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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 23 octobre 1990 - Vol. 31 N° 37

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'opportunité de maintenir ou de modifier la Loi sur la fonction publique


Journal des débats

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission du budget et de l'administration reprend ce matin la consultation générale sur l'étude de l'opportunité de maintenir en vigueur ou de modifier la Loi sur la fonction publique.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacement pour la séance.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le secrétaire. Permettez-moi de vous faire lecture de l'ordre du jour. À l'instant même, c'est-à-dire vers 10 h 9, nous entendrons la Commission de la fonction publique pour, par la suite, entendre le Conseil permanent de la jeunesse, pour entendre, vers midi, M. Jocelyn Dionne. Nous reprendrons nos travaux à 15 heures pour entendre le Syndicat des professeurs de l'État du Québec, à 16 heures, le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, à 17 heures, Mme Elisabeth Allard, à 17 h 30, M. Denis Verville, à 18 heures, M. James Gow, et nous allons suspendre nos travaux à 18 h 30, pour reprendre nos travaux à 20 heures, pour entendre l'Association des anglophones de l'Estrie, à 21 heures, Alliance Québec, et à 22 heures, MM. Guy Bisaillon et Jean-Claude Rivest, pour ajourner nos travaux à 23 heures.

Est-ce que l'ordre du jour est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Lemieux): Adopté. Merci. Nous allons maintenant entendre les représentants de la Commission de la fonction publique du Québec. Je demanderais au représentant de l'organisme de bien vouloir s'identifier pour les fins de l'enregistrement du Journal des débats et d'identifier les gens qui l'accompagnent.

Commission de la fonction publique

M. Poulin (Jean-Noël): M. le Président, MM. les députés, je suis Jean-Noël Poulin, président de la Commission de la fonction publique. Il m'est agréable de vous présenter les trois autres membres de notre organisme: Les commissaires Juliette Barcelo et Jean-Paul Roberge, immédiatement à ma droite et le commissaire Gilles Tremblay à ma gauche. Trois cadres supérieurs de la Commission de la fonction publique font également partie de notre délégation. Il s'agit de

MM. Jacques Milot et Gérard Lafond, respectivement directeur et adjoint au directeur de la Direction de la vérification et des enquêtes ainsi que de M. Michel Poirier, secrétaire de la Commission.

Les quatre commissaires ont tenu à se présenter devant vous, ce matin, pour deux raisons principales: premièrement, afin de montrer le grand intérêt de la Commission de la fonction publique pour les travaux de votre commission et pour appuyer son mémoire qu'elle vous a fait parvenir le 21 septembre dernier, comme vous le demandiez. La deuxième raison est que, conformément à la loi, nous avons, tous les quatre, été nommés par l'Assemblée nationale. Il existe donc un lien privilégié entre la Commission de la fonction publique que nous composons et l'Assemblée nationale.

Je vous rappelle cette procédure pour corriger une impression laissée par quelques intervenants qui nous ont précédés et qui faisaient allusion à une situation hiérarchique entre la Commission de la fonction publique et le Conseil du trésor. Je voudrais qu'il soit bien clair que la Commission de la fonction publique exerce son mandat de façon autonome et qu'elle estime n'avoir de comptes à rendre qu'à l'Assemblée nationale ou à ses commissions parlementaires. D'ailleurs, elle souhaiterait s'adonner à cette reddition de comptes régulièrement.

La Commission de la fonction publique vous remercie de la recevoir dans le cadre de votre étude sur l'opportunité de maintenir en vigueur et, le cas échéant, de modifier la Loi sur la fonction publique. Elle espère que son mémoire aidera votre commission dans sa réflexion sur l'application de la Loi sur la fonction publique et contribuera à trouver des éléments de réponse aux questions fort pertinentes que vous avez soulevées dans votre document de consultation.

Notre Commission n'a pas abordé d'examen de l'application de la loi selon l'ordre des thèmes proposés. Elle a, évidemment, insisté sur les sujets reliés plus directement aux champs de compétence que lui a confiés le législateur, soit, notamment, son rôle de tribunal administratif en vertu duquel elle rend des décisions exécutoires, et son pouvoir de vérification et de recommandation en ce qui concerne certaines applications de la loi. Ces matières sont toutefois contenues, à divers degrés, dans plusieurs des préoccupations de la commission parlementaire.

Tout au long de cet examen, notre Commission a procédé à l'évaluation de situations, de gestes et de décisions qui découlent de l'application de la loi et de ses exigences et aussi, bien sûr, en regard des valeurs démocratiques sur

lesquelles elle est fondée. Ainsi, face à la première question à laquelle la commission parlementaire devra répondre, notre Commission recommande que soit maintenue la Loi sur la fonction publique. Elle considère que l'objet de la loi, qui donne pour mission à la fonction publique de fournir au public les services de qualité auxquels il a droit, de mettre en oeuvre les politiques établies par l'autorité constituée et d'assurer la réalisation des autres objectifs de l'État, demeure très pertinent et situe bien le rôle de l'appareil gouvernemental.

À cet égard, la Commission de la fonction publique partage l'avis de Me Louis Borgeat de l'ENAP qui vous soumettait, il y a quelques jours, que la Loi sur la fonction publique était une loi moderne, avant-gardiste et qu'il n'y avait pas lieu à ce stade-ci d'en modifier les fondements et les orientations.

De même, les moyens et objectifs fixés par le législateur pour accomplir cette mission apparaissent généralement appropriés. Cependant, pour compléter de façon dynamique la réforme en cours et pour mieux guider les responsables de la gestion des ressources humaines, la Commission de la fonction publique croit essentiel que des modifications soient apportées à la loi. De plus, certaines de nos recommandations visent l'introduction de nouvelles normes réglementaires ou la modification de politiques ou de directives.

Enfin, quelques recommandations ont pour objet le changement des comportements et des attitudes. Ajoutons qu'il y a aussi des recommandations d'un autre ordre concernant le maintien de dispositions de la loi qui nous apparaissent toujours bien fondées et adéquates.

Les modifications proposées ont pour but de permettre le parachèvement de la réforme amorcée. Elles ne doivent pas être perçues comme un retour en arrière. En effet, à la suite d'essais et d'expériences dans la mise en oeuvre de plusieurs dispositions de la loi, il nous est apparu que, même après une période de rodage, certaines déviations n'ont pas été redressées, et qu'il faut maintenant corriger la trajectoire pour atteindre lès véritables objectifs-de la loi.

Ces diverses recommandations visent les droits et obligations des fonctionnaires, la dotation des emplois, l'imputabilité et son corollaire, la reddition de comptes, l'embauche du personnel occasionnel, le régime syndical, le cadre institutionnel de la fonction publique et, enfin, la gestion des emplois supérieurs et de leurs titulaires.

Après plus de six années d'application, notre Commission constate que les dispositions de la loi concernant les droits et obligations des fonctionnaires sont toujours correctes et même en avance sur ce qui existe dans d'autres gouvernements, qui cherchent encore leur voie en matière d'éthique et de discipline pour leur fonction publique. La Commission souligne la publication récente par le Conseil exécutif de documents sur l'éthique dans la fonction publique québécoise.

Selon nous, ces documents constituent d'excellents guides et leur usage devrait contribuer à une meilleure compréhension des droits et obligations des fonctionnaires, et ainsi, faciliter le travail des gestionnaires à cet égard.

La Commission de la fonction publique exprime sa position sur deux questions toujours d'actualité: l'éthique comme telle et la liberté politique des fonctionnaires, en se référant à des auteurs québécois qui font autorité en la matière. Elle conclut que les dispositions actuelles de la Loi sur la fonction publique québécoise, portant sur les normes d'éthique et de discipline, incluant celles sur la neutralité et la liberté politique des fonctionnaires sont particulièrement bien fondées, adéquates et bien équilibrées. Le régime québécois en la matière devrait être maintenu tel quel.

En ce qui a trait à la tenue des concours, notre Commission a constaté un effritement dans l'application des règles de la sélection au mérite. Elle a voulu attirer l'attention de la commission parlementaire sur les multiples façons dont une des règles de la sélection au mérite, la règle de l'égalité d'accès, est trop souvent battue en brèche. J'aimerais vous rapporter quelques exemples de ces pratiques qui ont pour effet de limiter l'accès des citoyens à la fonction publique.

Une première façon consiste tout simplement à éviter de mettre en concours des emplois qui devraient l'être, en utilisant de façon incorrecte des listes de déclaration d'aptitudes. En effet, année après année, la Commission a souligné, dans ses rapports annuels, les situations où, au lieu de tenir un concours, un emploi a été comblé en choisissant un candidat déjà déclaré "apte", mais dans le cadre d'un concours qui avait pour but de combler un autre emploi. Selon une étude basée sur un échantillon des listes en vigueur le 1er octobre 1988, 15 % d'entre elles avaient ainsi fait l'objet d'une utilisation différente de celles prévues à l'appel de candidatures du concours visé.

Une deuxième façon de limiter l'accès consiste à réduire les bassins de candidatures d'une façon non prévue par le législateur. La Commission s'inquiète, en effet, d'un courant de pensée qui a place, à l'effet qu'il faille éviter des concours à fort volume de candidats pour le motif qu'ils ne sont pas efficients et qu'ils créent de faux espoirs d'emploi. La Commission croit, au contraire, qu'il est normal que les concours de recrutement, à la fonction publique, soient à fort volume en raison du principe même de l'égalité d'accès et de l'intérêt des citoyens pour obtenir un emploi dans la fonction publique. La Commission croit, de plus, que lorsqu'un citoyen est admissible à un concours, c'est à lui qu'il revient de décider s'il veut concourir ou non. Très souvent, pour réduire les bassins de

candidatures dans les concours de recrutement, on aura recours à des exigences additionnelles dans les conditions d'admission. Bien que la loi donne ouverture à cette possibilité, la Commission constate que 40 % des appels de candidatures comportaient de telles exigences. Sans toujours les remettre en cause, il lui apparaît que, dans plusieurs cas, celles-ci ont pour but de réduire les bassins ou même de cibler des candidats déjà en emploi à titre d'occasionnels.

Une autre limitation très importante se pose à l'égard du citoyen qui n'a jamais travaillé dans la fonction publique et qui réussit à être admis à un concours de recrutement. La Commission veut attirer votre attention sur ses chances d'être déclaré "apte" et d'obtenir un emploi. D'abord, dans la grande majorité des concours, ce simple citoyen sera en compétition avec des occasionnels qui ont souvent occupé des emplois en concours. En effet, une étude de la Commission a permis de constater que parmi toutes les person: nés nommées en 1988-1989, à la suite des concours de recrutement, 60,3 % d'entre elles travaillaient ou avaient travaillé dans la fonction publique à titre occasionnel.

Ce n'est pas tout, la possibilité pour le simple citoyen d'obtenir un emploi à la suite des concours est encore diminuée par le fait que les fonctionnaires y sont également admis. En effet, au cours de la même période, 17 % des fonctionnaires promus par concours l'ont été à la suite de tels concours de recrutement. Une analyse de ces chiffres, sur la base d'un échantillon représentatif, a démontré que seulement une personne sur trois nommées à la suite d'un concours de recrutement provenait de l'extérieur de la fonction publique; les autres étaient des fonctionnaires ou avaient une expérience de la fonction publique comme occasionnels.

La Commission a des préoccupations semblables à l'égard de la promotion. Elle a constaté qu'il y a un recours fréquent aux dispositions de la loi qui permettent de passer outre à la tenue d'un concours pour donner une promotion. En effet, une étude récente de la Commission basée sur plus de deux ans indique que 36,3 % de toutes les promotions ont été attribuées sans concours, alors qu'à son avis une telle mesure devrait être exceptionnelle. Il a aussi été établi qu'en 1987 1988, 30,4 % des promotions après concours ont été attribuées à dos fonctionnaires qui, au moment de la tenue de ces concours, étaient désignés à titre provisoire pour les emplois qui en faisaient l'objet. L'ensemble de ces situations onl pour effet d'entacher la transparence et la crédibilité dos concours. Elles conduisent souvent le citoyen ou le fonctionnaire à croire qu'il ne vaut pas la peine de concourir puisque l'issue du concours est connue d'avance.

La Commission traite dans son mémoire des fondements de la règle de la sélection au mérite dans les sociétés démocratiques modernes et de son évolution dans la fonction publique du

Québec. Le système du mérite dans la fonction publique est la pierre angulaire de l'égalité d'accès de tous les citoyens à la fonction publique et de la neutralité politique de la fonction publique, deux principes démocratiques fondamentaux. La Commission conclut sur ce point qu'il est essentiel de sauvegarder les dispositions actuelles de la Loi sur la fonction publique qui portent sur cette question. D'ailleurs, la sélection au mérite n'est ni un obstacle, ni une contrainte imposée aux gestionnaires, c'est plutôt le seul moyen pour constituer une fonction publique compétente et impartiale, susceptible d'assurer la qualité et l'efficacité des services rendus aux citoyens, votre première préoccupation.

Dans l'appréciation des divers problèmes qu'elle a soulevés, notre Commission a fondé son jugement sur les exigences de la loi. Elle a aussi basé son évaluation sur des valeurs reconnues dans la fonction publique moderne. Elle s'est également appuyée sur des études particulières qu'elle a menées depuis trois ans et dont je viens de vous citer les principaux résultats. C'est pourquoi la Commission souhaite que vous portiez une attention particulière aux recommandations qu'elle a formulées dans son mémoire, quant à des modifications législatives ou réglementaires relativement aux questions suivantes: le recours aux exigences additionnelles qu'elle recommande de limiter davantage; la délégation de tenues de concours qu'elle souhaite voir réglementée; la promotion sans concours qui ne devrait être qu'un mode exceptionnel de promotion; la promotion des intérimaires qui devrait être éliminée; les réserves de candidatures qui, au recrutement, devraient être utilisées avec plus de discernement et de transparence; la redéfinition de la dynamique de la promotion des fonctionnaires et la réserve des concours de recrutement aux citoyens qui ne sont pas membres de la fonction publique; la clarification du régime et du statut des employés occasionnels et de ceux qui leur sont assimilés.

Les quelques années qui ont précédé l'entrée en vigueur de la loi actuelle ont été fertiles en discussions et propices à la réflexion sur la gestion de la chose publique. Tous s'intéressaient au mot à la mode à cette époque: "accountability". Cette expression a été traduite par imputabilité, à défaut d'un terme plus juste. L'imputabilité, c'était le transfert ou la délégation de pouvoir, soit la responsabilisation avec, comme corollaires, la reddition de comptes ou l'obligation de rendre compte de l'usage fait du pouvoir délégué en vue de l'accomplissement d'un mandat.

Enfin, s'ajoute la sanction des résultats. En 1990, il nous semble que le processus de délégation d'autorité est bien engagé, mais la reddition de comptes nous apparaît encore sérieusement absente des processus de gestion, même si elle devait constituer, en 1983, l'un des axes les plus

importants de la réforme de la gestion des ressources humaines. La Commission n'attribue pas cette lacune à la négligence ou à la mauvaise foi des gestionnaires, mais plutôt au fait que trop souvent, on n'a pas encore distingué officiellement qui est responsable de quoi et envers qui. La Commission est aussi consciente que la reddition de comptes doit exister dans tous les secteurs de l'administration et que le problème est vaste. Elle croit qu'un régime d'imputabilité concernant l'ensemble des lespon-sabilltés de gestion devrait faire l'objet d'un encadrement législatif. Advenant que cet encadrement général tarde à venir, elle recommande que le législateur inclue dans la Loi sur la fonction publique des dispositions relatives à la reddition de comptes par les hauts fonctionnaires et à la sanction des résultats en matière de gestion des ressources humaines.

La fonction publique au Québec est actuellement constituée d'environ 53 000 fonctionnaires réguliers et, à certaines périodes de l'année, de plus de 20 000 autres citoyens employés par l'État selon des formules diverses, avec des statuts plus ou moins ambigus et que l'on alluble tous du terme "occasionnel".

La Commission considère très préoccupante la situation des employés occasionnels dans la fonction publique, dont le nombre, en juin 1989, atteignait près de 21 000 personnes, soit 40 % de l'effectif régulier.

Nous sommes revenus, en pire, à la situation que le législateur croyait avoir corrigée, du moins en partie, en 1983. Par l'importance de leur nombre, la nature et la durée prolongée des emplois qu'ils occupent, ces employés forment une fonction publique parallèle, hétéroclite et régie par des règles qui nous apparaissent inadéquates.

Tout en invitant la commission parlementaire à compléter l'examen de la situation des employés occasionnels, le mémoire de la Commission ajoute quelques considérations et commentaires sur plusieurs aspects des problèmes déjà identifiés, notamment en ce qui a trait à l'usage du terme "occasionnel" pour qualifier une réalité qui est tout autre.

En effet, pour les occasionnels embauchés d'une façon saisonnière ou cyclique, et les occasionnels embauchés pour une longue durée, on devrait trouver une appellation et un régime approprié. Suivant la Commission, ces employés devraient être recrutés par voie de concours en application des articles 42 à 50 de la loi.

La définition de l'employé occasionnel devrait s'appliquer seulement aux vrais occasionnels, c'est-à-dire ceux qui sont embauchés pour pallier à une pénurie provisoire de ressources humaines due à un surcroît de travail, pour une période maximale de six mois, ou ceux embauchés pour remplacer un employé régulier absent. Ces employés occasionnels devraient être soumis à un processus de recrutement et de sélection plus souple, mais dont les modalités seraient précisées par un règlement contenant des normes favorables à l'égalité d'accès.

Enfin, notre Commission recommande que le recrutement et la sélection de ces véritables employés occasionnels soient confiés à l'Office des ressources humaines Cette façon de procéder assurerait un meilleur service aux citoyens, candidats à ce type d'emploi et permettrait sans doute une économie de temps et d'argent pour le gouvernement.

Concernant le règlement de la situation précaire d'un grand nombre d'occasionnels déjà embauchés de façon cyclique ou pour une longue durée, la Commission considère que le concours réservé n'est pas une solution légale ni acceptable Elle envisage plutôt le recours à une disposition comparable à celle de l'article 164 de la loi actuelle, à titre de disposition exceptionnelle, pour régler les cas de nombreux employés occasionnels qui se retrouvent dans des situations ambiguës et difficiles.

Les différents éléments de notre proposition relative aux occasionnels ne devraient pas être dissocias. Ils sont susceptibles, croyons nous, non seulement de corriger en partie la situation actuelle, mais aussi d'éviter que ne se répèto, une troisième fois, une situation pour le moins anormale. C'est pourquoi la Commission recommande que le législateur inscrive dans la loi un cadre régissant les emplois des employés occasionnels.

Pour ce qui est du régime syndical, notre Commission a réexaminé le point souvent remis en cause, celui de l'aire de négociation, plus spécifiquement les matières exclues du champ de la négociation suivant l'article 70 de la loi. Après avoir discuté du bien-fondé de l'exclusion de ces matières, notre Commission recommande que soient maintenues et respectées les (imitations actuelles imposées à l'étendue des matières négociables.

Selon la Commission, le partage actuel des responsabilités entre le Conseil du trésor, l'Office des ressources humaines, la Commission de la fonction publique et les ministères et organismes, permet au gouvernement une gestion adéquate de ses ressources humaines en vue de la réalisation de la mission que la loi confie à la fonction publique. Elle a choisi de laisser à chacun de ces organismes le soin de proposer les modifications qui pourraient améliorer leur fonctionnement ou suggérer un nouveau partage des responsabilités. Vous comprendrez, en effet, que son pouvoir quasi judiciaire d'une part, et son mandat de vérification et de recommandation d'autre part, lui imposent une certaine réserve envers les organismes qui sont l'objet de ces interventions.

La Commission suggère cependant que le double rôle du Conseil du trésor dans les domaines de la gestion financière et de la gestion des ressources humaines soit réexaminé. Par rapport

aux champs de compétence de la Commission, une seule modification est proposée relativement aux recours prévus à l'article 127 qui, soit dit en passant, est accessible à quelque 12 000 personnes. La Commission a eu l'occasion d'intervenir à plusieurs occasions au sujet de la gestion des emplois supérieurs et de leur titulaire. Il lui apparaît que les nouvelles orientations du Conseil du trésor sont de nature à éviter la répétition des problèmes rencontrés au cours des dernières années. Elle reste attentive, cependant, à certains cas qui ne seraient pas touchés par les nouvelles directives du Conseil du trésor, mais n'en demeurent pas moins problématiques. (10 h 30)

Toutefois, la Commission considère que l'efficacité du système proposé serait accrue par une supervision centralisée de la carrière des cadres supérieurs. Selon la Commission, il s'agit là d'une responsabilité que le législateur a confié à l'Office des ressources humaines par les dispositions du paragraphe 12 de l'article 99 de la loi; il serait opportun que l'Office voit à son application immédiatement.

En ce qui a trait à la relève du personnel d'encadrement supérieur, la Commission souscrit à toutes formes de développement et de perfectionnement qui tiennent compte des besoins de l'administration et des aspirations légitimes des fonctionnaires à la condition, toutefois, que l'octroi des promotions se fasse en respectant l'égalité d'accès pour tous et en application de la règle de la sélection au mérite.

En terminant, la Commission, dans le cadre de ses compétences, demeure à l'entière disposition de la commission parlementaire pour répondre à toute question que cette dernière pourrait juger à propos de lui soumettre ou encore, pousser plus avant l'examen d'autres sujets d'intérêt pour la fonction publique.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le président de la Commission. J'aimerais vous mentionner que l'ensemble de la deputation a pris connaissance de vos mémoires. De mémoires préalables, je pense à 1988-1989, de différents rapports que vous avez soumis, y compris la promotion des intérimaires. Mais vous êtes bien au courant que nous avons très peu de temps pour échanger. Alors, je vais quand même passer immédiatement la parole au député des Îles-de-la-Madeleine pour revenir du côté du député de La Prairie. Quant à moi, j'ai trois ou quatre questions ici. Et le député de Limoilou a aussi des questions, je crois.

M. le député des îles-de-la Madeleine.

M. Farrah: Merci beaucoup, M. le Président. Dans un premier temps, je veux féliciter M. Poulin et son équipe pour l'excellence de son mémoire. Ça démontre un travail consciencieux qui a été fait et c'est avec beaucoup plaisir que je l'ai lu.

Le premier point qui m'a frappé, c'est à la page 35, au niveau des occasionnels. Je pense que vous l'avez soulevé aussi dans votre présentation. Vous avez dit que la problématique au niveau des occasionnels dans un premier temps, lors de la refonte en 1983, qu'on voulait rendre ces gens-là permanents. On disait qu'on avait réglé un problème ad hoc à ce moment-là. Et, à ce moment-ci, on est rendu avec un problème à peu près similaire.

Donc, la loi n'a pas fait en sorte de réparer ou de régler cette situation-là. D'autre part, également, qu'est-ce qui m'a frappé au niveau de votre mémoire, c'est que si on prend pour exemple l'année 1988-1989 au niveau des nominations, vous dites - et c'est exact à mon sens - que 60,3 % des occasionnels, pour l'année 1988-1989, ont occupé le champ de nomination. Et si on inclut aussi les fonctionnnaires là-dedans, ça veut dire 65 % de l'ensemble des nominations qui ont été faites avec des fonctionnaires et aussi avec des occasionnels.

Alors, la question est la suivante: Qu'est-ce qu'il y a de mal là-dedans dans le sens suivant? C'est que, là, si le but principal est un service de qualité au niveau de la population et si des occasionnels ont eu la chance d'être embauchés occasionnels et ont pu obtenir une certaine expertise au niveau de leur travail, dans un premier temps, alors, où est le mal à embaucher ces gens-là pour faire en sorte d'assurer un service de qualité, au bout de la ligne, à nos concitoyens et concitoyennes, qui est le but principal de la loi?

Et je pense que c'est un élément analogue quand même, qu'on peut voir au niveau du privé aussi, où tu as un pied dans la boîte dans un premier temps, où tu acquiers une certaine expertise et, où, par la suite, tu peux accéder à des postes permanents. Alors, j'aimerais vous entendre davantage là-dessus, M. Poulin.

M. Poulin (Jean-Noël): M. le Président et MM. les députés... En fait, votre remarque est très pertinente et elle soulève justement le problème du choix ou de l'accès. Vous avez remarqué que la Commission de la fonction publique ne suggère aucunement que les occasionnels ou les citoyens qui ont pris une expérience soient exclus des concours. Là n'est pas la question. Ce que nous déplorons, c'est que le choix se fasse, au départ, d'une façon arbitraire. D'où notre recommandation, pour les occasionnels qui seraient engagés dans la fonction publique, à long terme ou pour des projets spécifiques, qu'ils le soient suite à un concours de recrutement, l'idée étant que les citoyens, ceux qui n'ont pas la chance, eux, d'être occasionnels connaissent les règles du jeu et n'aient pas l'impression, de toute façon, qu'ils n'ont aucune chance.

M. Farrah: D'autre part aussi au niveau du recrutement, comme on a mentionné, il y a de

plus en plus de fonctionnaires qui participent à des concours de recrutement, suite aussi aux revendications ou au constat qui a été fait aussi - on ne sait pas si c'est vrai, mais on va présumer que c'est vrai - de plusieurs organismes qui sont venus témoigner du fait qu'il existe, en tout cas, ou qu'il y a une perception de patronage administratif. Est-ce que cène situation n'accrédite pas cette thèse dans le sens que, souvent, des fonctionnaires ont peut-être des héritiers à l'intérieur? Alors, par conséquent, ils vont sur des concours de recrutement et, par la suite, la promotion s'ensuit pas grand temps après. Alors, est-ce qu'on peut accréditer la thèse de certains organismes pour dire qu'il y a quand même un patronage administratif qui existe au sein de la fonction publique québécoise?

M. Poulin (Jean-Noël): Nous ne pourrions pas vous affirmer que le patronage administratif existe. Je dois vous dire que la Commission se préoccupe beaucoup de cette possibilité égale ment. La façon, pour elle, d'éviter que ça se produise au niveau des concours, particulièrement des concours de promotion, c'est que les promo tions se donnent, effectivement, par des concours de promotion et non pas par des concours de recrutement qui, comme vous le savez, excluent le droit d'appel, ce qui veut dire que si quelqu'un est promu à l'occasion d'un concours de recrutement, nous ne pouvons pas intervenir au niveau d'un appel avec une décision exécutoire. Évidemment, c'est une difficulté que nous déplorons.

M. Farrah: Lorsqu'on parle d'équité au niveau de l'ensemble des concitoyens et des concitoyennes du Québec d'avoir un accès égal à la fonction publique, je pense qu'il faut aussi regarder à l'interne, qu'il y ait aussi un accès équitable à l'ensemble des fonctionnaires en ce qui concerne la promotion. Je pense que les deux sont un peu interreliés.

M. Poulin (Jean-Noël): Effectivement. Vous avez décelé, sans doute, que les préoccupations de la Commission couvrent les deux secteurs: d'abord, la carrière des fonctionnaires dans la fonction publique, qui est très importante, leurs possibilités de promotion avec les recours prévus dans la loi. D'un autre côté, la Commission se préoccupe également du citoyen qui, lui, a souvent l'impression d'être délaissé un peu. Il ne faudrait pas que la fonction publique soit l'affaire des gestionnaires et des syndicats exclu sivement. Il y a le citoyen qui est mal informé, qui n'a pas accès à tous les documents, à toutes les possibilités et la Commission a choisi de se préoccuper aussi du citoyen, comme la loi le prévoit.

M. Farrah: Maintenant, pour revenir au niveau des occasionnels, à ce moment-là, est-ce que je dois interpréter votre position comme allant à rencontre de celle du président du Conseil du trésor qui a mentionné, à l'ouverture des travaux de la commission, que 3500 postes occasionnels seront convertis en postes permanents? Alors, est-ce que je peux interpréter ça comme une position un peu à rencontre de celle du président du Conseil du trésor? Je ne veux pas vous mettre dans l'eau chaude, remarquez bien, là. Entre nous...

M. Poulin (Jean-Noël): M. le député, je ne crois pas qu'il y ait incompatibilité entre le projet du Conseil du trésor de convertir, de créer de nouveaux postes permanents. Le problème sera de les combler et nous avons déjà pris position à l'effet que la Commission de la fonction publique croit qu'il serait illégal de faire des concours réservés aux occasionnels, par exemple, ce que les occasionnels aimeraient bien voir se passer dans certaines circonstances. Une autre difficulté, c'est le nombre. La Commission ne peut pas se prononcer, nous n'avons pas los éléments pour dire: il faudrait créer tant de postes, plutôt qu'un tel autre nombre de postes. Nous devons nous en tenir au niveau des principes d'accès et s'il doit y avoir accès suite à la création de postes, ça devrait se faire selon l'ordre du mérite.

M. Farrah: Par contre, pour continuer dans la même veine, est-ce que le fait de procéder ainsi, comme le président du Conseil du trésor l'a mentionné, de combler ces postes-là à l'intérieur par concours, mais avec des gens à l'intérieur de la banque d'occasionnels, si vous le permettez, ne peut pas apporter une certaine amélioration au niveau des programmes d'accès à l'égalité? On sait qu'au niveau des occasionnels, c'est principalement des jeunes qui sont là dedans, principalement des femmes II y a également des gens des minorités visibles. Alors, par conséquent, n'y aurait il pas lieu de penser qu'une telle procédure pourrait faire en sorte d'améliorer l'image de la fonction publique au niveau des minorités ou des programmes d'accès à l'égalité?

M. Poulin (Jean-Noël): Si je comprends bien, par les concours?

M. Farrah: Non, ça dépend. Comme le président du Conseil du trésor l'a mentionné, en comblant les postes d'occasionnels avec des concours à l'intérieur de la banque d'occasionnels... à l'intérieur des gens qui occupent des postes occasionnels. On s'entend?

M. Poulin (Jean-Noël): M le député, j'ai mentionné que la Commission croit que la loi ne permet pas cette approche, d'une part, et, d'autre part, vous avez aussi remarqué que la Commission n'exclut pas une intervention législa-

tive pour régler un certain nombre de cas par voie législative, comme ç'a été fait en 1983 par l'article 164 de la loi actuelle.

M. Farrah: Merci.

Le Président (M. Lemieux): Ça va, M. le député?

M. Farrah: Dernière question, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le député. Il vous reste quelques minutes.

M. Farrah: Au niveau de l'excellence: durant la commission ici on a parlé à plusieurs reprises et mon collègue des Mille-Îles qui, malheureusement, n'est pas ici ce matin, a discuté à plusieurs reprises de l'apport ou du niveau d'excellence dans la fonction publique et qu'est-ce qu'on a remarqué aussi au niveau des différents intervenants qui sont venus, et principalement les syndicats, malheureusement à cet égard, c'est qu'au niveau de l'excellence on semblait quand même avoir une certaine retenue, entre autres, au niveau des primes à l'excellence. Les syndicats nous disent: On n'est pas intéressés qu'il y ait des primes à l'excellence. Ça peut amener une certaine division à l'intérieur de nos membres, etc. Est-ce que ça ne va pas un peu à l'encontre de l'amélioration des services à la clientèle? Je pense que viser l'excellence ce n'est pas méchant en soi, au contraire, et on a senti, nous, chez la plupart des organismes qui sont venus nous rencontrer, une certaine réticence à cet égard Ià. J'aimerais vous entendre là dessus.

M. Poulin (Jean-Noël): M. le député, notre réflexion nous a évidemment amenés à considérer que dans la fonction publique, comme dans toute autre organisation, une incitation constante à l'amélioration s'impose. Tous ceux qui ont à coeur de rendre un meilleur service aux citoyens doivent tendre vers l'excellence. À notre avis, les primes sont un moyen qui peut être utilisé avantageusement à l'atteinte de cet objectif. C'est un moyen parmi d'autres. Évidemment, cela implique la mise en place d'un système d'évaluation adéquat des résultats attendus et des performances. C'est un peu ce qui fait peur, semble-t-il, à certains intervenants qui ont mentionné la peur de l'arbitraire. En réponse à votre question, nous sommes en faveur d'un système pour favoriser l'excellence.

M. Farrah: C'est tout, M. le Président, pour l'instant.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. M. le président, eu égard à la conversation que vous avez eue avec le député des Îles-de-la-Madeleine, je voudrais bien qu'on soit clairs et bien comprendre le message que vous voulez nous passer. Eu égard au fait qu'il y a un principe dans la loi qui veut qu'il y ait une égalité des chances pour l'ensemble des citoyens du Québec d'accéder à la fonction publique, le message que vous nous passez que, eu égard aux pratiques actuelles, aux participations - d'ailleurs, on retrouve une certaine partie de votre logique dans votre mémoire puisque vous recommandez aux fonctionnaires une non-participation aux concours de recrutement - est-ce que le message est le suivant: II y a peu de chance ou les chances sont très amoindries pour le simple citoyen, eu égard aux pratiques actuelles, d'accéder à un poste dans la fonction publique? Est-ce ça que vous voulez nous dire?

M. Poulin (Jean-Noël): Effectivement. En fait, il a souvent accès à des concours et plusieurs citoyens se découragent parce qu'à force de passer des concours et de ne pas être retenus, ils sont en compétition, comme nous l'avons mentionné, avec des occasionnels et des fonctionnaires. C'est ce que nous déplorons. Notre message n'est pas de pénaliser les fonctionnaires; au contraire, nous recommandons un système qui permettrait aux fonctionnaires une promotion dans la fonction publique et laisserait l'accès aux citoyens dans les postes d'entrée probablement. (10 h 45)

Le Président (M. Lemieux): Dans votre esprit, ça rejoint l'objectif de la loi?

M. Poulin (Jean-Noël): Ça devrait être prévu.

Le Président (M. Lemieux): Ça va. Je vais y revenir tout à l'heure. J'ai cinq, six questions. Je vais passer immédiatement la parole au député de La Prairie. Je vais revenir à la fin.

M. Lazure: Merci, M. le Président. J'ai quelques questions et mes collègues vont en avoir tantôt aussi. Pour un peu continuer dans le même ordre d'idée, la promotion sans concours. Vous notez que, sur une période de deux ans, de 1986 à 1988, 36, 3 % des promotions avaient été obtenues sans concours et vous trouvez, à bon droit, que c'est un pourcentage plutôt très élevé. Qu'est-ce que vous considéreriez comme un pourcentage, entre guillemets, "normal"?

M. Poulin (Jean-Noël): M. le député, vous avez une question qui m'embête sérieusement. Évidemment, nous n'avons pas d'étude qui nous démontrerait ce que ça devrait être. Lors de ces représentations, à la commission Bisaillon, en 1983, la prévision de promotions sans concours était une suggestion de la Commission de la fonction publique. Elle prévoyait alors que ces promotions pourraient être accessibles à des

fonctionnaires qui, par leur compétence, avaient, d'une certaine façon, créé un poste qui méritait une promotion. Et la préoccupation de l'époque était qu'un tel concours, avec la participation d'une personne qui, de toute évidence, remporterait le concours, mettait un peu de doute sur l'équité ou l'impartialité du concours. Pour éviter ces situations, la Commission avait suggéré, dans certains cas évidents, la promotion sans concours. Je crois comprendre que son intention et celle du législateur étaient de faire un régime d'exception qui visait ces cas. Notre constatation, c'est que c'est devenu assez large et c'est probablement utilisé de façon pas tellement conforme à cette idée, au départ. En réponse à votre question, M. le député, je ne pourrais pas vous dire ce que ça pourrait être, en termes de proportion.

M. Lazure: En tout cas, je pense que c'est une clause qui est assez correcte, de permettre exceptionnellement une promotion sans concours. Mais là, ce n'est plus de l'exception, c'est plus du tiers; alors, il y a nettement un abus. Mais comment y remédier sans exclure carrément les promotions sans concours? Est-ce qu'il faut arriver à un certain pourcentage? Parce que si c'est laissé ouvert comme c'est actuellement, c'est sûr que les abus vont continuer et vont même augmenter, à certaines périodes.

M. Poulin: Oui, M. le député...

M. Lazure: Qu'est-ce que vous nous proposez?

M. Poulin (Jean-Noël): Ce que nous propo sons, ce serait d'avoir un libellé, dans la loi, qui soit plus restrictif, qui parle effectivement de la proposition que la Commission faisait, en 1983, d'une réévaluation à la hausse d'un emploi lorsqu'un titulaire en poste a effectivement enrichi sa fonction au cours d'un laps de temps raisonnable; ça, c'était la proposition de l'époque. Aujourd'hui, selon les normes que l'Office des ressources humaines détermine par règlement, il est promu s'il rencontre les conditions d'admission de la classe de l'emploi ainsi réévalué. Alors, c'est l'emploi qui est réévalué alors que quelqu'un l'occupe; alors que, dans la proposition, c'était une réévaluation, suite à la place qu'occupait le fonctionnaire qui occupait ce poste-là. C'est une situation délicate. Et notre prétention, c'est qu'il faut trouver un moyen pour ne pas que ça devienne une porte d'entrée arbitraire et non conforme à l'idée.

M. Lazure: D'accord. Dans un autre ordre d'idées, page 71, vers la fin de votre mémoire, vous dites: "La Commission suggère cependant que le rôle du Conseil du trésor dans les domaines de la gestion financière et de la gestion des ressources humaines soit réexaminé. En effet, ces deux domaines peuvent facilement se trouver en opposition" Pourriez-vous parler avec un peu plus d'abondance là-dessus?

Le Président (M. Lemieux): Pourriez-vous nous dire de quelle façon ça devrait être réexaminé9

M. Poulin (Jean-Noël): La ressource humaine est une ressource très importante, nous en convenons tous. Et ce que nous croyons, c'est que cette ressource est assez importante... qu'elle mériterait d'être défendue au Conseil des ministres par un ministre bien identifié et qui a cette préoccupation-là, plutôt que de faire l'objet d'un arbitrage au niveau du Conseil du trésor. Il est évident - ce n'est pas une critique du système actuel ou de l'usage qu'on fait du système actuel - que les questions de la gestion des ressources financières, si elles côtoient et sont sous la responsabilité d'un même ministre, quel qu'il soit, celles de la gestion des ressources humaines, l'arbitrage se fait à ce niveau. Ce qui veut dire que les propositions qui remontent au niveau du Conseil des ministres sont celles du ministre qui est responsable de la gestion de ces deux ressources. Notre suggestion serait qu'il serait plus profitable que la question de la gestion des ressources humaines soit défendue jusqu'au Conseil des ministres par un ministre responsable.

M. Lazure: Merci, c'est clair, d'autant plus que nous sommes d'accord avec cette position-là, nous la comprenons très bien.

Ma dernièro question.

M. Léonard: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): ..M. le député de Labelle.

M. Lazure: Je vais lui céder la parole tantôt. J'ai une dernière question concernant ce que vous appelez la reddition des comptes. Vous dites que la Commission n'attribue pas cette absence à la négligence ou à la mauvaise foi, etc. C'est que certains gestionnaires profitent de cette situation où on ne sait pas qui doit faire quoi, qui se rapporte à qui. Alors, je vous pose la question: Qui est-ce qui doit déterminer ça? Au fond, vous avez l'air de dire que les lignes d'autorité sont mal tracées. Qu'est-ce qu'il faudrait apporter comme correctif pour que ce soit plus clair et qu'on puisse mettre en vigueur ce mécanisme de reddition de comptes?

M. Poulin (Jean-Noël): La Commission de la fonction publique croit qu'il est temps que les hauts fonctionnaires puissent rendre compte de leur gestion administrative et seulement de leur gestion administrative aux commissions parlementaires. Il y a certains obstacles qui subsistent.

Prenons l'exemple de la gestion des ressources humaines qui nous préoccupe d'une façon plus particulière. Vous constaterez, à l'article 37, le libellé qui indique: "Sous la direction du ministre dont il relève, le sous-ministre est responsable de la gestion des ressources humaines du ministère. " Dès ce moment, il y a une ambiguïté: qui est le premier responsable et auprès de qui? Notre suggestion serait que ce soit clarifié dans la loi, que le sous-ministre ou le dirigeant d'organisme est responsable de la gestion de ses ressources, en particulier de celle des ressources humaines. Il n'est pas question d'enlever la responsabilité ministérielle sur cette question et il s'agit justement de savoir qui répond à qui, de quoi et quand. Le partage est difficile dans le contexte actuel.

Des intervenants vous ont également fait valoir qu'il y a d'autres lois, prenons la loi de la gestion financière où il n'y a pas de prévision, il n'y a pas d'accompagnement de fait. À l'instar du Vérificateur général, nous suggérons qu'une clarification soit faite légalement. Nous n'avons pas de recette à vous donner, le champ est très vaste.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: M. le Président, je trouve fort intéressant les paragraphes que vous consacrez aux occasionnels. Je suis en accord avec votre définition, que ce qui devrait déterminer l'embauche d'occasionnels, c'est le caractère temporaire du besoin ou le caractère de remplacement d'une personne. D'une certaine manière, l'analyse que vous faites des concours quand il y en a. et du simple citoyen qui n'est pas déjà dans la fonction publique versus le simple citoyen qui est occasionnel, c'est sûr que dans la mesure où il y a abus dans l'utilisation du statut, on crée un engorgement quand vient le temps de faire des concours. Ce que je veux dire, c'est que s'il y avait moins d'occasionnels, il y aurait moins d'occasionnels qui obtiendraient les postes au moment où on les distribue et, toute règle mise à part dans n'importe quel type d'entreprise, la personne qui rend déjà un service a toujours un avantage versus l'inconnu, parce que, pour le gestionnaire, la personne qui fait un travail d'une façon satisfaisante a cet avantage d'être une "chose" connue.

Je pense qu'à cet égard là, vous posez très bien le problème, mais dans le fond, qu'est-ce qui fait qu'il y a autant d'occasionnels? On peut imaginer là, qu'il y a des considérations budgétaires qui jouent, mais après une décennie dans un poste, on peut se dire que le budget pourrait être stabilisé à l'égard de cette personne là. Et, est-ce qu'il n'y a pas, d'une certaine façon, le fait que l'accès à un poste d'occasionnel est plus simple que l'accès à un poste permanent? Et si on revient à la logique que le simple citoyen a une chance égale d'avoir leur poste, est-ce qu'on ne doit pas aller dans le sens de rendre plus rationnelle et plus juste, dans le fond, l'embauche d'occasionnels, puisqu'il y en aura toujours de toute façon et qu'il y aura toujours des transferts? Autrement dit, si j'étais un contribuable qui applique à un concours, je reprocherais moins le fait qu'un occasionnel obtienne un poste permanent que de ne pas avoir - une fois qu'on sait qu'un occasionne! peut devenir permanent et a certains atouts pour le devenir - je reprocherais, de ne pas avoir, moi, la chance de le devenir occasionnel pour pouvoir éventuellement connaître la boîte, si on veut. Et si on revenait à votre définition, je pense que - c'est difficile de mettre des chiffres - mais il n'y aurait pas 21 000 occasionnels si on tombait dans la définition que vous en donnez.

M. Poulin (Jean-Noël): Effectivement. D'autres employés de l'État qui ne seraient pas des occasionnels, mais qui seraient des employés qui, selon notre suggestion, devraient porter un autre nom, pour des périodes prolongées, devraient, à notre sens, être choisis selon la règle du mérite. Et, s'ils étaient choisis selon la règle du mérite, la Commission ne verrait pas d'objection à ce qu'ils graduent et ensuite deviennent des employés réguliers ayant passé par un système qui prévoirait, soit une période d'employés temporaires plus longue, soit leur présence sur des listes, déclaration d'aptitudes, jusqu'à ce qu'un poste s'ouvre. Mais ils auraient été en compétition dès le départ et, à ce moment-là, nous ne pourrions pas prétendre qu'ils ont une facilité plus grande que des citoyens qui n'ont pas eu cette chance.

M. Bourdon: On a parlé d'encouragement au rondement tout à l'heure. Est-ce que vous ne pensez pas qu'une application plus conforme à la loi, dans le fond, des mécanismes de concours et de promotion, ça pourrait constituer une incitation à l'excellence chez les employés? Je m'explique. C'est qu'un boni, c'est quelque chose de passager. Une promotion, ça donne habituellement un salaire plus élevé, un travail moins monotone, par hypothèse, plus de défis, et un statut social plus valorisant. Et vous ne pensez pas que si on agissait à ce niveau-là pour avoir moins de promotions sans concours et d'autres manières qui sont utilisées pour passer à côté du concours qui permet d'évaluer le mérite, que ça serait un facteur qui encouragerait les gens à "performer", la perspective d'une promotion?

M. Poulin (Jean-Noël): Nous sommes entièrement d'accord, M. le député, avec cette hypothèse et je ne pourrais pas l'exprimer mieux que vous l'avez fait.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le

député de Pointe-aux-Trembles. M le député de

Limoilou.

(11 heures)

M. Després: Merci, M. le Président Je vais essayer d'aller assez vite étant donné que plusieurs de mes collègues veulent aussi poser des questions. J'aimerais revenir sur la page 71 lorsque le député de Labelle a parlé sur le cadre institutionnel de la fonction publique. Vous dites carrément: Étant donné que le Conseil du trésor... on devrait réexaminer l'aspect des deux responsabilités du Conseil du trésor, c'est-à-dire celle qui est la responsabilité financière dont il a carrément le contrôle et au niveau de la gestion des ressources humaines, il a plutôt un rôle, quant à moi, conseil et selon la loi aussi. Vous dites: On devrait donner le chapeau maintenant à un nouveau ministre parce que le Conseil du trésor... Ce que j'aimerais savoir de votre part, c'est qu'au fond le Conseil du trésor ne joue pas le rôle de maître d'oeuvre dans le développement des ressources humaines au moment où on se parle, le rôle du Conseil du trésor. Si vous voulez donner le chapeau à un nouveau ministre, c'est parce que vous voulez qu'il y ait quelqu'un qui ait spécifiquement cette responsabilité-là et qu'il ait comme mandat de voir au développement des ressources humaines. Est-ce que vous êtes... Donc, vous n'êtes pas satisfait au moment où on se parle du rôle que joue le Conseil du trésor. Je veux bien comprendre ce que vous... Le rôle que joue présentement le Conseil du trésor en matière de développement de ressources humaines, et si on donne le chapeau à un nouveau ministre, quels sont ses responsabilités et son rôle face au développement des ressources humaines?

Le Président (M. Lemieux): Si vous êtes satisfait, M. Poulin, est-ce qu'on pourrait faire mieux?

M. Poulin (Jean-Noël): M. le député, vous allez... Je ne crois pas que nous pourrions dire que nous ne sommes pas satisfaits du travail accompli par le Conseil du trésor. Nous sommes conscients de la difficulté à laquelle fait face un responsable qui doit faire des partages lui-même, qui doit faire un arbitrage et être sujet aux critiques de personnes qui vont dire: Vous n'avez pas atteint, vous n'avez pas défendu tel dossier, comme vous auriez dû le faire, partagé qu'il est entre des choix à faire. Il est normal que des choix soient faits. Il s'agit de savoir à quel niveau. L'une des considérations que nous avons, c'est que ça faciliterait les choses, déjà fort compliquées par l'existence du Conseil du trésor, de la Commission de la fonction publique, de l'Office des ressources humaines et de tous les ministères et organismes qui sont aussi des acteurs très présents dans la gestion des ressources humaines. Le fait qu'il y a des attentes, qu'il y a des délégations et, aussi, l'absence dune reddition de comptes appropriée, peut-être à l'interne et surtout à l'externe. L'ensemble de la situation, d'après nous, serait certainement plus clair s'il y avait un responsable de la gestion des ressources humaines qui était différent de celui de la gestion des ressources financières. C'est une attitude qui est courante et que l'on voit un peu partout, c'est une position prise par les sous-ministres au niveau fédéral, qui est suggérée par les études que vous avez de l'OCDE et, en plus de ça, une autre action qui, d'après nous, clarifierait le climat de la gestion en général et celle des ressources humaines en particulier, nonobstant l'organisation institutionnelle, c'est un système de reddition de comptes à l'endroit approprié.

M. Després: Excusez-moi, M. le Président, il y aurait peut-être une petite question. Maintenant, au niveau de chacun des ministères ou de chacun des organismes, au niveau du développe-mont dos ressources humaines, présentement, est-ce qu'on accorde toute l'importance...? Je n'ai pas l'impression, souvent, d'après ce qu'on a pu entendre, que, justement, au niveau de chacun des ministères, que ce soit juste de la direction de la gestion du personnel dans chacun des ministères, qu'on accorde toujours l'importance au développement des ressources humaines.

M. Poulin (Jean-Noël): Nous n'avons pas d'étude qui nous ferait une démonstration, M. le député, à cet égard. Nous sommes sceptiques cependant, selon certaines attitudes ou certaines requêtes que nous avons traitées, et nous avons malheureusement tous été témoins de certaines allégations à l'effet que le grand patron est trop occupé à des choses importantes pour s'occuper de la gestion des ressources humaines. Ce qui va à rencontre de ce qui est prévu dans la loi où le sous-ministre, dirigeant de l'organisme, est le premier responsable de la gestion des ressources humaines. Il s'agit là probablement d'une évolution qui doit être continuellement en période d'amélioration.

Le Président (M. Lemieux): Comme vous êtes un délinquant, M. le député de Limoilou, en additionnelle.

M. Després: Oui, merci beaucoup, M. le Président. Je déplore le fait qu'on ait seulement une heure ou deux, M. le Président, pour entendre la Commission de la fonction publique. Peut-être une dernière question en ce qui concerne l'imputabilité. J'ai vu à la page 9 de votre mémoire que vous dites que l'imputabilité doit être basée sur trois points: le transfert des responsabilités, la reddition de comptes et la sanction des résultats. Donc, si vous parlez de transferts des responsabilités, vous pariez d'une décentralisation des pouvoirs. J'aimerais ça savoir comment vous conciliez la décentralisation des

pouvoirs et l'imputabllité avec l'application de principes d'uniformité et d'équité. Plus on décentralise, plus il peut être difficile d'uniformiser les mesures de contrôle d'imputabilité. J'aimerais vous entendre un petit peu là-dessus. Il n'est pas dangereux justement, par le fait qu'on décentralise et qu'on veut les rendre imputables, qu'il devienne difficile de rendre des comptes et d'avoir une certaine uniformité?

M. Poulin (Jean-Noël): Une bonne démonstration sur une possibilité vous a été faite par le Vérificateur général. Il est assez intéressant de constater que, sans qu'il y ait eu consultation entre le Vérificateur général et la Commission de la fonction publique, nous avons, à cet égard, des attitudes semblables. Le Vérificateur général, qui est beaucoup plus compétent que nous dans les systèmes de vérification, est allé plus loin dans les processus ou les possibilités. Je dois vous dire que les membres de la Commission sont tous d'accord avec ce que vous a proposé, un peu plus détaillé que nous, un système d'imputabilité et de reddition de comptes. Il nous semble que la reddition de comptes interne doit être bien structurée; elle risque d'être moins efficace s'il y a un blocage, si à un moment donné le sous-ministre lui-même ne rend pas des comptes quelque part. Le sous-ministre ou le dirigeant d'organisme est tenu à une reddition de comptes interne lui aussi. Je présume que ça doit se faire et bien se faire. Il faut que ce soit fait.

Ce que nous préconisons à l'instar, encore une fois, du Vérificateur général, c'est que nous sommes probablement rendus à un point où est-ce que les gestionnaires, la haute fonction publique, devraient rendre des comptes à l'externe, donc à une commission parlementaire. Notre prétention serait qu'un tel système favoriserait tout le processus de reddition de comptes interne, autrement dit la chaîne hiérarchique se mettrait en branle, et ce serait certainement bénéfique. Nous sommes conscients, cependant, des difficultés que cela implique. En fait, vous l'êtes certainement plus que nous. Vous connaissez le système des commissions parlementaires beaucoup plus que nous et il y a des difficultés. Mais malgré ces difficultés-là, nous croyons que les avantages d'un système de reddition de comptes externes pour les hauts fonctionnaires et les dirigeants d'organisme méritent d'être examinés de très près.

Le Président (M. Lemieux): Avez-vous terminé, M. le député? M. le député de Saint-Louis.

M. Després: Je vais laisser le député de Saint-Louis qui veut parler aussi sur l'imputabi lité.

M. Chagnon: Oui, ça va passer pour ma marotte! M. Poulin, donc, sur le même sujet, vous suggérez comme l'a lui-même fait M. Bernard il y a quelques années, que l'imputabilité interne sur le plan de la gestion des programmes, sous-ministres et sous-ministres adjoints soit imputable au Conseil du trésor, sur le pian de la gestion générale de leur ministère, au Conseil exécutif. C'est bien cela que je dois comprendre?

M. Poulin (Jean-Noël): Oui, oui. En fait...

M. Chagnon: Quant à l'imputabilité externe, vous soulignez un peu comme l'a fait le Vérificateur général, qu'on devrait voir nos sous-ministres, sous-ministres adjoints, venir devant les commissions parlementaires faire la démonstration de leur bonne administration, de l'aspect qualitatif de l'administration sur laquelle ils auront eu à travailler. Est-ce que vous avez des sujets particuliers que vous jugez qui devraient être des sujets sur lesquels les sous-ministres et les sous-ministres adjoints devraient être particulièrement imputables devant l'Assemblée nationale ou devant ces commissions parlementaires? Le Vérificateur général lui avait encadré un peu son approche? Est-ce que chez vous, vous avez une approche "wide open" ou?

M. Poulin (Jean-Noël): M. le député, nous avons une approche assez libérale à cet égard. Nous avons étudié attentivement les propositions du Vérificateur général. Nous sommes d'accord avec lui. Les points ou les sujets qui devraient être traités, à notre égard, sont les ressources qui sont mises à la disposition d'un haut fonctionnaire, sous-ministre ou dirigeant d'organisme, des ressources humaines, financières et matérielles et l'usage qu'ils en feraient pour rencontrer, pour satisfaire la réalisation des programmes. Comme il a été mentionné déjà par le Vérificateur général, la gestion administrative et seule la gestion administrative évidemment devrait faire l'objet d'une telle démarche, d'une reddition de comptes. Les redditions de comptes à d'autres niveaux se feront quand même et par probablement le ministre responsable des politiques d'un ministère.

M. Chagnon: Évidemment que le Vérificateur général avait comme premier sujet à l'ordre du jour de cette première séance d'imputabilité, le rapport du Vérificateur général. On pourrait peut-être procéder pour la même chose que votre rapport ou celui de l'ombudsman, du Protecteur du citoyen.

M. Poulin (Jean-Noël): C'est certainement une bonne occasion.

M. Chagnon: Si je vous comprends bien, vous estimez que la partie de l'imputabilité devrait être encore plus large que celle que suggérait ici devant nous le Vérificateur général?

M. Poulin (Jean-Noël): Pas nécessairement. Je pense que le Vérificateur général allait déjà assez loin, lui, dans sa recommandation. L'autre préoccupation que j'aurais moi personnellement, ce serait qu'un tel système qui n'existe pas actuellement soit mis en branle, soit mis en fonctionnement d'une façon prudente.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Dans le sens noble, évidem ment. On ne saurait pas mieux faire... adresser autrement.

M. Poulin (Jean-Noël): Et, évidemment, nous avons suggéré à l'instar, encore une fois, du Vérificateur général, une indication à cet égard dans la loi.

M. Chagnon: Je vous remercie, M. Poulin.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Saint-Louis. J'aurais peut-être trois petites questions, M. le Président. Je vais revenir, à la toute fin, sur l'imputabilité. Lorsqu'on parie, dans votre mémoire, à la page 20-21... vous parlez du recours aux exigences additionnelles prévues au dernier alinéa de l'article 43 et vous nous faites état que ceci a peut-être pour effet de bloquer l'accès de la fonction publique aux jeunes diplômés. Vous faites état aussi qu'on pourrait en arriver à une certaine discrétion administrative un peu autoritaire en exigeant des exigences additionnelles aux conditions minimales d'admission.

Mais j'ai une autre préoccupation que celle-là. Et j'ai en mémoire le discours que M. Benoît Morin lisait devant l'ENAP, le 16 octobre dernier, où il faisait état qu'il est nécessaire d'en arriver à une nouvelle culture de gestion et il citait la France. l'Angleterre. J'aimerais peut être vous faire remarquer qu'il aurait pu citer l'ensemble des pays de l'OCDE. Et ma question est la suivante: Considérant la sécurité d'emploi dont bénéficient les fonctionnaires réguliers, que pensez-vous des répercussions à long terme de recruter des superspécialistes, comme l'indique - et comme c'est actuellement - la tendance actuelle dans la fonction publique, plutôt que des généralistes qu'on pourrait considérer plus polyvalents et plus mobiles?

M. Poulin (Jean-Noël): II y a là, M. le Président, un danger certain. Notre croyance, c'est que le danger vient du fait d'une préoccupation à court terme. La préoccupation à long terme pour la gestion do la chose publique nous inciterait probablement davantage à recourir à une bonne partie de généralistes ou de gens qui deviendront de réels gestionnaires, plutôt que des hybrides, à moitié gestionnaires et à moitié spécialistes.

Loin de nous l'idée de décrier les spécialis- tes. Probablement que plusieurs d'entre nous en sommes ou en étions. Mais il y a une préoccupation certaine. Et, de là notre recommandation d'en venir à ce que le législateur avait prévu et que l'Office des ressources humaines s'implique dans la question de la gestion des cadres supérieurs d'une façon plus grande.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Puisque vous parlez de l'Office des ressources humaines, je regarde dans la Loi sur la fonction publique. L'Office a pour fonction, à l'article 99, 12°, "d'instaurer et de maintenir, en collaboration avec les ministères et organismes et conformément aux politiques établies par le Conseil du trésor, un système de planification et de développement de la carrière du personnel d'encadrement".

Selon vous, croyez-vous que la délégation complète des concours de recrutement et de promotion par l'ORH permet à l'Office des ressources humaines d'assumer ses responsabilités qui sont prévues à l'article 99, paragraphe 12, et d'instaurer et de maintenir un système de planification et de développement de la carrière du personnel d'encadrement? (11 h 15)

M. Poulin (Jean-Noël): Je ne crois pas qu'il pourrait le faire entièrement, certainement pas, d'autant plus qu'il y a une autre préoccupation que nous oublions très souvent. C'est que la délégation des pouvoirs n'implique pas la délégation de la responsabilité. Actuellement, cette responsabilité appartient à l'Office des ressources humaines. Il aura beau déléguer des pouvoirs d'agir à sa place. Il demeure toujours responsable. En matière de délégation, comme vous le savez, le pouvoir so délègue et non pas la responsabilité.

Et, en plus de ça, qu'il y ait délégation ou non, l'Office doit garder les moyens d'assurer ou d'exercer sa responsabilité sur le système.

Le Président (M. Lemieux): Une dernière question avant que je cède la parole au député de Labelle. Pour rejoindre un peu le député de Limoilou et le député de Saint-Louis, à la page 11, pourquoi recommandez-vous un encadrement législatif de l'imputabilité? Est ce que c'est pour inclure, je dirais, une obligation supplémentaire à celle qui existe déjà ou est-ce tout simplement pour préciser les responsabilités administratives des politiques?

M. Poulin (Jean-Noël): Ce sont les deux, M. le Président. Une première constatation, c'est que c'est un sujet délicat ut il faudrait qu'il soit encadré, selon nous. Deuxièmement, c'est que la loi actuelle a déjà quelques années de vie et il y a encore des lacunes au niveau de l'imputabilité, de la reddition de comptes. Nous croyons que ça prendrait un petit coup de pouce du législateur pour que le système s'installe, si le législateur le

juge à propos.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député de Labelle? M. le député de La Prairie?

M. Lazure: Oui, quelques questions encore.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de La Prairie, je vais vous donner cinq minutes de plus parce que, du côté ministériel, on a pris cinq minutes de plus.

M. Lazure: Oui, merci, M. le Président. Ma première question: il y a plusieurs intervenants, il y a deux semaines - notamment le Syndicat des fonctionnaires et l'Association des cadres supérieurs - qui proposaient de donner à votre Commission un pouvoir accru et même décisionnel dans les enquêtes menées en vertu de l'article 115 de la loi. Moi, j'aimerais bien avoir votre réaction à ça, M. le président. C'est revenu à deux ou trois reprises dans nos...

M. Poulin (Jean-Noël): Nous ne sommes pas nécessairement d'accord pour que le législateur prévoit des pouvoirs accrus à la Commission de la fonction publique et voici pourquoi. Nous croyons que l'équilibre actuel entre le pouvoir quasi judiciaire de la Commission et son pouvoir d'enquête et de recommandation est adéquat. Nous croyons également que nous disposons de moyens importants pour nous acquitter de ces deux responsabilités. Nous avons, par exemple, un pouvoir d'enquête, selon la loi, qui pourrait nous amener à faire des enquêtes bien structurées si nous le jugions à propos. Nous avons toujours la possibilité, en cas extrêmes, do faire rapport à l'Assemblée nationale, comme il est prévu dans notre loi et ce sont des moyens très forts.

L'équilibre qui existe actuellement nous semble un bon équilibre pour la justice et l'efficience. Si, par exemple, nous voulions accorder à la Commission de la fonction publique un pouvoir d'ordonnance en vertu de l'article 115, vous devinez bien qu'il nous faudrait respecter les règles d'équité, voire de justice naturelle. Nous ne pourrions pas tout simplement, nous, décider de notre position sans entendre tous les intervenants ou les personnes visées par un litige quelconque. Ce serait alourdir sensiblement le système et nous ne sommes pas convaincus que cela améliorerait sensiblement la situation. D'autre part, je dois vous dire que des centaines de requêtes que nous recevons, soit de citoyens, soit de fonctionnaires, nous faisons des recommandations probablement dans une bonne proportion des requêtes ou des litiges qui nous semblent fondés et approximativement 92 % de nos recommandations sont suivies, ce qui est une proportion appréciable. Il n'est pas dit qu'après notre présence à votre Commission, ce pourcentage ne montera pas d'un ou deux crans.

M. Lazure: Ah! Notre commission s'en réjouirait. Vous avez, d'une part, le pouvoir d'enquêter et vous avez le pouvoir de rendre des décisions. Cela ne vous met-il pas dans une situation inconfortable parfois?

