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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mercredi 17 août 2016 - Vol. 44 N° 82

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 110, Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal


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Table des matières

Auditions (suite)

Ville de Laval

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

Association des directeurs de police du Québec (ADPQ)

Association des chefs en sécurité incendie du Québec (ACSIQ)

Intervenants

M. Pierre Michel Auger, président

M. Martin Coiteux

M. Marc Carrière

M. Jean Rousselle

M. Martin Ouellet

M. Sylvain Rochon

M. Mario Laframboise

*          M. Marc Demers, ville de Laval

*          M. Danny Boudreault, idem

*          M. Yves-Thomas Dorval, CPQ

*          M. Guy-François Lamy, idem

*          Mme Martine Hébert, FCEI

*          M. Simon Gaudreault, idem

*          Mme Helen Dion, ADPQ

*          M. Marco Beauregard, idem

*          M. Stéphane Fleury, idem

*          M. Daniel Brazeau, ACSIQ

*          M. André Bonneau, idem

*          M. Maxime Gendron, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Treize heures cinquante-neuf minutes)

Le Président (M. Auger) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'aménagement du territoire ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 110, Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

 (14 heures)

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Rochon (Richelieu) remplace M. LeBel (Rimouski).

Auditions (suite)

Le Président (M. Auger) : Merci. Nous entendrons cet après-midi les organismes suivants : la ville de Laval, le Conseil du patronat du Québec, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, l'Association des directeurs de police du Québec et l'Association des chefs en sécurité incendie du Québec.

Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la ville de Laval. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre exposé, et par la suite nous procéderons à une période d'échange. Dans un premier temps, bien vouloir vous présenter, et par la suite vous pouvez commencer.

Ville de Laval

M. Demers (Marc) : Alors, bonjour, M. le ministre Coiteux, M. le Président, chers membres distingués de la commission. Je me présente : Mon nom est Marc Demers, maire de ville de Laval. Je suis accompagné de M. Stéphane Paré et de M. Danny Boudreault, membres des Ressources humaines de ville de Laval. Je tiens à vous remercier de nous donner l'occasion d'échanger avec vous sur le projet de loi n° 110.

D'entrée de jeu, j'aimerais mentionner qu'il y a certaines choses qu'on apprécie, dans le projet de loi n° 110, mais nous aurons des suggestions à vous soumettre, M. le ministre.

Commençons par ce que nous aimons. Il y a dès l'article 1 une affirmation qui définit la municipalité comme une institution démocratique redevable auprès de ses citoyens de l'utilisation du produit des taxes et des tarifs; deuxièmement, responsable de pourvoir à l'embauche de personnel qualifié, de gérer ses effectifs, d'établir des conditions de travail justes et raisonnables quant aux qualifications requises, à la nature des services rendus; responsable aussi d'assurer l'équité entre les membres du personnel. Toutes nos propositions d'amélioration du projet de loi n° 110 vont exactement dans le sens de ces affirmations fondamentales et des trois principes suivants, auxquels nous croyons et qui ont guidé notre analyse.

Premièrement, nous croyons qu'un règlement négocié est toujours préférable à un règlement imposé. À titre d'exemple, à Laval, nous avions déjà entrepris des négociations de changement aux régimes de retraite en 2012, soit avant le dépôt du projet de loi n° 3, devenu la loi n° 15. Nous avons continué à négocier par la suite et nous avons récemment conclu des ententes avec les syndicats représentant les pompiers, les professionnels, les cols bleus, les cols blancs. Deuxièmement, nous affirmons l'importance de respecter l'autonomie des administrations municipales et, troisièmement, nous croyons que le cadre de négociation doit favoriser un règlement.

En ce qui concerne les policiers et pompiers, Laval estime que le projet de loi n° 110 crée un cadre juridique permettant l'exercice de la négociation dans un contexte particulier des policiers et des pompiers, qui n'ont pas le droit de grève. Je m'explique. En prévoyant qu'un conseil de règlement des différends aura le pouvoir de trancher les points non résolus de la négociation, nous croyons que la loi proposée incitera les parties à conclure un règlement à l'intérieur de délais raisonnables. Selon notre compréhension, en vertu du projet de loi, la négociation durera environ 210 jours. Le CRD aura ensuite 180 jours pour instruire les différends et rendre sa décision, période durant laquelle les parties pourront conclure une entente si elles le souhaitent. Ces délais sont amplement suffisants pour en arriver à un accord ou à constater une impasse. Nous approuvons aussi la durée de cinq ans suggérée.

Notre approbation est cependant assortie d'une très importante réserve. En effet, le projet de loi ajoute de nouveaux critères à ceux qui existaient déjà et laisse, le CRD, l'entière discrétion de déterminer ceux qui doivent être considérés en priorité. Laval demande donc que soient retirés les critères décrits aux alinéas 4° et 5° de l'article 17 qui permettraient à un CRD de fixer le niveau de rémunération d'une municipalité sur la base d'une comparaison avec les augmentations accordées dans les secteurs public et parapublic ou dans des municipalités comparables. Laval demande ainsi au gouvernement d'inscrire à l'article 17 que le CRD doit rendre sa décision en accordant une importance prioritaire aux critères 1, 2 et 3, soit la situation financière, fiscale de la municipalité, les conditions de travail applicables aux salariés concernés et les conditions de travail applicables aux autres salariés de la municipalité. Ce faisant, le gouvernement serait fidèle aux principes directeurs qu'il a lui-même précisés à l'article 1.

J'aimerais insister sur l'idée qu'une municipalité doit pouvoir prendre ses décisions en fonction de sa propre situation financière et non en fonction de celle des autres municipalités. Le gouvernement du Québec fait de même lorsqu'il négocie avec ses propres employés. Le principe de l'équité externe n'a donc pas besoin d'être affirmé dans un cadre juridique de négociation, il s'impose de lui-même par le marché de l'emploi. Lorsque la structure de rémunération résulte d'ententes négociées avec plusieurs syndicats, comme c'est le cas à Laval, il serait profondément injuste de voir un CRD venir perturber l'équilibre interne sur la base de critères établis à partir de comparaisons externes.

Hormis cette réserve fondamentale, nous proposons des améliorations, quatre améliorations aux dispositions concernant les policiers et les pompiers : premièrement, modifier l'article 16 de manière à clarifier le fait que le CRD doit baser ses décisions sur les faits soumis par les parties en litige et non pas à partir d'une preuve qu'il constituerait indépendamment des parties; deuxièmement, interdire les moyens de pression durant le mandat du CRD; troisièmement, il faudrait mieux évaluer le nombre de personnes pouvant agir comme membres du CRD; quatrièmement et finalement, limiter à 30 jours chacune des durées du prolongement du mandat du CRD prévu à l'article 28.

En ce qui concerne les employés autres que policiers et pompiers, j'aimerais maintenant vous parler. En effet, le projet de loi n° 110 ne corrige pas le problème fondamental de la situation actuelle. Les négociations peuvent s'éterniser, car rien n'incite les parties à régler.

La modification fondamentale introduite par le projet de loi n° 110 est la possibilité pour le ministre, tel que décrit à l'article 41, de nommer un mandataire spécial s'il estime que des circonstances exceptionnelles prévalent. Cet article est doublement problématique. Je m'explique. En effet, nous croyons qu'il ouvre la porte à une atteinte de l'autonomie municipale sur la base de circonstances exceptionnelles qui ne sont définies nulle part. Si les recommandations du mandataire spécial ne sont pas acceptées par les parties, qu'arrive-t-il? Absolument rien, sinon que les parties se retrouvent de nouveau face à face, le retour à la case de départ, avec comme seule perspective la négociation perpétuelle et le recours à l'arbitrage. L'étape du mandataire spécial aura donc été d'autant plus inutile que, selon l'article 44, son rapport ne peut être rendu public.

Nous proposons une autre approche : que l'une ou l'autre des parties puisse demander la nomination d'un mandataire spécial au terme de la négociation et de conciliation infructueuses; que le mandataire spécial nommé par le ministre puisse trancher les points non résolus par la négociation sur la base des mêmes principes fixés au CRD, en formulant les mêmes réserves; que la municipalité puisse accepter ou non les recommandations du mandataire spécial et qu'elle soit tenue de les accepter ou non ou de les rejeter en bloc, auquel cas les recommandations du mandataire deviennent publiques. Dans l'hypothèse où la municipalité rejette de telles recommandations, la négociation reprend alors jusqu'à la conclusion d'une entente.

J'aimerais vous rappeler qu'en vertu des principes édictés à l'article 9 seule l'administration municipale a la légitimité d'accepter ou de refuser les recommandations du mandataire spécial. Selon nous, cette approche, respectueuse de l'autonomie municipale, crée un équilibre qui tient compte de la responsabilité de l'administration municipale face à la population ainsi que face à ses employés.

Advenant un refus, nous reconnaissons évidemment que la situation redeviendrait au statu quo, en ce sens qu'il n'y aurait pas d'autre choix que de continuer à négocier dans un contexte désavantageux pour l'administration municipale. Si elle estime que ces recommandations doivent être rejetées, la municipalité devra l'expliquer à la population, et c'est elle qui en subira le contrecoup politique. Le syndicat, pour sa part, sera plus enclin à négocier un règlement raisonnable, sachant qu'à défaut de le faire un mandataire spécial pourrait être amené à trancher. Aussi, n'oublions pas qu'il pourrait s'écouler 270 jours entre le début des négociations et la remise des recommandations du mandataire spécial.

Enfin, j'aimerais attirer votre attention que nous croyons important de pouvoir revoir les services essentiels et toute la mécanique des services essentiels et pouvoir vous en parler dans un contexte où est-ce qu'on disposerait de plus de temps. Merci beaucoup.

Le Président (M. Auger) : Merci pour votre exposé. Nous allons commencer la période d'échange. M. le ministre, vous avez la parole pour 16 min 30 s.

M. Coiteux : Alors, puisque j'ai le loisir de vous poser des questions, ma première question va vous permettre d'exposer davantage sur la question des services essentiels. Vous souhaitiez avoir un peu de temps là-dessus. Donc, ma question est la suivante : J'aimerais vous entendre là-dessus, justement.

• (14 h 10) •

M. Demers (Marc) : Alors, on croit que toute la notion des services essentiels est un élément important, qui distingue, là, évidemment, les négociations en milieu municipal, milieu public et milieu privé. Et j'aimerais, au niveau technique, demander l'assistance de mes collègues pour vous faire part de notre réflexion, qui est partielle, ça prendrait beaucoup plus de temps que 15 minutes.

Le Président (M. Auger) : M. Boudreault.

M. Boudreault (Danny) : Oui. Un peu comme le maire de Sherbrooke vous a dit dans son allocution, dans les réponses qu'il vous a faites hier, dans le fond, la réalité qui est vécue par les municipalités, c'est que l'utilisation de cette loi, qui est correcte en soi, de protéger la santé et la sécurité du public, fait en sorte que l'utilisation qui en est faite par les syndicats, actuellement, c'est devenu un élément stratégique plus qu'un élément de protection de la santé et de la sécurité du public. Dans le fond, comme vous a dit le maire de Sherbrooke, on met moins de personnes en grève, on utilise cet élément-là pour faire des grèves partielles, qui est interdit au sens du code, dans une unité d'accréditation, on fait des grèves tournantes, qui est aussi pas prévu au Code du travail, dans une seule unité de négociation. Ça fait qu'on détourne cet élément-là, on prend les dispositions des services essentiels pour faire ce genre de grève là.

La réponse des municipalités face à ça est nulle. Évidemment, il y a plus de monde que prévu dans les services essentiels, donc... Puis les services qui sont coupés, c'est toujours les services des loisirs, de la culture. Donc, on pense que cet élément-là, ça mérite une réflexion de la part du gouvernement.

On pourrait rajouter aussi qu'à l'époque où il y avait un tribunal spécialisé et des gens spécialisés dans la question des services essentiels, les réponses étaient, selon nous, beaucoup plus immédiates. Donc, les gens étaient spécialisés dans cet élément-là. Aujourd'hui, bien, les conciliateurs qui font affaire dans ces cas-là, bien, c'est des conciliateurs qui travaillent autant sur la Loi sur les normes que sur des éléments d'accréditation. Donc, on préférerait que ça redevienne un élément spécialisé à l'intérieur même du TAQ, là. Grosso modo, c'est ça.

M. Coiteux : On aura peut-être d'autres questions éventuellement là-dessus, mais on va faire peut-être un petit peu... on va fouiller la question davantage.

Je vais vous poser quelques questions sur le mandataire spécial pour être certain que j'ai bien compris, là, vos recommandations à cet effet. Vous ne dites pas qu'il ne devrait pas y avoir un mandataire spécial. Donc, la proposition d'un mandataire spécial, ce qui n'était pas clair pour moi, c'est si vous anticipiez... Puis à ce moment-là ce serait assez différent de ce que j'ai entendu d'autres représentants de villes ou l'UMQ, par ailleurs. Est-ce que vous étiez prêts à envisager que le mandataire spécial devienne un arbitre, est-ce que c'est ce que j'ai compris, ou bien il a un rôle différent?

M. Demers (Marc) : Ça va se rapprocher du rôle d'un arbitre, mais, au bout de la ligne, lorsqu'il dépose son rapport, plutôt qu'il demeure confidentiel, il devra être rendu public, O.K., pour que la population puisse être mise au courant. Et évidemment les villes se retrouvent dans une situation où, si une négociation achoppe, ne porte pas fruit, ne débouche pas, on n'a pas de levier, on n'a pas d'outil, dans le sens que, du côté syndical, il y a une possibilité de moyens de pression, de grève et... Bon. Alors, il y a un blanc, là, O.K.? Alors, la ville aurait un choix, un choix de dire : On refuse, mais, le rapport étant public, la ville va devoir se justifier sur la place publique, et les élus municipaux sont assis sur des sièges éjectables à tous les quatre ans. Et, s'ils acceptent, évidemment, ça deviendra force de convention collective, mais le public sera informé, et la décision, plutôt que de revenir à l'Assemblée nationale... Puis, si je peux me servir d'une image, M. le ministre, en tout respect, je vois mal l'Assemblée nationale décréter les conditions de travail des sauveteurs de piscine à Laval ou dans n'importe quelle ville parce que la négociation achoppe ou ne porte pas fruit. Alors, au moins, on aura un outil pour être maîtres de notre destinée et répondre à la population, ultimement parlant.

M. Coiteux : D'accord. Et, si j'ai bien compris, le mandataire spécial, la demande du mandataire spécial, dans votre version, dans vos propositions, ce n'est pas une demande qui est faite au ministre, c'est une demande qui est faite à une instance qui automatiquement répond à l'une ou l'autre des parties. Est-ce que c'est ce que j'ai compris?

M. Demers (Marc) : La demande pourrait être faite par une ou l'autre des parties en cours de négociation si effectivement ça ne porte pas fruit.

M. Coiteux : D'accord. Sur les policiers et pompiers, vous dites : Il y aurait lieu de retirer un certain nombre de critères. Une autre avenue qui a été évoquée dans certains échanges hier, c'était une hiérarchisation des critères; sans en enlever, de les hiérarchiser. Alors, il y a différentes formulations possibles, mais... Il existe des possibilités de dire qu'il y a des critères qui sont absolus, qui doivent absolument être considérés, et d'autres qui dans certaines circonstances peuvent être considérés, s'ils sont jugés pertinents. Est-ce que ce genre de chose là répond aussi à vos préoccupations ou bien, vous, c'est vraiment : Il y a trop de critères, il faut en enlever?

M. Demers (Marc) : La hiérarchisation pourrait être une avenue et qui devra avoir une certaine modulation, dépendamment des circonstances. Je vous explique une situation. À Laval, on a presque signé l'ensemble de nos groupes d'employés dans un contexte, dans un cadre financier. Si un arbitre arrive et décide de rendre sentence, ce qui peut être tout à fait inéquitable à l'ensemble des autres employés ou inéquitable pour... Alors, on se dit, oui, il y a une hiérarchisation des critères. Et, quand l'ensemble des employés sont réglés, bien, le critère d'équité interne devrait être prédominant sur beaucoup d'autres critères.

La comparaison avec l'équité externe, c'est qu'il y a des choix, il y a des choix politiques qui peuvent être faits. Je vous explique — puis je me réfère à mon ancien métier : Des fois, la population est insécure, dans une ville, pour une raison ou pour une autre, il y a un choix politique d'augmenter la présence policière, d'augmenter le service de police, et ça ne veut pas dire que le fait de procéder ainsi, c'est le bon remède pour une autre ville qui n'a pas cette problématique-là. Alors, chaque ville développe sa ville selon son identité, selon son territoire, selon ses caractéristiques. Et, dans ce sens-là, je pense qu'il faut respecter les choix politiques, et la comparaison externe peut être souvent boiteuse.

M. Coiteux : À l'heure actuelle, là, il existe un mécanisme d'arbitrage qui est en place, qui est utilisé, qui a été utilisé beaucoup par le passé. On me dit qu'il est moins utilisé aujourd'hui, mais occasionnellement il l'est.

D'autre part, des fois certains me disent : Bien, il ne l'est pas parce qu'il y a une crainte de ce qu'ils décideraient à notre place, bon, il y a toutes sortes de choses qu'on entend, mais il existe actuellement un mécanisme d'arbitrage où le critère d'équité externe est l'un des critères prépondérants, semble-t-il, là, dans les décisions qui sont rendues.

Pouvez-vous nous parler un petit peu comment vous voyez ça, le mécanisme actuel? Est-ce que vous... Visiblement, vous n'êtes pas satisfaits du mécanisme actuel. À la lueur de l'expérience, quels sont les problèmes qui sont liés au mécanisme actuel, d'une part, puis aux critères qui sont utilisés dans le cadre de l'arbitrage actuel?

M. Demers (Marc) : Je peux vous parler de mon expérience personnelle, M. le ministre. J'ai été 15 ans représentant syndical, j'ai travaillé dans le milieu du travail pour les policiers. Et évidemment, depuis trois ans, tout près... deux ans et demi, je suis à la mairie, je suis dans une autre position. Je peux vous dire que, oui, les recours aux services d'arbitrage, pour moi, sont de plus en plus rares. Oui, les gros gains, à ma connaissance — je n'ai pas d'étude là-dessus — qui se sont faits au niveau de la masse salariale, c'est en négociation plus qu'en arbitrage, selon mon expérience. Et j'ai négocié à ville de Laval, mais j'ai été aussi assesseur pour la Fédération des policiers municipaux du Québec.

Ceci étant dit, je pense qu'on doit régulièrement se remettre en question, remettre nos mécanismes en question et moderniser notre système. Alors, je pense que la notion d'équité externe n'est pas toujours le critère qui doit être dominant, même je pense qu'il devrait être le moins dominant possible, le moins présent possible. Et, si on parle d'autonomie des municipalités, si on parle des particularités des municipalités, bien, écoutez, je pense que l'équité interne doit être favorisée en préséance.

• (14 h 20) •

M. Coiteux : Votre point de vue est doublement intéressant, par rapport à cette question-là, parce qu'on a eu des échanges hier avec des villes, avec des représentants des villes, mais aussi avec des représentants des associations de policiers, de pompiers, de cols bleus, de cols blancs, et eux, ils semblent dire que l'équité externe, c'est le critère fondamental, c'est le critère le plus important. Et vous, vous avez vécu des deux côtés, hein, de la négociation, vous avez été des deux côtés, donc vous avez été capable de regarder les deux côtés. Alors, si vous tracez la ligne en quelque part, là, pourquoi... Si vous aviez été encore dans l'autre rôle, est-ce que vous auriez dit que l'équité externe est le...

M. Demers (Marc) : Dépendamment du mandat que j'ai, M. le ministre. Mais là je n'ai pas votre mandat, je suis maire d'une municipalité. Et, si j'avais été président de syndicat, j'aurais eu un autre mandat.

Il y a un fait que je peux constater, c'est que, un, au niveau des municipalités, quand les négociations n'aboutissent pas, on n'a pas de moyen, alors que l'autre partie a un certain levier, certains moyens. Donc, il y a une réflexion à être apportée là-dessus.

Au niveau de l'équité externe, je pense que ça prend beaucoup trop de place par rapport à l'équité interne. Je vous répète qu'on a 11 groupes d'employés. Au niveau de la loi n° 15, tous nos groupes d'employés, sauf un, sont réglés. Il y a eu un eu cadre financier de dessiné, et, par équité pour tout le monde, on a dit : Voici le cadre financier. Et l'ensemble des employés de ville de Laval, et je tiens à le dire, ont décidé de dire : On a une problématique face aux fonds de pension, on s'assoit avec la ville; comment on trouve des solutions? Et c'est pour ça, aujourd'hui, que la grande, grande majorité de nos groupes sont signés, au niveau de la loi n° 15. Il y a eu une collaboration, on a travaillé ensemble, et je pense qu'il y a eu de la bonne foi pour le grand ensemble des gens qui étaient présents.

Maintenant, oui, on peut moderniser le Code du travail. Et, nous, notre travail s'est fait dans le cadre et dans l'esprit du Code du travail, notre réflexion. On peut moderniser le Code du travail et essayer de pallier à certaines choses.

Alors, j'ai dit, un : Quand il n'y a pas de résultat, la ville n'a pas d'outil pour faire avancer les négociations. On n'a pas moyens de pression, droit de lock-out ou de grève, et c'est bien ainsi.

Deux, il y a ceci de particulier dans le domaine public... Dans le domaine privé, si les employés sont déraisonnables, et dans toute collectivité il y a un pourcentage de déraisonnable, que ce soient les employés ou même chez les maires, l'histoire récente peut le démontrer... Il n'y a pas de conséquence dans le domaine public. Dans le domaine privé, la compagnie peut faire faillite ou peut déménager; les villes, faire faillite ou déménager, c'est impossible. Alors, ils n'ont pas de conséquence des demandes.

Oui, il faut trouver une façon d'articuler, mais toujours trouver un mécanisme qui va permettre aux employés de se sentir respectés, bien traités et dans un équilibre du rapport de force pour une négociation. Je crois fermement que, une négociation, la pire des ententes vaut mieux que la meilleure des sentences. Alors, dans ce sens-là, si les parties ne se sentent pas respectées...

Vous savez, moi, j'ai vécu à ville de Laval, dans les années 70, huit ans de moyens de pression pour un dossier qui a été jusqu'en Cour suprême. Alors, je peux vous dire... Puis, si jamais vous voulez qu'on aille le temps, je vous expliquerai ça. Alors, ça a un coût incroyable pour une population.

Je vous donne un exemple. L'an passé, juste sur les accidents de travail, et ça, le mérite revient à tout le monde à ville de Laval qui sont des employés, du dernier arrivé au plus ancien, on a économisé 2 millions de dollars. Alors, c'est dû au climat de travail, à la volonté et à une ambiance du travail. Et, pour moi, ça, c'est riche. Et ça, on n'est pas obligés d'être d'accord, l'un et l'autre, mais on doit discuter dans le respect et sentir qu'il y a un équilibre des forces.

M. Coiteux : Il nous reste deux minutes. Je pense que le député de Vimont aurait peut-être... ou le député de Chapleau. Le député de Chapleau voulait poser une question.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Chapleau.

M. Carrière : Ce sera le député de Vimont.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Vimont.

M. Rousselle : Merci. Merci, M. le maire, d'être ici, en passant. Oui, merci, M. le Président.

Je regardais dans votre mémoire — très bien fait, en passant — vous parlez de la durée des conventions collectives de cinq ans. Hier, j'écoutais certaines centrales syndicales qui parlaient comme quoi qu'il faudrait que ça reste à trois ans, l'importance du trois ans. Vous semblez aller sur le cinq ans. Voulez-vous élaborer un petit peu là-dessus, s'il vous plaît?

M. Demers (Marc) : Bien, en fin de compte, un heureux compromis peut être le cinq ans, au lieu de la décision de l'expiration de l'autre, alors, dépendamment. Et ce que j'ai compris, c'est, pour la première convention, mettre un maximum de trois ans, je n'ai aucun problème avec ça. Mais le cinq ans, comme principe de base général, est important parce que ça permet à la poussière de retomber. Et je pense que, le principe du cinq ans, nous, on y adhère. Et d'ailleurs on signe de plus en plus des conventions qui ont une portée plus longue qu'auparavant, où c'était un an ou deux ans.

Le Président (M. Auger) : 45 secondes. M. le député de Vimont.

M. Rousselle : Bien, écoutez, j'aurais parlé un petit peu des règlements, des fois, pour la paix sociale, parce qu'hier la mairesse de Longueuil en parlait, là. Mais, vous, est-ce que vous avez senti une obligation, des fois, de signer un contrat? Mais remarquez bien que vous avez... Par votre court terme de maire... La mairesse de Longueuil, ça fait plus longtemps qu'elle est là, là.

M. Demers (Marc) : Je n'ai jamais senti que j'avais un couteau sur la gorge. Mais ça fait juste deux ans et demi que je suis là, mais on a renouvelé une dizaine de conventions collectives et de fonds de pension.

Le Président (M. Auger) : C'est tout le temps que nous avions. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle et M. le député de René-Lévesque et porte-parole pour 10 minutes.

M. Ouellet : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Demers. Je vais y aller promptement parce qu'on a plusieurs choses à discuter puis on n'a pas beaucoup de temps. À la page 11 de votre mémoire, vous nous dites que... bon, vous faites des propositions mais pour «créer un contexte juridique qui incite les parties à négocier et à régler, et de façon à matérialiser les engagements du gouvernement à l'endroit des municipalités». Donc, je voudrais savoir si, selon vous, ce projet de loi là n° 110 est une réponse au pacte fiscal pour matérialiser les engagements du gouvernement.

Le Président (M. Auger) : M. Demers.

M. Demers (Marc) : Alors, la réponse, c'est oui. Il y a eu un pacte fiscal, où l'Union des municipalités s'est positionnée pour demander une révision du Code du travail et une mise à jour de l'équilibre des forces. Alors, oui, je pense que ce projet de loi là vise ça, entre autres.

M. Ouellet : Dites-moi... Encore une fois, dans votre mémoire, à la page 10, bon, vous nous dites que «le régime actuel permet aux négociations de traîner en longueur». Plus loin, vous dites que «des moyens de pression qui s'éternisent provoquent, par définition, une irritation constante du climat de travail et des désagréments réels». Bref, vous nous faites une nomenclature des enjeux. Mais vous nous dites à la toute fin que précisons que de telles situations, à Laval, heureusement, ça ne nous touche pas, «mais nous affirmons tout de même la nécessité de changer la loi». Donc, vous voulez changer quelque chose avec cette loi-là qui, à la lecture de votre mémoire, vous dites... ça ne vous touche pas, parce que le climat de travail est bon. Il y a une bonne ambiance, on fait de bonnes ententes. Bref, on réussit à maintenir une paix, industrielle ou sociale, à l'intérieur de la municipalité.

On a entendu plusieurs groupes de part et d'autre, et la crainte qu'on nous manifeste, c'est qu'on va venir changer la façon dont on réglemente les lois du travail dans les municipalités. Alors, si je résume, vous nous dites que ça va bien, à Laval, mais qu'il faudrait quand même changer, et ceux qui nous disent que ça va changer nous disent que ça risque de provoquer un climat de travail qui va se désagréger et peut-être, assurément, avoir un impact sur votre ville. Alors, c'est quoi, votre situation par rapport à ça? Vous voulez changer quelque chose qui, pour vous, semble bien fonctionner?

