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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le vendredi 11 novembre 2005 - Vol. 38 N° 167

Interpellation : Les phénomènes d'enlèvements, de séquestrations et d'abus de pouvoir à l'endroit des enfants du Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures six minutes)

Le Président (M. Copeman): Alors, bonjour, j'ouvre la séance de ce matin. Je vous rappelle que nous sommes réunis afin de procéder à l'interpellation de la députée de Lotbinière à la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation sur le sujet suivant: Les phénomènes d'enlèvements, de séquestrations et d'abus de pouvoir à l'endroit des enfants du Québec.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Très bien. Je vous rappelle simplement nos règles de fonctionnement. L'interpellation dure deux heures de temps, alors manifestement, avec le consentement, nous allons déborder midi de quelques minutes. Il y a consentement pour dépasser midi? Consentement? Merci.

La députée qui a donné l'avis d'interpellation intervient la première avec une intervention de 10 minutes. La ministre interpellée intervient ensuite pendant 10 minutes. Il y a ensuite alternance entre un député du groupe de l'opposition, la ministre et un député du groupe formant le gouvernement, et ces interventions sont d'une durée maximale de cinq minutes. 20 minutes avant la fin de la séance, je vais accorder un dernier temps de parole de 10 minutes à la ministre suivi par un temps de parole équivalent à l'interpellante pour son droit de réplique. Nous nous sommes entendus afin de réserver deux des blocs de cinq minutes du côté de l'opposition à l'opposition officielle. Alors, l'opposition officielle va intervenir deux fois, pendant les blocs réservés à l'interpellante, et évidemment l'interpellante ou son collègue vont intervenir pour les autres blocs. Je vous avise également, chers collègues, qu'autour de 11 heures, le plus proche que possible à 11 heures, je vais proposer une pause dans nos travaux, une minute de silence, afin de souligner le jour du Souvenir. Je ne vais pas interrompre quelqu'un qui a la parole à ce moment-là. Alors, soit on va le faire quelques minutes avant 11 heures ou quelques minutes après.

Alors, sans plus tarder, Mme la députée de Lotbinière, je vous cède la parole en vous rappelant que vous disposez d'un temps de 10 minutes.

Exposé du sujet

Mme Sylvie Roy

Mme Roy: Merci, M. le Président. Alors, j'aborde un sujet qui m'est cher et qui est cher à l'ADQ, c'est l'intérêt, la sécurité et le sort que l'on réserve aux enfants dans notre société.

De prime abord, M. le Président, je dois dire qu'il y a déjà un travail qui a été fait depuis 25 ans, la Loi de la protection de la jeunesse étant en vigueur. Il y a eu des interventions qui ont été faites auprès des enfants, de bonnes interventions. On a des personnes dévouées sur le terrain, on a des personnes qui ont permis que certains enfants échappent à des mauvais traitements ou soient pris en charge suite à des actes de délinquance et retrouvent le droit chemin. Je veux dire par ici que je salue le travail des intervenants qui sont sur le plancher. Je salue aussi les résultats qu'ils ont eus. Mais, si on aborde une révision d'un système tel que la Direction de la protection de la jeunesse, c'est pour le corriger. Si tout allait bien, on n'aurait pas besoin de faire le présent débat, on n'aurait pas besoin non plus de modifier la loi, on n'aurait pas été autant interpellés que ces derniers temps sur ce sujet-là. C'est donc de cette façon que je veux aborder le sujet, dans le but de rendre le système meilleur pour nos enfants et dans le but de nous rendre une société qui s'occupe mieux de ses enfants.

n (10 h 10) n

Donc, M. le Président, pour ce faire, mon propos va commencer avec un exemple parce que je ne veux pas qu'on déborde puis qu'on soit seulement dans des débats d'idées. Je veux qu'on parle des vraies choses, je veux qu'on parle des vraies situations puis celles qu'on doit corriger. Je prends mon exemple non pas dans L'Actualité, dans le journal d'Allô police ou dans des témoignages parce que je ne veux pas qu'on me dise que je présente seulement qu'une version des faits, j'ai pris mon exemple dans la jurisprudence de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse.

Il s'agit d'un enfant qui est né... Et je vais vous dire le jugement ? je vais vous dire tout de suite les références, ça ne sera pas long ? c'est le dossier 250-41-000052-956. Donc ça, c'est un fait réel, là, qui a été documenté. Il ne s'agit pas de mon interprétation, mais bien de ce qui est écrit dans la jurisprudence, puis ça démontre une situation qui s'est passée, qui à mon sens est inacceptable, et puis je veux qu'on en discute ici puis je veux qu'on regarde, là, qu'est-ce qu'on va faire avec des dossiers comme ça, qu'est-ce qu'on va faire avec des situations comme ça, eu égard à la loi qu'on nous présente. C'est un enfant qui est né le 19 avril 1995, une fille, qui a été placé dès sa naissance ou près de sa naissance, dans une famille d'accueil. Cette famille d'accueil là a eu la garde de l'enfant jusqu'à l'âge de six ans. Pendant que la famille d'accueil avait la garde de cet enfant-là, le directeur de la protection de la jeunesse de cette région-là a envisagé même de le placer pour adoption dans la famille d'accueil.

La situation a dû se détériorer. On ne sait pas exactement, à la lecture des premières jurisprudences, qu'est-ce qui s'est passé, mais, le 26 septembre 2001, on change l'enfant de famille d'accueil. Parce qu'on doit comprendre qu'à la Loi de la protection de la jeunesse la seule personne qui peut décider du choix de la famille d'accueil, c'est un choix qui appartient au directeur de la protection de la jeunesse, et la Cour d'appel l'a rappelé avec force, cet état de fait, à maintes reprises. Donc, la seule personne qui peut décider de la famille d'accueil d'un enfant, c'est la Direction de la protection de la jeunesse.

Tout de suite, quand l'enfant a été changé de famille d'accueil, les parents qui étaient la famille d'accueil finalement... Pour cet enfant-là, on peut concevoir qu'un enfant qui est rendu à six ans, c'est-à-dire en première année, qui a toujours habité avec deux personnes, un couple, pour cet enfant-là, son attachement, c'est avec ces personnes-là, puis pour cet enfant-là ces personnes-là sont son papa et sa maman. Donc, ils sont partis à six ans dans une autre famille d'accueil. Ces personnes-là qui se considéraient aussi comme les parents de cet enfant-là ont fait une plainte à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse qui a enquêté. Le 20 décembre, après l'enquête, elle demande à la Direction de la protection de la jeunesse de réintégrer l'enfant dans la famille d'accueil, et ce, avant le 10 janvier 2002. La Direction de la protection de la jeunesse commence une partie de bras de fer avec la commission de la protection de la personne et de la jeunesse, et puis on ne donne pas suite à cette demande de la commission.

Le 22 février 2002, la commission, qui voit que sa requête n'est pas écoutée, dépose une procédure qui s'appelle une requête en lésion des droits pour obliger le directeur de la protection de la jeunesse à renvoyer l'enfant dans sa première famille d'accueil. Le 8 avril 2002, la cour arrive à la conclusion qu'il y a une requête en... de la Direction de la protection de la jeunesse. Il faut comprendre que c'est une procédure, ça, qui empêche que le juge se penche sur cette question-là. La raison pour laquelle on présente cette procédure-là, c'est qu'on dit que les parents, la famille d'accueil, ne sont pas des parties au litige et qu'ils ne doivent pas intervenir dans ce dossier-là. Mais il faut comprendre qu'ils se considèrent comme parents et qu'ils le sont en fait, des parents. Un peu plus tard, le 8 avril 2002, on a encore une requête pour empêcher que ce soit entendu, cette procédure, parce qu'on ne veut pas que la Commission des droits de la personne rencontre l'enfant pour évaluer si ça lui a fait du tort ou si ça ne lui a pas fait du tort, ce changement de famille d'accueil là intempestif.

Finalement, après toutes ces procédures-là, toutes ces requêtes dilatoires là, le 24 septembre, soit presque un an après le changement de la famille d'accueil, il y a une audition. Qu'est-ce que la Direction de la protection de la jeunesse fait? Elle admet que les droits de l'enfant ont été bafoués. La Direction de la protection de la jeunesse et ses intervenants ont pris des décisions qui ne respectaient pas l'enfant et les droits de l'enfant et qui n'assuraient pas la continuité et la stabilité des conditions de vie de l'enfant. Pourquoi? Parce qu'on a procédé à un transfert de cet enfant dans une autre famille d'accueil, de façon urgente, alors que ce n'était pas le cas. Moi, je reprends ce qui est dans le jugement, là. On a laissé entendre erronément que ce transfert était d'une durée limitée; la famille d'accueil où l'enfant a été déplacé n'était pas disponible, que pour une période provisoire; on n'a pas donné à l'enfant, à ses parents, à la famille d'accueil l'occasion d'être entendus; on a omis de consulter les parents avant que soit effectué le transfert; on n'a pas donné à l'enfant les services de santé, les services sociaux et les services d'éducation adéquats avec continuité et de façon personnalisée.

Les parties ont déposé une entente intervenue entre elles dans laquelle le directeur de la protection de la jeunesse et le Centre jeunesse du Bas-Saint-Laurent reconnaissent que les droits de l'enfant ont été lésés au moment de son transfert dans une autre famille d'accueil, dans la mesure où l'enfant n'a pas reçu, de la part des personnes autorisées par le directeur de la protection de la jeunesse, l'information et la préparation nécessaires à ce transfert, le tout en contravention avec l'article 7 de la Loi sur la protection de la jeunesse.

On a fait pendant un an des procédures pour finir par dire que les droits de l'enfant n'avaient pas été respectés. Je pense que des situations comme ça deviennent inacceptables. En plus, on a refusé à la Commission des droits de la personne l'accès à l'enfant. Mais le directeur de la protection de la jeunesse est venu démontrer en cour ? puis il ne pouvait pas y avoir une autre preuve que la sienne parce qu'il était le seul à avoir l'accès à l'enfant ? que le transfert de cet enfant-là n'a eu aucune conséquence. Je pense que ça tombe sous le sens, là, qu'un enfant de six ans qu'on coupe, d'une façon drastique, de ses liens avec ceux qu'il considère être ses parents et tout l'environnement qu'il avait avant, ça tombe sous le sens que c'est un choc, que c'est une coupure dans son cheminement.

Quand on regarde le projet de loi actuel, j'aimerais savoir si Mme la ministre est d'accord avec ces façons-là d'agir, si elle est d'accord avec la judiciarisation à outrance pour protéger la DPJ, et ce, à l'encontre de l'intérêt de l'enfant, et quel article dans le projet de loi va nous permettre de corriger des situations qui sont comme celle-là. Parce qu'à la lecture du projet de loi les seules choses qui parlent du comportement de la Direction de la protection de la jeunesse, c'est la clause qu'il y a une immunité de la Direction de la protection de la jeunesse. On voit très bien que, dans un système où il y a une question d'autorité sur des personnes vulnérables, s'il n'y a pas de contrepoids ? et qu'il n'y en a pas dans ce projet de loi là ? automatiquement des situations de dérapage comme celle-là peuvent arriver. Mais, dans le projet de loi actuel, on n'en discute pas, et c'est la raison pour laquelle je considère qu'il faut faire une consultation beaucoup plus large que celle prévue sur le projet de loi, parce que les intervenants qui vont venir, la société civile, M. le Président, souvent plus disciplinés que les parlementaires, ils vont discuter du projet de loi que vous allez présenter.

Ce phénomène-là n'est pas couvert par votre projet de loi. Et ça nécessite une commission d'enquête, ça nécessite une vaste consultation pour voir qu'est-ce qu'on va faire dans la réforme en profondeur du système, que ne propose pas votre projet de loi.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la députée de Lotbinière. Alors, Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation, pour une durée maximale de 10 minutes.

Réponse de la ministre

Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, bon matin à tout le monde. Je salue tous les collègues qui sont ici. Il y a également des membres de mon cabinet qui se sont joints à nous.

Vous me permettrez d'entrée de jeu de déplorer, et je le dis comme je le pense, le libellé de l'interpellation, qui est très dur à mon avis, et je le répète parce que je veux que les gens qui nous écoutent comprennent comment on traite évidemment la protection de la jeunesse à l'ADQ, les phénomènes d'enlèvements, de séquestrations et d'abus de pouvoir à l'endroit des enfants du Québec. Ça démontre à mon avis, M. le Président, une méconnaissance inquiétante de l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse et le plus profond mépris qu'a l'ADQ à l'égard des hommes et des femmes qui travaillent sur une base quotidienne, dans ce réseau. La députée de Lotbinière, je l'en félicite très sincèrement, a corrigé le tir tout à l'heure, en reconnaissant le travail que faisaient ces gens-là. Fort malheureusement, le mal est fait, son chef, le député de Rivière-du-Loup, entraînant évidemment l'ADQ au complet dans son sillage, a traité ce réseau de froid et insensible. C'est ce qu'il a dit il y a quelques semaines. Alors, vous me permettrez de mettre en doute, M. le Président, toutes ces félicitations qu'a faites la députée de Lotbinière à l'égard du réseau.

n (10 h 20) n

Je ne reprendrai pas très sincèrement le cas particulier dont nous a parlé la députée de Lotbinière parce que c'est un cas particulier. Je ne nie pas qu'il y a effectivement des enfants, dans le réseau, qui vivent des situations déplorables. Et une des raisons pour lesquelles nous avons choisi de déposer cette loi, des amendements à cette loi, c'est justement pour corriger ces situations-là. J'ai des collègues qui tout à l'heure parleront de la tutelle, parleront des grands-parents, parleront des approches consensuelles qui à notre avis vont venir corriger des situations comme celles que la députée a décrites et qui se sont passées en 2001. Et je ne minimise pas pour autant, je le dis sincèrement, cette situation qu'ont été obligés de vivre à la fois la famille, la famille d'accueil et cet enfant-là. J'ai beaucoup d'empathie pour ça.

Et nous demeurons convaincus que les éléments que nous avons introduits dans la loi... La loi est perfectible, je l'ai dit depuis le début, la loi est perfectible. Tous ceux et celles qui vont venir en commission parlementaire, qui auront des propositions qui nous permettront de corriger certaines lacunes, qui nous permettront de bonifier ce projet de loi là, la commission parlementaire est là pour ça. Et j'invite la députée et surtout son chef, le député de l'ADQ, à avoir un petit peu plus de respect pour les parlementaires qui s'assoient en commission parlementaire et qui débattent de ces sujets-là. Ça fait 11 ans que je suis députée, et je peux vous dire, pour m'être assise très, très souvent en commission parlementaire ? très souvent ? que l'intérêt que nous portons au sujet dont nous débattons la cause fait en sorte qu'on se renseigne. Puis il y a des gens qui vont venir nous entretenir sur ce sujet-là.

