les soins de santé généraux. Dans la province, je pense qu'on est le professionnel de première ligne le plus accessible, qui ne coûte, entre guillemets, rien tant que tu n'as pas eu de prescription ou que tu n'as pas eu de médicaments, et c'est tout ce jeu de situations qui fait que c'est évident que, nous, on prône beaucoup ce que ça peut faire par rapport...

M. Charbonneau: Bien. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, M. Boivin, M. Morin, merci de votre contribution aux travaux de cette commission. La commission suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 10)

 

(Reprise à 14 h 3)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, si vous permettez, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux concernant la politique du médicament. Nous entendrons, cet après-midi, deux groupes.

Les représentants du premier groupe, McKesson Canada, sont devant nous. Il s'agit de M. Jacques Brunelle, au centre, à ma gauche, M. Domenic Pilla et ? c'est bien ça? ? à ma droite, M. Michel Martin. Alors, bienvenue à vous trois. Vous savez que vous avez 20 minutes pour exposer l'essentiel de votre message, et suivra une période d'échange avec les députés du côté ministériel et ensuite du côté de l'opposition officielle. Alors, la parole est à vous, nous vous écoutons.

McKesson Canada

M. Pilla (Domenic): Merci. M. le Président de la commission, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, Mmes et MM. les députés membres de la commission. Tout d'abord, on voudrait exprimer nos remerciements pour cette invitation à venir présenter notre point de vue aujourd'hui. Pour les fins de la discussion qui s'ensuivra, je vous présente les deux personnes ? vous les avez déjà présentées: M. Jacques Brunelle, qui est notre vice-président, Est du Canada, et Michel Martin, président de Radar Communications, qui est notre consultant en relations gouvernementales. Et, moi, Domenic Pilla, je suis le vice-président exécutif pour le Canada de McKesson Canada.

Et, avant d'entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de vous brosser un bref aperçu de notre entreprise. McKesson Canada est un chef de file canadien dans la gestion de l'approvisionnement des produits, la gestion de l'information et des développements des logiciels et systèmes dans les domaines des soins de santé. Nos ventes totales au Canada sont au-delà de 7 milliards de dollars. Notre réseau de distribution est à l'échelle nationale, on a un peu plus de 1 000 000 pi² distribués dans 15 centres de distribution dans le pays. On livre à 6 800 pharmacies de vente au détail et à 1 150 pharmacies dans le secteur hospitalier. On est établis au Québec depuis 1905. On va fêter notre centenaire cette année. En passant, le premier siège social de la compagnie était situé à l'auberge Saint-Gabriel, dans le Vieux-Montréal.

McKesson Canada, au Québec, représente un chiffre d'affaires de 1,6 milliard, dont 75 % de ce chiffre d'affaires là est en vente de médicaments d'ordonnance. Ça représente 28 % du marché de vente au détail au Québec, ça représente 74 % du marché de vente par distribution consolidée ou grossiste et ça représente 85 % des ventes en médicaments dans le secteur hospitalier.

Le siège social de McKesson Canada est situé à ville Saint-Laurent. On compte 650 emplois au Québec, qui est plus que le total de Familiprix et Brunet réunis. On continue à créer de l'emploi au Québec. Par exemple, au cours des 12 derniers mois, on a créé 50 nouveaux emplois dans l'automation et la technologie de l'information. On soutient à peu près autant d'emplois indirects chez nos fournisseurs au Québec. On a deux centres de distribution au Québec, un à Québec, ici, et un à Montréal, et nous approvisionnons un grand réseau regroupant plus de 500 fournisseurs, 1 300 pharmacies de vente au détail et 550 pharmacies dans le secteur hospitalier au Québec. Parmi les 1 300 pharmacies au détail, 250 de celles-là sont en région éloignée.

En plus de notre présence, que je viens de décrire, dans le domaine de la distribution pharmaceutique, McKesson offre aussi des services importants dans le secteur des soins de santé, tels des logiciels cliniques, de l'imagerie médicale, de l'automation de pharmacie et des services de consultation pour assurer l'utilisation optimale du médicament, la mission de notre entreprise et l'amélioration des qualités des soins aux patients par l'entremise de nos services en réduisant les coûts et en assurant un système plus contrôlé afin de réduire les erreurs médicales.

Notre mémoire qui est devant vous est inspiré par cette mission en offrant au gouvernement une solution qui réduit les coûts tout en assurant que le niveau de services nécessaire soit maintenu pour permettre aux pharmaciens d'assurer le meilleur soin à leurs patients. Avant de céder la parole à M. Brunelle, je tiens à vous féliciter, M. le ministre, pour votre détermination à mettre en place cette politique du médicament, ce faisant, à débloquer une situation qui perdure depuis une décennie. Alors, Jacques.

M. Brunelle (Jacques): Domenic, merci beaucoup. M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés membres de la Commission des affaires sociales. Nous n'envions pas votre position au sein de la commission, car il doit être très difficile de différencier des faits les intérêts de chacun des groupes. Comme nous l'avons fait avec votre équipe jusqu'à maintenant, et le comité tripartite, et le Conseil du médicament, nous voulons mettre l'accent sur les faits. Nous sommes conscients que les sujets que nous allons aborder ne feront pas la une des médias demain matin mais sont néanmoins des sujets stratégiques et importants au plan économique et de l'accessibilité des médicaments au Québec.

Au cours des 15 prochaines minutes, je vais concentrer mon intervention sur les cinq points suivants: premièrement, la distinction des modèles d'affaires de grossistes des produits pharmaceutiques; deuxièmement, les médicaments haute valeur; troisièmement, l'implication du plafonnement de la marge maximale à 6 %, tel que proposé par le gouvernement; l'implication du dégel sous le nouveau plafond; et finalement nos recommandations.

Commençons avec les modèles d'affaires. Je vous réfère à notre mémoire en pages 7, 8 et 9 si ça vous intéresse. Il y a plusieurs changements qui sont survenus dans le marché de la distribution consolidée depuis une dizaine d'années. Voici quelques caractéristiques de la distribution consolidée pour les pharmaciens, les consommateurs et les patients: plusieurs livraisons quotidiennes, deux fois par jour, jusqu'à 11 livraisons-semaine; dépannage d'urgence ? suite à une prescription d'un nouveau traitement, le patient peut recevoir ses médicaments très, très rapidement dans la même journée; il n'y a pas de commande minimale pour la pharmacie, donc ils ne sont pas obligés de regrouper leurs commandes; disponibilité, accessibilité, variété et qualité des produits partout au Québec; chaîne de froid pour produits spécialisés; consolidation des livraisons et des réceptions pour les pharmaciens.

n(14 h 10)n

De là découlent plusieurs bénéfices économiques, et ils sont multiples et évidents, tels que: la réduction des coûts et simplification de la gestion en pharmacie; réduction d'inventaire minimum requis en pharmacie; disponibilité accrue du pharmacien, ça le libère pour accomplir ses tâches professionnelles, service à sa clientèle; disponibilité et accessibilité aux médicaments pour les régions éloignées.

Dans le marché québécois, il y a plusieurs modèles d'affaires; on en compte quatre. Le premier, ce sont les compagnies qui sont verticalement intégrées ? puis je suis maintenant aux pages 8 et 9 de notre mémoire ? les compagnies verticalement intégrées qui sont reconnues comme étant: pharmacies Jean Coutu, Familiprix, Brunet, Pharmaprix. Ils ont des politiques corporatives intégrées, ce qui leur permet d'opérer d'une façon très, très, très spécifique et très ordonnée. À titre d'exemple, ils vont faire trois à cinq livraisons-semaine à l'intérieur de leur réseau. Ils ont aussi plusieurs sources de revenus différentes à leur disposition, incluant les redevances du franchisé, la marge bénéficiaire du grossiste et d'autres sources de revenus. Typiquement, ces compagnies verticalement intégrées vont générer une marge au-delà de 10 %, une marge réelle totale de 10 %. Donc ça, c'est un des groupes, ou un exemple, ou un des modèles d'affaires.

Un deuxième modèle d'affaires, ce sont les grossistes hors Québec. Et je crois que vous avez été visités par un représentant ou un de ces grossistes-là plus tôt, cette semaine. Une des caractéristiques de ces grossistes hors Québec, c'est qu'ils n'ont aucune installation de distribution au Québec, de là leur définition d'être hors Québec. Typiquement, ils opèrent ou ils desservent entre 40 et 90 pharmacies au Québec. Ils vont faire des livraisons entre trois et cinq fois-semaine, typiquement à partir de l'Ontario, et ils se fient entièrement à un grossiste en services complets secondaire établi au Québec pour les dépanner parce qu'ils ne sont pas toujours capables de répondre aux besoins.

La troisième catégorie, ce sont les grossistes avec services de dépannage, communément appelés dans notre industrie «short liners», et typiquement ce sont des grossistes qui ont une couverture partielle au niveau des produits qu'ils offrent et une couverture partielle au niveau de la géographie qu'ils couvrent. Donc, ils ne couvrent pas toutes les régions du Québec.

Finalement, il y a les grossistes avec services complets, dont McKesson Canada en est un. On dessert toutes les pharmacies indépendantes au Québec. On a deux entrepôts, pour 250 000 pi², un à Québec et un à Montréal, comme Domenic l'indiquait. On a 11 livraisons-semaine, incluant des livraisons qu'on fait à des grossistes ou qu'on fait d'une façon secondaire. On a 400 employés en distribution. On garde la ligne complète de produits. On fait la livraison partout en province, couvrant aussi les 250 pharmacies en région rurale. Et notre seule source de revenus, pour nous, c'est la marge bénéficiaire des grossistes telle que réglementée par le gouvernement.

Il existe des différences importantes entre ces quatre modèles d'affaires là. Typiquement, oui, la première chose, c'est le type d'installation au Québec ? il y en a qui en ont, il y en a qui n'en ont pas ? le standard de services, la fréquence des livraisons, le type de produits qui est maintenu, la couverture du territoire. La structure des coûts est très différente aussi évidemment et les sources de revenus sont très différentes, ainsi que les processus d'affaires.

Pourtant, M. le ministre, le projet de modification de règlement ne tient pas compte de ces différences-là et ne tient pas compte non plus de la valeur générée pour l'État, pour les contribuables et pour les patients. Dans un premier temps, nous vous recommandons de profiter de cette occasion unique de cette politique du médicament afin de rémunérer les grossistes en fonction de la valeur du service qu'ils offrent et de la valeur ajoutée qu'ils génèrent pour vous, le payeur.

Deuxième sujet, médicaments haute valeur. McKesson Canada est le plus important distributeur de médicaments haute valeur au Québec, donc il est évident que nous ferons les frais de votre décision sur ce sujet-là. Nous avons été très déçus de voir que la proposition de plafonner ces frais ou ces marges-là.... de la marge à 24 $ sur les produits dits de haute valeur. On la juge un peu arbitraire et ne reflète pas essentiellement les coûts encourus avec les produits haute valeur. Nous voyons ça comme une menace directe à la rentabilité des services offerts par les grossistes, spécifiquement McKesson Canada, et la viabilité de leurs opérations.

Je vais vous donner quelques exemples qui, je crois, sont très vibrants. Le coût des médicaments haute valeur a grandement évolué depuis 1993, En 1993, le coût moyen d'un produit haute valeur était de 400 $; en 2005, le coût moyen est de 1 000 $. La plupart de ces produits nécessitent des manipulations très, très spéciales. Je vais vous donner un exemple d'un produit, qui s'appelle le Rebif 44 microgrammes, qui coûte 1 620 $. C'est un produit pour traiter la sclérose en plaques qui donne ou fournit 12... Il y a 12 dosages pour un patient, pour trois traitements-semaine ou pour un traitement complet mensuel. Ce produit est réfrigéré, a besoin d'une manutention spéciale, et, pour nous, pour qu'on puisse en faire la distribution, on nous donne la modique somme de 20 $... on nous propose 24 $ pour accomplir les tâches suivantes et couvrir les coûts suivants.

Première chose, on doit recevoir le produit du manufacturier en chaîne réfrigérée, on doit en faire la mise en inventaire, on doit en faire l'entreposage dans nos entrepôts qui inclut des coûts de réfrigération. Une fois qu'on reçoit une commande d'un pharmacien pour un de ses patients, on doit faire la pige de ce produit-là, on doit l'emballer dans un emballage très particulier, très spécial pour maintenir la chaîne de froid, on doit l'expédier, on doit le facturer, on doit collecter la facture qu'on a émise. À l'occasion, l'erreur est humaine, il va y avoir un bris dans l'entrepôt. Si on brise un produit de 1 620 $, vous pouvez vous imaginer combien de marges de 20 $ on doit récupérer pour un bris. Produits périmés, parce que ces produits-là sont vivants et ont une date très spécifique, il y a des retours, avec lesquels on doit manipuler, et des rappels de produits. Pour toutes ces étapes-là, on nous donne 24 $. Je ne crois pas que ce 24 $ tient compte des coûts de la complexité des opérations reliées aux produits haute valeur. De plus, on doit respecter ? et c'est très approprié ? les normes très strictes de Santé Canada ? et c'est très approprié ? ainsi que des fabricants qui nous disent exactement comment qu'on doit manipuler ce produit-là et maintenir l'intégrité de la chaîne frigorifique.

Je vais donner un deuxième exemple pour le même produit. Quelqu'un qui souffre de sclérose en plaques, il doit recevoir ce produit-là où il lui est prescrit, à Baie-Comeau, sur la Côte-Nord. Pour envoyer ce produit de 1 620 $, pour lequel j'ai fait toute la manutention, l'entreposage, la facturation, on me donne 20 $, et maintenant je dois l'expédier là-bas. Le 20 $ ne couvre même pas mes frais d'expédition de l'entrepôt de Québec à cette région-là. Donc, pour nous, le plafond de 24 $ n'est pas une marge bénéficiaire réelle qui est appropriée. En plus, cette gamme de produits là ne cesse de croître, au fil des ans, à une croissance annuelle de 30 %. C'est le secteur de produits qui a la plus grande croissance présentement.

Donc, de notre point de vue, le plafond de 24 $ est tout à fait injustifiable et indéfendable au plan économique. Donc, si le plafond devait demeurer à 24 $ ? et nous sommes le leader au Québec pour la manutention de tous ces produits-là ? nous n'avons pas beaucoup de choix que de reconsidérer notre participation dans ce secteur d'activité là. Donc, notre recommandation est la suivante pour les produits de haute valeur, c'est d'inclure les produits haute valeur à l'intérieur du plafond d'une marge bénéficiaire à 6,25 %.

Troisième sujet, c'est le plafond proposé par le gouvernement à 6 %. On a été un peu surpris de l'établissement de cette marge-là à 6 %. Nous nous sommes interrogés sur le raisonnement et les motifs qui ont conduit le gouvernement à établir cette marge-là. On ne pense pas que ça tient compte des coûts inhérents à la nature de l'offre des services offerts. On en a parlé tantôt, des modèles d'affaires différents et des frais d'exploitation. L'explication que nous avons reçue du Conseil du médicament, l'ayant demandée, est que ce 6 % là avait un effet financier neutre pour le gouvernement. Donc, il n'y avait aucune économie et aucun coût additionnel. Donc, de notre point de vue, on égalisait au niveau de la moyenne.

À notre avis, cette approche est incomplète parce qu'elle ne corrige pas les inéquités associées à l'existence des différents modèles d'affaires et continuera de favoriser l'un au détriment de l'autre. Si le gouvernement maintient son intention de limiter à 6 %, ceci représente, pour un grossiste à services complets comme nous, une réduction importante de nos revenus parce que c'est notre seule source de revenus. Et on devrait se questionner sur les offres de service, soit, à titre d'exemple: Est-ce qu'on va être capables de maintenir la livraison 11 fois-semaine? Est-ce qu'on va être capables de maintenir la distribution des produits haute valeur? Est-ce qu'on va être capables de faire des investissements en haute technologie qu'on a déjà faits dans le passé? Et ultimement, évidemment, ça met à risque certains emplois au Québec.

Et, comme vous le savez, M. le ministre, ça fait 10 ans que cette situation perdure au niveau du plafond. On a eu des pressions continues sur les dépenses, depuis 10 ans, comme vous pouvez vous imaginer: le prix de l'essence, on l'a vécu dans les dernières 24 heures ? lorsque je gère une flotte de 80 camions entre Montréal et Québec, lorsque l'essence monte de 0,20 $ le litre, ça a un impact direct; évidemment, les salaires et avantages sociaux; les règles de Santé Canada qui continuent de devenir de plus en plus strictes, et c'est très approprié; et évidemment les termes que nos manufacturiers nous offrent, ils continuent à vouloir baisser nos termes.

