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Version finale

37e législature, 2e session
(14 mars 2006 au 21 février 2007)

Le mercredi 22 mars 2006 - Vol. 39 N° 2

Étude détaillée du projet de loi n° 125 - Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats

(Quinze heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Bonjour, chers collègues, pluriel. Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Je vous rappelle que nous sommes réunis afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 125, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions législatives, Bill 125, An Act to amend the Youth Protection Act and other legislative provisions.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Auclair (Vimont) va être remplacé par M. Blackburn (Roberval). Voilà.

Le Président (M. Copeman): Merci. Vous me permettrez, chers collègues, étant donné l'adoption des motions sans préavis d'hier, de souhaiter la bienvenue à notre nouveau membre permanent de la commission, en l'occurrence le député d'Orford. Bienvenue, M. le député. Je ne suis pas tout à fait sûr que vous savez dans quoi vous avez embarqué, mais on vous souhaite la bienvenue, la plus cordiale des bienvenues.

M. Bouchard (Vachon): M. le Président, je n'ai pas entendu le nom du comté comme il faut.

Le Président (M. Copeman): Alors, encore une fois, la plus cordiale bienvenue.

Étude détaillée

Loi sur la protection de la jeunesse

Principes généraux et droits des enfants (suite)

Nous sommes après une journée intéressante hier. Nous avons adopté... L'article 1 demeure suspendu, en suspens, suspendu, l'article 2 a été adopté tel qu'amendé et il y a une intention, qui a été exprimée hier, de retourner avec essentiellement un nouvel article 1.2 du projet de loi afin de modifier l'article 2.2. Évidemment, cette façon de faire requiert le consentement parce qu'on retourne... On fait du progrès en retournant en arrière, alors c'est ça requiert le consentement des membres de la commission afin de permettre au député de Vachon de présenter une telle motion.

Est-ce qu'il y a consentement? Il y a consentement. Alors, M. le député de Vachon, la parole est à vous.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Alors, j'aimerais introduire l'article 1.2 qui modifie l'article 2.2 de la Loi sur la protection de la jeunesse en insérant l'alinéa suivant suite au premier alinéa de 2.2, et je lis: «Tout enfant, notamment parmi les plus vulnérables, a droit à des services ou des programmes visant à le protéger contre les risques à sa santé ou à son développement.»

Le Président (M. Copeman): Alors, cet amendement m'apparaît recevable. Avons-nous des copies? Nous sommes en train de distribuer des copies. Alors, M. le député de Vachon, j'imagine que vous voulez nous dire quelques mots sur le sens de votre amendement.

M. Bouchard (Vachon): Oui, M. le Président. Au Québec, M. le Président, nous avons la chance d'avoir, au cours des ans, développé des compétences très fortes en matière de recherche épidémiologique sur les mauvais traitements envers les enfants, des recherches épidémiologiques et aussi étiologiques, et ces équipes de recherche, que le ministre connaît bien, d'ailleurs, pour les avoir rencontrées à quelques reprises, ont contribué largement à l'évolution de nos connaissances, en Amérique du Nord, sur toute la question des déterminants ou, si on veut, des causes associées ou des facteurs qui sont associés aux mauvais traitements envers les enfants. Ces causes ou ces déterminants nous ramènent donc aux conditions antérieures à l'apparition du problème.

Et je ne veux pas être trop long, là, M. le Président, mais je veux tout simplement spécifier qu'une fois connus ces facteurs ou ces causes devraient nous inciter, en tant que collectivité et société...

Oui? Excusez-moi, je pensais qu'il y avait une question de l'autre côté. Je suis tellement habitué dans une classe que j'étais prêt à répondre aux questions d'en face.

Le Président (M. Copeman): Concentrez-vous sur moi, M. le député, ça va vous aider, tel que notre règlement l'indique. Allez-y, M. le député.

M. Bouchard (Vachon): Je me concentre sur vous, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Excellent.

M. Bouchard (Vachon): Mais, quand je me concentre sur vous, ça me fait perdre le fil.

M. le Président, une fois qu'on connaît ces causes, une fois qu'on connaît ces déterminants, ça nous oblige, en tant que communauté ou société, à un certain nombre d'interventions auprès des enfants qui sont placés devant ces conditions de risque ou de vulnérabilité.

Il y a eu, en 1998, une très vaste enquête au Québec qui a duré tout un automne, l'automne de 1998, auprès de 10 000 enfants qui étaient signalés à la protection de la jeunesse. Il y a 800 intervenants et intervenantes du réseau de la DPJ qui ont collaboré à cette enquête. On a réussi à cartographier, de façon assez précise, à cette occasion-là, les taux d'abus et de négligence par région, par localité, par secteur, par milieu de vie, et il arrive que, dans certaines régions, les taux de négligence sont deux fois la moyenne québécoise, par exemple, et ça, la connaissance de ces données-là, la disponibilité de ces données-là incite les personnes à se pencher sur leur situation spécifique dans chacune des communautés et à se poser des questions: Mais qu'est-ce qu'on peut faire pour éviter que les taux ne soient aussi hauts? Qu'est-ce qu'on peut faire pour faire diminuer les taux d'incidence ou les taux de prévalence de ces états de situation? Et comment on peut y arriver ensemble?

n(15 h 40)n

Là, il y a eu le rapport Agissons en complices, si vous vous souvenez bien, de M. Cliche à l'époque qui recommandait un partenariat puis une concertation plus grande, entre les intervenants qui sont impliqués en protection de la jeunesse, dans des actions qui étaient à la fois centrées sur les interventions une fois que les enfants sont signalés, mais aussi bien avant que les enfants ne soient signalés, donc des interventions préventives.

C'est dans ce contexte que nous vous proposons, M. le Président, l'article 1.2 qui modifie 2.2. De par cet article, nous voulons signifier que nous avons, en tant que société, une obligation d'offrir à tous les enfants qui sont placés dans des situations de vulnérabilité une obligation d'offrir des services et des programmes qui ont pour objectif de les protéger contre ces risques, autrement dit des interventions de type préventif ou de type promotion du développement des enfants, qui arriveraient à atténuer considérablement l'impact des risques, de telle sorte à ce qu'on puisse éventuellement assister à une baisse des taux de signalement, notamment des taux de signalement qui sont retenus et qui sont considérés comme fondés à la direction de la protection de la jeunesse.

Ce n'est pas un rêve, ça, M. le Président, ce sont des approches qui ont été adoptées à quelques endroits en Amérique du Nord, notamment au Vermont où une approche qui s'appelle Communities that care a été implantée. Cette approche préconise les activités suivantes: premièrement, on fait état des taux de négligence dans la communauté; ensuite, on fait une étude des facteurs qui sont associés, dans les communautés, aux taux les plus élevés, aux taux les plus bas, puis on tente de comprendre ce qui influence ces taux-là, et ensuite on développe des interventions soit dans les écoles, soit autour de la naissance, soit dans les garderies, etc., et dans les familles pour arriver à infléchir les taux, ce qui oblige les communautés à identifier à la fois les forces et à la fois les faiblesses dans les milieux de vie des enfants et à travailler de concert.

Il n'y a rien de mieux que des données pour rapprocher les gens. Quand on voit devant nous, sur la table, là, que le taux d'abus ou de négligence est deux ou trois fois plus élevé qu'ailleurs, là, puis que quelque part on n'a rien fait encore, comme communauté, pour intervenir puis pour faire baisser ces taux-là, c'est une puissante motivation qui s'installe puis on se réveille très souvent autour de ça. Alors, l'intention, et le contexte, qui m'amène à déposer cet article 1.2 est celui que je viens de mentionner.

Deuxièmement, non seulement une telle disposition nous alerterait-elle et nous obligerait-elle, en tant que société, à agir vraiment dans des termes de prévention ? ça permettrait, premièrement, à la ministre d'avoir des budgets, là, parce que ce serait inscrit comme une obligation à faire tout ce qu'on peut pour atténuer les risques ? non seulement on arriverait à faire ça, mais on arriverait aussi, je pense, ce faisant, à améliorer le sort des enfants qui sont signalés. Pourquoi? Parce que moins il y a d'enfants qui vont arriver dans le système, mieux on va pouvoir les suivre et les traiter, mieux on va pouvoir s'occuper d'eux autres, mieux on va pouvoir les suivre dès leur entrée après le signalement jusqu'à leur sortie et au-delà de leur sortie, et au-delà de leur sortie.

Dans les études que l'on fait, M. le Président, un des facteurs de prédiction du retour des enfants dans le système de la protection de la jeunesse une fois sortis, c'est le fait qu'il n'y a plus de vigilance, il n'y a plus de vigilance qui s'exerce. Il n'y a pas de suivi de prévu. On ferme le dossier, on pense que la situation très souvent est réglée, mais ce n'est pas le cas. Très souvent, ces familles et ces enfants ont besoin de soutien prolongé, etc. Donc, ça nous permettrait, M. le Président, de s'attaquer à tous ces problèmes-là. Un enfant qui est passé à travers ce type d'expérience est dans une zone de vulnérabilité, ses parents aussi, nous le savons. Les enfants qui ne sont pas encore signalés mais qui vivent dans des conditions de très grande vulnérabilité, de très grand risque, nous le savons, sont des sujets à intervention qui, une fois installés dans leur environnement, portent souvent de très beaux fruits.

Alors, voici l'intention et voici les impacts présumés ou souhaités de l'article que nous introduisons, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. le député. Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation.

Mme Delisle: Alors, je vous remercie, M. le Président. J'interviens sur la proposition d'amendement évidemment qu'a déposée notre collègue de Vachon et je vais la lire: «Tout enfant, notamment parmi les plus vulnérables, a droit à des services ou des programmes visant à le protéger contre les risques à sa santé ou à son développement.»

Je reconnais la très grande expertise du député de Vachon. Tout le monde sait que le député de Vachon a oeuvré, pendant des années, comme chercheur. Il connaît très bien évidemment tout le dossier qui touche la vulnérabilité des enfants, la maltraitance, et je pense que, comme parlementaire, aujourd'hui, il nous a, de façon très abrégée, fait comprendre évidemment les situations, quelques-unes des situations finalement dans lesquelles vivent les jeunes et les familles.

Puisque vous nous aviez déposé l'amendement hier, j'ai eu le temps de réfléchir, on a eu le temps de regarder si on pouvait l'inclure ou pas. Je vais plaider, M. le Président, pour ne pas l'inclure puis je vais vous dire pourquoi. Ce n'est certainement pas parce que je n'accorde aucune crédibilité, aucune importance à ce que nous a dit le député de Vachon, parce que je suis une de celles qui ont pu bénéficier certainement de son expertise et de certains clins d'oeil pour m'indiquer à qui je pourrais parler pour mieux comprendre ce dossier-là. Je l'en remercie, puis il le sait, d'ailleurs, que je lui suis reconnaissante de ça.

Mais j'aimerais le ramener, d'abord et avant tout, au rapport Jasmin, le rapport Jasmin qui nous dit, et je cite, à la page 40, que la loi sur la... Je cite: «La Loi sur la protection de la jeunesse est une loi essentiellement curative qui vise à mettre fin à la situation de compromission dans laquelle se retrouve un enfant. Cette loi s'applique donc à une clientèle d'exception. Elle ne vise pas un objectif de prévention générale comme le fait la Loi sur les services de santé et de services sociaux en matière de programmes d'intervention communautaire.»

Je voudrais aussi rappeler à nos collègues parlementaires, de quelque formation que ce soit, que la Loi sur la santé publique fait référence justement à la prévention, parce que c'est de ça dont on parle. «Dans l'élaboration...» Je lis, pardon, le troisième alinéa de l'article 8 de la Loi sur la santé publique, et vous me permettrez de le lire, M. le Président. «Dans l'élaboration des volets du programme qui concernent la prévention et la promotion, le ministre doit, dans la mesure du possible, cibler les actions les plus efficaces à l'égard des déterminants de la santé, notamment celles qui peuvent influencer les inégalités de santé et de bien-être au sein de la population et celles qui peuvent contrer les effets [de] facteurs de risque touchant, notamment, les groupes les plus vulnérables de la population.» Il existe déjà, dans nos lois, cette référence à la prévention.