Maintenant, je voudrais juste vous rappeler quelques éléments. On sait que le Québec compte 1,5 million de jeunes, M. le Président, qui ont moins de 18 ans. La grande majorité de ces enfants-là vivent dans des familles, dans des milieux qui ont des conditions qui sont favorables à leur développement, puis à leur sécurité, et à leur santé. Malheureusement, ce n'est pas le cas de tout le monde. Il y a des problématiques, il y a des situations qui subsistent, qui mettent en péril à la fois leur développement et leur sécurité, qu'on pense à la négligence, l'abandon, la violence physique et les abus sexuels de la part des parents, d'une autre personne, les abus sexuels de la part d'oncles, tantes, de grands-parents des fois, des grands-parents qui souhaiteraient avoir la garde de leurs petits-enfants puis qui ont abusé eux-mêmes leurs enfants. Bien, c'est très difficile pour la DPJ ou pour un tribunal de donner la garde d'un enfant, d'un petit enfant dans des situations comme celles-là. Dans d'autres cas, ce sont les jeunes eux-mêmes qui adoptent des comportements à risque et qui nuisent à leur propre développement et à la sécurité des gens qui les entourent. On parle de fugues, de fréquentation de gangs de rue, de délits criminels, d'abus d'alcool et de drogues. Le suicide aussi compte parmi les réalités les plus tragiques, car on sait qu'ils sont de plus nombreux, ces jeunes qui envisagent de mettre un terme à leurs problèmes parce qu'ils souffrent, il y a beaucoup de détresse.

Je suis très préoccupée par cette souffrance des plus jeunes de notre société. Ils sont aussi les plus vulnérables. Chaque fois que la santé, le bien-être ou même la vie d'un seul enfant sont menacés, c'est le fondement même de notre société qui est ébranlé. Il est de notre responsabilité comme État mais aussi comme citoyens de mettre un terme à toute situation inacceptable et de tout tenter pour redonner à ces jeunes personnes ce dont ils ont le plus besoin: la sécurité, la stabilité, l'amour et les réponses à leurs besoins de base. Nous nous sommes donné les moyens, comme État, pour corriger ces problèmes et fort heureusement nous le faisons généralement avec succès. Comme il s'agit souvent de situations transitoires, une intervention précoce et soutenue assure, dans la plupart des cas, une solution efficace. Même dans les situations les plus délicates, la Loi sur la protection de la jeunesse est là pour assurer la protection des enfants les plus vulnérables.

Pour une seule année, les centres jeunesse reçoivent 60 000 signalements ? j'avoue que c'est énorme, c'est beaucoup ? qui sont en réalité un cri d'alarme pour ces enfants, un cri d'alarme aussi pour ces parents. De ce nombre, environ la moitié sont retenus et justifient une évaluation plus approfondie afin de savoir s'ils ont réellement besoin de protection. Depuis 1979, ce sont des milliers d'enfants qui ont été placés sous la protection de l'État, en vertu de sa loi, puis il faut se rappeler que la Loi sur la protection de la jeunesse est une loi d'intervention, d'autorité de l'État dans la vie des familles et des enfants. La loi n'intervient pas parce qu'il y a une chicane de famille, la loi intervient parce qu'il y a des enfants qui viennent dans des situations où leur sécurité et leur développement sont compromis ou parce qu'ils sont dangereux pour eux-mêmes ou pour leur famille. Notre système de protection de la jeunesse a cette capacité, dans l'ensemble des cas, à agir efficacement pour le bien des enfants.

L'objectif du projet de loi n° 125 que j'ai déposé le 20 octobre dernier rejoint justement cette préoccupation que nous avons. Il présente, oui, des solutions concrètes, il présente, oui, des améliorations. Tout à l'heure, j'entendais la députée me poser la question: Qu'est-ce qu'il y a dans le projet de loi qui va corriger la situation telle qu'elle l'a présentée? Je lui dirais qu'on introduit des approches consensuelles, ce qui ne se fait pas actuellement, que c'est très difficile de faire parce que la loi actuelle n'en fait pas mention. Ce qu'on introduit, c'est la tutelle pour les grands-parents. Je la vois hocher de la tête: oui, nous introduisons les approches consensuelles. Moi, je demanderais très, très, très respectueusement à la députée d'essayer. Je sais qu'elle a une expérience dans le domaine de l'accompagnement des jeunes, elle a travaillé dans les centres jeunesse, elle a même été, je pense, avocate pour les jeunes des centres jeunesse. Moi, je pense qu'il va falloir qu'elle s'ouvre à l'ensemble des réalités. Ce n'est pas un reproche que je lui fait, au contraire. Mais des fois, là, quand on est encarcané dans ce qu'on a vécu, on ne voit peut-être pas l'ensemble du dossier. Je lui demande de bien lire le projet de loi, de considérer des approches, qu'on a mises, au niveau de la tutelle et des approches consensuelles, ce qui va lui permettre de mieux comprendre comment on veut corriger ces difficultés que rencontrent des familles, que ce soit la famille élargie, les familles d'accueil, et surtout parce qu'on le fait pour les enfants.

Le projet de loi maintient le principe que les enfants doivent, si c'est possible, rester dans leur milieu familial. Pour nous, c'est essentiel, et l'article 3 vient confirmer, dans le projet de loi, ce principe que nous maintenons. Quand c'est possible, il faut que l'enfant, si on a été obligés de le sortir de sa famille, si le tribunal a ordonné le retrait, il faut absolument qu'on fasse tous les efforts, à la fois les intervenants sociaux, les familles, pour tout faire pour le retourner chez les parents. Je suis moi-même mère de famille, j'ai quatre enfants, j'ai le bonheur d'avoir huit petits-enfants, c'est là qu'on vit ça. Alors, pour nous c'est important. C'est important aussi de donner la chance aux grands-parents, aux oncles et aux tantes de pouvoir avoir accès à ces enfants-là. Alors, nous avons introduit la tutelle, nous avons des mesures qui viennent corriger des situations qui ont perduré au fil des ans et dont on ne pouvait pas tenir compte, dont les tribunaux ne pouvaient pas tenir compte parce que la loi ne le permettait pas.

Alors, je veux dire que, oui, c'est un travail qui n'est pas facile, c'est un travail qui est très difficile. Il y a des situations qui sont complexes, mais je demeure convaincue qu'avec la commission parlementaire tous les gens qui vont venir se présenter devant nous, qu'ils soient pour, qu'ils soient contre, qu'ils aient des propositions qui viennent bonifier, nous sommes prêts à les analyser. Et je le dis depuis le début, c'est fait pour ça, c'est un très large débat que nous allons faire, et j'invite les gens à venir le faire avec nous.

Argumentation

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la ministre. Alors, Mme la députée de Lotbinière, pour une intervention d'une durée maximale de cinq minutes.

Mme Sylvie Roy

Mme Roy: Merci. Ce que je dois dire d'entrée de jeu, ce que j'ai vu de mon expérience, qui est plus courte que la vôtre, en commission parlementaire, ou on fait un débat, une consultation ? on l'a vu pour le médicament, on l'a vu pour l'égalité entre les hommes et les femmes ? ou on a un ministre qui a un projet de loi puis qui vient le défendre et qui dit: C'est ma façon de solutionner une problématique qui se présente devant nous. Donc, c'est dans cet exercice-là que nous sommes conviés au mois de janvier, M. le Président, et ce n'est pas dans le but d'une consultation afin de revoir le système de la protection de la jeunesse.

Oui, les mots sont durs, M. le Président, mais les situations pour les enfants qui vivent ces situations-là sont encore plus dures. Et ce qui est encore plus dangereux, c'est le silence. Je vous convie à un débat sur des situations qui sont difficiles. Il n'y a en aucun temps, dans le libellé de l'interpellation, référence à la Direction de la protection de la jeunesse. Il y a des enfants qui vivent des abus dans leur famille, il y a des enfants qui sont séquestrés par leurs parents, il y a des enfants qui vivent des enlèvements. Toute la situation des malheurs des enfants est remise en cause par cette interpellation-là, et ne faites pas dire aux mots ce qu'ils ne disent pas.

n (10 h 30) n

L'approche consensuelle existe. L'entente sur les mesures qu'on a à prendre pour les enfants existe de tout temps. Dans 10 ans de pratique, j'en ai vu régulièrement, des ententes qui ont été entérinées par les juges. C'est une pratique qui a toujours eu cours, mais, si elle n'était pas écrite dans la loi, ça ne fait pas qu'elle ne se faisait pas, cette approche consensuelle là. Tout le monde aime mieux éviter un procès pour faire témoigner des enfants contre leurs parents ou des parents contre leurs enfants, contre leurs voisins. Donc, cette approche-là existait déjà. J'invite la ministre à parler à n'importe quel juge de la protection de la jeunesse qui l'est depuis un certain nombre d'années, là, il va vous confirmer qu'il y a des ententes entre les parties. Ça, le fait que la loi le prévoit maintenant, c'est de codifier, ou légiférer, ou de dire quelque chose qui existait de toute façon. Donc, je ne pense pas que c'est cette situation-là qui va amener le changement.

Ce que je vois dans le projet de loi, là, ce qu'on voit là, là, c'est des définitions en général d'où la jurisprudence est rendue puis c'est une correction du tir. Ce n'est pas une réforme en profondeur du système. La tutelle est un ? puis ça, je le dis, je le reconnais; la tutelle est un ? élément nouveau. Le délai pour demander la déchéance d'autorité parentale est un élément nouveau. Mais ce n'est pas une réforme en profondeur du système. Moi, ce que je souhaite, là, c'est qu'on regarde la jeunesse, les jeunes dans leur ensemble; la façon qu'on les traite; quand ils naissent; les principaux intervenants auprès de ces jeunes-là, souvent les CLSC, les CPE. Ensuite, ils arrivent à l'âge scolaire. Comment on traite nos enfants à l'âge scolaire? Quels services ils ont? Parce que tout ça, là, ce sont les causes de la maltraitance des enfants, les causes des malheurs des enfants et ce pourquoi il y a tant de signalements. Si on ne traite pas des causes, on va se retrouver avec la même situation qu'on a actuellement. Parce que, vous le savez, si on n'endigue pas les causes à leur base, la protection de la jeunesse, ça va devenir de toute façon de plus en plus endémique.

Vous le dites vous-même, les signalements augmentent. Par contre, je pense qu'au niveau de la rétention des signalements c'est équivalent. Mais, dans notre société, ça fait un désengagement vis-à-vis de nos enfants. La seule position qu'une personne a, c'est d'être le délateur d'une situation d'enfant en danger, et après on n'a plus aucune responsabilité. Cela fait en sorte que, lorsque les enfants n'ont pas les soins qu'ils auraient dû avoir jeunes, on se retrouve qu'ils s'en vont à la Protection de la jeunesse par découragement souvent des parents. Lorsque des parents ont besoin de soins, de support et qu'ils ne l'ont pas, bien qu'est-ce qu'ils font ? puis ça, je suis certaine que les directeurs de la protection de la jeunesse vous l'ont dit? Ils vont porter leur enfant à la DPJ pour qu'ils les prennent en charge. Mais on ne peut pas discuter de la DPJ sans voir quelles sont les sources, en amont, et prévenir. Mais, dans un projet de loi comme ça, on ne le fera pas. Ce n'est pas le mandat de l'étude d'une commission parlementaire.

Ça prend un vaste débat pour parler de nos enfants, ça prend, comme le demandent les grands-parents, une commission d'enquête, et nous appuyons cette demande-là. Une seule personne, un seul organisme, là, à ma connaissance, s'est penché sur le dossier, c'est le Conseil permanent de la jeunesse en juillet 2004. Ils demandent, eux autres aussi, des vastes états généraux sur cette question. Eux autres aussi sentent qu'il faut susciter, au Québec, une plus large discussion. Ce qu'ils demandent, c'est de convoquer des états généraux sur la protection de la jeunesse afin d'entendre les directions des centres jeunesse, les représentants de ceux et celles qui oeuvrent auprès des jeunes.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la députée. Malheureusement, c'est tout le temps. Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation.

Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir sur l'affirmation qu'il n'y a rien dans le projet de loi qui change quoi que ce soit aux approches consensuelles. Il faut l'expliquer comme il faut, là, il faut comprendre qu'est-ce qu'il y a dans le projet de loi. Oui, c'est vrai... des ententes entre les parties. Il fallait toujours, dans 90 %, 95 % des cas, passer devant les tribunaux.

Ce qu'on vient faire, c'est dire que les gens vont devoir s'entendre, les parents, les familles, les enfants. Il y aura des approches consensuelles. Il y aura des ententes entre les parties qui n'auront pas besoin d'être ratifiées ou d'être ordonnées par la cour. C'est important. Ce n'est pas drôle pour les familles d'aller devant la cour. Ce n'est pas drôle pour les enfants d'aller devant la cour. Moi, je ne veux pas enlever de travail aux avocats, là, ce n'est pas ça que je dis, mais je dis juste que, dans le cas où ce n'est pas simple pour les familles de s'entendre, d'essayer de se sortir de ce marasme-là, les approches consensuelles se retrouvent beaucoup plus spécifiques dans l'article 2, à l'alinéa 2.3, au paragraphe b. Et j'invite la députée et les gens qui l'entourent à bien lire le sens des mots et à bien lire qu'est-ce qu'on y dit.

Maintenant, la députée ? on parlait des approches consensuelles ? je veux lui rappeler aussi que, oui, il y a des enfants qui vivent des situations qui sont dramatiques. Il faut comprendre que, le projet de loi, il n'a jamais été question pour notre gouvernement de réviser au complet tout le système de protection. Savez-vous pourquoi? Il existe, dans plusieurs ministères ? je vais parler du ministère de la Santé et des Services sociaux, ministère de la Famille, ministère de l'Emploi et Solidarité sociale ? des programmes qui travaillent en amont. J'invite la députée de Lotbinière et les gens qui l'entourent à aller voir c'est quoi, ces programmes-là. On travaille à partir de la base. Il y a des programmes. Elle faisait référence tout à l'heure aux CPE. Avec les jeunes mamans, il y a des programmes qui existent depuis plusieurs années déjà pour accompagner les jeunes mamans qui sont enceintes, à partir du début de leur grossesse jusqu'à ce que l'enfant rentre à la maternelle. C'en est, ça, des actions que le gouvernement ou les gouvernements ont posées, parce que le gouvernement précédent en a posé aussi, des gestes. Ça ne date pas d'aujourd'hui qu'on s'inquiète de la protection de la jeunesse, des enfants.