Notre recommandation, pour ce troisième sujet, est la suivante: établir un plafond à 6,25 %, incluant les produits de haute valeur, ce qui vous permettra de générer des économies importantes dès la première année pour l'État tout en maintenant les services.

Le quatrième sujet est le dégel sous le nouveau plafond. Je sais que c'est un sujet d'intérêt, et c'est un sujet sur lequel on a échangé à plusieurs reprises. Notre compréhension de votre position actuelle est que vous voulez encourager le dégel sous le nouveau plafond. Nous vous recommandons de revoir cette décision de dégeler pour deux raisons principales. Cette position a un effet neutre pour le gouvernement, donc aucune économie, on se retrouve à dépenser le même montant. La deuxième chose, c'est que d'après nous elle ne fait que redistribuer annuellement 5 à 10 millions de dollars de fonds publics qui étaient payés à Familiprix et à Brunet, et ceci est redirigé potentiellement à pharmacies Jean Coutu, et ce, sans qu'aucune valeur ne soit créée.

n(14 h 20)n

Je cède maintenant la parole à M. Pilla qui vous fera un sommaire de nos recommandations. Et la recommandation du côté du dégel, c'est évidemment de maintenir le gel jusqu'à ce que les règlements reflétant les différents modèles d'affaires, les différenciations, soient établis, et ceci vous générera une économie de l'ordre de 7 millions de dollars cette année. Sans plus tarder, je vais demander à M. Pilla de vous faire un sommaire.

M. Pilla (Domenic): Merci, Jacques. En terminant, on va vous offrir un sommaire, comme Jacques a parlé. Mais, premièrement, avant d'offrir le sommaire de notre recommandation, on voulait énoncer les principes directeurs de notre recommandation. Et il y en a cinq, principes directeurs dans notre recommandation: premièrement, de ne pas favoriser un canal de distribution ou un modèle d'affaires spécifique; deuxièmement, encourager le maintien de la structure économique des pharmaciens et le maintien des normes de services à cause du besoin, face aux besoins des patients; troisième, minimiser l'administration de programmes tant pour les pharmacies que pour le régime; quatrièmement, permettre de réduire des coûts du régime; et, cinquièmement, défrayer le paiement selon les coûts réels des services offerts. Alors ça, c'est les principes directeurs.

Et, depuis deux ans, nous avons échangé avec le ministre, la sous-ministre adjointe, leurs fonctionnaires et les membres du comité tripartite sur plusieurs options qui s'offrent au gouvernement, et notre recommandation est en trois volets: premièrement, d'accorder un plafond de la marge bénéficiaire accordée aux grossistes de 6,25 % pour tous les produits, incluant ceux de haute valeur; deux, l'élimination du modèle grossiste propriétaire; et, trois, maintien du gel jusqu'à ce que l'analyse des différents modèles d'affaires soit complétée et reflétée dans une nouvelle réglementation. Ceci apparaît, pour nous, aujourd'hui, comme l'approche la plus simple, et la plus avantageuse pour le gouvernement, et la plus équitable pour l'industrie. C'est avec respect et ouverture d'esprit que nous vous soumettons ces recommandations afin d'assurer un accès équitable aux médicaments pour tous les citoyens québécois.

M. le ministre, vous avez prépublié une proposition de modification dans la Gazette officielle et vous nous avez entendus aujourd'hui. Maintenant, je vais le répéter, M. le ministre: M. le ministre, vous avez prépublié une proposition de la modification de notre marge bénéficiaire dans la Gazette officielle et aujourd'hui vous nous avez entendus. Alors, maintenant, on se demande à quoi nous attendre, basés sur la prépublication dans la Gazette du 6 %. Alors, on vous remercie pour votre écoute et nous sommes prêts à échanger avec vous et les membres de la commission.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci pour cette présentation. Je demande maintenant au ministre de la Santé et des Services sociaux d'ouvrir les débats.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Brunelle, M. Pilla et M. Martin, pour votre présentation. Je vous dirais d'abord que, pour ce qui est du règlement prépublié, il est prépublié, donc vous avez jusqu'au 15 septembre, environ le 15 septembre pour faire vos représentations. Et votre communication d'aujourd'hui fait partie de la réflexion, là, il est clair. On ne la balaie pas, vous êtes là pour ça. Et, si vous avez d'autres renseignements et suggestions d'ici le 15 septembre, bien, s'il vous plaît, continuez à nous les acheminer. À la blague, je vous dirais que les coûts d'essence qui augmentent, ça nous fait mal à nous aussi, on en a quelques-uns, véhicules aussi puis des édifices à chauffer, et ça coûte plus cher.

Je vous situe, là, pour les collègues et puis les citoyens qui nous écoutent ? ce n'est pas juste avec vous, je l'ai fait avec les autres grossistes qui sont venus ? vous êtes effectivement, en termes de pourcentage de marché, le grossiste actuellement le plus important au Québec, avec environ 39 % du marché de la distribution en gros des médicaments. Vous avez une marge qui a été gelée ? on le sait, on a déjà raconté l'histoire ? à 6,5 % selon mes chiffres, et les versements de la RAMQ à votre entreprise sont passés de 11 millions en 1997 à 38,1 millions en 2003. Et j'ai fait la même démonstration... Je ne vous reproche pas de faire de l'argent puis des revenus, c'est juste pour que les citoyens sachent quelle est la situation.

Maintenant, vous allez nous aider à comprendre un peu mieux, là, parce que je suis certain que les citoyens... Puis il y en a plus qu'on pense, hein, qui suivent les commissions parlementaires puis qui écoutent toutes les représentations.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): ...

M. Couillard: Ça doit, hein? Le président vient de dire que ça dépend de la présidence. On rapportera ses propos au président.

Une voix: ...

M. Couillard: Alors, le citoyen qui aurait écouté toutes les représentations des différents grossistes qui sont venus nous parler serait probablement, comme nous, un peu confus parce qu'il y a eu beaucoup d'éléments en apparence complètement contradictoires qui ont été dits dans cette Assemblée. On nous a reproché la suggestion actuelle pour des raisons diamétralement opposées. Finalement, si je résume la situation, c'est ça.

Et je pourrais donner deux exemples de ceci puis j'aimerais ça que vous réagissiez pour ces deux exemples spécifiques pour qu'on commence à comprendre mieux. On nous a dit, bien le cas de... je pense, c'était Familiprix qui nous disait: Bien, écoutez, vous ne pouvez pas nous baisser à 6 % parce que, nous autres, on fait plus que les autres, un, on fait plus que les autres, on a un service complet et puis on distribue sur toutes les localités du Québec ? puis là j'ai senti que ça touchait une corde sensible, tous mes collègues parlementaires ? y compris les petites localités rurales. On prenait l'exemple de Chute-aux-Outardes, sur la Côte-Nord, celui qu'on a répété à plusieurs reprises, qu'on y va, là aussi, donc on a un niveau de services plus élevé, donc c'est normal qu'on ait une marge de bénéfices plus élevée. Ça, c'était une chose. Deuxièmement, on détient tout le formulaire, alors qu'il y a des grossistes qui ne détiennent pas tout le formulaire.

Alors, le gros de leur logique puis un peu ce que vous avez mentionné tantôt, c'est qu'il y a des niveaux de services différents puis que les marges de bénéfices dans le fond sont correctes comme elles sont là parce qu'elles reflètent la réalité de la variation du niveau de services. Ce qu'ils nous disent, entre autres, donc, logiquement, c'est qu'eux autres on peut les laisser à plus de 7 % parce qu'ils donnent un meilleur service que vous autres, ou plus complet. Je fais juste traduire ce qui a été dit. Alors, comment vous réagissez? Vous avez dû suivre tout ça, là, avec attention. Comment est-ce que vous réagissez à ces arguments-là?

M. Pilla (Domenic): Je vais commencer, puis ensuite Jacques va enchaîner. Premièrement, définitivement qu'il y a des différents niveaux de services dans la province. Et il y a un écart très important au niveau des services offerts aux pharmaciens soit par la couverture des produits, par la couverture géographique ou par les services eux-mêmes, services de retour, services de facturation, services de livraison. Alors, il y a un écart très, très important au niveau des services offerts. Et généralement, comme Jacques a dit dans sa partie, les systèmes intégrés comme Jean Coutu, Pharmaprix, Familiprix et Brunet, généralement ? puis on pourrait regarder chacun individuellement ? offrent des services moins importants en nombre de services que les systèmes ouverts qui offrent des services à des pharmacies indépendantes, comme nous, la raison étant qu'ils ont un contrôle sur leurs pharmacies. Avec ce contrôle-là, ils peuvent exiger des modifications de besoins que, nous, on ne peut pas parce qu'on dessert des pharmacies indépendantes qui ont des besoins basés sur les besoins de leurs patients et de façon inhérente elles offrent moins de services. Ça ne veut pas dire que c'est des mauvais services, ça ne veut pas dire qu'ils ne desservent pas les besoins qu'ils ont, mais c'est différent et c'est beaucoup moins de services. Ça, c'est inhérent dans le modèle d'affaires.

Mais, pour répondre à votre question: Est-ce qu'il y a un grand écart de services?, oui. Et notre recommandation, c'est justement de se pencher là-dessus, et d'attribuer une valeur à ces services-là, et récompenser le grossiste en fonction de ses services. Alors, c'est pour ça qu'on recommande le maintien du gel pendant qu'on puisse faire cet exercice-là comme il faut. Le comité tripartite ne s'est pas penché là-dessus. Nous, on recommande qu'il le fasse justement pour cerner cette question-là, et vraiment ne pas parler de mythe mais de réalité et de faits, et ensuite attribuer la marge bénéficiaire reliée aux services, et des services qui font de la valeur ajoutée non seulement aux grossistes, aux pharmaciens, mais à l'État et aux patients. Et c'est de cette façon-là qu'on recommande de procéder pour justement éclaircir ce point-là. Je ne sais pas, Jacques, si tu as d'autre chose à rajouter.

M. Brunelle (Jacques): Bien, peut-être. Les faits sont toujours éloquents, puis on laisse ça à l'interprétation, à vous et votre équipe et à tous les citoyens. Factuellement parlant ? et c'est sans vouloir dénigrer personne, c'est très factuel ? une entreprise comme Familiprix fait des livraisons trois à cinq fois-semaine en pharmacie. Donc, ils ont un entrepôt à Québec situé pas tellement loin d'ici. Ils font de trois à cinq livraisons en pharmacie à travers leur réseau au complet, dans toute la province. McKesson Canada fait jusqu'à 11 livraisons. Eux en font juste de trois à cinq; nous, on en fait jusqu'à 11 fois. Je dois vous dire que les 11 fois, c'est dans le secteur métropolitain, que ce soit la grande ville de Québec, la grande ville de Montréal. Et il y a des minimums aussi qu'on fait, qui sont de l'ordre de trois à cinq fois. Mais on a deux fois le nombre de livraisons que Familiprix peut avoir. Dans des secteurs où on retrouve à peu près 80 % de la population, on va livrer 11 fois. On fait des livraisons le samedi matin, ce qui n'est pas fait par d'autres, par Familiprix, à titre d'exemple.

Ce qui est inhérent à ces différences-là, à titre d'exemple, c'est un système de logistique. On a un système de distribution, on a deux entrepôts, un à Montréal et un à Québec. Familiprix a un entrepôt à Québec pour couvrir la province. Il est évident par définition, puis encore une fois ce n'est pas du dénigrement, c'est que par définition on a plus de flexibilité, on a plus de couverture.

Donc, je peux comprendre qu'une compagnie comme Familiprix, comme vous le savez, M. le ministre, qui jouit de 7,15 % de marge bénéficiaire depuis 10 ans, comparé à notre 6,5 %, qu'ils veuillent maintenir ce niveau de 7,15 % là. Nous, notre argumentation, notre perspective, c'est qu'on offre... il y a une différence importante au niveau des services qui n'est pas reconnue présentement, et on se questionne beaucoup sur le fait qu'ils aient cette différence-là de 0,65 %.

n(14 h 30)n

Pour ce qui est du formulaire, je pense qu'on reconnaît tous le formulaire, on reconnaît tous les produits listés par la RAMQ, et il est évident qu'on couvre ça. On s'est fait dire... je ne peux pas vous le vérifier factuellement parce que je n'ai pas la liste complète de Familiprix, mais on s'est fait dire par certains de leurs membres, certains de leurs pharmaciens qu'ils ont des produits qui sont accessibles chez nous qui ne sont pas accessibles chez eux. Ce n'est pas une grande quantité, mais il semblerait qu'on a une ligne de produits légèrement plus complète. Mais ça, ce n'est pas factuel, je ne peux pas vous dire que c'est factuel.

M. Couillard: Je dirais que, sur la question ou le problème de la collecte d'informations factuelles ? et puis ce n'est pas juste votre entreprise, puis c'est légitime de vouloir garder des informations confidentielles qui sont des informations de nature à influer sur la compétition ? lorsque le comité tripartite s'est réuni depuis le début pour parler de cette question-là, il a été impossible d'avoir les détails des coûts d'opération différents d'un grossiste à l'autre. Mais je comprends que c'est des données qui sont très sensibles sur le plan de la compétition entre les entreprises.

M. Brunelle (Jacques): Si vous me permettez, juste un point additionnel. C'est Michel qui m'a fait remarquer qu'il est très approprié. Parce que Familiprix et Brunet aussi ont souvent mis l'emphase sur ça ? puis encore une fois ce n'est aucun dénigrement, c'est très factuel ? ils se font une fierté de dire qu'ils couvrent beaucoup de pharmacies en région éloignée. Puis, comme vous avez dit, c'est un point sensible, puis on l'apprécie tous. Ils nous ont indiqué ? ce qu'on a écouté cette semaine ? qu'ils avaient aux alentours de 170 pharmacies qu'ils couvraient en région.

Dû à la nature de notre clientèle, parce qu'on supporte toutes les pharmacies indépendantes du Québec qui ne sont pas verticalement intégrées, donc des Uniprix, des PharmEssor, des Santé Services, Obonsoins, des cliniques santé, de cette façon-là ou avec ce réseau de clients là, on dessert 245 pharmacies en région éloignée, comparé aux 170 de Familiprix. Pas parce qu'on en prend le crédit, c'est le réseau de notre clientèle. Mais on doit desservir ce réseau-là et on en dessert beaucoup plus qu'eux en desservent. C'était juste un fait que je voulais apporter à votre attention.

M. Couillard: J'ai deux autres choses, j'espère que le temps va me permettre... même trois, M. le Président, puis, avec consentement, on pourra peut-être prolonger la discussion, je pense que c'est un point sur lequel on doit se fixer.

Deuxième exemple qui nous a été cité ici par un de vos compétiteurs, je pense que c'était Kohl & Frisch, puis là j'écoutais ça, puis je me dis: Merde! est-ce qu'on est en train de se faire avoir, les contribuables du Québec? C'est quoi, la situation? Est-ce qu'on se fait avoir depuis des années puis qu'on n'a rien fait pour contourner ça? Ce qu'on nous dit essentiellement, du côté de cette entreprise, c'est qu'on peut très bien distribuer en gros la médication sur tout le territoire du Québec avec 5 % de marge, puis qu'on fait de l'argent en masse, puis que ça force les gens à être plus compétitifs puis mieux organisés, puis qu'on devrait tous baisser ça à 5 % et que ça irait beaucoup mieux.

M. Pilla (Domenic): ...cette entreprise-là, on a écouté leur mémoire et leur présentation ici, on a lu leur mémoire et leur présentation ici. C'est une compagnie de l'Ontario. On compétitionne avec eux à travers le Canada. Et, premièrement, on compare des pommes avec des oranges quand on parle du régime en Ontario ou en Colombie-Britannique à celui du Québec. Il y a tellement de différences que, pour réconcilier ces différences-là, c'est extrêmement difficile: la taille de la pharmacie moyenne, complètement différente; le pourcentage de produits génériques par rapport au pourcentage de produits brevetés, très différent; le statut d'un pharmacien, dans le Canada anglais, un pharmacien peut être détenu par une personne n'ayant pas leur diplôme en pharmacie, tandis qu'au Québec il est détenu par un pharmacien. Alors, il y a énormément de différences, mais j'en parle de quelques-unes. Alors, de supposer que le modèle d'affaires de grossiste du Canada anglais peut être appliqué au Québec sans faire d'autres changements n'est pas cohérent et même dans certains cas peut être absurde.

