L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de l'aménagement du territoire

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'aménagement du territoire

Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le mardi 4 décembre 2012 - Vol. 43 N° 4

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 10, Loi permettant de relever provisoirement un élu municipal de ses fonctions


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats

(Dix heures trois minutes)

La Présidente (Mme Champagne): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'aménagement du territoire ouverte et je demande à toutes les personnes, bien sûr, dans la salle de vouloir éteindre leurs sonneries de téléphones cellulaires.

La commission est donc réunie ce matin afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 10, Loi permettant de relever provisoirement un élu municipal de ses fonctions.

Alors, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Goyer (Deux-Montagnes) est remplacé par M. Pelletier (Saint-Hyacinthe); M. Trottier (Roberval) est remplacé par M. Leclair (Beauharnois); et M. Iracà (Papineau) est remplacé par M. Ouimet (Fabre).

Remarques préliminaires

La Présidente (Mme Champagne): Parfait. Alors, bienvenue à tous. Alors, on va débuter par les remarques préliminaires. Ensuite, nous entendrons le représentant du Directeur des poursuites criminelles et pénales. Et enfin nous terminerons par les remarques finales. Ça va être un court mandat ce matin, mais il n'en est pas moins important pour autant. Alors, M. le ministre, vous disposez de cinq minutes pour vos remarques préliminaires. Alors, la parole est à vous.

M. Sylvain Gaudreault

M. Gaudreault: Oui. Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord, je veux saluer les collègues qui sont ici, bonjour à vous. Bonjour aux gens qui nous entourent, également, dans nos équipes respectives.

Je tiens à insister, au point de départ, sur le fait que je suis très heureux d'entamer aujourd'hui l'étude plus précise de la Loi permettant de relever provisoirement un élu municipal de ses fonctions, le projet de loi n° 10. Bien sûr, nous allons commencer avec l'audition du Directeur des poursuites criminelles et pénales. Mais, de façon plus générale, je tiens à préciser l'esprit dans lequel nous nous situons avec ce projet de loi n° 10.

L'esprit est le suivant: c'est que nous croyons qu'il est absolument important de rétablir, de renforcer, même, le lien de confiance entre les citoyens et les élus municipaux. Nous avons au-delà de 1 100 municipalités à travers le Québec avec des centaines de gens qui sont élus, qui sont des gens dédiés, dévoués. Vous-même, Mme la Présidente, vous êtes une ancienne élue municipale. Alors, je sais qu'il y a beaucoup de gens autour de la table qui sont des anciens élus municipaux et je sais à quel point ces gens sont dédiés et dévoués. Mais malheureusement il arrive des situations où des élus municipaux font face à des accusations soit criminelles ou des accusations punissables de deux ans d'emprisonnement ou plus en vertu de lois fédérales ou de lois québécoises, et c'est en vertu de cela que nous avons cru bon d'intervenir pour, en fait, redonner, je dirais, la capacité aux citoyens d'agir.

Vous savez, la démocratie municipale est extrêmement importante; la légitimité des élus municipaux appartient et dépend des électeurs. Donc, le projet de loi que nous avons déposé vise justement à faire en sorte que les électeurs puissent déposer une requête devant la Cour supérieure pour relever provisoirement un élu municipal de ses fonctions le temps que son procès sur le fond, si on veut, en ce qui concerne des accusations criminelles ou punissables de deux ans d'emprisonnement... le temps que ce procès-là fasse son cours, donc de relever provisoirement un élu municipal de ses fonctions.

Je pense que c'est un message qui est très, très clair qui est envoyé. C'est un pouvoir supplémentaire, également, qu'on donne aux citoyens ou aussi au conseil municipal. Comme vous le savez, dans le projet de loi, c'est également permis au conseil municipal de déposer cette requête devant la Cour supérieure, avec les conditions qui vont avec. C'est-à-dire que, si, en bout de course, l'élu municipal concerné est effectivement reconnu coupable en vertu des infractions qui lui sont reprochées, bien, à ce moment-là, il aura à rembourser sa rémunération, on ajustera son régime de retraite. Alors, il y aura vraiment des conditions.

Donc, c'est ça qu'on a voulu faire pour agir en s'assurant également qu'il y aura nécessairement un lien entre les accusations et la fonction de l'élu municipal. Alors, ça, c'est un test, hein, qu'on a inclus dans le projet de loi n° 10 et sur lequel nous aurons sûrement à se pencher de façon plus précise. D'ailleurs, nous avons reçu quelques mémoires, l'Union des municipalités du Québec, la Fédération québécoise des municipalités et le Barreau du Québec, qui, de façon très générale, sont favorables au projet de loi n° 10. Alors, on aura l'occasion sûrement d'y revenir éventuellement.

Mais je suis surtout heureux aujourd'hui de pouvoir accueillir le Directeur des poursuites criminelles et pénales, qui pourra également nous partager son point de vue sur le projet de loi n° 10. Et je compte bien sûr sur la collaboration des collègues des partis d'opposition, mais aussi de notre côté, évidemment, pour pouvoir mener à bien ce travail et bonifier, le cas échéant, bien sûr, le projet de loi pour qu'on puisse l'adopter avant la fin de la semaine, parce que vous savez que nos travaux parlementaires se terminent vendredi, déjà. Alors, si nous pouvons adopter le projet de loi avant vendredi... d'ici vendredi, ce sera vraiment un signal très important que le Parlement du Québec enverra aux électeurs dans chacune des municipalités à travers le Québec.

Alors, je terminerais là-dessus, en réitérant que j'entame ces travaux avec beaucoup d'optimisme, de positivisme et dans un esprit constructif.

La Présidente (Mme Champagne): Merci, M. le ministre. Alors, vous êtes tout à fait dans les temps. C'est un modèle, ce matin, à imiter, là.

Une voix: ...

**(10 h 10)**

La Présidente (Mme Champagne): Oui. Tout à fait. Alors, ça part bien le mardi matin. Alors, merci, M. le ministre. Alors, j'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'affaires municipales et député de Gatineau à faire ses remarques préliminaires... de Chapleau -- j'ai dit Gatineau, hein, j'ai été marquée par Gatineau -- à faire ses remarques préliminaires pour une période maximale de cinq minutes.

M. Marc Carrière

M. Carrière: Merci, Mme la Présidente. Ça me fait plaisir à mon tour de prendre parole pour les remarques préliminaires. Je veux saluer les collègues. Je veux d'abord vous saluer, Mme la Présidente, saluer tous les collègues qui sont ici pour un projet de loi, somme toute, assez mince en nombre d'articles, mais drôlement important pour l'avenir de nos municipalités et surtout pour la réputation des élus municipaux.

Vous avez occupé la fonction... on est plusieurs ici à avoir occupé la fonction d'élu municipal. Je l'ai fait pendant 16 ans, j'ai toujours dit que c'était une fonction qui était noble. Ce sont des élus qui sont près des citoyens. Les gens, là, leur conseiller municipal, leur maire, leur préfet, ils y ont accès régulièrement, et, lorsqu'il y a quelque chose qui ne fait pas l'affaire des citoyens, bien, on le sait rapidement.

Donc, c'est quelque chose, c'est un projet de loi, là, qui va marquer, là, comme je dis, un peu l'avenir. Et, un petit peu avec tout ce qui se passe, ce qu'on entend dans les médias, là, depuis un certain temps, je pense que c'est un projet de loi qui est attendu. Le 24 octobre dernier, j'ai fait un point de presse là-dessus, demandant qu'on fasse un processus de suspension des maires, là, ou des élus municipaux qui font face à des accusations criminelles. Donc, aujourd'hui, on a le projet de loi qui est sur la table.

Il y a trois mémoires, comme disait le ministre, qui ont été déposés, très intéressants autant les uns que les autres. Il y a celui du Barreau, qui parle de la rétroactivité, également, de ce projet de loi là, l'article 8. On aura sûrement beaucoup de questions là-dessus, et j'ai mon collègue ancien bâtonnier, député de Fabre, là, qui aura sûrement beaucoup de questions là-dessus. Et ses lumières nous seront très utiles, j'en suis convaincu, là-dessus, parce que, dans le mémoire du Barreau, il est mentionné très clairement, là, que, lorsque c'est... une personne peut être accusée de quelque chose qu'elle connaissait d'avance et non... En tout cas, on va... Je ne veux pas commencer à débattre déjà, là, du projet de loi, là, mais il va falloir, là-dessus, là, y aller attentivement.

L'UMQ et la FQM sont favorables. Il y a des petits points de précision, je pense, qui sont demandés par rapport à ces deux unions municipales là. Aujourd'hui, on aura la chance d'entendre M. Lapointe, qui est procureur en chef, là, du bureau de... Directeur des poursuites criminelles et pénales, exactement. Donc, ça, on aura également, là, d'autres éclaircissements là-dessus.

Ce sera sûrement du droit nouveau, vous l'avez dit, M. le ministre, lors de l'adoption de principe. C'est quelque chose de totalement nouveau pour nous, au Québec. Je ne sais pas si ça existe ailleurs, là, je n'ai pas fait de recherche là-dessus, mais j'ai également dit à plusieurs reprises: S'il y a un élu municipal, un maire, un conseiller, un préfet, peu importe, qui a fait des choses illégales, qui a posé des gestes illégaux, bien, il aura à payer de ce qu'il a fait. Et puis je pense qu'il y va, un, premièrement, de la réputation générale de tous les élus municipaux, autant des grandes villes que des petites villes. S'il y a des gens qui ont posé des gestes illégaux, bien, ils paieront de leurs gestes. Je pense que, là-dessus, là, il n'y a aucune ambiguïté à avoir là-dessus, là. Il faut que ces choses-là cessent.

Donc, nous serons là, en collaboration. On aura sûrement beaucoup de questions, et mes deux collègues les deux députés, là, de Vimont et de Fabre vont m'assister dans l'exercice de l'étude détaillée de ce projet de loi là qui s'intitule projet de... Loi permettant de relever provisoirement un élu municipal de ses fonctions. Il y aura toutes sortes de discussions à y avoir sûrement suite aux mémoires reçus.

Donc, on va immédiatement, là... Moi, de mon côté, ça fait le tour de mes remarques préliminaires. On est prêts à collaborer là-dessus, là, parce qu'on en a parlé déjà, nous-mêmes, depuis un certain temps. Donc, moi, ça me va pour l'instant. Merci.

La Présidente (Mme Champagne): Merci, M. le député. Alors, j'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe de l'opposition officielle en matière d'affaires municipales et député de Beauce-Nord à faire ses remarques préliminaires pour une période maximale d'un gros deux minutes.

M. André Spénard

M. Spénard: Merci, Mme la Présidente. Alors, moi aussi, je veux souhaiter une bonne dernière semaine de travaux intensifs à M. le ministre et aux collègues députés à l'Assemblée nationale.

Alors, pour moi aussi, c'est un projet de loi qui m'apparaît d'une importance capitale pour rétablir la confiance, au moins un lien de confiance, entre les citoyens et citoyennes et le premier palier, si on veut, là, d'élus qui ont à faire face bien souvent, là, aux citoyens directement, à tous les jours. Alors, je pense que c'est un projet de loi qui a... Il n'y a pas beaucoup de choses dans le projet de loi n° 10, mais je pense que ça mérite d'être étudié en profondeur, parce qu'on joue beaucoup dans le judiciaire. Et M. Lapointe aussi va nous donner son point de vue tout à l'heure, en étant procureur.

Nous avons reçu trois mémoires. L'UMQ et la FQM, je qualifie ces mémoires-là de très positifs face à ce projet de loi n° 10. Le Barreau a quelques restrictions, évidemment, en ce qui concerne la rétroactivité de cette loi-là. On va l'étudier en commission.

