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(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre!
La commission du budget et de l'administration poursuit ce matin une
consultation générale. S'il vous plaît! S'il vous
plaît! Alors, la commission du budget et de l'administration poursuit ce
matin une consultation générale sur l'étude de
l'opportunité de maintenir en vigueur ou de modifier la Loi sur la
fonction publique. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a pas
de remplacement pour la séance.
Le Président (M. Lemieux): Permettez-moi de vous faire
état de l'ordre du jour. À 10 heures, c'est-à-dire
à 10 h 16, nous entendrons la Confédération des syndicats
nationaux; à 11 heures, nous entendrons M. Charles Messier; à 11
h 30, nous entendrons M. François Dumais et M. Jean-Denis Riendeau et,
à 12 heures, l'Association des cadres intermédiaires. Nous
suspendrons nos travaux à 13 heures pour les reprendre, à 15
heures, avec l'Association des cadres supérieurs; à 16 heures,
avec l'École nationale d'administration publique, l'ENAP; à 17
heures, avec le Vérificateur général du Québec et,
à 18 heures, avec la Ligue de taxi Québec. Nous ajournerons nos
travaux à 18 h 30. Est-ce que l'ordre du jour est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Maintenant, comme les
représentants de l'organisme, soit la Confédération des
syndicats nationaux, ont pris place, je demanderais au porte-parole du groupe
de bien vouloir s'identifier et de nous présenter la personne qui
l'accompagne.
Confédération des syndicats
nationaux
Mme La montagne (Céline): Bonjour, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): Bonjour.
Mme Lamontagne: Je me présente, Céline Lamontagne,
troisième vice-présidente de la CSN. Mon collègue, c'est
Me Daniel Carrier, qui est conseiller syndical au service juridique de la CSN.
Je voudrais, dans un premier temps, excuser l'absence de Mme Monique Simard qui
avait fait les représentations pour être entendue devant la
commission et qui devait présenter, ce matin, la déclaration de
la CSN. Elle a dû, à la dernière minute, s'absenter
à l'extérieur du pays pour des tâches syndicales
également importantes. Alors, je vais présenter à sa place
les positions de la CSN.
Je voudrais aussi profiter de l'occasion pour remercier la commission de
nous avoir permis de participer à cette consultation parce qu'à
notre avis le mandat de la commission rejoint certaines de nos
préoccupations. Il est important de dire, d'entrée de jeu, que la
CSN a toujours accordé un rôle très important à
l'État. Elle s'est toujours prononcée en désaccord avec
toute réduction du rôle et contre les politiques de
désengagement de l'État et on croit que l'État a un
rôle important pour créer une société plus
égalitaire et un rôle majeur dans le développement social
et économique de notre société. Dans ce sens, ce qui
touche la gestion des ressources humaines et ce qui touche, finalement, le sort
de ceux qui sont au service des citoyens et citoyennes est important.
Deuxièmement, comme organisation syndicale, la CSN a pour but,
comme nous l'avons écrit dans notre déclaration, de promouvoir
les intérêts professionnels, économiques, sociaux, moraux
et politiques des travailleuses et travailleurs sans distinction de race, de
nationalité, de sexe, de langue ou de croyance. Elle place aussi, parmi
ses objectifs immédiats, la recherche du plein exercice du droit
d'association et préconise aussi les conventions collectives, des
mesures de sécurité sociale ainsi qu'une saine législation
du travail.
Notre déclaration sera, à ce niveau, assez brève et
assez modeste. Elle portera essentiellement sur trois points, soit sur le
rôle du Conseil du trésor, sur la limitation du champ du
négociable et le régime d'accréditation d'exception des
fonctionnaires et, troisièmement, sur le recrutement dans la fonction
publique.
Alors, sur le rôle du Conseil du trésor, la
Confédération des syndicats nationaux déplore la
très grande centralisation des pouvoirs du Conseil du trésor. En
effet, les articles 77 à 86 de la loi donnent au Conseil une grande
marge de manoeuvre dans l'établissement et la réalisation des
politiques générales de gestion des ressources humaines de la
fonction publique. En effet, les pouvoirs consentis au Conseil du trésor
et la façon dont ce dernier les exerce ont pour effet de centraliser
l'ensemble des négociations de conventions collectives auprès du
Conseil.
Donc, nous croyons que le Conseil du trésor devrait,
premièrement, assumer ses responsabilités en vertu de
règlement de directives qui seraient
publiques. Il y aurait lieu également de clarifier le mandat de
la Commission de la fonction publique quant à son rôle d'agent de
surveillance et d'application de la loi. Dans ce sens-là, oui, elle a eu
le mandat, selon l'article 115 de la loi, mais on trouve que ce
mandat-là devrait être renforcé et exercé de
façon plus forte, si l'on veut.
En effet, il est à déplorer que la Commission de la
fonction publique et l'Office des ressources humaines soient trop souvent
considérés, dans un ordre hiérarchique, au service du
Conseil du trésor. D'ailleurs, la Loi sur le régime de
négociation des conventions collectives dans les secteurs public et
parapublic va dans le même sens quant aux politiques de
rémunération et de conditions de travail qui doivent être
approuvées par le Conseil du trésor.
En effet, à l'article 76 de ladite loi, le gouvernement se donne
une liberté totale d'assujettir les organismes gouvernementaux au
régime de négociation du secteur public. La loi stipule que la
politique de rémunération et de conditions de travail
approuvée par le Conseil du trésor lie l'organisme gouvernemental
qui est tenu de s'y conformer. De plus, comme il est souligné par le
Syndicat des fonctionnaires, la Commission de la fonction publique devrait
aussi voir son mandat élargi pour pouvoir rectifier les situations
lorsqu'elle constate que les décisions administratives outrepassent les
dispositions de la loi et des règlements.
En résumé, on croit qu'un organisme indépendant,
qui pourrait être la Commission de la fonction publique, devrait avoir un
rôle de chien de garde auprès du Conseil du trésor au
niveau de la responsabilité de l'application de la Loi sur la fonction
publique.
Le deuxième point, c'est la limitation du champ du
négociable et le régime d'accréditation d'exception des
fonctionnaires. D'abord, il faut souligner que la CSN, tel qu'elle l'avait
formulé dans son mémoire sur la loi 37 présenté
à la commission du budget et de l'administration en mai 1985,
répète et réitère sa position quant au
régime syndical applicable à la fonction publique.
En effet, la Loi sur la fonction publique et la Loi sur le régime
de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et
parapublic maintiennent le régime d'exception auquel est assujettie
toute la fonction publique. Nous profitons donc de ces débats sur la Loi
sur la fonction publique pour rappeler les revendications maintes fois
formulées par les organisations syndicales de la fonction publique et
appuyées par les coalitions pour le droit de négocier, que le
régime d'exception doit cesser et que les employés de la fonction
publique doivent être assujettis au régime général
de négociation. Par conséquent, cela aurait pour effet
d'élargir les matières négociables actuellement
restreintes par l'article 70 de la Loi sur la fonction publique. La
CSN demande donc que la Loi sur la fonction publique soit
modifiée pour permettre les négociations de l'ensemble des
conditions de travail de toutes les personnes employées de la fonction
publique. À titre d'exemple, la classification des emplois actuellement
non négociables crée énormément de
difficultés quant à la possibilité de négocier des
salaires dans la fonction publique et, entre autres, ça crée
beaucoup de situations de discrimination, particulièrement à
l'égard des femmes.
Nous rappelons donc un passage du mémoire sur le projet de loi
37, tel que présenté à la commission du budget et de
l'administration le 15 mai 1985, et je cite: "Nous estimons qu'en cette
décennie il serait temps que les gouvernements accordent aux
différentes catégories de travailleurs et de travailleuses de la
fonction publique un statut identique à celui des autres travailleurs et
travailleuses du Québec. Ceci implique que le domaine des relations de
travail devrait être assujetti aux seules dispositions du Code du travail
et que les travailleurs et travailleuses de la fonction publique devraient
jouir du droit de négociation de toutes leurs conditions de travail." Et
quand on dit que les travailleuses et travailleurs de la fonction publique
devraient être soumis au Code du travail, ça inclut
également, d'abord, le libre choix de l'accréditation. Nous avons
connu l'expérience, entre autres - brièvement - de toutes les
difficultés qu'ont eues les agents de la paix en institution
pénale pour faire changer une loi parce qu'ils voulaient avoir un autre
régime d'accréditation. Ensuite, ça inclut
évidemment le droit de négocier. Et, à l'instar de
plusieurs groupes, on déplore le récent amendement qui a
été déposé au Code du travail, qui, par un simple
mot, soustrait à la syndicalisation plusieurs fonctionnaires. C'a
même été rapporté dans certains médias alors
que le Tribunal du travail considérait que ces fonctionnaires-là
étaient en droit de se syndiquer et étaient syndicales.
Le troisième point, c'est le recrutement dans la fonction
publique. La CSN considère que la précarité des emplois,
autant dans le secteur privé que public, est devenue un problème
qu'il y a lieu d'attaquer à la source. En vertu de la Loi sur la
fonction publique, le Conseil du trésor peut embaucher autant
d'occasionnels et de contractuels qu'il le désire, ce qui a pour effet
que jusqu'à 25 % des emplois dans certains secteurs de la fonction
publique sont détenus par des occasionnels ou contractuels sans aucune
sécurité d'emploi. Alors nous on ne croit pas que cette
précarité des emplois, en plus de donner lieu à des
occasions de patronage - et je pense qu'hier il y a eu tout un débat en
commission sur cet aspect-là - ça n'a rien pour améliorer
les services à la population. En plus de créer de
l'insécurité chez les personnes qui occupent ces
postes-là, ça peut entraver la motivation et
l'intérêt qu'ils ont aussi à leur travail au gou-
vernement. Et je pourrais aussi donner comme exemple tout le
problème qui est vécu aussi à la Commission de la
santé et de la sécurité du travail où, comme partie
syndicale, on a souvent déploré l'augmentation du nombre
d'occasionnels considérant aussi que les besoins des clientèles
ont été grandissants pendant les dernières années.
Et la réponse qu'on avait, c'est que le Conseil du trésor
empêchait la transformation des postes d'occasionnels en postes
permanents et ça nous pose des questions, entre autres, au niveau de la
qualité des services surtout quand les personnes qui sont
occasionnelles, temporaires ou à contrat sont des personnes qui ont
à interpréter la loi et à rendre justice. C'est plus
difficile, à notre avis, d'être objectifs quand on est dans une
situation précaire d'emploi. Et ça c'est un exemple parmi tant
d'autres, celui qu'on connaît peut-être mieux, que, moi, je connais
mieux parce que, fréquemment, on parle de ce
problème-là.
Nous, sur la question de la précarité de l'emploi, on
pense... C'est un problème dans l'ensemble du monde du travail
actuellement, mais on croit que le gouvernement, dans ce sens-là,
devrait être exemplaire, et encore une fois je répète que
ça aurait pour effet, sûrement, d'améliorer la
qualité des services, considérant les déclarations qui ont
été faites qu'on veut que les fonctionnaires soient au service
des citoyens et des citoyennes. Je vous remercie. (10 h 30)
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie de votre
intervention. Ma première question se rapporterait à votre
mémoire. Vous souhaitez que l'article 70 de la loi soit amendé
pour permettre, je crois, les négociations sur l'ensemble des conditions
de travail, dont la classification des emplois. Ma question est la suivante:
Est-ce que l'amendement que vous proposez à l'article 70, que j'ai
devant moi, va jusqu'à son abolition complète? Est-ce que vous
souhaitez, à titre d'exemple, que, je dirais, la nomination, la
promotion des fonctionnaires, les mobilités d'attribution de la
permanence, l'établissement des plans d'organisation, les POAS, ainsi
que des ministères et organismes fassent aussi l'objet de
négociations? Est-ce que c'est ça votre objectif?
Mme Lamontagne: Concrètement, si on prend les exemples
concrets qui sont là, quand on parle de la promotion, de la
classification, de l'attribution de la permanence, etc., ce sont toutes des
matières qui sont négociables dans plusieurs conventions
collectives et, je dirais, dans un très grand nombre de conventions
collectives.
Deuxièmement, au niveau de l'organisation du travail et
même la détermination de plans d'effectifs, c'est aussi... Au
niveau des plans d'effectifs, il y a plusieurs conventions collectives qui
négocient cet aspect-là, qui négocient, par exemple, le
nombre de postes permanents et le pourcentage de postes occasionnels. Au niveau
de l'organisation du travail, de plus en plus, toutes les revendications
syndicales vont dans le sens qu'il y ait plus de participation des
travailleuses et des travailleurs à l'organisation du travail. Pour
répondre précisément à votre question, nous
souhaiterions que, finalement, tout ça, l'article 70, soit
négociable et que ça fasse l'objet d'entente entre les
parties.
Le Président (M. Lemieux): Si je comprends bien, il n'y a
rien qui n'est pas négociable.
Mme Lamontagne: La... Quoi?
Le Président (M. Lemieux): II n'y a rien qui ne soit pas
négociable. Ça aurait été plus facile de vous
demander: Qu'est-ce qui n'est pas négociable, à vos yeux?
Mme Lamontagne: À nos yeux, tout est
négociable.
Le Président (M. Lemieux): Tout est négociable.
Mme Lamontagne: Oui.
Le Président (M. Lemieux): Tout est négociable, y
compris la permanence...
Mme Lamontagne: Bien, il y a des mécanismes...
Le Président (M. Lemieux): ...y compris les
promotions.
Mme Lamontagne: ...d'attribution de la permanence qui existent
dans les conventions collectives.
Le Président (M. Lemieux): Alors, je vais vous poser une
question de principe d'imputabi-lité: Êtes-vous en faveur ou
contre le principe d'imputabilité?
Mme Lamontagne: C'est-à-dire de la responsabilité
par les fonctionnaires des gestes et du travail qu'ils font, oui.
Le Président (M. Lemieux): Quel type de pouvoirs de
gestion êtes-vous prêts à laisser aux gestionnaires?
Qu'est-ce que vous êtes prêts à laisser aux gestionnaires,
pour qu'ils puissent gérer? Quelles balises, quels tenants et
aboutissants, pour vous parler comme un juriste, êtes-vous prêts
à laisser aux gestionnaires, pour leur donner une marge de manoeuvre
pour gérer l'administration publique?
Mme Lamontagne: C'est sûr que les gestionnaires... Prenons
l'exemple sur la permanence parce que ça, c'est la...
Le Président (M. Lemieux): Je vais vous donner un exemple
concret. Est-ce que vous pourriez permettre à un gestionnaire qui a une
responsabilité de personnel de cadres intermédiaires,
fonctionnaires ou professionnels d'avoir à décider si,
effectivement, il accorde à l'un ou à l'autre une prime
d'excellence?
Mme Lamontagne: Dans le cadre d'une entente
négociée, si par exemple on dit que selon tels critères
objectifs dans une entente entre les parties il y a une prime d'excellence, si
c'est le choix de l'entente entre les parties, le fonctionnaire ou le
gestionnaire pourra décider lui-même de la prime d'excellence.
Le Président (M. Lemieux): Alors, vous n'êtes pas
contre qu'un gestionnaire puisse avoir à choisir parmi ses
professionnels ou ses fonctionnaires ceux qui ont le mieux performé,
ceux qui ont été le plus efficace ou qui sont le plus efficient
et que ce soit lui qui ait le pouvoir de décider à qui il accorde
cette prime d'excellence?
Mme Lamontagne: Selon des critères que les parties,
à notre avis, devraient...
Le Président (M. Lemieux): Les parties, ça signifie
quoi à vos yeux?
Mme Lamontagne: Bien, c'est la partie syndicale et la partie qui
négocie au niveau de...
Le Président (M. Lemieux): Donc, vous n'êtes pas
prêts à laisser entièrement au gestionnaire le soin d'avoir
à décider, vous n'êtes pas prêts à laisser, je
dirais, à l'entière discrétion du gestionnaire le cadre
normatif lui permettant d'avoir lui-même à décider si un
employé par rapport à un autre est plus compétent, plus
performant? Vous savez, je vais vous dire à quoi ça me fait
penser. Quand j'étais à la petite école, quand il y en
avait quatre ou cinq dans l'école qui avaient des bottes de cowboy, on
voulait tous avoir des bottes de cowboy. Moi, ce que je veux savoir de vous:
Est-ce que vous êtes pour une certaine forme d'unicité et
d'uniformisation dans la fonction publique? C'est ça que j'aimerais
comprendre de vous. Ce que je veux comprendre, je veux savoir quelle marge de
manoeuvre on doit laisser à nos gestionnaires pour pouvoir
gérer.
Mme Lamontagne: Je vais prendre un exemple.
Le Président (M. Lemieux): Oui.
Mme Lamontagne: L'exemple de la permanence. Alors, dans plusieurs
conventions collectives, il y a des mécanismes qui disent
qu'après tant de temps on accorde la permanence au professionnel ou
à la personne qui est employée. Le mécanisme est convenu
mais souvent c'est évidemment l'employeur qui va décider au nom
de la permanence; si c'est abusif il y a des recours mais quand le
mécanisme et la procédure sont suivis c'est sûr que le
dernier mot il va revenir à l'employeur ou au gestionnaire, comme vous
dites. Ça c'est un pouvoir du gestionnaire mais il est convenu selon une
procédure non arbitraire mais le plus équitable possible dans le
cadre d'une convention collective.
Le Président (M. Lemieux): Non arbitraire, est-ce que,
pour vous, le pouvoir de gérer est l'équivalent d'être
arbitraire?
Mme Lamontagne: Pas automatiquement.
Le Président (M. Lemieux): Pas automatiquement. Ça
va. Une autre question. Vous suggérez aussi qu'un organisme
indépendant joue vraiment un rôle de chien de garde auprès
du Conseil du trésor, seul vrai responsable de l'application de la loi.
Vous demandez également que la Commission de la fonction publique ait un
mandat élargi pour pouvoir rectifier les situations qui outrepassent la
loi et les règlements. Quel type de pouvoir êtes-vous prêts
à accorder à la Commission de la fonction publique?
M. Carrier (Daniel): Je pense qu'au niveau de la Commission de la
fonction publique il y a actuellement un lien qui, à notre avis, est
hiérarchique entre le Conseil du trésor, la Commission de la
fonction publique et l'Office des ressources humaines. Je pense qu'il y a lieu
de distinguer entre les pouvoirs qui sont accordés au Conseil du
trésor et ceux qui sont accordés à la Commission de la
fonction publique.
H y a actuellement dans la Loi sur la fonction publique des pouvoirs qui
sont expressément prévus et des devoirs dévolus à
la Commission de la fonction publique. Ce qu'on connaît de la situation
actuelle, c'est que ces pouvoirs-là ne sont pas exercés dans leur
entier par la Commission de la fonction publique, compte tenu que celle-ci est
plutôt placée dans une position un peu hiérarchique en
fonction du Conseil du trésor. Ça revient un peu au
problème de l'imputabilité de tout à l'heure. Je pense
que, comme Mme Lamontagne et certains autres intervenants l'ont dit devant
cette commission, l'imputabilité, personne ne peut être contre.
Maintenant, de quelle façon l'imputabilité doit-elle se faire?
Elle doit se faire par une véritable décentralisation; je pense
que c'est l'une des seules façons qu'une véritable
imputabilité pourra avoir lieu. C'est en décentralisant les
pouvoirs auprès des véritables gestionnaires, mais que ces
derniers puissent avoir des instruments pour gérer à partir de
directives, et c'est ça qu'on soulignait tout à l'heure,
d'éviter le plus possible
l'arbitraire.
Ce qu'on pense actuellement de l'imputabi-lité, oui, c'est bien
dans la mesure où c'est décentralisé ou dans la mesure
où c'est fait à partir de directives qui sont connues de tous et
qu'un organisme tel que la Commission de la fonction publique pourrait
être amené à vérifier l'application, si on veut,
dans le quotidien de tous les jours, de quelle façon ces directives sont
appliquées. On pense que c'est un peu de cette façon que la
Commission de la fonction publique pourrait jouer ce rôle.
Le Président (M. Lemieux): Relativement aux
responsabilités du Conseil du trésor, est-ce que vous voyez un
inconvénient majeur au fait que le Conseil du trésor exerce un
contrôle financier, ait un objectif de gestion financière et ait
aussi à établir des plans d'effectifs, POAS, telle
classification, ainsi de suite, et qu'il ait, à côté, un
rôle de ressources humaines? Est-ce que vous croyez que le Conseil du
trésor peut assumer ces fonctions-là ou si vous y voyez des
inconvénients majeurs?
M. Carrier: Nous croyons qu'il y a effectivement des
inconvénients majeurs lorsque le Conseil du trésor joue son
rôle de planificateur budgétaire et alloue des budgets à
certains ministères en fonction des effectifs et lorsqu'il joue un
rôle de gérant des relations du travail dans chacun des
ministères. On sait très bien que les effectifs et les plans
d'effectifs sont décidés en fonction des sommes accordées
à chacun des ministères, qu'ils ne correspondent pas toujours aux
besoins et aux réalités de la vie quotidienne de chacun des
ministères et qu'ils ne correspondent pas nécessairement aux
moyens dont les ministères ont besoin pour, si on veut, accomplir leur
mission de donner des services au public. Le but premier de la loi, il ne faut
jamais le perdre de vue, c'est de donner des services de qualité au
public et je pense que Mme Lamontagne l'a très bien souligné tout
à l'heure.
Au niveau de la CSST, c'est un problème tout à fait
majeur. On l'examine de plus en plus; dans la plupart des bureaux, on a affaire
à des gens qui sont occasionnels, qui ont peu ou pas de formation, qui
sont amenés à prendre des décisions et le justiciable, le
contribuable n'a pas d'autre choix que d'aller devant les paliers de
révision supérieurs, tels que le Bureau de révision
paritaire ou la Commission d'appel en matière de lésion
professionnelle, pour obtenir une certaine forme de justice au bout de trois
ans, qui est un délai que l'on considère de nos jours même
assez court.
Alors, je pense que ces situations-là, c'est ce que ça
amène entre le rôle du Conseil du trésor en tant que
gérant des relations du travail, si on peut s'exprimer ainsi, et donneur
d'argent au ministère.
Le Président (M. Lemieux): Vous savez, on est tous pour la
vertu. Je pense qu'on veut tous l'imputabilité. On veut tous fournir des
services de qualité à nos citoyens. Jusqu'où
êtes-vous prêts à aller? Jusqu'où le syndicat?
Jusqu'où la CSN? Quel effort la CSN est-elle prête à faire
pour qu'on puisse atteindre tous ensemble de manière... Parce que
souvent on emploie des termes de manière concertée.
Jusqu'où la CSN est-elle prête à aller pour favoriser cet
objectif de la loi 51, Loi sur la fonction publique?
M. Carrier: Écoutez, je pense que la CSN, tout comme
l'ensemble des organismes syndicaux, dans le cadre de l'imputabilité, il
y a une règle, à mon avis, qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est
qu'il ne faut pas que cela se fasse de façon arbitraire. Je pense que
c'est ça essentiellement. Si l'imputabilité fait l'objet de
consultations, et on est très souvent porté à utiliser le
mot "négociation", ce n'est pas nécessairement dans un cadre
rigide de négociation, mais je pense que ces mécanismes
d'imputabilité peuvent faire l'objet de négociations avec
l'ensemble des intervenants syndicaux pour vérifier dans quelle mesure
cela peut être mis en place, dans quel cadre on va arriver à ce
que la personne qui est au bas de la pyramide, au bas de l'échelle ait
les moyens suffisants pour exercer son travail de façon adéquate,
que le gestionnaire qui décide dans le cadre du travail de
l'exécutant a les moyens adéquats de lui fournir les outils de
travail et que ce dernier, au niveau de l'imputabilité, soit régi
par des directives qui évitent l'arbitraire. C'est un peu ça, je
pense, le cadre dans lequel...
Le Président (M. Lemieux): Et que le gestionnaire ait la
marge de manoeuvre requise.
M. Carrier: La marge de manoeuvre requise.
Le Président (M. Lemieux): Ça va de soi.
Ça va.
M. Carrier: Mais une marge de manoeuvre à notre avis, M.
le Président, ce n'est pas... Une marge de manoeuvre ça peut se
dégager de l'arbitraire et du discrétionnaire.
Le Président (M. Lemieux): Ce que vous craignez, c'est
l'arbitraire et le discrétionnaire. Ça j'ai bien compris
ça.
M. Carrier: Arbitraire et discrétionnaire... Le
Président (M. Lemieux): Ça va.
M. Carrier: ...je pense que ça ne doit pas exister, compte
tenu de la structure de la fonction publique, compte tenu du nombre
d'intervenants qu'il y a à évoluer.
Le Président (M. Lemieux): Ça va. M. le
député de La Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Vous déplorez,
avec raison, quant à nous, que la Commission de la fonction publique et
l'Office des ressources humaines soient trop souvent considérés
dans un ordre hiérarchique au service du Conseil du trésor.
Plusieurs groupements, hier, nous ont dit que c'était malsain que toutes
les dispositions de la loi 51, la loi de la fonction publique, relèvent
d'un seul ministre. Le président du Syndicat des fonctionnaires, M.
Harguin-deguy, nous a même avoué qu'il faisait marche
arrière et alors qu'autrefois il avait été d'accord pour
nommer un seul ministre responsable de toute la loi aujourd'hui H pense que
c'est une erreur.
La loi prévoit à l'article 171 que le gouvernement, par
décret, peut nommer des ministres, non pas un, mais des ministres
responsables des dispositions de la loi. Et, de 1984 à 1988, il y avait
deux ministres effectivement responsables de l'ensemble de la loi, le
président du Conseil du trésor, d'une part, puis un ou une autre
ministre responsable de l'Office des ressources humaines. Et c'est en 1988 que
c'a été changé.
Vous dites à la fin de votre section sur le Conseil du
trésor: "En résumé, il faut qu'un organisme
indépendant joue vraiment et véritablement un rôle de chien
de garde auprès du Conseil du trésor, seul vrai responsable de
l'application de la Loi sur la fonction publique." Alors, ma question vise
à avoir de vous un peu plus de détails. Comment verriez-vous une
nouvelle répartition de la responsabilité politique de
l'application de la loi? Est-ce que ça serait par la nomination d'un
deuxième ou d'un troisième ministre selon les diverses sections
de la loi? Est-ce que ça serait, comme vous le dites ici, par un
organisme indépendant, organisme de surveillance auprès du
Conseil du trésor, et si oui quelle sorte de bête ça serait
cet organisme-là? (10 h 45)
Mme Lamontagne: À la première question, je pense
que c'est évident que ça rejoint la question du président.
C'est que l'oeil ou la vision du Conseil du trésor, et
l'expérience qu'on en a ces dernières années,
particulièrement, c'est que c'est un oeil très financier. Alors,
des fois, ça peut être à la fois les grandes
préoccupations de gestion des ressources humaines, etc., et toujours
teintées de l'approche financière. Donc, dans ce sens, qu'il y
ait deux ministres responsables, ça peut peut-être amener un
certain équilibre et un certain partage de visions ou de
préoccupations différentes.
Ce qu'on dit dans le mémoire, c'est que ça pourrait
être comme une mission de surveillance du Conseil du trésor.
Ça pourrait être l'actuelle Commission de la fonction publique. Il
faudrait, premièrement, que ceux qui sont nommés sur cette
Commission aient une très grande crédibilité, que leur
nomination soit très apolitique, si on veut. Sans créer un autre
organisme... on pourrait aussi créer un autre organisme.
Deuxièmement, c'est de renforcer le rôle qu'il joue comme
rôle de surveillance de l'application de la Loi sur la fonction publique.
Donc, ça pourrait être l'actuelle Commission, mais avec plus
d'énergie, finalement, qu'elle aurait à mettre pour surveiller
l'application de la loi et surveiller ce que le Conseil du trésor fait
de l'application de cette loi.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: M. le Président, je suis toujours un peu
étonné d'entendre des remarques à l'effet que, si les gens
de la fonction publique étaient assujettis aux mêmes règles
que les autres en matière de ce qui est négociable, le ciel nous
tomberait sur la tête. Dans les hôpitaux, dans l'éducation,
il n'y a pas les restrictions contenues dans la Loi sur la fonction publique et
il n'y a pas eu de drame qui se soit passé là. Dans ce
sens-là, je pense qu'il faut voir les choses telles qu'elles sont dans
la société. L'ensemble des employeurs du secteur privé
négocient avec des syndicats l'ensemble des questions. Négocier
avec un syndicat, ce n'est pas comme attraper le SIDA. C'est un exercice
à l'issu duquel l'employeur garde, habituellement, l'ensemble de ses
prérogatives, sauf qu'il en discute avec quelqu'un et qu'il convient de
règles.
Par ailleurs, à l'heure actuelle, dans la fonction publique, la
loi exclut certains objets de négociation, mais ça
n'empêche pas qu'il y a des règles dont le Conseil du
trésor convient avec les syndicats. Je pense que c'est très
réducteur de penser que, si le pouvoir exclusif que le Conseil du
trésor tente de se donner dans la loi est maintenu et si on donnait des
primes d'excellence aux employés, on changerait quelque chose dans la
fonction publique. Je pense que c'est prendre le problème à
l'envers. Dans ce sens, je nous convie, comme parlementaires, à regarder
comment ça se fait dans la société et d'en parler avec des
vrais employeurs qui négocient avec des vrais syndicats. Ils n'en
meurent pas. II y a des paquets d'entreprises qui fonctionnent pareil.
Maintenant, plus précisément, je voudrais demander
à Mme Lamontagne: Ce que vous envisagez, est-ce de biffer purement et
simplement de la Loi sur la fonction publique ce qui établit le champ du
négociable ou les règles d'accréditation pour que le Code
du travail s'applique?
Mme Lamontagne: C'est clairement ce qu'on dit dans notre
mémoire, c'est que ça devrait être le Code du travail qui
s'applique. Dans ce sens,
ça signifie de retirer, finalement, tout ce qui est
accréditation, matières négociables et non
négociables, de la Loi sur la fonction publique. J'ajouterais ceci. M.
le Président a demandé, tout à l'heure, ce que la CSN
était prête à faire. Une chose qu'on est prêts
à faire, c'est de revoir le régime de négociation dans le
secteur public, mais on croit aussi que l'ensemble des travailleurs et des
travailleuses du secteur public, y compris ceux de la fonction publique,
devraient être assujettis au Code du travail, mais on est prêts
à regarder le régime de négociation dans le secteur public
également.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez
terminé, M. le député de Pointe-aux-Trembles?
M. Bourdon: Oui.
Le Président (M. Lemieux): Alors, M. le
député de Mille-Îles et, après, M. le
député de Saint-Louis.
M. Bélisle: Merci, M. le Président. Je veux revenir
à l'article...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Pointe-aux-Trembles n'avait pas terminé. Il vous reste deux minutes,
est-ce que je passe au député de Mille-Îles?
M. Bourdon: Non, je vais prendre mes deux minutes, M. le
Président,...
Le Président (M. Lemieux): Non? Allez-y. O.K. Je vous les
laisse.
M. Bourdon: ...simplement pour dire que dans le secteur
privé le Code du travail s'applique. Dans les hôpitaux et dans
l'éducation il n'y a pas de limitation au champ du négociable,
mais je pense que c'est de l'ordre du fantasme de croire que, si une question
peut être négociée, ça veut dire que les
gestionnaires vont perdre leur marge de manoeuvre, puis qu'ils ne pourront rien
faire. Si on suivait cette thèse-là, il faudrait penser que
Canadair, dont est issu le ministre du Travail et qui négocie sur tous
ces sujets-là, que les Bombardier, à Canadair, n'ont aucun
pouvoir et, "mind you", Canadair s'en tire plutôt bien avec ces
règles qui sont négociables.
Bref, il n'y a pas péril en la demeure et je pense que
décider qu'une question puisse être négociée
n'entraîne pas de drame, à moins qu'on pense que le syndicalisme
n'a pas de raison d'exister. C'est sûr que, si on pense qu'il n'a pas
raison d'exister, c'est un grand malheur d'avoir à s'asseoir et
négocier, mais, si je reviens à l'exemple concret de Canadair
d'où est issu le ministre du Travail, Canadair négocie sur toutes
ces questions-là et vend des avions et elle est plutôt en bonne
santé, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Pointe-aux-Trembles. Alors, ce sera à M. le
député de Mille-Îles et on va laisser du temps, M. le
député de Mille-Îles, pour M. le député de
Saint-Louis qui a une question à poser.
M. Bélisle: Oui, pas de problème. Je voudrais
revenir à l'article 70, aux demandes ou aux revendications de la CSN. Je
pense que c'est très important de comprendre ce qui se passe. Je suis
tout à fait étonné, M. le Président, d'entendre ce
matin le député de Pointe-aux-Trembles faire une volte-face
magistrale face à la position de son parti à l'Assemblée
nationale. Au mois de juin 1985, le 19 juin, ils ont voté la loi 37 qui
a exclu les conditions de travail; en 1983, ils ont voté l'article 70
qui stipule des choses comme la nomination de candidats.
Mme Lamontagne, vous n'êtes certainement pas en train de nous dire
ce matin, avec sérieux, que les critères de sélection pour
un emploi, l'âge, le niveau universitaire, ce sont des choses qui sont
négociables avec un syndicat! Vous n'êtes pas en train de nous
dire ça; vous ne pouvez pas nous dire ça!
Mme Lamontagne: Mais on négocie très souvent dans
les conventions collectives... Par exemple, s'il y a des besoins de postes de
techniciens en documentation, on s'entend avec la partie patronale pour dire:
Oui, ce sera un DEC en documentation ou ce sera l'équivalent, tant
d'années d'expérience. Ce sont des choses qu'on
négocie.
M. Bélisle: Mme Lamontagne, êtes-vous en train de me
dire que dans le cas de l'article 70.1°, la promotion des fonctionnaires,
vous voulez négocier avec la partie patronale le transfert d'un poste de
non-gérance, un employé, un fonctionnaire, à un poste de
gérance, puis les critères qui vont permettre à quelqu'un
d'accéder à un poste de gérance? Ce n'est pas
sérieux ce que vous êtes en train de dire là.
Mme Lamontagne: Quand on parle de la promotion en dehors des
postes de gérance qui sont des postes d'employeur, de cadre, en tout
cas, il y a aussi...
M. Bélisle: De gestion.
Mme Lamontagne: ...une promotion qui est interne aux postes qui
sont syndiqués. Ça aussi se négocie dans beaucoup de
conventions collectives; c'est soit l'expérience, soit par l'affichage
de postes: si quelqu'un a les qualifications requises, on tient compte de
l'ancienneté pour accorder des postes de promotion. On négocie
ça très régulièrement dans d'autres milieux de
travail, alors je ne vois pas pourquoi ce serait spécial ici. La
promotion de postes hors unité
syndicale, c'est une autre question, mais la promotion de postes dans le
cadre des employés syndiqués, on négocie ça aussi
très souvent dans les conventions collectives.
M. Bélisle: La discipline en vertu de l'article 70.4°,
- je vais vous raconter une petite anecdote et après vous me direz ce
que vous auriez fait et négocié avec l'employeur. Il y a
quelqu'un, quelque part dans un ministère au gouvernement, qui a fait
défaut de répondre à une dizaine de lettres
envoyées par courrier recommandé par un citoyen du Québec
qui tentait depuis 1973 d'obtenir la propriété d'un immeuble qui
ne servait à personne. De 1982 à 1985, 10 lettres
recommandées, aucune réponse, envoyées à
l'individu, au fonctionnaire même. Ça a pris du tordage de bras
pour que l'individu réagisse face à ça. Vous êtes en
train de nous dire ce matin que vous voulez négocier les
critères, l'application de mesures de discipline avec la gestion et la
gérance? Est-ce que c'est ça que vous voulez en abolissant
70?
Mme Lamontagne: Alors, les mesures disciplinaires, ça se
négocie aussi, dans une convention collective. Je serais tentée
de dire aussi que, comme officier de la CSN, je suis également
employeur. Alors, c'est sûr que, sur des milliers et des milliers de
personnes qui travaillent dans un ministère, dans une institution de
santé, dans une école, dans une entreprise privée, on n'a
jamais prétendu qu'il n'y avait personne qui faisait des erreurs, qu'il
n'y avait pas de négligence. Donc, le droit d'avoir des mesures
disciplinaires, que l'employeur impose des mesures disciplinaires existe, mais
il y a des procédures pour ne pas que ce soit arbitraire et il y a des
recours de prévus qui s'appellent l'abitrage.
M. Bélisle: Est-ce que vous voulez négocier aussi
les fiches, la notation, le processus d'évaluation des employés
et de notation au rendement et tout le reste? Ça fait partie du
négociable, ça? Tout ça fait partie du
négociable?
Mme Lamontagne: Les fiches dévaluation individuelles... De
toute façon, il y a certaines procédures individuelles que,
syndicalement, on trouve questionnâmes. C'est un peu comme le travail au
rendement. Ça existe, malheureusement, encore dans le privé, mais
on s'est toujours battu sur ça.
M. Bélisle: Vous n'êtes pas d'accord avec le travail
au rendement, vous?
Mme Lamontagne: Non, on pense que c'est...
M. Bélisle: Vous n'êtes pas d'accord avec
ça?
Mme Lamontagne: Que le paiement se fasse au rendement, que la
paie se fasse au rendement, non...
M. Bélisle: Vous n'êtes pas d'accord avec
ça.
Mme Lamontagne: ...on n'est pas d'accord avec ça.
M. Bélisle: O.K. Imputabilité, Mme Lamontagne. Vous
avez parlé d'imputabilité, M. Carrier, tantôt.
M. Bourdon: Un instant! J'invoque le règlement. J'aimerais
que le député de Mille-Îles change de ton. On ne fait pas
de procès, ici.
Le Président (M. Lemieux): Écoutez, M. le
député de Pointe-aux-Trembles, je ne suis pas responsable du ton,
de la baisse ou de la hausse de la voix du député de
Mille-Îles et je pense qu'il n'y a rien... Je pense que tout ce que le
règlement dit, c'est qu'il y ait un certain décorum. On respecte
ce décorum. On réagit peut-être plus émotivement
à certaines questions. Et moi, je comprends un peu le
député de Mille-Îles. Il m'arrive parfois de ne pas
contrôler la manifestation de mes émotions; c'est un
défaut, mais, que voulez-vous, on est comme ça. Alors, allez-y,
M. le député de Mille-Îles.
M. Bélisle: C'est peut-être quelquefois une
qualité, M. le Président. Imputabilité! Vous autres, vous
êtes d'accord pour être imputables. Fonctionnaires, dans votre
vocabulaire, à vous... Est-ce que l'imputabilité, c'est pour tous
les fonctionnaires, les sous-ministres, les cadres, les professionnels et les
fonctionnaires qui rendent leurs services au public? Première
question.
Mme Lamontagne: Tout le monde est responsable de ses actes, quel
que soit le poste qu'il occupe.
M. Bélisle: D'accord. O.K. Responsabilité. Est-ce
que responsabilité et imputabilité, c'est la même chose
chez vous, la même signification dans votre vocabulaire syndical?
Mme Lamontagne: Ça a une signification semblable, mais on
peut...
M. Bélisle: Ce n'est pas le même concept, Mme
Lamontagne, la responsabilité et l'imputabilité.
Imputabilité, c'est rendre compte à quelqu'un. Un fonctionnaire
qui rend service, mettons, dans le réseau des affaires sociales,
à qui, selon vous, doit-il rendre des comptes?
Mme Lamontagne: Un fonctionnaire dans... M. Bélisle:
Une infirmière...
Mme Lamontagne: Oui.
M. Bélisle: ...pour prendre un exemple, dans un centre
d'accueil. Quelqu'un qui est préposé aux
bénéficiaires dans un centre d'accueil, à qui, selon vous,
cette personne-là devrait-elle rendre des comptes?
Mme Lamontagne: D'abord, sa première responsabilité
est face aux bénéficiaires qu'elle dessert. Deuxièmement,
elle pourrait rendre des comptes - ça existe aussi - à son
équipe de travail dans laquelle est inclus le cadre. Et aussi elle rend
des comptes à son supérieur immédiat.
M. Bélisle: Rendre des comptes à son équipe
de travail...
Mme Lamontagne: Oui, ça...
M. Bélisle: ...aux gens qui sont autour d'elle. Elle rend
des comptes à ses...
Mme Lamontagne: Je ne dis pas que ça existe partout, mais
c'est ce qu'on met de l'avant de plus en plus, qu'il y ait une gestion plus
participative, qui implique plus les travailleuses et les travailleurs, qui
soit plus motivante. À notre avis, ça va améliorer les
services. Donc, il peut y avoir aussi des équipes de travail. Exemple:
Dans un centre d'accueil - c'est un bon exemple - il pourrait exister des
équipes de travail. C'est sûr aussi qu'une infirmière ou un
médecin... Mais les médecins ne rendent des comptes qu'à
eux-mêmes, on le sait aussi. Une infirmière ou un autre
professionnel pourrait rendre des comptes. Elle a un supérieur
immédiat, c'est sûr qu'elle va lui rendre des comptes; on n'a
jamais été contre ça.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Mille-Îles, je m'excuse. Maintenant, comme nous avions
décidé qu'il y aurait du temps pour le député de
Saint-Louis, M. le député de Saint-Louis, la parole est à
vous. (11 heures)
M. Chagnon: Je serai fort bref, M. le Président. D'abord
je n'ai pas eu l'occasion de le faire et je tiens à remercier les
membres de la CSN d'avoir bien voulu témoigner ici devant cette
commission. Et, deuxièmement, j'aimerais revenir sur un sujet que le
député de La Prairie et le président de la commission ont
soulevé tout à l'heure - et je reprends ce que vous nous avez dit
- que vous dirigiez un doute, en tout cas, manifeste à l'effet que le
Conseil du trésor, comme planificateur budgétaire, pouvait
difficilement être gérant des relations du travail. D'autres avant
vous, hier, l'ont dit, ont eu le même réflexe qui n'est
peut-être pas mauvais, mais j'aimerais mieux comprendre. Vous vous
étonniez aussi que les effectifs alloués se font en fonction du
budget. C'est des mots et termes précis que M. Carrier a
utilisés. Est-ce que vous saviez que 51 % du budget de l'État
sont composés de la masse salariale et des bénéfices
marginaux?
Mme Lamontagne: Dans les services et dans les secteurs, pas juste
au niveau de la fonction publique, au niveau des...
M. Chagnon: Non, non, mais je parle de l'État. Il me
semble que c'est la Loi sur la fonction publique. Alors, pour l'État, 51
% du budget vont à la masse salariale et aux bénéfices
marginaux des employés. Vous le saviez ça?
Mme Lamontagne: Oui, on sait que c'est très important.
M. Chagnon: Ce que j'aimerais comprendre dans ce cas-là,
c'est comment vous pouvez conceptualiser que les effectifs alloués ne se
fassent pas en fonction des budgets pour les ministères, pour les
sociétés et comment on peut dissocier la budgétisation de
l'organisation d'effectifs. J'aimerais comprendre ça.
Mme Lamontagne: Premièrement, quand on dit qu'il y a une
grande partie du budget qui est en salaires, je pense qu'il ne faut pas
être scandalisé de ça.
M. Chagnon: Non, non, ce n'est pas du tout un scandale. Je trouve
ça bien correct.
Mme Lamontagne: Le gouvernement rend des services à la
population.
M. Chagnon: Non, non, pas de problème.
Mme Lamontagne: Sa matière première c'est les
personnes qui y travaillent. C'est pas...
M. Chagnon: Aucun problème avec ça.
Mme Lamontagne: ...du minerai. C'est pas... C'est normal.
M. Chagnon: La question que je vous posais... Et vous êtes
donc au courant du pourcentage à l'intérieur du budget de ce
qu'est la masse salariale. C'est donc important. Vous le reconnaissez aussi et
c'est normal, on en convient tous. Mais comment fait-on pour se surprendre en
tout cas, et je prends un mot de M. Carrier, que les effectifs alloués
par ministère se fassent en fonction du . budget? Je voudrais comprendre
comment on pourrait ne pas le faire comme ça.
Mme Lamontagne: Je pense qu'on ne peut pas faire abstraction du
budget quand il s'agit de...
M. Chagnon: II me semble.
Mme Lamontagne: ...d'embaucher des personnes. Je pense que ce
n'est pas ça que Me Carrier a voulu dire. Mais, par ailleurs, il faut
être capable - et je pense que c'est un exercice qui se fait en plusieurs
étapes - d'avoir un regard neutre d'abord sur les besoins d'effectifs
qu'il y a, ce que les ministères ont comme objectif, quelle est la
clientèle qu'ils veulent servir, quels sont leurs projets, quelle est
leur programmation et, pour en arriver à ces objectifs-là, quels
sont leurs besoins en termes de personnel. Et, dans un autre temps, c'est
sûr qu'if faut tenir compte des contraintes qui sont budgétaires.
Mais ça ne doit pas être d'abord les contraintes
budgétaires, et celui qui gère les cordons de la bourse qui. dit,
sans avoir... Parce que l'oeil qu'on connaît du Conseil du trésor,
et on le rencontre de temps en temps surtout dans les négociations,
c'est d'abord l'argent, mais les services c'a l'air souvent à venir en
second lieu. On devrait voir quels sont les besoins, et c'est vrai pour la
fonction publique mais c'est vrai pour l'ensemble des services,
l'éducation, la santé, et aussi voir les contraintes et si les
moyens ne sont pas... les rentrées d'argent sont difficiles. Il y a des
politiques fiscales aussi et on a...
M. Chagnon: Oui, mais...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Saint-Louis, laissez-la terminer son intervention. Je suis dans l'obligation de
vous dire qu'il n'y aura pas de sous-question. Allez-y.
Mme Lamontagne: Ça va, là.
Le Président (M. Lemieux): Vous avez terminé,
certain? Non, mais prenez le temps.
Mme Lamontagne: Non, non, ça va. Ça va.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez vraiment
terminé?
Mme Lamontagne: Ça va.
Le Président (M. Lemieux): O.K. Parce que je dois passer
maintenant la parole à l'Opposition. Nous avons pris déjà
trois minutes de plus que l'Opposition dans ce cas-ci. M. le
député de Labelle.
M. Léonard: Écoutez, juste une question. Supposons
qu'il y a une décision dramatique à prendre au gouvernement, par
exemple couper les effectifs d'un ministère en deux, en garder la
moitié et l'autre moitié... Je pense que c'est une
décision qui relève du gouvernement.
Mme Lamontagne: De couper les effectifs?
M. Léonard: Supposons, par hypothèse.
J'exagère, là.
Mme Lamontagne: Oui.
M. Léonard: Mais c'est une décision qui
relève du gouvernement, vous l'ad...
Mme Lamontagne: En dernier lieu, oui, qui va relever du
gouvernement. Oui.
M. Léonard: C'est ça. Mais quitte à
respecter la permanence. Donc, ce que ça implique comme corollaire,
c'est qu'il y ait une mobilité des gens qui seraient affectés de
cette sorte dans un ministère qui leur permettrait d'aller dans d'autres
ministères, mais ça pourrait arriver. Mais vous admettez quand
même que c'est du ressort de l'Assemblée nationale d'en
décider et, en l'occurrence, c'est le patron.
Mme Lamontagne: Oui, en dernier ressort...
M. Léonard: Et quel que soit ce qu'on en pense, par
ailleurs, disons, chez les employés, il se peut qu'on décide
ça.
Mme Lamontagne: En dernier ressort, oui, c'est l'employeur ou si
vous voulez, dans ce cas-ci, vous nous dites l'Assemblée nationale, sauf
que... Supposons une situation dramatique où il y a des coupures
à faire qui sont drastiques - on en a vu dans le passé - il n'y a
rien qui empêche que les représentants des travailleuses et des
travailleurs aient des discussions et des échanges avec eux pour voir
où devront se faire ces coupures-là. Dans le privé, il y a
eu aussi, à certaines occasions, des coupures ou des mises à pied
importantes et il y a des choses dont on a convenu entre les parties, que ce
soit des préretraites, que ce soit des politiques de recyclage, de
perfectionnement, etc. Ça aussi, ça se discute entre les
parties.
L'autre aspect, quand on parle de la mobilité ou de la
possibilité pour ceux qui sont permanents, ça encore ce sont des
règles qui peuvent se mettre très bien dans une convention
collective, comment va se faire le déplacement des fonctionnaires s'il y
a des coupures de postes. Ça existe dans les conventions collectives,
ces règles-là. On n'invente pas...
M. Léonard: Mais, sur le plan de la fonction publique, la
permanence, ce n'est pas négociable, c'est admis ou... Je ne sais pas si
c'est le mot "permanence" qu'il faut employer, mais en tout cas la
sécurité d'emploi, elle est acquise par les...
Mme Lamontagne: Oui, mais...
M. Léonard: ...lois pratiquement. Donc, ce
serait une perte de la part des travailleurs que ce soit remis
négociable dans une convention collective.