M. Couillard: Excusez-moi. Ils nous disent: Même au Québec, on a 5 % puis on est capables.

M. Pilla (Domenic): Non, je voulais juste parler de Canada par rapport au Québec. Alors, nous, on compétitionne dans toutes les provinces canadiennes, dans les trois territoires canadiens, on a des entrepôts à travers... Alors, on connaît chacun des régimes.

Au Québec, ces types de grossistes là dont Kohl & Frisch fait partie desservent le Québec... Premièrement, ils n'ont aucun établissement au Québec, très peu d'emplois au Québec. Il dessert un petit groupe de pharmacies en région urbaine, et c'est des pharmacies essentiellement corporatives. C'est le client national qu'ils ont. Il dessert aussi au Québec. Et ils sont sous l'impression, si vous voulez, qu'ils peuvent appliquer leur modèle canadien dans la province de Québec. Alors, c'est des gens qui n'ont pas bien étudié le marché du Québec, ne le comprennent pas bien, n'ont jamais mis les pieds au Québec autre que faire des livraisons par courrier, même pas avec leur flotte de camions. Alors, je vous suggérerais que l'écoute que vous pourriez avoir de cette intervention-là disons qu'elle peut être très bien... elle peut être questionnée. Et on est un peu surpris que ça peut être à considérer.

Et on s'est assis avec le comité tripartite, puis on pourrait parler de chacune de ces différences là et pourquoi ça amène des coûts différents au Québec qu'il pourrait y avoir ailleurs, et les modèles d'affaires sont fondamentalement différents. Alors, nous, on comprend le modèle québécois, on est établis au Québec. On n'est pas seulement le plus gros au Québec, mais on est le plus gros dans chacune des provinces et on peut comparer les différents régimes. Mais on ne peut pas juste faire un changement pointu dans un domaine de la politique du médicament puis l'appliquer sans faire les autres changements qui vont en concert avec ça et les autres avantages.

Mais il y a des avantages du régime du Québec, il n'y a pas juste des désavantages au niveau de la marge bénéficiaire accordée à un grossiste. Il y a d'autres avantages au niveau de l'accès aux médicaments, la rapidité par laquelle un patient peut avoir les médicaments, les inventaires... en pharmacie, le nombre de pharmacies, les pharmacies en... Alors, on ne peut pas parler juste de désavantages. C'est un système qui dans l'ensemble fonctionne, mais il fonctionne différemment que l'autre système. Et de prendre un élément puis l'appliquer sans tenir compte de tous les autres éléments, on pense que ce n'est pas logique. Et ça explique un peu le positionnement d'un Kohl & Frisch qui a juste un client national et peut percevoir un bénéfice qu'en réalité...

Exemple, les produits haute valeur, ils ne touchent pas à ça, alors ils ne comprennent pas cette dynamique-là et n'accordent pas beaucoup de valeur à cette dynamique-là. Mais, pour ces patients-là, c'est une valeur énorme d'avoir accès à ces médicaments-là sans que le pharmacien ait à les tenir en inventaire. Parce qu'il ne peut pas se le permettre, de tenir la chaîne frigorifique, toute la papeterie qui va avec, pour tenir, au cas qu'un patient se présenterait... Kohl & Frisch, leur réponse à ça: Bien, approvisionnez-vous d'un fournisseur local quand ça arrive; nous, on ne le fera pas, parce que, nous, de l'Ontario, on va faire juste les choses payantes.

M. Couillard: L'autre argument, disons le troisième de quatre, M. le Président. On fait vibrer notre corde nationaliste en nous disant ? puis là ce n'est plus Kohl & Frisch qui parle, c'est une autre entreprise: Écoutez, on est une entreprise québécoise, siège social au Québec, intérêts exclusivement détenus par des Québécois, pourquoi vous voulez nous faire mal, entre guillemets, puis faire plaisir aux autres qui ne sont pas comme nous? En gros, là, c'est... Je ne sais pas s'ils parlaient de vous, là.

M. Pilla (Domenic): Peut-être qu'ils parlaient de nous parce qu'on est détenus par une compagnie américaine. Alors, peut-être qu'ils parlaient de nous. Premièrement, on a parlé des emplois, hein? On a beaucoup d'emplois au Québec. On est établis au Québec depuis 100 ans comme compagnie. On a réinvesti beaucoup au Québec. Tout le développement de nos technologies d'informatique se fait ici, à Montréal, par des techniciens qu'on engage, par des programmeurs. On a une compagnie maintenant en technologie d'automation qui est basée ici, à Montréal, qui dessert le marché américain. Alors, on a de l'emploi au Québec pour desservir le marché américain, et notre siège social est ici, au Québec, pour desservir l'ensemble du marché canadien. Alors, on a des emplois au Québec et on redistribue ces coûts-là à nos unités d'affaires dans le Canada anglais. Alors, le Canada anglais bénéficie de services offerts par notre compagnie, mais les emplois sont ici, au Québec.

Alors, on est un peu piqués par ces commentaires-là parce que, nous, on se considère très québécois. Ça fait 100 ans qu'on est ici, on a beaucoup d'emplois, on continue à créer de l'emploi au Québec pour desservir d'autres régions à l'extérieur du Québec. Alors, on se considère un moteur économique pour la province et en même temps on dessert très, très, très bien les besoins de la province. Et les 650 emplois, la plupart, c'est des familles et des gens du Québec, des familles québécoises, des contribuables du Québec. Alors, pour nous, là, c'est un point non valable, tout à fait inapproprié. On est une compagnie qui est un moteur économique pour le Québec puis on est fiers d'être un moteur économique du Québec. Nos employés, on les a formés, on leur a offert des opportunités. Et, comme je vous l'ai dit, on dessert des besoins aux États-Unis et on dessert des besoins dans le Canada anglais, avec ces employés-là.

M. Couillard: Je vais vous jouer un petit tour, M. le Président, je vais... Une question dans laquelle il va y en avoir trois, quatre.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Vous ne pouvez pas me jouer de tour, mais on pourrait demander un consentement, par ailleurs. Ça veut dire que vous consentez à retrancher de votre temps, M. le député de Borduas...

M. Couillard: ...qu'on reconsente.

M. Charbonneau: On va jouer ça à l'oreille, là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Jouez ça à l'oreille, mais, moi, j'ai l'horloge. Allez-y.

M. Charbonneau: Oui, M. le Président, il faut présider de façon souple.

M. Couillard: Alors, votre proposition, si je comprends bien... Je vais résumer votre proposition puis je vais demander des clarifications, là. Puis vous pourrez peut-être prendre en note. Il y en a trois, quatre, là. Ce que vous nous demandez, c'est que la marge maximale soit de 6,25 % mais que pour l'instant on garde la situation comme elle est jusqu'à temps qu'on ait défini des catégories de grossistes. En gros, là.

M. Brunelle (Jacques): Qu'on ait défini les différenciations des modèles d'affaires, exactement.

M. Couillard: D'accord. Donc, des catégories de grossistes.

M. Pilla (Domenic): 6,25 %, incluant les produits haute valeur, d'établir le statut d'un grossiste, ou les critères d'un grossiste, mais d'éliminer le modèle propriétaire grossiste qui est un modèle qu'on n'a pas parlé, qui est un cinquième modèle que selon nous ? d'ailleurs, d'autres intervenants, je pense, ont mentionné la même chose, incluant Familiprix et Brunet ? qui est un modèle qui en lui-même n'est pas adéquat, n'est pas approprié pour l'État et pour les patients. Mais là on n'en a pas parlé beaucoup dans notre présentation aujourd'hui.

M. Couillard: Question délicate un peu. Un grossiste propriétaire, c'est assez clair quand vous parlez des petites entreprises unirégionales, là, qui ont trois, quatre, cinq, six pharmacies...

n(14 h 40)n

M. Pilla (Domenic): C'est surtout des pharmacies qui sont dotées d'une licence de grossiste pour faire l'achat de médicaments directement auprès des fabricants, auxquels normalement on n'a pas droit à une marge bénéficiaire, mais eux en ont une. Alors, finalement, c'est essentiellement une façon de prendre l'argent de l'État pour créer zéro valeur, pour leurs propres poches. Et, nous, on considère ça inapproprié parce que ça ne crée pas de valeur.

M. Couillard: Soyons clairs, incluez-vous le Groupe Jean Coutu, là, le système Jean Coutu là-dedans?

M. Pilla (Domenic): Non. Non, on parle d'un petit groupe de pharmacies qui ont été accordées un statut de grossiste par le Conseil du médicament. Alors, c'est un petit groupe. On n'en a pas parlé beaucoup dans notre présentation, aujourd'hui. Alors, c'est des gens comme Racine, à Québec. C'est un petit groupe. Et, selon nous, le statut de grossiste ne s'appliquerait pas à ces groupes-là.

M. Couillard: Je vais terminer là-dessus, M. le Président. Parce qu'effectivement la décision d'aller à 6 % est basée sur beaucoup d'informations qui ont été recueillies par le comité tripartite, dans lesquelles il manque une information principale qui est les coûts d'opération détaillés et validés de chaque entreprise. Alors, vous voyez que, si on laisse une partie de l'information dans le gris, c'est difficile d'être très précis de ce côté-là. Et, si on maintenait la marge de 6 % puis qu'on adaptait le coût pour les produits de valeur ajoutée, est-ce que ce serait une modification qui serait de nature à vous satisfaire?

M. Pilla (Domenic): Bien, ça dépend à quel... Quand vous parlez des produits haute valeur...

M. Couillard: Restons généraux pour l'instant, là.

M. Pilla (Domenic): Bien, définitivement qu'une de nos craintes, c'est les produits haute valeur. Alors, c'est pour ça qu'on a mis des catégories à la marge maximale accordée aux grossistes, parce qu'on pense qu'il y a inéquité. Alors ça, on est ouverts et on comprend le besoin de réduire le plafond pour aller chercher une réduction de coûts à l'État. Les produits haute valeur, il faut les traiter d'une façon plus équitable sur le plan économique parce que c'est la partie des médicaments qui est en croissance la plus forte, où les besoins sont les plus élevés et où présentement la rémunération est la plus petite. Alors, il faut adresser ça et ensuite il faut adresser le statut d'un grossiste. Alors, c'est nos trois points.

Puis je pense qu'une de nos inquiétudes au niveau de qu'est-ce qui a été prépublié dans la Gazette, c'est que ça traite juste avec un élément des trois. Je pense qu'on a toujours parlé avec le comité tripartite que dans l'ensemble je pense qu'on peut en trouver notre compte puis trouver un équilibre, mais il faut parler des trois éléments dans l'ensemble. On est très mal à l'aise quand on parle juste d'un élément.

M. Couillard: Et il y a une chose qui me satisfait d'avoir prépublié le règlement malgré tout, c'est d'avoir vu se multiplier les représentations et les précisions dans l'intervalle de prépublication, et c'est à ça que ça sert finalement. Et, si je fais juste un dernier calcul, si j'ai un produit à 1 000 $, nous, on propose de l'augmenter de 20 $ à 24 $. Mais, si on laisse 6 % pour 1 000 $, ça fait 60 $. C'est une grosse différence en termes de déboursés pour l'État, là.

M. Pilla (Domenic): Oui, mais, encore une fois, si... Puis ça, on l'a fait, le calcul, même à 6,25 %, incluant ces produits-là, avec le gain que vous avez sur notre 6,5 % et le 7,15 % qui est accordé à d'autres, vous faites quand même une économie. Alors ça, on l'a fait, l'exercice avec le comité tripartite. On est à l'aise avec cet exercice-là, on pourrait le refaire puis vous le déposer. Mais notre recommandation, la résultante est une économie pour l'État.

M. Couillard: ...une économie. Parce qu'on utilise souvent avec moi l'argument d'économie. Une économie par rapport à la dépense actuelle ou une économie dans le sens de dépenser moins de plus qu'on pourrait dépenser si on faisait autre chose?

M. Pilla (Domenic): Non, non, une économie par rapport à la dépense actuelle.

M. Couillard: O.K. Merci.

M. Brunelle (Jacques): Et, M. le ministre, juste une clarification peut-être. Dans la question de l'économie, c'est le point que Domenic faisait, c'est que les trois points sont reliés. Les produits de haute valeur qui monteraient, mettons, à 6 %, vous avez raison, on passe de 20 $ à 60 $, mais il y a un point essentiel, c'est de maintenir le gel en bas de 6 %. Si tout est dégelé à 6 %, il est évident que c'est neutre, et vous rajoutez les produits de haute valeur, ça va être un montant additionnel.

Mais le point qu'on tente de faire depuis... à plusieurs reprises, c'est tant et aussi longtemps que la différenciation des modèles d'affaires n'est pas prise en considération dans la réglementation, on vous recommande fortement de maintenir le gel en bas de 6 %. Ces compagnies opèrent déjà à ce niveau-là, elles ont d'autres sources de revenus, leur modèle d'affaires leur donne beaucoup plus de flexibilité. Si vous maintenez le gel en bas de 6 %, vous mettez les produits de haute valeur à 6 %, vous allez générer des économies, on a figuré, aux alentours de 7 à 10 millions sur votre budget actuel de dépenses.

Le point essentiel de cette discussion-là, c'est le dégel en bas de 6 %. Donc ça, c'est très important de prendre ça en considération, M. le ministre, sans aucune prétention. Mais c'est tout ça qui fait un tout, comme Domenic disait, c'est: Où est le plafond? Qu'est-ce qu'on fait avec les produits de haute valeur? Et qu'est-ce qu'on fait en dessous du plafond? Si vous laissez tout le monde dégelé, ce qui est notre compréhension, on vous l'a indiqué tantôt, côté économique, rien n'est accompli, M. le ministre, vous dépensez le même montant parce que la moyenne actuelle est 6 %.

M. Couillard: Par hasard.

M. Brunelle (Jacques): Par hasard. Je suis convaincu que c'est par hasard, M. le ministre. O.K.? On a même demandé au Conseil du médicament si c'était un hasard, mais il ne semble pas que ce soit le cas. Mais, si vous maintenez le gel en dessous jusqu'à temps que vous ayez la chance d'évaluer les différents modèles d'affaires, comme, je pense, Familiprix vous l'a suggéré, on pense qu'il y a des économies importantes pour le gouvernement.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Je cède la parole au député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. D'après vous, ça pourrait nécessiter combien de temps, une réévaluation justement, une prise en compte des différents modèles d'affaires, donc d'un ajustement en fonction de ça?

M. Pilla (Domenic): Bon, ça, c'est une bonne question. Vous savez, ça fait deux ans qu'on travaille avec le comité tripartite. C'est une question de ressources, c'est une question de priorités puis de ressources. Si vous mettez les ressources dessus, avec notre aide, avec la coopération des gens, je pense que ça peut se faire rapidement, en quelques mois. S'il n'y a pas de ressources, ça va prendre plus de temps. Mais je pense qu'avec les ressources puis les gens qualifiés... Puis l'intervention qu'on a eue avec le comité tripartite, avec le Conseil du médicament, c'est des gens qui connaissent le domaine, ils sont assez qualifiés pour le faire. Mais ça devient une question de priorités et de ressources.

M. Charbonneau: À un moment donné, vous avez dit assez clairement que, si certaines des conditions, en fait certaines des propositions que vous faites n'étaient pas retenues puis que, de votre point de vue, la situation continuait de se détériorer ou d'être difficile, vous seriez obligés peut-être de penser à quitter ou à diminuer substantiellement. Jusqu'où vous êtes sérieux dans ça, là?

M. Pilla (Domenic): Quitter, non. Oubliez ça, là, ce n'est pas ça qu'on voulait dire. Si c'est ça que vous avez compris, on s'est mal exprimés. Mais ça peut avoir une incidence sur les emplois. Si on fait moins de livraisons par semaine, et si on a moins de gens dans l'entrepôt, et si... alors il va y avoir des incidences sur le nombre d'emplois. Quitter, absolument pas. On a d'autres unités d'affaires au Québec, comme je vous ai dit, en technologie de l'information, en consultation, en automation, qui vont continuer à avoir des besoins de ce côté-là, on va continuer à avoir ces emplois-là. Dans le côté de la distribution pharmaceutique, à cause que la profitabilité de cette partie-là de notre unité d'affaires... de ce côté-là, il va falloir faire des ajustements pour tenir compte de ça, comme n'importe quelle entreprise doit faire, et l'incidence va être sur le service. Alors, ultimement, c'est le patient qui va avoir moins de services, moins accès aux médicaments, d'accès aux médicaments moins rapidement, et c'est ça qu'on veut éviter.