Je voudrais aussi signaler aux membres de cette commission qu'il y a de nombreux programmes, que ce soient des programmes gouvernementaux, que ce soient des programmes qui sont pilotés par des organismes communautaires, qui sont pilotés par des médecins, qui ne sont pas nécessairement financés par le gouvernement. Qu'on pense à la Clinique d'attachement, on peut penser au Dr Julien, on peut penser à d'autres organismes. Je pourrais vous nommer une multitude de programmes qui sont dispensés soit dans nos CLSC, à partir de nos CLSC, des équipes d'intervention jeunesse, des programmes spécifiques pour les jeunes, que ce soient les jeunes mamans, les jeunes mères enceintes, pour justement tenter de prévenir ces situations à risque, parce que souvent elles sont.... D'abord, souvent, elles viennent malheureusement de familles où elles se sont retrouvées dans des situations à risque. Elles vont avoir un enfant qu'elles vont élever dans une situation encore à risque, avec pas de support, pas de soutien.

Il y a des budgets qui ont été investis à la fois par le gouvernement précédent, notre gouvernement. Nous avons investi un budget de 22 millions actuellement qui est récurrent, qui a été investi, entre autres, dans le soutien aux jeunes parents. Je pense au soutien aux familles vivant dans l'extrême pauvreté. Alors, c'est Naître égaux et grandir en santé. On y a fait référence tout à l'heure.

n(15 h 50)n

J'ai eu le privilège, et je le dis, le très grand privilège de faire des rencontres dans 13 régions sur 16, au Québec. J'y ai rencontré des hommes et des femmes, des intervenants et des intervenantes, oui, qui m'ont dit qu'ils aimeraient ça avoir plus d'argent, c'est vrai, mais des programmes absolument extraordinaires qui ont été mis sur pied, que ce soit dans la région de Drummondville, que ce soit en Outaouais, que ce soit en Abitibi, et qui font évidemment de la prévention ? ça relève de leurs responsabilités puis ça relève à la fois de la responsabilité qu'ils ont comme organismes ? et qui pour la plupart sont financés, certains en tout cas sont grandement financés par le gouvernement.

Je plaide, M. le député, en vous disant que, puisque, dans la Loi sur la santé publique, on fait référence à l'obligation qui est donnée au ministre de la Santé, et au ministère de la Santé par ricochet, de mettre sur pied des programmes qui visent la prévention des clientèles les plus vulnérables, moi, je pense que ce n'est pas nécessaire de l'inclure dans la loi actuelle parce que la loi actuelle est une loi d'exception. Je me réfère aux travaux et aux recommandations du juge Jasmin ? on se rapporte souvent à son rapport ? qui, lui, nous dit que c'est une loi d'exception, ce n'est pas une loi curative.

Une voix: ...

Mme Delisle: C'est une loi curative, c'est une loi d'exception également. Et je ne voudrais surtout pas que les gens qui nous écoutent doutent un quart de seconde de la volonté que nous avons ici, comme parlementaires et comme gouvernement, mais qu'on a tous ici, là. On a eu l'occasion de rencontrer plus d'une soixantaine d'organismes. Il y a une dizaine ou une douzaine de personnes qui ne se sont pas présentées mais dont on a lu les mémoires, et, s'il y avait un fil conducteur, c'était bien celui de s'occuper des clientèles vulnérables et des propositions pour justement y arriver. Alors, dans les circonstances, M. le Président, moi, je vais voter contre l'inclusion de cet article-là dans la loi.

Le Président (M. Copeman): D'autres interventions? M. le député de Vachon, oui.

M. Bouchard (Vachon): Je connais la loi à laquelle la ministre fait référence, et ça ne me convainc pas beaucoup. D'abord, le libellé même de la loi, «dans la mesure du possible», entre guillemets, fait en sorte qu'on arrive dans un environnement législatif relativement mou, ce qui résulte très souvent dans un affaiblissement des efforts qui sont faits en matière préventive. C'est la dernière chose que l'on fait, c'est toujours la dernière chose que l'on fait.

Quel est, M. le Président, le niveau ou le taux des argents du ministère que l'on consacre à la prévention?

Mme Delisle: À l'ensemble des programmes? Bon, on fera...

M. Bouchard (Vachon): Dans l'ensemble des programmes.

Mme Delisle: On peut peut-être en discuter quand on fera les crédits.

M. Bouchard (Vachon): Non, mais...

Mme Delisle: Je n'ai pas tous ces montants-là ici, sur moi, là.

M. Bouchard (Vachon): Ça tourne autour de 3 %. Ça tourne autour de 3 %.

Ça fait des années que les gens de tous horizons et de tous partis se battent pour augmenter cette enveloppe de prévention, hein? On les augmente, mais, quand on les augmente de 200 %, on les augmente de très peu parce qu'on part d'un plancher qui est très bas. Et c'est la dernière chose qu'on fait, M. le Président, alors que ça devrait être la première chose qu'on fait. Ça, c'est ma première observation.

Malgré cette loi qu'invoque la ministre et qui énumère des obligations au ministre avec une précaution énorme, à savoir «dans la mesure du possible»... Ça, les législateurs sont bien sages, parce qu'autrement ça ne passerait pas au Conseil des ministres. On est dans un environnement qui n'est pas très, très, très engageant. Ça, c'est ma première réaction.

Ma deuxième, c'est que l'obligation est faite au ministre, mais le centre de l'intérêt pour nous ici, c'est l'enfant vulnérable, ce n'est pas le ministre. Et ce que l'amendement que je propose vise, c'est l'enfant. Ce n'est pas l'obligation du ministre, c'est l'enfant, qui a un droit, c'est le droit de l'enfant.

M. le Président, je vous ramène, si vous permettez, à 2.2. 2.2 apparaît sous le chapitre 2, Principes généraux et droits des enfants. Mon amendement, l'amendement que j'apporte au nom de l'opposition, est un amendement sur les droits des enfants. Il apparaît à la bonne place. Deuxièmement, il apparaît sous un énoncé qui est très général. Je lis l'énoncé, M. le Président: «La responsabilité d'assumer le soin, l'entretien et l'éducation d'un enfant et d'en assurer la surveillance incombe en premier lieu aux parents.» On pourrait dire ça de n'importe quelle circonstance, pas simplement dans la Loi de la protection de la jeunesse. On peut le dire à propos de toutes les situations dans lesquelles on doit statuer sur le rôle et le statut des parents et la fonction des parents, dans toute situation où on doit situer la responsabilité des adultes envers les enfants et la responsabilité spécifique du parent envers son enfant. Ça n'a rien à voir spécifiquement avec une loi d'exception, rien à voir avec une loi d'exception, sauf que c'est un principe qu'on énonce comme une condition antérieure à ce qui va suivre, et qui va guider éventuellement un certain nombre de décisions, et qui va avoir un impact, qui va avoir un impact sur d'autres programmes, d'autres services bien au-delà, bien en dehors des conditions ou des énoncés d'une loi d'exception.

M. le Président, pour ces deux raisons, je demande à la ministre de réfléchir à nouveau et de voir si... ? peut-être que l'endroit ne lui plaît pas dans le projet de loi, mais je doute que ce soit un élément important ? mais de réfléchir à nouveau du fait que l'introduction de cet item fait partie de la solution, cette obligation fait partie de la solution qu'elle recherche, à savoir la protection maximale des enfants vulnérables et des enfants qui sont placés dans des zones de risque. Je sais qu'elle recherche ça. Et, si elle ne le met pas, elle se place dans une situation où de très nombreux enfants ? pardon? ? elle se place dans des situations où de très nombreux enfants échappent à son intention. Elle se place dans une situation où dans le fond elle accepte que la direction de la protection de la jeunesse continue à être la porte d'entrée de très nombreux enfants qui sont placés dans des zones de très hauts risques parce qu'il n'y a rien qui, dans nos lois, détermine, définit le droit des enfants à ces services ? ce n'est pas l'obligation du ministre dans la mesure du possible ? le droit fondamental des enfants, et notamment ceux qui sont plus à risque.

Et je disais hier, je pense, que, bon an, mal an, il y a 8 000 à 12 000 naissances qui peuvent correspondre à ce type de situation qui définit le droit fondamental des enfants à obtenir des services qui les protégeront contre ces risques. Moi, j'insiste auprès de la ministre, M. le Président, pour qu'elle prenne quelques moments supplémentaires de réflexion quant à ça. Je n'énoncerai pas, là, des inquiétudes et des menaces qui seraient outrancières et qui invoqueraient une négligence de notre part si on rejetait la proposition, mais je veux tout simplement faire comprendre que mon insistance, mon insistance vient du fait que...

n(16 heures)n

Et ça, M. le Président, là, je vous pose la question. Dans votre comté, si les organismes qui sont mandatés pour faire de la prévention n'offrent pas les programmes qui sont attendus et qui seraient souhaitables envers les enfants qui sont vulnérables dans votre communauté, dans votre comté, qui sont à risque, il n'y a aucune disposition dans nos lois qui vient sanctionner ce type d'insouciance, de négligence ou d'incapacité. Aucune. Il n'y a aucun élément qui, dans nos lois, vous permettrait, en tant que député, de dire: Aïe! il y a un droit, là, de ces enfants-là, qui sont au nombre de 242 dans mon comté, à recevoir les services et les programmes. Qu'est-ce que vous avez fait en vertu de cette loi-là? Vous n'avez aucune poignée, M. le député, pour intervenir auprès de ces organisations. C'est pour ça que je plaide. Je plaide pour que celles et ceux qui ont une responsabilité envers les citoyens et les citoyennes, celles et ceux qui sont notamment, pas tous, pas seulement mais notamment élus, et qui ont un souci pour le bien-être, le développement et la santé de leurs commettants et de leurs commettantes, notamment les enfants à très haut risque, puissent avoir une capacité d'intervention à partir d'un environnement légal.

Il me semble que c'est un outil puissant, ça, pour une ministre déléguée aussi, devant le Conseil des ministres, pour dire: J'ai besoin de ces ressources, j'ai besoin de ces ressources. Pourquoi? Parce qu'il y a un droit qui est affirmé dans ma loi, à l'effet d'offrir à ces familles qui sont vulnérables, qui font face à de l'adversité... et on connaît laquelle sorte.

Il y a des familles, là, M. le Président, où un petit coup de pouce offert de façon intensive, durant quelques mois, dès le début de la vie de l'enfant, leur permettrait d'éviter toutes sortes de drames. Mais quelque part ce droit-là n'est pas exprimé et ça nous manque, ça nous manque. Moi, je rêve du jour où on pourra avoir, dans notre législation, dans nos lois, cette capacité d'interpeller à la fois les gouvernements, à la fois les organisations, à la fois les institutions pour leur dire: Aïe! on a une obligation envers ces enfants parce que nous avons, en tant que société, accepté de reconnaître leur droit à des services tout simplement parce qu'ils sont plus vulnérables que les autres.

Le Président (M. Copeman): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Alors, je n'en vois pas. Est-ce que l'amendement proposé par le député de Vachon, à l'effet de créer l'article 1.2, est adopté?

Une voix: Adopté.

Une voix: Rejeté.

Le Président (M. Copeman): Rejeté. Alors, nous procédons à l'article 3. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Delisle: Un instant, je vais retrouver mon projet de loi. Bon. Donnez-moi une petite seconde.

Bon. Alors, l'article 3 se lit comme suit:

L'article 4 de cette loi est remplacé par le suivant:

«Toute décision prise en vertu de la présente loi doit tendre à maintenir l'enfant dans son milieu familial.

«Lorsque, dans l'intérêt de l'enfant, un tel maintien dans son milieu familial n'est pas possible, la décision doit tendre à lui assurer, dans la mesure du possible auprès des personnes qui lui sont [...] significatives, la continuité des soins et la stabilité des liens et des conditions de vie appropriées à ses besoins et à son âge et se rapprochant le plus d'un milieu familial. De plus, l'implication des parents doit toujours être favorisée dans une perspective de retour de l'enfant dans son milieu familial.

«Lorsque, dans l'intérêt de l'enfant, le retour dans son milieu familial n'est pas possible, la décision doit tendre à lui assurer, à plus long terme, la continuité des soins et la stabilité des liens et des conditions de vie appropriées à ses besoins et à son âge.»

Nous avons un amendement, M. le Président, que j'ai déposé. On a un amendement. Ça va?

Le Président (M. Copeman): Si vous voulez le présenter tout de suite, Mme la ministre.

Mme Delisle: Je le présente tout de suite?

Le Président (M. Copeman): Absolument.

Mme Delisle: Alors, l'amendement se lit comme suit:

L'article 8 de cette loi est remplacé par le suivant:

«L'enfant et ses parents ont le droit de recevoir...»

Non, je ne suis pas à la bonne place. Je suis désolée. Excusez-moi, je ne suis pas au bon. Pardon.