Le Président (M. Lemieux): N'êtes-vous pas juge et partie?

M. Lazure: Vous enquêtez; vous décidez.

M. Poulin (Jean-Noël): La Commission est très prudente à cet égard, M. le député. Nous avons, à l'occasion, des appels qui nous sont faits en vertu d'un des articles qui visent notre pouvoir quasi judiciaire, en même temps que des demandes d'enquête sur le même sujet. La Commission a pris comme politique de travailler en tenant compte de la gradation des recours. Nous ne ferons pas, à la fois, une enquête sur un sujet qui est en appel à la Commission ou ailleurs. Nous allons tenir compte des recours et notre choix, c'est de choisir le recours qui est le plus susceptible, évidemment, si nous avons le choix, de régler le problème ou le litige.

M. Lazure: Une dernière question. À la page 20, vous parlez du vieillissement des effectifs. C'est le groupe des jeunes qui vient juste après vous, le Conseil permanent de la jeunesse, justement. Qu'est-ce que vous entendez par le vieillissement de l'effectif? Sur quoi vous basez-vous pour dire qu'il y a un vieillissement? Deuxièmement, est-ce que ça vous inquiète? Troisièmement, est-ce que la loi qui a aboli l'âge obligatoire de la retraite a eu pour effet de vieillir beaucoup les effectifs? Avez-vous des chiffres là-dessus?

M. Poulin (Jean-Noël): Nous n'avons pas d'étude. Nous partageons, M. le député, les préoccupations de l'Office des ressources humaines sur cette question. Nous sommes bien conscients que la diminution des entrées dans la fonction publique au cours des dernières années a fait que la population des fonctionnaires que nous sommes vieillit, et c'est inquiétant à long terme. La préoccupation est celle que nous partageons avec l'Office à cet égard.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député de Labelle et, après, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Léonard: Je voudrais vous poser une question. Vous avez fait une remarque sur les comportements et les attitudes, puis je suppose bien que votre mémoire porte là-dessus surtout, sur celles que vous jugez les plus importantes, en termes d'attitudes et de comportements. Par ailleurs, est-ce que vous trouvez qu'il y a des organismes ou des ministères où c'est pire qu'ailleurs ou mieux qu'ailleurs?

M. Poulin (Jean-Noël): M. le député, nous ne sommes pas encore rendus là dans nos études, nous ne pourrions pas vous faire une gradation.

M. Léonard: Vous le dites d'une façon générale, à la cantonade.

M. Poulin (Jean-Noël): II arrive certaines années, par exemple, que nous ayons plus de requêtes de fonctionnaires ou de citoyens en provenance d'un ministère ou d'un organisme. Nous n'avons pas encore identifié d'autres raisons que l'importance du ministère en termes de nombre, le nombre des concours, par exemple, ou des postes à doter. Nous ne pouvons pas porter un jugement sur la capacité ou...

M. Léonard: Je comprends que ça peut être difficile à dire, mais sur un autre sujet, je ne safe pas si l'Interprète bien votre mémoire en disant que, finalement, la Commission devrait quand même avoir un peu plus de droit de regard Ici et là. Je vais simplifier en disant que ce serait une attitude plutôt centralisatrice vis-à-vis de ta Commission. Par ailleurs, j'aimerais savoir ce que vous pensez de la mobilité du personnel, autant en termes de cadre supérieur, intermédiaire ou de personnel professionnel à l'intérieur de la fonction publique. Est-ce qu'une plus grande mainmise de la Commission serait de nature à favoriser 1a mobilité et là polyvalence du personnel?

M. Poulin (Jean-Noël): Si je comprends bien, c'est notre impression. Il n'est pas question pour nous de demander d'avoir des pouvoirs de ce côté-là, M. le député.

M. Léonard: Si vous avez des impressions...

M. Poulln (Jean-Noël): II est évident, comme gestionnaire. Ha, ha, ha!

M. Léonard:... qui pourraient conduire à des demandes, ça pourrait, mais enfin, on va s'arrêter dans une étape, disons.

M. Poulln (Jean-Noël): SI vous nous demandez notre impression à titre de gestionnaire, effectivement, une plus grande mobilité est un facteur très important pour l'employeur d'abord et pour les employés ensuite. Je pense que vous rejoignez là un peu des préoccupations qu'exprimait votre voisin plus tôt. Je reviens aussi à ce que je mentionnais tout à l'heure, malheureusement, à moins d'incitation et d'une préoccupation générale par rapport à l'employeur gouvernemental, il peut arriver que des gestionnaires pensent à l'efficience ou à des objectifs à court terme.

M. Léonard: Les concours fermés ou là où il n'y a pas de concoure, c'est ce que ça veut dire.

M. Poulin (Jean-Noël): À cet égard... M. Léonard: C'est un indice de ça.

M, Poulln (Jean-Noël):... je comprends un peu votre intervention par rapport aux concours, par exemple, que nous souhaitons voir le plus possible Interministériels, alors que plusieurs gestionnaires essaient de limiter ça à leur personnel, avec, il faut le dire, des objectifs nobles et valables, bien souvent, par exemple, de dire: Je veux donner à mon personnel la chance d'avoir une promotion. Je vais essayer de réduire la compétition à mon personnel et non pas l'étendre à toute la fonction publique. Et là, je pense, nous revenons à la proposition que l'Office des ressources humaines, en vertu de l'item 12 de l'article 89, devrait s'intéresser davantage et, lui, avoir une préoccupation de l'institution gouvernementale et non pas simplement de gestionnaires locaux.

M. Léonard: Vos réflexions sur le personne] occasionnel, ça porte sur 60 000 fonctionnaires permanents, à plein temps - ou 56 000 - et 20 000 fonctionnaires occasionnels. Au fond, est-ce que ce n'est pas là le sas entre te privé et 4e public et la fonction publique? Est-ce que ça n'Implique pas, finalement, que c'est une ouverture vis-à-vis de l'ensemble des gens, d'avoir du personnel occasionnel?

M. Poulin {Jean-Noël): En fait, notre...

M. Léonard: En d'autres termes, quand les ministères se referment sur eux-mêmes, la fonction publique aussi se referme sur elle-même?

M. Poulin (Jean-Noël): Peut-être, peut-être. Notre prétention, en fait, par rapport aux occasionnels, nonobstant les définitions qu'on en fait et les propositions de changer de définition, c'est que les occasionnels, sauf les occasionnels à court terme pour remplacer quelqu'un qui est absent, devraient être embauchés selon la règle du mérite. Et cela, pour nous, ça contourne des difficultés énormes.

M. Léonard: Oui, mais en termes de sécurité d'emploi? Parce que vous, vous voulez les transférer à l'intérieur même de la fonction publique, donc leur donner une sécurité d'emploi au bout d'un certain temps.

M. Poulin (Jean-Noël): Éventuellement, oui, selon des modalités différentes qui pourraient être, comme on le mentionnait plus tôt, un statut d'employé temporaire.

M. Léonard: Vous pourriez Intervenir selon la règle du mérite, mais sans Intervenir sur la question de la sécurité.

M. Poulin (Jean-Noël): Oui. La question de sécurité, on pourrait discourir sur des modalités d'application. Nous sommes prêts à le faire. Mais, pour nous, la partie importante de notre mémoire, c'est d'insister sur le fait que ces gens-là, à long terme, devraient être embauchés selon la règle du mérite.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Pointe-aux-Trembles. Merci, M. le député de Labelle.

M. Bourdon: Vous dites que les dispositions actuelles de la Loi sur la fonction publique portant sur les normes d'éthique et de discipline, incluant celles sur la neutralité et la liberté politique des fonctionnaires, sont particulièrement bien fondées. Je partage ça, alors, je suis à l'aise pour vous poser quelques questions pointues. Est-il normal qu'un fonctionnaire de l'État qui transige avec des dirigeants d'entreprises sollicite les mêmes dirigeants d'entreprises pour un parti politique? Et l'autre question: Estimez-vous normal qu'on vérifie l'allégeance politique des gens qui demandent un emploi pour le gouvernement? Et la dernière, la troisième: Estimez-vous même normal qu'un cabinet ministériel soit saisi des demandes d'emploi des requérants d'emplois?

M. Poulin (Jean-Noël): M. le député, les deux premières questions que vous avez soulevées, j'aimerais pouvoir y répondre, mais vous comprendrez qu'il pourrait arriver qu'on fasse appel au tribunal qu'est la Commission de la fonction publique pour certains litiges qui mettraient en cause des allégations comme celles-là et je ne pourrais pas, moi, vous donner un avis là-dessus, je serais mal venu.

Quant à la dernière question, il me surprendrait, moi, que les listes de fonctionnaires ou d'éventuels fonctionnaires passent par le circuit des cabinets. Évidemment, nous ne pourrions pas appuyer une telle chose, et j'espère que ça ne se fait pas.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président. Question brève, M. le député des Îles-de-la-Madeleine, sans préambule.

M. Farrah: Très brève, M. le Président. Donc, je ne sais pas si vous avez pris connaissance du mémoire que notro collègue, le député de Saint-Hyacinthe, Charles Messier, a rendu public ici. Alors, c'est peut-être un peu dans la même veine. Donc, je peux présumer que vous n'êtes pas d'accord à l'effet que M. Messier disait ou recommandait, qu'un attaché politique, après trois ans de travail dans un bureau de comté ou un cabinet de ministre, soit affecté à la fonction publique de façon automatique, sans concours, mémoire auquel souscrivait M. le député de La Prairie. Alors, êtes-vous d'accord avec cette position de M. Messier?

M. Poulin (Jean-Noël): M. le député, nous sommes d'accord avec la règle du mérite. La porte d'entrée dans la fonction publique, c'est la règle du mérite. Je dois vous dire que, personnellement, il y a certains arguments qui ont été utilisés par le député qui a comparu devant vous qui me semblent sympathiques. Mais notre position, carrément, c'est que même, malgré des éléments intéressants, la règle du mérite doit s'appliquer. Et nous pensons un peu, comme pour les occasionnels ou en matière de promotion pour les intérimaires, que quelqu'un qui a la chance de prendre des expériences de la nature dont faisaient état les intervenants, devrait être bien placé pour se présenter à des concours et faire bonne figure.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le Président. Une question bien rapide: Avez-vous déjà comptabilisé le coût moyen d'un appel logé par un fonctionnaire devant la fonction publique?

M. Poulin (Jean-Noël): Nous ne l'avons pas fait, M. le député.

Le Président (M. Lemieux): Plus sensible au processus de conciliation qu'à une espèce de judiciarisation...

M. Poulin (Jean-Noël): Oui.

Le Président (M. Lemieux): ...eu égard aux coûts...

M. Poulin (Jean-Noël): Oui, certainement.

Le Président (M. Lemieux): ...qui sont engendrés.

M. Poulin (Jean-Noël): Certainement, M. le député. Je dois vous dire, en réponse à votre première question, nous ne l'avons pas fait, justement parce que beaucoup d'appels qui aboutissent chez nous se règlent par différents modes de conciliation, de médiation, de discussion, comme vous le savez fort bien, de...

Le Président (M. Lemieux): II y a une nouvelle philosophie à la Commission de la fonction publique, avec un nouveau président.

M. Poulin (Jean-Noël): Pardon?

Le Président (M. Lemieux): II y a une nouvelle philosophie à la Commission de la fonction publique.

M. Poulin (Jean-Noël): J'espère que c'est positif, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Moi, je le vois positivement, M. le Président. Alors, nous vous remercions de votre collaboration et de votre participation à cette commission. Nous allons suspendre nos travaux environ trois minutes pour permettre aux Conseil permanent de la jeunesse de bien vouloir prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 32)

(Reprise à 11 h 35)

Le Président (M. Lemieux). À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Auriez-vous... Je demanderais au Conseil permanent de la jeunesse de bien vouloir prendre place à la table des témoins. À l'ordre, s'il vous plaît! Puis-je demander aux membres du Conseil permanent... À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaft! La commission reprend ses travaux. Je demanderais le silence, s'il vous plaît et je demanderais aux députés de bien vouloir prendre place à leur siège. S'il vous plaît. Merci de votre collaboration. Nous allons entendre maintenant le Conseil permanent de la jeunesse. Je demanderais au porte-parole du groupe de bien vouloir s'identifier et de nous présenter les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Conseil permanent de la jeunesse

M. Tanguay (Sylvain): Bonjour, M. le Président. Bonjour, MM. les députés. Mon nom est Sylvain Tanguay. Je suis le vice-président du Conseil permanent de la jeunesse. J'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent: Mme Diane Bois, secrétaire générale du Conseil et Mme Louise Bisson, agente de recherche et de développement au Conseil.

Comme vous le savez certainement, le Conseil permanent de la jeunesse est un organisme consultatif du gouvernement du Québec qui doit informer le gouvernement de toute question relative à la jeunesse. Notre intervention dans le cadre de cette commission, je dirais, vient intervenir sur l'absence, ou en tout cas, la faible représentation des jeunes au sein des effectifs réguliers de la fonction publique et aussi, je dirais, du statut précaire des emplois qui leur sont offerts depuis la tendance des dernières années.

Donc, nous interviendrons particulièrement sur le vieillissement des effectifs de la fonction publique, en présentant un constat de la situation et sur l'importance de mettre de l'avant une politique de rajeunissement des effectifs réguliers, particulièrement de la fonction publique. C'est donc un cri d'alarme que nous venons livrer aujourd'hui afin que cesse ce qu'on pourrait qualifier de mise à l'écart de la fonction publique des jeunes Québécois et Québécoises. Car si les tendances actuelles se maintiennent, les conséquences, tant pour les jeunes que pour la fonction publique elle-même, pourraient être désastreuses. On sait que les jeunes connaissent présentement une situation difficile sur le plan de l'emploi et que la récession dans laquelle nous entrons n'est pas pour aider la situation des jeunes sur le marché du travail.

Un diagnostic a déjà été posé. La fonction publique québécoise, comme bien d'autres organisations publiques ou parapubliques, est vieillissante Les statistiques sur l'effectif régulier de la fonction publique démontrent en effet que les jeunes de moins de 30 ans y sont de moins en moins nombreux Par contre, la proportion des travailleuses et travailleurs âgés entre 35 et 55 ans ne cesse de croître depuis une dizaine d'années. En mars 1990, la proportion de jeunes de moins de 30 ans ne représentait que 6,5 % de l'ensemble de l'effectif régulier de la fonction publique alors que cette proportion s'établissait à 29 % en mars 1980. Ainsi, entre 1980 et 1990, le nombre de jeunes adultes au sein de l'effectif régulier est passé de 15 502 à 3446 personnes, ce qui représente une diminution de l'ordre de 77,8 % en 10 ans. Ce qui n'est pas peu dire.

Pendant cette même période, le groupe d'âge compris entre 35 et 44 ans, comme celui compris entre 45 et 54 ans, augmente en importance. La proportion des 35-44 ans s'établissait à 22,7 % de l'effectif total en 1980, alors qu'elle passe à 42,3 % en 1990 Le groupe d'âge des 45-54, pour sa part, qui représentait 17,7 % en 1980, compte maintenant pour 22,9 % de l'ensemble des effectifs réguliers, donc, un accroissement de ces deux groupes d'âge.

Tout en connaissant une diminution importante de la proportion de jeunes au sein de son effectif régulier, la fonction publique voit également chuter le recrutement de jeunes de moins de 30 ans depuis 1985. Alors qu'à cette époque, ceux-ci représentaient 53,4 % de l'ensemble des personnes recrutées, les jeunes ne comptent que pour seulement 38,6 % du recrutement en 1988-1989. Si l'on tient compte d'un facteur différent, soit celui de l'expérience inférieure à trois ans, on obtient des taux d'embauché plus élevés, mais connaissant aussi une diminution. En 1985-1986, 63,6 % des personnes recrutées possédaient trois ans ou moins d'expérience. En 1988-1989, ce pourcentage se situe à 45,5 %. Parmi ces personnes, le Conseil du trésor estime qu'en 1985-1986, près des trois quarts, 73,9 %, étaient des jeunes de moins de 30 ans, alors qu'en 1988-1989, ceux-ci représentaient un peu moins du tiers, soit 63,9 %. Donc, le diagnostic présente très bien la baisse régulière soit au niveau du recrutement, soit au niveau des emplois, pour les jeunes dans la fonction publique.

Pour juger du poids relatif du groupe d'âge des moins de 30 ans au sein de la fonction publique, on la compare souvent à la population active, c'est-à-dire la main-d'oeuvre en emploi

ou à la recherche d'un emploi. Ainsi, en mars 1990, on constate que les moins de 30 ans représentent 32,1 % de la population active totale, avec une proportion de seulement 6,5 %. Les jeunes de l'effectif régulier de la fonction publique apparaissent donc nettement sous-repré-sentés en regard de la population active. À l'opposé, le groupe d'âge des 35-44 ans, qui constitue 42,3 % de l'effectif régulier de la fonction publique, y est surreprésenté par rapport à la population active, puisque ce groupe ne représente que 26,7 % de la main-d'oeuvre québécoise. Il est donc important, devant un constat aussi clair que le vieillissement de la fonction publique est en accélération, d'assurer le rajeunissement de la fonction publique québé coiso.

Le Conseil permanent de la jeunesse ne peut que s'interroger sur la faible représentation des jeunes dans la fonction publique et, surtout, sur la diminution croissante des personnes de moins de 30 ans recrutées depuis quelques années. Quelle sorte de relève prépare-ton à la fonction publique pour les années qui viennent et pour les années qui viennent de passer?

Les difficultés d'intégration des jeunes adultes au marché du travail sont telles qu'il semble inconcevable aux yeux du Conseil, que les efforts de l'État employeur pour favoriser l'accès à des emplois stables et de qualité à un nombre significatif de jeunes Québécois et Québécoises, soient si mitigés. Pour le Conseil, le rajeunissement des effectifs et la planification de la relève constituent des défis majeurs que l'administration publique québécoise a à relever dès maintenant. Des défis qui, de toute évidence, ne peuvent être dissociés de ceux tout aussi importants que posent le vieillissement d'une organisation. Ainsi, comment peut on, dans l'avenir, assurer l'atteinte de l'objectif principal de la Loi sur la fonction publique, fournir des services de qualité de plus en plus efficaces aux citoyens du Québec, sans s'assurer d'une relève compétente et motivée? Si, à court terme, l'efficience de l'administration publique n'est pas compromise, qu'en est il à moyen terme? Ce vieillissement est inquiétant aujourd'hui et, si rien ne se fait, il sera de plus en plus inquiétant dans les années qui viennent.

Bien sûr, depuis quelques années, on étudie la question du vieillissement des effectifs. On a proposé certaines actions et formulé quelques objectifs à l'égard du rajeunissement, comme les réserves de candidatures pour les diplômés et les objectifs de recrutement aux conditions minimales d'admission des classes d'emploi. Toutefois, force est de constater que les résultats ne sont pas encore très concluants en ces matières. De trop nombreux obstacles entravent, dans les faits, la réalisation de ces objectifs. (11 h 45)

Le Conseil permanent de la jeunesse est convaincu que si le gouvernement ne s'assure pas d'une meilleure représentation des jeunes adultes dans sa fonction publique, il ne peut prétendre favoriser la contribution optimale des diverses composantes de la société québécoise, comme le stipule l'objet de la Loi sur la fonction publique. Dès lors, l'enjeu réside en la recherche de moyens pour concilier les objectifs de rajeunissement de la fonction publique avec les contraintes administratives et les résistances structurelles. Ces moyens devront s'inscrire dans le cadre actuel ou modifié de la Loi sur la fonction publique.

Pour atteindre l'objectif d'une plus juste représentation des jeunes, le Conseil recommande à l'État-employeur de s'engager dans une véritable politique de rajeunissement de sa fonction publique Cette politique devrait, en plus de déterminer des orientations claires en matière de recrutement extérieur, accorder une importance substantielle au mécanisme de suivi et d'évaluation des mesures proposées pour favoriser l'intégration des jeunes dans la fonction publique. Une telle politique devrait aussi, nécessairement, intégrer des mesures visant à favoriser l'adéquation entre la formation scolaire et les besoins de la fonction publique.

De l'avis du Conseil, la politique de rajeunissement de la fonction publique québécoise devrait, en premier lieu, réaffirmer des objectifs précis quant à l'embauche et aux conditions minimales d'admission des classes d'emploi après évaluation des orientations suggérées par le Conseil du trésor, établie actuellement à 65 % pour l'effectif régulier et à 58 % pour l'effectif occasionnel. En l'absence de programme d'accès à l'égalité pour les jeunes, ces objectifs demeurent un des seuls moyens à la disposition de la fonction publique pour favoriser l'embauche de jeunes. Voilà pourquoi il devient extrêmement important pour le Conseil que les objectifs gouvernementaux soient clairement inscrits dans une politique globale de rajeunissement des effectifs réguliers.

Le Conseil permanent de la jeunesse estime aussi qu'une politique de rajeunissement de la fonction publique doit nécessairement prévoir les possibilités, les responsabilités de chacun des acteurs dans le suivi et le contrôle des orientations gouvernementales. À ce titre, fe Conseil permanent de la jeunesse propose que soit nommé dans chaque ministère et organisme un responsable chargé de veiller à l'application des objectifs gouvernementaux de rajeunissement. Ce rôle peut être dévolu à un comité d'intégration des jeunes ou à un répondant à la jeunesse ou bien à la Direction des ressources humaines. Vous avez le choix. De plus, le Conseil estime essentiel d'indiquer dans la Loi sur la fonction publique l'obligation de rendre compte, dans le rapport annuel des ministères et organismes, de l'application des orientations gouvernementales en matière de rajeunissement des effectifs. Pour le Conseil, le rajeunissement de la fonction publique passe aussi nécessairement par la libération

accrue de postes déjà occupés, car il ne saurait être question pour la fonction publique d'une période faste où l'embauche serait, à nouveau, privilégiée. Une politique de rajeunissement devrait donc, de l'avis du Conseil, s'assurer de favoriser les départs volontaires de la fonction publique. Aussi, le Conseil propose-t-il de procéder à l'évaluation des programmes actuels de départ volontaire et d'aménagement du temps de travail, dans l'optique de leurs effets réels et potentiels sur le rajeunissement des effectifs, afin d'être en mesure de proposer des programmes renouvelés qui s'inscriront avant tout dans un objectif de renouvellement de l'effectif régulier de la fonction publique, à la différence d'un objectif d'attrition de ces effectifs.

Les mesures proposées ne devront pas non plus viser uniquement le remplacement des postes ainsi dégagés par des ressources occasionnelles De façon à s'assurer de leur succès auprès des employés, le Conseil insiste pour que les programmes proposés soient assortis de modalités plus incitatives et plus attrayantes pour ceux et celles qui désirent s'en prévaloir.

Nous sommes bien conscients que de tels programmes s'avéreront coûteux mais le Conseil estime que c'est le prix que la fonction publique a, malheureusement, à payer pour avoir manqué à certains de ses devoirs en matière de planification de main-d'oeuvre à long terme.

Compte tenu de ses préoccupations constantes pour l'exode des jeunes des régions éloignées, le Conseil croit qu'une politique de rajeunissement de la fonction publique doit également proposer des mesures permettant de freiner cet exode. Lors des audiences publiques que le Conseil a tenues au printemps 1989, on a pu constater jusqu'à quel point, dans les régions éloignées comme la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine, le Bas-Saint-Laurent, la Côte-Nord et l'Abitibi, les jeunes comme les intervenants et les décideurs locaux sont très préoccupés par le phénomène de l'exode des jeunes. Ceux-ci, contraints de quitter tôt ou tard leurs régions, faute d'emplois disponibles et d'accès à la formation postsecondaire, affirment pourtant leur volonté d'y vivre et d'y travailler et partant, de participer au processus de développement régional. De l'avis du Conseil, l'administration publique québécoise, par sa structure régionale, peut faire preuve de dynamisme et d'innovation, en favorisant l'embauche de jeunes dans leur région d'origine et ainsi contribuer à leur donner une chance d'y bâtir leur avenir comme plusieurs le souhaitent. À ce titre, le Conseil recommande que l'Office des ressources humaines révise ses règlements sur les conditions d'admission, de manière à accepter lors de l'ouverture de tout poste requérant une formation postsecondaire dans ces régions, non seulement les candidatures de personnes dont la résidence principale est située dans la région concernée, mais aussi toutes celles de personnes ayant dû quitter la région pour poursuivre des études postsecondaires, dont principalement des jeunes.

D'autre part, la fonction publique se heurte aussi à la réticence de certains gestionnaires à engager des gens peu expérimentés nécessitant, entre autres, plus d'encadrement. Dans un contexte de restrictions mais aussi d'efficience où il faut faire plus avec moins, on préfère souvent recruter des personnes d'expérience plutôt que d'investir dans de jeunes recrues.

Les statistiques présentées au début de cette présentation le montrent très bien. Malgré les orientations gouvernementales, le manque d'expérience devient souvent, dans les faits, un obstacle à l'embauche de jeunes. Les résultats du recours à la réserve universitaire le prouvent bien pour l'année 1989-1990. Alors que 837 étudiantes et étudiants ont été admis à la réserve universitaire, on a tenu seulement 7 concours pour finalement titulariser 18 candidats ou candidates à des postes sur 837.

À ce chapitre, le Conseil permanent de la jeunesse est d'avis que le pouvoir prévu dans la Loi sur la fonction publique de recourir à des exigences additionnelles dans les conditions d'admission à un concours de recrutement, permet trop facilement aux gestionnaires de contourner les objectifs gouvernementaux en matière de rajeunissement. Sur ce point, on rejoint d'ailleurs la Commission de la fonction publique.

Le Conseil permanent de la jeunesse recommande donc que l'on resserre davantage le recours à ces exigences additionnelles, notamment en matière d'expérience, de façon à s'assurer qu'un nombre significatif de personnes de moins de 30 ans soient en mesure de participer à ces concours. De plus, le Conseil demande que l'État s'engage dans le développement de relations étroites avec les milieux d'enseignement dans le but de pouvoir offrir davantage, au sein de la fonction publique, des programmes d'alternance études travail et de stages pratiques, en conformité avec les exigences scolaires et les besoins de la fonction publique.

De l'avis du Conseil, une politique de rajeunissement dort donc nécessairement prévoir des mesures facilitant l'insertion professionnelle des jeunes. Enfin, le Conseil recommande que l'administration publique, en matière de rajeunissement de ses effectifs, mette en place des mesures adéquates de formation en emploi à l'égard de ses nouvelles recrues. Le Conseil suggère, entre autres, des mesures de parrainage qui mettraient à contribution des employés plus expérimentés, comme des retraitées et retraités à temps partiel, par exemple, facilitant ainsi l'intégration de nouvelles recrues et assurant efficacement l'acquisition des compétences propres aux postes occupés.

Voilà qui complète la partie sur les préoccupations du Conseil face au rajeunissement de la fonction publique. Je vais céder la parole à

Mme Bois qui va vous parier de toute la question inhérente à la précarité des emplois qui sont offerts aux jeunes.

Mme Bois (Diane): À cette nécessité de rajeunir la fonction publique, comme on vient de le démontrer, un deuxième défi s'impose pour nous, soit celui de lutter contre la précarité de l'emploi dans la fonction publique. En effet, un des traits marquants du marché du travail est celui de l'accroissement de la précarité des emplois qui génère ainsi deux classes de travailleuses et de travailleurs, soit, d'une part, les réguliers permanents et, d'autre part, les précaires, sans aucune sécurité d'emploi et bien souvent avec, pour un même travail effectué, des avantages différents.

La flexibilité de l'employeur devient syno nyme d'insécurité et d'absence; do perspectives, même à court terme, pour ces employés. Pour le Conseil, la lutte à la précarité de l'emploi doit être vigoureusement entreprise, car elle ne peut qu'avoir des conséquences négatives sur la participation significative des jeunes à la vie économique et sociale du Québec. La fonction publique n'échappe pas à la réalité de la précarité de l'emploi. Entre 1984 et 1987, la proportion des ressources occasionnelles parmi l'ensemble des employés d'État est passée de 14,2 % à 18 %. Selon les données de mars 1990, cette proportion atteint 19,6 %.

Des données trimestrielles établies de juin 1989 à mars 1990 par l'Office des ressources humaines précise que les jeunes adultes de moins de 30 ans comptent pour plus de 30 % des effectifs occasionnels. Selon une enquête du Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec, au 17 novembre 1989, 42,9 % des cotisants occasionnels étaient âgés de moins de 30 ans. Cette proportion atteignait 73,4 % chez les moins de 25 ans et tombait à 9,9 % chez les personnes âgées de plus de 30 ans.

Certains diront que les emplois occasionnels permettent aux jeunes d'acquérir de l'expérience. De l'avis du Conseil, cette étape générant insécurité et instabilité ne convient pas aux jeunes. À maintes occasions, ils ont démontré le désir d'une insertion durable sur le marché du travail offrant des perspectives non seulement à court terme, mais aussi à moyen et à long terme.

Bien que le Conseil soit conscient que l'emploi occasionnel soit nécessaire dans certaines situations, il évalue, comme d'autres personnes, que l'ensemble de l'effectif occasionnel actuel, soit 19,6 % de l'effectif total, est trop élevé pour ne prétendre vouloir pallier qu'à des besoins ponctuels. L'emploi occasionnel est-il devenu un outil de gestion des ressources humaines auquel succombent trop facilement les gestionnaires? De l'avis du Conseil, l'emploi occasionnel à la fonction publique constitue un investissement en ressources humaines peu rentable. Le personnel occasionnel investit sa force de travail, souvent pour des périodes importantes, sans aucune perspective de voir reconnaître son engagement dans cette organisation. D'un emploi occasionnel à l'autre, motivation, engagement, performance, excellence sont exigés le plus souvent avec un support et un encadrement minimum. Les gestionnaires, quant à eux, investissent minimalement dans du personnel qui quittera à brève ou moyenne échéance, sans aucun pouvoir de le maintenir en emploi s'il est qualifié ou compétent.

Le Conseil estime que la fonction publique doit reconnaître la part de l'engagement du personnel occasionnel en faisant en sorte que le système de dotation des emplois réguliers accorde priorité aux employés occasionnels de la fonction publique lors de l'ouverture de postes. Cette reconnaissance ne peut être réalisable que dans la mesure où le système de dotation des emplois est révisé. Le mode actuel de recrutement des employés occasionnels est fortement critiqué dans l'opinion publique en ce qu'il, croit-elle, ouvre toute grande la porte au favoritisme.

Comment interpréter les faits différemment quand même la Commission de la fonction publique, dans son rapport annuel 1988-1989, rapporte que le manque d'uniformité dans les méthodes utilisées par les divers ministères et organismes ne cesse d'être sources d'irritation, sinon d'iniquités pour les personnes à la recherche d'un emploi occasionnel? Elle est venue, encore ce matin, le réaffirmer dans sa présentation. Alors, l'objectif d'égalité d'accès est mis en cause et la compétence des fonctionnaires mise en doute.

Aussi, le Conseil s'interroge-t-il sur la pertinence de maintenir la dualité du système de recrutement: un pour les postes réguliers et un autre pour les postes occasionnels? Les deux systèmes poursuivent-ils les mêmes objectifs, soit d'assurer la transparence du système et de préserver la crédibilité des concours? Le Conseil croit qu'une évaluation significative des candidatures devrait être assurée, que ce soit pour des postes occasionnels ou réguliers, et rencontrer les mêmes objectifs de transparence et de crédibilité.

Afin de s'assurer du respect du principe de l'égalité d'accès à tous les citoyens et citoyennes de la fonction publique, le Conseil permanent de la jeunesse recommande donc d'évaluer et de revoir le système de dotation des emplois, à la lumière de ce principe, et les objectifs précédemment mentionnés.

En guise de conclusion, j'aimerais porter à votre réflexion la citation suivante du politicolo-gue, M. Léon Dion. "Il est tragique de constater qu'une société qui, dans un contexte difficile, connaîtra au cours des deux prochaines décennies de profondes mutations dans sa culture, son économie, sinon sa politique, se prive à ce point du concours de la jeunesse, ce levain d'idéal et d'imagination créatrice qui, pourtant, devrait

remplir un rôle moteur dans la mise au point d'innovations libératrices dans tous les domaines." Je vous remercie.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie pour la présentation de votre mémoire. Je dois avouer que votre mémoire me fatigue, mais me fatigue d'une manière positive. J'aurais peut-être d'autres commentaires à la fin, mais, M. le député de Saint-Louis... (12 heures)

M. Chagnon: Moi, il ne me fatigue pas, mais il ne m'a pas surpris comme mémoire. Au départ, au nom des membres de notre formation, j'aime rais vous remercier pour l'excellente qualité du mémoire que vous nous avez préparé C'est aussi votre rôle, mais c'est important de continuer à sensibiliser non seulement les élus, non seulement les membres de l'Assemblée nationale, mais l'ensemble de la population sur une problématique qui est tout à fait réelle pour tous ceux qui ont moins - dans votre mémoire, vous parlez des moins de 30 ans, vous m'excuserez, je vieillis un peu - mais les moins de 40 ans, en tout cas, et il y en a ici plusieurs autour, dans cette enceinte et autour de cette table, sauf le président et le député d'Orford. Les citoyens d'Orford ont toujours eu le don et le chic de se choisir un député mûr...

Une voix: Mature.

M. Chagnon: ...et mature, mais sensible à la jeunesse, comme dit le président.

La réflexion que vous faites est un peu celle que tous et chacun d'entre nous avons déjà faite, à savoir que nos aînés, disons les plus de 40 ans, ont joyeusement profité de l'éclosion, de l'explosion et de la création de la fonction publique dans le milieu des années soixante et se sont emparés d'à peu près tous les postes, évidemment les postes de tête, les postes moyens, les postes intermédiaires, professionnels et tout et tout. Ils se sont donné avec le temps la sécurité d'emploi et ils se sont garantis à vie, et là on se retrouve dans une situation où des moins de 40 ans sont aussi scolarisés que leurs aînés, pas d'une génération, mais souvent plus scolarisés que leurs aînés, puis ils se ramassent dans l'éternel cercle vicieux de jobs occasionnels pendant 3, 6, 8 et 10 mois pour faire des emplois de type professionnel, environnementaliste, biologiste, ou bibliothécaire. Finalement, on se pose des questions aussi comme société, les grands gourous se posent des questions. Je me dis: C'est épouvantable, on vit dans une société où on connaît des problèmes de démographie, où on a des taux de rendement démographique à 1,3 %, 1,4 %, puis très curieusement, comment se fait-il qu'une société qui, il y a 25-30 ans, avait des rendements démographiques à presque quatre enfants par famille, s'aperçoive que tu as une difficulté à pouvoir faire travailler tes jeunes?

C'est tes jeunes qui vont avoir des enfants, ce ne sont pas les gens de 55 ans et plus qui vont avoir des enfants, sauf quelques rares exceptions.

Une voix: Sauf le président.

M. Chagnon: ...le président, Pierre Elliott Trudeau, et des affaires de même. Mais, il y a...

Le Président (M. Lemieux): Toute comparaison, en soi, est boîteuse, n'oubliez jamais ça

M. Chagnon: C'était pour lui faire plaisir. Je parlo do Trudeau.

Le Président (M. Lemieux): J'ai compris.

M. Chagnon: C'est évident que la capacité ou l'incapacité d'une société de pouvoir générer des emplois pour ses jeunes, c'est un automatisme pour se créer des problèmes d'ordre non seulement démographique de peuplement, mais aussi de pérennité à une société. Les solutions que vous envisagez vis-à-vis de la fonction publique, on peut les regarder et, peut-être même, dans certains cas, les remettre en question.

En plus du problème mentionné, il y a l'autre problème qu'en 1990, le gouvernement, il ne faut pas se le cacher, c'est une industrie en déclin. Je ne pense pas que demain matin on parte avec 60 000 fonctionnaires, puis qu'on s'attende à monter à 100 000 d'ici deux ou trois ans. S'il y en a qui pense ça, c'est aussi bien de sauter en bas de la fenêtre ou, mieux, la tête en premier. Quand tu as un déficit accumulé d'autour de 40 000 000 000 $, une problématique financière dans laquelle on évolue et dans laquelle on va évoluer pour des années à venir, c'est entendu que ce n'est pas l'explosion du nombre d'emplois dans l'industrie de la fonction publique qui va nous permettre de pouvoir ramasser la clientèle jeune qui va sortir des cégeps et des universités. Par ailleurs, on a d'autres problèmes d'intégration dans la fonction publique et pour lesquels les jeunes sont particulièrement plus sensibles: les problèmes d'intégration des femmes, particulièrement dans les postes de cadres, le problème des handicapés dans la fonction publique, les autochtones, les minorités culturelles, les communautés culturelles. Imaginez-vous, en plus, s'il faut être jeune et membre d'une communauté culturelle, allez-y voir si c'est facile d'être intégré dans la fonction publique? Ce n'est pas un cas particulier pour le gouvernement du Québec, c'est encore vrai pour la ville de Montréal. Il y a pas mal plus de monde des communautés culturelles dans la région de Montréal ou à la CUM.

Vous nous dites: Intégrez un jeune par ministère qui verra à s'occuper de sensibiliser et de fouetter le ministère en question pour qu'il y

soit non seulement sensible, mais aussi ouvert, actif, pour permettre l'intégration de jeunes dans la machine. Il disait: Oui, c'est une solution, mais c'est une solution qui a déjà été mise de l'avant, entre autres par les autochtones, entre autres par les communautés culturelles. Après quatre, cinq, six, sept ans, huit ans dans certains cas, d'expérience, je suis obligé de constater que ça n'a pas eu des effets miraculeux. J'aimerais savoir si, quant à vous, vous avez étudié un peu comment d'autres - entre guillemets, parce que ce n'est pas votre cas - minorités qui ont eu ce réflexe de chercher à régler une situation par le biais d'une personne en autorité dans chacun des ministères... Quel a été le coefficient d'efficacité? Et est-ce que c'est un coefficient d'efficacité que vous voudriez avoir pour vous? Merci.

M. Tanguay: Ce que j'aimerais mentionner, c'est qu'on ne parle pas nécessairement d'un poste pour un jeune par ministère, pour sensibiliser les autres membres du ministère à engager des jeunes. C'est sûr que ce n'est pas une mauvaise idée, que cette personne-là qui soit responsable du suivi et du contrôle des objectifs que le gouvernement se fixe en matière de rajeunissement, que ce soit un jeune qui fasse ce travail-là. Ce n'est pas une mauvaise idée. Cependant, ce qu'on présente, c'est beaucoup plus de dire: Le gouvernement se fixe des objectifs; dans la dernière année, il se fixait des objectifs de 65 % pour l'embauche de l'effectif régulier et 58 % pour l'embauche de l'effectif occasionnel. Ces objectifs-là, est-ce qu'il y a quelqu'un, quelque part, qui fait en sorte qu'ils soient respectés et qu'ils soient poursuivis par les ministères et par l'ensemble de la fonction publique québécoise? À l'heure actuelle, on n'a pas les résultats, on n'a pas été en mesure d'avoir les résultats sur les objectifs qui ont été émis par le Conseil du trésor. On ne sait pas si les résultats sont bons ou s'ils ne sont pas bons parce que ça fait seulement un an. Cependant, on sait qu'il n'y a pas de mécanisme de suivi de ces objectifs-là, et c'est ce qu'on demande, que l'on mette en place une politique de rajeunissement de la fonction publique dans laquelle il y aura des objectifs clairs et précis pour l'embauche des jeunes et qu'on fasse en sorte qu'il y ait un comité de contrôle ou une méthode de contrôle, de suivi pour s'assurer qu'on atteindra les objectifs qui seront fixés.

Le Président (M. Lemieux): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Chagnon: Jo vous remercie. M. Tançjuay.

Le Président (M. Lemieux): M le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Tanguay, mesdames. Moi aussi, je veux souligner l'excellence de votre mémoire. C'est avec beaucoup de plaisir que je l'ai lu, que je l'ai accueilli aussi. C'est un sujet qui n'est pas facile. Les jeunes - je l'ai vécu moi-même - sont un peu victimes du système également, autant au niveau du privé que du public. Sauf qu'au niveau du public, je pense qu'il y a un rôle social et moral qui est relié à tout ça. Je pense que vous avez démontré nettement qu'il y a une sous-représentation des jeunes. Et je pense qu'en tant que gouvernement, on doit se poser la question: Est-ce que notre fonction publique représente adéquatement la population, toutes les couches de la population? Et il y a une sous-représentativlté au niveau des jeunes. Je me posais la question. J'ai dit: Est-ce qu'une solution serait d'inclure les jeunes au niveau des programmes d'accès à l'égalité? À mon point de vue, ce serait néfaste parce que c'est marginaliser les jeunes de dire: Les jeunes, on va les inclure à l'intérieur des programmes d'accès à l'égalité. Moi, je ne pense pas qu'au niveau moral... En tout cas, personnellement, j'aurais de la misère à vivre avec ça parce que ce serait peut-être faire un affront un peu à notre jeunesse, en disant: On les marginalise et on va leur donner un programme d'accès à l'égalité. Sauf que ça ne règle pas votre problème.

Par contre, quand j'ai lu votre mémoire, et je fais référence ici à la page 10 et à la page 15 également - et je vais lire très brièvement - dans le paragraphe qui s'intitule "Les mécanismes de suivi et de contrôle", à la fin du paragraphe, vous dites: "Les responsables ont-ils les moyens d'agir et le pouvoir de faire des recommandations en regard des orientations gouvernementales? Les ministères et organismes sont-ils tenus de rendre compte de leurs efforts et résultats en matière de rajeunissement?" Si je vais à la page 15, dans le troisième paragraphe, "Prévoir des mécanismes et suivis de contrôle", vous dites, au milieu du paragraphe: "Ce rôle peut être dévolu à un comité d'intégration des jeunes ou un répondant à la jeunesse ou à la Direction des ressources humaines.", comme disait tantôt mon collègue de Saint-Louis. Et c'est là que je me suis dit: Voilà peut-être l'importance de l'imputabilité. Parce que, suite à des représentations comme vous venez nous faire aujourd'hui et aussi suite aux nouveaux règlements des commissions où vous pouvez être entendus très facilement, voilà, je pense, un rôle en tant qu'élu, qu'il serait important de dire: Bon, on a rencontré divers groupes de jeunes dont le vôtre, et de dire aux hauts fonctionnaires: Qu'est-ce que vous faites, vous, pour la jeunesse, pour l'intégration des jeunes dans la fonction publique? Ça m'a vraiment sensibilisé au fait... Ça a donné de l'importance encore, c'est très important, mais ça a donné plus de crédibilité à la thèse de l'imputabilité. Je pense que voilà là un moyen. Il ne faut pas rêver, je ne pense pas qu'il y ait de moyen miracle... Je voudrais bien

là, mais je n'ai pas la prétention d'avoir un moyen miracle pour intégrer les jeunes comme je voudrais bien au niveau de la fonction publique, au gouvernement. Mais voilà un moyen - je voudrais vous entendre là-dessus - quand même important, s'il est mis à notre disposition, qui pourra faire en sorte d'avancer le dossier des jeunes au niveau de l'intégration dans la fonction publique. Alors, qu'est-ce que vous on pensez?

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Vous pouvez répondre et après je vais passer la parole à l'Opposition.

M. Tanguay: En tout cas, nous autres, jusqu'où on va sur cette question-là, à savoir que les ministères doivent poursuivre les objectifs, on va jusqu'au point de dire que chaque ministère, dans le rapport annuel de ses activités, doit rendre compte des efforts qu'il a mis de l'avant pour intégrer des jeunes dans son ministère et rendre compte aussi de l'atteinte des objectifs qui lui ont été fixés précédemment par le Conseil du trésor. Nous, on va jusque-là pour les fins de notre mémoire.

Mme Bois: Je vais compléter en ajoutant que si, effectivement, il y a des orientations politiques qui sont mises de l'avant, mais qu'on ne s'assure pas que ces orientations-là sont observées ou appliquées par les gestionnaires, ce sont des voeux pieux; ça demeure des voeux pieux. Je pense que le rajeunissement de la fonction publique, ça demande plus que des voeux pieux, ça prend des actions et une volonté politique de rajeunir la fonction publique. Parce que le vieillissement de la fonction publique pose aussi des problèmes aux gestionnaires en termes de développement de ces personnes-là, de sécurité au travail, de mobilité. Bien souvent, les gens, à un certain âge, peut-être bougent moins dans l'appareil, mais le rajeunissement de la fonction publique... Si demain, on veut une fonction publique compétente et surtout motivée, ça prend absolument des orientations claires, précises, réaffirmées, avec des méthodes qui permettent de s'assurer que les gestionnaires observent ces... Parce que si les jeunes, on les laisse poireauter pendant 10 ans en se disant que c'est conjoncturel, leur situation, on se demande quelle sera leur motivation dans 10 ans, de travailler... d'être sur le marché du travail... parce qu'on les aura mis de côté pendant une période très longue.

Le Président (M. Lemieux): M le député des Îles-de-la-Madeleine, je suis obligé de passer la parole à M. le député de La Prairie, quitte à ce que, à la toute fin..

M. Farrah: En tout cas, je pourrai revenir.

M. Lazure: Merci, M. le Président. C'est bien sûr que ce n'est pas une consolation pour les jeunes que de dire: C'est comme ça ailleurs. C'est vrai que c'est comme ça ailleurs, pas seulement dans les autres fonctions publiques, mais dans le privé aussi. C'est tout le système social actuel qui fait que les jeunes sont dans un cercle vicieux. On vous dit: Instruisez-vous au maximum, c'est un bon placement Une fois que vous ave/ passé plusieurs années a vous instrui re, vous arrivez sur le marché du travail et on vous dit: Non, on n'est pas intéressé, vous n'avez pas d'expérience.

Plusieurs pays européens ont trouvé une solution partielle à cette impasse-là, en accentuant des systèmes qui ont toujours été gardés, en Autriche et en Allemagne en particulier, le système d'apprenti, dans le sens très large du terme; dans le sens très très large, je ne parle pas juste de l'apprenti menuisier, l'apprenti dans n'importe quoi, y compris dans la fonction publique. Je pense qu'au Québec, on devrait regarder de plus près l'expérience de ces pays européens qui réussissent à intégrer le jeune ou la jeune dans le monde du travail par le biais de ces programmes d'apprentissage. On peut appeler ça des programmes de stage, si vous voulez. À cet égard, je vais... Vous en parlez un petit peu dans votre mémoire, du programme de stage. Est-ce que vous avez des suggestions à faire pour améliorer ce programme de stage ou l'étendre?

M. Tanguay: Oui. C'est sûr que nous autres on intervient sur les programmes de stage. Toute la fonction d'apprenti, ce n'est pas un domaine qu'on a étudié ou qu'on a analysé, en tout cas pas dans le sens des employés de la fonction publique. Cependant, la question que ça me pose aussi de penser à un système d'apprenti c'est peut-être de créer une nouvelle classe d'emploi pour les jeunes avant qu'ils puissent accéder, encore une fois, à des emplois réguliers dans la fonction publique. Ce qu'on mentionne aujourd'hui, c'est que l'effectif régulier de la fonction publique est vieillissant. Il y a 6,5 % des gens qui ont moins de 30 ans dans la composition d'ensemble des effectifs réguliers de la fonction publique. On parte de stages, mais de stages pour des étudiants. On dit que, oui, il y a une façon peut-être d'entrer dans la fonction publique par le biais de stages pour des étudiants, mais que ce ne soit pas, je dirais, une marche obligatoire pour entrer comme permanent dans la fonction publique, le fait d'y suivre un stage, après ça d'y être.. Si on met en plus une nouvelle étape qui est d'être un apprenti et après ça on deviendra un travailleur régulier de la fonction publique... Mais les jeunes d'aujourd'hui qui ont 24, 25 ans ou 28 ans, qui sortent des universités, qui sont prêts à travailler, il ne faut pas... On dit souvent, la relève, mais cette relève-là qui a ?4 ans, qui sort de l'université à 25, ce sont des gens qui sont prêts à travailler, qui ont été

formés pour embarquer sur le marché du travail. Si, une fois qu'ils sortent de l'université, on les embarque dans un système d'apprentissage, qu'on fait, à toutes fins pratiques, par les emplois occasionnels, on retarde de plus en plus l'accès à un emploi régulier et stable dans la fonction publique et, à ce moment-là, on va penser que, pour avoir un accès stable à la fonction publique, il faut avoir 35 ou 38 ans. (12 h 15)

M. Lazure: M. le Président, moi je ne préconise pas ce système là, mais jo dis que des pays européens ont trouvé cette façon-là commode.

Deuxièmement, le vieillissement... Vous savez, le paradis perdu, vous no le retrouverez pas. De 1960 à 1975, c'était le paradis pour les jeunes. Et vous avez la malchance de ne pas être nés à ce moment-là... de ne pas avoir atteint l'âge de 25 ans à ce moment là. Parce que tout le monde à 25 ans, 30 ans, pouvait rentrer dans la fonction publique. C'était la construction de la fonction publique. Elle commençait en 1960. Or, c'est sûr que de 1960 à 1975, on allait vous chercher à la sortie de l'université. Mais là, il y a une consolidation et le vieillissement, il faut faire attention. J'aimerais ça qu'on compare l'âge moyen de la fonction publique ici au Québec avec l'âge moyen de la fonction publique en France ou en Angleterre ou en Allemagne. On se rendrait compte probablement qu'on est plus jeunes ici que dans ces pays-là. Alors, je pense que vous ne ferez pas beaucoup, quant à moi, de millage - expression commune - en utilisant juste ces pourcentages-là. C'est épouvantable, on a juste tant de pour cent de jeunes dans les nouveaux. C'est normal qu'il en soit ainsi dans le moment. Ce qui n'est pas normal, c'est que vous restiez occasionnels, par exemple, et que vous soyez embauchés comme occasionnels Après combien d'années comme occasionnels, vous devriez devenir permanents d'après vous? Titularisés. Avez-vous une idée là-dessus?

Mme Bois: De un an à dix ans finalement. Parce que nous on dit: Par rajeunissement de la... Il y a des gens qui sont en poste...

M. Lazure: Voulez-vous rétrécir votre fourchette un peu? Ha, ha, ha!

Mme Bois: Parce qu'il y a des gens qui... J'ai peut-être mal compris la question. On sait qu'il y a des gens qui occupent des postes occasionnels pendant 10 ans et ils sont encore occasionnels.

M. Lazure: Ce n'est pas ça ma question. Mme Bois: Excusez-moi.

M. Lazure: Non, je suis bien conscient de ce problème-là. Je vous demande... Étant donné que ça va prendre quelques années avant que le gouvernement corrige cette situation aberrante d'avoir 40 % des employés qui sont des occasionnels, comme dans les hôpitaux, d'ailleurs, ça va prendre quelque temps avant que ça soit corrigé. En attendant, est-ce que vous seriez d'avis qu'un occasionnel, qui est occasionnel depuis trois, quatre, cinq ou six ans, surtout toujours au même poste, ne devrait pas devenir permanent?

Mme Bois: Je pense que la proposition du Conseil est qu'on révise le système de dotation, un peu comme le disait la Commission de la fonction publique, c'est-à-dire le recrutement au mérite, c'est à dire autant pour les occasionnels que pour les permanents, pour faire en sorte que les personnes qui occupent des postes occasionnels puissent avoir accès, avoir au moins une perspective de devenir permanentes. Elles investissent à force de travail et, pour le gestionnaire, ça devient rentable dans la mesure où il sait qu'il va pouvoir maintenir la personne en emploi. Actuellement, ce n'est le cas ni pour l'un ni pour l'autre. Nous disons: Révisons le système de dotation au niveau du recrutement des occasionnels pour leur permettre de devenir occasionnels, on n'a pas fixé de temps, à savoir deux ou trois ans, ça pourrait être lorsqu'un poste s'ouvre, il y a une espèce de priorité d'embauche aux occasionnels, parce qu'ils auront été recrutés sur la base du principe du mérite.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Je m'ajoute aux autres pour vous féliciter de votre mémoire. Mais il est sûr que l'État québécois ayant pris son ampleur dans une décennie particulière, de 1960 à 1970, ça place les jeunes, aujourd'hui, dans une situation très défavorable.

Je voudrais cependant dire que ceux des jeunes des années soixante qui ont pris le professionnel plutôt que le général sont dans une situation qui devient de plus en plus précaire aussi. Moi, je rencontre des travailleurs de Vickers qui ont une misère invraisemblable à aller se chercher une carte de compétence parce que ceux de ma génération qui avaient la formation en sciences humaines et qui ont occupé l'État, ont décidé que le diplôme faisait foi de tout. Ça a développé que les changements de nature industrielle qui se passent dans l'est de Montréal, par exemple, décroissance des chantiers maritimes, des chemins de fer et pas d'industries de remplacement encore, ces gens-là sont démunis parce que la formation en emploi, on n'a pas fait ça non plus. On a favorisé la scolarisation et là, on a le paradoxe de jeunes qui sont surscolarisés par rapport aux emplois qu'ils occupent et de travailleuses et travailleurs dans la cinquantaine qui sont sous-scolarisés pour pouvoir s'adapter aux changements de l'économie.

Ce que j'apprécie dans votre mémoire, c'est que vous ne mettez pas de l'avant l'idée d'enlever les gens plus âgés pour mettre les jeunes. Vous pensez plutôt à des mesures incitatives pour essayer de renouveler la fonction publique Dans ce sens-là, je trouve que ça a de l'allure. Mais même si ça déborde un peu le cadre, je voudrais vous souligner que, dans le fond, il y a la fonction publique qui peut jouer un rôle à cet égard, mais que le problème de fond aussi, c'est le peu d'importance que notre société a attaché jusqu'ici à l'emploi. Ça ne va pas de soi, cette question-là. Ce que j'entends par là, c'est qu'il peut... Je suis parfaitement d'accord avec vous qu'il doit se faire quelque chose de mesurable dans la fonction publique et quo ça doit favori ser ceux qui ont été exclus jusqu'ici par la force des choses; donc, des mesures positives. Je pense que, pour l'ensemble de la société, le secteur public ne suffira pas à procurer de l'emploi. Je finis avec ça. Quand il y a eu des émeutes en Angleterre il y a quelques années, j'avais été très touché de voir qu'à Manchester, par exemple, 90 % des jeunes de cette grande ville industrielle avaient la garantie de ne jamais travailler. Le mélange de scolarisation et d'absence d'opportunités réelles de travailler ça crée des mélanges qui peuvent être détonnants à un moment donné.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. C'est un commentaire?

M. Bourdon: Oui.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Alors, je veux simplement vous faire état de ceci: C'est que la commission a à sa disposition une étude qui porte sur le profil de l'effectif régulier do la fonction publique et elle a l'âge moyen des entrées en fonction par catégorie d'emplois et par sexe, de même que la répartition par âge de l'ensemble de l'effectif régulier. Et, effectivement, c'est inquiétant quand on se rend compte que la moyenne d'âge est d'au-dessus de 30 ans, il y a de sérieuses questions à se poser. Vous avez raison de vous demander: quelle sorte de relève prépare-t-on à la fonction publique, à la jeunesse, ici au niveau de la fonction publique québécoise? Mais on est sensibles La Commission de la fonction publique, dans son mémoire à la page 21, disait aussi que les conditions et les exigences additionnelles avaient pour effet de bloquer l'accès à la fonction publique aux jeunes diplômés. Je pense que la Commission aura à réfléchir sérieusement sur cet aspect là parce que je veux que vous sachiez que, nous aussi, on est bien conscients que nos effectifs vieillissent et qu'on aura un renouvellement des cadres à faire d'ici l'an 2000 et l'an 2000, c'est dans 10 ans seulement. Il va falloir que des organismes, il va falloir que des gens songent sérieusement à préparer une fonction publique pour l'an 2000 et ce n'est pas nous qui allons être là, ce sont des gens comme vous qui vont être là. C'est un commentaire tout simplement! M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Oui, brièvement parce que je pense que mon collègue d'Orford a aussi des questions à poser. Tantôt quand on faisait le constat, on disait: Ça prend une volonté aussi gouvernementale et politique. Je pense qu'il faut admettre que ça prend une concertation tant au niveau gouvernemental des hauts fonctionnaires qu'au niveau des syndicats également. La question se pose: A ton la marge de manoeuvre nécessaire au niveau des conventions collectives, pour faire en sorte de donner une priorité ou une préférence ou donner une plus grande accessibilité aux jeunes? Je pense que c'est un débat qui doit se situer à tous ces niveaux-là pour s'assurer qu'il y ait une concertation et que le message passe à tous les niveaux dans la fonction publique. J'aimerais peut-être vous entendre là-dessus.

M. Tanguay: C'est sûr que la concertation, ce n'est jamais nuisible pour autant que ça se fasse dans un temps défini, que ça ne prenne pas des années et des années avant d'être efficace. D'autre part, ce qui est important aussi c'est que dans l'immédiat, on parlait de renouveler les cadres de la fonction publique pour l'an 2000, si on veut arriver à l'an 2000 et avoir une fonction publique en santé, il faut commencer à poser des gestes. Ces gestes-là ne demandent pas nécessairement que la loi soit modifiée ou que ça coûte des fortunes. Ça demande entre autres que l'on resserre la possibilité de détourner les mesures ou les normes d'embauche pour favoriser, je dirais, le critère d'embauché minimum pour les statuls d'emploi. Déjà là, ce sera une chose qui, mise en application, appliquée par tous les ministères, pourrait faire en sorte que les jeunes aient accès, tout au moins, aux concours de recrutement. Déjà, il y a des gestes qui pourraient être posés. Puis on n'a peut-être pas les meilleures solutions, mais il faut aussi s'enlever de l'idée que le constat est de dire: Dans 10 ans, ça va se rétablir et de dire aussi: c'est sûr, les années soixante et le début des années soixante-dix ont fait en sorte qu'on a mis en place la fonction publique et, là, il n'y a pas bien de place. Alors, c'est bon de nous sensibiliser Mais, nous autres, on vous sensibilise en vous disant: Pensez à ce qu'il y ait des gestes qui doivent être posés rapidement pour faire en sorte que les jeunes entrent dans la fonction publique et commencent à renouveler la force de travail de la fonction publique, parce que d'ici 10 ans, quand on viendra à se dire: Bon, là, il faudrait faire quelque chose, il sera peut-être un peu trop tard. Et on arrivera avec une perte de l'expérience des gens qui seront sortis et tout un

groupe qui va rentrer et qui va être sans expérience.

Alors, commençons immédiatement à faire entrer des jeunes pour qu'on ait une fonction publique d'expérience en l'an 2000 autant qu'on l'a présentement.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député de Limoilou, une dernière question. Je dois passer après M. le député de Labelle. Je devrai donner deux minutes de plus au député de Labelle.

M. Després: Oui. Juste rapidement, peut-être avec l'annonce du président du Conseil du trésor la semaine dernière où il parlait de la conversion de 3500 postes d'occasionnels en postes de permanence. Vous donnez que 30 % des jeunes... En tout cas, cette annonce-là devrait aider un peu l'accès des jeunes à ces postes de permanence si les jeunes occupent présentement 30 % des postes.

Mme Bois: Actuellement, les mesures ne permettent pas à ces 30 %, selon le système de..

M. Després: Pas automatiquement. Mme Bois: Pardon?

M. Després: Allez y. Pas automatiquement, mais il y a 30 % des postes occasionnels...

Mme Bois: Non, actuellement, le système, c'est que si un poste s'ouvre, on s'en va selon le système soit de réallocation des ressources, mutation, promotion, affectation ou on s'en va au recrutement. Les occasionnels doivent poser leur candidature au niveau du recrutement. On n'a peut-être pas évalué la candidature au mérite, au départ, ce qui fait que ces personnes-là peuvent aussi être mises de côté.

M. Després: II y a une chose que j'aimerais savoir, M. le Président, parce que je sais que vous me donne? peu do lomps Dans un autre ordre d'idéo, en ce qui concerne les autres fonctions publiques canadiennes, es! ce que vous avez regardé ce qui se fait ailleurs, c'est-à-dire est-ce que le pourcentage des jeunes dans la fonction publique correspond dans les autres fonctions publiques sensiblement au même type de pourcentage, premièrement? Et, deuxièmement, est-ce qu'on a instauré, à certains endroits, dans d'autres fonctions publiques, des programmes, précisément, que ce soient de stages ou d'intégration pour favoriser l'intégration des gens dans les nouveaux postes de permanence?

Mme Bois: On regrette de vous informer que le temps ne nous a pas permis de faire l'analyse de ce qui se passe effectivement dans les autres fonctions publiques, sauf qu'on se promet de s'attarder à ça. J'aimerais juste ajouter quelque chose concernant la réflexion sur la concertation. Moi, il y a une chose qui m'inquiète. C'est, comme on le sait, que les employés réguliers ou les membres des syndicats sont des personnes âgées de plus de 30 ans, au niveau de la concertation, est-ce que les syndicats vont vraiment défendre des personnes qui ne sont pas membres de leur organisation, finalement? Alors, la concertation, moi, je pense qu'elle devrait aller plus loin que ça et peut-être inventer de nouvelles pistes. Tantôt, on parlait de formation professionnelle. Bien, on est peut-être contre des systèmes d'apprentissage comme tels, mais on est pour des programmes d'alternance études-travail qui permettent aux jeunes d'entrer dans la fonction publique et de prendre de l'expérience, de connaître la culture de la boîte, de développer leurs habiletés, ce qui ferait que, par la suite, les gestionnaires seraient intéressés, après leurs études, d'aller les chercher parce que ces personnes auront déjà un petit peu plus d'expérience. Moi, je pense qu'il faut trouver des mesures simples, concrètes pour permettre aux jeunes d'aller chercher un peu d'expérience avant la fin de leurs études, pour leur permettre d'aller chercher un emploi à la fin de leurs études, pour que l'obstacle du manque d'expérience soit diminué, finalement.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie. Non, M. le député de Limoilou, on ira...

M. Després: Tout simplement, en terminant, M. le Président, juste pour mentionner à Mme Bois...

Le Président (M. Lemieux): ...à moins que vous ne vouliez...