Alors, c'est pour ça qu'on recherchait un équilibre entre économiser sur le régime pour le gouvernement mais maintenir un niveau de services approprié pour assurer que le patient... ce soit transparent pour les besoins du patient et de permettre au pharmacien de donner des soins à ces patients-là, des soins consultatifs. Et ça fait une grosse partie de notre modèle d'affaires d'équiper le pharmacien avec des outils qui lui permettent de passer plus de son temps avec le patient et moins de son temps à faire des tâches administratives. C'est un de nos modèles d'affaires, et c'est là qu'on développe des technologies d'information, on développe des services d'automation. Alors, si vous avez compris qu'on parle de quitter, là, on...

M. Charbonneau: On oublie ça, là. On oublie ça.

M. Pilla (Domenic): On oublie ça.

M. Charbonneau: Je ne sais pas si j'ai bien compris, peut-être que mon collègue M. le ministre me corrigera, mais il me semble que le groupe qui est aussi dans le domaine, le grossiste, là, qui est associé à... pas Métro mais...

Des voix: ...

M. Charbonneau: McMahon, là, nous disait que... On leur posait la question, puis je pense qu'à un moment donné ils nous ont dit: À la limite, s'il n'y avait pas une marge bénéficiaire de fixée puis si on nous laissait concurrencer d'une façon libre, là, avec les avantages... Vous, vous nous dites plutôt: Vous devriez maintenir une marge bénéficiaire quelconque. À la limite, si on utilisait leur suggestion, est-ce que vous... comment vous réagiriez dans...

M. Pilla (Domenic): Vous savez, on opère dans 50 États américains, 10 provinces canadiennes, trois territoires, on est le plus gros grossiste au Mexique, alors on connaît plusieurs régimes, on vit avec plusieurs régimes. Et, dans la plupart de ces cas-là que j'ai cités, c'est un marché libre, dans la plupart. Au Québec, la difficulté qu'on a avec l'idée d'un marché libre, c'est justement le statut d'un grossiste. La définition d'un grossiste et les services offerts par un grossiste ne sont pas définis, on n'en tient pas compte dans la réglementation, et ce qui rend difficile d'extrapoler, à ce moment-là, ce serait quoi, les comportements et les avantages ou désavantages dans un marché libre.

Encore une fois, si on peut se pencher là-dessus, déterminer les statuts des grossistes, et de regarder l'établissement d'un grossiste par rapport aux services offerts, et déterminer les services qui donnent l'avantage à l'État et l'avantage aux patients, on serait à l'aise dans cet exercice-là. Et, avec ce dénouement-là, comme je vous ai dit, on est à l'aise dans un environnement de marché libre quand le statut est bien établi et bien déterminé.

n(14 h 50)n

M. Charbonneau: Est-ce que ça signifie que, partout ailleurs en Amérique du Nord puis même... en fait, en Amérique du Nord ? ça comprend le Mexique, incidemment ? ce statut-là est précisé? Parce que, si vous dites qu'on a un marché libre partout, sauf ici, et qu'ici, avant de le faire, il faudrait peut-être justement clarifier le type de...

M. Pilla (Domenic): Oui. Je vais vous donner un exemple où on a un payeur de tierce partie privé aux États-Unis. Donc, au lieu d'être l'État, c'est un payeur privé qui fait le remboursement des marges accordées à un grossiste. Alors, c'est une compagnie d'assurance qui détermine: Est-ce qu'une pharmacie peut se faire rembourser les frais de distribution d'un grossiste ou pas ? au lieu que ce soit l'État qui se penche là-dessus, ici, au Québec?

Alors, dans ce cas-là, les compagnies privées n'accordent pas un statut à une compagnie intégrée, ils disent: Vous êtes intégrés, vous avez votre propre centre de distribution, vos pharmacies, dans ce cas-là, ne peuvent pas nous charger une marge bénéficiaire pour se faire rembourser pour la distribution parce que vous êtes intégrés. Mais, si vous achetez d'un grossiste non intégré et il vous charge une marge, vous pouvez vous la faire rembourser par notre prime d'assurance.

Alors, c'est un exemple où ils ont statué dans le secteur privé sur: Est-ce que c'est raisonnable de rembourser les frais de marge bénéficiaire ou pas? Au Québec, on n'a aucun mécanisme pour ça. Et c'est là qu'on vous suggère de vous pencher là-dessus pour trouver ce mécanisme-là, pour que ce soit équitable sur la valeur ajoutée. Est-ce que la pharmacie et le patient ont eu une valeur ajoutée? Et est-ce que c'est plausible pour l'État de rembourser ces frais-là?

M. Charbonneau: À un moment donné, je pense que vous suggérez, vous dites, si je ne me suis pas trompé, dans votre mémoire, que la politique du gel des prix n'est pas issue d'une directive... en fait, n'est issue que d'une directive qui n'a pas force de loi. Est-ce que ça veut dire qu'à terme, à partir du moment où vous dites: Ça n'a pas force de loi, éventuellement vous et d'autres pourriez décider de ne pas l'observer?

M. Martin (Michel): Ce qu'on dit là-dedans, c'est essentiellement ceci: La politique de non-augmentation des prix qui a été établie en 1993, peu après que les grossistes aient établi leur marge bénéficiaire, c'est une directive verbale, au mieux ? pour paraphraser l'expression consacrée ? une légende administrative parce que le règlement concernant les grossistes en médicaments n'a jamais été modifié. Jusqu'à maintenant encore, si vous regardez dans le règlement concernant les grossistes en médicaments, on parle d'une fourchette entre 0 % et 9 %, et le règlement dit très bien qu'un grossiste peut établir à l'intérieur de cette fourchette une marge bénéficiaire entre 0 % et 9 %. Or, le ministre ? je parle de façon générique, là ? depuis 1993, a constamment dit qu'il ne permettait pas ça. Donc, il empêchait dans le fond les grossistes de se prévaloir d'une disposition réglementaire. Et, à l'heure actuelle, ce qu'on souhaite, nous, c'est que ces choses-là soient clarifiées de manière à ce que ce ne soit plus simplement des directives mais des choses, des dispositions bien transparentes pour clarifier la manière dont le marché et les grossistes puissent fonctionner à l'intérieur.

M. Charbonneau: Donc, dans les faits, il y a eu une somme de docilité ou d'acceptation de respecter une directive qui n'avait pas force de loi.

M. Martin (Michel): En fait, une docilité, je vous dirais que ce serait difficile à se prononcer de ce côté-là, parce qu'en novembre 1983 on a effectivement demandé au Conseil du médicament la possibilité d'augmenter notre marge bénéficiaire de 6,5...

Une voix: ...novembre 2003.

M. Martin (Michel): Novembre 2003, c'est ça.

Une voix: ...1983.

M. Martin (Michel): Ah! O.K. Novembre 2003. Et le Conseil du médicament non seulement nous a refusé la possibilité de faire cela, mais nous a dit que, si on décidait de ne pas surseoir à notre décision, il retirait notre statut de grossiste. Or, à mon avis, on nous empêchait de nous prévaloir d'une disposition réglementaire. Et on a, depuis ce temps-là, demandé une explication qui n'est jamais venue là-dessus.

M. Charbonneau: Mais, si je vous comprends bien, si vous aviez voulu forcer le jeu, comme on dit dans le jargon populaire, «fronter», vous auriez pu légalement contester cette éventuelle décision du Conseil du médicament.

M. Martin (Michel): Pour les bénéfices des membres de la commission et des auditeurs qui nous écoutent, en septembre 2004, après effectivement avoir discuté avec le Conseil du médicament, le ministère et le cabinet du ministre, on a effectivement déposé une requête en jugement déclaratoire devant la Cour supérieure du Québec, demandant trois choses: Est-ce qu'on a le droit effectivement, est-ce qu'un grossiste a le droit d'établir sa marge bénéficiaire à l'intérieur de la fourchette de 0 %-9 %? Deuxièmement, est-ce que le ministre a le pouvoir d'établir une marge pour les grossistes? Et, trois, on demande à la Cour supérieure d'interpréter effectivement ce règlement-là à la lumière de la réglementation qui était en vigueur. Malheureusement, la cour n'aura pas l'occasion de se prononcer là-dessus en raison du nouveau projet de règlement qui a été déposé le 27 juillet dernier.

M. Charbonneau: En fait, du nouveau projet et finalement de la politique...

M. Martin (Michel): Non, en fait, pas la politique du médicament, le projet, la prépublication, le 27 juillet dernier, de l'intention gouvernementale de réduire de 9 % à 6 % la marge bénéficiaire maximale.

M. Charbonneau: Vous aviez pris cette demande de jugement déclaratoire quand?

M. Martin (Michel): Septembre 2004.

M. Charbonneau: Bien. Bien, en ce qui me concerne, M. le Président, ça clarifie un peu les choses.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Est-ce que je comprends que c'est tout du côté de l'opposition? Oui.

M. Charbonneau: Mais j'ai donné le temps au ministre, là, qui a posé des questions pertinentes, là. C'est bon joueur.

Une voix: ...

M. Charbonneau: Bon, également.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Non, mais vous vous mériterez une médaille de l'Assemblée nationale.

M. Charbonneau: Ah, j'en ai déjà plusieurs, M. le Président. C'est ma sixième législature, alors inquiétez-vous pas pour le nombre de médailles.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Brunelle, M. Pilla, M. Martin, merci beaucoup pour votre contribution aux travaux de cette commission. Je vous invite à céder votre place aux représentants du Conseil canadien de recherche en gestion thérapeutique. Je suspends les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 14 h 56)

 

(Reprise à 15 h 1)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, si vous permettez, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux.

Nous accueillons le Conseil canadien de recherche en gestion thérapeutique. Je reconnais M. Pierre Laferrière, président du conseil, et M. Serge Labelle. Alors, 20 minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire. Suivra une période d'échange avec les députés membres de la commission. Vous êtes les bienvenus, on vous écoute attentivement.

Conseil canadien de recherche
en gestion thérapeutique

M. Laferrière (Pierre): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, merci de nous entendre, merci de nous entendre, comme vous avez décidé et pris la peine d'entendre toutes les organisations qui ont déposé un mémoire. Nous réalisons bien, quant à nous, que nous sommes le dernier obstacle à votre libération. Alors, le Conseil canadien...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Vous allez plutôt être non pas un obstacle mais la clé de notre libération.

M. Laferrière (Pierre): C'est très bien dit. Alors, le Conseil canadien de recherche en gestion thérapeutique est un organisme sans but lucratif dont la mission est de financer la recherche universitaire en gestion thérapeutique. Je suis accompagné, aujourd'hui, de M. Serge Labelle, qui est le président de notre comité scientifique et directeur des programmes de gestion thérapeutique chez Merck Frosst Canada.

Notre organisme s'est constitué à peu près au même moment où s'élaborait le projet de politique du médicament. Cette politique prend en compte ce qui s'est fait jusqu'à maintenant dans le domaine de la gestion thérapeutique, en exprime des perceptions et formule une recommandation qui est la recommandation n° 25. Quant à nous, nous avons été créés pour ouvrir une dimension nouvelle dans cette discipline et nous avons cru important de venir vous la présenter dans le cadre de cette commission, car elle pourra se développer adéquatement uniquement avec un partenariat du gouvernement. Nous ne sommes pas venus ici avec l'intention de commenter l'une ou l'autre des recommandations du projet de politique, ce n'est pas notre rôle, nous sommes un organisme de financement, mais nous sommes venus ici dans le but de présenter une perspective générale et des outils de développement qui pourraient être très utiles aux décideurs à tous les niveaux du système de santé, dans l'avenir.

Jusqu'à ce jour, un certain nombre de programmes de gestion thérapeutique ont été entrepris à l'initiative de sociétés pharmaceutiques qui participent activement à leur réalisation. Il y a maintenant trois ans, quatre d'entre elles ont amorcé une réflexion qui a débouché, l'année dernière, sur la création de notre organisme. Ces sociétés sont AstraZeneca, Merck Frosst, Pfizer et Sanofi-Aventis, qui sont devenues les membres fondateurs de notre groupe. Désormais, certains programmes de recherche en gestion thérapeutique seront initiés par l'université et dirigés par des chercheurs universitaires qui s'associeront dans leurs travaux aux cliniciens et à de larges ensembles de professionnels et de gestionnaires oeuvrant à l'intérieur du système de santé.

Plusieurs raisons militent en faveur d'une association avec les milieux universitaires. Au premier chef, l'indépendance des chercheurs et la liberté académique vont certes contribuer à rendre la recherche plus légitime non seulement au niveau des résultats, mais également à partir du choix des axes d'investigation. La richesse du bassin de compétences constitue une autre raison de travailler avec l'université.

La gestion thérapeutique fait appel à une vaste gamme de disciplines: médecine, pharmacie, soins infirmiers, économie, sciences de base, gestion, technologies de l'information, etc., et l'université, à notre grande satisfaction, a pris, dans ce dossier, une approche multifacultaire. Finalement, l'université forme un grand nombre de professionnels et de décideurs de tous les niveaux au sein du système de santé, elle est donc en mesure d'intégrer plus rapidement les nouvelles connaissances à la formation de ces personnes.

En septembre dernier, le conseil a conclu une entente avec l'Université de Montréal. Il s'est engagé à verser 4 millions de dollars pour la création d'un groupe de recherche en gestion thérapeutique. L'université s'est engagée de son côté à fournir le personnel de direction et les infrastructures. Les argents du conseil serviront exclusivement à des fins de recherche et de transfert de connaissances. L'université et le conseil se sont entendus pour travailler ensemble à la recherche de financements complémentaires et ainsi maximiser l'effet de levier de cette contribution de 4 millions.

De leur côté, les entreprises vont continuer à promouvoir de tels programmes, comme vous l'avez entendu vous-même lors de cette commission. Notre mission à nous, c'est de faire en sorte que le milieu universitaire développe à son tour l'expertise nécessaire à la conception, à la gestion et à l'évaluation de tels programmes, qu'il le fasse avec toute la rigueur scientifique et l'objectivité dont on s'attend d'eux pour que les décideurs recourent de plus en plus à ce type d'expertise.

Ce qu'il importe de réaliser ici, c'est deux changements fondamentaux: d'abord, le fait que quatre entreprises se sont regroupées derrière un projet commun de gestion thérapeutique sans choisir au préalable les axes de recherche et favorisant ainsi un regard plus large sur le domaine thérapeutique; le deuxième élément important, c'est que désormais on veut faire une place au leadership universitaire dans ce domaine.

J'aimerais dire un mot sur notre relation avec l'université et sur le mode de gouverne qui a été établi, et il me fera plaisir, sur ce sujet-là, d'élaborer davantage, si vous le voulez, à la période de questions.

On retrouve toujours deux ordres de préoccupation dans la société à l'égard du rôle des universités. D'une part, on veut s'assurer de protéger la liberté académique, c'est-à-dire l'indépendance des chercheurs vis-à-vis des intérêts particuliers, mais, d'autre part, on veut s'assurer que l'université soit bien centrée sur les besoins réels de la société. Or, entre ces deux objectifs, l'équilibre à maintenir est toujours délicat. Nous pensons que le mode de gouverne que l'université a proposé pour le Groupe de recherche en gestion thérapeutique, c'est-à-dire le groupe que nous finançons, assure cet équilibre.

Voyons quelques-uns des éléments de ce mode de gouverne. Premièrement, le directeur général du groupe est nommé par l'université, en fait il est nommé par le comité exécutif de l'université, puisque le Groupe de recherche, comme je l'ai mentionné, est plurifacultaire. Deuxièmement, le Conseil canadien n'a pas droit de regard sur les projets financés, contrairement à ce qui se pratique au niveau des organismes subventionnaires, par exemple. Deux fois par année, sur simple demande de l'université, nous envoyons des fonds jusqu'à ce que notre engagement soit complètement liquidé.

L'université a créé de son côté un comité de direction pour le Groupe de recherche, qui a des pouvoirs et responsabilités très similaires à ceux d'un conseil d'administration. C'est à ce niveau notamment que sont décidées les orientations globales. Et le Groupe de recherche de l'Université de Montréal a en plus à constituer son propre comité scientifique pour travailler sur l'élaboration des axes de recherche.