Moi, ce qui m'interpelle, c'est un peu ce que M. le ministre a dit tout à l'heure, c'est-à-dire qu'il y a au-dessus de 1 100 municipalités au Québec, et ce n'est pas parce qu'il y en a peut-être quatre, ou cinq, ou six qui font face à des allégations à la commission Charbonneau -- peut-être une couple de municipalités... une couple d'élus des municipalités qui font face à des accusations criminelles -- qu'il faut mettre tout le monde dans le même bateau. Je pense qu'il faut... La majorité des élus municipaux -- et j'en étais un -- la majorité des élus municipaux au Québec travaillent d'arrache-pied pour rendre service aux citoyens, font preuve aussi de grande disponibilité, de grande honnêteté malgré, dans les petites municipalités, le faible salaire qu'ils ont, la faible rémunération. Et je pense que, si vous avez été maire assez longtemps d'une municipalité, vous n'êtes pas sans savoir que ceux que vous voyez à l'assemblée publique du mois, c'est tout le temps les chiâleux, et, ceux qui sont satisfaits, vous ne les voyez jamais à l'assemblée du mois. Alors, je pense qu'il faut prendre ça en considération, il faut essayer de redorer un peu la fonction d'élu municipal. Je pense qu'avec tout ce qu'il y a eu à la commission Charbonneau...

Et une autre chose qui va m'interpeller aussi...

La Présidente (Mme Champagne): En conclusion, M. le député.

M. Spénard: ...en conclusion, c'est le soutien que l'État pourrait apporter lorsqu'il y a suspension d'un élu municipal, surtout au niveau de la mairie, le soutien et à la municipalité et au conseil de ville comme tel. Ça, ça m'apparaît flou. Ce n'est pas là. M. le ministre veut en parler, mais... En tout cas, j'ai hâte de voir.

La Présidente (Mme Champagne): Donc, on aura l'occasion sûrement d'en parler. Merci, M. le député.

Auditions

Alors, je vais inviter maintenant le représentant du Directeur des poursuites criminelles et pénales à se présenter et à faire son exposé. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes et que les échanges avec les membres de la commission vont durer 50 minutes, avec la même répartition que la semaine passée, là: 22 min 24 s pour l'opposition officielle, 5 min 36 s pour le deuxième groupe d'opposition et 22 minutes pour le parti formant, bien évidemment, le gouvernement.

Alors, M. le directeur, je vous invite à vous présenter et à produire votre mémoire.

Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP)

M. Lapointe (Pierre): Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, MM. les députés, je m'appelle Pierre Lapointe. Je suis un procureur en chef -- je ne suis pas le directeur lui-même -- je suis un procureur en chef au bureau du Directeur des poursuites criminelles et pénales. Je dirige le Bureau des affaires juridiques et professionnelles qui relève directement du directeur, et, si on peut résumer les fonctions de mon bureau, c'est celui d'être conseiller juridique du directeur.

Nous aimerions vous remercier pour nous donner l'opportunité de faire des commentaires sur la loi. Nous aimerions aussi faire une petite mise en garde: Nous ne croyons pas qu'il est de notre rôle de faire des commentaires sur l'opportunité de la loi. Ce n'est pas notre fonction, et on ne voudrait pas que quiconque comprenne des commentaires qu'on va faire maintenant qu'ils visent l'opportunité de la loi, loin de là. Les commentaires que nous faisons sont d'ordre plus procédural quant au fonctionnement de la requête pour incapacité provisoire. On pose des questions, on n'offre pas toujours nécessairement des solutions, mais, à tout le moins, on soulève quelques questions.

Alors, notre première question qui concerne le projet de loi concerne l'article 312.1, évidemment, l'article principal qui prévoit la requête en incapacité provisoire, et ça concerne le second alinéa, où on peut lire: «La requête peut être présentée par la municipalité ou par tout électeur de la municipalité. Elle est instruite et jugée d'urgence.»

**(10 h 20)**

Notre réflexion à ce sujet-là est la suivante: Il est possible qu'en limitant l'intérêt de présenter la requête aux municipalités et aux électeurs aucune requête ne soit présentée dans les faits, sous certaines circonstances. D'abord, si l'élu en question fait partie d'une majorité du conseil, peut-être qu'on peut attendre très longtemps avant que le conseil fasse une résolution pour faire déclarer incapable un de ses membres. Si ça ne se produit pas, évidemment les citoyens peuvent le faire, mais il n'en demeure pas moins que, dans ces cas-là où les citoyens ou les... ici on dit «les électeurs», mais il n'en demeure pas moins que, dans ce cas-là, ce sera à lui de supporter tous les frais d'une requête, qui peuvent être assez considérables. Elle peut être contestée, cette requête-là, de façon importante, et ces frais-là pourront être assez considérables. Nous croyons que le gouvernement, Procureur général, ministre, peu importe, là, on ne fait pas de commentaire là-dessus, mais nous croyons que le gouvernement lui-même devrait pouvoir présenter la requête lorsque des accusations sont portées.

Je vous signale qu'à l'article 308 de la Loi sur les élections et référendums dans les municipalités, concernant les demandes -- comment ça s'appelle? pas disqualification -- d'inhabilité, l'article précise que «tout électeur [...] peut intenter une action en déclaration d'inhabilité[...]. [Mais] le Procureur général et [les] municipalités peuvent également intenter cette action.» Or, il est déjà prévu que le Procureur général puisse intenter une action en inhabilité dans les cas où ça pourrait s'imposer, évidemment. Le Procureur général aura une discrétion, le gouvernement aura une discrétion, mais nous croyons que, compte tenu du contexte dans lequel une requête semblable pourrait se présenter, du fait que cette requête-là pourrait être très contestée, il est peut-être sage d'inclure comme personne ayant un intérêt pour présenter la requête le Procureur général, ou le gouvernement, ou ministre, peu importe. Alors, c'est notre premier commentaire.

Notre second ou nos seconds commentaires concernent l'article 312.4, la cessation de l'incapacité provisoire. D'abord, on comprend qu'il est prévu ici que, pour être déclaré incapable provisoirement, il faut... La question est judiciarisée, c'est un tribunal qui prend la décision, alors que, pour la cessation de l'incapacité provisoire, c'est par l'effet de la loi, hein, il n'y a pas de procédure nécessaire. Lorsque certaines circonstances se produisent, l'incapacité provisoire cesse. Or, au premier paragraphe, au premier alinéa de l'article 312.4, il est prévu: «à la date à laquelle le poursuivant arrête ou retire les procédures à l'égard de tous les chefs d'accusation compris dans la poursuite ayant servi de fondement à la requête.»

On veut tout simplement vous signaler que l'arrêt des procédures, au sens où on l'entend en droit criminel, ne signifie pas nécessairement l'arrêt des procédures. En d'autres termes, l'article 579.2... 579.1 du Code criminel permet au poursuivant d'arrêter les procédures. C'est une discrétion fondamentale qui appartient au poursuivant. Le paragraphe 579.2, cependant, prévoit que le poursuivant a aussi la discrétion fondamentale de reprendre les procédures dans l'année où il les a arrêtées. Peut-être faudra-t-il envisager ce qui va se produire d'une incapacité ou d'une déclaration d'incapacité provisoire si le Procureur général reprend. Est-ce qu'il faudra refaire la requête à nouveau, tout simplement prévoir que l'arrêt des procédures met fin à l'incapacité provisoire et refaire une requête à nouveau pour à nouveau faire déclarer incapable provisoirement l'élu?

En plus de ça, l'article 577 du Code criminel donne au sous-procureur général... -- et ici le sous-procureur général, en vertu de l'article 1 de la Loi sur le Directeur des poursuites criminelles et pénales, c'est le Directeur des poursuites criminelles et pénales -- donne le pouvoir ou la discrétion fondamentale de déposer un acte d'accusation direct. Et, dans ce cas-là, il y a des procédures. Ces procédures-là vont continuer, et il va nécessairement y avoir un procès devant jury. Et il peut se produire des situations où le directeur pourrait décider d'arrêter les procédures en vertu de 579 et de les reprendre par un acte d'accusation direct en vertu de l'article 577. Ce n'est pas nécessairement fréquent, là, mais ça peut se produire. Il peut y avoir des situations où ça peut être indiqué de faire ça. Alors, à ce moment-là, le simple fait qu'il y ait eu arrêt des procédures met fin à la requête, alors que, quelques semaines plus tard, on peut reprendre les procédures par un acte d'accusation... quelques jours, quelques heures ou quelques semaines plus tard, on peut reprendre les procédures, basées sur les même faits, découlant de la même affaire, par acte d'accusation direct. Faudra-t-il à nouveau faire une requête pour incapacité provisoire?

Le paragraphe 2° de l'article 312.4 nous dit: «à la date où...» Enfin la cessation... voyons! l'incapacité provisoire prend fin par l'effet de la loi: «à la date à laquelle est passé en force de chose jugée un jugement prononçant l'acquittement ou l'arrêt des procédures à l'encontre de tous ces chefs d'accusation.»

Il y a des situations où les procédures peuvent cesser sans pour autant qu'il y ait un acquittement ou un arrêt des procédures, hein? La personne peut être libérée à l'enquête préliminaire, ça n'équivaut pas, en droit criminel, à un acquittement. Et, dans ces circonstances-là, malgré le fait qu'il est libéré, il demeurerait, puisqu'il n'y a pas de procédure possible, il demeurerait en fait frappé de l'incapacité provisoire. Et une libération à l'enquête préliminaire ne met pas nécessairement fin aux procédures. Le procureur général ou, en fait, le Directeur des poursuites criminelles et pénales peut les reprendre s'il y avait des faits nouveaux et peut aussi déposer un acte d'accusation direct, encore une fois, en vertu de l'article 577.

C'est spécifiquement prévu à 577 que, qu'il n'y ait pas eu une enquête préliminaire, que l'enquête préliminaire ait commencé, qu'elle ait pris fin et que l'accusé ait été libéré à l'enquête préliminaire, le Procureur général ou le sous-procureur général, ici le directeur, a le pouvoir de déposer un acte d'accusation direct. C'est une situation qui n'est pas fréquente mais qui peut être plus fréquente que la précédente dont je vous ai parlé.

La Présidente (Mme Champagne): Alors, M. Lapointe, je vous rappelle qu'il ne vous reste même pas une petite minute.

M. Lapointe (Pierre): Déjà?

La Présidente (Mme Champagne): Déjà.

M. Lapointe (Pierre): Mon Dieu! Puis j'avais... Mon sujet préféré, le plus important, s'en venait. Est-ce qu'il est possible d'avoir peut-être un cinq minutes supplémentaire? Je vais aller rapidement.

La Présidente (Mme Champagne): Écoutez, si les membres ont consentement pour que monsieur continue un petit peu plus longtemps, parce que ce que vous dites est fort intéressant en plus, là.

Des voix: ...

La Présidente (Mme Champagne): Alors, c'est consenti. C'est facile ce matin, ça n'a pas de bon sens. Alors, allez-y, Me Lapointe, allez-y.

M. Lapointe (Pierre): Je vais y aller rapidement. On s'était posé une question relativement à 312.4, concernant le cas où la personne est trouvée coupable. Ce n'est pas prévu. Alors, il demeure... voyons! quoi, encore... Il demeure dans un état d'incapacité provisoire s'il est trouvé coupable. Par contre, évidemment, l'article -- je vais le noter -- 302 de la loi prévoit que c'est un mobile ou un motif d'incapacité ou d'inhabilité d'être trouvé coupable d'une infraction passible de deux ans d'emprisonnement s'il est condamné à 30 jours d'emprisonnement.

Alors, c'est une situation où une personne pourrait être déclarée incapable provisoirement, notamment parce qu'un juge de la Cour supérieure considère que ça déconsidère l'administration de la municipalité que de continuer à agir, et, s'il est effectivement trouvé coupable de cette infraction-là, bien, si le juge ne lui a pas donné 30 jours de prison, il n'arrive rien. Alors, il n'arrive rien, il y a un trou dans la loi, parce qu'il va demeurer incapable provisoirement éternellement, tant que son mandat ne se terminera pas. Alors, on souligne ce petit problème.

