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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 16 novembre 2005 - Vol. 38 N° 169

Consultations particulières sur le projet de loi n° 124 - Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-neuf minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, chers collègues, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Je vous rappelle que nous sommes réunis afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 124, Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

n (9 h 40) n

Le Président (M. Copeman): Aucun remplacement. Je vous rappelle, chers collègues ainsi que tous ceux qui sont présents dans la salle, que l'utilisation des téléphones cellulaires est strictement interdite. Et selon notre règlement également toute manifestation d'approbation ou désapprobation de la part des membres du public qui sont ici, dans la salle, est également interdite.

Nous avons une journée très chargée. Nous allons entendre et échanger avec trois groupes ce matin: dans quelques instants, le premier groupe; deuxième, la Confédération des syndicats nationaux, à 10 h 30, autour; l'Association du personnel cadre des centres de la petite enfance du Québec, autour de 11 h 30. Et, si on se fie aux indications, nous allons poursuivre cet après-midi, en écoutant évidemment attentivement les avis touchant les travaux des commissions.

Auditions (suite)

Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue au Dr Cloutier. M. Cloutier, vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. Ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les députés de chaque côté de la table. Pour les fins de l'enregistrement et des transcripts, je vous prierais de présenter les personnes qui vous accompagnent et, par la suite, de débuter votre présentation.

MM. Richard Cloutier et
Jacques Moreau, et Mmes Nathalie Bigras
et Caroline Bouchard

M. Cloutier (Richard): Merci, M. le Président. Mme la ministre, MM. les députés, Mmes les députées, mesdames et messieurs. Richard Cloutier, Université Laval, École de psychologie, accompagné de Nathalie Bigras, professeure à l'Université du Québec à Montréal en éducation, Dre Caroline Bouchard, professeure en éducation aussi à l'Université du Québec à Montréal, et Pr Jacques Moreau, de l'Université de Montréal.

Nous nous sommes préparés à présenter ce mémoire en ayant un souci de respecter le temps, et c'est ce qui explique que nous allons vraisemblablement lire les bouts de texte afin d'être certains de contrôler la dimension de temps.

Les services de garde à l'enfance ont connu une évolution remarquable au cours des dernières années, au Québec, et nous avons le sentiment que non seulement la valeur de cette ressource collective n'est pas remise en question maintenant, dans le contexte du projet de loi, mais que c'est le souci d'améliorer et de développer de façon durable qui motive le dépôt du projet de loi.

Nous sommes conscients aussi que les services de garde ont deux clientèles. Ils sont destinés, d'une part, à combler les besoins de garde des parents et de la famille, en même temps qu'ils assument la mission essentielle d'offrir aux enfants un milieu sain et stimulant pour leur développement psychosocial. Cette dualité étant reconnue, nul ne contestera le fait que l'enfant est le principal client de services éducatifs à l'enfance. C'est donc la qualité éducative des services de garde à l'enfance qui nous intéresse principalement ici. Quelles sont les implications de la transformation qui s'annonce pour la qualité éducative des services offerts à l'enfant? Voilà la question à laquelle notre présentation fait référence.

Dans un premier temps, la notion centrale de qualité sera discutée en mettant à profit notamment l'étude québécoise récente Grandir en qualité, que Nathalie Bigras présentera. Ensuite, nous partagerons entre nous la présentation de six enjeux associés aux changements qui sont annoncés.

Mme Bigras (Nathalie): Alors, l'étude Grandir en qualité 2003 a été réalisée au Québec, au printemps 2003. Elle a permis d'identifier les forces et les difficultés du réseau et de proposer des correctifs à apporter afin de bonifier les services offerts à la population du Québec. Cette étude a sollicité 905 groupes d'enfants répartis dans environ 650 établissements sélectionnés au hasard parmi la liste des services de garde éducatifs québécois afin d'en évaluer le niveau de la qualité.

Les résultats nous ont permis de constater que les CPE en installation présentent des niveaux de qualité supérieurs à ceux des services de garde en milieu familial et en garderie, et ce, pour toutes les dimensions mesurées dans le cadre de l'enquête. Vous pouvez d'ailleurs vous référer aux figures 1 à 5 que nous vous avons distribuées à cet égard. On y relève que la proportion des poupons, c'est-à-dire les enfants âgés de moins de 18 mois, fréquentant des garderies de qualité insatisfaisante est de 28,5 %, alors qu'en milieu familial cette proportion est de 20,9 % et de 3,4 % en installation de CPE. Des niveaux de qualité passables sont observés dans 62 % des garderies, 60 % des milieux familiaux et 36 % des installations de CPE. Enfin, des bons ou très bons niveaux de qualité sont observés dans 9,5 % des garderies accueillant des poupons, 19,1 % des milieux familiaux et 60,6 % des installations de CPE.

Quant à la proportion des enfants d'âge préscolaire, c'est-à-dire les enfants âgés de 18 mois à cinq ans, fréquentant des services de qualité insatisfaisante, elle est de 37,4 % dans les garderies, de 5,5 % dans les installations de CPE. Des niveaux de qualité passables sont observés dans 51,9 % des garderies et dans 52,7 % des installations de CPE, alors que des niveaux bons ou très bons de qualité sont observés dans 10,7 % des garderies et 41,8 % des installations de CPE.

L'examen des résultats aux quatre dimensions mesurées par l'enquête, c'est-à-dire la structuration des lieux, la structuration des activités, les interactions de l'éducatrice avec les enfants et les interactions de l'éducatrice avec les parents, mesurant la qualité des services obtenus par les enfants du Québec confirme ces différences entre les divers types de milieux. Pour cela, vous pouvez consulter les figures 6 à 10. On note toutefois que certaines dimensions présentent des scores plus faibles, alors que d'autres sont plus forts, et ce, pour tous les types de milieux.

En premier lieu, tous les types de services de garde présentent des scores moyens plus faibles au niveau de la qualité de la structuration des lieux. La structuration des lieux implique des éléments tels que l'aménagement et l'équipement, le matériel disponible pour stimuler toutes les dimensions du développement des enfants et des items liés à la santé et la sécurité. En guise d'illustration, notons que le matériel est jugé insuffisant pour soutenir le développement langagier et psychomoteur, et ce, particulièrement en garderie privée et en milieu familial. On note aussi que le lavage des mains des éducatrices est insuffisamment fréquent.

Quant à la structuration des activités, la planification des activités et l'observation des enfants, elles sont souvent absentes, et le soutien des enfants dans leur processus d'apprentissage est plus faible.

Pour ce qui est des interactions de l'éducatrice avec les enfants, le mode d'intervention démocratique aurait avantage à être mieux compris et appliqué. Ceci permettrait aux éducatrices et aux RSG de mieux soutenir les enfants dans la résolution de problèmes et de mieux accompagner les enfants dans la modification des comportements socialement inacceptables.

Enfin, la dimension des interactions avec les parents est la plus satisfaisante de toutes. On y relève toutefois que les informations destinées aux familles dans les garderies auraient avantage à être plus disponibles pour les parents.

M. Cloutier (Richard): Alors, cette étude, que nous avons choisie parce qu'un bon nombre de chercheurs québécois y ont participé du milieu de l'éducation à la petite enfance et du milieu psychologie du développement, cette étude nous permet d'affirmer que le niveau de qualité éducative des services de garde québécois a réellement besoin d'être soutenu, qu'il y a des bons scores, mais il y a aussi des lieux où il y a de la place pour l'amélioration et que les services ne pourraient subir une pression supplémentaire sans conséquences négatives. C'est dans ce contexte que nous formulons maintenant six observations entourant la transformation apportée par le projet de loi n° 124 et les changements de réglementation annoncés, donc six observations que nous allons nous partager entre nous en termes de formulation.

Première observation: le réseau s'apprête à vivre une transition organisationnelle majeure. Un des changements les plus importants proposés dans le projet de loi n° 124 consiste à déplacer la coordination des services en milieu familial depuis les CPE, comme nous les connaissons maintenant, vers des bureaux coordonnateurs de la garde en milieu familial. Ces bureaux n'existent pas actuellement et devront être mis en place. La diffusion de l'information dans la communauté à leur sujet, la planification de leur répartition, leur reconnaissance selon des critères annoncés, la réorientation des ressources humaines, le démarrage des bureaux, la mise en place d'un suivi en ce qui a trait à leur fonctionnement, la réaffectation des locaux, voilà autant d'exemples d'opérations nouvelles à assurer dans le contexte de la transition qui est annoncée. Les CPE, comme les services en milieu familial, n'y échapperont pas.

Une telle transition ne peut réussir sans des ressources supplémentaires spécifiquement destinées à soutenir le passage, l'adaptation aux changements. Dans le domaine des services de garde, lorsqu'une tension supplémentaire est imposée aux ressources disponibles, la qualité de l'offre faite aux enfants en subit les conséquences. Or, nous apprenons maintenant que non seulement le réseau n'aura pas de soutien spécifique pour l'accompagner dans cette transformation organisationnelle majeure, mais qu'il devra subir en même temps une coupure de l'ordre de 50 millions de dollars. Il nous apparaît que ce pairage d'une coupure avec la transformation organisationnelle est une erreur dont les enfants, les parents et le personnel éducatif vont faire les frais.

Mme Bouchard (Caroline): En ce qui a trait à notre deuxième observation, c'est-à-dire le soutien offert par les bureaux coordonnateurs, eh bien, tel qu'on vient de le mentionner, la restructuration de la garde en milieu familial passe par la création de bureaux coordonnateurs qui vont en assurer la gestion. Dans le projet de loi n° 124, il est précisé que le rôle de ces bureaux coordonnateurs va viser à soutenir la formation et le perfectionnement des RSG, à offrir un soutien pédagogique et spécialisé sur demande ainsi qu'à répartir les places subventionnées selon les besoins des parents. Nous sommes conscients de certains avantages que peut entraîner une telle mesure, notamment en ce qui a trait à l'atteinte d'une masse critique. Toutefois, nous voulons aussi vous exprimer nos craintes.

n (9 h 50) n

En fait, ce sont 130 bureaux coordonnateurs qui géreront en moyenne 107 107 RSG et 630 places en milieu familial. Dans ce contexte et au regard des responsabilités qui vont être conférées aux bureaux coordonnateurs, il faut assurer la garantie d'un minimum de soutien qui sera offert aux RSG. Nous nous interrogeons sur la signification de la mention «sur demande» qui est faite au regard du soutien. Dans quel délai les RSG pourront-elles bénéficier d'un soutien? Comment les trois visites annuelles obligatoires se répartiront-elles dans l'année? Les RSG qui accueillent les enfants en difficulté seront-elles privilégiées au regard du soutien qui est offert?

Nous anticipons que le report des réévaluations aux trois ans ne suffira pas pour identifier les besoins de soutien des RSG ou même d'effectuer un contrôle minimal de la qualité des services de garde en milieu familial. Comme l'ont souligné plusieurs études, le soutien offert aux RSG est essentiel au maintien de la qualité des services de garde éducatifs, en ce qu'il assure la poursuite du processus d'appropriation du programme éducatif et de ses applications. Il permet également une plus grande cohérence dans les interventions ainsi qu'une plus grande motivation et implication de la RGS dans son milieu. Sans un soutien suffisant, le milieu familial se retrouvera plus isolé, et les enfants aussi.

M. Moreau (Jacques): La troisième observation pose la question de la flexibilité par une pression accrue sur les ressources. Un des objectifs de la réforme des services de garde éducatifs par la réglementation en marge de la loi est d'augmenter la souplesse de l'offre faite aux parents. Même si les dispositions destinées à promouvoir une telle souplesse ne sont pas toutes connues, il semble que l'incitation à offrir des services selon des fenêtres temporelles plus grandes soit la principale avenue envisagée. En milieu familial, par exemple, nous savons que le service peut offrir une plage de 10 heures par jour, ce qui implique que la famille responsable du service familial peut accueillir des enfants pendant 50 heures par semaine. En plus de cela, la réglementation annoncée favorisera l'offre de la garde à la demi-journée, la garde intensive, la garde saisonnière, la garde à horaire non usuel, la garde pour une période de 48 heures, la garde d'enfants d'âge scolaire subventionnée et non subventionnée.

On indique que les responsables de services de garde en milieu familial seront libres d'offrir ou non ces options. La plupart de ces services de garde moins typiques sont déjà possibles. Enfin, ils ne sont pas interdits. On ne connaît pas encore la nature des incitatifs, mais on sait que cela se fera à partir de la même enveloppe financière, sans ajouter de l'argent pour motiver ces nouvelles plages d'ouverture. Il nous apparaît évident qu'une telle pression supplémentaire sur les RSG, sans soutien additionnel, constitue une menace à la dimension éducative du service de garde, sans parler des enjeux de sécurité simple que comporte, par exemple, l'accueil simultané d'enfants d'âge scolaire et de tout-petits dans une même ressource familiale.

La quatrième observation porte sur le vrai problème, qui est celui de l'accessibilité, qui se trouve dans les listes d'attente. En fait, la réforme envisagée dans la foulée du projet de loi et de la nouvelle réglementation se donne pour objectif d'augmenter l'accessibilité. Or, les mesures envisagées passent davantage par la souplesse de l'horaire de la garde que par une véritable attaque des listes d'attente, le premier locus du problème d'accessibilité à nos yeux. Si nous estimons louable l'objectif d'atteindre 200 000 places reconnues à court terme, le problème d'accessibilité se mesure avec le nombre d'usagers qui n'ont pas de services et qui sont en attente d'une place. Dans la mesure où les services de garde de qualité sont un levier éducatif significatif, force est de constater qu'une proportion trop grande des enfants en sont encore privés. Le seuil de 200 000 places devrait être une étape dans le parcours vers une véritable accessibilité et non pas un but. Merci.

M. Cloutier (Richard): Cinquième observation, le risque d'amplifier le manque d'équité par une pression accrue sur les ressources. Une des intentions importantes de la réforme projetée est de faire en sorte que chacun des partenaires des services de garde soit traité équitablement. Mme la ministre Théberge disait justement, dans son allocution du 29 octobre, devant l'assemblée générale annuelle de l'Association des éducatrices et éducateurs en milieu familial du Québec, elle disait: «Nous voulons qu'il n'y ait plus, dans le réseau, de partenaires mal aimés.» On peut se demander si la distance structurelle nouvelle qui séparera les services en installation de ceux offerts en milieu familial n'augmentera pas la différence de qualité éducative entre les zones de services. Étant donné les différences déjà reconnues sur le plan de la formation des éducatrices et de la programmation éducative d'une zone à l'autre, quels sont les dispositifs qui seront mis en place pour éviter que l'on ne s'enfonce dans un réseau à deux ou trois vitesses? Comment s'assurera-t-on que l'enfant reçoit des services de qualité comparable, sans égard au fait qu'il fréquente un service en installation à but lucratif ou sans but lucratif ou un service de garde en milieu familial? Dans le projet de transformation, on ne s'attaque pas à ces obstacles reliés à l'équité.

Si, dans le projet, on peut percevoir la volonté de mieux orienter le soutien disponible vers les services familiaux via des bureaux coordonnateurs vivant moins de morcellement ? avec, par exemple, le passage de 880 CPE qui coordonnent à environ 130 bureaux au total ? et atteignant une masse critique plus grande de services ? environ 107 RSG par bureau, donc plus ou moins 600 places à gérer ? on peut s'inquiéter du fait que ces changements ne seront pas accompagnés de ressources supplémentaires. Par conséquent, les milieux les mieux nantis seront vraisemblablement plus en mesure de faire face au stress de la transition que les zones plus défavorisées. Il est plausible de croire que les enfants de milieux défavorisés, déjà plus à risque, absorberont davantage de tension que ceux de milieux favorisés, sans qu'il y ait de mécanismes prévus pour compenser à cet impact différentiel du changement. L'équité ne peut être que desservie dans ce cas s'il n'y a pas de mesures compensatrices en fonction du niveau socioéconomique.

De même, face aux incitatifs destinés à promouvoir la souplesse des heures d'ouverture en milieu familial, nous pouvons anticiper que les actions qui seront mises de l'avant auront davantage d'impact sur les RSG moins favorisées et augmenteront la pression sur la qualité des services qu'elles offrent à leur clientèle, généralement moins favorisée aussi. Encore ici, l'équité dans la qualité des services ne peut être que desservie s'il n'y a pas de mesure compensatrice en fonction du niveau socioéconomique.

Mme Bouchard (Caroline): Enfin, la sixième observation concerne l'absence de législation concernant la formation. La formation, alliée au soutien, est un des principaux déterminants de la qualité des services de garde. Or, il est plutôt inquiétant de constater que le projet de loi n° 124, qui fait la promotion de la qualité, n'ait pas de mesures par rapport à la formation. Cette question est d'autant plus préoccupante si l'on considère les résultats de l'enquête Grandir en qualité, que Nathalie vient de nous présenter, qui démontrent que la formation des RSG est significativement corrélée avec la qualité de leurs services de garde. En outre, il a été démontré que, lorsque les RSG détenaient une formation de niveau postsecondaire dans le domaine de l'éducation à l'enfance, c'est-à-dire un niveau collégial ou universitaire, ces dernières offraient des services de qualité supérieure à celles qui n'en détenaient pas. Il a été aussi démontré que la formation continue semble contribuer à la hausse des niveaux de qualité offerts par les RSG. En effet, lorsque les RSG avaient suivi au moins 12 heures de formation dans l'année qui précédait l'enquête, leurs services de garde en milieu familial présentaient un niveau de qualité plus élevé que les RSG qui n'avaient pas suivi ce type de formation continue. En tant que professeurs auprès des RSG et psychologues du développement qui se préoccupent de l'impact de la formation sur l'éducation des enfants, nous souhaitons que des dispositions législatives entourant la formation des RSG soient entreprises.

M. Cloutier (Richard): Conclusion. Il nous apparaît que le projet de loi et la réglementation annoncée créeront une pression sur les services qui aura pour conséquence d'affecter négativement la qualité de la garde éducative à l'enfant. La réforme doit être accompagnée d'un soutien suffisant pour garantir la qualité à travers le changement mais ne doit surtout pas être accompagnée de coupures de ressources. Le projet de loi propose des avenues qui auront pour effet d'isoler davantage le milieu familial des CPE en installation, créant ainsi des services à plusieurs vitesses. Les études en développement de l'enfant nous montrent que la qualité de l'environnement est significativement associée à la qualité du développement du jeune enfant. Nous croyons que les mesures proposées sont susceptibles d'affecter de manière importante la qualité des services de garde dans les zones plus vulnérables en particulier, notamment en milieu familial et dans les milieux défavorisés.

Dans ce contexte sociodémographique actuel, les services de garde éducatifs à l'enfance représentent un acquis extrêmement important auprès duquel des investissements majeurs ont été consentis au Québec et continuent de l'être. La réforme importante que porte le projet de loi menace la valeur éducative fragile du réseau si elle n'est pas accompagnée de garanties sérieuses de protection de cette qualité. Les bénéfices importants de l'entente fédérale-provinciale récente sur les services de garde doivent être mis à contribution dans cette entreprise, selon nous. Sans de telles garanties, le projet nous semble aller dans la mauvaise direction. Merci de votre attention.

Le Président (M. Copeman): Merci, Pr Cloutier. Merci beaucoup pour votre discipline. Quatre professeurs qui sont capables de faire une présentation à l'intérieur du temps, c'est déjà une très bonne chose.

M. Cloutier (Richard): Seulement quand ils lisent leur texte.

M. Bouchard (Vachon): ...M. le Président.

n (10 heures) n

Le Président (M. Copeman): Oui, parfait. Mme la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine, à vous la parole pour débuter l'échange avec nos invités.

Mme Théberge: Merci, M. le Président. Alors, mesdames, messieurs, bonjour. Merci beaucoup de vous être joints à nous ce matin, dans le cadre de cette commission parlementaire là. Merci de vos commentaires surtout, qui se veulent à mon avis constructifs, interrogateurs à certains égards, et c'est normal. Et merci d'être là. Je pense qu'on partage quand même des éléments. Vous parlez beaucoup de la qualité et vous m'avez sans doute entendu parler, dans les derniers mois, que la qualité était fort importante. Et nous avons mis en place différents processus, ou mesures, ou mesures de soutien selon les étapes pour justement assurer une qualité optimale partout parce que, comme vous, nous avons une préoccupation évidemment des enfants. Et j'ai aimé quand vous avez dit: C'est pour les enfants, parce que c'est ce que j'ai dit en notes d'ouverture de la commission, vous vous rappellerez, que ce projet de loi là était fait en fonction des enfants et de soutenir les parents dans leur conciliation travail-famille, mais surtout s'assurer, au niveau des enfants, d'avoir en main les outils dans le fond pour, je dirais, accompagner les parents dans tout ça, mais en même temps s'assurer d'un développement, de dépistage parfois ? on a employé le mot «dépistage» ? de prévention également.

Et ça, c'est des mesures et des points qui sont importants pour moi, des éléments qui sont importants, et on veut s'assurer, tant par la loi que par les règlements qui vont suivre, qu'on va justement soutenir cette démarche-là. Et c'est important de savoir qu'il y a des règlements qui vont suivre une loi parce que c'est souvent dans la réglementation que l'on précise. Et c'est pourquoi dans le fond ce qu'on entend en commission parlementaire devient fort important, justement pour voir qu'est-ce qui devrait être précisé, de quelle façon, jusqu'à quelle hauteur, pour répondre aux attentes évidemment et des gens et des préoccupations que nous partageons.

Vous parlez aussi de mieux soutenir tout ce volet de qualité éducative, de mieux soutenir les personnes qui dispensent ces services aussi et vous semblez avoir une préoccupation par rapport aux bureaux coordonnateurs. J'aimerais vous entendre sur des pistes de solution. Vous dites: Est-ce qu'il y aura des ressources suffisantes, des ressources supplémentaires? Moi, j'aimerais vous poser la question: C'est quoi selon vous, un ratio d'encadrement? Et quels éléments ça devrait contenir pour être suffisant à votre avis à vous, selon l'expérience que vous avez?

M. Cloutier (Richard): Ce n'est pas un point qu'on a discuté entre nous. Je ne prétends pas représenter le groupe ni qui que ce soit, mais, si j'avais à donner mon opinion, personnellement, je ne pense pas que l'objectif de 130 soit une mauvaise idée. Je crois qu'effectivement, dans le passé, la place relative des services en milieu familial n'a pas été suffisamment protégée pour permettre une identité dans les CPE à la hauteur de leur poids démographique, si on veut parler comme ça, à l'intérieur du service de garde. Je pense qu'il y a un progrès à faire dans la place qui leur est reconnue. Il y a aussi un progrès à faire dans la protection de chaque dollar qui est destiné à leur réalité plutôt que d'avoir des vases communicants qui permettent des échappatoires parfois non anticipées mais réelles parfois, dans certains cas. Donc, l'idée de s'aligner un peu sur la structure des MRC puis d'avoir une masse critique garantie est intéressante.

Évidemment, immédiatement après, on se pose des questions sur le ratio. Est-ce que le ratio va être conservé? Est-ce qu'on va, si vous voulez, se servir de ces changements-là pour camoufler une diminution, même à ce niveau-là, sur le plan du soutien pédagogique? Et je pense que l'organisation des services de garde en milieu familial les rend vulnérables à l'isolement. Je pense qu'on n'a pas besoin d'être un spécialiste systémique pour se rendre compte que, quand vous avez une telle répartition, d'accord au niveau de l'échelle de chacune des familles, mais, en même temps, pour la cohérence, la concertation éducative, on doit faire des efforts supplémentaires que ce qu'on doit faire quand on a un nombre d'établissements plus restreint. Donc, ces bureaux-là doivent avoir une masse critique. Je pense que votre projet va dans cette direction-là, mais on doit protéger le ratio. On doit être en mesure de dire que, même si on est en Abitibi ou à Gaspé, ce ne sera pas encore un huitième de tâche d'une personne que le soutien pédagogique va constituer, que, oui, il va y avoir quelque chose de fait.

Puis en même temps, dans la même foulée, je pense, dans cette organisation-là, qu'on ne doit pas laisser au hasard, à la demande, comme on le fait dans une de nos observations, la question de ce soutien-là. Il faut que mutuellement les services en milieu familial, les ressources, les RSG s'attendent d'avoir un soutien, s'attendent de se savoir attendus aussi, c'est-à-dire que c'est leur rôle et leur devoir de signaler leurs besoins et de recevoir un soutien pédagogique conformément à un niveau cohérent convenu à l'intérieur des différents services. Et ça, tout ça, c'est menacé par l'isolement parce que les gens ne peuvent même pas savoir qu'est-ce que c'est qu'une convention minimale de formation ou d'attitude éducative. Par rapport à certaines difficultés qui peuvent se poser, il y a beaucoup de problématiques possibles qui peuvent être adressées, et toujours ça passe par la communication, ça passe par l'échange, ça passe par le bris de l'isolement. Donc, pour répondre à votre question, nous n'avons pas d'expérience dans ce secteur-là, mais je crois que s'aligner vers la répartition que nous connaissons dans le domaine des CLSC, dans le domaine des MRC par rapport à une masse critique où le tissu communautaire est peut-être plus aligné sur ça, et certainement pas 880 en tout cas, il y a un pas positif qui doit être fait. Mais, s'il n'y a pas de garantie de maintien d'une masse critique, je pense que c'est le contraire que ça va donner. Est-ce que vous avez...

Mme Bigras (Nathalie): J'ajouterais un commentaire par rapport à ça. Je pense que la question qu'il faut plutôt se poser pour établir un ratio... Parce qu'on n'a pas de données effectivement sur quel est le ratio qui favorise le plus la qualité. Évidemment, on peut émettre l'hypothèse que plus le ratio est faible, mieux c'est, hein? Donc, il faudrait peut-être tendre à un ratio plus faible.

Mais on pourrait se poser la question sous un autre angle: Combien de visites doivent être faites en fait de soutien annuellement pour favoriser une continuité dans le soutien? Parce que le soutien pédagogique, ce n'est pas seulement se rendre dans un milieu, et regarder ce qui se passe, et faire des animations avec l'éducatrice, c'est aussi donner du soutien à l'intervention, faire du coaching, faire du «modeling» de bons comportements. Et ça, ça demande une proximité, ça demande une relation de confiance et de complicité qui s'est établie entre la responsable du soutien à la pédagogie et l'éducatrice en milieu familial.

Alors, moi, je peux vous dire que, de façon anecdotique, j'ai des collègues qui m'ont déjà dit que ce qui était le plus utile, c'est lorsqu'elles pouvaient faire une visite par mois à chacune de leur RSG. Donc, si on calcule une visite par mois à chacune des RSG, bien calculons quel ratio ça donne, et ça nous donnera une bonne idée.

Mme Théberge: O.K. Dans les travaux que nous avons entrepris justement pour ce soutien-là, nous prévoyons... Je pense qu'on se rejoint beaucoup sur les préoccupations. Et en même temps ce qu'on prévoit, entre autres, c'est diviser ce qu'on appelle supervision de la fonction soutien, parce que présentement la situation actuelle, c'est que c'est souvent la même personne qui fait la supervision puis, à certains égards, c'est considéré un peu comme une police. Et celle qui fait le soutien et tout le «coaching» dont vous parlez, moi, j'ai tendance à croire que c'est une bonne chose de le faire comme ça, justement en maximisant effectivement les rencontres et je ne sais pas... Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Bigras (Nathalie): Je pense que vous mentionnez la différenciation entre le contrôle et la surveillance. Souvent, on nous mentionne que c'est préférable effectivement que ce ne soit pas la même personne qui adopte ou applique les mesures de contrôle versus les mesures de surveillance. Toutefois, ma crainte au niveau de la séparation de ces deux fonctions-là référerait plutôt à un autre document qui a été soumis à ma consultation la semaine dernière concernant les nouveaux termes qu'on va utiliser pour classer les emplois, et je suis un petit peu inquiète quant à l'utilisation d'une fonction de contrôle qui serait reliée à une formation qui ne serait pas en pédagogie. Je pense que, même si une personne fait du contrôle, elle devrait avoir une bonne formation de base en pédagogie également parce que le contrôle, lorsqu'on le met en place, ouvre la porte à donner aussi du soutien. Donc, si la personne a simplement un D.E.C. en sciences humaines ou en techniques administratives puis qu'elle applique... elle coche des éléments, la porte est ouverte, là, pour commencer à donner du soutien. Mais, si elle n'a pas cette formation-là, ça risque de ne pas autant servir que si on a quelqu'un qui est conscient ou en tout cas qui a des connaissances dans ce domaine-là. Ça fait qu'à ce niveau-là, oui, on sépare les deux fonctions, mais on devrait s'assurer à mon avis que, pour les deux fonctions, les gens possèdent les mêmes qualifications, qui à mon avis devraient être de niveau universitaire.n(10 h 10)n

M. Cloutier (Richard): Est-ce que je peux me permettre d'ajouter quelque chose à ce sujet-là? Enfin, il me semble que la complémentarité entre les deux rôles doit être protégée. Si le contrôle est considéré comme un flic d'un côté puis il est isolé dans ce rôle-là sans qu'il y ait de complémentarité, de passerelle avec des objectifs d'amélioration, des objectifs de formation, dans le contexte de la gérance d'un agrément, il va y avoir une espèce de menace d'un côté puis de soutien non intégré, alors qu'au contraire je crois que la dimension évaluative doit être quelque chose qui est approprié par les services en milieu familial. C'est quelque chose qui continue d'être menaçant pour toutes sortes de raisons. Je pense que, s'il y a plus peut-être de droit de parole ou de participation qui leur est confié, ça va peut-être améliorer cette attitude-là, mais je pense qu'on ne peut pas éviter le fait... Bon, les RSG doivent être conscientes qu'on ne peut pas éviter le fait qu'on a des forces, qu'on a des faiblesses, puis qu'on doit confronter une évaluation, puis que cette évaluation-là doit être un plan de match pour l'amélioration, n'est-ce pas, que c'est une logique qui est adoptée de plus en plus par les établissements mais aussi par les intervenants.

Et je pense que, dans le milieu des services de garde à l'enfance, il doit y avoir un bout de chemin qui soit fait là-dessus. Et le message doit être clair, il n'y aura pas des flics d'un côté puis des pédagogues de l'autre, mais des gens qui connaissent les enfants de part et d'autre et qui peuvent, avec le concours volontaire et non pas subi passivement, là, des services eux-mêmes, qui devraient avoir un droit de parole dans l'évaluation, une rétroaction par rapport à leurs forces et à leurs faiblesses, définir un plan d'amélioration qui interpelle le soutien pédagogique, donc. Donc, oui, une distinction, mais protéger la complémentarité de ces fonctions-là.

Mme Théberge: Vous avez tout à fait raison quand vous dites qu'il faut qu'il y ait des passerelles dans le fond parce qu'on veut faire en sorte que ce soient des équipes multidisciplinaires qui apportent un soutien spécifique à certains égards, régulier aussi. Le «sur demande» fait référence à: sur demande, on peut avoir plus ou on peut avoir autrement, ou quelque chose de spécifique, évidemment. On a quelques groupes qui nous l'ont noté. On verra de quelle façon ça peut être libellé pour vraiment répondre... l'esprit de ce qu'on voulait offrir, en fait, là. Mais vous avez raison quand vous dites dans le fond, là... au niveau des passerelles entre les gens. La difficulté qu'on aura peut-être... Vous faisiez référence au document de consultation que vous avez eu, c'était un document justement de consultation pour voir quelle est la meilleure façon de le dire et de décrire pour s'assurer que le mandat dans le fond est compris par tout le monde et que tout le monde, je pense, fait un travail en complémentarité.

Maintenant, j'aimerais vous entendre un peu sur l'accessibilité. Je vais juste revenir en arrière, deux secondes. Évidemment, tout ce soutien-là et ce travail qu'on demande dans le fond de complémentarité d'action, on le demande à tous les gens des services de garde et non seulement au réseau en milieu familial, tout ce monde doit avoir la même préoccupation.

Sur l'accessibilité, nous devons, nous, comme ministère au service de parents qui ont besoin de services éducatifs, faire en sorte de trouver le juste équilibre entre l'offre et la demande, de faire en sorte dans le fond que les parents aient réponse à leurs besoins si besoin ? il n'y a pas d'obligation ? et aussi faire en sorte que les personnes qui dispensent les services le fassent de façon adéquate, évidemment, en réponse à ce qu'ils veulent offrir.

Et je veux aussi vous rassurer tout de suite en partant, il n'a jamais été question ? et au contraire on va travailler à le prévenir ? que les enfants demeurent en services de garde de façon illimitée. Tout ça, ça, c'est très, très loin, ce n'est même pas dans notre pensée, je vous dirais, et c'est de trouver, pour nous, le juste équilibre entre, comme je vous dis, le besoin des parents, une offre potentielle, ponctuelle à certains endroits.

Quel est selon vous... soit des pistes de solution, ou des suggestions, ou des écueils auxquels on devra faire attention?

M. Cloutier (Richard): Dans notre petit mémoire, on dit: Le vrai problème d'accessibilité se trouve dans les listes d'attente plus que dans les horaires. Au fond, c'est ce qu'on veut dire. On sait, parce qu'on en est témoins depuis plusieurs années maintenant, que, quand on demande aux parents qu'est-ce qu'ils souhaiteraient améliorer dans le système, souvent on entend: Plus d'heures d'ouverture. Et, bon, je pense que le ministère, à cet égard-là, doit entendre ça mais doit aussi être le gardien du principal client que l'enfant représente.

Dans des travaux qu'on n'a pas mentionnés ici, sur l'organisation de ce qui est offert à l'enfant à l'intérieur de l'horaire dans lequel il s'inscrit, on se rend compte que très souvent il y a des périodes d'attente, même en établissement, il y a des périodes où on attend que le groupe se compose, et que les enfants qui arrivent très tôt attendent, en termes de cumul au bout de la semaine, attendent que le programme commence dans la garderie, c'est-à-dire que les groupes soient constitués, beaucoup plus longtemps que ceux qui arrivent tard. Je donne ça comme exemple pour vous dire qu'un service de garde en établissement, mieux protégé pour offrir un programme structuré puis anticipé qu'un milieu familial déjà, n'est-ce pas, vit déjà lui-même des flottements, de sorte que, s'il y a un gros écart entre le départ, en fin d'après-midi, et l'arrivée, il y a un bloc considérablement réduit d'heures où il y a, si vous voulez, une gouvernance pédagogique à l'intérieur des murs. Autrement, on est en attente ou on est en jeu libre. O.K.? Bon.

En milieu familial, vous savez que, si on dit que la qualité ? puis c'est difficile de penser autrement; que la qualité ? passe par un minimum d'encadrement de ce que vit l'enfant plutôt que le mettre devant la télé puis d'attendre que l'heure passe, en sécurité, je pense qu'il y a un minimum d'encadrement qui doit être consenti à l'enfant. Les extras en termes d'horaire, les prolongations risquent de donner une pression négative à ce qui est offert à l'enfant. L'enfant va être en gardiennage, en parking davantage, d'autant plus que, dans le milieu familial, on est en prolongation, on est dans un système atypique.

Nous pensons que le problème d'accessibilité, c'est les listes d'attente, mais, à l'intérieur de la plage horaire, nous pensons que la pression que peut supporter une RSG dans l'ouverture de son domicile intime à la venue d'enfants a des limites puis qu'au-delà d'un certain seuil, surtout dans les milieux qui ont besoin d'argent puis qui vont être plus peut-être sensibles aux incitatifs à ouvrir plus longtemps puis plus tôt, hein, ces milieux-là sont encore plus vulnérables au fait d'offrir à l'enfant quelque chose qui n'est pas encadré, qui est inscrit à l'intérieur de d'autres préoccupations, et à ce moment-là on ne parle plus de services éducatifs. On parle de services peut-être sécuritaires, mais il s'agit de gardiennage pur et simple. C'est notre crainte. Bon.

Ceci étant dit, je n'ai pas parlé de la liste d'attente, c'est un autre sujet. Puis le 200 000 ne règle pas la liste d'attente, vous le savez mieux que moi, Mme la ministre. Il faut se mettre en progrès puis annoncer des perspectives dans cette perspective-là. Mais je pense que la réussite que le réseau constitue actuellement a passé par l'extraordinaire coup de barre que vous avez mis pour s'attaquer aux listes d'attente. Puis on ne lâche pas les listes d'attente, mais je pense qu'il y a un danger de dilution de la qualité dans l'ouverture de plages horaires plus grandes, et ça, le milieu familial est très vulnérable.

Mme Théberge: Moi, ce que j'entends, quand les gens disent plus d'heures, souvent ce n'est pas nécessairement 14, 15 heures. Au contraire, des fois, c'est l'heure de plus ou l'heure déplacée aussi du fait des horaires de travail, parce que tout le monde ne travaille pas de 9 à 5 ou de 8 à 4. C'est dans ce sens-là et c'est de trouver justement la bonne façon pour répondre. Puis ce n'est pas tout le monde non plus. Honnêtement, je l'ai dit à plusieurs reprises, plusieurs services de garde, ça ne changera rien à leur vie parce que le service répond tout à fait aux besoins des parents qu'ils desservent, tout ça. Puis c'est ponctuellement, c'est de trouver la bonne façon.

Puis, je vous dirais, à l'autre bout de ce spectre-là, vous parliez de laisser les enfants trop longtemps, mais, quand il y a comme une obligation ou les gens se sentent obligés de laisser l'enfant trop longtemps en services de garde soit pour ne pas perdre une place ou pour garder leur priorité, à mon avis ce n'est pas mieux non plus. L'enfant qui pourrait passer qu'une demi-journée par jour, par exemple, le fait toute la journée à cause de cette préoccupation-là. Voyez-vous dans quel dilemme on est?

M. Cloutier (Richard): Ce n'est pas facile. Mais, comme il n'y a pas un seul enfant dans une ressource de type familial, la ressource va composer avec l'ensemble, vous voyez. Alors, si on ouvre pour un enfant dont les parents travaillent plus tard, forcément le domicile va être ouvert lui-même, vous voyez. S'il n'y avait qu'un seul enfant dans le milieu, on pourrait déplacer tout l'horaire. Mais, aussitôt qu'il y en a un qui a des besoins particuliers, c'est tout le système qui doit lui faire face et rester ouvert plus longtemps, n'est-ce pas?

Mme Théberge: L'autre aspect, au niveau... Je ne sais pas s'il y a des collègues qui ont des questions, par exemple. Je ne voudrais pas... Est-ce que vous voulez poser une question?

M. Paquin: Bien, j'aurais une petite question, oui.

Mme Théberge: Une question, oui. Pour ne pas... Il reste...

Le Président (M. Copeman): Il reste deux minutes.

Mme Théberge: Ah! O.K. Il reste deux minutes. Bien, en fait, ce n'est peut-être pas assez de temps pour le sujet, c'est au niveau des milieux défavorisés. Vous parlez beaucoup de ça. On a des mesures particulières qui accompagnent tout ça, mais quelles seraient les préoccupations majeures que vous avez à cet égard, au niveau soit du soutien particulier aux enfants, ou des approches, ou... Remarquez, je vous donne 30 secondes pour répondre, ce n'est pas très... Je n'ai pas vu le temps passer.

