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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 10 octobre 1990 - Vol. 31 N° 33

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'opportunité de maintenir ou de modifier la Loi sur la fonction publique


Journal des débats

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!

La commission du budget et de l'administration poursuit ce matin une consultation générale. S'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, la commission du budget et de l'administration poursuit ce matin une consultation générale sur l'étude de l'opportunité de maintenir en vigueur ou de modifier la Loi sur la fonction publique. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacement pour la séance.

Le Président (M. Lemieux): Permettez-moi de vous faire état de l'ordre du jour. À 10 heures, c'est-à-dire à 10 h 16, nous entendrons la Confédération des syndicats nationaux; à 11 heures, nous entendrons M. Charles Messier; à 11 h 30, nous entendrons M. François Dumais et M. Jean-Denis Riendeau et, à 12 heures, l'Association des cadres intermédiaires. Nous suspendrons nos travaux à 13 heures pour les reprendre, à 15 heures, avec l'Association des cadres supérieurs; à 16 heures, avec l'École nationale d'administration publique, l'ENAP; à 17 heures, avec le Vérificateur général du Québec et, à 18 heures, avec la Ligue de taxi Québec. Nous ajournerons nos travaux à 18 h 30. Est-ce que l'ordre du jour est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Maintenant, comme les représentants de l'organisme, soit la Confédération des syndicats nationaux, ont pris place, je demanderais au porte-parole du groupe de bien vouloir s'identifier et de nous présenter la personne qui l'accompagne.

Confédération des syndicats nationaux

Mme La montagne (Céline): Bonjour, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Bonjour.

Mme Lamontagne: Je me présente, Céline Lamontagne, troisième vice-présidente de la CSN. Mon collègue, c'est Me Daniel Carrier, qui est conseiller syndical au service juridique de la CSN. Je voudrais, dans un premier temps, excuser l'absence de Mme Monique Simard qui avait fait les représentations pour être entendue devant la commission et qui devait présenter, ce matin, la déclaration de la CSN. Elle a dû, à la dernière minute, s'absenter à l'extérieur du pays pour des tâches syndicales également importantes. Alors, je vais présenter à sa place les positions de la CSN.

Je voudrais aussi profiter de l'occasion pour remercier la commission de nous avoir permis de participer à cette consultation parce qu'à notre avis le mandat de la commission rejoint certaines de nos préoccupations. Il est important de dire, d'entrée de jeu, que la CSN a toujours accordé un rôle très important à l'État. Elle s'est toujours prononcée en désaccord avec toute réduction du rôle et contre les politiques de désengagement de l'État et on croit que l'État a un rôle important pour créer une société plus égalitaire et un rôle majeur dans le développement social et économique de notre société. Dans ce sens, ce qui touche la gestion des ressources humaines et ce qui touche, finalement, le sort de ceux qui sont au service des citoyens et citoyennes est important.

Deuxièmement, comme organisation syndicale, la CSN a pour but, comme nous l'avons écrit dans notre déclaration, de promouvoir les intérêts professionnels, économiques, sociaux, moraux et politiques des travailleuses et travailleurs sans distinction de race, de nationalité, de sexe, de langue ou de croyance. Elle place aussi, parmi ses objectifs immédiats, la recherche du plein exercice du droit d'association et préconise aussi les conventions collectives, des mesures de sécurité sociale ainsi qu'une saine législation du travail.

Notre déclaration sera, à ce niveau, assez brève et assez modeste. Elle portera essentiellement sur trois points, soit sur le rôle du Conseil du trésor, sur la limitation du champ du négociable et le régime d'accréditation d'exception des fonctionnaires et, troisièmement, sur le recrutement dans la fonction publique.

Alors, sur le rôle du Conseil du trésor, la Confédération des syndicats nationaux déplore la très grande centralisation des pouvoirs du Conseil du trésor. En effet, les articles 77 à 86 de la loi donnent au Conseil une grande marge de manoeuvre dans l'établissement et la réalisation des politiques générales de gestion des ressources humaines de la fonction publique. En effet, les pouvoirs consentis au Conseil du trésor et la façon dont ce dernier les exerce ont pour effet de centraliser l'ensemble des négociations de conventions collectives auprès du Conseil.

Donc, nous croyons que le Conseil du trésor devrait, premièrement, assumer ses responsabilités en vertu de règlement de directives qui seraient

publiques. Il y aurait lieu également de clarifier le mandat de la Commission de la fonction publique quant à son rôle d'agent de surveillance et d'application de la loi. Dans ce sens-là, oui, elle a eu le mandat, selon l'article 115 de la loi, mais on trouve que ce mandat-là devrait être renforcé et exercé de façon plus forte, si l'on veut.

En effet, il est à déplorer que la Commission de la fonction publique et l'Office des ressources humaines soient trop souvent considérés, dans un ordre hiérarchique, au service du Conseil du trésor. D'ailleurs, la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic va dans le même sens quant aux politiques de rémunération et de conditions de travail qui doivent être approuvées par le Conseil du trésor.

En effet, à l'article 76 de ladite loi, le gouvernement se donne une liberté totale d'assujettir les organismes gouvernementaux au régime de négociation du secteur public. La loi stipule que la politique de rémunération et de conditions de travail approuvée par le Conseil du trésor lie l'organisme gouvernemental qui est tenu de s'y conformer. De plus, comme il est souligné par le Syndicat des fonctionnaires, la Commission de la fonction publique devrait aussi voir son mandat élargi pour pouvoir rectifier les situations lorsqu'elle constate que les décisions administratives outrepassent les dispositions de la loi et des règlements.

En résumé, on croit qu'un organisme indépendant, qui pourrait être la Commission de la fonction publique, devrait avoir un rôle de chien de garde auprès du Conseil du trésor au niveau de la responsabilité de l'application de la Loi sur la fonction publique.

Le deuxième point, c'est la limitation du champ du négociable et le régime d'accréditation d'exception des fonctionnaires. D'abord, il faut souligner que la CSN, tel qu'elle l'avait formulé dans son mémoire sur la loi 37 présenté à la commission du budget et de l'administration en mai 1985, répète et réitère sa position quant au régime syndical applicable à la fonction publique.

En effet, la Loi sur la fonction publique et la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic maintiennent le régime d'exception auquel est assujettie toute la fonction publique. Nous profitons donc de ces débats sur la Loi sur la fonction publique pour rappeler les revendications maintes fois formulées par les organisations syndicales de la fonction publique et appuyées par les coalitions pour le droit de négocier, que le régime d'exception doit cesser et que les employés de la fonction publique doivent être assujettis au régime général de négociation. Par conséquent, cela aurait pour effet d'élargir les matières négociables actuellement restreintes par l'article 70 de la Loi sur la fonction publique. La

CSN demande donc que la Loi sur la fonction publique soit modifiée pour permettre les négociations de l'ensemble des conditions de travail de toutes les personnes employées de la fonction publique. À titre d'exemple, la classification des emplois actuellement non négociables crée énormément de difficultés quant à la possibilité de négocier des salaires dans la fonction publique et, entre autres, ça crée beaucoup de situations de discrimination, particulièrement à l'égard des femmes.

Nous rappelons donc un passage du mémoire sur le projet de loi 37, tel que présenté à la commission du budget et de l'administration le 15 mai 1985, et je cite: "Nous estimons qu'en cette décennie il serait temps que les gouvernements accordent aux différentes catégories de travailleurs et de travailleuses de la fonction publique un statut identique à celui des autres travailleurs et travailleuses du Québec. Ceci implique que le domaine des relations de travail devrait être assujetti aux seules dispositions du Code du travail et que les travailleurs et travailleuses de la fonction publique devraient jouir du droit de négociation de toutes leurs conditions de travail." Et quand on dit que les travailleuses et travailleurs de la fonction publique devraient être soumis au Code du travail, ça inclut également, d'abord, le libre choix de l'accréditation. Nous avons connu l'expérience, entre autres - brièvement - de toutes les difficultés qu'ont eues les agents de la paix en institution pénale pour faire changer une loi parce qu'ils voulaient avoir un autre régime d'accréditation. Ensuite, ça inclut évidemment le droit de négocier. Et, à l'instar de plusieurs groupes, on déplore le récent amendement qui a été déposé au Code du travail, qui, par un simple mot, soustrait à la syndicalisation plusieurs fonctionnaires. C'a même été rapporté dans certains médias alors que le Tribunal du travail considérait que ces fonctionnaires-là étaient en droit de se syndiquer et étaient syndicales.

Le troisième point, c'est le recrutement dans la fonction publique. La CSN considère que la précarité des emplois, autant dans le secteur privé que public, est devenue un problème qu'il y a lieu d'attaquer à la source. En vertu de la Loi sur la fonction publique, le Conseil du trésor peut embaucher autant d'occasionnels et de contractuels qu'il le désire, ce qui a pour effet que jusqu'à 25 % des emplois dans certains secteurs de la fonction publique sont détenus par des occasionnels ou contractuels sans aucune sécurité d'emploi. Alors nous on ne croit pas que cette précarité des emplois, en plus de donner lieu à des occasions de patronage - et je pense qu'hier il y a eu tout un débat en commission sur cet aspect-là - ça n'a rien pour améliorer les services à la population. En plus de créer de l'insécurité chez les personnes qui occupent ces postes-là, ça peut entraver la motivation et l'intérêt qu'ils ont aussi à leur travail au gou-

vernement. Et je pourrais aussi donner comme exemple tout le problème qui est vécu aussi à la Commission de la santé et de la sécurité du travail où, comme partie syndicale, on a souvent déploré l'augmentation du nombre d'occasionnels considérant aussi que les besoins des clientèles ont été grandissants pendant les dernières années. Et la réponse qu'on avait, c'est que le Conseil du trésor empêchait la transformation des postes d'occasionnels en postes permanents et ça nous pose des questions, entre autres, au niveau de la qualité des services surtout quand les personnes qui sont occasionnelles, temporaires ou à contrat sont des personnes qui ont à interpréter la loi et à rendre justice. C'est plus difficile, à notre avis, d'être objectifs quand on est dans une situation précaire d'emploi. Et ça c'est un exemple parmi tant d'autres, celui qu'on connaît peut-être mieux, que, moi, je connais mieux parce que, fréquemment, on parle de ce problème-là.

Nous, sur la question de la précarité de l'emploi, on pense... C'est un problème dans l'ensemble du monde du travail actuellement, mais on croit que le gouvernement, dans ce sens-là, devrait être exemplaire, et encore une fois je répète que ça aurait pour effet, sûrement, d'améliorer la qualité des services, considérant les déclarations qui ont été faites qu'on veut que les fonctionnaires soient au service des citoyens et des citoyennes. Je vous remercie. (10 h 30)

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie de votre intervention. Ma première question se rapporterait à votre mémoire. Vous souhaitez que l'article 70 de la loi soit amendé pour permettre, je crois, les négociations sur l'ensemble des conditions de travail, dont la classification des emplois. Ma question est la suivante: Est-ce que l'amendement que vous proposez à l'article 70, que j'ai devant moi, va jusqu'à son abolition complète? Est-ce que vous souhaitez, à titre d'exemple, que, je dirais, la nomination, la promotion des fonctionnaires, les mobilités d'attribution de la permanence, l'établissement des plans d'organisation, les POAS, ainsi que des ministères et organismes fassent aussi l'objet de négociations? Est-ce que c'est ça votre objectif?

Mme Lamontagne: Concrètement, si on prend les exemples concrets qui sont là, quand on parle de la promotion, de la classification, de l'attribution de la permanence, etc., ce sont toutes des matières qui sont négociables dans plusieurs conventions collectives et, je dirais, dans un très grand nombre de conventions collectives.

Deuxièmement, au niveau de l'organisation du travail et même la détermination de plans d'effectifs, c'est aussi... Au niveau des plans d'effectifs, il y a plusieurs conventions collectives qui négocient cet aspect-là, qui négocient, par exemple, le nombre de postes permanents et le pourcentage de postes occasionnels. Au niveau de l'organisation du travail, de plus en plus, toutes les revendications syndicales vont dans le sens qu'il y ait plus de participation des travailleuses et des travailleurs à l'organisation du travail. Pour répondre précisément à votre question, nous souhaiterions que, finalement, tout ça, l'article 70, soit négociable et que ça fasse l'objet d'entente entre les parties.

Le Président (M. Lemieux): Si je comprends bien, il n'y a rien qui n'est pas négociable.

Mme Lamontagne: La... Quoi?

Le Président (M. Lemieux): II n'y a rien qui ne soit pas négociable. Ça aurait été plus facile de vous demander: Qu'est-ce qui n'est pas négociable, à vos yeux?

Mme Lamontagne: À nos yeux, tout est négociable.

Le Président (M. Lemieux): Tout est négociable.

Mme Lamontagne: Oui.

Le Président (M. Lemieux): Tout est négociable, y compris la permanence...

Mme Lamontagne: Bien, il y a des mécanismes...

Le Président (M. Lemieux): ...y compris les promotions.

Mme Lamontagne: ...d'attribution de la permanence qui existent dans les conventions collectives.

Le Président (M. Lemieux): Alors, je vais vous poser une question de principe d'imputabi-lité: Êtes-vous en faveur ou contre le principe d'imputabilité?

Mme Lamontagne: C'est-à-dire de la responsabilité par les fonctionnaires des gestes et du travail qu'ils font, oui.

Le Président (M. Lemieux): Quel type de pouvoirs de gestion êtes-vous prêts à laisser aux gestionnaires? Qu'est-ce que vous êtes prêts à laisser aux gestionnaires, pour qu'ils puissent gérer? Quelles balises, quels tenants et aboutissants, pour vous parler comme un juriste, êtes-vous prêts à laisser aux gestionnaires, pour leur donner une marge de manoeuvre pour gérer l'administration publique?

Mme Lamontagne: C'est sûr que les gestionnaires... Prenons l'exemple sur la permanence parce que ça, c'est la...

Le Président (M. Lemieux): Je vais vous donner un exemple concret. Est-ce que vous pourriez permettre à un gestionnaire qui a une responsabilité de personnel de cadres intermédiaires, fonctionnaires ou professionnels d'avoir à décider si, effectivement, il accorde à l'un ou à l'autre une prime d'excellence?

Mme Lamontagne: Dans le cadre d'une entente négociée, si par exemple on dit que selon tels critères objectifs dans une entente entre les parties il y a une prime d'excellence, si c'est le choix de l'entente entre les parties, le fonctionnaire ou le gestionnaire pourra décider lui-même de la prime d'excellence.

Le Président (M. Lemieux): Alors, vous n'êtes pas contre qu'un gestionnaire puisse avoir à choisir parmi ses professionnels ou ses fonctionnaires ceux qui ont le mieux performé, ceux qui ont été le plus efficace ou qui sont le plus efficient et que ce soit lui qui ait le pouvoir de décider à qui il accorde cette prime d'excellence?

Mme Lamontagne: Selon des critères que les parties, à notre avis, devraient...

Le Président (M. Lemieux): Les parties, ça signifie quoi à vos yeux?

Mme Lamontagne: Bien, c'est la partie syndicale et la partie qui négocie au niveau de...

Le Président (M. Lemieux): Donc, vous n'êtes pas prêts à laisser entièrement au gestionnaire le soin d'avoir à décider, vous n'êtes pas prêts à laisser, je dirais, à l'entière discrétion du gestionnaire le cadre normatif lui permettant d'avoir lui-même à décider si un employé par rapport à un autre est plus compétent, plus performant? Vous savez, je vais vous dire à quoi ça me fait penser. Quand j'étais à la petite école, quand il y en avait quatre ou cinq dans l'école qui avaient des bottes de cowboy, on voulait tous avoir des bottes de cowboy. Moi, ce que je veux savoir de vous: Est-ce que vous êtes pour une certaine forme d'unicité et d'uniformisation dans la fonction publique? C'est ça que j'aimerais comprendre de vous. Ce que je veux comprendre, je veux savoir quelle marge de manoeuvre on doit laisser à nos gestionnaires pour pouvoir gérer.

Mme Lamontagne: Je vais prendre un exemple.

Le Président (M. Lemieux): Oui.

Mme Lamontagne: L'exemple de la permanence. Alors, dans plusieurs conventions collectives, il y a des mécanismes qui disent qu'après tant de temps on accorde la permanence au professionnel ou à la personne qui est employée. Le mécanisme est convenu mais souvent c'est évidemment l'employeur qui va décider au nom de la permanence; si c'est abusif il y a des recours mais quand le mécanisme et la procédure sont suivis c'est sûr que le dernier mot il va revenir à l'employeur ou au gestionnaire, comme vous dites. Ça c'est un pouvoir du gestionnaire mais il est convenu selon une procédure non arbitraire mais le plus équitable possible dans le cadre d'une convention collective.

Le Président (M. Lemieux): Non arbitraire, est-ce que, pour vous, le pouvoir de gérer est l'équivalent d'être arbitraire?

Mme Lamontagne: Pas automatiquement.

Le Président (M. Lemieux): Pas automatiquement. Ça va. Une autre question. Vous suggérez aussi qu'un organisme indépendant joue vraiment un rôle de chien de garde auprès du Conseil du trésor, seul vrai responsable de l'application de la loi. Vous demandez également que la Commission de la fonction publique ait un mandat élargi pour pouvoir rectifier les situations qui outrepassent la loi et les règlements. Quel type de pouvoir êtes-vous prêts à accorder à la Commission de la fonction publique?

M. Carrier (Daniel): Je pense qu'au niveau de la Commission de la fonction publique il y a actuellement un lien qui, à notre avis, est hiérarchique entre le Conseil du trésor, la Commission de la fonction publique et l'Office des ressources humaines. Je pense qu'il y a lieu de distinguer entre les pouvoirs qui sont accordés au Conseil du trésor et ceux qui sont accordés à la Commission de la fonction publique.

H y a actuellement dans la Loi sur la fonction publique des pouvoirs qui sont expressément prévus et des devoirs dévolus à la Commission de la fonction publique. Ce qu'on connaît de la situation actuelle, c'est que ces pouvoirs-là ne sont pas exercés dans leur entier par la Commission de la fonction publique, compte tenu que celle-ci est plutôt placée dans une position un peu hiérarchique en fonction du Conseil du trésor. Ça revient un peu au problème de l'imputabilité de tout à l'heure. Je pense que, comme Mme Lamontagne et certains autres intervenants l'ont dit devant cette commission, l'imputabilité, personne ne peut être contre. Maintenant, de quelle façon l'imputabilité doit-elle se faire? Elle doit se faire par une véritable décentralisation; je pense que c'est l'une des seules façons qu'une véritable imputabilité pourra avoir lieu. C'est en décentralisant les pouvoirs auprès des véritables gestionnaires, mais que ces derniers puissent avoir des instruments pour gérer à partir de directives, et c'est ça qu'on soulignait tout à l'heure, d'éviter le plus possible

l'arbitraire.

Ce qu'on pense actuellement de l'imputabi-lité, oui, c'est bien dans la mesure où c'est décentralisé ou dans la mesure où c'est fait à partir de directives qui sont connues de tous et qu'un organisme tel que la Commission de la fonction publique pourrait être amené à vérifier l'application, si on veut, dans le quotidien de tous les jours, de quelle façon ces directives sont appliquées. On pense que c'est un peu de cette façon que la Commission de la fonction publique pourrait jouer ce rôle.

Le Président (M. Lemieux): Relativement aux responsabilités du Conseil du trésor, est-ce que vous voyez un inconvénient majeur au fait que le Conseil du trésor exerce un contrôle financier, ait un objectif de gestion financière et ait aussi à établir des plans d'effectifs, POAS, telle classification, ainsi de suite, et qu'il ait, à côté, un rôle de ressources humaines? Est-ce que vous croyez que le Conseil du trésor peut assumer ces fonctions-là ou si vous y voyez des inconvénients majeurs?

M. Carrier: Nous croyons qu'il y a effectivement des inconvénients majeurs lorsque le Conseil du trésor joue son rôle de planificateur budgétaire et alloue des budgets à certains ministères en fonction des effectifs et lorsqu'il joue un rôle de gérant des relations du travail dans chacun des ministères. On sait très bien que les effectifs et les plans d'effectifs sont décidés en fonction des sommes accordées à chacun des ministères, qu'ils ne correspondent pas toujours aux besoins et aux réalités de la vie quotidienne de chacun des ministères et qu'ils ne correspondent pas nécessairement aux moyens dont les ministères ont besoin pour, si on veut, accomplir leur mission de donner des services au public. Le but premier de la loi, il ne faut jamais le perdre de vue, c'est de donner des services de qualité au public et je pense que Mme Lamontagne l'a très bien souligné tout à l'heure.

Au niveau de la CSST, c'est un problème tout à fait majeur. On l'examine de plus en plus; dans la plupart des bureaux, on a affaire à des gens qui sont occasionnels, qui ont peu ou pas de formation, qui sont amenés à prendre des décisions et le justiciable, le contribuable n'a pas d'autre choix que d'aller devant les paliers de révision supérieurs, tels que le Bureau de révision paritaire ou la Commission d'appel en matière de lésion professionnelle, pour obtenir une certaine forme de justice au bout de trois ans, qui est un délai que l'on considère de nos jours même assez court.

Alors, je pense que ces situations-là, c'est ce que ça amène entre le rôle du Conseil du trésor en tant que gérant des relations du travail, si on peut s'exprimer ainsi, et donneur d'argent au ministère.

Le Président (M. Lemieux): Vous savez, on est tous pour la vertu. Je pense qu'on veut tous l'imputabilité. On veut tous fournir des services de qualité à nos citoyens. Jusqu'où êtes-vous prêts à aller? Jusqu'où le syndicat? Jusqu'où la CSN? Quel effort la CSN est-elle prête à faire pour qu'on puisse atteindre tous ensemble de manière... Parce que souvent on emploie des termes de manière concertée. Jusqu'où la CSN est-elle prête à aller pour favoriser cet objectif de la loi 51, Loi sur la fonction publique?

M. Carrier: Écoutez, je pense que la CSN, tout comme l'ensemble des organismes syndicaux, dans le cadre de l'imputabilité, il y a une règle, à mon avis, qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est qu'il ne faut pas que cela se fasse de façon arbitraire. Je pense que c'est ça essentiellement. Si l'imputabilité fait l'objet de consultations, et on est très souvent porté à utiliser le mot "négociation", ce n'est pas nécessairement dans un cadre rigide de négociation, mais je pense que ces mécanismes d'imputabilité peuvent faire l'objet de négociations avec l'ensemble des intervenants syndicaux pour vérifier dans quelle mesure cela peut être mis en place, dans quel cadre on va arriver à ce que la personne qui est au bas de la pyramide, au bas de l'échelle ait les moyens suffisants pour exercer son travail de façon adéquate, que le gestionnaire qui décide dans le cadre du travail de l'exécutant a les moyens adéquats de lui fournir les outils de travail et que ce dernier, au niveau de l'imputabilité, soit régi par des directives qui évitent l'arbitraire. C'est un peu ça, je pense, le cadre dans lequel...

Le Président (M. Lemieux): Et que le gestionnaire ait la marge de manoeuvre requise.

M. Carrier: La marge de manoeuvre requise.

Le Président (M. Lemieux): Ça va de soi. Ça va.

M. Carrier: Mais une marge de manoeuvre à notre avis, M. le Président, ce n'est pas... Une marge de manoeuvre ça peut se dégager de l'arbitraire et du discrétionnaire.

Le Président (M. Lemieux): Ce que vous craignez, c'est l'arbitraire et le discrétionnaire. Ça j'ai bien compris ça.

M. Carrier: Arbitraire et discrétionnaire... Le Président (M. Lemieux): Ça va.

M. Carrier: ...je pense que ça ne doit pas exister, compte tenu de la structure de la fonction publique, compte tenu du nombre d'intervenants qu'il y a à évoluer.

Le Président (M. Lemieux): Ça va. M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Vous déplorez, avec raison, quant à nous, que la Commission de la fonction publique et l'Office des ressources humaines soient trop souvent considérés dans un ordre hiérarchique au service du Conseil du trésor. Plusieurs groupements, hier, nous ont dit que c'était malsain que toutes les dispositions de la loi 51, la loi de la fonction publique, relèvent d'un seul ministre. Le président du Syndicat des fonctionnaires, M. Harguin-deguy, nous a même avoué qu'il faisait marche arrière et alors qu'autrefois il avait été d'accord pour nommer un seul ministre responsable de toute la loi aujourd'hui H pense que c'est une erreur.

La loi prévoit à l'article 171 que le gouvernement, par décret, peut nommer des ministres, non pas un, mais des ministres responsables des dispositions de la loi. Et, de 1984 à 1988, il y avait deux ministres effectivement responsables de l'ensemble de la loi, le président du Conseil du trésor, d'une part, puis un ou une autre ministre responsable de l'Office des ressources humaines. Et c'est en 1988 que c'a été changé.

Vous dites à la fin de votre section sur le Conseil du trésor: "En résumé, il faut qu'un organisme indépendant joue vraiment et véritablement un rôle de chien de garde auprès du Conseil du trésor, seul vrai responsable de l'application de la Loi sur la fonction publique." Alors, ma question vise à avoir de vous un peu plus de détails. Comment verriez-vous une nouvelle répartition de la responsabilité politique de l'application de la loi? Est-ce que ça serait par la nomination d'un deuxième ou d'un troisième ministre selon les diverses sections de la loi? Est-ce que ça serait, comme vous le dites ici, par un organisme indépendant, organisme de surveillance auprès du Conseil du trésor, et si oui quelle sorte de bête ça serait cet organisme-là? (10 h 45)

Mme Lamontagne: À la première question, je pense que c'est évident que ça rejoint la question du président. C'est que l'oeil ou la vision du Conseil du trésor, et l'expérience qu'on en a ces dernières années, particulièrement, c'est que c'est un oeil très financier. Alors, des fois, ça peut être à la fois les grandes préoccupations de gestion des ressources humaines, etc., et toujours teintées de l'approche financière. Donc, dans ce sens, qu'il y ait deux ministres responsables, ça peut peut-être amener un certain équilibre et un certain partage de visions ou de préoccupations différentes.

Ce qu'on dit dans le mémoire, c'est que ça pourrait être comme une mission de surveillance du Conseil du trésor. Ça pourrait être l'actuelle Commission de la fonction publique. Il faudrait, premièrement, que ceux qui sont nommés sur cette Commission aient une très grande crédibilité, que leur nomination soit très apolitique, si on veut. Sans créer un autre organisme... on pourrait aussi créer un autre organisme. Deuxièmement, c'est de renforcer le rôle qu'il joue comme rôle de surveillance de l'application de la Loi sur la fonction publique. Donc, ça pourrait être l'actuelle Commission, mais avec plus d'énergie, finalement, qu'elle aurait à mettre pour surveiller l'application de la loi et surveiller ce que le Conseil du trésor fait de l'application de cette loi.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: M. le Président, je suis toujours un peu étonné d'entendre des remarques à l'effet que, si les gens de la fonction publique étaient assujettis aux mêmes règles que les autres en matière de ce qui est négociable, le ciel nous tomberait sur la tête. Dans les hôpitaux, dans l'éducation, il n'y a pas les restrictions contenues dans la Loi sur la fonction publique et il n'y a pas eu de drame qui se soit passé là. Dans ce sens-là, je pense qu'il faut voir les choses telles qu'elles sont dans la société. L'ensemble des employeurs du secteur privé négocient avec des syndicats l'ensemble des questions. Négocier avec un syndicat, ce n'est pas comme attraper le SIDA. C'est un exercice à l'issu duquel l'employeur garde, habituellement, l'ensemble de ses prérogatives, sauf qu'il en discute avec quelqu'un et qu'il convient de règles.

Par ailleurs, à l'heure actuelle, dans la fonction publique, la loi exclut certains objets de négociation, mais ça n'empêche pas qu'il y a des règles dont le Conseil du trésor convient avec les syndicats. Je pense que c'est très réducteur de penser que, si le pouvoir exclusif que le Conseil du trésor tente de se donner dans la loi est maintenu et si on donnait des primes d'excellence aux employés, on changerait quelque chose dans la fonction publique. Je pense que c'est prendre le problème à l'envers. Dans ce sens, je nous convie, comme parlementaires, à regarder comment ça se fait dans la société et d'en parler avec des vrais employeurs qui négocient avec des vrais syndicats. Ils n'en meurent pas. II y a des paquets d'entreprises qui fonctionnent pareil.

Maintenant, plus précisément, je voudrais demander à Mme Lamontagne: Ce que vous envisagez, est-ce de biffer purement et simplement de la Loi sur la fonction publique ce qui établit le champ du négociable ou les règles d'accréditation pour que le Code du travail s'applique?

Mme Lamontagne: C'est clairement ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est que ça devrait être le Code du travail qui s'applique. Dans ce sens,

ça signifie de retirer, finalement, tout ce qui est accréditation, matières négociables et non négociables, de la Loi sur la fonction publique. J'ajouterais ceci. M. le Président a demandé, tout à l'heure, ce que la CSN était prête à faire. Une chose qu'on est prêts à faire, c'est de revoir le régime de négociation dans le secteur public, mais on croit aussi que l'ensemble des travailleurs et des travailleuses du secteur public, y compris ceux de la fonction publique, devraient être assujettis au Code du travail, mais on est prêts à regarder le régime de négociation dans le secteur public également.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez terminé, M. le député de Pointe-aux-Trembles?

M. Bourdon: Oui.

Le Président (M. Lemieux): Alors, M. le député de Mille-Îles et, après, M. le député de Saint-Louis.

M. Bélisle: Merci, M. le Président. Je veux revenir à l'article...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Pointe-aux-Trembles n'avait pas terminé. Il vous reste deux minutes, est-ce que je passe au député de Mille-Îles?

M. Bourdon: Non, je vais prendre mes deux minutes, M. le Président,...

Le Président (M. Lemieux): Non? Allez-y. O.K. Je vous les laisse.

M. Bourdon: ...simplement pour dire que dans le secteur privé le Code du travail s'applique. Dans les hôpitaux et dans l'éducation il n'y a pas de limitation au champ du négociable, mais je pense que c'est de l'ordre du fantasme de croire que, si une question peut être négociée, ça veut dire que les gestionnaires vont perdre leur marge de manoeuvre, puis qu'ils ne pourront rien faire. Si on suivait cette thèse-là, il faudrait penser que Canadair, dont est issu le ministre du Travail et qui négocie sur tous ces sujets-là, que les Bombardier, à Canadair, n'ont aucun pouvoir et, "mind you", Canadair s'en tire plutôt bien avec ces règles qui sont négociables.

Bref, il n'y a pas péril en la demeure et je pense que décider qu'une question puisse être négociée n'entraîne pas de drame, à moins qu'on pense que le syndicalisme n'a pas de raison d'exister. C'est sûr que, si on pense qu'il n'a pas raison d'exister, c'est un grand malheur d'avoir à s'asseoir et négocier, mais, si je reviens à l'exemple concret de Canadair d'où est issu le ministre du Travail, Canadair négocie sur toutes ces questions-là et vend des avions et elle est plutôt en bonne santé, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Alors, ce sera à M. le député de Mille-Îles et on va laisser du temps, M. le député de Mille-Îles, pour M. le député de Saint-Louis qui a une question à poser.

M. Bélisle: Oui, pas de problème. Je voudrais revenir à l'article 70, aux demandes ou aux revendications de la CSN. Je pense que c'est très important de comprendre ce qui se passe. Je suis tout à fait étonné, M. le Président, d'entendre ce matin le député de Pointe-aux-Trembles faire une volte-face magistrale face à la position de son parti à l'Assemblée nationale. Au mois de juin 1985, le 19 juin, ils ont voté la loi 37 qui a exclu les conditions de travail; en 1983, ils ont voté l'article 70 qui stipule des choses comme la nomination de candidats.

Mme Lamontagne, vous n'êtes certainement pas en train de nous dire ce matin, avec sérieux, que les critères de sélection pour un emploi, l'âge, le niveau universitaire, ce sont des choses qui sont négociables avec un syndicat! Vous n'êtes pas en train de nous dire ça; vous ne pouvez pas nous dire ça!

Mme Lamontagne: Mais on négocie très souvent dans les conventions collectives... Par exemple, s'il y a des besoins de postes de techniciens en documentation, on s'entend avec la partie patronale pour dire: Oui, ce sera un DEC en documentation ou ce sera l'équivalent, tant d'années d'expérience. Ce sont des choses qu'on négocie.

M. Bélisle: Mme Lamontagne, êtes-vous en train de me dire que dans le cas de l'article 70.1°, la promotion des fonctionnaires, vous voulez négocier avec la partie patronale le transfert d'un poste de non-gérance, un employé, un fonctionnaire, à un poste de gérance, puis les critères qui vont permettre à quelqu'un d'accéder à un poste de gérance? Ce n'est pas sérieux ce que vous êtes en train de dire là.

Mme Lamontagne: Quand on parle de la promotion en dehors des postes de gérance qui sont des postes d'employeur, de cadre, en tout cas, il y a aussi...

M. Bélisle: De gestion.

Mme Lamontagne: ...une promotion qui est interne aux postes qui sont syndiqués. Ça aussi se négocie dans beaucoup de conventions collectives; c'est soit l'expérience, soit par l'affichage de postes: si quelqu'un a les qualifications requises, on tient compte de l'ancienneté pour accorder des postes de promotion. On négocie ça très régulièrement dans d'autres milieux de travail, alors je ne vois pas pourquoi ce serait spécial ici. La promotion de postes hors unité

syndicale, c'est une autre question, mais la promotion de postes dans le cadre des employés syndiqués, on négocie ça aussi très souvent dans les conventions collectives.

M. Bélisle: La discipline en vertu de l'article 70.4°, - je vais vous raconter une petite anecdote et après vous me direz ce que vous auriez fait et négocié avec l'employeur. Il y a quelqu'un, quelque part dans un ministère au gouvernement, qui a fait défaut de répondre à une dizaine de lettres envoyées par courrier recommandé par un citoyen du Québec qui tentait depuis 1973 d'obtenir la propriété d'un immeuble qui ne servait à personne. De 1982 à 1985, 10 lettres recommandées, aucune réponse, envoyées à l'individu, au fonctionnaire même. Ça a pris du tordage de bras pour que l'individu réagisse face à ça. Vous êtes en train de nous dire ce matin que vous voulez négocier les critères, l'application de mesures de discipline avec la gestion et la gérance? Est-ce que c'est ça que vous voulez en abolissant 70?

Mme Lamontagne: Alors, les mesures disciplinaires, ça se négocie aussi, dans une convention collective. Je serais tentée de dire aussi que, comme officier de la CSN, je suis également employeur. Alors, c'est sûr que, sur des milliers et des milliers de personnes qui travaillent dans un ministère, dans une institution de santé, dans une école, dans une entreprise privée, on n'a jamais prétendu qu'il n'y avait personne qui faisait des erreurs, qu'il n'y avait pas de négligence. Donc, le droit d'avoir des mesures disciplinaires, que l'employeur impose des mesures disciplinaires existe, mais il y a des procédures pour ne pas que ce soit arbitraire et il y a des recours de prévus qui s'appellent l'abitrage.

M. Bélisle: Est-ce que vous voulez négocier aussi les fiches, la notation, le processus d'évaluation des employés et de notation au rendement et tout le reste? Ça fait partie du négociable, ça? Tout ça fait partie du négociable?

Mme Lamontagne: Les fiches dévaluation individuelles... De toute façon, il y a certaines procédures individuelles que, syndicalement, on trouve questionnâmes. C'est un peu comme le travail au rendement. Ça existe, malheureusement, encore dans le privé, mais on s'est toujours battu sur ça.

M. Bélisle: Vous n'êtes pas d'accord avec le travail au rendement, vous?

Mme Lamontagne: Non, on pense que c'est...

M. Bélisle: Vous n'êtes pas d'accord avec ça?

Mme Lamontagne: Que le paiement se fasse au rendement, que la paie se fasse au rendement, non...

M. Bélisle: Vous n'êtes pas d'accord avec ça.

Mme Lamontagne: ...on n'est pas d'accord avec ça.

M. Bélisle: O.K. Imputabilité, Mme Lamontagne. Vous avez parlé d'imputabilité, M. Carrier, tantôt.

M. Bourdon: Un instant! J'invoque le règlement. J'aimerais que le député de Mille-Îles change de ton. On ne fait pas de procès, ici.

Le Président (M. Lemieux): Écoutez, M. le député de Pointe-aux-Trembles, je ne suis pas responsable du ton, de la baisse ou de la hausse de la voix du député de Mille-Îles et je pense qu'il n'y a rien... Je pense que tout ce que le règlement dit, c'est qu'il y ait un certain décorum. On respecte ce décorum. On réagit peut-être plus émotivement à certaines questions. Et moi, je comprends un peu le député de Mille-Îles. Il m'arrive parfois de ne pas contrôler la manifestation de mes émotions; c'est un défaut, mais, que voulez-vous, on est comme ça. Alors, allez-y, M. le député de Mille-Îles.

M. Bélisle: C'est peut-être quelquefois une qualité, M. le Président. Imputabilité! Vous autres, vous êtes d'accord pour être imputables. Fonctionnaires, dans votre vocabulaire, à vous... Est-ce que l'imputabilité, c'est pour tous les fonctionnaires, les sous-ministres, les cadres, les professionnels et les fonctionnaires qui rendent leurs services au public? Première question.

Mme Lamontagne: Tout le monde est responsable de ses actes, quel que soit le poste qu'il occupe.

M. Bélisle: D'accord. O.K. Responsabilité. Est-ce que responsabilité et imputabilité, c'est la même chose chez vous, la même signification dans votre vocabulaire syndical?

Mme Lamontagne: Ça a une signification semblable, mais on peut...

M. Bélisle: Ce n'est pas le même concept, Mme Lamontagne, la responsabilité et l'imputabilité. Imputabilité, c'est rendre compte à quelqu'un. Un fonctionnaire qui rend service, mettons, dans le réseau des affaires sociales, à qui, selon vous, doit-il rendre des comptes?

Mme Lamontagne: Un fonctionnaire dans... M. Bélisle: Une infirmière...

Mme Lamontagne: Oui.

M. Bélisle: ...pour prendre un exemple, dans un centre d'accueil. Quelqu'un qui est préposé aux bénéficiaires dans un centre d'accueil, à qui, selon vous, cette personne-là devrait-elle rendre des comptes?

Mme Lamontagne: D'abord, sa première responsabilité est face aux bénéficiaires qu'elle dessert. Deuxièmement, elle pourrait rendre des comptes - ça existe aussi - à son équipe de travail dans laquelle est inclus le cadre. Et aussi elle rend des comptes à son supérieur immédiat.

M. Bélisle: Rendre des comptes à son équipe de travail...

Mme Lamontagne: Oui, ça...

M. Bélisle: ...aux gens qui sont autour d'elle. Elle rend des comptes à ses...

Mme Lamontagne: Je ne dis pas que ça existe partout, mais c'est ce qu'on met de l'avant de plus en plus, qu'il y ait une gestion plus participative, qui implique plus les travailleuses et les travailleurs, qui soit plus motivante. À notre avis, ça va améliorer les services. Donc, il peut y avoir aussi des équipes de travail. Exemple: Dans un centre d'accueil - c'est un bon exemple - il pourrait exister des équipes de travail. C'est sûr aussi qu'une infirmière ou un médecin... Mais les médecins ne rendent des comptes qu'à eux-mêmes, on le sait aussi. Une infirmière ou un autre professionnel pourrait rendre des comptes. Elle a un supérieur immédiat, c'est sûr qu'elle va lui rendre des comptes; on n'a jamais été contre ça.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Mille-Îles, je m'excuse. Maintenant, comme nous avions décidé qu'il y aurait du temps pour le député de Saint-Louis, M. le député de Saint-Louis, la parole est à vous. (11 heures)

M. Chagnon: Je serai fort bref, M. le Président. D'abord je n'ai pas eu l'occasion de le faire et je tiens à remercier les membres de la CSN d'avoir bien voulu témoigner ici devant cette commission. Et, deuxièmement, j'aimerais revenir sur un sujet que le député de La Prairie et le président de la commission ont soulevé tout à l'heure - et je reprends ce que vous nous avez dit - que vous dirigiez un doute, en tout cas, manifeste à l'effet que le Conseil du trésor, comme planificateur budgétaire, pouvait difficilement être gérant des relations du travail. D'autres avant vous, hier, l'ont dit, ont eu le même réflexe qui n'est peut-être pas mauvais, mais j'aimerais mieux comprendre. Vous vous étonniez aussi que les effectifs alloués se font en fonction du budget. C'est des mots et termes précis que M. Carrier a utilisés. Est-ce que vous saviez que 51 % du budget de l'État sont composés de la masse salariale et des bénéfices marginaux?

Mme Lamontagne: Dans les services et dans les secteurs, pas juste au niveau de la fonction publique, au niveau des...

M. Chagnon: Non, non, mais je parle de l'État. Il me semble que c'est la Loi sur la fonction publique. Alors, pour l'État, 51 % du budget vont à la masse salariale et aux bénéfices marginaux des employés. Vous le saviez ça?

Mme Lamontagne: Oui, on sait que c'est très important.

M. Chagnon: Ce que j'aimerais comprendre dans ce cas-là, c'est comment vous pouvez conceptualiser que les effectifs alloués ne se fassent pas en fonction des budgets pour les ministères, pour les sociétés et comment on peut dissocier la budgétisation de l'organisation d'effectifs. J'aimerais comprendre ça.

Mme Lamontagne: Premièrement, quand on dit qu'il y a une grande partie du budget qui est en salaires, je pense qu'il ne faut pas être scandalisé de ça.

M. Chagnon: Non, non, ce n'est pas du tout un scandale. Je trouve ça bien correct.

Mme Lamontagne: Le gouvernement rend des services à la population.

M. Chagnon: Non, non, pas de problème.

Mme Lamontagne: Sa matière première c'est les personnes qui y travaillent. C'est pas...

M. Chagnon: Aucun problème avec ça.

Mme Lamontagne: ...du minerai. C'est pas... C'est normal.

M. Chagnon: La question que je vous posais... Et vous êtes donc au courant du pourcentage à l'intérieur du budget de ce qu'est la masse salariale. C'est donc important. Vous le reconnaissez aussi et c'est normal, on en convient tous. Mais comment fait-on pour se surprendre en tout cas, et je prends un mot de M. Carrier, que les effectifs alloués par ministère se fassent en fonction du . budget? Je voudrais comprendre comment on pourrait ne pas le faire comme ça.

Mme Lamontagne: Je pense qu'on ne peut pas faire abstraction du budget quand il s'agit de...

M. Chagnon: II me semble.

Mme Lamontagne: ...d'embaucher des personnes. Je pense que ce n'est pas ça que Me Carrier a voulu dire. Mais, par ailleurs, il faut être capable - et je pense que c'est un exercice qui se fait en plusieurs étapes - d'avoir un regard neutre d'abord sur les besoins d'effectifs qu'il y a, ce que les ministères ont comme objectif, quelle est la clientèle qu'ils veulent servir, quels sont leurs projets, quelle est leur programmation et, pour en arriver à ces objectifs-là, quels sont leurs besoins en termes de personnel. Et, dans un autre temps, c'est sûr qu'if faut tenir compte des contraintes qui sont budgétaires. Mais ça ne doit pas être d'abord les contraintes budgétaires, et celui qui gère les cordons de la bourse qui. dit, sans avoir... Parce que l'oeil qu'on connaît du Conseil du trésor, et on le rencontre de temps en temps surtout dans les négociations, c'est d'abord l'argent, mais les services c'a l'air souvent à venir en second lieu. On devrait voir quels sont les besoins, et c'est vrai pour la fonction publique mais c'est vrai pour l'ensemble des services, l'éducation, la santé, et aussi voir les contraintes et si les moyens ne sont pas... les rentrées d'argent sont difficiles. Il y a des politiques fiscales aussi et on a...

M. Chagnon: Oui, mais...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Saint-Louis, laissez-la terminer son intervention. Je suis dans l'obligation de vous dire qu'il n'y aura pas de sous-question. Allez-y.

Mme Lamontagne: Ça va, là.

Le Président (M. Lemieux): Vous avez terminé, certain? Non, mais prenez le temps.

Mme Lamontagne: Non, non, ça va. Ça va.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez vraiment terminé?

Mme Lamontagne: Ça va.

Le Président (M. Lemieux): O.K. Parce que je dois passer maintenant la parole à l'Opposition. Nous avons pris déjà trois minutes de plus que l'Opposition dans ce cas-ci. M. le député de Labelle.

M. Léonard: Écoutez, juste une question. Supposons qu'il y a une décision dramatique à prendre au gouvernement, par exemple couper les effectifs d'un ministère en deux, en garder la moitié et l'autre moitié... Je pense que c'est une décision qui relève du gouvernement.

Mme Lamontagne: De couper les effectifs?

M. Léonard: Supposons, par hypothèse. J'exagère, là.

Mme Lamontagne: Oui.

M. Léonard: Mais c'est une décision qui relève du gouvernement, vous l'ad...

Mme Lamontagne: En dernier lieu, oui, qui va relever du gouvernement. Oui.

M. Léonard: C'est ça. Mais quitte à respecter la permanence. Donc, ce que ça implique comme corollaire, c'est qu'il y ait une mobilité des gens qui seraient affectés de cette sorte dans un ministère qui leur permettrait d'aller dans d'autres ministères, mais ça pourrait arriver. Mais vous admettez quand même que c'est du ressort de l'Assemblée nationale d'en décider et, en l'occurrence, c'est le patron.

Mme Lamontagne: Oui, en dernier ressort...

M. Léonard: Et quel que soit ce qu'on en pense, par ailleurs, disons, chez les employés, il se peut qu'on décide ça.

Mme Lamontagne: En dernier ressort, oui, c'est l'employeur ou si vous voulez, dans ce cas-ci, vous nous dites l'Assemblée nationale, sauf que... Supposons une situation dramatique où il y a des coupures à faire qui sont drastiques - on en a vu dans le passé - il n'y a rien qui empêche que les représentants des travailleuses et des travailleurs aient des discussions et des échanges avec eux pour voir où devront se faire ces coupures-là. Dans le privé, il y a eu aussi, à certaines occasions, des coupures ou des mises à pied importantes et il y a des choses dont on a convenu entre les parties, que ce soit des préretraites, que ce soit des politiques de recyclage, de perfectionnement, etc. Ça aussi, ça se discute entre les parties.

L'autre aspect, quand on parle de la mobilité ou de la possibilité pour ceux qui sont permanents, ça encore ce sont des règles qui peuvent se mettre très bien dans une convention collective, comment va se faire le déplacement des fonctionnaires s'il y a des coupures de postes. Ça existe dans les conventions collectives, ces règles-là. On n'invente pas...

M. Léonard: Mais, sur le plan de la fonction publique, la permanence, ce n'est pas négociable, c'est admis ou... Je ne sais pas si c'est le mot "permanence" qu'il faut employer, mais en tout cas la sécurité d'emploi, elle est acquise par les...

