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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 24 octobre 1990 - Vol. 31 N° 38

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'opportunité de maintenir ou de modifier la Loi sur la fonction publique


Journal des débats

(Dix heures onze minutes)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission du budget et de l'administration reprend ce matin la consultation générale sur l'étude de l'opportunité de maintenir en vigueur ou de modifier la Loi sur la fonction publique. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacements.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Permettez-moi de vous faire lecture de l'ordre du jour. À 10 heures, nous entendrons le Protecteur du citoyen; à 11 heures, l'Office des personnes handicapées du Québec; à 12 heures, le Syndicat professionnel des médecins du gouvernement du Québec; à 16 heures, M. Louis Bernard; à 17 heures, M. Claude Perron; à 17 h 30, M. Robert Pelley; à 18 heures, MM. Claude Trudelle et Jean-Nil Boucher, pour reprendre à 18 h 30 avec M. Guy Leroux et pour terminer à 19 heures avec M. Michel Robichaud. Nous ajournerons à 19 h 30. Est-ce que l'ordre du jour est adopté? M. le député de La Prairie, l'ordre du jour est-il adopté?

M. Lazure: Oui, adopté.

Le Président (M. Lemieux): Adopté. Merci. Nous allons maintenant entendre le Protecteur du citoyen. J'inviterais le Protecteur du citoyen et ceux qui l'accompagnent à bien vouloir prendre place à la table des témoins. Je demanderais, s'il vous plaît, au porte-parole de l'organisme de bien vouloir s'identifier et de nous présenter les gens qui l'accompagnent pour les fins de l'enregistrement du Journal des débats. Vous n'êtes pas sans savoir que vous avez 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire et suivra une période de questions ou d'échanges de 40 minutes avec les membres de cette commission.

Protecteur du citoyen

M. Jacoby (Daniel): Merci, M. le Président. Je suis Daniel Jacoby. Je suis titulaire du poste de Protecteur du citoyen; à ma gauche, Me Jacques Meunier, qui est l'adjoint du Protecteur du citoyen et, à ma droite, Me Frances Hudon, qui est la directrice générale des enquêtes au bureau du Protecteur du citoyen.

Le Président (M. Lemieux): Vous pouvez maintenant commencer votre exposé.

M. Jacoby: M. le Président, M. le vice-président, MM. les députés, c'est avec plaisir que je participe ce matin à cette commission parlementaire pour vous faire part de mon point de vue sur l'impact que peut avoir la Loi sur la fonction publique en matière de qualité des services gouvernementaux à l'égard de la population du Québec. Mais, avant de parler précisément de cette question, j'aimerais un peu situer dans l'ensemble le rôle, le mandat du Protecteur du citoyen. Il faut se rappeler qu'en 1984, dans un arrêt qui mettait en cause l'ombudsman de Colombie-Britannique et le Procureur général de Colombie-Britannique, la Cour suprême du Canada, par la voix de son juge en chef, a énoncé que les contrôles traditionnels (législatif, exécutif et judiciaire) ne sont pas parfaitement capables d'assurer la surveillance de la bureaucratie et que seul l'ombudsman peut en examiner minutieusement les rouages grâce à ses pouvoirs d'enquête qui "lui permettent d'aborder les problèmes administratifs que les pouvoirs judiciaire, législatif et exécutif ne peuvent résoudre efficacement". Donc, ça situe le mandat, le rôle et l'importance de l'institution des ombudsmans dans nos sociétés démocratiques. Et si je fais parler le juge en chef de la Cour suprême, c'est parce que, si je l'avais dit moi-même, vous auriez pensé que j'avais des préjugés favorables. Mais je peux vous dire que ce n'est pas moi qui ai plaidé la cause devant la Cour suprême non plus.

Au Québec, donc, le Protecteur du citoyen reçoit les plaintes des personnes qui s'estiment lésées dans leurs droits par les services publics gouvernementaux, et, après coup, lorsque la plainte s'avère recevable, enquête pour vérifier le bien-fondé des plaintes. Et les enquêtes ont lieu au niveau des ministères et des organismes et, par la suite, si la plainte s'avère fondée, nous faisons des recommandations pour modifier les décisions ou pour corriger les omissions de l'administration.

Vous n'ignorez pas que le Protecteur du citoyen est une personne indépendante de l'administration. Elle relève de l'Assemblée nationale, elle ne rend compte qu'aux parlementaires, aux élus de la population de toutes les formations politiques. Elle se trouve à être, à toutes fins pratiques, comme personne désignée par l'Assemblée nationale, le prolongement des élus dans l'exercice de leur pouvoir et leur devoir de surveiller l'arbitraire, les abus, les erreurs qui peuvent survenir dans l'administration quotidienne des programmes gouvernementaux et

qui causent des préjudices à l'ensemble des citoyens et des citoyennes.

Nous avons les pouvoirs des commissions d'enquête. Nous sommes une équipe de 84 personnes, de spécialistes qui reçoivent des plaintes, de spécialistes qui enquêtent dans tous les 110 ministères et organismes du gouvernement, donc des spécialistes à peu près dans tous les domaines. Nous avons des bureaux à Sainte-Foy et nous avons un bureau à Montréal. Les services du Protecteur du citoyen sont tout à fait non formalistes, non bureaucratiques, en ce sens qu'il n'est pas nécessaire de remplir un formulaire détaillé pour adresser une plainte au Protecteur du citoyen; il suffit de prendre le téléphone, sans frais de n'importe où au Québec. De plus, les gens n'ont pas à se déplacer. Enfin, c'est un recours qui est accessible à tout le monde, autant aux plus riches qu'aux plus démunis, parce que, a la différence de l'aide juridique, nous ne prenons pas en compte le revenu des personnes. Également, le Protecteur du citoyen, son recours est ouvert aux corporations, aux institutions, aux associations.

Nous avons un pouvoir de recommandation, ce qui fait que nous n'avons pas de lien d'autorité ou de lien hiérarchique sur les fonctionnaires du gouvernement. Dans le cadre de notre mandat, nous faisons des recommandations officielles aux ministres ou dirigeants d'organismes au gouvernement. Si une recommandation officielle n'est pas suivie par le dirigeant d'organisme ou par le ministre, à ce moment-là, nous en avisons le Conseil des ministres. Nous pouvons également déposer un rapport spécial à l'Assemblée nationale et, lorsque le Protecteur du citoyen le juge d'intérêt public, il peut faire appel à l'opinion publique suivant sa loi et recourir aux médias d'information.

Notre compétence n'est pas illimitée. Nous avons juridiction strictement sur les 110 ministères et organismes du gouvernement du Québec, c'est-à-dire 62 000 fonctionnaires approximativement. Notre pouvoir d'enquête ne s'adresse pas qu'aux simples fonctionnaires, mais également aux dirigeants des organismes. Nous pouvons enquêter sur les décisions et les gestes de sous-ministres, de dirigeants d'organismes, mais même d'un ministre, parce que, aux yeux de la loi du Protecteur du citoyen, les ministres sont les premiers fonctionnaires du ministère.

Nous traitons des cas d'espèce comme nous traitons également des dossiers de nature générale ou systémique. Nos interventions vont, par exemple, de rétablir une prestation ou une rente qui a été injustement supprimée ou annulée par un organisme jusqu'à des compensations monétaires qui, dans plusieurs cas, se chiffrent à plusieurs millions.

Nous avons aussi le pouvoir de commenter les avant-projets de loi ou les projets de loi, de façon à prévenir les risques d'injustice ou de déraisonnabilité. L'année dernière, nous avons reçu près de 22 000 plaintes et demandes de renseignements. Nous avons jugé à propos d'initier des enquêtes dans 7469 plaintes et nos statistiques sont assez révélatrices. C'est que près d'une plainte sur trois s'avère fondée, ce qui, à mon point de vue, est énorme et ce qui démontre que les citoyens, contrairement à ce que certains pensent, ne sont pas que des personnes qui chialent, mais que véritablement les citoyens ont des raisons valables de se plaindre.