Mme Lamontagne: Ce n'est pas ça que j'ai dit. J'ai dit que
si...
M. Léonard: Bon, bien, j'interprète...
Mme Lamontagne: Non, ce n'est pas du tout ça. Vous
interprétez mal, monsieur.
M. Léonard: Ha, ha, ha!
Mme Lamontagne: Ce que j'ai dit, c'est que les règles de
la permanence et de la sécurité d'emploi, c'était un
acquis, pas le changement de poste. Un moment donné, il y a des
règles qui se négocient dans les conventions collectives. On a la
permanence dans les services de santé et d'éducation, mais le
monde ne reste pas assis sur la même chaise toute leur vie, parce qu'ils
ont la sécurité d'emploi, nécessairement.
M. Léonard: Je voudrais revenir sur une autre question. Au
départ, on a parlé de la centralisation des pouvoirs au Conseil
du trésor. Jusqu'à un certain point, ça a
été amené par la pression aussi des syndicats. Lorsqu'il
n'y avait pas la centralisation, a l'époque, on se rappelle, je ne sais
pas, disons au niveau scolaire, au plan scolaire, c'était la
surenchère d'une commission scolaire par rapport à l'autre avec
un jeu de vases communicants ou d'osmose qui faisait que, finalement, tout
était à la hausse. Donc, le gouvernement s'est vu pris pour
centraliser les négociations. Si on décentralise, je comprends
que là on l'entend seulement d'un ministère à l'autre et
qu'on dit: Ça ne sera pas un seul ministre qui sera responsable, c'est
plus un partage de responsabilités que de la décentralisation,
mais, si on arrivait à décentraliser les négociations, je
pense que ça impliquerait qu'il y ait des freins de mis à une
espèce de surenchère dans les conditions de travail ou au plan
salarial. En tout cas, il y a quelque chose qui devrait se passer parce que,
autrement, on va revivre ce qu'on a vécu il y a 25 ans. Est-ce qu'on
veut recommencer ça? J'aimerais avoir vos commentaires sur ce que j'en
dis.
Mme Lamontagne: À ce stade-ci, je n'ai pas parlé de
décentraliser les négociations...
M. Léonard: Ah bon. Vous êtes d'accord avec la
centralisation. Bon.
Mme Lamontagne: Puis, aussi, dans toute négociation -
c'est vrai sûrement pour la fonction publique - il y a des
matières qui peuvent être largement centralisées et
d'autres matières, décentralisées. Ça dépend
de ce dont conviennent les parties et ça dépend aussi des
objectifs qu'on poursuit. Ça, je pense que c'est un autre exemple de
choses qui doivent être entendues entre les parties. Mais on n'a pas
parlé de décentraliser complètement la négociation.
Au contraire, tout ce qui concerne le bloc rémunération, on pense
que c'est un acquis d'avoir une politique de rémunération qui
soit uniforme d'une région à l'autre du Québec entre la
Gaspésie, Montréal, etc.
M. Léonard: Moi, si j'ai un commentaire à faire
à ce stade-ci, si on parie de décentralisation de
négociations, surtout dans les conditions de travail, pas salariales,
mais je pense que cela tient beaucoup au climat de travail... Il y a deux
partenaires finalement. If y a la partie patronale et la partie syndicale.
Est-ce qu'on est capable d'arriver à des négociations très
correctes sur le plan local à chaque fois? Quels sont les
mécanismes d'arbitrage? Si on doit recourir à chaque fois
à des arbitrages qui sont longs, et parfois il y a aussi - je le dis
ici, mais sans accuser personne - des gens . qui ont plus ou moins confiance
dans le mécanisme d'arbitrage ou dans les arbitres et ça, tout de
suite, ça pose des problèmes de crédibilité
à la base. Mais j'en reviens à ce que je voulais dire simplement,
c'est que le climat est important; est-ce que vous ne pensez pas la même
chose?
Mme Lamontagne: Entre autres c'est essentiel pour la motivation
des personnes que le climat de travail soit...
M. Léonard: Je ne parle pas de la motivation des
personnes, ça je suis tout à fait d'accord, notamment quand on
parle du perfectionnement, de la mobilité, des possibilités
d'avancement - ça je pense que ça touche l'individu
personnellement - mais, en termes de relations du travail entre le syndicat et
la partie patronale, il y a aussi des choses à faire sur ce
plan-là.
Mme Lamontagne: Oui, mais l'un des éléments, je ne
dis pas le seul, pour que le climat soit sain et non pas trop tendu, c'est
d'avoir des règles claires sur l'ensemble de ce qui concerne les
relations du travail.
M. Léonard: L'article 70 ne permet pas ces règles
claires là.
Mme Lamontagne: C'est parce que ce sont des règles qui
sont définies par une partie et non pas par deux parties.
M. Léonard: C'est vraiment des droits de gérance,
il me semble, qu'il y a là-dedans, dans l'article 70.
Mme Lamontagne: Oui, c'est des droits de gérance, mais
c'est des droits de gérance qui,
dans d'autres milieux de travail, ont été
partagés.
M. Léonard: Dans d'autres milieux de travail il n'y a pas
la même sécurité d'emploi, il me semble. C'est ça la
contrepartie là.
Mme Lamontagne: II y a d'autres milieux de travail qui ont la
sécurité d'emploi et qui ont des matières de l'article 70
où c'est négocié aussi.
M. Léonard: II y aurait des nuances à faire mais,
simplement, on arrête là, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): D'abord, M. le
député de Mille-Îles. Il reste une minute et trente
secondes. C'est fini.
M. Bélisle: Une question d'information pour la commission.
Si vous étiez capables, Mme Lamontagne ou M. Carrier, de nous produire
à la commission, dans les prochains jours - on va continuer à
siéger pendant quelques semaines - des articles comparables dans les
autres provinces canadiennes, aux États-Unis, en Europe, comparables
à l'article 70, j'aimerais que, pour notre bénéfice
à nous et tout ça quand on va rédiger notre rapport, vous
nous montriez dans quel pays il existe un article 70 plus libéral, plus
général que le nôtre. À ce que je sache, en France,
ce n'est pas le cas, aux États-Unis ce n'est pas le cas, dans les autres
provinces canadiennes ce n'est pas le cas, au Canada ce n'est pas le cas.
J'aimerais que vous me prouviez le contraire et que vous m'incitiez à
regarder d'autres dispositions ou d'autres façons de faire qu'un autre
pays au monde, qu'un autre État autonome au monde, qu'une autre
structure publique au monde ont inventées, ont imaginées et mises
en application et qui sont en oeuvre présentement et qui sont plus
libérales que les petites restrictions qu'on a à l'article 70.
Moi, j'aimerais que vous me fassiez ce travail-là et nous envoyer
ça à tous les membres de la commission. Je vous promets là
que, si vous me prouvez ça, on va le marquer dans le rapport.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que c'est possible? Vous
allez regarder?
Mme Lamontagne: On peut regarder ça.
Le Président (M. Lemieux): M. le secrétaire de la
commission va en prendre bonne note.
M. Bélisle: Je comprends que c'est un engagement de votre
part, Mme Lamontagne?
Mme Lamontagne: Sauf que c'est... Oui, oui, on va le regarder,
c'est certain. Mais je pense que ce n'est pas le seul critère, la
comparaison avec les autres pays. Ça peut être un critère
mais ce n'est pas le seul.
Le Président (M. Lemieux): D'accord, merci Je voulais vous
remercier de votre participation. Les membres de la commission ont
apprécié, je veux que vous le sachiez, votre témoignage et
aussi votre mémoire. Si peut-être à quelques occasions
ça vous a paru agressif, c'est que l'administration publique ça
nous appartient à nous tous, à vous comme à nous comme
parlementaires. Je ne voudrais pas que vous puissiez y voir une parcelle de
mauvaise foi. Au contraire, on a été très heureux que vous
soyez devant nous pour nous éclairer et on vous en remercie.
Mme Lamontagne: Merci.
Le Président (M. Lemieux): Alors, nous allons suspendre
une minute pour permettre au prochain témoin de bien vouloir prendre
place, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 11 h 15)
(Reprise à 11 h 16)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission du budget et de l'administration... À l'ordre!
À l'ordre, s'il vous plaît! Eu égard à notre horaire
déjà très compressé, nous nous devons de reprendre
les travaux.
Nous allons maintenant entendre M. Charles Messier, député
de Saint-Hyacinthe. Si c' est possible, vous savez, je... À l'ordre,
s'il vous plaît! Je ne voudrais pas que des individus qui ont à
présenter un mémoire, eu égard au fait qu'ils ont une
demi-heure, aient l'impression que la commission considère que leur
mémoire n' est pas important. Il s'agit de détails d'ordre
vraiment technique et de plomberie. Nous nous initions, nous aussi, d'une
certaine façon, et je pense que l'expérience vient maintenant de
nous démontrer qu'il va falloir, pour l'audition de mémoires,
prendre beaucoup plus de temps qu' une heure, à la fois pour les
organismes et pour les individus, d'autant plus que le mémoire de M.
Messier et celui de MM. Dumais et Riendeau sont quand même des
mémoires très très intéressants.
M. Messier, vous avez une demi-heure. Nous vous écoutons, mais
vous devez nous permettre de vous questionner. Vous avez 10 minutes pour
essayer de nous résumer votre mémoire. On comprend que ce n'est
pas facile, mais, s'il vous plaît, les grandes lignes de votre
mémoire en 10 minutes!
M. Charles Messier
M. Messier: Avec plaisir, M. le Président. M. le
Président, membres de la commission
parlementaire, je trouve important de réagir à cet avis de
consultation générale touchant particulièrement la Loi sur
la fonction publique et ce à deux titres, d'abord comme
député appelé à travailler quotidiennement avec les
fonctionnaires touchés par ces modifications projetées et comme
ancien fonctionnaire. De ce fait, j'ai oeuvré dans la fonction publique
durant 10 ans avant d'être élu député. Mon
expérience comme fonctionnaire fut remplie de joie et de
désenchantement, de grandes satisfactions et d'intenses frustrations;
pour dire vrai, 10 années remplies d'émotions de toutes
sortes.
Ces 10 ans m'ont permis de passer du statut d'occasionnel à celui
de permanent, du processus de recrutement à celui de la promotion, et
par bien d'autres étapes avec lesquelles les fonctionnaires ont à
composer. Il s'agit donc d'une expérience variée que j'ai
entièrement acquise au sein d'un seul organisme, soit la Commission de
la santé et de la sécurité du travail. Comme tous les
députés consciencieux, je suis persuadé que vous avez pris
le temps de parcourir ce document et, ce matin, je ne ferai que vous
rafraîchir la mémoire en ne mentionnant que les grandes
lignes.
Qualité, efficacité des services rendus aux citoyens. Sur
ce, je vais brosser un tableau d'ensemble et, après, on pourra
échanger ensemble. Chaque ministère ou organisme gouvernemental
devrait avoir un comité de rédaction - formulaires,
dépliants, lettres standards - formé majoritairement de
bénéficiaires de ce ministère ou de cet organisme.
Harmonisation des formulaires à remplir par les utilisateurs et,
ultérieurement, création d'un seul organisme collecteur. Ici, je
fais référence à la CSST, au ministère de
l'impôt et aux normes du travail. Envoi systématique à tous
les bénéficiaires d'un formulaire d'évaluation des
services reçus et retour de celui-ci au Protecteur du citoyen.
Instauration d'un prix d'excellence par ministère pour la qualité
des services rendus par un fonctionnaire et d'un grand prix provincial
délivré par le premier ministre. Formation de micro-groupes de
travail afin de déjouer l'aberration de la fragmentation des
tâches. Modification des heures d'ouverture des services gouvernementaux,
c'est-à-dire en soirée, afin de faciliter l'accès à
la clientèle qui travaille le jour.
L'imputabilité. L'obligation de la commission parlementaire
d'entendre les ministères soumis au Vérificateur
général et de répondre des constats de celui-ci.
L'imputabilité politique devrait demeurer inchangée. En regard de
l'imputabilité financière, on ne peut rendre responsable un
dirigeant qui n'a pas le pouvoir de dépenser. Autoriser les
députés à interroger les dirigeants d'organismes sur
l'organisation administrative de leurs services. Ici on parle en termes
d'imputabi-lité administrative.
Leadership du maître-d'oeuvre dans l'application de la loi.
Laisser au Conseil du trésor la gestion financière du
gouvernement, c'est-à-dire les négociations de la masse
salariale. Faire revenir le ministre délégué aux Relations
avec les citoyens, qui devrait s'occuper des grandes questions de la gestion
gouvernementale en matière de relations avec les citoyens.
Dotation des emplois et développement des ressources humaines.
Laisser à l'Office des ressources humaines le processus de recrutement.
Laisser à chaque ministère le processus de la promotion.
Abolition du système de promotion sans concours. Abolition du
système actuel des fiches de notation. Acrroissement de la
mobilité du personnel dans les ministères. Utilisation plus
fréquente - on va le voir cet après-midi - de l'École
nationale d'administration publique comme organisme voué au
perfectionnement du personnel.
Questions d'ordre général. Modification de la loi de la
fonction publique concernant le classement des fonctionnaires élus
députés. Modification de la loi de la fonction publique pour le
classement du personnel politique, qu'il soit ou non déjà
fonctionnaire. Autorisation de la libre syndicalisation de la fonction publique
en modifiant la loi qui oblige les syndiqués à payer leur
cotisation au Syndicat des fonctionnaires provinciaux.
Je suis persuadé, M. le Président, que ces quelques
considérations permettront à la commission parlementaire
d'envisager une réforme de façon à assurer aux citoyens du
Québec un service de plus grande qualité et empreint d'un plus
grand professionnalisme tout en permettant aux membres de la fonction publique
de retrouver dans leur travail quotidien toute la valorisation
nécessaire. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Saint-Hyacinthe, je me permettrai, dans un premier temps peut-être de
vous poser une question et là où vous m'avez
dérangé un peu et vous me fatiguez énormément,
c'est que, vous savez, il y a une vieille maxime en droit qui dit: Nemo judex
causa. On ne peut pas être à la fois juge et partie. Il y a une
partie de votre texte qui me fatigue. C'est celui-ci où vous dites: II
faudrait que le député puisse préserver un classement
équivalent à administrateur 4 à la fin de son mandat s'il
revient à la fonction publique. De même l'attaché politique
devrait recevoir automatiquement un classement de niveau professionnel. La
permanence de la fonction publique pourrait être octroyée
après trois ans ou plus dans un bureau de député, sauf
lorsque la personne quitte le service de façon volontaire.
Ce qui me fatigue c'est qu'on a déjà un article dans la
loi 51, on a l'article 30 qui nous dit qu'un "fonctionnaire a droit de
requérir de l'Office des ressources humaines qu'il procède
à une nouvelle vérification de ses aptitudes et qu'il le place
par priorité à un emploi qui correspond
à celles-ci..." Là où je me sens mal à
l'aise, est-ce que, de facto, de fait, vous considéreriez qu'on devrait
amender la loi 51 parce qu'un député, parce qu'un
ex-fonctionnaire s'est présenté à une élection
générale et qu'on doit lui accorder ce statut-là sans
vérification d'aptitudes, de même qu'un attaché politique,
dont vous dites qu'il devrait recevoir automatiquement un classement de niveau
professionnel? J'ai de sérieuses réserves et j'aimerais vous
entendre là-dessus.
M. Messier: Une chose, M. le Président, pour les
députés. Première chose, au niveau de la reconnaissance
des députés. D'ailleurs, on a passé une loi à
l'Assemblée nationale au niveau de la masse salariale. Tous les
députés sont classés administrateurs classe 4, au niveau
de la médiane.
Le Président (M. Lemieux): Ça ne signifie pas
nécessairement qu'ils ont la compétence pour être
administrateurs 4.
M. Messier: Entre vous et moi, M. le Président, pour
être élu ici à l'Assemblée nationale ça prend
un minimum de compétence, un minimum...
Le Préskient (M. Lemieux): Je ne suis pas certain, moi. Je
vous laisse continuer. Je vous laisse continuer.
M. Messier: Oui, oui, j'apprécierais, M. le
Président. Mais une chose est sûre, M. le Président, c'est
que l'ensemble des députés ont un minimum de connaissances
générales. Si on regarde l'historique des députés
qui sont présents à l'Assemblée nationale, ils ont un
minimum d'un bac universitaire et je vois très mal pourquoi on ne ferait
pas le lien entre la masse salariale et la future carrière,
dépendant, oui ou non, s'il y a élection ou
réélection du député, ou s'il se fait battre dans
son comté. J'ai déjà vu des cas passés. On
connaît des cas passés où il y a une certaine frustration
pour le fonctionnaire à ne pas être capable de
récupérer un emploi dans la fonction publique même s'il a
déjà été fonctionnaire, car il est sur la "black
list". On pourrait, d'après moi, éviter ce type de
problème.
Pour revenir aux attachés politiques, on peut revenir à la
situation d'antan. Ma secrétaire - je vais vous présenter Marc
Bouchard, mon attaché politique dans le comté - qui travaille ici
à Québec, une ancienne fonctionnaire, ça fait 15 ans
qu'elle travaille à l'Assemblée nationale, elle a encore son
statut. Donc, elle peut revenir dans la fonction publique. Pourquoi ne pas
revenir à la situation d'antan? Comme Marc qui travaille avec moi, je
mettrai au défi n'importe qui de dire qu'il n'est pas compétent.
Il travaille avec moi depuis déjà quatre ans et je pourrais
facilement le recommander dans un emploi de la fonction publique, compte tenu
des connaissances générales.
Il s'agit de travailler dans un comté, dans un bureau de
comté pour voir l'amplitude du travail qu'on a à faire et la
généralisation du travail qu'on a à faire. Je pense que ce
serait d'emblée un surplus dans la fonction publique de
reconnaître le travail des attachés politiques, de
reconnaître un petit peu la capacité de ces gens de travailler
avec une pluralité de fonctions.
Le Président (M. Lemieux): J'aimerais savoir, M. le
député: Est-ce que c'est en l'absence de toute
vérification d'aptitudes? Vous savez fort bien qu'il y a des examens
dans la fonction publique où on vérifie des habiletés
professionnelles, l'ouverture d'esprit, le leadership. On vérifie aussi
l'esprit de décision, le jugement. Êtes-vous en train de me dire
qu'en l'absence de toute vérification d'aptitudes, tel que l'exige
l'article 30, de facto, on se devrait de donner ce statut à un
ex-fonctionnaire qui devient député? Est-ce ça que vous
êtes en train de me dire?
M. Messier: J'irais quasiment jusque-là, oui, dans le sens
que les députés... Je vais prendre mon cas personnel. J'ai mon
bac en administration, je suis en train de terminer ma maîtrise en
administration publique. De facto, je pourrais quasiment être
nommé administrateur du jour au lendemain. J'ai juste à demander
un reclassement, il n'y a pas de problème là. Le seul
problème, au niveau du député, c'est advenant une
défaite. Je vous mets au défi, M. le député.
Faites-vous défaire dans votre comté et vous allez avoir certains
problèmes pour retourner dans la fonction publique, peu importe à
quel endroit. Je pense qu'on devrait garantir aux fonctionnaires qui sont
élus députés... reconnaître d'emblée ce fait.
Donc, il y a acquisition de connaissances. Il s'agit de travailler plus d'un an
comme député à l'Assemblée nationale pour voir un
petit peu l'ensemble des travaux qu'on a à faire, autant au niveau de la
commission parlementaire que d'autres travaux d'organisation dans le
comté, de travail avec l'ensemble des maires, l'ensemble des
intervenants socio-économiques pour s'apercevoir qu'on touche à
peu près à l'ensemble des dossiers de ta fonction publique et
qu'on a à travailler quotidiennement avec ces gens. Je verrais
très bien, moi, qu'on puisse reconnaître facilement ces gens, sans
passer des tests d'aptitudes. S'il faut passer des tests d'aptitudes, que ce
soit relativement minimal et que ça se fasse durant la carrière
du député à l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Lemieux): Vous savez, je me
réfère à la loi qui parle de traitement équitable
pour l'ensemble des citoyens et je me vois mal, moi, comme parlementaire, me
donner
une espèce de droit d'exception. C'est simplement la remarque que
j'ai. Alors, vous comprendrez que j'ai certaines réserves.
Un autre élément de votre rapport. Vous dites de laisser
au Conseil du trésor la gestion financière du gouvernement,
c'est-à-dire les négociations de masses salariales. J'aimerais
vous entendre sur la gestion du personnel. Pour tout ce qui touche à la
gestion du personnel, est-ce que vous laisseriez ça au Conseil du
trésor?
M. Messier: Je fais deux différences dans le rapport: la
gestion administrative et la gestion financière qui devrait être
laissée entièrement au Conseil du trésor, la
négociation des masses salariales et tout ça. Où j'ouvre
une porte, c'est qu'on a déjà eu un ministre responsable de tout
l'aspect de la clientèle. Le député de La Prairie, qui est
ici présent, a occupé cette fonction. Je fais une
différence fondamentale entre la gestion financière et la gestion
administrative. On a à travailler quotidiennement avec des
clientèles. Le grand fonctionnement dépend, effectivement, des
fonctionnaires. Il n'est pas vrai de dire qu'un fonctionnaire a droit de vie ou
de mort, et je pense qu'il faut faire bien attention quand on traite
quoditiennement avec des clientèles. Ces clientèles sont
là parce que, effectivement, elles ont des besoins et je pense qu'il y a
des différences qu'il faut faire. Donc, il y a la négociation des
masses salariales qui peut être faite par le Conseil du trésor; la
gestion administrative devrait revenir à un ministre axé 100 %
sur la clientèle. Ça, à date, ce n'est pas fait.
Le Président (M. Lemieux): J'apprécie ce
commentaire. Il reste deux minutes. M. le député de Limoilou,
deux minutes.
M. Després: Merci, M. le Président. Vous parlez de
la gestion financière et de la gestion administrative; j'aimerais
revenir au niveau de l'imputabilité. De façon pratique, parce que
vous parlez de trois types d'imputabilité, c'est-à-dire
politique, administrative et financière, je pense que les élus
doivent rendre compte, de toute façon, à tous les quatre ans et
c'est là que la population peut juger. Mais au niveau de
l'imputabilité des hauts fonctionnaires jusqu'aux fonctionnaires, de
façon pragmatique, comment voyez-vous ça quand vous parlez de
gestion financière?
M. Messier: Je ne vais pas au niveau des fonctionnaires, mais
strictement au niveau des dirigeants d'organisme.
M. Després: Seulement les dirigeants d'organisme, les
sous-ministres, les présidents d'organisme.
M. Messier: Le président de la CSST, les sous-ministres et
sous-ministres adjoints, je ne descends pas plus que ça.
M. Després: Vous ne descendez pas plus loin que ça.
O.K. J'aimerais que vous me disiez, pour l'avoir vécu vous-même,
étant donné que vous avez été 10 ans dans la
fonction publique, au niveau du perfectionnement et de la formation chez les
fonctionnaires, s'il y en a ou s'il n'y en a pas. Y en a-t-il suffisamment?
M. Messier: II n'y en a pas suffisamment. D'ailleurs, le
perfectionnement - là, je vais toujours parler d'un cas personnel - que
j'ai acquis pendant que j'étais député n'a jamais
été reconnu par les administrateurs de la CSST. Donc, à
mon niveau, ça n'a rien donné d'aller acquérir de
nouvelles connaissances. Ça n'a jamais été pris en
considération. Je pense qu'il y a un manque, là, au niveau de la
gestion, de reconnaître les habiletés ou les nouvelles
connaissances qu'un fonctionnaire peut acquérir.
M. Després: Pourquoi, dans votre mémoire,
faites-vous sauter ce qu'on appelle les promotions sans concours?
M. Messier: Je l'ai vécu personnellement.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que, pour vous, c'est
une forme de patronage administratif? (11 h 30)
M. Messier: Oui et non. Moi, c'est mon cas personnel. Je suis
allé chercher mon bac pendant que j'étais député;
j'ai tout fait mes cours par les soirs. Quand j'ai eu mon bac, la seule chose
que j'ai eue, c'est deux avancements accélérés
d'échelon - pour ceux qui ont déjà été
fonctionnaires - et c'est tout. Lorsque j'ai demandé un concours sans
promotion, mon boss avait peur de moi et il n'a jamais voulu pousser le dossier
auprès du dirigeant de l'organisme, de peur de perdre sa job. Il y a un
maudit gros problème et tant et aussi longtemps que le fonctionnaire va
dépendre... S'il n'y a pas un autre principe quelque part, je favorise
l'abolition. Si un fonctionnaire ne peut pas aller en appel de la
décision de son supérieur immédiat, il est fait, le
gars.
Le Président (M. Lemieux): Promotion sans concours.
M. Messier: Promotion sans concours. La fiche de notation, je la
fais sauter; c'est une aberration totale, la fiche de notation.
Le Président (M. Lemieux): Pourquoi dites-vous
ça?
M. Messier: La fiche de notation ne va que sur les six mois de
mémoire de son supérieur; on n'évalue pas le travail d'un
fonctionnaire. C'est pour ça que j'émets un nouveau principe
qu'on
devrait évaluer le travail d'un fonctionnaire, dans le sens que,
chaque fois... La plupart, c'est tous des services à la
clientèle. On devrait envoyer à la clientèle qui fait
affaire avec le gouvernement une fiche d'évaluation en demandant:
Êtes-vous satisfait, oui ou non, des services que vous avez reçus?
Retour au Protecteur du citoyen, qui pourrait en faire une évaluation,
à savoir: Oui, d'après moi, on a de bons fonctionnaires, mais il
y en a aussi qui, malheureusement, ont certains problèmes de
comportement. Ma grande peur... C'est qu'un fonctionnaire n'a pas droit de vie
ou de mort.
Le Président (M. Lemieux): Ça va. Je vous remercie,
M. le député de Saint-Hyacinthe. On a terminé. Alors, M.
le député de La Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux
féliciter, et on ne sera pas surpris que je le fasse, le
député de Saint-Hyacinthe. Je pense qu'il a raison de souligner
que c'a été une erreur d'abolir le Secrétariat aux
relations avec les citoyens. Il a raison.
Le Président (M. Lemieux): Mais vous comprenez qu'on ne
pouvait pas féliciter le député de Saint-Hyacinthe, on se
serait fait taxer de chauvinisme.
M. Lazure: Voilà, c'est ça, c'est un pas. Non
seulement le ministre qui était délégué à
cette tâche entre 1982 et 1985 par l'ancien gouvernement était un
bon ministre, il y avait aussi un secrétariat qui épaulait ce
ministre: ils s'épaulaient l'un l'autre. Sérieusement, je pense
que le député de Saint-Hyacinthe, au fond, rejoint plusieurs
groupements qui depuis hier nous disent: C'est abusif, c'est malsain de
concentrer toutes les responsabilités de la Loi sur la fonction publique
sur le seul Conseil du trésor. Je pense qu'il y a un consensus qui se
dessine très clairement et c'est heureux. Le député nous
fait des suggestions fort intéressantes sur la qualité des
services aux citoyens et sur la mise en place d'un comité de
rédaction formé majoritairement de bénéficiaires.
C'est une initiative qui avait été prise justement par le
Secrétariat aux relations avec les citoyens; je me rappelle très
bien avoir participé à des rencontres avec des
bénéficiaires d'aide sociale qu'on consultait pour tester des
formulaires qui allaient sortir et ça s'est fait avec des formulaires du
revenu aussi.
Alors, vous avez raison, M. le député de Saint-Hyacinthe,
quand vous dites... Une fois aboli par le nouveau gouvernement, le
Secrétariat aux relations avec les citoyens, en janvier 1986... Je vous
cite dans votre mémoire: "La responsabilité de ses dossiers -
ceux qui étaient au Secrétariat - est retournée dans les
ministères et organismes, où des comités internes de
surveillance et de contrôle de la qualité des services ont
été mis en place - et là vous continuez - En cinq ans de
vie parlementaire, à travers toutes les commissions à
l'intérieur desquelles j'ai oeuvré, je n'ai jamais entendu parler
de comités de surveillance de la qualité des services à la
population. Si cela existe, les responsables de ces comités sont fort
discrets." Alors, je dis: Amen, je concours à votre diagnostic. J'ai
l'impression que ces comités-là, peut-être que les gens
étaient de bonne foi lorsqu'en 1986 ils ont dit: Ne vous
inquiétez pas, chaque ministère et organisme va s'en occuper. Moi
aussi j'en doute beaucoup, j'ai plutôt l'impression que c'a
été mis sur une tablette et qu'on a passé à des
choses soi-disant plus importantes que ça. J'ai la conviction qu'il faut
prendre en très sérieuse considération les suggestions du
député de Saint-Hyacinthe, non seulement sur les suggestions
qu'il nous fait - et on pourrait parler des heures d'ouverture. Ce n'est pas
vrai que ça coûterait plus cher à la population d'avoir des
heures d'ouverture. Ce n'est pas vrai. Souvent, la fonction publique ou le
gouvernement va lancer cette remarque-là pour faire peur au monde. Ce
n'est pas vrai, parce que ça existe, des plages d'horaires mobiles.
Ça existe des employés qui vont préférer travailler
de 17 heures à 22 heures et qui vont préférer travailler
seulement quatre jours par semaine à des horaires plus longs et avoir un
troisième jour de congé. Enfin, il s'agit de mettre l'imagination
au pouvoir et cette imagination, axée sur la qualité des services
au citoyen, je vous soumets, M. le Président, que le Conseil du
trésor ne l'a pas et ne l'aura jamais, à toutes fins pratiques.
Il ne l'aura jamais, surtout aussi longtemps qu'il sera présidé
par la personne qui est là dans le moment. Là, je suis partisan
et j'en suis conscient.
Des voix:...
M. Lazure: C'est terrible. Je referme la parenthèse.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
La Prairie, il n'y a jamais eu de parenthèse.
M. Lazure: II n'y a pas eu de parenthèse. Mais je vous dis
que ces initiatives qui seraient de nature à améliorer la
qualité des services au citoyen, il faut qu'il y ait un ministre ou une
ministre, dans l'ensemble des 30 ministres, qui en fasse son obsession. Et il
faut qu'il y ait un organisme, un secrétariat qui soit l'outil pour
faire le contrepoids, la contrepartie avec l'obsession financière qu'a
le président du Conseil du trésor, et ça, à bon
droit. M. le Président, je voudrais demander au député, en
conclusion: Est-ce qu'il est disposé à plaider cette
cause-là à l'intérieur de son caucus? Est-ce qu'il
peut...
Le Président (M. Lemieux): M. le député
de...
M. Lazure: Oui.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Saint-Hyacinthe - parce que M. le député de Labelle voudrait
poser une question aussi - alors, êtes-vous disposé à
convaincre les membres de votre formation politique?
M. Messier: Je plaide toutes les causes justes et valables.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le
député de Labelle.
M. Léonard: Je voudrais relever un point qui n'a pas
été relevé, suite au témoignage. Disons que je vais
faire un commentaire, et vous pourrez épiloguer. Je ne suis pas
convaincu que le cas du député qui a des problèmes
à se recaser lorsqu'il revient à la fonction publique
mérite une clause particulière parce que, à mon sens,
ça devrait être examiné dans le cadre de la mobilité
des fonctionnaires dans l'ensemble de la fonction publique. Et je pense que
là on a peut-être une bonne discussion à avoir. Pour moi,
il me semble que ça rentre dans le cas général et
ça devrait entrer dans le cas général. Il y aura toujours
des gens qui auront des problèmes avec leur supérieur, qu'ils
soient des anciens députés ou qu'ils soient par ailleurs
fonctionnaires.
Mais le point sur lequel je voudrais poser des questions, c'est que,
quand vous dites que le personnel politique devrait être
intégré à la fonction publique après, disons, trois
ans de service, ça me pose un problème. Il y a déjà
eu des discussions, dans le temps, là-dessus. Mais la question est la
suivante: Est-ce qu'il y aura deux façons d'entrer dans la fonction
publique ou bien s'il va y en avoir une qui est celle du concours et celle de
la promotion générale? Je pense qu'avant d'ouvrir ces
brèches-là... On sait ce que nous avons connu dans le
passé, c'est que, par la voie des cabinets, finalement, il y avait plein
de gens qui accédaient à la fonction publique. Est-ce qu'on veut
rouvrir cela? Je comprends la contrepartie, cependant, c'est que le recrutement
du personnel de cabinet est plus difficile lorsqu'il n'y a pas de permanence au
bout. Mais l'autre, c'est la double voie d'entrée à la fonction
publique, et avant de rouvrir ça... C'est ça, la question
fondamentale: Est-ce qu'on ouvre une deuxième façon d'entrer dans
la fonction publique? J'aimerais vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Messier: Oui, merci, M. le Président. Il y a deux
choses. Vous parlez des tests d'aptitudes. Je pense que c'est évident
que dans la
Loi sur la fonction publique on reconnaît habituellement les gens
par concours de recrutement, avec des critères bien spécifiques.
La première chose, c'est la scolarité, après ça, au
niveau des aptitudes ou l'expérience acquise. S'ils n'ont pas la
scolarité, c'est l'expérience acquise au niveau des
années. C'est évident qu'il peut y avoir un minimum de tests
d'aptitudes, dans le sens que les attachés politiques qui travaillent
sort dans les cabinets de ministres ou dans les cabinets de
députés acquièrent une compétence relativement
large. Je ne dis pas qu'il sont pointus dans un secteur bien précis,
mais il y a une compétence relativement large. Et là, vous me
posez un problème à savoir s'il devrait y avoir une double
généralité d'entrée dans la fonction publique. La
seule chose que je dis, moi, par rapport à ça, c'est qu'il y a
une perte de compétences immense. Les attachés politiques qui
travaillent dans les cabinets soit de ministres ou de députés
acquièrent une compétence qui ne se retrouve pas dans la fonction
publique actuelle, et on les perd. Moi, je suis à peu près
sûr qu'il y a des attachés politiques qui ne vont pas travailler
dans des cabinets, compte tenu qu'après une certaine période de
temps ils sont plus ou moins capables de revenir soit dans le secteur
privé ou ailleurs, il y a une perte de compétences, il y a une
perte de matière grise qu'on pourrait récupérer
facilement. Et je ne suis pas sûr, moi, que le travail d'un
attaché politique est si politique que ça. Je pense qu'on se
comprend entre députés. Il y a du travail qui se fait, mais ce
n'est pas strictement du travail politique. Quand on travaille avec une
clientèle... Je vois le député de Pointe-aux-Trembles. On
va parler du comté de Saint-Hyacinthe. Moi, je reçois toutes les
clientèles. Je ne sélectionne pas les libéraux des
péquistes. Je réponds à tout le monde. Tout le monde a un
travail équitable. Tout le monde y a réponse de la même
façon, de la meilleure façon pour avoir accès à son
dossier, pour avoir le meilleur service possible de la grande gestion
administrative. Donc, il n'y a pas tellement de travail politique à un
certain niveau de la gestion des dossiers.
Le Président (M. Lemieux): Allez-y, M. Léonard.
M. Léonard: S'il est bon pour accéder à la
fonction publique...
M. Messier: Oui.
M. Léonard: ...il est aussi très bon pour occuper
n'importe quel autre emploi dans le privé finalement.
M. Messier: Oui, oui. Mais regardez...
M. Léonard: II a acquis une compétence par
lui-même. Mais je ne mets pas en cause leur
compétence. Ce n'est vraiment pas des procès personnels
d'intention ou quoi que ce soit.
M. Messier: Oui, mais il joue sa carrière. Le fait qu'il
s'en va dans un cabinet d'un ministre ou d'un député, il joue sa
carrière. Il joue sa carrière. Le député se fait
défaire, il est fait à l'os, le gars. Sauf que...
M. Léonard: Bien là...
M. Messier:... sauf qu'il y a possibilité pour lui... Il
va avoir les mêmes compétences. Mais regardez la
possibilité de recrutement dans la fonction publique actuelle. Le gars
est pointé du doigt. Dans vos cabinets comme dans les cabinets de
députés libéraux, il est pointé du doigt II est
fait, le gars. Il y a possibilité de récupérer ces
gens-là qui ont... qui acquièrent une grande compétence,
peu importe d'où ils viennent.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
La Prairie, après je vais revenir à vous.
M. Lazure: Je voudrais, étant donné que nous sommes
dans une atmosphère non partisane-Une voix: Oui.
M. Lazure:... je voudrais là aussi concourir avec le
député de Saint-Hyacinthe. Je pense que le fait d'introduire une
fois par quatre ans, 125 - parce qu'on parle d'attachés politiques de
comté surtout, ou même si c'était deux fois, trois fois 125
- personnes dans la fonction publique, qui en compte déjà 50 000,
60 000, ça n'est pas vraiment une brèche importante et ça
aurait le mérite d'introduire une sorte de fonctionnaires - les gens qui
viennent des bureaux de comté - qui sont particulièrement
axés sur le service aux citoyens. Et ça c'est une sorte de
fonctionnaires qui est peut-être un peu trop rare dans plusieurs
ministères actuellement.
Le Président (M. Lemieux): Je vois que M. le
député de Labelle et de La Prairie ne s'entendent pas et
probablement le député de Vanier aussi. Alors, M. le
député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Farrah: M. le Président, je souscris un peu avec le
député de Labelle. Je pense que si les gens des bureaux de
comté sont compétents - et ils le sont, je pense bien - pourquoi
avoir peur de passer un concours, de passer des examens? Moi, je ne doute
aucunement de la compétence de ces gens-là. Us pourront quand
même rentrer par la même porte que tout le monde, d'une part.
Deuxièmement je pense qu'il faut faire attention d'entrouvrir une
porte trop partisane. Il ne faut pas se le cacher là. Le travail politi-
que c'est du travail partisan également. Le député de
Saint-Louis, tout à l'heure, disait, nous chuchotait, c'est
peut-être un élément d'embauche. Il ne faut pas se le
cacher, c'est vrai. C'est un élément d'embauche, le travail
politique. il ne faut pas non plus rouvrir la porte et retourner aux
années cinquante et aux années quarante au niveau de la fonction
publique. Il faut aussi analyser l'impact que ça pourrait avoir sur
l'ensemble de la fonction publique d'ouvrir une telle mesure comme ça
lorsqu'on parle de relations du travail, lorsqu'on parle de climat dans la
fonction publique. Il ne faudrait pas faire en sorte de faire une entrave qui
aurait des conséquences néfastes sur l'ensemble de la fonction
publique et, par conséquent, peut-être au niveau du travail aux
citoyens.
Je pense qu'il faut être prudent en ouvrant cette porte-là
pour venir à une fonction publique qui soit trop partisane. Certains
intervenants, hier, l'ont mentionné et, à mon point de vue, c'est
très personnel, j'ai des fortes réserves là-dessus, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le
député des Îles-de-la-Madeleine. M. le député
de La Prairie me soulignait - ça existe en France - mais il suffit de
lire La comédie du pouvoir de Françoise Giroud pour
comprendre que la France n'est peut-être pas un exemple.
M. Lazure: C'est le député de Mille-Îles qui
voulait des exemples, d'ailleurs, tantôt sur le sujet...
Le Président (M. Lemieux): Nous allons suspendre. Je tiens
à vous remercier, M. le député de Saint-Hyacinthe. Je veux
que vous sachiez, M. le député de Saint-Hyacinthe, que votre
mémoire a été effectivement lu et analysé de la
part des membres de cette commission et apprécié. On a
apprécié qu'un parlementaire vienne ici devant nous, et à
la fois un exfonctionnaire.
Nous demandons maintenant à deux directeurs de personnel de bien
vouloir prendre place, M. Riendeau et M. Dumais. Nous allons suspendre une
minute.
(Suspension de la séance à 11 h 40)
(Reprise 11 h 46)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre! La.
commission du budget et de l'administration reprend ses travaux. Après
la discussion... Ça va? La commission du budget et de l'administration
reprend ses travaux pour entendre M. François Dumais et M. Jean-Denis
Riendeau. À ma connaissance, il s'agit là de deux directeurs de
personnel d'administration publique, de deux personnes qui connaissent bien ce
que je pourrais
appeler, entre guillemets, la plomberie. L'une de mes premières
questions... Ah! Pardon. Votre mémoire, le résumé de votre
mémoire. J'ai tellement hâte de vous interroger que j'oubliais que
vous aviez... C'est parce que j'ai lu votre mémoire. Alors, allez-y, M.
Riendeau et M. Dumais.
MM. François Dumais et Jean-Denis
Riendeau
M. Riendeau (Jean-Denis): Si vous le permettez, M. le
Président, Mmes et MM. de la commission, j'aimerais prendre quelques
minutes pour présenter le mémoire et vous dire, au tout
départ, que ce mémoire-là a été
présenté, comme vous avez dit tantôt, par deux
professionnels à la gestion des ressources humaines qui ont une
quinzaine d'années d'expérience dans la fonction publique.
Le mémoire contient des observations et des commentaires qui
n'engagent que ces deux personnes-là, évidemment; vous aurez, je
pense, compris ça.
Le Président (M. Lemieux): Pour le Journal des
débats, voulez-vous vous identifier, pour l'enregistrement?
M. Riendeau: Jean-Denis Riendeau, directeur des ressources
humaines à l'Office du crédit agricole.
Le Président (M. Lemieux): Et monsieur? Une voix:
François Dumais.
Le Président (M. Lemieux): François Dumais.
Ça va.
M. Riendeau: Le mémoire ne contient pas de statistiques ou
de théories élaborées pour illustrer les messages qu'il
contient. Il contient des observations qui sont basées sur
l'expérience vécue, accompagnées de quelques exemples.
Notre mémoire contient trois messages. Le premier, c'est que,
à notre point de vue, il existe un paradoxe dans la loi. Je m'explique.
L'article 3 de la loi, qui décrit un mode d'organisation pour appuyer la
mission de la fonction publique qui est de fournir au public des services de
qualité, est appuyé par cinq valeurs. Pour celles et ceux qui
sont familiers avec le contenu de cet article-là, il y a deux valeurs
qui font référence à l'efficience de la fonction publique,
c'est-à-dire deux valeurs de gestion; l'une qui fait
référence à l'efficience dans la fonction publique et,
l'autre, qui fait référence à la décentralisation
des pouvoirs. Il y a également trois valeurs politiques:
l'égalité d'accès, l'égalité des chances en
emploi et la transparence. À notre avis, les valeurs de gestion et les
valeurs politiques sont, a priori, incompatibles.
Le deuxième message que contient le document, c'est qu'il n'y a
pas eu d'atterrissage de la loi...
Le Président (M. Lemieux): Voulez-vous
répéter, s'il vous plaît?
M. Riendeau: Le deuxième message... Le Président
(M. Lemieux): Oui.
M. Riendeau: Le premier, c'était que, à notre avis,
il y a un paradoxe dans la loi. Je vais rapprocher le micro. Il est
vissé là.
Des voix: Ha, ha, hal
M. Riendeau: Le premier message, c'est qu'il existe un paradoxe
dans la loi, je l'ai expliqué. Le deuxième message: On dit que,
à notre avis, il n'y a pas eu d'atterrissage de la loi dans le sens que
les mouvements qu'elle suggérait n'ont pas été
réalisés. Je fais ici référence à la
déréglementation, à la décentralisation des
pouvoirs. On ne pense pas qu'il y ait eu de délégation
significative des décisions à la base. Il n'y a pas eu de style
de gestion efficace de proposé ou de valorisé. Le vocabulaire
concernant la gestion décroissante semble avoir disparu.
Le troisième message, on ne retrouve pas de fil conducteur, je
m'explique. On n'a pas perçu de toile de fond ou le leadership
nécessaire pour une mise en oeuvre satisfaisante de la loi. Je fais ici
référence à la cohérence dans les décisions
et les actions, à la gestion à la pièce ou par crise. On
ne retrouve pas d'indicateur pour nous confirmer ou nous informer que l'on se
préoccupe constamment des valeurs véhiculées par la loi.
Je fais référence ici évidemment à l'efficience, le
pouvoir vers la base, un mécanisme de reddition de comptes, etc. La
résultante pour nous de ces trois messages-là c'est qu'il nous
apparaît que la fonction publique n'est pas aussi efficace que nous
serions en droit de nous y attendre. Elle est grasse et dispendieuse et le
coût de nos services est relativement élevé. Alors, je
laisse la parole à mon confrère pour terminer la
présentation.
Le Président (M. Lemieux): M. Dumais. Alors, vous vous
approchez du micro pour qu'on entende bien vos commentaires, s'il vous
plaît.
M. Dumais (François): Oui, en fait c'est un certain nombre
de commentaires que je vais tenter de livrer. D'abord, je pense que c'est
important de préciser qu'il n'est pas de notre intention de faire le
procès d'un intervenant quelconque en matière de gestion de
personnel, mais plutôt faire part d'un certain nombre de constats
vécus à l'intérieur de la fonction publique à la
fois comme gestionnaire et à la fois comme directeur de personnel aussi.
Je crois
personnellement que cette commission devrait permettre à tous les
intervenants de faire un examen de conscience quant à leur rôle
à l'intérieur du processus gestion de personnel. Quand Je parle
des intervenants, je parle aussi bien du législateur, des dirigeants
d'organismes, des sous-ministres, des cadres, en fait de tous ceux qui sont
impliqués de près ou de loin à l'intérieur du
processus de gestion de ressources humaines.
Il serait faux de prétendre que, si tout va mal dans la fonction
publique, c'est la faute du Con8el du trésor ou encore des organismes
centraux. Je pense que chacun des Intervenants a une responsabilité
importante dans ce processus-là et dans l'évolution aussi du
processus. Il m'apparaît clair que notre fonction publique doit
rapidement s'ajuster en fonction des nouvelles réalités
économiques, sociales et culturelles et pour cela nous allons devoir
faire des choix tant comme société que comme fonction publique
aussi. Pour faire de la décroissance, entre autres,
l'élément moteur de la gestion, une gestion plus dynamique, plus
imaginative et vendre le goût du risque à nos gestionnaires... Il
ne faut pas se le cacher, lorsqu'on parle de gestion de la décroissance,
ça fait appel à des notions qui sont assez différentes de
celles qu'on a véhiculées dans le passé, à savoir
que ça demande plus d'imagination. Il faut trouver des solutions
nouvelles, des avenues différentes, qu'on n'a pas explorées dans
le passé. Et, là-dessus, je pense qu'on a passablement de travail
à faire. Accroître aussi la part des budgets qui sont consentis
à la formation du personnel. Il ne faut pas se le cacher, au moment
où on a mis en application la nouvelle loi, et c'était
pratiquement au même moment où on a vécu la
décroissance dans la fonction publique, on n'a pas nécessairement
fait une préparation au niveau de nos gestionnaires, on n'a pas
tellement investi dans nos ressources et on leur a demandé tout d'un
coup de mettre la machine sur le reculons et de conduire à reculons 60
milles à l'heure. Ça ne demande pas tout à fait les
mêmes habiletés que celles qu'on avait exigées de ces
gestionnaires dans le passé, où vraiment le contenu et la
technique étaient les éléments déterminants dans le
choix de nos gestionnaires.
Quand on dit avoir une part plus importante au niveau du budget, c'est
surtout pour investir dans la formation de la gérance. Je pense que
c'est par là que ça devrait commencer. Faire des valeurs
véhiculées par la loi les postulats de base de nos programmes de
formation. On lance une loi, on parie de valeurs intéressantes ou
d'objectifs qui sont très louables. On nous en parle une fois et il n'y
a pas beaucoup de monde après qui revient constamment sur ces
éléments de base parce que c'est ceux-là qui devraient
nous donner des orientations tout au long que va durer cette loi-là. Il
y avait cinq objectifs; bien, on devrait planter cinq clous et frapper dessus
à tous les jours. Ça devrait faire partie de notre culture. On
dit dans notre mémoire qu'il ne faudrait pas rêver et penser qu'il
devrait y avoir une culture fonction publique, mais davantage des cultures
propres à certaines organisations, mais, à ce niveau-là,
je pense que tout le monde peut se retrouver un petit peu et que tout le monde
peut se rejoindre, à condition, bien entendu, que nos programmes de
formation soient axés en fonction de ces objectrfs-là.
Il y a aussi toute la question de valorisation de notre fonction
publique. Je pense qu'à ce niveau-là on a trop souvent tendance
à comparer la fonction publique à l'entreprise privée.
C'est bien de valeur, ce n'est pas la même chose et on n'a pas non plus
à jouer avec les mêmes éléments. Les vocations sont
différentes et les contraintes ne sont pas les mêmes parce qu'une
fonction publique, je le pense en tout cas, a une vocation sociale importante
et, à ce niveau-là, c'est très difficile de faire des
comparaisons entre les performances du privé et les performances du
public. C'est évident que nous aussi, on poursuit des buts qui peuvent
être communs au niveau de l'excellence et au niveau des services au
citoyen ou à la clientèle.