Mme Bigras (Nathalie): Je pense qu'il y a de multiples façons d'intervenir. Il n'y aurait pas qu'une solution, il devrait y en avoir plusieurs. En premier lieu, je pense que les CPE et le volet familial qui sont situés dans des milieux défavorisés reconnus, là, tu sais, dans un environnement, dans une communauté défavorisée, devraient être particulièrement identifiés et soutenus par des mesures financières adéquates. Déjà, il y a des partenariats qui sont établis avec les CLSC, avec le réseau de la santé et des services sociaux, mais on sait très bien que, lorsqu'on se retrouve avec des clientèles plus défavorisées, il y a des enfants qui doivent être soutenus davantage, des familles qui doivent être soutenues davantage, et le service de garde n'a pas ces ressources-là. Les éducatrices et les RSG n'ont pas les connaissances pour donner des services spécialisés, donc doivent se greffer beaucoup d'intervenants. Mais, pour greffer tous ces intervenants-là, ça prend du temps. Ils doivent avoir du temps pour se rencontrer, du temps de disponibilité pour faire des rencontres, pour faire des plans d'intervention.

n(10 h 20)n

Donc, je pense qu'on devrait penser à des moments, à des budgets alloués spécifiquement à des rencontres multidisciplinaires avec les différents intervenants pour allouer du temps. Ça, c'est une avenue qui serait à développer. Il y aurait aussi probablement la formation des gens qui sont affectés à ces milieux-là. Je pense qu'on devrait penser ? et puis ça rejoint notre dernier point ? on devrait sérieusement penser à hausser progressivement le niveau de formation minimal qui est exigé des RSG pour qu'elles soient mieux formées à intervenir auprès de ces enfants-là.

Le Président (M. Copeman): Merci. Malheureusement, c'est tout le temps qui est imparti. Alors, M. le député de Vachon et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi, solidarité sociale et famille.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Pr Cloutier, Pr Bigras, Pr Bouchard, Pr Moreau. J'ai beaucoup de points à couvrir avec vous. Comme vous avez pu voir, en bonne compagnie, le temps passe vite. Alors, j'ai peut-être quatre, cinq points, là: un sur la validité de la qualité du jugement que vous portez sur les environnements que vous mesurez; deux, la question des zones que vous avez... C'est la première fois qu'on entend le concept de zone, là. J'imagine que vous faites référence aux trois types de garde, là, CPE, bureaux coordonnateurs et garderies à but lucratif. Mais j'aimerais revenir là-dessus, notamment sur la question de la création d'un système qui pourrait être à deux ou trois vitesses. Troisièmement, toute la question de l'évaluation du système, que vous n'évoquez pas directement dans votre mémoire mais qui a été évoquée par le Conseil de la famille et de l'enfance. Quatrièmement, la question des milieux défavorisés, qui vient d'être évoquée.

Alors, sachant cela, je pense qu'on va essayer de... Moi, je vais tenter de raccourcir mes questions, si vous pouvez aussi tenter de raccourcir les réponses, pour qu'on puisse couvrir tout le champ parce qu'il y a beaucoup à dire, beaucoup à faire. Puis je vous remercie beaucoup de votre contribution. J'ai écouté déjà ce que vous avez à dire, et je trouve qu'on est dans des zones de développement et d'amélioration, et on va tenter d'aller dans cette direction-là.

Mais en premier lieu la question de la validité de votre jugement. Mme D'Amours, hier, de l'Association des éducateurs, éducatrices en milieu familial, s'est montrée très critique par rapport à la validité des mesures que vous avez utilisées pour évaluer les milieux familiaux et elle a dit, et je la cite: «Lorsque le mandat de l'enquête sur la qualité a été confié à l'Institut de la statistique du Québec, notre organisation a été invitée à agir à titre d'expert-conseil pour les grilles. Malheureusement, après un [effort de] lobbying des réseaux d'associations de centres de la petite enfance, notre expertise a été rejetée de leur comité de conseil d'experts. Alors, on s'est privé de notre expertise, on s'est privé de l'opportunité que nous avions d'expliquer les différentes caractéristiques et les distinctions de notre milieu.»

Et elle poursuivait en disant: «...si tout le monde avait fait une lecture prudente de ce qu'on peut en tirer ? elle parle des études ? ce serait bien. Mais [...] on s'est permis des jugements de valeur, [...]par catégories, malheureusement on a complètement sorti le contexte du contenu, et ça fait que le milieu familial a été excessivement désavantagé et par la procédure d'enquête et, pire, par la promotion des résultats.»

J'aimerais vous demander votre réaction à cela parce que, dans le fond, c'est une accusation assez grave, là, envers l'ISPQ, qui aurait cédé à un lobby. Alors, j'aimerais clarifier la situation parce que c'est trop important sur la place publique, la contribution que peuvent faire les chercheurs et que peut faire l'ISPQ dans des circonstances semblables. Et, s'il y a des doutes quant à la validité de la démarche, ce ne serait pas un plus, là, pour l'ensemble de la collectivité. Alors, je vous écoute, il y a sans doute des nuances à apporter en quelque part.

Mme Bigras (Nathalie): Je vais répondre en partie à votre question. Moi, j'ai été impliquée dans l'enquête au niveau du comité aviseur après le moment où les grilles avaient été créées. Donc, je suis arrivée un petit peu plus tard, mais j'ai posé des questions à l'entourage qui était là au départ. Et ce qu'on m'a répondu, c'est que les gens de l'Association des éducatrices et éducateurs en milieu familial avaient été, oui, au début, au tout début du processus, il semblerait, oubliés. Mais rapidement l'Institut se serait repris, aurait réinvité les gens, et ils se seraient impliqués dès le départ dans le processus de la création des grilles.

Évidemment, je parle au conditionnel parce que je n'étais pas là, à ce moment-là. Je peux vous dire qu'à partir du moment où, moi, j'ai été invitée à titre de chercheur externe à participer à cette enquête-là... Donc, je suis arrivée au comité aviseur à l'automne 2002, le groupe était déjà constitué. Les rencontres du comité aviseur étaient régulières, les gens de tous les groupes de pression étaient invités régulièrement, mais je n'ai pas vu souvent les représentants à cette table-là de ce lieu-là. Donc, ils ne s'y sont peut-être pas toujours présentés.

Ensuite, si on veut traiter de la question de tenir compte de leurs commentaires, évidemment le focus de cette enquête-là était évaluer le niveau d'appropriation du programme éducatif des centres de la petite enfance. Donc, les fondements théoriques de la création des échelles devaient être autour du programme éducatif. Il semblerait que les gens du volet familial ne se soient pas sentis partie prenante de cela. À ce moment-là, c'est une autre question. Mais, nous, on a évalué le niveau d'appropriation du programme éducatif, alors on peut dire avec cette enquête-là: Voilà le niveau d'appropriation du volet familial, du volet installation et des garderies.

J'aimerais réagir par contre à l'aspect de la promotion des résultats, qui aurait été faite de façon désavantageuse, parce que, là, je me sens concernée, parce que je suis une des principales personnes qui a fait les présentations de ces résultats à travers le Québec. Je peux vous dire que, chaque fois qu'on a fait ces présentations-là, on a été toujours très respectueux du volet familial autant que du volet installation, et ce qu'on faisait ressortir, c'est justement: Voyez donc, le volet familial se classe mieux que les garderies privées, qui reçoivent presque autant de financement que les installations. Donc, voyez, même s'il y a des lacunes, même s'il y a des choses à développer, vous êtes plus fortes. On a tenté de faire ressortir les forces beaucoup plus que les faiblesses et les limites. D'un point de vue appropriation des milieux, on ne nous a pas téléphoné ensuite dans ces associations-là pour venir spécifiquement leur présenter les résultats. Et, s'il y aurait quelque chose à refaire par rapport à ça, c'est peut-être de s'assurer que les RSG à travers le Québec entendent ces résultats-là, ce qu'ils n'ont pas entendu, il semblerait.

M. Bouchard (Vachon): Très bien. Merci.

M. Cloutier (Richard): Si je peux me permettre de faire peut-être le lien même avec la question des zones à deux, trois vitesses, je pense qu'il faut constater ? puis moi, comme chercheur, j'en suis; il faut constater ? qu'on n'a pas réussi à apprivoiser le monde familial dans une perspective de mobilisation vers la recherche, vers l'amélioration, puis on en est encore beaucoup trop peut-être au stade où, quand on parle de formation, on nous voit venir avec notre grille universitaire ou cégépienne, avec des indicateurs qui ne sont pas de la nature de cette réalité-là, et je pense qu'il y a un bout de chemin qui n'est pas fait encore. Et en matière de recherche simplement, si vous faites une recherche bibliographique sur ce qui a été fait sur les services en milieu familial, qui sont devenus le plus gros morceau du réseau québécois, là, il ne faut pas oublier ça, bien ce plus gros morceau là, là, est complètement décalé par rapport aux recherches dont il bénéficie pour s'améliorer et aussi pour décrire sa spécificité.

Donc, si vous me disiez: Quels sont les indicateurs spécifiques à l'environnement familial que vous pouvez utiliser en recherche?, je serais pas mal plus en panne. Je sais que c'est le même enfant, je sais que c'est le même développement d'enfant, que, quand on parle de qualité éducative, on ne parle pas juste de sécurité physique, intégrité physique, n'est-ce pas, on sait ça, mais, à partir de ce moment-là, on est tous d'accord pour dire que l'écologie qui est offerte à l'enfant est différente et qu'on doit s'inspirer peut-être d'autres modèles. On a un bout de chemin à faire là-dedans.

Dans une réforme comme celle-ci, d'un réseau considérable où il y a beaucoup d'argent qui a été investi, la protection du développement... du R & D, R and D, R & D, du côté familial, devrait être quelque chose sur lequel on se penche parce que la plus grosse partie du réseau ne peut pas être négligée puis traitée à l'aune de la grille d'établissement seulement. C'est vrai qu'il y a des différences, c'est vrai que la recherche a été... Pour toutes sortes de raisons ? on pourrait s'envoyer la balle; mais ? la recherche a été beaucoup moins active de ce côté-là, mais c'est devenu le principal lieu, et ça peut menacer la question des zones. Puis actuellement l'organisationnel, qui change, va faire un clivage encore plus grand entre les établissements, de sorte qu'un parent judicieux, aujourd'hui, avec les indicateurs dont on dispose, dirait: Moi, j'envoie mon enfant en établissement pour telle, telle, telle raison, parce qu'il y a moins de risques. Sachant qu'il y a d'excellents puis de peut-être meilleurs même, en milieu familial, services de garde, c'est une zone qui est plus vulnérable parce que moins connectée, plus morcelée, moins cohérente, donc qui offre moins de garanties à l'enfant et à sa famille. Donc...

n(10 h 30)n

M. Bouchard (Vachon): Très bien. Alors, merci, parce que nous voilà donc dans une zone, comme vous l'appelez, qui est désormais plus évidente à se représenter. Ce que je conclus de votre intervention, c'est qu'il pourrait y avoir une amélioration à la fois des méthodologies et de la collaboration avec le milieu familial, un investissement plus grand en recherche. En même temps, je retiens aussi que l'hypothèse d'une marginalisation est très loin des pratiques que les chercheurs adoptent vis-à-vis le milieu familial. Autrement dit, on est dans le domaine historique, on est dans le domaine du développement de la recherche.

Ce que j'aimerais poursuivre avec vous, c'est l'idée de l'évaluation du système de services de garde en mode de changement. Le Conseil de la famille et de l'enfance a fait une recommandation explicite, hier, d'ajouter un volet important à la réforme, à savoir l'évaluation continue du système. Vous ne l'évoquez pas dans votre mémoire directement, mais en même temps vous dites: le système ne peut changer sans des ressources supplémentaires. Je comprends que, du point de vue des chercheurs, demander des ressources de recherche supplémentaires, ça a l'air un peu corporatiste, et je comprendrais votre petite gêne, là. Mais en même temps...

M. Cloutier (Richard): Vous pourrez faire la recherche vous-même si vous voulez.

M. Bouchard (Vachon): Mais en même temps, très rapidement, pouvez-vous commenter cette suggestion du conseil?

M. Cloutier (Richard): Avec plaisir. Puis on ne l'a pas fait parce qu'à un moment donné il faut faire un focus sur quelque chose, et on a focussé sur la qualité. Mais ça, c'est vraiment très proche de la qualité. En effet, on aurait pu le faire. Je vois autour, ici, des acteurs qui, j'en suis persuadé, sont convaincus qu'une évaluation ou une conscience du changement sans information, c'est absolument impossible. La gestion de l'information, dans ce qui s'en vient, mais la gestion de l'information sur les nombreuses... enfin les nombreuses entités du système, dans les nouveaux bureaux notamment, ne sera pas possible s'il n'y a pas un partage d'un tableau de bord commun.

Je vois M. Lamarche qui est ici, qui a été important dans l'émergence de ce nouveau projet, qui a une expérience au niveau des centres jeunesse, qui a été un acteur très important dans la valorisation de l'information dans la gestion du risque. Mais on ne peut pas savoir où est-ce qu'on en est avec le réseau, que ce soit en établissement ou en milieu familial, si on n'a pas un partage d'information. Comment voulez-vous coordonner 600 places en garderie si vous n'avez pas un tableau de bord qui est comparable? Et comment voulez-vous parler à votre autre partenaire, qui est un des autres 130 bureaux, si vous n'avez pas une transférabilité de vos données, si vous n'appelez pas les choses de la même façon, un chat est un chat, etc.?

Donc, effectivement, le volet informationnel, dans le changement, doit absolument être protégé. Puis je pense qu'au niveau du ministère il y a une nécessité d'avoir une cohérence sur le plan de la reddition de comptes, cette reddition de comptes que nous n'avons pas pointée mais qui est absolument centrale. Idéalement, je vous dis, ça prend absolument un système informatique partagé par tout le monde avec des paramètres, des indicateurs que tout le monde s'engage à compléter de la même façon. Et ça, c'est sûr que ça ne se fera pas gratuitement, mais c'est très payant en termes de retour à très court terme d'ailleurs, même pour la gouvernance du ministère.

M. Bouchard (Vachon): J'aimerais revenir sur la question du développement de trois réseaux, qui serait à vitesse variable. D'une part, vous vous montrez sympathique à l'idée d'un redécoupage territorial qui se reflète dans le projet de loi par la construction d'un nouveau réseau de bureaux coordonnateurs au nombre de 130. Plusieurs des gens qui viennent témoigner devant nous se désolent du fait qu'on crée désormais un mur entre les CPE-installation et les services de garde en milieu familial. Je comprends de votre préoccupation, et lorsque vous avez parlé de système à deux ou trois vitesses, que vous avez la même inquiétude ou la même préoccupation. Ou est-ce que je me trompe?

M. Cloutier (Richard): Non. On a la même préoccupation. C'est certain que, sur le plan systémique, le fait de sortir la coordination des CPE, ça va peut-être avoir des avantages sur le plan de la masse critique si numériquement ça diminue, ça va peut-être avoir des avantages sur l'identité du réseau, mais le pont est à construire totalement. Parce que c'est certain qu'il y a une distanciation, il y a un différentiel qui va s'amener, qu'on ne peut pas prévoir dans son détail et maintenant, mais qui est absolument incontournable. C'est sûr que ça va faire ça.

La question que vous posez est très intéressante: Qu'est-ce qu'on va faire pour maintenir une offre comparable, en termes de qualité, au niveau des établissements comme au niveau... Par rapport aux parents, par exemple, qu'est-ce qu'on va avoir comme garantie pour dire aux parents: Que vous placiez votre enfant en milieu familial ou en établissement, vous êtes certains d'atteindre un niveau de qualité que nous garantissons comme ministère? Ça, le pont est à faire. Et la transférabilité des contextes, des données, des informations, de l'évaluation, puis l'acceptation, de part et d'autre, des mêmes paramètres de mesure de ce qui est offert à l'enfant, ça reste à faire. Ce n'est pas encore fait.

M. Bouchard (Vachon): Je ne veux pas confronter les chercheurs à une boule de cristal, là, mais laquelle des parties du réseau vous inquiète le plus dans la transformation?

M. Cloutier (Richard): La plus vulnérable...

Mme Bigras (Nathalie): Le volet familial.

M. Bouchard (Vachon): Ah oui?

Mme Bigras (Nathalie): Oui.

M. Cloutier (Richard): Bien oui. Même si l'autre va se plaindre beaucoup de perdre, puis c'est vrai qu'il va perdre parce qu'il perd un rôle important des établissements, les établissements sont mieux protégés par leur réalité, et par leur histoire, et par la formation de leurs acteurs, et par les règles qui sont convenues, parce que c'est un milieu qui se parle. Par définition, on ne peut pas ne pas se parler en établissement, alors que des réseaux... un réseau familial beaucoup plus morcelé ne se parle pas nécessairement.

Alors, effectivement, le milieu familial, puis le milieu familial qui a en même temps un bout de chemin à faire dans la prise de conscience de son chemin à parcourir. Il ne suffit pas d'aimer les enfants puis d'avoir une expérience familiale réussie pour dire qu'on va offrir un environnement riche et stimulant pour les enfants qu'on accueille.

Mme Bigras (Nathalie): Puis, à ce niveau-là, on peut se ramener à l'histoire. Lorsqu'on a commencé le réseau des garderies, à l'époque des projets PIL, il n'y avait pas une seule éducatrice qui était formée. Et au début il y avait des manifestations pour ne pas... Lorsque les formations ont été imposées, il y a eu des manifestations pour refuser ces formations-là. Donc, on est peut-être à ce tournant-là pour les responsables de services de garde en milieux familiaux. Mais je pense que c'est vers ça qu'on devrait s'en aller pour s'assurer que le réseau en tout cas ne soit pas à deux vitesses.

M. Bouchard (Vachon): Alors, écoutez, moi, j'ai peut-être une autre perspective un peu. J'ai comme l'impression qu'on se dirige vers un système à vitesse réduite partout parce que... Et, selon ce que vous affirmez, nous allons vers une réforme qui ne sera pas soutenue financièrement de façon adéquate.

La menace est très grande aussi sur les CPE à mon avis parce que, bien que les interactions entre les éducatrices et la direction de l'installation soient en soi un outil d'appui et de soutien entre les personnes, il reste que leur fonction en matière de dépistage, de participation à des projets de prévention dans la communauté, avec les autres acteurs... Et en même temps il reste que leur accès à une expertise de soutien pédagogique peut être très, très, très fortement diminué, affaibli dans une réforme qui ne compterait pas les ressources nécessaires.

Et, parlant de ressources nécessaires, je vous demande d'aller un petit peu plus loin concernant toute la question des préoccupations que vous avez évoquées en regard des milieux défavorisés. On sait très bien que, si on parle d'une diminution des ressources... Vous parlez de 50 millions, puis il faut ajouter à ça les dépenses encourues par la réforme elle-même, puis il faut ajouter à ça aussi l'annualisation des places, il faut ajouter à ça aussi le respect des échelles salariales. Donc, les coûts de système... Si on veut rester dans la même enveloppe budgétaire quelque part, ce qui s'annonce encore, là, c'est sans doute des compressions et des coupures. Il y a des équations qui sont faciles à faire, éventuellement.

Mais, pour les milieux défavorisés, ce que vous évoquez m'inquiète énormément. D'abord, un, comment arriverait-on, dans un contexte de conciliation famille-travail, à encourager davantage la fréquentation des enfants de milieux défavorisés des services de garde, notamment des installations? Parce qu'il y a une sous-représentation des enfants de milieux défavorisés apparemment, maintenant. On n'a pas réussi à connecter directement les enfants et leurs familles à des ressources pour lesquelles ils pourraient tirer grand profit, très souvent. Comment peut-on y arriver?

Deuxièmement, comment arrive-t-on à créer des milieux de garde, dans les milieux plus défavorisés, qui soient plus riches et plus performants que tous les autres, étant donné la compensation qu'on doit injecter dans le milieu pour arriver à rehausser considérablement le niveau, l'environnement de l'enfant et du parent?

J'aimerais vous écouter là-dessus parce qu'il me semble que... Et, si on regarde, là, un Québec digne ? oui, ce ne sera pas long; un Québec digne ? des enfants...

Le Président (M. Copeman): Vous souhaitez qu'on les écoute, nos invités, il faudrait terminer, parce qu'il reste quelques secondes.

n(10 h 40)n

M. Bouchard (Vachon): Oui. J'aurais aimé ça être averti à deux minutes. Mais est-ce que vous pouvez nous donner quelques informations, quelques bribes de réflexion là-dessus?

Le Président (M. Copeman): En une minute.

Mme Bigras (Nathalie): Jacques va y aller, je pense.

M. Moreau (Jacques): Bien, écoutez, il y aurait plusieurs réponses à formuler. Il y a peut-être plusieurs options. Rapidement, puisque le temps nous est compté. Peut-être qu'une solution serait dans un ratio différentiel pour ces environnements-là, c'est-à-dire que, les besoins des enfants étant plus grands dans des environnements défavorisés et les besoins des parents également, peut-être qu'il faudrait réfléchir sérieusement à ce que le ratio RSG-enfants, ou RSG-bureaux coordonnateurs, ou éducatrices et conseillères pédagogiques soit supérieur dans ces environnements-là.

Deux, il faudrait probablement envisager de respecter le programme éducatif comme il est présentement et de... Je me questionne sérieusement quant à la dérive vers une démarche éducative. Quand on regarde, dans le dictionnaire, la définition de «démarche», on parle de manière de marcher, de processus. C'est une définition qui est large. Quand on parle de programme, on parle de contenu, de matières d'un cours à livrer. Je pense que la définition est très claire ici. Et, quand on parle de programme éducatif, ça veut dire qu'on veut livrer des services éducatifs, surtout pour des enfants qui vivent dans des contextes difficiles, qui vivent probablement des retards de développement ou des difficultés de développement déjà dépistés, et qui vont faire en sorte que, si on ne s'en occupe pas adéquatement, ils vont se retrouver dans des situations où ils vont être mal préparés pour répondre au curriculum de l'école, et là les problèmes vont s'alourdir pour ces enfants-là, leurs parents et leurs familles.

Donc, il faut développer des communautés, davantage de CPE en installation, dans ces communautés-là, mieux ancrés dans les communautés et mieux soutenus, tant sur le plan de la pédagogie que sur le plan financier.

M. Cloutier (Richard): Ça, ça décrit l'espèce de course à la place aussi qui est un chinois pour plein de gens qui se découragent de trouver une place puis qui abandonnent parce que c'est trop compliqué, compte tenu qu'il faut faire application dans une multitude de milieux différents.

Le Président (M. Copeman): Malheureusement, nous avons déjà dépassé le temps imparti. Prs Cloutier, Bigras, Moreau et Bouchard, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire.

J'invite immédiatement les représentants de la Confédération des syndicats nationaux à prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): Alors, c'est avec plaisir que la commission reçoit les représentantes de la Confédération des syndicats nationaux. Mme la présidente Carbonneau, bonjour.

Presque pas besoin de vous rappeler comment on fonctionne, on se voit assez régulièrement. Alors, vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, 20 minutes d'échange avec les députés de chaque côté de la table. Je vous prierais de présenter vos collaboratrices puis d'enchaîner avec votre présentation, par la suite.

Confédération des syndicats
nationaux (CSN)

Mme Carbonneau (Claudette): Bien. Alors, merci, M. le Président. Mme la ministre, M. le porte-parole de l'opposition, Mmes, MM. les députés, c'est avec grand plaisir qu'on est présents ici, ce matin. Et on vous remercie de nous entendre quant à nos commentaires par rapport à un projet de loi majeur, le projet de loi n° 124.

Alors, sans plus tarder, je vous présente les personnes qui m'accompagnent. À ma droite, Raymonde Leblanc, qui est économiste et qui est chercheuse rattachée au Service des relations du travail à la CSN, et, à ma gauche, Josée Roy, qui est adjointe au comité exécutif de la CSN.

En guise d'introduction, je rappelle que 90 % des personnels syndiqués qui oeuvrent dans les CPE sont affiliés à la CSN. On est très, très présents aussi dans la garde en milieu scolaire, très, très présents chez les personnels des cégeps, dans les universités aussi qui font de l'enseignement à l'égard des techniques d'éducation à l'enfance.

Par ailleurs, ce qui inspire notre mémoire relève d'une expérience beaucoup plus large de la part de la CSN. Je vous dirais que, depuis plus de 30 ans, tous les congrès de la CSN sont revenus sur les services de garde. Notre revendication a toujours été de l'ordre suivant: on souhaite un réseau, on souhaite des services accessibles, des services universels, des services de qualité, des services à caractère éducatif et des services ? ce n'est pas négligeable ? gérés par les parents et les travailleuses.

D'entrée de jeu, j'indique que nous entretenons de grandes craintes à l'égard du projet de loi n° 124. Il me semble qu'il y a là un risque d'affaiblissement de la qualité, de l'accessibilité, et surtout une attaque assez frontale au maintien d'un réseau intégré fondé en très large partie sur des organismes à but non lucratif, et un recul certain quant à ce qui est de la participation des parents.

Le projet de loi n° 124 est trop souvent présenté comme étant une simple réforme administrative qui viserait à régler deux questions par ailleurs importantes et urgentes, je pense aux heures d'ouverture, je pense à la gestion des listes d'attente. Dans les faits, le projet de loi est loin de régler adéquatement ces deux problèmes ? j'y reviendrai avec des recommandations précises pour aller plus loin ? mais surtout, de notre point de vue, il change fondamentalement la qualité, le soutien offert au milieu familial, la nature des entreprises qui vont dispenser des services de garde à l'enfance, la place des parents et le caractère structuré de l'approche éducative.

Bref, on est un peu aux antipodes des objectifs énoncés. Et, de ce côté-là, je vous dirais qu'on fait assez facilement nôtre un des passages d'un des éditoriaux de Katia Gagnon qui disait: Ma foi, quand on déballe le cadeau, qu'on déchire le papier, on est souvent déçu. Bref, on pense qu'on est aux antipodes d'une réforme à caractère administratif et, au contraire, on s'apprête à faire une volte-face par rapport à ce qui est au coeur des choix fondamentaux exercés par les parents québécois depuis plus de 30 ans pour construire ce réseau.

Or, les changements... On pense que des mesures doivent être prises maintenant pour corriger des choses comme les horaires d'ouverture, comme les listes d'attente. Par ailleurs, tout ce qui appelle des changements plus structurels, plus fondamentaux, on doit placer au coeur de ces choix-là l'intérêt des enfants. On doit fonder les changements sur des analyses, sur des explications, sur des justifications, et, de ce côté-là, je vous dirais, ça inspire l'ensemble des recommandations qu'on va vous déposer, on pense qu'il faut reprendre le débat avec les partenaires du milieu.

Pour juger de la valeur du projet de loi n° 124, ce qu'on vous propose, c'est de le regarder sous quatre angles: d'abord, les questions de qualité, l'accessibilité, la gouvernance et le projet éducatif. Pour ce qui est de la qualité, le choix d'une organisation de services n'est pas neutre. Et il y a de nombreuses études, au Canada, à l'échelle internationale, au Québec, qui déterminent à quel point un milieu à but non lucratif est un élément déterminant qui influence la qualité. Or, vous allez voir dans notre mémoire, il y a plusieurs références, il y a l'étude canadienne de Susan Prentice, il y a Oui, ça me touche!, il y a des études de Nouvelle-Zélande, il y a même de la documentation qui émane de l'OCDE. Et les conclusions sont constantes, il y a une meilleure qualité dans les OSBL que dans les services de garde à caractère commercial.

n(10 h 50)n

Pour ce qui est des études plus québécoises, Grandir en qualité indique à quel point la qualité est supérieure dans les CPE en installation, dans le milieu familial, par rapport aux garderies commerciales, et ce, pour l'ensemble des dimensions qui sont mesurées. L'étude est assez claire aussi, elle indique que, pour le milieu familial, les questions de perfectionnement, les questions de formation, de soutien apporté par les CPE sont parmi les facteurs les plus importants qui contribuent à une plus grande qualité. Et bien sûr, quand on parle du soutien apporté par les CPE, on insiste sur la fréquence et le caractère continu de ces interventions.

Il nous apparaît à cet égard que le projet de loi, en retirant de la responsabilité des CPE le milieu familial, commet une grave erreur en voulant les remplacer par des bureaux coordonnateurs. Il me semble que ça balaie du revers de la main le lien de confiance, la collaboration et cette volonté de briser l'isolement du milieu familial, et c'est une perte qui risque de laisser des séquelles extrêmement graves.

Je rappelle qu'on semble vouloir viser une économie de 50 millions de dollars, dans les coûts, mais c'est malgré tout la moitié des sommes qui sont consacrées à l'encadrement. Or, à cet égard-là, j'attire votre attention, à la fin de notre mémoire, à la page 25, aux cinq premières recommandations: on souhaite que le gouvernement maintienne et consolide les services de garde à l'enfance dans les CPE, et ce, pour ses deux composantes, le milieu familial et les installations; on souhaite que le gouvernement renonce aux coupures de 50 millions de dollars; on souhaite qu'il investisse l'essentiel des transferts fédéraux nouveaux, le 1,2 milliard de dollars sur cinq ans, dans les services de garde et dans les services à la famille; on souhaite que l'intégrité du réseau des CPE et son offre de services diversifiée, que le milieu familial demeure sous la responsabilité des CPE et continue à offrir le soutien pédagogique aux éducatrices en milieu familial; et enfin que le gouvernement étudie, en collaboration avec les partenaires du réseau, l'opportunité de réduire le nombre de CPE responsables de la garde en milieu familial, tout en respectant les critères de proximité et d'ancrage dans la communauté.

Alors, je me permets un commentaire de plus. On insiste pour que soit conservée la responsabilité des CPE à l'égard du milieu familial. En même temps, je pense que ça n'empêche pas de poursuivre le débat, et il y a de l'espace, là, vous savez, entre 884 CPE qui chapeautent chacun des milieux familiaux et un nombre plus restreint. Si on respecte des critères de proximité, moi, je pense qu'il y a tout à fait de l'espace pour trouver une solution. Et, de ce côté-là, je vous engage à pousser beaucoup plus loin la réflexion puis à le faire en partenariat avec le milieu.

Je rappelle aussi que ce qui est déterminant pour la qualité, c'est la participation des parents, c'est le lien avec la communauté, et, de ce côté-là, ça milite vraiment en faveur du maintien de la responsabilité rattachée aux CPE. Le milieu familial, ce n'est pas rien, c'est la moitié des places, et on ne peut pas nier l'importance de l'encadrement qui est apporté à ce milieu-là par les organismes à but non lucratif, par le monde communautaire.

Je rappelle aussi que, pour les responsables de garde en milieu familial, il y en a quand même 425 qui sont dans les conseils d'administration, alors ça les amène à côtoyer les parents, ça les amène à côtoyer d'autres responsables, à l'intérieur des installations, et ça fait en sorte qu'on puisse prendre en compte leurs points de vue, leurs préoccupations, élaborer avec elles des projets novateurs structurants.

Je regrette, mais j'ai un peu le sentiment qu'en posant le geste qu'on s'apprête à poser dans le projet de loi n° 124, en coupant le lien entre les CPE et le milieu familial, on s'oriente vers davantage de commercialisation, et ça, ça m'apparaît contraire à tous les objectifs de qualité, à toute la littérature à cet égard-là.

J'attire votre attention aussi sur les dispositions des traités de libre-échange. Plus on va vers la commercialisation des services, plus on devient vulnérables à de grandes entreprises. Je pense, entre autres, aux grands empires américains qui offrent des services de qualité fort discutables à la petite enfance, et je ne pense pas que c'est là le choix d'une majorité de Québécoises et de Québécois.

Quelques mots sur l'accessibilité. La ministre semble limiter cette question-là à la question des heures d'ouverture et des listes d'attente. Or, pour nous, la question de l'accessibilité, je pense que c'est plus large: on parle de qualité, on parle de coûts abordables, on parle d'universalité, de localisation géographique et bien sûr du caractère essentiel de répondre aux besoins particuliers d'un certain nombre d'enfants. Tout ça, pour nous, fait partie de l'accessibilité. Je rappelle qu'on n'a pas eu, à ce jour, de la part du gouvernement, quelque garantie à l'égard d'une stabilité à l'intérieur des tarifs. Et je pense que, si on devait connaître une majoration, ça remettrait en cause la question de l'accessibilité.

Je rappelle aussi que l'accessibilité, c'est la qualité, que les responsables en services de garde en milieu familial risquent d'avoir moins de soutien et, ce faisant, d'être moins enclines à accueillir des enfants avec des besoins particuliers. Or, ça, c'est un recul majeur au plan de la justice sociale, au plan de l'accessibilité. Et je vous invite d'ailleurs, à cet égard-là, à prendre en compte la recommandation n° 7... n° ? je m'excuse ? oui, n° 6 que nous vous faisons à l'effet que le gouvernement alloue les ressources nécessaires afin de répondre aux nécessités de garde des enfants ayant des besoins particuliers et fréquentant une installation ou un service de garde en milieu familial.

Pour ce qui est des heures d'ouverture, je rappelle qu'il n'y a pas de solution magique, hein? Il y a nécessairement un coût lié à une plage horaire plus large de dispensation des services. On voyait beaucoup circuler les chiffres dans les journaux. On disait: L'ajout d'une heure de services, c'est 5 000 $. Or, en ce sens-là, on ne retrouve aucune garantie, dans la loi, quant au financement d'une plage horaire de services qui soit plus large, on parle davantage d'incitatifs financiers. Je pense qu'il faut aller au-delà des incitatifs, il faut obtenir des garanties de financement. Et je rappelle que répondre à des besoins de garde non usuels, c'est complexe, il y a différentes réalités: les travailleurs saisonniers, le monde rural, les horaires des parents qui sont très diversifiés dans les zones industrialisées, la question des enfants des parents étudiants, la garde de nuit. Bref, la conciliation famille-travail, c'est une question qui est complexe, et ce n'est certainement pas avec des coupures de budgets qu'on va arriver à améliorer la desserte horaire offerte par les services de garde.

Je vous indique que, dans les milieux syndiqués chez nous, on a fait une enquête suite aux coupures qui ont été opérées ces dernières années, et ce qu'on constate depuis quelques mois, c'est que 18,5 % des établissements où on se trouve confronté à des coupures budgétaires ouvrent plus tard, alors que 23 % d'entre eux ferment plus tôt. Donc, on est loin de se rapprocher de l'objectif d'améliorer les heures d'ouverture. Au contraire, on risque de rétrécir. Et, à cet égard-là, je vous ramène à une revendication que l'on fait. On sait que l'ISQ est en train de mettre à jour l'enquête sur les besoins des familles. Alors, on pense que, cette enquête-là, elle devrait être déposée sous peu, à peine dans quelques semaines. Ça devrait être une source d'inspiration. On invite le gouvernement à consolider le financement du réseau des services de garde et à prendre les mesures nécessaires pour répondre aux besoins en matière d'heures d'ouverture non usuelles dans les localités, et ce, bien sûr avec la collaboration des partenaires et en garantissant les ressources essentielles pour ce faire.

Pour ce qui est des places et des listes d'attente, oui, il y a là un problème réel. Il y a eu énormément de critiques des parents. Ça venait aussi des membres de la CSN. En même temps, je pense qu'il faut y voir un message positif, c'est là le témoignage d'un besoin ressenti par les parents et d'une appréciation pour les services offerts dans la communauté québécoise. Il faut rappeler que le réseau des CPE est un peu victime de son succès. C'est un réseau qui est relativement jeune, huit ans à peine. On approche l'objectif des 200 000 places. Je souligne au passage, hein, que c'était prévu, au départ, pour 2005. C'est à son arrivée au pouvoir que le Parti libéral a décidé de se donner un an de plus. Je pense que les données de l'enquête vont permettre de valider si le nombre de places est suffisant. Je pense qu'il faudra prendre en compte aussi la mise en place de l'assurance parentale pour le mois de janvier prochain, qui risque de comprimer peut-être un peu la demande auprès des poupons. Et bien sûr je pense que le gouvernement, plutôt que de tout miser sur les bureaux de coordination, aurait intérêt à s'inspirer de certaines expériences pilotes qui ont été menées par les regroupements et qui ont appris à centraliser, à mieux gérer les listes d'attente et à le faire non seulement pour les places en milieu familial, mais aussi pour les places en installation.

n(11 heures)n

Je rappelle bien sûr que toute amélioration dans la gestion des listes d'attente, ce n'est pas un processus mécanique, là, ça ne peut pas conduire mécaniquement à attribuer des places. Il faut bien sûr laisser un espace pour prendre en compte le choix des parents, le choix des responsables en services de garde en milieu familial, des critères aussi comme garder dans un même endroit la fratrie, les frères, les soeurs, etc.

Je voudrais vous dire aussi quelques mots concernant la gouvernance. Premièrement, rappeler que toutes les améliorations apportées le sont pour les CPE en installation et qu'il n'y a aucun encadrement de plus qui est amené par le projet de loi n° 124 pour ce qui est des garderies commerciales. Pourtant, elles sont subventionnées au même titre. Alors, je pense que le jupon dépasse un petit peu, là. Il y a autre chose qu'une saine volonté de bien s'assurer d'une gestion adéquate des fonds publics.

Pour les CPE, ce qu'on voit, si on va ajouter deux personnes de l'extérieur, le projet de loi est muet sur une chose: on ne sait pas comment elles vont être nommées. Et, si ça devait être nommé par le gouvernement, je pense qu'il faudrait dire tout de suite qu'il s'agirait là d'une ingérence tout à fait non convenable dans le monde communautaire.

J'attire l'attention de la commission sur un élément. On a voulu s'assurer de la participation de la communauté, par exemple, dans les conseils d'établissement qui sont infiniment moins nombreux que ne le sont les CPE. C'est difficile de faire du recrutement. Et il me semble que, par cet ajout-là, on vise essentiellement des impératifs de gestion, des impératifs comptables, et c'est un peu méprisant pour les parents qui sont d'abord là pour apporter une gestion bien sûr soucieuse des deniers publics mais aussi de l'avenir, de l'avenir des enfants.

Je rappelle qu'avec les changements rapportés au projet de loi n° 124 il y a un recul majeur qui se dessine au niveau de la gouvernance. Quand le milieu familial était sous la responsabilité des CPE, il était intégré dans la vie démocratique des CPE, il pouvait être présent dans les conseils d'administration. Les parents qui fréquentaient le milieu familial pouvaient se mêler plus directement de gestion, pouvaient participer aux assemblées générales des CPE. Bref, on était dans un environnement où 84 % des places subventionnées par le gouvernement donnaient cette ouverture aux parents pour s'impliquer dans la gestion ou l'organisation de la vie de leur service de garde. Avec l'adoption du projet de loi n° 124, ce ne serait plus que 37 % des places subventionnées qui offriraient cet avantage-là.

Et je rappelle que la participation des parents, ce n'est pas un détail. C'est à mon sens une garantie de qualité. C'est ce qui assure souvent le lien de confiance, le lien d'appartenance par rapport à un service de garde. Que la participation des parents se limite à l'assemblée générale, que ça aille vers une implication plus grande, en s'impliquant, par exemple, dans le conseil d'administration ou en faisant le choix de ne pas le faire, déjà savoir que d'autres parents qui fréquentent le service de garde sont présents sur le conseil d'administration, je pense que c'est tout à fait rassurant. Et je vois...

Le Président (M. Copeman): Il vous reste une minute, Mme Carbonneau.

Mme Carbonneau (Claudette): Je vois, dans la participation des parents, je vous dirais, quelque chose d'extrêmement important aussi pour faire des services de garde, des CPE un lieu de services à offrir à l'enfance, un lieu de soutien parental.

Bon, il y a les pouvoirs de redressement. Je vous invite à regarder ça dans notre mémoire. On critique fortement ce volet-là.

Je dirai deux mots du volet éducatif. Il y a un changement de nomenclature. On parle maintenant de démarche éducative plutôt que de programme éducatif. Je pense que c'est un affaiblissement de l'encadrement qu'on connaissait par le passé. Quand on réfère à un programme, on réfère à une approche qui est définitivement plus structurée. Et je pense que, comme CSN, on ne peut pas se permettre de cautionner tout affaiblissement dans la qualité éducative des services offerts à l'enfance.

Alors, je termine en rappelant que le Québec aussi s'était doté de dispositions pour mesurer les effets de ses politiques à l'égard des genres, à l'égard des sexes. Alors, j'invite donc le gouvernement à soumettre ces changements à la grille d'analyse différenciée selon les sexes puis de le faire avec le concours du Conseil du statut de la femme, du Secrétariat à la condition féminine. Il y a énormément de femmes usagères, il y a énormément de femmes travailleuses dans ce milieu-là.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Carbonneau. Mme la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine.