M. Demers (Marc) : Pour arriver à des résultats, il y a deux choses : il y a la mécanique qui est un élément important, et il y a évidemment les gens qui sont impliqués, alors l'attitude des gens. On est chanceux, dans l'ensemble de nos employés il y a une attitude positive, il y a une attitude où est-ce qu'on se rencontre, on a une confiance mutuelle et on travaille ensemble. Ceci étant dit, on peut-u perfectionner ou réviser? Oui. Les villes ont quand même le handicap, de dire : Écoutez, si la négociation ne fonctionne pas avec les employés, autres que policiers et pompiers, on n'a rien; on n'a pas de levier, on n'a rien. On attend, on négocie. On attend, on négocie. C'est un fait, ça. On ne peut pas le nier, là, c'est un fait. Alors, oui, on peut réfléchir là-dessus puis essayer de moderniser.

• (14 h 30) •

M. Ouellet : Je suis content de vous entendre là-dessus, parce que vous me dites : Dans les négociations, c'est une question d'attitude, alors que dans les différents groupes qu'on a entendus précédemment, bon, les gens avaient une attitude, des fois, d'aversion envers le processus actuel, ou la teneur, ou, je vous dirais, le niveau d'intensité des négociations. Ce que vous me dites, M. le maire : Tout est une question d'attitude. Avec les mécanismes qu'on a, vous aurez prouvé que vous êtes capables d'y arriver.

Or, dans le projet de loi en question, on veut changer la partie pompiers et policiers — et vous avez d'ailleurs été pompier avant d'être maire. Les gens nous ont dit : Écoutez, on est ouverts à du changement, différents groupes, associations. Et on a un rapport qui a été préparé, le rapport du comité Thérien-Morency, avec lequel plusieurs des organisations, l'UMQ, la ville de Gatineau, la ville de Québec, la ville de Montréal, la fraternité des policiers et policières de Québec, l'Association des chefs en sécurité incendie du Québec... Bref, tout le monde, depuis 2013, se sont mis à la tâche pour évaluer une façon de travailler différemment et plus efficacement, dans le respect des règles qui étaient établies, et tout le monde est arrivé à un certain consensus, qui semblait faire l'affaire des deux parties, alors qu'aujourd'hui nous arrivons avec un tout nouveau projet de loi qui va, dans certains cas, à l'encontre du consensus.

J'aimerais vous entendre sur cette solution qui pourrait être interchangeable, selon certains groupes qu'on a rencontrés, là, on applique Thérien-Morency plutôt que 110 et on arrive à de meilleures solutions, et surtout on maintient le climat de travail.

M. Demers (Marc) : Alors, le projet de loi n° 110, c'est sur cette base-là qu'on est ici pour commenter, O.K., on commente ce qu'on croit être des améliorations au projet de loi n° 110. Et, comme j'ai dit, je suis d'opinion que, oui, il est important, régulièrement, de remettre en question nos lois, nos façons de faire, nos procédures. Et on commence à développer toute une expertise, au niveau de ville de Laval, là-dessus, parce qu'on efface le tableau puis on recommence assez souvent. Alors, dans ce sens-là, c'est le cas.

Maintenant, est-ce qu'on a besoin d'un remède de cheval dans le monde des relations de travail aujourd'hui? Je pense que non. Je pense qu'il y a des ajustements qui doivent être faits, je pense qu'on peut s'améliorer, mais dans l'ensemble, je l'ai mentionné tantôt, l'arbitrage est beaucoup moins fréquent qu'il l'a déjà été, les conflits de travail sont moins fréquents qu'ils l'ont déjà été, et il y a des signatures qui se font.

On peut regarder le pourcentage du budget qui est dédié à la masse salariale, mais ça, c'est un indice sur plusieurs si on veut réellement l'évaluer. Une ville, c'est une entreprise de services. Chez nous, à 45 % de mon budget qui va sur la masse salariale, est-ce que je suis hors normes? Est-ce que, les villes de grandeur similaire au Canada, c'est 22 % ou c'est 65 %? Je ne le sais pas. Alors, c'est des choses comme ça que, je pense, si on veut commencer à tirer des conclusions, on devrait faire une réflexion très pointue à ce niveau-là.

Autre chose, on évalue le salaire. Une des premières choses qu'on a faites, à notre arrivée au pouvoir, c'est qu'on a dit : Les villes comparables, c'est combien d'employés? Alors, on a pris les 10 plus grandes villes au Québec. Si je voulais arriver dans la moyenne des 10 plus grandes villes au Québec, je dois engager demain matin 500 personnes, passer de 3 500 à 4 000. L'économie de ces 500 personnes là, est-ce que je peux en garder une partie pour les citoyens puis une partie redistribuée aux employés, qui manifestement assument une tâche peut-être supérieure qu'ailleurs? Alors, c'est des réflexions comme ça qui doivent être faites.

Maintenant, aujourd'hui, on est invités à commenter le projet de loi n° 110 et on commente dans le cadre du projet de loi n° 110.

M. Ouellet : Je vais passer la parole à mon collègue.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Richelieu.

M. Rochon : Oui. Votre homologue de Québec, M. le maire, se plaignait hier, plainte qui a fait la manchette, il sait toujours faire la manchette... il s'est plaint du fait — il a fait un clin d'oeil là-dessus tantôt, disant que ce n'était pas votre cas — de devoir négocier, dans le régime actuel, le couteau sur la gorge et il s'est réjoui que le projet de loi qu'on a sous les yeux, là, rééquilibre le rapport de force. Alors, je me suis, naturellement, demandé, et puis d'autres ont dû se poser la question, si l'ustensile, le couteau, venait de changer de main et d'être pointé en direction d'une autre gorge.

Vous voudriez voir ajoutée à ce projet de loi, qui rééquilibre déjà le rapport de force, de l'avis de votre homologue de Québec, l'interdiction des moyens de pression entre le moment de la création du conseil de règlement des différends, là, et le moment où ce conseil rend sa décision. Après l'introduction de cette modification à ce projet de loi là, qui paraît déjà faire l'affaire pas mal, là, du maire de Québec, il est rendu où, le rapport de force, l'équilibre des forces?

M. Demers (Marc) : Ce qu'on propose est bien différent de ce que le projet de loi prévoit. Nous, on ne demande aucune intervention de l'Assemblée nationale pour régler un conflit de travail dans une municipalité, on dit : Si une ou l'autre des parties décide d'avoir recours au médiateur spécial... pas au médiateur, au mandataire spécial, il y a un mécanisme qui se met en branle, et son rapport, un jour ou l'autre, sera rendu public. Et la ville, qui jusque-là n'a aucun moyen pour pallier aux moyens de pression ou au droit de grève, aura une décision à prendre sur la place publique, on applique en totalité les recommandations ou on les refuse, et la ville aura à se justifier sur la place publique, et, au bout de quatre ans, les citoyens, dont les employés de la ville, pourront dire : Bien, écoute, on est heureux, ou : On n'est pas heureux de la décision.

Mais, dans ce sens-là, on a quand même une autonomie municipale. Je ne vois pas l'Assemblée nationale décréter les conditions de travail. C'est comme demander à son grand frère : J'ai un problème, peux-tu le régler?

Le Président (M. Auger) : Merci. C'est tout le temps que nous avions pour ce bloc d'échange. Nous allons poursuivre avec la deuxième opposition et le porte-parole, M. le député de Blainville, pour une durée maximale de 6 min 30 s.

M. Laframboise : Merci. Merci, M. Demers, M. le maire, M. Boudreault, M. Paré, d'être présents.

M. Le maire, vous avez raison, là, par rapport au fait que... D'abord, quand vous comparez les villes avec l'entreprise privée, vous l'avez dit, la ville peut faire faillite ou déménager. Le gouvernement, lui, peut passer une loi spéciale; le milieu municipal, lui, est obligé de faire face à la législation actuelle. Et c'est important dans votre discours, parce que vous dites que vous n'avez pas besoin d'un remède de cheval. Donc, ça veut dire que, pour vous, le projet de loi n° 110, ce n'est pas un remède de cheval, et vous avez raison, c'est-à-dire qu'on redéfinit les critères, entre autres, on rediscute des critères, vous demandez que le critère d'équité externe soit retiré, mais c'est sûr que, pour le milieu syndical, qu'on a entendu, juste enlever ça, c'est un remède de cheval, vous comprenez, là, tu sais.

Donc, à quelque part, il faut... Je vais vous laisser la chance de nous expliquer que le projet de loi, c'est juste une modification des critères, ce n'est pas un changement drastique à tout le milieu du travail, là. C'est ça, M. Le maire, si je comprends bien?

M. Demers (Marc) : En ce qui a trait aux policiers et pompiers, vous avec raison. En ce qui a trait aux autres employés, il y a toujours l'épée de Damoclès que l'Assemblée nationale décrète les conditions de travail. Et c'est là qu'on se distingue des autres municipalités, où est-ce qu'on dit : Pour nous, ce n'est pas une façon de faire, ce n'est pas, je pense, adéquat, autant pour l'Assemblée nationale. Si j'étais votre conseiller, M. le ministre, je ne vous le conseillerais pas. Mais je ne suis pas votre conseiller.

Alors, pour moi, il y a des mécanismes qui doivent être prévus. Et, si on parle d'autonomie municipale, bien, écoutez, laissons à la municipalité l'autonomie de prendre une décision sur le rapport qui sera déposé et qui sera rendu public.

Alors, le fait que le rapport est rendu public, chaque partie a intérêt à être raisonnable, chaque partie a intérêt à être raisonnable avant que l'autre partie déclenche la demande pour qu'il y ait une intervention externe, où, à un moment donné, il y a un mécanisme qui va se mettre en branle, puis une décision devra être acceptée. Placez-vous à la place d'une municipalité qui va dire : Non, je n'accepte pas la recommandation ou le rapport, et on continue à négocier. Il va y avoir une certaine autonomie et pression, là, sur les élus municipaux.

M. Laframboise : Et là vous rejoignez, bon, le maire de Québec et le maire de Montréal, là, qui disent qu'à un moment donné il faut que le conseil tranche. C'est-à-dire que, quand la municipalité décidera, ça va être une résolution de conseil, il va y avoir un débat au conseil, ça va être public. C'est ce que vous voyez, vous, là? Quand la décision va être prise par la ville, ça va être une résolution de conseil, qui va dire : On rejette le rapport du médiateur spécial?

M. Demers (Marc) : Ce sera public. La mécanique, on ne s'est pas attardés à la mécanique. À l'heure actuelle, lorsqu'il y a des signatures de convention collective, ça se fait au niveau du comité exécutif. Mais peu importe. Le principe, c'est que ça doit être public.

• (14 h 40) •

M. Laframboise : Sur les délais, vous, bon, le 210 jours, là, cumulatif, et tout ça, ça fait votre affaire, vous avez réglé le projet de loi n° 15, comme vous dites, sauf un, dans les délais. Parce que c'était le 31 juillet, là, la date ultime où tout le monde devait... mais il y a beaucoup de villes qui n'ont pas réglé, là.

Donc, vous, est-ce que vous faites affaire avec des firmes d'avocats, quand vous faites des négociations, des firmes d'avocats privées? Vous n'avez pas de difficulté avec les délais, le temps, là? Parce que, 210 jours, il y a plusieurs intervenants qui nous ont dit : Bien, 210 jours, c'est trop court, et tout ça. Vous, vous vous sentez bien à l'aise avec les délais pour être capables de livrer, avec vos aviseurs légaux, et tout ça. Vous êtes capable, là, vous vous sentez bien à l'aise.

M. Demers (Marc) : Un, on ne fait plus affaire avec des firmes d'avocats externes. Et je ne veux pas élaborer là-dessus, on manquerait de temps.

Et, deuxièmement, oui, je pense... Vous savez, dans le temps où je faisais de la négociation, là, à un moment donné, assez, c'est assez, on rentrait dans des locaux puis on disait : On sort lorsqu'il y aura une entente, puis, si ça prend deux jours, trois jours, c'est là qu'on sortait.

Alors, lorsqu'il y a une volonté de trouver des solutions, je pense qu'il y a certains moyens de les trouver, et on en a fait la preuve. Et j'aimerais dire que l'ensemble de nos employés, à ville de Laval, négociaient avant seulement qu'on parle du projet de loi n° 3. Les employés à ville de Laval ont accepté une baisse de la masse salariale de 3,5 % en 2013, en 2014, et plusieurs groupes d'employés ont accepté ça.

Alors, la bonne foi, elle est là. C'est un ingrédient essentiel. Peu importe la mécanique qu'on va mettre, n'importe où, si une des deux parties n'a pas la bonne foi, la mécanique ne marchera. Alors, pour obtenir la bonne foi, je pense, ça prend un système qui est respectueux des parties en cause.

M. Laframboise : Et vous demandez le retrait du critère de l'équité externe, et ça, c'est important parce que ça semble être un irritant majeur du côté syndical. Mais expliquez-nous, l'équité externe, c'est quoi, l'impact? Parce qu'il faut que les citoyens qui nous écoutent, là, comprennent bien, là, par rapport à ça.

M. Demers (Marc) : Alors, l'équité externe, la réalité qui est vécue dans différentes villes n'est pas la même. Montréal, là, il n'y a pas de comparable au Québec, il faut aller en Ontario et ailleurs, et le coût de la vie est différent, et les priorités sont différentes, et la convention collective est différente. Québec est aussi seule, et, Laval, les villes les plus proches sont à 100 000 habitants de nous, alors c'est toujours un petit peu boiteux. Il y a un choix politique à savoir quelle sera l'importance qu'un service d'incendie, un service de police pourra prendre, un service... des cols bleus, ou etc. Alors, dans ce sens-là, l'équité externe est un peu boiteuse.

L'autre aspect, on parle d'autonomie. Alors, il y a des places où est-ce qu'une municipalité ne peut pas aller chercher d'autonomie. On le sait, toutes les municipalités seront soumises aux lois provinciales, on n'aura pas d'autonomie, c'est là. La province est soumise aux lois fédérales...

Le Président (M. Auger) : Malheureusement, c'est tout le temps que nous avions. Donc, M. le maire Demers, M. Boudreault, M. Paré, merci beaucoup pour votre participation aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 14 h 43)

(Reprise à 14 h 47)

Le Président (M. Auger) : Nous reprenons nos travaux en souhaitant la bienvenue aux représentants du Conseil du patronat du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre présentation, et par la suite nous procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Dans un premier temps, bien vouloir vous identifier, et par la suite vous pourrez commencer.

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Dorval (Yves-Thomas) : Merci, M. le Président. Alors, mon nom est Yves-Thomas Dorval, je suis le président et directeur général du CPQ, le Conseil du patronat du Québec. Et je suis accompagné, à ma droite, par M. Benjamin Laplatte, qui est directeur principal, Affaires publiques et développement corporatif, et, à ma gauche, par M. Guy-François Lamy, qui est vice-président, Travail et affaires juridiques au CPQ.

M. le Président, je voudrais d'abord remercier les membres de la commission de nous accueillir pour échanger sur ce projet de loi important et également souligner que le CPQ est une confédération d'employeurs au Québec et représente directement ou indirectement plus de 70 000 employeurs ayant des activités au Québec ainsi que plusieurs du secteur municipal, il a pour mission essentiellement de s'assurer que les employeurs au Québec disposent des meilleures conditions pour prospérer. Et nous avons cinq grandes priorités, et ce projet de loi là touche trois des priorités du CPQ, notamment d'avoir accès à la disponibilité de ressources humaines à un coût raisonnable, d'avoir, deuxièmement, comme priorité également une réglementation intelligente, c'est-à-dire qui vise des objectifs de résultat, et, troisièmement, aussi d'avoir des finances publiques saines, pour une fiscalité concurrentielle. Alors, imaginez, on a ça dans nos cinq priorités. Donc, ce projet de loi là vise et touche directement trois de ces priorités-là, d'où l'importance pour nous de ce projet de loi là.

Peut-être un petit rappel, M. le Président, le contexte, avant de dire... ou je pourrais peut-être commencer par dire que le CPQ appuie l'adoption du projet de loi, qui améliorera, selon nous, le régime de relations de travail dans le milieu municipal et qui permettra aux municipalités de mieux contrôler leurs dépenses pour les contribuables. Pourquoi? D'abord, on va parler du contexte un petit peu.

• (14 h 50) •

Le premier contexte, il faut se rappeler, je pense que c'est important de le souligner, on entend quand ça sort, puis après ça c'est comme si ça disparaît dans les limbes, il faut se rappeler le rapport de la Commission de révision permanente des programmes, qui a émis des conclusions, des analyses, et ainsi de suite, après quand même plusieurs mois d'étude, d'analyse, et ainsi de suite. Et, concernant l'aide financière aux municipalités de la part du gouvernement du Québec, les conclusions de l'examen des commissaires expliquent que les transferts du gouvernement aux municipalités ont fortement augmenté au cours des dernières années. Cette hausse des transferts a soutenu une croissance rapide des dépenses, due — et c'est nous qui le soulignons dans notre mémoire — en bonne partie à l'augmentation de la rémunération des employés municipaux. Entre 2007 et 2012, les dépenses consolidées des organismes municipaux sont passées de 14,7 milliards à 19,4 milliards de dollars, ce qui constitue une augmentation annuelle moyenne de 5,8 %, alors qu'à titre comparatif, durant cette même période, les dépenses gouvernementales, elles, ont subi une augmentation annuelle moyenne de 3 %, donc c'est toujours dans le secteur public, avec des postes, des tâches, quand même, avec lesquelles on peut voir plusieurs analogies entre deux secteurs publics. Concrètement, la commission recommandait au gouvernement du Québec dans ses conclusions notamment de donner des outils légaux aux municipalités pour mieux contrôler la rémunération des employés. Donc, il y a une histoire derrière ça. Il y a une analyse qui a été faite par des groupes, par des commissaires, et ils sont arrivés avec des recommandations, ce qui a conduit d'ailleurs le gouvernement du Québec à avoir des discussions avec les municipalités, et on sait les résultats suite à une certaine entente.

Deuxième contexte, c'est les impacts de ce que plusieurs considèrent comme un déséquilibre dans le rapport de force au niveau des relations de travail, au niveau des municipalités. Les impacts coûtent des sous aux contribuables. Une étude de l'Institut de la statistique du Québec en 2015 — donc c'est récent, et on ne peut pas dire que l'institut du Québec est politisé — démontre que la rémunération globale moyenne des employés municipaux est supérieure à 39,5 % à celle des fonctionnaires provinciaux. Selon les emplois, les écarts varient entre 36 % et 48 %. L'écart moyen s'est même creusé au fil des temps, il était de 24,7 % en 2009, 33,6 % en 2012, 37,9 % en 2013. Et ces écarts non négligeables sont financés par les contribuables. En fait, en 2013, la rémunération des employés municipaux représentait d'ailleurs 43 % des budgets des municipalités, c'est un montant qui est significatif. Alors, ça, c'est un deuxième élément qu'on doit prendre dans le contexte.

Troisièmement, il y a des éléments aussi qui sont dans la jurisprudence. Alors, il ne faut pas penser ici que, dans le projet de loi, il y a, comment est-ce qu'on pourrait dire ça, là, une marge de manoeuvre totale pour les employeurs. En fait, la jurisprudence, au niveau canadien, est venue quand même restreindre énormément, énormément toute décision qui touche les relations de travail. Évidemment, certains groupes l'invoquent à leur façon pour différentes raisons, mais il faut se rappeler qu'il n'y a pas, quand même, dans la jurisprudence, beaucoup de marge de manoeuvre. Donc, on ne peut pas penser qu'il y aurait un «free-for-all», là, pour les employeurs dans ce contexte-là. Les employeurs sont limités, les décisions du gouvernement sont limitées, sinon ça ne franchira jamais l'analyse du droit constitutionnel.

D'ailleurs, si je regarde, en ce qui concerne particulièrement les policiers et pompiers, la décision de la Cour suprême dans le cas Saskatchewan Federation of Labour contre la Saskatchewan, en 2015... Et je cite deux éléments de la décision : «Les lois canadiennes qui suppriment le droit de grève des pompiers et des policiers — dont le caractère essentiel des fonctions est indéniable — prévoient toujours, en contrepartie, l'accès à l'arbitrage pour le règlement des conflits de travail. [...]Une raison d'ordre pratique explique pourquoi les lois qui interdisent la grève prévoient presque toujours l'accès à un mécanisme indépendant et efficace de règlement des différends. En effet, un tel mécanisme sert de soupape de sûreté et empêche l'accumulation dangereuse des tensions non résolues dans les relations de travail.» Donc, on voit quand même, et je n'irai pas dans le détail, mais qu'il y a beaucoup de balises dans la question des capacités d'un gouvernement, par exemple, d'adopter des décisions qui concernent les conventions collectives dans le secteur public.

Alors, ça, c'est des éléments contextuels qui sont importants. Mais je sais qu'on n'aura pas nécessairement tout le temps d'aborder les propositions, mais vous avez, dans le mémoire, une série de conclusions. Et peut-être rappeler que, pour nous, l'équilibre des forces patronales et syndicales de même qu'une saine gestion des finances publiques sont au coeur de nos préoccupations, comme je le disais au début, et que le projet de loi n° 110 rencontre justement ces objectifs-là.

Parmi les mécanismes, les municipalités, dans certains cas, pourront demander dorénavant unilatéralement l'intervention d'un tiers. En ce sens, le projet de loi donne davantage d'autonomie aux municipalités en matière de relations de travail et, du même coup, il reconnaît qu'elles sont des institutions démocratiques redevables devant leurs citoyens et qu'elles doivent considérer, par conséquent, la capacité de payer de ces derniers lors des négociations avec les représentants de leurs salariés. C'est pourquoi, entre autres, on appuie fortement la mesure qui vise à inclure dans les critères que pourraient avoir les décisions des tiers le critère de l'aspect économique. Pour nous, c'est très important dans le projet de loi comme considération dans les décisions qui devront être prises, la question des finances publiques, donc de l'impact pour les contribuables.

En somme, la modification au cadre des relations de travail qui est fournie dans le projet de loi se caractérise par un nouvel équilibre. D'une part, le juste pouvoir de négociation des salariés est respecté, et, d'autre part, l'intérêt de l'ensemble des citoyens des villes est pris en compte. C'est un arbitrage que le gouvernement tente de faire avec ce projet de loi là, je pense que c'est donc compréhensible. La saine gestion des finances publiques québécoises permet aussi d'assurer la prospérité économique de l'ensemble des citoyens, et les travailleurs du secteur public en font partie également.

On voudrait souligner que certaines modifications pourraient être apportées au projet de loi. Et voici les principales modifications qu'on suggère.

Le projet de loi prévoit que l'employeur transmet un avis au ministre après 120 jours de négociation, si aucune entente n'est conclue, afin que s'enclenche le processus de médiation. On croit que le projet de loi pourrait être bonifié si l'envoi de l'avis au ministre pourrait être différé à une date ultérieure de l'accord commun des parties, tant pour les policiers et pompiers que les autres salariés municipaux, lorsque les négociations se déroulent bien, malgré l'absence d'entente.

Le CPQ se questionne également sur la pertinence du fait que le conseil d'arbitrage prévu pour les policiers et pompiers, en plus des critères énumérés au projet de loi à prendre en considération dans ses décisions, peut tenir compte de tout autre élément de preuve requis à l'enquête. Nous souhaitons que ce dernier critère soit pris en compte dans le respect de ceux précisément énumérés.

Par ailleurs, il faudrait aussi se méfier du critère des conditions applicables dans les autres municipalités, qui, appliqué de manière paramétrique, pourrait entraîner des effets indésirables si on ne tient pas compte du même coup de la capacité de payer de la municipalité concernée. L'interdépendance des critères est donc primordiale.

Les recommandations d'un expert au ministre dans le cas d'un conflit de travail qui piétine pourront constituer un outil d'une grande valeur. Toutefois, le CPQ soutient que le rapport du mandataire spécial devrait être rendu public afin d'assurer une plus grande transparence au sein du processus de règlement des conflits.

Et finalement, en conclusion, il serait aussi pertinent que le projet de loi détaille davantage les fonctions et les pouvoirs du mandataire spécial. Au surplus, nous soulignons qu'il faudrait possiblement préciser l'expression «circonstances exceptionnelles» qui justifie l'intervention du mandataire afin d'éviter d'éventuels litiges fondés sur son interprétation.

Voilà, en résumé, quelques bonifications ou modifications qu'on pourrait suggérer au projet de loi, en répétant ou en réitérant notre appui aux objectifs et au principe de ce projet de loi.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons débuter la période d'échange. M. le ministre, vous avez la parole pour 15 min 30 s.

M. Coiteux : D'accord. Alors, merci beaucoup, M. Dorval, pour cette présentation.

Écoutez, je trouvais ça intéressant que vous fassiez un rappel des travaux de la Commission de révision permanente des programmes, et notamment du chapitre qui concernait la relation entre le Québec et les municipalités d'un point de vue des transferts, là, parce que c'est quand même important de rappeler que c'est d'intérêt gouvernemental à double titre. Les villes, les municipalités, qui sont des institutions démocratiques, redevables devant leurs citoyens, sont des gouvernements de proximité. Ce gouvernement est engagé dans une démarche très ferme de reconnaître cette réalité qu'on a affaire à des gouvernements. Ce n'est pas des gouvernements qui ont les mêmes pouvoirs et les mêmes responsabilités que le gouvernement du Québec, mais ils assument des responsabilités importantes à l'échelle locale. Ils ont un pouvoir de taxation. Les élus municipaux se présentent aux élections, ils sont redevables devant leurs citoyens, il y a une démocratie, donc, qui s'exerce. Et on est d'avis que ça doit donner lieu à davantage d'autonomie puis surtout ça doit donner lieu, dans ce qui nous préoccupe ici, à une révision, une modernisation du cadre de négociation pour tenir compte de cette réalité-là, qui n'était pas tenue compte dans un régime dans lequel... Puis, pour reprendre les termes qui ont été pris par certains hier, ce n'est pas un affrontement entre le capital et le travail, ce sont des élus qui négocient au nom de l'intérêt public. Ils ont certains paramètres à respecter, ils ont certaines exigences à respecter, puis ils doivent le faire dans le cadre du respect du droit des travailleurs, droit d'association, droit à des conditions de travail justes et raisonnables. Alors, vous avez tout à fait raison de dire que c'est cet équilibre-là qu'on recherche.

Mais les revenus des municipalités proviennent en partie aussi des transferts du gouvernement du Québec. Et c'est certain que, lorsqu'on voit que, pour des emplois comparables, à travers le temps, les rémunérations globales par heures travaillées ont évolué de façon différente, on se pose une question : Est-ce que les mécanismes en place à un niveau de gouvernement et à un autre niveau de gouvernement sont adéquats? Puis il faut de temps en temps avoir le courage de revoir ces choses-là. Alors, c'est intéressant que vous l'ayez mis dans ce grand contexte là, je pense, c'est intéressant.