Le dernier problème, puisque j'ai cinq minutes, mais qui nous semble le plus important, c'est la preuve, la preuve qui devra être faite devant la Cour supérieure pour obtenir l'incapacité provisoire. On a choisi de donner aux juges de la Cour supérieure un pouvoir discrétionnaire de décider si une personne devrait être déclarée incapable provisoirement basé sur deux critères. Le premier, c'est qu'on établisse un lien entre les fonctions que la personne occupait et l'infraction qu'on lui reproche. Le second, même si on a établi ce lien-là, le juge possède encore un pouvoir discrétionnaire important de ne pas le déclarer incapable s'il ne considère pas que sa capacité, si vous voulez, ne déconsidère pas l'administration de la municipalité. Or, ce sont... c'est l'exercice de pouvoir discrétionnaire important.

**(10 h 30)**

La question qui se pose et qui n'est pas prévue dans cette loi-là, c'est: Comment fait-on la preuve de ça? Comment la personne qui va présenter la requête va devoir d'abord démontrer dans une requête, comme on doit toujours le faire, les faits à la base de cette requête-là, les faits qui lui permettent de croire -- parce que ça doit être démontré prima facie dans la présentation d'une requête -- qui lui permettent de croire qu'il y a un lien, d'abord, et, deuxièmement, que le maintien de son poste ne déconsidérera pas l'administration de la municipalité? Il n'aura aucun fait, hein? Les faits à l'origine de la poursuite...

Le rapport d'enquête ne lui sera pas disponible. Lorsque des demandes semblables nous sont faites, elles sont refusées. La Loi, même, sur l'accès prévoit qu'on ne peut pas, par la loi, par l'accès, obtenir ces renseignements-là. Tous les cas qui sont visés par l'article 312.1, ce sont des cas où il y a des accusations de portées puis il n'y a pas de jugement de rendu. Bon. Alors, ça va être très difficile d'écrire sa requête, de connaître les faits qui vont pouvoir établir qu'il y a un lien, d'abord.

Il y a certaines accusations, c'est évident, là; si on l'accuse d'abus de confiance, bien, la lecture même de la dénonciation démontre qu'il y a un lien. Mais, si on l'accuse de fraude, à titre d'exemple, ou de complot pour fraude, il n'y a pas nécessairement de lien évident à la lecture de l'acte d'accusation, ça va nous prendre la preuve. Et, comme je vous dis, si un citoyen nous demande la preuve, si une municipalité nous demande de lui fournir la preuve à l'extérieur de procédures judiciaires, on va le refuser. On va le refuser pour la simple raison que la dissémination de la preuve, c'est une question excessivement importante, hein?

Il y a une bonne raison pour laquelle le procureur... le législateur fédéral permet ou même exige qu'un juge ordonne la non-publication de la preuve à l'enquête préliminaire puis à l'enquête sur remise en liberté, si l'accusé le demande, c'est qu'une fois la preuve publique ça peut nuire éventuellement à un procès juste et équitable. Ça peut faire en sorte qu'on aurait de la difficulté à trouver un jury impartial. Et il faut comprendre... ou enfin il faut appréhender, et on ne veut pas être présomptueux ici, là, mais il faut appréhender qu'une requête semblable serait hautement médiatisée, de toute évidence, surtout dans le contexte actuel.

Alors, il n'y a pas de mécanisme ici pour préserver la preuve, pour protéger cette preuve-là pour que l'exercice prévu à 312.1 puisse s'effectuer, d'une part, mais que, d'autre part, on ne nuira pas à un procès éventuel. Et c'est absolument important. D'autant plus qu'il y a non seulement la question de nuire au droit d'un accusé d'un procès juste et équitable, mais il y a aussi la question de protéger certains privilèges, et ça, c'est la responsabilité constitutionnelle du poursuivant, c'est notre responsabilité constitutionnelle en vertu des règles de droit fédéral, hein? On doit protéger la vie privée: on ne peut pas donner le nom des témoins, on ne peut pas rendre publics le nom des témoins ou les coordonnées des témoins qui vont témoigner éventuellement dans une cause. Je vous dirais même, quoique le problème ne se poserait pas ici parce qu'ils seraient accusés, qu'on ne peut pas donner publiquement l'identité des accusés si... pas des accusés mais des suspects s'ils ne sont pas connus. On doit protéger le privilège de l'informateur, on doit protéger, d'une certaine façon -- c'est prévu au Code criminel -- l'écoute électronique, s'il y en a dans le dossier. Ici, on va souvent parler d'enquêtes importantes, hein? On le sait, déjà il y a des enquêtes, il y a des procédures dans ce sens-là.

La Présidente (Mme Champagne): Me Lapointe, un gros 30 secondes?

M. Lapointe (Pierre): O.K. Alors, tout ça pour vous dire qu'il n'y a rien de prévu à ce sujet-là, et il est absolument essentiel que quelque chose soit prévu à ce sujet-là, parce que nous, on ne sera pas... nous qui avons l'obligation de protéger ces renseignements-là, on ne sera pas partie des procédures, ça va être la municipalité ou le citoyen.

Et ce que nous vous suggérons, ce que nous suggérons, c'est deux choses. La première, c'est que la loi prévoie qu'on soit toujours mis en cause dans ces procédures-là, le directeur, non pas pour qu'on vienne plaider contre le fait qu'une personne devrait être déclarée incapable ou non, ça ne nous concerne pas, c'est au-delà de notre mandat, mais, à tout le moins, qu'on soit partie au litige avec le droit de faire des représentations relativement à la protection des renseignements qui seront produits pour les fins de la requête.

Deuxièmement, à la rigueur, même, prévoir, plutôt que de puiser dans les pouvoirs inhérents du juge de la Cour supérieure d'ordonner l'interdiction de publication ou le huis clos, même, prévoir, déjà dans la loi, que le juge peut ordonner l'interdiction de publication ou le huis clos à la demande. On ne dit pas qu'il «doit», parce que là ce serait... il y a des circonstances où ça peut ne pas être justifié, mais de spécifier dans la loi pour que ce soit clair pour le juge qu'il n'ait pas à puiser dans son pouvoir de common law, de pouvoir résiduel, qu'il soit prévu déjà dans la loi que, relativement aux renseignements concernant la poursuite ou l'accusation qui a donné suite à la demande, le juge peut, si les circonstances le justifient, ordonner le huis clos ou l'interdiction de publication.

C'est tout. Je n'ai plus rien à dire. C'est tout. Excusez-moi pour...

La Présidente (Mme Champagne): Merci, Me Lapointe. De toute façon, je pense que les collègues ont le goût d'échanger avec vous là-dessus. Alors, je rappelle au groupe formant le gouvernement que vous avez droit à un gros 22 minutes d'échange avec Me Lapointe. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Gaudreault: Oui. Alors, merci beaucoup, Me Lapointe, pour votre présentation très intéressante. Je veux juste, avant d'aller sur les éléments peut-être plus importants que vous nous avez soulignés, je veux juste être sûr de bien comprendre. C'est que je n'ai peut-être pas saisi complètement, là, ce que vous nous disiez concernant la question du 30 jours, là, de la possibilité d'emprisonnement de 30 jours, là, versus l'article 312.4. Pouvez-vous juste, peut-être, repréciser votre idée là-dessus, s'il vous plaît?

M. Lapointe (Pierre): Oui. O.K. Écoutez, je ne suis pas et on n'est pas des experts en droit municipal, de toute évidence, concernant les lois municipales, mais, dans votre projet de loi, il y a deux mécanismes: le mécanisme pour être déclaré incapable et un mécanisme pour être relevé de cette déclaration d'incapacité. Celui qui va être déclaré incapable est judiciarisé. C'est un juge qui va prendre la décision, suite à une requête, suivant toutes les procédures et les règles d'équité nécessaires.

Le retrait, si vous voulez, je ne sais pas quel mot utiliser, là, mais le... La cessation de l'incapacité, en vertu de 312.4, n'est pas judiciarisée, hein, c'est par l'effet de la loi. Si on se trouve dans une de ces circonstances-là, l'incapacité cesse automatiquement. On a prévu à 312.4.2° que l'acquittement de l'individu en question, de l'élu, va entraîner nécessairement la cessation, ce qui est parfaitement normal. Mais qu'arrive-t-il s'il est trouvé coupable? Ce n'est pas prévu. Alors, puisqu'il n'y a pas de mécanisme qui judiciarise la cessation, il va demeurer à perpétuelle demeure... J'imagine, tant que son mandat ne sera pas terminé, il va demeurer à perpétuelle demeure incapable provisoirement.

Bien sûr, il existe une requête possible pour le faire déclarer inhabile, en vertu de la même loi. C'est l'article 300... Excusez-moi, là. 302? Je l'ai en note ici, là. Mais il existe... voyons! Excusez-moi. 308. Oui, c'est ça. Il existe une possibilité de faire déclarer inhabile un élu qui a été condamné pour une infraction, hein? Et c'est... Bien, 302 nous dit que, s'il est condamné à deux ans d'emprisonnement et ainsi qu'à une infraction passible de deux ans d'emprisonnement et à une peine de 30 jours d'emprisonnement, il peut être déclaré inhabile. Mais on peut considérer des situations... ou, en fait, on peut se trouver dans une situation -- qui serait peut-être un peu absurde -- qu'un juge de la Cour supérieure ait considéré qu'il était nécessaire de déclarer incapable provisoirement un élu parce que les accusations portées contre lui, avant même qu'il soit trouvé coupable... parce qu'on juge que les accusations portées contre lui sont de nature à déconsidérer l'administration de la municipalité, mais qu'on ne soit pas capable de le faire déclarer inhabile par la suite parce qu'il n'y a pas eu trois mois d'emprisonnement. Il ne faut pas prendre pour acquis que l'emprisonnement est la norme, là. Alors, ça fait quoi? Bien, ça fait qu'une personne va être déclarée incapable en vertu de 312.1 mais ne sera jamais... ou il n'y aura jamais de cessation de cette déclaration d'incapacité. Puis, même s'il n'y a pas d'emprisonnement, là, il va demeurer dans cet état juridique... dans ces limbes juridiques, d'être incapable provisoirement, à tout le moins tant et aussi longtemps que son mandat ne sera pas terminé.

La Présidente (Mme Champagne): Oui, oui...

M. Gaudreault: C'est ça.

M. Lapointe (Pierre): Ce n'est pas clair, selon nous. En tout cas, peut-être qu'il devrait y avoir une disposition qui dit qu'est-ce qui arrive si la personne est trouvée coupable. Il y a vraiment un trou.

M. Gaudreault: Bien, c'est ça, comme vous venez de le dire, M. Lapointe, c'est que -- et comme la loi le dit, le titre de la loi le dit lui-même -- l'incapacité est provisoire, donc elle ne peut jamais aller plus loin que la fin du mandat lui-même. Alors, ces limbes juridiques dont vous parlez ont quand même une fin.

**(10 h 40)**

M. Lapointe (Pierre): Non, mais je suis d'accord, là, je n'argumente pas avec vous que...

M. Gaudreault: Contrairement aux limbes, point. Oui.

M. Lapointe (Pierre): Je n'argumente pas avec vous, là. Comme je l'ai dit, la seule solution, c'est que s'écoule le mandat.

M. Gaudreault: C'est ça. Donc?

M. Lapointe (Pierre): Non, non, c'est beau. Je veux dire, l'idée, c'est que la personne va demeurer incapable, là, provisoirement...

M. Gaudreault: Jusqu'à la fin de son mandat.

M. Lapointe (Pierre): ...jusqu'à la fin du mandat.

L'autre question que je n'ai pas eu le temps de soulever, là, tout à l'heure, mais qui se rattache à ça, c'est: Qu'arrive-t-il si l'accusé... l'élu est accusé de certains crimes et qu'à l'enquête préliminaire il ressort avec une accusation beaucoup moindre, si les faits changent, s'il y a des situations qui font en sorte qu'il est accusé de choses moins graves ou qu'il nuance ces choses-là, sa participation criminelle est mieux définie, elle est définie de façon inférieure, il a peut-être juste aidé de façon indirecte? Il n'aura aucun pouvoir de revenir devant la Cour supérieure pour faire juger à nouveau de la question de savoir si sa capacité déconsidère l'administration de la municipalité. Alors, il va demeurer incapable même si, en cours de route, les accusations criminelles changent. C'est une situation qui se produit, hein? Les témoins, là, généralement, ils disent toujours la même chose, mais parfois ça fond, parfois ça augmente, je veux dire, c'est variable.