M. Després: Non, juste un commentaire. Je voulais juste mentionner à Mme Bois que si jamais vous aviez des informations ou des données concernant les autres fonctions publiques qui pourraient servir aux membres de la commission comme analyse ou des recommandations éventuelles de nous les fournir...

Mme Bois: On serait heureux de collaborer, oui.

M. Després: Merci.

Le Président (M. Lemieux): Alors, je vous remercie, M. le député de Limoilou. Écoutez, M. le député d'Orford, vous n'êtes pas membre de cette commission. Je sais que vous avez demandé la parole, mais je dois passer la parole au député de Labelle. S'il y a consentement, à la fin, pour que vous posiez vos questions, il n'y aura pas de problème si l'Opposition y consent. M. le député de Labelle.

M. Léonard: M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle, vous avez pas loin de 10 minutes. ( 12 h 30)

M. Léonard: M. le Président, je voudrais féliciter ceux qui sont venus présenter leur mémoire. J'ai écouté cette discussion et je suis frappé par cette expression "l'an 2000". J'ai toujours pensé que lorsqu'on reportait la solution des questions à 10 ans, ça voulait dire qu'on n'en apportait pas. Quand on voyait la fonction publique en l'an 2000, ça voulait dire, finalement, qu'on n'avait pas le goût de prendre des mesures qui s'imposaient pour corriger les problèmes qu'on avait à court terme.

Je pense qu'il faut se poser la question maintenant. Et la question qui est posée par les jeunes, n'est qu'ils n'ont pas accès à la fonction publique, purement et simplement et que, nous,, quand nous disons que nous en sortirons dans 10 ans, c'est que nous nous protégeons très bien, parce que nous ne serons plus là et que les autres, ceux qui y seront entrés, ils vont raisonner comme nous et i\s attendront leurs 10 ans, parce qu'on reste 25 ans, 30 ans peut-être, pour ceux qui durent tout le temps dans une fonction comme celle-là.

Moi, je pense qu'il est dramatique que les jeunes n'aient pas accès à la fonction publique plus que maintenant. Dramatique! On avait des expressions au niveau universitaire, mais on sait très bien qu'à partir de 60 ans, on se souvient qu'on a eu des idées et qu'on n'en a pas beau coup de nouvelles. On se souvient qu'on en avait. Et le caractère dynamique d'un corps, tant au privé qu'au public, est déterminé, en bonne partie, par les jeunes qui entrent avec des idées neuves. Et je ne voudrais pas le faire en termes de flatterie envers les jeunes actuellement, pas du tout, parce qu'on pourrait dire toutes sortes de choses là-dessus. Mais c'est un fait que c'est comme ça.

Donc, je pense qu'il faut se poser la question maintenant. Et la fonction publique dans l'an 2000 va refléter les décisions qu'on va prendre maintenant en ce qui concerne les jeunes.

Je crois une chose. Et j'ai posé plusieurs questions là-dessus depuis le début de la commission. Un des problèmes que nous avons, c'est celui de la mobilité dans la fonction publique, de la polyvalence de nos employés, ce qui fait que nos jeunes ne peuvent pas entrer facilement. C'est que nous sommes assis sur des chaises et rivés nous-mêmes à nos chaises.

Alors, ça, ça ne fait pas un organisme très dynamique lorsqu'on s'en tient à cela. Et il y a une mobilité à l'intérieur qui est défaillante, mais aussi entre le secteur privé, le reste du monde et la fonction publique. Et, ça, quand on aura assumé, assuré cela, je pense que, là, on va en ouvrir des postes. Lorsqu'on va vouloir faire des efforts pour faire changer des gens d'endroit, je pense que, là, on va en ouvrir des postes et je pense qu'au Québec, on a été beaucoup trop rivés sur cette question de la sécurité d'emploi, beaucoup trop rivés et que ça a eu des impacts considérables par la suite.

Évidemment, on pourrait dire plein de choses Je pense aussi que l'avenir, ça va être vous l'ave/ mentionné par rapport à la formation - des stages en emploi, des périodes d'emploi, des périodes de formation en lien ou pas avec l'entreprise, mais il faut voir ça dans ce sens là.

Alors, j'aurais peut-être une question très générale. Mais il me semble qu'on devrait la poser. C'est quoi, les perspectives pour vous de la fonction publique, qu'est-ce que c'est une fonction publique ou qu'est-ce que c'est l'État pour un jeune qui rentre sur le marché du travail ou qui vont entrer, pourrait en dire, parce qu'il n'est pas rentré tout de suite?

Le Président (M. Lemieux): Oui?

M. Tanguay: Ce que ça représente pour les jeunes, ce que ça aurait dû ou ce que ça devrait représenter, je dirais, c'est une certaine stabilité d'emploi.

M. Léonard:...

M. Tanguay: Bon.

M. Léonard: Mais...

M. Tanguay: Sauf qu'on n'en est plus là.

M. Léonard: Je pense que ce que je viens de dire, pour moi, ce n'est pas nécessairement un avantage, une stabilité.

M. Tanguay: En tout cas, ce n'est pas un avantage. Quand on est dans une...

M. Léonard: Bien, c'est un avantage pour la personne, mais d'un point de vue de l'État, je me pose la question.

Mme Bois: Je pense que la fonction publique...

Le Président (M. Lemieux): Oui, j'ai compris que vous n'étiez pas tout à fait d'accord. Allez-y avec votre collègue de droite.

Mme Bois: Je pense que le Conseil a tenu des audiences publiques en 1989. Les jeunes sont venus manifester leur désir de travailler, d'avoir des emplois durables. Ils ont, à la même occasion, manifesté leur désir de travailler pour la fonction publique si elle était en mesure de leur offrir des emplois où il y aurait une possibilité de développement de leur carrière. Ça prend

aussi des emplois intéressants. Ça prend des emplois où la fonction publique est dynamique. Si la fonction publique ne bouge pas, probablement que les jeunes ne seront pas intéressés à travailler dans la fonction publique. Mais si les emplois qu'on leur offre, sont des emplois durables et de qualité, des emplois où ils peuvent faire aller un peu leur imagination, être créateurs .

Le Président (M. Lemieux): C'est ce que je voulais entendre de vous!

Mme Bois: ...avec des possibilités de se bouger et des possibilités de développer leurs compétences par des programmes de formation en emploi, je pense que les jeunes seront intéressés. Mais je pense qu'ils ne sont pas intéressés à traîner derrière un bureau et à ne pas bouger.

Le Président (M. Lemieux): M le député de Labelle, la parole est à vous

M. Léonard: Je suis d'accord avec ça Je n'ai pas de problème. Mais combien de temps un emploi est-il intéressant pour une personne, à votre avis?

Mme Bois: Moi, d'après mon observation à moi, grosso modo, même si je suis un peu jeune, je pense que les gens qui entrent dans un emploi en fonction publique demeurent pas plus de 4 ans dans un emploi. Et on se rend compte que les personnes âgées de 45 ans ont moins besoin de relever des défis. Elles ont leur famille; elles veulent diversifier un peu leur intérêts. Peut-être que les jeunes, au début de leur carrière, ils ont le goût de prendre des bouchées doubles, d'aller voir un peu tout ce qui se passe et d'acquérir beaucoup de connaissances.

Moi, je ne pense pas que les jeunes restent dans un même emploi très longtemps, sauf que je pense que c'est juste un enrichissement pour la fonction publique de voir que des jeunes vont dans différents ministères avec des cultures différentes, des façons de travailler, avec une infinité de programmes. Je pense que c'est un plus pour la fonction publique que des jeunes bougent, contrairement à des gens qui ne bougent pas.

M. Léonard: Je suis tout à fait d'accord. Madame est en train d'illustrer le point que je voulais dire. c'est-à-dire plus une fonction publique vieillit, moins elle bouge. Alors, il faut donc rassurer la mobilité, la polyvalence, intégrer des jeunes. Je voulais faire ce point.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le député de Labelle Est ce qu'il y a consentement - ce serait vraiment terminé -pour que le député d'Orford pose une question? Un instant, s'il vous plaît!

M. Léonard: Bien rapide!

Le Président (M. Lemieux): Bien rapide? Alors, il y a consentement, M. le député d'Orford, de la part de la commission.

M. Benoit: À la page 17 de votre mémoire, vous soulignez un double problème. D'abord, les jeunes qui n'ont pas accès à la fonction publique, mais les Jeunes aussi qui quittent les régions. Et vous arrivez avec un voeu pieux, faire preuve de dynamisme et d'innovation en favorisant l'embauche des jeunes dans les régions d'origine. On sait tous le problème de l'exode des jeunes des régions qui est absolument extraordinaire, dans des régions comme les Îles-de-la-Madeleine, le bas de la Gaspésie, même des sous-régions, des villes comme Coaticook qui sont à une heure de Sherbrooke, où on voit les jeunes quitter pour aller vers les grands centres. Jusqu'où iriez-vous dans ce voeu pieux-là, si vous aviez à le mettre dans la réalité des choses d'aujourd'hui? "Preuve de dynamisme et d'innovation", ça veut dire quoi, ça? Est-ce que vous exigeriez une adresse dans la ville où on l'engage? Est-ce que vous exigeriez que le concours stipule que la personne a dû faire ses études là? Jusqu'où êtes-vous prêts à aller dans une mesure pratique?

Le Président (M. Lemieux):...

M. Tanguay: Ce qu'on mentionne sur ce point-là, c'est que les postes qui sont ouverts dans les régions soient accessibles aux jeunes qui proviennent de ces régions-là, mais qui ont dû quitter ou qui habitent à l'extérieur, parce qu'ils ont dû quitter pour aller soit travailler ou pour aller se former, que ce soit au collégial ou à l'université. Je dirais que la condition, c'est d'être originaire de la région. L'autre condition, celle qui est appliquée présentement, c'est d'être résident On ne peut pas demander à des jeunes qui sont allés se former à l'extérieur d'être nécessairement résidents de leur région d'origine. Ils n'y seront pas résidents s'ils ne peuvent pas aller y travailler.

Donc, c'est sûr que ce n'est pas la mer à boire, les emplois qui peuvent être offerts aux jeunes qui sont partis de leur région dans la fonction publique, sauf que c'est là une intention qui peut porter fruit dans tout le réseau parapu-blic du gouvernement aussi.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député d'Orford. Pour terminer, M. le député de

Labelle avait un petit commentaire à ajouter, je pense.

M. Léonard: Oui. Je voulais simplement mettre en lumière un graphique qui a été déposé devant la commission par M. Bélanger, une des études qui démontre que trois catégories d'em-

plois comptent plus de 40 % de leurs membres éligibles à une retraite avec pleine pension d'ici l'an 2000, soit dans moins de 10 ans: La haute direction, la gérance, les cadres intermédiaires et les ouvriers. Ça, ça veut dire qu'il y a de la place dès maintenant, 40 % d'ici 1O ans. Je pense que le taux d'embauche qui s'est passé entre les années soixante et soixante-dix, ça doit être à peu près équivalent à ce qu'il y a là. C'est ça que ça veut dire. Alors, je trouve que vous arrivez justement à un bon moment pour poser la question par rapport aux jeunes. C'est qu'on va renouveler la fonction publique à partir de maintenant et pas en l'an 2000.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Labelle. Alors, nous vous remercions pour votre collaboration et la présentation de votre mémoire. Et je demanderais maintenant à M. Jocelyn Dionne de bien vouloir prendre place à la table des témoins. Nous allons suspendre environ deux minutes seulement.

(Suspension de la séance à 12 h 35)

(Reprise 12 h 41)

Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux et nous allons entendre maintenant M. Jocelyn Dionne. Nous voulons bien vous entendre, M. Dionne, si vous voulez bien commencer.

M. Jocelyn Dionne

M. Dionne (Jocelyn): Je me présente, Jocelyn Dionne. Je suis professionnel au ministère des Communications depuis cinq ans et demi, presque six ans. La particularité de mon statut, c'est que je suis occasionnel. On en a parlé largement ce matin. On en reparle encore. Je ne lirai pas mon mémoire, je vais le résumer parce que j'ai vu que le temps passe.

Le Président (M. Lemieux): Nous l'avons tous lu. Nous ne l'avons pas apporté, nous l'avons tous lu.

M. Dionne: Je tiens à remercier d'abord la commission de me permettre l'occasion d'exprimer et de raconter le vécu d'un occasionnel au gouvernement du Québec. Le but que je me suis fixé en venant ici, c'est d'abord pour garder mon emploi, faire en sorte que la commission soit consciente du risque que je cours d'ici quelques mois.

Le Président (M. Lemieux): Soyez bien à l'aise, vous êtes chez vous ici.

M. Dionne: Merci. La deuxième partie du but, c'est que j'aimerais que la commission demande à mon employeur d'être loyal à mon égard. Le vécu d'un occasionnel au gouvernement du Québec, ce n'est pas facile. J'ai 42 ans, donc ça veut dire quo j'ai accédé dans la trentaine à un tournant de ma carrière où j'avais à faire un choix. Je quittais l'entreprise privée à mon compte et je pensais que dans la spécialité où je suis comme agent d'information en communication, c'était une ouverture intéressante, sérieuse, pour un projet de carrière En y accédant comme occasionnel, ça ne me dérangeait pas parce que je me disais: Je vais faire des sacrifices, je vais faire des concessions. Peut-être qu'un jour je pourrai envisager une carrière de façon sérieuse. Mais après cinq ans et demi, je me rends compte que ça a plus l'air des illusions qu'autre chose. Alors, si je veux conserver mon emploi, il faudrait envisager sérieusement les changements à la loi actuelle. Parce que, autant la Loi sur la fonction publique que les autres lois qui conditionnent le travail des citoyens au Québec, j'entends les normes du travail ou les droits de la personne, ne nous touchent pas Alors on est un peu une classe a part à l'heure actuelle. (12 h 45)

L'article 83 de la Loi sur la fonction publique m'exclut des systèmes de gestion, des méthodes de gestion prévues dans la Loi de la fonction publique et je suis soumis strictement aux directives arbitraires du Conseil du trésor. Il y a une directive qui vient de passer dernièrement, en juin, qui dit que dorénavant un emploi d'occasionnel sur projet spécifique ne devra pas durer plus de deux ans. Je comprends bien l'objectif qui est valable, parce que finalement le poste que j'occupe actuellement est dans la liste des 3500 qui deviendront permanents possiblement, et dès l'instant où le Conseil du trésor aura donné son accord, moi, je viendrai de perdre mon emploi. Et à 42 ans, je pense que ça me fait réfléchir sérieusement. J'aimerais que la commission en prenne conscience.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. Dionne. M. le député de Saint-Louis, est-ce que vous avez des commentaires?

M. Chagnon: Je pense que le cas de M. Dionne - et je vous remercie de venir témoigner devant la commission - le cas de M. Dionne n'est pas un cas particulier. La problématique des occasionnels qui a été soulevée est un peu particulière. Vous savez que le Conseil du trésor a annoncé au début de ces travaux qu'il avait l'intention de titulariser 3500 des 12 000 postes occasionnels que compte la fonction publique actuellement.

J'avais.. Je remarque que dans le plaidoyer de M. Jocelyn...

Une voix: Dionne.

M. Chagnon:... Dionne, Dionne, je m'excuse,

de M. Dionne, il y a quelques questions que je pourrais me poser. Vous parlez de la précarité des emplois, vous parlez des avantages sociaux inférieurs d'une personne assise entre deux chaises. Je sais, il me semble, en tout cas, que, parmi les avantages sociaux inférieurs des occasionnels, moi, je serais porté à nuancer un peu. Les fonctionnaires et les ouvriers occasionnels ont deux statuts. Il y a ceux qui sont engagés pour plus d'un an et ceux qui sont engagés pour moins d'un an. Ceux qui sont engagés pour plus d'un an ont exactement les mêmes avantages sociaux que les employés réguliers de la fonction publique. On s'entend là dessus.

M, Dionne: C'est vrai.

M. Chagnon: Les occasionnels qui sont engagés pour moins d'un an bénéficient, eux, d'un supplément de traitement de 11, 12 % par année s'ils sont fonctionnaires ou ouvriers et 6, 5 %, si ma mémoire est bonne, s'ils sont professionnels, pour les dédommager de certains inconvénients et certaines clauses qu'ils n'ont pas à leur contrat d'occasionnels comme, je ne sais pas quoi, l'absence de certains avantages sociaux, congés de maladie, événements familiaux, les problèmes qui peuvent se poser pour une mère ou un père de famille dans certaines circonstances et ce ne sont pas des avantages sociaux qui sont prévus dans la convention collective des occasionnels. Mais il y a une réparation, je dirais, de l'État qui est do 11, 12 % pour les fonctionnaires et ouvriers et vous m'avez signalé que vous étiez professionnel, donc de 6, 5 % en deçà de votre salaire et en deçà du salaire qui est le même salaire qu'un autre employé professionnel pour corriger ces écarts-là. N'est-ce pas le cas?

M. Dionne: C'est le cas sauf que ça, ce sont des gains, ce sont des avantages qui sont consentis pendant la période d'emploi. Sauf que lorsqu'on est licencié, on le redonne automatiquement à la Commission de l'assurance-chômage, parce que ces gains-là sont considérés comme du salaire qui entre après la période de travail. Alors, ils le déduisent en partant des bénéfices que tu pourrais retirer de l'assurance-chômage. Donc, les avantages que le gouvernement du Québec m'a donnés sur ma paie au jour le jour, à la fin de mon contrat, je les redonne en bloc à l'assurance-chômage. Alors, je suis devant rien.

M. Chagnon: Oui, mais ça, peut être là.

M. Dionne: II y a peut-être des ajustements à faire et des ententes à prendre à ce niveau-là.

M. Chagnon: Sauf que là, votre employeur, ce n'est pas l'assurance-chômage, c'est le gouvernement du Québec, le ministère des

Communications, ce que vous nous avez dit. Alors, si le ministère des Communications vous donne un bonus de 11, 12 % ou de 6, 5 %, il ne faut pas lui en vouloir là.

M. Dionne: Non, non, je...

M. Chagnon: On peut corriger ça rapidement si le syndicat est d'accord. On peut l'enlever. Mais c'est..

M. Dionne: Ha, ha, ha! Ce n'est pas ça que je veux dire. Je veux dire que, justement, la différence, la correction qui est apportée en cours d'emploi, finalement, je la perds en partant. Ça ne m'a pas avancé. Donc, c'est pour ça que je considérais que les avantages sociaux sont...

M. Chagnon: Qu'est-ce qui vous motive à continuer d'être occasionnel au ministère des Communications?

M. Dionne: Mais d'abord, le travail de communicateur au gouvernement du Québec, particulièrement au ministère des Communications, m'intéresse. J'aime ça. Alors, je veux garder mon emploi.

M. Chagnon: Mais le secteur régulier, le secteur privé, ça doit être un secteur qui est plein d'espaces pour de bons communicateurs et...

M. Dionne:.. je l'ai occupé à quelques reprises à mon compte également. Donc, ce n'est pas tellement la peur des défis ou la peur de la perte de mon emploi dans le fond. Ce n'est pas ça qui me traumatise et ce n'est pas ça qui m'incite fortement à vous en parler aujourd'hui, mais c'est surtout le fait que...

M. Chagnon: Je dis ça parce que - je ne sais pas, moi - l'ornithologiste est moins susceptible d'être requis par l'entreprise privée que par un organisme public qui fera de l'observation, qui fera ci, qui fera ça. Donc, on va chercher... C'est l'exemple que je cite comme occasionnel le plus souvent. Et la personne en question qui a ces qualifications-là n'a pas beaucoup d'autres choix. Mais dans le cas d'une personne qui est professionnelle depuis six ans au ministère des Communications, si on ne se sent pas bien, si on se sent assis entre deux chaises, si on se sent dans un emploi précaire, pourquoi ne pas en choisir un autre dans le secteur privé qui, dans la région de Québec, dans la région de Montréal, en tout cas, ou ailleurs, nous permet de vivre et d'avoir des conditions d'emploi, des conditions de travail qui soient plus ou moins payées - ce n'est pas important - mais quelque chose qu'il nous fait plaisir de faire?

M. Dionne: Le secteur des communications...

Évidemment, c'est le secteur public qui est peut-être un des plus gros employeurs, ici, dans la région de Québec et j'ai quitté la région de Kamouraska spécifiquement pour pouvoir avoir un emploi ici, dans la région de Québec. Alors, ce n'est pas tellement la peur de changer d'endroit; j'ai même travaillé à la Baie James. Ce n'est pas ma disponibilité à aller trouver un emploi où il y en a un. Mais, si à chaque fois que j'en ai un et que j'ai une perspective d'avenir dedans, on me dit: On te l'enlève parce que ça nous tente, bien là, moi, je trouve ça moins drôle.

Le Président (M. Lemieux): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Chagnon: Merci, M. Oionne.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M le député de Saint-Louis.

M. Farrah: M. le Président, concernant les recommandations, vous dites: Titularisation auto matique des occasionnels après trois ans de service au gouvernement. Est-ce que ça veut dire sans concours?

M. Dionne: Moi, je le verrais sans concours, en tout cas. Dans mon cas personnel, vous avez dû le voir dans mon mémoire, la "concourite" aiguë, je l'ai attrapée parce que j'ai passé beaucoup de concours, beaucoup d'entrevues. J'en ai passé une trentaine en six ans Alors, dans mon cas, je pense que j'ai réussi à convaincre mon employeur de mes capacités, de mes com pétences, du fait que je suis travailleur et que je suis capable de relever les défis qui peuvent m'être confiés à la fonction publique. Alors, je ne vois pas comment un concours, surtout quand on sait maintenant la façon dont ils sont faits ces concours-là...

Le Président (M. Lemieux): C'est dû à quoi?

M. Dionne: Les concours qui sont faits actuellement, soit par le biais de l'Office des ressources humaines, quand c'est un concours qui est ouvert de façon très vaste au niveau de la province, ou, si c'est un concours local, administré par le ministère, ça ne vise pas à savoir si la personne est compétente. Ça vise à éliminer des gens. Le dernier concours que j'ai essayé comme agent à l'information, on était 2000. Comment voulez-vous arriver à savoir si quelqu'un est compétent là-dedans? J'ai un diplôme universitaire, j'ai des compétences et des expériences de travail qui sont dans mon dossier et je ne suis pas plus avancé que celui qui sort de l'université et qui - je ne sais pas - est premier de classe, est une "bol"...

M. Chagnon: Pour les occasionnels, ça?

Le Président (M. Lemieux): Non.

M. Dionne: Non, les concours pour les permanents. Si, demain matin, vous dites: Pour ton poste, si tu veux l'avoir, tu devras passer un concours On ne considérera pas mes acquis.

Le Président (M. Lemieux): Je peux rejoindre la question du député des Îles-de-la-Madeleine. Dans votre mémoire, vous dites: Titulariser les occasionnels embauchés sur des projets spécifiques ou qui occupent des postes déclarés permanents par le Conseil du trésor et vous faites état que l'intégration de ces occasionnels aux effectifs permanents passerait par une déclaration d'aptitudes.

M. Dionne: Exact.

Le Président (M. Lemieux): Alors, vous êtes consentant à ce que vos aptitudes, vos habiletés professionnelles et même vos connaissances puissent être vérifiées?

M. Dionne: Je pense qu'elles ont été vérifiées depuis cinq ans.

Le Président (M. Lemieux): Alors, ex facto, du fait que vous avez été occasionnel pendant cinq ans, vous dites: J'ai droit à mon poste permanent.

M. Dionne: Comment puis-je prouver davantage que je suis compétent?

Le Président (M. Lemieux): Comment conciliez-vous ça avec un des objectifs de la loi, l'équité des... c'est-à-dire l'accès des citoyens à la fonction publique?

M. Dionne: Au moment où je suis entré comme occasionnel à la fonction publique, j'étais au même niveau que tous les citoyens du Québec. J'étais dans une banque. C'a pris deux ans avant que mon nom arrive en début de liste et que je sois référé comme spécialiste. Il n'y a aucune ingérence administrative ou politique qui est intervenue. J'ai dû passer un examen écrit et une entrevue pour justifier mes capacités et j'ai été embauché.

Le Président (M. Lemieux): Vous dites: On les a déjà vérifiées et je devrais être... Ça va, je comprends. Allez-y, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: ...Moi, je comprends, votre situation est très déplorable. Quand on passe 30 concours, comme vous l'avez dit dans votre mémoire, c'est peut-être un cas isolé, mais c'est quand même quelque chose qui nous indique que ça ne va trop bien. Il y a des situations, il y a des lacunes à vérifier. Au-delà de tout ça, vous

avez 30 concours, comme je viens de dire, vous l'avez mentionné dans votre mémoire. Mais est-ce qu'on vous a dit, ou avez-vous posé la question à savoir pour quelle raison vous n'avez pas été retenu? Le feedback est important également. S'il y a des lacunes, de savoir lesquelles et pouvoir les corriger. Est-ce que vous avez posé la question?

M. Dionne: Oui. La plupart du temps, lorsqu'on embauche un occasionnel, on cherche quelqu'un qui a des aptitudes très précises. Moi, par exemple, au ministère des Communications, j'y ai accédé parce que j'avais des expériences reliées au domaine de l'édition, le domaine de la production des écrits. Je suis entré chez l'Éditeur officiel, donc j'avais toutes les aptitudes nécessaires. C'est dans ce sens-là qu'on a voulu vérifier mon expérience. Il reste que j'avais quand même les autres connaissances dans le domaine des communications en général. Et, la plupart du temps, les occasionnels sont embauchés comme ça, dans un but très précis. J'ai une collègue au bureau et c'est une rédactrice. Elle, elle est embauchée comme ça. C'est son emploi. Elle est sur la liste des 3500 également. Donc, je pense qu'on doit établir notre compétence. Je n'ai jamais vu d'ingérence administrative, dire: Je tiens absolument à ce que quelqu'un soit embauché plutôt qu'un autre. Je n'ai pas vu ce cas-là. Les gens que je côtoie ont dû justifier leur compétence avant d'entrer à la fonction publique. On est très exigeant à notre égard, même plus qu'à l'égard des permanents. Il n'y a pas une journée où je me fais dire par quelqu'un C'est une chance d'avoir un occasionnel dans l'organisation. S'il y a du travail qui se poursuit en soirée, chez nous, à la Direction des communica tions, c'est génôralemont un ou deux occasionnels et une secrétaire occasionnelle. Les permanents n'y sont jamais. Ça vous donne le portrait de la fonction publique actuelle. Il y a 30 % de gens qui bougent et les autres, quand ils en ont envie.

M. Farrah: Vous l'avez écrit dans votre mémoire.

M. Dionne: Je suis franc.

Le Président (M. Lemieux): On apprécie votre franchise.

M. Farrah: Vous accumulez huit semaines de temps supplémentaire, je pense

M. Dionne: Dans un an, dans la première année.

M. Farrah: Dans un an. Je sais que vous l'avez indiqué dans votre mémoire, mais là vous n'avez pas répondu à ma question, malheureusement, M. Dionne: ce sont des concours de recrutement que vous avez appliqués?

M. Dionne: C'était des postes qui étaient offerts comme occasionnels.

M. Farrah: Mais, par après, est-ce que ce sont des postes...

Le Président (M. Lemieux): Avez-vous appliqué sur des concours de recrutement?

M. Dionne: Oui. M. Farrah: Bon, O.K.

M. Dionne: Je n'ai même pas franchi l'étape de l'examen écrit.

M. Farrah: Et vous, avez-vous posé des questions pour savoir pour quelle raison? C'est ça qu'est ma question très précise.

M. Dionne: Mon dossier...

M. Farrah: Après 30 fois, quelqu'un doit se dire: Ça n'a pas de sens, il faut que je pose des questions. Avez-vous posé des questions, à savoir pour quelle raison vous n'avez pas fait d'examen ou qu'est-ce qui se passait dans votre cas?

Le Président (M. Lemieux): Vous n'avez pas franchi l'examen écrit. Vous étiez bloqué à l'oral, ou quoi?

M. Dionne: Non. D'abord, on présente un dossier. Ils en font une première évaluation.

M. Farrah: Une sélection.

M. Dionne: Là, sur les deux concours d'agent d'information qui ont été offerts à la fonction publique comme poste permanent, je ne me suis pas rendu seulement à l'examen écrit. Allez donc savoir la vraie raison. Moi, on m'a dit: Ton dossier n'est pas assez fort.

Le Président (M. Lemieux): Ça va. J'ai peut-être une dernière question. Est-ce que vous avez terminé, M. le député de...

M. Farrah: Oui, je vous remercie. Merci, M. Dionne.

Le Président (M. Lemieux): On remarque que dans la deuxième partie de votre mémoire, vous parlez d'établir un nouveau processus d'embauché comportant une porte d'entrée unique et possédant certaines caractéristiques. Il y en a une qui me fatigue plus que d'autres. Lorsque vous dites: "L'établissement de critères de sélection par un comité tripartite, Office des ressources humaines, ministères et syndicats." Est-ce que c'est votre désir d'impliquer les syndicats dans le processus de sélection?

M. Dionne: Pas dans le processus de sélection, mais dans l'établissement de critères, de normes minimales d'entrée à la fonction publique. Je pense que...

Le Président (M. Lemieux): Voyez-vous cette implication-là?

M. Dionne: Sur l'établissement môme des critères de base. Un comité tripartite qui dit... Supposons, par exemple, comme agent d'information. Pour devenir agent d'information, il faudrait avoir telles connaissances. La procédure d'embauché devrait être de telle manière.

Le Président (M. Lemieux): Vous ne faites pas confiance aux AGP?

M. Dionne: Pardon?

Le Président (M. Lemieux): Vous ne faites pas confiance aux agents de gestion de personnel? Vous ne faites pas confiance à l'Office des ressources humaines dans l'établissement des choix, des critères, des grilles de choix des habiletés professionnelles requises pour ces emplois? Vous devez avoir quelque chose derrière la tête qui fait que vous amenez les syndicats là? Je ne comprends pas pourquoi? (13 heures)

M. Dionne: Non. C'est que je trouve que le syndicat a quand même une vision différente, évidemment, de celle de l'employeur, puis apporte un éclairage différent sur les problèmes ou les inconvénients que quelqu'un peut subir, peut avoir, lorsqu'il va passer un concours.

Le Président (M. Lemieux): Ça va.

M. Dionne: De toute façon, je sais que notre syndicat préconise la tenue de concours, donc, je ne pense pas que je parle...

Le Président (M. Lemieux): Je trouve ça un petit peu inquiétant, vous savez. J'ai rarement vu... Quand on en donne à un syndicat, ça devient toujours un droit acquis. Ça m'a toujours inquiété. C'est difficile après d'aller rechercher ce qu'on lui a donné. Et je trouve qu'au niveau des pouvoirs de gestion, actuellement, j'ai mes réserves. Alors, M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je pense qu'il faut féliciter M. Dionne pour nous avoir exposé sa saga personnelle.

Le Président (M. Lemieux): C'est le problème des occasionnels, je pense. C'est intéressant.

M. Lazure: C'est le problème des occasion- nels, c'est le problème des prolétaires de la fonction publique, des exploités de la fonction publique, pour ainsi dire. C'est le problème qu'on retrouve aussi dans les hôpitaux, remarquez. On en parie moins depuis quelques temps mais, au moment où il y a eu un conflit avec les infirmières, tout le monde en parlait, tout le monde trouvait ça épouvantable, mais il n'y a pas eu beaucoup de correctifs apportés. Quand presque 40 % d'une main-d'oeuvre, que ce soit dans un hôpital ou dans une fonction publique, est constituée d'occasionnels, il y a un vice majeur; c'est un cancer; ça n'a pas d'allure. Ça n'a vraiment pas d'allure. Dans les débuts, les gestionnaires et les politiciens pensaient faire des économies, mais ça n'est même plus une économie, aujourd'hui, parce que, comme le député de Saint-Louis le faisait remarquer tantôt, les occasionnels ont pratiquement tous les bénéfices marginaux, maintenant, tous les avantages sociaux. Pratiquement. Donc, il n'y a pas vraiment de grosse économie puis, au plan humain, c'est un gaspillage épouvantable. C'est un gaspillage épouvantable. Alors, de ce côté-ci de la table en tout cas, vous avez certainement un allié inconditionnel.

Que devrait être le pourcentage, dans la fonction publique, d'occasionnels? Au lieu de 40 %, j'ai l'impression que ça devrait être 10 % à 15 % maximum. Il y a des postes qui devront toujours demeurer occasionnels, il n'y a personne qui discute ça, mais cette exagération grossière, pour moi, si j'avais une critique à faire aux gestionnaires moyens, supérieurs, peu importe quel niveau, ça serait la critique numéro un: Vous avez manqué votre coup avec cette prolifération de postes d'occasionnels.

M. Dionne: Sauf que c'est ça notre pourcentage, c'est 15 % au Québec: 60 000, 12 000 occasionnels.

Une voix: C'est 20 %.

M. Dionne: 12 % sur 60 000 postes à temps complet.

M. Lazure: Non, je dis que 15 % serait vraiment un gros maximum. Mais il y a plusieurs corps où c'est 40 % d'occasionnels. Mais le gouvernement commence à le reconnaître, là, heureusement. Moi, je pense qu'on accorde trop d'importance aux concours, et vous avez raison de dire, M. Dionne: Si j'ai donné satisfaction depuis cinq ans à mes employeurs, est-ce que ça ne vaut pas plusieurs concours, ça? Je réponds: Oui, ça vaut plusieurs concours. Et il me semble que si on est pour continuer à maintenir tous ces postes artificiellement appelés occasionnels, alors qu'ils sont des postes réguliers, finalement, comme le vôtre, à ce moment-là, il va falloir les titulariser, il va falloir leur donner la permanence. Vous dites: Après trois ans. Bon. Peut-

être trois ans, peut-être quatre ans, deux ans et demi, je ne le sais pas, mais je pense qu'en toute justice sociale, ces gens là devraient avoir la permanence, si on est pour continuer à perpétuer le système. Mais il ne faut pas le perpétuer le système, il faut le briser puis, le plus rapidement possible, convertir ces postes-là.

J'aurais une question. Dans le processus d'embauché que vous proposez, à savoir la formation d'une banque centrale où on aurait tous les candidats qui répondent aux critères de base, est-ce que ça veut dire, ça, qu'il n'y aurait plus d'appels de candidature?

M. Dionne: Non, c'est que, à un moment donné, la Commission de la fonction publique, juste avant le début de la Commission sur la fonction publique, avait soulevé le problème que de privilégier des occasionnels pour l'accès aux emplois par rapport aux citoyens, au public en général, n'était pas équitable. Alors, je pense que, pour faciliter l'accès aux citoyens à la fonction publique, l'utilisation d'une banque centrale où les postes qui sont offerts, les emplois, dans le fond, qui sont offerts aux citoyens, soient publicises, par exemple, par le biais des centres d'emplois du Canada, Communications-Québec ou les centres Travail-Québec. C'est très facile de le faire savoir à l'échelle de la province qu'il y a des emplois d'offerts. Les citoyens sont libres, ils ont le choix, ils sont renseignés, ils peuvent faire application. À ce moment-là, il y a une banque de créée pour gérer ces gens-là et un jury de sélection, lorsque, par exemple, dans le cas d'un occasionnel, pour que ce soit plus léger, plus rapide, parce que souvent les besoins sont assez urgents, c'est le cas d'un remplacement, d'un projet spécifique, eh bien, on pourrait avoir un jury de sélection qui serait ministériel et qui pourrait déterminer le choix d'un employé. Dans le cas d'un poste permanent, ça pourrait être plus...

M. Lazure: Mais ce serait quoi la durée de la validité de la candidature? Autrement dit, vous mettez votre candidature en cette banque centrale; votre candidature est valide pour combien de temps? Un an, deux ans, trois ans? Six mois?

M. Dionne: À l'heure actuelle, il existe déjà, pour les occasionnels qui ont travaillé un an et plus sur un projet spécifique et qui ont été référés par leur employeur, une banque de rappel interministériel qui est gérée par l'Office des ressources humaines. Alors, on est dedans pendant trois ans et si on n'est pas référé pendant cette période-là, on en sort.

M. Lazure: Dans votre système, l'ancienneté dans la banque compterait-elle pour quelque chose?

M. Dionne: Actuellement elle compte, puis je pense qu'elle devrait compter, parce que si on veut que les personnes les plus vieilles qui sont arrivées dans le système puissent cheminer dans leur vie, il faut que ce soit comme ça.

M. Lazure: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): J'ai peut-être un dernier commentaire. En vous écoutant, ça m'amène un peu à ça. Peut-être qu'au début, les origines de la fonction publique, la permanence chez les gens de la fonction publique origine sans doute du fait qu'on voulait éviter qu'il y ait peut-être une ingérence politique. Souvenez-vous de votre histoire - Philippe-Gabriel Marchand, Taschereau, Duplessis et compagnie - et je me dis: Pourquoi le fonctionnaire devrait-il être permanent? Si on en arrivait à une imputabilité à tous les niveaux, est-ce que ça ne nous conduirait pas vers plus de mobilité, puis à un meilleur accès? Dans le privé, tout le monde est occasionnel. C'est simplement cette réflexion-là que je vous fais à la toute fin: Est-ce que les fonctionnaires devraient être permanents?

M. Dionne: Personnellement, je partagerais cette opinion-là, parce que j'ai déjà été au privé pendant des années, j'ai été à mon compte et la meilleure façon d'être efficace, d'être rentable dans une organisation, c'est d'avoir l'imputabilité. L'imputabilité suppose une sanction: Lorsqu'on manque notre coup, on paie pour. C'est ça la responsabilité et j'y crois fermement et c'est le principe que j'applique quotidiennement.

Le Président (M. Lemieux): Peut-être devrait-on songer à remettre ça en question, effectivement.

M. Dionne: Ça viendrait peut-être stabiliser des choses.

Le Président (M. Lemieux): C'est simplement une question que je me posais en vous écoutant. Nous vous remercions d'être venu devant cette commission et de nous avoir présenté votre mémoire. Nous avons trouvé ça très intéressant et on espère qu'à l'avenir, au niveau des commissions parlementaires, il y aura davantage d'individus, de particuliers, qui viendront témoigner comme vous. Il faut que ces gens-là sachent que le Parlement, c'est un peu leur maison et on apprécie grandement quand des contribuables, des payeurs de taxes, vous qui payez nos salaires, venez ici nous faire preuve de vos témoignages et de vos expériences. Merci.

Nous suspendons maintenant nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 9)

(Reprise à 15 h 18)

Le Président (M. Lemieux): A l'ordre, s'il vous plaît! La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux et nous allons maintenant entendre, dans le cadre du mandat de la commission du budget et de l'administration relativement à l'opportunité de maintenir en vigueur la loi sur la fonction publique, le Syndicat des professeurs de l'État du Québec. Je demanderais au principal intéressé, à l'intervenant, de bien vouloir s'identifier et de nous présenter les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Syndicat des professeurs de l'État du Québec

M. Perron (Luc): Mon nom est Luc Perron, président du Syndicat des professeurs de l'État du Québec. Je suis un peu comme un instrument, si vous voulez, un instrumentiste dans un orchestre. Les cordes actuellement me font défaut. Je vous présente, à ma droite, M. Paul Boucher, qui est représentant des COFI, Centres d'orientation et de formation des immigrants du ministère des Communautés culturelles et d'Immigration, à ma gauche, M. Yvon Thiboutôt, du Conservatoire d'art dramatique de Montréal, et aussi à ma gauche, M. Rodolfo Masella, professeur de basson au Conservatoire de musique de Montréal. Et puis va se joindre à nous, M. Jean Lalonde, professeur à l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec, et j'excuse M. Pierre Poirier, de l'Institut de technologie agro-alimentaire de La Pocatière.

M. le Président, MM. les députés, vous savez, comme dans un orchestre parfois, il y a des instruments qui jouent très silencieusement et ça permet quand même à la mélodie, si vous voulez, de s'exprimer. C'est pourquoi je vais demander à mon collègue, si vous voulez, d'agir en mon nom comme interprète et acteur, et il va vous présenter le mémoire que nous voulons vous adresser. Alors, Yvon Thiboutôt.

Le Président (M. Lemieux): C'est évident On comprend très bien pourquoi. Allez-y.

M. Thiboutôt (Yvon): Merci. Mémoire du Syndicat des professeurs de l'État du Québec présenté à la commission du budget et de l'administration le 23 octobre 1990.

Nous remercions l'Assemblée nationale de permettre au public d'exprimer son opinion relativement à la Loi sur la fonction publique. Nous sommes d'avis que le gouvernement, par ses ministères et organismes, constitue un levier social et économique nécessaire dans notre société à titre d'employeur. Contrairement à une masse de clichés, nous sommes fiers d'afficher que les employés de l'État assument des services indispensables dans notre société et veulent le faire de la meilleure manière possible. Nous situons le groupe que nous représentons, puis nous émettrons un ensemble de questions en tenant compte de l'orientation indiquée par la commission de privilégier quatre thèmes principaux. Nous terminons en soumettant des suggestions.

Notre groupe, le Syndicat des professeurs de l'État du Québec se compose d'environ 850 professeurs fonctionnaires, répartis dans 21 maisons d'enseignement spécialisé, relevant de 4 employeurs: le ministère des Affaires culturelles, le ministère de l'Agriculture, Pêcheries et Alimentation, le ministère des Communautés culturelles et Immigration et le ministère du Tourisme. Le SPEQ travaille constamment avec le Conseil du trésor au regard de leurs responsabilités dévolues par la Loi sur la fonction publique.

Deux conservatoires d'art dramatique à Montréal et à Québec, sept conservatoires de musique à Chicoutimi, Hull, Montréal, Québec, Rimouski, Trois-Rivières et Val-d'Or, deux instituts de technologie agro-alimentaire à La Pocatière et Saint-Hyacinthe, l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec, neuf centres d'orientation et de formation des immigrants, six à Montréal, un à Hull, à Québec et à Sherbrooke, particularisent l'ensemble de ces 21 maisons d'enseignement spécialisé. Nous voulons, par ce mémoire, contribuer au questionnement de la commission en axant nos interventions sur les 4 thèmes que vous avez articulés: premièrement, qualité et efficacité des services rendus dans les 21 maisons d'enseignement spécialisé; deuxièmement, imputabilité; troisièmement, leadership du Secrétariat du Conseil du trésor; quatrièmement, dotation des emplois et développement des ressources humaines. 1) Qualité et efficacité des services rendus dans les 21 maisons d'enseignement spécialisé. a) Est-il normal que le Protecteur du citoyen eut dû intervenir dans le dossier d'étudiantes et d'étudiants du Conservatoire de musique de Montréal et qu'il ait obligé l'institution locale à reprendre des étudiantes, et des étudiants étant donné les irrégularités commises par des jurys, lors de la tenue d'examens de fin d'année? b) Est-il normal que des immigrantes et des immigrants attendent en moyenne plus d'une demi-année avant d'avoir accès aux Centres d'orientation et de formation des immigrants? Ne pas leur faciliter une intégration à l'aide des services spécialisés existants contrevient à la mission de la Loi sur la fonction publique. Notons qu'en même temps, le gouvernement proclame avec emphase la mise en oeuvre de politiques d'accueil et d'intégration des immigrantes et des immigrants. Où sont-elles? Existe-t-il une politique cohérente sur l'intégration des arrivantes et des arrivants à la société francophone du Québec?

c) Est-il normal d'accepter que les autorités du ministère de l'Agriculture empêchent les professeurs de participer aux états généraux de l'UPA portant sur la formation agricole? d) N'est-il pas gênant pour la gestion d'une maison d'enseignement, détournée momentanément de sa raison d'être, de constater que le développement pédagogique de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec ait été remis sur ses rails suite à des pressions exercées uniquement par le syndicat? Que faisait donc la gestion pendant cette période?

Des éléments de réponse. Dans les conservatoires. La question a) nous permet de vous indiquer que la direction générale des conservatoires de musique et d'art dramatique s'éloigne des responsabilités de formation du ministère des Affaires culturelles de dispenser des services d'enseignement spécialisé dans les régions où les conservatoires se trouvent. Que des étudiantes et des étudiants subissent des préjudices suite à une mauvaise gestion, ce sont pour les gestionnaires des situations normales à corriger et ce, de manière ponctuelle, sans autre questionnement. De multiples autres gestes posés traduisent le peu de préoccupations à la réalisation des services. L'inauguration, en grande pompe, du nouveau local du Conservatoire de musique de Hull, en septembre 1987, à des coûts estimés à plus de 2 000 000 $, n'a pas empêché l'incurie administrative de se manifester, l'oubli de l'insonorisation ayant été constaté lors de l'inauguration. Or, l'insonorisation dans une telle maison s'avère la donnée de base au plan architectural. La fermeture constante, depuis quelques années, de classe d'instruments dans les conservatoires de régions, l'exode encouragé des étudiantes et des étudiants de niveau avancé par les gestionnaires, l'absence d'incitations administratives d'harmoniser le réseau des conservatoires avec le réseau de l'éducation de manière à s'assurer une optimisation des services à rendre, font en sorte que les talents québécois ne peuvent pas recevoir la formation professionnelle adéquate. Ce type de gestion prive notre société d'un développement culturel pour le moins indispensable à sa survie.

L'enflure d'une structure administrative aux dépens du maintien et du développement des classes d'instruments dans l'ensemble des régions, vient contredire la mise en place de moyens favorables pour répondre à la mission, telle qu'elle apparaît à l'article 2 de la Loi sur la fonction publique.

Pourquoi les gestionnaires québécois, malgré une reconnaissance internationale de la qualité de ces maisons d'enseignement et les conclusions de nombreuses études confirmant cette thèse - par exemple, le rapport Trowsdale, décembre 1988 - ne s'enorgueillissent-ils pas de la réputation de ces maisons et n'augmentent-ils pas leur capacité de gestion à répondre aux besoins locaux au lieu de se faire une joie administrative de gérer leur décroissance et de contribuer à leur dépérissement? Chercheraient-ils l'extinction?

Obnubilé à la seule pensée que les conservatoires doivent quitter la fonction publique pour mieux disparaître sans doute et se soustraire ainsi à l'application de la Loi sur la fonction publique, le Ministère se situe aux antipodes de la volonté du législateur de vouloir dispenser des services appropriés et de qualité dans chacune des régions du Québec.

Dans les COFI. À la question b, le service à la clientèle en dernière préoccupation, ne permet pas de répondre aux nombreuses demandes d'intégration des immigrantes et des immigrants. Plus de 50 classes ont été fermées entre juillet et octobre. Plus de 750 immigrantes et immigrants adultes ont été ainsi privés de services d'intégration. Et que dire des quelques milliers qui attendent? Où va la gestion et ses millions de dollars?

Comment pouvons-nous agréer à la location à coup de millions d'un immeuble inapproprié, le Centre régional du parc à Montréal, dans Parc Extension, en 1990, dont le but serait de faciliter l'Intégration d'immigrantes et d'immigrants? La qualité des services passe-t-elle par une croissance de strates de gestionnaires au détriment des services d'opération à développer? La gestion, dans son autodéveloppement, pourrait à la limite dévorer des millions sans dispenser des services d'intégration. N'est-ce pas là un gaspillage inacceptable et malheureusement ça semble une constante dans la gestion des ministères. Les errances comptables des services de la gestion entraînent des contrôles correctifs administratifs dispendieux. Cascades, dans sa gestion, serait au moins 20 ans en avant si on la comparait à la gestion publique.

Alors que, de plus en plus, la population veut vivre en français, la gestion du ministère des Communautés culturelles et Immigration dépense des millions dans des moyens administratifs empêchant le développement de services indispensables à la réalisation d'un Québec français. L'administration, dans son autodéveloppement, veut même rayer de son vocabulaire le terme COFI, car il oblige un service à dispenser. Les COFI, à l'image de leur service de paie manuel, connaissent un sous-développement dans leur nécessaire pédagogique. Alors, la qualité des services et leur développement n'intéressent pas la gestion. Quel non-sens. Quelle tristesse!

Dans les ITA, à la question c, le public, dans sa sagesse de votant, pourrait-il accepter que des professeurs concernés soient empêchés de participer aux états généraux de l'Union des producteurs agricoles portant, entre autres, sur la formation agricole, en février 1991? La qualité des services de formation ne peut croître en vase clos, et il est inadmissible de priver des professeurs d'une occasion de réfléchir. Contigu à ce phénomène inexplicable, la nouvelle gestion

des 1TA valorise les coupures, les augmentations de tâches de travail et le grossissement de mécanismes de contrôle, maintient en permanence les menaces de fermeture de programmes d'enseignement, et s'installe dans son autodéveloppement croissant de la gestion au détriment de la qualité des enseignements offerts.

À l'ITHQ, à la question d, les professeurs ont réussi à obliger une transformation de la gestion des services de l'enseignement. N'est-ce pas là une démarche originale? Leur créativité a failli être arrêtée par des mécanismes d'autodéfense de la part de certains gestionnaires du ministère du Tourisme. Ils ne sont plus là aujourd'hui pour répondre de leurs actes Des mécanismes qui diminuent les ravages de l'en tropie pourraient facilement être remis en place 2) Imputabilité. Est-il normal que dans les différents ministères avec lesquels nous avons à collaborer, ceux-ci fabriquent et produisent, souvent à la cachette, au détriment de la transparence d'une gestion participative, une masse d'informations souvent tordues et incorrectes sur les services offerts? Est-il normal que le syndicat doive passer par un jugement du Tribunal du travail, décision de Mme la juge Louise Ménard, en date du 10 septembre 1990, pour se faire reconnaître le droit de critiquer l'administration dans le respect des dispositions d'éthique telles qu'elles apparaissent dans la loi? Les cotisations des membres du syndicat pourraient servir à d'autres fins, telle la promotion de ses membres dans leur capacité à se renouveler. Une gestion dans ces ministères à vieille mentalité, c'est à-dire aux antipodes des aspects positifs liés à la participation des principaux intéressés dans une maison d'enseignement, permet le développement de situations préjudiciables et abusives aux clientèles de ces services d'État. Ces dernières années, le syndicat a dû agir avec vigueur pour resituer l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec dans l'axe de sa raison d'être: la formation professionnelle dans les domaines de la restauration, de l'hôtellerie et du tourisme. Ailleurs, les professeurs ont dû, par de sévères pétitions aux administrations du MAC et du MCCI, exposer ouvertement leur mécontentement d'une gestion défavorable au développement des services respectifs dans chacun de ses ministères. Nous déplorons que l'absence de mécanismes d'imputabilité permette à des gestionnaires en transit, à la direction générale des conservatoires au MAC et à la direction générale des opérations du Québec au MCCI, de contribuer par des moyens administratifs inappropriés au dépérissement, d'une part, des conservatoires par la fermeture de classes d'instruments et la non-systématisation de moyens originaux, d'élargir les bases de la clientèle et, d'autre part, par des baisses tragiques du temps d'enseignement, 750 périodes d'enseignement à 600 périodes d'enseignement, sans aucune analyse, et des refus de donner des services d'intégration aux émigrantes et aux emigrants des COFI.

De plus, dans ce dernier cas, l'administration refusant d'apprécier l'histoire des COFI, veut les tranformer en maisons quelconques de langue, reléguant ainsi aux oubliettes tout le volet de l'intégration à nos nouveaux arrivants et arrivantes. Est-ce aux Québécois déjà installés de s'intégrer aux nouvelles ethnies ou bien n'est-ce pas à nous d'assumer et d'assurer les conditions favorisant l'intégration harmonieuse des emigrants et des émigrantes, tels qu'ils la souhaitent? Inutile de vous dire que l'employeur possède des leviers puissants lorsqu'il décide de punir un professeur, suite à un écart de conduite Nulle pareille n'existe dans l'appréciation des types de gestion, même si une gestion s'avère catastrophique par la mise en place de moyens favorisant la disparition graduelle de services utiles à la population. 3) Leadership du Secrétariat du Conseil du trésor. Une expérience toute récente de la conclusion d'une convention collective, en octobre 1990, confirme que les parties ont beaucoup à faire pour en arriver à finaliser une négociation dans les délais raisonnables. Est-il compréhensible que la partie patronale, dans un comité de négociation d'une convention collective, soit représentée par des gens distants du milieu des opérations? Est-il permis de penser que le Secrétariat du Conseil du trésor ne veut, lors de la négociation, approfondir la qualité des services que les employeurs doivent offrir à leur clientèle respective?

(15 h 30)

Dans un domaine aussi important que la prévention des accidents et des maladies professionnelles, est-il acceptable que le Secrétariat du Conseil du trésor, en 1990, malgré les sept ans d'existence de l'Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail, secteur administration provinciale (APSSAP), n'ait pas réussi à organiser et à participer au développement des nouvelles mentalités dans ce domaine, ne réussissant même pas à obliger les ministères défavorables à la mise en place de mécanismes de participation à le faire? 4) Dotation des emplois et développement des ressources humaines. Le traitement que l'on fait subir à nos membres illustre éloquemment la dépréciation des ressources humaines dans la fonction publique. Dans le document de la commission, nous y lisons: "Les ressources humaines étant le moteur et l'âme de la fonction publique". La transposition de ces belles paroles dans notre corps d'emploi demeure un voeu pieux, car près de 50 % des professeurs fonctionnaires ont un statut précaire malgré qu'ils dispensent leur expertise pour la plupart d'entre eux depuis de nombreuses années. Il va sans dire qu'un employeur, soucieux de la modernité à introduire dans le monde des relations de travail, mise sur la rentabilité de deux concepts chers

aux gestionnaires: la motivation et la satisfaction. Le Secrétariat du Conseil du trésor est à contre-courant dans le domaine de la gestion des ressources humaines. Il favorise la déstabilité, la désorganisation, la mise en évidence d'un pouvoir répressif sur les statuts précaires.

Est-il pensable, dans un domaine aussi spécialisé que le nôtre, en tenant compte des distinctions entre les différents types d'enseignement, que l'employeur puisse demander de manière inconsidérée aux professeurs d'investir leur expertise en ne faisant aucun effort pour leur garantir l'application de conditions de travail dans une perspective d'un minimum de stabilité de carrière? La négociation difficile de la réduction des écarts entre les professeurs occasionnels et les professeurs réguliers, tout en faisant l'Impossible pour maintenir et améliorer les conditions de l'exercice de la profession pour l'ensemble des professeurs, expose à sa face même une dépréciation de la ressource engagée et, a fortiori, un manque de perspective dans la quantité et la qualité des services à offrir à la population.

Des suggestions. La première suggestion consiste à extirper la mentalité, dans la gestion, de "petits comptables à la petite semaine", laquelle devrait être corrigée et remplacée par la transparence, le dialogue, le respect de la représentation syndicale. L'appréciation du geste professionnel permettrait le développement d'une confiance dans le travail, d'un respect dans les relations de travail et provoquerait la redécouverte du capital humain. Les services, consé-quemment, répondraient plus et mieux à la mission de la Loi sur la fonction publique

La deuxième suggestion consiste à ventiler obligatoirement le manque d'envergure de l'actuelle gestion par un quelconque processus de dotation permettant l'introduction d'une gestion favorable où les employés sont bien traités et se sentent en sécurité. Ainsi, les professeurs, capital humain, seraient encore plus engagés, plus intéressés et, en bout de ligne, plus productifs.

La troisième suggestion serait d'arrêter l'autodéveloppement des gestions pour elles-mêmes, lesquelles considèrent presque de manière accidentelle les services de formation professionnelle et ceux d'intégration des immigrantes et des immigrants. Ce gaspillage correspond à des positions réductionnistes adoptées par les partisans d'un genre de gestion décrit plus haut.

Nous sommes conscients que le SPEQ, le Syndicat des professeurs de l'État du Québec, par ses composantes, participe dans un tournant de gestion aux services nécessaires au Québec. Si la gestion autoreproductrice se maintient, les services assumés par les professeurs fonctionnaires disparaîtront. Si la gestion se transforme et devient au service de la clientèle et donc, plus participative, les services assumés par les professeurs fonctionnaires augmenteront et leur contribution à la société québécoise sera d'autant plus importante, car, finalement, ce sont les professeurs qui connaissent davantage les services offerts par l'enseignement et qui possèdent l'expertise nécessaire à l'amélioration de ces services.

Résumé du mémoire du 23 octobre 1990 présenté à la commission du budget et de l'administration par le Syndicat des professeurs de l'État du Québec. Les services d'enseignement spécialisé dispensés par les professeurs fonctionnaires sont menacés de disparition par des mentalités de gestionnaires prédateurs enclins à centrer les argents sur leur autodéveloppement et leur autosécurité comme service de gestion, sans égard à la nécessité des services à dispenser en réponse aux besoins des clientèles. Des entreprises québécoises telle Cascade devraient aider à la transformation de la gestion au Secrétariat du Conseil du trésor et à celle des ministères, et permettre ainsi la redécouverte de l'humain dans le travail. La réappropriation du travail par les employés passe par le respect, par la reconnaissance des représentations syndicales, par des conditions de stabilité d'emploi et favorise l'adhésion, la collaboration et le développement qualitatif de services professionnels. La Loi sur la fonction publique doit donc susciter la transformation de la gestion, l'oxygéner et provoquer l'introduction urgente d'un nouveau concept de gestion au service des clientèles.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie. Dans l'ensemble, à la lecture de votre mémoire, on a l'impression - du moins vous nous donnez l'impression - d'avoir une image d'une gestion qui est déficiente et peu efficace, qu'on assiste à une espèce de forme, je dirais, d'auto-développement des cadres. Est-ce que c'est parce qu'il y en a trop ou est-ce qu'on pourrait présumer que la loi comme telle sur la fonction publique, selon vous, pourrait prévoir des mécanismes de réduction du personnel d'encadrement dans sa forme actuelle? C'est la question que je vous pose.

M. Perron (Luc): C'est certain qu'au niveau de l'augmentation, la perspective du mémoire, si vous voulez, ou la rétrospective, je devrais dire, va chercher des années quatre-vingt jusqu'à maintenant. Alors, ce que nous constatons, c'est qu'au niveau du corps professoral, de l'ensemble des services que nous avons assumés, il y a eu, si vous voulez, une stagnation. Par ailleurs, lorqu'on regarde au niveau de l'évolution de l'administration, c'est effarant, en termes de proportions.

Le Président (M. Lemieux): Avez-vous une idée de ces proportions-là en termes de pourcentage?

M. Perron (Luc): Quand vous regardez, par

exemple, la Direction générale des conservatoires de musique et d'art dramatique, pour une personne en 1980, aujourd'hui, elle doit compter à peu près sur huit personnes. Alors, vous avez un ratio de 800 %. Je ne veux pas tomber dans la statistique, mais si vous regardez le nombre de professeurs qu'il y avait en 1980, vous avez une baisse des effectifs réguliers, puis une augmentation des occasionnels dans ce réseau-là, mais, somme toute, à peu près le même nombre de professeurs pour l'ensemble des neuf conservatoires. Puis il en est de même dans les ITA, où vous avez des développements, à notre sens abusifs, de services qui permettent à l'administration de s'autoregarder ou de s'autodévelopper. Ce que nous voulons dire par là, c'est que ça ne dessert pas de façon tangible et immédiate le service de l'enseignement.

Le Président (M. Lemieux): Et la clientèle, j'imagine.

M. Perron (Luc): Et la clientèle a fortiori. Vous avez, par exemple, l'agriculture biologique, qui est un domaine de l'heure, et vous avez une maison d'enseignement comme Saint-Hyacinthe, qui ne peut pas en patter, actuellement, parce que l'administration n'est pas prête, si vous voulez, n'est pas disponible d'esprit pour trafter de ce sujet-là. Alors, évidemment, c'est un sujet fondamental. M y a des aberrations comme celle-là qui existent, au moment où on se parle, et c'est ce que nous dénonçons. Quand vous regardez, par exemple, au niveau des COFI, dans les neuf COFI, vous avez des situations que nous jugeons catastrophiques. Vous avez l'administration qui valorise l'organigramme, qui valorise la structuration sur papier de cases, somme toute intéressante lorsque quelqu'un analyse un organigramme, et compte tenu qu'on doit justifier l'organigramme, on met des personnes dans des petites cases de l'organigramme. Ils appellent ça le POAS, le Programme d'organisation d'administration supérieure. Il semble qu'ils étaient dans un état de sous-développement, dans ce ministère. Alors ça a tellement enflé, actuellement, que ça prend des proportions démesurées, selon nous. Vous avez des listes d'immigrants - actuellement dans la région de Montréal il y a au-delà de 4000 immigrants sur des listes d'attente - qui ne reçoivent pas les services d'intégration auxquels ils auraient droit. Puis en même temps, ce que le mémoire dit, c'est que l'administration valorise une vitrine dans un quartier tout à fait défavorable, selon nous, à l'intégration harmonieuse d'immigrants et d'immigrantes. On parle de Parc-Extension, dans la région de Montréal, tout près du parc Jarry, où vous avez les articles du Devoir, en novembre 1989, qui dénonçaient, si vous voulez, les activités peu orthodoxes qui se déroulent dans cet environnement-là. Et l'administration, sur papier, de son centre d'opération à Montréal, si vous voulez, estime que cette grande structure, donc cette ex-polyvalente William Hingston Comprehensive High School, devrait desservir avantageusement des services, mais sans tenir compte vraiment de l'abc de l'intégration d'au-delà de 1000 immigrants qu'on veut stationner dans un tel édifice. Actuellement, nous sommes à terminer une tournée avec des ex-stagiaires des COFI. On a fait Québec, on a fait Montréal. Je faisais ça avec Paul, ici. Nous demandons aux ex-stagiaires qui veulent, qui parlent français, qui s'intègrent à notre belle société québécoise, s'ils voient d'un bon oeil stationner 1000 immigrants dans le même édifice, dans une super structure, enfin, une polyvalente, si vous voulez, si c'est favorable à l'intégration. C'est évident qu'ils disent non. Ils disent que c'est triste qu'on en arrive là. Et c'est ça que nous dénonçons, si vous voulez. Nous ne voulons pas que le mémoire soit accueilli, si vous voulez, paradoxalement comme une apologie du suicide, dans le sens que nous ne voulons pas que les maisons de formation spécialisées ferment, mais nous sommes à regret de constater que si l'élan administratif est maintenu tel qu'il est là, on va assister, si vous voulez, à des endroits comme te Conservatoire de musique de Rimouski, où quelqu'un, un historien, pourra passer sur la rue Sainte-Marie, y voir une plaque, Conservatoire de musique de Rimouski, mais s'il s'intéresse au contenu, il va voir qu'il n'y a pas d'élèves, qu'il n'y a pas de clientèle, parce que l'administration, dans cette autoreproduction suffisante, s'est éloignée de l'abc de la clientèle et des besoins de la clientèle. C'est triste.