Le Conseil du patronat représente des employeurs du secteur public et du secteur privé, donc vous avez des membres qui sont des membres du secteur public, et j'aimerais ça vous entendre un peu sur ça, là. Est-ce qu'un employeur du secteur public, c'est différent d'un employeur du secteur privé? Et, de ce point de vue là, est-ce qu'il faut effectivement que le régime de négociation en tienne compte?

Le Président (M. Auger) : M. Dorval.

• (15 heures) •

M. Dorval (Yves-Thomas) : M. le Président, en fait, spécifiquement au niveau municipalités, mais c'est vrai aussi pour la Sûreté du Québec, mais qui a son propre régime, il y a quand même des éléments spécifiques qui ont trait aux gens qui...

(Interruption)

M. Dorval (Yves-Thomas) : ... — voici un dynamitage, j'imagine — mais le rôle des policiers et des pompiers est différent, c'est pour ça qu'on ne peut pas... Et c'est pour ça qu'on voit qu'il y a une absence de droit de grève, par exemple, pour les policiers et pompiers, et, en contrepartie, il y a une obligation d'intervention de tiers. Alors, ça, je pense que c'est bien compris.

Au niveau des autres employés de l'État... La différence entre les employés du secteur public et les employés du secteur privé, essentiellement, d'abord, c'est que la survie d'une entreprise, elle est menacée, c'est-à-dire qu'elle peut faire faillite. Un État peut faire faillite en théorie, là, mais on se comprendra que, dans la pratique, une municipalité ou le secteur public d'un gouvernement provincial ou fédéral, ça ne peut pas faire faillite. Donc, à quelque part, il y a un rapport de force qui s'installe automatiquement qui est différent parce que, si on demande trop dans le secteur privé, le risque, c'est la viabilité de l'entreprise, qui disparaît, les emplois vont disparaître. Dans le secteur public, ce n'est pas le cas. Donc, tout de suite, on voit qu'il y a un contexte bien différent.

Le deuxième, par rapport à ça également, c'est la question des services essentiels. Dans le secteur privé, c'est moins... Ça existe, les services essentiels, dans le secteur privé, à mon avis, là, dans certains secteurs. Je veux dire, moi, si le port de Montréal est touché par un lock-out ou une grève, là, moi, à mon avis, là, il y a un impact, c'est un service essentiel, maintenant, dans l'économie nord-américaine, et du Québec, et du Canada. Mais essentiellement ce n'est pas la même nature des services. Dans le secteur public, il y a des services essentiels, c'est pour ça que les possibilités de conflit de travail qui déboucheraient, par exemple, à une grève sont, bien sûr, balisées par des questions de services essentiels. Donc, c'est une dimension qui est différente, qu'on ne retrouve pas dans le secteur privé.

Dans le secteur municipal en particulier, je veux dire, en réalité, il n'y a pas de possibilité de lock-out. Quand on examine à fond, en théorie il pourrait peut-être y en avoir, mais il est impossible qu'une ville, dont l'objectif est de rendre des services, se mette en lock-out, parce qu'elle ne rendrait pas les services à la population. La réalité, c'est qu'il n'y a pas de droit de lock-out, et ça débalance donc l'équilibre de force, si d'un côté vous avez la possibilité d'exercer un pouvoir, même balisé par des services essentiels qui sont... une possibilité de faire une grève, versus l'impossibilité d'exercer un lock-out. Et ça, tant la partie syndicale que patronale recherchent toujours d'avoir un rapport de force en équilibre. Alors, ici, on ne le retrouve pas, au niveau municipal, dans ce contexte-là, et vous doublez ça de la perspective que le secteur public ne peut pas entrer en faillite. Alors, ça, c'est des éléments importants.

Dans l'histoire, on a vu qu'il y a eu des décisions qui ont été prises au niveau fédéral... au niveau provincial, au niveau de l'État. Encore une fois, les décisions ont été de plus en plus balisées, il y a eu beaucoup d'interprétations en Cour suprême qui sont arrivées puis qui ont venu vraiment, vraiment limiter cette capacité-là. Alors, ça a eu des impacts dans le passé, on voit qu'ils sont en train d'être atténués par la jurisprudence.

La liberté d'association et de négociation est importante. Et, encore une fois, à notre point de vue, ce que le projet de loi tente de faire ici particulièrement pour le secteur municipal, c'est que, si on prend en compte deux des éléments que j'ai mentionnés tout à l'heure, plus le fait que c'est le contribuable qui paie, alors, à la fin, la facture est relayée à quelqu'un d'autre. Et cette personne-là, elle peut toujours élire un nouveau maire ou un nouveau conseil municipal, la prochaine élection, mais la réalité, c'est qu'elle va être obligée de payer pareil les taxes, alors ça, c'est... tandis qu'un consommateur, à la fin, n'est pas obligé d'acheter tel produit ou tel service, dans le secteur privé, peut aller ailleurs ou peut ne pas l'acheter. Mais, dans le service municipal, il est obligé de payer ses taxes.

M. Coiteux : J'aimerais vous entendre sur... On a encore un peu de temps, hein, M. le Président?

Le Président (M. Auger) : Oui. Neuf minutes.

M. Coiteux : On a encore neuf minutes. J'aimerais vous entendre sur les critères qui sont énumérés dans le cas des policiers et pompiers, en cas de renvoi au conseil de règlement des différends, mais ces mêmes critères et les mêmes principes de base devraient s'appliquer également à la réflexion d'un mandataire spécial. Si un jour un ministre décidait, suite à une demande de l'une ou l'autre des parties, de nommer un mandataire spécial, ce seraient ces critères-là qui devraient guider aussi l'ensemble de la réflexion. J'aimerais vous entendre un petit peu là-dessus. Pourquoi? C'est parce qu'on a entendu différents points de vue sur les critères, puis j'aimerais ça entendre votre son de cloche là-dessus. Il y a des villes qui nous disent : Écoutez, il faudrait hiérarchiser les critères. Là, vous les avez énumérés, puis c'est comme s'ils avaient tous une importance égale.

Alors, peut-être qu'il devrait y avoir des critères obligatoires puis des critères qui pourraient être considérés selon les circonstances, il y en a qui nous disent ça. Il y en a qui nous disent : Non, non, il y a des critères qui ne devraient pas être là. On vient d'avoir une discussion avec les représentants de ville de Laval, ils nous disent : Le critère d'équité externe, même balisé par des circonstances où ce sont des villes comparables, ne devrait pas être là. On nous a dit : Le marché va discipliner dans certains cas, et puis on a entendu un peu ce point de vue là hier également. Par contre, du côté des associations de pompiers et de policiers et du côté des syndicats de cols bleus et de cols blancs, on nous a dit que le critère d'équité externe, c'était pratiquement le critère fondamental. Et vous, vous ne vous êtes pas trop prononcés, là, sur les critères, dans votre présentation, donc j'aimerais ça voir comment vous vous situez par rapport à ce débat-là. Hiérarchisation? Une liste plus restreinte? Comment vous voyez ça?

M. Dorval (Yves-Thomas) : M. le Président, je vais commencer et je vais laisser la parole ensuite à mon collègue, qui pourra élaborer davantage.

Le critère, pour nous, qu'il était très important de voir et qui est majeur, c'est le critère de la situation financière et fiscale de la municipalité et des impacts que ça a pour les contribuables, parce qu'ils ne sont pas pris en compte. C'est comme une tierce partie qui n'est pas à la table de négociation mais qui a une obligation de payer, hein? Ce n'est pas une question de... j'ai un choix, par la suite, d'ajouter tel ou tel produit, je suis obligé de payer. Remarquez qu'il peut déménager de ville aussi, mais on comprend que, quand tu es un citoyen, tu vas payer tes taxes. Ça, c'est le premier élément qui... Donc, pour nous, ce n'est pas une question de hiérarchisation, mais cet élément-là est incontournable et il doit faire partie des critères, peu importent les critères qu'on utilisera. Ça, c'est notre premier point de vue.

Le deuxième point de vue... Et là, si vous me permettez, M. le Président, je vais vous faire une anecdote. Un jour, je me suis ramassé par hasard dans un congrès où j'assistais à des ateliers de formation sur comment... — et c'était un atelier de formation pour des groupes sociaux ou syndicaux, etc. — comment obtenir gain de cause pour obtenir ce qu'on veut avoir. Puis là on expliquait que, par exemple, dans une région donnée, tu vas voir les endroits où il n'y a pas d'enjeu particulier et tu obtiens des conditions de travail spécifiques ou des décisions réglementaires spécifiques par rapport à un besoin qui impacte peu ces organisations-là. Et là, à un moment donné, tu en accumules comme ça quelques-unes, puis là ça devient l'exemple d'équité avec lequel tu te compares avec un autre. Mais là tu te ramasses avec un autre endroit, ils n'ont pas nécessairement les mêmes enjeux, mais là tu dis : Regardez, équité, eux autres, ils ont ça, donc on devrait avoir ça. Ça, c'est un premier exemple.

Le deuxième, je regarde les fusions municipales. Qu'est-ce qui s'est passé dans les fusions municipales avec les différentes conventions collectives qu'on retrouvait dans les différentes municipalités qui étaient fusionnées? Est-ce qu'on a vu beaucoup de conventions collectives qui ont été à la baisse par rapport à certains enjeux? Non, on a essayé d'équilibrer toujours à la hausse.

Finalement, l'équité salariale est un autre exemple. Quand on fait un exercice d'équité salariale, puis qu'on compare des groupes, puis qu'on ramène... est-ce qu'on a déjà vu des groupes baisser pour être en équité avec eux? Non, on voit tous les autres groupes monter pour atteindre l'objectif de ce qui est la condition favorable la plus importante.

Ce que je suis en train de vous dire, c'est la réalité qui conduit à ces choses-là. Ce n'est pas mal intentionné, c'est une réalité. Alors, pour moi, les critères qu'on considère, qu'on regarde, quand on regarde l'équité, doivent être pris en compte, mais on va l'élargir, à ce moment-là. Pourquoi l'équité avec la fonction publique provinciale par rapport aux conditions de travail? Pourquoi est-ce que l'équité est différente, à ce moment-là? Puis on le voit dans les chiffres, elle est très différente. Pourtant, c'est des postes qui sont aussi importants. Puis c'est la même chose avec le fédéral, soit dit en passant.

Alors, ce que je suis en train de vous dire, c'est : Il y a plusieurs critères. L'équité en fait partie, il n'est pas le seul. On peut jouer dans des éléments qui vont faire en sorte que l'équité va changer, si tu t'en vas dans des endroits pour obtenir des conditions dans des circonstances où il n'y a pas de problème d'accorder telles conditions, dans ce secteur-là, mais peut-être que dans un autre endroit il y en aura.

Le Président (M. Auger) : Me Lamy, en complément.

M. Lamy (Guy-François) : Oui, merci. Et effectivement ce que M. Dorval dit est exact. Je pense qu'il faut surtout tenir en considération, quand on regarde l'ensemble des critères, et c'est ce qu'on mentionne dans notre mémoire, l'interdépendance de ces critères-là, tout en considérant qu'au coeur de ceux-là ce sont les considérations économiques pour les employeurs, pour les municipalités qui sont visées ici. Je dirais, particulièrement sur le critère... Parce que, là, de vouloir hiérarchiser, par exemple, le critère de l'équité comme certains groupes, certains représentants vous l'ont proposé, le critère de l'équité externe, ce qu'il faut remettre en contexte, c'est qu'on comprend que la liste de critères qui est proposée ici, à l'article 17 du projet de loi, c'est une liste de critères qui vient justement contrebalancer les effets qu'a eu ce critère qui a été appliqué par les arbitres de différends par le passé, d'équité externe, qui s'est trouvé à en être un essentiellement de plus haut dénominateur commun, avec des effets néfastes pour certaines municipalités qui n'avaient pas nécessairement la même capacité de payer, d'où le rééquilibrage par cette liste de critères là qui est proposée et le fait que notre constat, c'est l'importance de l'interdépendance de ces critères-là et qu'il ne faudrait surtout pas qu'un tiers qui vienne aider à la résolution d'un différend commence à piger là-dedans, d'où notre inquiétude du deuxième alinéa aussi, qu'on a soulevée, à l'effet que tout autre élément de preuve recueilli à l'enquête, c'est un critère qui devrait pris en considération dans le contexte des huit critères énumérés, là, à l'article 17.

Le Président (M. Auger) : 2 min 30 s.

M. Coiteux : 2 min 30 s. Je pense que M. le député de Chapleau...

Le Président (M. Auger) : M. le député de Chapleau.

• (15 h 10) •

M. Carrière : Merci, M. le Président. Vous souhaiter la bienvenue, M. Dorval, M. Lamy et... J'oublie l'autre nom, je suis désolé.

Dans votre conclusion, là, vous énumérez, là, quelques modifications. Vous dites : «Le CPQ se questionne sur la pertinence du fait que le conseil d'arbitrage, en plus des critères énumérés à prendre en considération dans sa décision, peut tenir compte de tout autre élément de preuve recueilli à l'enquête. Le CPQ souhaite que ce dernier critère soit pris en compte dans le respect de ceux...» Pouvez-vous élaborer là-dessus et pourquoi vous avez des craintes sur le fait que le conseil, là, d'arbitrage prenne en considération d'autres éléments que ceux qui sont déjà inclus?

Le Président (M. Auger) : Me Lamy. 1 min 45 s.

M. Lamy (Guy-François) : Merci. Bien, en fait, je vais poursuivre sur ce que je disais, justement, en réponse, là, à la question du ministre.

Quand on lit l'article, le deuxième alinéa de 17 avec les huit critères, on a l'impression, à une première lecture à tout le moins, que ça peut avoir pour effet de venir atténuer la portée des huit autres critères, de dire... Mais je comprends très bien qu'on puisse dire : Bien, écoutez, s'il y a d'autres éléments qui sont pertinents, on va en tenir compte, mais il ne faudrait pas que ce soit interprété comme voulant dire qu'en raison d'autres éléments pertinents déposés à l'enquête on va venir éliminer l'importance de ces critères-là qui sont énumérés précédemment. Autrement dit, ce qu'on vous dit c'est : Il est tellement important pour nous que les critères qui sont économiques, là, le critère de la capacité de payer de la municipalité soient pris en compte qu'il ne faudrait pas qu'un élément de preuve quelconque puisse inciter un membre du conseil à considérer qu'il devrait écarter ce critère-là, à notre avis. Donc, c'est pour ça qu'on vous dit dans nos conclusions que le deuxième alinéa de 17 devrait prévoir, d'une certaine façon, que ces autres éléments de preuve retenus à l'enquête devraient être pris en considération dans le contexte des huit critères qui sont énoncés au premier alinéa de 17.

Le Président (M. Auger) : 30 secondes.

M. Carrière : Donc, vous êtes d'accord avec une hiérarchisation des critères... ou si vous n'êtes pas d'accord? Parce que ce que vous dites, c'est qu'il y a une contrepartie, mais êtes-vous d'accord avec une hiérarchisation de critères, internes, externes, etc., ou...

Le Président (M. Auger) : 15 secondes.

M. Lamy (Guy-François) : Je vous dirais que la question de la hiérarchisation, c'est... Vous parliez plus d'interdépendance, tout à l'heure, que de hiérarchisation. Mais vous avez compris aussi qu'il y a quelque chose qui est au coeur de nos préoccupations, c'est la capacité de payer, sans nécessairement... Si vous parlez de hiérarchisation au sens où celui-là vaut 10 points, celui-là vaut 20 points, celui-là vaut 30 points, on n'est pas là dans notre analyse.

Le Président (M. Auger) : Merci, maître.

M. Lamy (Guy-François) : Merci.

Le Président (M. Auger) : Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle pour 9 min 15 s. M. le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Dorval. Saluer aussi les membres votre équipe.

Je vais vous faire une confidence, j'étais quand même assez intrigué d'avoir à lire votre mémoire, je vous dirais, d'avoir le Conseil du patronat qui vient donner son avis sur les affaires municipales dans le cas de négociation et de relations de travail, je me demandais pourquoi, mais, à la lecture de votre mémoire, je pense que vous avez été capables, en tout cas pour ma part, d'apporter certains éclairages sur la pertinence de votre présence, alors...

Et puis d'ailleurs, en commençant, puis je pense que vous y allez de façon très explicite, mais je veux être sûr de bien comprendre, vous avez fait mention tout à l'heure d'emblée que le travail de la commission avait recommandé au gouvernement de donner des outils légaux aux municipalités pour mieux contrôler sa rémunération de ses employés, et vous faites rapidement... Parce que M. le ministre, à travers les différents groupes qu'on a eus, a essayé de nous faire croire que c'était un mythe, que le pacte fiscal et le projet de loi n° 110 n'étaient pas intimement liés, donc, les coupures de 300 millions et la promesse d'avoir des outils, et dans certains cas on avait promis un décret, ce n'était pas lié, mais vous en faites la démonstration pure et simple en disant : «C'est dans ce contexte qu'a été déposé le projet de loi n° 110 le 10 juin. Ce dernier découle directement de la signature de l'accord de partenariat avec les municipalités[...], qui a été conclu entre [les] parties...» Et vous rajoutez, à la page 12 : «Nous réitérons que dans le contexte actuel où les employés du secteur municipal ont des salaires nettement plus élevés que les fonctionnaires de l'État québécois, et que les municipalités subissent d'importantes coupes dans leurs transferts alloués par le gouvernement, il est essentiel que ce critère soit pris en compte sérieusement.» Donc, vous faites le lien concret que, pacte fiscal, coupures aux municipalités, promesse d'avoir des outils en relations de travail, on arrive au projet de loi n° 110. C'est bien ça?

Le Président (M. Auger) : M. Dorval.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Oui. Alors, la réponse à votre question : D'abord, ce n'est pas une question de cause à effet, c'est une question de contexte. Il est clair qu'il y a eu un rapport gouvernemental qui a dit : Il faut trouver une solution à cette question-là. Ça touche tant l'administration municipale que l'administration provinciale, en passant, parce qu'il y a des transferts qui se font du provincial au fédéral, puis c'est le payeur de taxes qui paie en bout de piste aussi dans les deux cas. Ça, c'est le premier élément.

Le deuxième élément, il y a eu des discussions dont on n'a pas fait partie, entre les parties, mais, chose certaine, il y avait une demande de la part des municipalités. Elles ont dit : Écoutez, nous autres, là, c'est bien beau, telle, telle obligation, ou telle, telle décision, ou tel, tel transfert, mais, pour avoir plus d'autonomie, ça nous prend des meilleurs outils, et, comme presque 50 %, 46 %, j'ai dit tantôt, ou quelque chose comme ça sont de la masse salariale, puis qu'il y a d'autres dépenses aussi qui sont, je veux dire, non variables, qui sont fixes, bien, il faut que, sur cet élément-là, on ait des outils. Et la demande des municipalités était bien plus importante que ce que le gouvernement présente dans son projet de loi.

Donc, le projet de loi n'est pas : On a signé un chèque avec les municipalités, en tout cas ça ne nous apparaît pas... il faudrait poser la question au ministre, mais bien davantage en disant : C'est un élément de contexte, il faut trouver des solutions. La demande, elle est bien, bien plus grande que ça, et le législateur arrive avec une compréhension aussi de la réalité des relations de travail, de la jurisprudence, etc.

Donc, si vous me posez la question, c'est un élément de contexte, puis on ne peut pas le nier, il est là. Mais est-ce que le projet de loi découle directement d'une entente? Ça, c'est le ministre qui pourra répondre. La seule chose qu'on peut comprendre, de notre côté en tout cas, les municipalités demandaient bien davantage, et que ce qu'on voit là, ici, je dirais, c'est une analyse réaliste de la capacité réglementaire, constitutionnelle de l'État d'intervenir, qui pourra probablement... ou peut-être un jour fera l'objet d'autres contestations, mais à tout le moins, à notre avis, là, quand on regarde ça, ça apparaît comme étant un moyen, un arbitrage juste pour donner aux municipalités davantage de capacité, d'outils, de mesures, non pas pour brimer... Parce qu'à la fin, quand on regarde tout le projet de loi, je veux dire, tous les droits des travailleurs se retrouvent quand même là, là, en termes de pouvoir négocier, etc., même la grève n'est pas touchée là-dedans, là. Ce qu'on voit là-dedans, là, c'est une obligation de résultat. Puis l'obligation de résultat, selon l'analyse qui a été faite pour les années antérieures, n'était malheureusement pas un résultat basé sur un équilibre de rapport de force, il fallait modifier le rapport de force. Moi, c'est ma compréhension, mon analyse. Pour le reste, il faudrait que ce soit le gouvernement qui réponde à votre question.

M. Ouellet : Je comprends, mais, pour faire un petit exercice comptable assez succinct, là, bien, les municipalités, une partie de leurs revenus sont effectivement l'assiette fiscale et, dans certains cas, les transferts gouvernementaux. On réduit les transferts gouvernementaux et on dit aux municipalités : Bien, on va vous donner des outils pour avoir un certain contrôle sur votre masse salariale, pour diminuer l'impact de nos coupures. Je pense que, dans un modèle entrepreneurial, vous seriez capables de comprendre cette logique.

Mais on va aller ailleurs parce que je veux vous entendre sur d'autres sujets. L'ISQ, écoutez, on a entendu les chiffres, les mêmes chiffres mais décriés de part et d'autre, sur la statistique de l'ISQ et le fameux 40 % d'écart en matière de conditions salariales, mais là vous, vous y mettez un certain bémol, puis je pense que c'est courageux, mais je veux juste être certain que... Si je comprends bien... Vous dites : «Même s'il est vrai que les chiffres doivent être considérés en tenant compte de l'adoption du projet de loi n° 3[...], il persiste tout de même un écart considérable...» Et vous dites que, dans le fond, l'écart des salaires en 2015 est plutôt de 20,4 %, plutôt que le fameux 40 %. Donc, vous, dans votre statistique, vous avez cru bon de dire : Écoutez, il faut faire une application de la fameuse loi n° 3, du projet de loi n° 3 qui est devenu la loi n° 15, pour véritablement comparer. C'est bien ça?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Tout à fait.

M. Ouellet : O.K. Donc, pour vous, le 40 %, ce n'est pas vrai, c'est...

M. Dorval (Yves-Thomas) : Bien, ce n'est pas que ce n'est pas vrai, c'est que...

M. Ouellet : Bien, c'est ce que vous dites.

M. Dorval (Yves-Thomas) : C'est la réalité avant l'application, je dirais, des dernières conclusions des régimes, là.

M. Ouellet : Oui, bon, O.K. Mais tout le monde sont venus nous dire ici : C'est 40 % de coût, 40 % de coût. Vous, vous arrivez — puis vous êtes dans le milieu des affaires, là, vous savez qu'un chiffre, c'est important : 20,4 %, c'est votre optique à vous. L'ISQ, elle, l'écart réel, là, c'est 20 %...

M. Dorval (Yves-Thomas) : L'écart des salaires en 2015, sans même considérer les avantages sociaux, s'élevait à 20,4 %, il faut faire attention, sans considérer les avantages sociaux, parce qu'on exclut... À cause des modifications qui sont passées, on n'a pas nécessairement la conséquence exacte au niveau des avantages sociaux. Alors, il faut faire attention, on ne compare pas tout à fait la même chose dans le 20,4 %. On exclut de ça les avantages sociaux.

M. Ouellet : Ça fait que vous êtes conscients que les chiffres qu'on a utilisés, le 40 %, n'est pas un bon comparable pour dire qu'il y a un déséquilibre à cette hauteur-là dans le secteur municipal, entre les municipalités et les syndicats?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Il faudrait rajouter les avantages sociaux pour avoir le meilleur comparable. Nous, on...

Une voix : ...

M. Dorval (Yves-Thomas) : Pardon? M. le Président...

Le Président (M. Auger) : Me Lamy.

M. Lamy (Guy-François) : Bien, en fait, c'est 40 %, environ, en incluant les avantages sociaux, 20 % en les excluant. Il y a deux chiffres, qui sont tous deux exacts.

M. Ouellet : Puis, quand vous... Oui, 20 % en incluant...

M. Lamy (Guy-François) : En excluant les avantages sociaux.

M. Ouellet : O.K. Le salaire.

• (15 h 20) •

M. Lamy (Guy-François) : Donc, le salaire, la rémunération salariale uniquement, on est à 20,4 %, dans ces chiffres-là. Donc, 20 % là. 40 % en comparant les avantages sociaux.

Autrement dit, ce qu'on écrit dans notre mémoire à ce passage-là, c'est qu'on anticipe l'argument, justement, des gens qui vont nous dire : Mais le projet de loi n° 3 qui a été adopté, la loi n° 15, elle va avoir un impact sur les avantages sociaux, ce à quoi on dit : Effectivement, il va y avoir cet impact-là. Donc, si on en tient compte, donc, éliminons pour l'instant... Parce que la réponse, elle sera, dans l'avenir, entre 20 % et 40 %, si on enlève... si on tient compte de l'impact réel dans le futur qu'auront les avantages sociaux. Alors, on se dit, si on veut avoir un portrait juste, là, la fourchette, c'est 20 % à 40 %.

M. Ouellet : Ça fait que ce n'est pas 40 %, c'est entre 20 % et 40 %.

M. Lamy (Guy-François) : C'est actuellement 40 % en matière de rémunération et avantages sociaux.

M. Ouellet : Oui, mais là... Oui, mais c'est parce que...

M. Lamy (Guy-François) : Nous, ce qu'on anticipe, c'est qu'à l'avenir on pourra être entre 20 % et 40 %. C'est ce qu'on vous dit.

M. Ouellet : C'est parce que, dans le projet de loi en question, on nous dit que ça continue de monter, et vous l'avez dit tout à l'heure, les frais continuent de monter. Donc, moi, je me projette dans l'avenir. Et, si je me projette dans l'avenir et je suis votre raisonnement, ça va se situer entre 20 % et 40 %, donc 40 % et en bas.

Ça fait que c'est correct. O.K. J'aimerais laisser la parole à mon collègue de Richelieu, s'il vous plaît.

Le Président (M. Auger) : Oui. Pour 45 secondes, M. le député de Richelieu.

M. Rochon : Oh mon Dieu! Bien, je vais y aller juste d'une mise en garde, alors. À tous ceux qui adhèrent ou reprennent le vocabulaire du ministre, qui parle de moderniser les relations de travail parce qu'on intègre la situation financière des municipalités, chapitre 54 de la Loi concernant les corporations municipales et scolaires et leurs employés, sanctionnée le 10 mai 1947 par le gouvernement de Maurice Duplessis : «Lorsqu'une corporation municipale ou une corporation scolaire est partie à un différend, le conseil d'arbitrage doit tenir compte, pour la décision du différend, de la situation financière de cette corporation, de sa capacité de faire face aux obligations additionnelles qui peuvent résulter de la sentence et des impôts qui grèvent déjà ses contribuables.» 1947. Ça a changé sous le gouvernement Lesage avec l'adoption du Code civil. Voilà.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions. Nous allons poursuivre avec la deuxième opposition et le porte-parole, M. le député de Blainville, pour une durée maximale de 6 min 15 s.