Mme Théberge: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Carbonneau. Mesdames, merci de vous être jointes à nous ce matin. Juste une petite parenthèse. À l'ADS, vous savez qu'on a publié justement le rapport, il y a quelques semaines, et qu'il y a déjà près de 11 ministères qui l'ont introduit comme outil de gestion, et que j'ai le mandat dans le fond de le faire s'étendre encore plus dans nos mesures de travail. J'y crois beaucoup, alors ça va vous rassurer. J'y crois beaucoup si on peut s'en servir justement pour bien... non seulement évaluer les mesures à prendre, mais les bilans de ces propres mesures et tout, on va le faire.

Ceci dit, j'aimerais qu'on échange sur certains volets, entre autres au niveau des bureaux coordonnateurs. J'aimerais savoir: Qui selon vous devrait avoir le mandat dans le fond de la gestion ou de la coordination d'un bureau coordonnateur?

Mme Carbonneau (Claudette): Pour moi, là, c'est très clair. Il ne faut pas consommer une rupture entre le milieu familial et les CPE. Je pense que la responsabilité d'encadrement doit demeurer dans le CPE qui pour moi, là, n'est pas une entité étrangère au milieu familial, pour moi un CPE, c'est les installations, c'est le milieu familial. Je pense qu'on doit garder ça en milieu communautaire. Alors, il y a toute une différence entre dire: Il en faut-u 884 ou si un nombre inférieur peut être avantageux? Je vous le dis: On est ouverts à regarder ça. Mais il me semble que ce serait une erreur fondamentale que de sortir ça du milieu communautaire et se dire: Ça peut être un CPE, ça peut être une autre personne morale, ça peut être une entreprise à caractère commercial. Il me semble qu'on contribue, à ce moment-là, à l'isolement du milieu familial, il me semble qu'on affaiblit les normes de qualité, on n'apporte pas le même soutien, la même expertise, ce serait là une erreur pour moi fondamentale.

Mme Théberge: Si vous dites que selon vous, là, les CPE devraient le faire, de quelle façon le soutien devrait-il s'organiser pour remplir... Parce que vous dites: On fait... que ce soit une coupure de soutien, une coupure de lien. À ce moment-là, si on le reprend à l'envers, de quelle façon...

Mme Carbonneau (Claudette): Écoutez, il y a quand même deux choses, hein? Par rapport à l'objectif que vous avez souvent énoncé, à savoir de récupérer 50 millions de dollars dans le soutien et l'encadrement, hein ? j'ai noté tantôt que c'est la moitié du budget consacré à cette fonction-là ? je pense que, s'il y a quelque chose de névralgique, là, auquel il ne faut pas s'attaquer, c'est bien ce soutien et cet encadrement, et ça, c'est vrai autant pour le milieu familial que pour les ressources qui oeuvrent dans les CPE en installation. Alors ça, c'est une première chose: il ne faut pas opérer cette coupure-là.

Ensuite, quant aux modalités concrètes, moi, je vous dis: On est prêts à regarder qu'un nombre moins grand de CPE s'investissent dans cette tâche-là, mais évidemment, en le faisant, en retenant un certain nombre de critères, notamment des critères de proximité. Ça, ça m'apparaît assez évident, hein? Je pense qu'actuellement chacun des CPE à l'égard du milieu familial va encadrer à peu près 100 places. Avec le projet de loi, si on se base sur des moyennes, c'est près de 700 places, là, ça m'apparaît... on tombe dans l'usine, là. On ne peut pas fournir le même soutien avec la même régularité, avec la même constance.

Mme Théberge: Si on s'entend sur une chose, c'est un service dans le fond, d'abord un service de soutien de proximité. Vous parlez d'enveloppe financière. À ce moment-là, quand on sait que présentement il y a près de 33 % de l'enveloppe qui était dédiée au soutien, elle n'a pas été utilisée à cette fin en totalité, même. Alors, comment est-ce qu'on peut s'assurer que dans le fond cette enveloppe-là va vraiment s'en aller vers le soutien de proximité, de qualité au milieu familial?

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, je pense que, moi, les enveloppes apportées au soutien ? je pense, entre autres, au rôle des conseillères pédagogiques ? je pense qu'elles ne doivent pas être utilisées exclusivement en regard du milieu familial, hein? Cette forme de soutien ou d'encadrement pédagogique a aussi son utilité, y compris dans les installations. Or, une fois cette réserve-là faite, moi, je ne doute pas de la capacité des mesures administratives que peut mettre de l'avant un gouvernement qui investit des sommes importantes dans le réseau des services de garde pour s'assurer du respect des objectifs auxquels les enveloppes sont consacrées.

n(11 h 10)n

Mme Théberge: Vous savez que la démarche que l'on fait présentement, c'est toujours pour nous de trouver, je le dis régulièrement, un juste équilibre entre les situations, les solutions, les besoins, et tout. Comment est-ce qu'on fait, si je suis votre ligne de pensée, pour répondre dans le fond aux besoins... pas aux besoins, mais aux attentes signifiées du milieu familial qui régulièrement dit: On n'a pas le soutien, ou tout le soutien, ou toujours le soutien dont on aurait besoin? Et certains vont même à dire jusqu'à il y a une certaine emprise des CPE. Quand je dis «emprise», évidemment on sait qu'ils doivent travailler ensemble, de la façon que c'est dit souvent, c'est plus négatif. Comment on fait, à ce moment-là, pour répondre à des attentes et de soutien et de liberté d'action, je dirais?

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, je pense que, dans un premier temps, là, il faut placer les choses à leur juste dimension. Vous faites écho à un point de vue que j'ai déjà entendu, qui a été exprimé, mais qui est loin d'être le seul qui se fait entendre. Puis, moi, je vais vous dire, j'ai entendu nombre de commentaires en provenance du milieu familial qui étaient beaucoup des commentaires positifs.

Ceci étant dit, là, la perfection n'est pas de ce monde. Je sais qu'au départ, hein, il a fallu construire, il n'y avait pas d'habitude de lien entre les gens en installation, les gens dans le milieu familial. Il y a eu des périodes un petit peu chaotiques, les échos très majoritaires que, moi, j'entends, c'est que la situation est en très nette amélioration. Et j'ai entendu de nombreux témoignages, puis là pas uniquement de la part des salariés en installation, mais on a pris la peine d'écouter des gens qui oeuvrent comme SRG et qui avaient des témoignages tout à fait positifs à l'égard du soutien qui leur était apporté.

Mme Théberge: Je sais qu'il y a des collègues qui veulent poser des questions, mais juste une dernière avant de céder la parole. Vous avez englobé, dans le volet Accessibilité, plusieurs éléments. Et, moi, je veux bien être positive, mais quand on... Il faut arriver aussi avec des solutions encore une fois pour répondre aux besoins des parents qui ne sont pas les mêmes dans les différentes régions, les différents secteurs ? ça, tout le monde en convient ? et aussi à l'offre de service, que ce soit en installation ou en milieu familial, il faut jumeler ces attentes-là. Moi, j'ai le goût de vous dire: Vous avez beaucoup de préoccupations, mais encore une fois c'est quoi, les solutions? Comment on fait pour... Qu'est-ce qu'on dit, nous, aux parents: Voici ce qu'on a préparé pour vous, voici ce qu'on vous propose, voici comment les services vont répondre maintenant à vos besoins en tenant compte de différentes préoccupations.

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, deux choses, Mme la ministre. Il me semble, là, qu'on y va... dans nos recommandations, évidemment j'ai été coincée un peu dans le 20 minutes, là, mais il me semble qu'il y a des recommandations très, très précises. La question des listes d'attente, dans votre projet de loi, le mieux que vous pouvez faire miroiter, c'est dire: On va essayer de centraliser ça au niveau des bureaux, et ça va permettre une gestion des places disponibles en milieu familial. Moi, je dis: Il y a moyen d'aller plus loin. Essayons d'avoir une approche plus intégrée des listes d'attente et pour le milieu familial et pour les places en installation. Et, de ce côté-là, là, on ne taille pas dans du neuf totalement, il y a eu des projets pilotes menés par un certain nombre de regroupements. Je pense à celui de la Montérégie. Alors, inspirons-nous de ça, et go, allons-y, on n'a même pas besoin de modifier un projet de loi pour ce faire.

Les heures d'ouverture, nous sommes d'accord. Évidemment, il y a des choses à prendre en compte. Vous avez raison, les situations varient d'un milieu à l'autre, et puis il faut aussi prendre en compte que les personnes qui travaillent dans ces services-là, elles ont aussi des droits en matière de conciliation travail-famille, puis il y a aussi l'intérêt des enfants à prendre en compte, là. Tu sais, on ne les laissera pas 24 heures, 48 heures, 72 heures dans un service de garde. Bon. Mais, une fois cela fait, oui, il faut aller plus loin que le sept à six, là, ça, pour moi, c'est tout à fait évident.

Mais le nerf de la guerre là-dedans, un, je vous ramène respectueusement que le projet de loi n'apporte aucune solution concrète par rapport à ça. Montrez-moi quelque article qui règle d'un coup de baguette magique cette question-là, il n'y en a aucun. On a passé le projet de loi à la loupe à cet égard-là. La clé du succès, elle est d'abord financière. Il faut injecter des argents de plus pour élargir les heures de service, puis je crois que ça peut être fait. Mais encore là on n'invente pas tout, il y a eu combien de projets pilotes à cet égard-là. Alors, il me semble qu'on en a, des pistes d'enseignement possibles.

Par ailleurs, je vous dis, l'argent est tellement le nerf de la guerre là-dedans que, suite aux compressions, si on a pris la peine de faire une enquête dans les milieux où on était présent, loin de s'améliorer, bon Dieu! les compressions ont entraîné un rétrécissement de la plage horaire pour l'ouverture des services: on ouvre plus tard le matin puis on ferme plus tôt le soir.

Mme Théberge: Merci. Je vais céder la parole.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

M. Bernard: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Carbonneau et les gens qui vous accompagnent. Je voudrais vous remercier d'un sujet... Vous êtes le premier groupe, pour dire, qui a beaucoup parlé du rural et d'une approche territoriale. C'est bien, puis vous connaissez bien, je pense, cette dynamique-là, vous l'avez très bien expliquée. En Abitibi-Témiscamingue, entre autres, il y a plusieurs personnes qui demeurent dans le milieu rural. Les gens commencent à travailler à 7 h 30 le matin, donc les heures atypiques, ils connaissaient ça. Et j'admire le travail que beaucoup de RSG font, à cet égard-là, pour ouvrir leur plage horaire, puis ça, vous le comprenez très bien dans votre démarche.

Vous êtes le premier groupe, à la page 11 de votre mémoire, qui parle de consolidation, qu'effectivement on a subi une phase d'expansion, et vous êtes le premier groupe qui dit: Possiblement qu'effectivement on est peut-être rendus à une étape de consolidation. Par exemple, si je prends l'exemple en Abitibi, le réseau s'est mis en place pendant une période de baisse démographique de 10 % de la population, ce qui est énorme et particulièrement dans le milieu rural. Actuellement, on est rendus à une phase de consolidation. Et vous êtes le premier groupe, pour dire, qui en parle d'une manière...

Alors, je me disais: Est-ce que... Je pense, vos propos sont très sensés à cet égard-là, de le faire avec les gens du milieu. Donc, est-ce que vous ne voyez aucune gêne à ce que j'utilise vos propos, dans la page 11, pour dire: Regardez... Parce que vous êtes dans les premiers qui en parlent, de consolidation. Et je pense que c'est important, on est rendus là. Et le projet de loi proprement dit, je pense qu'il arrive à un moment important pour aider cette consolidation-là. Alors, est-ce que... Si ça ne vous dérange pas, je vais utiliser vos propos parce que c'est important pour ma région.

Mme Carbonneau (Claudette): Non, au contraire, et je pense que ce qui nous permet de mettre de l'avant ces propos-là, c'est justement parce qu'au fond les services de garde au Québec ils sont construits d'abord par une implication très liée à la communauté, très liée au milieu. C'est parti de la base, alors ce n'est pas... Puis on a accompagné cette expérience-là pendant 30 ans, donc ce n'est pas étonnant qu'on se ramasse aujourd'hui devant une commission parlementaire puis qu'on soit capables de vous dire: Il est important qu'on garde cet ancrage proche des localités, proche de la communauté. Puis, de grâce, là, hein, la vie ne s'arrêtera pas à la fin de 2005, alors, pouvez-vous, s'il vous plaît, avant de faire des volte-face, avant de faire des changements structurels, prendre une petite pause, s'asseoir avec l'ensemble des partenaires, ne pas y aller à coups de hache, puis dire: On est-u capables d'élargir la réflexion, puis de consolider, puis d'ajuster ce qui doit être ajusté, faire ça harmonieusement? Mon Dieu, que ce serait intéressant!

Le Président (M. Copeman): Messieurs dames, j'ai annoncé, au début de la commission ? et je vais le faire à chaque fois ? qu'aucun signe d'approbation ou de désapprobation n'est permis ici, dans la salle. C'est une règle fondamentale pour permettre aux députés d'échanger avec des invités et de travailler dans le calme. Si le décorum est forcément nécessaire pendant les travaux de cette commission... Et il y a des dispositions que je peux prendre pour assurer le décorum, qui sont très sévères, je ne veux pas le faire, mais j'insiste beaucoup là-dessus. Il reste du temps, Mme la ministre, allez-y.

Mme Théberge: Parfait. Alors, je vais revenir...

Mme Carbonneau (Claudette): ...

Le Président (M. Copeman): Pardon, Mme Carbonneau?

Mme Carbonneau (Claudette): Vous allez nous remettre les minutes d'échange après votre mise au point?

Le Président (M. Copeman): Pas forcément.

Mme Théberge: Vous avez parlé un petit peu, dans vos commentaires et tout ça, par rapport au conseil d'administration, à la gouvernance. Lorsque la loi a été mise en place, en 1997, vous aviez fait le commentaire que ce serait bien d'avoir des parents... des parents, oui, évidemment, puis ils sont toujours majoritaires au conseil d'administration, on s'entend, mais d'avoir des représentants d'organismes externes. Et là tantôt ce que vous sembliez dire, c'est que ? vous allez peut-être tantôt préciser ? vous parlez de la difficulté peut-être de recruter. Je veux juste avoir dans le fond la confirmation que vous comprenez ou que vous appuyez le bien-fondé d'une mesure semblable pour appuyer les gens au conseil d'administration, conseil d'administration, je le répète, où les parents sont toujours majoritaires et où les employés aussi sont représentés. Ça aussi, c'est une autre préoccupation, mais...

n(11 h 20)n

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, deux choses, d'abord, hein? La loi ? puis ça, on l'avait critiquée en 1997, puis je vous reformule la même critique ? il n'y a aucune exigence quant à une participation minimale des travailleuses, des gens en milieu familial; ça, je considère que c'est une des lacunes à la loi. O.K.?

Par ailleurs, oui, il est vrai qu'on trouvait que ça pouvait être un apport intéressant qu'il y ait une participation plus large qui vienne de la communauté. Je ne renie absolument pas ces idées-là. Par ailleurs, je constate que vous en faites une obligation incontournable à l'intérieur de la loi, et vous la fixez en disant: C'est deux personnes.

Puis disons que, bon, la façon de justifier ça... Tu sais, quand on parle d'enrichir les expertises, quand on parle de créer de meilleurs liens avec la communauté, c'est une chose, et c'est très utile, à ce moment-là, pour un conseil d'administration qui sent le besoin de s'ouvrir et qui va inviter quelqu'un du CLSC à y être, etc. Je pense qu'on doit lui permettre de faire ça; c'est un enrichissement. Mais le faire en disant: C'est obligatoirement pour resserrer la gestion à caractère financier, il faut faire attention; on tombe assez facilement dans le mépris par rapport aux parents, et d'autre part on déplace peut-être aussi la mission de ce qu'est un CPE en ne valorisant que la qualité de la gestion financière au mépris de plein d'autres décisions qui doivent être prises par un conseil d'administration.

Alors, nos réserves, elles sont de cet ordre-là. Et je vous indique qu'en posant comme balise dans la loi: Il doit nécessairement, à la hauteur de 1 000 CPE, y en avoir deux par CPE sur chacun des C.A., moi, je vous dis, là, il peut y avoir... il risque d'y avoir des problèmes de recrutement. On a connu cette réalité-là dans les commissions scolaires, avec les conseils d'établissements.

Mme Théberge: Peut-être ajouter par contre, lorsque vous relisez les articles concernant les conseils d'administration, qu'on parle, oui, de gestion, mais on parle beaucoup aussi de soutien justement aux administrateurs, aux parents administrateurs ou aux autres aussi. Alors, vous le savez, vous faites partie d'un conseil d'administration autre que ceux dans les services de garde et tout ça, et vous savez comment ça fonctionne: il y a un multidisciplinaire, généralement des gens qui apportent, de différents milieux, leur... et qui peuvent non seulement rayonner de l'extérieur vers l'intérieur, mais l'inverse aussi, et c'est important quand on a en place des liens d'un service de garde avec son milieu. Puis ça, ça va demeurer, ça n'arrête pas lorsque la loi va être mise en place, tous ces liens-là vont demeurer. On dit toujours qu'on ne veut pas que les gens travaillent en silo; ça va demeurer. Il y aura des passerelles, comme disaient les chercheurs qui vous ont précédée, qui vont être là et qui vont... On va favoriser dans le fond et faciliter aussi. Alors, ça demeure, ça, il ne faut jamais l'oublier, là, il faut aller... il faut voir dans l'application.

Mme Carbonneau (Claudette): Mais vous avez raison, Mme la ministre, en disant que, tu sais, le caractère pluridisciplinaire, c'est important, ça apporte de la richesse. En même temps, quand on parle des parents du Québec, là, eh, mon Dieu, que c'est large, ça, comme secteur, c'est difficile d'avoir plus pluridisciplinaire et plus grande variété d'expertise que parmi les parents québécois. Alors, tu as tantôt des éducatrices, des comptables, du monde de différents milieux avec différentes expériences, avec différentes formations. Il ne faut pas mépriser non plus la diversité puis la richesse qu'apporte la participation des parents.

Mme Théberge: Non. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Au contraire, je n'ai pas dit ça du tout. Loin de moi... Je n'emploie jamais ces mots-là, de toute façon. Au contraire, je connais très bien le travail qui s'est fait et le travail qui se fait au quotidien ? puis il faudrait que les gens en soient rassurés ? dans l'optique de donner du soutien.

Ceci dit, je ne sais pas le temps qu'il reste, là, mais par rapport... un aspect qu'on a approché un petit peu, par rapport aux corps d'emploi. Dans votre cas, c'est un autre angle, là, qu'un angle de chercheur, mais, par rapport à un corps d'emploi, par exemple, qui serait dans le soutien, en soutien pédagogique, par exemple, dans la... parce que... Au niveau des bureaux coordonnateurs ? je vais le mettre dans le contexte, là ? on dit qu'on veut faire des équipes qui vont être en soutien direct au milieu familial, où il y aura des mandats particuliers, comme le soutien pédagogique, la surveillance, l'administration, et tout. Comment vous voyez cet ensemble de... ces équipes de soutiens globaux?

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, moi, je... En ouvrant puis en vous disant, là... Sans passer par les bureaux coordonnateurs, sans remettre en question le lien du milieu familial avec les CPE, il y a moyen de créer des masses critiques un petit peu plus larges puis de viser peut-être une offre de soutien qui est plus diversifiée. Il me semble qu'il y a une des recommandations de notre mémoire qui va dans cette direction-là. Mais de là à souscrire à l'idée qu'il faille, pour ce faire, pour avoir une plus grande diversité dans l'offre de soutien, qu'il faille nécessairement briser le lien entre le CPE et le milieu familial, c'est une thèse à laquelle je ne souscris pas.

Le Président (M. Copeman): Ça va?

Mme Théberge: C'est beau. Excusez, oui.

Le Président (M. Copeman): Il reste quelques secondes, Mme la députée. Si vous allez vite à votre question, puis une réponse lapidaire, ce serait apprécié. Mme la députée de Maskinongé.

Mme Gaudet: Merci. Mme Carbonneau, vous avez émis des inquiétudes concernant la formation, la qualité de la formation. Alors, j'aimerais vous entendre peut-être de façon un peu plus précise sur ces inquiétudes, là, en lien avec le projet de loi.

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, partons de données très objectives. En même temps, c'est comme les moyennes, hein, ça suppose qu'il y a toutes sortes de diversités. Je sais qu'il y a, par exemple en milieu familial, des gens éminemment formés au plan économique. En même temps, je suis obligée de regarder l'état de la loi, l'état de la réglementation, et à l'évidence on est beaucoup moins exigeant, en termes de formation académique, à l'égard du milieu familial qu'on ne peut l'être, par exemple, pour les CPE en installation et même pour les garderies commerciales.

Alors, je pense que, dans ce contexte-là, ça milite en faveur d'un encadrement ou d'un soutien pédagogique qui n'est même pas inutile, là, dans les milieux où les contacts sont plus faciles. C'est très différent, être isolée, seule dans sa maison, avec des responsabilités à l'égard de jeunes enfants, et de pouvoir le faire déjà dans un milieu, indépendamment des impératifs de formation, de le faire dans un milieu où, bon, tu as une collègue à qui tu peux t'adresser, il y a une direction qui est plus facilement accessible. En ce sens-là, je pense qu'on parle du milieu où c'est le plus vulnérable.

Puis j'ai bien entendu les appels à l'autonomie professionnelle, puis Dieu sait que c'est une valeur à laquelle on croit beaucoup. Hein, souvent, on invoque ça dans l'organisation des milieux de travail, dans nos négociations, mais je rappelle que l'autonomie professionnelle, elle n'a de sens et elle n'est accordée que quand on peut compter et vérifier le niveau de formation nécessaire à l'exercice de la profession concernée.

Le Président (M. Copeman): Manifestement, Mme Carbonneau, mon langage corporel n'est pas assez fort pour vous envoyer le signal. Nous avons largement dépassé le temps imparti. M. le député de Vachon et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi, solidarité sociale et famille.

M. Bouchard (Vachon): De combien avons-nous dépassé le temps imparti?

Le Président (M. Copeman): Allez-y, M. le député.

M. Bouchard (Vachon): Très bien, merci. Mme la Présidente, Mme Roy, Mme Leblanc, j'aimerais peut-être qu'on creuse davantage. Mme la ministre a dit tout à l'heure, et je la cite: «On s'entend, vous et moi, sur la même chose: le soutien, la proximité», mais elle n'a pas été jusqu'à dire: l'intégralité du réseau. Parce que votre positionnement est à l'effet que la proximité dans les interactions, c'est important; la densité, l'intensité, la qualité du soutien, c'est important; mais aussi l'intégralité du réseau. Cependant, je note, aujourd'hui, que la ministre est, je pense, attentive à des propositions qui pourraient lui être faites dans cette direction-là, et je me trouve à commencer à fréquenter une zone de sympathie du côté de la ministre, si c'est le cas. Parce que dans le fond ce que vous proposez, c'est de dire: Nous convenons qu'il y a des modifications à faire, nous convenons qu'il peut y avoir une certaine forme de rationalisation et de resserrement de gestion et qu'il y a peut-être même des économies à faire dans le système, qu'on pourrait réinjecter cependant, on s'en doute, mais nous vous demandons de le faire en respectant l'intégrité, avez-vous dit ? moi, je dis l'intégralité, mais j'ai vérifié dans le dictionnaire, puis c'est correct, tous les deux ? du système. Et je pense qu'il y avait eu des propositions, à cet effet-là, mises sur la table.

Alors, comment vous expliquez-vous, comme organisation, ce scénario qui a été privilégié, de bureau de coordination, plutôt que d'une réarchitecture qui pourrait viser une diminution du nombre de CPE responsables de services de garde en milieu familial mais en protégeant l'intégralité du système? Comment vous expliquez-vous ça?

n(11 h 30)n

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, s'il y a eu des consultations, je peux vous répondre bien spontanément qu'on n'a pas été partie prenante à ça. Par ailleurs, je vous dirais que c'est toujours un petit peu dommage que, devant des changements d'une telle ampleur, on ne se donne pas le temps nécessaire de faire les choses. Je pense qu'on ne se cachera pas la réalité: il y a, depuis trois ans, depuis 2003, assez manifestement une préférence marquée du gouvernement vers les garderies commerciales ou vers une commercialisation de ces services-là. Ça se traduit très bien quand on regarde, par exemple, la croissance des budgets accordés aux CPE versus la croissance des budgets accordés aux garderies commerciales, ça se traduit dans le nombre de places allouées aux unes et aux autres. Et, vous savez, l'idée des bureaux de coordination, elle n'est pas neutre là-dedans, hein? On admet que ce ne sera pas nécessairement des CPE, que ça peut être autre chose.

Or, je pense qu'il y a là une dérive extrêmement importante, et j'aimerais pouvoir me l'expliquer par autre chose que des a priori idéologiques. J'aimerais pouvoir entendre au moins un rationnel qui me dise: Écoutez, là, c'est beau, là, mais la qualité exige ça; c'est beau, mais on a une meilleure accessibilité en procédant de cette façon-là. Or, il n'y a aucune de ces démonstrations-là qui est faite, bien au contraire, et, de ce côté-là, tant mieux si se dessine un peu... un peu d'ouverture, et je réitère en tout cas notre complète disponibilité à sortir des sentiers battus puis à trouver des solutions novatrices, à le faire en collaboration avec l'ensemble du milieu. Il me semble...

Vous savez, l'histoire des services de garde, au Québec, c'est comme ça que ça s'est construit, hein, des collaborations très, très proches, des intervenants à la base dans les communautés, puis on a quand même réalisé, globalement, là, quelque chose d'assez exceptionnel qui fait l'envie des autres provinces canadiennes, partout en Amérique du Nord. Alors, je ne vois vraiment pas pourquoi on massacrerait cette recette qui a fait ses preuves depuis 30 ans.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Oui, M. le Président. Je trouve ça très important, ce que vous venez de dire, parce que, moi, je cherchais la raison pour laquelle on pourrait avoir des bureaux de coordination plutôt que des CPE, je cherchais la raison de 38: Pourquoi ajouter aux CPE une possibilité autre et ajouter une «personne morale», une organisation, une institution, etc., avec des critères d'ailleurs à l'article 41 qui ne ferment pas totalement la porte à la commercialisation? C'est différent, parler de capacité que de parler d'expérience, en passant, là, et on parle de capacité, à 41, plutôt que d'expérience.

Mais j'ai lu dans une note, qui est un compte rendu d'une rencontre entre le Conseil québécois des centres à la petite enfance et les officiers du ministère, que l'explication qu'on a donnée de ce pourquoi on ajoutait d'autres possibilités que des CPE, c'est au cas où les CPE boycotteraient cette idée de bureaux de coordination et ne feraient pas application. Et ce que vous me dites, vous, c'est qu'il y a au contraire une ouverture, de la part des CPE, de la part de l'ensemble des partenaires, à discuter, revoir, étudier, analyser et si nécessaire comprimer le nombre de CPE par exemple qui pourraient être reconnus comme responsables des services de garde en milieu familial. Est-ce...

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, cette ouverture-là, elle est très présente, auprès des gens qu'on représente dans le milieu, et je ne cacherai pas que la CSN est aussi membre d'une coalition, et je n'ai jamais entendu, de la part des autres acteurs du milieu, une quelconque fermeture par rapport à ça. Oui, il y a de la fermeté qui s'exprime, il y a de la fermeté qui s'exprime sur la nécessité de ne pas briser ce lien avec le milieu communautaire. Puis soyons clairs, là, sur une chose: Oui, le gouvernement du Québec, tous partis confondus, finance, à une hauteur importante, les services de garde au Québec. En même temps, aucun gouvernement n'est propriétaire de ce qui a été mis en place par le milieu communautaire. C'est une richesse, c'est un des plus beaux fleurons qu'on ait, ça, au Québec, là, en termes de développement communautaire, de capacité des communautés de prendre leurs responsabilités, de répondre adéquatement à des besoins criants d'une grande modernité, les besoins de conciliation travail-famille, les besoins d'assistance aux enfants dès la petite enfance. Alors, moi, je pense qu'il y a là, là, quelque chose d'assez majeur et d'assez incontournable.

M. Bouchard (Vachon): Alors, je pense que c'est très important de le noter, parce que les prochains jours et les prochaines semaines seront cruciales pour rapprocher l'ensemble des partenaires, y compris le gouvernement, qui est un partenaire important dans la réforme... ou, si on veut, les ajustements nécessaires, plutôt, à l'environnement qu'on offre aux enfants et l'environnement de gestion et de coordination. Et de fait on peut faire remarquer en passant que, si 38 était transformé à un point où on disait: «Un bureau coordonnateur de la garde en milieu familial est un titulaire de permis de centre de la petite enfance.», on reviendrait à cette notion d'intégralité. Et, si on ajoutait à ça un algorithme qui quelque part définissait le plancher et le plafond acceptables, en termes de masse critique, et qu'on définissait les territoires qui seraient éventuellement.... qui pourraient donner les contours ou les limites à partir desquels s'exercerait cette interaction, entre les CPE et les services de garde en milieu familial, on serait en affaires. Et j'espère que je suis entendu, là, parce que c'est sur cette base-là qu'on va travailler. Ce n'est pas sur une base de boycott, ce n'est pas sur une base de refus, c'est sur une base d'amélioration, mais aussi de compromis et d'alternative. Maintenant, j'aimerais vous amener ailleurs un petit peu.

J'aimerais vous amener sur la question de la flexibilité et de la conciliation. Dans votre mémoire, vous examinez assez attentivement et faites des recommandations concernant la flexibilité, mais j'ai été quand même un petit peu surpris de ne pas y voir apparaître des préoccupations par rapport au milieu du travail. Parce qu'à la fin, ce qu'on souhaite, c'est que les enfants couchent chez eux, qu'ils voient leurs parents le plus souvent possible, dans un environnement le plus détendu, le plus agréable et le plus profitable possible pour tout le monde.

Lorsqu'on est à étudier un projet de loi et qu'on est donc dans un environnement législatif qui nous fait focaliser sur le truc, sur le projet de loi, on tend à analyser l'environnement de cette façon-là. Mais ne peut-on pas faire un lien avec la politique conciliation famille-travail et ne peut-on pas faire un lien avec la nature des conventions collectives qui sont négociées entre les patrons et les employés? Ne peut-on pas faire un lien avec les avancées qu'on pourrait faire où les parents deviendraient privilégiés, dans l'allocation des vacances, dans l'allocation des horaires, etc.? Autrement dit, pourquoi ne pas nous envoyer dans cette trajectoire-là, Mme Carbonneau?

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, la question de la conciliation travail-famille est une question fort évidemment beaucoup plus large que la question des services de garde, quoique les services de garde soient un élément important. Je vous dirais que c'est une préoccupation très importante, ce que vous soulevez là, à la CSN. Et, au dernier congrès de la CSN, une des recommandations majeures a été précisément de réfléchir pour outiller nos syndicats pour initier des débats sur un pacte entre les générations pour répondre aux besoins de chacune des générations et aller plus loin dans le sens de la conciliation travail-famille.

Or, je pense que oui, et on a des exemples, dans un certain nombre de conventions collectives, où non seulement on a élargi par exemple la question des vacances, mais on a pu restreindre le nombre de semaines que chacun prenait, de façon à permettre notamment aux personnes les plus jeunes, souvent des parents, d'avoir aussi accès à des vacances en été. Or, bref, c'est un débat qu'on mène avec beaucoup de vigueur à l'intérieur de nos rangs.

M. Bouchard (Vachon): Mais, puisque nous sommes sur un plateau, ici, où la même responsable ministérielle pilote à la fois le projet de loi et la politique conciliation famille-travail ? et éventuellement études, j'espère ? est-ce qu'il ne serait pas intéressant, étant donné cette préoccupation-là d'une flexibilité et une ouverture plus grande des heures de services de garde, de s'interroger comme société sur quels sont les besoins que l'on crée parce qu'on ne s'occupe pas des vraies choses?

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, ça, vous avez parfaitement raison. Écoutez, j'ai été... puis j'ai eu l'occasion, à ce moment-là, de le déplorer, il y a eu une consultation ministérielle, hein, qui a été menée là-dessus, en dehors des cadres de l'Assemblée nationale, donc avec aucune présence de la part de l'opposition. La CSN a pu faire valoir ce genre de préoccupation là.

D'une part, il y a des débats de valeurs à faire dans la société, là, hein? Qu'un hôpital soit ouvert 24 heures par jour, sept jours par semaine, c'est une chose. Qu'on fabrique des Life Savers, sept jours par semaine, 24 heures par jour, il y a peut-être deux, trois questions de société à se poser. Bon.

M. Bouchard (Vachon): M. le Président, c'est intéressant, le lien entre Life Savers et hôpital.

Mme Carbonneau (Claudette): Oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard (Vachon): J'apprécie, oui.

Mme Carbonneau (Claudette): D'une part. D'autre part...

Le Président (M. Copeman): Je l'avais aperçue, M. le député de Vachon.

n(11 h 40)n

Mme Carbonneau (Claudette): ...d'autre part, je pense que, ces questions-là, on souhaite qu'elles soient mieux prises en compte à l'intérieur des milieux de travail. Et je vous dirais que la principale recommandation qu'on faisait sur la conciliation travail-famille, on disait: On n'arrivera jamais à un projet de loi omnibus qui définit l'ensemble des mesures, les besoins sont trop variables, d'un milieu à l'autre, mais faisons en sorte qu'il y ait une obligation, pour le patronat, pour les travailleurs, de faire une enquête dans leur milieu, de recenser les principaux besoins, puis, à partir de ça, d'ouvrir un espace de débat puis d'avoir une obligation de résultat quant à retenir des mesures qui peuvent être appropriées pour solutionner les problèmes dans chacun des milieux.

Et, quand vous évoquiez, tantôt, la question des aspirations des parents, qu'on représente largement, là, dans tous les milieux de travail, oui, il est vrai que très majoritairement les parents souhaitent passer du temps avec leurs enfants. Alors, pour moi, la question des heures d'ouverture, l'objectif, ce n'est pas de viser à ce qu'un enfant pris individuellement soit dans un service de garde 12 heures, 15 heures, 20 heures par jour, 24 heures ou 48 heures, mais c'est quand même la reconnaissance que tous les parents ne commencent pas à 9 heures le matin et ne terminent pas à 5 heures le soir, et qu'à partir de ça il doit y avoir une plage de services beaucoup plus étendue. Mais la clé... ce n'est certainement pas la législation actuelle qui empêche de prendre des mesures puis de régler cette question-là. Au coeur de ça, il y a des questions de financement, puis j'invite effectivement le gouvernement à agir le plus rapidement possible, pour répondre à ces besoins-là, étant parfaitement consciente que le débat de la conciliation travail-famille, c'est passablement plus large que ça. Alors, je l'invite, par la même occasion, à déposer cette politique, tellement de fois annoncée, à l'égard de la conciliation travail-famille.

M. Bouchard (Vachon): Votre dernière recommandation est très intéressante, à l'effet «que le gouvernement, en collaboration avec le Conseil du statut de la femme et le Secrétariat à la condition féminine, procède à une analyse différenciée, selon les sexes, de toutes modifications se rapportant au développement et au financement des services de garde régis».

Alors, j'aimerais, j'aimerais savoir ce que vous avez en tête précisément, les éléments qui, d'après vous, devraient être plus particulièrement examinés. Je vous en soumets un, mais vous pourrez peut-être allonger la liste et les commenter.

Mais vous savez qu'à chaque fois qu'on annonce des compressions, dans un système comme celui-là, dans un système d'ailleurs où il y a eu une amélioration sensible, là, du traitement salarial des personnes qui... On partait de très bas, hein, allez-vous dire, puis on a fait... C'était facile, je pense, de faire un certain nombre de gains, là, il y a encore des gains à faire. Mais, moi, je m'inquiète parce que... Puis là je ne veux pas, là, je ne veux pas faire sortir le bonhomme Sept-Heures trop fort, là, mais il reste qu'une coupure de 50 millions, dans un environnement où 80 % de l'investissement est sur des salaires, ça annonce des fermetures de postes, des femmes en très, très, très grande majorité. Et je m'en inquiète, parce que j'ai rencontré, durant les derniers jours, des femmes qui avaient perdu leur emploi lors des dernières compressions.

Et ce n'est pas évident, ce n'est pas évident, pour ces femmes-là, de retrouver un emploi, dans un domaine de leurs compétences, là; conseillère pédagogique, là, chez Bombardier, ils n'en engagent pas. Et nos réactions puis nos réflexes usuels vis-à-vis les congédiements de masse comme ça, là, c'est, quand ça se passe dans une usine, là, tout le monde le voit, là, puis, bon, il y a du reclassement puis toute l'affaire. Mais, dans un système comme celui-là, comment voyez-vous ça d'un point de vue d'organisation syndicale? Quelles seraient les préoccupations qu'on devrait avoir? Bon. Je vous place devant un fait accompli: qu'il y aurait des congédiements. Peut-être allez-vous me dire: Il ne faut pas congédier, puis, bon, enfin...

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, on vit dans le milieu, hein, puis ce qu'on appréhende ce n'est pas loin de 500 coupures de postes à l'échelle du réseau. Alors, ce n'est pas rien. Vous avez raison, ça s'assimile à des fermetures d'usines qu'on peut rencontrer. Vous savez, le débat des fermetures d'usines, ça aussi, on en a largement débattu, à notre dernier congrès, et on trouve qu'il faut civiliser ce processus-là de beaucoup, avec, bon, des avis qui soient faits d'avance, etc.

Mais, dans le cas des CPE, le vrai drame, c'est qu'on va se priver d'emplois dont on a besoin. Or ça, là, c'est encore mille fois pire. Tu sais, à un moment donné, qu'il n'y ait plus de demande pour tel ou tel type de production, c'est une chose; il faut entrevoir des passerelles, recycler les gens, les replacer, etc. Mais, dans ce cas-là, là, on se prive définitivement d'emplois dont on a besoin.

D'autre part, oui, je pense qu'une analyse différenciée mettrait certainement en valeur que les devoirs ne sont pas encore terminés, notamment autour de l'équité salariale, et mettrait certainement en valeur aussi que les derniers efforts qui ont été faits, en termes de législation, vont vraiment à contre-courant. Je pense entre autres à la loi n° 8, là. Ce n'est certainement pas en empêchant les gens de se syndiquer qu'on contribue à une plus grande équité puis à une amélioration de leurs revenus et de leur protection sociale. Raymonde?

Mme Leblanc (Raymonde): Oui. O.K. Peut-être juste ajouter. Évidemment, il faut la faire, l'analyse, pour savoir l'impact. O.K.? Mais il y a peut-être des questions, je pense, qui seraient pertinentes de se poser. D'une part, c'est très majoritairement des femmes qui travaillent dans le réseau, qui sont auprès des enfants quotidiennement. Donc, tout changement, quel qu'il soit, il faut regarder l'impact concret.

Exemples de questions qu'on pourrait se poser: Qu'est-ce que ça veut dire, «pour l'égalité entre les hommes et les femmes»? Qu'est-ce que ça veut dire «comme mesure de conciliation travail-famille» qui... Évidemment, c'est encore majoritairement des femmes qui ont à assumer ces mesures-là. Qu'est-ce que ça veut dire, vous l'avez soulevé, «perte d'emplois pour les femmes»? Mais, si ces femmes-là perdent ces emplois, qu'est-ce que ça veut dire pour leur famille, pour leurs enfants, etc., pour certaines communautés? Je pense, d'autres questions à se poser, les éducatrices en milieu familial, c'est des femmes. Donc, si on les isole davantage, si on leur apporte moins de soutien dans leur travail, concrètement qu'est-ce que ça veut dire? Qu'est-ce que ça veut dire aussi, si on veut élargir les heures d'ouverture, pour les femmes qui travaillent dans les CPE actuellement, leurs propres mesures, si je peux dire, de conciliation travail-famille? Alors, je pense, c'est des exemples de questions.

