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Version finale

37e législature, 2e session
(14 mars 2006 au 21 février 2007)

Le jeudi 1 juin 2006 - Vol. 39 N° 37

Consultation générale sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès : un défi d'équité, d'efficience et de qualité


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Table des matières

Auditions (suite)

Intervenants

 

M. Russell Copeman, président

Mme Yolande James, présidente suppléante

M. Jean-Pierre Paquin, président suppléant

M. Philippe Couillard

M. Jonathan Valois

Mme Margaret F. Delisle

* M. Michel Venne, INM

* Mme Isabelle Tremblay, AQRIPH

* M. Mathieu Noël, idem

* Mme Marie-Claude Gagnon, idem

* Mme Thérèse Colin, idem

* M. Pierre-Yves Lévesque, idem

* M. Claude Leblond, OPTSQ

* M. Stéphane Richard, idem

* M. Guy Dumas, OPHQ

* Mme Anne Hébert, idem

* M. Pierre Berger, idem

* Mme Lise Bergeron, AQIS

* M. Robert Bousquet, idem

* Mme Diane Milliard, idem

* Mme Susie Navert, idem

* M. Eiman Sadegh, ODAS-Montréal

* M. Mathieu Robillard, idem

* M. Paul-Yvon Blanchette, MTC

* Mme Florence Piron, Conseil des citoyens de Québec pour la santé et les services sociaux

* Mme Doris Tremblay, idem

* M. Réal Faucher, idem

* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures trente et une minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales.

Nous sommes toujours réunis afin de poursuive notre consultation générale et nos auditions publiques sur le document concernant les services de santé intitulé Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Charest (Rimouski) va être remplacée par M. Valois (Joliette). C'est tout.

Le Président (M. Copeman): Merci. Je vous rappelle, chers collègues, que l'utilisation des téléphones cellulaires est interdite pendant les travaux de la commission. Je prierais tous ceux qui en font l'usage de bien vouloir les mettre hors tension. Évidemment, ça s'applique à toutes les personnes présentes dans la salle.

Nous avons une journée bien remplie aujourd'hui. Nous allons débuter dans quelques instants avec l'audition de l'Institut du Nouveau Monde. Par la suite, ce sera le tour de l'Alliance québécoise pour le regroupement régional pour l'intégration des personnes handicapées. Je ferai lecture de l'ordre du jour, du restant de l'ordre du jour, dès notre retour à 15 heures.

Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue au directeur général de l'Institut du Nouveau Mode. M. Venne, bonjour.

Auditions (suite)

Institut du Nouveau Monde (INM)

M. Venne (Michel): Bonjour, monsieur.

Le Président (M. Copeman): Vous avez, selon nos règles de fonctionnement, 20 minutes pour votre présentation. Je vais vous aviser quand il reste trois minutes pour mieux vous aider à conclure. Par la suite, il y aura un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. La parole est à vous, M. Venne.

M. Venne (Michel): Merci, M. le Président. M. le ministre, M. le porte-parole de l'opposition officielle, messieurs dames, membres de la commission. Je voudrais d'abord vous remercier de donner l'occasion à l'Institut du Nouveau Monde de vous transmettre le fruit des réflexions de citoyens sur l'avenir du système de santé au Québec.

L'Institut du Nouveau Monde est un organisme indépendant, non partisan, qui est né en avril 2004, qui est voué au renouvellement des idées et à l'animation des débats publics au Québec. Et, entre autres activités, l'INM a tenu, au printemps 2005, une démarche d'envergure que nous avons appelée Rendez-vous stratégique sur la santé, une démarche qui a même été saluée par l'Organisation mondiale de la santé et qui a réuni quelque 200 citoyens et experts pour élaborer des recommandations pour un Québec en santé. L'INM a également organisé, en février dernier, un colloque auquel plus de 300 personnes ont participé pour s'informer et débattre des suites à donner au jugement de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Chaoulli. C'est en s'appuyant sur les résultats de ces deux démarches que l'INM présente ici le point de vue de citoyens informés, éclairés par la connaissance de la recherche scientifique, sur les propositions formulées par le gouvernement dans le document Garantir l'accès.

Il ne faut pas oublier la raison pour laquelle nous sommes ici, aujourd'hui. Notre système de santé est certainement confronté à des défis immenses qui requièrent des réformes, mais nous sommes réunis en commission parlementaire avant tout à cause de la décision d'un tribunal. Il y a bientôt un an, la Cour suprême du Canada a invalidé deux articles de loi qui prohibent l'assurance privée duplicative pour les services médicaux et hospitaliers au Québec, et le gouvernement invite les citoyens à se prononcer sur la levée partielle de cette prohibition. Or, les démarches citoyennes organisées par l'Institut du Nouveau Monde nous permettent de conclure que la priorité des Québécois en matière de santé n'est certainement pas l'accès à une assurance privée duplicative.

Pour répondre aux priorités des citoyens, le gouvernement devrait plutôt mettre en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour donner accès à tous à un médecin de famille et à des services de première ligne efficaces et entreprendre sans tarder un virage en faveur de la prévention. Ces mesures auraient indéniablement, aux yeux des citoyens ainsi qu'aux yeux des meilleurs experts, un impact beaucoup plus structurant sur la santé des Québécois.

Le virage en faveur de la prévention dont il est ici question concerne bien sûr toutes les actions qui peuvent être entreprises au sein ou à l'extérieur du système de soins pour dépister les maladies et favoriser l'adoption de saines habitudes de vie. Le document Garantir l'accès fait d'ailleurs état d'un certain nombre de mesures adoptées en ce sens. Le Québec ne part pas de zéro à ce chapitre, certes, mais il a du chemin à faire.

D'une part, la proportion du budget du ministère de la Santé et des Services sociaux consacrée à la prévention pourrait être augmentée, mais, d'autre part, la prévention n'a d'effet réel qu'à partir du moment où l'on s'attaque aux facteurs déterminants de la santé les plus marquants. Or, le facteur le plus important est certainement la pauvreté. Combattre la pauvreté est le moyen le plus efficace que l'État québécois peut mettre en oeuvre pour améliorer le bilan de santé de la population. D'autres moyens doivent être retenus: aménager un environnement sain, favoriser la solidarité au sein des communautés, faciliter pour les individus le choix de saines habitudes de vie et construire sur du solide en investissant dans le développement des enfants.

M. le ministre, chers membres de cette commission, si vous souhaitez répondre aux besoins prioritaires des Québécois, proposez des moyens de donner accès pour tous à un médecin de famille et appuyez des mesures énergiques de lutte contre la pauvreté. À côté de ces mesures essentielles, donner accès à l'assurance privée duplicative apparaît comme une mesure dérisoire, voire socialement inutile. J'y reviendrai.

Il reste que les délais d'attente pour certaines chirurgies ? d'ailleurs les médias en ont fait état largement ce matin ? sont jugés intolérables par une part croissante de la population. Il va de soi qu'il s'agit d'un problème urgent auquel des solutions doivent être apportées. Pour cette raison, l'Institut du Nouveau Monde appuie le principe d'établir une garantie d'accès aux soins dans le secteur public. L'intention du gouvernement d'«orienter les actions du réseau de la santé et des services sociaux vers l'introduction d'un mécanisme pour garantir l'accès aux services dans le système public» ? fin de la citation ? correspond aux voeux des citoyens ayant participé aux débats de l'Institut du Nouveau Monde.

Ceux-ci souhaitent en effet que le système continue d'obéir à une dynamique publique. Ils rejettent l'application de la logique marchande dans le système de soins. Ils considèrent l'accessibilité universelle comme un principe non négociable. Ils ont formulé diverses recommandations pour améliorer les soins et les services dans le système public. Les citoyens appuieront volontiers toutes les réformes visant un meilleur accès aux services à l'intérieur du système public. M. le ministre, vous avez l'occasion de tabler sur cet appui pour compléter les réformes que vous avez déjà entamées.

D'ailleurs, la proposition gouvernementale s'appuie, elle aussi, sur des principes qui ont été retenus par les citoyens: l'université et l'équité du régime public de santé, l'intégrité... pardon, l'intégration des services comme mode d'organisation privilégié, le maintien et l'amélioration de la qualité des services, la disponibilité des ressources humaines dans le secteur public, l'accroissement de la productivité et un meilleur contrôle des coûts du système de santé.

Le gouvernement affirme que le mécanisme de garantie d'accès fera l'objet d'une évaluation continue sur une période de cinq ans et que des ajustements seraient apportés au besoin afin de renforcer l'appui de la population à son système public de santé. L'INM recommande que l'évaluation du mécanisme de garantie d'accès soit nécessairement publique, que les citoyens soient conviés à y participer et qu'elle soit confiée à une instance indépendante du ministère. L'INM recommande que des critères précis et que des indicateurs quantitatifs et qualitatifs soient déterminés au préalable pour soutenir cette évaluation, notamment en ce qui a trait à l'efficacité réelle du mécanisme pour réduire les listes et les délais d'attente et aux coûts engendrés par celui-ci. À cet égard, l'INM recommande aussi au gouvernement d'améliorer la qualité et la fiabilité des indicateurs disponibles pour mesurer les délais d'attente et que ceux-ci soient facilement accessibles aux citoyens et aux usagers.

Le gouvernement évoque aussi la possibilité que le droit de souscrire une assurance privée soit étendu à chacune des situations cliniques qui jouiraient d'une garantie d'accès, sauf pour les chirurgies cardiaques et les traitements de radio-oncologie. Si tel devait être le cas, chaque fois que le gouvernement établirait une garantie d'accès pour une situation clinique donnée, il élargirait la part du financement privé en santé. Nous croyons que ces deux questions, la garantie d'accès et l'assurance privée, doivent être traitées séparément, et pour cette raison l'INM recommande au gouvernement de dissocier clairement l'établissement d'une garantie d'accès dans le système public du droit de souscrire une assurance maladie privée.

Le mécanisme de garantie d'accès proposé par le gouvernement prévoit que, si un patient inscrit sur une liste d'attente pour une chirurgie élective visée par le mécanisme n'a toujours pas reçu le service requis par sa condition après six mois, l'établissement responsable de son cas peut, et je cite, «procéder à l'achat du service dans une clinique spécialisée affiliée au réseau public».

Les citoyens ne sont pas contre le recours au privé pour la livraison ou la production de soins. Ils ont toutefois énoncé, lors de nos démarches, des conditions pour y consentir. Le document de consultation ne fournit pas toute l'information nécessaire sur les avantages et les inconvénients de la création de telles cliniques privées affiliées, sinon que celles-ci procéderaient à l'acquisition de leurs équipements et de leurs installations en fournissant elles-mêmes le capital requis. L'information fournie dans le document de consultation sur les cliniques spécialisées permet d'établir que la proposition gouvernementale répond favorablement à certaines de ces conditions, par contre. Le financement des soins serait public, et les services offerts seraient déterminés par les établissements publics auxquels les cliniques seraient affiliées.

n(11 h 40)n

Le document n'est toutefois pas suffisamment explicite pour savoir si le projet de créer des cliniques spécialisées affiliées répond aux autres conditions. En particulier, ces cliniques seraient-elles rentables du point de vue des finances publiques? Le rapport coût-bénéfice serait-il avantageux? En somme, en aurions-nous pour notre argent? En d'autres termes, si vous voulez, est-ce que la création de cliniques privées spécialisées, affiliées aux hôpitaux, nous coûterait plus cher que le réaménagement des établissements publics, notamment en poursuivant le développement des centres de services ambulatoires? Quels besoins spécifiques seraient comblés par ces cliniques et en quoi leurs services seraient-ils complémentaires avec ceux du système public? L'accessibilité serait-elle améliorée et surtout l'accessibilité serait-elle améliorée davantage avec des cliniques affiliées que si on avait réaménagé les établissements publics? Quelles seraient les modalités d'évaluation de l'efficacité et de la qualité des services offerts?

En outre, il semble clair que ces cliniques seraient la propriété d'entreprises à but lucratif. Si tel est le cas, il est impossible de savoir, en lisant le document de consultation, comment ces entreprises réussiraient à dégager une marge bénéficiaire, le profit étant une condition pour tout investisseur privé. Les patients devraient-ils y débourser des frais supplémentaires? Les tarifs octroyés aux médecins participants oeuvrant dans ces cliniques seraient-ils supérieurs à ceux accordés dans les établissements publics? Les conditions de travail et salariales des employés de ces cliniques seraient-elles différentes de celles en vigueur dans les établissements publics, etc.?

En conséquence, l'INM recommande au gouvernement de clarifier son projet de cliniques spécialisées affiliées, notamment en tenant compte des conditions énoncées lors du Rendez-vous stratégique de l'INM sur la santé, et de soumettre à nouveau ce projet à la consultation au cours des prochains mois.

J'aborde maintenant la levée de la prohibition de l'assurance privée. Les citoyens participant au Rendez-vous stratégique de l'INM sur la santé se sont prononcés clairement en faveur du maintien du caractère public du financement du système de santé et de services sociaux. Cette prise de position s'explique par la volonté de préserver l'universalité d'accès aux soins. Les citoyens appuient le principe voulant que les services soient accessibles en fonction de l'état de santé d'une personne et non en fonction de l'épaisseur de son porte-monnaie.

Le gouvernement réitère d'ailleurs, dans le document de consultation, son appui à ces principes et le gouvernement fait une critique vigoureuse de la privatisation du financement des soins de santé. Je cite le document: «Toutes les analyses rejettent le recours à la privatisation du financement des soins de santé parce que cette voie comporte des inconvénients majeurs. Parmi ceux-ci, notons la protection insuffisante de la couverture d'assurance privée, les coûts élevés, les problèmes d'accessibilité et d'équité pour les personnes à faibles revenus, le manque de ressources humaines, notamment les médecins, ainsi que les écarts dans leur répartition sur l'ensemble du territoire.»

Le gouvernement constate que «les expériences étrangères en matière d'assurance privée duplicative comportent plusieurs risques et ne semblent apporter aucune garantie d'un meilleur accès global aux soins de santé ni de gains d'efficience dans l'ensemble du système».

Toujours selon le gouvernement, «le principal effet pervers associé à une réglementation trop permissive et à un contrôle inadéquat de l'assurance duplicative est le détournement de ressources humaines du secteur public vers le secteur privé. Cela peut avoir pour conséquence une réduction de l'accès.»

Enfin, «il semble probable ? dit toujours le gouvernement ? que plus l'ouverture à l'assurance privée sera étendue, plus la gestion globale du système de santé deviendra complexe et plus il pourra être difficile d'en contrôler la qualité et les coûts. Une ouverture à l'assurance privée amènerait, selon toute probabilité, une augmentation de la part du PIB consacrée au secteur de la santé et des services sociaux.» Fin de la citation.

Après avoir fait ces constats, étonnamment le gouvernement propose néanmoins, afin de répondre aux conclusions de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Chaoulli, la levée partielle de la prohibition. Il va de soi que la levée de la prohibition de l'assurance privée pour les services couverts par l'assurance maladie et l'assurance hospitalisation publique est en contradiction avec la volonté des citoyens de maintenir le financement public de ces services.

Il s'agit également d'une rupture avec un principe adopté chez nous qui consiste à dire que le coeur, entre guillemets, du système de soins, c'est-à-dire les services médicaux et hospitaliers, sont couverts par le régime public, mais que la plupart des services qui échappent à cette définition, comme les soins dentaires, médicaments, psychologie, physiothérapie, médecines douces, sont financés par des contributions privées, notamment l'assurance complémentaire, en particulier les assurances collectives payées en partie par l'employeur, soit par des contributions d'usagers.

Malgré les restrictions proposées par le gouvernement, nous n'avons pas la conviction que la levée de la prohibition de l'assurance privée, entre autres parce qu'elle ouvre la voie à son extension éventuelle à de nombreuses autres situations cliniques, serait compatible avec l'objectif légitime de préserver l'intégrité du système public. Le gouvernement a lui-même documenté les risques et les écueils de l'assurance privée, et cette documentation correspond aux conclusions de la plupart des études sérieuses qui ont été faites sur la question à travers le monde.

Il y a lieu de penser qu'une levée, même partielle pour l'instant, de la prohibition de l'assurance privée contribuerait à créer une dynamique favorable à la privatisation des soins que le gouvernement ne souhaite pas. Cette dynamique, nourrie par les attentes du secteur privé, pourrait mener à l'expansion d'un système de santé parallèle, ce qui serait contraire à tous les objectifs et les principes énoncés par le gouvernement.

En outre, il est probable que l'implantation d'une garantie d'accès dans le système public, doublée de la création de cliniques spécialisées affiliées, le cas échéant, si les conditions sont rencontrées, seront des mesures suffisantes pour assurer l'accès à des soins, et ainsi protéger le droit des Québécois à la vie, et ainsi répondre aux inquiétudes formulées par la Cour suprême du Canada. En d'autres termes, la levée de la prohibition de l'assurance privée ne serait pas socialement utile.

En conséquence, l'INM recommande au gouvernement de surseoir à son intention de lever la prohibition de l'assurance privée duplicative jusqu'à ce que les mécanismes de garantie d'accès, incluant les cliniques spécialisées affiliées, le cas échéant, aient été implantés et évalués et que l'opportunité de lever la prohibition ne soit examinée que lorsque ce processus sera complété.

Alors, comment répondre à l'arrêt Chaoulli? On s'est permis une suggestion. Comme les articles de loi visés par l'arrêt Chaoulli deviennent caducs, je crois, le 9 juin, si ma mémoire est bonne, le gouvernement pourrait proposer à l'Assemblée nationale d'adopter de nouveaux articles précisant que l'offre d'assurance privée duplicative est sujette à une réglementation adoptée par le gouvernement. Ces articles devraient à notre avis préciser que l'adoption de cette réglementation devra faire l'objet d'une consultation publique. Lors du dépôt du projet de loi, le gouvernement pourrait préciser, par déclaration ministérielle, qu'aucune réglementation donnant ouverture à l'assurance privée duplicative ne sera faite ou adoptée tant et aussi longtemps que les mécanismes de garantie d'accès aux soins dans le secteur public n'auront pas été implantés et évalués dans le cadre d'une démarche publique et que ce n'est qu'à ce moment-là que l'opportunité de lever la prohibition sera réexaminée.

Ainsi, le vide législatif serait comblé et aucune compagnie d'assurance ne pourrait offrir d'assurance privée duplicative tant que le gouvernement n'aurait pas adopté la réglementation appropriée. Pendant ce temps, le gouvernement pourrait entreprendre, avec l'appui massif de la population, les réformes nécessaires pour garantir l'accès aux soins dans le secteur public, donner accès à tous à un médecin de famille, améliorer les soins de première ligne, négocier le virage en faveur de la prévention et d'une action vigoureuse à l'égard des facteurs déterminants de la santé, en particulier la réduction de la pauvreté.

M. le Président, je terminerai avec quelques brèves remarques sur la question du financement. La première remarque, c'est que nous ne considérons pas que la présente commission parlementaire pourra être vue par le gouvernement comme ayant donné lieu à une véritable consultation sur le sujet. Au mieux, l'exercice permet aux députés, et ce n'est pas négligeable tout de même, de recueillir des observations et des suggestions. Mais une vraie consultation doit porter sur un objet circonscrit, une proposition claire du gouvernement par exemple, et s'appuyer sur une documentation pertinente et une période d'information et d'échange suffisamment longue pour permettre aux citoyens de saisir les enjeux et d'évaluer les avantages et les inconvénients de la proposition.

Lors du Rendez-vous stratégique de l'INM sur la santé, le dialogue entre citoyens et experts a tout de même permis de dégager certaines considérations à propos du financement du système de santé. Les citoyens estiment qu'avant même d'envisager d'augmenter le financement de la santé l'État doit multiplier les efforts pour dépenser mieux les budgets déjà prévus, et accroître la transparence, et améliorer les mécanismes d'évaluation publique du système. Ils rejettent majoritairement le recours à des cotisations dédiées, comme en Ontario ou en Alberta. L'impôt est vu par eux, encore aujourd'hui, comme la meilleure source de revenus pour le système public de santé parce qu'il permet une distribution équitable des coûts selon les revenus. Le ticket modérateur n'a pas trouvé d'appui majoritaire, même s'il a été débattu et malgré son application en Europe, à cause des effets pervers que celui-ci peut avoir sur les personnes les plus démunies, qui pourraient dès lors se voir priver de services et leur condition se détériorer.

Les citoyens estiment que l'Assemblée nationale doit renouveler ses demandes d'une augmentation des paiements de transfert fédéraux en santé. Les solutions de type assurance autonomie et caisse santé n'ont pas suscité d'enthousiasme, et ce, principalement parce que les citoyens se sentaient insuffisamment informés des modalités précises et des effets réels de tels mécanismes. Les participants ont toutefois été sensibles à la dimension, entre guillemets, prévoir l'avenir de telles solutions. Ils sont préoccupés par la pérennité du système de soins et par l'équité intergénérationnelle.

Par contre, ils ne voient guère l'utilité de créer une caisse ou un fonds séparé pour la santé afin de gérer les dépenses actuelles. Ils ont exprimé une forte sensibilité à l'égard d'une approche globale de la santé, notamment par une action sur les déterminants de la santé. Ils ont été étonnés d'apprendre que le système de soins n'a contribué, au cours du dernier siècle, qu'à 20 % de l'augmentation de l'espérance de vie. Personne évidemment ne remet en question l'existence d'un système de soins de qualité, mais ils observent que ce système doit s'insérer dans une dynamique globale, comme l'un des déterminants de la santé. Les autres missions de l'État, ont-ils constaté, ont un impact immense sur la santé: environnement, transport, éducation, famille, loisirs, développement économique. Ils invitent l'État plutôt à prendre conscience de la dimension santé qui existe dans toutes ces missions, et cela explique leur réticence à séparer le budget de la santé des autres missions de l'État. Ils craignent ? et je termine avec...

Le Président (M. Copeman): Il reste deux minutes et demie. Je voulais juste vous le signaler.

M. Venne (Michel): ...je termine avec cette phrase; ils craignent ? qu'en séparant le budget dans un fonds spécial ou une caisse dédiée le divorce entre la mission santé et les autres missions de l'État ne soit accentué. Mesdames messieurs, je vous remercie.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Venne. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

n(11 h 50)n

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Venne, pour votre présence et votre communication aujourd'hui. Je voudrais d'abord saluer le travail de votre institut. C'est largement votre création, là, d'autres personnes également, mais vous êtes à l'origine de ce groupe-là. J'avais d'ailleurs apprécié mon passage chez vous, lors des débuts du débat, et j'avais été impressionné par la diversité des opinions qui pouvaient s'exprimer dans le cadre de ce débat-là, certaines d'ailleurs à des extrémités assez larges du spectre politique. Mais c'est comme ça que la société est et c'est bien que vous le reflétiez dans vos débats.

Je vous remercie d'avoir rappelé une réalité que beaucoup de gens accueillent avec surprise, qui est la part relative du système de santé dans l'amélioration globale de la santé de la population. Instinctivement, les gens pensent que, si les gens vivent plus longtemps qu'avant, c'est à cause du système de santé, alors que ce n'est qu'un impact minoritaire par rapport à beaucoup d'autres considérations, dont les considérations socioéconomiques.

Je vais faire quelques remarques rapides sur les choses que vous avez dites pour me concentrer par la suite avec vous sur deux ou trois points plus précis de votre mémoire. D'abord, vous avez raison que l'accessibilité aux médecins de famille est prioritaire pour les citoyens, là, beaucoup plus que l'accessibilité à la prothèse de hanche ou genou et à la chirurgie de cataracte, heureusement. Mais je vous dirais là-dessus que tout est en place. Et, à moins que vous ayez d'autres mesures à nous suggérer, les facultés de médecine sont remplies à pleine capacité, l'accueil des médecins étrangers a augmenté, la répartition en région est renforcée, le rôle des infirmières va s'étendre, avec l'infirmière praticienne, et les groupes de médecine de famille, les cliniques-réseaux, tout ça est en place. C'est malheureusement une question de temps, compte tenu de la durée de formation des médecins, mais je pense que la question d'effectifs et d'accès aux médecins de famille va changer assez radicalement, au cours des prochaines années, au Québec, et c'est une bonne nouvelle.

La garantie d'accès, bon je suis content de voir que vous soutenez sa mise en place. Comme je l'ai indiqué à plusieurs reprises, il faut d'abord apprendre à la faire fonctionner. Ça a l'air facile, une garantie d'accès, mais en pratique on va voir que ce n'est pas simple. C'est un changement de culture absolument considérable, dans les hôpitaux, la prise en charge individualisée des gens, la gestion centralisée de la liste d'attente. Et, si vous avez fait le tour des expériences internationales, vous aurez constaté que beaucoup de pays, en ayant annoncé une garantie d'accès, se sont littéralement cassé la margoulette ? vous me passerez l'expression ? parce qu'ils ont pris trop large. Ils ont dit: Bon, on va tout de suite donner une garantie d'accès pour l'ensemble du système de santé. Ça n'a jamais fonctionné. Il faut d'abord implanter cette culture et ces façons de faire.

Pour ce qui est de l'évaluation de la garantie d'accès, il me semble ? et vous pourriez peut-être commenter cette question ? que le Commissaire à la santé et au bien-être, qui va être bientôt nommé, qui va devoir s'entourer d'un forum citoyen et qui va devoir consulter et obtenir l'avis du forum citoyen sur tout rapport que le Commissaire à la santé présenterait à l'Assemblée nationale ? et rapport soit demandé par le gouvernement mais soit par sa propre initiative également ? voilà, il me semble, une façon que l'expression de voix des citoyens qui ne sont pas partie du réseau... Parce que ce qu'on doit constater, c'est que, dans les dernières années, beaucoup de ces forums étaient constitués, volontairement ou non, de personnes ou d'organisations qui avaient un lien direct avec le réseau de la santé. Ça, c'était difficile d'avoir une véritable expression populaire.

Pour ce qui est du parallélisme entre la garantie d'accès et l'assurance privée, je dirais qu'en cours de commission on a clarifié cette question. Et beaucoup de gens ont fait la remarque que vous-même avez faite dans votre présentation, c'est-à-dire que, si on espère tous, comme Québécois, que la garantie d'accès va s'étendre à d'autres procédures, le plus rapidement possible, que les trois qui sont ciblées, il apparaît imprudent certainement d'augmenter le recours à l'assurance privée au-delà de la petite ouverture qui est faite dans le document sans un nouveau débat, donc un débat législatif, commission parlementaire et large débat public, de sorte qu'on a déjà exprimé l'intention ici que, dans les suites de la commission, il soit très clair que toute extension supplémentaire à ce qui est prévu dans le document de consultation fasse l'objet d'un débat législatif complet, donc dépôt d'un projet de loi par un gouvernement et bien sûr débat. Et, comme je l'ai dit à plusieurs reprises au cours des derniers jours, je doute fort qu'un gouvernement s'engage dans cette voie sans avoir laissé passer le nombre suffisant d'années pour évaluer d'une part la garantie d'accès, les cliniques affiliées et la petite ouverture quant à son impact.

Les cliniques affiliées maintenant, effectivement, là, ne sont pas là pour ? et c'est un point de document qui n'était pas clair dans le document de consultation, qu'on a clarifié en consultation; ne sont pas là pour ? faire les chirurgies... deux des trois chirurgies ciblées. Les prothèses de hanche et de genou, personne ne croit sérieusement que ça va être fait dans les cliniques affiliées. On ne peut pas drainer, là, les anesthésistes puis les grosses équipes chirurgicales dans des milieux semblables. On va plutôt y concentrer, comme je le disais ce matin, la chirurgie d'un jour, notamment en milieu pédiatrique. Mais on a également clarifié que les cliniques affiliées seraient uniquement peuplées de médecins participant au régime d'assurance maladie du Québec, et ça, c'est important de le mentionner.

Vous posiez une question très pertinente maintenant quant à la capacité pour ces cliniques affiliées, ou du moins leurs promoteurs, de dégager des marges. À mon avis, il est très possible et facile d'envisager qu'elles dégagent ces marges de la façon suivante. C'est que bien sûr les honoraires des médecins, étant donné qu'ils sont des médecins participant à la Régie de l'assurance maladie du Québec, ne sont pas à la charge de la clinique, puisqu'ils sont payés par la Régie de l'assurance maladie comme si l'acte médical était fait dans un hôpital. Deuxièmement, bien sûr, il n'y a aucune contribution du citoyen. Le patient qui va obtenir les soins en clinique affiliée, dans le cadre d'un contrat d'affiliation, n'a aucun déboursé à faire autre que ceux qu'il fait déjà dans le cadre du système public. Il y en a quelques-uns, très peu nombreux, mais il y en a.

Les conditions salariales des employés. Étant donné la pénurie relative et la difficulté à trouver des pénuries... des effectifs, pardon, l'ensemble des expériences canadiennes, dans ce domaine-là ? le Québec n'est pas le premier endroit où on fait ce projet-là ? montrent que les conditions ne sont pas inférieures, en termes salariaux, par exemple, et en termes de conditions de travail, parce qu'il faut attirer les gens puis les retenir. Et il y a des moyens à prendre pour s'assurer qu'il n'y a pas de glissement de personnel ou de dépeuplement des hôpitaux vers la clinique affiliée.

Mais la façon dont la marge peut se réaliser, et c'est ce que Michel Clair disait en 2001, lorsqu'il a fait sa proposition, c'est d'aborder une certaine partie du système de santé ? et à mon avis ce n'est pas une logique marchande de le faire, c'est de la bonne gestion; d'aborder une certaine partie du système de santé ? sous l'angle des coûts unitaires. Alors, il est très probable ? pas certain, on le verra à l'usage; très probable ? que, pour des chirurgies à haut volume et à faible infrastructure, les coûts unitaires en clinique affiliée soient inférieurs, pour plusieurs raisons, à ce qui est le cas dans les hôpitaux publics.

Maintenant, j'ai exprimé également à plusieurs reprises, en commission, que, lorsqu'on démarrerait tout ça ? et on veut faire adopter le projet de loi à l'automne ? les établissements sont maintenant responsables d'assurer le résultat ou de livrer le résultat de la garantie d'accès avec les ressources financières supplémentaires qui sont prévues, et à eux de vérifier s'ils peuvent le faire dans le cadre de l'augmentation de leurs plateaux techniques existants ou si le recours à la clinique affiliée se justifie. Ce que j'ai dit, c'est que le gouvernement ne forcera aucun hôpital à faire un contrat de clinique affiliée, par contre va s'assurer que les hôpitaux livrent la marchandise, si vous me passez l'expression, livrent la garantie d'accès. Et, si par hasard un hôpital ne livrait pas la garantie, alors que son voisin l'a fait, en utilisant l'outil que le gouvernement lui offre d'utiliser, bien là il y aura des questions puis il y a une reddition de comptes qui va devoir être faite.

Et il est possible ? et là je ne fais pas de prédiction nécessairement apocalyptique quand je le dis, mais il est possible ? que, lorsque la chose est abordée sous l'angle des coûts unitaires, que, compte tenu des lourdeurs et certaines restrictions dans l'organisation du travail, il est possible qu'il ne sera pas possible... qu'il soit impossible, dans les plateaux techniques existants, d'avoir des coûts unitaires aussi bas que ceux qui seront proposés par les cliniques affiliées. Mais on le verra à l'usage, et ça doit faire partie de l'évaluation.

Donc, je pensais important de vous clarifier ces questions. À mon avis, il est probable qu'effectivement ces cliniques vont dégager des marges bénéficiaires, ce envers quoi, moi, je n'ai aucun problème dogmatique ou philosophique, là. Ce n'est pas le fait que les gens fassent du profit ou non. C'est le fait que les gens obtiennent le service et à meilleur coût pour l'État, pour le contribuable. Est-ce que vous ne pensez pas que c'est la bonne façon d'envisager la question?

M. Venne (Michel): Les citoyens en tout cas, eux, l'envisagent de cette façon-là. C'est pour ça qu'ils ne sont pas fermés au recours au secteur privé pour assurer la livraison ou la production de services. Et je sais qu'à la commission, ici, vous faites facilement la différence entre livraison de services, financement et gouverne du système de santé. Mais la question que les gens se posent, c'est: Comment peut-on nous démontrer que, puisque cette marge bénéficiaire là doit exister et que c'est normal dans une logique de marché, comment est-on assurés que ça ne nous coûtera pas plus cher, comme contribuables et comme usagers ? comme usagers, vous avez dit qu'il n'y aurait pas de frais, bon, mais enfin, du moins, comme contribuables ? puisque tout ça sera financé par des fonds publics, ultimement? Qu'est-ce qui nous fait croire que... en fait non seulement nous fait croire, mais nous... Où est la démonstration que ces cliniques sont avantageuses sur le plan du coût-bénéfice? Et la démonstration à mon sens n'a pas été faite. Et, si on veut faire une consultation publique sur laquelle, par exemple, nous, on aurait pu vouloir se prononcer, il y a tellement d'informations qui ne sont pas encore tout à fait claires qu'il est difficile pour nous, par exemple, de vous dire: Oui, nous appuyons le principe des cliniques affiliées, ne sachant pas si en effet nous en aurons pour notre argent.

D'autre part, si, pour dégager une marge bénéficiaire, on doit, comme vous l'avez souligné, le faire de manière à éviter ce que vous avez appelé des lourdeurs dans les plateaux techniques habituels dans le secteur public, pourquoi serait-il impossible de modifier les conditions à l'intérieur du secteur public pour réduire justement ces lourdeurs? Je vous donne un exemple. Il existe un centre ambulatoire, à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, où j'ai le plaisir ? je ne sais pas si on peut appeler ça un plaisir ? de me rendre récemment et de constater l'efficacité des services qui y étaient dispensés. Est-ce que le fait de vouloir recourir à des cliniques spécialisées affiliées, c'est un aveu qu'on est incapable de réformer le système de santé à l'intérieur? Je ne crois pas que ce soit ce que vous voulez dire, mais il me semble évident... En tout cas, aux yeux des citoyens, il n'y a pas de rejet donc du recours au privé, mais on veut simplement s'assurer que c'est vrai que ça comporte des avantages pour nous et non pas soit des inconvénients ou soit la mise en place de conditions qui pourraient favoriser éventuellement un développement du secteur privé dont nous n'aurions pas besoin. Il n'y a pas de rejet, mais il n'y a pas d'appel non plus.

n(12 heures)n

M. Couillard: Je vais vous donner d'abord des réponses, je crois, qui vont particulièrement vous satisfaire. C'est qu'effectivement le projet de cliniques affiliées est décrit dans ses grandes lignes, mais il ne l'est pas dans les détails, et, comme on dit en anglais, le diable est dans les détails, souvent, hein? Et il sera par contre très bien décrit dans le projet de loi, de sorte que, là, il va y avoir un dépôt de projet de loi, il va y avoir une nouvelle période de consultation, probablement moins large que celle qu'on vient de faire ? on est rendus à peu près à 115 groupes ici, là, alors ? mais...

Le Président (M. Copeman): On l'espère bien, M. le ministre.

M. Couillard: On l'espère bien. Et, suite à ça, bien là on aura l'occasion de débattre de ces détails qui sont si importants.

Un aspect que je dois souligner, c'est que je suis entièrement d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il est possible de faire mieux avec le système de santé tel qu'il est actuellement, en l'utilisant de façon plus rationnelle, et les statistiques de ce matin, comme je l'ai dit, comportent leur lot de bonnes nouvelles. Prenez, par exemple, la chirurgie de prothèses de hanche et de genou, deux exemples que j'ai donnés. La chirurgie de prothèses des hanches et genoux, à Jean-Talon, à l'Hôpital Jean-Talon, il y a une concentration d'activités de prothèses de hanche et genou et il y a seulement 15 % ? c'est trop encore, mais il y a seulement 15 % ? des patients sur la liste d'attente qui sont hors délai. Donc, 85 % de la liste d'attente est traitée dans les délais. C'est un hôpital public qui s'est juste adapté dans une sorte de mission centralisée ou concentrée sur des activités très précises. Les cataractes, les cataractes à mon avis, là, à Montréal du moins, le problème est quasi réglé. Si vous regardez les chiffres, là, en termes de volume, on est quasiment en garantie d'accès. Ça s'est fait largement encore une fois par la concentration d'activités, entre autres à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont.

Donc, on n'est absolument pas fermés à ça, si, comme projet, on nous présente: Comme solution pour livrer la garantie d'accès, on va prendre les chirurgies d'un jour puis on va les concentrer à haut débit à un endroit pour permettre de libérer des salles d'opération, faire plus de prothèses de hanche et genou, pour le coût x. On n'a aucun problème avec ça. Mais je crois cependant que la clinique affiliée va permettre d'introduire, dans le débat du système de santé, ce que Michel Clair à mon avis avec raison recommande. C'est qu'on commence à aborder la question sur les coûts unitaires et que les établissements publics développent l'habitude également de rendre compte de leurs coûts unitaires. Pour parler de façon très claire, pour les citoyens qui nous écoutent, si on a besoin de faire 3 000 opérations de cataracte de plus pour que tous les patients soient traités à l'intérieur de six mois, bien, si on fait la cataracte à 1 500 $ ou si on fait la cataracte à 1 000 $, il y a une différence pour le contribuable, hein? Mais ça, il va falloir voir comment les coûts unitaires sont calculés, comment ils sont comparés, et c'est, je dirais, à la lueur des premiers projets qui seront présentés, les premiers contrats qui seront effectués et du suivi de ces contrats-là qu'on pourra vérifier si effectivement il y a un bénéfice pour le citoyen. Mais je pensais important de vous donner ces précisions. Je ne sais pas si vous avez des remarques à faire sur cette question.

M. Venne (Michel): Oui, deux brèves remarques. Sur la question de la façon de calculer les coûts, vous avez dit que le système public doit apprendre à rendre des comptes. Là-dessus, vous allez avoir un appui inconditionnel des citoyens. Les citoyens, dans nos démarches, demandent une plus grande transparence des services publics, demandent également qu'on procède à des évaluations systématiques des services avec des indicateurs préalablement établis.

Je reviens sur la question des avantages qu'on pourrait percevoir des cliniques privées, des cliniques spécialisées affiliées. Je vous ai entendu, ce matin, à la période de questions et de réponses orales, à l'Assemblée nationale, dire que l'un des problèmes actuellement que nous vivons et qui expliquent qu'il y a encore des délais d'attente sur certaines conditions, ce sont les effectifs. Or, il semble évident pour n'importe qui que ce n'est pas parce qu'une clinique s'appelle spécialisée affiliée que soudainement des effectifs vont apparaître. Et, dans ce sens-là, puisque le principal problème, si je comprends ce que vous avez dit ce matin, concerne les effectifs, eh bien, le citoyen moyen qui vous écoute se dit: Est-ce qu'avec une clinique spécialisée affiliée on règle le problème? Et ça semble évident que ce ne soit pas le cas. Alors, c'est la raison pour laquelle au fond il y a, je dirais, non pas une réticence, mais disons un sain questionnement sur les avantages réels que comporte ce changement que vous proposez.

M. Couillard: Je vais juste conclure brièvement parce que déjà le temps file et mon temps est écoulé, mais bien sûr on va parcourir avec attention votre mémoire. Je dirais que ça peut être surprenant comment les effectifs deviennent plus disponibles, et ça, je dis ça avec «tongue in cheek», comme on dit en anglais. Il y a beaucoup de choses actuellement, dans le système de santé, qui ne sont pas exactement ce qu'on pense qu'elles sont. Je vais m'en demeurer à ce moment-là, mais c'est pour ça que, dans les cliniques affiliées, la question des anesthésistes, c'est important. Des chirurgiens, M. Venne, il y en a en masse.

M. Venne (Michel): ...reste du personnel.

M. Couillard: Il y a plein de chirurgiens, dans le réseau, là, qui attendent d'opérer ? moi, j'en étais un moi-même, là ? mais ce qui les bloque souvent, bien, c'est l'anesthésiste, par exemple. Alors, l'anesthésiste, c'est certain que, si dans la clinique affiliée on fait des interventions sous anesthésie générale, on ne règle rien, hein, parce que l'anesthésiste qui va là, bien il ne va pas dans la salle d'opération. Mais, si on décidait, par exemple, de concentrer toutes les chirurgies mineures à anesthésie locale, il y en a une tonne qu'on fait dans les hôpitaux qu'on pourrait déplacer des gros hôpitaux puis les faire dans ce genre de milieu là. Je pense que là on a un bénéfice.

Puis, dernière petite remarque sur le financement, je vous rassure tout de suite, le gouvernement ne prétend en aucun cas clore le débat sur le financement avec la commission actuelle. On en profite pour retirer certains avis sur certaines pistes qu'il pourrait être possible par la suite de cibler et de faire un nouveau débat spécifique sur ces questions. Je vous remercie de votre contribution.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le député de Joliette.

M. Valois: Merci, M. le Président. Bien, M. Venne, bonjour. Bien content de vous voir ici, ce matin. Votre contribution, celle de l'Institut du Nouveau Monde, est toujours une contribution qui est importante, soit pour nos travaux, soit lorsque, nous-mêmes, nous nous déplaçons pour aller voir les débats, les rencontres que vous faites. Je sais qu'à chaque été j'ai l'habitude d'avoir une invitation de l'Institut du Nouveau Monde pour aller rencontrer, pour aller discuter avec notamment des jeunes et des moins jeunes, mais ce qui me frappe beaucoup, dans les rencontres que vous faites, c'est la participation des jeunes, notamment, hein?

Beaucoup de jeunes se déplacent à vos activités, ce qui, moi, chaque année, me donne suffisamment de souffle pour faire le tour de Joliette, faire le tour du Québec pour dire à plein de gens qui me rencontrent, qui disent que les jeunes tournent le dos à la politique, ne sont pas politisés, que bien ils ne savent pas de quoi ils parlent, ces gens-là, parce que visiblement on a une jeunesse qui est très intéressée, et ce n'est pas parce qu'elle ne milite pas nécessairement dans le mouvement étudiant ou dans les partis politiques qu'elle ne s'intéresse pas à la politique, au contraire. Il y a d'autres moyens de s'impliquer. Les jeunes ont trouvé d'autres mécanismes d'implication et d'échange, et puis il faut respecter ça. Il ne faut pas penser que, parce qu'ils sont en moins grand nombre que par le passé dans des organisations plus traditionnelles, que ces générations-là sont moins politisées, moins concernées par ce qui touche notre collectivité. En ce sens-là, il y a comme, en tout cas pour moi, là, une personne qui fait la politique au jour le jour, quelque chose de très rafraîchissant avec l'initiative de l'Institut du Nouveau Monde, je tenais à vous le dire.

Je tenais aussi à vous dire qu'il était assez important, et vous ne le savez sûrement pas, je vais vous l'annoncer ce matin, là... Avec deux de mes collègues, le député de Lac-Saint-Jean et le député de Berthier, on a fait le tour du Québec pour aller rencontrer notamment des jeunes pour parler d'un paquet de choses, notamment pour essayer de réaliser des fois les décalages entre les discours politiques, les discours publics et ce que les gens voient sur le terrain et puis de quoi les gens parlent. Évidemment, on a remis un rapport qui ne voulait rien d'une grande analyse sociétale d'où on était rendus, mais qui se voulait une petite réflexion quand même de trois jeunes qui ont font le tour du Québec, qui sont allés voir des gens. Et nous trois, on trouvait... ce qu'on pourrait dire, la barre était mise sur le fait que, le jour où les jeunes rencontrés à l'Institut du Nouveau Monde iront dans le même sens... ou du moins si ça ne contredit pas certaines bases ou certaines réflexions qu'on a amenées, bien on saura que, cette tournée-là, on l'a bien branchée.

Alors, en ce sens-là, on ne vous l'avait certainement jamais dit, mais, pour nous trois, il y avait un intervenant qu'on trouvait plus important parmi les autres, duquel on ne voulait pas être en décalage par rapport à notre rapport, et c'était justement l'Institut du Nouveau Monde parce que l'Institut du Nouveau Monde a cette approche citoyenne où les gens viennent parler, où est-ce que c'est justement des gens qui dialoguent les uns avec les autres, qui ne sont pas là pour défendre ni l'intérêt des uns ni l'intérêt des autres, mais bien pour aller discuter d'une vision globale qu'ils ont comme citoyens. Alors, en ce sens-là, on était d'autant plus heureux de voir qu'on n'était pas si décalés que ça non plus, là, dans notre rapport. Et je tenais à vous dire aussi à quel point vous avez aussi cette importance-là lorsque nous rédigeons, lorsque nous réfléchissons, chacun de nos côtés, les politiciens.

Vous nous faites, ce matin, une présentation toute pleine de nuances, dans un premier temps, mais toute pleine aussi de considérations et de réflexions lorsque vous nous dites, sur un paquet de sujets, notamment par rapport... cliniques affiliées versus cette ouverture au privé, pour ce qui est de l'assurance, de dire: Est-ce qu'on ne peut pas regarder d'abord un avant d'aller avec l'autre? Prenons le temps de bien faire les choses, tout ça... Et c'est tout à votre honneur de nous apporter ces réflexions-là qui vous ont été soumises par le biais de rencontres que vous avez organisées, par le biais justement, là, des débats dont vous vous êtes donné le mandat, à l'Institut Nouveau Monde.

n(12 h 10)n

Un des éléments qui est important, que je veux discuter avec vous, là, puis c'est... Il me semble que parler de prévention, c'est un peu une figure imposée. Il est très sympathique de parler de prévention, là, pour dire à quel point c'est important puis que c'est donc préférable de parler de prévention. Je parle de figure imposée parce que ne pas en parler, c'est comme si on oubliait quelque chose qui est si tant important, sauf que, dans la réalité, dans le concret des choses, vous comprenez très bien, et je pense que les gens aussi en conviendront, qu'il n'y a pas simplement au ministre de la Santé de parler de prévention. Notamment, lorsque, dans votre document, vous parlez de lutte à la pauvreté, lorsque vous parlez d'éducation, bien on voit très, très bien que ce n'est plus strictement le ministre de la Santé qui en est le premier responsable, de cette prévention-là.

D'ailleurs, le ministre de la Santé est peut-être devenu, au fil du temps, cette espèce de gardien de but, hein, où, si le ministère de l'Éducation, pour ce qui est de son volet prévention, on pourrait dire aussi le ministère de la Solidarité sociale, pour ce qui est de son côté de lutte à la pauvreté, ne sont pas capables de livrer la marchandise, comme j'entends, ou d'aller jusque, ce qu'on pourrait dire, ce qui est socialement acceptable, bien les résultantes de ça font en sorte que c'est le ministre de la Santé qui, dans son réseau, va devoir régler tout ça.

Sauf qu'en même temps on a aussi des problématiques réelles de santé. On sait qu'à chaque fois qu'il y a des surplus budgétaires une très grande partie de ces surplus là s'en vont directement à la santé. Alors, imaginez-vous un ministre de la Santé qui, autour de la table du Conseil des ministres, dit: Non seulement je vais vous prendre un 50 %, un 70 % des surplus de cette année, pour ce qui est des budgets, mais en plus je vais vous demander, tout le monde, de faire plus d'efforts en prévention de la santé. Alors là, les gens diraient: Bien, plutôt que de manger tous les surplus qu'on a chaque année, laissez-nous-les en solidarité sociale, laissez-nous-les au niveau de l'éducation, puis on va s'assurer qu'à terme l'effort en santé soit mieux balisé.

Ce que je suis en train de vous dire, c'est qu'il est très certainement important de parler de prévention, mais jusqu'où les réflexions... Est-ce que les gens, au-delà de dire que c'est important, la prévention, de dire qu'il fallait mettre les déterminants sociaux de la santé, quand je vous parle de lutte à la pauvreté et d'éducation étant quelque chose d'important, est-ce que les gens, lors de vos rencontres, sont allés plus loin, avec des exemples un peu plus concrets, qui pourraient faire en sorte que non seulement la prévention soit une figure imposée, en termes de discours, mais devienne aussi, dans le concret, des actions qui feraient en sorte qu'on sente qu'on avance vers ça?

M. Venne (Michel): Les citoyens qui participent à des débats publics, on ne peut pas exiger d'eux qu'ils aient la précision des experts. Par contre, ils ont en effet, lors de nos démarches de délibération sur la santé, évoqué une multitude de moyens pour favoriser à la fois de plus saines habitudes de vie, une meilleure éducation, une action sur les déterminants socioéconomiques de la santé, toute une série d'actions possibles en matière de lutte contre la pauvreté. Mais les citoyens n'ont rien inventé. Ils se sont abreuvés à une très volumineuse documentation qui est produite par le directeur de la santé publique du Québec qui, dans son dernier rapport justement... Les exemples que j'ai mentionnés, lorsque je parle d'aménager un environnement sain, de travailler sur le développement des enfants, ce sont des recommandations qui sont issues du rapport du directeur de la santé publique du Québec et qui sont aussi puisées dans les documents de l'Institut national de recherche en santé publique du Québec.

D'ailleurs, il faut savoir que le Québec, en ces matières, notamment pour tout ce qui concerne la recherche concernant l'action à faire contre les déterminants socioéconomiques de la santé, est en avance sur l'ensemble du Canada et sur plusieurs pays du monde, et même un modèle à certains égards, y compris à l'Organisation mondiale de la santé.