M. Laframboise : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. Dorval, vous et vos collègues, d'être présents.

D'entrée de jeu, bon, vous avez parlé de l'augmentation des transferts du gouvernement vers les municipalités. Je voudrais avoir la position du Conseil du patronat. Les transferts que le gouvernement fait aux villes doivent être, pour vous, contraints, restreints? Comment vous voyez ça, là, par rapport aux transferts, là?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Oh! Toute une question! Évidemment qu'on vient ici davantage sous l'angle des relations de travail, c'est plus de notre expertise que la question des transferts entre le gouvernement provincial et le gouvernement municipal. La question est très simple : à la fin, c'est un contribuable qui paie. Alors, pour nous autres, que ça vienne du provincial ou que ça vienne du fédéral, c'est le contribuable qui paie.

Mais plus la municipalité aura son autonomie, davantage elle va être aussi imputable de ses dépenses devant ses citoyens. Donc, il y a un lien plus direct entre ce que la municipalité va dépenser versus ce qu'ils vont taxer. Alors, c'est sûr qu'à un moment donné, si on est dans une situation où à la fin il y a quelqu'un qui va payer la facture, nonobstant les décisions qu'on va prendre... Puis ce n'est pas juste la question des affaires municipales... des relations de travail, là, il ne faut pas penser que... Là, on parle de relations de travail, ici, mais c'est toute la gestion, quand même, au sein des municipalités qui est importante, là.

Mais sauf qu'il y a un élément qui est important : 40,6 %, c'est la masse salariale. Et on voit statistiquement que, les conditions ou les revenus, quand on parle de la masse salariale totale, au niveau municipal, elle est quand même beaucoup plus élevée. On a parlé de 40 % tantôt. On verra avec le temps l'effet des changements au niveau des systèmes de retraite, mais ça reste majeur, hein?

Et donc, pour nous, la question des transferts, c'est : Plus l'organisation qui dépense a l'autonomie mais aussi l'imputabilité de ce qu'elle fait, plus c'est transparent, à la fin, et plus ça l'incite l'organisme en question de prendre des décisions qui sont plus responsables à l'égard de ses commettants, de ses constituants.

M. Laframboise : Vous avez fait le lien, c'est-à-dire, entre l'augmentation des salaires des employés puis l'augmentation des transferts du gouvernement, donc, pour vous, il y a un lien, là. C'est-à-dire que, quand on regarde, statistiquement, bien, il y a une augmentation de la rémunération des employés puis il y a une augmentation... Je ne sais pas si vous l'avez faite, l'analyse, si elle est proportionnelle ou quoi, mais il y a une augmentation, là, qui est des transferts du gouvernement du Québec vers les municipalités, là, pour compenser pour d'autre chose sûrement, là, tu sais, c'est un peu ça, la réalité, là.

M. Dorval (Yves-Thomas) : M. le Président, en fait, c'est la commission Robillard qui fait ces analyses-là. Nous, on a pris l'information qui existait, on n'a pas décidé nous-mêmes de faire ces évaluations-là.

M. Laframboise : Vous ne l'avez pas fait vous-mêmes, là, comme organisation.

Vous avez parlé de la jurisprudence... Parce qu'une partie de votre mémoire parle de la jurisprudence, puis vous sembliez mettre en garde, là. Ça semblait être, en tout cas, un constat, mais est-ce qu'il y a une mise en garde? Parce que peut-être que vous n'avez pas entendu le maire de Laval, mais il y a des élus municipaux qui nous le demandent, puis je peux être... j'ai un intérêt, là, évidemment, comme parti politique ça nous intéresse, là, de voir évoluer la situation. Ce qu'ils nous demandent, c'est, à la fin... puis quand je prends le maire de Laval, exemple, qui dit que dans l'hypothèse où... «Que la municipalité puisse accepter ou non les recommandations — ils veulent le pouvoir d'accepter ou non les recommandations — du mandataire spécial et qu'elle soit tenue de les accepter ou de les rejeter en bloc, auquel cas les recommandations [...] deviennent publiques. Dans l'hypothèse où la municipalité rejette telles recommandations, la négociation reprend alors, jusqu'à conclusion d'une entente.» Donc, la ville, avec le pouvoir de dire... bon, bien là, là, évidemment, le mandataire spécial fait son rapport, ça ne fait pas notre affaire, puis on recommence, est-ce que vous avez analysé, là, l'impact juridique, là, par rapport aux décisions? Est-ce que vous conseillez, vous, vos membres? Est-ce que vous avez tout un département de votre organisation qui conseille vos membres, là, et tout ça?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Oui et non. C'est-à-dire qu'on donne des avis, mais on n'est pas... Les organisations sont autonomes et prennent leurs avis de leurs propres ressources, internes ou externes. Nous, on analyse ça de façon plus globale. Ce qui nous préoccupe, nous autres, c'est toujours l'impact d'une décision sur un ensemble d'éléments.

Mais la première des choses, sur la jurisprudence, vous avez dit tantôt : Vous voulez nous mettre en garde. En fait, ce n'est pas une mise en garde, je veux rassurer les parties, entre autres la partie des travailleurs. Il ne faut pas penser, là, que la marge de manoeuvre, là, des... Il ne peut pas y avoir des décisions unilatérales du gouvernement, ou ci, ou ça sans avoir établi énormément de processus de consultation, de médiation, de travail qui est fait. Ça n'arrive pas comme ça, là. La jurisprudence démontre que tu n'es pas Dieu le Père, là, quand tu es au gouvernement, là, il y a plein de droits constitutionnels qui doivent être respectés. Donc, ce n'est pas une mise en garde, c'est de rassurer les parties qu'il faut faire attention, là, on n'est plus dans un far west, là, hein, il y a beaucoup... Ça, c'est le premier point.

Le deuxième point, c'est qu'au niveau des décisions d'un tiers parti, on en a parlé dès le début, c'était dans le premier échange auquel j'ai contribué, là... c'était le fait que le secteur municipal, c'est un secteur particulier, hein, il n'y a pas de lock-out, il y a un rapport de force qui est différent, etc. Alors, pour nous, l'intervention d'un tiers... Puis je pense que le plus bel exemple, c'est les policiers et pompiers. Et ça, c'est reconnu pas juste ici, là, c'est reconnu ailleurs aussi, là, c'est pour ça qu'on a parlé de jurisprudence aussi, là. Si tu n'as pas un droit de grève, c'est normal que tu aies accès à un tiers. Bien, si tu n'as pas le droit de lock-out, ça devrait être normal aussi qu'à un moment donné il y ait une décision qui est prise.

Maintenant, je vais laisser Me Lamy peut-être compléter.

Le Président (M. Auger) : C'est malheureusement tout le temps que nous avions. Donc, M. Dorval, Me Lamy, M. Laplatte, merci beaucoup pour votre contribution.

Je vais suspendre quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 28)

(Reprise à 15 h 31)

Le Président (M. Auger) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre présentation, par la suite on procédera à une période d'échange avec les trois groupes parlementaires. Donc, dans un premier temps, bien vouloir vous identifier, et par la suite vous pourrez commencer.

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

Mme Hébert (Martine) : Merci, M. le Président. Alors, Martine Hébert, vice-présidente principale à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Je suis accompagnée de M. Simon Gaudreault, directeur des affaires économiques pour le Québec à la fédération.

Alors, M. le Président, distingués membres de la commission, je tiens à vous remercier, d'abord, de nous donner l'opportunité aujourd'hui de discuter avec vous du projet de loi n° 110. Évidemment, la fédération représente des petites entreprises, on n'est pas des juristes, on n'est pas des spécialistes en droit du travail, mais quand même on est très concernés par le projet de loi, puis je vais vous expliquer pourquoi c'est important pour les PME québécoises, ce projet de loi là.

Alors, comme vous savez, on regroupe 24 000 PME, au Québec, qui oeuvrent dans toutes les industries et toutes les régions. Et, vous savez, l'entrepreneuriat étant d'abord souvent au niveau local, les chefs de PME sont étroitement liés à leur collectivité et ils entretiennent une relation généralement forte avec leur municipalité. On sait que les PME représentent le poumon de l'économie québécoise aussi, et je vous dirais qu'elles jouent un rôle très important en tant que payeurs de taxes municipales. Et, comme le projet de loi traite de la capacité de payer des contribuables, je pense que c'est important de venir rappeler certains faits ici relativement, justement, à ces contribuables municipaux que sont les petites et moyennes entreprises, là, sur le territoire québécois.

Alors, selon les statistiques 2015 du ministère des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire, les contribuables de la catégorie non résidentielle, dont une majorité de PME, évidemment, représentaient environ... moins de 7 %, c'est-à-dire, des unités d'évaluation recensées sur le territoire municipal du Québec cette année-là, mais généraient plus de 21 % des 17,7 milliards de revenus récoltés par les municipalités. Alors, l'apport majeur de nos PME à la santé économique et financière de nos municipalités n'a donc d'égal aussi, il faut bien le dire, par contre, que leur désir de voir leur ville se développer durablement et efficacement. C'est pourquoi les entrepreneurs se préoccupent de la manière dont est gérée leur ville et que la FCEI s'est intéressée d'ailleurs historiquement et de plus en plus aux questions touchant l'ensemble des politiques locales. À ce titre, le contrôle des dépenses municipales, M. le Président, dont la masse salariale se taille la part du lion, fait l'objet d'une attention, donc, spéciale et particulière de la part des PME.

Je pense qu'on peut affirmer qu'en ce sens-là on considère qu'il était temps de revoir et de moderniser, justement, le régime de négociation au niveau municipal. Et on espère pouvoir contribuer à cette modernisation-là, là, en vous faisant valoir le point de vue et les attentes légitimes des PME et des entrepreneurs du Québec envers leurs municipalités.

Alors, il faut bien rappeler qu'au niveau, si vous voulez, des budgets des municipalités il y a un fardeau disproportionné à l'heure actuelle. En fait, on peut même affirmer que, dans le cas des PME, la contribution qu'ils ont au niveau de la taxation municipale excède, à l'heure actuelle, ce qu'on peut considérer comme étant une juste part dans la plupart des plus grandes municipalités du Québec. C'est d'ailleurs la conclusion qu'on a pu tirer de l'analyse des données budgétaires transmises au MAMOT par des municipalités en 2013 notamment et qu'on a réitéré dernièrement, avec les dernières données à jour. On constate qu'alors que pour une même valeur... En fait, ce qu'on constate, c'est que, pour une même valeur foncière, le compte de taxes moyen des contribuables de la catégorie des immeubles non résidentiels est de 2,2 fois celui des résidents. Alors, vous comprenez pourquoi on est très préoccupés par l'évolution des dépenses dans le secteur municipal, parce que qui dit dépenses accrues dit taxation accrue, et donc les PME sont 2,2 fois plus touchées, lorsque le compte de taxes augmente, là, pour une même valeur foncière, que les résidents.

Alors, cette analyse indique aussi que, par rapport à l'année de référence, l'écart de taxation était en augmentation dans 54 municipalités sur 100, au Québec, les 100 plus grosses qu'on a examinées, et en diminution dans seulement 13 municipalités. M. le Président, je pense que les entreprises, dont un grand nombre de PME, demeurent donc la vache à lait fiscale de nos plus grandes municipalités, qui de surcroît leur en demandent de plus en plus chaque année. Et ça, c'est pour ça d'ailleurs aussi qu'on est préoccupés par la capacité des municipalités à contrôler leurs dépenses. Et, dans un contexte où le fardeau fiscal municipal est particulièrement lourd, il n'est pas étonnant de nous voir, là, s'inquiéter de ça, surtout dans un contexte où on a regardé l'évolution des dépenses dans les municipalités au Québec, là, entre 2009 et 2014 et, lorsqu'on prend les dépenses réelles... C'est quoi, les dépenses réelles? Ça veut dire lorsqu'on enlève l'effet de l'inflation, là... lorsqu'on tient compte de l'inflation. Donc, lorsqu'on observe l'évolution des dépenses réelles entre 2009 et 2014, au Québec, les dépenses municipales, la croissance a été de plus de quatre fois celle de la population, quand on tient compte de l'inflation. Alors, pendant ces cinq années-là, les dépenses du secteur municipal ont excédé ce qui devrait être considéré comme une croissance normale, on notera que ces dépassements-là de coûts accumulés, là, pendant ces années-là représentent un total de 13 milliards de dollars. Et c'est important, M. le Président, parce que ça veut dire qu'une gestion plus serrée de ces dépenses-là aurait dégagé des sommes qui auraient bien pu être utilisées ailleurs, comme par exemple pour développer de l'infrastructure, réduire le fardeau fiscal des contribuables municipaux ou encore stimuler le développement économique, là, dans nos collectivités.

Et cette part-là des... cette croissance-là des dépenses repose beaucoup, beaucoup sur la masse salariale, je pense que ce n'est rien de nouveau qu'on vient vous dire aujourd'hui. On sait que la masse salariale représente... les données, là, du MAMOT indiquent que 49 % des dépenses dans les municipalités du Québec vont en paiement des salaires, des cotisations, des contributions aux assurances, aux régimes de retraite et toute autre dépense associée, là, aux employés des municipalités.

Sur l'écart salarial, je sais qu'il y a beaucoup de gens aussi qui sont venus devant vous et qui vous ont parlé d'écarts salariaux. Nous, à la FCEI, on utilise les données de recensement, hein, c'est quand même assez robuste, de Statistique Canada, ce sont des données qui sont fiables généralement, donc... Et on a comparé, en fait, avec des postes similaires dans le secteur privé, ça fait qu'on a pris des pommes avec des pommes. On a pris, par exemple, des travailleurs des postes administratifs, là, dans le secteur privé, qu'on a comparé avec le même type de poste dans le secteur municipal. Et la conclusion à laquelle on est arrivés, pour le Québec, est la suivante, c'est qu'au niveau des salaires, si on prend juste la portion salaires, au niveau municipal, donc, les employés municipaux jouissent, par rapport à leurs homologues du secteur privé et non pas du secteur public, du secteur privé... donc, ils jouissent d'un avantage salarial de 7,1 %. Et, lorsqu'on additionne à ça les avantages sociaux, c'est de 23 %, on tombe à 23 %. Cette situation-là, d'ailleurs, elle n'est pas nouvelle, on était arrivés aux mêmes conclusions dans les études qu'on a faites en 2003, 2005 et 2008, et qu'on répète, là, de façon périodique, lorsque les données du recensement sont publiées. Alors, cet écart-là perdure dans le temps, et on n'arrive pas à le résorber.

Alors, nous, on pense que l'évolution de plusieurs des composantes de la masse salariale des villes, là, n'est pas le fruit du hasard et qu'elle est notamment, cette évolution-là, la résultante, d'une part, d'un cadre général de relations de travail qui, à l'heure actuelle, ne favorise pas la partie patronale à la table de négociation. Et, depuis longtemps, il nous appert que la pratique semble avoir été de consentir, probablement, hein, à cause de ce déséquilibre-là, à chaque convention collective, dans plusieurs cas, juste un petit peu plus que ce qui aurait été raisonnable afin d'en arriver à une entente ou encore d'acheter la paix. Et puis le processus de sédimentation, bien, avec les années, a fait son oeuvre et a mené, là, aux dépenses excédentaires et aux sommes excédentaires, là, qui enlèvent d'ailleurs de la marge de manoeuvre aux municipalités. Puis on considère, si on veut arrêter ce train-là, bien, qu'il y a des gestes qui doivent être posés, et c'est dans cet esprit-là qu'on considère comme essentiel de rééquilibrer les rapports de force dans les négociations municipales et qu'on considère comme essentielle, M. le Président, l'adoption du projet de loi n° 110 dans ses grands objectifs, en tout cas, qu'il vise. Voilà. Merci.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup pour votre présentation. Donc, on va commencer la période d'échange avec le gouvernement et le ministre pour 15 min 30 s.

• (15 h 40) •

M. Coiteux : Oui. Merci beaucoup, Mme Hébert, puis merci, M. Gaudreault, pour la production de ce mémoire, la présentation de ce mémoire puis de nous donner l'occasion, justement, d'échanger là-dessus.

Vous avez beaucoup parlé de la question du rapport de force dans les négociations. Vous nous avez partagé des statistiques différentes de celles qui ont été discutées au cours des derniers jours et bien auparavant, bien entendu, dans le contexte, évidemment, de la négociation des relations de travail dans le secteur municipal, et puis je vais vous poser certaines questions là-dessus. Mais je voudrais juste réitérer pourquoi on est en train de tenir des consultations sur un tel projet de loi, parce que ça ne tombe pas des nues, ça ne tombe pas de nulle part. Je voudrais rappeler que, lors des dernières élections, notre équipe s'était engagée à revoir en profondeur la relation entre le gouvernement du Québec et les municipalités. C'est un engagement qui a été pris, les Québécois nous ont fait confiance, ils nous ont élus. Et, dans le discours inaugural du premier ministre, il a été clairement établi qu'au cours de ce mandat la relation entre le gouvernement du Québec et les municipalités changerait en profondeur dans le sens de l'autonomie, dans le sens de la reconnaissance du rôle essentiel que jouent les municipalités dans la vie démocratique, la vie économique, la vie politique du Québec. Alors, ça teinte l'ensemble de nos décisions par rapport aux municipalités.

Vous savez qu'on a déposé un projet de loi sur le statut de capitale nationale déjà, et puis on aura l'occasion d'en discuter au cours de l'automne, et puis on a annoncé qu'on allait déposer un projet de loi donnant à Montréal le statut de métropole et un projet de loi plus général qui revoit en profondeur la relation avec l'ensemble des municipalités du Québec. Alors, ça, c'est la trame de fond. Puis, la trame de fond, le fil conducteur de tout ça — puis là je prends les termes qui sont ceux du livre blanc de l'UMQ, mais il y a différentes façons de traduire ça — c'est la reconnaissance des gouvernements de proximité, la reconnaissance que les municipalités sont une forme de gouvernement qui assument des responsabilités importantes sur leur territoire et qui ont le pouvoir de taxer leurs citoyens. C'est le cas, puis ça, c'est important, puis vous avez fait allusion à ça énormément puis l'impact que ça peut avoir notamment sur les PME. Ce n'est pas la même chose qu'une entreprise privée, ce n'est pas n'importe quelle entité.

Alors, pour le gouvernement du Québec, cette reconnaissance-là de fond, cet engagement-là, ça veut dire aussi que le régime de négociation qui s'applique dans le secteur municipal ne peut pas être vu comme la relation antagonisante entre le capital et le travail comme il a été entendu hier par certains qui nous ont présenté des choses, on ne peut pas avoir les mêmes principes. Alors, c'est en ce sens-là qu'il faut moderniser, c'est en ce sens-là qu'il faut moderniser. Et c'était une demande de l'UMQ dès 2011. C'est un engagement qu'on a mis sur papier mais qui a été longuement discuté auparavant. Oui, lors du pacte fiscal, mais le pacte fiscal, il n'est pas tombé des nues non plus, il y a toute une gestation et des engagements qui ont été pris, en ce qui nous concerne, dès 2014. Alors, ce n'est quand même pas tombé des nues.

Alors, c'est important parce que, quand on parle de modernisation, ça commence par un article 1, ici, qui dit qu'en sa «qualité d'institution démocratique, une municipalité est redevable auprès de ses contribuables de l'utilisation du produit des taxes et tarifs qu'elle perçoit pour assumer la prestation des services publics qui lui incombent ou qui incombent à un autre employeur municipal dont elle assume en totalité ou en partie les dépenses, chaque employeur municipal ayant par ailleurs pour mission première de dispenser des services de qualité aux résidents de chaque territoire desservi». Et ça, ce n'était ni dans les lois des années 60 ni dans les lois des années 40. Alors, ça, c'est un principe fondamental, qui est au coeur de cette loi. Et de là découlent un certain nombre de principes, mais ces principes-là, ils doivent être compatibles aussi avec des droits fondamentaux en matière de droit d'association, droit de négocier, droit à des conditions de travail justes, et vous les retrouvez également, ces principes-là, dans l'article 1. Alors, il y a des critères qui ensuite définissent un certain nombre de modalités, mais c'est de ça qu'on parle ici, c'est l'autonomie municipale qui se reflète là également, comme elle va se refléter dans d'autres projets de loi, dans d'autres initiatives du gouvernement.

Je pense que c'est important de le réitérer, parce qu'on a des échanges en même temps qu'on pose des questions, aujourd'hui, et des choses sont dites qui ne correspondent pas à la réalité, dans le cadre de ces échanges-là, et je pense qu'il fallait que je remette ici les pendules à l'heure. C'est extrêmement important de le dire parce que c'est de ça qu'il s'agit, c'est vraiment de ça qu'il s'agit.

À partir de là, on a eu toutes sortes de discussions, depuis les dernières 24 heures, et puis vous avez une discussion beaucoup sur l'impact que ça peut avoir sur les PME, l'écart de rémunération qui aurait crû à travers le temps. Il y a différentes statistiques pour le mesurer, et les fourchettes montrent quand même des écarts qui sont importants. Alors que dans le secteur public québécois les choses ont évolué d'une façon, dans le secteur municipal ça a évolué d'une autre façon, dans le secteur public... dans le secteur privé ça a évolué d'une autre façon.

Vous vous êtes moins prononcés sur comment on a amené les critères. Peut-être que vous n'êtes pas directement concernés en votre qualité d'association qui représente des PME, mais, si... Est-ce que vous avez eu l'occasion de regarder un petit peu les critères concernant les principes de base sur lesquels devrait se baser une négociation dans le secteur municipal? Est-ce que vous avez eu le temps de regarder ça? Puis est-ce que vous avez des choses à dire là-dessus?

Mme Hébert (Martine) : À l'article 17, entre autres, notamment, que vous référez? Bien, je vous dirais, M. le ministre, d'abord, vous avez fait référence à l'article premier qui énonçait certains principes de base dans le projet de loi; je pense qu'il y en a un autre aussi important que vous n'avez pas mentionné, c'est la question de la capacité de payer des citoyens et des contribuables. Et ça, quand on parle de contribuables, on parle à la fois des contribuables résidentiels et, évidemment, des contribuables non résidentiels.

Je vous dirais que, nous, quand on a regardé l'article 17, c'est sûr que, pour nous, c'est un ensemble de critères qui sont là, et puis c'est un petit peu comme dans une négociation, hein, c'est comme si tu commences... Quand tu arrives à un consensus sur quelque chose, tu commences à faire du «cherry picking», le consensus ne tient plus, ça ne marche plus. Alors, on pense qu'il y a quand même une certaine interdépendance entre ces critères-là et qu'on doit tenir compte de ça dans l'analyse, là, qui aura lieu, probablement, article par article, à la suite de ces consultations-là. Je pense qu'il y a une interdépendance et qu'on ne peut pas... si vous voulez, on ne peut pas faire abstraction de ça.

Maintenant, on a quand même, nous, proposé qu'à l'article 17, justement, dans les critères, là, soit peut-être prise en compte une certaine notion de comparatif relativement aux contribuables, c'est-à-dire que, l'un des critères, on avait proposé, à la page 8 de notre mémoire, de rajouter un critère qui pourrait prendre en compte, lorsque disponible, là, les conditions de travail applicables aux salariés occupant des emplois comparables dans le secteur privé. Ça pourrait être un autre critère aussi qui pourrait être rajouté et qui pourrait ajouter à cette dimension-là, justement, de respect de la capacité de payer des contribuables, M. le ministre, parce que, si on compare les salaires, si, dans les négociations, on se base sur des critères qui se comparent avec l'ensemble des travailleurs, des contribuables, si vous voulez, qui contribuent au régime, que ce soit à travers leurs impôts au niveau du gouvernement provincial, qui effectue des transferts, ou encore au niveau municipal... Je pense que ça pourrait, en tout cas, venir renforcer la proposition, là, qui est contenue dans le projet de loi relativement aux critères qui seront pris en compte. Et je pense qu'en ce sens-là...

Cela étant, on pense que les critères, là, sont vraiment interreliés, mais, tu sais, moi, je n'ai pas fait d'analyse à savoir le numéro 1 est-u plus important que le numéro 5, il est-u plus important ou est-ce qu'il devrait avoir préséance, ou combien de pointage devrait être accordé. On n'est pas dans ce niveau de détail là, là.

M. Coiteux : Donc, vous ne vous inscrivez pas dans une perspective de hiérarchisation de critères, de pondération de critères. Parce que différents avis ont été émis. Donc, c'est pour ça que j'essaie de faire parler tout le monde là-dessus, pour qu'on puisse avoir la plus grande amplitude d'opinions, là, pour qu'on puisse tenir compte des points de vue.

Mme Hébert (Martine) : Moi, je pense qu'ils sont interdépendants puis je n'ai pas d'opinion... je ne suis pas dans une logique comme ça. Moi, je pense que ce qui est important, par exemple, c'est de maintenir l'intégralité, parce que, si tu enlèves... si tu commences à faire, comme j'ai dit tantôt, excusez-moi l'expression en anglais, là, du «cherry picking», je pense que vous comprenez, bien, ça veut dire qu'on vient affaiblir... dans le fond, on viendrait affaiblir ou on viendrait diluer la portée de l'ensemble de l'esprit de cet article-là ou de l'ensemble des critères qu'on veut examiner.

Puis il ne faut pas perdre de vue qu'en bout de ligne, dans le fond, ce qu'on veut s'assurer, c'est que, lorsqu'on va négocier les conditions de travail des employés dans le secteur municipal, on va tenir compte de la situation financière des villes et on va tenir compte... Donc, en bout de ligne, ça revient à quoi? À la capacité de payer des citoyens et des contribuables.

M. Coiteux : J'aimerais ça vous poser une question qui n'est pas directement sur le projet de loi mais sur le contexte, là, ici, de ce projet de loi, parce que je sais que vous êtes en lien, quand même, avec vos homologues dans les autres provinces, vous avez des... Vous êtes membres, d'ailleurs, de la grande fédération canadienne, vous collaborez à un certain nombre de publications. Est-ce que vous avez eu l'occasion d'échanger avec vos homologues dans les autres provinces canadiennes sur la situation qu'ils vivent eux-mêmes dans leurs municipalités? Est-ce qu'ils ont le même type de problèmes que nous avons? Est-ce qu'ils abordent les choses de la même façon?

Mme Hébert (Martine) : C'est une bonne question, puis je vais laisser Simon y répondre, parce qu'il est justement le nez en plein dans les dernières études qu'on est en train de faire à cet égard-là.

Le Président (M. Auger) : M. Gaudreault.

• (15 h 50) •

M. Gaudreault (Simon) : Merci. Bien, je vous dirais que là-dessus, bien qu'il existe des différences, là, entre les provinces, des fois une question de subtilités, le cadre législatif va être différent d'une province à l'autre, mais ce qu'on constate, c'est que, que ce soit sur les écarts salariaux, le contrôle des dépenses dans les municipalités ou ce que Mme Hébert évoquait tout à l'heure, l'écart de taxation, la surtaxation dans la classe non résidentielle, on voit ça, malheureusement, dans l'ensemble des provinces, et c'est un problème qui est, semble-t-il, généralisé.