Je suis d'accord avec vous quand vous dites qu'il faut non seulement prévenir en amont, qu'il faut accompagner les familles. On oblige, dans notre projet de loi, si vous l'avez lu, Mme la députée de Lotbinière, on va obliger le travail en réseau. C'est très important de faire ça. On ne peut plus travailler en silo. Il va falloir que la première ligne... on va accompagner la première ligne. Les jeunes ou leur famille qui n'ont pas d'affaire à passer par la DPJ ne devront plus y passer et n'y passeront plus. La DPJ est devenue, au fil des ans, la porte d'entrée pour l'ensemble des problèmes en fait touchant nos jeunes, un adolescent qui vit une adolescence très, très, très difficile avec ses parents. Moi, j'en ai eu, des adolescents, là. Il y a des fois, là, je pense que je les aurais donnés, je ne les aurais même pas vendus. Mais je ne vous manquerais sûrement pas de respect, je ne voudrais pas manquer de respect à l'égard de ceux qui en ont, des problèmes par exemple. Mais ce n'étaient pas des cas de DPJ, mais il y en a pour qui c'est difficile.

Alors, il faut que ces gens-là puissent être référés là où on va pouvoir les aider avec les travailleurs sociaux en première ligne. C'est ce qu'on veut faire, on parle de réorganiser le réseau. Je comprends la déception de l'ADQ, mais ce n'est pas ce que le gouvernement du Québec a choisi de faire, c'est-à-dire de réformer en profondeur. Nous, on pense que la révision de la loi, avec les mécanismes que nous avons introduits, va permettre de corriger certaines lacunes, va donner aux enfants, aux parents les services au bon endroit, au bon moment puis par la bonne personne. C'est ce qui se faisait. Je ne vous dis pas que les services ne se donnaient pas bien, là.

D'ailleurs, au passage, là, j'en ai rencontré, des intervenants sociaux, j'ai rencontré des parents, j'ai rencontré des grands-parents, j'ai rencontré les centres jeunesse, j'ai rencontré plein de monde depuis huit mois puis, moi, je n'ai que de l'admiration pour tout ce monde-là qui travaille dans ce réseau-là, je peux vous le dire. Je suis même allée dans le comté de votre chef, de Rivière-du-Loup, j'ai rencontré la directrice, Mme Bêche. Ça a été extraordinaire de l'entendre parler du travail qui se fait là-bas, les listes d'attente sont presque à zéro. Alors, il y a quelque chose de bien qui se fait. Il faut arrêter d'alerter puis de faire peur à la population comme quoi le réseau était pourri puis qu'il ne se faisait rien de bon.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la ministre. Chers collègues, il y a une certaine tendance de vous interpeller les uns et les autres. Je vous rappelle qu'il faut toujours adresser les paroles à la présidence. C'est par ça qu'on se communique entre nous autres, par le biais de la présidence.

Mme la députée de Maskinongé, la parole est à vous.

Mme Francine Gaudet

Mme Gaudet: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, d'entrée de jeu j'aimerais vous parler un peu de mon expérience personnelle.

Vous savez, j'ai été directrice d'une école primaire et d'une école secondaire dans la région de la Mauricie. J'ai également été membre du conseil d'administration du Centre jeunesse de la Mauricie et du Centre-du-Québec pendant quelques années. J'ai également été membre du conseil d'administration de Pivot Jeunesse qui est un organisme orienteur. C'est quoi, un organisme orienteur? C'est un organisme qui intervient au lieu qu'un cas soit judiciarisé. Ça permet au jeune de faire des mesures de réparation, de faire des travaux communautaires. Ça permet d'avoir, par exemple, de la conciliation avec la victime et très souvent ça évite la judiciarisation de certains cas. Tout ça, M. le Président, pour vous dire que j'ai côtoyé au quotidien des enfants, des adolescents, des parents, des intervenants. J'ai eu à travailler avec tous ces gens-là tant au niveau des services sociaux que des gens au niveau de la Protection de la jeunesse.

n (10 h 40) n

Et j'aimerais préciser que la Protection de la jeunesse a rendu des services extraordinaires à des parents, à des enfants aussi et à des adolescents. Il faut comprendre que la Protection de la jeunesse intervient dans des situations où l'enfant ou l'adolescent est compromis dans son développement, dans sa sécurité. C'est extrêmement important, parce que la Protection de la jeunesse n'intervient pas tous azimuts, dans n'importe quelle situation. La loi n'est pas parfaite, mais, moi, je salue la ministre qui dépose cette loi. Et l'objectif, un des objectifs de cette loi, M. le Président, c'est d'assurer une plus grande sécurité, une plus grande stabilité aux enfants qui sont placés. Et, parmi les mesures qui sont proposées, M. le Président, le projet de loi introduit une nouvelle disposition sur la tutelle, et je vais prendre quelques instants pour préciser les changements et pourquoi ce sera bien important, cette nouvelle dimension de la tutelle dans le présent projet de loi.

Alors, premièrement, qu'est-ce que c'est, la tutelle? Alors, du point de vue légal, la tutelle confère à un adulte responsable, par exemple un grand-parent, un oncle, une tante, un membre de la famille élargie de l'enfant ou à un parent de famille d'accueil, l'ensemble des responsabilités parentales. Le tuteur dispose ainsi, M. le Président, de l'autorité requise pour prendre toutes les décisions concernant un enfant. Contrairement à l'adoption, M. le Président, la tutelle ne rompt pas le lien de filiation, et là c'est important, là. La tutelle maintient le lien entre les parents et l'enfant, et ces liens-là prennent fin lorsque l'enfant atteint l'âge de 18 ans, comme dans toute situation normale. Des droits de visite peuvent en outre être établis avec les parents de l'enfant, ses frères, ses soeurs ou avec les membres de sa famille élargie. Enfin, M. le Président, la tutelle peut être révocable, et le tribunal peut confier de nouveau aux parents la garde de leur enfant s'ils peuvent démontrer à la cour qu'ils sont en mesure d'assurer leurs responsabilités parentales.

Alors, la tutelle, M. le Président, je comprends que le temps file, là, constitue en quelque sorte une forme de projet de vie permanent, intermédiaire entre l'adoption et le placement à long terme en famille d'accueil, qui doit être encouragé et soutenu. Actuellement, la tutelle est très peu utilisée dans le cadre de projets de vie permanents pour les enfants placés, et on sait qu'entre autres c'est autour du tiers des enfants qui seront placés jusqu'à leur majorité, alors je crois que le recours à ce moyen, M. le Président, qu'est la tutelle va permettre à un nombre important de jeunes une stabilité. C'est ce qui est souhaité dans le présent projet de loi, et la tutelle en est un moyen. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la députée. Alors, Mme la députée de Rimouski et porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux.

Mme Solange Charest

Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Ce matin, je veux, au nom de l'opposition officielle, réaffirmer l'importance du projet de loi n° 125, l'importance de ce projet de loi là pour les enfants du Québec. C'est à un véritable débat de société qu'on est conviés. Moi, je pense qu'on doit le faire de façon correcte.

Oui, on le sait et on le reconnaît, il y a certains problèmes dans l'application actuelle de la loi. Cependant, nous savons et nous reconnaissons également qu'il y a de belles réussites que la Loi de la protection de la jeunesse, qui existe depuis 25 ans, avec une multitude d'intervenants sociaux et judiciaires ont eu à leur crédit, ont à leur crédit des réussites. Il y a des jeunes qui sont là pour en témoigner, il y a des parents qui sont là pour en témoigner, il y a également des grands-parents. Et je ne crois pas que chercher des coupables va améliorer, d'une manière ou d'une autre, les modalités d'application de la loi. Je pense que nous devons nous mettre en mode solution pour solutionner les problèmes qui peuvent exister dans un système comme celui de la protection de la jeunesse.

Et, ceci étant dit, l'opposition officielle tient à réaffirmer son intention de demeurer au-dessus de la mêlée, et voici pourquoi. Je pense que c'est important de ne pas être à la remorque de qui que ce soit pour être à la fois humain, lucide et avoir un esprit d'analyse, un esprit critique qui va nous permettre de bien comprendre de quoi il s'agit, de bien comprendre les enjeux et de pouvoir porter, lorsque viendra le temps, une opinion qui, tout en faisant le sens, pourra s'appliquer à l'ensemble des enfants qui malheureusement vont devoir être protégés par cette loi-là. Et, si je dis cela, c'est parce que je pense qu'après avoir rencontré des parents, des grands-parents, des intervenants sociaux, des intervenants... du monde judiciaire, pardon, d'avoir rencontré des professeurs, des chercheurs, enfin à peu près tous ceux qui interviennent de près ou de loin, je pense qu'il y a là un projet de loi qui est un plus, mais je pense qu'il faut élargir le débat. Il faut aussi questionner ce projet de loi pour s'assurer de l'efficacité et de l'efficience et de s'assurer qu'on ne se trompe pas, parce qu'il n'y a personne qui est intéressé à se tromper lorsqu'il s'agit des enfants.

Alors, moi, je pense que c'est important que l'opposition officielle réaffirme l'importance de réfléchir, d'analyser, d'écouter et d'entendre tous les partenaires de ce dossier et je réaffirme aussi l'importance, quand viendra le temps de voter, et ce, après avoir entendu tous ces partenaires-là, tous ceux et celles qui désirent s'exprimer sur le sujet, de voter avec humanité, sérénité sur une loi qui devrait être un plus pour les enfants et leur famille. Et, vous savez, la partisanerie, la mesquinerie n'a pas sa place dans ce débat, et je tiens à le réaffirmer haut et fort. Et, lors de l'adoption du principe de la loi, nous avons voté en faveur du principe parce que, oui, justement nous voulons que le débat soit ouvert, ouvert à tous et toutes intéressés par le sujet, et ce qui ne nous empêchera pas et qui ne nous a pas empêchés de soulever des questions, des commentaires, des interrogations.

Et, comme je n'avais pas terminé, lors de l'adoption du principe de loi, à poser certaines questions, j'en profite aujourd'hui pour relever certaines interrogations que nous avons à l'intérieur du projet de loi. Vous savez, on parle des familles, on parle des enfants et, lorsqu'il s'agit des familles, on se pose toujours la question: Qu'est-ce qui va garantir que ce fameux projet de loi là va assurer un meilleur support à la famille? Parce que, quand on parle de la stabilité des enfants, la famille est un élément important de cette stabilité-là. Alors, de quelle façon le projet de loi va nous permettre de pouvoir assurer une stabilité pleine et entière aux enfants? En plus, moi, je voudrais voir comment la Loi sur la protection de jeunesse... On sait qu'actuellement le juge peut ordonner qu'on aide les enfants, mais il ne peut ordonner que l'on aide les parents. Pourquoi, surtout que l'on veut faire la promotion également du retour de l'enfant dans sa famille naturelle, dans sa famille biologique?

Et, pour nous, lorsque nous lisons et entendons les commentaires, le projet de loi qui nous est présenté semble mettre de l'avant une vision de la famille un peu en silo, un peu beaucoup en silo, et les enfants d'un côté, les parents de l'autre. Alors, ne devrait-on pas considérer la famille comme un tout au moment de gérer le dossier d'un enfant?

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la députée de Rimouski. Mme la ministre.

Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Je vous remercie, M. le Président. Alors, je veux reconnaître la collaboration de l'opposition officielle tout en signalant à la députée de Rimouski que j'ai très bien compris qu'il y avait aussi un certain nombre de questions. J'ai entendu ce qu'elle nous a dit lors de l'adoption de principe et qu'elle avait un certain nombre de questions qu'elle souhaitait développer en commission parlementaire et avec nous, et c'est avec plaisir qu'on avait faire ce débat-là avec sérieux également et avec rigueur.

n (10 h 50) n

Je voudrais, si vous me permettez, vous parler de mesures qui vont permettre aux enfants d'être beaucoup plus stables. On le souhaite. J'ai lu que l'ADQ mettait en doute le fait que nous ayons introduit des durées maximales pour assurer la stabilité de l'enfant. Je trouve ça vraiment dommage parce qu'après avoir parlé avec des spécialistes, des psychiatres, des pédopsychiatres, des pédiatres, après avoir parlé avec des psychologues, avec des gens qui sont sur le terrain, qui nous demandent depuis bientôt huit, neuf, 10 ans, qui demandent au gouvernement d'introduire ces dispositions-là dans la loi justement pour empêcher cet effet d'aller-retour, qui cause tellement de problèmes d'attachement chez les enfants, nous avons choisi, nous, d'introduire des durées maximales de placement.

Alors, un des objectifs, c'est d'offrir une plus grande stabilité aux enfants qui sont placés. Le projet de loi prévoit plusieurs mesures qui vont permettre d'assurer plus rapidement, lorsque nécessaire, un milieu de vie plus stable à ces enfants. Je voudrais vous en parler, de ces durées de placement. Nous avons introduit les mesures suivantes: pour un enfant, qui aurait été placé, entre zéro et deux ans pour une durée de 12 mois, pour un enfant entre deux et cinq ans qui aurait été placé pour une durée de 18 mois et pour un enfant de six ans et plus qui aurait été placé pour une période de 24 mois, suite à ces placements-là, suite à ces durées de placement là, le tribunal va demander ? il y aura évidemment révision du dossier; et le tribunal va demander ? à ce qu'on prépare un projet de vie plus stable pour ces enfants-là. Ça ne veut pas dire que c'est automatiquement l'adoption, ça ne veut pas dire qu'on arrache les enfants puis qu'on ne les renvoie jamais dans les familles, au contraire. Je pense que les juges au Tribunal de la jeunesse vont devoir tenir compte qu'un des principes fondamentaux de notre projet de loi, c'est de retourner l'enfant dans la famille, si c'est possible, si les parents ont pris les moyens nécessaires pour rectifier, corriger, évidemment la situation et si, les services dont ils avaient besoin, ils les ont reçus.

Parce que ça aussi, ce principe-là se retrouve dans notre projet de loi, et j'invite la députée de Lotbinière à lire le projet de loi. Ça fait partie d'une chaîne, hein, ce qu'on a introduit dans la loi, là. Ce n'est pas un morceau de puzzle qui se retrouve dans le puzzle suivant, puis on n'est pas capable de le mettre dedans, là, c'est plusieurs morceaux qui, lorsqu'ils sont ensemble, forment le puzzle de la protection de la jeunesse.

Si l'enfant doit être retiré de son milieu familial, on devra privilégier un placement auprès des personnes qui lui sont significatives. Je le répète, quand on parle de personnes significatives, on parle de grands-parents donc, de tantes, amis de la famille. On reconnaît ici formellement l'importance des membres de la famille élargie, des proches de l'enfant pour assurer la continuité des soins de même que la stabilité des liens et de ses conditions de vie. Et je veux que vous sachiez qu'au moment où on se parle plus de un tiers des enfants qui sont placés sous la Loi de la protection de la jeunesse le sont chez un membre de leur famille. L'implication des parents aussi doit être favorisée tout au long du placement. Cette implication est importante pour réduire chez l'enfant les répercussions de la séparation et pour favoriser la mobilisation des parents et la réintégration familiale.