Mme Lamontagne: Oui, mais...

M. Léonard: ...lois pratiquement. Donc, ce

serait une perte de la part des travailleurs que ce soit remis négociable dans une convention collective.

Mme Lamontagne: Ce n'est pas ça que j'ai dit. J'ai dit que si...

M. Léonard: Bon, bien, j'interprète...

Mme Lamontagne: Non, ce n'est pas du tout ça. Vous interprétez mal, monsieur.

M. Léonard: Ha, ha, ha!

Mme Lamontagne: Ce que j'ai dit, c'est que les règles de la permanence et de la sécurité d'emploi, c'était un acquis, pas le changement de poste. Un moment donné, il y a des règles qui se négocient dans les conventions collectives. On a la permanence dans les services de santé et d'éducation, mais le monde ne reste pas assis sur la même chaise toute leur vie, parce qu'ils ont la sécurité d'emploi, nécessairement.

M. Léonard: Je voudrais revenir sur une autre question. Au départ, on a parlé de la centralisation des pouvoirs au Conseil du trésor. Jusqu'à un certain point, ça a été amené par la pression aussi des syndicats. Lorsqu'il n'y avait pas la centralisation, a l'époque, on se rappelle, je ne sais pas, disons au niveau scolaire, au plan scolaire, c'était la surenchère d'une commission scolaire par rapport à l'autre avec un jeu de vases communicants ou d'osmose qui faisait que, finalement, tout était à la hausse. Donc, le gouvernement s'est vu pris pour centraliser les négociations. Si on décentralise, je comprends que là on l'entend seulement d'un ministère à l'autre et qu'on dit: Ça ne sera pas un seul ministre qui sera responsable, c'est plus un partage de responsabilités que de la décentralisation, mais, si on arrivait à décentraliser les négociations, je pense que ça impliquerait qu'il y ait des freins de mis à une espèce de surenchère dans les conditions de travail ou au plan salarial. En tout cas, il y a quelque chose qui devrait se passer parce que, autrement, on va revivre ce qu'on a vécu il y a 25 ans. Est-ce qu'on veut recommencer ça? J'aimerais avoir vos commentaires sur ce que j'en dis.

Mme Lamontagne: À ce stade-ci, je n'ai pas parlé de décentraliser les négociations...

M. Léonard: Ah bon. Vous êtes d'accord avec la centralisation. Bon.

Mme Lamontagne: Puis, aussi, dans toute négociation - c'est vrai sûrement pour la fonction publique - il y a des matières qui peuvent être largement centralisées et d'autres matières, décentralisées. Ça dépend de ce dont conviennent les parties et ça dépend aussi des objectifs qu'on poursuit. Ça, je pense que c'est un autre exemple de choses qui doivent être entendues entre les parties. Mais on n'a pas parlé de décentraliser complètement la négociation. Au contraire, tout ce qui concerne le bloc rémunération, on pense que c'est un acquis d'avoir une politique de rémunération qui soit uniforme d'une région à l'autre du Québec entre la Gaspésie, Montréal, etc.

M. Léonard: Moi, si j'ai un commentaire à faire à ce stade-ci, si on parie de décentralisation de négociations, surtout dans les conditions de travail, pas salariales, mais je pense que cela tient beaucoup au climat de travail... Il y a deux partenaires finalement. If y a la partie patronale et la partie syndicale. Est-ce qu'on est capable d'arriver à des négociations très correctes sur le plan local à chaque fois? Quels sont les mécanismes d'arbitrage? Si on doit recourir à chaque fois à des arbitrages qui sont longs, et parfois il y a aussi - je le dis ici, mais sans accuser personne - des gens . qui ont plus ou moins confiance dans le mécanisme d'arbitrage ou dans les arbitres et ça, tout de suite, ça pose des problèmes de crédibilité à la base. Mais j'en reviens à ce que je voulais dire simplement, c'est que le climat est important; est-ce que vous ne pensez pas la même chose?

Mme Lamontagne: Entre autres c'est essentiel pour la motivation des personnes que le climat de travail soit...

M. Léonard: Je ne parle pas de la motivation des personnes, ça je suis tout à fait d'accord, notamment quand on parle du perfectionnement, de la mobilité, des possibilités d'avancement - ça je pense que ça touche l'individu personnellement - mais, en termes de relations du travail entre le syndicat et la partie patronale, il y a aussi des choses à faire sur ce plan-là.

Mme Lamontagne: Oui, mais l'un des éléments, je ne dis pas le seul, pour que le climat soit sain et non pas trop tendu, c'est d'avoir des règles claires sur l'ensemble de ce qui concerne les relations du travail.

M. Léonard: L'article 70 ne permet pas ces règles claires là.

Mme Lamontagne: C'est parce que ce sont des règles qui sont définies par une partie et non pas par deux parties.

M. Léonard: C'est vraiment des droits de gérance, il me semble, qu'il y a là-dedans, dans l'article 70.

Mme Lamontagne: Oui, c'est des droits de gérance, mais c'est des droits de gérance qui,

dans d'autres milieux de travail, ont été partagés.

M. Léonard: Dans d'autres milieux de travail il n'y a pas la même sécurité d'emploi, il me semble. C'est ça la contrepartie là.

Mme Lamontagne: II y a d'autres milieux de travail qui ont la sécurité d'emploi et qui ont des matières de l'article 70 où c'est négocié aussi.

M. Léonard: II y aurait des nuances à faire mais, simplement, on arrête là, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): D'abord, M. le député de Mille-Îles. Il reste une minute et trente secondes. C'est fini.

M. Bélisle: Une question d'information pour la commission. Si vous étiez capables, Mme Lamontagne ou M. Carrier, de nous produire à la commission, dans les prochains jours - on va continuer à siéger pendant quelques semaines - des articles comparables dans les autres provinces canadiennes, aux États-Unis, en Europe, comparables à l'article 70, j'aimerais que, pour notre bénéfice à nous et tout ça quand on va rédiger notre rapport, vous nous montriez dans quel pays il existe un article 70 plus libéral, plus général que le nôtre. À ce que je sache, en France, ce n'est pas le cas, aux États-Unis ce n'est pas le cas, dans les autres provinces canadiennes ce n'est pas le cas, au Canada ce n'est pas le cas. J'aimerais que vous me prouviez le contraire et que vous m'incitiez à regarder d'autres dispositions ou d'autres façons de faire qu'un autre pays au monde, qu'un autre État autonome au monde, qu'une autre structure publique au monde ont inventées, ont imaginées et mises en application et qui sont en oeuvre présentement et qui sont plus libérales que les petites restrictions qu'on a à l'article 70. Moi, j'aimerais que vous me fassiez ce travail-là et nous envoyer ça à tous les membres de la commission. Je vous promets là que, si vous me prouvez ça, on va le marquer dans le rapport.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que c'est possible? Vous allez regarder?

Mme Lamontagne: On peut regarder ça.

Le Président (M. Lemieux): M. le secrétaire de la commission va en prendre bonne note.

M. Bélisle: Je comprends que c'est un engagement de votre part, Mme Lamontagne?

Mme Lamontagne: Sauf que c'est... Oui, oui, on va le regarder, c'est certain. Mais je pense que ce n'est pas le seul critère, la comparaison avec les autres pays. Ça peut être un critère mais ce n'est pas le seul.

Le Président (M. Lemieux): D'accord, merci Je voulais vous remercier de votre participation. Les membres de la commission ont apprécié, je veux que vous le sachiez, votre témoignage et aussi votre mémoire. Si peut-être à quelques occasions ça vous a paru agressif, c'est que l'administration publique ça nous appartient à nous tous, à vous comme à nous comme parlementaires. Je ne voudrais pas que vous puissiez y voir une parcelle de mauvaise foi. Au contraire, on a été très heureux que vous soyez devant nous pour nous éclairer et on vous en remercie.

Mme Lamontagne: Merci.

Le Président (M. Lemieux): Alors, nous allons suspendre une minute pour permettre au prochain témoin de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 11 h 15)

(Reprise à 11 h 16)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission du budget et de l'administration... À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Eu égard à notre horaire déjà très compressé, nous nous devons de reprendre les travaux.

Nous allons maintenant entendre M. Charles Messier, député de Saint-Hyacinthe. Si c' est possible, vous savez, je... À l'ordre, s'il vous plaît! Je ne voudrais pas que des individus qui ont à présenter un mémoire, eu égard au fait qu'ils ont une demi-heure, aient l'impression que la commission considère que leur mémoire n' est pas important. Il s'agit de détails d'ordre vraiment technique et de plomberie. Nous nous initions, nous aussi, d'une certaine façon, et je pense que l'expérience vient maintenant de nous démontrer qu'il va falloir, pour l'audition de mémoires, prendre beaucoup plus de temps qu' une heure, à la fois pour les organismes et pour les individus, d'autant plus que le mémoire de M. Messier et celui de MM. Dumais et Riendeau sont quand même des mémoires très très intéressants.

M. Messier, vous avez une demi-heure. Nous vous écoutons, mais vous devez nous permettre de vous questionner. Vous avez 10 minutes pour essayer de nous résumer votre mémoire. On comprend que ce n'est pas facile, mais, s'il vous plaît, les grandes lignes de votre mémoire en 10 minutes!

M. Charles Messier

M. Messier: Avec plaisir, M. le Président. M. le Président, membres de la commission

parlementaire, je trouve important de réagir à cet avis de consultation générale touchant particulièrement la Loi sur la fonction publique et ce à deux titres, d'abord comme député appelé à travailler quotidiennement avec les fonctionnaires touchés par ces modifications projetées et comme ancien fonctionnaire. De ce fait, j'ai oeuvré dans la fonction publique durant 10 ans avant d'être élu député. Mon expérience comme fonctionnaire fut remplie de joie et de désenchantement, de grandes satisfactions et d'intenses frustrations; pour dire vrai, 10 années remplies d'émotions de toutes sortes.

Ces 10 ans m'ont permis de passer du statut d'occasionnel à celui de permanent, du processus de recrutement à celui de la promotion, et par bien d'autres étapes avec lesquelles les fonctionnaires ont à composer. Il s'agit donc d'une expérience variée que j'ai entièrement acquise au sein d'un seul organisme, soit la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Comme tous les députés consciencieux, je suis persuadé que vous avez pris le temps de parcourir ce document et, ce matin, je ne ferai que vous rafraîchir la mémoire en ne mentionnant que les grandes lignes.

Qualité, efficacité des services rendus aux citoyens. Sur ce, je vais brosser un tableau d'ensemble et, après, on pourra échanger ensemble. Chaque ministère ou organisme gouvernemental devrait avoir un comité de rédaction - formulaires, dépliants, lettres standards - formé majoritairement de bénéficiaires de ce ministère ou de cet organisme. Harmonisation des formulaires à remplir par les utilisateurs et, ultérieurement, création d'un seul organisme collecteur. Ici, je fais référence à la CSST, au ministère de l'impôt et aux normes du travail. Envoi systématique à tous les bénéficiaires d'un formulaire d'évaluation des services reçus et retour de celui-ci au Protecteur du citoyen. Instauration d'un prix d'excellence par ministère pour la qualité des services rendus par un fonctionnaire et d'un grand prix provincial délivré par le premier ministre. Formation de micro-groupes de travail afin de déjouer l'aberration de la fragmentation des tâches. Modification des heures d'ouverture des services gouvernementaux, c'est-à-dire en soirée, afin de faciliter l'accès à la clientèle qui travaille le jour.

L'imputabilité. L'obligation de la commission parlementaire d'entendre les ministères soumis au Vérificateur général et de répondre des constats de celui-ci. L'imputabilité politique devrait demeurer inchangée. En regard de l'imputabilité financière, on ne peut rendre responsable un dirigeant qui n'a pas le pouvoir de dépenser. Autoriser les députés à interroger les dirigeants d'organismes sur l'organisation administrative de leurs services. Ici on parle en termes d'imputabi-lité administrative.

Leadership du maître-d'oeuvre dans l'application de la loi. Laisser au Conseil du trésor la gestion financière du gouvernement, c'est-à-dire les négociations de la masse salariale. Faire revenir le ministre délégué aux Relations avec les citoyens, qui devrait s'occuper des grandes questions de la gestion gouvernementale en matière de relations avec les citoyens.

Dotation des emplois et développement des ressources humaines. Laisser à l'Office des ressources humaines le processus de recrutement. Laisser à chaque ministère le processus de la promotion. Abolition du système de promotion sans concours. Abolition du système actuel des fiches de notation. Acrroissement de la mobilité du personnel dans les ministères. Utilisation plus fréquente - on va le voir cet après-midi - de l'École nationale d'administration publique comme organisme voué au perfectionnement du personnel.

Questions d'ordre général. Modification de la loi de la fonction publique concernant le classement des fonctionnaires élus députés. Modification de la loi de la fonction publique pour le classement du personnel politique, qu'il soit ou non déjà fonctionnaire. Autorisation de la libre syndicalisation de la fonction publique en modifiant la loi qui oblige les syndiqués à payer leur cotisation au Syndicat des fonctionnaires provinciaux.

Je suis persuadé, M. le Président, que ces quelques considérations permettront à la commission parlementaire d'envisager une réforme de façon à assurer aux citoyens du Québec un service de plus grande qualité et empreint d'un plus grand professionnalisme tout en permettant aux membres de la fonction publique de retrouver dans leur travail quotidien toute la valorisation nécessaire. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Saint-Hyacinthe, je me permettrai, dans un premier temps peut-être de vous poser une question et là où vous m'avez dérangé un peu et vous me fatiguez énormément, c'est que, vous savez, il y a une vieille maxime en droit qui dit: Nemo judex causa. On ne peut pas être à la fois juge et partie. Il y a une partie de votre texte qui me fatigue. C'est celui-ci où vous dites: II faudrait que le député puisse préserver un classement équivalent à administrateur 4 à la fin de son mandat s'il revient à la fonction publique. De même l'attaché politique devrait recevoir automatiquement un classement de niveau professionnel. La permanence de la fonction publique pourrait être octroyée après trois ans ou plus dans un bureau de député, sauf lorsque la personne quitte le service de façon volontaire.

Ce qui me fatigue c'est qu'on a déjà un article dans la loi 51, on a l'article 30 qui nous dit qu'un "fonctionnaire a droit de requérir de l'Office des ressources humaines qu'il procède à une nouvelle vérification de ses aptitudes et qu'il le place par priorité à un emploi qui correspond

à celles-ci..." Là où je me sens mal à l'aise, est-ce que, de facto, de fait, vous considéreriez qu'on devrait amender la loi 51 parce qu'un député, parce qu'un ex-fonctionnaire s'est présenté à une élection générale et qu'on doit lui accorder ce statut-là sans vérification d'aptitudes, de même qu'un attaché politique, dont vous dites qu'il devrait recevoir automatiquement un classement de niveau professionnel? J'ai de sérieuses réserves et j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Messier: Une chose, M. le Président, pour les députés. Première chose, au niveau de la reconnaissance des députés. D'ailleurs, on a passé une loi à l'Assemblée nationale au niveau de la masse salariale. Tous les députés sont classés administrateurs classe 4, au niveau de la médiane.

Le Président (M. Lemieux): Ça ne signifie pas nécessairement qu'ils ont la compétence pour être administrateurs 4.

M. Messier: Entre vous et moi, M. le Président, pour être élu ici à l'Assemblée nationale ça prend un minimum de compétence, un minimum...

Le Préskient (M. Lemieux): Je ne suis pas certain, moi. Je vous laisse continuer. Je vous laisse continuer.

M. Messier: Oui, oui, j'apprécierais, M. le Président. Mais une chose est sûre, M. le Président, c'est que l'ensemble des députés ont un minimum de connaissances générales. Si on regarde l'historique des députés qui sont présents à l'Assemblée nationale, ils ont un minimum d'un bac universitaire et je vois très mal pourquoi on ne ferait pas le lien entre la masse salariale et la future carrière, dépendant, oui ou non, s'il y a élection ou réélection du député, ou s'il se fait battre dans son comté. J'ai déjà vu des cas passés. On connaît des cas passés où il y a une certaine frustration pour le fonctionnaire à ne pas être capable de récupérer un emploi dans la fonction publique même s'il a déjà été fonctionnaire, car il est sur la "black list". On pourrait, d'après moi, éviter ce type de problème.

Pour revenir aux attachés politiques, on peut revenir à la situation d'antan. Ma secrétaire - je vais vous présenter Marc Bouchard, mon attaché politique dans le comté - qui travaille ici à Québec, une ancienne fonctionnaire, ça fait 15 ans qu'elle travaille à l'Assemblée nationale, elle a encore son statut. Donc, elle peut revenir dans la fonction publique. Pourquoi ne pas revenir à la situation d'antan? Comme Marc qui travaille avec moi, je mettrai au défi n'importe qui de dire qu'il n'est pas compétent. Il travaille avec moi depuis déjà quatre ans et je pourrais facilement le recommander dans un emploi de la fonction publique, compte tenu des connaissances générales.

Il s'agit de travailler dans un comté, dans un bureau de comté pour voir l'amplitude du travail qu'on a à faire et la généralisation du travail qu'on a à faire. Je pense que ce serait d'emblée un surplus dans la fonction publique de reconnaître le travail des attachés politiques, de reconnaître un petit peu la capacité de ces gens de travailler avec une pluralité de fonctions.

Le Président (M. Lemieux): J'aimerais savoir, M. le député: Est-ce que c'est en l'absence de toute vérification d'aptitudes? Vous savez fort bien qu'il y a des examens dans la fonction publique où on vérifie des habiletés professionnelles, l'ouverture d'esprit, le leadership. On vérifie aussi l'esprit de décision, le jugement. Êtes-vous en train de me dire qu'en l'absence de toute vérification d'aptitudes, tel que l'exige l'article 30, de facto, on se devrait de donner ce statut à un ex-fonctionnaire qui devient député? Est-ce ça que vous êtes en train de me dire?

M. Messier: J'irais quasiment jusque-là, oui, dans le sens que les députés... Je vais prendre mon cas personnel. J'ai mon bac en administration, je suis en train de terminer ma maîtrise en administration publique. De facto, je pourrais quasiment être nommé administrateur du jour au lendemain. J'ai juste à demander un reclassement, il n'y a pas de problème là. Le seul problème, au niveau du député, c'est advenant une défaite. Je vous mets au défi, M. le député. Faites-vous défaire dans votre comté et vous allez avoir certains problèmes pour retourner dans la fonction publique, peu importe à quel endroit. Je pense qu'on devrait garantir aux fonctionnaires qui sont élus députés... reconnaître d'emblée ce fait. Donc, il y a acquisition de connaissances. Il s'agit de travailler plus d'un an comme député à l'Assemblée nationale pour voir un petit peu l'ensemble des travaux qu'on a à faire, autant au niveau de la commission parlementaire que d'autres travaux d'organisation dans le comté, de travail avec l'ensemble des maires, l'ensemble des intervenants socio-économiques pour s'apercevoir qu'on touche à peu près à l'ensemble des dossiers de ta fonction publique et qu'on a à travailler quotidiennement avec ces gens. Je verrais très bien, moi, qu'on puisse reconnaître facilement ces gens, sans passer des tests d'aptitudes. S'il faut passer des tests d'aptitudes, que ce soit relativement minimal et que ça se fasse durant la carrière du député à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Lemieux): Vous savez, je me réfère à la loi qui parle de traitement équitable pour l'ensemble des citoyens et je me vois mal, moi, comme parlementaire, me donner

une espèce de droit d'exception. C'est simplement la remarque que j'ai. Alors, vous comprendrez que j'ai certaines réserves.

Un autre élément de votre rapport. Vous dites de laisser au Conseil du trésor la gestion financière du gouvernement, c'est-à-dire les négociations de masses salariales. J'aimerais vous entendre sur la gestion du personnel. Pour tout ce qui touche à la gestion du personnel, est-ce que vous laisseriez ça au Conseil du trésor?

M. Messier: Je fais deux différences dans le rapport: la gestion administrative et la gestion financière qui devrait être laissée entièrement au Conseil du trésor, la négociation des masses salariales et tout ça. Où j'ouvre une porte, c'est qu'on a déjà eu un ministre responsable de tout l'aspect de la clientèle. Le député de La Prairie, qui est ici présent, a occupé cette fonction. Je fais une différence fondamentale entre la gestion financière et la gestion administrative. On a à travailler quotidiennement avec des clientèles. Le grand fonctionnement dépend, effectivement, des fonctionnaires. Il n'est pas vrai de dire qu'un fonctionnaire a droit de vie ou de mort, et je pense qu'il faut faire bien attention quand on traite quoditiennement avec des clientèles. Ces clientèles sont là parce que, effectivement, elles ont des besoins et je pense qu'il y a des différences qu'il faut faire. Donc, il y a la négociation des masses salariales qui peut être faite par le Conseil du trésor; la gestion administrative devrait revenir à un ministre axé 100 % sur la clientèle. Ça, à date, ce n'est pas fait.

Le Président (M. Lemieux): J'apprécie ce commentaire. Il reste deux minutes. M. le député de Limoilou, deux minutes.

M. Després: Merci, M. le Président. Vous parlez de la gestion financière et de la gestion administrative; j'aimerais revenir au niveau de l'imputabilité. De façon pratique, parce que vous parlez de trois types d'imputabilité, c'est-à-dire politique, administrative et financière, je pense que les élus doivent rendre compte, de toute façon, à tous les quatre ans et c'est là que la population peut juger. Mais au niveau de l'imputabilité des hauts fonctionnaires jusqu'aux fonctionnaires, de façon pragmatique, comment voyez-vous ça quand vous parlez de gestion financière?

M. Messier: Je ne vais pas au niveau des fonctionnaires, mais strictement au niveau des dirigeants d'organisme.

M. Després: Seulement les dirigeants d'organisme, les sous-ministres, les présidents d'organisme.

M. Messier: Le président de la CSST, les sous-ministres et sous-ministres adjoints, je ne descends pas plus que ça.

M. Després: Vous ne descendez pas plus loin que ça. O.K. J'aimerais que vous me disiez, pour l'avoir vécu vous-même, étant donné que vous avez été 10 ans dans la fonction publique, au niveau du perfectionnement et de la formation chez les fonctionnaires, s'il y en a ou s'il n'y en a pas. Y en a-t-il suffisamment?

M. Messier: II n'y en a pas suffisamment. D'ailleurs, le perfectionnement - là, je vais toujours parler d'un cas personnel - que j'ai acquis pendant que j'étais député n'a jamais été reconnu par les administrateurs de la CSST. Donc, à mon niveau, ça n'a rien donné d'aller acquérir de nouvelles connaissances. Ça n'a jamais été pris en considération. Je pense qu'il y a un manque, là, au niveau de la gestion, de reconnaître les habiletés ou les nouvelles connaissances qu'un fonctionnaire peut acquérir.

M. Després: Pourquoi, dans votre mémoire, faites-vous sauter ce qu'on appelle les promotions sans concours?

M. Messier: Je l'ai vécu personnellement.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que, pour vous, c'est une forme de patronage administratif? (11 h 30)

M. Messier: Oui et non. Moi, c'est mon cas personnel. Je suis allé chercher mon bac pendant que j'étais député; j'ai tout fait mes cours par les soirs. Quand j'ai eu mon bac, la seule chose que j'ai eue, c'est deux avancements accélérés d'échelon - pour ceux qui ont déjà été fonctionnaires - et c'est tout. Lorsque j'ai demandé un concours sans promotion, mon boss avait peur de moi et il n'a jamais voulu pousser le dossier auprès du dirigeant de l'organisme, de peur de perdre sa job. Il y a un maudit gros problème et tant et aussi longtemps que le fonctionnaire va dépendre... S'il n'y a pas un autre principe quelque part, je favorise l'abolition. Si un fonctionnaire ne peut pas aller en appel de la décision de son supérieur immédiat, il est fait, le gars.

Le Président (M. Lemieux): Promotion sans concours.

M. Messier: Promotion sans concours. La fiche de notation, je la fais sauter; c'est une aberration totale, la fiche de notation.

Le Président (M. Lemieux): Pourquoi dites-vous ça?

M. Messier: La fiche de notation ne va que sur les six mois de mémoire de son supérieur; on n'évalue pas le travail d'un fonctionnaire. C'est pour ça que j'émets un nouveau principe qu'on

devrait évaluer le travail d'un fonctionnaire, dans le sens que, chaque fois... La plupart, c'est tous des services à la clientèle. On devrait envoyer à la clientèle qui fait affaire avec le gouvernement une fiche d'évaluation en demandant: Êtes-vous satisfait, oui ou non, des services que vous avez reçus? Retour au Protecteur du citoyen, qui pourrait en faire une évaluation, à savoir: Oui, d'après moi, on a de bons fonctionnaires, mais il y en a aussi qui, malheureusement, ont certains problèmes de comportement. Ma grande peur... C'est qu'un fonctionnaire n'a pas droit de vie ou de mort.

Le Président (M. Lemieux): Ça va. Je vous remercie, M. le député de Saint-Hyacinthe. On a terminé. Alors, M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux féliciter, et on ne sera pas surpris que je le fasse, le député de Saint-Hyacinthe. Je pense qu'il a raison de souligner que c'a été une erreur d'abolir le Secrétariat aux relations avec les citoyens. Il a raison.

Le Président (M. Lemieux): Mais vous comprenez qu'on ne pouvait pas féliciter le député de Saint-Hyacinthe, on se serait fait taxer de chauvinisme.

M. Lazure: Voilà, c'est ça, c'est un pas. Non seulement le ministre qui était délégué à cette tâche entre 1982 et 1985 par l'ancien gouvernement était un bon ministre, il y avait aussi un secrétariat qui épaulait ce ministre: ils s'épaulaient l'un l'autre. Sérieusement, je pense que le député de Saint-Hyacinthe, au fond, rejoint plusieurs groupements qui depuis hier nous disent: C'est abusif, c'est malsain de concentrer toutes les responsabilités de la Loi sur la fonction publique sur le seul Conseil du trésor. Je pense qu'il y a un consensus qui se dessine très clairement et c'est heureux. Le député nous fait des suggestions fort intéressantes sur la qualité des services aux citoyens et sur la mise en place d'un comité de rédaction formé majoritairement de bénéficiaires. C'est une initiative qui avait été prise justement par le Secrétariat aux relations avec les citoyens; je me rappelle très bien avoir participé à des rencontres avec des bénéficiaires d'aide sociale qu'on consultait pour tester des formulaires qui allaient sortir et ça s'est fait avec des formulaires du revenu aussi.

Alors, vous avez raison, M. le député de Saint-Hyacinthe, quand vous dites... Une fois aboli par le nouveau gouvernement, le Secrétariat aux relations avec les citoyens, en janvier 1986... Je vous cite dans votre mémoire: "La responsabilité de ses dossiers - ceux qui étaient au Secrétariat - est retournée dans les ministères et organismes, où des comités internes de surveillance et de contrôle de la qualité des services ont été mis en place - et là vous continuez - En cinq ans de vie parlementaire, à travers toutes les commissions à l'intérieur desquelles j'ai oeuvré, je n'ai jamais entendu parler de comités de surveillance de la qualité des services à la population. Si cela existe, les responsables de ces comités sont fort discrets." Alors, je dis: Amen, je concours à votre diagnostic. J'ai l'impression que ces comités-là, peut-être que les gens étaient de bonne foi lorsqu'en 1986 ils ont dit: Ne vous inquiétez pas, chaque ministère et organisme va s'en occuper. Moi aussi j'en doute beaucoup, j'ai plutôt l'impression que c'a été mis sur une tablette et qu'on a passé à des choses soi-disant plus importantes que ça. J'ai la conviction qu'il faut prendre en très sérieuse considération les suggestions du député de Saint-Hyacinthe, non seulement sur les suggestions qu'il nous fait - et on pourrait parler des heures d'ouverture. Ce n'est pas vrai que ça coûterait plus cher à la population d'avoir des heures d'ouverture. Ce n'est pas vrai. Souvent, la fonction publique ou le gouvernement va lancer cette remarque-là pour faire peur au monde. Ce n'est pas vrai, parce que ça existe, des plages d'horaires mobiles. Ça existe des employés qui vont préférer travailler de 17 heures à 22 heures et qui vont préférer travailler seulement quatre jours par semaine à des horaires plus longs et avoir un troisième jour de congé. Enfin, il s'agit de mettre l'imagination au pouvoir et cette imagination, axée sur la qualité des services au citoyen, je vous soumets, M. le Président, que le Conseil du trésor ne l'a pas et ne l'aura jamais, à toutes fins pratiques. Il ne l'aura jamais, surtout aussi longtemps qu'il sera présidé par la personne qui est là dans le moment. Là, je suis partisan et j'en suis conscient.

Des voix:...

M. Lazure: C'est terrible. Je referme la parenthèse.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de La Prairie, il n'y a jamais eu de parenthèse.

M. Lazure: II n'y a pas eu de parenthèse. Mais je vous dis que ces initiatives qui seraient de nature à améliorer la qualité des services au citoyen, il faut qu'il y ait un ministre ou une ministre, dans l'ensemble des 30 ministres, qui en fasse son obsession. Et il faut qu'il y ait un organisme, un secrétariat qui soit l'outil pour faire le contrepoids, la contrepartie avec l'obsession financière qu'a le président du Conseil du trésor, et ça, à bon droit. M. le Président, je voudrais demander au député, en conclusion: Est-ce qu'il est disposé à plaider cette cause-là à l'intérieur de son caucus? Est-ce qu'il peut...

Le Président (M. Lemieux): M. le député

de...

M. Lazure: Oui.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Saint-Hyacinthe - parce que M. le député de Labelle voudrait poser une question aussi - alors, êtes-vous disposé à convaincre les membres de votre formation politique?

M. Messier: Je plaide toutes les causes justes et valables.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député de Labelle.

M. Léonard: Je voudrais relever un point qui n'a pas été relevé, suite au témoignage. Disons que je vais faire un commentaire, et vous pourrez épiloguer. Je ne suis pas convaincu que le cas du député qui a des problèmes à se recaser lorsqu'il revient à la fonction publique mérite une clause particulière parce que, à mon sens, ça devrait être examiné dans le cadre de la mobilité des fonctionnaires dans l'ensemble de la fonction publique. Et je pense que là on a peut-être une bonne discussion à avoir. Pour moi, il me semble que ça rentre dans le cas général et ça devrait entrer dans le cas général. Il y aura toujours des gens qui auront des problèmes avec leur supérieur, qu'ils soient des anciens députés ou qu'ils soient par ailleurs fonctionnaires.

Mais le point sur lequel je voudrais poser des questions, c'est que, quand vous dites que le personnel politique devrait être intégré à la fonction publique après, disons, trois ans de service, ça me pose un problème. Il y a déjà eu des discussions, dans le temps, là-dessus. Mais la question est la suivante: Est-ce qu'il y aura deux façons d'entrer dans la fonction publique ou bien s'il va y en avoir une qui est celle du concours et celle de la promotion générale? Je pense qu'avant d'ouvrir ces brèches-là... On sait ce que nous avons connu dans le passé, c'est que, par la voie des cabinets, finalement, il y avait plein de gens qui accédaient à la fonction publique. Est-ce qu'on veut rouvrir cela? Je comprends la contrepartie, cependant, c'est que le recrutement du personnel de cabinet est plus difficile lorsqu'il n'y a pas de permanence au bout. Mais l'autre, c'est la double voie d'entrée à la fonction publique, et avant de rouvrir ça... C'est ça, la question fondamentale: Est-ce qu'on ouvre une deuxième façon d'entrer dans la fonction publique? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Messier: Oui, merci, M. le Président. Il y a deux choses. Vous parlez des tests d'aptitudes. Je pense que c'est évident que dans la

Loi sur la fonction publique on reconnaît habituellement les gens par concours de recrutement, avec des critères bien spécifiques. La première chose, c'est la scolarité, après ça, au niveau des aptitudes ou l'expérience acquise. S'ils n'ont pas la scolarité, c'est l'expérience acquise au niveau des années. C'est évident qu'il peut y avoir un minimum de tests d'aptitudes, dans le sens que les attachés politiques qui travaillent sort dans les cabinets de ministres ou dans les cabinets de députés acquièrent une compétence relativement large. Je ne dis pas qu'il sont pointus dans un secteur bien précis, mais il y a une compétence relativement large. Et là, vous me posez un problème à savoir s'il devrait y avoir une double généralité d'entrée dans la fonction publique. La seule chose que je dis, moi, par rapport à ça, c'est qu'il y a une perte de compétences immense. Les attachés politiques qui travaillent dans les cabinets soit de ministres ou de députés acquièrent une compétence qui ne se retrouve pas dans la fonction publique actuelle, et on les perd. Moi, je suis à peu près sûr qu'il y a des attachés politiques qui ne vont pas travailler dans des cabinets, compte tenu qu'après une certaine période de temps ils sont plus ou moins capables de revenir soit dans le secteur privé ou ailleurs, il y a une perte de compétences, il y a une perte de matière grise qu'on pourrait récupérer facilement. Et je ne suis pas sûr, moi, que le travail d'un attaché politique est si politique que ça. Je pense qu'on se comprend entre députés. Il y a du travail qui se fait, mais ce n'est pas strictement du travail politique. Quand on travaille avec une clientèle... Je vois le député de Pointe-aux-Trembles. On va parler du comté de Saint-Hyacinthe. Moi, je reçois toutes les clientèles. Je ne sélectionne pas les libéraux des péquistes. Je réponds à tout le monde. Tout le monde a un travail équitable. Tout le monde y a réponse de la même façon, de la meilleure façon pour avoir accès à son dossier, pour avoir le meilleur service possible de la grande gestion administrative. Donc, il n'y a pas tellement de travail politique à un certain niveau de la gestion des dossiers.

Le Président (M. Lemieux): Allez-y, M. Léonard.

M. Léonard: S'il est bon pour accéder à la fonction publique...

M. Messier: Oui.

M. Léonard: ...il est aussi très bon pour occuper n'importe quel autre emploi dans le privé finalement.

M. Messier: Oui, oui. Mais regardez...

M. Léonard: II a acquis une compétence par lui-même. Mais je ne mets pas en cause leur

compétence. Ce n'est vraiment pas des procès personnels d'intention ou quoi que ce soit.

M. Messier: Oui, mais il joue sa carrière. Le fait qu'il s'en va dans un cabinet d'un ministre ou d'un député, il joue sa carrière. Il joue sa carrière. Le député se fait défaire, il est fait à l'os, le gars. Sauf que...

M. Léonard: Bien là...

M. Messier:... sauf qu'il y a possibilité pour lui... Il va avoir les mêmes compétences. Mais regardez la possibilité de recrutement dans la fonction publique actuelle. Le gars est pointé du doigt. Dans vos cabinets comme dans les cabinets de députés libéraux, il est pointé du doigt II est fait, le gars. Il y a possibilité de récupérer ces gens-là qui ont... qui acquièrent une grande compétence, peu importe d'où ils viennent.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de La Prairie, après je vais revenir à vous.

M. Lazure: Je voudrais, étant donné que nous sommes dans une atmosphère non partisane-Une voix: Oui.

M. Lazure:... je voudrais là aussi concourir avec le député de Saint-Hyacinthe. Je pense que le fait d'introduire une fois par quatre ans, 125 - parce qu'on parle d'attachés politiques de comté surtout, ou même si c'était deux fois, trois fois 125 - personnes dans la fonction publique, qui en compte déjà 50 000, 60 000, ça n'est pas vraiment une brèche importante et ça aurait le mérite d'introduire une sorte de fonctionnaires - les gens qui viennent des bureaux de comté - qui sont particulièrement axés sur le service aux citoyens. Et ça c'est une sorte de fonctionnaires qui est peut-être un peu trop rare dans plusieurs ministères actuellement.

Le Président (M. Lemieux): Je vois que M. le député de Labelle et de La Prairie ne s'entendent pas et probablement le député de Vanier aussi. Alors, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: M. le Président, je souscris un peu avec le député de Labelle. Je pense que si les gens des bureaux de comté sont compétents - et ils le sont, je pense bien - pourquoi avoir peur de passer un concours, de passer des examens? Moi, je ne doute aucunement de la compétence de ces gens-là. Us pourront quand même rentrer par la même porte que tout le monde, d'une part.

Deuxièmement je pense qu'il faut faire attention d'entrouvrir une porte trop partisane. Il ne faut pas se le cacher là. Le travail politi- que c'est du travail partisan également. Le député de Saint-Louis, tout à l'heure, disait, nous chuchotait, c'est peut-être un élément d'embauche. Il ne faut pas se le cacher, c'est vrai. C'est un élément d'embauche, le travail politique. il ne faut pas non plus rouvrir la porte et retourner aux années cinquante et aux années quarante au niveau de la fonction publique. Il faut aussi analyser l'impact que ça pourrait avoir sur l'ensemble de la fonction publique d'ouvrir une telle mesure comme ça lorsqu'on parle de relations du travail, lorsqu'on parle de climat dans la fonction publique. Il ne faudrait pas faire en sorte de faire une entrave qui aurait des conséquences néfastes sur l'ensemble de la fonction publique et, par conséquent, peut-être au niveau du travail aux citoyens.

Je pense qu'il faut être prudent en ouvrant cette porte-là pour venir à une fonction publique qui soit trop partisane. Certains intervenants, hier, l'ont mentionné et, à mon point de vue, c'est très personnel, j'ai des fortes réserves là-dessus, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. M. le député de La Prairie me soulignait - ça existe en France - mais il suffit de lire La comédie du pouvoir de Françoise Giroud pour comprendre que la France n'est peut-être pas un exemple.

M. Lazure: C'est le député de Mille-Îles qui voulait des exemples, d'ailleurs, tantôt sur le sujet...

Le Président (M. Lemieux): Nous allons suspendre. Je tiens à vous remercier, M. le député de Saint-Hyacinthe. Je veux que vous sachiez, M. le député de Saint-Hyacinthe, que votre mémoire a été effectivement lu et analysé de la part des membres de cette commission et apprécié. On a apprécié qu'un parlementaire vienne ici devant nous, et à la fois un exfonctionnaire.

Nous demandons maintenant à deux directeurs de personnel de bien vouloir prendre place, M. Riendeau et M. Dumais. Nous allons suspendre une minute.

(Suspension de la séance à 11 h 40)

(Reprise 11 h 46)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre! La. commission du budget et de l'administration reprend ses travaux. Après la discussion... Ça va? La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux pour entendre M. François Dumais et M. Jean-Denis Riendeau. À ma connaissance, il s'agit là de deux directeurs de personnel d'administration publique, de deux personnes qui connaissent bien ce que je pourrais

appeler, entre guillemets, la plomberie. L'une de mes premières questions... Ah! Pardon. Votre mémoire, le résumé de votre mémoire. J'ai tellement hâte de vous interroger que j'oubliais que vous aviez... C'est parce que j'ai lu votre mémoire. Alors, allez-y, M. Riendeau et M. Dumais.

MM. François Dumais et Jean-Denis Riendeau

M. Riendeau (Jean-Denis): Si vous le permettez, M. le Président, Mmes et MM. de la commission, j'aimerais prendre quelques minutes pour présenter le mémoire et vous dire, au tout départ, que ce mémoire-là a été présenté, comme vous avez dit tantôt, par deux professionnels à la gestion des ressources humaines qui ont une quinzaine d'années d'expérience dans la fonction publique.

Le mémoire contient des observations et des commentaires qui n'engagent que ces deux personnes-là, évidemment; vous aurez, je pense, compris ça.

Le Président (M. Lemieux): Pour le Journal des débats, voulez-vous vous identifier, pour l'enregistrement?

M. Riendeau: Jean-Denis Riendeau, directeur des ressources humaines à l'Office du crédit agricole.

Le Président (M. Lemieux): Et monsieur? Une voix: François Dumais.

Le Président (M. Lemieux): François Dumais. Ça va.

M. Riendeau: Le mémoire ne contient pas de statistiques ou de théories élaborées pour illustrer les messages qu'il contient. Il contient des observations qui sont basées sur l'expérience vécue, accompagnées de quelques exemples.

Notre mémoire contient trois messages. Le premier, c'est que, à notre point de vue, il existe un paradoxe dans la loi. Je m'explique. L'article 3 de la loi, qui décrit un mode d'organisation pour appuyer la mission de la fonction publique qui est de fournir au public des services de qualité, est appuyé par cinq valeurs. Pour celles et ceux qui sont familiers avec le contenu de cet article-là, il y a deux valeurs qui font référence à l'efficience de la fonction publique, c'est-à-dire deux valeurs de gestion; l'une qui fait référence à l'efficience dans la fonction publique et, l'autre, qui fait référence à la décentralisation des pouvoirs. Il y a également trois valeurs politiques: l'égalité d'accès, l'égalité des chances en emploi et la transparence. À notre avis, les valeurs de gestion et les valeurs politiques sont, a priori, incompatibles.

Le deuxième message que contient le document, c'est qu'il n'y a pas eu d'atterrissage de la loi...

Le Président (M. Lemieux): Voulez-vous répéter, s'il vous plaît?

M. Riendeau: Le deuxième message... Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Riendeau: Le premier, c'était que, à notre avis, il y a un paradoxe dans la loi. Je vais rapprocher le micro. Il est vissé là.

Des voix: Ha, ha, hal

M. Riendeau: Le premier message, c'est qu'il existe un paradoxe dans la loi, je l'ai expliqué. Le deuxième message: On dit que, à notre avis, il n'y a pas eu d'atterrissage de la loi dans le sens que les mouvements qu'elle suggérait n'ont pas été réalisés. Je fais ici référence à la déréglementation, à la décentralisation des pouvoirs. On ne pense pas qu'il y ait eu de délégation significative des décisions à la base. Il n'y a pas eu de style de gestion efficace de proposé ou de valorisé. Le vocabulaire concernant la gestion décroissante semble avoir disparu.

Le troisième message, on ne retrouve pas de fil conducteur, je m'explique. On n'a pas perçu de toile de fond ou le leadership nécessaire pour une mise en oeuvre satisfaisante de la loi. Je fais ici référence à la cohérence dans les décisions et les actions, à la gestion à la pièce ou par crise. On ne retrouve pas d'indicateur pour nous confirmer ou nous informer que l'on se préoccupe constamment des valeurs véhiculées par la loi. Je fais référence ici évidemment à l'efficience, le pouvoir vers la base, un mécanisme de reddition de comptes, etc. La résultante pour nous de ces trois messages-là c'est qu'il nous apparaît que la fonction publique n'est pas aussi efficace que nous serions en droit de nous y attendre. Elle est grasse et dispendieuse et le coût de nos services est relativement élevé. Alors, je laisse la parole à mon confrère pour terminer la présentation.

Le Président (M. Lemieux): M. Dumais. Alors, vous vous approchez du micro pour qu'on entende bien vos commentaires, s'il vous plaît.

M. Dumais (François): Oui, en fait c'est un certain nombre de commentaires que je vais tenter de livrer. D'abord, je pense que c'est important de préciser qu'il n'est pas de notre intention de faire le procès d'un intervenant quelconque en matière de gestion de personnel, mais plutôt faire part d'un certain nombre de constats vécus à l'intérieur de la fonction publique à la fois comme gestionnaire et à la fois comme directeur de personnel aussi. Je crois

personnellement que cette commission devrait permettre à tous les intervenants de faire un examen de conscience quant à leur rôle à l'intérieur du processus gestion de personnel. Quand Je parle des intervenants, je parle aussi bien du législateur, des dirigeants d'organismes, des sous-ministres, des cadres, en fait de tous ceux qui sont impliqués de près ou de loin à l'intérieur du processus de gestion de ressources humaines.

Il serait faux de prétendre que, si tout va mal dans la fonction publique, c'est la faute du Con8el du trésor ou encore des organismes centraux. Je pense que chacun des Intervenants a une responsabilité importante dans ce processus-là et dans l'évolution aussi du processus. Il m'apparaît clair que notre fonction publique doit rapidement s'ajuster en fonction des nouvelles réalités économiques, sociales et culturelles et pour cela nous allons devoir faire des choix tant comme société que comme fonction publique aussi. Pour faire de la décroissance, entre autres, l'élément moteur de la gestion, une gestion plus dynamique, plus imaginative et vendre le goût du risque à nos gestionnaires... Il ne faut pas se le cacher, lorsqu'on parle de gestion de la décroissance, ça fait appel à des notions qui sont assez différentes de celles qu'on a véhiculées dans le passé, à savoir que ça demande plus d'imagination. Il faut trouver des solutions nouvelles, des avenues différentes, qu'on n'a pas explorées dans le passé. Et, là-dessus, je pense qu'on a passablement de travail à faire. Accroître aussi la part des budgets qui sont consentis à la formation du personnel. Il ne faut pas se le cacher, au moment où on a mis en application la nouvelle loi, et c'était pratiquement au même moment où on a vécu la décroissance dans la fonction publique, on n'a pas nécessairement fait une préparation au niveau de nos gestionnaires, on n'a pas tellement investi dans nos ressources et on leur a demandé tout d'un coup de mettre la machine sur le reculons et de conduire à reculons 60 milles à l'heure. Ça ne demande pas tout à fait les mêmes habiletés que celles qu'on avait exigées de ces gestionnaires dans le passé, où vraiment le contenu et la technique étaient les éléments déterminants dans le choix de nos gestionnaires.

Quand on dit avoir une part plus importante au niveau du budget, c'est surtout pour investir dans la formation de la gérance. Je pense que c'est par là que ça devrait commencer. Faire des valeurs véhiculées par la loi les postulats de base de nos programmes de formation. On lance une loi, on parie de valeurs intéressantes ou d'objectifs qui sont très louables. On nous en parle une fois et il n'y a pas beaucoup de monde après qui revient constamment sur ces éléments de base parce que c'est ceux-là qui devraient nous donner des orientations tout au long que va durer cette loi-là. Il y avait cinq objectifs; bien, on devrait planter cinq clous et frapper dessus à tous les jours. Ça devrait faire partie de notre culture. On dit dans notre mémoire qu'il ne faudrait pas rêver et penser qu'il devrait y avoir une culture fonction publique, mais davantage des cultures propres à certaines organisations, mais, à ce niveau-là, je pense que tout le monde peut se retrouver un petit peu et que tout le monde peut se rejoindre, à condition, bien entendu, que nos programmes de formation soient axés en fonction de ces objectrfs-là.

Il y a aussi toute la question de valorisation de notre fonction publique. Je pense qu'à ce niveau-là on a trop souvent tendance à comparer la fonction publique à l'entreprise privée. C'est bien de valeur, ce n'est pas la même chose et on n'a pas non plus à jouer avec les mêmes éléments. Les vocations sont différentes et les contraintes ne sont pas les mêmes parce qu'une fonction publique, je le pense en tout cas, a une vocation sociale importante et, à ce niveau-là, c'est très difficile de faire des comparaisons entre les performances du privé et les performances du public. C'est évident que nous aussi, on poursuit des buts qui peuvent être communs au niveau de l'excellence et au niveau des services au citoyen ou à la clientèle.