M. Gaudreault: À ce moment-là -- si vous permettez, M. Lapointe -- à ce moment-là, votre dernière intervention nous conduit peut-être à l'autre élément sur lequel je voulais vous entendre un peu plus, c'est sur la question de la preuve. Vous nous avez interpellés sur la question de la preuve. Et, sur la question de la preuve, à l'article 5, qui modifie l'article 312.1 de la Loi sur les élections et les référendums, on dit bien... au dernier paragraphe de 312.1, on parle «du lien entre l'infraction alléguée et l'exercice des fonctions du membre du conseil». Donc, pour vous, est-ce que cette notion d'infraction alléguée n'est pas déjà un début de ce qu'on souhaite obtenir comme preuve pour que la requête soit entendue par le juge, au sens où il n'a jamais été dans notre esprit de demander au Directeur des poursuites criminelles et pénales de publier la preuve? Ça, là-dessus, je veux que ça soit très clair. Et, à mon sens, il est toujours du devoir ou de la responsabilité d'un juge de la Cour supérieure de déclarer, s'il le juge à propos, le huis clos, par exemple, dans tous les cas. Donc, c'est en ses propres mains, à lui-même.

Alors, quand on parle ici d'infraction alléguée, alors le qualificatif «alléguée» ou l'épithète «alléguée» est très importante dans ce sens-là. Alors, quand on parle de l'infraction alléguée, est-ce que, par exemple, on ne peut pas se baser sur les circonstances médiatiques, sur les circonstances politiques, sur le fait que l'infraction alléguée déconsidère, par exemple, l'administration d'une municipalité, parce que c'est le chahut quand l'élu municipal se présente, ça ne fonctionne pas dans la ville, il y a toutes sortes de circonstances? Alors là, on est dans les dommages collatéraux, je dirais, entre guillemets, d'une infraction alléguée. Donc, la preuve ne devrait-elle pas tourner autour de cet élément-là, non pas sur le fond de la poursuite criminelle, disons, mais sur les circonstances de cette infraction alléguée?

M. Lapointe (Pierre): ...infraction. D'abord, écoutez, avec tout le respect, je ne crois pas que le texte, tel qu'il est rédigé là, permettrait au juge de considérer le chahut, la révolte populaire, qu'une personne demeure en poste comme étant un fait pertinent pour déclarer l'incapacité. Je pense qu'ici le texte est assez clair, assez compact, là, pour comprendre qu'il faut d'abord démontrer qu'il y a un lien entre les fonctions de l'élu municipal et l'infraction qu'on lui reproche -- l'infraction, comme vous dites, alléguée -- et, d'autre part, que ce lien-là et la gravité des infractions elles-mêmes vont faire en sorte de déconsidérer l'administration de la municipalité si la personne demeure dans sa capacité d'élu. Mais ça, c'est mon opinion, je veux dire, peut-être qu'un tribunal vous dira un jour que, non, non, le fait que les citoyens se révoltent à ce sujet-là, le fait que ça crée au conseil municipal des situations pratiquement de violence, là, est suffisant, je ne le sais pas. Moi, il me semble que la question de déconsidérer l'administration de la municipalité est reliée directement au lien avec l'infraction.

L'infraction, quand vous dites «infraction alléguée», vous voulez dire l'infraction qui a été portée... l'accusation qui a été portée. Tout ce qui est public relativement à ça, c'est la dénonciation ou... puis, si ça vient un peu plus tard, l'acte d'accusation qui sera porté, qui sera déposé par le directeur lors d'un procès. Ça ne dit pas grand-chose, une dénonciation, hein? Ça dit tout simplement qu'à telle date, à tel endroit, une personne a commis tel crime. Ça ne décrit pas le crime qui a été commis. Ça ne donne même pas le montant, hein? Si c'est une fraude, ça va être une fraude de plus ou moins que 5 000 $. Puis l'objet de dire ça, c'est uniquement dans le but d'indiquer la compétence du tribunal, là, la juridiction de la cour.

S'il s'agit, comme je l'ai dit tout à l'heure, de certaines infractions qui sont évidentes... abus de confiance, hein? Si on porte une accusation d'abus de confiance, bien, par définition, l'abus de confiance, c'est clair que c'est en relation avec ses fonctions, sinon ce ne serait pas de l'abus de confiance comme fonctionnaire au sens de l'article 218 du Code criminel. Mais, les autres infractions, la dénonciation va être relativement neutre. Ça ne dira rien. Ça va dire peut-être qu'il y a un complot avec telle personne ou telle personne si on porte des accusations de complot, ou c'est une fraude de tant de dollars, de plus de 5 000 $, et point à la ligne. Ça ne dira rien d'autre. Alors, comment le juge va-t-il faire pour déterminer s'il y a un lien entre l'infraction alléguée et l'exercice de ses fonctions?

Vous nous parlez de, bon, ce qui se dit dans les médias, ce qui... Bravo! Si le juge... Et, si vous considérez qu'on peut accepter ce qui se dit dans les médias comme étant de la preuve fiable sur laquelle un juge peut se fonder pour décider de l'incapacité provisoire d'une personne, soit, il n'y aura pas de problème. Ça me surprendrait. Et je dois vous avouer, pour en être témoin à tous les jours, qu'il y a fréquemment un décalage, relativement important parfois, entre ce qui est dit dans les médias et la preuve réelle dans un dossier.

M. Gaudreault: ...surpris.

M. Lapointe (Pierre): Vous êtes surpris?

La Présidente (Mme Champagne): On est d'accord.

M. Gaudreault: Vous m'apprenez...

M. Lapointe (Pierre): Bien, en tout cas...

M. Gaudreault: Vous m'apprenez ça, là.

M. Lapointe (Pierre): ...je ne voulais pas vous choquer ou vous surprendre, mais il y a fréquemment un décalage.

M. Gaudreault: Aïe! je ne m'en étais jamais aperçu.

M. Lapointe (Pierre): Ce qui va être recherché, selon moi, ce que la cour va généralement demander, c'est la preuve dans le dossier. Comment va-t-elle l'obtenir? Bien, d'abord, c'est le fardeau du requérant. C'est le requérant lui-même qui va devoir faire la demande ou obtenir cette preuve-là pour la présenter devant la cour. On lui laisse, à lui... Ce n'est pas une inquisition, là, cette requête-là, c'est une requête judiciaire. On laisse au requérant le soin de faire la demande, donc de fournir la preuve.

Il va avoir besoin de la preuve pour deux choses: pour rédiger sa requête. Un tribunal ne reçoit pas une requête, là, tout simplement: Je demande qu'il soit déclaré incapable selon 312.1 de la loi, sans autres faits, sans autres... Il faut que le requérant démontre prima facie qu'il y a des motifs qui permettent de croire que la requête est fondée. Donc, prima facie, il devra démontrer qu'il y a un lien puis, prima facie, il devra démontrer que son maintien en poste va déconsidérer l'administration de la municipalité.

Comment fera-t-il ça s'il n'a pas accès à la preuve? Si ça passe, s'il n'a pas ces renseignements-là, puis, malgré tout, la cour accepte cette requête-là, bien là, il faudra faire la preuve de ça. Alors, comment faire la preuve? De deux choses l'une: encore une fois, obtenir la preuve, d'une part, ou -- et on l'a vu dans un cas pratique, pas relativement à une incapacité évidemment, mais relativement à une requête secondaire concernant une poursuite criminelle dans une municipalité -- assigner l'enquêteur, hein? On va envoyer un subpoena à l'enquêteur de la Sûreté du Québec puis on va dire: Venez témoigner, venez nous dire c'est quoi, les faits dans votre affaire.

Quoi qu'il arrive, dans un sens comme dans l'autre, le risque est important que tous les faits de cette affaire-là deviennent publics avant même le procès. Et nous, on ne sera pas partie à cette procédure-là, là. On ne sera pas appelés, hein? Le mieux qu'on peut faire, si on en entend parler... il y a des bonnes chances, mais, malgré tout, ça pourrait se produire qu'on n'en entende pas parler ou qu'on ne le voie pas. Mais, si on en entend parler, il faut faire une requête pour être déclarés intervenants devant la Cour supérieure, dans ce litige-là, pour pouvoir faire des représentations sur la protection de ces renseignements-là. Et ça, ce n'est pas clair, ce n'est pas facile, ce n'est pas donné.

Ce n'est pas parce qu'on fait une requête en intervention que nécessairement c'est accordé par la cour. Je vous dirai que c'est un type de requête qui est relativement secondaire, relativement... En tout cas. Le mieux, c'est qu'on soit déclarés comme partie au litige en vertu de votre loi. Et, que ce soit limité exclusivement dans le but de protéger les renseignements qui seront mis en preuve, on n'a pas de problème avec ça. On ne veut certainement pas intervenir dans le litige lui-même, de savoir si une personne devrait être déclarée incapable ou non, mais ce serait beaucoup plus pratique. On a tout simplement à prévoir que, dans tous les cas d'une requête, le Directeur des poursuites criminelles et pénales doit être mis en cause.

**(10 h 50)**

La Présidente (Mme Champagne): Parfait. M. le ministre.

M. Gaudreault: Oui. M. Lapointe, en tout cas, je trouve que vous expliquez très, très bien le fonctionnement de la loi.

Alors, ce que vous avez dit concernant le troisième alinéa de 312.1, effectivement ça sera les éléments dont devra tenir compte le juge de la Cour supérieure. Et je vous rappelle qu'on a quand même... on parle de l'intérêt public, qu'il faut que ce soit justifié au sens de l'intérêt public. Alors, c'est un critère. On parle de l'infraction alléguée, il y a un autre critère là: il faut que ça déconsidère l'administration de la municipalité.

Alors, oui, il y a une discrétion qui est entre les mains du juge. Mais, comme le disait mon collègue de Chapleau d'entrée de jeu, on fait du droit nouveau. Alors, on ne peut pas avoir réponse à tout non plus à ce moment-ci, là, mais je pense qu'on a quand même un certain nombre de critères qui ont déjà fait l'objet d'interprétations juridiques. L'intérêt public, la déconsidération de l'administration d'une municipalité, par exemple... ou la déconsidération d'une administration publique, je veux dire, ça a déjà été balisé par la jurisprudence, là, ces choses-là.

Mais je voudrais vous entendre, quand vous... J'entends très bien votre revendication d'être mis en cause de facto, je dirais, par une requête pour relever provisoirement un élu de ses fonctions, mais vous en feriez quoi, à ce moment-là, si vous étiez mis en cause immédiatement? Ce serait pour en faire quoi, si vous voulez justement que la preuve soit préservée pour le procès sur le fond en matière criminelle ou autre, ou pénale, mais vous seriez là pourquoi?

M. Lapointe (Pierre): Nécessairement pour voir d'abord qu'est-ce qu'on va en faire, de cette preuve-là. D'abord, ça va prendre le tribunal pour nous ordonner de la produire, cette preuve-là. Ou, si on assigne l'enquêteur, bien là, on devra intervenir pour faire une requête pour demander que l'enquêteur témoigne... ou enfin qu'il soit dispensé de témoigner ou, à la rigueur, qu'il témoigne à huis clos. Et ce qu'on en ferait, ce serait nécessairement... S'il y a un risque dans la procédure que la preuve devienne publique, on ferait une requête pour interdiction de publication. C'est commun.

Présentement, on en a fait deux devant la commission Charbonneau, devant la commission sur l'industrie de la construction, qui ont été accueillies par la cour, qui ont été considérées par les commissaires. Ils ont tranché, de façon très fine d'ailleurs, ils ont dit... Certains commentaires de témoins pouvaient être rendus publics parce que ce n'est pas susceptible de nuire à un procès éventuel, mais d'autres ne doivent pas être rendus publics parce que c'est susceptible. Mais, à la commission Charbonneau, on n'a pas tellement de problèmes, on est intervenants de par la loi, on a été reçus comme intervenants puis on peut faire des commentaires.