Nous, ce qu'on aime dans la situation au Québec présentement, c'est que le Québec, avec le projet de loi sur les retraites d'il y a deux ans, semble être un des précurseurs, une des provinces qui prennent un peu plus le taureau par les cornes puis tentent de redresser la situation, et ça, c'est un point positif d'un point de vue de l'ensemble du secteur municipal canadien parce que ça donne l'exemple qu'il y a quelque chose qui peut être fait et qu'effectivement la question des dépenses, du contrôle des dépenses, c'est un incontournable, dans le secteur municipal, si on veut s'assurer de respecter la capacité de payer des contribuables, PME.

Donc, de changer le discours général dans le secteur municipal, on n'a pas nécessairement en premier un problème de revenus. Dans le secteur municipal, de notre point de vue, il faut d'abord s'occuper de la question des dépenses, et ensuite de ça on pourra avoir une discussion peut-être plus juste sur l'absence ou non de marge de manoeuvre du côté des revenus. Mais c'est clair que, du côté des dépenses, on voit que le problème est généralisé dans l'ensemble des provinces canadiennes.

Mme Hébert (Martine) : Par contre, évidemment, si vous me permettez un complément de réponse... Par contre, évidemment, ça varie d'une province à l'autre et d'une ville à l'autre. Et, quand on fait un comparatif des grandes villes canadiennes et qu'on regarde, par exemple, comme la ville de Montréal par rapport à ses homologues canadiennes, c'est sûr qu'on n'est jamais en tête, on est plutôt en queue de peloton qu'à la tête du peloton lorsqu'il est question, justement, de taxation, etc. Ce qu'on constate, c'est que nos entreprises sont souvent beaucoup plus taxées, ici, et la fiscalité est beaucoup moins conviviale à l'égard des petites entreprises, là, ici que dans d'autres grandes villes canadiennes. Ça, c'est clair.

Le Président (M. Auger) : 3 min 30 s.

M. Coiteux : 3 min 30 s. Je pense que peut-être mon collègue de Vimont ou... Chapleau.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Chapleau.

M. Carrière : Merci, M. le Président. Mme Hébert, M. Gaudreault, merci d'être là.

Ce n'est pas la première fois, là, que j'ai le plaisir d'entendre le point de vue la FCEI. J'aimerais vous entendre, dans une des recommandations que vous faites à l'article 44... Et on l'a entendu, là, depuis hier à plusieurs reprises, toute la question de rendre publiques la décision ou les recommandations de l'arbitre. J'aimerais vous entendre là-dessus un peu, là. C'est quoi, votre point de vue là-dessus?

Le Président (M. Auger) : M. Gaudreault.

M. Gaudreault (Simon) : Bien, en fait, simplement, ce qui nous chicotait un peu plus là-dedans, c'était la question de dire : Le rapport demeure jusqu'à un certain point confidentiel. Alors, on ne révèle pas les détails de ce qui peut... du travail du mandataire.

Et ça nous amène sur un terrain peut-être un petit peu plus large, qui est la question de la transparence. C'est très important, de notre point de vue. Du côté municipal, peut-être qu'il y a des choses qui pourraient être faites afin d'assurer une meilleure transparence dans le secteur municipal, parce que ça aide à avoir une meilleure gestion. On le constate nous-mêmes quand on fait nos rapports de recherche, la difficulté d'obtenir de l'information pour s'assurer qu'on puisse suivre le travail des villes dans une gestion rigoureuse de leurs dépenses.

Alors, ça vient s'ajouter, là, la question de la disponibilité de l'information. De notre point de vue, de manière générale, c'est préférable d'avoir plus de transparence que d'en avoir moins, et c'est pour ça qu'on a fait cette recommandation-là sur l'article 44. De dire que ça demeure confidentiel, ce n'est pas diffusé, pour nous, bien, ça n'allait pas exactement dans le sens d'une plus grande transparence, là.

M. Carrière : Les maires, hier, qui sont venus nous voir, l'UMQ, tout ça, ils avaient la même... ils disaient : On est d'accord puis on veut même, tu sais, l'adopter par résolution, tu sais, de notre position, etc. De votre côté, est-ce que vous croyez que le citoyen, plus il est informé, pourra voir, bien, oui, c'est raisonnable, non, ce n'est pas raisonnable, tu sais, au niveau de ce que le mandataire a pu recommander?

Mme Hébert (Martine) : C'est sûr que, de notre perspective, c'est toujours, en fait, comme on dit, plus de transparence. Puis je pense qu'on s'en va dans cette direction-là dans plusieurs domaines. Les saines pratiques de gouvernance, maintenant, on n'a plus les mêmes critères qu'on avait par rapport à ça il y a plusieurs années, on évolue. Et je pense que collectivement, comme société, on tend vers de plus en plus des mécanismes qui sont plus transparents, qui s'appuient davantage sur les principes de saine gouvernance, et, pour nous, ça en fait partie.

M. Carrière : Je veux revenir... Vous parlez de l'interdépendance des critères, donc ce que je comprends, c'est que vous n'êtes pas d'accord à une hiérarchisation, là, des critères. Mais moi, je veux vous parler de ce que vous proposez comme neuvième critère. Donc, il y a l'équité interne, l'équité externe. Il y en a qui n'en veulent pas du tout, il y en a qui y tiennent. Et vous, vous en ramenez un troisième qui est de comparer avec le secteur privé... si ça se fait, là, naturellement, là.

Est-ce que vous voyez une complification... ou en tout cas ça vient complexifier, pardon, tout le travail de ceux qui auront à prendre des décisions et à faire des recommandations, là, sur... parce que, là, il y a un troisième élément, là, qui s'ajoute dans...

Le Président (M. Auger) : ...c'est tout le temps qu'on avait pour ce premier bloc d'échange. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle pour 9 min 15 s. M. le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mme Hébert. Bonjour, M. Gaudreault. Ça me fait particulier de vous voir ici aujourd'hui. Pour le bien de la commission, j'ai eu l'opportunité d'avoir un comité de sélection et d'avoir, à l'époque, sélectionné le jeune M. Gaudreault comme économiste, à Baie-Comeau, pour un emploi au CLD.

Une voix : C'est un bon économiste.

M. Ouellet : Oui. Et je comprends que tu aies changé d'emploi parce que, si tu étais resté au CLD chez nous, bien, tu n'aurais plus de job, parce que le pacte fiscal a coupé les CLD. Ça fait que je suis content de ton cheminement, alors, de te voir là-dessus.

Question, Mme Hébert, en commençant, juste pour bien comprendre : La FCEI, avez-vous des PME... ou des membres, pardon, qui sont syndiqués? Oui, vous en avez? Et, le reste de vos entreprises, dans le fond, on applique le Code du travail proprement dit.

J'aimerais savoir... Parce qu'on est ici aujourd'hui en commission parlementaire sur les affaires municipales pour venir légiférer... pour venir entendre, pardon, et pour plus tard légiférer sur le Code du travail. J'aimerais savoir, pour ce qui est de vos membres et pour ce qui est de la fédération, comment vous trouveriez ça si dans le futur... Parce qu'on sait que le Code du travail, ce sont... un juste équilibre qui a été établi entre le patron et le syndicat, on s'est donné des normes pour fonctionner. Comment, dans le futur, si on avait à modifier ce Code du travail là, on le faisait à travers une autre commission parlementaire, que le Code du travail... comment la fédération se sentirait? Vous sentiriez-vous biaisés? Tu sais, je vous donne un exemple. Mettons, dans le secteur manufacturier, il arriverait, comme on l'a vu plus tard... plus tôt, c'est-à-dire... il n'y aurait pas un équilibre qui serait juste entre les différentes parties, et là on décide, à travers le ministère de l'Économie, de modifier le Code du travail. Comment vous trouveriez ça qu'on n'est pas autour du ministère du Travail, mais on est autour d'un autre ministère puis on vient jouer dans quelque chose qui est important et, je présume, qui est essentiel pour les employeurs, c'est-à-dire un juste équilibre, à travers un code qui est reconnu et discuté entre deux parties?

Mme Hébert (Martine) : Votre question est intéressante, M. le député, parce que ça permet de rappeler la différence entre ce que le Code du travail vise dans les rapports de négociation entre les entreprises du secteur privé et leurs salariés syndiqués... Et il y a une différence fondamentale avec celle des employés du secteur municipal et les entités que sont les municipalités, qui sont leurs employeurs. C'est-à-dire qu'une entreprise privée, ça peut faire faillite, ça peut fermer ses portes, ça peut déménager, ça peut faire beaucoup de choses, alors qu'un gouvernement municipal, bien, il ne peut pas faire faillite puis il ne peut pas fermer. Puis la différence aussi, une autre différence importante, c'est que le gouvernement municipal, il n'a pas le droit de lock-out, alors que, dans une négociation... Puis encore une fois je ne prétends pas être une experte en droit du travail, mais j'en connais assez pour savoir qu'il y a quand même... au niveau des négociations, il y a un rapport de force plus équilibré, je considère, parce qu'il y a un droit de lock-out d'un côté, tu as un droit de grève de l'autre, bon, etc., puis... Sauf que dans le secteur municipal on ne l'a pas, ça, et donc c'est sûr que ça teinte le rapport de force qu'il y a entre la municipalité qui... Elle ne peut pas dire, elle, demain matin, non plus : Je vais me délocaliser, je vais aller ailleurs, je vais fermer mes portes, je vais faire faillite, si elle consent des conditions trop importantes. Et ça, bien, veux veux pas, quand tu es assis à la table de négociation, bien, c'est sûr que ça va teinter le rapport de négociation.

• (16 heures) •

Alors, moi, ce que je comprends que le gouvernement tente de faire aujourd'hui, c'est de rééquilibrer ce rapport de force là. Et c'est important de le faire parce que, comme j'ai dit au début de ma présentation, les petites entreprises... Et vous le savez, vous en avez dans votre comté, je suis certaine, vous en avez tous dans vos comtés, des petites entreprises, vous savez que c'est le poumon de l'économie du Québec. Dans toutes les régions, elles sont présentes. Les trois quarts de nos entreprises au Québec sont des entreprises de moins de 10 employés, ça fait qu'elles sont très importantes pour l'économie de nos régions, les petites entreprises. Et, alors qu'elles représentent 7 %, moins de 7 % des unités d'évaluation, elles paient 21 % des 18 milliards qui sont collectés par les municipalités. Alors, elles paient beaucoup plus en proportion que ce qu'elles représentent.

Et c'est pour ça que, pour nous, c'est important de dire... Quand on sait que, les dépenses municipales, la grande partie de leur augmentation est liée à la rémunération des employés, c'est pour ça que c'est important de rééquilibrer le rapport de force, parce qu'on a vu, au fil des ans, puis qu'on prenne n'importe quel chiffre, là, qu'on prenne notre 23 % par rapport au secteur privé ou le 40 % des autres par rapport au secteur public provincial, il demeure quand même, là... il y a quelque chose qui fait l'unanimité, c'est qu'il y a un écart nettement favorable à la fonction publique municipale. Alors, il y a un problème. Et c'est ça qui nous faire dire qu'il y a un problème, et c'est pour ça que nous, on considère qu'on fait bien de vouloir venir rééquilibrer le rapport de force, parce que le contexte est différent, et malheureusement ce qu'on voit, c'est qu'à travers les ans ça s'est reflété justement dans les augmentations salariales, les augmentations de rémunération qui ont été consenties, qui se sont traduites en taxes pour les contribuables.

M. Ouellet : O.K., on va reculer pour que je comprenne bien votre position. Vous dites que, de façon pondérée, malheureusement, les petites entreprises paient plus cher de taxes que ce qu'elles devraient payer. C'est bien ça? Vous parliez tantôt de 23 %, puis elles représentent 7 %. C'est ça?

Mme Hébert (Martine) : C'est-à-dire que ce qu'on dit, c'est qu'elles paient davantage que ce qui devrait être considéré comme étant leur juste part, O.K.? Et elles sont taxées... Et il ne faut pas oublier que, pour une même valeur foncière, une petite entreprise est taxée en moyenne, au Québec, là, quand on prend les 100 plus grosses municipalités du Québec, à peu près 2,2 fois ce qu'on va payer pour une même valeur foncière dans le secteur résidentiel. Ça veut dire, ça, que, si vous payez, pour une valeur foncière, 1 000 $ dans le résidentiel, bien, vous allez payer, dans le non-résidentiel, 2 200 $ pour la même valeur foncière, c'est ça que ça veut dire. Et c'est tellement grave qu'il y a certaines municipalités et certaines artères, même, commerçantes où les petites entreprises nous disent : Bien là, ça n'a pas de bon sens, les taxes sont tellement augmentées que c'est rendu que je paie quasiment plus cher de taxes municipales que je paie de loyer. Alors, oui, c'est une préoccupation. Puis, quand on demande à nos membres puis aux petites entreprises, là : Est-ce que c'est une préoccupation pour vous?, oui, c'en est une, préoccupation, et très grande, d'ailleurs.

M. Ouellet : Le problème que j'ai, c'est qu'on impute exclusivement l'augmentation de taxes à une augmentation de la masse salariale. Et, quand on voit vos chiffres, 49 % masse salariale, 51 % d'autres dépenses, vous convenez avec moi que l'autre 51 % des dépenses de la ville sont faites en juste connaissance de cause. Donc, une ville peut décider d'investir dans ses trottoirs, dans son parc industriel, d'augmenter son développement; bref, investir dans ses infrastructures et se donner les moyens d'être plus attractive et d'augmenter la présence d'entreprises pour augmenter son assiette fiscale. Donc, si aujourd'hui des entreprises se sentent lésées de payer trop de taxes, moi, je veux dire, il faut faire attention. Si c'est le choix d'une ville d'avoir augmenté son assiette fiscale en faisant des investissements et de décider de faire reposer cette augmentation-là sur ceux et celles qui sont INR ou la grande entreprise parce qu'elle a fait du développement, je pense que c'est légitime qu'une entreprise paie plus parce qu'elle a fait du développement... la ville a fait du développement économique pour assurer une meilleure viabilité.

Mme Hébert (Martine) : Il faut faire attention aux mots. C'est Simone de Beauvoir qui disait : «Pourquoi les mots, cette précision brutale qui maltraite nos complications.» Ce qui veut dire que, quand on parle d'«exclusivement», on n'a pas dit que l'augmentation des dépenses municipales était exclusivement liée aux salaires. Ce qu'on a dit, par contre, c'est que la rémunération, la masse salariale occupe la part du lion des dépenses municipales et que, quand on regarde comment est-ce qu'elle évolue et à combien... et quand on la compare à celle du secteur privé, bien, il y a visiblement une bonne explication, une grosse composante, l'augmentation des dépenses des municipalités, qui est liée à la masse salariale. C'est clair pour nous. Les chiffres sont là, là, je veux dire, tu ne peux pas dire que les dépenses ont augmenté, alors que ça représente la moitié du budget des municipalités... tu ne peux pas dire que les dépenses des municipalités ont augmenté...

Le Président (M. Auger) : ...permettre une dernière question au député.

M. Ouellet : Écoutez, les effectifs municipaux, là, vous dites... dans votre mémoire, on les compare, bon, dans le secteur privé, entre 2004 et 2014, le municipal était à 28 %, versus 10 % dans le privé. Vous êtes consciente, vous l'avez dit tantôt, une municipalité, ce n'est pas une entreprise, ça donne des services. Et, quand vous faites vos comparatifs, vous le dites, la FCEI, il faut comparer avec l'ensemble des entreprises pour avoir une juste et équitable comparaison. Vous êtes consciente comme moi que, si on fait cette comparaison-là, c'est normal que les municipalités augmentent l'effectif. Si elles donnent plus de services, elles ont besoin de plus de monde. L'optimisation en affaires puis l'optimisation de processus dans une municipalité, ce n'est pas pareil. Ça fait que vous êtes d'accord avec moi que, si on donne plus de services, c'est évident qu'on voit une augmentation du nombre...

Le Président (M. Auger) : Merci. C'est tout le temps que nous avions, malheureusement. C'est une belle envolée, mais c'est tout le temps que nous avions. Nous allons poursuivre avec la deuxième opposition et M. le député de Blainville pour 6 min 15 s.

M. Laframboise : Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup. Merci, Mme Hébert, M. Gaudreault, d'être présents.

D'abord, je suis content que vous soyez là, parce qu'on entend des représentants syndicaux, municipaux, mais c'est la première organisation qui est véritablement des payeurs de taxes, donc, parce qu'on n'aura pas... tu sais, il n'y a pas d'association québécoise des payeurs de taxes résidentielles, mais en tout cas il y a une association qui paie des taxes commerciales et industrielles.

Et ça, là-dedans, j'aimerais vous entendre, parce que c'est sûr que c'est un fardeau important des dépenses de vos entreprises et... Avez-vous fait le calcul de l'augmentation de coût des taxes municipales par rapport au pourcentage d'augmentation des dépenses de vos entreprises? Est-ce que, les taxes municipales, là, vous avez l'analyse comme quoi qu'elles ont augmenté de façon plus importante que la moyenne des dépenses des entreprises, des autres postes de dépenses de vos entreprises? Est-ce que vous avez fait cette...

Le Président (M. Auger) : M. Gaudreault.

M. Gaudreault (Simon) : Oui. Merci pour votre question, M. le député. Donc, la réponse courte, c'est : Non, on n'a pas sondé les membres pour qu'ils nous communiquent leurs données et puis savoir si ça occupait une plus grande part de leur budget. Mais la réponse longue : C'est ce qu'on peut déduire.

Lorsqu'on regarde l'augmentation des dépenses municipales, donc l'augmentation, dans les dernières années, du besoin d'aller chercher des revenus, et l'augmentation du ratio de taxation entre le résidentiel et le non résidentiel, hein, il s'est accru, donc on a eu besoin d'aller chercher plus de revenus et on est allé chercher beaucoup du côté des PME. Ce qu'on peut déduire logiquement, c'est que la pression fiscale sur les PME, elle ne s'est pas allégée du tout. Et ça, c'est corroboré aussi par les échos qu'on a de nos membres, un peu comme ce que Mme Hébert disait tout à l'heure, qui disent que la pression fiscale est de plus en plus lourde sur leurs épaules. Les taxes foncières, évidemment, c'est une taxation qui est fixe, hein? Peu importe qu'on fasse du profit dans une année ou qu'on n'en fasse pas, la valeur de l'immeuble, généralement, ne va pas fluctuer, en similarité, et puis ça va faire en sorte que, si on a une mauvaise année, on va devoir payer un montant important de taxes.

Donc, ce qu'on constate, en bref, chez les membres de la FCEI, c'est une inquiétude, je vous dirais, grandissante par rapport à la pression fiscale municipale.

M. Laframboise : Et souvent le problème de vos entreprises, c'est qu'elles n'ont pas le droit de vote, c'est des compagnies, et tout ça, donc elles ne votent pas, là. Pour vos entrepreneurs, oui, mais l'entreprise elle-même, elle n'a pas ce pouvoir de voter. C'est important, parce que tantôt j'écoutais mon collègue de l'opposition officielle, là. Qu'est-ce qu'ont fait les villes, finalement, au cours des dernières années, des 10, 15 dernières années? Vous le voyez à Montréal, là, aujourd'hui, vos entrepreneurs, là, depuis deux trois jours, là, tous les bris d'aqueduc, ce que ça coûte, et tout ça. Ils ont laissé de côté les investissements en infrastructures, c'est ça qui est une réalité, là. Puis souvent c'est vos entrepreneurs qui paient le prix de ça, quand il n'y a pas d'investissement dans les infrastructures. Puis il n'y a pas eu un sous-investissement dans la masse salariale, mais il y a eu un sous-investissement dans les programmes d'infrastructure. Parce que c'est ça, là. De l'argent, tu ne l'inventes pas, puis, la capacité de payer, si elle est atteinte, bien, le miracle n'existe pas. Chez vous, c'est la même chose. Vos entreprises, s'ils vendent leurs produits plus cher que le compétiteur, bien, à un moment donné, ils ne seront plus dans le marché, là, c'est ça, la réalité, alors que les villes, elles, inévitablement, si les citoyens ne sont plus capables de payer, bien, à ce moment-là, si elles sont obligées d'augmenter la masse salariale, bien, elles vont réduire les dépenses en immobilisations et d'autres secteurs de dépenses. Donc, c'est ce que vous constatez, vous, là?

M. Gaudreault (Simon) : Bien, effectivement. C'est sûr qu'il y a les dépenses de fonctionnement d'une part, il y a les dépenses d'investissement de l'autre, mais il est clair que, si vous n'avez pas un contrôle sur vos dépenses de fonctionnement, vous n'avez pas de marge de manoeuvre; vous ne pouvez pas, par exemple, payer l'infrastructure «cash» sur les frais d'intérêt pour le financement, vous avez moins de marge de manoeuvre. Donc, c'est clair qu'il y a un lien entre les deux, et c'est ce qu'on dit. Dans le fond, la situation actuelle fait en sorte qu'il y a un déséquilibre à la table de négociation qui a un impact sur le plus gros poste budgétaire de dépenses de fonctionnement et qui enlève la marge de manoeuvre des villes, qui doivent composer avec ça, et, bon, bien, ça s'est répercuté en partie sur une surtaxation des PME.

M. Laframboise : Vous proposez d'ajouter un critère à l'article 17 qui est la comparable avec vos entreprises privées, là. Les villes veulent justement retirer les paragraphes 4° et 5°, là, qui est toute comparaison externe, là. Donc là, eux ne veulent pas de comparable externe. Vous, vous proposez un comparable externe supplémentaire.

Est-ce que vous, vous souhaitez qu'ils maintiennent les comparables, là, par rapport aux conditions de travail, là, avec les régies intermunicipales, les comparables externes? Vous souhaitez qu'ils maintiennent les comparables externes puis qu'ils rajoutent le neuvième paragraphe comme vous le souhaitez?

M. Gaudreault (Simon) : Absolument.

Mme Hébert (Martine) : Absolument.

• (16 h 10) •

M. Gaudreault (Simon) : Écoutez, c'est clair que, si on veut s'assurer, par exemple, que, dans nos villes, nos techniciens en informatique, nos adjoints administratifs, nos cols bleus ou, c'est-à-dire, les gens, par exemple, qui vont opérer de la machinerie lourde soient payés selon des conditions qui reflètent vraiment le marché du travail, bien, c'est dans le secteur privé, souvent, que ces conditions-là sont déterminées de la manière la plus équitable. C'est déterminé par les lois du marché, et c'est ça qui reflète la capacité de payer, finalement, des contribuables.

Donc, c'est pour ça qu'on demande qu'on ajoute un critère de comparaison avec le secteur privé. C'est là qu'on peut aller chercher en bonne partie un certain équilibre, un certain lien avec ce que le marché du travail offre vraiment pour des fonctions qui sont comparables.

Le Président (M. Auger) : 30 secondes. M. le député.

M. Laframboise : Bien, je n'ai pas d'autre question. Merci beaucoup.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup. Donc, Mme Hébert et M. Gaudreault, merci beaucoup pour votre participation aux travaux de la commission.

Sur ce, je vais suspendre quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 11)

(Reprise à 16 h 15)

Le Président (M. Auger) : Nous reprenons nos travaux. Et je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association des directeurs de police du Québec. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour la présentation, par la suite on procède à des échanges avec les trois groupes parlementaires. Dans un premier temps, bien vouloir vous présenter, et par la suite vous pourrez commencer.

Association des directeurs de police du Québec (ADPQ)

Mme Dion (Helen) : Merci, M. le Président. Alors, je suis Helen Dion, directeur du service de police de Repentigny et aussi présidente de l'Association des directeurs de police du Québec. Je vous présente mes deux collègues : à ma droite, M. Marco Beauregard, directeur du Service de police de Granby et aussi membre de l'Association des directeurs de police, et, à ma gauche, j'ai M. Stéphane Fleury, qui est directeur du service de police de Châteauguay et vice-président à l'Association des directeurs de police du Québec.

Le Président (M. Auger) : Merci. Bienvenue.

Mme Dion (Helen) : Alors, permettez-nous de remercier le ministre des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire, de la Sécurité publique et responsable de la région de Montréal et les membres de cette commission pour cette audition.

L'Association des directeurs de police du Québec a pour mission première de représenter les dirigeants policiers et leurs partenaires afin de contribuer à l'amélioration de la sécurité des citoyens du Québec. Précisons que notre mémoire représente la position de l'ensemble des corps de police municipaux du Québec.

Tout en supportant les intentions du projet de loi n° 110, nous souhaitons illustrer devant vous les lacunes du processus actuel et la nécessité de mieux limiter les délais de règlement des conventions collectives des policiers municipaux. À cet effet, nous avons notamment pu constater et expérimenter des négociations amorcées quelques jours seulement avant la fin d'une convention collective en vigueur ou encore bien loin après son expiration, les délais interminables que s'accordent par la suite l'une ou l'autre des parties pour reporter les rencontres de négociation. Un vrai dialogue sur le fond peut nécessiter des semaines, voire des mois avant de s'amorcer réellement. Contrairement à ce que devrait être une négociation usuelle, aucune contrainte temporelle n'exerce une pression sur l'une ou l'autre des parties comme le font le droit de grève ou de lock-out sur des négociations d'autres types de salarié. Donc, sans cadre légal, vous comprendrez que rien ne presse.

Les stratégies de négociation vont aussi tendre vers un cumul de revendications tirées de l'ensemble des conventions collectives nouvellement signées, tendance surnommée le «cherry picking». La parité à tout prix n'a aucune limite, quelle que soit la réalité locale. Et, oui, le timing du règlement final est souvent dicté par la proximité d'une élection municipale.

Quant au processus d'arbitrage des différends actuel, il prend des semaines, sinon des mois avant de démarrer, ce qui nous éloigne d'autant plus d'une décision rendue dans un délai qu'on peut qualifier de raisonnable. Le temps, les coûts et l'énergie qui y sont consacrés sont habituellement totalement démesurés par rapport au résultat final, et en plus, quelle que soit la décision, elle aura une portée limitée de trois ans à compter de la date d'expiration de la dernière convention, ce qui s'avère souvent périmé avant même qu'elle puisse voir son application. Cette dernière constatation témoigne à elle seule d'un processus coûteux, désuet et mal adapté à la fonction policière. Mes collègues pourront à votre gré témoigner des expériences passées dans leurs organisations.

En 2010, l'ADPQ a ainsi commandé une étude de fond, menée par des chercheurs associés à l'Université de Montréal, portant sur la situation des négociations récentes ou en cours, sur la nature de leur déroulement et sur d'autres formes de négociation applicables au milieu policier ailleurs au Canada et dans certains États américains. Les résultats de l'étude ont permis de constater et confirmaient sans équivoque que certaines modalités qui prévalaient et qui prévalent encore au Code du travail étaient dépassées, mal adaptées et inadéquates pour la fonction policière. À cet effet, les chercheurs recommandaient des mesures ayant pour objectif de réduire les délais des processus de négociation, de revoir les règles d'arbitrage de différends, d'inclure la conciliation obligatoire et de réduire les délais dans la nomination d'un arbitre ainsi que les délais pour entendre l'ensemble de la preuve et rendre une décision.