Le Président (M. Lemieux): Je comprends très bien le sens de votre intervention. M. le député de Saint-Louis ou M. le député des îles... M. le député de Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci, M. le Président. J'ai lu, comme tous les membres de cette commission, le réquisitoire que vous nous avez formulé et qui fait état d'irritants et d'accrochages qui sont parfois sûrement majeurs, avec certaines institutions dans lesquelles... qui sont vos milieux de travail, finalement. Et certaines difficultés qui semblent découler de relations de travail entre employés et employeurs de ces institutions-là. J'ai eu si peu de difficultés, je l'avoue, à tenter d'arrimer les conclusions de votre mémoire avec les mandats et l'objectif de cette commission-ci. En général, les gens nous indiquent quels sont les irritants dans la Loi sur la fonction publique qui peuvent être améliorés et souhaitables en fonction de l'amélioration de la qualité des services aux citoyens et citoyennes, l'amélioration ou la reprise ou la remise en question d'un principe de gestion qui s'appelle imputabilité interne ou externe, troisièmement, le rôle du Conseil du trésor dans l'organisation des ressources humaines et, quatrièmement, une politique de

dotation. Si je vous demandais quels sont les articles de la Loi sur la fonction publique qui, selon vous, devraient être modifiés et comment devraient-ils être modifiés, comment me répond riez-vous?

M. Perron (Luc): Je pense que ce serait à pou près la suivante. Il faut se situer dans la perspective, nous, dans laquelle nous sommes places de prime abord. C'est-à-dire que nous avons, si vous voulez, le défaut d'être éloignés des grandes orientations. J'ai assisté à l'ouverture de la commission et j'ai entendu M. Johnson parler des grandes orientations au niveau de la gestion même des services publics et de l'utilisation optimale du personnel de la fonction publique et du concept de qualité globale et ainsi de suite. Nous, au niveau des opérations, on a le défaut d'être dans le quotidien, d'être vraiment dans la valorisation même du service. Quand vous parlez de la qualité des services, c'est de l'article 2 de la Loi sur la fonction publique. Nous sommes fortement préoccupés. Quand nous vous disons que si nous laissons l'administration poursuivre ce qu'elle fait, il y a des conservatoires, demain matin, qui n'existeront plus. Pour le Québec, si je prends Chicoutimi, si je prends Rimouski, si je prends Val-d'Or, si je prends Hull, les régions périphériques, si vous voulez, par rapport à Montréal, Québec, ça veut dire que comme société distincte que nous sommes, nous acceptons de nous handicaper, nous acceptons de nous priver d'un potentiel artistique régional. À notre sens, c'est inadmissible. Si le service public doit répondre en termes de développement, en termes de besoin d'identité culturelle, il doit donner l'opportunité à travers ces maisons que sont les conservatoires, où il y a gratuité, d'y répondre. Quand vous dites "le rôle du Conseil du trésor", nous en parlons fort brièvement, il va sans dire, mais ce que nous disons est fondamental. Nous avons déposé, nous, un projet de convention collective en novembre 1988 Nous avons signé avec M. Johnson la convention collective SPEQ le 4 octobre 1990. Nous portons un jugement à travers le mémoire en disant qu'au niveau de la table de négociations SPEQ, il y avait des gens qui étaient distants, même des services comme tels. Ça fait en sorte qu'il y a des disfonctions qui s'intègrent, de par l'application de la loi, mais ce n'est pas l'article comme tel qui...

M. Chagnon: Deux choses. Spécifiquement sur la question de la négociation comme telle, et pour m'être intéressé d'assez près à ces questions-là, n'y avait-il pas un conseiller en gestion de ressources humaines du ministère de tutelle, par exemple, des conservatoires au moment de la négociation? (15 h 45)

M. Perron (Luc): Oui, c'est exact. Mais ils sont tellement distants des opérations qu'on pourrait faire le test ensemble de le faire venir... Somme toute, je pense qu'il ne faut pas le faire, parce que ça ne serait pas gentil. Mais on pourrait lui demander c'est quoi le quatrième cycle au conservatoire. Et après un an et demi de négociations, ils ne réussissent pas encore à le situer au niveau des études, le quatrième cycle étant au niveau de la maîtrise. Ce que je veux vous dire par cet exemple-là, c'est que les gens étant loin comme tels, si vous voulez, des besoins de l'enseignement, de la qualité de formation professionnelle musicale, c'est un petit peu normal qu'à la table de négociations, la réception ou le développement même du service ne soient pas tenues, en ligne de compte.

Puis, pour répondre à votre question première sur le dernier volet que j'ai mentionné, au niveau de la dotation, c'est une grande partie du mémoire que nous faisons mention, parce qu'il est permis, par la Loi sur la fonction publique, de s'engager ou de se soustraire, si vous voulez, à la notion de poste. Donc, il y a un aspect non négociable dans la loi qui fait en sorte que c'est le Conseil du trésor qui détermine les effectifs, et nous, nous sommes à même - encore là, c'est triste - de démontrer à la face du public québécois la dépréciation de l'employeur-État à l'égard des ressources spécialisées engagées, compte tenu qu'on a au-delà de 50 % du personnel qui est occasionnel et, là, je vous invite à vivre un statut précaire chez nous. Ça veut dire un pouvoir... Malgré les bonnes volontés patronales à l'occasion, ça veut dire l'institutionnalisation d'un pouvoir répressif parce que la personne qui ne veut pas, par exemple, dans une région donnée, donner une conférence de presse pour la directrice ou le directeur local, ne se voit pas offrir un contrat la session suivante. C'est un exemple que nous avons malheureusement vécu, mais l'occasionnel, c'est ce qu'il vit tous les jours et l'employeur là-dedans... Il reste que c'est du ressort de la Loi sur la fonction publique d'améliorer, je pense, la situation de 50 % de nos effectifs dans les maisons d'enseignement spécialisé.

M. Chagnon: Est-ce que vous jugeriez plus rassurant, "extensionnellement", si on pouvait modifier, par exemple, l'article 37 de la Loi sur la fonction publique qui spécifie et qui traite de l'imputabilité? Est-ce que ça vous rassurerait de savoir que, administrativement partant, le responsable... On parlait de conservatoire. Je présume que le ministère de tutelle est le ministère des Affaires culturelles et...

M. Perron (Luc): Oui.

M. Chagnon:... que le ou la sous-ministre adjointe pourrait venir expliquer aux membres de la commission parlementaire sur la culture, par exemple, pourquoi le ratio, le raisonnement sous-jacent à sa volonté ou à la volonté des institu-

tions de Chicoutimi et de Rimouski, pour prendre celles que vous mentionniez, d'avoir pris telle ou telle décision d'ordre administratif qui est, au fond, la raison même de votre réquisitoire, encore une fois. Si l'imputabilité externe faite par des parlementaires vis-à-vis des parlementaires pouvait permettre de donner, à tout le moins, une explication sur ce que vous recherchez, ne trouveriez-vous pas ça rassurant, d'abord comme citoyen, ensuite comme employé-enseignant de l'État?

M. Perron (Luc): Je trouve que ça se situerait effectivement dans un tracé constructif. À titre d'exemple, pour bien répondre à votre question, si la sous-ministre... Par exemple, je pense à Mme Malo. Si elle avait été imputable de la construction ou de l'inauguration du Conservatoire de musique de Hull, en 1987, possiblement qu'elle occuperait d'autres fonctions aujourd'hui. Pourquoi? Parce qu'il est inconcevable, si vous voulez, comme on dit dans le mémoire, que lors de l'inauguration d'un conservatoire, on ait oublié l'insonorisation. On a fait ça en grande pompe à Hull. 2 000 000 $! C'était M. Rocheleau, à l'époque, qui a fait cela, je veux dire, pour se situer historiquement parlant. Nous, on est un peu surpris de la chose et actuellement, par ailleurs, au moment où on se parle, je dois vous dire que ça se termine, mais ça se termine durant la période d'année scolaire. Ça se termine en obligeant les enseignants de donner de l'enseignement dans des écoles non favorables à cette formation professionnelle musicale et, ça, je pense que c'est incorrect, mais je dois vous dire, dans une perspective à ce moment-ci, que le Conservatoire de musique de Hull, s'il continue, il va y avoir une baisse graduelle d'élèves parce qu'on n'y injecte pas ce qu'il faut vraiment pour le faire, mais ce sera la maison possiblement la mieux insonorisée au Québec. On est en train de "compétitionner" avec des studios d'enregistrement tellement que la sonorisation va être bonne.

Deuxième exemple, le super COFI à Montréal. C'est évident que c'est M. Riddell, qui parte de la transparence, qui a un discours somme toute très intéressant au niveau, si vous voulez, de l'ouverture de l'Interculturel et tout ça, est imputable administrativement du pourquoi d'un édifice aussi inabordable, aussi inacceptable pour l'intégration des milieux immigrants dans la bette région de Montréal. Il est fort possible aussi, enfin, qu'il y aurait des résultats qui ne seraient peut-être pas ceux qu'il aimerait avoir. J'aurais moult exemples comme ça à vous donner et je terminerai avec un dernier qui me chagrine. À Rimouski, en 1982, on avait un orchestre régional symphonique à cause du conservatoire. Compte tenu de mesures administratives mises de l'avant, aujourd'hui, on n'a pas cet orchestre symphoni-que à Rimouski. Nous l'avons à Chicoutimi. Bon, Chicoutimi, demain, peut-être qu'on ne l'aura pas si on laisse faire l'administration. Et puis, là-dedans, il y a un règlement d'éthique, l'article 4 de la section II dans la loi. Puis, nous sommes à même de vous dire que c'est un tiers, c'est une madame du Tribunal du travail qui nous permet, nous, les enseignants, tout en étant syndiqués et fonctionnaires, de dire: Écoutez, quand l'administration comme l'administration de l'ITHQ, l'Institut du tourisme et d'hôtellerie du Québec, à l'époque, elle errait, elle était orientée, si vous vouiez, sur un volet international. Elle voulait aller faire de la cuisine québécoise en Afrique, par exemple. Nous, on calculait, comme enseignants, qu'on s'éloignait de la mission première de la maison: une formation. Là, il n'y a pas eu une imputabilité, comme vous le mentionnez, mais il y a eu des changements, ce qui fait qu'actuellement, l'Institut de tourisme, avec nos interventions, est plus dans le domaine de la formation.

M. Chagnon: Ce dernier point me chicote un peu comme parlementaire au nom de la commission. Je pense que.. Il n'y a pas une poursuite?

M. Perron (Luc): Le monsieur nous poursuit. On prend de la valeur à tous les ans.

M. Chagnon: C'est un dossier qu'on considère ici sub judice. Alors...

M. Perron (Luc): Excusez.

Le Président (M. Lemieux): Alors, si je comprends bien, dans le sens de la question du député de Saint-Louis, vous n'êtes pas contre une forme d'imputabilité externe?

M. Perron (Luc): Non, je pense qu'au niveau des administrateurs d'État, il devrait effectivement...

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Perron (Luc): Je partage un peu l'opinion du vérificateur qui vous a soumis cet effet-là. Il faudrait permettre à l'administration de rendre des comptes. Ça permettrait aux députés élus d'intervenir de façon plus judicieuse dans l'ensemble du devenir des services collectifs.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux féliciter les représentants du Syndicat des professeurs de l'État du Québec. C'est clair, le message, mais j'ai rarement vu une critique aussi sévère de la gestion. S'il y a un mémoire parmi tous ceux qu'on a vus à date qui peut nous servir de source d'illustration pour exiger qu'on mette en marche un système d'imputabilité, de reddition de comptes, comme le président de la

Commission de la fonction publique l'appelait ce matin, bien, votre mémoire en contient une mine d'exemples où, si les hauts fonctionnaires qui ont pris des décisions à l'époque dans les exemples que vous nous donnez, avaient eu à rendre compte de leurs décisions, je pense que ça aurait été de nature à améliorer la qualité de leur gestion. Moi, je comprends très bien tout ce que vous dites. Je comprends bien qu'à Rimouski, j'ai bien compris quand vous dites qu'il y a la plaque d'identification, qu'il y a un conservatoire, mais il n'y a pas d'élève, il n'y a pas de clientèle.

M. Perron (Luc): Non, actuellement, il y a une clientèle à Rimouski. Il y a au-delà de 110 élèves à peu près, au moment où on se parle. Mais c'est dans une vision, si vous voulez, que je dégage à partir du comportement administratif depuis 10 ans. Si ça se maintient encore cinq ans ou six ans, mais il y aura une plaque commémorative...

M. Lazure: Ah bon!

M. Perron (Luc):... qui dira que le conservatoire a existé.

M. Lazure: II y a un certain nombre de cadres qui ont ça comme ambition, comme rêve d'avoir l'immense service, département - appelez ça comme vous voudrez - où on n'est pas embarrassés par la clientèle, où on a tous les avantages du poste, mais sans aucune clientèle pour nous empêcher de faire de l'autogestion, comme vous le disiez tantôt. Moi, je regarde les... J'ai la conviction profonde... On n'a pas les chiffres depuis 1970, mais j'ai la conviction profonde que le pourcentage d'encadrement a trop augmenté dans la fonction publique. J'ai des chiffres depuis seulement 1986, de 1986 à 1990, comme on vient de me remettre: Cadres supérieurs, haute direction et cadres intermédiaires: en 1986, un total de 5154; en 1990, un total de 5251. Donc, augmentation d'environ une centaine, alors qu'en réalité, il y a une diminution dans l'ensemble de la fonction publique. Moi, j'ai la conviction profonde que, depuis 10 ans, 15 ans, on voit à la fois le phénomène contradictoire d'une diminution des fonctionnaires, diminution des non-cadres, puis augmentation des cadres. Je comprends très bien, puis je suis porté à vous donner raison pas mal sur toute la ligne. Mais je me dis, cette dénonciation, parce que c'en est une - vous la faites en termes éloquents - cette dénonciation que vous faites aujourd'hui devant cette commission-ci, est-ce que vous l'avez déjà faite ailleurs dans vos instances supérieures? Il y a de toute évidence dans votre corps, et c'est un corps important, 850 personnes qui enseignent dans différents secteurs. Tout ce mécontentement a-t-il été véhiculé aux autorités et qu'est-ce qu'on en a fait de ce message-là?

M. Perron (Luc): Oui, depuis 10 ans, de façon systématique, si vous voulez, nous rappelons à l'administration que, selon nous, elle prend des directions qui sont contraires au développement du service. Je vous ai donné des exemples. Au MCCI, au ministère des Communautés culturelles et Immigration, avec M. Riddell, le 3 novembre 1989, pour citer un exemple, il y a au-delà de 130 professeurs qui lui disaient, somme toute fort gentiment, que de créer un super COFI dans Parc Extension, c'était contraire, si vous voulez, à l'abc de l'intégration. Puis M. Riddell, il dit, en tout cas, en ces termes, et là, je caricature à peine... Mais pour lui, fêter les 20 ans des COFI, c'était de créer une superstructure à l'image de nos polyvalentes d'autrefois. Pour nous, en tout cas, c'était, si vous voulez, des pensées tout à fait incorrectes. Et j'aurais beaucoup d'exemples comme ça à vous donner dans chacun des ministères. Mais j'aimerais juste reprendre votre commentaire principal au sujet de l'imputabilité et concilier un peu les deux interventions qui ont été faites là-dessus. C'est évident que pour nous, l'imputabilité, on la juge importante comme pointe de l'iceberg, si vous voulez, en mes termes, parce que ça génère, en dessous, quelque chose de fondamentalement important. Ça génère, en dessous de ça, une transparence qui n'existe pas. Elle existe quand elle vous parle à vous, mais elle n'existe pas quand on parle aux opérationnels en bas, sauf quand on l'obtient par des journalistes à gauche ou à droite. C'est triste, mais c'est un petit peu comme ça. L'imputabilité, pour nous, dans mon hypothèse, c'est que ça génère vraiment une gestion participative. Ça va générer vraiment le sous-ministre, le sous-ministre adjoint, les directions d'être à l'écoute des gens aux opérations, d'être à l'écoute, donc, des enseignants, d'être à l'écoute de l'expertise, et ils vont être beaucoup plus sensibles, si vous voulez, à nos interventions, dans le sens que la direction qu'ils vont prendre, ils vont savoir que nous, avec eux, dans le cadre d'une participation, d'une transparence, on va dire aussi notre mot. Et c'est ça qui nous est fondamentalement le plus important.

M. Lazure: M. le Président, surtout les remarques que vous faites au sujet des COFI, parce l'Opposition depuis quelque temps a soulevé la question à plusieurs reprises. Vous confirmez nos appréhensions. Pour des raisons strictement d'ordre budgétaire, le gouvernement actuel, le gouvernement du Québec, néglige et prive plusieurs centaines d'immigrants et d'immigrantes...

M. Perron (Luc): Vous pouvez dire des milliers. (16 heures)

M. Lazure:... de services élémentaires d'enseignement du français qui sont l'ABC d'une intégration. Et, en même temps, la semaine

passée, le gouvernement annonce... le Conseil du trésor annonce une subvention de 750 000 $ à l'ENAP, à l'École nationale d'administration publique, pour le perfectionnement de ses cadres supérieurs. Bon. Parfait pour le perfectionnement des cadres supérieurs. Peut-être prendront-ils des décisions plus sages que celles qu'ils ont prises dans le passé? Mais en même temps, je me dis: Si on trouve 750 000 $ pour le perfectionnement de l'ENAP, pourquoi n'en trouve-ton pas pour satisfaire à la demande des immigrants et des immigrantes? Au lieu d'attendre que ce soit le gouvernement fédéral, le grand frère, qui vienne subventionner ou financer, par toutes sortes de complications... de vouloir compliquer... cet enseignement-là. J'ai quelques questions, la première concernant les conservatoires. J'ai vu dans les journaux, il y a quelque temps, qu'il était question de privatiser des conservatoires. Qu'en est-il de cette question-là? Ça ne m'a pas trop étonné parce qu'on connaît un peu, depuis 1985, l'espèce de courant souterrain, insidieux du gouvernement actuel vers la privatisation de certaines institutions. Alors, moi, je vous demande à vous autres, qu'en est-il de cette rumeur qui veut qu'on privatise des conservatoires?

M. Perron (Luc): Depuis 1978, si vous voulez, l'administration des conservatoires, c'est...

M. Lazure: Ho, ce n'est pas partisan.

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît.

M. Lazure: Je parle de l'actualité. Je parle de ce que j'ai vu dans les journaux, il y a quelque temps, là.

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît Oui. Vous pouvez répondre à la question.

M. Perron (Luc): Depuis 1978, si vous voulez, lorsqu'on parie d'une gestion autoreproductrice, c'est qu'il y a toujours eu le même stéréotype d'administrateur qui veut ou qui se fait une gloire de se départir, si vous voulez, d'un des fleurons, en termes d'institutions nationales, que sont les conservatoires. Et, effectivement, il se parle beaucoup, dans les coulisses du Ministère, si vous voulez, de privatiser ce réseau d'institutions nationales. Et c'est malheureux parce que le postulat de ça, c'est qu'on pense trop New York, on pense trop Rockefeller ou on pense trop des familles de philanthropes qui, effectivement aux États-Unis, peuvent se permettre de financer une école, si vous voulez, d'une formation aussi pointue au niveau musical. Au Québec, il n'y a pas d'équivalent. Alors, l'administration, actuellement, effectivement, c'est dans des ambitions avouées qu'ils aimeraient bien, si vous voulez, se défaire des conservatoires de l'intérieur du ministère des

Affaires culturelles. Donc, se départir d'un volet de formation important.

M. Lazure: Je ne doute pas que les hauts fonctionnaires en parlent depuis 1978, mais ce dont je ne doute pas non plus, c'est que ce n'était pas la volonté politique du gouvernement à l'époque, en 1978, de privatiser les conservatoires. Ça, je peux vous le dire et la volonté politique de l'Opposition, actuellement, c'est de s'opposer à toute privatisation de conservatoires.

M. Perron (Luc): Même jusqu'à mettre en doute, si vous voulez, la gratuité qui particularise...

Le Président (M. Lemieux): Je voudrais tout simplement faire remarquer au député de La Prairie - je pense qu'il en est conscient - qu'il est hors d'ordre en émettant ce commentaire. Et j'ai déjà dit, dès le début, à l'ouverture de cette commission-là, que dans la mesure du possible, et ça, dans l'intérêt de ceux qui nous écoutent, des payeurs de taxes et de la collectivité, je veux qu'elle soit apolitique. Et c'est peut-être le premier défi que nous aurons à relever comme parlementaires. Vous pouvez continuer, M. le député de La Prairie.

M. Lazure: M. le Président, j'ai été stimulé à aller dans cette voie par le député de Saint-Louis dont vous avez entendu la remarque tantôt, M. le Président. Alors, je tourne la page et je pose une question... Alors, je souhaite que vous soyez aussi vigilant vis-à-vis du député de Saint-Louis que vous l'êtes vis-à-vis du député de La Prairie.

Le Président (M. Lemieux): Soyez sans inquiétude, M. le député de La Prairie. J'ai l'habitude d'être beaucoup plus coriace avec les membres de l'équipe libérale que je peux l'être avec l'Opposition. Il semblerait.

M. Lazure: La deuxième question que j'avais, M. le Président, touche les ITA, les instituts de technique agricole, je suppose. Vous dites, à la page 6, qu'il semblerait que les autorités refusent à vos professeurs de participer aux états généraux de l'UPA. Pourriez-vous m'expliquer un peu sur quelle base les autorités refusent-elles cette..

M. Perron (Luc): Selon nous, c'est sur une base occulte, mais ce qui est certain, c'est que la volonté sous-ministérielle affichée, éclatée, est à l'effet qu'elle ne veut pas que les professeurs participent, si vous voulez, aux sujets des ateliers, concernant les ateliers de formation agricole à l'intérieur de l'UPA, à l'intérieur des états généraux. Nous, on calcule que c'est totalement, enfin, inadmissible, parce que l'enseignement ne se fait pas en vase clos. L'ensei-

gnement se fait à l'intérieur de l'ensemble des réseaux constitués au Québec, et l'UPA, s'il en est, c'est un organisme important et on devrait être au fait ou on doit être à même de pouvoir participer, de façon visible, si vous voulez, à ces états-là. On le fera, bien sûr, mais on le fera sous le couvert du chapeau syndical. On calcule que l'employeur se prive d'une participation à cet effet-là.

M. Lazure: La dernière question touche les occasionnels. Vous disiez, tantôt, que vous aviez presque 50 % de vos effectifs qui étaient occasionnels. Alors... C'est plutôt un commentaire Je pense, M. le Président, que c'est aussi inaccep table dans ce corps de professeurs que ça l'est dans d'autres corps. Ce matin, je faisais des commentaires sur certains corps où il y avait 40 %, mais là, 50 %, c'est encore plus critiquable. C'est peut-être aussi une partie de l'explication du moral qui semble excessivement bas dans votre corps de professeurs. Si presque la moitié de vos collègues vivent avec cet aspect précaire de leur carrière, je pense qu'on peut très bien comprendre pourquoi vous utilisez le ton que vous utilisez dans votre mémoire. Je peux simplement souhaiter que, là aussi, les autorités supérieures de la fonction publique vont remédier à cette situation-là le plus tôt possible et maintenir au strict minimum le nombre d'occasionnels.

Si vous avez un recul, il y a 10 ans, 15 ans, je ne sais pas, moi, normalement, il y aurait eu quel pourcentage d'occasionnels dans un corps comme le vôtre de 800 personnes?

M. Perron (Luc): Normalement, nous avions, antérieurement, si vous voulez, l'équivalent de 9 % de l'ensemble des effectifs...

M. Lazure: 9 %, 10 %.

M. Perron (Luc): Ça aurait été possiblement un coussin raisonnable, selon nous. Mais, actuellement, comme vous le mentionnez si bien, c'est au-delà de 50 % et ça touche de plein fouet, bien sûr, la Loi sur la fonction publique où là, vous avez un problème de structuration qui permet même à un employeur de bonne foi, ou à une partie patronale de bonne foi, de ne pas être inventive dans ses moyens. C'est-à-dire, quand vous parliez tantôt des immigrants, immigrantes, vous en avez au-delà de 4000 en attente, à Montréal. Compte tenu que vous avez un gros bassin d'occasionnels, c'est évident que ça ne stimule pas l'organisation à être inventive en termes de moyens administratifs pour répondre au développement du service. Alors, compte tenu qu'ils ont quand même de l'argent, mais ils se lancent dans des constructions, selon nous, monstrueuses, au détriment du service à donner.

Ce problème de structuration-là touche de plein fouet, si vous voulez, la Loi sur la fonction publique. Et, malheureusement, comme corps d'emploi, nous sommes un très mauvais exemple, selon nous, pour la partie patronale, dans sa gestion des ressources humaines.

Le Président (M. Lemieux): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Oui, merci, M. le Président. Je vais excuser notre collègue de La Prairie. Tous les gens qui sont venus ici, je pense que ce qui fait la crédibilité de la commission, je pense que c'est quand même son caractère non partisan et objectif. Et je trouve ça déplorable que, lorsque les caméras de télévision rentrent dans notre enceinte, le député de La Prairie parle toujours dans un but partisan.

Le Président (M. Lemieux): M. le député des Îles-de-la-Madeleine, ne mettez pas d'huile sur le feu, s'il vous plaît.

M. Lazure: M. le Président, je trouve déplorable l'esprit mesquin du député des Îles-de-la-Madeleine.

Le Président (M. Lemieux): Alors, le tout...

M. Lazure: J'avais commencé à parler avant que les caméras n'arrivent dans la salle...

M. Farrah: À la lumière, M. le Président, du mémoire...

Le Président (M. Lemieux): M. le député des Îles-de-la-Madeleine, s'il vous plaît.

M. Lazure: ...peuvent le faire.

Le Président (M. Lemieux): M. le député des Îles-de-la-Madeleine, la parole...

M. Farrah: Oui, M. le Président. À la lecture du mémoire, je dois vous dire honnêtement, lorsque j'ai lu le mémoire, je me suis dit: C'est une réquisition. Je me suis dit: est-ce qu'on veut rendre des comptes par rapport aux gestionnaires? Honnêtement, là, parce que ça me semblait quand même relativement flou à certains égards. Je vous le dis bien honnêtement. Alors, je me suis dit: Est-ce qu'on veut rendre des comptes? On était en négociation, à l'époque. Ça s'est signé le 4 octobre, votre convention, je pense?

M. Perron (Luc): Elle s'est signée le 4 octobre.

M. Farrah: Alors, je me suis dit: Peut-être que le climat n'est quand même pas excellent ou pas propice aux bonnes relations, d'une part. D'autre part, quand même, avec les explications que vous nous apportez en avant, je dois quand

même admettre que ça m'éclaircit davantage, d'une part. Et, d'autre part aussi, qu'est-ce qui me préoccupe, c'est le service à la clientèle. C'est l'objectif aussi qu'on a ici, au niveau de la commission, c'est d'améliorer le service à la clientèle. Mais je regrette, à certains égards, que votre document soit flou, en termes de recommandations, précisément. Et je vais vous donner un exemple, à la page 11, au deuxième paragraphe. On parle de suggestions. Au deuxième paragraphe, vous dites: "La deuxième suggestion consiste à ventiler obligatoirement le manque d'envergure de l'actuelle gestion par un quelconque processus de dotation permettant l'introduction d'une gestion favorable à ce que les employés soient bien traités et se sentent en sécurité. Ainsi, les professeurs, capital humain, seraient infiniment plus engagés, plus intéressés et, en bout de ligne, plus productifs. " Quel processus vous suggérez pour pallier à cette situation-là, pour ventiler ou... Quel processus que vous suggérez? C'est ça un peu que je vous reproche à l'intérieur de votre document.

M. Perron (Luc): Je pense que l'explication est fort simple. Quand on lit ce qui précède et puis, on constate, si vous voulez, en termes de présence dans le travail, d'au-delà 50 % du personnel occasionnel, c'est évident que ce paragraphe-là, en termes de suggestion, il vient dire à l'employeur ou aux gens qui sont lies à la Loi sur la fonction publique, que ça prend des effectifs sur une base plus stable. Nous n'avons pas été, si vous voulez, trop ambitieux en disant que de 50 %, ça devrait être réduit à 10 % d'occasionnels. On mise sur l'intelligence des parties. On se dit tout simplement lorsqu'on veut un service, dans une continuité respectable, ça prend des ressources sur une base régulière. Et je suis à même de vous dire que si vous regardez la situation présente, vous avez, par exemple, à ITHQ, des gens qui sont là depuis 20 ans comme occasionnels. Dans les conservatoires, vous avez des gens qui sont là depuis plus de 12 ou 13 ans comme occasionnels. Il me semble que lorsqu'on parle dans une perspective, c'est juste de permettre à ces gens-là, si vous voulez, d'être intégrés à l'intérieur d'activités régulières, et c'est tout simplement ça le sens du paragraphe.

M. Farrah: Vous formulez essentiellement un besoin d'être entendus, écoutés. Vous voulez participer au processus décisionnel, qui est tout à fait bon en soi. D'ailleurs, je pense que si ça n'existe pas, je pense qu'il faudrait l'implanter. Mais pouvez-vous nous donner des exemples de dossiers où vous souhaiteriez être entendus ou participer?

M. Perron (Luc): II y a moult exemples. Nous sommes, si vous voulez, des gens qui sommes spécialisés dans des disciplines distinctes. Tantôt, je me suis amené en disant que j'avais les cordes un peu coupées. Alors restons dans le domaine des affaires culturelles, des conservatoires de musique. Vous avez une direction générale qui a créé une direction des services pédagogiques en 1983. Nous, nous étions contre cela parce qu'il existe au sens de la loi de 1942 un comité d'études qui n'est pas utilisé actuellement, un comité d'études musicales qui ferait appel, justement, à l'expertise que sont les professeurs de l'ensemble des conservatoires. L'administration a voulu faire ça seule. De 1983 à 1989, ça n'a absolument rien donné, sinon du gaspillage, sinon une imposante montagne de paperasse, ce que parfois on observe dans la fonction publique, malheureusement. Là, actuellement, il se disent qu'ils ne vont nulle part avec ça. Qu'est-ce qu'ils font? Ils rencontrent tous les professeurs dans leur discipline concernée pour construire des programmes, si vous voulez, qui sont à point et qui permettent aux conservatoires d'être à la fine pointe de l'actualité. Ça, c'est une réalité. C'est à travers ça que nous disons que l'administration devrait être beaucoup plus transparente.

Dans les COFI, je peux vous sortir le même exemple, où vous avez une nouvelle gestion qui arrive il y a 3 ans, où elle fait fi des 20 ans d'expérience des professeurs. Elle dit: Moi, j'arrive de l'éducation, moi je sais ce que c'est, et un programme, ça se fait en 6 mois. Ça fait 3 ans qu'ils pensent ça La, actuellement, ils mettent à contribution des professeurs dans la création de moyens pour construire dos programmes de façon plus visible, pour aider l'ensemble du corps professoral. On demande seulement à être utilisés. Et c'est triste d'être obligés de vous le dire parce que nous sommes un groupe professionnel, disons, au sens noble du terme, dans le sens que nous avons une formation, nous avons une spécialité, et on demande à ce qu'elle soit utilisée. Mais l'administration, qui arrive des fois à tort, selon nous, méconnaît et veut méconnaître parce qu'elle dit: Nous, nous savons. On dit: Écoutez, demandez-le nous. Utilisez-nous et on va être transparents. Et c'est ça qu'on reproche. Si on le faisait le moindrement, vous auriez des conservatoires qui seraient en train de se développer présentement. Je parte de Val-d'Or.

A Val-d'Or, vous avez une situation depuis le début des années soixante-dix, où vous n'avez que des professeurs occasionnels. La seule personne qui est permanente, c'est la directrice. La directrice est une flûtiste. Elle était d'abord professeure occasionnelle. Elle est devenue directrice par intérim. Là, elle est devenue permanente. C'est un non-sens. C'est un conservatoire qui ne fonctionne qu'avec des ressources occasionnelles, alors qu'il devrait y avoir une stabilité dans le corps professoral. Il y a beaucoup de talents dans la région de Val-d'Or et de Rouyn-Noranda, et on maintient toujours les gens avec une épée de Damoclès. C'est totalement

inadmissible. Et dans les fondements mêmes du geste ou de l'acte professionnel, nous sommes obligés de nous battre. (16 h 15)

On va vous donner l'exemple de l'Institut de tourisme. Nous avons dû intervenir publiquement. Nous avons dû vraiment faire en sorte que le politique nous entende et se dise, une fois pour toutes: l'Institut, on l'oriente de quelle manière? Il nous a entendus et, actuellement, vraiment, il s'en va dans le domaine de formation: la restauration d'hôtellerie et du tourisme. Mais il a fallu qu'on intervienne, et là on est utilisés. On aimerait bien mieux vous dire, actuellement, on aimerait bien mieux faire le constat que, compte tenu d'une mentalité de gestion existante, la transparence existe. Mais nous sommes à même de vous dire que, dans la fonction publique, on doit faire le constat qu'elle n'existe pas. Et je vous donne, dans le mémoire, un exemple, au niveau de la santé et sécurité. C'est un dossier dans lequel je suis très actif. J'agis comme coprésident syndical au niveau de l'ensemble du secteur de l'administration provinciale. Donc, je suis président depuis 1983 parce que, fondamentalement, je crois en la transformation d'attitudes. Je crois à la création de comportements sécuritaires. L'employeur où ça a très bien réussi, c'est parce qu'il y avait des tragédies. Le Mont-Sainte-Anne a réussi à faire quelque chose de modèle en termes de santé et sécurité parce qu'il y a eu des tragédies. Moi, je me dis que l'intelligence des gestionnaires, peut être à travers l'ENAP et autres, mais l'intelligence des gestionnaires devrait faire en sorte de construire des mécanismes de prévention et de développer des attitudes, au lieu d'expérimenter des maladies professionnelles, mais de développer des attitudes favorables en termes d'organisation du travail et qui soient propices à ce que les performances soient plus visibles à travers les services. Il n'y a pas la notion de profit chez nous. Les performances sont possibles et sont plus éclatées.

M. Farrah: Au niveau de l'imputabilité, M. le Président, on a fait mention que vous étiez d'accord avec une forme d'imputabilité au niveau des hauts fonctionnaires, des sous-ministres, etc. Maintenant, est-ce que vous souhaitez une imputabilité à votre niveau et, si oui, comment devrait-elle prendre forme?

M. Perron (Luc): C'est-à-dire qu'à notre niveau, elle est, je devrais dire, sans jeu de mots, permanente. Quand je dis: Sans jeu de mots, c'est que je pense aux 50 % d'occasionnels. Elle est permanente dans le sens que, quand vous regardez les conservatoires de musique, vous avez là une particularité sur laquelle on se base au niveau des concours. Vous avez et je vous cite là-dedans - c'est triste parce que, comme Québécois, ça m'attriste beaucoup - un rapport qui est de Trowsdale, de 1988, où, lui, fait mention que l'institution d'excellence au Canada, en termes de formation musicale professionnelle, c'est la maison que sont les conservatoires, et McGill comprend cela. Alors, l'imputabilité se traduit, si vous voulez, vraiment à travers les résultats que nous allons chercher. Et là-dedans, je n'ai aucune gêne à dire que les conservatoires, par rapport à ce qui existe dans le marché en termes de talents éclatés, de talents visibles, tant en art dramatique qu'en musique, que nous sommes performants et il en est ainsi dans les différents domaines de spécialisation.

Quand vous regardez les COFI, où c'est peut-être moins palpable... Je vous invite à venir avec moi, gratuitement - c'est ça les institutions d'État, c'est gratuit - à aller rencontrer des exstagiaires de COFI. Vous en avez ici, à Québec, il y en a un sur la rue Marquette. Allons parler avec eux, qui sont passés à COFI, et vous allez voir leur fierté de la terre d'accueil, leur fierté d'utiliser le français et leur fierté de vouloir vivre des valeurs québécoises. Ça, c'est la plus belle paie, c'est la plus belle performance. Là aussi, l'imputabilité est présente.

M. Farrah: Une dernière question, M. le Président, en ce qui me concerne, si vous me permettez, au niveau de l'article 70 de la loi. Tantôt, vous avez fait mention que c'est non négociable. Ce sont les parties non négociables au niveau des conventions collectives. Est-ce que vous pensez que certains éléments, comme la nomination de candidats à la fonction publique, la classification des emplois, etc. Est-ce que vous pensez qu'il y a de ces éléments-là qui devraient être exclus pour être négociés éventuellement ou... J'aimerais avoir votre point de vue là-dessus.

M. Perron (Luc): C'est-à-dire que l'ensemble des éléments qui sont là, qui sont sortis du champ de la négociation pour atteindre le nombre de postes, un plancher d'emploi ou la classification, ça devrait être dans le champ du négociable. Selon nous, on devrait, si vous voulez, à visière levée - l'État-employeur ou l'employeur que sont les ministères et organismes - être capable de fonctionner avec intelligence, entre parties responsables et puis d'y aller, d'intégrer ça dans le champ de la négociation.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de La Prairie, s'il vous plaît.

M. Lazure: Juste une question. Je vous remercie, M. le Président. Vous dites, à la page 10. "Le Secrétariat du Conseil du trésor est à contre-courant dans le domaine de la gestion des ressources humaines. Il favorise la déstabilité, la désorganisation, la mise en exergue d'un pouvoir répressif à exercer sur les statuts précaires." C'est une accusation assez grave. Mais, en

rapport avec le Conseil du trésor, vous savez sans doute que, de 1983 jusqu'en 1988, les gouvernements de cette période-là, de différents partis - donc, ce n'est pas partisan pour le député de Saint-Louis - il y avait deux ministres responsables de l'administration de la loi. le président du Conseil du trésor et un autre ministre nommé par le Conseil des ministres. En 1988, le gouvernement a changé cette situation et il y a un seul ministre qui est le président du Conseil du trésor responsable de l'ensemble de la loi. Est-ce que vous êtes d'avis que la formule actuelle est satisfaisante ou est-ce que vous êtes d'avis qu'il y aurait lieu de nommer un deuxième ministre, comme la Commission de la fonction publique le disait ce matin? C'était leur opinion, à eux, qu'il serait opportun de désigner un deuxième ministre, surtout pour les aspects de la loi qui touchent les ressources humaines.

M. Perron (Luc): Nous sommes d'avis, là-dedans, qu'il apparaît un conflit d'intérêts, que ça serait mieux, si vous voulez, deux ministres qui soient responsables à la suite de la question que vous posez. Mais je profite de ce que vous mentionnez comme prémices, en disant que la disparition du ministère de la fonction publique a peut-être contribué à l'arrivée, justement, d'une responsabilité unique. Ce que je veux dire, c'est qu'au niveau de sa disparition, on a soustrait l'importance qu'occupent peut-être les ressources humaines comme telles.

M. Lazure: Vous voulez dire que ce qui serait peut-être encore plus souhaitable de votre part, ce serait de revenir à un ministère de la fonction publique.

M. Perron (Luc): C'est-à-dire que la disparition a fait en sorte que, nous, dans l'hypothèse que nous faisions ou dans l'observation que j'induisais, c'est que l'ensemble des directions de personnel des ministères et organismes aurait dû remplacer de manière structurelle, informelle ou formelle, si vous voulez, le pourquoi ou l'existence ou les raisons d'être du ministère de la fonction publique antérieurement. Alors, c'est un questionnement que je soulève tout haut, là-dedans, parce que ça prend une cohérence, ça prend une cohésion d'ensemble. Sinon, on constate que, nous, c'est juste quatre ministères, mais c'est comme s'ils travaillaient, des fois, en vase clos par rapport à l'utilisation de leur personnel.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Alors, une minute, M. le député de Saint-Louis. Terminé?

A*. Chagnon: Brièvement. D'abord, je voudrais remercier les membres du Syndicat des professeurs de l'État...

Le Président (M. Lemieux): II vous reste une minute d'intervention, pas pour des commentaires nécessairement. Aflez-y, M. te député de Saint-Louis.

M. Chagnon: Oui. Alors, je voudrais remercier les membres du Syndicat des professeurs de l'État du Québec d'être venus nous rencontrer. Je ne voudrais toutefois pas les laisser partir sans corriger deux interventions que notre collègue de La Prairie nous a faites et qui ne sont peut-être pas justifiées, en tout cas, au moins. Je prends celle de ce taux d'encadrement que vous avez soulevé comme étant un problème que le député de La Prairie considérait comme un problème récent. Si je me fie au document du Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec pour lo développement du Québec, d'une fonction publique forte et efficace, dans sa page 15. On mentionnait ainsi que "gérer la décroissance est, de toute évidence, une lourde tâche car, de 1977 à 1983, alors que l'ensemble du personnel de la fonction publique augmentait de 6,67 % en comptant le personnel occasionnel de plus en plus nombreux - déjà à ce moment - les cadres et les autres personnels de directions supérieures augmentaient de 43,89 %." Et la deuxième...

M. Lazure: M. le Président, si vous permettez, j'ai justement dit que c'était sur une longue échelle. Le député de Saint-Louis n'écoutait pas, comme ça lui arrive souvent.

M. Chagnon: J'ai voulu suggérer...

M. Lazure: J'ai précisé que J'avais des statistiques seulement des quatre dernières années...

M. Chagnon: Je pense que j'avais la parole, M. le Président. Est-ce que je pourrais récupérer la parole que j'avais? Le député, quand ce sera...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de

La Prairie...

M. Lazure: Oui, mais je n'accepte pas que vous disiez des choses qui soient inexactes.

M. Chagnon: M. le député de La Prairie, vous relirez les galées puis vous nous en reparlerez

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Saint-Louis, s'il vous plaît. Alors, disons que l'échelle des statistiques devient un petit peu plus longue. Alors, vous terminez, là, M. le député de Saint-Louis?

M. Chagnon: Alors, quant à la deuxième affirmation du député de La Prairie à l'effet que le gouvernement ne se préoccupe pas de la

question de la francisation des immigrants, je lui ferai savoir tout simplement que, depuis trois ans maintenant, plus de la moitié du budget du ministère des Communautés culturelles et Immigration va justement à la francisation des immigrants, et c'est par plusieurs millions de dollars que nous avons...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Saint-Louis, je vous arrête, ce n'est pas plus pertinent. On conclut là-dessus. Je vous remercie de votre participation à cette commission parlementaire, et nous allons suspendre une minute de plus que d'habitude; trois minutes au lieu de deux minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 23)

(Reprisée 16 h 25)

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais maintenant au Conseil des communautés culturelles et de l'immigration de bien vouloir prendre place à la table des témoins.

Une voix: II y a un avis...

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission du budget et de l'administration... Ça va, M. le député de La Prairie, M. le député de Saint-Louis. Alors, on commence nos auditions avec le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration. Alors, je demanderais à Mme la représentante de ce groupe de bien vouloir s'identifier, s'il vous plaît.

Conseil des communautés culturelles et de l'immigration du Québec

Mme Folco (Raymonde): Raymonde Folco. Je suis la présidente du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration du Québec.

M. le Président, mesdames et messieurs les membres de la commission parlementaire du budget et de l'administration de l'Assemblée nationale du Québec, le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration vous remercie d'avoir bien voulu nous recevoir aujourd'hui pour fins de présentation d'un mémoire portant sur l'étude de l'opportunité de maintenir en vigueur ou, le cas échéant, de modifier la Loi sur la fonction publique. Et ce mémoire portera plus spécifiquement sur divers aspects relatifs à la représentation des communautés culturelles dans la fonction publique québécoise.

Créé par une loi de l'Assemblée nationale du Québec adoptée le 20 décembre 1984 et entrée en vigueur le 1er avril 1985, le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration est un organisme permanent et autonome dont la fonction principale est de conseiller la ministre des Communautés culturelles et Immigration. La mise sur pied du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, organisme de consultation et de recherche, procède d'une démarche qui vise à convier la population et les principaux secteurs de la société à une réflexion collective sur les questions touchant l'immigration et les communautés culturelles.

Il y a quelques semaines, alors que nous confirmions notre participation aux audiences de la présente commission parlementaire, nous analysions avec le secrétaire de la commission du budget et de l'administration, les raisons justifiant notre présence devant vous aujourd'hui. Comme vous le savez, le Conseil est intervenu à toutes les étapes qui ont conduit à la préparation puis à l'implantation d'un programme d'accès à l'égalité au sein de la fonction publique québécoise. En effet, c'est le 20 mars 1990 que le président du Conseil du trésor et ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique, M. Daniel Johnson, annonçait officiellement la mise en place du programme d'accès à l'égalité de la fonction publique du Québec pour les membres des communautés culturelles.

Ce programme, d'une durée de quatre ans, de 1990 à 1994, s'inscrit dans le contexte légal des actions du gouvernement du Québec et constitue une intervention intégrée au processus de la gestion des ressources humaines. C'est précisément au niveau de l'application de la Loi sur la fonction publique, sanctionnée le 22 décembre 1983, que le Conseil est intervenu auprès du Conseil du trésor et de l'Office des ressources humaines. La Loi sur la fonction publique a été adoptée le 1er avril 1984. Cette loi faisait disparaître le ministère de la fonction publique et l'office du recrutement et de la sélection du personnel. Elle confiait ainsi au Conseil du trésor l'élaboration des politiques générales en matière de gestion des ressources humaines, et son article 80 le mandat d'établir des programmes d'accès à l'égalité en vue de corriger la situation de personnes faisant partie de groupes victimes de discrimination dans l'emploi.

Créé par la même loi, l'Office des ressources humaines s'est vu confier la responsabilité du recrutement et de la promotion des fonctionnaires. L'Office des ressources humaines est aussi chargé de proposer au gouvernement, au Conseil du trésor, à un ministère ou à un organisme des mesures pour améliorer la gestion et le développement des ressources humaines au sein de la fonction publique. L'Office est aussi chargé d'assurer l'application des politiques du gouvernement concernant notamment les programmes d'accès à l'égalité qui visent notamment les femmes, les membres des communautés culturelles, les personnes handicapées et les autochtones. L'examen par le Conseil des thèmes privilégiés par la commission du budget et de l'administra-

tion nous a permis d'orienter notre intervention sur les questions relatives à la dotation des emplois et au développement des ressources humaines. Le programme d'accès à l'égalité étant en vigueur au sein de la fonction publique du Québec depuis le printemps de 1990, d'aucuns croiraient non opportune l'intervention du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration devant la commission du budget et de l'administration, dont le mandat est d'étudier l'opportunité de maintenir en vigueur ou, le cas échéant, de modifier la Loi sur la fonction publique. Notre organisme, tout en croyant à l'impact positif à moyen terme du programme d'accès a l'égalité, demeure fermement convaincu que beaucoup reste à faire dans ce domaine.

Permettez-nous de faire un bref rappel des principales réalisations du Conseil dans le domaine couvert par le thème que nous avons choisi de traiter en priorité, à savoir: la dotation des emplois et te développement des ressources humaines. Le dossier de l'accès à l'égalité en emploi est un des dossiers majeurs du Conseil. Le dossier de l'accès à l'égalité... Excusez-moi. Nous ne mentionnerons pas le contenu et l'ampleur de la correspondance ainsi que les échanges de documents intervenus entre le Conseil, les ministères et les organismes concernés par la gestion des ressources humaines dans la fonction publique du Québec. Cette correspondance et ces documents touchent différents éléments dont la dotation, la planification, l'administration, l'organisation, la direction, le développement et l'évaluation des ressources humaines.

Au nombre des publications du Conseil sur la question, retenons un avis à la ministre des Communautés culturelles et Immigration intitulé Programmes d'accès à l'égalité en emploi à l'intention des communautés culturelles, jalon pour une société harmonieuse qui a été publié en 1988; une étude dont le titre est Pour une meilleure représentation des communautés culturelles dans la fonction publique québécoise, octobre 1988; un rapport-synthèse publié suite à une Journée d'étude organisée par le Conseil le 4 novembre 1988; un document intitulé Programme d'accès à l'égalité en emploi à l'intention des communautés cuttureltes, publié en mars 1988, et, enfin, un avis à la ministre des Communautés culturelles et immigration intitulé Sur la création de services de référence de candidature de personnes des communautés culturelles, qui a paru en 1989.

Dans l'avis à la ministre sur Les programmes d'accès à l'égalité en emploi à l'intention des communautés culturelles, jalon pour une société harmonieuse, le Conseil réclamait l'implantation de programmes d'accès à l'égalité pour les communautés culturelles, en particulier dans le secteur public. Le Conseil faisait remarquer que les membres des Communautés culturelles représentaient moins de 4 % des effectifs globaux de la fonction publique québécoise, pourcentage qui est à peu près le même aujourd'hui. Si l'on considère la définition des communautés culturelles, la clientèle cible retenue par le Conseil du trésor et l'Office des ressources humaines qui est: "Les membres des minorités visibles et les personnes qui sont de langue maternelle autre que le français et l'anglais", le taux de présence dans l'effectif de la fonction publique et pour l'ensemble des catégories d'emploi est de 1, 7 %.

En tenant compte de ce cadre historique, le Conseil veut d'abord souligner le concept très important qui est mentionné dans le document de consultation à propos du mandat de la présente commission parlementaire, il s'agit du concept de changement traduit selon les termes suivants: "les articles de la loi ont pour but de faciliter et de permettre l'accomplissement de la mission, fournir au public des services de qualité auxquels il a droit en introduisant une philosophie nouvelle de gestion des ressources humaines de la fonction publique. "

En abordant le coeur de notre présentation devant la commission du budget et de l'administration, nous avons encore un écho des propos de son président et député de Vanier, M. Jean-Guy Lemieux. Vous disiez en substance, M. le Président, que cette consultation publique, prévue par la loi, sera l'occasion de mettre au jour tous les problèmes que vit la fonction publique québécoise et d'en identifier les causes. La commission parlementaire veut vérifier si le ConseH du trésor et si les gestions de chacun des ministères ont pris leurs responsabilités depuis sept ans. Et je cite ici un article du journal La Presse, qui a paru en octobre 1990, où votre déclaration s'achevait sur les considérations suivantes. Je cite encore: "la Loi sur la fonction publique a été sanctionnée le 22 décembre 1983 pour répondre à quatre objectifs: contrer la lourdeur de la réglementation antérieure, accentuer l'autonomie de gestion des ministères et des organismes, assouplir la règle du mérite pour améliorer la représentativité de groupés minoritaires dans la fonction publique et freiner la prolifération des vérifications et des contrôles du Conseil du trésor. "

Le Conseil des communautés culturelles et de l'Immigration se présente en commission parlementaire en ayant conscience de l'ensemble des mesures prises depuis 1983, et qui ont été déterminantes dans l'atteinte des objectifs de la réforme de la fonction publique proposée à l'époque Mieux, depuis plus de cinq ans qu'il existe, le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration a participé de diverses manières aux actions des instances responsables de l'application de la Loi sur la fonction publique en vue de répondre adéquatement aux. exigences d'une philosophie nouvelle de gestion des ressources humaines.

Le Conseil est donc capable de mesurer l'ampleur du chemin parcouru vers l'atteinte de l'objectif principal de la loi. Notre intervention

va porter initialement sur la progression des travaux d'implantation des moyens prévus pour atteindre les objectifs mis de l'avant lors de la mise à jour de la loi, le 1er juillet 1984, les articles 80 et 81, et depuis le 1er mars 1985, notamment en la section 2 sur la dotation, c'est-à-dire celle qui englobe les articles 42 à 54 inclusivement. Nous estimons que le cadre législatif constitué par la loi est convenable, mais nous voulons saisir la commission du budget et de l'administration sur le fait qu'en matière de gestion des ressources humaines, les modalités d'implantation et la mise en oeuvre des politiques et des mesures visant l'opérationalisation du programme d'accès à l'égalité de la fonction publique, marque une rupture importante et constitue un facteur majeur de changement dans le moteur et l'âme de la fonction publique que sont les ressources humaines.

Dans le chapitre suivant, le Conseil veut ouvrir la réflexion sur l'avenir, en essayant rapidement d'élaborer autour de la notion de changement dans la gestion des ressources humaines, qui est le véritable enjeu pour la fonction publique québécoise à la fin de ce siècle. Par la suite, avant de dégager quelques recommandations, nous allons mettre en évidence le fait que l'accès à l'égalité représente, au sein de la fonction publique, le principal défi de l'action concertée dans le contexte des mutations socioculturelles, économiques et politiques qui traversent la société québécoise des années quatre-vingt-dix. Défi qui ne pourrait être que difficilement relevé si une conception réductrice de l'égalité venait miner les intentions mêmes du PAE.

Je voudrais maintenant parler de la dotation des emplois et du développement des ressources humaines, en particulier, ici, la notion de changement dans la gestion des ressources humaines, un enjeu de taille. Le programme d'accès à l'égalité de la fonction publique du Québec, pour les membres des communautés culturelles, est une intervention intégrée au processus de la gestion des ressources humaines. Cette intervention constitue le changement le plus remarquable du développement des ressour ces humaines des dernières décennies pour les quelque 60 000 fonctionnaires régis par la loi. Le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration croit nécessaire de prendre la mesure de ce changement qui représente un enjeu de taille dans le cadre et au-delà de l'exercice d'examen et de révision de la Loi sur la fonction publique. Le programme d'accès à l'égalité, le PAE de la fonction publique, vise donc à rendre le personnel, à tous les niveaux, plus représentatif de l'ensemble des ressources humaines disponibles. Cette opération est organisée dans une perspective d'équité à l'égard de tous les groupes qui composent la population, mais également au profit d'une utilisation optimale des compétences dont l'employeur qu'est la fonction publique du Québec peut disposer.

On peut définir un tel programme comme un processus de changement planifié et global mis en oeuvre par la fonction publique du Québec en vue de déterminer et de supprimer la discrimination dans son système d'emploi, d'assurer une représentation équitable des membres des groupes victimes de discrimination dans tous les secteurs et à tous les niveaux d'emploi et de responsabilité. Nous considérons que le PAE de la fonction publique, en plus de contribuer à réduire les inégalités, permet à l'employeur, c'est-à-dire l'État, d'en tirer un certain nombre de bénéfices reliés, notamment, à l'amélioration des méthodes de planification et de gestion des ressources humaines, l'accès à un bassin élargi de main-d'oeuvre qualifiée, la diminution des risques de poursuites judiciaires intentées en vertu des lois antidiscriminatoires. La mise en place de tous le processus et l'implantation du PAE dans la fonction publique constitue la réalisation d'un changement qui mobilise les énergies tout en déclenchant de fortes résistances.

Ce changement important prend à la fois la forme d'une réorganisation administrative et celle d'une révision de la culture organisationnelle de la fonction publique. Comme ces changements s'effectuent en parallèle avec la rationalisation des effectifs, la mise en place de nouveaux systèmes informatiques dans un contexte de conditions économiques difficiles et de bouleversements des valeurs socioculturelles, nous comprenons qu'ils vont entraîner une modification en profondeur des politiques qui servent l'application de la loi actuellement en révision. La fonction publique du Québec est véritablement à l'aube d'une période de mutation. C'est un enjeu de taille. Pouvons-nous aller jusqu'à dire que le PAE pourrait représenter pour la fonction publique une opportunité stratégique?

Envisager la démarche vers l'accès à l'égalité sous l'angle d'un profond changement opportun à opérer nous semble stimulant. Il est aussi vrai que vouloir négliger les revendications des femmes face aux conditions de travail ou celles des minorités socioculturelles en faveur du droit à la différence et à l'accessibilité économique, c'est lutter contre un mouvement irréversible dont la fonction publique ne peut sortir gagnante à long terme.

Notre souci, au Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, quand nous examinons les changements nécessaires occasionnés par l'implantation puis l'opérationalisation dans la fonction publique, c'est principalement de mesurer l'ampleur exacte de ces changements. C'est un défi de taille, car il implique de dépasser les aspects techniques, légaux et l'ensemble des éléments des négociations patronales et syndicales qui accompagnent le développement d'un PAE. Avant de revenir sur ces considérations pratiques que nous aborderons dans le

chapitre suivant, nous voulons expliquer rapidement qu'au-delà des statistiques, le PAE dans la fonction publique exige une modification de la culture organisationnelle et un changement d'attitudes au sein des ressources humaines. "Ce sont les attitudes et les politiques qui seront mises en cause" explique le correspondant de la Presse canadienne à Québec dans un article paru dans le journal La Presse du 9 octobre 1990.

Comment modifier la culture organisationnelle de la fonction publique? Comment changer les ressources humaines? Nous n'avons pas de recettes à vous proposer. Nous voulons simplement montrer que le défi du changement est un défi de taille pour la fonction publique. Faire évoluer la culture organisationnelle pour la rendre plus conforme à de nouvelles valeurs d'accès à l'égalité, représente une entreprise importante. Modifier la culture veut dire réussir un certain nombre d'opérations:

Développer un projet d'entreprise et définir un énoncé de valeurs claires, qualité et efficacité des services.

Créer et renforcer le leadership du maître d'oeuvre de l'implantation de la loi, le Conseil du trésor, afin de soutenir le projet de la fonction publique et d'en assurer la crédibilité.

Identifier la cause du changement. II faut que les personnes concernées connaissent les raisons et l'importance de la cause pour justifier un changement.

Définir un plan de communication. Dès le début du projet de changement, il faut informer rapidement et efficacement tous les intervenants sur les enjeux, les buts et les étapes du changement. La participation des personnes concernées est proportionnelle au degré d'information reçue.

Former en fonction des besoins des ressources humaines. Un changement de culture doit être appuyé par des mesures adéquates de formation. Différentes approches pourront être utilisées - ateliers, colloques, travail en équipe -

Renforcer les acquis. Il est primordial, dans un processus de changement de la culture organisationnelle et des mentalités, de reconnaître les progrès accomplis, de soutenir les actions prises et de manifester de manière tangible aux ressources humaines l'intérêt de la fonction publique pour les changements visés.

Le changement au sein des ressources humaines est relié à tous les autres changements. Effectuer des changements draconiens dans l'affectation du personnel peut permettre d'apporter un regard nouveau et une contribution différente au succès de l'opération de change ment des attitudes. Plus fondamentalement, il est important de travailler au changement d'attitudes avec le personnel en place qui souvent ne demande qu'à collaborer. Les programmes d'information et de formation sont primordiaux. Nous allons rapidement passer en revue quelques aspects pratiques du Programme d'accès à l'égalité de la fonction publique avant de dégager quelques recommandations que nous présentons à la commission du budget et de l'administration.

Les programmes d'accès à l'égalité. "Bienvenue dans la fonction publique aux membres des communautés culturelles" sont les termes utilisés par le président du Conseil du trésor et ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique, en conclusion de son allocution le 20 mars 1990, lors de l'annonce officielle de la mise en place du PAE de la fonction publique québécoise. Bienvenue dans la fonction publique, c'est aussi le titre d'un dépliant qui fait la promotion du PAE gouvernemental. Le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration est satisfait de la réalisation du PAE de la fonction publique du Québec pour les membres des communautés culturellles suivant un échéancier de quatre ans (1990 à 1994). (16 h 45)

Ce programme complet vise à augmenter le niveau de représentation des membres des communautés culturelles dans la fonction publique afin qu'il rejoigne celui de leur disponibilité externe, soit 9 %. Pour y parvenir, le PAE fixe à 12 %, pour une période de quatre ans, le taux d'embauche par voie de recrutement externe pour toutes les catégories d'emploi des membres des communautés culturelles. Précisons que ce programme s'adresse aux membres des minorités visibles et aux personnes dont la langue maternelle est autre que le français et l'anglais. Mais un facteur pouvant grandement influencer le degré réel d'accès des membres des communautés culturelles à la fonction publique est le type de définitions que l'on donne au concept même d'égalité.

Le concept d'égalité ne fait pas l'unanimité au Québec. Difficile à saisir, de par sa distinction entre égalité formelle et égalité véritable, il se prête difficilement à une définition rigoureuse à cause de sa valeur symbolique et de l'évolution de la société qui lui attribue un sens pouvant rapidement évoluer.

Ce n'est que depuis le début des années quatre-vingt que le Québec et le Canada ont inscrit dans leurs lois le principe d'égalité. Avant cette date, ce principe ne constituait pas une norme dont l'observance était assurée par les tribunaux; il s'agissait, tout au plus, de l'une des composantes du principe de l'égalité ou de primauté du droit - rule of law - dont notre droit constitutionnel non écrit avait hérité par le biais du préambule de la loi constitutionnelle de 1867 A V. Decey, historien bien connu pour sa définition do l'égalité pro forma, écrivait en 1885, dans son Introduction to the Study of Constitutional Law, que l'égalité, c'est "la sujétion égale de toutes les classes aux lois ordinaires du pays administrées par les tribunaux ordinaires". C'est sur cette notion étroite d'égalité que s'est longtemps appuyée la jurisprudence en matière de traitement des minorités.

En fait, l'affirmation abstraite du principe d'égalité dans une société libérale n'a guère de signification pour les groupes défavorisés, à moins qu'il n'y ait de la part des autorités étatiques des interventions égalitaires. Un traitement égalitaire ne signifie pas un traitement identique.

Le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration souscrit entièrement à une interprétation du concept d'égalité, qui suppose que l'égalité n'est pas simplement ou même primordialement un traitement identique, mais plutôt le fait de corriger les injustices subies par certains groupes. Et puisque cette dernière interprétation s'adresse directement à la réalité de l'inégalité, elle répond mieux, croyons-nous, à l'objectif général du PAE.

La Cour suprême du Canada a d'ailleurs clairement indiqué que le concept de désavantage est au coeur même de la recherche de l'égalité et que l'égalité nécessite un traitement équitable qui tient compte de la situation des individus plutôt qu'un traitement simplement égal.