Au niveau de nos modes d'évaluation, je pense que, si on
était capable, au moins, si chaque dirigeant d'organisme était
capable de ne donner qu'une seule attente à ses gestionnaires, soit de
bien gérer ses ressources humaines, si au moins celle-là
apparaissait la plupart du temps, mais, plus souvent qu'autrement, elle
n'apparaît pas de façon claire et précise à
l'intérieur des attentes qui sont signifiées à nos
gestionnaires... Pour la question des redditions de comptes, c'est la
même chose aussi. Si on fixe des objectifs face à l'atteinte ou
à la non-atteinte de ces objectifs, il devrait y avoir une
différence dans le traitement de ces cadres-là ou de notre
personnel. Bien souvent, la révision de traitement se fait à tour
de rôle. Cette année, c'est à ton tour d'avoir un B,
l'année prochaine, ça va être au tour d'un autre et ce
n'est pas des éléments qui favorisent pleinement la motivation.
Le gestionnaire qui a été dynamique, qui a amené des
solutions nouvelles et qui a voulu vivre la décroissance risque de
manger une taloche à la fin de l'année ou, si ses
confrères n'embarquent pas et qu'ils le regardent aller parce que
là tout le monde n'est pas convaincu que c'est un exercice qu'on doit
faire, ça amène de sérieux problèmes à la
longue aussi.
On devrait s'attaquer à la gestion des hommes dans l'avenir
plutôt qu'à la gestion de la technique. La plupart des gens
fonctionnent toujours en relation avec les organismes qui vont venir les
inspecter ou enquêter chez eux. On a toujours cette espèce de
syndrome qui existe à l'intérieur de plusieurs directions;
plutôt que de travailler à la fois pour le citoyen, à la
fois pour donner un meilleur service, on travaille à bien
compléter ses formules, à remplir toutes
celles que ça prend et à les cheminer dans les
délais prescrits plutôt que de "focusser" davanta-ger sur la
ressource.
Au niveau de la gérance, c'est la même chose. Je pense que
ça va être important de tirer une ligne, une fois pour toutes,,
entre ce qui doit être négocié et ce qui ne doit pas
l'être, parce qu'il ne faut pas se le cacher, depuis quelques
années, il y a une augmentation du volume de nos conventions collectives
et ça réduit - pour ne pas dire alourdit -
considérablement la gestion quotidienne de certaines activités de
notre personnel en particulier. Revoir aussi les notions
d'accessibilité; est-ce que l'accessibilité dans la fonction
publique, c'est quelque chose? Est-ce qu'on veut vivre avec de la transparence
ou avec des apparences? Je pense qu'il y a une question qui est fondamentale
à ce niveau-là. Est-ce qu'on doit tenir des concours à
volume, qui attirent parfois des quantités astronomiques de candidats,
pour combler deux ou trois postes? Il y a un coût social derrière
ça et ce n'est pas de l'efficacité. Je pense que,
là-dessus, il va falloir vraiment se poser un certain nombre de
questions. (12 heures)
II y a aussi toute la question de la mise en disponibilité de
notre personnel dans la fonction publique. Comment peut-on comprendre que, dans
une machine ayant 50 000 ou 60 000 personnes, on puisse gérer des
banques de disponibilité de parfois 15 ou 20 et qu'on ne soit pas
capable de trouver des solutions permanentes ou des solutions d'affectation
à ce personnel-là? Je dis souvent que, s'il y avait une
volonté quelque part, avant de déjeuner le matin, c'est un
exercice qu'on peut faire, même avant de prendre son café dans une
grosse organisation comme celle-là. Mais je pense que les
différents intervenants ne veulent pas s'impliquer à
l'intérieur du processus et ça ce n'est pas juste les organismes
centraux. Je pense que, là-dessus, les gestionnaires, les directeurs de
personnel, les sous-ministres ont un travail important à faire. Quand on
sait que nos directions de personnel, en 1990, avec l'emphase et l'ampleur qu'a
pris le volet gestion des ressources humaines ces dernières
années... C'est que la plupart des directions de gestion des ressources
humaines sont encore sous l'emprise d'un directeur général
d'administration ou d'un sous-ministre adjoint à l'administration.
Moi, dans ma tête à moi, à l'heure où on doit
mettre autant d'efforts, autant d'emphase et autant d'importance à cette
ressource-là, il faut que le premier intervenant soit branché
directement. Il faut qu'il arrête de faire passer ses messages par
quelqu'un d'autre parce qu'on a toute raison de croire que ça ne se rend
pas si on en juge par la situation actuelle.
Le Président (M. Lemieux):... plusieurs points, M. Dumais.
On trouve ça très intéressant parce qu'on aimerait bien
aussi vous poser des questions. Allez-y, mais on va extensionner un petit peu
le délai, on va décaler un peu. Si vous le permettez,
là.
M. Dumais: O. K. C'est évident aussi que, quand on parle
du trop-plein de procédures, de règles, de règlements,
etc., il faut bien comprendre aussi qu'il y a bon nombre de gestionnaires, soit
en gestion de personnel ou autre, qui, s'ils n'appellent pas trois fois, quatre
fois, cinq fois par semaine au Conseil du trésor, ne sont pas bien. Je
pense qu'il y a des malaises aussi, ailleurs que dans certains organismes. Et
bien souvent on va demander l'assistance. Ce n'est pas clair, la directive. Ce
n'est pas clair, l'énoncé qu'on vient de fournir, et on voudrait
des précisions et on voudrait que ça aille plus loin. Et
ça finit qu'on a une procédure additionnelle.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez
terminé?
M. Dumais: Juste... Vous savez que, si l'objectif qu'on poursuit
c'est d'arriver à donner un meilleur service à la population, il
faut comprendre que ce service à la population doit d'abord et avant
tout passer par une gestion saine de nos ressources. À partir du moment
où on va être capable de faire une utilisation rationnelle
contrôlée de nos ressources, il n'y a pas d'erreur, le service
à la population va être sûrement augmenté pour
autant. Toutes les organisations qui performent aujourd'hui et qui vivent
l'excellence et qui donnent un service plus à leur population, c'est
d'abord et avant tout de passer par la gestion de leur personnel. Et ça
je pense que c'est un élément qui est fondamental et
déterminant aussi dans le succès de notre fonction publique des
années quatre-vingt-dix ou des années 2000.
Le Président (M. Lemieux): Alors, je dois vous dire, M.
Dumais, qu'on apprécie grandement vos commentaires. Je vais laisser la
parole au député de Limoilou pour cinq minutes. Alors, on va
extensionner un peu notre temps et je vais prendre la parole cinq minutes, pour
passer la parole à l'Opposition. M. le député de
Limoilou.
M. Després: M. Dumais, M. Riendeau, je voudrais vous
féliciter de venir participer à cette commission parlementaire.
Comme le mentionnait le président de la commission, j'aimerais moi aussi
souligner, M. le Président, qu'il est décevant de voir que,
lorsqu'on a la présence ici ce matin de directeurs du personnel, on
accorde peut-être seulement 30 minutes, M. le Président, alors
qu'on a vu des intérêts de corporations qui sont venues
défendre des intérêts corporatifs et un point... Alors
qu'on a la chance d'interroger et d'entendre le point de vue de directeurs
du personnel...
Je tenais à vous féliciter de votre présence Ici ce
matin. Je vais aller assez vite peut-être parce qu'on ne pourra
sûrement pas aborder tous les points. Tout d'abord, à la page 8,
vous dites: il - et quand c'est "II" vous parlez du Conseil du trésor -
maintient en vie un système de classification des emplois
hypertrophié et dépassé. " C'est quoi que vous proposez
comme système de classification? Comment vous voyez ça? Pourquoi
vous dites ça? Vous pensez à quoi? C'est quoi qu'on devrait
faire?
Une voix: J'aime autant dire ce qu'on pense...
Le Président (M. Lemieux): Non, mais je pense que vous
avez suffisamment une connaissance des ressources humaines et de l'expertise de
la fonction publique pour... On n'aimerait pas qu'il y ait des demi-mesures,
dites-nous réellement ce que vous pensez. C'est ça qu'on veut
entendre.
M. Riendeau: En réalité, c'est que je ne suis pas
sûr que, la façon dont c'est écrit là, c'est
évident, ce qu'on pensait. Je vais expliciter. C'est le
phénomène des corps d'emploi du niveau professionnel, qui
regroupe quand même une partie significative des employés de la
fonction publique et qui est dans deux ou trois strates au niveau salarial, et
il y a eu une espèce de décloisonnement de ces corps d'emploi
(à. Il y a eu une tendance assez forte des professionnels à
s'orienter vers les classifications, les corps d'emploi les mieux
payés.
On parle ici entre 42 000 $ et 50 000 $. Excusez. Les corps d'emploi de
base, comme attachés d'administration, biologistes, etc., essaient de se
récupérer au niveau agents de recherche ou autres, qui sont des
corps d'emploi plus hauts, et c'est un peu dans ce sens-là qu'on se
disait qu'avec le décloisonnement la classification actuelle
n'était peut-être plus de mise.
M. Després: Donc, vous pariez de réduire le nombre
de classes. Vous ne pariez pas nécessairement d'abolir des postes ou des
catégories d'emplois.
M. Riendeau: Eh bien, c'est-à-dire que si je reste
toujours au niveau de la classification des professionnels, si on regarde la
définition d'un agent de recherche, en fait, tous les professionnels
font de la recherche. À la limite, c'est assez difficile de faire des
retranchements.
M. Després: Une autre question assez directe. Quand vous
parlez de l'Office des ressources humaines, vous laissez entrevoir des choses
de façon très directe. Est-ce que vous recommandez l'abolition de
l'Office des ressources humaines? On fait quoi avec l'Office des ressources
humaines?
M. Dumais: Je vais vous répondre là-dessus. Moi, je
crois que, parmi les organismes centraux qu'on connaît, l'Office des
ressources humaines, dans ma tête à moi, a livré la
marchandise dans le sens que la formation qu'elle avait à donner aux
ministères et organismes, il l'a donnée. Je pense qu'avec les
efforts qui ont été investis de la part de cette organisation,
ces quatre ou cinq dernières années, H n'y a pas un
ministère, actuellement, qui n'est pas équipé pour
être capable de faire adéquatement a la fois sa promotion et son
recrutement. Chaque ministère peut maîtriser, je pense, l'ensemble
des volets personnel. Quand on parle d'abolition, c'est évident qu'il y
a encore un certain nombre de dossiers qui sont centralisés dans cette
organisation. Je pense que tout le système relié à la paie
pourrait très bien se retrouver ailleurs, toute la question du
regroupement des achats pourrait se retrouver ailleurs. Je pense qu'à ce
niveau le travail est fait. Que voulez-vous? l'Office a livré le produit
qu'il avait à livrer à ce niveau.
M. Després: À partir du moment où il a
livré le produit, on fait quoi avec l'Office comme tel?
M. Dumais: O. K.
M. Després: On répartit les pouvoirs à
d'autres?
M. Dumais: Là, je pense qu'il y aura sûrement...
Déjà, une bonne partie de ces pouvoirs sont
délégués à l'intérieur des directions de
personnel. Là, je pense que ce sera au tour des directions de personnel
d'en déléguer une forte majorité à
l'intérieur de chacune des unités administratives si on veut
vraiment ramener la gestion au niveau où ça se passe.
M. Després: Maintenant, parions directement de la
formation et du perfectionnement. Vous pariez de deux directions du personnel,
dans deux organismes différents. Quant à la formation,
êtes-vous capables de me donner le nombre d'heures de formation ou de
perfectionnement, par employé, que peuvent suivre les gens dans
l'organisme où vous êtes? Y en a-t-il ou n'y en a-t-il pas?
M. Dumais: Comme le disait tout à l'heure Jean-Denis, on
n'a pas tellement...
M. Després: S'il y en a, elle s'adresse à qui? Aux
fonctionnaires?
M. Dumais:... de statistiques là-dessus. C'est
évident qu'il y en a un peu et un peu, je ne-peux pas vous quantifier
ça. Il y en a un peu, mais ce n'est quand même pas la facette la
plus-
importante, tandis que, moi, je crois, actuellement, qu'on est rendus
là. Les directions de personnel ont vécu des heures de gloire
avec la dotation, avec les relations du travail. C'est fini ce temps-là
parce que, dans le fond, on recrute moins et on fait moins de promotion.
Là, on est avec une ressource qui a veilli à l'intérieur.
Qu'est-ce qu'on fait avec? Je pense que la relève va venir des sections
développement et formation et c'est par là que ça va
passer. Hier, il y avait un conférencier, responsable de la formation
chez Prévost Car, et, pour 800 employés, elle a investi 1 000 000
$. Il faut dire aussi que ça représente, pour son personnel
d'encadrement, l'équivalent de trois semaines par année. Je pense
que c'est peut-être un mal qui est nécessaire, temporairement,
pour arriver, justement, à recycler et à relancer une bonne
partie de notre fonction publique ou du moins de son personnel
d'encadrement.
M. Després: J'aimerais que vous me disiez si Formacadres
joue son rôle comme tel? Est-ce que ça atteint ses objectifs?
M. Riendeau: Formacadres, c'est un programme qui sert pour la
relève de gestion. C'est un programme qui vise à préparer
des professionnels à assumer des tâches de gestion et non pas
à les former sur le tas, comme on le volt dans la plupart des
situations. C'est un programme qui, à mon avis, a absolument sa raison
d'être, mais, à mon point de vue, ce n'est pas l'unique instrument
pour arriver aux mêmes fins, c'est-à-dire préparer la
relève. Par exemple, les organisations suffisamment
conscientisées à la relève des cadres peuvent se faire des
programmes maison de relève de cadres. Je ne sais pas si ça
répond à votre question.
M. Després: O.K. Juste une dernière petite
question.
M. Farrah: Pour votre information, trois jours et trois quarts de
perfectionnement par année par employé de la fonction publique,
en moyenne.
Le Président (M. Lemieux): Alors, on vous remercie,
monsieur.
Une voix: C'est un consultant.
Le Président (M. Lemieux): Ah! C'est notre consultant.
Ça va, on vous remercie, M. le député des
Îles-de-la-Madeleine. Est-ce que vous avez terminé, monsieur? Moi,
j'aurais tout simplement une observation, soit de souligner votre courage de
venir vous exprimer ici. Mais je me demande, et je ne sais pas si vous le
savez: Comment expliquez-vous que le CCGP n'a pas cru opportun de
présenter un mémoire, lui qui représente l'ensemble des
directeurs? Le Comité consultatif de la gestion du personnel, c'est bien
ça, lui qui représente l'ensemble des directeurs de la gestion du
personnel. Ça vous fait sourire, M. Dumais. Moi, je connais bien ce que
veut dire votre sourire. Vous n'avez pas de réponse?
M. Riendeau: On est venus ici pour présenter notre
mémoire. Les autres on ne sait pas où ils en sont, ce n'est pas
mon problème.
Le Président (M. Lemieux): O.K. ça va.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lemieux): J'ai compris. J'aurais
peut-être une question à poser et ça va dans le sens de la
déclaration que j'ai faite. Vous dites: Au point de départ, le
Conseil du trésor a émis quelques directives qui laissaient une
grande marge de manoeuvre en soi aux gestionnaires, mais ceux-ci ont
paniqué, ont demandé d'être aiguillés plus
clairement. Ce que j'ai aimé tout à l'heure, c'est que vous nous
avez dit: On aurait peut-être dû faire des changements de
mentalité et former le monde". Si je comprends bien, c'est qu'en soi
vous considérez qu'on a une bonne Loi sur la fonction publique. C'est un
changement de mentalité, d'attitudes et de comportements qu'il doit y
avoir.
M. Dumais: En bonne partie, je dirais oui.
Le Président (M. Lemieux): Mon autre question est: Est-ce
que le problème provient du fait que le législateur a inscrit le
principe d'imputabilité dans la loi sans le définir
concrètement et sans prévoir des mécanismes propres
à assurer son intégration dans le processus de gestion des
ressources humaines? Je vais ajouter ceci que j'avais noté à ma
question: La nature humaine étant ce qu'elle est, les intervenants en
gestion des ressources humaines ont pratiquement Ignoré l'objectif
fondamental de la loi - c'est ce que l'ensemble des mémoires semble nous
dire - pourtant, il ne faut pas se le cacher, c'est ce principe-là qui
est à la base de tous les autres. Est-ce qu'en définissant
concrètement ce que signifie cet objectif d'imputabilité dans la
loi on aurait plus de chances d'en arriver à une gestion plus efficiente
et plus efficace?
M. Riendeau: Si vous me le permettez, je dirai que ce serait
peut-être un avantage, mais ce ne serait pas une garantie de
succès.
Le Président (M. Lemieux): Ce ne serait pas une garantie
de succès?
M. Riendeau: Non. C'est d'abord une question de courage et de
ténacité, je pense. Avant l'exercice de sémantique,
c'était... En 1984,
j'ai été témoin et participant à des
exercices, à des vocabulaires très Intéressants. Les
valeurs, je pense que tout le monde les connaît. Maintenant, il s'agit de
vouloir les appliquer.
Le Président (M. Lemieux): O. K. Le Conseil du
trésor versus sa responsabilité financière et celle des
ressources humaines, qu'en pensez-vous? Est-ce que ça devrait être
dissocié, M. Durnais?
Mi Dumais: C'est une très bonne question.
Le Président (M. Lemieux): Oui, c'est pour ça que
je vous la pose, à vous.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dumais: Personnellement, je crois que ces deux
éléments-là ne devraient pas cohabiter ensemble,
étant donné l'Importance qu'on devrait attacher à la
ressource et, spécialement, à la ressource humaine et au devenir
de notre fonction publique, parce que tout va passer par là. Je pense
qu'il ne faut pas que ça devienne une question de sous à un
moment donné. Je pense que c'est important aussi qu'on puisse vivre
à la fois un équilibre à ce niveau-là, mais,
personnellement, je crois que ça devrait être dissocié.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le
député de La Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Moi aussi je veux
féliciter nos deux hauts fonctionnaires qui non seulement ont eu le
courage, mais aussi la lucidité de nous faire d'excellentes suggestions
et de nous présenter une bonne analyse.
J'enchaîne tout de suite avec votre réponse, M. Dumais, et
vous rejoignez l'ensemble des groupes qui préconisent justement une
modification, non pas à la loi, parce qu'elle prévoit que le
gouvernement peut désigner des ministres pour la responsabilité
de l'ensemble de la loi, mais l'ensemble des groupes qui préconisent
qu'il y ait plus d'un ministre responsable de l'application de la loi.
Je pense que l'imputabillté c'est un peu comme les services aux
citoyens: aussi longtemps que l'organisme responsable de l'application de la
loi, le Conseil du trésor, sera le seul responsable, ces deux volets
d'imputabilité et de services aux citoyens seront négligés
par rapport à l'équilibre financier et par rapport au
contrôle financier. Je pense comme vous qu'il y a dans les
ministères et organismes tout ce qu'il faut, au plan des ressources
humaines, pour qu'on puisse implanter un système d'imputabilité.
Il y manque une volonté politique, dans le sens large du terme, qui
implanterait au niveau gouvernemental cette mentalité où
l'imputabillté deviendrait valorisée. Ce qui est valorisé
actuellement, c'est le contrôle financier. C'est ça qui est
valorisé, le reste n'est pas valorisé. Vous le dites à la
page 7 de votre mémoire: "Dans plusieurs organisations, la direction des
ressources humaines est supplantée par la direction
générale d'administration. "
Ma question est la suivante: Vous dites: "Les gestes nécessaires
pour placer la gestion des ressources humaines sur le même pied que la
gestion administrative n'ont pas été posés. " Quel serait
le genre de gestes qui pourraient être posés pour revaloriser la
gestion des ressources humaines? (12 h 15)
M. Dumais: Je pense que, en fait, ça pourrait venir de la
base. Je crois que ça demanderait peut-être un peu plus
d'agressivité de la part de ceux qui ont comme principale tâche,
justement, la gestion des ressources humaines. Je pense que c'est un petit peu
leur mission de faire valoir auprès de leurs dirigeants d'organisme ou
auprès de leurs sous-ministres l'importance qu'on devrait attacher, dans
l'avenir, à cet élément-là, de façon que
l'exercice revue de programmes, au niveau de l'augmentation ou la diminution
des effectifs, soit une activité aussi importante que celle de
l'équation comptable, au niveau des autres activités.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Labelle, oui. M. le député de Labelle.
M. Léonard: Très rapidement. Je vous remercie, je
vous félicite pour votre mémoire. Vous avez dit, en partant, que
les valeurs de gestion et les valeurs politiques étaient incompatibles,
a priori. Je trouve que c'est une grosse affirmation, en tout cas assez raide.
Je comprends que vous voulez nuancer, mais j'aimerais ça que vous
l'éclaircissiez un peu parce que, à mon sens, de toute
façon, vous allez vivre avec les deux ordres. Alors, la question, c'est:
Comment allez-vous vous débrouiller avec les deux?
L'autre chose, c'est la question de la formation à
l'intérieur. Vous dites: L'Office des ressources humaines a rempli son
mandat. Mais, en ce qui concerne le perfectionnement, if me semble qu'on a un
sérieux virage à prendre, à la fonction publique. Et je ne
suis pas sûr qu'on a investi les sommes qu'on devrait investir dans la
fonction publique, dans ce domaine. J'aimerais que vous me disiez ce que vous
en pensez.
M. Riendeau: Si vous permettez, je vais répondre à
votre première question concernant le paradoxe. On l'a souligné
parce que, lorsqu'on pose des actions, sur le plan de la gestion, et que les
deux premières valeurs qui sont dans la loi, parmi les cinq, on parle de
l'efficience et de la décentralisation des pouvoirs, et qu'on voit, par
exemple, la gestion des fichiers d'occasionnels... Au départ,
c'était, je pense, pour ac-
croître la transparence et la facilité d'accès
à la population aux emplois occasionnels. On se rend compte que la
gestion de ces fichiers-là est relativement onéreuse. Et,
lorsqu'on raisonne l'administration de ça, on se pose des questions.
Dans le document, il y en a une qui est mentionnée. On supporte 7000
noms, 7000 offres de service, 7000 personnes qui se sont
déplacées pour mailer, pour envoyer des choses, alors qu'on
engage... Nous autres, personnellement, chez nous, on fait 100 contrats par
année, mais, en réalité, il y a 15 nouvelles personnes.
Parce qu'il faut dire que les syndicats ont négocié des listes de
rappel et, pour la majorité des occasionnels en place, ce sont des
contrats à répétition. D'ailleurs, on le voit, je pense,
le transfert de postes occasionnels en réguliers en est une
illustration. Donc, ici, on se trouve devant un paradoxe, c'est-à-dire:
Nous autres, en tant qu'administrateurs ou gestionnaires de l'État,
est-ce qu'on gère avec efficience ou bien si on gère la
transparence? C'est un paradoxe. On pourrait peut-être gérer les
deux, mais je pense que le politique et l'administratif auraient
intérêt à se concilier et trouver des solutions un peu plus
imaginatives que celles qu'on a actuellement.
M. Dumais: Juste un commentaire. Remarquez bien que, moi, je peux
vivre très bien avec les objectifs politiques et les objectifs
administratifs. Et je pense, en bon démocrate, que c'est
nécessaire. Je ne remettrai jamais en cause ces
éléments-là. Par contre, il est vrai quand même que,
quand on parle d'efficience et quand on parle aussi de... En fait, ce qu'on
voulait dire tout à l'heure, c'est que ça coûtait cher.
Mais d'obliger un citoyen a se déplacer dans 30 organisations ou
d'envoyer son offre de service dans 30 et 40, là, on ne parle plus de
service aux citoyens, là on les emmerde en maudit. Et je pense que, dans
ce sens-là, ce n'est pas tout à fait ce qu'on visait là.
Et c'est peut-être dans ce sens-là qu'on vit à l'occasion
certains paradoxes. Non pas que les objectifs politiques m'indisposent,
absolument pas, on est capable de vivre avec ça facilement. Mais, comme
je le disais tout à l'heure, ça va être important, par
exemple, qu'on en fasse nos valeurs fondamentales et que, annuellement, il y
ait un exercice qui se fasse à ce niveau-là ou que ça
fasse partie de nos plans de formation dans chacune de nos organisations pour
que ces messages-là puissent se véhiculer plus qu'une fois au
cours de la révision d'une loi ou au cours du dépôt d'une
loi.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie. M. le
député de Bertrand, écoutez, on va extensionner, on va
vous permettre une dernière question. Je m'excuse, M. le
député des Îles-de-la-Madeleine, il est...
M. Farrah: Ça va.
Le Président (M. Lemieux): Ça va. O.K. allez-y.
M. Beaulne: Moi aussi je tiens à vous féliciter
parce que, finalement, vous venez de placer tout cet exercice-ci dans un
contexte particulier. Il y a une phrase que vous avez dite qui est très
importante, c'est qu'il faut cesser de comparer la fonction publique à
l'entreprise privée. Pour avoir vécu dans les deux milieux, je
sais pertinemment que ceux qui s'imaginent que de copier l'entreprise
privée c'est une panacée se trompent royalement. Parce que vous
avez probablement eu vent d'une étude qui a été
publicisée cet été par une importante maison de chercheurs
de têtes du Québec qui indiquait le mécontentement qui
existait chez les cadres intermédiaires et les cadres supérieurs
des entreprises privées au Québec et la pénurie de
mobilité chez ces gens-là. On retrouve un peu le même
phénomène ici. Et lorsqu'on est en train d'établir les
objectifs qui devraient présider à la refonte de la Loi sur la
fonction publique, s'il le faut, on oublie trop souvent de préciser
quels sont ces objectifs-là et on mêle les cartes. Et c'est ce que
je trouve intéressant dans ce que vous avez dit: Établissons nos
propres objectifs pour la fonction publique parce que l'État ce n'est
pas une entreprise parmi d'autres. Et vous avez mentionné certains
paradoxes et je pense que ces paradoxes-là, ils existent et ils existent
pour une raison bien particulière, c'est que l'État a, à
la fois, une mission d'efficacité. C'est un élément...
C'est une créature politique, donc, c'est une créature qui ne
peut pas fonctionner uniquement en termes d'expédients et en termes de
calcul de rentabilité comme le fait l'entreprise privée.
Ma question est la suivante: Dans votre processus d'amélioration
du système, vous êtes d'accord qu'on partage les
responsabilités présentement détenues uniquement par le
Conseil du trésor. Est-ce que vous êtes également d'accord
ou pensez-vous que ça serait une bonne chose que la commission du budget
et de l'administration ou toute autre commission se prévaille de ses
responsabilités annuellement pour examiner le fonctionnement de la
fonction publique comme on le fait pour les crédits et les engagements
des ministères?
M. Dumais: Moi, je pense que oui. Ça ne serait
sûrement pas une mauvaise initiative. Ça dépend toujours de
quelle façon cette activité-là, bien entendu, serait
encadrée. En autant que ça ne devienne pas une critique pour de
la critique ou que ça ne devienne pas un débat purement
politique, moi, je pense qu'il n'y a pas de problème. Si tout le monde
travaille à vouloir améliorer toute l'organisation et vise le
même objectif, celui de donner à fa population un meilleur
service, moi, je pense que c'est une initiative qui serait très
louable.
Juste pour répondre tout à l'heure à M. Lazure,
quand vous avez posé la question à savoir... ou M.
Léonard, peut-être, par rapport au développement. Vous
étiez Inquiet à savoir: Est-ce qu'il y avait suffisamment
d'argent? Je crois qu'à ce niveau-là H y a une
responsabilité ministérielle qui est importante. Et on peut citer
à titre d'exemple quelques ministères qui ont fait quand
même des progrès énormes. C'est parce que la plupart du
temps c'est le ministre qui a décidé: Oui, on va de l'avant avec
telle, telle, telle chose. Et ça donne des résultats. Je crois
que les ministères, à ce niveau-là, ont les marges de
manoeuvre qu'il faut pour assumer cette responsabilité.
Le Président (M. Lemieux): Nous vous remercions, MM.
Riendeau et Dumais, pour la présentation de votre mémoire et nous
avons apprécié, de la part des deux formations politiques, vos
commentaires. Et nous demandons maintenant à la prochaine association,
je crois qu'il s'agit de l'Association des cadres intermédiaires, de
bien vouloir prendre place à la table des témoins.
M. Riendeau: Juste avant de terminer... Le Président
(M. Lemieux): Oui.
M. Riendeau: ...je voudrais mentionner que M.
Jean-François Brouard, qui n'est pas signataire du document, a
participé à la composition du document et s'associe à ce
qui...
Le Président (M. Lemieux): Alors, il vient de passer
à la postérité au Journal des débats. C'est
fait.
M. Riendeau: O.K. Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lemieux): Nous demandons aux prochains
témoins de vouloir prendre place. Nous allons suspendre une minute.
(Suspension de la séance à 12 h 25)
(Reprise à 12 h 26)
Association des cadres intermédiaires du
gouvernement du Québec
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux
pour entendre l'Association des cadres intermédiaires. Je demanderais au
représentant de ce groupe de bien vouloir s'identifier, de
présenter les gens qui l'accompagnent. Le seul commentaire que je ferais
sur votre mémoire, que j'ai analysé et relu plusieurs fois, c'est
qu'il s'agit d'un excellent mémoire. Alors, je demanderais au
représentant de ce groupe de bien vouloir s'identifier et d'identifier
les gens qui l'accompagnent.
M. Doyon (Réjean): Merci, M. le Président. Vous
m'entendez bien?
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Doyon (Réjean): Réjean Doyon.
Le Président (M. Lemieux): Essayez de toujours vous
approcher un peu du micro.
M. Doyon (Réjean): Réjean Doyon, président
de l'Association des cadres intermédiaires. À ma gauche, M. Roger
Veillette, directeur de l'Association; M. Jules Gilbert, directeur aussi; M.
Jean-Marie Blais, vice-président; M. Alain Bouchard, secrétaire,
et Mme Use Hamel, directrice.
Le Président (M. Lemieux): Nous vous écoutons.
M. Doyon (Réjean): Et je pense que notre défi sera
de retenir votre attention et de la soutenir pour l'heure qui vient en
espérant que l'adage qui dit que "ventre vide n'a pas d'oreilles" ne
sera pas vrai.
Le Président (M. Lemieux): On est habitués.
M. Doyon (Réjean): Oui. Parfait. J'oserais presque dire
que, nous aussi, à certaines occasions.
Dans un premier temps, on vous remercie de l'opportunité que vous
nous offrez de vous donner nos points de vue, nos constats, notre vécu
comme Association de cadres intermédiaires et, aussi, de vous faire
certaines recommandations de modifications non seulement à la loi, mais
à la réglementation, certaines politiques qui en
découlent.
On comprend très bien que ce n'est pas ici une tribune de
revendications pour modifier des conditions de travail ou voire même de
les négocier, on en est très conscients. Ça se veut
beaucoup plus une sensibilisation, un message qui, étant passé
ici, passera probablement à d'autres endroits.
Cela dit, et comme nous sommes une association qui n'est peut-être
pas aussi connue qu'elle le souhaiterait en certaines circonstances, je vais
vous brosser un tableau très sommaire de qui nous sommes et de ce que
nous faisons dans la fonction publique québécoise. On est
incorporé en vertu d'une loi qui s'appelle la Loi sur les syndicats
professionnels, depuis 1969. On représente un membership de tout
près de 2100 personnes sur 2300, sur une base volontaire à
travers toute la fonction publique. Essentielle-
ment, on est un regroupement de gestionnaires de la fonction publique
québécoise et de certaines sociétés d'État
chargées d'appliquer, de concrétiser les programmes
gouvernementaux, en un mot de donner les services à la population. On
est reconnus par décret gouvernemental pour fins de relations de travail
mais seulement dans un régime de consultation actuellement. Notre
mission principale, comme association, c'est de s'assurer de la promotion, de
développement des intérêts économiques sociaux,
professionnels et moraux de nos membres.
Je termine en vous parlant très brièvement de nos
structures qui favorisent l'exercice de la démocratie et de la
représentativité en ce sens qu'on a des sections
régionales à travers toute la province et que les postes
électifs dans les régions et à l'exécutif
provincial se font dans les règles de l'art.
Dans l'administration gouvernementale d'aujourd'hui, nous croyons que
les rôles d'organisation, d'information et de communication ont pris,
pour les cadres intermédiaires, une importance beaucoup plus grande que
par le passé. Le cadre intermédiaire - et c'est notre conception
- se veut avant tout un collaborateur et un partenaire de l'État.
Je vous réfère maintenant à divers
éléments qui sont contenus dans notre mémoire, mais comme
l'exercice n'avait pas pour but de le lire ni, nécessairement, de lire
le résumé, nous vous en avons fait ressortir un certain nombre
d'éléments que je vous présente actuellement et que je
commenterai brièvement au fur et à mesure.
Alors, les cadres intermédiaires sont ceux, qui, jour
après jour, dirigent les activités opérationnelles. On est
dans les opérations et dans le feu de l'action quotidiennement. On
assume ia réalisation d'activités qui découlent de
programmes gouvernementaux et nos membres dispensent des services directement
aux citoyens.
Notre association encourage la réalisation de services de
qualité afin d'accroître la crédibilité et
l'efficacité de l'État et aussi pour développer chez nos
membres un sentiment d'appartenance et de fierté. Un fort pourcentage de
membres de la fonction publique considèrent d'ailleurs - et c'est
inscrit à notre mémoire - que la compétence du personnel
constitue l'une des forces importantes de la fonction publique. En
contrepartie, on retient toutefois que l'incohérence du processus
décisionnel est considérée comme une grande faiblesse.
À titre d'exemple, le nombre d'intervenants dans les dossiers de
l'administration publique ne cesse de croître. Les mécanismes
d'étude, de consultation et de contrôle se sont multipliés
au fil des ans. Je vous donnerai juste à titre d'exemple qu'à la
suite de réorganisations administratives, de création de nouveaux
organismes au ministère il y a eu des paliers de structure additionnels
d'Implantés, on a aussi ajouté ce que l'on qualifie très
souvent de conseiller, de staff, dans les structures des personnes et cela a
multiplié la complexité du fonctionnement de l'appareil. À
titre d'anecdote je pourrais vous dire aussi qu'actuellement, parce qu'on
retrouve dans certains ministères et organismes des structures à
peu près de 12 ou 15 paliers différents, la structure qui,
actuellement, a fait le mieux ses preuves, puisqu'elle existe depuis tout
près de 2000 ans, c'est l'Église catholique, où on
retrouve cinq paliers. Vous avez un pape, des cardinaux, archevêques,
évêques et prêtres, point. Alors, à cinq paliers
ça a fonctionné 2000 ans. Actuellement il y en a à 12 et
ça va peut-être jusqu'à 15 paliers.
Le Président (M. Lemieux): Ils avaient la foi.
M. Ooyon (Réjean): Oui, voilà! Alors des
changements d'orientation, d'objectifs, l'implantation de nouvelles normes sont
aussi des ingrédients qui ajoutent à la lourdeur de l'appareil
ainsi qu'aux délais. Le manque de consultation et de concertation entre
les différents paliers dans les structures n'est que trop souvent
évident. Le cadre intermédiaire, lui, est souvent placé
devant le fait accompli, ça a été déjà
décidé. Il ne peut suggérer son expertise. Pourtant ceux
qui veulent jouer pleinement leur rôle de gestionnaire sont très
nombreux. En mettant à la disposition - parce que c'est beau amener un
constat, une critique mais il faut amener une solution aussi - du gestionnaire
des programmes de stimulation des ressources humaines basés sur la
communication, l'échange et la participation à tous les niveaux,
cela améliorerait sûrement les choses. À quel endroit les
coupures budgétaires se font-elles en premier lieu? Très souvent
dans les programmes de formation et de développement. Il est donc
très important d'instaurer un climat de communication et de motivation
des ressources humaines et plus principalement pour les cadres
intermédiaires. C'est pourquoi nous recommandons - on pourra y revenir
tout à l'heure - des modifications à l'article 3 de la Loi sur la
fonction publique; cela améliorerait les mécanismes
d'échange et rendrait accessibles des programmes et outils de travail
trop souvent - et c'est une grande déficience - conservés
à une stricte utilisation ministérielle. Il n'y a pas de partage,
d'échanges qui existent de façon formelle et ce n'est même
pas favorisé dans beaucoup de cas.
L'imputabifité. J'aimerais même qu'on me définisse
tout à l'heure ce que vous comme parlementaires vous entendez par
imputabilité, c'est quoi pour vous autres? Je vous lance la question au
préalable. Pour vous dire que pour les cadres intermédiaires,
après avoir reçu leur délégation de pouvoirs, la
signification de leur rôle et responsabilités, deux moyens sont
utilisés
généralement pour les rendre imputables. Le premier, un
mécanisme d'attentes signifiées suivi d'une évaluation en
fin d'année. Le deuxième, des contrôles - et il y en a -
qui prennent la forme de rapports, compléments de formulaires,
statistiques et ce, de façon régulière. Devant la trop
grande et évidente insatisfaction du mécanisme des attentes
signifiées - c'est une autre recommandation qu'on vous fait - que la
directive des conditions de travail - et là, je retiens que je vous le
soumets à titre beaucoup plus de sensibilisation à ce stade-ci -
soit modifiée pour refléter un meilleur esprit de collaboration
et de démocratisation à cet égard. De plus, les besoins de
perfectionnement devraient, à notre sens, faire partie du processus
d'évaluation du rendement. Actuellement, ce n'est pas le cas.
Tout à l'heure, vous avez dit à nos
prédécesseurs que vous aimeriez entendre, dans la pratique de
tous les jours, comment ça se passe vraiment dans la
réalité. Je vais aborder un des points vraiment, mais vraiment
d'insatisfaction relativement au fameux système d'attentes
signifiées. Les évaluations, en plus de servir quelquefois, mais
trop souvent malheureusement, à des règlements de comptes, sont
contingentées; pas plus de 30 % des personnes qui seront
évaluées devront être cotées A ou B, et pas plus de
25 % de ceux qui vont être C vont avoir droit à des bonis - alors,
c'est très discrétionnaire - et ce, avant même d'avoir
performé, avant même qu'on fasse les évaluations en fin
d'année. Théoriquement, et malheureusement en principe aussi, un
supérieur peut écrire à peu près n'importe quoi sur
son subordonné lors de l'évaluation. Le cadre
intermédiaire visé dans la procédure actuelle ne peut que
joindre ses commentaires à la fiche d'évaluation. Alors, on peut
faire ce qu'on veut d'une carrière rapidement en ce sens-là.
C'est pourquoi - parce qu'il faut toujours qu'il y ait une solution - nous
demandons que soit modifié le règlement sur un recours en appel
pour que le contenu même de l'évaluation du rendement soit
appelable.
Le Conseil du trésor. Celui-ci, quant à nous, est
généralement perçu par nos membres, dans l'ensemble, comme
un organisme de contrôle et, de surcroît, contrôle a priori.
Il devait y avoir déréglementation - on sait ce que c'est qu'un
règlement; c'est l'application de la loi, c'en est
l'interprétation - pour que la fonction publique soit plus facilement
gérable. C'était l'esprit du législateur, je pense. Les
ministères et organismes et les cadres intermédiaires devaient
pouvoir bénéficier de plus de souplesse dans l'élaboration
et l'application des règles. La réalité, c'est que nous
nous retrouvons aujourd'hui avec autant, sinon plus, de ce qui a
remplacé les règlements, des directives, des politiques et des
normes, alouette!
Je peux vous donner seulement, à titre d'exemple, pour vous dire
que l'esprit qui animait le législateur n'a pas été
complètement partagé par tous, notre règlement sur les
conditions de travail s'appelait Règlement; c'est devenu Directive. On a
tout simplement effacé le mot "règlement", on a laissé le
mot "directive" et le même contenu avec le même libellé.
Alors, comment voulez-vous que ce soit interprété de la
même façon qu'avant. Ça n'a pas changé, et je vous
donne juste un exemple en passant. Il y a donc place à
l'amélioration, mais ici on touche à des notions de pouvoirs et
à des notions de contrôle. On touche aussi à des
matières qui sont reliées, et nos prédécesseurs
l'ont mentionné tout à l'heure, à des changements de
mentalités, d'attitudes et même de comportement. C'est là
qu'est le vrai problème. Tant et aussi longtemps que ne sera pas
vraiment favorisé le développement - et on reviendra à
notre article 3 où on veut ajouter des choses - d'une culture
orga-nisationnelle plus élargie dans un climat de confiance mutuel, il
restera toujours des risques de revenir au même point de départ.
Si on veut vraiment qu'il y ait pratique de délégation, que les
ministères et organismes et nos cadres intermédiaires soient
vraiment imputables, il faut qu'il y ait aussi des évaluations d'impact
et de la satisfaction des services rendus à la clientèle.
La dotation des emplois. Un constat général.
L'organisation cherche - quand je dis l'organisation, je parie de l'ensemble de
la fonction publique - beaucoup plus souvent qu'autrement ce qu'on qualifie -
et entre guillemets - de prêt-à-porter, c'est-à-dire un
cadre intermédiaire prêt à fonctionner aujourd'hui presque
pour hier. La formation, on n'a pas tellement de temps à y consacrer.
Évidemment la loi permet, lors d'un concours, un recours en appel -
c'est un autre élément - mais la pratique nous a enseigné
qu'il faudrait que la Commission de la fonction publique jette un oeil plus
exhaustif que sur les strictes notions d'irrégularités ou
d'illégalités qui sont contenues dans la loi. D'autres
éléments doivent faire l'objet, selon nous, de l'examen, tels les
critères d'admission. À cet effet, l'Association - et je suis
certain d'avoir fort probablement une question ià-dessus tout à
l'heure - on est fortement préoccupé de l'exigence d'appartenance
à des corporations professionnelles lors de concours qui ont
été tenus. Nous croyons qu'un cadre doit de façon
principale et habituelle gérer les ressources humaines.
Il peut s'adjoindre des spécialistes qui font partie de
corporations, si besoin est. Le perfectionnement des cadres, outre d'être
bien formés et compétents, quelle est la principale
qualité d'un cadre? Selon nous, c'est la communication. Il doit
être un communicateur hors pair et c'est son avenir parce qu'il est bien
formé, il a de l'expérience, il doit être un bon
communicateur, autant vers le haut que vers le bas.
J'ai dit précédemment qu'un endroit
privilégié où se font les coupures budgétaires,
c'est dans la formation et le perfectionnement. Il
n'existe pas de droit formel ni de masse salariale pour les cadres
intermédiaires à bénéficier de formation ou de
perfectionnement. C'est pourquoi nous demandons, et je me sers de cette
tribune-ci pour faire passer le message, des modifications à notre
directive de conditions de travail à cet effet-là.
La carrière des cadres intermédiaires. Outre la formation
et le perfectionnement, nous croyons que l'une des meilleures garanties
d'accès, de progression, de maintien en attribution conforme pour les
cadres intermédiaires, c'est d'être mobile, c'est-à-dire
accepter de participer à des stages, du recyclage, voire même
à des échanges de postes. Solution: une banque centrale de
mutation qui serait gérée conjointement par notre Association et
l'Office des ressources humaines donnerait sûrement des résultats
appréciables, en plus de diminuer les délais, le nombre de
concours et tous les coûts élevés qui s'y rattachent
généralement. Fort probablement qu'il y aura aussi diminution du
phénomène des postes comblés de façon
intérimaire. Quant à nous, c'est une avenue qui doit être
sérieusement envisagée dans le contexte actuel.
Les mécanismes de recours. Les cadres intermédiaires ne
sont pas exempts de mesures administratives ou disciplinaires. La
réalité constatée, c'est qu'un cadre est trop souvent plus
vulnérable que les employés qu'il dirige, c'est-à-dire les
employés syndiqués qui peuvent faire des griefs, par exemple,
pour attribution non conforme, ce qu'un cadre ne peut pas faire selon la
réglementation actuelle. Les réorganisations administratives, les
changements d'orientation ministérielle, les conflits de
personnalités, les modifications de structures organlsationnelles, etc.,
nous amènent à demander des modifications à la loi et au
règlement sur les normes d'éthique et de discipline qui en
découlent.
À cet effet, et pour une bonne compréhension de nos
demandes, parce qu'on a fait un exercice de consultation a posteriori
concernant notre mémoire, en le distribuant de façon plus
élargie à un certain nombre de nos membres, on a constaté
que la compréhension de modifications demandées était un
petit peu difficile parce qu'il y avait chevauchement entre la loi, les normes
d'éthique, etc. Alors, à cet effet-là, ce qu'on a fait, on
a fait un devoir d'imputation, entre guillemets, préalable. On ne s'est
même pas demandé si on pouvait ou on ne pouvait pas le faire. On
l'a fait. On vous dépose aujourd'hui pour une meilleure
compréhension, c'est l'objectif visé, un texte - on s'est rendus
imputables à l'avance - qui va vous identifier quelles sont les
dispositions actuelles de la loi ou de la réglementation, les
modifications qu'on propose et les commentaires apportés à la
fin.
Le Président (M. Lemieux): J'accepte le dépôt
du document.
M. Doyon (Réjean): Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): Et pour répondre
à votre question... et je cède immédiatement la...
M. Doyon (Réjean): 11 me restait juste un petit point.
Le Président (M. Lemieux): Oui, allez-y.
M. Doyon (Réjean): II nous restait un petit point. Je vous
remercie beaucoup d'accueillir le document. On vous l'aurait transmis au
préalable mais c'est assez récent. On voulait avoir les
commentaires qui nous ont permis de préparer une nouvelle version pour
une meilleure compréhension. Alors, je termine cet exposé que je
n'ai pas voulu trop long, en vous communiquant qu'une tradition de dialogue,
d'échanges, de consultations, voire même de concertation, s'est
maintenant instaurée entre notre Association et les représentants
de l'administration publique, plus principalement le Conseil du trésor
et l'Office des ressources humaines, les ministères et les organismes.
(12 h 45)
Forts de notre expérience et de notre maturité et de ce
que nous apportons à la fonction publique québécoise, nous
réclamons la reconnaissance de l'Association des cadres
intermédiaires du gouvernement du Québec dans la Loi sur la
fonction publique. Pourquoi? Premièrement, il y aurait à ce
moment-là reconnaissance officielle par le législateur. Ça
fait 20 ans qu'on existe et on est reconnus seulement par décret et
seulement pour fins de consultation. Et n'importe qui peut adhérer ou
sortir à volonté. Deuxièmement, ça s'appliquerait
à tous les cadres intermédiaires.
Je vous ai dit tout à l'heure qu'on avait tout près de
2100 membres sur 2300. Ça permettrait aussi, réellement, un
exercice de concertation avec l'employeur, c'est-à-dire de participer
comme Association et comme membres à la gestion de la chose publique. Ce
n'est pas dans une dynamique de confrontation, de droits, de griefs ou
autrement. Ce n'est pas ça du tout. C'est d'être plus
impliqué.
Si le législateur a bien daigné inclure dans la Loi sur la
fonction publique un certain nombre d'organisations syndicales, nous croyons
qu'il est plus que temps qu'il y reconnaisse enfin ses cadres.
Merci, j'espère ne pas avoir été trop long.
Le Président (M. Lemieux): On vous remercie. Vous m'avez
demandé la définition de l'imputabilité. J'ai compris que
c'était la définition de la commission et non pas celle du
député élu qui, lui, doit tenir compte de ses concitoyens
et concitoyennes. Vous la retrouverez dans notre
document de consultation de juin 1990 à la page 3. Et une seule
chose qui m'inquiète, c'est que je trouve que la Commission de la
fonction publique, on veut lui en donner pas mal. Là-dessus, je passe la
parole au député de Mille-Îles.
M. Bélisle: Merci, M. le Président. D'abord, M.
Doyon et tous les membres qui sont autour de la table, des félicitations
chaleureuses pour la qualité du mémoire - ça ne m'arrive
-pas souvent d'adresser des félicitations semblables - et
également sur la présentation verbale qui est très au
point, factuelle et détaillée. On sent qu'elle a de la "drive";
on sent que vous sentez où vous vous en allez.
Allons directement au c?ur du sujet. C'est excellent, l'exercice
que vous avez fait de vérification auprès de vos membres, par la
suite, parce qu'on en est là, en fin de compte. Au lieu de tatilionner
et de s'en aller dans des pseudo-volontés syndicales, corporatistes
à droite et à gauche qu'on a entendues, j'aime autant avoir du
stock concret. Et il y a du stock concret.
À la page 5 de votre mémoire, vous avez un problème
de communication ou de partage d'échanges. Vous voulez être
impliqués. Vous êtes du monde impliqué jusqu'à un
certain point, mais vous nous donnez l'impression que vous voulez
réellement contribuer à améliorer le produit qui finit la
gestion des ressources humaines. Puis, là, vous dites: Nous, ce qu'on
veut, c'est multiplier les échanges multilatéraux dans
l'administration publique. C'est ce que vous dites à la page 5.