À compter de 2012, l'ADPQ a également collaboré à un groupe de travail portant sur l'arbitrage de différends, mené conjointement par le ministère du Travail et de la Sécurité publique du Québec. Les parties concernées s'entendaient notamment sur des modalités visant à réduire très significativement les délais de négociation.

Commentaires plus spécifiques sur le projet de loi comme tel. Nous nous attarderons particulièrement aux chapitres I et II, et plus spécifiquement au cumul des différents délais du processus proposé.

Dans le chapitre I, l'objet de la loi et les principes directeurs, nous aimerions y retrouver un énoncé de principe portant sur la responsabilité partagée d'une municipalité et de ses employés salariés afin d'amorcer le processus de renouvellement de convention collective préalablement à l'échéance des ententes en vigueur.

• (16 h 20) •

Au premier paragraphe de l'article 4, nous vous suggérons de préciser ce qu'est la phase de négociation. Nous proposons que cette phase de négociation soit réputée débuter 120 jours avant la fin de la convention collective en vigueur et de préciser qu'il s'agit de jours calendrier. D'ailleurs, à notre avis, le terme de «jours calendrier» devrait être utilisé pour l'ensemble des délais prévus au projet de loi. Nous suggérons aussi que l'avis au ministre devrait être donné dans les 15 jours suivant la fin de la convention collective.

En regard à la nomination du médiateur et de la durée de son mandat, prévues aux articles 5 et 6, nous croyons que le rôle du médiateur est déterminant, il importe qu'il soit nommé rapidement. Nous proposons que le délai de cette nomination soit plus spécifique.

Concernant le rapport du médiateur prévu aux articles 7 et 8, nous suggérons qu'il fasse état des accords convenus et des désaccords encore en litige, qu'il y formule ses recommandations, que le rapport soit déposé dans un court délai, prescrit, et que le rapport soit de nature publique.

Sur la question de la désignation du conseil, prévue à l'article 9, nous suggérons d'en fixer le délai. Concernant la composition du conseil de règlement des différends et la nomination de ses membres, prévues aux articles 10 et 11, nous adhérons entièrement au principe d'un conseil de trois membres présidé par un avocat. Nous sommes cependant d'avis que le nombre de six nominations sera nettement insuffisant.

Relativement aux huit critères énoncés pour la prise de décision du conseil, à notre avis, l'article 17 devrait être scindé en deux, à savoir que le conseil doive tenir compte des trois premiers critères et puisse tenir compte et considérer les cinq derniers critères. Il appartiendrait alors au conseil de motiver sa décision.

Relativement au dernier paragraphe, la décision du conseil devrait se limiter aux éléments issus du rapport du médiateur. Ce paragraphe devrait être modifié ou simplement retiré.

Pour ce qui est du rapport du conseil prévu à l'article 28, notre commentaire ici est similaire au précédent. Nous proposons d'utiliser le terme de «180 jours calendrier» et qu'il n'y ait pas de délai additionnel d'accordé.

Quant à la portée de la décision, considérant la complexité du processus, les ressources et les fonds publics engagés, nous recommandons qu'il soit précisé que ces cinq années s'appliquent à compter de la décision du conseil.

Considérant la nature de l'article 50, puisque le législateur prévoit une fin des hostilités à l'occasion d'une demande d'arbitrage pour les autres salariés de la fonction publique municipale, nous l'invitons à évaluer la pertinence d'une disposition similaire pour les salariés visés au chapitre II en faisant cesser tout moyen de pression dès que le conseil est saisi du dossier.

Les mesures transitoires prévues au chapitre V méritent d'être explicites. Nous nous questionnons sur la portée d'une décision qui serait rendue par un arbitre en fonction des règles actuelles. Les mesures transitoires devraient, à notre avis, permettre de rendre une décision d'une durée minimale de trois ans mais effective à partir du moment où elle sera rendue.

Recommandations additionnelles. Nous ne pouvons présenter ce mémoire sans aborder encore une fois, M. le ministre, la question des moyens de pression admissibles de la part de policiers chargés d'appliquer la loi et d'assurer la sécurité des citoyens du Québec. Nous ne prétendons aucunement vouloir priver notre personnel de son droit de s'exprimer et de faire connaître leur insatisfaction. Cependant, il est impératif de cesser les moyens de revendication qui s'attaquent publiquement aux symboles représentant la loi et l'ordre, qui sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité de notre personnel et de miner la confiance des citoyens. Le port intégral de l'uniforme et le respect des édifices et des équipements publics doivent faire l'objet d'une législation, cette législation doit prévoir des conséquences individuelles et corporatives à l'endroit de l'instance syndicale impliquée. Cette tolérance, au Québec, n'a plus sa place.

Enfin, l'Association des directeurs de police espère que le projet de loi puisse être bonifié, précisé et surtout dûment adopté prochainement par l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup pour votre présentation. Nous allons commencer la période d'échange. M. le ministre, vous avez la parole pour 16 minutes.

M. Coiteux : Bien, Mme la directrice, d'abord et avant tout, merci beaucoup d'être ici aujourd'hui, et aux personnes également qui vous accompagnent, mais merci surtout pour... Puis tout le monde a abordé, évidemment, cette discussion-là avec sérieux, mais on note, là, qu'il y a eu une étude très, très, très détaillée du projet de loi, article par article, de votre part, avec des recommandations extrêmement précises. Alors, soyez assurés qu'on prend des notes dans chaque cas puis qu'on analyse chacune de ces interventions-là puis de ces recommandations-là avec tout le sérieux nécessaire, là. Donc, j'apprécie, là, la grande... le travail très sérieux. Donc, forcément... Et puis vous nous avez donné du travail à faire, puis on va faire ce travail-là effectivement, parce que vous avez beaucoup de recommandations, qu'on va prendre le temps d'analyser correctement.

Vous avez parlé de travaux antérieurs au dépôt du projet de loi concernant la réduction des délais liés au processus de négociation, qu'ils comportent ou non un arbitrage, mais notamment qu'ils comportent un arbitrage. Et je veux vous poser une question, elle n'est peut-être pas simple, là, mais, par rapport aux travaux qui ont été faits, qui, s'ils avaient été appliqués, auraient peut-être permis, selon vous, de réduire les délais, donc de corriger un certain nombre de problèmes, par rapport à ces travaux antérieurs, comment vous situez le potentiel de ce projet de loi là pour répondre à ces enjeux-là, sans les changements que vous avez demandés et puis avec les changements que vous avez demandés? Je comprends que c'est compliqué, là, mais...

Mme Dion (Helen) : Bien, en fait, l'objectif, là, principal d'une négociation est évidemment d'arriver à une entente qui va faire plaisir aux deux parties mais dans un temps déterminé, parce qu'on sait que les conditions de travail, le climat de travail se détériorent... Plus une chose traîne, eh bien, plus les employés sont mécontents, plus les employeurs deviennent mécontents, plus les citoyens sont affectés. Donc, ça a vraiment des incidences importantes, d'où l'étude, qui, on l'avait notifié en 2011 dans un projet de loi n° 31... on avait mentionné qu'on voudrait qu'on élabore au niveau des conditions de travail.

Ce qui est important, c'est qu'on avait fait un consensus que même, de part et d'autre, que ce soit la partie patronale, la partie syndicale, on reconnaît, d'une part, que la partie patronale a causé des délais aussi, autant qu'une partie syndicale a pu en causer, et ça, c'est reconnu. Mais maintenant, à partir du moment qu'on n'a pas un encadrement, on peut se lancer la balle de part et d'autre sur le temps, et celui qui, malheureusement, subit les conséquences — je peux vous faire témoigner M. Beauregard à cet effet — bien, évidemment, c'est notre personnel, et en bout de piste c'est les citoyens. Donc, c'est les travaux qui avaient mené à des discussions, de dire que la meilleure offre sur la table... un peu basé sur ce qui se faisait en Ontario, il y a dans d'autres services de police aux États-Unis, où ils n'ont pas de période de négociation du tout, les conditions de travail sont imposées par décret, mais, nous, les discussions qui avaient eu lieu en 2012 n'allaient pas dans cet effet-là, avaient fait un consensus au niveau des délais et de resserrer tout ça, tous partis confondus.

M. Coiteux : Et justement est-ce que ce projet de loi réduit les délais de manière significative s'il était adopté?

Mme Dion (Helen) : Il les réduit en autant qu'on précise certaines choses. En fait, comme je vous dis, si ce n'est pas des jours calendrier, on revient à un prospectus de presque deux ans, la négociation. Si on en réduit les délais puis on aurait utilisé l'ensemble de ce qui est prévu dans le projet de loi, dans les prolongations, que c'est inscrit, on arriverait quand même à une convention collective dûment signée en 360 jours, si c'est suivant nos recommandations, ce qu'il nous apparaît, pour nous, un service de police, qui est essentiel à la sécurité du public, très important d'en tenir compte dans les décisions du gouvernement.

M. Coiteux : Maintenant, qu'est-ce que vous pensez de la durée des conventions collectives qui est proposée dans le projet de loi, cinq ans plutôt que le trois ans?

Mme Dion (Helen) : Cinq ans? Bien, à partir du moment qu'on a une négociation... Je comprends que le 360 jours ne comprend pas les 120 jours, là, les 120 jours de négociation qui auraient eu lieu avant la fin de la convention, là. Nous, ce que l'on trouve intéressant du cinq ans, c'est qu'on va pouvoir établir un climat de travail, établir des règles claires pour l'ensemble du personnel pendant cinq ans et pouvoir se donner du temps aussi pour travailler sur des projets opérationnels plutôt que de consacrer l'ensemble de notre temps à des négociations, à des règlements de griefs, à des arbitrages de différends, à des mésententes. Donc, le temps serait consacré vraiment... et les sous, les fonds publics seraient consacrés aux opérations policières plutôt que dans les dédales administratifs.

M. Coiteux : Pourquoi vous trouvez que six personnes désignées pour faire partie du conseil de règlement des différends, ce serait insuffisant? Qu'est-ce qui vous amène à penser ça?

• (16 h 30) •

Mme Dion (Helen) : Je vous fais référence rapidement au... Dans le secteur municipal, on a 29 services de police au sein de l'association. Les 29 associations, de ces 29, 14, à l'heure actuelle, les conventions sont présentement expirées. L'an prochain, au 31 décembre 2016, s'ajoutent à cela sept autres conventions, donc plus du deux tiers sera expiré. Et ça, c'est seulement pour le secteur de la police. Et je n'ai pas parlé encore du secteur des incendies, et qui ont encore plus de fraternités que nous à négocier. Donc, on pense qu'à six ils n'y arriveront pas dans le temps, dans les délais qui sont fixés, simplement.

M. Coiteux : Mais, quand vous regardez l'ensemble des principes qui sont au coeur de ce projet de loi là, est-ce que vous anticipez davantage de recours à un conseil comme celui-là, le processus d'arbitrage, ou au contraire vous pensez que les gens vont s'entendre avant d'en arriver là?

Mme Dion (Helen) : Bien, moi, j'ai extrêmement confiance à des ententes. Dans plusieurs organisations policières, on y est arrivé. Évidemment, ça prenait un temps long, mais, si on prescrit des délais, je pense qu'on peut continuer à y arriver, d'autant plus que les directeurs de police et les gens en charge des négociations, que ce soit la partie syndicale, la partie patronale, on connaît notre organisation, on sait ce qu'on a à travailler, on pourrait limiter sur des enjeux plus importants que de... Ça va forcer les parties à choisir des enjeux importants, plutôt que d'aller sur l'ensemble des articles d'une convention collective.

M. Coiteux : Sur les critères devant servir... En fait, les critères, ce n'est pas seulement pour le conseil de règlement des différends, c'est les critères qui encadrent l'ensemble de ce que devraient être les choses prises en considération dans une négociation dans le secteur municipal. Ce sont les principes, évidemment, de l'équilibre entre le fait qu'une municipalité, c'est une institution démocratique qui peut taxer ses citoyens, donc il faut tenir compte de la capacité fiscale, mais en même temps il faut respecter le droit d'association des travailleurs, il faut avoir la contrepartie pour ceux qui n'ont pas le droit de grève. Tous ces principes-là sont intimement liés et imbriqués dans la loi, ça, c'est certain, mais... Il y a ces critères-là.

Alors, vous avez dit... et vous vous inscrivez dans un débat qu'on a eu, là, depuis 24 heures avec les différents groupes, vous avez dit : Bien, il faudrait qu'il y ait des critères obligatoires puis des critères qui soient considérés seulement dans certaines circonstances. Pourriez-vous élaborer un petit peu plus pourquoi vous voyez ça comme ça?

Mme Dion (Helen) : Bien, en premier lieu, les critères qui sont là ont tous une certaine importance, mais on s'est placés, les directeurs de police, dans la position du conseil. S'ils doivent tenir compte de l'ensemble des huit critères pour prendre une décision, on trouvait que ça commençait à être difficile, rendre une décision qui va être juste et équitable pour l'ensemble des parties, s'ils doivent tenir compte de l'ensemble. Par contre, le critère qui nous semblait le plus important, c'est vraiment la réalité régionale, qui, selon nous, au niveau des trois premiers critères, répond vraiment à cette facette-là. L'ensemble des autres critères, ils vont pouvoir s'y référer, l'utiliser, et même les fraternités et de notre côté, les utiliser pour bonifier et aider, évidemment, le conseil à prendre la meilleure décision, qui va faire le plus consensus, espérons-le, au niveau des parties. Donc, c'est en ce sens-là. C'est un peu pour un peu moins lier les mains du conseil.

M. Coiteux : D'accord. Par rapport à ces critères, justement, les critères qui sont énumérés dans le projet de loi, par rapport à ceux-ci, la pratique actuelle, là, lorsqu'il y a arbitrage... Mais je suppose que ce n'est pas nécessairement parce qu'il n'y a pas arbitrage que derrière la tête on n'a pas pensé : Oui, mais, si on s'en va en arbitrage, c'est ça qui va s'appliquer. C'est quel critère qui domine à l'heure actuelle? Est-ce qu'il y a un critère qui domine les autres? Est-ce qu'il y a un critère qui semble être prépondérant dans l'état actuel des choses?

Mme Dion (Helen) : Ça va me faire plaisir de passer la parole à M. Marco... qui est en plein dans le processus.

Le Président (M. Auger) : M. Beauregard.

Mme Dion (Helen) : Beauregard, excusez-moi.

M. Beauregard (Marco) : Oui. J'ai connu quelques processus d'arbitrage récemment à Granby, en fait, deux importants processus d'arbitrage, longs, pénibles pour les deux parties, évidemment, et, dans les critères, présentement, les critères que l'arbitre détermine, bien, évidemment, il tient compte des critères internes, des critères externes, de la capacité de payer, mais il y a beaucoup de la prépondérance de preuve là-dedans actuellement. Ça fait que c'est en vertu de ça et du Code du travail, présentement, qu'il élabore puis qu'il prend sa décision finale.

M. Coiteux : Et qu'est-ce qui est le plus facile à prouver?

M. Beauregard (Marco) : Qu'est-ce qui est le plus facile à prouver? Écoutez, ça dépend de la qualité de la preuve. Ce qui est le plus facile à prouver, c'est l'équité interne, c'est clair. Après ça, il y a l'équité externe. Évidemment, on est tous policiers au Québec, hein, et puis la richesse d'une organisation policière au Québec, c'est son personnel. Ce n'est pas vrai que c'est plus dangereux d'être policier dans une région qu'une autre ou dans une ville ou une autre. Donc, il y a ces critères-là aussi qui doivent être tenus en compte.

Une violence conjugale, exemple, à titre d'exemple, une violence conjugale à Granby ou une violence conjugale qui survient à Montréal, deux policiers répondent à cet appel-là, c'est une violence conjugale, c'est la même affaire. Donc, les gens font le même travail, font sensiblement le même travail dans les mêmes conditions. Donc, l'arbitre doit aussi tenir compte de ce critère-là.

M. Coiteux : Donc, dans le fond, pour le secteur policier, vous, votre vision, c'est que le critère d'équité externe ne pose pas nécessairement problème, parmi cette liste-là.

M. Beauregard (Marco) : Bien, il pose problème lorsque d'une ville à l'autre il y a un monde au niveau des conditions de travail. C'est important. Nous, ce qu'on a vécu présentement... ou ce qu'on vit présentement à Granby, c'est les offres patronales versus les demandes syndicales qui sont calquées sur des exercices de «cherry picking» qui se fait dans les autres conventions collectives au Québec. Bien, évidemment, ce qu'ils veulent, ils veulent le meilleur des deux mondes, donc on a à travailler là-dessus, nous. Et évidemment l'arbitre doit tenir compte de ce qui a été donné aux autres employés municipaux, dans une municipalité, également.

M. Coiteux : Le mécanisme qui est proposé dans le projet de loi n° 110, par rapport au mécanisme actuel, les critères explicitement énoncés, énumérés dans le projet de loi n° 110, par rapport à ceux qui semblent être utilisés dans la pratique, là, tel que vous le décrivez, cette comparaison-là, on n'a pas encore vu ça à l'oeuvre parce qu'on n'a pas encore adopté le projet de loi, mais vous, vous anticipez un changement important dans la façon de faire les choses, dans...

M. Beauregard (Marco) : C'est surtout dans les délais, M. le ministre, c'est surtout dans les délais.

Je vais vous donner un exemple. Pour la convention collective 2011, 2012, 2013, à Granby, bien, on a commencé à négocier en mars 2016 avec la partie syndicale, il y a eu 11 jours de négociation. Pendant ces 11 jours de négociation là, les parties se sont assises ensemble environ 35 heures pour essayer d'en venir à une entente négociée.

La partie syndicale a demandé l'arbitrage. Je vous rappelle, pour 2011, 2012, 2013, l'arbitre a été nommé par le ministère du Travail, a été nommé le 6 novembre 2012, donc ça faisait déjà deux ans que la convention collective était expirée. Après ça, le tribunal d'arbitrage a tenu 26 séances d'arbitrage, d'auditions, pendant ce processus-là, la 26e journée étant le 25 juin 2015, toujours pour 2011, 2012, 2013. La décision de l'arbitre, Me Guay, a été rendue le 21 septembre 2015 pour un contrat de travail de trois ans, 2011, 2012, 2013, décision rendue le 21 septembre 2015.

Le lendemain de la décision arbitrale, les négociations sont à recommencer, on a déjà 21 mois de retard. Et je pourrais vous parler du processus d'arbitrage précédent, ça a été la même affaire. La décision avait été rendue, cette fois-là, en août, mais ça faisait 20 mois que la convention était expirée.

Donc, on pense qu'il y a beaucoup de choses qui sont très intéressantes, dans le projet de loi, au niveau du processus d'arbitrage, du processus pour en venir à une entente.

M. Coiteux : Vous me dites que, dans le cas que vous venez de décrire... J'ai encore un peu de temps?

Le Président (M. Auger) : ...

M. Coiteux : Deux minutes? Dans le cas que vous venez de nous décrire, la demande d'arbitrage est venue de la partie syndicale?

M. Beauregard (Marco) : Oui.

M. Coiteux : Ma compréhension, c'est que c'est à peu près toujours la partie syndicale qui demande l'arbitrage. Ça arrive parfois que vous la demandiez?

M. Beauregard (Marco) : Dans les deux cas, dans les deux cas qu'on a vécus, c'est...

M. Coiteux : Et dans la pratique antérieure?

M. Beauregard (Marco) : Bien, dans la pratique antérieure, on y a été une autre fois, en arbitrage, puis je crois bien que c'est le syndicat, la partie syndicale qui avait demandé l'arbitrage.

M. Coiteux : Pourquoi ce n'est jamais la partie patronale qui demande l'arbitrage dans le système actuel?

M. Beauregard (Marco) : Écoutez, on veut en venir à une entente négociée. Je pense que la meilleure entente qu'on peut avoir, c'est une entente négociée. Sauf qu'il faut qu'il y ait des délais qui soient encadrés là-dedans. Sans ça, ça traîne de part et d'autre.

Comme Mme Dion l'a mentionné, les délais, là, qui prévalent actuellement ou que ça prend pour régler les dossiers, on ne dit pas que c'est une partie plus que l'autre qui traîne, absolument pas, les deux parties ont un travail à faire puis, pour toutes sortes de considérations, repoussent ça dans le temps. Nous, comme dirigeants policiers, ça devient très, très difficile à ce moment-là.

M. Coiteux : Mais trouvez-vous que le mécanisme d'arbitrage actuel est équilibré entre les deux parties?

Mme Dion (Helen) : Ça coûte très cher. Pour répondre à votre question, si mon collègue ici peut vous répondre, lorsqu'il... Vas-y, quand est venu le temps pour négocier, puis ta partie patronale l'avait demandé.

M. Fleury (Stéphane) : Bien, en fait...

Le Président (M. Auger) : M. Fleury.

Mme Dion (Helen) : Excusez-moi.

M. Fleury (Stéphane) : En fait, c'est sûr que la libre négociation, c'est ce qu'il y a de mieux. Puis moi, j'ai eu à négocier pendant presque quatre ans chez nous, à Châteauguay, puis on en est venus à une entente.

Mais évidemment, tous les coûts encourus durant quatre années, vient un moment où est-ce que tu es très, très proche d'une entente, puis les parties ne veulent plus bouger, bien, tu es rendu au point de décider : Est-ce qu'on envoie ça en arbitrage ou on règle? Mais évidemment, quand on se retourne vers la municipalité... Parce que le service de police, ce n'est pas l'employeur. On représente l'employeur, comme directeurs de police, mais ce n'est pas à nous de décider de ces finalités-là, Bien, dans bien des cas, la ville sait très bien... M. Beauregard, il a coûté 750 000 $, son dernier arbitrage. Mais la ville...

M. Beauregard (Marco) : En honoraires professionnels.

M. Fleury (Stéphane) : En honoraires professionnels.

• (16 h 40) •

M. Beauregard (Marco) : En honoraires professionnels pour la partie patronale uniquement. Donc, on parle d'économistes, on parle d'actuaires, on parle d'avocats et, évidemment, le tribunal de différends, d'assesseurs.

M. Fleury (Stéphane) : Donc, à 750 000 $, chez nous, si la ville était à peu près... à 200 000 $ près d'avoir une entente, bien, on va verser l'argent du 200 000 $, on va toujours bien en avoir économisé 450 000 $.

M. Coiteux : Et ça semblait moins être une préoccupation du côté syndical, puisqu'ils demandent l'arbitrage. C'est ce que je comprends, là. Donc, j'essaie juste... On va manquer de temps, mais j'aurais essayé d'approfondir ça avec vous si j'avais eu un peu plus de temps.

Le Président (M. Auger) : Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle pour 9 min 30 s. M. le député de Richelieu.

M. Rochon : Oui, merci, M. le Président. Nous allons amorcer l'échange avec vous de la même façon que le ministre l'a amorcé, en tout cas sur le même élément, celui du comité de travail sur l'arbitrage des différends. Alors, vous dites qu'à compter de 2012 vous y avez collaboré, mené conjointement ce comité par les ministères du Travail et de la Sécurité publique, ce qui est vrai que c'était intelligent, le ministère du Travail, qu'il soit là, puisqu'il est le gardien du code, c'est un ministère fantôme depuis le début des auditions ici. Outre les représentants des deux ministères, y ont contribué des représentants de certaines villes, Gatineau, Québec, Montréal, de l'UMQ, d'associations syndicales de police, d'associations syndicales de pompiers puis l'Association des chefs en sécurité incendie du Québec.

«La consultation — je vous cite, là, je cite votre rapport, votre mémoire — alors menée semblait avoir trouvé un consensus des participants dès décembre 2012. Seule la question de la rémunération des arbitres devant être réévaluée. Les parties concernées s'entendaient notamment sur des modalités visant à réduire très significativement les délais de négociation[...].

«L'encadrement plus rigoureux du processus, sans bouleverser — notez-vous — de fond en comble les fondements et l'esprit du Code du travail, aurait ainsi assuré une "paix sociale" de plus de deux ans suivant la décision de l'arbitre.

«Pour des dirigeants policiers, cela aurait été une grande amélioration.»

Alors, hier, il y a des représentants des policiers, que vous connaissez bien, qui sont venus nous dire : Mettons de côté le p.l. n° 110 et repartons à partir des bases de ce comité de travail, de ce qu'il a conclu. Cela vous réjouissait, ces conclusions. Nous entendons les associations de policiers dire qu'elles les ont trouvées, ces associations, intéressantes, ces conclusions, également. Alors, je m'étonne de lire en conclusion à votre mémoire que le projet de loi n° 110, que les policiers contestent, se veut un espoir important, se veut un espoir important, ils le contestent. J'aurais été moins étonné de lire de votre part que le projet de loi n° 110, que vous avez contesté par vos policiers, suscite chez vous la crainte d'instaurer un climat de relations de travail difficile. Vous n'entretenez pas cette inquiétude? Dites-moi pourquoi, je ne saisis pas.

Le Président (M. Auger) : Mme Dion.

Mme Dion (Helen) : Écoutez, en premier lieu, je vous dirais, oui, d'une part, en 2012, on avait réussi à faire consensus avec les fraternités, parce que de part et d'autre, comme je vous ai expliqué, de part et d'autre, les délais ne faisaient pas ni l'affaire du patronat ni l'affaire des... Puis, pour des raisons x, comme je vous ai expliqué, comme il n'y a pas de lock-out, comme il n'y a pas de droit de grève, bien, il n'y a pas de limite dans le temps, ça presse plus ou moins, ce n'est pas nécessairement une priorité, et entre-temps c'est nous, les administrateurs, qui vivons avec des conditions de travail qui se dégradent.

Aujourd'hui, le projet de loi qui nous est présenté par le ministre va encore plus loin que nos espérances, et nous en sommes... Pour nous, ce qu'on regarde ici, avec le processus qui était au consensus de 2012 on n'arrivait pas encore à une convention en dedans de 360 jours, en dedans d'un an, là, ce n'était pas déterminé, tout ça, là, l'avis de négociation, la négociation, les obligations, et là c'est encore plus clair, c'est encadré et ça va être, de part et d'autre, connu, de notre côté comme la partie patronale et du côté syndical. Donc, les règles sont claires, encore plus claires que l'ancien processus qui avait été accepté.

Mais mon collègue voulait ajouter quelque chose, si vous permettez, M. le Président.

Le Président (M. Auger) : M. Fleury.

M. Fleury (Stéphane) : Bien, en fait, si vous regardez les recommandations de 2012 et le projet d'aujourd'hui, on ne nous a pas demandé si on était d'accord à ne pas tenir compte de 2012. Si 2012 aurait pu avoir sa place... Tout le monde s'entendait à ce moment-là, puis le point important, c'était les délais. Puis pourquoi les délais? Je reprends une phrase que M. Beauregard a dite tantôt, là : L'essence même de notre service de police, ce sont nos policiers. Bon, je ne vous apprends rien en disant que le métier de policier, c'est un métier qui est très difficile, c'est un métier qui à la base est quand même très négatif, on nous appelle rarement quand ça va bien. Puis, quand on ajoute à notre personnel d'être en conflit de travail durant des années, pour toutes sortes de raisons, bonnes ou moins bonnes, bien, je pense que ça devient doublement difficile, autant de les diriger que de faire ce métier-là. Donc, on a tout intérêt, pour notre personnel policier puis pour la qualité des services, là, qu'on reste le moins longtemps possible dans un conflit qui...