Quant à notre pouvoir de recommandation - je disais tout à l'heure que nous n'avions pas de pouvoir exécutoire - il est très efficace, puisque plus de 99 % de nos recommandations sont suivies par l'administration. Je ne dis pas que ça se fait du jour au lendemain. Des fois, ça prend un an ou deux pour qu'une recommandation soit suivie, mais ça se fait néanmoins.

Je voudrais parler un peu de la clientèle du Protecteur du citoyen et des services publics. Ce que je peux considérer, quand on regarde l'ensemble des programmes gouvernementaux, de même que la clientèle qui s'adresse à nos bureaux, je peux constater que cette clientèle, même si elle est diversifiée dans son ensemble, c'est d'abord une clientèle qui est principalement démunie ou vulnérable. Lorsqu'une réclamation est refusée, par exemple, par l'administration, quand il y a un litige, un différend qui oppose le citoyen avec l'administration; alors commence l'affrontement avec l'appareil de l'État. Je dis bien un affrontement parce que c'est très gros. L'appareil de l'État, pour un citoyen, vous savez, c'est une organisation gigantesque, complexe et qui dispose de ressources illimitées quand il s'agit de défendre la position d'un ministère ou d'un organisme. Lorsqu'on se retrouve devant les tribunaux administratifs, un citoyen versus l'administration gouvernementale, le citoyen, souvent, n'a pas les moyens de se payer un avocat et, par ailleurs, l'administration possède des avocats dans tous les secteurs, elle possède des ressources pour aller engager des experts dans tous les secteurs. En somme, malgré les compressions budgétaires, quand il s'agit de défendre les droits de l'administration, il n'y a pas de limite.

De plus, cette clientèle est captive. Vous le savez, faire affaire avec le gouvernement ou avec les services publics, c'est faire affaire avec un monopole. On n'a pas le choix. En d'autres termes, si on a un problème de santé, on n'a le choix que de recourir à un établissement hospitalier financé par le gouvernement. On n'a pas de choix. Lorsqu'on est complètement démuni sur le plan économique, on n'a le choix que de recourir au régime de la sécurité du revenu. Quand on a un accident du travail, on n'a pas le choix; on est obligé de s'adresser à la CSST et ainsi de suite. Outre le fait qu'on doive affronter un appareil gigantesque, on se trouve

devant des services qui sont monopolistiques et ceci crée un déséquilibre profond entre l'État et le citoyen.

Ce que je peux dire, c'est que ce rapport de force qui est complètement déséquilibré fait en sorte que le citoyen est tout petit le jour où il a un litige avec les services publics du gouvernement, il ne faut jamais oublier qu'au Québec on a près de 600 000 personnes qui vivent de la sécurité du revenu, que nous avons, au Québec, près de 800 000 personnes qui sont analphabètes, donc, qui ne sont pas capables de comprendre ou de lire nécessairement toute la documentation et les formulaires qu'elles doivent remplir pour être admissibles à des programmes gouvernementaux. Il ne faut pas oublier qu'il y a des personnes, comme les anglophones, les minorités ethniques et les Amérindiens, qui ont des barrières linguistiques et des barrières culturelles qui font en sorte qu'elles ont souvent beaucoup de difficultés à s'adapter au processus de nos services publics. Il faut penser également aux 300 000 travailleurs accidentés, aux 250 000 d'entre eux qui font des réclamations, annuellement, à la CSST. Il faut penser aux victimes d'accidents de la route qui doivent faire affaire avec la Régie de l'assurance automobile, ainsi qu'aux victimes d'actes criminels qui doivent aussi s'adresser au gouvernement pour compenser les préjudices qu'elles subissent. Je parle des femmes qui déjà sont historiquement discriminées par la société. Lorsqu'elles font affaire avec un service gouvernemental, elles font affaire avec un monde d'hommes. Je ne pense pas que les programmes de redressement ou d'action positive ont encore corrigé la situation. Tout ça, c'est toujours du déséquilibre.

En somme, d'une manière générale, il faut être bien conscient qu'un grand nombre de citoyens qui ont des démêlés avec les pouvoirs publics vont renoncer bien souvent à leurs droits par ignorance de leurs droits, par peur, par usure ou même par conviction populaire. Ainsi, un sondage qui a été mené par CROP au mois d'août indique que 57 % des personnes interrogées estiment qu'un simple citoyen a peu de chance d'obtenir gain de cause contre des fonctionnaires des ministères ou des organismes du gouvernement du Québec.

Passons maintenant à la qualité des services publics. Est-ce que la fonction publique fournit des services de qualité à la population? Ma réponse est simple: La très grande majorité des fonctionnaires sont des personnes compétentes et dévouées. Les fonctionnaires pris individuellement, contrairement aux croyances populaires, ne se traînent pas les pieds. À l'égard de la population, la fonction publique se comporte généralement avec les égards qui lui sont dus. Cependant, à côté de ça, il y a un grand nombre de citoyens qui doivent subir les failles de l'administration publique qui est prise dans son ensemble: les délais déraisonnables pour obtenir une satisfac- tion, et ce, même lorsque la réclamation de la personne ne soulève aucun problème particulier; la complexité des processus, la difficulté d'obtenir de l'information adéquate. Je rappelais tout à l'heure nos statistiques: une plainte sur trois s'avère fondée à nos bureaux. Il faut cependant nuancer: il faut dire que, lorsque les gens s'adressent à nous, c'est très souvent en dernier recours et dire qu'une plainte sur trois chez le Protecteur du citoyen est fondée ne signifie pas qu'une fois sur trois les services gouvernementaux sont mauvais. Mais ce qu'il faut considérer, c'est que nous recevons des plaintes et que nous ne sommes pas les seuls à recevoir des plaintes. Ce même sondage dont je vous parlais tout à l'heure qui a été fait au mois d'août indique que 10 % des ménages québécois estiment avoir été victimes d'injustice par les ministères ou organismes dans les 12 derniers mois. Ceci représente 237 000 personnes.

Alors, si l'on parle de qualité des services, il faut peut-être faire la distinction entre les gestes ou les décisions individuels des fonctionnaires et ce que j'appellerais les gestes systémiques de la fonction publique. Il y a un certain nombre d'injustices ou d'erreurs qui proviennent de l'acte ou de l'omission d'un fonctionnaire personnellement. Il s'agit notamment des erreurs. Eh bien, des erreurs, on en trouve. Par exemple, je vais vous donner des cas à la Régie des rentes. Si la Régie des rentes se trompe sur la date de naissance d'une personne et que le fait de se tromper fait en sorte que la personne reçoit une rente pendant de nombreuses années qui est supérieure à ce qu'elle aurait dû recevoir et qu'un jour le ministère ou l'organisme découvre l'erreur, que fait-on? On rétablit la rente à ce qu'elle devait être. Et dans un cas récent, par exemple, une dame âgée recevait une rente de 450 $ et on a découvert l'erreur. Ce n'était pas la faute de la madame. C'est simplement la saisie de données à l'informatique où on s'est trompé sur la date de naissance. Cette personne-là aurait dû recevoir l'équivalent de 300 $. Mais, alors, qu'est-ce qui arrive dans un cas comme ça? Une erreur comme ça est dramatique, parce que la Régie des rentes va récupérer 50 % de ce qui est dû sur les montants à venir. Alors, ce qui fait que, du jour au lendemain, la dame qui était habituée à recevoir 450 $ par mois, elle tombe à 150 $ par mois. Mais ce qui est encore plus dramatique, MM. les députés, c'est que la personne doit rembourser ce qu'elle a reçu en trop, mais elle n'a pas la possibilité, par exemple, de retourner auprès du gouvernement fédéral, et d'aller chercher le supplément de revenu garanti qu'elle aurait eu autrement, parce que ce n'est pas rétroactif, le supplément de revenu garanti. Alors, une simple erreur comme ça de transcription à l'informatique est absolument dramatique. Alors, ce sont des cas d'erreurs de la part des fonctionnaires, des décisions déraisonnables.