Nous avons publié, dans un livre qui s'intitule 100 idées citoyennes pour un Québec en santé, l'essentiel de ces propositions mais qui sont puisées à même cette littérature. Et la raison pour laquelle on a souvent l'impression que la prévention est une figure imposée, c'est, entre autres, parce que justement on en a beaucoup parlé et qu'on n'a peut-être pas fait toutes les actions qu'on aurait dû. Ce n'est pas parce qu'on répète quelque chose que c'est devenu caduc. Par exemple, on a vu récemment, dans la région de Montréal, une étude, qui vient d'être publiée par la Direction de la santé publique, concernant l'usage de l'automobile à Montréal, qui démontre l'impact nocif... je ne me rappelle pas des chiffres qui ont été évoqués, mais qui montre que plusieurs personnes, à Montréal, meurent chaque année à cause de l'usage de l'automobile, à cause du fait que les transports en commun ne sont pas adaptés, ne sont pas suffisants parce qu'on favorise l'usage de l'auto plutôt que de favoriser les autres modes de transport.

Alors, les exemples, ils sont nombreux, et vous avez raison de dire qu'il n'incombe pas seulement au ministre de la Santé de faire de la prévention. Et c'est dans ce sens-là que les citoyens d'ailleurs ont ? et je l'ai évoqué à la fin de ma présentation ? souhaité que le gouvernement aborde la santé d'une manière plus globale et que l'ensemble des ministères réalisent que les décisions qui sont prises ont un impact sur la santé. Lorsque le ministère des Transports décide de construire une route et un pont plutôt qu'un train, forcément ça a un impact sur la santé ou inversement s'il décide de construire une voie ferrée et un train de banlieue plutôt qu'une nouvelle route qui favorise l'usage accentué de l'automobile.

Les budgets qui sont consacrés évidemment au loisir, qui sont consacrés au sport, qui sont consacrés à toute une série de dimensions qui ont un impact sur la santé sont aussi importants que les actions de prévention qui sont faites dans les hôpitaux. Mais ça, si on en parle, c'est parce que, lors des échanges avec les citoyens, c'est un sujet qui est venu sur la table. Les gens au fond se disent un peu, avec un peu de gros bon sens: Oui, on a besoin d'un système de soins, mais ce serait peut-être bien qu'on investisse davantage pour éviter la maladie plutôt que d'investir uniquement pour la traiter une fois qu'elle apparaît. Les gens pensent qu'il serait plus rentable pour la société d'améliorer notre espérance de vie en santé que de simplement engloutir chaque année des sommes toujours plus énormes dans un système de soins.

Personne ne nie la nécessité d'un système de soins, forcément. Et forcément il revient à chaque gouvernement de trouver les équilibres budgétaires qu'il faut et d'adopter les politiques pour atteindre ces objectifs. Ce que je viens faire aujourd'hui, c'est essayer de vous mentionner l'importance que prennent de plus en plus, dans l'esprit du public, les actions en faveur de ce qu'on appelle la promotion de la santé, la prévention de la santé et l'action sur les déterminants socioéconomiques de la santé.

Et la raison pour laquelle j'insiste autant sur la pauvreté, c'est que la littérature est très abondante pour démontrer que le facteur le plus déterminant, c'est celui-ci. Je donne juste un chiffre, dont vous êtes certainement déjà au courant. Il y a cinq ans de différence entre l'espérance de vie d'une personne riche et d'une personne pauvre au Québec, et cette différence s'étend jusqu'à 14 années si on parle d'espérance de vie en bonne santé. Alors, il va de soi que, lorsqu'on parle d'équité, lorsqu'on parle d'équité dans l'accès aux soins, des principes qui sont évoqués dans le document gouvernemental mais qui sont, je suis sûr, partagés par l'opposition officielle, bien il faut aussi s'interroger sur la façon dont, comme société, on favorise l'équité dans l'accès au bien-être.

M. Valois: C'est tout à fait pertinent de ramener cette lutte si importante à la pauvreté. Pour avoir fait moi-même une série de recherches là-dessus, à quel point de toute façon la santé est vue comme quelque chose à long terme, et, lorsqu'on est dans une dynamique de pauvreté, on est dans une dynamique de survivre au jour le jour, alors le long terme, qui exige de se tenir en santé, n'est même pas une perception pour les personnes qui espèrent juste finir leur journée. Alors, en ce sens-là, la lutte à la pauvreté est une condition très importante, et merci d'être revenu là-dessus.

Je veux vous amener sur un autre sujet, juste pour savoir s'il y avait eu des réflexions là-dessus, c'est celui sur évidemment les cliniques spécialisées affiliées. Là, moi, une de mes craintes, surtout depuis que nous avons rencontré l'Université de Montréal, qui est venue nous voir en disant: Est-ce qu'il va y avoir de la recherche? Est-ce qu'il va y avoir possibilité de stages dans les cliniques affiliées ou est-ce que ça, ça va être justement des lourdeurs, des lourdeurs qu'on va se séparer puis pour dire que c'est plus rentable de faire dans les cliniques affiliées... Et la question était posée en disant: Est-ce que, là, s'il n'y a pas de possibilité de stages ou de recherche à l'intérieur de ces cliniques-là, est-ce qu'on ne va pas passer à côté d'une expertise? Parce que justement ils vont se faire, oui, en réseau, avec évidemment le système public, mais en même temps, si on n'a pas accès, en termes de stages et de lieux où l'université peut aussi échanger parce que justement ça demanderait plus, encore là, de frais, ou d'infrastructures, ou d'administration pour réaliser tout ça, bien là il y aurait une perte là aussi.

Est-ce qu'on est allé plus loin? Vous avez donné quelques éléments, mais il faudrait regarder aussi, il me semble... Et est-ce qu'on a discuté, à l'Institut du Nouveau Monde... Je comprends, là, que c'est un peu pointu, là, encore une fois, mais, pour les minutes qui nous restent, lorsqu'on nous parle de cliniques spécialisées affiliées, dans les lourdeurs qu'on peut vouloir se libérer en créant ce type de clinique là, est-ce qu'il y aurait des conséquences, notamment pour ce qui est de toute cette importance de mettre en lien notre système d'éducation avec notre système de santé?

n(12 h 20)n

M. Venne (Michel): On n'a pas abordé directement cette question aussi précise. Je dirais que c'est une question qui s'ajoute à celle que j'ai déjà mentionnée par rapport au projet de cliniques affiliées. À la page 11 de notre mémoire, on évoque, disons, les commentaires que les participants à nos démarches ont faits sur les conditions dans lesquelles... en fait le jugement qu'ils portent sur la contribution que pourrait avoir le secteur privé dans la livraison et la production des services. En fait, ce sont en même temps des conditions que l'on pose. Par exemple, on veut bien qu'il y ait un recours au privé pour la livraison et la production des services si, par exemple, c'est une manière qui nous aide en effet à combler les besoins dans toutes les régions du Québec, qui favoriserait l'émergence de manière innovatrice et respectueuse des personnes de livrer les services de santé, d'améliorer l'accès, de favoriser la prise en charge des services par le milieu.

Ensuite, le recours au privé, les citoyens ont indiqué qu'ils réprouvaient l'introduction de la logique marchande à l'intérieur du système de santé. Pour eux, et contrairement peut-être à ce que d'autres ont pu affirmer, faire du profit sur le dos des malades serait inacceptable. bon. Ils ont réaffirmé l'accessibilité universelle comme un principe non négociable. Ils affirment que, dans tous les cas où le secteur est impliqué, le financement doit demeurer public. Ils affichent une nette préférence pour les secteurs privés qui sont à but non lucratif et énoncent toute une série de conditions, que j'ai déjà évoquées plus tôt, pour le recours aux services privés à but lucratif, qu'on aimerait voir restreint à ce qu'on appelle la périphérie du système de soins, par exemple les immobilisations et les équipements. On est moins favorables à ce que le secteur privé à but lucratif soit inscrit comme un partenaire, je dirais, dans les soins eux-mêmes.

Le Président (M. Copeman): M. Venne, au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de l'Institut du Nouveau Monde.

Et j'invite immédiatement les représentants de l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 22)

 

(Reprise à 12 h 25)

Le Président (M. Copeman): Alors, la commission poursuit ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées, l'AQRIPH. Mme la directrice Tremblay, bonjour.

Alliance québécoise des regroupements
régionaux pour l'intégration des
personnes handicapées (AQRIPH)

Mme Tremblay (Isabelle): Bonjour.

Le Président (M. Copeman): Si j'ai bien compris, vous avez l'intention de nous offrir une présentation, entre autres, audiovisuelle. Je vous avise que vous avez 20 minutes pour votre présentation, évidemment incluant toute présentation audiovisuelle, et je vais vous aviser quand il vous reste trois minutes pour mieux vous aider à conclure. Il y aura par la suite un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table.

Je vous préviens, chers collègues, que nous allons probablement déborder de quelques minutes manifestement 13 heures. Il y aura un consentement requis, et je le demanderai à ce moment-là.

Alors, sans plus tarder, Mme Tremblay, je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et par la suite d'entamer votre présentation.

M. Tremblay (Isabelle): Alors, on vous remercie de nous recevoir aujourd'hui. Nous sommes des représentants de l'AQRIPH et on voudrait souligner la délicatesse que vous avez eue, en tant que parlementaires, de nous inviter en ce 1er juin, la journée d'ouverture de la Semaine québécoise des personnes handicapées.

Alors, je vous présente, directement à ma gauche, Mme Marie-Claude Gagnon, coordonnatrice du Mouvement PHAS, Personnes handicapées pour l'accès aux services; M. Pierre-Yves Lévesque, directeur d'Ex Aequo; M. Mathieu Noël, directeur par intérim du Regroupement des organismes de promotion du Montréal métropolitain; et Mme Thérèse Colin, coordonnatrice du Comité régional pour les associations pour la déficience intellectuelle.

Alors, sans plus tarder, je passe la parole à M. Mathieu Noël pour la présentation vidéo.

M. Noël (Mathieu): Alors, merci. Étant donné que, le 7 juin prochain, le gouvernement doit déposer son projet de loi, on est un peu tard dans le processus. Donc, on a fait le choix de présenter ce qui est moins connu, c'est-à-dire l'accès aux services pour les personnes handicapées. Mais on est prêts à répondre, là, sur les autres aspects du document.

Présenter le DVD qu'on va vous présenter, c'est en fait un choix dans le fond pour illustrer avec des exemples la vie quotidienne... Le DVD est là pour faire le lien entre ce qu'on amène dans notre mémoire puis ce que les personnes handicapées et leurs familles vivent au quotidien. On a pris des acteurs pour jouer dans le DVD parce que les personnes handicapées elles-mêmes étaient trop prises avec leurs différentes problématiques d'accès aux services. Et, avec ce DVD-là, l'AQRIPH vous invite à vous transporter en dehors de l'Assemblée nationale. Imaginez-vous que vous êtes derrière une vitre et que vous faites une visite d'appréciation de la qualité des services avec nous.

(Présentation audiovisuelle)

n(12 h 28 ? 12 h 40)n

Mme Tremblay (Isabelle): Alors, je passerais maintenant la parole à Mme Marie-Claude Gagnon.

La Présidente (Mme James): Mme Gagnon, allez-y.

Mme Gagnon (Marie-Claude): Oui. Bien, en fait, les situations qu'on vous a présentées, c'est les gens qui les actaient, mais je tenais simplement à dire que c'est des situations réelles, on est partis de faits vécus, de la réalité des familles et des personnes qui ont un handicap.

Dans quelques instants, je vais vous présenter quelques données sur l'attente de services pour les personnes handicapées et leurs familles, au Québec. Pour nous, c'est sûr... Oui?

La Présidente (Mme James): ...qu'il vous reste à peu près quatre minutes pour votre présentation.

Mme Gagnon (Marie-Claude): Oui, c'est beau. Pour nous, le terme «garantir l'accès», c'est tout d'abord la possibilité pour les personnes que nous représentons aujourd'hui d'avoir accès à des services sociaux et de réadaptation de qualité et obtenus dans un délai acceptable. Actuellement, le problème pour les personnes handicapées et leurs familles, c'est la trop longue attente avant d'obtenir une réponse à leurs besoins. De ce fait, on approuve le principe de garantir l'accès en autant que celui-ci peut s'appliquer aussi aux services sociaux et de réadaptation, et non seulement dans le cas des chirurgies électives.

Je vais revenir à mes données. On sait tous que les chiffres parlent beaucoup. Cependant, je tiens à préciser que ceux que je vais vous présenter tout à l'heure, c'est seulement la pointe de l'iceberg. Ce n'est pas la situation réelle, parce qu'on a de la difficulté, au niveau des données et des indicateurs de gestion qui sont transmis par les centres de réadaptation, à avoir un portrait réel de la situation. Tout ce qu'on a, c'est les données, bon, pour l'attente d'un premier service. Et je tiens aussi à préciser qu'un premier service, ça ne veut pas nécessairement dire que la personne a réponse à ses besoins, donc, en termes d'heures de services donnés, et des fois elle a seulement reçu une évaluation, mais elle est quand même disparue de la liste d'attente.

Les données que je vais vous présenter sont dans un document qu'on vous a distribué, qui a été réalisé par l'Office des personnes handicapées et présenté le 12 mai dernier, lorsqu'on a fait un forum sur la question de l'accès aux services. Ce document-là a été réalisé justement avec les indicateurs de gestion des deux fédérations des établissements de réadaptation.

Donc, actuellement, c'est plus de 10 000 personnes handicapées qui sont en attente pour un premier service. Notons que le nombre de services attendus peut doubler ou même tripler lorsqu'on considère les personnes ayant déjà un service mais qui en attendent pour un second, qui peut être autant et sinon plus essentiel que le premier. Ce nombre est resté stable depuis 2002, même qu'il a subi une légère augmentation.

Au niveau de la déficience intellectuelle, une personne attend en moyenne 13 mois pour obtenir un premier service de réadaptation. Pour un adulte âgé de 21 ans et plus, cette attente peut aller jusqu'à 21 mois, donc c'est près de deux ans. On note également une augmentation moyenne de la liste d'attente de plus de 12,5 % en trois ans.

Au niveau des troubles envahissants du développement, on compte environ huit à neuf mois d'attente, toujours pour un premier service. De plus, au niveau de l'intervention de comportement intensive, l'ICI, qui est offert aux enfants de 0-5 ans, qui était supposé être offert pour une moyenne de 20 heures-semaine, actuellement il y a des enfants qui en reçoivent, oui, plus, plus nombreux, par contre ils ne reçoivent pas les 20 heures en général. Donc, on donne à plus mais avec moins d'heures. Au niveau des troubles envahissants du développement, on note une augmentation moyenne de la liste d'attente de plus de 19 % en trois ans.

Au niveau de la clientèle en déficience physique donc: au niveau du langage, c'est neuf mois d'attente en moyenne; au niveau moteur, neuf mois d'attente; visuel, cinq mois; auditive, huit mois d'attente. De plus, il y a eu une hausse du délai d'attente, depuis 2002, au niveau de la déficience motrice, du langage et auditive, et on note une augmentation moyenne, encore là, de la liste d'attente de plus de 13 % en trois ans.

La situation est alarmante parce qu'en privant ces personnes de services cela entraîne des conséquences dans leur développement, qui vont avoir des répercussions sur toute leur vie. On connaît des enfants qui, à cause de l'attente pour obtenir des services de réadaptation, auraient pu marcher mais se retrouvent en fauteuil roulant parce qu'ils n'ont pas eu de physio et d'ergothérapie au moment où ils en avaient besoin. C'est aussi les familles qu'on va épuiser davantage et qui finalement vont finir également par coûter plus cher au système de la santé parce qu'on va les mettre à bout. Il y en a plusieurs qui sont obligés de laisser leur emploi pour s'occuper de leur enfant, et la situation est d'autant plus préoccupante quand l'enfant atteint ses 21 ans parce que les services, à partir de ce moment-là, sont pratiquement inexistants.

De plus, en limitant l'accès aux services, on limite également la participation sociale pleine et entière des personnes handicapées. Pourtant, c'est quelque chose qu'on valorise, mais, dans la réalité, si la personne n'a pas d'aide pour se lever le matin, pour se laver, bien forcément elle ne pourra pas aller travailler et sortir de chez elle.

On considère aussi que l'établissement de critères de délai maximum est aussi important pour ces personnes que pour celles qui attendent pour une opération du genou, cataracte, etc. Il est important et primordial que les personnes handicapées puissent avoir un accès rapide à des services de réadaptation qui répondent aux besoins individuels de toutes ces personnes, notamment celles polyhandicapées, celles vieillissantes et celles qui relèvent de zones grises ? on peut penser au syndrome de la Tourette, par exemple.

Étant donné la situation, il y a plusieurs familles qui font le choix d'aller dans le privé justement parce qu'il n'y a pas d'autres choix qui s'offrent à eux. En faisant ça, ces familles-là s'appauvrissent. Il y en a qui sont obligés d'hypothéquer leur maison, de faire des spectacles-bénéfice pour ramasser les fonds pour obtenir des services pour leur enfant. Puis je n'invente rien, c'est des situations réelles, qu'on entend tous les jours. Donc, cette situation pour nous est tout à fait inacceptable, et on souhaite l'accès à des services sociaux et de santé universels et gratuits. D'autant plus que le manque de services va affecter le potentiel de la personne.

On est inquiets aussi de la diminution des services qui sont offerts et disponibles au niveau des centres de réadaptation, parce qu'on a remarqué une dégradation depuis quelques années. Aussi, au niveau du diagnostic, c'est important qu'on en parle parce que le diagnostic est souvent la seule porte d'entrée pour obtenir ensuite des services en réadaptation, et malheureusement, pour les familles qui sont en attente d'un diagnostic, c'est un à deux ans d'attente avant d'obtenir le diagnostic, ce qui fait que, pendant ce temps-là, l'enfant ne reçoit aucun service. Donc, forcément, ça va nuire à son développement global.

La Présidente (Mme James): Alors, sur ça, nous devons maintenant procéder à la période d'échange. Avant d'y aller, est-ce qu'il y a consentement à ce que la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation puisse intervenir? Consentement?

Une voix: Oui, il y a consentement.

M. Couillard: Je veux juste brièvement, Mme la Présidente, m'excuser. J'ai mentionné en privé que je devais quitter pour un engagement, qui n'est pas moins important que le vôtre, mais qui est également important, là, dans le cadre de mes fonctions, et ma consoeur a rapidement et gentiment accepté d'échanger avec vous. Bonne journée.

La Présidente (Mme James): Mme la ministre.

Mme Delisle: Alors, merci. Mesdames, messieurs, bienvenue à cette commission. Je vous remercie de nous avoir préparé ce vidéo ? je pense que c'était assez explicite ? sur... Vous l'avez mentionné vous-mêmes, tout à l'heure, que ce sont des situations qui sont des faits vécus par les familles. J'imagine qu'il y en a... Vous avez dû choisir évidemment, faire un tri. Il est certain que les familles et les personnes qui vivent avec un handicap, quel qu'il soit, qu'il soit intellectuel, physique, ont à faire face à des difficultés que nous n'avons pas ? en tout cas d'apparents, on en a peut-être mais ils ne sont pas apparents. On n'a pas à vivre ça au quotidien. Donc, je vous remercie d'être là pour nous sensibiliser.

Maintenant, moi, j'ai lu votre mémoire. Vous êtes ici, aujourd'hui, dans le cadre de la consultation sur le document qu'a déposé mon collègue le ministre de la Santé et des Services sociaux, qui s'appelle Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité. J'aimerais qu'on puisse échanger sur ce document-là.

Vous faites quelques propositions, vous soulevez certaines questions, puis je pense que c'est l'occasion rêvée de pouvoir aller... non pas que ce n'est pas important, ce que vous nous avez dit, au contraire, là, mais peut-être de pousser un petit peu plus loin notre réflexion et la vôtre puis essayer de trouver avec vous... ou essayer d'entendre de votre part, pardon, quelles sont les solutions que vous pourriez nous proposer dans le cadre de certaines remarques que vous avez faites dans votre document.

n(12 h 50)n

Je commencerais par une première question qui touche l'amélioration de l'accès aux services médicaux et hospitaliers. Vous avez mentionné évidemment, aujourd'hui, mais je vous ai entendu mentionner plusieurs fois, lors de rencontres que j'ai eues avec vous, toute la question des listes d'attente. Vous êtes, je crois, préoccupés par le fait que les personnes handicapées ne sont pas considérées, au moment où on se parle ? je vous mets des mots dans la bouche ? comme une clientèle prioritaire. Comment peut-on améliorer, dans le système qu'on a, et à travers la discussion que cette commission a eue depuis déjà quelques semaines, comment peut-on s'aider mutuellement à améliorer... d'abord à diminuer les listes d'attente et à...

Vous parlez de clientèle prioritaire. En tout cas, moi, ça fait seulement... ça fait bientôt un an et demi, là, que je suis là comme ministre, je considère que vous êtes une clientèle prioritaire. C'est certain qu'on peut en faire plus, ça, je pense qu'on n'en disconviendra pas, personne. Il y a des investissements qui ont été faits par le gouvernement pour essayer de diminuer les attentes. Elles restent encore beaucoup trop élevées.

Je vous entendais parler aussi de l'accès à un premier service. Dans certains cas, surtout les TED, il y a un dépistage qui se fait de façon précoce maintenant. Donc, les gens rentrent plus vite dans le système, donc ont accès davantage, ont accès plus vite à un premier service. Le défi que nous avons, c'est de les accompagner ? je prends cet exemple-là, mais qui est important ? de les accompagner évidemment au meilleur non seulement de nos connaissances et de la recherche, mais accompagner évidemment financièrement pour qu'ils puissent, dans ces premières années là, avoir accès non seulement à des services de qualité, mais leur permettre aussi de s'intégrer à la fois dans les écoles, dans leur milieu social. Bon. Alors, je referme cette parenthèse-là.

Comment on peut, ensemble, dans le contexte des finances publiques... Vous connaissez ce contexte-là. On n'en imprime pas, d'argent, vous n'en imprimez pas. On est conscients des situations que vous vivez. Comment on peut, ensemble, au travers de ce document-là, trouver les solutions, là?

Mme Tremblay (Isabelle): D'abord, je pourrais vous dire que, quand on a pris connaissance du document du gouvernement Garantir l'accès, on trouvait qu'il y avait un moment, par rapport aux travaux de l'AQRIPH... Parce que, depuis l'an dernier, qu'on vient de terminer au 31 mars, on avait mis comme priorité l'accès aux services à l'AQRIPH. Alors, on s'est dit: Ah! le document lit certainement nos rapports annuels parce qu'on se rejoint pour parler d'accès aux services. On ne s'est pas retrouvés dans le document. On sait que vous nous dites et vous nous répétez qu'on est une clientèle prioritaire, c'est écrit dans toutes les plateformes électorales, c'est écrit dans des documents gouvernementaux, mais, dans la réalité, c'est tout autre, et on est associés au ministère de la Santé et des Services sociaux, et on passe souvent après les autres. Et on ne s'est pas retrouvés non plus dans le document Garantir l'accès.

On est par contre heureux que vous nous entendiez aujourd'hui, que vous ayez entendu et que vous allez encore entendre des groupes et des organismes du secteur personnes handicapées, parce que je pense qu'avec la clientèle qu'on représente... Il y a près de 15 % de la population qui rentre dans la définition de personnes handicapées au Québec, et je pense qu'il va falloir qu'effectivement on priorise les services pour ces personnes.

On s'est questionnés sur ce livre blanc, parce qu'on s'est dit: Encore un document, encore une consultation, alors qu'au Québec on a des beaux textes de loi. Et je réfère souvent les parlementaires à la plus belle loi qui existe au Québec, qui est la loi sur la santé et services sociaux, à mon avis. Je vous réfère à l'article 5 où on dit: «Toute personne a le droit de recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats sur les plans à la fois scientifique, humain et social, avec continuité et de façon personnalisée et sécuritaire.» Et, quand on réfère à l'article 2, on parle de toute l'organisation, des ressources humaines, matérielles et financières. Je pense que la réponse au livre blanc est dans la loi sur la santé et les services sociaux et qu'il ne faut pas chercher non plus plus loin. Peut-être de voir une réorganisation, une organisation selon l'article de la Loi sur les services de santé et de services sociaux devrait répondre aux besoins des citoyens du Québec.

Il y a une ouverture au privé. Nous, ça nous inquiète beaucoup. Vous savez, on représente une clientèle qui est très peu scolarisée et une clientèle qui est très pauvre. Il y avait des statistiques qui étaient sorties en 1998 et il y a une nouvelle étude, là, qui est sortie dernièrement sur l'incapacité et les limitations d'activités au Québec, et on conclut que les Québécois ayant une incapacité sont dans l'ensemble encore moins scolarisés, moins présents sur le marché du travail et ont un revenu personnel moins élevé que les personnes sans incapacité. Alors, il y a des statistiques pour démontrer qu'effectivement on représente une clientèle peu scolarisée et pauvre. Alors, l'ouverture au privé, pour nous, ça nous inquiète beaucoup parce que, je vous réfère à Mme Lorraine Guay qui est venue parler: ouvrir un peu, c'est comme ouvrir beaucoup la porte. Et, comme le disait Marie-Claude tout à l'heure, pour les familles, ce n'est pas évident de se payer de tels services, de telles assurances.

Et il y a plusieurs intervenants qui sont venus en commission parlementaire et qui vous ont parlé de l'étude qui avait été faite par l'Organisation de la coopération du développement économiques sur l'ouverture à l'assurance maladie privée, et à chacune des questions qui est posée dans cette étude, est-ce que l'assurance maladie va améliorer l'accès aux soins?, les réponses sont toujours non ou si peu. L'assurance maladie privée favorise-t-elle la qualité des soins? Non. Et vous savez que ça fait plusieurs années qu'à l'AQRIPH on vous parle de la qualité des services, alors on peut être davantage inquiets. Est-ce que l'assurance privée a permis d'alléger les pressions financières? Au contraire, ça a permis d'accroître les dépenses. Est-ce que l'assurance privée a soulagé les régimes publics d'une partie des coûts? Non, au contraire, ça n'a pas réduit les charges des budgets publics. Alors, comment le gouvernement du Québec a pu sortir un livre blanc, alors que cette étude-là était disponible et que, quand on regarde la balance des inconvénients, ce n'est certes pas la solution qui aurait dû être envisagée?

Nous, ce qu'on vous dit, c'est qu'il y a plusieurs intervenants qui sont venus parler, qui vous ont fait des propositions concernant le financement des services, et là vous en avez entendu, des gens, en commission parlementaire, et je pense qu'il y a plein d'idées qui sont ressorties. Mais, nous, c'est certain qu'on ne peut pas endosser le fait qu'on va encore demander aux gens de payer, parce que, vous le savez, on a une clientèle qui ne pourra pas se payer ces services-là.

Alors, on aimerait ça savoir, pour le gouvernement, l'objectif... le parallèle que vous faites avec la loi sur la santé et les services sociaux. Je comprends que vous aviez à répondre à un jugement, mais pourquoi vous n'avez pas fait seulement une page en référant à la loi, en disant: Nous, on a réponse à nos citoyens avec cette loi?

Mme Delisle: Je vais répondre en partie à votre question, mais maintenant j'aimerais aussi, puisque l'exercice doit se faire aussi à l'inverse, puisque nous cherchons évidemment des solutions au financement des soins de santé... Oui, c'est vrai, la raison pour laquelle nous avons, aujourd'hui, le débat tel qu'on le connaît, c'est en réponse au jugement de la Cour suprême et ça nous permet aussi d'élargir le débat sur le financement des services de soins de santé et de services sociaux dans un contexte où, il faut se rappeler, la démographie est en baisse et où le contexte des finances publiques est assez dramatique ? on n'exagère pas, là.

Mon collègue le ministre de la Santé et des Services sociaux a déposé ce document de réflexion. C'est un document de réflexion, ce n'est pas... c'est une base de discussion. Il n'y a pas de décision de prise. Moi, je trouve toujours que, quand on a la possibilité de consulter les gens, ça nous rend beaucoup plus efficaces au niveau des actions et des gestes qu'on a à poser. Et il y aura une suite à ça évidemment, mais il faut se rappeler que, lorsqu'on parle d'ouverture au privé, on ne parle pas de l'ensemble des services. L'ouverture au privé, je comprends que ça peut susciter chez certains groupes et certaines personnes... Une fois que la porte est ouverte, est-ce qu'elle sera grande ouverte dans 10 ans? Moi, je n'ai pas de boule de cristal, je ne peux pas vous prédire ça. Mais c'est certain que ce qui est en discussion actuellement permettra, je l'espère et le gouvernement l'espère, de trouver des solutions pour désengorger aussi certaines... On parle des chirurgies ici, là. On ne parle pas de services sociaux comme tels, là, on parle de chirurgies, de trois chirurgies.

La Présidente (Mme James): Juste un instant, Mme la ministre. Est-ce qu'il y a consentement de poursuivre nos travaux passé 13 heures?

Des voix: Oui.

La Présidente (Mme James): Oui. Continuez.

Mme Delisle: Oui? Bon. Moi, j'aurais aimé vous entendre aussi sur toute la question de ce qui est... On a entendu parler de ce qui était médicalement requis, d'un temps médicalement requis. Il y a plusieurs groupes qui sont venus ici qui nous en ont parlé. On a rencontré M. Bouchard, hier, et son groupe, qui nous ont fait part qu'ils étaient un peu déçus du fait qu'on ne parlait pas des services sociaux, donc les services qui touchent vos clientèles, et qu'ils auraient aimé qu'on parle du socialement requis, qu'est-ce qui est socialement requis à l'intérieur des services sociaux. Avez-vous réfléchi là-dessus? Est-ce qu'il y a quelqu'un qui pourrait nous éclairer sur ce qui pourrait être socialement requis?

n(13 heures)n

Mme Colin (Thérèse): Alors, effectivement, la garantie d'accès vue sous l'angle du document, il n'y a pas grand-chose qui nous concerne. Mais, nous, on a amené effectivement aussi l'idée du socialement requis, et ça fait longtemps qu'on parle de ça. Et pour nous ce serait important justement que, dans des documents de ce genre-là, il y ait une réflexion sur le socialement requis.

En ce qui concerne les personnes handicapées, bon, je ne veux pas vous les énumérer tous, mais c'est clair, et on vous l'a nommé, entre autres quand les enfants sont petits, plus on perd de temps pour faire de la réadaptation, que l'enfant ait une déficience physique, un trouble de langage, parole, une déficience intellectuelle, une déficience visuelle ou auditive, c'est tous pareil, plus on prend de temps pour leur donner des services, plus on endommage leur capital humain. Donc, le socialement requis dans cette situation-là, c'est d'intervenir dans les semaines ou les quelques mois qui suivent la naissance de l'enfant ou le diagnostic, et ce n'est généralement pas le cas. Et je peux vous dire, et ça, je pense qu'on est tous conscients de ça, qu'investir à ce moment-là, c'est épargner aussi énormément d'argent, en plus du potentiel que vous donnez à l'enfant, qui pourra probablement s'intégrer dans la vie sociale normalement, alors que beaucoup de ces enfants-là développent non seulement en pire leur déficience, mais ne sont plus intégrés du tout.

Mais il y a aussi du socialement requis aussi à d'autres moments, et je pense notamment... nous, particulièrement, en déficience intellectuelle où je travaille, où des adultes attendent des années et des années avant d'avoir des ressources résidentielles alors que leurs parents attendent, entre guillemets, de mourir. Et, si vous étiez sur le terrain pour voir ce que ça signifie, probablement que vous comprendriez que c'est extrêmement difficile pour les familles. Puis je ne dis pas qu'elles doivent mourir, là. Je dis simplement que cette période de vie est extrêmement difficile, puis il y a des situations de crise. Donc, oui, le socialement requis, c'est important.

Puis, dans notre société québécoise, je pense qu'on n'a pas beaucoup de définitions du socialement requis. C'est la même chose pour les enfants qui sont en besoin de protection, qui ne nous concernent pas, nous... Mais on a défini le médicalement requis, et le médicalement requis, il est défini par les médecins. Mais, dans le socialement requis, il n'y a personne qui a défini, et, moi, je pense qu'un progrès qu'on pourrait faire au Québec, c'est d'essayer de définir le socialement requis, et nous y participerons si vous faites cette réflexion.

Mme Delisle: Je voudrais faire un peu de pouce sur la fin de votre phrase, là. Mais je voudrais peut-être aussi qu'on... Je voudrais vous rassurer, là. Il n'est pas question de faire payer les gens pour des services... Je veux qu'on s'entende bien là-dessus. M. Couillard l'a dit à maintes et maintes reprises, ici, en commission parlementaire, là, puis c'est bien une réponse au jugement Chaoulli: il s'agit d'une faible ouverture à ceux qui veulent payer, dans le cas où on offre une garantie à tout le monde dans le réseau public d'avoir accès à ces services-là. Je pense qu'il faut qu'on se comprenne, là, ce n'est pas une ouverture pour que le privé envahisse ce terrain-là.

Je voudrais aussi... parce qu'il y a des gens qui nous écoutent, qui suivent avec intérêt, par le biais de la télévision ou par Internet, nos délibérations. Il y a effectivement des listes d'attente qui sont assez importantes. Mais il ne faut pas négliger le fait aussi qu'il y a un déficit de professionnels de disponibles aussi. Ça, on ne peut pas inventer ces gens-là sur le terrain. Vous savez comme moi qu'il y a eu des coupures importantes. Il y a par contre des cohortes qui sortent, je pense entre autres au niveau des orthophonistes, d'ici quelque temps, là, qui pourront, entre autres, aider, c'est sûr, lorsqu'on parle de dysphasie, troubles de langage et de la parole. Mais ça ne règle pas l'essentiel de ce que vous venez de dire. Il y a effectivement beaucoup de gens sur les listes d'attente.

Donc, sur le socialement requis, on le définirait comment? Parce que, le médicalement requis, moi, je n'ai jamais vu de définition, à date. Je ne sais pas s'il est... Vous avez dit tout à l'heure: Il est probablement défini par les médecins, mais j'ai l'impression que c'est un... Tu sais, ce n'est pas sûr que, moi qui suis députée ici depuis 11 ans, je connais très bien ce que signifie le médicalement requis, là. Donc, ce n'est pas si facile que ça. Mais, si on veut avoir le pendant... On m'a souvent parlé de santé sociale depuis que je suis là, depuis un an et demi, puis j'abonde dans ce sens-là, je pense qu'il faut faire de plus en plus d'efforts, puis il faut vraiment prioriser la santé sociale autant que la santé physique. Comment peut-on en arriver à faire une définition de «socialement requis»? Est-ce qu'on... Est-ce que, dans vos délibérations... Lors de vos colloques, je sais que ça a été soulevé. Mais est-ce qu'on en est arrivé à pouvoir le faire ou c'est quasi impossible?

Mme Tremblay (Isabelle): Bien, moi, je pense qu'on pourrait avoir, avec la loi sur la santé et des services sociaux, par l'article 2, paragraphe 4°, au moins une amorce de définition à propos de ce qui pourrait être socialement requis: des services continus de façon à répondre aux besoins des individus, des familles et des groupes aux plans physique, psychique et social, pour pouvoir favoriser leur participation pleine et entière à la société. Ça peut être une amorce de définition.

La Présidente (Mme James): Je crois que M. Lévesque souhaitait intervenir. Allez-y, M. Lévesque.

M. Lévesque (Pierre-Yves): Je ne suis pas capable de vous donner une définition, Mme la ministre, mais j'aimerais vous donner un exemple concret.

Mme Tremblay (Isabelle): Est-ce que c'est clair pour tout le monde?

Des voix: ...

Mme Tremblay (Isabelle): Oui, ça va? Je ne le répète pas?

M. Lévesque (Pierre-Yves): Pas pire.

La Présidente (Mme James): On comprend très bien.

Mme Delisle: Vous pensez qu'on ne vous comprend pas, on vous comprend très bien.

M. Lévesque (Pierre-Yves): Je me suis amélioré. Une personne qui demeure à domicile qui avait... dans la société, tandis que les personnes âgées ont besoin des services pour se maintenir à domicile, tandis que des personnes qui ont une déficience physique ou intellectuelle, ils ont besoin de ça pour participer à la société. Moi, je ne suis pas capable de vous donner une définition de socialement ou médicalement ...une personne handicapée ne doit pas payer pour avoir des services. Vous donnez le même discours des responsables au ministère de la Santé, sauf que, dans la réalité, Mme Delisle, ce n'est pas comme ça. Il y a des personnes handicapées doivent payer pour avoir l'entretien ménager. Puis pourtant, en 1988, il y a eu une décision ministérielle... une personne handicapée ne devait pas payer pour avoir des services... les personnes handicapées ne paient pas, vous avez un mot, un discours... mais, dans la réalité, ce n'est pas comme ça. Je vais arrêter là. Je pourrais continuer, mais je vais arrêter là.

La Présidente (Mme James): Alors, merci.

M. Lévesque (Pierre-Yves): Avez-vous compris comme il faut?

Mme Delisle: Oui, vous parlez du chèque emploi-services, mais je pense que notre temps est écoulé.

La Présidente (Mme James): Oui.

M. Lévesque (Pierre-Yves): ...n'a pas compris, d'abord.

La Présidente (Mme James): Oui, oui, on a compris, M. Lévesque, Sur ça, je vais maintenant céder la parole au député de Joliette pour son temps de parole.

M. Valois: M. Lévesque, si vous voulez continuer votre... Si vous aviez d'autre chose à dire, je peux vous laisser continuer. Il n'y a pas de problème, là.

M. Lévesque (Pierre-Yves): Non, mais je veux juste m'assurer que j'ai été compris parce que Mme Delisle a dit... j'ai parlé de la...

Mme Tremblay (Isabelle): Ce que M. Lévesque dit, c'est que Mme la ministre a fait référence au fait que M. Lévesque avait parlé du chèque emploi-services, mais il n'a pas parlé du chèque emploi-services, il a parlé de la gratuité.

Mme Delisle: C'est parce que la gratuité...

Mme Tremblay (Isabelle): En gros, ce que Pierre-Yves...

Une voix: Est-ce que vous voulez qu'on répète les propos en gros pour être sûr que tout le monde a compris?

Mme Tremblay (Isabelle): J'aurais dû le faire. Alors, ce que Pierre-Yves a expliqué tout à l'heure, c'est que Mme la ministre avait fait référence à la gratuité, mais que c'était un principe qui n'était pas respecté parce qu'il y avait des personnes handicapées qui avaient à payer pour des services d'entretien ménager, alors qu'en 1988 il y avait eu la décision ministérielle du gouvernement à l'effet que les personnes handicapées n'avaient pas à payer pour pallier à leurs déficiences.

n(13 h 10)n

M. Valois: Alors, d'abord, bien, vous souhaiter la bienvenue. Bienvenue, Mme Tremblay, M. Lévesque, Mme Gagnon, Mme Colin, M. Noël, bienvenue et merci énormément de... bien qu'en ce 1er juin, en ce 1er juin vous puissiez être ici, avec nous, à discuter, à discuter de ce qui vous préoccupe de façon très large. Et ici il me semble que c'est le lieu idéal pour justement non pas recevoir des fois directement par rapport à une proposition ou un livre blanc qui est plus pointu sur certaines choses, mais sur des interrogations d'autres groupes, comme le vôtre, qui disent: Au-delà de penser de façon très pointue quelque chose, il y a aussi des réalités autour, qui sont en périphérie et qui vont, par rapport à différentes actions, différentes options qui seront déterminées ou entreprises par le gouvernement... Il peut y avoir aussi des impacts et il y a déjà aussi une réalité qui existe, alors de nous apporter cette réalité qui existe...

Vous avez parlé des listes d'attente tout à l'heure, vous avez parlé de vos considérations notamment très importantes sur le privé. C'est tout à fait bienvenu de le faire, et je crois que c'est le lieu pour le faire d'ailleurs.

Merci aussi de la façon dont vous avez décidé de le faire, avec le DVD. C'est toujours... Nous, vous savez, au terme de cette commission, nous aurons rencontré 120 groupes. Alors, lorsqu'il y a une petite touche d'originalité aussi, bien ça fait en sorte que le message ? parce que c'est ce que vous voulez... bien, bien souvent, cette touche d'originalité là fait en sorte que le message, il porte plus, il reste plus en notre mémoire. Alors, félicitations pour cette petite touche là que vous avez apportée.

Évidemment, lorsque vous parlez du privé, vous en parlez avec énormément d'inquiétude, et à juste titre, à juste point d'ailleurs. Il me semble, moi comme parlementaire en tout cas... On comprend qu'il y a un jugement qui est là. On comprend aussi qu'on a toutes sortes de mécanismes, tant réglementaires que législatifs, qui peuvent nous permettre de répondre à ce jugement-là, pas nécessairement dans l'obligation d'ouvrir non plus, absolument, bien que de façon limitée et très étanche, au privé. Mais mon questionnement est un peu comme le vôtre, c'est qu'à partir du moment où, dans l'histoire, on aura commencé à ouvrir de façon plus réelle, sur quoi se baseront les gouvernements, dans 10, dans 15, dans 20 ans, pour dire que, non, le privé, c'est fermé, c'est étanche puis c'est non avenant? Et c'est ce que je comprends, et c'est ce que je comprends de votre réflexion sur cette brèche, bien qu'aujourd'hui assez limitée, que nous faisons sur le privé.

Mais, lorsque vous parliez du privé, est-ce que vous parliez aussi non seulement de cette possibilité d'assurance privée, mais vous parliez aussi des cliniques affiliées? Est-ce que pour vous, là, le privé, là, même au niveau des cliniques affiliées, c'est quelque chose qu'on ne doit même pas... Une prestation de services qui est offerte par clinique affiliée, même s'ils font partie en termes de financement, ils font partie en termes d'organisation à l'intérieur d'un réseau public, si la prestation de services est faite par le privé, vous-mêmes, même à ce niveau-là, par rapport aux clientèles desquelles vous répondez et au nom desquelles vous nous parlez aujourd'hui, même là, il y a un problème? Ce n'est pas simplement la brèche au niveau de l'assurance, c'est aussi par rapport aux cliniques privées... cliniques spécialisées affiliées?

Mme Colin (Thérèse): Je vais répondre au début, puis mes collègues vont compléter. Sur le privé, bon, on a une première série de résistances qui est effectivement, comme on vous l'a dit tout à l'heure, au niveau de pauvreté des gens. Donc, quand on parle de s'assurer, c'est clair que les gens ne s'assureront pas, parce qu'ils ne pourront tout simplement pas payer. Ça, c'est la première affaire.

La deuxième chose que je pense qu'il faut savoir, c'est que les régimes d'assurance ne prennent pas les gens malades ou peu les gens malades. Comment est-ce qu'on va proposer à une assurance d'assurer des gens qui assurément vont être malades ou bien qui ont une déficience intellectuelle dont ils ne veulent rien savoir? Donc, déjà, on est en dehors du circuit. Alors, sur le côté privatisation via des systèmes d'assurance, on va être extrêmement frileux, O.K., parce qu'on va se trouver exclus.

L'autre chose qu'il faut que vous sachiez aussi, c'est que les personnes handicapées, et particulièrement les familles, et plutôt pour les enfants, paient énormément de services privés, et, eux, ils ont l'expérience de ce que c'est. Et, l'idée de nous envoyer dans des cliniques affiliées, vous comprenez que ça nous rend frileux, parce que, même si pour l'instant il n'est pas prévu qu'on paie là-dedans, la privatisation comme telle est toujours à nos portes, et on sent que, lorsqu'il est possible de donner du privé... en tout cas de donner un service via une clinique privée, on a toujours l'impression que c'est un autre pan de services qui pourrait sortir du public. Alors, comme, nous, on est déjà, quelquefois, à peine dans le public, puisqu'on doit se payer des services privés, vous comprenez que tout ce qui est une menace de ce genre-là nous rend frileux. On ne peut pas faire autrement.

Puis par ailleurs on se dit que peut-être on pourrait assurer les mêmes services finalement dans des cliniques affiliées publiques en réorganisant le service. Puis, sur l'expérience de réorganisation des services, je peux vous dire aussi qu'on en a une certaine expérience, parce qu'on a certains services qui bénéficieraient d'être mieux organisés, et peut-être qu'on pourrait faire aussi une réflexion là-dedans avant de s'en aller dans des services privés, qui sont toujours à nos portes.

Puis je vous rappelle que, dans le social, le privé est encore plus vite aux portes que dans le public, non pas par le truchement de cliniques privées, mais par l'utilisation de toutes sortes de services qui sont comme déjà installés dans notre tête. Mais l'économie sociale, ce n'est pas du public, c'est une contractualisation avec des organisations qui ont quand même des conseils d'administration. L'utilisation du communautaire, c'est du privé aussi. Et donc, nous autres, on pense que la plupart de ces services, qui sont des services sociaux et de réadaptation, doivent continuer à être donnés par le réseau public. Je ne sais pas si ça éclaircit un peu pour vous?

M. Valois: Bien, même lorsqu'on parle de nos CPE, même lorsqu'on nous parle de coopératives, même lorsqu'on nous parle d'organismes communautaires, vous, vous dites que, même là, à ce niveau-là, alors qu'on a des conseils d'administration, c'est des citoyens qui sont là, ce n'est pas... puis c'est sans but lucratif, vous dites que, même jusque-là, c'est une intrusion du privé que vous n'acceptez pas?

Mme Colin (Thérèse): Bon, c'était peut-être un petit peu un autre débat.

M. Valois: Non, non, mais c'est parce que j'ai... Bien, c'est parce que vous nous avez quand même... quand même en me disant, en me disant que... Même à ce niveau-là, vous dites que vous considérez ces éléments-là comme étant du privé, puis, moi, je veux vraiment savoir, là, jusqu'où on... pour bien saisir l'ampleur puis la portée de votre document. C'est tout ce que je veux avoir, là, pour être sûr qu'on ne parte pas, là, avec des idées chacun de notre côté, là.

La Présidente (Mme James): Alors, Mme Gagnon, vous souhaitez intervenir?

Mme Gagnon (Marie-Claude): Oui. Bien, en fait, je pense que c'est plus le... Ce qu'on défend en fait, en parlant comme ça, c'est plus le fait que les services de réadaptation, les services de soutien à la famille, tout ce qui est actuellement offert par les établissements publics, on veut qu'ils restent dans le public. On ne pense pas que c'est aux organismes communautaires, qui actuellement le font par dépit, parce que les besoins sont là. Puis, oui, on est en réponse à des besoins actuellement, parce que ces besoins-là ne sont pas répondus dans le réseau de la santé. C'est pour ça qu'il s'est créé une multitude de services dans les OSBL, mais à l'origine ? puis ça, c'est un autre débat ? ce n'est pas le mandat des organismes communautaires autonomes d'offrir ces services-là, et je pense que ce qu'on a peur, dans un dérapage, c'est que finalement tout soit relayé dans d'autres institutions et, à ce moment-là, qu'on n'ait plus accès à des services publics, au niveau des centres de réadaptation, des CSSS, etc.

M. Valois: J'ai bien compris aussi, à moins qu'on me reprenne, là ? M. Lévesque, là, de toute façon, vous n'en êtes pas à votre première visite ici, et puis c'est ce qui fait en sorte que, nous aussi, de notre côté, on apprend aussi un peu plus à être capables de décoder lorsque vous nous parlez, et tout ça; alors, il y a des efforts mutuels, j'en suis convaincu, ce qui fait en sorte qu'on arrive maintenant un peu plus à se comprendre, ce qui est une très, très bonne chose d'ailleurs ? mais, lorsque vous parliez du social requis, je comprenais que c'était beaucoup en lien avec la participation finalement, qu'est-ce qui est un frein à la participation ou au fait que la personne puisse participer et finalement être active dans la société. Et ça pourrait être un élément de base qui nous dit... Bien, à partir du moment où est-ce que la personne se met sur une voie de service, ou du moins on finit par limiter sa participation, qui est une des choses les plus importantes ? et, lorsque je parle de participation, je ne dis pas absolument qu'il faut qu'elle aille se trouver un emploi; on peut participer au développement de notre société de toutes sortes de façons ? mais vous dites que ça, ça pourrait être un élément important pour essayer d'établir le... Bien, on voit si c'est socialement requis ou si ça ne l'est pas à partir du moment où est-ce que c'est un élément qui est important, voire même nécessaire pour la participation de la personne. Eh bien, voilà, ce sera socialement requis. On pourrait avoir un premier élément là, si je décode la façon dont vous l'aviez apporté.

M. Lévesque (Pierre-Yves): Si on donne tous les moyens à la personne handicapée de pouvoir participer à la société, elle va pouvoir participer comme tout le monde. Il faut arrêter de voir ça comme une dépense. Ce n'est pas une dépense, c'est un investissement. Comme moi, si vous me donnez les moyens de m'intégrer dans la société, je vais participer, je vais être un consommateur puis je vais payer des taxes puis de l'impôt comme tout le monde. C'est un peu ça. Mais, si on ne lui donne pas les moyens à une personne handicapée de se donner la liberté... elle ne pourra pas participer à la société.

Mme Tremblay (Isabelle): Voulez-vous que je résume?

n(13 h 20)n

M. Valois: Alors, si j'ai parlé de dépenses plutôt que d'investissement, vous m'en excuserez quand même, là, je voyais très, très bien l'importance de...

M. Lévesque (Pierre-Yves): Non, non, mais c'est bien mieux de le dire. Mme Delisle m'a dit oui puis elle ne m'a pas compris.