Je ne suis pas la spécialiste, mais, moi, je serais prête à participer à cette étude-là avec le ministère, c'est-à-dire sûrement qu'il y a des spécialistes, au Québec, qui pourraient nous soulever encore beaucoup d'autres questions qui seraient extrêmement intéressantes, de savoir est-ce que, oui ou non, l'impact est différent, selon qu'on est un homme ou selon qu'on est une femme, dans la société. Nous, on dit que, oui, il y a un impact différent et qu'il faut donc s'en préoccuper.

M. Bouchard (Vachon): Merci. M. le Président, une toute dernière remarque, il me reste quelques secondes, sans doute. Mais d'abord, je veux vous remercier de l'apport très important de vos travaux pour la commission. Là, je pense qu'on a un espace, là, pour travailler qui est encore amélioré.

Mais vous m'avez inspiré peut-être un autre genre d'étude. Je me demande s'il n'y aurait pas intérêt à ce qu'on étudie les C.V. des membres qui font partie des conseils d'administration. On y trouverait sans doute beaucoup des personnes dont les caractéristiques ressemblent diablement à celles qu'on veut ajouter aux conseils d'administration. Mais on verra, mais ce serait peut-être une piste. Merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): Alors, Mme Carbonneau, Mme Leblanc, Mme Roy, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire au nom de la Confédération des syndicats nationaux.

J'invite immédiatement les représentants de l'Association du personnel cadre des centres de la petite enfance du Québec à prendre place à la table, mais avec un échange de places, là, plus...

Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 48)

 

(Reprise à 11 h 54)

Le Président (M. Copeman): Alors, la commission reprend ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de l'Association du personnel cadre des centres de la petite enfance du Québec.

Mme la présidente Masson, bonjour. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi d'un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prierais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, et, immédiatement, par la suite, débuter votre présentation.

Association du personnel cadre
des centres de la petite enfance
du Québec (APCCPEQ)

Mme Masson (Ginette): Merci. Alors, bonjour, tout le monde. Dans un premier temps, j'aimerais dire merci à Mme la ministre, M. le Président, Mmes et MM. les députés, et surtout de vous remercier de nous avoir donné la possibilité d'exprimer notre point de vue.

Je voudrais vous présenter, dans un deuxième temps, Mme Marie-Josée Boivin, qui est administratrice au conseil d'administration, et M. Claude Tremblay, qui est le directeur général.

Alors, l'Association du personnel cadre des centres de la petite enfance du Québec existe depuis 25 ans. Elle regroupe les cadres du réseau des centres de la petite enfance du Québec, directrices générales et directrices adjointes.

Le ministère de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine ainsi que l'Association québécoise des centres de la petite enfance du Québec reconnaissent, depuis le 2 juillet 2002, notre association comme représentante des cadres du réseau.

Notre association vise à faire connaître le rôle et l'implication des cadres dans le développement de ce secteur. Notre mission est de promouvoir les modes de gestion et les conditions d'exercice qui permettent aux cadres de réaliser efficacement et professionnellement leur mandat en lien avec la mission des CPE.

L'association est présente, à divers niveaux, à des tables de travail dont le comité de consultation des cadres avec le ministère de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine et l'Association québécoise des CPE et est aussi membre sur le Comité sectoriel de l'équité salariale. Nous sommes affiliés à la Conférence nationale des cadres du Québec. L'association offre des activités de formation et organise des colloques pour les cadres du réseau, elle produit aussi des guides de gestion à l'intention des administrateurs et des cadres de CPE. L'avenir des CPE est donc une préoccupation importante pour l'association, et c'est à ce titre que nous allons intervenir dans le processus d'étude du projet de loi n° 124.

Le projet de loi qui est à l'étude constitue une révision majeure, sinon une remise en question de la politique de services de garde de 1997, et marque une étape déterminante à ce stade-ci de l'évolution des services de garde au Québec. Il est donc important, pour l'association qui représente les acteurs détenant l'expertise en gestion de CPE, d'intervenir, compte tenu des impacts majeurs que pourrait avoir l'implication de la loi n° 124 pour le réseau des CPE.

Le but de notre intervention est de contribuer à l'amélioration de la qualité des services de garde que nous offrons aux parents et aux enfants, et ce, pour l'amélioration de la qualité de gestion que nous voulons de haut niveau.

Disons-le d'entrée de jeu, il s'agit bien ici du démantèlement du réseau des services de garde qui pourtant est vu comme un modèle, par les autres provinces et la Francophonie, et qui de surcroît débute sa phase de consolidation.

Après une campagne de dénigrement et sous le couvert de quelques mesures d'accessibilité, le projet de loi propose des modifications à la gouvernance des CPE qui minent la confiance des parents dans leur capacité de participer activement aux projets éducatifs de leurs enfants, des mesures de prise de contrôle étatiques de la gestion des CPE et la création d'une structure de coordination des services de garde en milieu familial aux règles floues, cette restructuration évacue le rôle de soutien à ces familles.

Mme la ministre Carole Théberge annonçait, au cours de l'automne 2004, qu'elle entendait apporter des changements substantiels à la loi sur les services de garde et autres services ainsi qu'à la réglementation. À la suite de notre intervention, le sous-ministre, M. Pierre Lamarche, invitait l'association à présenter ses propositions et ses commentaires en regard des modifications à venir.

Des représentants de l'association ont rencontré, le 26 janvier 2005, des représentants du ministère afin de leur transmettre les propositions de l'association. Ces suggestions ont été transcrites dans un document remis au ministère le 14 février 2005.

Malheureusement, ce fut la seule occasion où notre association a pu exprimer son point de vue. Pourtant, notre organisation représente les cadres de CPE, ceux qui possèdent l'expertise en matière de gestion de services de garde et qui sont appelés à mettre en application les modifications et à gérer les changements.

Récemment, le gouvernement du Québec annonçait en grande pompe qu'une entente avait été conclue, avec le gouvernement fédéral, sur le développement des services de garde. L'entente fut signée le 28 octobre.

Depuis 2003, les gestionnaires des CPE ont dû gérer les effets négatifs des coupures appliquées chaque année. Des questions se posent aujourd'hui: Réaménage-t-on le réseau pour sauver des coûts? Est-ce nécessaire maintenant que le fédéral a annoncé l'injection de 1,1 milliard dédiés aux services de garde du Québec? Nous croyons que non.

Curieusement, en même temps que les premiers ministres du Québec et du Canada, MM. Jean Charest et Paul Martin, pavoisent en vantant les qualités exceptionnelles du réseau des services de garde au Québec et s'en servent comme modèle pour les autres provinces, la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine de son côté propose le démantèlement de ce réseau et en même temps impose des coupures à son budget.

Nous avons une première proposition à faire. Nous recommandons que le ministère réinjecte les montants des coupures qui sont annoncées pour l'année 2005-2006 et 2006-2007. Cette réinjection aurait pour but de permettre aux différents acteurs du réseau de procéder à une véritable consolidation dans le souci d'offrir aux parents et aux enfants les services auxquels ils ont droit.

n(12 heures)n

Une deuxième proposition. Nous suggérons à la ministre de retarder l'adoption du projet de loi et de travailler avec les différents acteurs du réseau de même qu'avec tous ceux et celles qui peuvent apporter une contribution constructive pour le consolider en lui fournissant des avis et en mettant à sa disposition leur expertise, de manière à contribuer à l'atteinte des objectifs que nous poursuivons tous, soit la qualité du service et son accessibilité.

Nous réitérons ici l'un des grands principes qui a guidé notre action et qui fut soumis dans nos propositions de février 2005: L'association désire préciser d'entrée de jeu que nous appuyons la structure actuelle de gestion des CPE, c'est-à-dire un organisme contrôlé par les parents usagers. Différents changements peuvent vous être soumis, dans le but de modifier cette structure; toutefois, ceci devrait à notre avis valoriser le rôle des parents et non le diluer en permettant une augmentation du nombre de membres au conseil autres que les parents usagers. Force est de constater que notre recommandation n'a pas été retenue. Au contraire, les dispositions du projet de loi n° 124 vont en sens contraire en instaurant un climat de méfiance qui éloignera davantage les parents des conseils d'administration et alourdira le processus de décision.

En effet, le projet de loi prévoit que le conseil d'administration devra accueillir deux personnes provenant du milieu, en plus des parents utilisateurs, et que le conseil devra être composé d'une majorité de parents utilisateurs et non des deux tiers comme il est prévu actuellement. Loin d'alléger le processus décisionnel, celui-ci sera à notre avis alourdi et le rôle des parents en sera affaibli. Cette façon de faire dénote un manque de confiance envers les parents qui sont les premiers concernés par la gestion de leur CPE.

Le projet de loi prévoit que le conseil d'administration peut comprendre un nombre maximum de deux membres du personnel. Pourquoi introduire cette règle? Que veut-on corriger? S'agit-il de situations marginales que l'on veut corriger? Si tel est le cas, pourquoi généraliser ces situations? Pourquoi ne pas utiliser les mécanismes existants pour les corriger? Dans les faits, il s'agit d'un ajout qui peut affaiblir la présence des parents aux conseils. Au cours des années, beaucoup de conseils d'administration ont accueilli avec ouverture la présence de personnel à titre de membres de leurs conseils. Ces dispositions ont d'ailleurs été inscrites dans bon nombre de conventions collectives. Or, le projet de loi vient introduire des règles qui feront en sorte que les véritables représentants des C.A., c'est-à-dire les cadres, risqueront d'en être exclus.

N'oublions pas que la directrice générale, comme dans toute organisation administrative comportant un conseil d'administration, est la représentante du conseil d'administration et donc des parents usagers, sous tous les aspects de la gestion, et elle est la première responsable des résultats qu'elle doit justifier devant le conseil. Notre association propose de mieux garantir la présence des parents par la valorisation du rôle de la directrice générale et non par l'affaiblissement de sa fonction.

Nous sommes d'avis que l'augmentation du contrôle de la gestion du centre par les parents usagers passe par une valorisation de la tâche de direction générale et non par un affaiblissement de son rôle, comme le prévoit le projet de loi, qui aura un effet inverse, soit de modifier l'équilibre du pouvoir vers l'équilibre du personnel.

Nous amenons une troisième proposition: nous proposons de maintenir la règle des deux tiers de parents utilisateurs comme membres du conseil d'administration.

Et, comme quatrième proposition, nous proposons de retirer l'obligation, pour un conseil d'administration, d'ajouter deux membres externes et de laisser à chacun la décision d'y recourir s'il juge que cette mesure est appropriée dans son milieu.

Cinquième proposition: nous proposons de maintenir l'obligation pour un CPE d'avoir à son emploi un cadre ayant comme fonction principale de représenter le conseil d'administration, et conséquemment de valoriser le rôle de la directrice générale. Par exemple: préciser qu'elle est la représentante du C.A. auprès de son personnel; qu'elle gère le budget et le contrôle; qu'elle fait régulièrement rapport au C.A. sur la situation financière du CPE; qu'elle suggère des correctifs lorsque c'est nécessaire; et qu'elle prépare un plan d'action annuel qu'elle soumet au C.A. pour modifications et ratification et en assure sa mise en application.

Précisons-le maintenant, notre association n'a aucune réticence à rendre les gestionnaires imputables des actions qu'ils posent dans le cadre de leurs fonctions. Mis il y a une différence entre mettre en place des mécanismes d'imputabilité et la prise de contrôle de la gestion.

Le projet de loi propose des mesures inusitées qui nous apparaissent comme des occasions de prise de contrôle étatique de la gestion des CPE. Par exemple, les articles 95 et 96 prévoient que le ministre peut imposer à un C.A. qui, de l'avis des officiers du ministère, n'appliquerait pas de saines règles de gestion, un plan de redressement qui comprendrait les directives quant à la gestion des ressources humaines, budgétaires ou matérielles. Le ministre peut aussi imposer au C.A. une personne qu'il désigne pour l'aider à appliquer ses directives.

Ces mesures sont des marques de non-confiance envers les parents administrateurs d'un C.A. et envers leurs gestionnaires. Comment peut-on confier la gestion d'un CPE aux parents usagers en maintenant au-dessus d'eux cette épée de Damoclès qu'on laisserait tomber s'ils ne gèrent pas selon la vision des fonctionnaires mandatés par le ministre?

Un autre exemple à l'article 64, «Administration provisoire». Le ministre s'accorde un nouveau motif pour appliquer une administration provisoire d'un CPE dont les circonstances sont floues: «Le ministre peut désigner une personne pour administrer provisoirement un CPE [...] si une enquête [...] est menée en vertu de l'article 78.»

Article 78: «Le ministre [...] peut enquêter sur toute matière relative à l'application de la [...] loi.»

Pourquoi proposer de telles mesures, alors que les CPE ont des obligations claires de rendre des comptes au ministère sur leur gestion et sur l'utilisation des fonds qui leur sont alloués? Les CPE sont tenus à la reddition de comptes, puisqu'ils sont subventionnés. De plus, les inspecteurs du ministère ont accès aux CPE à tout moment afin de vérifier si la réglementation est respectée. Nous produisons en annexe, à titre d'exemple, une liste d'informations que les CPE fournissent au ministère. Le projet de loi met en doute la capacité des parents et des gestionnaires de gérer les CPE, alors qu'ils ont prouvé leur efficacité et démontré leur volonté d'être transparents depuis de nombreuses années.

Pour ce qui est des bureaux coordonnateurs et de la garde en milieu familial, il nous est permis de douter sérieusement de l'efficacité réelle de ces nouveaux bureaux coordonnateurs, en regard des objectifs d'efficacité, d'accessibilité et de qualité des services. Sur quelle étude la ministre se base-t-elle pour conclure à la nécessité de restructurer le réseau de façon aussi importante? De plus, les dispositions du projet de loi sont remplies d'imprécisions quant à la création et au fonctionnement de ces bureaux. En effet, toute personne morale peut recevoir un agrément de reconnaissance à ce titre. Or, qui va faire ce choix?

Le soumissionnaire qui présentera une proposition pour obtenir un agrément n'a qu'à démontrer des intentions fournies par l'article 41, sans plus. L'article se lit comme suit: «Pour accorder son agrément, le ministre tient compte [...] notamment des critères suivants...» Ce langage imprécis signifie que le ministre se garde toute la marge de manoeuvre pour accorder un agrément, puisqu'il n'y a pas de règles précises et objectives.

À l'article 41, on lit: «Le ministre peut agréer un bureau sur demande ou à la suite d'une sollicitation de sa part.» Que signifie cette dernière partie de la phrase? Quand et pourquoi la ministre fera-t-elle cette sollicitation?

Pourtant, le personnel du réseau a démontré depuis longtemps qu'il possède toute la volonté et l'expertise pour développer et soutenir les services de garde en milieu familial. Serait-ce que la ministre doute à ce point de l'efficacité de la loi et qu'elle prévoit déjà que le ministère devra s'ingérer dans le processus de gestion en procédant par sollicitation?

L'absence de soutien aux responsables de services de garde en milieu familial. L'article 40 détermine sept fonctions au bureau coordonnateur. Il s'agit essentiellement de fonctions de contrôle, et la fonction de soutien est reléguée à la fin, au septième rang, comme suit: «et d'offrir un soutien [...] sur demande». Cela signifie-t-il que le soutien à la famille de garde n'est plus une priorité? Pourtant, actuellement, les CPE placent sur un même niveau la fonction contrôle et la fonction soutien aux familles de garde.

Les services de garde en milieu familial ont été développés par le personnel des CPE depuis 1997. Il leur offre des services de soutien dans lesquels la proximité et la relation de personne à personne sont des caractéristiques majeures. Cette relation ne pourra être maintenue dans une mégastructure tel que le prévoit le projet de loi.

Nous croyons que la création de ces bureaux, dont le nombre, semble-t-il, se situerait autour de 130 pour la province... seront responsables d'un nombre élevé de responsables de familles de garde en milieu familial, soit près de 1 000 places dans certains cas. Comment peut-on garantir que les familles de garde pourront bénéficier d'un soutien réel, dans une structure aussi lourde, où la relation de proximité risque de ne plus exister?

Notre sixième proposition: nous proposons de surseoir à cette mesure, en maintenant la responsabilité du développement, du soutien et du contrôle des services de garde en milieu familial aux CPE, d'accorder autant d'importance au rôle de soutien offert aux responsables de garde en milieu familial tout en maintenant aussi l'obligation de contrôler la qualité.

Nous proposons de valoriser la mission actuelle des CPE, qui est de développer le service de garde en milieu familial et de soutenir ces personnes dans leurs activités éducatives auprès des enfants qu'ils reçoivent. Merci.

Le Président (M. Copeman): Alors, merci, Mme Masson. Mme la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine, pour le début de notre échange.

Mme Théberge: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Masson, Mme Boivin, M. Poiré, merci d'être là, ce matin, avec nous.

n(12 h 10)n

J'aimerais savoir, pour le bénéfice de la commission ici, quelle est la différence entre votre association et l'Association québécoise des centres de la petite enfance, qui en fait est reconnue comme une association patronale? Puis, vous, vous dites, vous semblez dire... C'est quoi, la différence? À quel niveau?

Mme Masson (Ginette): Nous, on représente les gestionnaires, donc on représente les directions générales et les directions adjointes. Donc, nous, notre mandat, c'est un mandat de représentativité des gestionnaires, des cadres du réseau des CPE.

Mme Théberge: O.K.

M. Tremblay (Claude A.): Si on veut préciser, c'est que l'adhésion à l'association des cadres est individuelle, alors que l'adhésion à l'AQCPE ou l'association des conseils québécois de la petite enfance, c'est le conseil d'administration qui adhère.

Mme Théberge: Parfait. Alors, les gens ont le choix dans le fond d'adhérer à votre regroupement ou non, puis vous les représentez et défendez leurs droits.

M. Tremblay (Claude A.): C'est volontaire.

Mme Théberge: O.K. Parfait. Merci. Je vais maintenant vous parler de quelques sujets qui semblent vous préoccuper, mais un entre autres qui n'est pas nécessairement apporté dans le projet de loi, mais c'est au niveau de la formation et de l'expérience pour les gestionnaires. Je pense que vous aviez apporté ça, à un moment donné, dans une discussion, et c'est de voir la possibilité de définir des exigences au niveau des gestionnaires et des directeurs. Est-ce que vous en avez déjà parlé à votre association? Est-ce que vous avez des recommandations dans ce sens-là?

Mme Masson (Ginette): Oui. On a déposé un document, en 2004, au sous-ministre et on parlait... justement, il y avait une de nos recommandations qui était de demander de la formation pour les gestionnaires.

Mme Théberge: Quand vous dites demander de la formation, c'est d'exiger une certaine formation ou de...

Mme Masson (Ginette): Exactement. Je peux vous... J'ai apporté le document, je pourrai vous répondre...

M. Tremblay (Claude A.): On proposait... on proposait au ministère d'instaurer une règle minimale de formation pour les cadres, au même titre que d'autres postes, sans pour autant spécifier quel est le type de formation. Le type de formation, c'était une démarche de consultation qui devait suivre, alors cette proposition-là est toujours active.

Mme Théberge: Une formation de base, appuyée par une formation continue; c'est comme ça...

Mme Masson (Ginette): La proposition était de prévoir au règlement qu'une formation minimale soit requise pour occuper l'emploi de directrice générale d'un CPE.

Mme Théberge: Parfait.

M. Tremblay (Claude A.): Et peut-être que je pourrais ajouter... nécessairement était ajouté à cette proposition-là ? ça se tient, là ? qu'il y ait des mesures, des mesures de soutien pour les personnes qui n'ont pas la formation actuellement; au moment où un tel règlement serait adopté, d'avoir des mesures de soutien pour leur permettre d'aller acquérir la formation sans que cela pourtant soit obligatoire.

L'autre élément qui était associé à ça, c'est de reconnaître que les personnes qui étaient déjà en place sont considérées avoir la formation où avoir le niveau exigé au niveau de la qualification. On ne pourrait pas éliminer les personnes, là, lorsqu'arrive un règlement. C'est d'ailleurs la règle qui s'applique, dans tout genre de situations, lorsqu'on applique le nouveau règlement de formation.

Mme Théberge: De reconnaître les acquis en fait, les choses comme ça, là. C'est ça.

M. Tremblay (Claude A.): C'est ça, ce genre de calcul.

Mme Théberge: O.K. Si vous aviez des mesures à proposer par rapport... parce qu'évidemment, vous, c'est le volet gestion présentement dont on va parler en particulier, des mesures pour... disons, que ce soit soutenir ou améliorer la gestion mais en respectant votre autonomie... Parce que ce qu'on pourrait oublier dans le fond, c'est que chaque CPE est une entreprise autonome, et vous êtes des patrons qui avez des employés ? c'est ça ? et ça, souvent on a tendance, dans les discussions, à l'oublier. Alors, si on veut, de notre côté, respecter votre autonomie, mais en même temps assurer une gestion optimale, soutenue, tout ça, quelles seraient les mesures qu'on devrait apporter pour...

Mme Masson (Ginette): Bien, je crois que les mesures qui sont en place actuellement par rapport aux redditions de comptes et au contrôle d'un vérificateur externe, tous les rapports qu'on doit présenter au ministère sont déjà des mesures qui permettent d'identifier s'il y a des problèmes de gestion dans certains centres, et je crois qu'au niveau du ministère il y a aussi une équipe qui travaille au redressement ou au soutien aux mesures pour redresser une gestion qui serait déficiente.

Mme Théberge: O.K.

Mme Masson (Ginette): Mais c'est sûr qu'on fait partie aussi du comité de gestion et gouvernance qui a été formé par le ministère pour essayer de trouver des solutions structurantes, pour voir comment on pourrait consolider le réseau. Parce qu'il ne faut pas oublier qu'un réseau qui s'est développé à une vitesse éclair, comme ça s'est fait depuis 1997, et qu'on a quand même réussi à développer 200 000 nouvelles places, c'est sûr que, comme toute organisation, on est rendus à une phase de consolidation, et on doit trouver des solutions structurantes pour revoir le modèle.

Mme Théberge: O.K. Parce que vous comprenez qu'on se doit, le ministère, et moi en particulier, par le mandat qui m'est confié, je me dois d'avoir une préoccupation de saine gestion des fonds publics. Mais, moi, quand je vois ça, dans le fond je me dis: C'est des zéros, j'appelle, mais en même temps c'est un service à rendre à un maximum de parents, dans une qualité optimale aussi évidemment puis avec un soutien en plus aux intervenants, quels qu'ils soient, à tous les niveaux. Alors, c'est bien évident que, dans ce sens-là, on se doit de mettre en place, nous... s'assurer que tout est mis en place pour que cette saine gestion soit là. Et vous êtes les premiers ? ou très près dans le fond; les premiers ? intervenants à ce niveau-là.

Alors, c'est dans ce sens-là que je voulais vous entendre, mais, en même temps aussi, peut-être que vous me parliez de votre préoccupation, parce que vous faites référence, à la page 8, dans votre mémoire, à l'article sur... ? attendez un petit peu que je retrouve ? lorsque vous parlez des occasions de... vous parlez, vous, d'«une prise de contrôle étatique [sur] la gestion», parce qu'on a intégré dans la loi, dans le fond, des mesures qui sont à mon avis exceptionnelles au sens de la loi, c'est-à-dire en dernier recours d'administration provisoire, et tout. Ça semble vous inquiéter. J'aimerais savoir à quel niveau se situe votre inquiétude et si vous comprenez bien que des mesures semblables dans le fond sont en dernier recours, quand tous les autres processus et les mesures d'évaluation ou de supervision se sont faites en cours de route, là?

Mme Masson (Ginette): Bien, je peux peut-être répondre, parce que justement, moi, comme directrice générale, je suis une personne qui est dans le réseau, depuis plus de 18 ans, et j'ai fait plusieurs redressements financiers. Et souvent, quand on arrive dans un centre où il y a un redressement à effectuer, on a le support du conseil d'administration, qui est très préoccupé par la situation. On a l'appui du ministère, qui donne des orientations. Et moi ce que... Là où on voit... c'est qu'on n'a pas jamais senti le besoin d'avoir des mesures de dernier recours, puisque c'est des choses qui se faisaient de façon... les centres de la petite enfance qui avaient besoin... parce qu'à court terme ça ne peut pas fonctionner longtemps, un centre qui vit des difficultés financières. Donc, c'est plus dans le sens de la prise de pouvoir de la gestion. Nous, on dit: Le réseau existe depuis 30 ans, et on a toujours collaboré avec les différents acteurs pour justement essayer de trouver des solutions structurantes.

Mme Théberge: C'est ça. Mais je veux vous le redire: Dans le fond, c'est ça, c'est une mesure qui est en dernier... extrême, quand d'autres plans n'ont pas fonctionné ou qu'il y a une situation urgente, comme il peut arriver aussi, évidemment.

Dans les éléments que vous apportez, par rapport à votre constat sur les services de garde et les CPE en particulier, vous dites: Ça s'est développé à une vitesse éclair, on est à une étape de consolidation. À quel niveau vous sentez, vous, le besoin d'avoir dans le fond une consolidation particulière ou des éléments qui vont contribuer à une consolidation?

Mme Masson (Ginette): Je vous dirais que, comme je disais tantôt, un réseau qui s'est développé à une vitesse éclair... et que, juste au moment où on arrivait à la période de consolidation, on a connu des compressions budgétaires importantes depuis les trois dernières années. Alors, c'est sûr qu'on a connu... on venait de terminer le développement ou à peu près, parce qu'il n'est pas encore complètement terminé, qu'on a eu à faire face à des efforts de rationalisation de 2,6 %, 2,5 %, en 2003, en 2004, en 2005-2006, plus une compression supplémentaire. Donc, c'est sûr que, pour nous, c'est difficile de garder et de promouvoir la qualité et d'avoir à appliquer des compressions aussi importantes.

Donc, c'est sûr que, pour nous, plutôt que de consolider le réseau, ça le fragilise, et c'est pour ça qu'on pense que l'injection des sommes, qui ont été versées par l'entente fédérale-provinciale, devrait permettre de consolider le réseau et de maintenir le modèle actuel. On ne dit pas qu'il est parfait; on dit qu'on est prêts à travailler à des solutions structurantes, avec les acteurs du réseau, pour trouver des solutions.

Mme Théberge: Je vous remercie. Je vais passer la parole à mon collègue.

Le Président (M. Copeman): M. le député d'Arthabaska.

M. Bachand: Merci, M. le Président. Mme Masson, Mme Boivin, bienvenue, M. Tremblay, à notre commission. J'ai trouvé ça fort intéressant, surtout l'expertise que vous avez en termes de redressement de situation. Et, à cet effet-là, j'ai relevé, à l'intérieur, dans votre cinquième proposition, une phrase très dure. Mais j'aimerais ça la comprendre mieux, parce que, dans la logique que vous établissez, à l'intérieur même de votre mémoire, ça prend quand même du sens. Et j'aimerais mieux comprendre la phrase qui dit qu'il y a... ça vous semble en fait «une prise de contrôle étatique de la gestion des CPE». Parlez-moi rapidement de ça, parce que j'ai deux ou trois questions, après, à vous poser.

n(12 h 20)n

Mme Masson (Ginette): Bien, c'est un peu comme je répondais à Mme la ministre. Pour nous, on est les experts du réseau. C'est nous qui l'ont développé, depuis la mise en place du réseau des centres de la petite enfance, qui était orienté vers justement la communauté, un organisme d'économie sociale où les parents ont toujours été majoritaires, et c'est la gestion participative qui est à la base de notre mission. Alors, pour nous, tous les articles... et on voit les réactions des conseils d'administration aussi, c'est que, là, on sent que le parent... plutôt que de garder le deux tiers de représentativité au conseil d'administration, on parle maintenant de 50 % de représentativité, et les parents se sont sentis comme si, d'intégrer deux personnes de la communauté...

Ça dépend des milieux. Je vous dirais peut-être qu'il y a des milieux que, oui, ils en ont besoin parce que les parents ne veulent pas s'impliquer ou c'est difficile. Ils ont déjà une situation familiale difficile, comme par exemple en milieu défavorisé. Et dans le fond ce qu'on voudrait, c'est qu'ils laissent la possibilité aux parents, s'ils sentent le besoin, d'aller vers la communauté.

M. Bachand: Donc, M. le Président, vous voyez ça un peu... Je reprends vos mots comme un manque de confiance, cette espèce d'orientation là. Est-ce que je me trompe?

Mme Masson (Ginette): Non, on le voit comme ça.

M. Bachand: O.K. Dites-moi... Si j'ai bien compris, dans le travail que vous aviez fait, vous avez installé, à certains endroits, à partir de l'expertise que vous aviez, des mesures de contrôle, de vérification, des mesures externes qui permettaient de mieux réadapter la situation financière puis organisationnelle de certains CPE.

Si vous aviez des recommandations à faire sur un mécanisme à établir ? je crois comprendre que celui qui est proposé ne fait pas tout à fait votre affaire, là ? vous iriez dans quel sens?

Mme Masson (Ginette): Bien, je crois que, premièrement, quand tu arrives dans un lieu où il y a besoin d'un redressement, c'est du soutien à la direction générale, c'est du soutien au conseil d'administration, pour mettre en place un plan d'action qui va permettre, à tous les niveaux de la gestion, de voir où sont les difficultés et de proposer des solutions structurantes avec un budget qui est fait en fonction des manques à gagner.

M. Bachand: Ça, je comprends bien ça, M. le Président. Mais est-ce que le bureau coordonnateur n'aurait pas cette fonction-là ou ne le percevez-vous pas comme ça, ce bureau coordinateur là?

Mme Masson (Ginette): Pas du tout.

M. Bachand: Pas du tout. Vous le percevez comment?

Mme Masson (Ginette): Parce que, pour moi, le bureau coordonnateur va gérer le milieu familial, le contrôle, la surveillance et le soutien, et la gestion va être faite par l'organisme qui aura été agréé.

M. Bachand: Mais, M. le Président, l'intégralité du... Est-ce que vous êtes pour l'intégralité de l'ensemble du système, le milieu familial et CPE? Est-ce que vous voyez ça d'un bon oeil, cette organisation-là?

Mme Masson (Ginette): Bien, je suis pour que les «milieu familial» demeurent dans les centres de la petite enfance.

M. Bachand: O.K. Est-ce que, vous, vous seriez pour le fait que vous étendiez votre expertise à ces milieux-là?

Mme Masson (Ginette): Il n'y a aucun problème.

M. Bachand: Donc, à l'intérieur d'un système que vous pourriez prévoir, vous pourriez aussi prévoir votre expertise à l'intérieur d'un système qui prévoirait, qui permettrait aussi l'intégralité du système.

Mme Masson (Ginette): J'ai de la difficulté à comprendre votre question.

M. Bachand: C'est-à-dire que l'expertise que vous pourriez développer, à l'intérieur même des CPE, vous pourriez aussi la développer à l'intérieur du milieu familial.

Mme Masson (Ginette): C'est ce qu'on fait déjà.

M. Bachand: Permettre de garder l'intégralité de l'ensemble du réseau.

Mme Masson (Ginette): Parce que, quand on intervient dans un processus de redressement, on touche aux deux types de services, parce que c'est un budget global qu'on doit gérer...

M. Bachand: O.K. Je comprends bien...

Mme Masson (Ginette): ...au niveau...

M. Bachand: ...au niveau de la globalité du... Je regarde ? excusez-moi; je regarde ? M. le Président pour voir s'il m'accorde quelques minutes encore.

Je comprends bien que vous prévoyez, à l'intérieur de votre réorganisation de vos mesures financières, votre intervention au milieu du CPE. Mais est-ce que vous prévoyez aussi, à l'intérieur de vos interventions, des interventions spécifiques en milieu familial?

Mme Masson (Ginette): Ah oui! c'est sûr, parce que, dans un redressement, on ne touche pas juste aux finances, on touche aussi à la qualité du service. On va aller toucher à l'ensemble des facteurs de l'organisation, autant au niveau matériel, au niveau de la qualité avec les éducatrices, le milieu familial, etc.

M. Bachand: O.K. Qu'est-ce que vous avez eu comme soutien du ministère, quand vous avez fait des interventions de redressement, par exemple?

Mme Masson (Ginette): J'ai toujours eu un très bon soutien. Je n'ai jamais...

M. Bachand: Donnez-moi des exemples très, très précis. là.

Mme Masson (Ginette): Bien, par exemple, nous, ce qu'on... Bien, moi, j'en ai fait plusieurs. J'arrivais, première chose que je faisais, je demandais à la vérification comptable de faire la différence entre l'ancienne gestion et la nouvelle gestion, d'appuyer le processus de plan d'action qui était fait, et on contactait le ministère, et on présentait le plan d'action, et on demandait leur appui. Ils pouvaient venir rencontrer le conseil d'administration et faire un suivi, aucun problème, on a toujours travaillé en bonne collaboration avec le ministère.

Et c'est un peu ce qui nous inquiète, parce qu'on sent beaucoup de réticence du réseau. Et, quand on arrive dans un projet de loi où c'est une refonte complète et qu'on sent autant de réticence, c'est un danger qui nous fait vraiment peur.

M. Bachand: O.K. Merci, M. le Président. Merci, Mme Masson.

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, M. le député de Vachon et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi, de solidarité sociale et famille.

M. Bouchard (Vachon): Oui. Alors, bonjour, madame... Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Masson, Mme Boivin, M. Tremblay.

J'aimerais, pour le bénéfice de l'ensemble des membres de cette commission, que vous nous traciez, le plus clairement possible, la différence qu'il y a entre réseau communautaire et l'administration qui caractérise un réseau communautaire qui a été développé, dans un cadre d'économie sociale, et un réseau public.

Mme Masson (Ginette): D'accord. Alors, un réseau d'économie sociale, ça part d'un besoin de la communauté. Souvent, c'est pour répondre à un besoin non comblé par l'État. Il y a un groupe de personnes qui s'organisent pour organiser un service, et ça vient beaucoup du monde des femmes parce que c'est un milieu de femmes. Et, si on revient 30 ans en arrière, ce sont des militantes, des mères de famille qui voulaient aller au marché du travail, qui ont monté ce réseau-là. Et donc ça se veut un réseau démocratique où le droit de vote, un vote par membre... et que tout le service est organisé en fonction des besoins des parents. Et ce qui est, pour moi, l'objet central, le but, c'est l'enfant. Donc, tout est orienté en fonction des besoins, de répondre à des besoins, aux besoins des enfants, offrir un service de qualité aux enfants pendant que les parents puissent, eux, aller sur le marché du travail et répondre à différents besoins de la société, tandis qu'au niveau d'un réseau public, bien, c'est sûr que la bureaucratisation est très différente. C'est au niveau de...

M. Bouchard (Vachon): En quoi serait-elle différente, cette bureaucratisation, et en quoi la gestion et l'administration distinguent-elles un réseau public d'un réseau communautaire? J'ai bien compris, là, dans votre première partie de la réponse, qu'au niveau des origines il se crée, à partir de la population, des besoins, mais, au niveau de la gestion et de l'administration des mécanismes décisionnels, en quoi c'est différent?

Mme Masson (Ginette): Bien, en fait, c'est la participation des parents. En fait, les décisions sont prises par un conseil d'administration, il y a une autonomie de gestion. On essaie de répondre aux besoins des membres, tandis que, dans une administration publique, bien on a un organigramme beaucoup plus structuré et une hiérarchie qui est définie, et il n'y a pas nécessairement un conseil d'administration formé des utilisateurs pour donner les orientations et les grandes politiques.

M. Bouchard (Vachon): Est-ce que vous avez eu l'occasion de réfléchir aux similarités qu'il pouvait y avoir entre le réseau des carrefours jeunesse et le réseau des services de garde?

Mme Masson (Ginette): Non. Je ne sais pas si, toi...

Mme Boivin (Marie-Josée): Non, on n'a pas étudié ça.

M. Bouchard (Vachon): Ce serait peut-être intéressant qu'on s'y mette ici, autour de cette table, voir comment les deux réseaux se sont développés et comment les nouvelles orientations vont infléchir et vont changer peut-être dramatiquement la nature des réseaux, simplement d'un point de vue... pas en termes des objectifs, tout ça, mais d'un point de vue administratif et de gestion.

Ça me fait un petit peu penser à l'époque où il y avait des cliniques communautaires, dans les années soixante-dix, et on est arrivés puis on a créé les CLSC, qui sont devenus un réseau public de services, on était partis d'un réseau communautaire. Et je me demande si on n'est pas en train, dans l'aménagement de réformes que l'on voit là, de glisser tranquillement vers cette espèce de configuration où, d'après ce que vous nous dites dans votre mémoire, l'État prend un rôle de plus en plus important dans le contrôle et dans la régie interne, hein, des corporations de même que dans l'imputabilité et la gestion des affaires courantes. Qu'est-ce que vous pensez de ça? Est-ce que ça vous...

Mme Masson (Ginette): Bien, ça nous parle, parce que c'est sûr qu'on regarde toutes les transformations qu'il y a eu dans le réseau des CLSC, depuis les deux dernières années, puis on regarde la refonte du projet de loi, puis comment notre réseau se dessine, c'est sûr qu'on voit les similitudes.

M. Bouchard (Vachon): Vous y voyez des similitudes. Est-ce que, dans ce contexte-là, il y a suffisamment de raisons, de motifs qui pourraient justifier que le gouvernement soit en train de transformer un réseau communautaire d'économie sociale en réseau public?

n(12 h 30)n

Mme Masson (Ginette): Non, nous, on ne croit pas. Nous, on tient au modèle qui a été développé depuis les 30 dernières années. Puis c'est sûr que, pour nous, comme on dit, c'est normal qu'il y ait des choses qu'on doive améliorer, on rentre en période de consolidation. Et, dans toute organisation, c'est le même fonctionnement, que ce soit dans un CPE ou dans un autre type d'organisme. On parle qu'une consolidation, ça peut prendre jusqu'à deux à trois ans. Alors, c'est sûr que... Puis, moi, je vous dis puis je le répète: On a été fragilisés par les coupures qu'on a eu à effectuer depuis les trois...

Le Président (M. Copeman): Avant de poursuivre, M. le député, est-ce qu'il y a consentement pour dépasser 12 h 30? Consentement. Merci. Allez-y.

M. Bouchard (Vachon): Les motivations qui, à l'époque, si je me souviens bien, avaient orienté les décisions gouvernementales vers la création des CLSC, c'était beaucoup la question de l'accessibilité et l'universalité des soins.

Est-ce que, dans le projet de loi actuel, étant donné les orientations que vous y voyez, en termes de gestion et d'administration, est-ce que vous y voyez, dans le projet actuel, à la lecture des articles du projet, des indications comme quoi l'accessibilité serait améliorée, étant donné des changements à la régie interne des CPE, par exemple...

Mme Masson (Ginette): ...

M. Bouchard (Vachon): ...par exemple l'ajout de partenaires qui sont non-parents, par exemple l'ajout provisoire, dans les cas de redressement, sur le conseil d'administration, d'un membre nommé par le ministère, etc.? Est-ce qu'il y a des dispositions, dans la loi, là, qui vous indiquent que l'accessibilité va être meilleure?

Mme Masson (Ginette): En fait, pour nous, l'accessibilité, c'est beaucoup relié à l'offre de services, et l'accessibilité, pour nous, ce n'est pas juste d'ouvrir le soir ou les fins de semaine, mais aussi de permettre, par le soutien des centres de la petite enfance, qui sont à proximité aux RSG, de pouvoir accueillir des enfants de milieux défavorisés qui demandent plus de soutien à la RSG ou des enfants handicapés. C'est la crainte qu'on a, la grosseur des bureaux coordonnateurs va rendre ce soutien-là difficile. Et aussi, pour être une gestionnaire, ouvrir le soir, les fins de semaine, ça demande des injections de fonds parce que ça coûte cher.