Au niveau de nos modes d'évaluation, je pense que, si on était capable, au moins, si chaque dirigeant d'organisme était capable de ne donner qu'une seule attente à ses gestionnaires, soit de bien gérer ses ressources humaines, si au moins celle-là apparaissait la plupart du temps, mais, plus souvent qu'autrement, elle n'apparaît pas de façon claire et précise à l'intérieur des attentes qui sont signifiées à nos gestionnaires... Pour la question des redditions de comptes, c'est la même chose aussi. Si on fixe des objectifs face à l'atteinte ou à la non-atteinte de ces objectifs, il devrait y avoir une différence dans le traitement de ces cadres-là ou de notre personnel. Bien souvent, la révision de traitement se fait à tour de rôle. Cette année, c'est à ton tour d'avoir un B, l'année prochaine, ça va être au tour d'un autre et ce n'est pas des éléments qui favorisent pleinement la motivation. Le gestionnaire qui a été dynamique, qui a amené des solutions nouvelles et qui a voulu vivre la décroissance risque de manger une taloche à la fin de l'année ou, si ses confrères n'embarquent pas et qu'ils le regardent aller parce que là tout le monde n'est pas convaincu que c'est un exercice qu'on doit faire, ça amène de sérieux problèmes à la longue aussi.

On devrait s'attaquer à la gestion des hommes dans l'avenir plutôt qu'à la gestion de la technique. La plupart des gens fonctionnent toujours en relation avec les organismes qui vont venir les inspecter ou enquêter chez eux. On a toujours cette espèce de syndrome qui existe à l'intérieur de plusieurs directions; plutôt que de travailler à la fois pour le citoyen, à la fois pour donner un meilleur service, on travaille à bien compléter ses formules, à remplir toutes

celles que ça prend et à les cheminer dans les délais prescrits plutôt que de "focusser" davanta-ger sur la ressource.

Au niveau de la gérance, c'est la même chose. Je pense que ça va être important de tirer une ligne, une fois pour toutes,, entre ce qui doit être négocié et ce qui ne doit pas l'être, parce qu'il ne faut pas se le cacher, depuis quelques années, il y a une augmentation du volume de nos conventions collectives et ça réduit - pour ne pas dire alourdit - considérablement la gestion quotidienne de certaines activités de notre personnel en particulier. Revoir aussi les notions d'accessibilité; est-ce que l'accessibilité dans la fonction publique, c'est quelque chose? Est-ce qu'on veut vivre avec de la transparence ou avec des apparences? Je pense qu'il y a une question qui est fondamentale à ce niveau-là. Est-ce qu'on doit tenir des concours à volume, qui attirent parfois des quantités astronomiques de candidats, pour combler deux ou trois postes? Il y a un coût social derrière ça et ce n'est pas de l'efficacité. Je pense que, là-dessus, il va falloir vraiment se poser un certain nombre de questions. (12 heures)

II y a aussi toute la question de la mise en disponibilité de notre personnel dans la fonction publique. Comment peut-on comprendre que, dans une machine ayant 50 000 ou 60 000 personnes, on puisse gérer des banques de disponibilité de parfois 15 ou 20 et qu'on ne soit pas capable de trouver des solutions permanentes ou des solutions d'affectation à ce personnel-là? Je dis souvent que, s'il y avait une volonté quelque part, avant de déjeuner le matin, c'est un exercice qu'on peut faire, même avant de prendre son café dans une grosse organisation comme celle-là. Mais je pense que les différents intervenants ne veulent pas s'impliquer à l'intérieur du processus et ça ce n'est pas juste les organismes centraux. Je pense que, là-dessus, les gestionnaires, les directeurs de personnel, les sous-ministres ont un travail important à faire. Quand on sait que nos directions de personnel, en 1990, avec l'emphase et l'ampleur qu'a pris le volet gestion des ressources humaines ces dernières années... C'est que la plupart des directions de gestion des ressources humaines sont encore sous l'emprise d'un directeur général d'administration ou d'un sous-ministre adjoint à l'administration.

Moi, dans ma tête à moi, à l'heure où on doit mettre autant d'efforts, autant d'emphase et autant d'importance à cette ressource-là, il faut que le premier intervenant soit branché directement. Il faut qu'il arrête de faire passer ses messages par quelqu'un d'autre parce qu'on a toute raison de croire que ça ne se rend pas si on en juge par la situation actuelle.

Le Président (M. Lemieux):... plusieurs points, M. Dumais. On trouve ça très intéressant parce qu'on aimerait bien aussi vous poser des questions. Allez-y, mais on va extensionner un petit peu le délai, on va décaler un peu. Si vous le permettez, là.

M. Dumais: O. K. C'est évident aussi que, quand on parle du trop-plein de procédures, de règles, de règlements, etc., il faut bien comprendre aussi qu'il y a bon nombre de gestionnaires, soit en gestion de personnel ou autre, qui, s'ils n'appellent pas trois fois, quatre fois, cinq fois par semaine au Conseil du trésor, ne sont pas bien. Je pense qu'il y a des malaises aussi, ailleurs que dans certains organismes. Et bien souvent on va demander l'assistance. Ce n'est pas clair, la directive. Ce n'est pas clair, l'énoncé qu'on vient de fournir, et on voudrait des précisions et on voudrait que ça aille plus loin. Et ça finit qu'on a une procédure additionnelle.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez terminé?

M. Dumais: Juste... Vous savez que, si l'objectif qu'on poursuit c'est d'arriver à donner un meilleur service à la population, il faut comprendre que ce service à la population doit d'abord et avant tout passer par une gestion saine de nos ressources. À partir du moment où on va être capable de faire une utilisation rationnelle contrôlée de nos ressources, il n'y a pas d'erreur, le service à la population va être sûrement augmenté pour autant. Toutes les organisations qui performent aujourd'hui et qui vivent l'excellence et qui donnent un service plus à leur population, c'est d'abord et avant tout de passer par la gestion de leur personnel. Et ça je pense que c'est un élément qui est fondamental et déterminant aussi dans le succès de notre fonction publique des années quatre-vingt-dix ou des années 2000.

Le Président (M. Lemieux): Alors, je dois vous dire, M. Dumais, qu'on apprécie grandement vos commentaires. Je vais laisser la parole au député de Limoilou pour cinq minutes. Alors, on va extensionner un peu notre temps et je vais prendre la parole cinq minutes, pour passer la parole à l'Opposition. M. le député de Limoilou.

M. Després: M. Dumais, M. Riendeau, je voudrais vous féliciter de venir participer à cette commission parlementaire. Comme le mentionnait le président de la commission, j'aimerais moi aussi souligner, M. le Président, qu'il est décevant de voir que, lorsqu'on a la présence ici ce matin de directeurs du personnel, on accorde peut-être seulement 30 minutes, M. le Président, alors qu'on a vu des intérêts de corporations qui sont venues défendre des intérêts corporatifs et un point... Alors qu'on a la chance d'interroger et d'entendre le point de vue de directeurs

du personnel...

Je tenais à vous féliciter de votre présence Ici ce matin. Je vais aller assez vite peut-être parce qu'on ne pourra sûrement pas aborder tous les points. Tout d'abord, à la page 8, vous dites: il - et quand c'est "II" vous parlez du Conseil du trésor - maintient en vie un système de classification des emplois hypertrophié et dépassé. " C'est quoi que vous proposez comme système de classification? Comment vous voyez ça? Pourquoi vous dites ça? Vous pensez à quoi? C'est quoi qu'on devrait faire?

Une voix: J'aime autant dire ce qu'on pense...

Le Président (M. Lemieux): Non, mais je pense que vous avez suffisamment une connaissance des ressources humaines et de l'expertise de la fonction publique pour... On n'aimerait pas qu'il y ait des demi-mesures, dites-nous réellement ce que vous pensez. C'est ça qu'on veut entendre.

M. Riendeau: En réalité, c'est que je ne suis pas sûr que, la façon dont c'est écrit là, c'est évident, ce qu'on pensait. Je vais expliciter. C'est le phénomène des corps d'emploi du niveau professionnel, qui regroupe quand même une partie significative des employés de la fonction publique et qui est dans deux ou trois strates au niveau salarial, et il y a eu une espèce de décloisonnement de ces corps d'emploi (à. Il y a eu une tendance assez forte des professionnels à s'orienter vers les classifications, les corps d'emploi les mieux payés.

On parle ici entre 42 000 $ et 50 000 $. Excusez. Les corps d'emploi de base, comme attachés d'administration, biologistes, etc., essaient de se récupérer au niveau agents de recherche ou autres, qui sont des corps d'emploi plus hauts, et c'est un peu dans ce sens-là qu'on se disait qu'avec le décloisonnement la classification actuelle n'était peut-être plus de mise.

M. Després: Donc, vous pariez de réduire le nombre de classes. Vous ne pariez pas nécessairement d'abolir des postes ou des catégories d'emplois.

M. Riendeau: Eh bien, c'est-à-dire que si je reste toujours au niveau de la classification des professionnels, si on regarde la définition d'un agent de recherche, en fait, tous les professionnels font de la recherche. À la limite, c'est assez difficile de faire des retranchements.

M. Després: Une autre question assez directe. Quand vous parlez de l'Office des ressources humaines, vous laissez entrevoir des choses de façon très directe. Est-ce que vous recommandez l'abolition de l'Office des ressources humaines? On fait quoi avec l'Office des ressources humaines?

M. Dumais: Je vais vous répondre là-dessus. Moi, je crois que, parmi les organismes centraux qu'on connaît, l'Office des ressources humaines, dans ma tête à moi, a livré la marchandise dans le sens que la formation qu'elle avait à donner aux ministères et organismes, il l'a donnée. Je pense qu'avec les efforts qui ont été investis de la part de cette organisation, ces quatre ou cinq dernières années, H n'y a pas un ministère, actuellement, qui n'est pas équipé pour être capable de faire adéquatement a la fois sa promotion et son recrutement. Chaque ministère peut maîtriser, je pense, l'ensemble des volets personnel. Quand on parle d'abolition, c'est évident qu'il y a encore un certain nombre de dossiers qui sont centralisés dans cette organisation. Je pense que tout le système relié à la paie pourrait très bien se retrouver ailleurs, toute la question du regroupement des achats pourrait se retrouver ailleurs. Je pense qu'à ce niveau le travail est fait. Que voulez-vous? l'Office a livré le produit qu'il avait à livrer à ce niveau.

M. Després: À partir du moment où il a livré le produit, on fait quoi avec l'Office comme tel?

M. Dumais: O. K.

M. Després: On répartit les pouvoirs à d'autres?

M. Dumais: Là, je pense qu'il y aura sûrement... Déjà, une bonne partie de ces pouvoirs sont délégués à l'intérieur des directions de personnel. Là, je pense que ce sera au tour des directions de personnel d'en déléguer une forte majorité à l'intérieur de chacune des unités administratives si on veut vraiment ramener la gestion au niveau où ça se passe.

M. Després: Maintenant, parions directement de la formation et du perfectionnement. Vous pariez de deux directions du personnel, dans deux organismes différents. Quant à la formation, êtes-vous capables de me donner le nombre d'heures de formation ou de perfectionnement, par employé, que peuvent suivre les gens dans l'organisme où vous êtes? Y en a-t-il ou n'y en a-t-il pas?

M. Dumais: Comme le disait tout à l'heure Jean-Denis, on n'a pas tellement...

M. Després: S'il y en a, elle s'adresse à qui? Aux fonctionnaires?

M. Dumais:... de statistiques là-dessus. C'est évident qu'il y en a un peu et un peu, je ne-peux pas vous quantifier ça. Il y en a un peu, mais ce n'est quand même pas la facette la plus-

importante, tandis que, moi, je crois, actuellement, qu'on est rendus là. Les directions de personnel ont vécu des heures de gloire avec la dotation, avec les relations du travail. C'est fini ce temps-là parce que, dans le fond, on recrute moins et on fait moins de promotion. Là, on est avec une ressource qui a veilli à l'intérieur. Qu'est-ce qu'on fait avec? Je pense que la relève va venir des sections développement et formation et c'est par là que ça va passer. Hier, il y avait un conférencier, responsable de la formation chez Prévost Car, et, pour 800 employés, elle a investi 1 000 000 $. Il faut dire aussi que ça représente, pour son personnel d'encadrement, l'équivalent de trois semaines par année. Je pense que c'est peut-être un mal qui est nécessaire, temporairement, pour arriver, justement, à recycler et à relancer une bonne partie de notre fonction publique ou du moins de son personnel d'encadrement.

M. Després: J'aimerais que vous me disiez si Formacadres joue son rôle comme tel? Est-ce que ça atteint ses objectifs?

M. Riendeau: Formacadres, c'est un programme qui sert pour la relève de gestion. C'est un programme qui vise à préparer des professionnels à assumer des tâches de gestion et non pas à les former sur le tas, comme on le volt dans la plupart des situations. C'est un programme qui, à mon avis, a absolument sa raison d'être, mais, à mon point de vue, ce n'est pas l'unique instrument pour arriver aux mêmes fins, c'est-à-dire préparer la relève. Par exemple, les organisations suffisamment conscientisées à la relève des cadres peuvent se faire des programmes maison de relève de cadres. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Després: O.K. Juste une dernière petite question.

M. Farrah: Pour votre information, trois jours et trois quarts de perfectionnement par année par employé de la fonction publique, en moyenne.

Le Président (M. Lemieux): Alors, on vous remercie, monsieur.

Une voix: C'est un consultant.

Le Président (M. Lemieux): Ah! C'est notre consultant. Ça va, on vous remercie, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Est-ce que vous avez terminé, monsieur? Moi, j'aurais tout simplement une observation, soit de souligner votre courage de venir vous exprimer ici. Mais je me demande, et je ne sais pas si vous le savez: Comment expliquez-vous que le CCGP n'a pas cru opportun de présenter un mémoire, lui qui représente l'ensemble des directeurs? Le Comité consultatif de la gestion du personnel, c'est bien ça, lui qui représente l'ensemble des directeurs de la gestion du personnel. Ça vous fait sourire, M. Dumais. Moi, je connais bien ce que veut dire votre sourire. Vous n'avez pas de réponse?

M. Riendeau: On est venus ici pour présenter notre mémoire. Les autres on ne sait pas où ils en sont, ce n'est pas mon problème.

Le Président (M. Lemieux): O.K. ça va.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): J'ai compris. J'aurais peut-être une question à poser et ça va dans le sens de la déclaration que j'ai faite. Vous dites: Au point de départ, le Conseil du trésor a émis quelques directives qui laissaient une grande marge de manoeuvre en soi aux gestionnaires, mais ceux-ci ont paniqué, ont demandé d'être aiguillés plus clairement. Ce que j'ai aimé tout à l'heure, c'est que vous nous avez dit: On aurait peut-être dû faire des changements de mentalité et former le monde". Si je comprends bien, c'est qu'en soi vous considérez qu'on a une bonne Loi sur la fonction publique. C'est un changement de mentalité, d'attitudes et de comportements qu'il doit y avoir.

M. Dumais: En bonne partie, je dirais oui.

Le Président (M. Lemieux): Mon autre question est: Est-ce que le problème provient du fait que le législateur a inscrit le principe d'imputabilité dans la loi sans le définir concrètement et sans prévoir des mécanismes propres à assurer son intégration dans le processus de gestion des ressources humaines? Je vais ajouter ceci que j'avais noté à ma question: La nature humaine étant ce qu'elle est, les intervenants en gestion des ressources humaines ont pratiquement Ignoré l'objectif fondamental de la loi - c'est ce que l'ensemble des mémoires semble nous dire - pourtant, il ne faut pas se le cacher, c'est ce principe-là qui est à la base de tous les autres. Est-ce qu'en définissant concrètement ce que signifie cet objectif d'imputabilité dans la loi on aurait plus de chances d'en arriver à une gestion plus efficiente et plus efficace?

M. Riendeau: Si vous me le permettez, je dirai que ce serait peut-être un avantage, mais ce ne serait pas une garantie de succès.

Le Président (M. Lemieux): Ce ne serait pas une garantie de succès?

M. Riendeau: Non. C'est d'abord une question de courage et de ténacité, je pense. Avant l'exercice de sémantique, c'était... En 1984,

j'ai été témoin et participant à des exercices, à des vocabulaires très Intéressants. Les valeurs, je pense que tout le monde les connaît. Maintenant, il s'agit de vouloir les appliquer.

Le Président (M. Lemieux): O. K. Le Conseil du trésor versus sa responsabilité financière et celle des ressources humaines, qu'en pensez-vous? Est-ce que ça devrait être dissocié, M. Durnais?

Mi Dumais: C'est une très bonne question.

Le Président (M. Lemieux): Oui, c'est pour ça que je vous la pose, à vous.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dumais: Personnellement, je crois que ces deux éléments-là ne devraient pas cohabiter ensemble, étant donné l'Importance qu'on devrait attacher à la ressource et, spécialement, à la ressource humaine et au devenir de notre fonction publique, parce que tout va passer par là. Je pense qu'il ne faut pas que ça devienne une question de sous à un moment donné. Je pense que c'est important aussi qu'on puisse vivre à la fois un équilibre à ce niveau-là, mais, personnellement, je crois que ça devrait être dissocié.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Moi aussi je veux féliciter nos deux hauts fonctionnaires qui non seulement ont eu le courage, mais aussi la lucidité de nous faire d'excellentes suggestions et de nous présenter une bonne analyse.

J'enchaîne tout de suite avec votre réponse, M. Dumais, et vous rejoignez l'ensemble des groupes qui préconisent justement une modification, non pas à la loi, parce qu'elle prévoit que le gouvernement peut désigner des ministres pour la responsabilité de l'ensemble de la loi, mais l'ensemble des groupes qui préconisent qu'il y ait plus d'un ministre responsable de l'application de la loi.

Je pense que l'imputabillté c'est un peu comme les services aux citoyens: aussi longtemps que l'organisme responsable de l'application de la loi, le Conseil du trésor, sera le seul responsable, ces deux volets d'imputabilité et de services aux citoyens seront négligés par rapport à l'équilibre financier et par rapport au contrôle financier. Je pense comme vous qu'il y a dans les ministères et organismes tout ce qu'il faut, au plan des ressources humaines, pour qu'on puisse implanter un système d'imputabilité. Il y manque une volonté politique, dans le sens large du terme, qui implanterait au niveau gouvernemental cette mentalité où l'imputabillté deviendrait valorisée. Ce qui est valorisé actuellement, c'est le contrôle financier. C'est ça qui est valorisé, le reste n'est pas valorisé. Vous le dites à la page 7 de votre mémoire: "Dans plusieurs organisations, la direction des ressources humaines est supplantée par la direction générale d'administration. "

Ma question est la suivante: Vous dites: "Les gestes nécessaires pour placer la gestion des ressources humaines sur le même pied que la gestion administrative n'ont pas été posés. " Quel serait le genre de gestes qui pourraient être posés pour revaloriser la gestion des ressources humaines? (12 h 15)

M. Dumais: Je pense que, en fait, ça pourrait venir de la base. Je crois que ça demanderait peut-être un peu plus d'agressivité de la part de ceux qui ont comme principale tâche, justement, la gestion des ressources humaines. Je pense que c'est un petit peu leur mission de faire valoir auprès de leurs dirigeants d'organisme ou auprès de leurs sous-ministres l'importance qu'on devrait attacher, dans l'avenir, à cet élément-là, de façon que l'exercice revue de programmes, au niveau de l'augmentation ou la diminution des effectifs, soit une activité aussi importante que celle de l'équation comptable, au niveau des autres activités.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle, oui. M. le député de Labelle.

M. Léonard: Très rapidement. Je vous remercie, je vous félicite pour votre mémoire. Vous avez dit, en partant, que les valeurs de gestion et les valeurs politiques étaient incompatibles, a priori. Je trouve que c'est une grosse affirmation, en tout cas assez raide. Je comprends que vous voulez nuancer, mais j'aimerais ça que vous l'éclaircissiez un peu parce que, à mon sens, de toute façon, vous allez vivre avec les deux ordres. Alors, la question, c'est: Comment allez-vous vous débrouiller avec les deux?

L'autre chose, c'est la question de la formation à l'intérieur. Vous dites: L'Office des ressources humaines a rempli son mandat. Mais, en ce qui concerne le perfectionnement, if me semble qu'on a un sérieux virage à prendre, à la fonction publique. Et je ne suis pas sûr qu'on a investi les sommes qu'on devrait investir dans la fonction publique, dans ce domaine. J'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez.

M. Riendeau: Si vous permettez, je vais répondre à votre première question concernant le paradoxe. On l'a souligné parce que, lorsqu'on pose des actions, sur le plan de la gestion, et que les deux premières valeurs qui sont dans la loi, parmi les cinq, on parle de l'efficience et de la décentralisation des pouvoirs, et qu'on voit, par exemple, la gestion des fichiers d'occasionnels... Au départ, c'était, je pense, pour ac-

croître la transparence et la facilité d'accès à la population aux emplois occasionnels. On se rend compte que la gestion de ces fichiers-là est relativement onéreuse. Et, lorsqu'on raisonne l'administration de ça, on se pose des questions. Dans le document, il y en a une qui est mentionnée. On supporte 7000 noms, 7000 offres de service, 7000 personnes qui se sont déplacées pour mailer, pour envoyer des choses, alors qu'on engage... Nous autres, personnellement, chez nous, on fait 100 contrats par année, mais, en réalité, il y a 15 nouvelles personnes. Parce qu'il faut dire que les syndicats ont négocié des listes de rappel et, pour la majorité des occasionnels en place, ce sont des contrats à répétition. D'ailleurs, on le voit, je pense, le transfert de postes occasionnels en réguliers en est une illustration. Donc, ici, on se trouve devant un paradoxe, c'est-à-dire: Nous autres, en tant qu'administrateurs ou gestionnaires de l'État, est-ce qu'on gère avec efficience ou bien si on gère la transparence? C'est un paradoxe. On pourrait peut-être gérer les deux, mais je pense que le politique et l'administratif auraient intérêt à se concilier et trouver des solutions un peu plus imaginatives que celles qu'on a actuellement.

M. Dumais: Juste un commentaire. Remarquez bien que, moi, je peux vivre très bien avec les objectifs politiques et les objectifs administratifs. Et je pense, en bon démocrate, que c'est nécessaire. Je ne remettrai jamais en cause ces éléments-là. Par contre, il est vrai quand même que, quand on parle d'efficience et quand on parle aussi de... En fait, ce qu'on voulait dire tout à l'heure, c'est que ça coûtait cher. Mais d'obliger un citoyen a se déplacer dans 30 organisations ou d'envoyer son offre de service dans 30 et 40, là, on ne parle plus de service aux citoyens, là on les emmerde en maudit. Et je pense que, dans ce sens-là, ce n'est pas tout à fait ce qu'on visait là. Et c'est peut-être dans ce sens-là qu'on vit à l'occasion certains paradoxes. Non pas que les objectifs politiques m'indisposent, absolument pas, on est capable de vivre avec ça facilement. Mais, comme je le disais tout à l'heure, ça va être important, par exemple, qu'on en fasse nos valeurs fondamentales et que, annuellement, il y ait un exercice qui se fasse à ce niveau-là ou que ça fasse partie de nos plans de formation dans chacune de nos organisations pour que ces messages-là puissent se véhiculer plus qu'une fois au cours de la révision d'une loi ou au cours du dépôt d'une loi.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie. M. le député de Bertrand, écoutez, on va extensionner, on va vous permettre une dernière question. Je m'excuse, M. le député des Îles-de-la-Madeleine, il est...

M. Farrah: Ça va.

Le Président (M. Lemieux): Ça va. O.K. allez-y.

M. Beaulne: Moi aussi je tiens à vous féliciter parce que, finalement, vous venez de placer tout cet exercice-ci dans un contexte particulier. Il y a une phrase que vous avez dite qui est très importante, c'est qu'il faut cesser de comparer la fonction publique à l'entreprise privée. Pour avoir vécu dans les deux milieux, je sais pertinemment que ceux qui s'imaginent que de copier l'entreprise privée c'est une panacée se trompent royalement. Parce que vous avez probablement eu vent d'une étude qui a été publicisée cet été par une importante maison de chercheurs de têtes du Québec qui indiquait le mécontentement qui existait chez les cadres intermédiaires et les cadres supérieurs des entreprises privées au Québec et la pénurie de mobilité chez ces gens-là. On retrouve un peu le même phénomène ici. Et lorsqu'on est en train d'établir les objectifs qui devraient présider à la refonte de la Loi sur la fonction publique, s'il le faut, on oublie trop souvent de préciser quels sont ces objectifs-là et on mêle les cartes. Et c'est ce que je trouve intéressant dans ce que vous avez dit: Établissons nos propres objectifs pour la fonction publique parce que l'État ce n'est pas une entreprise parmi d'autres. Et vous avez mentionné certains paradoxes et je pense que ces paradoxes-là, ils existent et ils existent pour une raison bien particulière, c'est que l'État a, à la fois, une mission d'efficacité. C'est un élément... C'est une créature politique, donc, c'est une créature qui ne peut pas fonctionner uniquement en termes d'expédients et en termes de calcul de rentabilité comme le fait l'entreprise privée.

Ma question est la suivante: Dans votre processus d'amélioration du système, vous êtes d'accord qu'on partage les responsabilités présentement détenues uniquement par le Conseil du trésor. Est-ce que vous êtes également d'accord ou pensez-vous que ça serait une bonne chose que la commission du budget et de l'administration ou toute autre commission se prévaille de ses responsabilités annuellement pour examiner le fonctionnement de la fonction publique comme on le fait pour les crédits et les engagements des ministères?

M. Dumais: Moi, je pense que oui. Ça ne serait sûrement pas une mauvaise initiative. Ça dépend toujours de quelle façon cette activité-là, bien entendu, serait encadrée. En autant que ça ne devienne pas une critique pour de la critique ou que ça ne devienne pas un débat purement politique, moi, je pense qu'il n'y a pas de problème. Si tout le monde travaille à vouloir améliorer toute l'organisation et vise le même objectif, celui de donner à fa population un meilleur service, moi, je pense que c'est une initiative qui serait très louable.

Juste pour répondre tout à l'heure à M. Lazure, quand vous avez posé la question à savoir... ou M. Léonard, peut-être, par rapport au développement. Vous étiez Inquiet à savoir: Est-ce qu'il y avait suffisamment d'argent? Je crois qu'à ce niveau-là H y a une responsabilité ministérielle qui est importante. Et on peut citer à titre d'exemple quelques ministères qui ont fait quand même des progrès énormes. C'est parce que la plupart du temps c'est le ministre qui a décidé: Oui, on va de l'avant avec telle, telle, telle chose. Et ça donne des résultats. Je crois que les ministères, à ce niveau-là, ont les marges de manoeuvre qu'il faut pour assumer cette responsabilité.

Le Président (M. Lemieux): Nous vous remercions, MM. Riendeau et Dumais, pour la présentation de votre mémoire et nous avons apprécié, de la part des deux formations politiques, vos commentaires. Et nous demandons maintenant à la prochaine association, je crois qu'il s'agit de l'Association des cadres intermédiaires, de bien vouloir prendre place à la table des témoins.

M. Riendeau: Juste avant de terminer... Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Riendeau: ...je voudrais mentionner que M. Jean-François Brouard, qui n'est pas signataire du document, a participé à la composition du document et s'associe à ce qui...

Le Président (M. Lemieux): Alors, il vient de passer à la postérité au Journal des débats. C'est fait.

M. Riendeau: O.K. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): Nous demandons aux prochains témoins de vouloir prendre place. Nous allons suspendre une minute.

(Suspension de la séance à 12 h 25)

(Reprise à 12 h 26)

Association des cadres intermédiaires du gouvernement du Québec

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux pour entendre l'Association des cadres intermédiaires. Je demanderais au représentant de ce groupe de bien vouloir s'identifier, de présenter les gens qui l'accompagnent. Le seul commentaire que je ferais sur votre mémoire, que j'ai analysé et relu plusieurs fois, c'est qu'il s'agit d'un excellent mémoire. Alors, je demanderais au représentant de ce groupe de bien vouloir s'identifier et d'identifier les gens qui l'accompagnent.

M. Doyon (Réjean): Merci, M. le Président. Vous m'entendez bien?

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Doyon (Réjean): Réjean Doyon.

Le Président (M. Lemieux): Essayez de toujours vous approcher un peu du micro.

M. Doyon (Réjean): Réjean Doyon, président de l'Association des cadres intermédiaires. À ma gauche, M. Roger Veillette, directeur de l'Association; M. Jules Gilbert, directeur aussi; M. Jean-Marie Blais, vice-président; M. Alain Bouchard, secrétaire, et Mme Use Hamel, directrice.

Le Président (M. Lemieux): Nous vous écoutons.

M. Doyon (Réjean): Et je pense que notre défi sera de retenir votre attention et de la soutenir pour l'heure qui vient en espérant que l'adage qui dit que "ventre vide n'a pas d'oreilles" ne sera pas vrai.

Le Président (M. Lemieux): On est habitués.

M. Doyon (Réjean): Oui. Parfait. J'oserais presque dire que, nous aussi, à certaines occasions.

Dans un premier temps, on vous remercie de l'opportunité que vous nous offrez de vous donner nos points de vue, nos constats, notre vécu comme Association de cadres intermédiaires et, aussi, de vous faire certaines recommandations de modifications non seulement à la loi, mais à la réglementation, certaines politiques qui en découlent.

On comprend très bien que ce n'est pas ici une tribune de revendications pour modifier des conditions de travail ou voire même de les négocier, on en est très conscients. Ça se veut beaucoup plus une sensibilisation, un message qui, étant passé ici, passera probablement à d'autres endroits.

Cela dit, et comme nous sommes une association qui n'est peut-être pas aussi connue qu'elle le souhaiterait en certaines circonstances, je vais vous brosser un tableau très sommaire de qui nous sommes et de ce que nous faisons dans la fonction publique québécoise. On est incorporé en vertu d'une loi qui s'appelle la Loi sur les syndicats professionnels, depuis 1969. On représente un membership de tout près de 2100 personnes sur 2300, sur une base volontaire à travers toute la fonction publique. Essentielle-

ment, on est un regroupement de gestionnaires de la fonction publique québécoise et de certaines sociétés d'État chargées d'appliquer, de concrétiser les programmes gouvernementaux, en un mot de donner les services à la population. On est reconnus par décret gouvernemental pour fins de relations de travail mais seulement dans un régime de consultation actuellement. Notre mission principale, comme association, c'est de s'assurer de la promotion, de développement des intérêts économiques sociaux, professionnels et moraux de nos membres.

Je termine en vous parlant très brièvement de nos structures qui favorisent l'exercice de la démocratie et de la représentativité en ce sens qu'on a des sections régionales à travers toute la province et que les postes électifs dans les régions et à l'exécutif provincial se font dans les règles de l'art.

Dans l'administration gouvernementale d'aujourd'hui, nous croyons que les rôles d'organisation, d'information et de communication ont pris, pour les cadres intermédiaires, une importance beaucoup plus grande que par le passé. Le cadre intermédiaire - et c'est notre conception - se veut avant tout un collaborateur et un partenaire de l'État.

Je vous réfère maintenant à divers éléments qui sont contenus dans notre mémoire, mais comme l'exercice n'avait pas pour but de le lire ni, nécessairement, de lire le résumé, nous vous en avons fait ressortir un certain nombre d'éléments que je vous présente actuellement et que je commenterai brièvement au fur et à mesure.

Alors, les cadres intermédiaires sont ceux, qui, jour après jour, dirigent les activités opérationnelles. On est dans les opérations et dans le feu de l'action quotidiennement. On assume ia réalisation d'activités qui découlent de programmes gouvernementaux et nos membres dispensent des services directement aux citoyens.

Notre association encourage la réalisation de services de qualité afin d'accroître la crédibilité et l'efficacité de l'État et aussi pour développer chez nos membres un sentiment d'appartenance et de fierté. Un fort pourcentage de membres de la fonction publique considèrent d'ailleurs - et c'est inscrit à notre mémoire - que la compétence du personnel constitue l'une des forces importantes de la fonction publique. En contrepartie, on retient toutefois que l'incohérence du processus décisionnel est considérée comme une grande faiblesse. À titre d'exemple, le nombre d'intervenants dans les dossiers de l'administration publique ne cesse de croître. Les mécanismes d'étude, de consultation et de contrôle se sont multipliés au fil des ans. Je vous donnerai juste à titre d'exemple qu'à la suite de réorganisations administratives, de création de nouveaux organismes au ministère il y a eu des paliers de structure additionnels d'Implantés, on a aussi ajouté ce que l'on qualifie très souvent de conseiller, de staff, dans les structures des personnes et cela a multiplié la complexité du fonctionnement de l'appareil. À titre d'anecdote je pourrais vous dire aussi qu'actuellement, parce qu'on retrouve dans certains ministères et organismes des structures à peu près de 12 ou 15 paliers différents, la structure qui, actuellement, a fait le mieux ses preuves, puisqu'elle existe depuis tout près de 2000 ans, c'est l'Église catholique, où on retrouve cinq paliers. Vous avez un pape, des cardinaux, archevêques, évêques et prêtres, point. Alors, à cinq paliers ça a fonctionné 2000 ans. Actuellement il y en a à 12 et ça va peut-être jusqu'à 15 paliers.

Le Président (M. Lemieux): Ils avaient la foi.

M. Ooyon (Réjean): Oui, voilà! Alors des changements d'orientation, d'objectifs, l'implantation de nouvelles normes sont aussi des ingrédients qui ajoutent à la lourdeur de l'appareil ainsi qu'aux délais. Le manque de consultation et de concertation entre les différents paliers dans les structures n'est que trop souvent évident. Le cadre intermédiaire, lui, est souvent placé devant le fait accompli, ça a été déjà décidé. Il ne peut suggérer son expertise. Pourtant ceux qui veulent jouer pleinement leur rôle de gestionnaire sont très nombreux. En mettant à la disposition - parce que c'est beau amener un constat, une critique mais il faut amener une solution aussi - du gestionnaire des programmes de stimulation des ressources humaines basés sur la communication, l'échange et la participation à tous les niveaux, cela améliorerait sûrement les choses. À quel endroit les coupures budgétaires se font-elles en premier lieu? Très souvent dans les programmes de formation et de développement. Il est donc très important d'instaurer un climat de communication et de motivation des ressources humaines et plus principalement pour les cadres intermédiaires. C'est pourquoi nous recommandons - on pourra y revenir tout à l'heure - des modifications à l'article 3 de la Loi sur la fonction publique; cela améliorerait les mécanismes d'échange et rendrait accessibles des programmes et outils de travail trop souvent - et c'est une grande déficience - conservés à une stricte utilisation ministérielle. Il n'y a pas de partage, d'échanges qui existent de façon formelle et ce n'est même pas favorisé dans beaucoup de cas.

L'imputabifité. J'aimerais même qu'on me définisse tout à l'heure ce que vous comme parlementaires vous entendez par imputabilité, c'est quoi pour vous autres? Je vous lance la question au préalable. Pour vous dire que pour les cadres intermédiaires, après avoir reçu leur délégation de pouvoirs, la signification de leur rôle et responsabilités, deux moyens sont utilisés

généralement pour les rendre imputables. Le premier, un mécanisme d'attentes signifiées suivi d'une évaluation en fin d'année. Le deuxième, des contrôles - et il y en a - qui prennent la forme de rapports, compléments de formulaires, statistiques et ce, de façon régulière. Devant la trop grande et évidente insatisfaction du mécanisme des attentes signifiées - c'est une autre recommandation qu'on vous fait - que la directive des conditions de travail - et là, je retiens que je vous le soumets à titre beaucoup plus de sensibilisation à ce stade-ci - soit modifiée pour refléter un meilleur esprit de collaboration et de démocratisation à cet égard. De plus, les besoins de perfectionnement devraient, à notre sens, faire partie du processus d'évaluation du rendement. Actuellement, ce n'est pas le cas.

Tout à l'heure, vous avez dit à nos prédécesseurs que vous aimeriez entendre, dans la pratique de tous les jours, comment ça se passe vraiment dans la réalité. Je vais aborder un des points vraiment, mais vraiment d'insatisfaction relativement au fameux système d'attentes signifiées. Les évaluations, en plus de servir quelquefois, mais trop souvent malheureusement, à des règlements de comptes, sont contingentées; pas plus de 30 % des personnes qui seront évaluées devront être cotées A ou B, et pas plus de 25 % de ceux qui vont être C vont avoir droit à des bonis - alors, c'est très discrétionnaire - et ce, avant même d'avoir performé, avant même qu'on fasse les évaluations en fin d'année. Théoriquement, et malheureusement en principe aussi, un supérieur peut écrire à peu près n'importe quoi sur son subordonné lors de l'évaluation. Le cadre intermédiaire visé dans la procédure actuelle ne peut que joindre ses commentaires à la fiche d'évaluation. Alors, on peut faire ce qu'on veut d'une carrière rapidement en ce sens-là. C'est pourquoi - parce qu'il faut toujours qu'il y ait une solution - nous demandons que soit modifié le règlement sur un recours en appel pour que le contenu même de l'évaluation du rendement soit appelable.

Le Conseil du trésor. Celui-ci, quant à nous, est généralement perçu par nos membres, dans l'ensemble, comme un organisme de contrôle et, de surcroît, contrôle a priori. Il devait y avoir déréglementation - on sait ce que c'est qu'un règlement; c'est l'application de la loi, c'en est l'interprétation - pour que la fonction publique soit plus facilement gérable. C'était l'esprit du législateur, je pense. Les ministères et organismes et les cadres intermédiaires devaient pouvoir bénéficier de plus de souplesse dans l'élaboration et l'application des règles. La réalité, c'est que nous nous retrouvons aujourd'hui avec autant, sinon plus, de ce qui a remplacé les règlements, des directives, des politiques et des normes, alouette!

Je peux vous donner seulement, à titre d'exemple, pour vous dire que l'esprit qui animait le législateur n'a pas été complètement partagé par tous, notre règlement sur les conditions de travail s'appelait Règlement; c'est devenu Directive. On a tout simplement effacé le mot "règlement", on a laissé le mot "directive" et le même contenu avec le même libellé. Alors, comment voulez-vous que ce soit interprété de la même façon qu'avant. Ça n'a pas changé, et je vous donne juste un exemple en passant. Il y a donc place à l'amélioration, mais ici on touche à des notions de pouvoirs et à des notions de contrôle. On touche aussi à des matières qui sont reliées, et nos prédécesseurs l'ont mentionné tout à l'heure, à des changements de mentalités, d'attitudes et même de comportement. C'est là qu'est le vrai problème. Tant et aussi longtemps que ne sera pas vraiment favorisé le développement - et on reviendra à notre article 3 où on veut ajouter des choses - d'une culture orga-nisationnelle plus élargie dans un climat de confiance mutuel, il restera toujours des risques de revenir au même point de départ. Si on veut vraiment qu'il y ait pratique de délégation, que les ministères et organismes et nos cadres intermédiaires soient vraiment imputables, il faut qu'il y ait aussi des évaluations d'impact et de la satisfaction des services rendus à la clientèle.

La dotation des emplois. Un constat général. L'organisation cherche - quand je dis l'organisation, je parie de l'ensemble de la fonction publique - beaucoup plus souvent qu'autrement ce qu'on qualifie - et entre guillemets - de prêt-à-porter, c'est-à-dire un cadre intermédiaire prêt à fonctionner aujourd'hui presque pour hier. La formation, on n'a pas tellement de temps à y consacrer. Évidemment la loi permet, lors d'un concours, un recours en appel - c'est un autre élément - mais la pratique nous a enseigné qu'il faudrait que la Commission de la fonction publique jette un oeil plus exhaustif que sur les strictes notions d'irrégularités ou d'illégalités qui sont contenues dans la loi. D'autres éléments doivent faire l'objet, selon nous, de l'examen, tels les critères d'admission. À cet effet, l'Association - et je suis certain d'avoir fort probablement une question ià-dessus tout à l'heure - on est fortement préoccupé de l'exigence d'appartenance à des corporations professionnelles lors de concours qui ont été tenus. Nous croyons qu'un cadre doit de façon principale et habituelle gérer les ressources humaines.

Il peut s'adjoindre des spécialistes qui font partie de corporations, si besoin est. Le perfectionnement des cadres, outre d'être bien formés et compétents, quelle est la principale qualité d'un cadre? Selon nous, c'est la communication. Il doit être un communicateur hors pair et c'est son avenir parce qu'il est bien formé, il a de l'expérience, il doit être un bon communicateur, autant vers le haut que vers le bas.

J'ai dit précédemment qu'un endroit privilégié où se font les coupures budgétaires, c'est dans la formation et le perfectionnement. Il

n'existe pas de droit formel ni de masse salariale pour les cadres intermédiaires à bénéficier de formation ou de perfectionnement. C'est pourquoi nous demandons, et je me sers de cette tribune-ci pour faire passer le message, des modifications à notre directive de conditions de travail à cet effet-là.

La carrière des cadres intermédiaires. Outre la formation et le perfectionnement, nous croyons que l'une des meilleures garanties d'accès, de progression, de maintien en attribution conforme pour les cadres intermédiaires, c'est d'être mobile, c'est-à-dire accepter de participer à des stages, du recyclage, voire même à des échanges de postes. Solution: une banque centrale de mutation qui serait gérée conjointement par notre Association et l'Office des ressources humaines donnerait sûrement des résultats appréciables, en plus de diminuer les délais, le nombre de concours et tous les coûts élevés qui s'y rattachent généralement. Fort probablement qu'il y aura aussi diminution du phénomène des postes comblés de façon intérimaire. Quant à nous, c'est une avenue qui doit être sérieusement envisagée dans le contexte actuel.

Les mécanismes de recours. Les cadres intermédiaires ne sont pas exempts de mesures administratives ou disciplinaires. La réalité constatée, c'est qu'un cadre est trop souvent plus vulnérable que les employés qu'il dirige, c'est-à-dire les employés syndiqués qui peuvent faire des griefs, par exemple, pour attribution non conforme, ce qu'un cadre ne peut pas faire selon la réglementation actuelle. Les réorganisations administratives, les changements d'orientation ministérielle, les conflits de personnalités, les modifications de structures organlsationnelles, etc., nous amènent à demander des modifications à la loi et au règlement sur les normes d'éthique et de discipline qui en découlent.

À cet effet, et pour une bonne compréhension de nos demandes, parce qu'on a fait un exercice de consultation a posteriori concernant notre mémoire, en le distribuant de façon plus élargie à un certain nombre de nos membres, on a constaté que la compréhension de modifications demandées était un petit peu difficile parce qu'il y avait chevauchement entre la loi, les normes d'éthique, etc. Alors, à cet effet-là, ce qu'on a fait, on a fait un devoir d'imputation, entre guillemets, préalable. On ne s'est même pas demandé si on pouvait ou on ne pouvait pas le faire. On l'a fait. On vous dépose aujourd'hui pour une meilleure compréhension, c'est l'objectif visé, un texte - on s'est rendus imputables à l'avance - qui va vous identifier quelles sont les dispositions actuelles de la loi ou de la réglementation, les modifications qu'on propose et les commentaires apportés à la fin.

Le Président (M. Lemieux): J'accepte le dépôt du document.

M. Doyon (Réjean): Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Et pour répondre à votre question... et je cède immédiatement la...

M. Doyon (Réjean): 11 me restait juste un petit point.

Le Président (M. Lemieux): Oui, allez-y.

M. Doyon (Réjean): II nous restait un petit point. Je vous remercie beaucoup d'accueillir le document. On vous l'aurait transmis au préalable mais c'est assez récent. On voulait avoir les commentaires qui nous ont permis de préparer une nouvelle version pour une meilleure compréhension. Alors, je termine cet exposé que je n'ai pas voulu trop long, en vous communiquant qu'une tradition de dialogue, d'échanges, de consultations, voire même de concertation, s'est maintenant instaurée entre notre Association et les représentants de l'administration publique, plus principalement le Conseil du trésor et l'Office des ressources humaines, les ministères et les organismes. (12 h 45)

Forts de notre expérience et de notre maturité et de ce que nous apportons à la fonction publique québécoise, nous réclamons la reconnaissance de l'Association des cadres intermédiaires du gouvernement du Québec dans la Loi sur la fonction publique. Pourquoi? Premièrement, il y aurait à ce moment-là reconnaissance officielle par le législateur. Ça fait 20 ans qu'on existe et on est reconnus seulement par décret et seulement pour fins de consultation. Et n'importe qui peut adhérer ou sortir à volonté. Deuxièmement, ça s'appliquerait à tous les cadres intermédiaires.

Je vous ai dit tout à l'heure qu'on avait tout près de 2100 membres sur 2300. Ça permettrait aussi, réellement, un exercice de concertation avec l'employeur, c'est-à-dire de participer comme Association et comme membres à la gestion de la chose publique. Ce n'est pas dans une dynamique de confrontation, de droits, de griefs ou autrement. Ce n'est pas ça du tout. C'est d'être plus impliqué.

Si le législateur a bien daigné inclure dans la Loi sur la fonction publique un certain nombre d'organisations syndicales, nous croyons qu'il est plus que temps qu'il y reconnaisse enfin ses cadres.

Merci, j'espère ne pas avoir été trop long.

Le Président (M. Lemieux): On vous remercie. Vous m'avez demandé la définition de l'imputabilité. J'ai compris que c'était la définition de la commission et non pas celle du député élu qui, lui, doit tenir compte de ses concitoyens et concitoyennes. Vous la retrouverez dans notre

document de consultation de juin 1990 à la page 3. Et une seule chose qui m'inquiète, c'est que je trouve que la Commission de la fonction publique, on veut lui en donner pas mal. Là-dessus, je passe la parole au député de Mille-Îles.

M. Bélisle: Merci, M. le Président. D'abord, M. Doyon et tous les membres qui sont autour de la table, des félicitations chaleureuses pour la qualité du mémoire - ça ne m'arrive -pas souvent d'adresser des félicitations semblables - et également sur la présentation verbale qui est très au point, factuelle et détaillée. On sent qu'elle a de la "drive"; on sent que vous sentez où vous vous en allez.

Allons directement au c?ur du sujet. C'est excellent, l'exercice que vous avez fait de vérification auprès de vos membres, par la suite, parce qu'on en est là, en fin de compte. Au lieu de tatilionner et de s'en aller dans des pseudo-volontés syndicales, corporatistes à droite et à gauche qu'on a entendues, j'aime autant avoir du stock concret. Et il y a du stock concret.

À la page 5 de votre mémoire, vous avez un problème de communication ou de partage d'échanges. Vous voulez être impliqués. Vous êtes du monde impliqué jusqu'à un certain point, mais vous nous donnez l'impression que vous voulez réellement contribuer à améliorer le produit qui finit la gestion des ressources humaines. Puis, là, vous dites: Nous, ce qu'on veut, c'est multiplier les échanges multilatéraux dans l'administration publique. C'est ce que vous dites à la page 5.