Mme Tremblay (Isabelle): Je vais résumer, en une minute, là, les propos de M. Lévesque, là. Si on donne tous les moyens à la personne handicapée de pouvoir participer à la société, elle va participer. Il ne faut pas voir les montants investis... Il faut voir les montants comme un investissement et non une dépense. Comme, moi, si on me donne les moyens de participer à la société, je vais être un consommateur, je vais payer des impôts, mais il faut qu'on ait les moyens de se lever le matin et de pouvoir avoir cette participation sociale.

M. Lévesque (Pierre-Yves): Merci, Isabelle.

Mme Tremblay (Isabelle): Ça va être mieux pour le verbatim aussi.

M. Valois: Alors, bien, sur ce, moi, je vous remercie, je vous remercie beaucoup de l'apport que vous avez fait ce matin, votre contribution, et puis, oui, je pourrais vous laisser la parole, s'il y a des choses que vous voulez ajouter, mais pour moi c'est...

La Présidente (Mme James): Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Isabelle): Oui? Bien, en fait, vous avez parlé tout à l'heure que vous aviez apprécié la touche d'originalité de l'AQRIPH, bien vous allez apprécié la suite que je vais vous faire en terminant. C'est qu'on vient souvent en commission parlementaire, on travaille sur des comités de travail avec les instances gouvernementales, les partis au pouvoir, et, pour l'accès aux services, on répète, hein? Je me suis déjà fait dire: Mme Tremblay, vous me répétez souvent les mêmes choses. Alors là, maintenant, on va avoir de l'aide dans notre dossier de l'accès aux services, on va avoir un répéteur officiel, et c'est un gris d'Afrique qui s'appelle Pinocchio, c'est le mien. Alors, on l'a mis dans des situations où il vous répétait l'importance de l'accès aux services en réponse aux besoins. Alors, ça se peut que vous revoyiez Pinocchio dans l'avenir.

La Présidente (Mme James): Alors, vous me permettrez de vous remercier tout particulièrement, et de vous féliciter, et de vous souhaiter surtout une bonne semaine et bonne continuité. Alors, Mme Colin, M. Noël, Mme Tremblay, M. Lévesque évidemment, et Mme Gagnon, merci beaucoup pour votre présence et participation à cette commission parlementaire.

Alors, sur ce, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à... suspends jusqu'à...

Une voix: 15 heures.

La Présidente (Mme James): 15 heures, c'est ça.

(Suspension de la séance à 13 h 22)

 

(Reprise à 15 h 6)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission poursuit ses travaux, et, tel qu'indiqué ce matin, je vais faire lecture de l'ordre du jour. Nous allons débuter dans quelques instants avec l'audition de l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec; autour de 16 heures, ce sera le tour de l'Office des personnes handicapées du Québec; à 17 heures, l'Association du Québec pour l'intégration sociale, l'AQIS; la suspension habituelle de 18 à 20 heures; à 20 heures, l'Organisation d'aide aux sans-emploi, ODAS-Montréal; à 21 heures, le Mouvement des travailleurs chrétiens; à 22 heures, le Conseil des citoyens de Québec pour la santé et les services sociaux; l'ajournement prévu pour 23 heures.

Alors, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec. M. le président Leblond, bonjour.

Ordre professionnel des travailleurs
sociaux du Québec (OPTSQ)

M. Leblond (Claude): Bonjour.

Le Président (M. Copeman): Je sais pertinemment que nous n'en êtes pas à votre première expérience, mais je vous souhaite la bienvenue, vous et vos collaborateurs. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour votre présentation. Je vais vous aviser quand il reste trois minutes pour mieux vous aider à conclure, simplement. Et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et d'enchaîner avec votre présentation.

M. Leblond (Claude): D'accord. Alors, à ma droite, m'accompagne M. Stéphane Richard, qui est chargé d'affaires professionnelles à l'Ordre des travailleurs sociaux; il est également doctorant en philosophie et éthique appliquée. Et, à ma gauche, M. Luc Trottier, qui est au service des communications, à l'Ordre des travailleurs sociaux.

Alors, M. le Président de la commission, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, Mmes et MM. les députés membres de la commission, c'est avec fierté et au nom des quelque 6 500 travailleuses sociales et travailleurs sociaux, les thérapeutes conjugales et familiales et les thérapeutes conjugaux et familiaux réunis au sein de l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec, que je vous présente les points saillants de notre mémoire concernant le document de consultation intitulé Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité.

Pour nous assurer d'une bonne compréhension des objectifs visés, nous avons lu attentivement le texte de présentation que signait le ministre de la Santé et des Services sociaux en préface au document de consultation. On y lit tout d'abord, et je me permets de le citer: «Depuis le printemps 2003, notre gouvernement a agi sur plusieurs fronts afin d'améliorer la capacité de notre système de santé et de services sociaux à répondre aux besoins des Québécois.»

Vient ensuite une énumération détaillée d'actions et de mesures prises par le gouvernement. Notons, entre autres, l'augmentation des inscriptions en médecine et en sciences infirmières, l'implantation de nouveaux groupes de médecine de famille et de cliniques-réseaux, l'ajout d'appareils de résonance magnétique et de tomodensitométrie. Si le ministre se réjouit du rattrapage effectué en santé, il nous permettra sans doute de lui poser une simple question: À quand le rattrapage dans le domaine des services sociaux?

n(15 h 10)n

Nous avons également relevé dans ce texte une volonté clairement exprimée d'entamer un dialogue avec les Québécois et ? je cite à nouveau ? «de nourrir un débat serein» et guidé par des valeurs de justice sociale et d'équité afin de préserver et d'améliorer notre système public et universel de santé et de services sociaux pour qu'il soit parmi les meilleurs au monde. Bien sûr, nous partageons cet objectif, mais nous croyons fermement qu'il est tout à fait possible de l'atteindre en préservant les valeurs d'universalité, d'accessibilité et de gratuité de notre système de santé public dont les Québécoises et les Québécois sont si fiers et pour lequel ils ont travaillé si fort. Encore une fois, le gouvernement récupère à son compte des valeurs aussi fondamentales que l'équité et la justice sociale pour justifier son plan d'action, comme il l'a fait pour défendre le projet de loi n° 57 sur l'aide aux personnes et aux familles, comme il l'a fait dans sa politique du médicament et comme il le fait régulièrement dans plusieurs dossiers à connotation sociale.

Pourtant, nous ne pouvons que constater l'incapacité du gouvernement à actualiser ces valeurs sur le terrain, à les rendre mesurables et vérifiables. Et ce ne sont pas uniquement les travailleurs sociaux qui le disent, mais également l'ONU qui s'inquiète de l'impact de la privatisation du système de santé, notamment sur les groupes vulnérables et marginalisés.

À ce sujet, le comité d'experts du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, pacte dont le Québec est signataire, constate, par exemple, que la loi n° 112 sur la pauvreté et l'exclusion sociale, pourtant adoptée unanimement en décembre 2003, n'a pas encore été mise en oeuvre. Le comité pose également plusieurs autres jugements sévères quant au niveau des prestations d'aide sociale, le coût et la disponibilité du logement, la hausse importante des fréquentations de banques alimentaires dont 40 % des utilisateurs sont des enfants.

Le gouvernement du Québec tarde également, depuis trois ans, de donner suite au bilan de la Charte québécoise produit par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, bilan qui recommande notamment d'accorder aux droits sociaux et économiques la même importance fondamentale que celle accordée aux autres droits garantis par la charte.

Que doit-on comprendre? Que les réformes présentées ne réussissent pas à intégrer les valeurs fondamentales que sont l'équité et la justice sociale. Conséquemment, quelles garanties supplémentaires avons-nous cette fois-ci pour croire que l'ouverture vers le privé se fera dans le respect des valeurs d'équité et de justice sociale?

Revenons maintenant quelques instants sur le jugement Chaoulli. Au fond, que dit-il, ce jugement? Il dit simplement que le gouvernement du Québec doit faire en sorte que tous ses citoyens aient accès aux soins de santé dont ils ont besoin dans des délais raisonnables. Enfin, la Cour suprême n'a jamais ordonné au gouvernement du Québec d'ouvrir sans restriction le système au secteur privé. La Cour suprême n'a que levé l'interdiction de l'assurance privée en raison de la présence de délais d'attente qu'elle considérait indus dans certains secteurs.

En février dernier, dans le cadre d'un colloque organisé par l'Institut du Nouveau Monde, Marie-Claude Prémont, de la Faculté de droit de l'Université McGill, portait sur ce jugement un éclairage intéressant, et je la cite: «La levée de la prohibition de l'assurance privée par le plus haut tribunal du pays ne vaut que pour 100 médecins du Québec, soit 0,54 % de tous les médecins québécois. Or, comment la Cour suprême du Canada peut-elle rationnellement soutenir que 100 médecins non participants pourraient arriver à répondre aux besoins des patients québécois, alors que 18 404 médecins n'y arrivent pas?»

Ainsi, à notre avis, rien ne justifie l'ouverture du système vers le privé. Personne n'a encore fait la démonstration claire et non équivoque que notre système public financé adéquatement serait incapable de répondre à la demande présente et future. Et, même si c'était le cas, une autre question s'imposerait: Pendant combien de temps encore le gouvernement se contentera-t-il d'offrir des services simplement à la hauteur de ses moyens avant d'avoir le courage de faire ce qu'il faut pour se donner des moyens à la hauteur des besoins de la population? Avant d'entrouvrir au privé, voire à la logique du marché, une porte que nous ne pourrons plus jamais refermer, pourquoi, par exemple, ne pas oser revoir le système fiscal?

Si le principal problème se situe au niveau du financement, pourquoi ne pas l'examiner sous l'angle de la fiscalité avant de dénaturer les fondements de notre système? Et comment ne pas craindre qu'on en vienne à recourir de plus en plus aux cliniques privées affiliées au terme des neuf mois prescrits, alors que les véritables pistes de solution pour assurer un financement adéquat du système auront été occultées?

Nous ne sommes pas les seuls à douter de l'efficacité d'une ouverture vers le privé pour améliorer le système de santé et de services sociaux et nous ne sommes pas les seuls non plus à dénoncer le biais de ce projet en faveur du curatif au détriment du social. Permettez-moi de citer quelques lignes du mémoire de l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux. Alors: «La garantie d'accès aux trois interventions ciblées ne doit pas faire perdre de vue l'existence de listes d'attente dans bien d'autres secteurs. Si elle est moins bien documentée, cette attente est néanmoins bien réelle dans des secteurs névralgiques comme l'accès à un médecin de famille, à un médecin spécialiste, à des services de santé mentale, à des services psychosociaux pour les jeunes et [leurs] familles[...]. L'objectif d'accès raisonnable aux services ne peut être circonscrit aux seuls services de deuxième et de troisième ligne, et l'effort pour l'atteindre doit débuter bien en amont.»

En fonction des valeurs qui nous sont chères en tant que travailleurs sociaux et par lesquelles nous nous définissons, à savoir la promotion et la défense de la dignité de tout être humain, le droit des personnes, des groupes et des collectivités ainsi que la justice sociale, il nous apparaît crucial de réagir et de prendre position dans ce débat. Des travailleurs sociaux ont vécu l'époque où les familles n'avaient pas accès à des services de santé gratuits et universels. Les travailleurs sociaux qui, depuis 1958, participent à tous les grands débats de société portant sur les enjeux individuels et collectifs s'inquiètent de tout recul sur les acquis sociaux pour les citoyens vulnérables tant au plan de leur santé qu'au plan socioéconomique.

Comme agents de changement social, les travailleurs sociaux ont un rôle d'information sociale à jouer auprès du public et également auprès du gouvernement. D'ailleurs, les travailleurs sociaux, qui s'inspirent dans leur pratique de la Déclaration universelle des droits de l'homme, notamment en référence à l'article 25, estiment que «toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse [et] dans [tous] les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté».

En ce qui concerne la défense des droits des personnes les plus vulnérables, qu'il nous soit permis de répéter encore une fois que l'appauvrissement et plus particulièrement les problèmes qu'il entraîne, la précarisation, la marginalisation et l'exclusion sociale, l'isolement et la perte de pouvoir et de contrôle d'un individu sur sa vie, tout cela est un véritable fléau social. Il s'agit pourtant d'un déterminant important de la santé et d'un facteur majeur du développement des problèmes sociaux. Or, loin de régresser, l'appauvrissement s'étend et touche de plus en plus de personnes. Malheureusement, la lutte à l'appauvrissement est menée de façon bien inégale, sans grande conviction, sans continuité, sans vision d'ensemble.

Déjà, en novembre 2004, dans le cadre du débat entourant le projet de loi n° 57, nous mettions le gouvernement en garde contre le danger de remettre en question la justice sociale et la reconnaissance du droit au bien-être en se désolidarisant des personnes les plus vulnérables.

Dorénavant, un citoyen qui a besoin d'une nouvelle hanche aura la garantie d'en obtenir une dans un délai préétabli, et il faut s'en réjouir. Cependant, qu'en sera-t-il de celles et de ceux qui ont besoin d'une aide ponctuelle dans leur vie avant que leur situation ne dégénère? Qui leur garantit l'accès aux services sociaux dont ils ont besoin? Pourront-ils compter sur des cliniques sociales affiliées?

Alors, devant un tel tableau et après mûre réflexion, nous en sommes arrivés à la conclusion que ni le gouvernement du Québec ni la population du Québec ne sont prêts, à ce moment-ci, à s'engager dans une réforme aussi importante et qui comporte autant de risques majeurs de dérapage. Il nous faut du temps, du temps pour réfléchir davantage, du temps pour consulter davantage, du temps pour prendre les bonnes décisions en toute connaissance de cause et surtout du temps pour prendre des décisions dont nous connaîtrons toute la portée et des engagements que nous pourrons tenir.

C'est pourquoi nous recommandons au gouvernement du Québec de recourir à la clause dérogatoire pour se soustraire temporairement au jugement de la Cour suprême. Pendant cette parenthèse, et puisque le ministre souhaite un vaste débat serein et ouvert, il convoquera l'ensemble de la population à un sommet sur la santé et les services sociaux, lequel permettrait à tous les citoyens qui le souhaitent de se renseigner à fond et de se prononcer sur une question claire: Devons-nous préserver le caractère public, gratuit et universel de notre système de santé et de services sociaux?

C'est à cette table citoyenne que pourraient être reconfirmés les valeurs et les principes sur lesquels nous souhaitons voir reposer notre système de santé et de services sociaux. Le moment serait également bien choisi pour ouvrir le débat sur la place que doivent occuper les services sociaux au sein de l'État. Il est en effet essentiel de pouvoir débattre en profondeur du panier des services sociaux et de briser le mythe selon lequel l'accessibilité et la continuité sont des principes qui existent toujours en ce qui concerne les services sociaux. Ce n'est pas le cas. Nous l'avons dit à plusieurs reprises et nous le réaffirmons encore ici, aujourd'hui: prioriser le traitement de la maladie au détriment de la santé et du social constitue en soi un mauvais choix de société.

n(15 h 20)n

Pour nous, travailleurs sociaux, la santé demeure un droit fondamental de l'être humain, et le fait de vivre en santé, dans un environnement sain, dans des conditions de vie favorisant une qualité de vie décente permet de vivre dans la dignité.

Puisque toute institution reliée aux services sociaux et de santé doit préciser à sa clientèle ce à quoi elle peut s'attendre en ce qui a trait aux pratiques et aux conduites jugées respectueuses de leurs droits, nous proposons que le sommet sur la santé se penche également sur l'opportunité de promulguer un droit à la santé, lequel serait pleinement reconnu dans la Charte des droits et libertés et puiserait ses fondements dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de l'ONU. L'application et la surveillance de ce droit à la santé pourraient être confiées au futur Commissaire à la santé et au bien-être.

À cet effet, le Rapport social, de la Ligue des droits et libertés, dont l'ordre que je préside est signataire et qui fut rendu public en mars 2006, nous propose une définition du droit à la santé selon le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Alors, ce droit à la santé serait: «Outre le droit aux soins de santé, le droit à la santé englobe une grande diversité de facteurs socioéconomiques de nature à promouvoir des conditions dans lesquelles les êtres humains peuvent mener une vie saine et s'étend aux facteurs fondamentaux déterminants de la santé tels que l'alimentation et la nutrition, le logement, l'accès à l'eau salubre et potable, à un système adéquat d'assainissement, à des conditions de travail sûres et hygiéniques et à un environnement sain.»

Un autre enjeu majeur pourrait faire l'objet d'une analyse profonde dans le cadre de ce sommet. N'y aurait-il pas lieu d'évaluer la pertinence de fractionner en deux ministères distincts les missions santé et services sociaux? Depuis plus de 20 ans, et tous partis confondus, les hommes et les femmes qui se sont succédé à la tête de ce ministère ont eu systématiquement le réflexe d'investir dans le curatif au détriment du social. On peut les comprendre, la pression publique et l'attention médiatique sont fortes et réagissent au moindre débordement des salles d'urgence et aux listes d'attente. Sans remettre en cause la bonne foi de ces personnes, nous sommes en droit de nous demander qui, au Conseil des ministres, qui, au Comité des priorités, a la responsabilité et la capacité de défendre librement les besoins en services sociaux. Le moment est peut-être venu de réaliser qu'il est désormais impossible pour une seule et même personne de défendre ces deux missions à la fois.

À notre avis, ce n'est qu'au terme d'un tel processus de réflexion et de consultation que le gouvernement du Québec pourrait affirmer détenir le mandat et la légitimité nécessaires pour modifier les fondements de notre système public de santé et de services sociaux.

En conclusion, l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec réaffirme sa foi en un système de santé et de services sociaux public gratuit, universel et accessible à tous. Dans une approche globale, tenant compte de la prévention et de la promotion de la santé, l'État québécois doit reconnaître que les déterminants de la santé englobent des facteurs et des droits sociaux, économiques et environnementaux et déterminent l'état de santé de l'individu et de la population. Au-delà de cette reconnaissance, il est essentiel de mobiliser des actions qui agiront efficacement sur ces déterminants de la santé.

Par exemple, et pour répondre aux exigences d'améliorer les conditions de vie des citoyennes et des citoyens, l'État doit donner suite à son engagement à étendre la gratuité des médicaments aux personnes vulnérables au niveau socioéconomique, celles-là même qui sont amenées à sacrifier leurs besoins de base tels que la nourriture, le logement, le vêtement pour payer leur médication.

Les Québécoises et les Québécois sont conviés à se prononcer sur ce qu'il adviendra de leur système public de santé et de services sociaux. Il est important pour permettre un débat de qualité de fournir tout le temps nécessaire à la délibération collective.

Les citoyennes et les citoyens du Québec, avant de formuler une évaluation de la situation et avant de se prononcer sur les enjeux de la privatisation de leur système sociosanitaire, ont le droit d'obtenir toutes les données nécessaires pour porter un jugement éclairé, pour exercer leur droit citoyen. Nous croyons que la tenue d'un sommet sur la santé permettrait d'atteindre cet objectif. Les risques de dérive sont trop grands. Tout changement improvisé et dans l'accéléré pourrait générer des discriminations et des inéquités, des morcellements et augmenter la détresse humaine, et possiblement même une hausse des coûts de la santé.

Pour l'Ordre des travailleurs sociaux du Québec, le système public unique demeure la meilleure approche pour fournir des soins de santé et des services sociaux de qualité pour répondre aux défis démocratiques et biopsychosociaux de demain.

Il appert également, en fonction des positions de l'Ordre des travailleurs sociaux, des postulats et enjeux éthiques qu'il fait ressortir tout au long de ce mémoire, que le gouvernement du Québec doit réévaluer la dialectique des rapports entre le social et la santé, entre l'accessibilité et la qualité des services de santé et des services sociaux publics offerts à la population. Dans le contexte social, politique et économique qui est le nôtre, il est important d'avoir une vision globale de la santé. Et négliger le social, c'est choisir d'ajouter une pression encore plus forte sur le curatif. Négliger le social, c'est renoncer à des outils essentiels pour gagner la lutte contre l'appauvrissement.

Le Président (M. Copeman): M. Leblond, il vous reste deux minutes.

M. Leblond (Claude): L'Ordre des travailleurs sociaux réclame un projet de société guidé par la justice et le respect des droits économiques et sociaux dans le déploiement de la nouvelle ère en santé. Nous devons tous participer à l'essor d'un Québec en santé, sans pauvreté, respectueux des droits humains et des libertés des citoyennes et des citoyens qui sont dans le besoin et vulnérables au plan des conditions de vie.

Voilà un défi que les travailleurs sociaux sont prêts à relever. Les visées d'efficacité économique propres au nouvel ordre économique mondial peuvent être compatibles avec les idéaux de justice et d'inclusion sociale. Le tout réside dans la motivation et la volonté réelle d'agir de l'État afin de rendre cette compatibilité mesurable et vérifiable au quotidien auprès des citoyens les plus vulnérables tant au plan de leur santé physique que de leurs besoins psychosociaux.

En définitive, nous souhaitons que le débat qui s'installe favorisera l'émergence d'un nouveau système sociosanitaire québécois public gratuit, universel et accessible à tous sans la moindre discrimination. Nous souhaitons que ce débat s'inspire d'une volonté ferme de créer des conditions favorables à l'affirmation de la solidarité sociale, l'équité et l'égalité des chances pour celles et ceux qui requièrent des services de santé et des services sociaux. Bref, nous demandons à ce que notre système de santé et de services sociaux place l'humain avant tout. Je vous remercie.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Leblond. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Leblond, M. Richard, M. Trottier, pour votre présentation. Écoutez, j'ai quelques remarques à faire sur votre présentation, et par la suite on pourra échanger sur un ou deux points plus particuliers.

D'abord, le rattrapage en services sociaux, même s'il est encore incomplet, est certainement, comme en santé d'ailleurs, pas à la hauteur des besoins, il a été effectué... il y a d'importants investissements, par rapport à ce qui avait été fait auparavant, qui ont été faits. Il y a une réorganisation qui inclut l'aspect universitaire des services sociaux que, je crois, vous devriez reconnaître. C'est toujours dangereux de peindre les choses en blanc et noir, hein? La vérité n'est ni blanche ni noire.

De la même façon que, lorsque vous accusez le gouvernement de récupérer les valeurs d'équité et de justice sociale, respectueusement je vous dirais que vous faites exactement la même chose. Ce que vous dites à la population, c'est que les gens qui sont au gouvernement n'ont pas ces valeurs-là ou feignent de les avoir pour arriver à leurs objectifs. Je vous dis que vous faites la même chose aujourd'hui pour arriver à vos objectifs et défendre votre position idéologique.

Vous dites que les travailleurs sociaux ont connu l'époque où tous n'avaient pas accès à des soins publics et universels. Il n'est pas question de revenir à ça. Nulle part dans le document, puis c'est une des questions que je vais vous poser... de me montrer un endroit dans le document où ceci est remis en question.

Vous dites: L'État devrait arrêter de dépenser selon ses moyens. Il y a des citoyens qui vous écoutent qui ont dû sauter de leur chaise quand ils ont entendu ça, là, parce que le message que je reçois, moi: On a juste à augmenter les impôts, c'est ça, la solution. Un État, ça dépense selon ses moyens, partout dans le monde, puis ce sera toujours comme ça.

C'est bien sûr qu'il faudrait parler des systèmes sociaux, et on va en parler encore, des services sociaux, mais le document, ce n'est pas un document sur le système de santé et des services sociaux, c'est un document de consultation sur la réponse au jugement Chaoulli qui porte sur les soins médicaux hospitaliers, hein? Je vais vous informer tout de suite: on n'aura pas recours à la clause dérogatoire, un projet de loi sera déposé, puis le gouvernement va agir.

Vous posez la question: Devons-nous préserver le caractère public, gratuit et universel de notre système de santé et de services sociaux? Gratuit, oui, dans le sens qu'il n'y a pas de contribution, mais pas gratuit pour la collectivité puis la communauté québécoise. C'est un régime qui nous coûte cher collectivement, le système de santé. Alors, la réponse à cette question: Oui. Donnez-moi des exemples où on remet ça en question dans le document.

n(15 h 30)n

Vous dites: Il nous faut du temps. Ça, c'est une autre façon de dire: Surtout, ne faisons rien, laissons les choses comme elles sont. Et on observe ce genre d'attitude malheureusement parfois, où on essaie de bloquer les changements qu'un gouvernement démocratiquement élu veut amener à la société sous prétexte que le débat n'a pas été assez long. Le débat, on peut le rendre éternel, si on veut, le débat, on n'aura pas assez de 50 ans pour faire un débat sur la santé. Vous êtes dans... presque le 115e groupe qui se présente devant cette commission. L'Institut du Nouveau Monde est venu présenter, ce matin, le résultat de ses débats sur la question. Il y a eu de multiples articles dans les journaux. Il n'y en aura pas, de sommet sur la santé ni de grand-messe sur la santé. Le gouvernement finit la consultation, va agir et n'utilisera pas la clause dérogatoire.

Vous dites souhaiter qu'on fractionne le ministère de la Santé et des Services sociaux en deux. Moi, je vous soumettrais que c'est la pire chose qu'il pourrait arriver aux services sociaux parce que vous ne savez pas le nombre de pressions qu'on a justement, exactement comme ce que vous dites, pour dire: Bien, à un moment donné, on devrait... quand on dit qu'on investit dans la santé, on devrait investir santé-santé. Ça existe, ces pressions-là, de tout temps, tous les gouvernements. Le fait que les services sociaux soient intégrés au système de santé, c'est une protection fondamentale pour les services sociaux, et je frémis d'avance de ce qui arriverait à ces services sociaux là si, par hasard, ils étaient dans un ministère distinct et ils avaient eux-mêmes, seuls, à se défendre pour respecter leur mission.

Alors, je vais vous reposer la même question: Où, dans le document de consultation, mettons-nous en jeu le caractère public, gratuit et universel du système de santé?

M. Leblond (Claude): Juste avant de débuter la réponse à votre question, M. le ministre, je ne crois pas en tout cas que, quand nous proposons de prendre du temps, nous voulons ne rien faire. Je pense humblement que nous sommes venus vous donner une opinion et dans laquelle on dit que, compte tenu de l'importance des enjeux, il nous semble qu'on a encore besoin de temps et que, pendant ce temps, nous pourrions avoir un sommet. Alors, ce n'était pas prendre du temps pour ne rien faire, d'une part.

D'autre part, concernant notre souhait de fractionner, je ne crois pas qu'on l'ait exprimé, que je vous aie exprimé un souhait de fractionner. Ce que j'exprimais, c'est davantage l'importance de se poser la question. Et effectivement j'ai dit au préalable que c'était tous partis confondus depuis les dernières années, hein, et que ce n'était pas une question ni de partis ni d'individus. Et je trouve important de le ramener parce que ça nous place dans des opposés, alors que je ne souhaite pas qu'on soit dans les opposés; nous venons éclairer la commission, en tout cas donner notre opinion à la commission.

Alors, sur le risque, je vais laisser monsieur...

M. Richard (Stéphane): Oui, merci. Donc, bonjour à tous et à toutes. Je trouve ça important, ce que vous dites, M. Couillard, d'autant plus que, dans notre cas... En tout cas, je voudrais partir avec le niveau... l'accusation, le mot que vous avez utilisé au niveau de la... accusation, vous nous accusez. Donc, on ne procède pas de cette façon-là. J'aimerais qu'on revienne là-dessus un petit peu en termes de rattrapage au niveau du langage. Puis, quand vous parlez des valeurs de justice sociale et d'équité, nous, c'est des valeurs qui sont très importantes pour nous, les travailleurs sociaux, parce que ça fait partie de notre finalité même d'intervention. Et ce qu'on fait dans le mémoire finalement, la façon, ça s'appelle le langage dénotatif, on amène des faits pour que notre interlocuteur puisse procéder lui-même par des jugements. Ce qu'on ne veut pas puis ce qu'on veut éviter, c'est que les jugements de valeur soient faciles dans un document comme on écrit, qui s'adresse finalement au niveau national. Partons de cela.

Puis, moi, j'aimerais mieux qu'on parle de prescription, parce que, quand on parle de prescription, on parle de quoi? C'est qu'on parle d'une observation qui est basée sur des faits, sur une réalité, que, nous, les travailleurs sociaux, on observe sur le terrain du quotidien. Et dans le fond regarder dans notre propre... Quand on est membre d'un ordre, il faut avoir un certain registre de regard, puis d'évaluation, puis de vigilance par rapport à ce qu'on fait, puis ce qu'on est, puis ce qu'on nous a demandé de faire. On n'est pas ici pour faire un procès, on est ici pour alimenter le discours.

Je reviendrais, dans un premier temps... Dans notre code de déontologie, à l'article 3.01.05, ça dit ce qui suit: «Le travailleur social ne formule une évaluation de la situation de son client et n'intervient à son égard que s'il possède les données suffisantes pour porter un jugement éclairé sur la situation et pour agir avec un minimum d'efficacité dans l'intérêt du client.» Donc, partons de là, partons que, dans le fond, on est... Est-ce qu'on a tous les éléments pour porter un jugement éclairé dans la formule d'une commission parlementaire comme telle?

Si on parle ? puis j'aborde aussi dans un autre commentaire que vous avez porté, sur la notion du temps ? du peu de temps... Pour délibérer adéquatement, pour forger un jugement adéquat, M. Couillard, vous le savez aussi, vous êtes un professionnel, ça prend tous les éléments potentiels pour pouvoir accéder à un jugement de qualité. Présentement, nous, à l'ordre professionnel, on est centré sur des valeurs comme la justice sociale, la défense des droits, et tout ça. C'est fort important pour nous. Mais qu'en est il de votre perception, vous, de la justice sociale? On pourra en parler aujourd'hui. C'est quoi, pour vous, M. Couillard, et tous les autres ici présents, la notion de justice sociale, entre autres? Et le temps qu'on prend à mon avis à répondre, à alimenter la population sur des situations, des faits, ça permet de répondre aux exigences de la justice sociale. Pour moi, ce n'est pas juste la distribution de la richesse, la justice sociale, c'est de favoriser l'opportunité des gens de bien comprendre ce qui est là.

Et, étant donné qu'on marque que c'est... Oui, vous avez raison de marquer qu'on ne parle pas du système... On parle du système de la santé et des services sociaux. Pourquoi? Parce qu'il y a un arrière-fond de modernité qui marque la trajectoire de votre gouvernement depuis que vous êtes là, et cette volonté de moderniser l'État se fait en fonction de valeurs, puis de prescriptions, puis d'observations. C'est là-dessus que ça vaut la peine aussi de s'attarder.

Ça fait que, moi, le mot «accusation», je trouve que c'est gros. Je voulais vous revenir avec ça puis vous dire que dans le fond, si... au niveau des valeurs, au niveau du temps à prendre, on est prêts à s'asseoir avec vous pour justifier pourquoi c'est nécessaire d'avoir du temps pour délibérer. M. et Mme Tout-le-monde qui ne reste pas à Québec, qui n'a pas la possibilité de se déplacer peut-il se faire entendre auprès de vous autrement que dans une perspective ici? On a parlé de ça, dans le projet de loi n° 57, dans le mémoire sur le projet de loi n° 83, de créer finalement une plate-forme de communication continue avec la population. Donc, je voulais juste réagir à ces deux mots-là, et puis on pourra...

M. Couillard: ...juste avec... enchérir sur vos propos, là. Lorsqu'on dit, dans le document ? puis c'est écrit, là, puis ça a été dit dans la présentation ? que le gouvernement récupère les principes d'équité et de justice sociale, c'est à la limite de l'accusation de dire que les gens qui sont devant vous sont dénués de sens d'équité et de justice.

M. Richard (Stéphane): Pas du tout.

M. Couillard: Bien, écoutez, tous les collègues ont compris ça.

M. Richard (Stéphane): Bien, on peut vous l'exposer.

M. Couillard: Alors, il... Mais je ne voudrais pas qu'on prenne la discussion là-dessus, parce que ce qui a été dit a été dit puis est correct de part et d'autre.

M. Richard (Stéphane): Correct.

M. Couillard: Je vous ai posé une question: Où, dans le document de consultation, remettons-nous en question le caractère public, universel et gratuit du système de santé?

M. Leblond (Claude): Alors, je crois qu'effectivement dans le document c'est... On n'a pas dit... Il n'y a pas en soi dans le document, là, d'endroit où on remet en question, vous avez raison, M. le ministre, et l'intention, c'est effectivement de maintenir ce caractère-là et de rendre accessible à certaines populations, dans certaines conditions... accès garanti à des éléments. C'est simplement, je vous dirais, au niveau du choix de privatiser, qui oriente vers un glissement à ce niveau-là et qui pourrait remettre en question ces caractères, ces caractéristiques-là. Alors, dans le document, vous ne nous donnez pas cette intention-là, et je ne crois pas que ce soit l'intention, c'est un glissement possible, comme quand il y a beaucoup de pluie, là, où, à un moment donné, les sols glissent.

M. Couillard: O.K. Bien, alors discutons de la privatisation ? c'est le mot que vous utilisez. Il y a deux éléments dans le document qui font appel à la prestation privée d'une façon ou d'une autre. Il y a la question des assurances privées puis il y a la question des cliniques affiliées, O.K.? À part ça, il n'est pas question du tout de privatisation, là. C'est les deux éléments qui sont introduits dans le document.

Prenons d'abord la question des assurances privées. Les assurances privées sont proposées dans un nombre restreint de procédures pour éviter le désastre et puis le démantèlement du système de santé qui, oui, se produiraient si les deux articles de loi devenaient tout à coup inopérants et qu'il n'y avait aucune clarification législative sur la question. Mais ces assurances sont proposées pour des soins donnés par des médecins non participants au système de santé, qui existent déjà. Donc, il n'y a pas d'introduction d'une privatisation, entre guillemets, même très partielle du système de santé, puisque, aujourd'hui même, des citoyens québécois peuvent aller à Québec, ou à Montréal plutôt ? à Québec, je ne pense pas qu'il y ait des cliniques semblables ? avec 12 000 $ en poche ? puis ce n'est pas tout le monde qui a 12 000 $; moi, je ne l'ai pas, là; le 12 000 $ pour mettre sur une chirurgie, je ne pense pas que je le trouverais... Ce n'est pas tout le monde qui peut aller donner 12 000 $ pour une chirurgie. Or, ça se fait dans la pleine légalité aujourd'hui.

Donc, on n'ajoute pas. On dit, et ce que la Cour suprême nous demandait de clarifier: Pour empêcher justement d'ouvrir le reste du système de santé à l'assurance privée ? ce que certains nous ont demandé de faire, en passant, dans cette commission... Ils nous ont reproché de ne pas en faire assez puis de trop investir dans le public, même. C'est surprenant pour vous d'entendre ça, là, mais on m'a reproché d'investir trop dans le réseau public de santé et de services sociaux. Donc, c'est ça qu'on fait avec l'assurance privée, là. On ne crée pas rien de nouveau, ça existe déjà.

Puis, dans votre document... C'est une remarque que je fais à plusieurs groupes, puis je pose les questions, je dirais, pareilles aux gens qui me demandent de faire plus de privé. Ne vous inquiétez pas, là, vous n'êtes pas les seuls à qui je pose des questions. Je dis: Comment ça se fait, si vous êtes opposés à l'assurance privée pour ces cliniques-là, que, dans votre document, vous ne demandez pas, à ce moment-là, l'interdiction de la non-participation puis la fermeture des cliniques? C'est la même chose, c'est le même concept.

M. Leblond (Claude): Je pense que c'est le principe sur lequel on s'attarde, M. le ministre, là.

M. Couillard: Oui. Bien, moi aussi, je suis sur le principe, là. Je suis sur le principe. Si vous êtes contre la médecine à deux vitesses, c'est-à-dire le fait que quelqu'un peut être traité avant un autre avec du cash ? c'est ça, la médecine à deux vitesses ? il y en a déjà, là, depuis des années.

M. Leblond (Claude): Tout à fait, et tout à fait, et...

n(15 h 40)n

M. Couillard: Donc, si vous êtes contre, à mon avis, logiquement, en plus de dire que vous ne voulez pas d'assurance privée, vous devriez dire: Le gouvernement doit interdire la non-participation et demander la fermeture immédiate de ces cliniques-là.

M. Leblond (Claude): Bien, je pense qu'on l'a dit... On ne le dit pas en termes d'interdiction. Ce qu'on vous dit, c'est que ça devrait être uniquement un service... des services qui sont publics, gratuits, universels, accessibles, là. Alors, c'est une autre façon de vous suggérer de n'investir qu'à ce niveau-là et de récupérer... Parce qu'on le sait qu'il y a du privé, mais pas uniquement, là, dans les... Bon, les soins optométriques, les soins dentaires, il y a beaucoup des éléments qui sont déjà assumés, là...

M. Couillard: À l'écart, là, oui...

M. Leblond (Claude): ...par l'entreprise privée.

M. Couillard: ...mais parlons des soins médicaux plus spécifiquement. Parce que, là, le Dr X, à Montréal, qui opère, c'est des opérations médicales...

M. Leblond (Claude): Oui, oui, qui est déjà...

M. Couillard: ...assurées par le public qu'il fait pour du cash.

M. Leblond (Claude): Et qui sont... et qui se font déjà, effectivement, et qui sont prévues à travers le système, effectivement.

M. Couillard: C'est ça, oui. O.K.

M. Richard (Stéphane): Est-ce que je pourrais enchaîner là-dessus? Oui, c'est possible. Donc, la question qui se pose aussi, ce n'est pas juste à court terme, M. Couillard. À court terme, le choix, les platebandes, les frontières sont là pour protéger le système au niveau universel. Ça, on est tout à fait conscient de ça. Puis, en ce sens-là, je voulais saluer aussi votre travail au niveau du gouvernement. Ça fait longtemps qu'il y avait des choses qui étaient dans les placards, que vous avez ressorties. Vous avez brassé la poussière, c'est sûr. Là-dessus, je vous lève mon chapeau. Il y a beaucoup d'actions qui étaient latentes, que votre gouvernement a pris la main à ça, puis il a mis la main à ça, puis il a été de l'avant. Maintenant. c'est beau de dépoussiérer les choses, mais il faut le faire avec un rythme, c'est ça qu'on vous nomme. On parle de rythme, en fait.

Puis la question, c'est une question aussi de choix idéologique ou un choix du gouvernement. On questionne dans le fond pourquoi les cliniques spécialisées affiliées, par exemple... Prenons...

M. Couillard: Avez-vous terminé pour les assurances privées? Parce que je voulais parler des cliniques affiliées.

M. Richard (Stéphane): Bien, prenons les... O.K., c'est bon. On peut y aller après, oui.

M. Couillard: O.K., les cliniques affiliées maintenant. Je vais vous dire, puis là je sens, parce que... D'abord, je vous remercie. La discussion évolue bien, là. Je trouve qu'on a un bon échange, là.

M. Richard (Stéphane): Oui.

M. Couillard: La clinique affiliée, pour moi, puis là peut-être qu'on ne sera pas d'accord là-dedans, là, ça, je sens qu'il y a un point de désaccord qu'on ne pourra pas aplanir...

M. Richard (Stéphane): ...

M. Couillard: Non, c'est la définition. Pour moi, la prestation privée de soins médicaux payés entièrement par des fonds publics sans contribution du citoyen, ça fait partie du système public, gratuit et universel de santé du Québec parce que, de la même façon qu'un médecin omnipraticien qui est en polyclinique... Vous êtes probablement vous-même allé déjà dans une polyclinique médicale, si vous avez la chance d'avoir un médecin de famille. Ce n'est pas tout le monde qui en a. Bien ça, c'est des bâtisses privées qui font du profit puis qui sont financées par l'État, alors... Et c'est là qu'est la différence de... la définition. Ce qu'on définit par «public» est probablement différent que... Moi, «public» signifie le financement public sans contribution qui différencie l'accès entre celui qui est pauvre puis celui qui est riche. Tandis que, si on s'oppose aux cliniques affiliées, ce qu'il est légitime de faire, là, il y a des groupes qui l'ont fait, c'est qu'on dit que le public, c'est uniquement également prestation publique. Est-ce que c'est votre position, finalement?

M. Leblond (Claude): Moi, je vais avoir besoin, là, d'éclaircissements, M. le ministre, là, et c'est comme citoyen bien ordinaire, là, comme... J'aimerais ça comprendre quel est... Si vous me dites, et je vous suis dans votre raisonnement, là, je trouve que votre raisonnement se tient... Alors, les services qui sont financés par les... c'est-à-dire, la prestation de services est financée par l'État, donc ça demeure... ça devient comme un service public mais assumé par l'entreprise privée. Mais, pour le citoyen, ça ne lui coûte pas davantage de sous que ce qu'il contribue déjà à l'État. Pourquoi on ne le fait pas à l'intérieur des services publics?

M. Couillard: Je n'ai aucun problème avec ça, mais pourquoi pas permettre aux gens d'utiliser cet outil-là s'ils le veulent? Moi, j'ai exprimé plusieurs fois la chose suivante. C'est que, nous, on met 20 millions sur la table, là, pour augmenter... 20 millions en services sociaux, vous feriez des belles choses avec ça, vous le savez, vous l'avez dit tantôt. C'est beaucoup d'argent en services sociaux, puis c'est pour ça qu'on n'en a pas mis plus justement, pour ne pas faire glisser les priorités du système de santé et de services sociaux. Parce qu'il y a des gens qui demandaient de mettre 100 millions, hein? Alors, 20 millions d'argent neuf pour la garantie d'accès. Ce qu'on demande aux établissements de santé du Québec, c'est de livrer la garantie d'accès, c'est-à-dire plus de patient hors délais pour trois chirurgies. Ce n'est pas une commande énorme.

Dans la grande majorité des cas, ils peuvent très bien prendre l'argent, tout simplement opérer plus dans leurs blocs opératoires puis dans leurs cliniques ambulatoires. Je n'ai aucun problème avec ça. Ce que je demande, c'est des résultats. Mais on leur donne un outil de plus. S'ils décident de l'utiliser pour donner les résultats... Le gouvernement ne va pas imposer à aucun hôpital de faire un contrat avec une clinique affiliée. Il va falloir que les projets viennent des régions, viennent des établissements, dans le cadre d'un plan d'amélioration à l'accès qui est intégré puis comprend toutes les procédures. Alors, d'ailleurs, je dirais, dans 90 % du réseau de santé du Québec, ça va être fait comme ça dans les hôpitaux déjà existants puis sur les plateaux techniques déjà existants. Probablement qu'ils pourraient avoir de l'intérêt pour cette formule-là dans les zones urbaines à grande densité de population, comme par exemple Montréal, probablement, mais ce n'est pas certain.

J'ai vu, ce matin, comme vous, les articles dans La Presse, tu sais, sur les listes d'attente. On observe deux choses intéressantes. La liste d'attente pour les cataractes, à Montréal, est quasiment résorbée en termes de délais. Puis ça s'est fait comment? En concentrant les chirurgies dans des hôpitaux publics, à Maisonneuve-Rosemont en particulier. Puis ici, à Québec, on va faire la même chose avec le centre de l'oeil. Excellent, très belle solution. En chirurgie de hanches et de genoux, on voit, dans la liste des hôpitaux, ce matin, qu'il y a un hôpital qui a juste 15 % ? juste, c'est déjà trop, là ? mais juste 15 % de patients hors délais, donc 85 % sont opérés dans les délais. C'est l'Hôpital Jean-Talon. C'est un endroit où on a décidé de concentrer les chirurgies à haut volume dans un hôpital public. Excellente idée!

Par contre, on voit très bien qu'il y a un domaine dans lequel on fait très peu de progrès, c'est les chirurgies d'un jour, qui ne sont pas toutes des chirurgies mineures, mais la plupart, là, à haut volume. Et ça, soit qu'on les fait en augmentant le temps de chirurgie dans les centres ambulatoires qui existent déjà ou on se dit: On va libérer de la place dans notre bloc opératoire pour faire plus de chirurgies importantes, puis cette partie de chirurgie là, on va l'envoyer dans les cliniques affiliées, puis financée par le public sans contribution pour le patient. C'est comme ça que ça va fonctionner. Donc, il n'y a pas... il n'y aura pas de prescription, pour employer le terme que vous avez utilisé tantôt. On ne dira pas à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont: Vous devez avoir une clinique affiliée. Par contre, on va leur demander... lorsqu'on va leur demander des comptes, ce qui est notre travail de faire ici, au ministère: J'observe que vous avez moins bien réussi pour l'accessibilité que l'hôpital à côté de vous, j'observe que vous n'avez pas utilisé cet outil qu'eux ont utilisé, expliquez-nous. Ça, c'est la reddition de comptes, mais les choix vont être faits dans les régions puis dans les établissements. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Leblond (Claude): En partie. L'autre partie, c'est si effectivement... si c'est les mêmes sous, quel est l'avantage... Parce que j'essayais de me demander... Pour un entrepreneur ? et c'est normal, là, si on développe notre business, là, on veut que ça progresse et générer de la richesse, là ? comment on arrive... Si c'est quatre trente-sous pour une piastre, comment on génère de la richesse, là?

M. Couillard: Là, il peut y avoir des grandes différences. Parce que ce que Michel Clair est allé recommander ? c'est lui, ce n'est pas nous autres qui avons inventé ça, le concept de clinique affiliée, en passant, hein, ça fait des années, puis Michel Clair l'a mis dans ses recommandations en 2000 ? c'est que ça force le système de santé à avoir une reddition de comptes plus forte sur ce qu'on appelle les coûts unitaires. Combien ça me coûte, moi, contribuable, collectivement, à la société, faire une opération de cataracte dans un hôpital, par exemple? Il est probable, pas certain, mais probable que, dans une clinique organisée correctement, avec une souplesse suffisante en termes d'organisation de travail, on puisse faire... au lieu de faire une petite chirurgie de cataracte à 1 500 $ pièce, on puisse la faire à 950 $ ou 1 000 $ par le même chirurgien, le même docteur, même opération.

M. Leblond (Claude): Même qualité, même suivi, même...

M. Couillard: Bien oui, même supervision par le CMDP, agrément, processus d'agrément ? vous verrez ça dans le projet de loi. Alors, oui, il est théoriquement possible de dégager les profits pour la clinique qui ferait un contrat, en autant qu'ils sont capables de compétitionner. Parce que ce qui peut arriver, quand l'hôpital X va vouloir envisager l'idée de peut-être avoir une clinique affiliée, ils vont peut-être dire, comme ont fait, par exemple, Maisonneuve-Rosemont pour l'ophtalmo ou Jean-Talon pour l'orthopédie: Je pense que, si je m'organise autrement, je suis capable, moi, de descendre mon coût unitaire effectivement aussi bon ou même peut-être mieux que ce que la clinique affiliée m'offre. C'est ça, la dynamique que ça apporte dans le système de santé.

Le Président (M. Copeman): Messieurs, nous avons déjà dépassé de quelque peu le temps imparti, je suis sûr que la discussion va se poursuivre à ma gauche. Alors, M. le député de Joliette.

M. Valois: Merci, M. le Président. Tout d'abord, vous saluer, vous remercier d'avoir... d'abord de votre présence ici, d'avoir aussi apporté avec vous cette contribution à l'exercice de nos travaux, une contribution qui est importante du sens où... C'est un fait que nous aurons rencontré entre 115 et 120 groupes, et une des choses qui... Notamment, lorsque nous rencontrons les gens qui sont plus du secteur des... ou qui se sont arrêtés, je ne dirais pas qu'ils seraient plus du secteur, mais qui se sont arrêtés ou ont arrêté leur réflexion au niveau des services sociaux, c'est toute cette notion justement de dire: Pourquoi existe-t-il une certaine réflexion par rapport au médicalement requis et non pas au socialement requis?, ou ce que vous disiez tantôt lorsque vous nous apportiez le concept de clinique sociale affiliée, ou quelque chose comme ça. Alors ça, ça ouvre, pour nous en tout cas, l'ensemble de la réflexion qu'on doit mener, comprenant que cette commission n'est pas chargée de faire ce sommet de la santé, ou quoi que ce soit, elle est chargée de prendre position sur un dossier bien précis, bien qu'il soit important, lorsque nous prenons position sur un dossier bien précis, d'avoir l'ensemble du portrait tel qu'il existe et aussi des impacts qu'une décision bien précise, aujourd'hui, peut avoir sur le reste du réseau, le reste des gens qui sont même en périphérie de ce réseau-là. Alors, à partir du moment où vous nous apportez ces réflexions-là, bien, elles sont toujours les bienvenues, et je vous remercie de le faire.

Je sais aussi que vous êtes des habitués de cette commission. On se rappelle de s'être croisés notamment sur le projet de loi n° 57 ? d'ailleurs, le député de Vachon me fait dire bonjour.