Et présentement c'est plutôt comme... Je partage qu'est-ce que Mme Carbonneau a dit tantôt: on est plus portés maintenant même à aller vers une diminution de la plage horaire parce qu'on est obligés d'effectuer des coupures. Parce que beaucoup de centres de la petite enfance étaient ouverts, 11 heures par jour, pour répondre aux besoins des parents qui travaillent... Comme moi, dans ma région, je suis en Montérégie, les parents travaillent, la majorité, à Montréal. Alors, ils ont besoin d'avoir le service tôt le matin et tard le soir. Et on est obligés d'envisager même la baisse... de revenir à la loi, à 10 heures de service parce qu'on a des compressions budgétaires importantes auxquelles on doit faire face pour l'imputabilité du centre.

M. Bouchard (Vachon): Écoutez, on a quatre minutes, là, puis j'hésite entre deux questions. Vous répondrez à celle que vous voudrez, O.K.?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard (Vachon): La première, c'est: Quelle est la proposition de reconfiguration d'architecture du réseau qui garantirait l'intégralité mais qui aussi s'approcherait des objectifs d'une meilleure gestion du budget de l'État, là, et d'efficacité, etc., donc, mais qui garantirait ce lien entre le CPE et les services de garde? Ça, c'est ma première question.

La deuxième, c'est: Écoutez, là, tout ce que nous en sommes comme parlementaires, là, quand on entend parler des coupures, on se dit: Oh! les conseillères pédagogiques, ça, c'est important, les gestionnaires, ce n'est pas grave. C'est un petit peu le réflexe que tout le monde a alentour de la table. En quoi ça change la qualité des services qu'un questionnaire... qu'un gestionnaire G-2, enfin, un G-2 parte? Tu sais, bon. Choisissez votre question.

Mme Masson (Ginette): Je vais répondre aux deux.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Copeman): Si vos réponses, c'est assez succinct, Mme Masson, allez-y pour les deux.

Mme Masson (Ginette): Oui, oui, oui. D'accord. Alors, ce que je voudrais peut-être dire, c'est que le message que j'ai le goût de passer en conclusion, c'est: Soyons constructifs. C'est-à-dire, comment pouvez-vous revoir le projet de loi? C'est de reporter le dépôt du projet de loi, qui, pour nous, est beaucoup trop rapide; d'injecter les sommes du fédéral, qui permettraient, dans un premier temps, de combler le manque à gagner de 50 millions, pour l'année 2005-2006, les sommes qui sont dédiées aux services de garde; de travailler avec les différents acteurs du réseau pour trouver des solutions structurantes pour consolider le réseau actuel; de conserver notre autonomie de gestion et de maintenir une participation active des parents au conseil d'administration; et plutôt de régler les cas problématiques qui représentent pour nous un faible pourcentage, de conserver un lien étroit entre les CPE et les milieux familiaux. Il faut penser au réseau en termes de proximité de l'encadrement des enfants. Et je terminerais, pour répondre à votre question, de reconnaître l'expertise des gestionnaires, véritables mandataires des parents utilisateurs.

Mme Boivin (Marie-Josée): J'ajouterais que, quand on dit: Ah! les gestionnaires, ça affecte en quoi la qualité? Je pense que tout bon orchestre a un chef d'orchestre, puis ça aide à la qualité, à ce moment-là.

M. Bouchard (Vachon): Et, si on vous dit qu'il y a trop de chefs d'orchestre?

Mme Boivin (Marie-Josée): Bien, je pense qu'on peut toujours s'asseoir. On l'a offert, de s'asseoir puis de regarder qu'est-ce qui peut être optimal. On n'est pas fermés à cette idée-là du tout, du tout.

M. Bouchard (Vachon): Merci.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, Mme Masson, Mme Boivin, M. Tremblay, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de l'Association du personnel cadre des centres de la petite enfance du Québec.

Malgré le fait qu'il est prévu que nous poursuivons nos travaux cet après-midi, il faut écouter attentivement les avis touchant les travaux des commissions parlementaires.

J'ajourne les travaux de la commission sine die.

(Suspension de la séance à 12 h 36)

 

(Reprise à 15 h 15)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission poursuit ses travaux. Nous sommes toujours sur le mandat des auditions particulières sur le projet de loi n° 124, Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance, et sur l'ordre du jour, cet après-midi, nous avons la présentation et des échanges avec trois groupes: dans quelques minutes, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, suivie par le Regroupement des centres de la petite enfance de Laval, pour terminer l'après-midi avec le Regroupement des centres de la petite enfance des régions de Québec et Chaudière-Appalaches.

Alors, sans plus tarder, c'est toujours un plaisir d'accueillir M. Roy, secrétaire général de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Bonjour, M. Roy.

M. Roy (René): Bonjour.

Le Président (M. Copeman): Vous êtes, vous aussi, un habitué à nos commissions parlementaires, à notre façon de faire. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous demande de présenter les personnes qui vous accompagnent cet après-midi et, par la suite, d'enchaîner avec votre présentation.

Fédération des travailleurs
et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Roy (René): Ça va. Merci, M. le Président. Alors, je suis accompagné de, à ma droite, Mme Carole Gingras, qui est responsable de la condition féminine à la FTQ, et de M. Atïm Léon, qui travaille au Service de recherche, qui est responsable du mémoire qu'on a déposé devant vous, aujourd'hui.

Alors, étant donné le peu de temps qu'on a eu pour nous préparer et que vous n'avez pas eu la chance de lire notre mémoire, alors on va vous en lire un résumé. Je vais essayer de rentrer dans le 20 minutes en question pour dire les principales choses.

Alors, la FTQ, la plus grande centrale syndicale au Québec avec plus de 500 000 membres, dont plus du tiers sont des femmes. Alors, syndicats affiliés de la FTQ sont présents dans toutes les sphères de l'activité économique québécoise. Les syndicats de la FTQ représentent des travailleuses et travailleurs du réseau des centres de la petite enfance, CPE.

Comme centrale syndicale, notre rôle est de voir à l'amélioration des conditions de travail de nos membres mais aussi à l'amélioration de leurs conditions de vie. C'est pourquoi nous avons mené des luttes importantes au cours des dernières décennies afin d'améliorer la capacité des travailleuses et travailleurs à concilier travail et famille, notamment en revendiquant la création d'un réseau de services de garde universel, accessible et gratuit.

Par ailleurs, nous effectuons de la recherche sur la conciliation travail-famille. Les membres que nous avons consultés sont particulièrement touchés par des horaires de travail atypiques, imprévisibles ? exemple, à temps partiel, de soir, de nuit, sur appel, etc. ? et éprouvent des problèmes à concilier leurs responsabilités.

Le lien entre le projet de loi n° 124 et les conditions de vie et de travail de nos membres nous apparaît donc très clair, et nous partageons la préoccupation du gouvernement à l'égard de la diversité dans l'offre de services de garde. Cependant, nous avons conclu, de notre lecture du projet de loi, que la flexibilité des horaires de garde est un aspect mineur du projet, qui modifie par contre des aspects substantiels de la politique de développement des services de garde.

Bien que la conciliation travail-famille soit une préoccupation importante de nos membres, leurs besoins en tant que parents ne sont pas unidimensionnels. Les besoins des parents se trouvent aussi dans la qualité des services éducatifs reçus par leurs enfants, et celle-ci est liée à la façon dont nous développons le réseau des services de garde.

Le réseau actuel en place est le résultat d'un fort consensus au Québec et d'un important investissement collectif. Par conséquent, premièrement, nous ne voyons pas présentement les raisons qui devraient nous pousser à remettre en question les grandes orientations qui ont été à l'origine du développement du réseau actuellement en place.

Deuxièmement, nous ne comprenons pas et n'approuvons pas la précipitation dans laquelle cette consultation se tient. Tenter de faire adopter des lois à la vapeur, voire sous le bâillon, n'est pas une attitude propice à la réflexion, à la discussion et à la compréhension mutuelle.

Troisièmement, nous n'approuvons pas l'intention du gouvernement de réaliser des économies budgétaires récurrentes de plus de 40 millions de dollars au moyen de ce projet de loi, et ceci, au moment même où une entente sur le financement des services de garde à l'enfance est intervenue entre Ottawa et Québec.

n(15 h 20)n

Alors, en l'absence de temps pour pousser plus loin, plus avant les consultations et la réflexion et en l'absence de raisons pertinentes pour soutenir la proposition gouvernementale, la FTQ, en ouverture, demande le retrait pur et simple du projet de loi n° 124 et la mise sur pied de consultations mieux organisées, Mme la ministre, portant sur le développement des services de garde et sur les modalités d'application d'une plus grande flexibilité des horaires de garde.

Alors, premièrement, portée de la consultation. D'entrée de jeu, nous devons dénoncer le fait que nous soyons appelés à nous prononcer uniquement sur le texte du projet de loi et non sur les modifications aux règlements et aux règles budgétaires. Nous trouvons d'ailleurs que l'article 160 de ce projet de loi est totalement inadmissible. Il exempte le gouvernement de son obligation habituelle de publier les règlements avant leur adoption et lui permettrait d'adopter un règlement sans consultation d'ici le 1er avril 2007. Alors, la modification aux règlements et aux règles budgétaires devrait être rendue publique et soumise à la consultation, Mme la ministre.

En retirant de l'objet de la loi ? l'article 1 ? la priorité qui était accordée au développement d'un réseau public de CPE, le projet de loi place sur un pied d'égalité les trois catégories de services, CPE en installation, garderies et garde en milieu familial, sans prioriser le développement d'un ou l'autre des types de services, comme c'était le cas avant 1997.

De plus, en créant des bureaux coordonnateurs de la gestion des services de garde en milieu familial, on offrirait à des entreprises privées la possibilité de gérer un réseau local responsable de services de garde en milieu familial. La création de bureaux de coordonnateurs responsables de plusieurs centaines de places en milieu familial équivaut à faire le choix de développer le réseau en augmentant l'offre de places en milieu familial. Ces places sont moins dispendieuses que les places en installation, puisque les règles budgétaires en vigueur font en sorte que les places additionnelles en milieu familial coûtent moins cher au gouvernement que celles qui sont créées en installation. Cette formule présente le risque de ramener l'offre de services de garde à la petite enfance à son ancien modèle, trois catégories distinctes en compétition les unes des autres. On le répète, à notre avis le principe de la concurrence commerciale n'a pas sa place dans l'offre de services éducatifs.

Alors qu'une étude publiée par l'Institut de recherche en politiques publiques, le même jour que ce projet de loi, vient confirmer que les CPE, Mme la ministre, en installation offrent en moyenne un service de meilleure qualité que les deux autres modes de garde, la position gouvernementale nous apparaît relever plus du calcul budgétaire que de la volonté d'améliorer la qualité des services, d'autant plus que ce projet de loi n'aura pas pour résultat d'améliorer la qualité des services de garde en milieu familial.

Les changements proposés nous apparaissent suffisamment importants pour justifier une consultation mieux organisée, Mme la ministre, des milieux concernés et éventuellement des études rigoureuses justifiant leur nécessité. La création du réseau public de CPE est un choix collectif qui a non seulement amélioré l'accessibilité et la qualité des services de garde, mais qui a aussi permis d'améliorer les conditions de travail dans ce milieu. Nous vous posons donc la question suivante: Pourquoi changer une politique publique qui donne des résultats éprouvés, est admirée au Canada et internationalement et qui est cimentée par un consensus important au Québec?

Le projet de loi propose, sans justification pertinente, un changement d'orientation important quant au développement des services de garde. La FTQ rejette ce changement d'orientation et exige une consultation plus élaborée si une décision doit être prise à ce sujet.

Sur les questions financières, le projet de loi aurait les conséquences suivantes: le gouvernement dégagerait des économies récurrentes de l'ordre de 42 millions par année; la contribution financière des parents qui bénéficieraient des horaires atypiques ? ce qui est un problème important pour nous ? de garde serait augmentée. Ces deux mesures ne sont pas très encourageantes. On nous annonce une nouvelle compression budgétaire dans ce réseau et, en même temps, un alourdissement des coûts de garde supportés par les familles québécoises.

À ceci s'ajoutent... les mesures succèdent à des coupures budgétaires dans le réseau des CPE qui totalisent 80 millions de dollars, grâce à votre ministre des Finances, pour les deux dernières années. Alors, 41 millions de coupures pour l'année en cours seulement et 41 pour l'année suivante. Ces coupures ont lieu pendant que le gouvernement recevra 1 125 000 000 $ sur cinq ans qui proviennent du gouvernement fédéral pour l'aide aux familles, avec lequel chèque de 1 milliard le gouvernement actuel s'est vanté d'avoir fait une belle négociation avec le gouvernement fédéral. Ces coupures ont lieu alors que le gouvernement a augmenté le tarif de la contribution réduite de 5 $ à 7 $, une facture tarifaire supplémentaire de l'ordre de 104 millions de dollars par année assumée par les parents, ce qui veut dire que l'augmentation des tarifs n'est pas de l'argent neuf pour le réseau. La ministre vient d'annoncer publiquement que les tarifs de la contribution réduite parentale seraient revus à la hausse l'année prochaine. Le gouvernement avait aussi choisi de réduire sa participation financière au développement du réseau en retardant d'un an l'atteinte des objectifs au plan du développement du réseau. Vous vous rappellerez la promesse du 200 000 places.

Alors, le tableau certainement est complet de l'action du gouvernement contre le réseau des services de garde. Difficile, vous l'admettrez, de réconcilier la somme des coupures budgétaires et d'augmentations de tarifs avec l'intention annoncée dans le projet de loi. Alors, on parle toujours d'accessibilité, qualité, respect de la capacité de payer des contribuables.

En centralisant et en regroupant les services de gestion d'un grand nombre de RSG, les bureaux coordonnateurs permettraient, selon la ministre, d'effectuer des économies de l'ordre de 40 à 50 millions de dollars. La FTQ est disposée à accepter que des modifications administratives puissent permettre des économies si celles-ci sont réinvesties dans le réseau afin de continuer à le développer. Mais, dans le cas présent, ce n'est pas le cas dont il est question. Au contraire, on remet en question le développement du réseau et la qualité des services.

Dans le contexte actuel, alors que le réseau des CPE est toujours en développement, et tenant compte des nouveaux transferts fédéraux au chapitre du soutien aux familles, il est inacceptable que le gouvernement du Québec continue de diminuer sa contribution aux services de garde éducatifs tout en prétendant améliorer la qualité et l'accessibilité des services.

Alors, la FTQ s'oppose, dans le contexte actuel, à l'augmentation de la contribution financière des parents et à la diminution globale du financement du réseau de services de garde. La FTQ recommande qu'une partie des sommes de transfert provenant du gouvernement fédéral soit injectée dans le réseau des services de garde.

L'impact du projet de loi sur la qualité de service. Le projet de loi n° 124 propose des améliorations au chapitre de la qualité des services de garde. Le document explicatif qui accompagne le projet de loi en cite au moins trois: les objectifs de la démarche éducative seraient intégrés dans la loi; les comités de parents des garderies seraient davantage consultés; les règlements sur la vérification de l'absence d'empêchement en ce qui concerne les RSG et le renforcement des dispositifs sur la sécurité des aires et des équipements de jeu seraient renforcés.

Dans les faits, la démarche éducative existe déjà. Elle figure présentement aux règlements et se trouve déjà au coeur des activités des services de garde. Ensuite, les comités de parents sont déjà consultés sur l'essentiel, à savoir tous les aspects touchant la vie des enfants reçus ? voir l'article 10 de la loi. Enfin, on ne peut pas être en désaccord avec le renforcement des réglementations mentionnées, mais notez que cela ne rend pas nécessairement un projet de loi comme celui-ci acceptable.

Par contre, dans un réseau qui accumule les compressions budgétaires depuis plusieurs années, des nouvelles diminutions au financement auront nécessairement un impact sur la qualité du service. On les voit déjà. Étant donné les chiffres avancés par la ministre, nous anticipons la perte de plusieurs centaines d'emplois à travers le réseau des CPE. Outre les emplois, on voit mal où pourraient être reportées les coupures budgétaires si ce n'est sur le matériel pédagogique et sur les services spécialisés destinés aux enfants ayant des besoins spécifiques. Comment alors prétendre améliorer la qualité des services avec moins de conseillères et moins de conseillers pédagogiques, moins de matériel pédagogique et moins de services spécialisés?

Sur la question des bureaux de coordonnateurs et la qualité de service, la FTQ estime que la création de bureaux de coordonnateurs, qui s'apparenteraient à des mégastructures, pourrait aussi avoir un impact important sur la qualité des services pour plusieurs raisons.

Perte de synergie. La proposition gouvernementale signifie la fin du processus d'intégration du réseau des CPE et des services de garde en milieu familial.

Perte d'expertise. De plus, les mises à pied des conseillères et conseillers pédagogiques constitueront une perte d'expertise importante pour le réseau. Si le législateur va dans ce sens, il y aura, à n'en pas douter, une détérioration de la qualité des services.

n(15 h 30)n

Risque d'éloignement. Supposer que les mégastructures seront à même d'offrir les mêmes services de proximité que les actuels CPE nous apparaît être un pari risqué. Ces mégastructures pourront-elles offrir des services adaptés aux besoins des gens dans la diversité des milieux qu'elles auront à couvrir? Qu'adviendra-t-il de cette formule dans les régions où les distances sont très grandes? La FTQ donc rejette la création de bureaux coordonnateurs de services de garde en milieu familial, en particulier parce que leur impact sur la qualité des services sera potentiellement négatif.

Quant au relèvement de la qualité des services, des mesures douteuses, la FTQ s'interroge sur l'impact sur la qualité des services des mesures suivantes.

Modification quant aux exigences faites aux bureaux coordonnateurs au chapitre de la formation, Mme la ministre, et du soutien pédagogique donné aux RSG. La loi en vigueur exige des CPE qu'ils s'assurent de la formation et du perfectionnement des RSG et qu'ils leur offrent un soutien technique et professionnel. Le projet de loi n'indique plus d'obligation. L'article 40, alinéa 7°, demande simplement aux bureaux coordonnateurs de «favoriser la formation et le perfectionnement [...] et d'offrir un soutien pédagogique et technique sur demande». Où est le relèvement de la qualité de service si le projet de loi baisse les exigences du soutien aux RSG?

Modification de vocabulaire concernant le programme éducatif. Le projet de loi ne parle plus de programme éducatif, tel qu'il est prévu à l'article 5, alinéa deux, de la présente loi. Dans l'article 5 du projet de loi, le terme retenu est «démarche éducative». Notre point de vue, un programme éducatif implique une communauté d'objectifs à travers l'ensemble du réseau ainsi qu'un soutien approprié de la part du gouvernement. Il nous semble qu'une démarche éducative n'a pas le même degré d'exigence, de conformité. Si ce n'est pas le cas, que la ministre nous explique le sens de cette modification, sa nécessité et l'impact qu'elle aura sur la qualité des services de garde éducatifs.

Signalons enfin qu'il est étonnant que le présent projet de loi ne prévoie aucune mesure spécifique pour relever la qualité et l'accessibilité des services de garde situés dans les milieux défavorisés. L'étude publiée par l'IRPP le même jour que notre projet de loi signale avec éloquence les différences dans la qualité des services selon les milieux socioéconomiques. L'étude souligne également l'importance de cet enjeu sur l'égalité des chances dans notre société. La FTQ demande donc au gouvernement de tenir compte de l'enjeu de l'égalité des chances dans les modifications qu'il souhaite apporter au réseau des services de garde. Cet aspect du débat doit faire partie d'une réflexion plus poussée et de consultations qui tiendraient compte, M. le Président, des données les plus récentes à ce sujet.

Alors, l'impact du projet de loi sur l'accessibilité. La flexibilité des horaires, conciliation travail-famille, c'est une question importante pour les travailleurs et travailleuses de la FTQ. La problématique de la conciliation travail-famille préoccupe la FTQ depuis plus de 25 ans, et elle lui a consacré d'importants efforts au cours des 15 dernières années. Nous avons proposé de nombreuses solutions adaptées aux défis de conciliation qui confrontent nos membres, parmi lesquelles l'offre de services de garde sur des horaires atypiques. Selon les recherches menées en collaboration entre la FTQ et le centre CINBIOSE de l'UQAM, la majorité des familles faisant face à des horaires de travail atypiques doivent combiner au moins trois modes différents de garde ? gardienne à domicile, conjoint ou membre de la famille et garderie ? et multiplier les démarches d'arrangement de garde. Notez que cette situation est pire pour les femmes, car elles continuent de porter la responsabilité de la conciliation travail-famille. Ce genre de situation génère, pour la majorité des répondants de nos requêtes mais en particulier pour les femmes, des situations de détresse psychologique et de stress ayant des impacts importants sur leur vie personnelle, familiale et professionnelle.

Nous sommes donc en accord avec le gouvernement sur l'importance d'agir sur la flexibilité des horaires de garde afin de faciliter la garde à la demi-journée, la garde intensive, la garde saisonnière et la garde à horaires non usuels. Il est important de noter que la loi actuelle n'empêche pas les parents d'effectuer leur choix parmi des services de garde différents et qu'elle n'empêche pas non plus le réseau des CPE de diversifier son offre de services pour mieux répondre aux besoins des parents. Les succès des divers projets pilotes qui ont eu cours au Québec en témoignent.

S'agissant d'horaires de garde et de financement de cette flexibilité, il suffirait à notre avis d'élargir le pouvoir réglementaire du gouvernement, comme le propose le projet de loi, article 104. Malheureusement, nous n'avons pas accès au projet de règlement. Notez que l'amélioration de l'accessibilité qui résulterait de cette flexibilité des horaires serait sérieusement remise en question si le gouvernement, comme il le propose aussi dans ce projet de loi, en venait à moduler les tarifs des services de garde à horaire flexible.

Par conséquence, nous pensons que cet aspect de la proposition ministérielle doit être plus détaillé et faire l'objet d'une consultation plus poussée au sujet des modalités de la garde, des horaires atypiques et des changements qui auraient un impact sur le budget des familles québécoises. La FTQ accueille favorablement la proposition d'encourager l'offre de garde sur des horaires atypiques, à la demi-journée, intensive ou saisonnière, mais elle s'oppose à une tarification en fonction des modes de garde et des horaires de garde.

Le Président (M. Copeman): M. Roy, il vous reste un peu moins qu'une minute.

M. Roy (René): Une minute? O.K. Comme elle l'avait fait lors des consultations précédentes, en 2003, la FTQ demande au gouvernement de travailler de concert avec les partenaires intéressés, y compris la FTQ, pour répondre aux besoins diversifiés des parents et des enfants.

La dernière recommandation avant de conclure, la FTQ estime que le gouvernement du Québec doit reconnaître le jugement de la Cour supérieure du Québec au sujet du statut des responsables de services de garde en milieu de travail et ainsi permettre à ces personnes d'exercer leurs libertés syndicales comme bon leur semble.

En conclusion, on vous rappelle qu'on demande le retrait pur et simple de la loi n° 124, Mme la ministre, et de ne pas tomber dans la précipitation, et de mettre sur pied une consultation véritable qui nous permette d'étudier et de répondre à de nombreuses questions. Et les études nous démontrent qu'il y en a plusieurs. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Roy. Alors, afin de débuter l'échange, Mme la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine.

Mme Théberge: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Roy, M. Léon, Mme Gingras. Merci d'avoir accepté notre invitation à venir partager vos préoccupations quant à ce projet de loi. À la lecture et à vous entendre, dans le fond, au niveau de vos commentaires, vous vous préoccupez beaucoup, et nous aussi, à l'égard de la flexibilité des services ? et conséquemment c'est de l'accessibilité, évidemment ? et des horaires atypiques également, mais vous n'avez pas dans le fond, dans votre mémoire, par contre de moyens... Comment vous voyez, vous, la façon d'ajuster les besoins et les services? Vous êtes conscients qu'il y a un besoin. Vous êtes du côté des travailleurs évidemment, il y a un besoin. Il y a un ajustement pour trouver l'équilibre entre ceux qui travaillent en installation ou en milieu familial et il y a un besoin des parents. Alors, de quelle façon vous voyez, chez vous, à la FTQ, le moyen d'arrimer tout ça?

M. Roy (René): Mme Gingras...

Mme Théberge: Parfait.

Mme Gingras (Carole): Bien, peut-être que je pourrais rappeler qu'en 2003, lors de la consultation sur les services de garde, où nous avions échangé avec vous sur cette question-là, nous avions dit... Et je vais citer le mémoire de la FTQ, nous disions: «Il y a des pistes qui existent déjà», c'est-à-dire il y a eu... Bien, il y a eu des projets pilotes, on en avait un particulièrement avec un syndicat et un employeur dans le secteur des postes, des travailleurs et des travailleuses qui travaillent de soir, de nuit, les fins de semaine, et ça avait été un succès, un grand succès d'ailleurs qui avait été reconnu dans le cadre du prix ISO familles. Et ce que nous vous avions dit à cette époque-là, c'est que, nous, on pense qu'il y a des projets comme ceux-là qui sont inspirants et qui devraient faire l'objet d'une réflexion approfondie, parce qu'on disait en même temps: Peut-être qu'il ne faut pas tracer une ligne pour dire que, tous ces horaires-là, il faudra les traiter de la même façon. Il y a toutes sortes de critères. Il y a des horaires qui changent d'une semaine à l'autre pour un même travailleur, une même travailleuse. Il y a des particularités par rapport au volet éducatif. Si vous travaillez de... Si vous faites garder un enfant de soir et de nuit, bien ce n'est peut-être pas la même chose que si vous le faites garder un samedi, par exemple.

Alors, nous, on vous avait offert toute notre collaboration, et je me souviens, à l'époque, le gouvernement semblait fort intéressé. Et on n'a jamais été sollicités pour nous amener à une table de discussion, et nous aimerions le faire parce que nous avons donc dans nos rangs des hommes et des femmes qui en arrachent avec la conciliation travail-famille. On le disait tantôt, il y a eu plusieurs études qui ont documenté la question des horaires, les horaires qui varient, et cette difficulté-là ? et là on est en milieu syndiqué ? des hommes et des femmes qui n'en peuvent plus et qui disent: Bien, là, il va falloir trouver des solutions.

n(15 h 40)n

Or, je reviens à 2003, on vous avait un peu décrit les difficultés et on trouve que depuis... Évidemment, il y a eu le rapport d'évaluation des projets pilotes qui nous a beaucoup intéressés, où on voit qu'il y a eu un succès, les parents ont beaucoup apprécié. Mais il y avait des points faibles, notamment au niveau des coûts pour les parents, et, par rapport à ça, on pense qu'il y a des choses donc à regarder à partir des milieux que nous représentons pour une discussion plus approfondie pour qu'on puisse trouver des solutions. Il n'y aura pas une solution magique parce qu'il y a différentes problématiques. Mais en même temps il va falloir embrayer à une autre vitesse si on veut faire aboutir.

Mme Théberge: Oui. Je suis contente de vous entendre dire qu'il n'y a pas de solution magique, parce que c'est le défi dans le fond que nous avons, tout le monde, de trouver la meilleure proposition, la plus adaptable possible. Parce que vous êtes consciente ? je pense que c'est ce que j'entendais aussi dans ce que vous venez de dire ? qu'il n'y a pas une solution pour toutes les préoccupations ou les situations, il va falloir moduler. Là, vous parliez en milieu de travail, mais est-ce que vous avez réfléchi à quels moyens ça pourrait prendre dans le fond dans d'autres milieux? Est-ce que vous avez aussi de l'information à ce sujet-là ou c'était uniquement en milieu de travail? Dans votre cas, j'imagine, remarquez...

Mme Gingras (Carole): Bien, peut-être vous rappeler que la FTQ représente plus d'un demi-million de membres partout au Québec, secteur privé énormément, public, parapublic, des hommes et des femmes, des gens qui ont des emplois à plein temps, d'autres qui sont à temps partiel, sur appel, occasionnels, donc de toutes les sortes de types d'emplois, et c'est avec eux autres qu'on travaille. Évidemment qu'on fait des ponts avec des gens comme les CPE, on parle à ces gens-là. Dans le cas du STTP, le syndicat des postes, il y a eu ce lien-là particulièrement. Mais c'est notre force en même temps, c'est ce que nous connaissons le mieux. Et c'est un défi qu'il va falloir relever parce qu'il y a des grands discours au Québec sur la conciliation des responsabilités familiales et parentales. Il y a eu des forums, il y a eu le prix ISO familles, il y a eu des publications. Mais en même temps la question des services de garde est vraiment incluse là-dedans. Et je suis d'accord avec vous, il n'y a pas une solution magique, mais en même temps il y en a, des solutions.

Je vais rappeler le STTP, c'était intéressant, ce qui avait été fait. On avait trouvé la formule mixte, c'est-à-dire l'implication d'un CPE avec les parents qui ont des enfants à la maison, qui travaillaient donc, par exemple, de soir et de nuit, et les enfants avaient des éducatrices qui étaient formées par le CPE et qui allaient à la maison pour garder les enfants. Alors, il y avait la question de la stabilité au niveau d'avoir quelqu'un. On ne voulait pas changer de gardienne. L'enfant a une réaction quand il est jeune, tout le monde peut comprendre ça. Alors, tous ces éléments-là sont des préoccupations que nous avons, mais on se dit: Ça n'a plus de bon sens. On s'en va en 2006 et on est en train de se dire encore: Mais qu'est-ce qu'il faut faire?

On vous le dit encore, Mme la ministre: Y a-tu moyen qu'on ait une plateforme avec les partenaires du milieu du travail et du milieu des services de garde particulièrement là-dessus pour qu'on puisse dégager des solutions, qu'on puisse voir dans les régions, parce qu'il y a des entreprises qui sont plus dans certaines municipalités... Moi, je viens de la Rive-Nord. Je regarde la région de Blainville, là, il y a des choses intéressantes qui se font. Il y a des liens qui peuvent se faire avec des parcs industriels, il y a un paquet d'affaires. Mais je pense qu'il faut non seulement s'en parler, mais il faut embrayer. Voilà.

Mme Théberge: C'est ça, il faut faire les ajustements nécessaires. Dans un autre ordre d'idées, M. Roy a parlé de la démarche éducative, et j'entendais... Vous étiez pas inquiet, mais disons que vous preniez ça un peu comme... pas une menace ou quoi... En tout cas, je sentais une désapprobation dans la démarche éducative. Je suis un petit peu surprise parce que, nous, la terminologie dans le fond se voulait très englobante pour une démarche dans laquelle il y a un programme éducatif, et tout.

Alors, j'aimerais savoir comment, vous, vous lisez ça puis qu'est-ce que vous non seulement comprenez dans tout ça, mais en même... comprenez dans la façon d'appliquer sur le terrain, et quelles seraient surtout vos attentes ou vos suggestions pour faire en sorte que cette démarche-là réponde à vos préoccupations ou à ceux de vos membres.

M. Roy (René): Je vais vous passer le spécialiste de la terminologie. M. Léon va...

Le Président (M. Copeman): M. Léon.

M. Léon (Atïm): Oui, Mme la ministre. En fait, la question que se posait la FTQ, c'était: Quelles étaient les raisons qui poussaient au changement, au besoin de changer la terminologie? Quelles problématiques est-ce qu'il y a sur le terrain actuellement par rapport au programme éducatif qui justifient que, dans la loi, on change les termes qui sont utilisés et qui sont le résultat, d'après ce que nous avons compris, de longues discussions entre spécialistes et gens de terrain? De notre point de vue, le terme «programme éducatif» laisse comprendre qu'il y a un accord de l'ensemble des acteurs et qu'il y a un objectif commun, tandis que, le terme «démarche éducative», on avait l'impression que c'était moins fort, que l'intention était de laisser à chacun des modes de garde finalement la propriété ou en tout cas la façon de mener sa propre démarche éducative et...

Mme Théberge: Si vous relisez bien l'article en question, ça ne laisse pas place justement... parce que même un chercheur, ce matin, M. Moreau, disait que, selon lui, une démarche est encore plus englobante. Alors, j'étais heureuse de l'entendre parce que c'est dans ce sens-là que, nous, on avait mis le mot, pour s'assurer qu'il y ait une suite, en fait. Il y a un programme éducatif dans la démarche, mais il y a d'autres éléments qui font en sorte, disons, que le développement de l'enfant est vraiment bien encadré, ou supervisé, ou appuyé tout au long, tout ça. C'était dans ce sens-là, puis ça m'a préoccupée de savoir pourquoi vous ne sembliez pas et d'accord et sentir que c'était moins demander aux services. C'est ça qui m'intrigue un peu.

M. Léon (Atïm): La FTQ en fait, dans son mémoire, faisait juste poser la question: Pourquoi ce changement de terminologie? Vous dites que c'est plus englobant, on le reçoit. On ne prétend pas avoir ni de proposition ni de point de vue spécifique, là.

M. Roy (René): Oui, c'était un questionnement qu'on avait pour comprendre votre terminologie. Veux-tu rajouter quelque chose?

Mme Gingras (Carole): Bien, peut-être une autre préoccupation en lien avec ce volet éducatif, c'est toute la question des bureaux coordonnateurs, leurs rôles qui vont être joués en lien avec la pédagogie, le soutien pédagogique. Et ce que l'on voit dans votre projet de loi, on parle d'assurer un soutien pédagogique sur demande seulement.

Mme Théberge:«Seulement». «Seulement» n'est pas là.

Mme Gingras (Carole): Il n'est pas là. Alors, c'est donc quelque chose qui nous préoccupe, là, dans la mesure où on veut s'assurer que le soutien se fasse concrètement, tel qu'il se fait actuellement au niveau des CPE, qui ont une portée, un rôle bien précis au niveau de la responsabilité de promouvoir de la formation, du perfectionnement pour les éducatrices et les gens qui travaillent, là, dans le milieu.

Mme Théberge: Il faut comprendre, hein, que c'est important de... Et ça ne dit pas «sur demande seulement», premièrement ? ça, c'est important de le spécifier pour ceux qui nous écoutent ? »sur demande» étant en plus un service évidemment qui est là en continu ou selon les règlements qui vont être mis en place, dépendant de quel aspect exactement on parle. Le «sur demande» répond à une demande dans le fond du milieu familial pour justement avoir accès à un service peut-être plus, si besoin, sur demande. On s'aperçoit que le libellé peut porter à questionnement, alors je prends acte de votre préoccupation. Mais c'est pour dans le fond vous rassurer, vous, là, de l'objectif qui était sur ce libellé-là.

Dans un autre ordre d'idées, au niveau de la gouvernance des services de garde, vous avez parlé un petit peu au niveau des conseils d'administration. Vous savez que nous proposons d'avoir évidemment toujours une majorité de parents au conseil d'administration ainsi que deux membres externes et des représentants des employés. Comment vous réagissez à cet article-là?

M. Roy (René): Bien, première des choses, on ne comprend pas pourquoi vous voulez réduire de 66 et 2/3 à 50 %. Le conseil d'administration, c'est des entités indépendantes, les CPE, puis les parents nous semblaient être bien consultés. Le système qui existe actuellement semble être fonctionnel au niveau des CPE. Si on comprend votre structure nouvelle, c'est ça qui nous apparaît assez incompréhensible, puisque vous créez la coordination des régimes en milieu familial. Il semble que vous allez déplacer tout le service de garderie vers vos centres de coordination au niveau familial. Alors là on comprend que, le niveau familial, vous avez passé, voilà deux ans, un projet de loi n° 8 qui empêche ces gens-là de se syndiquer, en milieu familial. Alors, c'est beaucoup moins dispendieux de développer le service de garde en milieu familial.

n(15 h 50)n

Par contre, nous, lorsqu'on regarde tout l'aspect des CPE puis les études qu'ils nous ont soumises, le meilleur service de garde qui existe actuellement, c'est les CPE. Vous en avez entre 900 et 1 000 actuellement qui existent, et les parents sont là, et le cadre était bâti pour aller dans cette direction-là. Alors, c'est là, c'est à ce moment-là qu'on se pose la question sur la qualité du service qui va exister dans le futur. Pourquoi vous faites ces gros coordonnateurs là aux services? Pourquoi vous enlevez aux CPE toutes les RSG qui... Actuellement, ils sont assez libres de choisir leur CPE. Actuellement, à part de ça, ils sont assez libres de choisir leur CPE. Vous allez les rentrer dans des structures où est-ce que la liberté des RSG va être diminuée. À l'heure actuelle, ils ont le droit de choisir leur CPE. Et de l'autre côté les CPE vont graduellement perdre beaucoup de places au profit des nouveaux BC ? j'essaie de trouver, les nouveaux BC ? les bureaux de coordination. Alors, sans vous faire un procès d'intention, je pense qu'on a bien compris que votre développement puis votre argent à sauver va se diriger un peu plus en créant...

Mme Théberge: Je veux juste vous interrompre...

M. Roy (René): ...plus de services de garde dans le service familial, qui coûte bien moins cher.

Mme Théberge: ...parce que la question que je vous posais, c'était par rapport aux conseils d'administration des CPE, pas à...

Une voix: ...

Mme Théberge: C'est ça, les bureaux coordonnateurs. Mais je sais qu'il y a deux collègues qui veulent poser des questions, il reste six minutes. Mais on va continuer certainement à en parler de toute façon, j'en suis certaine. Merci.

Le Président (M. Copeman): M. le député d'Arthabaska, en premier lieu.

M. Bachand: Merci, M. le Président. Donc, M. Roy, M. Léon, Mme Gingras, bienvenue à la Commission de l'économie... pas de l'économie et du travail, mais c'est la Commission des affaires sociales, pardon. Quel lapsus!

Mme Gingras, j'ai trouvé ça fort intéressant, ce que vous avez dit tout à l'heure. Par contre, j'aimerais que vous m'éclairiez un peu plus, parce qu'à l'intérieur des conclusions de votre mémoire vous parlez, entre autres, qu'actuellement les raisons qui devraient nous pousser à remettre en question les grandes orientations sont peut-être un peu absentes, vous semblez être en désaccord de cette remise en question là. Pourtant, à l'intérieur des expériences que vous avez vécues ? et je suis convaincu que vous en vivez encore plusieurs ? vous avez de l'expertise et vous dites: On n'a jamais été consultés là-dessus.

Est-ce qu'il n'y a pas une contradiction là-dedans? Et à quel niveau vous aimeriez profiter de votre expertise pour alimenter la commission?

Mme Gingras (Carole): Bien, je pense que vous ne m'avez pas bien comprise.

M. Bachand: C'est fort possible.

Mme Gingras (Carole): La question, elle était sur la conciliation travail-famille en lien avec la flexibilité. Alors, moi, j'ai répondu là-dessus particulièrement parce que la question était: Avez-vous des solutions? Alors, je vous ai répondu: Il y a plusieurs solutions, il y a beaucoup de choses à regarder, et le débat est loin d'être terminé. Et en 2003 on avait dit sensiblement la même chose, et depuis il n'y a pas eu de place pour qu'on puisse évoluer dans la discussion avec le gouvernement là-dessus. C'est ça que j'ai dit.

M. Bachand: Ça va, M. le Président. Uniquement en ce qui a trait à la conciliation travail-famille...

Mme Gingras (Carole): J'ai répondu là-dessus, moi...

M. Roy (René): Les horaires atypiques, etc.

Mme Gingras (Carole): ...sur la question de la flexibilité des horaires.

M. Bachand: Parce qu'à l'intérieur des horaires atypiques le projet de loi fait aussi mention des préoccupations que vous aviez à ce niveau-là, même si vous regroupez ça à l'intérieur du terme...

Mme Gingras (Carole): Oui, mais ce que nous avons dit sur le projet de loi, on n'avait même pas besoin du projet de loi pour faire ce genre de chose là. Déjà, avec la loi que nous avons... On a juste à regarder les projets pilotes, il n'y a rien qui empêchait des gens de faire des projets. Il y en a eu, là, on aurait pu accélérer. Ce que nous disons aujourd'hui, on n'a pas besoin de modifier la loi pour le faire. On aurait pu, par le biais d'une réglementation, y arriver, puis ça aurait été pas mal plus simple.