Ça arrive qu'il y ait des abus de pouvoir. Je prends, par exemple, l'exemple suivant: une femme qui est divorcée, qui a obtenu un montant de 30 000 $ sous forme de forfait, comme équivalent de pension alimentaire, et qui, trois ans plus tard, présente une réclamation à la sécurité du revenu ou à l'aide sociale. Le fonctionnaire exige que la personne prouve hors de tout doute raisonnable qu'elle n'a pas dilapidé son argent en vue de devenir admissible à l'aide sociale, ce qui veut dire, en pratique, que le fonctionnaire a exigé de cette personne tous les reçus d'épicerie depuis trois ans, tous les reçus lorsqu'elle allaft au bureau de poste acheter des timbres. C'était absolument déraisonnable. On est intervenus et on a fait réaliser au fonctionnaire qu'H y aurait peut-être d'autres moyens que ça pour établir l'admissibilité de la personne. Par exemple, on sait ce que coûte un panier de provisions dans une épicerie. Alors, c'est le genre d'erreur individuelle.

Il y a aussi les erreurs systémiques. Les erreurs systémiques, je vais vous en donner une qui est tout à fait récente, la réforme de l'aide sociale. La réforme de l'aide sociale, c'est certainement un cas où on n'avait pas prévu des iniquités de la sorte. Dépendant de l'endroit où on se trouve au Québec, on subit un traitement injuste quand il s'agit de se faire déclarer disponible aux mesures de relance. Si vous vivez dans une région où le transport en commun n'est pas aisé ou n'existe pas ou presque et qu'on vous propose une mesure d'employabilité dans un village à quelques kilomètres de là alors que vous vivez dans un rang et qu'il n'y a pas d'autobus, sauf un très tôt le matin et un autre très tard le soir, ou encore qu'on propose un rattrapage scolaire à une femme de 49 ans, de retourner à l'école et que ça n'adonne pas au niveau des moyens de transport, eh bien, l'agent d'aide sociale, que fait-il? Ce n'est pas compliqué, il la déclare non participante en lui disant: Vous n'avez pas les moyens de vous déplacer. Une personne est injustement pénalisée parce qu'elle reste dans une région où il n'y a pas de transport en commun. (10 h 30)

Ça, ce sont des préjudices de type systémi-que. Je pourrais vous donner de multiples exemples, il y en a dans le mémoire que je vous ai déposé. Mats moi, je dis une chose: Que les injustices soient causées par l'acte de fonctionnaires individuellement ou à cause de la complexité ou de l'inadéquation des systèmes mis en ptace par l'administration, il reste que, pour l'individu, ça ne change rien. Vous savez, pour un individu qui subit une injustice, lui, quand il regarde ça, c'est son problème et c'est son gros problème dans l'année. Souvent, ce sont des questions de niveau de revenu. Quand un gestionnaire, un statisticien ou un administrateur de la fonction publique regarde les données statistiques, il voit que, dans 90 % des cas, ça va bien, dans 10 % des cas, ça va mal. Mais 10 % des cas, d'après la loi des grands nombres, vous savez, ce n'est pas important pour une personne qui se base sur des statistiques. Mais dans les 10 % qui ne marchent pas, il y a des vies humaines, il y a du monde dont les droits sont en jeu, dont l'avenir est en jeu, tout ça parce qu'ils ont été injustement victimes d'illégalité, de gestes déraisonnables ou d'erreurs.

Je pense que, finalement, ce que j'ai à dire, c'est que, même si dans l'ensemble, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, elle est compétente et dévouée, la fonction publique devra, dans les prochaines années, prendre tous les moyens pour développer l'approcha client dans les services publics, comme ça se fait de plus en plus, on le voit, dans le secteur privé par les démarches de qualité totale et autres techniques du genre. Je pense qu'il va falloir réaliser que la raison d'être de l'administration, c'est, d'abord et avant tout, l'usager, le client, la population. Je pense qu'il va falloir réaliser que les services publics sont payés par la population pour la population. Je pense qu'il faudra réaliser que tous et chacun des fonctionnaires sont payés, reçoivent leur salaire à même les impôts et les taxes du gouvernement. Et je pense que, même si la situation n'est pas dramatique, on peut certainement améliorer les choses. Dans une organisation, vous savez, ce qui se produit, c'est que la haute administration est très loin des problèmes de tous les jours. Elle élabore des grandes politiques, elle voit des données statistiques, mais, souvent, l'information ne monte pas à elle. Et souvent lorsqu'il y a des ratés dans le système sur la ligne de feu, là où les fonctionnaires traitent directement avec le public, le fait qu'il y a des ratés, ça ne remonte pas dans le système; le système est trop gros. La pyramide est trop grosse, ce qui fait que les gestionnaires, à mon point de vue, n'ont pas les outils pour être vigilants.

Je vais poser une question très simple: II y a combien de ministères ou d'organismes du gouvernement du Québec, comme au fédéral, comme au municipal, qui savent combien de plaintes sont acheminées à l'endroit de leur organisation? Les plaintes qui s'adressent au bureau de comté ou au bureau du ministre, c'est une infime partie de plaintes. Il y a toutes sortes de plaintes. Qui connaît le degré d'insatisfaction de la clientèle dans les ministères? Qui sait, dans un ministère - le boss dans un ministère - comment ces plaintes sont traitées? Est-ce qu'elles sont traitées de la même manière à Gaspé qu'à Rouyn, qu'à Montréal, qu'à Québec? On ne le sait pas.

On ne sait pas quel sort est réservé à ces plaintes. On ne sait pas comment ces plaintes sont traitées suivant des critères comparables. On ne sait rien. Et, pourtant, nous sommes là pour assurer des services à la population et l'approche clientèle, la notion de client, c'est

peut-être la dernière de nos préoccupations. Donc, je dis qu'entre autres choses - et j'embarque un peu sur mes recommandations, quelques-unes - il va falloir que les ministères et les organismes se dotent de systèmes d'information qui leur permettent de savoir c'est quoi le véritable niveau d'insatisfaction de la clientèle. Avant que les crises n'arrivent, il faut les prévenir.

Et ça, c'est facile à faire. On a, dans l'administration, des statistiques et des systèmes de gestion sur à peu près tout, mais pas sur ça, par exemple. Donc, je dis qu'il faut que chaque ministère ouvre un bureau de plaintes qui verra à monter des systèmes d'information pour savoir où sont les problèmes, d'où viennent les problèmes. C'est essentiel, je pense, si on veut assurer une qualité quasi totale à la population. Il ne faut pas attendre que ça pète sur la place publique, parce que, pendant ce temps-là, il y a des gens qui perdent des droits.

Une autre de mes recommandations - non seulement l'ouverture de bureaux de plaintes - il va falloir que l'administration se rapproche de la population. Prenons le cas, par exemple, des dépliants d'information. Vous savez comment la fonction publique est avare d'information. On se demande pourquoi. Mais quand elle fait de l'information, qui la comprend? Il suffit de lire les dépliants d'information produits par nos ministères et organismes pour se rendre compte que c'est un message entre initiés. Ils se parlent entre eux, les fonctionnaires et les spécialistes. Ils ne parlent pas au monde.

Les formulaires de réclamation. Regardez les formulaires de réclamation. Il y a des efforts qui ont été faits au ministère du Revenu, par exemple. Le rapport d'impôt simplifié, c'est excellent. Mais qu'on fasse la même chose pour tous les formulaires de réclamation. Combien de droits se perdent dans notre société, parce que les gens ne comprennent pas ce qu'on leur demande ou parce que c'est confus. Alors, je dis qu'il faudrait peut-être se réveiller et créer des comités d'usagers de la clientèle du ministère.

Pourquoi, par exemple, lorsqu'un ministère fait un dépliant, il ne convoque pas un comité d'usagers et leur demande: Est-ce que vous comprenez ce qu'il y a là-dedans? Même chose pour les formulaires. Même chose pour les lettres standard. Même chose pour les décisions qui sortent des régimes informatiques qui sont incompréhensibles pour la moyenne des gens. Il y a des efforts à faire.

Ce que je pense également, c'est qu'il va falloir que la fonction publique non seulement améliore son information, mais également donne de l'information. Des programmes gouvernementaux, il y en a d'excellents, mais quand est-ce qu'on retrouve de l'information sur les programmes gouvernementaux? Quand je regarde la CSST qui fait des messages extraordinaires depuis quelques semaines, c'est bien beau, pour dire qu'on est d'accord pour prévenir et tout ça... qu'on prévient les accidents de travail, mais la CSST ne donne aucune information sur les droits aux travailleurs et même aux entreprises. C'est extraordinaire! Moi, je trouve ça extraordinaire, mais on fait de la publicité à la télévision pour la Semaine de la prévention.