M. Gaudreault: Je...

M. Lapointe (Pierre): J'aimerais juste, à votre dernier commentaire...

M. Gaudreault: Oui?

M. Lapointe (Pierre): ...précédent, vous dire qu'il n'y a rien dans ce qu'on dit qui critique les critères que vous avez choisis, là, qui sont, selon nous, effectivement, des critères connus qui ont un sens en droit. C'est juste que l'application de ces critères-là peut faire en sorte que la preuve va être rendue publique.

M. Gaudreault: Je vous remercie. Puis il ne me reste pas beaucoup de temps, puis je veux intervenir sur un autre élément. Puis j'ai un collègue, le député de Berthier, qui veut vous poser une question également. Alors, on va essayer de tout faire en même temps.

Je veux juste savoir: Quand vous disiez... Au début, là, de votre présentation, vous suggériez que le gouvernement, via le Procureur général, puisse présenter lui-même une requête. Moi, je dois vous dire que je suis extrêmement préoccupé par le fait que je ne veux pas que cette procédure de relever provisoirement un élu municipal de ses fonctions devienne une trappe politique, là, je dirais, là, donc que toute la pression soit mise toujours sur le ministre, qui devrait interpeller, à ce moment-là, le Procureur général, ou en tout cas sur le gouvernement au sens large. Donc, c'est...

Dans mes remarques préliminaires, vous avez sûrement remarqué que j'ai insisté sur le fait que, pour nous, il est fondamental que cette requête-là soit remise entre les mains des citoyens, parce que j'ai du respect envers l'autonomie municipale et comme gouvernement municipal, et la légitimité des élus appartient d'abord et avant tout aux citoyens et aux électeurs d'une municipalité. Alors, c'est pour ça que je ne veux pas qu'il y ait un effet de bascule de sorte que le poids politique soit sur les épaules d'un ministre ou d'un gouvernement quelconque. Et je voudrais peut-être une réponse ou une réaction rapide là-dessus, puis je laisse la parole à mon collègue de Berthier, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Champagne): Parce que vous allez avoir environ deux minutes pour tout faire ça.

M. Gaudreault: Oui. Alors...

M. Lapointe (Pierre): Rapidement. Écoutez, oui...

M. Gaudreault: ...on s'entend tellement bien, c'est ma question que... Oui.

La Présidente (Mme Champagne): Alors, c'est parfait. Alors, vous avez deux minutes à vous tout seul.

M. Lapointe (Pierre): Oui, ça peut être une trappe politique, on en convient. Tout ce qu'on vous signale... Et on ne fait pas un commentaire, là, sur l'opportunité de faire ces choix-là par le gouvernement. Ce qu'on vous signale, c'est qu'ayant donné uniquement à la municipalité et aux citoyens l'intérêt pour présenter une requête vous pouvez vous trouver dans une situation où la personne qui sera visée fera partie d'un parti, disons, majoritaire au conseil. Alors, on peut attendre très longtemps avant qu'il y ait une résolution du conseil pour qu'il y ait une requête.

Et, deuxièmement, bien, qu'arrive-t-il du citoyen qui doit supporter le coût de ces requêtes-là, qui peut... En tout cas, mon expérience démontre, là, que ça peut être très, très lourd pour eux. D'ailleurs, vous l'accordez à l'électeur et non à un groupe d'électeurs ou à un regroupement d'électeurs. Alors, c'est personnel, le droit, ce n'est pas... C'est tout ce qu'on vous signalait à ce sujet-là.

La Présidente (Mme Champagne): Merci, Me Lapointe. Alors, nous allons donc, pile, à 22 minutes, passer la parole aux députés de l'opposition. Donc, les deux groupes ont en tout 28 minutes: 22 min 24 s du côté de l'opposition officielle et 5 min 36 s -- on y tient à notre 36 secondes, là -- du côté de la deuxième opposition. Alors, je vous cède la parole, M. le député de l'opposition officielle.

M. Carrière: Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Champagne): M. le porte-parole, c'est-à-dire.

M. Carrière: Merci.

La Présidente (Mme Champagne): D'accord.

M. Carrière: Merci, M. Lapointe. C'est fort intéressant, votre témoignage aujourd'hui, où... ce que vous venez nous dire par rapport au projet de loi. Ma première question vient à 312.1. Quand on parle «de nature à déconsidérer l'administration de la municipalité», j'aimerais vous entendre. Est-ce que vous ne trouvez pas que ce n'est pas assez balisé, ou c'est trop large, ou est-ce que c'est subjectif? Puis là on a parlé des médias, vous avez parlé des médias tantôt; ce qu'on entend, ce n'est pas une preuve en soi, etc., là. Comment vous... C'est quoi, la recommandation que vous auriez à nous faire par rapport à ça, «nature à déconsidérer»?

M. Lapointe (Pierre): Écoutez, le commentaire que je vais vous faire est personnel, là. D'abord, c'est un concept qui est bien connu en droit, hein, parce que la Charte canadienne des droits et libertés permet, en vertu de l'article 24.2, de donner un effet de droit à un préjudice constitutionnel puis celui de déconsidérer l'administration de la justice. Alors, les tribunaux sont habitués; c'est exactement ces mots-là, là. Puis je vois qu'on a puisé probablement... Bon. Alors, c'est exactement ces mots-là. Et les tribunaux ont développé des critères pour savoir qu'est-ce qui déconsidère l'administration de la justice. Il y a une forme d'équilibre.

Et, quand je vous dis que c'est très personnel, ma réponse... Et je vous dirai que moi, je suis un grand subjectiviste, dans le sens où je crois au pouvoir des tribunaux, d'avoir des critères qui peuvent s'interpréter en droit et laisser les tribunaux exercer leur discrétion à ce sujet. Mais évidemment c'est une balle en l'air: elle va retomber où elle va tomber, parce qu'une fois que le projet de loi est adopté ce sera aux tribunaux de l'appliquer et ce sera eux qui décideront quelles sont les circonstances dans lesquelles ça déconsidère l'administration d'une municipalité.

M. Carrière: O.K., merci. Dans le cas d'une suspension d'un maire ou... Je vais vous donner comme un exemple, là, concret: un maire qui est suspendu demain et puis, donc, l'élection est en... pour deux ans, si je comprends bien... Pardon?

M. Gaudreault: Jusqu'à la fin...

**(11 heures)**

M. Carrière: Jusqu'à la fin du mandat, oui. Est-ce que -- excusez-moi, merci -- ça fait en sorte qu'il pourrait, selon vous, se... C'est parce qu'il n'a pas été jugé coupable d'une accusation criminelle encore, il est suspendu provisoirement. Admettons que le délai en sorte, pour qu'il soit jugé, est plus long que la prochaine élection municipale en 2013 et qu'il se représente, il est réélu, est-ce que ça vient un peu comme, entre guillemets, un pardon ou... En tout cas, comment vous voyez ce...

M. Lapointe (Pierre): Bien, de toute évidence, par la loi, ça prend fin à la fin de son mandat. Alors donc, il n'y a plus d'incapacité provisoire dès l'instant où son mandat est terminé. Est-ce qu'il a le droit de se représenter? Je n'en sais rien. C'est dans les critères de d'autres lois ou... Ça, je l'ignore. Mais, si vous ne voulez pas être obligés de recommencer le processus, parce que parfois, évidemment, ces accusations-là sont longues... Le processus est long, prévoyez-le. Prévoyez que, s'il se représente et s'il est élu à nouveau, il va continuer d'être incapable provisoirement, si c'est ce qu'on veut. Si on ne veut pas être obligé de refaire une requête, il faudra le prévoir dans la loi, parce que, si ce n'est pas prévu dans la loi, effectivement...

Moi, ma lecture de ça, c'est qu'une fois que son mandat est terminé il n'est plus... par l'effet de la loi, hein, il n'a pas besoin de se représenter devant le tribunal, par l'effet de la loi, il n'est plus incapable provisoirement.

M. Carrière: Ça amène quand même une situation particulière. S'il est réélu, la poursuite... Ce que vous dites, est-ce qu'il doit recommencer, le citoyen? Parce que là tout est dans les mains du citoyen présentement, là.

M. Lapointe (Pierre): Faites juste imaginer les en-têtes des journaux. Il cesse d'être incapable provisoire, mais il se représente, il est à nouveau élu, et le citoyen reprend encore -- peut-être qu'on va considérer qu'il s'acharne, je ne sais pas -- reprend encore une requête pour le faire déclarer incapable provisoirement. C'est une situation qui serait assez inusitée.

M. Carrière: Oui, effectivement, à tout le moins. Le Barreau, dans son mémoire, parle de l'article 8. Je ne vous ai pas entendu... «...le Barreau -- là, je vais vous le lire, là -- s'est toujours opposé en principe à la législation rétroactive ou à portée rétrospective.» Alors, vous pensez quoi de l'article 8 qui vient donner un pouvoir rétroactif à cette loi-là?

M. Lapointe (Pierre): Moi, je lis l'article 8, ça dit: «Une poursuite intentée avant l'entrée en vigueur de la présente loi -- moi, je n'ai pas la bonne version -- peut servir de fondement à une requête prévue à [...] 312...» Oui, c'est un effet rétrospectif. Écoutez, ça va à l'opportunité de la loi, ça, selon nous. Ça va à l'opportunité de la loi et c'est pour régler des problèmes qui sont actuels, alors que la loi n'est pas adoptée. Je pense que... Je n'irai pas plus loin que de dire qu'il est clair que le législateur a le plein pouvoir de rendre sa loi rétrospective, si elle désire... si elle le dit. On ne pense pas, en principe, quoi que ce soit relativement à ça, là, dans le sens où ça peut être fait, c'est décidé ici. On veut manifestement régler des problèmes qui sont actuels, donc on veut que la loi s'applique, c'est-à-dire un effet rétrospectif, la loi s'applique à des situations qui sont antérieures à son entrée en vigueur.

Malheureusement, je ne peux pas vous aider, je veux dire, dans le sens où ça va à l'opportunité de la loi, puis c'est l'opportunité politique de prendre cette décision-là. Je comprends que la position du Barreau est contre les lois rétrospectives, je la respecte, cette position-là, mais je ne peux pas dire que le Barreau a tort, mais je ne peux pas dire que ceux qui croient que la loi devrait être rétrospective ont tort non plus.

M. Carrière: O.K. D'entrée de jeu, vous avez parlé, au deuxième alinéa, là, de ceux qui... Premièrement, la loi prévoit que c'est le citoyen ou le conseil municipal... Vous avez donné l'exemple de si c'est un parti politique et ils sont majoritaires, il peut attendre longtemps avant qu'il y ait une résolution, avant... Dans le cas où c'est le citoyen, c'est lourd à porter. Ce que je comprends de ce que vous dites, c'est quand même lourd à porter, autant, peut-être, financièrement ou monter la preuve par le citoyen, etc., ça devient lourd. Vous avez même, si j'ai bien compris, dit que le Procureur général, ou le ministre, ou... Moi, là, j'ai parlé, lors de l'adoption de principe, peut-être, de la commission municipale qui pourrait avoir un rôle à jouer là-dessus. Vous en pensez... J'aimerais ça vous entendre, puis vous pensez quoi de...

M. Lapointe (Pierre): Écoutez, notre commentaire demeure le même, là. Quand vous dites: Ça va être lourd, là, ça peut être très lourd. Parce que, dès l'instant où la preuve de l'accusation est portée et qu'elle est produite, ce sont généralement des preuves très complexes, très lourdes, hein? Ce n'est pas juste un petit... ça peut l'être, là, ça peut être une petite fraude, mais, dans les dossiers actuels, là, je peux vous dire, ce n'est pas juste une chemise, là, c'est des caisses, et des caisses, et des caisses de documents puis de relations qu'il faut faire. Imaginez que le citoyen va devoir assumer ça, se trouver un avocat, vraisemblablement. Et il n'y a rien qui l'empêche de se représenter seul. Si le citoyen ou le contribuable s'adonne à être un avocat, tant mieux, mais ça va demander beaucoup de travail pour présenter cette preuve-là devant la cour.

