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Version finale

37e législature, 2e session
(14 mars 2006 au 21 février 2007)

Le mardi 4 avril 2006 - Vol. 39 N° 8

Consultation générale sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès : un défi d'équité, d'efficience et de qualité


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures quarante-cinq minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Chers collègues, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Nous sommes réunis afin de procéder à une consultation générale et de tenir les auditions publiques sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, M. Bouchard (Vachon) va être remplacé par M. Charbonneau (Borduas); Mme Charest (Rimouski) par M. Valois (Joliette). Voilà.

Le Président (M. Copeman): Très bien. Alors, dans quelques instants, chers collègues, nous allons débuter cette vaste consultation générale par les remarques préliminaires. Ce sera suivi par les auditions de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, autour de 10 h 30, pour terminer la matinée avec Mme Marie-Claude Prémont. Et je ferai lecture de l'ordre du jour une fois que nous allons continuer nos travaux, cet après-midi.

Alors, sans plus tarder, je vous rappelle, chers collègues, que le temps consacré pour les remarques préliminaires est de 60 minutes, réparties 25 minutes pour le groupe ministériel, 25 minutes pour l'opposition officielle et 10 minutes pour la députée indépendante.

Remarques préliminaires

Sans plus tarder, je reconnais le ministre de la Santé et des Services sociaux. Pour vos remarques préliminaires, M. le ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: Merci, M. le Président. Je voudrais saluer les collègues de l'Assemblée nationale qui seront avec nous pendant ces longues semaines de consultation, également les personnes qui nous accompagnent, le personnel de la commission, mais également de mon cabinet et également du ministère de la Santé et des Services sociaux, qui seront, comme nous, assis sur leurs fauteuils dans cette commission pendant de nombreuses semaines. Je pense qu'on aura l'occasion ensemble d'apprendre beaucoup sur notre système de santé et également les orientations vers lesquelles il faut l'orienter.

Donc, on voudra débattre une réflexion en profondeur autour du thème Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité. Il sera bien sûr beaucoup question de l'accès aux services, mais aussi de l'avenir de notre système de santé et de services sociaux. Et nous souhaitons que nous puissions aborder cette réflexion avec ouverture et sérénité, au-delà du discours idéologique et partisan, dans un débat où le dogmatisme ne doit pas avoir sa place. Et on doit éviter de refaire l'erreur des dernières années et de mettre l'accent sur la structure du système lui-même plutôt que sur les valeurs et les principes de société qui le sous-tendent.

La discussion publique que le premier ministre et moi-même avons lancée le 16 février dernier connaîtra en effet son point culminant au cours de cette commission parlementaire. Nous entendrons ici des groupes, des individus qui ont à coeur, tous et toutes, l'amélioration de notre système de santé. Le point de vue des experts de différents milieux ainsi que celui des professionnels de la santé seront entendus, mais le citoyen a et aura aussi sa place dans ce débat.

Il faut dire, M. le Président, que le niveau de participation à cette consultation est déjà fort impressionnant. Il s'agit bien sûr d'un sujet qui touche les gens dans ce qu'ils ont de plus précieux: la santé. Des valeurs que nous partageons avec nos concitoyens sont en jeu dans ce débat, des valeurs comme l'équité, la solidarité et la compassion envers les personnes qui malheureusement sont aux prises avec des problèmes de santé, ce qui les rend vulnérables, et voilà pourquoi ces questions suscitent un tel intérêt dans la population.

Plus de 125 mémoires ont été reçus, et de nombreux citoyens ont tenu à se prononcer sur nos propositions et nous faire part de leurs commentaires et suggestions également dans le contexte d'une consultation en ligne. J'indique qu'il y a déjà 3 400 personnes qui se sont prononcées dans la consultation en ligne, et nous verserons à la commission un condensé ou une synthèse des opinions que ces citoyens auront transmises au moyen de cet outil informatique.

Au cours des derniers mois, plusieurs événements sont venus alimenter la réflexion du gouvernement sur l'avenir de notre système de santé et de services sociaux. J'en retiens trois en particulier mais qui font suite à d'autres événements du passé, d'anciennes commissions d'enquête. On sait qu'il y en a eu plusieurs autour du système de santé, au Québec.

D'abord, le rapport Ménard, qui a mis au jour l'enjeu fondamental du financement à long terme du système de santé, qui d'après moi est l'enjeu véritable, sous-jacent à tous les autres enjeux. C'est l'enjeu du financement de la santé.

Ensuite, le rapport Perreault, qui, dans la foulée du Forum sur les générations tenu en 2004, insiste sur la nécessité d'accroître la prévention, alors que l'on constate que notre mode de vie est à la source de problèmes comme l'obésité et le diabète et dont l'incidence augmente même chez les jeunes.

Enfin, la Cour suprême du Canada, qui, dans ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire Chaoulli-Zeliotis, a statué en juin 2005 que l'interdiction de souscrire à des assurances privées pour obtenir des services couverts par le régime public contrevenait à la charte québécoise des droits et libertés. Et on reconnaît certes que ce jugement a provoqué un certain émoi, mais il importe de le situer dans le contexte d'une réflexion plus globale sur notre système et sur le rôle que le secteur privé peut y jouer pour s'adapter aux défis des prochaines décennies. C'est d'ailleurs dans cet esprit que nous avons choisi de faire de ce jugement une opportunité d'amélioration de nos services publics plutôt qu'une menace.

n (9 h 50) n

M. le Président, à l'intérieur de cette réflexion que suscite notre gouvernement, deux objectifs nous guident. Premièrement, nous tenons à préserver et à améliorer notre système public et universel de santé et de services sociaux. Deuxièmement, nous devons répondre au jugement de la Cour suprême. Mais, comme nous l'avons mentionné le 16 février et depuis, s'il y a une règle qui doit encadrer le débat, c'est bien la subordination du second objectif au premier, c'est-à-dire la préservation et l'amélioration de notre système public de santé.

Plusieurs choix s'offraient à nous, mais c'est sur la base des valeurs qui nous sont chères que les propositions soumises à la population ont été élaborées. Nous ne le dirons jamais assez, notre gouvernement est fermement engagé envers un système de santé public fort et accessible à tous, à l'intérieur duquel le secteur privé peut et doit jouer un rôle au service du système public et non à ses dépens dans une relation que je qualifierais de symbiotique plutôt que parasitaire, et c'est ce que nous devons éviter lorsqu'on discute de l'introduction du système de santé privé dans l'horizon des services des soins de santé au Québec. La société québécoise a fondé son système de santé sur l'égalité et la solidarité. Il n'est pas question de tourner le dos à ces fondements.

À un moment où notre gouvernement a réussi à améliorer certaines choses, tout n'est pas réglé, mais des signes d'amélioration sont là, au moyen, entre autres, d'investissements importants, mais pas seulement d'investissements importants. Nous voyons cette réflexion comme un temps d'arrêt que nous prenons pour soumettre aux Québécois la voie que nous entendons suivre pour l'avenir.

C'est donc forts du bilan de nos trois années que nous avons produit le document de consultation et soumis des propositions de trois ordres: premièrement, des mesures pour améliorer l'accessibilité, la qualité et l'efficience des services; deuxièmement, des mesures pour améliorer l'accès aux services médicaux et hospitaliers, pour réduire les délais d'attente, lesquelles incluent la réponse de notre gouvernement à l'arrêt Chaoulli; et, troisièmement, un questionnement, qui débute, sur la définition de nouvelles avenues en matière de financement.

Mais tous ces volets sont en fait liés les uns aux autres. Par exemple, quand nous insistons sur l'importance de la prévention et de la promotion en santé, certains pourraient se demander quel est le lien avec le jugement de la Cour suprême. Ce lien est pourtant très étroit. Si nous souhaitons maintenir l'accessibilité pour les années qui viennent, il faut s'assurer de poser maintenant des gestes, particulièrement auprès de la jeunesse, qui feront en sorte de diminuer la pression sur notre système de santé et de services sociaux.

Bien que ce ne soit pas directement visé par la Cour suprême, il nous faut également retenir que, si nous interrogions les Québécoises et les Québécois aujourd'hui, la principale difficulté d'accessibilité de notre système de santé qui serait identifiée, ce n'est pas vraiment la chirurgie, c'est fort certainement l'accès à un médecin de famille. C'est ça, le problème d'accessibilité que les citoyens vivent au jour le jour. Plusieurs intervenants d'ailleurs viendront nous entretenir de cette difficulté lors de la présente commission.

Conscients de ce défi, nous abordons cette question dans le document de consultation, notamment en traçant les actions posées par notre gouvernement et en continuité avec ce qui s'était fait auparavant afin d'augmenter le nombre de médecins de famille au Québec et leur accessibilité: une hausse massive des entrées en médecine, une meilleure répartition dans les régions, la mise en place de modes de pratique plus variés sous forme de groupes de médecine de famille et des cliniques-réseaux, un accueil beaucoup plus généreux des médecins diplômés à l'étranger. Et, rappelons-le, toutes ces actions se poursuivent. On n'arrête pas ces actions parce qu'on fait une consultation actuellement sur les actions recommandées en vertu du jugement de la Cour suprême.

Il faut également rappeler le lien que nous voulons créer entre le médecin omnipraticien et le centre de santé et de services sociaux, notamment par une présence au conseil d'administration. Parce que le renforcement de la première ligne implique nécessairement une vision globale de l'organisation des services, nous faisons une place importante à la hiérarchisation des services médicaux et hospitaliers entre les paliers local, régional et national et à ses effets concrets pour le citoyen. On ne peut passer sous silence non plus la mise en place des réseaux locaux de services, grâce à laquelle la continuité des services et le cheminement de l'usager seront facilités, de même que la création des réseaux universitaires intégrés de services, dont l'effet se fait déjà sentir en matière d'accès aux services spécialisés, d'organisation et de soutien dans toutes les régions du Québec.

Ce n'est pas donc ce qui a été fait uniquement de l'investissement, mais également de la réorganisation, une réorganisation qui n'a pas été un brassage stérile de structures, mais au contraire une entreprise majeure dont les composantes auront des répercussions importantes au cours des prochaines années. Nous allons continuer dans la même direction, et c'est ce que notre plan indique.

Nous retrouvons aussi, dans le document de consultation qui nous réunit aujourd'hui, un segment qui permet d'amorcer une discussion sur la pérennité du financement de notre système de santé, qui encore une fois est l'enjeu le plus profond du système de santé du Québec pour les prochaines années. Notre gouvernement n'a pas développé de proposition ferme sur cette question et souhaite, avant de le faire, recueillir les opinions de la population sur, d'une part, le constat assez implacable qui est fait sur le plan des finances publiques et, d'autre part, quelques éléments parmi les solutions que M. Ménard et son groupe ont proposées.

Il y a une mesure sur laquelle j'imagine qu'il sera probablement facile de faire consensus, qui est le rehaussement des transferts fédéraux destinés à la santé. Comme vous savez, M. le Président, nous avons réalisé des gains intéressants, en 2004, avec l'accord de la santé, obtenant du gouvernement fédéral 4,2 milliards de dollars sur six ans. Mais nous voulons obtenir davantage, surtout qu'on s'est engagés, de part et d'autre, à réduire l'attente et à apporter cette garantie d'accès qui nécessite un volume de chirurgies supplémentaire, donc un financement accru.

Ensuite, une mesure essentiellement pédagogique qui consiste en la publication annuelle d'un compte santé et services sociaux. Comme je l'ai dit lors du lancement de la consultation, il ne s'agit ni d'une taxe ni d'un fonds distinct pour la santé. Il s'agit d'un document transparent qui renseignerait la population du Québec sur la provenance des sommes dédiées à la santé, par exemple ce qui vient du fonds consolidé, des transferts fédéraux, des contributions des personnes, de façon à ce qu'on développe l'habitude d'associer chaque dépense à une source de revenus clairement identifiée.

Enfin, une autre proposition de l'équipe pilotée par M. Ménard, qui est la possibilité de créer une assurance pour la perte d'autonomie. Nous savons que, dans un contexte de vieillissement de la population, il s'agit d'un sujet qui doit absolument être discuté afin que nous soyons en mesure, collectivement, de nous donner les moyens de livrer les services liés à la perte d'autonomie et de faire face aux besoins qui continueront d'augmenter.

Encore une fois, ce débat sur le financement commence. Il n'est pas lié à un échéancier aussi court que celui que nous a donné la Cour suprême et il se prolongera certainement au cours des mois qui viennent.

Certains éléments fondamentaux liés au financement doivent cependant être soulignés. D'abord, c'est que le financement de tout système de santé, où que l'on soit sur notre planète, provient des citoyens, sous la forme des taxes et des impôts, de contributions spécifiques, d'assurances, de copaiement, comme dans plusieurs pays européens. Le financement du système de santé provient des utilisateurs et des citoyens.

Malgré ce que disent certains, l'introduction de l'assurance privée n'est en rien une solution aux problèmes de financement du système de santé. Aucun pays n'a encore pu démontrer qu'introduire un financement privé accru diminue la charge de financement sur le système public de santé. Et en fait c'est plutôt le contraire qui se passe. Les dépenses continuent d'augmenter au même rythme, qu'il y ait ou pas une composante de financement privé présente dans le réseau.

Enfin, les circonstances particulières de la société du Québec font en sorte que 80 % des citoyens qui font des déclarations d'impôt rapportent des revenus inférieurs à 50 000 $, que le fardeau fiscal au Québec demeure élevé et que, la maladie étant associée à un niveau socioéconomique bas, il faut s'abstenir de toute proposition qui verrait à déplacer le fardeau du financement de la santé vers ceux qui consomment le plus les soins, donc essentiellement les plus défavorisés de notre société.

M. le Président, le coeur du sujet est traité dans le chapitre 5 du document. Il porte sur l'accessibilité des soins médicaux et hospitaliers. Avant de parler des actions que nous envisageons, il convient d'abord de parler de l'interprétation que nous faisons du jugement de la Cour suprême ainsi que des valeurs et des principes éthiques sur lesquels nous nous appuyons pour justifier nos actions.

La Cour suprême envoie un message à plusieurs volets au gouvernement dont le premier est l'objectif urgent et réel ? je reprends les mots mêmes de la Cour suprême ? de préserver et d'améliorer notre système de santé au Québec. Cependant, la Cour suprême nous dit également que la prohibition de l'assurance privée pour les actes médicaux assurés est à la fois disproportionnée, contraire à des éléments de la charte québécoise des droits et probablement pas nécessaire, puisqu'il existe des exemples ailleurs au Canada ou dans d'autres pays où l'accès aux soins est égal, sinon supérieur, à ce que nous retrouvons au Québec. Et, dans ces endroits, il n'y a pas pour autant de prohibition de l'assurance privée. Et franchement, pour des citoyens de certains pays d'Europe de l'Ouest, par exemple, nos débats doivent parfois sembler assez surréels ou même surréalistes.

Le document de consultation d'ailleurs fait un survol très intéressant des expériences étrangères en matière de garantie d'accès ou d'assurance privée duplicative. Nous invitons les membres de la commission à s'y référer pour bien comprendre les enjeux, tout en étant toujours conscients cependant du contexte et des particularités de chaque endroit. La disponibilité des ressources humaines, la richesse collective, les écarts de revenus dans les sociétés, les valeurs communes, tous ces éléments doivent être pris en considération.

M. le Président, la première conclusion que nous tirons, à ce moment-ci, c'est que nous ne prévoyons pas utiliser la clause dérogatoire, synonyme pour nous du maintien du statu quo et même d'une banalisation injustifiée de libertés fondamentales importantes, tel que souligné par la Cour suprême. Ainsi, nous ne voulons pas perdre cette opportunité historique d'entamer une discussion profonde sur l'avenir de notre système de santé. Des occasions comme celle-là, il n'en passe pas souvent dans l'histoire d'une société.

Les éléments que nous soumettons à la discussion sont assis sur des valeurs, sur des principes éthiques. Il est important que, lorsqu'un gouvernement annonce ses intentions, la population puisse comprendre les valeurs et les principes qui sous-tendent les choix. Et ces valeurs sont la justice sociale et également le caractère public du système de santé, mais encore une fois à l'intérieur duquel et au service duquel le secteur privé peut jouer un rôle.

Le deuxième enjeu majeur sur lequel nous avons défini notre position, c'est le respect du principe de l'étanchéité entre les médecins participants et non participants au régime public. Et ceci sera un enjeu majeur de discussion d'ailleurs, je crois, au cours de nos débats en commission. Pourquoi? Parce que, dans le contexte actuel de pénurie d'effectifs, nous ne voulons pas risquer de glissement de personnel vers le secteur privé, ce qui ne profiterait ultimement qu'à une minorité de la population et certainement pas aux gens des régions.

n (10 heures) n

De plus, soyons francs, lorsqu'un médecin décide, de son propre chef, de quitter le domaine de l'assurance maladie publique, il transforme ou elle transforme sa pratique médicale en entreprise privée et la soumet aux lois du marché. C'est donc lui ou elle qui doit alors prendre les risques, et pas le contribuable. Mais bien sûr le paysage des effectifs médicaux est appelé à changer considérablement au cours des prochaines années. On annonce la disponibilité, dans 10 ans, de 3 000 médecins de plus, au net, au Québec, ce qui va changer beaucoup cette question de disponibilité des effectifs médicaux et qui pourra peut-être alors permettre de réouvrir cette question. Mais actuellement nous ne pensons pas prudent de miner ce principe d'étanchéité sur lequel nous nous sommes fixés très tôt dans notre réflexion.

M. le Président, les éléments de notre plan comportent plusieurs volets. L'un d'eux provient directement, d'ailleurs, de la commission Clair de 2000. Il s'agit de la création de ce que nous appelons les cliniques spécialisées affiliées. Il s'agit de cliniques privées qui sont formées exclusivement de médecins participant à la Régie de l'assurance maladie du Québec et qui sont liés par contrat avec le système de santé du Québec, un hôpital, par exemple, pour faire, chaque année, un nombre défini de procédures, à un tarif unitaire déterminé par le système de santé. Et le médecin, lui, continue de facturer à la Régie de l'assurance maladie du Québec. En clair, pour le citoyen, c'est comme aller à l'hôpital: on présente sa carte d'assurance maladie et on obtient le service que normalement on obtiendrait à l'hôpital.

Pourquoi proposer cela? Parce qu'il est important de diversifier les endroits où on peut faire de la chirurgie ou des interventions diagnostiques, surtout dans les zones urbaines. Il y a beaucoup d'endroits au Québec où ce n'est absolument pas nécessaire d'avoir recours à cette solution-là, compte tenu des volumes d'actes médicaux supplémentaires à poser pour arriver aux objectifs que nous poursuivons. Mais, dans les zones urbaines, les zones métropolitaines particulièrement, il y a un problème de coexistence, dans les grands hôpitaux spécialisés, entre la liste de chirurgies électives et la salle d'urgence, et également la nécessité de faire plus de chirurgies et de prévoir des plateaux extérieurs à l'hôpital pour faire une grande partie de ces chirurgies, surtout celles qui ont une infrastructure minimale.

Les autres volets sont regroupés sous le parapluie de ce qu'on peut appeler la garantie d'accès ? et c'est ce que nous avions communiqué, avec le premier ministre, le 16 février dernier ? ce nouveau concept de prestation de services dans le régime de santé et de services sociaux qui est la garantie d'accès aux soins.

C'est également la fin d'une autre ère, qui est celle des gouvernements passés, toutes formations politiques confondues, des dernières années, qui est la contemplation passive des listes d'attente. On doit agir maintenant de façon beaucoup plus active pour gérer les listes d'attentes, beaucoup mieux les mesurer et améliorer l'accès. La garantie d'accès que nous offrons est exclusivement du domaine public.

Une première catégorie d'interventions se compose des cas où la vie des patients est menacée à court ou moyen terme, donc tout ce qui entoure le cancer, la radiothérapie, la chirurgie du cancer, également les soins cardiaques complexes, les chirurgies cardiaques, les cathétérismes pour les dilatations d'artère et la mise en place de défibrillateurs.

Je vous signale, en passant, M. le Président, que, dans ces deux secteurs, le cancer et la cardiologie tertiaire, il y a des progrès remarquables qui ont été faits. Ces progrès, M. le Président, vous pourrez les constater sur le site Internet du ministère, que nous avons mis à jour et que nous continuons de mettre à jour. On y retrouve des indicateurs d'accès avec des nouvelles statistiques beaucoup plus fines, notamment sur les sujets dont il est question dans la garantie d'accès.

Il y avait, il y a quelque temps encore, 600 patients en radiothérapie qui vivaient une attente de plus de huit semaines. La cible est maintenant de quatre semaines et demie. Et seulement une cinquantaine de patients, aujourd'hui même, au Québec, sont en attente de plus de quatre semaines, alors que plus aucun patient n'attend huit semaines. Avec le déploiement rapide de nouveaux appareils au Québec dans les prochains jours, nous pourrons garder cette situation complètement sous contrôle.

Dans le domaine de la cardiologie tertiaire, vous constaterez, par exemple, qu'à l'Institut de cardiologie de Montréal plus de 95 % des patients sont traités dans les délais requis, tous degrés d'urgence confondus. Ceci témoigne de l'importance du progrès accompli dans ce domaine.

La deuxième catégorie d'interventions visée par la garantie d'accès se situe dans ce qu'on appelle la chirurgie élective. Et nous avons décidé, de manière prudente et raisonnable, de démarrer avec trois procédures, procédures dans lesquelles il y a des progrès également qui se font, de façon inégale sur notre territoire, mais il y a des progrès importants, ce qui explique ? et j'y revenais tantôt ? que la question des cliniques affiliées ne soit pas à l'ordre du jour dans toutes les régions du Québec.

J'étais, par exemple, hier, avec mon collègue le député de Saint-Jean, à l'hôpital de Saint-Jean-sur-Richelieu. Il y a actuellement, dans cet hôpital, cinq patients hors délai pour la chirurgie de la hanche, cinq patients hors délai pour la chirurgie du genou. Il n'est absolument pas nécessaire, pour ramener tous les patients dans les délais, d'envisager la mise sur pied d'une clinique affiliée. Donc, les circonstances et les chiffres varient d'une région à l'autre et, à l'intérieur de chaque région, d'une institution à l'autre.

La proposition vise donc le remplacement de la hanche, le remplacement du genou et la chirurgie pour les cataractes. Pourquoi? Parce que, d'une part, ces procédures sont associées aux changements démographiques, le vieillissement de la population que nous connaissons, et que, d'autre part, nous avons su nouer avec les médecins spécialistes concernés, que ce soient les chirurgiens orthopédistes ou les ophtalmologues, un partenariat qui nous permet de bien gérer les listes d'attente, de bien les mesurer, de bien les valider et de nous doter d'ententes sur les indicateurs et les cibles d'accès.

Ce nouveau partenariat fait en sorte que les cibles d'attente et les délais médicalement acceptables, que vous retrouverez sur le site du ministère, n'ont pas été préparés en vase clos, au ministère de la Santé et des Services sociaux, mais en collaboration avec les associations de spécialistes concernées, qui sont donc basés sur des considérations objectives et scientifiques. Et, chose intéressante, le même exercice s'est fait partout au Canada et on en arrive essentiellement aux mêmes conclusions parce que la méthode et la démarche intellectuelle a été la même également dans les autres provinces canadiennes.

Pour ces trois chirurgies donc, nous donnerons une garantie d'accès aux usagers dans un délai de six mois qui comprend un suivi personnalisé auprès de chaque patient dès le 30e jour. Après six mois d'attente, si on n'a pas trouvé la solution, nous offrirons d'autres alternatives au patient. Le premier choix demeure toujours l'hôpital où il est inscrit. Ensuite, il faudra chercher une place dans un autre hôpital de la région, une clinique affiliée, voire même un hôpital d'une autre région. Et ultimement nous allons offrir une solution à la personne dans une clinique privée non affiliée où exercent des médecins non participants, prendre les arrangements pour assumer les coûts du traitement hors des heures habituelles... pour le contribuable.

La perspective d'un élargissement de cette garantie d'accès à d'autres interventions demeure possible, mais uniquement au fur et à mesure que nous pourrons, en fonction des ressources humaines et des ressources financières disponibles, ajouter d'autres chirurgies électives à la liste. Nous pourrons en discuter avec les chirurgiens concernés pour déterminer le volume d'activité nécessaire, les délais requis et, chose essentielle, vérifier s'il y a une volonté de partenariat avec les médecins pour bien mesurer et valider les listes d'attente.

Comme réponse plus spécifique au jugement de la Cour suprême, nous proposons de rendre possible l'accès à une assurance privée pour certaines procédures faisant l'objet d'une garantie d'accès. Mais, rappelons-le, il ne s'agit que d'une assurance visant les soins donnés par des médecins non participants. Et la Cour suprême connaissait très bien le principe d'étanchéité, la distinction entre les médecins participants et non participants et le nombre de médecins non participants au Québec lorsqu'elle a rendu sa décision, et ceci n'a jamais été remis en question.

Il convient ici, devant les critiques qui seront formulées envers cette possibilité, de mentionner le contexte actuel de prestation des soins au Québec. M. le Président, aujourd'hui même, un patient peut tout à fait légalement se faire opérer, moyennant le versement de plusieurs milliers de dollars versés à un médecin non participant, ici même, au Québec. Et ça date de plusieurs années. Ce n'est pas quelque chose qui est nouveau. Rappelons également que les cliniques médicales où oeuvrent les omnipraticiens sont des cliniques à but lucratif financées par les fonds publics. Ce n'est donc pas une révolution. Ça existe déjà, et, si on met en doute le concept même d'une clinique privée à but lucratif financée par l'État, il faudrait fermer toutes les cliniques d'omnipraticiens au Québec. Il faut être conséquent avec soi-même.

Dans ces cliniques donc, les cliniques de médecins non participants, le citoyen n'a pas le droit d'être assuré par une compagnie d'assurance pour obtenir un remboursement. C'est la seule différence qui est introduite. Je peux aujourd'hui aller, pour 12 000 $, me faire faire une prothèse de hanche à Montréal tout à fait légalement, mais je n'ai pas le droit d'être assuré pour couvrir ce 12 000 $, si je décidais de le payer. C'est la seule chose qui est modifiée. Et, l'étanchéité demeurant, le nombre de médecins participants et non participants demeurant inchangé, il est certain que ce n'est pas la solution qui changera le problème d'accessibilité aux soins. Toute cette solution, on l'a vu tantôt et on le répétera sans cesse, la solution est entièrement sous l'ombrelle du financement public.

Ce que propose le document de consultation, c'est de répondre au jugement de la Cour suprême, qui nous enjoint donc de lever la prohibition d'assurance privée, en levant cette prohibition pour les seuls cas où l'ensemble des citoyens ont, eux, l'assurance d'être soignés à l'intérieur du délai médicalement requis. Donc, il n'est nullement question de mettre en place un système à deux vitesses.

Voilà donc ce que nous soumettons aux Québécois: des propositions pour un système qui réponde mieux encore à leurs besoins, une invitation pour que citoyen et gouvernement soient conjointement responsables de leur santé, une invitation à adapter nos pratiques tout en respectant nos principes.

On sait que le système de santé et de services sociaux du Québec est un acquis cher aux citoyens québécois, et il porte la signature de notre formation politique. Après l'avoir remis dans des meilleures directions, notre gouvernement propose aux Québécois d'engager avec eux un dialogue essentiel à la mise en place de nouvelles actions qui en marqueront l'histoire et en assureront la pérennité. Et la présente commission constitue le lieu privilégié du dialogue.

En terminant, M. le Président, je voudrais indiquer aux personnes impliquées dans la gestion du système et dans la prestation des services de même qu'à l'ensemble des citoyens du Québec que, même si nous mettrons beaucoup d'énergie, au cours des prochaines semaines, à discuter des listes d'attente pour les chirurgies, il ne faut pas pour autant perdre de vue les autres grandes priorités du système de santé, qui sont intimement liées à notre capacité d'offrir des services spécialisés. Je pense ici à la prévention, aux services de première ligne, dont les soins à domicile, à la prise en charge des clientèles vulnérables, comme les personnes âgées en perte d'autonomie et les personnes en fin de vie, à la santé mentale et aux jeunes en difficulté. Tout cela demeure essentiel, et il faut faire attention de ne pas connaître de glissement dans nos priorités. C'est important de parler de listes d'attente, mais la liste d'attente, c'est la fin du processus du système de santé, et il faut continuer à agir très fortement sur tout ce qui précède l'inscription d'un malade ou d'un patient sur les listes d'attente.

Je nous souhaite donc des échanges empreints d'ouverture et de vision, au cours desquels nous garderons à l'esprit l'objectif qui doit guider nos travaux: de meilleurs services pour les citoyens et pour les générations qui les suivront. Merci, M. le Président, et bons travaux à tous et à toutes.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. le ministre. Alors, M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, pour vos remarques préliminaires, pour une durée maximale de 25 minutes.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Bien, merci, M. le Président. Je voudrais saluer, moi aussi, mes collègues, le ministre et nos collaborateurs respectifs, autant que les fonctionnaires du ministère, les citoyens qui vont suivre ces travaux au cours des semaines qui viennent et puis également tous ceux et celles qui ont accepté d'apporter une contribution importante à ce débat-là en s'inscrivant pour venir témoigner à la commission parlementaire ou nous envoyer un mémoire ou un propos, des opinions.

n (10 h 10) n .

Incidemment, finalement, c'est probablement, outre la question nationale sur l'avenir du Québec, c'est sans doute un des grands débats de société auxquels nous aurons été confrontés au cours des dernières années, et c'est un débat fondamental parce qu'il nous interpelle sur des valeurs de base.

La première chose que je voudrais dire, c'est que je note avec appréciation que le ministre a eu des propos plus conciliants sur le passé... quand il avait fait sa... Finalement, c'est comme si, quand il est arrivé en fonction, il y avait un système de santé en lambeaux qui ne fonctionnait pas, qu'il n'y avait aucune performance, et tout à coup, par miracle, depuis trois ans, tout était rétabli et remis sur les rails. Je pense que, ce matin, il a reconnu que dans le fond on est dans un processus de continuité. Il y a une lancée qui avait été donnée, il y a un certain nombre d'années, de corrections, après des années difficiles, au niveau des finances publiques, et on poursuit sur cette lancée.

Et maintenant on doit se poser un certain nombre de questions fondamentales sur la façon dont on doit livrer les services médicaux et hospitaliers pour les citoyens et citoyennes qui sont préoccupés, qui vivent ces situations-là ou qui, un jour ou l'autre, vont les vivre parce qu'on est tous confrontés, un jour ou l'autre, à faire face à des problématiques de santé. Et ce dont on va parler au cours des semaines qui viennent, ça concerne l'ensemble des gens qui vivent sur ce territoire.

D'entrée de jeu, ce qu'on doit dire pour que les choses soient claires, c'est que notre position idéologique, au Parti québécois, est la suivante. Puis j'avais publié un texte, le 17 janvier dernier, dans Le Devoir, pour expliquer un peu finalement quelle était la base à partir de laquelle nous engagions la discussion et les paramètres à partir desquels nous allons évaluer finalement les différentes suggestions qui vont nous être faites. Je rappelais à l'époque que, lors de notre dernier congrès, le Parti québécois, au mois de juin dernier, avait adopté une proposition qui disait: Nous entendons «maintenir un système de santé public, accessible, universel et gratuit, en assurant un financement qui vise un partage équitable des responsabilités entre les générations». Et, en 2001, le programme du Parti québécois avait déjà indiqué qu'il était ouvert à «explorer des partenariats avec le secteur privé et celui de l'économie sociale dans le respect des principes de base du système de santé. [...]Toutefois, il ne saurait être question d'instaurer un système à deux vitesses où certains seraient soignés mieux et plus rapidement parce qu'ils peuvent payer.»

Et j'ajoutais, un peu plus loin: «...nous demeurons farouchement contre l'introduction du financement privé pour les soins médicaux et hospitaliers de base qui sont actuellement couverts par l'assurance publique et assumés par le régime fiscal général. Pas question [pour] des citoyens plus fortunés ou disposés à s'appauvrir pour contracter une double protection avec une assurance privée puissent éviter des lignes d'attente et passer avant les autres. En conséquence, c'est aux partisans d'un changement de cap majeur ? jamais discuté en campagne électorale [incidemment] ? de faire la preuve des bénéfices possibles de leur thèse, particulièrement en regard des listes d'attente, de la qualité des services et du fardeau global des citoyens.»

Et, à ce moment-là, je disais ça parce qu'on attendait la réponse du gouvernement à l'égard du jugement Chaoulli. Et, quand le ministre tantôt parlait de la clause dérogatoire, il faut voir que dans le fond, pour les gens qui nous écoutent, cette clause-là permet au gouvernement du Québec puis à l'Assemblée nationale de se soustraire à un jugement, par exemple de la Cour suprême, en invoquant cette disposition qui nous permet justement de se soustraire au pouvoir judiciaire et de faire en sorte que ce soit d'abord le pouvoir législatif et les élus du peuple qui aient préséance.

Et nous l'avions dit à ce moment-là pour d'abord contrôler l'agenda. Il n'était pas question d'empêcher le débat, mais de faire en sorte que finalement le débat se fasse dans les paramètres fixés par les députés et l'Assemblée. Le gouvernement a accepté finalement cette approche-là, et, même si le jugement ferait en sorte qu'on devrait avoir donné une réponse définitive en juin, ce qui est évident, c'est qu'il n'y aura pas de réponse définitive en juin. On est dans un processus où on amorce aujourd'hui des travaux d'une commission parlementaire. En juin, on aura probablement terminé les travaux de cette commission, on aura, de part et d'autre, à tirer des conclusions, puis éventuellement il y aura possiblement une législation. Cette législation-là ne peut pas être adoptée avant l'automne prochain. Alors, déjà, ça, d'entrée de jeu ça nous satisfait.

Par ailleurs, ce qu'il faut voir, c'est qu'on s'est réjouis de la position du gouvernement à l'égard de l'assurance privée parce qu'évidemment on est contre le financement privé. Donc, on craignait qu'on ouvre la porte grande ou passionnément à l'assurance privée. Maintenant, on a décidé de l'ouvrir un peu. La question pour nous qu'il va être important de regarder, c'est: Est-ce que ce un peu là est acceptable ou si malgré tout il contrevient? Pour nous, au départ, il contrevient au principe du financement public, et on devra nous faire la démonstration que même ce un peu là n'aura pas d'effet pervers d'abord sur la cannibalisation, si on veut utiliser cette expression-là, des ressources du public versus le privé. C'est-à-dire est-ce qu'on va, en ouvrant la porte au privé un peu plus, amener des ressources qui sont actuellement dans nos hôpitaux, des infirmières, des médecins et d'autres, vers des cliniques privées ou vers le secteur privé, délestant ainsi une partie du secteur public de ses ressources essentielles, d'une part?

Deuxièmement, est-ce que la présence d'une assurance privée n'aura pas aussi des effets pervers? Parce que ce que le ministre nous a dit c'est que: Je le limite à trois dimensions, mais éventuellement on pourra l'ouvrir à d'autres. Et à d'autres par décret gouvernemental. Et ma philosophie, c'est que ce genre de décision là ne se prend pas par décret gouvernemental, au Conseil des ministres, en vase clos. Il se prend au Parlement, à l'Assemblée, publiquement, après un débat public. Alors, ce qui va être important, c'est d'abord vérifier éventuellement les effets possibles de cette petite ouverture et deuxièmement comment on va éventuellement aller plus loin. Parce qu'on nous annonce déjà qu'on pourrait aller plus loin.

L'autre chose, parmi les effets pervers dont il va falloir tenir compte, c'est: Est-ce qu'on n'ouvre pas la porte à une dynamique qui, elle, va aller en s'amplifiant et va justement créer une médecine à deux vitesses? Parce que, quand on parle d'une médecine à deux vitesses, de quoi parle-t-on? On parle de la vitesse des citoyens, de la vitesse normale des gens qui justement sont obligés de s'inscrire puis d'attendre parfois pour avoir des services hospitaliers ou des services médicaux, puis ceux qui ont de l'argent, qui paient cash ou qui pourraient avoir l'argent pour payer avec des assurances, qui pourraient couper la ligne puis aller plus vite. Donc, l'idée de deux vitesses, c'est tous ceux qui pourraient aller plus vite. Et est-ce que, même en l'ouvrant un petit peu, on ne va pas créer une dynamique qui va justement installer un système à deux vitesses à plus ou moins court terme? Et ça, je crois que ça va être une des préoccupations centrales que, de ce côté-ci de la table, nous allons avoir au cours de ces travaux-là.

L'autre élément important, c'est qu'en l'ouvrant au privé on l'ouvre aussi à des cliniques spécialisées affiliées, donc des cliniques de chirurgie comme il en existe actuellement. Le ministre l'a rappelé, nos cliniques médicales sont des cliniques privées, conventionnées, avec financement public, d'omnipraticiens. Là, on en aurait pour des médecins spécialistes.

Tout le monde a compris jusqu'à maintenant que c'était réservé dans le fond pour trois types de chirurgies: la hanche, le genou puis la cataracte. Mais dans les faits ce n'est pas clair, et, moi, la compréhension que j'en ai, c'est qu'on va ouvrir à toutes sortes de chirurgies pour faire en sorte que les trois types de chirurgies, elles, qui seront couvertes par la garantie d'accès puissent être accomplies dans le délai qui est donné par la garantie d'accès. Ça veut dire que c'est une compréhension un peu différente de ces cliniques spécialisées affiliées.

Et là il va falloir se poser la question essentiellement qui tourne autour... qui est la suivante. C'est: Est-ce que c'est la bonne approche? Nous, on l'avait adoptée, cette idée-là, dans le plan d'action pour la santé et les services sociaux Pour faire les bons choix de novembre 2002. Alors, le gouvernement a repris l'idée qu'on avait achetée et qui était dans le fond une idée de la commission Clair, donc de 2000. La question, c'est: Que ce soient vous ou nous qui achetions cette idée-là, il faut voir quelle va être la conséquence puis est-ce qu'à court terme c'est la voie qu'il faut emprunter. Parce qu'on a fait des tests avant que vous arriviez puis je pense que vous avez poursuivi dans cette lancée, on a mis sur pied des centres opératoires à haut volume.

Donc, on a dans le fond compris que le système public, les hôpitaux publics, si on leur donnait des ressources puis si on leur donnait des plans d'action précis, avec des cibles, ils pouvaient opérer plus, et on pouvait dégager plus de temps dans les blocs opératoires et dans le fond diminuer les listes d'attente. Alors, on a fait la preuve, d'une certaine façon, qu'on peut le faire dans le public. Et la question, c'est: Est-ce qu'on doit maintenant avoir recours à des cliniques affiliées privées qui auraient, même si elles fonctionneraient à contrat avec l'appareil gouvernemental puis même si elles étaient financées par les fonds publics... Est-ce que dans le fond cette approche-là est la bonne ou est-ce qu'on ne devrait pas concentrer nos énergies puis augmenter la cadence d'utilisation de nos ressources publiques puis de notre système public?

n(10 h 20)n

D'autant plus que tous les spécialistes nous disent ? puis le ministre, quand il était docteur, avant d'être ministre, à l'automne 2002, à l'époque où justement le gouvernement précédent publiait son plan d'action, il le disait, lui aussi ? qu'un des problèmes majeurs, c'est le sous-financement du système de santé. Et, le sous-financement, il faut voir, là, quand on parle du financement à long terme, on ne parle pas de la même chose. On parle des problématiques actuelles, donc le financement à court terme. Les gens qui attendent actuellement pour des chirurgies, là, ce n'est pas les baby-boomers qui, comme moi, sont nés en 1950. Quand ils auront 75 ans, puis 80 ans, puis on va être une grosse gang à Québec, là, on va créer un problème majeur de pression sur les finances publiques. Ça, c'est ce qu'on appelle le financement à long terme, ce dont on va parler. Mais le financement à court terme, c'est les besoins actuels. Et, les besoins actuels, c'est clair qu'actuellement ça prend plus d'argent dans le système public de santé. Et, encore une fois, que le ministre fasse affaire avec les cliniques privées conventionnées ou qu'on utilise les hôpitaux, en bout de piste, ça... augmenter la chirurgie, qu'elle soit faite en clinique privée affiliée ou qu'elle soit faite dans les blocs opératoires.