Bon. Alors, à l'article 3:

1° insérer, après le mot «significatives» du deuxième alinéa de l'article 4, remplacé par l'article 3 de ce projet de loi, ce qui suit... donc, après les «personnes les plus significatives», on inclurait «, notamment les grands-parents et les autres membres de la famille élargie,»;

2° remplacer, dans le deuxième alinéa de l'article 4, remplacé par l'article 3 de ce projet de loi, les mots «dans une perspective de retour de l'enfant dans son milieu familial» par «dans la perspective de les amener et de les aider à exercer leurs responsabilités parentales»; et

3° supprimer, dans la deuxième ligne du troisième alinéa de l'article 4, remplacé par l'article 3 de ce projet de loi, le mot «plus».

Alors, quelques explications, M. le Président. On se rappellera qu'avant même que les audiences publiques commencent sur le projet de loi n° 125 déjà les grands-parents nous avaient rencontrés, à la fois l'opposition et nous, pour nous signaler qu'ils se sentaient totalement exclus, dans le projet de loi, même dans la loi actuelle, et que par conséquent, lorsqu'ils souhaitaient intervenir auprès de leurs petits-enfants ou faire comprendre aux intervenants et à la DPJ, au directeur de la protection de la jeunesse, qu'ils souhaitaient, à tout le moins, être informés, à tout le moins, prendre partie à la décision si c'est possible, bien la loi était muette là-dessus, on ne parlait pas des grands-parents. Donc, c'est pour répondre à cette première demande là que nous incluons notamment les grands-parents et les autres membres de la famille élargie. Donc, ça peut être un oncle, une tante, un cousin, une cousine, enfin quiconque finalement fait partie de cette grande famille élargie là, et ça peut répondre en partie à une réflexion que nous ont faite les femmes autochtones, qui souhaitaient aussi qu'on puisse tenir compte de leurs valeurs et de leurs coutumes. Donc, la famille élargie pourrait très bien être dans certains cas une voisine qui s'occupe très, très bien de leurs enfants, puis c'est comme ça qu'on le voit, là.

Donc, la question de la famille élargie, c'est sûr que, dans notre définition à nous, c'est ça, mais, puisqu'on aura l'occasion, un peu plus tard, de parler de comment on va traiter des... pas traiter mais en fait comment on va essayer de composer aussi avec les traditions autochtones, peut-être pas par le biais du projet de loi mais certainement par les divers programmes et les actions que nous allons poser, moi, je pense que je soulevais cet exemple-là pour dire que ça pourrait, à tout le moins, être perçu comme ça.

Maintenant, le dernier alinéa. Vous vous rappellerez, encore là, qu'on a eu des représentations de divers groupes ? entre autres, je pense à la Clinique d'attachement de l'Hôpital Sainte-Justine, le Forum sur l'abandon des enfants, les directeurs de la protection de la jeunesse, les centres jeunesse, l'Association des centres jeunesse aussi ? pour le mot ? ça, c'est dans le troisième alinéa ? pour le mot «plus». On souhaitait qu'on retire le mot «plus» puis qu'on dise tout simplement «à long terme».

Pour ce qui est de remplacer, dans le deuxième alinéa, «dans une perspective de retour de l'enfant dans son milieu familial» par «dans la perspective de les amener et de les aider à exercer leurs responsabilités parentales», on trouvait que c'était beaucoup plus... ça expliquait davantage l'importance, là, de la participation active des parents à la prise de décision, surtout quand on cherche, dans le cas des mesures volontaires, à aller chercher l'adhésion, à aller chercher l'adhésion finalement de ces gens-là, de ces parents-là. Parce qu'il ne faut pas oublier que, quand on parle «dans la perspective de les amener et de les aider à exercer leurs responsabilités parentales», ça veut également dire aussi, là, que c'est aller chercher les services ? il y a peut-être des parents qui ne souhaitent pas aller les chercher ? puis c'est essayer de tenter de les convaincre que c'est important pour désamorcer une crise, pour s'assurer que l'enfant puisse retourner, si c'est possible, dans son milieu naturel, dans son milieu familial. Donc, c'est essentiellement les motifs qui nous ont amenés à déposer cet amendement-là, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Y a-t-il d'autres intervenants? Oui, M. le député de Vachon.

n(16 h 10)n

M. Bouchard (Vachon): M. le Président, là, je pense qu'on va peut-être rentrer dans un argument de procédure, là, des éléments de procédure. C'est parce que, bien qu'on puisse être ? veuille bien ou puisse, là ? être d'accord avec les amendements que nous présente la ministre, nous avions, nous, une reformulation complète de l'article 3, qui modifie l'article 4, à proposer, et ou bien on procède en considérant les amendements que nous propose la ministre ou bien on procède plutôt à l'inverse, c'est-à-dire qu'on dispose de notre amendement qui modifie l'économie de l'article en question, qui reformule l'article en question. Dans la reformulation, de fait nous avons tenu compte des amendements que nous propose la ministre, et, suivant que l'on accepte ou non notre amendement, nous pourrions alors considérer que les amendements de la ministre, puisqu'ils sont intégrés, là, dans notre proposition, sont reconnus en même temps.

Moi, je propose qu'on dispose d'abord de notre amendement et ensuite, le cas échéant, qu'on revienne aux amendements de la ministre ou non, là.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Vachon, on va vous suggérer de présenter officiellement votre amendement. Si vous êtes d'accord et Mme la ministre aussi, on pourra discuter des deux ensemble de façon conjointe puis faire avancer le débat dans ce sens-là. Mme la ministre, est-ce que vous êtes...

Mme Delisle: M. le Président, moi, j'accepterais. Je suis bon joueur, comme vous pouvez savoir. Moi, j'accepterais, là. Je ne sais pas si c'est un accroc aux règles parlementaires, mais il m'apparaît que, si l'opposition souhaite qu'on débatte de son amendement...

C'est parce que c'est un débat de fond, là, ce n'est pas un débat sur des termes. De toute façon, il va falloir qu'on le fasse. Alors, qu'on le fasse en sous-amendement, en amendement, moi, l'important, c'est qu'on fasse ce débat-là. Alors, moi, j'accepterais, si mes collègues sont d'accord, qu'on... Moi, je peux retirer celui que, moi, j'ai... Non, je ne peux pas le faire, il est déjà... Bon. Alors, on peut, si les règles parlementaires le permettent, débattre de cet article-là déposé par l'opposition, d'ailleurs qu'il faudrait qu'il lise, puis ensuite, c'est ça, on se gouvernera sur la suite des choses.

Le Président (M. Paquin): Parfait. Donc, vous déposez votre amendement officiellement. On vous écoute sur votre amendement, M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Alors, article 3: Remplacer l'article 3 qui modifie l'article 4 de la protection de la jeunesse par:

«Toute décision prise en vertu de la présente loi doit tendre à assurer à l'enfant la continuité des soins et la stabilité des liens et des conditions de vie appropriées à ses besoins et à son âge. Ces décisions, dans la mesure du possible, doivent privilégier le maintien dans son milieu familial.

«Dans ce contexte, l'implication des parents doit toujours être favorisée dans la perspective de les amener et de les aider à exercer leurs responsabilités parentales.

«Lorsque, dans l'intérêt de l'enfant, un tel maintien dans sa famille est contre-indiqué, la décision doit privilégier le maintien des liens avec les personnes qui lui sont significatives, comme par exemple les grands-parents et les autres membres de la famille élargie, aptes à lui assurer un milieu de vie adéquat.»

Voilà. La lecture étant faite, j'imagine que j'attends un jugement sur la recevabilité.

Le Président (M. Copeman): Bien, écoute, l'amendement m'apparaît recevable. Il s'agit de savoir évidemment... Nous avons un amendement déjà devant la commission. Pour fins de commodité, la présidence peut toujours permettre une discussion simultanée. Moi, je ne sais pas comment la commission veut procéder. C'est sûr, une application stricte du règlement indique qu'on devrait disposer de l'amendement de la ministre en premier lieu puis par la suite de celui du député de Vachon. Je comprends que les deux amendements s'apparentent, en tout cas sont proches l'un de l'autre.

Moi, j'aurais tendance à dire qu'on procède de façon simultanée, puis par la suite on disposera en premier lieu de l'amendement de la ministre puis par la suite de l'amendement du député de Vachon. Mais on n'a pas beaucoup de choix, là. La présidence est tenue à au moins mettre aux voix les amendements dans l'ordre dans lequel ils sont soumis à la commission. Avez-vous une préférence chers collègues?

Mme Delisle: Est-ce que je peux parler?

Le Président (M. Copeman): Allez-y, Mme la ministre, oui.

Mme Delisle: Sans faire le débat sur la proposition qu'a faite le député de Vachon, je trouverais ça difficile, sincèrement, de faire le débat sur les deux en même temps. La seule chose que je pense qu'on peut faire, si on veut prendre les deux articles en même temps, c'est de les prendre paragraphe par paragraphe: alors, à ce moment-là, le premier paragraphe, qui change finalement le sens de ce qu'on souhaitait retrouver dans la loi; le deuxième alinéa, ça va, c'est la même chose; le troisième change un peu aussi, là. Alors, soit qu'on fasse le leur...

Moi, M. le Président, je ne veux pas compliquer la vie de personne, là.

Le Président (M. Copeman): O.K. Bien, si vous êtes d'accord, d'abord, pourquoi ne pas faire le débat sur l'amendement de M. le député de Vachon dans son ensemble, par la suite en disposer puis par la suite revenir sur l'amendement de la ministre? Je pense qu'après réflexion ce serait plus sage, hein? Ça vous va?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Copeman): Pour fins techniques, là, probablement qu'on va mettre en suspens pour l'instant l'étude de l'amendement proposé par la ministre, je vais permettre l'introduction évidemment de l'amendement du député de Vachon, puis on va faire la discussion là-dessus.

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): Exact. C'est ça qui est convenu. Alors, je suspends l'étude de l'amendement de la ministre et on prend en considération celui du député de Vachon. Allez-y.

M. Bouchard (Vachon): M. le Président, je vais être le plus bref possible, là, je pense que c'est assez clair, l'intention qui est derrière tout ça. Ce qu'il faut saisir dans notre proposition, c'est la chose suivante: nous posons comme prémisse que l'intention du législateur est de donner la primauté des droits aux enfants sur les autres. C'est-à-dire qu'il y a, de la part du législateur, une intention de clarifier un certain nombre d'enjeux fondamentaux. Le premier enjeu auquel s'attaque le législateur est l'enjeu des droits ? droits des enfants, droits des parents, etc. ? et ça a toujours été, ça, cet enjeu-là, l'expression d'une tension très grande entre deux types de droits, les droits des enfants, les droits des parents, et, dans le contexte de la protection de la jeunesse, cette tension-là, et cette ambiguïté-là, est très, très, très délétère, très embêtante pour les intervenants, qui doivent décider, pour chacune des actions, quels droits ils doivent privilégier parce que la loi n'était pas tout à fait claire là-dessus.

Durant la commission, nous avons entendu plusieurs témoignages, et j'ai aussi entendu la ministre dire: Oui, en effet la loi est orientée de telle sorte à assurer la stabilité et la sécurité de l'enfant et à reconnaître les droits de l'enfant en primauté, et, moi, ça m'apparaît une orientation fondamentale qui, je pense, à terme et selon les conditions qui suivront ? et là on peut parler des ressources, mais on peut parler aussi de la qualité des interventions, etc. ? est une orientation qui est prometteuse. Il m'apparaît, il nous apparaît, aux membres de l'opposition, qu'il est assez facile pour nous de nous associer à cette orientation qui, je le répète, peut clarifier, pour les gestionnaires des réseaux, pour les intervenants, un certain nombre de situations dans lesquelles ils se trouvaient et où régnait un contexte qui faisait que les décisions étaient plus difficiles à prendre en vertu des droits de chacun des acteurs impliqués dans le signalement.

n(16 h 20)n

Alors, ceci étant, de la façon dont la ministre ou le ministère a rédigé l'article 3 qui modifie 4 dans le projet de loi n° 125, le premier paragraphe dit que «toute décision prise en vertu de la présente loi doit tendre à maintenir l'enfant dans son milieu familial». Il affirme un principe premier, c'est-à-dire de maintenir l'enfant dans son milieu familial. Notre modification ne vise pas à nier ça, bien au contraire, on le reprend plus loin. Mais elle vise a réitérer, pour fins de clarté, pour lever l'ambiguïté à tout le monde qui réfère à la loi, que le premier but de l'intervention, le premier motif de l'intervention, c'est d'assurer la continuité de la stabilité de l'enfant.