Les membres du comité de direction du Groupe de recherche de l'Université de Montréal sont nommés par le comité exécutif de l'université. Il est prévu que les milieux universitaires, les milieux gouvernementaux et le secteur privé soient représentés à parts égales au sein de ce comité de direction, à raison de trois membres chacun. Des trois membres du secteur privé, il n'y a qu'un seul représentant de l'industrie pharmaceutique. En l'occurrence, nous avons recommandé le président de notre propre comité scientifique, M. Serge Labelle, qui est avec moi, ici, aujourd'hui.

n(15 h 10)n

Le modèle établi nous semble très innovateur. En plus d'être un centre de recherche en gestion thérapeutique, d'aucuns voient cette expérience comme un véritable laboratoire de partenariat entre l'université, le gouvernement et l'industrie.

J'aimerais enfin vous parler un peu de gestion thérapeutique, tout en vous prévenant que, moi, je ne suis qu'un simple piéton. Je ne suis pas scientifique, je ne suis pas médecin, pharmacien ou même administrateur d'établissement. Ma formation et mon expérience sont en gestion mais plutôt dans les secteurs de haute technologie. J'ai piloté le groupe de travail qui a mené à la création du Conseil canadien de recherche en gestion thérapeutique et à la signature d'une entente avec l'Université de Montréal, et là on m'a demandé d'en assumer la présidence, du Conseil canadien.

La première chose qui m'a frappé, moi, dans ce qu'est la gestion thérapeutique ou ce que j'en comprends, c'est qu'elle commence par l'observation scientifique, l'observation scientifique des pratiques effectives dans la réalité de tous les jours, des pratiques en matière de prévention, de diagnostic ou de traitement des maladies. Quand on analyse notre système de santé, son importance est tellement grande, il m'apparaît qu'il faut éviter le plus possible de procéder à partir d'a priori idéologiques et, dans tous les cas, essayer de se fonder sur les faits, les faits probants, les comprendre, les analyser avec beaucoup de rigueur et avec une certaine profondeur. À mon avis, la gestion thérapeutique sert précisément à cela.

Ce qui me frappe également, c'est que les programmes de gestion thérapeutique mobilisent des professionnels à tous les niveaux du système et aussi, comme tous les programmes de recherche, les résultats se traduisent en publications et en contenus de formation, mais, dans le cas particulier de la gestion thérapeutique, ils se traduisent également par des améliorations aux pratiques et des changements qui peuvent être introduits dès la période d'observation. Parmi les autres caractéristiques de ce type de programmes, il faut mentionner le fait qu'ils visent des résultats tangibles ou probants, que ce soit en termes de l'amélioration de la santé des groupes visés ou de l'économie pour le système. Et qui plus est, ces méthodologies prévoient généralement que les résultats doivent être bien mesurables. Ces programmes ne se limitent pas seulement aux thérapies médicamenteuses, mais ils peuvent évidemment avoir des impacts très positifs sur l'utilisation optimale du médicament.

Plusieurs intervenants à cette commission ont souligné la nécessité d'améliorer les outils d'information à tous les niveaux du système, depuis celui des professionnels qui dispensent les soins jusqu'aux décideurs en matière de politiques publiques. La gestion thérapeutique peut faire une contribution majeure à ce chapitre. Nous sommes à l'aube de grands progrès technologiques en santé, encore beaucoup plus grands que ce que nous avons connu jusqu'à maintenant. Les besoins, eux aussi, vont aller en s'amplifiant, nous en sommes tous sensibles. Nous fondons tous beaucoup d'espoir dans les nouvelles technologies et en particulier dans la génomique, qui a le potentiel de développement non seulement de meilleurs traitements, mais également d'améliorer la gestion même des thérapies. Génome Québec a livré ici un témoignage très stimulant à cet effet. De même, les technologies d'information appliquées à la santé vont rendre l'information pertinente plus accessible aux décideurs et, nous l'espérons, favoriser le programme de gestion thérapeutique en rendant les coûts plus abordables et en augmentant leur efficacité.

La promesse la plus importante à mon avis de la gestion thérapeutique se situe, quant à nous, au niveau de l'innovation. Parce que les programmes ont la possibilité de regarder des problématiques très vastes et quelquefois sur de longues périodes, ce ne sont pas des programmes qui vont régler les problèmes d'urgence demain matin, ils permettent cependant aux décideurs de mieux apprécier l'ensemble des facteurs de la situation et sont de nature à notre avis à mieux évaluer l'innovation dans le système. Ils sont de nature également à favoriser l'introduction d'innovation dans le système lui-même, innovation à laquelle nous sommes tous condamnés si nous voulons dégager certaines marges de manoeuvre.

La grande majorité des pays industrialisés ont des systèmes de santé publics comme le nôtre, avec des problématiques souvent similaires. La gestion thérapeutique est une jeune discipline qui a un potentiel d'application très étendu. Nous avons conséquemment une opportunité majeure ici de prendre un leadership même mondial dans le domaine de la gestion thérapeutique. Et je peux vous dire que, dans nos rapports avec l'Université de Montréal, c'est dans cet esprit-là que nous travaillons. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Alors, je vous remercie. Je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, messieurs, pour votre présentation puis qui tombe à point parce que les représentants de l'industrie pure, non pas dans le domaine de la gestion thérapeutique, qui sont venus nous voir, ils sont bien sûr intéressés, suite à l'adoption du projet de politique, de faire du partenariat avec le gouvernement, puis le Conseil du médicament, puis les établissements de santé. Dans la plupart des cas, ces propositions de partenariat vont tourner autour du concept de gestion thérapeutique ou de prise en charge transversale d'un problème de santé identifié, cardiovasculaire ou diabète, etc. Et la question bien sûr qu'on va vouloir se poser autant au niveau du gouvernement que de la population, c'est: Comment créer une sorte de filtre entre ces propositions et leur validation?

C'est certain que la décision finale revient au Conseil du médicament et au gouvernement d'accepter ou non un projet. Mais comment s'assurer que le projet qui nous est présenté est valide sur le plan scientifique, présente des points de mesure finaux qui sont corrects, facilement mesurables, évaluables dans le temps et qui ne laissent pas le système de santé avec un problème de plus à résoudre lors de l'interruption du programme? C'est essentiellement les questions qu'on va se poser.

Est-ce que vous voyez, dans l'interaction entre votre groupe et le milieu universitaire, une réponse à cette question? De façon très pratique, la compagnie X nous propose un partenariat de prise en charge intégrée du diabète et nous le soumettons pour analyse bien sûr au Conseil du médicament, qui a la responsabilité légale de prendre la décision, avec le gouvernement, finale, mais également au milieu académique, qui peut nous donner une appréciation plus scientifique, plus à distance, si vous voulez, des mécanismes gouvernementaux de ce qui est proposé.

M. Laferrière (Pierre): Notre groupe, le Conseil canadien de recherche en gestion thérapeutique, ne fera pas de recherche. Nous sommes essentiellement un organisme privé de financement. Le premier centre universitaire que nous appuyons, qui est l'Université de Montréal, nos plus grandes ambitions à leur égard, c'est qu'ils développent une expertise qui sera reconnue par le gouvernement et que le gouvernement voudra utiliser en toute confiance. Et je pense que si, dans ce type de réflexion, le gouvernement venait à voir dans ce groupe un groupe qui a les compétences nécessaires et l'objectivité pour le faire, nous, nous ne demandons pas mieux et nous sentirions que cette première entente là a livré des résultats.

M. Couillard: Vous nous suggérez que la politique finale devrait faire état plus amplement des développements récents dans le domaine de la gestion thérapeutique. Pourriez-vous nous donner des exemples précis de ce que nous devrions intégrer à la politique comme exemples récents des progrès dans la gestion thérapeutique?

M. Laferrière (Pierre): Peut-être que mon collègue veut parler des projets qui ont eu lieu et qu'il connaît beaucoup plus que moi. Moi, je dirais que ce que nous souhaitons au niveau de la politique, essentiellement c'est une ouverture du gouvernement à faire partie de tels partenariats. Ça, je pense que c'est très important. Si le décideur et le principal payeur se désintéressait de telles initiatives, elles seraient bien vaines, je pense, et nos amis universitaires ne voudraient pas travailler seulement pour les tablettes. Alors ça, je pense que notre message, essentiellement c'est celui-là. Pour ce qui est des contributions de la gestion thérapeutique, je vais passer la parole à Serge Labelle.

M. Labelle (Serge): Bien, j'ajouterai en fait qu'il y a plusieurs programmes qui ont eu lieu dans le passé. Je fais référence notamment au programme ICONS qui a eu lieu en Nouvelle-Écosse, où, à travers ce genre de partenariat là, ce qu'on essaie vraiment de démontrer finalement, c'est qu'on est capables d'augmenter l'état de santé des populations, l'état de santé des patients puis qu'on est capables de générer en même temps des raisons économiquement valables de le faire. Un exemple que j'ai... je n'ai pas les chiffres avec moi, mais, dans le projet ICONS notamment, en vertu de l'augmentation de l'utilisation de classes de médicaments qui étaient, par les lignes directrices, recommandés pour des patients cardiaques, on a démontré qu'il y a eu un recul net du nombre de réhospitalisations de ces patients-là.

n(15 h 20)n

Alors, je pense qu'à travers des études comme celle-là, à travers un partenariat des différents intervenants au niveau de la santé des patients, au niveau de la santé des populations, c'est important de pouvoir faire ces démonstrations-là. Je pense que de façon générale notre demande, si vous voulez, c'est de s'assurer que le gouvernement sera prêt à s'impliquer, qu'il sera prêt à travailler avec les différents intervenants du domaine de la santé pour s'assurer qu'on puisse faire ces démonstrations-là et qu'on puisse appliquer les leçons apprises de ces démonstrations-là dans la pratique de tous les jours, essentiellement.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Ça va? D'autres personnes du côté ministériel? Très bien. Alors, je passe du côté de l'opposition officielle, le député de Borduas, porte-parole officiel en matière de santé.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, je voudrais prendre un exemple concret, là. Bon, il y a, mettons, un scandale, en tout cas il y a... Oui, d'une certaine façon. En tout cas, il y a une grosse affaire qui concerne une entreprise pharmaceutique aux États-Unis avec un médicament qui s'appelle le Vioxx. Je ne sais pas s'il y a eu un programme de gestion thérapeutique, mais faisons l'hypothèse qu'il n'y en a pas eu. Qu'est-ce que ça pourrait avoir comme impact par rapport à une situation comme ça? C'est-à-dire que, là, vous avez un médicament... Est-ce que je dois comprendre puis les gens doivent comprendre que, la gestion thérapeutique, l'objectif, c'est de faire en sorte qu'on mesure les impacts des médicaments, leur efficience et leur efficacité?

M. Labelle (Serge): En fait, la gestion thérapeutique, c'est beaucoup plus que ça dans la mesure où la gestion thérapeutique, c'est une stratégie qui essaie de combler l'écart qui existe entre la pratique actuelle, les résultats qu'on obtient aujourd'hui dans la vie de tous les jours, dans la pratique courante, là, avec les patients, versus ce qui a été démontré avec des preuves probantes, des évidences cliniques dans les études cliniques. La gestion thérapeutique est axée autour de trois raisons principales qui expliquent ces différences-là: le diagnostic, le traitement, l'adhérence au traitement.

Alors, la gestion thérapeutique, c'est vraiment une méthode itérative, si vous voulez, de contrôle de qualité, en bout de ligne. Puis c'est un contrôle de qualité de la pratique, c'est un contrôle de qualité de la santé des patients qui permet de prendre une première mesure, de pouvoir développer des interventions qui sont applicables aux intervenants qui sont en cause dans la création de l'écart thérapeutique, si vous voulez, souvent dans le cas des patients, souvent dans le cas des médecins, des infirmières, des pharmaciens, et de pouvoir par le fait même changer des comportements pour pouvoir rattraper ou fermer l'écart qui existe entre l'efficacité qui est démontrée, entre les preuves cliniques qui sont démontrées en recherche et l'efficacité réelle qu'on observe dans la vraie vie de tous les jours.

M. Charbonneau: Mais, par rapport à un médicament, par exemple, est-ce que ça veut dire que dans le fond vous financez une université qui va faire une évaluation de l'efficacité d'un médicament en particulier, par exemple? C'est ça que...

M. Labelle (Serge): Non. En fait, ce n'est pas du tout ça, le mandat du Conseil canadien.

M. Charbonneau: Non, je le sais que, vous autres, vous êtes un organisme subventionnaire, mais l'instance subventionnée, vous les subventionnez pour qu'ils fassent ça.

M. Labelle (Serge): On les subventionne pour qu'ils fassent de la recherche en gestion thérapeutique. On les subventionne pour qu'ils puissent identifier des comportements qui doivent être ajustés pour pouvoir atteindre les évidences cliniques qui ont été démontrées. On les subventionne pour qu'ils puissent démontrer ou qu'ils puissent inventer des interventions qui vont permettre de combler cet écart-là.

Dans notre relation qu'on a présentement avec l'Université de Montréal, on n'a pas de droit de veto, on n'a pas de droit de regard en fait, je dirais, à la rigueur, sur ce qui se fait comme recherche à l'Université de Montréal ou ce qui va se faire comme recherche à l'Université de Montréal, si ce n'est qu'on est appelés à être consultés puis on nous invite à venir partager notre expérience parce que les compagnies qui font partie du Conseil canadien pour l'instant ont toutes à plusieurs égards des expériences en gestion thérapeutique, puis on est appelés à contribuer nos leçons, partager avec eux les méthodes itératives que, nous, on a utilisées dans nos programmes pour essayer de combler cet écart-là.

M. Charbonneau: Il faut bien comprendre que la gestion thérapeutique, là, ce n'est pas la validation de l'efficacité d'un médicament.

M. Labelle (Serge): Non. La gestion thérapeutique, c'est une approche de prise en charge. Je pense que la meilleure définition probablement vient du Groupe de recherche qui est venu présenter hier avant-midi, si je ne me trompe pas, ou avant-hier avant-midi, c'est vraiment une approche de prise en charge centrée sur le patient, une prise en charge interdisciplinaire, donc qui implique à la fois les médecins, les pharmaciens, les infirmières et tout autre professionnel de la santé, inclura à la rigueur, je l'espère, aussi les aidants naturels, puisqu'ils ont un rôle majeur à jouer dans la santé du patient. C'est vraiment une approche interdisciplinaire, itérative. Donc, on essaie toujours d'augmenter l'efficacité de l'approche, l'efficacité du plan de traitement pour en arriver aux bénéfices qui ont été démontrés par les études à grande envergure.

M. Charbonneau: O.K. Autrement dit, dans le fond, c'est une contribution de l'industrie pharmaceutique qui veut démontrer qu'elle est un bon citoyen ou qu'ils sont de bons citoyens corporatifs et que, dans ce sens-là, ils contribuent à l'amélioration de la santé publique.

M. Laferrière (Pierre): C'est plus que ça, parce que, bon, d'une part il n'est pas dit que le membership de notre organisme va être limité à des compagnies pharmaceutiques; on commence, on est en train de réfléchir à ça. Je pense que la substance... Oui, il y a certainement cet élément-là, mais ce n'est pas l'élément majeur. Je pense que l'élément majeur, c'est qu'il y a des valeurs scientifiques qui ont été démontrées dans des expériences antérieures, et qu'on éprouve le besoin, au niveau de l'industrie pharmaceutique, de raffermir la crédibilité de cette discipline-là, et qu'on pense que, de la voir se développer en milieu universitaire ? parce que c'est une jeune discipline, ça se développe en milieu industriel depuis peut-être une quinzaine d'années ? que, si cette discipline-là arrivait à se développer en milieu universitaire, elle pourrait avoir une plus grande évolution.

M. Charbonneau: Moi, écoutez, le premier réflexe, puis ce n'est pas un blâme, mais le premier réflexe que j'ai eu tantôt quand j'ai vu, bon, le Conseil canadien de recherche en gestion thérapeutique, avant que je réalise que c'étaient des entreprises pharmaceutiques qui étaient les membres de ce conseil-là, j'avais l'impression que j'étais devant un organisme gouvernemental ou paragouvernemental subventionnaire. Vous ne trouvez pas que finalement le nom porte peut-être un peu à confusion? Je veux dire, des conseils comme ça, conseil québécois ou conseil canadien, en général, c'est réservé à des organismes qui ont des mandats gouvernementaux, qui sont des créatures des États. Je trouve que ça donne... ça porte à confusion, en tout cas. Moi, je veux dire, ça ne me donne pas a priori... Tu sais, c'est comme si l'enseigne sur la vitrine, ça ne dit pas exactement ce qu'il y a dans le magasin, là. Je ne vous dis pas que le magasin est un mauvais magasin, je dis que j'aurais aimé ça que l'enseigne me dise clairement à quoi je dois m'attendre.