Malheureusement, encore trop de personnes dans la fonction publique ou même dans certaines sphères gouvernementales semblent s'inspirer du concept étroit de l'égalité formelle. Lorsque les personnes responsables du recrutement s'en tiennent à une telle interprétation, les membres des groupes minoritaires font face à des difficultés quasiment insurmontables: d'une part, la comparabilité exigée se heurte au fait que la norme donnant droit à l'égalité est souvent impossible à atteindre; d'autre part, le désavantage qu'occulte l'égalité formelle devient presque impossible à prouver.

II ne nous semble pas téméraire d'affirmer que beaucoup reste à faire avant que I'ensemble des membres de la fonction publique acceptent le fait que des mesures correctives favorisant les membres des communautés culturelles s'imposent pour pallier aux carences évidentes dans certains secteurs d'activités. Accepter le PAE comme un état de fait est une chose, reconnaître la justice fondamentale de ce programme en est une autre.

En débutant ce dernier chapitre de notre mémoire, avant celui des recommandations, nous soulignions, dans le libellé de notre titre, le fait que pour le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, les PAE représentaient le défi des années quatre-vingt-dix. Nos préoccupations dans le contexte de restriction économique et de rareté des emplois que nous connaissons, s'étendent à des aspects qui, dans un avenir proche, à notre avis, mériteront une attention plus grande.

En effet, quelle que soit la direction que prendra notre société après la phase de redéfinition de son avenir politique et constitutionnel que nous vivons actuellement, l'accès à l'égalité deviendra progressivement un phénomène social d'envergure. Cette mutation de l'intérêt d'un nombre grandissant de personnes pour les questions de justice sociale et d'équité, dans tous les secteurs de l'activité économique, culturelle et politique, causera des remous et fera émerger de nouvelles problématiques.

Au nombre de ces problématiques, le Conseil retient la place prépondérante que prendra le principe d'égalité et l'avènement de nouvelles formes de discrimination (indirecte et systémique) qui nécessiteront une évolution des concepts juridiques dans le domaine du droit du travail et de l'application des chartes des droits de la personne. Dans le rapport de la Commission royale d'enquête qu'elle soumettait au gouvernement fédéral à Ottawa, en 1984, la juge Rosalia S. Abella insistait sur le fait que la lutte à la discrimination systémique devait devenir un choix de société. Elle ajoutait, et je cite: "Le principe d'égalité doit avoir pour objet de corriger le plus rapidement possible une situation engendrée par un état d'esprit et un mode de pensée qui limitent de façon arbitraire les femmes, les autochtones, les personnes handicapées et les minorités visibles". Une forme de discrimination attire l'attention des spécialistes, celle qui est inscrite dans les systèmes d'emploi et qui existe même derrière des pratiques apparemment neutres: la discrimination systémique.

Dans l'introduction de son livre sur le sujet, Mme Marie-Thérèse Chicha-Pontbriand précise: "Cette discrimination est en effet de nature dynamique, en constante évolution sous l'influence de variables de nature diverse: économiques, psychologiques, législatives et autres; l'interaction de ces variables contribue à maintenir, et souvent, amplifier la situation d'inégalité on emploi des membres des groupes cibles". Dans le secteur do l'emploi, l'auteur donne une autre définition: "La discrimination systémique en emploi est une situation d'inégalité cumulative et dynamique résultant de l'interaction sur le marché du travail de pratiques, de comportements ou de décisions, individuels ou institutionnels, ayant des effets préjudiciables, voulus ou non, sur les membres de groupes visés par l'article 10 de la Charte. C'est à ce type de discrimination que le PAE s'attaque directement.

Le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration reconnaît le rôle primordial que doit jouer chacun des ministères et des organismes pour contribuer à l'atteinte de l'objectif gouvernemental. Nous approuvons le fait que le plan d'action organisationnel ait été retenu comme mesure privilégiée pour l'application du PAE. Cette décision s'appuie sur l'expérience du programme d'équité en emploi pour les femmes. Le plan d'action organisationnel est un outil de gestion qui permet à chacune des organisations, à l'intérieur de la fonction publique, de traduire la situation spécifique de cette clientèle dans son effectif, d'identifier la problématique particulière de son organisation et de déterminer ses propres priorités d'intervention qui lui permettront

d'atteindre le taux d'embauche et d'intégrer cette clientèle à son organisation.

Outre l'implication des sous-ministres et l'engagement des gestionnaires qui constituent des gages importants pour la mise en oeuvre efficace du PAE et sa réussite, le Conseil tient à mettre l'accent sur l'importance des mesures de sensibilisation et de celles qui visent l'amélioration du processus de dotation et le développement des ressources humaines. L'échéancier général de réalisation ainsi que l'organisation et la répartition des responsabilités et les mécanismes de suivi sont expliqués et présentés en détail, suivant l'ordre des objectifs et des mesures dans un document public. Il s'agit du guide officiel intitulé Programme d'accès à l'égalité, publié par le Conseil du trésor, en mars 1990. Tous les éléments du programme sont importants et le document a le mérite de mettre en évidence, dans les pages 55 à 60, les rôles et responsabilités des ministères et des organismes dont la participation et l'action concertée sont indispensables à la réalisation du PAE gouvernemental.

Il nous paraît impératif de s'assurer do la mise en application concrète de l'ensemble des éléments du programme décrit dans ce guide. D'autre part, le ministère des Communautés culturelles et Immigration doit continuer à jouer un rôle central dans le dossier du PAE. En effet, il est responsable de l'élaboration et de la diffusion de l'énoncé de politique sur les relations interculturelles et interraciales. Il informe et sensibilise la population sur le profil socio-économique et culturel des diverses communautés culturelles et sur leur intégration à la société québécoise. Il participe à la diffusion des sessions de formation destinées au personnel de la fonction publique. Il publicise auprès des membres des communautés culturelles le programme d'accès à l'égalité conçu à leur intention. Il est consulté pour la réalisation du répertoire des personnes issues des communautés culturelles qui sont prêtes à siéger aux comités de sélection Il participe, avec divers intervenants, à l'identification des instances responsables d'accorder la reconnaissance des diplômes. Il siège à la table de concertation en matière d'évaluation linguistique - connaissance du français -. Enfin, le ministère des Communautés culturelles et Immigration veille à l'harmonisation des cueillettes de données effectuées par les divers intervenants qui ont un rôle à jouer à l'égard de la clientèle cible.

Sur ces considérations, qui ouvrent la voie à de nombreuses questions, s'achève la présentation du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration devant la commission du budget et de l'administration, dans le cadre de la consultation générale portant sur la révision de la Loi sur la Fonction publique. Nous arrivons à notre dernier chapitre qui porte sur les recommandations que nous formulons.

Le Président (M. Lemieux): Mme Folco, nous avons en main ces recommandations-là. Alors, nous allons éviter d'avoir à vous les faire lire. Nous avons aussi pris connaissance de votre mémoire. On en a des résumés qui ont été distribués aux membres de cette commission. Alors, M. le député de Limoilou, la parole est à vous.

M. Després: Merci, M. le Président. Une couple de questions, rapidement. À la page 17, dans vos recommandations, vous dites, dans le premier paragraphe: "En guise de conclusion, le Conseil voudrait exprimer au Conseil du trésor, à l'occasion de cette consultation publique et en présence des membres de la commission parlementaire, sa satisfaction pour l'ensemble des actions qui ont mené à l'implantation du programme d'accès à l'égalité. " Et dans les recommandations qui suivent, il n'y a aucune recommandation qui modifie comme telle la Loi sur la fonction publique. Est ce qu'on peut conclure que la loi, pour vous, est satisfaisante et que le succès du programme d'accès à l'égalité réside uniquement dans la façon dont il sera appliqué?

Mme Folco: Nous pensons que oui. C'est-à-dire que nous avons mis l'emphase, dans notre mémoire, sur la façon dont le programme va être reçu à l'intérieur de la fonction publique. J'ai parlé de discrimination systémique. Nous pensons que la loi nous satisfait, telle qu'elle a été formulée. Ce que nous espérons et ce que nous souhaitons, c'est que la façon dont la loi va être réalisée à l'intérieur de la fonction publique, cela aussi va nous satisfaire dans le temps. Pour le moment, nous n'avons pas d'évaluation suffisamment profonde pour voir dans quelle mesure les embauches, à l'intérieur de la fonction publique, répondent à la loi. Mais en ce qui concerne la loi elle même, oui.

M. Després: Donc, ce que vous voulez, ce sont des mesures de contrôle qui vont permettre de vous assuror quo vous allez atteindre les objectifs dans le cadre du programme d'accès à l'égalité.

Mme Folco: Voilà. M. Després: Ce sont...

Mme Folco: Effectivement, ce sont les mesures de contrôle. Mais ce qui nous semble important aussi, c'est de sensibiliser et d'informer, d'une part, à l'intérieur de la fonction publique, pour que les fonctionnaires et, en particulier, les hauts fonctionnaires, soient plus réceptifs à la loi et puissent donc faire fi peut-être de la discrimination systémique qui existe à l'intérieur de la fonction publique. Donc, d'une par), une question d'information ot de sensibili sation à l'intérieur; d'autre part, une question

d'information et de sensibilisation auprès du public. Je pense que nous sommes aujourd'hui dans une conjoncture économique qui va peut-être engendrer un plus haut taux de chômage Compte tenu de cela, il se pourrait que nous ayons à faire face à ce qu'on appelle communément un "backlash" de la part de la population ou d'une partie de la population, qui pourrait nous demander: Comment se fait-il que nous réservons une place, un 12 % des places dans la fonction publique à une partie de la population et que le reste de la population n'a pas accès à ces 10 % d'embauché? Donc, je pense qu'il est important, compte tenu de la situation économique, aujourd'hui, qui risque de s'empirer, que le public, lui, soit informé et puisse bien comprendre le bien-fondé de ce statut, de ce règlement.

M. Després: Pour revenir à la Loi sur la fonction publique, à la page 9 de votre mémoire, quand vous vous interrogez en disant: "Comment modifier la structure organisationnelle de la fonction publique?", vous dites, en commençant: "Comment changer les ressources humaines? Nous n'avons pas de recette à proposer." Mais dans les points que vous détaillez, au deuxième point, vous dites: "Créer et renforcer le leadership du maître d'oeuvre de l'implantation de la loi - Conseil du trésor - afin de soutenir le projet de fonction publique." C'est toujours par rapport a votre programme d'accès à l'égalité?

Mme Folco: Toujours.

M. Oesprés: Toujours. Donc, le leadership dont vous parlez là, c'esf strictement dans le cadre du programme d'accès à l'égalité.

Mme Folco: Oui.

M. Després: Strictement.

Mme Folco: Nous nous en sommes tenus, dans nos commentaires, à ces programmes-là.

M. Després: Ça va, M. le Président, pour l'instant, pour moi.

Le Président (M. Lemieux): Le député de Saint-Louis a peut-être une ou deux questions. (17 heures)

M. Chagnon: Je voudrais vous remercier, Mme Folco, au nom de notre groupe parlementaire, d'avoir présenté ce mémoire et de nous indiquer un peu la problématique que des membres, non seulement des minorités visibles, mais des membres des communautés culturelles peuvent avoir à s'intégrer à la fonction publique. Un des freins, semble-t-il, à notre volonté commune de voir s'améliorer le nombre et le pourcentage de membres de communautés culturelles dans la fonction publique, serait le fait - c'est un fait - que l'essentiel de la fonction publique québécoise se trouve à Québec. Ce n'est pas vraiment l'endroit où on retrouve un nombre suffisant, semble-t-il, de membres des communautés culturelles. Malgré une politique d'accès à légalité que le gouvernement a instituée, ce serait un frein qui, semble-t-il, limiterait passablement la capacité et la volonté des membres des communautés culturelles à s'intégrer dans la fonction publique. Est-ce que c'est un argument que vous avez déjà entendu? Comment vous le...

Mme Folco: C'est un argument que nous entendons souvent, M. le député.

M. Chagnon: Classique.

Mme Folco: Si vous permettez... Est-ce que je vous ai coupé? Non. Voici. Il est bien clair qu'un grand pourcentage des communautés culturelles sont établies dans la région montréalaise, la région métropolitaine de Montréal. Cependant, nous croyons qu'il y a un nombre plus important que cela ne paraît de membres des communautés culturelles qui se présentent aux concours de la fonction publique. Malheureusement, lorsqu'on parle aux fonctionnaires et qu'on essaie de savoir, justement, quelle est cette situation, de façon numérique, quelles sont les statistiques qui nous permettraient, justement, de savoir le nombre des membres de la fonction publique qui se présentent au premier palier, qui parviennent au second palier et ainsi de suite. Les fonctionnaires nous répondent que ces statistiques n'existent pas, que, pour le moment, la question n'est pas posée aux candidats, ce qui ne permet donc pas de savoir combien, effectivement et dans la réalité, de personnes se présentent - personnes des communautés culturelles, toujours - aux concours. Si nous avions ce chiffre-là, je pense qu'on pourrait répondre peut-être en posant moins d'hypothèses.

L'hypothèse que je poserais, c'est la suivante: qu'effectivement, si la fonction publique, dans ses effectifs, était plus nombreuse à Montréal, il se pourrait bien qu'il y ait un chiffre plus important de membres des communautés culturelles qui se présentent aux concours. Soit. Mais je pense que la discrimination systémique, insidieuse, à l'intérieur de la fonction publique, fait aussi que les personnes qui se présentent ne parviennent pas à décrocher l'emploi. Je pense qu'il faut regarder ces deux aspects-là. Et il ne faut pas trop mettre l'accent sur le fait que la fonction publique est à Montréal. Parce que lorsqu'on a déjà déménagé d'un pays pour en arriver dans un autre et qu'on y va pour des raisons souvent qui vont nous permettre de vivre mieux que dans notre pays d'origine, je pense que de déménager, disons, de l'Uruguay pour arriver au Canada ou au Québec, c'est une grosse chose comparativement à déménager de

Montréal à Québec. Lorsqu'on va à la recherche d'emploi, on est prêt à faire bien des choses. Alors je pense qu'il ne faut pas trop miser sur cette chose, tout en disant bien que c'est un des facteurs.

Le Président (M. Lemieux): Merci beaucoup, M. le député de Saint-Louis. M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Oui, merci, M. le Président. Je voudrais dire à Mme la présidente que notre formation politique est d'accord avec l'objectif qu'il y ait le plus rapidement possible dans la fonction publique le pourcentage équivalent à ce que vous représentez dans la population totale, soit environ 9 %. C'est une lutte que les Québécois francophones ont menée pendant plusieurs années, plusieurs décennies, plusieurs générations avec le gouvernement central, le gouvernement fédéral, et même aujourd'hui, au moment où on se parle, que je sache, la représentation des Québécois dans la fonction publique fédérale n'est pas de 25 %. Ce qui serait normal puisque nous sommes 25 % du total de la population canadienne. Alors, nous partageons cet objectif et, cependant, le député de Saint-Louis l'a soulevé tantôt - je voulais le soulever -, il est bien sûr que ce qui aiderait, probablement, c'est que votre bassin de population à desservir, à savoir les communautés culturelles, si elles essaimaient un peu plus, si elles allaient un peu plus dans les diverses régions du Québec, je pense que cet objectif serait rempli plus rapidement.

J'ai une question à vous poser. La première recommandation que vous faites, vous dites: "Qu'une instance dûment identifiée, autre que l'Office des ressources humaines, reçoive le mandat d'évaluer périodiquement le degré d'application du PAE et les résultats obtenus par secteur. " Pourquoi un autre organisme que l'Office des ressources humaines?

Mme Folco: Simplement, il nous semblait important que cette instance soit extérieure à l'Office des ressources humaines et puisse regarder avec un certain éloignement, et puisse analyser de façon plus objective, peut-être, et puisse évaluer les résultats du Programme d'accès à l'égalité.

M. Lazure: Avez-vous en tête un organisme quelconque?

Mme Folco: Non, je n'ai personne en tête, précisément. Je sais qu'il y a un certain nombre d'individus, à Montréal, en particulier, qui ont voulu se regrouper pour assurer l'évaluation - je ne peux pas dire de quelle façon - mais pour assurer l'évaluation des programmes d'accès d'année en année. Ce sont des individus qui ont pris sur eux la charge et la responsabilité de le faire Ce que nous demandons, nous, dans cette première recommandation, c'est que cette instance soit dûment identifiée par le gouvernement et que cette évaluation fasse partie du Programme d'accès à l'égalité lui-même.

M. Lazure: Mais depuis que le Conseil existe, depuis 1984, sûrement que vous avez dû avoir, d'année en année, des chiffres de l'Office des ressources humaines. Est-ce que vous avez des critiques à formuler sur les réponses que l'Office donnait aux demandes du Conseil? Je ne parle pas de vous personnellement. Je comprends que vous êtes nouvelle, mais le Conseil existe quand même. Vous avez eu une prédécesseure. Est-ce que vous avez des raisons de critiquer la qualité ou la quantité des réponses données par l'Office?

Mme Folco: Non. Je voudra/s dire deux choses. D'une part, je ne veux pas critiquer la qualité des remarques, des commentaires ou des analyses qui ont été produites par l'Office des ressources humaines. Ce n'est pas du tout le cas. D'autre part, compte tenu du fait que le Programme d'accès à l'égalité n'a même pas un an, il a été proclamé au mois de mars, l'année dernière, nous n'avons pas eu de motif de demander à l'Office des ressources humaines l'évaluation des programmes qui concernaient les communautés culturelles. Mais je tiens à souligner qu'il n'y a pas de blâme ou de raison négative pour laquelle nous voudrions que ce soit un organisme autre que l'Office qui mène cette évaluation.

M. Lazure: J'ai devant moi le rapport de la gestion des ressources humaines de novembre 1989 où on dit que le pourcentage des communautés culturelles, dans la fontion publique, est de 3, 9 %, mais je n'ai pas les pourcentages pour les années antérieures. Vous faites allusion au plan qui a été rendu public dernièrement, mais, d'autre part, depuis que le Conseil existe, depuis 1984, il y a eu un effort fait par les gouvernements. Mais vous n'avez pas les pourcentages annuellement.

Mme Folco: Malheureusement, je ne peux vous donner aucun chiffre. Je peux, en revenant à Montréal demain matin, retrouver les chiffres dont vous parlez. Ce que j'ai voulu faire cet après-midi, devant la commission, c'est de me centrer sur le Programme d'accès à l'égalité parce que c'est un programme gouvernemental qui nous permet de demander quelque chose de bien objectif et de bien situé.

M. Lazure: Oui, oui.

Mme Folco: Je pense qu'à ce moment-là, on peut demander une évaluation sur des objectifs qui ont été bien ciblés.

M. Lazure: Oui, il y a eu un programme semblable pour les personnes handicapées, mais on sait que ça n'a pas donné de très bons résultats à date. J'espère que vous aurez un meilleur résultat que les personnes handicapées ont eu.

Mme Folco: Je vous remercie M. Lazure.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M le député de La Prairie. Dernière question, M le député de Nelligan. Brièvement, puisqu'il y a eu une entente comme de qupi. On est un polit peu pressés par le temps, alors M. le député de Nelligan, la parole est à vous. Comme je sais que vous n'êtes pas intervenu beaucoup, alors prenez donc tout le temps à votre disposition.

M. Williams: Merci, M le Président. Merci, Mme Folco pour votre présentation aujourd'hui. Je vais essayer d'être assez bref. J'ai trois volets à ma question ou trois questions. L'un - et ce n'était pas vraiment touché dans le mémoire - des quatre termes que nous étudions aujourd'hui, c'est la qualité du service. Je voudrais savoir si le Conseil a reçu les commentaires des communautés culturelles sur la qualité des services de notre fonction publique. Ce n'est pas vraiment touché, ce n'est pas la priorité. Je vais demander trois questions très courtes pour \/ous donner une chance. L'autre...

Le Président (M. Lemieux): Si possible, des réponses brèves. Si possible Allez-y, M. le député.

M. Williams: Je pense que nous avons reçu le message. L'autre, c'est... Après nous, le gouvernement a engagé les personnes. Est-ce qu'elles sont bienvenues? Qu'est-ce que nous pourrions faire pour aider les communautés culturelles à se sentir plus bienvenues dans notre fonction publique? Je ne parle par de communication sur l'embauche. Je parle après qu'elles sont engagées. Troisièmement - et peut-être que vous ne voudrez pas répondre - , nous avons entendu quelques fois, aujourd'hui, que la communauté d'expression anglaise veut avoir un programme d'accès à l'égalité aussi, un peu comme le Programme d'accès à l'égalité dont vous avez discuté aujourd'hui. Je voudrais avoir vos commentaires sur cette demande

Mme Folco: Ce sont vos trois questions, M le député?

M. Williams: Ce sont les trois questions courtes.

Mme Folco: Je vous remercie. Pour la première question qui traite de la qualité et de l'efficacité des services rendus aux citoyens, je dois dire que lorsque nous avons été invités à présenter notre mémoire devant la commission, nous avons voulu nous centrer sur quelque chose qui concerne plus particulièrement les communautés culturelles et les immigrants. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas parlé des quatre points au total. Nous avons voulu nous centrer sur un point qui était la dotation des emplois et le développement des ressources humaines. Ce que je peux vous dire de façon plus informelle, peut-être, c'est que, en ce qui concerne la qualité et l'efficacité des services rendus aux citoyens, à ma connaissance, parmi les membres des communautés culturelles que je côtoie dans mon emploi, il ne semblerait pas que les citoyens - les citoyens des communautés culturelles, on s'entend - soient outre mesure insatisfaits des services, de la qualité ou de l'efficacité des services. Réponse très courte.

En ce qui concerne la deuxième question, les membres des communautés culturelles, une fois embauchés dans la fonction publique, sont-ils les bienvenus? Voilà justement un des problèmes qu'on appelle la discrimination systémique. C'est que pour que les membres des communautés culturelles se sentent bienvenus dans la fonction publique, il faut qu'ils sentent qu'une fois embauchés, ils ont la possibilité d'avoir accès à des emplois supérieurs. Et il y a, dans la fonction publique, à ma connaissance, peu ou même pas - j'irais même à aller jusque-là - d'emplois supérieurs qui soient... où des communautés culturelles sont titulaires d'emplois supérieurs. Donc, il doit y avoir - comment je vais dire - un genre de volonté, de la part des cadres supérieurs de la fonction publique, de faire savoir aux personnes qui sont déjà à l'intérieur qu'il y a une bonne possibilité pour ces personnes-là de monter dans la hiérarchie de la fonction publique.

Il y a aussi un certain nombre de recommandations que nous avons faites, justement, aux pages 17 et 18, c'est à-dire que... en particulier à la page 18. la sensibilisation de la population à l'intérieur de la fonction publique pour que les fonctionnaires comprennent le bien-fondé des programmes d'accès à l'égalité. Et ça a été une partie du texte que je vous ai présenté cet après-midi, c'est-à-dire l'égalité à l'emploi, et des sessions, peut-être, de sensibilisation pour que ses cadres supérieurs - et je mise beaucoup sur les cadres supérieurs, parce que c'est là que la politique se fait - puissent comprendre pourquoi les membres des communautés culturelles ont besoin de programmes d'accès à l'égalité pour pouvoir, d'une part, entrer dans la fonction publique et, d'autre part, monter dans la fonction publique. Je pense que le bien-fondé de ces programmes n'est pas toujours bien compris par l'ensemble de la fonction publique québécoise.

Troisième question - je passe très rapidement - en ce qui concerne la population anglophone du Québec et les programmes d'accès à l'égalité. Je pense que vous-même vous le savez

qu'il m'est impossible de me prononcer, en tant que présidente des communautés culturelles et de l'immigration, sur la population anglophone, puisque la population anglophone elle-même ne désirait pas être considérée comme une communauté culturelle au Québec Je ne pourrai donc pas répondre à la question. Par contre, on pourrait se rencontrer à l'extérieur, j'aurais peut-être des choses qu'on pourrait discuter ensemble.

M. Williams: Merci beaucoup de votre réponse. C'était très clair.

Le Président (M. Lemieux): Nous vous remercions, Madame, d'avoir participé à cette commission parlementaire et nous demandons maintenant à Mme Élisabeth Allard de bien vouloir prendre place à la table des témoins. Vous disposez, Mme Allard, d'une dizaine de minutes environ pour résumer votre mémoire. Permettez-moi de vous dire que l'ensemble, ici, des membres de la commission du budget et de l'administration ont lu votre mémoire. Il y a un tableau synthèse qui en a été fait et, personnellement, moi, je le considère très intéressant. Il y a des côtés théoriques, mais il y a des aspects pratiques qui soulèvent des questions excessivement intéressantes aux yeux..., en tout cas, à mes yeux personnellement. Je tiens à vous le mentionner. Et j'aimerais savoir une chose de vous en commençant: Est-ce que vous travaillez au sein de la fonction publique?

Mme Allard (Elisabeth): Non.

Le Président (M. Lemieux): Non? Ça va Alors, voulez-vous vous identifier pour fins de l'enregistrement du Journal des débats

Mme Elisabeth Allard

Mme Allard: D'accord. M. le Président, MM. les membres de la commission, mon nom est Élisabeth Allard. La position contenue dans mon mémoire se résume de la façon suivante. Le rythme de la réforme de l'administration publique, entreprise avec la loi de 1983, doit être maintenu et intensifié. Nous verrons d'abord pourquoi la poursuite de la réforme est nécessaire et ensuite comment cette réforme peut s'articuler. (17 h 15)

Premièrement, les raisons motivant la poursuite de la réforme. D'une part, on constate que l'amélioration de la qualité et de l'efficacité des services publics demeure une préoccupation constante. En effet, le niveau d'efficacité visé n'a pas été atteint par l'approche axée sur le contrôle des ressources et sur une réponse bureaucratique des demandes de la société. D'autre part, diverses pressions s'exercent en faveur de la poursuite de changements dans la gestion publique.

Premièrement, la complexité et la rapidité des changements dans l'environnement des entreprises publiques et privées, sur les plans socio culturel, économique, technologique et politique.

Deuxièmement, l'État, comme rouage important de l'économie nationale, d'où la nécessité d'un secteur public efficace pour relever les défis économiques de l'avenir.

Troisièmement, le sentiment général d'insatisfaction des usagers qui semble exister à l'égard du secteur public. On sait que les usagers sont souvent confrontés à des tracasseries administratives et à des délais interminables.

Quatrièmement, l'environnement de travail bureaucratique et contraignant des fonctionnaires, qui s'éloigne de la définition d'une gestion véritable. On entend par gestion, normalement, la définition des objectifs et l'harmonisation des objectifs avec les ressources et la fluidité de l'environnement, d'une part, et on entend aussi la direction du personnel. Cet environnement de travail rend les fonctionnaires démotivés et peu orientés vers les résultats à atteindre.

Cinquièmement, l'avènement d'une nouvelle approche pour gérer les ressources humaines, ce qu'on appelle la gestion stratégique des ressources humaines, qui signifie une démarche intégrée, proactive, axée sur le long terme et permettant l'intégration de la dimension ressources humaines à la gestion globale d'une organisation.

Sixièmement, la prise de conscience de la communauté d'affaires à l'égard de la nécessité de considérer les ressources humaines comme la source d'un avantage concurrentiel durable, permettant ainsi d'assurer le succès et la survie à long terme des entreprises privées.

Septièmement, les transformations importantes, au sein de l'administration publique de la plupart des pays industrialisés, que ce soit à l'égard des modes de gestion, notamment la gestion du personrtel, de la prestation des services, de la formulation des politiques ou des systèmes de contrôle. Et enfin, l'évolution marquée vers un rôle plus stratégique et plus central des premiers responsables de la fonction ressources humaines à l'intérieur des organisations, tel que l'ont démontré les résultats d'une recherche portant sur 21 vice-présidents ou directeurs des ressources humaines d'entreprises québécoises.

Alors, on a vu le pourquoi de la réforme, la poursuite de la réforme de la gestion publique. Maintenant, les recommandations à l'égard de l'articulation de la réforme. Compte tenu des forces poussant aux changements énoncés précédemment, des considérations économiques à long terme, des considérations budgétaires à court terme et de la nécessité de répondre aux besoins du public, la Loi sur la fonction publique doit être modifiée de façon à mettre l'accent sur

l'amélioration de l'efficacité gouvernementale globale et sur la qualité des services

En conséquence, un nouveau style de gestion doit être adopté, considérant la gestion des ressources humaines comme élément moteur de l'accroissement, de l'efficacité de la gestion publique. Cette nouvelle vision que je propose nécessite donc le repositionnement et le renouvellement de la fonction ressources humaines, qui peuvent être envisagés sous six angles différents.

Premièrement, une gestion des ressources humaines stratégique, c'est-à-dire qui se situe plus près des centres de décision, qui détient une importance égale à la gestion financière; ce qui implique la nécessité d'établir un véritable rapport de force par la séparation des responsabilités en matière de gestion des ressources humaines de celles liées aux questions financières et, donc, une modification des rôles des organismes centraux, soit l'Office des ressources humaines et le Conseil du trésor.

Deuxième recommandation une gestion des ressources humaines décentralisée, c'est-à-dire le maintien de la délégation dos compétences d'administration du personnel au sous ministre et dirigeants des ministères et organismes, ainsi que la décentralisation des pouvoirs le plus près des personnes intéressées, à l'intérieur des ministères et organismes.

Troisièmement, une gestion des ressources humaines prévisionnelle et intégrée, ce qui comporte quatre implications. L'Office des ressources humaines sera chargé uniquement de la définition d'une vision globale de la gestion des ressources humaines, d'orientation des ressources humaines à long terme et de politique générale de gestion des ressources humaines. Les tâches opérationnelles actuellement accomplies par l'Office dos ressources humaines seront placées sous la responsabilité des ministères et organismes. Un processus de coordination interministériel devra être établi par l'Office des ressources humaines afin d'assurer la cohérence de l'action gouvernementale et l'Office des ressources humaines devra participer activement à la négociation centralisée des conventions collectives en vue d'intégrer les principes généraux de gestion des ressources humaines au contenu des conventions.

Quatrième recommandation: une gestion des ressources humaines axée sur les clients. Les fonctionnaires, particulièrement le personnel en contact, devront prendre en considération les besoins des usagers et veiiler à la satisfaction des clients. C'est en se préoccupant des objectifs de qualité des services publics que les fonctionnaires pourront le mieux contribuer à la réussite organisationnelle.

Cinquièmement: une gestion des ressources humaines faisant évoluer la fonction publique vers une culture du service public comme moyen souple de contrôle et intégrant des éléments clés comme l'autonomie d'action, l'esprit d'initiative, la responsabilité, la performance, la qualité, la réalisation des objectifs.

Dernière recommandation: une gestion des ressources humaines flexible, c'est-à-dire la simplification et la modernisation des systèmes et pratiques de gestion des ressources humaines afin d'en accroître la souplesse et la flexibilité, et afin de permettre à l'organisation d'évoluer dans un cadre de gestion moins complexe et de s'adapter plus rapidement aux changements environnementaux et organisationnels.

En conclusion, ces six recommandations font ressortir l'importance de considérer les ressources humaines comme un actif plutôt que comme un coût, actif que l'on doit développer, valoriser et mobiliser. C'est ainsi que des effets positifs à long terme, comme l'accroissement de la productivité et de l'efficacité gouvernementale, pourront être générés et permettront à la fonction publique québécoise de franchir aisément le cap du XXe siècle. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Mme Allard. M. le député de Limoilou, vous avez des questions?

M. Després: Oui. Vous proposez dans votre mémoire, entre autres, un rapatriement de la gestion des ressources humaines en confiant, notamment, la responsabilité globale de cette fonction à l'Office des ressources humaines, entre autres, les politiques générales et la vision d'ensemble dans le domaine. D'autre part, vous soulignez que vous déléguez aux ministères et aux organismes la tâche d'exécution reliée à la gestion des ressources humaines qui est présentement effectuée, elle, par l'Office. On sait que ce type de délégation est souvent mal perçu par les ministères et par les organismes, où on se dit souvent que les organismes centraux gardent ce qui est le plus intéressant et délèguent ce qui l'est moins. Ce qui donne l'impression aux ministères et aux organismes de leur faire perdre l'autonomie de l'utilisation de leurs ressources qui sont, pour eux, déjà rares. Comment contrez-vous cette réaction?

Mme Allard: Je crois d'abord qu'il ne s'agit pas de déléguer des choses moins intéressantes aux ministères et organismes, mais, plutôt, de rapatrier certains pouvoirs ou certaines... l'ensemble des fonctions concernant la gestion des ressources humaines, de façon à ce que chaque ministère et organisme puisse exercer une responsabilité à cet égard. Et je pense que ça ne diminue pas, au contraire, l'autonomie, parce que lorsque l'Office des ressources humaines établit un cadre ou un plan d'ensemble de gestion des ressources humaines, il ne s'agit pas d'imposer ce plan-là, mais de le véhiculer de façon à respecter les réalités des différents ministères et organismes qui, eux, seront chargés d'intégrer ces grandes politiques-là à l'intérieur de leur

réalité et de leur contexte.

Le Président (M. Lemieux): Vous parlez des grandes orientations?

Mme Allard: Oui.

Le Président (M. Lemieux): Dans ce sens-là?

Mme Allard: Oui.

Le Président (M. Lemieux): Vous pouvez continuer M. le député de Limoilou.

M. Després: Oui. Compte tenu de la connaissance que vous avez présentement de la fonction publique, croyez-vous que la conviction que vous exprimez, quant à l'importance que vous donnez du facteur humain dans l'organisation, est profondément partagée au niveau des gestionnaires de la machine gouvernementale?

Mme Allard: Disons que c'est difficile pour moi de répondre comme ça parce que je ne connais pas bien l'organisation du secteur public. Cependant, à l'intérieur de mes entrevues avec les gens que j'ai rencontrés dans le cadre de mon mémoire de maîtrise, je pense qu'il y a quand même une préoccupation importante en faveur de la gestion des ressources humaines, en faveur des aspects humains. Toutefois, il semble qu'ils soient assez contraints ou limités par l'ensemble des réglementations qui les empêchent d'agir vraiment sur ces aspects-là.

M. Després: Mais le problème, au niveau de la gestion, étant donné que vous êtes convaincue de l'importance de la gestion des ressources humaines, vous ne croyez pas que, au niveau des gestionnaires et pour les gestionnaires, il est plus important de posséder à fond ce qu'on appelle les techniques de gestion des ressources humaines ou plutôt les qualités personnelles qui ont fait de lui un bon gestionnaire des ressources humaines, et qui font qu'il peut développer un esprit d'équipe, un esprit d'appartenance à l'organisation chez les employés qu'il dirige?

Mme Allard: Les deux éléments sont intéressants, c'est-à-dire qu'il est nécessaire pour un gestionnaire d'avoir certaines compétences techniques, mais il n'en reste pas moins que des compétences reliées aux relations humaines et à la qualité de sa gestion en regard des ressources humaines de son unité, sont absolument essentielles pour bien gérer une organisation. Alors...

M. Després: Ce que je veux dire, c'est: est-ce que le gestionnaire n'a pas justement l'impression que ce sont justement les techniques de gestion des ressources humaines qui règlent les problèmes de gestion des ressources humaines, alors qu'il y a bien d'autres facteurs du côté humain qui, bien souvent, peuvent combler ces techniques-là?

Mme Allard: II est possible, effectivement, qu'ils aient cette perception liée à l'aspect technique de la gestion des ressources humaines, mais il faut voir aussi que dans tout le courant qui s'installe, au niveau de la gestion des ressources humaines, on ne veut pas seulement se préoccuper de l'aspect humain, dans le sens où on veut satisfaire les besoins, mais on veut s'assurer do gérer nos ressources humaines en fonction de l'atteinte des objectifs d'une organisation. Alors, il y a tout l'aspect, quand même, rigueur et connaissance spécialisée qui doivent intervenir. Mais, effectivement, ces deux éléments-là sont importants dans la gestion, et je pense qu'il faut faire attention entre insister trop sur les techniques et moins sur les aspects humains. Je pense qu'une combinaison, un certain équilibre entre ces deux éléments-là est intéressant.

M. Després: Merci, Mme Allard. M. le Président, je ne sais pas si d'autres collègues ont des questions.

Le Président (M. Lemieux): M. le député des îles-de la Madeleine.

M. Farrah: Oui, merci M. le Président, et, brièvement, je sais qu'on n'a pas beaucoup de temps. Alors, Mme Allard, peut-être vous féliciter, au nom de notre formation politique, pour l'excellent mémoire que vous nous avez présenté. Deux courtes questions. Premièrement, vous faites état, avec brio, je pense, des perspectives de changement, l'environnement. Vous êtes peut-être l'une des premières à nous décrire un peu la fonction publique en rapport avec l'environnement des années quatre-vingt-dix et de l'an 2000, en fonction de la technologie, au niveau de la main-d'oeuvre, au niveau du libre-échange, de la mondialisation des échanges, etc. Cependant, vous dites également un peu plus loin dans votre mémoire, à la page 11, que la machine est lourde pour réagir à cet environnement-là. Et je pense que c'est tout à fait juste. Par contre, comment pensez-vous qu'on peut orienter la machine ou la fonction publique de façon à pouvoir affronter ces défis là, compte tenu de la lourdeur de cette machine là, et notamment, je prends juste pour exemple la convention collective. Est-ce que la convention collective - tout ce qui a été acquis, je pense que c'est légitime et on ne va pas mettre ça en cause -, mais est-ce que la convention collective, par exemple, peut être un frein, un peu, à cette fonction publique qu'on veut, en l'an 2000, capable de pouvoir réagir face aux changements qui nous attendent?

Mme Allard: Oui, je pense, effectivement, actuellement, dans la façon dont les conventions

collectives sont formulées dans l'aspect surspécialisation et surréglementation qui est contenu dans les conventions collectives, c'est sûr que ça ne facilite pas du tout les tâches. Au contraire, ça peut limiter la facilité ou la capacité d'adaptation du gouvernement, la flexibilité dans les réactions face aux changements de l'environnement. Mais je pense que c'est quand même... Ce sont des cadres de gestion. II s'agirait peut-être de les simplifier et de s'assurer, finalement... Je pense que les syndicats, à tout le moins, devront être plus ouverts ou donner plus de marge de manoeuvre. Je pense qu'il y a cet aspect-là qu'il faudra comprendre un petit peu mieux.

Le Président (M. Lemieux): J'espère qu'ils vous entendent.

M. Farrah: Une dernière question, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): M. le député des Îles-de-la-Madeleine. (17 h 30)

M. Farrah: Aussi, vous comparez beaucoup le public versus le privé. Et, dans votre analyse, lorsque vous comparez aussi ou considérez l'environnement, au niveau de la planification stratégique, je pense que c'est tout à fait juste et on voit régulièrement ça, au niveau du privé. À l'opposé, par contre, plusieurs organismes ou plusieurs personnes qui sont venus nous rencontrer ont dit: Bon, le public et le privé, ça ne se compare pas tellement. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce qu'on peut, de votre point de vue, comparer la fonction publique ou la gestion des ressources humaines dans la fonction publique versus le privé?

Mme Allard: Je pense qu'on peut la comparer dans le sens où la gestion des ressources humaines et les nouveaux pourants qui entrent à l'intérieur de ça traitent beaucoup de la qualité des services. Et ça, c'est une dimension qui est très fréquente dans l'entreprise privée et qui est tout aussi essentielle, sinon plus, dans le secteur public. Alors, à ce point de vue...

M. Farrah: Mais au niveau des solutions, cependant.

Mme Allard: Oui

M. Farrah: Est-ce que les solutions sont sensiblement les mêmes ou peuvent s'appliquer de la même façon, en termes d'analogie?

Mme Allard: II y a des choses qui sont similaires, effectivement, qui peuvent être appliquées de la même façon. Lorsqu'on parle d'une culture, qu'elle soit dans le contexte du secteur privé ou dans le contexte du secteur public... Évidemment, il y a une culture par- ticulière pour chacun des types d'organisation. Il y a même des cultures à l'intérieur des unités ou des départements, mais cette dimension-là est à élaborer dans le contexte, dans la réalité du secteur public, mais est tout à fait comparable et non... Ça ne permet pas de distinguer ces deux secteurs-là.

M. Farrah: Merci.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de La Prairie et nous allons revenir avec M. le député de Saint-Louis.

M. Lazure: Je veux féliciter Mme Allard pour cette présentation qui vient compléter l'avant dernière qui vous a précédée, celle du Syndicat des professeurs qui, à leur façon, dans un style complètement différent du vôtre, nous faisait état d'une déficience majeure dans la fonction publique quant à la gestion des ressources humaines, déficience majeure que vous identifiez, vous aussi, mais dans une structure théorique qui est bien intéressante.

Je constate, dans les recommandations que vous nous faites, la première qui vise à mettre les ressources humaines sur le même pied que les ressources financières. Quant à nous, c'est vraiment, en tout cas, un point majeur. La question que je voulais vous poser: À ce moment-là, vous concluez, je suppose, que c'est nécessaire d'avoir un autre ministre, à part le président du Conseil du trésor qui s'occupe de la gestion des ressources financières, un autre ministre responsable qui répond auConseil des ministres de la gestion des ressources humaines?

Mme Allard: Effectivement. —;

M. Lazure: Oui. La décentralisation que vous prônez aussi me paraît tout à fait pertinente. On nous a répondu, il y a quelques semaines, quand on a demandé ce qui était arrivé des objectifs qui avaient présidé à la création du Secrétariat des relations avec les citoyens. Le Secrétariat, qui avait été fondé, mis sur pied en 1983, qui a été dissout ensuite à la fin de 1985, visait les mêmes objectifs que vous exposez, à toutes fins pratiques: l'accent sur le service à la clientèle. Et on nous a dit: Ça, depuis que nous avons aboli... Le gouvernement actuel... Depuis 1985... Depuis qu'ils ont aboli le Secrétariat, ils nous ont répondu: C'est maintenant rendu dans les ministères et dans les organismes. Il y a un service qui s'occupe de la qualité des relations avec les citoyens. Je ne sais pas si, dans votre étude, vous avez rencontré ces services-là dans les ministères, dans les organismes.

Mme Allard: Non. Ça ne m'a pas été... Je n'ai pas pu, eu l'occasion de voir si, effectivement, ces services-là existaient.

M. Lazure: Ça ne s'est pas manifesté. Mme Allard: Non.

M. Lazure: D'ailleurs, j'ai posé la question à d'autres personnes ou d'autres groupes et ça semble, des services très discrets dans l'ensemble de la machine. Pour dire le fond de ma pensée, je pense que c'est carrément négligé par l'on semble des ministères et des organismes, sauf quelques exceptions qu'on peut identifier, mais, dans l'ensemble de la machine, c'est carrément négligé. Par conséquent, quant à moi, c'est un excellent réquisitoire que vous faites, au fond, pour qu'on remette en valeur, au moins sur le même pied que la gestion des ressources financières, sinon sur un pied supérieur, la gestion des ressources humaines et une gestion axée sur les clients, sur le service à la clientèle.

Alors, M. le Président, je n'ai pas d'autres questions, pas d'autres commentaires

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle.

M. Léonard: Mme Allard, nous avons été sensibilisés au fait qu'il y avait une grave carence au plan de l'évaluation du personnel par les supérieurs hiérarchiques. Or, si l'on parle de gestion des ressources humaines, il me semble que c'est un des éléments fondamentaux qu'il y ait une évaluation. Comment pensez-vous qu'on pourrait pallier à cette carence pour arriver à un résultat qui ne soit pas nécessairement - disons que ce n'est pas dans un esprit punitif que je pose la question, pas ça du tout mais au fond, c'est une carence qu'il y a dans la fonction publique que celle de l'évaluation? Je pense que toute politique de gestion des ressources humaines doit en tenir compte. Comment corrigeriez-vous ça?

Mme Allard: Vous avez parfaitement raison. L'évaluation du rendement des ressources humaines est une des composantes essentielles d'un processus complet de gestion des ressources humaines. C'est un processus, cependant, difficile à appliquer, étant donné qu'il y a quand même des dimensions subjectives à l'intérieur de ce processus-là. Mais je pense que dans le contexte d'une gestion des ressources humaines qu'on dit axée sur les clients, des gens axés aussi sur les résultats, je pense qu'il y a moyen de repenser le système d'évaluation du rendement en fonction de la performance des gens, en termes d'objectif à atteindre. En ce sens-là, la gestion des ressources humaines, l'évaluation du rendement viennent supporter l'ensemble des politiques de gestion des ressources humaines, l'ensemble des grandes orientations que l'on veut avoir à partir, donc, de la gestion des ressources humaines. Alors, s'il n'y a pas d'évaluation du rendement, effectivement, ça risque de poser problème, mais ça n'empêche pas le fonctionnement de se faire, mais ça ne permet pas l'échange, le feedback de se faire de la part des cadres hiérarchiques ou subalternes.

M. Léonard: Est-ce que vous trouvez qu'il y a des problèmes de système dans la fonction publique qui font qu'on est incapable d'arriver à cette évaluation comme le privé? Est-ce que vous avez mis le doigt sur un certain nombre de ces problèmes?

Mme Allard: Je n'ai pas été en mesure, comme tel, de voir s'il y avait, effectivement, une différence, comrrient on pouvait modifier le système d'évaluation du rendement dans le secteur public, pourquoi il ne s'appliquait pas de la même manière. Je n'ai pas été en mesure de voir ça. Je dois dire que, même dans le secteur privé, l'évaluation du rendement est toujours une question épineuse. Ce n'est pas quelque chose de facile à gérer et à faire appliquer par l'ensemble des cadres hiérarchicjues. Et souvent, une des lacunes, une des faiblesses, à cet égard, c'est le manque de support du d'appui de la part de la haute direction en faveur d'un système d'évaluation du rendement, et c'est tout l'ensemble des dimensions informations reliées à l'exercice d'évaluation du rendement. On a plutôt l'impression qu'il s'agit d'une formalité administrative. On ne voit pas vraiment l'utilité d'évaluer correctement ces ressources humaines de façon périodique. Il s'agit de comprendre que l'évaluation du rendement, tout simplement, vise à gérer le feedback vise aussi à accroître la performance des gens

M. Léonard: Je suppose que vous voyez bien que l'évaluation, c'est quand même une des composantes majeures de tout système de promotion par la suite. Est-ce que vous pensez que les promotions, dans la fonction publique, sont trop automatiques ou trop faciles, comparativement au privé ou...

Mme Allard: Trop faciles. Je ne pense pas que ce soit si facile que ça. La seule différence, c'est que c'est beaucoup plus axé, je crois, selon la connaissance que j'ai, sur les points, en termes d'ancienneté. Ça, c'est un élément qui fait un petit peu abstraction de toute la dimension performance, résultats atteints par un employé.

M. Léonard: Alors, pour vous, la sécurité est trop... On l'obtient trop facilement, puis ça peut... C'est à rencontre, un peu, du mérite au rendement. C'est ça que vous me dites?

Mme Allard: Ça vient défier un petit peu cet élément-là.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de

La Prairie, vous avez une question?

M. Lazure: Juste une très courte. Est-ce que votre travail vous a permis de vous former une opinion sur le ratio de cadres par rapport à non-cadres dans l'ensemble de la fonction publique? Est-ce que vous trouvez qu'il y a trop de cadres, pas assez de cadres ou juste assez de cadres?

Mme Allard: Si je fais référence à mon étude, je dois dire tout de suite que, dans la répartition du secteur privé et du secteur public, il y avait 13 entreprises du secteur privé et 8 du secteur public, ce qui ne me donne quand même pas un large échantillon pour me prononcer sur une question comme celle-là. Mon impression personnelle est qu'il y a, on perçoit beaucoup que la fonction publique est très hiérarchisée et les niveaux hiérarchiques sont souvent très nombreux. Ça, c'est une perception que je donne comme ça, mais ce n'est pas appuyé sur ma recherche.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle.

M. Léonard: Oui Est ce que, d'après vous, si on voulait s'orienter vers une gestion des ressources humaines beaucoup plus moderne, les cadres (les cadres intermédiaires ou les cadres supérieurs) seraient plus prêts à le prendre que le reste de la fonction publique? Qu'est-ce qui bloque? Qu'est-ce qui fait que, finalement, on est incapables, en tout cas, ou on n'est pas orientés tellement vers... on n'a pas pris cette orientation?

Mme Allard: Je pense que le problème vient davantage des niveaux supérieurs dans le sens où tant qu'on n'a pas une vision d'ensemble, une vision globale de ce qu'on veut comme...

M. Léonard: Les conflits syndicaux n'ont pas été un élément bloquant là-dedans?

Mme Allard: Oui. Je pense que oui. On ne peut pas penser le contraire. Je pense qu'il y a eu un élément peut-être qui créait des tensions. Mais je pense qu'il y a peut-être moyen de voir comment ça peut s'intégrer, tout ça, avec une philosophie générale.

M. Léonard: Revenons à votre proposition quant aux structures. Vous distinguez ressources financières de ressources humaines. À part les subventions, les opérations du gouvernement, ça consiste à gérer des ressources humaines, parce que ce sont des fonctionnaires qui sont là. Alors, comment feriez-vous le partage des ressources financières par rapport aux ressources humaines? Au fond, si le Conseil du trésor n'a plus les ressources humaines, disons, la Commis- sion de la fonction publique, est-ce qu'il y a encore des raisons pour le maintenir? Est-ce qu'on ne devrait pas simplement revenir à l'ancien bon ministère des Finances?

Mme Allard: II reste toute la dimension de la négociation des conventions collectives, dans le fond, qui, dans la proposition...

M. Léonard: Ça, c'est le Trésor et ça ne serait pas l'Office des ressources humaines? Il me semble, tout à l'heure, que vous avez dit que c'était l'Office des ressources humaines.

Mme Allard: Qui devrait participer activement...

M. Léonard: Ah, participer activement. Mme Allard:.. à la négociation centralisée.

M. Léonard: Mais qui va décider le Conseil du trésor par rapport à la participation active dos rossourcos humaines?

Mme Allard: Je pense qu'il faudrait qu'il y ait une implication conjointe, une intégration entre ces deux organismes-là pour la négociation des conventions collectives. Mais il reste que toute la négociation, comme telle, ce sont souvent des dimensions à court terme par rapport à toute la dimension à long terme d'une élaboration d'une gestion des ressources humaines. Mais il y a...

M. Léonard: Parce que ce que vous proposez, c'est de refaire le chemin inverse de ce qui a été fait depuis 15 ans. On est partis d'un ministère des Finances et avec une grande décentralisation dans la négociation des conventions collectives. Graduellement, quand on regarde tout ça, on est arrivés à un entonnoir où c'est, finalement, le Conseil du trésor qui négocie, qui administre et qui contrôle. Alors, là, on refait le chemin inverse. Parce que c'est ça, finalement. On avait l'impression de devenir moderne, je suppose, en centralisant.

Mme Allard: Les principes modernes sont actuellement beaucoup plus vers la décentralisation. C'est un fait. Il y a quand même des organismes qui ont, dans les secteurs publics à l'étranger...

M. Léonard: Ça m'amène à une question.

Mme Allard:... qui ont rapatrié la partie négociations collectives avec la gestion des ressources humaines. Là, je ne suis pas sûre dans quelle mesure ça sera efficace, mais...

M. Léonard: Bon. Il y a tout un aspect de votre mémoire qui touche à la décentralisation,

très bien, mais si l'on décentralise, qu'en est-il de la déréglementation? Parce qu'au fond, ça suppose qu'il y a un esprit majeur qui préside à l'administration des ressources humaines, à la gestion des ressources humaines et si, en même temps, on veut décentraliser, parce que ça aussi, c'est un courant fort à la mode, alors, comment va-ton concilier ça?

Mme Allard: Avec la déréglementation?

M. Léonard: Déréglementation, décentralisation.

Mme Allard: Je pense que ce sont des éléments qui devraient aller dans le même sens. Si on décentralise, on devrait...

M. Léonard: Parce qu'on est dans une fonction publique là. On n'est pas chez le dépanneur où l'employé est sous la surveillance de son patron presque immédiat. Une fonction publique, il y en a 60 000 et je suppose que ça prend des règles; autrement, vous arrivez très vite à l'arbitraire. Enfin, je pense qu'il y a quelques questions qui se posent dans ce sens-là.

Mme Allard: C'est sûr qu'il faut qu'il y ait des règles. Il faut qu'il y ait une forme du politique qui encadre la gestion dans le secteur public. Mais je pense qu'il y a peut-être moyen de simplifier ce qui existe déjà. Je pense qu'actuellement, c'est surréglementé. Les gens ne peuvent plus fonctionner sans aller voir dans le petit livre ou dans le manuel ce qui se passe. On n'a plus de marge de manoeuvre.

M. Léonard: On mentionnait, par exemple, ce matin, que des gestionnaires, dans un ministère, pour aller plus vite, pour régler et pour être bien efficaces, évitaient pratiquement les concours de promotion. Bon, je suppose que, là, on va dire que c'est de la déréglementation de facto. Mais si on veut respecter les programmes d'accès à l'égalité de l'emploi et toutes sortes d'autres espèces de programmes qu'on met en place dans la fonction publique, il faut quand même maintenir de la réglementation. Et la Commission de la fonction publique, ce matin, est venue dire aussi que, finalement, il faudrait qu'elle ait la haute main sur un certain nombre d'éléments qui lui échappaient et qui causaient des problèmes, à l'heure actuelle. Je trouve qu'on a des objectifs, mais pour y arriver, parfois, il faut passer par la réglementation. Alors, poursuivre les deux en même temps, ça fait quelques contradictions en cours de route.

Mme Allard: II y a quand même possibilité, je crois, d'avoir des guides plus généraux que de la réglementation dans le détail. (17 h 45)

M. Léonard: Oui, oui. Je suis d'accord.

Mme Allard: Je pense qu'on peut gérer de façon sommaire quelles sont les principales orientations sans aller dans le détail des procédures et des sous-règlements et des articles.

M. Léonard: Vous feriez de la réglementation à deux ou trois niveaux, sans suivre nécessairement tous les niveaux hiérarchiques, au moins à dos niveaux plus restreints, mais à quelques niveaux.

Mme Allard: Oui, de façon à laisser une plus grande marge de manoeuvre aux décideurs, aux gestionnaires.

M. Léonard: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Alors, nous vous remercions de votre participation à cette commission parlementaire et nous allons suspendre environ deux minutes pour permettre à M. Denis Verville de prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 17 h 47)

(Reprise à 17 h50)

Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux, dans le cadre de son mandat, pour entendre M. Denis Verville. Bonjour M. Verville. Voulez-vous bien vous identifier personnellement pour les fins de l'enregistrement du Journal des débats.

M. Denis Verville

M. Verville (dénis): Je m'appelle Denis Verville. Je travaille pour le ministre de l'Énergie et des Ressources à titre d'employé saisonnier. Je présente ce mémoire à titre de citoyen. Est-ce que je parle assez fort?

Le Président (M. Lemieux): Vous parlez assez fort et on sera d'autant plus attentif que vous le présentez à titre de citoyen. Je veux que vous vous sentiez bien à l'aise dans cette grande salle. C'est aussi la vôtre. Soyez bien à l'aise.

M. Verville: Merci. Je le présente à titre de citoyen et de travailleur dans la fonction publique.

M. le Président, ma présence en ce lieu n'est pas le fruit du hasard ni celui d'un destin quelconque, mais c'est la nécessité des choses ou le bon sens qui m'a poussé à me produire à cette commission du budget de l'administration sur l'étude de l'opportunité de maintenir en vigueur

ou, le cas échéant, de rpodifier la Loi sur la fonction publique du Québec. Cette nécessité des choses, M. le Président, découle d'une conjoncture qui dépasse l'entendement au niveau de l'accessibilité à la fonction publique du Québec. D'un côté, il y a le simple citoyen qui ne pourra jamais avoir accès à la fonction publique du Québec à titre de fonctionnaire permanent, car le recrutement se fait par voie de concours, en allant carrément chercher l'élite théorique de la population québécoise.

D'un autre côté, le simple citoyen qui a réussi à accéder à un poste occasionnel ou saisonnier, à partir d'une banque d'emploi, est obligé, après 3, 5, 10, 15 et même 18 ans de loyaux services, de passer un concours ouvert au public et de le réussir avec succès afin d'être promu comme fonctionnairo permanent sur son propre poste, si ce poste a été reconnu comme un poste permanent.

M. le Président, comme on peut le constater, il y a un sérieux problème au niveau de la fonction publique du Québec. Ainsi, la permanence n'est pas à la portée du simple citoyen, ce qui va contre les articles 3.3 et 3.5 de la Loi sur la fonction publique du Québec. De plus, l'employé occasionnel ou saisonnier, n'est pas reconnu au niveau de son expérience de travail et de sa loyauté, ce qui va contre les articles 2 et 3.1 de la Loi sur la fonction publique du Québec.

M. le Président, la Loi sur la fonction publique du Québec crée ainsi certaines injustices et il est impérieux qu'elle soit modifiée dans un esprit où la probité humaniste l'emporte sur la probité élitisle statutaire.

M. le Président, il importe de vous dire qu'une bonne loi sur la fonction publique se doit de tenir compte et de respecter la nature humaine de l'individu, des groupes ethniques, du rapport homme-femme, des personnes handicapées physiquement. mentalement et des différentes couches sociales qui composent la société québécoise. Également, une bonne fonction publique se doit d'avoir un système organisationnel sain, organique, humain, qui reconnaît la nature humaine de chaque personne qui la compose et de la population qui attend de la fonction publique du Québec des services de qualité.

Présentement, M. le Président, nous pouvons dire que l'esprit de la présente loi a tous les attributs possibles pour respecter cet idéal selon les articles 2 et 3 de la Loi sur la fonction publique du Québec. L'article 1 nous démontre ainsi que la mission de la fonction publique est de fournir au public les services de qualité auxquels il a droit. Par contre, l'article 2 nous précise un mode d'organjsation des ressources humaines destiné à favoriser; 1. l'efficience de l'administration ainsi que l'utilisation et le développement des ressources humaines d'une façon optimale; 2. l'exercjce des pouvoirs de gestion des ressources humaines le plus près possible des personnes intéressées et l'application d'un régime selon lequel le fonctionnaire investi de ces pouvoirs de gestion dort rendre compte, compte tenu des moyens mis à sa disposition; 3. l'égalité d'accès de tous les citoyens à la fonction publique; 4. l'impartialité et l'équité des décisions affectant les fonctionnaires; 5. la contribution optimale, au sein de la fonction publique, des services des diverses composantes.

Comme vous pouvez vous en rendre compte, M. le Président, les fondements d'une bonne fonction publique sont déjà en place. Il s'agit donc de les appliquer adéquatement et de s'assurer que les autres articles de la loi ne les ternissent. En conséquence, M. le Président, concernant l'accessibilité à la fonction publique du Québec, nous pensons fortement qu'il faut se départir du caractère élitiste de la loi sur la fonction publique du Québec, car l'esprit de l'article 42 de la Loi stipule que les fonctionnaires sont recrutés par voie de concours, ce qui va contre les principes de l'article 3.3 sur l'égalité d'accès de tous les citoyens à la fonction publique et de l'article 3.5 sur la contribution optimale au sein de la fonction publique des diverses composantes. Donc, la nature humaine des citoyens des diverses composantes de la société est brimée, car la promotion par voie de concours ne s'intéresse qu'à l'élite qui ne représente qu'un infime échantillon de la société québécoise. Pour remédier à cette injustice, nous proposons de remplacer l'article 42 par le suivant: "Les fonctionnaires sont recrutés et promus par voie de recrutement populaire et cela, sans concours écrit, en tenant compte des alinéas numérotés 3 et 5 de l'article 3." Désormais, il faudra remplacer partout où il sera mentionné dans le texte de la Loi sur la Fonction publique, le mot "concours" par la séquence des mots suivants "du recrutement populaire".

M. le Président, en remaniant l'article 42 de la présente loi, il devient évident que le processus de dotation sera modifié dans sa phase de sélection du personnel. En somme, le principe de sélection élitiste est anéanti. En l'occurrence, M. le Président, le recrutement populaire pourrait s'inspirer, dans une certaine mesure, du processus de recrutement des occasionnels et des saisonniers, mais en s'assurant qu'il n'y ait pas de fraude. Un des moyens pour éliminer cette fraude serait peut-être de choisir, de façon aléatoire, les personnes qui ont postulé à un nouveau poste de travail dans la fonction publique dont l'avis est apparu dans les journaux, selon une clientèle cible. Exemple: ça pourrait être du recrutement populaire auprès des groupes ethniques.

De plus, M. le Président, concernant l'accessibilité à la permanence pour les employés de la fonction publique du Québec dont le statut d'emploi est soit occasionnel, soit saisonnier, nous croyons, M. le Président, qu'il est impératif, juste, équitable, normal, logique et naturel que

les personnes dont le poste de travail a été considéré comme permanent - actuellement il y a 3500 postes qui l'ont été par le Conseil du trésor et par l'Office des ressources humalnes n'aient pas à passer par voie de concours spécifique ou externe. Il est farfelu de procéder autrement. Présentement, M. le Président, il y a des employés occasionnels ou saisonniers qui travaillent à leur poste de travail depuis plusieurs années. Certaines personnes oeuvrent ainsi loyalement depuis 3, 5, 10, 15 et même 18 ans. M. le Président, ces simples citoyens travaillant dans la fonction publique du Québec ont prouvé qu'ils étaient compétents dans leur travail puisqu'ils sont là depuis de nombreuses années et que les employeurs de chaque unité administrative avaient la latitude et l'opportunité de ne pas renouveler leur contrat à chaque année. Donc, M. le Président, vous avez une preuve directe de leur compétence. C'est une évidence.

Pire, M. le Président, lorsque l'on explique cette situation organisationnelle au monde des affaires, de la gestion, des étudiants, de la population, en général, la plupart sont d'accord que les gens dont le poste a été considéré comme permanent aient la permanence sans concours. Bref, M. le Président, pour démontrer que nous ne fabulons pas, une pétition a circulé dans trois organisations dont voici les copies que je pourrai vous donner tantôt, et tous, d'une façon majoritaire, peu importent la catégorie d'emploi - fonctionnaire, professionnel - et le statut d'emploi - permanent, occasionnel, saisonnier, étudiant - ont répondu favorablement à la pétition.