J'ai parlé de l'importance de fournir une aide intensive et un accompagnement auprès des enfants. Durant le placement, le directeur de la protection de la jeunesse devra procéder à des révisions plus fréquentes, ce qui permettra de suivre étroitement l'enfant, d'évaluer où en sont rendus les parents et ce qu'ils ont fait pour corriger la situation. Le temps dont disposent les parents pour se prendre en main sera toutefois limité. Mais il faut aussi comprendre que le juge va devoir aussi faire preuve de bon jugement. S'il considère qu'on peut reconduire une entente, bien il aura tout le loisir de le faire. Si le parent dit: Moi, il me reste encore six mois, j'ai tous les éléments qu'il me faut, je me suis trouvé un emploi, le juge va devoir prendre ça en considération. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la ministre. M. le député d'Arthabaska.

M. Claude Bachand

M. Bachand: Merci, M. le Président. Donc, vous me permettrez bien sûr de vous saluer et de saluer la ministre de la Protection de la jeunesse et de la Réadaptation, de saluer mes collègues aussi du côté ministériel, et mes collègues aussi de l'opposition, et les députés indépendants qui sont ici, en grand nombre, compte tenu aussi des proportions.

Donc, il convient de rappeler, messieurs mesdames, que la Loi sur la protection de la jeunesse a été conçue pour permettre d'abord une intervention sociale. Malgré cette orientation de base, le recours aux mesures judiciaires aura connu une hausse importante au cours des dernières années. Une situation sur deux est aujourd'hui soumise au tribunal. Et, après l'évaluation de la DPJ, c'est plus de trois enfants sur quatre qui sont pris en charge en vertu d'une ordonnance du tribunal. En outre, une fois que le tribunal a aussi été saisi d'une situation, on procède fréquemment à de nombreuses révisions judiciaires. Les délais judiciaires pour traiter des situations en protection de la jeunesse ont également augmenté de façon considérable. Il faut reconnaître que les nombreuses présences au tribunal occasionnent des pertes de temps bien sûr mais des situations fort éprouvantes pour les enfants. Donc, dans d'autres secteurs d'activité, nous avons fait le constat que des approches de médiation, de conciliation sont avantageuses pour tout le monde lorsque vient le temps de régler des litiges. On n'a qu'à penser aux couples en difficulté, entre autres, en instance de divorce.

Donc, tout en étant respectueux des droits de chacun, ces approches peuvent s'appliquer avant de recourir au tribunal mais aussi pour alléger les procédures judiciaires lorsque le tribunal a été saisi de l'affaire. C'est en fonction de ce nouvel éclairage que le projet de loi propose différentes avenues qui encouragent le recours à des approches consensuelles afin notamment de permettre non seulement aux parents, mais aussi aux enfants de participer plus activement aux prises de décision qui les concernent.

Tant au niveau de l'intervention sociale que de l'intervention judiciaire, plusieurs mesures sont en outre prévues pour favoriser les ententes entre les parties. Donc, je vous donne, par exemple, M. le Président: le délai accordé à la DPJ pour appliquer des mesures de protection immédiates sera augmenté de 24 heures à 48 heures afin de bénéficier de plus de temps pour désamorcer une crise et parvenir à une entente. Au cours de l'évaluation, la DPJ pourra signer une entente provisoire, les parents et l'enfant de 14 ans et plus, s'ils y consentent. Cette entente lui permettra de prendre des mesures de protection temporaires sans avoir besoin évidemment de recourir au tribunal. Il sera dorénavant possible de procéder à des révisions judiciaires accélérées sans devoir se présenter au tribunal, si toutes les personnes impliquées y consentent.

Donc, enfin, la DPJ pourra faire signer une entente sur des mesures volontaires si les parents et l'enfant de 14 ans et plus sont en accord pour protéger... pour prolonger, pardon, une mesure qui avait été préalablement ordonnée par le tribunal.

Donc, il est fort important, même si le projet de loi vise à réaffirmer l'importance de l'intervention sociale et encourager l'utilisation de l'approche consensuelle: tous reconnaissent la nécessité et la pertinence du recours au tribunal. Dans notre société, nous avons besoin d'une institution évidemment mandatée et capable de prendre les décisions dans les litiges qui impliquent les droits des personnes. Cette fonction du tribunal est reconnue et constitue un moyen essentiel pour assurer la protection des enfants. Par contre, tous les experts consultés reconnaissent que les procédures actuelles à la chambre de la jeunesse sont souvent lourdes, complexes, et il est nécessaire de les moderniser afin de les rendre plus souples, plus simples, plus rapides. Le projet de loi propose différents moyens pour simplifier et assouplir les règles de procédure judiciaire. Je vais vous en donner quelques-uns. Le projet de loi permet aussi d'élargir la gamme des mesures de protection. Pensons particulièrement à la fréquentation du milieu de garde, à la détermination des droits de visite, de sortie.

Le projet de loi prévoit qu'un jugement écrit devra être rendu dans un délai qui ne dépasse pas 60 jours. Dans l'avis du Conseil de la santé et du bien-être, en mai 2001, pour corriger la tendance à recourir aux tribunaux et pour favoriser la recherche de solutions durables, il était recommandé de miser davantage sur des mécanismes qui favorisent un règlement par entente. Dans l'avis du Conseil de la famille et de l'enfance, en mars 2003, il était aussi recommandé de poursuivre le développement d'un modèle de médiation en matière de protection de la jeunesse et des approches non judiciaires de réconciliation de conflit. Et finalement l'avis du Conseil permanent de la jeunesse, en juillet 2004, abondait dans le même sens et proposait de faire davantage usage de la conciliation et de la négociation plutôt que de recourir à la confrontation. Il recommandait de faire participer encore plus les jeunes, les associer à toutes les décisions relatives à leur cheminement, et c'est ce que le projet de loi propose, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. le député. Alors, tel que convenu un peu plus tôt ce matin, il est une coutume bien établie au Québec et à travers le Canada, à la 11e heure du 11e jour du 11e mois, de nous souvenir de ceux et celles qui ont servi et certains qui ont donné leur vie pendant les deux grandes guerres, et le conflit de Corée, et les missions de la paix. Alors, se souvenir d'eux, de leur sacrifice pour nous.

Alors, je nous invite à un moment de recueillement à leur mémoire.

n (11 heures ? 11 h 1) n

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, chers collègues. Alors, il y a une demande d'intervention de la part de M. le député de Beauce-Nord qui est membre d'une autre commission. Alors, en vertu de l'article 132, ça prend le consentement des membres de la commission. Le consentement est donné? Consentement.

M. le député de Beauce-Nord, la parole est à vous.

M. Janvier Grondin

M. Grondin: Merci, M. le Président. Alors, Mme la ministre, chers collègues, pour commencer, je suis très heureux ce matin d'entendre Mme la ministre nous interpeller comme des membres du parti politique de l'ADQ. Normalement, on se fait dire qu'on est indépendants. Et puis, moi, je n'ai pas une grosse expérience en politique, mais je vois, depuis quelques années, que, quand les députés font des affaires pas trop jolies, on les nomme indépendants. Et, moi, dans mon comté, les gens n'ont pas voté pour un député indépendant, ils ont voté pour un député de l'ADQ et ils en sont très fiers et moi de même.

Cela étant dit, moi, je vais peut-être vous apporter sur un autre aspect, je pense, du projet de loi qu'on n'a pas parlé beaucoup, mais que d'après moi ce serait important qu'on aurait une vision dans le projet de loi. Parce que, moi, je dois dire, là, que, moi, je ne suis pas ici pour démolir votre projet de loi, Mme la ministre, je suis ici pour essayer de l'améliorer le plus possible. Et puis c'est sûr que peut-être on a fait des erreurs, à l'ADQ. On n'a pas été voir tous les professionnels, nous, on a été juste voir les gens, les parents puis les familles. Alors, c'est peut-être qu'on a des données que vous avez, qu'on n'a pas, mais, moi, je vais vous parler dans ce sens-là.

Vous parliez tout à l'heure que vous étiez mère de famille. Moi, j'ai eu une fille, mais par contre j'ai une famille. On est 18 chez nous, alors, la famille, on connaît ça. On est 18 frères et soeurs puis on a une centaine de petits-enfants, alors on connaît ça, la famille. On est chanceux, il n'y en a pas un qui se retrouve à la DPJ. Je pense que c'est une belle chance. Mais aujourd'hui, le projet de loi, moi, j'aimerais qu'on parle de quand les enfants ne sont plus à la DPJ, qu'à l'âge de 18 ans quittent la DPJ, quittent le soutien. Ils se retrouvent ? on le voit dans les statistiques, 70 % des enfants ? après quelques années, sont sur le bien-être social puis ils ont beaucoup de difficultés. Alors, moi, ce que j'aimerais, c'est que... Parce que, dans mon comté, on a des organismes à l'heure actuelle, on a des compagnies. Bien, c'est souvent du bénévolat. Ça marche avec une subvention quand ils sont capables d'en avoir une, avec des contributions du milieu. Ils essaient d'intégrer les jeunes, les prendre. Même la commission scolaire, quand elle a des jeunes qui veulent décrocher, qui ne veulent plus aller à l'école ou n'importe quoi, la commission scolaire essaie de les apporter dans ces places-là. Ils les font travailler, ils leur montrent à travailler. Puis ces jeunes-là ne savent pas travailler du tout, alors ils essaient de leur montrer des métiers manuels.

Mais, à un moment donné, quand ils arrivent à 18 ans, autant le CLE, le bien-être social, la commission scolaire, ces jeunes-là sont laissés, ils s'en vont dans la rue. Je parlais ce matin avec un chef d'entreprise qui opère dans ce domaine-là. Il me disait que, dans son entreprise, là, il y a des jeunes qui avaient commencé, là, ils étaient intégrés. Il commençait à les avoir sur le bon sens, mais, à 18 ans, là, ils n'avaient plus aucun soutien. Alors, il a fallu qu'il leur trouve un loyer, les placer. Ces jeunes-là ne sont pas habitués de se faire un budget, ils ne sont pas habitués de fonctionner seuls, ça fait qu'au bout de quelques années qu'est-ce qu'on retrouve? Le jeune, il est reparti, il est retombé dans la rue, puis tous les efforts qui ont été faits au début de la chaîne, que ce soit avec la DPJ, tout l'argent que le système a mis pour introduire ces jeunes-là, après quelques années, après 18 ans, c'est à l'eau.

Alors, moi, j'aurais aimé beaucoup que, dans notre projet de loi, que, dans le projet de loi qu'on est en train d'étudier ou qui va être étudié au mois de janvier, on ait un soutien, continuer. De toute façon, ça ne coûte pas un sou de plus au gouvernement qu'on les soutienne, parce qu'on les soutient par le bien-être social, ils se ramassent sur le bien-être social. Alors, ce serait quoi, d'essayer de les intégrer dans des entreprises? On en a, des entreprises ? en tout cas, il y en a dans mon comté, il doit en avoir dans les autres comtés ? des entreprises pour les personnes handicapées, pour les personnes en difficulté. Alors, ce serait très simple, là, de rajouter quelque chose dans le projet de loi pour avoir un meilleur soutien à ces enfants-là parce que je crois que ça se fait dans d'autres provinces au Canada. Ça se fait en France en tout cas puis ça se fait en Alberta, en Saskatchewan. On supporte nos jeunes.

Il ne faut pas oublier qu'on parle beaucoup de dénatalité, de démographie. Alors, écoutez, je pense que les jeunes, dans la province de Québec, c'est la matière première la plus importante. Alors, on devrait s'arrêter, y penser sérieusement. On l'a fait pour nos forêts il y a quelques mois, et puis tout de suite on a eu un projet de loi, une coupure de 20 % pour protéger nos forêts. Je suis bien d'accord avec ça parce que c'est une chose qu'il faut protéger. Mais on pourrait faire un projet de loi avec des dents, aussi fort, pour protéger nos enfants et les accompagner.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. le député de Beauce-Nord. Mme la ministre.

Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le député de Beauce-Nord. Si vous permettez, ce n'est pas que je veux esquiver la réponse, mais j'ai un collègue qui avait prévu vous parler du programme de Qualification des jeunes, le programme qui permet à certains jeunes, au Québec, de s'en sortir, là. J'en conviens, que ce n'est pas tous les jeunes. Mais ce n'est pas par manque de respect à ce que vous m'avez dit, c'est plutôt parce qu'on s'était comme un peu partagé la tâche, si vous permettez.

Moi, j'aimerais parler d'un sujet qui cause beaucoup de... qui relève beaucoup de questions et je veux vous parler de l'utilisation des chambres d'isolement. C'est important d'en parler parce que d'ailleurs, dans le projet de loi, il y a un article qui y recourt. On parle de salle d'isolement puis on parle aussi d'encadrement intensif. Puis j'ai l'opportunité aujourd'hui d'en parler. C'est ce que je vais faire.

Le recours à l'isolement pour les jeunes hébergés dans les centres jeunesse est une mesure qui suscite beaucoup de questionnements, comme je l'ai dit tout à l'heure. Le ministère déploie des efforts de façon continue, afin d'améliorer les pratiques à cet égard. En premier lieu, le recours à des mesures exceptionnelles de contrôle, dont fait partie l'isolement, est encadré dans la loi sur la santé et les services sociaux. Cette loi précise, et je cite: «Tout établissement doit adopter un protocole d'application de ces mesures en tenant compte des orientations ministérielles, le diffuser auprès de ses usagers et procéder à une évaluation annuelle de l'application de ces mesures.» Fin de la citation.

Le ministère adoptait en 2002 ? ça ne date pas d'aujourd'hui, là ? des orientations ministérielles relatives à l'utilisation exceptionnelle des mesures de contrôle ainsi qu'un plan d'action. À ce jour, tous les centres jeunesse du Québec ont adopté un protocole relativement à l'utilisation de la mesure d'isolement pour les jeunes qu'ils accueillent. Ces protocoles font l'objet d'un suivi au conseil d'administration de chacun des centres jeunesse. La loi précise également que l'isolement est une mesure clinique exceptionnelle de contrôle utilisée pour empêcher un jeune de s'infliger ou d'infliger à autrui des lésions. Ça peut sembler difficile à concevoir, mais il arrive effectivement, et j'en ai été témoin, que des jeunes soient dans une situation de crise telle qu'il portent atteinte à leur propre sécurité ou à celle d'autrui. Le recours à la mesure d'isolement est alors la seule alternative connue efficace à ce jour pour mettre fin à la situation.

Il faut se rappeler que les jeunes qui séjournent dans les unités de réadaptation ont des besoins tels qu'ils ne peuvent être accueillis dans les autres types de milieu de vie. Ils présentent des problématiques particulières ou vivent des situations de crise qui peuvent nécessiter le recours à l'isolement. Il est important de préciser que, selon les données préliminaires recueillies par le ministère auprès des centres jeunesse, la durée moyenne de l'isolement est d'environ une heure. Par ailleurs, il importe aussi de souligner les initiatives prises par les centres jeunesse notamment à l'égard de la formation du personnel et de la mise en place des mesures alternatives à l'isolement. Il ne faut pas confondre ici avec l'encadrement intensif où il y a des jeunes qui vivent dans des unités qu'on appelle fermées, on ne parle pas de la même chose.