Pour le reste aussi, à partir du moment où est-ce que vous avez développé une expertise importante, et tout à l'heure, lorsque j'écoutais les commentaires de M. Richard, à partir du moment où on avait à... Si on avait à réfléchir sur le socialement requis justement, bien, certainement que vous seriez des spécialistes pour nous dire justement qu'est-ce qui est socialement requis et comment on devrait intervenir. C'est clinique, à la limite. Expliquez-moi. Vous avez apporté le concept de clinique sociale affiliée en disant: Pourquoi ne pas penser à ces choses-là? Est-ce que vous l'avez apporté comme ça, juste pour dire: Pourquoi est-ce qu'on oublie tout le côté services sociaux? ou vraiment parce que vous avez réfléchi à quelque chose qui pourrait avoir l'air d'une intervention au niveau du justement socialement requis pour ce qui est des services sociaux?

n(15 h 50)n

M. Leblond (Claude): C'était davantage pour le mettre en parallèle, là. Et on n'a pas en soi développé et étudié les impacts des choix de mettre sur pied ce type de clinique. Mais effectivement, si on n'arrivait pas, et on devrait avoir la même logique, me semble-t-il, au plan gouvernemental, si on n'arrive pas en fonction de nos services actuels et de comment on injecte des fonds à pouvoir répondre aux besoins dans des délais requis, on devrait se poser les mêmes questions au plan social, parce qu'on n'arrive pas, au plan social, à répondre dans les délais requis. Je dirais parfois même: On n'arrive même pas dans des délais à répondre aux besoins des populations.

Donc, est-ce qu'il y aurait, à ce moment-là, un axe à regarder, à étudier pour ensuite voir si c'est pertinent?

Notre choix de base, ce n'est pas ça. C'est de distribuer les... que la distribution des services de santé et de services sociaux continue à se faire par les services publics, par des professionnels qui sont imputables des décisions qu'ils prennent et non pas d'abord par des gens d'affaires qui sont aussi des professionnels. On pense qu'il y a une qualité de soins, une préoccupation de qualité de soins et une intégration des services de santé et des services sociaux dans notre système actuel qui sont intéressantes dans la mesure où effectivement on mettra en perspective l'ensemble des éléments, là.

M. Valois: Parce que, tout à l'heure, lorsque M. Richard est intervenu en réponse ou en complément à ce que... en discussion avec le ministre finalement, il faisait état de vos responsabilités professionnelles avant de poser un diagnostic social, avant de poser un diagnostic sur ces choses-là. Et vous savez très bien que, lorsqu'un médecin va faire la même chose pour ce qui est médicalement requis, bien, qu'il y aura des interventions par la suite qui découleront de ça. Et à la limite ne devrons-nous pas... est-ce qu'on ne devrait pas ouvrir toute la discussion sur: à partir du moment où est-ce que vous posez un diagnostic social sur quelque chose, est-ce qu'il devrait automatiquement débouler une série d'actions, étant donné que vous êtes les professionnels de cette situation sociale là et qu'il y a quelque chose de socialement requis? C'est un peu là-dessus, là.

M. Leblond (Claude): Ce serait fort intéressant de pouvoir le faire. Vous savez, M. le ministre avait raison tantôt sur plusieurs éléments, mais, entre autres, sur le fait qu'effectivement il y a eu une amélioration au niveau... ou un effort fait par son gouvernement sur les services sociaux. Il me redonnait l'exemple, là, qu'il m'a donné, là, parfois également.

Mais actuellement, essentiellement, ceux qui ont accès aux services sociaux au Québec, c'est ceux qui sont en grande difficulté, et, au-delà de ceux qui bénéficient, là, de l'apport des services en vertu de la Loi de la protection de la jeunesse, en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, c'est d'abord les gens qui sont en grande difficulté dans des clientèles ciblées par le ministère. Les services sociaux généraux au Québec, c'est l'enfant pauvre du système, là, et il est difficile d'avoir des services.

Alors, à partir du moment où un travailleur social ferait l'analyse de la situation, et recommanderait, et ferait l'évaluation, et dirait: Voici les services qui devraient être mis en place, d'abord il faut se rendre à cette étape-là, et c'est peu accessible au Québec. Pourquoi de plus en plus de gens choisissent d'avoir une aide dans le privé, là, autant psychologique qu'en travail social, qu'en profession des relations d'aide? C'est parce que ce n'est pas accessible, au Québec, les services.

M. Richard (Stéphane): Est-ce que je peux rajouter quelque chose?

Le Président (M. Copeman): M. Richard, allez-y.

M. Richard (Stéphane): Dans un premier temps, je voudrais aussi inscrire une... Bien, c'est le fun, ce que vous soulevez aussi, étant donné, là, que la question se pose au niveau des... On parle beaucoup dans le mémoire, ça n'a pas été relevé en commission parlementaire, mais de la question des déterminants sociaux de la santé, puis ça me fait penser à ça parce que le regard qu'on a, les travailleurs sociaux, c'est à la fois une éthique individuelle, mais à la fois une éthique sociale, O.K.? Puis en fait on se préoccupe de quoi, essentiellement? De l'égalité des chances puis égalité de traitement. C'est ça, notre propos. Tantôt, j'aurais aimé répondre à M. Couillard: La dynamique du long terme. Dans le fond, notre questionnement au niveau de tout l'enjeu éthique, c'est aussi de se questionner au niveau de l'égalité des chances puis de l'égalité des traitements dans tout ça, à long terme, pas juste à court terme.

Puis, à la page 18 de notre mémoire, on a, entre autres, au deuxième paragraphe, les facteurs qui ont un impact sur la santé. Ça définit très bien ici, M. le député de Joliette, dans le fond ce à quoi, nous, on... C'est notre regard analytique sur une situation. Quand on parle des déterminants sociaux de la santé, c'est les impacts que peuvent avoir, par exemple, la pauvreté, la difficulté de trouver un logement, et tout ça. Et ça, ça porte question à l'égalité des chances puis à l'égalité des traitements, puis dans le fond au regard, au niveau des déterminants sociaux de la santé, C'est ça, un peu, le regard d'un travailleur social. Puis, dans une perspective de moyen et court terme, long terme, c'est dans cet apport-là qu'on est les plus utiles, effectivement.

M. Valois: Vous avez tout à fait raison de nous ramener sur ces éléments-là des déterminants sociaux de la santé. D'ailleurs, certains autres groupes, notamment ce matin, l'Institut du Nouveau Monde, nous faisaient exactement le... nous tenaient sensiblement, je dirais, les mêmes propos au niveau de dire: Écoutez, il y a ce qu'on peut faire en santé, mais il y a les déterminants sociaux de la santé qui sont assez importants. Et, lorsque vous parlez justement de cette lutte de tous les instants que nous devons faire à la pauvreté, une lutte réelle, il y a certainement, là, des impacts très importants, d'où là l'importance... Et c'est pour ça qu'à partir du moment où est-ce qu'on comprend qu'à la limite le ministère de la Santé est celui qui va, en bout de piste, finir par devoir offrir des services à tous ceux et celles qui, parce qu'ils n'auront pas un logement adéquat, parce qu'ils n'auront pas de revenus suffisants pour s'alimenter, se loger ou carrément se vêtir, parce que des gens n'auront pas pu... auront décroché du système d'éducation... Mais là je suis en train de nommer plusieurs autres ministères, et finalement, à partir du moment où est-ce que les efforts ne sont pas faits là, bien, c'est le ministère de la Santé à terme qui reçoit ces gens-là. Alors, il y a donc un désir et une... lorsqu'on parle des déterminants sociaux de la santé, un regard qui doit être beaucoup plus large sur l'ensemble des actions et des gestes que nous posons. D'ailleurs, ce matin, M. Venne, de l'Institut du Nouveau Monde, nous disait que, lorsqu'on choisissait de bâtir un pont plutôt que d'y aller avec un train de banlieue, bien là il allait y avoir aussi, au niveau de l'environnement, des impacts, qu'il allait y avoir aussi finalement des impacts sur la santé.

Alors, je comprends que chaque décision que nous prenons finit par avoir des impacts sur la santé, et tout ça. Mais, à partir du moment où est-ce qu'on voit ça de façon plus large, de nous suggérer de retirer les services sociaux de la santé, alors que finalement, lorsqu'on en parle, c'est de dire: Bien là, il faudrait que tout le monde ait un regard sur la santé jusqu'à un certain point, comment réconcilier tout ça aussi?

M. Leblond (Claude): Excusez-moi, M. Valois. Je trouve... Oui, vas-y, Stéphane.

M. Richard (Stéphane): O.K. En fait, la notion de distinction au niveau de la... c'était plus en termes de réflexion, O.K., de créer une tension quelquefois... Tu sais, quand on a un regard... Puis de créer une personne qui serait attachée au niveau des services sociaux puis une personne qui serait attachée au niveau de la santé, au contraire de... en tout cas, dans notre postulat puis dans notre façon de voir, c'était vraiment plus d'avoir un apport différent, donc le temps, le temps de regarder dans le vecteur social et le temps de regarder dans le vecteur de la santé, ce qui fait que, quand on a le temps puis quand on a ces visions différentes là des déterminants sociaux de la santé... Par exemple, les choix gouvernementaux qui sont faits à l'heure actuelle sont faits dans l'immédiat, mais c'est le long terme qui doit se questionner au niveau de ça aussi en termes de regard social, regard de la santé. Ce n'était pas vraiment pour un apport... C'était plus en termes de réflexion.

n(16 heures)n

M. Leblond (Claude): J'ajouterais, M. Valois, qu'effectivement on peut se préoccuper des déterminants sociaux en fonction de notre système de santé, alors de faire en sorte de régler des... par exemple, régler la pauvreté, parce qu'un jour ça nous coûtera cher, ça nous coûtera cher en termes de réponse à la maladie. Je souhaiterais davantage, comme citoyen du Québec, qu'on se préoccupe de pauvreté parce que ça n'a pas de bon sens qu'au Québec il y ait des gens pauvres. Ça n'a pas de bon sens qu'on ait des citoyens qui n'ont pas le même droit à la citoyenneté. Mais c'est vrai que ça a des impacts sur la santé. Alors, quand on parle de déterminants sociaux de la santé, ça a à la fois les avantages de faire évoluer des choses, mais ça nous fait oublier les droits fondamentaux des individus et ce pourquoi on vit en société.

M. Valois: Ah, bien, vous avez tout à fait raison, il ne faut pas juste le regarder dans le sens de la santé, je veux dire, même la participation, la participation sociale doit être un élément fondamental, s'assurer que toutes les personnes puissent participer au développement. Et, lorsqu'on parle de participer au développement, on ne parle pas juste de façon économique, là, on parle justement, là, d'entrer en échange avec les autres qui vont améliorer notre démocratie, les échanges, la vigilance des gens par rapport à, bon, les choses qui se discutent ici, tout ça. Je comprends qu'il n'y a pas juste des résultats sur la santé et que ça ne doit surtout pas être dans le but de sauver de l'argent, à terme, qui ferait en sorte qu'on a... Il y a une contribution pour l'humanité, là.

Donc, ça, j'en conviens très bien, sauf que, dans un contexte où le temps nous est compté aussi, là... et je veux quand même vous entendre parler sur l'argent, sur le financement. Est-ce que vous vous êtes arrêtés? Je comprends, là, que, bon, on peut bien bâtir, là, des concepts de comment voulons-nous vivre ensemble?, mais, à un moment donné, ce sont les mêmes citoyens qui sont amenés à contribuer à ça. Et les citoyens ne sont pas contre contribuer à des systèmes publics de santé, même à des services sociaux qu'on se donne collectivement, s'ils sentent que justement ils participent à ça et que ça fait partie de leurs valeurs, ça. Mais on en revient quand même au même point: comment financer ce système-là à la lumière de ce qu'on sait, les défis que nous avons aujourd'hui et les défis que nous aurons plus tard aussi?

Alors, c'est bien de mettre, là, le comment on veut vivre ensemble puis comment on doit s'assurer que toutes les personnes participent, mais c'est bien de savoir aussi, dans le débat, que ce soit suffisamment clair de voir quelle sera la contribution de tous et chacun pour arriver là aussi, par exemple.

M. Leblond (Claude): On n'est pas des experts en économie, et ce n'est pas notre mandat principal. Et je dois vous dire que je pense qu'il y a à revoir des notions de fiscalité probablement, à revoir aussi à faire les choix avec les citoyens, là. Alors, notre apport est plus particulier en fonction de nos expertises, là, comme vous avez certainement l'apport également d'économistes, là, qui pourraient davantage éclairer la commission que nous à ce niveau-là. Mais je pense qu'on doit faire... demander aux citoyens, expliquer également aux citoyens pourquoi, et faire des choix fiscaux, là, qui nous amènent à avoir une contribution qui est équitable et qui permet d'avoir un système qui fonctionne en fonction des besoins davantage qu'en fonction des moyens qu'on se donne, là.

Bon, on parle beaucoup, là, du déséquilibre fiscal, il faudra voir ce que donneront, là, les échanges entre les gouvernements à ce niveau-là. Mais est-ce qu'on peut prendre le temps et se questionner aussi sur les aspects fiscaux? On l'a dit, nous ne sommes pas les experts qui peuvent vous suggérer les axes à prendre à ce niveau-là. Je pense qu'il y a d'autres personnes qui pourraient davantage répondre, là.

M. Richard (Stéphane): La question aussi, M. Valois ? hein, n'est-ce pas? ? c'est... Vous abordez le comment. C'est sûr que, nous, on n'est pas des fiscalistes, comme disait notre président, et des économistes, mais il ne faudrait pas oublier le pourquoi aussi, en commission parlementaire. Et ça, je voudrais vous attarder aussi... Le pourquoi, c'est... On oublie souvent de dire que la part publique des dépenses consacrées aux soins médicaux et hospitaliers est demeurée inchangée depuis 1990. Avant d'aborder le comment, qui est plus dans l'angle de la trajectoire technique, c'est important de se préoccuper du pourquoi. Pourquoi c'est inchangé? Pourquoi le système public est demeuré... le financement consacré à la part publique des dépenses... Qu'est-ce que je viens de dire, c'est à la page 15 de notre mémoire. C'est important aussi, je pense, d'aborder le comment qui amène le questionnement au pourquoi, aussi.

M. Valois: Et d'ailleurs, bien, ce sera... Et c'est pour ça qu'on reçoit autant de groupes, pour que certains viennent nous parler du pourquoi et viennent établir dans leurs documents le pourquoi. Parce que, vous comprendrez, et vous le savez très certainement, il y a plusieurs autres groupes qui viennent nous voir puis nous parlent beaucoup du comment. Alors, en ce sens, merci beaucoup de votre contribution aujourd'hui.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. Leblond, M. Richard, M. Trottier, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec.

Et je prierais les représentants de l'Office des personnes handicapées du Québec à prendre place à la table.

Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 5)

 

(Reprise à 16 h 7)

La Présidente (Mme James): La commission reprend ses travaux. Je souhaite... souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Office des personnes handicapées du Québec. Mme Hébert, M. Berger, M. Rousseau et Dr Dumas, je vous rappelle que vous aurez... à l'habitude, vous avez un 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire; par la suite, on procédera à une période d'échange du côté ministériel et ensuite du côté de l'opposition officielle. Je crois que c'est M. Berger? Je vous demanderais de bien vouloir vous identifier, ainsi que les gens qui vous accompagnent avant de débuter votre présentation.

Office des personnes handicapées
du Québec (OPHQ)

M. Dumas (Guy): Alors, merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames messieurs, membres de la commission. Je voudrais d'abord vous remercier de nous accueillir et de nous permettre d'apporter notre opinion et notre contribution au sujet ou sur le sujet qui est présentement à l'étude.

Je vais d'abord me présenter parce que, pour l'ensemble d'entre vous, je suis un inconnu. Mon nom est Guy Dumas. Je suis médecin de famille au Groupe de médecine de famille de Saint-Léonard-d'Aston. Je suis administrateur au Collège des médecins, administrateur élu, et, depuis janvier, je siège au conseil d'administration de l'Office des personnes handicapées, où je représente des ordres professionnels qui sont plus particulièrement intéressés aux services des personnes handicapées. Je suis accompagné ici, aujourd'hui, de Mme Hébert, Anne Hébert, qui est directrice générale adjointe de l'Office des personnes handicapées; de MM. Pierre Berger et Nicolas Rousseau, qui sont du Service de l'intervention nationale; et je suis délégué par Mme Giroux, Céline Giroux, qui est présidente directrice générale de l'office, mais qui est présentement à l'extérieur du pays et qui m'a demandé de la remplacer ici.

n(16 h 10)n

Depuis l'adoption, en décembre 2004, de la Loi modifiant la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et d'autres dispositions législatives, l'office a été confirmé dans son rôle transversal de conseil, de vigie et de coordination. Les personnes handicapées sont directement concernées par les questions reliées à l'organisation et au financement des services de santé et des services sociaux. Les exemples que nous évoquerons dans notre présentation d'aujourd'hui montrent que les personnes handicapées qui ne peuvent obtenir les services de santé et les services sociaux répondant à leurs besoins risquent de voir compromis leurs droits à la sûreté et à l'intégrité enchâssés dans la charte québécoise des droits et libertés de la personne.

Dans le cadre de cette consultation, l'office se concentre sur deux situations problématiques vécues par les personnes handicapées: premièrement, les délais d'attente dans l'accès aux services de santé et aux services sociaux, et, deuxièmement, le sous-financement des services de santé et des services sociaux. L'office décrit chacune de ces situations pour ensuite commenter la capacité des solutions proposées dans le document de consultation à les résoudre. Je vais demander à Mme Hébert de poursuivre.

Mme Hébert (Anne): Et je vais commencer par la présentation de notre point de vue sur la question des délais d'attente dans l'accès aux services de santé et services sociaux.

Les personnes handicapées vivent des délais d'attente importants dans l'accès à certains services de santé et de services sociaux. Au 31 mars 2005, 8 500 personnes étaient en attente de services de réadaptation en déficience physique. En particulier, les enfants attendent en moyenne six mois en déficience du langage et huit mois en déficience motrice.

La situation dans le secteur de la déficience intellectuelle n'est guère plus reluisante. Par exemple, des données disponibles pour 2003-2004 montrent que, dans la région de Montréal, 514 personnes vivaient une attente moyenne de 521 jours avant d'accéder à des services de soutien à la personne. Chez la clientèle de 18 ans et plus vivant dans cette région, 253 personnes devaient attendre en moyenne 788 jours avant d'accéder à des services de soutien socioprofessionnels ? qu'on appelle communément «activités de jour» ? soit plus de deux années.

À titre d'exemple, un exemple qui nous a été amené par l'Alliance québécoise de regroupements régionaux d'intégration des personnes handicapées, que vous avez entendue ce midi: le témoignage d'une maman d'un petit garçon, inquiète parce que son fils ne parlait pas encore à l'âge de deux ans et demi. Un pédiatre lui a conseillé de consulter un spécialiste, elle a inscrit son fils donc en orthophonie auprès de différents centres hospitaliers. Elle constate que les délais d'attente sont importants. Seulement pour obtenir un premier rendez-vous d'évaluation, il y a six mois à un an d'attente, et ensuite il faut attendre encore un an et demi à deux ans pour obtenir ces services d'orthophonie. Entre-temps, une psychologue évalue son fils et observe qu'il a pris un retard de deux ans dans toutes les sphères de son développement.

Par ailleurs, il nous apparaît important de rappeler qu'il existe des disparités entre les délais d'attente vécus par les personnes handicapées bénéficiaires des régimes de la Commission de santé et sécurité au travail et ceux de la Société de l'assurance automobile du Québec et ceux vécus par les personnes handicapées bénéficiaires des régimes fondés sur la solidarité sociale.

Autre exemple: récemment, une personne tétraplégique admise à l'Institut de réadaptation en déficience physique de Québec, après son accident de ski, dénonçait dans les médias la disparité de l'aide financière accordée aux personnes handicapées selon l'accident subi.

À ce titre, nous rappelons qu'il est évident que les victimes d'accidents de la route et du travail bénéficient d'un accès plus rapide aux services de physiothérapie ou d'ergothérapie pour les bénéficiaires des régimes fondés sur la solidarité sociale que les bénéficiaires de ces régimes-là. À la suite d'opérations chirurgicales pratiquées en milieu hospitalier, les personnes bénéficiaires des régimes de la CSST et de la SAAQ font également l'objet d'une prise en charge plus rapide et plus complète. Enfin, ces personnes profitent également des délais d'accès aux services de réadaptation et aux mesures d'adaptation de domicile plus courts.

Pour l'office, les délais d'attente peuvent compromettre les droits à la sûreté et à l'intégrité protégés par la charte québécoise des droits et libertés de la personne. Le droit à la sûreté, par exemple, est compromis lorsqu'une personne ne peut s'orienter dans le temps et dans l'espace et n'a pas accès à des services de soutien dans son milieu, question de surveillance et d'accompagnement. Aussi, tel qu'évoqué dans l'exemple précédent, le droit à l'intégrité d'un enfant incapable de s'exprimer est compromis s'il ne peut pas développer son langage en bas âge faute de services adéquats, comme des services d'orthophonie, par exemple.

En regard des solutions proposées sur les problèmes d'accès, le document de consultation propose de constituer des cliniques privées affiliées où la population subirait sans frais certaines chirurgies. Par ailleurs, l'accès à ces chirurgies serait garanti à l'intérieur de délais préétablis. La garantie de soins offerte s'appliquerait aux chirurgies électives de la hanche, du genou et de la cataracte ainsi qu'au service de cardiologie tertiaire et de radio-oncologie.

Bien entendu, les délais d'attente vécus par les personnes handicapées sont loin de se limiter aux chirurgies de la hanche, du genou et de la cataracte. En plus d'avoir un effet limité sur les délais d'attente vécus par les personnes handicapées, les garanties d'accès pourraient détourner l'attention des délais d'attente vécus dans l'accès à d'autres services.

Selon l'office, les garanties d'accès public auraient un effet bénéfique beaucoup plus important si elle s'étendaient à l'ensemble des services où des délais d'attente déraisonnables peuvent compromettre les droits à la sûreté et à l'intégrité des personnes handicapées. Dans cet esprit, l'office juge que le principe de la garantie des soins publics ne devrait pas être limité aux services chirurgicaux.

En ce qui concerne les cliniques privées affiliées, selon l'office, elles risquent d'occasionner une fuite vers le privé de la main-d'oeuvre professionnelle en santé déjà affligée par des pénuries. Ceci aurait notamment pour effet de discréditer le système public et de favoriser le développement d'un réseau de soins privés parallèle.

En proposant des cliniques privées affiliées, le document de consultation prend d'ailleurs pour acquis que la réduction des délais d'attente passe nécessairement par un recours à une prestation privée des services. Or, l'office estime que la réduction des délais d'attente pourrait aussi être obtenue en améliorant l'organisation du système public de santé et de services sociaux. Le même type de clinique que celle proposée dans le document de consultation pourrait en effet être créé à l'intérieur même du système public.

Maintenant, je vais aborder la deuxième situation problématique, soit celle du sous-financement des services de santé et des services sociaux.

Au fil des ans, le financement insuffisant de plusieurs services a forcé les personnes handicapées à débourser elles-mêmes pour les services utilisés. Malgré les sommes engagées par le ministère de la Santé et des Services sociaux, les besoins des personnes handicapées en matière de soutien à domicile, par exemple, demeurent partiellement comblés. Ainsi, plusieurs personnes handicapées obtiennent un nombre d'heures-service à domicile inférieur à celui requis à la suite de l'évaluation, d'autres vivent une détérioration de leur situation et requièrent un ajout d'heures, tandis que certaines sont carrément en attente de services. Le sous-financement des services d'aide à domicile entraîne parfois une tarification de fait, les personnes ayant défrayé par leurs propres moyens l'utilisation des services additionnels.

À titre d'exemple, dans son rapport sur les services à domicile, publié en février 2003, le Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux a fait état d'une plainte qui illustre concrètement le manque de ressources consacrées au soutien à domicile. On peut citer ce rapport, que vous connaissez probablement: «Un usager reçoit 20 heures de services à domicile[...]. Sa situation personnelle ayant changée, il réclame des heures supplémentaires de services pour l'entretien ménager. Le CLSC refuse sa demande et l'oriente vers une entreprise d'économie sociale dont les services ne sont pas gratuits. L'usager conteste cette décision, arguant qu'une personne handicapée a droit à des services [...] ménagers [...] pour compenser son incapacité. Le CLSC réévalue sa décision et lui donne raison: trois heures seront ajoutées aux services fournis. Mais voilà, "faute de budget et ayant l'obligation de les gérer selon les ressources financières disponibles, les heures supplémentaires devront être inscrites en liste d'attente".» Dix mois après les décisions du CLSC, l'usager occupait le quinzième rang d'une liste d'attente qui comptait 17 personnes.

Parallèlement, les personnes handicapées bénéficiaires des régimes de la CSST et de la SAAQ et les personnes handicapées bénéficiaires des régimes fondés sur la solidarité sociale n'ont pas accès au même niveau de services et de revenus. Un comparaison des montants accordés pour l'aide personne à domicile de ces deux catégories de personnes handicapées est d'ailleurs présentée dans notre mémoire. Il est donc essentiel de rappeler que les besoins en termes de services pour les personnes handicapées demeurent partiellement comblés et que la question de l'équité demeure non résolue.

Le document de consultation propose une certaine ouverture du secteur de la santé aux assurances privées. De manière complémentaire, certaines solutions de financement à long terme du système de santé et des services sociaux sont proposées dans le document de consultation.

n(16 h 20)n

En ce qui concerne les assurances privées, la possibilité pour les citoyens de se procurer une assurance privée dépend de leurs revenus et de leur état de santé. Étant donné leur condition, la plupart des personnes handicapées ne pourront pas souscrire à une assurance privée. D'ailleurs, les personnes handicapées sont déjà considérées comme non assurables par certains assureurs. L'article 20.1 de la charte québécoise des droits et libertés de la personne prévoit qu'une telle pratique n'est pas discriminatoire.

En outre, la plupart des personnes handicapées ne sont pas en mesure de se payer une assurance aux primes élevées. Je rappellerai ici qu'un nombre très important de personnes handicapées vivent avec un revenu annuel de moins de 15 000 $. Hors de la portée de la majorité des personnes handicapées, les assurances privées auront donc une influence négligeable sur leur accès aux services de santé et aux services sociaux. Il est important que cette réalité soit prise en compte.

Le document de consultation propose de créer un régime d'assurance contre la perte d'autonomie. Bien que peu de précisions soient fournies sur un tel régime, l'office considère que cette proposition pourrait être opportune. Elle devrait toutefois s'inscrire dans une optique de compensation équitable et s'adresser à l'ensemble des personnes ayant des incapacités significatives et persistantes, ce qui correspond à la définition de «personne handicapée» selon la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, en vue de leur intégration sociale. Il faut éviter d'introduire une nouvelle inéquité fondée sur l'âge dans le système de compensation des besoins de coûts supplémentaires engendrés par les déficiences et les incapacités.

Dans le cadre de l'exercice d'une analyse plus approfondie de la création d'un tel régime, le gouvernement du Québec devrait donc amorcer une réflexion sur la parité des différents régimes assuranciels et des autres mesures visant à compenser les incapacités et leurs conséquences. L'office souhaite participer à cette démarche de réflexion en s'appuyant sur les travaux qu'il a menés sur le sujet au cours des dernières années. Je rends maintenant la parole à M. Dumas.

M. Dumas (Guy): Mme la Présidente. En commentant le document de consultation intitulé Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité, l'Office des personnes handicapées a souhaité contribuer à la réflexion sur les services de santé et les services sociaux destinés à l'ensemble de la population et en particulier aux personnes handicapées.

L'office suggère de ne pas limiter la garantie d'accès aux services chirurgicaux, de développer, à l'intérieur du réseau public, des cliniques qui permettront de réduire les délais d'attente, de décourager le recours aux assureurs privés ainsi que d'examiner la possibilité de créer un régime public d'assurance qui couvrirait l'ensemble des besoins supplémentaires découlant d'incapacités significatives et persistantes. Merci.

La Présidente (Mme James): Alors, merci. Nous allons procéder maintenant à la période d'échange avec les parlementaires. Au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Dumas, Mme Hébert, M. Berger et M. Rousseau, pour votre intéressante présentation. Quelques observations brèves puis, par la suite, j'aimerais enchaîner sur le thème que vous avez abordé à la fin de votre présentation.

Je dirais qu'effectivement les solutions que nous apportons dans le document de consultation sont entièrement dans le domaine du système de santé public, financement public. Et c'est volontairement que nous le faisons, parce que nous affirmons la croyance que c'est dans ce secteur-là, ou dans ce domaine-là, ou dans cette définition-là qu'on améliorera l'accès aux soins, qu'on continuera à améliorer l'accès aux soins de santé au Québec.

L'assurance privée n'est nulle part présentée dans le document comme étant soit une solution au financement soit à l'accès. Il s'agit au contraire, à notre avis, d'une balise qui vise à limiter l'invasion d'assurances privées dans le système de santé, qui aurait été une menace réelle s'il n'y avait pas eu de définition judiciaire... ou légale ? pardon ? législative qui était clairement exprimée par le gouvernement.

Maintenant, pour ce qui est du financement ? puis ça m'amène à votre dernier point, puis c'est là-dessus que je voudrais discuter avec vous, on a, au Québec, des dépenses totales de santé, par rapport au PIB, de 10 % ? 7 % dépenses publiques, 3 % dépenses privées ? mais dans des domaines non assurés en général. Ça, c'est à peu près pareil que les autres pays de l'OCDE. Par contre, on voit qu'on a des problèmes d'accès qui sont un peu plus sévères que dans d'autres pays de l'OCDE qui ont le même niveau de dépenses. La différence, c'est que, dans les dépenses publiques et privées, on a les dépenses médico-hospitalières presque exclusivement dans le domaine public, alors qu'en France, par exemple, il y a un meilleur équilibre.

Mais on ne remet pas ça en question. On ne remet pas ça, là... Encore une fois, on ne pense pas que le financement privé pourra financièrement nous aider, mais il pourrait même nous nuire... puis qu'il va aider l'accès non plus. Donc, que les personnes handicapées, comme la plupart des Québécois d'ailleurs... Il n'y a pas que les personnes handicapées qui, lorsqu'ils vont voir les prix éventuels de ces trois polices d'assurance là, s'il y en a, vont constater rapidement que ce n'est pas une solution pour grand-monde au Québec, de la même façon que la chirurgie par médecins non participants, comme je disais tantôt. À Montréal, là, il n'y a pas grand monde qui est capable de sortir 12 000 $ pour aller se faire opérer la semaine prochaine.

Mais là on arrive à la question du financement, obligatoirement. Parce que vous mentionnez le sous-financement. Je dirais qu'il y aura toujours un sous-financement relatif par rapport aux besoins qui sont tellement grands et immenses. Mais vous ouvrez la porte à, je crois, quelque chose qui ressemble un peu à la proposition de M. Ménard, à la fin de votre présentation. M. Ménard propose une assurance... Il viendra l'expliquer ici, d'ailleurs, dans quelques jours. Ça va être intéressant, parce que beaucoup de personnes ont fait des remarques sur sa proposition; il viendra nous donner des précisions. Mais il définit une caisse d'assurance pour la perte d'autonomie, mais perte d'autonomie non pas seulement liée au vieillissement mais incluant également la perte d'autonomie associée aux handicaps. Donc, est-ce que vous êtes de ce côté-là? Vous pensez qu'on devrait aller dans cette direction-là?

M. Dumas (Guy): Oui, c'est, à peu de choses près, ce que vous venez de dire. Ça se rapproche aussi de ce qui vous a été présenté par le Dr Hébert, doyen de la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke, qui tournait autour de ça aussi. Mais je vais laisser peut-être Mme Hébert poursuivre là-dessus.

Mme Hébert (Anne): Oui. La question d'un régime d'assurance pour les personnes en perte d'autonomie nous apparaît opportune. La seule mise en garde qu'on fait, c'est de ne pas faire de... Parce que l'appellation «perte d'autonomie» est comprise de différentes façons, et elle est souvent liée au vieillissement. Mais, nous, ce qu'on veut, c'est qu'elle touche l'ensemble des personnes handicapées, parce que, dans les personnes handicapées, il y a les gens qui sont en quête d'autonomie. Si on pense aux enfants, ils ne sont pas en perte d'autonomie mais ils ont des incapacités qui doivent être compensées, puis on souhaite que le régime réponde à leurs besoins.

Donc, il y a quelque chose autour de l'objet du régime qu'il faut essayer de bien définir et utiliser... Pour nous, là, quête d'autonomie, ce n'est pas... La perte d'autonomie, ce n'est pas tout à fait le terme approprié pour couvrir les besoins des personnes handicapées.

M. Couillard: Vous parlez de limitations fonctionnelles, par exemple, ou d'autres...

Mme Hébert (Anne): Peut-être de personnes handicapées... s'en tenir à la définition légale qui existe dans la loi sur...

M. Couillard: Oui, qui peut englober les personnes âgées en pertes d'autonomie aussi, finalement?

Mme Hébert (Anne): C'est ça.

M. Dumas (Guy): Aussi. C'est ça. Une définition qui engloberait l'ensemble. Un exemple qui a été donné tantôt, c'est l'enfant qui a un problème de développement, un problème de langage. On voit ça régulièrement. J'en ai vu un cette semaine, à mon bureau, un enfant de quatre ans qui a fait des démarches... La mère a fait des démarches à partir de l'âge de deux ans. Deux ans plus tard, on n'est pas plus avancé. On lui a répondu que, pour l'instant, on ne pouvait pas lui offrir le service ? elle était sur une liste d'attente ? alors d'aller dans le privé. Mais elle n'a pas les revenus pour aller dans le privé. Elle n'a pas d'assurance qui peut couvrir ça. Alors, on reste avec un enfant de quatre ans qui va entrer à l'école, là, dans un an bientôt, qui a un problème majeur de développement du langage, et ça va limiter son développement normal pour le reste de ses années à vivre, je pense, parce que déjà, à quatre ans, il y a des choses qui sont cristallisées, là.

M. Couillard: Vous avez raison. Puis dans ce domaine particulier de troubles de langage chez les enfants, les dysphasies des enfants, on sait que c'est actuellement le manque d'orthophonistes qui nous fait mal.

Alors, je peux vous dire que, s'il y avait plus d'orthophonistes disponibles, il y aurait les budgets pour ces nouveaux orthophonistes là. Puis, quand ils vont sortir de l'école, il va y en avoir, des budgets pour eux, puis ils vont pouvoir traiter les enfants. Mais actuellement, la grande limitation, là, comme dans beaucoup d'autres secteurs, c'est l'effectif qui nous manque.

M. Dumas (Guy): Le nombre de professionnels.

M. Couillard: Oui. Maintenant, ce que j'écoutais... Puis j'écoutais le vidéo, ce matin, d'autres intervenants qui sont venus nous parler des personnes handicapées ou vivant avec un handicap, et il est évident qu'il y a une toute gamme de soins qui sont assez essentiels pour quelqu'un qui veut rester à son domicile, qu'on peut regrouper sous le vocable «assistance domestique» ou «aide domestique», alors la vaisselle, la lessive, aider à faire le marché, ces choses-là, de même que le soutien des proches aidants. Il me semble que, toute cette gamme d'éléments là, ça va être très difficile, même dans cinq ans, 10 ans, 15 ans, si on conserve le même mode de prestation puis de financement, de dégager des marges qui vont faire vraiment une différence. Et ce que j'aime dans la proposition de M. Ménard, c'est peut-être une façon d'aborder cette question-là.

Il y a la question de l'hébergement institutionnel, moi, qui m'inquiète un peu. Je préférerais la laisser intégrée dans le système de santé. Mais cette partie-là m'intéresse, puis on aura des échanges avec lui, mais, en bout de ligne, ce que ça veut dire, cette proposition-là, c'est qu'il faut payer, nous autres, les citoyens, un peu plus. Puis les personnes que vous représentez ou pour lesquelles vous travaillez si fort, les personnes handicapées, comme les autres citoyens du Québec, pensez-vous qu'ils seront d'accord pour faire une prestation... pour payer une prestation supplémentaire, une prime supplémentaire, en leur disant que ce n'est pas comme un impôt, c'est une assurance dans le sens qu'il y a un bénéfice garanti si le besoin se fait sentir? Est-ce que vous pensez que c'est vendable auprès de la population, ça? Ça n'a pas l'air facile, ces temps-ci, ces affaires-là, hein?

n(16 h 30)n

Mme Hébert (Anne): Je ne pourrais pas donner une réponse très claire puis très assurée de dire que la population serait d'accord avec ça, mais ce que je peux vous dire, c'est que l'office mène, depuis plusieurs années, des travaux sur la question de la compensation équitable, sur la question d'un régime d'assurance élargi à l'ensemble des personnes handicapées, et c'est très attendu, ces travaux-là ou les résultats de ces travaux-là. Et, en ce qui concerne les personnes handicapées et leurs familles qui sont touchées, cette idée-là, je pense, serait bien accueillie.

Une voix: ...

M. Berger (Pierre): Oui, un élément complémentaire. En fait, ce qu'on constate, c'est qu'il y a des disparités dans la réponse aux besoins, des disparités entre les régions. Il y a des disparités aussi entre les régions. Et la solution Ménard, pour l'appeler ainsi, offre une opportunité peut-être de créer des conditions pour réduire les disparités. Il n'est pas normal que quelqu'un, parce que c'est un accident de travail ou un accident de la route, il obtient un niveau de service largement supérieur à quelqu'un que c'est le coup du sort qui fait en sorte que la personne a des incapacités et qu'elle a besoin de recourir à ces services-là.

Donc, c'est dans une optique de réduire les incapacités qu'on trouve intéressante. Ça pourrait s'offrir aussi, selon la proposition qu'a faite Réjean Hébert, de dire: Faisons un fonds, une caisse santé et services sociaux plus générale, ce qui permet d'aller chercher un financement autonome puis peut-être de capitaliser certains fonds en termes de financement. Mais je pense que c'est des éléments qui sont importants à la réflexion et qui peuvent éventuellement nous conduire vers une solution.

Il est certain que la proposition de Ménard était réduite essentiellement à deux éléments, le soutien à domicile et l'hébergement, qui sont des... c'est vrai que les coûts, c'est des coûts très importants, puis c'est sans doute les principaux coûts. Mais, nous, on voudrait aussi que ça s'étende à d'autres services, telle que la réadaptation, par exemple, qui, on le sait, connaît des délais d'attente énormes et qui... Si on fait un parallèle, par exemple, aux suites du jugement Chaoulli, qui parlait des droits garantis par la charte, en termes de droit à la vie, droit à l'intégrité, etc., si on applique la même logique par rapport aux services sociaux, il est tout aussi important pour un enfant dont son développement pourrait être compromis parce qu'il n'a pas les services de réadaptation nécessaires d'avoir accès à ces services-là. Puis c'est le même principe qui devrait s'appliquer. En fait, si c'est suffisamment important pour la Cour suprême de dire: On devrait ouvrir à d'autres possibilités, bien ça devrait être vrai aussi pour les services sociaux, de garantir, de donner des garanties d'accès aux services sociaux.

Donc, si on fait un parallèle, c'est une question de sûreté et d'intégrité pour plusieurs. Dans les exemples soulevés dans le mémoire, on le voit très bien, que l'avenir de certaines personnes est carrément compromis à cause de difficultés d'accès à des services qui sont essentiels. Ça fait qu'une caisse peut être intéressante, ça peut être une façon d'amener un financement et de garantir une réponse aux besoins en réduisant les disparités avec les régimes assuranciels existants.

M. Dumas (Guy): Peut-être pour répondre plus spécifiquement à votre question, il faut se souvenir que la très grande majorité des personnes handicapées vivent avec un revenu qui est minime. Je vous disais... on disait autour de, quoi, 15 000 $, 14 000 $, 15 000 $, là, c'est tout près du seuil de la pauvreté, qui se situe je ne me souviens plus à quel niveau, là. Alors, est-ce qu'ils seraient prêts à mettre un montant supplémentaire? Je ne suis pas certain qu'ils l'ont, l'argent, pour le mettre.

M. Couillard: De toute façon, dans la proposition de M. Ménard, il excluait les personnes à bas revenus de la contribution.

M. Dumas (Guy): Oui, oui... Non, non, mais vous nous demandiez, tout à l'heure, de façon spécifique: Est-ce que les gens que vous représentez seraient prêts à mettre plus? Probablement qu'ils seraient prêts, s'ils l'avaient, mais je ne suis pas certain qu'ils ont les revenus pour le mettre. Par contre, les sondages montrent qu'il y a, quoi, 60 % de la population, entre 60 % et 70 %, qui accepteraient de donner un montant supplémentaire. C'est autour de ça.

M. Couillard: Oui, en autant qu'ils sont... en autant toujours ? c'est mentionné ? qu'ils sont certains que l'argent va être utilisé pour les services puis que, comme c'est déjà arrivé, là, d'un bord puis de l'autre, là, qu'on ne viendra pas piger dans les caisses comme ça pour faire d'autres choses avec. Ça, c'est...

M. Dumas (Guy): Voilà, c'est ça. Il faudrait avoir une certitude.

M. Couillard: Je comprends les citoyens d'être un peu méfiants, là, compte tenu de l'histoire, là.

M. Dumas (Guy): Moi aussi.

M. Couillard: Il y a un phénomène... Parce qu'on parle d'attente également. Il est clair qu'il y a des difficultés d'accès dans les services sociaux, notamment en réadaptation puis en soins à domicile. Il y a un phénomène qui a attiré mon attention, qui est un peu le miroir de ce qui se produit en santé. Regardez, par exemple, dans la chirurgie du genou et des hanches, on a augmenté les volumes d'opération à quasiment 20 %, 23 %, 25 % puis, la liste d'attente, elle ne diminue pas autant que les volumes de chirurgie augmentent. Comme si les gens trouvaient: Bien, écoute, il y a l'air d'avoir une chance d'être opéré maintenant, je vais aller me présenter.

En réadaptation, il y a le même phénomène que j'ai remarqué dans les troubles envahissants du développement, ce qu'on appelle l'autisme, mais c'est plus large que ça: il n'y avait quasiment pas de programmes avant 2003, puis on a investi de façon importante, là, pour créer l'offre de la thérapie intensive dans les premières années de la vie. On remarque qu'il y a beaucoup plus d'enfants qui sont servis, mais, par contre, il y a encore des enfants qui sont en attente pas mal.

Puis c'est comme l'autre exemple que je donnais: comme s'il y avait auparavant un sous-diagnostic de ces problèmes-là ou tout simplement que, par découragement, les gens n'étaient pas référés vers les centres de traitement. Est-ce que vous percevez cette réalité-là également, qu'il y a une sorte de demande qui s'accroît à mesure que le volume de services augmente?

M. Dumas (Guy): Je vous dirais ? moi, je suis médecin de famille, je vous le disais tantôt ? quand on n'a pas de ressources à offrir à un patient puis qu'on constate qu'il y aurait un besoin, c'est comme si on le mettait un peu de côté. Mais, quand les ressources sont là, bien, certainement, on va s'en servir. Je ne sais pas si vous avez vécu ça dans votre spécialité, mais...

M. Couillard: Oui, oui, j'ai vécu ça. Je peux vous donner des exemples concrets. Il y a des fois qu'on disait à la personne: Écoutez, là, probablement que vous avez besoin d'être opéré, mais quand même que je vous mettrais sur la liste d'attente, là...

M. Dumas (Guy): ...vous ne le serez jamais.

M. Couillard: Attendez d'être vraiment, vraiment, vraiment mal pris, là, puis là on vous opérera. Alors que maintenant, comme le volume de chirurgies augmente beaucoup, bien, woups, peut-être que là il y a plus de chances d'être opéré. Ça fait qu'on a un phénomène qui est là qui est certainement réel, là.

M. Dumas (Guy): C'est ça. Alors, je pense que vous venez de répondre à votre question.

M. Couillard: C'est ça. Bien, je l'ai vécu assez souvent, ce genre de conversation là dans mon bureau, comme vous probablement.

M. Dumas (Guy): Oui.

Mme Hébert (Anne): Si vous me permettez, je noterais aussi, sans nécessairement dire que... il y a des gens qui mettent de côté leurs besoins. L'office a publié, dans les dernières semaines, une recherche... une étude qualitative sur la répercussion sur les familles du fait de vivre avec une famille où il y a une personne handicapée, et souvent les solutions sont trouvées au sein de la famille ou auprès des proches, où on va se dépanner pour offrir de l'assistance et des soins. Et ça a des répercussions sur le plan financier, sur le plan conjugal, sur le plan de la vie familiale, cette prise en charge des besoins, quand on ne trouve pas une réponse.

Je pense que, par connaissance du fait qu'il y a peu de disponibilités dans le réseau, on trouve d'autres solutions, mais on le fait aux dépens de la situation. Puis je soulignerais la répercussion financière sur les familles. Il y a certaines personnes qui quittent leur emploi pour s'occuper soit de l'enfant, de l'adulte qui vit dans la famille puis où il n'y a pas de solution, là.

M. Dumas (Guy): Ou qui perdent leur emploi parce qu'ils s'en occupent.

Mme Hébert (Anne): Oui.

M. Couillard: O.K. Merci.

La Présidente (Mme James): Merci. Alors, ça va? Alors, M. le député de Joliette.

M. Valois: Merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord vous saluer, Mme Hébert, MM. Berger, Rousseau et Dumas. Merci beaucoup de cette présentation, de vous être déplacés. Je ne sais pas si vous arrivez tous de Drummondville, là, ou quelque chose comme ça, mais... À peu près ou dans l'entourage?

Une voix: Saint-Léonard.

M. Valois: Comment?

Une voix: Saint-Léonard.

M. Dumas (Guy): Saint-Léonard-d'Aston.

M. Valois: O.K. Bon. Alors, bon, bien, bienvenue. Merci de votre contribution aux travaux de la commission que nous avons, de ce regard que nous essayons, avec le livre blanc, là, d'avoir sur une réponse que nous devrons tous donner, que le gouvernement suggérera, par le biais d'une loi, au jugement, évidemment, Chaoulli, ce qu'on appelle.

Merci aussi beaucoup des propos que vous avez, qui vont ? puis ça, c'est toujours rassurant ? comme office, qui vont directement en ligne droite avec les groupes aussi qu'on a reçus, qui parlent pour la défense des personnes handicapées, et de voir que vous avez le même souci de dire que, notamment ? et vous en avez discuté avec le ministre; notamment ? lorsque vient le temps de parler de perte d'autonomie ou de cette caisse de perte d'autonomie, il serait important... et là vous levez la main en disant: Il serait important aussi de parler de ceux qui ont des incapacités significatives et persistantes, d'essayer d'étendre ça.

Je vais quand même vous poser la question suivante. Parce qu'on entend le contraire aussi. On entend les gens qui nous disent: Si on retire pour une caisse spécifique, en termes de perte d'autonomie ou d'incapacité significative et persistante, là, peu importe comment on la nomme, bien, on va discriminer les gens. Et là on va dire: C'est parce qu'on a un problème avec ce monde-là, c'est qu'eux autres ils commencent à nous coûter cher ou... Et il y a des gens qui ont réellement des craintes par rapport à ça, et c'est pour ça qu'ils verraient plus de dire: Bien, si on est pour financer quelque chose qui va coûter de plus en plus cher, bien, qu'on le retire au complet et que là on pense à une caisse santé ou à quelque chose qui est beaucoup plus large que simplement un élément qui ferait... faire en sorte qu'on mettrait le doigt sur essentiellement une problématique des hausses et des besoins de financement qu'on va avoir.

Alors, est-ce que vous avez... Bien, j'imagine que vous avez réfléchi à ça. Et qu'est-ce qui vous a amenés à faire en sorte que, vous, cette idée de la discrimination potentielle, vous avez dit: Non, ça, c'est, j'imagine, c'est négligeable, on préfère aller quand même avec cette option-là?

M. Dumas (Guy): Mme Hébert.

n(16 h 40)n

Mme Hébert (Anne): L'idée de la stigmatisation du fait que le poids des dépenses est porté à un groupe, là, nous, on le regarde peut-être sur un angle inverse. Et actuellement les chances pour les personnes handicapées d'aller vers une plus grande intégration sociale, une plus grande participation sociale sont réduites du fait d'un manque d'accès aux services de réadaptation et de soutien en intégration sociale. Donc, ça contribue à leur exclusion sociale. Et on veut trouver des solutions pour essayer de soutenir les plus grands efforts en termes d'intégration sociale.

Le fait que la solution d'un régime d'assurance particulier soit offerte aux personnes handicapées, dans ce sens-là, on ne pense pas que ce soit nécessairement stigmatisant parce que ça va aider, comme M. Berger le disait auparavant, à réduire les disparités existantes. Actuellement, il y a déjà des disparités entre les personnes handicapées dû à un accident du travail, un accident de la route puis les régimes de compensation internes. Il y a une forme d'inégalité ou de disparité. Donc, l'idée de ce régime-là viendrait nous aider à réduire cette disparité-là.

Bien sûr, l'idée d'une caisse générale, d'une caisse santé plus générale serait une idée très intéressante aussi parce que ce serait pour l'ensemble des questions de la santé et des services sociaux. Mais l'assurance, pour nous, c'est comme une solution qui au moins ferait un point important en termes de réduire les disparités puis en termes de soutenir les efforts en vue de l'intégration sociale et donc de lutter contre l'exclusion sociale puis la stigmatisation.

M. Dumas (Guy): Je pense que vous avez raison, c'est un danger. Et, dans ce sens-là, probablement qu'une caisse santé où on prendrait le budget qui est actuellement mis pour la santé et les services sociaux, plus une contribution uniquement pour la santé et les services sociaux de la part de l'ensemble des citoyens, ce serait probablement la solution pour éviter la discrimination. Mais il faudrait s'assurer que le pourcentage qui sera mis par le gouvernement restera toujours le même.