Et, à la page 5, vous dites: Nous, on suggère une modification - je l'avais relevée - à l'article 3 de la loi qui est l'article fondamental de la Loi sur la fonction publique. On dit dans l'article 3 de la loi actuelle que "l'objet de la présente loi est de permettre l'accomplissement de cette mission. À cette fin, elle institue un mode d'organisation des ressources humaines destiné à favoriser... " Et, là, on commence. On a cinq points, le premier étant "l'efficience de l'administration ainsi que l'utilisation et le développement des ressources humaines d'une façon optimale. " Ça, c'est un grand objectif. Le deuxième point, "l'exercice des pouvoirs de gestion des ressources humaines le plus près possible des personnes intéressées et l'application d'un régime selon lequel le fonctionnaire investi de ces pouvoirs de gestion doit rendre compte, compte tenu des moyens mis à sa disposition. " Ça, c'était l'objectif de départ, mais qui était très général.

Mais ce dont je me suis aperçu en lisant le texte de votre mémoire, c'est que, là, vous êtes en train de définir ces deux premiers volets. Vous les avez mis dans une forme qui est absolument merveilleuse, c'est presque une forme légale, presque parfaite. Quand je vois le sixièmement ou le dixièmement que vous voudriez voir ajouter, vous êtes un peu en train de définir - môme beaucoup - I tmputabilité. Vous dites que vous voudriez voir - et je vais vous faire expliciter vos suggestions - favoriser, notamment, "l'établissement de mécanismes - c'est le nouveau sixièmement que vous rajouteriez à l'article 3 - permettant une communication constante entre l'administration et ses ressources humaines". Première question: Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que quels que soient les problèmes d'attitude ou de comportement - et c'est ça qu'on est en train de découvrir de plus en plus - ça prend d'abord une base dans le texte et l'intention du législateur, c'est-à-dire que, de sixièmement à dixièmement, il faut qu'il y ait une modification pour qu'on téléguide dans le champ que l'intention est là? Est-ce ça que je dois comprendre?

M. Doyon (Réjean): Oui.

M. Bélisle: D'accord. Quand on arrive à l'établissement de mécanismes permettant une communication constante de l'administration des ressources humaines, que pensez-vous que ça va entraîner, dans la réalité, comme conséquences sur le plan du vécu quotidien des cadres intermédiaires vis-à-vis des cadres supérieurs en ajoutant ce sixièmement? Qu'est-ce que ça va changer?

M. Doyon (RéJean): S'il y avait vraiment une volonté politique, môme inscrite dans la loi, qui demanderait formellement l'instauration de mécanismes de communication... et, quant à nous, ce n'est pas seulement communication interne, mais aussi communication entre les organisations. Le mécanisme est à définir. Ça peut prendre différentes formes par ta suite. Je pense que, dans la pratique des choses, au-delà des changements d'attitude, de comportement, de mentalité ou autre, ça devrait donner de bons résultats. Trop souvent, ce qu'on a constaté - et même encore aujourd'hui - c'est qu'il existe - je vais les qualifier - de très bons programmes, de très bonnes façons de solutionner différentes choses à l'intérieur de la fonction publique, mais, je dirais, c'est jalousement conservé à l'intérieur des organisations qui disent: On a mis du temps, des ressources, de l'argent, etc., et on les garde. Moi, je pense que, si c'est dans la loi qu'il y a une volonté politique, la volonté administrative va suivre.

M. Bélisle: C'est pour ça que vous ajoutez votre neuvièmement, quand vous parlez d'ajoute à l'article 3 "l'instauration de programmes d'échanges...

M. Doyon (Réjean): Oui.

M. Bélisle:... "et de dispositifs d'ac-

ces - c'est-à-dire que vous auriez accès à une banque centrale, je suppose - concernant les procédés et les méthodes de travail entre les ministères et les organismes." Ça, c'est une suggestion merveilleuse à mon opinion personnelle. Ça va dans le sens de ce que vous venez de dire.

M. Doyon (Réjean): Ça sauverait aussi pas mal de temps et d'argent.

M. Bélisle: Je dois vous dire que je partage beaucoup plusieurs des points de sixièmement à dixièmement. Je pense que c'est excellent, mais quand vous parlez d'imputabilité, vous, comme cadre intermédiaire, l'imputabilité, la reddition de comptes, si on vous permet, on vous donne les outils - de sixièmement à dixièmement - d'avoir accès à d'autres banques de données, de mieux avoir de l'information supplémentaire sur des méthodes de gestion, sur des façons de traiter des problèmes de ressources humaines, à qui voulez-vous être imputables? À qui voulez-vous rendre compte comme cadres intermédiaires? Êtes-vous prêts à rendre compte à d'autres personnes qu'à vos supérieurs ou les cadres supérieurs? Autrement dit, seriez-vous prêts à rendre compte à la commission qui aurait la juridiction à l'Assemblée nationale dans vos domaines respectifs? S'il y a un cadre intermédiaire qui est aux Affaires sociales, il pourrait rendre compte à la commission parlementaire des affaires sociales.

M. Doyon (Réjean): Je vais vous répondre affirmativement. Oui, mais à la condition que les cadres intermédiaires aient en leur possession une formation, l'accès, les outils, ou les moyens qui leur permettent de livrer la marchandise qu'on leur demande de livrer. Ça n'arrive que trop souvent qu'on va signifier des attentes à quelqu'un, qu'on va changer en cours d'année certaines de ces attentes-là, voire même les abolir. On ne modifie pas - on l'oublie peut-être - les fameuses fiches d'évaluation et a la fin de l'année on va évaluer la personne quand même sur ça. Alors, je réponds oui, mais il ne faudrait pas que ça prenne - et je reviens encore à nos prédécesseurs - une forme, entre guillemets, politique...

M. Bélisle: De tribunal inquisiteur, c'est ça?

M. Doyon (Réjean): Oui, de tribunal d'inquisition.

M. Bélisle: D'accord. J'ai vu dans votre document...

M. Doyon (Réjean): II faudrait que ça se fasse dans un climat, comme on l'a aujourd'hui, de respect mutuel.

Le Président (M. Lemieux): C'est toujours comme ça ici.

M. Doyon (Réjean): C'est toujours comme ça, bon. C'est très libéral, c'est ce que j'ai entendu dire hier.

M. Bélisle: ...qui est là, parce qu'on n'a pas tellement de temps, et c'est pour ça que je presse le rythme des questions, que vous n'avez aucunement proposé une modification à l'article 70 de la loi, lequel article étant tous les droits de gestion de gérance que vous exercez pour le compte de la société québécoise et du gouvernement du Québec. Il n'y en a pas de modification, donc je dois comprendre que s'il n'y a pas de modification, vous reconnaissez que dans la loi, à l'article 70, il y a quand même des outils qui vous sont donnés, qui sont importants et qui doivent demeurer tels quels, comme ils sont là: la nomination des candidats, la promotion...

M. Doyon (Réjean): Attendez un peu, je m'excuse, vous parlez de l'article 70 de la loi.

M. Bélisle: De la Loi sur la fonction publique.

M. Doyon (Réjean): Mais ça traite des conventions collectives appliquâmes aux fonctionnaires.

Le Président (M. Lemieux): Ce n'est pas leur cas, il s'agit de cadres intermédiaires.

M. Bélisle: O.K. je comprends, mais l'article 3 où vous avez demandé de faire les modifications, c'est l'article 3 de la Loi sur la fonction publique.

M. Doyon (Réjean): Oui, c'est ça.

M. Bélisle: Moi je lis la même loi, la Loi sur la fonction publique. La consultation aujourd'hui, c'est pour savoir s'il y a des choses à amender ou non sur la Loi sur la fonction publique.

M. Doyon (Réjean): Dans le document qu'on vous a déposé ici, on ne parle pas de l'article 70.

M. Bélisle: C'est ça, c'est ce que je comprends.

M. Doyon (Réjean): Ça va.

M. Bélisle: Ce que je suis en train de vous dire - j'essaie de comprendre par déduction - c'est que vous trouvez correct l'article 70.

M. Doyon (Réjean): C'est ça.

M. Bélisle: C'est bien ce que je voulais vous faire dire.

M. Doyon (RéJean): C'est ça. Voilà! Exact! M. Bélisle: Parfait! On se comprend bien.

M. Doyon (RéJean): Ce qu'on a fait comme exercice, pour être bien pratique et être bien franc, on a regardé les difficultés qui étaient vécues par les cadres à partir de la loi, et il y a deux choses qui sont ressortles principalement. La première, ce sont les manques d'implication, consultation, participation. Les gens veulent bien travailler, ils ont une bonne volonté de vouloir travailler. On ne connaît pas de monde qui veut mal faire les choses. Ils veulent le faire. Et l'autre affaire, c'est que les cadres, quand on veut les maganer, ce n'est pas long, Ils ne sont pas protégés beaucoup. Alors, on a juste à retenir un certain nombre de mots dans tout ce qu'on a déposé aujourd'hui et qu'on échange, qui ont trait à la consultation, l'implication, la participation et la protection. Point.

M. Bélisle: M. Doyon, page 10 de votre document. C'est très important quand vous parlez de la règle des 30 %. J'ai fait grand cas hier auprès des gens qui sont venus devant nous, j'ai parlé du rendement, de la notation au rendement, des primes de rendement, la fameuse règle des 30 % et des 25 %, la raison pour laquelle il n'y a pas de A, mais il y a bien des B et des C et qu'on est limités par les 30 %. Êtes-vous en train de nous dire que la règle des 30 %, quand on détermine une masse monétaire à l'avance et qu'on est en train un petit peu de saborder tout le système et qu'on invite les gens à ne pas être excellents et qu'on invite les gens à ne pas se dépasser eux-mêmes et qu'on est en train de normaliser... Parce que vous allez plus loin que ça dans votre document. Vous allez à la page 11, vous dites - écoutez bien, M. le Président, ce qu'il dit: "Ajoutons que la possibilité d'attribuer une cote normalisée aux fins inclusives de la révision du traitement..." Vous ajoutez même le fait que, par la suite, il y a même une cote qui est normalisée. Or, on rabaisse une fois à la moyenne, en disant: C'est 30 %, il ne faut pas qu'il y ait de A parce que les A vont prendre l'ensemble de la masse monétaire - hein? c'est un petit peu ça; vous faites signe que oui, avec votre tête - et dans le B et dans le C on met tout le monde. Et, après, vous dites: Dans ie deuxième cas, pour la révision des traitements, on met une autre cote normalisée. On abaisse encore plus la moyenne. Est-ce que ce n'est pas là un défaut fondamental pour des gens comme vous autres qui nous donnez l'impression ce matin que vous voulez vous impliquer, vous voulez que ça marche, vous voulez donner des "inputs" et vous voulez que ça produise? Sans pensée de ce que je dis...

M. Doyon (RéJean): La réalité et la solution. La réalité, c'est qu'il s'est instauré - et je vais aller même plus loin que ce que vous dites - un système. Deux choses se sont instaurées en plus de ce que vous dites: un système de B plus, B moins, C plus, C moins...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Doyon (Réjean): ...pour nuancer. Ça, c'est en plus de la normalisation et du contingentement du début. Et en plus de ça: Cette année, c'est à ton tour, l'an prochain, c'est à l'autre tour.

M. Bélisle: Est-ce que c'est vrai que c'est rendu là qu'en plus d'être normalisé une première fois en moyenne, normalisé une deuxième fois pour les révisions de traitement, qu'en plus de ça, c'est comme Loto-Québec, ça va être ton tour un jour? Est-ce que c'est ça?

M. Doyon (Réjean): Oui, oui, exactement. Alors, solution, on a participé à une étude à laquelle ont pris part des représentants du secrétariat du Conseil du trésor, de l'Office dés ressources humaines, le CCGP, Association des cadres supérieurs, nous, etc. Et les résultats de ça, il y a eu des recommandations précises de faites, environ une vingtaine de recommandations...

M. Bélisle: Quand ça?

M. Doyon (Réjean): ...dont une était d'avoir un libellé plus général plutôt qu'un système par cote ou autrement, députés plus les sous-ministres et les dirigeants d'organismes parce que, si on leur confie une masse salariale, qu'ils aient le pouvoir de la gérer comme du monde et non pas de leur imposer au préalable, avant même les évaluations, les fameux contingentements et les normalisations, t'es B et on va te considérer C. Parce que c'est strictement relié à des impacts budgétaires.

Il faut ajouter aussi qu'il faudrait que ça soit relié au perfectionnement et au développement. C'est beau de reprocher à quelqu'un une déficience en gestion ou autre, mais il faudrait y apporter une solution une fois que c'est constaté.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous pourriez déposer ce document-là, cette étude-là? Est-ce que vous l'avez en votre possession?

M. Doyon (RéJean): Je ne l'ai pas avec moi, mais je peux...

Le Président (M. Lemieux): Mais ultérieurement. M. le secrétaire, vouiez-vous en prendre

note pour que vous puissiez la faire parvenir à la commission, s'il vous plaît? M. le député...

M. Doyon (Réjean): Ma crainte était, si vous me permettez là-dessus, qu'on aurait pu se faire dire: Vous n'êtes pas à la bonne tribune pour ça. Ça fait que c'est pour ça...

M. Bélisle: Je pense que vous êtes...

M. Ooyon (Réjean): Je prends bonne note de ce que vous dites.

M. Bélisle: Vous êtes à la bonne tribune, M. Doyon.

Le Président (M. Lemieux): Vous êtes à la bonne tribune.

M. Bélisle: Vous êtes réellement à la bonne tribune.

M. Doyon (Réjean): J'essaie d'être le plus à l'aise possible avec vous.

Le Président (M. Lemieux): Nous sommes une tribune élargie.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Mille-Îles. M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Oui. Moi, je veux féliciter aussi l'Association des cadres intermédiaires. Je dirais tout de suite, d'emblée, que vous resoulevez encore une fols le débat sur la reconnaissance. Moi, pour un, en tout cas, je suis totalement d'accord avec une telle reconnaissance. Je sais qu'il y a des opinions bien partagées à cet égard, mais il y a plusieurs pays en Europe, plusieurs administrations publiques en Europe qui ont reconnu fa syndicalisation de leurs cadres intermédiaires depuis très longtemps et ça ne semble pas poser de problème. (13 heures)

Deuxièmement, je suis aussi parfaitement d'accord avec votre demande que des mécanismes formels, que de rencontres multilatérales soient tenues de façon régulière. Ma question porte sur votre sondage. Vous dites que 68,2 % dénoncent comme une grande faiblesse l'incohérence du processus décisionnel. Est-ce que vous pouvez nous expliquer un peu plus... D'abord, ce sondage-là, ce n'était pas seulement auprès de cadres intermédiaires, si je comprends bien, ou est-ce que c'était seulement auprès de cadres intermédiaires? Deuxièmement, qu'est-ce que les gens entendent par "l'incohérence du processus décisionnel"? À quoi c'est dû, d'après vous, cette incohérence-là?

M. Doyon (Réjean): L'étude était reliée à l'ensemble, en fait. Ça fait référence à une étude d'ensemble et, principalement, à deux choses. Vous savez, les gens, ce sont des êtres humains et, étant humains, ont des écoles de pensée différentes et une façon différente de voir les choses. Donc, vous avez des tours d'ivoire, des luttes de clocher, etc. Ça ajoute à la complexité de la prise de décision. L'autre dimension, c'est quand on parle du processus décisionnel pour arriver à dire à nos gens en bas: Vous faites ça comme ça. Il y a les paliers, les nombreux paliers. Souvent, quand ça arrive chez nous, la procédure est déjà prête, c'est déjà tout décidé, le formulaire est prêt et tu fais ça de même. Oui, mais on aurait aimé ça être impliqués avant, être consultés avant. On vous aurait sûrement amené des bons points concernant ça parce que nos gens sont aussi des spécialistes et de la gestion et des contenus. Alors, c'est un peu ce qui explique la difficulté d'avoir des processus décisionnels rapides...

M. Lazure: Juste une rapide.

M. Doyon (Réjean): ...et efficaces.

M. Lazure: Est-ce que vous pensez que la loi doit continuer d'être administrée politiquement par un seul ministre ou par des ministres, comme ça a été le cas de 1984 à 1988?

M. Doyon (Réjean): Dans ça, il y a au moins deux éléments. Nous, on est capables de vivre avec la dimension actuelle, c'est-à-dire le Conseil du trésor qui dirige l'aspect budgétaire et l'aspect de la gestion des ressources humaines. On a vécu la période antérieure avec le ministère de la Fonction publique à qui on présentait nos requêtes, nos choses; une fois qu'on les avait convaincus, il devait prendre nos arguments, nos requêtes et aller au Conseil du trésor pour, entre guillemets, leur vendre la marchandise. Ça a été enlevé. On transige actuellement... Notre vis-à-vis, c'est le secrétariat et le Conseil du trésor, et on est capables de vivre avec ça. Ce n'est pas tellement là qu'est le problème. Le problème, c'est beaucoup plus dans la façon que c'est fait ou dans les mentalités ou dans les changements de mentalité. Mettez n'importe qui à la tête d'une organisation et, si vous avez une personne qui a un style dictatorial, la personne va vouloir que ça aille dans sa direction, selon ses propres points de vue et visions. Alors, ça rejoint, parce qu'on revient toujours à la case départ avec ça, mettez les structures que vous voulez, ce n'est pas là, il faut qu'il y ait une volonté politique et que des changements de mentalité et de comportement s'instaurent suite à ça.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle.

M. Léonard: Oui. Monsieur, je voudrais vous

féliciter et vous remercier pour votre mémoire et votre exposé. Moi, j'ai retenu une chose en particulier parmi d'autres excellentes que vous avez dites, mais je voudrais vous entendre là-dessus, sur la question de mobilité. Je trouve ça, quant à moi, fondamental, dans l'administration publique, dans un bassin de 2300 cadres intermédiaires, avec 60 000 fonctionnaires, qu'il y ait un principe ou qu'on la favorise de toutes sortes de façons, parce que, à mon sens, ça va contribuer à diminuer les gens mécontents pour toutes sortes de raisons. Quand on n'est pas content dans un poste, je pense qu'on devrait essayer d'aller ailleurs et ça, sans aucune teinte de culpabilité ou quoi que ce soit. Je pense qu'on doit favoriser la mobilité.

Vous avez parlé tout à l'heure, vous avez mentionné un office central, je ne sais pas exactement le terme que vous avez mentionné... Une voix:... banque centrale...

M. Léonard:... une banque centrale de mutation, ça pourrait être vrai pour les fonctionnaires syndiqués mais ça pourrait être vrai surtout pour les cadres. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce que, moi, je trouve que c'est un élément très, très important.

M. Doyon (Réjean): L'une de nos préoccupations c'est aussi, entre autres, la mobilité. Il y a quand même des freins, parce qu'il faut être pratique et réaliste là, à la mobilité, freins qui sont reliés très souvent, à travers les ministères et organismes, à un déplacement dans les diverses régions. Ce n'est pas tout le monde qui est prêt à se déplacer, vendre maison, etc., et amener avec lui tout ce qu'il veut. Il y a la dimension "spécialisation". Certains emplois d'encadrement intermédiaire demandent une formation spécifique et quand même assez longue pour certains aspects, bon! Mais ceci étant dit comme constat, le vécu, le pratique, c'est que très souvent on recherche, et je l'ai dit tout à l'heure, du prêt-à-porter. On a un poste vacant, on veut avoir quelqu'un qui va fonctionner tout de suite. Qu'est-ce qu'on fait? On s'organise pour le combler avec quelqu'un qui va correspondre au profil. Alors nous, ce qu'on dit, c'est deux choses. Il existe des gens qui veulent et qui veulent vraiment changer d'emploi, et deuxièmement des gens qui veulent faire les efforts pour être formés à accéder à d'autres emplois, mais il n'y a pas de mécanismes actuellement qui vraiment le permettent, quelque chose de simple et de pratique. Puis nous autres, on pense que, si l'on pouvait, avec la collaboration de l'Office des ressources humaines, des ministères et organismes et surtout de nos membres, on pourrait créer une banque de mutation et ça sauverait pas mal de temps et d'argent et ça favoriserait la mobilité; actuellement elle est assez restreinte.

M. Léonard: Est-ce que vous trouvez que les cadres intermédiaires devraient avoir une formation de cadre intermédiaire? C'est-à-dire qu'il y a des cours, il y a ce que vous avez mentionné dans certains postes des spécialisations qu'il faut avoir pour exercer la fonction?

M. Doyon (Réjean): Oui, exact.

M. Léonard: Mais par ailleurs ce n'est pas nécessairement le cas de façon générale. Je pense aussi que quelqu'un qui accède à des postes comme ceux-là veut essayer de varier son expérience autant sur le plan horizontal que vertical. Je pense que, pour favoriser une telle mobilité, il faudrait avoir une formation de base qui permette aux gens de circuler partout à travers, compte tenu des contraintes que vous avez mentionnées. Est-ce que vous avez des éléments à mettre sur la table sur ce sujet?

M. Doyon (Réjean): Oui. Le principal élément de déficience constatée dans la pratique à la suite de l'accès à l'encadrement pour les cadres intermédiaires c'est la dimension de formation en gestion de ressources humaines. Vous avez beau être bien formés au plan académique dans une discipline x ou y, on n'apprend pas toujours de façon compétente et efficace avec l'école de la vie certaines techniques de gestion. Il n'existe pas de programmes obligatoires pour les cadres intermédiaires avec cohérence pour l'ensemble des gens relativement à de la formation en gestion. Dans la pratique qu'est-ce qui se passe? Quelqu'un participe à un concours et performe au concours. C'est généralement quelqu'un qui est bien formé académiquement, qui a de l'expérience et de qui on dit généralement: C'est un bon employé, il performe bien, ça pourrait nous faire un bon cadre. On le nomme cadre. On lui fait faire un stage probatoire d'un an et au cours de l'année, là, on évalue qu'est-ce que ça a l'air. À la fin de l'année si ça ne va pas bien, une belle fiche et c'est "no way", tu retournes où tu étais. Si ça va bien, tu continues. La formation en gestion, vous avez tout à fait raison de le soulever, ce n'est pas quelque chose qui est obligatoire, qui est instaure, institutionnalisé, etc. Il faudrait que ce le soit. Il y a des endroits où ça se fait très bien. Il y a des ministères et organismes où l'aspect formation, c'est vraiment important pour eux et ils en font, mais il y en a d'autres qui sont les parents pauvres du système.

M. Léonard: Juste une question rapide avant de passer la parole. Est-ce que vous trouvez qu'un cadre intermédiaire, mais on pourrait l'appliquer à tous les cadres, doit rester en poste longtemps ou pas trop longtemps? 4 ans ou 10 ans, disons?

M. Doyon (Réjean): Oui. Il y a deux aspects

dans ça. Si quelqu'un est bien dans sa job et qu'il la fait bien, il va peut-être vouloir rester là plus longtemps. Mais quant à nous, comme organisation, on croit que, pour favoriser la mobilité, quand vous avez fait une période de trois à cinq ans dans un emploi, ça nous semble vraiment intéressant et souhaitable, soit par promotion ou par mobilité latérale, de changer d'emploi. Mais ça...

Le Président (M. Lemieux): Alors, nous, on est prêts pour la mobilité.

M. Doyon (Réjean): Pardon?

Le Président (M. Lemieux): Nous, on est prêts pour la mobilité.

M. Doyon (Réjean): Oui.

M. Léonard: Ça s'applique aux députés aussi, c'est ce que vous voulez dire!

M. Doyon (Réjean): Oui?

Le Président (M. Lemieux): Dans ce sens-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Doyon (Réjean): Ha, ha, ha! Si vous êtes bien là!

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle, vous n'avez plus de temps, mais, M. le député de Bertrand, si vous ne faites pas de longs commentaires ou une longue prémisse, posez votre question pour que je puisse donner du temps à l'autre bord.

M. Beaulne: Oui. J'aimerais simplement revenir sur une question que mon collègue a posée, mais à laquelle vous n'avez pas répondu directement. C'est la question à savoir si on doit séparer les fonctions du président du Conseil du trésor de celle de gestionnaire en chef de la fonction publique, pour la raison suivante. Vous avez mentionné les déficiences au niveau du processus d'évaluation. Or, dans ses remarques préliminaires, le président du Conseil du trésor a été pas mal vague sinon nébuleux sur toute cette question en fermant en quelque sorte les yeux. J'en déduis que c'est parce qu'il est jusqu'à un certain point juge et partie dans ce débat. J'aimerais savoir si, à la lumière de ces commentaires, vous maintenez toujours votre affirmation qu'on devrait maintenir le système pyramidal tel qu'il est.

M. Doyon (Réjean): En fait, je reviens un peu à ce que je vous ai dit tout à l'heure. On vous donne notre point de vue comme organisation. On est très conscients que la gestion et des ressources financières et des ressources humaines par le Conseil du trésor peut poser un problème. À notre sens, le vrai problème n'est pas tellement là comme dans les gens qui exercent ces choses-là. Si quelqu'un a la mentalité de tout le faire...

M. Beauine:...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Bertrand, je m'excuse...

M. Beaulne: Si c'était une autre personne qui était ministre, ce serait différent?

Le Président (M. Lemieux): Non, non, M. le député de Bertrand, s'il vous plaît! S'il vous plaît!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): Là je pense que ça fait... Non, c'est vraiment particulariser. Même la loi sur l'accès à l'information défend les renseignements nominatifs. Écoutez, il ne faut quand même pas aller... Non, je pense qu'on veut cette commission apolitique; on va oublier ça. M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Pour la crédibilité de tous les parlementaires à part ça.

M. Beaulne: Alors, M. le Président, je retire ma question.

Le Président (M. Lemieux): Ça va.

M. Doyon (Réjean): Je ne l'ai pas entendue.

Le Président (M. Lemieux): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Merci, M. le...

Le Président (M. Lemieux): Vous ne l'avez pas entendue? Moi aussi.

M. Doyon (Réjean): Je ne demanderai pas de la répéter. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): Merci. Vous feriez un bon politicien.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Doyon (Réjean): II y en a déjà un qui porte mon nom.

Une voix: Réjean Doyon.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): Vous avez choisi

le bon côté de la médaille. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Merci, M. le Président. Une question brève sur la formation et le développement. Je pense qu'à un moment donné, dans votre Intervention, vous avez fait mention Justement que, au niveau de la formation principalement, et moi, j'inclus le développement là-dedans - je ne sais pas si on peut l'inclure - il y avait un manque de temps de la part des cadres intermédiaires peut-être à suivre ces cours-là même s'il y avait des cours de disponibles. D'un côté, on dit: Bon, il n'y a peut-être pas assez de cours, il n'y a peut-être pas assez de sessions de formation ou peu importe, mais, de l'autre côté de la médaille, vous n'êtes peut-être pas disposés, par surcroît de travail, à pouvoir suivre ces cours de développement.

Ici, nous, on a fait faire un sondage par l'Office des ressources humaines au niveau des cadres supérieurs. Je peux peut-être poser la question tout de suite pour eux, puisqu'ils viendront cet après-midi, où 52 % des répondants n'ont suivi aucune activité sous forme de cours, stages ou sessions intensives, dont 45 % pour le motif de manque de temps. Alors, au-delà de questions budgétaires, au-delà de questions de disponibilité de cours, etc., à ce moment-là, il existe sûrement un problème parce que, compte tenu que le but de la commission aussi, c'est le service aux citoyens, il s'agit de développement, d'améliorer aussi la compétence de nos fonctionnaires pour donner un meilleur service à la clientèle. À ce moment-là, c'est un peu paradoxal, tout ça, alors j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Doyon (Réjean): Ça va. Je me réfère à la page 7 de mon allocution de tout à l'heure, quand je disais que la formation, on n'a pas tellement de temps à y consacrer. Ce qu'on doit comprendre, c'est que l'employeur n'a pas toujours tellement de temps à y consacrer comme tel. Dans ça, il y a deux problèmes qui peuvent arriver: vous avez le problème organisationnel où le ou les individus n'ont pas le temps d'aller en suivre; ça arrive dans un certain nombre de cas et il faudrait donc que cette partie-là soit repensée; l'autre partie, celle de la non-disponibilité budgétaire pour pouvoir aller suivre les cours en question. Actuellement, il y a des coupures qui sont annoncées. Je suis pas mal certain que, dans le domaine de la formation, du développement, ça doit être assez restreint.

On éprouve - à titre d'exemple très rapide - des difficultés chez nos membres à participer à la tenue de mini-colloques régionaux dans lesquels M. Johnson fait une allocution en début de partie pour échanger vraiment de façon élargie sur les ressources humaines chez les cadres, etc. Et puis, le coût de ça, c'est une journée, ça coûte 95 $. Des gens se font refuser la participation à ces journées-là qui vont avoir lieu dans différentes régions sous prétexte que ce n'était pas prévu dans les programmes de formation, de développement en début d'année. C'est juste un exemple entre autres.

M. Farrah: M. le Président, oui.

Le Président (M. Lemieux): M. le député des îles.

M. Farrah: Sauf que tout en sachant que ces activités-là sont importantes aussi, est-ce qu'il y a une distinction entre des colloques, des cours, des stages, des sessions intensives, etc. ? Je pense qu'il y a une distinction à faire au niveau des deux. Mais aussi, ce sur quoi je veux amener le débat, c'est peut-être aussi une sous-utilisation de certains effectifs, O. K. ? Ce qui fait en sorte que peut-être d'autres par surcroît sont surchargés. S'il y avait une utilisation plus rationnelle, et c'est peut-être un débat idéologique ou théorique, parce qu'en pratique c'est peut-être difficile de l'appliquer... Ça pourra faire en sorte de décongestionner plus et qu'il y aura peut-être plus de temps pour le développement et la formation chez certains individus. Je ne sais pas ce que vous en pensez de ça? Je parle des tablettes.

M. Doyon (Réjean): Oui. En général, des tablettés ça n'existe probablement pas chez nous parce qu'on vient de vivre une opération intégration. Il existait à peu près 130 à 140 classes d'emplois différents, dans ce qui s'appelle le personnel de maîtrise et de direction, et ç'a pris une forme de structure d'encadrement intermédiaire à 10 niveaux. Et, à l'occasion de cette opération-là, il y a eu, évidemment, une opération, entre guillemets, ménage. En ce sens qu'aujourd'hui, ce que vous retrouvez comme encadrement intermédiaire, c'est vraiment des cadres intermédiaires. Il n'y en a pas de tablettés, à notre connaissance, dans ça. Non.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. M. le député de Mille-Îles.

M. Bélisle: Rapidement, M. le Président, une dernière question. Comment, comme cadre intermédiaire, inciter les fonctionnaires qui sont dans votre réseau, dans vos départements respectifs, dans vos services respectifs, comment les inciter à exceller et à se dépasser eux-mêmes? Est-ce que c'est plutôt via ce qu'on peut appeler le normatif, le monétaire, des primes de rendement? Parce que, jusqu'à date, ce qu'on a entendu, M. Doyon, c'est que les gens qui sont

venus devant nous, ce n'est pas le monétaire. M. Doyon (Réjean): Au mérite. M. Bélisle: C'est ce qu'ils nous disent là. M. Doyon (Réjean): Oui.

M. Bélisle: il ne faut pas que ce soit le monétaire, ils ne veulent pas du monétaire.

M. Doyon (Réjean): Oui.

M. Bélisle: C'est ça qu'ils nous ont dit très clairement. Est-ce que c'est seulement le climat, l'attitude, le comportement? Est-ce que c'est ça la troisième voie plutôt que le normatif, le monétaire, de s'en aller dans ce qui est la volonté véritable de changer les attitudes, les comportements, les mentalités, est-ce que c'est ça?

M. Doyon (Réjean): Oui. Pour répondre à votre question, une excellente question.

M. Bélisle: Je vous remercie beaucoup. M. Doyon (Réjean): Deux volets. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Doyon (Réjean): Deux volets. On se renvoie de l'excellence, ça nous fait plaisir. Vous voyez, on se motive.

Des voix: Ha, ha, ha.'

M. Doyon (Réjean): II ne restera aux autres qu'à suivre notre exemple et à le faire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bélisle: C'est bon, c'est bon, c'est bon.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Doyon (Réjean): On est après les motiver, probablement, les personnes qui nous écoutent. Bon. Le constat est le suivant. Vous avez à faire face, comme gestionnaire, cadre intermédiaire, à la situation suivante. Toutes les conditions de travail de vos employés sont sous forme de convention collective. Vous n'avez pas un mot à dire là-dedans. Vous n'avez pas un mot à dire sur leurs salaires, sur leurs régimes de retraite. Là où vous avez un mot à dire, par exemple, et c'est là qu'est un peu la clé du succès, c'est dans la façon, dans la forme dont sont réalisées les responsabilités, les tâches qu'on leur confie, aux employés qu'on dirige.

C'est - et j'en connais beaucoup - dans la forme que prennent les communications avec ces employés-là, mais aussi dans un climat de mutuelle confiance et d'incitation auprès des employés à participer de façon plus efficace à leur rôle d'exécution. Et c'est là que nos gestionnaires trouvent beaucoup beaucoup de valorisation, et c'est important.

M. Bélisle: Merci, M. Doyon.

Le Président (M. Lemieux): Alors, on vous remercie. Nous allons devoir suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures pour reprendre dans cette même salle. Je tiens à souligner que nous avons apprécié votre mémoire et vos commentaires.

(Suspension de ia séance à 13 h 20)

(Reprise à 15 h 8)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux afin d'entendre l'Association des cadres supérieurs du gouvernement du Québec. Je demanderais au porte-parole de cette Association de bien vouloir s'identifier et de nous présenter les gens qui l'accompagnent.

Association des cadres supérieurs du gouvernement du Québec

M. Dubuc (Dominique): M. le Président, je suis Dominique Dubuc, président de l'Association.

Le Président (M. Lemieux): Auriez-vous l'amabilité de vous avancer - vous allez avoir de la difficulté à le déplacer; il est bien fixé - près du micro?

M. Dubuc: II y a des voleurs? Je reprends. Je suis Dominique Dubuc, président de l'Association des cadres supérieurs du gouvernement du Québec et également directeur du dossier conducteur à la Société de l'assurance automobile du Québec.

Une voix: Directeur?

M. Dubuc: Du dossier conducteur. Et j'espère qu'à ce titre, vous n'avez pas eu affaire à moi! Je suis accompagné aujourd'hui de la vice-présidente de l'Association, Mme Jacqueline Bédard, également directrice des services à la clientèle à fa Régie de l'assurance-maladie du Québec; de M. Jacques Cardinal, qui est notre vice-président exécutif et directeur général, et, à ma gauche, de notre ex-vice-président exécutif et directeur général, le président fondateur de l'Association, M. Lucien Parent.

Le Président (M. Lemieux): Ça va. Alors, vous êtes au courant qu'au niveau de la procédure, vous avez 20 minutes pour exposer votre

mémoire. Suivra un échange avec les parlementaires, d'une quarantaine de minutes. La parole est maintenant à vous, M. le président.

M. Dubuc: Merci, M. le Président. M. le Président, membres de cette commission, mes propos d'aujourd'hui reprendront en synthèse les faits saillants du mémoire que nous avons soumis sur les objectifs et les acquis de la réforme de la fonction publique, sur les principaux problèmes observés et sur les attentes concernant la gestion des ressources humaines et plus particulièrement, vous le comprendrez bien, du personnel d'encadrement.

D'entrée de jeu, je vous rappelle que l'Association des cadres supérieurs maintient son accord et son appui à la teneur de la réforme entreprise par la loi de 1983. Nos recommandations vont dans le sens de la poursuite de cette réforme, qui nous semble bien amorcée. En proposant sa réforme de la fonction publique, le législateur a senti le besoin d'inscrire, pour la première fois, au tout début de la loi, la mission de la fonction publique, qui se résume à fournir au public des services de qualité.

Il y a là, avons-nous compris, l'expression d'une volonté gouvernementale clairement définie, à laquelle toute la fonction publique québécoise a, nous semble-t-il, souscrit. Aujourd'hui, nous pouvons affirmer sans hésitation que le personnel, à tous les niveaux, a répondu à l'appel. Des progrès marqués ont été réalisés dans ce domaine. La fonction publique est maintenant davantage préoccupée par les services aux citoyens.

Les autres articles de la loi, autres que ceux définissant la mission, ne sont en fait que des modes d'organisation, des moyens pour mieux concourir à la réalisation de cette mission.

Les services à la clientèle ont été améliorés et d'autres ont été créés dans le mouvement général déclenché par l'adoption de la nouvelle loi. Cependant, pour éviter l'écueil du relâchement possible et presque inhérent à tout mouvement enthousiaste, nous croyons nécessaire de recommander que les ministères, les organismes centraux de la fonction publique et le gouvernement poursuivent leur action concertée en vue d'un meilleur service aux citoyens par la mise en oeuvre de mesures appropriées dont, notamment, la nomination, dans les ministères et organismes où le besoin le justifie, d'un responsable des services à la clientèle et la production, si nécessaire, d'un plan d'amélioration des relations avec les citoyens.

Cette recommandation s'inscrit d'ailleurs dans le sens de notre recommandation générale de poursuivre la réforme dans la même direction. Nous recommandons de telles mesures surtout pour réactualiser la volonté de bien remplir cette mission, pour que l'objectif du service au public, nettement inscrit dans la loi, devienne le leitmotiv pour tous et chacun des agents à l'administration gouvernementale. Il faut plus que se fier uniquement au bon vouloir et à l'initiative de chacun des fonctionnaires ou de chacun des organismes, il faut une action concertée, fondée sur des orientations clairement définies. Pour mieux assurer cette concertation, nous suggérons qu'un maître d'oeuvre gouvernemental, et non une structure nouvelle, soit désigné pour servir à la fois de conscience à la fonction publique et d'incitateur à agir.

Dans un autre ordre d'idée, le processus d'évaluation annuel, obligatoire pour tout le personnel d'encadrement et ta haute direction, ne tient pas nécessairement compte du volet gestion de la ressource humaine placée sous sa responsabilité. Il faut bien admettre que la préoccupation de la gestion des ressources humaines est relativement nouvelle dans le langage des administrateurs, tant du public que du privé, d'ailleurs. C'est pourquoi nous insistons pour que s'élabore une politique spécifique d'évaluation qui insiste surtout sur l'aspect gestion des ressources humaines plutôt que sur la gestion des dossiers. Évidemment, l'une ne va pas sans l'autre.

Pour une atteinte plus grande et plus constante de l'efficience, il faut maintenant définir plus rigoureusement les modalités et les mécanismes de suivi que doivent assurer les organismes centraux sur l'exercice des pouvoirs qu'ils délèguent aux ministères. Il faut également que les plans ministériels de délégation précisent les dispositions selon lesquelles se fera, à chacune des étapes importantes de la gestion, la reddition de comptes des fonctions déléguées.

C'est pourquoi nous recommandons que soit précisée, dans la politique générale de gestion des ressources humaines, une politique spécifique de l'évaluation applicable à tous les paliers de l'administration pour chacune des phases du processus de gestion et que l'élaboration de cette politique soit prioritairement confiée au ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique, assisté du conseil de la fonction publique dont nous recommandons la création.

Pour aller dans le sens de la volonté gouvernementale exprimée par l'article 3, item 5 de la loi sanctionnée en 1983, c'est-à-dire "instituer un mode d'organisation des ressources humaines destiné à favoriser la contribution optimale, au sein de la fonction publique, des diverses composantes de la société québécoise", nous recommandons au gouvernement de constituer un conseil de la fonction publique formé de représentants des groupes directement intéressés ou concernés par la gestion et le développement des ressources humaines de la fonction publique. Ce conseil, selon nous, devrait aviser le ministre sur toute politique et réglementation ayant trait à la fonction publique et présenter au ministre, qui le déposerait à l'Assemblée nationale, un rapport au moins quinquennal sur l'état et les besoins de la fonction publique.

Il nous apparaît tout à fait normal, à ce point-ci de notre exposé, d'attirer votre atten-

tion sur ce groupe important de gestionnaires que sont les cadres, qui ont pour mandat, rappelons-le, d'appliquer les politiques gouvernementales dans leurs secteurs respectifs. Nous rappelons qu'il faut mettre en place des politiques de gestion susceptibles d'attirer les personnes les plus compétentes, les inciter à y faire carrière ou à se réorienter au besoin.

Alors que la Loi sur la fonction publique consacre une section complète - 9 articles - à la définition des règles administratives de base concernant les administrateurs d'État en matière de nominations, de classifications, de conditions de travail, de mesures disciplinaires et autres, de même qu'un chapitre spécial comprenant deux sections - 13 articles avec subdivisions - portant sur le régime syndical et le régime formel de relations du travail particulier pour les autres, le personnel d'encadrement n'a droit, pour sa part, qu'à une simple mention, à l'article 40.

Il ne serait que juste et équitable, selon nous, que la loi reconnaisse également ces mêmes prérogatives à l'égard du personnel d'encadrement. Se pourrait-il qu'un jour la légalité, la réglementation, concernant le personnel d'encadrement, soit contestée parce que non précisée dans la loi? Ce genre d'imbroglio s'est souvent produit dans la fonction publique.

Voilà qui nous amène à recommander qu'un chapitre ou une section soit ajouté à la loi pour y définir un régime formel de conditions d'emploi et de relations entre le gouvernement et son personnel d'encadrement, régime non assujetti au Code du travail. L'économie de la loi permettrait d'inclure une telle section entre la section réservée aux administrateurs de l'État et le chapitre réservé au régime syndical, une place toute désignée et appropriée pour le personnel d'encadrement.

Le plan de classification des cadres supérieurs - dans le langage commun, le corps 630 - existe depuis septembre 1967, en vertu d'une décision de la Commission de la fonction publique, responsable, à l'époque, de la classification des emplois. Ce corps de gestionnaires comprend cinq classes, le niveau I étant le plus élevé; ce sont les membres que nous représentons aujourd'hui. L'article 42 de la loi précise que les fonctionnaires sont recrutés et promus par concours. D'une part, nous constatons que près de la moitié des sous-ministres adjoints cumulent les fonctions de sous-ministre adjoint et de directeur général. D'autre part, pour cette classe I, il n'y a pas de concours, ou presque. Pourtant, la classe I compte 47 personnes. Alors que le cheminement de carrière normal devrait permettre l'accession à ce niveau d'encadrement par voie réglementaire, c'est-à-dire par le concours, il n'en est rien. La conséquence de cet état de fait, selon nous, est que plus d'une centaine d'emplois faisant partie du plan de carrière des cadres supérieurs échappent à la régie fondamentale régissant les nominations. C'est par l'utilisa- tion de tels moyens qu'est habilement contourné ce que la loi établit pourtant comme exigence légale minimale, le concours.

En plus de ce phénomène, ajoutons à ce tableau les statistiques, plus ou moins officielles pour l'instant, qui avancent que plus de 50 % des promotions sont accordées sans concours. Pour corriger cette anomalie, nous recommandons que le règlement de classification des cadres supérieurs établisse clairement que la classe I de cette classification est normalement attribuée à des postes de directeurs généraux et que cette classe, comme les autres classes de cadres supérieurs, n'est accessible que par voie de concours et, exceptionnellement, en application stricte des dispositions des articles 29, 30 et 42. Je vous rappelle que ces articles concernent les gens qui ont été dégagés pour occuper des fonctions publiques pendant un certain temps, avec un droit de retour.

Nous recommandons également que la Commission de la fonction publique assume entièrement la responsabilité que lui confie la Loi sur la fonction publique de veiller à ce que les nominations à des postes de l'une ou l'autre des classes de cadres supérieurs se fassent suivant les règles en vigueur et donc, normalement, par voie de concours. Le recrutement et la promotion de la fonction publique sont des domaines que la loi assigne à l'Office des ressources humaines, mais que celui-ci peut déléguer aux ministères et organismes, ce qu'il a fait dans une très large mesure.

Pour ce qui est des cadres supérieurs, nous sommes d'avis, toutefois, que ces fonctions doivent s'exercer dans une perspective plus gouvernementale que ministérielle. À cet égard, une décentralisation trop poussée risque d'entraver la poursuite d'objectifs d'ensemble. Chaque ministère peut trop facilement être enclin à se préoccuper davantage de ses besoins spécifiques et immédiats au détriment d'une possible et souhaitable carrière interministérielle pour le cadre recruté. On ne recrute pas un cadre supérieur, en effet, pour qu'il fasse nécessairement carrière dans un seul ministère. Idéalement, il doit au contraire pouvoir servir l'administration publique tout entière et, à cette fin, satisfaire dès le départ certaines exigences gouvernementales plutôt que simplement répondre aux critères d'emploi dans tel ministère.

La politique de délégation de l'Office des ressources humaines, ou plutôt sa mise en pratique n'a peut-être pas, selon nous, mis suffisamment l'accent sur la distinction entre exigences gouvernementales et exigences ministérielles. Ce qui nous amène à recommander que le paragraphe 2 de l'article 102 soit amendé pour ajouter aux exceptions indiquées celle de la tenue de concours de recrutement et de promotion des cadres supérieurs. En somme, nous demandons d'ajouter dans la liste des exceptions à la délégation de la tenue de concours le

personnel d'encadrement.

Compte tenu de l'expérience vécue, il nous apparaît nécessaire de préciser dans la loi la limite des pouvoirs accordés pour modifier des attributions de fonction, surtout dans le cas du personnel d'encadrement. L'utilisation du deuxième paragraphe de l'article 4 aboutit, règle générale, à une sous-utilisation du personnel et souvent, même, à placer certains cadres sur la voie d'évltement. Nous recommandons donc de modifier ce deuxième paragraphe de l'article 4 de la Loi sur la fonction publique pour préciser que c'est de façon temporaire qu'un fonctionnaire peut se voir confier des attributions autres que celles normalement rattachées à son emploi et que, dans un tel cas, une durée limitée est prévue pour l'exercice de ses attributions.

Nous recommandons aussi de modifier l'article 33 pour prévoir que le fonctionnaire peut également interjeter appel devant la Commission de la fonction publique de la décision l'informant de son affectation à des attributions de tâche non conformes à sa classification. Cette dernière recommandation vise à accorder aux cadres un pouvoir d'appel devant la Commission de la fonction publique pour obtenir justice, le cas échéant, s'il juge que ses nouvelles attributions sont l'équivalent d'un relevé de fonction déguisé.

La loi reconnaît depuis 1978 au personnel d'encadrement le droit d'en appeler d'une décision concernant ses conditions de travail. À notre avis, pour garantir une certaine crédibilité et impartialité, les membres du comité d'appel devraient être choisis après consultation des associations concernées. Voilà pourquoi nous recommandons de modifier l'article 127 de la loi pour prévoir que les conditions de travail des fonctionnaires non régis par une convention collective sont "appelables" devant un comité dont les membres sont choisis suite à une consultation auprès des associations.