Jusqu'à quel degré devra-t-il présenter la preuve? C'est une autre histoire. Ça sera le degré où la Cour supérieure sera satisfaite qu'on a rempli le critère d'intérêt public, et de lien, et de déconsidérer l'administration. Mais ce qu'on pense, c'est que ça peut être excessivement lourd et excessivement dispendieux pour un contribuable d'assumer cette requête-là.

M. Carrière: C'est quoi, la différence entre cette loi-là, le rôle... ou en tout cas la lourdeur... ou ce que ça représente pour le citoyen, dans le cas de cette loi-là, là, une suspension d'un maire, versus un citoyen qui fait une demande d'une déclaration d'inhabileté, là, à... Ça existe, là, des maires qui sont déclarés inhabiles...

M. Lapointe (Pierre): Oui, oui. C'est le citoyen qui peut... Oui.

M. Carrière: C'est souvent un citoyen ou des groupes de citoyens.

M. Lapointe (Pierre): En vertu de 302, je pense, quelque chose comme ça.

Je ne le sais pas. Chose certaine, les demandes d'inhabilité, si je regarde, là, à l'égard des actes criminels, hein, j'en vois deux, possibilités, à 302 et 306, et c'est des cas où la personne a été trouvée coupable. Relativement facile de prouver que quelqu'un a été trouvé coupable d'un crime puis qu'il a été condamné à trois mois de prison ou, le 306, a profité de son poste pour commettre des actes de malversation, ou d'abus de confiance, ou d'autres inconduites. S'il est trouvé coupable, c'est relativement facile à prouver. Ça ne demande pas beaucoup de travail.

Mais ici la personne n'est pas trouvée coupable. On prévoit que la demande d'incapacité, justement, vise la personne qui n'est pas trouvée coupable mais qui exerce un poste d'élu. Et il devra démontrer qu'il est dans l'intérêt public qu'il soit déclaré incapable provisoirement, qu'il y a un lien factuel entre l'accusation qui a été portée contre lui et l'exercice de ses fonctions d'élu municipal et que ça va... que de demeurer en poste, de ne pas être déclaré incapable va déconsidérer l'administration de la municipalité.

Je ne peux pas vous dire... Et je ne veux pas être alarmiste. Je veux dire, ce n'est pas... Je suis d'accord que ce n'est pas dans tous les cas qu'on va devoir transmettre toute la preuve ou faire une preuve lourde, mais il peut s'agir de cas où on devra faire une preuve très lourde. Le juge qui va exercer cette discrétion-là -- parce que vous avez choisi, par cette loi-là, de donner ultimement à un juge de la Cour supérieure l'exercice de la discrétion de décider de ces questions-là -- bien, il va exiger la preuve qui va te convaincre de ça, à tout le moins par prépondérance. Et, pour ça, bien, on pense, nous, qu'il va... qu'il y a des situations, probablement assez fréquentes, où on va exiger... Mais il est accusé de quoi, ce monsieur-là? Il a fait quoi, précisément, dans le -- excusez-moi l'anglicisme -- «scheme», dans la transaction criminelle? Est-ce qu'il a tout simplement aidé en vertu... il est uniquement complice parce qu'il a aidé de façon secondaire un acteur principal, ou est-ce qu'il est la tête du réseau, ou c'est son initiative? Comment... C'est toutes des questions qui sont importantes pour décider le lien et décider si ça a des considérants dans l'administration de la justice.

Mais le requérant, qu'il soit une municipalité ou un citoyen, n'aura aucun moyen de faire cette preuve-là, parce que la preuve n'est pas publique. Il va devoir trouver, demander... Il va sûrement nous demander de lui transmettre... D'abord, il peut demander à la partie adverse de lui transmettre si on lui a divulgué. Il est possible qu'il y ait un refus. Il va nous demander peut-être, à nous, de lui transmettre ou à la police de lui transmettre. C'est pas mal sûr qu'il va avoir un refus. Alors, il va demander à la cour de nous ordonner de le transmettre.

Ce qu'on dit, c'est que nous, on veut être sur place, pas uniquement la victime d'une requête, mais on doit être partie au litige pour avoir un droit de faire des représentations, uniquement sur qu'est-ce qu'on peut faire de cette preuve-là, pas sur le fait que la personne devra être déclarée incapable ou pas.

La Présidente (Mme Champagne): Merci, monsieur...

M. Carrière: Merci beaucoup, je vous laisserais...

La Présidente (Mme Champagne): Oui. Alors, merci, monsieur... Me Lapointe. Alors, nous allons passer la parole au député de Fabre, et bienvenue à notre commission.

M. Ouimet (Fabre): Merci. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, chers collègues. Il me reste combien...

La Présidente (Mme Champagne): Il vous reste quelque chose comme un gros 10 minutes.

**(11 h 10)**

M. Ouimet (Fabre): Un gros 10 minutes. Bonjour, Me Lapointe. Merci, merci pour vos commentaires, les commentaires du DPCP. J'avoue que je n'avais pas porté une attention aussi particulière à la mécanique de la procédure, et, en vous écoutant, vous m'avez rappelé de bons souvenirs et vous m'avez allumé plusieurs lumières rouges, et je vais essayer de faire le point.

Pour revenir sur le dernier point qui a été abordé, là, si je comprends bien les remarques que vous faites au niveau de l'article 312.1, au niveau du fond de la requête présentée à la Cour supérieure, la problématique que le DPCP identifie, c'est au niveau de la preuve et non pas au niveau des critères tels qu'élaborés dans la loi...

M. Lapointe (Pierre): La preuve.

M. Ouimet (Fabre): ...et la disponibilité de cette preuve, d'une part, et, d'autre part, l'impact de la divulgation de cette preuve-là sur le processus pénal. C'est ce que je comprends, là, qui est la préoccupation.

M. Lapointe (Pierre): C'est exactement ça.

M. Ouimet (Fabre): Maintenant, il y a des pendants en matière pénale. Si on fait le pendant de l'incapacité provisoire, on pourrait parler, par exemple, de la détention avant procès. C'est un peu le pendant qui existerait en matière criminelle. Il y a des mécanismes en matière pénale, en matière criminelle pour limiter les dégâts de la divulgation de la preuve, n'est-ce pas?

M. Lapointe (Pierre): Oui.

M. Ouimet (Fabre): Et notamment on prévoit dans la loi que le tribunal peut considérer une preuve -- et là je vais utiliser un terme -- le ouï-dire. C'est le cas en matière pénale, n'est-ce pas?

M. Lapointe (Pierre): Oui.

M. Ouimet (Fabre): Et est-ce que vous voyez une contre-indication dans le processus dont on discute ici, qu'il y ait une disposition habilitante à la Cour supérieure qui permettrait de tenir compte d'une preuve -- et j'utilise l'expression dans la loi, là -- que le tribunal estime digne de foi ou plausible?

M. Lapointe (Pierre): Bien, c'est ça, je n'ai pas lu récemment le 518, là, mais il n'en demeure pas moins... du Code criminel, mais il n'en demeure pas moins qu'effectivement un juge peut prendre en compte une preuve qu'il considère comme étant plausible sans... Bien, ça a un objet très particulier en matière criminelle, comme vous le savez, parce que c'est vraiment une exception aux règles de preuve, qui sont très strictes, peut-être un peu plus qu'en matière administrative ou civile, compte tenu, là, de l'enjeu. Mais, non, moi, je ne vois pas de problème. On pourrait prévoir ici que le juge va prendre en compte toute preuve qu'il considère comme étant fiable et comme étant digne de foi, ou peu importe, ça peut être du ouï-dire, ça peut être... Et, dans ce cas... Vous voyez, dans le cas réel qui s'est produit, ce qu'on avait fait, c'est qu'on avait assigné comme témoin l'enquêteuse au dossier. Alors, nécessairement, elle allait donner du ouï-dire, nécessairement.

M. Ouimet (Fabre): Et, en matière pénale, au niveau des enquêtes sur remise en liberté -- peut-être pour le bénéfice de la commission -- c'est le cas généralement, là, on va assigner l'enquêteur qui va relater les faits et on n'entend pas les témoins qui ont vu exactement ce qui s'est passé.

M. Lapointe (Pierre): Non. Sur les enquêtes en remise en liberté, la loi permet effectivement de faire les requêtes de façon plus sommaire et de permettre au juge d'accepter toute preuve qui autrement ne serait... serait inadmissible au procès criminel mais qu'il juge digne de foi, oui.

M. Ouimet (Fabre): Vous avez évoqué tantôt la présence -- ou je ne sais pas si vous l'avez fait, moi, j'y ai pensé, là -- l'intervention du Procureur général dans le cadre des procédures. Maintenant, même la présence du Procureur général ou son intervention dans le cadre de ces procédures-là ne rendrait pas la preuve accessible aux parties, n'est-ce pas?

M. Lapointe (Pierre): Bien, non, le Procureur général ne détient pas la preuve. C'est le Directeur des poursuites criminelles et pénales qui la détient.

M. Ouimet (Fabre): Et même, puisque vous l'avez évoqué, le fait de prévoir spécifiquement le pouvoir d'intervention ou de mise en cause du Directeur des poursuites criminelles et pénales, la règle ou la... en fait la loi, votre obligation, c'est de ne pas divulguer la preuve, si j'ai bien compris.

M. Lapointe (Pierre): C'est de la protéger. Mais il y a un principe de common law qui semble être respecté pas mal devant les tribunaux dans des circonstances semblables, c'est l'arrêt Wagg, hein, de la Cour d'appel d'Ontario, qui prévoit que, dans le contexte d'une poursuite civile ou administrative parallèle à des poursuites criminelles, le juge peut ordonner la production de la preuve tout en la protégeant. Un Wagg, c'est un cas où le Procureur général était une partie au litige, à moins que je me trompe, alors il était là pour faire des représentations, ce qui ne sera pas le cas dans le cas de vos requêtes. On ne sera pas là pour faire des représentations. On ne sera pas une partie au litige.

Il faut bien comprendre que ce n'est pas parce qu'on apprend l'existence d'un litige qu'on a le droit d'intervenir. Il faut être une partie au litige pour le faire, soit à titre... notamment à titre de mise en cause.

M. Ouimet (Fabre): Il y a plusieurs points. Tantôt, vous avez fait le parallèle... En fait, non, je vais revenir. On a parlé de l'aspect rétrospectif, l'article 8. À l'heure actuelle, au moment où on se parle, à la connaissance du DPCP, y a-t-il des accusations pendantes à l'égard d'un élu ou d'une personne qui serait visé par... en fonction, là?

M. Lapointe (Pierre): Je dois vous avouer que je ne le sais pas. Je sais que récemment il y en avait une, mais la personne a démissionné. Mais je ne sais pas s'il en reste. Je n'ai pas connaissance vraiment, de façon très spécifique, de tous les dossiers... en fait de tous les accusés. J'ai eu pas mal connaissance de tous les dossiers, mais pas nécessairement de tous les accusés.

M. Ouimet (Fabre): C'est une question qui peut être fort intéressante, monsieur...

Une voix: ...

M. Ouimet (Fabre): Pardon? Il y en a?

M. Lapointe (Pierre): Quelqu'un m'en a parlé récemment, oui.

M. Ouimet (Fabre): C'est une question pertinente, parce que, s'il n'y avait pas eu personne, le débat sur l'aspect rétrospectif... oui, on aurait pu s'éviter une discussion. Merci -- et j'essaie de procéder le plus rapidement possible.

Tantôt, vous avez fait un parallèle entre l'article 24, le paragraphe 24.(2), «déconsidérer l'administration de la justice», et vous avez référé à ce qu'on utilise ici, «déconsidérer l'administration de la municipalité». Est-ce que, selon vous, c'est la même chose, l'administration de la justice ou l'administration d'une municipalité?