M. Laferrière (Pierre): Mais le nom a été obtenu de façon très légale.

M. Charbonneau: Ah oui, oui. Ça, je ne dis pas que ce n'est pas légal. Je veux dire, on peut faire bien des affaires légalement dans notre société. Je vous dis juste qu'a priori, là, moi, comme député puis représentant de citoyens... Puis encore là je ne mets pas de... je ne dis pas ça d'une façon, là... Comment je pourrais dire? Ce n'est pas un blâme ou d'une façon négative, mais ça m'agace parce que je trouve que finalement ça porte à confusion. Puis je l'ai souvent dit à des organismes qui venaient dans mon comté pour toutes sortes d'affaires. Des fois, les gens se donnent des noms, et les noms ne disent pas ce qu'ils sont, et ça nous prend du temps parfois à deviner ce qu'ils sont.

Bon, là, vous nous avez donné les explications, mais, pour le commun des mortels, je veux dire, demain matin, là, dans les médias, le Conseil canadien de recherche en gestion thérapeutique, tous les citoyens qui verraient ça, là, penseraient qu'il y a un organisme gouvernemental fédéral qui s'occupe de la recherche en gestion thérapeutique. Fédéral, parce que c'est marqué «canadien». Ça aurait pu être le Conseil québécois de la recherche en gestion, puis la problématique aurait été la même, c'est-à-dire que les gens auraient eu l'impression qu'ils ont affaire à un organisme gouvernemental de financement.

M. Laferrière (Pierre): Oui. Et je peux vous assurer que ce n'est pas un organisme que vous allez retrouver sur la place publique. Notre démarche est assez exceptionnelle, aujourd'hui. On n'a pas l'intention de lobbyer aucun gouvernement, nous sommes essentiellement un organisme de financement. Mais on a vu, dans d'abord le dépôt du projet de politique du médicament et la création de cette commission parlementaire, l'opportunité de vous informer de cette nouvelle initiative et de ce qu'elle peut ouvrir comme perspectives. Mais c'est vraiment exceptionnel, ce que nous faisons aujourd'hui. Et nous n'avons pas d'argent à consacrer à la publicité, ou à la promotion, ou à quoi que ce soit comme ça. L'argent que nous avons, il s'en va à des fins de recherche.

M. Charbonneau: Ceci étant dit, je pense que je n'ai pas, disons, de problème avec la mission que vous vous êtes donnée et le bien-fondé de ce que vous allez générer comme financement.

n(15 h 30)n

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Si vous permettez, M. le député de Borduas, je vais céder la parole à la députée de Rimouski qui attend avec impatience.

Mme Charest (Rimouski): Merci. Bonjour, messieurs. Bienvenue à cette commission. Dans le fond, ce que je comprends du concept de la gestion thérapeutique, c'est quand même un concept qui est relativement jeune. À travers le monde, il y a eu des expériences de faites. C'est une approche interdisciplinaire ou multidisciplinaire qui crée une synergie des interventions médicales, médicamenteuses et même sociales. Parce que, si je comprends bien ce que vous nous avez donné comme information, on ne mesure pas seulement l'efficacité et l'efficience d'un médicament, mais on travaille sur les habitudes de vie, sur le contexte social de la personne, etc.

Une fois qu'on s'entend, si ce que je vous traduit là est bien relié au concept, j'aimerais savoir, à travers les expériences qui ont pu être menées ailleurs ? parce qu'au Québec je ne pense pas qu'il y en ait eu, d'expériences de gestion thérapeutique, peu importe ? est-ce qu'on peut mesurer le taux d'incidence d'un problème de santé, le taux de morbidité, le taux de mortalité? Est-ce que vous avez eu une influence en appliquant ce concept-là pour un problème de santé donné? Est-ce que vous avez eu... Est-ce que vous pouvez mesurer des effets sur ça?

M. Labelle (Serge): Bien, en fait, c'est l'objectif, et d'ailleurs un des critères de gestion thérapeutique, c'est la capacité de mesurer. Parce que de toute évidence on peut prendre des portraits, on peut appliquer des interventions, mais, si on n'arrive pas à mesurer que les interventions qu'on applique ont un impact et ont un effet sur la cause initiale du problème, ça ne sert à rien de le faire parce qu'on pourrait inventer toutes sortes d'interventions, à ce moment-là, qui pourraient en tout fonctionner, mais en partie peut-être qu'une seule de ces interventions-là a fait le travail, a comblé l'écart thérapeutique ou a changé le comportement qui est à l'origine de l'écart thérapeutique.

Alors, c'est sûr qu'il faut avoir la capacité de mesurer. Dans un programme de gestion thérapeutique, alors il y a évidemment une grosse composante de mesure de l'effet qu'on obtient. Et, par conséquent, oui, on a des impacts sur la mesure de la mortalité, on a des impacts sur la mesure... On a des mesures sur l'impact sur la mortalité, la morbidité, la prévalence de maladies, les projets de gestion thérapeutique, les projets... Même l'application de la gestion thérapeutique se fait à travers ce genre de méthodes là.

Mme Charest (Rimouski): Est-ce qu'il existe une revue de littérature sur les expériences qui ont été faites ailleurs?

M. Labelle (Serge): Oui, je présume qu'il existe des revues de littératures. Je sais que l'Université de Montréal, le Groupe de recherche en gestion thérapeutique de l'Université de Montréal est en train d'en préparer une plus exhaustive encore. Dans la compagnie, chez nous, bon, on a implanté beaucoup de ces projets-là dans le passé. Donc, on a des articles, on a de la littérature sur les impacts que ces interventions-là ont eus, que ce soit au niveau de l'ostéoporose, que ce soit au niveau de la maladie cardiovasculaire, que ce soit au niveau des réhospitalisations suite à des événements cardiovasculaires. Alors, oui, il y a effectivement beaucoup de données, beaucoup de leçons, en fait beaucoup d'acquis qui sont tirés là-dessus.

Mme Charest (Rimouski): Je suppose qu'en termes de gouvernement responsable, avant d'adopter un concept comme celui-là ou une approche telle que celle que vous proposez, on doit s'assurer qu'il y a quand même des résultats suffisamment valables et transposables d'un problème de santé à un autre pour qu'on adopte ce principe-là. Alors, c'est pour ça que je vous demande si la revue de littératures est disponible ou à tout le moins une bibliographie. Et, si jamais vous avez quelque chose de ce genre-là, vous pourriez peut-être l'acheminer aux membres de la commission, ce qui nous permettrait de voir jusqu'à quel point cette approche peut être pertinente par rapport à nos préoccupations.

M. Labelle (Serge): La plus complète que je connaisse, elle est publiée dans un livre qui est pour l'instant publié seulement en anglais mais dont la version française s'en vient, qui s'appelle Patients First.

Mme Charest (Rimouski): On lit en anglais pareil.

M. Labelle (Serge): C'est excellent. Alors, je m'assurerai d'en faire parvenir copie à la commission. Parce que ça relate un petit peu la démarche d'un médecin qui s'appelle Dr Terry Montague, qui fait de la gestion thérapeutique depuis longtemps, qui fait de la gestion thérapeutique d'avant qu'on l'appelle la gestion thérapeutique. Alors, à ce moment-là, c'était un concept de contrôle de qualité ou amélioration continue de la qualité dans les pratiques, dans les méthodes scientifiques, dans le traitement des patients, et puis c'est bien relaté dans ce livre-là.

Mme Charest (Rimouski): J'aurais eu d'autres questions, mais on me dit que c'est terminé. Alors, merci, messieurs.

M. Labelle (Serge): Ah! Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, M. Laferrière et M. Labelle, les membres de cette commission vous remercient pour votre contribution aux travaux de la commission.

Ceci met fin à l'écoute des mémoires qui auront été présentés devant cette commission. Nous en aurons entendu 66 sur un total de 84 mémoires qui ont été déposés. Alors, je poursuivrai ensuite, une fois les...

Une voix: ...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Non, je ne suspendrai pas les travaux tout de suite. J'attends simplement quelques secondes pour que vous puissiez aller saluer nos invités et je poursuivrai avec le prochain item.

Pour le bénéfice des membres de la commission qui n'auraient pas enregistré l'information, nous avons reçu, en tout et partout, 84 mémoires sur la politique du médicament: 66 ont été entendus devant cette commission et 18, que je vais nommer, n'ont pas été entendus.

Document déposé

Mais, pour les rendre publics, nous devons les nommer et les reconnaître. Ce sont ou bien des personnes ou bien des organismes, alors: Actelion Pharmaceuticals Canada inc.; Action Santé Outaouais; Association pour la défense des droits sociaux de Gatineau; Association québécoise des retraité-e-s des secteurs public et parapublic; M. Paul H. Bilodeau; Boehringer Ingelheim Canada; Chambre de commerce du Montréal métropolitain; Coalition féministe pour une transformation du système de santé et des services sociaux; Conférence régionale des élus de l'Abitibi-Témiscamingue; M. Harold Geltman; GlaxoSmithKline; Groupe PharmEssor inc.; Ordre des infirmières et infirmiers du Québec; Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec; Sanofi-Aventis; Société d'arthrite, division du Québec; Société québécoise de la schizophrénie; et Teva Neuroscience. Je crois que ça complète la liste. Mme la secrétaire, je la dépose donc devant vous et devant les membres de la commission.

Document déposé

Et par ailleurs j'ai un autre document à déposer devant les membres de la commission. Il vous sera transmis immédiatement à la fin des travaux de la commission. Il s'agit de la liste des personnes et des organismes qui ont fait parvenir une déclaration commune en appui à la Coalition Solidarité Santé. On y retrouve 253 signataires qui appuient donc la position de la Coalition Solidarité Santé. Et je dépose donc ce document qui sera transmis illico aux membres de cette commission.

Nous abordons maintenant... à moins... Il nous manque un acteur très important qui sera avec nous dans deux minutes. Alors, je suspends les travaux pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 38)

 

(Reprise à 15 h 41)

Remarques finales

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, la commission reprend ses travaux. Nous en sommes aux remarques finales. L'opposition disposera de 15 minutes pour ses remarques finales ? ce n'est pas nécessaire de toutes les prendre ? de même que le ministre, et le ministre n'est pas non plus obligé de toutes les prendre. Nous commencerons par l'opposition, telle est la tradition. J'invite donc M. le député de Borduas à prendre la parole. Pour vos remarques finales.

M. Charbonneau: Je pensais que c'était l'inverse, et j'aurais aimé que ce soit l'inverse. Si le ministre... Parce que, je vais vous dire très franchement, là, bon, moi, j'ai pris le dossier le train était déjà parti, et je n'ai pas la prétention d'avoir une expertise globale, et ça me permettrait... Bon. Parce que ça fait deux semaines, mais entre-temps... Quand je regarde le nombre de gens qui sont venus devant la commission, je ne peux pas dire que j'ai eu le privilège de tous les entendre ou même d'entendre la majorité d'entre eux. Et ça me permettrait de faire des remarques, en fonction aussi de ce que le ministre pourrait dire, peut-être plus pertinentes puis... S'il n'y a pas d'objection.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): O.K. Alors, si tout le monde est d'accord... Tout le monde est d'accord. Bon. Alors, M. le ministre, vous avez 15 minutes.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: Il est possible que je sollicite votre miséricorde, M. le Président, pour dépasser d'une ou deux minutes, mais on verra.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Ah bon! Très bien.

M. Couillard: Je vous remercie, donc, M. le Président.

M. Charbonneau: Compte tenu de l'appui que le ministre m'a donné, je lui indique immédiatement que, quant à moi, la miséricorde lui sera accordée.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Je pense que vous pouvez prendre 30 minutes, M. le ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Couillard: Alors, M. le Président, en cette dernière journée de consultation sur le projet de politique du médicament, je tiens et l'ensemble des collègues tenons à remercier d'abord tous les groupes, associations et organismes qui sont venus témoigner à la Commission des affaires sociales leur point de vue en regard de cette importante question. J'en profite également pour remercier les collègues parlementaires, la présidence et bien sûr le personnel de la commission pour son assistance.

Avant de dresser le bilan de ces 11 journées d'auditions, il nous apparaît important de rappeler ici les principaux objectifs qui sous-tendent le projet de politique du médicament. On sait que jusqu'à maintenant un ensemble de mesures, dont notamment la mise en place du régime général d'assurance médicaments, en 1997, a permis au Québec de garantir un accès plus raisonnable et plus équitable à la thérapie médicamenteuse, et ce, pour tous les citoyens du Québec, et, avec la politique du médicament, nous voulons bien sûr aller plus loin. Nous souhaitons nous donner une vision commune qui guidera nos décisions et nos actions en ce qui concerne le médicament comme composante intégrale du système de santé. Notre objectif, c'est bien sûr de trouver un équilibre acceptable entre les besoins grandissants de la population, la protection des clientèles vulnérables, la capacité collective de soutenir les actions souhaitées et la volonté de maintenir le dynamisme de l'industrie pharmaceutique au Québec.

Comme vous le savez, le projet de politique du médicament est attendu depuis l'adoption de la loi, en 1996, et c'est donc avec beaucoup de fierté que nous avons déposé, en décembre dernier, ce document de consultation qui, lorsqu'adopté dans sa forme finale, permettra au Québec de prendre une position très avantageuse et même une position de leadership dans ce domaine, autant au niveau canadien qu'international. Ce projet se divise en quatre chapitres: l'accessibilité aux médicaments; l'établissement d'un prix juste et raisonnable; l'utilisation optimale des médicaments; et le maintien d'une industrie dynamique au Québec.

L'accessibilité aux médicaments est donc pour nous une question importante du projet de politique, et il est clair qu'il n'est non seulement pas prévu de la restreindre, mais bien sûr de la préserver et même de l'améliorer. Par contre, des choix devront être faits.

Dans le domaine de l'établissement d'un prix juste et raisonnable pour les médicaments, l'objectif de notre politique est de mettre de l'avant des moyens adéquats pour assurer un juste prix au régime général d'assurance médicaments compte tenu des conditions imposées par le marché.

Actuellement, notre régime public d'assurance médicaments fait face à des défis de taille, principalement pour ce qui est du prix des médicaments et de la croissance des coûts. Dès l'automne 2003, nous avons été confrontés à un nombre considérable de demandes de hausse de prix, parfois alliées à une allusion au délistage possible de certains produits, ce qui allait totalement à l'encontre de la politique québécoise de non-augmentation du prix des médicaments en vigueur depuis 1994.

En observant ce qui se passe dans le reste du Canada, du côté des pays européens et occidentaux en général, on s'aperçoit rapidement qu'il était difficile pour le Québec de continuer à rester isolé dans cette politique. Et on s'aperçoit également que la majorité des régimes publics d'assurance médicaments connaissent une croissance similaire, ce qui a poussé plusieurs d'entre eux à explorer des avenues nouvelles.

Par exemple, sur la détermination des prix, un comité tripartite formé de représentants du ministère, de la Régie de l'assurance maladie du Québec et du Conseil du médicament a été chargé d'étudier ces problèmes et a siégé pendant de longs mois pour faire en sorte que leurs travaux soient pris en compte dans l'élaboration du projet de politique, et ils l'ont été.

Quant à l'usage optimal, on doit rappeler que la définition de l'usage optimal, c'est l'usage qui maximise les bienfaits et minimise les risques pour la santé de la population en tenant compte des diverses options possibles, des coûts et des ressources disponibles, des valeurs des patients et des valeurs de notre société. Notre objectif, avec cet axe, est d'assurer aux personnes une thérapie de qualité qui soit réellement adaptée à leurs besoins. Elle n'a pas comme objectif premier de réduire les coûts mais bien de viser à maximiser l'ensemble des ressources investies. Bien sûr, le coût est un élément à considérer, mais il n'est pas le premier et surtout pas le seul.