M. Berger (Pierre): Si vous permettez. C'est qu'il y a des choix de société qui sont à faire à l'intérieur de ça. L'office, ce qu'on souligne, c'est qu'il y a une opportunité là pour réfléchir pour peut-être réduire des écarts existants. Effectivement, ça pourrait être la solution du Dr Réjean Hébert, qui propose une caisse santé qui serait universelle. Mais il faudrait s'assurer que tous les fonds seront nécessaires aussi pour les personnes qui en ont le plus de besoin. Si on est capables de remplir ces conditions-là, tout à fait d'accord avec ça. Il y a la France qui a fait un choix spécifique pour les personnes ayant des incapacités, en créant un fonds spécifique qui sert à financer l'ensemble des services. Ça peut être un choix de société qui est fait.

Nous, sur quoi on attire votre attention, c'est que, présentement, il y a déjà une discrimination qui se fait en fonction de la cause. On peut avoir les mêmes incapacités, mais, si c'est un accident de voiture ou un accident de travail, on se trouve dans une bien meilleure posture que si c'est un coup du sort. Ce qui fait en sorte que, compte tenu de ces disparités existantes là, je pense que socialement on a une responsabilité pour essayer de répondre au moins équitablement à l'ensemble des personnes handicapées et essayer de répondre à leurs besoins les plus essentiels.

Et c'est pour ça que, dans notre mémoire, on attirait beaucoup l'attention sur des droits enchâssés dans la Charte des droits, dans la charte québécoise et dans la Charte canadienne, droits à la sûreté et à l'intégrité. Ce sont des besoins de base. Le soutien à domicile, c'est tout à fait fondamental. Si on prend un peu la pyramide de Maslow, c'est les besoins de base qui sont là. Et, lorsque la réponse est partielle, on ne répond même plus aux besoins de base. Et là on a un sérieux problème comme société, on a des questions à se poser. Il y a des investissements importants qui doivent être faits à ce niveau-là.

Et, une fois qu'on a créé cette égalité-là entre les personnes qui ont des incapacités en répondant à leurs besoins, ils se trouvent à peu près au même niveau que les autres citoyens par rapport au reste des services. S'il faut accorder une attention particulière aux services destinés aux personnes handicapées, je pense qu'il faut le faire, ne serait-ce que... C'est une question d'équité sociale. Il y a déjà un désavantage avec les personnes handicapées, un désavantage social qu'elles vivent, il faut prendre des moyens qui vont permettre de répondre à ces besoins-là.

M. Valois: Je comprends bien maintenant, là, que, vous, vous voyez plus le régime d'assurance contre la perte d'autonomie comme une opportunité où vous pourriez être accrochés à ça, en autant qu'on élargisse justement cette notion-là pour dire: Bien là, il y a peut-être là quelque chose qui va faire en sorte qu'on va pouvoir avoir les services.

Et là vous... et vous n'êtes pas les seuls. D'ailleurs, c'est un peu à mots couverts d'ailleurs qu'un organisme est venu nous dire: Allez donc voir ce qui se passe à la CSST puis à la SAAQ, puis revenez nous parler, puis regardez... Ils ne disaient même pas... et ça ne semblait pas être non seulement en termes de prestations, ou tout ça, mais en termes aussi de qui passe avant qui en termes de recevoir les services. Depuis tout à l'heure, vous nous parlez aussi de cette iniquité-là. Vous l'avez documentée?

M. Dumas (Guy): C'est évident. Les centres hospitaliers par exemple, pour les services de physiothérapie, ont des contrats avec la CSST et doivent répondre dans les cinq jours de la demande. Alors, il y en a pour la physiothérapie, il y en a pour d'autres secteurs aussi. Vous avez besoin d'une résonance magnétique? Dans le public, ça va aller dans six mois; la CSST va vous payer une résonance magnétique dans une clinique privée et vous allez avoir votre examen et, bon... Et puis on peut donner moult exemples comme ça.

Mme Hébert (Anne): Donc, la disparité existe, comme M. Dumas... non seulement en termes... Il y a une disparité au niveau de l'accès puis il y a une disparité au niveau de la couverture des besoins.

M. Dumas (Guy): Je peux vous en donner un autre. Un patient qui a eu un... J'ai un patient qui a eu un accident d'automobile extrêmement important, qui a été frappé par un train, qui est handicapé, multiples fractures. Il est en fauteuil roulant électrique. Il doit faire adapter son véhicule ? il s'est acheté un véhicule. Il a été adapté dans l'espace de, je ne sais pas, trois mois. Avant même que votre dossier... Quand vous êtes handicapé, vous devez faire adapter un véhicule. Avant même que votre dossier soit pris en charge, ça prendra à peu près un an. Et puis là, après ça, ça prendra deux à trois mois pour avoir... Alors, ça, ça fait presque 15 mois, là, on est... Bien, c'est ça, 15 mois. Alors, il y a une disparité et on peut facilement vous la documenter, là.

M. Valois: D'où, là, l'importance pour vous d'avoir une espèce de régime d'assurance vous-même, où vous pourriez être à l'intérieur de quelque chose qui ressemble à un régime d'assurance où vous pourriez avoir ce... Vous voyez le... Et je comprends de mieux en mieux le pourquoi, au-delà de toute cette réflexion que nous devons avoir sur justement la stigmatisation, la possibilité de, je comprends maintenant pourquoi, au-delà de cette logique-là puis à laquelle nous devons faire attention, vous voyez aussi l'opportunité du régime d'assurance sur la perte d'autonomie, si vous voyez là-dedans... Très clair.

D'ailleurs, soit dit en passant, dans nos bureaux de circonscriptions, on a l'occasion d'être sensibilisés, semaine après semaine, avec ces cas concrets qui font en sorte que, lorsqu'on en discute ici, bien ce n'est pas simplement, là... on n'est pas en train de philosopher sur une façon, là, de construire un monde meilleur, on peut même aussi mettre des cas qu'on vit tous les jours, là, et c'est la beauté de ne pas simplement être des parlementaires dans une institution comme ici, mais d'être aussi un député de terrain, là.

Et toute cette opportunité-là que nous avons, dans le système actuel, qui fait en sorte que, moi, j'ai aussi vu des cas où, si vous perdez votre santé totalement ou vous avez des incapacités sévères par rapport à un accident du travail, jamais, jamais, jamais on ne va finir par calculer la contribution de votre conjoint ou de votre conjointe, alors que, si une personne handicapée finissait par... Et ça arrive souvent aussi, là, de trouver... conjoint ou conjointe, tout de suite il est coupé dans ses prestations mensuelles, et il devient tout de suite une personne à charge pour l'autre personne avec qui il va aller.

Et ça, moi, je vis ça. Les gens viennent nous voir en disant: Si, le même handicap que j'ai aujourd'hui, je l'avais eu suite à un accident d'automobile ou si je l'avais eu suite... on ne m'aurait jamais coupé parce que je viens de me faire une blonde ou viens d'avoir un chum.

M. Dumas (Guy): J'aurais mon salaire, j'aurais des adaptations, j'aurais de l'aide à domicile, tu sais? Mettons-en, là.

M. Valois: O.K. Alors donc, là, pour vous, vous vivez en plein coeur de cette disparité de traitement puis cette inégalité. Bien, je vous remercie beaucoup.

Il y a juste un autre point, assez succinctement quand même, là, c'est sur toutes les... Parce que les autres groupes ? c'est parce que je veux juste faire la suite aussi avec les autres groupes de défense de droits des personnes handicapées qui sont venus nous voir ?semblaient tout le temps privilégier évidemment tout ce qui était public par rapport à privé. Vous semblez même, vous-même, aller dans ce sens, en disant: Si on a à privilégier quelque chose, d'abord, s'il vous plaît, qu'on fasse tout en sorte que ce soit à l'intérieur de notre réseau public avant d'y aller vers les cliniques affiliées. Puis, lorsque vous dites même que vous voulez qu'on fasse tout ce qui est en notre pouvoir ici pour décourager le fait que certaines personnes pourraient aller vers des assurances privées, est-ce que c'est parce que, vous aussi, vous faites un lien par rapport... très, très, très proche entre vos clientèles, leurs difficultés de s'assurer, leurs difficultés de vivre dans le réseau privé et ces possibilités-là d'ouverture?

n(16 h 50)n

M. Dumas (Guy): C'est bien évident.

Mme Hébert (Anne): Les personnes handicapées, la plupart d'entre elles ne seraient pas admissibles à des assurances. La plupart d'entre elles disposent d'un faible revenu, donc le recours au privé, ce n'est pas une solution possible qui aurait des impacts positifs pour les personnes handicapées. C'est pour ça qu'on encourage beaucoup le développement des services au sein du réseau public.

M. Dumas (Guy): Les personnes handicapées sont non assurables par définition. Il n'y a personne qui va vouloir les assurer, et, même si quelqu'un voulait les assurer, ce serait avec des primes tellement élevées qu'avec les revenus qu'elles ont elles seraient incapables de les payer.

M. Valois: Oui, je vous comprends tout à fait. J'ai toujours pensé de toute façon que mon assurance auto, c'est que je payais d'avance pour étaler d'avance ce que mon accident était pour me coûter après les réparations de mon auto.

M. Dumas (Guy): C'est de la capitalisation.

M. Valois: Oui, j'ai toujours compris ça comme ça. Sinon, il n'y a pas une personne qui se partirait des compagnies d'assurance s'ils ne faisaient pas d'argent avec ça. Ça, j'ai tout à fait compris.

Bien, regardez, moi, je vous remercie encore une fois beaucoup de votre présence et de votre contribution par votre document.

La Présidente (Mme James): Alors, à mon tour à vous remercier. Mme Hébert, Dr Dumas, M. Berger et M. Rousseau, merci beaucoup de votre présentation de la part de l'Office des personnes handicapées du Québec.

Je demanderais aux représentants de l'Association du Québec pour l'intégration sociale à bien vouloir prendre place pour leur présentation.

Je vais suspendre les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 52)

 

(Reprise à 16 h 54)

La Présidente (Mme James): Alors, la commission reprend ses travaux. Bienvenue aux représentants et représentantes de l'Association du Québec pour l'intégration sociale.

Je vous rappelle que vous aurez un 20 minutes pour la présentation initiale de votre mémoire. Par la suite, nous allons procéder par une période d'échange avec les parlementaires du côté ministériel et ensuite du côté de l'opposition officielle. Je vais vous indiquer lorsqu'il vous reste trois minutes dans votre présentation, pour bien vouloir vous aider à gérer votre temps.

Alors, sur ce, je demanderais à la porte-parole principale de bien vouloir se présenter ainsi que les gens qui vous accompagnent. La parole est à vous.

Association du Québec pour
l'intégration sociale (AQIS)

Mme Bergeron (Lise): Bonjour. Je m'appelle Lise Bergeron. Je suis la vice-présidente de l'Association du Québec pour l'intégration sociale. Je suis également la maman d'une jeune femme de 43 ans qui a une déficience intellectuelle de catégorie moyenne, qui a aussi un brin d'autisme et qui a aussi une surdité pour laquelle elle est appareillée. Je suis infirmière de profession. J'ai travaillé plusieurs années en salle d'urgence et j'ai terminé ma carrière récemment, en maintien à domicile dans un CLSC. Alors, j'ai été en mesure de voir un petit peu, là, du commencement à la fin, la catégorie des services offerts.

Aujourd'hui, je suis accompagnée de M. Robert Bousquet, qui est administrateur au conseil d'administration de l'AQIS, mais il est représentant des comités des usagers de tous les CRDI; il y a aussi Susie Navert, qui est conseillère à la promotion et à la défense des droits à l'Association du Québec; et Diane Milliard, qui est la directrice générale de l'AQIS.

C'est votre dernière période avant d'aller souper, alors je vais essayer de faire en sorte que ça va être intéressant pour que vous...

Une voix: Ça va être appétissant.

Mme Bergeron (Lise): ...aussi appétissant pour que vous ayez après ça l'énergie qu'il faut pour entreprendre votre dernier blitz toute la soirée.

La Présidente (Mme James): On vous remercie. On vous remercie beaucoup. Et on vous écoute attentivement.

Mme Bergeron (Lise): Oui. Nous souhaitons d'abord remercier la Commission des affaires sociales de nous permettre, en tant qu'organisme provincial, de venir représenter, au nom des 82 associations membres de l'AQIS, les personnes qui présentent une déficience intellectuelle et leurs familles.

L'inclusion pleine et entière des personnes présentant une déficience intellectuelle dans la société est notre priorité. Les représentants de l'AQIS visent donc à ce que les personnes qui présentent une déficience et leurs familles soient reconnus comme des citoyens à part entière bénéficiant des mêmes devoirs et des mêmes droits que tous les autres. Toutefois, pour que ces droits leur soient pleinement reconnus, des mesures d'accommodement et des droits particuliers doivent parfois être mis en place.

Par son livre blanc Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité, le ministère de la Santé et des Services sociaux réaffirme la pertinence de notre système public. Nous en sommes ravis. De nombreux groupes sont déjà venus émettre leurs réserves quant au rôle accru que ce gouvernement souhaiterait faire jouer au secteur privé. Nous partageons plusieurs de ces réserves. Toutefois, nous ne venons pas présenter ici une analyse en cette matière, mais nous venons partager nos constats en ce qui touche les personnes qui présentent une déficience intellectuelle en matière de santé, et j'ajoute: de services sociaux. Nous venons aussi proposer certaines pistes de solution qui visent à ce que les personnes que nous représentons puissent effectivement jouir d'une équité en ce domaine.

Notre toute première remarque veut souligner l'importance des services sociaux lorsqu'on s'adresse à la santé des personnes qui présentent une déficience intellectuelle. Nous osons dire que, pour qu'un service de santé puisse se targuer d'être efficient, il doit miser sur la prévention tant en santé qu'en services sociaux de même que sur l'intervention précoce. Nous n'avons pas à vous faire la démonstration qu'un dollar investi au moment requis en fait épargner de nombreux plus tard. Plusieurs études l'ont déjà fait. Certains avançaient même des chiffres qu'un investissement de 1 $ pouvait économiser, dans le futur, de 7 $ à 18 $.

Le gouvernement actuel démontre par ses actions qu'il reconnaît les bienfaits de la prévention. Nous pensons à certaines campagnes comme celles de la vaccination, du lavage des mains ou tous les préparatifs pour faire face à la grippe aviaire, à la Loi sur le tabac, pour ne nommer que ces exemples. La prévention de la maladie est donc reconnue. Toutefois, l'importance de la prévention ne se situe pas seulement au niveau médical, mais aussi à d'autres niveaux qu'il ne faut surtout pas négliger.

À preuve, lors d'une vaste consultation des membres de l'AQIS, en novembre dernier, ceux-ci ont clairement fait ressortir les besoins en santé et en services sociaux en mettant un accent incontestable sur les besoins des familles. Les familles et les proches des personnes qui présentent une déficience intellectuelle ont souvent l'impression d'être abandonnés par le gouvernement et d'être seuls ou presque à supporter les handicaps de la personne qu'ils soutiennent. Faute de soutien adéquat, notamment de services de répit ou de dépannage, des familles épuisées n'ont d'autre choix que de placer leur enfant dans une autre ressource.

Considérant la rareté de ces ressources ? parce qu'il ne faut pas oublier que la population vieillit, et tous les baby-boomers qui ont eu des enfants déficients vont bientôt arriver à un âge où ils ne pourront plus en prendre soin, donc la pénurie de ressources va juste être encore plus grande, et, parce que les parents ont toujours gardé leur enfant, eux aussi vieillissent ? ne devrait-on pas soutenir les familles suffisamment pour favoriser le maintien des personnes dans leurs milieux naturels? Ne serait-il pas moins coûteux financièrement d'investir préventivement quelques dollars en répit plutôt que d'avoir à payer une ressource à temps plein?

n(17 heures)n

Nous le répétons inlassablement, on a beau avoir les meilleures politiques, si on ne donne pas les moyens financiers de les mettre en oeuvre, bien on fait juste gaspiller l'argent investi et on va de désillusion en désillusion.

Et surtout, en axant sur la prévention, n'éviterions-nous pas, outre des frais médicaux et sociaux qu'entraînent une ou des personnes épuisées, n'éviterions-nous pas un peu de détresse humaine? Car détresse, pauvreté et isolement font partie des problématiques que vivent bon nombre de familles. Toutes les études le confirment, les familles où vit une personne vivant avec des limitations fonctionnelles ont un revenu inférieur à la moyenne. Nous connaissons tous les effets négatifs de la pauvreté sur la santé physique et mentale.

En outre, bon nombre de parents d'enfants handicapés souffrent d'isolement parce qu'ils ne se sentent pas compris dans ce qu'ils vivent, parce qu'ils n'ont pas de répit qui leur permettrait de socialiser ou parce qu'ils sont trop épuisés pour le faire, parce qu'étant centrés sur les besoins de leurs enfants ils s'oublient eux-mêmes pour toutes sortes de bonnes raisons. Parfois, des moyens simples suffisent à combler les vides. Nous continuons d'espérer l'actualisation du Plan d'action de la politique de soutien aux personnes présentant une déficience intellectuelle de 2001, intitulé De l'intégration sociale à la [pratique] sociale. Cette politique contient de grands espoirs.

Si, en matière de soutien à la famille, la prévention est primordiale, la stimulation pour le tout jeune bébé chez qui on a détecté une déficience intellectuelle, une trisomie 21 ou toute autre limitation fonctionnelle est cruciale. Les premières années de vie étant reconnues comme celles étant où le cerveau est le plus malléable, il y a donc urgence d'agir pour leur permettre de maximiser leur développement.

Qu'arrive-t-il lorsque les listes d'attente des services, dans un centre de réadaptation, sont de 18, voire 24 mois, encore aujourd'hui, probablement à cause du phénomène que vous avez mentionné, que plus de gens viennent s'inscrire pour recevoir des services? Bien, ils étaient quand même là avant. Ne condamne-t-on pas souvent cet enfant à moins d'autonomie pour la durée de sa vie? Ne fait-on pas de lui un futur utilisateur de services plus demandant que ce qu'il aurait pu être s'il avait eu à temps les services appropriés? Ne compromet-on pas son intégration à tous les niveaux? Ne condamne-t-on pas sa famille, ses proches et la société tout entière à devoir le soutenir au-delà de ce qui aurait été nécessaire s'il avait pu développer son potentiel de façon maximale? Et ne court-on pas le risque que cette famille devienne à son tour consommatrice de services?

En quoi la proposition du gouvernement, Garantir l'accès, va-t-elle permettre de prévenir les difficultés causées par le fait qu'un très jeune enfant ne peut recevoir la stimulation précoce qu'exige son état en raison de longues listes d'attente? Combien de plus coûtera-t-il en soins et en services, sa vie durant, à la société et à sa famille? Combien coûtera-t-il de plus en souffrance, peine, fatigue, épuisement pour lui et sa famille?

De manière générale, l'accessibilité aux soins et aux services se définit par la précocité des interventions, la proximité et l'accès dans des délais raisonnables. Pour les personnes ayant une déficience intellectuelle et leurs familles, l'accessibilité rencontre des défis particuliers. Un de ceux-ci est d'être vu et perçu d'abord et avant tout comme une personne et non pas comme une déficience. Le mot peut être fort, mais nombre de parents ont des histoires à raconter quant à des diagnostics simples qui n'ont pas été posés parce que le médecin mettait les symptômes sur le dos de la déficience?

Par exemple: C'est normal, monsieur, que votre enfant de six ans ne soit pas propre, il a une déficience intellectuelle, alors qu'en fait il avait un côlon irritable et qu'un simple changement de diète a réglé le problème en quelques semaines.

Je me présente avec ma fille à l'urgence. Elle tousse, elle tousse. On dit: Ah, bien non, c'est un vilain rhume. À l'auscultation, ça ne va pas pire. On néglige de faire une radiographie parce que de toute façon c'est un mauvais rhume. Puis bon j'encombre un peu la clinique d'urgence. Trois semaines après, on découvre qu'elle fait une pneumonie.

Comme infirmière dans un CLSC: un jeune homme qui s'est retrouvé avec une colostomie parce qu'on n'avait pas détecté qu'il avait une occlusion intestinale et qu'on l'avait prise pour de la constipation. Mais, comme il ne pouvait pas manifester ses douleurs ou ses symptômes, bien on a pris pour acquis que c'était correct. On l'a retourné chez lui avec des laxatifs puis des lavements. Résultat, deux semaines après, il avait une colostomie, et, nous, au CLSC, on devait aller donner des soins à domicile. Même si elle était temporaire, c'est une épreuve pour les parents et pour la personne qui a subi la colostomie. Avec une déficience intellectuelle, vous pouvez imaginer ce que ça a représenté, comme enseignement, apprentissage puis tout ce qu'il a fallu faire pour cette personne-là.

On va arriver à comment on peut vous apporter des solutions pour régler ça. Soucieuse de l'amélioration de l'accessibilité et de la qualité des services qui sont offerts aux personnes qu'elle représente, l'AQIS a fait une étude exploratoire dont le rapport est sorti en 2005 et qui s'intitule Étude des besoins Accès Santé. Je crois que vous en avez reçu une copie en même temps que le mémoire, les membres de cette commission. Vous en avez tous eu une copie.

Pour la partie québécoise de cette étude, des consultations ont été menées visant l'analyse des pratiques de quatre groupes de professionnels concernant trois étapes du processus: l'accès aux services, l'accueil et le traitement. Ces groupes de professionnels étudiés sont des omnipraticiens, des orthophonistes, des hygiénistes dentaires et des dentistes. Des pistes de développement et de solution visant une réelle accessibilité pour les personnes présentant une déficience intellectuelle et leurs familles ressortent de L'analyse des résultats: convergences des points de vue québécois et de la conclusion. Nous ne les énumérerons pas. Elles sont aux pages 61 à 66 dudit document.

Toutefois, de façon globale, les différentes problématiques reliées à une réelle accessibilité pour ces personnes touchent aux dimensions relationnelles et organisationnelles. On peut parler alors de savoir communiquer, savoir écouter et savoir être. On parle aussi du respect des responsabilités. On fait donc référence à des choses aussi simples que saluer, traiter la personne ayant une déficience comme toute autre personne, prendre le temps de la mettre à l'aise, de la rassurer et de lui expliquer les soins dans un langage simple. On parle aussi de reconnaître les compétences des parents, leur expliquer ce qui se passe, assurer le lien avec les spécialistes pour améliorer ses connaissances sur la déficience intellectuelle. Parce qu'ils n'ont pas toutes les connaissances, les spécialistes.

Plusieurs pistes de développement et de solution touchent directement ou indirectement à la formation. Par exemple, toujours dans le cadre du projet Accès Santé, les commentaires des médecins omnipraticiens ont révélé 14 aspects de leur pratique ou des connaissances qu'ils souhaiteraient améliorer, en lien avec la déficience intellectuelle, évidemment. Ces besoins vont de l'information quant aux problèmes de santé associés aux principaux syndromes à la prévention, en passant par les stratégies de communication avec les personnes ayant des difficultés à s'exprimer. Que ce soit pour la sensibilisation à la déficience intellectuelle de la personne à l'accueil dans un établissement des CSSS, l'adaptation des services de première ligne à la réalité de la personne, le perfectionnement des différents praticiens ou le partage d'expertises, la formation des divers intervenants en santé et services sociaux demeure un incontournable.

En somme, le projet Accès Santé propose une démarche de partenariat avec les professionnels de la santé visant à élaborer des stratégies et développer des outils de sensibilisation, formation, perfectionnement à l'intention des professionnels de la santé qui sont appelés à intervenir auprès de ces personnes et de leurs familles.

Pour conclure, mentionnons que les membres de l'AQIS ont adopté une charte des valeurs suite à une consultation élargie, que le droit aux soins doit tenir compte du respect des valeurs fondamentales de dignité, d'égalité des chances, d'intégrité-identité, du respect de la vie et de la responsabilité. Nous ajoutons aujourd'hui que, pour que les personnes ayant une déficience intellectuelle puissent jouir d'une réelle accessibilité, il faut tenir compte de leurs particularités. Merci de m'avoir écoutée.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Bergeron. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, Mme Bergeron. Vous avez certainement réussi ce que vous aviez dit que vous feriez, soit maintenir notre attention avant l'heure du souper. C'était fort bien présenté. Merci, M. Bousquet, Mme Milliard et Mme Navert, je crois?

Une voix: Navert.

M. Couillard: Navert.

Regardez, vous avez beaucoup de choses très concrètes dans votre présentation. On voit beaucoup de vécu, d'expérience de votre part. Quand vous parliez des expériences que vous avez vécues à la salle d'urgence et que d'autres également ont vécues, ça me rappelle ce que nos vieux professeurs nous disaient avec beaucoup de justesse. C'est qu'il n'y a pas grand-chose de plus dangereux qu'une appendicite chez un paraplégique ou chez quelqu'un qui a une déficience intellectuelle parce que ça part sur toutes sortes d'étiquettes successives avant que finalement quelqu'un se rende compte que c'est ça, puis là on est rendus pas mal loin souvent dans le processus. Puis c'est une bonne chose de le rappeler puis de continuellement éduquer les médecins à cette réalité-là. C'est très bien que vous ayez fait ça.

Je lisais les grandes lignes de votre présentation en même temps que vous la donniez, et bien sûr vous faites l'équation que d'autres font également entre la garantie d'accès qu'on présente dans le document, qu'on présente suite au jugement qui porte sur les soins médicaux hospitaliers, et la réalité que, dans le domaine des services sociaux et notamment en réadaptation, il y a encore beaucoup de problèmes d'accès. Puis vous en avez donné des exemples très, très classiques.

n(17 h 10)n

Quand j'écoutais le témoignage précédent, de l'OPHQ, je me suis rendu compte que, d'une façon peut-être un peu presque... je ne dirais pas perverse, le mot est trop fort, là, mais qui est réelle quand même, il existe une garantie d'accès sélective en réadaptation. C'est-à-dire que les gens qui sont sur la CSST ou la SAAQ bénéficient en pratique d'une garantie d'accès. Je veux dire, j'écoutais tantôt les contrats que les hôpitaux ont avec la CSST, où, dans le contrat, c'est garanti que, cinq jours après la demande... Aïe! si on avait ça pour tous les patients, tous les Québécois, je pense qu'il n'y aurait pas grand monde qui ne serait pas satisfait des services de réadaptation au Québec.

Mais là il y a le problème des effectifs. Tu sais, je parlais tantôt des orthophonistes pour les problèmes de langage chez les enfants, ça s'applique également dans beaucoup d'autres domaines. C'est-à-dire que les effectifs, on l'espère, vont augmenter là aussi, puis on va pouvoir offrir plus de services.

Puis là je lisais le parallèle que vous faites entre ce qu'on a fait avec les troubles envahissants du développement, vous savez, l'introduction du programme, là, et puis également une sorte de garantie... Parce qu'on a dit: Il faut que vous donniez tant d'heures par semaine de service à l'enfant, mais on voit que la demande augmente continuellement. Comment est-ce que vous pensez qu'on réussirait, là? Avez-vous pensé comment est-ce qu'on ferait? Évidemment, il faut mettre plus d'argent, là. On n'évacue pas ça du territoire. Mais comment est-ce qu'on ferait pour élargir la garantie d'accès dont bénéficient actuellement les prestataires de la CSST et de la SAAQ à l'ensemble des patients ou des personnes et puis également maintenir cette garantie, entre guillemets, qu'on a introduite avec le programme des TED? Il y a un défi énorme, là.

Une solution qu'on a eue tantôt avec vos prédécesseurs, là, l'OPHQ, eux nous suggèrent de mettre en place, un peu en parallèle de ce que M. Ménard propose, un programme d'assurance mais pour les problématiques liées au handicap ou à la limitation des personnes. Parce que je ne vois pas... Tu sais, effectivement, si la CSST et la SAAQ, ça marche, c'est pourquoi? C'est parce que la CSST puis la SAAQ apportent des fonds supplémentaires dans les institutions de santé où il y a des programmes de réadaptation. Donc, il faut trouver une solution qui apporte des fonds supplémentaires dans les établissements pour la réadaptation pour l'ensemble de la population.

Évidemment, une façon très simple, on pourrait dire: Bien, le gouvernement a juste à mettre plus d'argent. Mais ça, c'est un peu vite, de dire ça de même, parce que le gouvernement, il veut toujours mettre plus d'argent, mais les ressources sont toujours limitées, par définition. Comment est-ce que vous aborderiez ça?

Mme Bergeron (Lise): Tout d'abord, je ne pense pas qu'on serait en mesure d'apporter des fonds supplémentaires parce que notre clientèle...

M. Couillard: Je ne dis pas vous, je parle des...

Mme Bergeron (Lise): ...nos personnes déficientes, elles ont déjà...

M. Couillard: Non, non, je parle des citoyens en général.

Mme Bergeron (Lise): Oui, c'est ça. Je comprends qu'il y a un problème d'effectifs, je comprends qu'il y a un problème de financement, mais ce qui nous préoccupe davantage, c'est que l'accès qu'on a déjà soit amélioré et de qualité, et que les gens qui nous reçoivent avec nos enfants ou qui reçoivent nos... Je dis toujours mon enfant, même si elle a 43 ans, là, mais ça, je pense que ça va de soi. Mais j'estime que d'être accueillis différemment, d'être traités différemment, c'est déjà un acquis. Pour l'argent, bien je ne sais pas si vous avez des idées.

M. Bousquet (Robert): Bien, au départ, M. le Président, j'aimerais vous dire que j'ai une jeune fille, qui s'appelle Mylène, qui a 33 ans aujourd'hui. Je pense, c'est important de le mentionner. On lui donnait trois jours à vivre, six à huit mois maximum, et aujourd'hui elle pète le feu, si je peux m'exprimer ainsi. Alors, c'est pour vous dire que la vie, des fois ça peut changer beaucoup. Toutes les complications que ma fille devait avoir avec un spina-bifida... Lui manquant deux vertèbres au niveau de la colonne vertébrale, elle devait avoir toutes les complications, qui ne sont jamais arrivées. Et aujourd'hui elle mène une vie comme elle... avec de la possibilité. C'est sûr qu'elle est en fauteuil roulant, qu'elle est handicapée beaucoup, mais elle peut profiter de la vie.

Moi, je pense, ce qui est important ici, le message qu'on veut vous dire, c'est que les personnes qui ont une déficience intellectuelle et leurs parents... N'oubliez pas que ces gens-là ne peuvent revendiquer leurs droits eux-mêmes, c'est ça qui est très important. Et, dans l'ensemble des personnes, des parents, plusieurs parents n'ont même pas la capacité, la force de revendiquer ces droits-là. Alors, heureusement qu'il y a des associations comme l'AQIS et beaucoup d'autres qui peuvent le faire à leur place.

Mais, quand on pense que... Il y a des choses importantes à dire. Moi, j'ai siégé à la régie régionale, j'ai siégé à la Fédération des centres de réadaptation. Je suis partout au niveau de la déficience intellectuelle, puis je le fais par choix. Je suis retraité aujourd'hui. Je deviens un bénévole à plein temps parce que la situation l'exige pour le futur. Et on est très inquiets, en tant que parents, parce qu'on vieillit, puis, par ce qu'on voit des propositions de changement, c'est inquiétant. J'espère qu'on va trouver des solutions satisfaisantes.

Mais ce qui est important, là, c'est, quand on pense qu'il y a 2 000 personnes approximativement qui attendent des services dans la province de Québec. Une réalité, c'est qu'il y en a 45 % approximatif, c'est dans la région de Montréal. Alors, moi, quand on vient me dire, là: Montréal est riche ou quoi que ce soit ? parce que je l'ai vécu, ça, en étant à la Régie régionale de Montréal; Montréal est riche ? ils n'en ont pas besoin d'argent, bien à quelque part, là, les faits parlent par eux-mêmes.

Je pense qu'il est important aussi de mentionner: il y a des solutions à Montréal, il est possible de dégager des sommes significatives des budgets pour permettre la réduction des personnes qui ont une déficience intellectuelle ou un trouble envahissant du développement sans l'octroi de nouveaux budgets. Il y a des possibilités puis il y en a deux que je voudrais vous proposer.

Tout d'abord, il faut penser que les centres de réadaptation à Montréal... Quand M. Marcel Villeneuve a fait des propositions à tous les établissements de Montréal d'essayer de faire quelque chose pour apporter des économies, faire des économies qu'on puisse redistribuer en services directs, bien le Centre de réadaptation Lisette-Dupras et le Centre de réadaptation de l'Ouest-de-Montréal ont décidé de faire quelque chose d'important. Depuis plus de quatre à cinq ans, il y a des économies récurrentes de 1,4 million qui sont réinvesties directement au niveau des services. C'est très important puis ça a été reconnu par la Régie régionale de Montréal. Mais il y avait une volonté. Présentement, il y a même un troisième centre qui s'est ajouté, là, à ces deux centres là, le Centre Gabriel-Major. Ils vont être maintenant trois centres qui se regroupent, qui se modernisent, qui font des économies d'échelle, puis avec ces économies-là, ça va être redistribué en services directs. Imaginez-vous que, là, on est rendu 75 % de la population. Imaginez si on était les cinq centres de réadaptation. Il y aurait encore plus d'économies, encore plus de services donnés sur les listes d'attente, et tout. Je pense que ça, c'est extrêmement important d'y penser.

Finaliser l'intégration sociale des personnes vivant en milieu institutionnel. Une chose est certaine, c'est que la mission de l'AQIS, c'est l'intégration sociale. Alors, les personnes qui sont institutionnalisées doivent revenir au niveau de la communauté. Ça fait 25 ans qu'on se bat. Personnellement, ça fait 25 ans que je me bats, avec des organisations, avec des parents, avec beaucoup d'énergie puis beaucoup de patience, parce que c'est long d'arriver à des résultats. Mais je pense que toute personne qui présente une déficience intellectuelle et un trouble envahissant du développement a le droit de vivre dans la communauté. La société en a décidé comme ça. Mais il est inacceptable qu'en 2006 des personnes encore vivent avec un diagnostic de déficience intellectuelle puis qu'elles soient encore en institution. À Montréal et plus spécifiquement à l'Hôpital Rivière-des-Prairies, parce qu'il faut qu'on en parle, selon nos informations, il y a encore 70 personnes qui sont en attente de services afin d'être intégrées.

Si je vous parle de cette situation-là, c'est parce que c'est important. Selon mes connaissances puis selon les informations que j'ai, il y a des possibilités de dégager d'importantes sommes d'argent si on procède à l'intégration de ces personnes. Présentement, à Rivière-des-Prairies, ça coûte environ, là, plus ou moins ? je peux me tromper, là ? 18 millions. Que ce soit 16 millions, 17 millions ou 18 millions, bien ça, c'est des chiffres réels, O.K.? Si on faisait la sortie de ces personnes-là, intégrées dans la société, on pourrait faire des économies d'à peu près 8 millions, peut-être plus. Ces sommes-là, 8 millions récurrents, Mme, MM. les députés, si on était capable d'amener ça au niveau des listes d'attente, on aurait tout un changement, puis ça pourrait se faire assez rapidement.

Alors ça, c'est des solutions, puis c'est des réalités. Faire des économies, faire plus avec ce qu'on a, je pense que c'est l'objectif de tout le monde. Ce que je peux vous dire, c'est que, nous, on est une organisation responsable. Des parents qui depuis plusieurs années... On ne demande pas d'argent. On demande de l'argent, c'est sûr, parce qu'il y a des besoins, mais on a aussi un souci de trouver des solutions puis de faire plus avec moins. On l'a fait au niveau de la régie, on l'a fait partout, et je pense que ces solutions-là pourraient être très importantes pour l'avenir des listes d'attente en déficience intellectuelle.

Une voix: ...

M. Couillard: Excusez-moi, madame, je ne veux pas vous couper la parole. Voulez-vous y aller? C'est-u sur le même sujet? Parce que je voulais commenter la question de la désinstitutionnalisation.

Mme Milliard (Diane): Oui, c'est sur le même sujet. Oui. En fait, si je reviens à la question que vous aviez posée concernant l'accès, il y aurait une solution à très court terme. D'abord, c'est de donner l'accès à nos jeunes qui ont une déficience intellectuelle, de 0-5 ans, d'avoir accès à des services de stimulation précoce, au même titre que les jeunes enfants qui ont des troubles envahissants du développement. Et, en ce qui a trait à comment trouver l'argent, il y a un projet intéressant qui est au fédéral ? vous savez, ça arrive que le fédéral a des projets intéressants ? en fait qui part d'un groupe qui a un peu la même mission que nous, à Vancouver, c'est de créer un fonds dédié à l'incapacité.

Je m'explique très brièvement. C'est que ce serait un fonds où tout citoyen pourrait contribuer et avec évidemment déduction à l'impôt. Donc, ce fonds-là pourrait servir pour payer finalement un peu peut-être pour le Fonds de compensation universel. Je vais laisser les experts, là, voir comment ça pourrait se réaliser, mais ce serait vraisemblablement... Si vous êtes intéressés, on pourrait peut-être se rencontrer pour en discuter davantage. C'est quelque chose qu'on pourrait pousser un peu plus pour responsabiliser aussi la société.

n(17 h 20)n

M. Couillard: Merci. On va certainement intéresser... Mme Delisle d'ailleurs opine du bonnet, là. Elle serait intéressée à également parler de ça avec vous.

Mme Delisle: Plusieurs de vos propositions.

M. Couillard: Oui, parce qu'il y a beaucoup de choses très intéressantes. M. Bousquet, là, je me souviens, je suis allé à Lisette-Dupras, puis vous étiez...

M. Bousquet (Robert): ...avec Mme James.

M. Couillard: C'est ça. Et puis je suis content de voir que...

M. Bousquet (Robert): Puis j'ai aussi apprécié que vous ayez accepté de me recevoir à certains moments. Ça, je suis très heureux de ça.

M. Couillard: Oui, certainement. Mais ça me rappelle des choses distantes et récentes, vos propos. Ce que vous nous dites finalement, c'est qu'il faut revoir les façons de faire, à Montréal en particulier. Parce que ce que vous dites sur la richesse relative, vous savez, les autres régions, elles, disent: Bien, nous, on fait mieux que ça, puis on n'a pas la moitié de l'argent qu'eux autres ont, puis on est capables, nous autres, de servir les gens dans la communauté. Puis il y a quelque part eu, à Montréal ? puis ce n'est pas un blâme qu'on leur fait parce que l'histoire s'est faite de même ? une sorte de tendance à l'institutionnalisation, qu'ils n'ont pas faite dans les régions parce qu'il n'y avait pas d'argent, tu sais, paradoxalement. Ça fait qu'ils ont développé des choses différemment.

Mais, en santé mentale, on l'a vécu, ça, puis on le vit actuellement, quand, dans le plan d'action, on met des investissements neufs puis qu'en plus on dit que 15 % des budgets des établissements psychiatriques doivent aller dans la communauté, vous l'avez vu récemment, ça soulève des résistances. Alors, c'est la même chose également pour la désinstitutionnalisation. Moi, j'y croyais déjà quand je suis arrivé au ministère, puis j'y ai cru encore plus le jour où j'ai vu des gens, dans les communautés, ces gens qui ont été sortis des établissements, qui étaient surmédiqués, sous contention, agités, violents puis qui se retrouvent dans une famille d'accueil avec une qualité de vie, là, qui n'a aucune commune mesure avec ce qu'ils connaissaient auparavant.

Mais, vous le savez encore mieux que moi, c'est la croix et la bannière, tu sais, parfois. Il y a des places, au Québec, ça va plus vite. Là, vous citez le cas de Rivière-des-Prairies. Il y a un problème là. Parce que, je me souviens, au début ? puis par la suite je me suis moins attardé au dossier, mais ? on avait mis en place un mécanisme pour que... Parce qu'il y a des parents qui sont inquiets, ça, ils ne veulent pas que leurs enfants sortent de là.

M. Bousquet (Robert): Ça fait 25 ans qu'on...

M. Couillard: Bien, je le sais, c'est un problème de longue date. Alors, ce qu'on...

M. Bousquet (Robert): J'ai été un de ceux-là, moi.

M. Couillard: Oui. Ce qu'on a dit... Puis, moi aussi, je dois dire, j'étais réticent au début, puis, quand j'ai vu cette personne-là, j'ai compris que c'était ça qu'il fallait faire. Mais on a dit: On va faire un processus où chaque cas va être vu par les intervenants extérieurs. On va décider c'est quoi, la meilleure modalité, la meilleure avenue, puis on devrait avec ça être capables de faire sortir la quasi-totalité des personnes qui sont encore en institution. Là, vous nous dites aujourd'hui: Il y a encore 70 personnes à Rivière-des-Prairies. Pourquoi? Qu'est-ce qui bloque? C'est-u encore les parents qui ne veulent pas que leurs enfants quittent?

M. Bousquet (Robert): Je ne peux pas vous dire, ce n'est pas...

M. Couillard: Mais pourquoi?

M. Bousquet (Robert): ...le centre de réadaptation où je fais affaire, moi...

M. Couillard: O.K., d'accord.

M. Bousquet (Robert): ...qui a la responsabilité. Ça, c'est le choix du ministre, là, qui, à un moment donné, a donné les responsabilités à un centre de réadaptation. Je ne veux pas le nommer. Tout ce que je veux vous dire, c'est qu'il reste encore 70 personnes. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'on a fait une institution à l'intérieur d'un hôpital psychiatrique. Puis les informations que j'ai ? sûrement que je demanderai une rencontre pour en discuter plus ? bien là on me dit qu'il y aurait le deux tiers des personnes qui doivent sortir d'une institution pour retourner dans une autre institution. À mon avis, M. le ministre, c'est inacceptable, une situation comme celle-là. Puis vous comprendrez que, l'AQIS, sa mission première, c'est l'intégration sociale. Alors, on ne peut pas accepter qu'on sorte des personnes d'une institution pour les retourner dans une autre.

M. Couillard: Oui, puis moi non plus, je vais vous dire tout de suite, là.

Mme Delisle: Moi non plus, non.

M. Couillard: Ni Mme Delisle ni moi, on ne l'accepte.

M. Bousquet (Robert): Bien, on va avoir besoin de se parler parce que c'est en cours, M. le ministre.

M. Couillard: Mais je suis très impressionné par ce que vous décrivez, là. On voit donc qu'il y a des blocages énormes, là.

M. Bousquet (Robert): Oui. Sur les 65 personnes qui restent à Rivière-des-Prairies, M. le ministre, il y a 29 personnes, là, qui seraient rappelées, selon les informations que j'ai au 19 mai. Il y aurait 29 personnes qui seraient en marge, une cohorte du 31 mai et une cohorte du 30 septembre, d'être institutionnalisées dans un établissement à Laval, et aussi il y aurait un transfert de 11 personnes à Louis-H.-Lafontaine et il y aurait 25 personnes qui, elles, iraient dans des ressources intermédiaires.

Puis je vais vous faire un petit parallèle. Dans le nombre de personnes à Rivière-des-Prairies qui étaient en désaccord... Puis je respecte ça au plus haut point, hein? Ce n'est pas drôle, pour des parents, de prendre les positions qu'ils prennent. Mais, moi, pour moi c'est l'intérêt de la personne qui reçoit des services, son droit à être intégrée dans la société. Puis ça adonne à peu près que c'est les 40 qui étaient réticents, les 40 parents qui étaient réticents, puis là il y en a 40 qui vont être réinstitutionnalisés. Alors, j'arrête là-dessus, M. le ministre, mais on aura certainement l'occasion de s'en reparler.

M. Couillard: Oui, certainement.

M. Bousquet (Robert): Puis je veux juste mentionner que j'ai apprécié, quand j'ai eu le besoin de vous voir, j'ai eu une rencontre rapidement. Merci.

Le Président (M. Copeman): Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation. Il reste quatre minutes, Mme la ministre.

Mme Delisle: Alors, je vous remercie. J'ai bien apprécié votre présentation et j'ai aussi beaucoup apprécié les propositions que vous nous faites. Alors, je vous dis, aujourd'hui, là, que, si vous souhaitez me rencontrer rapidement sur l'ensemble des propositions, on pourrait organiser ça rapidement, là. J'ai...

Une voix: ...sur la stimulation précoce pour nos jeunes de 0-5 ans?

Mme Delisle: Je n'ai pas fini, je m'en viens, là. J'essaie de ramasser mes idées. Mais on pourrait se rencontrer, tout le groupe, je n'ai pas de problème avec ça.

Mme Bergeron, vous avez fait des propositions intéressantes lorsque vous avez fini la lecture de votre mémoire. Sur la question du fonds d'incapacité, moi, je pense qu'on pourrait en tout cas, à tout le moins, échanger là-dessus. Puis je vous dirais, M. Bousquet, que je suis parfaitement d'accord avec vous. Quand on voit ce qu'on réussit à économiser pour le remettre dans le réseau et quand on apprend à travailler tout le monde ensemble... Je comprends qu'il y a des réticences puis qu'il y a une question de culture ? puis là je parle en général, je ne vise personne en particulier ? mais c'est vrai que c'est très compliqué des fois, alors que ce qu'on devrait plutôt privilégier, ce n'est pas la structure comme telle, c'est la personne, comme vous avez dit tout à l'heure, la personne puis les services qu'on peut lui donner. Puis j'ai beaucoup d'admiration pour des organismes comme les vôtres, je vous le dis très sincèrement, parce que souvent non seulement vous êtes vous-mêmes des parents, vous êtes au quotidien, vous êtes au coeur de toutes ces préoccupations-là, vous êtes les mieux placés pour pouvoir nous expliquer comment ça fonctionne, mais, en plus de ça, vous êtes ceux qui pouvez toujours la trouver, la solution. Vous les avez, les propositions.

Alors, je n'ai pas beaucoup de questions pour vous parce que je connais bien vos organismes, et M. Couillard vous a quand même interrogés sur certaines préoccupations qu'on avait. Mais, moi, ce n'est pas compliqué de me rencontrer non plus, je vous le dis tout de suite, là. Alors, on va organiser ça puis on pourra faire un échange sur comment on peut, avec le ministère, avec les différents organismes, essayer de cheminer, là, pour s'assurer, là, qu'on puisse mettre en place des mécanismes qui sont à tout le moins assez faciles quand on les regarde à sa face même, là, mais qui vont nous demander de la collaboration de part et d'autre.

M. Bousquet (Robert): Parce qu'il est important, en tant que parents, d'essayer de trouver des économies avant de demander des sous. Parce qu'on va en demander éventuellement. Mais avant, moi puis plusieurs parents, si on veut que le gouvernement soit responsable, que les parents le soient aussi, bien qu'on trouve... essayer de faire des économies pour qu'on puisse réinvestir en services directs. Par la suite, bien on fera les demandes nécessaires.

Mais je voulais juste aussi mentionner, Mme la ministre, qu'on a beaucoup apprécié, l'AQIS, votre présence, la semaine dernière justement ici, lors du congrès d'orientation que l'AQIS s'est donné. Les membres ont beaucoup apprécié votre présence.

Mme Delisle: Merci.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Joliette.

M. Valois: Bien, c'est à mon tour de vous saluer, de vous dire un beau bonjour. Sachez que, peu importe l'heure où vous venez, vous êtes toujours les bienvenus, il n'y a aucun mais vraiment aucun problème là-dessus.

Alors, Mme Bergeron, Mme Milliard, M. Bousquet, Mme Navert, bonjour. Depuis tout à l'heure, je vous écoute. Évidemment, au-delà du fait que vous arrivez avec évidemment une série de considérations qui ont été apportées aussi par d'autres groupes, là, notamment le socialement requis, toute cette réflexion-là qui doit alimenter notre réflexion, aussi toute cette réflexion-là que vous avez à dire et qui est importante aussi, même fondamentale puis qu'on entend beaucoup, c'est, alors que le gouvernement, par jugement, doit se positionner et garantir des accès ou un accès à cause que bon, à la limite, on pourrait dire, il y a comme un jugement en plus qui l'oblige à revoir ses façons de faire, certains groupes, notamment vous autres, vous dites: Regardez, nous, il n'y a peut-être pas de jugement, mais il y a aussi une réalité qui fait en sorte qu'il y a une problématique sur laquelle on veut profiter de la commission pour sensibiliser les parlementaires et le gouvernement, puis je trouve que c'est tout à votre honneur de le faire.

n(17 h 30)n

Maintenant, l'élément fort sur lequel vous êtes revenus, et je veux réellement vous entendre là-dessus, parce que c'est quand même un débat à chaque fois qu'on décide d'aller parler des familles comme vous en avez parlé, c'est une des rares fois où on... Vraiment, là, vous mettez les parents, les familles au coeur de toute la réflexion que vous apportez. Et ça, c'est bien de le faire, d'ailleurs. C'est vraiment un élément qui est important et qui apporte une couleur particulière au document qui est remis, aujourd'hui, par rapport aux à peu près 150 documents qu'on va recevoir. Vous avez vraiment ciblé sur les familles, et tout ça.