M. Lapointe (Pierre): Évidemment pas, là. Mais il ne demeure pas moins que le concept est le même. Je veux dire, c'est interprété en droit criminel, puis, à mon avis, on peut transposer ce critère dans des circonstances comme celles-là. Comme vous dites, ternir l'image, la perte de confiance publique dans... cette fois-ci, c'est l'administration d'une municipalité. Dans l'autre cas, évidemment c'est beaucoup plus large, un concept beaucoup plus universel, parce que ça vise les droits constitutionnels des citoyens, mais c'est faire en sorte de ne plus avoir confiance dans le système judiciaire pour que justice soit rendue. C'est la même chose ici. C'est de ne plus avoir confiance dans l'administration municipale pour faire en sorte que l'administration soit faite... Je veux dire, ça me semble être le même concept, c'est les mêmes mots, mais évidemment, en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, ça a une application beaucoup plus large. Ça, j'en conviens, là. Je ne voulais pas dire que c'est la même chose.

M. Ouimet (Fabre): Tantôt, vous avez... en parlant de l'article 312.4, vous faisiez l'analyse ou l'examen en mentionnant qu'il y a des cas autres que le retrait ou l'arrêt des procédures par le poursuivant. Vous avez expliqué qu'il y a des situations diverses où on peut se trouver dans un tout. Est-ce que, si la loi était libellée autrement, c'est-à-dire -- et là je suis au premier paragraphe du premier alinéa -- «à la date à laquelle la poursuite est arrêtée ou retirée» plutôt que «le poursuivant arrête ou retire», là, est-ce que... Parce que tantôt vous avez fait référence à l'accusé, à la personne, au prévenu qui est libéré après l'enquête préliminaire. Est-ce qu'à ce moment-là on couvrirait cette situation-là, selon vous?

M. Lapointe (Pierre): Je ne crois pas qu'en... Parce que, quand on dit «la poursuite»...

La Présidente (Mme Champagne): Me Lapointe, vous avez deux minutes pour répondre à ça.

M. Lapointe (Pierre): O.K. Je ne crois pas, parce que, quand on dit «la poursuite arrêtée», on fait référence à un concept très spécifique, hein? C'est l'arrêt. Soit que le tribunal l'ordonne pour certaines raisons ou soit que le poursuivant le fasse en vertu de 579. C'est quelque chose qui ne s'apparente pas, à tout le moins comme concept juridique en droit criminel, à la libération à l'enquête préliminaire. Je ne pense pas. Je pense qu'il faut confronter cette situation-là.

M. Ouimet (Fabre): Dernière question, si vous me permettez, une petite vite.

La Présidente (Mme Champagne): Une petite dernière, une petite dernière.

M. Ouimet (Fabre): J'en ai une petite vite. On parle de la cour, «si la cour estime dans l'intérêt public», c'est l'élément sur lequel se fonde l'exercice du pouvoir de la Cour supérieure. Est-ce qu'en matière pénale la Cour suprême n'a pas déjà estimé que l'intérêt public comme critère était trop vague ou imprécis pour l'exercice de pouvoirs judiciaires?

M. Lapointe (Pierre): Oui. Oui, en vertu de 515.3 à l'époque, dans un arrêt dont... je ne sais pas pourquoi, j'ai un blanc de mémoire, là...

Une voix: ...

M. Lapointe (Pierre): Morales, oui, peut-être, vous avez raison. Sauf que, écoutez, ici, le mot «intérêt public» était utilisé pour justifier la détention d'une personne pendant les procédures, alors qu'il était présumé innocent. Alors, c'était justifié de façon très étroite, très, très étroite, hein? C'est la... C'est sérieux, là, en droit criminel, une personne présumée innocente. C'est le principe fondamental. Et on se servait de ce concept pour qu'un juge puisse justifier sa détention même s'il ne considérait pas qu'il était dangereux, même s'il ne considérait pas qu'il pouvait nuire à l'administration de la justice. On va te garder en prison parce que ça a l'air fou de te remettre en liberté. C'est un peu ça que ça voulait dire et c'est un peu comme ça que c'est interprété par les tribunaux. La Cour suprême a considéré que c'était trop vague pour être un concept qui a une justification constitutionnelle.

Ici, je pense qu'on ne parle pas de la même chose, on parle de quelque chose de plus large. Évidemment, je ne veux pas minimiser les droits de celui qui a été élu puis qui va se faire déclarer incapable, là. Ce sont des droits valables, là, quand même, là, qui doivent être examinés judiciairement, mais ce n'est pas comme pour justifier la détention d'une personne innocente, là. Je pense que...

**(11 h 20)**

La Présidente (Mme Champagne): Merci, M. Lapointe. Merci beaucoup. Alors, nous allons passer la parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition officielle en matière d'affaires municipales et député de Beauce. Alors, vous avez votre gros 5 min 36 s.

M. Spénard: Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, M. Lapointe. Remarquez que moi, je ne suis pas avocat, j'ai juste été maire, alors c'est un peu du chinois pour moi, ça, ce que vous vous relancez entre avocats, là. Mais, moi, il y a deux affaires qui m'interpellent. Lorsqu'on parle, dans l'article 312.1, «pour évaluer si l'intérêt public le justifie, la cour tient compte du lien entre l'infraction alléguée», alors, moi, ma question, c'est: Est-ce que vous pensez qu'une infraction alléguée, ça tient la route devant un juge pour suspendre un élu?

M. Lapointe (Pierre): Bien là, c'est une question d'opportunité de la loi, là. Est-ce qu'on doit attendre qu'il soit trouvé coupable? Je pense que je comprends votre question comme ça, là. Est-ce que...

M. Spénard: ...il faut attendre une preuve? Parce qu'une infraction alléguée, ce n'est pas nécessairement une preuve.

M. Lapointe (Pierre): La personne est présumée innocente tant et aussi longtemps qu'elle n'est pas trouvée coupable, effectivement.

M. Spénard: Mais moi, j'aimerais vous entendre. Est-ce que ça tient la route? Est-ce qu'un juge peut suspendre un élu sur une infraction alléguée sans preuve?

M. Lapointe (Pierre): Sans preuve? J'imagine que, si la loi disait ça, cette loi-là serait déclarée inconstitutionnelle. Mon premier réflexe, c'est de vous dire: Si la loi prévoyait que, sans aucune preuve, dès qu'une infraction est alléguée, la personne est automatiquement suspendue par l'effet de la loi...

M. Spénard: Ça, je comprends.

M. Lapointe (Pierre): ...ça serait déclaré inconstitutionnel. Je veux dire, le citoyen, là, a le droit de faire valoir tout ce qu'il a à faire valoir. Si on le prévoit dans un contexte juridique, judiciaire, ce qu'on fait, on prévoit une requête devant la Cour supérieure, nécessairement il va devoir y avoir la preuve.

M. Spénard: Il va nécessairement devoir y avoir la preuve sur...

M. Lapointe (Pierre): Il va falloir que le requérant prouve les critères qui ont été choisis par la loi. C'est lui qui a le fardeau de faire cette preuve-là, on parle d'une requête, là. Le juge, ça ne devient pas un tribunal d'inquisition, ce n'est pas une commission d'enquête, ce juge-là. C'est une procédure judiciaire de nature administrative, probablement. Et là, évidemment, les principes d'équité, les principes... tous ces principes-là s'appliquent. Le fardeau va appartenir... J'imagine que le Code de procédure civile va s'appliquer, le fardeau va appartenir au requérant, de démontrer prima facie, d'abord dans sa requête, les critères et de faire la preuve de ces critères-là devant la cour.

M. Spénard: O.K. Une autre question qui m'a... Puis ça, ça se peut en cours de route, les accusations changent en cours de route, puis là on est au criminel, donc c'est assez long, et elles sont diminuées que ça ne nécessite pas deux ans de prison, que ça ne vaut pas deux ans de prison au... Est-ce que les accusations tombent automatiquement?

M. Lapointe (Pierre): Est-ce que les accusations ou est-ce que la déclaration d'incapacité?

M. Spénard: Les déclarations d'incompétence tombent automatiquement?

M. Lapointe (Pierre): D'après moi, pas, non, ce n'est pas prévu.

M. Spénard: Ce n'est pas prévu, ça, hein?

M. Lapointe (Pierre): Non. Non.

M. Spénard: O.K. Ensuite de ça, lorsque vous parlez de l'aide, bien, j'ai hâte d'entendre, parce que moi aussi, j'ai l'impression qu'on... Si on fait une loi et si on laisse le citoyen se débrouiller seul avec ça, je n'ai pas l'impression qu'il va y avoir beaucoup de demandes de requête comme telles, parce qu'un citoyen seul, on est au criminel, alors ça va demander énormément de ressources, énormément de temps et énormément de connaissances. Vous, vous mentionnez que la requête devrait être entendue par un directeur des poursuites criminelles ou un représentant quelconque des poursuites criminelles...

M. Lapointe (Pierre): Non, je ne prétends... je n'ai pas dit ça.

M. Spénard: Ce n'est pas ça, vos... Vous avez dit: Pour assister le citoyen comme tel.

M. Lapointe (Pierre): Non, tout ce que j'ai... Non, non, non. Ce n'est pas notre rôle d'assister le citoyen en représentant une requête en matière administrative.

M. Spénard: Mais ça va être le rôle à qui d'assister le citoyen?

M. Lapointe (Pierre): Hein?

M. Spénard: Qui va assister le citoyen dans sa requête?

M. Lapointe (Pierre): Je ne sais pas. Est-ce qu'il va être éligible à l'aide juridique pour se faire assister par un avocat? Probablement pas. Je ne suis pas au courant, là, mais ça me surprendrait. Alors, il reste qu'il s'engage un avocat.

M. Spénard: Mais qui paie?

M. Lapointe (Pierre): Bien, s'il s'engage un avocat, j'imagine que c'est lui qui le paie.

M. Spénard: C'est le citoyen qui paie?

M. Lapointe (Pierre): Oui. De là notre mise en garde... ou notre observation, plus qu'une mise en garde, à l'effet que ça peut devenir très coûteux, ces requêtes-là. Ça peut être très contesté, puis ça peut être très long, puis ça peut... L'élu, lui, là, il va avoir tout intérêt à tenter de démontrer que, malgré l'accusation, sa participation est mineure, sa participation est secondaire et donc que ce... voyons! son incapacité provisoire n'est pas justifiée parce que ça déconsidérait l'administration de la municipalité.

Alors, moi, peut-être que j'ai tort, peut-être qu'on a tort, mais je peux facilement m'imaginer que le juge de la Cour supérieure peut entrer pas mal profondément dans les faits de l'accusation, et il va être amené là par l'élu lui-même qui a un intérêt à minimiser sa participation. Je ne vous dis pas... Parfois, il va... parfois, ça ne sera pas dans son intérêt d'entrer très profondément, mais, dans d'autres cas, ça pourrait l'être.

M. Spénard: Mais, moi, le sens de ma question, comprenez-moi bien, dans ce projet de loi là, on prévoit que c'est la municipalité qui va payer les frais judiciaires pour l'élu, et que le citoyen ne doit rien, et que c'est lui qui porte les accusations. Alors, je ne le sais pas, moi, comment vous voyez ça, là, mais c'est encore un projet de loi qui met le citoyen... on donne tous les pouvoirs au citoyen sans vraiment lui donner les moyens d'exercer ce pouvoir-là. Alors, ça, ça m'interpelle beaucoup, moi.

La Présidente (Mme Champagne): Dernière courte réponse, le temps est écoulé.

M. Lapointe (Pierre): Écoutez... Je suis dans le 36 secondes?

La Présidente (Mme Champagne): Oui, oui, allez-y, allez-y.

M. Lapointe (Pierre): Écoutez, je ne... Ce serait un commentaire sur l'opportunité de la loi, mais je pense que votre énoncé, c'est la réalité, c'est l'effet de cette loi-là.

La Présidente (Mme Champagne): C'est ça. Merci beaucoup. Merci, M. le député. Merci, Me Lapointe, pour vos commentaires, et ce fut fort intéressant, et je pense que les discussions vont reprendre non moins intéressantes.