Plusieurs moyens peuvent être utilisés pour favoriser un usage optimal. Le plus important pour nous, c'est d'avoir une stratégie d'ensemble qui sache rallier les professionnels de la santé, les patients et l'industrie, qui est également un partenaire dans l'élaboration de ce concept. Il est important de rappeler que tous ces joueurs ou ces personnes sont concernés par l'usage optimal et chacun a un rôle à jouer à cet égard. Le gouvernement peut créer les conditions qui favorisent l'usage optimal, mais ce sont les professionnels et les patients qui, en bout de ligne, contribueront à l'atteinte de l'objectif.

Le maintien de l'industrie pharmaceutique dynamique au Québec est également important. Par ses activités de recherche et de développement, l'industrie pharmaceutique produit un impact sur l'économie autant que sur la santé de la population, et, pour le Québec, il est important que la politique reconnaisse aussi cet apport bénéfique.

Les fabricants des médicaments sont des acteurs incontournables, que leurs produits soient d'origine ou qu'ils soient génériques. Et, aussi essentiel soit-il, le maintien d'une industrie dynamique ne doit toutefois pas se faire au détriment de l'usage optimal et de l'accessibilité, car, comme nous l'avons dit à plusieurs reprises au cours de la commission, les fabricants ont aussi des responsabilités envers les autres partenaires gouvernementaux, les professionnels de la santé et les citoyens. Voilà ce qui résume les objectifs qui sous-tendent les quatre axes du projet de politique.

Pour cette consultation, le secrétaire de la Commission des affaires sociales a reçu plus de 80 mémoires. De ce nombre, plus de 60 groupes nous ont fait le privilège de nous le présenter en commission parlementaire. Il est clair pour nous que la participation de tous ces groupes issus de différents horizons était essentielle pour alimenter notre réflexion et surtout pour nous aider à faire les choix qui s'imposent. Il est certain que, durant ces consultations, plusieurs groupes ont exprimé des positions diamétralement opposées sur certaines propositions de la politique. Je souhaite malgré tout qu'au moment où les choix seront arrêtés et que la loi sera adoptée tous et toutes mettront l'épaule à la roue pour assurer le succès de sa mise en oeuvre.

En général, les groupes ont exprimé leur accord avec la majorité des propositions du projet de politique, particulièrement l'amélioration de l'accessibilité et l'usage optimal. Plusieurs groupes ont par contre remis en doute la réelle accessibilité aux médicaments sous deux formes: l'accès financier pour certaines tranches de la société et l'utilisation trop fréquente de la liste d'exception pour introduire des nouveaux médicaments dans le régime général d'assurance médicaments.

Pour ce qui est de l'accessibilité financière, il est vrai que les prestataires de l'assistance-emploi avaient accès gratuitement aux médicaments avant l'adoption de la Loi sur l'assurance médicaments, en 1996. Par contre, il faut rappeler qu'il était aussi vrai qu'à cette époque environ 1,7 million de Québécois n'avaient accès à aucune assurance. Ces personnes, on le sait, n'étaient pas les plus fortunées parce qu'elles n'avaient souvent ou presque toujours pas accès à un régime collectif, c'étaient en général des travailleurs à petits revenus.

Toutefois, depuis le 1er janvier 1997, les prestataires de l'assistance-emploi ont été protégés de toute hausse. En effet, leur contribution est toujours demeurée la même, soit une contribution à l'achat plafonnée à 16,66 $ par mois, avec un maximum annuel de 200 $. De plus, depuis le 1er octobre 1999, ces prestataires présentant des contraintes sévères à l'emploi sont exemptés de toute contribution. Rappelons également que les prestataires de l'assistance-emploi, que ce soit avec ou sans contraintes sévères, sont exemptés du paiement de la prime.

Conscients de nos engagements, nous avons rétabli, avec le dernier budget, la gratuité des personnes âgées qui reçoivent le supplément de revenu garanti maximal. Nous souhaitons le plus rapidement possible le faire aussi pour les prestataires de l'assistance-emploi. Par contre, comme gouvernement, nous avons le mandat de gérer d'une façon responsable et équitable les finances publiques. Je suis confiant pour ma part que la politique amènera les fruits escomptés assez rapidement pour permettre de financer la gratuité pour d'autres groupes à faibles revenus.

Pour ce qui est de l'inscription des médicaments à la liste, plusieurs groupes ont critiqué la réalité du Québec. Pourtant, selon les plus récentes données publiées par la firme IMS, le Québec est la province canadienne qui, entre juin 2003 et mai 2005, a inscrit le plus de nouveaux médicaments sur sa liste. En effet, sur 105 produits, le Québec en a inscrit 44. De ces 44 produits, 23 ont été inscrits à la liste régulière et 21 à la liste d'exception. La province qui a inscrit le plus de produits après le Québec en a inscrit seulement 32 ? par rapport à 44 ? il s'agit de la Saskatchewan. L'Ontario est très loin derrière, avec 18 inscriptions sur la même période. Alors, il est toujours important de rappeler ces données parce qu'on a tendance à regarder nos problèmes en isolation, mais, lorsqu'on compare l'ouverture du marché québécois avec ce qui existe dans le reste du Canada, on voit que le Québec est de loin en avance sur cette question.

n(15 h 50)n

Pour ce qui est du deuxième axe, plusieurs groupes se sont positionnés contre l'augmentation du prix des médicaments. Je vous rappelle que cette proposition est tout d'abord bien encadrée dans la politique et qu'elle est surtout associée à une proposition qui prévoit la conclusion d'ententes compensatoires pour pallier à l'augmentation du coût du régime public d'assurance médicaments et à notre avis responsabilise davantage les fabricants lors de l'évolution de la liste des médicaments.

En général, le troisième axe n'a pas suscité de grands questionnements, si ce n'est que certains groupes ont questionné le travail du Conseil du médicament. Certains ont affirmé que ce dernier ne recourait pas suffisamment à des experts cliniciens pour alimenter leurs réflexions et recommandations. Même s'il s'agit d'une perception que nous partageons partiellement et qu'il y a lieu d'améliorer, nous tenons à rétablir cependant les faits.

En effet, en 2004-2005, le conseil a eu recours au savoir de plus de 120 experts issus de multiples spécialités de la communauté médicale québécoise ou de la santé du Québec, du domaine de la santé, dont 78 médecins spécialistes. Et on verra que la composition du conseil d'administration du Conseil du médicament est composée en grande majorité, sinon en totalité de personnes oeuvrant concrètement dans ce domaine et offrant des services à la population en plus d'apporter une coloration éthique.

Plusieurs groupes ont aussi remis en doute la présence du quatrième axe, soit le maintien de l'industrie dans le projet de politique, et nous tenons, aujourd'hui, à réitérer l'importance de cet axe pour le maintien de l'industrie au Québec, car nous savons que le secteur biopharmaceutique est un des trois grands secteurs de pointe et d'avenir au Québec.

Je vous rappelle aussi que le Québec est une société riche, si on la compare à beaucoup d'États du monde, mais malheureusement pas tout à fait aussi riche que nous pourrions le penser. La délocalisation de certaines industries est une réalité mondiale, et, à l'heure actuelle, même notre géant voisin perd des milliers d'emplois spécialisés, en informatique par exemple, au profit de l'Inde. On apprenait, au cours de la commission ? je crois me souvenir du chiffre ? qu'il y a 500 000 ingénieurs qui ont gradué, cette année, en Inde. C'est le chiffre que j'ai en mémoire, et c'est absolument incroyable de penser à cette capacité d'innovation qui existe là-bas...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): On est passé à 600 000...

M. Couillard: Pardon?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): On est passé à 600 000, depuis.

M. Couillard: Oui, c'est ça, en quelques minutes, c'est ce que vous me dites. Donc, nous ne pouvons pas prendre le risque de perdre une partie des emplois reliés à l'industrie biopharmaceutique. Il ne faut pas oublier qu'il y a un lien incontournable entre le développement de la richesse collective et le financement des programmes sociaux, qui sont forts généreux au Québec. L'un ne vient pas sans l'autre, et la richesse doit donc être créée afin que nous puissions financer notre filet social.

Il est clair aussi pour nous que nous ne voulons pas et que nous ne donnerons pas des avantages à l'industrie à n'importe quel prix. Il est essentiel que l'ensemble des propositions mises de l'avant soient sous la forme gagnant-gagnant pour l'industrie, l'État québécois et bien sûr notre population.

Maintenant, quel sera le portrait final de cette politique et quel est son échéancier de mise en oeuvre? Pour ce qui est de l'échéancier, nous souhaitons avancer assez rapidement et déposer, dès le début de la session de l'automne, un projet de loi pour pouvoir mettre en oeuvre les dispositions de la politique qui exigent des modifications législatives. Nous souhaitons l'adoption du projet de loi dans les délais les plus courts possible, bien sûr. Nous nous sommes donné comme objectif de finaliser la mise en oeuvre de l'ensemble des mesures d'ici trois ans, à partir de l'adoption des mesures législatives. On parle de mesures législatives réglementaires, constitutions et nouvelles constitutions des organismes, etc.

Dès la première année, nous souhaitons revoir tout le fonctionnement, la composition et le rôle de la table de concertation. Nous croyons que cette clarification permettrait d'assurer une meilleure adhésion des parties concernées par la mise en place de mesures touchant l'usage optimal des médicaments. Plusieurs groupes nous ont sensibilisés à la nécessité et à l'intérêt de la participation des citoyens. Pour répondre à cette demande, nous souhaitons la participation d'un représentant de la population à la table de concertation.

Nous entendons également régler plusieurs questions en lien avec l'industrie, soit la marge bénéficiaire des grossistes, le prix des médicaments génériques, l'augmentation de prix des médicaments innovateurs et en contrepartie la conclusion des ententes compensatoires, de l'engagement du fabricant ainsi que la mise en place du forum permanent d'échange avec l'industrie. Plusieurs de ces mesures nous aideront à contrôler la hausse du coût du régime d'assurance médicaments.

Parmi les mesures d'actions concrètes à ce chapitre, sachez que nous avons publié récemment à la Gazette officielle un projet de règlement visant à modifier la limite maximale de la marge bénéficiaire des grossistes; on en a discuté aujourd'hui. Le règlement prévoit faire passer cette limite maximale de 9 % à 6 %, et les parties concernées ont jusqu'à la fin du délai de 45 jours pour nous faire part de leurs commentaires, soit jusqu'au 10 septembre prochain, et je les engage à le faire.

À la suite de nos échanges avec les représentants des différentes organisations représentant les entreprises de biotechnologie et parce que nous croyons que ces entreprises représentent l'avenir du développement des médicaments, nous souhaitons également avoir les représentants de cette industrie au sein du forum permanent d'échange.

Finalement, nous souhaitons, et c'est important de le mentionner, interdire aux pharmaciens la possibilité de recevoir des ristournes et d'autres avantages comparables outre ceux qui seront explicitement permis. Alors, il s'agira, par exemple, de prévoir la possibilité de recevoir des rabais volume, comme ça a été demandé et expliqué au cours de la commission, mais de façon transparente, équitable pour les citoyens et les professionnels et à la fois commerçants que sont nos pharmaciens propriétaires.

Durant la consultation, plusieurs groupes ont remis en question certains aspects du travail du Conseil du médicament. Lors de la deuxième année de mise en oeuvre de la politique, nous souhaitons que les travaux du conseil se fassent de façon plus transparente, entre autres pour le bénéfice de la population et des établissements de santé. De plus, nous souhaitons donner aux groupes qui représentent des patients et aux cliniciens du Québec, à travers leurs associations professionnelles, l'opportunité ou l'occasion de déposer au conseil leur avis lors de l'évaluation d'un médicament.

Nous souhaitons aller de l'avant avec les propositions visant à encadrer davantage les pratiques commerciales de l'industrie. En effet, l'industrie générique et innovatrice ainsi que les grossistes auront l'obligation de se doter d'un code de déontologie, si cela n'est pas déjà le cas, et surtout de s'y conformer.

Nous sommes convaincus que la valeur thérapeutique doit être le critère prépondérant d'évaluation pour tous les nouveaux médicaments. Toutefois, comme nous l'avons vu lors des consultations, il arrive qu'il soit très difficile d'évaluer cette composante selon les méthodes habituellement reconnues. Pour cette raison, nous examinerons la possibilité d'utiliser d'autres cadres d'analyse dans les cas exceptionnels ? j'insiste sur le mot «exceptionnels» ? comme nous l'ont représenté les représentants de patients souffrant de la maladie de Fabry. La commission a été sensibilisée aux enjeux reliés à la thérapie génique. Les travaux seront poursuivis au ministère afin que le Québec puisse relever les défis associés à la génétique médicale, entre autres la question du dépistage de certaines de ces maladies rares.

Plusieurs groupes ont souligné la lourdeur liée à la liste d'exception, et, lorsque cela sera possible, des mesures d'allégement seront introduites par la Régie de l'assurance maladie du Québec dans sa gestion de ce programme, mais il demeurera toutefois des situations où le formulaire actuel continuera d'être requis. De plus, et c'est une modification importante, nous envisageons la création d'une classe de médicaments dite «avec suivi d'utilisation». Les nouveaux médicaments classés dans cette nouvelle catégorie le seraient temporairement. Cette approche nous permettrait de faire une évaluation de l'utilisation du produit pour ensuite établir s'il doit être introduit à la liste régulière ou à celle d'exception.

Nous désirons aller de l'avant dans la conclusion de nouvelles ententes de partenariat avec l'industrie dans les cas où il y a des problèmes d'usage non optimal d'une classe de médicaments. Par contre, pour les ententes de partage de risques, nous souhaitons en convenir pour réduire le risque financier de l'État lors de l'introduction de nouveaux médicaments sur le marché.

Comme vous le savez, pour ce qui est des technologies de l'information, plusieurs groupes nous ont rappelé ? et nous partageons cette opinion ? le caractère essentiel, quant à la mise en oeuvre de cette politique, de l'introduction de technologies de l'information dans le réseau de la santé du Québec.

Comme vous le savez, nous sommes sur le point d'adopter le projet de loi n° 83; du moins, nous entreprenons très prochainement son étude détaillée. Ce projet définit en outre les règles qui régiront la circulation de l'information entre les professionnels de la santé pour la prestation de services. L'adoption permettra enfin le déploiement d'outils technologiques reconnus, tels que le profil pharmacologique et les différents aviseurs thérapeutiques, en conformité avec l'architecture de notre plan d'informatisation du réseau de la santé.

L'adoption de ce projet de loi est essentielle pour favoriser un usage optimal des médicaments, puisqu'il permettra aux professionnels autorisés de connaître l'ensemble des médicaments consommés par un patient qui aura bien sûr préalablement consenti à la circulation de cette information. Je suis convaincu que nos collègues de l'opposition nous supporteront pour l'adoption de ce projet de loi qui est un facteur déterminant dans l'usage optimal.

La question de l'administration des médicaments administrés en ambulatoire est une question fort délicate. Avec la transformation du réseau de la santé, nous devons repenser le financement et le mode d'administration des médicaments que nous administrons dans les cliniques externes des centres hospitaliers. Nous souhaitons en discuter avec tous les intervenants concernés du réseau afin de déterminer les circonstances et le cadre de mise en oeuvre de cette proposition.

Voilà ce qui résume globalement et ce que nous réservera le texte final de la politique du médicament. Je vous souligne d'ailleurs que ce texte final sera publié à la suite de l'adoption finale du projet de loi, dont le dépôt est prévu cet automne. Nous profiterons donc de cette occasion pour modifier la Loi sur l'assurance médicaments. D'autres modifications auront pour but, entre autres, de répondre à certains commentaires émis par le Vérificateur général récemment, quant au contrôle des inscriptions au programme, par exemple.

En terminant, donc nous sommes conscients que la politique du médicament ne saurait constituer une panacée. Et en ce sens nul ne prétend régler une fois pour toutes l'ensemble des problèmes liés aux médicaments. Il s'agit d'une problématique commune à l'ensemble des pays industrialisés. Je suis convaincu par contre que d'introduire une réflexion sur la place que l'on souhaite accorder comme société aux médicaments, c'est se doter d'un meilleur outil pour relever les défis qui y sont associés.

L'exercice que nous terminons aujourd'hui nous permettra pour une première fois de rassembler la société du Québec autour d'objectifs communs en ce qui concerne l'accessibilité aux médicaments, leur usage optimal, et cela, sans faire abstraction des impératifs économiques de l'État, ni des citoyens, ni de l'entreprise privée. De cette réalisation, nous pouvons et nous pourrons être très fiers. Merci, M. le Président.

n(16 heures)n

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Merci, M. le ministre. Je vous accorde ma miséricorde. Ça fait longtemps que j'avais entendu ce mot-là. Ça réfère à la bonté d'un dirigeant vis-à-vis une faute qui aurait été commise par quelqu'un. Mais je n'ai pas vu beaucoup de faute, peut-être deux minutes de faute.