Bien souvent, nous, les directeurs de police, on est pris entre l'employeur et les employés, parce que les vraies influences qu'on peut avoir puis qu'on peut échanger avec notre syndicat, c'est sur le volet opérationnel. Quand on tombe sur les modalités de salaire et avantages sociaux, assurances collectives, les régimes de retraite, ce n'est assurément pas le chef de police qui va régler ça. Mais le chef de police et son personnel ont la responsabilité de la sécurité publique puis de la sécurité du public. Puis déjà le métier est de plus en plus difficile, de plus en plus exigeant. Puis, quand on rajoute le niveau de difficulté que le climat n'est pas bon, bien, ça ne devient vraiment pas agréable, puis les résultats ne sont assurément pas comme ils devraient l'être.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Richelieu.

M. Rochon : Oui, rapidement, mon collègue aura plusieurs questions pour vous. Si le ministre m'étonnait, m'étonnait et, devant les objections nombreuses, fortes, intenses qu'il a entendues de la part des représentants des travailleurs, il se disait : Oui, c'est vrai, on n'est peut-être pas en train de rééquilibrer de façon bien sage le rapport de force, le couteau sur la gorge dont le maire de Québec m'a parlé en processus de négo est peut-être en train d'être dirigé sur la gorge d'autres personnes, il est peut-être entre d'autres mains, ce n'est peut-être pas sage, et, devant ce constat, qu'il décidait de plutôt, dans le cas des policiers et des pompiers, oublier son projet de loi n° 110 et travailler à partir des recommandations du Groupe de travail sur l'arbitrage des différends, peut-être pour bonifier, peut-être, les conclusions de ce comité de travail là, qu'est-ce que vous en diriez à ce moment-là?

Mme Dion (Helen) : Bien, moi, comme je vous dis, comme je l'ai dit d'entrée de jeu, je trouve que le projet de loi actuel encadre encore mieux les délais et nous empêche de déraper dans des dédales qu'on a connus, que mon collègue de Granby et d'autres services de police ont connus, et ça empêche aussi la dégradation des relations de travail. Parce qu'il ne faut pas oublier que les dirigeants policiers ont enduré et endurent encore des... Les cadres policiers qui se présentent sur les parades, les policiers se lèvent, ne leur parlent pas, ils ne donnent pas la poignée de main, ne les saluent pas; subissent du harcèlement. Alors, tout ça pourquoi? Parce que les relations, là, à partir du moment qu'on négocie pendant quatre ans, c'est comme... la pression retombe sur les dirigeants policiers, comme si nous, on n'est pas présents à la table ou on ne veut pas les aider, alors que ce n'est pas le cas. Tout ce qu'on veut travailler, c'est en fonction de l'organisation et de meilleur service aux citoyens.

Mais, vous savez, toute chose qui perdure dans le temps, malheureusement, c'est rarement pour les bonnes choses, et on souhaite évidemment... On se connaît, comme je l'ai dit d'entrée de jeu, on travaille ensemble régulièrement, on connaît les enjeux de nos organisations, on est capables de discuter ensemble, et simplement en resserrant, y compris de la part de nos municipalités, ils vont pouvoir nous donner aussi les écarts qu'ils souhaitent, les augmentations, tout ce qui s'appelle... Ce qui n'est pas opérationnel, ce que nous, on ne contrôle pas, les municipalités aussi vont être obligées de prendre une décision rapidement, pour nous aider à prendre les meilleures décisions puis à offrir les meilleures choses aux membres de nos organisations.

Une voix : Mais l'aspect du délai...

Le Président (M. Auger) : Juste un instant, je vais permettre au député de René-Lévesque de poser une dernière question. 45 secondes.

M. Ouellet : Bien, écoutez, dans les exercices qu'on a faits, avec le rapport de Thierry-Morency, on arrive à 15 mois de processus, avec médiation, arbitre. Et la question que j'aurais rapidement pour vous... Parce qu'on voit, là, deux arbitrages seulement depuis 2006, et vous signez en moyenne des conventions de quatre ans. Ça fait que, là, le cinq ans, moi, je ne le vois pas. Mais je comprends que d'être continuellement en négociation, ça peut être un enjeu, et ce qui vous importe, c'est le délai.

Alors, comment trouvez-vous qu'un comité de règlement des différends va venir améliorer le climat de travail quand dans Thierry et Morency nous avons un médiateur, arbitre qui arrivait, avec des assesseurs, à régler? Et, il ne faut pas oublier, dans le cas du projet de loi, dans le cas du CRD, la facture, on vous la refile. Comment vous trouvez que ça va être...

• (16 h 50) •

Le Président (M. Auger) : Merci. Malheureusement, nous n'aurons pas la réponse immédiatement. Donc, je dois continuer avec M. le député de Blainville pour 6 min 30 s, porte-parole de la deuxième opposition.

M. Laframboise : Merci beaucoup, M. le Président, oui, merci. Mme Dion, M. Fleury, M. Beauregard, merci d'être présents.

Moi, je n'ai pas de cachette. Nous, la Coalition avenir Québec, on est en faveur du projet de loi. Mais je trouvais important, par rapport aux délais, ce que vous dites, là. Il y avait des délais dans le projet de loi n° 3, qui est devenu la loi n° 15, qui tombaient à échéance le 31 juillet, puis ce n'est pas tout réglé, là. Donc, à quelque part, c'est le fun d'avoir des délais... Vous, vous nous dites : Il faudrait encore raccourcir les délais, jours calendrier, donc ça, ça veut dire qu'on raccourcit les délais. Est-ce que vous avez... Est-ce qu'on a assez d'avocats, d'actuaires, d'économistes, au Québec, là, pour tout nous régler ça, là, puis est-ce qu'ils ont des horaires assez disponibles? Parce que tantôt le maire de Laval m'a dit : Moi, j'ai réglé ça, je n'en ai plus, de ressource externe, bon, j'ai mon propre contentieux, mais ce n'est pas tout le monde, ce n'est pas toutes les villes qui sont Laval puis qui peuvent se permettre d'avoir un contentieux permanent pour régler ça, là. Donc, vous, évidemment, vous représentez des villes et pour lesquelles vous faites affaire avec des ressources externes. D'abord, est-ce que, ces délais-là, vous pensez que vous avez le personnel nécessaire? Est-ce qu'il va falloir que les villes se disciplinent ou je ne sais pas quoi, là? Y a-tu quelque chose... Est-ce que vous pouvez me rassurer, là, par rapport aux délais puis le fait que vous allez être capables de livrer puis de... Parce que ce que le milieu syndical nous dit, c'est que vous ne serez pas capables, là, vous allez manquer de... tu sais, vous n'aurez pas le temps, dans les délais, si vous voulez rentrer, aussi court que ça, d'être capables de livrer puis avoir le personnel pour vous supporter, là.

Mme Dion (Helen) : Si vous me permettez, M. le Président, actuellement, la partie patronale a des avocats, évidemment, qui sont spécialisés... Évidemment, si on parle du contexte des arbitres, c'est une autre chose, mais, au niveau du contexte des négociations, les municipalités se dotent d'arbitres, et tout ça. Ce qu'on vit à l'heure actuelle, c'est que souvent la fraternité a le même négociateur sur l'ensemble des villes. Et là je ne parle pas de Montréal, par contre, je ne parle pas d'autres municipalités, mais, la plupart des municipalités au Québec, il y a le même négociateur, qui est le même pour chacune des conventions collectives, et c'est là que viennent certains délais. Et des fois aussi c'est de notre côté, les délais au niveau des... surtout les... Ce qu'on a connu, ce qu'on connaît, à l'heure actuelle, au niveau de la loi n° 15, c'est les délais au niveau des... voyons, ceux qui calculent, là...

Une voix : Les actuaires.

Mme Dion (Helen) : ...les actuaires, voilà, les actuaires, qui sont spécialistes de ce niveau-là. Et ça, là, oui, on l'a.

Et j'ai mon collègue aussi, M. Fleury, qui voulait peut-être ajouter quelque chose.

Le Président (M. Auger) : M. Fleury.

M. Fleury (Stéphane) : Bien, en fait, il ne faudrait pas prendre pour acquis qu'à partir de demain, parce qu'on aurait une loi comme celle-là, toutes les conventions collectives embarqueraient dans la machine puis dans le mécanisme. Il va y avoir plein d'ententes qui vont se faire encore demain puis, je l'espère, qui vont se faire par la voie de la négociation. Puis je suis convaincu que ça va se faire.

Puis la police, au Québec, là, ce n'est pas si grand que ça, là. À un moment donné, les horaires de travail sont très semblables partout. Les journées de vacances, les journées fériées, les modalités de formation, les modalités de dotation, promotion, c'est très, très, très semblable d'une convention à l'autre. Ça fait que tout n'est pas à refaire à chaque négociation de convention collective. Souvent, ça va arriver beaucoup plus dans les modalités salariales, par rapport à de l'équité interne, ou quand on va se comparer avec l'externe.

Il ne faudrait pas penser que demain, les 29 conventions collectives, les gens ne se parleront plus, puis ça va tomber dans un mécanisme. C'est juste qu'aujourd'hui l'obligation, dans un temps précis, que ça se fasse n'est pas là. Ça fait qu'autant l'employeur, autant le syndicat... J'ai vécu les deux, moi. Ça m'a pris quatre ans pour négocier une convention collective pas si complexe, là, puis, quatre ans, à un moment donné, là, tout le monde était tanné d'avoir des chapeaux de shérif puis des bottes de cow-boy, puis d'avoir des collants partout, là, tout le monde avait hâte de passer à autre chose. Mais, si on avait été pris dans un facteur temps, avec des responsabilités partagées, je pense que tout le monde serait sorti gagnant.

Puis dans la vie, des fois, il faut que tu t'entendes que tu ne t'entendes pas. Ça fait que, quand tu en conviens, que tu ne t'entends pas, bien, tu donnes ça à un tiers, puis il va venir régler ton différend, puis la vie continue.

Mais quatre ans, dans la vie d'un policier, là, c'est des années, là. Puis il y en a qui vont vivre, là, des années de conflit, là, beaucoup plus longues que ça. Il y a des policiers qui sont rentrés dans la police, là, ils n'ont même pas mis l'uniforme complet encore, là, puis ça fait quatre, cinq, six ans, là, qu'ils sont dans la police. Ce n'est pas ça, la carrière d'un policier. Nos policiers sont fiers, ils ont envie d'être fiers, ils sont fiers de ce qu'ils font, ils sont fiers de ce qu'ils sont. Mais, si on les abandonne dans un système où on n'encadre pas ces règles-là, bien, on se donne une image de police qu'on a aujourd'hui, puis c'est très décevant pour les dirigeants, puis c'est assurément très décevant pour nos policiers également.

Le Président (M. Auger) : M. le député. Deux minutes.

M. Laframboise : Oui. Puis, par rapport au fonds de pension, ce que vous nous dites, bien, ça, à cause du calcul actuariel, ça, c'était un concept différent. C'est ça que vous nous dites?

Mme Dion (Helen) : Oui, c'est ça. Bien, c'est des spécialistes qui sont vraiment, là, en fonction des policiers, donc c'est un peu différent, là. Mais je ne prévois pas, là... même chose, je suis de l'avis de mon collègue, la même chose, parce qu'on s'entend, la plupart du temps on s'entend, on s'entend avec nos syndicats, et surtout on va mieux s'entendre encore, je suis convaincue, s'il y a un facteur temps qui nous oblige à s'asseoir et à libérer nos agendas, tout le monde, avocats compris, pour pouvoir arriver à une entente.

Donc, si on a cette obligation-là, je pense que ça va amener un climat sain au sein de nos organisations pour continuer à développer, puis miser sur notre mission première, et investir les fonds publics dans notre mission première, c'est-à-dire la sécurité de nos citoyens au Québec, au lieu de des processus d'arbitrage qui ne cessent de perdurer dans le temps.

M. Laframboise : Monsieur voulait... Je pense que vous...

Le Président (M. Auger) : M. Beauregard.

M. Beauregard (Marco) : Vous savez, M. le député, pour répondre à votre question, aussi, dans les délais, nous, ce qu'on demande au ministre, c'est de préciser... On parle de jours. C'est important de dire que c'est des jours ouvrables ou de figurer ça parce que, on sait, les journées de calendrier, versus les journées ouvrables, c'est très différent.

Et évidemment ce qu'on recommande aussi, c'est que la phase de négociation commence quand même 120 jours avant l'expiration de la convention collective, c'est ce qu'on recommande dans notre mémoire qui est déposé. Donc, le délai est sensiblement le même. On demande juste des précisions.

Le Président (M. Auger) : 30 secondes.

M. Laframboise : C'est bien. Merci beaucoup.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup. Donc, Mme Dion, M. Fleury, M. Beauregard, merci beaucoup pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je vais suspendre quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 56)

(Reprise à 17 h 1)

Le Président (M. Auger) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux en souhaitant la bienvenue aux représentants de l'Association des chefs en sécurité incendie du Québec. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre présentation, par la suite nous procéderons à des échanges avec les trois groupes parlementaires. Dans un premier temps, bien vouloir vous identifier, et par la suite vous pourrez commencer votre exposé.

Association des chefs en sécurité incendie du Québec (ACSIQ)

M. Brazeau (Daniel) : Merci, M. le Président. Mon nom est Daniel Brazeau, je suis le président de l'association. Le vice-président, André Bonneau, et le secrétaire, Maxime Gendron. Ça nous fait... On vous remercie d'accepter qu'on vienne s'exprimer à votre commission.

Je me permets, en débutant, de souligner que l'ACSIQ est une association de cadres oeuvrant dans le milieu de l'incendie, plus de 1 000 cadres, nécessairement, du milieu de l'incendie sont des membres de notre association, environ 90 % des services d'incendie qui sont membres. C'est des directeurs ou des chefs dans plus de 500 services de sécurité incendie au Québec.

Je laisserais la parole maintenant à M. Bonneau, qui va continuer.

M. Bonneau (André) : Merci beaucoup. Tel que souligné par M. Brazeau, l'association des chefs est composée de gestionnaires qui doivent, en plus de gérer les interventions d'urgence, gérer du personnel dans des conditions qu'on pourrait qualifier souvent de très difficiles. Nous tenons à préciser immédiatement que notre présence ici aujourd'hui n'a aucunement but de s'ingérer dans les responsabilités dévolues à nos employeurs respectifs mais de rassurer nos membres face aux situations qu'ils vivent quotidiennement lors du renouvellement des conventions collectives des employés sous leur supervision. Notre souhait premier est que les échanges entre les parties s'effectuent dans un contexte positif et constructif. Cependant, nous saluons l'initiative de ce projet de loi, qui, selon nous, a comme principal objectif d'accélérer les échanges entre les parties et d'assurer un climat de travail sain et productif à moyen et long terme lorsque les échanges ne permettent pas de trouver une entente.

Nos membres nous ont trop souvent rapporté des problèmes, des situations ou des exemples soulignant les impacts négatifs des renouvellements qui ont perduré dans le temps. Il est important de retenir que tout ce qui traîne en longueur, en relations de travail, génère des conflits, qui entraîne des tensions inutiles entre les parties. Malheureusement, les impacts et les répercussions perdurent beaucoup trop longtemps dans le temps et réduisent de façon importante la prestation de travail à laquelle les citoyens sont en droit de s'attendre.

Je peux, sans risque de me tromper, vous confirmer que mes 45 années d'expérience dans cette profession ne laissent aucun doute sur l'importance de réglementer le processus des renouvellements de convention collective. Notre mémoire se voulait très court et visait principalement trois éléments distincts.

Compte tenu des structures actuellement en place et étant donné que notre association prône depuis plusieurs années les regroupements sous toutes ses formes des services d'incendie, nous croyons important d'inclure également à l'article 3 la définition des MRC. Effectivement, ce type de regroupement est actuellement présent au sein du milieu incendie et risque de l'être encore plus au cours des prochaines années.

Nos commentaires aux articles 4, 7, 28 et 30 font tous référence à différents délais prévus au processus proposé dans le projet de loi. Notre intention sur ces articles sera très brève puisque nous souhaitons tout simplement être rassurés face à certains délais aux étapes en question, puisqu'en appliquant l'ensemble des dispositions prévues au projet de loi, dont certaines restent muettes au niveau du temps, il demeure que le délai peut facilement dépasser la période d'une année et plus.

En ce qui concerne l'article 4 du projet de loi, notre interrogation se situe à savoir comment interpréter la période inscrite de 120 jours de la phase de négociation. Est-ce que celle-ci débute 90 jours avant l'expiration, à la date où l'une des parties a donné son avis écrit à l'autre partie, 120 jours à l'avance ou encore à la date de la fin de la durée de la convention collective?

À l'article 7, il n'existe aucun délai, pour le médiateur, pour soumettre son rapport au ministre. Sachant que certains d'entre eux risquent d'être débordés, nous aimerions voir inscrire certains délais afin d'éviter que les dossiers traînent en longueur inutilement.

À l'article 28, le ministre peut accorder deux délais additionnels sans que ceux-ci soient nécessairement définis dans le projet de loi. Forte de nos expériences passées, l'ACSIQ, l'association des chefs, souhaiterait que les délais en question soient limités dans le temps, et nous suggérons que ceux-ci ne devraient pas être plus d'un mois chacun. Et, quand on parle de période, je me permets d'ajouter qu'on parle toujours de jours ouvrables ou de jours de calendrier qui perdurent dans le temps. Donc, on voudrait que ce soient vraiment des jours définis.

Le texte de l'article 30 du projet de loi fait état que la décision lie les parties pour une période de cinq ans. Devons-nous comprendre que la période de cinq ans débute à la date de la décision ou à la date de la fin de la convention? On avait cette interrogation-là. Considérant les différents délais qui peuvent être utilisés, la période prévue de cinq ans risque d'être beaucoup moindre que cinq ans.

Il est important de retenir que l'objectif de notre association est que les deux parties s'entendent sur un projet de règlement ou de renouvellement de convention collective, mais qu'à défaut de pouvoir le faire notre souhait est que la période qui suivrait une décision soit suffisamment longue pour permettre aux parties de rebâtir leur relation tout en offrant un service de qualité aux citoyens.

Finalement, notre principale intervention d'aujourd'hui a pour objectif de demander aux membres de cette commission de voir à la bonification de l'article 50 du projet de loi, qui stipule qu'une demande d'arbitrage formulée en application du chapitre III met fin à toute grève ou à tout lock-out en cours, ce qu'on trouve tout à fait correct, mais qui ne nous touche pas personnellement, parce qu'on n'a pas le droit de grève et lock-out. Notre compréhension de cet article est que, lorsque les parties s'adressent à un tiers, soit à un médiateur ou au conseil de règlement de différends, pour les aider à solutionner leurs différends, la grève ou le lock-out doit s'arrêter immédiatement. Cependant, le texte demeure muet sur le maintien des moyens de pression exercés par les syndiqués, autant contre l'administration municipale que contre les gestionnaires des services d'incendie. Pour nous, il est inconcevable, pour les membres de notre association, qu'en demandant à un tiers de nous assister l'application des moyens de pression contre eux soit maintenue.

Nul besoin de faire état de tout ce qui a été imaginé et mis en place comme moyens de pression dans le milieu de l'incendie au cours des dernières années, mais il est important de préciser que notre intervention dans ce dossier n'a pas pour but de vouloir restreindre ou empêcher nos employés dans leur droit de faire connaître leur insatisfaction, mais que celui-ci devrait s'effectuer dans un cadre légal, à l'extérieur des heures de travail et sans l'utilisation des biens publics. Cependant, nous réitérons que, lorsque l'on fait appel à un tiers pour nous aider à solutionner notre problème, il nous apparaît inconcevable que le maintien et même l'addition de moyens de pression soient acceptés.

Le Québec est le seul endroit au Canada où les cadres des services d'incendie et la population doivent subir, je dis bien subir les différents moyens de pression, jugés inutiles et problématiques, pour un service d'urgence, surtout lorsque la décision appartient désormais à un tiers. Certains représentants syndicaux nous diront que le maintien de moyens de pression est un exutoire pour éviter les débordements de leurs membres et que ceux-ci ont besoin de cet élément pour éviter de perdre le contrôle de ceux-ci. À l'inverse, nos membres, c'est-à-dire les directeurs des services incendie, qui doivent gérer pendant ces conflits et subir ces différents moyens de pression, sont unanimes à demander la fin de ceux-ci. Les camions maquillés, peinturés ou encore l'habillement rendant méconnaissables nos intervenants, en plus de ridiculiser notre profession, n'apportent rien de plus au débat, rien de plus de positif au débat.

• (17 h 10) •

Il est évident que, dans un groupe, les actions se multiplient, non pas juste en quantité mais en gravité, augmentant inutilement les écarts de conduite. Nous aurions pu vous déposer une liste des différents gestes posés par les employés syndiqués, qui vous aurait probablement fait dresser les cheveux sur la tête, mais nous croyons que vous avez vu et lu à peu près tout ce qui se passait sur le terrain.

Avec tout ce qu'on vit aujourd'hui, il demeure primordial et prioritaire que le port de l'uniforme soit obligatoire pour que les intervenants soient bien représentés durant les heures de travail. Des citoyens, des entreprises, des commissions scolaires ont refusé l'entrée à nos pompiers du milieu d'incendie suite à leur déguisement, cette situation les a empêchés d'effectuer leur travail de prévention. Il est important de se rappeler que l'objectif numéro un de la Loi sur la sécurité incendie est la prévention et qu'il est inadmissible que les moyens de pression utilisés nous empêchent d'atteindre l'objectif attendu. Le non-respect de nos obligations en vertu de la loi risque, par la même occasion, de faire perdre l'immunité pour les municipalités qui est déjà prévue au schéma de couverture de risques.

Au cours des derniers mois, nous avons grandement entendu parler du port de l'uniforme chez les policiers au Québec et un peu moins chez les pompiers. Nous nous permettons de préciser qu'il y a une trentaine de services de police au Québec, tandis qu'on en a quand même, chez nous, 699, et plusieurs subissent ou risquent de subir, au prochain renouvellement des conventions collectives, la mise en place des moyens de pression. Il est important de retenir qu'un seul refus d'une visite de prévention dans un domicile peut être le résultat d'un décès lors d'un incendie parce que nous n'aurons pas effectué les vérifications d'usage ou nous n'aurons pas eu l'opportunité de transmettre nos messages de prévention.

Nous terminons en réitérant que nous jugeons que l'obligation du port complet de l'uniforme devrait s'appliquer à tous les intervenants du milieu d'urgence, que ce soit policiers, que ce soit pompiers, et qu'une disposition en ce sens soit incluse au projet de loi.

Merci de nous avoir donné l'opportunité de faire ces représentations.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup pour votre présentation. Nous allons commencer les échanges. M. le ministre, avec un temps de 15 min 30 s.

M. Coiteux : Oui. Alors, merci beaucoup, MM. Brazeau et Bonneau, M. Gendron. On a l'occasion de se rencontrer pour des questions de sécurité incendie qui n'ont rien à voir avec le sujet, là, qui est celui qu'on examine ensemble aujourd'hui, c'est toujours un plaisir d'échanger avec vous.

Mais aujourd'hui on est là pour échanger sur un projet de loi qui est le projet de loi n° 110, qui est un projet de loi qui vise à accomplir un certain nombre de choses, mais qui repose sur le principe qu'une ville, ce n'est pas une entreprise privée, et que les mécanismes qui encadrent les négociations, le renouvellement des conventions collectives doivent, bien entendu, totalement respecter le droit d'association, les droits fondamentaux des travailleurs, et il y a des dispositions du projet de loi qui montrent bien que tous ces aspects-là sont non seulement maintenus, mais ils sont rendus explicites par des articles très précis, mais en même temps qu'une municipalité, c'est une entité démocratique, les élus municipaux ont des comptes à rendre à leurs citoyens, il y a des élections, ils doivent s'assurer de l'intérêt de l'ensemble de leurs citoyens, y compris la capacité de payer.

Donc, je sais que vous ne décidez pas des grands paramètres budgétaires, mais vous avez à gérer les opérations et vous avez une perspective qui est celle de votre quotidien, là, de gérer les opérations. Néanmoins, vous avez à gérer des budgets aussi. Vous ne décidez pas à l'autre niveau, mais vous savez bien qu'en quelque part la capacité de financer les services incendie, des services à la population est en grande partie liée à la capacité, effectivement, d'en arriver à des ententes négociées qui respectent la capacité de payer des citoyens des villes, puis que, les maires, les conseillers municipaux, qui doivent se préoccuper de ça, on doit reconnaître, là, qu'il y a une situation qui doit être corrigée, puis il faut moderniser le cadre de négociation. Donc, c'est l'objet ici.

Mais je vois bien que votre principal enjeu ici, outre le port de l'uniforme, dont vous avez parlé à la fin, c'est la question de combien ça dure de temps, une négociation, combien de temps ça dure, des moyens de pression parce qu'on est en négociation puis on n'a pas encore conclu. Alors, j'aimerais ça qu'on élabore un tout petit peu plus là-dessus. Dans le moment, là, concrètement, hein, quand une convention collective arrive à échéance, ça prend combien de temps avant qu'on arrive à s'entendre sur une autre?

Le Président (M. Auger) : M. Bonneau.

M. Bonneau (André) : Je vous dirais que ça dépend toujours des dossiers. On a vécu des dossiers de la ville de Québec qui ont perduré dans le temps et qui ont fait qu'il y avait une décision qui était déjà périmée parce qu'il fallait retourner négocier. Si je vous parlais du service où j'ai l'occasion de travailler actuellement, on a eu des périodes relativement longues et difficiles, qui ont duré, je vous dirais, entre deux et trois ans. Dans ma vie passée, on en a eu qui ont duré... qui ont été très rapides, parce qu'il y avait peu d'éléments, mais on en a eu qui ont été très longues et qui ont été accompagnées de conflits employeurs-employés, là, dans le sens représentants de l'employeur, qui ont été très difficiles.

M. Coiteux : Vos conventions durent combien de temps?

M. Bonneau (André) : Je vous dirais qu'en moyenne les conventions durent à peu près trois ans, la moyenne, quoiqu'on a eu une tendance, au cours des dernières années... où Gatineau a eu une convention qui a été sur une beaucoup plus longue période, qui a permis ce qu'on parlait dans notre mémoire, qui permet aux parties de rebâtir un climat de travail. Mais c'est une entente qui a été négociée.

M. Coiteux : O.K., c'est comme une exception, là. La règle de trois ans, c'est pas mal la moyenne qu'on observe?

M. Bonneau (André) : Je vous dirais qu'actuellement les tendances sont un peu plus élevées que trois ans. C'est quatre, cinq ans, aujourd'hui, les tendances, oui.

M. Coiteux : Donc, de fixer à cinq ans minimum, là, comme norme... On a le droit de faire plus, là, il n'y a rien qui interdit de faire sept ans, s'il y a une négociation puis les deux parties s'entendent là-dessus, il n'y a pas d'enjeu là-dessus. Mais une norme minimale de cinq ans, pour vous, c'est quelque chose de positif?