Et le problème actuel... Je l'ai dit vendredi dernier, ce n'est pas un blâme, tu sais, d'une certaine façon, à la personne, mais on ne peut pas faire abstraction du problème du sous-financement puis de rappeler au gouvernement que vous aviez fait une promesse téméraire en promettant que, pendant les cinq années de votre mandat, vous réinvestiriez en santé à la hauteur de 8,9 milliards de dollars, alors qu'on commence la quatrième année de votre mandat puis on a investi à peine 3,9 milliards. Vous dites 4,2. On ne se chicanera pas pour 343 000 $, là. Mais, même à 4,2, par rapport à 8,9, on est loin du compte. Et c'est clair que cet argent qui n'a pas été dans le système de santé depuis trois ans puis qui ne sera pas dans le système pour cette quatrième année qui s'amorce de votre mandat a un effet négatif, sinon on n'en aurait pas parlé, sinon finalement on n'aurait pas mis de l'emphase sur l'importance de révinvestir en santé à ces hauteurs-là.

Alors, à partir du moment où on ne met, par exemple, que 20 millions de dollars de plus, cette année, pour les chirurgies électives, qui s'ajoutent aux 60 millions, ce qui fait 80 millions, c'est clair que ce 80 millions là n'est pas suffisant. Mais qu'on ouvre des cliniques privées affiliées, même si... ce 80 millions là ne sera pas suffisant pour faire baisser les listes d'attente. Donc, quand on va parler de ça, on va devoir parler aussi des ressources.

Autre élément dont on va devoir se préoccuper, c'est la garantie d'accès parce que la garantie d'accès, là aussi, ce n'est pas une trouvaille du gouvernement puis du ministre. C'était, elle aussi, une proposition que nous avions retenue, qui avait été faite dans le fond par les spécialistes du système de santé, par les fonctionnaires du ministre, qui sont les mêmes aujourd'hui qui étaient là quand on était en responsabilité. Mais dans le fond la garantie, actuellement elle est limitée pour certains types de problématiques de santé. On nous dit qu'on ne pourra pas y aller plus vite et qu'on ne pouvait pas aller plus vite, qu'on ne pouvait pas ajouter d'autres pathologies ou d'autres problématiques. Moi, je ne suis pas certain. Mais la question qui va devoir se poser, c'est: Est-ce que, si on ouvre à une garantie plus élargie, comme je le disais tantôt, puis qu'on veut coupler ça éventuellement avec une autorisation d'ajouter des assurances privées pour d'autres pathologies, est-ce que, là, on va se retrouver dans une dynamique qui n'est pas celle qu'on veut?

Les délais médicalement acceptables ? parce que finalement toute cette garantie-là repose aussi sur des listes d'attente puis sur une espèce de mécanique qui fait qu'il y a des signaux d'alarme ? est-ce qu'après un certain temps on considère que, là, il faut agir plus rapidement? Quand nous étions au gouvernement, par exemple pour les genoux et les hanches, donc les chirurgies orthopédiques, nous avions établi que c'était trois mois. Trois mois, pas parce qu'on l'avait inventé, là. C'était trois mois, selon les documents gouvernementaux, à partir d'une consultation avec le monde médical. Le ministre dit aujourd'hui: J'ai fait une autre consultation avec le monde médical, puis on dit maintenant que c'est six mois que ça devrait être.

Mais dans les faits l'impact de ça n'est pas négligeable parce que les gens qui attendaient hors des délais médicalement acceptables aujourd'hui se font dire: Bien, c'est encore acceptable. Et ça, les gens qui actuellement attendent pour une chirurgie, eux autres, ils savent une chose, puis, s'ils ne le savent pas, on va leur dire clairement, d'entrée de jeu: les assurances privées, là, ce n'est pas pour eux autres. Je veux dire, ils ne sont plus assurables, ils ne sont pas assurables. Alors, les gens qui pensent qu'actuellement toute la discussion qu'on va avoir va régler à court terme leurs problèmes, ce n'est pas exact.

C'est pour ça que j'insistais tellement sur la question du financement à court terme. Parce que, si on ne met pas plus d'argent dans le système de santé soit pour acheter du temps opératoire dans des cliniques affiliées soit pour permettre à nos blocs opératoires, dans nos hôpitaux, d'augmenter le nombre d'interventions, le fait est, c'est que les listes d'attente vont rester hautes et que ce n'est pas parce que, demain matin, des jeunes en santé prendraient une assurance qu'on va régler le problème. Ceux qui seront accessibles pour des assurances privées, là, le résultat bénéfique, s'il y en avait un, ce sera pour dans 20 ans, dans 30 ans, dans 40 ans, quand ils auront l'âge malheureux d'avoir des problèmes de santé qui les obligeront éventuellement à devoir avoir recours à des chirurgies à haut niveau.

Donc, toute la question de l'attente, le ministre a parlé tantôt et à bon droit que ça ne se résumait pas aux chirurgies électives. Mais justement l'attente, qui était l'engagement numéro un ou l'ennemi public numéro un du gouvernement quand il était dans l'opposition puis en campagne électorale, il faut le rappeler, l'attente, ce n'est pas juste pour les chirurgies. Il y en a 41 000, il y a à peine un mois, qui attendaient pour des chirurgies électives hors des délais médicalement acceptables. Avec les changements de critères, aujourd'hui, on peut en avoir moins sur les listes, mais c'était ça qu'il y avait il y a un mois.

Mais il y a aussi un demi-million de Québécois qui attendent pour des médecins de famille, et on aurait dû, il y a déjà six mois et plus, en juin 2005, avoir 300 groupes de médecine de famille, cliniques-réseaux qui ne sont pas là, cette année, dans le budget. Puis justement on revient toujours à la question des ressources financières. Comme vous n'avez pas ces ressources à votre disposition, le fait est que vous en ajoutez à peine une vingtaine, cette année, et qu'on va être loin du compte. On ne sera même pas à la moitié des objectifs que, vous et nous, on avait fixés pour 2005, qui étaient d'avoir 300 groupes de médecine de famille pour l'ensemble du territoire québécois.

Il y a l'attente pour voir les spécialistes. Il y a l'attente pour les tests diagnostiques. Il y a l'attente pour les traitements non chirurgicaux. Il y a l'attente pour les places en centres d'hébergement de soins de longue durée. Il y a l'attente pour les soins à domicile. Il y a l'attente pour les soins en santé mentale. Il y a l'attente pour la gratuité des médicaments pour tous ceux à qui on avait promis une gratuité. On en avait promis à peu près à 600 000 personnes, on l'a donnée pour 41 000 personnes. Il y a encore bien du monde qui attendent pour avoir la possibilité. Et toute l'attente pour les services de prévention.

Puis, à l'égard de la prévention, on est tous pour la vertu. Puis le ministre a rappelé le rapport Perreault. Mais ce qu'il aurait dû rappeler, c'est qu'avant le rapport Perreault il y a eu un plan stratégique de l'institut québécois de santé publique ? en fait de l'ancien gouvernement ? pour 2003-2012 qui prévoyait toute une série de cibles. Mais encore là ça prend des ressources.

Quand vous êtes arrivés en fonction de responsabilité, la première chose que vous avez faite, au niveau de la prévention, c'est que vous avez mis à la poubelle le programme Ça bouge après l'école, qui nécessitait des investissements de 102 millions, pour remplacer ça par la petite politique de bonhomme bleu, là, puis de promotion de la santé qui coûte à peu près 2 millions. Ça fait que, je veux dire, dans le fond on enlevait 100 millions dans la prévention, dans les années subséquentes, puis là aujourd'hui, vertueusement, on vient dire qu'il faut mettre beaucoup d'accent sur la prévention. Mais la prévention pour les saines habitudes de vie, que ce soit pour lutter contre le tabagisme, contre la malbouffe, pour l'activité physique, pour les problématiques de santé mentale, etc., ça prend des ressources.

Et là on se retrouve finalement à la fois à devoir parler du financement à court terme mais également du financement à long terme. Et, là où on se retrouve un peu embêté pour aborder cette commission-là, c'est qu'on aurait dû s'attendre... Puis je le dis amicalement au ministre, mais je crois que c'est notre responsabilité, dans l'opposition. On n'est pas là pour faire de la complaisance, là, on est là pour obliger le gouvernement à rendre des comptes et à avoir une administration cohérente par rapport aux besoins puis à ses engagements. Et le financement à long terme...

Écoutez, le rapport de la commission Clair, là, il date de 2000. L'an dernier, le rapport Ménard est arrivé pour reprendre à peu près, dans certains cas, mot pour mot certaines des propositions sur le financement à long terme. D'ailleurs, Michel Clair, qui présidait la commission, était membre du comité Ménard. Et, aujourd'hui, on s'engage dans une consultation où le gouvernement n'est même pas en mesure de nous dire: Voici, il y a trois, quatre, cinq grands scénarios qui sont en discussion ou qui sont possibles, dans notre société, à envisager. Voici les avantages et les inconvénients pour chacun d'eux et voici notre préférence. C'est à ça qu'on se serait attendus pour finalement faire un débat éclairé.

Le ministre dit: Bien, nous autres, on ne voulait pas ça. On voulait que les citoyens nous disent ce qu'ils en pensent. Mais le problème, c'est qu'on a mis deux commissions d'enquête sur pied qui nous sont arrivées avec des propositions. La suite normale de ça, c'est qu'après des commissions d'enquête qui font des recommandations puis qui proposent des approches le gouvernement dit: Voici ce que je pense de ces recommandations-là. Je pense qu'il y a un certain nombre de difficultés à mettre telle ou telle solution en place, mais il y a aussi certains avantages. Puis, tout compte fait, sur les cinq, six options possibles, il y en a une qui est à privilégier. Voici laquelle. Voici pourquoi, nous, on la privilégie. C'est ça qu'on aurait voulu avoir puis qu'on n'a pas.

Et, quand je disais, au mois de janvier, dans le document: Pour entreprendre un exercice adéquat, il faut qu'on ait l'ensemble des options sur la table, sur le financement à long terme, on n'a pas l'ensemble des options sur la table. On n'a surtout pas comment le gouvernement, lui, envisage la suite des choses.

n(10 h 30)n

Alors, c'est évident qu'on va être attentifs. L'idée, par exemple d'une caisse santé, elle ne nous est pas rébarbative, au contraire, mais ce qui va être important, c'est de ne pas non plus... Puis là il y a des opinions contradictoires. Il y a des experts qui démonisent ou qui dramatisent ? je ne dirais pas à outrance parce que c'est leur prétention ? les impacts du vieillissement et les problèmes auxquels on sera confrontés dans 15 ans, dans 20 ans. D'autres nous disent: Attention, les pronostics sur une si longue période ne sont jamais si fiables qu'on veut le croire, quand on est dans le présent, par rapport à l'avenir. Et, tout compte fait, quand on regarde le vieillissement, c'est vrai qu'il y aura des effets, disons, négatifs, en tout cas difficiles à assumer, mais il y aura aussi des effets positifs, et, un dans l'autre, il ne faut pas exagérer.

Ce qui va être important pour nous, de chaque côté de la table, au cours de ces semaines-là, c'est d'avoir un portrait exact de l'impact possible. Parce que c'est un peu comme dans le domaine des économistes: il y a autant de théories économiques qu'il y a d'économistes, puis, à un moment donné, bien, il va falloir qu'il y ait des consensus qui se dégagent, qu'il y ait une lecture partagée des possibilités ou des dangers qui nous guettent dans l'avenir et des solutions qui devront être retenues pour faire face à cet avenir-là. Et je ne crois pas qu'il faille non plus se retrouver dans une situation où on hypothéquerait le présent pour se préparer à un avenir qui ne serait peut-être pas aussi important... ou c'est-à-dire pas aussi dramatique et difficile à vivre que certains nous le disent aujourd'hui.

Et, quand je dis ça, je ne veux pas sous-estimer, je ne suis pas un spécialiste, je ne prétends pas être un économiste ou un expert de ces questions-là. Ils vont venir témoigner devant nous, ces experts-là. Mais je pense que ça va être notre responsabilité de faire en sorte que l'éclairage qu'ils vont apporter à la commission puis à tous les citoyens et citoyennes qui vont suivre nos travaux soit à la hauteur des défis. Et on devra confronter les différents points de vue puis les différents regards prospectifs sur l'avenir pour éventuellement faire les bons choix.

Mais encore une fois, dans l'immédiat, ce qui nous confronte, M. le Président, c'est le problème du sous-financement. Et ça, ce problème-là, ce n'est pas la garantie d'accès qui va le régler. Ce n'est pas de permettre à l'assurance privée, même d'une façon limitée, à entrer sur le marché québécois. Ce n'est pas en ouvrant des cliniques affiliées spécialisées qu'on va régler ce problème-là. Ce n'est même pas en réorganisant de fond en comble notre système. On a concouru à la loi, l'an dernier, pour réorganiser le système, on l'avait amorcée d'ailleurs, cette réforme-là, le ministre l'a intensifiée, il l'a couverte pour l'ensemble du territoire québécois.

Mais la question, même si on fait des économies de système importantes en ayant un système plus adapté aux exigences d'aujourd'hui, s'il y a des corridors de services en place, si les établissements de services de santé et de services sociaux sont plus performants parce qu'ils sont mieux structurés, si on installe dans le système public aussi une circulation d'information informatisée qui est accessible rapidement, en temps réel, pour tous les praticiens du système de santé, le fait est qu'en bout de compte tout ce monde-là ont besoin d'avoir des ressources additionnelles.

Et c'est ça que nous a dit, la semaine dernière, l'association des établissements de santé et de services sociaux à la suite du budget. Écoutez, ils nous ont dit: Vous nous donnez des plans d'action, celui-ci, c'en est un qui s'additionne aux autres, mais vous ne nous donnez pas les moyens de livrer la marchandise. Donc, attention, on ne peut pas créer des attentes dans l'opinion publique et auprès des citoyens si les ressources ne sont pas au rendez-vous.

Et je termine en vous rappelant qu'il y a... et je disais 86 millions, je me suis trompé, vendredi, j'ai pris un chiffre, c'était 98,6 milliards de dollars, dans les cinq prochaines années, qu'il y aura de surplus budgétaires annoncés au niveau du gouvernement fédéral. Alors, encore là, là, il ne s'agit pas de penser que c'est la panacée, mais on vit dans un pays où il y a deux niveaux de gouvernement, on paie des taxes à deux niveaux de gouvernement, et il y a un endroit où on en paie, il y a des surplus énormes. Et là le premier ministre canadien, aujourd'hui, fait un discours inaugural puis il y aura un budget fédéral. Est-ce que, cette année puis dans les années à venir, on va récupérer une part plus importante de ces surplus fédéraux là pour faire en sorte que le système de santé soit en mesure et le ministre de la Santé, quel qu'il soit, celui du Parti libéral ou celui du Parti québécois, soit en mesure de donner le niveau de service qui est attendu, et de diminuer vraiment les listes d'attente, et d'injecter dans le système les fonds qui sont nécessaires?

On ne peut pas éloigner constamment le calice. À un moment donné, il va falloir faire face à la musique et accepter que cet enjeu-là du financement, c'est aussi l'enjeu du problème politique qui perdure dans notre société. Puis on n'est pas obligé, comme je l'ai dit au ministre, d'être indépendantiste, mais, quand on est fédéraliste, puis qu'on promet de livrer la marchandise, puis que là on dit qu'il y a un nouveau gouvernement, puis qu'on s'entend très bien avec lui, je vous le dis, là, vous avez la balle dans votre camp. Le «beau risque», maintenant, c'est à vous de le prendre. Et faites-nous la démonstration que ça peut fonctionner. En attendant, on est très sceptiques.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. le député. Mme la députée de Lotbinière, pour une durée maximale de 10 minutes.

Mme Sylvie Roy

Mme Roy: Merci, M. le Président. Je veux, moi aussi, saluer mes collègues, saluer le personnel de l'Assemblée et saluer également le personnel du ministère et toutes les personnes qui nous écoutent, remercier ceux qui nous ont produit des mémoires et qui nous ont envoyé leurs commentaires.

Pour nous, à l'Action démocratique, c'est une belle journée, c'est une belle journée qu'on puisse commencer une commission pour voir, revoir l'ensemble de notre système de santé, revoir la place que le privé pourrait avoir. On a déjà... On a porté le flambeau du privé dans la santé les premiers. Alors qu'avant on qualifiait cette proposition-là d'hérésie, aujourd'hui on va en discuter en commission et plusieurs personnes se sont penchées sur cette question pour produire un mémoire.

Jusqu'en juin 2005, on prônait ici, à l'Assemblée nationale, le Parti libéral et le Parti québécois, le statu quo dans notre système de santé. Aujourd'hui, bien, on ébranle un petit peu les colonnes du temple, on révise qu'est-ce qu'on va faire parce qu'on s'en vient que le mur s'approche et que ça ne fonctionne pas dans le système de santé.

En 2001, l'ADQ songeait à permettre aux médecins qui atteignaient leur plafond salarial dans un régime public de continuer de pratiquer contre une rémunération qui proviendrait des patients désireux de payer les frais. En 2002, au congrès général, congrès auquel participait Claude Castonguay, l'ADQ dépose son programme de santé: l'addition de nouveaux soins et de services à la population par la contribution du privé et aussi un accès à tous au secteur privé dans le contexte d'une attente dépassant les normes établies, les normes médicalement acceptables, ce qu'on commence à étudier ici, aujourd'hui, sur la proposition de M. le ministre de la Santé.

Dans son programme électoral, l'ADQ s'engageait à accroître la possibilité pour les gens de payer sur une base volontaire le coût total des services de santé qu'ils pourraient vouloir se procurer dans le secteur privé. C'est la première fois, je pense, qu'on a amené un autre enjeu que l'enjeu fédéraliste-souverainiste dans une campagne électorale, qu'on déviait la trajectoire des campagnes précédentes pour parler d'autre chose que les options nationales.

Faisant suite au jugement Chaoulli, l'ADQ peaufine son offre en parlant d'une garantie de soins dans des délais médicalement acceptables et un véritable système de santé mixte. À la suite du jugement, le Parti québécois s'empresse de demander la clause dérogatoire, tandis que M. le ministre de la Santé demande un délai pour appliquer le jugement.

Nous sommes tout à fait d'accord à prendre notre temps, à discuter de cette proposition et des changements d'une façon réfléchie. Mais, en dépit des nouvelles injections d'argent public ? 4,2 milliards ou 3,4 milliards ? il y a une chose qui demeure: les listes d'attente persistent, autant les listes d'attente généralement pour toutes les attentes que mon collègue a énumérées, que les listes d'attente, le nombre de personnes qui attendent des soins hors des délais médicalement requis. La seule façon, dans le contexte budgétaire actuel, de rationner cette demande devient donc les files d'attente. Et c'est pourquoi nous pensons que, pour éviter ces files d'attente, il faut avoir un recours au privé.

La Cour suprême s'est penchée sur le fait que l'accroissement d'une place du privé dans le système public pourrait nuire au public. Je pense que c'était le principal fer de lance de la partie opposée, celle qui représentait le Procureur général. Et ce que nous a répondu la Cour suprême à ce sujet, c'est que la primauté de l'intérêt général sur les intérêts corporatistes et industriels... en ces termes, elle disait: «Les souffrances physiques et psychologiques et le risque de mortalité qui peuvent [s'ensuivre] l'emportent sur tout avantage susceptible de résulter pour l'ensemble du système.»

Moi, je reprendrai ces propos en vous disant qu'ici les souffrances physiques et psychologiques, le risque de mortalité que la population subit, que les Québécois et les Québécoises subissent doivent l'emporter certainement. Notre préoccupation doit l'emporter sur les donnes de chacun des partis. Et il faut maintenant faire place à un discours ouvert, écouter attentivement les propositions de chacune des personnes qui vont venir nous présenter le mémoire, et je suis convaincue que plus on discutera du privé dans la santé, plus il y aura des personnes qui vont y adhérer. Merci, M. le président.

Auditions

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la députée. Alors, sans plus tarder, j'invite les représentants de la Fédération des médecins spécialistes du Québec à prendre place à la table.

n(10 h 40)n

Je rappelle à nos invités que la commission consacrera une heure pour l'audition de chaque groupe, c'est-à-dire 20 minutes pour la présentation et 20 minutes dans un échange avec les parlementaires des deux côtés de la table. En vous souhaitant la bienvenue, Dr Dugré, je vous demande de présenter vos collaborateurs et par la suite enchaîner avec votre présentation. Je vais vous aviser quand il vous reste trois minutes pour mieux vous aider à conclure.

Fédération des médecins
spécialistes du Québec (FMSQ)

M. Dugré (Yves): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les parlementaires. Je suis accompagné du Dr Gilles Hudon, à ma droite, qui est directeur des politiques de la santé et de l'Office de développement professionnel à la fédération et radiologiste à l'Institut de cardiologie de Montréal; Me Sylvain Bellavance, à ma gauche, qui est des directeur des affaires juridiques à la fédération; et Dr Maurice Boudreault, psychiatre, membre du conseil d'administration de la fédération.

La Fédération des médecins spécialistes du Québec remercie cette commission de l'occasion qui lui est offerte de s'exprimer sur le document Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité.

La fédération, comme vous le savez, représente 34 associations affiliées représentant près de 8 000 médecins spécialistes de toutes les disciplines médicales, chirurgicales et de laboratoire. La mission de la fédération est de défendre et de promouvoir les intérêts des médecins spécialistes membres des associations affiliées sur le plan économique, professionnel, scientifique et social.

L'arrêt de la Cour suprême est l'occasion d'ausculter notre système de santé. Près de 40 ans après sa mise en place, il est normal de l'examiner, surtout quant à sa fonction principale, l'accès aux soins. La préservation et l'amélioration de notre système de santé public et universel constitue le premier objectif, un objectif urgent et prioritaire.

Les médecins spécialistes du Québec sont particulièrement bien formés et sont prêts à donner des services médicaux ou des soins médicaux quel que soit le modèle de santé. Si le système actuel a des ratés en raison d'un financement public inadéquat, il faut rechercher des solutions autant du côté de l'organisation que du financement. La société doit se donner les moyens de réunir les patients avec les médecins dont ils ont besoin, et ce, dans un délai raisonnable.

Cette consultation est issue d'un problème de financement public qui a amené des listes d'attente intenables pour certains patients et, par le fait même, une certaine pression de la part du privé pour s'introduire dans un système public mur à mur. Donc, ce qui nous amène à faire une réévaluation complète du système de santé.

Un bref mot sur la prévention. On ne peut pas être contre la prévention, au contraire, je pense que la prévention, qu'elle soit primaire, secondaire ou tertiaire, selon les différentes situations, elle peut un jour réduire le coût des services. Mais, au départ, il faut investir. Ça prend un équilibre dans la prévention et les soins, et, dans un système à financement serré, comme on nous le dit et comme on peut le constater, les deux éléments souffrent. Nous verrons tout au long qu'il est question de financement et de réorganisation, quels que soient les modes ou les alternatives.

Quand on aborde la question de l'amélioration de l'organisation et des modes de prestation des services, il y a beaucoup d'éléments avec lesquels nous avons déjà participé. Oui, nous sommes d'accord pour renforcer la première ligne. C'est essentiel, dans tout système de santé. D'améliorer le suivi des patients, une hiérarchisation des services médicaux autant que des hôpitaux, la formation de cliniques GMF, groupes de médecins de famille, ou cliniques-réseaux, je pense que c'est des pas dans la bonne direction. Ça demande cependant un investissement, et la formule mérite d'être adaptée également en médecine spécialisée. Nous verrons de là la notion de cabinet affilié spécialisé dans un sens plus large, en servant d'interface à la première ligne. Nous reviendrons sur cette notion de cabinet affilié plus tard.

Le financement, cependant, doit être au rendez-vous. Parce qu'il s'agit de cette notion de cabinet affilié, d'une notion que nous avons introduite en 1999, à la commission Arpin, il y a déjà sept ans, et, si on n'a pas avancé davantage dans ce domaine, on peut soupçonner qu'il y a une question de financement non au rendez-vous.

Concernant les cabinets privés, j'écoutais tantôt les propos de M. le ministre pensant que les cliniques privées étaient à profit, même si elles sont dans le système public. Je dois mentionner qu'actuellement, à cause d'un sous-financement, les honoraires professionnels servent déjà à contribuer aux frais d'opération. Mais je reviendrai sur les cabinets un peu plus loin.

Concernant l'optimisation des services et la qualité des services, les médecins spécialistes, et particulièrement l'Association des microbiologistes a contribué à diminuer et tenter d'éradiquer les infections nosocomiales, les infections à SARM ou les infections à C. difficile. Je pense que cette contribution a déjà été reconnue. Mais on s'aperçoit encore que, dans ce domaine, il y a une question de financement nécessaire dans un système public, que ce soit pour réduire le nombre de chambres à multiples patients dans plusieurs hôpitaux encore et également pour s'attaquer à un autre problème qui existe déjà et qui menace d'éclater encore, c'est s'attaquer au problème de la stérilisation des instruments chirurgicaux et du problème de la réutilisation des instruments à usage unique. Donc, si on veut optimiser encore la qualité des services, il faut également réinvestir dans ce domaine-là.

Circulation de l'information clinique, quelques mots. Je pense que nous nous sommes présentés ici, dans cette Chambre, pour supporter cette démarche d'optimisation et de circulation de l'information clinique. Nous avons donné notre appui à la démarche. Les médecins spécialistes sont prêts à participer à l'intégration des données, que ce soit les données de laboratoire, de médicaments, d'imagerie médicale ou de dossiers patients. C'est essentiel, dans une médecine moderne, d'avoir ces outils d'informatisation.

Cependant, je ne peux que déplorer, encore une fois ? ce que nous avons déjà fait ? qu'il y ait certains éléments qui ne sont pas au rendez-vous: donc, l'inscription ne s'efface pas par défaut, pour différentes raisons; la question de révocation potentielle du patient qui peut diminuer des données; les modalités d'adhésion du médecin; les frais inhérents aux médecins en cabinet pour se brancher sur le réseau; et un certain nombre de tracas administratifs qui sont à éviter dans un monde où, on le sait, il manque 1 000 médecins spécialistes et... ont beaucoup plus à faire à soigner des patients qu'à avoir des tracas administratifs. Donc, encore, dans ce domaine-là, dans l'information clinique, dans un système de santé publique fort, il faut un investissement également du côté de l'information clinique.

Si on aborde maintenant le coeur du dossier, du projet: l'amélioration de l'accès aux services médicaux pour réduire les listes d'attente, plusieurs sondages parmi la population disent que, même si, dans certains cas, les listes d'attente semblent avoir réduit, le patient, pour lui, comme a dit M. Charbonneau tantôt, le patient, lui, est convaincu, et il a raison, qu'il attend trop longtemps.

Il y a eu beaucoup de publicité faite pour les priorités dites nationales ? «nationales» dans le sens de «canadien» ? par rapport aux yeux, les hanches, le coeur, la radio-oncologie, mais il y a beaucoup d'autres listes d'attente qui sont plus silencieuses, qui ont été moins publicisées et qui sont autant de problèmes pour des patients, que ce soit en gériatrie pour un placement, que ce soit en imagerie médicale pour un rapport, que ce soit dans d'autres chirurgies électives ou en psychiatrie, donc, pour ne nommer que ceux-là ? et la liste n'est pas exhaustive. Donc, il y a également des listes d'attente dans d'autres domaines qui n'ont pas été élaborées de façon aussi systématique que les cinq priorités, mais ça n'en demeure pas moins un problème.

Donc, la suggestion est dans ce cas de continuer la collaboration avec la Fédération des médecins spécialistes ? ce que nous avons fait ? et les associations concernées pour établir des délais d'attente médicalement acceptables pour les autres pathologies et de participer à une confection des listes d'attente qui soient adéquates.

n(10 h 50)n

Quand on aborde le problème également du financement et de l'amélioration des délais d'attente, je tiens à dire encore une fois, et je le dis d'entrée de jeu, que le credo des médecins spécialistes est un système public fort. Nous sommes et nous soutenons une solidarité sociale nécessaire, et l'état du patient doit être le premier diktat pour traiter le patient, avant son portefeuille. Donc, nous sommes d'accord là-dessus et nous supportons cet élément-là.

Cependant, nous avons un système public ici, au Québec, mur à mur comme peu de systèmes au Canada, même comme peu d'États en ont ? on parle de Cuba et de la Corée du Nord. Mais, je veux dire, ici, il y aurait moyen d'élaborer et de diminuer l'apport de l'État, la participation de l'État, du moins dans la gérance de la prestation des soins: que l'État soit garant mais non gérant.

Le rôle de l'État doit être de garantir le financement et les standards de qualité, d'assurer un financement public adéquat et d'utiliser davantage les partenaires à l'endroit où c'est approprié. Exemple, les cabinets de médecins spécialistes. On a assisté depuis longtemps à une réduction du rôle des cabinets en disant que c'était une médecine souvent de deuxième zone par rapport à l'activité hospitalière. Les hôpitaux se transformant de plus en plus par des patients lourds et complexes et des pluripathologies, je pense qu'il est temps de revaloriser cette partie du système public en augmentant l'accessibilité par une approche contractuelle. Et nous reviendrons sur cette donnée tantôt. Donc, encore une fois, quand on parle du rôle de l'État, il est question d'organisation, mais il est question également de financement.

Le concept des cliniques médicales affiliées, quant à nous, ne doit pas se limiter seulement à ces trois pathologies-là. Même si le dossier est publicisé par rapport à ces attentes-là et les listes d'attente qui sont, je dirais, certifiées, il faut avoir une réelle approche contractuelle avec des groupes de médecins de plusieurs ou d'une seule spécialité pour d'autres pathologies, étendre donc cette possibilité-là d'avoir des ententes contractuelles, des contrats avec des groupes de médecins spécialistes avec soit dans le genre polyclinique ou dans le genre uniclinique, dans une seule... des gynécologues ou des pédiatres, par exemple. Parce qu'on voit que, dans plusieurs milieux, les cliniques externes sont peu abordables, peu disponibles et ferment tôt. Et je pense qu'il y aurait moyen d'augmenter l'accessibilité par une approche contractuelle.

Donc, ça prend une entente relativement longue, un contrat au moins de plusieurs années, si on veut permettre, disons, des investissements, et des candidats disponibles à faire une entente contractuelle avec un CSSS, avec un GMF, une clinique-réseau, etc. Donc, je pense que c'est l'occasion d'utiliser le concept de multidisciplinarité également et que les médecins spécialistes pourraient, dans plusieurs disciplines, justement, avoir des cabinets affiliés avec des ententes contractuelles et du personnel, soit infirmières soit autres travailleurs de la santé de première ligne, et ouvrir ces cabinets à des actes diagnostiques, des consultations ou d'autres chirurgies, ceux qui sont les plus appropriés et qui se font dans un milieu ambulatoire. L'hôpital devenant un lieu de prestation de soins de plus en plus lourds, l'approche ambulatoire peut augmenter l'accessibilité.

Maintenant, abordons l'option privilégiée pour le gouvernement: un plan de l'amélioration de l'accès aux services visant à réduire les délais d'attente. Les médecins spécialistes sont ici, aujourd'hui, d'abord pour parler de leur priorité qui est l'accessibilité et la réduction des délais d'attente en éliminant les entraves à la rencontre du patient avec son médecin. Il est intéressant de noter que l'amélioration dans les listes d'attente en radio-oncologie et en cardiologie tertiaire s'est faite. Comment elle s'est faite? La recette devrait toujours être la même: de l'organisation et du financement.

Pourtant, je me rappelle encore la période où les radio-oncologues réclamaient des accélérateurs pour traiter les cas de cancers parce que le nombre de cancers augmentait de 3 % par année, et certains fonctionnaires parlaient de ces appareils comme des machines à docteurs. Et on a vu des conséquences dans le passé. Donc, que ce soit gouvernement après gouvernement, à un moment donné, le problème du financement, du sous-financement est au rendez-vous.

En radio-oncologie, l'augmentation des heures d'ouverture a donné des résultats et également l'achat d'appareils nécessaires. Pourquoi pas dans des salles d'opération? C'est une méthode simple, ça demande sans doute plus d'organisation et plus de financement, mais la recette est là pour une garantie d'accès pour diminuer les délais d'attente dans les cas de chirurgie. Et on peut appliquer la même recette dans le domaine médical, etc.

Cette notion de garantie d'accès, nous ne pouvons être que d'accord avec cet élément-là. C'est même un problème, pour les médecins, d'avoir à placer un patient sur une liste d'attente quand il sait que ça prendra plusieurs mois. Donc, l'augmentation des heures d'ouverture des salles d'opération est le moyen à privilégier pour obtenir cette garantie d'accès.

Quand on parle de la chirurgie de la cataracte, elle est déjà en mode ambulatoire en centre hospitalier et en clinique privée. Ce que j'ai à dire sur ce sujet, c'est que ces cliniques spécialisées en ophtalmologie pour faire de la chirurgie de la cataracte devraient également être plus inclusives, et s'occuper d'autres pathologies oculaires, et ne pas faire seulement des «shops à cataractes», mais un centre médical ophtalmologique couvrant tous les services nécessaires aux soins de l'oeil.

Pour ce qui est de la chirurgie des genoux et des hanches, si le délai médicalement reconnu est de six mois, pourquoi ? notre question ? attendre trois autres mois pour permettre le privé? Je pense que c'est déjà énorme, attendre six mois. Je pense que, dans un cas où on n'a pas cette garantie d'accès là, je pense qu'il faudrait accélérer le processus pour que le patient ait droit, dans un cas de garantie d'accès, qu'il soit opéré avant neuf mois certainement.

Il faut comprendre aussi, et vous le savez sans doute, que le séjour hospitalier moyen pour une chirurgie de la hanche peut varier entre quatre et huit jours, dépendant des régions ou des hôpitaux ou dépendant des pathologies des patients. Donc, la plupart de ces patients-là sont pluripathologiques, ils ont des problèmes différents de santé, que ce soit pulmonaire, diabète, etc. Donc, la plupart de ces patients-là devraient être opérés à l'hôpital. Et seulement un certain nombre, qui pourraient être dans des normes de qualité où ils ont moins besoin de soins périopératoires, je veux dire de consultation en médecine interne, en néphro, etc., donc un certain nombre qui ont un problème articulaire et moins d'autres problèmes de santé pourraient se faire sur une base externe. Encore là, même une fois, il faudrait, et le document en fait état, vérifier la réglementation concernant l'hébergement ou l'hospitalisation. Parce que ce n'est pas comme aller chez le coiffeur, se faire faire une hanche, ça demande une observation, un séjour d'observation nécessaire.

Donc, surtout, il faut augmenter la cadence des blocs opératoires, le nombre d'heures; s'assurer de la participation des anesthésiologistes, des infirmières, des brancardiers, des soins intensifs pour augmenter cette cadence; continuer également à favoriser quelques centres plus spécialisés ? on a parlé de Jean-Talon, on a parlé parfois de LaSalle, mais un certain nombre restreint, car il y a un risque de désorganisation des services orthopédiques, quand on parle de cette pathologie-là principalement, mais je pense que c'est une méthode où on peut avoir une meilleure excellence, des gens formés plus spécifiquement à ce genre de chirurgie, je pense que c'est un élément à réajouter mais avec précaution, parce que les orthopédistes ont également à s'occuper des traumatisés de la route, des consultations et d'autres pathologies orthopédiques que les genoux et les hanches; quelques cliniques affiliées où c'est nécessaire; des modifications au règlement sur l'hospitalisation; et surtout ne pas faire un simple transfert de cas de patients de l'hôpital vers les cabinets affiliés.

Le Président (M. Copeman): Dr Dugré, il vous reste trois minutes.

M. Dugré (Yves): Oui, très bien. On arrive sur les enjeux du financement, et c'est là qu'on voit que le document nous apparaît un peu schizophrène, parce qu'on nous parle d'un menu important sur le financement... les beautés du financement public, puis on arrive sur un passage où dans les faits on dit: Il y a un menu intéressant, mais les cuisines ne sont pas ouvertes. Donc, le financement est bloqué.

À 43 % du budget, c'est trop; 10,2 % du PIB, c'est trop. Qui a dit ça, «c'est trop»? Il s'agit de voir. On le voit que, si on regarde les différents chiffres, c'est toujours... les dépenses de santé sur les recettes totales, c'est plutôt stable. Donc, le dogme de dire qu'on investit déjà trop en santé, qui l'a dit? Est-ce que c'est véritablement la vérité? On l'a dit, différents économistes peuvent arriver à différentes conclusions, donc il faut vraiment voir si on est capable réellement d'augmenter les dépenses. Les soins doivent se donner et c'est inévitable.

Donc, la solution: les cabinets affiliés; valoriser cette partie du système de santé; se débarrasser de la perception de médecine inférieure en cabinet; une approche contractuelle saine; cesser cette chasse aux sorcières dans la saga de l'incorporation des médecins; cesser de traiter les médecins de façon différente des autres professionnels.

n(11 heures)n

Et, en conclusion, l'accès à des services médicaux passe d'abord par des effectifs médicaux en nombre suffisant. Jusqu'à maintenant, quelles que soient les prévisions optimistes actuelles, les gouvernements successifs ont un triste record dans leurs prédictions: il manquera certainement des médecins spécialistes durant la prochaine décennie.

Le credo des médecins spécialistes: un système de santé à financement public adéquat. Depuis l'avènement de notre système de santé, il y a maintenant près de 40 ans, l'accès des patients à des services médicaux spécialisés a été réduit tantôt par des plafonnements d'activité imposés aux médecins, tantôt par des budgets hospitaliers insuffisants, tantôt par des réductions dans les admissions en faculté de médecine, et, durant la dernière décennie, par un exode significatif de médecins spécialistes, soit l'équivalent de plus d'une cohorte de finissants.

Ce serait faire preuve d'un optimisme béat que de croire que l'appareil gouvernemental financera tout à coup adéquatement le système de santé. Devenir le meilleur système de santé au monde, voilà un bel objectif. Mais commençons par nous hisser à la hauteur des autres provinces canadiennes au point de vue investissement per capita, et le gouvernement pourra alors à la fois offrir une meilleure accessibilité aux soins et rémunérer de façon juste les médecins qui oeuvrent dans le système.

Dans l'éventualité fort probable où la décision serait déjà prise de limiter les dépenses de santé en regard des autres missions de l'État, y compris la dette, le système de santé devra être adapté et jouir de sources de financement complémentaires. La maladie n'attend pas les législateurs. Les patients désirent un accès aux services médicaux dont ils jugent avoir besoin et dans un délai raisonnable. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci, Dr Dugré. Alors, pour débuter nos échanges, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Dr Dugré, Dr Hudon, Me Bellavance et Dr Gaudreault, pour votre visite aujourd'hui. Vous avez touché beaucoup de points intéressants, mais je vais me concentrer, je crois, essentiellement sur deux éléments. Je ferai quelques remarques d'introduction, notamment au sujet du financement ? vous avez abordé le financement ? mais également toute cette question des cliniques affiliées, parce que l'opinion des médecins spécialistes puis la collaboration également des associations de médecins spécialistes m'apparaissent essentielles pour définir et mieux clarifier les concepts.