Donc, afin de respecter les articles 2, 3. 1 et 3. 3 de la Loi sur la fonction publique et de reconnaître la loyauté des employés occasionnels, saisonniers et même étudiants, nous proposons de généraliser l'article 164 de la façon suivante: "Le gouvernement du Québec attribue le statut de permanent au fonctionnaire dont le statut est soit saisonnier, soit occasionnel, soit étudiant qui satisfait à toutes les conditions suivantes: "1. il occupe un emploi qui fait partie des activités régulières de son ministère ou de son organisme; "2. sa fiche de notation démontre qu'il est un employé qui mérite d'avoir le statut de permanent selon les dispositions de l'article 14, si nécessaire; "3. il a été identifié par le gouvernement du Québec et l'un des syndicats de la fonction publique du Québec; "4. il a fait l'objet d'une déclaration d'aptitudes par l'Office des ressources humaines. "

Aussi, M. le Président, concernant la reconnaissance de l'employé occasionnel, saisonnier et étudiant d'être un fonctionnaire à part entière, nous souhaitons vivement que les articles 83 à 85 qui excluent de la présente loi ces statuts d'emploi, sauf pour les articles 64 à 76, soient biffés. Également, il serait urgent de mieux définir le mot "fonctionnaire" de l'article 1 de la Loi sur la fonction publique du Québec afin que la définition inclue tous les statuts d'emploi Par exemple. cette modification pourrait se lire de la façon suivante: "Toute personne visée dans le présent article esf un fonctionnaire et toute personne rémunérée en fonction de tâches bien précises dans la fonction publique du Québec est considérée comme fonctionnaire, peu importe que le statut d'emploi soit permanent, soit saisonnier, soit occasionnel, soit étudiant. " (18 heures)

Enfin, M. le Président, concernant l'agressivité de l'environnement externe de la fonction publique du Québec, tant au niveau des catastrophes environnementales que des crises sociales, nous proposons d'ajouter un article qui stipulerait que le ou la fonctionnaire ne doit pas subir de préjudice au niveau de son emploi s'il y a à l'extérieur de la fonction publique du Québec des catastrophes environnementales, des émeutes, des rébellions, des insurrections ou d'autres épiphénomènes de ce genre.

Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Verville. Vous faites état dans votre mémoire d'abolir le recrutement par voie de concours inscrit à l'article 42 de la loi et de le remplacer par du recrutement populaire, car le recrutement par voie de concours, vous le définissez comme étant élitiste, et le recrutement populaire sans concours, vous dites qu'il pourrait s'inspirer du processus des employés occasionnels et saisonniers. Peut être les deux questions que j'aimerais poser: Par quel mécanisme la loi pourrait-elle rendre transparente cette procédure de recrutement populaire? Et la deuxième question: Est-ce qu'un organisme central serait responsable de cette opération de recrutement populaire?

M. Verville: Le mécanisme, ça, il y a plusieurs façons d'après moi, là. Je dirais, à simple titre de citoyen, que ce mécanisme-là pourrait se faire au niveau du recrutement qui se fait présentement paf les journaux. Il y a un avis qui est envoyé au niveau des journaux. La première étape pourrait se faire comme elle se fait présentement. Une fois que l'individu s'inscrit à ce concours-là, il pourrait, une fois qu'il est inscrit - disons, il y a 100 personnes - il pourrait y avoir un genre de sélection aléatoire de ces 100 personnes dans le but d'avoir seulement un échantillon global de...

Le Président (M. Lemieux): Je comprends ce que vous me dites. Les conditions d'admission à un corps d'emplois n'existeraient plus?

M. Verville: Oui, ça existerait. Disons qu'un individu est biologiste, qui applique à un concours. Il appliquerait à ce concours-là. Ce serait un recrutement populaire.

Le Président (M. Lemieux): Sans aucune réserve.

M. Verville: Comment?

Le Président (M. Lemieux): Sans aucune réserve, de quelque nature qu'elle soit.

M. Verville: II pourrait y avoir des réserves. Il pourrait ne pas y en avoir, tout dépendant du type, de la nature du poste. Disons, s'il n'y a pas de réserve, au moins, il pourrait y avoir une formation académique. Premièrement, cest la formation académique. C'est un biologiste dont ils ont besoin. Disons, s'il y a 100 biologistes qui s'inscrivent à ce concours-là, c'est sûr que parmi les 100 biologistes il y a une élite là-dedans. Il y en a peut-être cinq qui sont très, très bons, au niveau théorique, mais il y en a d'autres, la classe moyenne, là-dedans, il y a beaucoup plus de monde de la classe moyenne, et il y a d'autres personnes aussi qui sont moins bonnes. En y allant de façon aléatoire, je pense qu'il pourrait y avoir des élites, il pourrait y avoir beaucoup plus de monde dans la moyenne des choses et quelques personnes qui sont un peu moins bonnes au niveau académique. En faisant un choix de façon aléatoire, de cette manière-là. disons que tu choisis 10 personnes aléatoires. Tu passes une entrevue. Il y aurait une entrevue qui serait passée pour ces 10 personnes-là. Au niveau de ces 10 personnes là, il y aurait une personne qui serait choisie ot, après, il y aurait une évaluation de cet individu-là qui pourrait se faire durant une période de six mois. Là, ce serait beaucoup plus concret. L'individu il serait dans un milieu de travail et puis on pourrait être plus en mesure de voir comment il peut réagir face à une situation de crise, etc. Je pense que ce serait beaucoup plus juste de cette manière-là. Au niveau d'un concours, le me demande vraiment la validité d'un concours, la valeur réelle d'un concours sur le plan humain, sur sa dimension comme telle. Je ne pense pas qu'un concours puisse évaluer un individu pour dire: Ça c'est une personne compétente, d'après un concours. Là, c'est de même que l'appareil gouvernemental pense. Il pense qu'un concours, ça donne la compétence, mais ça, je ne pense pas. On pourrait prendre deux individus: un qui a passé un concours avec succès et un autre individu qui n'a pas passé le concours et avec deux emplois similaires. Dans les deux cas, je pense que les individus, ils resteraient en emploi et...

Le Président (M. Lemieux): Quel organisme, selon vous, serait responsable de ce concours?

M. Verville: L'organisme responsable, je crois que c'est la Direction des ressources humaines.

Le Président (M. Lemieux): De chaque ministère ou d'un organisme central?

M. Verville: Ça peut être l'Office des ressources humaines, en collaboration avec la Direction des ressources humaines, en collaboration avec le gestionnaire, en collaboration avec le Conseil du trésor et en collaboration avec les syndicats comme tels. Il pourrait y avoir un genre d'étude. Avant de tout faire ceci, il faut étudier comme il faut l'aspect social ou les différentes composantes de la société québécoise. Il y a x pour cent de groupes ethniques, il y a x pour cent de personnes qui sont handicapées, et puis il s'agit de regarder les proportions, au niveau de la société, et puis de les appliquer, autrement dit, au niveau de la fonction publique. C'est d'avoir l'image de la population québécoise au niveau de la fonction publique. La population québécoise n'est pas une élite. Il y a différents groupes là-dedans, il y a différentes composantes. Je crois que c'est beaucoup mieux d'avoir une fonction publique qui est à l'image de la population que d'avoir une fonction publique qui est à l'image d'une vision un peu élitiste.

Le Président (M. Lemieux): Ça va. Je vous remercie, M. Verville. D'autres questions? Avez-vous des questions, M. le député de La Prairie?

M. Lazure: Oui, merci, M. le Président. J'avais une question sur votre recommandation 5, quand vous dites: Ajouter un article qui stipulerait que le fonctionnaire ne doit pas subir de préjudice au niveau de son emploi s'il y a à l'extérieur de la fonction publique des catastrophes environnementales, des émeutes, des rébellions, etc. Je ne comprends pas trop trop à quelle sorte de situation vous faites allusion...

Une voix:...

M. Lazure: Oui, d'une part. Est-ce que vous avez des informartons secrètes à l'effet qu'on aurait une autre catastrophe environnementale, écologique ou une autre émeute? Mais, sérieusement, est-ce que vous pouvez nous donner un peu plus de détails sur cette recommandation-là?

M. Verville: Prenons un exemple: Saint-Basile-le-Grand. Il y a eu une catastrophe au niveau environnemental et puis, suite à ça, il y a eu un gel des fonds dans la fonction publique et puis, c'est ça... Au niveau financier, ce qui arrive, au niveau des ressources financières, matérielles, etc., c'est bloqué, et puis ce sont les individus, ce sont les fonctionnaires qui paient pour ça. Je pense que ça ne devrait pas arriver, ces épiphénomènes-là. Comme ce qui est arrivé, disons, cet été, au niveau des autochtones, ce qui est arrivé à Châteauguay, ce qui est arrivé à Oka, c'est malheureux, ce qui est arrivé, mais c'est arrivé, puis c'est de valeur. Ce n'est pas juste aux fonctionnaires à payer pour ça. Les

fonctionnaires, je pense, sont prêts à payer, mais que tout le monde paie pour ça. Si c'est l'État qui doit payer pour ça, ce n'est pas correct.

M. Lazure: Si ça peut vous rassurer, moi, comme contribuable, je paie une bonne partie de ça aussi, parce que les 50 000 000 $ que coûtent Saint-Basile et Saint-Amable et les 150 000 000 $ que coûte la crise amérindienne, ce ne sont pas seulement les fonctionnaires qui vont écoper, on va tous écoper là-dessus.

M. Verville: Ce ne sont pas seulement les fonctionnaires, mais, aussitôt qu'il y a des catastrophes de ce genre, on semble vouloir geler le côté monétaire...

Le Président (M. Lemieux): M. le député...

M. Verville:... et d'empêcher les ressources humaines, en tout cas, d'empêcher l'organisation...

M. Lazure: Je comprends, oui.

Le Président (M. Lemieux): M. le député des Îles-de-la-Madeleine, vous avez une dernière question.

M. Farrah: Oui, M. le Président, c'est un bref commentaire. C'est que je ne pense pas que ça a amené des mises à pied de fonctionnaires ou quoi que ce soit, qu'une telle crise arrive. Je pense que c'est très difficilement gérable, une telle proposition. C'est quoi une crise? Qui déciderait que c'est une crise ou pas? En tout cas, ça m'apparaît quand même difficilement gérable, une chose comme ça.

M. Verville: Une crise, vous avez un exemple, ce qui est arrivé à Oka, Châteauguay...

M. Farrah: Est-ce qu'il y a eu un impact sur les fonctionnaires?

M. Verville: Comment?

M. Farrah: Est-ce qu'il y a eu un impact sur les fonctionnaires?

M. Verville: Pour l'instant, on anticipe qu'il va peut-être y avoir un impact. On l'anticipe.

M. Farrah: À quel niveau?

M. Verville: Au niveau de geler les effectifs et puis au niveau des prolongations, peut-être pas prolongations, mais il y a des postes... C'est arrivé au niveau de Saint-Basile-le-Grand. C'est l'impression qu'on a eue. C'est peut-être une fausse impression, mais c'est cette impression-là qu'on a eue au niveau de la fonction publique.

M. Farrah: Parce que la gestion des ressources financières, aussi, c'est la gestion globale du gouvernement, aussi, en termes d'économie. Alors, je pense qu'on ne peut pas s'arrêter sur une pièce comme telle, mais en tout cas, c'est seulement...

M. Verville: C'est juste une proposition. M. Farrah: Ça va, O. K.

Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous remercions, M. Verville, pour votre participation à cette commission parlementaire. Nous allons suspendre doux minutes pour permettre à M. Gow de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît, à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 18 h 9)

(Reprise 18 h 10)

Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux Je demanderais à l'intervenant de bien vouloir s'identifier pour les fins de l'enregistrement du Journal des débâts.

M. James lain Gow

M. Gow (James lain): Merci, M. le Président. Je m'appelle lain Gow, je suis professeur de science politique à l'Université de Montréal. À titre d'introduction, j'aimerais préciser que je suis ici en mon nom personnel. Si j'ai pensé avoir quelque chose à dire à cette commission, c'est parce que j'observe la fonction publique du Québec depuis environ 25 ans à titre de professeur. Et j'ai essayé de formuler des commentaires qui vous seraient utiles, qui se répartissent en deux blocs, si vous voulez: un bloc qui consiste en un commentaire d'ordre général sur les services aux citoyens et l'imputabilité, et un autre bloc composé d'un certain nombre de suggestions pratiques, j'espère.

Donc, je commence avec les services rendus aux citoyens. En suivant votre cheminement du document de consultation, vous demandez si le citoyen reçoit des services de qualité auxquels il a droit. Il me semble que la formulation en elle-même révèle une certaine confusion. Nous avons des indications que les citoyens ne sont pas toujours satisfaits de leurs services publics. J'ai joint au mémoire les résultats d'un sondage Gallup du printemps dernier, résultats qui, il me semble, sont assez accablants pour nos services publics. J'ai bien précisé que ces résultats-là affectent davantage les services décentralisés, mais il reste que ces services relèvent de différents ministères du gouvernement du Québec. Je note que votre commission a commandité un sondage dont les résultats sont, n'est-ce pas,

résumés dans Le Soleil de ce matin. Et, si on pensait y trouver un son de cloche différent parce que 9 Québécois sur 10 jugent les fonctionnaires compétents, il me semble que la différence se trouve dans le fait que votre sondage porte sur les fonctionnaires et les services rendus. Le sondage de l'institut Gallup porte sur les résultats, êtes-vous satisfaits des rues? Êtes-vous satisfaits des vidanges? Êtes-vous satisfaits des écoles, des services médicaux? et ainsi de suite. Donc, il me semble qu'il y a une différence importante de nature entre les deux sondages.

De toute façon, l'autre question qui me semble importante, c'est celle qui suit, dans mon mémoire, c'est à-dire: Si les citoyens sont satisfaits, insatisfaits, à qui la faute? Il me semble, avec le Protecteur du citoyen, que ce n'est pas nécessairement la faute des fonctionnaires et qu'il y a deux grandes raisons possibles. au-delà de l'incompétence ou de l'oisiveté des fonctionnaires, qui rendaient les citoyens insatisfaits: d'une part, on a des systèmes bureaucratiques à cause de la législation et de la négociation collective; d'autre part, on a les politiques gouvernementales. Et quand on pose une question, à savoir si les gens sont satisfaits de leurs services, il me semble que c'est le gouvernement, sous la surveillance de l'Assemblée nationale, qui doit décider quelles sont les demandes des citoyens qui vont être satisfaites et dans quelle mesure. Donc, souvent, les citoyens insatisfaits doivent s'adresser au gouvernement plutôt qu'aux fonctionnaires. Ça me semble quelque chose d'élémentaire, mais qui disparaît souvent de notre réflexion.

Je dis, dans ce mémoire qu'il me semblerait opportun de revenir au service auquel on a fait allusion cet après-midi: le service de secrétariat aux relations avec les citoyens ou quelque chose dans le genre. Mais, surtout, il me semble que, si on veut parler d'imputabilité, il faudrait voir que le fonctionnaire, traditionnellement, a été le serviteur fidèle du gouvernement du jour, à l'intérieur du cadre tracé par la législation. Aujourd'hui, on demande aux fonctionnaires d'être plus efficients et plus efficaces. Mais le problème, c'est de savoir s} on peut servir deux maîtres, entre le public qui revendique droits et avantages et le gouvernement élu, responsable devant la population. Moi, ma solution à tout cela, je dirais que, si voua voulez vraiment tenir les fonctionnaires responsables de leur gestion, il faudrait "autonomiser" davantage la gestion des programmes. Quand vous avez un programme stable, qui fonctionne de façon assez régulière, il me semble que si vous voulez rendre ça imputable devant le Parlement, ici, il faudrait créer un organisme autonome et, à ce moment-là, les fonctionnaires pourraient effectivement être responsables. Sinon, il faudrait s'attendre à ce que la prudence demeure une valeur privilégiée par les hauts fonctionnaires. Dans l'administra- tion publique, la notion d'entrepreneur doit être réservée surtout aux élus. J'ajoute à cela que, dans le rapport annuel de la Commission de la fonction publique, on fait valoir un autre mot qui me semble beaucoup plus apte. C'est le mot "fiduciaire". On parle beaucoup d'entrepreneur-ship, ces temps-ci, dans la fonction publique. Il me semble que, si vraiment les hauts fonctionnaires devaient se comporter en entrepreneurs, les députés n'en seraient que malheureux.

À propos des organismes de mise en oeuvre de la loi, j'ai dit que le partage des responsabilités me paraît opportun. Je crois que c'était bien conçu à l'époque. À entendre la discussion aujourd'hui sur la nécessité d'avoir un ministre distinct pour la fonction publique, il me semble qu'il faudrait y penser deux ou trois fois avant de revenir là-dedans. À l'époque, nous l'avons connu de 1969 à 1983, et il y a toujours eu des ambiguïtés et des tensions entre le ministère de la Fonction publique et le Conseil du trésor.

Cela étant dit, néanmoins, il faut comprendre qu'avec le partage actuel il va y avoir des tensions entre le Conseil du trésor, l'Office des ressources humaines et la Commission de la fonction publique. À propos des promotions sans concours, l'Office des ressources humaines les trouve utiles et justifiées aussi bien que justifiables. Mais, en même temps que le Conseil du trésor, la Commission de la fonction publique s'en inquiète. Il me semble que le partage des rôles mène à ces prises de position différentes.

Dans tout cela, néanmoins, il ne faudrait pas sous-estimer la responsabilité des organismes de gestion face au devoir d'égalité et de protection du régime du mérite. Il me semble que les dangers de favoritisme et les restrictions excessives aux candidatures dont parle la Commission de la fonction publique sont des dangers réels. Dans la fonction publique, une tension entre flexibilité et uniformité, entre dynamisme et contrôle est inévitable.

À propos de la dotation des emplois, vous avez vu sans doute que ma suggestion est de créer un corps de stagiaires en administration publique qui serait rattaché à l'Office des ressources humaines. La raison d'être de cette proposition, c'est le problème, le dilemme des étudiants universitaires, de nos jours, qui voient l'accès à la fonction publique quasiment bloqué par l'avantage qu'on accorde aux gens qui sont déjà dans le système, lorsqu'on recrute. Depuis la rédaction de ce mémoire, j'ai eu sous les yeux un numéro d"'Optique gestion", une publication de l'Office des ressources humaines du mois d'avril 1990, où on parle du problème du vieillissement des effectifs de la fonction publique. Là-dedans, on voit que les plus jeunes générations sont quasiment absentes de la fonction publique québécoise, et la comparaison avec le gouvernement fédéral qui est présentée dans les statistiques n'est pas à la faveur du Québec, loin de là, au contraire. Le fédéral a su mieux

introduire des jeunes à tous les niveaux de la fonction publique.

Il me semble qu'en même temps on pourrait satisfaire aux besoins des ministères et organismes en créant un corps de stagiaires qui pourraient profiter de, mettons, trois affectations dans des ministères différents, d'une durée de six mois. Si, au bout de trois affectations, ces gens-là n'avaient pas trouvé preneur, il me semble que ça ne serait pas un tort qu'on mette fin à leur candidature. Je ne vois pas d'autre façon de donner une chance aux diplômés d'université de compétitionner avec les gens qui sont déjà à l'intérieur de la boîte.

Autre suggestion pratique qui paraît dans mon mémoire, c'est d'obliger le Conseil du trésor à publier un rapport annuel. Je dois dire que je trouve assez ironique que le grand responsable de l'imputabilité au sein du gouvernement du Québec ne publie pas de rapport annuel, tandis que même le ministère du Conseil exécutif en publie un. Je ne vois aucune raison pour laquelle le Conseil ne rendrait pas compte de ses activités devant l'Assemblée nationale.

Un dernier commentaire pratique. Je pense que la législation québécoise, en ce qui concerne l'activité politique, est bien formulée. Elle est supérieure à la loi fédérale qui a été déclarée inconstitutionnelle par la Cour fédérale. Néanmoins, il me semble qu'il y a des failles dans cette législation quand on a vu l'an dernier que quelqu'un qui manipulait des fonds du gouvernement du Québec pour le ministère des Transports, dans la région de Montréal, pendant ses loisirs, était percepteur de fonds pour un parti politique que je ne nommerai pas. Il me semble que ce n'est pas quelque chose qui était prévu par les députés à ce moment-là, et je m'en remets à votre expertise. S'il y a moyen d'éviter de tels excès ou de telles ambiguïtés dans la législation actuelle, tant mieux, mais, sinon, il faudrait ajouter quelques clauses pour préciser ces objections-là.

Donc, en général, moi, je trouve que la loi actuelle répond aux deux soucis de flexibilité et de contrôle qui étaient siens. J'ai voulu attirer l'attention de la commission sur le problème de l'insatisfaction relative des citoyens quant à leurs services publics et offrir une mise en garde contre une simplification qui me semble être présente dans le titre même de votre document. Dire que la raison d'être de la fonction publique est d'être au service du citoyen, il me semble que vous avez oublié l'autre partie de la clause qu'on a lue tout à l'heure. L'article 2 de la loi dit: Être au service des citoyens, oui, mais mettre en oeuvre les politiques établies par l'autorité constituée et assurer la réalisation des autres objectifs de l'État. Là, il y a toute une différence. Si on veut renforcer l'imputabilité des fonctionnaires, on devrait songer à renforcer leur autonomie pour assurer la relève et rendre justice aux jeunes. Il devrait être créé à l'Office des ressources humaines un cours de stagiaire en administration publique.

Je pense que je vais m'arrêter là, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Simplement un petit commentaire au niveau du sondage qui a été effectué à la demande de la commission. Notre sondage s'adressait strictement à la fonction publique comme telle, c'est-à-dire qu'elle no visait que les ministères concernés, alors que si je regarde votre sondage, à la fin, il y a à la fois du municipal, du fédéral et du provincial Je pense que c'étaient différents intervenants. Je veux simplement apporter cette précision-là. C'est peut-être pour ça que...

M. Gow: C'est tout à fait vrai...

Le Président (M. Lemieux):... les résultats sont différents.

M. Gow: Je pense l'avoir dit dans mon texte. Effectivement il n'y a qu'un seul service fédéral, néanmoins, là-dedans...

Le Président (M. Lemieux): Les postes.

M. Gow:... où, d'ailleurs, les Québécois... C'est la seule fois qu'ils rejoignent le public des autres provinces. Ils ont un taux de satisfaction assez respectable, mais, si on voit que ça touche quand même l'école secondaire, l'école primaire et tes services récréatifs, les services médicaux, il me semble qu'on est à aborder des sujets qui relèvent de certains ministères du gouvernement du Québec.

Le Président (M. Lemieux): L'autre petit commentaire, c'est que, effectivement, le titre de notre document de consultation, c'est "La fonction publique au service du citoyen", mais, à nos yeux, l'accessoire suivait le principal. Évidemment, nous sommes, je vous dirais, très au fait qu'effectivement nous voulons, nous aussi, atteindre les objectifs qui sont poursuivis par les articles 2 et 3 de la loi. Je pense que le tout...

Je voulais tout simplement apporter ce petit commentaire. Nous en sommes très préoccupés. C'est une préoccupation constante, d'ailleurs, des membres de cette commission. Sur ce, je céderais maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Merci, M. le Président. M. Gow, au nom de notre formation politique, je vous remercie pour la présentation de votre mémoire. Ce fut très intéressant.

D'entrée de jeu, à la page 3 de votre mémoire, vous dites: "Une forme d'imputabilité doit être ou devrait être attribuée au Conseil du trésor. " Comme vous le savez, selon le règlement de l'Assemblée nationale, le Conseil du trésor

doit... Il y a la défense des crédits qui se fait au sein des commissions. C'est une forme d'imputabilité, en fin de compte, parce qu'on peut poser des questions de façon très large aux différents ministères, dont le Conseil du trésor lorsqu'il se présente à la commission. Ne trouvez-vous pas ça suffisant comme démarche?

M. Gow: Je ne me fais pas d'illusions sur le poids d'un rapport annuel parce que ce sont vraiment des détails élémentaires, mais je me situe dans la position de quelqu'un, à l'extérieur de l'appareil gouvernemental, qui cherche à savoir ce qui se passe. Je pense que c'est quand même le seul organisme d'importance qui n'en fait pas un. Il me semble qu'il y a quelque chose d'illogique dans leur comportement.

M. Farrah: Donc, c'est plus à titre d'information à la population.

M. Gow: Eh bien! c'est-à-dire que je crois que, déjà, un vérificateur général a dit que le rapport annuel est tout de même une base qui permet aux gens de poser les bonnes questions, n'est-ce pas? Quand même, quand vous voyez un rapport annuel, des fois, ça vous inspire des questions: Que fait il, ce service là? Quels sont ses objectifs? etc. Il me semble que ce serait une aide pour vous aussi.

M. Farrah: Par rapport aux citoyens. Sauf que par rapport...

M. Gow: Par rapport aux députés aussi.

M. Farrah: Non, mais sauf que par rapport aux députés, ce qui est important pour nous...

M. Gow: Oui, oui.

M. Farrah:... et ça, comme on le dit depuis le début de la commission, c'est une imputabilité des hauts fonctionnaires, aussi, qui viennent défendre devant nous les politiques qu'ils administrent ou les décisions qu'ils prennent. Alors, c'est plus dans ce sens-là que la présence du président du Conseil du trésor qui, lui, vient à la commission.

M. Gow: Oui, il me semble que c'est utile. Absolument. C'est sûrement, mais on constate aussi que... Nous avons un mémoire de maîtrise qui vient d'être déposé chez nous et qui montre que, selon les statistiques de votre Assemblée, les députés ne se servent pas de tous les moyens à leur disposition pour tenir imputables les fonctionnaires, loin de là.

M. Farrah: Ça va. Alors, une dernière question en ce qui me concerne, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): C'est compris.

M. Farrah: Quel statut faudrait-il accorder à ces étudiants stagiaires dont vous proposez la formule et comment feriez-vous la sélection au mérite au terme des trois stages que vous proposez? Donc, ils seraient choisis ces gens-là. Quel statut on leur donnerait?

M. Gow: Bien, il me semble qu'on pourrait. Je pense qu'il faudrait amender la loi pour permettre à l'Office de créer un corps - je ne sais pas si ça pourrait se faire par réglementation - qui aurait un statut non permanent, justement, qui pourrait être mis à l'essai par une offre de l'Office des ressources humaines aux ministères, un peu comme d'autres organismes le font dans d'autres pays. Comme l'organisation des corps, en France, on pourrait proposer aux ministères, à chaque année ou à chaque trimestre, une liste de personnes disponibles avec leur profil. On pourrait leur permettre de les interviewer.

M. Farrah: Ça ne vient pas à rencontre un peu de la réglementation de la Commission de la fonction publique qui dit que, pour une plus grande équité au niveau de l'embauche, ce soit fait de façon beaucoup plus générale au niveau de la population?

M. Gow: Non, je ne crois pas, parce que, moi, je verrais que ce soit justement un concours général au lieu d'être... Savez-vous ce qu'on dit à nos étudiants présentement? Inscrivez-vous à l'Office, puis on vous appellera au cas où il y aurait un concours où vous êtes eligible. Tandis que le gouvernement fédéral vient recruter... Il a repris le recrutement généralisé d'un groupe de stagiaires. Il me semble que c'est faisable.

M. Farrah: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député des îles. M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Moi, je veux féliciter M. Gow parce qu'il y a plusieurs suggestions intéressantes dans son mémoire. Il nous fait partager le fruit de son expérience, de sa vaste expérience. Je le remercie aussi au nom de ceux et celles qui ont travaillé au secrétariat des relations avec les citoyens, pour l'hommage qu'il rend au travail de ce secrétariat.

Le Président (M. Lemieux): Ça, c'est de la politique.

M. Lazure: Vous n'êtes pas le premier, d'ailleurs, à souligner le rôle utile qu'a joué cette petite boîte qui était modeste, où il y avait à peine une douzaine d'employés, 10 ou 12, et qui a joué un rôle moteur et stimulateur auprès des ministères et des organismes. Et je trouve

dommage que, en 1985, à toutes fins pratiques, on ait mis la clef dans la boîte, et nos recherches toutes récentes nous indiquent que, même si... Théoriquement, on a dit: Cette fonction-là sera assumée par les ministères et les organismes. Mais on nous dit que toute la documentation qui avait été accumulée durant ces trois années est maintenant quelque part dans des boîtes au ministère des Communications. Et, à toutes fins pratiques, c'était un début de travail utite qui n'a pas eu de suite. Alors, moi, je pense que notre commission devra se pencher là dessus. Ce n'est pas nécessairement un secrétariàt comme celui qui existait, mais il faut vraiment qu'il y ait dans l'appareil gouvernemental - moi, j'en suis persuadé - une espèce de chien de garde, un stimulateur de cette préoccupation de la qualité du service à la clientèle.

M. Gow: Est-ce que je peux dire un mot là-dessus?

M. Lazure: Oui.

Le Président (M. Lemieux): J'aimerais vous entendre là-dessus, moi aussi.

M. GoW: J'ai laissé cet été, en m'adressant au Protecteur du citoyen, des plaintes à propos de l'impossibilité de rejoindre par téléphone la Régie de l'assurance-maladie et Revenu Québec. On a répondu avec empressement, mais la réponse est venue assez vite que ce sont des problèmes de système qui ne concernent pas le Protecteur du citoyen. Alors, il me semble que, quelque part au gouvernement, des gens qui se penchent sur ces problèmes de façon, pas uniformisée... Assurer un certain suivi dans ces questions serait important.

M. Lazure: Absolument. Alors, ce n'est certainement pas avec la structure très centralisée qui, actuellement - je parle de la Loi sur la fonction publique, c'est notre préoccupation - n'est la responsabilité que d'un seul ministre, le président du Conseil du trésor. Ce n'est certainement pas avec cette structure-là qu'on va pouvoir ramener un souci minimum pour la qualité des services aux citoyens parce qu'il est trop pris à autre chose et c'est normal qu'il en soit ainsi.

Moi, je trouve aussi pertinente votre remarque que les fonctionnaires ne doivent pas seulement répondre de la qualité de leur service à la clientèle, mais aussi auprès des élus. Et c'est peut-être un volet qu'on oublie trop souvent. Vous faites bien de nous le rappeler. Sondage. Moi, je vais en parler plus longtemps demain matin puisqu'on en aura l'occasion, avec le Protecteur du citoyen. Je trouve dommage... Ce sondage-là, à mon avis, n'est pas fiable. Le sondage qui a été rendu public, là. C'est la commission qui a commandé un tel sondage, mais pour des raisons techniques, à mon avis, il n'est pas fiable parce qu'on a dit: On va garder, dans l'échantillonnage, les personnes qui ont eu recours à un des organismes ou un des ministères du gouvernement au moins une fois durant l'année. Or, à peu près tout le monde a recours au ministère du Revenu une fois par année. À peu près tout le monde a recours à la Régie de l'assurance automobile pour son permis de conduire, l'immatriculation, une fois par année. Par conséquent, on a surchargé cet organisme et le ministère, la Régie de l'assurance automobile et le ministère du Revenu, aux dépens des autres ministères et organismes. Autrement dit, sur l'échantillonnage total de 1100, il y en a plus de 700 qui ont été des clients de ces deux organisations-là. Alors, le plus qu'on peut dire c'est que le 90 % de satisfaction, il a trait au ministère du Revenu, via le rapport d'impôt, et il a trait à l'immatriculation et au certificat de conduire. Et on ne peut pas dire beaucoup plus que ça. Alors, je trouve que c'est un peu dommage parce que ça donne l'impression qu'il y a un grand degré de satisfaction pour l'ensemble de la fonction publique. Et vous faites bien de nous rappeler que l'autre sondage, qui touche des services moins spécifiquement québécois, touche quand même des choses qui nous intéressent, comme les écoles primaires, les écoles secondaires, les loisirs, les bibliothèques, etc. Alors, ce sondage là est à prendre avec un grain de sel.

Finalement, notre formation est entièrement d'accord avec vous quand vous dites qu'un fonctionnaire qui manipule des fonds publics ne devrait pas manipuler les fonds d'un parti politique ou s'occuper de la perception de fonds pour un parti politique. Alors, M. le Président, c'est tout. Mais si M. Gow a des réactions au sondage ou si...

M. Gow: Seulement que... Ça ferait tout de même plaisir au ministère du Revenu de se voir bien cité parce qu'il est souvent cité dans le rapport de l'ombudsman dans le sens inverse. Alors, c'est quand mérite dans ce sens-là que les ministères les plus fréquentés s'en tirent avec de bonnes notes. C'est quand même aussi très...

M. Lazure: J'ajouterais que quand le secrétariat existait - les relations avec les citoyens - la première année, je me rappelle, le prix citron était allé au ministère du Revenu. Mais, l'année suivante, II avait eu le prix orange parce qu'il avait fait des progrès considérables. Alors, ce n'est pas surprenant qu'il y ait assez de satisfaction vis-à-vis du ministère du Revenu, et la même chose pour la Régie de l'assurance automobile. C'est un organisme qui a fait beaucoup beaucoup de progrès, qui a fait énormément d'efforts pour améliorer ses services à la clientèle et, heureusement, on en voit les résultats aujourd'hui.

Le Président (M. Lemieux): Je ne veux pas engager une polémique sur la fiabilité du sondage. Moi, je vais vous dire le contraire, qu'il est fiable et qu'il est représentatif, puisque 37 % des répondants à ce sondage ont identifié le ministère du Revenu, 36 % ont identifié la Régie de l'assurance automobile du Québec, et 25 % ont identifié d'autres services du gouvernement, et il a été très scientifique. La marge d'erreur est de 3, 4 % sur un échantillonnage, dans un premier temps, de 2300 personnes, pour être ramené à quelque 1100 personnes. Alors, il y a peut-être une question d'interprétatjon Peut-être qu'on peut donner une interprétation qui est différente en soi, mais on aura l'occasion, probablement demain, avec le Protecteur du citoyen, de regarder ça davantage en profondeur.

Moi, pour terminer, je tiens à vous remercier de votre participation à cette commission parlementaire. Je veux que vous sachiez qu'elle a été des plus positives. Et je dois vous avouer, à ma grande honte, comme président à la commission du budget et de l'administration, que j'ai appris par vous, en lisant votre mémoire, que le Conseil du trésor ne déposait pas de rapport annuel. Or, je dois vous avouer que... Écoutez, j'ai été très surpris comme parlementaire. Évidemment, le président du Conseil du trésor a à répondre des engagements financiers et de ses crédits devant notre commission, mais jamais il ne m'est venu à l'idée de lui demander si, effectivement, il avait à produire un rapport annuel. Et c'est curieux parce que dans l'ensemble des autres organismes, souvent la première chose que fait la commission, c'est qu'elle consulte les rapports annuels des autres organismes. Alors, je dois vous remercier, mais, au-delà de tout ça, vos commentaires sont excessivement positifs et enrichiront probablement les recommandations de la commission.

M. Gow: Merci.

Le Président (M. Lemieux): On vous remercie de votre collaboration, et nous suspendons jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 36)

(Reprise à 20 h 7)

Association des anglophones de l'Estrie

Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux pour entendre l'Association des anglophones de l'Estrie. Je demanderais aux représentants de cette association de bien vouloir prendre place à la table des témoins, s'il vous plaît.

Alors, nous sommes prêts à vous écouter relativement à la présentation de votre mémoire que vous avez soumis à la commission du budget et de l'administration. Est-ce qu'il y a une troisième personne? Bon. Ça va. Alors, si le tableau vous dérange, on pourra le reculer un petit peu tout à l'heure.

Mme Goodfellow (Marjorie): Nous allons le déménager après.

Le Président (M. Lemieux): Ça va. Nous vous remercions. Or, nous vous écoutons, madame.

Mme Goodfellow: Très bien.

Le Président (M. Lemieux): Voulez-vous préalablement vous identifier et nous présenter la personne qui vous accompagne, s'il vous plaît?

Mme Goodfellow: Très bien. Bonsoir, M. le Président, membres de la commission. Je vous présente à ma gauche, Susan Mastine, executive director for the Association; à ma droite, Heather Keith-Ryan, membre du conseil d'administration et, également avec moi, ex-présidente de l'Association. Vous avez reçu notre mémoire. Je n'ai pas l'intention de le lire au complet mais je vais vous souligner...

Le Président (M. Lemieux): Je sais que vous êtes très modeste. Mais auriez-vous la gentillesse vous-même de vous identifier?

Mme Goodfellow: Pardon?

Le Président (M. Lemieux): Pourriez-vous vous identifier, vous nommer...

Mme Goodfellow: Oh! Excusez-moi.

Le Président (M. Lemieux):... s'il vous plaît?

Mme Goodfellow: Moi, je suis Marjorie Goodfellow, présidente de ce comité et aussi une ex-présidente de l'Association.

Le Président (M. Lemieux): Nous vous remercions.

Mme Goodfellow: Vous avez reçu notre mémoire Je n'ai pas l'intention de le lire au complet, mais je vais vous souligner quelques points importants. Je veux d'abord parler de notre Association qui a été fondée en 1979. Notre but primordial est de promouvoir la qualité de vie pour les citoyens d'expression anglaise ainsi que leur participation à part entière dans la société québécoise. Un des moyens d'accomplir cette tâche est d'assurer un accès aussi large que possible aux emplois pour tous les membres de notre communauté, particulièrement pour nos jeunes. Sans emploi pour les jeunes, l'avenir de notre communauté est incertain. Nous avons

apporté une carte qui indique le nombre et les lieux des bureaux gouvernementaux québécois dans notre région. Les limites des Cantons de l'Est sont indiquées en bleu, les contours orange indiquent une région avec une population de 10 % et plus qui parle anglais à la maison selon le dernier recensement du Canada. Les zones hachurées en orange indiquent les divisions du recensement où se trouve une population de 10 % et plus qui parle anglais à la maison. This gives you an idea of where in Eastern Townships English-speaking people live. Now we will show you where the various provincial government offices are located. We have not included such prior governmental offices as schoolboards, hospitals, CLSCs, etc. The large dots represent the five major government employers. The departments that employ the largest number of people in our region are Transports, Sûreté du Québec, Main-d'oeuvre, Sécurité du revenu et Formation professionnelle, Justice, Énergie et Ressources. The small red dots stand for any other provincial government office. Some of these dots appear beside the names of towns and cities such as Cowansville, Granby, and Arthabaska. Others are so numerous that we have put them in a special box: Sherbrooke, for example, which is the capital of administrative region 05, Drummondville, Victoriaville, Thetford Mines and Lake Megantic. Some of these centers are outside the orange lines, representing significant English-speaking populations; nonetheless, they serve a larger number of English-speaking people than may be apparent. As anyone who lives in a rural area knows, country residents and village people travel to receive any service, be it shopping, banking, health care, as well as to earn their living. Now we have finished with the map,

Je n'ai pas terminé... Les endroits où se trouvent les cercles en couleur représentent en tout environ 5000 emplois réguliers ou temporaires. Ça veut dire que le gouvernement provincial est un des employeurs majeurs dans notre région. Mais ce n'est pas facile de trouver parmi ces employés une personne d'expression anglaise. Si vous consultez l'annexe D du mémoire, vous verrez qu'en Estrie il y en a 6 parmi 1108 employés réguliers. Pour les autres régions, dont une partie se trouve dans les Cantons de l'Est historiques, c'est difficile de préciser exactement, parce que les chiffres ne sont disponibles que globalement par région administrative. Mais les statistiques à l'annexe D pour ces régions administratives ne nous amènent pas à une conclusion plus positive.

It was in this context that we studied the Public Service Act. Our overall conclusion is that it provides the legal framework for achieving an equitable number of English-speaking employees in the provincial work force. I do not intend to review our reasons for coming to this conclusion, you will find them in the brief, on pages 4 to 7.

Nous n'avons qu'une recommandation concernant la loi elle-même. À la page 7, l'Association recommande que l'article 43 soit amendé pour inclure lès Québécois d'expression anglaise dans son programme d'accès à l'égalité. L'Association recommande aussi qu'une telle politique d'accès à l'égalité soit vérifiée afin de s'assurer que soit atteint l'objectif d'augmenter le nombre de Québécois anglophones dans la fonction publique québécoise.

Nous avons quelques recommandations concernant l'application de la loi. Afin de s'assurer que les politiques et les procédures soient mises en place pour attirer les candidats d'expression anglaise, l'Association recommande que des postes clés soient désignés et qu'au moins une personne occupant le poste de président ou vice-président de l'Office des ressources humaines soit anglophone. Si aucun posté n'est à pourvoir à ce moment-ci, on devrait permettre la nomination d'un troisième vice-président jusqu'à ce que soit terminé le mandat d'un des fonctionnaires actuels. Également, l'Association recommande que la Commission de la fonction publique devrait être composée d'au moins une personne d'expression anglaise. S'il n'y a actuellement aucune vacance, on pourrait Se prévaloir des pouvoirs prévus à l'article 121 et nommer un autre commissaire, un anglophone, jusqu'à ce que soit terminé le mandat d'un des Commissaires actuels.

La fonction publique québécoise devra être perçue par la communauté anglophone comme ouverte et accessible. On devrait diffuser plus d'information auprès des jeunes et du public sur les méthodes de recrutement, les exigences d'embauche et les emplois disponibles. L'Association recommande que des sessions d'information soient tenues en anglais dans les écoles secondaires, au collège Champlain et à l'Université Bishop afin d'informer les jeunes sur les genres d'emplois disponibles, comment les postuler et les niveaux de compétence en français requis. Également l'Association recommande que des sessions publiques d'information soient tenues à Sherbrooke et à Cowansville. Le nombre d'emplois disponibles publiée dans les journaux sont restreints. Tous les autres sont affichés à l'Office des ressources humaines et quelques-uns dans les centres d'Emploi Canada. Pour connaître les emplois disponibles, les gens de la région 05 se rendent au bureau de l'Office des ressources humaines à Sherbrooke. Ceux de la région 16 doivent se rendre au complexe Desjardins à Montréal. Pour les résidents du nord des Cantons de l'Est, régions 12 et 04, le bureau le plus proche est situé à Trois-Rivières. L'Association recommande de publier en anglais un plus grand nombre d'emplois disponibles dans la presse anglophone régionale telle que The Record, Stanstead Journal and The Townships Sun. L'Association recommande de publier régulièrement en anglais un message encourageant les gens en recherche d'emploi à se rendre à l'Office

des ressources humaines pour connaître les postes à combler.

L'Association recommande d'installer un bureau d'information à l'Office des ressources humaines plus près de la population de la région 16, par exemple à Granby ou à Cowansville. De même, pour le secteur nord, des Cantons de l'Est, des bureaux d'information devraient être situés à Drummondville, Victoriaville et Th. etford Mines.

La Loi sur la fonction publique prévoit un stage probatoire d'au moins six mois et une plus longue période pour certaines classes d'emploi. L'Association recommande que les employés d'expression anglaise en stage probatoire puissent bénéficier d'un stage probatoire plus long pour leur permettre de s'adapter à un milieu culturel et linguistique différent avant qu'on évalue leur efficacité.

Educators in the Eastern Townships are particularly sensitive to the need for preparing English-speaking youth for the job market in the region, in order to help the community renew itself. They are taking many creative measures in this regard, such as cooperative education programs that place students in work environments. They are also gearing curricula to meet the needs of the job market. Therefore the Association recommends that the Québec public service communicate with educators at the Eastern Townships, district of Bedford, and the Eastern Québec schoolboarcjs to discuss ways of participating in their cooperative education programs, so that students spend time working in the public service and to ensure that educators are knowledgeable about requirements for public service jobs.

En conclusion, l'Association des Town-shippers félicite le gouvernement du Québec pour son initiative, à savoir de consulter l'opinion du public sur cet important dossier. Aussi, il faut souligner qu'il existe un autre groupe d'étude, le Comité consultatif sur l'accès des anglophones à la fonction publique provinciale, formée par M. Daniel Johnson au printemps dernier. Nous avons présenté un mémoire devant les membres de ce groupe au mois d'août et nous avons hâte de connaître ses recommandations. Nous souhaitons une collaboration étroite entre les membres du comité Blair, le Conseil du trésor et la commission du budget et de l'administration.

L'Association s'attend à ce que des mesures soient prises pour encourager une plus grande participation des citoyens d'expression anglaise aux emplois dans la fonction publique du Québec et particulièrement dans notre région. Si c'est le cas, l'Association est prête à jouer un rôle actif pour atteindre les objectifs d'une plus grande présence anglophone au sein de la fonction publique dans les Cantons de l'Est Nous vous remercions, M. le Président, pour votre, attention. (20 h 15)

Le Président (M. Lemieux): Merci, madame.

M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Au départ, je voudrais vous féliciter pour votre excellent mémoire et je voudrais dire bienvenue pour notre formation à cette commission. Chaque fois que je rencontre le groupe de Townshippers, j'apprends quelque chose de la communauté d'expression anglaise. Encore une fois, ce soir, avec votre mémoire, vous avez démontré une grande compréhension de la communauté d'expression anglaise dans le territoire de l'Estrie. Et je voudrais vous féliciter.

J'ai plusieurs questions à vous demander. Mais je voudrais commencer... Vous avez certainement, si vous voulez, des questions de sous-représentation de la communauté d'expression anglaise dans la fonction publique et j'ai plusieurs questions à cet égard. Mais je voudrais commencer avec une autre question avant. Un des quatre thèmes que nous voulons étudier, c'est le caractère du service. Vous n'avez pas vraiment beaucoup le temps de discuter ça dans votre mémoire Mais la fonction publique est pour donner le service aux populations. Je voudrais savoir si dans vos démarches, vous avez entendu, d'une façon officieuse, une variation des qualités et quantités de services et ce que les personnes dans la communauté d'expression anglaise, dans la région de l'Estrie, pensent sur la qualité du service de la fonction publique.

Mme Goodfellow: Nous avons discuté cet aspect pendant notre voyage de Sherbrooke à Québec, aujourd'hui. Nous avons des expériences qui varient selon le ministère, selon la région. As for myself, when I go to talk to the people in the Revenue of Québec Department, I have absolutely no difficulty in being served in my language. They seem to give a very good service. The service, when I get a driver's license, is not by and large available in English, I would say. So, those are my own two personal experiences. Heather.

Mme Keith-Ryan (Heather): Sûrement, dans les états de crise, personnellement, que j'ai eu connaissance... Je sais que mes enfants étaient dans un accident de voiture et, moi, j'étais un peu énervée, c'est toujours une situation de crise et, quand j'ai téléphoné à la police, ils n'ont rien compris en anglais. Ça, c'est un service essentiel. Première chose, c'est un interurbain de chez nous, mais à part ça, ç'a été la réceptionniste qui n'était pas capable de savoir de quoi je parlais quand j'ai parlé d'un accident de voiture, qu'on avait besoin des ambulances et tout.

Aussi, souvent, dans une situation de crise, et je parle de la région du secteur ouest des Cantons do l'Est, quand les personnes ont besoin d'avoir accès aux services de bien-être, ou môme le CSS, pour des problèmes de jeunes en difficulté, soit des abus physiques ou autres, c'est

une situation de crise. Et sûr et certain, la réception laisse à désirer. Il y a beaucoup de lacunes dans ces services pour la population qui est considérable dans les Cantons de l'Est.

Mme Mastine (Susan): Au niveau du ministère des Transports, de mon expérience, j'ai des difficultés, des fois, avec des personnes qui travaillent au niveau de l'expropriation, qui viennent parler aux gens pour savoir si on accepterait ou pas d'élargir le chemin. D'un autre côté, j'ai entendu de bons commentaires au niveau du Protecteur du citoyen, des gens qui sont très satisfaits avec les services qu'ils ont.

Mme Goodfellow: Alors, comme vous voyez, c'est certainement une variété d'expériences.

M. Williams: Actually, when we did a "sondage" for the commission, ourselves, we found that the level of satisfaction - and we talked about this study earlier this after noon - was similar in the English-speaking community than it was in the majority community. When you answered my question, you talked about quality service, you talked whether services were available in your language. That is obviously a key part of service quality. But over and above that, have there been comments, whether the services were given in French or in English, about the quality of services available? Are there any discussions about that?

Mme Goodfellow: Well, I think it perhaps is the same sort of variety. I think that Heather spoke a bit about quality of service in her response as well. When one cannot get quick response from the police, whether it is in French or in English, it is a problem.

M. Williams: I share that feeling too. On just a small clarification, we are studying just the "fonction publique" and the police is not included in that. However, the point is the same and that example is just as strong.

Vous avez mentionné, et j'ai oublié le chiffre exact, mais, si je me souviens bien, vous avez mentionné que vous avez - ça existe - six représentants de la communauté d'expression anglaise dans la fonction publique, dans la...

Mme Goodfellow: La région 05. Oui.

M. Williams: 05. Je voudrais juste clarifier. Je ne veux, pas faire un débat avec les chiffres, mais cette auto-identification - et peut-être que ça va être un peu plus - ce sont des personnes qui choisissent d'être identifiées comme langue maternelle anglaise, si je ne me suis pas trompé. Quand même, j'ai voulu juste ouvrir cette parenthèse et faire une clarification. Votre point, il y a une sous-représentation de la communauté d'expression anglaise. Je ne veux pas faire un débat si c'est six ou une douzaine, mais j'ai voulu avoir..

Mme Goodfellow: C'est ça. Parce que moi, j'aurais un problème à identifier une personne de ma connaissance qui travaille pour la fonction publique du Québec.

M. Williams: Ouf, mais ça touche les problèmes et la question que je voudrais vous poser. Parce que vous avez parlé d'un programme d'accès à l'égalité. C'est une des solutions pour corriger. Ce n'est pas la seule que vous avez mentionnée, mais c'est certainement une que vous avez privilégiée. C'était mon "feeling". Au niveau pratique, comment ça va marcher, si nous avons déjà un programme d'accès à l'égalité pour les communautés culturelles, si nous essayons d'ajouter la communauté d'expression anglaise? Pour mon opinion, ce sont deux définitions différentes, deux visions québécoises différentes. Comment nous allons mettre ça sur pied, en pratique?

If we have affirmative action for cultural communities, for women, for handicapped, how do we adjust it to make sense in your recommendation, and is it not changing the definition of the English-speaking community into a very limited definition? I know that it is a very leading question but I would really like to spend some time talking about that.

Mme Goodfellow: I do not see a change of the definition or the interpretation of the status of the English speaking community at all. Lack of access to employment does not depend on numbers. If that were the case, you would not have to worry about women on affirmative action program because women form more that 50 % of the population Similarly, I do not think it changes the status for the English-speaking community. I think that, when a community is so little represented in a public service, it requires special attention. And in our brief, in addition to the affirmative action program, we have tried to outline some of the Ways where we think special attention must be placed. And I would regard that as part of the affirmative action program to focus this special attention on this category of the population which Is so little present in the public service of Québec. I see that program as being a number of branches, one of them, and a very important one, being information to the public in (jouerai because English speaking community does not tend to have people to let it know in the public service; it needs to have special sources of information about jobs that are available and that French-speaking people tend to know about because they know somebody who works in the public service. Therefore, we would like to see, as part of that affirmative action program, special efforts taken to inform the community about Job openings, whether they

be permanent or occasional. In addition, we believe, through our experience with the federal public service, that one of the best ways to get young people interested in working for the public service is to visit the schools and to explain to the students the options that would be opened to them were they too apply and as well to talk to the people who are educating them so that the classes which are structured will be structured in the direction so that these students are better prepared for employment in the public service. (20 h 30)

M. Williams:... in term6 of more vibrant or active communication strategies, and you have less of those, as well as |he apprenticeship type of program to break the circle. I find those very interesting and I certainly lake note about that. And I think we both agree that there is an under-representation. What I want to go back to, just one more time, is w, e were talking about affirmative action, in the terms that we were talking about in 1990. It is a fairly legal term in which we were talking about, acknowledging discrimination, acknowledging a very legal approach to things and setting up targets. What I am not sure about... Your answer talked about a whole new approach to the English-speaking community and I find that fascinating, but I want to go back. Are you using affirmative action in a liberal sense, no joke intended, but in a non legalistic sense, or are you saying you actually need an affirmative action as it is set up for the cultural communities? And if so, again, I would ask: How would you define the English-speaking community differently than you would be defining in terms of cultural communities? And that is what I am trying to get out. Is it a more fluid definition or are you really suggesting we need a legal definition of affirmative action program?

Mme Goodfellow: O. K. Heather would like to say something.

Mme Keith-Ryan: Une chose qu'il faut noter c'est que les autres immigrants, les autres communautés culturelles qui viennent s'établir ici au Québec s'établissent surtout dans les grosses villes. Et je pense que le nombre des immigrants dans les Cantons de l'Est est très, très petit, parce que la communauté de soutien pour les immigrants, c'est soit à Montréal ou une autre grosse ville. Alors, c'est complètement différent dans les régions rurales que dans la ville. Alors, on peut dire qu'on a en effet une seule minorité dans les Cantons de l'Est, à mon point de vue. Peut-être que Marjorie a d'autres, opinions.

Mme Goodfellow: No. I would agree I would think that wo have some difficulty in struggling with the differentiation between ourselves, and what you seem to bo saying as the cultural communities. There are not that many members of the cultural communities in our region in comparison to ourselves and we have a long history there. We do not think of ourselves as anything but Quebeckers and not necessarily members of a cultural community.

One thing that I would like to stress, because it is not stressed in our brief, I think one of the aspects that we would look for, in an affirmative action program, is to have the objective of hiring English-speaking people... made one for which managers would be accountable. Now, you have me at a disadvantage, because I am not a lawyer, I know, nor are you. But the legal definition of affirmative action is one that I can go with or leave, as far as my knowledge is concerned. But I think it is clear that what we are seeking is some positive results.

M. Williams: O. K. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Une dernière question, M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup pour cette clarification parce que la chose qui m'a touché beaucoup, vous voulez avoir une réponse régionale. Parce qu'avec mille quelque chose, vous voulez avoir une réponse dans l'Estrie. Vous voulez...

Mme Goodfellow: Dans les Cantons de l'Est...

M. Williams: Excusez-moi.

Mme Goofellow:... qui sont plus larges que l'Estrie.

M. Williams: Je m'excuse. Dans les Cantons de l'Est. Et je pense que c'est un peu parce que vous êtes attachés à l'importance de garder les jeunes dans votre région et je trouve ça très important. Je voudrais poser une dernière question sur le niveau de compétence en français quand tu entres dans la fonction publique. Vous avez fait quelques remarques et je ne veux pas déroger trop de la question. Est-ce que vous pensez que la communauté d'expression anglaise, les jeunes de la communauté d'expression anglaise sont assez bien formés dans la langue seconde qu'est le français? Qu'ils sont à l'aise d'entrer dans la fonction publique? Et, sinon, qu'est-ce que nous pourrons faire pour ajouter ça?

Mme Goodfellow: Je pense que plusieurs jeunes de notre communauté sont assez bien formés pour fonctionner, travailler en français. Je pense aussi que quelques-uns n'ont pas assez confiance dans leurs capacités de parler français. C'est pourquoi nous avons recommandé un stage probatoire. C'est vrai que plusieurs autres

personnes ne sont pas assez bien formées en langue seconde, le français, pour travailler; et de ce côté, nous souhaitons toujours qu'il y aura des sommes d'argent fournies pour avoir des programmes de plus en plus efficaces en langue seconde au sein des écoles. Do you want to add anything?

Mme Keith-Ryan: Je peux dire que mes cinq enfants ont étudié à l'élémentaire et au secondaire en français, alors ils n'ont aucune difficulté à s'adapter à travailler dans le marché québécois. Je pense qu'il y a une proportion assez forte. Actuellement, les statistiques démontrent que les jeunes anglophones sont les personnes les plus bilingues au Québec. Je pense qu'on a fait notre possible pour s'adapter à la réalité et on est prêts à faire notre part et on veut avoir les meilleures chances de la faire.

Le Président (M. Lemieux): Oui, vous pouvez continuer.

Mme Goodfellow: Nous avons une autre chose à ajouter concernant les examens pour devenir fonctionnaire. Je demanderais à Mme Mastine de répondre.

Mme Mastine: II y a un de nos membres qui a fait l'examen pour un concours récemment à Sherbrooke, au mois de septembre. Suite à ça, on se demande exactement quels sont les critères au niveau du bilinguisme qui est requis. Il semble qu'il y a plusieurs questions, une dizaine de questions sur l'examen, qui impliquent une connaissance des proverbes, qui n'est pas nécessairement indicative du niveau de connaissance du français comme langue seconde.

Le Président (M. Lemieux): Nous vous remercions de ce commentaire. M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je pense que, de notre côté, nous n'avons pas du tout de problème pour appuyer votre objectif d'augmenter le nombre d'anglophones dans la fonction publique québécoise. On peut avoir des divergences d'opinions; cependant, quant aux façons d'arriver à ça, quant aux méthodes pour réaliser cet objectif. Moi, je ne suis pas du tout certain que c'est en créant un programme d'accès à l'égalité qu'on va y arriver. Je ne suis pas sûr du tout. Je suis plutôt porté à dire non. Il faut d'abord trouver les causes. Les programmes d'accès à l'égalité, comme je les comprends moi, c'est dans des clientèles où, historiquement, il y a eu discrimination ou négligence. Historiquement, le Québec reconnaît, comme bien d'autres sociétés, qu'on a négligé l'embauche des femmes dans le passé. Donc, il est logique d'avoir un programme d'accès à l'égalité pour faire du rattrapage. Même chose pour les personnes handicapées, même chose pour... Alors, historiquement, c'est deux exemples où, pour un nouveau phénomène social... L'arrivée de plusieurs communautés culturelles au Québec, c'est un nouveau phénomène social, relativement nouveau, depuis 15, 20 ans et, par conséquent, il peut être justifié de créer un programme d'accès à l'égalité pour ces personnes-là qui, autrement, pourraient être négligées. Mais, dans le cas des anglophones des Cantons de l'Est, est-ce que historiquement c'est une clientèle qui a été négligée dans la fonction publique? Je ne le sais pas. Ça dépendrait à quelle période de l'histoire on se rattache. Sûrement qu'au temps de l'Union la clientèle anglophone n'était pas négligée dans la fonction publique. Sûrement pas dans les années 1800 et quelques, au contraire. Alors, moi, je reviens aux causes: Premièrement, ma question, est-ce que vous connaissez approximativement le nombre de jeunes femmes ou hommes anglophones dans les Cantons de l'Est qui ont fait application et qui ont été refusés à la fonction publique, pour une raison ou pour une autre? Autrement dit, est-ce qu'il y a une demande de la part de votre clientèle, de votre population, de votre société pour ce genre de travail là?

Mme Goodfellow: Les statistiques sont très difficiles à savoir. C'est entendu que, si quelqu'un fait une demande pour un emploi et qu'il est refusé, ce n'est pas publié dans les journaux. Ce n'est pas facile de ramasser ces statistiques. Alors, je ne peux pas dire oui ou non, mais je suis certaine d'une chose, c'est que nos jeunes veulent travailler dans la région parce qu'ils sont attachés à leur région. S'ils ne peuvent pas avoir un accès large et ouvert aux endroits, c'est difficile pour eux de rester chez nous. Alors, étant donné le fait que le nombre des anglophones au sein de la fonction publique est aussi limité, je dois penser qu'il y a une barrière d'une sorte ou l'autre...

M. Lazure: Qu'il y a?

Mme Goodfellow: Une barrière.

M. Lazure: Une barrière. Encore là, quelles sont les causes qui ont amené l'édification de la barrière? Par exemple vous dites des recommandations comme 12 là: Les employés d'expression anglaise, en stage probatoire, devraient avoir une période plus longue. Vous dites à 8: publier régulièrement en anglais un message encourageant les gens en recherche d'emploi à se rendre à l'Office des ressources humaines. Vous dites à 5:.. des sessions d'information tenues en anglais. C'est en anglais, en anglais, en anglais! Par contre, vous vous adressez à une population qui devra travailler en français, dans un milieu français. Est ce qu'il n'y a pas un danger, par les demandes particulières que vous faites, de perpétuer une barrière? Moi, je pense que la

principale barrière c'est la barrière do la langue. Une barrière peut être socio-culturelle en plus, mais la barrière de la langue est certainement très importante. Mais est ce que par vos demandes vous ne venez pas grossir encore cet obstacle-là?

Mme Goodfellow: Je pense que non. Je pense qu'en parlant aux gens dans leur langue on ouvre la porte plus grande et c'est plus facile d'y entrer. C'est bien compris dans notre communauté que la langue de travail au Québec est le français. Ce n'est pas quelque chose qu'on doit apprendre chez nous. Mais il faut donner le message que les membres de notre communauté sont bienvenus au sein de la fonction publique. C'est l'un des moyens que nous pensons qui sera efficace

M. Lazure: Ça, je serais plutôt porté à partager votre opinion qu'il y a probablement plusieurs secteurs de la fonction publique où les anglophones ne se sentent pas bienvenus Je suis prêt à partager cette opinion mais je ne suis pas sûr que ce soit en créant un programme d'accès à l'égalité, que ce soit en multipliant les interventions en anglais qu'on va créer une meilleure réceptivité de la part de la fonction publique. Je ne suis pas certain. Au contraire, moi, je pense qu'on aurait avantage à ce que ces démarches-là, que ce soit les séances d'information, les annonces, ce soit fait en français, justement pour inculquer de plus en plus aux jeunes anglophones que c'est en français qu'ils vont travailler, que c'est en français qu'ils vont vivre.

Mme Goodfellow: Je pense que c'est très difficile quand les statistiques concernant l'accès à l'emploi, le recrutement, les personnes, embauchées ou non, ne sont pas disponibles. Alors, je suis d'accord avec vous qu'il faut identifier les causes mais, sans les statistiques, sans une étude en profondeur, c'est impossible d'identifier les causes sauf si la commission Blair est capable de le faire; mais, sans les statistiques, sans l'information requise, c'est très difficile d'identifier les causes. Mais je pense qu'avec un programme d'accès à l'égalité les moyens seront en place et c'est un moyen de faire une étape en avant.