Ensuite, ce que je veux dire, c'est que, quand je regarde les obligations ou les attributions de tâches des fonctionnaires et de la haute fonction publique, où retrouve-t-on des attentes signifiées sur la qualité du service à la clientèle? On ne retrouve jamais ça. Moi, je pense qu'il faudrait qu'il y ait des attentes signifiées qu'on retrouve dans toutes les descriptions de tâches en commençant par le haut de la pyramide jusqu'en bas.

Enfin, ce que je pense, c'est qu'étant donné que la raison d'être de la fonction publique c'est le service à la clientèle il va falloir, je pense, que les ministères, annuellement, dans leur rapport administratif, rendent compte, soient imputables de la gestion de leurs services au niveau de la qualité. Vous savez, je suis étonné de voir que la seule obligation dans un rapport annuel d'un ministère, la seule obligation légale, c'est de faire un petit rapport sur l'application de la loi sur les non-fumeurs dans son propre ministère. Bien, je trouve ça extraordinaire! Mais le service à la clientèle, par exemple, on n'en parle pas. On a des données statistiques extraordinaires sur le nombre de réclamations, sur le nombre de ci, sur les organigrammes. On passe des pages et des pages à décrire le rôle de chacune des unités, mais le service à la clientèle dans tout ça, le client dans tout ça, où est-il? Alors, je pense qu'il va falloir obliger... Enfin, ce que je propose, c'est que la fonction publique soit tenue de rendre compte des articles 2 et 5 de la Loi sur la fonction publique annuellement et, aussi, qu'on puisse en discuter devant les élus du peuple à l'occasion des différentes activités parlementaires. Je vous remercie.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le Protecteur du citoyen. Vous feriez un bon député. Je me suis cru dans mon bureau de comté un instant. On pourrait vous appeler le député de l'administration publique d'une certaine façon aussi. Vous savez, je me posais une question. Je me disais: Est-ce que le Protecteur du citoyen avait la même sensibilisation lorsqu'il était sous-ministre en titre à la Justice? Et est-ce que tous les hauts fonctionnaires n'auraient pas intérêt à aller faire un stage chez le Protecteur du citoyen? Écoutez, c'est un commentaire qui est purement gratuit. J'ai beaucoup de questions à vous poser, mais M. le député des Îles-de-la-Madeleine a demandé la parole avant que je lui dise que je désirais intervenir. Alors, je vais passer la parole à M. le député des Îles-de-la-Madeleine et je vais revenir tout à l'heure. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Merci, M. le Président. M. le Protecteur du citoyen, mesdames et messieurs, au nom de ma formation politique, c'est avec plaisir qu'on vous accueille ici aujourd'hui et je vous remercie Infiniment pour l'excellence de votre mémoire aussi. Je pense que ça peut éclairer les membres de la commission et ça démontre jusqu'à quel point, parles exemples que vous nous donnez à l'intérieur de votre mémoire, une des préoccupations principales qui vous animent, c'est te service aux citoyens. Les exemples que vous mentionnez à l'intérieur de votre mémoire dénotent quand même certaines failles. Je pense que, de façon objective, il va falloir y travailler afin de tes atténuer te plus possible.

D'entrée de jeu, M. te Protecteur du citoyen, une remarque qui me frappe au niveau de votre mémoire, c'est ta méconnaissance du Protecteur du citoyen, compte tenu de l'efficacité du Protecteur du citoyen, dans ie sens suivant, c'est qu'à la page 7 de votre mémoire vous dites: "Notre pouvoir de recommandation pour faire corriger une situation injuste est efficace: tes organismes et ministères acceptent, dans plus de 99 % des cas, d'apporter les correctifs demandés par notre institution. " Donc, je pense que ça démontre quand même un genre d'efficacité en termes de réponse à vos suggestions, à vos commentaires.

Par ailleurs, vous êtes méconnu de la population, à mon avis, parce que, dans un sondage que vous citez, vous dites: "Près du tiers de la population adulte connaît notre existence - seulement - mais moins de la moitié de ce groupe est réellement informée des services offerts par notre organisme. " Et, en plus, un peu plus loin, vous dites: "Les citoyens qui méconnaissent le Protecteur du citoyen se définissent principalement comme suit: les personnes en milieu défavorisé, les 18-34 ans et les femmes. " Ça, ça m'inquiète davantage parce que c'est cette clientèle-là qui a souvent affaire au gouvernement, la clientele défavorisée au niveau de l'aide sociale, au niveau des affaires sociales également. Alors, est-ce que vous pensez qu'il y a moyen d'améliorer la notoriété du Protecteur du citoyen au niveau de la population? Et, si oui, quel moyen entendez-vous prendre parce que, compte tenu du taux d'efficacité, je pense que c'est important que les gens connaissent votre service?

M. Jacoby: Je pense que c'est un problème, pas parce qu'on veut devenir un empire. C'est un problème parce que je me dis: Ceux qui ont, entre guillemets, la chance de s'adresser à nous et aussi de s'adresser au député dans leur comté, ceux qui ont la chance de s'adresser à nous, si vraiment il y a une injustice, ils peuvent la voir corrigée, ils vont la voir corrigée. Alors, le problème de la notoriété ou de la connaissance que peut avoir le public du Protecteur du citoyen, il tient à beaucoup de facteurs. Je peux dire qu'historiquement partant on n'a jamais accordé de budget de publicité, d'information et de communication au Protecteur du citoyen. Il faut comprendre que l'administration n'a peut-être pas intérêt à ce qu'il soit plus connu. Il faut penser aussi que nous n'avons pas de bureaux régionaux, nous n'avons pas d'accueil au niveau régional. Et ça, ça joue beaucoup je pense. Je suis en train de regarder ça; te fait que nos bureaux soient à Montréal et Québec, même si les gens peuvent nous appeler sans frais de partout au Québec, il va sans dire que, n'ayant pas de petit drapeau sur place, on n'est pas présents et les gens ne savent pas qu'on existe. Alors, il y aurait peut-être moyen, dépendant évidemment des ressources, d'avoir à tout le moins des bureaux d'accueil pour recevoir les plaintes en région. Ce qu'on entend faire, c'est... À partir du sondage qui a été fait au mois d'août, je peux vous dire qu'on s'était royalement trompés. On pensait que, vraiment, les personnes qui avaient le plus besoin de nous nous connaissaient. On constate que c'est peut-être celles qui ont le moins besoin de nous. Je ne dis pas qu'elles n'ont pas besoin de nous, mais plusieurs d'entre elles, de celles qui nous connaissent, ont le moyen de se payer un avocat ou un professionnel pour défendre leurs droits. Alors, on va être obligés de corriger un peu nos campagnes d'information ou la façon dont on fait passer le message. Finalement, on est connus traditionnellement par du bouche à oreille, mais, dans là mesure où il y a une volonté gouvernementale et, surtout, une volonté des parlementaires que le Protecteur du citoyen, qui relève du Parlement, de l'Assemblée nationale, puisse jouer efficacement son rôle sans mettre en cause ou en péril le rôle du député dans sa région, moi, je pense qu'à partir de ce moment-là on va pouvoir certainement avoir un impact plus grand, donc augmenter le nombre de corrections d'injustices et d'erreurs qui sont causées par l'administration.

M. Farrah: M. le Président, à la page 3 de votre mémoire, vous dites: En réponse à la question de la commission: "Le citoyen reçoit-il les services de qualité auquel il a droit? Vous dites: "Nous préconisons avant tout que le citoyen soit véritablement le premier client de l'administration. " Qu'est-ce que vous sous-enten-dez par là? Est-ce que, à l'heure actuelle, le citoyen n'est pas le premier client de l'administration?