Je dirais que, pour ce qui est du financement, votre comparaison entre le menu et la cuisine est bonne, mais j'ajouterais un troisième élément, c'est que, dans la cuisine, il faut qu'il y ait à manger pour tout le monde, et ça, c'est quelque chose qu'il ne faut pas perdre de vue. Pour ce qui est du financement, là, 43 % des dépenses de l'État, c'est beaucoup. Il y a effectivement une limite. On ne sait pas... personne encore ne s'est prononcé sur c'est quoi, cette limite-là, mais il y a une limite au-delà de laquelle les autres missions de l'État qui ont rapport avec la santé de la population ? notamment l'éducation, la protection de l'environnement, la lutte contre la pauvreté ? vont être en péril, puis là vous allez avoir peut-être des soins de santé mieux financés, mais une population en moins bonne santé.

Lorsque vous parlez du rehaussement du système de santé du Québec au niveau des autres provinces canadiennes, vous parlez essentiellement du financement per capita, mais vous ne parlez pas de la qualité. Parce que, sur le plan de la qualité et de l'accessibilité, les rapports récents montrent qu'on s'est hissé probablement dans le premier tiers des provinces canadiennes. On a encore du chemin à faire bien sûr, mais il y a là un élément d'encouragement.

Maintenant, lorsque vous dites: Il faudrait continuer à investir, oui, il faut continuer à investir dans le système de santé, mais il ne faut pas le faire aveuglément non plus, je suis certain que vous partagez cette opinion-là. Par exemple, vous parlez du pourcentage du PIB. On a eu des dépenses publiques et privées totales d'autour de 10 % du PIB, au Québec, 7 % de dépenses publiques. Et la réflexion sur laquelle peut-être j'aimerais que vous me fassiez un commentaire, c'est qu'il y a des pays, ailleurs ? je ne parle pas du Canada, mais, si on regarde d'autres pays, notamment les pays européens ? qui, pour une même dépense par rapport au PIB, ont des résultats en termes d'accessibilité très supérieurs.

Alors, je pense que, comme vous l'avez vous-même souligné, bien sûr il faut maintenir le financement du système de santé, mais le maintenir en lien avec la richesse collective. Donc, la cible doit être essentiellement le pourcentage du PIB consacré à la santé. Et il faut se demander sérieusement pourquoi les autres pays, particulièrement certains pays d'Europe de l'Ouest, avec des pourcentages de dépenses par rapport au PIB, à toutes fins pratiques, identiques à ce qu'a le Québec, arrivent à des résultats plus intéressants pour les citoyens en termes d'accès. J'ai quelques hypothèses, mais je ne voudrais pas prendre tout le temps de notre échange pour les élaborer.

Bon. Les cliniques médicales affiliées effectivement, c'est un élément à clarifier. Il n'a jamais été dans notre intention de limiter les cliniques médicales affiliées à seulement trois chirurgies. Les cliniques médicales affiliées, c'est une façon de donner la garantie d'accès dans les trois catégories dont il est question. Et, parmi les trois, la chirurgie de la cataracte est probablement celle qui s'y prête le mieux étant donné la faible infrastructure qui y est adjointe.

Mais on peut certainement envisager, d'ailleurs le député de Borduas en parlait de cette façon-là également, qu'un hôpital, parce que la décision doit se faire dans un CSSS dans le cadre d'un plan d'accessibilité aux soins qui est défini, décide que, pour faire plus de chirurgies de remplacement de la hanche et du genou dans sa salle d'opération, bien il y a lieu par exemple de déplacer l'arthroscopie ou la chirurgie orthopédique plus mineure dans la clinique affiliée pour faire plus de temps opératoire de chirurgies de remplacement articulaires. C'est comme ça qu'on l'entrevoit. Mais on n'a pas, nous, de formule prédéterminée. C'est à chaque centre hospitalier, chaque CSSS, chaque région de déterminer sa formule.

Puis encore une fois, vous l'avez dit également, Dr Dugré, les cliniques affiliées, là, il ne faut pas penser qu'il va y en avoir partout au Québec. Et le nombre de cliniques affiliées va être assez réduit. Dans la plupart des régions, le problème d'accessibilité se règle tout simplement en finançant mieux et puis en organisant mieux les soins à l'intérieur des hôpitaux publics. Que ce soit à Saint-Jean, où j'étais hier, ou le Saguenay?Lac-Saint-Jean, on voit que les gens sont déjà très près des cibles d'accès.

Il y a déjà des contrats qui existent, comme vous savez, entre les cabinets spécialisés puis le système de santé. Par exemple, ici, à Québec, une clinique d'IRM a un contrat avec l'agence régionale pour faire des examens de résonance magnétique.

Mais comment est-ce que vous envisagez la propriété? C'est un élément important du débat, qui va être abordé par d'autres questions, d'autres personnes ici, la propriété de ces cliniques affiliées là. Est-ce que vous pensez que ce sont les médecins qui devraient en être propriétaires? D'autres personnes vont venir ici nous dire qu'il ne faut surtout pas que ce soient les médecins qui en soient propriétaires, parce qu'effectivement il y a un danger potentiel de conflit d'intérêts, disons les choses comme elles sont, et de glissement d'activités du côté de la clinique où le médecin est un propriétaire participant. Donc, comment doit-on encadrer la propriété ? je vais arrêter à cette question-là pour ne pas prendre trop de temps de l'échange ? de la clinique affiliée, à votre avis?

M. Dugré (Yves): Avant de vous répondre sur la propriété, M. le ministre, j'aimerais juste revenir sur l'accessibilité et la comparaison avec d'autres États. Ce que je pourrais dire là-dessus, c'est que la gestion du changement, ce n'est pas facile, on s'entend là-dessus, nulle part. Mais, quand on est dans une entreprise privée puis qu'on décide de faire des modifications, on investit, et le coût de ce changement-là est imputé au produit fini de l'entreprise. Quand on est dans un système public, les budgets sont linéaires, on veut faire des changements avec le même budget et même faire plus avec moins. Donc, il y a de la difficulté de gérer l'accessibilité et de modifier les façons de faire, dans un modèle de budget linéaire. C'est extrêmement difficile, et c'est souvent voué à l'échec, et même c'est plus long.

Donc, quand on parle de cliniques privées ? je vais revenir sur la propriété, je reviens sur la clinique privée ? j'ai dit tantôt, dans l'exposé, que le financement des cabinets privés est fait de façon différente. Et, si on cherche des sources de financement, il faudrait voir, dans un échec de financement, comme on voit au chapitre sur le financement, que le financement de ces cabinets-là, dans la loi canadienne et par l'entente, est fait par une majoration x de la tarification versus l'hôpital et versus le cabinet. N'y aurait-il pas lieu, dans une recherche de financement, de séparer les honoraires professionnels du médecin, de voir, mettons, une consultation en psychiatrie, en gynécologie par exemple, de séparer la composante professionnelle des frais d'opération? Et on voit que beaucoup de gens... et plusieurs sondages ont montré que les gens font la différence entre les honoraires professionnels qu'ils veulent qu'ils demeurent dans le système public majoritairement, mais que les frais d'opération, c'est explicable, et d'y aller de cette façon-là pour une source de financement supplémentaire et financer les cabinets de médecins actuellement de façon primaire avant d'arriver aux cabinets affiliés. Donc, c'est une solution, de séparer les frais accessoires.

Pour ce qui est de la propriété, nous supportons grandement le fait qu'on favorise l'entrepreneurship médical dans ce domaine-là. Et donc ça prend quand même les moyens nécessaires pour le faire, donc des contrats sur une certaine période de temps, une certaine assurance de pouvoir investir puis de retrouver quand même les éléments normaux à retrouver pour le fonctionnement, soit en personnel, équipement, standards qualité, etc., de favoriser donc l'entrepreneurship médical plutôt que les multinationales. C'est clair qu'on a plus de chances d'avoir une meilleure qualité dans ces lieux, s'ils sont la propriété des médecins, que d'avoir des grandes banques, des caisses de retraite ou des multinationales qui investissent au Québec et qui engagent des médecins pour travailler à ces endroits-là.

M. Couillard: Le but des cliniques affiliées, ce n'est pas de transférer des chirurgies dans les cliniques affiliées, c'est d'augmenter le volume total de chirurgies ? d'ailleurs, le député de Borduas l'a bien décrit comme ça tantôt ? et puis de se servir de la clinique affiliée comme une des façons d'augmenter le volume de chirurgies.

Puis, vous avez raison, la concentration, dans les hôpitaux publics, elle s'est faite. Elle s'est faite notamment en orthopédie, à l'Hôpital Jean-Talon et à d'autres hôpitaux pour la chirurgie de l'oeil. Par intérêt pour le député de Borduas, je dirais qu'à notre arrivée le P.D.G. de l'agence de Montréal, qu'il connaît bien, je crois, nous a dit qu'il n'avait pas eu l'autorisation de concentrer les chirurgies dans certains hôpitaux avant avril 2003. On y voyait là un amalgame de privé qui était inquiétant. Mais disons qu'on passera rapidement là-dessus.

n(11 h 10)n

Dans la plupart des cas, effectivement, je pense que juste d'augmenter le nombre d'heures de salle d'opération, ça va régler le problème dans plusieurs régions du Québec. Et, même, avant d'envoyer le patient ailleurs, si on est à Trois-Rivières, on est bien mieux de donner le budget à l'Hôpital de Trois-Rivières pour qu'ils l'opèrent pendant la fin de semaine, ou le soir, ou prolonger les heures de salle d'opération plutôt qu'envoyer le patient ailleurs. Ça, on est entièrement dans cette ligne-là.

Mais est-ce que vous pensez que, dans un milieu comme Montréal, par exemple, ou la région métropolitaine, uniquement augmenter le temps de chirurgie va régler le problème ou va nous permettre d'arriver dans les cibles de délai médicalement accessibles, ou on ne doit pas nécessairement innover avec cette formule de clinique affiliée là?

M. Dugré (Yves): Il y a un point qui n'est pas facile pour le patient, je pense, c'est: il est sur une liste d'attente dans un hôpital, il a vu son médecin, et puis on lui demanderait peut-être de changer de lieu d'opération. Pour les yeux, je pense que c'est un peu différent. La question, c'est vraiment: ambulatoire, ambulatoire, et se déplacer à l'intérieur de la ville, ça demeure quand même... si c'est le même médecin qui est là. Mais, dans une liste d'attente importante, d'être transféré de docteur ou d'être opéré dans un autre lieu qu'une clinique, ce n'est pas simple, surtout en orthopédie.

Ce serait beaucoup plus simple de dire qu'on va transporter certains éléments de chirurgie de type ambulatoire, arthroscopie ou autres, qui sont plus appropriées à un milieu ambulatoire et d'augmenter la cadence dans un milieu hospitalier, parce que je pense que ce serait beaucoup plus logique de le faire. Puis je pense que l'association des orthopédistes également opine dans cette direction-là. Il me semble que, sur le plan conceptuel, sur le plan médical, sur le plan de la qualité, ce serait plus logique.

Donc, dans ce sens-là, l'augmentation de la cadence, c'est quand même important. Si on utilise également le levier qu'on peut avoir également avec les anesthésistes, anesthésiologistes et les autres personnels affiliés, infirmiers ou infirmières, je pense qu'il y a moyen de l'augmenter. On va avoir un résultat vraiment supérieur à tout ce transfert ou ce branle-bas de combat de cliniques affiliées, pour l'orthopédie entre autres choses. Pour l'ophtalmologie, c'est une autre affaire, pour les autres pathologies également. Je pense qu'il faut miser davantage...

C'est là-dessus qu'on dit que la médecine spécialisée et les médecins spécialistes favorisent un système public fort, un investissement accru, malgré le dogme du docteur banquier qui a dit que finalement, là, on s'en allait sur un mur. Mais il faut vraiment creuser cet élément-là, parce que, quand on regarde les dépenses par Statistique Canada, les dépenses totales du Québec par l'ICIS, c'est vraiment difficile de trouver un pourcentage unique, dépendant des théories qu'on utilise. C'est clair qu'il y a un problème de richesse collective, on est soumis à une pédagogie intensive actuellement, toute la population, par rapport à ça, mais il faut le questionner, ce niveau de financement là, parce qu'il peut donner des résultats. On l'a vu en radio-oncologie, on l'a vu en chirurgie cardiaque, et ça a été la méthode, ça n'a pas été le privé. C'est sûr qu'il faut creuser cet élément-là, c'est le point principal qu'on fait.

Les alternatives, c'est que c'est un mélange de tous ces éléments-là, mais un mélange qui comprend... Pourquoi qu'on ne regarde pas le panier de services? Ce n'est peut-être pas ça qui va sauver notre système, qu'on regarde le panier de services, mais il faut l'envisager dans une démarche complète. Pourquoi on ne regarde pas le financement de certains frais accessoires? Ça fait partie des éléments. Ce n'est pas nécessairement ça qui va sauver le système, mais, dans une démarche globale, il faut y aller complètement de toutes les interventions possibles.

M. Couillard: Mais, vous savez, évidemment on ne reçoit probablement pas le même genre de sondages et de courriers, là, mais les gens... Même les frais accessoires, il y a beaucoup de citoyens pour lesquels c'est difficile de payer ça. Et c'est pour expliquer aux gens qui nous écoutent, là, pour qu'on comprenne bien, parce que toute cette question de cliniques privées devient une sorte de méli-mélo difficile à comprendre pour le citoyen.

Il y a actuellement, par exemple, à Montréal, des cliniques privées où fonctionnent des médecins participants au système d'assurance maladie du Québec, dans le contexte de la loi, tout à fait, mais qui demandent des frais accessoires, ou frais administratifs, ou frais de médication aux patients, qui peuvent parfois être de l'ordre de plusieurs centaines de dollars pour une chirurgie. C'est clair que ce n'est pas toute la population qui est capable de payer ces frais accessoires. Et je voudrais clarifier que, dans le concept de clinique affiliée, il n'y a pas de frais accessoires. Alors, le tarif unitaire que l'État décide par contrat avec la clinique affiliée, ça inclut le coût unitaire pour la clinique et la tarification par le médecin à l'assurance maladie du Québec, donc sans contribution du citoyen.

Prenons le cas hypothétique: l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont fait une entente contractuelle avec une clinique affiliée. Comment est-ce qu'on fait le lien entre les médecins qui sont à la clinique affiliée puis les médecins de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont en termes de prévention de glissement d'activité, là? Ça inquiète beaucoup de gens. Comment est-ce qu'on s'assure que les salles d'opération de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont ne vont pas être désertées, puis que les médecins ne vont pas aller faire le gros de leurs activités à la clinique affiliée, puis on va se ramasser avec moins de chirurgies au total qu'il y en avait auparavant?

Donc, quel est l'encadrement des médecins? Est-ce que c'est le CMDP de l'hôpital qui contracte qui a également un droit de regard sur les médecins qui sont dans la clinique affiliée? Est-ce qu'il y a des ententes qui doivent être faites pour arriver à une prestation minimale de services dans l'établissement public avant d'être autorisé à pratiquer en clinique affiliée? Comment est-ce que vous voyez ça?

M. Dugré (Yves): D'abord, juste un point sur l'apport du privé. On sait qu'au Canada et au Québec ce n'est pas différent, c'est autour de 1 % de services médicaux privés qui sont payés, ce qui correspond à peu près à 6 $, pour 1 300 $, que les gens paient pour les services privés. Donc, il y a 6 $ qui regardent la partie médicale. On peut se poser la question par rapport aux dentistes, quelque 100 $, ou etc. Donc, on peut tout décortiquer cet élément-là, mais c'est 6 $. La question qu'on pose quand on regarde le financement du système de santé: Est-ce que c'est trop, 6 $? Est-ce que c'est assez? Est-ce qu'on peut bouger de ce côté-là? C'est la question qu'on pose, dans une démarche globale de financement où on dit, d'une part: On est au top, on est à la limite du tolérable, le budget du Québec, ce sera le budget de la santé dans x années, mais est-ce qu'on peut regarder cette partie-là? C'est la question qui est posée collectivement dans une démarche où on regarde le financement «at large».

Pour ce qui est de la participation des médecins dans une approche contractuelle, donc ça peut dépendre de plusieurs domaines. Il n'y a pas seulement le financement, l'organisation est majeure. Dans un problème de pénurie d'effectifs dont on est conscients tous, que ce soit en orthopédie ou en chirurgie, ou en ORL, en gynécologie, il faut se garder de désorganiser ceux qui vont rester dans le système. Donc, il ne faut pas ensemble qu'on arrive dans un système où on va se blesser nous-mêmes, jusqu'à un certain point, par rapport à la pénurie d'effectifs. Donc, nous avions proposé la participation des médecins à un CMDP, à un code, disons, qui regarde la qualité, c'est ce que nous avions proposé dans la commission Clair. Il s'agit de voir comment... Est-ce que c'est nécessaire que tous les médecins, dans cette entente-là, soient partis de Maisonneuve-Rosemont mais qu'ils peuvent également venir de Cabrini ou que sais-je? Donc, il y a des ajustements.

Mais l'idée générale de principe, c'est que c'est une entente contractuelle, donc je te donne ceci et tu me fournis telle affaire selon des normes de qualité. Il s'agit de mettre les balises nécessaires. Dans une approche contractuelle finalement, il y a deux personnes qui signent, je veux dire, on s'entend sur un modèle de financement, un modèle d'organisation.

M. Couillard: Pour ce qui est du mécanisme de la garantie d'accès effectivement, vous, vous semblez déplorer le fait qu'une fois que le délai médicalement accessible est atteint on ne devrait pas se donner un trois mois de plus pour mettre en place des solutions. Mais il y a une question pratique. Moi, je pense qu'effectivement on devrait viser à raccourcir ce délai-là. Mais il y a une question quand même pratico-pratique, comme on dit. À partir du moment où la personne arrive au délai médicalement reconnu ? puis c'est ce qu'on fait avec la gestion personnalisée, il y a une personne qui va s'occuper personnellement, dans l'établissement, du patient ou du citoyen qui est sur la liste d'attente ? le temps d'offrir les solutions, ça ne se fait pas tout de suite, ça ne se fait pas immédiatement. Alors, il faut d'abord voir est-ce qu'on peut tout simplement augmenter le nombre d'heures au bloc opératoire de l'hôpital, est-ce qu'on peut faire l'opération le soir ou la fin de semaine, est-ce qu'on peut envoyer le patient à un autre hôpital.

Là-dessus, je fais une petite parenthèse. Parce que, la question du médecin, vous avez raison, le patient en général il veut garder son médecin, mais il ne faut pas non plus exagérer ça. Je le dis à titre d'ancien collègue, quand on explique au patient qu'on est dans un groupe, par exemple, puis que ça peut être un membre du groupe qui va faire la procédure, la grande majorité des patients, ils acceptent très bien cette question-là. Et, quand on a abordé la question de la radio-oncologie, c'est avec notamment des déplacements, comme vous le savez, à d'autres médecins. Donc, dans certaines circonstances, je suis d'accord avec vous qu'en général ce n'est pas le cas. Mais, dans certaines circonstances, les citoyens sont assez ouverts à ces questions-là.

Mais effectivement revenons au mécanisme de la garantie d'accès: À partir du moment où on arrive à six mois, là, combien de temps vous pensez que c'est raisonnable de donner au système de santé pour offrir une solution à la personne? Nous, on a suggéré trois mois. Vous dites que c'est trop long.

n(11 h 20)n

M. Dugré (Yves): Bien, si on dit qu'un délai médicalement acceptable, c'est six mois puis on s'entend là-dessus à travers le Canada, pourquoi aller à neuf mois pour permettre d'aller dans le privé? Je pense qu'il faut accélérer ça. C'est ce trois mois-là supplémentaire, là, on devient hors délai. La mécanique précise, comment le faire? Je pense que, si on s'entend sur la date d'inscription, normalement, à six mois, après ça, là, je veux dire, on s'en occupe activement pour qu'il soit opéré.

Mais encore là vous avez raison sur le plan conceptuel que, dans un groupe de médecins, certains patients vont accepter d'être opérés par un ou par l'autre. Mais, de là à aller aux États-Unis, je pense que c'est un peu aléatoire de penser qu'un patient... Certains patients vont le faire, mais on est dans l'exception, je veux dire, les gens vont vouloir être opérés près de chez eux, par leur médecin qu'ils connaissent, parce qu'ils auront un suivi, etc. Donc, c'est un peu utopique.

Il faut vraiment investir sur les salles d'opération que nous avons ici. Je pense que c'est la clé du succès. Et le niveau d'investissement actuellement doit être augmenté. Ce que nous disons, non seulement on pose la question, on dit: Est-ce que le dogme qui a été dit que 43 % de je ne sais pas quoi, si on met... quelle hypothèse qu'on met le niveau de dépense du gouvernement... est-ce qu'on les met tous, les niveaux de dépenses? Ce n'est pas la même chose quand on regarde sur le plan des dépenses totales, incluant d'autres fonds. Est-ce que c'est vraiment entre 30 % et 43 %, entre 36 % et 43 %? Il y a une discussion sur les chiffres à avoir actuellement; c'est contesté, ces chiffres-là. Mais il faut l'augmenter, la réalité est là.

M. Couillard: Évidemment, on manque de temps, j'arrive à la fin de la période. Je dirais que, pour revenir à la garantie d'accès, il y a une compréhension qu'il faut rétablir dès le début de la commission parlementaire: la vaste majorité sinon la quasi-totalité de la garantie d'accès se fait dans le domaine public, que ce soit dans les hôpitaux publics ou dans les cliniques affiliées à financement public. Le remboursement d'une chirurgie dans une clinique privée ou même à l'extérieur du Québec, ça va être un processus extrêmement minoritaire. Je suis convaincu que, dans la grande majorité des cas, on va trouver des solutions bien avant d'en arriver à cette situation-là. Mais il faut qu'il y ait de la pression sur le système, par exemple, pour qu'il livre, pour qu'il donne l'accès aux soins au moment opportun.

Je vais très brièvement terminer, M. le Président, avec un appel également à la Fédération des médecins spécialistes puis à la profession médicale. J'ai expliqué qu'une des conditions essentielles à la réussite d'une garantie d'accès, c'est le partenariat avec la spécialité dont il est question, partenariat qui a lieu d'abord... lien d'abord avec la mesure correcte et la validation des listes d'attente. Donc, les listes d'attente dans les sarraus de docteur, comme on dit, il ne faut plus que ça existe, il faut que ce soient des listes d'attente validées, gérées centralement. Donc, il faut que le médecin abandonne un peu son pouvoir de contrôle de sa liste d'attente et de la connaissance exclusive de la liste d'attente. C'est nécessaire et indispensable. Si on n'a pas ça, on n'est pas capable d'aller plus loin.

Et, deuxièmement, un engagement quant à la pertinence des actes. Vous avez parlé de l'imagerie médicale. Bien, il faut que la profession médicale s'engage également dans un processus de pertinence puis de validation et du nombre de personnes en attente véritablement et également de la validité des prestations médicales ou de la pertinence de celles-ci.

On a vu avec les orthopédistes et les ophtalmologues que c'est le cas, mais est-ce que, dans l'ensemble, les associations que vous représentez sont prêtes à faire ce genre de partenariat avec le système de santé du Québec?

Le Président (M. Copeman): Le plus succinctement possible, docteur.

M. Dugré (Yves): Ça prend des conditions pour avoir la collaboration des médecins. Je pense qu'historiquement les médecins l'ont donnée. Il faut que toutes les conditions soient réunies, il faut traiter également les médecins de façon juste et équitable dans un système de santé canadien.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup. M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Oui, M. le Président. Juste quelques remarques préliminaires, là. Dans le fond, quand je regarde... quand vous dites qu'attendre six mois, c'est déjà énorme pour une chirurgie de la hanche, et vous dites au gouvernement dans le fond: Vous avez ajouté trois mois au six mois, puis vous en ajoutez un autre trois mois, là, ça fait neuf, dans le fond, si on se contentait du trois mois qu'on a ajouté au six mois, finalement on ne serait pas tellement loin. Nous, c'était trois mois. Si on avait ajouté un autre trois mois, ce serait le six mois dont le ministre parle. Ce que vous dites, c'est: Si vous vous contentiez de six mois, bien peut-être que tout le monde s'entendrait, là, sur dans le fond ce qui est acceptable. Mais là, si c'est trois mois, plus trois mois, plus trois mois, là on commence à avoir un problème pour justement des gens qui attendent pour une chirurgie orthopédique.

La deuxième chose que je remarque, c'est qu'on est sur la même longueur d'onde quant au problème du sous-financement du système de santé. Et je ne veux pas aller trop loin, mais c'est clair qu'actuellement il y a quelque chose là d'important.

Et, juste avant de parler un petit peu plus en détail des cabinets affiliés aux cliniques spécialisées versus les centres opératoires à haut volume, là, ce que je comprends, c'est que, quand vous dites, à la page 11, puis vous venez juste d'en parler avec le ministre: L'augmentation des dépenses de santé... dans le fond, c'est que là il y a comme une espèce de mythologie qui s'est installée, que les augmentations sont hors de contrôle, alors que, quand... Vous dites, dans votre mémoire: «Au Canada, l'augmentation annuelle moyenne de 11,1 % des dépenses [en] santé entre 1975 et 1991...» Et vous dites que cette augmentation-là «tombait à 2,6 % entre 1991 et 1996».

Et, moi, j'ai assisté à un colloque récemment de l'Institut du Nouveau Monde, où on nous disait justement, puis c'étaient des chiffres à peu près comparables, c'est que l'augmentation des coûts de santé, entre 1980 puis 1997, c'était de 2,5 %. Et ce qu'on prévoit entre 1998... puis ce qu'on prévoit jusqu'en 2030, c'est une augmentation de 2,9 %. Dans le fond, c'est juste 0,4 % de plus qu'on va voir besoin, d'ici 25 ans, d'augmentation annuelle de dépenses. C'est-à-dire que, là, c'est comme si...

Parce que ce qu'on dit, là, pour qu'on se comprenne, c'est que, pour que le système de santé soit opérationnel puis à niveau, il faut qu'on l'augmente annuellement de 5,2 % par année ? 5,1 %, 5,2 %, c'est autour de ça ? et plus un rattrape qui doit être fait qui n'a pas été fait. Et dans le fond ce qu'on comprend, c'est que, si, au lieu de se contenter de 5,2 %, on montait ça à 5,5 % ou 5,6 % mais qu'on maintenait ça, bien, pour les 25 prochaines années dans le fond, on serait corrects. C'est-à-dire qu'on serait en mesure de faire face non seulement à l'augmentation annuelle, mais aux besoins additionnels.

Parce que, si je vous comprends bien, ce que vous dites, c'est que ce que ça prend, c'est une injection additionnelle de fonds dans le système public. Puis, vous, vous dites: Nous, ce qu'on vous propose... puis, en ce sens-là, vous rejoignez la proposition gouvernementale puis avec laquelle on n'était pas nécessairement contre, vous dites: Dans le fond, vous voulez augmenter le nombre de chirurgies puis baisser les listes d'attente, mettez plus d'argent; nous, on est prêts à utiliser votre formule des cliniques affiliées spécialisées. Donc, utilisez-nous plus ou encore utilisez plus la formule qui a déjà été expérimentée des centres à haut volume. Mais, dans un cas comme dans l'autre, vous dites: Il y a un passage obligé, là ? si je vous comprends bien ? si vous ne mettez pas plus d'argent, que vous ayez plus de cliniques affiliées ou que vous dégagiez plus de possibilités au niveau des blocs opératoires, en bout de ligne, on n'opérera pas plus.

Est-ce que je vous comprends bien en disant: Le passage obligé, c'est une injection à court terme de financement? Puis là peu importe, là, où on ira le chercher. On peut débattre, là, de là où est l'argent puis, là, comment on le récupérerait. Mais la question est que, si on en injectait une quantité additionnelle significative, on pourrait utiliser, par une ou l'autre des formules ou par une combinaison des deux, et je pense que, vous, vous proposez dans le fond la combinaison des deux, c'est-à-dire utiliser les centres opératoires à haut volume qu'on a déjà utilisés. Puis, contrairement à ce que le ministre disait, c'est que ça a commencé sous le gouvernement précédent puis ça a fonctionné, et vous l'avez confirmé. Et puis on l'a fait pour la cataracte, puis on l'a fait pour l'ophtalmologie, et puis dans le fond, maintenant, ce qu'il faut, c'est de s'engager à fond de train sur l'orthopédie. Mais, dans cette dynamique-là, on serait en mesure de faire baisser les listes d'attente.

Parce qu'encore une fois le drame, là, ce n'est pas dans 25 ans, c'est ceux qui attendent aujourd'hui pour une chirurgie, et puis qui souffrent, et qui se font dire: Écoutez, là, docteur, je veux avoir une opération, puis le médecin dit: Moi, je n'ai pas de temps opératoire puis je n'ai pas de possibilité. C'est ça, le problème, là, si je comprends bien.

M. Dugré (Yves): Sur les chiffres, je vais vous passer mon collègue le Dr Hudon, mais je veux vous mentionner, sur le financement: ce qui inquiète les médecins spécialistes et leurs patients, c'est quand on lit dans le rapport Ménard qu'on ne doit pas dépasser le niveau de dépenses en santé en pourcentage de l'augmentation de la richesse collective. Ça veut dire, en clair, moi, je lis ça en tant que médecin comme une réduction, comme une réduction éventuelle: on n'est pas à 5,1, on va être à 2, 3, dépendant de la richesse collective. Donc, une réduction, ça veut dire, disons, qu'il n'y a pas injection d'argent suffisante pour atteindre les objectifs qu'on veut tous ensemble. Donc, c'est le point.

M. Charbonneau: À cet égard-là, est-ce que vous avez des données? Parce qu'est-ce qu'ailleurs dans le fond on ne met pas un peu plus d'argent justement dans le système public, avec un rendement qui est plus adéquat aussi? Parce que là, justement, si on dit qu'avec le niveau d'investissement qu'on met actuellement on n'arrive pas... Puis la lumière que vous allumez, c'est de dire: Attention, si vous nous proposez d'en mettre encore moins, dans les années à venir, finalement, le rendement, il sera encore moins au rendez-vous, là.

n(11 h 30)n

M. Dugré (Yves): Non, c'est évident. Donc, la gestion du changement, on revient sur la question d'améliorer la cadence et ça prend un investissement au départ. Qu'on prenne n'importe quelle méthode, vous l'avez bien dit, que ce soient les cabinets affiliés, les centres à haut volume, comme vous appelez, ou les centres hospitaliers déjà existants. Je pense que ce n'est pas à la grandeur du Québec que c'est nécessaire. Je ne pense pas qu'on parle de la région de la Gaspésie ? même s'il y a un problème d'attente, c'est probablement un problème d'effectif médical, plutôt, qu'autre. Donc, il faut investir dans les endroits ciblés pour avoir des résultats. Mais ça prend un montant d'argent nécessaire.

Par rapport aux autres... on revient toujours à l'investissement per capita, c'est toujours cet élément-là où on constate qu'au Québec c'est là qu'on investit ici, per capita, le moins. C'est un des éléments de mesure qu'on peut regarder. Il y a beaucoup d'autres mesures, et de là la guerre des économistes ou la guerre de chiffres. Mais, en réalité, ce chiffre-là, il est là tout le temps: au Québec, on investit moins en santé que les autres provinces. Puis là on ne pourra pas baisser les médecins encore, là, parce que c'est à cause de la rémunération inférieure des médecins qu'on investit moins. Là, là, on ne pourra pas les baisser encore, là, je veux dire, ils ont déjà payé. Mais, je veux dire, il s'agit vraiment de voir ce chiffre-là, donc d'augmenter l'investissement nécessaire, puis là on va avoir de l'argent pour l'accessibilité aux soins également puis traiter les médecins adéquatement également.

M. Hudon (Gilles): Merci. Alors, M. le Président, je vais tenter de répondre un peu à M. Charbonneau, si je puis et si je comprends bien son hypothèse de travail. Vous avez parlé, tout à l'heure, du rapport Ménard. Nous aussi, évidemment, nous l'avons lu, nous en avons été très inquiétés, et après ça on a quand même essayé de voir un peu si tout ce qu'on disait là-dedans était aussi dramatique qu'on nous le présentait. Vous avez parlé ensuite de l'Institut du Nouveau Monde. On a pris connaissance aussi de certains textes qui ont été présentés, de certaines conférences, de chiffres. On a creusé un peu plus. On a regardé du côté de l'ICIS, de Statistique Canada pour s'apercevoir finalement que des chiffres, même si on n'est pas des économistes, on peut leur faire dire beaucoup de choses selon la manière dont on les enligne. Et ce qu'on comprend maintenant, c'est que ce chiffre de 43 % nous apparaît un peu trop élevé, d'après ce qu'on lit, que finalement, depuis 25 ans, les dépenses de santé par rapport au PIB au Québec sont restées remarquablement stables, elles ne sont pas du tout dans un état d'emballement, et que...

M. Charbonneau: ...contrairement à ce qu'on peut penser.

M. Hudon (Gilles): Mais en fait c'est ce qu'on lit, et que, par rapport aux recettes du gouvernement, les dépenses sont non seulement restées stables, mais sont en diminution, particulièrement aux chapitres des hôpitaux et des médecins, parce que ce sont deux chapitres qui sont très bien encadrés, là, au point de vue comptable. Alors ça, ça nous a rassurés un peu. Et on peut se demander justement, de la manière dont on présente les chiffres dans le document Garantir l'accès: Est-ce que le Québec en fait trop? Bien, à la lumière de l'ICIS, de Statistique Canada et des publications dont vous parlez, bien nous ne sommes plus sûrs.

Maintenant, pour les cabinets affiliés, est-ce que ça passe nécessairement par un réinvestissement massif? Nous, on pense que, si on faisait, dans les cabinets de médecins... si on sortait des hôpitaux certains actes plus faciles à faire en mode ambulatoire, je pense qu'il y aurait un tel gain d'efficience que l'investissement pour les frais accessoires serait modeste comparativement aux gains qu'on pourrait avoir au point de vue efficience.

M. Charbonneau: J'aimerais bien comprendre la nuance que vous faites parce que vous... Bon. Dans le document gouvernemental, dans le document de l'ancien gouvernement, la commission Clair, on parlait de cliniques spécialisées affiliées. Vous, vous parlez de cabinets affiliés. Est-ce que, dans le domaine chirurgical ou des médecins spécialistes, on parle de la même chose ou si c'est un concept un peu différent, là?

M. Dugré (Yves): La notion de cabinets affiliés fait état d'une entente soit avec un CSSS, avec un hôpital, avec une agence. Les cabinets de médecins sont déjà des cabinets privés qui existent actuellement, mais ils n'ont pas nécessairement une entente contractuelle. Dans un mode d'intégration des systèmes, je pense que c'est désirable qu'il y ait une forme d'entente contractuelle avec ces cabinets-là, mais on parle de cabinets de médecins spécialisés affiliés. Que ce soit pour de la chirurgie ou que ce soit pour une gamme plus étendue, ça prend une approche contractuelle dans un milieu où il y a un besoin. Ce n'est pas nécessairement partout, donc c'est en milieu urbain, surtout métropolitain ou la couronne, où il y aurait avantage à avoir ce type d'entente là, comme il y en a déjà eu ici, à Québec, en radiologie, mettons, pour la résonance magnétique.

Donc, ça pourrait s'étendre pour l'échographie, on en fait mention dans le document. Il y a beaucoup d'éléments qui ont avantage à être faits dans un milieu plus approprié à la condition du patient. L'hôpital doit être conçu maintenant pour des pathologies lourdes qui demandent un investissement important sur la salubrité, sur des patients qui ont des multiples pathologies. Donc, on doit favoriser le traitement des patients dans un endroit plus approprié à leur état, donc en ambulatoire et dans les cabinets.

M. Charbonneau: Dans le fond, je comprends que le vocabulaire est différent, mais on parle de la même chose, c'est-à-dire on parle de cabinets privés conventionnés affiliés, c'est-à-dire conventionnés et... affiliés, c'est-à-dire qu'il y a une entente contractuelle entre les établissements publics et les cabinets privés. Qu'on appelle ça cabinets ou cliniques privés, là, c'est la même chose. Et, à ce moment-là, finalement on leur donne, par contrat, un certain volume ou certaines tâches à accomplir et pour permettre que d'autres types de tâches plus complexes, qui ne peuvent pas se faire en clinique privée, là, qui nécessitent du temps d'hospitalisation plus long, se fassent à l'hôpital.

Mais encore une fois, dans un cas comme dans l'autre, supposons qu'on adhère à ça, il va falloir qu'on puisse dégager du temps opératoire dans les blocs opératoires des hôpitaux existants. Qu'on ait des centres à haut volume ou dans les hôpitaux ordinaires, il y a un passage obligé, là. Si on veut avoir plus de temps opératoire, il faut que les blocs opératoires soient ouverts au lieu d'être fermés comme ils le sont actuellement pendant plusieurs heures par semaine. Je veux dire, il faut que finalement on investisse pour que ces ouvertures-là se fassent.

M. Dugré (Yves): C'est la première condition. Ce qu'on voit, la garantie d'accès... là, pour les pathologies décrites dans le document et pour ceux qui seront à venir, quand on parle du plan chirurgical ou de chirurgies électives ? on s'entend que les cas urgents et semi-urgents sont faits en temps normal, de façon normale ? mais il faut investir dans les heures. Pourquoi finir à 3 h 30, 4 heures? Pourquoi pas 6 heures? Dans certains blocs en particulier, je pense qu'il y aurait un avantage certain pour la réduction des listes d'attente. Mais ça demande une organisation et du financement parce que c'est complexe. On s'entend que c'est complexe, mais c'est faisable. Ça s'est fait déjà à l'unité, mais je pense qu'il faut le refaire de façon un peu plus large dans les milieux où c'est pertinent.

M. Charbonneau: Autrement dit, ce que vous dites, c'est que les expériences pilotes qui ont été menées sont concluantes, puis on devrait maintenant élargir la formule d'une façon plus significative?

M. Dugré (Yves): C'est plus simple de le faire en ophtalmologie ? je sais pertinemment que ça s'est fait ? parce qu'en ophtalmologie, c'est fait de façon... la chirurgie de la cataracte, ambulatoire, sans anesthésiologiste, sans soins intensifs, les patients étaient ambulants, donc c'est plus facile. Mais la recette est là quand même. Donc, il faut le faire également pour d'autres, mais sauf qu'on dit que, dans des chirurgies qui demandent une anesthésie générale, ça demande un environnement adéquat. On ne peut pas le faire n'importe comment, il faut que ce soit fait de façon adéquate, et il faut que la qualité soit également au rendez-vous, tant à 5 heures de l'après-midi qu'à 9 heures le matin. Donc, ça demande à la fois de l'organisation et du financement.

Mais la recette a fonctionné. Elle a fonctionné en radio-oncologie, elle a fonctionné en chirurgie cardiaque, il s'agit maintenant de l'étendre. À moins qu'on dise qu'on n'est pas capable, qu'il n'y a pas de financement public, et c'est de là notre approche de dire: Regardons tout ce qu'on peut faire... C'est une partie, les cabinets, les cabinets affiliés, c'est un élément. 75 % des honoraires des médecins sont faits en milieu hospitalier. On ne parle pas de révolutionner complètement le système de santé. C'est surtout dans le domaine hospitalier qu'il faut investir. La partie, c'est une soupape à des attentes de consultation qu'on entend également, d'accessibilité du médecin de famille, de faire voir son... à un spécialiste. Oui, il en manque, mais il y a moyen d'augmenter l'accessibilité par une approche contractuelle justement basée sur le système en place: les 95 CSSS, les cliniques-réseaux, les GMF, d'arrimer également les cabinets de médecins spécialistes à cette structure nouvelle actuellement et d'avoir justement une meilleure accessibilité. Mais il faut organisation, investissement également. Ça ne peut pas se faire comme ça, les cabinets de médecins actuels sont sous-financés.