Quelques-unes des recommandations formulées dans notre rapport, mais que je ne traiterai pas ici aujourd'hui, sont davantage d'ordre technique. Je les passe donc sous silence, ce qui n'en réduit aucunement la pertinence et l'importance.

En terminant, permettez-moi de faire un bref tour d'horizon sur la décentralisation, la délégation, le contrôle a posteriori et l'imputabi-lité. En termes d'acquis, il nous semble que la décentralisation et la délégation de pouvoirs viennent au premier rang. Les instances centrales, comme le Conseil du trésor et l'Office des ressources humaines, ont abondamment délégué des responsabilités, comme notamment la tenue de concours. Chacune, dans ses domaines respectifs, a élaboré les règles administratives exigées par la loi. Les sous-ministres et dirigeants d'organismes ont également défini leurs plans de délégation à leur personnel. En bref, nous constatons que des modes organisationnels nouveaux ont remplacé les anciens, et j'attire votre attention sur le fait que je traite ici du volet gestion de ressources humaines.

Le problème majeur engendré par la décentralisation et la délégation de pouvoirs est, nous semble-t-il, l'émergence d'une gestion souvent trop autonomiste de la part des organismes et ministères. Sans correction de la trajectoire à ce moment-ci, la réforme risque de conduire à l'incohérence, à des contradictions, voire même à des iniquités dans l'application des politiques gouvernementales reliées à la gestion des ressources humaines. À titre d'appui à notre crainte, les directives du Conseil du trésor et de l'Office des ressources humaines nous semblent être qu'indicatives pour un grand nombre de ministères et d'organismes. Les conditions dans lesquelles s'exerce l'imputabilité font également partie des préoccupations des cadres supérieurs et, parfois, peuvent leur causer des problèmes. Leur carrière peut en dépendre, leur évaluation annuelle du rendement le leur rappelle, parfois douloureusement.

Ce problème est créé par l'incapacité d'identifier raisonnablement les zones de juridiction des divers intervenants, que ce soit au niveau politique, au niveau administratif ou entre les deux. Il n'est pas évident que la délégation de pouvoirs s'accompagne toujours, présentement, d'une véritable délégation de responsabilités. Aussi, nous croyons à la nécessité de mettre en place les conditions requises pour que s'exercent, toujours en matière de gestion des ressources humaines, la délégation de pouvoirs, le suivi - et par là, j'entends reddition de comptes et non règlement de comptes - et l'évaluation des pouvoirs délégués.

Ceci a pour conséquence inévitable l'application de sanctions, gratifications pour les uns, avertissements et même réprimandes pour d'autres. Une absence d'action en la matière compromettrait la réforme, et un mouvement centralisateur plus fort succéderait au mouvement décentralisateur présentement amorcé.

Enfin, comme le Conseil du trésor est le fondé de pouvoir du gouvernement pour assurer la mise en oeuvre de cette loi, nous suggérons qu'il se structure pour donner aux dossiers concernant la gestion des ressources humaines la même importance que celle accordée aux autres dossiers, tels les relations de travail et les programmes à caractère économique.

Toute réforme s'accompagne de difficultés, de heurts, de contraintes, d'excès, d'hésitations et même d'erreurs dites de parcours. Le législateur s'attendait à vivre une telle situation avec la réforme de la loi, et c'est pourquoi, pour une rare fois, il inscrivait dans un texte législatif, fort heureusement d'ailleurs, l'obligation de faire le point après cinq ans. C'est dans cette perspective que nous vous avons formulé nos commentaires et recommandations. M. le Président, membres de la commission, je vous remercie de

l'attention que vous m'avez accordée.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie de la présentation de votre mémoire. Probablement que le député de Limoilou aura aussi des questions à vous poser. Il me faisait savoir ça tout à l'heure. J'en ai quelques-unes qui vont toucher à la fois le Conseil de la fonction publique, le maître d'oeuvre dans le développement de la carrière et le pouvoir d'ordonnance de la Commission de la fonction publique, mais il y en a une qui me fatigue tout particulièrement comme député qui a à faire du bureau de comté. Les citoyens et citoyennes, peut-être peu instruits, parfois, mais qui paient des taxes et qui paient nos salaires et les vôtres, nous parlent souvent des cadres en empruntant une expression qui est bien particulière, les "tablettes". Est-ce que ça existe chez vous, les "tablettes"? Si ça existe, êtes-vous en mesure de me dire - parce que j'ai des statistiques devant moi, mais je ne vous les livrerai pas - règle générale, combien de cadres circulant dans l'appareil administratif sont prêtés à des organismes comme Centraide ou sont tout simplement mis sur une voie de garage à l'intérieur de l'administration publique? J'aimerais savoir si, effectivement, ça existe, des "tablettes". Il me semble que vous êtes bien placé pour le savoir.

M. Dubuc: M. le Président, vous me permettrez au préalable de démêler les concepts. Il y a des cadres en surplus.

Le Président (M. Lemieux): Oui. M. Dubuc: II y en a présentement...

Le Président (M. Lemieux): Voulez-vous nous donner la définition d'un cadre en surplus?

M. Dubuc: Oui. C'est un cadre qui est en excédent des effectifs autorisés. Il y en a présentement 21 dans la fonction publique.

Le Président (M. Lemieux): 21 cadres qui se situent à quel niveau? De quel niveau? Des administrateurs IV? Administrateurs II? Administrateurs I? Vous n'avez pas d'idée? Vous n'avez pas de statistiques à cet effet-là?

M. Dubuc: Non.

Le Président (M. Lemieux): En termes de masse salariale, ça peut représenter quoi?

M. Dubuc: Une moyenne de 50 000 $.

Le Président (M. Lemieux): O. K., on vous laisse continuer.

M. Dubuc: Voilà. Une autre précision, avant de poursuivre ma réponse, si vous me permettez.

Les cadres en surplus ou les cadres que je vous définirai en transition de carrière sont victimes d'une situation. Ils ne sont pas nécessairement la cause de la situation. Ça, c'est important de bien le préciser.

En deuxième volet, les cadres dits en transition...

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Dubuc:... ce sont des cadres qui, présentement, se voient attribuer des fonctions non correspondantes à leur classification. D'où notre recommandation de modifier l'article 4 pour que, quand on confie à un cadre des tâches, des travaux, des responsabilités qui ne sont pas du niveau où il est classé, ce soit de façon temporaire. (15 h 30)

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que l'Assocication des cadres fait... Qui a la responsabilité de voir à la reclassification ou à l'utilisation de ces cadres-là?

M. Dubuc: L'Office des ressources humaines est un intervenant important. L'Association des cadres joue aussi un rôle de support auprès de son personnel. Le Conseil du trésor intervient, également. Pour ça, il y a une coïncidence qui n'a probablement aucun lien avec la présente commission, mais il y a deux semaines à peine, nous avons accueilli une nouvelle politique de gestion de l'encadrement.

Le Président (M. Lemieux): Nous étions au courant. C'est curieux. Allez-y, vous pouvez continuer.

M. Dubuc: Si vous me permettez un petit ajout, ces cadres-là ne sont pas à la maison. Ceux dont je vous ai parlé ne sont pas à la maison, ils travaillent. Ils coûtent peut-être en moyenne 50 000 $, ils ne rendent peut-être pas 50 000 $, mais ils travaillent, ils produisent.

Le Président (M. Lemieux): Et vous avez dit qu'il y en avait 21. C'est ça?

M. Dubuc: En surplus.

Le Président (M. Lemieux): En surplus. Et en transition de carrière, maintenant?

M. Dubuc: Là-dessus, c'est plus difficile à évaluer. Vous comprendrez que, nous, on ramasse de l'information, mais ce qui circule habituellement, c'est de l'ordre de 200. Mais là, il y a une précision importante. Les directives gouvernementales définissent déjà une possibilité de 5 % de cadres en transition par organisme. C'est permis, ça. C'était accepté, la règle... Et ça va de soi que, quand on fait une réorganisation administratrive, qu'on brasse des programmes,

qu'on coupe ici, qu'on ajoute ça, on se retrouve en transition quelque part avec un certain nombre de cadres et là, il faut temporairement les affecter... Ça, c'est prévu. La directive gouvernementale prévoit 5 %. Alors, 5 % de 2500, on est déjà à 125.

Le Président (M. Lemieux): Et vous dites qu'il n'y a personne de sous-utilisé et vous nous affirmez qu'il n'y a aucun cadre qui est actuellement à la maison et qui reçoit son salaire du gouvernement?

M. Oubuc: Non, non, ça, je ne peux pas...

Le Président (M. Lemieux): Vous n'êtes pas capable d'affirmer ça, n'est-ce pas?

M. Dubuc: Je ne peux vous faire une telle affirmation. Non, ce n'est pas... Je n'ai pas l'information pour...

Le Président (M. Lemieux): Vous n'avez pas l'information pour ça. O.K. Nous avons fait une étude et il s'avère, dans cette étude que les cadres de 45 ans et plus qui sont sous-utilisés, ou ils sont affectés mais ce n'est pas dans des emplois de cadre, ou ils ne sont pas affectés et ils n'ont pas de mandat. Est-ce que ça correspond à la réalité?

M. Dubuc: Voulez-vous me reformuler ça, M. le Président? Les cadres de 45 ans et plus...

Le Président (M. Lemieux): 30 % des cadres de 45 ans et plus - ce qu'on a comme statistiques - sont affectés mais ne sont pas dans les emplois de cadres, ou ils sont non affectés et ils ne reçoivent pas de mandat.

M. Dubuc: Cette question étant plus spécifique, M. le Président, je vous demanderais de laisser M. Parent...

Le Président (M. Lemieux): Oui, oui. C'est une étude que la commission a entreprise auprès des cadres de la fonction publique.

Une voix: Les derniers chiffres...

Le Président (M. Lemieux): Auprès des cadres de 45 ans et plus, on s'entend bien?

Une voix: O.K. Vous avez fait un échantillonnage...

Le Président (M. Lemieux): Un échantillonnage, oui.

Une voix: D'accord.

M. Parent (Lucien): Si on veut... Ce problème, je peux vous dire qu'officiellement - et c'est ce que M. Dubuc, notre président, vient de vous dire - il y a 22 cadres déclarés officiellement en surplus, dont 21 ou 22... Ça varie seulement de la journée, mais on va... Alors, déclarés officiellement en surplus selon les directives du Conseil du trésor. Il y en a 208 qui sont dans les cadres en transition de carrière, c'est-à-dire que chaque ministère a 5 % de ses effectifs pour permettre soit de faire du ressourcement, soit de prêter des personnes à Centraide. Il y a 5 %. Or, conséquemment, ces gens-là, comme vous dites, bien sûr, sont affectés à des emplois qui sont non conformes à leur déclaration d'aptitudes, parce que je vous rappelle que chaque cadre - et on vous le rappelle dans le mémoire, aussi - est nommé à un poste après un concours. L'article 4 que nous vous demandons de modifier, le droit d'appel qu'on demande aux cadres, c'est justement pour corriger ces écarts de gestion qui permettent quelquefois à des administrations de confier des fonctions autres que celles pour lesquelles ils ont été choisis. Si personne ne peut se faire entendre ici, dans le ministère - et au gouvernement, il n'y a personne pour entendre ces personnes-là - au nom de l'Association, nous vous demandons de permettre aux cadres qui se voient - employons les mots comme ils sont -tassés, affectés à des fonctions non conformes à leurs compétences... L'Association voudrait que vous vous penchiez sur ce dossier-là. À savoir combien il y en a qui sont chez eux, à la maison, je peux vous dire une chose: au moment où nous nous parlons aujourd'hui, c'est très peu. Comme ce n'est pas très glorifiant, il n'y a pas beaucoup de cadres qui nous appellent pour nous dire qu'ils sont à la maison. C'est pour ça que nous n'avons aucune statistique.

Permettez-moi, pour finir l'information... Quand les gens s'inquiètent qu'il y a 208 personnes qui sont payées, je ne dirais pas à ne rien faire - on vient de préciser que ce n'était pas le cas - il faut se rappeler aussi que, comme chaque ministère a un nombre d'effectifs à combler et qu'if ne peut pas les dépenser parce que chaque poste est autorisé... Je peux vous dire qu'il y a 8 % annuellement de postes vacants chez l'encadrement supérieur. Or, conséquemment, le problème financier est atténué par la vacance, mais, d'un autre côté, ça ne règle pas le problème des cadres qui sont sous-utilisés et qui souhaitent être utilisés.

Le Président (M. Lemieux): Vous avez parlé, dans un autre ordre d'idée, du Conseil de la fonction publique. Est-ce que vous pourriez nous préciser les pouvoirs que vous aimeriez lui voir attribuer, à ce Conseil de la fonction publique?

M. Dubuc: II nous apparaît que la gestion des ressources humaines est l'enfant pauvre, par rapport à la gestion financière. Refaisons un peu d'histoire. Il y avait un ministère de la Fonction

publique et il y avait un organisme davantage préoccupé des volets financiers. Si je voulais utiliser une image, je dirais que le financier l'a emporté sur l'humanisme. Quand les décisions devaient se prendre, l'arbitrage se faisait dans le portefeuille, comme dans nos familles, bien souvent. Nous, on dit qu'il faut donner une chance à cette réforme qui est enclenchée de se poursuivre. On a un bout de chemin de fait, et on pense qu'en supportant davantage cette préoccupation de gestion des ressources humaines, donc, en alimentant le pouvoir politique à l'aide d'un Conseil... Et là, je raccroche à votre question. Pour nous, c'est strictement un Conseil. C'est un regroupement de gens intéressés, concernés par la gestion des ressources humaines de la fonction publique, qui conseille le ministre sur l'évolution, la gestion des ressources humaines dans la fonction publique. Ce serait le rôle du Conseil, un rôle d'analyse d'une situation pour alimenter l'appareil politique.

Le Président (M. Lemieux): Je veux bien croire ça, mais vous avez parlé aussi d'avoir davantage de pouvoirs... Vous faites aussi référence à la Commission de la fonction publique, et ça m'intrigue un petit peu, ça m'agace un petit peu. Je me demande: qu'est-ce qui va arriver de l'imputabilité des gestionnaires, si la Commission de la fonction publique peut à peu près interroger, je dirais, toutes les décisions comme telles des gestionnaires en matière de gestion des ressources humaines eu égard à son pouvoir d'enquête? Vous ne trouvez pas que la Commission de la fonction publique, actuellement, a suffisamment de pouvoirs?

M. Oubuc: Je vous ferai remarquer qu'on ne revendique pas davantage de pouvoirs pour la Commission de la fonction publique, on revendique qu'elle exerce son pouvoir dans les champs qui sont déjà définis, dont explicitement ceux de la tenue de concours.

Le Président (M. Lemieux): Elle le fait actuellement.

M. Dubuc: Sur demande. Je pourrais vous citer un exemple: à notre demande, à la demande de l'Association, la Commission a tenu une enquête sur un certain nombre de concours qui s'étaient tenus.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Le concept du Conseil de la fonction publique est intéressant. Je note cependant qu'à la page 27, vous dites: "Cette mesure s'impose, d'autant plus que la personne qui agit comme ministre délégué à la Fonction publique a comme mandat principal la présidence du Conseil du trésor et non le dossier des ressources humaines." Tout en étant intéressant, le concept du Conseil de la fonction publique, à mon avis, n'est pas la vraie solution à une direction qu'on peut penser, comme bien d'autres groupes l'ont dit hier, trop uniquement axée sur la gestion financière; à savoir le fait que l'ensemble de la loi soit la responsabilité d'un seul ministre, le président du Conseil du trésor. Je m'explique. On peut concevoir, pour fins de concertation en particulier, surtout s'il y a des consommateurs de service dans ce Conseil de la fonction publique, que ça pourrait devenir un forum intéressant: les cadres supérieurs, les cadres intermédiaires, les syndiqués, etc., tous les échelons de la fonction publique dans un forum de concertation, en incluant - je ne sais pas dans quelle proportion vous les voyez - les consommateurs de services, la clientèle. Ça, c'est une chose. Je pense qu'il faut la traiter en tant que telle, mais il faut traiter à côté l'autre problème qui a été évoqué par plusieurs. Je vous pose la question bien carrément: où est-ce que vous situez votre préférence? Préférez-vous la formule actuelle où il y a un seul ministre, ou la formule qui a eu cours de 1984 à 1988 où, selon l'article 171 de la Loi sur la fonction publique, le gouvernement désigne par décret des ministres responsables de l'application de l'ensemble de la loi? De 1984 à 1988, il y en avait deux et, depuis 1988, il y en a un. Est-ce que vous avez une préférence?

M. Dubuc: Oui. Notre position là-dessus est effectivement arrêtée. Un peu dans la continuité de ce qu'on vient de vous dire, on pense que la réforme est à peu près à mi-chemin. On a entendu, notamment ce matin, les gens nous dire: Ce sont des changements de mentalité, ça ne se fait pas sur un 10 cents. Il faut donner le temps à ça. C'est une grosse machine à tourner et, nous, on pense que le mouvement est enclenché. Le juger aujourd'hui et dire que ce n'est pas bon, que l'on doit changer, selon nous, il faut continuer dans ce sens-là. Pour répondre maintenant directement à votre question, on pense qu'un ministre bien supporté, comme on vous le propose, par un équilibre au sein de son Conseil entre la gestion des ressources et ia gestion financière, peut atteindre le même résultat.

M. Lazure: Vous préférez la situation actuelle à celle qui a prévalu entre 1984 et 1988?

M. Dubuc: Pour les différences qu'il y a eues, oui.

M. Lazure: Oui? M. Dubuc: Oui.

M. Lazure: Avez-vous entendu parler, depuis janvier 1986, de l'action des comités, dans chaque ministère et organisme, qui s'occupent

de la qualité des services aux citoyens? Si oui, pouvez-vous nous en parler?

M. Dubuc: Non, je ne peux pas élaborer là-dessus.

M. Lazure: Non? C'est ce qui devait remplacer le Secrétariat aux relations avec les citoyens.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle.

M. Léonard: Sur cette question du Conseil, est-ce que ça ne fait pas un autre organisme de plus dans le décor, un Conseil de la fonction publique à côté de la Commission de la fonction publique, du Conseil du trésor...

Une voix: De la commission du budget... M. Léonard: Oui...

M. Oubuc: Effectivement, pour répondre à votre question, M. le député, cette formule qu'on a mise de l'avant et qui est un Conseil, en fait, c'est le concept derrière qui a son importance. Qu'on arrive à autre chose qu'un Conseil, qu'on dise que l'Office va jouer ce rôle-là en s'adjoi-gnant des intervenants, parce qu'il nous paraît important qu'il n'y ait pas que des fonctionnaires là-dedans, ça pourrait être viable aussi. On a proposé cette formule-là, mais elle pourrait être accommodée.

M. Léonard: O.K. Très rapidement, sur une question... Vous nous avez dit tout à l'heure qu'il y avait 2500 cadres supérieurs au gouvernement du Québec.

M. Dubuc: Oui.

M. Léonard: II y a 2500 cadres intermédiaires aussi?

M. Dubuc: 2400 cadres supérieurs.

M. Léonard: Oui, disons 2400. Et il y aurait 2500 cadres intermédiaires, c'est ce qu'on a dit ce matin. Est-ce que je dois conclure...

M. Dubuc: Ne concluez pas là-dessus!

M. Léonard: ...qu'il y a beaucoup de "totems"?

M. Dubuc: Non. Je pense qu'il faut faire des distinctions importantes. Il y a des organismes où les opérations sont très présentes, où l'application directe des programmes est là; on retrouve, dans ces organismes, un grand nombre de cadres intermédiaires. Il y a plein d'autres organismes, dont les organismes à vocation plus centrale, plus de conception, où il y a beaucoup moins de cadres intermédiaires.

M. Léonard: Là, dans l'autre cas, ça veut dire qu'il y a pas mal plus de chefs que d'indiens.

M. Dubuc: Non. Dans ces cas-là, il n'y a pas un pour un. Le nombre de cadres supérieurs dans ces organismes est moins élevé que dans les organismes centraux.

M. Léonard: Je voudrais poser des questions sur deux autres sujets. On nous a dit que l'évaluation des cadres intermédiaires était, en tout cas, défaillante, pour dire le moins. Vous l'avez entendu ce matin, je pense. Quelle est votre réaction par rapport à ça?

M. Dubuc: Nier qu'il y a des ratés dans le...

M. Léonard: Parce qu'au fond, l'impression qu'on a actuellement, c'est que les cadres supérieurs n'évaluent pratiquement pas ou... Enfin, c'est un travail très pénible à faire et une période très difficile à supporter, lorsque ça arrive.

M. Dubuc: C'est vrai que c'est... J'en suis un, un cadre supérieur, et c'est vrai que c'est un exercice difficile. D'ailleurs, l'évaluation des ressources, c'est partout un travail difficile. Ce qui explique peut-être qu'il y ait davantage de ratés dans ce processus qu'il y en a dans d'autres. Dans le processus budgétaire, on a à rendre compte; on a besoin d'argent et, si on n'a pas d'argent, on n'opérera pas. Dans le processus d'évaluation, on met ça un petit peu de côté: Je suis pressé par les affaires budgétaires, je mets ça... Bon. Ça peut expliquer ça, mais je ne pense pas qu'on doive condamner le processus actuel. Il y a eu énormément, mais énormément - on en jasait au conseil d'administration, à l'Association - d'améliorations quant au processus d'évaluation. Quant au processus par lequel on fixe des attentes et on rend compte de ces attentes, il y a eu beaucoup de changements là-dedans. Il reste, appelons ça comme ça, des poches de résistance, ça va de soi.

M. Léonard: Est-ce que c'est un domaine de l'application de la loi qui mérite une attention particulière dans les cinq années à venir?

M. Dubuc: Sans l'ombre d'un doute. (15 h 45)

M. Léonard: Oui. Ce matin, on a aussi abordé la question de la mobilité des fonctionnaires. Je prends ça du bas jusqu'en haut de l'échelle. Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que vous trouvez que c'est suffisant, actuellement, ou que ça devrait être beaucoup plus accentué dans le temps? Est-ce que c'est vraiment en même temps qu'il y a la sécurité-

d'emploi qu'on doit accentuer la mobilité à l'intérieur, partout, de toutes les façons dans la fonction publique?

M. Dubuc: Oui...

M. Léonard: Par exemple, juste pour donner le cas... Si vous avez plein de gens en transition d'emploi ou en surplus, est-ce qu'il y a des approches systématiques de faites vis-à-vis l'entreprise privée pour échanger? Parce qu'il y a la mobilité à l'intérieur, mais peut-être pourrait-il y avoir une mobilité avec l'externe...

M. Dubuc: Vous comprendrez, M. le député, que je ne peux pas être contre la vertu. La mobilité, c'est une forme de ressourcement, et c'est probablement la meilleure.

M. Léonard: Je suis content de vous l'entendre dire, "probablement la meilleure".

M. Dubuc: Parce que, particulièrement dans notre cas, si on regarde... Justement, vous faisiez référence, ce matin, au sondage réalisé par l'Office des ressources humaines sur l'encadrement supérieur. Ces sondages dénotent plusieurs phénomènes, dont un très haut degré de scolarisation des cadres supérieurs. Règle générale, un bac, plusieurs maîtrises et même des doctorats. Alors, ces cadres, pour se ressourcer, n'iront pas suivre un cours de niveau baccalauréat, n'iront pas à un forum; ils vont chercher à se développer dans le cadre de leurs attributions. Donc, acquérir des expériences nouvelles et se développer par ce biais.

Nous, on est tout à fait favorables à l'idée de mobilité. Je ne vous donnerai pas un nombre d'années dans un poste, ça m'apparaitrait trop arbitraire. Ça dépend de l'individu...

M. Léonard: Oui.

M. Dubuc: ...ça dépend de la fonction, ça dépend de la spécificité. Mais, oui, on est favorables à cette mobilité. Il y a, par contre, il ne faut pas se le cacher, des entraves à ça. Vous faites référence à la mobilité avec le secteur privé. On dit à quelqu'un: Ça fait 20 ans que tu es dans la fonction publique, voici toutes tes conditions, tout ce que tu as acquis. On t'a trouvé quelque chose ou il y a quelque chose qui te conviendrait. Et, bon, les deux parties s'entendent pour dire: Oui, effectivement, dans l'entreprise privée, ça pourrait être intéressant. Là, on se bute au régime de retraite; 20 ans de régime de retraite non transférables. Laisser geler ça là, c'est une perte sèche.

Et ça, c'en est une, une entrave à la mobilité. Ce sont des dossiers comme ça sur lesquels je pense qu'il faut se pencher au-delà de la gestion comme telle et du principe de la mobilité.

M. Léonard: Ça, je suis convaincu que c'est un aspect important. Est-ce que je peux me permettre une autre...

Le Président (M. Lemieux): II y a votre collègue. C'est parce qu'il vous reste une minute. Il y a votre collègue de Pointe-aux-Trembles qui avait une question.

M. Léonard: Je veux juste faire une remarque sur celle que vous avez faite en ce qui concerne la décentralisation. À la minute où le gouvernement s'informatiserait de plus en plus, ce qui va être le cas, comment peut-on s'opposer à des mesures de décentralisation alors qu'au fond, vous avez tous les instruments de contrôle par l'informatique, finalement, dans un poste central? En tout cas, ça ne doit pas être un empêchement à décentraliser, au contraire.

M. Dubuc: Avec une reddition de comptes. M. Léonard: Ouais...

Le Président (M. Lemieux): Alors, il va falloir revenir dans un deuxième temps, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Il y a M. le député de Limoilou et M. le député de Mille-Îles... Et moi aussi, je voudrais avoir le temps de revenir. Alors, M. le député de Mille-Îles, allez-y. Après, ce sera M. le député de Limoilou, M. le député de Saint-Louis, et on reviendra au député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bélisle: Malheureusement, on n'aura pas tout le temps, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Malheureusement.

M. Bélisle: Malheureusement. D'abord, une chose qui m'a frappé, c'est à la page 2 de votre résumé du mémoire. Vous dites - je vais vous citer textuellement, au bas de la page, avant-dernier paragraphe: "L'élaboration et l'administration des programmes que nécessite la mise en oeuvre des politiques gouvernementales sont du ressort de la fonction publique qui, bien qu'au service de la population, ne lui rend pas directement des comptes, mais doit plutôt le faire au ministre mandaté par l'État." Moi, je suis d'accord avec l'énoncé. Je n'ai pas de problème avec ça.

Je pense que quelques-uns d'entre vous étaient ici hier. À moins que... Je vois des signes de tête, on me fait signe que oui. D'accord? Et j'ai été surpris de voir, hier, à plusieurs reprises, des centrales syndicales venir nous dire, lorsque j'ai posé des questions quant à l'imputabilité... À qui devez-vous rendre des comptes? Entre autres, au Syndicat des fonctionnaires, on me dit: On doit rendre des comptes à la population. La

question que je vous pose, c'est que vous autres, comme gestionnaires, vous êtes du côté patronal. Vous êtes les gérants, les administrateurs du système. Vous concevez votre rôle comme rendant des comptes non pas à la population, mais aux ministres et aux personnes qui sont les sous-ministres, d'accord?

Une voix: D'accord.

M. Bélisle: Et là, vous voyez d'autre part que l'autre partie de la fonction publique, les fonctionnaires, essentiellement, que vous gérez, eux autres, ils vous livrent un tout autre message: Nous autres, l'imputabilité, on va rendre compte à la population. Comment arrimez-vous ça entre les deux? Comment faire du sens? Il y a deux conceptions différentes, c'est-à-dire que, quand on est du côté patronal, on rend compte au côté patronal, et quand on est du côté syndical, du côté service à la population, on pense que le fait d'être imputables et de rendre des comptes quant aux mandats qui nous sont confiés veut dire qu'il faut rendre compte au peuple. Je comprends mal. Peut-être qu'il y a un message de votre part qui passe mal à ceux que vous dirigez. Je pense qu'il y a un malaise drôlement important, là. C'est une bonne question.

M. Dubuc: Sans doute, comme les autres. Premièrement, je confirme, effectivement, que notre position, selon nous... Là, vous comprendrez que je parle comme représentant. C'est le dilemme des cadres, on est à la fois employés et employeurs. Alors, je parle comme cadre. Il nous semble qu'on a des comptes à rendre à la hiérarchie. Si j'ai un sous-ministre de qui je relève, il est normal que je rende compte de mes gestes au sous-ministre. Ce sous-ministre rend compte au ministre qui, lui, est le porte-parole politique, public. C'est lui, l'élu. Ça, c'est la position par rapport à nous. Quant à la position par rapport aux employés, il m'apparaîtrait difficile d'accepter, par exemple, qu'une secrétaire puisse rendre compte à la population, qu'un préposé au comptoir - je suis à la Société de l'assurance automobile - qui renouvelle vos plaques d'immatriculation vous rende compte de ce qu'il fait. Il a un patron qui lui dit: Tu vas faire ça, et ainsi de suite. Donc, à mon sens, il faut respecter ça, autrement, c'est l'anarchie. Si le pouvoir de gestion ne s'exerce pas, qui va mener quoi?

M. Bélisle: M. Dubuc, juste dénoncer le problème, c'est un peu poser l'étendue du problème. Je ne sais pas si vous ne pourriez pas réfléchir là-dessus avec votre association et nous revenir à un moment donné là-dessus, mais je trouve qu'il y a un problème excessivement sérieux là-dedans, en termes d'administration, de délégation d'autorité et de directives de la part des cadres directement à ceux qui vous aident à donner des services, ceux qui sont plus bas dans la pyramide et qui sont tournés vers la population. Je ne veux pas passer tout mon temps là-dessus. Vous étiez là, ce matin, quand l'Association des cadres intermédiaires est venue livrer son document, son mémoire?

M. Dubuc: Oui.

M. Bélisle: Est-ce que vous avez eu l'occasion de vérifier, de regarder les modifications à l'article 3 de la loi? Non?

M. Dubuc: Je vous ai entendu en parler, par exemple.

M. Bélisle: Mais vous n'avez pas vu les sixièmement jusqu'à dixièmement?

M. Dubuc: Non.

M. Bélisle: Est-ce possible, M. le Président, de leur demander s'ils veulent bien peut-être faire une réflexion et nous envoyer une communication future là-dessus? Ce que je leur demanderais tout simplement, c'est: est-ce que vous êtes en accord avec les propositions faites par les cadres intermédiaires concernant l'article 3? La dernière chose, M. le Président, c'est que nulle part dans vos recommandations, à la fin... Il y en a, des recommandations sur des modifications aux articles de la loi, mais les recommandations recoupent pas mal d'autres recommandations. Je pense qu'il y a des lieux communs et des consensus qu'on peut aisément établir parmi les gens qui sont venus devant nous. Écoutez, l'article 70 de la loi, dont on a abondamment entendu parler, qui est la base de régime syndical, c'est-à-dire la nomination des candidats, la promotion des fonctionnaires, la classification des emplois, la détermination du niveau des emplois, l'attribution du statut de fonctionnaire, l'établissement des normes d'éthique, la discipline et j'en saute... Il n'y a pas de recommandation, dans votre texte, à l'effet qu'il faut modifier l'article 70 de la Loi sur la fonction publique. Est-ce exact?

M. Dubuc: Effectivement, on n'a aucune recommandation sur cet article.

M. Bélisle: Donc, à votre avis, comme administrateur de l'État du Québec, du gouvernement du Québec, vous croyez que l'ensemble de l'article 70, pour vous permettre d'accomplir votre tâche, doit demeurer comme il est présentement. Ce n'est pas un mauvais article, ce n'est pas un mauvais régime. C'est ça que vous êtes en train de dire. Vous ne l'avez pas dit, donc je présume que c'est ce que vous dites.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bélisle: Tout ce que vous aviez à nous proposer comme recommandations, M. Dubuc, je les vois très clairement établies. Vous avez 17 recommandations, d'accord? Il n'y en a pas une sur l'article 70.

M. Dubuc: Par rapport à d'autres préoccupations qui sont davantage de l'ordre des cadres supérieurs, nous, on n'a pas cru bon de toucher à l'article 70. On avait d'autres...

Le Président (M. Lemieux): Ça va, M. le député de Mille-Îles? M. le député de Limoilou. Ça va? Alors, M. le député de Saint-Louis et, après, s'il reste un peu de temps...

M. Chagnon: M. Dubuc, vous avez parlé de décentralisation. On lit, dans votre document, que la clarification des objectifs doit amener à la reddition des comptes à tous les niveaux dans la hiérarchie. Mon collègue, le député de Mille-Îles, faisait allusion , à un problème peut-être dichotomique à l'intérieur de l'ensemble de la machine, qui nous est apparu ici, mais qui est peut-être existant. Vous parlez, dans votre document, de la reddition des comptes et plus particulièrement de l'imputation à un niveau politique, c'est-à-dire que le ministre doit définir les objectifs politiques Le gouvernement et le ministre doivent définir les objectifs politiques et en rendre compte aux commissions parlementaires et autres. Sur le plan administratif, est-ce que vous avez des objections de principe à ce que, par exemple, les sous-ministres, les sous-ministres associés... Vous opposeriez-vous à ce que vous-mêmes puissiez accompagner les sous-ministres et sous-ministres associés pour venir faire part aux membres d'une commission parlementaire des choix administratifs que vous avez eu à mettre et à appliquer pour faire en sorte que les objectifs politiques puissent se rendre jusqu'à l'ensemble des points de service à la population?

M. Dubuc: Je voudrais vous préciser que, dans notre perspective, c'est l'homme politique qui rend compte à l'appareil politique. Donc, les commissions parlementaires sont une créature de l'appareil politique et des élus. Bien au contraire, nous n'avons aucune objection à accompagner le ministre dans ses représentations devant les élus. Je pense que ça s'est fait régulièrement, notamment dans la défense des crédits, à cette même commission, où le ministre est accompagné de son sous-ministre, de ses cadres supérieurs, à l'occasion. Alors, nous n'avons pas d'objection, au contraire, à rendre compte, mais en compagnie du ministre. Il me semble que ça va de soi que c'est l'homme politique d'abord qui rend compte.

M. Chagnon: Alors, nous parlons à ce moment-ci de l'imputabilité politique. Le ministre, vis-à-vis d'une commission parlementaire comme celle-ci, vient faire part de ses préoccupations. Par exemple, vous avez mentionné qu'à l'époque de l'étude des crédits, le ministre ou la ministre vient dire: Dans le ministère X, Y ou Z, nous avons comme objectifs pour l'année en cours, tel, tel et tel objectifs. Ça va bien? En cours d'année, on peut avoir un problème, une question, une demande... Est-ce que vous avez... La commission parlementaire pourrait avoir l'intention d'entendre le sous-ministre, par exemple, et ses associés principaux,, qui sont les cadres supérieurs que vous êtes, pour venir clarifier, en tout cas, ou, du moins, donner un éclairage à la commission, peu importe la commission, mais à une commission parlementaire qui viendrait les questionner sur les choix administratifs qu'ils ont eu à faire pour faire en sorte que les objectifs politiques soient remplis. Vous me saisissez bien?

M. Dubuc: Oui, très bien. Nous n'avons pas d'objection à ça, mais, comme je vous le dis, que ce soit toujours, à mon sens, en compagnie du ministre responsable. Il m'apparaîtrait indécent de court-circuïter le responsable politique de ce débat.

M. Chagnon: Est-ce que vous êtes en train de me dire que le responsable politique est aussi, selon vous, responsable de toutes les données administratives, jusqu'au bas de la pyramide, dans chacun de vos ministères?

M. Dubuc: Je voudrais être bien compris là-dessus. Le cadre, le sous-ministre ou le sous-ministre adjoint... Je peux difficilement parler pour eux, mais je parle pour les cadres ou davantage personnellement, dans ce cas-là, puisque ce n'est pas une question qu'on a débattue en groupe. Moi, je n'ai absolument aucune réserve à venir discuter des choix administratifs que j'ai faits et vous dire pourquoi j'ai fait un choix plutôt qu'un autre. Ce que je vous dis, c'est que je n'aimerais pas devoir le faire à l'insu du ministre dont de qui relève l'unité à laquelle je suis affecté.

M. Chagnon: Bien, à l'insu... Ce sont des commissions parlementaires publiques, comme vous le savez, et, en général, les ministres sont avisés de qui sont les gens de leur ministère qui peuvent être appelés en commission parlementaire. Ça se fait, par exemple, au gouvernement fédéral ou en Ontario, où des hauts fonctionnaires viennent plaider les choix administratifs qu'ils ont jugé bon de prendre dans l'orientation des choix politiques qui ont été eux-mêmes préalablement pris par leur ministre. (16 heures)

M. Dubuc: Si vous me permettez... C'est la reddition de comptes. Là-dessus, M. Louis Bernard, dans son volume, je pense, nous éclaire;

il a une vision que nous, on partage, à savoir que l'organisme rend compte; l'individu responsable de cet organisme-là peut rendre compte dans sa structure à lui.

M. Chagnon: En conclusion, M. le Président, c'est intéressant, ce que M. Dubuc vient de nous dire. Je pense qu'il y aurait intérêt à ce que vous lisiez le document que M. Bernard a produit pour cette commission. Peut-être qu'ultérieurement, comme vous avez semblé vouloir acquiescer à le faire pour la question précédente, vous pourriez peut-être nous dire comment vous voyez le modèle d'imputation administratif, mais fait devant un corps politique, comme celui que préconise M. Bernard dans son mémoire à cette commission, et les modalités, évidemment, qui découlent de cette présentation de M. Bernard. Si c'était possible, je pense qu'il serait intéressant pour les membres de la commission d'avoir votre réaction là-dessus.

M. Dubuc: Cela nous fera plaisir, M. le député.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Pointe-aux-Trembles, et je vais revenir moi-même tout à l'heure, à la toute fin.

M. Bourdon: Alors, je voudrais revenir à la page 37 de votre mémoire, parce que je la trouve particulièrement intéressante. Vous y dites que "les promotions sans concours ont pris de plus en plus d'importance dans les modes de dotation des postes." Vous dites, un peu plus loin: "Permettre que près de 40 % des promotions soient accordées sans recourir à la procédure de concours risque de porter atteinte à la crédibilité même des responsables de l'application du processus de dotation." Et vous dites aussi qu'"une telle pratique de "l'exceptionnel" - mais à 40 %, l'exceptionnel va bientôt être majoritaire; on sait que, des fois, on passe de 40 % à 60 % et ce n'est pas si long - ne peut qu'entraver la mobilité latérale du personnel, qui est une mesure favorable tant à l'organisation qu'aux fonctionnaires."

Je voudrais dire là-dessus que le concours ne garantit pas la parfaite objectivité dans l'octroi de la promotion, sauf qu'il l'encadre dans des règles qui garantissent au postulant que sa candidature va au moins être considérée et qu'il aura l'occasion de se faire valoir. Vous dites, un peu plus loin, qu'il y a les nominations provisoires qui, souvent, mènent à des promotions sans concours. Là, c'est l'argument supplémentaire de dire que la personne qu'on a nommée est capable, puisqu'elle le fait déjà. À titre de négociateur dans un organisme, qui était Radio-Québec, à l'époque, j'ai vu que ça aussi, ça pouvait être une difficulté.

Mais en clair, je lis la loi comme il faut, et elle ne permet pas la promotion sans concours. À l'article 42, on y dicte: "Les fonctionnaires sont recrutés et promus par voie de concours." Ce que je veux dire là-dessus, c'est que ce n'est pas juste un problème d'équité et d'éthique qui est concerné, mais c'est aussi une question d'efficacité que ça vient battre en brèche. Parce que je sais d'expérience, moi, que des gens qui n'ont pas de mobilité, qui saisissent que la structure de l'entreprise où ils travaillent, quelle qu'elle soit, triche à l'égard des règles et qui perçoivent qu'il y a du favoritisme ont tendance à se démobiliser, à se démotiver et à tricher eux-mêmes. C'est dans ce sens-là qu'on dit parfois, dans la population, qu'il n'y a pas de mauvais indiens, il y a juste de mauvais chefs. Je pense qu'il faudrait que notre commission prenne bonne note de l'avertissement que vous faites, de la cloche d'alarme que vous faites sonner, à peu près dans les mêmes termes, d'ailleurs, que le Syndicats des fonctionnaires provinciaux du Québec et que le Syndicat des professionnels du gouvernement. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il s'agit de postes qui relèvent du public et dont les promotions doivent être données d'une façon juste. Au surplus, le faire de la manière dont ça se fait, ce n'est pas efficace, ça ne garantit pas l'excellence, pour prendre un terme à la mode, et ça lèse des gens.

Je pense - et je finis avec ça - que le favoritisme, dans ce sens-là, a tendance à favoriser le conformisme chez tout un chacun, dans des entreprises. Je sais que ce n'est pas très parlementaire, mais on appelle ça le règne et la règle des léteux", dans une entreprise. Donc, ça encourage les comportements conformes et ça décourage l'initiative, parce que, dans le fond, il s'agit d'être du bon bord, au sens d'être du bon bord du gestionnaire qui veut le faire en passant à côté de la règle.

Et je finis avec une courte question. Vous dites que ça devrait être clairement indiqué dans l'article 42 que le concours n'est pas l'exception, mais bien la règle à peu près absolue, sauf circonstances bien spéciales, et demandez que soit prévu, dans le même article, un mécanisme de contrôle à cet effet. Qu'est-ce que vous entendez, par mécanisme de contrôle? Parce qu'on sait d'expérience que, quelle que soit la qualité de la loi qui surgira de nos travaux, s'il n'y a pas un mécanisme de contrôle et de contrainte, la nature humaine étant ce qu'elle est, ça va recommencer.

M. Oubuc: Si vous me permettez cette référence à l'article 42, il est prévu que la promotion sans concours est possible, au deuxième paragraphe de l'article 42. Ce que nous disons... Et, par parenthèse, on trouve tout à fait justifié que, lorsqu'un individu s'épanouit dans son poste - pour utiliser une image - que cet individu-là ait une promotion. Là où ça blesse, c'est quand cette règle d'exception devient la générale. Et là-dedans, comme dans d'autres

choses, j'oserais dire que la modération a bien meilleur goût.

Le Président (M. Lemieux): Allez y. M. Lazure: Sans préambule.

Le Président (M. Lemieux): Oui, sans préambule.

M. Lazure: À la page 14, sous le chapitre "Une fonction publique toujours davantage préoccupée du service aux citoyens", je vous cite: "Et pour mieux assurer cette concertation - pour de meilleurs services aux citoyens -nous suggérons qu'un maître d'oeuvre gouvernemental soit désigné, qui serait à la fois la conscience de la fonction publique et l'incitateur à agir." Pourriez-vous nous expliquer un peu comment vous voyez cette conscience-là, ce maître d'oeuvre là?

M. Dubuc: Oui, dans mon exposé, tout à l'heure, j'ai bien précisé que, dans notre esprit, il ne s'agissait pas d'une structure nouvelle. Je pense que les structures existantes sont là. Les mécanismes de cueillette de l'information ou du niveau de service aux clients sont là. Je vous cite, mais tout à fait comme ça, l'hypothèse que, par exemple, on greffe à Communication Québec un morceau qui... Communication Québec est déjà en relation avec les citoyens sur plein de sujets qui touchent l'appareil gouvernemental. Pourquoi ne donnerait-on pas à cet organisme ce rôle d'incitateur à développer des mécanismes et à s'assurer que les plans sont élaborés partout?

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle.

M. Léonard: Juste une question. Indépendamment de l'Association des cadres supérieurs et des 200 cadres non utilisés ou sous-utilisés ou en tout cas, est-ce que vous pensez que la fonction publique du Québec, surtout par ses cadres supérieurs, a rempli son rôle depuis 25 ans, 30 ans? Parce qu'au fond, si on fait remonter un ressourcement majeur à partir du milieu des années soixante ou au début des années soixante, est-ce que vous croyez que la fonction publique est maintenant mûre pour un second souffle et que l'État du Québec, bien appuyé par ses cadres supérieurs, peut y aller? Quel jugement porteriez-vous sur la situation actuelle?

M. Dubuc: Si je me réfère aux nombreuses sollicitations que nous avons d'autres administrations pour venir voir de quelle façon on per-forme dans l'administration publique québécoise, je pense que je peux dire que, oui, la fonction publique québécoise est très bonne. L'excellence, je n'oserais pas, mais elle est très bonne, tout au moins, et elle se compare très avantageuse- ment, à mon sens, avec d'autres administrations publiques. Elle est mûre, également, pour poursuivre ce qui est enclenché avec, comme nous l'avons dit dans notre rapport et comme je vous l'ai rappelé aujourd'hui, des mécanismes. Il est temps de mettre en place des mesures qui disent: On va rendre compte maintenant. On délègue un nombre de choses. Et c'est normal, si je confie de l'argent à un gestionnaire de portefeuille, que, de temps en temps, il me dise ce qu'il a fait avec mon argent. De la même façon, quand je délègue une politique, l'application d'une politique, il serait normal que, de temps en temps, on rende compte de l'application de la politique. Ce qui n'en fait pas un règlement de comptes, encore une fois.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Labelle. J'aurais peut-être une dernière question. Est-ce que les politiques et les directives du Conseil du trésor, et j'ajoute à cela les limitations de vos pouvoirs de gestion par les conventions collectives, vous laissent vraiment une marge de manoeuvre suffisante pour gérer de manière non pas simplement adéquate, mais aussi efficace? Est-ce que vous avez vraiment l'espace vital pour gérer?

M. Dubuc: Je voudrais dire que, depuis quelques années, entre autres, on agrandit par en dedans.

Le Président (M. Lemieux): Ah! Vous agrandissez par en dedans!

M. Dubuc: On vit avec des enveloppes très serrées. On ne peut pas prendre d'expansion, on réaménage plein de choses. Je pense que, quant à l'allocation des ressources - et ça va de pair avec les directives dont vous me parlez, puisque ces directives visent à gérer ces ressources - il arrivera un jour où on devra faire des choix. On n'est plus dans le gras, on est sur l'os, on devra faire de l'amputation.

Le Président (M. Lemieux): Ça va. M. le député de Chauveau. Non? O.K., terminé. Ça va. Un instant. Évidemment, on me fait état qu'il ne me reste plus de temps, là, mais je pense que vous avez bien compris que le sens de ma question se rapportait davantage, je pense, à la gestion des personnes comme telles. C'était le sens de ma question. Ce que je viens de vous dire, ce que je viens de vous demander... J'avais l'occasion de discuter avec un sous-ministre, ce matin, qui me faisait état du peu de marge de manoeuvre qu'ils avaient eu égard à leur personnel à la fois d'encadrement et au personnel qu'ils ont sous leur autorité. C'est la raison pour laquelle je vous ai demandé si, effectivement, au niveau des directives du Conseil du trésor, au niveau de ses politiques, avec les conventions collectives qui sont négociées, il vous reste

encore quelque chose pour opérer, au niveau de la gestion des ressources humaines. Vous savez, l'imputabilité, on en parle... Des fois, je suis rendu à me demander si, chez les cadres, on la veut vraiment, l'imputabilité.