Comment on fait ça? On le fait d'abord en privilégiant le maintien de l'enfant dans son milieu familial. On le fait en considérant qu'on veut privilégier cela. Donc, cet énoncé vient clarifier à la fois les droits et vient affirmer la préférence du législateur pour un type d'intervention, pour une approche. Oui, on reconnaît les droits de l'enfant, et, en les reconnaissant, on se dit: C'est la stabilité et sa sécurité qui comptent d'abord.

Maintenant, qui est mieux placé pour assurer cette stabilité et cette sécurité? Notre préjugé favorable, au point de départ, la loi le dit, le préjugé favorable devrait aller vers la famille. Le préjugé favorable, le premier réflexe des intervenants devrait dire: C'est vers la famille, c'est vers le milieu familial. S'il y a moyen de le maintenir dans son milieu familial, oui, c'est notre premier choix. C'est clair comme de l'eau de roche. Ensuite, on dit: Dans le cas où ce n'est pas possible, où c'est contre-indiqué, pourquoi ne pas examiner l'environnement familial élargi de l'enfant, tel que nous le propose la ministre dans son amendement, soit les grands-parents soit les autres membres de la famille élargie, bien sûr s'ils sont aptes à offrir à l'enfant un milieu adéquat?

Alors, voyez-vous, M. le Président, nous proposons une nouvelle architecture qui à la fois reconnaît le bien-fondé de ce qui était avancé par la ministre et dans son projet de loi n° 125 et dans les amendements qu'elle amène aujourd'hui, mais qui à notre avis est beaucoup plus cohérente avec les intentions que la ministre avait lorsqu'elle a déposé le projet de loi n° 125, l'intention de clarifier, aux yeux des gestionnaires, aux yeux des parents, aux yeux des enfants, aux yeux de la population, quels sont les droits qui priment et quel est l'objectif premier de cette loi: c'est d'assurer la sécurité et la stabilité dans la vie de l'enfant. Alors, j'en rajouterai si j'ai besoin de convaincre quelqu'un davantage.

Le Président (M. Copeman): Mme la ministre.

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Je vous faire une confidence: je m'attendais à ça. J'avais écrit, lorsqu'on a fait la commission parlementaire, à côté de notre article 3: c'est Bouchard. L'objectif de tout décision prise devrait d'abord être d'assurer la continuité et la stabilité de l'enfant. Je m'attendais à avoir un amendement comme celui-là.

Une voix: ...

Mme Delisle: Puis c'est avec... Non, non, ça va, c'est...

Une voix: ...

Mme Delisle: C'est très correct, ce n'est pas un reproche, au contraire, là. Les interventions qu'a faites, tout au long de la commission, notre collègue le député de Vachon, on ne les a pas prises à la légère. Puis de toute façon on s'attendait aussi, par son questionnement, là, à voir votre point de vue.

Moi, je vais vous dire que je suis un peu perturbée par l'amendement que vous déposez, dans le sens où ça vient changer la donne. Ça vient dire ce qu'on n'avait pas prévu dire, je ne peux pas le dire plus clairement que ça, là, dans la loi. Ce n'est pas qu'on ne s'est pas questionnés, M. le député de Vachon. On en a eu, des discussions, je peux vous le dire: sur la primauté des droits de l'enfant, sur la primauté des droits des parents, sur un tas de choses. On a opté pour tenter de maintenir l'enfant dans son milieu familial, mais pas à tout prix.

Pendant la commission parlementaire, il y a plusieurs groupes qui sont venus nous dire: Vous allez, avec vos durées maximales de placement, nous enlever nos enfants. Il y a des gens qui ont parlé d'un «fast track». Il y a des gens qui ont dit: C'est clair dans la loi que vous cherchez à aller davantage vers l'adoption, que vous ne souhaitez pas... On parle évidemment d'un petit nombre de familles qui sont touchées par cet article-là. Ce n'est pas l'ensemble des familles dont les enfants, là, sont sous la Loi de la protection de la jeunesse, j'en conviens.

Les psychologues, l'Ordre des psychologues serait sans doute très heureux de cette décision d'acquiescer à votre demande parce que ça a été très clair. Mme Charest a dit ici... Et je ne parle pas de Mme la députée de Rimouski mais Rose-Marie Charest.

Mme Charest (Rimouski): C'est la même famille.

Mme Delisle: C'est la même famille? Bon. Alors, c'est tout à votre honneur. Elle a même dit: Ce n'est pas parce qu'on a un lien biologique qu'on a nécessairement un lien parental. Moi, j'ai retenu cette phrase-là, franchement, là, qui tendrait sans doute à vous donner raison. Mais j'ai entendu d'autres commentaires aussi des représentantes ? parce que c'étaient toutes des représentantes d'organismes communautaires; pour la plupart, en tout cas, c'étaient des femmes ? qui représentent de nombreuses femmes et familles qui se retrouvent dans des situations très vulnérables puis qui se sont inquiétées et qui s'inquiètent toujours du fait qu'on va, par la loi, qu'on va finalement ou qu'on tente finalement à retirer les enfants du milieu familial.

Vous avez dit tout à l'heure qu'il fallait que, les intervenants, leur premier réflexe, il fallait que ce premier réflexe-là soit de le maintenir dans le milieu familial. Quand je lis votre premier paragraphe... ou le premier alinéa de l'amendement que vous nous proposez, vous dites: «Toute décision prise en vertu de la présente loi doit tendre à assurer à l'enfant la continuité des soins et la stabilité des liens et des conditions de vie appropriées à ses besoins et son âge.» Bon. Moi, quand j'entends parler de continuité et de stabilité, pour moi ça ne veut pas dire un automatisme pour le maintenir dans la famille. Ce n'est pas comme ça que je le vois. Et, si vous croyez ? puis je n'ai pas de raison d'en douter, là ? mais puisque vous croyez qu'il faut absolument que les intervenants aient un message clair, dans mon livre à moi, le message clair, c'est qu'il faut d'abord ? c'est ce que ça dit ? d'abord assurer la stabilité, puis, si ce n'est pas possible, on le laisse le milieu familial. Moi, c'est comme ça que je le vois.

Une voix: ...

Mme Delisle: Oui. «Toute décision prise en vertu de la [...] loi doit tendre à assurer à l'enfant la continuité des soins et la stabilité des liens et des conditions de vie appropriées à ses besoins et à son âge. Ces décisions, dans la mesure du possible, doivent privilégier le maintien dans son milieu familial.» Moi, je ne le vois pas comme vous le voyez. Moi, je le vois comme étant une possibilité de retirer l'enfant plus rapidement de son milieu familial plutôt que de dire: On va faire tous les efforts pour le garder dans le milieu familial. Et, si ce n'est pas possible ? moi, je parle de ma version, de notre version à nous ? si ce n'est pas possible, bien, à ce moment-là les durées maximales de placement évidemment entreront en ligne de compte.

Le Président (M. Copeman): À ce moment-ci, chers collègues, je sais qu'il y a une atmosphère très collégiale et productive qui règne autour de la table, et c'est très bien. Je vous rappelle par contre qu'en principe on ne devrait pas s'adresser directement à des députés.

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): Non, non, mais... Je sais que ça a l'air un peu... mais...

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): Non, non. Pas du tout. Bien, c'est parce qu'à d'autres moments on va trouver qu'il est très utile de ne pas s'adresser directement à un collègue. On l'a vécu à cette commission. Pas sur le projet de loi n° 125, mais le règlement est là pour des raisons. On devrait tenter de le respecter dans son intégralité.

Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député de Vachon, allez-y. Oui.

n(16 h 30)n

M. Bouchard (Vachon): M. le Président, M. le Président, je ne vous comprends pas. Je ne comprends pas la ministre. Habituellement, je la comprends, mais là je ne la comprends pas. C'est comme si elle refusait de lier les deux premiers segments du premier paragraphe. Je sais qu'elle peut faire mieux comme lecture.

Alors, ce que le premier paragraphe dit, c'est que n'importe lequel des gestes qu'on va poser, nous, comme intervenants, ça va être pour assurer... C'est normal, c'est des enfants qui se retrouvent signalés pour abus, négligence, abandon, abus sexuel, etc. Ça va être pour assurer leur sécurité et aussi pour assurer leur stabilité. Bon. Alors, ils vivent dans des milieux chaotiques, ils vivent des situations épouvantables, ils sont l'objet de sévices, ils sont l'objet de négligence. On dit: Notre préoccupation, c'est ça. Notre job, c'est ça. Il faut protéger l'enfant puis il faut lui donner un milieu de vie stable.

Comment on fait ça? Deuxième phrase. Parce que, là, on peut lire la deuxième phrase tout de suite après la première, là. Ce n'est pas bien, bien loin, il y a un point avec une petite espace qui sépare ça. Et ce qu'elle dit, cette phrase-là, c'est: Dans la mesure du possible, on privilégie de maintenir les liens dans le milieu familial, on maintient le milieu familial, on maintient l'enfant dans le milieu familial. Il y a là un préjugé favorable à la famille, c'est très clair, c'est exprimé très clairement.

Et nous aurons d'autres amendements, M. le Président, qui viendront répondre aux préoccupations de la ministre, à savoir que les délais maximums imposés, les délais maximums imposés n'apparaîtront pas comme des automatismes pour enlever l'enfant dans les familles. On a d'autres propositions d'amendement que la ministre, à ce moment-là, accueillera avec joie, j'en suis sûr, parce qu'on viendra lui dire quelque part: Attention, là. Les délais maximums, là, ça doit se passer dans certaines conditions qui rassurent tout le monde qu'on ne vient pas enlever automatiquement les enfants dans les familles. Bon. Ça, là, on s'entend là-dessus, M. le Président. On s'entend là-dessus.

Alors, je ne vois pas, là, franchement je ne vois pas. J'attends toutes sortes d'autres arguments de la part de la ministre, M. le Président, mais pas celui-là. Il faut lire les deux segments qui apparaissent dans le premier paragraphe. C'est deux phrases, elles sont séparées par un point. Et, si on ne les lit pas en même temps, ça veut dire quelque part qu'on veut arrêter de lire juste avant le point.

Alors, ce qu'on dit encore une fois, c'est ceci: le travail que l'on s'impose, c'est d'assurer la sécurité aux enfants, c'est d'assurer un milieu de vie stable pour leur permettre le meilleur développement possible dans les circonstances. C'est ça, là, notre conviction profonde, comme parlementaires, et c'est cette conviction-là qu'on transfère et qu'on veut voir adoptée par l'ensemble des intervenants puis de nos institutions. Puis, une fois cela affirmé, on dit: Attention, attention! on privilégie le maintien dans le milieu familial. Pour arriver à faire ça, là, on privilégie ça. Et, si c'était contre-indiqué... Puis même il y a un autre paragraphe qui dit: On encourage même ? puis ça, c'est la ministre qui amène ça dans ses amendements ? on encourage la participation des parents de telle sorte à ce qu'ils puissent se rapprocher le plus possible de leur capacité de responsabilité parentale dans l'exercice de leur rôle, hein? Ça aussi, c'est là, là. Donc, non seulement on privilégie le maintien dans le milieu familial, mais on privilégie une participation des parents aux décisions de telle sorte à ce qu'ils puissent s'inscrire dans un scénario de renforcement de leurs responsabilités parentales. Puis on dit: Bon, si ça, ça ne marche pas, on ouvre à la famille élargie.

Écoutez, là, je ne sais pas comment la ministre peut concevoir qu'elle serait l'objet d'une critique virulente, comment elle pourrait être l'objet d'une critique vis-à-vis d'un amendement comme celui-là. Il est fort, cet amendement-là, il est très fort pour la famille, il est très du côté familial, dans les circonstances, dans la circonstance qui veut que l'objectif premier, c'est de sécuriser cet enfant-là puis de stabiliser son milieu de vie.

Franchement, je ne vois pas. Franchement, je ne vois pas. Je toute la bonne foi du monde, là, j'écoute très bien la ministre lorsqu'elle parle. Cette fois-là, ça ne marche pas. Je ne vois pas.

Le Président (M. Copeman): M. le député d'Orford.

M. Reid: Merci, M. le Président. C'est la toute première fois, je ne connais pas le dossier à fond, mais, si ça peut aider, j'ai l'impression que le député de Vachon mentionne deux aspects, et il intervertit les deux aspects par opposition à la proposition qui est faite, et que les deux aspects vont ensemble, et je pense que c'est vrai quand on parle de l'esprit de la loi, c'est-à-dire qu'on protège les enfants.