M. Lazure: Moi, je peux vous dire comme dernière remarque que le programme d'accès à l'égalité ce n'est pas nécessairement une garantie que ça va augmenter beaucoup le recrutement. On a l'exemple chez les personnes handicapées où l'objectif du gouvernement en 1984 était de 2 % dans la fonction publique. C'a a été jusqu'à 0, 9 % et c'est rebaissé à 0, 7 %. Alors, le programme d'accès à l'égalité, il faut faire attention. Ce n'est pas la voie royale vers l'équité dans la fonction publique. Pas du tout. Mais ça peut être un moyen...

Mme Goodfellow: Mais il faut améliorer le programme peut être. Heather, did you want to say something?

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Westmount a demandé la parole, mais je vais revenir avec vous, M. le député de Nelligan. Vous avez encore quelques commentaires?

M. Williams: Premièrement, je n'ai pas entendu... Il n'y a aucun doute que les personnes de la communauté d'expression anglaise savent qu'ils vont travailler en français dans la fonction publique. Je n'ai pas entendu quelque chose qui doute de ça.

Mme Goodfellow: Non, c'est bien entendu. (20h45)

M. Williams: La chose que j'ai entendue, que quelqu'un ou plusieurs ont fait la recommandation de briser le cercle vicieux, le manque de participation entre la communauté d'expression anglaise et la fonction publique et, si ce n'est pas vrai, je voudrais avoir la clarification de ça... Aussi, je me souviens, et peut-être que je me suis trompé, que la communauté d'expression anglaise a mis un programme futur pour augmenter le niveau du Canada pour la fonction publique il y a quelques années. Peut-être que ce n'est pas vrai. Je voudrais avoir une réponse si c'est vrai.

Nous avons augmenté le niveau de candidatures, the level of applications went up throughout the province, but the level of hiring did not go up. Is that similar to what you remember in terms of experience of a few years ago, in terms of actually the myth that the English-speaking community was not applying was in fact challenged in a sense, and the English-speaking community more or less tried to increase the number of applications, but the hiring actually did not go up? Is that consistent with all or any of your studies?

Mme Goodfellow: I cannot say with any certainty.

M. Williams: O. K. Thank you.

Le Président (M. Lemieux): De consentement pour M. le député de Westmount? Consentement. Ça va. M. Holden.

M. Holden: Vous êtes très généreux, messieurs.

Le Président (M. Lemieux): Ils sont toujours généreux.

M. Holden: Vous êtes tous des messieurs... Une voix: Très libéral.

Le Président (M. Lemieux): Toujours. M. Williams: Très libéral. Le Président (M. Lemieux): Très libéral. Une voix: Ha, ha, ha! Dans le bon sens.

Le Président (M. Lemieux): Dans le sens empirique du terme.

Une voix: Oui.

Le Président (M. Lemieux): M. Holden. M. le député de Westmount.

M. Holden: Mr. Chairman, I too want to welcome the Townshippers group. We asked a question today in the House; we were asking about an affirmative action program and the minister said this: "M. le Président, c'est que, lorsqu'il a été question de mettre sur pied ce programme, nous avons consulté les représentants de la communauté anglophone du Québec, soit notamment Alliance Québec, et, à leur demande, nous avons exclu les anglophones du programme d'accès à l'égalité. "

First of all, I would like to know whether you either were involved in, or approved of, that particular position because I now understand that you are asking for affirmative action along the same lines, I presume, as the affirmative action program for the cultural communities. And, if you are now asking for an affirmative action program, what kind of pressure and what kind of demands are you making, apart from this kind of a brief? Because I think that it is fair to say that we, Anglophones, are going to have to start operating under the squeaking wheel principle. I know the minister said, well, he does not want to have to look at his program every six months or so, and see if people have changed their minds. But I think that, if a lot of pressure were brought to bear on the minister, he might, in fact, see the light and give in on the question of affirmative action. So I wonder if you could address those points of mine.

Mme Goodfellow: Well, we are always hopeful when we appear before this body, in this place, that what we have to say will be taken seriously and considered seriously. We as well meet regularly with our members of the National Assembly and talk to them about our concerns. Employment is a very large concern of ours, and we put pressure on many fronts, not just in the province, but also at the federal level, where there is also under-representation, although not as serious. Apart from that, it has not been our habit to be any squeakier. We squeak regularly, but we do not scream awfully frequently.

M. Holden: And were you involved at all in that decision which was made apparently at the outset, where the minister was told that the anglophone community does not want an affirmative action program?

M. Goodfellow: I am not aware that Townshippers Association was requested to express an opinion. We are, however, a part of the Alliance Québec organization and, therefore, presumably might be considered to have been a part of that decision. But I am not aware that our board of directors was asked an opinion.

M. Holden: But you are very definitely, now, in favour of one?

Mme Goodfellow: We, very definitely, are now, because we did riot express an opinion anti it at any time. So, there has been no change in our position. I think it is fair to say, however, as we become more concerned about the future of our community, that we are looking seriously at every possible source of jobs for young people. And it is fair also, I think, to say that, as we become a little more frantic, our thought processus evolved and we become more interested in ways that perhaps 10 years ago we would not have been interested in.

M. Holden: Are your young people... For instance, I see that the SQ is a big employer in your area. Are the young people making any effort to join the SQ or to take an interest in it?

Mme Goodfellow: I cannot say with any certainty.

M. Holden: Do you know anybody whose kids have tried?

Mme Goodfellow: No. It is really not seen as an option, because people do not know how to get in there. It is not easy - I am sure that I do not have to tell you - to get taken into a large complicated bureaucratic structure like a government service, afnd it is far easier to apply to private industry where there are fewer steps to take, fewer exams to write, and so on. So, the process, the complexity of the process, quite often turns people off before they get very far along it.

M. Holden: It is intimidating. Mme Goodfellow: Yes

M. Holden: It is like the electoral process. Thank you, Mr. Chairman.

Le Président (M. Lemieux): O. K. Mr. Holden M. le député de Nelligan, pour terminer, s'il vous plaît.

M. Williams: En terminant, O. K. Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais ajouter une clarification. J'ai parlé avec le président du Conseil du trésor et, jusqu'à date, nous n'avons jamais entendu que la communauté d'expression anglaise veut être définie comme une communauté culturelle. So, this whole point about not being one and to be part of the cultural communities, I think, was key to the Minister's remarks, as we looked at it.

Mme Goodfellow: I see.

M. Williams: The other point is: what I appreciated about your paper today, and from the Townshippers that I have always seen, is not quickly rallying behind a slogan or a particular program. You put together a whole diverse range of solutions, and I think that it is what we are looking for. We are not looking for affirmative action to support or not to support, we are talking about, in this case, the underrepresenta-tion of the English-speaking community. What I understood from your brief was it is a complex problem and it takes many different approaches and not just one little slogan to do it; it takes a lot of effort. Finally, we are talking about practical solutions. I do not want to name any particular town but, in the towns where the English-speaking community is in the Eastern Townships, you want to make sure the people are employed. And that is the kind of solutions that you will be looking for.

Mme Goodfellow: That is right

M. Williams: Avec cette approche, je voudrais dire merci beaucoup à l'Association des Townshippers pour leurs commentaires, leur mémoire, et je pense que vous avez donné un mémoire très précis sur les besoins particuliers de la communauté d'expression anglaise. Merci beaucoup.

Mme Goodfellow: Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci Je m'excuse. Nous vous remercions pour la présentation de votre mémoire devant cette commission et j'inviterais maintenant les représentants d'Alliance Québec de bien vouloir prendre; place à la table des témoins. Nous allons suspendre environ deux minutes pour vous permettre de le faire.

(Suspension de la séance à 20 h 54)

(Reprise à 20 h 57)

Le Président (M. Lemieux): À Tordre, s'il vous plaît!

La commission du budget et de l'administra- tion reprend ses travaux pour entendre le mémoire présenté par Alliance Québec. Je demanderais aux membres de ce groupe... S'il vous plaît, auriez-vous la gentillesse et l'amabilité de bien vouloir prendre vos places. Et je demanderais aux membres d'Alliance Québec de bien vouloir prendre place à la table des témoins qui se situe en face de moi. Le représentant du groupe aurait-il la gentillesse de nous présenter les gens qui l'accompagnent et de nous faire part du contenu de leur mémoire.

Alliance Québec

M. Keaton (Robert): Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour l'invitation de comparaître devant cette commission sur une question très importante pour tout le Québec, quelle que soit la langue, quel que soit le groupe. C'est la question de service de la fonction publique. Ça me rappelle, vous avez tous une copie de notre soumission, notre rapport. Cette question en soulève... D'abord, on a axé notre présentation sur un des aspects de tout l'ensemble des questions de la fonction publique, celui...

Le Président (M. Lemieux): Auriez-vous la gentillesse de bien vouloir vous identifier et nous présenter les gens qui vous accompagnent?

M. Keaton: Oh, excusez-moi. On est tellement pressés. À ma gauche, c'est Maria Peluso, qui est un membre de la direction d'Alliance Québec, Marie-Andrée Bastien, la directrice executive d'Alliance Québec, et Mme Vicky Percival, directrice des affaires légales d'Alliance Québec. Et moi, je suis le président, Bob Keaton.

Le Président (M. Lemieux): Vous pouvez commencer maintenant.

M. Keaton: Nous avons décidé d'axer notre rapport sur un des aspects importants dans la grande question de la fonction publique, c'est la question de l'emploi. Dans ce cas-ci, c'est l'opportunité de l'emploi pour les minorités, tout spécifiquement pour les minorités anglophones du Québec. Un des grands savants du XXe siècle, Max Weber, a beaucoup réfléchi et beaucoup écrit sur la fonction publique, au début de ce siècle. Il a souligné l'importance, dans une démocratie, de l'intégration des minorités dans une société, dans la fonction publique. Déjà, au début de ce siècle, on s'est penché sur cette question. Il disait qu'une société moderne et démocratique, l'avantage d'intégrer les minorités, c'est d'abord pour exploiter, dans le sens positif, toutes les ressources humaines d'une société, avec tous les talents que peuvent apporter tous les membres, tous les citoyens d'une société.

Il a aussi souligné l'importance de l'intégration des minorités dans la fonction publique, spécifiquement dans la fonction publique, en ce

qui concerne la stabilité politique, la stabilité sociale. L'intégration sociale est essentielle pour une société. Une des meilleures façons d'assurer l'intégration des minorités, c'est d'offrir toutes les possibilités de l'emploi dans la fonction publique. Pourquoi? Parce que, d'abord, ça démontre que le gouvernement appartient à tous les citoyens, pas simplement à la majorité, mais à tous les citoyens. Deuxièmement, ça crée une appartenance à tous les membres de la société envers le gouvernement. C'est d'abord le gouvernement de tous les citoyens. C'est mon gouvernement comme c'est votre gouvernement. Dans ce cas-ci, c'est le gouvernement du Québec et nous appartenons... Ça appartient à nous et nous appartenons à ce gouvernement-là, dans le sens que nous sommes intégrés.

Donc, aujourd'hui, on se trouve 80, pas 80 mais 60, 70 ans plus tard, et ça reste un des grands défis de toutes les sociétés modernes. Parce qu'on remarque, on constate à travers le monde que les sociétés modernes sont caractérisées par la diversité dans la société. Les sociétés modernes ne sont plus monolithes. Ce sont toutes des sociétés avec une grande diversité, d'où l'importance, aujourd'hui, de continuer de vraiment réaliser le but prévu par Max Weber, le but d'intégration des minorités.

En ce qui concerne la communauté anglophone du Québec, la communauté d'expression anglophone du Québec, nous avons constaté, il y a quelques années, que le taux de participation des anglophones du Québec au sein de la fonction publique se chiffrait, à la grande surprise de beaucoup de monde, il y a quelques années, 10 ans à peu près, se chiffrait à peu près à 1, 5 %. On constatait, il y a quatre ans, que ce chiffre-là est tombé à 0, 8 % et quelque chose, je n'ai pas le chiffre exact. Nous avons constaté, à Alliance Québec, en faisant la recherche sur cette question importante, que, malgré les efforts du passé du gouvernement, le taux de participation des anglophones au Québec, dans la fonction publique, est tombé à 0, 75 %, moins de 1 %, dans une population où le pourcentage d'anglophones du Québec se chiffre à peu près à 12, 6 %. On vous a donné les chiffres dans notre rapport: il y a à peu près 52 000 fonctionnaires employés dans la fonction publique au Québec, mais il y a guère 390 à 397 dits anglophones au Québec, à travers la province.

À Montréal, où la population anglophone, dans la grande région montréalaise, se chiffre à peu près à 35 %, où le nombre de fonctionnaires se chiffre entre 10 000 et 11 000, il n'y a pas plus de 90 anglophones employés par la fonction publique du Québec, québécoise. Donc, c'est tout de même surprenant, étant donné qu'on a constaté une évolution remarquable au sein de la communauté anglophone du Québec en ce qui concerne le taux de bilinguisme. La communauté anglophone du Québec, depuis plusieurs années maintenant, a fait des efforts énormes pour mieux s'intégrer au Québec, dans un Québec changeant, un Québec de plus en plus francophone, de plus en plus français. Notre communauté a péniblement augmenté dans le taux de bilinguisme jusqu'à maintenant; selon les données de 1986, 60 % de notre communauté est considérée comme bilingue. Et, si on regarde ces chiffres en termes de groupes d'âge, on croit, on voit que le taux de bilinguisme est même plus élevé parmi les plus jeunes, ça veut dire les jeunes qui sont maintenant sur le marché. Donc, au moment où notre communauté est de plus en plus capable, de plus en plus compétente pour fonctionner dans un milieu essentiellement francophone maintenant au Québec, le taux de participation en ce qui concerne l'accès et l'emploi tombe. Ça, c'est une contradiction flagrante. Et malgré toute l'attention que nous avons donnée à ce phénomène-là, toute la bonne volonté des gouvernements consécutifs, même avec le Parti québécois, le gouvernement du Parti québécois, le gouvernement du Parti libéral, il y a un problème Ce n'est pas simplement un problème, c'est un problème grave, un problème sérieux.

Pourquoi ce manque d'emploi, ce manque de participation par les anglophones dans la fonction publique? Il faut dire aussi que le gouvernement du Québec représente le plus grand employeur au Québec. Mais pourquoi il y a un niveau de participation si bas que cela? Traditionnellement, on dit souvent que les anglophones ne sont pas tellement intéressés à travailler dans la fonction publique. Alors les anglophones d'habitude sont intéressés de travailler dans le marché privé. Ça, c'est plutôt une image du passé qui est plus ou moins vraie, mais maintenant ça ne peut plus être une raison. Ce que nous avons témoigné, constaté, souligné, c'est qu'il y a un malaise social très, très grave, pas simplement pour la minorité affectée par ce problème, mais c'est un problème social au Québec. C'est un problème de toute la société québécoise, présumant que tout le monde est intéressé d'assurer ('Intégration des minorités dans la société générale du Québec.

Le problème sur lequel j'attire l'attention, c'est qu'il y a au sein de notre communauté un sentiment, un sentiment de discrimination. J'hésite à employer ce mot, discrimination. Mon vocabulaire d'habitude est très prudent en ce sens-là. Mais il y a une perception. Je ne dis pas que c'est vrai, qu'il y a de la discrimination, qu'on appelle aujourd'hui la discrimination endémique ou systémique, dans un système. Je ne dis pas, parce que ce serait très, très difficile de faire un cas empirique, avec l'évidence, pour prouver que ça existe, mais la perception est là et la perception est répandue dans notre communauté.

Quand on parle aux jeunes, aujourd'hui, ils disent. Écoute, on est bilingues maintenant, on cherche de l'emploi, mais ça ne vaut pas la peine

de faire application pour la fonction publique au Québec parce que notre nom n'est pas français. Alors, c'est un problème. C'est un problème à tel point qu'Alliance Québec, qui a toujours essayé de contribuer à résoudre le problème, est arrivée au point maintenant qu'on ne peut plus appuyer une simple expression de volonté du gouvernement, d'où notre appel à j'emploi, à l'accès, ce qu'on appelle "affirmative action program". En ce sens-là, je donne la parole à. Mme Peluso, qui est plus experte que moi à expliquer le contenu de cette idée.

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît, madame.

Mme Peluso (Maria): Merci. Le présent rapport porte sur certaines activités liées à la problématique des relations de la communauté anglaise au sein de la fonction publique québécoise, et plus spécifiquement sur les questions reliées aux programmes d'accès à l'égalité. Nous pensons que la problématique des relations avec la communauté anglaise, d'expression anglaise, doit être traitée d'une façon globale Cette problématique couvre les aspects sociaux, économiques, culturels et politiques de la vie et de la société québécoise. Les activités mentionnées dans le rapport correspondent aux projets spéciaux parmi lesquels figurent la mise en place d'un programme d'accès à l'égalité, le développement des relations avec la communauté anglaise, l'intégration harmonieuse et la participation active des membres issus de la communauté anglaise, la recherche par la communauté anglaise d'une meilleure compréhension du rôle des institutions québécoises, une participation accrue au développement culturel et au développement économique, etc. L'ensemble de ces questions devrait se traduire par un énoncé de politique global décrivant les grandes orientations stratégiques que la fonction publique se donnera.

L'aspect spécifique du dossier des relations avec la communauté anglaise dans ce rapport porte essentiellement sur la. mise en place du programme d'accès à l'égalité. Les programmes d'accès à l'égalité, les PAE, constituent seulement une des composantes du dossier des relations avec la communauté anglaise. Les PAE, en soi, sont des programmes dont la mise en application se traduit par des projets spécifiques, dont les suivants: l'embauche des membres issus de la communauté anglaise, la sensibilisation du milieu d'accueil -. ça veut dire la fonction publique - la formation du personnel des organisations et des organismes qui se trouvent au sein de la fonction publique, établissement de liaisons avec les membres de la communauté anglaise, l'adoption de plans d'information et de communication adaptés à la problématique de leur relation avec la communauté anglaise, le développement d'activités de recherche, documentation et évaluation de l'embauche.

En 1982, le gouvernement du Québec sanctionnait une loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne qui accordait aux programmes d'accès à l'égalité une assise légale et permettait leur implantation dans la province. Toutefois, les dispositions de la Charte relatives aux programmes d'accès à l'égalité ont été mises en vigueur en 1985 seulement. Il faut préciser que le premier alinéa de l'article 86. 2 de la Charte dit: 'Tout programme d'accès à l'égalité doit être approuvé par la Commission à moins qu'il ne soit imposé par le tribunal. " Et cet article de la Charte n'a pas été mis en vigueur.

Les objectifs poursuivis par la Commission des droits de la personne servent à corriger la situation des personnes faisant partie des groupes victimes de discrimination dans l'emploi ainsi que dans les secteurs de l'éducation ou de la santé et dans tout autre service ordinairement offert au public. Il existe au Québec trois types de programmes d'accès à l'égalité régis par la Charte: les programmes recommandés par la Commission des droits de la personne ou ceux imposés par un tribunal, les programmes obligatoires qui résultent de l'obligation que le gouvernement s'est donnée en vertu de l'article 86. 7 de la Charte d'implanter des programmes d'accès à l'égalité dans les ministères ou organismes gouvernementaux, et les -programmes volontaires qui résultent de l'initiative d'un individu, d'une organisation.

Selon le règlement mis en vigueur en 1986 qui ne régit que les programmes recommandés ou imposés, les groupes cibles sont les femmes, les membres des communautés culturelles, les personnes handicapées et les autochtones. Les femmes représentent le seul groupe cible visé par les programmes obligatoires dans la fonction publique québécoise. Selon le guide d'élaboration d'un programme volontaire de la Commission des droits de la personne, les groupes cibles, dans le cas des programmes volontaires, ce sont ceux, entre guillemets, qui sont caractérisés par un ou plusieurs des motifs ou critères de distinction illicite énumérés à l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne: race, couleur, sexe, grossesse, orientation sexuelle, état civil, âge, religion, conviction politique, origine ethnique ou nationale, condition sociale, handicap et langue. Donc, les membres peuvent être identifiés et dénombrés, tant à l'intérieur de l'organisation, s'il y sont présents, qu'à l'extérieur de l'organisation. (21 h 15)

Les programmes d'accès à l'égalité, qu'ils soient volontaires, recommandés ou imposés, doivent contenir les mesures suivantes: 1. des objectifs quantitatifs quant à l'amélioration de la représentation des membres du groupe cible; 2. des mesures de redressement qui consistent à accorder temporairement aux personnes des

groupes cibles certains avantages préférentiels; 3. des mesures d'égalité des chances qui visent à assurer l'égalité d'exercice d'un droit, notamment en éliminant des pratiques discriminatoires dans la gestion de l'entreprise; 4. des mesures de soutien; 5. des mesures de contrôle et d'évaluation doivent être prévues pour suivre l'évolution de la situation et pour veiller au respect des échéanciers. Ces mécanismes permettent également d'évaluer les progrès réalisés et les difficultés rencontrées.

Selon notre rapport d'Alliance Québec, nous supposons la présence d'un certain nombre de conditions pour assurer la réussite d'un tel programme: l'engagement de la haute direction; la nomination d'une personne responsable de l'élaboration et de l'implantation du programme, cette personne devant avoir un statut de cadre supérieur de préférence; la concertation entre les partenaires présents dans l'organisation - ça veut dire l'employeur, les syndicats, les employés concernés; la formation et l'information des personnes appelées à participer à la réalisation des programmes et de l'ensemble des employés.

J'ai élaboré également des stratégies. Les problèmes évoqués et l'évolution des dossiers dont nous avons présenté les grandes lignes nous poussent à prendre des orientations plus précises et plus directes si on veut aboutir à des résultats. Cet ensemble d'orientations doit s'inscrire dans une stratégie tenant compte des forces et des faiblesses des organismes dans la fonction publique, dans leur organisation et dans leur structure fonctionnelle. À ce titre, on peut considérer qu'une stratégie représente un ensemble de mesures. Ces mesures sont prises dans une optique globale afin de tenir compte de l'organisation et de l'environnement. Et le but ultime de celle-ci est de modifier une situation qui prévaut à l'échelle du milieu. La modification de la situation peut avoir un caractère collectif, le cas des PAE; un caractère interactif, le cas d'une stratégie du marketing des produits; ou encore un caractère informatif, le cas d'une stratégie de publicité ou de communication.

Ainsi, la stratégie se compose nécessairement des buts visés, d'un énoncé d'orientations à privilégier, de l'ensemble des actions à entreprendre, des moyens que la fonction publique du Québec compte mobiliser Pour Alliance Québec, il est important, dans ces dossiers, que la fonction publique suive attentivement et s'intéresse aux processus sociaux et pas seulement aux situations d'explosion sociale quand elles surviennent. Il sera donc opportun que la fonction publique du Québec puisse prendre en compte cette orientation et réponde aux besoins des Québécois et Québécoises anglais, avec une justice sociale et en toute entière égalité.

M. Keaton: Voilà, M. le Président. Nous sommes prêts maintenant pour les questions.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Nelligan.

M. Williams: M. le président, au nom de notre formation, je voudrais vous souhaiter la bienvenue à la commission et je voudrais vous dire merci pour votre mémoire. Je pense que nous sommes tous ici pour étudier les questions de la fonction publique Nous avons quatre thèmes. Nous voulons aider la fonction publique à améliorer sa qualité de service. J'ai voulu suivre la même piste des questions que j'ai fartes avec les Townshippers, mais, avec vos remarques, je pense, je vais commencer avec lus autres questions.

J'ai trouvé votre document, votre mémoire, ferme, mais j'ai trouvé, si j'ai bien compris, quelques-unes de vos remarques choquantes un peu. Vos remarques... Vous avez parlé de discrimination quand nous partons de la fonction publique. Et peut-être due j'ai mal compris, mais nous pourrons discuter de ça. Mais je voudrais clarifier quelques chiffres avant parce que, peut-être, ça va donner une petite clarification et aussi ça va donner une base à mes questions.

Nous avons parlé d'une représentation de la communauté d'expression anglaise d'environ 0, 8 % de la fonction publique. Je voudrais juste clarifier cette auto identification de la population dans la fonction publique. Oui, c'est le chiffre que j'ai moi-même utilisé, mais ce n'est pas clair exactement le niveau de la représentation. Je ne veux pas faire un débat sur les chiffres, mais si c'est encore f % ou 2 %, ça ne fait pas une grande différence; mais je voudrais juste clarifier ce point, parce que, si la communauté d'expression anglaise représente 9 % ou 12, 6 %, 1 % ou 2 % ce n'est encore pas assez grand et j'espère que nous pourrons trouver les solutions à cette question. La façon dont vous avez expliqué le niveau de la communauté d'expression anglaise ici à 12, 6 %, ça touche une question, pour moi, fondamentale. Aussi votre point que vous voulez avoir un programme d'accès à l'égalité c'est attaché à ça. Ça touche la question de la définition de la communauté d'expression anglaise.

Here, you talked about sentimental perceptions of discrimination. You talked about the need for affirmative action program which, my understanding of that, is based on the fact that there is discrimination. And my understanding is that, in fact that - and you wanted it to be similar to the cultural communities affirmative action program, one is I never thought, and I would like this clarified, whether the English community called itself a cultural community and whether it felt at ease with that. If it did, how would it fit in affirmative action programs as a second program? And then, third and quite importantly, what examples have you had about discrimination? There Is no question that we have acknowledged a problem, and we are

addressing it in terms of "sensibilisation", but I would like to read those with some pretty fundamental things you said today, and I would like to be able to explore them tonight with you. So I leave... Those are three questions, generally, that I think, that need dialogue and, if I misunderstood something, I would be very pleased to have it cleared up.

Mme Peluso: Maybe I can address some of your concerns. Certainly, given the length of time in which we had to get this brief ready for you, ça ne nous a pas donné beaucoup de temps pour élaborer bien comme il faut tout le rapport qu'on a souhaité vous donner. M. Williams, en ce qui concerne la question de discrimination, je pense qu'il y a évidemment certaines barrières. Les faits parlent par eux-mêmes. Le fait existe qu'il y a tant de pourcentage de la communauté anglaise dans la société québécoise et tant qui sont représentés au sein de la fonction publique. Ça, c'est une réalité autant que c'est une réalité pour les autres groupes cibles, autant pour les femmes, autant pour les gens handicapés, autant pour les gens des communautés culturelles.

Dans le rapport, ça n'indique nulle part qu'on est membre d'une communauté culturelle. Mais, quand même, on occupe une place d'un statut minoritaire au Québec. Et ça, c'est clair. Je ne pense pas que personne ne va nier le fait qu'on occupe une place minoritaire en nombre. Donc, on désire tout simplement avoir l'accès et la qualité du service et des produits qui viennent de la fonction publique de la même manière que la société majoritaire, tout simplement.

M. Keaton: Et ce n'est pas nous autres qui avons décidé des catégories. Il y a tant de catégories, les groupes culturels, les groupes linguistiques, tous ces groupes là Alors ça nous force effectivement à... On se trouve dans quelle catégorie? Est-ce que c'est clair qu'il y a une communauté anglophone du Québec? C'est même reconnu dans la loi. Ça existe. Selon les chiffres de 1986, le pourcentage qui considère la langue maternelle comme la langue anglaise so chiffre a 12, 6 %, en termes absolus, à peu près 800 000 Quand on regarde les chiffres du nombre d'employés dans la fonction publique, on constate qu'il y a une diminution de ces chiffres pendant que le taux de bilinguisme au Québec au sein do la communauté anglophone augmente, et que le pourcentage des gens qui font application n'est pas très, très haut, et |e nombre d'engagés, quand on regarde 397 sur 52 000, on dit qu'il y a quelque chose dans le système qui ne marche pas.

Mme Peluso: Une autre chose. Vous demandez les barrières de la discrimination Je vous en donne une tout simplement. Il n'y a aucun centre de main-d'oeuvre québécois dans aucun cégep anglais au Québec. Ça existe dans les cégeps francophones et dans le système scolaire francophone. En voilà une. On ne peut pas avoir des services qu'on accorde à certains et qu'on n'accorde pas ces mêmes services à tout le monde qui demeure ici au Québec.

M. Williams: Merci. Pour cette question, vous avez utilisé le mot "discrimination" encore et ça me touche beaucoup parce que c'est un mot assez fort. Il n'y aucun doute qu'il y a une sous-représentation dans mon évaluation, c'est pourquoi nous avons le comité Blair qui étudie cette question. Mais je voudrais savoir, est-ce que le seul problème c'est le système? Est-ce que c'est un manque de communication? Est-ce que la seule façon de corriger le problème est un programme d'accès à l'égalité ou est-ce qu'il y a d'autres choses à faire? Avec le but d'améliorer la représentation de tous les Québécois dans la fonction publique, est-ce que c'est juste par les moyens d'un programme d'accès à l'égalité qui, à mon opinion - je ne suis pas l'avocat ici - est une interprétation assez légale, ou est-ce que c'est des choses plus communautaires, plus souples, plus flexibles, comme l'exemple que vous venez de mentionner d'avoir les personnes disponibles au niveau du cégep? Est-ce qu'il y a d'autres choses à faire pour améliorer cette chose? Parce que nous avons, je pense, tous souligné le problème, maintenant nous cherchons une solution. Est-ce qu'il y a d'autres moyens?

M. Keaton: II me semble que d'abord, trouver une solution exige qu'il y ait une volonté de reconnaître qu'il y a un problème. Je vois souvent que certaines personnes disent: Écoute! Ce n'est pas un problème. C'est votre problème, ce n'est pas notre problème. Si le gouvernement ou les leaders politiques constataient les mêmes chiffres que nous constatons, qu'ils disent s'il y a un problème, et pas simplement laisser le fardeau à la minorité de convaincre la majorité qu'il y a un problème. Car on ne convaincra jamais si les gens ne veulent pas admettre qu'il y a un problème. Ce que je veux dire, avant de commencer avec la liste de toutes les mesures qu'on peut prendre pour résoudre le problème, il faut changer l'attitude à l'effet qu'on veut résoudre le problème. En ce qui concerne les mesures spécifiques, je pense que Mme Peluso a quelque chose. (21 h 30)

Mme Peluso: Je pense aussi à la discrimination. C'est basé d'abord sur l'ignorance et une perception dans les deux sens. N'oubliez pas, au sein d'une grande boîte qui est la fonction publique québécoise, il y a toutes sortes de contraintes qui ne sont pas nécessairement des contraintes discriminatoires en soi, mais qui sont des contraintes du milieu dans lequel on travaille dans la fonction publique. Il y a beaucoup d'exigences, beaucoup de directives, beaucoup d'exigences contrôlées par le trésorier, beaucoup

d'exigences politiques. Alors, je ne dis pas que toute la discrimination brute est une discrimination vraiment individuelle, face à face avec la communauté anglaise. Mais, quand même, il y a toujours une discrimination systématique et ça, c'est basé sur une perception et c'est... Dans une fonction publique, n'importe laquelle, on se fait des priorités et ces priorités-là, c'est toujours un problème, dans l'administration publique, n'importe laquelle. C'est un problème global dans chaque administration publique que j'ai étudiée... que les priorités, c'est l'implantation d'un programme sans, des fois, tenir compte du contexte social de la société. Et de plus en plus, je pense que c'est un défi pour les fonctions publiques à travers le monde en France, aux États-Unis - de répondre avec nos programmes qui ne sont pas isolés, là, dans une boîte à quelque part mais qui sont vraiment des programmes qui répondent à la réalité de la société, aux composantes de cette réalité, et que c'est une réalité de plus en plus diversifiée au Québec. Et ce n'est pas quelque chose qui est unique au Québec. C'est quelque chose qui existe. Franchement, c'est quelque chose... Je pense que l'administration publique a évolué énormément.

En ce qui concerne votre question des moyens, il n'y a pas un moyen... Vous parlez comme s'il y avait un moyen autre que les PAE. Au contraire, quand on répond à une clientèle, on trouve des moyens, dans un contexte et dans une stratégie bien planifiés dans lesquels, si on est sérieux avec notre affaire, on répondra, puis on arrivera à répondre aux exigences.

Le Président (M. Lemieux): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Oui, M. le Président. À mon tour de vous souhaiter la bienvenue aussi. Ça fait plaisir de vous voir ici. il y a M. Keaton... Vous avez dit, dans votre énoncé, tantôt, que même des anglophones qui sont parfaitement bilingues passent des concours de recrutement et vous dites que ces gens-là n'accèdent pas à l'emploi parce qu'ils ont un nom à consonnance anglaise. Alors, comme argument, je trouve ça quand même très fort, honnêtement. Pour moi, un francophone qui parle anglais, qui est bilingue, ou un anglophone qui parle français et qui est bilingue, à mon point de vue, ce sont deux personnes qui sont égales, au niveau linguistique du moins. Et à ce moment-là, c'est quand même un constat, je trouve, qui est dangereux et qui n'est pas à l'image de la société québécoise. Je m'excuse mais... En tout cas, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Keaton: Oui. Écoutez bien. Je ne dis pas que c'est ce qui se passe et le fait des choses. Je vous ai dit que c'est la perception. Et vous pouvez me dire: Bon, si c'est une fausse perception, ne le croyez pas. Mais ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas un secret. Quand je dis ça, ce n'est pas un secret. Je ne cache rien. C'est ça qui circule dans la communauté maintenant. Pour quelle raison? Si c'est faux, bon, je... J'entends mal, M. Léonard.

M. Léonard: Est-ce que vous ne contribuez pas un peu à cette perception?

M. Keaton: Ce que je veux dire c'est qu'il y a une certaine attitude, maintenant, à ce que je vois, là. C'est que quand les anglophones disent quelque chose que les francophones ne veulent pas croire, là, ils n'écoutent pas. Ils disent: C'est une "joke", bon, bon, bon.. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a désaffection Si vous voulez la communauté anglophone au Québec, si vous voulez que cette communauté contribue au développement du Québec, avec tous les talents, toute l'éducation, toute la richesse qui existent dans la communauté anglophone, il faut tenir compte de ces perceptions-là.

M. Farrah: M. le Président, j'admets candidement qu'il y a quand même une sous-représentation et une lacune au niveau des services anglophones. Et moi-même, chez nous, aux Îles-de-la-Madeleine, même si c'est loin, on a une clientèle anglophone et je suis convaincu que ce n'est peut-être pas toujours facile de trouver un service en langue anglaise au niveau des différents ministères.

J'aurais aimé que vous auriez élaboré davantage ou amené des statistiques au niveau du nombre d'anglophones qui passent des concours, à savoir c'est quoi le taux d'échecs ou c'est combien de pourcentage", d'une part, et deuxièmement, aussi, j'aurais aimé ou... une solution à votre problème, pas en totalité mais en partie. L'imputabilité des hauts fonctionnaires face à ces gens-là qui pourraient venir ici en commission parlementaire et des organismes comme vous et bien d'autres au niveau de la communauté anglophone, ou d'autres communautés linguistiques au Québec, qui peuvent faire pression au niveau de leurs élus, du au niveau des élus en général, pour qu'on puisse poser des questions à ces gens là s'ils sont Imputables devant nous, à savoir s'il y a des discriminations à l'intérieur des politiques d'embauché de différents ministères. Alors, je pense que l'imputabilité peut être un moyen, pas une panacée mais quand même un moyen important, pour que ça amène une diminution, peut-être, de la discrimination, s'il y en a. J'aimerais vous entendre au niveau statistique et ce que vous pensez de l'imputabilité également.

Mme Peluso: Je pourrais si le comité, si la commission... On pourra vous les fournir. Je pense que cette information devait déjà être à votre disposition quelque part dans la boîte administrative. Mais, si vous voulez, je pourrai vous les faire sortir. On n'était pas, compte tenu

des délais de mettre le rapport ensemble. On vous a fourni les statistiques qu'on avait dans nos mains dans le temps. Par la suite, on a eu d'autres statistiques qu'on pourra fournir. Disons qu'on aimerait bien maintenir un contact avec la fonction publique en ce qui concerne la problématique du manque d'anglophones et on serait prêt à collaborer, à donner tout renseignement nécessaire pour prouver potre cas, définitivement.

M. Farrah: Lorsqu'on parle de discrimination, il faut faire attention. Cet après-midi, il y a quelqu'un qui est venu. Op a entendu quelqu'un qui nous a dit qu'il avait passé 30 concours. C'est un francophone qui a passé 30 concours, et il n'en a pas réussi un, et qui mettait en doute pratiquement le système. C'est pour vous dire, quand même, que ça existe à tous les niveaux, des doutes ou des mauvaises perceptions.

Mme Peluso: Je vous dis, monsieur, je vous dis seulement que l'objectif fondamental d'un programme d'accès à l'égalité, c'est pour donner un traitement préférentiel aux minorités qui existent dans la société et qui sont également servies par la fonction publique. Ce n'est pas uniquement une question d'avoir des questions égales, c'est une question de répondre à un déséquilibre qui existe, un écart assez énorme, flagrant entre ceux qui sont engagés et ceux qui ne sont pas engagés. C'est ça un programme d'accès à l'égalité, finalement.

M. Keaton: Mais les chiffres, on en a besoin aussi. Surtout les chiffres en ce qui concerne le nombre d'anglophones qui demandent l'emploi, le nombre qui réussit leurs examens et tous ces chiffres-là. C'est dans notre intérêt, comme c'est dans votre intérêt, d'avoir ces chiffres exacts; effectivement, si notre "assomption" n'est pas correcte, on va l'abandonner. On n'est pas là pour essayer de prouver une situation qui n'existe pas.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie. Effectivement, j'ai peut-être été un peu surpris moi-même par certains de vos propos et surtout ceux lorsque vous avez fait état d'une certaine forme, peut-être, de discrimination, peut-être pas apparente, mais véhiculée ou sur une forme d'impression quelconque. Mais vous savez, je pense, que l'accès à la fonction publique, ce n'est pas une quesfion de communauté. Il ne s'agit pas d'être francophone, il ne s'agit pas d'être anglophone. Je pense qu'il s'agit de faire partie de la collectivité québécoise. Elle est multiethnique, la collectivité québécoise. Vous avez, à l'article 3, paragraphe 3 de la loi 51, un élément qui vous dit ceci: L'égalité d'accès de tous les citoyens à la fonction publique, peu importe leur couleur, peu importent lours origines, peu importe leur langue. Et, en ce sens-là, j'ai de la difficulté à vivre ou à accepter que, pour la communauté anglophone, il pourrait y avoir un programme d'accès à l'égalité visant a la favoriser. Je me demande si on rencontrerait - c'est une question que je me pose comme président de cette commission - les objectifs de la loi.

J'ai une autre préoccupation, et je vais demander peut-être aux organismes concernés de me fournir les statistiques, parce que ça m'inquiète ce que vous me dites, je ne vous le cacherai pas. Vous-même, avez-vous des statistiques sur la participation des anglophones aux concours de recrutement de la fonction publique? C'est ce que vous avez entre les mains, des statistiques de cette nature-là, à savoir le nombre d'anglophones diplômés de cégeps ou d'universités ou d'écoles secondaires qui ont participé à des concours de recrutement, que ce soit au niveau professionnel, que ce soit au niveau des cadres administratifs ou du personnel ouvrier? Si vous avez ce type d'information et si vous avez une forme quelconque de discrimination qui ait pu se faire, moi, je me charge, comme président de cette commission, d'avoir à regarder ça de très près. Mais je n'aime pas que ce genre de message... Je ne pense pas que nous sommes... Je ne pense pas que la population en général soit chauvine au Québec, puis je ne pense pas qu'on ait des attitudes de ce genre-là. Et quand j'entends des choses comme ça, ça fait trop de mal à l'ensemble des Québécois, y compris à vous-mêmes et y compris à nous-mêmes, et je vais vous avouer que ça m'effraie un petit peu. C'est un commentaire que je vous fais simplement.

M. Keaton: Je ne comprends pas pourquoi vous auriez une plus grande difficulté d'accepter qu'il y ait un besoin pour l'emploi des anglophones que pour les communautés culturelles désignées dans la loi. Vous avez mis en place un programme d'accès à l'égalité pour les communautés culturelles lorsque le taux de participation se chiffre à 3, 5 %. Mais quand nous arrivons devant vous et disons que la communauté anglophone du Québec, qui est ici historiquement depuis plus longtemps, disons, que d'autres groupes, mais que le taux de participation est de 0, 75 %, vous avez une difficulté à comprendre pourquoi nous demandons un programme d'accès à l'égalité. Pourquoi ce double standard? Est-ce que vous croyez vraiment que la communauté anglophone du Québec est tellement puissante, tellement privilégiée, tellement quoi, qu'elle n'a pas besoin d'un programme pour mieux s'intégrer dans la fonction publique? C'est pourquoi j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi vous avez cotte difficulté à comprendre. Mais, pour la deuxième question, les statistiques, il y a un problème. Nous nous engageons à fournir les données plus tard, parce que, comme nous avons expliqué, d'habitude Alliance Québec a une bonne

réputation pour vraiment faire des rapports équilibrés, des rapports vraiment documentés, autant que possible. Nous nous excusons de ne pas vraiment être en mesure de vous fournir les données, parce que nous étions, nous sommes engagés, vous avez peut être remarqué quo notre organisation est engagée dans une grande consultation au sein de la communauté angle phone du Québec, qui prend le personnel à plein temps. On veut vous fournir toutes les données possibles, et puis, si on se trompe, on vu l'admettre. On va admettre que nous nous trompons.

Le Président (M. Lemieux): Ce que je veux que vous compreniez, c'est qu'il n'y a pas de préjugés défavorables à votre endroit, de notre part. C'est ça aussi que j'aimerais que vous puissiez comprendre.

M. Keaton: Oui, merci.

Le Président (M. Lemieux): Et on regardera à ce niveau-là, au niveau des statistiques, puis on regardera aussi globalement s'il y a possibilité de faire quelque chose. Mais je veux qu'au moment où vous quitterez cette salle vous soyez bien à l'aise II n'y a pas de préjugés défavorablés à la communauté anglophone de la part de cette commission parlementaire. M. le député de La Prairie...

M. Keaton: Encore une fois, je ne viens pas ici pour vous accuser ou accuser le gouvernement...

Le Président (M. Lemieux): Non, non...

M. Keaton:... ou la fonction publique. C'est qu'il y a une perception dans notre communauté et, si la perception est fausse dans le sens que ce n'est pas la réalité, c'est à notre avantage de dissiper cette perception.

Le Président (M. Lemieux): D'accord. M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Les seuls faits qui sont vérifiables et fiables, c'est le pourcentage d'anglophones actuellement à la fonction publique: 0, 7 %, 0, 8 %, 0, 9 %, 1 %. Tout le reste, c'est de l'impressionnisme, M. Keaton. Et moi, je déplore que vous avanciez des gros mots comme "discrimination apparente" ou "sentiment de discrimination" lorsque vous n'avez même pas de chiffres pour appuyer le nombre de personnes anglophones qui auraient été victimes de cette discrimination apparente. On s'entend donc sur la constatation, il y a une sous-représentation. Mais là où on ne s'entendra probable ment pas c'est sur les causes de la sous-représentation et, deuxièmement, sur les moyens d'y remédier. Sur les causes, moi, je ne suis pas du tout convaincu que ce que vous réclamez à grands cris pour la population anglophone, et non pas allophone - là vous parlez des anglophones et non pas des allophones, comprenons-nous bien niais dans le cas des anglophones, le ou la jeune qui sort de que ce soit McGill ou l'Université de Montréal, ça arrive de temps en temps, je ne suis pas du tout convaincu que ces jeunes anglophones, hommes et femmes, sont tellement intéressés à la fonction publique québécoise Je n'en suis pas convaincu du tout, du tout Je dirais même que le système anglophone actuel d'enseignement collégial et d'enseignement universitaire anglophone, probablement qu'il renseigne mal le jeune ou la jeune sur la fonction publique québécoise Je dirais aussi qu'Alliance Québec renseigne mal le ou la jeune Québécoise anglophone. Je dirais que The Gazette renseigne mal le ou là jeune Québécoise anglophone sur le climat de la fonction publique québécoise, sur l'État québécois, sur le gouvernement québécois, quelle que soit la couleur au pouvoir. Et, s'il y a une discrimination réelle, vous nous le prouverez un jour par des chiffres, mais j'en doute beaucoup. Mais ce qu'il y a peut-être comme cause, c'est le manque d'éclairage do votre part, de la part de The Gazette, de la part des médias, de CJAD, de l'ensemble des médias anglophones qui représentent trop souvent l'État du Québec, la fonction publique du Québec comme étant Un gouvernement étranger, un État étranger. Et ça, ce n'est pas de nature à attirer la jeune ou le jeune anglophone vers la fonction publique. On pourrait discourir longuement sur les causes d'un intérêt que je vois moi-même comme très mitigé de la part des anglophones jeunes. (21 h 45)

Maintenant, sur les moyens d'y remédier. À supposer qu'il y ait un problème, les moyens d'y remédier... le programme d'accès à l'égalité, c'est loin d'être sûr que ce serait justifié. Les programmes d'accès à l'égalité, historiquement, ont été créés lorsqu'il y avait discrimination évidente, indiscutable: les femmes, les autochtones, les personnes: handicapées. Indiscutablement. Discrimination historique. Négligence historique. Les communautés culturelles, vous évoquez leur cas. Dans leur cas, ce n'est pas un phénomène historique, c'est un phénomène récent. Mais je pense que, dans le cas des communautés culturelles, il est plus normal que les jeunes, les arrivants, nouveaux au Québec, et contrairement aux anglophones qui sont ici depuis plusieurs générations, ils aient besoin d'un coup de pouce pour une certaine période de temps.

Alors, moi, M. le Président, je trouve que, à la fois sur les causes et sur les remèdes, on peut diverger sur la constatation qu'il n'y en a pas beaucoup. Ça, je l'ai faite la constatation aussi pour les personnes handicapées. Vous savez, il y a 11 % ou 12 % de personnes handicapées au

Québec, mais il y en a seulement 0, 9 %, 0, 7 %, à peu près le même pourcentage que les anglophones, dans la fonction publique, et ça fait sept ou huit ans qu'il y a un programme d'accès à l'égalité. Alors, ce n'est pas vraiment un remède miracle, le programme d'accès à l'égalité.

M. Keaton: C'est un peu comme le patient qui va chez le médecin. Le médecin blâme la victime. Vous blâmez la victime.

M. Lazure: Pardon? Je blâme..

M. Keaton: Excusez-moi, mais quand vous dites que les institutions anglophones ne font pas l'éclairage de ce qui se passe à la fonction publique...

M. Lazure: Oui. C'est ce que je dis.

M. Keaton:... est-ce que le gouvernement fait l'éclairage? Pourquoi vous insistez que c'est sur la minorité que tombe le fardeau d'éclaircir la fonction publique? Je veux dire, excusez-moi...

M. Lazure: Le gouvernement, quand il annonce des postes libres à la fonction publique, il les met à la disposition de toute la population, et il les annonce même en anglais, vous le dites vous-même dans votre mémoire, maintenant. Il n'est pas obligé de les annoncer en anglais.

M. Keaton: Mais expliquez...

Mme Peluso: Mais ce n'est pas le seul moyen de recrutement.

M. Lazure: Non.

M. Keaton: II n'y a pas de bureau de recrutement dans les universités anglophones.

Mme Peluso: Dans les écoles. M. Keaton: Dans les écoles.

M. Lazure: S'il y avait plus d'anglophones qui fréquentaient les cégeps francophones et les universités francophones, peut-être qu'à ce moment-là ils seraient mieux initiés au climat social qu'on retrouve dans la fonction publique québécoise et peut-être qu'ils seraient plus intéressés à aller à la fonction publique québécoise.

Le Président (M. Lemieux): Et c'est le seul moyen, par voie de recrutement, c'est le seul moyen d'accéder à la fonction publique. Il n'y en a pas d'autre que celui-là. Du moins, moi, je n'en connais pas d'autre. Si vous en connaissez d'autres, faites-le-moi savoir.

M. Keaton: Vous demandez et vous exigez la preuve en chiffres pour la discrimination, de ce qu'on dit de la discrimination.

M. Lazure: Oui.

M. Keaton: Mais est-ce qu'il y a des chiffres qui démontrent empiriquement qu'il y avait de la discrimination envers les femmes?

M. Lazure: Oui. Oui. Mais c'est un consensus très social, en tout cas, autant de la part des anglophones que des francophones. Là-dessus, on s'entendait très bien, vous autres puis nous autres. Pour les handicapés puis pour les femmes, il n'y a pas eu de discussion.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député de Saint-Louis.

M. Chagnon: Oui. Je note et j'admets au départ que le pourcentage d'anglophones qui travaillent dans la fonction publique n'a pas sa corrélation dans le pourcentage d'anglophones qui habitent, résident au Québec. Ça, ça m'apparaît évident. Il n'y a même pas de discussion a ce niveau-là qui puisse se faire. Ce que j'aimerais comprendre, ce qui m'apparaît être nouveau dans le document d'Alliance Québec, c'est le fait que l'on demande un programme d'accès à l'égalité cette année et que, l'an dernier ou récemment, Alliance Québec et aussi Voice of English Québec avaient demandé au gouvernement de ne pas faire un programme d'accès à l'égalité pour spécifiquement les anglophones.

Enfin, c'était ma compréhension à l'époque. Peut-être que je me trompais. Il semblait y avoir une entente mutuelle pour définir, ou pour ne pas vouloir définir, la communauté anglophone comme étant semblable aux communautés culturelles, qui, comme vous l'avez expliqué tout à l'heure, n'ont pas cette tradition séculaire, bicentenaire, de la représentation anglophone au Québec. Pourquoi avez-vous cheminé dans le sens d'un programme d'accès à l'égalité? Parallèlement, vous savez qu'il y a un comité qui a été mis sur pied, entre autres, par le Conseil du trésor, pour venir remettre ou tenter de corriger la situation que vous avez soulevée. Pour corriger la situation que vous avez soulevée, il faut d'abord être capable de la quantifier, de la définir - tous, on l'admet ensemble - être capable de définir, s'il y a, par exemple, un pourcentage de gens de la communauté anglophone qui veulent participer à travailler à l'intérieur de la fonction publique québécoise. Ce genre de paramètres, pour prendre une orientation, prendre une décision, m'apparaît nécessaire au départ. Mais j'aimerais comprendre le cheminement du mouvement pour passer, de ce comité mis sur pied qui faisait de la communauté anglophone une communauté vraiment à part des autres communautés culturelles, à cette demande,

aujourd'hui, d'être ni plus, ni moins intégrée dans le même processus de "affirmative action program", pour non seulement la communauté anglophone mais aussi les autres communautés culturelles.

M. Keaton: Je laisse à Mme Percival d'expliquer le cheminement, la confusion sur la question de la position d'Alliance Québec.

Mme Percival-Hilton (Victoria): Merci beaucoup. Je voudrais dire, dans un premier temps, ça va faire un autre sujet sur lequel on va être encore d'accord, c'est-à-dire qu'il semble y avoir beaucoup de choses que moi également j'aimerais comprendre. Je m'identifie comme étant une permanente à temps partiel depuis quelques années et ensuite à temps plein chez Alliance. Je pense qu'il y a quand même eu une certaine facilité à confondre les questions. La question d'objection à la présence et l'inclusion de la communauté anglophone dans le concept de communauté culturelle, je pense, on est tous d'accord, ça date depuis la création de l'Alliance; les raisons historiques, les raisons politiques sont toutes bien connues. Cependant, et j'insiste là-dessus, je parle de par mes connaissances personnelles comme étant témoin idoine à la situation, à ma connaissance, l'Alliance ne s'est jamais objectée à un tel programme... Dans le temps, ce n'était pas identifié comme étant un programme d'action positive aux communautés culturelles. Moi, je peux vous dire, je fais référence à un discours qui a été donné par M. Daniel Johnson au mois de novembre 1988 dans lequel les groupes cibles avaient été identifiés dans un premier temps comme étant les minorités visibles et, je souligne, les personnes dont la langue maternelle n'est pas le français. Donc...

M. Chagnon: Ou l'anglais.

Mme Percival-Hilton: Non. Je m'excuse, monsieur.

M. Chagnon: Exact, vous avez raison, je pense entre autres aux communautés Sri Lankaises et Hindoues qui ont... C'est vrai vous avez raison.

Mme Percival-Hilton: Je m excuse. On a d'ailleurs le document avec nous. J'étais également présente en personne, avec M. Royal Orr, dans une entrevue avec M. Daniel Johnson, dans le temps où les groupes cibles initialement pour ce programme étaient les personnes dont la langue n'était pas le français, dans un premier temps, et, dans un deuxième temps, les minorités visibles. Moi, encore une fois, et j'insiste là-dessus, je ne parle que pour mes connaissances personnelles. L'Alliance n'a jamais été consultée par la suite. On ne s'est jamais objectés. D'ailleurs, M. Daniel Johnson, lors de la conférence qui avait été organisée par le conseil sur les communautés culturelles, avait fait l'annonce comme quoi les groupes cibles avaient été identifiés comme je viens de dire.

Donc, comme vous, monsieur, j'aimerais également avoir certaines clarifications là-dessus. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Chagnon: Ça répond à ma question. Ma compréhension avait été la suivante: c'est qu'effectivement la communauté anglophone ne voulait pas être rattachée aux communautés culturelles dans le programme d'accès à l'égalité qui a été mis sur pied il y a quelque temps.

Mme Percival-Hiltbn: J'ai tout dit là-dessus. Ce n'est définitivement pas ma compréhension. Les faits, que je vous soumets, sont tout à fait le contraire. En tant qlie je suis concernée, l'Alliance n'a jamais été consultée d'une façon officielle sur la question d'être inclus ou pas, parce que notre compréhension était qu'on serait inclus dans le programme qui visait à augmenter la participation des minorités dans la fonction publique.

M. Chagnon: You are telling me that you asked to be on the same level, on the same foot, that any other cultural communities in Québec?

Mme Percival-Htlton: Je vous réponds, monsieur, que les groupes cibles qui avaient été identifiés par le Conseil du trésor, initialement, incluaient les personnes dont la langue maternelle n'était pas le français.

Le Président (M. Lemieux): O.K. Ça va M. le député de Saint-Louis, je m'excuse. Je dois céder ia parole au député de Nelligan. Il reste trois minutes, M. le député de Nelligan.

M. Williams: En terminant?

Le Président (M. Lemieux): Oui, pour terminer.

M. Léonard: On a encore quelques minutes, non?

Le Président (M. Lemieux): Alors, vous voulez, après, monsieur...

M. Léonard: Bien oui, je veux intervenir.

Le Président (M. Lemieux): Alors, ça va. M. le député de Nelligan et M. le député de...

M. Léonard: Allez-y.

M. Williams: I clarified this statement in a previous workshop, in a previous presentation, I should do it again. In this debate, I think we have lost some time talking about definitions,

which is... One of the things we are looking for is solutions. The remarks to the Minister were, in fact, more directed towards the... In our understanding, the English speaking community has never tried to define itself as a cultural community. And the point should stop there, not in terms of any affirmative action program. In all the discussions with the English-speaking community, it did not define itself as a cultural community. And those, I think, it is more the clarifications...

Mme Percival-Hilton: I am sorry, because I understood the question to be completely in relation to the affirmative action program.

M. Williams: No. You answered it quite correctly, and I am just, at this point, saying...

Mme Percival-Hilton: O. K. D'accord

M. Williams:... the clarifications that I brought, and I wanted to do it very precisely to this debate.

Mme Percival-Hilton: Parce que ça me ferait plaisir de vous le montrer. On a le texte dans lequel les groupes étaient bien identifiés.

M. Williams: Ce n'est pas une question de ça. Avec l'autre groupe, j'ai déjà fait des clarifications. Vous n'étiez pas ici, mais j'ai voulu leur donner la même chance d'apporter des clarifications sur la question de la définition de la communauté. Ce n'est pas en touchant aux programmes d'accès à l'égalité. C'est beaucoup plus une question de savoir quelle est la définition d'une communauté d'expression anglaise.

Pour moi, en terminant, je voudrais dire merci beaucoup pour les remarques d'Alliance. Ça a touché beaucoup de sujets. A mon opinion, il n'y a aucun doute que nous voulons avoir une fonction publique qui a le même visage que la société québécoise. Sur le comité Blair, nous avons déjà soulevé l'importance de la représentation de la communauté d'expression anglaise et le manque entre le niveau de représentants et le niveau de la communauté, et nous voulons trouver les solutions. J'espère que nous pourrons, dans l'avenir, avoir des discussions sur quelles sont les meilleures pistes pour trouver des solutions. Toutes les pistes. Tous les moyens. Pas juste en privilégier une. Pas nécessairement dire: II y a juste un problème. Je pense que nous voulons accepter qu'il y a un problème, maintenant, nous cherchons à tous les niveaux afin de trouver des solutions. Merci beaucoup.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Nelligan. M. le député de Saint Louis.

M. Chagnon: Allons-y.

Le Président (M. Lemieux): Non, vous pouvez revenir. Vous pouvez... Oui, allez-y, M. le député de Saint-Louis. Après, je vais terminer avec le député de Labelle.

M. Holden: Si le député de Saint-Louis se résigne, j'aimerais bien avoir 30 secondes, si la commission me le permet.

Une voix: Oui, il ne veut pas parler. M. Chagnon: Si j'hésite...

M. Holden: Si vous ne voulez pas vous servir de votre temps...

M. Chagnon: Ah! Ne soyez pas inquiet, M. le député, ça me ferait plaisir que vous continuiez après moi, je n'ai pas de problème. Je voudrais revenir sur le programme d'accès à l'égalité. Le programme d'accès à l'égalité qui a été mis sur pied est un programme d'accès qui était spécifiquement dédié aux personnes, aux minorités visibles qui ne parlaient pas le français, mais je ne peux pas considérer plusieurs... En tout cas, des gens qui depuis toujours habitent, depuis 200 ans en tout cas, au Québec ne sont pas des membres des minorités visibles. M. Keaton, mon ancien professeur, n'est pas un membre des communautés visibles, il est aussi blanc que moi.

M. Keaton: Invisible, maintenant. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Mais c'est dans ce sens-là où on ne pouvait pas... Je ne pense pas encore aujourd'hui qu'il soit approprié de greffer la communauté anglophone dans le programme d'accès à l'égalité à l'ensemble des autres communautés, particulièrement des communautés visibles.

Le Président (M. Lemieux): Ça va, M. le député?

Mme Percival-Hilton: J'ajouterais juste une précision. Les groupes cibles sont divisés en deux catégories: un, ce sont les minorités visibles; l'autre catégorie, ce sont les gens dont la langue maternelle n'est pas le français, et aujourd'hui ça a été changé, comme vous savez. Mais je vous soumets ces deux catégories distinctes.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle.

M. Léonard: M. le Président, je salue les gens d'Alliance Québec. Je voudrais juste faire des réflexions. Je pense qu'il y a aussi des directions que les jeunes diplômés prennent lorsqu'ils quittent les écoles et les universités,

McGill en particulier, puis vous avez trois universités anglophones au Québec. Sur le nombre que nous avons, déjà c'est quelque chose. Au fond, je pense que la tendance c'est plutôt d'aller vers le gouvernement fédéral. J'aimerais bien voir les statistiques du gouvernement fédéral, parce que, à un moment donné, on pourrait faire des comparaisons aussi là-dessus. De toute façon, on n'aura pas de problèmes quand ce sera intégré et fusionné, la fonction publique fédérale et la fonction publique québécoise; ça rétablira peut-être des équilibres, voyez-vous? Alors, il ne faudrait pas oublier ce facteur. Quant à moi, je récuse ici qu'on mentionne ces grands mots de "discrimination", parce qu'il y a 15 ans les francophones étaient obligés, eux, de travailler en anglais. Tout le monde!

Le Président (M. Lemieux): C'est tout, M. le député de Labelle. Oui, allez-y, oui.

M. Keaton: On ne peut pas refaire toutes les batailles du passé, monsieur.

M. Léonard: C'est récent encore.

M. Keaton: Ce que je veux dire c'est que nous venons devant vous de bonne foi, pas simplement pour défendre un groupe minoritaire au Québec, mais de bonne foi pour la société québécoise. Et je réfère encore au grand savant, si vous n'avez jamais entendu parler de Max Weber... Alors Max Weber a constaté il y a longtemps...

M. Léonard:... qu'on n'est pas anglophone qu'on ne l'a pas lu.

M. Keaton: Excusez-moi, monsieur, mais ce que je veux dire, j'ai commencé de bonne foi, je n'ai pas voulu descendre dans la partisanerie.

M. Léonard: Ce n'est pas partisan.

M. Keaton: J'ai dit qu'il y a un problème pour la société québécoise, et c'est important, pour le gouvernement surtout, de s'adresser à ce problème-là parce que ce n'est pas simplement un problème pour la minorité, c'est un problème pour l'ensemble du Québec.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie de votre collaboration, puis de cette participation à cette commission, et je ne voudrais surtout pas que vous en sortiez avec un goût amer. Je pense que ce qui est intéressant, ce qui doit se faire, c'est que tous ensemble nous puissions travailler ensemble pour le bien-être général des Québécois et des Québécoises, et nous vous remercions de votre collaboration.

Mme Peluso: Je veux ajouter, M. le Président. Je pense, ce n'est pas un goût amer, au contraire, c'est une opportunité qui se présente et un défi pour la fonction publique au Québec.

M. Léonard: Radio-Canada peut s'en aller?

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie. Nous allons suspendre trois minutes pour demander aux deux autres intervenants, M. Jean-Claude Rivest et M. Guy Bisaillon, de bien vouloir pendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 22 h 3)

(Reprise à 22 h 10)

Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de ^administration reprend ses travaux afin d'entendre le ou les prochains intervenants. Là, je pense qu'il y a un absent. Non, je pense que je te vois apparaître. Ce n'est pas lui?

M. Bissonnet: Oh va faire comme d'habitude, M. le Président. Il va arriver quand ça va être le temps!

Le Président (M. Lemieux): II me semble avoir vu...

Une voix: Avez-vous retrouvé votre partenaire? Dupont et Dupond!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): Voulez vous vous identifier pour les fins de l'enregistrement du Journal des débats, s'il vous plaît?