M. Charbonneau: Parce qu'il y a une autre dimension dont on a parlé à quelques reprises, pas tellement ce matin, mais est-ce que... Bon. On parle qu'il manque de médecins spécialistes comme il manque d'omnipraticiens. Mais en même temps on se rend compte que, quand on compare per capita à d'autres endroits, on en a pas mal, malgré tout, de médecins, là. Je ne dis pas qu'on est en surplus d'une façon exagérée. Est-ce qu'on peut faire ce que vous dites avec les médecins qu'on a actuellement? C'est-à-dire, dans le fond, est-ce qu'une amélioration organisationnelle et un investissement additionnel peuvent nous permettre d'avoir un niveau de performance sur l'attente en chirurgies électives avec les ressources humaines actuelles?

n(11 h 40)n

M. Dugré (Yves): M. Charbonneau, l'an passé, à la Fédération des médecins spécialistes, il y a eu 94 nouveaux médecins en net sur près de 8 000, dans 34 spécialités. Ce n'est pas beaucoup par unité. Donc, on est dans les plus petites cohortes, on est dans une difficulté inhérente. Notre main-d'oeuvre médicale, il y a trois situations qui sont peut-être différentes des autres provinces. D'abord, elle est plus vieille. Deuxièmement, la démographie change, autant chez les nouveaux médecins, hommes ou femmes. Et, troisièmement, on a utilisé dans le passé, je pense, à outrance, pour plusieurs raisons, la Régie d'assurance maladie pour payer des activités qui auraient dû être faites par un régime hospitalier. On a payé des médecins à l'intérieur de la Régie d'assurance maladie à faire de la santé publique ou toutes sortes d'éléments nécessaires mais pas nécessairement prioritaires.

Donc, il y a eu des choix de faits dans la société qui font que, oui, on peut regarder à 2,3 versus 2,1, mais il faut la regarder, la composition. C'est comme quand on fait de la planification des effectifs, je veux dire, il faut regarder qui fait quoi, là, à ce moment-là. Quand on compte les médecins, il faut regarder ces éléments-là, ces trois éléments-là qui font qu'il manque près de 800 omnipraticiens puis 1 000 médecins spécialistes.

M. Charbonneau: Non, ça, je conviens qu'il manque ça, là. Mais est-ce que, malgré tout, parce que ça prend un certain nombre d'années avant d'en former... Est-ce que, pour les gens qui attendent actuellement, là, parce que c'est ça, notre défi, c'est... Est-ce que... comment, en attendant... Parce que le ministre disait: Bon, bien, dans 10 ans, on va avoir même un surplus de médecins. Je ne sais pas si on va avoir un surplus de médecins, là, si on va être comme Cuba, là. Mais, en attendant, il nous en manque, pour différentes raisons. La question, c'est: Pendant le temps où on va être encore serrés, hein, est-ce qu'on peut néanmoins baisser le niveau de l'attente au niveau des chirurgies? Parce qu'encore une fois la garantie d'accès, là, c'est pour ça, là, c'est pour les soins hospitaliers, pour les chirurgies électives concernant différentes pathologies.

M. Dugré (Yves): La réponse, c'est oui, parce que beaucoup d'orthopédistes, et vous les entendrez également, n'ont de priorité opératoire qu'une journée ou une journée et demie par semaine. Donc, ceux qui sont là actuellement sont sous-utilisés. Donc, oui, on est capables d'améliorer par augmenter la cadence des salles d'opération. La réponse, c'est oui.

M. Charbonneau: Donc, le passage obligé, c'est augmenter la cadence, puis augmenter la cadence, c'est finalement le financement.

M. Dugré (Yves): M. le Président, si vous permettez, il y a un élément que... Quand on parle de planification puis qu'on dit: Il y aura tant de médecins en surplus ou... à l'époque... je rappellerais tout simplement que, dans notre «track record» ou notre façon... en tout cas, où des différents gouvernements ont planifié les effectifs médicaux, on a plutôt un triste record. Est-ce qu'on va se tromper encore quand il y en aura 3 000? On s'est déjà trompé, on a dit qu'il y en avait 1 000 de trop, à un moment donné, puis on s'est ramassé avec un déficit. Donc, là-dessus, je serais prudent sur l'optimisme. Oui, les écoles de médecine sont pleines à capacité, on en convient, mais il faut quand même voir que la démographie et la façon de pratiquer se modifient également.

M. Charbonneau: Une dernière, parce que le président me dit que j'ai quasiment fini. Vous dites, à la page 9: Le fonctionnement de la garantie d'accès aux services pour les chirurgies électives en orthopédie puis en ophtalmologie ne nous paraît guère convaincant et l'effort proposé nous semble insuffisant. J'aimerais ça juste que vous élaboriez un peu plus sur ça, en quelques fractions de minute.

M. Dugré (Yves): La garantie d'accès, c'est qu'il faut l'élargir à d'autres pathologies. On dit qu'il n'y a pas seulement des listes d'attente pour ces trois organes-là, il y a des patients qui attendent dans d'autres systèmes également.

M. Charbonneau: C'est ça que vous vouliez dire?

M. Dugré (Yves): Oui.

M. Charbonneau: C'est-à-dire que dans le fond on n'a couvert la garantie d'accès que pour certains types de chirurgie en laissant de côté plusieurs autres, ce qui crée une espèce d'injustice pour bien des citoyens qui...

Le Président (M. Copeman): Dr Dugré, Dr Hudon, M. Bellavance, M. Boudreault, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Et j'invite immédiatement Mme Marie-Claude Prémont à prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): S'il vous plaît, chers collègues! Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons Mme Marie-Claude Prémont. Pre Prémont, bonjour. Vous avez...

M. Charbonneau: M. le Président, juste pour ajouter... il faut rendre à César ce qui revient à César, mais la vice-doyenne aux études supérieures de la Faculté de droit de l'Université McGill.

Le Président (M. Copeman): Je vois que vos compétences en lecture sont aussi bonnes que...

M. Charbonneau: ...oubli involontaire.

Le Président (M. Copeman): Bonjour. Vous avez 20 minutes pour votre présentation, Pre Prémont, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Nous sommes à l'écoute.

Mme Marie-Claude Prémont

Mme Prémont (Marie-Claude): Je vous remercie, M. le Président. M. le ministre, M. le critique en matière de santé de l'opposition officielle, Mmes et MM. les députés, je suis très heureuse d'être avec vous aujourd'hui. Je vous remercie de me donner l'occasion de discuter et de débattre de cet enjeu important qu'est l'avenir du système de santé du Québec.

Évidemment, on sait tous que l'élément déclencheur, dans une large mesure, de ce débat est la décision de la Cour suprême dans l'affaire Chaoulli. J'ai fait connaître dans d'autres tribunes, avec des collègues des cinq facultés et départements de sciences juridiques du Québec, l'interprétation que nous portions à cette affaire. Je n'ai pas l'intention de revenir là-dessus. Je voudrais simplement dire un petit mot, puisque M. le ministre m'en a donné l'occasion tout à l'heure, lorsque vous avez mentionné, M. Couillard, que vous estimiez que la décision contraignait le gouvernement à lever la prohibition de l'assurance privée. Vous savez que nous avons une interprétation un peu différente sur cet élément-là, puisque la décision repose sur deux conditions, dont celle évidemment de la présence des délais d'attente déraisonnables pour certains services, et donc les mesures que vous proposez, et ce sera le propos, mon propos, ce matin, c'est ce que j'ai choisi de cibler dans ce mémoire, c'est-à-dire, pour faire honneur à votre document, M. le ministre, ici... donc, l'élément central de la proposition du document Garantir l'accès, qui est celui du mécanisme de la garantie d'accès. Alors, je limiterai mes propos à cette question. Mais il va sans dire qu'évidemment je serai heureuse de répondre à des questions qui pourraient en déborder.

Alors, l'élément sur lequel j'ai voulu insister dans mon mémoire est celui-ci. Le document pourrait laisser croire qu'il y a un mécanisme avec des modalités peut-être un peu différentes qui sont proposées. Ma lecture m'amène à une conclusion différente. Je pense que nous retrouvons, dans le document Garantir l'accès, en fait deux mécanismes différents d'accès aux soins de santé, et je pense qu'il est important, pour les fins des discussions qui vont suivre au cours des prochaines semaines, de bien faire la distinction entre ces deux mécanismes différents. Ce n'est pas parce qu'un mécanisme porte le même nom: garantie d'accès aux soins de santé, qu'il est nécessairement le même. Et, à mon avis, le mécanisme de garantie, donc c'est deux... les deux modèles qui sont avancés sont différents dans leur nature, sont différents dans leurs effets juridiques et sont susceptibles d'être très différents également quant aux effets sur le système de santé public.

n(11 h 50)n

Alors, pour bien les distinguer, je parle, dans un premier temps, de la garantie publique qui est proposée dans le document, cette garantie publique qui effectivement est structurée et est contenue à l'intérieur du système public de santé de façon exclusive, où l'on retrouve et un financement exclusivement public et une prestation telle qu'on la connaît maintenant, parfois publique, mais qui pourrait... évidemment qui comporte des éléments de prestation privée telle qu'on la connaît dans le système québécois avec les cabinets de médecins dont vous avez parlé avec les intervenants précédents. Cette garantie publique repose sur des éléments scientifiques, repose sur des faits probants, repose sur une gestion transparente et centralisée des listes d'attente, repose sur un système d'information qui a été mis en place, sur l'instauration de couloirs de services à travers le système.

On parle de la garantie que vous proposez d'introduire donc, dans un premier temps, pour la radio-oncologie et la chirurgie cardiaque, et le document nous rappelle que des progrès énormes ont déjà été enregistrés à l'intérieur du système public par rapport à ces deux domaines et qu'effectivement les résultats sont probants, et donc que vous êtes tout à fait confiants de pouvoir respecter la garantie publique qui est avancée. Je pense que ce mécanisme proposé est positif, ce mécanisme est un progrès, représente vraiment un progrès, et démontre que la réponse aux inquiétudes formulées par la Cour suprême en matière de délais d'attente est possible, et que les succès ont été enregistrés, et qu'on peut donc poursuivre sur cette voie.

Il y a par ailleurs un deuxième mécanisme proposé dans le document, et c'est celui-ci pour lequel j'émettrai certaines réserves. Encore une fois, pour distinguer cette garantie de la première, que j'ai appelée «garantie publique», je l'appelle la «garantie public-privé». Pourquoi? Parce que cette garantie comporte des éléments de financement public certes, surtout public, selon les volontés exprimées par M. le ministre, mais comporte également un volet de financement privé, d'une part. Deuxièmement, la garantie comporte un volet de prestation publique telle que nous la connaissons, des volets de prestation privée telle que nous la connaissons également et avec laquelle nous n'exprimons aucune inquiétude, mais comporte par ailleurs un élément de prestation privée, qui est, lui, nouveau, inédit, et qui est susceptible à mon avis d'être différent d'une façon marquée par rapport à la prestation privée que nous connaissons. Je fais référence ici aux cliniques spécialisées affiliées qui sont proposées dans le document.

Alors donc, cette garantie public-privé cumule financement public-privé, cumule prestation public-privé, mais privée nouveau genre, si vous me permettez, et les éléments que l'on retrouve dans le document, je comprends que... Et plusieurs personnes le noteront, vous l'avez noté vous-même, M. le ministre, à savoir qu'il reste énormément d'éléments à préciser. Mais, dans l'état actuel des choses, on pourrait imaginer... Et j'ai parlé de cette clinique spécialisée affiliée comme pouvant peut-être devenir un hôpital privé à but lucratif dans notre système de santé. D'ailleurs, les promoteurs qui ont été photographiés au centre-ville de Montréal, la semaine dernière, semblent l'avoir compris de cette façon aussi, puisqu'il n'y a... il y a... tous les éléments se retrouvent dans le document, ouvrant la porte à cette possibilité.

Donc, ouverture à un financement public d'hôpitaux privés à but lucratif qui pourraient desservir autant des clients privés que publics, ce qui veut dire que, même avec une volonté de distinction du médecin participant ou non participant, dans la mesure où un même établissement dont la nature juridique évidemment reste très floue jusqu'à maintenant... on pourrait se retrouver dans une situation où, à l'intérieur de ces hôpitaux privés à but lucratif, autant des médecins participants que non participants pourraient y travailler, ce qui évidemment pose un casse-tête énorme en matière de contrôle par les pouvoirs publics, ce qui... à l'intérieur de cette garantie public-privé en fait, puisque ce qu'il faut regarder ici, c'est la mécanique qui est mise en oeuvre, et ? le document le mentionne clairement aussi ? il faudrait prévoir des ententes contractuelles avec ces nouveaux organismes.

On y parle de garantie de volume parce que, dans la mesure où la garantie est structurée de sorte que le patient pourra y être dirigé, la clinique ou cet hôpital privé à but lucratif demandera évidemment, lui aussi, des garanties. Il y aurait des ententes contractuelles, il y aurait des garanties de volume avec... vous parliez tout à l'heure, M. le ministre, de l'importance, et je suis tout à fait d'accord avec vous, de s'assurer qu'il y ait, à l'intérieur du système public, des mécanismes qui mettent un peu de pression ou qui incitent le système à plus d'efficacité. La même chose évidemment se retrouve dans une CSA, une clinique spécialisée affiliée. Et ces garanties de volume qui seraient consenties à ces cliniques signifieraient, se traduiraient par un désincitatif pour fournir le service à l'intérieur du système privé, puisque, si un volume est garanti, on n'a plus intérêt à le faire à l'intérieur du système public, si on doit déjà le payer de toute façon dans le système privé, sinon ça amènerait les pouvoirs publics à devoir payer deux fois pour le même service.

Alors donc, ce que je regarde ici, c'est la mécanique qui est mise en oeuvre, et cette mécanique, on le voit bien, pourrait mener à ces conséquences.

Je me suis attardée aussi à essayer de voir quelle était la filiation au niveau des idées de cette garantie public-privé au sein de documents produits ici, au Québec, ou au Canada. Je vous fais grâce de ceux que j'ai écartés pour me concentrer sur les rapports ou les documents qui sont en ligne droite avec la proposition de garantie public-privé. En fait, on en retrouve une des premières formulations au sein du rapport Kirby, le rapport du Sénat canadien, Kirby, publié en 2002, qui recommandait justement l'instauration d'une garantie d'accès aux soins sur une forme un peu similaire à celle qui est proposée dans le document Garantir l'accès, et il était clair que l'objet de la garantie était d'ouvrir la porte, à l'intérieur des systèmes de santé des provinces canadiennes, à une prestation privée à but lucratif nouveau genre, donc encore une fois qui n'existe pas présentement.

On retrouve cette idée à l'intérieur du programme du Parti conservateur du Canada, qui en avait fait un élément central de son programme en matière de santé, et on sait que, depuis les élections du 23 janvier dernier, cet élément devient très important, puisqu'il fait partie du programme du parti au pouvoir au niveau fédéral. On retrouvait aussi cet objectif ou... cette mécanique de garantie d'accès ? là, je retourne un peu en arrière ? dans le programme du Parti conservateur de l'Alberta, dans le rapport Mazankowski, entre autres, en 2001, où le même mécanisme de garantie... En fait, lorsqu'on analyse sa structure à travers le système avec l'instauration de ce qui ressemble beaucoup aux CSA, là, avec les «medical-surgical facilities», le même type de cliniques à but lucratif à l'intérieur du système de santé, on se rend compte, et en comparant avec l'instauration de ces systèmes... de cette même mécanique public-privé de garantie d'accès dans certains pays européens, qu'on parle en fait d'un mécanisme qui sert incidemment à appuyer un système de prestation privée parallèle de soins de santé. Et c'est ma crainte, M. le ministre, lorsque j'analyse les différents éléments de cette garantie public-privé.

Je pense qu'il est important d'analyser les mécanismes proposés qui, sans égard aux volontés, aux espoirs ou aux bonnes intentions, peuvent placer les pouvoirs publics dans une certaine position, imprimer une direction à l'action ou aux engagements. Autrement dit, M. le ministre, les bonnes intentions sont évidemment très importantes, telles qu'on les retrouve à l'intérieur des principes et des valeurs qui sont exprimés dans le document Garantir l'accès, mais, au-delà de ces intentions, ce qu'il est important de bien saisir, c'est la mécanique qui est mise en place et qui, au-delà des intentions que quiconque puisse avoir, met en place des droits, des garanties qui ont par la suite une vie propre et peuvent prendre des directions parfois différentes que celles que l'on peut souhaiter, et je crois que c'est le cas de la garantie public-privé.

n(12 heures)n

Alors, pour conclure, je... Alors, en distinguant bien, donc, ces deux mécanismes, la garantie publique avancée dans le document m'apparaît pleine de promesses, pleine... elle a déjà fait ses preuves, et je pense que c'est une idée qui devrait être développée et poursuivie dans d'autres domaines, comme vous le proposez d'ailleurs.

Par ailleurs, la garantie public-privé m'apparaît particulièrement dangereuse pour la survie du système de santé, dans la mesure où elle pourrait davantage devenir une garantie pour l'instauration d'un système de prestation parallèle qui, pour l'instant, on le sait tous, est très, très limité au Québec et qui cherche peut-être des mécaniques justement pour appuyer son développement. Et ceci, à mon humble avis, dans un sens, est contre l'intérêt des Québécois, contre l'intérêt des finances publiques. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci, Pre Prémont. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Prémont. Écoutez, suite à votre communication, je retiens des points de convergence mais certainement des points de désaccord assez fondamentaux, et c'est normal, dans une société, qu'il y en ait.

Je partage d'abord votre interprétation technique dans le sens où peut-être le gouvernement aurait-il pu ne rien faire après le jugement de la Cour suprême, c'est-à-dire rester passif et dire: Bien, écoutez, on fait des bonnes choses, les choses s'améliorent, donc on n'a pas besoin de rien faire, et finalement s'engager dans un dialogue de plusieurs années, qui va peut-être se produire de toute façon, avec la cour pour voir de quelle façon on a ou non répondu au jugement. Mais je dirais que l'occasion du jugement a été, pour nous, une occasion rêvée pour notre société de débattre de l'avenir du système de santé et d'éviter un peu ce que j'appellerais sa fossilisation, une sorte de... Et là je trouve que le véritable sens du mot «conservateur» est là pour moi, c'est la tendance à s'enfermer dans un système de santé, dans les dogmes, dans les façons de faire qui datent de 35 ans, et dire: Bien, on laisse ça comme ça parce que de toute évidence on a atteint la perfection au Québec et au Canada. Il faut être lucide, là, et je n'emploie pas le mot «lucide» par allusion à un document publié par des intervenants bien connus.

Mais, lorsqu'on fait le constat suivant, c'est qu'on est, au Canada, un des seuls endroits au monde actuellement, avec Cuba et la Corée du Nord, à avoir un système de monopole d'État sur la santé. Ce serait bien si on pouvait démontrer qu'objectivement ce système de santé est supérieur aux autres. Et ce que je reproche un peu à la façon de présenter les choses, c'est qu'il y a toujours une association qui est faite, subliminale ou pas, entre le fait d'ouvrir à la prestation privée sous financement public et une sorte de recul social. Si, aujourd'hui, il y a des Scandinaves qui nous entendaient ou des gens d'Europe de l'Ouest, ils doivent se demander sur quelle planète on vit, parce que, pour eux, la question de la prestation variée des services sous l'ombrelle d'un financement public important, ils se demandent bien ? d'ailleurs, la remarque m'a été faite ? pourquoi on doit même débattre ces questions-là qui, pour eux, sont réglées depuis longtemps.

Là, également, où je suis en désaccord avec ce que vous avez exprimé, c'est que, pour nous, clairement, la garantie, elle est entièrement publique, et la différence d'opinion s'explique de la façon suivante: pour vous, je crois comprendre que le mot «public» signifie «financement et prestation publics», alors que, pour nous, puis on le dit clairement, et là il y a un point de désaccord, c'est «financement public avec prestation privée mais sous un financement public qui est exclusif». Et, lorsqu'on dit que la source de financement qui est établie dans le document est privée, alors qu'on parle d'assurance pour des soins donnés par des médecins non engagés, non participants ? il y en a moins de 100 au Québec actuellement, en fait environ une cinquantaine de spécialistes, et là-dessus peut-être une dizaine d'orthopédistes ? de dire qu'on introduit un financement privé dans le réseau, à mon avis ça relève de l'hypothèse, là. Au contraire, le fait est que nous avons investi de façon importante dans le système de santé et que les solutions sont entièrement sous le parapluie du financement public.

Et, lorsqu'on dit: Bien oui, mais là vous permettez l'assurance privée pour les soins obtenus par les médecins non participants, comme si c'était quelque chose de nouveau... Il y a une incohérence pour moi. Si on dit que c'est impossible, cette situation-là de créer un accès privilégié pour les gens qui ont les moyens de payer, bien il faudrait envoyer la police, aujourd'hui, chez le Dr Duval, à Montréal, puis fermer sa clinique. Parce que ça existe déjà. Je peux déjà aller à Montréal puis payer 12 000 $ pour avoir la prothèse de hanche. À ce que je sache, vous ne recommandez pas de fermer la clinique du Dr Duval ou d'interdire le désengagement ou la non-participation. Alors, en quoi la possibilité d'avoir une assurance pour ces situations qui sont excessivement minoritaires dans le système de santé... et qui vont le demeurer, parce qu'on a les moyens législatifs de contrôler le désengagement. Je ne suis pas, là. Ou bien on est contre la prestation privée à l'égard du réseau complètement ou bien on est pour. On ne peut pas être à moitié. Si on est contre l'assurance pour se faire opérer par le Dr Duval, je ne comprends pas comment on peut tolérer l'existence du Dr Duval. Il faut faire un choix.

Le choix, nous, c'est qu'on accepte... D'ailleurs, le gouvernement précédent l'a fait, parce que la clinique en question, elle a ouvert alors qu'ils étaient au gouvernement, aux affaires. On a accepté le fait qu'il y ait des médecins qui pouvaient se désengager, qu'il y ait des gens qui pouvaient aller les voir aujourd'hui même pour être opérés tout de suite, avec plusieurs milliers de dollars. Et tout ce qu'on ajoute maintenant, c'est la possibilité d'être assuré pour ces soins-là. Je pense qu'il y a un élément de pédagogie ou de rappel à la réalité qui m'apparaît important.

Et là un autre élément de désaccord, c'est lorsque vous parlez de la question de cliniques à but lucratif. Je vais vous dire que, pour nous, tant que le financement est public, tant qu'il n'y a pas de barrière d'accès sur la situation économique du citoyen, qu'une clinique soit à but lucratif, ça ne présente, pour nous, pour moi, aucun problème d'ordre philosophique. Parce que les cliniques de médecins de famille du Québec, aujourd'hui même, même s'ils trouvent qu'ils ne sont pas bien financés puis qu'ils aimeraient avoir des meilleurs tarifs, c'est tous des établissements à but lucratif. Alors, encore une fois, si on veut être cohérent, si on dit que ça ne marche pas, la prestation de soins de santé à financement public à but lucratif, bien on a un gros problème, là, de logique, parce que qu'est-ce qu'on fait avec les cliniques d'omnipratique? La question se pose. Qu'est-ce qu'on fait avec la clinique de résonance magnétique ici, à Québec, qui vend des services au réseau public et qui est certainement une organisation à but lucratif qui existe depuis longtemps et qui a été encore une fois mise sur pied il y a bien des années?

Alors, je pense que, là, il y a... je dirais qu'il y a des éléments... je ne prétends pas qu'on va se convaincre mutuellement, là, mais il y a des éléments de perception de la réalité qui m'apparaissent importants à ramener, notamment la question de ce qui existe déjà. Je rappelle encore une fois à la population qui nous écoute que, bien avant le jugement de la Cour suprême, c'était et c'est encore tout à fait légal de se faire opérer par un médecin non participant moyennant paiement direct. Ce qu'on ajoute, c'est la possibilité d'avoir une assurance pour ces procédures-là qui ne régleront jamais de toute façon le problème de financement ou d'accessibilité, c'est très clair.

Effectivement, lorsqu'il y aura un contrat, une entente contractuelle... Et vous avez raison, Mme Prémont, il y a beaucoup de points d'organisation et de description qui doivent être mis au clair dans cette commission parlementaire, notamment la question des cliniques affiliées, parce que, pour nous, et si ce n'est pas le cas, c'est parce qu'on l'a mal exprimé dans le document ? puis on accepte que le document soit imparfait, ne vous en faites pas ? pour nous, les cliniques affiliées sont faites exclusivement de médecins participants. Il n'y a pas de coexistence de médecins participants et non participants dans une clinique affiliée et il n'y a pas non plus de paiement de frais accessoires par les patients. Je pense que c'est important de remettre ça dans le paysage.

Et, oui, ils vont demander des garanties de volume et, oui, la garantie de volume va devoir être apportée, mais il s'agit de voir comment elle est décrite. Si on disait, comme vous l'avez peut-être sous-entendu, que, du volume actuel de chirurgies, on va en prendre une partie puis on va l'envoyer à la clinique affiliée, là, effectivement, il y aurait un problème qu'on peut appeler de plusieurs façons, là, de déplacement tout simplement de fardeau chirurgical. Mais on parle de volume excédentaire, c'est-à-dire qu'on continue à faire le même nombre de chirurgies, on l'augmente à chaque année, puis en plus on fait des chirurgies supplémentaires pour arriver à l'objectif de la garantie de soins.

Puis je rappelle encore une fois qu'au Québec le nombre de ces cliniques-là, certainement, là, pour les prochaines années: très inférieur à 10, peut-être deux à Montréal, une en Montérégie. Dans l'ensemble du réseau de la santé du Québec, dans la grande majorité des cas, le problème d'accès va se régler dans l'ombrelle ou dans le domaine des établissements publics. Puis, pour ce qui est de l'article de l'autre jour de La Presse, où vous avez peut-être vu mes réactions, là, ce n'est pas de cette façon-là qu'on va procéder. D'abord, un, on ne se fait pas présenter une situation de fait accompli avant qu'on ait terminé le travail législatif puis de consultation. Deux, ce n'est pas de cette façon qu'on envisage, avec la coexistence justement participants et non-participants. Et, trois, il faut que ce soit sans aucune barrière pour le patient.

Et vous avez terminé par une sorte de... je ne dirais pas d'accusation, parce que ce n'est pas ce que vous vouliez faire, mais la filiation, ou vous vouliez faire une sorte de lien entre certaines organisations ou certaines orientations politiques de type conservatrices ou de droite. Là encore, je vous ramène à la réalité du monde de la planète Terre aujourd'hui: les pays scandinaves, ce n'est pas des pays de droite, ils ont la ... privée, ils ont vendu des hôpitaux au privé, il y a un ticket modérateur. Ce n'est pas des pays retardataires sur le plan social. Cependant, ils ont des structures sociales différentes. Ils ont des écarts de revenus beaucoup moins grands, ils ont des services publics en général qui sont différents des nôtres. Même chose pour la France, l'Angleterre et l'Allemagne, par exemple.

Par exemple, la Grande-Bretagne, la garantie d'accès, ce n'est pas un gouvernement conservateur qui l'a mise en place, c'est un gouvernement travailliste. Alors, il faut expliquer qu'il faut aller un peu plus loin que les étiquettes politiques simples. Et actuellement, dans la mise en place de cette garantie d'accès en Grande-Bretagne ? qui d'ailleurs fonctionne, hein, c'est un des exemples où on a réussi à raccourcir considérablement les listes d'attente ? environ 15 % des procédures faites dans la catégorie de cette garantie d'accès là sont faites par des prestataires privés à but lucratif à financement public, et la prochaine étape que le gouvernement Blair annonce, le gouvernement travailliste de Grande-Bretagne, à partir de 2008, c'est le libre-choix complet par le citoyen du prestataire privé ou public.

n(12 h 10)n

Alors, je pense qu'il faut aller plus loin que ces... Vous voyez, si on est dans des ornières comme ça, on n'aura pas un débat qui va être très intéressant. Je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin que les étiquettes politiques, la gauche, la droite, puis voir dans une perspective internationale ce qui se fait actuellement et surtout ne pas prétendre à la population qui nous écoute que notre système de santé, c'est le meilleur au monde. On veut qu'il le redevienne, mais l'OMS, ils comparent le système français, par exemple, avec notre système canadien, puis on n'est pas au même rang. On est au même rang en termes de pourcentage de dépenses par le PIB, mais on n'est pas au même rang en termes de qualité puis d'accessibilité de services.

Alors, évidemment, je réalise qu'il y a des points de désaccord qui sont assez fondamentaux, mais il y a quand même des points où on peut progresser dans notre échange peut-être, c'est sur la définition des cliniques affiliées. Est-ce que la définition légale qu'on va donner... Parce qu'il faut qu'il y ait un encadrement légal. Il ne faut pas que ce soit un engorgement administratif. Donc, on va encadrer légalement cette institution qu'est la clinique spécialisée affiliée. Est-ce que le fait de préciser qu'elle n'est peuplée, entre guillemets, que de médecins participants, qu'il n'y a pas de contribution des patients, qu'elle est liée par contrat avec un établissement public pour justement assurer le non-déplacement des médecins de l'hôpital à la clinique, qu'on y arrive avec une garantie de volume mais qui correspond à l'excédent de chirurgies à faire pour améliorer l'accessibilité par rapport à ce qui est déjà fait, est-ce que, là, c'est de nature, pour vous, à améliorer la suggestion ou le concept ou, même dans ce domaine-là, vous trouvez que ce n'est pas justifié?

Mme Prémont (Marie-Claude): Je voudrais d'abord revenir sur votre premier commentaire, M. le ministre, lorsque vous avez dit: On aurait pu choisir de ne rien faire. Pour vous rassurer, ce n'est pas du tout ce que je propose, de dire qu'on peut avoir une interprétation minimaliste du jugement, s'asseoir et ne rien faire. Je pense que personne ne prendrait cette position, et certainement pas moi. On sait tous qu'il y a des choses à améliorer à l'intérieur du système de santé, et je suis tout à fait avec vous à cet égard-là.

Maintenant, de faire une comparaison entre le Québec ou le Canada et la Corée du Nord et Cuba, je ne pense pas que ce soit un élément qui nous permette de progresser non plus dans notre débat. Comme vous le savez, le Québec et le Canada sont souvent donnés en exemple comme étant une des juridictions où le financement privé des soins de santé est le plus important. Il y a une structure évidemment qui est très différente par rapport à certains pays européens. Encore une fois, la présence du financement privé pour les soins de santé, qu'on pense, par exemple, aux médicaments... au Québec, avec le régime général d'assurance médicaments, joue un rôle important. Et ce n'est pas ce qui est sur la table aujourd'hui.

Maintenant, vous dites qu'il a toujours été permis, pour un médecin non participant... et donc pour un patient de payer totalement pour certaines interventions. Vous avez tout à fait raison encore une fois, et je ne m'inscris pas en faux là-dessus, et je pense que ceci n'est pas du tout remis en cause par la discussion. Ce sur quoi il est important de revenir, c'est de voir le mécanisme qui est mis en place. Et je pense que vous serez d'accord avec moi que le document est assez... Il y a des éléments qui sont flous, mais il y a des éléments qui sont clairs dans le document. Et un des éléments qui est clair, c'est la relation qui est établie entre, un, l'ouverture à l'assurance privée duplicative pour les trois interventions, deux, l'introduction des cliniques spécialisées affiliées pour les mêmes, exactement les mêmes interventions, et, trois, la possibilité d'un financement public auprès des médecins non participants encore une fois pour ces trois mêmes interventions.

Si vous ouvriez ces possibilités pour des interventions différentes... dans des domaines différents, on pourrait dire: Bien, il n'y a pas de relation entre les trois. Mais là, ici, c'est la mécanique même qui est conçue sur la relation entre ces trois mécanismes. C'est-à-dire ? je répète ? vous ouvrez des entreprises privées à but lucratif pour exactement les mêmes situations pour lesquelles l'assurance privée duplicative est ouverte et encore une fois vous permettez ce qui est vraiment une nouveauté et qui contredit le statut de médecin participant ou non participant: vous ouvrez la possibilité à un financement public auprès des médecins non participants, ce qui n'en fait plus des médecins non participants en théorie, selon la façon dont on le conçoit aujourd'hui. Alors, encore une fois, ces éléments sont très clairement énoncés dans le document. Et, même si vous avez... Et je suis heureuse de vous l'entendre dire et je comprends que des précisions seront apportées à cet égard-là, mais vous serez d'accord avec moi que le document ici nous dit: Voilà trois éléments qui sont liés ensemble, et, lorsqu'on en fait l'analyse, bien on peut voir justement qu'il y a un élément de vases communicants qui s'établit entre ces trois éléments-là. Alors, c'est ce que j'ai voulu mettre en exergue avec mon intervention.

Maintenant, pour répondre à votre question par rapport à l'encadrement des cliniques spécialisées affiliées, évidemment ces cliniques devront effectivement être réglementées. Vous avez proposé certains éléments. Par exemple, est-ce que l'on permettra ou pas à ces cliniques de recevoir sous le même toit des médecins participants et non participants? Ceci n'est pas du tout énoncé, et encore une fois, étant donné le lien et la mécanique mise en place, on peut penser que ce serait logique. Si j'étais entrepreneur, c'est la première chose à laquelle je penserais et que je voudrais installer. Alors, cette porte-là, ou bien il faut la fermer ou bien il faut la laisser ouverte, et le document là-dessus ne nous apporte pas ces précisions-là.

Il y a évidemment beaucoup d'autres questions qui se posent. Par rapport à la structure juridique, vous en avez parlé tout à l'heure avec les représentants de la FMSQ, ce sera un élément très important parce qu'il y a évidemment des avantages et des désavantages à chacun. Vous avez soulevé le fait que, si les médecins sont propriétaires, les expériences internationales démontrent que le médecin se trouve en situation de conflit d'intérêts. Je veux dire, c'est systémique. Ce n'est pas parce que les personnes sont des mauvaises personnes ou des bonnes personnes, ce qu'il faut regarder, ce sont les effets de systèmes qui sont créés, et les expériences internationales nous démontrent que ça entraîne une multiplication des soins de santé qui ne sont pas nécessairement médicalement requis.

M. Couillard: Oui, puis effectivement c'est pour ça qu'il va falloir prendre un grand soin à cet encadrement législatif et réglementaire, ce qu'on entend faire d'ailleurs, puis on a bon espoir que les débats en commission vont nous amener dans cette direction-là parce qu'il y a beaucoup de concepts à clarifier. Mais je répète encore une fois que la coexistence non participants et participants, on y voit tellement de problèmes, nous, ici, dans les cliniques affiliées que, pour qu'elle ait le statut de clinique affiliée, une clinique doit absolument à notre avis avoir une population de médecins participants.

Vous avez ouvert un point qui m'apparaît important. D'abord, Corée, Corée du Nord et Cuba, la raison, c'est que c'est effectivement, objectivement... ce sont les seuls systèmes de santé où il y a un monopole quasi total... quasi total au Canada et total dans les deux autres exemples, pour les soins médicaux. Parce que, si vous regardez la structure de financement des soins, des dépenses totales de santé, effectivement on a toujours cet argument de dire que: Vous savez, au Canada, il y a déjà 70 % de dépenses publiques puis environ 30 % de dépenses privées, ce qui se compare à d'autres pays. Mais on oublie de faire la dissection fine de ce qui est compris dans le 30 %. Par exemple, prenez la France. Alors, dans le 30 % et dans le 70 %, vous allez avoir des éléments complètement différents. Au Canada, il y a à peu près 1 % seulement des soins médicaux qui sont dans le domaine privé. Donc, le 30 %, il inclut des services, essentiellement des services qui ne sont pas assurés dans le réseau public, exemples: les lunettes, les soins dentaires, la physiothérapie, une partie de ces services-là. Tandis que, si vous allez chez nos amis de la France, vous allez constater qu'il y a une grande partie des services que, nous, ils ne sont pas assurés, qui sont dans le domaine de la sécurité sociale, et qu'à l'inverse les soins médicaux sont largement dispensés par des prestataires privés.

Donc, au-delà des pourcentages globaux, il y a une analyse beaucoup plus fine à faire qui explique une... une partie de la réponse que je demandais tantôt à la FMSQ: Comment se fait-il qu'avec un niveau de dépenses, par rapport au PIB, à peu près équivalent au Canada, la France obtient des niveaux d'accessibilité beaucoup plus grands? À mon avis, une des raisons, c'est d'abord les effectifs médicaux, il y a beaucoup plus de médecins en France qu'au Québec, mais également une plus grande diversité dans l'offre de services en termes de prestataires. Et là il y a toutes sortes de catégories d'établissements privés en France, comme vous savez: à but lucratif, à but non lucratif, les établissements publics, et tout ça fonctionne dans une symbiose qui n'est probablement pas parfaite, il n'y a rien de parfait sur la terre, là, mais qui, en termes de résultats pour les citoyens, est probablement plus satisfaisant que ce qu'on obtient actuellement.

Vous avez touché donc la question du statut des médecins ou la propriété des cliniques. Est-ce que vous suggéreriez que le gouvernement exclue certaines catégories de personnes ou d'organisations de la propriété des cliniques affiliées? Par exemple... Bon. Vous avez dit: Les médecins qui y pratiquent. Je ne sais pas, moi, les compagnies pharmaceutiques ou les bannières pharmaceutiques? Est-ce que, dans votre idée, il y a certains éléments qui doivent être exclus d'emblée de la propriété?

n(12 h 20)n

Mme Prémont (Marie-Claude): Écoutez, pour moi, la première question qui se pose, M. Couillard, sur cette question spécifique, c'est d'abord: avant de faire un déplacement dans ce sens-là, je pense qu'il devrait y avoir une preuve. On devrait avoir des études scientifiques qui démontrent que vous allez pouvoir accroître le volume d'interventions, c'est ce que vous disiez tout à l'heure, et ce qui est un objectif évidemment tout à fait valable. Est-ce que, un, ce sera réellement possible de le faire avec ça? Et, deux, est-ce que, pour les finances publiques, vraiment il y a un gain à faire? Et, trois, évidemment il y a toute la question de la sécurité des patients, là, qui sera soulevée. Et je n'ai rien vu, dans le document Garantir l'accès, qui nous permettait d'avoir confiance quant à ces trois éléments.

Je sais qu'on mentionne, par exemple, que, si des interventions sont transférées au sein des CSA, ça devra être à coûts similaires ou inférieurs à ce que l'on retrouve à l'intérieur du système public. Mais comment calculer ces coûts? Vous savez très bien, et vous le savez mieux que moi, à quel point ce calcul est complexe, à quel point est-ce qu'une moyenne peut être trompeuse par rapport à une intervention, selon, comme a dit le Dr Dugré, la multipathologie que peut présenter le patient. Mais, bref, là je m'introduis dans un domaine qui n'est pas vraiment le domaine de ma spécialité, alors je n'irai pas plus loin là-dessus, simplement pour réitérer que, selon moi, le premier élément serait d'avoir des garanties ou d'avoir des études scientifiques qui nous démontrent que c'est une bonne façon de faire les choses. Je ne suis personnellement pas convaincue par rapport aux études que j'ai vues.

Je voudrais revenir, si vous me le permettez, en arrière. Vous avez fait la comparaison avec certains pays européens, et effectivement je pense qu'il est toujours opportun de le faire lorsqu'on doit prendre des décisions importantes pour l'avenir du système de santé. La Cour suprême le dit elle-même, dans son jugement, à quel point est-ce que ça peut être, et vous l'avez répété, vous aussi, à quel point est-ce que ça peut être dangereux de faire des comparaisons avec des choses qui sont non comparables. Mais j'aimerais rapporter un élément parce qu'à cet égard-là, lorsqu'on parle d'accroître le financement privé, ici, dans le document Garantir, vous le proposez à travers l'introduction de l'assurance privée duplicative, et l'assurance privée duplicative, si on compare... Alors, il faut se poser la question: Quel est son effet à l'intérieur du système de santé pour l'ensemble des Québécois, sur le système de santé public? Et l'objet de l'assurance privée duplicative n'est pas essentiellement d'accroître le financement du système de santé, je pense qu'on en convient, le document le reconnaît aussi. Son effet est de permettre à certaines personnes de contourner finalement les délais d'attente que l'on pourra trouver dans le système de santé. Est-ce que c'est un objectif valable pour le gouvernement du Québec aujourd'hui? Je vous pose la question, M. le ministre.