M. Bachand: M. le Président, si vous permettez. Vous avez dit, M. Roy, à l'intérieur... M. le Président, M. Roy précisait qu'à l'intérieur des modifications il serait prêt à accepter si et seulement si les modifications permettaient de réinvestir à l'intérieur du réseau les argents qui seraient économisés. Dites-moi, est-ce que c'est vraiment un si et seulement si, il faut absolument que ces conditions-là soient respectées si on revoit une façon administrative différente de voir les choses?

M. Roy (René): Bien, c'en est une.

M. Bachand: Y a-t-il une obligation?

M. Roy (René): C'en est une. Bien, écoutez un peu...

M. Bachand: Expliquez-moi un peu pourquoi, dans votre esprit, il faut absolument que ce soit réinvesti dans le réseau.

M. Roy (René): On est quoi? Combien est-ce qu'on a besoin de places en services de garde? On a des longues listes, on a des parents qui nous appellent à tous les jours qui ont besoin de... Puis, vous le savez, Mme la ministre, vous devez être appelée autant que nous, là. Vous aussi, M. le député, dans votre comté, il y a des gens qui ont besoin de services de garde puis qui n'en ont pas. Alors, c'est évident que c'est pour ça qu'on dit: Ce n'est pas le temps de couper dans les budgets du service de garde, réinvestissez-le vers les CPE. Nous autres, on pense que les CPE, c'est le meilleur système à date. Maintenant, comme il semble exister dans le projet de loi un problème administratif à administrer 1 000 CPE, bien on est prêts à en parler. On le sait que vous avez tassé d'autres commissions parlementaires; j'étais supposé être ici, aujourd'hui, sur une autre commission parlementaire. Vous les avez tassées parce que ça semble être pressant. Bon, bien, on dit: S'il y a un problème majeur au niveau de l'administration des CPE, prenons le temps de le regarder, parce que, pour nous autres, il est bon.

Nous, ce qu'on dit, c'est que non seulement on ne doit pas faire d'économies, M. le député, sur les services de garde, si on sauve de l'argent, on doit le réinvestir là-dedans puis on doit prendre les argents du gouvernement fédéral puis les mettre sur les CPE, pas les mettre ailleurs. Maintenant, ça, c'est des choix politiques du gouvernement. On peut les discuter, mais on n'est pas d'accord avec le choix que vous avez fait. Mais nous, l'objectif, c'est d'améliorer l'accessibilité, le nombre de places puis la qualité, c'est ça. Je suis certain que vous n'êtes pas complètement contre ça, mais c'est de la manière d'y arriver.

M. Bachand: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue, il reste 1 min 30 s.

M. Bernard: O.K. Merci, M. le Président. Bonjour, M. Roy et Mme Gingras, M. Léon. Je me dois de ramener certains de vos propos puis les reparler en perspective, parce que justement, en bas de la page 5, quand vous dites: Très bien, «la création des bureaux coordonnateurs [...] ? etc. ? équivaut à faire le choix de développer le réseau de services de garde en augmentant l'offre de places en milieu familial qui sont moins dispendieuses que les places en installation», vous nous prêtez une intention à cet égard-là, puis je pense qu'il faut replacer les choses en perspective.

Au moment où qu'on se parle, O.K., il y a une seule région administrative où qu'il y a plus de places en installation qu'en services de garde, et c'est la région de Montréal. Et il y a aussi la Côte-Nord. Toutes les régions du Québec... Puis c'est important, au moment qu'on se parle, actuellement, c'est le réseau qui s'est développé lui-même avec les besoins du milieu. En Abitibi-Témiscamingue, c'est les gens qui ont développé le réseau de garde en milieu familial parce que ça répondait aux besoins des gens en région, et ce n'est pas une directive du gouvernement. Ça, c'est très, très, très important. Et au moment qu'on se parle il y a même des gens, à matin, qui ont dit qu'effectivement on est rendus à une phase de consolidation parce que ça s'est développé trop rapidement. Alors, il n'y a aucune intention du gouvernement pour dire qu'on voulait développer des places parce que ça coûtait moins cher en réseau de garde en milieu familial, c'était le réseau qui s'est développé à cet égard-là.

Le Président (M. Copeman): Est-ce que vous avez un commentaire, M. Roy?

M. Roy (René): Bien, on a...

M. Bernard: ...

M. Roy (René): On prend note de ce que le député dit puis on peut... Justement, s'il n'y avait pas de précipitation dans le projet de loi, on pourrait peut-être comprendre davantage la position du gouvernement. Mais c'est ça qu'on dit aussi dans notre mémoire, M. le député, on la comprend mal. Ça nous semble ca. On ne veut pas vous faire de procès d'intention, de la manière qu'on vous voit, là, la structure que vous vous bâtissez, on sait que vous avez passé le projet de loi n° 8 aussi, M. le député, vous avez voté pour, alors on le connaît.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le député de Vachon et porte-parole de l'opposition officielle en matière de solidarité sociale... emploi, solidarité sociale et famille, excusez-moi.

M. Bouchard (Vachon): Je vous en prie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Mais c'est mon député. J'ai un bon député, un très bon député, je le salue ici. Alors, j'aimerais, M. Roy... Bonjour.

M. Roy (René): Bonjour.

M. Bouchard (Vachon): Alors, Mme Allard, bonjour. M. Léon, bonjour... non, Mme Gingras, bonjour. Peut-être revenir sur deux items, là, avant que je pose une couple de questions. Mais un premier item, c'est sur ce que déclarait M. Moreau ce matin, à propos de la différence entre un programme puis une démarche. Il disait ceci: «...la définition de "démarche", on parle d'une manière[...], [d'un] processus. C'est une définition qui est large ? pas globale, large dans le sens de: c'est moins précis. Quand on parle de programme, on parle de contenu, de matière d'un cours à livrer», par exemple. Je pense que c'est une définition qui est assez claire. Fin de la citation.

Donc, de fait, il y a une différence énorme. Je pense que ce pourquoi le mot «programme» a été éliminé notamment, c'est que peut-être y avait-il, comme Mme D'Amours en a témoigné, là, dans les services de garde en milieu familial, peut-être y avait-il une rigidité trop grande à appliquer le même programme. Peut-être faudrait-il parler de programmes au pluriel. Peut-être faudrait-il prévoir des programmes pour des modalités particulières de garde. Mais, en abandonnant le mot «programme» et en ouvrant sur la démarche, on ouvre en effet à une définition qui est extrêmement relâchée et peut-être même volatile. Parce que la ministre disait tout à l'heure: Relisez l'article en question, vous allez voir que non. Mais, dans le fond, dans l'article en question n'apparaît pas le mot «programme», puis je pense que vous...

Une voix: ...

M. Bouchard (Vachon): Ah, dans le règlement, mais on n'a pas le règlement.

Mme Théberge: Non. Ça vient après un projet de loi.

M. Bouchard (Vachon): Mais l'article de loi nous dit que... fait référence à des activités et non pas à un programme. Alors, il y a un débat à avoir là-dessus, là, je pense que c'est important. Ce n'est pas simplement sémantique, c'est de fond.

n(16 heures)n

D'autre part, pour répondre peut-être ou pour ajouter peut-être à l'information concernant l'intervention du collègue de l'Abitibi, il y a des choses qui sont importantes, là, à noter. C'est que lorsqu'on pense... lorsqu'on pense d'un CPE dont les places passent de, par exemple, 100 à 250, à 750... on fait une économie importante parce que les places qui sont créées après un seuil donné, je ne me rappelle plus exactement lequel, c'est 150 ou 200... Les 50 premières coûtent beaucoup plus cher. Donc, le forfaitaire sur les 50 premières places sont beaucoup plus dispendieuses que le forfaitaire sur les places qui viennent, etc. Donc, c'est là-dessus qu'on vient économiser. C'est là-dessus qu'on vient sauver, là, en partie. Mais on sauve aussi évidemment sur les pertes d'emploi.

Mais je voulais souligner ça parce que ce n'est pas simplement une question de sauver sur ce qui coûte moins cher en milieu familial de ce qui coûterait plus cher en installation, mais c'est aussi de l'argent qui est économisé, étant donné les forfaitaires qui varient après un seuil donné.

Ceci étant dit, j'aimerais revenir sur la question de conciliation famille-travail. Et j'ai rencontré vos collègues de la CSN, ce matin, et j'ai évoqué cette question. Nous sommes en face d'un problème de conciliation famille-travail, lorsque nous voulons rendre les heures de garde plus disponibles envers les parents qui travaillent à des heures atypiques, qui le sont de moins en moins d'ailleurs, là, si ça continue comme ça. Mais j'aimerais vous entendre sur le caractère plus général de la politique conciliation famille-travail qu'on devrait éventuellement recevoir à cette commission, examiner à cette commission, tout ça. J'aimerais entendre le point de vue syndical de la FTQ sur comment arriver autrement qu'en... et seulement en allongeant les heures ou les déplaçant, là, de services de garde, à une meilleure conciliation des exigences de la famille et du travail. Comme, par exemple, comment il se fait que, dans nos conventions de travail, on n'ait pas préséance aux parents dans le choix des horaires, qu'on n'ait pas préséance des parents dans le choix des vacances? Comment se fait-il qu'on n'entende pas ce type de préoccupations là?

M. Roy (René): Avez-vous fini?

M. Bouchard (Vachon): Je pense...

Le Président (M. Copeman): Ça a l'air que oui.

M. Bouchard (Vachon): Après trois secondes, oui.

M. Roy (René): Non, non, excusez-moi.

Le Président: Allez-y, M. Roy.

M. Roy (René): C'est parce que j'étais en train de réfléchir en même temps, puis je préparais ma réponse. Je ne savais pas si vous aviez fini.

Bien, écoutez, si vous présentez ou si le gouvernement décide de présenter un projet de loi sur la conciliation travail-famille, on va avoir énormément de choses à dire, parce que toute la question que vous venez de soulever est immense, est immense. C'est un défi immense. Mais je peux vous dire tout de suite, M. le député, qu'il se fait énormément de travail dans les conventions collectives, depuis une dizaine d'années ou une quinzaine d'années, pour faciliter l'accès aux vacances aux parents d'enfants. Ce n'est plus strictement partout une question d'ancienneté qui dessert. Je peux vous donner des négociations dans des grandes compagnies, comme Bell Canada par exemple, où est-ce que l'approche, au niveau des vacances, a été modifiée en fait de favoriser un plus grand nombre de parents pour avoir accès à des vacances l'été. Donc, là-dessus, notre recherche n'est peut-être pas à point, après-midi, mais on peut vous dire que c'est énormément de choses qui se font actuellement, c'est différent de voilà... des années quatre-vingt. Il y a beaucoup de choses qui se font pour concilier les responsabilités familiales, l'accès, par exemple, à des congés de maladie pour s'occuper des enfants, l'assurance parentale, mais l'accès à des congés de maladie par exemple, pour les jeunes hommes ou les jeunes femmes, c'est complètement différent que ce qu'on vivait voilà 10, 15 ou 20 ans. Alors ça, il y a beaucoup de choses qui se font en regard à ça.

Et, Mme Gingras, je pense, qui veut répondre. Alors, je vais la laisser répondre...

Mme Gingras (Carole): Pour compléter. La FTQ a participé l'année dernière à des consultations du gouvernement concernant une politique possible, et on nous avait d'ailleurs promis qu'en 2004, en décembre, que nous aurions un projet de politique, et nous l'attendons toujours en 2005. Bon, alors ce n'est pas sur la table. Mais, pour répondre rapidement à votre question en complément avec ce qu'a dit M. Roy, je vous dirais qu'on a beau faire des efforts pour que des choses changent, bon on fait des études au niveau de la FTQ, on tente de négocier des clauses pour mieux soutenir les parents, il y a une affaire qui est sûre: la culture des entreprises change très, très, très peu, à pas de tortue. Et, de ce côté-là, quand bien même qu'on arriverait à dire: Bien, là, écoutez... c'est parce qu'il y a deux incontournables dans la conciliation. Dans les études que nous faisons, on voit toujours la question des horaires. C'est au coeur. Tout le temps passé au travail, la façon dont on voit les gens qui viennent au travail, c'est comme si c'était encore un problème individuel. Ça, ça n'a pas beaucoup changé. On a beau entendre tous les discours qu'on entend, il y a un problème de ce côté-là. Ça change très peu. Et la question de l'argent, du remplacement de revenus pour prendre des congés, que ce soit en lien avec des vacances. La question du temps supplémentaire, comment elle se fait, et tout ça. Donc, toute la question de l'organisation du travail comme telle dans les milieux de travail, ça vraiment, là, c'est un grand défi.

Alors, on a beau dire qu'on participe à des consultations. Il y a eu l'Année de la famille. Donc, il y a eu beaucoup d'activités. Mais quand on regarde qu'est-ce qui existe comme mesures, c'est des mesures qui sont éparpillées ici et là, et ce n'est pas parce qu'il y a... ce n'est pas parce qu'il n'y a pas un manque de notre côté de faire des demandes. Mais du côté des entreprises, il y a vraiment un blocage, de ce côté-là, pour qu'on puisse concrétiser les besoins des hommes et des femmes qui sont sur le marché du travail. Ça n'a aucun bon sens.

Les gens tombent malades, et ça a aussi des effets sur les enfants. Dans les recherches que nous avons faites, on a vu des petits enfants qui subissent des horaires incroyables de leurs parents, qui doivent se lever à 5 heures du matin. L'enfant n'a pas faim, ne veut pas s'habiller, et on le presse: vite, vite, vite... Les enfants deviennent stressés. Donc, il y a un problème de ce côté-là.

Au niveau scolaire, les enfants, à un moment donné, manquent de concentration à l'école. Quand vous vous levez très tôt, rendu à 2 heures l'après-midi, t'as un peu de difficulté à te concentrer. Alors, ça occasionne un paquet de problèmes. Et votre question, elle est très pertinente. On pourrait avoir tout un débat là-dessus. C'est vraiment une préoccupation que nous avons, et on a bien hâte d'avoir un vrai projet avec des principes... un programme concret avec peut-être des types de mesures, des obligations de tous les employeurs au Québec, un échéancier. Ce n'est pas une liste d'épicerie qu'on veut. On veut avoir un cadre qui va nous permettre d'agir et de dire: C'est une base, et on veut aller plus loin.

M. Bouchard (Vachon): Bien, je vous remercie beaucoup, parce que c'est un peu le sentiment que nous avons aussi, là, de faire un patchwork, sans avoir une idée de toute la couverture qu'on veut tisser, et on n'est même pas sûr de quels morceaux on est en train de faire lorsque, par exemple, on insiste sur la flexibilité à partir des services de garde, alors que la flexibilité pourrait être aussi ailleurs, et qu'on pourrait joindre ces deux morceaux là pour faire une couverture un peu plus, un peu plus solide, et en même temps savoir sur quel trame on joue. Moi, ça me préoccupe beaucoup, parce qu'on a des réactions, là, très vives ? et je suis persuadé que Mme la ministre les a aussi ? de gens qui sont inquiets, à savoir: Oui, mais est-ce qu'on va faire garder nos enfants de plus en plus, à des heures de plus en plus impossibles, alors que l'ensemble du tableau devrait nous inciter puis nous inspirer à partir de principes comme vous le dites et à partir d'un programme. Vous n'avez pas dit «d'une démarche». Vous avez dit: «À partir d'un programme», et c'est très important qu'on puisse se donner ces balises-là le plus rapidement possible. Et il y aurait peut-être un peu moins de résistance à certains endroits, de fait.

Autre question, la question des pertes d'emploi. Vous l'abordez en dernier lieu, là, à votre point 5, sur les conditions de travail, les relations de travail. Il y a des pays comme pas encore le Québec, là, mais il y a des pays, comme pas encore le Québec, qui ont choisi de défamiliariser les services aux membres de la famille, comme par exemple créer systématiquement des services à domicile pour les personnes âgées. Créer, comme on l'a fait au Québec, vraiment des réseaux très forts de garde d'enfants où des milliers de femmes trouvent un emploi de mieux en mieux rémunéré, de mieux en mieux soutenu à certains endroits, pour certaines en tous les cas, pas pour toutes parce qu'il y en a un certain nombre qui ont perdu leur accès au Code du travail dernièrement. Mais j'aimerais vous entendre là-dessus parce que, lorsque ce sont les gens eux-mêmes qui se présentent en commission parlementaire pour faire état de leur inquiétude, ils ont l'air à s'occuper seulement de leurs propres intérêts. Mais j'aimerais ça, d'un point de vue de constructeur de société, là, parce qu'un syndicat, c'est ça aussi qu'il fait, de vous entendre là-dessus, là. Il y a des centaines d'emplois en question là-dedans, des postes importants, puis en même temps des gens qui me semblent plus ou moins bien protégés. J'ai dit «des gens», mais j'aurais dû dire «des femmes».

n(16 h 10)n

M. Roy (René): J'essaie de poigner la question du bon bout: «de constructeur de la société» ou de centrale syndicale au niveau de la conciliation, vous nous parlez de la flexibilité, la flexibilité au niveau du...

M. Bouchard (Vachon): Non, je vous parle des emplois, là. Je vous parle des fermetures de postes, des emplois qui sont menacés dans la réforme. Puis je vous demande votre avis sur quel impact ça peut avoir sur notre capacité de se développer collectivement, parce que ce n'est pas n'importe quel emploi, là, dont on parle, hein? On parle d'emplois dans le développement social, cognitif et affectif de jeunes enfants. On parle d'emplois qui sont créés dans les communautés. On parle d'emplois pour des femmes. Puis on parle d'emplois de qualité qui s'améliore. Puis j'aimerais vous entendre là-dessus et à l'égard aussi de la protection qu'ont ces personnes maintenant dans le système.

M. Roy (René): Bah! En tout cas, je vais vous répondre de la manière que je le conçois. La manière qu'on conçoit avec les BC, les bureaux de coordination, c'est que la qualité des emplois actuels, la meilleure qualité des emplois qu'on a sont dans les CPE, bien sont dans les CPE. Et pour nous la manière que la loi est bâtie, on va davantage développer le réseau familial. Dans le réseau familial, en clair les travailleuses qui sont là, parce qu'une grande, grande partie, c'est des travailleuses qui ne sont pas syndiquées, ils ne peuvent pas se syndiquer non plus. Les heures de travail là-dedans, on nous parle souvent de 50, 60 heures de travail par semaine. Les salaires varient autour de 20 000 $ par semaine dans le réseau familial.

M. Bouchard (Vachon): Par année.

M. Roy (René): Par année, excusez. J'ai dit par semaine. Ce seraient plutôt... ce seraient plutôt des gens qu'on connaît, qui ne sont pas nos amis.

M. Bouchard (Vachon): Vous êtes dans Gomery, là.

M. Roy (René): ...dans le Gomery, oui, exactement, oui. Alors, la perte d'emploi, pour nous ça menace les emplois. La construction du BC menace des emplois qui sont plutôt dans le secteur du CPE, qui sont plutôt syndiqués, qui sont plutôt bien payés, et toute la question de l'équité salariale. Alors, s'il y a une coupure, ce qu'on dit là-dedans ? parce que la ministre, la ministre mais pas cette ministre-là, le ministre des Finances nous a coupé les budgets de 80 millions de dollars ? s'il y a coupure des budgets, alors, forcément, bien il y a coupure des services, il y a coupure du personnel. Et où est-ce qu'il va être coupé actuellement, ça va être bien plus du côté des CPE. Voilà. Alors, la perte d'emploi là-dedans pour nous, c'est comme ça qu'on la voit, c'est comme ça qu'on l'explique dans notre mémoire.

M. Bouchard (Vachon): Vous dites ça, puis c'est drôle, M. Roy, là, je ne veux pas vous confronter, là, mais vous avez l'air à être fataliste par rapport à ça. Si c'étaient 500 emplois dans Bombardier, là, qu'on annonçait, demain matin, me semble que vous auriez un autre ton.

M. Roy (René): Je ne sais pas pourquoi j'ai l'air fataliste, parce qu'on n'a aucune... on vient de le dénoncer dans notre mémoire, c'est bien écrit qu'on voit il y a perte d'emploi. Mais on ne nous a pas annoncé encore 500 mises à pied non plus, là. On n'a pas encore annoncé 500 mises à pied là-dedans. Mais il est évident, il est évident que, si ça va dans ce sens-là, puis ça s'en va dans ce sens-là, c'est ce sens-là qu'on a, puis on dénonce ces coupures-là. On ne comprend pas qu'on puisse faire des coupures au niveau des budgets alors que le gouvernement ? et ça, j'aurais aimé que vous souleviez cette question-là, vous le député de l'opposition ? le gouvernement a reçu un chèque de 1,1 milliard de dollars, puis il l'a affecté ailleurs alors qu'il devrait aller vers la conciliation travail-famille, puis il devrait aller vers les services de garde, etc. On voit mal pourquoi on demanderait de faire des économies sur les emplois du côté des services de garde. Je vais demander... Veux-tu rajouter là-dessus?

M. Léon (Atïm): Oui. Bien, à l'égard de l'emploi, il me semble qu'il y a deux choses fondamentales. D'abord, si, à la fin de la journée, la réforme de Mme Théberge veut dire qu'il y a moins de conseillères et de conseillers pédagogiques dans le système, ça voudra dire, en bout de ligne, qu'on aura réduit la qualité des services, première chose. La deuxième chose, ce qui est en jeu dans toute la question des services de garde à l'enfance, c'est la reconnaissance du rôle fondamental que jouent ces personnes-là qui sont en vaste majorité des femmes et qui sont sous-payées par rapport au travail qu'elles effectuent, et qui est une question de société qui traverse la fin du XXe siècle, en tout cas il nous semble, nous, et qui est fondamentale. Et ce n'est pas pour rien qu'on arrive aujourd'hui avec une loi qui force les entreprises et l'ensemble des organisations, au Québec, à garantir une équité salariale à travail égal et qu'on a vu le gouvernement en place sortir cette catégorie précise là de femmes de ce règlement-là. Il me semble que, là, il y a deux questions: la qualité puis la reconnaissance du travail des gens.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. Roy, Mme Gingras ou madame, M. Léon, pardon, merci beaucoup de votre participation au nom de la Fédération des travailleuses et travailleurs du Québec.

M. Roy (René): Juste une seconde, pour la ministre, là. Je voulais juste dire, elle nous a dit qu'on n'avait pas le mot «sur demande» dans la loi, puis on a une loi, nous autres, qui dit «formation sur demande».

Le Président (M. Copeman): Bien, merci beaucoup de votre participation au nom de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Et j'invite les représentants du Regroupement des centres de la petite enfance de Laval à prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): Alors, merci. C'est avec plaisir que nous accueillons les représentants du Regroupement des centres de la petite enfance de Laval. Je ne sais pas si c'est... Est-ce que c'est M. Germain qui va, de façon grosso modo, partir le bal?

M. Germain (Jean-Pierre): Du moins amorcer, oui.

Le Président (M. Copeman): Excellent. M. Germain est président du conseil d'administration. Tel qu'entendu, la commission va consacrer 45 minutes à l'audition de votre groupe: 15 minutes pour votre présentation et une période maximale de 15 minutes pour les députés de chaque côté de la table. Je vous prie de nous présenter les personnes qui vous accompagnent et par la suite enchaîner avec votre présentation.

Regroupement des centres
de la petite enfance de Laval

M. Germain (Jean-Pierre): Merci, M. le Président. Merci pour l'invitation. Alors, j'aimerais d'abord vous présenter les personnes qui prendront aujourd'hui la parole au nom du Regroupement des centres de la petite enfance de Laval. À ma droite, Mme Julie Bernier, complètement à droite, qui est parent usager et trésorière du Centre de la petite enfance Brins d'éveil; Mme Chantal Lavoie, psychologue clinicienne et conseillère pédagogique du Centre de la petite enfance La Giboulée; M. Mario Boucher, à ma gauche, parent et usager, et directeur général du Regroupement des centres de la petite enfance de Laval; et moi-même, Jean-Pierre Germain. Je suis gestionnaire du Centre de la petite enfance Youpi et président du Regroupement des centres de la petite enfance de Laval.

Je me permettrai d'abord quelques mots sur le Regroupement des centres de la petite enfance de Laval qui, depuis 1988, favorise le développement harmonieux et durable des services de garde éducatifs sur le territoire qu'il couvre, tout en offrant à ses membres et à la population un éventail de services afin d'accéder à l'excellence en matière de soins à la petite enfance. Le Regroupement des centres de la petite enfance de Laval accueille, à ce jour, 58 centres de la petite enfance, des entreprises d'économie sociale qui oeuvrent auprès des enfants et des familles.

n(16 h 20)n

La mission dénaturée du projet de loi n° 124. À la lecture du projet de loi n° 124, nous constatons que son fondement premier est de promouvoir la qualité des services de garde éducatifs fournis par les prestataires afin d'assurer la santé, la sécurité, le développement et le bien-être des enfants ainsi que de favoriser le développement harmonieux de l'offre de service en tenant compte des besoins des parents. Renforcés par les dires de la ministre Carole Théberge, au nom du gouvernement du Québec, les services de garde éducatifs devront s'adapter au marché du travail. Du coup, le projet de loi rend accessoire l'enfant dans ses besoins et ses droits fondamentaux plutôt que d'en faire sa pierre d'assise.

Alors, permettez-moi une citation de Janusz Korczak, tirée de son livre Le droit de l'enfant au respect, qui a inspiré la Déclaration des droits de l'enfant à l'ONU: «Nous disons: le futur homme, le futur travailleur; le futur citoyen. Ce qui veut dire que la vraie vie, les choses sérieuses commenceront pour eux plus tard, dans un avenir lointain. [...]Non, l'enfance, ce sont de longues et importantes années dans la vie d'un homme.» Fin de la citation. Et l'on pourrait aisément ajouter, recherches à l'appui, que ces années sont déterminantes pour la stabilité émotive de l'enfant qui reste en nous tout au long de notre vie.

Pour le respect des besoins de l'enfant, nous recommandons au gouvernement du Québec qu'il voie à doter la société québécoise d'une loi sur les services de garde éducatifs qui ait, comme considération déterminante, l'intérêt supérieur de l'enfant.

Une mission éducative et une qualité bazardées. Les articles 1 et 4 du projet de loi sur la qualité des services de garde éducatifs semblent empreints de vertuosité, mais en réalité ils n'arriveront pas à nous convaincre si le financement nécessaire n'y est pas. Faut-il rappeler que les CPE du Québec ont dû composer avec trois années consécutives d'effort, de rationalisation, en plus des coupures au budget de cette année.

Comment le gouvernement peut-il prétendre améliorer ou maintenir la qualité des services en enlevant aux CPE les moyens d'offrir le soutien pédagogique nécessaire aux enfants et aux éducatrices? Comment le gouvernement peut-il prétendre améliorer ou maintenir la qualité des services en enlevant aux CPE les moyens d'offrir des formations à ses employées? Comment le gouvernement peut-il prétendre améliorer ou maintenir la qualité des services quand, par sa ministre, il a installé dans le réseau des CPE un climat d'anxiété, de crainte et de colère, brisant ainsi toute la dynamique de collaboration qui existait depuis longtemps entre lui et la communauté qui a bâti ce réseau des CPE par 30 ans d'efforts collectifs? Parce que historiquement l'État faisait confiance à l'action citoyenne, à ce sujet. Permettez-moi une gorgée d'eau.

Le Président (M. Copeman): Deux, si ça vous tente.

M. Germain (Jean-Pierre): Ça va. Dans l'étude Grandir en qualité, que tout le monde connaît, on se souviendra que la qualité des services éducatifs offerts aux enfants d'âge préscolaire atteignait la cote «bonne ou très bonne» dans une proportion de 41,8 % des centres de la petite enfance, de 19,1 % dans les services de garde en milieu familial et de 10,7 % en garderie privée. Cette même qualité d'ensemble atteignait la cote «bonne ou très bonne» dans une proportion de 60,6 % en CPE et 9,5 % en garderie privée pour les services offerts aux poupons. Le modèle du réseau des CPE fait l'envie du reste du Canada et à l'extérieur du pays aussi. Laissez-nous les moyens d'offrir aux enfants un service éducatif de qualité afin qu'ils puissent continuer de grandir en qualité. Le réseau des CPE commence à se consolider, ne lui coupez pas les ailes.

Les articles 5 et 105 remplacent les notions de «programme éducatif», de «mission éducative» pour une notion vague et large de «démarche éducative». Selon le dictionnaire Larousse, une mission est un «but élevé, [un] devoir inhérent à une fonction, une profession, une activité et au rôle social qu'on lui attribue». Un programme est un «exposé, [une] déclaration des intentions, des projets d'une personne, d'un groupe, etc.» Dans les centres de la petite enfance, la mission éducative est le fondement qui affirme que l'enfant est au centre de nos interventions. Le programme éducatif est l'outil structuré et adapté aux besoins individuels de l'enfant pour son développement global tout en respectant son unicité et son rythme d'apprentissage.

Une démarche, selon le Larousse, c'est une «manière de penser, de raisonner». Nous ne trouvons rien là-dedans qui nous rassure sur le respect de l'unicité et du développement global de l'enfant. En quoi le texte de la loi actuelle à ce sujet fait-il défaut? Quelles sont les intentions du gouvernement? Une démarche éducative étatique avec un cadre de référence précis et des objectifs à atteindre. Il nous apparaît évident que le gouvernement, à travers les propos tenus par sa ministre, dans le cadre de la défense du projet de loi n° 124, n'a d'autre objectif que de leurrer la population sur la qualité réellement souhaitée pour les services de garde éducatifs du Québec, et recommandons au gouvernement qu'il demande à la ministre Théberge de rendre disponible le projet de réglementation afin que les milieux intéressés puissent en prendre connaissance avant l'adoption du projet de loi n° 124. Sinon, c'est un mandat à blanc. Et afin de comprendre le sens des articles 5 et 105 sur la démarche éducative, nous recommandons que le gouvernement demande à la ministre Théberge de rendre disponible, dès maintenant, le cadre de référence de la démarche éducative afin que les milieux intéressés puissent en prendre connaissance avant l'adoption du projet de loi n° 124.

Le principe d'universalité compromis. Les articles 80 et 81 du projet de loi... prend tout son sens concernant l'universalité des services de garde éducatifs, quand on sait déjà les intentions du gouvernement d'augmenter la contribution parentale en 2006. Nous citons ici le ministre qui a affirmé «qu'il n'y aurait pas de hausse de contribution parentale cette année, en 2005», ouvrant donc grande la porte à une hausse possible en 2006.

L'article 101 prévoit qu'«afin de mesurer l'atteinte des objectifs de la loi ? soit l'article 1 ? le ministre peut exiger des parents dont l'enfant bénéficie de services de garde subventionnés qu'ils lui transmettent, au moment qu'il détermine et à l'aide [de] formulaire qu'il fournit, les documents et renseignements prévus par règlement relatifs à leur emploi, à la catégorie de leurs revenus annuels, à la composition de leur famille et à leurs besoins de garde».

Par cet article, le gouvernement ouvre la porte à une restriction d'accessibilité et à une catégorisation de contribution parentale. Le principe d'universalité est expulsé dans le projet de loi n° 124. Je vais maintenant céder la parole à Mme Julie Bernier, qui va nous parler maintenant de la composition des conseils d'administration.

Le Président (M. Copeman): Mme Bernier.

Mme Bernier (Julie): D'abord, l'ajout de deux membres de la communauté proposé par le gouvernement m'apparaît futile, puisque la complémentarité recherchée est déjà présente dans la composition actuelle des conseils d'administration. Les curriculum vitae de quelques-uns des administrateurs de conseils d'administration des CPE de la région de Laval en font foi.

Pour ma part, je crois que l'on porte atteinte à mon intégrité, voire à mon intelligence, lorsque l'on sous-entend que les parents préoccupés par les besoins de leurs enfants sont, dès lors, dépouillés de leurs compétences et de leurs connaissances lorsque vient le temps d'assumer leur rôle d'administrateur. Dans sa forme actuelle, les parents administrateurs, puisqu'ils sont préoccupés par le bien-être des enfants, s'assurent de la saine gestion et bonne gestion des CPE. Il n'y a selon moi pas de conflit d'intérêts, mais plutôt convergence d'intérêts. En tant que mère et en tant que vice-présidente adjointe issue du milieu bancaire, responsable de ressources humaines, contrôle budgétaire, conformité, formation, assurance qualité et communications, le gouvernement croit-il réellement que je ne sois pas en mesure de m'acquitter de mes responsabilités face au conseil d'administration du CPE Brins d'éveil?

En terminant. Puisque nous sommes déjà soumis à la Loi des compagnies, partie III, qui légifère les règles concernant les élections des administrateurs et le fonctionnement de son conseil, en quoi le gouvernement sent-il le besoin de la substituer à leur projet de loi? De la même façon, pourquoi le gouvernement ressent le besoin de se donner toute la marge de manoeuvre voulue pour faire de l'ingérence dans la régie interne des conseils d'administration, pouvoirs qui appartiennent aux administrateurs élus... démocratiquement, pardon? Le gouvernement n'a-t-il pas confiance aux résultats de la démocratie? Sur cette question qui ne nécessite pas de réponse, je cède la parole à Mme Chantal Lavoie, qui vous... pardon, entretiendra des bureaux coordonnateurs.

Mme Lavoie (Chantal): Merci. Alors, il nous est aussi difficile de comprendre comment le gouvernement du Québec espère conjuguer ses objectifs de développement de la qualité à la création de bureaux coordonnateurs du milieu familial. Cette opération n'aurait pour véritable effet que de scinder les deux modes de garde et entraîner une perte significative du transfert des expertises, alors qu'on sait que la synergie entre le milieu familial et les CPE est une formule gagnante, une formule que je vis au quotidien en tant que conseillère pédagogique.

Par ailleurs, à ce jour, rien ne démontre qu'un organisme ayant la responsabilité de 700 à 800 places en milieu familial, donc environ 100 à 120 responsables de services de garde en milieu familial, pourra offrir un soutien rapide, efficace, personnalisé et répondant aux besoins réels des enfants, des parents et des responsables des services de garde.

n(16 h 30)n

Le Regroupement des centres de la petite enfance de Laval propose donc le maintien de la structure actuelle et la modification de certains règlements actuellement en vigueur afin de soulager certains irritants soulevés soit par les responsables de services de garde ou les parents du volet milieu familial.

Ainsi, les articles 29 et 40 du présent règlement, qui touchent le contrôle, la reconnaissance et l'application du programme éducatif, bénéficieraient d'une modification en venant préciser le cadre de leur application.

De plus, le soutien aux enfants et aux RSG devrait toujours être obligatoire et sans frais, et non sur demande comme en fait état le projet de loi. Ce serait là le gage qu'un service de garde de qualité est offert aux enfants.

Mais, au-delà de ces considérations réglementaires, le Regroupement des centres de la petite enfance de Laval s'interroge sur les réelles intentions du gouvernement du Québec à vouloir réformer la gestion de la garde en milieu familial alors que celle en place a fait ses preuves et nécessite seulement quelques ajustements. Pourquoi rejeter une formule gagnante au lieu de la consolider? Pourquoi amputer une jambe lorsqu'il y a seulement une égratignure à soigner?

En matière d'études, l'étude Grandir en qualité, 2003, publiée par l'Institut de la statistique du Québec pour le compte du ministère de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille vient appuyer notre constat. Elle démontre clairement que seulement 6 % des centres de la petite enfance ne satisfaisaient pas aux principes du programme éducatif du ministère et seulement 5,5 % d'entre eux obtenaient une cote «insatisfaisante» au niveau de la qualité d'ensemble des services offerts aux enfants. D'autre part, l'étude montre que c'est 53 % des garderies à but lucratif qui ne satisfaisaient pas aux principes du programme éducatif et que 37,4 % de ces mêmes garderies à but lucratif obtenaient la cote «insatisfaisante» pour la qualité d'ensemble de leurs services.

Le Président (M. Copeman): Mme Lavoie, je veux juste signaler, il reste 1 min 30 s pour la présentation.

Mme Lavoie (Chantal): D'accord, j'arrive à la fin. De plus, si le ministère répertorie davantage de plaintes envers les garderies à but lucratif, alors pourquoi ouvrir la porte à la commercialisation du volet milieu familial?

D'un point de vue scientifiquement démontré, l'expertise éducative se retrouve dans les centres de la petite enfance. Alors, pourquoi tant d'acharnement à faire en sorte que l'expertise soit éloignée de la garde en milieu familial? Et pourquoi ouvrir la porte à la commercialisation de la garde en milieu familial? Encore une fois, le gouvernement du Québec nous semble faire fausse route et aller à contre-courant de l'intérêt supérieur de l'enfant. Et je redonnerai la parole à M. Jean-Pierre Germain pour la conclusion.

M. Germain (Jean-Pierre): Alors, ce qu'il ne faut pas oublier aujourd'hui, c'est que tous ces débats ont au coeur l'enfant. C'est ce qu'on veut vraiment apporter comme message aujourd'hui à la commission parlementaire. En dehors de toute partisanerie, l'enfant doit avoir sa place. Malheureusement, c'est un être vulnérable qui ne peut pas être ici, aujourd'hui, représenté à une commission parlementaire.

Pour ces raisons, en fait pour toutes ces raisons qui sont en lien direct avec les fondements mêmes des services de garde, nous considérons que le projet de loi n° 124 est, dans sa forme actuelle, irrecevable et en recommandons le rejet.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup. Alors, afin de débuter l'échange, Mme la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine.

Mme Théberge: Merci, M. le Président. Bonjour, Mmes Bernier, Lavoie, M. Germain et monsieur... ? un instant ? M. Boucher ? excusez-moi. Bon, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation à venir nous rencontrer dans le cadre de la commission parlementaire. Je suis contente d'entendre que vous dites que dans le fond le projet de loi doit se tourner vers l'enfant parce que, si vous reprenez mes notes d'introduction à cette commission parlementaire, j'ai affirmé et j'ai demandé même à tous ceux qui se présenteraient de justement faire en sorte que les débats se fassent autour du bien-être des enfants et des besoins de leurs parents. Alors, on se rejoint là-dessus.

Ce n'est pas toujours facile, je vais vous dire, parce qu'il faut trouver, nous, le bon équilibre entre plusieurs éléments, dépendant dans quel secteur on est par rapport au projet de loi. Mais c'est notre devoir, je pense à moi mais à vous aussi, à vous avec un grand V, dans le fond, à vous qui êtes prestataires de services, qui donnez le service, qui au quotidien recevez les enfants, c'est à vous aussi. Et ensemble on va arriver à faire en sorte que, si je résume, que l'offre réponde à la demande et que les besoins des enfants, les besoins des parents, les besoins des gens qui travaillent en service de garde aussi soient répondus et écoutés, puis faire en sorte qu'on puisse faire plus et mieux. C'est ça en fait consolider un service pour s'assurer que les familles d'aujourd'hui, les familles de demain aussi y aient accès. Pour ça, bien il faut faire des choix, puis il faut revoir des choses, puis on peut aussi conserver aussi des éléments. Puis vous, à la lecture de la loi, vous avez sûrement aussi réalisé qu'il y a plusieurs éléments qui étaient là et qui sont demeurés là. Si la légistique, comme nos avocats nous ont dit, a été revue à certains égards, c'est parce que, quand on refait une loi, il faut revoir certains mots, mais le fond était là. Les éléments qui ont été ajoutés nous servent dans le fond, effectivement, à faire en sorte que l'enfant demeure au coeur de nos préoccupations, et qu'on fasse tout pour que le service y réponde.

Dans votre mémoire, vous parlez de... en fait, vous établissez une distinction ? puis ça, j'ai un petit peu de difficultés à comprendre ? entre le besoin des parents puis les besoins des enfants. Moi, il me semble que ça se rejoint beaucoup à certains égards, beaucoup, beaucoup.