À chaque fois que, nous, on se questionne, que ce soit, bon, le virage ambulatoire, que ce soient les aidants naturels, que ce soit cette idée de la prise en charge d'abord par les familles, on sent que... c'est: jusqu'où on va dans la réflexion ? puis c'est pour ça que je veux vous entendre; jusqu'où on va dans la réflexion ? de dire: Les familles veulent s'occuper réellement et elles veulent être les premiers responsables de leurs enfants pour l'intégration, et ces choses-là? Et jusqu'où aussi vous ne sentez pas que, lorsqu'on parle des familles, lorsqu'on parle justement des aidants naturels, lorsqu'on parle de ces discours-là, bien c'est une façon aussi de dire que bon l'État ? sans parler de désengagement, là, mais l'État ? se fie beaucoup sur les familles aussi? Et je pense que c'est ce dialogue-là que vous voulez entretenir aussi, dans le sens que vous n'êtes pas contre le fait d'être les premiers responsables, mais, d'un autre côté, bien, vous demandez de l'aide, c'est ce je comprends aussi, là, au niveau des familles.

Mme Bergeron (Lise): On a envie d'être supportés, on a envie d'être écoutés et surtout de considérer que l'accès à la santé passe aussi par un volet social, pas juste la santé. Parce que toute l'approche, quand on est accueillis dans le réseau de la santé, c'est du social. Quand on arrive en première ligne, les gens ne sont pas formés ? ils n'ont pas assez de budget, il y a toujours l'argent derrière ça ? pour nous accueillir et nous aider. Des fois, un peu d'investissement pour du répit éviterait nombre de demandes d'hébergement permanent. Ce n'est pas très onéreux, du répit, mais, s'il y avait une volonté vraiment d'encourager les... D'abord, de tout temps, ce sont les parents qui ont mis sur pied des services, hein? Depuis toujours. Ça fait très longtemps que les associations de parents existent. Et, que ce soient les écoles, que ce soit le transport, que ce soit n'importe quel service qu'on a mis en place, ça a toujours été des parents qui les ont mis en place et qui les ont relégués, donnés à l'État après, quand ce n'est pas l'État qui est venu les chercher pour continuer de les administrer.

Alors ça, je pense que c'est une prise de conscience qu'il est bien important de faire, que les parents ont toujours été les instigateurs des services mis en place. Là, on veut continuer de s'occuper de nos enfants mais on veut être écoutés, on veut être reconnus puis on veut être aidés et supportés par le gouvernement et par la société en général, évidemment.

M. Valois: Et ça, c'est dans la pratique, là, dans la pratique tous les jours, là. Vous parlez de répit, vous parlez de... Parce que c'est toute la famille finalement, bien souvent, qui est interpellée, hein? Ce n'est pas simplement le jeune ou l'enfant qui a besoin de services de réadaptation, qui a besoin de toute une gamme de services de toute façon pour son intégration sociale, c'est toute la famille qui finalement vit ça au même rythme que l'enfant, j'imagine. Alors, en ce sens-là, lorsque vous parlez de répit, c'est ce que vous dites aussi, là. Vous dites: Il n'y a pas simplement de penser les services directement à une personne, mais bien à une unité qui est l'unité familiale, qui est là et qui a besoin d'aide. Est-ce que vous avez d'autres exemples comme ça de choses que... Quelles sont vos attentes, dans un premier temps, là?

M. Bousquet (Robert): Bien oui. Bien, écoutez, la réalité là, c'est de tous les jours. Prenez, moi, je suis rendu à 56 ans. Je m'occupe de ma fille. Ma fille est paralysée du bas du corps. J'ai 56, là. Quand j'avais 20 ans, ce n'était pas un problème. 40 ans, ça commençait à être un petit peu essoufflant. 56, là, je suis obligé de prendre des mesures pour... Parce que, ma fille, je dois lui donner son bain, je dois m'occuper d'elle au niveau hygiénique. Elle est paralysée du corps puis elle n'est pas capable de s'occuper d'elle elle-même.

Puis il y a plein de familles. C'est tout du cas-par-cas. Prenez les familles, là, où... On a tendance à oublier l'éclatement des couples à cause d'une naissance comme celle-là. Une femme se retrouve toute seule. Il faut qu'elle travaille. Si son enfant requiert des services à toutes les minutes, dépendant de l'ampleur du... de l'enfant, ou de la jeune fille, ou du jeune homme, à un moment donné, cette femme-là, si elle veut s'occuper de son enfant, elle a un choix à faire: elle travaille ou elle s'occupe de son enfant.

Nous autres, on l'a fait éventuellement, à un moment donné. À un moment donné, mon épouse travaillait, moi, puis elle devait travailler les fins de semaine, puis c'était là qu'on avait le plus de possibilités de s'occuper de notre enfant. Bien, on a fait un choix. Mon épouse a arrêté de travailler. Puis on ne s'est jamais plaints de ça. Puis c'était nécessaire parce qu'on voulait s'occuper de notre enfant au maximum. Bien, c'est la même chose dans toutes les familles. Heureusement qu'il y a des familles. Nous, on a eu de l'aide des deux côtés de notre famille. On n'a pas eu d'éclatement, on est chanceux, on est privilégiés. Mais il y a plein de familles au Québec, là, dont le couple n'a pas survécu.

Prenez une femme qui s'est occupée de son enfant pendant 50 ans. Le mari décède ou fait une crise de coeur. Elle ne peut plus s'en occuper. Qu'est-ce qu'ils font? Ils ne peuvent plus s'en occuper. Ils sont obligés de demander de l'aide puis que ce soit un centre de réadaptation qui en prenne la responsabilité ou quoi que ce soit. Nos enfants vieillissent. Avant, la situation, moi, je vais vous le dire, avant, moi, je me disais: Pas de problème, je suis capable de m'occuper de ma fille, puis ainsi de suite. Mais qu'est-ce qui va arriver, là? J'ai 56, je peux partir avant elle. Qu'est-ce qui va arriver? C'est là qu'on travaille puis qu'on recherche des solutions, on recherche des améliorations des services. Puis la garantie est tellement importante pour les personnes qui éventuellement ne peuvent plus s'occuper de leur enfant ou qui ne seront plus là pour s'en occuper. C'est là que, nous, on fait tout le travail, là, pour qu'on puisse éventuellement partir en paix, si on peut s'exprimer comme ça.

Mais il y a tellement de situations. Quand on parle de répit, un enfant qui est autistique ou quoi que ce soit, qui demande toute l'énergie possible d'une mère, puis souvent de son père, puis de sa grand-mère, puis de son frère, puis de sa matante, à un moment donné, on a commencé graduellement à mettre sur pied des possibilités de répit, une journée, une fin de semaine que l'enfant allait dans un endroit. Ça, c'est fantastique pour les familles. Ce n'est pas un luxe, c'est un besoin plus que d'autre chose.

Alors, c'est toute, là, la sensibilité qu'il faut qu'on ait dans les services qu'on peut donner puis qui sont possibles d'être donnés en regardant ça, là, avec la réalité. Il y a des petits services qui peuvent se donner, comme le répit, comme toutes sortes de petites choses, qui peuvent permettre à des parents, un, de s'occuper de leur enfant, un, de relaxer un petit peu, de respirer, si je peux m'exprimer, puis qu'après ça ils reprennent le flambeau puis ils continuent. Mais, à un moment donné, ce n'est pas facile pour personne, là.

M. Valois: Et c'est ça que je trouve important du document que vous apportez. C'est que vous ne demandez pas à l'État de la prise en charge. Au contraire, vous demandez du support. Et c'est ça qu'il est important de comprendre dans ce que vous amenez, c'est que fondamentalement vous demandez que ces familles-là aient de l'aide, et c'est tout à fait correct.

Mais par contre, dans le document, vous dites qu'à quelques endroits, même par rapport à des services publics, vous avez le sentiment d'être jugés, de vivre certains jugements par rapport à cette situation-là. J'ai lu ça, dans le document, où une personne pourrait arriver avec son enfant, avec un enfant qui a des... ou lorsque les parents, les familles demandent justement l'aide ou les contributions, quelquefois le sentiment de se sentir condamnés... On condamne les familles, on condamne ces parents-là. C'est dans quel contexte que ça arrive, ces choses-là?

Mme Milliard (Diane): Tout d'abord, peut-être que j'aimerais finir sur les commentaires de M. Bousquet parce que, pour vous donner une image, c'est qu'on va vivre la première génération d'enfants qui ont une déficience intellectuelle qui vont survivre à leurs parents, parce que ce sont des gens qui, avant, étaient en institution, avaient une qualité de vie beaucoup moindre et donc une longueur de vie beaucoup plus courte aussi. Alors, actuellement, les gens vivent dans la communauté, ils sont moins médicamentés, ils sont plus acceptés. Ça fait que ça, c'est une problématique qu'on n'a jamais rencontrée auparavant, puis il va vraiment falloir s'y pencher, le vieillissement du parent, mais le vieillissement de la personne aussi.

Pour répondre à votre question, oui, effectivement les parents se sentent jugés, puis je vais vous donner des exemples. Il y en a des centaines, d'exemples. Par exemple, le répit. Vous savez que les enveloppes de répit, dans les CLSC, sont inégales ? là, on va parler bientôt des CSSS, mais en tout cas je suis restée avec les CLSC; sont inégales ? d'une région à l'autre, hein? Donc, une enveloppe de répit, pour un parent, ça peut être 200 $ par année, pour un autre, ça peut être 2 000 $. Ceux-là sont chanceux, puis tout le monde aimerait bien déménager sur ce territoire-là. Donc, il y a des parents qui doivent, oui, quand... Il faut qu'ils prouvent, hein... il faut remplir des formulaires pour avoir 200 $ par année. Donc, est-ce qu'ils ont vraiment dépensé ce 200 $ là? Est-ce qu'ils sont vraiment allés au cinéma? Il y a un ticket de... ça prend le ticket de cinéma.

Je ne vous dis pas que c'est partout, mais il y a certains endroits où le contrôle est excessif, et c'est dans ce temps-là que le parent se sent jugé, se sent jugé par l'intervenant qui a l'air de dire: Coudon, il est chanceux, lui, il a du répit. Comment ça se fait que, moi, je n'en ai pas? Mais est-ce qu'il prendrait la place du parent dans la vie de tous les jours? Je ne suis pas certaine. Donc, il y a un travail à faire aussi avec les intervenants. Je ne vous dis pas tous les intervenants, là, Mais je vous parle du fait que les enveloppes sont inégales d'une région à l'autre, que les modalités d'application sont inégales. Ça crée ces problématiques-là. Est-ce que ça répond à votre question?

n(17 h 40)n

M. Valois: Oui, oui, très certainement. Vous étiez...

Mme Bergeron (Lise): Est-ce que je peux ajouter quelque chose?

Le Président (M. Copeman): Mme Bergeron.

Mme Bergeron (Lise): Au niveau des enveloppes de soutien à la famille... Parce que Diane mentionnait: il y en a qui ont 200 $, il y en a qui ont 2 000 $. Ma fille a 43 ans. Ça fait des années que je demande du soutien à la famille. Et, depuis les cinq dernières années, je suis passée de 200 $ à 1 700 $ par année. Et, les premières années, le 200 $, c'étaient des fonds de tiroir, tu sais, des budgets non récurrents. Alors, à chaque année, il fallait recommencer à remplir tous les formulaires pour peut-être avoir encore 200 $. Et, au fil des 10 dernières années ? je dis cinq ans, ça fait peut-être 10 ans, là, 10 ans que j'ai du soutien à la famille ? je suis passée de 200 $ à 1 700 $ par année, mais je dois justifier ce que je fais avec ça pour m'offrir du répit, si je veux partir en vacances, si je veux partir à l'extérieur, si je veux avoir une fin de semaine à moi, toute seule avec mon mari. Parce que mes autres enfants ont leurs familles, des enfants, des engagements. Ils ne peuvent pas toujours prendre en charge Dominique. Alors, c'est avec ce montant-là que je suis capable de respirer. Parce que la moyenne des parents qui ont des enfants de 43 ans, d'habitude on n'est plus obligés d'aller leur donner leur bain ou de leur laver les cheveux, puis de leur couper les ongles. Mais ça fait partie de mon quotidien depuis 43 ans. Alors, le répit, je pense que c'est essentiel.

M. Bousquet (Robert): Un petit dernier mot, M. le Président, si possible.

Le Président (M. Copeman): Oui, allez-y.

M. Bousquet (Robert): Je pense que Mme Milliard a mis le point sur un côté important quand on parle que la qualité de vie de nos enfants s'est améliorée. C'est un fait, et on reconnaît grandement que les gouvernements, à travers les 25, 30, 40 dernières années, ont fait beaucoup pour améliorer les services puis améliorer les soins des personnes qui ont une déficience intellectuelle. Mais force est d'admettre qu'il y a encore beaucoup à faire. C'est dans ce sens-là qu'on s'adresse à vous, puis qu'on essaie de vous sensibiliser, puis de vous dire que, nous autres, on ne lâchera pas. Les personnes qui sont là ont des droits, puis il faut qu'on trouve des façons, des solutions pour qu'on puisse améliorer les choses, diminuer les listes d'attente parce qu'elles sont tellement dommageables. Puis c'est sûr qu'à un moment donné ça va prendre de l'argent. C'est le nerf de la guerre, ça, on ne se le cache pas. Mais il faut ne pas oublier les gens qui ont une déficience intellectuelle.

Moi, je veux juste vous donner l'exemple. Quand j'ai siégé à la Régie régionale de Montréal, le plan du Défi de l'accès 1997-2001, on faisait partie des 13 priorités de la Régie régionale. On avait besoin de 12 millions pour régler le cas des listes d'attente en date du mois de mars 1998. Pas après, avant. On a eu 50 % d'investissement, puis ça, c'est excellent, c'est extraordinaire. Ça faisait je ne sais pas combien d'années qu'on n'avait pas eu de financement au niveau de la déficience intellectuelle. Mais la situation, c'est: Pourquoi qu'on n'a pas continué? Un moment donné, là, le prochain plan arrive. Tout d'un coup, woops! On réoriente d'une façon tout à fait différente. Puis je suis très conscient des investissements qui ont été faits en trouble envahissant du développement, puis tout le kit, ça, je le suis, mais c'est juste pour vous dire, là, qu'à quelque part, quand il y a des besoins, il ne faut pas arrêter à une place puis commencer ailleurs. Il faut essayer de trouver une façon de donner des montants un petit peu équitables, là. Je recherche un petit peu l'équité, si je peux dire, parce que les besoins sont là, puis, quand on évite, quand on suspend des aides ou du financement, bien c'est dommageable d'une façon incroyable.

M. Valois: Ça fait que j'imagine que c'est...

Le Président (M. Copeman): Mme Navert, allez-y.

Mme Navert (Susie): J'aimerais simplement souligner, parce que je vois l'heure avancer, qu'au niveau de la prévention c'est un message que j'aimerais qu'on laisse aussi, aujourd'hui, ici. La prévention, c'est celle de détecter, là, bon, rapidement les problèmes chez les enfants et d'y voir pour éviter que ces problèmes-là ne progressent et deviennent des problèmes qui vont être, disons, plus difficiles à gérer puis plus coûteux socialement puis aussi dans les familles. Mais la prévention, c'est aussi de soutenir la famille parce que des familles débordées puis des familles qui n'en peuvent plus, je veux dire, ça entraîne d'autres problèmes à tous niveaux, là, au niveau social, au niveau de la santé, et tout ça. Alors, si on réussit à dégager des argents peut-être en faisant la désins au complet, peut-être conserver un petit peu de cet argent-là pour la prévention, puis, dans quelques années, on va être bien servis par ça.

M. Valois: Alors, j'imagine que, comme vous étiez là tout à l'heure, lors de la présentation de l'Office des personnes handicapées, vous avez écouté. Et, leur prise de position sur la caisse de perte d'autonomie, j'imagine que, vous aussi, vous voyez ça comme une opportunité d'aller chercher là un système qui pourrait aller faire en sorte que par cette assurance-là il pourrait y avoir une possibilité pour vous, là, de pouvoir vous offrir les services à ce niveau-là. Est-ce que c'est la même logique que le groupe précédent, là, qui fait en sorte que vous préférez peut-être cette... à partir du moment où est-ce qu'on devrait faire mention aussi, là, évidemment, là, des personnes de façon plus large, là, avec les personnes handicapées aussi, à ce que je comprends, là? Mais, à partir du moment où est-ce qu'on élargirait ça, c'est la même logique que le groupe précédent qui vous fait privilégier cette option-là plutôt que la grande caisse santé, là, comme solution?

Mme Milliard (Diane): Moi, ce que j'ai envie de vous dire, monsieur, là-dessus, c'est que, si l'office l'a proposé, probablement qu'on travaillera en collaboration avec eux parce que c'est sûrement dans le même sens que nous. Mais, rentrer dans les détails, là, je vous avoue que je ne me sens pas la compétence de le faire ici, aujourd'hui.

M. Valois: C'est beau. C'est juste parce qu'il y avait... vous aviez souligné quand même cet élément-là, là, dans le document, quoique ce n'était pas en termes de proposition, ça, vous avez tout à fait raison, ce n'était pas en termes de proposition, c'était en termes de «c'est dans l'air»...

Mme Milliard (Diane): C'est ça.

M. Valois: ...et, dans l'air, il n'y a pas mention des personnes handicapées. Je sais que ce n'était pas une de vos propositions, mais, comme vous vous y étiez attardés, je me demandais si vous n'étiez pas allés plus loin. Mais c'est tout à fait correct.

Mme Milliard (Diane): O.K.

M. Valois: Moi, je vous remercie énormément de votre présence ici.

Mme Milliard (Diane): Juste un dernier point qu'on n'a pas abordé, mais je comprends qu'on va en parler quand on va rencontrer Mme Delisle, c'est l'aspect de la formation.

Mme Delisle: C'est important.

Mme Milliard (Diane): Oui.

Mme Delisle: Vous pouvez tout aborder avec moi, tout.

Mme Milliard (Diane): ...une journée, madame.

Le Président (M. Copeman): Alors, Mme Bergeron, M. Bousquet, Mme Navert, Mme Milliard, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de l'Association du Québec pour l'intégration sociale. Et je suspends les travaux de la commission jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 47)

 

(Reprise à 20 h 3)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission des affaires sociales poursuit ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de l'Organisation d'aide aux sans-emploi de Montréal, ODAS-Montréal.

Bonsoir, messieurs madame. Merci d'être ici, avec nous, ce soir. Malgré l'heure tardive, je peux vous assurer, vous allez avoir l'écoute active de tous les parlementaires. Vous êtes également le 91e groupe à se présenter devant nous, mais, malgré ce fait-là, je vous rassure encore une fois que tous ceux qui amènent des points de vue ici sont écoutés attentivement et ont tous une contribution à faire, puis on est très heureux que ce soit le cas.

Alors, je ne sais pas qui va faire la présentation. M. Sadegh? Très bien. Alors, vous avez 20 minutes pour votre présentation ? je vais vous indiquer quand il vous reste trois minutes pour mieux vous aider à conclure dans le temps ? et il y aura par la suite une période d'échange avec les parlementaires d'une durée maximale de 20 minutes avec chaque côté de la table. Je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et enchaîner avec votre présentation.

Organisation d'aide aux
sans-emploi (ODAS-Montréal)

M. Sadegh (Eiman): Merci beaucoup, M. le Président. À ma gauche, j'ai Mme Thériault, de l'organisation l'ODAS, qui est responsable de toutes les questions administratives de l'ODAS, et, à ma droite, j'ai Mathieu, qui est employé chez l'ODAS. Ça fait qu'ils m'accompagnent en tant qu'équipe pour présenter ce mémoire devant vous, aujourd'hui.

Ça fait que, sans plus tarder, je vais commencer par vous parler du cadre général de ce mémoire. Comme vous savez, ce mémoire s'intègre dans le cadre de la récente décision de la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Chaoulli, qui a invalidé l'article 11.1 de la loi sur l'assurance hôpital et l'article 15 de la Loi sur l'assurance maladie. Ces deux articles avaient comme effet d'interdire qu'une personne puisse avoir recours à l'assurance privée pour recevoir des traitements médicaux qui étaient couverts par le régime public.

Juste pour vous faire... Je ne vais pas trop tarder sur la présentation de la décision de la Cour suprême elle-même, ce avec quoi je vais me concentrer plus, c'est l'option que le gouvernement semble privilégier face à ces décisions, et je vais aussi présenter le point de vue de notre organisme en ce qui concerne cette option privilégiée du gouvernement. Et finalement je vais élaborer un peu sur les options que notre organisme met en avant afin de pouvoir mettre en place un système de financement perpétuel pour les services médicaux, un système de financement public.

Ça fait que je vous réfère à la page 16 du mémoire, si c'est possible, c'est l'Option privilégiée par le gouvernement. C'est: Le gouvernement, dans sa publication Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité, privilégie la coexistence des deux systèmes, des deux régimes. Ce faisant, il propose une politique visant à réduire les délais d'attente et à donner une ouverture ciblée et évolutive à l'assurance privée. Inspiré par les régimes de santé du Royaume-Uni et de la Suède, il propose une forme de garantie d'accès aux services de santé. Cette garantie est déjà en place dans les secteurs de la radio-oncologie et de la cardiologie tertiaire et sera étendue aux chirurgies électives de la hanche, du genou et de la cataracte de même qu'aux chirurgies liées au cancer. De plus, l'ouverture à l'assurance privée étant évolutive, cette garantie pourra s'étendre à d'autres types de services si une analyse en démontre le besoin. Ça fait que ça, c'est en gros la position, l'option qui est privilégiée par le gouvernement.

La position de notre organisme. Premièrement, avant de commencer, notre organisme salue la démarche du ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, M. Couillard, de débattre publiquement de sa position contenue dans le livre blanc. Merci beaucoup.

Sans dogmatisme idéologique, notre organisation est en faveur du maintien d'un système de santé et de services sociaux universel, public et gratuit pour l'ensemble des Québécoises et des Québécois. En gros, nous sommes d'accord pour maintenir le statu quo en ce qui concerne le financement et l'accès aux services médicaux.

Cette position est soutenue par plusieurs groupes et associations de la société, dont la Coalition Solidarité Santé, le Front commun des personnes assistées sociales du Québec et par le Parti québécois. La position du ministre de la Santé et des Services du Québec contenue dans le livre blanc, favorisant progressivement l'ouverture au privé de notre réseau de santé et de services sociaux, n'est pas, selon notre organisation, une solution socialement acceptable. Cette proposition gouvernementale est contraire aux valeurs fondamentales partagées par la société québécoise.

Nous sommes d'avis que le gouvernement du Québec ne peut se servir du jugement final et sans appel de la Cour suprême du Canada comme caution juridique et politique pour la privatisation du réseau de santé et des services sociaux. Notre organisation déplore la déclaration du premier ministre du Québec, M. Jean Charest, à l'effet que la Cour suprême du Canada avait, dans l'affaire Chaoulli, ordonné au législateur québécois de créer une place au secteur privé dans le système public.

Selon notre organisation, le jugement de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Chaoulli accorde le droit aux Québécois et Québécoises de contracter une assurance privée pour se payer des soins médicaux déjà offerts gratuitement par le secteur public. Ce jugement de la Cour suprême est motivé par le fait que les délais d'attente et l'interdiction de se procurer des assurances de santé privées au Québec mettaient en péril le droit à la vie et à la sécurité de la personne garanti par la charte québécoise des droits et libertés de la personne.

n(20 h 10)n

L'ouverture au privé de notre réseau de santé et des services sociaux étant une option socialement inacceptable, car étant contraire aux valeurs fondamentales des Québécois et Québécoises, notre organisation favorise le recours à la clause dérogatoire prévue dans la Charte québécoise des droits et libertés. Le recours à cette clause dérogatoire aurait un effet de conserver le statu quo en matière de financement et d'accès au service médical. De cette façon, l'État maintiendrait l'interdiction de l'assurance privée pour les services médicaux et hospitaliers couverts par le régime public. Le gouvernement du Québec doit prendre les mesures appropriées pour renforcer notre système de santé et services sociaux, tout en garantissant l'accès à des soins de qualité pour tous les Québécois sans distinction et en réduisant les délais d'attente.

Selon la Coalition Solidarité Santé, l'introduction d'un système parallèle fondé sur le recours aux assurances privées engendre, entre autres, de sérieux problèmes d'équité et draine les ressources du secteur public vers le privé, accentue le problème des listes d'attente dans le secteur public et alourdit la facture des dépenses de santé. De plus, il ne faut pas oublier que, dans un contexte des traités commerciaux internationaux, une privatisation et une marchandisation des soins de santé ouvrent la porte aux puissantes entreprises américaines de soins de la santé.

De plus, notre organisation souscrit aux principes directeurs énoncés dans la Loi canadienne sur la santé, notamment le principe d'universalité et le principe d'accessibilité: selon le principe d'universalité, tous les résidents assurés de la province ont droit aux services de santé assurés offerts par le régime d'assurance santé provincial selon les modalités uniformes; de plus, selon le principe d'accessibilité, l'accès raisonnable pour les résidents d'une province aux services hospitaliers, médicaux et de chirurgie buccale assurés selon les modalités uniformes et sans qu'il soit restreint directement ou indirectement par des frais modérateurs, une surfacturation ou d'autres moyens, exemple: fondés sur l'âge, sur l'état de santé ou situation financière.

En matière de santé, le rôle de l'État est central. L'État assume un double rôle: premièrement, celui de guérir et aussi celui de prévenir. L'État a l'impérieuse responsabilité d'augmenter l'accès et la qualité des services préventifs. Notre organisation est en faveur du maintien du financement du réseau public par les fonds publics provenant de l'impôt sur le revenu et des taxes. Pour notre organisation, la priorité était et demeure le règlement des listes d'attente à l'intérieur du système public de façon durable.

Ceci termine la position de notre organisme face à l'option du gouvernement. La prochaine section abordera les moyens dont propose notre organisme afin de s'assurer que le système, un système public financé par les fonds publics, en matière de santé pourra devenir fonctionnel et autonome à la longue.

Au 31 mars 2005, la dette totale du gouvernement du Québec a atteint à peu près 117 milliards de dollars. Le coût de financement de cette dette atteint 7,6 milliards de dollars pour l'année 2005-2006. C'est le troisième poste de dépense du gouvernement du Québec après la santé et l'éducation. Par contre, même dans ce contexte des finances publiques, selon notre organisation, le financement du réseau de santé public doit être assuré exclusivement par l'impôt sur le revenu, et les taxes, et les paiements de transfert fédéraux.

Afin d'assurer la pérennité financière de notre réseau public de santé et de services sociaux, notre organisation estime que l'État du Québec devrait privilégier trois axes d'intervention. Le premier serait l'augmentation du niveau de santé général des Québécoises et des Québécois en travaillant sur les déterminants de la santé, le deuxième axe étant d'assurer une gestion plus efficace et rigoureuse des ressources existantes du réseau de la santé, et finalement d'accroître les revenus de l'État dédiés à la problématique de la santé en général des Québécoises et des Québécois et non uniquement dédiés pour le réseau de la santé.

En ce qui concerne le premier axe, qui est l'augmentation du niveau de santé, afin d'augmenter le niveau général de santé des Québécois et des Québécoises, l'État doit implanter une politique nationale de prévention en santé qui tient compte de l'ensemble des déterminants de la santé. Comme le mentionne le livre blanc, la prévention peut sauver des vies, améliorer la qualité de vie de façon importante et réduire de façon importante les dépenses en soins médicaux.

En matière de prévention, notre organisation recommande, dans le cadre d'une politique nationale de prévention en santé, au ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, les mesures suivantes: la diffusion périodique d'une campagne gouvernementale pour la promotion de saines habitudes de vie; d'allouer les ressources nécessaires pour faire respecter la Loi sur le tabac; la préparation et l'implantation d'une politique nationale de sport; l'élaboration et l'implantation d'une politique-cadre pour soutenir les aidants naturels; le maintien des taxes spéciales sur le tabac; et l'implantation d'une taxe et une réglementation sur la malbouffe.

Notre organisation demande que, d'ici trois ans, conformément aux recommandations de l'Organisation mondiale de la santé, 5 % du budget du ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec soit consacré à la promotion de la santé et à la prévention.

Notre organisation tient à rappeler que les conditions socioéconomiques ont une influence déterminante sur la santé. L'État a donc l'obligation de lutter contre les inégalités sociales, la pauvreté et l'exclusion sociale. En capitalisant sur les acquis de la Révolution tranquille, la société québécoise doit continuer d'affirmer son caractère distinctif et progressif en matière de développement social. Notre société doit s'engager résolument à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Avec maturité et pragmatisme, notre organisation demande au gouvernement du Québec de s'affranchir de son discours idéologique néolibéral et de s'attarder à répondre aux besoins fondamentaux de sa population en luttant contre les inégalités sociales. Notre organisation demande de rouvrir le dialogue avec les représentants de la société civile pour bâtir une société juste et équitable pour tous les citoyens du Québec sans distinction.

Malgré nos représentations, le Parlement du Québec a adopté le projet de loi sur l'aide aux personnes et aux familles qui réforme, au plan législatif, le régime québécois de soutien du revenu. Cette loi n'a pas introduit le principe du barème plancher comme nous l'aurions voulu mais a seulement introduit le principe d'une prestation minimale qui peut, à cause du test de ressources prévu dans la loi, être réduite à zéro. L'ensemble des forces progressistes de la société civile s'est opposée à ce projet de loi qui maintient l'appauvrissement des personnes les plus démunies de notre société et qui reconnaît au plan législatif le pouvoir discrétionnaire et arbitral du ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale pour certains programmes d'aide financière.

Devant les injustices engendrées par ce système de la sécurité du revenu, l'Organisation d'aide aux sans-emploi propose, dans le cadre d'une réforme de la fiscalité, l'implantation d'un revenu de citoyenneté sous forme de crédit d'impôt remboursable d'un montant de 15 000 $ payable par le ministère du Revenu du Québec. Ce revenu de citoyenneté serait accessible à tous sans distinction. Il s'agit d'un système universel. Ce revenu de citoyenneté serait insaisissable, incessible et non imposable. Ce revenu serait versé sur une base individuelle et non familiale. Cette aide financière serait inconditionnelle et déterminée uniquement en fonction du revenu imposable. On ne devrait pas tenir compte d'autres ressources financières, telles les biens et les avoirs liquides. Ce revenu de citoyenneté pourrait être versé mensuellement ou par anticipation.

Notre proposition de revenu de citoyenneté est respectueuse des prescriptions de la Charte des droits et liberté de la personne du Québec et de l'esprit de la loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale et son objectif général poursuivi, soit celui d'améliorer significativement les conditions socioéconomiques des personnes en situation de pauvreté. En effet, selon l'article 45 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, «toute personne dans le besoin a droit, pour elle et sa famille, à des mesures d'assistance financière et [...] des mesures sociales, prévues par la loi, susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent».

Notre organisation profite de l'occasion pour réitérer notre demande que, sous l'autorité du premier ministre du Québec, le ministre des Finances du Québec mandate la Commission parlementaire des affaires sociales de l'Assemblée nationale du Québec d'étudier la faisabilité de la mise en oeuvre du revenu minimum de citoyenneté pour chacune des personnes résidant sur le territoire québécois. Cette commission parlementaire serait chargée de tenir des audiences publiques dans l'ensemble des régions administratives du Québec afin de dégager un vaste consensus au sein de la population générale.

n(20 h 20)n

Selon notre organisation, cette loi-cadre consacre le principe du maintien de l'État-providence mettant ses ressources en vue de lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Selon notre organisation, l'État québécois, doit, comme j'ai dit, à titre d'État providence assumer ses responsabilités envers les personnes démunies en leur garantissant un revenu minimum pour couvrir leurs biens essentiels. De plus, notre organisation s'est opposée à l'adoption et à l'entrée en vigueur, en septembre 2004, du règlement modifiant le Règlement sur le soutien du revenu édicté en vertu de la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale du Québec qui a, entre autres choses, restreint la notion de résidence, supprimé, à titre de prestation spéciale, l'allocation-logement et a diminué les besoins reconnus des personnes vivant chez leurs parents.

Ces modifications réglementaires ont permis à l'État de faire des compressions budgétaires au ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale du Québec. Entre autres, récemment, notre organisation, à titre d'organisme membre du Front commun des personnes assistées sociales du Québec, a participé à la campagne nationale visant à demander au gouvernement du Québec, à titre de mesure urgente et immédiate en matière de lutte à la pauvreté, de bonifier les conditions socioéconomiques des personnes les plus pauvres de notre société.

Le Président (M. Copeman): M. Sadegh, il vous reste trois minutes.

M. Sadegh (Eiman): Il reste trois minutes?

Le Président (M. Copeman): Exact.

M. Sadegh (Eiman): O.K. Merci. En effet, selon ces campagnes, il est primordial de rétablir l'indexation annuelle complète de toutes les prestations d'aide sociale, de rétablir la gratuité des médicaments et l'exemption de la pension alimentaire... l'exclusion totale, je m'excuse, des revenus provenant d'une pension alimentaire.

En ce qui concerne la gestion des ressources existantes, notre organisme est d'avis que le gouvernement devrait continuer à travailler étroitement avec les universités du Québec afin d'augmenter le nombre d'admissions dans les facultés de médecine. Concernant la reconnaissance de la formation médecine étrangère, notre organisation tient à souligner l'engagement du gouvernement du Québec à déposer, d'ici juin 2006, un projet de loi modifiant le Code des professions afin de reconnaître la formation et les diplômes des nouveaux arrivants.

Je vais vous laisser sur les recommandations de notre organisme au ministre, qui se trouvent à la page 36 du mémoire. Avant tout, sur la base de nos observations et de nos commentaires, l'ODAS demande au ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, M. Couillard: de recommander au Conseil des ministres du gouvernement du Québec de maintenir l'intégrité du réseau public de la santé et des services sociaux; d'avoir recours à la clause dérogatoire prévue à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec afin que l'article 11.1 de la Loi sur l'assurance hospitalisation et l'article 15 de la Loi sur l'assurance maladie soient maintenus en vigueur; de réduire les délais d'attente à un délai raisonnable afin de se conformer aux prestations de l'arrêt Chaoulli de la Cour suprême du Canada et ainsi respecter les droits fondamentaux des Québécoises et des Québécois; d'accroître les revenus fiscaux de l'État par une forme de la fiscalité des particuliers et des entreprises ciblant des mesures fiscales précises; d'augmenter les revenus de l'État en entamant des négociations avec le gouvernement fédéral pour hausser ses paiements de transfert; de procéder à un examen critique des dépenses de programmes de l'État dédiés aux entreprises; d'implanter une politique nationale de prévention de la santé, incluant une politique nationale des sports; de prioriser la lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale dans la perspective où les conditions socioéconomiques constituent l'un des déterminants de la santé; et de gérer d'une manière plus rigoureuse et optimale les ressources existantes dans le réseau public de la santé et des services sociaux tout en augmentant le nombre de professionnels de la santé. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, M. Sadegh. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci beaucoup pour votre présentation. Je l'ai trouvée bien intéressante. Dites-moi, vous parlez de la Loi canadienne sur la santé. L'ensemble des observateurs ont conclu que notre document de consultation était conforme à la Loi canadienne sur la santé. D'après vous, l'est-il? Ou, s'il ne l'est pas, quel critère d'après vous n'est pas respecté?

M. Sadegh (Eiman): Bien, en ce qui concerne les critères des différents éléments qui sont édictés par la loi canadienne, il s'avérait qu'il serait nécessaire de conserver le principe d'universalité et d'accessibilité. Et on est d'avis que, si on laisse le développement d'un système privé sur le côté, cela pourrait mettre en, comment je pourrais dire... cela pourrait rendre plus vulnérable le principe d'universalité et d'accessibilité. C'est dans ce sens-là que je soumettais l'argument.

M. Couillard: Mais, au contraire, on a, nous, la conviction qu'on augmente l'universalité et l'accessibilité, puisqu'on n'introduit pas, nulle part, de système de santé privé parallèle. Il existe déjà des médecins non participants qui ont des cliniques, qui opèrent des patients contre un financement direct. Ce n'est pas nous qui l'introduisons, ça existe depuis des années, on n'ajoute rien.

M. Sadegh (Eiman): Oui. En fait, c'est que pour les services dont il est interdit de le faire en ce moment, des services qui sont déjà couverts par le système public.

M. Couillard: Oui, mais c'est déjà comme ça.

M. Sadegh (Eiman): O.K. Le principe...

M. Couillard: Écoutez, on va passer à un autre élément de votre présentation, les valeurs fondamentales. Vous dites que la proposition est en opposition avec les valeurs fondamentales du Québec, des Québécois. Lesquelles?

M. Sadegh (Eiman): Bien, celui de l'État-providence, de s'assurer que tout citoyen, peu importent ses revenus, sa situation financière, puisse avoir accès dans des conditions valables à des soins médicaux.

M. Couillard: O.K., ça, je suis d'accord, c'est ce qu'on fait. On veut s'assurer que l'ensemble des Québécois aient accès aux soins médicaux sans égard à leurs revenus. Est-ce qu'il y a un endroit dans le document où ce n'est pas ça?

M. Sadegh (Eiman): Oui. Mais, nous, on est justement d'avis que le fait de permettre la mise en place d'un système privé mettrait ça en péril.

M. Couillard: Qu'est-ce qui met en place un système privé dans le document?

M. Sadegh (Eiman): Bien, ce n'est pas le document qui... Ce que je veux avancer, c'est que, si on suit les propositions, par exemple, de M. Charest, que l'arrêt de la Cour suprême fait en sorte que le législateur devrait permettre l'utilisation d'assurance privée pour les services qui sont déjà offerts par le secteur public, c'est cela qui mettrait en danger le droit des individus qui ont des fonds plus limités à avoir recours à des services de santé.

M. Couillard: Mais, si ça n'existait pas maintenant, je serais très bien avec vous, là, mais il y a déjà des médecins non participants qui ont des cliniques à Montréal depuis des années, qui font des actes médicaux assurés par le public, pour lesquels les gens peuvent payer. Donc, on n'introduit rien de nouveau. Tout ce qu'on fait, c'est restreindre l'ouverture à l'assurance privée, qui aurait pu être amenée par les suites du jugement, à seulement trois chirurgies qui sont, elles, couvertes par une garantie d'accès pour l'ensemble de la population. Alors, à notre avis, on ne met absolument pas en jeu l'universalité et l'accessibilité.

M. Sadegh (Eiman): ...vous pensez plus par après élargir à partir de ces trois chirurgies-là. Si j'ai bien compris le livre blanc, c'est que la proposition que vous voulez mettre en place par après, ce serait d'élargir ce traitement à d'autres chirurgies, autres que les trois qui sont explicitement nommées?

M. Couillard: Ça, c'est une bonne remarque, puis d'ailleurs on l'a entendue plusieurs fois dans la commission. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on a décidé de ne pas le faire par règlement. Vous savez, dans le document, c'est marqué que, par règlement, on pourrait augmenter le nombre de chirurgies qui sont ouvertes à l'assurance privée. Suite aux remarques en commission parlementaire, on a déjà annoncé que ce serait possible uniquement par voie législative. Donc, un autre débat à l'Assemblée nationale. Donc, ça va être assez difficile, beaucoup plus difficile que ce l'était dans la version initiale du document. Alors ça, je pense que c'est un élément important que vous amenez, qui a été amené également par d'autres groupes ici, à la commission.

Vous semblez beaucoup donner de l'importance à la taxation, aux impôts et à la taxation pour le financement des services de santé. Il y a un problème cependant, qui est un problème un peu mathématique, là, c'est l'augmentation des dépenses de santé de 5 % à 6 % par année. Vous recommandez par ailleurs d'augmenter, comme beaucoup, le budget de la prévention à 5 %, vous dites, des dépenses du ministère ? d'autres disent des dépenses du réseau, ce n'est pas tout à fait la même chose, mais en fait, c'est une augmentation. Donc, on est devant une situation d'augmentation des dépenses en santé plus rapide que les revenus de l'État. Si on fait l'imposition pour compenser ça, jusqu'où on monte les impôts des gens qui en paient? Ce n'est pas tout le monde qui paie des impôts au Québec. Jusqu'où on monte les impôts pour ça?

n(20 h 30)n

M. Sadegh (Eiman): Oui, je suis content que vous ayez posé cette question-là. Ça me permet d'élaborer un point que peut-être j'ai un peu moins de temps de parler lors de ma présentation. En effet, je veux vous référer à la page 32 du mémoire. Ici, on parle de l'étude du professeur titulaire de la Chaire d'études socioéconomiques de l'UQAM, M. Léo-Paul Lauzon, qui a fait une étude et qui a trouvé qu'entre autres l'impôt qui serait exigé pour justement remplir ce trou dont vous parlez, qu'on ne peut pas augmenter pour tout jamais les impôts, ça proviendrait plus des compagnies et non des citoyens. Parce que, comme le démontre déjà, depuis quelques années, bien depuis assez longtemps ? les dates exactes sont de... une comparaison entre 1964 et 2004, c'est que l'impôt des compagnies, payé par les compagnies, a considérablement diminué, tandis que l'impôt des contribuables n'a que cessé d'augmenter, et il suffirait de trouver un juste milieu entre les deux afin que les compagnies qui paient moins d'impôt en ce moment puissent venir couvrir le... pas le déficit, mais le manque de fonds sur ce point-là.

M. Couillard: Et effectivement c'est des suggestions qu'on a entendues également. Par ailleurs, les représentants des entreprises sont venus ici, en commission, nous ont fait remarquer que la taxe sur la masse salariale, qui est déjà prélevée sur les entreprises, couvre actuellement 25 % des dépenses en santé du gouvernement. Ils ont l'impression qu'ils paient largement assez d'impôt et de taxes pour ça, les entreprises, et que d'aller plus loin risquerait de créer des pertes d'emplois et de la difficulté d'employer les Québécois. Ça, ça n'aidera pas à financer les programmes sociaux si on perd des emplois, d'après eux, là. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Sadegh (Eiman): Oui, mais, nous, nous sommes d'avis que c'est... le système de taxation qu'on propose en fait, on ne parle pas de surtaxer les compagnies. Tout ce qu'on veut, c'est que les compagnies paient plus qu'elles ne le font en ce moment, parce qu'on est d'avis que le pourcentage des taxes provenant des compagnies qui sert à financer les services de santé n'est pas satisfaisant.

M. Couillard: Bien. Merci.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Joliette.

M. Valois: Bien, vous saluer, vous remercier beaucoup de votre... bien, de vous être déplacés. Une présentation, à 20 heures, comme ça... Je vous remercie beaucoup. Nous, ça fait partie de nos travaux parlementaires de toute façon, mais, pour vous... On vous remercie beaucoup d'accepter, là, des fois ces horaires-là qu'on vous demande et de vous plier à ça, d'avoir une contribution qui vous est propre et qui est importante. Comme le président le notait à juste titre, vous êtes les 91e à venir présenter un document. Et ce que j'essaie de trouver à l'intérieur de chacun des documents, c'est la contribution particulière de ces groupes-là évidemment, en même temps qu'on essaie aussi de ressortir sur quels éléments est-ce que les groupes nous interpellent le plus souvent.

Notamment, et je pense que vous avez raison de... Lorsque vous apportez, aujourd'hui, vos appréhensions d'un document que vous avez remis, bon, avant que justement 90 autres groupes viennent nous en parler et que vous parlez de cette brèche au niveau du privé, qui pourrait, par règlement, devenir plus grande, bien vous aviez raison lorsque vous écriviez peut-être le document, de voir... Bien, il y a un questionnement. Mais, nous, au fur et à mesure qu'on a rencontré les 90 autres groupes, la position du ministre par rapport à ça, elle s'est modifiée, et on a été, nous, les premiers témoins de voir... bien, modifiée, du moins elle s'est clarifiée. Et on a été les premiers témoins, nous, de ça et de voir que, par rapport au document que vous écriviez, qui est à juste titre fondé, il y a eu ici, entre le moment où vous avez déposé votre document et le moment où vous venez faire la présentation, cet ajustement-là ou du moins cette clarification-là qui fait en sorte que, oui... Et ce n'est pas la première fois qu'on l'entend du ministre, là, que ce ne sera pas par règlement mais bien par loi. Et qui dit «par loi» dit «commission parlementaire», «débat de société», débat de société qui ne serait pas si simple que ça, étant donné qu'on a ouvert de façon très spécifique pour quelque chose, mais de vouloir modifier ça pour d'autres privés, ce serait justement de dire que du privé serait donc une brèche qu'on pourrait élargir, et là, à partir du moment où est-ce qu'on commence à élargir la brèche, bien là c'est comme une orientation beaucoup plus importante. Alors, ce débat-là, il n'est pas à nos portes tellement on le voit, à quel point tous les groupes qui viennent, notamment vous, nous souligner... à quel point même cette brèche-là, elle est inquiétante. Et je pense qu'à juste titre vous devez le faire, et vous le faites, et je vous en remercie.

Même chose notamment pour le rôle des cliniques affiliées, où il y avait tout un questionnement. Il y avait tout un questionnement, notamment de plusieurs groupes: leur statut, leur rôle à l'intérieur du système public, le type d'entente qu'ils devront avoir avec nos centres de santé et de services sociaux, le type de relation qu'ils auront. Ça aussi, au fur et à mesure, ces clarifications-là, nous, nous les avons eues. Alors, d'arriver, aujourd'hui, avec un document qui évidemment a été pondu sur le fait que vous receviez tous ces éléments-là est tout à fait normal par rapport au fait où est-ce que, nous, présentement, à la suite des débats, nous sommes rendus. Et ça, là, je vous demande de prendre ça de façon tout à fait normale, et vous êtes encore tout à propos par rapport notamment au questionnement. Et le fait d'avoir eu ces questionnements-là, d'arriver 91e, ça fait en sorte que... Bon, on a donc répété souvent, mais sauf que... C'est parce qu'il y a eu des premiers avant vous, qui sont venus, puis on a clarifié les choses, ce qui fait en sorte qu'aujourd'hui, nous, on est rendus ailleurs. Mais, si vous aviez été les premiers, bien, sûrement que le genre de débat... Puis, moi-même, ici, à titre, bon, de porte-parole de l'opposition, j'aurais moi-même demandé des clarifications. Mais les clarifications, moi, je n'ai plus à les demander, tellement je les entends souvent de la part du ministre, notamment sur les cas que vous nous apportez. Alors ça, je pense que c'est important de vous dire ça.

Alors, en ce sens-là, votre document demeure, quant à moi, un document qui est important, un document qui est pertinent et qui va dans le sens de plusieurs autres documents qu'on a eus. Puis c'est l'important pour nous de voir là où les gens, la société québécoise, c'est quoi qui leur tient à coeur, les gens, et c'est quoi qui... Alors, l'accumulation de ces éléments-là nous envoie un message de: Bien, regardez à quel point, là, il y a des sensibilités avec lesquelles on doit faire attention lorsque, nous, comme législateurs, nous devons aller de l'avant ici, dans cette Assemblée. Alors, cette contribution, nous la recevons très bien.

Vous parlez de... Et je pense que vous êtes un des groupes certainement qui êtes allés, en termes d'exemple... Parce que plusieurs personnes nous parlent des déterminants sociaux de la santé et, à côté du système de santé ou en périphérie du système de santé, mais, dans toute l'action gouvernementale, le type d'intervention qu'on devrait donc avoir un peu partout... Mais les gens, quand ils nous parlent de déterminants sociaux de la santé, lorsqu'ils nous parlent de prévention, bien souvent c'est pour dire: La prévention, c'est important, il faudrait peut-être y penser. Les déterminants sociaux de la santé sont un élément qu'il est, il me semble, important de toucher. Et là les gens, ils disent ça, puis ils passent à un autre paragraphe par la suite. Mais, vous, vous ne vous êtes pas contentés de passer par un autre paragraphe, vous vous êtes... Vraiment, la liste que vous nous apportez sur les déterminants sociaux de la santé est très, très... est très volumineuse sur le type d'intervention, bon, dans tous les ministères, là, bon, tout ce qu'il pourrait y avoir.

Moi, là... Parce que je veux en entendre parler parce que vraiment... parce que la...

Des voix: ...

M. Valois: Écoutez, là...

Une voix: ...

M. Valois: Non, non, mais là ce n'est pas... Je ne sortirai pas...

Le Président (M. Copeman): Franchement, on attendait un coup d'éclat, M. le député.

M. Valois: Bien non, mais ce sera...

Une voix: ...voir la bande vidéo de ça.

M. Valois: Non, non, non, mais vous allez... Je ne veux pas décevoir personne, là, c'est vraiment... Vous avez tout vu, vous avez tout lu. Oui, j'ai... Non, mais je suis quasiment mal, tu sais, parce que ce n'est vraiment pas... C'est qu'il y a un élément de votre document que je veux... Je veux élaborer, je veux élaborer, parce que vous... Ils sont tous en train de me regarder, je trouve ça... En tout cas.

Une voix: ...

M. Valois: Bien, c'est ça. Bien, je vais y aller tout de suite, là, parce que je veux vraiment vous parler du lien... parce qu'évidemment, lorsqu'on parle de lutte à la pauvreté, c'est un élément qui est, il me semble, fondamental.

On va chercher bien souvent... On va regarder, on va parler justement de santé, on pourrait parler aussi de toxicomanie, on pourrait parler de différentes problématiques sociales; bien souvent, elles ont la même source: pauvreté. Essentiellement, là, tu sais, on a beau arroser le feu en haut, là; bien souvent, il faut arroser la base quand on veut éteindre un feu, hein? Ce n'est pas en... Tu sais, là, on essaie bien de ne pas faire en sorte que les flammes montent, mais, quand on arrose à la base, bien souvent ça...