Vous savez qu'il y a d'autres types d'assurance privée que l'on peut ouvrir aussi. Je mentionnerai, par exemple, le cas de l'Allemagne qui permet à certaines catégories de population de contracter une assurance privée, mais, dans ce cas-là, il ne s'agit pas d'une assurance privée duplicative, il s'agit de payer non pas seulement pour pouvoir parfois, lorsque ça fait son affaire, de passer devant les files d'attente, mais de payer l'ensemble des soins de santé. Et, dans aucun cas, l'assurance privée allemande ne permet aux patients de pouvoir passer devant d'autres... Alors, voyez-vous, ce genre... Si on fait des comparaisons, il faudra les faire au complet et poser la question de la pertinence de l'ouverture à l'assurance privée duplicative.

M. Couillard: Alors, juste 30 secondes, avec le consentement de mon collègue, pour... puis il y aura 30 secondes de plus pour l'opposition, s'il le désire.

Encore une fois, ce n'est pas tout à fait la façon dont on voit les choses. L'assurance privée, ce n'est en aucune façon duplicative qui est introduite dans le document. Ce n'est en aucune façon une solution au financement du système de santé. Ce n'est pas là pour remplacer du financement public. Le financement public va toujours demeurer majeur. D'ailleurs, tous les pays européens auxquels je faisais allusion ont des dépenses publiques de la même ampleur puis qui croissent au même rythme que celles auxquelles on fait face actuellement. Ce n'est en aucune façon une question de réduire les coûts.

Puis encore une fois je vous reviens toujours à la question fondamentale. Vous dites qu'on introduit une façon de contourner les files d'attente, alors qu'aujourd'hui il y a déjà une façon de contourner les listes d'attente, en allant payer cash dans le centre-ville de Montréal pour se faire faire une prothèse de la hanche, dans les domaines de la loi. On n'ajoute rien de nouveau, là. On répond à une observation de la Cour suprême quant à la possibilité d'avoir une assurance privée duplicative pour moins de 10 chirurgiens orthopédistes au Québec qui fonctionnent dans ce cadre-là et sur lesquels on va maintenir un encadrement très serré. Donc, on le voit un peu à l'envers de la façon dont... Vous le voyez comme le début d'un processus très large d'assurance privée duplicative. On le voit au contraire comme un contrôle, dès le début, dès le moment où la Cour suprême nous a posé la question, comme un contrôle extrêmement serré de cette façon de faire.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Borduas.

M. Charbonneau: Comme le ministre voulait avoir le dernier mot, je vais néanmoins, à partir de ma question, permettre à Me Prémont de donner la réplique d'une certaine façon. Parce qu'avant de parler de la garantie d'accès il y a le préalable, c'est: Est-ce que l'interprétation que le jugement de la Cour suprême obligeait à une réponse et obligeait à une ouverture, même limitée, aux assurances privées est exacte, d'une part, et est-ce que, sans... Parce qu'il y a une différence entre rien faire et faire des choses qui répondent dans le fond à la préoccupation du jugement de la Cour suprême sans nécessairement ouvrir la porte à un financement privé.

Parce que dans le fond notre système actuellement, il est basé sur le financement public, et, si on n'est pas d'accord avec ça, bien, finalement, on est un médecin non participant puis on ne passe pas dans le système. Mais, à partir du moment où on ouvre puis on crée un lien organique entre financement privé et financement public, là c'est une dynamique, là. Puis c'est ce que je disais dans mes remarques préliminaires, ce matin: C'est quoi, le risque que, même si on ouvre un peu ? bon, je reconnais, puis j'imagine que, vous aussi, vous reconnaissez que ça n'a pas été ouvert beaucoup ou passionnément, mais même un peu ? c'est quoi, la conséquence d'ouvrir un peu au financement privé? Et est-ce qu'on avait l'obligation, est-ce que le jugement vraiment nous donnait cette obligation d'aller dans cette direction-là ou si on ne pouvait pas faire autre chose pour répondre ou pour réagir à ce jugement-là? Ça, c'est ma première question.

Mme Prémont (Marie-Claude): Écoutez, la raison pour laquelle le tribunal a accepté de se prononcer sur cette question et que la Cour suprême a accepté d'entendre l'appel, on le sait, c'est la situation des délais d'attente déraisonnables ou prohibitifs qui ont été plaidés devant les tribunaux. Et, s'il n'y avait pas ces délais d'attente, le tribunal le dit à plusieurs reprises, autant dans les deux opinions qui contribuent à la majorité, que, en l'absence de délais d'attente déraisonnables, la prohibition de l'assurance privée est valide. Et le tribunal répète à plusieurs reprises également que les requérants en l'occurrence ne disposent pas d'un droit constitutionnel à l'assurance privée.

Donc, pour répondre brièvement à votre question, M. Charbonneau, il est clair, pour moi et mes collègues que vous aurez peut-être l'occasion d'entendre dans un autre contexte, il est clair que la Cour suprême, la décision de la Cour suprême dans l'affaire Chaoulli ne contraint pas le gouvernement du Québec à lever la prohibition de l'assurance privée. Ce qu'elle fait par ailleurs, c'est qu'elle contraint le gouvernement du Québec à trouver une solution et à avancer une solution crédible pour résoudre les délais d'attente déraisonnables dans le système de santé. Et c'est là où je suis avec M. le ministre sur sa proposition par rapport à la garantie publique. Parce que, là, on a un mécanisme qui a déjà fait ses preuves et qui, en l'étendant à d'autres domaines, pourra donc corriger les situations.

Le problème avec la proposition de la garantie public-privé, c'est que, là, on n'a aucune preuve que cette situation va améliorer les délais d'attente pour les patients dans le public. Et, d'autre part, vous me posez la question, M. Charbonneau, par rapport au risque, vous remarquerez, dans le document, que l'on propose d'ouvrir... évidemment, la discussion devra se faire à l'Assemblée nationale au moment du dépôt d'un projet de loi, mais ce que l'on propose dans le document Garantir, c'est d'ouvrir l'assurance privée duplicative pour les services médicaux et hospitaliers et de prévoir les domaines dans lesquels ça s'appliquera par voie réglementaire.

Alors, je suis tout à fait d'accord et rassurée aujourd'hui quand M. le ministre me dit: J'ai l'intention de le limiter. Mais M. le ministre Couillard ne sera pas toujours là, n'est-ce pas, et il peut aussi changer d'idée, et dans la mesure... Je vous le souhaite, M Couillard, d'être là le plus longtemps possible, mais vous comprenez que d'ouvrir... on parle ici d'un mécanisme, on ouvre un peu, mais on dit: On pourra donc prolonger cette garantie. Et encore là je reviens à ce que je disais tout à l'heure, le problème, c'est que l'ouverture à l'assurance privée duplicative est jointe à la garantie d'accès dans ces domaines et est jointe aux CSA. On a vraiment un mécanisme ici, on n'a pas des éléments isolés. Et là, donc, on voit ce que l'on propose, une ouverture par voie réglementaire, donc...

n(12 h 30)n

M. Charbonneau: ...ce que j'aurais aimé que vous abordiez, c'est justement: même si on ouvre ? puis vous dites ce que j'avais dit en introduction, en remarques préliminaires ? attention, là, si... on se garde la possibilité d'ouvrir plus par voie réglementaire, ce qui serait inacceptable. Bon. Mais, je veux dire, vous pouvez avoir une opinion sur ça. J'ai compris que vous n'aimeriez pas tellement ça que ça se fasse par voie réglementaire, vous non plus, là. Mais, au-delà de ça, ce que j'aimerais, c'est... Même le fait d'ouvrir un peu à l'assurance privée, par rapport à la fois au principe puis à la dynamique d'un système où on veut justement éviter un système à deux vitesses, où on veut éviter que des citoyens plus fortunés, parce qu'ils paient cash ou parce qu'ils ont les moyens d'avoir une assurance privée, passent avant les autres, est-ce qu'il faut craindre ou il ne faut pas craindre l'ouverture, même limitée, que nous propose actuellement le gouvernement?

La Présidente (Mme James): Alors, avant que vous puissiez répondre, je veux juste demander aux collègues qu'on a bien consentement pour passer au-delà de 12 h 30.

Une voix: Consentement.

M. Charbonneau: C'est ce qu'on avait compris tantôt en donnant le consentement au ministre.

La Présidente (Mme James): Merci.

M. Charbonneau: Merci, madame.

Mme Prémont (Marie-Claude): Bien, je vous remercie de me reposer la question pour me donner l'occasion de préciser ma pensée ici. L'objet même de l'assurance privée duplicative est de créer un système de santé à deux vitesses. Je veux dire, c'est son essence même. Parce que l'assurance privée duplicative signifie que certains citoyens pourront avoir accès ou une facilité d'accès à pouvoir justement avoir accès plus rapidement aux mêmes soins que la personne qui dispose simplement de l'assurance publique. Alors, son objet même en est un qui est contraire à l'objectif d'accessibilité qui doit être l'accessibilité mesurée selon le besoin médical et non pas selon le statut de la personne ou selon la couverture d'assurance dont elle peut ou non disposer.

Alors, l'objet même de l'assurance privée duplicative, à mon avis, un, au niveau des valeurs dont le ministre Couillard appartient à... qu'il réitérait, est contraire... Il y a une contradiction entre l'objet même de l'assurance privée duplicative et ces valeurs-là. Et, deuxièmement, au niveau des finances publiques, au niveau du financement général du système de santé, il n'y a aucun avantage d'avancé, on parle simplement de décupler, ici, les assurances. Et il y a un autre élément évidemment, la présence, dont on n'a pas parlé et dont ne parle pas non plus le document Garantir l'accès... les assurances privées duplicatives ? on le sait, les expériences internationales le démontrent ? souvent vont faire l'objet de déductions fiscales, ce qui veut dire qu'au fond elles sont financées par les fonds publics mais sont limitées seulement à certaines portions congrues de la population, ce qui est contraire à toute notion d'équité, à mon avis.

M. Charbonneau: Est-ce que vous avez des données? Parce que, là, vous avez dit que ça n'accroîtra pas le financement du système public. Le ministre dit que c'est vrai. Mais il y a du monde qui pense que ça va diminuer les listes d'attente. Autrement dit, si des gens peuvent payer maintenant non seulement comptant, mais peuvent avoir des assurances pour passer à côté du système plus vite, ça va permettre... ça va libérer, dans le fond, de l'espace pour pouvoir en opérer plus dans le privé. Parce que ça, c'est l'argument suprême, là, qui est invoqué par rapport justement à la problématique de l'attente, là.

Mme Prémont (Marie-Claude): Le document Garantir l'accès reconnaît que ça ne diminue pas les listes d'attente parce que, pendant que le médecin opère dans une clinique privée comme médecin non participant, il ne contribue pas au système public. Et encore une fois les expériences internationales démontrent que ça n'aide pas les listes d'attente, et le document le dit clairement. Alors, je crois que ça, on s'entend là-dessus, et il est important de le répéter. Donc, il n'y a aucun effet bénéfique de ce côté-là qui est avancé.

M. Charbonneau: ...il n'y a pas d'effet bénéfique, la seule... Dans le fond, la seule raison, c'est de s'imaginer qu'on a un ordre de la Cour suprême qui nous dit de le faire, alors que vous venez nous dire que légalement ce n'est pas exact. Il n'y a pas d'ordre de la Cour suprême. La Cour suprême nous dit: Préoccupez-vous de l'attente actuellement excessive et que, si vous réussissez à le faire... Finalement, il n'y a pas de droit constitutionnel, puis il n'y a pas de droit à la vie concerné, là. Tu sais, à un moment donné, on a voulu nous opposer l'utilisation de la clause dérogatoire, puis ce n'était pas notre intention, comme si on heurtait le droit à la vie. Vous êtes juriste. Il n'y a pas de droit à la vie, là, qui est en cause dans ce dont on parle, là, actuellement, là.

Mme Prémont (Marie-Claude): Non. Par contre, le tribunal reconnaît que le droit à l'intégrité ou à la sécurité de la personne peut être en cause. Une personne qui a vraiment besoin, qui a des douleurs terribles et qui est sur une liste d'attente déraisonnable, il y a un droit qui peut être remis en cause. Mais encore une fois, donc, pour répondre à votre question, M. Charbonneau, il n'y a pas d'ordre de la Cour suprême de lever la prohibition. Alors, si le gouvernement du Québec décide de le faire, c'est pour des motifs différents que ce que la Cour suprême impose, et c'est ce qu'il serait important de mettre sur la table de façon claire.

Bon. On peut y voir un compromis par rapport à certaines demandes qui sont formulées auprès du gouvernement. M. Couillard disait, et il a raison: Il n'est pas illégal présentement pour quelqu'un de payer de sa poche. Maintenant, la question qui se pose au gouvernement du Québec: Est-ce que le gouvernement du Québec doit favoriser la chose en ajoutant à ce phénomène celui de l'assurance privée? C'est ça, la question: Est-ce que c'est une situation que le gouvernement doit favoriser? Et deuxième question: Est-ce que les fonds publics doivent financer cet accès privilégié de certains? Et c'est le danger qu'à mon avis représente la garantie public-privé.

M. Charbonneau: Alors, si on faisait ce que vous nous dites qu'on devrait faire, c'est-à-dire de ne pas embarquer dans cette idée de permettre l'assurance duplicative, donc l'assurance privée, même de façon limitée, comme c'est prévu actuellement, est-ce qu'à ce moment-là l'utilisation des cliniques privées affiliées... Parce que, bon, quand on était au gouvernement, nous, on l'a proposé dans le plan d'action ministériel de novembre 2002, mais il n'était pas question pour nous de permettre l'assurance privée, là, à ce moment-là. Faisons l'hypothèse que le ministre revient puis le gouvernement revient sur sa proposition de permettre l'assurance privée, qu'après vos avis puis bien d'autres, finalement, le résultat final de cette consultation, puis on peut espérer que la consultation va donner quelque chose... Si on consulte puis que, dès le départ, nos idées sont figées ad vitam aeternam, on est aussi bien de ne pas commencer de faire une consultation. Mais, si on vous écoute puis on en écoute d'autres, puis qu'on ne le fait pas, est-ce que par ailleurs votre réserve sur la garantie d'accès ou sur l'utilisation des cliniques spécialisées affiliées serait la même? Est-ce que votre réserve ou votre réticence serait la même et est-ce que la logique dont vous parliez tantôt, symbiotique, là, serait aussi évidente ou aussi dangereuse? Parce que vous avez utilisé le mot dans votre propos, à un moment donné, que ce serait dangereux pour l'intérêt public que d'aller dans cette direction-là.

Mme Prémont (Marie-Claude): Encore une fois, les cliniques spécialisées affiliées, dans la mesure où elles sont liées à l'ouverture à l'assurance privée duplicative et à la possibilité de financement des médecins non participants pour ces mêmes... représentent un danger réel, et c'est là où les volontés et le mécanisme mis en place sont un peu en contradiction. Maintenant, si on rompt ce lien-là entre ces différents éléments du mécanisme, est-ce que la clinique spécialisée affiliée demeure une bonne idée? Écoutez, c'est une question évidemment dont on peut débattre. Moi, je voudrais simplement faire une observation peut-être ici: Pourquoi est-ce que nous avons présentement des cliniques ambulatoires qui sont un peu ce que l'on envisage avec les cliniques spécialisées affiliées, des cliniques ambulatoires qui sont sous-financées, qui pourraient avoir des volumes de production plus grands et qui pourtant ne peuvent pas le faire? Quel est l'intérêt? Pourquoi financer des cliniques qui n'existent pas maintenant et par ailleurs avoir des cliniques ambulatoires qui répondraient aux mêmes objectifs, pour lesquelles le financement public n'est pas disponible aujourd'hui? Parce que financer l'un, évidemment, l'argent... Bon. Le ministre a parlé d'accroître le financement dans une certaine limite, et tout ça, mais ce qui va dans une ne va pas à l'autre non plus, là, l'argent ne se multiplie pas. Alors, il y a des décisions d'opportunité politique évidemment qui doivent être faites à cet égard-là.

M. Charbonneau: Ce que je constate, c'est qu'il y a comme une espèce de convergence malgré tout avec ce que la Fédération des médecins spécialistes disait, parce qu'eux, dans le fond, ils ne nous en ont pas parlé, de l'assurance privée, puis ce qu'on a compris, c'est qu'eux autres non plus, ils ne sont pas très en faveur de ça, là. Il peut y avoir quelques individus, là, médecins spécialistes qui seraient plutôt favorables, mais, dans l'ensemble, ce n'est pas la position qui nous a été... Ce matin, ce qu'on nous a dit, c'est: Dans le fond, nous autres, on est plutôt favorables à l'idée de pouvoir avoir des cliniques spécialisées affiliées. Mais on nous a rappelé, comme vous venez de le faire, que, si on fait ça pour dégager du temps opératoire dans des centres hospitaliers publics, de toute façon, dans un cas comme dans l'autre, il va falloir augmenter le financement. Alors là, il y a comme une convergence, parce qu'à la limite... Ce que je comprends, c'est que vous n'êtes pas nécessairement idéologiquement contre une prestation de services privée dans le financement public, surtout si on exclut la présence dans le décor d'un financement privé par l'assurance, là, parce que, là, on casse la dynamique du système puis on rompt avec sa logique qui est: Il y a une médecine, tu sais, pour tout le monde, il n'y a pas de système à deux vitesses. C'est ça qu'on doit comprendre?

Mme Prémont (Marie-Claude): Exact. Selon moi ? puis je reviens sur ces valeurs dont a parlé M. le ministre ? le système de santé au Québec et au Canada est fondé sur un principe d'accessibilité qui ne doit se mesurer que par rapport au besoin médical. Et c'est là où une meilleure gestion des listes d'attente devient importante pour déterminer qui doit avoir priorité. Et ça doit être fait, comme vous l'avez proposé, justement à l'intérieur de la garantie publique. Alors ça, cet objectif est tout à fait rempli. Dans la mesure où on introduit des organismes privés à but lucratif auxquels on joint une assurance privée duplicative, on vient introduire un mécanisme qui n'a plus rien à voir avec ces objectifs d'accessibilité fondée sur le simple besoin médical, et c'est là où le danger est très grave.

n(12 h 40)n

M. Charbonneau: Parce que, dans le fond, là... Votre contribution par rapport à la problématique est importante, parce que c'est vraiment le coeur. C'est que le choix gouvernemental, c'est: Est-ce qu'on va ou pas permettre l'assurance privée duplicative? Si on ne le permet pas, les solutions proposées sont pas si mal. Dans le fond, elles reprennent ce que le gouvernement précédent avait proposé. La question reste, à ce moment-là, fondamentalement le niveau de financement public, que ce soit pour la prestation en privé ou en public. Mais le coeur reste, dans le fond: Est-ce qu'on doit ouvrir à un financement privé dans notre système?

Et, au-delà des questions de principe dont vous aviez parlé tantôt, est-ce qu'il y a d'autres craintes qu'on doit avoir? Parce que, là, on l'a ouvert un peu. Faisons l'hypothèse qu'on l'ouvrirait plus éventuellement, comme vous le craignez, en tout cas comme on nous l'annonce, et sans débat public, là. Faisons l'hypothèse qu'il y aurait un débat public, mais qu'on le ferait pareil, qu'est-ce que serait le risque, à ce moment-là, de l'ouvrir encore plus, là, entre limité maintenant, puis dans trois ans beaucoup, puis dans cinq ans passionnément? Qu'est-ce que ça aurait comme effet sur le système de santé au Québec?

Mme Prémont (Marie-Claude): Bien, en fait, pour moi, ça remet en cause les mécanismes que le Québec et les provinces canadiennes ont mis en oeuvre au moment de l'instauration des systèmes publics pour protéger le système public. Et, quand on dit «protéger le système public», de quoi parle-t-on? Ce n'est pas simplement une mesure défensive, hein? Ça a l'air un peu négatif lorsqu'on parle en ces termes. En fait, ce dont il est question, c'est d'avoir une bonne gestion des finances publiques et de s'assurer que chaque citoyen ait accès aux soins de santé dont il a besoin. Et ces mesures-là, c'était la prohibition et c'est la prohibition de l'assurance privée, c'est la distinction entre le médecin participant et non participant, et c'est, troisième mesure, la parité tarifaire entre les médecins participants et les médecins non participants.

Toutes les provinces canadiennes ont instauré ces mécanismes-là dans leur système de santé, ces mécanismes qui ne sont pas du tout prévus dans la Loi canadienne sur la santé, et ces mécanismes-là visent à s'assurer que le maximum de ressources, que ce soit au niveau du nombre de médecins, que ce soit au niveau des finances, que ce soit au niveau des établissements et des installations, que le maximum de ressources servent justement à instaurer ce système public auquel chaque Québécois a accès. Et ce qui est en cause évidemment, ici, ce sont ces mécanismes qui sont mis en oeuvre par les provinces et non pas ce qui est prévu simplement au niveau des grands principes dans la Loi canadienne sur la santé. Il faut comprendre que l'organisation du système de santé, évidemment il y a des grands principes qui sont prévus dans la Loi canadienne sur la santé, mais on oublie les principes fondamentaux qui ont été instaurés par les provinces, et c'est ce qui est en cause.

M. Charbonneau: Avant la loi canadienne, incidemment.

Mme Prémont (Marie-Claude): Et avant la loi canadienne dans certains cas, notamment, justement, en ce qui concerne une interdiction du ticket modérateur et l'interdiction de la surfacturation, cette mesure a été instaurée au Québec et a été reprise par la suite, en 1985, au moment de la réforme de la Loi canadienne sur la santé. Et c'est ce dont il est question ici. Parce que, dans le document Garantir l'accès, on parle de la prohibition de l'assurance privée, donc possibilité de l'ouverture à l'assurance privée duplicative. On parle de modifier le statut du médecin participant, non participant, même si je comprends que le ministre essaie de le contenir, mais il y a quand même cette ouverture en permettant le financement public des médecins non participants. Et le document énonce aussi peut-être la possibilité de la parité tarifaire, mais on comprend des interventions de M. Couillard qu'il n'est pas vraiment favorable à cette idée. Il faut savoir que c'est une mesure qui est déjà adoptée dans d'autres provinces. La Cour suprême en parle dans son jugement. C'est une possibilité.

Mais encore une fois il faut voir ces mécanismes-là comme étant des mécanismes propres aux provinces, donc ici, au Québec, le Québec qui a la première responsabilité en matière d'organisation de son système de santé. Donc, on ne parle pas de mécanismes accessoires ou secondaires, on parle du coeur, si vous voulez, selon moi, des mécanismes dont disposent les provinces pour organiser leur système de santé. Et c'est la raison pour laquelle, selon moi, même si on ouvre un petit peu ici, c'est un mécanisme, c'est une modalité que l'on met en oeuvre et qui peut prendre des proportions différentes et qui va au coeur justement des mécanismes dont dispose le Québec pour s'assurer d'un système de santé public fort. Donc, ce ne sont pas des mécanismes accessoires ou marginaux. On parle ici de choses fondamentales pour l'organisation du système de santé québécois.

M. Charbonneau: Bien, merci beaucoup, Me Prémont. Je pense que votre éclairage a été très pertinent et...

M. Couillard: Mme la Présidente, avec consentement du collègue, comme on peut à peu près tout faire, on a la chance d'avoir une experte juriste avec nous, j'aurais une question technique à lui poser sur le plan juridique pour cette question d'ordre. Avec consentement, je vous poserais... parce qu'on n'aura peut-être pas l'occasion...

M. Charbonneau: À condition que ce ne soit pas un débat, là.

M. Couillard: Ce n'est pas un débat, c'est uniquement une question factuelle sur le plan du texte de loi puis du jugement de la Cour suprême. Ce n'est pas...

M. Charbonneau: À une condition, Mme la Présidente, puis, je veux dire, si le ministre est d'accord: si jamais ça crée une dynamique où j'aurais le goût d'en poser une autre...

M. Couillard: Pas de problème.

M. Charbonneau: Ça va.

M. Couillard: Alors, vous voyez, on n'est pas en désaccord sur le fait que vous disiez qu'il n'y a pas d'ordre formel. Là-dessus, je l'ai exprimé clairement. Cependant, même s'il n'y a pas d'ordre, est-ce que, d'après vous, les deux articles en question, c'est-à-dire l'article 11, je crois, de la Loi de l'assurance maladie et l'article 15 de la Loi de l'assurance-hospitalisation, ordre ou pas ordre, est-ce qu'ils ont encore effet après le 9 juin 2006?

Mme Prémont (Marie-Claude): Vous me posez vraiment une question technique, là.

M. Couillard: Bien oui, mais c'est plus que technique parce que, si on ne fait rien législativement, on ne peut plus empêcher l'assurance privée pour tout... à partir du moment où ils n'ont plus effet, pour tout le paysage des soins d'assurance maladie et d'hospitalisation.

Mme Prémont (Marie-Claude): Non, selon moi, le gouvernement du Québec pourrait très bien avancer donc sa garantie publique d'accès, telle que proposée dans le document Garantir, et dire: Je maintiens l'interdiction de la prohibition, étant donné que j'estime répondre ici à la décision de la Cour suprême. Donc, évidemment, comme toute disposition législative, il pourrait y avoir certaines personnes qui le contestent, mais là, comme on peut contester aussi si on a brûlé ou non un feu rouge, n'est-ce pas, on peut aller tout contester devant les tribunaux. Il faut s'attendre, évidemment il faut être prêt, et, selon moi, c'est une position très forte que le gouvernement du Québec dispose à cet égard-là.

M. Charbonneau: ...Me Prémont que, dans le fond, si on voulait éviter d'utiliser la clause dérogatoire, on n'aurait qu'à faire ce que vous dites, c'est-à-dire... À ce moment-là, on peut penser que la clause dérogatoire, c'est la façon d'empêcher le jugement de s'appliquer, mais vous dites, vous: Non, la façon de l'empêcher, ça pourrait être de dire: La Cour suprême nous interpelle sur la problématique de l'attente, on leur donne une réponse forte, maintenant c'est notre réponse, et, si le pouvoir judiciaire n'est pas satisfait, bien d'autres citoyens iront lui demander ce qu'il en pense par rapport à notre réponse, nous, pouvoir politique.

Mme Prémont (Marie-Claude): Exact, et évidemment avec le maintien de l'interdiction, de la prohibition de l'assurance privée, ensuite c'est au Québec à s'assurer que cette prohibition est respectée.

La Présidente (Mme James): Alors, Mme Prémont, à mon tour de vous remercier pour la qualité de votre présentation.

Ayant complété l'ordre du jour pour ce matin, j'ajourne les travaux de la commission sine die, en vous rappelant de bien vouloir écouter les nouveaux avis du leader cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 48)

 

(Reprise à 15 h 10)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission poursuit ses travaux, et nous avons deux intervenants, groupes d'intervenants cet après-midi. Nous allons débuter, dans quelques instants, avec M. Paul Lamarche et M. André-Pierre Contandriopoulos, et ce sera suivi par... nous allons terminer la journée avec le Collège des médecins du Québec, autour de 16 heures. Je vous rappelle, pour fins de nos travaux, que l'utilisation des téléphones cellulaires est interdite dans la salle et je prierais tous ceux qui en font l'usage de bien vouloir les mettre hors tension.

Et, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue à M. Contandriopoulos, M. Lamarche, bonjour. La commission consacrera une heure pour les auditions de chaque groupe. Alors, vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, la présidence va vous aviser quand il reste trois minutes pour mieux vous aider à conclure, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Alors, la parole est à vous.

MM. Paul A. Lamarche et
André-Pierre Contandriopoulos

M. Contandriopoulos (André-Pierre): M. le Président, M. Couillard, M. Charbonneau, les membres de la commission parlementaire, alors nous tenons, Paul Lamarche et moi, à vous remercier de nous avoir invités. Et nous allons travailler en deux temps: je commencerai par décrire la grille de lecture que nous avons adoptée et par la suite Paul Lamarche analysera de façon plus fine les propositions du livre blanc et présentera un certain nombre de recommandations.

Alors, la grille de lecture. Le fil conducteur de notre analyse au fond est résumé dans le titre de notre mémoire: Pour améliorer le système de santé: renforcer sa cohérence. Notre analyse repose sur les connaissances que l'on peut avoir sur ce qui permet à des grandes institutions ou aux organisations en général d'être performantes.

Il est clair que le système de santé est une des grandes institutions de l'État. M. Charest rappelait, au début du livre blanc, que le système de santé est au sommet des priorités du gouvernement, il est fondateur du Québec moderne. C'est clair que c'est la plus grande institution du Québec et que, comme toutes les institutions, sa performance mais aussi sa légitimité et sa pérennité reposent, et ça va être un élément important de notre présentation, sur la cohérence qu'il y a entre, d'un côté, les valeurs qui sont à l'origine de ces institutions et, de l'autre côté, les modalités d'organisation et de financement.

Alors, les valeurs, les principes, les représentations constituent ce qu'on peut appeler, de façon un peu formelle, les structures symboliques, et ce sont tous les éléments qui vont permettre aux différents acteurs de communiquer entre eux, de se comprendre. On observe dans toutes les institutions que plus il y a accord sur les valeurs, sur les représentations, plus la coopération, la participation des différentes personnes est grande et plus les personnes vont avoir tendance à travailler en collaboration plutôt qu'en compétition ou en affrontement.

Alors, nous sommes tout à fait conscients que, dans une société pluraliste comme la nôtre, il n'y a pas qu'un seul système de valeurs. Quand on parle d'un système collectif de valeurs, ce que l'on a en tête, c'est que les tensions, les négociations, les compromis qui existent entre les valeurs sont relativement stables et d'autre part qu'il existe un accord très large sur les processus démocratiques qui permettent de prendre des décisions collectives qui sont perçues par tous comme légitimes. Alors, dans ces éléments-là, ce qu'on va essayer de voir, ce sont ces deux éléments: les valeurs d'un côté et les modalités d'organisation.

Les modalités d'organisation et de financement définissent, si on veut aller très vite, comment l'argent, l'autorité et l'information circulent dans les systèmes. Elles constituent, et je pense que c'est ça qui est important, la contrepartie visible opérationnelle des principes et des valeurs. Si vous voulez, c'est comme l'image la plus objective, la plus crue sur la vraie nature d'un système que l'on peut apercevoir à travers les façons précises par lesquelles il est organisé et financé.

Plus il y a de cohérence entre les structures symboliques et les modalités d'organisation, plus le système est lisible, plus les citoyens sont prêts à y investir, plus ceux qui sont malades et leurs proches ont confiance, plus les personnes qui y travaillent sont en mesure de comprendre le sens de leur effort et plus elles sont incitées à accroître leur productivité et la qualité des services. À l'inverse, quand la cohérence d'un système est faible, autrement dit quand il y a un décalage important, voire des contradictions entre le discours sur les valeurs et les formes concrètes par lesquelles le système est organisé, alors on s'aperçoit qu'il y a perte de sens, incertitude, gaspillage d'énergie. On observe généralement une multiplication inutile des contrôles par le haut imposés de façon bureaucratique. C'est un système qui se sclérose, c'est un système que l'on n'arrive plus à réformer, qui obéit à une espèce de logique de frilosité qui en fait un système inerte. Dans une telle situation, la tentation du chacun-pour-soi l'emporte sur la volonté collective de collaborer pour remplir le mieux possible la mission même du système.

Alors, pour atteindre le but du livre blanc, qui est, selon les termes employés, de dynamiser l'organisation du système de services de santé, d'améliorer son intégration, d'améliorer la qualité des services pour assurer sa pérennité, il est indispensable d'améliorer sa cohérence, donc de faire en sorte qu'il y ait le plus d'articulations entre l'univers des valeurs et l'univers des formes organisationnelles.

Pour saisir le domaine dans lequel on est allés, on peut très brièvement essayer de resituer un tout petit peu le pourquoi systémique du jugement de la cause Chaoulli. Tous les systèmes de santé qu'on a mis en place dans les pays occidentaux, depuis en gros 40 ans, 50 ans, y compris celui du Québec, sont des compromis, des compromis entre, d'une part, la volonté généreuse de l'État de vouloir rendre accessible à tout le monde ce que la médecine permet en termes de traitement de la maladie, et donc d'opérationnaliser ce droit fondamental de tout être humain à vivre en santé, et, d'autre part, de tenir compte des intérêts des différents groupes en place, en particulier les intérêts des médecins, des hôpitaux, des assureurs privés, de l'industrie pharmaceutique, des syndicats, et, d'autre part aussi, de jouer à l'intérieur des contraintes et des impératifs financiers de l'État.

Alors, le manque de cohérence de ces compromis auxquels est arrivé le Québec à la suite de la mise en place de l'assurance maladie est apparu très tôt. Dès le milieu des années soixante-dix, on a commencé à vouloir réformer le système qu'on avait à peine mis en place, et ce désir de réforme était lié au fait que ce système était poussé par trois grandes forces: le développement des connaissances et des techniques, les transformations démographiques, en particulier le vieillissement, et la mondialisation. Et on voyait apparaître une tension de plus en plus lourde entre, d'une part, les attentes de la population qui avait besoin d'être traitée quand elle était malade, qui croyait à la médecine, et, d'autre part, l'obligation de l'État de contrôler les dépenses de santé. Et de cette tension-là est née une crise, une crise qui a entraîné une crainte quant à la viabilité du système, crainte qui s'amplifiait au cours des années et qui a pris son apogée à la fin des années quatre-vingt-dix.

La résonnance qu'a eue le jugement de la Cour suprême dans la cause Chaoulli s'explique par la situation que nous venons de décrire, et ce jugement en quelque sorte condense un malaise très profond de la population, qui a l'impression que le régime actuel d'assurance maladie permet de moins en moins bien à tous les citoyens d'avoir accès rapidement, de façon libre et équitable, quand ils sont souffrants, à des soins de qualité. Alors, la question que nous nous posons devient très fondamentalement: Est-ce que les propositions du livre blanc peuvent accroître la cohérence du système de santé et donc contribuer à redonner à ce système une dynamique qu'il a perdue, qu'il a perdue au fil du temps?

Le livre blanc se situe en grande continuité, on a pu le voir, on en a souvent parlé, avec tous les projets de réforme que le Québec a connus depuis longtemps. On y retrouve un plaidoyer en faveur de la prévention. On insiste sur l'urgence de réorganiser la première ligne en créant des réseaux. On manifeste la volonté de mieux intégrer les différents niveaux de soins. On souligne la nécessité d'améliorer l'accès, la continuité, la productivité, la qualité dans un système public de santé. Et on annonce le besoin de discuter la question de financement. C'est important, ce n'est pas fondamentalement original.

Ce qui est le plus original du livre blanc, c'est le chapitre 5, L'amélioration de l'accès aux services médicaux et hospitaliers pour réduire les délais d'attente. Alors, c'est sur ce chapitre que vont porter nos commentaires. Pour savoir si ces recommandations qui y sont faites ont un potentiel, si elles sont implantées, d'améliorer la cohérence de système, c'est-à-dire de remettre un peu d'ordre entre l'univers des valeurs et l'univers des modalités d'organisation, il faut se demander quelles sont les valeurs qui sont celles qui sont à l'origine de ce livre blanc.

n(15 h 20)n

Alors, le livre blanc s'inscrit très directement dans une très longue tradition, et je cite, «de justice sociale, de compassion et de solidarité» qui est dominante, au Québec, dans le domaine de la santé, et cette volonté-là d'avoir un système humain et attentif est très affirmée tout au long du texte. Elle se manifeste par un équilibre entre une volonté d'équité, le respect des libertés individuelles et la nécessité d'optimiser l'efficience et la qualité du système de santé. Alors, le discours est parfaitement clair. On peut mettre ensemble tous les morceaux du document, du livre blanc, les uns à côté des autres et on voit apparaître un discours limpide de justice sociale.

La question qui maintenant va être traitée par Paul Lamarche, c'est de savoir jusqu'à quel point ce discours très clair va trouver sa contrepartie dans les modalités précises d'organisation qui sont proposées. Autrement dit: Est-ce que les modalités d'organisation vont pouvoir être porteuses d'amélioration de ce désir de solidarité?

M. Lamarche (Paul A.): M. le Président, nous avons donc analysé spécifiquement la proposition qui concerne tout le mécanisme d'accès ou de garantie d'accès et nous l'avons analysée dans les mécanismes de fonctionnement justement en rapport aux trois valeurs qu'André-Pierre vient de présenter. Dans l'analyse que nous avons faite, je voudrais essentiellement résumer cette analyse-là en vous présentant six brefs commentaires et en formulant cinq recommandations pour assurer justement cette cohérence-là.

Le premier commentaire est que nous appuyons les suites qui sont données, dans la proposition gouvernementale, au jugement de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Chaoulli, c'est-à-dire de limiter l'utilisation de l'assurance duplicative à un nombre restreint d'actes médicaux et uniquement aux médecins non participants au régime d'assurance public. Nous comprenons aussi les raisons qui sont énoncées pour faire en sorte que le gouvernement incite ou demande aux assurances privées duplicatives de couvrir non pas uniquement les trois actes chirurgicaux, mais tous les frais entourant les actes chirurgicaux mais aussi les examens pré et postopératoires, incluant même des services reliés à des complications consécutives à ces chirurgies-là. Et nous pensons que l'expérience des pays de l'OCDE justifie grandement cette sage prudence.

Le deuxième commentaire est que nous souscrivons aux intentions du mécanisme de garantie d'accès. Qui peut être contre la réduction des temps d'attente pour l'obtention de services médicaux spécialisés jugés médicalement requis? Nous trouvons d'ailleurs le gouvernement excessivement prudent de limiter à court terme la portée de ce mécanisme. Nous souscrivons à son intention de l'étendre graduellement à d'autres services. Cette intention est à notre avis louable, souhaitable et doit être appuyée.

Le troisième commentaire concerne le lien qui est fait entre les services visés par le mécanisme de garantie d'accès, d'une part, et les services éventuellement couverts par les assurances privées, d'autre part. Il est explicitement dit dans la proposition gouvernementale que toute personne aura le choix de s'assurer privément pour des services définis par règlement mais qui sont également visés par le mécanisme de garantie d'accès. Ce lien entre les services couverts par le mécanisme de garantie d'accès et les services pouvant éventuellement être assurés privément constitue à notre avis un premier risque dans la proposition gouvernementale. Plus la gamme de services visés par le mécanisme de garantie d'accès s'élargira, ce qui est à notre avis très souhaitable, plus la gamme de services pouvant être couverts éventuellement par les assurances privées s'élargira aussi, ce qui à notre avis n'est pas nécessairement des plus souhaitables. Ce qui accroît ce risque à mon avis, c'est que la gamme de services visés par le mécanisme de garantie d'accès et celle couverte par les assurances privées ne font pas l'objet de débats publics. Elles sont déterminées soit par le ministre soit par le Conseil des ministres.

Le quatrième commentaire porte sur le mécanisme d'accès proprement dit. Je pense que nous devons admettre que le scénario qui est présenté est excessivement séduisant par sa simplicité. Mais, après une analyse, on s'est rendu compte que: Est-il possible pour un patient de ne pas passer par le mécanisme de garantie d'accès, et de se rendre directement vers les cliniques à financement privé pour y obtenir immédiatement une chirurgie requise, et d'utiliser à cette fin l'assurance duplicative pour couvrir les frais de cette chirurgie-là? Si ça, c'est possible, il est alors plausible et même probable que se développent, au Québec, deux temps d'attente très différents et assez paradoxaux: le premier, plus court, pour les patients assurés qui court-circuitent le mécanisme de garantie d'accès, et l'autre, plus long, pour les patients non assurés passant par le mécanisme de garantie d'accès. Plus l'écart entre ces deux temps d'attente sera grand, plus important est l'incitatif pour les patients de s'assurer privément. Ceci constitue à notre avis le second risque de la proposition gouvernementale.