Alors, on va suspendre quelques minutes. Après ça, on va faire les remarques finales, pour se revoir possiblement un peu plus tard dans la journée. Merci, Me Lapointe.

(Suspension de la séance à 11 h 27)

 

(Reprise à 11 h 29)

Mémoires déposés

La Présidente (Mme Champagne): Merci beaucoup. Alors, nous allons reprendre les travaux pour les remarques finales. Mais, auparavant, je vais déposer les mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus. Je vais déposer la fédération... le mémoire de la fédération, et non pas la fédération comme telle, là, le mémoire de la Fédération québécoise des municipalités, le mémoire du Barreau du Québec et le mémoire de l'Union des municipalités du Québec. Alors, voilà, c'est fait.

Remarques finales

Nous allons donc procéder maintenant aux remarques finales. Je répète que vous avez, n'est-ce pas, d'abord le porte-parole en matière... le porte-parole du deuxième groupe d'opposition officielle à faire ses remarques pour deux grosses minutes, suivi du porte-parole de l'opposition officielle, deuxième porte-parole, cinq minutes...

Une voix: Il s'est volatilisé, le député de Beauce-Nord.

La Présidente (Mme Champagne): Alors, ça va déjà...

Une voix: Ah, il est là, il arrive.

La Présidente (Mme Champagne): Alors, c'est à vous, cher monsieur. Alors, on vous attendait impatiemment. Alors, vous avez droit à un beau gros deux minutes pour faire vos remarques finales.

M. André Spénard

M. Spénard: Moi, ça?

La Présidente (Mme Champagne): Oui, voilà. Je commence avec vous.

M. Spénard: Sur l'intervention de M. Lapointe?

La Présidente (Mme Champagne): Voilà.

**(11 h 30)**

M. Spénard: Je trouve ça fort intéressant, mais évidemment ça prend quasiment des avocats pour comprendre des avocats, là, au point de vue légal, chose que je ne suis pas. Il y a des points de loi, là, sur l'article 579 du Code criminel, qu'on peut ramener, 577, même si les accusations ont été abandonnées. Pour moi, c'est du chinois complètement, ça; c'est une affaire de procureurs.

Maintenant, moi, ce qui m'interpelle, c'est deux choses, c'est: le projet de loi est qualifiable, dans le sens qu'il est honorable qu'un citoyen puisse porter plainte, mais par contre il ne faudrait pas en faire un projet de loi où est-ce que l'élu sera toujours défendu à même les fonds des municipalités et que le pauvre citoyen se retrouve seul à porter les accusations et à porter le fardeau de la preuve. Ça, ça m'apparaît, moi, primordial et majeur que ce projet de loi là puisse donner les outils nécessaires aux citoyens qui veulent engager une poursuite contre leurs élus municipaux. Je pense qu'il y a deux poids, deux mesures. Et on sait qu'au criminel, lorsqu'on s'en va au criminel en Cour supérieure, alors les délais sont très longs, les coûts sont astronomiques; juste le coût d'un avocat, on parle de 200 $, 250 $ l'heure. Je ne pense pas qu'un citoyen, moi, même s'il est au courant de bien des affaires, va commencer à prendre le bâton du pèlerin et s'en aller avec ça. Il y a ça qui m'interpelle beaucoup.

D'autres choses qu'on n'a pas parlé aussi, c'est toute la médiatisation d'un processus comme ça. On n'est pas sans savoir que... On parle ici d'infraction alléguée. Alors, lorsque les médias s'emparent d'un élu, qu'il soit municipal ou qu'il soit provincial ou fédéral, il est coupable avant d'avoir passé en cour. On le voit avec la commission Charbonneau, avec toutes les interrogations qu'il y a là-dedans. Alors, je ne sais pas de quelle manière qu'on va préserver ça. Je ne sais pas quels sont les mécanismes. Je n'en ai pas vu, de mécanisme, qui était prévu dans le projet de loi. Mais tout ce qui concerne la médiatisation d'une accusation contre un élu, même si c'est une petite municipalité... d'autant plus une petite municipalité, ça prend les journaux locaux puis ce n'est pas trop long, puis ça prend la radio locale et ce n'est pas trop long. Puis, si c'est une municipalité d'importance, comme on l'a vu avec les démissions récentes de maires, et tout, alors, même si c'est des allégations, c'est qu'il n'y a pas d'accusation portée encore contre -- appelons-les par leurs noms, là -- l'ex-maire de Montréal, l'ex-maire de Laval -- même s'il y en a eu avec le maire de Mascouche -- je pense que le rôle des médias a fait en sorte que -- écoutez, ils n'avaient pas le choix -- ils ont été déclarés coupables vis-à-vis la population.

La Présidente (Mme Champagne): Merci beaucoup...

M. Spénard: Alors, ça, ça m'interpelle beaucoup.

La Présidente (Mme Champagne): Merci beaucoup, M. le député de Beauce-Nord. Vous allez avoir l'occasion d'en discuter plus longuement dans l'étude détaillée. Alors, je vais passer la parole au porte-parole de l'opposition officielle, le député de Chapleau, pour vos cinq minutes.

M. Marc Carrière

M. Carrière: Voilà! Merci, Mme la Présidente. Effectivement, c'est une présentation intéressante qu'est venu nous faire M. Lapointe, là, pour le directeur des procédures criminelles et judiciaires. C'était intéressant. Il y a des recommandations qui sont intéressantes également, là-dessus. Il y en a également dans les trois mémoires que vous venez de déposer, là, celui du Barreau, là, et des deux unions municipales, la FQM et l'UMQ, qui sont venues et qui nous ont envoyé... ils nous ont fait part de leur accord. Les deux unions sont d'accord avec le projet de loi.

Comme je l'ai dit d'entrée de jeu, nous sommes d'accord avec un processus qui viendrait suspendre un maire qui est accusé au criminel. Je ne suis pas avocat. On s'est entourés d'experts avec le député de Fabre qui est ex-bâtonnier. Donc, on aura beaucoup de questions. Il y a beaucoup de nos questionnements, là, qui sont confirmés avec ce qu'on vient d'entendre, avec ce qu'on a reçu de la part du Barreau également.

Donc, effectivement, comme je l'ai dit d'entrée de jeu, là-dessus on s'entend, c'est du droit nouveau, mais je pense qu'il va falloir sûrement bonifier ce projet de loi là pour s'assurer, un, qu'il ne soit pas contesté quant à sa légalité même et, deux, pour ne pas que ça prenne des tangentes auxquelles... ce n'est pas ce qu'on voulait. Donc, là-dessus, on va collaborer et on va contribuer lors de l'étude détaillée, là, du projet de loi n° 10, là, qui prévoit un processus de suspension des maires.

Il y a sûrement beaucoup de travail qui reste à faire, en perspective, là, à l'étude de ces articles-là, là, de ce projet de loi là. Nous allons collaborer, naturellement, comme je disais. Toute la question, là, de ce que soulevait Me Lapointe, là, avec la question de la cessation de l'incapacité, toute la question de la preuve également, là, c'est quelque chose, là, qu'il faudra regarder attentivement.

Mais, moi, pour ce qui est de mes remarques finales, ça va se limiter à ça, et on aura des commentaires et sûrement des bonifications à apporter lors de l'étude article par article, là, du projet de loi. Merci Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Champagne): Merci beaucoup, M. le député de Chapleau. Alors, je vais donc terminer avec le ministre. M. le ministre, vous disposez de cinq minutes pour vos remarques finales.

M. Sylvain Gaudreault

M. Gaudreault: Oui. Merci, Mme la Présidente. Effectivement, la présentation de Me Lapointe, du Directeur des poursuites criminelles et pénales, a été éclairante, intéressante. Et, je me disais, à partir de la version du Journal des débats qui va suivre cette commission, nous pourrons sûrement retirer son témoignage, parce qu'il explique très, très bien ce que sera l'application de ce droit nouveau et des critères qu'auront à tenir compte les juges de la Cour supérieure qui auront éventuellement à traiter des premières demandes, éventuellement, peut-être, pour relever provisoirement un élu de ses fonctions, entre autres, évidemment sur l'interprétation du troisième paragraphe de l'article 312.1 qu'on ajoute à la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités.

Il a posé des bonnes questions qui sont au coeur des débats que nous aurons à faire. Je pense qu'il a fait des suggestions que nous pourrons analyser éventuellement lors de l'étude article par article, notamment sur la question de la mise en cause du DPCP, là, directement dans les procédures. On peut peut-être, éventuellement, réfléchir à cette question-là ensemble.

Mais il y a un élément sur lequel je tiens à rassurer tout de suite les collègues, Mme la Présidente. Et j'entends le député de Beauce-Nord, qui est intervenu là-dessus de façon importante, quant au soutien à accorder aux citoyens qui souhaiteraient déposer une requête. Parce qu'il y a un déséquilibre, hein? On parle souvent de l'accès à la justice, et il est très important que l'accès à la justice ne soit pas réservé que pour les plus forts ou les plus riches dans notre société, mais à l'ensemble des citoyens. Et je comprends la préoccupation du député, que je partage d'ailleurs -- pas le député que je partage, la préoccupation -- quant à...

Des voix: ...

M. Gaudreault: Je pourrais bien le partager, mais un autre genre. Mais c'est sur la question de soutenir les citoyens qui voudraient déposer une requête pour relever provisoirement un élu devant la Cour supérieure. Je suis très, très conscient du coût et des frais que ça représente. Et c'est pour ça d'ailleurs que j'avais souligné -- vous vous en souviendrez, Mme la Présidente -- dès la présentation, en conférence de presse, du projet de loi n° 10... Puis je me demande même si je n'en ai pas reparlé lors du discours sur le principe. Il me semble. On vient qu'on en parle... On parle tellement qu'on ne sait plus à quelle tribune on l'a dit. Mais j'ai dit souvent que nous sommes en train d'analyser, au ministère, un programme d'aide pour les citoyens qui voudraient déposer des requêtes pour se voir soutenus dans leur remboursement de frais judiciaires, soit des honoraires, soit les frais de cour, etc. Alors, on est en train d'analyser ça. Nous souhaitons être capables d'arriver avec un programme, là, prochainement.

Mais ce que je veux dire, c'est que nous en sommes très conscients, tout en étant conscients qu'on ne croit pas qu'il va y avoir un déluge de demandes pour relever provisoirement un élu de ses fonctions, là... Parce que, comme nous le disions tout à l'heure un peu à micro fermé, il reste un cas, là, présentement, au-delà de 1 100 municipalités au Québec, puis ça ne veut même pas dire qu'il y aura un dépôt de requête pour ce cas-là. Alors, je ne veux pas présumer de rien.

Alors, on comprend que ça ne sera pas des fortunes, là, qui seront associées à un tel programme. Mais néanmoins il faut, comme État, qu'on soit conscient qu'il y a un déséquilibre entre un citoyen ou un électeur, disons, d'une municipalité et le reste de l'administration, là, en termes de frais judiciaires. Donc, c'est le propos que je voulais tenir jusqu'à maintenant là-dessus.

Pour le reste, bien, je comprends qu'on va se revoir très bientôt pour l'étude article par article et que nous pourrons procéder pour le travail, là, qu'il reste à faire sur le projet de loi n° 10, toujours dans l'espoir de l'adopter d'ici la fin de la semaine. Merci, Mme la Présidente.

Puis je tiens à remercier évidemment les sous-ministres qui m'accompagnent, les gens du ministère, les collègues, et évidemment l'équipe de mon cabinet, et tous les collègues qui sont ici, et vous-même, Mme la Présidente, vous êtes une présidente hors pair.

La Présidente (Mme Champagne): Ah, merci beaucoup! Alors, Noël s'en vient, ça paraît.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Champagne): Alors, écoutez, suite aux remarques finales du ministre, je vais ajourner les travaux de la commission. Alors, je vais lever la séance, et, la commission ayant accompli son mandat, nous allons ajourner nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 11 h 40)

Document(s) associé(s) à la séance