Et là vous arrivez avec cette idée qu'il faudrait faire une commission parlementaire et un large débat sur le revenu de citoyenneté, comme si... et ça, je veux vous entendre parce que... comme si, demain matin, si on décidait qu'il y avait un 15 000 $ qui était donné au citoyen, bien, justement, pas que la pauvreté serait réglée, mais il y aurait un bon bout de fait, comme si c'était... la formule, là, à prendre, pour nous, les parlementaires, était de dire: On y va avec un chèque pour tout le monde, et puis ce sera un pas dans la bonne direction. Évidemment, je dis ça de façon très grande, j'essaie de provoquer le débat, parce que j'imagine que c'est beaucoup plus nuancé que ça. Et puis, là-dessus, bien, je veux entendre vos nuances, par exemple, je veux entendre vos nuances qui font en sorte qu'on puisse arriver à une proposition semblable.

M. Robillard (Mathieu): Vous m'entendez? Oui?

M. Valois: Aussitôt que la lumière s'allume.

n(20 h 40)n

M. Robillard (Mathieu): O.K. Mathieu Robillard. Je suis l'organisateur communautaire de l'ODAS, pour laquelle je travaille. Et puis, pour répondre à votre question, étant donné que ça provient aussi, le revenu de citoyenneté, du Parti québécois, avec M. Lazure, ce qu'on aimerait dire là-dessus, c'est que, nous, on travaille avec beaucoup de gens qui vivent des situations de pauvreté, et la pauvreté économique amène souvent la pauvreté au niveau de la santé. On le voit souvent avec la non-gratuité des médicaments: les gens préfèrent manger plutôt que payer leurs médicaments, donc, en effet, ça aggrave leur cas. Et c'est pour ça qu'on propose un revenu citoyen garanti et aussi pour permettre aux gens de sortir de la spirale de la pauvreté, puisque, avec 537 $ par mois, c'est très dur d'investir dans son avenir, c'est très dur de retourner à l'école, c'est très dur même juste de se faire une vie. Donc, on considère qu'avec 15 000 $ ces gens-là pourraient beaucoup mieux s'en sortir, et leur santé s'améliorerait, et on croit que ça sauverait des coûts à l'État. C'est pour ça qu'on le propose, là. Je ne sais pas si j'ai bien résumé le propos.

M. Valois: Il y a un très large débat, même chez les progressistes, de ce côté-là, où, des fois, de penser justement donner un montant d'argent, bien ce n'est peut-être pas la meilleure façon d'intervenir lorsqu'il s'agit de lutter contre la pauvreté. Il faut y aller bien souvent aussi avec des mesures d'accompagnement parce que ce n'est pas comme ça, en disant: Bien, maintenant que vous allez avoir les fonds nécessaires, bien, moi, je n'ai plus besoin, là... bien, vous pourrez avoir vous-mêmes les marges de manoeuvre pour justement faire les choix qui sont des choix de nourriture, de médicaments et de logement, et ci et ça. Je trouve que c'est de présumer énormément, et certains... Chez les progressistes notamment, il y a beaucoup de personnes qui disent: Au-delà de juste penser, bon, y aller avec l'argent, il faut qu'il y ait des mesures d'accompagnement. J'imagine que vous pensez aussi les mesures d'accompagnement, vous ne pensez pas simplement le montant comme ça, là?

M. Robillard (Mathieu): Non, en fait, pour nous, le revenu garanti est complémentaire aux programmes sociaux déjà existants. Donc, ce qu'on se dit, c'est: avec ça plus les programmes sociaux qui sont maintenant en place et qui doivent être maintenus, on croit que les gens ont une meilleure chance de s'en sortir, et c'est dans cet aspect-là qu'on le propose.

Et peut-être pour répondre dans un cadre plus large au niveau des progressistes, oui, en effet, il y a débat, mais, à travailler avec les gens qui sont sur l'aide sociale en ce moment, on voit que ce serait vraiment une solution, et ce n'est pas seulement une question de débat, mais c'est une solution pour le Québec.

M. Sadegh (Eiman): En effet, moi, je suis complètement d'accord avec vous que ce n'est pas juste un montant de plus par mois qui va fixer la... le problème de la pauvreté. Il faut surtout accompagner ça par des mesures d'éducation ou par des institutions qui ne vont pas régulariser mais qui vont un peu faire comprendre aux gens comment ils devront investir ces montants-là, et c'est vraiment la seule façon de sortir de leurs problèmes, de leur problématique. Ce ne serait pas juste de donner l'argent, mais ce serait aussi de leur enseigner comment s'en servir, de cet argent-là, pour sortir de manière... bien, d'une bonne manière, de faire ce qu'il faut de jour en jour afin de pouvoir sortir de leur problématique.

M. Valois: Une chose est certaine, c'est que les défis de la santé que nous avons sont intimement liés à comment nous mènerons la lutte à la pauvreté. Ça, je pense que les deux... Comme je disais, là, c'est clair que les deux sont intimement liés.

Maintenant, juste de façon plus spécifique, là, pour ce qui est prévention, lutte à la pauvreté, tout ce qui s'appelle déterminants sociaux de la santé, agir de ce côté-là, c'est une chose. Agir maintenant aussi en termes de ressources dans le système de santé, vous nous dites: impôts et taxes, mais vous n'êtes pas pour la création d'un régime d'assurance de perte d'autonomie. Alors, comment... On paie des impôts et des taxes et on laisse comme ça le ministère de la Santé et des Services sociaux, on ne va pas chercher une caisse d'assurance, on ne fait pas une caisse santé, on ne crée pas ce régime-là. Ça, vous écartez tout ça du revers de la main? La seule solution ou les seules solutions que vous apportez sont réellement impôts et taxes, puis on continue avec ça?

M. Sadegh (Eiman): En effet. On a aussi d'autres... on propose aussi d'autres mesures qui ne sont peut-être pas aussi importantes mais qui peuvent être utilisées comme mesures accessoires, par exemple, des recours contre les compagnies de tabac. On invite le ministère de la Santé et des Services sociaux, avec le concours du ministère de la Justice du Québec, d'étudier la possibilité d'intenter des recours contre les fabricants du tabac pour recouvrer des milliards de dollars en dépenses de santé liées au tabagisme. Ça, ça pourrait être une autre option accessoire. Mais en gros vous avez bien déniché notre point de vue.

M. Valois: O.K., ça se base vraiment... C'est parce que, lorsque vient le temps de parler de cette... Évidemment, ça va finir par être... Bon, les gens qui vont finir par contribuer pour ça, là, que ce soit d'une façon ou d'une autre, qu'on augmente les tarifs d'Hydro ou qu'on augmente les taxes, les impôts, ou qu'on rebalance ces choses-là, là, on finit toujours par se regarder entre Québécois puis se dire: Bon, comment est-ce qu'on va chercher l'argent?

Et, lorsque vous me parliez des entreprises privées d'ailleurs, il y aura un débat très important, très important et que nous devons mener, visiblement, parce que, pour les députés, les gens qui sont ici, qui siégeons dans cette Assemblée, qui avons l'opportunité de rencontrer des fois des compagnies qui viennent notamment de d'autres pays où il y a un système privé, notamment les États-Unis, de voir notre système public de santé devient un avantage pour eux autres, mais réellement un avantage, alors qu'ici, lorsqu'on rencontre les gens qui sont les porte-parole des chambres de commerce ou du patronat, on ne semble pas être très chaud à cet avantage-là d'avoir un système public de santé, et on veut l'ouverture au privé, puis pourtant c'est cette ouverture au privé là qui fait en sorte que... En tout cas, moi, je peux vous le dire, un cas concret dans la circonscription de Joliette où je suis le député, l'entreprise Firestone a réinvesti 50 millions dans l'entreprise, ici, au Québec, parce que, pour eux autres, il n'y avait plus possibilité, étant donné les coûts de santé notamment, et c'était carrément dit que c'était sur cet élément-là... cet élément-là était, sans être le seul, il était quand même assez déterminant de leur intervention. Alors, il y a un dialogue à y avoir avec les entreprises, et il n'est pas pour... pour d'abord leur dire à quel point il y a un avantage, et ça, j'en suis conscient. Mais là, vous, vous dites non seulement leur faire comprendre qu'il y a un avantage, mais en plus leur demander de contribuer plus. C'est ce que je comprends aussi, là?

M. Sadegh (Eiman): En effet, mais, nous, on est d'avis que, même si les compagnies sont en train de payer un certain pourcentage que peut-être, selon eux, c'est... selon eux, comment je pourrais dire, qui leur... pas qui leur convient, mais qu'ils ne veulent pas payer plus que ça, nous sommes d'avis qu'on a quand même besoin d'une contribution de plus de leur part afin de pouvoir mettre en place un tel système de santé public.

M. Robillard (Mathieu): Parce qu'à moins que je ne me trompe la contribution des entreprises en ce moment est à 17 %, ce qui est assez dérisoire, si on veut. Et, en plus, si on regarde des pays comme la France, qui ont la notion de coût social, on pense que ça pourrait s'appliquer aussi au Québec. Je veux dire, je crois personnellement, et je pense que ça représente bien la position de l'organisme, que les entreprises doivent investir aussi par l'impôt. Ils investissent aussi dans la société dans laquelle ils s'établissent. Ils ont des jeunes qui sont formés, les universités. Et ils ont des systèmes de santé aussi qui sont assez, assez respectables et dont les coûts sont très minimums, comme vous l'avez spécifié dans le cas de Joliette. Donc, oui, on pense que, si on augmente le taux d'imposition des entreprises, ils vont rester ici quand même. Ça, on n'a pas vraiment la peur de ça, et on pense que c'est plutôt un argument qui peut provenir du Conseil du patronat, mais ça, c'est un autre débat, je crois.

M. Valois: Non, non, mais c'est... Bien, c'est un autre débat... on est en plein débat de comment on va chercher le financement de ce réseau-là à partir du moment où est-ce qu'on le veut public, universel, mais collectivement... contribuer collectivement pour ça. Écoutez, il y a certainement lieu de se poser des questions sur comment est-ce qu'on va finir par aller chercher les fonds nécessaires pour ça, tout en équilibrant, comme je vous dis, tout en équilibrant toutes les responsabilités qu'on a aussi à assumer.

Je suis très heureux de vous entendre, d'avoir reçu votre documentation. S'il y avait simplement... Et là, là-dessus, là, c'est vraiment ma dernière question mais qui vous appartient totalement: Y a-tu un élément, là, que vous... Plutôt que de se dire, dans le corridor: Ah! j'aurais aimé ça pouvoir dire ça, bien vous pouvez essayer de le dire ici. Puis, regardez, là, je vous laisse les deux minutes qu'il me reste là-dessus.

M. Sadegh (Eiman): Justement, c'est... À la page 34 du mémoire, il y a aussi une autre solution qu'on apporte justement à cette problématique de manquement de fonds, qui suscite l'attention de tout le monde, et c'est très compréhensible. On pense aussi... On soumet aussi une certaine réforme des taxes à la consommation. On propose, par exemple, d'augmenter le taux de la taxe de vente, TVQ, pour les autres produits et services, et cela, dans l'hypothèse que le gouvernement fédéral diminue la taxe sur les produits et services...

M. Valois: Ah oui?

M. Sadegh (Eiman): ...afin de réinvestir cet espace fiscal. Ça fait que ça, ça pourrait toujours être un autre moyen de financement pour le système.

M. Valois: Ça fait que vous pensez qu'on a manqué une bonne occasion, là.

M. Sadegh (Eiman): Pardon?

M. Valois: Vous pensez qu'on a manqué une bonne occasion, là, avec le...

M. Sadegh (Eiman): Oui. Mais justement on...

M. Valois: C'est ce que vous êtes en train de nous dire.

M. Sadegh (Eiman): Je trouve que ça aurait été quelque chose qui aurait beaucoup aidé à mettre en place ce système-là.

M. Valois: Bien, continuez à le répéter parce qu'il y aura un autre pour cent, un autre point de 1 % sûrement l'an prochain. Alors, continuez à le répéter si vous voulez que ça reste dans le débat. Ce n'est pas...

Une voix: ...

M. Valois: Pour celui qu'ils viennent de passer, c'est passé, mais, pour le prochain...

Une voix: ...

M. Valois: Oui, exactement. Continuez, continuez à en parler. O.K.

Le Président (M. Copeman): M. Sadegh, M. Robillard, Mme Thériault, merci pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de l'Organisation d'aide aux sans-emploi, ODAS-Montréal.

J'invite immédiatement les représentants du Mouvement des travailleurs chrétiens à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 20 h 50)

(Reprise à 20 h 51)

Le Président (M. Paquin): La commission parlementaire reprend ses travaux. Nous recevons maintenant les représentants du Mouvement des travailleurs chrétiens. Messieurs, bonsoir et bienvenue. Je vous explique rapidement le fonctionnement de la commission. Nous avons une heure à passer ensemble: 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, 20 minutes de discussion du côté ministériel, et on termine le tout avec 20 minutes de discussion et d'échange avec les députés de l'opposition. Donc, je vous invite à vous présenter et à faire part de votre mémoire, s'il vous plaît. Vous avez 20 minutes.

Mouvement des travailleurs chrétiens (MTC)

M. Blanchette (Paul-Yvon): Bonsoir et merci de nous recevoir. Je m'appelle Paul-Yvon Blanchette. Je suis membre du Mouvement des travailleurs chrétiens de la région de Québec et je suis également coprésident du Mouvement international. Et je suis accompagné de Paul Edwards, qui est secrétaire général du Mouvement mondial des travailleurs chrétiens. Est-ce que ça suffit comme présentation?

Le Président (M. Paquin): Allez-y. On vous écoute.

M. Blanchette (Paul-Yvon): Je vais vous lire le petit mémoire qu'on a présenté. Ça n'a pas la prétention d'être une analyse de spécialistes. C'est une réflexion qu'on a faite en équipe de base et dans notre mouvement au Québec. Et le titre, c'est Tous pour l'amélioration du système de santé!.

Nous sommes des travailleurs et travailleuses, membres du Mouvement des travailleurs chrétiens, MTC, et nous avons regardé ensemble le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Chaoulli, George Zeliotis, ainsi que la réaction du ministre Couillard. Ce jugement fait suite à une procédure intentée en 1999 et qui a connu son aboutissement en 2005. La Cour suprême juge que les droits d'une personne à la vie et à l'intégrité, donc à un traitement jugé équitable, ne sont pas respectés par les longs délais pour une intervention chirurgicale et ne sont pas respectés aussi par le monopole exercé par la Régie de l'assurance maladie du Québec. Et la cour statue donc que le gouvernement du Québec doit remédier à la situation d'ici juin 2006 en permettant l'accès à certains soins ? à ce moment-là, lesquels? ? dans un réseau non public par l'entremise d'assurances privées.

L'intervention après est divisée en trois parties. Les effets, d'abord. Dans Le Soleil du 6 janvier 2006, Gérard Lévesque, dans le cahier Point de vue, Le privé en santé?, à la page A9, émet les doutes suivants: les riches patients utiliseraient plus souvent les services couverts par leur assurance, les médecins se retireraient du système public et l'attente des citoyens ordinaires augmenterait dans le système public. L'introduction d'un système à deux vitesses va encore une fois fragiliser les personnes à statut précaire. Vous voyez, ça, c'est notre analyse, notre avis, hein? Chaque fois qu'un gouvernement utilise seulement le schéma économique pour justifier une politique, il crée des effets pervers pour sa population. Il continuera d'augmenter les écarts de revenus et de services entre les nantis et les moins nantis. Il promet des baisses d'impôt, mais coupe certains services et hausse la tarification d'autres. Par contre, concernant les mesures de protection envers sa population fragilisée, il argumente qu'il ne peut faire mieux avec l'assurance médicaments et la loi pour combattre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Dans son édition du 5 février 2006, paru dans Le Devoir, Les actualités, Un mal imaginaire?, Mme Isabelle Paré mentionne la diminution des listes d'attente dans les chirurgies du genou, de la hanche et des cataractes, mais surtout, surtout, elle démontre clairement l'«impressionnante hausse de productivité» dans ces trois types de chirurgie depuis quatre ans, et tout cela relié aux investissements gouvernementaux pour rendre le système public plus performant. Les gens sont plus conscients de leur état de santé et se font soigner plus souvent qu'avant également. À l'inverse, elle mentionne les effets négatifs ou mitigés d'interventions de la médecine privée en Australie et en Grande-Bretagne sur les listes d'attente et les coûts publics.

Les principes et les valeurs. Les grands principes sur lesquels repose notre système public de santé et de services sociaux sont l'universalité, l'équité et la gestion publique du système. Les endroits où les citoyens devraient rester égaux sont la naissance, la mort et la maladie, entre autres, et bien d'autres circonstances également. Mais, dans ces trois circonstances, la plupart du temps, ils passent par les hôpitaux. Et la mission de la Régie de l'assurance maladie est de maintenir, d'améliorer et de restaurer la santé de la population.

La préoccupation principale de notre mouvement est de remettre les personnes ? malades et travailleuses ? au centre des préoccupations et des décisions gouvernementales. Le Comité des affaires sociales de l'Assemblée des évêques catholiques du Québec ? et c'est le message pour la fête du 1er mai en 2005, dont le titre était La santé a un nom et un visage ? ce Comité des affaires sociales observe «une tendance à proposer différentes mesures et projets de loi qui mettent en péril son caractère public, gratuit et universel». Les évêques rappellent également que «la santé n'est pas une marchandise offerte au plus offrant».

La recherche de solutions. «De nouvelles solutions doivent être proposées mais elles ne seront viables que si l'ensemble de la population participe aux décisions et que la personne humaine est remise au centre du système.» Ça vient toujours du message de l'Assemblée des évêques catholiques du Québec.

La Coalition Solidarité Santé, dans un article paru dans Le Devoir, le 10 décembre 2005, dit: «Le gouvernement pourrait rétorquer au jugement en consacrant plus d'argent à l'amélioration de l'accès aux services. Il pourrait aussi s'attaquer aux listes d'attente en augmentant les ressources des hôpitaux et en leur permettant d'utiliser davantage le personnel et les équipement sous-utilisés»? il manque un s à «équipement».

Certains intervenants peuvent prétendre que l'on s'énerve pour rien avec ce jugement aux portées limitées: chirurgies de la hanche, des genoux et des cataractes. D'autres par contre s'alarment et y voient la brèche pour l'entrée du privé dans le système public à même les impôts de la population. Malheureusement, il est aventureux de penser que les impôts pourront faire vivre à la fois notre système de santé public et le copinage politique ? privé. Ceci est vraiment difficile à guérir.

La population doit rappeler à ses élus l'attachement à son système de santé public, gratuit et universel. Les citoyens doivent devenir le critère central des décisions concernant l'avenir de leur système de santé. Nous sommes tous égaux devant la maladie et nous avons la chance que notre État nous remette sur la voie de la guérison et de l'inclusion sociale. Oui, nous bataillons tous pour l'amélioration du système de santé public avec les efforts des intervenants du système et avec les efforts des citoyens du Québec par leurs impôts.

Et, dans notre équipe, il y avait Florence Paquet, c'est mon épouse, elle est infirmière; Martine Sanfaçon est infirmière; Hortensia Vallé-Lopez est une professeure, réfugiée politique, à la retraite; Yves Bédard travaille en pastorale; Jean-Eudes Boudreault est un oblat; Jordan Dosch est un aspirant oblat; et Paul-Yvon Blanchette fait de la construction. C'est l'équipe Le Réveil du Mouvement des travailleurs chrétiens. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Paquin): M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

n(21 heures)n

M. Couillard: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Blanchette, M. Edwards. Malgré l'heure tardive, on est bien avec vous. Je voulais vous dire qu'on partage beaucoup des éléments qui sont dans votre mémoire, dans votre texte, notamment le fait de protéger le caractère universel du système de santé et l'absence totale de discrimination selon le revenu pour l'accès aux soins. En fait, tout notre document a été bâti pour protéger le système de santé du Québec contre ce qu'on peut appeler certaines tendances à la surinterprétation qu'ont faite parfois certaines personnes ou organisations des effets du jugement. Parce que ces personnes sont venues ici nous reprocher de ne pas ouvrir largement le système de santé au secteur privé, ce que nous ne voulons pas faire. Et en fait nous faisons ici une ouverture extrêmement limitée pour répondre, bon, selon nous et selon plusieurs juristes, au jugement de la Cour suprême. D'autres diront qu'on n'y répond pas assez. D'autres diront qu'on n'aurait pas eu besoin d'en faire tant pour y répondre. Mais, vous savez, les juristes, les économistes et les avocats, en général, il y a autant d'opinions que de personnes autour de la table.

Mais on croit fermement que cette façon de répondre de façon très circonscrite et très limitée en réaffirmant le fait que la solution à l'accès ne passe pas par le financement privé mais par le financement public puis le système public de santé est de nature au contraire à préserver notre système public non seulement à court terme, mais à moyen terme également et même à long terme, compte tenu du fait des dispositions législatives qui vont être présentées et adoptées éventuellement à l'Assemblée de façon à restreindre toute progression. Parce qu'il y a une partie importante ? c'est une mise au point que je fais souvent dans la commission ? c'est qu'alors que, dans le document de consultation, il est écrit que théoriquement nous pourrions faire augmenter le nombre de procédures chirurgicales ouvertes à l'assurance privée par règlement simple, nous avons maintenant établi clairement que ce ne serait pas le cas, ce serait par voie législative. Donc, il y a une importante limite à la possibilité d'agrandir ce panier d'assurances privées dans l'avenir, et il va falloir au moins d'abord faire l'évaluation de ce que ça aura eu comme impact.

Je vous ferai remarquer également que l'assurance privée, qui est limitée, qui est permise, n'est permise que pour les chirurgies faites par les médecins non participants, c'est-à-dire les médecins qui se retirent du système d'assurance maladie, ce qui est tout à fait légal et qui existe depuis plusieurs années. En effet, il existe à Montréal, pas à Québec, je crois, mais à Montréal, des cliniques où les gens peuvent aller déjà, maintenant, depuis plusieurs années, payer pour obtenir des services assurés par l'assurance maladie. On a tendance parfois à dire que c'est quelque chose de nouveau qu'on introduit, alors que c'est là depuis des années. Et ce qu'on fait ne vient que s'établir en parallèle de ce qui existe déjà depuis longtemps dans notre société. Est-ce que c'est valide ou pas que ça existe? Ça, c'est un autre débat, mais ça a été permis il y a plusieurs années, et aucun gouvernement, d'un côté ou de l'autre, n'a fait le moindre geste pour limiter l'apparition de ces cliniques-là. Même pas non plus pour les encourager. Par exemple, les cliniques de résonance magnétique privées ont presque arrêté complètement de se développer depuis le début des années 2000 à cause de l'augmentation des investissements dans le réseau public en résonance magnétique.

Alors, tout ça pour vous dire qu'à notre avis le document va justement dans le sens de la protection du système public et universel de santé et des valeurs fondamentales qui l'animent, et pas du tout le contraire. Certains sont venus nous demander ici de l'ouvrir complètement au privé. Plusieurs associations, notamment les entreprises, par exemple, ou l'Institut économique de Montréal, et autres, sont venus dire qu'on ne faisait rien de significatif et qu'il fallait largement ouvrir le système de santé au privé, ce que nous ne faisons pas. Et à notre avis, encore une fois, il y a un acte, je ne dirais pas un acte de foi parce que, compte tenu du nom de votre association, je ne voudrais pas que ce soit mal interprété, mais disons un acte de confiance dans les valeurs qui animent notre système de santé depuis le début. Est-ce que vous ne trouvez pas que c'est effectivement ce que nous recommandons dans le document?

M. Blanchette (Paul-Yvon): On m'a posé une question?

M. Couillard: Oui. Bien, je vous ai expliqué la façon dont, nous, on a rédigé ce document, dans l'esprit dans lequel on l'a fait, et pour vous dire qu'à notre avis... Ça peut être une remarque. Si vous ne voulez pas répondre, ça peut être juste une remarque de ma part, là. À notre avis, c'est au contraire une confirmation que la solution à l'accès passe par le financement public, largement. Le financement privé n'apporte en rien une solution ni au financement ni à l'accès et à l'utilisation des établissements publics ou des cliniques affiliées dans certains cas sous financement public sans contribution par les personnes, donc encore une fois, dans la sphère du financement public du système de santé.

M. Blanchette (Paul-Yvon): Et pourquoi cet argent ne resterait pas dans le système public sans qu'il y ait d'ouverture aux assurances privées?

M. Couillard: Mais là, attention, les assurances privées, je répète, les assurances privées ne sont que pour des procédures déjà faites par les médecins non participants. Il y a déjà de l'argent, là, qui va là, là. Il y a déjà du monde aujourd'hui, hier puis demain qui vont aller à Montréal avec 12 000 $ puis payer pour une prothèse de hanche. Ce n'est pas nous qui avons commencé ça, là, ça existe depuis des années. Et parce qu'on ne veut pas que ça augmente, on limite l'assurance privée à trois chirurgies pour lesquelles on offre une garantie pour l'ensemble des Québécois. Et par la suite, lorsqu'on aura bien appris à faire fonctionner cette garantie d'accès pour ces trois chirurgies ? on commence à voir des améliorations, mais il faut qu'il y en ait plus ? on va étendre la garantie d'accès pour l'ensemble des chirurgies faites par le système public de santé sans nécessairement augmenter le panier réservé à l'assurance privée.

M. Blanchette (Paul-Yvon): J'aimerais que vous m'expliquiez... dans l'article du Devoir, du 5 février 2006, où on dit: La liste d'attente pour les trois chirurgies mentionnées semble relativement stable, mais par contre «cette apparente stabilité cache toutefois une impressionnante hausse de productivité, puisqu'on a réalisé 5 127 chirurgies du genou l'an dernier, en comparaison de 3 500 en 2001-2002, 4 205 chirurgies de la hanche, versus 3 344, et [66 000] opérations de la cataracte, contre 54 715 trois ans plus tôt». J'aimerais ça qu'on puisse m'expliquer quel mécanisme on a trouvé pour augmenter cette productivité. Est-ce qu'on a élargi les heures d'accès aux salles de chirurgies? Est-ce que ça n'a coûté que 12, ou 15, ou 20 millions, toute cette chose? Si c'est exact, hein, pourquoi il n'y a pas... dans le fond, c'est une petite somme, hein, sur tout le budget de la santé. Cet article m'a clairement démontré, il y a des solutions dans notre système, on n'est pas si en catastrophe que ça. Ce que j'aime dans ce que vous proposez, c'est: il y a une obligation d'un délai relativement court pour traiter quelqu'un. Voilà quelqu'un qui met ses culottes pour une fois. Ce que je n'aime pas, c'est qu'on dise: On va permettre au privé de rentrer là-dedans. Personnellement, je ne peux pas faire confiance au gouvernement pour cette chose, il y a trop de rapaces autour de la maison pour ça. C'est ça. Ça, c'est un jugement, je le sais. Mais expliquez-moi... Ma question...

M. Couillard: Ce n'est pas très charitable pour un travailleur chrétien, ça, monsieur.

M. Blanchette (Paul-Yvon): Comment?

M. Couillard: Ce n'est pas très charitable pour un travailleur chrétien, là, ce que vous dites.

M. Blanchette (Paul-Yvon): Non, mais j'aimerais savoir, toute cette hausse de productivité, hein, combien elle a coûté et quels sont les mécanismes que le gouvernement ou le ministère a trouvés pour que la productivité soit augmentée. Puis est-ce qu'on ne peut pas tabler là-dessus pour augmenter encore et réduire les délais d'attente?

M. Couillard: Bien, c'est exactement ça qu'on va faire. D'ailleurs, cet après-midi, il y avait une entrevue du Dr Marcil, qui est le directeur des Affaires médicales à l'Agence régionale de Montréal, là, suite aux articles de La Presse de ce matin, qui disait que, pour la cataracte, maintenant, à Montréal, le délai, c'est deux mois, en pratique c'est deux mois, et puis, pour les prothèses de hanche, c'est moins de six mois. Il le dit. Les patients qui ne sont pas opérés, souvent c'est parce qu'ils ont des raisons médicales ou personnelles de ne pas être opérés. Alors, il y a des progrès majeurs, là, qui sont faits actuellement dans ces domaines-là, qu'on veut étendre à d'autres procédures.

Donc, pour nous, la solution, elle passe par le système de santé. Dans 90 % ou 95 % des établissements et des régions du Québec, c'est avec du financement accru, ce qu'on a fait. La façon que ça a été fait, ça, c'est par financement accru. On est rendu, là... on avait mis... Jusqu'à maintenant, il y avait 47 millions, quand on est arrivé, pour les productions de chirurgies. On l'a augmenté, dans un premier temps, à 60 millions, puis là on l'augmente à 80 millions. On a mis un autre 20 millions dans l'optique de la garantie d'accès. Donc ça, c'est pour augmenter le volume de chirurgies. Alors, les établissements qui ont fait ça, qui ont augmenté le nombre de procédures, ont reçu l'argent. Il fallait qu'ils augmentent le nombre de chirurgies pour recevoir l'argent. Alors, il y a une grande partie... En fait, la plus grande partie de la solution va passer par là. Et il n'y a aucune... Le privé n'est jamais... Le privé, dans le sens du financement privé, là, l'assurance ou le médecin non participant, n'est jamais présenté comme une solution dans le document. Et, moi, je ne crois pas que c'est une solution.

M. Blanchette (Paul-Yvon): Et l'augmentation du financement public qui a augmenté ce nombre de chirurgies et qui a fait diminuer le délai d'attente... Voyons, je perds ma question avec ça. Quels sont les exemples les plus frappants qui nous démontrent... Regardez, admettons, je veux prendre l'autobus, et, si je veux un billet... Bon, bien, je me présente, hein, ça me prend une heure. Bon, j'appelle: quelquefois, ça peut prendre trois minutes, quelquefois je vais tomber sur une boîte vocale et ça va prendre deux jours. Je prends Internet: quelquefois, ça peut prendre deux minutes, hein? Bon. On sait qu'on finit par avoir un moyen efficace d'arriver à quelque chose. Quel est le meilleur moyen qui a été pris pour diminuer ou faire en sorte que le nombre de cataractes... que le nombre de chirurgies soit augmenté puis traité? Quels sont les moyens qui ont été pris?

M. Couillard: Ce qui a le mieux marché à Montréal, c'est la concentration des chirurgies en grand volume d'activités dans certains établissements. Par exemple, on a eu des ententes avec les médecins, par l'Agence de Montréal, puis on a décidé qu'il y a certains hôpitaux qui diminueraient leur nombre d'opérations de cataracte, puis, au lieu d'en faire un petit peu ici, un petit peu là, un petit peu là, on les mettrait toutes, pour la plupart, au même endroit. Alors, par exemple, à Montréal, à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, à l'Hôpital St. Mary's, à l'Hôpital de Lachine, il y a énormément de chirurgies de cataractes qui sont faites. Alors, comme les gens font surtout cette chirurgie-là en haut volume, ils sont devenus beaucoup plus efficaces.

Par exemple, ici, on vient d'ouvrir le Centre de l'oeil, sur le même modèle, à Québec. Les ophtalmologistes auparavant faisaient, je crois, on m'a dit... Le chiffre, c'était six ou sept opérations de cataracte dans une journée. Ici, au Centre de l'oeil, ils font maintenant une douzaine d'opérations chacun pendant une journée, le même chirurgien, juste parce que les gens sont devenus beaucoup plus efficaces et font les choses beaucoup plus rapidement.

Alors ça, c'est un bel exemple de solutions. Puis, si on veut poursuivre ces solutions-là, on va être entièrement d'accord puis on va les financer. Il faut que ça marche, par exemple, il faut que les gens donnent les résultats. Là, je suis encouragé, je vois des résultats qui commencent à apparaître, là. Mais je pense que c'est un bel exemple, pour répondre à votre question, de ce qui peut être fait dans le système de santé.

n(21 h 10)n

Et ce qu'on ajoute là-dedans, ce n'est pas l'assurance privée ? l'assurance privée, ça ne changera strictement rien à l'accessibilité ou au financement ? c'est la clinique affiliée. Alors, la clinique affiliée, c'est quoi? Ça peut être... Parce qu'on ne va pas obliger personne d'avoir une clinique affiliée. Si l'hôpital de Québec, par exemple... si la Régie de Québec, si l'Agence de Québec, M. Fontaine et son équipe nous disent: Écoutez, le gouvernement, nous autres, là, vous allez voir, on va vous livrer la garantie d'accès, on n'a pas besoin d'avoir affaire à une clinique affiliée, aucun problème. Par exemple, il va falloir qu'ils livrent les résultats, là, qu'ils prennent les résultats puis que ça arrive. Même chose à Montréal.

Il est possible que, dans certains secteurs très peuplés, que, pour des chirurgies, surtout les chirurgies d'un jour... Regardez, on parlait de ça ce matin. Ça, les chirurgies d'un jour, c'est les chirurgies pour lesquelles on n'est pas hospitalisé, il s'en fait beaucoup, beaucoup, beaucoup, puis c'est des choses qu'on pourrait peut-être enlever de l'hôpital pour faire plus de grosses chirurgies à l'hôpital pendant que, celles-là, on les fait faire à la clinique, mais pas privée dans le sens du financement. Le patient, il ne paie pas un sou, lui. C'est l'État qui paie la chirurgie. Mais, encore une fois, ce n'est pas obligatoire de faire ça, mais c'est un outil qu'on va mettre à la distribution des hôpitaux.

Donc, votre question est très pertinente, vous demandez: Comment on a fait pour réussir ça? Bien, on a mis plus d'argent dans le système. On a rendu les hôpitaux imputables, c'est-à-dire que, s'ils veulent l'argent, il faut qu'ils fassent les opérations. Tu sais, on ne leur donne pas l'argent au début de l'année, puis: Essayez de faire tant d'opérations. On leur dit: Téléphonez-nous quand vous aurez fait tant d'opérations, puis on va vous envoyer l'argent. C'est un petit peu différent, mais en général ça fonctionne un peu mieux. Puis on les a laissés faire des expériences de regroupement puis de concentration de chirurgies. Alors ça, c'est des belles réalisations qui, je pense, peuvent être faites partout au Québec, puis on est entièrement d'accord avec ça.

M. Blanchette (Paul-Yvon): Avec les propositions que votre ministère fait, l'introduction d'assurance privée dans le système, ceci va quand même coûter des sous à notre gouvernement.

M. Couillard: Non. L'assurance privée ne coûte pas un sou au gouvernement.

M. Blanchette (Paul-Yvon): Si vous dites: Nous avons mis 47 millions, 60 millions, et c'est rendu à 80 millions maintenant, est-ce que, dans les prochaines années, pour diminuer les listes d'attente, ces sommes, 47, 60 ou 80, ne seront plus données par l'État mais ça va être les assurances privées qui vont couvrir cette chose? Mais ça, ce n'est pas mon domaine de spécialité, là, mais...

M. Couillard: C'est important comme question, puis la réponse, c'est non. C'est dans le système public, dans le financement public de santé que ça va aller, dans les établissements publics dans la grande majorité des cas. Par exemple, si l'Hôpital Maisonneuve-Rossemont, dont on a parlé au cours des derniers jours, nous dit: Écoutez, on va prendre l'argent que vous nous avez réservé pour augmenter le nombre de chirurgies qu'on veut faire pour la garantie de service, puis, au lieu de faire un contrat avec une clinique affiliée, on va ouvrir plus longtemps nos salles d'opération ou faire fonctionner plus notre centre ambulatoire, je n'ai absolument, là, aucun problème. On ne les chicanera pas du tout, du tout. Par contre, il faut qu'ils livrent les résultats.

Et le 60 millions puis le 80 millions maintenant, il ne va pas aux assurances privées. L'assurance privée, ça, le gouvernement ne paie pas un sou là-dedans, par définition, pas plus qu'on paie quand quelqu'un va voir le Dr Duval, à Montréal, là, qu'il paie 12 000 $ pour sa prothèse de hanche. Ils font ça maintenant, le monde, depuis des années, là. Nous, on ne rembourse pas ça, là. Ça ne coûte pas un sou aux contribuables. L'assurance privée, ça n'augmente pas les dépenses du gouvernement. Ça augmente les dépenses globales de santé de la société si on le faisait très largement, mais ça n'augmente pas les dépenses publiques.

M. Blanchette (Paul-Yvon): Une préoccupation importante de notre mouvement, c'est l'équité, c'est-à-dire la... Depuis Jean Lesage, hein, ou la mise sur pied du ministère de la Santé comme on le connaît, il y a un traitement relativement équitable. Je viens de la campagne, et vraiment, dans les années cinquante ou avant, se faire soigner était compliqué pour nous, puis ce n'était pas dans les habitudes des habitants. Mais, depuis les années soixante, je pense qu'on a une préoccupation importante pour le peu de niveau d'instruction qu'on avait, on a accès aux hôpitaux aujourd'hui, et puis on est, à mon idée, très bien traités. Puis, quand on compare aux Américains, moi, je pense qu'on peut... c'est une gloire qu'on se doit d'avoir de notre système. Mais l'introduction d'assurance privée et cette possibilité que des citoyens un peu plus fortunés aient accès plus rapidement à quelque chose en fonction de leur fortune, ça nous agace énormément. Je ne sais pas comment on peut justifier ce traitement à deux niveaux.

M. Couillard: Mais ce n'est pas ça qu'on propose. Ce n'est pas du tout ça qu'on propose, là. Le traitement à deux niveaux... Regardez bien, le traitement à deux niveaux, il existe déjà. Si, vous, vous avez de l'argent puis que, moi, je n'en ai pas, ou vice versa, un de nous peut aller à Montréal, aujourd'hui même, sans Chaoulli, sans loi, sans rien, là, c'est déjà de même, puis donner 12 000 $ au Dr Duval et à sa clinique. Je dis 12 000 $, parce que c'est ça qu'il y avait dans les journaux que ça coûtait, là, puis vous allez être opéré bien avant celui qui n'a pas le 12 000 $. Ça, c'est un système à deux vitesses, très limité, parce que le gouvernement a des outils pour mesurer puis limiter le nombre de médecins qui sortent du régime d'assurance maladie. Alors, ce n'est pas nouveau, ça, là.

Alors, si on créait ça, vous auriez raison beaucoup de vous inquiéter pour un système à deux vitesses. Il n'est pas question du tout d'aller vers un système à l'américaine. On ne veut pas ça ici, au Québec, là, ni ailleurs au Canada. Puis la médecine d'avant la Régie de l'assurance maladie, personne ne veut retourner à ça, là. Moi, mon grand-père était médecin ici, à Québec, en pratique pendant la crise ? il m'a conté ça quand il était en vie ? puis il a fait faillite, parce qu'il n'osait pas demander de l'argent aux gens, puis il est devenu fonctionnaire.

Une voix: C'est correct.

M. Couillard: Il a fini sa carrière au gouvernement fédéral ici, à Ottawa. J'ai encore sa mallette d'ailleurs, avec marqué «Canada» dessus. C'était une digression, là, parce que ça me rappelait des souvenirs.

Mais ce n'était pas à ça qu'on vient du tout, du tout, là. Il n'est absolument pas question de faire un système dans lequel les gens qui ont de l'argent sont traités avant. Au contraire, c'est ce qu'on veut protéger dans notre système, c'est qu'actuellement, que vous soyez pauvre ou riche, vous allez avoir accès aux meilleurs spécialistes puis aux meilleurs hôpitaux qu'on a au Québec, et ça, on veut garder ça. Le danger, ça aurait été d'ouvrir trop largement après le jugement, le fameux jugement, là, comme certains nous demandent de faire. Là, on aurait mis en danger notre système de santé. Si on avait dit, par exemple: Les médecins, ils peuvent à la fois pratiquer dans le système privé puis dans le système public, ils peuvent faire les deux, là ça aurait été une brèche très importante dans le système de santé. On a gardé une séparation très étanche entre les deux et tous les outils également pour limiter puis contrôler le nombre de médecins qui sortent du système d'assurance maladie.

M. Blanchette (Paul-Yvon): Et vous ne croyez pas que les médecins dans le fond qui vont se désaffilier du système, qui vont être dans le privé, que c'est du monde compétent dans le fond qu'on ne verra pas dans le système public? Et vous pensez que les listes d'attente dans le système public vont baisser?

M. Couillard: Bien, ça n'a rien à voir avec la... Au contraire, là, ça, ça n'a rien à voir avec les médecins qui se retirent du système de santé, ce n'est pas ça qui va faire baisser les listes d'attente, là, et, moi, je souhaite qu'il n'y en ait plus, qu'il y en ait le moins possible. D'ailleurs, actuellement, il y a moins de 100 médecins sur 18 000, là, qui sont sortis du système d'assurance maladie du Québec, puis, quand on a fait la Loi d'assurance maladie puis qu'on l'a révisée au cours des années, on a introduit des dispositions dans la loi qui permettent au gouvernement d'interrompre, par décret, le désengagement des médecins si on considère qu'il y a un mouvement trop important ou que ça met en place des difficultés d'accès pour l'ensemble des patients. Ça, ça va rester. Ça pourrait même être un petit peu accentué pour être certain justement qu'il n'y ait pas cette tentation-là. Mais, vous savez, les médecins, la majorité, la grande majorité veulent rester dans l'assurance maladie du Québec parce que, malgré ce qu'on entend ces jours-ci, là, c'est quand même des conditions favorables qui leur sont données dans le domaine du système public.

Le Président (M. Paquin): Ça va? Merci. On va du côté de l'opposition. M. le député de Joliette, nous vous écoutons.

M. Valois: Merci beaucoup. D'abord, vous saluer, saluer votre présence à la commission, votre contribution pour ce qui est des discussions que nous avons. J'ai trouvé très intéressants les échanges que vous avez eus avec le ministre.

Par contre, avant de commencer à discuter avec vous sur le dossier en tant que tel, je ne peux pas laisser sous silence une phrase de votre document, qui personnellement m'attriste, et cette phrase, c'est: «Malheureusement, il est aventureux de penser que les impôts pourront faire vivre à la fois notre système de santé public et le copinage politique (privé); ceci est vraiment difficile à guérir.» On ne peut pas laisser sous silence une phrase comme ça qui est apportée ici, dans cette commission, qui est déposée et qui a été lue par vous comme ça, parce qu'il me semble que, lorsqu'il est 9 heures le soir, qu'on continue à faire notre travail comme nous le faisons, de penser qu'ici les gens qui travaillent ici peuvent être amenés à souffrir d'une maladie difficile à guérir, qui est celle du copinage privé, il me semble que c'est un peu gratuit comme affirmation. Bon, certains de mes collègues au gouvernement trouveront que je suis peut-être le dernier député qui pourrait parler de cela, étant donné que, lorsque nous sentons que des gestes répréhensibles doivent être condamnés, je ne me suis jamais gêné dans ce Parlement pour le faire.

Maintenant, vous devez être convaincu que la très grande majorité des gens qui siègent ici sont des gens qui le font avec leur expérience et la bonne foi qu'ils ont et qu'on s'est donné, il me semble, à l'intérieur de ce Parlement, tous les mécanismes pour s'assurer que ceux que vous appelez «la rapace qui tourne autour» ne soient pas des gens qui influencent le jugement des gens qui prennent les décisions aussi. Et il me semble qu'au-delà du copinage politique, qui serait, d'après vous, une maladie difficile à guérir, il y a aussi le cynisme à l'égard de notre classe politique qui est aussi une maladie qu'on ne doit pas alimenter. Alors, il me semble qu'à ce moment-ci je ne pouvais pas laisser cette phrase-là sous silence, parce que je me sens aussi moi-même touché par ces propos-là, et honnêtement je n'ai pas vu de personnes à l'intérieur de cette commission venir ici... et d'ailleurs, de tous les débats que nous avons, être là-dedans.

Je ne sais pas si vous voulez tout de suite réagir à ce que je suis en train de vous dire pour expliquer le contexte dans lequel vous avez amené ces propos-là, mais, moi, je tenais vraiment à vous le dire d'entrée de jeu parce que, le laisser sous silence, ça aurait été, pour moi, de banaliser une phrase que je ne trouve pas banale de votre document.

n(21 h 20)n

Le Président (M. Paquin): M. Blanchette.

M. Blanchette (Paul-Yvon): Oui, je suis prêt. Si j'ai blessé des gens, je m'en excuse. Et ce n'est pas ma perception générale, hein, que toute la classe politique est corrompue, corruptible. Non. J'en ai contre la mentalité libérale de privatiser, par exemple. La mentalité libérale n'est pas que collée au Parti libéral. Elle est collée à une partie de la classe dirigeante et politique qui pense que les choses se font mieux dans le privé et non dans le public. Elle est aussi véhiculée par les médias qui tapent sur la fonction publique continuellement, mais continuellement, à chaque fois qu'il y a quelqu'un qui décède en ambulance, à chaque fois qu'un enfant se fait pincer le doigt à la garderie. Bon, continuellement.

Les entreprises font travailler les travailleurs à la chaleur, au froid; on n'en entend jamais parler. Le système de ventilation arrête dans un hôpital; ça, on va l'entendre, par exemple. Il y a 15 civières dans le corridor; ça, on va l'entendre. Bon. J'en ai contre le copinage politique. Je vous donne l'exemple d'Orford. Cette affaire sonne un peu mal, hein, parce qu'on a l'impression que ça peut satisfaire une ou quelques personnes. J'en ai un peu contre les minicentrales aussi. Ça favorise quelques personnes au détriment de la collectivité. Quand j'ai dit: «le copinage politique est un petit peu difficile à guérir», je veux dire, il y a toujours, sous-jacent à la privatisation, la satisfaction d'intérêts privés. Quand ce gouvernement est arrivé au pouvoir, il nous a quand même fait sentir qu'il voulait privatiser. Je suis dans la construction. On a reçu, nous, une invitation à participer, avec le ministre Séguin, à un dîner, en disant: Voyez, le menu est un tel, mais venez voir les occasions d'affaires avec le gouvernement. Quand je parle de copinage politique, je parle de cette chose. Je ne dis pas que la Commission des affaires sociales, ce sont des gens qu'on peut acheter n'importe quand. Ça n'a aucun rapport. Je parle de cette mentalité de penser que, dans le privé, les choses peuvent être mieux que dans le public.

Je vais donner l'exemple de mon père, qui est au foyer public maintenant. Il a été dans un foyer privé, c'est la pire expérience qu'on a pu vivre avec lui pendant deux semaines. Il a été hospitalisé. Quand il est sorti de là, il ne pouvait plus revenir à la maison. Il a 84 ans. Il a fait un ACV en l'an 2000. Il était... Ma mère s'en est occupé pendant cinq ans. C'était impossible qu'il revienne à la maison. Il n'a pas eu de foyer dans notre village; il a eu un foyer non pas à Princeville mais à Lyster. Pour nous, c'était une solution d'une très grande qualité, d'une très grande qualité. Dans ce sens-là, je suis prêt à défendre le système public n'importe quand. J'ai marché avec mes enfants à moins 20o C pour le défendre et je suis prêt à le faire encore, O.K.? Mais je n'accepterai pas que quelques professionnels ou quelques développeurs se servent de l'héritage public pour des intérêts particuliers. C'est un peu ce que la phrase veut dire. Si j'ai blessé, je m'en excuse, mais il faut la comprendre dans le sens de ce que j'ai dit.

M. Valois: D'accord. Je la comprends mieux maintenant que vous l'expliquez. Maintenant, là-dessus, il faut réellement faire la distinction entre des logiques de privatisation sur lesquelles je n'adhère pas, moi non plus, et le copinage. On peut avoir une logique où le privé peut avoir plus de place sans que le mot «copinage» puisse exister. Ce n'est pas parce qu'il y a du privé qui cohabite que nécessairement il y a cet élément-là, et c'est pour ça, là, que... Maintenant que vous l'expliquez, je comprends mieux que c'était carrément l'arrivée du privé qui pour vous est quelque chose qui n'est pas acceptable. Mais il ne faudrait pas voir l'arrivée du privé comme nécessairement quelque chose qui découle de certains... de copinage. Parce que ça, pour nous, ça a une connotation bien, bien importante ici. Parce qu'il y a aussi des règles du jeu pour ce qui est de la privatisation, il y a aussi des règles du jeu pour ce qui est d'interpeller le privé puis lui demander sa contribution, et bien souvent, je vous dirais... Tout le réseau des services de garde présentement c'est du privé et il se développe comme ça. Et sans l'aide justement de ces petites entreprises privées que nous avons partout sur le territoire, ça aurait été difficile de développer le réseau. Alors, en ce sens-là, il y a moyen d'avoir une cohabitation qui est saine, qui est transparente, qui est ouverte et qui est démocratique même, par rapport à comment nous interpellons.

Je ne veux pas passer non plus, là, les 20 minutes que j'ai là-dessus. Je comprends mieux votre propos. Si vous voulez encore réagir, certainement, mais j'ai quand même une ou deux questions à vous poser, là, sur le fond des choses.

M. Blanchette (Paul-Yvon): Si je prends l'exemple des CPE... Je vais aussi prendre l'exemple des groupes de ressources techniques en habitation. Les CPE, majoritairement, ce sont des organismes à but non lucratif.

Une voix: Privés.

M. Blanchette (Paul-Yvon): Privés, oui, mais ils ne sont pas à but lucratif, hein? Et cette organisation permet d'aller chercher le dynamisme local dans un milieu et de répondre à des besoins très spécifiques. En contrepartie, on pourrait avoir des méga-CPE gérés par l'entreprise privée et puis qui n'ont aucun rapport avec les collectivités locales, O.K.?