Le cinquième commentaire concerne la possibilité d'interdire aux médecins travaillant dans le secteur privé d'exiger une rémunération supérieure à ceux obtenus par la RAMQ. C'est ce qu'on a appelé, je pense, ce matin, la non-parité tarifaire, O.K., ou la parité tarifaire. Mais, dans la proposition gouvernementale, il est dit qu'il y avait une possibilité de maintenir la parité tarifaire. Or, pour nous, il est très surprenant qu'une telle parité puisse effectivement exister, comme, je pense, M. le ministre l'a mentionné, parce que c'est une des caractéristiques majeures des médecins non participants et c'est effectivement une concession que le gouvernement du Québec a faite aux médecins, lors de la création de l'assurance maladie, qui était de permettre justement aux médecins non participants de tarifer le tarif qu'ils voulaient.

Or, s'il n'y a pas parité tarifaire, plus l'écart entre les tarifs obtenus dans le secteur privé et ceux versés par la RAMQ sera grand, plus important est l'incitatif financier pour le médecin de se désaffilier du secteur public. De plus, plus l'écart sera grand, plus le gouvernement risque de se retrouver dans une situation assez indéfendable, c'est-à-dire de payer des honoraires plus élevés à des médecins non participants que ceux payés aux médecins qui pratiquent à l'intérieur du régime public d'assurance maladie. Il est aussi fort à parier que c'est la contribution des fonds publics, via le mécanisme de garantie d'accès, qui rendra les cliniques médicales à financement privé financièrement rentables. Le différentiel de rémunération entre le régime public et le régime privé constitue à notre avis un troisième risque de la proposition gouvernementale.

Le sixième commentaire concerne l'étanchéité de la rémunération d'un médecin. Cette étanchéité signifie qu'un médecin ne peut être rémunéré simultanément dans le système public puis dans le système privé. La raison, puis je pense que le ministre a fait allusion à ça à plusieurs reprises, réside dans l'expérience des pays de l'OCDE, où l'absence d'étanchéité crée une dynamique qui est généralement favorable aux médecins et aux patients du privé et généralement défavorable aux patients et aux médecins du public. La volonté de maintenir cette étanchéité-là est clairement affirmée dans la proposition gouvernementale, et nous l'appuyons fortement. Mais toutefois le fonctionnement du mécanisme d'accès repose davantage sur des organisations médicales que sur des médecins pris individuellement. Cette étanchéité s'applique-t-elle aussi à ces organisations médicales là, c'est-à-dire est-ce que les cliniques spécialisées affiliées ou les cliniques dites à financement privé pourront-elles recruter simultanément des médecins participant au régime public et des médecins non participants? Si tel est le cas, les effets observés de la non-étanchéité du financement chez les médecins ne risquent-ils pas de se produire lorsqu'elle n'est pas respectée...

Le Président (M. Paquin): M. Lamarche, je vous avise qu'il ne reste seulement que trois minutes pour votre présentation.

M. Lamarche (Paul A.): Ah! Très bien. Cette non-étanchéité représente le quatrième risque de la proposition gouvernementale.

Maintenant, nos recommandations. Nous reconnaissons que la proposition gouvernementale est à première vue très originale et très séduisante. Mais, en l'analysant de plus près, nous constatons qu'elle comporte des risques importants tant pour le maintien du caractère public et universel du système de santé que pour la réduction des temps d'attente de l'ensemble de la population québécoise. Il existe donc un risque ? et j'insiste pour dire «un risque»et non pas «une certitude» ? de décalage entre les valeurs énoncées dans la proposition gouvernementale et les modalités d'organisation et de fonctionnement proposées. Pour établir cet équilibre, nous formulons cinq recommandations: quatre concernent le mécanisme d'accès et une le financement du système.

La première recommandation, c'est de limiter l'assurance duplicative aux trois chirurgies électives effectuées par des médecins non participants au régime public d'assurance maladie, tel que suggéré par la proposition gouvernementale. Cette première recommandation à elle seule répond au jugement de la Cour suprême concernant l'affaire Chaoulli.

La deuxième recommandation est de mettre en place le mécanisme de garantie d'accès aux services prévu dans la proposition gouvernementale puis d'étendre son application à d'autres services, et nous dirions, et ce, le plus rapidement possible.

n(15 h 30)n

La troisième recommandation, et possiblement la plus importante recommandation, est de dissocier complètement le mécanisme de garantie d'accès, d'une part, l'assurance privée duplicative, d'autre part, et l'utilisation des cliniques à financement privé, finalement. L'élargissement du mécanisme de garantie d'accès ne doit pas avoir pour effet d'élargir le domaine de l'assurance privée duplicative. Le financement public de la réduction du temps d'attente ne doit pas devenir l'instrument de rentabiliser les cliniques à financement privé.

La quatrième recommandation est que la garantie d'accès ne soit assurée que par des établissements participant au régime public d'assurance. À cette fin, que les sommes qui avaient été prévues, je crois, pour être octroyées aux cliniques à financement privé soient versées aux établissements publics.

La cinquième et dernière recommandation, qui concerne le financement, c'est de reporter, M. le ministre, à l'automne le débat sur le financement du système de santé. Pourquoi? Parce qu'il est important à mon avis, à notre avis, de dissocier mais complètement la réponse au jugement Chaoulli à celui du financement, et ce, pour trois raisons. La première raison, c'est qu'il n'y a pas de consensus sur la lecture qui a été faite de l'impact des coûts du système de santé passés, actuels et futurs sur soit l'économie québécoise ou soit l'évolution du budget des gouvernements. Il y a des lectures diamétralement différentes et même opposées. La deuxième, c'est que la proposition gouvernementale ne fait que reprendre presque intégralement les propositions contenues dans le rapport Ménard sans que le gouvernement ne fasse connaître publiquement ses propres intentions et ses propres orientations à cet égard-là. Et le troisième, c'est qu'à notre avis il s'agit d'une question très complexe et importante qui mérite en soi un débat public. Merci.

Le Président (M. Paquin): Merci, messieurs. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Contandriopoulos et M. Lamarche. À la blague, je disais tantôt à M. Contandriopoulos que c'est peut-être la dernière commission parlementaire où on siège ensemble. On en a eu plusieurs depuis 2003, et, M. Lamarche, également, je pense, vous avez eu l'occasion de vous pencher sur nos travaux depuis quelque temps. Il y aurait quand même une consolation, c'est que je pense qu'on vous a donné, au fil de ces années, ample matériel pour vos étudiants gradués des prochaines années, pour faire les travaux.

M. Contandriopoulos (André-Pierre): On vous en remercie.

M. Lamarche (Paul A.): Et nos étudiants aussi vous en remercient.

M. Couillard: Alors, ce que je crois faire, je vais prendre vos cinq recommandations ? on va essayer d'utiliser le temps de façon la plus efficace possible, on est contents de vous avoir avec nous aujourd'hui ? pour bien pouvoir les discuter.

D'abord, la première recommandation qui est de limiter l'assurance duplicative aux trois chirurgies, effectivement c'est ce qu'on... mais je comprends ce que vous voulez dire, parce que vous la reprenez dans votre troisième recommandation. Donc, je vais tout de suite prendre la troisième recommandation avec la première pour faire une clarification, puis peut-être qu'on pourra avoir un échange là-dessus. C'est que la logique dans laquelle on le voit, ce lien, il est inverse de ce qu'on nous représente parfois. Je vais l'expliquer. Ça veut dire qu'on l'a mal expliqué, ça ne veut pas dire que ce n'est pas vraiment l'intention, mais on aurait pu probablement l'expliquer de façon claire. C'est que la logique et le lien qu'on établit, c'est d'abord la garantie de soins et, de façon sélective, après, peut-être, l'assurance privée pour les médecins non participants, en voulant dire que ce n'est pas parce qu'une procédure va être introduite dans la garantie d'accès que nécessairement on va l'introduire dans le panier de l'assurance privée duplicative.

Je vous donne un exemple concret. Supposons qu'une des premières prochaines procédures qu'on ajoute soit la chirurgie bariatrique, la chirurgie pour l'obésité extrême, je pense qu'on va s'entendre sur le fait que ce n'est pas le genre de chirurgie qu'on veut probablement voir se multiplier dans les milieux à l'extérieur du système de santé. Donc, voilà un exemple où on pourrait avoir une garantie de service sans ajouter la procédure au panier de l'assurance privée. Cependant, à l'inverse, s'il y a une procédure dans le panier de l'assurance privée, il faut absolument qu'elle soit couverte par une garantie d'accès. C'est la façon dont on a vu les choses. Alors, est-ce que, cette façon de voir, on devrait mieux l'exprimer, ou peut-être de façon législative éventuellement, à votre avis?

M. Lamarche (Paul A.): Je pense que vous avez raison, puis on peut très bien lire la façon dont vous le dites, mais vous allez convenir avec moi qu'on peut aussi lire la façon dont je l'ai dit. C'est qu'effectivement ce qui est très souhaitable, c'est-à-dire qu'il y ait une gamme de services très large dans le mécanisme de garantie d'accès, je pense qu'on va... comme on mentionnait, c'est louable, souhaitable, on doit l'appuyer. Mais en même temps ça ouvre la porte à effectivement une privatisation de ces services-là, parce qu'il y a un lien. Si l'intention n'est pas de faire le lien, pourquoi faire le lien? Pourquoi ne pas effectivement définir la gamme de services requis dans le mécanisme d'accès et de faire tout un autre débat concernant les services qui devraient être assurés privément?

Là où effectivement la proposition, elle est risquée ? et je pense que c'est le terme, «risque», ça ne veut pas dire «certitude» ? c'est qu'un souhaitable qu'on veut voir développer devient l'antichambre à un non-souhaitable. Donc, on se retrouve fondamentalement dans une situation où il y a un paradoxe. Puis, en boutade, M. le ministre ? parce que j'ai déjà été en commission parlementaire comme ici ? aussi longtemps que vous êtes là, il n'y a pas de problème, mais mettez quelqu'un d'autre que vous, qui n'a pas effectivement le caractère public, le caractère solidaire et une valeur aussi importante pour vous, il pourrait y avoir un risque que le lien se fasse exactement d'un autre côté, que ça devienne l'antichambre à la privatisation plutôt que la privatisation, comme vous avez dit, comme étant le bout comme tel. Donc, je ne mets pas en cause du tout les intentions, mais je considère risqué ? on a bien dit «un risque» ? que ce soit effectivement l'antichambre à une privatisation.

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Et le risque est d'autant plus grand qu'il n'y a aucune description des critères, des modalités, des processus par lesquels on va choisir, dans le panier des interventions à garantie d'accès, celles qui éventuellement pourraient faire l'objet d'une privatisation.

M. Couillard: Oui. C'est entre autres pour ça qu'on fait l'exercice de consultation, pour avoir ce type d'éclaircissement là.

Mais, si j'avais à résumer votre position ? vous me direz si... je ne veux pas mal vous citer, là ? ce que vous souhaitez fondamentalement, c'est que, pour ce qui est de l'assurance privée duplicative, on en reste aux trois chirurgies qui soient là et que parallèlement on fasse une démarche d'extension de la garantie de services à d'autres types d'actes médicaux.

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Est-ce que je...

M. Couillard: Le compromis que j'essaie de vous apporter, pour voir s'il y a moyen d'arriver à une position équilibrée, c'est d'exprimer clairement la direction du lien que je vous indiquais tantôt. Si on arrive à exprimer cette direction de lien et peut-être à renforcer le niveau de débat public qui serait nécessaire à chaque fois qu'on ajoute une procédure à ce panier-là, est-ce que ce serait acceptable à vos yeux?

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Quel est l'intérêt de cette extension? J'arrive mal à voir, compte tenu de la façon par laquelle vous parlez avec vraiment beaucoup d'éloquence de solidarité, du fait qu'il faut que tout le monde soit traité en fonction de ses besoins et non en fonction de la capacité de payer, quel est l'intérêt, autre que celui de répondre de façon, disons, politiquement astucieuse à la Cour suprême, d'élargir le nombre d'interventions qui seraient couvertes par l'assurance privée.

M. Couillard: Je dirais que, vous avez qualifié de politiquement astucieuse notre réponse, je la qualifie d'équilibrée. Personnellement, j'aime mieux cette description-là.

Mais on utilise ce débat pour donner un peu la direction du système de santé, on l'espère, pour les prochaines années, et ce qu'il doit devenir. Et il m'apparaît difficile de penser qu'on va maintenir le système de santé tel qu'il est, en termes d'organisation, de façon indéfinie. Ce n'est pas ce que vous souhaitez non plus.

Mais est-ce que le fait de donner au moins cette possibilité doit être inclus dans notre législation, ou on devrait tout simplement ne pas la mettre, c'est-à-dire laisser avec ces trois procédures-là et la garantie de services, et remettre le débat sur l'extension de l'assurance privée à une législation subséquente ou à un autre débat subséquent?

M. Lamarche (Paul A.): Moi, j'aurais peut-être deux petits commentaires à formuler là-dedans, qui sont peut-être d'ordre global. On donne vraiment l'impression que le Québec est le seul mammouth qui reste dans le monde avec un système privé inouï... public terrible, et que tout le monde s'est orienté vers un système privé, et que la solution est là, et que dans le fond, pour ramener le Québec dans la modernité, il faut effectivement partir du mammouth et l'amener dans le privé.

Ce que je vous dis, c'est que le Québec est un des systèmes déjà les plus privatisés au monde. Après nous, ce sont les États-Unis. On se situe dans le peloton de la France, de la Hollande et de la Suisse. Le Québec est l'une des provinces au Canada qui s'est le plus privatisée, au cours des 15 dernières années, comme financement et comme services. Est-ce qu'on a l'impression que les problèmes se sont atténués ou augmentés? Ce que je veux dire... et je ne veux pas faire le débat du public ultime, ce n'est pas ça du tout, mais de donner vraiment l'impression qu'on est la seule... Et on est une des provinces, en termes d'assurances, en termes de services, la plus privée. On a évolué vers le privé.

Puis ce que je peux vous dire, les pays scandinaves auxquels on fait référence, eux, se publicisent. Fondamentalement, ils font en sorte, même s'il y a des exceptions de tarification... Si on prend les pays scandinaves, je veux bien: c'est 83 % des dépenses totales de santé qui sont publiques; nous, c'est 70 %. Et ce que M. le ministre a mentionné, nous, nous avons un régime public qui est très concentré hôpital, médecin, vous l'avez dit. Les pays scandinaves sont très larges. Ils ont quelques petits tickets modérateurs, mais c'est d'une marginalité inouïe. Quand on lit le rapport de l'OCDE, qu'on regarde les pays scandinaves, quel est le pourcentage de gens négligés? Le chiffre n'est même pas marqué, c'est marqué «négligeable». Quand on regarde le pourcentage des dépenses totales payées par l'assurance privée, le chiffre n'est même pas marqué, c'est marqué «négligeable».

Donc, je ne veux pas qu'on donne l'impression, et surtout ceux qui sont passés ce matin, qu'on était semblables à la Corée du Nord et à Cuba. De dire qu'on a ce système-là, je pense que c'est faux. C'est un mauvais message passé à la population. Nous sommes déjà l'un des systèmes les plus privatisés au monde, avec la France, la Hollande et la Suisse, et, après nous et les États-Unis, il n'y en a plus, mais il y en a d'autres qui sont plus publics, comme vous le mentionnez, et effectivement avec des systèmes relativement plus performants. Donc, si on parle d'information, je voulais juste faire cette mise au point, M. le ministre.

n(15 h 40)n

M. Couillard: Bien, je vais reprendre la même chose, ce matin. D'après moi, c'est un peu rapide ? avec respect, M. Lamarche ? de dire ça parce que, là, vous prenez les pourcentages de dépenses publiques et privées sans faire l'analyse de ce qui est dans chacun des paniers. Alors, si vous regardez les services médicaux, de quoi on discute actuellement, c'est à peu près 1 % des services médicaux, au Québec, qui sont de l'ordre du privé. Le reste, c'est les services non assurés. Si vous allez en France, vous allez voir qu'il y a une grande partie des services médicaux qui sont dans le domaine privé.

M. Contandriopoulos (André-Pierre): C'est de l'ordre de 15 %.

M. Couillard: Bien, oui, mais 15 % à 1 %, il y a une bonne différence.

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Oui, d'accord. Bien, une grande...

M. Lamarche (Paul A.): Non, mais c'est juste pour les services médicaux.

M. Couillard: Je vais continuer vos recommandations, si vous permettez.

Le Président (M. Paquin): S'il vous plaît, le ministre a la parole, on va vous donner la parole un peu plus tard, avec beaucoup de plaisir, soyez-en assurés. M. le ministre.

M. Couillard: Et je veux juste être certain de couvrir toutes les recommandations. La mise en place la plus rapide possible de la garantie d'accès, je suppose qu'on souhaite tous ça. Cependant, on a abordé la question avec prudence ? puis vous pourrez peut-être commenter là-dessus ? justement en raison des expériences internationales. Il y a des pays qui s'y sont pris à trois fois. Ils ont annoncé une garantie d'accès, ça n'a pas marché, ils ont garanti une nouvelle garantie d'accès, ça n'a pas marché. Puis en général c'est quand ils ont pris trop largement. L'exemple de l'Angleterre, que je cite comme succès partiel maintenant, est bon, mais ils ont annoncé une garantie d'accès au début des années quatre-vingt-dix qui n'a donné absolument aucun résultat. Je pense que le Danemark est rendu à sa troisième tentative de garantie d'accès. Alors, est-ce que vous ne pensez pas que le début progressif et prudent pour juger de l'effet de la mise en place est souhaitable? Ce qui ne veut pas dire qu'on ne l'étendra pas à d'autres procédures.

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Je pense, on est d'accord, je pense, et on le dit, on le dit, on remarque que vous êtes extrêmement prudent et que cette prudence est souhaitable, et effectivement il faut apprendre en le faisant. En même temps, il y a un risque important de concentrer des ressources autour des procédures qui sont identifiées ayant une garantie d'accès, de structurer finalement des moyens d'intervention autour de ces interventions-là et un risque que l'on retrouve dans la littérature très bien documenté de voir se multiplier des interventions qui, à mesure qu'on les fait, deviennent de moins en moins appropriées. Alors, on voit, aux États-Unis, dans certains coins où il y a 30 % des cataractes qui semblent inappropriées, on voit... Donc, on a toute une notion à travailler sur le caractère approprié. La garantie d'accès est excellente si elle donne lieu à des services appropriés. La garantie d'accès pose problème quand elle peut entraîner, à cause d'intérêts divers, la production de services inappropriés. Donc, effectivement, il faut le faire de façon attentive, élargir avec attention et monitorer d'une façon très précise non seulement les volumes, mais le caractère approprié des services.

M. Couillard: C'est pour cette raison à mon avis que le partenariat avec la profession médicale est indispensable. Moi, je n'accepterais pas et je suppose que mes successeurs n'accepteraient pas non plus d'ajouter une procédure chirurgicale à la garantie d'accès sans un partenariat clair et formel des médecins pour le monitoring des listes d'attente, la validation des listes d'attente, la pertinence des examens et des gestes médicaux. C'est absolument indispensable, et je pense qu'on aura le Collège des médecins dans quelques minutes, on échangera avec eux là-dessus.

Il y a une recommandation... Je vais passer rapidement sur le financement parce que, je vous rassure tout de suite, on ne prétend pas clore le débat du financement en l'espace de quelques semaines ni maintenant, au printemps 2006. On veut débuter le débat, on veut débuter les échanges là-dessus parce qu'il est clair que l'accès aux services est indissociable du financement à long terme du système de santé. Et vous parlez de consensus ? une notion illusoire, hein, le consensus dans ce domaine-là ? est-ce qu'on l'atteindra un jour?, doutons-en, mais du moins une clarté des principes. Et je pense que vous le dites vous-même, sur les constats, les gens ont déjà des interprétations différentes, puis, sur les remèdes, on n'en parle même pas, hein? Juste les constats déjà portent à discussion.

Je dirais que cependant il y a un certain risque ici à suivre l'école de l'ignorance des problèmes. Parce que, si on nous dit: Bien, écoutez, ce n'est pas si grave que ça, 43 %, 10 %, dans le fond c'est un faux problème que les économistes nous créent, laissons ça augmenter puis ça ne nous causera pas de problème, le risque que je vois, si on n'entreprend pas maintenant le débat ? et encore une fois on ne le conclura pas maintenant ? c'est qu'à chaque fois qu'il y a un choc économique qui arrive au Québec ou qu'il y a des problèmes de priorisation de fonds publics, ce qui est arrivé... Et on en a eu un exemple à la fin des années quatre-vingt-dix, c'est ce que j'appelle un peu la clochardisation du système de santé, c'est-à-dire que, pendant trois ans, on gèle les fonds, on dit que c'est la gestion, le seul remède, et puis on en a après pour des années à récupérer.

Alors, si on ne trouve pas une façon structurante de financer le système de santé, pas juste pour cette année, l'an prochain, dans deux ans, mais pour les 10 prochaines années, moi, je suis certain que ça va arriver encore, qu'on va encore arriver dans une conjoncture économique où, avec une récession ou des problèmes, on va encore plonger le système de santé dans la misère pendant trois, quatre ans, et encore le cycle de 10 ans pour récupérer, celui d'un autre trois ans... Est-ce que vous ne pensez pas qu'on doit quand même commencer cette discussion-là?

M. Lamarche (Paul A.): Non, M. le ministre, si ce n'est qu'un début, je pense qu'on est exactement là-dedans, puis c'est un débat qui est important. Autant il ne faut pas rentrer dans l'ignorance des problèmes, autant il ne faut pas rentrer non plus dans le vice de la solution magique. Donc, ça prend effectivement ce débat-là, que ce soit amorcé.

Ce qu'on avait peut-être cru percevoir, c'est que les recommandations ou les commentaires qu'il formulerait vous amèneraient à faire des actions comme telles plutôt qu'à générer un débat éventuel sur les solutions. Parce que, là, ce qu'on a, c'est la liste de solutions du rapport Ménard, et on n'a pas effectivement les intentions réelles du gouvernement pour être capables de débattre de ces éléments-là. Si ce n'est qu'une ouverture, je trouve ça très prudent. Si c'est une fermeture ou une clôture, là c'est peut-être très, très, très différent, vous allez convenir avec moi.

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Puis je pense qu'on peut ajouter aussi... Vous parliez tout à l'heure de l'importance des faits. Je pense qu'il y a encore du travail pour clarifier la situation sur le financement. Les choses sont un peu compliquées, les chiffres ne sont pas toujours concordants, et il y aurait, pour faire ce débat, un vrai travail de mise à plat. Et je ne suis pas sûr que le rapport Ménard fasse ce travail de mise à plat d'une façon qui soit satisfaisante. Alors, il y a encore du travail à faire sur les faits, et ensuite du travail à faire sur les propositions.

Par contre, ce qu'on peut observer aussi, c'est que ce débat doit être fait. Mais il faut bien réaliser que, dans aucune des sociétés que je connaisse, on a trouvé une réponse à ces débats, et toutes les sociétés actuellement sont aux prises avec la même tension, qui est celle d'avoir des dépenses qui sont occasionnées par des forces externes, entre autres le développement des technologies, des capacités d'intervention, et d'autre part des finances publiques qui sont serrées. Et il va falloir qu'on invente une réponse à la québécoise, mais pour le moment il n'y en a pas de faciles à trouver.

M. Couillard: Puis fondamentalement c'est le citoyen qui paie pour le système de santé, en bout de ligne...

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Ça, on est d'accord.

M. Couillard: ...quel que soit le mécanisme qu'on met en place...

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Quel que soit le mécanisme.

M. Couillard: ...assurance et autres. Puis je pense que c'est une grande illusion de penser que l'assurance privée va apporter une solution au financement de la santé. D'ailleurs, toutes les expériences internationales montrent que le rythme d'augmentation des dépenses publiques en santé n'est pas affecté par l'introduction de l'assurance privée parallèle.

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Pensez à Wal-Mart aux États-Unis, ou ainsi de suite.

M. Couillard: Même chose. Je vais terminer ? parce qu'on est contents d'avoir des gens qui ont une vision large du système de santé puis qui traversent les gouvernements, si je peux m'exprimer ainsi ? sur des éléments, je dirais, d'orientations assez fondamentales. Je vais commencer par une anecdote, puis je vais vous demander de réagir à cette anecdote-là.

J'ai été visité par un collègue ministre de la Santé de la France, au début du mandat, qui n'est plus en poste maintenant ? donc, ne soyez pas inquiets, il ne réagira pas demain à mes propos. Il était venu quelques jours au Québec pour faire justement une visite de notre système de santé. Alors, il a visité les CLSC, les... on commençait déjà les centres de santé, etc. Il trouvait ça bien intéressant en termes d'organisation. Mais je lui demandais: Dites-moi donc, c'est bien beau, vous me faites des compliments parce que vous venez chez nous puis vous ne voulez pas nous faire de la peine, là, mais dites-moi donc c'est quoi, la critique fondamentale que vous adresseriez à notre système de santé. Puis je vais vous le dire, ce qu'il m'a dit, j'aimerais ça que vous y réagissiez puis vous me disiez si c'est nécessaire d'y répondre et comment on le fait.

Il m'a dit: Il y a deux éléments, deux éléments qui manquent dans votre système de santé. Il dit: Il y en a un que c'est la responsabilisation, il dit, la responsabilisation pas seulement des citoyens ? il faut qu'il y en ait une ? mais également des prestataires de soins. Premièrement, responsabilisation. Puis, deuxièmement, la compétition. Il dit: Comme vous avez un système de type monopole à payeur unique ? et là il comparait son système en France ? il n'y a pas chez vous la nécessaire compétition à l'émulation puis à l'amélioration de l'efficience puis de la qualité. Et il me disait: Tant que vous ne rentrerez pas la responsabilisation et la compétition, vous ne réglerez jamais votre problème structurel du système de santé. Alors, je vous demanderais de réagir à ces...

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Bon commentaire intéressant. Responsabilisation, on est tous d'accord. Un problème majeur, vous l'avez mentionné tout à l'heure, la discussion avec les médecins. La capacité de faire en sorte que les professions de la santé retrouvent un goût à assumer des responsabilités à l'égard des soins doit être mise en place. Il y a probablement des procédures de contractualisation à effectuer dans chacun des CSSS ? on pourrait travailler longtemps là-dessus ? indispensables.

Du côté de la compétition, et c'est intéressant que ça vienne de la France, la compétition entre les cliniques privées et les hôpitaux privés en France et les hôpitaux publics pose un certain nombre de problèmes. Cette compétition, elle n'est pas porteuse de solutions partout. On sait qu'il y a segmentation du marché et pas compétition. Les cliniques font de la chirurgie élective, les hôpitaux font les cas lourds, et ça pose toute une série de dysfonctionnements en France aussi. Donc, compétition n'est pas évidente.

Et, moi, j'ai un vrai problème et, je pense, une question à vous renvoyer, c'est: Comment, vous, vous voyez la relation entre l'intégration et la compétition, l'intégration qui d'après vous est le principe structurant de toute la réforme que vous avez mise en place?

M. Couillard: Voici comment je la vois. Il y a une façon dont il ne faut pas la voir, surtout sur un territoire aussi vaste que le Québec: c'est la pénalisation ou l'encouragement des hôpitaux publics sur la base de la performance. Ça, ça fonctionne dans un territoire compact, où les gens peuvent facilement aller d'un hôpital à l'autre. Mais, si vous êtes à Sept-Îles, ça ne s'applique pas vraiment. Quand même que l'Hôpital de Sept-Îles ou l'Hôpital de Trois-Rivières ? je ne les cite pas comme ça de façon volontaire, je donne un exemple ? quand même ces hôpitaux-là sont moins performants que d'autres, vous n'allez pas dire: Bien, on va vous couper les vivres, puis la population de votre région, bien elle ira ailleurs. On ne fera pas ça.

Cependant, il y a un élément que Michel Clair souligne ? et il viendra nous le dire probablement ? et c'est ce qui l'a amené à faire sa proposition de clinique affiliée en 2000, qu'on reprend d'ailleurs, c'est que nos institutions publiques ne sont pas habituées à rendre compte de leurs résultats sur la base des coûts unitaires ? vous savez que Michel Clair est très attaché à cette question des coûts unitaires. C'est très difficile, dans les hôpitaux publics ? j'en ai eu l'expérience moi-même, quand j'étais dans une faculté de médecine auparavant ? de déterminer exactement quels sont les coûts unitaires et, pour une organisation, c'est quand même curieux qu'on ne soit pas capable de dire: Bien, faire ceci, ça nous coûte tant par procédure. Alors, d'introduire la clinique affiliée qui a une reddition de comptes exemplaire sur les coûts unitaires et une façon de les présenter, ça m'apparaît en soi un facteur qui amène à une certaine compétition. Mais je vous rappelle que clinique affiliée, il n'y en aura pas à Sept-Îles et à Trois-Rivières non plus, il y en aura à Montréal.

n(15 h 50)n

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Écoutez, il me semble que c'est payer cher pour faire de la comptabilité analytique. Autrement dit, si, pour arriver à développer un système de comptabilité analytique, il faut qu'on crée des cliniques spécialisées affiliées, il me semble que c'est un moyen très détourné. La comptabilité analytique à faire dans les hôpitaux ? puis j'ai travaillé là-dessus ? est simple et elle est faisable. On pourrait, avec un investissement tout à fait raisonnable, trouver les coûts unitaires précis de chacune des interventions au Québec. Par ailleurs, il est aussi évident que personne n'a vraiment intérêt à ce que ces coûts soient connus, et, d'autre part, ces coûts ne sont absolument pas utilisables dans des systèmes de responsabilisation, de contractualisation-responsabilisation. Donc, peut-être que, si on changeait, dans le sens de la réforme que vous mettez en place, dans le sens de systèmes organisés sur la performance, les systèmes de financement et qu'on ait un système d'imputabilité et de financement associé à des systèmes de performance, on arriverait à développer la comptabilité analytique nécessaire. Ce n'est pas une question technique à le faire, mais c'est vraiment une question... Bon. Ce n'est pas une question technique.

M. Couillard: Malheureusement, on a terminé, j'avais...

Le Président (M. Paquin): M. le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Vous avez posé la question: Quel est l'intérêt d'envisager éventuellement d'élargir le marché de l'assurance privée, par rapport au fait qu'on le limite actuellement pour trois types de chirurgie? Moi, j'aurais le goût de vous poser la question, à la suite, entre autres, de la présentation de Me Prémont, ce matin: Quel est l'intérêt de l'envisager, point? Bon. Vous avez dit: Le gouvernement, c'est bien, ne l'a pas ouvert trop, on salue ça. Mais est-ce que c'est nécessaire de l'ouvrir vraiment si en plus on sait que ce n'est pas une obligation légale, donc qu'il n'y a pas une obligation légale pour réagir ou répondre au jugement de la Cour suprême, d'aller dans cette direction-là, compte tenu de tous les effets négatifs dont on parle et pour lesquels, semble-t-il, vous êtes d'accord, vous aussi?

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Écoutez, tout à l'heure, j'avais utilisé le mot «astucieux». M. Couillard a préféré le mot «équilibré». Je pense qu'on est dans une situation dans laquelle il y a un geste symbolique à faire autour de la réponse que le Québec va donner au jugement de la Cour suprême. Alors, personnellement, l'argumentation de Me Prémont me semble tout à fait justifiée.

L'idée qu'étant donné qu'on va prendre tous les moyens requis pour diminuer les délais d'attente on n'a plus besoin d'abolir ces articles de loi et on maintient deux verrous de sécurité indispensables pour maintenir le système public en état, ça me semblait une argumentation possible. Si on ne fait pas ça et si on veut un peu symboliquement dire: On a entendu le message, on met en place ce qu'il faut pour éliminer les délais d'attente et en même temps on va mettre en place, de façon marginale, autour de trois interventions, une assurance privée ? qui sera plus symbolique que réelle, puisque qui va s'assurer dans le système, dans la mesure où c'est limité à ces trois-là?, puis on peut rentrer dans le détail de la capacité de s'assurer ou pas ? il me semblait qu'il n'y a pas un risque énorme et c'est peut-être, politiquement, symboliquement, possible de le faire, puis je ne vois pas l'intérêt manifeste, mais c'est probablement possible. Donc, si on pense que ça permet de se sortir de la contrainte de la Cour suprême et d'avancer, c'est bien, mais à condition d'en rester là et surtout de ne pas l'élargir.

M. Charbonneau: Sauf que dans le fond ce que vous dites, c'est que c'est un geste symbolique, parce que dans le fond il n'y en a pas, de contrainte de la Cour suprême. Alors, à partir du moment où on en arrive tous à la conclusion qu'il n'y en a pas, une véritable contrainte, ça reste une option symbolique. Pour qui le symbole est important? Ça, c'est la vraie question. En tout cas, ce n'est pas nécessairement notre... Le symbole pour nous n'est pas très important. Mais peut-être que, pour le ministre ou pour certains de ses collègues, c'est très important. Mais ça ne l'est pas pour nous, surtout si on n'arrive pas à faire la démonstration que c'est si performant que ça.

Et d'ailleurs le ministre lui-même, entre autres dans ses commentaires après votre présentation, l'a redit, il l'avait dit ce matin: L'assurance privée, ce n'est pas la solution ni pour les problèmes d'attente ni pour les problèmes de financement. Bien, si ce n'est pas la solution, pour lui, pour les problèmes d'attente qui ont été identifiés par la Cour suprême, ni pour les problèmes de manque de financement, là, on a, je veux dire, un questionnement. Je veux dire, on fait ça pour qui, là? Pour le symbole? On protège la face de qui, là, d'une certaine façon? Parce que c'est ça, l'enjeu, là, en bout de piste. Mais vous avez donné la réponse, je ne veux pas que vous alliez plus loin dans la compromission, là, à l'égard de ce commentaire-là.

Vous avez parlé, à un moment donné, dans votre document, des modalités d'organisation de financement. Vous n'avez pas tellement élaboré aujourd'hui sur le financement. Vous aviez présenté un texte au mois de décembre, plusieurs d'entre vous, dont M. Lamarche, je pense, et vous, M. Contandriopoulos, le titre du Devoir, c'était: Puissantes rhétoriques, avantages théoriques de l'assurance privé et des services médicaux, dont on vient de parler, et votre conclusion, c'était dans le fond que, pour régler le problème des listes d'attente, investissons dans le régime public. Est-ce qu'en bout de piste ? puis dans le fond la Fédération des médecins spécialistes nous dit la même chose ce matin, Me Prémont aussi ? vous maintenez toujours cette position qui fait que finalement... Dans le fond, le geste symbolique, là, ça ne change rien. Donc, si on veut régler le problème concret des gens qui attendent pour une chirurgie puis qui souffrent actuellement, il faut investir. Puis là on ne parle pas, là, de la question du financement à long terme, on parle du financement à court terme, maintenant, demain, après-demain, dans quelques mois et dans les prochaines années, pour que finalement les listes d'attente diminuent, puis que les soins soient donnés, puis que les chirurgies électives soient pratiquées, là.

M. Lamarche (Paul A.): Je vais répondre à celle-là. Je vous dirais oui comme réponse première là-dessus. Je pense que ça dépend ce qu'on veut faire. Si on veut réduire les temps d'attente pour une partie de la population, faites-le pas. Mais, si on veut réduire les temps d'attente pour l'ensemble de la population, quel que soit leur statut économique, c'est vrai.

Puis je vais prendre un exemple très concret, je pense qui est cher au ministre Couillard, qui est la Grande-Bretagne. La Grande-Bretagne vivait effectivement des délais d'attente excessivement importants, et ça, c'était surtout du temps de Mme Thatcher, et ils ont permis effectivement d'avoir l'assurance duplicative ? exactement ce qu'on a là ? et il y a eu effectivement un accroissement de souscriptions à l'assurance duplicative. Il y a eu un accroissement des actes faits à l'intérieur des cliniques privées à financement privé, tel qu'il est mentionné là, jusqu'à l'ordre de 10 %, 15 %, c'est exact. O.K., je pense que c'est vrai. Mais ça n'a pas réduit les listes d'attente pour l'ensemble de la population. Quand M. Blair est arrivé, il a investi dans le système public. Les délais d'attente ont diminué, et les gens ont diminué de s'assurer dans le privé parce que le système de garantie d'accès était dans le public.

Donc, contrairement à la logique qu'on dit que c'est le privé qui devient le mécanisme pour réduire les temps d'attente du public, il n'y a pas d'évidence scientifique à cet effet-là. Je pense que les exemples vont complètement dans le contraire, et, si vous regardez, le document de l'OCDE prouve exactement ce que je dis mais en prenant 28 pays, ça a été l'inverse. Ça a été justement quand il y a eu un réinvestissement massif dans le secteur public, les gens ont eu confiance dans le secteur public et ils ont réduit l'utilisation des privés à autofinancer, ils ont réduit effectivement leurs assurances comme telles. Donc, la relation qui est mentionnée est la même, mais la flèche n'est pas du même bord, c'est le public qui a permis effectivement la réduction des temps d'attente, et non pas le privé.

M. Charbonneau: Bien. Mais je pense que ça, c'est une troisième clarification importante par rapport aux deux autres qu'on a entendues ce matin, puis qui va toujours dans le même sens.

Vous avez dit tantôt, et, moi, je crois que c'est fondamental: C'est l'importance des faits, et que le travail de mise à niveau ou de mise à plat, comme vous avez utilisé comme expression, est à faire à l'égard des faits par rapport à l'impact pour l'avenir des pronostics que l'on fait, bon, le vieillissement de la population, la croissance économique, tout ça. Vous dites: Bon, bien, vous aviez... Vous craigniez au début que le gouvernement veuille conclure trop rapidement ce débat-là, puis dans le fond, moi aussi, j'aurais aimé qu'on fasse un débat séparé et qu'on ait ? et c'est ce que j'ai dit ce matin ? des options sur la table. On n'en a pas. Mais néanmoins, là, aujourd'hui, là, pour nous, ici, puis pour les gens qui vont suivre ces travaux-là comme préliminaires, qu'est-ce qu'on doit dire à l'égard des faits? Quels sont les faits qui sont durs, incontournables, qui méritent d'être mis sur la table, peut-être en rapport avec ce que le comité Ménard ou la commission Clair mettaient de l'avant, ou d'autres économistes? Je pense à l'Institut économique de Montréal, à bien d'autres qui finalement nous font des pronostics, là, terribles sur l'avenir.

Vous aviez dit, je crois, M. Lamarche, au colloque, récemment, sur la réponse au jugement Chaoulli de l'Institut économique du Nouveau Monde, que, dans le fond, les dépenses de santé, entre 1980 et 1997, avaient augmenté de 2,5 %, puis dans le fond les pronostics pour les 25 ou 30 prochaines années, en fait de... jusqu'en 2030, ce serait à peu près 2,9 %. Dans le fond, il y a 0,04 % d'augmentation. Est-ce que vous pensez qu'on va être... Est-ce que c'est toujours ça ? et j'aimerais ça que vous expliquiez ça ? et est-ce qu'on va être capables de faire face à cette augmentation, qui n'apparaît pas si extraordinaire que ça, là? On ne parle pas de 3 %, 4 % d'augmentation des coûts du système de santé pour dans les 30 prochaines années, on parle de moins de 0,5 % d'augmentation qui... Dans le fond, c'est clair que c'est quelques centaines de millions de dollars par année, mais ce n'est pas non plus à ce point si dramatique et si lourd à l'égard de la capacité de faire face à la situation.

n(16 heures)n

M. Lamarche (Paul A.): Peut-être d'un certain nombre d'éléments, puis, encore là, comme le ministre l'a mentionné tantôt, je ne pense pas qu'on va clore ce débat-là, actuellement. C'est excessivement important, puis il y a des lectures très différentes.