J'aimerais savoir comment vous faites la résolution... en fait, l'amalgame de tout ça.

M. Germain (Jean-Pierre): Sur la question des besoins des familles, besoins des parents, besoins des femmes souvent, en particulier, il est évident que ce n'est pas du tout une préoccupation qu'on n'a pas. Et la préoccupation, elle est là...

Mme Théberge: ...distinguer... Ce n'est pas que vous ne l'avez pas, là, c'est ça. C'est ça.

M. Germain (Jean-Pierre): Oui. Mais en fait la distinction pour nous ? je pense qu'on l'avait quand même expliquée clairement ? c'est qu'il faut vraiment que ce projet de loi là tienne compte des intérêts supérieurs de l'enfant. Ce sont des termes qui sont même utilisés, si vous faites des références à des lois ontariennes, sur la question des services de garde éducatifs où on met vraiment de l'avant et en premier plan l'intérêt et le bien-être de l'enfant.

Cette notion-là, pour nous, elle est fondamentale, c'est-à-dire que, oui, on peut répondre à des questions de besoins des parents, besoins des familles, mais la première condition doit être respectée. Alors, on pourrait évidemment parler concrètement de toutes sortes d'exemples, mais, nous, dans nos CPE, ce qu'on vit, c'est qu'on peut voir, d'une certaine façon, dans les heures qui sont offertes présentement, les familles semblent très satisfaites de ces heures-là.

On a par contre quelquefois des échos où on nous apprend, entre autres, de vos propres dires, Mme la ministre, qu'il y a beaucoup de demandes au niveau de la garde atypique. Selon nous, c'est un sujet qui n'est pas vraiment actuel, dans le projet de loi, puisque la loi actuelle prévoit déjà ce genre de services de garde là, selon la demande qui lui est faite. Et la question que, nous, on pose, et qui n'a pas été concluante, c'est que les projets pilotes qui ont été mis de l'avant, ne serait-ce que sur le territoire de Laval, se sont tous soldés avec des fermetures de gardes atypiques.

Par exemple, le soir, dans un hôpital, comme celui de Cité de la santé, après enquête, ce qu'on a compris surtout, c'est que les parents qui auraient pu utiliser le service, ce qu'ils souhaitent le plus, c'est d'être soutenus pour que leurs enfants dorment dans leurs lits, chez eux, pas dans un service de garde et dans un dortoir. Dans le coeur d'une mère, dans le coeur d'un père, ça ne passe pas, ce n'est pas ça idéalement qu'ils veulent. C'est ça, le message que, nous, on reçoit. C'est un exemple, on pourrait en énumérer plusieurs autres évidemment.

Mais le message qui est clair pour nous, c'est la primauté aux intérêts supérieurs de l'enfant, puis pour nous c'est hyperimportant. Et il y a changement quand on dit: «...promouvoir la qualité des services de garde éducatifs fournis par les prestataires». Oui, on comprend bien que c'est pour assurer le bien-être de l'enfant. Mais un texte de loi a des conséquences, et on l'a compris ? on n'est pas des juristes ? mais je pense que les premiers mots qu'on devrait retourner là-dedans, c'est «dans l'intérêt supérieur des enfants». Continuons la suite après.

Mme Théberge: Je suis d'accord avec vous que les... exemple, la garde atypique de nuit est très peu populaire et pas souhaitable, puis ce n'est pas nécessairement le but du tout de ça non plus. Il n'y a pas énormément de demandes, même que les projets... je dirais, le résumé des projets pilotes dit effectivement que le volet nuit n'est pas très populaire pour les raisons que vous venez d'exprimer. Puis j'en conviens.

Par contre, il y a des besoins. La FTQ, qui vous précédait, disait qu'il y avait des besoins en milieu de travail à certains égards, puis il y a des moyens de l'organiser. Mais ça évidemment, c'est selon les secteurs. Ça peut être très ponctuel, même ponctuel en temps dans certaines régions. Quand on parle dans des régions qui sont très touristiques par exemple, il y a des besoins aussi qui sont particuliers là à certains moments de l'année, qui n'y sont pas en temps régulier. Et le défi qu'on a, comme je disais tout à l'heure, nous, c'est jumeler en fait un petit peu tout ça.

Et, si... dans un autre ordre d'idées, mais un petit peu dans le fond, en suite, au niveau de la démarche éducative. J'aimerais ça que vous m'expliquiez qu'est-ce que vous faites en fait, actuellement, au niveau de démarche ou programme éducatif, comme vous dites. Et puis qu'est-ce que ça ressemble au... pas au quotidien, mais pour répondre à cette objection-là? Parce que c'est revenu beaucoup, disant: Il y a une démarche, il y a un programme. Qu'est-ce que vous faites pour répondre, vous, présentement, au règlement ou à la loi?

n(16 h 40)n

Mme Lavoie (Chantal): Oui. Bien, chez nous, au CPE La Giboulée, comment on répond avec le programme-cadre du ministère, je crois, qui était très bien ficelé, qui nous mettait des balises claires en nous permettant d'avoir plusieurs programmes, comme j'entendais M. Bouchard parler. Donc, nous, chez nous, on a choisi d'appliquer le programme Jouer, c'est magique, l'activité projet, on a le projet Reggio Emilia. Donc, on a pris un amalgame de programmes qui répond aux balises claires qui ont été nommées dans le programme éducatif qui existe et qui selon nous est satisfaisant, parce que c'est important, je crois, au niveau éducatif, d'avoir des balises. Une démarche vague... Les représentants de votre ministère, qui sont venus faire la tournée d'information le 9 novembre, à Laval, parlaient d'un outil de réflexion, d'un outil de référence. On a besoin des balises claires si on veut que les enfants, dans nos services, soient stimulés, et bien encadrés, et qu'ils ne soient pas seulement gardés et occupés.

Mme Théberge: Vous avez tout à fait raison, on ne veut pas qu'ils soient juste gardés et occupés, puis, je pense, tout le monde en est conscient, puis le projet de loi se veut aussi un support à ça. Vous avez sûrement vu plusieurs éléments qui contribuent justement à un maintien de qualité et aussi à des mesures quand la qualité n'est pas au rendez-vous ou que la gestion optimale, par exemple, n'est pas au rendez-vous.

Mais ceci dit, voyez-vous, vous avez établi un programme, vous l'avez fait ? très bien, à ce que j'entends ? et par contre le mot «mission» ou le mot «programme» n'étaient pas dans la loi actuelle non plus, et ça ne vous a pas empêchées de le faire. Si on marque «démarche» ou qu'on marque «programme» ? j'entends bien les suggestions qui nous sont faites ? et que par la suite, dans le fond, il y a une obligation d'avoir cette démarche éducative, bien c'est parce qu'elle est importante, puis c'est la première fois qu'elle va être écrite dans la loi. Ce n'était pas là avant. Puis ce que je veux vous faire comprendre, c'est que dans le fond on le renforcit, cet élément-là, en le mettant dans la loi. Et, si vous voyez l'article 5, alors c'est... et est-ce qu'il y a un jeu de mots à changer? Ça, je peux en convenir, on est ici pour ça, là. Mais c'est important de savoir que, nous, l'esprit était de le renforcer pour qu'elle fasse office d'obligation, pour qu'elle soit au rendez-vous partout.

Mme Lavoie (Chantal): Donc, il faudra, parce que la démarche éducative, comme la réglementation nous est inconnue en ce moment, et, comme le mentionnait M. Germain, je pense que ça, c'est un gros manquement. On devrait connaître maintenant, en commission parlementaire, avoir ces deux documents-là de déposés, parce qu'on ne peut pas accepter un projet de loi comme signer un chèque en blanc. On doit connaître tous, tous, tous ces enjeux-là, et c'est les enjeux pédagogiques pour moi qui sont encore plus importants. Donc, la démarche éducative et la réglementation devraient être connues. Parce qu'une démarche éducative peut s'en aller dans deux sens: soit dans quelque chose de tellement précis qu'on peut être proche de la scolarisation précoce, qui a des impacts complètement désastreux chez les enfants, ou bien on peut aller dans quelque chose de tellement large et tellement interprétatif que de faire des petits cochons roses peut rentrer dans une démarche, parce que ça va être tellement large, et donc je réponds à une démarche éducative, je réponds donc à la loi, donc je suis un milieu de garde stimulant.

Donc, je pense que ce serait plus qu'important, voire essentiel que ces deux documents-là... Les représentants de votre ministère à notre tournée d'information nous ont dit que ces documents-là étaient terminés, qu'ils étaient des documents de travail sur lesquels les gens du milieu avaient travaillé et que c'étaient des documents très complets. Donc, s'ils existent, pourquoi ne pas les déposer en ce moment pour qu'on puisse connaître tous les enjeux actuels?

Mme Théberge: Ce que j'entends beaucoup dans votre préoccupation, c'est au niveau des balises claires. Puis ça, on se rejoint là-dessus, les balises claires, tout en laissant évidemment place aux réalités, et ça, c'est comme ça. Mais je comprends au niveau des enfants.

Un petit instant... je n'ai pas... On a parlé évidemment des bureaux coordonnateurs. Vous, vous êtes conseillère pédagogique, vous parlez de soutien, de supervision, et tout. Quand on parle de soutien adéquat à des responsables en milieu familial, comment, vous, vous voyez ça?

Mme Lavoie (Chantal): O.K. Un soutien adéquat pour moi, c'est un soutien qui est efficace, personnalisé et rapide. Donc, un soutien lorsque, moi, j'ai une de mes RSG qui m'appelle, la journée même je dois la rappeler, parce qu'elle a un petit Guillaume qui n'arrête pas de mordre ou parce qu'il y a un parent avec qui elle a de la misère, elle ne sait pas comment lui parler. Donc, c'est un soutien rapide et personnalisé. Moi, je peux le faire, parce que j'ai 20 responsables de services de garde que je soutiens quotidiennement. Une RSG qui me dit: Là, là, je n'en peux plus aujourd'hui. Je prends ma voiture et je me rends directement. Je ne pense pas qu'un organisme qui va gérer 700 ou 800 places en milieu familial, donc à peu près 120 RSG, pourra offrir un service aussi personnalisé et rapide. Parce que les responsables de services de garde, elles ont besoin qu'on se déplace, qu'on les écoute ici et maintenant et non pas leur dire: Je vais vous mettre sur une liste d'attente et, le 14 décembre prochain, je pourrai intervenir. Il sera trop tard. Donc, c'est ça, un soutien, pour moi, qui devra être maintenu. Et je ne pense pas qu'un bureau coordonnateur pourra faire un service aussi personnalisé, rapide, efficace qui répond vraiment aux besoins des enfants. On revient à l'intérêt supérieur, parce qu'en fin de compte c'est les enfants qui paient. Si la RSG ne peut pas avoir de soutien rapide ? et on le voit ? on sait que les enfants vont être exclus du service de garde.

Donc, il faut pouvoir répondre rapidement et non pas dans deux semaines, mais d'une manière personnelle. Moi, quand je rentre dans mes milieux, je connais le nom de tous les enfants, je connais le nom des RSG, je connais leurs enfants. Je ne veux pas arriver en disant: Bonjour, toi. Comment ça va, toi, numéro 242? Et je crois que les bureaux coordonnateurs, c'est vers ça qu'on s'en va, malheureusement.

M. Germain (Jean-Pierre): Est-ce que je peux me permettre...

Mme Théberge: Bien, je vais peut-être répondre un petit peu, juste pour rassurer madame. Dans le fond, ce n'est pas du tout notre objectif au niveau d'avoir des services impersonnels. Au contraire, on veut s'assurer justement d'un service qui demeure de proximité, qui soit soutenu, sur demande parfois, soutenu et en continu sur bien d'autres aspects, et ça, c'est important parce que je veux que vous sachiez ce que c'est, c'est ça, l'esprit de ce qu'on veut faire. Alors, c'est important que vous le sachiez pour pas non plus d'une part donner des interprétations ou juste des fois imaginer des choses. C'est vraiment dans ce sens-là qu'on veut travailler pour donner ce service de proximité et que ce soit conservé. Oui, M. Germain.

M. Germain (Jean-Pierre): Sans vouloir être impertinent, Mme la ministre, quelles sont vos intentions de déposer les documents en question qu'on vous demande d'être mis à la connaissance des milieux pour comprendre ce qu'il y a après? La réglementation, le cadre de référence? Quelle est votre réponse à ça? Vous ne répondez pas.

Mme Théberge: Bien, un instant.

M. Germain (Jean-Pierre): Oui.

Mme Théberge: Premièrement, dans la réglementation, il y a un travail qui se fait présentement. Évidemment, les règlements, ça suit l'approbation de la loi. Parce que les règlements, ça suit la loi. C'est conséquemment à tous les articles de loi. Comme on est en commission parlementaire, c'est sujet à modification à certains égards, on a des mots... ou des fois qui faut être changés ou des précisions à apporter. Le règlement suit, puis après ça les règles budgétaires. Il y a des procédures à faire avec ça. Certains travaux se font évidemment, présentement, en parallèle. Au moment opportun, on va présenter... Il y a des vérifications qui se font avec des comités, et tout ça, spécialisés qui viennent, entre autres, des services de garde à certains moments, mais ça va se faire en temps et lieu. Il ne faut pas, l'expression, mettre la charrue devant les boeufs parce que, sans ça, on se retrouve avec une loi qui peut être un peu différente de ce qu'on procède, mais c'est le but de la commission parlementaire. Et par la suite on fait les règlements. C'est ça.

M. Germain (Jean-Pierre): Évidemment, ma question, c'est vraiment d'un intérêt de connaître le puzzle, de comprendre vraiment vers quoi on s'en va.

Mme Théberge: J'entends bien votre préoccupation. Mais alors parce que le temps file, on a juste 15 minutes. J'avais une question, moi, sur les listes d'attente. Vous connaissez bien les problématiques, avez-vous des suggestions? On a présentement un projet pilote, nous, qui roule, à Montréal, soit avec une cinquantaine de CPE, pour voir avec le logiciel régional. Le bureau coordonnateur, on souhaite qu'il jumelle l'offre et la demande dans le respect évidemment de l'autonomie du milieu familial, pour éviter aux parents de part et d'autre, dans le fond, de faire évidemment du porte-à-porte mais aussi en respect aussi des besoins et des particularités des lieux. Là, je comprends ça. Mais qu'est-ce que vous faites puis avez-vous des suggestions, vous autres, à apporter pour les diminuer ou...

M. Boucher (Mario): Le Regroupement des centres de la petite enfance de Laval a travaillé et travaille encore depuis maintenant trois ans sur un projet de listes d'attente et de guichet unique d'inscription des parents. Il y a plusieurs problématiques qui se sont rattachées à cette question, notamment la problématique de communication de l'information. On sait que les listes d'attente sont des documents confidentiels, donc on ne peut pas nécessairement communiquer aussi facilement qu'on le voudrait l'information que celles-ci contiennent. Il nous apparaît, depuis trois ans, important pour plusieurs raisons que l'on puisse mettre en place des guichets uniques pour les parents, mais il ne faut pas non plus que ceci se fasse au détriment des responsables de services de garde en milieu familial. Parce que celles-ci, il ne faut pas l'oublier, sont travailleurs autonomes, et, en vertu de la loi sur le travail autonome, c'est elles qui ont à développer leurs clientèles. Donc, des guichets uniques pourraient être utiles pour tout le monde mais ne seraient pas... ou seraient difficilement rendus obligatoires. Par exemple, leur utilisation serait difficilement rendue obligatoire pour tout le monde.

Mme Théberge: Mais là vous parlez rien que le milieu familial, mais, en CPE, avec d'autres CPE, avez-vous aussi des échanges?

M. Boucher (Mario): Oui, on a fait le même travail aussi, la même réflexion, du côté des centres de la petite enfance. Et il y avait aussi bon plusieurs problématiques réglementaires, là, parce qu'on sait, entre autres, que les centres de la petite enfance étaient responsables de leurs listes d'attente. On sait aussi qu'il y avait une certaine exagération du côté des listes d'attente.

Le Président (M. Copeman): Malheureusement, c'est tout le temps qui est imparti à cet échange. Alors, M. le député de Vachon et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi, solidarité sociale et famille.

n(16 h 50)n

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Alors, bonjour, M. Germain, Mme Bernier ? Oui, c'est vous? ? Mme Lavoie et M. Boucher. Bonjour.

Il y a quelque chose, là, je pense, qu'il faut souligner, et je souligne l'article 5, là, auquel faisait référence la ministre tout à l'heure, là, quand on parlait de programme et de démarche. Je pense que, jusqu'à maintenant, il n'y a personne qui a contesté le fait que c'est un atout que d'avoir, dans un projet de loi comme celui-là, une référence spécifique à l'obligation, pour les services de garde, d'offrir ce que j'appellerais plutôt, moi, des programmes plutôt qu'une démarche éducative. Je pense que c'est un avantage, c'est une amélioration. Puis il y a, je pense, un consensus, là, ici, à ce propos-là. Ce n'est pas tellement que d'inclure ça dans la loi, mais que d'inclure les bonnes choses dans l'article. C'est ça qui va nous préoccuper.

Par exemple, on dit: «Afin d'assurer [les prestations] de services[...], le prestataire [...] prévoit, [...]des activités...» C'est un peu vague. On pourrait dire qu'il doit offrir des activités. On en reparlera quand on sera rendu dans l'étude détaillée des articles, là. Mais l'intention, je pense, est correcte. Le libellé et le glissement qu'on peut retrouver dans le libellé ne m'apparaît pas tout à fait adéquat, comme la plupart des gens viennent le dire ici. Mais l'intention de l'article lui-même ne laisse pas de doute.

Quand vous réclamez les règlements, bon, alors ça, je dois avouer que «welcome into the club». Le diable se cache dans les détails, puis c'est sûr que, dans un projet de loi comme celui-là, où il y a une gérance et quelque part une mise en oeuvre d'actions quotidiennes à l'égard des enfants, des parents, des éducateurs, des éducatrices, c'est important de voir quels sont en fait les moyens effectifs que le législateur se donne pour mettre en oeuvre son projet de loi.

Il y a des précédents. Mme la ministre, sans doute dans la jurisprudence, à son ministère, on pourra lui retracer. Mais il y a des précédents où le ministre ou la ministre dépose un projet de règlement, ce qui nous informe mieux des intentions effectives de la ministre quant à l'application de la loi. Et nous le réclamons aussi. Je pense que ce serait intéressant qu'on puisse l'avoir dès le début de l'étude détaillée, à tout le moins, sans que pour autant ça n'engage le gouvernement. Parce qu'un projet de règlement, c'est aussi bon que la loi qui va être adoptée ou non, là, et il n'y a personne qui va prendre ça comme un projet définitif ou comme un règlement définitif. Alors, je pense que c'est une bonne idée, c'est une bonne suggestion.

Puisque vous êtes un regroupement, je pose la question, mais comment va fonctionner un regroupement dans le schème qui nous est présenté maintenant? Avez-vous réfléchi à ce que pourrait faire un regroupement, s'il y avait un réseau de bureaux coordonnateurs, s'il y avait un mur entre les services de garde en milieu familial et les CPE? Comment ça fonctionnerait, d'après vous?

M. Boucher (Mario): Il n'y a pas eu de réflexion... Donc, dans un premier temps, sur ce que vous disiez, sur les intentions dans le cadre d'une loi, contrairement à ce que dit l'adage, ce n'est pas les intentions qui comptent, c'est le texte de la loi. Donc, on a beau avoir des belles intentions, si le texte de la loi ne fait pas en sorte qu'on puisse transcrire ça de façon claire, nette et précise, on peut avoir des problèmes.

Pour ce qui est de l'avenir du regroupement et de comment le regroupement devra composer avec l'apparition de nouvelles structures, je vais vous avouer qu'on n'a pas encore... on a réfléchi mais très brièvement à la question. Je vais vous avouer qu'au cours des deux dernières semaines, depuis le dépôt du projet de loi, on s'est plus affairés à essayer de comprendre le projet de loi, de voir ce qu'il contenait et puis d'en faire une lecture la plus éclairée possible.

M. Bouchard (Vachon): Est-ce que vous avez réfléchi à l'impact régional de l'application du concept de bureau coordonnateur? Combien, par exemple, de CPE se verraient retirer leur mission auprès des services de garde en milieu familial sur l'ensemble de vos membres?

M. Boucher (Mario): Sur le territoire de Laval, on compte 41 centres de la petite enfance et on estime une possibilité de cinq ou six bureaux coordonnateurs sur l'ensemble du territoire, dépendamment du découpage territorial qui sera fait. À ce moment-là, on peut estimer qu'il y aurait environ 35 centres de la petite enfance qui perdraient leur mission du côté du milieu familial.

M. Bouchard (Vachon): Ça peut représenter combien de places en milieu familial, selon votre évaluation?

M. Boucher (Mario): À Laval, si je ne me trompe pas, on parle de 4 884 places, approximativement. Bon, plus ou moins une, là.

M. Bouchard (Vachon): Plus ou moins une naissance récente.

M. Boucher (Mario): Oui.

M. Bouchard (Vachon): M. Boucher, ça changerait votre fonction, votre poste.

M. Boucher (Mario): Bien, il faudrait voir quelles seraient les constituantes, dans un premier temps, des bureaux coordonnateurs. Si ces bureaux coordonnateurs là sont des centres de la petite enfance, il y aurait toujours un lien ? en tout cas, on le pense ? qui s'établirait entre les bureaux coordonnateurs, centres de la petite enfance et le regroupement. Si par contre on avait ou on était en présence d'autres organismes sans but lucratif de société ou d'association, il pourrait à ce moment-là y avoir une scission ou plus clairement, là, une coupure entre ces services et ce type ou ce mode de garde et le regroupement comme tel. Donc, ça pourrait avoir une incidence.

M. Bouchard (Vachon): O.K. Là, vous venez de me répondre, puis ça m'éclaire, là, sur les relations entre le regroupement et les services de garde en milieu familial. Autrement dit, ce qu'on gagnerait en termes de coordination plus bureaucratique dans un bureau de coordination, on le perdrait probablement en termes de dynamisme et de cohésion territoriale, à travers un regroupement qui n'en aurait plus désormais la responsabilité. C'est ce que...

M. Boucher (Mario): Oui, oui.

M. Bouchard (Vachon): Oui. Dans votre... Ça, c'est important. Je n'avais pas vu ça encore, moi. Ça vient de m'apparaître, là.

M. Boucher (Mario): Félicitations! On est heureux d'avoir contribué à... Oui.

Mais, écoutez, il y a quand même une incidence, hein, auprès des regroupements. Tout ce revirement peut quand même avoir une incidence non seulement sur l'apport que font les regroupements aux milieux familiaux, mais aussi à l'inverse sur l'apport des milieux familiaux aux regroupements. Les regroupements...

M. Bouchard (Vachon): Nous demandons davantage de ça, parce qu'on entend ça souvent puis on n'a pas beaucoup d'illustrations de ça, de la contribution des milieux familiaux vers les installations.

M. Boucher (Mario): Vers les installations?

M. Bouchard (Vachon): Oui.

M. Boucher (Mario): Bien, je pense que, pour être très honnête, puis après ça je laisserai la parole à Chantal qui l'a vu au quotidien, je pense qu'il y a effectivement une synergie et il y a un échange de procédures et de connaissances qui se fait entre les milieux familiaux et les centres de la petite enfance, hein? Il y a quelque chose qui s'installe à un moment donné, et, cet échange-là, que ce soit avec la conseillère pédagogique ou que ce soit même avec les éducatrices des centres de la petite enfance, il y a vraiment une synergie qui se développe. Et il nous apparaît qu'on est en train de mettre de côté cette synergie-là pour arriver à un modèle qu'on ne connaît pas encore, dont on ne voit pas encore la forme et la structure. Chantal.

Mme Lavoie (Chantal): Comme je parlais dans ma présentation, on parle de transfert des expertises: chez nous, on fait un jumelage RSG et éducatrices, on fait des sorties ensemble, donc c'est tous des projets... On fait les formations ensemble, on fait des... Donc, c'est vraiment toutes les deux, parce que toutes les deux on gère un groupe d'enfants. Donc, une parle du multi-âge, là: Oui, toi, avec les 4 ans, tu fais ça? Donc, c'est tout un échange d'expertises au quotidien qu'on va perdre avec les bureaux de coordination du milieu familial. Et, même si j'entends la ministre me dire... de me rassurer comme quoi qu'on va mettre l'emphase sur le soutien, si on coupe 50 millions...

Et on a déjà commencé à couper. Chez nous, à notre CPE, on a perdu deux postes, dont un en soutien en milieu familial. Donc, c'est des choses qui sont réelles, et, si on doit couper un autre 50 millions, on sait que c'est là, les premiers postes qui vont partir, et tout... Moi qui étais là pour coordonner, pour faire un petit peu le tampon entre le milieu familial et l'installation, de provoquer ces situations-là d'échange d'expertises... n'existeront plus, parce que le bureau de coordonnateurs va être tout seul dans son entité et à gérer, et on ne sait pas par qui, donc ça pourrait être un organisme, ça peut être une association ou une société, donc on va perdre, je pense, toute cette qualité des expertises quotidiennes. Et ça, je pense que c'est plus que dommage, c'est une catastrophe.

M. Bouchard (Vachon): Mais là je pense que j'ai mon après-midi de découvertes, là. Le jumelage, alors je ne sais pas il y a combien de députés qui avaient entendu parler de ça ici, le jumelage entre des services de garde en milieu familial et des éducatrices, et non pas nécessairement une conseillère pédagogique. Ça veut dire que le jumelage se fait à travers aussi des activités qui impliquent les enfants des deux milieux en même temps?

Mme Lavoie (Chantal): Bien oui, bien oui!

M. Bouchard (Vachon): Bon! Levez la main, ceux qui savaient ça. Bon, écoutez.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard (Vachon): Bon, alors il y a des menteurs dans la gang!

Des voix: ...

Le Président (M. Copeman): Je pense que ça soulève une question de règlement, ça, M. le député, honnêtement, là... Allez-y, M. le député.

n(17 heures)n

M. Bouchard (Vachon): Oui. Mais, voyez-vous, je pense que c'est important qu'on puisse illustrer ça de façon claire, là, parce que c'est des principes, mais ces principes-là sont fondés sur des faits et un déploiement de liens qu'on est en train de menacer, là. Et, en parlant de menaces, je n'en veux pas au poste de directeur général, là, mais avant de passer la parole à Mme la députée de Rimouski, il y a une question que je me posais tout à l'heure et à laquelle vous n'avez pas répondu en me répondant à propos des regroupements. Mais votre poste de directeur général, dans un CPE tel qu'il est constitué maintenant, avec des ressources de garde en milieu familial, à supposer que, demain matin, on vous les retire...

Une voix: ...regroupement?

M. Bouchard (Vachon): Là, je ne vous parle pas du regroupement, là, je vous parle de votre poste de directeur général dans un CPE.

M. Boucher (Mario): Je ne suis pas directeur général d'un CPE. Je ne suis que directeur d'un regroupement.

M. Bouchard (Vachon): Vous, vous l'êtes? O.K. Alors, vous, vous l'êtes. Qu'est-ce que ça change?

M. Germain (Jean-Pierre): Ce que ça peut changer, parce qu'encore là on fonctionne à l'aveuglette, il y a évidemment les frais généraux dans lesquels on peut couper. On ne nous donne pas le choix en réalité parce que les éducatrices sont protégées, les enfants sont protégés, les parents par le fait... par le règlement de la contribution réduite. Donc, c'est au niveau des frais généraux que ça peut être touché, c'est l'ensemble des personnes qui vont tourner autour de la cuisine, le soutien pédagogique, tout le travail d'administration et la direction qui assure la coordination de tous les aspects, c'est-à-dire au niveau humain, matériel, financier du centre de la petite enfance. Donc, en réalité, ce que ça peut faire dans mon cas, eh bien... D'autant plus que, là, il y a un mémoire qui est présenté sur le site, où on parle, à ce moment-là, de classification autant au niveau des employés, on sait qu'il y a d'autre chose qui s'en vient au sujet des cadres, on s'attend quelque part à ce que ce soit ficelé pour que ces coupures-là nous expliquent que nos salaires doivent diminuer. Et, ne vous inquiétez pas, je ne suis pas le directeur qui gagne 100 000 $ par année au Québec. Alors, il est évident que tout ça, les cartes devront être mises sur la table.

À notre CPE, le CPE Youpi, ce qu'on avait mis de l'avant avec l'équipe de travail, qui est une équipe très dynamique qui met de l'avant surtout une collaboration, donc un esprit de... j'allais dire cogestion, mais c'est plutôt une gestion participative, on s'est entendu sur le fait que tout le monde ensemble aurait à trouver des solutions si on devait y arriver. Parce que la structure et la façon dont on procède, ce lien-là avec les RSG, que nos conseillères pédagogiques, en fait nos responsables du soutien pédagogique ont développé et qui offre aussi le soutien à l'intérieur des CPE, est quelque chose de précieux et compris de tous, et tout le monde se tient les coudes pour le conserver. Alors, on en arrivera là quand on sera là. Mais pour l'instant notre bataille, c'est qu'il faut que ça arrête, il faut arrêter de couper ces subventions-là. On pourrait y arriver, mais il faudrait au moins s'asseoir et avoir une collaboration avec le gouvernement là-dessus pour être capables de trouver des idées novatrices. Mais arrêtez de couper sur le soutien pédagogique parce que c'est la première conséquence qu'on vit présentement. C'est déjà commencé. Est-ce que ça répond un peu à la question?

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Rimouski, en vous signalant qu'il reste deux minutes pour l'échange.

Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Merci, mesdames messieurs. Je voudrais savoir. Vous avez 35 services de garde, CPE qui ont des services en milieu familial.

Une voix: ...

Mme Charest (Rimouski): Pardon?

M. Boucher (Mario): 41.

Mme Charest (Rimouski): 41 en tout. Ces 41 là risquent de perdre la garde en milieu familial. Ça représente combien de places en moins pour votre réseau? Ça représente aussi combien de dollars en moins pour le réseau? Et, dites-moi, est-ce que ça menace la survie des CPE de votre territoire?

M. Boucher (Mario): La survie des centres de la petite enfance de la région de Laval...

Mme Charest (Rimouski): Je m'excuse. Vous êtes en milieu urbain?

M. Boucher (Mario): Oui.

Mme Charest (Rimouski): Alors... et, moi, j'ai aussi le portrait du milieu rural, mais j'aimerais bien vous entendre sur votre...

M. Boucher (Mario): Il est évident que la survie des centres de la petite enfance sera touchée, hein? On court des risques avec non seulement le projet de loi, mais tout ce qui vient l'entourer, il y a des risques inhérents à tout ça. Si on regarde les efforts qui ont été demandés aux centres de la petite enfance dans les trois dernières années, rationalisation des coûts, c'est-à-dire 2,625 % des budgets qui ont été puisés, récupération des surplus sans nécessairement faire enquête, à savoir d'où étaient issus ces surplus-là, et puis coupures, cette année, de 41 millions de dollars, je pense que les centres de la petite enfance sont rendus, d'un côté financier, au bout de la corde. On ne pourra plus couper sans avoir un effet plus que néfaste dans la qualité des services qui sont offerts aux enfants. Il faut, je pense, en prendre conscience.

Mme Charest (Rimouski): Vous me dites que leur survie, pour certains, est menacée. Est-ce que vous avez une probabilité d'établie? Sur les 41, combien à peu près pourraient être vraiment acculés à fermer, compte tenu du financement inadéquat?

M. Boucher (Mario): Bon, il n'y a pas de chiffres ou de données qui sont disponibles pour l'instant. Le regroupement a demandé à ses membres de procéder à la réalisation de projections financières pour l'année 2006-2007 en tenant compte des quelques informations que nous avons présentement sur les règles budgétaires qui, on l'espère, seront connues avant le sixième ou le septième mois de l'année financière. Donc, à partir des informations qu'on a présentement, les centres de la petite enfance sont en train de préparer des projections de ce que sera leur réalité pour la prochaine année financière. À titre d'exemple, on sait que présentement, avec les règles en place maintenant, un centre de la petite enfance qui a deux installations de 60 places serait mathématiquement déficitaire de près de 100 000 $ pour la prochaine année.

Le Président (M. Copeman): M. Boucher, merci. C'est tout le temps qui est imparti. M. Germain, Mme Lavoie, Mme Bernier, M. Boucher, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom du Regroupement des centres de la petite enfance de Laval.

Et j'invite immédiatement les représentantes du Regroupement des centres de la petite enfance des régions de Québec et Chaudière-Appalaches à prendre place à la table.

Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 6)

(Reprise à 17 h 11)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Alors, la commission poursuit ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentantes du Regroupement des centres de la petite enfance des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches. Bonjour, mesdames. Nous allons... Comme je l'ai indiqué tantôt, la commission va consacrer 45 minutes à l'audition de votre groupe: 15 minutes pour faire votre présentation, et c'est suivi par un échange d'une durée maximum de 15 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Je ne sais pas qui va débuter. Mme Boucher?

Mme Boucher (Michèle): Oui.

Le Président (M. Copeman): Bonjour, Mme Boucher. Alors, je vous prie de présenter vos collaboratrices et par la suite d'enchaîner avec votre présentation.

Regroupement des centres de la petite
enfance des régions de Québec
et Chaudière-Appalaches

Mme Boucher (Michèle): Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes, MM. les parlementaires, bonjour. Merci de nous accueillir à cette commission.

Je vous présente mes compagnes de travail. Alors, Mme Hélène Gosselin, à ma droite, qui est directrice générale du CPE Les Mousses; à ma droite complètement, Mme Nancy Boissonneault, qui est parent utilisateur dans un CPE, qui est RSG dans un CPE et qui est membre de notre conseil d'administration au regroupement; j'aimerais également vous présenter Mme Johanne Lachance, qui est RSG du CPE Joli-Coeur et qui, au nom de ses compagnes de travail et d'autres RSG du milieu, voudrait vous présenter un mémoire. Alors, on lui a réservé un peu de temps sur notre table.

Alors, vous comprenez que, pour présenter un tel mémoire, nous avons consulté nos membres, mais, quand nous parlons aux membres, nous parlons aussi des parents administrateurs des CPE, des directions, des coordonnatrices de garde en milieu familial ainsi que de nos RSG.

Le regroupement, qui a pignon sur rue depuis 23 ans, représente 93 % des CPE de la région, c'est-à-dire 138 CPE sur 148. De ces 138 CPE, 137 sont diversifiés. Alors, nous représentons une clientèle qui est assez large. Les CPE membres de notre regroupement adhèrent aux principes fondamentaux qui sont l'universalité, les services à but non lucratif, l'accessibilité, le développement global de l'enfant, la prépondérance de la place des parents et le partenariat avec la communauté.

Quelques-unes des positions que le regroupement défend en regard de la consolidation du réseau. Ce que nous préconisons: ouverture aux changements qui convergent vers la consolidation des CPE dans leurs deux modes de garde actuels et dans le développement des services variés à la famille; ouverture aux changements qui sont susceptibles d'augmenter la qualité des services offerts par le CPE aux familles québécoises; ouverture aux changements qui convergent vers une amélioration de l'offre de places et une meilleure gestion de places disponibles; ouverture aux changements qui convergent vers une recherche d'efficacité et d'efficience par des économies d'échelle et de mutualisation.

Ce que nous n'acceptons pas: la commercialisation d'un réseau établi et sans but lucratif qui fonctionne bien; le démantèlement des CPE dans leurs deux modes de garde; la diminution de la qualité des services offerts aux familles québécoises, soit la bureaucratisation accrue des services, la diminution de l'encadrement du milieu familial, la perte de qualité de l'encadrement pédagogique des enfants, la perte des échanges, de l'entraide entre les deux modes de garde, la perte de la proximité entre les deux modes de garde, cette dernière étant porteuse de professionnalisme, garantie de qualité et de sécurité pour les tout-petits; la perte du pouvoir des parents utilisateurs dans la gestion de la majorité des services à la petite enfance; l'ingérence excessive de l'État dans la gestion interne des CPE; la non-concordance entre les orientations du projet de loi et les deux études majeures que la ministre a financées, soit l'Étude longitudinale du développement des enfants du Québec et Grandir en qualité; l'incohérence des attentes en lien avec la gestion versus les garderies à but lucratif, les bureaux coordonnateurs et les CPE.

Pour continuer la présentation, j'aimerais passer la parole à ma compagne, Nancy Boissonneault.

Mme Boissonneault (Nancy): Alors, bonjour. Je suis ici pour vous faire part des inquiétudes que nous vivons face au projet de loi n° 124. Pour nous, éducatrices en milieu familial, il nous est difficile de comprendre et d'accepter le changement fondamental d'orientation proposé dans le projet de loi n° 124, qui propose la rupture du lien entre les centres de la petite enfance et le milieu familial. Pour nous, éducatrices en milieu familial, nous sommes inquiètes de ce que nous allons perdre si le projet de loi n° 124 est adopté.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples. D'abord, au niveau de la proximité, dans un premier temps, les éducatrices en milieu familial ont un sentiment d'appartenance très fort face à leur centre de la petite enfance, car il représente un réseau reconnu dans notre société. Ce sentiment d'appartenance est développé et maintenu depuis plusieurs années pour la plupart des intervenantes dans le réseau. À titre d'exemple très clair, on peut parler au niveau de la garde d'été. Lors de nos vacances estivales, les RSG réfèrent les enfants à l'installation qui les a reconnues, également pour l'intégration des enfants soit handicapés ou ayant des besoins particuliers. Également pour le remplacement des éducatrices en milieu familial, en cas d'accident ou de maladie, les parents peuvent être redirigés vers l'installation ou dans d'autres milieux familiaux, généralement sans rupture de services.

Dans un deuxième temps, il existe une crédibilité importante qu'offre l'accréditation des éducatrices en milieu familial par le centre de la petite enfance d'un secteur face à la communauté, aux parents utilisateurs ainsi qu'aux futurs utilisateurs. Dans un troisième lieu, avec notre alliance actuelle auprès des centres de la petite enfance, il y a partage d'expertise entre l'installation et le milieu familial tout comme le partage des ressources humaines telles que les suivis, les conseils, la pédagogie, le support technique, etc. Les personnes avec lesquelles nous sommes rattachées aux installations nous connaissent bien, connaissent bien nos milieux de vie ainsi que les enfants qui les fréquentent. Ceci facilite l'avancement, le développement et l'accroissement de chaque détail et souci qui nous préoccupent au quotidien et qui font en sorte que nous maintenons un haut standard de qualité et de service auprès non seulement des parents et des enfants. Ceci ne représente en aucun temps autre chose qu'un service personnalisé.

Autre point important que les éducatrices en milieu familial craignent de perdre est celui de la définition réelle de leur statut de travailleuse autonome. Je m'explique. Advenant l'instauration de bureaux de coordination qui auront pour mandat, entre autres, de surveiller l'application des normes réglementaires concernant nos services de garde, nous sommes préoccupées à savoir jusqu'où iront leurs critères de renouvellement de permis si nous ne voulons pas, par exemple, nous rendre encore plus flexibles face aux demandes d'accessibilité pour les parents ayant des horaires atypiques, si nous ne voulons pas combler nos places non développées ou inoccupées par de la garde d'enfants d'âge scolaire ou de la garde occasionnelle. Et, en parlant de cette éventualité, les éducatrices en milieu familial ne sont pas contre la redistribution des places inoccupées, mais nous pouvons bien le vivre actuellement, car nous avons un lien de confiance avec les CPE, ce qui ne m'apparaît peut-être pas possible au niveau des bureaux de coordination, puisqu'ici on parle de compressions budgétaires, alors on ne pourra pas donner le soutien adéquat que vous préconisez et que nous recevons actuellement.

n(17 h 20)n

Ensuite, vous savez, les éducatrices en milieu familial ont fait, pour la plupart, ce choix de carrière d'abord et avant tout pour l'amour des enfants et prennent au sérieux leur rôle primordial au niveau de l'éducation pour la société de demain. D'autre part, elles ont également fait ce choix par rapport au statut de travailleuse autonome, toujours en lien avec leur milieu d'installation, pour avoir le choix de gérer, entre autres, leurs horaires et leurs ententes de services.