Ce qui me semble intéressant, c'est quelque chose qu'il a dit dans sa première présentation, c'est-à-dire qu'il a parlé des intervenants et comment les intervenants vont appliquer la loi, et à mon sens c'est là où il y a la différence entre les deux. C'est-à-dire que, si l'intervenant lit: d'abord, je dois m'occuper de tendre à assurer les enfants, selon ma compréhension d'intervenant, selon ma vision ? ça peut être aussi selon mes biais d'intervenant ? et qu'ensuite on a comme fardeau de voir que c'est possible ou pas possible de le laisser dans le milieu familial, l'application de la loi est différente que si on dit: Dans un premier temps, on doit tendre à le garder dans l'environnement familial, et ensuite on doit s'assurer du reste dans l'application de la loi, dans le fonctionnement et dans la façon dont chacune des personnes va prendre cette loi-là et traduire ça concrètement dans des décisions. Parce qu'on parle de décisions effectivement de l'intervenant, si j'ai bien compris. Et donc c'est plus une question dans quel ordre le processus mental fait intervenir la formation, la vision, la compréhension, l'expérience et les biais aussi éventuels des intervenants, de quelle façon est-ce que la loi lui indique qu'il devrait procéder.

Et ma compréhension, c'est que la proposition du projet de loi est de procéder, dans un premier temps, de dire: On doit d'abord s'assurer, tant que c'est possible, de le mettre dans un milieu familial, de garder le milieu familial, et ensuite, effectivement, en tenant compte de tout le reste... alors que, si effectivement il y a un sens à intervertir les deux, je ne vois de sens que dans l'application de la loi. Sinon, en termes d'esprit, effectivement, c'est la même chose.

Le Président (M. Copeman): Il y a une demande pour suspendre les travaux de la...

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): Alors, il y a une demande de suspension. Je suspends les travaux de la commission quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 36)

 

(Reprise à 16 h 46)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux. Nous sommes toujours sur l'amendement proposé par le député de Vachon, qui a peut-être besoin des services...

Une voix: Médicaux.

Le Président (M. Copeman): ...médicaux.

M. Bouchard (Vachon): Oui, mais ça va prendre quelqu'un de formé, par exemple. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Copeman): Mme la ministre, est-ce que vous souhaitez intervenir sur l'amendement du député de Vachon?

Mme Delisle: Oui.

Le Président (M. Copeman): Allez-y.

Mme Delisle: Alors, M. le Président, les collègues de notre formation parlementaire ont regardé l'amendement proposé par notre collègue de Vachon, et je voudrais rappeler que, tout le long de la commission parlementaire, il y a de nombreux organismes, de nombreux organismes qui sont venus nous parler de l'importance du maintien des enfants dans la famille, pas à tout prix. D'ailleurs, notre article, l'article que nous avons introduit dans la loi n° 125, ne dit pas qu'on maintient l'enfant à tout prix dans sa famille.

J'ai un parti pris famille, j'ai un parti pris pour les enfants et je vous dis franchement que, bien que je reconnaisse l'intérêt très marqué par le député de Vachon et les éléments qu'il a soulevés pour soutenir son intervention puis sa proposition, quand je repense et que j'entends ce que les gens sont venus nous dire en commission parlementaire ? je pense aux organismes communautaires, je pense au Barreau, je pense aux organismes qui s'occupent de juridique ? je pense qu'à l'exception de certains groupes, là, la plupart sont venus nous dire qu'il ne fallait pas changer ça, qu'il fallait... Oui. J'en entends plusieurs nous dire que la crainte qu'ils avaient, c'était le retrait des enfants automatiquement. Je ne vous dis pas que c'est ça que vous nous dites de faire, je dis simplement que le principe clairement établi du maintien de l'enfant dans son milieu familial donne une ligne directrice aux intervenantes et aux intervenants.

C'est beaucoup plus spécifique d'ailleurs que ce qu'il y a dans l'actuelle loi parce qu'on vient dire tout de suite après cette affirmation-là: «Toute décision prise en vertu de la présente loi doit tendre à maintenir l'enfant dans son milieu familial.» Et tout de suite après, M. le Président: «Lorsque, dans l'intérêt de l'enfant, un tel maintien dans son milieu familial n'est pas possible, la décision doit tendre à lui assurer, dans la mesure du possible auprès des personnes qui lui sont les plus significatives, la continuité des soins et la stabilité des liens et des conditions de vie appropriées à ses besoins et à son âge et se rapprochant le plus d'un milieu familial ? on utilise encore le mot "familial", là, "le plus d'un milieu familial". De plus, l'implication des parents doit toujours être favorisée dans une perspective de retour de l'enfant dans son milieu familial.»

Moi, je vous dis que je souhaite maintenir le libellé tel que nous l'avons proposé, M. le Président, pour les raisons que je viens d'élaborer.

Le Président (M. Copeman): Il y a une demande d'intervention de la part de la députée de Terrebonne. Mme la députée n'est pas membre de la commission et n'a pas été mise en remplacement. Est-ce qu'il y a consentement pour que la députée de Terrebonne puisse prendre part à nos délibérations? Il y a consentement? Consentement. Mme la députée de Terrebonne.

n(16 h 50)n

Mme Caron: Merci, M. le Président. Je comprends très bien l'argumentation de la ministre. Par contre, je sens une certaine incohérence, parce qu'à partir du moment où la ministre décide de mettre dans sa loi des délais elle le fait avec un but bien précis, celui d'assurer à l'enfant la continuité des soins, la stabilité des liens puis des conditions de vie appropriées à ses besoins puis à son âge. Et c'est le coeur de la loi, O.K.?

Nous, on a dit: On a certains amendements à y apporter, bon, dans les conditions de le faire, mais le coeur de sa loi, c'est ça, c'est d'assurer à l'enfant les soins et la stabilité. De refuser de le mettre là comme principe, c'est un petit peu incohérent, de le repartir exactement comme l'ancienne loi. Et on a vu sur le terrain ce que ça donne, parce qu'à partir du moment... Puis, nous, on le met, là, le milieu familial privilégié, on le met tout de suite après. On remet l'implication des parents pour qu'ils puissent pas seulement les amener, mais les aider à exercer leurs responsabilités parentales. Donc, il y a un engagement à les aider, à faire quelque chose, et on rappelle aussi après, bon, les personnes significatives au milieu familial.

Dans la vraie vie, la DPJ, présentement ils s'appuient effectivement là-dessus: «Toute décision prise en vertu de la présente loi doit tendre à maintenir l'enfant dans son milieu familial.» Et, dans les cas de signalement les plus extrêmes, ils se retrouvent avec cet article de loi là. Et j'ai vu des enfants extrêmement maltraités dont les parents ne voulaient plus s'occuper eux-mêmes, et la direction de la protection de la jeunesse, en tenant compte de ce principe-là, les obligeait à ravoir des rencontres avec les enfants. Les enfants étaient redéstabilisés, on les ressortait du milieu et commençait le cycle du ballottage parce qu'ils se disaient: Bien, toute décision doit être prise à le maintenir dans son milieu familial, que les parents le veuillent ou non et que l'enfant, même s'il a vieilli, le souhaite ou pas.

Moi, je pense qu'une loi de la protection de la jeunesse, elle doit clairement indiquer qu'on prend parti pour l'enfant en partant. C'est le droit de l'enfant. Puis le droit, c'est de lui assurer de la continuité des soins, de la stabilité des liens. Assurer la continuité des soins, la stabilité des liens, des conditions de vie appropriées à ses besoins, à son âge, ça peut être dans son milieu familial, et on dit même que ça doit être ça qu'on doit privilégier. On le dit tout de suite, que c'est ça. Mais on exprime que c'est ça, là, qu'on regarde en premier. Ce n'est pas dire: Il faut qu'on le laisse là à tout prix.

Les cas d'inceste, les cas d'enfant battu à répétition puis qu'on refait du ballottage, hein, parce qu'on retire l'enfant, l'enfant s'en va en visite supervisée, ça va bien avec les visites supervisées, les visites supervisées sont finies ? il ne s'est rien passé, il avait des visites supervisées ? on retourne l'enfant chez le parent qui bat l'enfant, bien ça recommence, et tout ça parce qu'on se dit: Il faut absolument maintenir l'enfant dans son milieu familial.

Si on met comme principe en premier qu'on doit assurer à l'enfant la continuité des soins, la stabilité des liens, des conditions appropriées à ses besoins, à son âge, puis que, ces décisions-là, on les prend en privilégiant le milieu familial, puis qu'en plus on les implique, les parents, hein, on les aide, on leur apporte de l'aide à exercer leurs responsabilités familiales ? parce que, ça, on ne le fait pas ? bien là... Puis là, si ça ne marche pas, comme vous le dites vous-même, bien on regarde en premier auprès des personnes significatives, auprès des grands-parents puis auprès des membres de la famille élargie. Mais je pense que c'est beaucoup plus cohérent avec votre volonté de pouvoir arriver, à un moment donné, à mettre certains délais. Je pense que c'est plus cohérent.

Le Président (M. Copeman): D'autres interventions? Mme la ministre, allez-y, oui.

Mme Delisle: M. le Président, lorsque la députée de Terrebonne me donne l'exemple des enfants qui retournent dans un milieu après des visites de droit d'accès dans leur milieu familial, elle prend évidemment des exemples où il y a un problème, là. Je veux dire, s'il y a eu violence conjugale ou violence à la...

Une voix: ...

Mme Delisle: Elle vient de me faire la démonstration, à moins que j'aie mal compris, que ce qu'on souhaite d'abord et avant tout ? puis je sais que ce n'est pas ça que vous voulez dire ? c'est qu'on souhaite retirer l'enfant puis ensuite, si c'est possible, le laisser dans un milieu familial.

Une voix: ...

Mme Delisle: Bien, moi, je vous dis que le principe que nous avons choisi de maintenir, c'était celui du maintien de l'enfant dans son milieu familial. Si ce n'est pas possible, à ce moment-là, il y a des alternatives.

Il y a actuellement, au Québec, 50 % des enfants qui sont sous la Loi de la protection de la jeunesse et qui sont déjà dans leur milieu familial, qui reçoivent les services en famille, dans leur milieu. Il y a un 25 % qui est retiré temporairement ? et ces enfants-là sont soit en famille d'accueil, soit chez un grand-parent, soit en centre de réadaptation ? mais qui vont retourner dans leur milieu familial quand la situation se sera résorbée. Il y a l'autre 25 %, là, pour qui c'est plus problématique. C'est important de le dire parce que ce n'est pas tout le monde qui sait ça. Mais, quand vous me dites que ? en fait, j'essaie de me rappeler ? je refuse de mettre comme principe la stabilité... C'est parce que c'est ce que vous avez dit, là, que je refuse de mettre comme... stabilité et la continuité des soins. Ce n'est pas ça du tout qu'on dit. Ce n'est pas ça du tout qu'on fait.

Le gouvernement affirme, dans cet article-là, que toute décision prise en vertu de la présente loi doit tendre à maintenir l'enfant dans son milieu familial. Il y a un deuxième alinéa dans lequel on parle de la continuité des soins, de la stabilité des liens et des conditions de vie. Et, dans le troisième alinéa, on parle encore de la continuité des soins et de la stabilité des liens et des conditions de vie appropriées à ses besoins et à son âge. Donc, on ne nie pas l'importance de la continuité des soins et des services et de la stabilité de l'enfant.

Ce qu'on dit: bien, c'est deux points de vue différents qui, aujourd'hui, je pense... je n'aime pas le mot «s'affrontent», là, qui se discutent ici, et je maintiens ce que j'ai dit tout à l'heure: toutes les discussions que nous avons eues, ce que nous avons entendu, en commission parlementaire, de nombreux, de très nombreux groupes, je vous dirais, là, c'est exceptionnel, ceux qui souhaitaient qu'on retire le libellé, là, du premier alinéa de l'article 4. Puis je ne me trompe pas en disant ça, là.

Une voix: ...

Mme Delisle: Je suis désolée, il y a des organismes qui... Oui, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup d'organismes qui, lorsqu'ils sont venus en commission parlementaire, étaient, je vous le dirais, là, effrayés par le fait que le gouvernement ne reconnaisse pas ou le législateur ne reconnaisse pas, entre guillemets, la primauté, passez moi l'expression, du milieu familial.