M. Charbonneau: ...comprends, là.

M. Lamarche (Paul A.): Mais je pense que ça a été soulevé par justement un des représentants de la Fédération des médecins spécialistes que, depuis un certain nombre d'années, peut-être une vingtaine d'années, avec des fluctuations, l'effort collectif du Québec pour le système de santé est à peu près stable alentour... Ça varie entre 9 % et 10 % puis c'est relativement stable là-dessus, là. Donc, s'il y a eu un accroissement des dépenses, on a eu un accroissement de notre capacité de payer relativement proportionnel, ce qui fait en sorte qu'on se situe, disons, entre 9,5 %, avec une variation de 9 % à 10 %. Certains le voient comme étant...

M. Charbonneau: Quand vous dites ça, juste pour qu'on se comprenne, c'est une augmentation par rapport à quoi? C'est...

M. Lamarche (Paul A.): Non, c'est... 9,5 %, c'est une stabilité. C'est les efforts qu'on met dans le domaine de la santé par rapport à notre richesse collective.

M. Charbonneau: Oui, mais... O.K. C'est ça. C'est donc les dépenses en santé par rapport à notre richesse...

M. Lamarche (Paul A.): Au PIB.

M. Charbonneau: Au PIB.

M. Lamarche (Paul A.): Par rapport au PIB. L'élément qui est peut-être un peu plus surprenant, c'est quand on envisage ? et, dans le rapport Ménard, c'est excessivement catastrophique ? l'impact du vieillissement, en disant: Dans le fond, bon, ça va accroître, mais de façon inouïe. Ce que je peux vous dire, c'est: il y a beaucoup de discours à l'entour de ça. Je lisais Kirby, je lisais d'autres qui disent: Écoutez, ça va avoir un impact, mais ce n'est pas si grand que ça.

Puis je vous donnerais des exemples. C'est les pays scandinaves, l'Italie, la France, l'Allemagne, dont le pourcentage de personnes âgées, dans leurs populations actuellement, est à peu près ce que le Québec va être dans 15 ans. Puis ils dépensent moins que ce que le Québec dépense actuellement. Donc, on a des exemples. Les pays scandinaves, c'est 17 %, 18 %, 19 %, la France, c'est... excusez, l'Italie, c'est 19 %. Et eux, avec des états de santé très comparables, et même avantageusement, par rapport à nous autres, en ce qui a trait aux pays scandinaves, dépensent déjà moins actuellement que ce que le Québec dépense.

Donc, qu'est-ce qui se passe? Il n'y a pas juste le phénomène de vieillissement. Il y a la façon de prise en charge des personnes âgées qui est excessivement importante. Donc, juste de faire une projection linéaire comme on fait actuellement, sans tenir compte de ce qui se passe dans d'autres pays, à mon avis ça nous amène peut-être à une catastrophe, si on laisse la tendance actuelle. Mais je pense qu'on a des exemples pour dire: Non, on peut modifier cette tendance actuelle là.

Je vous dirais la même chose concernant la technologie, puis ensuite je vais laisser mon collègue. C'est sûr que la technologie coûte cher. Je veux dire, je pense qu'il va y avoir des coûts inouïs. Sauf qu'encore là je lisais dernièrement certains rapports, entre autres Kirby et d'autres, et l'OCDE, et l'OMS, qui a fait des leçons... des réformes des systèmes de santé en Europe, qui dit: On ne peut pas conclure sur l'effet net des coûts du développement technologique. Pourquoi? Parce que c'est la même technologie qui coûte cher qui nous permet de réduire l'hospitalisation, qui nous permet de traiter en ambulatoire ce qu'on traitait antérieurement à l'hôpital, qui permet de réduire de 15 % ? puis là j'invente, mais ? à 5 % la durée moyenne. Donc, l'effet net n'est pas encore clair.

Loin de moi de vouloir dire que ça n'a pas d'effet. Mais ce que je veux dire, c'est: De conclure linéairement qu'on s'en va nécessairement vers la catastrophe, ça, je pense que ça n'a pas d'assise, comme tel. Et c'est là-dessus qu'on disait que ça prendrait un autre débat pour dire fondamentalement c'est quoi, l'effet, faire la table rase, de dire: Quels sont les meilleurs faits qu'on peut nous donner sur l'impact que vont avoir le vieillissement de la population, le développement technologique sur les coûts des systèmes de santé? Ça postule qu'on modifie nos façons de faire, ça, c'est clair. Parce que, si effectivement on ne modifie pas nos façons de faire, entre autres consolider la première ligne, entre autres ce que vous avez mentionné, on peut peut-être s'en aller là. Mais ce n'est pas incontournable, ce n'est pas effectivement un déterminisme absolu. Il y a des possibilités, on est capables de faire des choses. Et je ne pense pas que ce soit uniquement de dire: Maintenant, comment on fait pour payer ça? Plutôt, de dire: Comment on fait pour altérer le cours des choses actuellement? Comme l'ont fait des pays scandinaves, qui ont déjà 17 %, 18 %, et l'Italie, 19 % de personnes de 65 ans et plus.

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Juste pour compléter le tableau, je donne quelques chiffres. Les dépenses publiques de santé au Québec, de 1981 à 2005-2006, sont restées approximativement à 6,2 %, 6,3 % du PIB, stables. Alors, le Québec a été extraordinairement efficace à contrôler ses dépenses publiques de santé, c'est-à-dire essentiellement les dépenses médicales, les dépenses hospitalières. Et c'est même cette capacité extraordinaire de contrôle des dépenses qui crée dans le système des pressions lourdes et des tensions importantes. Donc, il n'y a pas éclatement des coûts. Il y a contrôle des coûts qui cause un certain nombre de problèmes.

D'autre part, je lisais un papier qui vient de sortir sur les effets du vieillissement de la population aux États-Unis. Les auteurs calculent que le coût du vieillissement en tant que tel, en tant que vieillissement, représente à peu près 0,75 %, c'est-à-dire 3/4 de 1 %, d'augmentation par an des dépenses de santé. C'est dans le Health Affairs de mars 2006, donc tout récent. Donc, aux États-Unis aussi on dit: Ça, c'est le vieillissement. Donc, ce qui va coûter cher, ce n'est pas le vieillissement en tant que tel, c'est les quantités de technologies qui sont utilisées sur les populations vieillissantes, ce qui est un problème de contrôle, ce qui est un problème médical, ce qui est un problème de vieillissement qui... pas de vieillissement, c'est un problème de façon par laquelle on traite des personnes âgées, qui pose un certain nombre d'autres questions. Mais, en tant que tel, le vieillissement n'est pas catastrophique.

Alors, ce que l'on voit apparaître dans ce débat-là, c'est qu'il faudrait arriver à dire: Il n'y a pas de... Les choses évoluent. On s'engage dans des directions dans lesquelles il y aura des tensions nouvelles. Il va y avoir des réorganisations, des réalignements, mais je ne pense pas qu'on est, uniquement en termes de cet élément du vieillissement, dans une situation où on est sur le bord d'un précipice.

M. Charbonneau: Est-ce que vous avez fait des analyses comparatives pour d'autres États puis en particulier d'autres États comparables au Québec, qui ont à peu près peut-être les mêmes valeurs dont vous parliez au départ, par rapport au système de santé publique, entre le pourcentage de dépenses en santé de l'État ou du gouvernement par rapport à l'ensemble des dépenses gouvernementales? Parce qu'ici, là, on finit par se faire dire que, là, on dépense 43 % ? les chiffres varient, mais, tu sais, un peu plus de 40 %, là, 43 % ? de nos dépenses gouvernementales en santé, puis c'est bien épouvantable, puis... C'est quoi, la réalité comparative par rapport aux autres sociétés occidentales évoluées, avancées?

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Alors là, il faudrait... Je pense que vous allez avoir un mémoire de François Béland qui travaille ces questions-là. Premier élément, il faut bien le comprendre qu'il ne s'agit pas des dépenses gouvernementales, mais bien des dépenses des programmes. Quand on prend les dépenses gouvernementales, on inclut le remboursement de la dette, et ça diminue les proportions, les dépenses de santé par rapport à la totalité des dépenses à environ 35 %, 36 %. Et, d'autre part, on est dans des systèmes qui sont très différents les uns des autres, et il y a toute une série de pays, la France, l'Allemagne, dans lesquels les dépenses de santé ne sont pas comprises dans les budgets puisqu'elles sont financées à même des caisses de santé, la caisse de sécurité sociale. Et donc les rapports ne sont pas de même nature. Ce n'est pas un pourcentage du budget de l'État, c'est la caisse de sécu. Bon. Donc, les comparaisons en tant que telles sont un peu difficiles à faire.

Mais on est encore une fois... Encore une fois, c'est une question intéressante, et je pense qu'il est plus intéressant de réfléchir aux dépenses de santé par rapport à la richesse collective que d'y réfléchir par rapport au budget du gouvernement. Les budgets du gouvernement sont une question qui est une question fondamentalement idéologique de la quantité d'argent qu'on veut mettre ensemble et qu'on veut redistribuer sur des programmes collectifs. Et moins on a d'argent qu'on veut mettre ensemble et redistribuer, plus la proportion des programmes publics va être importante. Mais c'est une question d'idéologie. Par rapport au PIB, on a une information factuelle plus juste. C'est-à-dire, par rapport à la richesse, combien on dépense? Par rapport à la richesse, le Québec dépense dans la moyenne élevée des pays développés.

M. Charbonneau: Très bien. Mon collègue de...

Le Président (M. Paquin): Oui. M. le député de L'Assomption.

M. St-André: Merci, M. le Président. Je trouve votre mémoire très intéressant, très pertinent. Je pense qu'à la page 8 d'ailleurs de votre mémoire vous décrivez très bien, là, comment va fonctionner ce qu'on appelle la garantie d'accès aux services. Mais je retiens néanmoins, là, de votre présentation puis de d'autres qui ont été faites aujourd'hui, notamment celle de Mme Prémont... Puis je reprends également les propos du ministre lui-même: une assurance privée en tant que telle ne réglera pas les problèmes d'attente dans le réseau ni le problème du financement. Le ministre l'a dit clairement tantôt. Puis d'ailleurs, dans votre mémoire, vous posez la question: Pourquoi ouvrir la porte aux assurances privées? Moi, je pense qu'il faut répondre non à cette question-là. Mais enfin on verra à l'issue de la commission parlementaire.

Mais néanmoins, si on ferme la porte à un financement privé du réseau de la santé ? puis vous l'avez illustré d'ailleurs dans ce que vous avez invoqué à propos de ce que Tony Blair a fait notamment en Angleterre en investissant dans le réseau public pour réduire les délais d'attente ? il reste qu'il y a une question qui reste entière puis à laquelle personne n'a vraiment répondu: Si on s'entend pour financer, pour réinvestir dans le réseau public de santé ? et je considère que c'est ce qui devrait être fait de façon prioritaire ? où prend-on l'argent? Est-ce qu'on augmente purement et simplement les impôts et les taxes de tous les citoyens ou s'il faut regarder d'autres sources de financement, si l'État doit considérer d'autres sources de revenus pour investir dans le réseau de la santé? Parce que de façon générale, moi, ça fait 20 ans que j'entends parler de ces questions-là. Que ce soit à Ottawa ou à Québec, on dit toujours qu'on n'a pas d'argent pour. Pourtant, c'est un besoin essentiel. Je trouve ça un peu aberrant que c'est toujours des considérations financières ou des considérations comptables qui passent devant un droit fondamental, celui à des soins de santé pour tout le monde. Alors, où trouve-t-on le financement?

n(16 h 10)n

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Bien, M. Couillard l'a dit, en bout de course, le financement, il se trouve dans la poche des contribuables. Et, d'une façon ou de l'autre, c'est comme ça que ça marche. Et on observe que plus les pays sont dans des systèmes où il y a des sources nombreuses de financement, par l'assurance publique, par l'assurance privée, comme aux États-Unis, plus on est habile à aller chercher de l'argent dans la poche du contribuable. Le pays qui dépense le plus per capita, ce sont les États-Unis. À tel point que ça hypothèque la croissance économique des États-Unis et que les compagnies américaines sont en train de dire au président: Écoutez, faites quelque chose parce que, si vous ne faites rien, nous, on va aller mettre nos usines ailleurs parce que ça nous coûte trop cher en assurance santé aux États-Unis.

Donc, la question que vous posez, c'est une question qui nous renvoie à l'image que l'on se fait de l'État, de savoir jusqu'à quel point l'argent est un argent qui passe à travers l'impôt et qui permet d'exprimer la solidarité ou c'est un argent qui passe directement de la poche du contribuable à la poche de l'assureur ou à la poche du professionnel, qui fait en sorte que ceux qui ont le plus d'argent court-circuitent, dans l'accès aux soins, ceux qui ont le moins d'argent. Donc, on est sur une question qui est une question de solidarité et non pas sur une question de savoir d'où vient l'argent. L'argent, qu'elle passe à travers l'augmentation des taxes d'Hydro-Québec, qu'elle passe à travers une taxe spéciale, qu'elle passe à travers le paiement de primes d'assurance, vient de la poche du contribuable. Et c'est donc de se demander, et c'est important, c'est de se dire: Dans la société québécoise, quelle serait la façon par laquelle on va collecter l'argent qui donnerait à la société, à l'État, le plus de moyens de s'assurer que toutes les personnes malades aient accès rapidement à des soins de qualité, quand elles en auront besoin? Et c'est à cette question-là qu'il faut répondre.

M. St-André: ...tenter de préciser ma question.

Le Président (M. Paquin): M. le député... M. le député, malheureusement, le temps est écoulé. C'est toujours trop court.

M. St-André: Avec le consentement du ministre, je suis sûr qu'on pourrait...

Le Président (M. Paquin): Il y a consentement?

M. Charbonneau: Bien, c'est parce que...

Le Président (M. Paquin): Il y a consentement. Allez-y.

M. Couillard: Très bref.

Le Président (M. Paquin): Allez-y de façon brève.

M. St-André: Alors, brièvement je vais préciser ma question. On peut augmenter l'impôt sur le revenu des particuliers, on peut augmenter les taxes à la consommation. Il est évident que ma question se situe dans la perspective où c'est l'État qui doit financer le service public de santé. Alors, les impôts de qui doit-on augmenter pour atteindre le résultat qu'on veut, c'est-à-dire un système, un régime de santé public accessible, universel à tous, qui va servir tous les citoyens, peu importent, peu importent leurs revenus ou leur richesse?

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Vous avez vous-même répondu à votre question. Dans la mesure où vous la posez en termes de solidarité, c'est à travers l'impôt, et l'impôt sur le revenu, et l'impôt progressif sur le revenu qu'on va pouvoir chercher de l'argent, qu'il y aura le plus de capacité à faire de la solidarité.

Le Président (M. Paquin): M. Lamarche.

M. Lamarche (Paul A.): Peut-être 15 secondes. C'est que, dans la proposition actuelle étaient déjà prévus un certain nombre de millions qui étaient donnés aux cliniques à financement privé. On pourrait au moins commencer par mettre cet argent-là à l'intérieur du système public. C'est déjà un début, là. Je veux dire, c'est très concret puis ça pourrait effectivement être fait là-dedans.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. Lamarche, M. Contandriopoulos. Merci pour votre présentation.

J'invite maintenant les représentants du Collège des médecins du Québec à s'avancer pour nous présenter leur mémoire.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Paquin): On poursuit maintenant nos travaux et nous recevons les représentants du Collège des médecins du Québec. M. Lamontagne, permettez-moi ? je sais que vous êtes des habitués, mais ? de simplement prendre quelques secondes pour vous expliquer un peu le fonctionnement de nos travaux. Vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire, par la suite 20 minutes de discussion du côté ministériel et 20 minutes de discussion du côté de l'opposition. Donc, M. Lamontagne, je vous invite à présenter votre collègue et à nous faire part de votre mémoire.

Collège des médecins du Québec (CMQ)

M. Lamontagne (Yves): Merci, M. le Président. Je voudrais vous présenter d'abord le Dr Yves Robert, qui est secrétaire général du Collège des médecins du Québec.

Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les parlementaires, évidemment nos commentaires vont être teintés par notre point de vue et notre mission d'ordre professionnel, c'est-à-dire la protection du public et l'amélioration de la qualité de la médecine. On va traiter cinq thèmes qui sont abordés dans le document de consultation, soit: le choix politique pour un système de santé public fort; la garantie d'accès aux soins; la création des cliniques spécialisées affiliées; l'enjeu crucial bien sûr du financement du système de santé; et la qualité des services et de l'exercice professionnel.

Alors, tout d'abord, pour un système de santé public fort, c'est évident qu'à ce sujet le collège appuie le choix du gouvernement en faveur d'un système public fort. Cela dit, ce choix a des implications qu'il faut avoir le courage de regarder en face. Tout le monde est pour la vertu, mais peut-on se prononcer en faveur d'un système public sans être prêt à y consentir les efforts nécessaires? Pour avoir un système public fort, il faudrait que chaque acteur concerné et chaque citoyen s'engage davantage et consente à des efforts supplémentaires.

Force est de reconnaître que notre système de santé, à l'instar de tous les systèmes de santé en Occident, fait face à des problèmes majeurs. Il est devenu impossible partout de répondre à toutes les attentes, les ressources destinées à la santé étant nécessairement limitées. Il faut donc discuter publiquement des limites et des priorités que nous allons nous donner et, tout en demeurant fermes sur l'objectif d'équité, faire preuve d'ouverture d'esprit quant aux moyens à mettre en branle pour l'atteindre. Convenons tous ensemble qu'aucun moyen ne peut être exclu a priori et que chacun doit être analysé sans dogmatisme. Voilà, selon nous, le ton général qu'il faut donner à la présente consultation publique. Si au moins l'arrêt de la Cour suprême n'avait permis que de forcer ce débat, il aura été utile.

La garantie d'accès. Votre réponse à l'arrêt de la Cour suprême démontre que vous reconnaissez, comme nous d'ailleurs, les limites inhérentes aux assurances privées observées dans d'autres pays. Par contre, le fait de considérer l'assurance privée comme une mesure palliative de deuxième choix force le système de santé public à mieux performer.

Il est clair qu'il faut mieux performer partout. Les priorités identifiées, à savoir les chirurgies orthopédiques et ophtalmologiques, ont-elles été choisies uniquement à cause des contraintes imposées par la Cour suprême? N'y a-t-il pas d'autres priorités qui s'imposent aussi à brève échéance, notamment la consolidation de la première ligne? Même s'il n'y a pas de liste d'attente chiffrable pour voir un médecin de famille, il y a quand même là un problème d'accès. Cette question n'est qu'abordée au début du document sans être reprise au niveau de la garantie d'accès.

Dans le domaine de la médecine familiale, l'assouplissement des contraintes imposées aux médecins, particulièrement les plus jeunes en début de pratique, comme les activités médicales particulières et les plans régionaux d'effectifs médicaux, constitue une voie à explorer. Selon nous, il faut aller plus loin que répondre à l'arrêt de la Cour suprême et il existe aussi d'autres voies que les garanties d'accès.

Nous attirons votre attention sur deux problèmes particuliers soulevés par ces garanties. Le premier concerne la constitution ou la validation et l'utilisation des listes d'attente. Pour que les listes soient valables, encore faut-il qu'elles reflètent la réalité de l'attente vécue par le patient. Il ne faudrait pas donner l'impression que la liste d'attente est courte par une astuce bureaucratique, par exemple en ne comptant pas le temps d'investigation qui est antérieur à l'inscription du patient sur la liste. Il faudrait ici des données validées et de l'honnêteté bien sûr dans le contrat social que vous proposez aux citoyens consommateurs.

Le deuxième point a trait à l'établissement d'un délai d'attente médicalement acceptable. Il ne faudrait pas que le délai maximal convenu devienne la norme de confort cautionnant l'utilisation de ce délai maximal à des fins budgétaires. Le patient qui attend et son médecin vivent, eux, le problème personnellement. Même s'ils sont prêts à être raisonnables et à admettre qu'il y aura toujours des listes d'attente dans un système public, leur objectif est que le délai soit le plus bref possible.

Les cliniques spécialisées affiliées. Nous saluons aussi l'idée des cliniques spécialisées affiliées et nous nous réjouissons de la décision du gouvernement d'aller de l'avant dans l'expérimentation de ce modèle. En effet, ces cliniques pourraient constituer des projets pilotes permettant de mieux évaluer les avantages et les inconvénients du modèle.

Sans résoudre le problème de la pénurie des effectifs professionnels en santé, ce modèle pourrait peut-être au moins l'atténuer. À cet égard, il nous semble sage de maintenir, dans un premier temps, l'étanchéité entre les secteurs public et privé relativement au choix que doit faire le médecin quant à sa participation au régime public d'assurance maladie.

À notre avis, il faut manifester une certaine ouverture à des exemples de dispensation de services médicaux par des ressources qui sont considérées comme privées, illustrant la possibilité de faire concourir des ressources privées à l'objectif de mieux répondre aux besoins de la population. Ce modèle plus souple pourrait être mis à profit dans les autres secteurs de services devant faire l'objet de priorités.

n(16 h 20)n

Le financement. Avant de vous parler du financement, je vous ferai trois citations. La première, c'est un économiste de l'Université Concordia que j'ai entendu à la radio, après le dernier budget, et qui a dit: «Si on continue comme ça, dans 20 ans, on aura seulement deux ministères, la Santé et l'Éducation, et, dans 30 ans, on vendra les écoles pour payer la santé.» La deuxième citation, c'est M. Guy Chevrette qui l'a faite, dans La Presse du 23 mars dernier, et qui titrait: «Au Québec, on veut avoir les meilleurs services, [...]les normes les plus fantastiques, [...] sauver la planète, [et] on veut la richesse[...], mais on ne veut pas développer.» Et, la troisième finalement, je vous citerai l'écrivain John Ralston Saul, qui a écrit: «Ceux qui ne pensent pas que c'est une bonne idée de remettre des milliards de dollars dans le système de santé au Canada sont ou bien fous ou bien dans le commerce des cercueils.» Donc, vous voyez, comme plusieurs le constatent, le problème du financement de la santé publique demeure entier.

Sans reprendre les données présentées et en reconnaissant que le collège n'a pas de compétence particulière en économie de la santé, les tableaux présentés dans le document nous amènent à tirer les conclusions suivantes, qui ne sont certes pas populaires au point de vue politique. La première, les variables qui influenceront les coûts de santé, à savoir l'évolution démographique, les développements technologiques et l'inflation, n'offrent pas beaucoup de marge de manoeuvre. Le contrôle des coûts ne suffira pas, à lui seul, à résoudre l'impasse financière. Les attentes devront être plus réalistes face au système de santé. Il y aura des limites à s'imposer et des priorités à établir. Autrement dit, il faudra faire des choix. Des investissements supplémentaires devront être faits, pour lesquels de nouvelles sources de revenus devront être explorées. Autrement dit, il faudra payer plus au moins pour avoir pareil. Ceci est inévitable. Il est plus que temps de se le dire, d'arrêter de jouer à l'autruche et de pelleter par en avant. Il n'y a pas un gouvernement au monde qui va à l'avenir pouvoir payer seul ses services de santé. Et c'est là que le débat commence vraiment. Il ne peut plus porter sur les constats. Il doit se concentrer sur les solutions. Et c'est là aussi qu'individuellement et collectivement nous devons être à la fois lucides et solidaires.

Les trois solutions qui sont proposées dans le document nous semblent intéressantes: poursuivre les efforts visant à augmenter les transferts fédéraux en santé; reconnaître que le compte santé n'est pas véritablement une solution, mais un outil; quant à la caisse particulière pour la perte d'autonomie, tôt ou tard la nécessité d'un fonds s'imposera pour pouvoir couvrir les frais associés à la perte d'autonomie. Si la caisse servait à couvrir les frais occasionnés par l'hébergement ou les soins domestiques, il serait possible de dégager une marge de manoeuvre pour d'autres secteurs ou activités. C'est l'exemple, nous semble-t-il, d'un domaine où les assurances complémentaires, qu'elles soient privées ou publiques, pourraient avoir une certaine place.

Mais encore ici il faut aller plus loin. Et, ne nous leurrons pas, le temps de réflexion n'est pas illimité. Voici d'autres sujets dont il faudrait rapidement discuter. Le panier de services couverts par le régime d'assurance maladie afin d'établir les priorités et faire les choix qui s'imposent. La gestion du réseau public de santé. À l'instar de la prestation des services, la gestion du système public de santé ne pourrait-elle pas être dépolitisée pour permettre plus d'autonomie et d'imputabilité locale? C'est le concept d'Hydro-santé bien sûr que nous avions évoqué durant la commission Clair. Le repérage de tous les coûts impliqués, notamment ceux que nécessiterait la mise à niveau de nos infrastructures hospitalières. Les coupures budgétaires successives des dernières décennies ont forcé le délaissement du simple entretien de nos infrastructures. Cet élément, qui est non négligeable, nous rattrapera tôt ou tard, et il faut y penser.

En résumé, si nous sommes d'accord avec les trois propositions relatives au financement, nous croyons qu'elles apportent des solutions partielles, ce qui oblige à élargir le débat. Nous sommes convaincus qu'une majorité de Québécois sont prêts à payer davantage pour leur système de santé.

Sur toute cette question, tous sont interpellés. Il ne faudrait pas imputer à l'État toute la responsabilité de trouver toutes les solutions. Il faut au contraire responsabiliser de nouveau tous les acteurs, dont les citoyens. La responsabilité du système de santé doit être partagée, et les compétences de chacun, respectées et mises à profit.

La qualité des services. De par notre mission évidemment, la première préoccupation du collège demeure le maintien de la qualité des services médicaux. Avec l'émergence potentielle de services privés, il faut aussi penser à assujettir ces services aux mêmes critères d'assurance qualité que ceux qui sont imposés actuellement dans les établissements publics. D'ailleurs, un effort en ce sens a déjà été fait, dans le projet de loi n° 83, pour les centres privés d'hébergement. Nous souhaiterions que cela se fasse également pour les cliniques spécialisées affiliées qui sont proposées de même que pour les centres d'investigation et les laboratoires. À notre avis, tous ces centres devraient obtenir une forme d'agrément identique à celle qui est imposée par la loi n° 113 aux établissements publics.

Par ailleurs, le collège est responsable de la qualité de l'exercice professionnel des médecins. Il le fait et il continuera à le faire, que les médecins soient participants ou non au régime public et quels que soient les lieux où ils pratiquent. Cependant, notre juridiction s'arrête à la pratique professionnelle des médecins et non à l'ensemble du milieu où ils exercent. C'est pourquoi il vous faudra agir en collaboration avec d'autres partenaires pour que les règles du jeu soient clarifiées.

Enfin, à propos de l'exercice professionnel, un dernier mot au sujet de l'interprofessionnalisme qui est brièvement abordé dans le document. Comme vous le savez sans doute, le collège est très impliqué dans le partage des activités médicales avec d'autres professionnels de la santé, en particulier les infirmières et les pharmaciens, depuis les modifications qui ont été apportées au Code des professions en janvier 2003. Si un tel partage peut atténuer l'effet de pénurie de médecins et d'infirmières, il constitue quand même un outil relativement marginal de solution. Il ne faut pas oublier qu'il y a pénurie dans les effectifs de toutes les professions de la santé et que la pénurie d'une profession ne pourra pas nécessairement être compensée par la pénurie d'une autre.

Donc, en conclusion, le Collège des médecins salue le fait que le gouvernement ait pris une décision politique claire en réaffirmant son choix pour un système de santé public, estime que ce choix repose sur l'objectif d'offrir des services à tous, selon les besoins et non des moyens. Le collège est favorable à l'idée de garantir l'accès à certains services spécialisés dans un délai raisonnable. Il vous rappelle également que la valorisation et la consolidation de la première ligne demeurent une priorité structurante essentielle pour assurer l'accès aux services de santé à tous les citoyens. Le collège encourage l'exploration des divers moyens permettant de faire concourir certaines ressources privées à l'objectif de mieux répondre aux besoins de la population. Il reconnaît également que le financement du système privé public est un enjeu vital pour lequel des décisions difficiles doivent être prises à très court terme. Il insiste aussi sur la nécessité d'établir des mécanismes d'agrément et d'assurance qualité pour les services de santé qui sont offerts tant dans le secteur privé que public. Et enfin il réitère son engagement à veiller à la qualité de l'exercice professionnel des médecins au Québec.

Nous vous remercions de votre attention et nous sommes disponibles bien sûr pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Copeman): Merci, Dr Lamontagne. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Dr Lamontagne, Dr Robert, pour votre présentation aujourd'hui. Je dirais qu'effectivement, lorsqu'on regarde la chaîne de soins, ça commence bien avant l'inscription sur la liste d'attente. Il y a l'accès au médecin de famille, la phase d'investigation et ensuite l'inscription sur la liste d'attente. Pour ce qui est des médecins de famille, nous l'expliquons et je l'ai dit à plusieurs reprises, on reconnaît que c'est en pratique le défi d'accessibilité le plus grand du système de santé. Il y a de nombreuses actions en place actuellement et depuis plusieurs années: l'augmentation du nombre d'étudiants, l'accueil plus large des étudiants étrangers, meilleure répartition, vous les connaissez. Donc, tout ça, on n'arrête pas de faire ça parce qu'on fait un document de consultation. Ça se poursuit.

La question maintenant du temps entre, je dirais, la visite chez le spécialiste avec le temps d'investigation puis l'inscription, c'est là que tout le partenariat avec la profession médicale devient important, et ça touche également la validation des listes d'attente à laquelle vous avez fait allusion.

C'est peut-être plus facile pour moi de dire ça que pour certains de mes successeurs parce qu'étant moi-même de la profession médicale puis ayant géré un département de chirurgie je sais un peu comment ça se passe à l'intérieur de l'hôpital. Et puis effectivement ça arrive des fois que d'avoir une belle grosse liste d'attente, bien fournie, ça aide pour avoir des ressources puis avoir une certaine pression vis-à-vis l'établissement, hein? On a déjà vu ça. Ce n'est pas impossible. Alors, il me semble que, pour qu'on s'engage dans une démarche de garantie d'accès, il faut absolument que les médecins s'engagent avec nous autres dans la mesure du temps d'attente à tous les niveaux et dans la pertinence des actes médicaux.

Puis s'engager dans la mesure de la liste d'attente, ça veut dire qu'il n'y a plus de liste d'attente dans les sarraus des docteurs, dans les hôpitaux. Ça nécessite foncièrement une gestion centralisée ? quand je dis centralisée, je veux dire dans l'établissement de santé ? de la liste d'attente et une seule liste d'attente qui est celle-là. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette chose-là?

Une voix: Tout à fait.

M. Couillard: Est-ce que vous pensez que les médecins en général... On l'a vu avec les orthopédistes et avec les ophtalmologues d'ailleurs, ils sont très engagés avec nous. Mais vous êtes d'accord que c'est une condition sine qua non, là, à la...

M. Lamontagne (Yves): Oui, et je pense que l'ensemble des médecins est d'accord avec ça aussi.

n(16 h 30)n

M. Couillard: O.K. Parce qu'un des éléments pervers même de la transparence des listes d'attente, de leur publication, c'est que l'on y voit certainement l'ouverture, là, d'avoir encore une fois des listes d'attente bien fournies pour montrer que ça va mal puis que ça nous prend plus de ressources. Moi, je peux vous dire, j'ai connu des services dans mon département où l'ordre du jour d'une réunion était: On a un problème, la liste d'attente baisse. Pour vrai, là, je ne fais pas de farce. C'était ça, le problème qu'il fallait régler. Alors, il faut vraiment être conscients de ça puis travailler ensemble sur la question.

Comme organisme responsable de la qualité...

M. Lamontagne (Yves): M. le ministre, si vous permettez, je voudrais juste ajouter qu'il y a aussi des médecins qui disent qu'ils ne peuvent pas opérer plus qu'une journée par semaine, par exemple.

M. Couillard: C'est vrai. Puis, moi-même, j'opérais, j'avais calculé, 0,8 journée par semaine.

M. Lamontagne (Yves): Voilà. Ça n'avance pas vite sur la liste d'attente, ça non plus.

M. Couillard: Ce qui fait que je suis devenu un gestionnaire de la médecine, puis éventuellement en politique. Et ce qu'on a oublié également, c'est que ce n'est pas juste les chirurgiens. Parce que, là, vous touchez un point important. C'est que, là, on dit toujours: les orthopédistes, bien ils aimeraient ça opérer deux, trois jours. Ce n'est pas juste un orthopédiste que ça prend pour opérer un patient.

M. Lamontagne (Yves): Tout à fait.

M. Couillard: Ça prend un anesthésiste, ça prend des infirmières, ça prend des employés d'entretien, des inhalothérapeutes, puis, ce monde-là aussi, on n'en a pas trop.

Comment est-ce que vous voyez la question du statut des médecins? Prenons le paysage des cliniques affiliées. Parce que, comme Collège des médecins, vous allez avoir un rôle probablement déterminant d'appréciation de ce lien-là, déontologique. Les médecins qui sont dans la clinique affiliée, est-ce qu'ils devraient pouvoir être propriétaires de la clinique affiliée? Est-ce que vous avez réfléchi à cette question-là? Et qui doit être responsable de la surveillance de la qualité de leur acte médical? Vous avez un rôle, comme Collège des médecins, à jouer là-dedans, mais est-ce que le CMDP, par exemple, de l'hôpital qui est en contrat avec la clinique affiliée devrait se voir déléguer cette responsabilité-la? Comment est-ce que le Collège des médecins intervient dans une clinique affiliée? Puis n'oubliez pas, même si elle est difficile, la question de la propriété de la clinique, s'il vous plaît.

M. Lamontagne (Yves): Ça, j'aime moins ça, ce bout-là, mais en tout cas je vais vous répondre quand même. Premièrement, c'est un peu comme ce qui a été fait d'ailleurs avec les agences, et tout ça, les départements de médecine régionale, les groupes de médecins de famille qui sont affiliés, comme dans les actes partageables, qui sont affiliés avec le CMDP local. Donc, ça devrait être la même chose pour une clinique affiliée. Que ce soient des orthopédistes, des médecins de famille, c'est la même affaire, ils devraient être affiliés avec le centre hospitalier. Si ça s'appelle affilié justement, il faut qu'ils soient affiliés même au niveau du CMDP. Donc, dans ce sens-là, je pense que ça, ce n'est pas tellement difficile et ce serait très acceptable pour tout le monde.

Maintenant, qui gère la clinique? Là, on n'est pas rendus là. Mais c'est qui qui fait ça? Évidemment, je n'ai pas tout à fait de réponse là-dessus, je dois vous dire. On va commencer par régler les problèmes des loyers, là, puis après ça peut-être qu'on pourra parler du reste.

M. Robert (Yves): Je dois vous dire qu'à cet égard-là il y a des précédents, je veux dire les polycliniques, qui existent depuis même la mise en place du régime d'assurance maladie, au Québec, depuis 1970. Il n'y a pas de CMDP dans une polyclinique, pourtant l'activité médicale qui s'y fait est de bonne qualité. Nous faisons les inspections professionnelles. Le médecin ultimement est d'abord et avant tout le premier responsable de la qualité de son exercice, il a ses propres devoirs déontologiques. Et l'avantage de fonctionner en groupe, ça permet une certaine émulation, un certain échange, un certain support des médecins entre eux. Et d'ailleurs ils demandent de plus en plus de travailler en équipes, non plus seulement d'équipes médicales, mais d'équipes multidisciplinaires.

Donc, c'est un modèle qui est déjà existant. Donc, est-ce qu'on ne pourrait pas s'inspirer de celui-là? Est-ce que, dans le cas de cliniques où on donnerait des services plus spécialisés, chirurgicaux notamment, où on demande un encadrement ou du moins une infrastructure un peu plus sophistiquée, si je peux dire, ça nécessiterait un suivi par des équivalents de conseil de médecins, et dentistes, et pharmaciens? Peut-être. Est-ce que, plutôt que de réinventer une nouvelle structure, on ne pourrait pas utiliser celle déjà existante? Ça pourrait faire une meilleure mesure d'efficience. Je pense qu'il y a là de la place pour de l'exploration. Et c'est dans ce sens-là que, dans notre mémoire, on parlait des cliniques médicales affiliées comme un modèle, un genre de projet pilote qui mériterait d'évoluer, et d'être suivi, et d'évaluer l'exercice au fur et à mesure qu'il évolue.

M. Couillard: Mais bien sûr la différence avec les polycliniques, comme vous l'avez dit, c'est que c'est des actes médicaux un peu plus complexes. Il y a la stérilisation qui devient partie du processus, il y a toutes sortes de procédures que les polycliniques n'ont pas à suivre. Moi, je ne sais pas, il me semble que le CMDP de l'hôpital en lien me paraît être la meilleure réponse. Mais on verra avec les autres groupes quelle est leur opinion là-dessus.

Pour ce qui est du panier de services, plusieurs personnes nous parlent du panier de services. Il y a toujours, sous-entendu: Bien, on devrait penser à retirer certains éléments du panier de services. C'est toujours ça qu'on a en filigrane, mais ce n'est jamais exprimé de façon très explicite. C'est un peu difficile parce que, d'expérience, je vous dis que, dès qu'il y a un petit retard pour inscrire un médicament sur la liste des médicaments, ou d'introduire une technologie, ou de reconnaître une nouvelle procédure, la pression souvent vient du corps médical lui-même pour ajouter ça au panier de services. Donc, quels sont les critères qu'on devrait suivre pour modifier le panier de services éventuellement ou le modifier à la baisse? Je suppose que c'est ce que vous sous-entendez. Dans quel type de zone on doit se situer?

M. Lamontagne (Yves): Je vais vous avouer que ça fait longtemps que j'ai laissé la psychiatrie, puis, nous autres, on avait un petit, petit panier de services, vous comprenez, comparativement à bien d'autres spécialités. Dans un premier temps, c'est intéressant ce que vous dites parce que, c'est sûr, tout le monde veut aller de l'avant, en avoir plus, toujours. Et, quand vous parlez des médecins, c'est vrai qu'ils veulent plus, mais, quand ils veulent plus, souvent c'est parce que c'est un traitement qui est meilleur, puis qu'il y a eu de la recherche, puis c'est la dernière technologie, qui est meilleure que celle d'il y a cinq ans, etc. Évidemment, à ça je ne peux que vous répondre: On ne peut pas être contre le progrès, là, parce que tout ça, ça fait qu'on donne des meilleurs traitements aux malades. Bon.

Maintenant, qu'est-ce qu'on enlève? C'est vrai que c'est épineux, et, moi, je vous dirais que ce n'est pas nécessairement un problème médical, c'est un problème de société aussi. Qu'est-ce que la société est prête à dire: Bien, ça, là, je vais m'arranger avec ça? Et qu'est-ce que les décideurs, les gestionnaires qui gèrent le système de santé pensent que vraiment les gens pourraient soit se le payer ou le régler d'une autre façon? Et là c'est parce que je n'ai pas d'image en tête pour vous donner des exemples, mais, à ce moment-là, je pense... Comme je vous disais tantôt, là, notre argument, c'est que maintenant on ne peut plus avoir tout partout, et il faut faire les choses différemment.