M. Dubuc: Je m'excuse d'avoir passé à côté de la question, monsieur.

Le Président (M. Lemieux): Non, je...

M. Dubuc: Ce n'était pas mon intention.

Le Président (M. Lemieux): Non, non, je ne mets pas en doute votre bonne foi.

M. Oubuc: Honnêtement, c'est très difficile de répondre à brûle-pourpoint comme ça. Il faudrait vraiment faire la réflexion. On travaille... On est tous dans le cadre de mandats spécifiques. Je pense que la première préoccupation d'un cadre, ce n'est pas de dire "J'applique les directives", c'est "J'ai des programmes, j'ai des services à rendre et j'organise avec ça". C'est vrai que c'est contraignant. On ne peut pas nier ça, que c'est contraignant de devoir gérer avec tout ce qui...

Le Président (M. Lemieux): Jusqu'à quel point ça peut être contraignant?

M. Dubuc: Honnêtement, je ne peux pas vous répondre aujourd'hui. Il faudrait que je fasse une... Je peux vous l'écrire plus tard, mais je ne peux pas vous répondre à brûle-pourpoint comme ça.

Le Président (M. Lemieux): J'aimerais bien ça. Oui, si l'Association des cadres veut bien fournir cette réponse-là à la commission, faire une analyse, peut-être, des conventions collectives et des politiques et directives du Conseil du trésor pour voir quelle marge de manoeuvre il vous reste...

M. Dubuc: Ça ne sera pas quantifié, M. le Président. Ça sera une appréciation...

Le Président (M. Lemieux): Non, non, une appréciation de l'Association des cadres, on l'apprécierait. Oui, M. le député de Labelle.

M. Léonard: Vous avez sûrement eu l'occasion de comparer avec la fonction publique fédérale. Est-ce que vous trouvez que vous avez, vous, plus de marge de manoeuvre que la fonction fédérale, en termes de cadres supérieurs?

M. Dubuc: Le régime est bien différent. Au fédéral, c'est le "position plan". On identifie des gens et on les place, ce n'est pas... La structure même de l'opération, de l'encadrement n'est pas la même. Pour vous dire, en termes de carrière, je ne suis pas capable de faire la comparaison. En termes de marge de manoeuvre, comme je ne pouvais pas répondre tantôt, M. le Président, alors, encore moins en comparaison avec le gouvernement fédéral.

M. Léonard: Vous êtes en train de dire que vous les connaissez peu, finalement?

M. Dubuc: Oui, on les connaît peu, effectivement. Je ne le nie pas.

M. Léonard: II va falloir se dépêcher à les connaître, parce qu'on aura des opérations de fusion.

M. Dubuc: Ce ne sont pas toujours des références. Je vous ai parlé tantôt de la qualité de la fonction publique en général...

M. Léonard: Mais c'est vous qui allez faire...

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Léonard: De toute façon, on le fera; alors, préparez-vous, vous aussi.

Le Président (M. Lemieux): Vous savez, dans la nouvelle culture de gestion où la commission veut donner des orientations, on trouve qu'il est peut-être important - c'est seulement un commentaire qui est strictement personnel et qui n'engage pas la commission - que nos cadres deviennent davantage, je dirais, des gens qui gèrent non pas strictement des dossiers, mais qui gèrent aussi des personnes Je vais simplement finir sur ce commentaire-la, pour que vous puissiez entreprendre une réflexion sur ça. Alors, on vous remercie de votre collaboration. On vous remercie aussi d'avoir présenté ce mémoire, on l'a trouvé très intéressant. Je demanderais maintenant aux représentants de l'ENAP, l'École d'administration publique, de bien vouloir prendre place à la table des témoins. (16 h 15)

À l'ordre, s'il vous plaît! La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux afin d'entendre l'École nationale d'administration publique. Je demanderais au porte-parole de l'ENAP de bien vouloir s'identifier et de nous présenter les membres qui l'accompagnent.

École nationale d'administration publique

M. De Celles (Pierre): Merci, M. le Président. Je suis Pierre De Celles, et je suis directeur général de l'École nationale d'administration publique. Je suis accompagné de M. Louis Bor-geat, qui est le directeur de l'enseignement et de la recherche; de M. Roland Parenteau, qui est le directeur adjoint mais aussi directeur fondateur

de l'École nationale d'administration publique; et de Mme Sylvie Beauchamp, qui est mon adjointe et qui a piloté la consultation sur ce dossier.

Le Président (M. Lemieux): Alors, vous avez 20 minutes pour exposer votre mémoire. Suivra un échange entre les parlementaires, d'une quarantaine de minutes.

M. De Celles: Je voudrais d'abord vous remercier de nous recevoir, M. le Président, et dire au départ que, sur cette question, l'École nationale d'administration publique est bien sûr un observateur quelque peu éloigné des questions qui vous préoccupent, dans le sens que nous ne sommes pas partie prenante comme telle au vécu quotidien de l'application de cette loi et que, sur des questions précises, il nous est difficile de juger de son application, ne bénéficiant pas, je dirais, de cette expérience, puisque la loi ne s'applique pas comme telle à l'École.

Notre point de vue est donc général, mais il ne diminue pas notre intérêt pour la question, cet intérêt demeurant cependant celui d'une institution d'enseignement et de recherche.

Dans un premier temps, effectivement, je vais résumer brièvement la position de l'École. Je demanderai ensuite, tout aussi brièvement, à mes deux collègues, M. Borgeat et M. Parenteau, d'ajouter quelques commentaires.

L'École nationale d'administration publique se réjouit du fait que l'Assemblée nationale ait prévu que la Loi sur la fonction publique fasse l'objet d'une évaluation sept ans après son adoption. L'École souhaite même que soit maintenue une clause prévoyant la reprise périodique de l'opération, tout comme elle souhaite qu'il puisse en être ainsi d'autres lois.

De par sa mission, l'ENAP a suivi avec attention la mise en oeuvre de la Loi sur la fonction publique depuis 1983; elle a en outre porté beaucoup d'intérêt au document de consultation diffusé par la commission en juin dernier. De plus, pour élaborer le mémoire qu'elle présente aujourd'hui, elle a consulté plusieurs de ses professeurs et de ses cadres, les représentants de l'association de ses diplômés, l'ADENAP, et, parmi ces derniers, un certain nombre de ceux qui occupent au sein de la fonction publique des postes d'administrateurs d'État ou qui font partie de son conseil d'administration. Au terme de ce processus d'analyse, de consultation et de réflexion, elle en est arrivée à trois conclusions majeures au sujet des mérites relatifs de la loi et de l'opportunité de la maintenir en vigueur ou, le cas échéant, de la modifier.

La Loi sur la fonction publique, telle qu'adoptée en 1983, demeure selon nous une loi moderne. Les principes sur lesquels elle repose traduisent une vision dynamique de la fonction publique, de même qu'une conception toujours valable de la gestion des services publics: efficience dans l'organisation d'ensemble; mobili- sation de la créativité et de l'initiative de chacun; délégation des pouvoirs et du leadership; responsabilisation de chacun, à commencer par les sous-ministres et les cadres supérieurs; adaptation des structures aux besoins changeants de l'environnement; nécessité du développement continu des ressources humaines.

C'est pourquoi, quant à nous, il convient d'en faire l'expérience plus longtemps avant de l'amender substantiellement. Bien que la loi ait officiellement sept ans, l'expérience que l'on en a faite est trop courte pour évaluer de façon concluante ses qualités et ses faiblesses. Apporter à court terme des amendements significatifs, particulièrement en ce qui touche aux principes sur lesquels elle repose et aux orientations qui en découlent, nous paraîtrait prématuré. Il convient donc de la laisser mûrir en l'appliquant pendant quelques années supplémentaires, tout en portant à ce processus de maturation une attention continue et persévérante. Au terme d'une nouvelle période de trois à cinq ans, il conviendra assurément de procéder à une nouvelle évaluation du type de celle que mène actuellement la commission.

Il convient d'autre part, pour qu'elle prenne toute son efficience, de gérer les changements qu'elle implique et, en particulier, d'accorder une plus grande attention à la formation des ressources humaines. Nous confirmons par là notre parti pris pour le rôle du personnel d'encadrement, le management, dans la réalisation de changements organisationnels importants. Posséder une loi moderne sur la fonction publique est assurément une condition préalable à toute amélioration de la qualité des services publics, mais il ne s'agit pas d'une condition suffisante. L'implantation d'une loi nouvelle n'a pas pour effet immédiat et automatique de changer l'environnement humain, ses traditions, ses attitudes et ses pratiques. Il convient donc d'assortir son implantation d'une stratégie de changements complexes, à volets multiples, étalée sur de longues périodes. Notre texte, aux pages 8 et 9, précise ceci.

Concrètement, la gestion du changement, dans le cas qui nous intéresse, devrait porter sur un certain nombre de questions, parmi lesquelles: celle de l'harmonisation graduelle de la législation, qui s'appuie tantôt sur des principes de décentralisation, Loi sur la fonction publique, tantôt sur des principes de centralisation, Loi sur l'administration financière, par exemple; celle des mécanismes de l'imputabilité des gestionnaires supérieurs; celle des différences apparentes de statut des divers ministères et organismes à l'égard de la Loi sur la fonction publique, puisqu'ils ne possèdent pas tous une latitude égale en matière d'application de la loi.

Par ailleurs, il s'impose d'amplifier l'effort gouvernemental en matière de formation des ressources humaines, en particulier auprès des cadres supérieurs. C'est pour nous, là aussi, une

condition nécessaire, mais sûrement pas une condition suffisante. L'ENAP note à cet égard qu'en dépit des efforts actuels demeurent de profondes inégalités entre ministères ou organismes, de même qu'entre individus, quant à l'intensité de l'effort de formation, de perfectionnement. Pour cela, l'ENAP suggère que soient prises des mesures d'urgence visant à: identifier les objectifs organisationnels qui doivent s'appuyer sur une formation précise; inciter le personnel, à commencer par les cadres supérieurs, à participer régulièrement à des activités de perfectionnement sous toutes les formes jugées pertinentes; faire en sorte que les ministères et organismes s'assurent d'un niveau élevé de compétence et de motivation pour la totalité de leur personnel, donc, qu'ils mettent en oeuvre des politiques et programmes de formation et de perfectionnement pour toutes les catégories de fonctionnaires.

L'ENAP souligne aussi les décisions récentes prises par le Comité des sous-ministres sur le développement des ressources humaines, qui a identifié un certain nombre de thèmes "priorisés" d'actualisation des connaissances, de réflexion et de perfectionnement, et qui met actuellement en place des mesures pour le développement des cadres supérieurs en ce sens. Au total, l'ENAP juge à ce sujet qu'H faut faire du développement des ressources humaines une préoccupation constante de management.

En conclusion, l'ENAP poursuit les mêmes objectifs que la commission - au travers, dans son cas, de l'enseignement et de la recherche - et qu'un nombre de plus en plus grand de membres de la fonction publique: faire en sorte que la qualité des services aux citoyens s'améliore sans cesse et que chaque serviteur de l'État, ou plus exactement chaque serviteur du public, soit mû dans son action quotidienne par les principes de l'intérêt public et du sens de l'État.

Les défis de l'administration publique sont donc aussi ceux de l'ENAP, dont la mission est la formation et le perfectionnement des administrateurs publics, ainsi que la recherche en administration publique. C'est pourquoi, considérant les préoccupations et les interrogations actuelles de la commission parlementaire, de même que l'ensemble de la problématique de la gestion, du changement et de la formation des ressources humaines, PENAP consolidera ses programmes actuels, développera ses activités de recherche et accélérera la mise en place de deux entités nouvelles qu'elle vient de créer en concertation avec les plus hauts responsables de la fonction publique: le FORUM-ENAP, qui oeuvre au bénéfice des administrateurs d'État, et le Centre de développement des cadres supérieurs, qui accueillera sous peu les cadres supérieurs autres que les administrateurs d'État.

En somme, elle veut relever dans le domaine de la formation le défi que la commission propose à la loi de la fonction publique, celui de la modernisation et celui de la qualité des services publics au Québec. J'aurai sûrement l'occasion, en réponse à vos questions, d'ajouter quelques commentaires à ce sommaire. Je demanderais à M. Borgeat, d'une part, et ensuite à M. Parenteau, de compléter par leurs propres interventions.

M. Borgeat (Louis): Merci, M. le Président. J'aimerais revenir quelques minutes, rapidement, sur l'un des thèmes de notre mémoire, à savoir notre accord avec le maintien de ta loi et notre affirmation que la loi est bonne et qu'il faut lui laisser le temps de produire ses fruits.

Alors, à notre point de vue, c'est que six à sept ans d'expérimentation pour la loi est une période relativement courte. Il faut se reporter à l'époque de ce qu'était l'administration publique, remarquez que le portrait n'a pas extrêmement change au cours des dernières années, en termes de taille. On parie d'un regroupement de 60 000 employés répartis non pas dans une seule entité, mais dans 25 ministères et une centaine d'organismes. C'est donc plus une mosaïque, l'administration publique, qu'une réalité monolithique.

Également, il faut tenir compte de ce qu'était la législation antérieurement à la loi de 1983 ou 1984. La loi de 1978 était dans la continuité des législations en matière de fonction publique, des lois relativement conformes aux valeurs d'encadrement et de normalisation telles qu'on les vit de façon générale dans les fonctions publiques. Donc, avec la loi de 1983, on arrivait avec un projet que nous qualifions de très ambitieux. C'était une loi qui était particulière à plusieurs égards. D'une part, c'était une loi qui touchait à l'appareil administratif comme tel. Ce n'est pas le propre de beaucoup de lois. La plupart des lois sont là pour venir régir le comportement des citoyens. (16 h 30)

Donc, une loi qui touchait l'administration au coeur de sa gestion et qui la touchait en apportant des changements importants, parce que cette loi-là se voulait et se veut toujours porteuse de changements dans L'administration publique. Et, en ce sens-là, elle diffère d'un certain nombre de lois qui, souvent, viennent refléter un consensus de modus vivendi, de statu quo à l'intérieur de la société. Cette loi-là a été votée pour apporter du changement dans l'appareil administratif, et elle l'a fait en introduisant d/abord un certain nombre de règles de comportement - c'est le propre de toutes les lois - mais là où elle apporte une distinction assez particulière, c'est qu'elle introduit en législation des principes, des valeurs et une philosophie de gestion. Or, autant il est facile, en quelque sorte, pour une législation de venir modifier des comportements avec des règles précises, en disant que les citoyens ou telle entité devront à l'avenir se comporter de telle

façon, autant des changements de mentalités, de valeurs et d'attitudes sont difficiles à implanter. On parie, à cet égard-là, de changements de culture dans les organisations, et, à notre avis, cette loi se voulait porteuse d'un changement de culture dans l'administration publique québécoise.

Or, la loi est un instrument, par définition, imparfait. La loi s'exprime, exprime des volontés. Dans la mesure où elle exprime des normes, on peut voir à sa sanction, mais lorsqu'une loi veut introduire une philosophie des principes de gestion, elle doit beaucoup s'appuyer, comme nous le disions dans notre mémoire, sur la gestion dans l'appareil, c'est-à-dire que c'est une loi qui doit prendre ses racines dans la capacité de l'appareil public de prendre en charge, de gérer ces changements-là. Or, des changements organisationnels, dans un appareil comme celui que je vous décrivais, touchant 60 000 personnes réparties dans une mosaïque de 25 ministères et une centaine d'organismes, c'est quelque chose qui doit se faire avec le temps et avec beaucoup d'énergie. Donc, prendre pour acquis que la loi vient, par sa simple sanction, apporter des changements spectaculaires au niveau de la philosophie et des mentalités, c'est se leurrer. La loi est là pour indiquer qu'il y a un démarrage, une volonté de changement pour démarrer, mais, ensuite, il est Important que cette loi-là s'incarne dans la réalité et dans la gestion de l'appareil public, et c'est là que le temps est nécessaire pour introduire le changement.

Et je terminerais en disant que... Quant à nous, en tout cas, si on peut s'Interroger sur le délai que devrait prendre l'implantation dans les mentalités d'une loi comme celle-là, les principes qui lui sont sous-jacents et les valeurs qu'elle véhicule étaient à l'époque extrêmement modernes et contemporains, et ils le sont encore aujourd'hui, quelques années après. Il est bon, en conséquence, de lui laisser un peu de temps pour faire ses preuves et sa démonstration.

Le Président (M. Lemieux): Merci.

M. Parenteau (Roland): M. le Président, j'aimerais simplement et très brièvement ajouter quelques commentaires sur ce que nous disions dans le mémoire en ce qui concerne la formation. Je pense qu'il faut s'attendre à voir surgir, dans les années qui viennent, un nouveau type de fonctionnaire. Les transformations de la société, qu'elles soient d'ordre technologique, d'ordre politique ou d'ordre économique, amèneront fatalement l'émergence d'un nouveau type de fonctionnaire. Le problème qui se pose à l'heure actuelle dans les administrations, celle du Québec comme celle du Canada ou celle d'autres pays, c'est un certain vieillissement de la fonction publique, un vieillissement de type démographique, ce qui constitue dans un certain sens un obstacle, justement, à la transformation des individus. C'est donc la raison pour laquel- le - certains diront que c'est de la déformation professionnelle - nous insistons beaucoup sur l'idée de formation et de perfectionnement.

Cependant, quand nous parlons de formation et de perfectionnement, nous ne limitons pas ces termes-là à la formation académique ou à la formation dans des institutions. Cette formation et ce perfectionnement peuvent très bien s'effectuer à l'intérieur même de l'administration publique. Et quand nous parlons de formation et de perfectionnement, nous ne nous limitons pas non plus à l'acquisition des connaissances ou à l'augmentation des connaissances. Je pense que la priorité qui doit s'exercer dans les années qui viennent, c'est surtout les transformations. On le disait tout à l'heure, on pariait de modification dans les comportements. Ces modifications-là peuvent être appuyées sur certains exercices ou certaines démarches qui amènent l'utilisation, par exemple, des sciences sociales dans la formation des individus. Pour les individus qui ont une formation surtout quantitative, par exemple, il peut être opportun, pour faire en sorte que le service à la clientèle soit mieux rempli, qu'on ajoute un type de formation qui soit appuyé sur la psychologie, par exemple, etc. Donc, ça veut dire que ce n'est pas nécessairement par une augmentation des connaissances techniques qu'on améliorera la qualité des fonctionnaires, puisqu'on relie qualité des fonctionnaires à la qualité des services. Dans un certain sens, on pourrait même dire que, dans certains cas, la fonction publique du Québec est surqualifiée sur le plan technique, mais pas nécessairement sur le plan de la capacité de répondre aux besoins de la population. Alors, ça veut dire que nous estimons que, par une polyvalence dans la formation, on pourra arriver à un type de fonctionnaire qui soit mieux adapté aux conditions modernes de la vie publique et qui rendrait un meilleur service à la population. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie. Je vais commencer par quelques questions - je vais essayer, mais ça va être difficile d'être bref - quitte à revenir par la suite au député de Saint-Louis, après que j'aurai cédé la parole à l'Opposition.

Je regarde votre mémoire. À la page 1, au deuxième paragraphe, vous nous dites: "L'ENAP partage les préoccupations de la commission au sujet de la qualité des services publics, et elle constate que, dans des pays très proches du Québec, les gouvernements, les administrations publiques et les écoles d'administration ont les mêmes préoccupations." Vous parlez de nouveaux défis. À la page 2, vous nous dites que d'autres que le Québec sont conscients de l'urgence que posent ces défis, ces mutations. Vous citez l'exemple de la France, dans l'opération de "Modernisation de la fonction publique". Vous citez "Fonction publique 2000", et vous dites, dans votre cinquième paragraphe. "Le Québec

n'est donc pas le seul État à s'interroger sur le devenir de sa propre administration publique." Vous allez comprendre pourquoi je vous cite un petit peu tout ça.

Moi, j'ai pris ia peine de lire votre mémoire que vous avez présenté en 1982 à la commission BisaHion. À cette époque-là, si vous vous souvenez bien, l'ENAP avait préconisé - et je l'ai bien écrit et je suis certain que je ne me trompe pas - des structures de gestion séparant nettement la gestion des ressources financières de la gestion des ressources humaines. J'imagine que vous êtes aussi au courant de l'étude qui a été faite par les 23 pays de l'OCDE relativement à une synthèse de la gestion des ressources humaines, et j'imagine aussi que vous devez en connaître les conclusions. Alors, comme je le disais, l'ENAP avait préconisé des structures de gestion séparant nettement la gestion des ressources financières de la gestion des ressources humaines afin d'assurer, disait le mémoire, un contrepoids et un équilibre dans les orientations et les décisions de gestion. J'aimerais savoir... Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, aujourd'hui, votre mémoire est muet sur une question que nous considérons fondamentale, compte tenu de l'expertise de l'ENAP sur les principes de gestion? Première question.

M. De Celles: M. le Président, effectivement, dans le mémoire de 1983, il était dit: "II ne nous paraît pas souhaitable que la responsabilité politique de la gestion des ressources humaines relève de celui qui serait en même temps responsable de la gestion des ressources financières", et ça se poursuivait dans le même sens. C'est une question que nous ne remettons pas en question dans le mémoire actuel, tout en admettant que plusieurs modèles sont possibles. Je pense qu'il y a, bien sûr, des principes qui ont déjà été annoncés. Il y a une réalité existante. Et se pose aussi, dans une organisation, la question du coût des changements structurels majeurs qu'on peut apporter, non pas le coût nécessairement financier, mais le coût strictement organisationnel d'adaptation à ces changements-là. L'optique de notre mémoire, sans prendre parti comme nous l'avions fait autrefois, est de mettre l'accent sur la poursuite de l'effort engagé, en mettant le doigt, surtout, sur le rôle que doit jouer dans cette réforme-là le management. Bien sûr, on peut s'interroger sur les problèmes que crée la cohabitation de la gestion des ressources humaines et de la gestion des ressources financières. Cependant, advenant le désir de modifier cet appartement des deux responsabilités dans une même structure, il ne faudrait pas croire que cela effacerait miraculeusement les problèmes d'interrelation entre ces deux fonctions, entre gestion des ressources humaines et gestion financière. Les questions se poseront aussi pour savoir comment on va articuler les tendances parfois contraires qu'on peut retrouver dans la gestion de ces deux domaines. Donc, la question nous apparaît légitime. La raison pour laquelle nous n'avons pas cru nécessaire de nous prononcer, c'est que notre optique était une optique de continuité, de poursuite des efforts, surtout dans la diffusion, au travers de l'appareil gouvernemental, de la réforme telle qu'il a été choisi de l'engager, et que les efforts devaient porter sur l'utilisation optimale de la force que représente le management dans une organisation, plutôt que de mettre les énergies sur des modifications de structure ou des modifications substantielles de la loi. Notre option, c'est celle-là, c'est le pari sur le management...

Le Président (M. Lemieux): Alors...

M. De Celles: ...et non pas des panacées qui seraient des solutions de structures ou des solutions de réformes législatives importantes.

Le Président (M. Lemieux): Alors, parlons peut-être des composantes du management, dans le même ordre d'idée. Comme je suis convaincu de l'expertise en gestion des ressources humaines de l'ENAP - j'ai pris des petites notes ici - je m'étonne que votre intervention comme telle se limite au sujet unique du développement des ressources. Je ne sais pas si c'est parce que vous avez manqué de temps, mais je suis certain que ce n'est pas par timidité. Mais vous ne faites état ni de la mobilité, ni de la dotation des emplois, ni de la délégation, ni de l'imputabilité, ni de la planification de gestion. Est-ce que c'est par manque de temps, quoi, ou...

M. De Celles: Je dirais que ce n'est pas par manque de temps, M. le Président, c'est par souci, dans notre cas aussi, de mettre toutes nos énergies sur ce qui est fondamentalement notre mission: l'enseignement, la formation, le perfectionnement. D'autres interlocuteurs auront l'occasion de vous donner leurs points de vue sur d'autres questions, mais il faut comprendre qu'à la taille qu'a l'ENAP, au nombre de tâches de formation et de perfectionnement auxquelles elle doit s'attacher, nous n'avons pas, comme je l'indiquais, une expertise de vécu quotidien de ces questions-là, et nous n'avons tout simplement pas jugé bon d'intervenir sur ces questions.

Le Président (M. Lemieux): Alors, je vais vous poser...

M. De Celles: Bien sûr, nos professeurs, individuellement, peuvent avoir des points de vue sur certaines de ces questions-là, mais nous avons voulu nous concentrer sur un certain nombre de points que nous avons exprimés dans notre mémoire.

Le Président (M. Lemieux): Je vais vous

poser une troisième question, puisqu'à la page 2, comme vous dites, "le Québec n'est pas le seul État à s'interroger". Vous avez quand même un mandat de recherche en gestion et vous avez sûrement des données sur l'organisation de la gestion des ressources humaines, sur ce qui se passe un petit peu partout dans le monde. Est-ce que vous pourriez nous dire, tout au moins, comment c'est organisé et pourquoi? Avez-vous une idée là-dessus? J'imagine que vous avez pris connaissance de la synthèse des pays de l'OCDE. Vous êtes au courant? Alors, pouvez-vous nous expliquer à peu près comment... Au niveau de la recherche comme telle, comment c'est situé, ailleurs qu'au Québec? Ça fonctionne comment?

M. De Celles: Bien, je dois avouer, personnellement, ne pas être un spécialiste. Je pourrais référer à mes collègues qui, malheureusement, ne sont pas non plus nécessairement des spécialistes de la gestion des ressources humaines. Ce qui ressort quand même, je pense, c'est une grande diversité des modèles.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce qu'il y a des constantes? Est-ce que vous y avez retrouvé des constantes au niveau de la gestion des ressources humaines versus la gestion des ressources financières?

M. De Celles: Bien, je pense qu'il y a certaines constantes, mais elles apparaissent des banalités si on (es répète: les problèmes de vieillissement, le souci de mobilité, le souci de responsabilisation, l'impact des mutations organi-sationnelles, l'impact de la technologie. Les constantes sont plutôt dans l'ordre des conditions environnementales dans lesquelles évoluent les organisations publiques que dans les solutions qui sont en gestation dans ces organisations qui réfléchissent sur de nouvelles configurations de leur administration publique et de la gestion des ressources humaines.

Le Président (M. Lemieux): Pour être pratique, compte tenu du contexte de la fonction publique du Québec, qu'auriez-vous à nous suggérer? (16 h 45)

M. De Celles: Bien, je dirais... Ce que dit notre mémoire, c'est profiter d'une certaine longueur d'avance quant au choix de principes de gestion des ressources humaines qui ont été retenus dans la loi, et poursuivre les investissements au niveau du management, au niveau de la diffusion, dans tout l'appareil, des préoccupations qui étaient à la base de cette loi-là. Notre proposition est à l'effet de faire ce que j'appelle un peu le pari du management du personnel d'encadrement, pour réaliser plus parfaitement les objectifs de la loi.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de

La Prairie.

M. Lazure: Oui, merci, M. le Président. Je vous avoue que je partage un peu la perplexité du président. Je suis surpris de voir qu'à part de dire: C'était une bonne loi, donnons-lui le temps de faire ses preuves; nous, notre vocation, c'est la formation, tout ce qu'on peut vous dire sur l'état actuel de la fonction publique, c'est qu'elle demande à recevoir encore plus de formation et nous sommes prêts à la donner et à l'améliorer... Ça se résume à ça. J'exagère un peu. Je caricature, mais je pense que je suis proche de la vérité. Et c'est un peu décevant. C'est un peu décevant parce qu'en 1982-1983, je me rappelle très bien, au moment de la commission Bisaillon, l'ENAP avait présenté des propositions très pointues et très claires. Et, d'habitude, l'ENAP ne se gêne pas pour se prononcer avec l'expertise qu'elle a accumulée, cette école-là. Elle a une expertise en gestion de ressources humaines, une grande expertise. Son expertise ne porte pas seulement sur l'organisation de séminaires, de colloques et de cours de perfectionnement. Et l'État est en droit de s'attendre que cette grande école de l'État l'aide et aide les parlementaires à faire l'autopsie de la loi dans son fonctionnement, pas de la loi dans sa théorie. Parce que c'est un peu ça que vous nous faites, aujourd'hui.

Vous nous dites: La loi est pleine de bons principes; laissons-là aller plus loin dans sa réalisation et tout devrait bien aller. Alors, moi, je ne peux pas faire autrement que d'être déçu. Vous dites, dans votre conclusion: "Dans les pages qui précèdent, l'ENAP peut avoir donné l'impression d'avoir négligé les interrogations formulées par la commission dans son document de consultation." Bien, moi, je vous avoue que je l'ai, cette impression-là, nettement. Et je trouve ça dommage que vous n'ayez pas répondu aux interrogations que la commission avaient formulées. Moi, je suis sûr que vous avez l'expertise voulue pour y répondre, et je suis sûr aussi que vous avez les contacts. Vous n'avez pas de vécu quotidien, ça, j'en suis fort conscient, vous n'êtes pas des membres de la fonction publique, mais quand on a été au gouvernement un certain temps, on est fort au courant du trafic dans les deux sens - et qui est normal - l'ENAP et la haute fonction publique. C'est une interpénétration quasi continuelle. Et, par conséquent, moi, je suis convaincu que l'ENAP est très au courant des points forts et des points faibles dans le vécu de la Loi sur la fonction publique, dans l'application de la Loi sur la fonction publique.

Maintenant, si c'est trop à brûle-pourpoint de répondre à des questions précises comme celles que posait le président de la commission, j'espère que nous pourrons avoir au moins, dans les jours qui viennent ou dans les semaines qui viennent, un document qui pourra compléter le

mémoire que, moi, j'appellerais préliminaire et que vous nous présentez aujourd'hui. Alors, moi, il me semble... Je conclus sur une seule question. Il me semble que l'ENAP a à la fois la compétence et la responsabilité d'aider l'État à améliorer le fonctionnement de sa fonction publique. De quelle façon, mis à part le perfectionnement des serviteurs de l'État, pouvez-vous aider tes parlementaires à accomplir cette étude de la Loi sur la fonction publique?

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de La Prairie. Oui.

M. De Celles: M. Borgeat a à ajouter quelques points, et je reviendrai.

M. Borgeat: Bien, c'était dans une optique un peu différente. Vous nous dites: Avez-vous autre chose à dire? Vous nous apportez un témoignage de foi et de confiance dans la loi... Il y a un élément qui a fait l'objet de nos discussions préalables, dont le résultat est empreint, vous le constatez, d'une certaine prudence, parce que, évidemment, lorsqu'une institution se présente ici, elle se présente comme institution et non pas comme parlant pour l'un ou l'autre de ses représentants.

Il y a une préoccupation que nous avions évoquée dans nos discussions et qui est présente dans le mémoire, c'est le fait que cette loi-là est arrivée un peu comme une législation, en quelque sorte, à contre-courant d'autres législations. En matière de gestion des ressources, l'appareil public gère des ressources humaines, mais gère également des ressources financières, des biens et services. L'une de nos constatations, c'est que le changement culturel, le changement de valeurs qu'on a voulu introduire avec la Loi sur la fonction publique est peut-être un peu à contre-courant d'autres législations qui existent en ce qui concerne la gestion de l'appareil public et, en particulier, de la Loi sur l'administration financière, dans le sens que la Loi sur l'administration financière est une législation qui date du début des années soixante-dix, qui est relativement normative et qui vient contrôler l'ensemble des dépenses publiques, mais ce n'est pas une législation qui a été adaptée suivant la philosophie de la Loi sur la fonction publique, une philosophie de décentralisation et de responsabilisation.

L'une de nos préoccupations était de nous demander si une adaptation, un effort de modernisation de l'appareil public ne devrait pas comporter une interrogation qui rejoint les autres systèmes de gestion des ressources de l'appareil public. En d'autres termes, l'exercice qui a été fait au début des années quatre-vingt pour apporter la modernisation à la Loi sur la fonction publique a-t-il été fait, par exemple, en ce qui concerne la gestion des ressources financières ou la gestion des biens et services?

On peut se demander si ce phénomène d'insertion d'une nouvelle réalité culturelle sur l'un des volets de la gestion, alors que, dans d'autres secteurs, la réalité restait un peu ce qu'elle était traditionnellement et pas un des facteurs qui a rendu plus difficile l'application, l'implantation de cette législation-là... Alors, l'une de nos préoccupations était de nous demander si l'appareil public, si le gouvernement ne devait pas se questionner de façon régulière, parce que, évidemment, notre présence ici, de l'existence de la commission, résulte de la clause "crépusculaire" qui exigeait la remise en question de la loi après cinq ans. Est-ce que l'inexistence de ces clauses-là dans d'autres législations ne fait pas en sorte qu'on peut accélérer les mouvements d'innovation dans un secteur et laisser d'autres pans de législation évoluer suivant un rythme complètement différent, ce qui crée, enfin, pour ceux qui vivent à l'intérieur de l'administration, peut être une impression qu'on vit un certain registre en ce qui concerne la gestion des ressources humaines et un autre à d'autres égards?

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député de Saint-Louis.

M. Chagnon: Oui, M. le Président. Je ne voudrais sûrement pas remettre en question la qualité de l'expertise que l'ENAP peut fournir à l'ensemble de ses élèves... J'aimerais savoir si vous avez déjà vu ou reçu ce document-là, qui est celui du mandat de la commission, ici? Est-ce que vous l'avez lu? Oui? J'ai lu votre mémoire. J'arrive à des conclusions un peu semblables à celles de mes deux collègues, à savoir que vous nous dites: Nous sommes une excellente école, nous avons formé, cette année, environ 100 maîtres en administration publique, au-delà de 1230 dans le passé, depuis sa formation; nous croyons que l'opportunité de maintenir en vigueur ou, le cas échéant, de modifier la Loi sur la fonction publique... Il faut la maintenir en vigueur; elle va très bien, mais elle est un peu jeune, il faut la laisser évoluer. Vous nous dites ça en 30 pages. Toutefois, si je regarde le mandat, nous avions ici des questions principales qui préoccupent la commission, à savoir:

Premièrement, la qualité et l'efficacité des services rendus aux citoyens. On n'en parle pas beaucoup, dans votre mémoire, vous en conviendrez. Quelles sont les principales causes des délais raisonnables dans le traitement des dossiers des citoyens? Je comprends que, ça, c'est vraiment un peu pratico-pratique, ce n'est pas votre "hache" à vous.

Deuxième question, l'imputabilité. L'imputabilité, à tout le moins... C'est le cas ici de la discussion et de la réflexion qu'on a faites en commun avant de rencontrer les groupes et qu'on fait avec les groupes. Il y a des questions théoriques extrêmement importantes, dans le

dossier de l'imputabilité, tant politiques qu'administratives, eu égard au rôle du législateur qui se veut aussi contrôleur. Rien dans votre document.

Troisième question jugée importante ou principale et qui préoccupe la commission, le leadership du maître d'oeuvre dans l'implantation de la loi. On effleure le sujet, dans votre mémoire.

Quatrième question qui préoccupe les membres de cette commission, la dotation des emplois et le développement des ressources humaines. Vous nous dites: Nous pensons que la loi est bonne, nous pensons qu'il faut attendre un peu plus longtemps pour voir ses qualités et, éventuellement, ses défauts. Toutefois, nous mentionnons que, dans votre organisation, on devrait faire davantage de formation de personnel. Or, par ailleurs, notre école est un excellent endroit pour former des gens, si jamais vous avez l'intention d'améliorer la qualité de leur formation, nous sommes tout ouverts à cette suggestion. Nous vous en remercions. Merci pour le commanditaire. Mais les autres questions, ça ne vous préoccupait pas, vous? Pour nous, c'étaient des questions principales, c'était dans le mandat. Je suis un peu étonné de voir que ces questions-là n'ont pas été touchées, mais pas du tout, enfin, presque pas du tout - je pense à la troisième - par les membres de l'ENAP qui ont écrit ce mémoire.

Mais l'imputabilité, je reviens à celui-là... Ça a été un peu mon dada depuis le début de la commission, M. le Président, et c'est aussi une préoccupation de tous les autres membres de la commission, l'imputabilité, le rôle des gestionnaires. Là, je pense entre autres aux sous-ministres, aux sous-ministres adjoints et aux autres cadres. Vous avez probablement assisté à la présentation de vos prédécesseurs. Ils ont été questionnés là-dessus. Vous, votre opinion, c'est quoi? Est-ce qu'on peut faire autre chose que tenter de la deviner? Le rôle de l'homme politique, du ministre est de définir des orientations, croyons-nous, de définir des objectifs politiques, de définir des orientations qui devront bien servir les citoyens. Administrativement parlant, est-ce que vous avez des objections de principe, d'ordre théorique à ce que sous-ministres et sous-ministres adjoints soient convoqués par une commission parlementaire pour faire état de la qualité de leur gestion ou de leurs décisions administratives, que ce soit en toutes sottes de domaines? Le Vérificateur, qui vous suivra plus tard, aura certainement l'envie de nous dire - parce que c'est ça qu'il a écrit, lui, dans son mémoire - que, lorsqu'il produit son rapport, c'est bien beau que les membres de la commission du budget et de l'administration, depuis quelques années, étudient son rapport, mais il voudrait bien qu'il y ait aussi un suivi décent et que ça rentre dans la machine dans chacun des ministères et des organismes. Avez-vous des opinions, en dehors du fait que vous êtes une excellente école de formation pour les administrateurs et que vous êtes prêts à faire de la formation continue pour l'ensemble du personnel de la fonction publique?

M. De Celles: M. le Président, je répondrai à cette question d'abord en soulignant d'abord que les éléments que nous avons mis dans le mémoire concernant la description de ce qu'est l'École, de ce qu'elle entend faire au cours des prochaines années, visaient à mettre en perspective les choix que nous avons faits de s'attarder à certaines questions. Effectivement, nous avons choisi de ne pas répondre à certaines autres questions, considérant que d'autres personnes, d'autres organismes étaient sûrement plus compétents et avaient plus d'expérience pour le faire. C'est donc de façon délibérée que nous avons orchestré notre rapport autour du principe que des réformes aussi profondes que celles qu'on veut faire pivotent autour du rôle du management. Nous ne méprisons pas pour cela les autres questions, mais ce que nous avons voulu faire ressortir de notre propos, c'est cette dimension-là. Nous n'avons pas la prétention, en aucune façon, d'avoir de ce fait répondu à toutes les interrogations de la commission parlementaire.

Dans le même esprit, sur la question d'imputabilité, II serait effectivement intéressant de faire une analyse que je qualifierais académique des concepts qui sont derrière l'imputabilité, des impacts que ça peut avoir de choisir un modèle ou l'autre. À ce moment-ci, parce que nous croyons que les objectifs poursuivis passent pour un temps encore par la responsabilisation des gestionnaires à tous les niveaux, ce qui est différent de l'imputabilité, nous croyons que, si des gestes doivent être posés en termes d'imputabilité, ils doivent l'être dans l'esprit d'accentuer cette responsabilisation administrative. L'imputabilité doit être dirigée vers des paliers, vers des personnes, vers des organismes qui sont les plus susceptibles d'encourager, de supporter les changements qu'il reste à diffuser dans le système. Là où est le pouvoir d'amplifier cette diffusion des changements dans le système, là sera le meilleur lieu d'imputabilité. (17 heures)

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Mille-Îles, rapidement, pour permettre à M. le député de Labelle d'intervenir aussi. Vous le permettez? Oui? Ça va.

M. Bélisle: Écoutez, M. le Président, je vais être prudent dans ce que je vais dire, parce que-Une voix: Tu as l'immunité parlementaire.

M. Bélisle: ...si je livrais le fond de ma pensée, ce ne serait pas beau, ce que je dirais.

Une voix: T'as l'immunité.

M. Bélisle: Je pense que, dans votre prudence extrême qui est dictée par des raisons que nous ignorons et que nous comprenons très mal, vous risquez d'être dépassés, comme École nationale d'administration publique. Si les cadres que vous êtes censés former, les cadres intermédiaires, les cadres supérieurs à qui vous allez donner du perfectionnement continu - parce que c'est ce que vous voulez faire - et qui sont venus devant nous, sont déjà en avance de votre "thinking", qui n'existe même pas, là-dessus, vous avez un grave problème. Quand vous me parlez d'excellence, je pense que vous devriez peut-être faire une réflexion très sérieuse là-dessus.

Je n'aurais pas passé ce commentaire-là si vous m'étiez arrivés avec n'importe quelle sorte de théorie, et au moins, aussi, avec peut-être un petit peu de pratique quant à l'imputabilité, quant aux mécaniques, quant à la modalité; tout le monde en parle. Je veux juste vous signifier d'une façon très publique que vous n'êtes même pas deux pas en arrière de la "cha-cha" qui est en train de se passer, vous n'êtes même pas dans la même salle de danse, en ce moment, et vous avez un gros problème là-dessus.

Maintenant, étant donné que je suis quelqu'un qui comprend très mal et qui n'est parfois peut-être pas très au courant, l'ENAP a été formée en 1969, est-ce exact?

M. De Celles: Oui.

M. Bélisle: O. K. 21 ans d'existence. Vous montrez votre tableau et vous me dites - et je vais calculer ça en termes de production bête qui ne vous rend absolument pas justice - que vous avez décerné 825 diplômes en 21 ans d'existence. C'est-u ça, dans votre document?

Une voix: C'est écrit 1231.

M. Bélisle: 1231? Bon. En 21 ans. 60 par année, c'est-u ça, M. le député de La Prairie? 60 par année, en plus des cours de perfectionnement continu, c'est ça?

Une voix: Oui.

M. Bélisle: Maîtrise en relations internationales, en droit international, etc. Bon. C'est bon. Dites-moi donc combien y a-t-il de cadres supérieurs, en ce moment, à l'emploi du gouvernement du Québec? Combien y a-t-il de cadres intermédiaires à l'emploi du gouvernement du Québec qui ont reçu de ces diplômes, en termes de nombre?

M. De Celles: Je ne dispose pas de ces chiffres. Je pourrai facilement vous les procurer, mais je peux vous dire qu'il y a bon nombre de sous-ministres et de sous-ministres adjoints qui sont passés par l'École, et dans d'autres fonctions, l'École a été aussi...

Le Président (M. Lemieux): Un instant, s'il vous plaît! M. le secrétaire va prendre note de la question afin que nous puissions avoir une information pertinente, pour qu'elle parvienne â la commission.

M. Bélisle: Parce que vous devez comprendre que mon problème est tout simple. C'est de savoir votre taux de réussite ou de performance. Il faut qu'on vous évalue, nous autres ici. Vous faites partie du processus. Si j'ai 250C cadres, 2300 cadres intermédiaires et qu'il n'y er a pas 10 % qui ont des diplômes qui viennent de votre part, la question que je vais me poser et que mes collègues vont automatiquement se poser, je suppose, c'est qu'il y a un problème d'arrimage. Vous produisez peut-être des produits qui ne sont pas utilisés ou qui ne sont pas utilisables. Alors, peut-être que nous, à notre tour, dans une prochaine avenue, on aura une réflexion à faire sur l'utilité que vous avez par rapport à ce qu'on est en train de mettre en place.

M. De Celles: Mais, à ce moment-là, ce que je devrai vous donner dans les statistiques, ce n'est pas que le nombre de diplômés au sens de ceux qui sont détenteurs d'une maîtrise en administration publique ou d'un diplôme er administration publique, mais je devrai aussi vous donner les chiffres du nombre de personnes qui ont participé à des sessions de perfectionnement Entre 6000 et 7000 personnes par année y ont participé. Donc, pour mesurer l'impact de l'École sur les cadres de la fonction publique gouvernementale, il faudrait...

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que ça comprend le municipal et le réseau de la santé?

M. De Celles: Bon. C'est ce que j'allais ajouter.

Le Président (M. Lemieux): Ça va, oui.

M. De Celles: C'est que la mission de l'École, comme établissement universitaire, n'étail pas dirigée exclusivement sur la fonction publique gouvernementale. L'École est aussi active auprès du réseau des affaires sociales, auprès du réseau de l'éducation, auprès des affaires municipales. Et, il faut en être conscient, l'École est de petite taille. C'est une institution, et il n'a jamais été question de demander à l'École d'avoir un mandat exclusif à cet égard-là. Elle a ur mandat spécifique, mais bon nombre des personnes qui sont dans l'administration publique, notamment... Toute la formation de premier cycle est assurée par les universités déjà existantes l'École n'intervenant qu'au niveau de la maîtrise, d'un diplôme de deuxième cycle. Et c'est déjà au niveau d'une formation qui touche un moins

grand nombre...

Le Président (M. Lemieux): C'est quoi, le budget de l'école?

M. De Celles: Le budget de l'école est de l'ordre d'environ 12 000 000 $, mais, de ce budget, il y a du financement extérieur qui vient pour des actions de coopération, et la subvention en provenance du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science est de l'ordre d'à peu près 5 000 000 $. On compare ces 5 000 000 $ à des subventions de l'Enseignement supérieur qui dépasse maintenant le 1 000 000 000 $. Donc, on parle d'une institution qui, en termes de poids relatif universitaire, est inférieur à 0,5 %, sur la base des subventions.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie. M. le député de Mille-Îles, je veux permettre au député de Labelle... Mais vraiment dernière, une toute dernière, vite, rapidement. On va prendre un peu plus de temps.

M. Bélisle: Moi, étant donné que c'est plus facile à comprendre par des tableaux, l'information que vous allez nous transmettre, le nombre de diplômés actuels, cadres supérieurs, cadres intermédiaires, professionnels, s'il y en a... D'accord?

Une voix: Oui.

M. Bélisle: Bon. Fonction publique du Québec et, en plus de ça, l'extérieur, les autres réseaux: le municipal, le scolaire, tout le reste. Au total, qu'on puisse comprendre un peu.

M. De Celles: Ce que j'ajoutais, c'est que je parlerai de diplômés et de participants aux sessions de perfectionnement.

Le Président (M. Lemieux): Oui, oui, vous pouvez les ajouter, mais séparés.

M. Bélisle: Oui, vous pouvez ajouter ça, mais dans des colonnes séparées.

Le Président (M. Lemieux): Alors, M. le député de Labelle.

M. Léonard: L'ENAP a été fondée, en tout cas, à l'époque, sur le modèle de l'ENA française. En tout cas, il y a plusieurs étudiants qui avaient été là. On sait le rôle que joue l'ENA en France, dans l'appareil de l'État français. Ma question - c'est une de deux questions - c'est celle-ci: est-ce que vous considérez que, par rapport à la notion d'État qu'on doit implanter dans le corps de la fonction publique, l'ENAP a joué son rôle, jusqu'ici? Et je la pose aussi en relation avec la Loi sur la fonction publique.