Et, à la page 5, vous dites: Nous, on suggère une
modification - je l'avais relevée - à l'article 3 de la loi qui
est l'article fondamental de la Loi sur la fonction publique. On dit dans
l'article 3 de la loi actuelle que "l'objet de la présente loi est de
permettre l'accomplissement de cette mission. À cette fin, elle institue
un mode d'organisation des ressources humaines destiné à
favoriser... " Et, là, on commence. On a cinq points, le premier
étant "l'efficience de l'administration ainsi que l'utilisation et le
développement des ressources humaines d'une façon optimale. "
Ça, c'est un grand objectif. Le deuxième point, "l'exercice des
pouvoirs de gestion des ressources humaines le plus près possible des
personnes intéressées et l'application d'un régime selon
lequel le fonctionnaire investi de ces pouvoirs de gestion doit rendre compte,
compte tenu des moyens mis à sa disposition. " Ça, c'était
l'objectif de départ, mais qui était très
général.
Mais ce dont je me suis aperçu en lisant le texte de votre
mémoire, c'est que, là, vous êtes en train de
définir ces deux premiers volets. Vous les avez mis dans une forme qui
est absolument merveilleuse, c'est presque une forme légale, presque
parfaite. Quand je vois le sixièmement ou le dixièmement que vous
voudriez voir ajouter, vous êtes un peu en train de définir -
môme beaucoup - I tmputabilité. Vous dites que vous voudriez voir
- et je vais vous faire expliciter vos suggestions - favoriser, notamment,
"l'établissement de mécanismes - c'est le nouveau
sixièmement que vous rajouteriez à l'article 3 - permettant une
communication constante entre l'administration et ses ressources humaines".
Première question: Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour
dire que quels que soient les problèmes d'attitude ou de comportement -
et c'est ça qu'on est en train de découvrir de plus en plus -
ça prend d'abord une base dans le texte et l'intention du
législateur, c'est-à-dire que, de sixièmement à
dixièmement, il faut qu'il y ait une modification pour qu'on
téléguide dans le champ que l'intention est là? Est-ce
ça que je dois comprendre?
M. Doyon (Réjean): Oui.
M. Bélisle: D'accord. Quand on arrive à
l'établissement de mécanismes permettant une communication
constante de l'administration des ressources humaines, que pensez-vous que
ça va entraîner, dans la réalité, comme
conséquences sur le plan du vécu quotidien des cadres
intermédiaires vis-à-vis des cadres supérieurs en ajoutant
ce sixièmement? Qu'est-ce que ça va changer?
M. Doyon (RéJean): S'il y avait vraiment une
volonté politique, môme inscrite dans la loi, qui demanderait
formellement l'instauration de mécanismes de communication... et, quant
à nous, ce n'est pas seulement communication interne, mais aussi
communication entre les organisations. Le mécanisme est à
définir. Ça peut prendre différentes formes par ta suite.
Je pense que, dans la pratique des choses, au-delà des changements
d'attitude, de comportement, de mentalité ou autre, ça devrait
donner de bons résultats. Trop souvent, ce qu'on a constaté - et
même encore aujourd'hui - c'est qu'il existe - je vais les qualifier - de
très bons programmes, de très bonnes façons de solutionner
différentes choses à l'intérieur de la fonction publique,
mais, je dirais, c'est jalousement conservé à l'intérieur
des organisations qui disent: On a mis du temps, des ressources, de l'argent,
etc., et on les garde. Moi, je pense que, si c'est dans la loi qu'il y a une
volonté politique, la volonté administrative va suivre.
M. Bélisle: C'est pour ça que vous ajoutez votre
neuvièmement, quand vous parlez d'ajoute à l'article 3
"l'instauration de programmes d'échanges...
M. Doyon (Réjean): Oui.
M. Bélisle:... "et de dispositifs d'ac-
ces - c'est-à-dire que vous auriez accès à une
banque centrale, je suppose - concernant les procédés et les
méthodes de travail entre les ministères et les organismes."
Ça, c'est une suggestion merveilleuse à mon opinion personnelle.
Ça va dans le sens de ce que vous venez de dire.
M. Doyon (Réjean): Ça sauverait aussi pas mal de
temps et d'argent.
M. Bélisle: Je dois vous dire que je partage beaucoup
plusieurs des points de sixièmement à dixièmement. Je
pense que c'est excellent, mais quand vous parlez d'imputabilité, vous,
comme cadre intermédiaire, l'imputabilité, la reddition de
comptes, si on vous permet, on vous donne les outils - de sixièmement
à dixièmement - d'avoir accès à d'autres banques de
données, de mieux avoir de l'information supplémentaire sur des
méthodes de gestion, sur des façons de traiter des
problèmes de ressources humaines, à qui voulez-vous être
imputables? À qui voulez-vous rendre compte comme cadres
intermédiaires? Êtes-vous prêts à rendre compte
à d'autres personnes qu'à vos supérieurs ou les cadres
supérieurs? Autrement dit, seriez-vous prêts à rendre
compte à la commission qui aurait la juridiction à
l'Assemblée nationale dans vos domaines respectifs? S'il y a un cadre
intermédiaire qui est aux Affaires sociales, il pourrait rendre compte
à la commission parlementaire des affaires sociales.
M. Doyon (Réjean): Je vais vous répondre
affirmativement. Oui, mais à la condition que les cadres
intermédiaires aient en leur possession une formation, l'accès,
les outils, ou les moyens qui leur permettent de livrer la marchandise qu'on
leur demande de livrer. Ça n'arrive que trop souvent qu'on va signifier
des attentes à quelqu'un, qu'on va changer en cours d'année
certaines de ces attentes-là, voire même les abolir. On ne modifie
pas - on l'oublie peut-être - les fameuses fiches d'évaluation et
a la fin de l'année on va évaluer la personne quand même
sur ça. Alors, je réponds oui, mais il ne faudrait pas que
ça prenne - et je reviens encore à nos
prédécesseurs - une forme, entre guillemets, politique...
M. Bélisle: De tribunal inquisiteur, c'est ça?
M. Doyon (Réjean): Oui, de tribunal d'inquisition.
M. Bélisle: D'accord. J'ai vu dans votre document...
M. Doyon (Réjean): II faudrait que ça se fasse dans
un climat, comme on l'a aujourd'hui, de respect mutuel.
Le Président (M. Lemieux): C'est toujours comme ça
ici.
M. Doyon (Réjean): C'est toujours comme ça, bon.
C'est très libéral, c'est ce que j'ai entendu dire hier.
M. Bélisle: ...qui est là, parce qu'on n'a pas
tellement de temps, et c'est pour ça que je presse le rythme des
questions, que vous n'avez aucunement proposé une modification à
l'article 70 de la loi, lequel article étant tous les droits de gestion
de gérance que vous exercez pour le compte de la société
québécoise et du gouvernement du Québec. Il n'y en a pas
de modification, donc je dois comprendre que s'il n'y a pas de modification,
vous reconnaissez que dans la loi, à l'article 70, il y a quand
même des outils qui vous sont donnés, qui sont importants et qui
doivent demeurer tels quels, comme ils sont là: la nomination des
candidats, la promotion...
M. Doyon (Réjean): Attendez un peu, je m'excuse, vous
parlez de l'article 70 de la loi.
M. Bélisle: De la Loi sur la fonction publique.
M. Doyon (Réjean): Mais ça traite des conventions
collectives appliquâmes aux fonctionnaires.
Le Président (M. Lemieux): Ce n'est pas leur cas, il
s'agit de cadres intermédiaires.
M. Bélisle: O.K. je comprends, mais l'article 3 où
vous avez demandé de faire les modifications, c'est l'article 3 de la
Loi sur la fonction publique.
M. Doyon (Réjean): Oui, c'est ça.
M. Bélisle: Moi je lis la même loi, la Loi sur la
fonction publique. La consultation aujourd'hui, c'est pour savoir s'il y a des
choses à amender ou non sur la Loi sur la fonction publique.
M. Doyon (Réjean): Dans le document qu'on vous a
déposé ici, on ne parle pas de l'article 70.
M. Bélisle: C'est ça, c'est ce que je
comprends.
M. Doyon (Réjean): Ça va.
M. Bélisle: Ce que je suis en train de vous dire -
j'essaie de comprendre par déduction - c'est que vous trouvez correct
l'article 70.
M. Doyon (Réjean): C'est ça.
M. Bélisle: C'est bien ce que je voulais vous faire
dire.
M. Doyon (RéJean): C'est ça. Voilà! Exact!
M. Bélisle: Parfait! On se comprend bien.
M. Doyon (RéJean): Ce qu'on a fait comme exercice, pour
être bien pratique et être bien franc, on a regardé les
difficultés qui étaient vécues par les cadres à
partir de la loi, et il y a deux choses qui sont ressortles principalement. La
première, ce sont les manques d'implication, consultation,
participation. Les gens veulent bien travailler, ils ont une bonne
volonté de vouloir travailler. On ne connaît pas de monde qui veut
mal faire les choses. Ils veulent le faire. Et l'autre affaire, c'est que les
cadres, quand on veut les maganer, ce n'est pas long, Ils ne sont pas
protégés beaucoup. Alors, on a juste à retenir un certain
nombre de mots dans tout ce qu'on a déposé aujourd'hui et qu'on
échange, qui ont trait à la consultation, l'implication, la
participation et la protection. Point.
M. Bélisle: M. Doyon, page 10 de votre document. C'est
très important quand vous parlez de la règle des 30 %. J'ai fait
grand cas hier auprès des gens qui sont venus devant nous, j'ai
parlé du rendement, de la notation au rendement, des primes de
rendement, la fameuse règle des 30 % et des 25 %, la raison pour
laquelle il n'y a pas de A, mais il y a bien des B et des C et qu'on est
limités par les 30 %. Êtes-vous en train de nous dire que la
règle des 30 %, quand on détermine une masse monétaire
à l'avance et qu'on est en train un petit peu de saborder tout le
système et qu'on invite les gens à ne pas être excellents
et qu'on invite les gens à ne pas se dépasser eux-mêmes et
qu'on est en train de normaliser... Parce que vous allez plus loin que
ça dans votre document. Vous allez à la page 11, vous dites -
écoutez bien, M. le Président, ce qu'il dit: "Ajoutons que la
possibilité d'attribuer une cote normalisée aux fins inclusives
de la révision du traitement..." Vous ajoutez même le fait que,
par la suite, il y a même une cote qui est normalisée. Or, on
rabaisse une fois à la moyenne, en disant: C'est 30 %, il ne faut pas
qu'il y ait de A parce que les A vont prendre l'ensemble de la masse
monétaire - hein? c'est un petit peu ça; vous faites signe que
oui, avec votre tête - et dans le B et dans le C on met tout le monde.
Et, après, vous dites: Dans ie deuxième cas, pour la
révision des traitements, on met une autre cote normalisée. On
abaisse encore plus la moyenne. Est-ce que ce n'est pas là un
défaut fondamental pour des gens comme vous autres qui nous donnez
l'impression ce matin que vous voulez vous impliquer, vous voulez que ça
marche, vous voulez donner des "inputs" et vous voulez que ça produise?
Sans pensée de ce que je dis...
M. Doyon (RéJean): La réalité et la
solution. La réalité, c'est qu'il s'est instauré - et je
vais aller même plus loin que ce que vous dites - un système. Deux
choses se sont instaurées en plus de ce que vous dites: un
système de B plus, B moins, C plus, C moins...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Doyon (Réjean): ...pour nuancer. Ça, c'est en
plus de la normalisation et du contingentement du début. Et en plus de
ça: Cette année, c'est à ton tour, l'an prochain, c'est
à l'autre tour.
M. Bélisle: Est-ce que c'est vrai que c'est rendu
là qu'en plus d'être normalisé une première fois en
moyenne, normalisé une deuxième fois pour les révisions de
traitement, qu'en plus de ça, c'est comme Loto-Québec, ça
va être ton tour un jour? Est-ce que c'est ça?
M. Doyon (Réjean): Oui, oui, exactement. Alors, solution,
on a participé à une étude à laquelle ont pris part
des représentants du secrétariat du Conseil du trésor, de
l'Office dés ressources humaines, le CCGP, Association des cadres
supérieurs, nous, etc. Et les résultats de ça, il y a eu
des recommandations précises de faites, environ une vingtaine de
recommandations...
M. Bélisle: Quand ça?
M. Doyon (Réjean): ...dont une était d'avoir un
libellé plus général plutôt qu'un système par
cote ou autrement, députés plus les sous-ministres et les
dirigeants d'organismes parce que, si on leur confie une masse salariale,
qu'ils aient le pouvoir de la gérer comme du monde et non pas de leur
imposer au préalable, avant même les évaluations, les
fameux contingentements et les normalisations, t'es B et on va te
considérer C. Parce que c'est strictement relié à des
impacts budgétaires.
Il faut ajouter aussi qu'il faudrait que ça soit relié au
perfectionnement et au développement. C'est beau de reprocher à
quelqu'un une déficience en gestion ou autre, mais il faudrait y
apporter une solution une fois que c'est constaté.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous pourriez
déposer ce document-là, cette étude-là? Est-ce que
vous l'avez en votre possession?
M. Doyon (RéJean): Je ne l'ai pas avec moi, mais je
peux...
Le Président (M. Lemieux): Mais ultérieurement. M.
le secrétaire, vouiez-vous en prendre
note pour que vous puissiez la faire parvenir à la commission,
s'il vous plaît? M. le député...
M. Doyon (Réjean): Ma crainte était, si vous me
permettez là-dessus, qu'on aurait pu se faire dire: Vous n'êtes
pas à la bonne tribune pour ça. Ça fait que c'est pour
ça...
M. Bélisle: Je pense que vous êtes...
M. Ooyon (Réjean): Je prends bonne note de ce que vous
dites.
M. Bélisle: Vous êtes à la bonne tribune, M.
Doyon.
Le Président (M. Lemieux): Vous êtes à la
bonne tribune.
M. Bélisle: Vous êtes réellement à la
bonne tribune.
M. Doyon (Réjean): J'essaie d'être le plus à
l'aise possible avec vous.
Le Président (M. Lemieux): Nous sommes une tribune
élargie.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Mille-Îles. M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Oui. Moi, je veux féliciter aussi l'Association
des cadres intermédiaires. Je dirais tout de suite, d'emblée, que
vous resoulevez encore une fols le débat sur la reconnaissance. Moi,
pour un, en tout cas, je suis totalement d'accord avec une telle
reconnaissance. Je sais qu'il y a des opinions bien partagées à
cet égard, mais il y a plusieurs pays en Europe, plusieurs
administrations publiques en Europe qui ont reconnu fa syndicalisation de leurs
cadres intermédiaires depuis très longtemps et ça ne
semble pas poser de problème. (13 heures)
Deuxièmement, je suis aussi parfaitement d'accord avec votre
demande que des mécanismes formels, que de rencontres
multilatérales soient tenues de façon régulière. Ma
question porte sur votre sondage. Vous dites que 68,2 % dénoncent comme
une grande faiblesse l'incohérence du processus décisionnel.
Est-ce que vous pouvez nous expliquer un peu plus... D'abord, ce
sondage-là, ce n'était pas seulement auprès de cadres
intermédiaires, si je comprends bien, ou est-ce que c'était
seulement auprès de cadres intermédiaires? Deuxièmement,
qu'est-ce que les gens entendent par "l'incohérence du processus
décisionnel"? À quoi c'est dû, d'après vous, cette
incohérence-là?
M. Doyon (Réjean): L'étude était
reliée à l'ensemble, en fait. Ça fait
référence à une étude d'ensemble et,
principalement, à deux choses. Vous savez, les gens, ce sont des
êtres humains et, étant humains, ont des écoles de
pensée différentes et une façon différente de voir
les choses. Donc, vous avez des tours d'ivoire, des luttes de clocher, etc.
Ça ajoute à la complexité de la prise de décision.
L'autre dimension, c'est quand on parle du processus décisionnel pour
arriver à dire à nos gens en bas: Vous faites ça comme
ça. Il y a les paliers, les nombreux paliers. Souvent, quand ça
arrive chez nous, la procédure est déjà prête, c'est
déjà tout décidé, le formulaire est prêt et
tu fais ça de même. Oui, mais on aurait aimé ça
être impliqués avant, être consultés avant. On vous
aurait sûrement amené des bons points concernant ça parce
que nos gens sont aussi des spécialistes et de la gestion et des
contenus. Alors, c'est un peu ce qui explique la difficulté d'avoir des
processus décisionnels rapides...
M. Lazure: Juste une rapide.
M. Doyon (Réjean): ...et efficaces.
M. Lazure: Est-ce que vous pensez que la loi doit continuer
d'être administrée politiquement par un seul ministre ou par des
ministres, comme ça a été le cas de 1984 à
1988?
M. Doyon (Réjean): Dans ça, il y a au moins deux
éléments. Nous, on est capables de vivre avec la dimension
actuelle, c'est-à-dire le Conseil du trésor qui dirige l'aspect
budgétaire et l'aspect de la gestion des ressources humaines. On a
vécu la période antérieure avec le ministère de la
Fonction publique à qui on présentait nos requêtes, nos
choses; une fois qu'on les avait convaincus, il devait prendre nos arguments,
nos requêtes et aller au Conseil du trésor pour, entre guillemets,
leur vendre la marchandise. Ça a été enlevé. On
transige actuellement... Notre vis-à-vis, c'est le secrétariat et
le Conseil du trésor, et on est capables de vivre avec ça. Ce
n'est pas tellement là qu'est le problème. Le problème,
c'est beaucoup plus dans la façon que c'est fait ou dans les
mentalités ou dans les changements de mentalité. Mettez n'importe
qui à la tête d'une organisation et, si vous avez une personne qui
a un style dictatorial, la personne va vouloir que ça aille dans sa
direction, selon ses propres points de vue et visions. Alors, ça
rejoint, parce qu'on revient toujours à la case départ avec
ça, mettez les structures que vous voulez, ce n'est pas là, il
faut qu'il y ait une volonté politique et que des changements de
mentalité et de comportement s'instaurent suite à ça.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Labelle.
M. Léonard: Oui. Monsieur, je voudrais vous
féliciter et vous remercier pour votre mémoire et votre
exposé. Moi, j'ai retenu une chose en particulier parmi d'autres
excellentes que vous avez dites, mais je voudrais vous entendre
là-dessus, sur la question de mobilité. Je trouve ça,
quant à moi, fondamental, dans l'administration publique, dans un bassin
de 2300 cadres intermédiaires, avec 60 000 fonctionnaires, qu'il y ait
un principe ou qu'on la favorise de toutes sortes de façons, parce que,
à mon sens, ça va contribuer à diminuer les gens
mécontents pour toutes sortes de raisons. Quand on n'est pas content
dans un poste, je pense qu'on devrait essayer d'aller ailleurs et ça,
sans aucune teinte de culpabilité ou quoi que ce soit. Je pense qu'on
doit favoriser la mobilité.
Vous avez parlé tout à l'heure, vous avez mentionné
un office central, je ne sais pas exactement le terme que vous avez
mentionné... Une voix:... banque centrale...
M. Léonard:... une banque centrale de mutation, ça
pourrait être vrai pour les fonctionnaires syndiqués mais
ça pourrait être vrai surtout pour les cadres. J'aimerais
ça vous entendre là-dessus, parce que, moi, je trouve que c'est
un élément très, très important.
M. Doyon (Réjean): L'une de nos préoccupations
c'est aussi, entre autres, la mobilité. Il y a quand même des
freins, parce qu'il faut être pratique et réaliste là,
à la mobilité, freins qui sont reliés très souvent,
à travers les ministères et organismes, à un
déplacement dans les diverses régions. Ce n'est pas tout le monde
qui est prêt à se déplacer, vendre maison, etc., et amener
avec lui tout ce qu'il veut. Il y a la dimension "spécialisation".
Certains emplois d'encadrement intermédiaire demandent une formation
spécifique et quand même assez longue pour certains aspects, bon!
Mais ceci étant dit comme constat, le vécu, le pratique, c'est
que très souvent on recherche, et je l'ai dit tout à l'heure, du
prêt-à-porter. On a un poste vacant, on veut avoir quelqu'un qui
va fonctionner tout de suite. Qu'est-ce qu'on fait? On s'organise pour le
combler avec quelqu'un qui va correspondre au profil. Alors nous, ce qu'on dit,
c'est deux choses. Il existe des gens qui veulent et qui veulent vraiment
changer d'emploi, et deuxièmement des gens qui veulent faire les efforts
pour être formés à accéder à d'autres
emplois, mais il n'y a pas de mécanismes actuellement qui vraiment le
permettent, quelque chose de simple et de pratique. Puis nous autres, on pense
que, si l'on pouvait, avec la collaboration de l'Office des ressources
humaines, des ministères et organismes et surtout de nos membres, on
pourrait créer une banque de mutation et ça sauverait pas mal de
temps et d'argent et ça favoriserait la mobilité; actuellement
elle est assez restreinte.
M. Léonard: Est-ce que vous trouvez que les cadres
intermédiaires devraient avoir une formation de cadre
intermédiaire? C'est-à-dire qu'il y a des cours, il y a ce que
vous avez mentionné dans certains postes des spécialisations
qu'il faut avoir pour exercer la fonction?
M. Doyon (Réjean): Oui, exact.
M. Léonard: Mais par ailleurs ce n'est pas
nécessairement le cas de façon générale. Je pense
aussi que quelqu'un qui accède à des postes comme ceux-là
veut essayer de varier son expérience autant sur le plan horizontal que
vertical. Je pense que, pour favoriser une telle mobilité, il faudrait
avoir une formation de base qui permette aux gens de circuler partout à
travers, compte tenu des contraintes que vous avez mentionnées. Est-ce
que vous avez des éléments à mettre sur la table sur ce
sujet?
M. Doyon (Réjean): Oui. Le principal élément
de déficience constatée dans la pratique à la suite de
l'accès à l'encadrement pour les cadres intermédiaires
c'est la dimension de formation en gestion de ressources humaines. Vous avez
beau être bien formés au plan académique dans une
discipline x ou y, on n'apprend pas toujours de façon compétente
et efficace avec l'école de la vie certaines techniques de gestion. Il
n'existe pas de programmes obligatoires pour les cadres intermédiaires
avec cohérence pour l'ensemble des gens relativement à de la
formation en gestion. Dans la pratique qu'est-ce qui se passe? Quelqu'un
participe à un concours et performe au concours. C'est
généralement quelqu'un qui est bien formé
académiquement, qui a de l'expérience et de qui on dit
généralement: C'est un bon employé, il performe bien,
ça pourrait nous faire un bon cadre. On le nomme cadre. On lui fait
faire un stage probatoire d'un an et au cours de l'année, là, on
évalue qu'est-ce que ça a l'air. À la fin de
l'année si ça ne va pas bien, une belle fiche et c'est "no way",
tu retournes où tu étais. Si ça va bien, tu continues. La
formation en gestion, vous avez tout à fait raison de le soulever, ce
n'est pas quelque chose qui est obligatoire, qui est instaure,
institutionnalisé, etc. Il faudrait que ce le soit. Il y a des endroits
où ça se fait très bien. Il y a des ministères et
organismes où l'aspect formation, c'est vraiment important pour eux et
ils en font, mais il y en a d'autres qui sont les parents pauvres du
système.
M. Léonard: Juste une question rapide avant de passer la
parole. Est-ce que vous trouvez qu'un cadre intermédiaire, mais on
pourrait l'appliquer à tous les cadres, doit rester en poste longtemps
ou pas trop longtemps? 4 ans ou 10 ans, disons?
M. Doyon (Réjean): Oui. Il y a deux aspects
dans ça. Si quelqu'un est bien dans sa job et qu'il la fait bien,
il va peut-être vouloir rester là plus longtemps. Mais quant
à nous, comme organisation, on croit que, pour favoriser la
mobilité, quand vous avez fait une période de trois à cinq
ans dans un emploi, ça nous semble vraiment intéressant et
souhaitable, soit par promotion ou par mobilité latérale, de
changer d'emploi. Mais ça...
Le Président (M. Lemieux): Alors, nous, on est prêts
pour la mobilité.
M. Doyon (Réjean): Pardon?
Le Président (M. Lemieux): Nous, on est prêts pour
la mobilité.
M. Doyon (Réjean): Oui.
M. Léonard: Ça s'applique aux députés
aussi, c'est ce que vous voulez dire!
M. Doyon (Réjean): Oui?
Le Président (M. Lemieux): Dans ce sens-là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Doyon (Réjean): Ha, ha, ha! Si vous êtes bien
là!
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Labelle, vous n'avez plus de temps, mais, M. le député de
Bertrand, si vous ne faites pas de longs commentaires ou une longue
prémisse, posez votre question pour que je puisse donner du temps
à l'autre bord.
M. Beaulne: Oui. J'aimerais simplement revenir sur une question
que mon collègue a posée, mais à laquelle vous n'avez pas
répondu directement. C'est la question à savoir si on doit
séparer les fonctions du président du Conseil du trésor de
celle de gestionnaire en chef de la fonction publique, pour la raison suivante.
Vous avez mentionné les déficiences au niveau du processus
d'évaluation. Or, dans ses remarques préliminaires, le
président du Conseil du trésor a été pas mal vague
sinon nébuleux sur toute cette question en fermant en quelque sorte les
yeux. J'en déduis que c'est parce qu'il est jusqu'à un certain
point juge et partie dans ce débat. J'aimerais savoir si, à la
lumière de ces commentaires, vous maintenez toujours votre affirmation
qu'on devrait maintenir le système pyramidal tel qu'il est.
M. Doyon (Réjean): En fait, je reviens un peu à ce
que je vous ai dit tout à l'heure. On vous donne notre point de vue
comme organisation. On est très conscients que la gestion et des
ressources financières et des ressources humaines par le Conseil du
trésor peut poser un problème. À notre sens, le vrai
problème n'est pas tellement là comme dans les gens qui exercent
ces choses-là. Si quelqu'un a la mentalité de tout le
faire...
M. Beauine:...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Bertrand, je m'excuse...
M. Beaulne: Si c'était une autre personne qui était
ministre, ce serait différent?
Le Président (M. Lemieux): Non, non, M. le
député de Bertrand, s'il vous plaît! S'il vous
plaît!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lemieux): Là je pense que
ça fait... Non, c'est vraiment particulariser. Même la loi sur
l'accès à l'information défend les renseignements
nominatifs. Écoutez, il ne faut quand même pas aller... Non, je
pense qu'on veut cette commission apolitique; on va oublier ça. M. le
député des Îles-de-la-Madeleine. Pour la
crédibilité de tous les parlementaires à part
ça.
M. Beaulne: Alors, M. le Président, je retire ma
question.
Le Président (M. Lemieux): Ça va.
M. Doyon (Réjean): Je ne l'ai pas entendue.
Le Président (M. Lemieux): M. le député des
Îles-de-la-Madeleine.
M. Farrah: Merci, M. le...
Le Président (M. Lemieux): Vous ne l'avez pas entendue?
Moi aussi.
M. Doyon (Réjean): Je ne demanderai pas de la
répéter. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lemieux): Merci. Vous feriez un bon
politicien.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lemieux): M. le député des
Îles-de-la-Madeleine.
M. Doyon (Réjean): II y en a déjà un qui
porte mon nom.
Une voix: Réjean Doyon.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lemieux): Vous avez choisi
le bon côté de la médaille. Des voix: Ha, ha,
ha!
Le Président (M. Lemieux): M. le député des
Îles-de-la-Madeleine.
M. Farrah: Merci, M. le Président. Une question
brève sur la formation et le développement. Je pense qu'à
un moment donné, dans votre Intervention, vous avez fait mention
Justement que, au niveau de la formation principalement, et moi, j'inclus le
développement là-dedans - je ne sais pas si on peut l'inclure -
il y avait un manque de temps de la part des cadres intermédiaires
peut-être à suivre ces cours-là même s'il y avait des
cours de disponibles. D'un côté, on dit: Bon, il n'y a
peut-être pas assez de cours, il n'y a peut-être pas assez de
sessions de formation ou peu importe, mais, de l'autre côté de la
médaille, vous n'êtes peut-être pas disposés, par
surcroît de travail, à pouvoir suivre ces cours de
développement.
Ici, nous, on a fait faire un sondage par l'Office des ressources
humaines au niveau des cadres supérieurs. Je peux peut-être poser
la question tout de suite pour eux, puisqu'ils viendront cet après-midi,
où 52 % des répondants n'ont suivi aucune activité sous
forme de cours, stages ou sessions intensives, dont 45 % pour le motif de
manque de temps. Alors, au-delà de questions budgétaires,
au-delà de questions de disponibilité de cours, etc., à ce
moment-là, il existe sûrement un problème parce que, compte
tenu que le but de la commission aussi, c'est le service aux citoyens, il
s'agit de développement, d'améliorer aussi la compétence
de nos fonctionnaires pour donner un meilleur service à la
clientèle. À ce moment-là, c'est un peu paradoxal, tout
ça, alors j'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Doyon (Réjean): Ça va. Je me
réfère à la page 7 de mon allocution de tout à
l'heure, quand je disais que la formation, on n'a pas tellement de temps
à y consacrer. Ce qu'on doit comprendre, c'est que l'employeur n'a pas
toujours tellement de temps à y consacrer comme tel. Dans ça, il
y a deux problèmes qui peuvent arriver: vous avez le problème
organisationnel où le ou les individus n'ont pas le temps d'aller en
suivre; ça arrive dans un certain nombre de cas et il faudrait donc que
cette partie-là soit repensée; l'autre partie, celle de la
non-disponibilité budgétaire pour pouvoir aller suivre les cours
en question. Actuellement, il y a des coupures qui sont annoncées. Je
suis pas mal certain que, dans le domaine de la formation, du
développement, ça doit être assez restreint.
On éprouve - à titre d'exemple très rapide - des
difficultés chez nos membres à participer à la tenue de
mini-colloques régionaux dans lesquels M. Johnson fait une allocution en
début de partie pour échanger vraiment de façon
élargie sur les ressources humaines chez les cadres, etc. Et puis, le
coût de ça, c'est une journée, ça coûte 95 $.
Des gens se font refuser la participation à ces
journées-là qui vont avoir lieu dans différentes
régions sous prétexte que ce n'était pas prévu dans
les programmes de formation, de développement en début
d'année. C'est juste un exemple entre autres.
M. Farrah: M. le Président, oui.
Le Président (M. Lemieux): M. le député des
îles.
M. Farrah: Sauf que tout en sachant que ces
activités-là sont importantes aussi, est-ce qu'il y a une
distinction entre des colloques, des cours, des stages, des sessions
intensives, etc. ? Je pense qu'il y a une distinction à faire au niveau
des deux. Mais aussi, ce sur quoi je veux amener le débat, c'est
peut-être aussi une sous-utilisation de certains effectifs, O. K. ? Ce
qui fait en sorte que peut-être d'autres par surcroît sont
surchargés. S'il y avait une utilisation plus rationnelle, et c'est
peut-être un débat idéologique ou théorique, parce
qu'en pratique c'est peut-être difficile de l'appliquer... Ça
pourra faire en sorte de décongestionner plus et qu'il y aura
peut-être plus de temps pour le développement et la formation chez
certains individus. Je ne sais pas ce que vous en pensez de ça? Je parle
des tablettes.
M. Doyon (Réjean): Oui. En général, des
tablettés ça n'existe probablement pas chez nous parce qu'on
vient de vivre une opération intégration. Il existait à
peu près 130 à 140 classes d'emplois différents, dans ce
qui s'appelle le personnel de maîtrise et de direction, et ç'a
pris une forme de structure d'encadrement intermédiaire à 10
niveaux. Et, à l'occasion de cette opération-là, il y a
eu, évidemment, une opération, entre guillemets, ménage.
En ce sens qu'aujourd'hui, ce que vous retrouvez comme encadrement
intermédiaire, c'est vraiment des cadres intermédiaires. Il n'y
en a pas de tablettés, à notre connaissance, dans ça.
Non.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député des Îles-de-la-Madeleine. M. le député
de Mille-Îles.
M. Bélisle: Rapidement, M. le Président, une
dernière question. Comment, comme cadre intermédiaire, inciter
les fonctionnaires qui sont dans votre réseau, dans vos
départements respectifs, dans vos services respectifs, comment les
inciter à exceller et à se dépasser eux-mêmes?
Est-ce que c'est plutôt via ce qu'on peut appeler le normatif, le
monétaire, des primes de rendement? Parce que, jusqu'à date, ce
qu'on a entendu, M. Doyon, c'est que les gens qui sont
venus devant nous, ce n'est pas le monétaire. M. Doyon
(Réjean): Au mérite. M. Bélisle: C'est ce
qu'ils nous disent là. M. Doyon (Réjean): Oui.
M. Bélisle: il ne faut pas que ce soit le
monétaire, ils ne veulent pas du monétaire.
M. Doyon (Réjean): Oui.
M. Bélisle: C'est ça qu'ils nous ont dit
très clairement. Est-ce que c'est seulement le climat, l'attitude, le
comportement? Est-ce que c'est ça la troisième voie plutôt
que le normatif, le monétaire, de s'en aller dans ce qui est la
volonté véritable de changer les attitudes, les comportements,
les mentalités, est-ce que c'est ça?
M. Doyon (Réjean): Oui. Pour répondre à
votre question, une excellente question.
M. Bélisle: Je vous remercie beaucoup. M. Doyon
(Réjean): Deux volets. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Doyon (Réjean): Deux volets. On se renvoie de
l'excellence, ça nous fait plaisir. Vous voyez, on se motive.
Des voix: Ha, ha, ha.'
M. Doyon (Réjean): II ne restera aux autres qu'à
suivre notre exemple et à le faire.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bélisle: C'est bon, c'est bon, c'est bon.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Doyon (Réjean): On est après les motiver,
probablement, les personnes qui nous écoutent. Bon. Le constat est le
suivant. Vous avez à faire face, comme gestionnaire, cadre
intermédiaire, à la situation suivante. Toutes les conditions de
travail de vos employés sont sous forme de convention collective. Vous
n'avez pas un mot à dire là-dedans. Vous n'avez pas un mot
à dire sur leurs salaires, sur leurs régimes de retraite.
Là où vous avez un mot à dire, par exemple, et c'est
là qu'est un peu la clé du succès, c'est dans la
façon, dans la forme dont sont réalisées les
responsabilités, les tâches qu'on leur confie, aux employés
qu'on dirige.
C'est - et j'en connais beaucoup - dans la forme que prennent les
communications avec ces employés-là, mais aussi dans un climat de
mutuelle confiance et d'incitation auprès des employés à
participer de façon plus efficace à leur rôle
d'exécution. Et c'est là que nos gestionnaires trouvent beaucoup
beaucoup de valorisation, et c'est important.
M. Bélisle: Merci, M. Doyon.
Le Président (M. Lemieux): Alors, on vous remercie. Nous
allons devoir suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures pour reprendre
dans cette même salle. Je tiens à souligner que nous avons
apprécié votre mémoire et vos commentaires.
(Suspension de ia séance à 13 h 20)
(Reprise à 15 h 8)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux
afin d'entendre l'Association des cadres supérieurs du gouvernement du
Québec. Je demanderais au porte-parole de cette Association de bien
vouloir s'identifier et de nous présenter les gens qui
l'accompagnent.
Association des cadres supérieurs du
gouvernement du Québec
M. Dubuc (Dominique): M. le Président, je suis Dominique
Dubuc, président de l'Association.
Le Président (M. Lemieux): Auriez-vous l'amabilité
de vous avancer - vous allez avoir de la difficulté à le
déplacer; il est bien fixé - près du micro?
M. Dubuc: II y a des voleurs? Je reprends. Je suis Dominique
Dubuc, président de l'Association des cadres supérieurs du
gouvernement du Québec et également directeur du dossier
conducteur à la Société de l'assurance automobile du
Québec.
Une voix: Directeur?
M. Dubuc: Du dossier conducteur. Et j'espère qu'à
ce titre, vous n'avez pas eu affaire à moi! Je suis accompagné
aujourd'hui de la vice-présidente de l'Association, Mme Jacqueline
Bédard, également directrice des services à la
clientèle à fa Régie de l'assurance-maladie du
Québec; de M. Jacques Cardinal, qui est notre vice-président
exécutif et directeur général, et, à ma gauche, de
notre ex-vice-président exécutif et directeur
général, le président fondateur de l'Association, M.
Lucien Parent.
Le Président (M. Lemieux): Ça va. Alors, vous
êtes au courant qu'au niveau de la procédure, vous avez 20 minutes
pour exposer votre
mémoire. Suivra un échange avec les parlementaires, d'une
quarantaine de minutes. La parole est maintenant à vous, M. le
président.
M. Dubuc: Merci, M. le Président. M. le Président,
membres de cette commission, mes propos d'aujourd'hui reprendront en
synthèse les faits saillants du mémoire que nous avons soumis sur
les objectifs et les acquis de la réforme de la fonction publique, sur
les principaux problèmes observés et sur les attentes concernant
la gestion des ressources humaines et plus particulièrement, vous le
comprendrez bien, du personnel d'encadrement.
D'entrée de jeu, je vous rappelle que l'Association des cadres
supérieurs maintient son accord et son appui à la teneur de la
réforme entreprise par la loi de 1983. Nos recommandations vont dans le
sens de la poursuite de cette réforme, qui nous semble bien
amorcée. En proposant sa réforme de la fonction publique, le
législateur a senti le besoin d'inscrire, pour la première fois,
au tout début de la loi, la mission de la fonction publique, qui se
résume à fournir au public des services de qualité.
Il y a là, avons-nous compris, l'expression d'une volonté
gouvernementale clairement définie, à laquelle toute la fonction
publique québécoise a, nous semble-t-il, souscrit. Aujourd'hui,
nous pouvons affirmer sans hésitation que le personnel, à tous
les niveaux, a répondu à l'appel. Des progrès
marqués ont été réalisés dans ce domaine. La
fonction publique est maintenant davantage préoccupée par les
services aux citoyens.
Les autres articles de la loi, autres que ceux définissant la
mission, ne sont en fait que des modes d'organisation, des moyens pour mieux
concourir à la réalisation de cette mission.
Les services à la clientèle ont été
améliorés et d'autres ont été créés
dans le mouvement général déclenché par l'adoption
de la nouvelle loi. Cependant, pour éviter l'écueil du
relâchement possible et presque inhérent à tout mouvement
enthousiaste, nous croyons nécessaire de recommander que les
ministères, les organismes centraux de la fonction publique et le
gouvernement poursuivent leur action concertée en vue d'un meilleur
service aux citoyens par la mise en oeuvre de mesures appropriées dont,
notamment, la nomination, dans les ministères et organismes où le
besoin le justifie, d'un responsable des services à la clientèle
et la production, si nécessaire, d'un plan d'amélioration des
relations avec les citoyens.
Cette recommandation s'inscrit d'ailleurs dans le sens de notre
recommandation générale de poursuivre la réforme dans la
même direction. Nous recommandons de telles mesures surtout pour
réactualiser la volonté de bien remplir cette mission, pour que
l'objectif du service au public, nettement inscrit dans la loi, devienne le
leitmotiv pour tous et chacun des agents à l'administration
gouvernementale. Il faut plus que se fier uniquement au bon vouloir et à
l'initiative de chacun des fonctionnaires ou de chacun des organismes, il faut
une action concertée, fondée sur des orientations clairement
définies. Pour mieux assurer cette concertation, nous suggérons
qu'un maître d'oeuvre gouvernemental, et non une structure nouvelle, soit
désigné pour servir à la fois de conscience à la
fonction publique et d'incitateur à agir.
Dans un autre ordre d'idée, le processus d'évaluation
annuel, obligatoire pour tout le personnel d'encadrement et ta haute direction,
ne tient pas nécessairement compte du volet gestion de la ressource
humaine placée sous sa responsabilité. Il faut bien admettre que
la préoccupation de la gestion des ressources humaines est relativement
nouvelle dans le langage des administrateurs, tant du public que du
privé, d'ailleurs. C'est pourquoi nous insistons pour que
s'élabore une politique spécifique d'évaluation qui
insiste surtout sur l'aspect gestion des ressources humaines plutôt que
sur la gestion des dossiers. Évidemment, l'une ne va pas sans
l'autre.
Pour une atteinte plus grande et plus constante de l'efficience, il faut
maintenant définir plus rigoureusement les modalités et les
mécanismes de suivi que doivent assurer les organismes centraux sur
l'exercice des pouvoirs qu'ils délèguent aux ministères.
Il faut également que les plans ministériels de
délégation précisent les dispositions selon lesquelles se
fera, à chacune des étapes importantes de la gestion, la
reddition de comptes des fonctions déléguées.
C'est pourquoi nous recommandons que soit précisée, dans
la politique générale de gestion des ressources humaines, une
politique spécifique de l'évaluation applicable à tous les
paliers de l'administration pour chacune des phases du processus de gestion et
que l'élaboration de cette politique soit prioritairement confiée
au ministre délégué à l'Administration et à
la Fonction publique, assisté du conseil de la fonction publique dont
nous recommandons la création.
Pour aller dans le sens de la volonté gouvernementale
exprimée par l'article 3, item 5 de la loi sanctionnée en 1983,
c'est-à-dire "instituer un mode d'organisation des ressources humaines
destiné à favoriser la contribution optimale, au sein de la
fonction publique, des diverses composantes de la société
québécoise", nous recommandons au gouvernement de constituer un
conseil de la fonction publique formé de représentants des
groupes directement intéressés ou concernés par la gestion
et le développement des ressources humaines de la fonction publique. Ce
conseil, selon nous, devrait aviser le ministre sur toute politique et
réglementation ayant trait à la fonction publique et
présenter au ministre, qui le déposerait à
l'Assemblée nationale, un rapport au moins quinquennal sur l'état
et les besoins de la fonction publique.
Il nous apparaît tout à fait normal, à ce point-ci
de notre exposé, d'attirer votre atten-
tion sur ce groupe important de gestionnaires que sont les cadres, qui
ont pour mandat, rappelons-le, d'appliquer les politiques gouvernementales dans
leurs secteurs respectifs. Nous rappelons qu'il faut mettre en place des
politiques de gestion susceptibles d'attirer les personnes les plus
compétentes, les inciter à y faire carrière ou à se
réorienter au besoin.
Alors que la Loi sur la fonction publique consacre une section
complète - 9 articles - à la définition des règles
administratives de base concernant les administrateurs d'État en
matière de nominations, de classifications, de conditions de travail, de
mesures disciplinaires et autres, de même qu'un chapitre spécial
comprenant deux sections - 13 articles avec subdivisions - portant sur le
régime syndical et le régime formel de relations du travail
particulier pour les autres, le personnel d'encadrement n'a droit, pour sa
part, qu'à une simple mention, à l'article 40.
Il ne serait que juste et équitable, selon nous, que la loi
reconnaisse également ces mêmes prérogatives à
l'égard du personnel d'encadrement. Se pourrait-il qu'un jour la
légalité, la réglementation, concernant le personnel
d'encadrement, soit contestée parce que non précisée dans
la loi? Ce genre d'imbroglio s'est souvent produit dans la fonction
publique.
Voilà qui nous amène à recommander qu'un chapitre
ou une section soit ajouté à la loi pour y définir un
régime formel de conditions d'emploi et de relations entre le
gouvernement et son personnel d'encadrement, régime non assujetti au
Code du travail. L'économie de la loi permettrait d'inclure une telle
section entre la section réservée aux administrateurs de
l'État et le chapitre réservé au régime syndical,
une place toute désignée et appropriée pour le personnel
d'encadrement.
Le plan de classification des cadres supérieurs - dans le langage
commun, le corps 630 - existe depuis septembre 1967, en vertu d'une
décision de la Commission de la fonction publique, responsable, à
l'époque, de la classification des emplois. Ce corps de gestionnaires
comprend cinq classes, le niveau I étant le plus élevé; ce
sont les membres que nous représentons aujourd'hui. L'article 42 de la
loi précise que les fonctionnaires sont recrutés et promus par
concours. D'une part, nous constatons que près de la moitié des
sous-ministres adjoints cumulent les fonctions de sous-ministre adjoint et de
directeur général. D'autre part, pour cette classe I, il n'y a
pas de concours, ou presque. Pourtant, la classe I compte 47 personnes. Alors
que le cheminement de carrière normal devrait permettre l'accession
à ce niveau d'encadrement par voie réglementaire,
c'est-à-dire par le concours, il n'en est rien. La conséquence de
cet état de fait, selon nous, est que plus d'une centaine d'emplois
faisant partie du plan de carrière des cadres supérieurs
échappent à la régie fondamentale régissant les
nominations. C'est par l'utilisa- tion de tels moyens qu'est habilement
contourné ce que la loi établit pourtant comme exigence
légale minimale, le concours.
En plus de ce phénomène, ajoutons à ce tableau les
statistiques, plus ou moins officielles pour l'instant, qui avancent que plus
de 50 % des promotions sont accordées sans concours. Pour corriger cette
anomalie, nous recommandons que le règlement de classification des
cadres supérieurs établisse clairement que la classe I de cette
classification est normalement attribuée à des postes de
directeurs généraux et que cette classe, comme les autres classes
de cadres supérieurs, n'est accessible que par voie de concours et,
exceptionnellement, en application stricte des dispositions des articles 29, 30
et 42. Je vous rappelle que ces articles concernent les gens qui ont
été dégagés pour occuper des fonctions publiques
pendant un certain temps, avec un droit de retour.
Nous recommandons également que la Commission de la fonction
publique assume entièrement la responsabilité que lui confie la
Loi sur la fonction publique de veiller à ce que les nominations
à des postes de l'une ou l'autre des classes de cadres supérieurs
se fassent suivant les règles en vigueur et donc, normalement, par voie
de concours. Le recrutement et la promotion de la fonction publique sont des
domaines que la loi assigne à l'Office des ressources humaines, mais que
celui-ci peut déléguer aux ministères et organismes, ce
qu'il a fait dans une très large mesure.
Pour ce qui est des cadres supérieurs, nous sommes d'avis,
toutefois, que ces fonctions doivent s'exercer dans une perspective plus
gouvernementale que ministérielle. À cet égard, une
décentralisation trop poussée risque d'entraver la poursuite
d'objectifs d'ensemble. Chaque ministère peut trop facilement être
enclin à se préoccuper davantage de ses besoins
spécifiques et immédiats au détriment d'une possible et
souhaitable carrière interministérielle pour le cadre
recruté. On ne recrute pas un cadre supérieur, en effet, pour
qu'il fasse nécessairement carrière dans un seul
ministère. Idéalement, il doit au contraire pouvoir servir
l'administration publique tout entière et, à cette fin,
satisfaire dès le départ certaines exigences gouvernementales
plutôt que simplement répondre aux critères d'emploi dans
tel ministère.
La politique de délégation de l'Office des ressources
humaines, ou plutôt sa mise en pratique n'a peut-être pas, selon
nous, mis suffisamment l'accent sur la distinction entre exigences
gouvernementales et exigences ministérielles. Ce qui nous amène
à recommander que le paragraphe 2 de l'article 102 soit amendé
pour ajouter aux exceptions indiquées celle de la tenue de concours de
recrutement et de promotion des cadres supérieurs. En somme, nous
demandons d'ajouter dans la liste des exceptions à la
délégation de la tenue de concours le
personnel d'encadrement.
Compte tenu de l'expérience vécue, il nous apparaît
nécessaire de préciser dans la loi la limite des pouvoirs
accordés pour modifier des attributions de fonction, surtout dans le cas
du personnel d'encadrement. L'utilisation du deuxième paragraphe de
l'article 4 aboutit, règle générale, à une
sous-utilisation du personnel et souvent, même, à placer certains
cadres sur la voie d'évltement. Nous recommandons donc de modifier ce
deuxième paragraphe de l'article 4 de la Loi sur la fonction publique
pour préciser que c'est de façon temporaire qu'un fonctionnaire
peut se voir confier des attributions autres que celles normalement
rattachées à son emploi et que, dans un tel cas, une durée
limitée est prévue pour l'exercice de ses attributions.
Nous recommandons aussi de modifier l'article 33 pour prévoir que
le fonctionnaire peut également interjeter appel devant la Commission de
la fonction publique de la décision l'informant de son affectation
à des attributions de tâche non conformes à sa
classification. Cette dernière recommandation vise à accorder aux
cadres un pouvoir d'appel devant la Commission de la fonction publique pour
obtenir justice, le cas échéant, s'il juge que ses nouvelles
attributions sont l'équivalent d'un relevé de fonction
déguisé.
La loi reconnaît depuis 1978 au personnel d'encadrement le droit
d'en appeler d'une décision concernant ses conditions de travail.
À notre avis, pour garantir une certaine crédibilité et
impartialité, les membres du comité d'appel devraient être
choisis après consultation des associations concernées.