Donc, nécessairement, c'est bien beau de dire: On va aller chercher de l'argent ailleurs, dans le privé, tout ce que vous voulez, mais, en partant, il faudrait peut-être se poser la question: Est-ce que tout ce qu'on fait est vraiment médicalement requis? Est-ce que les choses pour lesquelles on paie sont toutes nécessairement médicalement requises? Est-ce que, quand on parle du ministère de la Santé, on ne parle que du ministère de la Santé puis on oublie tout ce qu'on paie au niveau des services sociaux qui ne sont pas de la santé directement mais qui ne sont pas, 12 paires de guillemets, des frais médicaux? Et ça, une fois que c'est clair, on peut savoir aussi où on s'en va à ce niveau-là.

Mais je pense qu'il y a des choix de société à faire et je pense qu'en général, si c'est bien expliqué... C'est sûr qu'il va toujours y avoir quelqu'un qui va être contre. Comme behavioriste, je vous dirais: Quand tu as le Smarties dans la bouche, c'est beaucoup plus dur de l'enlever que dire: Fais le bon comportement, puis je vais te donner le renforçateur après. Bien là, là, ça fait 30 ans qu'on donne des renforçateurs, puis tout le monde a une grosse boîte de Smarties dans la bouche. Ce n'est pas évident d'aller sortir ça de là. Mais, à un moment donné, quand on ne peut plus, on ne peut plus. Et je pense qu'il faut être réaliste puis d'arrêter de faire l'autruche, puis de pelleter par en avant, puis de penser que l'État peut tout payer, là.

L'État père Noël, là, c'est fini, puis, s'il y en a encore qui croient à ça, là, bien ils sont «outdated». Et ça, il est temps que tout le monde sache ça parce que ça, là ? là, je suis en train de me pomper, ça va bien ? c'est l'héritage de nos enfants qu'on va laisser là. Puis je vais vous prendre une image bien simple. À partir de 2015, 2020, tout le monde a beau chialer sur la génération et la population qui vieillit, bien, avec le Japon, on va être une des populations qui va avoir simultanément quatre générations: les 80-100 ans, les 60-80, les 40-60, puis ? contrairement aux pays en Europe, on a très peu de natalité, donc, passez-moi l'expression ? juste une petite gang de jeunes qui va payer pour tous nous autres. Et, moi, je disais à mes enfants: Je souhaite juste que vous ayez assez d'argent pour me payer ma chaise berçante au centre d'accueil. Puis je ne suis pas même sûr qu'ils vont être capables de faire ça. Bien là, si on ne réfléchit pas aujourd'hui, là, c'est ça qu'on va leur laisser. Voilà.

M. Couillard: On espère que vous allez être à domicile le plus longtemps possible.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau: ...votre chaise berçante.

M. Lamontagne (Yves): Nous autres, on va être corrects, mais il faut penser aux autres. Et ça, c'est tout le temps: on pense à aujourd'hui, mais on ne pense pas aux autres qui vont nous suivre. Il est temps qu'on y pense pas à peu près.

M. Couillard: Le document de consultation propose l'ouverture limitée à l'assurance privée duplicative pour les médecins non participants dans le cas de trois procédures. On a entendu quelques groupes qui nous disent: Bien, dans le fond, vous ne devriez même pas faire ça. Vous devriez continuer vos efforts de garantie d'accès puis financer le système public. Il n'était pas nécessaire de faire l'ouverture vers l'assurance privée duplicative selon une interprétation du jugement de la Cour suprême. On va entendre des gens, dans cette commission, à votre place, qui vont nous prendre à partie assez vertement puis ils vont probablement nous dire qu'on a totalement bafoué le jugement de la Cour suprême et qu'on aurait dû ouvrir très largement à l'assurance privée, de façon soudaine. Où vous situez-vous dans ce débat-là sur l'assurance privée? Est-ce que vous supportez cette position d'une introduction limitée ou vous voyez ça différemment?

M. Lamontagne (Yves): Oui. Oui, oui, oui. Mon critère est fort simple, un peu compte tenu de ce que je viens de vous dire. Il faut essayer de trouver tout ce qu'il est possible de trouver en argent pour pouvoir faire en sorte que les gens aient des bons traitements. Donc, si vous parlez, par exemple, de partenariats privé-public, style des cliniques médicales affiliées, complètement pour ça. Il faut arrêter de penser qu'il y a juste un payeur. Il faut essayer d'aller chercher des partenaires partout parce que, sans ça, on ne s'en sortira pas.

n(16 h 40)n

Deuxième des raisons, si j'entends encore ça aujourd'hui, là, hein: Il faut réfléchir, oui, puis, dans tel pays, ils ont fait ça, puis ça ne marche pas, puis tati, puis tata... Une solution parfaite, quand même qu'on chercherait sur la planète Mars, il n'y en a pas. Il n'y en a pas. Il y a des pays qui ont essayé des choses qui sont bonnes, avec des avantages, des inconvénients. Partout, qu'on fasse quoi que ce soit, il va y avoir des avantages et des inconvénients. Mais il faut bouger. Et là je pense qu'on est rendus assez pris que, si on ne bouge pas, bien on va éclater, puis ça va être épouvantable.

Donc, quand vous parlez d'assurance... Bon. C'est sûr, j'ai lu une affaire, là, de l'Institut économique de Montréal qu'on parle que les seules assurances qui pourraient arriver, c'est les assurances duplicatives. Mais je vous dirais que, s'il y a une possibilité d'argent, c'est une autre forme de chose. Je ne me souviens plus quel pays, là, je pense c'est en Australie, qui ont créé comme une espèce d'assurance privée qui ne coûte pas plus cher que ce qu'on paie en assurance automobile. Bien, il y a des gens qui ont embarqué là-dedans. Ça a aidé pour 10 % du budget de la santé et pour des gens qui avaient un revenu moyen de 23 000 $ CAN. Bien, vous savez, quand même qu'on irait chercher 1 %, 2 %... Je me souviens, Serge Turgeon avait dit, dans une autre commission parlementaire sur la culture: Il n'y a pas de sottes économies. Bien, on est rendus là.

M. Robert (Yves): Pour répondre à votre question, vue du point de vue du citoyen, au bout de la ligne, comme on le disait tantôt, c'est lui qui va payer.

Une voix: De toute façon.

M. Robert (Yves): Donc, la question, c'est: Est-ce que, son argent, il souhaite que ce soit le ministre de la Santé qui décide à sa place de ses services? Est-ce qu'il peut avoir d'autres options qui lui sont offertes pour que lui puisse ultimement faire les choix qui lui conviennent? Donc, il faut dire, un, que ça va nous coûter plus cher et que le citoyen doit y participer, et, deux, lui offrir des options et éviter une vision monopolistique des services de santé.

M. Lamontagne (Yves): Et, quand vous regardez les sondages, hein, il y a plus de 60 % des Québécois qui sont d'accord pour qu'il y ait plus d'investissement, qu'ils mettent plus d'argent en santé en rapport avec d'autres organismes privés. Alors, la population, là, ils ne sont pas tous contre ça non plus, là, loin de là.

M. Couillard: Vous avez raison, les sondages disent ça, mais je dirais ? je fais toujours la même boutade quand on me parle de ces sondages-là: Ils aiment l'animal tant qu'ils ne le voient pas de trop proche.

M. Lamontagne (Yves): Ah! Ça, c'est sûr.

M. Couillard: Mais, quand on décrit qu'est-ce qui vient avec ça, les réponses... Tout dépend de la façon dont on pose la question, hein? Ça me frappe toujours parce que, si on demande aux gens: Êtes-vous d'accord pour mettre plus de privé dans la santé?, en général, 60 %, 70 % des gens, comme ça, au Québec ? d'ailleurs, au Québec, avec l'Alberta, c'est une des provinces où les taux sont les plus élevés ? ils répondent oui.

M. Lamontagne (Yves): Tout à fait.

M. Couillard: Par contre, lorsqu'on va plus spécifiquement puis on dit: Êtes-vous d'accord que ceux qui sont plus fortunés ou qui ont plus d'argent passent avant les autres sur la liste d'attente?, là, c'est le contraire qui se fait. Alors, il s'agit de résoudre cette quadrature du cercle ici, là.

M. Lamontagne (Yves): Vous venez, M. le ministre, d'arriver avec justement une autre question. Et, moi, je dis tout le temps: C'est vrai que les dépenses en privé ont augmenté à peu près de 30 %, 33 % maintenant. Mais, si on ne regarde pas le privé, si on n'essaie pas de travailler avec lui, si on ne l'encadre pas, c'est évident qu'on va arriver à une médecine à deux vitesses, alors que, si on travaille ensemble, on pourrait peut-être arriver à une médecine en deuxième vitesse. Toute la nuance est là.

M. Couillard: On va vous citer. C'est une bonne...

M. Lamontagne (Yves): Bien, ça va me faire plaisir.

M. Couillard: Mais c'est pour ça que je trouve le débat un peu artificiel par moments parce que... Par exemple, toute la question de l'assurance privée duplicative pour des chirurgies orthopédiques par les médecins non participants, alors qu'aujourd'hui même on peut avoir accès à ces cliniques-là et que c'est le cas depuis des années, et, à ce que je sache, il n'y a jamais de gouvernement qui a proposé la fermeture de ces cliniques-là.

M. Lamontagne (Yves): Là-dessus...

M. Couillard: Et il y a également, si vous me permettez, les Québécois, dont on parle peu, qui vont d'eux-mêmes à l'extérieur du Québec chercher des soins. Ce n'est pas des nombres énormes, mais il y en a qui le font régulièrement. Ne nous fermons pas les yeux, ça existe. Alors, on veut, d'une part, renforcer le système de santé en le finançant mieux, pour retenir plus de gens chez nous, puis également que ces cliniques privées, qui existent et sont légales, répondent aux besoins des gens, mais pas aux dépens du système de santé. Ça, je pense que c'est ça qui est important.

M. Lamontagne (Yves): Une autre, peut-être, chose... un autre tabou que je voudrais enlever, c'est de dire: Quand on s'en va en privé, tous les docteurs vont s'en aller en privé. Je vous dirai que la grande, très, très grande majorité des médecins québécois sont très attachés à leur système public et qu'ils ne passeront pas nécessairement... Il y a 100 médecins, hein, à peu près 50 omnis, 50 spécialistes, qui sont désaffiliés sur 18 000 médecins. Alors, ce n'est pas l'exode, là. Et l'ensemble des médecins québécois croient fortement dans un système public. Et de toute façon ils ont très bien compris parce que, si tout les médecins s'en allaient dans le privé demain matin, en dedans de trois mois ils vont faire faillite parce qu'il n'y pas de riches au Québec. Et je connais une clinique, là, qui a parti il y a à peu près un an, là. Bien, ils sont déjà en difficultés financières.

M. Couillard: Celle dont on a parlé dans les journaux, toujours bien?

M. Lamontagne (Yves): Je ne sais pas laquelle, là, mais il y en a une qui a de la misère. Alors ça, là, c'est un tabou de dire: Ils vont tous s'en aller en privé. Ce n'est pas vrai.

M. Couillard: Moi, c'est ce que je dis également. Lorsqu'on parle, par exemple, des cliniques privées de résonance magnétique, on voit que le nombre de nouvelles cliniques a beaucoup diminué, hein, parce que le nombre d'appareils publics a beaucoup augmenté, ce qui fait que ça devient assez risqué commercialement de partir une clinique de résonnance magnétique. Même chose pour les TEP. Alors, il y a un marché qui n'est pas immense, là.

M. Robert (Yves): Mais vous avez raison. C'est le sens d'ailleurs de votre livre blanc, si je l'ai bien compris. C'est-à-dire que, plus on va renforcer le système public, moins il va y avoir un intérêt à contracter une assurance privée. Je veux dire, ça va de pair. Le citoyen va aller là où il va avoir le service le plus rapidement et de plus grande qualité.

Le Président (M. Reid): Mme la députée de Chambly.

Mme Legault: Oui. Merci, M. le Président. Écoutez, vous dites, à la page 3 de votre mémoire: «Par contre, le fait de considérer l'assurance privée comme une mesure palliative de deuxième choix force le système de santé public à mieux performer.» Alors, pourquoi vous dites ça?

M. Robert (Yves): Pour la raison de la compétition à laquelle on faisait allusion tantôt. C'est-à-dire que, si on veut que le système... On parlait de l'émulation tantôt, de la compétitivité. Le fait d'introduire la possibilité d'aller chercher une assurance privée et éventuellement d'aller chercher un service dans le privé pourrait être un stimulant pour le système public pour effectivement garder ses clientèles et offrir un service de meilleure qualité. Donc, c'est un petit peu ça, l'équilibre entre les deux. Donc, je comprends qu'effectivement l'arrêt de la Cour suprême oblige le gouvernement à enlever l'interdiction qui était faite jusqu'à maintenant de pouvoir contracter une assurance privée dans le but de garder le monopole public, donc ça peut être vu comme quelque chose de négatif, mais ça peut être vu comme un stimulant pour le système public pour qu'il améliore la qualité et sa performance.

Mme Legault: Merci.

Le Président (M. Reid): Oui. Alors, nous allons passer à l'opposition. M. le député de Borduas.

M. Charbonneau: Disons que j'ai de la misère à vous suivre un peu, là, parce que j'ai l'impression que vous tenez deux discours. C'est-à-dire que vous nous dites que vous n'êtes pas en faveur finalement de l'assurance privée pour l'essentiel, que vous êtes d'accord avec l'orientation d'un système public, mais en même temps vous venez de dire: Bon, bien, finalement, un peu de privé... l'assurance privée pour stimuler, pour mieux aider le public à mieux performer... Moi, je vous suivrais si on avait la démonstration, au niveau des données scientifiques ici puis ailleurs, que ça va avoir un impact sur les listes d'attente ou que ça va avoir un impact sur le financement. Mais, comme on fait la démonstration du contraire et que même le gouvernement reconnaît que ça n'a pas d'impact sur les listes d'attente, ça n'a pas d'impact sur l'argent qui est injecté dans le système public, ça donne quoi? Tu sais, on va faire semblant, puis on l'a dit tantôt, pour une raison symbolique, on va permettre à l'assurance privée d'introduire une distorsion idéologique ou philosophique dans notre système de santé pour pas grand-chose, finalement.

Moi, je vous suis puis je pense qu'il y a beaucoup de gens qui suivent sur le fait qu'il faut consolider la première ligne ? on va y revenir ? puis que dans le fond peut-être que la solution, c'est... Il ne s'agit pas de démoniser le privé. D'ailleurs, quand on parle de cliniques privées affiliées, on parle de cliniques privées, hein, affiliées. Donc, le privé n'est pas démonisé. On l'avait proposé, et le gouvernement reprend cette idée-là. Il s'agit de l'encadrer, etc. Bon. Mais ce qui est dit, c'est que, si on couple ça avec une présence, même limitée, de l'assurance privée, un, ça a des effets pervers, puis, deux, ça ne donne pas grand-chose. Pourquoi on le ferait dans ce cas-là? C'est ça, la question.

M. Robert (Yves): Je pense que la réponse...

M. Charbonneau: Parce que vous ne voulez pas être idéologiques, mais dans le fond... Je veux dire, faites-nous la démonstration que ça va vraiment stimuler puis que ça va aider le public à mieux performer. Vous n'êtes pas capables de faire la démonstration.

M. Robert (Yves): Ce n'est pas ça qu'on...

M. Charbonneau: Dans le fond, vous autres aussi, vous êtes dans une doctrine idéologique à ce moment-là, là.

M. Robert (Yves): Loin de là. Ce qu'on veut, c'est offrir les meilleurs services possibles, dans le meilleur temps donné, au citoyen qui est malade. C'est ça, l'objectif. Donc, si c'est ça, l'objectif, ce qu'on dit, c'est: Ou le système public le donne et il a besoin de plus de ressources pour le faire... et c'est ça, le message important et ce à quoi l'arrêt de la Cour suprême oblige l'ensemble de toutes les provinces, à offrir des meilleurs services, à investir là-dedans, à défaut de quoi il va y avoir fatalement, la nature ayant horreur du vide, l'émergence d'un autre type de services. Donc, on est, jusqu'à un certain point, condamnés à offrir de meilleurs services plus rapidement dans le système public, à la condition d'y investir les ressources requises.

M. Charbonneau: On s'entend sur ça.

M. Robert (Yves): Voilà.

M. Charbonneau: Très bien. Mais, une fois qu'on a dit ça, dans le fond, c'est là qu'on doit mettre nos efforts et non pas même dans une ouverture limitée aux assurances privées pour créer l'illusion qu'on va stimuler ou qu'on va faire une saine émulation avec le système public. Dans le fond, là, ça va être une stimulation à la marge, symbolique, comme on disait tantôt. Mais l'impact puis le vrai enjeu, vous venez d'en parler, puis, je veux dire, à cet égard-là, vous reprenez ce que les groupes précédents ont dit, c'est-à-dire qu'il faut investir dans le système public, il faut qu'ils aient les ressources, puis, en bout de piste, il faut que, vous autres, les médecins, là, vous puissiez opérer, hein, vous ayez plus de temps opératoire, que ce soit dans un hôpital ou dans une clinique affiliée avec un hôpital. Dans un cas comme dans l'autre, là, ça prend de l'argent pour vous payer. C'est ça, le nerf de la guerre, dans le fond.

n(16 h 50)n

M. Lamontagne (Yves): Mais le problème, M. Charbonneau, c'est: il n'y en a pas, d'argent. Donc, s'il n'y en a pas là, il faut trouver des nouvelles affaires. C'est vrai que de toute façon c'est le citoyen qui va payer plus. Et, quand vous parliez d'assurance, l'exemple que je vous donnais, de l'Australie, tantôt, ce n'est pas une assurance privée, ça, c'est une assurance publique que le gouvernement a faite puis qui est allée chercher cet argent-là qui a comblé 10 %. C'est bien. Alors, voyez-vous, il faut être inventif puis trouver d'autres affaires parce que, je suis d'accord avec vous, idéalement un chirurgien devrait être capable d'opérer cinq jours par semaine, mais là on n'a pas les moyens. Je pourrais vous donner des exemples d'endroits où les salles d'opération ferment à 2 h 15 parce qu'au cas où ça dépasse à 4 heures ils ne peuvent pas. C'est honteux. C'est ouvert six heures par jour, même pas huit heures. Puis là, là, pendant 18 heures, là, il y a des milliers puis des milliers d'investissement qui sont faits dans la technologie d'un hôpital puis la switch est à «off». Ce n'est pas rentable beaucoup, ça, là.

M. Charbonneau: C'est ça. Mais il y a une affaire que vous avez dite, pas beaucoup, mais un peu, et puis je pense que c'est là aussi où il y a beaucoup d'argent. Qu'est-ce que vous voulez, quand vous dites: Nous sommes d'accord d'aller chercher plus d'argent du fédéral, quand vous apprenez, vous et moi, comme citoyens québécois, que, dans les cinq prochaines années, il va y avoir des surplus budgétaires de 98,6 milliards, des chiffres qui ont circulé pendant la campagne électorale, là, au fédéral, je veux dire, on a beau être les plus taxés, là, mais, je veux dire, on paie pas mal de taxes pour générer des surplus à ce niveau-là, là, pour les cinq prochaines années. Est-ce que dans le fond une partie de la solution... Et je ne dis pas que toute la solution est là parce que, même si on allait en récupérer à court terme d'une façon significative, je veux dire, il restera le problème dont on a parlé, sur le long terme, quand, nous autres, on sera... les baby-boomers, là, dans 20 ans, puis que, dans votre chaise berçante, là, vous allez vous demander si vous allez avoir tous vos services, là, il y a un...

Tu sais, c'est clair qu'il y a une pression qui nous attend tous dans 20, 25 ans, puis il faut prévoir ça dès maintenant. Mais à court terme, là, on en génère pas mal, d'argent, dans nos taxes et nos impôts. Est-ce qu'à quelque part on pourrait aussi reconnaître que, sans augmenter plus le niveau de la fiscalité, on pourrait peut-être faire en sorte qu'on en remette plus dans le système de santé puis qu'à quelque part l'État, le niveau de gouvernement qui a la responsabilité de donner ces services-là, là, avec les médecins, ait à sa disposition plus de financements publics qui sont déjà générés par nos taxes et nos impôts?

M. Lamontagne (Yves): Mais là-dessus, M. Charbonneau, je suis tout à fait d'accord avec vous. Il faut aller chercher le maximum d'argent au fédéral, ça, je suis d'accord tout à fait avec vous, mais... Et je me dis tout le temps: Ça fait longtemps que j'entends ça, hein? Quand on regarde ça, les docteurs, ils disent qu'il y a du trouble: Ah! C'est à cause de la direction générale. La direction générale, elle dit: Ah! C'est à cause de la régie. La régie dit: Ah! C'est à cause du ministère de la Santé. Le ministère de la Santé dit: Ah! C'est à cause du gouvernement. Le gouvernement dit: Ah! C'est à cause d'Ottawa. Mais ça fait 30 ans qu'on entend ça. Peut-être que c'est vrai, puis il faut aller le chercher, ça, je suis d'accord avec vous.

M. Charbonneau: C'est vrai ou ce n'est pas vrai, hein?

M. Lamontagne (Yves): Mais il faudrait peut-être se dire, à un moment donné, là: Il faut aller chercher ça, mais, de notre côté, on peut-u être inventifs un peu puis trouver, nous autres aussi, des affaires, au lieu d'attendre après le Messie, l'autre père Noël, anglophone, à Ottawa? C'est là-dessus que j'en ai, là.

M. Charbonneau: Tu sais, je suis bien d'accord avec vous, mais le problème, là, c'est qu'on est citoyens dans un pays à deux niveaux de gouvernement puis là on peut être d'un côté ou de l'autre, avec des thèses opposées, le fait est qu'il y a ça comme réalité, que moi, là, comme citoyen, que vous, comme citoyen, là, vous payez des taxes à deux niveaux. Et, moi, là, je veux bien qu'on me dise: Ça fait 30 ans, mais le problème, c'est que, si depuis 30 ans on n'arrive pas à convaincre l'autre niveau de faire en sorte que le financement pour le niveau qui donne des services soit adéquat, on a un problème. On peut bien dire qu'il faudrait être inventifs, mais l'invention, c'est que, si vous avez une masse de 98,6 milliards dans les cinq prochaines années, ce n'est pas au... Pas besoin d'être bien inventifs. Il faudrait peut-être être plus persuasifs, plus incisifs, plus pressants et qu'on mette plus de pression politique, et publique, et citoyenne pour faire en sorte qu'il y ait un retour. Ça, c'est une chose.

La deuxième, vous dites: Soyons inventifs. Moi, j'aimerais ça que vous me disiez qu'est-ce que vous pensez finalement de l'idée d'une caisse santé. Est-ce qu'en termes d'imagination... est-ce qu'on devrait aller dans cette direction-là? Est-ce qu'on doit dans le fond, par différentes sources additionnelles de financement, qui vont toujours venir de la poche des citoyens, là, hein, créer un fonds, le capitaliser et prévoir que, dans les années à venir, quand ça va être plus difficile et que finalement on va être une gang en chaise berçante, là, qu'on aura les moyens de faire face à la situation?

M. Lamontagne (Yves): Oui. Bien, vous voyez, à ce niveau-là, évidemment je ne peux pas contredire ce qu'on a déjà dit. On avait proposé cette solution-là à la commission Clair dans les années 2000, tout comme on avait proposé les cliniques médicales affiliées, à ce moment-là. Et rappelez-vous qu'en 2000 la commission attirait l'unanimité de tous les milieux de la santé. Donc, moi, je dis tout le temps: Si au moins on actualisait les plus importantes des recommandations de Clair, déjà on ferait du chemin.

Maintenant, je ne veux pas m'embarquer, l'autre affaire, au niveau politique, quand vous parlez du fédéral, mais, regardez, juste l'argent, là ? à moins que vous ne me corrigiez, les gens de la santé ? que le gouvernement a réussi à aller chercher avec Inforoute Canada, bien là il y a des piastres, là, qui ont renté ici, là. Il ne faut pas lâcher, ça, je suis d'accord avec vous, mais en même temps... C'est parce que, vous savez, il y a un danger, là, puis je ne veux pas jouer au psychiatre, là, mais il y a un danger là-dedans. C'est, quand on attend, tu sais, le père Noël, on ne se force pas beaucoup pour mériter son cadeau. On attend le père Noël, puis on est gentil, puis on lui envoie une belle lettre. Mais, à un moment donné, si le père Noël ne vient pas, il faudrait peut-être s'organiser qu'en l'attendant au moins on puisse s'arranger pour manger. Alors, c'est ça que j'en ai.

M. Charbonneau: ...pas de problème avec l'image psychiatrique du père Noël. Le problème, c'est que, vous et moi, on sait que le père Noël n'existe pas ? j'espère que les petits enfants ne sont pas à l'écoute ? il n'existe pas. Sauf que les surplus à Ottawa, eux autres, existent, et ce n'est pas pareil.

M. Lamontagne (Yves): Je sais. C'est ça.

M. Charbonneau: Ceci étant, vous dites...

Des voix: ...

M. Charbonneau: Oui. Non, le père Noël n'est pas en Alberta, le père Noël est à Ottawa.

Le Président (M. Reid): Je pense que le Dr Robert veut intervenir.

M. Robert (Yves): Oui. Pour revenir à votre caisse santé, M. Charbonneau, ce serait effectivement utile, on pense, d'avoir une caisse santé, mais à une seule condition: c'est que cet argent-là ne serve qu'à ça.

M. Lamontagne (Yves): Oui. Pas comme ça a été dans le passé que...

M. Robert (Yves): On peut créer beaucoup de fonds, mais il faut que ça serve à ce pour quoi il a été créé, et c'est à cette condition-là, je crois, que les citoyens seraient prêts à contribuer à une caisse santé, étant sûrs que ça va servir à ça.

M. Charbonneau: Non, non, ça, je pense que tout le monde s'entend, c'est-à-dire qu'il ne faut pas qu'à un moment donné on crée un fonds puis qu'à un moment donné, à cause d'une conjoncture politique quelconque, on vienne prendre cet argent-là dans cette caisse-là puis qu'on le mette sur les autoroutes ou sur n'importe quelle autre question, là.

M. Robert (Yves): ...

M. Charbonneau: Bien, toute autre mission bonne et vertueuse, là. Est-ce que vous avez une opinion sur le fait de créer une caisse santé juste à l'égard des problématiques des personnes âgées en perte d'autonomie ou si vous seriez plutôt favorables à l'idée d'une caisse santé générale pour l'ensemble des besoins de financement du système de santé? Parce que ça, c'est deux thèses, là, actuellement qui circulent. Tu sais, la commission Ménard et le rapport Clair proposent dans le fond de créer un fonds, une espèce d'assurance collective pour prévenir dans le fond les problèmes de vieillissement et de perte d'autonomie pour les personnes âgées. Puis il y a l'autre thèse qui veut qu'on ne devrait pas la spécialiser uniquement pour cette catégorie de personnes là, qu'on devrait dans le fond créer un fonds qui serait utilisable pour l'ensemble des besoins du système de santé.

M. Lamontagne (Yves): Je vous dirais là-dessus, vite: Ça devrait être pour l'ensemble du système de santé. Et, si on pouvait investir dès son jeune âge... Des images qui me viennent, j'en ai deux: les REER... Ce serait comme mon REER santé. Puis là évidemment je ne suis pas économiste, mais on pourrait mettre même un «teaser» fiscal là-dessus. Il y a eu des REA puis il y avait des choses d'impôt avec ça. Bien, au lieu de me faire flusher dans une compagnie que j'ai acheté des actions dedans puis que la compagnie a fait faillite, peut-être que ce serait le fun si j'en mettais pour mon régime santé et qui va me protéger plus tard quand je vais en avoir besoin. Et tout ça dans un système public. Ce serait sûrement très intéressant.

M. Charbonneau: D'ailleurs, on dit que cette hypothèse-là a été expérimentée dans certains coins, je pense, si je ne me trompe pas, là, peut-être...

M. Lamontagne (Yves): Je ne le sais pas, là.

M. Charbonneau: Vous avez parlé tantôt, dans votre image, là, de boîte de Smarties dans la bouche, là, autrement dit d'un gros paquet de Smarties puis dire: Bon, bien, peut-être il va falloir qu'on décide d'en enlever quelques-uns. Vous ne vous êtes pas commis sur lesquels on devrait enlever. Mais, vous, vous êtes docteur, là, comme notre ministre, là, puis vous êtes... puis votre collègue aussi, là. Vous êtes deux médecins puis vous représentez, je veux dire, l'ensemble des médecins. Si vous aviez un conseil à nous donner, là, aux citoyens qui ne sont pas médecins, lesquels Smarties on devrait enlever?

M. Lamontagne (Yves): Les Smarties bleus.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lamontagne (Yves): Écoutez, je vais être bien honnête avec vous, M. Charbonneau, je ne me lancerai pas là-dedans. Parce que j'avais une spécialité qui était quand même très pointue, en psychiatrie, puis je ne m'embêterai pas... Surtout, je n'irais pas débarquer des affaires chez les malades mentaux, quand on sait que c'est les plus démunis de la société. Alors, dans ma spécialité à moi... Et qui ont été relativement bafoués. Parce que, vous savez, quand ils ont fait sortir les gens des hôpitaux psychiatriques, ça, c'en est un exemple où le budget devait suivre dans la communauté puis il n'a jamais suivi. Alors, je n'irai pas en enlever là, certain, certain, certain. Or, dans les autres spécialités ou en médecine, je ne connais pas assez ça. Je ne sais pas si mon autre Yves a des choses à dire là-dessus. Et je pense que ce n'est peut-être pas la place de commencer parce que je me suis fait prendre une fois comme ça, hein, puis je me suis retrouvé dans Le Devoir, le lundi matin, parce que les femmes m'avaient sauté dans la face. Je ne me ferai pas reprendre deux fois là-dessus, certain.

n(17 heures)n

M. Charbonneau: Tu sais, c'est parce que... Écoutez, moi, je suis un parlementaire de longue date puis le problème, c'est que souvent les gens viennent en commission puis ils nous disent ce genre de truc là, mais jamais ils ne mettent sur la table finalement une proposition claire. Alors, nous autres, les élus, là, finalement on est toujours poignés après ça pour dire: Oui, mais où est-ce qu'on va couper? Nous autres, là... Autrement dit, les élus, prenez le risque, et puis après ça on va vous rentrer dedans. Bien, moi, je veux dire, si j'entends des citoyens venir me dire que je devrais enlever telle ou telle affaire, je voudrais bien qu'ils me disent, oui, mais lesquelles? Autrement, c'est bien facile de le dire, mais ce n'est peut-être pas si facile de le faire.

M. Robert (Yves): Bien, d'abord, un, je vous dirais: Les actes médicaux, là, il y en a une pile, une brique, là, de feuilles bien épaisse. Donc, on ne la révisera pas après-midi. Mais ce que je peux vous dire, c'est qu'à mon avis c'est les citoyens qui devraient être amenés à contribuer à partir de certains actes qui pourraient être envisagés. On peut la réviser au complet pour dire: Bien, ceux-là pourraient peut-être, sinon être enlevés, du moins peut-être imaginer une participation du citoyen sous une forme ou une autre. Ce n'est pas blanc ou noir, dans la vie, là, ça peut être entre les deux, à un moment donné. Et puis, dans ce sens-là, ça pourrait être un exercice qui pourrait être intéressant à faire.

Puis je vous donne juste un exemple. Nous autres, comme organisation, à un moment donné, comme plusieurs employeurs, on a des assurances groupe, des assurances invalidité, oui, puis des assurances vie, des assurances complémentaires, etc. Mais la prime, elle augmente d'année en année. Puis là, à un moment donné, si vous avez de la difficulté à payer, bien vous faites un choix. Est-ce que tu diminues ta couverture? Est-ce que tu augmentes ton temps? Il y a différentes variables sur lesquelles on peut jouer. Mais pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas faire la même chose avec le régime qui est couvert? Il y a peut-être différentes options qui peuvent être regardées, des choses qui peuvent être moins importantes, des choses qui peuvent être plus importantes, puis là faire des choix qui peuvent être même provinciaux, qui peuvent être aussi régionaux, qui peuvent être aussi locaux. Il y a peut-être de la souplesse à créer là-dedans, puis je pense qu'il y a beaucoup de place pour inventer.

M. Charbonneau: Ce que vous dites, c'est que dans le fond peut-être qu'on devrait faire l'exercice avec les citoyens, dire: Voici... Un peu comme on le fait quand on a... les gens qui ont des assurances, des plans d'assurances collectives. Les députés en ont, j'imagine que les médecins en ont, puis tout ça, puis beaucoup de gens. Alors là, on dit: Voici une série de services qui sont couverts par le plan. Alors, on pourrait peut-être dire aux citoyens: Voici les services qui sont couverts par votre plan public et voici ceux qui ne sont pas couverts. Et lesquels vous préféreriez voir couverts éventuellement par votre plan public? Donc, un exercice qui, à ma connaissance, n'a jamais été fait, là, par qui que ce soit.

M. Lamontagne (Yves): Encore là, vous savez, comme je vous dis, on est midi moins cinq. Et, quand je vous entends, c'est très, très bien et c'est bien que les gens participent, toute l'affaire. Mais il ne faudrait pas faire un référendum qui va durer 12 ans là-dessus avant d'avoir les réponses, là. Parce que je pense qu'il faut...

M. Charbonneau: C'est pour ça que je vous posais tantôt la question. À ce moment-là, il faudrait peut-être qu'on nous dise plus clairement puis plus rapidement vers quoi on devrait porter notre attention, là.

M. Lamontagne (Yves): Oui. Mais ça à quoi je vous réponds que le ministère de la Santé, comme tel, ils ont des données, ils ont des chiffres, ils ont des experts. Et déjà en partant là, quant à moi, je suis très assuré qu'ils peuvent savoir très bien quels sont les actes qui pourraient peut-être être adoucis, enlevés ou avec une certaine quote-part venant des gens, de la population.

M. Charbonneau: Vous avez dit, dans votre mémoire, à la page 4: «Il ne faudrait pas donner l'impression que la liste d'attente est courte par une astuce bureaucratique, par exemple en ne comptant pas le temps d'investigation qui est antérieur à l'inscription du patient sur la liste. Il est facile de jouer avec des chiffres. On a déjà vu semblables pratiques dans le passé. Il faudra [aussi] des données validées et de l'honnêteté dans le contrat social que vous proposez au citoyen [et au] consommateur.» Est-ce que vous pourriez élaborer un petit peu plus sur ça, là?

M. Lamontagne (Yves): Je vous donne un exemple fort simple. Vous savez, faire des chiffres puis des belles listes, tout ça... Je lisais d'ailleurs en m'en venant... Vous savez qu'aux États-Unis les hôpitaux sont cotés, hein, tu sais, en fonction des urgences, puis tout ça. Mais j'ai appris qu'il y a un hôpital qui est très, très bien coté parce qu'il n'a pas de temps d'attente à l'urgence. Bien, savez-vous ce qu'ils font? Il n'y en a pas, de temps d'attente à l'urgence. Ils disent au monde: Restez dans votre char, puis on vous appellera. Ils sont très, très bien cotés. Est-ce que c'est vraiment qu'il n'y a pas d'attente à cet hôpital-là? Allez attendre sur le bord de la rue, là. Allez attendre sur le bord de la rue, là, parce qu'ici c'est «cool», là. Il ne faut pas que tu paquetes l'urgence, puis...

M. Robert (Yves): Ça se passe en Angleterre au moment où on se parle. À cause des temps d'attente qui sont limités dans les urgences, on loue des roulottes à l'extérieur de l'urgence pour ne pas qu'ils soient comptabilisés dans la liste d'attente. Ça fait que là, là, il faut être honnête.

M. Charbonneau: Ça, ça veut dire que finalement, quand on fait des analyses comparatives en utilisant des statistiques à l'étranger, il faut prendre ça avec un grain de sel, hein?

M. Lamontagne (Yves): Oui, monsieur. Oui, monsieur. Je vous en prie.

M. Charbonneau: Parce que les autres sociétés plus performantes que le Québec ne sont peut-être pas aussi performantes.

M. Lamontagne (Yves): Vous avez tout à fait raison.

M. Robert (Yves): Vous savez, l'être humain est infiniment adaptable.

M. Charbonneau: Je comprends. Le ministre a posé une question tantôt, puis dans le fond ce serait intéressant d'aller un petit peu plus loin. C'est: Comment amener les médecins ? parce que, vous autres, vous êtes garants finalement de la déontologie dans la profession ? à donner l'heure juste pour la confection des listes d'attente, là? Dans le fond, c'est que, si les médecins... Puis le ministre a été très, très candide en reconnaissant que certains de ses collègues passés jouaient avec les listes qu'ils gardaient dans leurs sarraus ou dans leurs chemises. Parce que vous dites: Bon, écoutez, les médecins sont prêts à collaborer. Mais la réalité, c'est qu'ils sont humains comme tout le monde. Comment on pourrait faire pour s'assurer que finalement tout le monde donne l'heure juste puis qu'ils n'aient pas la possibilité de passer à côté ou encore de faire ce dont on vient de parler, là, de se montrer complices, comme à l'étranger, de systèmes, là, un peu tordus?

M. Lamontagne (Yves): Oui. Tout à fait, oui. Je vais vous répondre là-dessus qu'il y a un grand, grand avantage d'avoir un ministre médecin parce qu'il sait toutes les petites affaires. Le grand désavantage, c'est qu'il ne faudrait pas toujours qu'il dise les petites affaires parce que, nous, comme médecins, on passe, quand ça sort dans le public, comme si on était tous pareils puis qu'on joue le système. Or, je peux vous dire que c'est loin d'être l'ensemble des médecins qui jouent le système. Il y a 18 000 médecins au Québec. C'est comme une petite ville ou un petit village. Il a ses papes, mais il a aussi quelques délinquants, et la médecine n'y échappe pas, M. Charbonneau. Alors, dans ce sens-là, moi, j'ai toujours un petit peu de misère quand c'est toujours les médecins, puis on est effrayants. Puis c'est sûr que Le Journal de Montréal, ça prend un cas sur 18 000 puis il nous pète ça en pleine face, dans la page un.

M. Charbonneau: Rassurez-vous, Dr Lamontagne, les politiciens, nous autres aussi, ça en prend juste un. Mais la différence, c'est que, vous, vous êtes en haut de la liste d'appréciation. Nous autres, là, on est en bas, puis, juste après nous autres, c'est les Hell's.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lamontagne (Yves): Mais, M. Charbonneau, de façon étonnante, je vais vous corriger, nous sommes maintenant en quatrième place. Donc, on a perdu...

M. Charbonneau: On aimerait être en quatrième, nous, la classe politique, vous savez.

M. Lamontagne (Yves): On est après les pompiers, les infirmières puis là il m'en manque un. On est rendus en quatrième place. On perd des places, là, ce n'est pas bon signe, ça, pour nous autres, là.

M. Charbonneau: Oui. Bien, est-ce que vous pouvez être compatissant, vous, comme psychiatre envers les politiciens que nous sommes? On est en dernier dans la liste depuis je ne sais pas quand, je pense depuis qu'on fait des statistiques.

M. Lamontagne (Yves): Bien, oui, je suis très compatissant, mais je ne fais plus de thérapie maintenant. Je suis à plein temps au collège.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Reid): Alors, le temps de l'opposition est écoulé. Il restait une minute. Moi, je voudrais simplement peut-être vous dire un gros merci, ne serait-ce que parce qu'on termine la journée sur un message extraordinaire pour le Québec, c'est-à-dire celui d'être innovateur et de penser un peu plus large. Je pense que le député qui vous parle a toujours été convaincu que l'avenir du Québec va être intéressant si on réussit à faire en sorte que la capacité innovatrice des Québécoises et des Québécois est vraiment mise à profit pour le développement du Québec. Alors, ceci étant, je vous remercie beaucoup, Dr Lamontagne, Dr Robert.

Et nous allons reprendre les auditions mercredi, à 9 h 30, dans cette même salle.

(Fin de la séance à 17 h 7)


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