M. Jacoby: Oui, il est le premier client, mais il devrait véritablement l'être. C'est la distinction. Voici, je vais m'expliquer là-dessus. Vous savez, dans toute organisation et particulièrement dans l'administration publique, que ce soit provinciale, fédérale, municipale, et c'est vrai à l'échelle du monde, ce qu'on peut constater, c'est que l'administration publique, lorsqu'elle élabore, par exemple, des systèmes pour mettre en oeuvre des programmes gouvernemen-

taux qui ont été adoptés, votés par les parlementaires par des lois, on élabore des systèmes informatiques, on développe des procédés et méthodes, on fait un tas de choses pour la mise en oeuvre d'une loi ou d'un programme sauf que - et ça, ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les experts en sociologie et en comportements des organisations - la tendance, c'est d'abord de bâtir des systèmes en fonction de sa propre commodité, de son propre confort. On oublie qu'ultimement c'est le client qui doit être la personne privilégiée. (10 h 45)

Alors, quand un directeur de l'informatique a décidé un jour que tel document, on ne peut pas le produire avant six mois à cause de problèmes informatiques, bien, lui, il a décidé ça, il ne pense pas au client, là. C'est son problème. Il y a un "bug" dans le système et c'est de même que ça se passe. On ne fera pas les efforts, c'est ça que je veux dire. On bâtit des systèmes dans la fonction publique d'abord pour son propre confort, pour ne pas avoir de problèmes de gestion, mais en oubliant le véritable client, on se trouve à avoir des problèmes énormes de gestion. Vous savez, la non-qualité, c'est ce qui coûte le plus cher dans l'administration comme dans le secteur privé.

M. Farrah: Comme le disait le président de la commission, c'est ce qu'on appelle les roitelets. Est-ce qu'on peut faire une analogie avec la constatation suivante? Souvent, lorsqu'on a des commandes de coupures d'effectifs, malheureusement, la première tentation, en tout cas, est peut-être de couper des effectifs au niveau du terrain, au bas de la structure, et c'est là que c'est important au niveau du service à la clientèle. Si je me fie à vos propos, c'est justement peut-être qu'à plus haut niveau on veut protéger un peu son royaume au détriment du service à la clientèle, plus bas. Est-ce exact?

M. Jacoby: Je rejoins ce que vous dites parce que, quand je disais tout à l'heure que ce sont d'abord les premiers gestionnaires d'un ministère qui doivent être vigilants, la tendance, comme on est loin... Les grandes décisions de compression budgétaires, où est-ce que ça se prend? Les grands ensembles, c'est au Conseil du trésor, mais le Conseil du trésor ne va pas dans le détail, lui; c'est le ministère ou l'organisme. Les hauts fonctionnaires vont allouer ou répartir les coupures suivant des choses qui ne tiennent pas compte suffisamment de ce que j'appelle la ligne de feu. Souvent des coupures vont se traduire par le fait qu'on va remplacer ou engager des occasionnels pour des postes où l'on fait affaire directement avec les personnes, avec les clientèles. Je n'ai rien contre les occasionnels, bien au contraire, mais quelle est la formation que l'on donne à un occasionnel? Quand on lui remet dans les mains un manuel d'opération de 300 pages, qui comprend 600 directives pour l'application d'un programme, qu'on lui donne une formation de trois jours, comment voulez-vous qu'il donne un bon service à la clientèle? C'est impossible. Alors, ce sont des coupures de bouts de chandelle très souvent.

Il y a des réflexes, dans la fonction publique, qu'il faut changer. Quand on a des problèmes, par exemple, des fois, avec une personne, un employé - ça, combien de fois je l'ai vu aussi lorsque j'étais sous-ministre, des gens qui sont un peu dysfonctionnels dans le système, ils dérangent tous leurs collègues dans le bureau - alors que fait-on avec cette personne? On l'envoie a la réception. Au moins, elle ne nous parle plus; elle va parler au monde. Imaginez, si la personne est dysfonctionnelle à l'intérieur de l'organisation, comment ça va être comme service à la clientèle.

M. Farrah: Au royaume des borgnes et des fonctionnaires. Pour continuer, au niveau de l'imputabilité, à la page 2, au deuxième paragraphe de votre mémoire, vous dites: "Par ailleurs, le manque de latitude des fonctionnaires de première ligne, l'insuffisance de formation du personnel, la lourdeur des processus de décision, la rigidité des manuels d'opération et les disparités régionales favorisent la lésion et deviennent des causes d'insatisfaction des personnes qui font appel au Protecteur du citoyen." N'est-ce pas là un constat qui fait en sorte ou que ça amène une entrave à l'imputabilité? Est-ce que le système n'est pas trop lourd? Est-ce qu'il ne va pas falloir adapter le système afin d'y inclure l'imputabilité?

M. Jacoby: II va falloir s'ajuster, mais il faut commencer à quelque part. Actuellement, la fonction publique n'est pas imputable. Quand je dis imputable, je ne dis pas qu'elle n'est pas responsable, je dis qu'elle ne rend pas compte de l'exercice de ses responsabilités autrement qu'à l'intérieur de l'organisation. Quand je parle d'imputabilité, c'est une reddition de comptes que l'on fait devant des gens de l'extérieur. Normalement, les redditions de comptes se font envers des parlementaires ou des officiers qui sont indépendants de l'administration. Rendre compte, c'est parce qu'il faut commencer par quelque part et, moi, je vais vous expliquer ma philosophie.

Si on demande à chaque ministère, donc à chaque sous-ministre, à chaque dirigeant, à chaque ministre d'y voir aussi, d'avoir un chapitre dans son rapport annuel sur le service à la clientèle en indiquant précisément ce qui doit être dans ce rapport, bien c'est très simple. Que l'on indique dans ce rapport le nombre de plaintes reçues dans une année par rapport à tel programme du ministère, premièrement, la nature, par catégorie, de ces plaintes, comment ces plaintes ont été traitées, dans quel délai elles

ont été traitées, et qu'on demande à ce ministère d'expliquer le pourquoi de ces plaintes. Ensuite, on lui demandera de proposer annuellement les mesures pour corriger ces anomalies ou ces ratés du système et, chaque année, le ministère va rendre compte de l'éflectivité ou de l'impact des mesures adoptées l'année précédente. Là, on va commencer quelque part. Et, alors, les causes d'insatisfaction dont on parlait, la lourdeur, la complexité et toutes ces autres causes... Que les ministères soient obligés de faire des analyses pour rechercher les causes de toutes ces plaintes-là, et qu'ils disent publiquement: Voici, dans tel secteur, par exemple, on a eu beaucoup de plaintes parce que des gens ont perdu des droits; on a découvert que c'était notre formulaire qui était confus ou qui portait à confusion. Eh bien, cette année, nous entendons modifier le formulaire de telle et telle façon, de façon à ce qu'il soit accessible au monde qui l'utilise. Voici de l'imputabilité et on le dit aux parlementaires. On le dit à qui de droit. Et l'année suivante on vérifie quel a été l'impact. Est-ce que les 123 plaintes de perte de droits à cause du formulaire l'année 1990, en 1991, ça sera tombé à 15. Bien là, on aura vu que des mesures auront été mises en place avec cet objectif de privilégier d'abord le citent.

M. Farrah: Peut-être...

Le Président (M. Lemieux): Allez-y, je vous en donnerai un petit peu plus.

M. Farrah: À la page 18 de votre rapport, c'est une recommandation. "Par ailleurs, nous recommandons que la Loi sur la fonction publique et/ou les politiques de gestion des ressources humaines soient modifiées de sorte que les employés qui sont en contact direct avec la clientèle puissent, sans crainte de représailles, faire valoir auprès des autorités les failles du programme gouvernemental et tes difficultés rencontrées dans leurs rapports avec les citoyens, et que les autorités des ministères et organismes accordent priorité au règlement de ces difficultés. " J'ai certaines réserves à inclure cela au niveau de la Loi sur la fonction publique, parce que c'est des principes de base de gestion, la consultation avec ses subalternes, avec les cadres. À ce moment-là, ça démontre possiblement une faille au niveau de la gestion. Mais est-ce qu'il ne faut pas, peut-être, intervenir pour implanter une gestion participative plutôt que de l'inclure dans la loi où ça pourrait amener une lourdeur? C'est quoi, la consultation? Est-ce qu'il peut être entendu ou pas? Est-ce qu'il peut émettre des griefs, etc. ? Alors, c'est un principe fondamental de gestion. Ça devrait être de facto.