Voilà pourquoi nous recommandons de modifier l'article 127 de la loi
pour prévoir que les conditions de travail des fonctionnaires non
régis par une convention collective sont "appelables" devant un
comité dont les membres sont choisis suite à une consultation
auprès des associations.
Quelques-unes des recommandations formulées dans notre rapport,
mais que je ne traiterai pas ici aujourd'hui, sont davantage d'ordre technique.
Je les passe donc sous silence, ce qui n'en réduit aucunement la
pertinence et l'importance.
En terminant, permettez-moi de faire un bref tour d'horizon sur la
décentralisation, la délégation, le contrôle a
posteriori et l'imputabi-lité. En termes d'acquis, il nous semble que la
décentralisation et la délégation de pouvoirs viennent au
premier rang. Les instances centrales, comme le Conseil du trésor et
l'Office des ressources humaines, ont abondamment délégué
des responsabilités, comme notamment la tenue de concours. Chacune, dans
ses domaines respectifs, a élaboré les règles
administratives exigées par la loi. Les sous-ministres et dirigeants
d'organismes ont également défini leurs plans de
délégation à leur personnel. En bref, nous constatons que
des modes organisationnels nouveaux ont remplacé les anciens, et
j'attire votre attention sur le fait que je traite ici du volet gestion de
ressources humaines.
Le problème majeur engendré par la décentralisation
et la délégation de pouvoirs est, nous semble-t-il,
l'émergence d'une gestion souvent trop autonomiste de la part des
organismes et ministères. Sans correction de la trajectoire à ce
moment-ci, la réforme risque de conduire à l'incohérence,
à des contradictions, voire même à des iniquités
dans l'application des politiques gouvernementales reliées à la
gestion des ressources humaines. À titre d'appui à notre crainte,
les directives du Conseil du trésor et de l'Office des ressources
humaines nous semblent être qu'indicatives pour un grand nombre de
ministères et d'organismes. Les conditions dans lesquelles s'exerce
l'imputabilité font également partie des préoccupations
des cadres supérieurs et, parfois, peuvent leur causer des
problèmes. Leur carrière peut en dépendre, leur
évaluation annuelle du rendement le leur rappelle, parfois
douloureusement.
Ce problème est créé par l'incapacité
d'identifier raisonnablement les zones de juridiction des divers intervenants,
que ce soit au niveau politique, au niveau administratif ou entre les deux. Il
n'est pas évident que la délégation de pouvoirs
s'accompagne toujours, présentement, d'une véritable
délégation de responsabilités. Aussi, nous croyons
à la nécessité de mettre en place les conditions requises
pour que s'exercent, toujours en matière de gestion des ressources
humaines, la délégation de pouvoirs, le suivi - et par là,
j'entends reddition de comptes et non règlement de comptes - et
l'évaluation des pouvoirs délégués.
Ceci a pour conséquence inévitable l'application de
sanctions, gratifications pour les uns, avertissements et même
réprimandes pour d'autres. Une absence d'action en la matière
compromettrait la réforme, et un mouvement centralisateur plus fort
succéderait au mouvement décentralisateur présentement
amorcé.
Enfin, comme le Conseil du trésor est le fondé de pouvoir
du gouvernement pour assurer la mise en oeuvre de cette loi, nous
suggérons qu'il se structure pour donner aux dossiers concernant la
gestion des ressources humaines la même importance que celle
accordée aux autres dossiers, tels les relations de travail et les
programmes à caractère économique.
Toute réforme s'accompagne de difficultés, de heurts, de
contraintes, d'excès, d'hésitations et même d'erreurs dites
de parcours. Le législateur s'attendait à vivre une telle
situation avec la réforme de la loi, et c'est pourquoi, pour une rare
fois, il inscrivait dans un texte législatif, fort heureusement
d'ailleurs, l'obligation de faire le point après cinq ans. C'est dans
cette perspective que nous vous avons formulé nos commentaires et
recommandations. M. le Président, membres de la commission, je vous
remercie de
l'attention que vous m'avez accordée.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie de la
présentation de votre mémoire. Probablement que le
député de Limoilou aura aussi des questions à vous poser.
Il me faisait savoir ça tout à l'heure. J'en ai quelques-unes qui
vont toucher à la fois le Conseil de la fonction publique, le
maître d'oeuvre dans le développement de la carrière et le
pouvoir d'ordonnance de la Commission de la fonction publique, mais il y en a
une qui me fatigue tout particulièrement comme député qui
a à faire du bureau de comté. Les citoyens et citoyennes,
peut-être peu instruits, parfois, mais qui paient des taxes et qui paient
nos salaires et les vôtres, nous parlent souvent des cadres en empruntant
une expression qui est bien particulière, les "tablettes". Est-ce que
ça existe chez vous, les "tablettes"? Si ça existe,
êtes-vous en mesure de me dire - parce que j'ai des statistiques devant
moi, mais je ne vous les livrerai pas - règle générale,
combien de cadres circulant dans l'appareil administratif sont
prêtés à des organismes comme Centraide ou sont tout
simplement mis sur une voie de garage à l'intérieur de
l'administration publique? J'aimerais savoir si, effectivement, ça
existe, des "tablettes". Il me semble que vous êtes bien placé
pour le savoir.
M. Dubuc: M. le Président, vous me permettrez au
préalable de démêler les concepts. Il y a des cadres en
surplus.
Le Président (M. Lemieux): Oui. M. Dubuc: II y en a
présentement...
Le Président (M. Lemieux): Voulez-vous nous donner la
définition d'un cadre en surplus?
M. Dubuc: Oui. C'est un cadre qui est en excédent des
effectifs autorisés. Il y en a présentement 21 dans la fonction
publique.
Le Président (M. Lemieux): 21 cadres qui se situent
à quel niveau? De quel niveau? Des administrateurs IV? Administrateurs
II? Administrateurs I? Vous n'avez pas d'idée? Vous n'avez pas de
statistiques à cet effet-là?
M. Dubuc: Non.
Le Président (M. Lemieux): En termes de masse salariale,
ça peut représenter quoi?
M. Dubuc: Une moyenne de 50 000 $.
Le Président (M. Lemieux): O. K., on vous laisse
continuer.
M. Dubuc: Voilà. Une autre précision, avant de
poursuivre ma réponse, si vous me permettez.
Les cadres en surplus ou les cadres que je vous définirai en
transition de carrière sont victimes d'une situation. Ils ne sont pas
nécessairement la cause de la situation. Ça, c'est important de
bien le préciser.
En deuxième volet, les cadres dits en transition...
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Dubuc:... ce sont des cadres qui, présentement, se
voient attribuer des fonctions non correspondantes à leur
classification. D'où notre recommandation de modifier l'article 4 pour
que, quand on confie à un cadre des tâches, des travaux, des
responsabilités qui ne sont pas du niveau où il est
classé, ce soit de façon temporaire. (15 h 30)
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que l'Assocication des
cadres fait... Qui a la responsabilité de voir à la
reclassification ou à l'utilisation de ces cadres-là?
M. Dubuc: L'Office des ressources humaines est un intervenant
important. L'Association des cadres joue aussi un rôle de support
auprès de son personnel. Le Conseil du trésor intervient,
également. Pour ça, il y a une coïncidence qui n'a
probablement aucun lien avec la présente commission, mais il y a deux
semaines à peine, nous avons accueilli une nouvelle politique de gestion
de l'encadrement.
Le Président (M. Lemieux): Nous étions au courant.
C'est curieux. Allez-y, vous pouvez continuer.
M. Dubuc: Si vous me permettez un petit ajout, ces
cadres-là ne sont pas à la maison. Ceux dont je vous ai
parlé ne sont pas à la maison, ils travaillent. Ils coûtent
peut-être en moyenne 50 000 $, ils ne rendent peut-être pas 50 000
$, mais ils travaillent, ils produisent.
Le Président (M. Lemieux): Et vous avez dit qu'il y en
avait 21. C'est ça?
M. Dubuc: En surplus.
Le Président (M. Lemieux): En surplus. Et en transition de
carrière, maintenant?
M. Dubuc: Là-dessus, c'est plus difficile à
évaluer. Vous comprendrez que, nous, on ramasse de l'information, mais
ce qui circule habituellement, c'est de l'ordre de 200. Mais là, il y a
une précision importante. Les directives gouvernementales
définissent déjà une possibilité de 5 % de cadres
en transition par organisme. C'est permis, ça. C'était
accepté, la règle... Et ça va de soi que, quand on fait
une réorganisation administratrive, qu'on brasse des programmes,
qu'on coupe ici, qu'on ajoute ça, on se retrouve en transition
quelque part avec un certain nombre de cadres et là, il faut
temporairement les affecter... Ça, c'est prévu. La directive
gouvernementale prévoit 5 %. Alors, 5 % de 2500, on est
déjà à 125.
Le Président (M. Lemieux): Et vous dites qu'il n'y a
personne de sous-utilisé et vous nous affirmez qu'il n'y a aucun cadre
qui est actuellement à la maison et qui reçoit son salaire du
gouvernement?
M. Oubuc: Non, non, ça, je ne peux pas...
Le Président (M. Lemieux): Vous n'êtes pas capable
d'affirmer ça, n'est-ce pas?
M. Dubuc: Je ne peux vous faire une telle affirmation. Non, ce
n'est pas... Je n'ai pas l'information pour...
Le Président (M. Lemieux): Vous n'avez pas l'information
pour ça. O.K. Nous avons fait une étude et il s'avère,
dans cette étude que les cadres de 45 ans et plus qui sont
sous-utilisés, ou ils sont affectés mais ce n'est pas dans des
emplois de cadre, ou ils ne sont pas affectés et ils n'ont pas de
mandat. Est-ce que ça correspond à la réalité?
M. Dubuc: Voulez-vous me reformuler ça, M. le
Président? Les cadres de 45 ans et plus...
Le Président (M. Lemieux): 30 % des cadres de 45 ans et
plus - ce qu'on a comme statistiques - sont affectés mais ne sont pas
dans les emplois de cadres, ou ils sont non affectés et ils ne
reçoivent pas de mandat.
M. Dubuc: Cette question étant plus spécifique, M.
le Président, je vous demanderais de laisser M. Parent...
Le Président (M. Lemieux): Oui, oui. C'est une
étude que la commission a entreprise auprès des cadres de la
fonction publique.
Une voix: Les derniers chiffres...
Le Président (M. Lemieux): Auprès des cadres de 45
ans et plus, on s'entend bien?
Une voix: O.K. Vous avez fait un échantillonnage...
Le Président (M. Lemieux): Un échantillonnage,
oui.
Une voix: D'accord.
M. Parent (Lucien): Si on veut... Ce problème, je peux
vous dire qu'officiellement - et c'est ce que M. Dubuc, notre président,
vient de vous dire - il y a 22 cadres déclarés officiellement en
surplus, dont 21 ou 22... Ça varie seulement de la journée, mais
on va... Alors, déclarés officiellement en surplus selon les
directives du Conseil du trésor. Il y en a 208 qui sont dans les cadres
en transition de carrière, c'est-à-dire que chaque
ministère a 5 % de ses effectifs pour permettre soit de faire du
ressourcement, soit de prêter des personnes à Centraide. Il y a 5
%. Or, conséquemment, ces gens-là, comme vous dites, bien
sûr, sont affectés à des emplois qui sont non conformes
à leur déclaration d'aptitudes, parce que je vous rappelle que
chaque cadre - et on vous le rappelle dans le mémoire, aussi - est
nommé à un poste après un concours. L'article 4 que nous
vous demandons de modifier, le droit d'appel qu'on demande aux cadres, c'est
justement pour corriger ces écarts de gestion qui permettent quelquefois
à des administrations de confier des fonctions autres que celles pour
lesquelles ils ont été choisis. Si personne ne peut se faire
entendre ici, dans le ministère - et au gouvernement, il n'y a personne
pour entendre ces personnes-là - au nom de l'Association, nous vous
demandons de permettre aux cadres qui se voient - employons les mots comme ils
sont -tassés, affectés à des fonctions non conformes
à leurs compétences... L'Association voudrait que vous vous
penchiez sur ce dossier-là. À savoir combien il y en a qui sont
chez eux, à la maison, je peux vous dire une chose: au moment où
nous nous parlons aujourd'hui, c'est très peu. Comme ce n'est pas
très glorifiant, il n'y a pas beaucoup de cadres qui nous appellent pour
nous dire qu'ils sont à la maison. C'est pour ça que nous n'avons
aucune statistique.
Permettez-moi, pour finir l'information... Quand les gens
s'inquiètent qu'il y a 208 personnes qui sont payées, je ne
dirais pas à ne rien faire - on vient de préciser que ce
n'était pas le cas - il faut se rappeler aussi que, comme chaque
ministère a un nombre d'effectifs à combler et qu'if ne peut pas
les dépenser parce que chaque poste est autorisé... Je peux vous
dire qu'il y a 8 % annuellement de postes vacants chez l'encadrement
supérieur. Or, conséquemment, le problème financier est
atténué par la vacance, mais, d'un autre côté,
ça ne règle pas le problème des cadres qui sont
sous-utilisés et qui souhaitent être utilisés.
Le Président (M. Lemieux): Vous avez parlé, dans un
autre ordre d'idée, du Conseil de la fonction publique. Est-ce que vous
pourriez nous préciser les pouvoirs que vous aimeriez lui voir
attribuer, à ce Conseil de la fonction publique?
M. Dubuc: II nous apparaît que la gestion des ressources
humaines est l'enfant pauvre, par rapport à la gestion
financière. Refaisons un peu d'histoire. Il y avait un ministère
de la Fonction
publique et il y avait un organisme davantage préoccupé
des volets financiers. Si je voulais utiliser une image, je dirais que le
financier l'a emporté sur l'humanisme. Quand les décisions
devaient se prendre, l'arbitrage se faisait dans le portefeuille, comme dans
nos familles, bien souvent. Nous, on dit qu'il faut donner une chance à
cette réforme qui est enclenchée de se poursuivre. On a un bout
de chemin de fait, et on pense qu'en supportant davantage cette
préoccupation de gestion des ressources humaines, donc, en alimentant le
pouvoir politique à l'aide d'un Conseil... Et là, je raccroche
à votre question. Pour nous, c'est strictement un Conseil. C'est un
regroupement de gens intéressés, concernés par la gestion
des ressources humaines de la fonction publique, qui conseille le ministre sur
l'évolution, la gestion des ressources humaines dans la fonction
publique. Ce serait le rôle du Conseil, un rôle d'analyse d'une
situation pour alimenter l'appareil politique.
Le Président (M. Lemieux): Je veux bien croire ça,
mais vous avez parlé aussi d'avoir davantage de pouvoirs... Vous faites
aussi référence à la Commission de la fonction publique,
et ça m'intrigue un petit peu, ça m'agace un petit peu. Je me
demande: qu'est-ce qui va arriver de l'imputabilité des gestionnaires,
si la Commission de la fonction publique peut à peu près
interroger, je dirais, toutes les décisions comme telles des
gestionnaires en matière de gestion des ressources humaines eu
égard à son pouvoir d'enquête? Vous ne trouvez pas que la
Commission de la fonction publique, actuellement, a suffisamment de
pouvoirs?
M. Oubuc: Je vous ferai remarquer qu'on ne revendique pas
davantage de pouvoirs pour la Commission de la fonction publique, on revendique
qu'elle exerce son pouvoir dans les champs qui sont déjà
définis, dont explicitement ceux de la tenue de concours.
Le Président (M. Lemieux): Elle le fait actuellement.
M. Dubuc: Sur demande. Je pourrais vous citer un exemple:
à notre demande, à la demande de l'Association, la Commission a
tenu une enquête sur un certain nombre de concours qui s'étaient
tenus.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
La Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Le concept du Conseil
de la fonction publique est intéressant. Je note cependant qu'à
la page 27, vous dites: "Cette mesure s'impose, d'autant plus que la personne
qui agit comme ministre délégué à la Fonction
publique a comme mandat principal la présidence du Conseil du
trésor et non le dossier des ressources humaines." Tout en étant
intéressant, le concept du Conseil de la fonction publique, à mon
avis, n'est pas la vraie solution à une direction qu'on peut penser,
comme bien d'autres groupes l'ont dit hier, trop uniquement axée sur la
gestion financière; à savoir le fait que l'ensemble de la loi
soit la responsabilité d'un seul ministre, le président du
Conseil du trésor. Je m'explique. On peut concevoir, pour fins de
concertation en particulier, surtout s'il y a des consommateurs de service dans
ce Conseil de la fonction publique, que ça pourrait devenir un forum
intéressant: les cadres supérieurs, les cadres
intermédiaires, les syndiqués, etc., tous les échelons de
la fonction publique dans un forum de concertation, en incluant - je ne sais
pas dans quelle proportion vous les voyez - les consommateurs de services, la
clientèle. Ça, c'est une chose. Je pense qu'il faut la traiter en
tant que telle, mais il faut traiter à côté l'autre
problème qui a été évoqué par plusieurs. Je
vous pose la question bien carrément: où est-ce que vous situez
votre préférence? Préférez-vous la formule actuelle
où il y a un seul ministre, ou la formule qui a eu cours de 1984
à 1988 où, selon l'article 171 de la Loi sur la fonction
publique, le gouvernement désigne par décret des ministres
responsables de l'application de l'ensemble de la loi? De 1984 à 1988,
il y en avait deux et, depuis 1988, il y en a un. Est-ce que vous avez une
préférence?
M. Dubuc: Oui. Notre position là-dessus est effectivement
arrêtée. Un peu dans la continuité de ce qu'on vient de
vous dire, on pense que la réforme est à peu près à
mi-chemin. On a entendu, notamment ce matin, les gens nous dire: Ce sont des
changements de mentalité, ça ne se fait pas sur un 10 cents. Il
faut donner le temps à ça. C'est une grosse machine à
tourner et, nous, on pense que le mouvement est enclenché. Le juger
aujourd'hui et dire que ce n'est pas bon, que l'on doit changer, selon nous, il
faut continuer dans ce sens-là. Pour répondre maintenant
directement à votre question, on pense qu'un ministre bien
supporté, comme on vous le propose, par un équilibre au sein de
son Conseil entre la gestion des ressources et ia gestion financière,
peut atteindre le même résultat.
M. Lazure: Vous préférez la situation actuelle
à celle qui a prévalu entre 1984 et 1988?
M. Dubuc: Pour les différences qu'il y a eues, oui.
M. Lazure: Oui? M. Dubuc: Oui.
M. Lazure: Avez-vous entendu parler, depuis janvier 1986, de
l'action des comités, dans chaque ministère et organisme, qui
s'occupent
de la qualité des services aux citoyens? Si oui, pouvez-vous nous
en parler?
M. Dubuc: Non, je ne peux pas élaborer
là-dessus.
M. Lazure: Non? C'est ce qui devait remplacer le
Secrétariat aux relations avec les citoyens.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Labelle.
M. Léonard: Sur cette question du Conseil, est-ce que
ça ne fait pas un autre organisme de plus dans le décor, un
Conseil de la fonction publique à côté de la Commission de
la fonction publique, du Conseil du trésor...
Une voix: De la commission du budget... M. Léonard:
Oui...
M. Oubuc: Effectivement, pour répondre à votre
question, M. le député, cette formule qu'on a mise de l'avant et
qui est un Conseil, en fait, c'est le concept derrière qui a son
importance. Qu'on arrive à autre chose qu'un Conseil, qu'on dise que
l'Office va jouer ce rôle-là en s'adjoi-gnant des intervenants,
parce qu'il nous paraît important qu'il n'y ait pas que des
fonctionnaires là-dedans, ça pourrait être viable aussi. On
a proposé cette formule-là, mais elle pourrait être
accommodée.
M. Léonard: O.K. Très rapidement, sur une
question... Vous nous avez dit tout à l'heure qu'il y avait 2500 cadres
supérieurs au gouvernement du Québec.
M. Dubuc: Oui.
M. Léonard: II y a 2500 cadres intermédiaires
aussi?
M. Dubuc: 2400 cadres supérieurs.
M. Léonard: Oui, disons 2400. Et il y aurait 2500 cadres
intermédiaires, c'est ce qu'on a dit ce matin. Est-ce que je dois
conclure...
M. Dubuc: Ne concluez pas là-dessus!
M. Léonard: ...qu'il y a beaucoup de "totems"?
M. Dubuc: Non. Je pense qu'il faut faire des distinctions
importantes. Il y a des organismes où les opérations sont
très présentes, où l'application directe des programmes
est là; on retrouve, dans ces organismes, un grand nombre de cadres
intermédiaires. Il y a plein d'autres organismes, dont les organismes
à vocation plus centrale, plus de conception, où il y a beaucoup
moins de cadres intermédiaires.
M. Léonard: Là, dans l'autre cas, ça veut
dire qu'il y a pas mal plus de chefs que d'indiens.
M. Dubuc: Non. Dans ces cas-là, il n'y a pas un pour un.
Le nombre de cadres supérieurs dans ces organismes est moins
élevé que dans les organismes centraux.
M. Léonard: Je voudrais poser des questions sur deux
autres sujets. On nous a dit que l'évaluation des cadres
intermédiaires était, en tout cas, défaillante, pour dire
le moins. Vous l'avez entendu ce matin, je pense. Quelle est votre
réaction par rapport à ça?
M. Dubuc: Nier qu'il y a des ratés dans le...
M. Léonard: Parce qu'au fond, l'impression qu'on a
actuellement, c'est que les cadres supérieurs n'évaluent
pratiquement pas ou... Enfin, c'est un travail très pénible
à faire et une période très difficile à supporter,
lorsque ça arrive.
M. Dubuc: C'est vrai que c'est... J'en suis un, un cadre
supérieur, et c'est vrai que c'est un exercice difficile. D'ailleurs,
l'évaluation des ressources, c'est partout un travail difficile. Ce qui
explique peut-être qu'il y ait davantage de ratés dans ce
processus qu'il y en a dans d'autres. Dans le processus budgétaire, on a
à rendre compte; on a besoin d'argent et, si on n'a pas d'argent, on
n'opérera pas. Dans le processus d'évaluation, on met ça
un petit peu de côté: Je suis pressé par les affaires
budgétaires, je mets ça... Bon. Ça peut expliquer
ça, mais je ne pense pas qu'on doive condamner le processus actuel. Il y
a eu énormément, mais énormément - on en jasait au
conseil d'administration, à l'Association - d'améliorations quant
au processus d'évaluation. Quant au processus par lequel on fixe des
attentes et on rend compte de ces attentes, il y a eu beaucoup de changements
là-dedans. Il reste, appelons ça comme ça, des poches de
résistance, ça va de soi.
M. Léonard: Est-ce que c'est un domaine de l'application
de la loi qui mérite une attention particulière dans les cinq
années à venir?
M. Dubuc: Sans l'ombre d'un doute. (15 h 45)
M. Léonard: Oui. Ce matin, on a aussi abordé la
question de la mobilité des fonctionnaires. Je prends ça du bas
jusqu'en haut de l'échelle. Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que
vous trouvez que c'est suffisant, actuellement, ou que ça devrait
être beaucoup plus accentué dans le temps? Est-ce que c'est
vraiment en même temps qu'il y a la sécurité-
d'emploi qu'on doit accentuer la mobilité à
l'intérieur, partout, de toutes les façons dans la fonction
publique?
M. Dubuc: Oui...
M. Léonard: Par exemple, juste pour donner le cas... Si
vous avez plein de gens en transition d'emploi ou en surplus, est-ce qu'il y a
des approches systématiques de faites vis-à-vis l'entreprise
privée pour échanger? Parce qu'il y a la mobilité à
l'intérieur, mais peut-être pourrait-il y avoir une
mobilité avec l'externe...
M. Dubuc: Vous comprendrez, M. le député, que je ne
peux pas être contre la vertu. La mobilité, c'est une forme de
ressourcement, et c'est probablement la meilleure.
M. Léonard: Je suis content de vous l'entendre dire,
"probablement la meilleure".
M. Dubuc: Parce que, particulièrement dans notre cas, si
on regarde... Justement, vous faisiez référence, ce matin, au
sondage réalisé par l'Office des ressources humaines sur
l'encadrement supérieur. Ces sondages dénotent plusieurs
phénomènes, dont un très haut degré de
scolarisation des cadres supérieurs. Règle
générale, un bac, plusieurs maîtrises et même des
doctorats. Alors, ces cadres, pour se ressourcer, n'iront pas suivre un cours
de niveau baccalauréat, n'iront pas à un forum; ils vont chercher
à se développer dans le cadre de leurs attributions. Donc,
acquérir des expériences nouvelles et se développer par ce
biais.
Nous, on est tout à fait favorables à l'idée de
mobilité. Je ne vous donnerai pas un nombre d'années dans un
poste, ça m'apparaitrait trop arbitraire. Ça dépend de
l'individu...
M. Léonard: Oui.
M. Dubuc: ...ça dépend de la fonction, ça
dépend de la spécificité. Mais, oui, on est favorables
à cette mobilité. Il y a, par contre, il ne faut pas se le
cacher, des entraves à ça. Vous faites référence
à la mobilité avec le secteur privé. On dit à
quelqu'un: Ça fait 20 ans que tu es dans la fonction publique, voici
toutes tes conditions, tout ce que tu as acquis. On t'a trouvé quelque
chose ou il y a quelque chose qui te conviendrait. Et, bon, les deux parties
s'entendent pour dire: Oui, effectivement, dans l'entreprise privée,
ça pourrait être intéressant. Là, on se bute au
régime de retraite; 20 ans de régime de retraite non
transférables. Laisser geler ça là, c'est une perte
sèche.
Et ça, c'en est une, une entrave à la mobilité. Ce
sont des dossiers comme ça sur lesquels je pense qu'il faut se pencher
au-delà de la gestion comme telle et du principe de la
mobilité.
M. Léonard: Ça, je suis convaincu que c'est un
aspect important. Est-ce que je peux me permettre une autre...
Le Président (M. Lemieux): II y a votre collègue.
C'est parce qu'il vous reste une minute. Il y a votre collègue de
Pointe-aux-Trembles qui avait une question.
M. Léonard: Je veux juste faire une remarque sur celle que
vous avez faite en ce qui concerne la décentralisation. À la
minute où le gouvernement s'informatiserait de plus en plus, ce qui va
être le cas, comment peut-on s'opposer à des mesures de
décentralisation alors qu'au fond, vous avez tous les instruments de
contrôle par l'informatique, finalement, dans un poste central? En tout
cas, ça ne doit pas être un empêchement à
décentraliser, au contraire.
M. Dubuc: Avec une reddition de comptes. M. Léonard:
Ouais...
Le Président (M. Lemieux): Alors, il va falloir revenir
dans un deuxième temps, M. le député de
Pointe-aux-Trembles. Il y a M. le député de Limoilou et M. le
député de Mille-Îles... Et moi aussi, je voudrais avoir le
temps de revenir. Alors, M. le député de Mille-Îles,
allez-y. Après, ce sera M. le député de Limoilou, M. le
député de Saint-Louis, et on reviendra au député de
Pointe-aux-Trembles.
M. Bélisle: Malheureusement, on n'aura pas tout le temps,
M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Malheureusement.
M. Bélisle: Malheureusement. D'abord, une chose qui m'a
frappé, c'est à la page 2 de votre résumé du
mémoire. Vous dites - je vais vous citer textuellement, au bas de la
page, avant-dernier paragraphe: "L'élaboration et l'administration des
programmes que nécessite la mise en oeuvre des politiques
gouvernementales sont du ressort de la fonction publique qui, bien qu'au
service de la population, ne lui rend pas directement des comptes, mais doit
plutôt le faire au ministre mandaté par l'État." Moi, je
suis d'accord avec l'énoncé. Je n'ai pas de problème avec
ça.
Je pense que quelques-uns d'entre vous étaient ici hier. À
moins que... Je vois des signes de tête, on me fait signe que oui.
D'accord? Et j'ai été surpris de voir, hier, à plusieurs
reprises, des centrales syndicales venir nous dire, lorsque j'ai posé
des questions quant à l'imputabilité... À qui devez-vous
rendre des comptes? Entre autres, au Syndicat des fonctionnaires, on me dit: On
doit rendre des comptes à la population. La
question que je vous pose, c'est que vous autres, comme gestionnaires,
vous êtes du côté patronal. Vous êtes les
gérants, les administrateurs du système. Vous concevez votre
rôle comme rendant des comptes non pas à la population, mais aux
ministres et aux personnes qui sont les sous-ministres, d'accord?
Une voix: D'accord.
M. Bélisle: Et là, vous voyez d'autre part que
l'autre partie de la fonction publique, les fonctionnaires, essentiellement,
que vous gérez, eux autres, ils vous livrent un tout autre message: Nous
autres, l'imputabilité, on va rendre compte à la population.
Comment arrimez-vous ça entre les deux? Comment faire du sens? Il y a
deux conceptions différentes, c'est-à-dire que, quand on est du
côté patronal, on rend compte au côté patronal, et
quand on est du côté syndical, du côté service
à la population, on pense que le fait d'être imputables et de
rendre des comptes quant aux mandats qui nous sont confiés veut dire
qu'il faut rendre compte au peuple. Je comprends mal. Peut-être qu'il y a
un message de votre part qui passe mal à ceux que vous dirigez. Je pense
qu'il y a un malaise drôlement important, là. C'est une bonne
question.
M. Dubuc: Sans doute, comme les autres. Premièrement, je
confirme, effectivement, que notre position, selon nous... Là, vous
comprendrez que je parle comme représentant. C'est le dilemme des
cadres, on est à la fois employés et employeurs. Alors, je parle
comme cadre. Il nous semble qu'on a des comptes à rendre à la
hiérarchie. Si j'ai un sous-ministre de qui je relève, il est
normal que je rende compte de mes gestes au sous-ministre. Ce sous-ministre
rend compte au ministre qui, lui, est le porte-parole politique, public. C'est
lui, l'élu. Ça, c'est la position par rapport à nous.
Quant à la position par rapport aux employés, il
m'apparaîtrait difficile d'accepter, par exemple, qu'une
secrétaire puisse rendre compte à la population, qu'un
préposé au comptoir - je suis à la Société
de l'assurance automobile - qui renouvelle vos plaques d'immatriculation vous
rende compte de ce qu'il fait. Il a un patron qui lui dit: Tu vas faire
ça, et ainsi de suite. Donc, à mon sens, il faut respecter
ça, autrement, c'est l'anarchie. Si le pouvoir de gestion ne s'exerce
pas, qui va mener quoi?
M. Bélisle: M. Dubuc, juste dénoncer le
problème, c'est un peu poser l'étendue du problème. Je ne
sais pas si vous ne pourriez pas réfléchir là-dessus avec
votre association et nous revenir à un moment donné
là-dessus, mais je trouve qu'il y a un problème excessivement
sérieux là-dedans, en termes d'administration, de
délégation d'autorité et de directives de la part des
cadres directement à ceux qui vous aident à donner des services,
ceux qui sont plus bas dans la pyramide et qui sont tournés vers la
population. Je ne veux pas passer tout mon temps là-dessus. Vous
étiez là, ce matin, quand l'Association des cadres
intermédiaires est venue livrer son document, son mémoire?
M. Dubuc: Oui.
M. Bélisle: Est-ce que vous avez eu l'occasion de
vérifier, de regarder les modifications à l'article 3 de la loi?
Non?
M. Dubuc: Je vous ai entendu en parler, par exemple.
M. Bélisle: Mais vous n'avez pas vu les sixièmement
jusqu'à dixièmement?
M. Dubuc: Non.
M. Bélisle: Est-ce possible, M. le Président, de
leur demander s'ils veulent bien peut-être faire une réflexion et
nous envoyer une communication future là-dessus? Ce que je leur
demanderais tout simplement, c'est: est-ce que vous êtes en accord avec
les propositions faites par les cadres intermédiaires concernant
l'article 3? La dernière chose, M. le Président, c'est que nulle
part dans vos recommandations, à la fin... Il y en a, des
recommandations sur des modifications aux articles de la loi, mais les
recommandations recoupent pas mal d'autres recommandations. Je pense qu'il y a
des lieux communs et des consensus qu'on peut aisément établir
parmi les gens qui sont venus devant nous. Écoutez, l'article 70 de la
loi, dont on a abondamment entendu parler, qui est la base de régime
syndical, c'est-à-dire la nomination des candidats, la promotion des
fonctionnaires, la classification des emplois, la détermination du
niveau des emplois, l'attribution du statut de fonctionnaire,
l'établissement des normes d'éthique, la discipline et j'en
saute... Il n'y a pas de recommandation, dans votre texte, à l'effet
qu'il faut modifier l'article 70 de la Loi sur la fonction publique. Est-ce
exact?
M. Dubuc: Effectivement, on n'a aucune recommandation sur cet
article.
M. Bélisle: Donc, à votre avis, comme
administrateur de l'État du Québec, du gouvernement du
Québec, vous croyez que l'ensemble de l'article 70, pour vous permettre
d'accomplir votre tâche, doit demeurer comme il est présentement.
Ce n'est pas un mauvais article, ce n'est pas un mauvais régime. C'est
ça que vous êtes en train de dire. Vous ne l'avez pas dit, donc je
présume que c'est ce que vous dites.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bélisle: Tout ce que vous aviez à nous proposer
comme recommandations, M. Dubuc, je les vois très clairement
établies. Vous avez 17 recommandations, d'accord? Il n'y en a pas une
sur l'article 70.
M. Dubuc: Par rapport à d'autres préoccupations qui
sont davantage de l'ordre des cadres supérieurs, nous, on n'a pas cru
bon de toucher à l'article 70. On avait d'autres...
Le Président (M. Lemieux): Ça va, M. le
député de Mille-Îles? M. le député de
Limoilou. Ça va? Alors, M. le député de Saint-Louis et,
après, s'il reste un peu de temps...
M. Chagnon: M. Dubuc, vous avez parlé de
décentralisation. On lit, dans votre document, que la clarification des
objectifs doit amener à la reddition des comptes à tous les
niveaux dans la hiérarchie. Mon collègue, le député
de Mille-Îles, faisait allusion , à un problème
peut-être dichotomique à l'intérieur de l'ensemble de la
machine, qui nous est apparu ici, mais qui est peut-être existant. Vous
parlez, dans votre document, de la reddition des comptes et plus
particulièrement de l'imputation à un niveau politique,
c'est-à-dire que le ministre doit définir les objectifs
politiques Le gouvernement et le ministre doivent définir les objectifs
politiques et en rendre compte aux commissions parlementaires et autres. Sur le
plan administratif, est-ce que vous avez des objections de principe à ce
que, par exemple, les sous-ministres, les sous-ministres associés...
Vous opposeriez-vous à ce que vous-mêmes puissiez accompagner les
sous-ministres et sous-ministres associés pour venir faire part aux
membres d'une commission parlementaire des choix administratifs que vous avez
eu à mettre et à appliquer pour faire en sorte que les objectifs
politiques puissent se rendre jusqu'à l'ensemble des points de service
à la population?
M. Dubuc: Je voudrais vous préciser que, dans notre
perspective, c'est l'homme politique qui rend compte à l'appareil
politique. Donc, les commissions parlementaires sont une créature de
l'appareil politique et des élus. Bien au contraire, nous n'avons aucune
objection à accompagner le ministre dans ses représentations
devant les élus. Je pense que ça s'est fait
régulièrement, notamment dans la défense des
crédits, à cette même commission, où le ministre est
accompagné de son sous-ministre, de ses cadres supérieurs,
à l'occasion. Alors, nous n'avons pas d'objection, au contraire,
à rendre compte, mais en compagnie du ministre. Il me semble que
ça va de soi que c'est l'homme politique d'abord qui rend compte.
M. Chagnon: Alors, nous parlons à ce moment-ci de
l'imputabilité politique. Le ministre, vis-à-vis d'une commission
parlementaire comme celle-ci, vient faire part de ses préoccupations.
Par exemple, vous avez mentionné qu'à l'époque de
l'étude des crédits, le ministre ou la ministre vient dire: Dans
le ministère X, Y ou Z, nous avons comme objectifs pour l'année
en cours, tel, tel et tel objectifs. Ça va bien? En cours
d'année, on peut avoir un problème, une question, une demande...
Est-ce que vous avez... La commission parlementaire pourrait avoir l'intention
d'entendre le sous-ministre, par exemple, et ses associés principaux,,
qui sont les cadres supérieurs que vous êtes, pour venir
clarifier, en tout cas, ou, du moins, donner un éclairage à la
commission, peu importe la commission, mais à une commission
parlementaire qui viendrait les questionner sur les choix administratifs qu'ils
ont eu à faire pour faire en sorte que les objectifs politiques soient
remplis. Vous me saisissez bien?
M. Dubuc: Oui, très bien. Nous n'avons pas d'objection
à ça, mais, comme je vous le dis, que ce soit toujours, à
mon sens, en compagnie du ministre responsable. Il m'apparaîtrait
indécent de court-circuïter le responsable politique de ce
débat.
M. Chagnon: Est-ce que vous êtes en train de me dire que le
responsable politique est aussi, selon vous, responsable de toutes les
données administratives, jusqu'au bas de la pyramide, dans chacun de vos
ministères?
M. Dubuc: Je voudrais être bien compris là-dessus.
Le cadre, le sous-ministre ou le sous-ministre adjoint... Je peux difficilement
parler pour eux, mais je parle pour les cadres ou davantage personnellement,
dans ce cas-là, puisque ce n'est pas une question qu'on a
débattue en groupe. Moi, je n'ai absolument aucune réserve
à venir discuter des choix administratifs que j'ai faits et vous dire
pourquoi j'ai fait un choix plutôt qu'un autre. Ce que je vous dis, c'est
que je n'aimerais pas devoir le faire à l'insu du ministre dont de qui
relève l'unité à laquelle je suis affecté.
M. Chagnon: Bien, à l'insu... Ce sont des commissions
parlementaires publiques, comme vous le savez, et, en général,
les ministres sont avisés de qui sont les gens de leur ministère
qui peuvent être appelés en commission parlementaire. Ça se
fait, par exemple, au gouvernement fédéral ou en Ontario,
où des hauts fonctionnaires viennent plaider les choix administratifs
qu'ils ont jugé bon de prendre dans l'orientation des choix politiques
qui ont été eux-mêmes préalablement pris par leur
ministre. (16 heures)
M. Dubuc: Si vous me permettez... C'est la reddition de comptes.
Là-dessus, M. Louis Bernard, dans son volume, je pense, nous
éclaire;
il a une vision que nous, on partage, à savoir que l'organisme
rend compte; l'individu responsable de cet organisme-là peut rendre
compte dans sa structure à lui.
M. Chagnon: En conclusion, M. le Président, c'est
intéressant, ce que M. Dubuc vient de nous dire. Je pense qu'il y aurait
intérêt à ce que vous lisiez le document que M. Bernard a
produit pour cette commission. Peut-être qu'ultérieurement, comme
vous avez semblé vouloir acquiescer à le faire pour la question
précédente, vous pourriez peut-être nous dire comment vous
voyez le modèle d'imputation administratif, mais fait devant un corps
politique, comme celui que préconise M. Bernard dans son mémoire
à cette commission, et les modalités, évidemment, qui
découlent de cette présentation de M. Bernard. Si c'était
possible, je pense qu'il serait intéressant pour les membres de la
commission d'avoir votre réaction là-dessus.
M. Dubuc: Cela nous fera plaisir, M. le député.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Pointe-aux-Trembles, et je vais revenir moi-même tout à l'heure,
à la toute fin.
M. Bourdon: Alors, je voudrais revenir à la page 37 de
votre mémoire, parce que je la trouve particulièrement
intéressante. Vous y dites que "les promotions sans concours ont pris de
plus en plus d'importance dans les modes de dotation des postes." Vous dites,
un peu plus loin: "Permettre que près de 40 % des promotions soient
accordées sans recourir à la procédure de concours risque
de porter atteinte à la crédibilité même des
responsables de l'application du processus de dotation." Et vous dites aussi
qu'"une telle pratique de "l'exceptionnel" - mais à 40 %, l'exceptionnel
va bientôt être majoritaire; on sait que, des fois, on passe de 40
% à 60 % et ce n'est pas si long - ne peut qu'entraver la
mobilité latérale du personnel, qui est une mesure favorable tant
à l'organisation qu'aux fonctionnaires."
Je voudrais dire là-dessus que le concours ne garantit pas la
parfaite objectivité dans l'octroi de la promotion, sauf qu'il l'encadre
dans des règles qui garantissent au postulant que sa candidature va au
moins être considérée et qu'il aura l'occasion de se faire
valoir. Vous dites, un peu plus loin, qu'il y a les nominations provisoires
qui, souvent, mènent à des promotions sans concours. Là,
c'est l'argument supplémentaire de dire que la personne qu'on a
nommée est capable, puisqu'elle le fait déjà. À
titre de négociateur dans un organisme, qui était
Radio-Québec, à l'époque, j'ai vu que ça aussi,
ça pouvait être une difficulté.
Mais en clair, je lis la loi comme il faut, et elle ne permet pas la
promotion sans concours. À l'article 42, on y dicte: "Les fonctionnaires
sont recrutés et promus par voie de concours." Ce que je veux dire
là-dessus, c'est que ce n'est pas juste un problème
d'équité et d'éthique qui est concerné, mais c'est
aussi une question d'efficacité que ça vient battre en
brèche. Parce que je sais d'expérience, moi, que des gens qui
n'ont pas de mobilité, qui saisissent que la structure de l'entreprise
où ils travaillent, quelle qu'elle soit, triche à l'égard
des règles et qui perçoivent qu'il y a du favoritisme ont
tendance à se démobiliser, à se démotiver et
à tricher eux-mêmes. C'est dans ce sens-là qu'on dit
parfois, dans la population, qu'il n'y a pas de mauvais indiens, il y a juste
de mauvais chefs. Je pense qu'il faudrait que notre commission prenne bonne
note de l'avertissement que vous faites, de la cloche d'alarme que vous faites
sonner, à peu près dans les mêmes termes, d'ailleurs, que
le Syndicats des fonctionnaires provinciaux du Québec et que le Syndicat
des professionnels du gouvernement. Ce que je veux dire par là, c'est
qu'il s'agit de postes qui relèvent du public et dont les promotions
doivent être données d'une façon juste. Au surplus, le
faire de la manière dont ça se fait, ce n'est pas efficace,
ça ne garantit pas l'excellence, pour prendre un terme à la mode,
et ça lèse des gens.
Je pense - et je finis avec ça - que le favoritisme, dans ce
sens-là, a tendance à favoriser le conformisme chez tout un
chacun, dans des entreprises. Je sais que ce n'est pas très
parlementaire, mais on appelle ça le règne et la règle des
léteux", dans une entreprise. Donc, ça encourage les
comportements conformes et ça décourage l'initiative, parce que,
dans le fond, il s'agit d'être du bon bord, au sens d'être du bon
bord du gestionnaire qui veut le faire en passant à côté de
la règle.
Et je finis avec une courte question. Vous dites que ça devrait
être clairement indiqué dans l'article 42 que le concours n'est
pas l'exception, mais bien la règle à peu près absolue,
sauf circonstances bien spéciales, et demandez que soit prévu,
dans le même article, un mécanisme de contrôle à cet
effet. Qu'est-ce que vous entendez, par mécanisme de contrôle?
Parce qu'on sait d'expérience que, quelle que soit la qualité de
la loi qui surgira de nos travaux, s'il n'y a pas un mécanisme de
contrôle et de contrainte, la nature humaine étant ce qu'elle est,
ça va recommencer.
M. Oubuc: Si vous me permettez cette référence
à l'article 42, il est prévu que la promotion sans concours est
possible, au deuxième paragraphe de l'article 42. Ce que nous disons...
Et, par parenthèse, on trouve tout à fait justifié que,
lorsqu'un individu s'épanouit dans son poste - pour utiliser une image -
que cet individu-là ait une promotion. Là où ça
blesse, c'est quand cette règle d'exception devient la
générale. Et là-dedans, comme dans d'autres
choses, j'oserais dire que la modération a bien meilleur
goût.
Le Président (M. Lemieux): Allez y. M. Lazure: Sans
préambule.
Le Président (M. Lemieux): Oui, sans préambule.
M. Lazure: À la page 14, sous le chapitre "Une fonction
publique toujours davantage préoccupée du service aux citoyens",
je vous cite: "Et pour mieux assurer cette concertation - pour de meilleurs
services aux citoyens -nous suggérons qu'un maître d'oeuvre
gouvernemental soit désigné, qui serait à la fois la
conscience de la fonction publique et l'incitateur à agir."
Pourriez-vous nous expliquer un peu comment vous voyez cette
conscience-là, ce maître d'oeuvre là?
M. Dubuc: Oui, dans mon exposé, tout à l'heure,
j'ai bien précisé que, dans notre esprit, il ne s'agissait pas
d'une structure nouvelle. Je pense que les structures existantes sont
là. Les mécanismes de cueillette de l'information ou du niveau de
service aux clients sont là. Je vous cite, mais tout à fait comme
ça, l'hypothèse que, par exemple, on greffe à
Communication Québec un morceau qui... Communication Québec est
déjà en relation avec les citoyens sur plein de sujets qui
touchent l'appareil gouvernemental. Pourquoi ne donnerait-on pas à cet
organisme ce rôle d'incitateur à développer des
mécanismes et à s'assurer que les plans sont
élaborés partout?
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Labelle.
M. Léonard: Juste une question. Indépendamment de
l'Association des cadres supérieurs et des 200 cadres non
utilisés ou sous-utilisés ou en tout cas, est-ce que vous pensez
que la fonction publique du Québec, surtout par ses cadres
supérieurs, a rempli son rôle depuis 25 ans, 30 ans? Parce qu'au
fond, si on fait remonter un ressourcement majeur à partir du milieu des
années soixante ou au début des années soixante, est-ce
que vous croyez que la fonction publique est maintenant mûre pour un
second souffle et que l'État du Québec, bien appuyé par
ses cadres supérieurs, peut y aller? Quel jugement porteriez-vous sur la
situation actuelle?
M. Dubuc: Si je me réfère aux nombreuses
sollicitations que nous avons d'autres administrations pour venir voir de
quelle façon on per-forme dans l'administration publique
québécoise, je pense que je peux dire que, oui, la fonction
publique québécoise est très bonne. L'excellence, je
n'oserais pas, mais elle est très bonne, tout au moins, et elle se
compare très avantageuse- ment, à mon sens, avec d'autres
administrations publiques. Elle est mûre, également, pour
poursuivre ce qui est enclenché avec, comme nous l'avons dit dans notre
rapport et comme je vous l'ai rappelé aujourd'hui, des
mécanismes. Il est temps de mettre en place des mesures qui disent: On
va rendre compte maintenant. On délègue un nombre de choses. Et
c'est normal, si je confie de l'argent à un gestionnaire de
portefeuille, que, de temps en temps, il me dise ce qu'il a fait avec mon
argent. De la même façon, quand je délègue une
politique, l'application d'une politique, il serait normal que, de temps en
temps, on rende compte de l'application de la politique. Ce qui n'en fait pas
un règlement de comptes, encore une fois.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Labelle. J'aurais peut-être une dernière
question. Est-ce que les politiques et les directives du Conseil du
trésor, et j'ajoute à cela les limitations de vos pouvoirs de
gestion par les conventions collectives, vous laissent vraiment une marge de
manoeuvre suffisante pour gérer de manière non pas simplement
adéquate, mais aussi efficace? Est-ce que vous avez vraiment l'espace
vital pour gérer?
M. Dubuc: Je voudrais dire que, depuis quelques années,
entre autres, on agrandit par en dedans.
Le Président (M. Lemieux): Ah! Vous agrandissez par en
dedans!
M. Dubuc: On vit avec des enveloppes très serrées.
On ne peut pas prendre d'expansion, on réaménage plein de choses.
Je pense que, quant à l'allocation des ressources - et ça va de
pair avec les directives dont vous me parlez, puisque ces directives visent
à gérer ces ressources - il arrivera un jour où on devra
faire des choix. On n'est plus dans le gras, on est sur l'os, on devra faire de
l'amputation.
Le Président (M. Lemieux): Ça va. M. le
député de Chauveau. Non? O.K., terminé. Ça va. Un
instant. Évidemment, on me fait état qu'il ne me reste plus de
temps, là, mais je pense que vous avez bien compris que le sens de ma
question se rapportait davantage, je pense, à la gestion des personnes
comme telles. C'était le sens de ma question. Ce que je viens de vous
dire, ce que je viens de vous demander... J'avais l'occasion de discuter avec
un sous-ministre, ce matin, qui me faisait état du peu de marge de
manoeuvre qu'ils avaient eu égard à leur personnel à la
fois d'encadrement et au personnel qu'ils ont sous leur autorité. C'est
la raison pour laquelle je vous ai demandé si, effectivement, au niveau
des directives du Conseil du trésor, au niveau de ses politiques, avec
les conventions collectives qui sont négociées, il vous reste
encore quelque chose pour opérer, au niveau de la gestion des
ressources humaines. Vous savez, l'imputabilité, on en parle... Des
fois, je suis rendu à me demander si, chez les cadres, on la veut
vraiment, l'imputabilité.