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon (Guy): Guy Bisaillon, M. le Président. Je n'ai pas d'autres fonctions que d'avoir été le président de la commission spéciale dont vous avez abondamment entendu parler, je pense. Si mon nom à été mentionné plusieurs fois depuis les débuts de vos travaux, c'est moi!

Le Président (M. Lemieux): On est heureux de vous rencontrer, M. l'ex-député de Sainte-Marie, si ma mémoire est bonne. Et nous sommes prêts maintenant à vous entendre.

M. Bisaillon: M. le Président, il me fait plaisir d'être présent à la commission parlementaire, à plus d'un titre, d'ailleurs. Vous savez que c'eut la première fois que j'ai l'occasion de témoigner devant une commission parlementaire. Je sais que vous serez plus indulgents que je ne l'ai été dans le passé pour les personnes qui étaient dans ma situation. Mais si mon intérêt est triple, dans le fond, à être présent à cette commission, d'une part, il y a eu les travaux de

la commission spéciale dont on a fait mention qui ont donné lieu à la Loi sur la fonction publique que vous étudiez actuellement. Mais il y a eu aussi l'article 172 dans la Loi sur la fonction publique, et je tiendrais à rappeler aux membres de la commission que c'est un article qui avait été provoqué par l'Opposition dans le temps. L'article 172 dans la. Loi sur la fonction publique imposait au gouvernement l'obligation de resoumettre à l'examen d'une commission parlementaire la loi et venait d'une recommandation de l'Opposition du temps, de la même façon que les membres de cette commission parlementaire qui avait adopté la Loi sur la fonction publique avaient demandé un comité d'implantation qui fonctionnerait au niveau gouvernemental après que la loi a été votée.

Donc, le comité d'implantation a connu un séjour et une vie qui n'a pas duré très longtemps. Deux réunions et, une fois que le président de l'office de recrutement et de sélection du personnel du temps avait déposé son rapport de mise en application et en marché de la loi, le comité d'implantation avait cessé ses activités. Ce n'est que plus tard à l'Assemblée nationale, par une résolution unanime votée par l'Assemblée nationale, qu'on a reparlé et du comité et du rapport de la commission spéciale et de la Loi sur la fonction publique.

Alors, je voudrais donc vous mettre en garde, M. le Président et membres de la commission parlementaire, sur un certain nombre d'éléments. La commission spéciale avait fait des travaux qui ont amené la loi, mais qui ont aussi amené d'autres choses que la Loi sur la fonction publique. Et il faut les regarder dans leur ensemble: La loi du Vérificateur général qui a suivi provenait aussi des travaux de la commission parlementaire, de la même façon que la commission parlementaire recommandait d'autres éléments. Autrement dit, la Loi sur la fonction publique, ce n'est pas tout ce que la commission spéciale avait recommandé et ce n'est pas non plus que des choses qu'on retrouvait dans le rapport de la commission spéciale. Autrement dit, il faut faire la distinction entre ce qu'on retrouve dans la Loi sur la fonctipn publique et ce que la commission spéciale avait constaté et recommandé à l'époque.

C'est donc à la lumière, M. le Président, des travaux de la commission spéciale et de ses recommandations à regrouper au constat qu'on peut faire sur l'application de la Loi sur la fonction publique que je vais m'adresser aux membres de la commission parlementaire. En parlant du rôle du Conseil du trésor et des organismes centraux, du problème de la dotation dans la fonction publique et de quelques problèmes connexes, de la question des relations de travail, mais vues sous l'angle de l'administration et de la gestion de la fonction publique, de toute la question de l'imputabillté, des services aux citoyens... Si le temps me permet, M. le Prési- dent, j'aimerais terminer par quelques renseignements aux membres de la commission sur la question du développement des ressources humaines et de la question des cabinets politiques.

J'ai lu, M. le Président, avec attention le document que les membres de la commission avaient mis de l'avant pour procéder à la consultation. Au cours de mes interventions, je vais tenter de répondre à chacune des questions qui étaient soulevées par les membres de la commission parlementaire. J'ai aussi pris connaissance du rapport-bilan du Conseil du trésor qui commence, en fait, à la page 25 du document. Ça me semble un beau travail universitaire, M. le Président. C'est la première fois que je voyais le Conseil du trésor commencer un de ses documents par un historique du passé. Ça m'a un peu étonné. J'ai conclu que c'est peut-être parce qu'il y avait des choses qui n'étaient pas tout à fait claires et précises dans le bilan que le Conseil du trésor devait tracer.

Il faut se rappeler aussi, M. le Président, que ce travail du Conseil du trésor a été précédé, suite à l'adoption de la Loi sur la fonction publique, d'une longue période de réflexion et de travail au niveau du Conseil du trésor dans une opération qui s'appelait "Pour une rénovation de l'administration publique", une opération qui a duré près de deux ans ou deux ans et demi, si je ne me trompe pas, qui reprenait essentiellement les travaux de la commission spéciale pour essayer de voir comment, concrètement, on pouvait mettre en application un certain nombre de recommandations.

Ça n'a pas été le plus bel exemple de productivité que j'ai vu dans ma vie, mais, cependant, ça a donné lieu à un document intéressant qui s'appelait "Les actions proposées pour une rénovation de la fonction publique". Ce document proposait toute une série de mesures en regard des grands objectifs que fixait la Loi sur la fonction publique et indiquait déjà les responsabilités à partager en regard des gestes à poser ou des actions à réaliser.

M. le Président, je référerais les membres de la commission parlementaire à l'annexe 1 de ce document: les actions proposées. Je suis sûr que vos recherchistes vous l'ont déjà montrée. S'ils ne vous l'ont pas déjà montrée, ils vont vous la sortir. Vous avez le bilan des actions proposées et des responsabilités partagées. Vous constaterez encore une fois que, dans tout le domaine des ressources humaines, du développement, de la gestion, du contrôle, de l'accroissement de la productivité, il y a beaucoup plus de responsabilités qui deviennent la responsabilité du Conseil du trésor qu'à d'autres organismes. Autrement dit, même en faisant l'analyse des actions à poser, en répartissant les responsabilités, le Conseil du trésor s'est encore gardé la grande part du gâteau.

Je me souviens, M. le Président, quand on a

fait les travaux de la commission spéciale, qu'il y avait deux péchés dans la fonction publique. Il y en avait un qui s'appelait le Conseil du trésor et il y en avait un deuxième qui s'appelait les syndicats. Au moment où je vous parle, près de huit ans après, je n'ai pas l'impression qu'il y a grand-chose de changé. Il demeure encore deux péchés: le Conseil du trésor et les syndicats ou c'est inversé, les syndicats...

Le Président (M. Lemieux): Véniel ou mortel?

M. Bisaillon:... sont devenus le plus gros péché et le Conseil du trésor le deuxième, peut-être.

Le Président (M. Lemieux): Véniel ou mortel?

M. Bisaillon: Pardon?

Le Président (M. Lemieux): Véniel ou mortel?

M. Bisaillon: II me semblait, à l'époque, que c'étaient deux mortels.

Le Président (M. Lemieux): Ça va.

M. Bisaillon: En tout cas, s'ils n'en mouraient pas, il y en avait peu qui y survivaient. Sauf qu'à l'examen, M. le Président, il me semble qu'on ne peut pas, maintenant, jeter la pierre du premier coup au Conseil du trésor. Il me semble qu'à l'égard de l'application et de l'implantation de la Loi sur la fonction publique le Conseil du trésor n'a pas été celui qui a le plus mal fait ses devoirs.

Cette démarche, même un peu longue, pour une rénovation de la fonction publique, a quand même amené un plan d'implantation, a quand même donné lieu à des réalisations en regard de l'application de la Loi sur la fonction publique. Il y a peut-être d'autres organismes, ou ministères, ou responsables qu'il faudrait identifier quant à une bonne application de la Loi sur la fonction publique. Donc, le Conseil du trésor a peut-être encore trop d'emprise sur l'ensemble de la gestion des ressources, mais il n'est pas le seul responsable, aujourd'hui. À cet égard et par rapport à ce qu'on a connu du fonctionnement du Conseil du trésor avant la Loi sur la fonction publique, il me semble qu'il y a eu d'importantes modifications, en tout cas, à tout le moins, de mentalité à certains égards.

Je m'y référais quand je disais: Le Conseil du trésor s'est encore conservé les plus grandes parties dans la réalisation II y a toujours eu des difficultés dans le fonctionnement entre ministères, organisations et Conseil du trésor, comme il y en a toujours eu entre les organismes centraux et le Conseil du trésor. Je sais que les gouvernements ont tenté de résoudre la question à partir de la nouvelle Loi sur la fonction publique en essayant de donner à l'Office des ressources humaines, par exemple, et au Conseil du trésor un seul ministre, entre guillemets, de tutelle Si on examine comment ça s'est passé dans les faits par la suite, je n'ai pas l'impression que les deux organismes centraux, qui répondent à un seul ministre, et au même ministre, aient à ce point réglé des choses par rapport au passé. II me semble qu'il serait plus simple, si on veut continuer à enrichir les organisations.. Parce que, écoutez, M. le Président, je vais vous le dire tout de suite, on peut faire avec les structures et les organisations ce qu'on veut. Par exemple, on pourrait démontrer aujourd'hui, si j'analysais le rôle de la Commission de la fonction publique, que ces trois grandes activités pourraient être réparties à trois autres types d'organisation et en donnant les mêmes résultats Donc, on ne peut pas banaliser les organisations indéfiniment sans avoir à un moment donné à se poser la question sur les raisons de leur existence.

Il faut donc revenir à ce que la Loi sur la fonction publique voulait faire, c'est-à-dire enrichir les organisations qui doivent répondre de la gestion des ressources humaines, non seulement de la gestion quotidienne des ressources humaines, mais aussi de son développement. C'est un aspect qu'on oublie souvent quand on parle de la gestion La gestion ce n'est pas juste le contrôle des effectifs et le processus de dotation, c'est aussi le développement de ces ressources-là, la gestion des carrières et l'utilisation maximale des ressources. L'utilisation maximale des ressources, ça veut dire aussi la bonne personne au bon endroit et l'utilisation totale des effectifs et des compétences qui sont à leur disposition Or, dans ce sens-là, je pense que l'Office des ressources humaines qu'on a créé n'a pas donné nécessairement ou n'a pas répondu aux attentes que l'on avait au moment où on a voté la Loi sur la fonction publique.

M. le Président, je rappellerai que les membres de la commission spéciale n'avaient pas fait de recommandation quant aux structures. Ils avaient fait deux scénarios possibles: un où l'office de recrutement et de sélection de personnel du temps disparaissait et un autre où c'était, à toutes fins pratiques, le ministère de la Fonction publique qui n'avait plus sa raison d'être. Le gouvernement de l'époque - et je pense que tout le monde était un peu d'accord avec sa position - a choisi de faire disparaître le ministère de la Fonction publique, de transférer une certaine partie des responsabilités du ministère de la Fonction publique au Conseil du trésor, on particulier tout ce qui regardait la négociation et la gostion matérielle et financière, et devait renforcer l'Office des ressources humaines en lui donnant l'autre mission du ministère de la Fonction publique qui était le

développement des ressources, la gestion des ressources.

En pratique, il est clair que celui qui tient les cordons de la bourse, quand il s'agit de déterminer les conditions de travail, il va en même temps tenir le fort quand il s'agit de déterminer le nombre des effectifs, la façon dont on va les répartir, etc. Or, dans ce sens-là, il s'est un peu accaparé tranquillement les pouvoirs que, théoriquement en tout cas, on s'attendait à voir remplir par l'Office des ressources humaines. Dans ce sens-là, il me sernble qu'une recommandation et une modification qu'on pourrait faire, c'est de rattacher officiellement l'Office des ressources humaines à l'Exécutif comme tel, que l'Office des ressources humaines réponde au bureau du premier ministre ou à l'Exécutif; ce qui aurait comme avantage de le rapprocher de la table des sous-ministres. On sait qu'un des éléments de concertation entre les ministères et organisations, c'est la table des sous-ministres qui se réunissent, et qui devraient en tout cas se réunir de façon régulière, sous l'aile de l'Exécutif Alors, il me semble que, si l'Office dos ressources humaines dépendait directement de l'Exécutif, ça aurait comme avantage à la fois de préciser le rôle du Conseil du trésor quand on parle de gestion et, en même temps, de donner effectivement le leadership nécessaire à toute cette section qui s'appelle "développement des ressources humaines" et qui est beaucoup plus large que la perception que le Conseil du trésor en a eue jusqu'à maintenant.

Alors, l'emprise du Cpnseil du trésor doit diminuer peut-être, mais dans cet aspect-là de son travail seulement et, jusqu'à un certain point, je pense que le Conseil du trésor n'a pas la perspective nécessaire pour aller aussi loin en termes de développement des ressources humaines. Et on peut le constater, M. le Président, quand on lit le bilan du Conseil du trésor à la page 45. Juste les termes utilisés par le Conseil du trésor pour définir le mandat que donnait la Loi sur la fonction publique, c'est, à toutes fins pratiques, l'illustration d'un mandat qu'on interprète uniquement de façon quantitative plutôt que qualitative. Et ce n'est pas anormal que le Conseil du trésor réfléchisse comme ça. C'est pour ça qu'il a été créé.

Je voudrais de plus, M. le Président, souligner que, déjà, en 1982, la commission spéciale avait noté que, depuis 1970, la Loi sur l'administration financière - qui a créé, à toutes fins pratiques, le Conseil du trésor - n'avait pas été révisée en profondeur. Avec les années, on a ajouté des tâches, des missions au Conseil du trésor, sans nécessairement réviser la loi dans son ensemble. Et il me semble qu'il serait temps maintenant qu'une nouvelle commission parlementaire, qui a un mandat non seulement de l'Assemblée nationale mais inscrit dans une loi... Il serait grand temps que, par un exercice soit d'une commission spéciale ou autrement, on procède à une révision complète de la Loi sur l'administration financière, ce qui permettrait de donner clairement au Conseil du trésor le rôle qu'il a à jouer dans l'ensemble de l'organisation de la fonction publique.

Est-ce que je prends trop de temps, M. le Président?

Le Président (M. Lemieux): Non, allez-y, ça va, pas de problème.

M. Bisaillon: Pour ce qui est de l'Office des ressources humaines, il me semble évident que, d'une part, il y a l'élément que j'ai souligné. L'Office des ressources humaines a, d'une part, eu beaucoup de difficultés à se réorganiser suite à l'adoption de la Loi sur la fonction publique. Ça passait d'un office qui était strictement de recrutement et de sélection, ça devait intégrer en même temps les effectifs ou une partie des effectifs du ministère de la Fonction publique et, avec ça, faire une nouvelle organisation qui devait avoir de nouveaux mandats. On comprendra, M. le Président, que ça ne se fait pas on deux mois et que les départs de l'Office des ressources humaines ont dû forcément être plus difficiles à vivre qu'une organisation déjà existante à laquelle on ajoute tout simplement un mandat. Ça mis de côté, il me semble que l'Office des ressources humaines s'est trop laissé gruger, entre guillemets toujours un peu de ses responsabilités et est devenu beaucoup trop facilement un consultant aux organisations de l'extérieur.

Quand je n'ai pas de pouvoirs, quand je ne me sens pas de quoi à faire, je m'improvise conseil auprès des ministères qui m'en feront la demande. Je rédige des papiers au cas où les gens en auraient besoin. Et j'encourage par là le système qui veut que, dans le fond, je ne réponde à rien. Et, si je ne réponds à rien, on s'interroge, à un moment donné, sur l'utilité de mon existence.

Alors, la loi prévoyait que l'Office devait déléguer, en termes de concours de recrutement et tout ça, ce qu'il a fait abondamment. Mais il me semble qu'il n'a pas suffisamment pris à coeur sa mission et son rôle dans tout ce qui concerne le développement des ressources humaines.

Pour ce qui est de la Commission de la fonction publique, M. le Président, j'aurai l'occasion d'en parler tantôt quand je parierai de dotation. Je l'ai dit tantôt. On pourrait faire l'exercice que toute la partie "appel" pourrait être tenue par des arbitres, que sa partie qui traite avec les fonctionnaires qui ne sont pas défendus par des conventions collectives pourrait être tenue par le Protecteur du citoyen. On pourrait jouer avec une organisation comme celle-là.

Ce que je retiens, cependant, c'est qu'elle joue un rôle - en plus d'être un rôle d'adjudica-

teur pour régler les cas qui se présentent devant elle et que la loi lui confie - de chien de garde un peu par rapport aux façons de faire, non seulement des organismes et des ministères, mais aussi par rapport à l'Office des ressources humaines. Et ce n'est pas mauvais qu'à l'occasion on ait un organisme de contrôle par rapport aux autres organisations existantes. Là où, par ailleurs, M. le Président, je vois un rôle accru au niveau de la Commission de la fonction publique, ce n'est surtout pas dans le sens que le mémoire que la Commission a pu déposer devant vous... Je ne sais pas si ça a déjà été fait. Ce n'est pas en prenant davantage de pouvoirs d'adjudication que la Commission va jouer pleinement son rôle. Il me semble que ça doit aller beaucoup plus dans le sens de la recherche. (22 h 30)

Et dans le mémoire de la Commission de la fonction publique, on peut trouver des éléments qui nous indiquent qu'il y a un avantage à connaître les choses dont on parle et à ce que des recherches aient été faites. J'écoutais les gens, les intervenants qui m'ont précédé et je vous entendais faire appel à des statistiques précises. Bien, dans le cas de la Commission de la fonction publique, les recherches qui ont été faites nous fournissent des statistiques. Elles nous démontrent, par exemple, qu'il y a eu près de 40 % de promotions sans concours. Ça nous donne des proportions qui nous permettent d'orienter, de réorienter ou d'atténuer un certain nombre d'éléments qu'on peut retrouver dans la loi.

Donc, si j'avais quelque chose à dire, M. le Président, sur la Commission de la fonction publique, c'est le plus possible de ne pas lui faire tenir davantage de rôles d'adjudication, mais d'orienter plus ses travaux vers la recherche en rapport avec le développement de la fonction publique, la gestion, et pas seulement sur les questions de dotation, mais sur toutes les questions qui concernent les ressources de la fonction publique.

M. le Président, ça m'amène à vous parler du problème de la dotation. Je ne reprendrai pas tous les éléments qu'un certain nombre de groupes ont pu déjà vous présenter. Je voudrais juste partir du rapport de la commission spéciale. Je voudrais dire que la commission spéciale, en regard du mode de dotation - et vous retrouverez ça aux pages 76 et 77, que j'aimais bien gros, du rapport de la commission, ça vous donnait une séquence dans le processus de dotation... La recommandation majeure, dans le fond, de la commission spéciale, à l'époque, c'était que ce processus de dotation, dans ses parties essentielles, soit inscrit dans la loi.

Lorsqu'on est arrivé en commission parlementaire, les sous-ministres du temps qui avaient travaillé sur la Loi sur la fonction publique nous disaient: Bien oui, mais écoutez, si on met le processus de dotation dans la loi, ça va à l'encontre du principe d'imputabilité. Ils avaient raison. Et, parce qu'ils avaient raison, M. le Président, on ne l'a pas mis dans la loi. Mais je me suis rapidement rendu compte que les mêmes sous-ministres, un an après, disaient: Bien, écoutez, l'imputabilité, ce n'est pas sûr que ça s'applique et ce n'est pas sûr qu'il faudrait appliquer ça. Ça fait que l'imputabilité ça servait quand il ne fallait pas mettre le processus de dotation dans la loi, mais ça ne servait plus quand il fallait faire autre chose que de mettre le processus dans la loi.

L'expérience nous démontre qu'il aurait dû être dans la loi. On a juste à prendre toutes les difficultés qu'on a connues en regard des mises en disponibilité - je vais en reparler tantôt - ce qu'un de vos conseillers principaux appelait les sacs verts, dans le temps; les sacs ne sont plus verts, mais ils ont juste changé de couleur, M. le Président. Il y a tous les problèmes des remplacements par intérim et des concours pour le remplacement, le problème des contractuels et des occasionnels, les concours de promotion sans le processus de recrutement, les concours de promotion qui sont des concours de recrutement ouverts aux fonctionnaires. Alors, tout ça, tous les problèmes qu'on rencontre là-dedans et qu'on pourrait reprendre abondamment, mais que d'autres mémoires ont traités, tout ça n'aurait probablement pas connu cette intensité si la séquence et le processus de dotation avaient été inscrits dans la loi.

Aujourd'hui, M. le Président, si j'avais encore a me prononcer, je recommanderais que le processus soit inscrit dans la loi. Qu'il soit inscrit dans la loi pour un temps déterminé, un peu comme la Commission le recommandait pour l'ensemble des mesures concernant la fonction publique, mais elle l'a recommandé aussi lorsqu'il s'est agi de la loi elle-même, en disant: Dans cinq ans, on la révisera. Au moins pour quelque temps, un peu comme la formule "sunset law", couperet; après trois ans, si on ne l'a pas maintenue, elle disparaît. Alors, je ne sais pas si je suis clair quand J'énonce ça, M. le Président, mais on met le processus de dotation dans la loi. Il devient donc obligatoire de passer par ce processus dans les nominations et, après trois ans, par exemple, il disparaît si on ne l'a pas réinstallé dans la loi ou si on ne l'a pas maintenu. Ça, c'est une formule.

L'autre formule, c'est, après trois ans, de soumettre ça à un examen par une commission parlementaire spéciale ou les nouvelles commissions parlementaires. Moi, vous m'excuserez, quand je parle de commission spéciale, c'est parce que je n'ai pas vécu beaucoup avec les nouvelles commissions parlementaires, les nouvelles formules, mais ça pourrait être par le biais de la commission parlementaire actuelle.

Alors, je ne reviens pas, M. le Président, sur tout le système de processus, mais, en tout cas, il y avait un système clair où il y avait des

séquences à observer et on allait en recrutement uniquement quand tout ça n'avait pas fonctionné. Je pense que ça devrait être dans la loi.

Deuxième question, c'est contractuel et occasionnel. M. le Présidept, au moment des travaux de la commission en 1982, on dénombrait à peu près 11 000 occasionnels et contractuels. On s'était étonné de ça dans le rapport de la commission; on avait recommandé quelques mesures transitoires. On avait suggéré qu'un certain nombre, que tous ceux qui avaient plus de cinq ans soient intégrés automatiquement, puis on avait dit: Avec ces mesures-là et les autres mesures correctives que l'on pourrait prendre, comme des concours réservés pour les occasionnels, qu'avec toutes sortes de mesures probablement qu'on va éliminer ce montant-là et, après, il faudra qu'il y ait des gens qui soient responsables. C'était en 1982. Il y a eu des mesures de corrections apportées dans jes années 1983-1984; il y en a eu d'autres en début 1986, je pense, puis aujourd'hui on nous parle de 11 800, 11 900 occasionnels ou contractuels. Moi Je dirais, M. le Président, que si vous ajoutiez à ça tous ceux qui ne sont pas couverts par la Loi sur la fonction publique, mais qui émargent au budget de l'État, ça dépasse de beaucoup les 11 000 dont on nous parle. On a beau se gargariser avec le gel des effectifs de la fonction publique, on a beau faire des beaux discours sur le fait qu'on a maintenu les effectifs, sinon diminué les effectifs de la fonction publique, si, à côté, on maintient des effectifs qui sont de toute façon quasi permaments, on trompe quelqu'un quand on parle du gel des effectifs. Non seulement on trompe quelqu'un, mais on prête aussi le flanc à toute une série de critiques que l'État ne devrait pas se mettre en situation de recevoir.

M. le Président, ce serait facile pour quelqu'un de prétendre que c'est une belle façon de contourner la loi et les principes qui sont dans la Loi sur la fonction publique, en regard du recrutement et de la sélection au mérite, que d'engager 11 000 occasionnels et que tous les trois ou quatre ans, quand les gens commencent à crier un peu trop, de dire: Oui, c'est vrai, on va intégrer tous ceux qui ont plus de cinq ans. Ça veut dire que les 3000, 3500, 4000 ou 5000 qu'on intègre n'ont pas subi le même processus de sélection que les autres. C'est une façon de faire indirectement ce que la loi n'annonçait pas. Je ne dis pas que c'est pour ça qu'on a des occasionnels, mais je dis que ça peut amener le monde à penser que c'est pour ça, sinon pour masquer le fait qu'on a encore des besoins de ressources externes dans la fonction publique.

Donc, M. le Président, je voudrais souligner qu'à cet égard on devrait retourner aux recommandations de la commission spéciale, faire en sorte que, même pour la sélection des occasionnels, en autant qu'on ait de bonnes définitions... Pour moi, un emploi saisonnier, ce n'est pas un emploi occasionnel. Ça devrait être clairement compris. C'est un emploi à temps partiel. Un emploi occasionnel, c'est l'emploi de quelqu'un, et il y en a des emplois occasionnels, qui remplace quelqu'un pendant une période de temps donnée. Les contractuels, c'est une autre affaire et il y en a des contractuels réels, autrement dit, des fonctions qui vont être à l'essai pendant un an. Mais un poste qu'on ne veut pas combler et qu'on remplit par un occasionnel ou un contractuel, c'est, dans le fond, une façon détournée de combler un poste à temps plein. On devrait donc prendre la même séquence, la même façon de faire dans l'engagement des occasionnels et des contractuels qu'on prend pour les gens à temps plein.

J'ai combien de temps, M. le Président? J'ai 20 minutes?

Le Président (M. Lemieux): Disons une dizaine de minutes. Ça fait une demi-heure.

M. Bisaillon: Une dizaine de minutes, je vais abréger dans ce cas-là.

M. Léonard: Parlez-nous de l'imputabilité.

M. Bisaillon: L'imputabilité, j'y arrivais juste. Je voudrais juste souligner une dernière chose sur le processus de dotation, c'est que la règle du mérite avait été étudiée par la commission spéciale et placée dans la loi comme la commission spéciale l'avait recommandé, c'est-à-dire avec des règles d'assouplissement qu'on jugeait nécessaires: rangements par niveau, etc. J'ai l'impression qu'il y a eu un abus de l'utilisation qu'on voulait faire et des assouplissements qu'on y avait mis. Par exemple, quand la loi mentionnait - ce que la commission spéciale n'avait pas fait - la possibilité que les concours comportent ou renferment des exigences particulières, on a peut-être abusé de cette notion d'exigences particulières et fait en sorte qu'à mesure qu'on en ajoute - je ne vous donnerai pas l'exemple de Povungnituk; il n'est pas récent celui-là, M. le Président. C'était celui qu'on donnait à ia commission spéciale en 1982. Alors, ce n'est pas vrai que c'est un exemple récent. Povungnituk, on parlait de ça en 1982 et je ne suis pas sûr d'ailleurs que ce n'était pas quelqu'un que vous connaissez bien qui racontait ça. C'étaient des façons de contourner la loi. Mais il en existe encore et ce n'était pas l'objectif qui était poursuivi ni par la commission spéciale, ni par la loi.

L'imputabilité. Premier commentaire, M. le Président, l'imputabilité. On ne fait pas ça et on n'applique pas ça parce que c'est une mode, parce que les autres l'ont fait ou parce que c'est quelque chose qui fait novateur. On applique ça parce que ça doit répondre à des besoins qu'on a ressentis. Et on n'applique pas ça selon une formule...

En passant, je ne suis pas d'accord, M. le Président, avec votre définition, c'est-à-dire celle qu'on retrouvait dans votre document de consultation sur l'Imputabilité. Ce n'est pas ça l'imputabilité, quant à moi. La définition que vous en donnez, c'est beaucoup plus que ça. Vous dites: L'Imputabllité peut être définie comme un mécanisme qui permet d'évaluer l'efficacité des fonctionnaires et les amène à rendre compte de leurs actions. Pour mol, l'imputabilité, c'est plus que ça. Ce n'est pas juste un moyen qu'on prend pour vérifier quelque chose. C'est aussi toute une mentalité, un changement d'attitude, une façon de gérer. L'imputablltté, c'est non seulement la délégation de responsabilités, mais aussi la délégation des moyens que ça prend pour exercer ces responsabilités-là. Ça suppose aussi tout un changement dans l'organisation. Ça suppose que, si je rends quelqu'un responsable d'un secteur d'activité, je vais en même temps lui donner les ressources financières, les ressources humaines et les ressources matérielles pour réaliser ce mandat. Ça suppose aussi que ça va appeler une gestion participative parce que je ne peux pas, moi, accepter un mandat qu'un autre me donne les yeux fermés à partir du moment où je sais que je vais être contrôlé sur mes résultats. Donc, il y a une négociation qui arrive forcément entre un supérieur et entre un mandataire et le mandant sur: "C'est-u" suffisant ce qu'on me donne comme ressources pour atteindre l'objectif qu'on me demande? Et, à un moment donné, tout le monde s'entend là-dessus. C'est à partir du moment où tout le monde s'entend qu'on peut dire que, là, il commence à y avoir un système d'imputabilité. C'est là-dessus que la personne qui a accepté le mandat - donc, après l'avoir négocié - va être jugée et c'est là-dessus qu'elle aura à rendre des comptes.

La commission spéciale avait dit: Ça ne se fait pas vite ça, ça prend du temps. Ça prend du temps, mais on devrait commencer tout de suite et y aller par étapes. On avait donné deux types d'étapes: des étapes quant aux organisations et des étapes à l'intérieur des organisations. On avait dit: On devrait d'abord commencer par les organismes quasi autonomes; après ça, les organismes centraux; après ça, les ministères à réseaux et, finalement, les ministères et organismes. Et, à l'intérieur des ministères, on devrait commencer d'abord par les hauts fonctionnaires, les cadres supérieurs; après ça, descendre tout de suite aux fonctionnaires qui ont affaire directement avec le public parce qu'un système d'imputabilité ça vise aussi à rendre des services plus efficaces aux citoyens. C'est aussi tourné vers les citoyens et ça répond aux mêmes objectifs. Alors, ça, c'étaient les étapes qu'on avait données.

Je vous signalerai aussi, M. le Président, que c'est ça qui a fait l'objet d'une décision unanime de l'Assemblée nationale. L'Assemblée nationale, peu de temps après la passation de la loi, a voté une résolution qui disait: Le gouvernement doit, dans l'année qui vient, déposer un plan d'implantation de l'imputabilité. Ça, c'a été voté à l'unanimité par l'Assemblée nationale, pas par une commission parlementaire, par l'Assemblée nationale. Ça ne s'est jamais fait. Il me semble que c'était dans les six mois qui ont suivi les travaux de la commission... Non, excusez. Je pense que c'était dans les six mois qui ont suivi la Loi sur la fonction publique. La loi a été votée en 1983, donc, dans les six mois qui ont suivi. On peut se placer à la fin de 1984. Alors, si votre intérêt c'est de savoir si c'était sous l'ancien gouvernement, c'est l'Assemblée nationale sous l'ancien gouvernement, mais à l'unanimité. Mais à l'unanimité! Ça ne s'est jamais fait. Donc, dans l'année qui a suivi, on n'a jamais eu de plan d'Implantation. Par ailleurs, il me semblait que c'était Un voeu clairement exprimé des élus d'entrer dans le champ d'implantation. Qu'est-ce qui s'est passé par la suite, M. le Président? Une réunion organisée conjointement par l'ENAP et le Conseil du trésor - le groupe sur la productivité - qui réunissait les sous-ministres et présidents d'organisme, et c'est fà que les présidents d'organisme et sous-ministres ont décide, ont dit que l'imputabilité, ça va faire, c'est assez, on n'a pas besoin de ça. (22 h 45)

Par ailleurs, le même groupe pour une rénovation de la fonction publique a fait un sondage auprès des cadres supérieurs et des cadres Intermédiaires, et à 90 %, si ma mémoire est exacte, les gens disaient: On veut l'imputabiIité. Alors, il faut se poser la question sur qu'est-ce qui l'a bloquée? Qu'est-ce qui a fait qu'à un moment donné les sous-ministres n'ont pas respecté et l'orientation gouvernementale de l'époque et l'orientation de l'Assemblée nationale, et n'ont pas respecté, non plus, les besoins qu'ils sentaient en arrière d'eux autres? Parce que les cadres supérieurs ne devaient pas répondre juste au questionnaire, ils devaient le dire, de temps en temps à leurs sous-chefs. On a du grand monde dans la fonction publique. Ils n'ont plus peur de parler, aujourd'hui. Alors, peut-être que ça devait se discuter, ça, dans la fonction publique. Comment te fait-il que ça a bloqué? Moi j'évalue, M. le Président, que ça a bloqué parce qu'on parlait de contrôle parlementaire de l'imputabilité. Et le contrôle parlementaire de rimputabilité ça fait aussi peur au ministre...

Le Président (M. Lemieux): On comprend ça.

M. Bisaillon:... Ça fait aussi peur au ministre que ça fait peur au sous-ministre. Ça fait peur au ministre ou à tous ceux qui l'ont été, parce qu'ils se disent: Ça nous fait perdre la responsabilité ministérielle. Ça ne nous la fait pas perdre, ça nous fait distinguer ce qui est de la responsabilité ministérielle, et ce qui est de la responsabilité administrative. Mais ils ont peur

aussi, les sous-ministres, parce qu'ils ont toujours donné comme exemple deux, selon eux, deux modèles d'application de l'imputabilité. Le premier exemple, c'était l'enquête sur la Baie James On a dit: Écoutez, si c'est ça que ça donne l'imputabilité, on n'est pas intéressé à ça. Ils se trompaient juste dans quelque chose, M. le Président. Vous n'étiez pas |à dans ce temps-là, mais l'enquête sur la Baie James c'était une commission parlementaire qui questionnait une décision gouvernementale. Or, des membres du conseil d'administration d'Hydro-Québec sont venus témoigner et, effectivement, n'ont pas été traités doucement par les parlementaires qui les ont reçus. Il faut faire la distinction, là. Quand les membres du conseil d'administration d'Hydro-Québec sont venus, là, ce n'était pas de l'imputabilité au sens où on en parle quand on parle de l'administration et du politique. Quand on parle d'un sous-ministre qui va venir répondre de l'administration, c'est de son administration, ce n'est pas des politiques de son ministre dont il parle. Mais les membres du conseil d'administration d'Hydro-Québec c'étaient des politiques, ça. Ce n'étaient pas des administrateurs au sens où on en parle quand on parle du contrôle de l'imputabilité Ils venaient comme membres d'un conseil d'administration, donc comme politiques qui prenaient des orientations et des décisions pour une organisation, et, à ce titre-là, ils ont reçu le traitement, en fait, que tous les gens politiques peuvent recevoir, n'est-ce pas?

M. Chagnon: On vous le réserve. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bisaillon: Mais, à purement parler, ce n'est pas un traitement réservé à, bon.. J'admets cependant, M. le Président, que le contrôle parlementaire ça n'est jamais facile, pour deux raisons. D'une part, parce que les parlementaires, dans notre système, ne sont pas habitués à ça. Et, d'autre part, ils ne sont pas habitués à ça parce que ce n'est pas ça la "game". Vous me pardonnerez l'expression. La "game" c'est: Plus je déchire la chemise sur le dos de l'autre, plus j'ai l'impression que j'ai gagné quelque chose et plus je peux mettre en danger le ministre, plus moi, dans l'Opposition, je gagne des points. Bon, c'est ça la "game" et on ne la changera pas, là. Sauf qu'il y a un exercice tranquille qu'on peut faire du contrôle administratif par des parlementaires. Et ça pourrait commencer. Moi, ce que je suggérerais, M. le Président, c'est, avant de s'embarquer dans de grandes vérifications, qu'on le fasse donc sur des choses précises. Et une chose précise que recommandait la commission, c'était les services aux citoyens. Si c'est important... Il n'y a rien, d'après moi. de plus important pour des parlementaires que les services de ceux qui ont été élus à ceux qui les ont élus, et il ne devrait pas en avoir non plus pour les serviteurs de l'État dont on parle. Alors c'est quelque chose, ça, où on se retrouve sur les principes. Pourquoi n'essaierait-on pas un exercice d'imputabilité sur l'administration de ce principe-là?

L'exemple que je vous donne, M. le Président, après la Loi sur la fonction publique et après le rapport de la commission, il y a eu un secrétariat qui a été mis sur pied pour les services aux citoyens. Ce secrétariat-là a mis en branle un certain nombre de mécanismes, de moyens, de vérification et d'information auprès des ministères et organisations pour que les services aux citoyens soient plus accessibles. Ce secrétariat-là a duré une certaine période de temps, et finalement on a mis fin à ses activités. Moi, j'ai toujours été d'accord à ce qu'on mette fin aux activités du secrétariat. Le secrétariat était là pour partir les choses, mais ça devenait, à un moment donné, la responsabilité des organisations. Il faut quand même se poser la question. Depuis qu'il n'existe plus, le secrétariat, est-ce qu'il y en a encore des services aux citoyens? Est-ce qu'on est allé plus loin que ce que le secrétariat avait fait? Est-ce qu'on a pris des moyens pour vérifier ce que la clientèle dit de nos services? Est-ce que chaque organisation s'est inquiétée de savoir, ses clients, qu'est-ce qu'ils disent? Et il faut faire la distinction quand on parle des organisations, la distinction entre client et citoyen. Ce n'est pas toujours la même chose. Pour bien des organisations dans la fonction publique, ils vont nous parler du souci de leurs clients. Mais leurs clients, ce sont les autres ministères. Il faut faire attention à ça. Même en servant d'autres ministères, on doit avoir le souci des citoyens. Qui vérifie ça? Ça, ça pourrait faire l'objet d'un très bel exercice d'imputabilité où personne ne se sentirait visé et où personne n'aurait intérêt à tirer la couverte de son bord. Autrement dit, si vous voulez l'exercer et l'appliquer une fois pour toutes, il faudra que vous vous trouviez des moyens et des sujets surtout qui ne portent pas à controverse au plan politique. Quand vous en trouverez qui ne portent pas à controverse au plan politique ou, en tout cas, où les politiques sont convergentes, faites l'exercice du contrôle parlementaire.

Je vous indique, M. le Président, aussi qu'on proposait des façons de procéder pour le contrôle parlementaire et on disait: Ce n'est pas tout le monde, tout le temps. Ça devrait être sur une période de cinq ans, le contrôle de la gestion. On devrait choisir un certain nombre de ministères et organismes par année, une dizaine, une quinzaine par année sans les nommer d'avance, sans qu'il y ait de rôle de fait sur le... Ça veut dire que tu peux être demandé n'importe quand pour subir le contrôle parlementaire. Et subir est le vrai mot. Moi, je pense que c'est

plus efficace ça, savoir que ça pourrait arriver, que le fait que ça arrive. Dans ce sens-là, on devrait peut-être se mettre au travail pour commencer à aller dans ça.

Il me reste une question, M. le Président, qui était relations du travail. Je vais attendre les questions et je vais profiter de la période des questions pour essayer de vous parler de cet élément majeur.

Le Président (M. Lemieux): Très brièvement, je veux peut-être vous dire qu'il y a une certaine constante, que le contrôle parlementaire effraie toujours. Alors, si ça peut vous rassurer. Ma question, c'est que, évidemment, le rapport de la commission spéciale, le rapport Bisaillon, a donné naissance quand même à une loi que je considère bonne, moderne, très souple. On se rend compte qu'on retrouve dans la loi 51, environ, peut-être 80 % des recommandations du rapport de la commission spéciale Bisaillon. Moi, ce que j'aimerais savoir de vous, dans ce qu'on retrouve actuellement dans la loi 51, dans les 80 % qu'on retrouve, qu'est-ce qui, actuellement, aujourd'hui, d'après le recul que vous avez, n'a pas trouvé ou n'a pas reçu d'application ou n'est pas appliqué tel que l'énonçait votre rapport comme tel au point de vue concret et pratique? Vous avez donné des exemples d'imputabilité. Est-ce qu'il y a d'autres choses qui, actuellement, se trouvent dans la loi 51 et qui ne reçoit pas sa pleine application actuellement?

M. Bisaillon: Bien, dans les principes de départ, si on regarde les principes qu'énonçait dès le départ la Loi sur la fonction publique, ça devait tenir compte aussi des ressources humaines. Et, au plan du développement des ressources humaines et de leur contrôle et de leur utilisation, il me semble qu'il n'y a pas eu grand chemin de fait. Je vous référerai cependant, M. le Président, à un document qui est paru depuis ce temps-là et qui pourrait peut-être vous indiquer, vous donner des indications là-dessus. Ça s'appelle... C'est une thèse, c'est un projet d'intervention dans le cadre d'une maîtrise à l'ENAP qui s'appelle: "Le développement des ressources humaines au gouvernement du Québec. " Vous pourriez peut-être consulter ce document-là.

M. Chagnon: Qui est l'auteur? M. Bisaillon: Pardon? M. Chagnon: Qui est l'auteur? M. Bisaillon: C'est moi. Ha, ha, ha! Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: J'avais soupçonné que... J'avais soupçonné. Ha, ha, ha!

M. Bisaillon: C'est ma soirée pour me citer. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): Profitez-en. Ça arrive si peu souvent.

M. Bisaillon: Ce que je voulais dire, M. le Président, c'est que dans ce document-là, au moins, vous avez l'enquête faite auprès de l'ensemble des sous-ministres et présidents d'organisme sur le développement des ressources humaines. Vous avez déjà leurs orientations et il y a une série de recommandations qui sont dans ce document là qui s'appliqueraient à la Loi sur la fonction publique. Alors, ça c'est Par rapport aux ressources humaines, d'après moi, il n'y a pas eu grand-chose de fait. Il n'y a pas eu grand-chose de fait non plus par rapport à la productivité et à l'analyse, à l'évaluation des programmes. C'était des éléments qui étaient contenus dans la Loi sur la fonction publique. Il me semble qu'il y a peu de chemin de fait. Il y a eu des tentatives, il y a eu des efforts. Autrement dit, on sert, M. le Président... Globalement, on pourrait dire qu'on sait que ça s'en va dans la bonne voie mais à tellement petits pas qu'on se demande si, jamais, un jour, on va arriver à entrer dans le commencement de ce que voulait faire la Loi sur la fonction publique.

Le Président (M. Lemieux): Et au niveau de l'imputabilité, êtes-vous d'accord qu'il y a peu de choses qui se sont faites?

M. Bisaillon: Oui. S'il y a des choses de faites, c'est des choses qui ont été faites au niveau interne, c'est-à-dire qu'il peut y avoir des organisations qui ont délégué à l'intérieur de leur organisation. Ça ne doit pas être... Je n'ai pas de chiffres, donc, je ne peux pas vous parler de façon certaine, rhais, à ma connaissance, ça ne doit pas être répandu. Au niveau gouvernemental, il n'y a à peu près rien qui a été fait sinon, encore une fois, des études et des voeux pieux sur le principe de la question.

Le Président (M. Lemieux): Ça va. M. le député de Saint-Louis.

M. Chagnon: On peut dire, M. le Président - j'ai failli dire le député Bisaillon - que M. Bisaillon parle d'abondance d'un sujet qu'il connaît, qu'il aime bien et dont la démonstration est sans équivoque, qui l'a sûrement passionné au moment où il a travaillé sur les travaux de la commission qui a porté son nom, puisque jusqu'à tout récemment, ce qu'il nous disait, il a fait un projet d'intervention à l'ENAP dans la même veine de ce sur quoi il travaillait. M. Bisaillon, la séquence dans le temps, si on parle de 1983-1984... En 1983 la commission fournit son rapport. L'Assemblée nationale adopte la loi. En

1984, votre résolution, je ne connaissais pas l'existence de cette résolution, l'Assemblée nationale en entier adopte cette résolution et on se retrouve, bon, en 1990 pas plus avancés sur le plan de l'imputabilité. On vous a dit: N'inscrivez pas le processus de dotatiop dans la loi - c'est ce que vous nous avez dit - parce qu'on va aller à l'imputabilité. Aujourd'hui, vous nous dites: Faites donc les deux. Allez et inscrivez le processus de dotation dans la loi et, en même temps, essayez de ramasser {'ensemble du dossier de l'imputabilité externe. Il y a une forme de contradiction, me semble-t-il, dans ce raisonnement-là.

M. Bisaillon: II peut sembler y avoir effectivement une contradiction. Moi, je pense que, pour ce qui est de l'imputabilité interne, on devrait forcer pour la mettre en application dès maintenant. Quant à l'imputabilité externe... Et on ne pourra jamais avoir que l'un, je dirais.

M. Chagnon: Exactement. On s'entend là-dessus.

M. Bisaillon: Ça va devoir s'accompagner des deux, donc, d'un contrôle parlementaire. Comme j'estime que, si on n'est pas rendus plus loin en termes d'imputabilité, c'est surtout à cause de la notion de contrôle parlementaire de l'imputabilité, bien, je me dis: Apprivoisons, donc, profitons du fait qu'on va avoir des sujets où, au plan politique, il y aura convergence pour se servir de ces sujets-là pour passer à un contrôle de l'administration de ces orientations-là. Ça serait moins... Autrement dit, le danger de jeu entre les politiques ou entre les députés serait moins évident. Ils apprivoiseraient, eux autres aussi, l'exercice du contrôle strict administratif. Et les administrateurs, eux autres, se feraient aussi à l'habitude de passer et de trouver normal d'être contrôlés par des parlementaires.

M. Chagnon: Le type d'intervention qui pourrait faire l'objet d'imputabilité, le Vérificateur général s'est lui-même cité - vous n'êtes pas le premier - il s'est lui-même cité en disant: Bien, prenons le rapport du Vérificateur général et faisons-en un instrument d'imputabilité. Ça va un peu dans le sens de ce que vous soulevez. Ça pourrait être aussi le rapport du Protecteur du citoyen. Ça pourrait être le rapport annuel des ministères et/ou des organismes...

M. Bisaillon: Ça pourrait être effectivement...

M. Chagnon:... parapublics.

M. Bisaillon: Le rapport du Vérificateur général, ça devrait être ça depuis longtemps, parce que ça existe depuis longtemps. Mais ça pourrait être ces éléments-là qui sont des rapports annuels qu'on devrait... qui ont trait à l'administration. Mais, moi, je le reliais au service aux citoyens, parce qu'on n'a jamais non plus mis sur pied les mécanismes de contrôle de ça. C'est difficile pour le Vérificateur général, quand il fait une vérification intégrée, d'examiner l'administration sous cet angle-là. Alors, je me dis: Les mesures administratives en regard d'un objectif qui est service aux citoyens amélioré, elles sont très larges et elles peuvent varier d'un sous-ministre à l'autre, d'une organisation à l'autre. Donc, en partant, tout le monde peut avoir fait quelque chose. L'importance, c'est qu'en même temps ça permet à ce sujet-là... Moi, je le trouvais pratique, parce qu'il permet en même temps de pousser et de mettre de l'avant une autre priorité de la fonction publique qui est le service aux citoyens. (23 heures)

M. Chagnon: Maintenant, comme le monde est habitué à manger du pablum avant du steak et comme le principe d'imputabilité est sur son plan... que l'organisation quotidienne n'est pas vraiment sortie de l'oeuf, n'y aurait-il pas lieu d'inscrire dans la loi les instruments que je venais d'évoquer, par exemple, le rapport du Vérificateur général, etc., en inscrire deux, trois, quatre dans la loi, comme étant des dossiers sur lesquels une forme d'imputabilité auprès des hauts fonctionnaires devrait être généralisée?

M. Bisaillon: Moi, je ne verrais pas d'un mauvais oeil qu'il y ait des éléments d'inscrits dans la loi. Mais, si vous en inscrivez, je pense que le premier que j'ai recommandé tantôt, mettez le processus de dotation dans la loi, mettez-le juste pour un certain temps, et, avant d'y mettre fin ou de le renouveler, procédez à la vérification de son impact. Il me semble, en tout cas, que là il y a un contrôle certain à exercer, un contrôle politique et administratif sur les ressources et leur nombre et la façon dont on les choisit et dont on les recrute.

M. Chagnon: C'est clair. Je vous remercie.

Le Président (M. Lemieux): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Je veux vous féliciter pour votre présentation qui était très intéressante. Un obstacle à l'implantation de l'imputabilité, ce n'est pas un peu la lourdeur du système? Parce que vous parliez, vous parlez avec éloquence là, qu'il faut que chacun sache ce qu'il a à faire aussi, qu'il a la marge de manoeuvre nécessaire pour le faire, pour être imputable. Est-ce que le système actuel permet de faire ça? Si on prend, entre autres, peut-être les conventions collectives, est-ce que ça permet de faire ça, de haut en bas, jusqu'aux services aux citoyens, comme

vous disiez? Et peut-être qu'on pourrait enchaîner au niveau des relations de travail, que vous n'avez peut-être pas eu le temps d'élaborer. Mais j'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce qu'il n'y a pas un frein à ce niveau-là, sur l'Implantation?

M. Bisaillon: II y a des freins à l'imputabilité, c'est sûr, mais ils ne sont pas dans le système. Ils sont dans les personnes qui sont dans te système. Autrement dit, si, une fois qu'on a compris ou qu'on adhère à ce moyen, à cet outil qu'est l'imputabilité, il n'y a rien qui bloque en sol là-dedans, ça peut aller tranquillement, ça peut être lourd, mais ce n'est pas plus lourd que les contrôles, a priori, qu'on a connus dans le passé. Ce n'est pas plus lourd que les mécanismes très longs qu'on connaît actuellement, que les délais que les citoyens sont obligés de subir. Ce n'est pas plus long que ça. Ça ne sera pas plus difficile que ça. L'avantage, c'est que ça suppose des ententes.

J'expliquais tantôt qu'avant d'accepter un mandat je dois m'assurer d'avoir les outils pour le réaliser, ce mandat-là, donc, je dois les négocier. Mais ça, je ne parle pas en termes de relations de travail, mais je dois les discuter, si vous aimez mieux, avec le gestionnaire qui me donne le mandat. De la même façon, je pense que le système de relations de travail peut aider à ça. Il peut aider à ça dans le sens qu'il nous donne des outils. Je dis, en 1982, le premier péché, c'était le Conseil du trésor et le syndicat, mais on n'a rien changé depuis 1982, là-dedans.

Je vous signale que la commission spéciale faisait un certain nombre de recommandations à cet égard-là, qui n'ont pas été prises en compte. Ça n'a pas bougé, c'est exactement la même situation. La seule chose qui est différente, c'est que, dans le bilan tracé par le Conseil du trésor, on dit que maintenant on a permis, au moment de la négociation des conditions de travail, des aménagements de certains ministères. Mais on n'a pas tenu compte de la recommandation que la commission spéciale faisait, qui disait: Comment se fait-Il que, pendant que le Conseil du trésor négocie les conventions collectives, il y a une table des partenaires, partenaires de l'enseignement, partenaires des hôpitaux? Il n'y en a pas de la fonction publique. Or, les conditions dans la fonction publique, ce n'est pas juste les salaires ou ce n'est pas juste les coûts. Il y a aussi le fonctionnement quotidien. Comment ça se fait qu'il n'y a pas une table qui regroupe les ministères et organisations au moment des négociations pour qu'on ait leur perception de l'impact qu'un certain nombre de clauses des conventions collectives vont avoir, ou, encore, d'outils qu'ils voudraient avoir et qu'on ne leur donne pas dans les conventions collectives?

De la même façon, le régime syndical fait des distinctions. Autrement dit, la loi publique fait un régime d'exceptions pour les syndicats et je n'ai jamais compris pourquoi, et les membres de la commission non plus à l'époque, puisqu'on a tous recommandé que le Code du travail, en général, s'applique. Qu'on fasse des restrictions dans les endroits où il faut en faire, comme on en fait dans le Code du travail. On pourrait dire: Les agents de la paix, Ils sont couverts par le Code du travail, et leur empêcher le droit à la grève, comme on le fait pour les policiers ou pompiers. On pourrait faire ça. Mais II n'y a rien qui justifie qu'ils ne soient pas soumis au Code du travail. Et ça, ça a beaucoup d'Implications parce que, là, actuellement, c'est gouvernemental. On dit: Tel secteur d'activité, ce n'est pas syndicable. Où est-ce que vous avez vu ça ailleurs? Le gouvernement, l'État, a une fâcheuse tendance à passer dès lois pour d'autres qu'il ne s'applique pas à lui-même. Il y en a plein d'exemples comme ça: le régime syndical, par exemple. On a passé le Code du travail qui s'applique à tout le monde, sauf pour le gouvernement. On a passé une loi... Dans le Code du travail, il y a des règles pour les policiers et pompiers et l'arbitrage que le gouvernement ne s'applique pas à lui-même vis-à-vis les agents de la paix ou les policiers de la Sûreté du Québec. Il y a plein de mesures d'exception quand c'est le gouvernement. On demande aux citoyens de voter au municipal pour deux: la mairie et les conseillers, mais ç'a" l'air qu'au provincial les citoyens ne comprendraient pas ça. Donc, on ne fait pas la loi dans ce sens-là. Alors, il y a plein de choses comme ça que l'État fait pour les autres mais qu'il ne s'applique pas à lui-même. La même chose pour les matières de négociation. Et moi, je ne suis pas convaincu, M. le Président, que si on n'avait pas la possibilité de faire négocier, par exemple, les clauses de promotion - je donne ça à titre d'exemple - ça ne ferait pas des chiens de garde additionnels dans le système pour nous empêcher le laxisme dans les promotions, en tout cas, et ça ne serait pas pire que quand c'est négocié dans d'autres grandes compagnies comme Hydro-Québec ou ailleurs.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Je vous remercie, M. le Président. Alors, moi, je veux remercier notre ancien collègue pour son exposé magistral. J'ai bien hâte aussi de lire son travail de maîtrise. Vous voyez, M. le Président, que nous avions raison, vous et moi, d'insister pour qu'il vienne nous faire part de son expérience, qu'il vienne nous éclairer et, nonobstant un certain article dans un journal qui laissait croire que la commission avait des réticences à inviter M. Bisaillon, au contraire, nous avions hâte de vous rencontrer. Les commentaires que vous faites sur l'imputabilité dans le sens où il pourrait être opportun de l'initier en rapport avec le service aux citoyens, je

trouve ça intéressant comme formule, surtout si c'est dans un système où on ne rend pas publique à /'avance \a liste des ministères ou des organismes. Votre système que vous avez préconisé, que je trouve excellent...

Juste une question sur le double volet, gestion des ressources humaines, gestion des ressources financières. On a eu plusieurs groupes ou individus qui nous ont dit qu'un seul responsable ministériel, un seul ministre, qui est le président du Conseil du tréspr actuellement, pour répondre de ces deux types de gestion au Conseil des ministres, ce n'est pas ce qu'il y a de mieux comme formule. Pendant longtemps, il y a eu deux ministres, comme vous le savez, et j'aimerais bien avoir votre opinion là-dessus.

M. Bisaillon: Je pense qu'effectivement ça devait être tenté. Ça l'a été et je ne pense pas que c'est la formule idéale. En tout cas, ça n'a pas donné les résultats. Moi, je suis obligé de juger ça en fonction des résultats. Théoriquement, c'était peut-être bien intéressant, mais, en fonction des résultats, je ne pense pas que ç'a donné des résultats. Par ailleurs, l'expérience du passé n'est pas davantage meilleure. Autrement dit, on mettait un ministre responsable de l'Office des ressources humaines, mais c'était son quatrième intérêt ou à peu près Ce n'était pas nécessairement toujours un ministre qui était collé sur ces réalités-là non plus Autrement dit, je pouvais être à l'Environnement et, en même temps, responsable de l'Office des ressources humaines. Ça n'avait pas de commun rapport et ce n'était pas évident, alors qu'il me semble qu'en reliant ça au Conseil exécutif, là, il doit y avoir une volonté d'organisatipn générale; là, il y a une volonté de transparence; là, il y a une volonté de concertation et il y a le mécanisme aussi puisque c'est là que se réunit la table des sous-ministres et c'est par, peut être, l'Exécutif qu'on pourrait à la fois donner la volonté politique, parce qu'en développement des ressources humaines, avant la volonté administrative, c'est la volonté politique parce que ce n'est pas non plus toujours évidemment que c'est rentable de parler du développement des ressources humaines. Ç'a l'air d'un sujet pour spécialistes, mais c'est pourtant la réalité du monde de tous les jours.

M. Lazure: Juste un rapport d'étape pour l'édification de M. Bisaillon, mon ancien collègue. Je peux lui dire que je voie très, très clairement maintenant les différences entre l'imputabilité administrative et politique. Maintenant, c'est clair comme de l'eau de roche: II fut un temps où c'était moins clair.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Léonard: Ce n'est pas aussi clair que ça peut en avoir l'air.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): Je pense que MM. les députés de Labelle et de La Prairie...

M. Lazure: Je parlais pour moi.

Le Président (M. Lemieux):... ne partagent peut-être pas le même avis sur cet aspect. M. le député de Labelle.

M. Léonard: Je ne partage toujours pas le même point de vue sur cette question parce que, justement, la distinction entre le politique et l'administratif, c'est très beau à le dire, mais à le faire, c'est autre chose. Et vous avez eu raison de rappeler exactement cette commission sur la Baie James qui a fait couler beaucoup de salive, qui a fait beaucoup de tort, peut-être bien, mais les conséquences sont là. Et chacun a pris la mesure de ce que ça pourrait être. Alors, merci bien et merci bien. Si l'Assemblée nationale devait aller dans ce sens-là, je veux dire, je ne sais pas quel est l'intérêt parce que ça serait de brasser à peu près n'importe quoi. Je pense que là-dessus. si vous voulez, on a fait une distinction, l'autre jour, entre imputabilité à l'interne et à l'externe en disant: parlementaire, bon... Je pense que c'en est une et je considère bien que dans des ministères la fonction publique exerce l'imputabilité. C'est un nouveau mot pour dire toute la structure avec la responsabilité que ça implique. En tout cas, moi, je conserve toujours mes réticences vis-à-vis cette imputabilité parlementaire où les fonctionnaires viendraient à la barre ici. Les expériences qu'on a eues jusque-là, à mon sens, ne sont pas assez déterminantes, probantes que ce serait un tel avantage.

Je voudrais vous poser une question. Vous dites que le processus de la dotation, c'est-à-dire de la détermination des plans d'effectifs, devrait être dans la loi directement. Je trouve que ça risque de devenir très rigide dans l'administration publique. On dit déjà que c'est rigide, une administration publique. Vous ne pensez pas qu'on en remettra encore?

M. Bisaillon: Oui, ce serait effectivement très rigide mais ce qui est recommandé par la commission, ça a fait l'objet d'une politique, ça. Ça fait que c'est déjà tout là, sous forme de politique, sauf que c'est plus difficile de contourner un article de loi que de contourner une politique. Mais c'est déjà là. Autrement dit, ce que je veux dire, M. le député, les éléments sont déjà là. Je recommande par ailleurs et je reconnais, je l'ai avoué dès le départ, que ce n'est pas quelque chose qu'il est normal de laisser dans une loi. Mais je trouve qu'on a fait l'expérience de ne pas le mettre et on voit les résultats que ça donne. Alors, là aussi, il faut procéder empiriquement. Mettons-le, mettons-le

pour un temps avec un couperet qui va faire que, si on veut le laisser, on sera obligé d'en reparler sinon, ça retombera automatiquement. Mais vous pourrez mesurer entre-temps les effets ou la différence. Autrement dit, jusqu'à maintenant, on ne peut pas montrer la différence. On ne peut parler à partir de données qui se comparent parce qu'on n'a fait tout le temps qu'une chose. Faisons donc l'autre pendant deux ans, pour voir s'il va y avoir des résultats différents. Et, à partir des résultats, on pourra examiner de quoi ça dépend.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Alors, écoutez, je comprends qu'il y a peut-être..

M. Léonard: On va écouter longtemps.

Le Président (M. Lemieux): .. des opinions différentes à ma gauche mais je pense aussi que ce n'est peut-être pas une raison pour ne rien faire et...

M. Léonard: C'est un point de vue. Ça va.

Le Président (M. Lemieux):. quand même, neuf provinces... Il y a seulement le Québec, je pense, qui ne l'applique pas et je pense que l'important, c'est d'essayer de trouver un certain équilibre dans tout ça pour mieux servir les citoyens. Vous avez fait des remarques sur l'Office tout à l'heure. Je veux simplement terminer là-dessus bien rapidement parce que je sais qu'il est...

Une voix: Je ne suis pas contre cette distinction.

Le Président (M. Lemieux): Non, effectivement. Je sais qu'il est assez tard. C'est que je veux simplement vous faire remarquer que l'Office a un rôle-conseil en vertu de l'article 99, paragraphes 7 et 8, sauf exception, je pense, pour les paragraphes 11 et 12. S'il avait agi autrement, je pense qu'il aurait peut être outrepassé ses pouvoirs aussi. Vous avez fait état tout à l'heure que l'Office n'avait peut-être pas rempli tous les devoirs qu'il avait à faire. Il avait seulement un rôle-conseil et je me demande dans quelle mesure il avait les pouvoirs nécessaires pour aller plus loin que ça. C'est seulement une remarque que je vous fais, eu égard à ce que je vois à l'article 99.

M. Bisaillon: Oui, je comprends pourquoi vous le faites. Je comprends que la loi peut parler d'un rôle-conseil, mais on peut exercer un rôle-conseil de deux façons. On peut ouvrir un bureau, mettre une affiche et dire: Je suis consultant. Venez me voir quand vous voudrez. Et on peut prendre le leadership aussi de ça et dire...

Le Président (M. Lemieux): Ce que vous êtes en train de me dire, c'est que..

M. Bisaillon:... moi, ma responsabilité, c'est les ressources humaines. Voici ce que je sais des ressources humaines. Voici l'expertise de mon monde. Est-ce que je peux aller vous rencontrer pour vous en parler? Ça peut se vendre, ça, le développement des ressources humaines comme le reste se vend.

Le Président (M. Lemieux): Ça va. Alors, donc.

M. Bisaillon: Donc, on pourrait être plus proactif, c'est ça que je veux dire.

Le Président (III. Lemieux): J'ai très bien compris Alors, nous vous remercions de votre participation à cette commission parlementaire et nous ajournons nos travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 15)

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