M. Jacoby: Oui, bien, ce que je dis bien dans ma recommandation, c'est ou que la loi ou que les politiques soient modifiées, parce que je n'ai pas fait de discrimination particulière sur ce point-là. Mais une chose est certaine, c'est qu'il faut aller au fond du problème. Vous savez, le fonctionnaire de première ligne, qui applique un programme, qui répond à la clientèle, qui accepte, qui rend des décisions et ainsi de suite, s'il y a quelque chose qui ne marche pas... Il y a une culture organisationnelle dans la fonction publique qui est un peu pernicieuse. Il y a cette culture, qui est fondée ou pas, qui veut que, si un employé de la base commence à rapporter des problèmes à son supérieur immédiat, on pense qu'il ne veut pas connaître les problèmes de l'autre et ainsi de suite. Et on ne veut pas remonter dans le système parce qu'on a peur de se faire reprocher d'avoir été à la source ou l'occasion d'une erreur ou d'une injustice. C'est cette culture. Finalement, on n'accepte pas que l'employé ait le droit à l'erreur, en régie interne. Alors, s'il n'a pas le droit à l'erreur et qu'il commence à expliquer à son boss que le système ne marche pas, bien, son boss va peut-être dire: Le système ne marche pas. Et il va se demander: Est-ce que je vais en parler à mon boss? Ils l'ont bâti à Québec, le système, c'est extraordinaire, ça marche. Et c'est comme ça. Moi, je vois ça tous les jours.

Alors, ce qu'il faut, c'est que les politiques de gestion des ressources humaines soient modifiées pour véritablement, lorsqu'on élabore des programmes gouvernementaux ou lorsqu'on les met en oeuvre, que toutes les unités soient consultées et surtout les unités qui sont sur les lignes de feu. Parce que c'est peut-être là qu'on a le plus d'expérience dans la problématique du service à la clientèle C'est là que les problèmes commencent et, souvent, nous le constatons, nous, dans nos interventions, parce que nous parlons aux fonctionnaires de première ligne, comme à leurs chefs de service. Et on se fait dire parfois par les fonctionnaires, en toute bonne foi: Ça, on le savait. On leur a dit que ça ne marcherait pas, mais ça ne s'est jamais rendu en haut. Alors, il y a un problème de gestion des ressources, toujours dans le cadre de l'objectif de qualité du service à la clientèle. Moi, je pense que le fonctionnaire de première ligne est aussi important que le sous-ministre dans un organisme, même si ses responsabilités ne sont pas les mêmes, et qu'il faut tenir compte de son avis lorsqu'il voit et constate des ratés dans l'administration du programme d'aide sociale, d'accidents du travail et ainsi de suite.

Le Président (M. Lemieux): Seulement une petite question. On est conscients que la culture de gestion doit évoluer et, à mon avis, je suis un de ceux qui pensent que le fonctionnaire a droit à l'erreur, car, si ce fait-là n'est pas reconnu, c'est synonyme de statu quo: je ne bouge pas de peur justement de faire une erreur et c'est le public qui paie un peu pour ça. Mais,

au-delà de tout ça, j'aimerais faire un peu appel à votre expertise. Vous avez sans doute été membre du forum des sous-ministres lorsque vous étiez sous-ministre en titre; vous avez été sous-ministre en titre, vous êtes Protecteur du citoyen. Il y a les articles 2 et 3 de la loi et les services de qualité à la population.

Vous savez, il y a un grand principe aussi dans la loi, c'est le principe d'imputabilité. Je vais vous amener sur un sujet qui est brûlant et qui a l'air de faire peur à bien du monde, à beaucoup de hauts fonctionnaires, c'est l'im-putabilité externe. Est-ce qu'à vos yeux vous croyez qu'une forme d'imputabilité externe est nécessaire, essentielle pour en arriver à une meilleure qualité de service aux citoyens? Est-ce que les sous-ministres devraient, en faisant une différenciation au niveau des objectifs et des moyens pour atteindre ces objectifs, c'est-à-dire... Est-ce que vous croyez qu'une commission parlementaire se devrait d'exercer un certain contrôle au niveau de l'imputabilité externe au niveau de la haute fonction publique? Je parle davantage à l'ancien sous-ministre qu'au Protecteur du citoyen.

M. Jacoby: Je vais vous répondre avec mes deux chapeaux en même temps.

Le Président (M. Lemieux): Ça me ferait plaisir.

M. Jacoby: Vous savez, vous posiez la question au tout début: Est-ce que, lorsque j'étais sous-ministre, je voyais les choses de la même façon? Je pourrais dire que non, je ne les voyais pas, parce que, d'abord, au départ, à cause de la monstruosité de la machine, il y a de l'information qui ne monte pas. C'est tout à fait sporadique quand on se rend compte qu'il y a un problème. Je vais vous dire comment sont traités les problèmes d'une manière générale quand on ne sait pas ce qui se passe au niveau de la qualité du service. Vous avez une plainte, soit que le bureau du ministre vous la dépose: Voulez-vous me régler ça, dernande-t-il, ou encore elle vous arrive autrement. Vous demandez une étude dans votre ministère sur la question: qu'est-ce qui s'est produit dans le dossier? Puis, on vous fait un beau rapport, c'est bien fait, c'est parfait, c'est "clean". On nous dit que, c'est sûr, il y a une erreur, une injustice; on conclut toujours en disant que c'est un cas marginal exceptionnel et que ça ne se reproduira plus. C'est ça, l'information qu'ont les hauts gestionnaires. Je ne dis pas que c'est de la mauvaise volonté de la part de la machine. Le système est gros et la préoccupation clientèle n'est peut-être pas assez élevée. Mais, l'imputabilité, je vous dis une chose: Oui, je pense que les ministères et organismes et la fonction publique doivent être imputables à l'externe, parce qu'il y a des choses à l'interne que personne ne voit jamais.

Je vais vous donner la démocratie. Vous savez, les programmes gouvernementaux, c'est d'abord les députés, les élus du peuple, qui les font en adoptant des lois. Ces lois prévoient un pouvoir de réglementation. Ce pouvoir de réglementation est exercé par le biais de décrets du Conseil des ministres. Jusque-là, les élus du peuple et les ministres voient ce qui se passe par rapport à un programme, mais la vraie vie d'un programme gouvernemental, ce n'est pas la loi, ce n'est pas le règlement. La vraie vie, je vais vous dire ce que c'est: ce sont tous ces instruments qui sont conçus, élaborés, appliqués par des fonctionnaires et jamais un représentant du peuple n'aura l'occasion de donner son avis.

Alors, voici les documents. Les documents, c'est l'ensemble des manuels d'opération utilisés par l'administration pour la mise en oeuvre d'un programme gouvernemental, des manuels de centaines de pages; ce sont les politiques administratives élaborées par les fonctionnaires pour l'application d'un programme; ce sont les directives internes d'interprétation, des directives d'application élaborées par des fonctionnaires que personne d'autre que les fonctionnaires ne voit; ce sont les directives non écrites, les plus pernicieuses, qui font des ratés dans le programme. En d'autres termes, pour les lois, il y a un contrôle parlementaire, un contrôle du peuple, de la population et du public, mais la vraie vie de la loi, tous ces instruments qui font que dans la vie de tous les jours on rend des services aux citoyens, personne d'autre que la bureaucratie ne les voit. Je dis que le monde caché des programmes gouvernementaux est plus important, entre guillemets, que le monde visible des programmes gouvernementaux que sont les lois, parce que la vraie vie est là. (11 heures)

Donc, au moins, à cause de ça, je pense que les ministères et organismes devraient être imputables à l'externe de leurs gestes en matière de services à la clientèle, parce que, dans 95 % des cas, les difficultés, elles originent non pas dans la loi, rarement dans le règlement; elles originent dans la pile d'instruments et d'outils de travail conçus, élaborés et appliqués par la fonction publique, instruments qu'on ne voit pas.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux d'abord, au nom de l'Opposition, féliciter le Protecteur du citoyen et son équipe pour la présentation qu'il nous offre aujourd'hui. C'est extrêmement riche en commentaires et en suggestions très concrètes. Au risque d'offenser sa modestie, moi, je vais répondre à la question du président: Est-ce que vous étiez aussi sensibilisé lorsque vous étiez sous-ministre? Sûrement pas. Mais je dois dire que c'était un des

sous-ministres les plus sensibilisés, M. le Prési-derit. Comme responsable des relations avec les citoyens pendant deux ans et demi, j'ai eu à travailler avec tous les ministères, tous les organismes et la Justice avait fait des efforts considérables, comme bien d'autres ministères d'ailieurs. Alors, je tiens à lui exprimer, à lui et son équipe, toute notre admiration pour le travail excellent qui est fait.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de La Prairie, peut-être qu'une des suggestions de la Commission, ça sera, comme je le disais tout à l'heure, que tous les sous-ministres en titre et adjoints puissent faire un stage chez le Protecteur du citoyen.