Les éducateurs est les éducatrices qui travaillent dans les centres de réadaptation reçoivent une formation sur les approches d'intervention qui vise, entre autres, à mieux déceler les signes avant-coureurs de la crise et agir plus précocement, afin d'éviter la dégradation de la situation. En ce qui a trait aux alternatives à l'isolement, notons la mise en place de mesures qui sont très intéressantes: la chambre de récupération... les chambres, pardon, de récupération équipées de matériel, dont des «punching bags», permettant aux jeunes de gérer leurs sentiments destructeurs en toute sécurité; le programme d'intervention de crise et de gestion de la colère où les intervenants sont habilités à déceler des signes avant-coureurs de désorganisation et interviennent plus rapidement, avant que la situation ne se dégrade ? ces programmes sont mis à jour régulièrement et, dans certains cas, supervisés par une équipe universitaire en... les mesures d'accompagnement individualisé pour les jeunes susceptibles, de par leur dynamique, d'être retirés du groupe; la présence des comités de solutions qui se penchent sur les jeunes qui sont isolés de façon récurrente afin de trouver d'autres moyens de gérer des cas.

Certains centres jeunesse ont également formé des comités réunissant les jeunes et les intervenants afin de trouver ensemble des moyens autres que l'isolement.

n (11 h 10) n

L'énumération de toutes ces mesures prises à ce jour montre combien sont nombreux les efforts déployés afin d'améliorer ces pratiques, mais le souci d'amélioration constante qui anime l'ensemble des intervenants qui travaillent auprès des jeunes fait en sorte que ces efforts se poursuivent et se traduisent par d'autres actions qui seront entreprises dans les prochains mois. Je voudrais répéter, M. le Président, que ce ne sont pas des mesures punitives mais bien des mesures d'intervention clinique pour permettre à un jeune de passer sa crise.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Maskinongé.

Mme Francine Gaudet

Mme Gaudet: Merci, M. le Président. Alors, d'entrée de jeu, M. le Président, je tiens à vous dire que j'endosse à 100 % les propos de la députée de Rimouski à l'effet de mettre de côté, dans le présent travail qui va s'effectuer autour du projet de loi, toute forme de mesquinerie et de partisanerie pour travailler de concert. Le projet de loi n° 125 est perfectible, la ministre le dit sur toutes les tribunes, et je rappelle, M. le Président, que les familles, les enfants sont au coeur des préoccupations et des améliorations souhaitées par le présent projet de loi.

Ceci dit, M. le Président, mon intervention va porter principalement sur les visites d'appréciation et le programme national de formation.

Vous savez, M. le Président, qu'au printemps 2005 le ministère de la Santé et des Services sociaux amorçait un processus de visites d'appréciation dans quatre centres jeunesse. Alors, un premier bilan a fait ressortir que les employés des centres jeunesse sont engagés et ont à coeur de donner les meilleurs services aux jeunes et à leur famille. La sécurité des jeunes est assurée, et le processus de protection et les mesures de réadaptation en unités régulières sont adéquats. Toutefois, on note que le temps clinique pour travailler les causes et les séquelles qui ont donné lieu aux mesures de protection et de réadaptation est insuffisant. Qu'est-ce que ça veut dire, ça, M. le Président? Ça veut dire qu'en centre jeunesse les intervenants ont trop de jeunes à suivre. La question des charges de cas et d'application des mesures est trop lourde. Alors, les investissements qui ont été annoncés au printemps 2005 visaient notamment à réduire ces charges de cas.

Je tiens à rappeler que, si ce ratio se situait à 27 cas par intervenant lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, nous sommes maintenant parvenus à diminuer la charge à une moyenne d'environ 23 cas par intervenant.

Enfin, le ministère entend poursuivre la démarche entamée à l'automne. C'est donc ainsi que six autres centres jeunesse feront l'objet d'une visite d'appréciation d'ici juin 2006.

À l'égard des plaintes, M. le Président, le projet de loi propose l'amélioration du fonctionnement des mécanismes d'examen des plaintes et des mécanismes devant garantir la qualité. Pour ce faire, il introduit un comité de vigilance et de la qualité. Ce comité, qui sera rattaché au conseil d'administration de chaque établissement, devra s'assurer que les services offerts sont de qualité et, M. le Président, qu'ils respectent les droits des jeunes. C'est à ces comités de vigilance et de qualité que reviendra la tâche de faire les liens qui s'imposent entre les mécanismes d'assurance qualité, la promotion des droits, la gestion des risques et d'examen des plaintes. De plus, le pouvoir d'initiative des commissaires ? on parle des commissaires aux plaintes et de la qualité ? ce pouvoir d'initiative de ces commissaires sera accru afin qu'ils puissent effectuer certaines interventions auprès de clientèles vulnérables ou lorsque des situations particulières seront portées à leur connaissance.

Maintenant, M. le Président, j'aimerais m'entretenir rapidement de la formation des intervenants. Alors, c'est extrêmement important, la formation. On sait qu'un programme a été implanté depuis 1999, et ce programme propose une démarche de formation à tous les intervenants et gestionnaires des centres jeunesse et des centres de santé et services sociaux. Alors, ce programme des plus pertinents est adapté et renouvelé de façon continue, afin d'être en lien avec l'évolution des pratiques et des connaissances. Ce n'est pas un programme de formation statique. Cette initiative est soutenue par un financement tripartite provenant du ministère de la Santé et des Services sociaux, des agences de santé et de services sociaux et des établissements. La contribution du ministère, M. le Président, se chiffre à 1,4 million par année. Alors, c'est important, M. le Président.

Nous sommes conscients qu'il faut outiller nos intervenants et nous travaillons en étroite collaboration avec l'Association des centres jeunesse afin d'améliorer la formation. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la députée. Alors, Mme la députée de Lotbinière.

Mme Sylvie Roy

Mme Roy: Merci, M. le Président. On a parlé de partisanerie, de mesquinerie. Je ne veux pas penser que ces accusations-là sont à mon égard, mais je peux vous dire que ce n'est pas l'emploi de ces mots-là qui va m'empêcher de débattre du fond des choses, de parler de nos enfants, et de prendre position en tant que parti de l'opposition, et de venir ici pour débattre et parler des vraies choses. Je pense que ça, ça doit être établi.

On s'est quittés, M. le Président, sur le dernier échange des services en amont. Ce n'est pas que l'ADQ qui pense qu'on ne voit pas le problème dans son ensemble, ce n'est pas que moi qui agite cet épouvantail-là, comme on aurait pu le prétendre. Mme Katia Gagnon, dans un éditorial: «Le programme ? celui que vous parliez, madame, celui que parlait Mme la ministre, M. le Président; le programme ? Naître égaux ? Grandir en santé, mis sur pied il y a cinq ans, qui devait au départ remplir ces fonctions, a été dilué ? je cite l'article de La Presse du 21 octobre; a été dilué ? et ne produit aujourd'hui que très peu de résultats. Or, de tels programmes sont la meilleure garantie qu'on ne ballottera pas les enfants. Pour la simple et bonne raison qu'ils courent la chance de rester là où ils seront le mieux: chez eux, avec des parents compétents.»

Je vais vous citer Brigitte Breton, Les limites d'une loi, éditorial au Soleil, le 22 octobre: «Ces dernières années, des parents ont constaté que la seule façon d'obtenir des services sociaux ou des soins psychiatriques était de frapper à la porte de la DPJ. Ni l'école ni le CLSC ne pouvaient répondre à leur appel à l'aide. Cette situation ne change pas même si Québec modifie la Loi sur la protection de la jeunesse.»

L'éditorial du Devoir, sous la plume de Josée Boileau, encore suite au documentaire Les voleurs d'enfance: «De même, un bon projet de loi ne vaut pas grand-chose si les ressources ne suivent pas pour tous ceux qui, de l'école aux centres jeunesse, ont à sauver ces jeunes. Tous sont d'ailleurs interpellés dans le projet de loi. Hélas, l'argent reste le grand absent du [grand] rendez-vous.»

On voit, dans ces prises de position là de trois éditeurs différents, de trois journaux différents, qu'on a une soif d'un vrai débat au Québec, qu'on a une soif d'un débat large, plus large que ce qui nous est proposé ici.

Le deuxième sujet qui a été abordé ? je vais essayer de le couvrir dans mon cinq minutes ? c'est la déjudiciarisation et l'approche consensuelle. Je suis bien d'accord avec la déjudiciarisation et l'approche consensuelle, M. le Président, mais j'aimerais bien que la DPJ se l'impose à elle-même quand la commission des droits de la personne et de la protection de la jeunesse intervient dans ses dossiers. Qu'elle cesse de faire des requêtes dilatoires, qu'elle travaille de concert avec la commission pour le bien-être des enfants dans une approche consensuelle, parce que ? lisez la jurisprudence, lisez les rapports de la commission de la protection de la jeunesse, lisez leurs communiqués ? c'est bien évident que c'est une approche coercitive qui est entre les deux et non une approche consensuelle.

Donc, je demanderais à la Direction de la protection de la jeunesse, qui souhaite ça de la part des parents, qu'ils s'imposent la même médecine en ayant une approche plus consensuelle.

Maintenant, le fait de faire une bonne loi, il ne faut pas se mettre la tête dans le sable puis penser que le système va changer s'il n'y a pas de modification en profondeur de la mentalité. Je vais vous en citer un exemple très facile, là: le 22 janvier 2004, la Commission des droits de la personne intervenait au Centre de la jeunesse de Lanaudière. Les plaintes provenaient d'établissements scolaires, d'organismes communautaires. Je ne relaterai pas tout ce qu'on leur reprochait, ça a été abondamment documenté ? on l'a vu dans les journaux, on l'a vu dans les rapports de la commission ? mais quelle était la cause de cet état de fait là? C'est ça, c'est là qu'il faut aller, à la source du problème qui est arrivé, là, dans ces établissements-là.

n(11 h 20)n

Cet état de fait est dû à l'interprétation restrictive, arbitraire et déraisonnable de la loi et une application erronée de celle-ci qui a lésé les droits de ces enfants. On aura beau faire la meilleure des lois, si elle est interprétée de cette façon sur le plancher, on n'aura pas le résultat escompté. C'est pour cette raison qu'à l'ADQ on préconise un protecteur de l'enfance, quelqu'un qui va être sorti du décor, parce que les directeurs de la protection de la jeunesse sont dans le système et ont des règles budgétaires imposées par l'extérieur, et ils doivent travailler en vase clos avec toutes ces personnes-là. Si on n'a pas de contrepoids pour faire respecter les droits des enfants, mais un contrepoids valide, avec des dents, on n'arrivera pas à avoir une vraie application conformément à l'intérêt des enfants, de la loi.

Parce qu'un système en vase clos. Ça produit les problèmes que l'on vit dans chacun des systèmes où il y a une autorité versus une personne vulnérable. Puis, regardez, on en a vu des exemples, là, les policiers versus les détenus, les CHSLD versus les résidents. À chaque fois qu'on a une situation d'autorité avec des personnes vulnérables, ça prend un contrepoids à l'extérieur, et le projet de loi ne le prévoit pas. Mais c'est notre position à l'ADQ.

Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la ministre.

Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Je suis très contente de voir que la députée de Lotbinière a soulevé deux cas, deux cas qui ont été analysés par la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, et je suis très heureuse de voir que la commission joue très bien son rôle.

Je voudrais juste rappeler à la députée de Lotbinière que ce cas-là avait été relevé par le député de Rivière-du-Loup, concernant la plainte dans un centre jeunesse, mais ce que le député de Rivière-du-Loup et ce que vous n'avez pas soulevé, c'est que, suite aux recommandations qui ont été faites par la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, une lettre de félicitations a été acheminée au centre jeunesse, les félicitant d'avoir mis en place les mécanismes qu'il fallait mettre pour justement corriger les situations. Je ne veux pas entrer dans un débat de cas. On a pris deux cas ce matin. Il y en a des centaines où ça va bien puis il y en a encore d'autres où ça a mal été, je suis parfaitement d'accord, puis c'est pour ça qu'on veut changer la loi puis on veut changer les choses. Et je demande sincèrement à la députée et à l'ADQ de garder l'esprit ouvert. Nous, on est prêts à entendre tout le monde, y compris l'ADQ, l'opposition officielle. On fait partie d'une famille parlementaire. On a un très grand débat à faire, c'est vrai, mais il y a, dans la loi, des éléments qui viennent corriger certaines lacunes. Il y aura sans doute d'autres éléments que nous introduirons suite à la commission parlementaire.

Je voudrais vous parler, M. le Président, de l'importance de la concertation. La députée tout à l'heure faisait référence à l'importance du travail en amont. Il se fait, ce travail-là. Il y a des lacunes, c'est certain, puis on ne vit pas dans un monde parfait. Le gouvernement précédent a fait des choses, nous en faisons également dans cette foulée, nous en avons introduit d'autres. Ça n'appartient pas à un parti politique, ça, la protection des enfants, ça appartient à l'ensemble de la société. Si vous me permettez, je voudrais vous rappeler qu'il y a des travaux qui ont été amorcés en 2001 pour élaborer un projet de développement d'un réseau médicosocial d'experts en protection de la jeunesse. Le ministère est actif dans la mise en place de ce réseau. Un comité de travail à l'époque a été formé à cette fin. Il est composé pas juste des centres jeunesse, là, de l'Association des médecins en protection de l'enfance du Québec, d'un membre de l'Association des centres jeunesse, d'un directeur de la protection de la jeunesse, des agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux ainsi que du ministère. C'est les intervenants les plus près qui travaillent ensemble, depuis 2001.

Ce comité a pour mandat de soutenir et d'outiller les régions dans le développement et l'implantation d'un réseau médicosocial d'experts en protection de l'enfance. Il a aussi pour but de favoriser, dans toutes les régions du Québec, une coordination fonctionnelle médicosociale entre les DPJ et les médecins afin de mieux protéger les enfants. Il agira à titre de vigie et d'intermédiaire visant à faciliter les contacts et les démarches qui s'imposent entre les partenaires, par exemple, veiller à ce que les enfants présumés victimes reçoivent les services médicaux nécessaires dans les conditions requises par leur état; s'assurer également de l'accès aux services médicaux experts en maltraitance au DPJ de sa région et à son personnel afin que ces derniers puissent établir et interpréter les faits à la lumière des informations les plus exactes. Inversement, il devra assurer aux médecins experts de la région l'accès au levier du DPJ dans les situations d'enfants présumément maltraités.