L'autre question que je voulais vous poser, c'est: vous avez de la recherche qui se fait chez vous, et je suppose que ça doit porter sur la notion de ce que sera l'Etat ultérieurement, de ce que doit être la fonction publique. Il y en a, des éléments dans le mémoire que vous nous avez déposé. Je ne sais pas si, par ailleurs, il y a des arrimages avec la planification stratégique en termes de développement de la fonction publique qui sont faits soit avec la Commission, soit avec l'Office des ressources humaines, mais il me semble qu'il doit y avoir des choses à faire sur ce plan-là. J'aimerais vous entendre là-dessus. C'étaient mes deux questions.

M. De Celles: Alors, deux choses. Concernant le modèle ENA, je laisserai peut-être M. Parenteau, qui a été le directeur fondateur, ajouter quelques propos. Je voudrais quand même souligner que, s'il y a eu une inspiration ENA, l'ENAP n'est pas du modèle de l'ENA. On n'arrive pas à l'ENAP fonctionnaire. On ne sort pas de l'ENAP avec automatiquement un profil de carrière établi. L'ENAP a des interventions qui sont tout à fait du même type que celles de tous les établissements universitaires. Les étudiants choisissent librement de venir à l'École. Il n'y a aucun engagement de qui que ce soit qu'après des études à l'École on accède à tel ou tel poste, ou qu'il y a un profil de carrière...

M. Léonard: Vous souhaitez que ça continue comme ça? Vous souhaitez que ça continue comme ça par rapport à la formation de la haute fonction publique?

M. De Celles: Nous vivons avec ce modèle-là. Il nous semble donner d'excellents candidats, des candidats qui, individuellement, font leur chemin par la suite dans la fonction publique. Graduellement, nous voyons de nos gradués accéder à des postes de commande, et nous avons la fierté légitime de croire que c'est en partie grâce à la formation qu'ils ont reçue.

Sur la question de planification stratégique, c'est à ça aussi que nous avons fait référence dans notre document. Actuellement, suite à des travaux qui sont poursuivis au niveau de comités de sous-ministres présidés par le secrétaire général du gouvernement, il a été mis sur pied un comité conjoint ENAP - organisation gouvernementale où l'on retrouve, d'une part, des membres de la direction de l'École et, d'autre part, le chef de la mission gouvernementale auprès de l'ENAP, le secrétaire général associé aux emplois supérieurs et à la réforme administrative, le président de l'Office des ressources humaines et un sous-ministre - actuellement, c'est le sous-ministre de l'Éducation. C'est dire qu'en termes d'arrimage et dans une perspective de planification stratégique de développement des ressources humaines, les mécanismes sont en place, et nous croyons que ce sont des mécanis-

mes qui sont susceptibles d'ajouter, par une impulsion additionnelle, au travail qui était déjà fait par l'École.

M. Léonard: Ce mécanisme n'aurait-il pas de recommandations à faire par rapport à une modification de la fonction publique, actuellement?

M. De Celles: Bien, ce mécanisme, il a des modifications à proposer, il a des recommandations à faire, et elles sont présentes dans notre document. On a identifié les thèmes dans lesquels nous pensons qu'il faudrait investir en termes de développement des cadres supérieurs. Je pense qu'il ressort des travaux de ce comité qu'il choisit de mettre ses énergies dans des investissements misant sur le rôle des cadres supérieurs, sur le rôle du management dans des transformations comme celles que nous souhaitons. Nous y croyons, et je ne voudrais pas, malgré les allusions qui ont été faites tantôt, que les convictions que nous avons voulu exprimer sur la formation, sur le développement - comme M. Parenteau l'a dit tout à l'heure, les capacités de l'École sont même limitées à cet égard-là - signifient que tout doit se traduire par de la formation en établissement universitaire. Nous parions de développement, et nous croyons qu'il peut s'en faire à l'intérieur même des organismes. Le choix que nous avons fait, c'est d'exprimer cette conviction que le management peut faire la différence et, deuxièmement, que le management fera d'autant plus la différence que toute l'organisation gouvernementale sera préoccupée de son développement. Et c'est le point que nous avons voulu souligner, avec peut-être l'effet pervers que vous avez manifesté, à savoir que nous avons négligé ou que nous avons refusé de répondre aux autres questions. Mais nous voulions émettre ce message clairement et avec le plus de conviction possible, parce que nous y croyons. Nous croyons qu'à ce moment-ci de l'évolution de cette loi-là, c'est le choix qu'il faut faire.

Le Président (M. Lemieux): Nous vous remercions. Nous y croyons, nous aussi.

M. Léonard: Je ne sais pas si on peut avoir un complément de réponse de M. Parenteau.

Le Président (M. Lemieux): Oui. Un complément de réponse, M. Parenteau?

Une voix: Sur l'ENA, peut-être.

M. Parenteau: En ce qui concerne l'ENA, justement, je pense que c'est la cause d'un petit peu de confusion. Vous savez que l'ENA, à Paris, a une situation privilégiée pour la formation des fonctionnaires. Non pas des hauts fonctionnaires, mais elle facilite l'accès à la fonction publique. Dans notre cas à nous, nous ne contribuons pas à l'accès à la fonction publique. Comme le disait le directeur tout à l'heure, ce sont des programmes de premier cycle - de génie, de biologie, de chimie, de psychologie, etc. - qui permettent l'accès à la fonction publique. Ce que nous faisons, c'est que nous intervenons, dans un deuxième temps, au niveau de la gestion. C'est-à-dire que nous prenons des individus qui ont une formation de base dans une technique quelconque et nous leur donnons une formation en gestion, ce qui leur permet de gravir les échelons dans l'administration publique Mais nous fonctionnons dans un contexte nord-américain, qui est un contexte de compétition. Et c'est un peu délibérément que nous l'avons fait. Nous n'avons jamais réclamé le monopole de la formation des fonctionnaires. Ce qui fart que, si vous pensez à des administrateurs d'hôpitaux, par exemple, il y en a un très grand nombre qui ont des formations de MBA, une formation des affaires. Il y en a d'autres qui ont une formation de l'ENAP, et il y en a d'autres qui ont une formation de l'Université de Montréal en maîtrise en administration de la santé, etc. Donc, nous sommes en compétition avec des MBA et avec d'autres institutions pour une formation de second degré à des fonctionnaires. Alors, ça indique que les chiffres sont relativement faibles, mais il faut remarquer cependant - vous le verrez par les tableaux statistiques - qu'il y a une tendance à l'accélération. Au début, nous n'étions pas connus, il y avait très peu de diplômés, mais cette année, c'est la plus grosse année, et l'an prochain, on espère qu'il y aura de plus en plus de diplômés. Quand vous pensez à l'ENA qui a été fondée en 1945, ça a pris beaucoup d'années avant qu'elle ait une réputation qui est mondiale, maintenant.

Le Président (M. Lemieux): Nous vous remercions. Nous aussi, nous avons des préoccupations qui vont dans le sens de celles de M. De Celles, mais vous devez aussi comprendre les nôtres. Je pense que vous êtes suffisamment conscients pour pouvoir être en mesure d'évaluer le sens de nos observations. J'emploierai une phrase du député de La Prairie, qui l'a peut-être empruntée lui-même à un de ses collègues qui s'appelait Jean-François Bertrand, lorsqu'il nous dit que l'imagination est au pouvoir. Je veux que vous sachiez que vous êtes une partie de cette imagination et que l'État en a besoin. Ne la gaspillez pas. Merci.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Lemieux): Maintenant, nous allons suspendre environ deux minutes, et je demanderais au Vérificateur général de bien vouloir prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 17 h 16)

(Reprisée 17 h 22)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite la bienvenue à M. Angers, sous-ministre aux Finances, mais nous devons absolument reprendre nos... Pardon, au Revenu. Je lui ai donné une promotion. Non? Avec la TPS... Alors, je m'excuse, maintenant, nous commençons. La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux, et nous allons maintenant entendre - j'allais dire un ami commun de la commission, un collaborateur - le Vérificateur général, M. Châtelain. Auriez-vous l'amabilité de bien vouloir identifier la personne qui vous accompagne ici?

Vérificateur général du Québec

M. Châtelain (Rhéal): Oui, merci, M. le Président, avec plaisir. Je suis accompagné de M. Fernand Matte, qui est directeur de l'administration à l'organisation du Vérificateur général. Donc, il est responsable de l'administration chez nous.

Le Président (M. Lemieux): M. le Vérificateur général, vous avez 20 minutes pour votre exposé, et suivra un échange entre les parlementaires d'une durée de 40 minutes. La parole est maintenant à vous.

M. Châtelain: Merci, M. le Président. Je vous remercie de l'invitation à venir témoigner devant votre commission. L'étude que vous menez sur l'opportunité de maintenir en vigueur ou, le cas échéant, de modifier la Loi sur la fonction publique me donne l'occasion de faire valoir à nouveau l'importance que le Vérificateur général accorde à I imputabilité dans l'administration publique. Les lecteurs assidus du rapport annuel du Vérificateur général savent déjà avec quelle insistance je reviens sur ce thème, année après année. J'ai donc le sentiment aujourd'hui de continuer un dialogue avec des interlocuteurs tout aussi intéressés par ce sujet. Amorcé il y a quelques années avec les membres de votre commission, ce dialogue s'est poursuivi avec un intérêt encore plus marqué en février dernier, lors de l'étude, devant cette même commission, du rapport annuel du Vérificateur général pour l'année terminée le 31 mars 1989.

L'imputabilité, ou la revue de la performance et l'obligation de rendre compte, est l'un des quatre thèmes retenus par la commission pour orienter ses travaux dans l'étude de la Loi sur la fonction publique. M. le Président, je me fais un devoir d'appuyer toute mesure ou démarche favorisant la reddition de comptes des responsables de la gestion des fonds et autres biens publics. La reddition de comptes est un élément essentiel à toute bonne gestion.

L'intervention du Vérificateur général de- vant cette commission se veut contributive, bien sûr, mais elle devra se limiter toutefois à porter à l'attention des membres de la commission certaines recommandations de portée générale. Cette réserve m'est imposée par le souci de ne pas outrepasser les limites de mon mandat, et je compte sur votre compréhension à cet égard. Le Vérificateur général ne peut compromettre son indépendance future en recommandant la mise en oeuvre de certains mécanismes bien spécifiques alors qu'il peut être appelé éventuellement à en effectuer la vérification. Il ne peut être à la fois juge et partie. C'est pourquoi j'ai toujours adopté comme ligne de conduite, dans toutes mes interventions, y compris dans mon rapport annuel, de ne faire que des recommandations définissant un objectif souhaitable à atteindre dans la recherche d'une bonne gestion, et non pas les moyens spécifiques pour y parvenir.

Le mémoire que je vous ai présenté sur l'objet du mandat de votre commission porte essentiellement sur l'imputabilité. Vu la nature même de mes fonctions, ce mémoire traite de façon prioritaire d'imputabilité à l'externe, celle, notamment, à laquelle je suis appelé à contribuer régulièrement et qui consiste à rendre compte à l'Assemblée nationale de la qualité de la gestion gouvernementale. Cette forme d'imputabilité qui s'exerce à l'égard de l'autorité suprême dans notre régime parlementaire pourrait être encore plus efficace si les responsables de la gestion administrative que sont les sous-ministres et les dirigeants d'organismes étaient invités à témoigner en commission parlementaire.

Entre autres, l'étude du rapport annuel du Vérificateur général par la commission que vous présidez deviendrait alors un mécanisme privilégié dans le fonctionnement d'un véritable système d'imputabilité administrative. Les recommandations que le Vérificateur général formule chaque année dans son rapport annuel ne portent pas sur les politiques gouvernementales. Si tel était le cas, le Vérificateur général outrepasserait les paramètres de son mandat précisés dans la Loi sur le Vérificateur général et deviendrait vite partie à un débat qui doit être réservé aux élus. Le mandat du Vérificateur général porte essentiellement sur des faits et gestes de nature administrative. Ne serait-il pas normal que ceux qui sont responsables de ces faits et gestes soient également appelés à en rendre compte publiquement?

Si vous voulez bien me permettre une analogie avec le secteur privé, M. le Président, les hauts fonctionnaires se voient confier des responsabilités, en définitive, par les représentants des actionnaires que sont les membres de l'Assemblée nationale. C'est l'Assemblée nationale qui adopte les lois pour la mise en place de programmes au bénéfice de citoyens et qui en confie l'administration au gouvernement et à ses gestionnaires. Les gestionnaires de l'entreprise privée sont tenus de rendre compte au conseil

d'administration de leur entreprise et aux actionnaires. La même règle dïmpirtabilité devrait s'appliquer dans le secteur public, où les gestionnaires devraient rendre compte au ministre et à l'Assemblée nationale où siègent les représentants des actionnaires, c'est-à-dire les représentants des citoyens. Ces représentants ont justement un rôle de surveillance a exercer, rôle qui est bien légitime et reconnu, et ils doivent veiller à la bonne gestion du patrimoine de ta collectivité. Bien sûr, une interprétation traditionnelle du principe de la responsabilité ministérielle veut que les ministres aient une responsabilité globale, voire même entière, relativement aux actes administratifs tout comme aux orientations politiques de leur ministère.

Selon une interprétation encore plus exigeante de ce principe, les fonctionnaires seraient limités à un rôle de simple exécutant, sans obligation de rendre compte à l'externe. Mais, dans les faits, des pouvoirs de gestion considérables sont et doivent être délégués aux hauts fonctionnaires pour la gestion des ministères et des organismes. Il serait donc normal que ces personnes soient tenues comptables de leurs actes. On est en droit de s'attendre à ce que les hauts fonctionnaires puissent rendre compte à l'externe des décisions et des actes de nature administrative difficilement imputables, en pratique, aux seuls membres du gouvernement.

En principe, en tant que chef d'un ministère ou responsable d'un organisme, le ministre est imputable à tous les niveaux. En pratique, cependant, H est secondé par un sous-ministre ou un dirigeant d'organisme qui se voit attribuer la responsabilité de la gestion des affaires. Le ministre conserve sa responsabilité, mais il ne peut pas, dans la réalité, être seul imputable de la gestion administrative de son ministère ou de l'organisme auprès duquel il est mandaté pour représenter le gouvernement. L'imputabilité du ministre se traduira principalement par une reddition de comptes sur l'essence même des politiques, alors que celle du sous-minlstre ou du dirigeant d'organisme portera sur l'application de ces politiques dans un contexte de saine gestion. Et cette reddition de comptes doit s'exercer jusqu'en commission parlementaire.

La vérification législative, exercée en très grande partie par le Vérificateur général, fait partie du cycle de l'imputabilité externe. Il y aurait lieu d'en utiliser à fond toutes tes ressources en complétant ce cycle par le témoignage des responsables de la gestion en commission parlementaire. On utiliserait ainsi davantage, en pratique, les possibilités offertes par la réforme parlementaire entreprise il y a quelques années afin de permettre aux députés d'exercer pleinement leur rôle de surveillance sur la gestion des activités gouvernementales.

L'étude du rapport annuel du Vérificateur général en commission parlementaire est une occasion propice à l'exercice de ce rôle de surveillance. Cependant, l'étude de ce rapport ne produira tous les bénéfices escomptés que si elle se fait en présence des hauts fonctionnaires en qui la gestion s'identifie le plus clairement.

On doit s'attendre à ce que les sous-ministres et les dirigeants d'organismes puissent répondre de la qualité de leurs gestes administratifs devant l'Assemblée nationale, puisque c'est elle qui leur confie, en définitive, un pouvoir d'exécution de programmes de l'État selon des critères de gestion optimale des ressources.

Un tel régime d'imputabilité à l'externe des hauts fonctionnaires existe dans les autres Législatures, des juridictions de premier niveau au Canada, c'est-à-dire au Parlement fédéral et dans toutes les Législatures des provinces, à l'exception du Québec.

Cette pratique de l'imputabilité à l'externe se déroule de façon respectueuse des distinctions fondamentales entre les aspects politiques et administratifs de la gestion des affaires publiques. Les responsables de la gestion des fonds et autres biens publics pourraient être quelque peu hésitants face à une telle pratique favorisant la reddition de comptes.

La plupart des êtres humains ont une propension à résister à toute forme de contrôle. C'est pourquoi il doit y avoir une volonté politique pour promouvoir la mise en place d'une telle mesure, qui viendrait compléter logiquement le cycle de l'imputabilité à l'externe.

Je suis conscient que la Loi sur la fonction publique ne constitue pas le seul véhicule pour instaurer les mesures d'imputabilité externe dont je viens de vous entretenir, mais cette loi comporte déjà plusieurs éléments qui, bien appuyés, pourraient contribuer à rendre constructive et souhaitable la reddition de comptes à l'externe des hauts fonctionnaires. L'important est d'abord que les responsables de la gestion rendent des comptes, et la Loi sur la fonction publique peut contribuer à ce que la chaîne de l'imputabilité soit plus complète et se rende jusqu'à sommet, c'est-à-dire jusqu'à l'Assemblée nationale. Certaines additions à la loi pourraient favoriser un tel régime. Par exempte, on pourrait y prévoir l'obligation pour les hauts fonctionnaires de comparaître devant toute commission parlementaire lorsqu'ils y sont convoqués.

L'imputabilité à l'externe ne pourra véritablement produire tous ses fruits que lorsque les membres de l'Assemblée nationale insisteront sur le plein exercice de leur rôle de surveillance à ce niveau.

Les règles de procédure de l'Assemblée prévoient déjà la convocation des personnes qu'une commission parlementaire a choisi d'entendre. Encore faudra-t-il que l'on veuille appliquer ces règles aux hauts fonctionnaires lors des audiences portant sur l'étude du rapport annuel du Vérificateur général. Il pourrait en

être de même dans le déroulement des travaux de toute commission parlementaire sectorielle qui étudierait, par exemple, le contenu du rapport annuel des activités d'un ministère ou d'un organisme. À ce jour, les commissions parlementaires se sont peu prévalues de cette prérogative, bien que la réforme parlementaire de 1984 les y autorise.

Jusqu'à maintenant, M. le Président, l'exercice de l'imputabilité à l'interne a été privilégié par la Loi sur la fonction publique et par d'autres mesures législatives ou réglementaires. Cette forme d'imputabilité se caractérise par la reddition de comptes à l'intérieur des structures gouvernementales, c'est-à-dire d'un niveau hiérarchique à un autre, jusqu'aux sous-ministres ou aux dirigeants d'organismes. À leur tour, ceux-ci répondent de leurs gestes devant les instances centrales et devant l'exécutif, c'est-à-dire les ministres responsables des ministères et des organismes. Cette reddition de comptes à l'interne est essentielle, mais elle n'est pas publique.

Avec l'entrée en vigueur de la Loi sur la fonction publique le 22 décembre 1983, la reddition de comptes à l'interne a été favorisée. Telles que présentées dans la loi, les responsabilités des sous-ministres et des dirigeants d'organismes en matière de gestion des ressources humaines sont bien précisées. Elles comportent, dans leur libellé même, l'obligation de procéder à des évaluations, ce qui ne saurait être fait sans une reddition de comptes.

Qui plus est, la grande majorité des responsabilités des sous-ministres et des dirigeants d'organismes en matière de gestion des ressources humaines peuvent être déléguées, de façon à ce que l'exercice des pouvoirs de gestion s'effectue le plus près possible des personnes intéressées.

La loi prévoit l'application d'un régime selon lequel les fonctionnaires doivent rendre compte de l'utilisation faite des pouvoirs qui leur ont été délégués compte tenu des moyens mis à leur disposition. C'est la base même du processus d'imputabilité. On ne peut rendre compte si l'on ne s'est pas vu confier une responsabilité, un mandat clair, et si les moyens nécessaires pour réaliser ce mandat n'ont pas été fournis.

Dans les faits, plusieurs mesures ont déjà été préconisées par diverses instances gouvernementales, dont le Conseil du trésor, pour favoriser entre autres l'atteinte des objectifs de la loi.

L'implantation de l'évaluation du rendement du personnel basée sur des attentes signifiées, l'obligation de produire un bilan annuel portant de façon spécifique sur la gestion des ressources humaines, la mise sur pied d'unités de vérification interne relevant directement de la haute direction des ministères ou des organismes, l'implantation progressive d'un suivi de gestion et de l'évaluation d'activités de programmes sont autant de moyens favorisant l'imputabilité à l'interne. Ces diverses façons de vivre l'imputabilité sont-elles cependant intégrées de manière uniforme et efficace dans les pratiques administratives de tous les intéressés? Le Vérificateur général recommande dans son mémoire que la loi prévoie l'instauration de tels systèmes de contrôle a posteriori ou, à tout le moins, que ces éléments ou mécanismes soient mis en place par les responsables de l'application de la loi.

M. le Président, je viens de vous livrer l'essentiel du message du Vérificateur général; pour vous et pour plusieurs membres de votre commission, le message n'est pas nouveau. (17 h 30)

Le Président (M. Lemieux): C'est ce que j'allais dire! C'est un message que nous connaissons bien.

M. Châtelain: Voilà! L'imputabilité à l'interne a une importance capitale eu égard aux objectifs d'une saine gestion. Toutefois, pour être complet, le cycle de l'imputabilité doit se prolonger à l'externe et se traduire par une reddition de comptes à l'Assemblée nationale, là où les députés exercent le rôle de surveillance en tant que représentants de tous les contribuables, de tous les citoyens. Les dispositions de la Loi sur la fonction publique devraient promouvoir de tels principes. Il manquera toujours un maillon à la chaîne de l'imputabilité tant que l'Assemblée nationale ou ses commissions parlementaires n'entendront pas les hauts fonctionnaires. Le plein exercice de l'imputabilité externe du gestionnaire constituera un pas très important vers l'excellence dans la gestion des programmes de l'État. Je vous remercie, M. le Président, de votre accueil et de votre attention à mes propos.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le Vérificateur général. Je vais passer immédiatement la parole au député de Saint-Louis, et j'aurai peut-être un petit deux minutes à la fin, s'il me le permet. M. le député de Saint-Louis.

M. Chagnon: Je vous le permets, M. le Président, mais le plus grand problème, c'est que je suis d'accord avec le Vérificateur général.

Une voix: Ce n'est pas un problème.

M. Chagnon: C'est un problème pour questionner longtemps... Le Vérificateur général le sait, les discussions qu'on a eues entre autres au mois de février cette année et l'an passé n'ont pas laissé beaucoup d'espace, pour le fait que je me suis commis sur cette question depuis déjà quelques années. Évidemment, il s'agit de concevoir son rôle non seulement comme législateur, mais aussi comme contrôleur. Je pense que l'évolution du rôle de l'élu, du député, fait en sorte qu'inévitablement ii doit raffiner le sens

du contrôle qu'il doit avoir sur l'administration publique, d'abord sur le plan des politiques émises par le gouvernement et, ensuite, sur les moyens administratifs pris pour faire en sorte que ces politiques et ces orientations gouvernementales soient bien mises en place pour le bénéfice de la population en général.

Vous avez parlé, M. le Vérificateur, de la situation dans d'autres Législatures. Je pense aussi, un peu comme peut-être d'autres membres de cette commission, que l'imputabilité externe est le pas logique suivant l'adoption de la Loi sur la fonction publique en 1984. Ce serait peut-être ce pas que nous devrions faire cette année. Mais la situation dans les autres Législatures... On sait que les comités de comptes publics ont évolué vers l'imputabilité externe en Ontario, en Colombie-Britannique; peut-être qu'il y a l'Alber-ta et le Québec qui n'ont pas évolué dans ce sens-là. Vous avez été vous-même haut fonctionnaire au gouvernement fédéral, au Bureau de la Vérification générale, pourriez-vous nous expliquer davantage comment ça se fait sur le plan de la mécanique, et quelle est l'acceptation de la problématique entre le rôle ministériel et le rôle sous-ministériel dans cette façon de procéder?

M. Châtelain: Oui, merci, M. le Président. Tout d'abord, concernant les autres Législatures, il est exact qu'en Alberta, jusqu'à tout récemment, ce régime auquel on a fait référence n'était pas en pratique de façon régulière, mais, selon les dernières communications que j'ai eues, c'était la dernière province, à l'exception du Québec, où on n'avait pas ce régime en place. D'après les dernières informations que j'ai obtenues, ailleurs, le régime est maintenant en place, les hauts fonctionnaires sont appelés à témoigner et ils témoignent en leur propre nom devant un comité de la Législature qui étudie justement le rapport du Vérificateur général là-bas.

Maintenant, comment est-ce que ça se passe? J'ai vécu, vous l'avez bien dit, M. le député, l'expérience au niveau fédéral où, régulièrement, deux fois par semaine, le comité des comptes publics étudie le rapport du Vérificateur général. À cette fin, le Comité convoque et entend les hauts fonctionnaires des ministères et des organismes qui font l'objet, justement, des commentaires du rapport et de l'étude du comité. Ces hauts fonctionnaires comparaissent devant le comité, en l'absence du ministre. Le ministre n'est pas présent. Le haut fonctionnaire, le sous-ministre, est accompagné de ses sous-ministres adjoints et il doit répondre aux questions des parlementaires. Les questions portent évidemment sur le contenu du rapport du Vérificateur général. Comme je le signalais tantôt, le contenu du rapport porte évidemment sur des actes, des gestes, des décisions de nature administrative et non pas de nature politique, ce qui sert, dès le départ, à dépolitiser le débat, c'est-à-dire que le débat ne porte pas sur les politiques, si vous voulez, des programmes, les politiques du gouvernement.

Donc, le sous-ministre ou le dirigeant de l'organisme, le haut fonctionnaire, n'est pas dans une situation où il est appelé à défendre les politiques comme telles du gouvernement. La discussion porte sur les gestes administratifs, ceux qui font l'objet du rapport du Vérificateur général. C'est une discussion qui est éminemment positive. Le sous-ministre est appelé à commenter, évidemment, les constatations du Vérificateur général et ses recommandations. Il est appelé à se prononcer sur le suivi qu'if va donner aux recommandations, et l'effet est tout à fait construct et tout à fart salutaire. Plutôt que de voir, année après année, les mêmes lacunes être soulevées ou être relevées par le Vérificateur général dans un même ministère, il y a des améliorations sensibles. Les hauts gestionnaires, les hauts fonctionnaires, devant le comité des comptes publics, prennent des engagements quant aux mesures qu'ils vont prendre pour corriger les situations qui ont été déplorées. Alors, ça a un effet tout à fait salutaire. Également, le débat lui-même, comme je le disais tantôt, est très serein; il n'est pas politisé et il ne revêt pas une haute visibilité. Il est très serein et dépolitisé, et je pense que, par le fait même, au niveau administratif, il est très cons-tructif.

M. Chagnon: Est-ce qu'il y a d'autres sujets que le rapport du Vérificateur général qui devraient être l'objet de cette imputabilité externe?

M. Châtelain: Bien sûr, M. le Président. Tantôt, j'ai tout simplement donné un exemple à l'effet que les commissions sectorielles pourraient entendre les hauts fonctionnaires suite à la publication, au dépôt du rapport annuel du ministère ou de l'organisme.

M. Chagnon: Mais ça ne se fait pas dans d'autres provinces ou dans d'autres...

M. Châtelain: Ah! Ça se fait. Oui, ça se fait de plus en plus dans les autres provinces, il faut s'entendre.

M. Chagnon: Mais c'est ce que je veux... Je veux vous l'entendre dire.

M. Châtelain: Je vais prendre un autre exemple qui est encore plus clair. Il y a un autre exemple qui est beaucoup plus clair. À Ottawa, entre autres, les comptes publics eux-mêmes font l'objet de discussions devant le comité des comptes publics et, à ce moment-là, les hauts fonctionnaires, entre autres du ministère des Finances, sont appelés à témoigner sur le contenu, par exemple, des états financiers du

gouvernement. C'est bien sûr. Alors, les comptes publics font l'objet d'une discussion semblable à celle que j'ai décrite tantôt.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que ça va, M. le député des Îles-de-la-Madeleine? Est-ce que ça va, M. le député de...

M. Chagnon: Je reviendrai.

Le Président (M. Lemieux): Vous allez revenir. Alors, M. le député des Îles-de-la-Madeleine, et il y a M. le député de Mille-Îles, aussi, qui veut intervenir.

M. Farrah: M. le Président, je vais me faire un peu l'avocat du diable. Plusieurs syndicats ou plusieurs organismes sont venus devant nous depuis hier, et lorsqu'on leur parlait d'imputabi-lité interne, toujours avec l'objectif de service à la population, ils semblaient tous d'accord. Ils semblaient avoir un certain consensus à ce niveau-là, sauf qu'ils disaient: Oui, mais à condition qu'on connaisse les règles du jeu, à condition qu'on soit certains qu'on n'ait pas de surplus de tâche. En tout cas, qu'il y ait quand même un environnement ou un cadre qui soit délimité afin de s'assurer qu'on puisse faire le travail qui nous est demandé. (17 h 45)

À l'opposé, avec le système actuel, au niveau des hauts fonctionnaires, sous-ministres ou présidents d'organismes, ces gens-là qu'on veut rendre imputables - je suis d'accord avec ça, c'est tout à fait normal - est-ce qu'ils ont le cadre voulu, au niveau de l'interne, pour pouvoir justement être imputables à l'externe, après? Je ne sais pas si vous me suivez là-dessus. Sinon, quelles seraient les modifications qu'il faudrait peut-être apporter pour s'assurer qu'il y ait un lien entre l'imputabilité à l'interne et celle à l'externe? Parce que, à mon point de vue, je pense qu'il y a un lien entre les deux. C'est extrêmement important.

Si, au niveau d'un cadre supérieur, on exige des choses, à ce moment-là, au niveau de sa boîte, il faut que son message puisse aussi passer et bien circuler de haut en bas, sinon il y a des problèmes. Alors, est-ce qu'il y a des lacunes? Est-ce que le système ferait en sorte qu'il y ait des blocages quelque part, que cette communication-là ne se fasse pas? Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, M. le Vérificateur.

M. Châtelain: D'accord. M. le Président, je dois tout de suite faire une réserve avant d'aller plus loin dans ma réponse. C'est que nous n'avons pas fait de vérification comme telle sur l'objet de la question. D'autre part, je pense que, si on avait fait une vérification comme telle, il y aurait peut-être un autre forum où on devrait rendre compte, vous savez, du résultat de cette vérification-là. Cependant, je peux parler au niveau théorique, c'est-à-dire du fonctionnement d'un système au niveau théorique, à ce moment-là. C'est bien sûr que je suis bien d'accord avec le député, pour commencer. Pour qu'il y ait un système d'imputabilité à l'interne qui fonctionne bien, il faut que l'employé que l'on va tenir imputable sache exactement ce qu'il a à faire, ce qu'on attend de lui.

Il y a un objectif, il y a une tâche à l'intérieur de cet objectif-là. On ne pourra pas l'évaluer si on ne lui a pas dit exactement ce qu'on attendait de lui. Première règle.

Deuxième règle, l'évaluation. La revue de la performance, d'accord? Mais la revue de la performance implique quoi? Rendre compte, bien sûr, tout le temps. Alors, il doit y avoir une revue de la performance comparativement à ce qu'on lui avait dit au début, à ce qu'on attendait de lui. Bien sûr. On l'évalue sur cette base-là.

Alors, le fonctionnaire lui-même qui est évalué doit rendre compte de sa performance, d'accord? Ceci, à l'interne, doit se pratiquer tout le long de la chaîne hiérarchique à l'intérieur du ministère, à partir du premier fonctionnaire jusqu'au niveau du sous-ministre, tout le long. Mais ça implique quoi, aussi? Ça implique beaucoup plus de choses que ça. C'est que, pour l'ensemble du ministère, il faut absolument connaître les objectifs. Il faut commencer là. Il faut commencer par connaître les objectifs du ministère. Qu'est-ce qu'on essaie de faire dans ce ministère-là, quel est l'objectif? Quels sont les moyens? Il faut planifier, et ainsi de suite. Après qu'on a planifié les objectifs, évidemment, après qu'on a établi un plan opérationnel quant à l'atteinte de ces objectifs-là durant une année ou peu importe, les quelques années à venir, il faut ensuite planifier les ressources humaines.

Quelles sont les ressources humaines dont nous aurons besoin? Je ne parle pas des ressources financières, c'est autre chose, mais on en a besoin aussi. Alors, quelles sont les ressources humaines dont nous aurons besoin pour accomplir ça, les différentes qualités de ressources humaines, les différentes quantités de ressources humaines? Alors, c'est tout bâti là-dessus. À partir des objectifs du ministère, qu'est-ce qu'on essaie de faire? Ensuite, quelles sont les ressources dont nous avons besoin? Et nous communiquons à ces ressources-là ce qu'on attend d'elles. C'est ça, l'imputabilité. On les évalue et, ensuite, on évalue justement l'atteinte des objectifs du ministère et l'atteinte des objectifs de chacun des employés, tout le long de la chaîne. Ça, ça se rend jusqu'au niveau du sous-ministre.

Le Président (M. Lemieux): M. le député des Îles-de-la-Madeleine... Je m'excuse, parce que je dois passer la parole à l'Opposition, pour revenir au député de Mille-Îles, tout à l'heure, qui a aussi des questions à poser. Moi, j'en ai des petites à la fin, mais... M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Oui, brièvement...

Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Vous savez, on est limités par le temps.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je trouve rafraîchissant le mémoire du Vérificateur. On ne peut sûrement pas l'accuser de manquer de sens pratique et de ne pas être clair. C'est très clair. Si j'ai peut-être eu certaines réticences, à une époque, quant à l'imputabilité externe pour les hauts fonctionnaires, je n'en ai plus aucune, absolument aucune. Et c'est peut-être mon stage comme responsable, à un moment donné, des relations aux citoyens qui m'a enseigné, avec les nombreux contacts que j'ai eus avec les fonctionnaires, sous-ministres, tous les niveaux de la fonction publique, qu'effectivement, les gens de la fonction publique, en tout cas, surtout ceux et celles qui sont au service de la population, ne craignent pas, d'abord, l'organisation d'une imputabHité à l'interne, comme vous venez de l'expliquer, et que ça débouche éventuellement sur l'externe. Moi, je pense que le service aux citoyens, à la population, y gagnera éventuellement. Alors, un début, ça peut être avec le rapport du Vérificateur général, mais pourquoi pas aussi avec le rapport du Protecteur du citoyen? Il y a plusieurs rapports annuels qui pourraient faire l'objet de telles séances, de commissions parlementaires où les sous-ministres et les responsables d'organismes répondraient de la sagesse, de la pertinence de leurs gestes administratifs.

Juste une question au Vérificateur. L'article 3 actuel, au paragraphe 2, dans l'objet de la loi, dit: "...l'exercice des pouvoirs de gestion des ressources humaines le plus près possible des personnes intéressées et l'application d'un régime selon lequel le fonctionnaire investi de ces pouvoirs de gestion doit en rendre compte, compte tenu des moyens mis à sa disposition." il y a une obligation, si je lis bien, "...doit en rendre compte". Est-ce que vous pensez quand même que la loi devrait être amendée pour introduire... C'est votre première recommandation: "La Loi sur la fonction publique devrait prévoir l'obligation par les hauts fonctionnaires de répondre aux convocations des commissions parlementaires de l'Assemblée nationale." Est-ce que vous voulez dire que l'article 3, comme il existe actuellement, n'est pas assez clair, n'est pas assez contraignant? Il y a quand même "doit".

Le Président (M. Lemieux): Simplement pour ajouter là-dessus... C'est que, là-dessus, moi non plus, je ne vous comprends pas, parce que, actuellement, je suis certain que nous avons tout ce qu'il nous faut légalement pour assigner devant nous à la fois des dirigeants d'organismes, en vertu de l'article 294, et des sous-ministres en titre ou sous-ministres adjoints, en vertu de l'article 51 de fa Loi sur l'Assemblée nationale. Je veux vous entendre là-dessus, moi aussi.

M. Châtelain: Oui, M. le Président. Non seulement y a-t-il ces articles-là dans la loi, mais il y a aussi, évidemment, les règles de procédure de l'Assemblée nationale, qui prévoient la comparution de personnes... On ne précise peut-être pas qu'il s'agit des hauts fonctionnaires. On dit simplement, je pense, "les personnes qu'une commission peut bien convoquer". D'accord. Cependant, je pense que c'est une question d'interprétation. La loi, de la façon dont elle est rédigée dans le moment et de la façon dont elle est appliquée ou interprétée...

Le Président (M. Lemieux): C'est plutôt une question de pratique, ça.

M. Châtelain: Oui, c'est une question de pratique. C'est qu'on interprète cet article-là, M. le Président, l'article auquel on vient de faire référence, tout simplement comme s'appliquant à l'interne; c'est l'interprétation qui est donnée. On parle ici d'un régime à l'interne. Bien sûr qu'on vise le service au citoyen, de rendre l'action le plus près du citoyen possible, de déléguer. Mais quand on précise ici qu'on lui demande de rendre des comptes, je pense bien que ce que la loi visait, à l'époque - et c'est la façon dont ça a été interprété - c'était d'en rendre compte à l'interne. À l'époque, on ne parlait même pas d'interne ou d'externe comme tels, je pense bien, mais c'est ce qui était prévu.

Alors, nous, ce que nous recommandons... De fait, le but de notre recommandation, c'est de rendre beaucoup plus clair, de ce côté-là, que ça devrait s'appliquer également à l'externe.

M. Lazure: Je reconnais que ce serait beaucoup plus clair.

Le Président (M. Lemieux): Ce que le législateur ne dit pas, il ne l'exclut pas.

M. Lazure: On dit souvent: Ça va sans dire. Mais ça va encore mieux en le disant.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle, avez-vous des questions?

M. Léonard: M. le Président, je sais qu'on aborde là une question sur laquelle je ne suis pas d'accord, en tout cas jusqu'ici, avec mes collègues, la question de l'imputabilité. Je me pose des questions. À l'interne, ça va, il n'y a aucun problème. À mon sens, les fonctionnaires doivent rendre compte par rapport à leurs fonctionnaires supérieurs et par rapport à leur ministre. Mais au-delà de ça, qu'il y ait des

hauts fonctionnaires, ou que le sous-ministre en titre vienne parader dans une commission parlementaire, moi, je pense qu'on va s'entendre sur le rôle du politique et de l'administratif. Il me semble qu'on a peut-être des dessins à se faire là-dessus. Je comprends tout de suite votre réplique. Vous allez dire: Ça se fait ailleurs, donc c'est bon. Un instant! On va quand même regarder ce que ça signifie. Je parle de l'im-putabilité externe. Vous dites que ça dépolitise le débat, comme si c'était très mauvais que le débat soit politisé. Je vous dis: Un instant! Nous sommes en régime parlementaire britannique, il y a un parti au pouvoir et généralement, un parti à l'Opposition dont le rôle est de s'opposer, de critiquer, et je pense que nous devons le faire. Nous sommes de ce côté-ci de la table durant ce mandat; la prochaine fois, on sera de l'autre côté-

Une voix: Ah!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): C'est purement hypothétique!

M. Léonard: Alors, je le fais tout bonnement, ce qui peut être sérieux en même temps.

Le Président (M. Lemieux): Vous savez, souvent, c'est...

M. Léonard: Je pense que les débats doivent avoir lieu, je pense que la société doit aussi en bénéficier, et je pense aussi que la presse doit rendre compte des positions des uns et des autres et pas seulement d'un côté. Et ça, c'est, je pense, la santé de la démocratie qui est en cause là-dedans. Alors, quand un sous-ministre gère son ministère, il le fait sous les orientations d'un ministre. À mon sens, le ministre fait partie de l'exécutif qui est issu de l'Assemblée nationale. C'est lui qui répond. Je veux bien qu'on distingue entre les aspects politiques et administratifs, mais, à mon sens, l'exécutif fait la jonction des deux. Alors, qu'il réponde, le ministre. J'aimerais bien qu'on me dise pourquoi, tout à coup, il faudrait qu'un fonctionnaire réponde à la place du ministre.

Le Président (M. Lemieux): M. le Vérificateur.

M. Châtelain: D'accord. Ça aurait été tellement facile de dire que c'est ce qu'on pratique ailleurs.

M. Léonard: Oui, je la voyais d'avance!

M. Châtelain: Écoutez, je pense qu'il est malheureux qu'on interprète mes propos à l'effet qu'un débat politisé est une mauvaise chose. Je ne pense pas que ce soit ça que j'ai précisé, absolument pas.

M. Léonard: Peut-être que j'ai extensionné l'entendement commun.

M. Châtelain: D'accord. Alors, absolument pas. Comme le député l'a dit, on vit dans un régime démocratique, bien sûr. Alors, un régime démocratique, ça veut dire quoi? Ça veut dire des débats qui sont politisés, ça veut dire des partis politiques et des débats entre partis politiques, d'accord.

M. Léonard: J'aime mieux ça que les dictatures, en tout cas.

M. Châtelain: J'ai également précisé, je pense bien, dans l'exposé que j'ai fait tantôt, que c'est vrai que le ministre a la responsabilité de l'ensemble, à tous les niveaux. C'est vrai, je ne nie absolument pas ça. Alors, il y a un forum où le ministre peut répondre. Il peut répondre en Chambre comme en commission parlementaire. Bien sûr, on peut toujours tenir un ministre responsable. C'est bien sûr. C'est l'essence même du régime politique ou du régime démocratique. Cependant, au niveau pratique, il y a autre chose. C'est pour ça. C'est qu'au niveau pratique, est-il possible... On peut bien prendre l'exemple de General Motors, si vous voulez. Allez-vous tenir le président ou le vice-président responsable de ce qui se passe partout? Allez-vous tenir le conseil d'administration de General Motors responsable des gestes qui sont posés par les ouvriers? Il faut s'entendre. Alors, au point de vue pratique, tout simplement, à qui doit-on demander des comptes? S'il y a une sanction politique, elle peut toujours s'appliquer au niveau du ministre, bien sûr, mais, au point de vue pratique, il faut aller là où l'autorité s'exerce réellement.

M. Léonard: À l'interne.

M. Châtelain: On le voit dans les lois. Prenez les lois des ministères, ce sont les sous-ministres qui sont chargés, justement, de la gestion des affaires du ministère. Bien sûr, on dit toujours que c'est sous la direction du ministre. C'est vrai qu'au niveau politique, le ministre peut être tenu responsable, bien sûr, mais, au niveau pratique, c'est le sous-ministre. C'est pour ça que, dans chacune des lois des ministères, on prévoit justement le rôle d'un sous-ministre. Dans le fond, c'est l'Assemblée nationale qui passe ces lois-là, c'est l'Assemblée nationale qui dit qu'il doit y avoir un sous-ministre, que ce sous-ministre doit assumer la responsabilité, si vous voulez, de la gestion des affaires courantes du ministère. C'est la loi. C'est l'Assemblée nationale qui passe cette loi-là. C'est l'Assemblée nationale qui accorde des fonds

à l'exécutif, oui, mais également au gouvernement, et ces fonds-là sont gérés ensuite par les hauts fonctionnaires. Alors, pourquoi ces hauts fonctionnaires-là, dont les fonctions sont déjà prévues dans des lois, ne devraient-ils pas rendre des comptes au niveau de l'Assemblée nationale? Comme je vous le dis, s'il y a une sanction au niveau politique, elle peut toujours s'exercer au niveau du ministre.

M. Léonard: La loi prévoit des fonctionnaires subalternes, et ils rendent compte à leur sous-ministre.

M. Chatelain: Bien sûr.

M. Léonard: Moi, je pense que le sous-ministre... Peut-être que là où nous divergeons, c'est probablement sur la notion d'imputabilité interne et externe, ce que ça signifie exactement. Vous, vous dites que les fonctionnaires et les sous-ministres en titre doivent répondre à l'Assemblée nationale ou doivent répondre dans des commissions de l'Assemblée nationale. À mon sens, là, on touche de très près à la responsabilité directe du ministre et, à mon sens, le ministre doit être capable de répondre lui-même sur ce plan-là.

M. Chatelain: Ça ne veut pas dire que le ministre abdique ses responsabilités dans un cas comme ça. Absolument pas.

M. Léonard: Je veux bien, mais regardez vous-même. Regardez vous-même. Vous êtes le Vérificateur général du Québec. Il se sort des budgets ici, au Québec, qui sont des contrôles a priori, alors que ce que vous faites, vous faites des vérifications et vous rendez compte de vos vérifications, la plupart du temps, sur des états financiers. Là, vous dites: Ça été mal fait, ceci ou cela. Vous exercez votre rôle critique. Or, en réalité, si vous vouliez être efficace, vous donneriez votre opinion sur le budget lui-même, parce que c'est là que les décisions sont prises. Alors, pourquoi ne le faites-vous pas?

M. Chatelain: Est-ce que je dois répondre à cette question-là?

Le Président (M. Lemieux): Certainement. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): En toute liberté.

M. Chatelain: Le rôle du Vérificateur général, c'est un rôle de vérification...

Une voix: C'est ça.

Le Président (M. Lemieux): C'est son rôle dans la loi.

M. Chatelain: La vérification est a posteriori. (18 heures)

M. Léonard: II y a des vérifications internes en termes de systèmes, puis en termes de présentations d'états financiers. On sait que, dans les domaines public et politique, effectivement, lorsque, par exemple, un ministre des Finances donne son discours sur le budget, il rend des décisions. Il doit les rendre en toute connaissance de cause et de façon à éclairer le public et non pas à le "confusionner". À mon sens, le Vérificateur général lui-même devrait se prononcer. Alors, à ce moment-là, quand vous ne le faites pas, on devrait vous faire venir à la barre et vous demander pourquoi vous ne l'avez pas fait.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle, vous avez terminé votre temps de parole. Vous pourrez répondre après que j'aurai passé la parole au député de Mille-Îles.

M. Léonard: Vous voulez être imputable, vous allez l'être vous aussi, si...

Le Président (M. Lemieux): M. le Vérificateur.

M. Léonard: II faut pratiquer ce que vous prêchez.

M. Chatelain: Le Vérificateur général fait une vérification a posteriori et peut être imputable, bien sûr, sur sa vérification. Il faut s'entendre. Alors, il fait rapport sur quoi? Il fait rapport sur des états financiers, sur des gestes qui ont déjà été posés et sur des rapports comme tels, si vous voulez.

M. Léonard: M. le Président, si vous me le permettez, je dirai que lorsque dans une entreprise, par exemple, pour prendre l'exemple du secteur privé, vous avez des états pro forma donnant lieu à des émissions d'actions ou à des émissions d'obligations, il y a un rapport du Vérificateur général et, pourtant, ce n'est pas une vérification de gestes passés, ce sont des hypothèses. Encore là, dans le cas d'un budget d'un gouvernement, il ne s'agit même pas d'hypothèses, il s'agit vraiment de décisions politiques qui ont été prises, là.

Le Président (M. Lemieux): M. le Vérificateur général, vous pouvez répondre. Après, je passe vraiment la parole au député de Mille-Îles.

M. Léonard: C'est exact.

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît, M. le député de Labelle. Vous avez pris cinq

minutes de plus. Je vais être accusé de par-tisanerie.