Ce qu'on a expliqué, ce que j'ai expliqué quand j'ai eu l'opportunité de le faire, c'est que, dans les circonstances où c'était possible d'y retourner, l'intervenant devait prendre tous les moyens nécessaires, avec les parents ? et les services devront être au rendez-vous, ça, j'en conviens parfaitement ? pour que les enfants puissent retourner dans leur milieu familial. Mais, si on ne le dit pas clairement, si on ne le dit pas clairement aux intervenants, que les enfants... les décisions qui doivent être prises quand c'est possible, que les enfants doivent retourner dans leur milieu familial, bien ce n'est pas clair. Moi, je ne le vois pas comme ça. Et c'est une divergence de points de vue, j'en conviens, mais sincèrement, là, moi, je pense qu'il faut le maintenir tel qu'il est.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Moi, j'interviens là-dessus, là, parce que, pour avoir participé avec vous tous à cette commission où nous avons entendu à la fois des parents, des intervenants, des professionnels, des chercheurs, des groupes communautaires qui oeuvrent, là, dans le quotidien avec ces personnes-là, quand mon collègue de Vachon nous a proposé cet amendement, je regardais ça puis je me suis dit: Est-ce que ça va en cohérence avec le principe de base de la Loi de la protection de la jeunesse? Et le principe de base, c'est la prédominance du droit de l'enfant sur toute autre catégorie de droits. Ça, c'est une chose. Donc, je pense que, le fait qu'on affirme dès le départ que toutes les décisions doivent assurer à l'enfant le respect de ses droits par, hein, la continuité des soins puis la stabilité des liens, etc., là, puis des conditions de vie appropriées, je pense que ce libellé permet d'affirmer dès le départ le principe de base du droit des enfants.

n(17 heures)n

Et ça aussi clarifie et ça permet de mettre l'accent sur le fait que la Loi de la protection de la jeunesse a un caractère exceptionnel, qui est celui du droit des enfants. Il me semble que ça permet d'imprimer ça. Et ça nous permet même de faire, avec les autres articles qui vont suivre, là, mais en cohérence toujours avec d'autres articles, le départage de ce qui est les services qui seront de première ligne et de deuxième ligne parce qu'on va avoir à s'assurer...

Puis il faut se dire qu'un enfant qui est rendu à la protection de la jeunesse, c'est un enfant qui a des problématiques sérieuses, c'est un enfant très vulnérable et ce n'est pas, là, un cas facile, ce n'est pas une situation qui demande juste quelques heures de soins ou de services, c'est quelque chose qui est quand même lourd.

Et je pense aussi que ça va donner une cohérence et un soutien à l'article 22 sur les délais maximaux. Sur les délais maximaux, je vais vous le dire bien franchement, tels qu'ils sont, moi, ils me font très peur, puis je ne suis pas prête à voter tels qu'ils sont. Mais, vous allez voir, on va vous amener des sous-amendements par rapport à cet article de loi là. On y travaille présentement pour que ce ne soient pas des automatismes. Mais en quelque part je pense que le libellé actuel est vraiment en conformité avec l'article 22 parce que l'article 22, ce quoi il veut, c'est d'assurer qu'on cesse de ballotter les enfants. Tout le monde était d'accord pour que le ballottage, ça cesse, en lui assurant la continuité des soins, des stabilités des liens puis des conditions de vie appropriées, puis toujours en ayant comme préoccupation que les décisions qu'on prenne pour assurer ça à l'enfant, parce que la préséance puis le principe de base de la loi, c'est les droits de l'enfant, bien ça va en privilégiant le maintien dans son milieu familial quand il ne s'agit pas naturellement d'inceste ou de violence physique, des choses comme ça, là, qui tout de suite vont au criminel puis qu'il n'y a pas de négociation, c'est tolérance zéro par rapport à ce type de situations là. On parle surtout de négligence.

Alors, moi, je le vois plus dans ce sens-là et je comprends ce que la ministre nous dit, que les parents et beaucoup d'intervenants de différents milieux avaient la crainte qu'on prenne les enfants puis qu'automatiquement on les sorte de chez eux. Moi, j'aurais cette crainte-là et je ne l'ai pas par rapport à l'article qu'on propose, par rapport à l'amendement. L'amendement qu'on propose, ça me dit que ce n'est pas ça que ça va avoir comme impact, ça me dit qu'on va considérer l'enfant et son milieu familial, et, une fois qu'on va assurer que l'enfant a ce qu'il faut, on va prendre des décisions qui vont être avec la préoccupation directe de le maintenir, autant que faire se peut, dans le milieu familial.

Alors, il ne faut pas le sortir automatiquement. Ça ne dit pas qu'on va sortir automatiquement les enfants de leur milieu familial, Si c'était ça, je ne serais pas d'accord avec ce libellé-là parce que je ne voudrais absolument pas que la Loi de la protection de la jeunesse fasse ça à des enfants qui sont déjà meurtris par la vie. Il ne faudrait pas que ce qu'on fait comme amendement ou qu'on travaille comme article de loi vienne ajouter une douleur de plus aux enfants qui sont sous l'application de la Loi de la protection de la jeunesse.

Alors, pour résumer rapidement, principe de base, ça consolide le caractère d'exception de la loi. C'est en cohérence avec les objectifs, l'enjeu majeur que la ministre avait lorsqu'elle a présenté son projet de loi et qui a fait l'objet des discussions, c'est-à-dire stabilité, continuité des soins et des services aux enfants. Merci.

Le Président (M. Paquin): Merci, Mme la députée. Je constate que c'est un projet de loi qui est beaucoup prenant, très humain, hein, on voit que tout le monde parle avec son coeur.

Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Si ce n'est pas de votre côté, M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): J'aimerais revenir, si vous permettez, M. le Président, sur certaines remarques de la ministre. La ministre dit: Quand je pense aux intervenants qui sont venus en commission, quand je pense aux groupes communautaires, quand je pense à différentes organisations qui ont témoigné devant nous, ce que j'entends d'eux, c'est une préoccupation à l'effet qu'on retire... ou qu'ils puissent avoir une menace au retrait de l'enfant de son milieu familial. Les gens étaient inquiets de ça. Je rappelle, M. le Président, que les gens se sont préoccupés de cela en vertu de 22.

Nous sommes en train de discuter l'article 3 qui modifie 4. Moi, je reconnais, là, ce que la ministre a retenu des témoignages, mais c'était suscité à l'occasion de l'introduction des délais, et les gens s'interrogeaient à savoir si on avait tous les garde-fous, là, disponibles pour empêcher qu'il n'y ait des dérapages là-dedans et que l'on introduise des injustices envers des parents qui autrement auraient pu se reprendre en main, etc. Ça, il y avait une préoccupation là-dessus, puis on partage la même préoccupation. Mais il ne faut pas la ramener sur l'article 3 et dire que les intervenants étaient contre le retrait de l'article 3 dans 125. C'est ce que j'ai entendu. J'ai peut-être mal compris, mais c'est ce que j'ai entendu. On relira les épreuves, là, les comptes rendus. Mais ce que je voudrais dire, c'est qu'on doit avoir une constance dans qui on met au centre du projet de loi, là, et le projet de loi est là pour protéger l'individu le plus vulnérable dans le système familial duquel on parle. Et c'est une loi sur la protection de la jeunesse, c'est une loi donc sur les individus qui sont les plus vulnérables, qui sont les plus fragiles.

Moi, M. le Président, là, je ne veux pas invoquer ma vie personnelle trop longtemps, mais, ma vie professionnelle, je peux l'invoquer un petit peu, mais pas trop longtemps non plus. Mais j'ai été personnellement impliqué, dans ma vie professionnelle, à la rencontre de beaucoup d'intervenants et de plusieurs situations d'abus et de négligence envers les enfants, et la plus grande partie de ma vie professionnelle, ça a été de tenter d'expliquer aux gens qu'il ne fallait pas blâmer les victimes deux fois. L'enfant qui est abusé très souvent, très fréquemment abusé ou négligé par une victime qui aura été soumise elle-même, antérieurement dans sa vie, à des sévices, à des négligences, ou qui aura connu des conditions de vie ou des conditions de santé telles qu'on peut commencer à s'expliquer, pas excuser, mais à s'expliquer ce qui se passe, je suis le dernier à penser qu'il faut blâmer les parents parce que très souvent les parents sont ou bien victimes de notre propre négligence sociale, de notre incapacité à les sortir des zones de risques, ou bien très souvent les victimes de situations antérieures qu'ils ou qu'elles auront vécues dans leurs familles. Alors ça, je pense que... Et, mes collègues et moi, on partage ça.

Ce qu'on dit à la ministre c'est: si elle refuse cet amendement, elle accepte de maintenir une ambiguïté que ces très longues années d'application de la loi ont réussi à débusquer. Si ce n'était des années antérieures, on n'aurait pas cette discussion-là ici, M. le Président. La loi existe depuis 1977, son application institutionnelle depuis 1979. Nous avons vécu toutes ces années avec, et, durant toutes ces années, s'est construite une connaissance autour de l'application de la loi, et les intervenants et les intervenantes sont très nombreux à être pris avec cette ambiguïté: Quelle est ma mission première: maintenir le milieu familial ou protéger l'enfant? C'est comme ça que ça se présente, M. le député d'Orford. C'est comme ça que ça se présente dans la vraie vie, là. Il y a un signalement, l'intervenant ou l'intervenante se présente, sa première mission, et même la loi, le rend directement responsable d'une négligence professionnelle s'il protège mal l'enfant, s'il ne prend pas les bonnes décisions vis-à-vis de l'enfant. Alors, il est personnellement responsable de la protection et de la sécurité de l'enfant. Et en même temps on lui dit: Attention! ta mission première, c'est, selon cet article-là, de maintenir l'enfant dans son milieu familial.

n(17 h 10)n

Nous, ce qu'on dit, c'est: toute décision doit voir à la sécurité puis à la stabilité de l'enfant, et cette décision doit privilégier le maintien dans le milieu familial. Il me semble qu'il y a une cohérence avec la loi, et il y a une cohérence avec le principe premier de la protection de l'enfance, et il y a une cohérence aussi avec le principe du maintien de l'enfant dans son milieu familial lorsque c'est possible.

Écoutez, moi, je ne peux pas aller plus loin que ça dans l'argumentation, M. le Président. Je regretterai que la ministre ne puisse considérer cet amendement, pas pour moi, pas pour moi, mais pour l'environnement dans lequel on va placer désormais des intervenants qui se font dire à la fois... Mais on attend la ministre à l'article 22, puis là il va falloir qu'elle se montre cohérente, par exemple. On va placer des intervenants dans un contexte d'ambiguïté, on va les replacer là-dedans, on leur dit à la fois: Votre mission première, c'est de protéger les enfants, leur assurer la sécurité puis la stabilité, puis votre mission première en même temps, c'est de les maintenir dans le milieu familial.

Alors, M. le Président, nous sommes, de ce côté-ci de la table, absolument convaincus, convaincus que, dans la primauté des moyens, dans la primauté des processus, dans la primauté des actions que l'intervenant doit poser, il doit privilégier le maintien dans le milieu familial, dans la primauté des moyens. Dans la primauté de l'objectif, à quoi il doit tendre? C'est ça, l'objectif. Il doit tendre à protéger et à sécuriser l'enfant et à stabiliser son milieu de vie. C'est ça que ça dit. Les objectifs, c'est ça. Les moyens, c'est ça. Et, parmi les moyens, qu'est-ce qu'on privilégie? C'est le maintien dans le milieu familial.

Mais là on confond, dans l'argumentation de la ministre, moyens et objectifs. Pourquoi? Parce que la ministre change son focus. Elle change son focus. Oui, la ministre change son focus. Pour certains articles, elle dit: Mon objectif, c'est la stabilité puis la sécurité de l'enfant, puis pour d'autres c'est: Ah non, la loi doit avoir comme primauté d'objectif le maintien dans le milieu familial. Et là elle crée un environnement extrêmement ambigu pour l'intervention. On s'en reparlera à la clause crépusculaire.

Le Président (M. Paquin): M. le député d'Orford.

M. Reid: Oui. Merci, M. le Président. J'ai été interpellé, je voudrais peut-être juste refaire un peu la même remarque, à la lumière de ce qui a été dit par le député de Vachon. Je pense qu'il faut faire attention parce que bon il y a des objectifs qui sont cités ailleurs dans la loi, qui sont plus larges, d'ailleurs, mais je pense que les moyens et objectifs ne sont pas toujours totalement déconnectés, et je pense que c'est le cas ici.

Autant je respecte la difficulté du travail d'intervenant ? j'ai eu, dans ma propre famille, à voir un peu ce que ça représente ? autant je pense qu'il faut ne pas oublier ici une perspective qui est celle d'un pouvoir que la loi donne à des personnes qui sont intervenantes d'agir sur des familles. Et donc, autrement dit, il y a un pouvoir qui est donné par la loi, et, dans des lois, je pense qu'il est nécessaire de mettre des balises.