Ce groupe devra jouer un rôle de soutien auprès des intervenants de première ligne, dans la détection et l'analyse des situations à risque. En somme, ce réseau médicosocial d'experts en protection de l'enfance contribuera à accroître l'efficacité et la continuité des actions de chacun de ces partenaires. Cet impératif de continuité et d'efficacité est également à l'origine de plusieurs belles initiatives, dont l'Entente multisectorielle relative aux enfants victimes d'abus sexuels, de mauvais traitements physiques ou d'une absence de soins menaçant leur santé physique.

M. le Président, ce que ça veut dire, là, c'est qu'on travaille tout le monde ensemble. Notre gouvernement, vous le savez, M. le Président, travaille. Le ministre de la Santé a mis en place des mécanismes pour qu'on travaille, tout le monde, en réseau, de la première ligne à la deuxième et qu'on cesse de travailler en silo. C'est ce qu'on veut faire avec la protection de l'enfance: le bon service au bon endroit, au bon moment et par la bonne personne, autant aux parents qui en ont besoin, de ce support-là, que ce soit physique, que ce soit psychologique ou au niveau de l'enfant. Je ne dis pas que le projet est parfait, je dis juste qu'on a entendu, on a écouté les gens. On va encore les écouter, on va introduire des nouvelles dispositions, si c'est nécessaire, mais, pour nous, ce qui est le plus important, c'est la protection des enfants.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la ministre. M. le député d'Arthabaska.

M. Claude Bachand

M. Bachand: Merci, M. le Président. J'entendais tout à l'heure la députée de Lotbinière préciser deux de ses inquiétudes, une qui était à l'effet qu'il y avait une judiciarisation à outrance, et ces inquiétudes-là, je pense qu'elles sont fondées. On lui a répondu avec beaucoup de diligence, à savoir qu'il y avait maintenant une approche consensuelle qui serait une des priorités du projet de loi, et on a donné des moyens, entre autres l'allongement du 24 heures à 48 heures, aussi la possibilité de signer des ententes avec le jeune et ses parents, et ça, je pense que c'est de nature à favoriser l'approche consensuelle, donc à rassurer la députée de Lotbinière dans ses préoccupations, qui, je le répète, sont légitimes aussi au niveau de la prévention. Et il y a aussi, à l'intérieur du projet de loi, une préoccupation pour la prévention, et ça, il faut en convenir, que c'est quelque chose d'inquiétant.

Je vais vous, M. le Président, si vous le permettez, vous citer des études qui indiquent que le problème chronique d'adaptation sociale commence à la petite enfance, et ça, ça se reproduit d'une génération d'adultes à une nouvelle génération de jeunes enfants. Et ça, c'est drôlement inquiétant, c'est un genre de transmission comportementale qui est inquiétant et qui sollicite tout le monde dans ce qu'il croit et dans ce qu'il voit. La prévention de ce problème sérieux d'adaptation doit commencer dès le début de la vie ? des programmes de soutien intensif et continu ? et je vais vous dire de quelle façon ça se fait. Il est également important de souligner que le jeune âge des enfants... On sait que la période zéro à deux ans, c'est une période fondamentale pour le développement des enfants ? on peut le constater avec les nôtres d'ailleurs ? les facteurs qui augmentent le risque pour l'enfant d'éprouver des problèmes de comportement, de retardement de développement.

Il y a une étude récente qui démontre que 95 % des nouvelles mères ? et ça, c'est aberrant ? de moins de 20 ans vivent une des situations suivantes ? et là je vous en donne que vous allez reconnaître dans votre vécu et que la députée de Lotbinière va aussi reconnaître: ne pas avoir de diplôme secondaire; vivre un ménage à faibles revenus; ne pas habiter avec des pères biologiques de l'enfant ? des problèmes qu'on rencontre dans notre milieu.

Au Québec, environ 2 700 enfants par année naissent de jeunes mères de moins de 20 ans, et là je vais vous donner des statistiques qui sont accablantes pas par les chiffres que je vais présenter, mais plutôt par leur situation contextuelle. C'est pourquoi, exemple, le ministère de la Santé et des Services sociaux a mis en place des services de soutien aux jeunes parents, compte tenu des chiffres effarants qui disent que 2 700 enfants par année naissent de jeunes mères de moins de 20 ans. Et là, regardez ce qui se passe, il faut bien dire qu'il y a des choses très positives qui se passent actuellement. Tout n'est pas noir, loin de là.

Ces gens-là travaillent quotidiennement et y croient lorsqu'ils ont affaire à des enfants, à des parents qui sont en difficulté. Les services de soutien aux jeunes parents sont disponibles pour l'ensemble des CSSS, et le but premier de ces services, c'est de diminuer la transmission intergénérationnelle ? le problème dont on parlait tout à l'heure ? les problèmes de santé et des problèmes sociaux, dont l'abus, la négligence, la violence envers les enfants, des problèmes qu'on connaît tous pour les avoir observés sur le terrain. Ils s'appuient sur la nécessité d'intervenir tôt, et ça, M. le Président, si ce n'est pas de la prévention, qu'est-ce que c'est? À mon sens, c'est de la prévention, puis on touche directement à un problème fondamental, qui a été bien décrié à l'intérieur même de l'étude que je vous ai citée tout à l'heure.

Ces services s'adressent spécifiquement ? et là on parle des services qui existent déjà; donc, on parlait tout à l'heure de programmes, il y a des programmes qui existent, des programmes qui sont très performants, des programmes qui ont fait leur oeuvre dans le milieu; donc s'adressent spécifiquement ? aux femmes enceintes, aux mères de moins de 20 ans ? donc, on s'aperçoit que la clientèle cible, c'est bien la bonne ? ainsi qu'aux pères et à leurs enfants de zéro à cinq ans. Ces services consistent ? et là je vais vous expliquer très rapidement en quoi ça consiste ? en un accompagnement continu et intensif aux familles.

n(11 h 30)n

Et comment ça se passe? Ils sont offerts dès la 12e semaine de grossesse, vous voyez, dès la 12e semaine de la grossesse, même avant la naissance de l'enfant, pour informer les parents pour qu'ils soient aptes à recevoir l'enfant, pour qu'ils soient aptes déjà à adopter des comportements qui vont être transmissibles. Ils se... jusqu'au moment que l'enfant atteint l'âge de cinq ans. Vous voyez donc, il y a la période de grossesse, il y a aussi la période de 0-5 ans, des périodes importantes. Et ça, c'est de la prévention, à mon sens. Au sens le plus strict du terme, c'est de la prévention. L'accompagnement des familles se concrétise par des visites à domicile effectuées par une intervenante, et ça, j'appelle ça aussi un suivi.

Donc, quand on parle de travailler en amont, je pense que ça, c'est la démonstration concrète que le système permet ça.

Et très rapidement je termine en vous disant que, dans le but de soutenir, il y a 4 000 intervenants, ce n'est pas rien, ça, et partenaires qui oeuvrent auprès des jeunes parents et de leur famille, de leurs enfants. Un programme de formation continue est disponible pour les intervenants qui donnent le service. C'est donc dire que le système assure de la prévention et assure de la formation. Moi, je pense que, dans ces conditions-là, on donne la chance aux familles et aux enfants de se développer dans un cadre respectueux de ce qu'on désire.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. le député. Mme la députée de Rimouski.

Mme Solange Charest

Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Vous savez, parmi le projet de loi n° 125, un des enjeux majeurs de ce projet de loi là, c'est vraiment celui qui touche à la stabilité des enfants, et je pense que c'est vraiment le pivot sur lequel repose toute la Loi de la protection de la jeunesse et qui fait débat autant hier qu'aujourd'hui. Et, si on ne trouve pas de multiples moyens pour assurer cette stabilité-là, on va encore en parler demain et après-demain. Et il faut se rappeler que tout le monde est d'accord, là, pour dire que le ballottage des enfants, ça n'a pas de sens. Toutes les personnes que j'ai rencontrées, toutes les institutions, les organisations, il n'y a personne qui est d'accord avec le ballottage des enfants, surtout si ce ballottage-là arrive pour des enfants en jeune âge et qu'il se poursuit tout au long de leur enfance, de leur adolescence.

Par ailleurs, dans le projet de loi, on prévoit des délais pour que les parents se reprennent en main et, à l'intérieur de ces délais-là, on prend pour acquis que les parents vont pouvoir se remettre en question, aller chercher les services pour pouvoir se reprendre en main et développer leurs habiletés parentales, leurs capacités parentales comme telles. Alors, je reviens parce que ça, ça me dérange, le bruit du son.

Alors, moi, je soulève la question: Est-ce que les délais vont être suffisants à la fois pour les enfants mais aussi pour les familles? Parce qu'on dit que les familles ont droit à recevoir des services sociaux en vertu de la loi sur la santé et les services sociaux. Ça, ça veut dire que tous les citoyens du Québec on droit à ces services-là. Mais, lorsque vous êtes dans une situation, à la DPJ, avec des enfants pour lesquels vous devez développer des capacités parentales, on ne dit pas en quelque part qu'on va s'assurer de façon formelle à ce que ces familles reçoivent les services adaptés à leurs besoins, que ce soit en toxicomanie, par rapport à la négligence et par rapport à tous les types de problèmes qu'ils peuvent rencontrer. Ça, c'est une chose.

Les services aux familles, on trouve toujours que c'est lourd, c'est coûteux, ça prend du temps. Et, moi, en tout cas avec les discussions que j'ai eues avec les partenaires, je trouve qu'on démissionne très vite lorsqu'il s'agit de soutenir les familles comme telles et je me pose toujours la question: Pourquoi la DPJ ne devrait pas aussi avoir des obligations envers les familles? Est-ce que c'est strictement une question de budget ou de ressources appropriées tant en deuxième ligne qu'en première ligne?

Et, dans la stabilité des enfants, il y a toute la question des familles d'accueil, parce que les enfants sont soit placés en famille d'accueil ou soit en centre jeunesse. Et les familles d'accueil ne peuvent pas garantir en tout temps, dans le cadre d'un projet de vie, la permanence de leurs services, parce que les familles d'accueil, c'est comme les autres familles dites normales, que je mets entre guillemets, parce qu'il peut survenir des événements, ou tout simplement parce que les enfants placés dans ces familles d'accueil là ont des problématiques tellement lourdes que les familles d'accueil n'ont pas nécessairement la formation et la capacité de pouvoir maintenir le lien avec ces enfants, et parfois ils abandonnent. Puis il y a aussi un problème qui est soulevé, c'est celui de la stabilité des intervenants dans le réseau des DPJ et des centres jeunesse, et ça, je pense que ça soulève la question des personnes qui peuvent être déterminantes, qui peuvent avoir des liens affectifs ou significatifs avec les enfants, parce qu'on se dit: C'est une famille déstructurée, on sort l'enfant de sa famille, on donne aux parents un délai pour se reprendre en main. Parallèlement à ça, on a des intervenants qui sont supposés assurer une stabilité aux enfants. Et le projet de loi, là, on n'en parle pas de ces éléments-là.

Mais, avant de terminer, je ne souhaite qu'une seule chose, M. le Président, c'est que les intérêts des enfants priment au-delà des corporatistes, au-delà des intérêts des institutions, au-delà des intérêts professionnels, des intérêts personnels des adultes. Et je voudrais vous dire que travailler sans partisanerie, sans mesquinerie, ça ne nous enlève en rien notre esprit critique et que l'opposition va toujours exercer son sens critique par rapport à la Loi de la protection de la jeunesse.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la députée. Alors, Mme la ministre.

Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Oui. Merci, M. le Président. Cette interpellation ce matin me donne l'occasion aussi de parler de certaines modifications que l'on retrouve dans le projet de loi, et je voudrais vous entretenir d'une d'elles qui touche la conciliation entre la protection des enfants et le respect de la vie privée.

L'atteinte d'un juste équilibre entre le droit des enfants à la protection et le droit des parents au respect de la vie privée soulève un défi de taille pour le directeur de la protection de la jeunesse et pour tous ceux qui interviennent auprès des enfants et des familles en difficulté. Si la communication de renseignements confidentiels entre le DPJ et les professionnels du réseau doit être balisée, il s'avère néanmoins de première importance que le DPJ puisse être en mesure d'assurer son mandat de protection. Or, en dépit des modifications apportées à la loi par le passé, plusieurs difficultés sont soulevées concernant les règles de confidentialité actuelles. Ainsi, il demeure encore souvent difficile, croyez-le ou non, pour le DPJ d'obtenir l'information nécessaire lui permettant de prendre des décisions éclairées et d'assurer adéquatement la protection d'un enfant.

Le DPJ n'est pas non plus toujours autorisé à divulguer de l'information qui permettrait à d'autres personnes d'assurer la protection de l'enfant. Plusieurs modifications sont ainsi proposées aux règles qui régissent l'accès et la divulgation de ces renseignements personnels. Le projet de loi prévoit qu'un établissement pourra communiquer des renseignements confidentiels au DPJ, et ce, non seulement sur l'enfant signalé, mais également sur les parents, les grands-parents, les oncles ou tantes, toute personne ? ça peut être un voisin ? qui serait mise en cause par le signalement. Cependant, cette précision est essentielle: les renseignements qui devront être communiqués au DPJ ne sont pas tous les renseignements contenus dans un dossier mais les seuls renseignements qui sont en lien avec la nécessité de protéger l'enfant. De plus, si un signalement est retenu, la DPJ devra avoir accès au dossier d'un enfant tenu par un établissement, quel que soit le motif à l'origine du signalement.

Sur ce plan, il faut indiquer qu'à l'heure actuelle certaines situations jugées particulièrement préoccupantes par le DPJ et où l'information contenue dans le dossier de l'enfant pourrait s'avérer nécessaire pour assurer sa protection ne sont pas couvertes par la loi. Les décès de deux enfants survenus en 1998, l'un faisant l'objet d'une évaluation du DPJ en raison de problèmes psychiatriques de la mère et l'autre, d'un suivi en centre de réadaptation pour des problèmes de comportement, illustrent les limites que rencontre le DPJ dans l'accès à l'information. À la suite des enquêtes effectuées, il a notamment été recommandé par le coroner de modifier la loi pour permettre au DPJ d'avoir accès au dossier de l'enfant, peu importe le motif de signalement, ainsi qu'au dossier psychiatrique des parents. Le projet de loi prévoit également que le DPJ pourra avoir accès au dossier d'un parent ou de toute autre personne mise en cause par le signalement. Dans ce cas, cependant, il est important de préciser que l'autorisation préalable du tribunal sera nécessaire. Il importe d'ajouter que ces dispositions ont été discutées avec la Commission d'accès à l'information et que celle-ci ne s'objecte pas aux modifications proposées.