Le Président (M. Auger) : M. Brazeau.

M. Brazeau (Daniel) : Moi, dans mes négociations avec mon syndicat, on s'entend sur cinq ans. Mais, tout en négociation, puis on va commencer à négocier, la convention s'est terminée le 31 décembre 2014, et on va commencer, là. Ça fait qu'il y a tout le temps l'histoire des agendas, et ainsi de suite, là. Mais on avait trois ans. Là, on s'en va sur cinq ans puis on croit que ça devrait fonctionner sur une convention de cinq ans.

M. Coiteux : O.K. Donc, si je vous entends bien, dans le fond, la portion de ce projet de loi là qui établit une norme de cinq ans accompagne une tendance naturelle. C'est quasiment pareil dans le secteur public, remarquez. Dans le secteur public québécois, les deux dernières fois on est allés à cinq ans d'un commun accord, mais il faut faire une loi spéciale pour que ce soit cinq ans, parce que sinon ce serait trois ans d'office. Autrement dit, la législation n'est pas tout à fait en accord avec la pratique.

Donc, si je vous entends bien, vous nous dites que cet aspect-là du projet de loi accompagne la tendance. Donc, ça ne devrait pas être quelque chose qui fasse lever des boucliers, hein, puisque ça y va naturellement.

M. Brazeau (Daniel) : Il y a des conventions présentement qui ont été signées cinq ans.

M. Coiteux : Maintenant, le délai pour arriver à une entente, ça peut aller jusqu'à trois ans, vous m'avez dit?

M. Bonneau (André) : Bien, on a eu des conventions qui ont été très, très longues, et c'est ce qu'on souhaite, que les délais soient très limités dans le temps, pour obliger les parties à s'asseoir puis à trouver un règlement très rapidement, soit de débuter plus tôt soit de convenir de délais comme il est prévu au niveau du projet de loi pour obliger les parties à s'asseoir, à trouver des périodes de négo et d'arriver à un règlement.

M. Coiteux : Parce qu'encore une fois, pour faire une comparaison, le secteur public québécois, on a une norme de trois ans, mais, les deux dernières rondes de négociations, on s'est entendus sur cinq ans. On voit bien cette tendance-là à vouloir avoir des ententes à plus long terme, surtout compte tenu du temps que ça prend pour négocier puis être capable de planifier bien les choses. C'est quelque chose de positif.

Il y a eu de la variabilité, là, là-dedans, mais en moyenne, dans le secteur public québécois, c'est plutôt un an et demi, là, à peu près, que ça prend, au moins pour le gros, là, le gros des négociations. Donc, vous êtes quasiment au double du temps, hein, dans le fond, à peu près. Donc, de trouver des mécanismes par lesquels ça ressemble plus au reste du secteur public, c'est quand même positif, ça aussi.

Est-ce que vous trouvez que dans le projet de loi ici les processus... Je sais que vous demandez des précisions, là : Ça veut dire quoi, 120 jours? Ça commence quand, 120 jours? Mais en soi, là, vous regardez ça, à sa face même, avec quelques précisions que vous demandez, vous voyez ça raccourcir les délais de manière significative?

M. Bonneau (André) : Oui. Oui, effectivement, les délais qui sont prévus actuellement au projet de loi vont permettre de raccourcir, vont obliger les parties à s'asseoir, vont obliger les parties à se rendre disponibles et à trouver une entente ou, à la limite, d'avoir une décision qui va être beaucoup plus rapide dans le temps.

M. Coiteux : O.K. Maintenant, je sais bien que... Peut-être vous l'avez regardé, ce n'était pas dans votre présentation, en tout cas, mais il y a toute une partie qui touche aux principes en vertu desquels doivent se tenir ces négociations. Si jamais on doit aller en règlement d'un différend, les principes s'appliquent, tout ça.

Est-ce que vous les avez regardés? Puis est-ce que vous avez un jugement à apporter sur les principes qui sont proposés dans le projet de loi?

M. Bonneau (André) : Je vous dirais qu'on n'a pas nécessairement regardé cette partie-là, puisqu'on l'a laissée à nos employeurs, qui, je pense, ont eu l'occasion d'intervenir. Nous, on s'est limités pratiquement à ce qui était de l'opérationnel, pour nous, sur le terrain.

• (17 h 20) •

M. Coiteux : Mais à sa face même... Parce que, bon, souvent vous avez vécu, hein... vous n'avez pas toujours été directeur, et donc vous avez vécu toutes les phases d'une carrière dans le domaine de la sécurité incendie, dans plusieurs cas. Donc, vous avez connu les deux côtés de la médaille, hein? Bien, en tout cas, je le présume. Et, quand vous regardez ça, est-ce que vous trouvez quand même qu'il y a une espèce d'équilibre, là, dans les critères qui sont proposés... ou au contraire vous pensez qu'il n'y a pas d'équilibre là?

M. Bonneau (André) : Je vous dirais, dans mes 45 années, j'en ai eu 20 comme employé syndiqué et 25 ou à peu près comme employé-cadre, et effectivement il y a quelque chose... il y a un équilibre qui permet aux gens, de part et d'autre, à trouver un règlement à l'intérieur de ça.

M. Coiteux : O.K. Donc, pour vous, ça ne remet pas en question l'équilibre entre les grands principes, là, qui doivent guider une négociation. Donc, dans le fond, je vous écoute, on lit votre mémoire, vous trouvez que le projet de loi améliore notamment et surtout la question des délais, parce que c'est votre principal sujet de préoccupation, vous avez à gérer le quotidien, donc ça dure combien de temps, ça, ces moyens-là de pression. Vous trouvez qu'il y aura une amélioration, vous pensez qu'il y a un certain équilibre dans les principes. Donc, dans le fond, vous pensez qu'on va améliorer la situation avec un projet de loi comme ça.

M. Bonneau (André) : Si on inclut les aspects touchant tous les moyens de pression, oui, ça va améliorer de façon importante.

M. Coiteux : Qu'on va, bien sûr, analyser de façon très attentive et très minutieuse.

M. Brazeau (Daniel) : On parle également, M. le ministre, du port de l'uniforme, qui est quand même important à nos yeux comme employeurs. Puis je pense qu'on doit avoir une bonne réflexion là-dessus, parce que nos gars, ils font de la prévention, je pense qu'il doit y avoir une réflexion importante. Puis on le mentionne dans le document qu'on vous a présenté tantôt, que le port de l'uniforme est très, très important également.

M. Coiteux : Ce n'est pas dans le projet de loi, là, ici, cette question-là, évidemment, mais, puisqu'on en parle, vous avez dit qu'il y a des commissions scolaires qui ont refusé l'accès à des policiers parce qu'ils ne portaient pas l'uniforme réglementaire. Est-ce que c'est quelque chose qui est arrivé dans plusieurs commissions scolaires? Est-ce que c'est très répandu?

M. Bonneau (André) : Je vais vous dire qu'on a plusieurs cas qui...

M. Gendron (Maxime) : À ma connaissance... Moi, j'ai un cas qui m'a été relaté, puis c'est les pompiers, dans le fond, et non les policiers, là, mais au niveau des pompiers qu'on a refusé l'accès, étant donné qu'ils étaient en réconciliation avec leurs employés suite à des moyens de pression plutôt difficiles. Ça fait que, pour eux, la cicatrice était encore là, puis ils ne voulaient pas générer peut-être des tensions à l'intérieur de l'école avec le corps professoral ou les employés, ça fait que ça a été évident, par le personnel cadre de la commission scolaire ou de l'école en question, de refuser l'accès aux pompiers.

M. Coiteux : Mais néanmoins vous avez fait référence à un article du projet de loi, quand même, qui parle de moyens de pression, de grève ou lock-out. Donc, encore faut-il que le groupe concerné ait le droit de grève ou lock-out, puis, comme vous le savez, bien, les pompiers n'ont pas le droit de grève. C'est pour ça qu'il y a une contrepartie; que, si on ne peut pas s'entendre, il y a un arbitrage, puis un arbitrage basé sur des principes équilibrés, ce qui est dans le projet de loi.

Le Président (M. Auger) : M. Bonneau.

M. Coiteux : Et...

Le Président (M. Auger) : Oui, excusez, M. le ministre, allez-y.

M. Coiteux : Oui. Est-ce que j'avais...

Le Président (M. Auger) : Non, c'est parce que M. Bonneau voulait faire un complément, là. Mais après.

M. Coiteux : Ah! O.K. Ah! ça va. Là, j'ai peut-être perdu...

Le Président (M. Auger) : Excusez-moi, M. le ministre.

M. Coiteux : Non, mais ce n'est pas grave, M. le Président, c'est... Mais encore faut-il avoir le droit de grève, donc. Et c'est pour ça que, quand on ne réussit pas à s'entendre, bien, il y a un mécanisme d'arbitrage, basé sur des principes d'équilibre, là, ce qui est proposé dans le projet de loi. Mais il y a la question des moyens de pression aussi.

Alors, si on n'a pas le droit de grève, qu'est-ce qui est un moyen de pression acceptable à vos yeux? Parce que, là, ici, vous nous demandez d'empêcher certains moyens de pression, même dans le cas des groupes qui n'ont pas le droit de grève. Alors, qu'est-ce qui est un moyen de pression acceptable?

Le Président (M. Auger) : M. Bonneau.

M. Bonneau (André) : Dans le document que je vous ai lu tout à l'heure, on parle de moyens de pression. On ne veut pas leur enlever leurs moyens de pression ou leur droit de s'exprimer, que ce soit faire des manifestations à l'extérieur des heures de travail, que ce soit de faire de la publicité. Je me souviens, dans d'autres services où j'ai travaillé, on était aux stations de métro le matin pour aller remettre de la publicité aux gens, pour les inciter à appuyer notre cause, des choses comme ça. Mais d'utiliser les véhicules, les biens publics ou l'uniforme...

Vous nous avez parlé, tout à l'heure, est-ce qu'on a eu quelques refus? Il y a énormément de gens, de nos membres qui nous informent qu'il y a des gens qui refusent. Puis je vous donne un exemple : Il y a deux pompiers qui arrivent en pyjama se présenter au domicile d'un citoyen parce qu'ils font des visites de prévention. Le citoyen regarde deux gros gaillards en pyjama, non, ne rouvre pas la porte. Est-ce qu'ils auraient pu faire un message? Est-ce qu'ils auraient pu vérifier leurs avertisseurs de fumée ou autres? Ça, ça aurait été positif, mais ils n'ont pas ouvert.

Et à l'inverse ça pourrait être deux personnes mal intentionnées qui se présentent à la porte en disant : On est des pompiers. Ils n'ont pas besoin d'uniforme. Les pompiers, dans certaines municipalités, ils n'ont plus d'uniforme parce qu'ils sont en moyens de pression. Là, les gens ne savent plus.

Mais il y a énormément de personnes, de chefs, chez nous, qui nous informent qu'à plusieurs reprises les gens refusent de leur ouvrir la porte.

M. Brazeau (Daniel) : C'est un petit peu comme si on était venus, après-midi, en pyjama ici. Je ne suis pas sûr que ça aurait passé, là, comprenez-vous? Mais ça arrive, puis là le monde ne veut pas rouvrir.

M. Coiteux : Nous, je sais qu'au salon bleu il faut porter une cravate. C'est clair, ça. Pour nous, ça, c'est très clair.

Mais, je pense, j'ai posé cette question-là parce qu'on a évoqué l'article 50 ici, puis là, oui, ça concernait directement le projet de loi. Mais vous vouliez dire quelque chose avant, puis justement...

M. Bonneau (André) : Oui, bien, concernant l'article 50, on aurait pu l'inclure à la fin puis dire... On voudrait l'ajout d'un article qui parlerait que les gens doivent porter l'uniforme puis ne puissent pas utiliser les biens publics, mais... Quand on a vu l'article 50, où on dit, quand on fait une demande à une partie supérieure pour prendre en charge le dossier, que, les employeurs et les syndiqués, il n'y a plus de grève et de lock-out, bien, on a dit : On va le proposer à cet article-là, mais ça aurait pu être à n'importe lequel.

Le Président (M. Auger) : 30 secondes.

M. Coiteux : 30 secondes? Écoutez, je vous remercie pour les échanges qu'on vient d'avoir. Et puis on a pris note, là, sur les recommandations que vous faites pour qu'on puisse les analyser.

Le Président (M. Auger) : Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle pour 9 min 15 s. M. le député de Richelieu.

M. Rochon : De Richelieu, oui. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Auger) : C'est vous, M. le député de Richelieu.

M. Rochon : J'étais distrait. Sans doute que je m'imaginais en pyjama autour de cette table. Je ne sais pas si j'aurais fait peur à quelqu'un, j'en doute.

Parce que vous avez dû suivre nos travaux avant d'y participer physiquement vous-mêmes, messieurs, vous avez entendu notamment le maire de Québec dire que les forces en présence n'étaient pas équilibrées dans ces négociations, là, du monde municipal, le rapport de force n'était pas équilibré, hein, il a dit avoir souvent le sentiment de mener ses pourparlers le couteau sur la gorge. Et là M. le maire se réjouit du projet de loi n° 110. Vous comprendrez que certaines personnes se questionnent sur ce qui se passe. Donc, est-ce que l'équilibre que recherche le maire vient de faire passer le couteau de la main de l'un à la main de l'autre et sur la gorge de celui qui ne l'avait pas? C'est une question légitime.

Or, il se trouve dans votre mémoire une demande que nous avons entendue d'un autre groupe avant vous. Cette demande est d'intégrer au projet de loi, durant les périodes où le médiateur et le conseil de règlement des différends sont saisis d'un dossier, l'interdiction de moyens de pression entachant les activités du service par l'une ou l'autre des parties.

Comment cela se situe-t-il, là, dans la fameuse question de l'équilibre du rapport de force, la demande que vous faites là?

Le Président (M. Auger) : M. Bonneau.

• (17 h 30) •

M. Bonneau (André) : Dans les périodes de négociation, notre position est, lorsqu'on demande à un tiers de nous aider à trouver une solution, que la poursuite, ou la mise en place, ou l'augmentation de moyens de pression, ce n'est pas nécessaire. On demande à un tiers, de dire : Est-ce que tu peux nous aider à trouver un règlement?, ou : Tu vas nous dicter un règlement, parce que ça va être une décision. Le maintien des moyens de pression, à part d'apporter un fardeau au gestionnaire... Parce que l'employeur est dans son bureau, mais le gestionnaire, il est sur le terrain, et c'est lui qui le subit, il le subit parce que les gens ne lui parlent pas, lui font des grimaces, peu importe, là, ce qu'on peut imaginer, puis je ne voudrais pas en énumérer, j'ai de mes confrères en arrière qui savent très bien les moyens de pression qui ont été mis en place au cours des dernières années, mais nous, on pense que ce n'est pas nécessaire. Ça ne change rien au problème, on demande à un tiers de venir rendre une décision. Et c'est pour ça qu'on dit que les moyens de pression, c'est inutile. Qu'ils veulent sensibiliser la population, qu'ils veulent faire des articles dans les journaux, qu'ils veulent, en dehors des heures de travail, se promener... Mais pourquoi maquiller les véhicules? Ils ont juste à maquiller les leurs, s'ils veulent vraiment passer un message. Mais ils utilisent les biens publics, ils ne portent pas l'uniforme. Et l'absence du port de l'uniforme a un impact direct sur notre fonction, c'est d'aller rencontrer les citoyens, de les sensibiliser aux mesures de prévention. Et malheureusement, dans bien des cas, ça n'existe pas.

M. Rochon : Vous avez confié au ministre que vous aviez, pendant 20 ans, exercé le métier de pompier et que, depuis 25 ans, vous exerciez celui de cadre, hein? Votre municipalité peut être rassurée, le passage de syndiqué à cadre est accompli, on le sent dans les propos que vous exprimez devant cette commission.

Est-ce que vous n'allez pas bien loin quand vous écrivez que «l'expérience [...] des dernières années ne laisse [pas] de doute que les moyens utilisés par les employés syndiqués mettent en péril la santé et la sécurité des citoyens, tout comme celles de leurs confrères et consoeurs de travail»?

«Le port de vêtement inapproprié — je parcours, là, textuellement votre mémoire — tout comme le maquillage des véhicules d'urgence — vous venez d'en parler — des intervenants sont les premières actions mises en place. Les impacts négatifs de ces moyens sur la vie et la santé des citoyens et des employés ont été clairement démontrés.» C'est une accusation très sévère, très, très importante. Ce n'est pas aller un peu loin à l'appui de vos arguments?

Le Président (M. Auger) : M. Bonneau.

M. Bonneau (André) : Je vous dirais que non. Il y a des négociations qui se passent très bien, les échanges sont bien. J'ai vécu dans mes années plusieurs services d'incendie, j'en ai vécu, des années où ça a été excessivement difficile pour les cadres. Il y en a qui ont été grandement affectés par leur santé suite aux moyens de pression qui étaient exercés, de toutes sortes, là, de toutes sortes, et je peux vous dire qu'il y en avait de très sérieux. Quand je parle des citoyens, quand le citoyen, par crainte de voir des individus qu'il ne puisse pas identifier, il leur refuse l'accès... ou, à la limite, qui leur permettrait l'accès, puis ce n'est pas des pompiers ou des gens du service d'incendie, oui, ça met en jeu leur santé et sécurité. Puis, si on n'intervient pas pour effectuer des visites de prévention, est-ce qu'il n'y aura pas de feu? Est-ce qu'il n'y aura pas d'intervention... Est-ce qu'il n'y aura pas de situation désastreuse? On ne le sait pas, mais effectivement ça peut arriver.

M. Rochon : Alors, laissez-moi rassurer le ministre : Si jamais il m'exprimait qu'il n'aime pas beaucoup mes questions et refuserait pour cette raison, pour ce motif, de me serrer la main, je rassure le ministre, ça n'affectera pas, moi, ma santé mentale, qu'il le refuse.

Je vais laisser la suite à mon collègue de René-Lévesque.

Le Président (M. Auger) : M. le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Auger) : 2 min 30 s.

M. Ouellet : D'accord. Pour faire une mise en contexte très courte, à travers les différents groupes qu'on a rencontrés, aujourd'hui et hier, le ministre a fait souvent le parallèle en essayant d'expliquer que, bon, il existe le droit du travail dans les entreprises privées et qu'il devait exister un droit du travail dans les entreprises... pas les entreprises mais dans les organisations municipales. Alors, pour nous, pour le Parti québécois, et pour le bien de la commission, ce qui est important pour nous, c'est de bien faire comprendre que, pour nous, le droit du travail n'est pas privé, n'est pas municipal, il est public. Alors, les questions qu'on pose et la façon dont on interroge les gens, c'est pour être certains qu'on n'est pas en train de causer un préjudice à un autre groupe ultérieurement.

Alors, dans le cas qu'il en est question pour vous, vous avez fait mention beaucoup, dans votre mémoire, de la notion de délai, bon, et de mesures prises par les salariés pour faire valoir les moyens de pression, mais j'aimerais savoir, si on enlève la partie délai, là, demain matin on règle les délais, on est plus court, hein... Je le disais tout à l'heure, le rapport Thierry-Morency, pour lequel votre association a participé, quand on fait la somme des délais, on arrive à peu près à 15 mois pour un processus complet. J'aimerais savoir en quoi, selon vous, dans le projet de loi, le conseil des différends est une meilleure chose, versus un arbitre qui tranche. Parce que, oui, il y a les questions salariales, mais il y a aussi les questions d'organisation du travail. Alors, en quoi un avocat et deux spécialistes des affaires, ou du droit municipal, ou de l'économie vont être les meilleures personnes pour dire : Dans ce cas-là, voici ce qui devrait être imposé en termes de conditions de travail?

Le Président (M. Auger) : M. Bonneau.

M. Bonneau (André) : Merci. J'ai participé à l'autre... les autres travaux qui ont été faits, et on avait une entente, un consensus avec des délais qui étaient beaucoup plus courts, qui permettaient aux gens de possiblement trouver un règlement, un peu ce qu'on retrouve, sensiblement, dans le projet de loi. Dans l'autre projet qui a été discuté, il n'y avait malheureusement aucune disposition qui entourait le maintien ou la mise en place de moyens de pression, et, dans l'autre cas, il y avait une décision qui était trois ans à partir de la fin de la convention collective, qui nous donnait une convention de plus ou moins deux années. Donc, il y avait ces aspects-là, qui sont différents dans le projet de loi n° 110, mais qui... Le projet de loi qui est sur la table, c'est celui-là qu'on a à commenter, et on s'est dit qu'il rencontrait les attentes, avec quelques modifications ou suggestions qu'on a émises.

Le Président (M. Auger) : Merci. C'est tout le temps que nous avions pour ce bloc d'échange. Nous allons continuer et terminer avec M. le député de Blainville pour 6 min 15 s.

M. Laframboise : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. Brazeau, M. Bonneau, M. Gendron. On vous salue. M. Gendron, qui est de Blainville, on vous salue.

Je vais commencer par les uniformes, parce qu'il y a eu un débat avec le ministre, et tout ça, et vous vous sentiez à l'aise de parler du dossier des équipements, des uniformes. Puis, si je comprends bien... Parce qu'à l'article 50, bon, cet article-là dit quand même qu'à partir de... bon, «une demande d'arbitrage formulée en application du chapitre III met fin à toute grève ou à tout lock-out». Bon. Donc, ça, ça veut dire... Si on peut mettre fin à une grève ou à tout lock-out, pourquoi qu'on ne pourrait pas, dans ce projet de loi là, si j'ai bien compris, dire qu'à partir de... que, les uniformes puis les équipements, on ne peut pas les altérer? C'est un peu ça que vous nous dites, là, hein?

M. Bonneau (André) : Affirmatif.

M. Laframboise : Bon, je la tends, la main, au ministre, là, M. le ministre, là, qui nous écoute, là. Moi, je serais à l'aise, je serais à l'aise à ce qu'on ait un amendement aux autres dispositions, à ce que le gouvernement dépose un amendement qui pourrait dire, là : Sur réception de l'avis prévu à l'article 4, il est interdit d'altérer, modifier et travestir, je vous dirais, les vêtements puis les équipements d'opération des services, là.

Donc, si on avait quelque chose comme ça, ça vous satisferait, là. Dès qu'on enclenche le processus... Surtout que, là, on raccourcit les délais. Donc, inévitablement, en raccourcissant les délais, là, tous les moyens de pression vont aller vite, là. Donc, inévitablement, si on fait ça, ce serait peut-être un bon moment de dire : Bon, bien là, il faudrait peut-être qu'il y ait une mesure qui dise : Dès qu'on commence le processus de négociation, on ne peut plus altérer les équipements, les vêtements, et tout ça. Ça, ça pourrait être quelque chose d'intéressant, si je comprends bien.

Le Président (M. Auger) : M. Bonneau.

M. Bonneau (André) : Effectivement, ce serait intéressant. Je vous dirais qu'on est en demande peut-être un peu plus, c'est-à-dire que jamais le port de l'uniforme ne soit utilisé comme moyen de pression. C'est notre demande initiale.

M. Laframboise : C'est ça. C'est parce que nous, on... Moi, je dois vivre avec la recevabilité d'un tel amendement. Donc, il faut que ça cadre dans le cadre de notre législation.

C'est pour ça que je tends la main au ministre. Donc, on pourrait le faire dès l'enclenchement des processus, parce qu'à l'extérieur des moments de négociation ça doit avoir été assez rare où vos membres utilisaient des moyens de pression, à l'extérieur des délais. Ça arrivait-u ou...

M. Bonneau (André) : Je vous dirais qu'habituellement, quand les gens sont en discussion, les échanges sont bons, et il y a habituellement pas ou peu de moyens de pression. C'est lorsque ça devient un peu plus tendu et que ça s'étire, c'est la mise en place de moyens de pression.

M. Laframboise : Et évidemment le gros de vos amendements, c'est sur les délais, là. Vous, ce que vous voulez, comme les chefs policiers tantôt nous ont dit, c'est les délais.

Est-ce que vous avez... Parce que, nous, ce que nous dit la partie syndicale, c'est : De toute façon, par rapport aux délais, ils n'ont pas le personnel requis. C'est sûr que les policiers, ils ont moins de fraternités que vous, vous en avez plus. Avez-vous le personnel de soutien, les avocats, tu sais, tous ceux, là... tout le personnel que les villes engagent? Parce que, Laval, lui, il a tout réglé ça, il s'est créé son propre... Bon, ça va bien, ça, lui, là, il a l'argent, à Laval, là, pour être capable de créer son propre service juridique, mais ce n'est pas toutes les villes qui ont cet argent-là. Souvent, vous devez engager des firmes. Est-ce que vous pensez qu'on est capable, là, avec l'expérience que vous avez, là, d'avoir tout le personnel nécessaire, que vous avez besoin, en support, là?

• (17 h 40) •

M. Bonneau (André) : Je vous dirais que c'est la responsabilité de l'employeur. Comme directeurs de service d'incendie, on n'a pas ces pouvoirs-là. Et je ne pense pas que, les représentants de l'employeur, on se soit plaint de vouloir allonger ou d'étirer les délais, je pense que tout le monde souhaite quelque chose de rapide. Et, quand on a des délais qui nous obligent à être rapide, on a beaucoup plus tendance à se rendre disponible puis à négocier beaucoup plus sérieusement, dans le sens que, si on a l'épée de Damoclès au niveau temps qui est en arrière de nous, on dit : Woups! on va s'asseoir puis on va trouver un compromis acceptable pour les deux.

M. Laframboise : Par contre, sur les fonds de pension, il y avait des délais, vous savez, qui se terminaient le 31 juillet, puis il y en a beaucoup qui n'ont pas été réglés, là. Donc, c'est pour ça, là, qu'il faut... Moi, je veux juste m'assurer qu'on est capable de livrer. C'est le fun de le dire puis de dire à la population : Ça va se régler rapidement, mais il faut être capable de livrer. Ces fonds de pension, là, qu'est-ce qui s'est passé si ça a pris...

M. Bonneau (André) : Bien, je vous dirais, dans ma faible connaissance de tout le dossier, il y a des dispositions pour nommer des personnes. Est-ce qu'il va y en avoir assez pour répondre à l'ensemble des besoins? Je ne le sais pas, mais je vous dirais qu'avec cette obligation-là je suis porté à croire qu'il y a beaucoup plus de conventions qui vont se signer, parce que les gens vont convenir... Écoutez, on a toujours dit... mon père m'a toujours dit que la pire entente est meilleure qu'une décision imposée. Et je pense que les gens vont être capables de s'entendre puis de trouver des solutions.

M. Laframboise : C'est tout. Merci.

Le Président (M. Auger) : Merci. En passant, M. le député, je vous rassure, vous allez avoir du temps, là, pour vous assurer de la recevabilité des amendements que vous allez proposer.

Donc, MM. Brazeau, Gendron et Bonneau, merci beaucoup pour votre participation aux travaux de la commission.

Et la commission ajourne ses travaux à demain, le jeudi 18 août, à 9 h 30, où elle poursuivra son mandat. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 17 h 42)

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