Mon interprétation à moi de ce qu'est la position de la loi qui a été proposée, c'est qu'en mettant au départ le fait qu'en toute intervention on respecte le milieu familial, en l'écrivant dès le départ, c'est une balise. Ce n'est pas une procédure à suivre, c'est une balise qui rassure les citoyens qui nous élisent et qui nous délèguent cette tâche de faire des lois, dans ce sens qu'on indique que la famille est une valeur de notre société qui est très importante, et on la met en premier parce que non pas on doit empêcher les intervenants de sortir un enfant si c'est nécessaire, mais on commence par le dire, pour rassurer les citoyens, que le pouvoir que, par la loi, on va donner à des intervenants, il n'est pas un pouvoir absolu sur les familles. Je pense que pour ma part je préfère avoir une telle balise au départ.

On ne peut pas déconnecter l'objectif qui est poursuivi. Et encore une fois, les deux formulations, là, en ce qui me concerne, le fond est le même, la préoccupation envers les enfants est la même. La seule différence qu'il y a dans la proposition qui est faite dans le projet de loi, c'est qu'on met une balise qui rassure les citoyens et les citoyennes que le pouvoir que l'on va donner, et qui va être étendu aux intervenants, et qui pourrait être plus grand et rendre la vie plus facile ? mais c'est toujours ça, la difficulté, c'est d'avoir un équilibre ? mais ce pouvoir-là est balisé par le fait que dès le départ on dit que la famille, c'est l'environnement normal.

Le Président (M. Copeman): Y a-t-il d'autres interventions sur le sujet? Il n'y en a pas. Alors, je mets aux voix l'amendement proposé par le député de Vachon. Est-ce que l'amendement à l'article 3 est adopté?

M. Bouchard (Vachon): Nominal.

Le Président (M. Copeman): Il y a une demande, vote par appel nominal. Alors, Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

La Secrétaire: Alors, M. Bouchard (Vachon)?

M. Bouchard (Vachon): Pour.

La Secrétaire: Mme Charest (Rimouski)?

Mme Charest (Rimouski): Pour.

La Secrétaire: Mme Champagne (Champlain)?

Mme Champagne: Pour.

La Secrétaire: M. St-André (L'Assomption)?

M. St-André: Pour.

La Secrétaire: Mme la ministre?

Mme Delisle: Contre.

La Secrétaire: M. Paquin (Saint-Jean)?

M. Paquin: Contre.

La Secrétaire: Mme Legault (Chambly)?

Mme Legault: Contre.

La Secrétaire: Mme James (Nelligan)?

Mme James: Contre.

La Secrétaire: M. Reid (Orford)?

M. Reid: Contre.

La Secrétaire: M. le Président?

Le Président (M. Copeman): Contre. Alors, l'amendement est rejeté.

Je mets sous étude de nouveau l'amendement proposé par Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation à l'article 3. Est-ce qu'il y a des interventions sur l'amendement proposé par la ministre? Je n'en vois pas.

M. Bouchard (Vachon): Un instant.

Le Président (M. Copeman): Oui?

M. Bouchard (Vachon): On se remet, là, de notre affaire.

Le Président (M. Copeman): Ah! Alors, je devine que, oui, il y a des interventions sur l'amendement. Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest (Rimouski): Bon, écoutez, je pense que, compte tenu du fait qu'on vient quand même de rejeter l'amendement que nous avons proposé, nous regardons celui de la ministre pour vous dire que, dans le premier article, là, article 3, premier alinéa ? c'est ça? c'est bien? ? «notamment les grands-parents et les autres membres de la famille élargie», c'est sûr que, dans la mesure du possible, qu'on maintienne l'enfant dans son milieu familial... Si ce n'est pas possible, la décision doit lui assurer, dans la mesure du possible, auprès des personnes qui sont les plus significatives... Et on se rappelle très bien que la présidente de l'Ordre des psychologues du Québec avait, avec d'autres... ? je prends son exemple parce qu'il a été très remarqué ? qu'une personne significative, ce n'est pas strictement relié à un lien biologique, ça peut être toute personne qui...

(Consultation)

Mme Delisle: On parle sur le mien. On parle sur le nôtre?

Mme Charest (Rimouski): Oui.

Le Président (M. Copeman): Oui, oui. Regarde, je pense que tout est sous contrôle. La discussion se porte actuellement sur l'amendement de Mme la ministre déléguée à l'article 3, et en particulier les trois paragraphes.

Mme Charest (Rimouski): O.K. Alors, dans le premier paragraphe, parce qu'on parle du premier, je pense que ça répond à l'inquiétude des grands-parents, de la famille élargie d'avoir droit au chapitre dans les décisions qui se prennent en regard de la situation des enfants, là, sous la Loi de la protection de la jeunesse.

En ce qui regarde l'alinéa 2°, je pense qu'on aurait des questions, là, à vous poser, mais j'aimerais quand même proposer un sous-amendement à l'alinéa 3°.

Le Président (M. Copeman): Paragraphe.

Mme Charest (Rimouski): Paragraphe 3°, pardon.

Le Président (M. Copeman): Les choses qui sont numérotées sont des paragraphes. Ceux qui ne le sont pas sont des alinéas.

n(17 h 20)n

Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Une chance que vous avez de l'expérience! Merci.

Alors: Que l'amendement à l'article 3 du projet de loi soit de nouveau amendé par le remplacement du 3° par le suivant, c'est-à-dire remplacer, dans la deuxième ligne du troisième alinéa de l'article 4, remplacé par l'article 3 de ce projet de loi le mot «tendre» par le mot «viser» et par la suppression des mots «à plus long terme». Alors, ça voudrait dire que nous lirions: «Lorsque, dans l'intérêt de l'enfant, le retour dans son milieu familial n'est pas possible, la décision doit viser à lui assurer la continuité des soins et la stabilité des liens et des conditions de vie appropriées à ses besoins et à son âge.»

Le Président (M. Copeman): Je peux avoir copie de votre proposition de sous-amendement?

Mme Charest (Rimouski): Oui. Voilà. J'en ai pour tout le monde. Je vous le donne. Voilà, Mme la secrétaire.

(Consultation)

Le Président (M. Copeman): Écoutez, Mme la députée, je déclare votre sous-amendement irrecevable. Le sous-amendement doit porter sur l'amendement, et ce que vous...

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): Non, non. Mais ce que vous faites, là, c'est que vous élargissez la notion de l'amendement de la ministre. Il faut en premier lieu disposer de l'amendement de la ministre, puis par la suite vous allez proposer un amendement. Mais ce n'est pas un sous-amendement. Un sous-amendement à un amendement doit se rapporter à l'amendement et non pas au projet de loi. Vous avez le loisir de proposer des amendements au projet de loi à n'importe quel moment, mais vous ne pouvez pas rattacher un sous-amendement à un amendement proposé de la ministre qui ne parle pas de la même affaire.

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): C'est ça. Alors, le sous-amendement est déclaré irrecevable.

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): Le sous-amendement est déclaré irrecevable.

Une voix: Et l'amendement...

Le Président (M. Copeman): Regarde, là, le terme... Chers collègues, là, il me semble qu'après 12 ans d'expérience politique ici, en cette Chambre, les termes ont une certaine importance et valeur. J'ai déclaré le sous-amendement irrecevable. Vous avez tout le loisir de proposer des amendements à l'avenir, que je vais juger recevables ou irrecevables, sur le contenu des amendements futurs. Je ne rendrai pas de décision maintenant sur un amendement que je n'ai pas vu encore. Alors, le sous-amendement est jugé irrecevable. On revient à la discussion sur l'amendement de la ministre, s'il vous plaît.

M. Bouchard (Vachon): Qu'est-ce qu'il y a eu, donc?

Le Président (M. Copeman): Bien, hier, M. le député, vous avez parlé d'un cours de légiférer. Là, je vous en ai donné un.

M. Bouchard (Vachon): Oui, mais...

Le Président (M. Copeman): Je suis capable de vous en donner d'autres, si vous voulez.

M. Bouchard (Vachon): Oui, mais vous ne pourrez pas faire 45 heures avec ce tonus-là, M. le Président. Vous allez vous épuiser avant, c'est sûr.

Le Président (M. Copeman): Bien, ça se peut. Dans ce cas-là, je vais me faire remplacer et les travaux de la commission vont continuer très agréablement, dans un ton collégial et de collaboration qu'on connaît.

Alors, y a-t-il d'autres interventions sur l'amendement proposé par la ministre?

M. Bouchard (Vachon): L'amendement de la ministre?

Le Président (M. Copeman): Oui.

M. Bouchard (Vachon): Oui.

Le Président (M. Copeman): Oui?

M. Bouchard (Vachon): Oui.

Le Président (M. Copeman): Allez-y, M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Un instant, là, il faut que je me retrouve dans mes papiers, M. le Président.

Dans l'amendement que propose la ministre, là, le 3°, elle remplace...

Mme Champagne: Supprimer le mot «plus».

M. Bouchard (Vachon): Supprimer le mot «plus».

Mme Delisle: On laisse «à long terme»

Mme Champagne: Au lieu de dire «à plus long terme», tu dis «à long terme».

M. Bouchard (Vachon): Est-ce qu'on peut avoir des explications?

Le Président (M. Copeman): Je n'en doute pas. Mme la ministre, allez-y.

M. Bouchard (Vachon): Il doit y avoir une explication pour supprimer un mot tellement important.

Mme Delisle: En fait, on considère que de dire «à long terme», ça représente finalement ce qu'on a introduit dans la loi. Alors, quand on parle de...

Si vous permettez, M. le Président, je vais relire le libellé du troisième alinéa: «Lorsque, dans l'intérêt de l'enfant, le retour dans son milieu familial n'est pas possible, la décision doit tendre à lui assurer ? nous avions inscrit "à plus long terme", donc ? à long terme, la continuité des soins et la stabilité des liens et des conditions de vie appropriées à ses besoins et à son âge.»

L'expression «à long terme» rejoint finalement ce que nous souhaitons évidemment quand on parle de stabilité et de continuité des soins pour les enfants. C'est évidemment intimement lié avec l'ensemble des articles qu'on retrouve dans le projet de loi, qu'on fasse référence au 22, puisqu'on en a parlé vaguement tout à l'heure. Maintenant, cet amendement aussi répond à la demande, entre autres, de la Clinique d'attachement de l'Hôpital Sainte-Justine, du Forum sur l'abandon des enfants, des directeurs de la protection de la jeunesse, de l'Association des centres jeunesse du Québec, qui trouvaient que la formulation «à plus long terme» laissait trop de latitude sur les mesures à prendre.

Mme Charest (Rimouski): Est-ce que, Mme la ministre... Est-ce que je peux? Oui? Mme la ministre, est-ce que ce ne serait pas de toute façon inclus si on disait que «la décision doit tendre à lui assurer la continuité des soins et la stabilité des liens»? Le court, le moyen, le long terme est inclus quand on dit ça de cette façon-là. C'est comme si on mettait plus un accent sur le long terme, mais on n'a pas de précision par rapport à court et moyen terme. Et, moi, quand je relis ça, je me dis: Dans l'intérêt de l'enfant, le retour dans son milieu familial n'est pas possible, donc la décision doit tendre à lui assurer la continuité des soins et la stabilité des liens et des conditions de vie appropriées à ses besoins et à son âge, et «à plus long terme» ou «à long terme», ça n'ajoute absolument pas grand-chose parce que, quand on dit «doit lui assurer la continuité des soins et des services», ça inclut tout le temps que ce jeune-là est sous la responsabilité de la DPJ, non?

Mme Delisle: Bon, moi, je voudrais qu'on se rappelle, là, qu'est-ce qu'on dit dans chacun des alinéas, M. le Président. Vous m'écoutez, M. le Président? Non. C'est correct. Bon. Alors, je continue. Alors, Mme la députée de Rimouski...

Une voix: ...

Mme Delisle: Ha, ha, ha! Excusez-moi.

M. Bouchard (Vachon): Il est en train de préparer son cours.

Mme Delisle: Maintenant...

Le Président (M. Copeman): Spontanément, vous allez en avoir un autre, là, si ça continue de même.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Delisle: O.K. Ça, ici, dans le dernier alinéa, c'est dans l'éventualité où le retour dans le milieu familial n'est pas possible. Donc, si ce n'est pas possible, la décision doit tendre à lui assurer à long terme ? en fait, c'est marqué «à plus long terme», ça fait que je vais laisser «à plus long terme», puisqu'on ne l'a pas encore amendé ? la continuité des soins et la stabilité des liens et des conditions de vie appropriées à ses besoins et à son âge. Ce que ça veut dire, c'est que l'enfant, puisqu'il ne peut pas retourner chez lui, dans le cadre de la proposition que nous avons faite pour assurer une plus grande stabilité et continuité de soins pour les enfants, pour ces enfants plus spécifiquement, là, donc, si on tient compte des propositions qu'on a faites par rapport aux durées maximales de placement, ces enfants-là devront avoir un projet de vie permanent, et ce projet de vie permanent là, c'est le long terme, c'est jusqu'à la majorité. Donc, le «long terme» ici a toute sa place et on ne peut pas retirer «long terme».