Le projet de loi prévoit également la constitution d'un registre de tous les enfants signalés au Québec à l'usage exclusif du DPJ. Cette mesure est importante. En effet, actuellement, il n'est pas possible pour le DPJ de savoir rapidement si un enfant a déjà fait l'objet d'un signalement dans une autre région. Le cas justement, là, de Beaumont est une belle illustration que, si on avait su, dans une certaine région, qu'il y avait eu des signalements pour ces enfants-là, ça n'aurait pas empêcher les enfants d'avoir été martyrisés, entre guillemets, mais on aurait au moins pu arrêter cette séquence d'événements. Les modalités de consultation et d'accès à un tel registre seront prévues dans un règlement.

n(11 h 40)n

La DPJ pourra aussi divulguer de l'information à une personne qui tient lieu de directeur de protection de la jeunesse à l'extérieur du Québec, ou encore à des personnes, ou à des organismes impliqués dans la protection d'un enfant. Le projet de loi prévoit par ailleurs d'allonger l'ensemble des délais de conservation de l'information contenue au dossier du DPJ. Ces délais varient actuellement entre six mois et cinq ans et sont jugés beaucoup trop courts. Afin d'être en mesure de procéder à une meilleure évaluation de la situation de l'enfant et de ses parents et de suivre leur évolution, il est jugé essentiel de pouvoir conserver l'information déjà colligée sur une plus longue période, comme c'est la cas pour le tribunal et la Commission des droits de la personne et de la jeunesse.

Toutes ces modifications qui concernent le régime de confidentialité actuel s'imposent afin d'assurer une meilleure protection, un meilleur suivi aux enfants signalés aux services de protection de la jeunesse, selon des règles qui se doivent néanmoins d'être clairement circonscrites et en favorisant toujours l'intrusion la moins grande possible dans la vie des familles.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la ministre. M. le député d'Arthabaska.

M. Claude Bachand

M. Bachand: Merci, M. le Président. Donc, tout à l'heure, j'ai eu l'occasion de vous parler, M. le Président, par l'entremise, à la députée de Lotbinière des programmes qui étaient disponibles, un programme fort intéressant qui accompagnait les familles bien sûr mais qui accompagnait aussi les éducateurs, les enseignants et les personnes qui intervenaient auprès des jeunes, faisant en sorte que ces gens-là sont toujours à la fine pointe de ce qui se passe au niveau de l'intervention puis de leur capacité d'intervenir.

Il y a un autre programme qui est fort intéressant, qui est Qualification des jeunes. J'aimerais en parler pour simplement rappeler aux gens qui nous écoutent. Parce que vous savez que, même si on est vendredi matin, il y a beaucoup de gens qui nous écoutent actuellement et qui sont intéressés par les programmes qui sont mis en place pour aider nos jeunes, parce que ces jeunes-là ne sont pas abandonnés. Et non seulement ils ne sont pas abandonnés, mais il y a des programmes qui sont adaptés pour eux.

Vous savez comme moi, M. le Président, que le passage de l'enfance à l'adulte est douloureux pour certains d'entre nous, mais il l'est encore plus lorsqu'on devient parent. Je vous vois hocher de la tête et je pourrais en faire de même, compte tenu que, moi aussi, et vous aussi, et tous, même la ministre nous affirmait qu'elle avait aussi des jeunes adolescents qui lui donnaient, de temps en temps, un peu d'ouvrage supplémentaire. Donc, c'est clair que le défi est important, mais je vous dirais que les jeunes qui ont été affectés par des situations familiales difficiles représentent un défi encore plus important pour l'ensemble de la population, et on comprend bien l'ampleur du défi. Il y a une étude qui a été réalisée par le ministère de la Sécurité publique, et là je vous donne les chiffres simplement pour illustrer un peu le phénomène: 71 % des jeunes ayant vécu en famille d'accueil ou en centre d'accueil bénéficient encore de l'aide sociale 10 ans plus tard. Ça veut donc dire que leur attitude, leur façon d'aborder la société fait en sorte que ces gens-là se retrouvent, 10 ans plus tard, sur l'aide sociale.

Depuis 2001, un programme dynamique se poursuit à l'initiative de l'Association des centres jeunesse du Québec, eh oui, parce que les centres jeunesse du Québec ont aussi établi des initiatives significatives dans le milieu, parce que ces gens-là travaillent pour les jeunes, y croient. Il est fort important pour eux, puisqu'ils ont pris l'initiative de mettre en place ce programme-là. C'est le programme Qualification des jeunes. Je vous dis un peu c'est quoi, le projet. Le projet a initialement été financé donc par le ministère de Santé et des Services sociaux, le Fonds de lutte contre la pauvreté. Il y avait aussi le Centre national de prévention du crime et le centre de jeunesse participant. C'est donc dire qu'on peut voir le travail qui s'est fait, interministériel, le travail qui s'est fait auprès de plusieurs intervenants pour convenir, d'une façon adéquate, d'intervenir auprès des jeunes. Et ça, ça démontre bien que ces gens-là veulent travailler en réseau, veulent travailler avec l'ensemble des gens et mettre en commun en fait leurs compétences.

Le programme est en cours actuellement, si on veut l'observer et si on veut le visiter. Vous savez que, M. le Président, la ministre a actuellement visité plusieurs centres, a rencontré beaucoup de jeunes, et, moi, j'inviterais tous ceux qui se posent des questions sur l'application et l'étalement de l'application de la loi qui s'en vient d'aller au moins visiter, à toutes fins pratiques, chacun de ces centres-là pour au moins s'imprégner de leurs problématiques, être capables de répondre adéquatement à ces problématiques-là.

Donc, l'Abitibi-Témiscamingue, à Laval, en Outaouais, à Montréal et à Québec, les jeunes qui sont inscrits au programme sont accompagnés par des intervenants qui les aident. À titre d'exemple, ils apprennent à faire un budget, à trouver un logement, des choses, M. le Président, qui nous paraissent fort simples pour nous mais qui deviennent une charge énorme pour ces adolescents-là qui ont même, eux, des difficultés à s'assumer eux-mêmes. En plus de ces apprentissages, on les aide à identifier les ressources du milieu qui pourraient leur être utiles, et ça, c'est fort important parce que chacun des jeunes a besoin, entre autres, des apprentissages de base, d'un lieu d'ancrage. Vous savez comme moi que beaucoup de personnes qu'on reçoit dans nos comtés doivent témoigner de leur difficulté à avoir accès aux organismes, donc on peut comprendre facilement comment un jeune qui, lui, est désorganisé même à l'intérieur de sa propre personne peut avoir de la difficulté à aller au centre local d'emploi, aller à la clinique médicale, ne serait-ce qu'à la banque.

Donc, ce programme-là, Qualification des jeunes, tient son originalité de son intensité et de sa durée parce que, faut-il le dire, et là le député de Beauce-Sud va être heureux d'entendre ça, il faut le préciser, que la durée d'un programme est important, l'accompagnement du jeune est important, et il faut que ce soit sur une période où lui est en train de faire ses réflexions. Mais, une fois qu'il a pris des décisions, il faut aussi être capable de l'accompagner. Et là je vous donne les résultats parce qu'il me reste quelques secondes: sur 81 participants, 63 % étaient déjà inscrits dans une démarche de travail ou aux études, et 53 % étaient engagés dans la réalisation du projet de vie autonome comme le fait d'avoir un appartement. C'est une réussite. On peut en être fiers. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. le député. Alors, pour la dernière intervention de cinq minutes, Mme la députée de Lotbinière.

Mme Sylvie Roy

Mme Roy: Merci. M. le Président, je constate que Mme la ministre utilise elle aussi des cas, des cas qui permettent de rappeler que son projet de loi corrige, mais elle me reproche d'utiliser des cas lorsque je dis: On n'en parle pas, de ça, on ne corrige pas cette situation-là dans le projet de loi.

Mais, au-delà de tout ça, je suis tout à fait enchantée qu'on parle de cas parce que c'est de ça dont il est question, c'est de personnes qui vivent ces situations-là. On peut bien avoir les meilleurs systèmes, la meilleure loi, il faut voir qu'est-ce que ça fait sur le plancher des vaches, pour reprendre une expression chère au député de Beauce-Nord. M. le Président, les cas sont les illustrations d'où il y a des ratés dans les systèmes, et, moi, je pars de cette base-là. Et ce que j'entends dans mon bureau de comté, et ce que j'entends quand je me promène sur le terrain, et ce que je vois comme réflexion autour de moi, c'est qu'il y a des choses à corriger profondément. Mais je viens de voir, dans sa dernière intervention, Mme la ministre défendre son projet de loi, puis je trouve que c'est tout à fait normal, c'est la place pour faire ça. Elle défend son projet de loi, et l'opposition le critique, c'est le cadre d'une commission parlementaire tel que je l'avais compris. Et l'exercice me convainc que c'est ça qu'on fait ici.

Ce que je désire, ce que nous désirons, à l'ADQ, c'est plus qu'une commission parlementaire, c'est de parler en profondeur de tous ces problèmes-là, de voir comment les programmes dont on a fait l'éloge fonctionnent sur le terrain, de voir comment la loi est appliquée sur le terrain. On ne peut pas s'acheter une bonne conscience en disant: La loi prévoit ça, il y a des programmes pour ça, sans aller vérifier si ça fait la job. M. le Président, je constate que la seule façon de le faire, c'est par une commission d'enquête, une consultation large, sinon on n'y arrivera pas. On vient de faire la démonstration, là, que le débat est restreint au projet de loi. Et puis ça prend plus que ça, on le demande dans la société.

Et je pensais que le reportage de M. Arcand aurait au moins le bénéfice... Puis ça, c'est tous les interlocuteurs que j'ai entendus à la radio, à la télé: On va avoir au moins la chance de parler de nos enfants, la chance de voir qu'est-ce que la société peut faire, que la solidarité sociale s'opère et que tous ensemble, nous prenons soin de nos enfants. Ce n'est pas ça qu'on a, là, devant nous.

Puis il y a une autre chose aussi dont on n'a pas fait état actuellement. On peut parler de cas, on peut regarder les individus en tant que tels, on peut regarder les systèmes qu'on a mis en place, on peut regarder la loi, comment elle interagit, mais il n'a pas jamais été question dans le débat, puis il n'en est pas aussi question dans le projet de loi, de l'imputabilité. On n'a pas prévu une imputabilité directe à une personne extérieure à l'Assemblée nationale sur la façon dont on traite nos enfants. Sans imputabilité, M. le Président, toutes les belles façons de faire ne donneront rien. Je vois Mme la ministre hocher de la tête, mais même la commission de la protection de la jeunesse voudrait qu'on se pose cette question-là: Dispose-t-il ? en parlant du Directeur de la protection de la jeunesse? Bon. Toutes ses décisions doivent être prises dans l'intérêt de l'enfant et le respect de ses droits, tout le monde en convient. Il est cependant, à l'heure actuelle, un cadre parmi d'autres sous l'autorité du directeur général du centre de la jeunesse. Dispose-t-il, dans ces conditions, de l'indépendance requise pour remettre en question certaines pratiques de ces mêmes centres jeunesse où il est contraint de subordonner ses décisions de protection à des décisions budgétaires et administratives... par d'autres?

Cette interrogation-là est présente dans la société, autant la société civile que des instances aussi reconnues que la commission. On ne disposera pas de cette question-là, elle n'est pas au projet de loi. Il faut qu'on débatte. Puis, si Mme la ministre, dont je ne doute pas des bonnes intentions, apporte des amendements, bien elle les apportera de toute façon, subséquemment, après l'étude du projet de loi. Les autres intervenants qui auraient voulu discuter de ces amendements-là ne pourront pas le faire. Il faut que le débat soit plus ouvert que ça.

Et la commission parlementaire ne peut pas parce que, je le répète, les personnes qui vont venir discuter vont discuter du projet de loi et non des amendements qui vont être subséquents, qu'ils ne connaissent pas à l'heure actuelle. Ça prend des amendements qui ? Mme la ministre nous assure de son ouverture d'esprit ? pourraient survenir par la suite. On n'aura pas le vrai débat qu'on a besoin, M. le Président, et je m'en attriste profondément et au nom de l'ADQ, au nom de plusieurs aussi intervenants dans la société, autant au niveau des journalistes, au niveau de la société en général, au niveau du Conseil permanent de la jeunesse, au niveau de l'Association des grands-parents.

n(11 h 50)n

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, ceci met fin à la partie interpellation.

Conclusions

Il ne nous reste que deux blocs de temps: 10 minutes pour la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation, et on va terminer la matinée avec 10 minutes de Mme la députée de Lotbinière.

Alors, Mme la ministre, la parole est à vous pour une durée maximale de 10 minutes.

Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: M. le Président, je pense qu'il y a vraiment une incompréhension sur ce que l'on retrouve dans le projet de loi. Oui, on a déposé un projet de loi. Oui, je soutiens que ça va améliorer de beaucoup la situation, la stabilité et la protection de nos jeunes. Ce que je veux vous dire, M. le Président, c'est que, lorsque la députée de Lotbinière fait référence au fait qu'il n'y a pas d'imputabilité, je suis étonnée parce qu'elle propose la mise en place ou la création d'un poste de protecteur de la jeunesse. Je pense que c'est ça. De toute façon, je n'ai rien contre, là, je veux dire, mais on a déjà une Commission de protection des droits de la personne et de la jeunesse.

Elle a fait abondamment référence ce matin ? je ne lui en tiens pas rigueur, c'était correct de le faire, là, sincèrement, là ? de deux cas qui se sont retrouvés devant la commission, parce que c'étaient des cas qui méritaient finalement d'être investigués et analysés. On a introduit, dans l'article 58 du projet de loi, une référence. Je le lis:

Cette loi est modifiée par l'insertion, après l'article 156:

La commission ? on fait référence à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse ? doit, au plus tard ? donc à partir du moment où le projet de loi sera en vigueur; doit au plus tard, donc à partir de la date où le projet de loi va entrer en vigueur ? dans les trois ans qui suivront «et par la suite à tous les cinq ans, faire au gouvernement un rapport sur la mise en oeuvre de la présente loi et, le cas échéant, sur l'opportunité de la modifier. Ce rapport est déposé devant l'Assemblée nationale par le ministre de la Justice ou par le ministre de la Santé et des Services sociaux dans les 30 jours de sa réception par le gouvernement ou, si l'Assemblée ne siège pas, dans les 30 jours de la reprise des travaux».

Moi, je vous dis franchement, là, j'ai le plus grand respect pour le travail du législateur et des parlementaires que nous sommes. Je ne dis pas que la députée n'en a pas, au contraire, je dis que je connais le travail, le sérieux et l'analyse. Il faut par contre venir s'asseoir en commission parlementaire et faire les débats. Il y aura d'abord une commission parlementaire pour entendre. S'il y a 80 mémoires, 60 mémoires, 102 mémoires, je ne le sais pas, il faut attendre le 9 décembre. C'est une première occasion, pendant un minimum de trois semaines, pour tous les parlementaires de la commission de venir s'asseoir en commission parlementaire et d'entendre ce que les gens ont à nous dire. Par la suite, les parlementaires débattront du projet de loi article par article. C'est un autre débat qui se fait à ce moment-là.