Alors, la parole est maintenant au député de Borduas et porte-parole de l'opposition en matière de santé.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Bien. Merci, M. le Président. Alors, je voudrais faire miens d'abord les remerciements du ministre à l'égard de tous ceux qui ont participé ou qui ont collaboré aux travaux de la commission.

D'entrée de jeu, je l'ai dit quand je suis intervenu la première fois, et le ministre l'a dit tantôt, je pense qu'il faut saluer le progrès que va constituer pour la société québécoise le fait qu'on ait une politique du médicament. Je pense qu'en politique tout n'est pas partisanerie, et les progrès d'une société se font progressivement, parfois pas toujours vite, parfois en continuité.

Quand on était au gouvernement, on a mis en place, le ministre l'a souligné, le régime d'assurance médicaments, l'assurance générale médicaments. Ça a été un progrès important. On avait indiqué qu'il fallait que ce soit suivi d'une politique du médicament. La suite vient par le gouvernement qui a pris le relais, et je crois que, dans ce sens-là, c'était un pas qui devait être fait, qui est fait. Maintenant, ce qu'il faut, c'est de s'assurer que le pas soit bien fait. Et c'est l'exercice auquel on s'est prêtés pendant ces travaux-là.

J'aurais aimé être responsable de ce dossier dès le début, ça m'aurait permis d'avoir une connaissance encore plus fine, à ce moment-ci, de l'ensemble des enjeux, des questions qui ont été soulevés. Mais, néanmoins, d'un point de vue d'un citoyen, d'un député qui est un représentant des citoyens, j'ai tenté de m'intéresser et d'intervenir, dans les deux dernières semaines, en faisant en sorte de mettre en évidence un certain nombre de questions et justement de m'interroger sur la pertinence ou le bien-fondé d'un certain nombre de choses.

Dans le fond, il y a une question majeure qui nous divise, et d'une certaine façon elle teinte malheureusement la politique du médicament, c'est cette question de la gratuité ou de l'accessibilité pour les plus pauvres, pour les plus démunis. Si on enlève cette question-là ? puis je vais y revenir ? si on enlève cette question-là, le reste de l'évaluation doit être fait sur d'autres bases, des bases qui finalement sont les bases sur le bien-fondé même de chacune des mesures qui vont être mises en place. En fait, je dois déplorer qu'à l'occasion de cette politique-là le ministre et le gouvernement n'aient pas décidé de dire d'entrée de jeu: Écoutez, on va régler une question qui aurait dû être réglée depuis un certain temps déjà. Puis je sais que le ministre, mardi, a reconnu lui-même qu'il a suscité beaucoup d'espoir. Comme je le disais, il a fait lui aussi son mea culpa, et c'est correct. Je ne peux pas le blâmer de faire un mea culpa quand j'en ai fait un quelques jours avant. Mais, dans un sens ou dans l'autre, deux mea culpa, ça ne règle pas le problème tant que le problème n'est pas réglé. Et, pour nos concitoyens qui sont pauvres, qui sont démunis, le fait est que le prix qu'ils doivent encore payer, parce que la gratuité n'est pas là au rendez-vous, est dur à porter, est difficile à porter, est lourd à porter.

Et tantôt on faisait allusion... En fait, je ne sais pas si on en a fait allusion, mais on en fait allusion depuis hier. Je regarde juste la réaction des membres du gouvernement, hier, de deux ministres dans le domaine économique qui disaient que, comme société, on va payer un prix élevé à cause de l'augmentation du prix de l'essence et donc des conséquences sur l'ensemble de l'économie. Il risque d'y avoir une hausse du coût de la vie puis peut-être même un ralentissement des rentrées de fonds publics. Tout ça fait en sorte que, pour les plus pauvres aussi, ça va avoir un impact. Ça veut dire que les autres denrées vont augmenter et que le poids... leur capacité éventuelle de pouvoir se payer des médicaments va être encore plus compromise.

Moi, j'invite le ministre à plaider auprès de ses collègues du Conseil des ministres pour qu'on accorde finalement les fonds nécessaires pour que l'engagement électoral qui a été pris soit non seulement respecté, mais qu'il le soit rapidement et non pas comme on nous l'annonce. Et le ministre l'a redit tantôt, il espère que la politique qu'il nous présente, qui va être bonifiée par le projet de loi, il espère que ça va apporter des économies rapidement. On l'espère tous, mais ce n'est pas évident, il n'y a pas de garantie. Et je ne crois pas que l'engagement électoral qui a été pris était conditionnel à ce qu'une éventuelle politique du médicament génère des économies pour l'État et pour le régime. Je pense qu'on a pris un engagement, il n'y avait pas de condition, on devrait sans condition se dépêcher à le respecter encore une fois parce qu'on reconnaît de part et d'autre que ça crée des problèmes importants et la démonstration a été faite plus d'une fois devant la commission des conséquences dramatiques pour les gens qui doivent subir ça.

Pour le reste, les problèmes d'accessibilité, bon, le ministre a parlé de l'usage trop fréquent de la liste. Bon. Je pense que tout ça est une question d'évaluation. Tantôt, on va rencontrer le Conseil du médicament. Je crois que l'importance pour la santé publique, c'est à la fois ? comment je pourrais dire? ? qu'on règle ce problème d'accessibilité, c'est-à-dire à la fois pour les plus pauvres, mais aussi que les mesures qui seront prises nous donnent la conviction qu'il n'y a pas de ralentissement exagéré, qu'il n'y a pas une prise de décision inutilement tardive et surtout... puis ça, c'est là où il va falloir qu'il y ait une démonstration claire puis des mécanismes transparents qui fassent en sorte qu'on ait la garantie que c'est la valeur thérapeutique qui va primer.

Le ministre disait: Ça ne peut pas être un absolu, on doit tenir compte aussi du coût des médicaments qui sont en cause. Évidemment. Mais, en bout de piste, quand il y a un refus ou quand il y a un retard, il reste toujours qu'il y a une espèce de suspicion. Et on l'a vu, moi, je l'ai vu, depuis deux semaines, puis j'imagine que ça a été le cas dans les semaines qui... il y a quelques mois, où la commission a siégé également, il y a une espèce de suspicion. On n'est pas certains que les décisions qui sont prises par le Conseil du médicament sont des décisions qui sont fondées sur la valeur thérapeutique ou les avis scientifiques plutôt que sur la volonté ou la nécessité pour l'État de voir à contrôler un peu le coût pour que finalement on puisse assurer une certaine pérennité du régime d'assurance.

Alors, en bout de piste, on peut nous donner des explications. Le fait est que la seule façon de s'assurer qu'on croie les explications, c'est qu'il y ait un mécanisme ou des mécanismes de transparence qui nous permettent d'avoir confiance au Conseil du médicament, donc à ceux qui ont la responsabilité de prendre les décisions. Parce que, bon, ça ne peut pas être le ministre qui prend les décisions. Le ministre lui-même... Et je pense que ça a été prévu comme ça, ce n'est pas au niveau politique à prendre la décision. Mais, à partir du moment où il la remet entre les mains d'une instance, l'instance, elle ne peut pas faire comme si elle n'avait pas une responsabilité publique, elle aussi. Ce n'est pas parce qu'elle n'est pas élue, cette instance-là, qu'elle est absoute de rendre des comptes, d'une certaine façon, et de donner la garantie qu'on est convaincu... donner la garantie pour que les citoyens soient convaincus que les décisions qui sont prises, quand elles ne correspondent pas à leurs besoins ou à leurs désirs légitimes, ce sont des décisions qui sont fondées.

Toute la question est là: Est-ce qu'à chaque fois c'est une décision qui est fondée sur la valeur scientifique, la valeur thérapeutique ou sur une arrière-pensée? Je vois le ministre qui dit non. Je veux dire, lui, il dit non, mais, je veux dire, le citoyen, lui, n'est pas sûr que, quand le ministre dit non, il dit vrai. Alors, c'est pour ça que c'est important qu'on ait une assurance que le fonctionnement se fasse d'une façon transparente.

Moi, j'aurais aimé, et je présume que ma collègue Louise Harel, qui était critique de l'opposition avant moi jusqu'à ce qu'elle devienne chef intérimaire, il y a quelques semaines, elle aussi aurait aimé qu'on prenne du temps dans la commission pour regarder l'hypothèse d'un régime universel. Notre gouvernement avait rejeté cette possibilité-là; vous la rejetez également. Je l'ai dit au ministre, l'autre jour, ce n'est pas parce qu'on la rejette que ça clôt le débat. Il y a beaucoup de citoyens qui se demandent si ce ne serait pas encore la meilleure solution, notamment pour l'accessibilité et pour les questions de gratuité et puis de gestion globale d'un système de médicaments.

n(16 h 10)n

Alors, moi, je pense que l'invitation que je fais au ministre, c'est que, dans la politique finale, puisqu'il a choisi de ne pas s'engager dans cette option-là, de ne pas la retenir lui non plus, il nous dise pourquoi plus clairement parce que, quand on regarde le document qu'il nous a présenté, le projet de politique, ce n'est pas clair.

On nous dit: Il y a eu un rapport, il y a quelques années, qui concluait négativement. On en reste là. C'est tout. Ça ne peut pas être suffisant pour tous ceux qui pensent que c'était par ailleurs la bonne option puis qu'à l'époque le rapport, à tort ou à raison... Là, ce qu'ils disent, c'est qu'à l'époque le rapport n'a pas bien fait... les gens qui ont fait ce rapport-là n'ont pas bien fait leur travail. Alors, peut-être qu'il faut faire la démonstration que ça a été bien fait pour que finalement on soit tous convaincus que ce n'est pas dans cette direction-là qu'il faut aller, parce qu'il y a une réponse à apporter aux citoyens qui, eux, pensent que c'est dans cette direction-là qu'on devait aller.

D'autre part, je l'ai dit à quelques reprises, nous sommes, de ce côté-ci, d'accord à ce qu'on prenne en considération l'impact sur l'emploi puis la prospérité économique du Québec. Ce n'est pas juste une question de favoriser des entreprises ? puis, dans le cas qui nous intéresse, des entreprises pharmaceutiques ? qui sont au Québec. Bon. Celles dont on parle, celles qui font de la recherche puis qui fabriquent des médicaments, ce sont des entreprises étrangères qui ont des succursales, des filiales canadiennes et québécoises ici. Mais ce n'est pas parce qu'elles sont des entreprises étrangères qu'on ne doit pas prendre en considération la réalité de la situation économique mondiale puis la fragilité ou la vulnérabilité de l'environnement économique international.

Je suis sensible au fait qu'idéalement on aurait pu avoir deux ministres devant nous, pendant quelques semaines, qui auraient représenté le gouvernement: un qui aurait tenu le discours économique puis l'autre qui se serait occupé uniquement des questions de santé. Mais, en bout de piste, finalement, c'est le gouvernement qui parle à travers une politique, et mieux valait en parler franchement au même forum que de faire deux discussions parallèles, et, en ce sens-là, moi, je n'ai pas de problème.

Maintenant, ce qu'il va falloir, c'est de mesurer l'équilibre final entre les avantages qu'on veut donner à des entreprises ? qui ne sont pas pauvres, hein, au départ ? pour qu'elles restent au Québec, à la limite qu'elles consolident leur situation au Québec, et que l'économie québécoise dans son ensemble, donc la richesse collective, en profite, et que les emplois aussi restent chez nous. Et, dans ce sens-là, il y a une démonstration peut-être plus claire des avantages qui devra être faite en bout de piste, là aussi, pour que nos concitoyens et concitoyennes, qui sont sceptiques quand on prend ce genre de mesure là, comprennent qu'en bout de piste ce n'est pas parce qu'on veut donner encore plus d'argent à des plus riches, c'est parce qu'on est dans un environnement international où un État, fût-il même souverain, ne peut pas faire abstraction des décisions économiques qui sont prises à l'étranger puis qui peuvent très bien délocaliser des entreprises.

Et je ne sais pas s'il y a vraiment 500 000 ingénieurs en Inde. Je trouvais que le chiffre est fort pas mal, là, même s'ils sont 1,5 milliard de population. Mais ça fait pas mal d'ingénieurs pour une même année. Mais en tout cas peu importe si c'est vrai que c'est 500 000 ingénieurs dans tous les domaines confondus ou pas, mais on sait que c'est une économie qui est en émergence, très puissante, et donc on ne peut pas faire abstraction de cette réalité-là.

D'autre part, je crois qu'on doit aussi tenir compte, vous l'avez dit, de la représentation des citoyens, et je crois que cette représentation des citoyens devrait peut-être être aussi non seulement à la table de concertation, mais peut-être éventuellement aussi au niveau du Conseil du médicament. Je ne sais pas quel mécanisme... On va en parler avec eux plus tard. Mais là aussi ce besoin de transparence nécessiterait peut-être qu'il y ait une participation citoyenne qui fasse en sorte qu'il y ait un garant du fonctionnement du Conseil du médicament.

Alors, le ministre nous a annoncé un projet de loi, un projet de règlement puis des changements structuraux qui vont suivre. Moi, je lui dis qu'il va avoir notre collaboration à condition qu'on ne force pas la note. C'est-à-dire que je suis un adepte du fonctionnement correct du Parlement, et, si jamais, pour une raison ou pour une autre, on nous amenait dans une dynamique où on voulait nous imposer une rapidité d'adoption qui était inacceptable, là vous allez retrouver devant vous quelqu'un qui va faire une bagarre tous azimuts. Autrement, si on fait ça correctement, je pense que notre intention, c'est de collaborer à une politique qui est nécessaire pour la santé publique et puis qui est nécessaire pour notre santé économique également.

Mais je sais qu'on a voté contre au niveau du principe. On verra, je veux dire, les modifications qui seront... Ah non, c'est à l'autre, c'est vrai, il n'y a pas eu de projet de loi, c'est à un autre... Je confonds avec l'autre projet de loi parce qu'il y a un lien avec la question de l'informatisation puis la circulation de l'information, là, Mais, dans ce cas-ci, moi, en partant, je vous dis: Nous sommes ouverts à une collaboration franche pour une adoption dans un délai correct, raisonnable. Il s'agira pour nous de voir, néanmoins. En bout de piste, si jamais le ministre, en déposant sa politique finale, nous déposait aussi une solution finale pour le problème des pauvres, de ceux qui sont en difficulté, alors là ça réglerait beaucoup de questions et ça créerait aussi une atmosphère, pour adopter le reste, qui serait peut-être plus acceptable et plus intéressante pour tout le monde, y compris pour de nombreux groupes de citoyens qui dans le fond auraient peut-être reçu différemment le reste des mesures qui sont proposées si d'entrée de jeu on leur avait enlevé cette épine du pied qui, pour plusieurs d'entre eux, est une épine très lourde à supporter.

Alors, à ce moment-ci, M. le Président, voilà un peu les remarques finales que je pourrais faire. Et je remercie aussi mon collègue le ministre. On n'est pas du même point de vue. Lui est un médecin spécialiste, habitué dans le système de santé depuis très longtemps, et donc ministre... propulsé du jour au lendemain ministre, et, moi, je suis plutôt un député qui représente le citoyen, qui est là, à l'Assemblée nationale, depuis presque 25 ans. Alors, dans le fond, c'est deux points de vue qui peut-être, à bien des égards, peuvent être complémentaires: le point de vue du grand technocrate ? et je ne dis pas ça dans un sens négatif ? du grand spécialiste et le point de vue du citoyen ordinaire représenté par un député qui n'a pas une expertise pointue en santé mais qui est comme tout le monde, parfois un utilisateur de médicaments et du système de santé puis qui a une préoccupation, comme n'importe quel d'entre nous, à ce que le système de santé fonctionne bien et soit performant pour tout le monde. Alors, voilà, M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Miséricorde!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors... Parce qu'on peut employer le terme aussi comme ça, hein, avec un point d'exclamation.

Alors, ceci met fin à nos travaux pour aujourd'hui. Je vais suspendre pour quelques minutes les travaux afin de permettre aux membres de la commission de se rendre à la salle Louis-Joseph-Papineau pour la séance de travail privée à la salle Louis-Joseph-Papineau. Alors, je suspends les travaux.

(Fin de la séance à 16 h 18)


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