M. Dubuc: Je m'excuse d'avoir passé à
côté de la question, monsieur.
Le Président (M. Lemieux): Non, je...
M. Dubuc: Ce n'était pas mon intention.
Le Président (M. Lemieux): Non, non, je ne mets pas en
doute votre bonne foi.
M. Oubuc: Honnêtement, c'est très difficile de
répondre à brûle-pourpoint comme ça. Il faudrait
vraiment faire la réflexion. On travaille... On est tous dans le cadre
de mandats spécifiques. Je pense que la première
préoccupation d'un cadre, ce n'est pas de dire "J'applique les
directives", c'est "J'ai des programmes, j'ai des services à rendre et
j'organise avec ça". C'est vrai que c'est contraignant. On ne peut pas
nier ça, que c'est contraignant de devoir gérer avec tout ce
qui...
Le Président (M. Lemieux): Jusqu'à quel point
ça peut être contraignant?
M. Dubuc: Honnêtement, je ne peux pas vous répondre
aujourd'hui. Il faudrait que je fasse une... Je peux vous l'écrire plus
tard, mais je ne peux pas vous répondre à brûle-pourpoint
comme ça.
Le Président (M. Lemieux): J'aimerais bien ça. Oui,
si l'Association des cadres veut bien fournir cette réponse-là
à la commission, faire une analyse, peut-être, des conventions
collectives et des politiques et directives du Conseil du trésor pour
voir quelle marge de manoeuvre il vous reste...
M. Dubuc: Ça ne sera pas quantifié, M. le
Président. Ça sera une appréciation...
Le Président (M. Lemieux): Non, non, une
appréciation de l'Association des cadres, on l'apprécierait. Oui,
M. le député de Labelle.
M. Léonard: Vous avez sûrement eu l'occasion de
comparer avec la fonction publique fédérale. Est-ce que vous
trouvez que vous avez, vous, plus de marge de manoeuvre que la fonction
fédérale, en termes de cadres supérieurs?
M. Dubuc: Le régime est bien différent. Au
fédéral, c'est le "position plan". On identifie des gens et on
les place, ce n'est pas... La structure même de l'opération, de
l'encadrement n'est pas la même. Pour vous dire, en termes de
carrière, je ne suis pas capable de faire la comparaison. En termes de
marge de manoeuvre, comme je ne pouvais pas répondre tantôt, M. le
Président, alors, encore moins en comparaison avec le gouvernement
fédéral.
M. Léonard: Vous êtes en train de dire que vous les
connaissez peu, finalement?
M. Dubuc: Oui, on les connaît peu, effectivement. Je ne le
nie pas.
M. Léonard: II va falloir se dépêcher
à les connaître, parce qu'on aura des opérations de
fusion.
M. Dubuc: Ce ne sont pas toujours des références.
Je vous ai parlé tantôt de la qualité de la fonction
publique en général...
M. Léonard: Mais c'est vous qui allez faire...
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Léonard: De toute façon, on le fera; alors,
préparez-vous, vous aussi.
Le Président (M. Lemieux): Vous savez, dans la nouvelle
culture de gestion où la commission veut donner des orientations, on
trouve qu'il est peut-être important - c'est seulement un commentaire qui
est strictement personnel et qui n'engage pas la commission - que nos cadres
deviennent davantage, je dirais, des gens qui gèrent non pas strictement
des dossiers, mais qui gèrent aussi des personnes Je vais simplement
finir sur ce commentaire-la, pour que vous puissiez entreprendre une
réflexion sur ça. Alors, on vous remercie de votre collaboration.
On vous remercie aussi d'avoir présenté ce mémoire, on l'a
trouvé très intéressant. Je demanderais maintenant aux
représentants de l'ENAP, l'École d'administration publique, de
bien vouloir prendre place à la table des témoins. (16 h 15)
À l'ordre, s'il vous plaît! La commission du budget et de
l'administration reprend ses travaux afin d'entendre l'École nationale
d'administration publique. Je demanderais au porte-parole de l'ENAP de bien
vouloir s'identifier et de nous présenter les membres qui
l'accompagnent.
École nationale d'administration
publique
M. De Celles (Pierre): Merci, M. le Président. Je suis
Pierre De Celles, et je suis directeur général de l'École
nationale d'administration publique. Je suis accompagné de M. Louis
Bor-geat, qui est le directeur de l'enseignement et de la recherche; de M.
Roland Parenteau, qui est le directeur adjoint mais aussi directeur
fondateur
de l'École nationale d'administration publique; et de Mme Sylvie
Beauchamp, qui est mon adjointe et qui a piloté la consultation sur ce
dossier.
Le Président (M. Lemieux): Alors, vous avez 20 minutes
pour exposer votre mémoire. Suivra un échange entre les
parlementaires, d'une quarantaine de minutes.
M. De Celles: Je voudrais d'abord vous remercier de nous
recevoir, M. le Président, et dire au départ que, sur cette
question, l'École nationale d'administration publique est bien sûr
un observateur quelque peu éloigné des questions qui vous
préoccupent, dans le sens que nous ne sommes pas partie prenante comme
telle au vécu quotidien de l'application de cette loi et que, sur des
questions précises, il nous est difficile de juger de son application,
ne bénéficiant pas, je dirais, de cette expérience,
puisque la loi ne s'applique pas comme telle à l'École.
Notre point de vue est donc général, mais il ne diminue
pas notre intérêt pour la question, cet intérêt
demeurant cependant celui d'une institution d'enseignement et de recherche.
Dans un premier temps, effectivement, je vais résumer
brièvement la position de l'École. Je demanderai ensuite, tout
aussi brièvement, à mes deux collègues, M. Borgeat et M.
Parenteau, d'ajouter quelques commentaires.
L'École nationale d'administration publique se réjouit du
fait que l'Assemblée nationale ait prévu que la Loi sur la
fonction publique fasse l'objet d'une évaluation sept ans après
son adoption. L'École souhaite même que soit maintenue une clause
prévoyant la reprise périodique de l'opération, tout comme
elle souhaite qu'il puisse en être ainsi d'autres lois.
De par sa mission, l'ENAP a suivi avec attention la mise en oeuvre de la
Loi sur la fonction publique depuis 1983; elle a en outre porté beaucoup
d'intérêt au document de consultation diffusé par la
commission en juin dernier. De plus, pour élaborer le mémoire
qu'elle présente aujourd'hui, elle a consulté plusieurs de ses
professeurs et de ses cadres, les représentants de l'association de ses
diplômés, l'ADENAP, et, parmi ces derniers, un certain nombre de
ceux qui occupent au sein de la fonction publique des postes d'administrateurs
d'État ou qui font partie de son conseil d'administration. Au terme de
ce processus d'analyse, de consultation et de réflexion, elle en est
arrivée à trois conclusions majeures au sujet des mérites
relatifs de la loi et de l'opportunité de la maintenir en vigueur ou, le
cas échéant, de la modifier.
La Loi sur la fonction publique, telle qu'adoptée en 1983,
demeure selon nous une loi moderne. Les principes sur lesquels elle repose
traduisent une vision dynamique de la fonction publique, de même qu'une
conception toujours valable de la gestion des services publics: efficience dans
l'organisation d'ensemble; mobili- sation de la créativité et de
l'initiative de chacun; délégation des pouvoirs et du leadership;
responsabilisation de chacun, à commencer par les sous-ministres et les
cadres supérieurs; adaptation des structures aux besoins changeants de
l'environnement; nécessité du développement continu des
ressources humaines.
C'est pourquoi, quant à nous, il convient d'en faire
l'expérience plus longtemps avant de l'amender substantiellement. Bien
que la loi ait officiellement sept ans, l'expérience que l'on en a faite
est trop courte pour évaluer de façon concluante ses
qualités et ses faiblesses. Apporter à court terme des
amendements significatifs, particulièrement en ce qui touche aux
principes sur lesquels elle repose et aux orientations qui en découlent,
nous paraîtrait prématuré. Il convient donc de la laisser
mûrir en l'appliquant pendant quelques années
supplémentaires, tout en portant à ce processus de maturation une
attention continue et persévérante. Au terme d'une nouvelle
période de trois à cinq ans, il conviendra assurément de
procéder à une nouvelle évaluation du type de celle que
mène actuellement la commission.
Il convient d'autre part, pour qu'elle prenne toute son efficience, de
gérer les changements qu'elle implique et, en particulier, d'accorder
une plus grande attention à la formation des ressources humaines. Nous
confirmons par là notre parti pris pour le rôle du personnel
d'encadrement, le management, dans la réalisation de changements
organisationnels importants. Posséder une loi moderne sur la fonction
publique est assurément une condition préalable à toute
amélioration de la qualité des services publics, mais il ne
s'agit pas d'une condition suffisante. L'implantation d'une loi nouvelle n'a
pas pour effet immédiat et automatique de changer l'environnement
humain, ses traditions, ses attitudes et ses pratiques. Il convient donc
d'assortir son implantation d'une stratégie de changements complexes,
à volets multiples, étalée sur de longues périodes.
Notre texte, aux pages 8 et 9, précise ceci.
Concrètement, la gestion du changement, dans le cas qui nous
intéresse, devrait porter sur un certain nombre de questions, parmi
lesquelles: celle de l'harmonisation graduelle de la législation, qui
s'appuie tantôt sur des principes de décentralisation, Loi sur la
fonction publique, tantôt sur des principes de centralisation, Loi sur
l'administration financière, par exemple; celle des mécanismes de
l'imputabilité des gestionnaires supérieurs; celle des
différences apparentes de statut des divers ministères et
organismes à l'égard de la Loi sur la fonction publique,
puisqu'ils ne possèdent pas tous une latitude égale en
matière d'application de la loi.
Par ailleurs, il s'impose d'amplifier l'effort gouvernemental en
matière de formation des ressources humaines, en particulier
auprès des cadres supérieurs. C'est pour nous, là aussi,
une
condition nécessaire, mais sûrement pas une condition
suffisante. L'ENAP note à cet égard qu'en dépit des
efforts actuels demeurent de profondes inégalités entre
ministères ou organismes, de même qu'entre individus, quant
à l'intensité de l'effort de formation, de perfectionnement. Pour
cela, l'ENAP suggère que soient prises des mesures d'urgence visant
à: identifier les objectifs organisationnels qui doivent s'appuyer sur
une formation précise; inciter le personnel, à commencer par les
cadres supérieurs, à participer régulièrement
à des activités de perfectionnement sous toutes les formes
jugées pertinentes; faire en sorte que les ministères et
organismes s'assurent d'un niveau élevé de compétence et
de motivation pour la totalité de leur personnel, donc, qu'ils mettent
en oeuvre des politiques et programmes de formation et de perfectionnement pour
toutes les catégories de fonctionnaires.
L'ENAP souligne aussi les décisions récentes prises par le
Comité des sous-ministres sur le développement des ressources
humaines, qui a identifié un certain nombre de thèmes
"priorisés" d'actualisation des connaissances, de réflexion et de
perfectionnement, et qui met actuellement en place des mesures pour le
développement des cadres supérieurs en ce sens. Au total, l'ENAP
juge à ce sujet qu'H faut faire du développement des ressources
humaines une préoccupation constante de management.
En conclusion, l'ENAP poursuit les mêmes objectifs que la
commission - au travers, dans son cas, de l'enseignement et de la recherche -
et qu'un nombre de plus en plus grand de membres de la fonction publique: faire
en sorte que la qualité des services aux citoyens s'améliore sans
cesse et que chaque serviteur de l'État, ou plus exactement chaque
serviteur du public, soit mû dans son action quotidienne par les
principes de l'intérêt public et du sens de l'État.
Les défis de l'administration publique sont donc aussi ceux de
l'ENAP, dont la mission est la formation et le perfectionnement des
administrateurs publics, ainsi que la recherche en administration publique.
C'est pourquoi, considérant les préoccupations et les
interrogations actuelles de la commission parlementaire, de même que
l'ensemble de la problématique de la gestion, du changement et de la
formation des ressources humaines, PENAP consolidera ses programmes actuels,
développera ses activités de recherche et
accélérera la mise en place de deux entités nouvelles
qu'elle vient de créer en concertation avec les plus hauts responsables
de la fonction publique: le FORUM-ENAP, qui oeuvre au bénéfice
des administrateurs d'État, et le Centre de développement des
cadres supérieurs, qui accueillera sous peu les cadres supérieurs
autres que les administrateurs d'État.
En somme, elle veut relever dans le domaine de la formation le
défi que la commission propose à la loi de la fonction publique,
celui de la modernisation et celui de la qualité des services publics au
Québec. J'aurai sûrement l'occasion, en réponse à
vos questions, d'ajouter quelques commentaires à ce sommaire. Je
demanderais à M. Borgeat, d'une part, et ensuite à M. Parenteau,
de compléter par leurs propres interventions.
M. Borgeat (Louis): Merci, M. le Président. J'aimerais
revenir quelques minutes, rapidement, sur l'un des thèmes de notre
mémoire, à savoir notre accord avec le maintien de ta loi et
notre affirmation que la loi est bonne et qu'il faut lui laisser le temps de
produire ses fruits.
Alors, à notre point de vue, c'est que six à sept ans
d'expérimentation pour la loi est une période relativement
courte. Il faut se reporter à l'époque de ce qu'était
l'administration publique, remarquez que le portrait n'a pas extrêmement
change au cours des dernières années, en termes de taille. On
parie d'un regroupement de 60 000 employés répartis non pas dans
une seule entité, mais dans 25 ministères et une centaine
d'organismes. C'est donc plus une mosaïque, l'administration publique,
qu'une réalité monolithique.
Également, il faut tenir compte de ce qu'était la
législation antérieurement à la loi de 1983 ou 1984. La
loi de 1978 était dans la continuité des législations en
matière de fonction publique, des lois relativement conformes aux
valeurs d'encadrement et de normalisation telles qu'on les vit de façon
générale dans les fonctions publiques. Donc, avec la loi de 1983,
on arrivait avec un projet que nous qualifions de très ambitieux.
C'était une loi qui était particulière à plusieurs
égards. D'une part, c'était une loi qui touchait à
l'appareil administratif comme tel. Ce n'est pas le propre de beaucoup de lois.
La plupart des lois sont là pour venir régir le comportement des
citoyens. (16 h 30)
Donc, une loi qui touchait l'administration au coeur de sa gestion et
qui la touchait en apportant des changements importants, parce que cette
loi-là se voulait et se veut toujours porteuse de changements dans
L'administration publique. Et, en ce sens-là, elle diffère d'un
certain nombre de lois qui, souvent, viennent refléter un consensus de
modus vivendi, de statu quo à l'intérieur de la
société. Cette loi-là a été votée
pour apporter du changement dans l'appareil administratif, et elle l'a fait en
introduisant d/abord un certain nombre de règles de comportement - c'est
le propre de toutes les lois - mais là où elle apporte une
distinction assez particulière, c'est qu'elle introduit en
législation des principes, des valeurs et une philosophie de gestion.
Or, autant il est facile, en quelque sorte, pour une législation de
venir modifier des comportements avec des règles précises, en
disant que les citoyens ou telle entité devront à l'avenir se
comporter de telle
façon, autant des changements de mentalités, de valeurs et
d'attitudes sont difficiles à implanter. On parie, à cet
égard-là, de changements de culture dans les organisations, et,
à notre avis, cette loi se voulait porteuse d'un changement de culture
dans l'administration publique québécoise.
Or, la loi est un instrument, par définition, imparfait. La loi
s'exprime, exprime des volontés. Dans la mesure où elle exprime
des normes, on peut voir à sa sanction, mais lorsqu'une loi veut
introduire une philosophie des principes de gestion, elle doit beaucoup
s'appuyer, comme nous le disions dans notre mémoire, sur la gestion dans
l'appareil, c'est-à-dire que c'est une loi qui doit prendre ses racines
dans la capacité de l'appareil public de prendre en charge, de
gérer ces changements-là. Or, des changements organisationnels,
dans un appareil comme celui que je vous décrivais, touchant 60 000
personnes réparties dans une mosaïque de 25 ministères et
une centaine d'organismes, c'est quelque chose qui doit se faire avec le temps
et avec beaucoup d'énergie. Donc, prendre pour acquis que la loi vient,
par sa simple sanction, apporter des changements spectaculaires au niveau de la
philosophie et des mentalités, c'est se leurrer. La loi est là
pour indiquer qu'il y a un démarrage, une volonté de changement
pour démarrer, mais, ensuite, il est Important que cette loi-là
s'incarne dans la réalité et dans la gestion de l'appareil
public, et c'est là que le temps est nécessaire pour introduire
le changement.
Et je terminerais en disant que... Quant à nous, en tout cas, si
on peut s'Interroger sur le délai que devrait prendre l'implantation
dans les mentalités d'une loi comme celle-là, les principes qui
lui sont sous-jacents et les valeurs qu'elle véhicule étaient
à l'époque extrêmement modernes et contemporains, et ils le
sont encore aujourd'hui, quelques années après. Il est bon, en
conséquence, de lui laisser un peu de temps pour faire ses preuves et sa
démonstration.
Le Président (M. Lemieux): Merci.
M. Parenteau (Roland): M. le Président, j'aimerais
simplement et très brièvement ajouter quelques commentaires sur
ce que nous disions dans le mémoire en ce qui concerne la formation. Je
pense qu'il faut s'attendre à voir surgir, dans les années qui
viennent, un nouveau type de fonctionnaire. Les transformations de la
société, qu'elles soient d'ordre technologique, d'ordre politique
ou d'ordre économique, amèneront fatalement l'émergence
d'un nouveau type de fonctionnaire. Le problème qui se pose à
l'heure actuelle dans les administrations, celle du Québec comme celle
du Canada ou celle d'autres pays, c'est un certain vieillissement de la
fonction publique, un vieillissement de type démographique, ce qui
constitue dans un certain sens un obstacle, justement, à la
transformation des individus. C'est donc la raison pour laquel- le - certains
diront que c'est de la déformation professionnelle - nous insistons
beaucoup sur l'idée de formation et de perfectionnement.
Cependant, quand nous parlons de formation et de perfectionnement, nous
ne limitons pas ces termes-là à la formation académique ou
à la formation dans des institutions. Cette formation et ce
perfectionnement peuvent très bien s'effectuer à
l'intérieur même de l'administration publique. Et quand nous
parlons de formation et de perfectionnement, nous ne nous limitons pas non plus
à l'acquisition des connaissances ou à l'augmentation des
connaissances. Je pense que la priorité qui doit s'exercer dans les
années qui viennent, c'est surtout les transformations. On le disait
tout à l'heure, on pariait de modification dans les comportements. Ces
modifications-là peuvent être appuyées sur certains
exercices ou certaines démarches qui amènent l'utilisation, par
exemple, des sciences sociales dans la formation des individus. Pour les
individus qui ont une formation surtout quantitative, par exemple, il peut
être opportun, pour faire en sorte que le service à la
clientèle soit mieux rempli, qu'on ajoute un type de formation qui soit
appuyé sur la psychologie, par exemple, etc. Donc, ça veut dire
que ce n'est pas nécessairement par une augmentation des connaissances
techniques qu'on améliorera la qualité des fonctionnaires,
puisqu'on relie qualité des fonctionnaires à la qualité
des services. Dans un certain sens, on pourrait même dire que, dans
certains cas, la fonction publique du Québec est surqualifiée sur
le plan technique, mais pas nécessairement sur le plan de la
capacité de répondre aux besoins de la population. Alors,
ça veut dire que nous estimons que, par une polyvalence dans la
formation, on pourra arriver à un type de fonctionnaire qui soit mieux
adapté aux conditions modernes de la vie publique et qui rendrait un
meilleur service à la population. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie. Je vais
commencer par quelques questions - je vais essayer, mais ça va
être difficile d'être bref - quitte à revenir par la suite
au député de Saint-Louis, après que j'aurai
cédé la parole à l'Opposition.
Je regarde votre mémoire. À la page 1, au deuxième
paragraphe, vous nous dites: "L'ENAP partage les préoccupations de la
commission au sujet de la qualité des services publics, et elle constate
que, dans des pays très proches du Québec, les gouvernements, les
administrations publiques et les écoles d'administration ont les
mêmes préoccupations." Vous parlez de nouveaux défis.
À la page 2, vous nous dites que d'autres que le Québec sont
conscients de l'urgence que posent ces défis, ces mutations. Vous citez
l'exemple de la France, dans l'opération de "Modernisation de la
fonction publique". Vous citez "Fonction publique 2000", et vous dites, dans
votre cinquième paragraphe. "Le Québec
n'est donc pas le seul État à s'interroger sur le devenir
de sa propre administration publique." Vous allez comprendre pourquoi je vous
cite un petit peu tout ça.
Moi, j'ai pris ia peine de lire votre mémoire que vous avez
présenté en 1982 à la commission BisaHion. À cette
époque-là, si vous vous souvenez bien, l'ENAP avait
préconisé - et je l'ai bien écrit et je suis certain que
je ne me trompe pas - des structures de gestion séparant nettement la
gestion des ressources financières de la gestion des ressources
humaines. J'imagine que vous êtes aussi au courant de l'étude qui
a été faite par les 23 pays de l'OCDE relativement à une
synthèse de la gestion des ressources humaines, et j'imagine aussi que
vous devez en connaître les conclusions. Alors, comme je le disais,
l'ENAP avait préconisé des structures de gestion séparant
nettement la gestion des ressources financières de la gestion des
ressources humaines afin d'assurer, disait le mémoire, un contrepoids et
un équilibre dans les orientations et les décisions de gestion.
J'aimerais savoir... Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, aujourd'hui, votre
mémoire est muet sur une question que nous considérons
fondamentale, compte tenu de l'expertise de l'ENAP sur les principes de
gestion? Première question.
M. De Celles: M. le Président, effectivement, dans le
mémoire de 1983, il était dit: "II ne nous paraît pas
souhaitable que la responsabilité politique de la gestion des ressources
humaines relève de celui qui serait en même temps responsable de
la gestion des ressources financières", et ça se poursuivait dans
le même sens. C'est une question que nous ne remettons pas en question
dans le mémoire actuel, tout en admettant que plusieurs modèles
sont possibles. Je pense qu'il y a, bien sûr, des principes qui ont
déjà été annoncés. Il y a une
réalité existante. Et se pose aussi, dans une organisation, la
question du coût des changements structurels majeurs qu'on peut apporter,
non pas le coût nécessairement financier, mais le coût
strictement organisationnel d'adaptation à ces changements-là.
L'optique de notre mémoire, sans prendre parti comme nous l'avions fait
autrefois, est de mettre l'accent sur la poursuite de l'effort engagé,
en mettant le doigt, surtout, sur le rôle que doit jouer dans cette
réforme-là le management. Bien sûr, on peut s'interroger
sur les problèmes que crée la cohabitation de la gestion des
ressources humaines et de la gestion des ressources financières.
Cependant, advenant le désir de modifier cet appartement des deux
responsabilités dans une même structure, il ne faudrait pas croire
que cela effacerait miraculeusement les problèmes d'interrelation entre
ces deux fonctions, entre gestion des ressources humaines et gestion
financière. Les questions se poseront aussi pour savoir comment on va
articuler les tendances parfois contraires qu'on peut retrouver dans la gestion
de ces deux domaines. Donc, la question nous apparaît légitime. La
raison pour laquelle nous n'avons pas cru nécessaire de nous prononcer,
c'est que notre optique était une optique de continuité, de
poursuite des efforts, surtout dans la diffusion, au travers de l'appareil
gouvernemental, de la réforme telle qu'il a été choisi de
l'engager, et que les efforts devaient porter sur l'utilisation optimale de la
force que représente le management dans une organisation, plutôt
que de mettre les énergies sur des modifications de structure ou des
modifications substantielles de la loi. Notre option, c'est celle-là,
c'est le pari sur le management...
Le Président (M. Lemieux): Alors...
M. De Celles: ...et non pas des panacées qui seraient des
solutions de structures ou des solutions de réformes législatives
importantes.
Le Président (M. Lemieux): Alors, parlons peut-être
des composantes du management, dans le même ordre d'idée. Comme je
suis convaincu de l'expertise en gestion des ressources humaines de l'ENAP -
j'ai pris des petites notes ici - je m'étonne que votre intervention
comme telle se limite au sujet unique du développement des ressources.
Je ne sais pas si c'est parce que vous avez manqué de temps, mais je
suis certain que ce n'est pas par timidité. Mais vous ne faites
état ni de la mobilité, ni de la dotation des emplois, ni de la
délégation, ni de l'imputabilité, ni de la planification
de gestion. Est-ce que c'est par manque de temps, quoi, ou...
M. De Celles: Je dirais que ce n'est pas par manque de temps, M.
le Président, c'est par souci, dans notre cas aussi, de mettre toutes
nos énergies sur ce qui est fondamentalement notre mission:
l'enseignement, la formation, le perfectionnement. D'autres interlocuteurs
auront l'occasion de vous donner leurs points de vue sur d'autres questions,
mais il faut comprendre qu'à la taille qu'a l'ENAP, au nombre de
tâches de formation et de perfectionnement auxquelles elle doit
s'attacher, nous n'avons pas, comme je l'indiquais, une expertise de
vécu quotidien de ces questions-là, et nous n'avons tout
simplement pas jugé bon d'intervenir sur ces questions.
Le Président (M. Lemieux): Alors, je vais vous
poser...
M. De Celles: Bien sûr, nos professeurs, individuellement,
peuvent avoir des points de vue sur certaines de ces questions-là, mais
nous avons voulu nous concentrer sur un certain nombre de points que nous avons
exprimés dans notre mémoire.
Le Président (M. Lemieux): Je vais vous
poser une troisième question, puisqu'à la page 2, comme
vous dites, "le Québec n'est pas le seul État à
s'interroger". Vous avez quand même un mandat de recherche en gestion et
vous avez sûrement des données sur l'organisation de la gestion
des ressources humaines, sur ce qui se passe un petit peu partout dans le
monde. Est-ce que vous pourriez nous dire, tout au moins, comment c'est
organisé et pourquoi? Avez-vous une idée là-dessus?
J'imagine que vous avez pris connaissance de la synthèse des pays de
l'OCDE. Vous êtes au courant? Alors, pouvez-vous nous expliquer à
peu près comment... Au niveau de la recherche comme telle, comment c'est
situé, ailleurs qu'au Québec? Ça fonctionne comment?
M. De Celles: Bien, je dois avouer, personnellement, ne pas
être un spécialiste. Je pourrais référer à
mes collègues qui, malheureusement, ne sont pas non plus
nécessairement des spécialistes de la gestion des ressources
humaines. Ce qui ressort quand même, je pense, c'est une grande
diversité des modèles.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce qu'il y a des
constantes? Est-ce que vous y avez retrouvé des constantes au niveau de
la gestion des ressources humaines versus la gestion des ressources
financières?
M. De Celles: Bien, je pense qu'il y a certaines constantes, mais
elles apparaissent des banalités si on (es répète: les
problèmes de vieillissement, le souci de mobilité, le souci de
responsabilisation, l'impact des mutations organi-sationnelles, l'impact de la
technologie. Les constantes sont plutôt dans l'ordre des conditions
environnementales dans lesquelles évoluent les organisations publiques
que dans les solutions qui sont en gestation dans ces organisations qui
réfléchissent sur de nouvelles configurations de leur
administration publique et de la gestion des ressources humaines.
Le Président (M. Lemieux): Pour être pratique,
compte tenu du contexte de la fonction publique du Québec,
qu'auriez-vous à nous suggérer? (16 h 45)
M. De Celles: Bien, je dirais... Ce que dit notre mémoire,
c'est profiter d'une certaine longueur d'avance quant au choix de principes de
gestion des ressources humaines qui ont été retenus dans la loi,
et poursuivre les investissements au niveau du management, au niveau de la
diffusion, dans tout l'appareil, des préoccupations qui étaient
à la base de cette loi-là. Notre proposition est à l'effet
de faire ce que j'appelle un peu le pari du management du personnel
d'encadrement, pour réaliser plus parfaitement les objectifs de la
loi.
Le Président (M. Lemieux): M. le député
de
La Prairie.
M. Lazure: Oui, merci, M. le Président. Je vous avoue que
je partage un peu la perplexité du président. Je suis surpris de
voir qu'à part de dire: C'était une bonne loi, donnons-lui le
temps de faire ses preuves; nous, notre vocation, c'est la formation, tout ce
qu'on peut vous dire sur l'état actuel de la fonction publique, c'est
qu'elle demande à recevoir encore plus de formation et nous sommes
prêts à la donner et à l'améliorer... Ça se
résume à ça. J'exagère un peu. Je caricature, mais
je pense que je suis proche de la vérité. Et c'est un peu
décevant. C'est un peu décevant parce qu'en 1982-1983, je me
rappelle très bien, au moment de la commission Bisaillon, l'ENAP avait
présenté des propositions très pointues et très
claires. Et, d'habitude, l'ENAP ne se gêne pas pour se prononcer avec
l'expertise qu'elle a accumulée, cette école-là. Elle a
une expertise en gestion de ressources humaines, une grande expertise. Son
expertise ne porte pas seulement sur l'organisation de séminaires, de
colloques et de cours de perfectionnement. Et l'État est en droit de
s'attendre que cette grande école de l'État l'aide et aide les
parlementaires à faire l'autopsie de la loi dans son fonctionnement, pas
de la loi dans sa théorie. Parce que c'est un peu ça que vous
nous faites, aujourd'hui.
Vous nous dites: La loi est pleine de bons principes; laissons-là
aller plus loin dans sa réalisation et tout devrait bien aller. Alors,
moi, je ne peux pas faire autrement que d'être déçu. Vous
dites, dans votre conclusion: "Dans les pages qui précèdent,
l'ENAP peut avoir donné l'impression d'avoir négligé les
interrogations formulées par la commission dans son document de
consultation." Bien, moi, je vous avoue que je l'ai, cette
impression-là, nettement. Et je trouve ça dommage que vous n'ayez
pas répondu aux interrogations que la commission avaient
formulées. Moi, je suis sûr que vous avez l'expertise voulue pour
y répondre, et je suis sûr aussi que vous avez les contacts. Vous
n'avez pas de vécu quotidien, ça, j'en suis fort conscient, vous
n'êtes pas des membres de la fonction publique, mais quand on a
été au gouvernement un certain temps, on est fort au courant du
trafic dans les deux sens - et qui est normal - l'ENAP et la haute fonction
publique. C'est une interpénétration quasi continuelle. Et, par
conséquent, moi, je suis convaincu que l'ENAP est très au courant
des points forts et des points faibles dans le vécu de la Loi sur la
fonction publique, dans l'application de la Loi sur la fonction publique.
Maintenant, si c'est trop à brûle-pourpoint de
répondre à des questions précises comme celles que posait
le président de la commission, j'espère que nous pourrons avoir
au moins, dans les jours qui viennent ou dans les semaines qui viennent, un
document qui pourra compléter le
mémoire que, moi, j'appellerais préliminaire et que vous
nous présentez aujourd'hui. Alors, moi, il me semble... Je conclus sur
une seule question. Il me semble que l'ENAP a à la fois la
compétence et la responsabilité d'aider l'État à
améliorer le fonctionnement de sa fonction publique. De quelle
façon, mis à part le perfectionnement des serviteurs de
l'État, pouvez-vous aider tes parlementaires à accomplir cette
étude de la Loi sur la fonction publique?
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de La Prairie. Oui.
M. De Celles: M. Borgeat a à ajouter quelques points, et
je reviendrai.
M. Borgeat: Bien, c'était dans une optique un peu
différente. Vous nous dites: Avez-vous autre chose à dire? Vous
nous apportez un témoignage de foi et de confiance dans la loi... Il y a
un élément qui a fait l'objet de nos discussions
préalables, dont le résultat est empreint, vous le constatez,
d'une certaine prudence, parce que, évidemment, lorsqu'une institution
se présente ici, elle se présente comme institution et non pas
comme parlant pour l'un ou l'autre de ses représentants.
Il y a une préoccupation que nous avions évoquée
dans nos discussions et qui est présente dans le mémoire, c'est
le fait que cette loi-là est arrivée un peu comme une
législation, en quelque sorte, à contre-courant d'autres
législations. En matière de gestion des ressources, l'appareil
public gère des ressources humaines, mais gère également
des ressources financières, des biens et services. L'une de nos
constatations, c'est que le changement culturel, le changement de valeurs qu'on
a voulu introduire avec la Loi sur la fonction publique est peut-être un
peu à contre-courant d'autres législations qui existent en ce qui
concerne la gestion de l'appareil public et, en particulier, de la Loi sur
l'administration financière, dans le sens que la Loi sur
l'administration financière est une législation qui date du
début des années soixante-dix, qui est relativement normative et
qui vient contrôler l'ensemble des dépenses publiques, mais ce
n'est pas une législation qui a été adaptée suivant
la philosophie de la Loi sur la fonction publique, une philosophie de
décentralisation et de responsabilisation.
L'une de nos préoccupations était de nous demander si une
adaptation, un effort de modernisation de l'appareil public ne devrait pas
comporter une interrogation qui rejoint les autres systèmes de gestion
des ressources de l'appareil public. En d'autres termes, l'exercice qui a
été fait au début des années quatre-vingt pour
apporter la modernisation à la Loi sur la fonction publique a-t-il
été fait, par exemple, en ce qui concerne la gestion des
ressources financières ou la gestion des biens et services?
On peut se demander si ce phénomène d'insertion d'une
nouvelle réalité culturelle sur l'un des volets de la gestion,
alors que, dans d'autres secteurs, la réalité restait un peu ce
qu'elle était traditionnellement et pas un des facteurs qui a rendu plus
difficile l'application, l'implantation de cette
législation-là... Alors, l'une de nos préoccupations
était de nous demander si l'appareil public, si le gouvernement ne
devait pas se questionner de façon régulière, parce que,
évidemment, notre présence ici, de l'existence de la commission,
résulte de la clause "crépusculaire" qui exigeait la remise en
question de la loi après cinq ans. Est-ce que l'inexistence de ces
clauses-là dans d'autres législations ne fait pas en sorte qu'on
peut accélérer les mouvements d'innovation dans un secteur et
laisser d'autres pans de législation évoluer suivant un rythme
complètement différent, ce qui crée, enfin, pour ceux qui
vivent à l'intérieur de l'administration, peut être une
impression qu'on vit un certain registre en ce qui concerne la gestion des
ressources humaines et un autre à d'autres égards?
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le
député de Saint-Louis.
M. Chagnon: Oui, M. le Président. Je ne voudrais
sûrement pas remettre en question la qualité de l'expertise que
l'ENAP peut fournir à l'ensemble de ses élèves...
J'aimerais savoir si vous avez déjà vu ou reçu ce
document-là, qui est celui du mandat de la commission, ici? Est-ce que
vous l'avez lu? Oui? J'ai lu votre mémoire. J'arrive à des
conclusions un peu semblables à celles de mes deux collègues,
à savoir que vous nous dites: Nous sommes une excellente école,
nous avons formé, cette année, environ 100 maîtres en
administration publique, au-delà de 1230 dans le passé, depuis sa
formation; nous croyons que l'opportunité de maintenir en vigueur ou, le
cas échéant, de modifier la Loi sur la fonction publique... Il
faut la maintenir en vigueur; elle va très bien, mais elle est un peu
jeune, il faut la laisser évoluer. Vous nous dites ça en 30
pages. Toutefois, si je regarde le mandat, nous avions ici des questions
principales qui préoccupent la commission, à savoir:
Premièrement, la qualité et l'efficacité des
services rendus aux citoyens. On n'en parle pas beaucoup, dans votre
mémoire, vous en conviendrez. Quelles sont les principales causes des
délais raisonnables dans le traitement des dossiers des citoyens? Je
comprends que, ça, c'est vraiment un peu pratico-pratique, ce n'est pas
votre "hache" à vous.
Deuxième question, l'imputabilité. L'imputabilité,
à tout le moins... C'est le cas ici de la discussion et de la
réflexion qu'on a faites en commun avant de rencontrer les groupes et
qu'on fait avec les groupes. Il y a des questions théoriques
extrêmement importantes, dans le
dossier de l'imputabilité, tant politiques qu'administratives, eu
égard au rôle du législateur qui se veut aussi
contrôleur. Rien dans votre document.
Troisième question jugée importante ou principale et qui
préoccupe la commission, le leadership du maître d'oeuvre dans
l'implantation de la loi. On effleure le sujet, dans votre mémoire.
Quatrième question qui préoccupe les membres de cette
commission, la dotation des emplois et le développement des ressources
humaines. Vous nous dites: Nous pensons que la loi est bonne, nous pensons
qu'il faut attendre un peu plus longtemps pour voir ses qualités et,
éventuellement, ses défauts. Toutefois, nous mentionnons que,
dans votre organisation, on devrait faire davantage de formation de personnel.
Or, par ailleurs, notre école est un excellent endroit pour former des
gens, si jamais vous avez l'intention d'améliorer la qualité de
leur formation, nous sommes tout ouverts à cette suggestion. Nous vous
en remercions. Merci pour le commanditaire. Mais les autres questions,
ça ne vous préoccupait pas, vous? Pour nous, c'étaient des
questions principales, c'était dans le mandat. Je suis un peu
étonné de voir que ces questions-là n'ont pas
été touchées, mais pas du tout, enfin, presque pas du tout
- je pense à la troisième - par les membres de l'ENAP qui ont
écrit ce mémoire.
Mais l'imputabilité, je reviens à celui-là...
Ça a été un peu mon dada depuis le début de la
commission, M. le Président, et c'est aussi une préoccupation de
tous les autres membres de la commission, l'imputabilité, le rôle
des gestionnaires. Là, je pense entre autres aux sous-ministres, aux
sous-ministres adjoints et aux autres cadres. Vous avez probablement
assisté à la présentation de vos
prédécesseurs. Ils ont été questionnés
là-dessus. Vous, votre opinion, c'est quoi? Est-ce qu'on peut faire
autre chose que tenter de la deviner? Le rôle de l'homme politique, du
ministre est de définir des orientations, croyons-nous, de
définir des objectifs politiques, de définir des orientations qui
devront bien servir les citoyens. Administrativement parlant, est-ce que vous
avez des objections de principe, d'ordre théorique à ce que
sous-ministres et sous-ministres adjoints soient convoqués par une
commission parlementaire pour faire état de la qualité de leur
gestion ou de leurs décisions administratives, que ce soit en toutes
sottes de domaines? Le Vérificateur, qui vous suivra plus tard, aura
certainement l'envie de nous dire - parce que c'est ça qu'il a
écrit, lui, dans son mémoire - que, lorsqu'il produit son
rapport, c'est bien beau que les membres de la commission du budget et de
l'administration, depuis quelques années, étudient son rapport,
mais il voudrait bien qu'il y ait aussi un suivi décent et que ça
rentre dans la machine dans chacun des ministères et des organismes.
Avez-vous des opinions, en dehors du fait que vous êtes une excellente
école de formation pour les administrateurs et que vous êtes
prêts à faire de la formation continue pour l'ensemble du
personnel de la fonction publique?
M. De Celles: M. le Président, je répondrai
à cette question d'abord en soulignant d'abord que les
éléments que nous avons mis dans le mémoire concernant la
description de ce qu'est l'École, de ce qu'elle entend faire au cours
des prochaines années, visaient à mettre en perspective les choix
que nous avons faits de s'attarder à certaines questions. Effectivement,
nous avons choisi de ne pas répondre à certaines autres
questions, considérant que d'autres personnes, d'autres organismes
étaient sûrement plus compétents et avaient plus
d'expérience pour le faire. C'est donc de façon
délibérée que nous avons orchestré notre rapport
autour du principe que des réformes aussi profondes que celles qu'on
veut faire pivotent autour du rôle du management. Nous ne
méprisons pas pour cela les autres questions, mais ce que nous avons
voulu faire ressortir de notre propos, c'est cette dimension-là. Nous
n'avons pas la prétention, en aucune façon, d'avoir de ce fait
répondu à toutes les interrogations de la commission
parlementaire.
Dans le même esprit, sur la question d'imputabilité, II
serait effectivement intéressant de faire une analyse que je
qualifierais académique des concepts qui sont derrière
l'imputabilité, des impacts que ça peut avoir de choisir un
modèle ou l'autre. À ce moment-ci, parce que nous croyons que les
objectifs poursuivis passent pour un temps encore par la responsabilisation des
gestionnaires à tous les niveaux, ce qui est différent de
l'imputabilité, nous croyons que, si des gestes doivent être
posés en termes d'imputabilité, ils doivent l'être dans
l'esprit d'accentuer cette responsabilisation administrative.
L'imputabilité doit être dirigée vers des paliers, vers des
personnes, vers des organismes qui sont les plus susceptibles d'encourager, de
supporter les changements qu'il reste à diffuser dans le système.
Là où est le pouvoir d'amplifier cette diffusion des changements
dans le système, là sera le meilleur lieu d'imputabilité.
(17 heures)
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Mille-Îles, rapidement, pour permettre à M. le
député de Labelle d'intervenir aussi. Vous le permettez? Oui?
Ça va.
M. Bélisle: Écoutez, M. le Président, je
vais être prudent dans ce que je vais dire, parce que-Une voix: Tu
as l'immunité parlementaire.
M. Bélisle: ...si je livrais le fond de ma pensée,
ce ne serait pas beau, ce que je dirais.
Une voix: T'as l'immunité.
M. Bélisle: Je pense que, dans votre prudence
extrême qui est dictée par des raisons que nous ignorons et que
nous comprenons très mal, vous risquez d'être
dépassés, comme École nationale d'administration publique.
Si les cadres que vous êtes censés former, les cadres
intermédiaires, les cadres supérieurs à qui vous allez
donner du perfectionnement continu - parce que c'est ce que vous voulez faire -
et qui sont venus devant nous, sont déjà en avance de votre
"thinking", qui n'existe même pas, là-dessus, vous avez un grave
problème. Quand vous me parlez d'excellence, je pense que vous devriez
peut-être faire une réflexion très sérieuse
là-dessus.
Je n'aurais pas passé ce commentaire-là si vous
m'étiez arrivés avec n'importe quelle sorte de théorie, et
au moins, aussi, avec peut-être un petit peu de pratique quant à
l'imputabilité, quant aux mécaniques, quant à la
modalité; tout le monde en parle. Je veux juste vous signifier d'une
façon très publique que vous n'êtes même pas deux pas
en arrière de la "cha-cha" qui est en train de se passer, vous
n'êtes même pas dans la même salle de danse, en ce moment, et
vous avez un gros problème là-dessus.
Maintenant, étant donné que je suis quelqu'un qui comprend
très mal et qui n'est parfois peut-être pas très au
courant, l'ENAP a été formée en 1969, est-ce exact?
M. De Celles: Oui.
M. Bélisle: O. K. 21 ans d'existence. Vous montrez votre
tableau et vous me dites - et je vais calculer ça en termes de
production bête qui ne vous rend absolument pas justice - que vous avez
décerné 825 diplômes en 21 ans d'existence. C'est-u
ça, dans votre document?
Une voix: C'est écrit 1231.
M. Bélisle: 1231? Bon. En 21 ans. 60 par année,
c'est-u ça, M. le député de La Prairie? 60 par
année, en plus des cours de perfectionnement continu, c'est
ça?
Une voix: Oui.
M. Bélisle: Maîtrise en relations internationales,
en droit international, etc. Bon. C'est bon. Dites-moi donc combien y a-t-il de
cadres supérieurs, en ce moment, à l'emploi du gouvernement du
Québec? Combien y a-t-il de cadres intermédiaires à
l'emploi du gouvernement du Québec qui ont reçu de ces
diplômes, en termes de nombre?
M. De Celles: Je ne dispose pas de ces chiffres. Je pourrai
facilement vous les procurer, mais je peux vous dire qu'il y a bon nombre de
sous-ministres et de sous-ministres adjoints qui sont passés par
l'École, et dans d'autres fonctions, l'École a été
aussi...
Le Président (M. Lemieux): Un instant, s'il vous
plaît! M. le secrétaire va prendre note de la question afin que
nous puissions avoir une information pertinente, pour qu'elle parvienne â
la commission.
M. Bélisle: Parce que vous devez comprendre que mon
problème est tout simple. C'est de savoir votre taux de réussite
ou de performance. Il faut qu'on vous évalue, nous autres ici. Vous
faites partie du processus. Si j'ai 250C cadres, 2300 cadres
intermédiaires et qu'il n'y er a pas 10 % qui ont des diplômes qui
viennent de votre part, la question que je vais me poser et que mes
collègues vont automatiquement se poser, je suppose, c'est qu'il y a un
problème d'arrimage. Vous produisez peut-être des produits qui ne
sont pas utilisés ou qui ne sont pas utilisables. Alors, peut-être
que nous, à notre tour, dans une prochaine avenue, on aura une
réflexion à faire sur l'utilité que vous avez par rapport
à ce qu'on est en train de mettre en place.
M. De Celles: Mais, à ce moment-là, ce que je
devrai vous donner dans les statistiques, ce n'est pas que le nombre de
diplômés au sens de ceux qui sont détenteurs d'une
maîtrise en administration publique ou d'un diplôme er
administration publique, mais je devrai aussi vous donner les chiffres du
nombre de personnes qui ont participé à des sessions de
perfectionnement Entre 6000 et 7000 personnes par année y ont
participé. Donc, pour mesurer l'impact de l'École sur les cadres
de la fonction publique gouvernementale, il faudrait...
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que ça comprend
le municipal et le réseau de la santé?
M. De Celles: Bon. C'est ce que j'allais ajouter.
Le Président (M. Lemieux): Ça va, oui.
M. De Celles: C'est que la mission de l'École, comme
établissement universitaire, n'étail pas dirigée
exclusivement sur la fonction publique gouvernementale. L'École est
aussi active auprès du réseau des affaires sociales,
auprès du réseau de l'éducation, auprès des
affaires municipales. Et, il faut en être conscient, l'École est
de petite taille. C'est une institution, et il n'a jamais été
question de demander à l'École d'avoir un mandat exclusif
à cet égard-là. Elle a ur mandat spécifique, mais
bon nombre des personnes qui sont dans l'administration publique, notamment...
Toute la formation de premier cycle est assurée par les
universités déjà existantes l'École n'intervenant
qu'au niveau de la maîtrise, d'un diplôme de deuxième cycle.
Et c'est déjà au niveau d'une formation qui touche un moins
grand nombre...
Le Président (M. Lemieux): C'est quoi, le budget de
l'école?
M. De Celles: Le budget de l'école est de l'ordre
d'environ 12 000 000 $, mais, de ce budget, il y a du financement
extérieur qui vient pour des actions de coopération, et la
subvention en provenance du ministère de l'Enseignement supérieur
et de la Science est de l'ordre d'à peu près 5 000 000 $. On
compare ces 5 000 000 $ à des subventions de l'Enseignement
supérieur qui dépasse maintenant le 1 000 000 000 $. Donc, on
parle d'une institution qui, en termes de poids relatif universitaire, est
inférieur à 0,5 %, sur la base des subventions.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie. M. le
député de Mille-Îles, je veux permettre au
député de Labelle... Mais vraiment dernière, une toute
dernière, vite, rapidement. On va prendre un peu plus de temps.
M. Bélisle: Moi, étant donné que c'est plus
facile à comprendre par des tableaux, l'information que vous allez nous
transmettre, le nombre de diplômés actuels, cadres
supérieurs, cadres intermédiaires, professionnels, s'il y
en a... D'accord?
Une voix: Oui.
M. Bélisle: Bon. Fonction publique du Québec et, en
plus de ça, l'extérieur, les autres réseaux: le municipal,
le scolaire, tout le reste. Au total, qu'on puisse comprendre un peu.
M. De Celles: Ce que j'ajoutais, c'est que je parlerai de
diplômés et de participants aux sessions de perfectionnement.
Le Président (M. Lemieux): Oui, oui, vous pouvez les
ajouter, mais séparés.
M. Bélisle: Oui, vous pouvez ajouter ça, mais dans
des colonnes séparées.
Le Président (M. Lemieux): Alors, M. le
député de Labelle.
M. Léonard: L'ENAP a été fondée, en
tout cas, à l'époque, sur le modèle de l'ENA
française. En tout cas, il y a plusieurs étudiants qui avaient
été là. On sait le rôle que joue l'ENA en France,
dans l'appareil de l'État français. Ma question - c'est une de
deux questions - c'est celle-ci: est-ce que vous considérez que, par
rapport à la notion d'État qu'on doit implanter dans le corps de
la fonction publique, l'ENAP a joué son rôle, jusqu'ici? Et je la
pose aussi en relation avec la Loi sur la fonction publique.