Un autre exemple de place du privé: les groupes de ressources techniques en habitation. J'ai été fondateur d'un de ces groupes dans le centre-ville de Québec. Et le gouvernement, en mettant sur pied ces groupes de ressources techniques, offrait un peu de financement. Bien sûr que ces groupes sont sans but lucratif, mais ils visent quoi, ces groupes? À développer de l'habitation collective pour la tranche de la population qui n'a pas accès à la propriété. L'action du gouvernement favorisait une classe de la population, oui, mais non pas la classe moyenne. Il va chercher le dynamisme local pour développer des solutions locales adaptées à une clientèle fragile. Dans ce sens-là, je suis prêt à ce que l'État mette du financement public pour développer de l'économie sociale, hein, non lucrative. C'est ça. Ça, c'est notre vision.

M. Valois: Justement, vous me ramenez carrément sur la question que j'avais le goût de vous poser sur votre document. C'est qu'à l'intérieur du document vous nous dites qu'à chaque fois qu'un gouvernement utilise le schéma strictement économique pour justifier une politique il y a des effets pervers. Alors là, ce que vous êtes en train de me dire avec, notamment, l'exemple, c'est qu'il y a d'autres schémas qui sont possibles. Lesquels? Quel serait un schéma sur lequel on devrait se fier, là, pour avoir une réponse présentement sur l'ensemble des services, pour répondre aux besoins, si le schéma économique n'est pas le seul qui doit justifier une politique? Et j'en conviens totalement, mais comment est-ce qu'on bâtit notre schéma par rapport à la réalité que nous avons devant nous, là, qui est celle d'une demande de plus en plus accrue au niveau du système de santé et de services sociaux?

M. Blanchette (Paul-Yvon): Je ne suis pas un spécialiste, hein, et je regrette de ne pas tout étudier à longueur de journée, je n'aurais plus le temps de travailler, mais la... Non. Moi, je pense que, quand le gouvernement apprécie la population qu'il représente, quand les administrateurs d'hôpitaux, et quand les chefs syndicaux, et quand tout le personnel a à coeur la santé des personnes, et quand un professionnel de la santé se préoccupe des gens qui ont mal au coude, au genou ou aux hanches, hein, bon, et quand les physiothérapeutes s'organisent pour bien faire un bon diagnostic et se préoccuper que la personne revienne en santé et fonctionnelle le plus rapidement possible, je pense qu'on rend service à tous les Québécois, puis on les réinclut dans la société.

Bien sûr que, si vous me demandez quelle est la meilleure forme, je vous répondrais tout de suite: La forme coopérative demeure la meilleure forme d'organisation du travail. C'est l'une des plus exigeantes. Mais je ne pense pas que ce soit réaliste totalement avec le système public. Personnellement, notre mouvement repousse le plus loin possible l'introduction privée, lucrative, hein, dans la santé, mais le plus loin possible, hein? Bon. Nous, on ferait tous les efforts pour que... Est-ce qu'on est capables de donner plus d'heures d'accessibilité aux salles de chirurgie? Je m'avancerais dans un domaine que je ne connais pas, hein, que je ne connais pas. Mais, si les quelque 40 à 80 millions ont permis que ce nombre de chirurgies soit augmenté de façon assez fulgurante, oui. Mais il me semble que l'effort n'est pas si grand pour qu'on réussisse à réduire les délais d'attente. Mais je n'ai participé ni à aucune régie régionale ni à aucun conseil d'administration. Je parle de quelque chose que je ne connais pas.

n(21 h 30)n

M. Valois: O.K. Non, non. Non, mais j'ai quand même compris, là, le sens du fait que d'utiliser seulement le schéma économique ne doit pas répondre. Je voulais vraiment vous voir élaborer, et, lorsque vous me parlez justement en me donnant l'exemple d'un système un peu plus coopératif où, en plus d'avoir, oui, des réalités, bon, de services, et tout ça, il y a aussi une réalité, bien, de prise en charge des gens, de toute cette collaboration-là et donc, bien, finalement de mettre un peu plus l'humain au centre des préoccupations, j'en conviens très bien. Donc, moi, je vous remercie, je vous remercie encore beaucoup. Merci aussi d'avoir spécifié ce que vous vouliez dire, et je le comprends maintenant.

M. Blanchette (Paul-Yvon): Bien, nous vous remercions également, et je m'excuse encore une fois si quelque phrase ou l'autre vous écorche les oreilles, mais vous êtes placé pour entendre ces choses et puis vous êtes capable d'argumenter aussi.

Le Président (M. Paquin): Donc, MM. les représentants du Mouvement des travailleurs chrétiens, merci de votre présence.

J'invite maintenant les représentants du Conseil des citoyens de Québec pour la santé et les services sociaux à prendre place, s'il vous plaît, et je suspends les travaux de la commission pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 21 h 31)

(Reprise à 21 h 34)

Le Président (M. Paquin): La Commission des affaires sociales reprend ses travaux. Messieurs mesdames, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous recevons les représentantes et les représentants du Conseil des citoyens du Québec pour la santé et les services sociaux. Je pense... Mme Florence Piron, qui est la porte-parole, sauf erreur, nous avons une heure d'échange à passer ensemble: 20 minutes pour votre mémoire, pour la présentation de votre mémoire, 20 minutes d'échange avec le ministre de la Santé et des Services sociaux, et on va terminer le tout avec 20 minutes d'échange avec probablement l'honorable député de Joliette et peut-être sa consoeur. Donc, madame, je vous invite à présenter les personnes qui vous accompagnent et à nous faire part de votre mémoire.

Conseil des citoyens de Québec
pour la santé et les services sociaux

Mme Piron (Florence): Bonjour. Les personnes qui m'accompagnent sont M. Réal Faucher, qui est comptable agréé et membre du Conseil des citoyens; Mme Doris Tremblay, qui est actuellement brigadière scolaire, aidante naturelle et membre du Conseil des citoyens; Mme Karine Desbiens, qui termine une maîtrise à l'université et qui est agente de recherche au Centre de santé de la Vieille Capitale ? je suis désolé, c'est mon petit; je vais essayer de me concentrer quand même ? puis nous avons aussi Mme Hortensia Siles, qui est derrière nous, qui est elle aussi membre du Conseil des citoyens.

M. le ministre, M. le critique de l'opposition officielle, Mmes et MM. les députés, au nom du Conseil des citoyens de Québec, j'aimerais remercier la Commission des affaires sociales de nous avoir invités à nous exprimer sur le document Garantir l'accès: un défi d'équité, d'efficience et de qualité, surtout à cette heure tardive.

Avant de commencer, je voudrais dire quelques mots sur le Conseil des citoyens de Québec pour la santé et les services sociaux. C'est un conseil tout jeune, qui a été créé, en janvier dernier, dans le cadre d'un projet de recherche-action qui s'appelle La parole aux citoyens sur le système de santé et de services sociaux, qui est financé actuellement par le Centre de santé et de services sociaux de la Vieille Capitale, par son centre de recherche. Moi, je suis professeure à l'Université Laval.

Ce conseil des citoyens est donc un projet pilote. C'est une expérience, une expérience à la fois de recherche et d'action. Il s'inspire à la fois du Conseil de la santé et du bien-être, où j'ai eu le bonheur de travailler comme chercheure pendant quelques années, et du Forum civique écossais.

Il comporte actuellement une trentaine de membres, donc un peu plus qu'au mois de mars, au moment où on a préparé le mémoire. Tous les membres sont poussés par le désir de mieux comprendre les grands enjeux du système public de santé et de services sociaux et par le désir de participer à la réflexion et à la prise de décision sur ces enjeux. Tel que nous l'envisageons, le Conseil des citoyens s'efforce de leur offrir un espace de parole et d'action qui leur permette de donner une forme concrète à leur désir de participation. En effet, selon leurs disponibilités, leur degré d'intérêt, les membres du conseil peuvent se tenir informés de ce qui se passe dans le système grâce à un petit bulletin d'information que nous leur envoyons régulièrement. Ils peuvent participer à des rencontres avec des responsables du système, rédiger des textes, que ce soient des articles ou des mémoires comme celui que nous avons présenté ici, commenter des documents, proposer des projets reflétant leurs préoccupations, etc. Le dialogue, la critique constructive, le souci de l'intérêt général et l'analyse rigoureuse des faits et des enjeux sont au coeur de la forme de participation démocratique que nous expérimentons dans ce conseil.

Une autre particularité de cette forme de participation est que les membres du conseil le sont à titre de citoyens et de citoyennes soucieux du bien commun et de l'intérêt général et non à titre de représentants d'un groupe ou d'une institution. On est dans la démocratie participative et non plus représentative. Ils ne sont pas là non plus pour exprimer ou faire valoir une doléance ou une opinion personnelle. Ils veulent apprendre, comprendre, échanger et délibérer ensemble de manière à construire une pensée collective riche, éclairée par les savoirs et les expériences des uns et des autres. Pendant la période de questions, on pourra vous donner des exemples évidemment si ça vous intéresse.

Une voix: ...

Mme Piron (Florence): Il y en a un qui s'exprime, là. Alors, comme je vous disais, c'est un conseil qui est très jeune. Les quelques rencontres que nous avons eues depuis janvier ont avant tout permis aux membres d'exprimer leurs préoccupations respectives, donc nous ne sommes pas allés encore très loin dans la réflexion collective.

Parmi ces préoccupations, la prévention, la promotion de la santé occupent une place de choix pour la grande majorité des membres du conseil. Tous croient que la prévention et la promotion de la santé doivent faire partie des outils prioritaires à utiliser pour assurer l'avenir de notre système de santé. Les activités d'information et de discussion sont prévues dans les prochaines semaines d'ailleurs pour permettre aux membres du conseil de s'informer et de débattre sur ce sujet. L'accessibilité aux services et aux soins, le financement du système, la place du secteur privé et les autres thèmes abordés dans le document font aussi partie des préoccupations des membres du conseil.

Toutefois, ce soir, nous nous intéresserons davantage à l'importance de faire participer la population à la vie du système de santé et de services sociaux, ce qui impose, entre autres, de diffuser de l'information claire, pertinente et accessible au maximum de citoyens sur le système. Le document de consultation fait peu mention de ces aspects qu'il nous paraît pourtant essentiel de considérer pour parvenir collectivement à relever le défi d'équité, d'efficience et de qualité que le gouvernement nous propose.

n(21 h 40)n

La lecture du document de consultation nous permet certes de constater que pour le gouvernement la population a un véritable rôle à jouer dans l'amélioration du système. Dans son message, en page 3, le premier ministre souligne l'importance que les décisions du gouvernement soient appuyées par un investissement actif des citoyens. Plus loin, en page 27, ce document fait référence au rôle de premier plan que la loi n° 83 accorde aux citoyens pour identifier les lacunes dans la qualité des services et des soins en facilitant le recours des usagers au régime d'examen des plaintes et en favorisant la mise en place de comités des usagers et des résidents dans chaque établissement. L'État poursuit dans cette lignée en menant, depuis quelques semaines déjà, la présente consultation publique.

À cela s'ajoutent les visites d'appréciation de la qualité auprès des usagers, à la page 30, qui constituent une autre démarche intéressante en matière de participation. Cette forme de consultation orientée vers une appréciation globale des services plutôt que vers l'identification des insatisfactions est susceptible de mettre en lumière des aspects à changer et à améliorer, mais aussi des actions positives efficaces susceptibles de bien fonctionner. En plus de permettre l'amélioration des services, ce type d'approche peut contribuer à donner aux usagers une plus grande confiance dans le système de santé.

Ces quelques moyens de consultation et de participation constituent des pas dans la bonne direction. Nous croyons toutefois que la formule actuelle pourrait être encore améliorée. En effet, à l'heure actuelle, ce sont principalement les usagers des services et leurs proches qui sont consultés. Les citoyens sont généralement mis à contribution sur une base ponctuelle lors de consultations générales telle celle à laquelle nous participons aujourd'hui. Nous sommes conscients que les usagers et leurs proches sont en mesure de fournir des renseignements précieux sur la performance du système et sur la qualité des soins. Toutefois, la consultation d'usagers potentiels ou même de personnes n'ayant pas encore eu de rapports directs avec le système nous paraît être une autre source fondamentale d'information, surtout pour les gestionnaires et les responsables politiques qui doivent décider de l'avenir du système. Tous les citoyens, même s'ils n'ont pas directement recours aux services et aux soins offerts, sont des usagers potentiels et, en tant que contribuables, ils sont coresponsables, moralement du moins, du système. Leurs points de vue et leurs valeurs doivent être intégrés au débat public sur les enjeux de l'avenir du système.

Par ailleurs, offrir à tous les citoyens la possibilité de participer à la réflexion et au débat sur les enjeux du système, c'est leur permettre de se responsabiliser et de mieux comprendre les enjeux. La participation publique des citoyens peut également être l'occasion de briser les fausses croyances qu'entretient la population vis-à-vis de certains problèmes sociaux ou de santé, de permettre aux citoyens de mieux comprendre le fonctionnement du système et de favoriser la circulation de l'information sur le système.

Être plus à l'écoute des savoirs de la population permettrait par exemple de mieux comprendre ce que sait mais aussi ce qu'ignore la population en général à propos du système, des services, etc. Une plus grande écoute de ces savoirs permettrait aussi de diversifier les sources d'information dont disposent actuellement les décideurs. Pour recueillir ces savoirs, il faut créer des tribunes où les citoyens peuvent véritablement faire entendre leurs voix et pas seulement leurs opinions personnelles, hein, leur voix collective. Ces tribunes peuvent prendre diverses formes afin de donner la possibilité au plus grand nombre de prendre part au débat. Les formules de consultation permanente, comme la formule de consultation qui va conseiller le Commissaire à la santé et au bien-être, sont une bonne chose et peuvent être complétées par des moyens de participation ponctuels, des sondages, des consultations publiques, des groupes de discussion, des groupes de travail, etc. Des formules de participation doivent également être imaginées pour joindre des citoyens moins habiles avec l'écrit ou le français, et ce sont ces objectifs que nous caressons avec notre conseil de citoyens.

La création de groupes comme notre conseil a aussi des avantages pratiques directs pour les gestionnaires du système. Et d'ailleurs les directeurs généraux du Centre de santé de la Vieille Capitale et de Québec-Nord sont tellement intéressés par notre projet qu'ils vont probablement l'institutionnaliser dans les mois à venir ? d'une façon pilote encore, mais quand même. Par exemple, ça peut leur permettre d'entendre, lorsqu'ils le souhaitent, un point de vue de citoyens, de citoyens éclairés, informés et non seulement d'usagers, de gestionnaires ou d'experts, sur les questions auxquelles ils réfléchissent. La formation de groupes ponctuels de travail de citoyens permettrait d'obtenir un point de vue plus fouillé sur une question précise.

Dans une phase précédente de notre projet, nous avons créé un forum des citoyens de Québec pour la santé et qui a produit un rapport sur l'évaluation du système de santé destiné au futur Commissaire à la santé, qui constitue un magnifique exemple de la contribution possible des citoyens à la réflexion sur l'évaluation du système de santé et de services sociaux. Nous avons une copie ici de ce rapport.

L'information, hein, ça ne va pas sans la... La participation suppose des citoyens bien informés et joue un rôle primordial dans le bon fonctionnement des moyens de consultation et de participation. Pourtant, la population se sent généralement insuffisamment informée sur le système et à propos des différents moyens qui lui sont offerts pour participer. Ainsi, une enquête que nous avons menée l'été dernier auprès de plus de 300 personnes de la région de Québec indique que seulement 40 % des répondants se considèrent dans l'ensemble bien ou très bien informés en matière de santé et de services sociaux, alors que 80 % des gens ont dit que c'était très important d'être mieux informés.

Un autre sondage réalisé en mars 2006 montre que les instances de participation sont mal connues des citoyens. À titre d'exemple, plus de 80 % des répondants affirment connaître un peu ou pas du tout les comités des usagers, 83 % disent ne pas connaître l'existence d'un conseil d'administration d'un hôpital ou d'un établissement et 82 % ne connaissent pas du tout les forums de population des agences. Ces résultats indiquent que l'information devrait se concentrer sur les moyens de consultation eux-mêmes. Les citoyens ne pourront pas faire entendre leurs voix s'ils ne savent pas qu'ils disposent de tribune pour le faire. Il faut donc faire connaître les tribunes disponibles, leur mode de fonctionnement, etc., et inviter clairement les citoyens à y participer.

Créer des instances de participation, informer la population de leur existence ne suffit pas pour amener les citoyens à s'impliquer dans le système. Il est aussi nécessaire de diffuser une information claire, accessible et pertinente pour que les citoyens acquièrent un minimum de connaissances sur le système. En effet, on ne peut réfléchir et s'exprimer de manière éclairée qu'à propos de ce que l'on connaît. Or, comme le montre notre enquête de l'été dernier, la grande majorité des citoyens de Québec disent avoir une connaissance parcellaire du système, estiment qu'une meilleure information serait nécessaire, notamment sur l'allocation des ressources humaines et financières au sein du système.

Et nous, par exemple, un des projets qu'on vient de terminer au conseil, c'est de faire une petite synthèse en quatre pages de la réforme actuelle, avec des tableaux, des schémas, dans un langage clair. On s'est dit que c'est quelque chose qui pourrait être très, très utile pour commencer à discuter avec les citoyens d'horizons variés.

De manière générale, les citoyens se font une idée de l'efficacité du système à partir de leurs expériences et des propos véhiculés par les médias. Toutefois, leurs expériences se limitent généralement à des visites ponctuelles auprès d'une poignée de professionnels dans un nombre limité d'institutions. Pour sa part, l'information disponible dans les médias traite souvent des difficultés que vit le système mais sert rarement à expliquer son fonctionnement et les raisons qui sous-tendent les décisions. Lorsque l'information sur ce thème est diffusée, elle reste souvent inaccessible à une grande partie de la population parce que trop complexe.

Les personnes peu ou pas alphabétisées de même que les immigrants, les réfugiés qui ne maîtrisent pas encore bien le français ou encore certains groupes marginalisés politiquement ou culturellement devraient faire l'objet d'une stratégie d'information spécifique qui leur donne confiance et envie de participer et de s'exprimer. C'est ce qu'on essaie de faire, nous aussi, au conseil.

Fournir à la population des moyens logistiques et intellectuels aussi variés que solides pour participer activement au débat et aux prises de décision dans le domaine de la santé et des services sociaux permettrait au gouvernement d'obtenir des renseignements précieux sur les lacunes et les forces du système. Les renseignements recueillis en écoutant la voix du citoyen permettraient de mieux cibler les campagnes de promotion, de prévention et d'information. L'intérêt des citoyens pour la santé est tangible, de même que la volonté de participer à l'amélioration du système. Pour que cette volonté se traduise en actes, nous croyons qu'il est nécessaire de mieux faire connaître les instances de participation existantes, de varier les modes de consultation et de participation et de proposer une information claire, pertinente et accessible.

Et, de la part des membres ici présents, je termine en souhaitant que le dialogue entre le système, le ministère et nous ne fasse que commencer aujourd'hui et qu'on ait l'occasion de vous envoyer le fruit de nos travaux par la suite. Voilà.

Le Président (M. Paquin): Merci, madame. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, on vous écoute.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre présentation malgré l'heure tardive. C'est peut-être le prix qu'il faut payer quand on est un groupe de Québec; on vient plus tard le soir. Ça a apporté un petit rayon de soleil, le bébé. Puis vous voyez comme il est calme maintenant. Je pense que mademoiselle qui s'en occupe a un don naturel pour le faire; je ne sais pas si elle pourra le développer.

On s'est attardé pas mal, autour du débat sur la loi n° 83, avec M. le député de Borduas, qui n'est pas avec nous aujourd'hui, sur cette question de démocratie représentative, d'expression des citoyens et, au cours de cette loi, on a, par exemple, formé les conseils d'administration avec une représentation accrue pour les usagers. On a beaucoup parlé du forum de la population au niveau régional. L'intention initiale était de l'abolir et de dire à chaque agence qu'elle devait se doter d'un mécanisme à son choix pour consulter la population. Finalement, on ne l'a pas fait, on a décidé plutôt de le maintenir en essayant de le renforcer un peu, de lui donner plus de poids. Mais quelle est votre relation avec... Je veux bien comprendre le rôle que vous jouez par rapport au forum de la population de l'agence régionale. Vous semblez plutôt en lien avec un CSSS. Alors, comment est-ce que tout ça s'articule à Québec?

n(21 h 50)n

Mme Piron (Florence): C'est ça. Bien, en fait, j'ai rencontré le P.D.G. de l'agence de Québec et je lui ai expliqué un petit peu toute mon approche en lui disant que la participation, ça pouvait être quelque chose de vraiment gratifiant et enrichissant et non pas une corvée, parce que je pense que l'expérience qu'ils avaient eue avec les premiers forums de population était un peu décevante, parce qu'il m'a expliqué qu'ils se rencontraient deux fois par année et que c'était un peu un dialogue de sourds parce que chacun arrivait avec ses préoccupations, son langage, ses questions et ils n'avaient pas vraiment le temps d'établir un langage commun.

Alors, moi, je lui ai présenté mon idée que je teste, là, dans le conseil au niveau du CSSS parce que c'est par le biais du centre de recherche, de l'équipe de recherche, que je suis entrée dans le CSSS comme chercheure avec un projet pilote, dont la première partie avait été subventionnée par le Conseil de la santé et du bien-être, pour mettre un petit peu à l'épreuve tous les travaux, les propositions qu'on avait faites au commissaire. C'est un cheminement un petit peu tortueux mais qui me permet de développer une réflexion sur la possibilité d'imaginer une forme de participation qui soit intéressante, enrichissante à la fois pour les instances décisionnelles et les citoyens eux-mêmes.

Et donc mon idée, par exemple, ce serait que, si chaque établissement avait son conseil des citoyens, une partie de ces conseils des citoyens pourrait former le forum de population régionale. Ce serait une façon très simple de le recruter et de s'assurer que, dans le forum de population, il y ait des citoyens déjà informés, déjà intéressés, qui connaissent déjà beaucoup de choses, etc., puis qui représenteraient en même temps vraiment la base des différentes instances locales du territoire d'une agence.

Mais il y a la question du rôle des élus, hein, puisque maintenant la conférence régionale des élus a son mot à dire sur la composition, je pense, du forum de population, puis il y a toujours une tension, hein, entre les élus et puis les citoyens participants, chacun se disant: C'est moi qui représente le mieux la démocratie, etc. Et d'ailleurs le Forum civique écossais qui... Si, un jour, ça vous intéresse, c'est un exemple passionnant d'une institution vraiment mise en place par l'État pour faciliter le dialogue entre les citoyens et le Parlement et le gouvernement. Eh bien, il est toujours un petit peu en risque de se faire abolir au nom du fait qu'il n'est pas composé d'élus, hein? Il y a de ces tensions quand même entre les deux.

Alors, je ne sais pas au juste... Ma discussion avec le P.D.G. de l'agence s'est arrêtée là. Il ne m'a pas rappelée depuis, mais il a pris acte de... en tout cas, il m'a écoutée pendant une demi-heure. Alors, c'est ce que je peux vous dire.

Par contre, dans les agences, les deux directeurs, la directrice de Québec-Nord et le D.G. de la Vieille Capitale, étaient vraiment intéressés. Ils sont prêts à nous donner une chance de continuer et de faire encore nos preuves au moins une année, là.

M. Couillard: Je sens que ça peut être très utile, surtout de la façon dont vous décrivez vos interventions. Effectivement, on a regardé les expériences de conseils citoyens en Grande-Bretagne, dont l'Écosse, et vous avez souligné vous-même que le Commissaire à la santé et au bien-être, qui va être nommé très prochainement d'ailleurs, va devoir, non pas pouvoir, mais devoir s'entourer d'un forum citoyen, et on le laisse un peu prendre l'initiative du mode de sélection... pas de sélection, mais de formation de ce forum citoyen sur la base peut-être de ce qui s'est fait en Grande-Bretagne, là.

Alors, qu'est-ce que vous recommanderiez si vous aviez le commissaire ici, devant vous, là? Peut-être irez-vous le voir d'ailleurs pour lui parler de votre expérience. Comment vous lui recommanderiez de former ce forum de citoyens? Il faut que ça représente toute la population, toutes les régions du Québec, les hommes, les femmes, les communautés culturelles. Comment est-ce qu'on fait pour arriver à ce résultat de façon correcte sans se ramasser avec des groupes particuliers qui s'arrangent pour avoir une voix supplémentaire à travers une institution qui est le Commissaire à la santé?

Mme Piron (Florence): Bien, c'est vraiment de faire le pari de la démocratie participative, qui n'est pas en compétition forcément avec la démocratie représentative. Mais, comment dire, par exemple, les citoyens qui sont membres de notre conseil ont par ailleurs... ont une vie, hein? Ils sont membres d'autres institutions, d'autres groupes, ils ont un métier, ils ont une expérience professionnelle, une formation, etc. Ils ne sont pas vierges, ils ne sont pas purs. De purs citoyens, ça n'existe pas. Mais, à l'intérieur du conseil, quand on travaille ensemble, quand on délibère, en tout cas c'est mon objectif, ils ne vont pas s'exprimer à titre de représentants de là d'où ils viennent, mais ils vont essayer de s'exprimer à titre de citoyens, donc à égalité avec tous les autres, mais nourris de leur expérience, de leurs appartenances, hein?

Moi, c'est l'exemple du Conseil de la santé et du bien-être qui pour moi m'a marquée pour toujours. Une rencontre d'ailleurs à laquelle vous avez assisté. Quand vous les avez rencontrés, hein, il y a deux citoyens qui ont exprimé ce que c'était pour eux, être citoyens. Mais c'était extraordinaire et c'est un petit peu ça, ce pari de faire passer les citoyens de l'expérience personnelle ou la représentation de leurs groupes à un point de vue de citoyens sur les grands enjeux. Donc...

M. Couillard: Allez-y, oui.

Mme Piron (Florence): Je peux terminer? Donc, ce que ça voudrait dire, c'est qu'il ne s'agit pas d'exclure les représentants de mais de les inviter, une fois qu'ils sont membres du forum de population, à travailler en tant que citoyens avant tout et puis d'expliquer, de développer avec eux qu'est-ce que ça veut dire, de développer un langage commun pour ça.

Et par ailleurs notre souci, c'est vraiment... Comment dire? Le désir de participer, c'est quelque chose de fondamental. C'est un droit, hein, c'est un droit qui est reconnu dans la Loi sur la santé et les services sociaux mais aussi dans les grandes chartes, évidemment. Le droit de participer, Aristote le dit, c'est... La deuxième forme de la démocratie, c'est le droit de participer à l'exercice de la puissance publique, et ce désir-là, il est très présent.

Nous, on a passé une petite annonce dans les journaux, une fin de semaine, puis à chaque fois on a recruté 30 personnes pour, je veux dire, une situation un peu aride, hein, travailler sur les grands enjeux de la santé, alors qu'il y a tellement de divertissements possibles. Mais, à chaque fois, on a des gens intéressés. Il s'agit plus vraiment d'offrir un espace accueillant, invitant à ces personnes. Et je suis sûre que la représentativité statistique pseudoscientifique va se construire. Nous, dans notre petit groupe, déjà on a des immigrants, on a des gens qui ont été à l'université, d'autres, non, on a des travailleurs, des retraités. Ça se fait, au bout d'un moment, là, c'est certain.

M. Couillard: Et on souhaite que le commissaire pourra s'entourer d'un groupe très représentatif et qui saura l'éclairer parce qu'il va devoir le consulter, ce forum, pour tous les avis qu'il va présenter à l'Assemblée nationale. Et il y a eu des expériences, notamment en Grande-Bretagne, dont on s'est un peu inspiré quand on a fait les tournées régionales et le Forum des générations, où on fait comme vous des annonces, puis on demande qui est intéressé, et on apparie les gens par caractéristiques, de façon à s'assurer d'avoir une très grande couverture en termes de représentativité, et ensuite c'est un tirage au sort. Vous savez que ça existe.

Mme Piron (Florence): Alors, moi, cette étape-là, elle me trouble.

M. Couillard: Alors, pourquoi?

Mme Piron (Florence): Parce que je trouve...

M. Couillard: On n'a pas fixé que c'était comme ça qu'il devait faire, mais je suppose qu'il va regarder ce mode-là.

Mme Piron (Florence): Mais oui. Bien, en fait, on a beaucoup discuté de ça dans le cadre de notre forum de population de l'été dernier. C'était huit citoyens seulement, c'était vraiment un groupe de travail cette fois-ci qui évaluait le document du Conseil de la santé et du bien-être, comment évaluer, comment apprécier le système, et il s'est prononcé, entre autres, sur le forum de consultation, et... J'ai perdu mon idée.

M. Couillard: Je vous demandais, le tirage au sort, là, de... Vous n'aimiez pas ça.

Mme Piron (Florence): C'est ça. Et on réfléchissait qu'on ne peut pas... C'est ça, on avait eu l'idée... On ne peut pas exclure autrement dit. Pour moi, ce que... Faire appel pour ensuite exclure des personnes, c'est vraiment aller à l'encontre d'une réelle démocratie participative. Par contre, ce qu'on avait imaginé, dans le rapport avec les citoyens, c'est qu'au lieu que le forum du commissaire soit uniquement un groupe bien délimité et fermé, donc un groupe de travail, il pourrait y avoir un groupe de travail et des correspondants locaux, régionaux, pour vraiment assurer la... Un peu sur le modèle des journalistes, d'une certaine façon, où des personnes... En tout cas, une chaîne d'information et de communication avec des gens locaux et pas seulement un groupe national, puisque justement chaque personne a plusieurs identités, appartient à différents groupes, différents milieux, peut faire circuler l'information dans ses réseaux, etc.

Donc, on voyait plus, plutôt que d'exclure des personnes au nom d'un tirage au sort qui est injuste, qui n'a pas de rationalité autre que vraiment l'ordre du petit papier et qui bafoue, d'une certaine façon, le désir authentique de participer de toutes les personnes qui se portent volontaires, je me disais, moi, qu'il y aurait de la place, il y a de quoi faire pour toute cette volonté de participer. Comme sur la commission sur le mode de scrutin, là, où 3 000 personnes, 3 000 citoyens se sont portés volontaires puis seulement huit ont été sélectionnés. Mais il y aurait une façon de faire pour le commissaire peut-être de développer des réseaux de correspondants locaux. On a développé cette idée dans le rapport du forum.

M. Couillard: Il sera peut-être intéressé à entendre cette suggestion.

Mme Piron (Florence): Ah! C'est un rapport qui s'adresse au commissaire directement.

M. Couillard: Alors, dernière question. Il va y avoir des élections, à l'automne, pour les conseils d'administration des établissements, dont les CSSS. Historiquement, ces élections-là, il n'y a pas grand monde qui y participe, hein? Des fois, il n'y a pas de candidat, puis, quand il y a des candidats, il y a des fois autant de monde qui va voter qu'il y a de candidats. Est-ce que vous pensez qu'une expérience comme la vôtre est de nature à susciter la participation électorale des citoyens? Parce que c'est important, l'élection des gens sur les conseils d'administration. C'est toujours un peu décevant de voir qu'il n'y a pas tant de participation. Est-ce que vous avez réfléchi à la façon de mobiliser les citoyens de vos CSSS pour qu'ils aillent voter pour le conseil?

n(22 heures)n

Mme Piron (Florence): Certainement, parce que, nous, on n'est pas seulement sur les petites annonces sur les journaux, mais on est en train de se construire tout un réseau avec les associations et les organismes communautaires qui eux-mêmes ont des réseaux. Et donc on est contact, et plusieurs de nos membres viennent de ce réseau-là, et on travaille vraiment activement à maintenir ce réseau parce que ça nous permet d'aller et de faire circuler l'information justement par des canaux privilégiés et donc dans un langage surtout que les gens sont à même de comprendre. Au lieu que ce soit une petite annonce ou un encart dans le journal avec un langage stéréotypé, chaque association peut présenter à sa façon l'importance d'aller voter dans ces élections, etc., dans son réseau.

Alors, on travaille ça beaucoup. C'est ce qu'on appelle la société civile en action, qui n'est pas seulement là pour se plaindre et critiquer le gouvernement, mais qui est un moyen formidable de faire circuler l'information, d'inviter les gens à voter. Et, en faisant des synthèses claires, en essayant d'expliquer le système aussi et en diffusant ces synthèses claires, normalement on devrait être capable de dire ensuite: Vous avez compris, vous pouvez aller choisir qui va aller là, alors que, si les gens ne comprennent même pas la structure, c'est sûr qu'ils n'iront pas voter.

M. Couillard: Merci.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Joliette.

M. Valois: Merci, M. le Président. Alors, mesdames...

Des voix: Monsieur.

M. Valois: ...et monsieur, bienvenue, merci. On mettra ça sur le dos de l'heure, évidemment. Mais merci, merci beaucoup, merci beaucoup d'être venus. Très intéressant, l'échange que vous avez avec le ministre, j'aimerais d'ailleurs poursuivre là-dessus en vous disant que plus je consultais votre mémoire, plus je regardais et écoutais la discussion que vous aviez avec le ministre, plus je me disais que le député de Borduas aura certainement l'opportunité d'avoir le compte rendu de ces discussions-là parce qu'il est très intéressé par notamment toutes ces questions.

Et justement là où je voudrais poursuivre la discussion, c'est qu'on commençait justement à ouvrir sur l'autre aspect de cette intervention-là. Oui, il y a un apport d'expertise, il y a quelque chose qui est très important, donc des citoyens... Parce que, comme vous le dites très bien dans votre document, il y a des savoirs qui sont là, qui existent, et qu'on doit prendre aussi, et qui est quelque chose de très important, mais la participation citoyenne, c'est aussi la responsabilisation, et c'est vraiment ? les derniers bouts de l'échange, c'est ce que vous disiez aussi; c'est vraiment ? aussi une population qui se prend elle-même en charge. Et, à partir du moment où est-ce qu'une population regarde son système... Ça peut être n'importe lequel, d'ailleurs. Là, on parle du système de santé, on pourrait parler de la sécurité sociale aussi du même sens. À partir du moment où la population, plutôt que de dire: Moi, je paie des impôts, puis le gouvernement s'occupera de la prestation de services, mais commence à se prendre en charge elle-même et se mobilise sur le terrain par rapport aux actions qu'elles ont à entreprendre pour justement cette idée de solidarité sociale, on voit que l'aspect a tout changé.

Solidarité jeunesse, c'est notamment inspiré beaucoup de ça. C'est de dire: Attention, il n'y aura pas juste une prestation de services qui va arriver, là, il va y avoir aussi des gens sur le terrain, notamment par le biais des carrefours, mais qui vont aller cogner à des portes de différents intervenants puis vont dire: Il faut se mobiliser collectivement pour ce qui arrive avec ces jeunes-là et interpeller plus large que simplement, bon, un gouvernement qui fait une prestation de services.

Alors, en ce sens-là, vous me dites qu'il y a des expériences par rapport à l'apport, ça, j'en conviens, mais, moi, je veux aussi vous entendre beaucoup plus sur la responsabilisation que les citoyens ont et par la suite sur le fait que, par rapport à leur système, par rapport à leurs services sociaux, leurs services de santé... l'attitude qu'ils ont, l'attitude où... Justement, vous nous disiez après ça que, bon, ils vont parler aux autres gens, mais qu'est-ce que vous voyez par rapport même à l'attitude, la responsabilisation, la prise en charge de la population?

Mme Piron (Florence): Alors, je vais vous répondre: Je suis anthropologue, hein, de formation, et l'anthropologue, elle va sur le terrain, elle écoute, hein? C'est la caractéristique, et je m'aperçois que c'est très, très utile pour toutes sortes de choses ensuite. Et je vous dirais que, dans notre culture, culture pas au sens des industries culturelles, là, mais la culture moderne, la culture contemporaine, justement la participation, d'une certaine façon, n'est pas du tout encouragée, puisque c'est la démocratie représentative qui est encouragée. Et la démocratie représentative, qu'est-ce que c'est? C'est la délégation, la délégation du poids de la décision, du poids de la réflexion à d'autre et notamment ? moi, c'est un de mes champs de recherche ? la délégation aux experts, hein: Les experts savent mieux que nous, déléguons-leur la responsabilité de décider, et puis, nous, allons nous amuser, hein? Il y a une tendance comme ça dans notre culture contemporaine. Et, quand on veut, comment dire, promouvoir la participation, c'est contre ça qu'on a à jouer, hein? Ce n'est pas juste une question de mauvaise volonté individuelle. Chaque personne individuellement aimerait bien faire quelque chose, mais on lui a tellement dit qu'il suffisait de déléguer à quelqu'un qui connaît mieux, n'est-ce pas, que...

Et ce n'est pas récent, hein? Il y a un texte d'Immanuel Kant qui s'appelle Qu'est-ce que les lumières?, un article de journal très simple, très accessible, dans lequel il dit: Les lumières, qu'est-ce que c'est? C'est refuser de déléguer à son médecin les décisions sur son corps, à son directeur de conscience, les grandes décisions, etc. C'est l'accès à la majorité. C'est ce qu'il appelle... Alors, ce n'est pas quelque chose... Et ce n'est pas en donnant des leçons de morale ou quoi que ce soit qu'on y arrivera, mais, moi, je crois plutôt ? en tout cas, c'est mon pari avec ce projet ? que c'est en créant justement un espace où cette responsabilité serait agréable, serait plaisante, ne serait pas sous le signe de justement l'obligation, la performance, etc.

Comme j'ai dit aux membres de notre conseil, si vous n'avez pas le temps, si vous êtes fatigués, si vous voulez juste lire le bulletin de temps en temps, pas de problème, vous êtes quand même membres. Si par contre vous avez de l'énergie à revendre, plein d'idées, vous voulez faire des choses, faites-le. Mais un espace accueillant où... Et là petit à petit ? en tout cas j'ai vu quelques membres vivre cette expérience ? ils s'aperçoivent que participer, s'intéresser, prendre position, c'est plaisant, c'est agréable, c'est intéressant, c'est gratifiant, et là ils découvrent dans le fond le goût de la citoyenneté.

Alors, moi, mon pari, autrement dit, ce n'est pas de faire des leçons de morale, mais c'est plutôt de donner des occasions plaisantes, agréables, non stressantes aux gens de comprendre, de participer, d'échanger. Ça ne vous satisfait peut-être pas comme réponse, mais c'est le pari de ce projet-là.

M. Valois: Non, au contraire la question qui me vient tout de suite par rapport au pari, c'est justement de le faire durer dans le temps. Ce qu'on a souvent vu avec ce type de projet là, on peut parler aussi... Nous, ce qu'on a, pas à Joliette même, mais sur les municipalités périphériques, c'est autour, nous autres, du pacte rural. La population était amenée à dire: Il n'y a aucuns élus des petites municipalités, donc des petits villages, qui pourront avoir accès au financement du pacte rural s'il n'y a pas une consultation populaire, donc une assemblée citoyenne, tout ça. Et pas juste un soir, hein, des fois c'était... Nous, c'était sur au moins trois soirs, à l'intérieur même d'un petit village, tout ça. Et les gens étaient amenés à débattre sur c'est quoi, leurs priorités pour leur village, comment ils voient ça. Et, par la suite, la municipalité prenait ça et là envoyait ça par la suite à la MRC en disant: Voici, nous, notre contribution dans le cadre du pacte rural, vers quoi il était.

Et cette mobilisation-là avait aussi un résultat très concret. Donc, elle était simple mais elle était aussi circonscrite dans le temps, hein? Trois rencontres, les populations sont là. Mais à terme ? moi, c'est ça, ma question ? de se lancer tout le monde, de réfléchir quelque chose, il faut qu'à un moment donné les citoyens sentent que cet apport-là, ce débat-là à l'intérieur duquel ils se sentent partie prenante et ils s'approprient leur réseau de santé, bien qu'ils se l'approprient réellement, que la suite de ce débat-là, c'est une intervention, un changement, un changement d'attitude. Est-ce que vous avez commencé à voir ça? Parce que de ça vont débouler d'autres personnes, et là la participation, j'imagine, citoyenne va être d'autant plus facilement je ne veux pas dire vendable, ce serait tellement le pire mot, là, mais plus...

Mme Piron (Florence): ...pratique normale de notre vie sociale, qui est de participer.

M. Valois: C'est ça, mais est-ce que vous avez commencé à voir les résultats? Je veux dire, pas les résultats, mais, je veux dire, là, vous en êtes, là, depuis janvier.

Mme Piron (Florence): Oui. Bien, en fait, le premier projet... depuis l'été. Ça fait un an.

M. Valois: O.K.

n(22 h 10)n

Mme Piron (Florence): Mais, je vous dirais, non, c'est une question de moyens, là. Nous, on a des recettes qu'on est prêts à essayer, puis les gens sont prêts à... Mais je m'inspire surtout de l'exemple écossais, qui est une institution. Alors, mon souhait, ce serait que vraiment un tel conseil devienne une institution, donc fasse partie de la machine dans le fond plusieurs années au moins pour qu'on ait le temps d'évaluer justement si ça a un intérêt, parce qu'à ce moment-là on développe un langage commun. Moi, je m'inspire toujours de l'expérience du Conseil de la santé et du bien-être où les membres, au bout de 10 ans, 10 ans ensemble de discussions, délibérations, avaient développé une complicité d'idées et de réflexions qui leur permettait vraiment de faire un travail extraordinaire. Et donc c'est de durer, ça prend du temps.

Et c'est ce que j'ai dit à mes deux directeurs généraux: Ne vous attendez pas avoir des résultats, si résultats il y a, dans deux semaines, ça prend du temps et peut-être qu'il faut essayer des choses, voir si ça convient, être à l'écoute toujours des désirs des gens, etc. On n'est pas dans la logique de la performance et de la planification stratégique, là. Je les ai bien prévenus de ça. Mais je crois que, si on donnait une chance avec des ressources, il resterait une équipe d'appui comme au Conseil de la santé. Si le Conseil de la santé marchait si bien, c'est qu'il avait une équipe, un secrétariat vraiment solide qui faisait un travail de fond et qui nourrissait constamment les citoyens, et en retour les citoyens nourrissaient le secrétariat. Cette interaction-là était essentielle pour la durabilité du débat, etc.

Alors, si ces recettes-là, on pouvait les appliquer à des instances plus locales, etc., en étant à l'écoute des intérêts locaux des gens, moi, je suis sûre que ce serait... Ce n'est pas si compliqué que ça, là. Mais c'est sûr que, si on laisse tomber au bout de quelques mois...

Le Président (M. Copeman): Mme Tremblay, vous voulez ajouter quelque chose?

Mme Tremblay (Doris): Oui. Je peux m'exprimer?

Le Président (M. Copeman): Bien sûr.

Mme Tremblay (Doris): Je ne suis pas anthropologue, je ne suis pas députée ou ministre mais je suis citoyenne et membre du comité, et ce qui m'attire au niveau du comité, c'est de comprendre le système, parce que, comme citoyenne, on n'a pas l'impression d'être écoutée, une personne, et de comprendre comment ça marche. Donc, la structure, on s'est monté une charte au niveau du comité: comprendre, ne pas se sentir obligé, essayer d'aller chercher des réponses, une structure qui nous amène à la bonne place, pas nécessairement au bon moment, mais à la bonne place puis dire qu'est-ce qu'on a à dire, puis qu'on a l'impression d'être écoutés parce que le gouvernement nous a dit qu'il était prêt à écouter. Cette fois-ci, on pense que vous allez écouter, donc on s'attend à ce que vous écoutiez, et c'est pour ça qu'on est là, que je suis là, moi.

Le Président (M. Copeman): M. Faucher, allez-y.

M. Faucher (Réal): Oui. Moi aussi, je suis membre du comité depuis peu. Je pensais que le Conseil des citoyens... Je pensais que quelqu'un allait demander une question, à savoir si, entre autres, le Conseil des citoyens aurait pu se pencher sur l'idée, mettons, de prévention ou de trouver des moyens de réduction des coûts de la santé tout en préservant naturellement les principes fondateurs de notre système de santé qui sont l'accessibilité et l'universalité. J'avais même préparé un petit texte là-dessus. Il y a une partie, là, qui est personnelle dans ça parce qu'on commence, là, tout simplement dans notre projet, tout ça.

Moi, je crois qu'il est possible, au Québec, d'identifier des moyens curatifs et préventifs pour réduire la croissance des coûts sociosanitaires. Un des moyens est de limiter la croissance, c'est-à-dire arrêter l'hémorragie des coûts en rapport avec la prévalence des maladies reliées à certains paramètres, tels le vieillissement de la population, déterminants de santé de la population.

Prenons l'exemple de l'arthrose. On sait qu'il y a 800 000 personnes au Québec qui souffrent d'arthrose, qui en sont atteintes, hein? Ces gens-là ont de la douleur, ils ont un système musculosquelettique qui se détériore puis ils sont sujets plus facilement naturellement à subir des fractures, remplacement de hanche, etc., de genou. Ces personnes sont en général de gros consommateurs de soins de santé. Parmi les seuls palliatifs actuels, il y a la pharmacopée ? médicaments traditionnels. Pourtant, on sait qu'il existe d'autres thérapies qui n'utilisent pas comme telle la pharmacopée mais qui ont été prouvées scientifiquement dans d'autres pays du monde et qui jouissent actuellement d'une revue de littérature scientifique bien fondée, «evidence-base». L'une de ces thérapies, c'est la thérapie par champs électromagnétiques pulsés. Ce n'est pas le but d'expliquer la base de cette thérapie ici, à la commission, qu'il suffise de dire que cette approche agit non seulement sur le curatif, mais aussi sur le préventif.

J'aimerais lancer ce débat au Conseil des citoyens dans le but de présenter plus tard un dossier plus approfondi sur cette approche de la thérapie des champs électromagnétiques pulsés pour aider à réduire la croissance des coûts sociosanitaires. Avec cette approche, on agit donc sur le curatif et le préventif. On limite le taux de prévalence des maladies chroniques comme l'arthrose qui souvent demande des soins chroniques qui deviennent des coûts chroniques, donc récurrents, qui par conséquent nécessitent des budgets chroniques.

Peut-on, au Québec, en 2006, alors que les technologies «hi-tech», de l'espace, du petit et du grand, sont à notre disposition, identifier, à tout le moins explorer, des alternatives ? il y en a qui appellent ça des médecines alternatives ? qui auront un impact sur la chronicité de ces maladies et du fardeau social qui nous étouffera à moyen terme? Soyons clairs, je ne suis pas ici pour promouvoir la vente d'une approche thérapeutique ou un appareil médical, je suis ici pour aider à explorer de nouvelles voies scientifiques, mais je ne veux pas souscrire à la chronicité. Je veux saluer l'exemple d'une approche nouvelle: le fait que le gouvernement ait décidé de mettre fin à la cigarette dans les lieux publics.

Alors, sans parler de façon définitive au nom du Conseil des citoyens, je m'engage donc à lancer un débat pour éventuellement soumettre des approches documentées au gouvernement, incluant l'approche de l'utilisation de la thérapie par champs magnétiques, une approche qui agit sur le préventif et le curatif tout en réduisant la croissance des coûts de santé en rapport avec la chronicité de certaines maladies comme l'arthrose. Merci.

M. Valois: Pour le temps qu'il me reste, avec l'exemple que vous nous donnez justement de l'intervention que vous voulez faire, je saisis... Et c'est ça qui est vraiment important du message que vous venez nous donner ce soir, c'est le fait que vous ne venez pas... et c'est pour ça d'ailleurs que les échanges qu'on a eus avec vous étaient vraiment d'un autre type, parce qu'il était important de les avoir de cette façon. Je vois des gens devant moi qui sont venus nous dire: Ce n'est pas simplement le système de santé du ministre, ce n'est pas simplement le système de santé des parlementaires, c'est notre système de santé aussi. Nous voulons être partie prenante non seulement pour donner notre savoir, mais aussi pour se responsabiliser face à ce dernier.

Et ça, je dois vous avouer que juste le fait qu'on puisse avoir, et par une approche citoyenne, des citoyens qui aussi se responsabilisent un peu partout et se mobilisent un peu partout, on a là, il me semble, un élément aussi de la suite et de la pérennité de notre système. Il me semble que là-dedans il y a quelque chose à développer et à élaborer qui est très, très, très important parce que, si on continue à voir notre système comme étant simplement quelque chose qui appartient à d'autres, qui est administré par d'autres, et nous en sommes simplement les bénéficiaires, on va continuer à avoir une attitude par rapport à la consommation, une attitude qui est strictement de consommation, qui n'est pas une attitude qu'on devrait avoir par rapport à des services publics, notamment. Et là-dessus toute cette contribution-là que vous amenez aujourd'hui, ces réflexions-là qui sont apportées, bien elles sont toutes à votre honneur.

Je vous remercie beaucoup pour la présentation que vous en avez faite ce soir, et puis bien encore une fois merci d'être venus à cette heure si tardive.

Le Président (M. Copeman): Alors, Mme Piron, Mme Desbiens, Mme Tremblay, M. Faucher, merci pour votre participation à cette commission parlementaire au nom du Conseil des citoyens de Québec pour la santé et les services sociaux, et, sur ce, j'ajourne les travaux de la commission sine die.

(Fin de la séance à 22 h 18)


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