Ml. Lazure: Oui. Moi, je l'endosserais volontiers. J'ai quelques commentaires et quelques questions. Pour ajouter un certain nombre de renseignements, les médias ont fait état d'un sondage qui a été commandé par la commission où, en gros, 90 % de la population se disait satisfaite des services. Vous arrivez à des conclusions un peu différentes, légèrement différentes. Et un autre sondage fait auprès des attachés politiques de tous les bureaux de comté de député nous donne des données un peu différentes. Mais au départ, moi aussi, je veux réaffirmer, comme vous, que la très grande majorité des fonctionnaires sont à la fois compétents, courtois et dévoués. Ceci étant dit, je vais commencer par le sondage par voie de questionnaire qui a été fait de façon non partisane et envoyé aux 125 bureaux de député; 95 ont répondu, ce qui est un très bon taux, 76 %. Et à la fin, quand on note le degré de satisfaction générale, 69, 5 % des attachés politiques, encore une fois, dans les proportions...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de La Prairie, peut-être pour préciser la nature du sondage, c'est un sondage qui a été fait par la commission et auprès de quelle clientele?

M. Lazure: Oui. C'est ce que je viens de dire.

Le Président (M. Lemieux): O. K.

M. Lazure: Auprès des attachés politiques. Les réponses reflètent la proportion entre le parti au pouvoir et le parti de l'Opposition. Et la grande majorité des attachés de bureau de comté qui répondaient avaient plus de trois ans d'expérience. Donc, ce sont des répondants qui ont quand même une connaissance intime des plaintes des citoyens. Alors, 69, 5 % sont satisfaits des services rendus par les fonctionnaires aux citoyens, 30, 5 % se disent cependant insatisfaits. Bon, au départ, c'est assez différent de l'autre sondage, 1QOP, qui donnait 90 %. Parenthèse, si IQOP a donné 90 %, à mon avis, on a une partie de la réponse dans le fait que, dans le sondage IQOP - je reviens à IQOP - page 39, discussion, on dit: Les résultats de cette enquête indiquent clairement que l'accès aux services de la fonction publique se fait prioritairement par le biais du courrier Ces résultats proviennent de la pénétration des services du ministère du Revenu, rapports d'impôt, et de la Régie de l'assurance automobile du Québec. À eux seuls, et c'est ça qui est important, ces deux organismes représentent 85, 4 % des services qui ont fait l'objet d'une évaluation dans le sondage. Autrement dit, quand le sondage dit: 90 % des gens sont satisfaits, ça veut dire en gros que 90 % des gens qui ont eu le contact annuel pour leur permis de conduire ou l'immatriculation à la Régie et pour leur rapport d'impôt sont satisfaits. Et ça ne donne pas une image fiable, si vous voulez, de l'ensemble de la machine gouvernementale, malheureusement.

Tandis que, quant à moi, le sondage fait auprès des attachés politiques est beaucoup plus représentatif, parce que les ministères qui sont surtout touchés, c'est Sécurité du revenu, CSST, Revenu Québec, ministère de la Santé et des Services sociaux, Régie de l'assurance automobile du Québec aussi. Et dernière remarque sur ce sondage auprès des attachés politiques qui m'apparaît extrêmement important, parce que 40 % considèrent que la qualité des services de la fonction publique s'est améliorée au cours des dernières années, mais 44 % disent que c'est à peu près la même et 15 % disent que ça s'est détérioré.

Une dernière remarque sur les attachés politiques: 56 % des attachés politiques ont trouvé les formulaires plutôt simples, mais 44 %, trop complexes. Dans le sondage \QOP, sur les formulaires, parce que vous en parlez beaucoup, et avec raison, ce ne sont pas seulement les assistés sociaux ou les analphabètes qui ont de la difficulté à remplir les formulaires. Il y a quelque chose d'intéressant ici, selon le degré d'instruction, les gens qui ont demandé de l'aide pour remplir le formulaire, instruction primaire, 50 % ont demandé de l'aide; au secondaire, 32 %, au collégial, 27 %; universitaire, 28 %. Alors, même nos universitaires, c'est beaucoup ça, un sur quatre a eu besoin d'aide pour remplir des formulaires. Je trouve que c'est un commentaire extrêmement éloquent sur l'aspect déconnecté de nos formulaires.

J'arrive à des propositions bien concrètes qui me rappellent les propositions que nous faisions au Secrétariat aux relations avec les citoyens, à l'époque, de former des comités d'usagers de région en région, que les ministères et organismes leur soumettent les formufaires. On l'avait fait pour l'aide sociale à un moment donné et on l'a fait avec le Revenu aussi. Le Revenu s'est amélioré énormément depuis quelques années et aussi la Régie de l'assurance automobile du Québec. Mais il faut que les

ministères aillent rencontrer les usagers, des comités d'usagers, à qui ils vont soumettre le brouillon du formulaire en question. Parce que les formulaires sont de plus en plus faits avec le langage robotique, le langage de l'ordinateur, le langage de l'informatique, qui est absolument désincarné, souvent qui est incompréhensible par le citoyen ordinaire.

Alors, je vous pose quelques questions... Juste aussi pour appuyer vos propositions de modifier la loi pour que, dorénavant, il y ait dans la loi obligation, pour le fonctionnaire, de fournir des renseignements adéquats à la clientèle et, notamment, sur ses droits de recours. Deuxièmement, aussi votre autre suggestion de modifier la loi pour que les organismes et ministères, dans leur rapport annuel, rendent compte des plaintes et des mesures qui ont été prises. Je retiens ces deux suggestions-là, bien concrètes.

Le bureau des plaintes, c'est assez désolant quand on se rend compte, dans votre mémoire, qu'il y a seulement un organisme qui a son bureau des plaintes, seulement un dans tout l'appareil gouvernemental. Il y en a une dizaine, une douzaine qui ont un préposé aux plaintes. Il y en a autant qui vous ont dit: On va en avoir un bientôt. Il y a des progrès, mais c'est lent, c'est lent. Par conséquent, la question que je vous pose: Pour seconder vos efforts - parce que ce ne serait pas normal que le Protecteur du citoyen soit le seul organisme à jouer ce rôle de chien de garde de la qualité des services à la clientèle, ce ne serait pas normal, ce n'est pas tout à fait dans son rôle non plus - est-ce que vous voyez un organisme quelconque qui serait un peu l'équivalent de ce que le Secrétariat aux relations avec les citoyens a tenté d'être pendant quelques années? Et, si oui, quel organisme verriez-vous pour jouor co rôlo de promoteur auprès des organismes, auprès des ministères, pour, au fond, s'assurer que vos 30 recommandations et celles du Vérificateur général ou d'autres soient mises en application?

M. Jacoby: C'est une question que vous me posez, une excellente question. C'est parce que, en tout cas, personnellement, j'ai beaucoup évolué, entre guillemets, à rebours ou je ne sais pas comment. Mais je me dis une chose, c'est que, pour assurer un maximum de qualité de service, il faut d'abord et avant tout que les premiers dispensateurs de services soient responsables et soient sensibilisés. Je pense que l'effort pour l'approche à la clientèle doit venir, d'abord et avant tout, des ministères et des organismes dans l'application de leurs programmes. Est-ce qu'il est nécessaire de créer une structure gouvernementale relevant de l'administration pour dire au monde: Vous devriez mieux remplir vos services à la clientèle? Je pense que c'est possible sur un plan administratif, mais je ne suis pas convaincu que ce soit la meilleure solution dans le contexte actuel, parce que je pense quand même qu'il y a des efforts qui ont été faits. Je pense qu'il faudrait plutôt que les organismes centraux... Prenons le Conseil du trésor. Le Conseil du trésor est responsable des politiques de gestion financière et également des politiques de gestion du personnel. Il y a aussi une partie qui est attribuée à l'Office des ressources humaines et il y a la Commission de la fonction publique aussi qui a un mandat d'enquête par rapport à la qualité de services à l'intérieur de l'organisation pour le personnel à l'interne et aussi pour celui qu'on recrute de l'externe.