Toutefois, nous ne sommes pas informées des mesures exactes quant à l'application des modalités de la réglementation à venir des bureaux de coordination. Les éducatrices en milieu familial ne sont pas intéressées à vivre, année après année, avec l'épée de Damoclès au-dessus de leur tête, à savoir si elles seront renouvelées au lieu d'être tout simplement réévaluées.

Toute l'énergie, le temps et le dévouement que nous, éducatrices en milieu familial, donnons aux enfants, et ce, toujours en collaboration étroite avec les membres du personnel des CPE, deviendraient chose du passé du jour au lendemain? Quelle serait donc notre motivation? Comment pourrons-nous assurer à nos parents que leurs enfants pourront grandir sans problème dans nos milieux de garde?

Si les milieux de garde se ferment plus fréquemment, soit par démotivation des éducatrices, soit par rapport à une rigueur administrative des bureaux de coordination, combien de milieux feront les enfants de zéro à cinq ans avant leur rentrée scolaire? Où sera la qualité des services tant recherchée et pourtant tellement bien existante et constamment améliorée au moment où on se parle? Merci.

Mme Lachance (Johanne): Alors, bonjour. Je vous fais ici le résumé d'un mémoire écrit par les responsables d'un service de garde du CPE Joli-Coeur et du CPE de La Petite Grenouille.

Alors, avec le partenariat établi entre les responsables de services de garde en milieu familial et les centres de la petite enfance, les services de garde en milieu familial sont assurés d'une amélioration constante des services et de la poursuite du programme éducatif. Faire le choix de ce partenariat pour une RSG est gage du cheminement de qualité qu'elle veut se donner à elle, aux enfants et aux parents qui fréquentent son service.

Les acquis obtenus dans le réseau actuel. La structure actuelle des CPE, caractérisée par un nombre restreint de RSG sous la supervision d'une coordonnatrice et d'une conseillère pédagogique, nous donne accès présentement à du soutien individualisé pour les RSG, les enfants et les parents, des suivis rapides des dossiers en cours, un accès à des expertises professionnelles et du partenariat adapté à nos besoins spécifiques, de l'écoute active, un contrôle de la qualité des services de garde par une réévaluation annuelle et trois visites à l'improviste, une présence de RSG sur le conseil d'administration, permettant ainsi d'exprimer nos besoins et défendre des points sensibles, un esprit d'équipe permettant des échanges au sein du CPE, des visites pédagogiques sur un sujet déterminé permettant une continuité du cheminement et une évolution constante de la qualité des interventions, du soutien technique et administratif, un programme éducatif sur des bases universelles, des services et du soutien personnalisé aux RSG, aux enfants et aux parents, des formations adaptées aux besoins du milieu, l'opportunité de choisir avec quel CPE la RSG peut obtenir sa reconnaissance; et la proximité des services.

Les pertes que peut engendrer la loi n° 124. Avec la venue des bureaux coordonnateurs, nous, RSG, perdons tous les avantages permettant d'offrir des services de qualité. Nous serons désormais perdues dans la masse, anonymes et seules avec les problématiques que nous vivons quotidiennement.

Il est en effet difficile de croire que le nombre restreint de gestionnaires qui seront présents dans la structure des bureaux coordonnateurs soit en mesure de nous offrir les services énumérés précédemment, en plus d'assurer l'aspect administratif, considérant le nombre de RSG par bureau coordonnateur. Il en va de même pour le soutien aux enfants et aux parents, étant donné l'augmentation impressionnante du nombre d'enfants par bureau coordonnateur.

De plus, la réforme de Mme Théberge, appuyée par le désir de faire des économies, soulève des questionnements majeurs. Les argents récupérés par le gouvernement seront de moindre importance comparativement aux frais de déplacement des gestionnaires enclenchés par l'éloignement des milieux de garde par rapport au bureau coordonnateur, à la perte de productivité lors de ces déplacements, au coût de mise en place des nouvelles infrastructures et à la bureaucratisation des services.

Par les économies que vous allez faire sur le dos des services aux enfants en éliminant la qualité des services, le dépistage précoce et le soutien aux enfants présentant des besoins particuliers temporaires ou permanents, vous ne faites que refiler la facture à d'autres ministères. La facture, engendrée par des problèmes non résolus, augmente proportionnellement avec l'amplification des problèmes année après année.

En regard de notre statut de travailleuses autonomes, nous pouvons choisir notre clientèle, choisir nos heures d'ouverture, choisir nos périodes de vacances, choisir le CPE avec lequel nous désirons être affiliées, choisir d'administrer nous-mêmes notre liste d'attente.

Avec le projet de loi n° 124, notre statut de travailleuses autonomes se résume à la partie comptable. La venue des bureaux coordonnateurs donne au gestionnaire un droit unilatéral de non-renouvellement, de suspension ou de révocation des RSG. Au sein des bureaux coordonnateurs, nous n'avons plus de droit de parole, d'expression ou de représentation.

En grossissant et bureaucratisant la structure, vous enlevez aux RSG la possibilité d'offrir des services de garde selon leurs caractéristiques personnelles et celles de leurs milieux.

En dernier lieu, nous aurons à travailler avec une réglementation que nous ne connaissons même pas. De plus, la ministre se donne le droit de faire appliquer une nouvelle réglementation sans la soumettre aux règles de consultation primordiales. Nous n'aurons aucun droit de regard ni droit de parole sur le sujet.

Avec le pouvoir discrétionnaire qui est donné aux bureaux coordonnateurs et à la ministre de la Famille, où est l'autonomie des RSG? Où sont nos droits?

Le Président (M. Copeman): Mesdames, je vous signale, il reste une minute pour votre présentation.

Mme Lachance (Johanne): Considérant les pertes énumérées précédemment, d'autonomie des RSG dans leurs fonctions, que les RSG sont les premiers agents sur le terrain, que les RSG n'ont été consultées ni entendues par la ministre, considérant la hâte de la ministre Théberge à faire adopter le projet de loi, nous demandons le report de l'adoption à des fins de consultation de tous les acteurs du réseau sur les services de garde du Québec afin d'y apporter des changements nécessaires assurant la survie du réseau et la qualité des services offerts aux enfants.

Nous demandons le maintien des services de garde en milieu familial dans le réseau des CPE sous sa forme actuelle. Nous demandons à ce que soient prises en considération les solutions proposées par l'Association québécoise des CPE afin que le réseau soit en mesure d'effectuer des changements et des améliorations aux coûts d'opération du réseau tout en le maintenant sous sa forme actuelle. Je remets la parole à Mme Michèle Boucher.

Le Président (M. Copeman): En quelques secondes, Mme Boucher.

Mme Boucher (Michèle): Alors, quelques conclusions. Le projet de loi propose une rupture entre le milieu familial et l'installation, un déplacement massif des RSG. Le projet de loi, par l'instauration de bureaux coordonnateurs tous azimuts, propose des pertes d'emploi en nombre important, de la démobilisation, une baisse de la qualité des services aux familles québécoises.

Le réseau a proposé une solution juste et respectueuse atteignant les mêmes objectifs d'efficience et d'efficacité s'appuyant sur le pouvoir décisionnel des conseils d'administration. Le réseau a proposé une solution qui s'appuie sur la reconnaissance et l'expertise des travailleuses du réseau, tant en installation qu'en milieu familial, qui se fait dans le respect et la collaboration et ne nécessite pas de grands mouvements pour le milieu familial et ses travailleuses autonomes que sont les RSG.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, mesdames, pour votre présentation. Alors, afin de débuter l'échange, Mme la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine.

Mme Théberge (Carole): Merci, M. le Président. Merci, Mmes Boucher, Lachance, Gosselin et Boissonneault. Merci d'avoir accepté notre invitation.

Juste une précision, particulièrement à Mme Lachance, par rapport à l'autonomie des travailleuses en milieu de garde familiale. Je l'ai dit publiquement et en Chambre, je l'ai dit même au congrès de l'association des responsables en milieu familial, il y a environ trois semaines: À tout moment, nous allons respecter l'autonomie des responsables des milieux de garde familiale. Je l'ai dit. Et il n'y a rien dans le projet de loi dans le fond qui dit le contraire, premièrement; et, deuxièmement, soyez assurées que ça, ce sera fait, que les aspects qui touchent la coordination et en lien avec votre travail, tout va se faire en tout respect de votre autonomie.

n(17 h 30)n

Lorsqu'on parle du jumelage ? parce que vous disiez le droit de choisir, entre autres, les enfants ? est-ce qu'on parle du jumelage de l'offre? Il faut bien comprendre le sens du terme. Il y a une demande, et vous avez une offre, vous faites une offre. Dans le fond, vous dites: Moi, par exemple, je veux avoir des enfants de... ou je garde des enfants de quatre ans ou un groupe multiâge, en tout cas. Vous faites une offre, c'est ce jumelage-là que le bureau coordonnateur aura à faire et non à vous dire: Vous faites ci, vous faites ça. Le seul moment où ça pourrait arriver est si, par exemple, dans un secteur donné à travers le Québec, il y a un besoin pour des gardes de soir, par exemple. C'est dans ce sens-là que la demande va précéder l'offre, là, mais sinon c'est le jumelage pour éviter aux parents, entre autres, de faire du porte-à-porte, puis tout ça en respect de votre autonomie et aussi en respect des besoins spécifiques des enfants et de vos besoins à vous. En tout cas, j'espère que vous comprenez bien parce que c'est important que vous saisissiez bien. C'est non seulement dans notre volonté, c'est dans l'esprit de la loi aussi, alors c'est important que vous en soyez rassurées.

Et, au niveau de l'évaluation également, vous savez, présentement vous avez dans le fond une évaluation annuelle, une reconnaissance à toutes les années. Lorsqu'on dit une évaluation, ça se fait en général en continu, dans un fait, et la reconnaissance aux trois ans, au lieu de refaire à chaque année. Évidemment que, dans des cas où il y a une raison majeure de croire que la reconnaissance ne devrait pas s'appliquer ? puis ça, disons qu'il y a vraiment des cas extrêmes, là, où le service ne se rend pas puis ne se rend pas avec la qualité, puis vous le savez, parce qu'il y a parfois des gens qui ne donnent pas la qualité ou qui font des actions vraiment qui pourraient nous porter à dire: Bien, là, ce n'est pas normal que ça se fasse ? donc on peut retirer. Mais c'est dans des cas vraiment très, très extrêmes, puis il faut, au nom d'une loi, se donner la possibilité de le faire. Mais je peux vous rassurer tout de suite. Dans le fond, le service se voudra un service de proximité, un service de soutien exactement dans les termes que vous avez utilisés ? je pense que c'est Mme Boissonneault qui parlait de soutien, et tout ça ? c'est justement de conserver ce lien-là.

Et, dans cet ordre-là justement, Mme Boissonneault, vous parliez, vous, d'un soutien adéquat. C'est quoi pour vous qui êtes RSG? Puis Mme Lachance pourra aussi compléter, si elle le désire, au niveau d'une responsable en milieu familial. C'est quoi, pour vous, un soutien adéquat?

Mme Boissonneault (Nancy): Alors, pour moi, ça se transforme au niveau du lien de confiance qu'on a automatiquement avec la personne avec laquelle on est en contact au niveau de l'installation. S'il arrive un problème, une situation de conflit qui peut arriver avec un parent ou une problématique avec un enfant, cette personne-là, quand je disais tout à l'heure qu'elle connaissait notre milieu de vie, qu'elle connaissait les enfants qui le fréquentaient, elle nous connaissait vraiment bien, elle est en mesure de nous supporter et de nous aider à trouver des pistes de solution pour nous aider probablement à régler ce conflit-là ou de nous amener des alternatives. Parce que, souvent, quand on est dans la problématique, on n'a pas cette notion de retrait là, on ne peut pas voir effectivement. Et elle, avec son expertise, avec aussi... Il y a peut-être d'autres choses dans d'autres milieux. Étant donné qu'on interagit chacun dans nos milieux, on n'est probablement pas la seule à vivre cette expérience-là qu'on vit au moment où ça se passe. Et elle est en mesure, avec l'expertise qu'elle a et la connaissance profonde de nos milieux, de bien nous diriger dans nos pistes de solution pour nous aider. Alors ça, c'est un soutien qui est vraiment adéquat pour toute éducatrice en milieu de services de garde. Ça peut être une place de libre qui devient imprévue, un parent qui déménage, une mutation exactement, on se trouve à la dernière minute, on la contacte, cette personne-là se dévoue pour nous, comme je vous dis, en connaissance du milieu, elle nous connaît, on n'a pas à revoir le dossier de fond en comble, les résultats sont constants et sont automatiques.

Mme Théberge: Faire un bon jumelage dans le fond entre ce que vous offrez puis à quels parents vous pouvez rendre le service, en conséquence de cela.

Mme Boissonneault (Nancy): Voilà, exactement. Les erreurs sont minces. Les erreurs sont minces.

Mme Théberge: Parfait, c'est ça. Lorsqu'on parle des bureaux coordonnateurs, je sens de la réticence un petit peu de votre bord. Et, si l'agrément ? parce qu'un bureau coordonnateur va être agréé; si l'agrément ? était donné à un CPE, est-ce que vous verriez les mêmes écueils, les mêmes inconvénients?

Mme Boissonneault (Nancy): Bien, écoutez, le système, il est bien comme il est là, parce que le ratio est acceptable comme il est là. Si on donne un bureau de coordination à un CPE, le ratio va augmenter, et on ne pourra pas aller rechercher ce soutien adéquat là, je ne crois pas.

Mme Théberge: À ce moment-là, dans un des points de votre mémoire, à la page 5, en parlant justement des bureaux coordonnateurs également, de la complémentarité, vous dites... vous parlez de la complémentarité entre l'installation en milieu familial... et vous semblez inquiètes que le bureau coordonnateur mette en péril le choix d'un parent pour son milieu de garde. Je voulais juste que vous m'expliquiez pourquoi vous pensez que ça peut être inquiétant. Vous dites: Le choix des parents est respecté, en installation ou en milieu familial, et changement en cours de fréquentation si souhaité. C'est des exemples qui seraient perdus si on avait un bureau coordonnateur, là.

Mme Gosselin (Hélène): C'est dans l'éventualité où un bureau coordonnateur ne serait pas coordonné, si on veut, par un CPE. Alors, comme le CPE dans le moment offre les deux volets de garde, le parent peut choisir le volet qu'il préfère, soit en installation ou en milieu familial. Et même ce qu'on a pu observer fréquemment, avec les années et l'expérience, c'est que parfois le choix, le premier choix du milieu de garde du parent à l'usage ne se révélait pas nécessairement le bon, et ça se vit autant de l'installation vers le milieu familial que du milieu familial vers l'installation. Le fait de gérer les deux volets de garde permettait de faire une réponse vraiment pointue et adéquate aux besoins du parent, le fait de coordonner les deux volets de garde. Alors, dans notre mémoire, à la page 5, quand on parle de ça, c'est si n'importe quelle autre corporation peut devenir bureau coordonnateur et qu'il n'y a plus la complémentarité entre les deux services de garde.

Mme Théberge: Vous ne pensez pas, à ce moment-là... Parce qu'un groupe qui vous a précédées parlait de passerelles entre les services de garde, entre autres. Puis il y a des passerelles aussi, des liens avec d'autres organismes, par exemple des CLSC ou des organismes qui vont contribuer dans le fond à compléter l'offre de service aux enfants. Vous ne pensez que la même chose pourrait exister, qu'il y ait des passerelles entre un bureau coordonnateur et un CPE, puis un CPE qui pourrait être le bureau coordonnateur, dans le fond? Je m'explique mal pourquoi ça semble être obligatoire d'avoir une séparation au niveau des liens d'échange.

Mme Gosselin (Hélène): Vous nous demandez: Si le CPE est un bureau coordonnateur, c'est quoi, les contraintes qu'on pourrait avoir dans le cadre...

Mme Théberge: Non. Je vous demande pourquoi vous pensez qu'il ne pourrait pas y avoir de passerelles d'échange. Parce que vous dites: Si un CPE offre les deux, il y a des échanges, il y a des passerelles...

Mme Gosselin (Hélène): Ce qui nous questionne, dans la loi, avec le projet de loi actuel, c'est la grosseur des bureaux coordonnateurs et le fait que ça puisse être retiré des CPE. La grosseur des bureaux coordonnateurs nous dit... Comprenez-vous que, si un CPE devient bureau coordonnateur et qu'il gère 700 à 1 000 places en milieu familial par rapport à son installation qui est, admettons, de 50 places, le partage d'expertise, la grosseur d'un volet par rapport à l'autre, on croit que ça peut venir contraindre le partage d'expertise parce qu'il y a un milieu qui va se retrouver noyé par rapport à l'autre milieu. Alors, la grosseur des bureaux coordonnateurs nous questionne et aussi le fait qu'ils puissent être retirés du volet des CPE.

Mme Théberge: Alors, si je résume juste ce chapitre-là, parce que j'ai une autre question sur vos gestions de listes d'attente, je pense que vous avez fait un projet pilote dont je voudrais vous parler, ça veut dire que dans le fond, si les ratios étaient raisonnables, dirons-nous, et que c'était un CPE, vous verriez moins d'inconvénients.

Mme Gosselin (Hélène): Avec un seuil acceptable. On a déjà fait des projets, on a déjà analysé ça dans des propositions, et, avec un seuil minimal et maximal acceptable qu'on chiffrait autour de 100 places en milieu familial au maximum actuel de 250, oui, on pense qu'il y aurait de la faisabilité. La taille des bureaux coordonnateurs pour nous autres, on voit un manque de flexibilité dans notre offre de service, l'offre qu'on pourrait faire pour qu'elle soit autant de qualité que ce que les RSG ont témoigné ici, dans le moment. Alors, à 700 ou à 1 000 places et même à 500 places, on se questionne énormément sur cette qualité-là.

Mme Théberge: ...oui, que la qualité doit être au rendez-vous, puis le soutien, mais qu'en même temps, évidemment, on comprend aussi que, s'il y a un plus grand nombre de places, il y a plus de personnes dans l'équipe pour s'occuper aussi.

Mme Gosselin (Hélène): Avec les compressions budgétaires qu'on vit dans le moment, on se questionne sur effectivement la taille des effectifs du bureau coordonnateur. S'il est à 500 places avec les effectifs qu'on a actuellement dans un permis de 200 ou 250 places, bien on ne voit pas, avec la même grosseur de financement, comment on va pouvoir offrir la même qualité de service. Je veux dire, c'est une équation, ça, qui est mathématique, là.

Mme Théberge: O.K. Dans un autre ordre d'idées, sur les listes d'attente. Vous avez un outil sur Internet, je pense, qui fait une recherche dans... C'est Québec? Chaudière-Appalaches ou c'est juste Québec? Pouvez-vous m'en parler un petit peu, du fonctionnement puis des résultats? Depuis combien de temps vous avez mis ça en place?

Mme Gosselin (Hélène): Alors, dans le moment, ce qu'on a, on a un système qui est plutôt un système d'affichage de places disponibles dans les CPE, tant en milieu familial qu'au niveau de l'installation, et qui est efficace, qui vient de commencer à fonctionner et qui est efficace parce que, là, les places qui sont rendues disponibles pour x raisons... Par exemple, les quatre ans, dans le moment, on a une disponibilité de places, là, un petit peu partout, au Québec, alors ça permet une affectation de places qui est beaucoup plus rapide.

n(17 h 40)n

Là où on voit une difficulté, nous autres, à la centralisation des places, des listes d'attente ? par exemple, il est question d'une gestion des listes d'attente qui serait plutôt régionalisée ? c'est la faisabilité de ça sous le principe que dans le moment les listes d'attente qu'on gère sont remplies de renseignements nominatifs. Alors, la loi sur la protection des renseignements personnels, quand on a recueilli les informations sur les parents qui se mettaient en attente, on ne les a pas informés qu'un jour on pourrait transmettre leurs données à un possible centre régionalisé. Alors, le fait qu'on n'ait pas ces autorisations-là nous questionne. Si jamais il y a une liste d'attente qui est régionalisée et qui prendrait effet à une date x, et que les parents, par exemple, par un avis public, sont réorientés, doivent redonner leur nom pour une liste d'attente régionalisée, il y a tout l'aspect des parents qui sont en attente depuis x temps, qui perdraient leur priorité. Ça, au niveau de la faisabilité, ça nous questionne énormément, et on sait très bien ce que ça susciterait dans la population. Parce que les parents qui sont en attente de places, vous le savez, vous comme moi, que c'est des parents qui ont des besoins puis qui veulent une réponse à leurs besoins. Alors, comment est-ce qu'on va pouvoir gérer ce chaos-là? Ça, on a des questions là-dessus.

Mme Théberge: Juste avant, parce que le temps file. Mais comment vous faites à ce moment-là? Parce qu'il y a une préoccupation, quand on fait justement une coordination de places comme ça, de respecter dans le fond les besoins de l'enfant, par exemple. S'il n'a pas de besoins particuliers, c'est une chose, mais, par exemple, il peut être le frère, le petit frère ou la petite soeur d'un autre, il peut avoir un handicap, il peut avoir un besoin particulier, une installation peut être plus apte à le recevoir que d'autres ou en milieu familial. Comment vous faites? Vous faites juste afficher dans le fond les disponibilités, puis les gens font les démarches individuellement par la suite?

Mme Gosselin (Hélène): C'est affiché par le biais de nos... dans les CPE, mais aussi les parents peuvent, en ligne, voir les places qui sont disponibles et ce sont eux-mêmes qui font les démarches, à ce moment-là, et qui disent sur quelle liste d'attente ils étaient, là, au niveau des CPE.

Mme Théberge: O.K. Ils doivent, c'est ça, se retirer d'une liste en même temps.

Mme Boucher (Michèle): Ça n'empêche pas que le parent a déjà son nom peut-être sur une liste d'attente, mais là il sait qu'il y a une place disponible maintenant. Ça fait qu'il peut choisir d'aller à cette place-là et puis attendre sa place sur la liste qu'il préfère, au CPE qu'il préfère, soit plus proche ou pas, mais au moins il va avoir un service, puis il sait que c'est disponible maintenant.

Mme Théberge: Est-ce qu'automatiquement son nom s'enlève ou il doit faire la démarche d'aller enlever son nom sur les autres listes d'attente?

Mme Boucher (Michèle): Il doit faire la démarche de l'enlever, sinon, nous, quelques fois dans l'année, là, on fait des appels aux parents pour voir s'ils veulent toujours rester sur la liste d'attente, pour ne pas alourdir notre liste.

Mme Gosselin (Hélène): Il ne faut pas oublier que, quand c'est affiché aussi, c'est que le CPE qui affiche la place disponible, c'est qu'il a épuisé lui-même ses propres listes d'attente, il n'y a plus d'enfant en attente pour la place qui est rendue disponible auprès des autres...

Mme Théberge: Il y a déjà des démarches dans le fond avant de l'afficher.

Mme Gosselin (Hélène): Oui, c'est ça, oui.

Mme Théberge: C'est ça. Parfait. Est-ce qu'il reste encore du temps?

Le Président (M. Copeman): Il reste une minute et quelques secondes.

Mme Théberge: Une minute, bon, c'est parfait. À ce moment-là, vous savez qu'on a un projet justement pilote, à Montréal, sur une cinquantaine de CPE, pour des jumelages justement d'offres et de demandes comme ça, puis on va voir de quelle façon, mais ce que vous faites va sûrement aussi servir. Parce qu'il faut effectivement trouver la façon de faire les liens comme il faut, puis en respectant la confidentialité évidemment, c'est toujours un autre de nos défis. Alors... Bien, moi, je vais laisser aller, je pense, j'ai eu réponse à mes questions. Je vous remercie, merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): C'est bien. Alors, M. le député de Vachon et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi, solidarité sociale et famille.

M. Bouchard (Vachon): Oui, merci, M. le Président. Je regardais la ministre d'un air perplexe parce que je me disais: On ne connaît pas encore les résultats des projets pilotes, mais elle installe des bureaux coordonnateurs pour faire le travail, exactement le travail d'une liste d'attente centralisée. Il y a quelque chose que... En tout cas, on en reparlera. Je ne suis pas convaincu que... Ça me fait penser un petit peu à la modification de la loi sur la formation de la main-d'oeuvre, là, où on n'a pas attendu les évaluations qui avaient été commandées par le gouvernement puis on a modifié radicalement l'obligation de contribuer à la caisse du fonds de formation pour les entreprises de moins de 1 million de salaires, de masse salariale. C'est un petit peu la charrue avant les boeufs des fois, là. Mais, regardez, je n'ai pas le droit de dire ici que je ne connais pas les choses, là, c'est bien important.

Bonjour, Mme Boissonneault, Mme Gosselin, Mme Boucher et Mme Lachance. Je ne sais pas si la ministre était au courant comme je l'étais, mais ça vient me le rappeler, là, que, pour la garde d'été, par exemple, il y avait des ententes, il va y avoir des ententes entre les RSG puis l'installation qu'elles ont reconnue. Par exemple, aussi, dans le cas des remplacements de RSG, là, en cas d'accident ou de maladie qu'il pourrait y avoir. Vous étiez au courant de ça, là, comme vous étiez au courant du jumelage, puis pourtant vous voulez défaire tout ça, ça n'a pas d'allure. Mais...

Mme Théberge: ...entre les deux. Le règlement de remplacement, d'ailleurs, vous remarquerez que c'est nous qui l'avons mis en place, justement.

Le Président (M. Copeman): Chers collègues, ce serait mieux peut-être de...

M. Bouchard (Vachon): Non, non, mais je taquine, là.

Le Président (M. Copeman): Chers collègues, ce serait mieux, je pense, d'interagir avec nos invités à ce moment-ci.

M. Bouchard (Vachon): J'ai une couple de questions à nos invités en effet, M. le Président, mais je ne pouvais pas m'empêcher de souligner ça en passant.

Mme D'Amours, de l'Association des éducateurs et éducatrices en milieu familial, dans son mémoire, dit ceci: «Le projet de loi n° 124, par la création de bureaux de coordination, vient donc redonner un cadre mieux adapté à la garde éducative en milieu familial en lui reconnaissant son caractère distinct et en confirmant une structure indépendante d'un autre titulaire de permis.» Est-ce que vous m'entendez bien?

Une voix: ...

M. Bouchard (Vachon): Bon. «Le projet de loi n° 124, par la création de bureaux de coordination, viendra donc redonner un cadre mieux adapté à la garde éducative en milieu familial en lui reconnaissant son caractère distinct et en confirmant une structure indépendante d'un autre titulaire de permis. La définition de ces bureaux nous assure également une meilleure gestion, car elle précise leurs responsabilités de surveillance de l'application des normes établies par règlement.»

Je n'entends pas la même chose de votre part. Expliquez-nous un tout petit peu votre positionnement par rapport à l'association.

Mme Gosselin (Hélène): Je n'ai pas lu le mémoire de Mme D'Amours, mais je connais un petit peu...

M. Bouchard (Vachon): Je viens de vous en lire un extrait en caractères gras.

Mme Gosselin (Hélène): Oui. Vous venez de m'en lire un bout. Oui, je connais un peu la position. Mais, vous avez vu, on a amené avec nous des responsables de services de garde, on aurait pu en amener beaucoup plus. Elles représentent, je crois, très bien l'ensemble des RSG que nous supervisons, au niveau des centres de la petite enfance, et avec lesquelles nous collaborons au quotidien. Et les sondages qu'on a, au niveau du regroupement, entre autres, du Regroupement des centres de la petite enfance, nous disent... On a fait des sondages auprès de nos responsables de services de garde justement pour connaître leur niveau de satisfaction, les irritants qu'elles peuvent vivre avec le type de gestion, d'encadrement qu'on leur donne, et tout ça, et le niveau de satisfaction est très, très élevé. Et on ne reçoit pas du tout, de par nos RSG, le fameux message comme quoi elles se sentent comprimées dans nos services puis qu'elles seraient mieux ailleurs ou sous d'autres auspices. Nous, ce n'est pas du tout le message qu'on a. Ce n'est pas ce qu'on vit non plus au quotidien avec nos responsables de services de garde.

M. Bouchard (Vachon): Mme Boissonneault.

Mme Boissonneault (Nancy): Si je peux me permettre, il y a eu dernièrement notre gala reconnaissance avec le regroupement, et c'était fabuleux de voir non seulement l'énergie positive, mais la collaboration étroite entre les éducatrices en milieu familial et les centres de la petite enfance. Bon, il y a eu énormément de projets qui se dirigeaient, dans tous les sens du terme... Au niveau de la qualité de notre travail, il y avait plusieurs critères de sélection. On ne s'étalera pas là-dessus. Mais simplement, moi, ce que je veux vous faire comprendre, c'est que, je vous dirais, là, 50 % des nominés à recevoir ces prix-là étaient les éducatrices en milieu familial qui agissent... Même si elles agissent seules, elles ont tellement de liens forts avec leur CPE qu'elles ont pu mener à terme des projets extraordinaires. Alors, si on parle de satisfaction ici, moi, j'ai retenu un mot dans ce que vous avez lu tout à l'heure «de cadre humain». Alors, s'il n'y a pas de cadre humain, il n'y aurait pas de reconnaissance à ce niveau-là.

M. Bouchard (Vachon): Mais est-ce que l'aspect de la spécificité est important? Autrement dit, est-ce que c'est important, dans la réflexion que nous faisons et la mise en oeuvre d'une nouvelle loi, que cet aspect-là de la spécificité et de la reconnaissance de ce caractère spécifique des responsables de services de garde en milieu familial soit mieux protégé ou mieux reconnu? Parce que j'ai comme l'impression qu'à quelque part ça vient beaucoup alimenter la réflexion de l'Association des éducateurs et éducatrices en milieu familial. Est-ce que c'est quelque chose qui est important dans votre quotidien, dans la profession que vous faites?

Mme Lachance (Johanne): C'est certain que nous n'avons pas tous la même expérience de travail. Alors, de nous uniformiser à ce qu'on fasse toutes la même chose, ce serait complètement aberrant. On a tous chacun nos formations, on a tous chacun une complémentarité qui fait qu'on va donner des services de garde éducatifs.

n(17 h 50)n

Je voudrais aussi, puisque c'est ainsi, là, revérifier aussi par rapport à la réévaluation, lorsque vous parlez qu'on peut avoir une réévaluation qui n'est pas nécessairement obligée d'être aussi permanente. Même si une personne n'est pas en besoin parce qu'elle fonctionne très bien, parce qu'elle a l'expérience de plusieurs années, elle a quand même besoin d'un soutien favorable de son professionnalisme, d'un regard, quand même. On pourrait dire, bon: Elle, elle n'a pas besoin d'être réévaluée tout de suite, elle n'en ressent pas le besoin, sauf que c'est un besoin, lorsqu'on travaille seule, de toujours être alimentée, d'avoir droit à des formations qui vont incorporer et les éducatrices en installation et les éducatrices en milieu familial pour faire que nous sachions que nous avons une profession, nous sommes des éducatrices, qu'on soit en milieu familial ou qu'on soit dans une installation, peu importe le réseau. Alors, c'est ce qu'on essaie de continuer de faire à travers toutes nos formations.

M. Bouchard (Vachon): Dans un autre ordre d'idées, nous nous interrogeons souvent, de ce côté-ci, là, du devenir des installations dans le cadre de la réforme. Et j'aimerais vous poser la question: Par rapport à votre région de Chaudière-Appalaches comment ça se présente?

Mme Gosselin (Hélène): Dans le cadre du projet de loi qui est présenté actuellement, c'est aussi un grand questionnement qu'on a parce qu'on sait que, lors du développement, quand il y avait les comités aviseurs au CRCD, souvent même c'étaient les conseillers du ministère qui faisaient des recommandations à l'effet, entre autres pour de petites installations ou celles qui étaient en milieu rural, d'avoir un milieu familial et même de le faire grossir pour permettre, avec le financement global qu'on vit et qu'on vivait, une meilleure rentabilité puis un meilleur développement, déploiement de l'offre de service, puis une meilleure consolidation des services aussi.

Donc, avec la perspective que la garde en milieu familial soit confiée à des bureaux coordonnateurs qui soient externes, qui ne soient même pas dans les CPE, c'est clair qu'il y a des installations... puis on l'évalue, nous, pour le Regroupement Québec?Chaudière-Appalaches, on évalue qu'il y a 40 % à 60 % de nos installations, celles qui sont de plus petite taille ou encore qui vivaient déjà des difficultés financières, qui vont se retrouver en grave situation financière, même en danger, là, pour certaines. Alors, les coupures dans le financement, qu'on vit aussi, là, entraînent ces difficultés-là. Et ça nous fait douter, nous autres, de la viabilité. On pense que le projet de loi n° 124 est un petit peu la pointe de l'iceberg. Par la création des bureaux coordonnateurs, s'ils ne sont pas confiés à des CPE et dans une taille respectable, bien on pense que ça pourrait venir mettre en péril effectivement les installations et que c'est ce qui va suivre, et c'est ce qui nous fait craindre aussi un démantèlement des CPE.

M. Bouchard (Vachon): Alors, dans votre réponse, il y a deux éléments, là. Il y a conserver aux CPE la gestion à la fois d'installation et de service de garde en milieu familial, mais aussi la question de la taille. Parce qu'évidemment ça vient influer directement sur le nombre de CPE qui n'auraient pas accès à un budget global, là, hein? C'est pour ça que vous mentionnez les deux en même temps.

Mme Gosselin (Hélène): Puis, avec les bureaux coordonnateurs, s'ils étaient de grande taille, même s'ils sont confiés aux CPE, le fait qu'il va y avoir des déplacements... Parce qu'à la grosseur des bureaux coordonnateurs qui sont envisagés, à 700 ou 1 000 places, la perte de temps, l'organisation des personnes, du travail des personnes qui vont oeuvrer dans ces milieux-là, les pertes de temps en déplacements pour aller en visite de conformité, de soutien ou de contrôle, je veux dire, c'est cette perte de temps là que, quand on gère un plus petit milieu, on n'a pas. Bien, ils ne pourront pas servir à donner des services de la qualité dont les RSG qui sont ici parlaient, les services de proximité autant.

Quand, tout à l'heure, les gens qui présentaient le mémoire précédent disaient... C'est une réponse instantanée, c'est une réponse spontanée aux besoins des RSG qu'on leur offre présentement. Moi, je vois difficilement, en gérant 700 ou 1 000 places en milieu familial, comment je vais être en mesure de dire à mes employés, à mon personnel, moi-même, de le faire, de donner une réponse automatique à des besoins qui sont parfois très criants et qui nécessitent un soutien immédiat. Parfois, des RSG nous appellent et elles vivent des difficultés telles que ça met en péril la continuité de l'entente de services avec le parent et l'enfant qui fréquente le service. Et, s'il n'y a pas d'intervention immédiate, bien il va y avoir une rupture du lien et de l'entente de services. Alors, nous, ça nous fait craindre énormément.

M. Bouchard (Vachon): Je suis persuadé qu'il y a des gens, autour de cette table, qui comprennent très bien l'analyse que vous venez de faire, parce que l'intensité de l'intervention, son opportunité, c'est-à-dire sa capacité de se manifester alors qu'elle est nécessaire, sa continuité, c'est important. Et ce à quoi vous faites référence, c'est-à-dire le temps de friction, c'est-à-dire la dépense inutile dans les déplacements, etc., c'est aussi quelque chose qu'on vit dans d'autres systèmes et que les gens peuvent reconnaître autour de cette table, là.

Moi, j'ai été sensibilisé à ça particulièrement par un groupe de vos collègues que j'ai rencontré dans la région de Charlevoix. On sait que c'est étendu, il y a des dizaines et des centaines de kilomètres. Enfin, pour eux autres, ça représente peut-être 120 km à couvrir, là. Il y a un problème de logistique, mais il y a aussi un problème, je pense, d'appariement sociologique, là, c'est-à-dire être en mesure de reconnaître des comportements, des conduites puis des besoins qui appartiennent plus particulièrement à une communauté plutôt qu'à une autre. Il y avait, dans le domaine où j'étais auparavant, une équation puis un adage qui disaient... Dans le domaine, par exemple, de la protection des enfants, où les travailleurs sociaux étaient trop étrangers à l'environnement dans lequel ils travaillaient, on ne pouvait pas les appeler par leur petit nom, il y avait une perte d'efficacité et d'efficience qui était due à un manque de confiance puis de familiarité avec les intervenants. Il y avait un spécialiste à l'époque qui disait: «The best is to beat the area», c'est-à-dire être capable de connaître à ce point l'environnement parce qu'on le marche, on le connaît, etc. Bon. Je pense que c'est beaucoup à ça que vous faites référence aussi, n'est-ce pas? Oui?

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Bonjour, mesdames. Écoutez, on a reçu quand même, déjà, beaucoup de groupes à date, et je me pose la question: Si, au lieu d'aller de l'avant avec ce fameux projet de loi là, là, qui semble, autant dans ma région de la Mauricie, là, soulever beaucoup, beaucoup d'interrogations et d'inquiétudes... Parce qu'on est fréquentés beaucoup, là, par vos organismes, là. Beaucoup font même des manifestations, il y en a même une dimanche, là, dans ma région, chez moi. Les gens veulent se faire entendre parce qu'ils sont inquiets. Alors, si, avant d'aller de l'avant avec un tel projet de loi, on vous avait posé la question: Qu'est-ce que vous pourriez faire de mieux pour avoir de meilleurs liens ou une meilleure efficacité entre les CPE en installation et les services de garde en milieux familiaux? Parce que, moi, je suppose, là, je fais des suppositions, il y avait de quoi qui n'allait sûrement pas pour qu'on atterrisse avec un projet de loi semblable. Alors, comme il y a une inquiétude formelle, ça aurait été quoi, vos recommandations? Si, admettons, moi ou un autre, on vous avait posé la question auparavant, vous auriez eu quoi comme réaction? Au lieu d'aller de l'avant vers l'hyper ou la suprastructure qui définitivement ne rejoint pas personne ou à peu près ? ou à peu près ? si on parle en termes de nombre.

Le Président (M. Copeman): Je vais vous demander de résumer ça en une minute.

Mme Champagne: Ils sont solides.

Mme Gosselin (Hélène): Je vais essayer. Alors, on l'a dit en ouverture de notre mémoire, dans le préambule, on est très ouverts. On n'est pas en fait... On a de l'air en réaction contre tout changement. On est très ouverts à une consolidation de nos services de garde. Et on sait que, pour assurer la pérennité de nos services, il doit y avoir, après une phase intensive de développement, une consolidation qui est nécessaire. Mais on pense qu'elle peut se faire sur la base des CPE, des services de garde dont on s'est dotés, au Québec, des CPE donc, et qu'il y a moyen, en travaillant ensemble en partenariat et en écoutant les propositions qu'on a à faire, de, oui, moduler la garde en milieu familial et en installation d'une manière qu'elle puisse être plus rentable et efficace alors en atteignant une certaine masse critique.

Mais, pour nous, je l'ai dit tantôt un petit peu, dans les chiffres, là, alors en milieu familial, par exemple, là, des permis qui iraient de 100 places à 250 ? je dis des chiffres comme ça, là, pour donner, se faire une image d'un ordre de grandeur par rapport à ce qui est proposé actuellement ? et maintenir le lien, dans les CPE, du volet de la garde en milieu familial et de l'installation parce qu'on pense que c'est un modèle qui est performant.

Le Président (M. Copeman): Mme la présidente Boucher, Mmes Lachance, Gosselin et Boissonneault, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire au nom du Regroupement des centres de la petite enfance des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches.

Et, sur ce, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à 9 h 30, demain matin.

(Fin de la séance à 18 heures)


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