L'autre question que je voulais vous poser, c'est: vous avez de la
recherche qui se fait chez vous, et je suppose que ça doit porter sur la
notion de ce que sera l'Etat ultérieurement, de ce que doit être
la fonction publique. Il y en a, des éléments dans le
mémoire que vous nous avez déposé. Je ne sais pas si, par
ailleurs, il y a des arrimages avec la planification stratégique en
termes de développement de la fonction publique qui sont faits soit avec
la Commission, soit avec l'Office des ressources humaines, mais il me semble
qu'il doit y avoir des choses à faire sur ce plan-là. J'aimerais
vous entendre là-dessus. C'étaient mes deux questions.
M. De Celles: Alors, deux choses. Concernant le modèle
ENA, je laisserai peut-être M. Parenteau, qui a été le
directeur fondateur, ajouter quelques propos. Je voudrais quand même
souligner que, s'il y a eu une inspiration ENA, l'ENAP n'est pas du
modèle de l'ENA. On n'arrive pas à l'ENAP fonctionnaire. On ne
sort pas de l'ENAP avec automatiquement un profil de carrière
établi. L'ENAP a des interventions qui sont tout à fait du
même type que celles de tous les établissements universitaires.
Les étudiants choisissent librement de venir à l'École. Il
n'y a aucun engagement de qui que ce soit qu'après des études
à l'École on accède à tel ou tel poste, ou qu'il y
a un profil de carrière...
M. Léonard: Vous souhaitez que ça continue comme
ça? Vous souhaitez que ça continue comme ça par rapport
à la formation de la haute fonction publique?
M. De Celles: Nous vivons avec ce modèle-là. Il
nous semble donner d'excellents candidats, des candidats qui, individuellement,
font leur chemin par la suite dans la fonction publique. Graduellement, nous
voyons de nos gradués accéder à des postes de commande, et
nous avons la fierté légitime de croire que c'est en partie
grâce à la formation qu'ils ont reçue.
Sur la question de planification stratégique, c'est à
ça aussi que nous avons fait référence dans notre
document. Actuellement, suite à des travaux qui sont poursuivis au
niveau de comités de sous-ministres présidés par le
secrétaire général du gouvernement, il a été
mis sur pied un comité conjoint ENAP - organisation gouvernementale
où l'on retrouve, d'une part, des membres de la direction de
l'École et, d'autre part, le chef de la mission gouvernementale
auprès de l'ENAP, le secrétaire général
associé aux emplois supérieurs et à la réforme
administrative, le président de l'Office des ressources humaines et un
sous-ministre - actuellement, c'est le sous-ministre de l'Éducation.
C'est dire qu'en termes d'arrimage et dans une perspective de planification
stratégique de développement des ressources humaines, les
mécanismes sont en place, et nous croyons que ce sont des
mécanis-
mes qui sont susceptibles d'ajouter, par une impulsion additionnelle, au
travail qui était déjà fait par l'École.
M. Léonard: Ce mécanisme n'aurait-il pas de
recommandations à faire par rapport à une modification de la
fonction publique, actuellement?
M. De Celles: Bien, ce mécanisme, il a des modifications
à proposer, il a des recommandations à faire, et elles sont
présentes dans notre document. On a identifié les thèmes
dans lesquels nous pensons qu'il faudrait investir en termes de
développement des cadres supérieurs. Je pense qu'il ressort des
travaux de ce comité qu'il choisit de mettre ses énergies dans
des investissements misant sur le rôle des cadres supérieurs, sur
le rôle du management dans des transformations comme celles que nous
souhaitons. Nous y croyons, et je ne voudrais pas, malgré les allusions
qui ont été faites tantôt, que les convictions que nous
avons voulu exprimer sur la formation, sur le développement - comme M.
Parenteau l'a dit tout à l'heure, les capacités de l'École
sont même limitées à cet égard-là -
signifient que tout doit se traduire par de la formation en
établissement universitaire. Nous parions de développement, et
nous croyons qu'il peut s'en faire à l'intérieur même des
organismes. Le choix que nous avons fait, c'est d'exprimer cette conviction que
le management peut faire la différence et, deuxièmement, que le
management fera d'autant plus la différence que toute l'organisation
gouvernementale sera préoccupée de son développement. Et
c'est le point que nous avons voulu souligner, avec peut-être l'effet
pervers que vous avez manifesté, à savoir que nous avons
négligé ou que nous avons refusé de répondre aux
autres questions. Mais nous voulions émettre ce message clairement et
avec le plus de conviction possible, parce que nous y croyons. Nous croyons
qu'à ce moment-ci de l'évolution de cette loi-là, c'est le
choix qu'il faut faire.
Le Président (M. Lemieux): Nous vous remercions. Nous y
croyons, nous aussi.
M. Léonard: Je ne sais pas si on peut avoir un
complément de réponse de M. Parenteau.
Le Président (M. Lemieux): Oui. Un complément de
réponse, M. Parenteau?
Une voix: Sur l'ENA, peut-être.
M. Parenteau: En ce qui concerne l'ENA, justement, je pense que
c'est la cause d'un petit peu de confusion. Vous savez que l'ENA, à
Paris, a une situation privilégiée pour la formation des
fonctionnaires. Non pas des hauts fonctionnaires, mais elle facilite
l'accès à la fonction publique. Dans notre cas à nous,
nous ne contribuons pas à l'accès à la fonction publique.
Comme le disait le directeur tout à l'heure, ce sont des programmes de
premier cycle - de génie, de biologie, de chimie, de psychologie, etc. -
qui permettent l'accès à la fonction publique. Ce que nous
faisons, c'est que nous intervenons, dans un deuxième temps, au niveau
de la gestion. C'est-à-dire que nous prenons des individus qui ont une
formation de base dans une technique quelconque et nous leur donnons une
formation en gestion, ce qui leur permet de gravir les échelons dans
l'administration publique Mais nous fonctionnons dans un contexte
nord-américain, qui est un contexte de compétition. Et c'est un
peu délibérément que nous l'avons fait. Nous n'avons
jamais réclamé le monopole de la formation des fonctionnaires. Ce
qui fart que, si vous pensez à des administrateurs d'hôpitaux, par
exemple, il y en a un très grand nombre qui ont des formations de MBA,
une formation des affaires. Il y en a d'autres qui ont une formation de l'ENAP,
et il y en a d'autres qui ont une formation de l'Université de
Montréal en maîtrise en administration de la santé, etc.
Donc, nous sommes en compétition avec des MBA et avec d'autres
institutions pour une formation de second degré à des
fonctionnaires. Alors, ça indique que les chiffres sont relativement
faibles, mais il faut remarquer cependant - vous le verrez par les tableaux
statistiques - qu'il y a une tendance à l'accélération. Au
début, nous n'étions pas connus, il y avait très peu de
diplômés, mais cette année, c'est la plus grosse
année, et l'an prochain, on espère qu'il y aura de plus en plus
de diplômés. Quand vous pensez à l'ENA qui a
été fondée en 1945, ça a pris beaucoup
d'années avant qu'elle ait une réputation qui est mondiale,
maintenant.
Le Président (M. Lemieux): Nous vous remercions. Nous
aussi, nous avons des préoccupations qui vont dans le sens de celles de
M. De Celles, mais vous devez aussi comprendre les nôtres. Je pense que
vous êtes suffisamment conscients pour pouvoir être en mesure
d'évaluer le sens de nos observations. J'emploierai une phrase du
député de La Prairie, qui l'a peut-être empruntée
lui-même à un de ses collègues qui s'appelait
Jean-François Bertrand, lorsqu'il nous dit que l'imagination est au
pouvoir. Je veux que vous sachiez que vous êtes une partie de cette
imagination et que l'État en a besoin. Ne la gaspillez pas. Merci.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Lemieux): Maintenant, nous allons
suspendre environ deux minutes, et je demanderais au Vérificateur
général de bien vouloir prendre place à la table des
témoins.
(Suspension de la séance à 17 h 16)
(Reprisée 17 h 22)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît! Je souhaite la bienvenue à M. Angers, sous-ministre aux
Finances, mais nous devons absolument reprendre nos... Pardon, au Revenu. Je
lui ai donné une promotion. Non? Avec la TPS... Alors, je m'excuse,
maintenant, nous commençons. La commission du budget et de
l'administration reprend ses travaux, et nous allons maintenant entendre -
j'allais dire un ami commun de la commission, un collaborateur - le
Vérificateur général, M. Châtelain. Auriez-vous
l'amabilité de bien vouloir identifier la personne qui vous accompagne
ici?
Vérificateur général du
Québec
M. Châtelain (Rhéal): Oui, merci, M. le
Président, avec plaisir. Je suis accompagné de M. Fernand Matte,
qui est directeur de l'administration à l'organisation du
Vérificateur général. Donc, il est responsable de
l'administration chez nous.
Le Président (M. Lemieux): M. le Vérificateur
général, vous avez 20 minutes pour votre exposé, et suivra
un échange entre les parlementaires d'une durée de 40 minutes. La
parole est maintenant à vous.
M. Châtelain: Merci, M. le Président. Je vous
remercie de l'invitation à venir témoigner devant votre
commission. L'étude que vous menez sur l'opportunité de maintenir
en vigueur ou, le cas échéant, de modifier la Loi sur la fonction
publique me donne l'occasion de faire valoir à nouveau l'importance que
le Vérificateur général accorde à I
imputabilité dans l'administration publique. Les lecteurs assidus du
rapport annuel du Vérificateur général savent
déjà avec quelle insistance je reviens sur ce thème,
année après année. J'ai donc le sentiment aujourd'hui de
continuer un dialogue avec des interlocuteurs tout aussi
intéressés par ce sujet. Amorcé il y a quelques
années avec les membres de votre commission, ce dialogue s'est poursuivi
avec un intérêt encore plus marqué en février
dernier, lors de l'étude, devant cette même commission, du rapport
annuel du Vérificateur général pour l'année
terminée le 31 mars 1989.
L'imputabilité, ou la revue de la performance et l'obligation de
rendre compte, est l'un des quatre thèmes retenus par la commission pour
orienter ses travaux dans l'étude de la Loi sur la fonction publique. M.
le Président, je me fais un devoir d'appuyer toute mesure ou
démarche favorisant la reddition de comptes des responsables de la
gestion des fonds et autres biens publics. La reddition de comptes est un
élément essentiel à toute bonne gestion.
L'intervention du Vérificateur général de- vant
cette commission se veut contributive, bien sûr, mais elle devra se
limiter toutefois à porter à l'attention des membres de la
commission certaines recommandations de portée générale.
Cette réserve m'est imposée par le souci de ne pas outrepasser
les limites de mon mandat, et je compte sur votre compréhension à
cet égard. Le Vérificateur général ne peut
compromettre son indépendance future en recommandant la mise en oeuvre
de certains mécanismes bien spécifiques alors qu'il peut
être appelé éventuellement à en effectuer la
vérification. Il ne peut être à la fois juge et partie.
C'est pourquoi j'ai toujours adopté comme ligne de conduite, dans toutes
mes interventions, y compris dans mon rapport annuel, de ne faire que des
recommandations définissant un objectif souhaitable à atteindre
dans la recherche d'une bonne gestion, et non pas les moyens spécifiques
pour y parvenir.
Le mémoire que je vous ai présenté sur l'objet du
mandat de votre commission porte essentiellement sur l'imputabilité. Vu
la nature même de mes fonctions, ce mémoire traite de façon
prioritaire d'imputabilité à l'externe, celle, notamment,
à laquelle je suis appelé à contribuer
régulièrement et qui consiste à rendre compte à
l'Assemblée nationale de la qualité de la gestion
gouvernementale. Cette forme d'imputabilité qui s'exerce à
l'égard de l'autorité suprême dans notre régime
parlementaire pourrait être encore plus efficace si les responsables de
la gestion administrative que sont les sous-ministres et les dirigeants
d'organismes étaient invités à témoigner en
commission parlementaire.
Entre autres, l'étude du rapport annuel du Vérificateur
général par la commission que vous présidez deviendrait
alors un mécanisme privilégié dans le fonctionnement d'un
véritable système d'imputabilité administrative. Les
recommandations que le Vérificateur général formule chaque
année dans son rapport annuel ne portent pas sur les politiques
gouvernementales. Si tel était le cas, le Vérificateur
général outrepasserait les paramètres de son mandat
précisés dans la Loi sur le Vérificateur
général et deviendrait vite partie à un débat qui
doit être réservé aux élus. Le mandat du
Vérificateur général porte essentiellement sur des faits
et gestes de nature administrative. Ne serait-il pas normal que ceux qui sont
responsables de ces faits et gestes soient également appelés
à en rendre compte publiquement?
Si vous voulez bien me permettre une analogie avec le secteur
privé, M. le Président, les hauts fonctionnaires se voient
confier des responsabilités, en définitive, par les
représentants des actionnaires que sont les membres de
l'Assemblée nationale. C'est l'Assemblée nationale qui adopte les
lois pour la mise en place de programmes au bénéfice de citoyens
et qui en confie l'administration au gouvernement et à ses
gestionnaires. Les gestionnaires de l'entreprise privée sont tenus de
rendre compte au conseil
d'administration de leur entreprise et aux actionnaires. La même
règle dïmpirtabilité devrait s'appliquer dans le secteur
public, où les gestionnaires devraient rendre compte au ministre et
à l'Assemblée nationale où siègent les
représentants des actionnaires, c'est-à-dire les
représentants des citoyens. Ces représentants ont justement un
rôle de surveillance a exercer, rôle qui est bien légitime
et reconnu, et ils doivent veiller à la bonne gestion du patrimoine de
ta collectivité. Bien sûr, une interprétation
traditionnelle du principe de la responsabilité ministérielle
veut que les ministres aient une responsabilité globale, voire
même entière, relativement aux actes administratifs tout comme aux
orientations politiques de leur ministère.
Selon une interprétation encore plus exigeante de ce principe,
les fonctionnaires seraient limités à un rôle de simple
exécutant, sans obligation de rendre compte à l'externe. Mais,
dans les faits, des pouvoirs de gestion considérables sont et doivent
être délégués aux hauts fonctionnaires pour la
gestion des ministères et des organismes. Il serait donc normal que ces
personnes soient tenues comptables de leurs actes. On est en droit de
s'attendre à ce que les hauts fonctionnaires puissent rendre compte
à l'externe des décisions et des actes de nature administrative
difficilement imputables, en pratique, aux seuls membres du gouvernement.
En principe, en tant que chef d'un ministère ou responsable d'un
organisme, le ministre est imputable à tous les niveaux. En pratique,
cependant, H est secondé par un sous-ministre ou un dirigeant
d'organisme qui se voit attribuer la responsabilité de la gestion des
affaires. Le ministre conserve sa responsabilité, mais il ne peut pas,
dans la réalité, être seul imputable de la gestion
administrative de son ministère ou de l'organisme auprès duquel
il est mandaté pour représenter le gouvernement.
L'imputabilité du ministre se traduira principalement par une reddition
de comptes sur l'essence même des politiques, alors que celle du
sous-minlstre ou du dirigeant d'organisme portera sur l'application de ces
politiques dans un contexte de saine gestion. Et cette reddition de comptes
doit s'exercer jusqu'en commission parlementaire.
La vérification législative, exercée en très
grande partie par le Vérificateur général, fait partie du
cycle de l'imputabilité externe. Il y aurait lieu d'en utiliser à
fond toutes tes ressources en complétant ce cycle par le
témoignage des responsables de la gestion en commission parlementaire.
On utiliserait ainsi davantage, en pratique, les possibilités offertes
par la réforme parlementaire entreprise il y a quelques années
afin de permettre aux députés d'exercer pleinement leur
rôle de surveillance sur la gestion des activités
gouvernementales.
L'étude du rapport annuel du Vérificateur
général en commission parlementaire est une occasion propice
à l'exercice de ce rôle de surveillance. Cependant, l'étude
de ce rapport ne produira tous les bénéfices escomptés que
si elle se fait en présence des hauts fonctionnaires en qui la gestion
s'identifie le plus clairement.
On doit s'attendre à ce que les sous-ministres et les dirigeants
d'organismes puissent répondre de la qualité de leurs gestes
administratifs devant l'Assemblée nationale, puisque c'est elle qui leur
confie, en définitive, un pouvoir d'exécution de programmes de
l'État selon des critères de gestion optimale des ressources.
Un tel régime d'imputabilité à l'externe des hauts
fonctionnaires existe dans les autres Législatures, des juridictions de
premier niveau au Canada, c'est-à-dire au Parlement
fédéral et dans toutes les Législatures des provinces,
à l'exception du Québec.
Cette pratique de l'imputabilité à l'externe se
déroule de façon respectueuse des distinctions fondamentales
entre les aspects politiques et administratifs de la gestion des affaires
publiques. Les responsables de la gestion des fonds et autres biens publics
pourraient être quelque peu hésitants face à une telle
pratique favorisant la reddition de comptes.
La plupart des êtres humains ont une propension à
résister à toute forme de contrôle. C'est pourquoi il doit
y avoir une volonté politique pour promouvoir la mise en place d'une
telle mesure, qui viendrait compléter logiquement le cycle de
l'imputabilité à l'externe.
Je suis conscient que la Loi sur la fonction publique ne constitue pas
le seul véhicule pour instaurer les mesures d'imputabilité
externe dont je viens de vous entretenir, mais cette loi comporte
déjà plusieurs éléments qui, bien appuyés,
pourraient contribuer à rendre constructive et souhaitable la reddition
de comptes à l'externe des hauts fonctionnaires. L'important est d'abord
que les responsables de la gestion rendent des comptes, et la Loi sur la
fonction publique peut contribuer à ce que la chaîne de
l'imputabilité soit plus complète et se rende jusqu'à
sommet, c'est-à-dire jusqu'à l'Assemblée nationale.
Certaines additions à la loi pourraient favoriser un tel régime.
Par exempte, on pourrait y prévoir l'obligation pour les hauts
fonctionnaires de comparaître devant toute commission parlementaire
lorsqu'ils y sont convoqués.
L'imputabilité à l'externe ne pourra véritablement
produire tous ses fruits que lorsque les membres de l'Assemblée
nationale insisteront sur le plein exercice de leur rôle de surveillance
à ce niveau.
Les règles de procédure de l'Assemblée
prévoient déjà la convocation des personnes qu'une
commission parlementaire a choisi d'entendre. Encore faudra-t-il que l'on
veuille appliquer ces règles aux hauts fonctionnaires lors des audiences
portant sur l'étude du rapport annuel du Vérificateur
général. Il pourrait en
être de même dans le déroulement des travaux de toute
commission parlementaire sectorielle qui étudierait, par exemple, le
contenu du rapport annuel des activités d'un ministère ou d'un
organisme. À ce jour, les commissions parlementaires se sont peu
prévalues de cette prérogative, bien que la réforme
parlementaire de 1984 les y autorise.
Jusqu'à maintenant, M. le Président, l'exercice de
l'imputabilité à l'interne a été
privilégié par la Loi sur la fonction publique et par d'autres
mesures législatives ou réglementaires. Cette forme
d'imputabilité se caractérise par la reddition de comptes
à l'intérieur des structures gouvernementales,
c'est-à-dire d'un niveau hiérarchique à un autre,
jusqu'aux sous-ministres ou aux dirigeants d'organismes. À leur tour,
ceux-ci répondent de leurs gestes devant les instances centrales et
devant l'exécutif, c'est-à-dire les ministres responsables des
ministères et des organismes. Cette reddition de comptes à
l'interne est essentielle, mais elle n'est pas publique.
Avec l'entrée en vigueur de la Loi sur la fonction publique le 22
décembre 1983, la reddition de comptes à l'interne a
été favorisée. Telles que présentées dans la
loi, les responsabilités des sous-ministres et des dirigeants
d'organismes en matière de gestion des ressources humaines sont bien
précisées. Elles comportent, dans leur libellé même,
l'obligation de procéder à des évaluations, ce qui ne
saurait être fait sans une reddition de comptes.
Qui plus est, la grande majorité des responsabilités des
sous-ministres et des dirigeants d'organismes en matière de gestion des
ressources humaines peuvent être déléguées, de
façon à ce que l'exercice des pouvoirs de gestion s'effectue le
plus près possible des personnes intéressées.
La loi prévoit l'application d'un régime selon lequel les
fonctionnaires doivent rendre compte de l'utilisation faite des pouvoirs qui
leur ont été délégués compte tenu des moyens
mis à leur disposition. C'est la base même du processus
d'imputabilité. On ne peut rendre compte si l'on ne s'est pas vu confier
une responsabilité, un mandat clair, et si les moyens nécessaires
pour réaliser ce mandat n'ont pas été fournis.
Dans les faits, plusieurs mesures ont déjà
été préconisées par diverses instances
gouvernementales, dont le Conseil du trésor, pour favoriser entre autres
l'atteinte des objectifs de la loi.
L'implantation de l'évaluation du rendement du personnel
basée sur des attentes signifiées, l'obligation de produire un
bilan annuel portant de façon spécifique sur la gestion des
ressources humaines, la mise sur pied d'unités de vérification
interne relevant directement de la haute direction des ministères ou des
organismes, l'implantation progressive d'un suivi de gestion et de
l'évaluation d'activités de programmes sont autant de moyens
favorisant l'imputabilité à l'interne. Ces diverses façons
de vivre l'imputabilité sont-elles cependant intégrées de
manière uniforme et efficace dans les pratiques administratives de tous
les intéressés? Le Vérificateur général
recommande dans son mémoire que la loi prévoie l'instauration de
tels systèmes de contrôle a posteriori ou, à tout le moins,
que ces éléments ou mécanismes soient mis en place par les
responsables de l'application de la loi.
M. le Président, je viens de vous livrer l'essentiel du message
du Vérificateur général; pour vous et pour plusieurs
membres de votre commission, le message n'est pas nouveau. (17 h 30)
Le Président (M. Lemieux): C'est ce que j'allais dire!
C'est un message que nous connaissons bien.
M. Châtelain: Voilà! L'imputabilité à
l'interne a une importance capitale eu égard aux objectifs d'une saine
gestion. Toutefois, pour être complet, le cycle de l'imputabilité
doit se prolonger à l'externe et se traduire par une reddition de
comptes à l'Assemblée nationale, là où les
députés exercent le rôle de surveillance en tant que
représentants de tous les contribuables, de tous les citoyens. Les
dispositions de la Loi sur la fonction publique devraient promouvoir de tels
principes. Il manquera toujours un maillon à la chaîne de
l'imputabilité tant que l'Assemblée nationale ou ses commissions
parlementaires n'entendront pas les hauts fonctionnaires. Le plein exercice de
l'imputabilité externe du gestionnaire constituera un pas très
important vers l'excellence dans la gestion des programmes de l'État. Je
vous remercie, M. le Président, de votre accueil et de votre attention
à mes propos.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
Vérificateur général. Je vais passer immédiatement
la parole au député de Saint-Louis, et j'aurai peut-être un
petit deux minutes à la fin, s'il me le permet. M. le
député de Saint-Louis.
M. Chagnon: Je vous le permets, M. le Président, mais le
plus grand problème, c'est que je suis d'accord avec le
Vérificateur général.
Une voix: Ce n'est pas un problème.
M. Chagnon: C'est un problème pour questionner
longtemps... Le Vérificateur général le sait, les
discussions qu'on a eues entre autres au mois de février cette
année et l'an passé n'ont pas laissé beaucoup d'espace,
pour le fait que je me suis commis sur cette question depuis déjà
quelques années. Évidemment, il s'agit de concevoir son
rôle non seulement comme législateur, mais aussi comme
contrôleur. Je pense que l'évolution du rôle de
l'élu, du député, fait en sorte qu'inévitablement
ii doit raffiner le sens
du contrôle qu'il doit avoir sur l'administration publique,
d'abord sur le plan des politiques émises par le gouvernement et,
ensuite, sur les moyens administratifs pris pour faire en sorte que ces
politiques et ces orientations gouvernementales soient bien mises en place pour
le bénéfice de la population en général.
Vous avez parlé, M. le Vérificateur, de la situation dans
d'autres Législatures. Je pense aussi, un peu comme peut-être
d'autres membres de cette commission, que l'imputabilité externe est le
pas logique suivant l'adoption de la Loi sur la fonction publique en 1984. Ce
serait peut-être ce pas que nous devrions faire cette année. Mais
la situation dans les autres Législatures... On sait que les
comités de comptes publics ont évolué vers
l'imputabilité externe en Ontario, en Colombie-Britannique;
peut-être qu'il y a l'Alber-ta et le Québec qui n'ont pas
évolué dans ce sens-là. Vous avez été
vous-même haut fonctionnaire au gouvernement fédéral, au
Bureau de la Vérification générale, pourriez-vous nous
expliquer davantage comment ça se fait sur le plan de la
mécanique, et quelle est l'acceptation de la problématique entre
le rôle ministériel et le rôle sous-ministériel dans
cette façon de procéder?
M. Châtelain: Oui, merci, M. le Président. Tout
d'abord, concernant les autres Législatures, il est exact qu'en Alberta,
jusqu'à tout récemment, ce régime auquel on a fait
référence n'était pas en pratique de façon
régulière, mais, selon les dernières communications que
j'ai eues, c'était la dernière province, à l'exception du
Québec, où on n'avait pas ce régime en place.
D'après les dernières informations que j'ai obtenues, ailleurs,
le régime est maintenant en place, les hauts fonctionnaires sont
appelés à témoigner et ils témoignent en leur
propre nom devant un comité de la Législature qui étudie
justement le rapport du Vérificateur général
là-bas.
Maintenant, comment est-ce que ça se passe? J'ai vécu,
vous l'avez bien dit, M. le député, l'expérience au niveau
fédéral où, régulièrement, deux fois par
semaine, le comité des comptes publics étudie le rapport du
Vérificateur général. À cette fin, le Comité
convoque et entend les hauts fonctionnaires des ministères et des
organismes qui font l'objet, justement, des commentaires du rapport et de
l'étude du comité. Ces hauts fonctionnaires comparaissent devant
le comité, en l'absence du ministre. Le ministre n'est pas
présent. Le haut fonctionnaire, le sous-ministre, est accompagné
de ses sous-ministres adjoints et il doit répondre aux questions des
parlementaires. Les questions portent évidemment sur le contenu du
rapport du Vérificateur général. Comme je le signalais
tantôt, le contenu du rapport porte évidemment sur des actes, des
gestes, des décisions de nature administrative et non pas de nature
politique, ce qui sert, dès le départ, à
dépolitiser le débat, c'est-à-dire que le débat ne
porte pas sur les politiques, si vous voulez, des programmes, les politiques du
gouvernement.
Donc, le sous-ministre ou le dirigeant de l'organisme, le haut
fonctionnaire, n'est pas dans une situation où il est appelé
à défendre les politiques comme telles du gouvernement. La
discussion porte sur les gestes administratifs, ceux qui font l'objet du
rapport du Vérificateur général. C'est une discussion qui
est éminemment positive. Le sous-ministre est appelé à
commenter, évidemment, les constatations du Vérificateur
général et ses recommandations. Il est appelé à se
prononcer sur le suivi qu'if va donner aux recommandations, et l'effet est tout
à fait construct et tout à fart salutaire. Plutôt que de
voir, année après année, les mêmes lacunes
être soulevées ou être relevées par le
Vérificateur général dans un même ministère,
il y a des améliorations sensibles. Les hauts gestionnaires, les hauts
fonctionnaires, devant le comité des comptes publics, prennent des
engagements quant aux mesures qu'ils vont prendre pour corriger les situations
qui ont été déplorées. Alors, ça a un effet
tout à fait salutaire. Également, le débat lui-même,
comme je le disais tantôt, est très serein; il n'est pas
politisé et il ne revêt pas une haute visibilité. Il est
très serein et dépolitisé, et je pense que, par le fait
même, au niveau administratif, il est très cons-tructif.
M. Chagnon: Est-ce qu'il y a d'autres sujets que le rapport du
Vérificateur général qui devraient être l'objet de
cette imputabilité externe?
M. Châtelain: Bien sûr, M. le Président.
Tantôt, j'ai tout simplement donné un exemple à l'effet que
les commissions sectorielles pourraient entendre les hauts fonctionnaires suite
à la publication, au dépôt du rapport annuel du
ministère ou de l'organisme.
M. Chagnon: Mais ça ne se fait pas dans d'autres provinces
ou dans d'autres...
M. Châtelain: Ah! Ça se fait. Oui, ça se fait
de plus en plus dans les autres provinces, il faut s'entendre.
M. Chagnon: Mais c'est ce que je veux... Je veux vous l'entendre
dire.
M. Châtelain: Je vais prendre un autre exemple qui est
encore plus clair. Il y a un autre exemple qui est beaucoup plus clair.
À Ottawa, entre autres, les comptes publics eux-mêmes font l'objet
de discussions devant le comité des comptes publics et, à ce
moment-là, les hauts fonctionnaires, entre autres du ministère
des Finances, sont appelés à témoigner sur le contenu, par
exemple, des états financiers du
gouvernement. C'est bien sûr. Alors, les comptes publics font
l'objet d'une discussion semblable à celle que j'ai décrite
tantôt.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que ça va, M. le
député des Îles-de-la-Madeleine? Est-ce que ça va,
M. le député de...
M. Chagnon: Je reviendrai.
Le Président (M. Lemieux): Vous allez revenir. Alors, M.
le député des Îles-de-la-Madeleine, et il y a M. le
député de Mille-Îles, aussi, qui veut intervenir.
M. Farrah: M. le Président, je vais me faire un peu
l'avocat du diable. Plusieurs syndicats ou plusieurs organismes sont venus
devant nous depuis hier, et lorsqu'on leur parlait d'imputabi-lité
interne, toujours avec l'objectif de service à la population, ils
semblaient tous d'accord. Ils semblaient avoir un certain consensus à ce
niveau-là, sauf qu'ils disaient: Oui, mais à condition qu'on
connaisse les règles du jeu, à condition qu'on soit certains
qu'on n'ait pas de surplus de tâche. En tout cas, qu'il y ait quand
même un environnement ou un cadre qui soit délimité afin de
s'assurer qu'on puisse faire le travail qui nous est demandé. (17 h
45)
À l'opposé, avec le système actuel, au niveau des
hauts fonctionnaires, sous-ministres ou présidents d'organismes, ces
gens-là qu'on veut rendre imputables - je suis d'accord avec ça,
c'est tout à fait normal - est-ce qu'ils ont le cadre voulu, au niveau
de l'interne, pour pouvoir justement être imputables à l'externe,
après? Je ne sais pas si vous me suivez là-dessus. Sinon, quelles
seraient les modifications qu'il faudrait peut-être apporter pour
s'assurer qu'il y ait un lien entre l'imputabilité à l'interne et
celle à l'externe? Parce que, à mon point de vue, je pense qu'il
y a un lien entre les deux. C'est extrêmement important.
Si, au niveau d'un cadre supérieur, on exige des choses, à
ce moment-là, au niveau de sa boîte, il faut que son message
puisse aussi passer et bien circuler de haut en bas, sinon il y a des
problèmes. Alors, est-ce qu'il y a des lacunes? Est-ce que le
système ferait en sorte qu'il y ait des blocages quelque part, que cette
communication-là ne se fasse pas? Alors, j'aimerais vous entendre
là-dessus, M. le Vérificateur.
M. Châtelain: D'accord. M. le Président, je dois
tout de suite faire une réserve avant d'aller plus loin dans ma
réponse. C'est que nous n'avons pas fait de vérification comme
telle sur l'objet de la question. D'autre part, je pense que, si on avait fait
une vérification comme telle, il y aurait peut-être un autre forum
où on devrait rendre compte, vous savez, du résultat de cette
vérification-là. Cependant, je peux parler au niveau
théorique, c'est-à-dire du fonctionnement d'un système au
niveau théorique, à ce moment-là. C'est bien sûr que
je suis bien d'accord avec le député, pour commencer. Pour qu'il
y ait un système d'imputabilité à l'interne qui fonctionne
bien, il faut que l'employé que l'on va tenir imputable sache exactement
ce qu'il a à faire, ce qu'on attend de lui.
Il y a un objectif, il y a une tâche à l'intérieur
de cet objectif-là. On ne pourra pas l'évaluer si on ne lui a pas
dit exactement ce qu'on attendait de lui. Première règle.
Deuxième règle, l'évaluation. La revue de la
performance, d'accord? Mais la revue de la performance implique quoi? Rendre
compte, bien sûr, tout le temps. Alors, il doit y avoir une revue de la
performance comparativement à ce qu'on lui avait dit au début,
à ce qu'on attendait de lui. Bien sûr. On l'évalue sur
cette base-là.
Alors, le fonctionnaire lui-même qui est évalué doit
rendre compte de sa performance, d'accord? Ceci, à l'interne, doit se
pratiquer tout le long de la chaîne hiérarchique à
l'intérieur du ministère, à partir du premier
fonctionnaire jusqu'au niveau du sous-ministre, tout le long. Mais ça
implique quoi, aussi? Ça implique beaucoup plus de choses que ça.
C'est que, pour l'ensemble du ministère, il faut absolument
connaître les objectifs. Il faut commencer là. Il faut commencer
par connaître les objectifs du ministère. Qu'est-ce qu'on essaie
de faire dans ce ministère-là, quel est l'objectif? Quels sont
les moyens? Il faut planifier, et ainsi de suite. Après qu'on a
planifié les objectifs, évidemment, après qu'on a
établi un plan opérationnel quant à l'atteinte de ces
objectifs-là durant une année ou peu importe, les quelques
années à venir, il faut ensuite planifier les ressources
humaines.
Quelles sont les ressources humaines dont nous aurons besoin? Je ne
parle pas des ressources financières, c'est autre chose, mais on en a
besoin aussi. Alors, quelles sont les ressources humaines dont nous aurons
besoin pour accomplir ça, les différentes qualités de
ressources humaines, les différentes quantités de ressources
humaines? Alors, c'est tout bâti là-dessus. À partir des
objectifs du ministère, qu'est-ce qu'on essaie de faire? Ensuite,
quelles sont les ressources dont nous avons besoin? Et nous communiquons
à ces ressources-là ce qu'on attend d'elles. C'est ça,
l'imputabilité. On les évalue et, ensuite, on évalue
justement l'atteinte des objectifs du ministère et l'atteinte des
objectifs de chacun des employés, tout le long de la chaîne.
Ça, ça se rend jusqu'au niveau du sous-ministre.
Le Président (M. Lemieux): M. le député des
Îles-de-la-Madeleine... Je m'excuse, parce que je dois passer la parole
à l'Opposition, pour revenir au député de
Mille-Îles, tout à l'heure, qui a aussi des questions à
poser. Moi, j'en ai des petites à la fin, mais... M. le
député de La Prairie.
M. Lazure: Oui, brièvement...
Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse, M. le
député des Îles-de-la-Madeleine. Vous savez, on est
limités par le temps.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je trouve
rafraîchissant le mémoire du Vérificateur. On ne peut
sûrement pas l'accuser de manquer de sens pratique et de ne pas
être clair. C'est très clair. Si j'ai peut-être eu certaines
réticences, à une époque, quant à
l'imputabilité externe pour les hauts fonctionnaires, je n'en ai plus
aucune, absolument aucune. Et c'est peut-être mon stage comme
responsable, à un moment donné, des relations aux citoyens qui
m'a enseigné, avec les nombreux contacts que j'ai eus avec les
fonctionnaires, sous-ministres, tous les niveaux de la fonction publique,
qu'effectivement, les gens de la fonction publique, en tout cas, surtout ceux
et celles qui sont au service de la population, ne craignent pas, d'abord,
l'organisation d'une imputabHité à l'interne, comme vous venez de
l'expliquer, et que ça débouche éventuellement sur
l'externe. Moi, je pense que le service aux citoyens, à la population, y
gagnera éventuellement. Alors, un début, ça peut
être avec le rapport du Vérificateur général, mais
pourquoi pas aussi avec le rapport du Protecteur du citoyen? Il y a plusieurs
rapports annuels qui pourraient faire l'objet de telles séances, de
commissions parlementaires où les sous-ministres et les responsables
d'organismes répondraient de la sagesse, de la pertinence de leurs
gestes administratifs.
Juste une question au Vérificateur. L'article 3 actuel, au
paragraphe 2, dans l'objet de la loi, dit: "...l'exercice des pouvoirs de
gestion des ressources humaines le plus près possible des personnes
intéressées et l'application d'un régime selon lequel le
fonctionnaire investi de ces pouvoirs de gestion doit en rendre compte, compte
tenu des moyens mis à sa disposition." il y a une obligation, si je lis
bien, "...doit en rendre compte". Est-ce que vous pensez quand même que
la loi devrait être amendée pour introduire... C'est votre
première recommandation: "La Loi sur la fonction publique devrait
prévoir l'obligation par les hauts fonctionnaires de répondre aux
convocations des commissions parlementaires de l'Assemblée nationale."
Est-ce que vous voulez dire que l'article 3, comme il existe actuellement,
n'est pas assez clair, n'est pas assez contraignant? Il y a quand même
"doit".
Le Président (M. Lemieux): Simplement pour ajouter
là-dessus... C'est que, là-dessus, moi non plus, je ne vous
comprends pas, parce que, actuellement, je suis certain que nous avons tout ce
qu'il nous faut légalement pour assigner devant nous à la fois
des dirigeants d'organismes, en vertu de l'article 294, et des sous-ministres
en titre ou sous-ministres adjoints, en vertu de l'article 51 de fa Loi sur
l'Assemblée nationale. Je veux vous entendre là-dessus, moi
aussi.
M. Châtelain: Oui, M. le Président. Non seulement y
a-t-il ces articles-là dans la loi, mais il y a aussi,
évidemment, les règles de procédure de l'Assemblée
nationale, qui prévoient la comparution de personnes... On ne
précise peut-être pas qu'il s'agit des hauts fonctionnaires. On
dit simplement, je pense, "les personnes qu'une commission peut bien
convoquer". D'accord. Cependant, je pense que c'est une question
d'interprétation. La loi, de la façon dont elle est
rédigée dans le moment et de la façon dont elle est
appliquée ou interprétée...
Le Président (M. Lemieux): C'est plutôt une question
de pratique, ça.
M. Châtelain: Oui, c'est une question de pratique. C'est
qu'on interprète cet article-là, M. le Président,
l'article auquel on vient de faire référence, tout simplement
comme s'appliquant à l'interne; c'est l'interprétation qui est
donnée. On parle ici d'un régime à l'interne. Bien
sûr qu'on vise le service au citoyen, de rendre l'action le plus
près du citoyen possible, de déléguer. Mais quand on
précise ici qu'on lui demande de rendre des comptes, je pense bien que
ce que la loi visait, à l'époque - et c'est la façon dont
ça a été interprété - c'était d'en
rendre compte à l'interne. À l'époque, on ne parlait
même pas d'interne ou d'externe comme tels, je pense bien, mais c'est ce
qui était prévu.
Alors, nous, ce que nous recommandons... De fait, le but de notre
recommandation, c'est de rendre beaucoup plus clair, de ce
côté-là, que ça devrait s'appliquer également
à l'externe.
M. Lazure: Je reconnais que ce serait beaucoup plus clair.
Le Président (M. Lemieux): Ce que le législateur ne
dit pas, il ne l'exclut pas.
M. Lazure: On dit souvent: Ça va sans dire. Mais ça
va encore mieux en le disant.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Labelle, avez-vous des questions?
M. Léonard: M. le Président, je sais qu'on aborde
là une question sur laquelle je ne suis pas d'accord, en tout cas
jusqu'ici, avec mes collègues, la question de l'imputabilité. Je
me pose des questions. À l'interne, ça va, il n'y a aucun
problème. À mon sens, les fonctionnaires doivent rendre compte
par rapport à leurs fonctionnaires supérieurs et par rapport
à leur ministre. Mais au-delà de ça, qu'il y ait des
hauts fonctionnaires, ou que le sous-ministre en titre vienne parader
dans une commission parlementaire, moi, je pense qu'on va s'entendre sur le
rôle du politique et de l'administratif. Il me semble qu'on a
peut-être des dessins à se faire là-dessus. Je comprends
tout de suite votre réplique. Vous allez dire: Ça se fait
ailleurs, donc c'est bon. Un instant! On va quand même regarder ce que
ça signifie. Je parle de l'im-putabilité externe. Vous dites que
ça dépolitise le débat, comme si c'était
très mauvais que le débat soit politisé. Je vous dis: Un
instant! Nous sommes en régime parlementaire britannique, il y a un
parti au pouvoir et généralement, un parti à l'Opposition
dont le rôle est de s'opposer, de critiquer, et je pense que nous devons
le faire. Nous sommes de ce côté-ci de la table durant ce mandat;
la prochaine fois, on sera de l'autre côté-
Une voix: Ah!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lemieux): C'est purement
hypothétique!
M. Léonard: Alors, je le fais tout bonnement, ce qui peut
être sérieux en même temps.
Le Président (M. Lemieux): Vous savez, souvent,
c'est...
M. Léonard: Je pense que les débats doivent avoir
lieu, je pense que la société doit aussi en
bénéficier, et je pense aussi que la presse doit rendre compte
des positions des uns et des autres et pas seulement d'un côté. Et
ça, c'est, je pense, la santé de la démocratie qui est en
cause là-dedans. Alors, quand un sous-ministre gère son
ministère, il le fait sous les orientations d'un ministre. À mon
sens, le ministre fait partie de l'exécutif qui est issu de
l'Assemblée nationale. C'est lui qui répond. Je veux bien qu'on
distingue entre les aspects politiques et administratifs, mais, à mon
sens, l'exécutif fait la jonction des deux. Alors, qu'il réponde,
le ministre. J'aimerais bien qu'on me dise pourquoi, tout à coup, il
faudrait qu'un fonctionnaire réponde à la place du ministre.
Le Président (M. Lemieux): M. le Vérificateur.
M. Châtelain: D'accord. Ça aurait été
tellement facile de dire que c'est ce qu'on pratique ailleurs.
M. Léonard: Oui, je la voyais d'avance!
M. Châtelain: Écoutez, je pense qu'il est malheureux
qu'on interprète mes propos à l'effet qu'un débat
politisé est une mauvaise chose. Je ne pense pas que ce soit ça
que j'ai précisé, absolument pas.
M. Léonard: Peut-être que j'ai extensionné
l'entendement commun.
M. Châtelain: D'accord. Alors, absolument pas. Comme le
député l'a dit, on vit dans un régime démocratique,
bien sûr. Alors, un régime démocratique, ça veut
dire quoi? Ça veut dire des débats qui sont politisés,
ça veut dire des partis politiques et des débats entre partis
politiques, d'accord.
M. Léonard: J'aime mieux ça que les dictatures, en
tout cas.
M. Châtelain: J'ai également précisé,
je pense bien, dans l'exposé que j'ai fait tantôt, que c'est vrai
que le ministre a la responsabilité de l'ensemble, à tous les
niveaux. C'est vrai, je ne nie absolument pas ça. Alors, il y a un forum
où le ministre peut répondre. Il peut répondre en Chambre
comme en commission parlementaire. Bien sûr, on peut toujours tenir un
ministre responsable. C'est bien sûr. C'est l'essence même du
régime politique ou du régime démocratique. Cependant, au
niveau pratique, il y a autre chose. C'est pour ça. C'est qu'au niveau
pratique, est-il possible... On peut bien prendre l'exemple de General Motors,
si vous voulez. Allez-vous tenir le président ou le
vice-président responsable de ce qui se passe partout? Allez-vous tenir
le conseil d'administration de General Motors responsable des gestes qui sont
posés par les ouvriers? Il faut s'entendre. Alors, au point de vue
pratique, tout simplement, à qui doit-on demander des comptes? S'il y a
une sanction politique, elle peut toujours s'appliquer au niveau du ministre,
bien sûr, mais, au point de vue pratique, il faut aller là
où l'autorité s'exerce réellement.
M. Léonard: À l'interne.
M. Châtelain: On le voit dans les lois. Prenez les lois des
ministères, ce sont les sous-ministres qui sont chargés,
justement, de la gestion des affaires du ministère. Bien sûr, on
dit toujours que c'est sous la direction du ministre. C'est vrai qu'au niveau
politique, le ministre peut être tenu responsable, bien sûr, mais,
au niveau pratique, c'est le sous-ministre. C'est pour ça que, dans
chacune des lois des ministères, on prévoit justement le
rôle d'un sous-ministre. Dans le fond, c'est l'Assemblée nationale
qui passe ces lois-là, c'est l'Assemblée nationale qui dit qu'il
doit y avoir un sous-ministre, que ce sous-ministre doit assumer la
responsabilité, si vous voulez, de la gestion des affaires courantes du
ministère. C'est la loi. C'est l'Assemblée nationale qui passe
cette loi-là. C'est l'Assemblée nationale qui accorde des
fonds
à l'exécutif, oui, mais également au gouvernement,
et ces fonds-là sont gérés ensuite par les hauts
fonctionnaires. Alors, pourquoi ces hauts fonctionnaires-là, dont les
fonctions sont déjà prévues dans des lois, ne
devraient-ils pas rendre des comptes au niveau de l'Assemblée nationale?
Comme je vous le dis, s'il y a une sanction au niveau politique, elle peut
toujours s'exercer au niveau du ministre.
M. Léonard: La loi prévoit des fonctionnaires
subalternes, et ils rendent compte à leur sous-ministre.
M. Chatelain: Bien sûr.
M. Léonard: Moi, je pense que le sous-ministre...
Peut-être que là où nous divergeons, c'est probablement sur
la notion d'imputabilité interne et externe, ce que ça signifie
exactement. Vous, vous dites que les fonctionnaires et les sous-ministres en
titre doivent répondre à l'Assemblée nationale ou doivent
répondre dans des commissions de l'Assemblée nationale. À
mon sens, là, on touche de très près à la
responsabilité directe du ministre et, à mon sens, le ministre
doit être capable de répondre lui-même sur ce
plan-là.
M. Chatelain: Ça ne veut pas dire que le ministre abdique
ses responsabilités dans un cas comme ça. Absolument pas.
M. Léonard: Je veux bien, mais regardez vous-même.
Regardez vous-même. Vous êtes le Vérificateur
général du Québec. Il se sort des budgets ici, au
Québec, qui sont des contrôles a priori, alors que ce que vous
faites, vous faites des vérifications et vous rendez compte de vos
vérifications, la plupart du temps, sur des états financiers.
Là, vous dites: Ça été mal fait, ceci ou cela. Vous
exercez votre rôle critique. Or, en réalité, si vous
vouliez être efficace, vous donneriez votre opinion sur le budget
lui-même, parce que c'est là que les décisions sont prises.
Alors, pourquoi ne le faites-vous pas?
M. Chatelain: Est-ce que je dois répondre à cette
question-là?
Le Président (M. Lemieux): Certainement. Des voix:
Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lemieux): En toute liberté.
M. Chatelain: Le rôle du Vérificateur
général, c'est un rôle de vérification...
Une voix: C'est ça.
Le Président (M. Lemieux): C'est son rôle dans la
loi.
M. Chatelain: La vérification est a posteriori. (18
heures)
M. Léonard: II y a des vérifications internes en
termes de systèmes, puis en termes de présentations
d'états financiers. On sait que, dans les domaines public et politique,
effectivement, lorsque, par exemple, un ministre des Finances donne son
discours sur le budget, il rend des décisions. Il doit les rendre en
toute connaissance de cause et de façon à éclairer le
public et non pas à le "confusionner". À mon sens, le
Vérificateur général lui-même devrait se prononcer.
Alors, à ce moment-là, quand vous ne le faites pas, on devrait
vous faire venir à la barre et vous demander pourquoi vous ne l'avez pas
fait.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Labelle, vous avez terminé votre temps de parole. Vous pourrez
répondre après que j'aurai passé la parole au
député de Mille-Îles.
M. Léonard: Vous voulez être imputable, vous allez
l'être vous aussi, si...
Le Président (M. Lemieux): M. le Vérificateur.
M. Léonard: II faut pratiquer ce que vous
prêchez.
M. Chatelain: Le Vérificateur général fait
une vérification a posteriori et peut être imputable, bien
sûr, sur sa vérification. Il faut s'entendre. Alors, il fait
rapport sur quoi? Il fait rapport sur des états financiers, sur des
gestes qui ont déjà été posés et sur des
rapports comme tels, si vous voulez.
M. Léonard: M. le Président, si vous me le
permettez, je dirai que lorsque dans une entreprise, par exemple, pour prendre
l'exemple du secteur privé, vous avez des états pro forma donnant
lieu à des émissions d'actions ou à des émissions
d'obligations, il y a un rapport du Vérificateur général
et, pourtant, ce n'est pas une vérification de gestes passés, ce
sont des hypothèses. Encore là, dans le cas d'un budget d'un
gouvernement, il ne s'agit même pas d'hypothèses, il s'agit
vraiment de décisions politiques qui ont été prises,
là.
Le Président (M. Lemieux): M. le Vérificateur
général, vous pouvez répondre. Après, je passe
vraiment la parole au député de Mille-Îles.