La députée de Rimouski a soulevé des questions. Je le sais pertinemment, pour l'avoir vue aller en commission parlementaire, pendant des années, qu'elle va les soulever, puis on va essayer de trouver des réponses. Peut-être que ce ne seront pas des réponses qui vont la satisfaire. J'espère qu'on en trouvera qui vont satisfaire l'ensemble des intervenants, l'ensemble du réseau, les parents, les enfants, les grands-parents, tout le monde qui est interpellé par la protection de nos enfants. On a la chance de vivre ? moi, je le dis à mes enfants régulièrement ? j'ai vécu dans une famille où il n'y en avait pas, de ce type de problème là. Mes enfants ont vécu dans ce type de famille là et mes petits-enfants aussi, mais ça ne m'enlève pas ma sensibilité à l'égard de ceux et celles qui, quotidiennement, pour toutes sortes de raisons, que ce soit parce qu'ils vivent dans une... Je parle des enfants qui naissent dans une famille qui est toxicomane, une famille où le père, ou le grand-père, ou l'oncle, ou le voisin ou peu importe qui les abuse physiquement ou sexuellement. C'est terrible qu'en 2005 on parle encore de ça.

Mais le gouvernement n'est pas responsable de ces situations-là. Le gouvernement ne peut pas aller, dans chacune des maisons, essayer de prévenir. Ce que le gouvernement fait par contre, depuis bientôt 27 ans, le gouvernement a eu la sagesse, en 1977, a pris le taureau par les cornes et a décidé d'adopter une loi qui s'appelle la Loi sur la protection de la jeunesse, et je vous invite, tous qu'on en est, je vous invite, je l'ai fait, moi, à lire les propos de Pierre Marois, de tous ceux et celles qui sont intervenus sur ce projet de loi là à l'époque. On comprendrait davantage le sens, pourquoi le gouvernement de M. Lévesque a senti le besoin de voter cette loi.

Je nous invite aussi, tous qu'on en est... Je ne veux pas que la députée de... pas de Rivière-du-Loup, mais de Lotbinière pense que je lui en veux parce qu'on a une interpellation ce matin. Au contraire, elle fait son travail. Je l'ai fait lorsque j'étais dans l'opposition. Tout ce que je demande à la députée de Lotbinière, oui, elle nous interpelle sur un certain nombre d'éléments. C'est sûr qu'on l'a travaillé, nous, avec beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens sur le terrain, et, non, on n'a pas travaillé ça au lendemain du visionnement d'un film, d'un documentaire, qui se veut pamphlétaire, qui reflète, oui, une partie de la réalité mais dans laquelle on ne voit pas non plus tout ce qui se fait de bon et tout ce qui se fait de bien pour les enfants du Québec.

Ce projet de loi là est en gestation depuis bientôt trois ans et je dirais même avant. Il y a eu une réflexion qui s'est faite avant que notre gouvernement arrive au pouvoir, mais c'est le ministre de la Santé et des Services sociaux, mon collègue ministre de la Santé, l'actuel ministre de la Santé, qui a demandé que nous révisions la Loi sur la protection de la jeunesse. Il y a eu des consultations qui ont été faites avec des cliniciens, des pédopsychiatres, des psychiatres, des psychologues, des avocats, des juges. Il y a eu 900 personnes qui ont été consultées. Ce n'est toujours bien pas ces gens-là qui n'ont pas le pas puis quelques personnes ici qui l'ont. Franchement.

Alors, je ne dis pas qu'on détient la vérité, je demande juste qu'on ait l'esprit ouvert. Je suis prête à suggérer des noms à l'ADQ. Je vous dirais même que j'ai rencontré des gens sur la suggestion d'un très grand chercheur qu'on a ? honnêtement, il faut que je le dise, là; qu'on a ? le privilège d'avoir en cette Chambre, qui est Camil Bouchard. On ne peut pas passer à côté de cette expertise-là. M. Bouchard a écrit...

Une voix: ...

Mme Delisle: Le député de?

Le Président (M. Copeman): Vachon.

Mme Delisle: Oui, mais, quand il l'a écrit, il s'appelait Camil Bouchard. Non?

Le Président (M. Copeman): Mais il est actuellement le député de Vachon, malheureusement, ou pour son bien.

Mme Delisle: Mais le député de Vachon. Puis je suis persuadée qu'il a aussi conseillé la députée de Rimouski pour rencontrer des gens sur le terrain. Ce n'est pas des gens qui sont contre le projet de loi. Il y a des gens que j'ai rencontrés, dont on a lu les commentaires. Ces gens-là sont d'accord avec l'ensemble du projet de loi mais émettent aussi certaines réserves. Il y a des gens qui ont émis des réserves, des gens qui oeuvrent dans le domaine du droit familial, qui ont émis des réserves quant à l'adoption. Ce sont des gens que, j'espère, on va voir en commission parlementaire.

Je pense qu'on ne peut pas uniquement se forger une opinion lorsqu'on parle de la protection des enfants ou pour d'autres sujets ? mais mettons que c'est celui-là aujourd'hui ? sans avoir l'ensemble du portrait. C'est vrai que je suis ministre, c'est vrai que j'ai l'occasion de rencontrer ces gens-là, mais je les ai provoquées, ces réactions-là, j'ai provoqué ces rencontres-là, M. le Président. En huit mois ? je ne veux pas avoir une médaille pour autant, ça fait partie de ma job ? mais je peux vous jurer que j'en ai rencontré, des gens, j'ai été ébranlée par ce que j'ai entendu, au même titre qu'on va l'être lorsqu'on va entendre les gens en commission parlementaire. J'ai été ébranlée par le fait qu'il y a des grands-parents qui ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent pas avoir leurs petits-enfants, puis je suis d'accord avec leur sentiment, que c'est terrible.

Mais ce n'est pas tous les grands-parents. Il ne faudrait pas penser que tous les grands-parents au Québec dont les enfants sont sous la Loi de la protection de la jeunesse n'ont pas accès à leurs petits-enfants. C'est faux de laisser croire ça. C'est faux de laisser croire ça. Il y en a beaucoup qui les ont. On a facilité, dans le projet de loi, la possibilité pour les grands-parents d'en prendre charge. Vous savez, il y a beaucoup, malheureusement, de grands-parents qui vivent des situations financières très précaires, qui auraient souhaité aussi avoir la garde de leurs petits-enfants et qui ne pouvaient pas s'en occuper. La tutelle vient leur donner non seulement les responsabilités parentales, mais leur donne aussi un accompagnent financier. J'en aurais pour deux heures, M. le Président, on s'entend.

n(12 heures)n

Je veux simplement conclure en disant: Nous allons avoir un large débat. Ce n'est pas nécessaire d'avoir une commission d'enquête, une commission d'enquête pour entendre les mêmes personnes, les mêmes personnes qui vont venir en commission parlementaire? Si la députée de Lotbinière considère qu'il y a des gens qui ne sont pas inscrits ou qu'ils n'ont pas déposé de mémoire, je lui suggère, bien amicalement et bien respectueusement, de prendre le téléphone et de provoquer ces rencontres pour pouvoir mieux éclairer la commission et les membres qui vont en faire partie.

On a une responsabilité comme parlementaires. J'ai et mon gouvernement a une responsabilité. Le gouvernement, là, ce n'est pas juste ceux qui sont ici, là. J'ai toujours considéré, quand j'étais dans l'opposition, que je faisais aussi partie du gouvernement, et on a une responsabilité à l'égard de la protection des enfants. C'est ce que je demande à l'ADQ de faire. À l'ADQ de garder l'esprit ouvert là-dessus. Je respecte les opinions que vous avez émises aujourd'hui, mais je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation. En conclusion, Mme la députée de Lotbinière.

Mme Sylvie Roy

Mme Roy: Merci, M. le Président. Avant de répondre à Mme la ministre, il y a deux points sur lesquels je n'ai pas traité: la tutelle et l'adoption.

La tutelle. Très brièvement. On ne voit pas aucune obligation de soutenir autre que financièrement. Je pense qu'il y a un besoin d'un support autre que ça, et ce n'est pas prévu dans la loi. Et, pour ce qui est de l'adoption, vous savez que l'adoption coupe tous les liens de filiation entre les personnes, et souvent on adopte des jeunes qui avaient déjà des liens avec des personnes significatives et aucune obligation ou aucune possibilité. Les grands-parents n'ont plus la possibilité, lorsque leur petit-enfant est adopté, d'avoir des liens avec cette personne-là. Ça fait que je pense que, quand on veut privilégier l'adoption, au Québec, des enfants à la DPJ, il faut ouvrir aussi le dossier de l'adoption plénière, sinon le débat ne sera pas complet, bon, à ce sujet-là.

Maintenant, oui, nous avons la chance d'avoir un spécialiste en ces murs qui est M. le député de Vachon, et, oui, je l'ai entendu. J'invite Mme la ministre à relire ce qu'il a dit au niveau de l'adoption de principe, et il appuyait mes propositions en ce sens que, moi, j'ai appelé ça un protecteur de la jeunesse, je n'ai pas modulé la façon dont ça se ferait, lui, il a appelé ça un ombudsman régional. On ne peut pas penser que M. le député de Vachon a commencé à penser à de la maltraitance des enfants après le film de M. Arcand. Il l'appuie, ma position, M. le Président. Il appuie également l'idée de l'imputabilité. Il marchait dans mes pas, lorsqu'il a fait son intervention. Il a également, M. le Président, oui, il a également convenu qu'il fallait regarder le problème de la maltraitance ou de la façon dont on traitait nos enfants dans son ensemble et ouvrir le débat le plus large possible.

Ce sont trois de mes grandes préoccupations, ici, et trois préoccupations qu'il est en accord. Donc, je pense que je suis bien à l'aise avec mes positions, M. le Président.

Finalement, l'exercice m'a permis de comprendre qu'on restreint le débat à l'étude d'un projet de loi. Puis ce sur quoi je suis très d'accord avec Mme la ministre, c'est que l'ADQ est déçu parce que ce n'est pas une révision en profondeur du système de protection de la jeunesse. On n'a pas ça devant nous, et c'est ça qu'on voulait. C'est là qu'aussi sera déçue l'Association des grands-parents. C'est là aussi que sera déçu le Conseil permanent de la jeunesse qui disait: «Des changements doivent être apportés au système de prise en charge des enfants en difficulté, a-t-on dit de façon unanime. Alors que pour certains il serait nécessaire de remplacer complètement la structure actuelle, pour d'autres un réaménagement en profondeur serait requis. Mais en aucun cas a-t-on estimé que de simples retouches cosmétiques apporteraient une solution viable aux problèmes rencontrés pour les bénéficiaires des centres jeunesse et les intervenants qui y oeuvrent.» C'est ce que le Conseil permanent de la jeunesse demande, et je fais miennes ces demandes.

«On convient généralement ? à une autre page ? que le système actuel de centres jeunesse doit être modifié en profondeur. Une fois la responsabilisation de la société à l'endroit des jeunes en difficulté acquise, il sera certes plus facile d'opérer des transformations à un système qui ne suffit plus à la demande sans cesse grandissante et de plus en plus variée de protection des jeunes. Mais, d'ores et déjà, il serait possible d'identifier quelques avenues à explorer afin de rendre l'institution davantage conforme aux aspirations de la société.» C'est ce que le Conseil permanent de la jeunesse demande après une longue réflexion sur les enfants, et je fais miennes ces demandes.

La commission de la protection des droits de la personne, vous avez louangé leurs états de service. Qu'est-ce qu'ils demandent? «La société québécoise doit revoir son système de protection de jeunesse. L'évaluation rigoureuse des pratiques d'intervention sociale est primordiale. Nos interventions, nos méthodes en matière de protection de la jeunesse atteignent-elles les résultats escomptés, soit la réadaptation du jeune et son intégration réussie à la société?»

De votre propre aveu, ce n'est pas une révision de la façon dont la protection de la... ce n'est pas une révision en profondeur du système de protection de la jeunesse. Et je pense que la situation en commande une. L'exercice qu'on a fait aujourd'hui ne me rassure point sur ce qu'on va faire en commission parlementaire. On va parler de modifications législatives sans reprendre le dossier dans son ensemble. Et puis, quand on parle d'ouverture d'esprit, je pense que c'est là où on ne s'entend pas, parce qu'avoir l'ouverture d'esprit, ça aurait été d'ouvrir le débat à beaucoup plus que ce qu'on va avoir en commission parlementaire, à beaucoup plus d'interventions. Une commission d'enquête, là, c'est tout à fait différent, une commission d'enquête va chercher des témoignages, des faits. Est-ce qu'il y a une association d'enfants qui ont été confinés illégalement? Des détenus, ils ont une association, mais les enfants qui sont vulnérables n'en ont pas, d'association. Les parents, là, il faut comprendre que les parents qui sont en Protection de la jeunesse, on peut penser que c'est des familles désorganisées ou des familles qui souffrent. Une association ne peut pas venir faire des représentations comme chacun des DPJ, comme la commission, comme le Conseil de la famille et de l'enfance. On n'a à peu près, pour parler de nos enfants, qu'une seule voix, c'est la voix du Conseil permanent de la jeunesse, et on ne l'écoute pas.

Donc, M. le Président, je suis déçue qu'on ne puisse pas ouvrir plus que ça, je suis déçue qu'on ne puisse pas faire une commission d'enquête. Je suis déçue qu'on se contente d'une reddition de comptes dans trois ans par la commission de la protection des droits de la personne et de la jeunesse. Puis, on l'a vu, je vous l'ai abondamment décrit, la commission a de la difficulté à intervenir dans les dossiers. Ça n'en finit plus, c'est des judiciarisations qui ne se terminent pas. Elle-même remet en question plein de choses dans le système, puis on ne les écoute pas non plus.

Donc, M. le Président, en terminant, j'exprime ma déception, celle de l'Association des grands-parents, celle du Conseil permanent de la jeunesse, celle de la Commission des droits de la personne, celle de plusieurs intervenants qu'on a entendus réagir après le film Les voleurs d'enfance et même de la Direction de la protection de la jeunesse. La plupart des directeurs de la protection de la jeunesse reconnaissaient que le bénéfice de ce reportage-là était d'ouvrir une vraie discussion, un vrai chantier pour qu'est-ce qu'on fait avec nos enfants, mais malheureusement ce ne sera pas le cas.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la députée. Alors, je vous remercie, chers collègues, de votre collaboration habituelle.

Et, la commission ayant rempli son mandat, j'ajourne les travaux jusqu'à mardi le 15 novembre, à 9 h 30, afin d'effectuer un autre mandat. Merci.

(Fin de la séance à 12 h 8)


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