M. Châtelain: D'accord. Il faut distinguer entre mon rôle et le rôle d'un vérificateur dans le secteur privé qui vérifie, à un moment donné, des états financiers et qui va aller se prononcer sur un prospectus, par exemple. Ce n'est pas la même chose, ce n'est pas le même rôle.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Mille-Îles.

M. Bélisle: Je me souviens très bien, M. le Vérificateur général... M. le Président, si vous vous en souvenez, il y a à peu près trois ans, le député de Lévis avait demandé au Vérificateur général - ça va le faire sourire - d'agir comme consultant. Il voulait obtenir son opinion, puis il s'est aperçu.,. On lui a dit, à un moment donné, au député de Lévis: Regardez donc le texte de la Loi sur le vérificateur général que vous avez vous-même voté à l'Assemblée nationale. Ce n'est pas dans ses attributions d'être consultant, de donner des opinions avant le fait. Ce n'est pas du tout ça qu'on a voulu faire. Ce que je ne comprends pas, présentement, c'est que, lorsqu'on a fait la réforme du règlement de l'Assemblée nationale, en 1984, on a fait une réforme dans le but de faire ça en deux phases, puis on a concrétisé, M. le Président - je passe par votre intermédiaire, mais je m'adresse bien entendu au député de Labelle - on l'a voté en donnant des outils. MM. les députés de Labelle et de La Prairie étaient là, ils étaient ministres du gouvernement de l'époque. C'est outils existent déjà et permettent déjà de faire ce qu'on veut faire, mais les parlementaires n'ont peut-être pas le courage de faire ce qu'ils devraient ou peuvent faire. Alors, à l'époque...

Le Président (M. Lemieux): Ou les ressources.

M. Bélisle: Je suppose qu'à l'époque, vous étiez d'accord. C'était unanime, l'adoption de ce nouveau règlement. Alors, on procédait à une nouvelle voie, à une nouvelle phase, et on avait étudié tous les tenants, tous les aboutissants. La commission Bisaillon en avait conclu exactement aux mêmes effets. On procédait à l'interne, au départ, via l'article 3 de la Loi sur la fonction publique, et, en même temps, on se disait: On laisse aller la machine et, en même temps, dans trois ou quatre ans, on va enclencher la machine au niveau externe. Est-ce que c'était ça qui était prévu à l'époque, M. le Vérificateur?

M. Châtelain: Oui, M. le Président. Je me souviens qu'il avait été justement question de cette approche-là, que progressivement ce régime serait mis en place. Oui, bien sûr.

Le Président (M. Lemieux): Allez-y, M. le député de Mille-Îles.

M. Bélisle: Quand on parle d'examen à l'Assemblée nationale, quand on dit que la Loi sur la fonction publique devrait prévoir l'obligation par les hauts fonctionnaires de répondre aux convocations des commissions parlementaires, vous savez que la commission du budget l'a déjà fait, en 1987, avec la Commission des valeurs mobilières. Vous souriez, vous vous souvenez de ça. Ça n'a pas été facile, n'est-ce pas?

Une voix: Puis on l'a fait pareil.

M. Bélisle: Puis on l'a fait pareil. C'a peut-être été la seule commission depuis 1984 qui a osé le faire. Le président de la Commission des valeurs mobilières est venu ici et a livré son sac sur la table, puis il y en avait, dans son sac.

Le Président (M. Lemieux): Et j'ajouterais dans le cadre de ce mandat-ci, où nous avons demandé à chacun des sous-ministres...

M. Bélisle: Dans le cadre d'un mandat d'initiative. Il faut se souvenir de l'histoire, d'accord? Ce que je vois dans votre page 3, sommaire des recommandations, est-ce que vous entrevoyez... Parce que la seule sanction qu'on pourrait mettre pour atténuer un peu le principe de ce que le député de Labelle veut conserver, la responsabilité ministérielle qui, dans notre système actuel... Le système parlementaire britannique pur n'existe plus. Ça n'existe plus, c'est un rêve du passé colonial.

M. Léonard: Franchement, vous m'apprenez quelque chose!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bélisle: Non, mais c'est ce que vous avez évoqué tantôt...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bélisle: ...et on est passés à un autre système.

Une voix: Un vrai.

M. Bélisle: Pour garder la responsabilité ministérielle, ce que je ne vois pas, c'est qu'à supposer que les commissions parlementaires, dans leurs juridictions respectives, étudient les états financiers des ministères, les programmes en termes de ressources humaines, en termes de production de services et tout le reste, il ne faudrait pas qu'il y ait de sanctions à ça. Il faut qu'il y ait un seul pouvoir accordé aux commissions parlementaires, ou il faudrait que ce soit

exercé dans le cadre de recommandations. Si on procède, M. le Vérificateur général... Vous ne l'avez pas dit dans votre document. C'est drôlement important, d'autant plus pour satisfaire à l'exigence du député de Labelle, parce qu'il a raison, dans le fond. Il ne faut pas enlever la responsabilité ministérielle; il faut ajouter d'autres outils.

Quand on dit qu'on fait l'évaluation des programmes, on pourrait faire l'évaluation du rendement par attentes signifiées. On pourrait faire la production de plans et d'objectifs de rendement, on pourrait analyser le bilan de gestion des ressources humaines, on pourrait analyser le rapport annuel du ministère, on pourrait mesurer le degré de satisfaction du public desservi. Moi, je suis entièrement d'accord avec ça. Il faut que ça se fasse à la prochaine étape. C'est l'étape qui était déjà prévue en 1984. Mais une chose qu'il faut faire, par exemple, II faut peut-être faire une modification et dire tel quel que les commissions parlementaires, le seul pouvoir qu'elles ont après avoir fait l'analyse, si elles la font, c'est une recommandation à l'Assemblée nationale, lieu où elles doivent faire rapport. Parce que nous aussi, comme parlementaires, on a des comptes à rendre à quelqu'un, et la place où on doit rendre des comptes, c'est à l'Assemblée nationale. Que pensez-vous de ça?

Le Président (M. Lemieux): Tout simplement pour souligner au député de Mille-Îles qu'en vertu de l'article 176. 7, c'est déjà là.

M. Bélisle: Bien, on pourrait peut-être le spécifier dans la Loi sur la fonction publique...

Le Président (M. Lemieux): Peut-être, mais c'est déjà là en vertu...

M. Bélisle:... comme le dit le Vérificateur général, parce que je pense que c'est vrai qu'il manque un chaînon quelque part.

M. Châtelain: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): M. le Vérificateur.

M. Châtelain: On a fait allusion, tantôt, à l'expérience que j'ai vécue dans une autre juridiction. C'est que le Comité des comptes publics, à Ottawa, entend - j'y reviens - les hauts fonctionnaires régulièrement, deux fois par semaine. Le comité des comptes publics voit une section du rapport du Vérificateur général et convoque les hauts fonctionnaires intéressés par le sujet. Une fois cette partie étudiée, cette section du rapport, le comité émet un rapport et émet des recommandations à la Chambre des communes, là-bas. Alors, je trouvais que c'était une mesure qui était positive.

M. Bélisle: D'accord. Une petite question, une petite vite. Chez vous, parmi les 225 personnes qui constituent votre service comme Vérificateur général, y a-t-il des diplômés de l'École nationale d'administration publique?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bélisle: La question est très sérieuse.

M. Châtelain: Ah oui! Je sais qu'on en a au moins un.

Le Président (M. Lemieux): Vous en avez un.

M. Châtelain: On en a au moins un. On en a peut-être deux ou trois, mais j'en connais un en particulier qui est gradué de l'École nationale, avec la maîtrise.

Le Président (M. Lemieux): Oui, c'est bien, ça.

M. Bélisle: Existe-t-il une interaction? C'est très important pour comprendre. Vous êtes le Vérificateur, vous êtes chargé d'analyser la production, la conformité des programmes, l'efficacité, l'efficience gouvernementale. Avez-vous une interaction, un échange, peut-être même un modèle, un rôle, un certain nombre de vos effectifs qui, à chaque année, devraient être obligés, peut-être, d'aller là-bas, et inversement? En somme, y a-t-il une sorte d'interaction entre les deux? Ce que je ne comprends pas, c'est que ça n'existe pas, que ça ne se fasse pas.

Le Président (M. Lemieux): M. le Vérificateur.

M. Châtelain: II s'en fait, M. le Président. Il ne s'en fait pas d'une façon formelle, structurée, délibérée comme, je pense, le député rechercherait. Il s'en fait. Par exemple, avec l'ENAP, nous avons organisé des sessions de cours qui ont été donnés, entre autres, à nos cadres, des colloques de deux ou trois jours. Il y a des échanges. On a même, aussi, des professeurs de l'ENAP qui viennent travailler chez nous, d'accord. On a des professeurs de l'ENAP qui viennent nous aider dans certains secteurs, et ainsi de suite. Je pense bien, là, qu'il y a un transfert de connaissances qui se fait, à ce moment-là. Il y a des consultations, mais tout à fait informelles. C'est pour ça que j'ai bien précisé que ce n'était pas systématique.

M. Bélisle: D'accord.

M. Châtelain: II y a des consultations tout à fait informelles. Par exemple, l'ENAP va peut-être considérer de développer un cours sur l'optimisation, en consultation avec nous, bien

sûr, mais ce n'est pas structuré dans le sens auquel vous avez fait allusion tantôt.

M. Bélisle: Est-ce qu'il y a eu des discussions informelles avec l'ENAP sur la notion d'imputabilité?

M. Chatelain: Absolument! Quand je dis absolument, il faut s'entendre.

M. Bélisle: À l'interne.

M. Chatelain: Là, ce serait comme si on avait eu une session qui portait sur l'imputabilité.

M. Bélisle: Non, pas dans ce sens-là. M. Châtelain: Non, absolument pas.

M. Bélisle: C'est parce qu'on essaie de savoir ce qu'ils pensent, aussi? C'est pour ça.

M. Châtelain: Non, mais dans le cadre, par exemple, des cours de perfectionnement qui ont été organisés, de concert avec l'ENAP, pour être donnés chez nous...

M. Bélisle: O. K.

M. Châtelain:... on parle de Timputabilité, bien sûr. Tout le processus de gestion, un bon processus de gestion comprend l'imputabilité.

M. Bélisle: Ça va.

Le Président (M. Lemieux): Ça va.

M. Bélisle: II y a le député de Saint-Louis, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Saint-Louis. Allez-y, M. le député de Saint-Louis.

M. Chagnon: La petite question que j'avais, c'est celle-ci: hier, on a reçu, comme le député des Îles-de-la-Madeleine le disait un peu plus tôt, le Syndicat de la fonction publique du Québec et le Syndicat des professionnels du Québec. Ils nous ont dit, dans les deux cas, qu'ils n'étaient pas défavorables à l'imputabilité interne, mais que leur vision était que l'imputabilité interne devrait se faire à la condition de rendre tous les sujets non négociables dans la fonction publique négociables dans la convention collective. Voyez-vous un lien de cause à effet dans cette position des employés ou des représentants des employés quant à l'imputabilité interne?

M. Châtelain: M. le Président, si vous le permettez, je ne toucherai pas tout à fait...

Le Président (M. Lemieux): Vous pouvez toucher à tout, M. le Vérificateur.

M. Châtelain: Non, mais je ne toucherai pas... Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): On vous le permet, c'est entre nous deux.

M. Châtelain: Je ne toucherai pas à l'essence même de ce qui est touché par cette question, bien sûr, mais on peut toujours revenir...

Le Président (M. Lemieux): On peut tourner autour, non?

M. Châtelain:... au fonctionnement d'un bon système d'imputabilité. Un bon système d'imputabilité, ça implique quoi? Toujours savoir ce qu'on a à faire et les possibilités de le faire; les ressources et en rendre compte par la suite.

M. Chagnon: Objectifs clairs, ressources.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Mille-Îles, votre petite dernière question.

M. Bélisle: Non, M. le Président, je vais me réserver le petit texte que j'ai ici, que j'ai écrit il y a quelques jours concernant toute cette facette-là, une modification pour le chaînon manquant dans la Loi sur la fonction publique, je pense, qui doit être inscrite plus directement, parce que j'ai un texte à proposer à la fin de la commission.

Le Président (M. Lemieux): On en discutera à huis clos.

M. Bélisle: Oui.

Le Président (M. Lemieux): Ça va? Est-ce qu'il y a d'autres questions à poser? Oui. Alors,

M. le Vérificateur général, nous vous remercions, nous avons apprécié votre mémoire.

M. Chagnon: Si on avait besoin du Vérificateur général ultérieurement, serait-il disponible pour nous éclairer davantage?

Le Président (M. Lemieux): M. le Vérificateur générai, s'il advenait que la commission ait besoin d'un éclairage particulier sur des sujets d'ordre particulier ou d'ordre général, accepteriez-vous de revenir devant nous, même s'il s'agit d'un huis clos?

M. Châtelain: Absolument, M. le Président. Nous pratiquons l'imputabilité!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous remercions. Nous avons apprécié votre mémoire, votre disponibilité.

Je demanderais maintenant au prochain témoin, la Ligue de taxi Québec, de bien vouloir prendre place à la table des témoins. Nous allons suspendre nos travaux pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 18 h 13)

(Reprise à 18 h 15)

Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux pour entendre la Ligue de taxi Québec inc. Je demanderais au représentant de cet organisme de bien s'identifier et de nous présenter la personne qui l'accompagne, s'il vous plaît.

Ligue de taxi Québec inc.

M. Martel (Raymond): Raymond Martel, président du Regroupement des ligues de taxi...

Le Président (M. Lemieux): Vous pouvez vous asseoir.

M. Martel: ...Québec métropolitain. Le mémoire a été fait...

Le Président (M. Lemieux): Et vous êtes ici comme chez vous. Alors, prenez le temps que vous voulez.

M. Martel: Parfait!

Le Président (M. Lemieux): Pas de problème! D'ailleurs, vous êtes chez vous.

M. Martel: Je vous présente Philippe Posth, secrétaire de la Ligue de taxi Québec. Ce mémoire-là a été envoyé par le Regroupement des ligues de taxi Québec métro et non par la seule ligue de Québec. On a pris les papiers à en-tête de la Ligue de taxi Québec parce que c'est la seule ligue, dans la région de Québec, qui a un bureau, mais ce sont cinq ligues qui ont travaillé au mémoire.

La présentation du mémoire: 1. La présentation de l'intervenant; 2. La qualité et l'efficacité des services rendus aux citoyens; 3. L'imputabi-lité des fonctionnaires; 4. La conclusion; 5. Les recommandations. Je crois que je ne lirai pas le mémoire au complet, mais j'ai un petit à-côté pour vous soumettre des points, avec des réponses au questionnaire.

Le Président (M. Lemieux): Vous avez 10 minutes pour...

M. Martel: C'est bien.

Le Président (M. Lemieux): ...faire cet exposé.

M. Martel: Le règlement sur le transport par véhicule-taxi (R.R.Q. 1981, chapitre T-12, r-22) introduisait dès 1973 l'obligation d'établir, dans chaque agglomération, une ligue de propriétaires de taxi. Pour sa part, la Ligue de taxi Québec inc. a été constituée par lettres patentes dès 1973 sous la partie III des lois des compagnies du Québec et reconnue par la Commission des transports du Québec comme représentant l'ensemble des titulaires de permis de taxi de l'agglomération A-36. La Ligue compte 440 titulaires de permis.

Les fonctions de la Ligue sont énoncées à l'article 50 de la Loi sur le transport par taxi. Elles se résument à représenter les titulaires de permis de taxi de son territoire et à promouvoir leurs intérêts, notamment par l'amélioration et la promotion du transport par taxi et par l'établissement d'avantages sociaux et la promotion de la qualité des services fournis au public. De plus, la Ligue peut, selon l'article 50.1 de la même loi, intervenir en tout temps devant la Commission des transports du Québec pour assurer la défense des intérêts de ses membres ou l'exercice de toute autre fonction que la loi lui confère.

Dans les faits, la Ligue a collaboré avec le ministère des Transports du Québec dans de nombreux dossiers." travaux préparatoires à la loi de 1983 et au règlement de 1985, sondages, etc. Elle a aussi participé aux travaux de nombreux comités: comité Bissonnet sur le taxi, comité sur les assurances, syndicalisation. Elle intervient régulièrement auprès de la Commission des transports afin de contrôler le transport illégal et de maintenir la haute qualité des services de ses membres.

J'ai donné un petit peu les fonctions que la Ligue avait à faire, maintenant, je vais passer tout de suite aux choses que j'ai à vous dire.

Le Président (M. Lemieux): Prenez votre temps. Vous avez tout votre temps.

M. Martel: Mmes et MM. les députés, le mémoire que nous avons présenté par écrit et qui est aujourd'hui devant vous porte essentiellement sur deux points: la qualité et l'efficacité des services rendus ainsi que l'imputabilité. Je ne vous relirai pas ce texte, je me contenterai de vous en résumer les grandes lignes, pour mémoire, et de vous illustrer chacun de nos points par des exemples précis. 1. La lenteur du traitement des demandes. Je peux tout simplement vous en donner quelques petits exemples. En 1988, on a eu des plaintes à formuler à la Commission des transports: dans le mois de juin, dans le mois de juillet, dans le mois de juillet et dans le mois de juillet encore, des plaintes... Communiquer avec la police, des plaintes de la Commission des transports en 1989,

en 1990, des plaintes sur des gens qui travaillent illégalement ou qui font ce que leur permis ne leur permet pas de faire... Mais on n'a encore jamais eu de résultats de la Commission des transports. La lenteur, ce n'est pas croyable. Il me semble que, depuis déjà trois ans qu'on fait des plaintes sur des gens qui travaillent illégalement, on devrait déjà avoir eu des résultats. Pour la lenteur, c'est pas mal la place où on a le plus de misère, la Commission des transports. 2. Les décisions contradictoires entre les autorités politiques et administratives. Exemple: en 1978, on avait parlé au gouvernement du prorata des gens qu'il devrait y avoir dans toutes les ligues de taxi pour satisfaire à l'exigence, pour que le taxi devienne rentable vis-à-vis de ses propriétaires. Il y avait eu un prorata qui avait été fixé par le gouvernement. En ce temps-là - c'est dans le temps où M. De Belleval était ministre, je recule pas mal en arrière - le ministre nous avait fourni une lettre venant du gouvernement après étude de la rentabilité du taxi qui disait que Québec avait 38 permis de taxi de trop pour que le taxi devienne rentable. Après avoir reçu la lettre, on en a parlé à la Commission des transports, au ministère des Transports et, depuis 1978, on attend encore des résultats. Ça fait que je pense que ça touche pas mal encore... Dans des décisions contradictoires, je crois qu'au lieu de laisser aller des choses comme ça, ils devraient suivre ce que souvent le ministre donne comme résultat ou chose à changer.

Autre, exemple: le ministre des Transports, M. Côté - je suis toujours à mon article 2, décisions contradictoires - avait décidé de faire une étude sur des circuits de taxibus en 1986. Après discussion et rencontre avec le ministre Côté, il avait pris une entente avec la CTCUQ pour lui donner une subvention de 50 000 $ à la condition qu'elle fasse elle-même autant pour voir s'il y avait une possibilité de marché pour le taxi, afin de trouver de nouvelles avenues et de remplacer les services d'autobus, qui coûtent tellement cher en subventions à toutes les années au gouvernement du Québec, par des services de taxibus, pour les places où il n'y avait pas beaucoup de monde. Donc, à ce moment-là, le Conseil du trésor a sorti 50 000 $ pour faire l'étude. Après étude et compte rendu, la CTCUQ a dépensé, pour l'étudo et lo travail, pour une ronne de taxibus, 21 818 $, et l'autre ronne, 20 724 $. Ça fait tout près de 42 500 $. Et on a dépensé, en travail de recherche, 38 000 $. Ce qui fait 78 000 $. Mais, à ce moment-là, je me demande pourquoi on n'a pas eu, de la part du Conseil du trésor, à rendre compte des exigences de l'entente qui avait été faite par le gouvernement. On n'a pas dit: Écoutez un peu, l'entente était qu'on dépense 100 000 $ et non 78 000 $; donc, vous devez encore 22 000 $ au Conseil du trésor. Mais, d'après les rapports, il n'y a pas grand-chose qui a bougé dans ça. En tout cas, c'est encore le taxi qui en a payé pour son compte. 3. Le laxisme. Nous avons souvent demandé d'assainir l'industrie du taxi par des opérations de contrôle. Or, tous les efforts ont été investis, mais à Montréal. On a fait un plan de rachat à Montréal. On a fait une décentralisation à Montréal. On a changé des règlements pour que ça s'assainisse, pour que ça devienne meilleur, mais, à Québec, on n'a encore jamais eu de résultats. On attend encore.

Après ça, nous avons eu, l'an passé, une rencontre organisée à Montréal, et on a eu un contact avec... J'ai eu un contact avec le sous-ministre des Transports pour forcer le président de la Commission à corriger des propos erronés, voire même illégaux, qu'il a tenus lors d'un colloque public. Rencontre cet été encore avec le sous-ministre, M. Bard, et pas encore de nouvelles. 4. L'indifférence. Après plusieurs représentations auprès de M. Taxi... Le ministre des Transports avait nommé M. Taxi parce que, souvent, c'était trop long avant qu'on soit capable d'avoir des résultats dans nos revendications. Le ministre des Transports a nommé un représentant, qu'il appelait M. Taxi, pour que nos doléances aillent plus vite et que ça traîne moins longtemps. On va voir M. Taxi, on parle avec M. Taxi, et il nous dit toujours: Oui, mais monsieur, j'ai donné votre rapport au bureau du sous-ministre. Mais qu'est-ce que ça fait? Bien, il dit: On n'a pas encore de résultats. C'est comme ça continuellement. 5. L'antagonisme. Étant donné qu'on est représentants d'une ligue de taxi et qu'on est là pour aider nos propriétaires, on a fait des changements à nos tarifs... Ça prend des autocollants, pour suivre la loi. II faut le mettre dans nos voitures de taxi, pour pouvoir suivre la loi, sinon on pale l'amende. Si on se fait prendre pas d'autocollant dans nos vitres, on est obligés de payer l'amende. Ça fait qu'après la demande acceptée, je m'en vais à la Commission des transports, j'entre et je leur dis: Je voudrais avoir des autocollants pour mes propriétaires, il y a des propriétaires qui ont changé de voiture... Parce que, quand on envoie le papier, on nous en envoie tous chacun un. Mais c'est entendu que, quand une personne change de voiture, il ne peut plus le décoller de sa vitre. Je leur demande des autocollants pour pouvoir en remettre à mes propriétaires qui ont changé de voiture ou qui ont eu un bris de vitre. Je n'ai pas été capable d'en avoir. Il a fallu que je commence à me débattre et que j'appelle encore M. Taxi à Montréal pour qu'il fasse des démarches pour que je réussisse à avoir encore des autocollants pour être capables de suivre la loi. Je trouve ça déplorable. 6. Les responsabilités. Il y a des gens qui ont des permis pour travailler à l'aéroport, qui ont des permis de services aéroportuaires pour

conduire les gens en limousine, à tant par tête. C'est rendu qu'ils passent en dehors de leur contrat ou de leur permis fourni par la Commission des transports. On fait des plaintes... Je peux vous dire que, depuis le mois de juillet, toutes les plaintes qu'on a faites à la Commission des transports sont à ce sujet-là, avec témoins à l'appui. Le monsieur continue toujours de marcher en dehors de son permis. Il me semble qu'il y aurait quelque chose à faire avec ça, mais on attend toujours, parce que les inspecteurs nous disent: Écoutez un peu, il faut qu'on passe par le bureau des avocats, il faut que l'aviseur légal nous dise si son permis est bien correct, s'il ne trouverait pas un petit point dans son permis. Ça fait trois mois qu'on attend après ça et son permis a une page.

Ça fait que je pense que toujours se débattre pour réussir à avoir des choses... Et ce n'est pas d'aujourd'hui. Nous avons fait une demande à la Commission des transports... Nous avons passé cette année à la Commission des transports pour faire une demande d'augmentation des tarifs. La Ligue de taxi Québec a écrit même, après appel, à M. Léonce Girard, représentant de la Commission des transports du Québec ici, à Québec, avocat, aviseur légal à la Commission des transports. On l'appelle pour l'avertir qu'on va être à Montréal pour travailler avec eux autres. On a dit: on va se présenter à Montréal, à ta Commission des transports; on ne se présentera pas à Québec, parce qu'on fait une demande provinciale conjointe. Alors, décommandez ce qu'il y a à Québec. La journée que la Commission devait avoir lieu à Québec, on nous appelle et on dit: Qu'est-ce que vous faites, vous ne vous présentez pas? Je lui rappelle toutes les choses. Il dit: Ah! c'est vrai, j'avais oublié. On arrive à Montréal, devant les deux commissaires, pour la présentation de l'augmentation des tarifs. La vice-présidente de la Commission des transports nous avait demandé de faire faire des rapports afin d'être capables de mieux se situer. C'est un rapport qui a été fait par un bureau d'aviseurs légaux, des deux comptables, un rapport qui a coûté environ 18 000 $. Quand est arrivée la journée pour passer à la Commission des transports, on nous a dit qu'on n'avait pas fait parvenir le rapport sur notre demande d'augmentation. On leur a dit que ça faisait déjà trois semaines qu'il était arrivé. L'aviseur légal de la Commission des transports est allé l'autre bord, il est revenu, il s'est excusé: le rapport avait été oublié dans fa bibliothèque. Ça fait que je pense qu'il y aurait moyen de remédier à ça, pour qu'on soit capables d'avoir un service au niveau du gouvernement, et on a le droit à ça. Même si le taxi est un service qui coûte peut-être moins cher en subventions de la part du gouvernement - quand on sait que le transport en commun coûte environ 500 000 000 $ au gouvernement provincial, tandis que le taxi, à l'heure actuelle, ne lui coûte rien - je pense qu'on aurait peut-être besoin d'égards, aussi. On a le droit à ça.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez terminé?

M. Martel: Oui, monsieur. (18 h 30)

Le Président (M. Lemieux): Alors, je vous remercie. Vous savez, lorsque le document de consultation est sorti relativement à cette commission, j'ai demandé à M. le secrétaire de ne refuser aucun mémoire, car je considérais, que ce soit des individus, des regroupements ou des associations, qu'il était, à mon avis, tout à fait normal qu'ils puissent faire valoir leurs points de vue devant cette commission parlementaire. Vous êtes, en quelque sorte, vous-mêmes, comme individus, nos employeurs. Nous, comme parlementaires, nous vous sommes imputables. On a pris connaissance de votre mémoire, et je suis d'autant plus, je ne dirais pas concerné, mais intrigué que votre perception de l'administration publique en soit une qui se veut peut-être très objective, puisque vous êtes peut-être loin de l'appareil administratif, sauf lorsque vous avez eu, comme vous avez dit tout à l'heure, à rencontrer le sous-ministre aux Transports. J'espère que vous n'avez pas eu de problème à le voir, le sous-ministre aux Transports?

M. Martel: Ah, j'ai réussi à le voir une fois dans ma vie, M. le député.

Le Président (M. Lemieux): Vous avez réussi à le voir une fois dans votre vie. Au moins, est-ce qu'il vous a bien reçu?

M. Martel: Pardon?

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que M. Jean-Marc Bard vous a bien reçu?

M. Martel: Ah oui, il m'a dit qu'il s'occuperait de mon affaire, mais j'attends encore.

Le Président (M. Lemieux): Je remarque aussi que vous nous indiquez dans votre mémoire qu'il existe encore de bons fonctionnaires mais, à votre avis, leur motivation s'effrite par la lourdeur de la machine administrative; en plus, même s'ils sont formés, ils n'ont pas l'expérience du milieu. Vous dites que le tout n'est pas imaginatif. On a de la difficulté à répondre aux situations imprévues, non planifiées. Vous faites des recommandations qui vont dans le sens d'une imputabilité accrue des fonctionnaires et vous avez peut-être comme objectif la création d'ombudsmans, de Protecteurs du citoyen dans chacun des ministères. Ça m'a intrigué un petit peu, parce que vous n'êtes pas sans savoir qu'il en existe un, un Protecteur du citoyen, actuellement. Vous n'avez pas l'impression que

c'est encore amplifier et alourdir la structure que de demander, dans chacun des ministères, qu'il y ait encore un autre Protecteur du citoyen?

M. Martel: Alourdir la machine, mais il y a une chose...

Le Président (M. Lemieux): Vous dites qu'elle est déjà trop lourde, la machine.

M. Martel: Mais quel avantage une personne qui donne un papier ou un dossier à son supérieur peut avoir d'aller dire: Mon supérieur n'a pas fait sa job? Vous savez que, dans la machine de l'État, nous autres, on a à peu près une ligne d'autorité comme la suivante: on a le ministre, on a le cabinet du ministre, on a le sous-ministre en titre, on a le sous-ministre adjoint, on a le directeur général, on a le directeur, on a le chef de service, on a le chef de division, on a les professionnels et les fonctionnaires. Ça fait qu'aussitôt qu'on commence un dossier et qu'on commence par en-bas, avant qu'il soit rendu à la dixième étape en haut, nous autres, on attend tout le temps...

Le Président (M. Lemieux): C'est presque aussi long que la Cour suprême!

M. Martel: Bien, je pense que oui. C'est vraiment long, et nous autres, on attend tout le temps. On va dire comme on dit des fois: On est toujours assis sur notre steak, mais il y a des fois que ça devient tannant.

Le Président (M. Lemieux): J'aimerais peut-être vous poser une question qui m'intrigue. C'est quoi, un bon fonctionnaire, pour vous?

M. Martel: Un bon fonctionnaire, pour moi? Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Martel: D'après moi, un bon fonctionnaire, je vais vous résumer ça à peu près pareil comme moi je fais du taxi. Un bon chauffeur de taxi ou bien un bon fonctionnaire... Quand il y a un client qui embarque dans ma voiture et qui me dit qu'il veut aller au Château Frontenac, là, je ne passe pas par Anglo Pulp, je vais le mener directement au Château Frontenac. Un bon fonctionnaire, pour moi, c'est quand je vais le voir et que je lui dis que j'ai un problème, là, que ça va mal...

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Martel: ...il dirait: On pourrait régler ça. Mais là, il dit: Je ne peux pas te régler ça. Il va falloir que je suive toute l'échelle. Tu sais ce que c'est, au gouvernement. Il faut que je suive l'échelle au complet.

Le Président (M. Lemieux): Mais lorsqu'il vous dit...

M. Martel: Quand je dis: Monsieur, là, ça presse... Ou, des fois, on va appeler la police provinciale. On va dire: Monsieur, il y a des gens ici qui travaillent illégalement. Bien, écoutez un peu, pour le taxi, ce n'est pas trop important, là. On n'a pas de gars à vous envoyer. On vous en enverra peut-être dans deux heures. Mais dans deux heures, ces gars-là, les illégaux ils vont être partis!

Le Président (M. Lemieux): Mais est-ce que le bon fonctionnaire... Est-ce que cette personne, parfois, vous donne des explications? Est-ce qu'il arrive que... Non? Elle ne vous donne aucune explication?

M. Martel: Le bon fonctionnaire qui m'a donné une explication... Je peux vous donner un exemple. L'autre jour, j'ai appelé à la Commission des transports du Québec puis j'ai dit: C'est épouvantable, il y a quelque chose qui ne marche pas. Il me semble qu'en 1990, la loi, ça devrait être un peu plus exécutif que ça, il me semble qu'il y aurait des recommandations à faire pour faire un amendement à la loi ou essayer que ce soit un peu plus expéditif. Il m'a dit: M. Martel, je vous comprends bien, je sais bien que vous avez raison, mais vous savez ce que c'est, un amendement à la loi, etc. Mais on se prépare à faire des changements à la loi sur les transports, à l'automne. Puis je suis pas mal certain qu'à l'heure actuelle, ils n'ont pas encore reçu de lettres pour leur dire: II me semble qu'il y aurait moyen de remédier à cette chose-là dans le transport. Je suis pas mal certain que les Transports n'ont encore rien envoyé pour demander de remédier à ça. Quand on va arriver aux changements à la loi, ce ne sera même pas encore rendu.

Le Président (M. Lemieux): En un mot, c'est une machine administrative qui vous apparaît difficile d'accès?

M. Martel: II me semble que si c'était un bon employé du gouvernement...

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Martel: ...à l'heure actuelle, ça devrait déjà être fait. Il devrait recommander un changement. C'est ça que j'appelle un bon...

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez des explications, tout au moins, qui vous apparaissent cohérentes et acceptables, ou si on vous laisse aller tout simplement?

M. Martel: Les seules réponses qu'on peut avoir c'est: Mon cher Monsieur, eh bien, prenez

votre mal en patience, parce que, vous savez, la machine gouvernementale...

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Martel:... c'est très long. Je peux même vous dire une chose. Après avoir discuté au bureau même du ministre des Transports... On sait que les ministres des Transports, ça passe vite, hein? Ça ne reste jamais longtemps là.

Le Président (M. Lemieux): Ha, ha, ha!

M. Martel: Et à chaque fois qu'on arrive à discuter avec leurs secrétaires...

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Martel: -. ils nous arrivent et ils nous disent. Écoutez, moi, je suis nouveau, là. Laissez-moi au moins un temps, cinq, six mois à me tremper dans le taxi pour savoir où je vais aller. Mais il me semble qu'en bas d'eux autres, là, la machine qui était là avant eux autres, le sous-ministre et l'adjoint du sous-ministre, eux autres, ils la connaissaient, la machine. Pourquoi ils ne vont pas les voir et dire: Qu'est-ce qu'il y a qui ne marche pas dans le taxi? Non. Ils nous demandent quatre, cinq mois de délai pour se tremper dans ça, là, et quatre mois après, le ministre est changé. On est encore avec un nouveau. Il faut lui montrer.

Le Président (M, Lemieux): Je vais vous demander une question qui est purement subjective.

M. Martel: Oui.

Le Président (M. Lemieux): Trouvez-vous que les fonctionnaires font une belle vie?

M. Martel: Je ne suis pas prêt à dire qu'ils font une belle vie, qu'ils ont la tâche facile. Il y en a probablement, peut-être, qui font une belle vie, parce que, souvent, il y en a qu'on appelle et qui sont souvent malades ou bien toujours en entrevue.

Le Président (M. Lemieux): Ha, ha, ha!

M. Martel: Mais ils ne font pas tous une belle vie. C'est comme dans toutes les parties du monde...

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Martel:... il y en a qui sont un peu plus "laisser-aller" que d'autres.

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Martel: Ça, il n'y a pas rien que les fonctionnaires. il y en a partout, de ça. Je ne les accuse pas tous, je ne les mets pas tous sur le même pied. Mais il me semble que, je ne sais pas, il devrait y avoir...

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous aimeriez ça, vous, devenir fonctionnaire?

M. Martel: Pas intéressé!

Le Président (M. Lemieux): Pas intéressé?

M. Martel: Non.

Le Président (M. Lemieux): Pourquoi?

M. Martel: Parce que j'ai mon travail et que j'aime mon travail.

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Martel: Je travaille pour les membres qui travaillent avec moi, et je suis content dé lé faire. Je vais vous dire une chose comme on dit des fois: chez nous, on était 15 enfants, mon cher monsieur. Je suis venu au monde sur un banc de taxi et je pense que je vais mourir sur un banc de taxi.

Le Président (M. Lemieux): Je trouve ça intéressant, ce que vous me dites.

M. Martel: C'est ma vie.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Saint-Louis, vous brûlez d'envie de poser... Allez-y, M. le député de Saint-Louis.

M. Chagnon: Je pense qu'il y a une réponse qui va être dite.

M. Martel: Oui.

M. Chagnon: Vous vouliez ajouter quelque chose?

Le Président (M. Lemieux): Vous vouliez ajouter quelque chose, monsieur?

M. Posth (Philippe): Oui. J'aurais voulu ajouter quelque chose...

Le Président (M. Lemieux): Oui, allez-y. M- Posth:... qui me dépasse. Le Président (M. Lemieux): Oui

M. Posth: C'est que, si je respecte la loi, j'ai par exemple de 600 $ à 800 $ d'amende à payer si je ne suis pas conforme, mais celui qui ne respecté pas la loi, qui travaille dans l'illégalité va se retrouver peut-être avec 50 $

d'amende.

Le Président (M. Lemieux): Ce n'est pas normal. Je suis d'accord avec vous.

M. Posth: Est-ce qu'on doit travailler dans l'illégalité ou dans la légalité? On encourage, votre système encourage un bonhomme, qu'on ne nommera pas, qui a fait pour 150 000 $ de transport illégal, et qui a été condamné dernièrement par un tribunal, à Québec, à 300 $ d'amende. Il dit: Ce n'est pas cher, je peux continuer, merci beaucoup. Et il a continué le lendemain matin. Moi, par contre, si je n'ai pas mon "sticker" d'inspection dans ma voiture, je paie 300 $ d'amende. Si mon "meter" n'est pas scellé, je paie 300 $ d'amende. Si je travaille non conforme, je peux aller jusqu'à 1550 $ d'amende.

Le Président (M. Lemieux): Ça va.

M. Posth: Pour gagner environ, "clair", 14 000 $, 15 000 $ par année. Est-ce que c'est normal?

Le Président (M. Lemieux): Je suis obligé de vous répondre que ce n'est pas normal. M. le député de Saint-Louis.

M. Chagnon: Je voulais vous dire simple ment, M. le président, que j'ai lu votre mémoire et que je l'ai trouvé particulièrement intéressant, parce que, et les membres de cette commission-ci en conviendront, on n'a pas eu beaucoup de consommateurs du service, du produit fini qui sont venus nous rencontrer. Dommage un peu, parce qu'après tout, vous avez trouvé l'intention, vous avez écrit sur deux des parties que nous jugions importantes, c'est-à-dire la qualité et l'efficacité des services rendus aux citoyens et l'imputabilité des fonctionnaires.

Vous avez choisi, de votre propre chef, deux des questions que nous trouvions primordiales. C'est d'autant plus intéressant qu'on a découvert que l'ENAP n'avait trouvé ni l'une ni l'autre des cartes.

Une voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): Votre mémoire est pertinent... de la matière grise de la fonction publique.

M. Chagnon: Enfin, par les deux sujets que vous avez soulevés, vous avez plein d'exemples qui sont un peu surréalistes, dans le sens que, tout en étant réels, ils apparaissent surréalistes. Des choses comme ça arrivent à tous les citoyens, à un moment donné ou à un autre dans leur vie, et ça crée une frustration énorme vis-à-vis de la machine. Vous avez tout à fait raison, comme le mentionnait le président en page 6 de votre document, lorsque vous dites: II existe encore de bons fonctionnaires. Je pense que la majorité des gens qui travaillent dans la fonction publique sont encore bons, cherchent à être efficaces, mais, comme vous le soulignez, le fait de devoir rendre des comptes à l'intérieur de la machine - de plus en plus, d'ailleurs; c'est commencé depuis 1984 et je pense que ça va aller en s'accélérant dans tous les ministères, dans tous les organismes - devrait, à la longue, contribuer à vous permettre d'avoir des réponses qui ont un tant soit peu d'allure par rapport aux demandes que vous avez. Je pense aussi que l'ensemble des citoyens voudraient avoir ça.

Dans toutes vos recommandations, je ne peux pas dire que, d'emblée, j'accepterais le profil ou au mot juste ou au verbatim ce que vous avez écrit dans vos recommandations, mais j'ai l'impression de comprendre vraiment ce que vous avez derrière la tête et ce qui vous achale, avec raison, d'ailleurs. Quant à moi, je le répète, c'est un document qui était très intéressant, d'autant plus que c'est un document de consommateurs de services. J'avoue et je le dis très gentiment, M. le Président, que j'ai tout de suite pensé que c'était une ligue de taxi de Québec quand j'ai vu toute la hiérarchie gouvernementale passée de un à dix. À Montréal, les chauffeurs de taxi de chez nous n'auraient pas été capables de réussir cet examenl Pour moi, vous conduisez souvent des fonctionnaires de tous les niveaux, à la semaine longue!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Posth: J'ai souvent aussi à leur écrire, c'est ça le problème.

M. Chagnon: Je voudrais vous remercier.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de La Prairie, peut-être, pour terminer.

M. Lazure: Moi aussi, comme ancien responsable des relations avec les citoyens, de la qualité des services de la fonction publique aux citoyens, je trouve intéressant que vous soyez venus, que vous vous soyez donné la peine de préparer ce mémoire. Dieu sait que vous n'avez pas toute une machine bureaucratique pour vous aider à préparer un mémoire, alors, c'est d'autant plus appréciable.

Moi, je pense qu'on ne peut que dire: Vous avez raison d'être frustrés, vous avez raison d'être mécontents du rendement de la fonction publique dans les cas particuliers que vous soumettez. On peut simplement espérer que ces cas particuliers ne soient pas trop nombreux. J'espère que les autres ligues de taxi n'ont pas les mêmes doléances. C'est ma première question. Vous devez avoir des contacts avec les autres ligues de taxi. Est-ce qu'il y a autant de mécontentement de la part des autres ligues de taxi

que vous en avez?

M. Martel: Là, voyez-vous, c'est parce qu'à Montréal, elles ont eu la décentralisation. Maintenant, elles font affaires avec la CUM. Ça fait que, là, elles se sont arrêtées, parce que les troubles sont réglés avec la CUM.

M. Lazure: D'accord.

M. Martel: Tout à l'heure, j'avais quelque chose que j'avais oublié. Quand on parle d'im-putabilité, il y a une chose que je peux vous dire, c'est qu'il y a des gens qui travaillent dans le gouvernement et qui ne respectent même pas les lois que leur propre gouvernement a votées. On a des gens, ici, qui travaillaient au service protocolaire et qui engageaient des gens qui n'avaient même pas de permis pour les faire travailler à 40 $ ou 42 $ l'heure. Ça, ça a duré pendant cinq ou six ans, malgré qu'on ait fait des revendications et qu'on ait crié autant comme autant. C'est épouvantable. Ces gens-là peuvent continuer à faire ce qu'ils veulent. On a môme des gens, cet été, quand on a reçu les Conseils des autres provinces qui sont venus à Québec... Les gens du protocole ont donné des contrats à des gens qui n'avaient que quatre limousines. Lui, il n'en avait que 4, mais on a donné un contrat pour 10. On le payait 42 $ l'heure et, lui, il venait engager des taxis à 25 $ et il gardait la différence dans ses poches.

Le Président (M. Lemieux): On va vérifier ça, monsieur.

M. Martel: Ah! Vous pouvez vérifier, je n'ai pas peur d'en parler. Ça, ça l'est, l'imputabilité.

Le Président (M. Lemieux): Ne vous fâchez pas après moi, par exemple!

M. Martel: Non, ça l'est, l'imputabilité qu'on voit beaucoup.

Le Président (M. Lemieux): Je suis d'accord avec vous.

M. Martel: Ils sont bien assis et ils se sentent certains. Ce n'est pas drôle, parce qu'on le voit, nous autres, et on crie.

Le Président (M. Lemieux): On vous corn prend.

M. Martel: Ça fait longtemps qu'on crie dans le désert, et on le fait, notre temps dans le taxi. On en travaille un coup. Si on toffe là-dedans, c'est parce qu'on aime notre métier, parce qu'on ne tofferait pas.

M. Lazure: M. le Président, je pense qu'on doit prendre bonne note de ces critiques, qui sont très précises. C'est non seulement un abus de pouvoir et peut-être du patronage, mais, comme vous le dites, c'est même illégal, si on a donné des contrats à des gens qui n'étaient pas habilités pour faire ce travail. Il faut que ce soit exploré, ça. La deuxième question que j'ai est la suivante: en désespoir de cause, devant le mauvais rendement de la fonction publique sur vos cas particuliers, quand vous êtes devant ça, ça ne vous est pas venu à l'esprit d'aller voir des élus, des députés? À ce moment-là, ce serait un recours normal. Vous parlez d'ombudsman. Les députés sont un peu des ombudsmans, en désespoir de cause. Quand la machine gouvernementale ne vous donne pas satisfaction, vous êtes en droit d'aller voir vos députés. Êtes-vous allés voir le député de Vanier, d'autres députés de la région de Québec?

M. Martel: Non.

M. Lazure: Vous devriez le faire.

M. Martel: Je crois que, quand ça devient clair comme ça l'est dans le domaine du taxi, on n'a pas besoin d'aller voir des députés. On a ici les copies de journaux, ce n'est pas d'aujourd'hui que ça existe.

M. Lazure: Non, non

M. Martel: J'ai des copies de journaux, ici: le samedi 15 juin 1974.

Une voix: 1974?

M. Martel: Oui. Les taxis se débattent et font des recommandations. On a même été obligés de faire une grève, parce que ça faisait six ans qu'on n'avait pas eu d'augmentation, et ça dure encore aujourd'hui. Je me demande qui, dans le gouvernement, accepterait de travailler sans augmentation pendant six ans.

Le Président (M. Lemieux): Je vais vous dire que je prends bonne note de vos commentaires et que je vais vérifier auprès des relations parlementaires, effectivement, à savoir... On a quand même une version des choses, on va regarder si c'est exact, puis on va prendre les mesures nécessaires.

M. Léonard: M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le député de Labelle.

M. Léonard: J'ai lu vos recommandations, je les trouve très bien. Je soulève le point 6, parce qu'il n'a pas été abordé. Il reste quand même que ça touche directement la Loi sur la fonction publique. Le point 6: "Qu'un cadre de la fonction publique ne dispose plus de la sécurité d'emploi;

qu'il soit engagé pour des mandats d'au plus cinq ans renouvelables, et que son mandat puisse être révoqué par leur ministre pour cause juste et raisonnable." Qu'est-ce que vous avez contre la sécurité d'emploi chez les cadres de la fonction publique?

M. Martel: Je pense que ce qui fait que...

M. Léonard: C'est un grand sujet que personne n'a abordé; personne n'a évoqué cette possibilité. Je voudrais vous entendre là-dessus.

M. Martel: Je crois que si, dans la fonction publique, on avait un système de points qui serait mis en place afin de suspendre ou d'accorder une promotion aux fonctionnaires qui traitent correctement et équitablement les clientèles, ce système tenant compte de la fréquence des liens avec les clientèles et prévoyant que quiconque retarde indûment le cheminement d'un dossier ou refuse de traiter avec courtoisie une clientèle externe peut être suspendu sans traitement pour une période qui dépend de la gravité de la faute, à ce moment-là, s'ils savent qu'il peut y avoir un système de points, ils vont peut-être s'occuper un peu plus des dossiers puis les faire avancer, des fois, au lieu de décider de juger par eux-mêmes qu'il y en a qui doivent avancer plus vite que d'autres.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que ça va, M. le député de Labelle?

M. Léonard: Oui. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous remercions d'avoir présenté votre mémoire. Nous avons apprécié vos commentaires. La commission ajourne ses travaux jusqu'au 23 octobre 1990, à 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 48)

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