M. Léonard: C'est exact.
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît, M. le
député de Labelle. Vous avez pris cinq
minutes de plus. Je vais être accusé de par-tisanerie.
M. Châtelain: D'accord. Il faut distinguer entre mon
rôle et le rôle d'un vérificateur dans le secteur
privé qui vérifie, à un moment donné, des
états financiers et qui va aller se prononcer sur un prospectus, par
exemple. Ce n'est pas la même chose, ce n'est pas le même
rôle.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Mille-Îles.
M. Bélisle: Je me souviens très bien, M. le
Vérificateur général... M. le Président, si vous
vous en souvenez, il y a à peu près trois ans, le
député de Lévis avait demandé au
Vérificateur général - ça va le faire sourire -
d'agir comme consultant. Il voulait obtenir son opinion, puis il s'est
aperçu.,. On lui a dit, à un moment donné, au
député de Lévis: Regardez donc le texte de la Loi sur le
vérificateur général que vous avez vous-même
voté à l'Assemblée nationale. Ce n'est pas dans ses
attributions d'être consultant, de donner des opinions avant le fait. Ce
n'est pas du tout ça qu'on a voulu faire. Ce que je ne comprends pas,
présentement, c'est que, lorsqu'on a fait la réforme du
règlement de l'Assemblée nationale, en 1984, on a fait une
réforme dans le but de faire ça en deux phases, puis on a
concrétisé, M. le Président - je passe par votre
intermédiaire, mais je m'adresse bien entendu au député de
Labelle - on l'a voté en donnant des outils. MM. les
députés de Labelle et de La Prairie étaient là, ils
étaient ministres du gouvernement de l'époque. C'est outils
existent déjà et permettent déjà de faire ce qu'on
veut faire, mais les parlementaires n'ont peut-être pas le courage de
faire ce qu'ils devraient ou peuvent faire. Alors, à
l'époque...
Le Président (M. Lemieux): Ou les ressources.
M. Bélisle: Je suppose qu'à l'époque, vous
étiez d'accord. C'était unanime, l'adoption de ce nouveau
règlement. Alors, on procédait à une nouvelle voie,
à une nouvelle phase, et on avait étudié tous les tenants,
tous les aboutissants. La commission Bisaillon en avait conclu exactement aux
mêmes effets. On procédait à l'interne, au départ,
via l'article 3 de la Loi sur la fonction publique, et, en même temps, on
se disait: On laisse aller la machine et, en même temps, dans trois ou
quatre ans, on va enclencher la machine au niveau externe. Est-ce que
c'était ça qui était prévu à
l'époque, M. le Vérificateur?
M. Châtelain: Oui, M. le Président. Je me souviens
qu'il avait été justement question de cette approche-là,
que progressivement ce régime serait mis en place. Oui, bien
sûr.
Le Président (M. Lemieux): Allez-y, M. le
député de Mille-Îles.
M. Bélisle: Quand on parle d'examen à
l'Assemblée nationale, quand on dit que la Loi sur la fonction publique
devrait prévoir l'obligation par les hauts fonctionnaires de
répondre aux convocations des commissions parlementaires, vous savez que
la commission du budget l'a déjà fait, en 1987, avec la
Commission des valeurs mobilières. Vous souriez, vous vous souvenez de
ça. Ça n'a pas été facile, n'est-ce pas?
Une voix: Puis on l'a fait pareil.
M. Bélisle: Puis on l'a fait pareil. C'a peut-être
été la seule commission depuis 1984 qui a osé le faire. Le
président de la Commission des valeurs mobilières est venu ici et
a livré son sac sur la table, puis il y en avait, dans son sac.
Le Président (M. Lemieux): Et j'ajouterais dans le cadre
de ce mandat-ci, où nous avons demandé à chacun des
sous-ministres...
M. Bélisle: Dans le cadre d'un mandat d'initiative. Il
faut se souvenir de l'histoire, d'accord? Ce que je vois dans votre page 3,
sommaire des recommandations, est-ce que vous entrevoyez... Parce que la seule
sanction qu'on pourrait mettre pour atténuer un peu le principe de ce
que le député de Labelle veut conserver, la responsabilité
ministérielle qui, dans notre système actuel... Le système
parlementaire britannique pur n'existe plus. Ça n'existe plus, c'est un
rêve du passé colonial.
M. Léonard: Franchement, vous m'apprenez quelque
chose!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bélisle: Non, mais c'est ce que vous avez
évoqué tantôt...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bélisle: ...et on est passés à un autre
système.
Une voix: Un vrai.
M. Bélisle: Pour garder la responsabilité
ministérielle, ce que je ne vois pas, c'est qu'à supposer que les
commissions parlementaires, dans leurs juridictions respectives,
étudient les états financiers des ministères, les
programmes en termes de ressources humaines, en termes de production de
services et tout le reste, il ne faudrait pas qu'il y ait de sanctions à
ça. Il faut qu'il y ait un seul pouvoir accordé aux commissions
parlementaires, ou il faudrait que ce soit
exercé dans le cadre de recommandations. Si on procède, M.
le Vérificateur général... Vous ne l'avez pas dit dans
votre document. C'est drôlement important, d'autant plus pour satisfaire
à l'exigence du député de Labelle, parce qu'il a raison,
dans le fond. Il ne faut pas enlever la responsabilité
ministérielle; il faut ajouter d'autres outils.
Quand on dit qu'on fait l'évaluation des programmes, on pourrait
faire l'évaluation du rendement par attentes signifiées. On
pourrait faire la production de plans et d'objectifs de rendement, on pourrait
analyser le bilan de gestion des ressources humaines, on pourrait analyser le
rapport annuel du ministère, on pourrait mesurer le degré de
satisfaction du public desservi. Moi, je suis entièrement d'accord avec
ça. Il faut que ça se fasse à la prochaine étape.
C'est l'étape qui était déjà prévue en 1984.
Mais une chose qu'il faut faire, par exemple, II faut peut-être faire une
modification et dire tel quel que les commissions parlementaires, le seul
pouvoir qu'elles ont après avoir fait l'analyse, si elles la font, c'est
une recommandation à l'Assemblée nationale, lieu où elles
doivent faire rapport. Parce que nous aussi, comme parlementaires, on a des
comptes à rendre à quelqu'un, et la place où on doit
rendre des comptes, c'est à l'Assemblée nationale. Que
pensez-vous de ça?
Le Président (M. Lemieux): Tout simplement pour souligner
au député de Mille-Îles qu'en vertu de l'article 176. 7,
c'est déjà là.
M. Bélisle: Bien, on pourrait peut-être le
spécifier dans la Loi sur la fonction publique...
Le Président (M. Lemieux): Peut-être, mais c'est
déjà là en vertu...
M. Bélisle:... comme le dit le Vérificateur
général, parce que je pense que c'est vrai qu'il manque un
chaînon quelque part.
M. Châtelain: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): M. le Vérificateur.
M. Châtelain: On a fait allusion, tantôt, à
l'expérience que j'ai vécue dans une autre juridiction. C'est que
le Comité des comptes publics, à Ottawa, entend - j'y reviens -
les hauts fonctionnaires régulièrement, deux fois par semaine. Le
comité des comptes publics voit une section du rapport du
Vérificateur général et convoque les hauts fonctionnaires
intéressés par le sujet. Une fois cette partie
étudiée, cette section du rapport, le comité émet
un rapport et émet des recommandations à la Chambre des communes,
là-bas. Alors, je trouvais que c'était une mesure qui
était positive.
M. Bélisle: D'accord. Une petite question, une petite
vite. Chez vous, parmi les 225 personnes qui constituent votre service comme
Vérificateur général, y a-t-il des diplômés
de l'École nationale d'administration publique?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bélisle: La question est très
sérieuse.
M. Châtelain: Ah oui! Je sais qu'on en a au moins un.
Le Président (M. Lemieux): Vous en avez un.
M. Châtelain: On en a au moins un. On en a peut-être
deux ou trois, mais j'en connais un en particulier qui est gradué de
l'École nationale, avec la maîtrise.
Le Président (M. Lemieux): Oui, c'est bien, ça.
M. Bélisle: Existe-t-il une interaction? C'est très
important pour comprendre. Vous êtes le Vérificateur, vous
êtes chargé d'analyser la production, la conformité des
programmes, l'efficacité, l'efficience gouvernementale. Avez-vous une
interaction, un échange, peut-être même un modèle, un
rôle, un certain nombre de vos effectifs qui, à chaque
année, devraient être obligés, peut-être, d'aller
là-bas, et inversement? En somme, y a-t-il une sorte d'interaction entre
les deux? Ce que je ne comprends pas, c'est que ça n'existe pas, que
ça ne se fasse pas.
Le Président (M. Lemieux): M. le Vérificateur.
M. Châtelain: II s'en fait, M. le Président. Il ne
s'en fait pas d'une façon formelle, structurée,
délibérée comme, je pense, le député
rechercherait. Il s'en fait. Par exemple, avec l'ENAP, nous avons
organisé des sessions de cours qui ont été donnés,
entre autres, à nos cadres, des colloques de deux ou trois jours. Il y a
des échanges. On a même, aussi, des professeurs de l'ENAP qui
viennent travailler chez nous, d'accord. On a des professeurs de l'ENAP qui
viennent nous aider dans certains secteurs, et ainsi de suite. Je pense bien,
là, qu'il y a un transfert de connaissances qui se fait, à ce
moment-là. Il y a des consultations, mais tout à fait
informelles. C'est pour ça que j'ai bien précisé que ce
n'était pas systématique.
M. Bélisle: D'accord.
M. Châtelain: II y a des consultations tout à fait
informelles. Par exemple, l'ENAP va peut-être considérer de
développer un cours sur l'optimisation, en consultation avec nous,
bien
sûr, mais ce n'est pas structuré dans le sens auquel vous
avez fait allusion tantôt.
M. Bélisle: Est-ce qu'il y a eu des discussions
informelles avec l'ENAP sur la notion d'imputabilité?
M. Chatelain: Absolument! Quand je dis absolument, il faut
s'entendre.
M. Bélisle: À l'interne.
M. Chatelain: Là, ce serait comme si on avait eu une
session qui portait sur l'imputabilité.
M. Bélisle: Non, pas dans ce sens-là. M.
Châtelain: Non, absolument pas.
M. Bélisle: C'est parce qu'on essaie de savoir ce qu'ils
pensent, aussi? C'est pour ça.
M. Châtelain: Non, mais dans le cadre, par exemple, des
cours de perfectionnement qui ont été organisés, de
concert avec l'ENAP, pour être donnés chez nous...
M. Bélisle: O. K.
M. Châtelain:... on parle de Timputabilité, bien
sûr. Tout le processus de gestion, un bon processus de gestion comprend
l'imputabilité.
M. Bélisle: Ça va.
Le Président (M. Lemieux): Ça va.
M. Bélisle: II y a le député de Saint-Louis,
M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Saint-Louis. Allez-y, M. le député de Saint-Louis.
M. Chagnon: La petite question que j'avais, c'est celle-ci: hier,
on a reçu, comme le député des Îles-de-la-Madeleine
le disait un peu plus tôt, le Syndicat de la fonction publique du
Québec et le Syndicat des professionnels du Québec. Ils nous ont
dit, dans les deux cas, qu'ils n'étaient pas défavorables
à l'imputabilité interne, mais que leur vision était que
l'imputabilité interne devrait se faire à la condition de rendre
tous les sujets non négociables dans la fonction publique
négociables dans la convention collective. Voyez-vous un lien de cause
à effet dans cette position des employés ou des
représentants des employés quant à l'imputabilité
interne?
M. Châtelain: M. le Président, si vous le permettez,
je ne toucherai pas tout à fait...
Le Président (M. Lemieux): Vous pouvez toucher à
tout, M. le Vérificateur.
M. Châtelain: Non, mais je ne toucherai pas... Ha, ha,
ha!
Le Président (M. Lemieux): On vous le permet, c'est entre
nous deux.
M. Châtelain: Je ne toucherai pas à l'essence
même de ce qui est touché par cette question, bien sûr, mais
on peut toujours revenir...
Le Président (M. Lemieux): On peut tourner autour,
non?
M. Châtelain:... au fonctionnement d'un bon système
d'imputabilité. Un bon système d'imputabilité, ça
implique quoi? Toujours savoir ce qu'on a à faire et les
possibilités de le faire; les ressources et en rendre compte par la
suite.
M. Chagnon: Objectifs clairs, ressources.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Mille-Îles, votre petite dernière question.
M. Bélisle: Non, M. le Président, je vais me
réserver le petit texte que j'ai ici, que j'ai écrit il y a
quelques jours concernant toute cette facette-là, une modification pour
le chaînon manquant dans la Loi sur la fonction publique, je pense, qui
doit être inscrite plus directement, parce que j'ai un texte à
proposer à la fin de la commission.
Le Président (M. Lemieux): On en discutera à huis
clos.
M. Bélisle: Oui.
Le Président (M. Lemieux): Ça va? Est-ce qu'il y a
d'autres questions à poser? Oui. Alors,
M. le Vérificateur général, nous vous remercions,
nous avons apprécié votre mémoire.
M. Chagnon: Si on avait besoin du Vérificateur
général ultérieurement, serait-il disponible pour nous
éclairer davantage?
Le Président (M. Lemieux): M. le Vérificateur
générai, s'il advenait que la commission ait besoin d'un
éclairage particulier sur des sujets d'ordre particulier ou d'ordre
général, accepteriez-vous de revenir devant nous, même s'il
s'agit d'un huis clos?
M. Châtelain: Absolument, M. le Président. Nous
pratiquons l'imputabilité!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous remercions.
Nous avons apprécié votre mémoire, votre
disponibilité.
Je demanderais maintenant au prochain témoin, la Ligue de taxi
Québec, de bien vouloir prendre place à la table des
témoins. Nous allons suspendre nos travaux pour deux minutes.
(Suspension de la séance à 18 h 13)
(Reprise à 18 h 15)
Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de
l'administration reprend ses travaux pour entendre la Ligue de taxi
Québec inc. Je demanderais au représentant de cet organisme de
bien s'identifier et de nous présenter la personne qui l'accompagne,
s'il vous plaît.
Ligue de taxi Québec inc.
M. Martel (Raymond): Raymond Martel, président du
Regroupement des ligues de taxi...
Le Président (M. Lemieux): Vous pouvez vous asseoir.
M. Martel: ...Québec métropolitain. Le
mémoire a été fait...
Le Président (M. Lemieux): Et vous êtes ici comme
chez vous. Alors, prenez le temps que vous voulez.
M. Martel: Parfait!
Le Président (M. Lemieux): Pas de problème!
D'ailleurs, vous êtes chez vous.
M. Martel: Je vous présente Philippe Posth,
secrétaire de la Ligue de taxi Québec. Ce
mémoire-là a été envoyé par le Regroupement
des ligues de taxi Québec métro et non par la seule ligue de
Québec. On a pris les papiers à en-tête de la Ligue de taxi
Québec parce que c'est la seule ligue, dans la région de
Québec, qui a un bureau, mais ce sont cinq ligues qui ont
travaillé au mémoire.
La présentation du mémoire: 1. La présentation de
l'intervenant; 2. La qualité et l'efficacité des services rendus
aux citoyens; 3. L'imputabi-lité des fonctionnaires; 4. La conclusion;
5. Les recommandations. Je crois que je ne lirai pas le mémoire au
complet, mais j'ai un petit à-côté pour vous soumettre des
points, avec des réponses au questionnaire.
Le Président (M. Lemieux): Vous avez 10 minutes
pour...
M. Martel: C'est bien.
Le Président (M. Lemieux): ...faire cet exposé.
M. Martel: Le règlement sur le transport par
véhicule-taxi (R.R.Q. 1981, chapitre T-12, r-22) introduisait dès
1973 l'obligation d'établir, dans chaque agglomération, une ligue
de propriétaires de taxi. Pour sa part, la Ligue de taxi Québec
inc. a été constituée par lettres patentes dès 1973
sous la partie III des lois des compagnies du Québec et reconnue par la
Commission des transports du Québec comme représentant l'ensemble
des titulaires de permis de taxi de l'agglomération A-36. La Ligue
compte 440 titulaires de permis.
Les fonctions de la Ligue sont énoncées à l'article
50 de la Loi sur le transport par taxi. Elles se résument à
représenter les titulaires de permis de taxi de son territoire et
à promouvoir leurs intérêts, notamment par
l'amélioration et la promotion du transport par taxi et par
l'établissement d'avantages sociaux et la promotion de la qualité
des services fournis au public. De plus, la Ligue peut, selon l'article 50.1 de
la même loi, intervenir en tout temps devant la Commission des transports
du Québec pour assurer la défense des intérêts de
ses membres ou l'exercice de toute autre fonction que la loi lui
confère.
Dans les faits, la Ligue a collaboré avec le ministère des
Transports du Québec dans de nombreux dossiers." travaux
préparatoires à la loi de 1983 et au règlement de 1985,
sondages, etc. Elle a aussi participé aux travaux de nombreux
comités: comité Bissonnet sur le taxi, comité sur les
assurances, syndicalisation. Elle intervient régulièrement
auprès de la Commission des transports afin de contrôler le
transport illégal et de maintenir la haute qualité des services
de ses membres.
J'ai donné un petit peu les fonctions que la Ligue avait à
faire, maintenant, je vais passer tout de suite aux choses que j'ai à
vous dire.
Le Président (M. Lemieux): Prenez votre temps. Vous avez
tout votre temps.
M. Martel: Mmes et MM. les députés, le
mémoire que nous avons présenté par écrit et qui
est aujourd'hui devant vous porte essentiellement sur deux points: la
qualité et l'efficacité des services rendus ainsi que
l'imputabilité. Je ne vous relirai pas ce texte, je me contenterai de
vous en résumer les grandes lignes, pour mémoire, et de vous
illustrer chacun de nos points par des exemples précis. 1. La lenteur du
traitement des demandes. Je peux tout simplement vous en donner quelques petits
exemples. En 1988, on a eu des plaintes à formuler à la
Commission des transports: dans le mois de juin, dans le mois de juillet, dans
le mois de juillet et dans le mois de juillet encore, des plaintes...
Communiquer avec la police, des plaintes de la Commission des transports en
1989,
en 1990, des plaintes sur des gens qui travaillent illégalement
ou qui font ce que leur permis ne leur permet pas de faire... Mais on n'a
encore jamais eu de résultats de la Commission des transports. La
lenteur, ce n'est pas croyable. Il me semble que, depuis déjà
trois ans qu'on fait des plaintes sur des gens qui travaillent
illégalement, on devrait déjà avoir eu des
résultats. Pour la lenteur, c'est pas mal la place où on a le
plus de misère, la Commission des transports. 2. Les décisions
contradictoires entre les autorités politiques et administratives.
Exemple: en 1978, on avait parlé au gouvernement du prorata des gens
qu'il devrait y avoir dans toutes les ligues de taxi pour satisfaire à
l'exigence, pour que le taxi devienne rentable vis-à-vis de ses
propriétaires. Il y avait eu un prorata qui avait été
fixé par le gouvernement. En ce temps-là - c'est dans le temps
où M. De Belleval était ministre, je recule pas mal en
arrière - le ministre nous avait fourni une lettre venant du
gouvernement après étude de la rentabilité du taxi qui
disait que Québec avait 38 permis de taxi de trop pour que le taxi
devienne rentable. Après avoir reçu la lettre, on en a
parlé à la Commission des transports, au ministère des
Transports et, depuis 1978, on attend encore des résultats. Ça
fait que je pense que ça touche pas mal encore... Dans des
décisions contradictoires, je crois qu'au lieu de laisser aller des
choses comme ça, ils devraient suivre ce que souvent le ministre donne
comme résultat ou chose à changer.
Autre, exemple: le ministre des Transports, M. Côté - je
suis toujours à mon article 2, décisions contradictoires - avait
décidé de faire une étude sur des circuits de taxibus en
1986. Après discussion et rencontre avec le ministre Côté,
il avait pris une entente avec la CTCUQ pour lui donner une subvention de 50
000 $ à la condition qu'elle fasse elle-même autant pour voir s'il
y avait une possibilité de marché pour le taxi, afin de trouver
de nouvelles avenues et de remplacer les services d'autobus, qui coûtent
tellement cher en subventions à toutes les années au gouvernement
du Québec, par des services de taxibus, pour les places où il n'y
avait pas beaucoup de monde. Donc, à ce moment-là, le Conseil du
trésor a sorti 50 000 $ pour faire l'étude. Après
étude et compte rendu, la CTCUQ a dépensé, pour
l'étudo et lo travail, pour une ronne de taxibus, 21 818 $, et l'autre
ronne, 20 724 $. Ça fait tout près de 42 500 $. Et on a
dépensé, en travail de recherche, 38 000 $. Ce qui fait 78 000 $.
Mais, à ce moment-là, je me demande pourquoi on n'a pas eu, de la
part du Conseil du trésor, à rendre compte des exigences de
l'entente qui avait été faite par le gouvernement. On n'a pas
dit: Écoutez un peu, l'entente était qu'on dépense 100 000
$ et non 78 000 $; donc, vous devez encore 22 000 $ au Conseil du
trésor. Mais, d'après les rapports, il n'y a pas grand-chose qui
a bougé dans ça. En tout cas, c'est encore le taxi qui en a
payé pour son compte. 3. Le laxisme. Nous avons souvent demandé
d'assainir l'industrie du taxi par des opérations de contrôle. Or,
tous les efforts ont été investis, mais à Montréal.
On a fait un plan de rachat à Montréal. On a fait une
décentralisation à Montréal. On a changé des
règlements pour que ça s'assainisse, pour que ça devienne
meilleur, mais, à Québec, on n'a encore jamais eu de
résultats. On attend encore.
Après ça, nous avons eu, l'an passé, une rencontre
organisée à Montréal, et on a eu un contact avec... J'ai
eu un contact avec le sous-ministre des Transports pour forcer le
président de la Commission à corriger des propos erronés,
voire même illégaux, qu'il a tenus lors d'un colloque public.
Rencontre cet été encore avec le sous-ministre, M. Bard, et pas
encore de nouvelles. 4. L'indifférence. Après plusieurs
représentations auprès de M. Taxi... Le ministre des Transports
avait nommé M. Taxi parce que, souvent, c'était trop long avant
qu'on soit capable d'avoir des résultats dans nos revendications. Le
ministre des Transports a nommé un représentant, qu'il appelait
M. Taxi, pour que nos doléances aillent plus vite et que ça
traîne moins longtemps. On va voir M. Taxi, on parle avec M. Taxi, et il
nous dit toujours: Oui, mais monsieur, j'ai donné votre rapport au
bureau du sous-ministre. Mais qu'est-ce que ça fait? Bien, il dit: On
n'a pas encore de résultats. C'est comme ça continuellement. 5.
L'antagonisme. Étant donné qu'on est représentants d'une
ligue de taxi et qu'on est là pour aider nos propriétaires, on a
fait des changements à nos tarifs... Ça prend des autocollants,
pour suivre la loi. II faut le mettre dans nos voitures de taxi, pour pouvoir
suivre la loi, sinon on pale l'amende. Si on se fait prendre pas d'autocollant
dans nos vitres, on est obligés de payer l'amende. Ça fait
qu'après la demande acceptée, je m'en vais à la Commission
des transports, j'entre et je leur dis: Je voudrais avoir des autocollants pour
mes propriétaires, il y a des propriétaires qui ont changé
de voiture... Parce que, quand on envoie le papier, on nous en envoie tous
chacun un. Mais c'est entendu que, quand une personne change de voiture, il ne
peut plus le décoller de sa vitre. Je leur demande des autocollants pour
pouvoir en remettre à mes propriétaires qui ont changé de
voiture ou qui ont eu un bris de vitre. Je n'ai pas été capable
d'en avoir. Il a fallu que je commence à me débattre et que
j'appelle encore M. Taxi à Montréal pour qu'il fasse des
démarches pour que je réussisse à avoir encore des
autocollants pour être capables de suivre la loi. Je trouve ça
déplorable. 6. Les responsabilités. Il y a des gens qui ont des
permis pour travailler à l'aéroport, qui ont des permis de
services aéroportuaires pour
conduire les gens en limousine, à tant par tête. C'est
rendu qu'ils passent en dehors de leur contrat ou de leur permis fourni par la
Commission des transports. On fait des plaintes... Je peux vous dire que,
depuis le mois de juillet, toutes les plaintes qu'on a faites à la
Commission des transports sont à ce sujet-là, avec témoins
à l'appui. Le monsieur continue toujours de marcher en dehors de son
permis. Il me semble qu'il y aurait quelque chose à faire avec
ça, mais on attend toujours, parce que les inspecteurs nous disent:
Écoutez un peu, il faut qu'on passe par le bureau des avocats, il faut
que l'aviseur légal nous dise si son permis est bien correct, s'il ne
trouverait pas un petit point dans son permis. Ça fait trois mois qu'on
attend après ça et son permis a une page.
Ça fait que je pense que toujours se débattre pour
réussir à avoir des choses... Et ce n'est pas d'aujourd'hui. Nous
avons fait une demande à la Commission des transports... Nous avons
passé cette année à la Commission des transports pour
faire une demande d'augmentation des tarifs. La Ligue de taxi Québec a
écrit même, après appel, à M. Léonce Girard,
représentant de la Commission des transports du Québec ici,
à Québec, avocat, aviseur légal à la Commission des
transports. On l'appelle pour l'avertir qu'on va être à
Montréal pour travailler avec eux autres. On a dit: on va se
présenter à Montréal, à ta Commission des
transports; on ne se présentera pas à Québec, parce qu'on
fait une demande provinciale conjointe. Alors, décommandez ce qu'il y a
à Québec. La journée que la Commission devait avoir lieu
à Québec, on nous appelle et on dit: Qu'est-ce que vous faites,
vous ne vous présentez pas? Je lui rappelle toutes les choses. Il dit:
Ah! c'est vrai, j'avais oublié. On arrive à Montréal,
devant les deux commissaires, pour la présentation de l'augmentation des
tarifs. La vice-présidente de la Commission des transports nous avait
demandé de faire faire des rapports afin d'être capables de mieux
se situer. C'est un rapport qui a été fait par un bureau
d'aviseurs légaux, des deux comptables, un rapport qui a
coûté environ 18 000 $. Quand est arrivée la journée
pour passer à la Commission des transports, on nous a dit qu'on n'avait
pas fait parvenir le rapport sur notre demande d'augmentation. On leur a dit
que ça faisait déjà trois semaines qu'il était
arrivé. L'aviseur légal de la Commission des transports est
allé l'autre bord, il est revenu, il s'est excusé: le rapport
avait été oublié dans fa bibliothèque. Ça
fait que je pense qu'il y aurait moyen de remédier à ça,
pour qu'on soit capables d'avoir un service au niveau du gouvernement, et on a
le droit à ça. Même si le taxi est un service qui
coûte peut-être moins cher en subventions de la part du
gouvernement - quand on sait que le transport en commun coûte environ 500
000 000 $ au gouvernement provincial, tandis que le taxi, à l'heure
actuelle, ne lui coûte rien - je pense qu'on aurait peut-être
besoin d'égards, aussi. On a le droit à ça.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez
terminé?
M. Martel: Oui, monsieur. (18 h 30)
Le Président (M. Lemieux): Alors, je vous remercie. Vous
savez, lorsque le document de consultation est sorti relativement à
cette commission, j'ai demandé à M. le secrétaire de ne
refuser aucun mémoire, car je considérais, que ce soit des
individus, des regroupements ou des associations, qu'il était, à
mon avis, tout à fait normal qu'ils puissent faire valoir leurs points
de vue devant cette commission parlementaire. Vous êtes, en quelque
sorte, vous-mêmes, comme individus, nos employeurs. Nous, comme
parlementaires, nous vous sommes imputables. On a pris connaissance de votre
mémoire, et je suis d'autant plus, je ne dirais pas concerné,
mais intrigué que votre perception de l'administration publique en soit
une qui se veut peut-être très objective, puisque vous êtes
peut-être loin de l'appareil administratif, sauf lorsque vous avez eu,
comme vous avez dit tout à l'heure, à rencontrer le sous-ministre
aux Transports. J'espère que vous n'avez pas eu de problème
à le voir, le sous-ministre aux Transports?
M. Martel: Ah, j'ai réussi à le voir une fois dans
ma vie, M. le député.
Le Président (M. Lemieux): Vous avez réussi
à le voir une fois dans votre vie. Au moins, est-ce qu'il vous a bien
reçu?
M. Martel: Pardon?
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que M. Jean-Marc Bard
vous a bien reçu?
M. Martel: Ah oui, il m'a dit qu'il s'occuperait de mon affaire,
mais j'attends encore.
Le Président (M. Lemieux): Je remarque aussi que vous nous
indiquez dans votre mémoire qu'il existe encore de bons fonctionnaires
mais, à votre avis, leur motivation s'effrite par la lourdeur de la
machine administrative; en plus, même s'ils sont formés, ils n'ont
pas l'expérience du milieu. Vous dites que le tout n'est pas imaginatif.
On a de la difficulté à répondre aux situations
imprévues, non planifiées. Vous faites des recommandations qui
vont dans le sens d'une imputabilité accrue des fonctionnaires et vous
avez peut-être comme objectif la création d'ombudsmans, de
Protecteurs du citoyen dans chacun des ministères. Ça m'a
intrigué un petit peu, parce que vous n'êtes pas sans savoir qu'il
en existe un, un Protecteur du citoyen, actuellement. Vous n'avez pas
l'impression que
c'est encore amplifier et alourdir la structure que de demander, dans
chacun des ministères, qu'il y ait encore un autre Protecteur du
citoyen?
M. Martel: Alourdir la machine, mais il y a une chose...
Le Président (M. Lemieux): Vous dites qu'elle est
déjà trop lourde, la machine.
M. Martel: Mais quel avantage une personne qui donne un papier ou
un dossier à son supérieur peut avoir d'aller dire: Mon
supérieur n'a pas fait sa job? Vous savez que, dans la machine de
l'État, nous autres, on a à peu près une ligne
d'autorité comme la suivante: on a le ministre, on a le cabinet du
ministre, on a le sous-ministre en titre, on a le sous-ministre adjoint, on a
le directeur général, on a le directeur, on a le chef de service,
on a le chef de division, on a les professionnels et les fonctionnaires.
Ça fait qu'aussitôt qu'on commence un dossier et qu'on commence
par en-bas, avant qu'il soit rendu à la dixième étape en
haut, nous autres, on attend tout le temps...
Le Président (M. Lemieux): C'est presque aussi long que la
Cour suprême!
M. Martel: Bien, je pense que oui. C'est vraiment long, et nous
autres, on attend tout le temps. On va dire comme on dit des fois: On est
toujours assis sur notre steak, mais il y a des fois que ça devient
tannant.
Le Président (M. Lemieux): J'aimerais peut-être vous
poser une question qui m'intrigue. C'est quoi, un bon fonctionnaire, pour
vous?
M. Martel: Un bon fonctionnaire, pour moi? Le Président
(M. Lemieux): Oui.
M. Martel: D'après moi, un bon fonctionnaire, je vais vous
résumer ça à peu près pareil comme moi je fais du
taxi. Un bon chauffeur de taxi ou bien un bon fonctionnaire... Quand il y a un
client qui embarque dans ma voiture et qui me dit qu'il veut aller au
Château Frontenac, là, je ne passe pas par Anglo Pulp, je vais le
mener directement au Château Frontenac. Un bon fonctionnaire, pour moi,
c'est quand je vais le voir et que je lui dis que j'ai un problème,
là, que ça va mal...
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Martel: ...il dirait: On pourrait régler ça.
Mais là, il dit: Je ne peux pas te régler ça. Il va
falloir que je suive toute l'échelle. Tu sais ce que c'est, au
gouvernement. Il faut que je suive l'échelle au complet.
Le Président (M. Lemieux): Mais lorsqu'il vous dit...
M. Martel: Quand je dis: Monsieur, là, ça presse...
Ou, des fois, on va appeler la police provinciale. On va dire: Monsieur, il y a
des gens ici qui travaillent illégalement. Bien, écoutez un peu,
pour le taxi, ce n'est pas trop important, là. On n'a pas de gars
à vous envoyer. On vous en enverra peut-être dans deux heures.
Mais dans deux heures, ces gars-là, les illégaux ils vont
être partis!
Le Président (M. Lemieux): Mais est-ce que le bon
fonctionnaire... Est-ce que cette personne, parfois, vous donne des
explications? Est-ce qu'il arrive que... Non? Elle ne vous donne aucune
explication?
M. Martel: Le bon fonctionnaire qui m'a donné une
explication... Je peux vous donner un exemple. L'autre jour, j'ai appelé
à la Commission des transports du Québec puis j'ai dit: C'est
épouvantable, il y a quelque chose qui ne marche pas. Il me semble qu'en
1990, la loi, ça devrait être un peu plus exécutif que
ça, il me semble qu'il y aurait des recommandations à faire pour
faire un amendement à la loi ou essayer que ce soit un peu plus
expéditif. Il m'a dit: M. Martel, je vous comprends bien, je sais bien
que vous avez raison, mais vous savez ce que c'est, un amendement à la
loi, etc. Mais on se prépare à faire des changements à la
loi sur les transports, à l'automne. Puis je suis pas mal certain
qu'à l'heure actuelle, ils n'ont pas encore reçu de lettres pour
leur dire: II me semble qu'il y aurait moyen de remédier à cette
chose-là dans le transport. Je suis pas mal certain que les Transports
n'ont encore rien envoyé pour demander de remédier à
ça. Quand on va arriver aux changements à la loi, ce ne sera
même pas encore rendu.
Le Président (M. Lemieux): En un mot, c'est une machine
administrative qui vous apparaît difficile d'accès?
M. Martel: II me semble que si c'était un bon
employé du gouvernement...
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Martel: ...à l'heure actuelle, ça devrait
déjà être fait. Il devrait recommander un changement. C'est
ça que j'appelle un bon...
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez des
explications, tout au moins, qui vous apparaissent cohérentes et
acceptables, ou si on vous laisse aller tout simplement?
M. Martel: Les seules réponses qu'on peut avoir c'est: Mon
cher Monsieur, eh bien, prenez
votre mal en patience, parce que, vous savez, la machine
gouvernementale...
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Martel:... c'est très long. Je peux même vous
dire une chose. Après avoir discuté au bureau même du
ministre des Transports... On sait que les ministres des Transports, ça
passe vite, hein? Ça ne reste jamais longtemps là.
Le Président (M. Lemieux): Ha, ha, ha!
M. Martel: Et à chaque fois qu'on arrive à discuter
avec leurs secrétaires...
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Martel: -. ils nous arrivent et ils nous disent.
Écoutez, moi, je suis nouveau, là. Laissez-moi au moins un temps,
cinq, six mois à me tremper dans le taxi pour savoir où je vais
aller. Mais il me semble qu'en bas d'eux autres, là, la machine qui
était là avant eux autres, le sous-ministre et l'adjoint du
sous-ministre, eux autres, ils la connaissaient, la machine. Pourquoi ils ne
vont pas les voir et dire: Qu'est-ce qu'il y a qui ne marche pas dans le taxi?
Non. Ils nous demandent quatre, cinq mois de délai pour se tremper dans
ça, là, et quatre mois après, le ministre est
changé. On est encore avec un nouveau. Il faut lui montrer.
Le Président (M, Lemieux): Je vais vous demander une
question qui est purement subjective.
M. Martel: Oui.
Le Président (M. Lemieux): Trouvez-vous que les
fonctionnaires font une belle vie?
M. Martel: Je ne suis pas prêt à dire qu'ils font
une belle vie, qu'ils ont la tâche facile. Il y en a probablement,
peut-être, qui font une belle vie, parce que, souvent, il y en a qu'on
appelle et qui sont souvent malades ou bien toujours en entrevue.
Le Président (M. Lemieux): Ha, ha, ha!
M. Martel: Mais ils ne font pas tous une belle vie. C'est comme
dans toutes les parties du monde...
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Martel:... il y en a qui sont un peu plus "laisser-aller" que
d'autres.
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Martel: Ça, il n'y a pas rien que les fonctionnaires.
il y en a partout, de ça. Je ne les accuse pas tous, je ne les mets pas
tous sur le même pied. Mais il me semble que, je ne sais pas, il devrait
y avoir...
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous aimeriez
ça, vous, devenir fonctionnaire?
M. Martel: Pas intéressé!
Le Président (M. Lemieux): Pas
intéressé?
M. Martel: Non.
Le Président (M. Lemieux): Pourquoi?
M. Martel: Parce que j'ai mon travail et que j'aime mon
travail.
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Martel: Je travaille pour les membres qui travaillent avec
moi, et je suis content dé lé faire. Je vais vous dire une chose
comme on dit des fois: chez nous, on était 15 enfants, mon cher
monsieur. Je suis venu au monde sur un banc de taxi et je pense que je vais
mourir sur un banc de taxi.
Le Président (M. Lemieux): Je trouve ça
intéressant, ce que vous me dites.
M. Martel: C'est ma vie.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Saint-Louis, vous brûlez d'envie de poser... Allez-y, M. le
député de Saint-Louis.
M. Chagnon: Je pense qu'il y a une réponse qui va
être dite.
M. Martel: Oui.
M. Chagnon: Vous vouliez ajouter quelque chose?
Le Président (M. Lemieux): Vous vouliez ajouter quelque
chose, monsieur?
M. Posth (Philippe): Oui. J'aurais voulu ajouter quelque
chose...
Le Président (M. Lemieux): Oui, allez-y. M-
Posth:... qui me dépasse. Le Président (M. Lemieux):
Oui
M. Posth: C'est que, si je respecte la loi, j'ai par exemple de
600 $ à 800 $ d'amende à payer si je ne suis pas conforme, mais
celui qui ne respecté pas la loi, qui travaille dans
l'illégalité va se retrouver peut-être avec 50 $
d'amende.
Le Président (M. Lemieux): Ce n'est pas normal. Je suis
d'accord avec vous.
M. Posth: Est-ce qu'on doit travailler dans
l'illégalité ou dans la légalité? On encourage,
votre système encourage un bonhomme, qu'on ne nommera pas, qui a fait
pour 150 000 $ de transport illégal, et qui a été
condamné dernièrement par un tribunal, à Québec,
à 300 $ d'amende. Il dit: Ce n'est pas cher, je peux continuer, merci
beaucoup. Et il a continué le lendemain matin. Moi, par contre, si je
n'ai pas mon "sticker" d'inspection dans ma voiture, je paie 300 $ d'amende. Si
mon "meter" n'est pas scellé, je paie 300 $ d'amende. Si je travaille
non conforme, je peux aller jusqu'à 1550 $ d'amende.
Le Président (M. Lemieux): Ça va.
M. Posth: Pour gagner environ, "clair", 14 000 $, 15 000 $ par
année. Est-ce que c'est normal?
Le Président (M. Lemieux): Je suis obligé de vous
répondre que ce n'est pas normal. M. le député de
Saint-Louis.
M. Chagnon: Je voulais vous dire simple ment, M. le
président, que j'ai lu votre mémoire et que je l'ai trouvé
particulièrement intéressant, parce que, et les membres de cette
commission-ci en conviendront, on n'a pas eu beaucoup de consommateurs du
service, du produit fini qui sont venus nous rencontrer. Dommage un peu, parce
qu'après tout, vous avez trouvé l'intention, vous avez
écrit sur deux des parties que nous jugions importantes,
c'est-à-dire la qualité et l'efficacité des services
rendus aux citoyens et l'imputabilité des fonctionnaires.
Vous avez choisi, de votre propre chef, deux des questions que nous
trouvions primordiales. C'est d'autant plus intéressant qu'on a
découvert que l'ENAP n'avait trouvé ni l'une ni l'autre des
cartes.
Une voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lemieux): Votre mémoire est
pertinent... de la matière grise de la fonction publique.
M. Chagnon: Enfin, par les deux sujets que vous avez
soulevés, vous avez plein d'exemples qui sont un peu
surréalistes, dans le sens que, tout en étant réels, ils
apparaissent surréalistes. Des choses comme ça arrivent à
tous les citoyens, à un moment donné ou à un autre dans
leur vie, et ça crée une frustration énorme
vis-à-vis de la machine. Vous avez tout à fait raison, comme le
mentionnait le président en page 6 de votre document, lorsque vous
dites: II existe encore de bons fonctionnaires. Je pense que la majorité
des gens qui travaillent dans la fonction publique sont encore bons, cherchent
à être efficaces, mais, comme vous le soulignez, le fait de devoir
rendre des comptes à l'intérieur de la machine - de plus en plus,
d'ailleurs; c'est commencé depuis 1984 et je pense que ça va
aller en s'accélérant dans tous les ministères, dans tous
les organismes - devrait, à la longue, contribuer à vous
permettre d'avoir des réponses qui ont un tant soit peu d'allure par
rapport aux demandes que vous avez. Je pense aussi que l'ensemble des citoyens
voudraient avoir ça.
Dans toutes vos recommandations, je ne peux pas dire que,
d'emblée, j'accepterais le profil ou au mot juste ou au verbatim ce que
vous avez écrit dans vos recommandations, mais j'ai l'impression de
comprendre vraiment ce que vous avez derrière la tête et ce qui
vous achale, avec raison, d'ailleurs. Quant à moi, je le
répète, c'est un document qui était très
intéressant, d'autant plus que c'est un document de consommateurs de
services. J'avoue et je le dis très gentiment, M. le Président,
que j'ai tout de suite pensé que c'était une ligue de taxi de
Québec quand j'ai vu toute la hiérarchie gouvernementale
passée de un à dix. À Montréal, les chauffeurs de
taxi de chez nous n'auraient pas été capables de réussir
cet examenl Pour moi, vous conduisez souvent des fonctionnaires de tous les
niveaux, à la semaine longue!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Posth: J'ai souvent aussi à leur écrire, c'est
ça le problème.
M. Chagnon: Je voudrais vous remercier.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
La Prairie, peut-être, pour terminer.
M. Lazure: Moi aussi, comme ancien responsable des relations avec
les citoyens, de la qualité des services de la fonction publique aux
citoyens, je trouve intéressant que vous soyez venus, que vous vous
soyez donné la peine de préparer ce mémoire. Dieu sait que
vous n'avez pas toute une machine bureaucratique pour vous aider à
préparer un mémoire, alors, c'est d'autant plus
appréciable.
Moi, je pense qu'on ne peut que dire: Vous avez raison d'être
frustrés, vous avez raison d'être mécontents du rendement
de la fonction publique dans les cas particuliers que vous soumettez. On peut
simplement espérer que ces cas particuliers ne soient pas trop nombreux.
J'espère que les autres ligues de taxi n'ont pas les mêmes
doléances. C'est ma première question. Vous devez avoir des
contacts avec les autres ligues de taxi. Est-ce qu'il y a autant de
mécontentement de la part des autres ligues de taxi
que vous en avez?
M. Martel: Là, voyez-vous, c'est parce qu'à
Montréal, elles ont eu la décentralisation. Maintenant, elles
font affaires avec la CUM. Ça fait que, là, elles se sont
arrêtées, parce que les troubles sont réglés avec la
CUM.
M. Lazure: D'accord.
M. Martel: Tout à l'heure, j'avais quelque chose que
j'avais oublié. Quand on parle d'im-putabilité, il y a une chose
que je peux vous dire, c'est qu'il y a des gens qui travaillent dans le
gouvernement et qui ne respectent même pas les lois que leur propre
gouvernement a votées. On a des gens, ici, qui travaillaient au service
protocolaire et qui engageaient des gens qui n'avaient même pas de permis
pour les faire travailler à 40 $ ou 42 $ l'heure. Ça, ça a
duré pendant cinq ou six ans, malgré qu'on ait fait des
revendications et qu'on ait crié autant comme autant. C'est
épouvantable. Ces gens-là peuvent continuer à faire ce
qu'ils veulent. On a môme des gens, cet été, quand on a
reçu les Conseils des autres provinces qui sont venus à
Québec... Les gens du protocole ont donné des contrats à
des gens qui n'avaient que quatre limousines. Lui, il n'en avait que 4, mais on
a donné un contrat pour 10. On le payait 42 $ l'heure et, lui, il venait
engager des taxis à 25 $ et il gardait la différence dans ses
poches.
Le Président (M. Lemieux): On va vérifier
ça, monsieur.
M. Martel: Ah! Vous pouvez vérifier, je n'ai pas peur d'en
parler. Ça, ça l'est, l'imputabilité.
Le Président (M. Lemieux): Ne vous fâchez pas
après moi, par exemple!
M. Martel: Non, ça l'est, l'imputabilité qu'on voit
beaucoup.
Le Président (M. Lemieux): Je suis d'accord avec vous.
M. Martel: Ils sont bien assis et ils se sentent certains. Ce
n'est pas drôle, parce qu'on le voit, nous autres, et on crie.
Le Président (M. Lemieux): On vous corn prend.
M. Martel: Ça fait longtemps qu'on crie dans le
désert, et on le fait, notre temps dans le taxi. On en travaille un
coup. Si on toffe là-dedans, c'est parce qu'on aime notre métier,
parce qu'on ne tofferait pas.
M. Lazure: M. le Président, je pense qu'on doit prendre
bonne note de ces critiques, qui sont très précises. C'est non
seulement un abus de pouvoir et peut-être du patronage, mais, comme vous
le dites, c'est même illégal, si on a donné des contrats
à des gens qui n'étaient pas habilités pour faire ce
travail. Il faut que ce soit exploré, ça. La deuxième
question que j'ai est la suivante: en désespoir de cause, devant le
mauvais rendement de la fonction publique sur vos cas particuliers, quand vous
êtes devant ça, ça ne vous est pas venu à l'esprit
d'aller voir des élus, des députés? À ce
moment-là, ce serait un recours normal. Vous parlez d'ombudsman. Les
députés sont un peu des ombudsmans, en désespoir de cause.
Quand la machine gouvernementale ne vous donne pas satisfaction, vous
êtes en droit d'aller voir vos députés. Êtes-vous
allés voir le député de Vanier, d'autres
députés de la région de Québec?
M. Martel: Non.
M. Lazure: Vous devriez le faire.
M. Martel: Je crois que, quand ça devient clair comme
ça l'est dans le domaine du taxi, on n'a pas besoin d'aller voir des
députés. On a ici les copies de journaux, ce n'est pas
d'aujourd'hui que ça existe.
M. Lazure: Non, non
M. Martel: J'ai des copies de journaux, ici: le samedi 15 juin
1974.
Une voix: 1974?
M. Martel: Oui. Les taxis se débattent et font des
recommandations. On a même été obligés de faire une
grève, parce que ça faisait six ans qu'on n'avait pas eu
d'augmentation, et ça dure encore aujourd'hui. Je me demande qui, dans
le gouvernement, accepterait de travailler sans augmentation pendant six
ans.
Le Président (M. Lemieux): Je vais vous dire que je prends
bonne note de vos commentaires et que je vais vérifier auprès des
relations parlementaires, effectivement, à savoir... On a quand
même une version des choses, on va regarder si c'est exact, puis on va
prendre les mesures nécessaires.
M. Léonard: M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le député
de Labelle.
M. Léonard: J'ai lu vos recommandations, je les trouve
très bien. Je soulève le point 6, parce qu'il n'a pas
été abordé. Il reste quand même que ça touche
directement la Loi sur la fonction publique. Le point 6: "Qu'un cadre de la
fonction publique ne dispose plus de la sécurité d'emploi;
qu'il soit engagé pour des mandats d'au plus cinq ans
renouvelables, et que son mandat puisse être révoqué par
leur ministre pour cause juste et raisonnable." Qu'est-ce que vous avez contre
la sécurité d'emploi chez les cadres de la fonction publique?
M. Martel: Je pense que ce qui fait que...
M. Léonard: C'est un grand sujet que personne n'a
abordé; personne n'a évoqué cette possibilité. Je
voudrais vous entendre là-dessus.
M. Martel: Je crois que si, dans la fonction publique, on avait
un système de points qui serait mis en place afin de suspendre ou
d'accorder une promotion aux fonctionnaires qui traitent correctement et
équitablement les clientèles, ce système tenant compte de
la fréquence des liens avec les clientèles et prévoyant
que quiconque retarde indûment le cheminement d'un dossier ou refuse de
traiter avec courtoisie une clientèle externe peut être suspendu
sans traitement pour une période qui dépend de la gravité
de la faute, à ce moment-là, s'ils savent qu'il peut y avoir un
système de points, ils vont peut-être s'occuper un peu plus des
dossiers puis les faire avancer, des fois, au lieu de décider de juger
par eux-mêmes qu'il y en a qui doivent avancer plus vite que
d'autres.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que ça va, M. le
député de Labelle?
M. Léonard: Oui. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous remercions
d'avoir présenté votre mémoire. Nous avons
apprécié vos commentaires. La commission ajourne ses travaux
jusqu'au 23 octobre 1990, à 10 heures.
(Fin de la séance à 18 h 48)