Nous, on a répondu, si vous voulez, aux propositions qui nous étaient faites par certains organismes de retirer le «plus long terme» parce que ça élargissait la gamme de... pas la gamme, mais en fait ça élargissait les situations finalement avant qu'on prenne une décision. Mais ce que nous souhaitons, ce qu'on a proposé puis ce qu'on a mis sur la table, c'était d'assurer une meilleure stabilité pour les enfants.

n(17 h 30)n

Mme Charest (Rimouski): Je comprends que, quand vous parlez de plus long terme, ça aurait pu être plusieurs fois à plus long terme, parce que ça aurait pu être, mettons, un délai d'hébergement, dans une famille d'accueil, de six mois, puis là, comme ce n'est pas possible de retourner dans sa famille, à plus long terme, il faut le placer, cet enfant-là, jusqu'à sa majorité. Pour en quelque sorte s'assurer, là, que, la décision, elle se prend puis que, pour cet enfant-là, il n'y aura pas de changement majeur, comme des allers-retours, là, d'un milieu de vie à l'autre, est-ce qu'on ne devrait pas dire «le retour définitif dans son milieu familial n'étant pas possible»? Est-ce que ça pourrait être un plus pour que la prise de décision, là, elle soit claire? Ce n'est pas possible que cet enfant-là retourne, pour toutes sortes de raisons, dans son milieu familial. Alors, à ce moment-là, on dit clairement: Le retour définitif dans son milieu familial n'étant pas possible, la décision doit tendre à lui assurer la continuité des soins, la stabilité des liens et des conditions de vie appropriées.

Mme Delisle: J'aimerais vous rappeler, M. le Président, que, je l'ai dit pendant les débats que nous avons eus avec les organismes qui se sont présentés en commission parlementaire, le coeur du projet de loi, là, hein... On n'a pas déposé un projet de loi juste pour le plaisir d'en déposer un puis parce que ça paraissait bien de déposer un projet de loi, là. On se rappellera tout l'historique derrière ça. Et ce qu'on se fait dire depuis de nombreuses années... D'ailleurs, il y a un chantier qui avait été mis en place par une de mes prédécesseurs, qui est la députée de Taschereau, qui souhaitait assurer une plus grande stabilité aux enfants, et ça passait évidemment par des mesures qui sont importantes.

Ce que nous souhaitons, c'est que, dans les circonstances où c'est impossible ? donc, on ne parle pas des 30 000 enfants ou des 100 000 enfants qui annuellement sont sous la Loi de la protection de la jeunesse, là, on parle d'une infime partie d'enfants ? pour ceux-là et celles-là, dans les circonstances où c'est impossible pour eux de retourner dans leur milieu familial, il faut donc que la décision qui soit prise tende à assurer à cet enfant-là, à long terme, la continuité des soins et la stabilité des liens et des conditions de vie appropriées à ses besoins et à son âge. Donc, entrerait, à ce moment-là, en force soit la décision de trouver un tuteur pour cet enfant-là, trouver un milieu stable... Donc, ça pourrait très bien être chez un grand-parent ou un membre de la famille élargie.

On parle de la permanence, on parle d'un cadre de vie... pas un cadre de vie, on parle d'un projet de vie permanent pour ces enfants-là. Oui, ça pourrait être l'adoption, mais ce n'est pas juste ça, là. Mais c'est ça qu'on vient dire ici, là.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Je pense que le problème, là, c'est que le terme «à long terme» porte à équivoque. Je pense que ce que vous voulez dire, c'est «sur une base permanente». Parce qu'on peut interpréter «à long terme» de deux façons. Ça peut vouloir dire: Éventuellement sur un horizon de long terme, on va lui assurer la stabilité, etc. Ce n'est pas ça que ça veut dire, mais c'est ça que ça peut induire comme compréhension, alors que ce que vous voulez dire, c'est «sur une base permanente». Il y a une contradiction à dire «à long terme» puis ensuite à dire «des conditions de vie appropriées à ses besoins et à son âge».

Non, non. Regardez, là, on ne s'obstine pas pour s'obstiner, là, j'observe les réactions aussi autour de moi, M. le Président, et je pense qu'on vient de mettre le doigt sur tout simplement un petit correctif. On vise, tout le monde, la même chose: on veut que s'installent, dans la vie de l'enfant, la sécurité et la stabilité qui sont appropriées à son âge puis à ses besoins, sur une base permanente. Si on s'entend sur ça, là, on va s'entendre à la fois sur le fond et sur la forme. Parce qu'«à long terme», ça veut dire qu'on peut peut-être différer ça pour...

Mme Charest (Rimouski): Dans le temps.

M. Bouchard (Vachon): ...sine die, là.

Mme Charest (Rimouski): Ça fait référence au temps, le long terme, alors que la façon permanente, c'est autre chose.

Le Président (M. Copeman): M. le député d'Orford.

M. Reid: ...on s'entend, que ce soient les mots «permanent» ou «à long terme», mais l'idée, j'ai l'impression, c'est qu'on veut tous que ce soit stabilisé pour longtemps et que ce soit le plus tôt possible. Dans le fond, je pense que c'est ça qui est visé, là, des deux côtés. Alors, si on peut s'entendre sur les mots, on n'aura pas de difficulté.

(Consultation)

Le Président (M. Copeman): Je pense qu'on va suspendre quelques instants, chers collègues.

(Suspension de la séance à 17 h 35)

 

(Reprise à 17 h 47)

Le Président (M. Copeman): Alors, la commission reprend ses travaux. Si j'ai bien compris, chers collègues, afin de tenter d'intégrer les termes qui ont été utilisés par nos collègues à ma gauche, tenter d'intégrer ça, la mécanique la plus propice, c'est que Mme la ministre retire l'amendement tel qu'il est, et elle va présenter un nouvel amendement qui va intégrer ces concepts-là. Alors, l'amendement est retiré. Alors, Mme la ministre, si vous voulez présenter votre nouvel amendement à l'article 3.

Mme Delisle: Alors, M. le Président, ce que je comprends, c'est que je dois relire le premier, le deuxième et le troisième alinéa.

Le Président (M. Copeman): Ou on peut dire d'un commun accord que les premier et deuxième paragraphes restent les mêmes. Alors, allez-y pour le troisième.

Mme Delisle: Alors, pour le troisième alinéa, remplacer le troisième alinéa de l'article 4, remplacé par l'article 3 de ce projet de loi, par le suivant: «Lorsque, dans l'intérêt de l'enfant, le retour dans son milieu familial n'est pas possible, la décision doit tendre à lui assurer la continuité des soins et la stabilité des liens et des conditions de vie appropriées à ses besoins et à son âge de façon permanente.»

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): Je comprends, mais l'amendement, tel que déposé à la présidence, c'est «tendre». Il est déposé. Tel que lu et tel que déposé, il dit «tendre».

Une voix: Il est recevable?

Le Président (M. Copeman): Il est recevable.

Une voix: Parfait.

Une voix: O.K.

Une voix: C'est bien.

Le Président (M. Copeman): Alors, est-ce qu'il y a discussion sur l'amendement à l'article 3? Il y a discussion?

M. Bouchard (Vachon): Oui.

Une voix: Tu as quelque chose à dire?

M. Bouchard (Vachon): Oui.

Le Président (M. Copeman): Apparemment. M. le député de Vachon.

n(17 h 50)n

M. Bouchard (Vachon): Mais c'est parce que je ne veux pas décevoir certains de mes collègues d'en face qui avaient suggéré d'ajouter «dans les meilleurs délais et de façon permanente». Mon intervention est à l'effet que l'on soit conscients, là, qu'une proposition dans un environnement informel qui faisait la joie et qui provoquait l'acquiescement de tout le monde, là, n'apparaît pas dans l'amendement officiel, mais, si c'est... Est-ce que c'est un oubli, une omission ou une rebuffade pour ses collègues que la ministre leur sert? Je ne sais pas.

Mme Delisle: M. le Président, si vous permettez, là, moi, je pense qu'il faut voir cet article-là et cet amendement-là en lien avec tout ce qu'il y a dans le projet de loi. Le projet de loi dit, et je l'ai répété ? je sens que je vais le répéter à plusieurs reprises pendant cette commission ? le projet de loi vise à assurer la stabilité et la continuité des soins pour les enfants qui vivent dans des milieux à risque et qui ne peuvent pas retourner dans leur milieu familial si ce n'est pas possible. Si on met «et dans les délais les plus...

Une voix: Les meilleurs?

Mme Delisle: ...les meilleurs», «les meilleurs délais», c'est en contradiction avec 22. Moi, je veux avoir de la suite dans les idées, là. Peut-être que l'opposition souhaite amender 22, on se rendra là quand on sera rendus là. J'ouvre une parenthèse, d'ailleurs, j'aimerais bien avoir l'amendement avant la veille, là. Mais ce que je veux juste dire, c'est que ce qui est le plus important pour nous, c'est de s'assurer, là, qu'on chemine selon les mêmes principes, que l'on chemine avec le même objectif. Alors, si on met «dans les meilleurs délais possible», à titre d'exemple...

Je vais prendre l'exemple où il y a un jeune de six ans et plus qui... Ça fait 24 mois, là. Mettons que c'est peut-être un peu moins problématique pour certains. Bien, «dans les meilleurs délais possible», on n'est plus dans les délais de 24 mois. Moi, je ne veux pas...

Une voix: ...

Mme Delisle: Non. Parce que l'intervenant peut peut-être décider ou interpréter que les meilleurs délais possible, ce n'est pas nécessairement les délais qu'on va retrouver à 22. Alors, moi, je pense qu'il faut être clair avec le projet de loi qu'on a déposé, avec évidemment le fil conducteur, qui est celui de dire: Bien, si ce n'est pas possible pour l'enfant de retourner dans son milieu familial, à 22, on détermine qu'il y a des durées maximales de placement. Est-ce que ce sera encore ceux-là? On verra lorsqu'on fera le débat. Mais on ne peut certainement pas inclure, à ce moment-ci, une disposition qui va donner une latitude autre que celle qui est dans 22. Alors, c'est pour ça que «dans les meilleurs délais possible» ne se retrouve pas dans ce que je viens de vous lire, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): M. le Président, moi, je peux vivre avec ça. Ce n'est pas ça, le problème. Ce que je vois, c'est que d'abord, un, la proposition émane du côté de la ministre, là, puis je l'ai entendue, puis nous nous y retrouvions. On était à l'aise avec ça. Ce n'était pas «dans les meilleurs délais possible», c'était «dans les»...

Mme Delisle: Moi, je n'ai jamais utilisé l'expression «dans les meilleurs délais possible».

M. Bouchard (Vachon): Non, non, je n'ai jamais entendu la ministre dire ça; tout à l'heure, j'ai entendu ses collègues dire ça, et nous avons acquiescé à ça. Bon. Alors, ce n'est pas grave. Bon. C'est un objet de discussion, là, puis on le fait rigoureusement. Alors, s'il y a des collègues de la ministre qui veulent s'exprimer là-dessus, ils le feront, moi, je les invite à le faire, mais, M. le Président, «dans les meilleurs délais»... D'abord, ce n'était pas «dans les meilleurs délais possible», c'était «dans les meilleurs délais», et les meilleurs délais, ils sont prescrits par la loi plus loin, à 22. Ce que le législateur dit ici, là, il définit ce que c'est qu'un meilleur délai, plus tard, dans 22. Maintenant, si la ministre ne veut pas le mettre, qu'elle ne le mette pas, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): M. le député d'Orford.

M. Reid: Merci, M. le Président. C'est juste pour dire qu'on essaie, de façon informelle, de faire les choses. Je n'avais pas les explications de la ministre, et les explications de la ministre me satisfont totalement.

Le Président (M. Copeman): Ça va. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement de la ministre? Il n'y en a pas. Est-ce que l'amendement de la ministre à l'article 3 du projet de loi est adopté?

Des voix: Adopté.

M. Bouchard (Vachon): Un instant, je réfléchis.

Le Président (M. Copeman): Adopté. Pouvons-nous disposer de l'article 3, à ce moment-ci? Est-ce que l'article 3, tel qu'amendé, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Copeman): Est-ce que je peux considérer qu'il est 18 heures ou vous voulez...

Des voix: ...

Le Président (M. Copeman): Alors, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à 9 h 30, demain matin, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 55)


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