Moi, je dis que ce sont ces organismes centraux... Pourquoi, par exemple, le Trésor? Mais, là, je parle du Trésor et je sais qu'il y a un conflit d'intérêts possible. Le Trésor, normalement, c'est celui qui détermine les ressources budgétaires et les ressources en effectifs, et celui qui détermine les politiques de gestion des ressources humaines, comment on les gère et pourquoi on les gère. Au moment où on se parle, le Conseil du trésor devrait établir des politiques de gestion des services à la clientèle. Ça fait partie du reste. Il contrôle tout, le Trésor.

Si ce n'est pas le Trésor, je pense que chaque ministère devrait certainement, au niveau de chaque ministre... Parce que, dans le fond, c'est le ministre. Le ministre est responsable de son ministère. Il est responsable plus à distance de son organisme. Le ministre devrait être la première personne qui se préoccupe du service à la clientèle.

Dans le fond, ce que je dis, c'est que, si on établit un mécanisme de reddition de comptes à l'externe, obligatoire pour chaque programme gouvernemental, on n'aura peut-être pas besoin de créer une superstructure. Si on n'en établit pas, il est possible qu'on ait besoin d'une superstructure.

M. Lazure: Empiriquement, de par l'expérience... Vous savez les efforts qui ont été faits auxquels vous avez contribué, votre ministère à l'époque et, plusieurs ministères. En 1985, lorsque le gouvernement, à tort ou à raison, décide de fermer cette structure-là, de mettre la clé dans la boîte, on a dit: Dorénavant, chaque ministère, chaque organisme... On a dit ce que vous venez de dire, il y a 5 ans. Et quand on a demandé, depuis quelques semaines, aux gens qui viennent nous voir... On se rend compte que les hauts fonctionnaires et les cadres ne sont même pas au courant que leur ministère est censé assumer les fonctions qu'assumait le secrétariat. Alors, je pense que, de façon empirique, on a la preuve que ça n'a pas fonctionné. Et toute la documentation qui avait été accumulée au secrétariat est dans des boîtes ou sur des tablettes au ministère des Communications et ne sert pas actuellement. La preuve, vous le dites vous-même, il y a un seul bureau de plaintes

après tous les efforts qui ont été faits. Moi aussi, je partage votre avis que ce serait la meilleure façon de le faire dans chaque ministère, chaque organisme. Je crois qu'il y a lieu encore, pour un certain temps, d'avoir un organisme central léger - le secrétariat, c'était 10 personnes - qui est comme une espèce de commando qui se promène de ministère en organisme pour s'assurer que les recommandations vont être suivies.

Un autre commentaire sur les fonctionnaires de première ligne. À bon droit - et je pense qu'on les oublie trop souvent - vous dites que la machine n'écoute pas assez le fonctionnaire de première ligne, surtout le fonctionnaire de première ligne qui est en région. Et c'est lui ou c'est elle qui connaît vraiment les plaintes et les besoihs des citoyens. Je trouve que cette approche clientèle qui est tellement évidente, quand on en parle entre nous comme ça, elle est oubliée par les ministères, elle est oubliée par les organismes. Et ce n'est pas valorisant. J'irais même jusqu'à dire que, pour tes cadres supérieurs ou intermédiaires, ce n'est pas une chose valorisante de s'oceuper de ça. C'est plus valorisant de s'occuper des équilibres financiers.

Et ce que vous disiez du Trésor tantôt, on a tenté d'impliquer le Trésor en 1983-1984. Le Conseil du trésor n'a jamais voulu s'impliquer là-dedans. Et c'est trop éloigné de sa préoccupation.

M. le Président, je conclus en disant que, quant à nous, de ce côté-ci, on retient pratiquement la totalité des recommandations du Protecteur du citoyen. Ce serait intéressant de voir, dans un an ou deux, comment les ministères et les organismes auront réagi à ces recommandations qui sont tellement pertinentes. Merci. (11 h 15)

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le député de La Prairie. Seulement pour votre information, M. le Protecteur du citoyen, la commission du budget et de l'administration a demandé à 61 organismes et ministères - on a eu 56 réponses - les moyens et mécanismes qui ont été mis en place pour améliorer des services de qualité aux citoyens, et ça nous a un peu surpris: il y a une sensibilisation actuellement au niveau de la clientèle et de la qualité du service aux citoyens. Ça, c'est une chose qui nous apparaît évidente, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas encore un grand bout de chemin à faire. À nos yeux, il reste encore beaucoup à faire. C'est peut-être la première forme d'im-putabilité externe de la commission, une des premières formes.

M. le député de Limoilou.

M. Després: Merci, M. le Président. Je pense, M. ie Protecteur du citoyen, que vous et les législateurs avez le même objectif, ici, ce matin, le service à 4a ttientèle, et je pense que vous avez absolument raison. On a tendance bien souvent, entre autres dans les organisations qui touchent la fonction publique, à oublier de parler des résultats au niveau des plaintes de chacune des organisations. Vous nous dites dans votre document qu'il y a une organisation qui a établi un bureau de plaintes Je n'ai pas en tête ou en mémoire le délai, depuis combien de temps on a établi ce bureau de plaintes, mais est-ce que vous avez été capable chez vous, à partir du moment où on a établi dans cette organisation un service de bureau de plaintes, de voir une évolution par rapport au nombre de plaintes qui, malgré qu'on ait établi un bureau de plaintes dans cette organisation, ont pu se rendre de toute façon au Protecteur du citoyen?

M. Jacoby: Peut-être que le premier bureau de plaintes officiel qui a été ouvert, c'est celui du ministère du Revenu qui a donné lieu à un protocole d'entente entre le Protecteur du citoyen et le ministère du Revenu. Effectivement, ce bureau de plaintes fonctionne depuis l'automne dernier et ce que l'on peut constater, c'est que, d'une part, il y a beaucoup de dossiers où autrefois, nous étions obligés de nous battre avec l'appareil pour faire changer des décisions du ministère du Revenu. On les réfère à ce bureau de plaintes et ce bureau de plaintes nous règle les dossiers avec beaucoup plus d'efficacité, étant donné qu'en plus il est près de l'autorité. Ça, c'est une chose.

Deuxièmement, et c'est surtout ça qui est important, étant donné que ce bureau de plaintes est connu, il y a de plus en plus de personnes qui vont adresser leurs plaintes au bureau de plaintes. Et, moi, ce que je dis, c'est que c'est très important, parce que, avant de venir chez le Protecteur du citoyen ou avant de venir au bureau du député, il y a une responsabilité des citoyens aussi de ne pas recevoir une décision et dire: Ah! Bien, là, je ne suis pas content, je m'en vais chez le Protecteur du citoyen. Retournez au ministère ou à l'organisme dans un premier temps. Donc, ce bureau de plaintes répond à des besoins et je pense que c'est une formule.

Maintenant, je peux vous dire qu'il y a d'autres ministères qui nous ont avisés, suite à nos interventions, de la création de ces bureaux de plaintes, et il y en a plusieurs. Vous en avez plusieurs dans le mémoire, sauf que, malheureusement, il n'y a pas de publicité autour de ces bureaux de plaintes. J'ai l'impression que, dans certains cas, c'est plutôt pour se donner bonne conscience qu'autre chose. Mais ce dont je suis convaincu, c'est qu'il faut mettre les responsabilités aux bons endroits et je voudrais terminer là-dessus.

La qualité d'un service dans le respect des droits des personnes, c'est d'abord la responsabilité d'un ministère et d'un organisme. Quand le service est mal donné ou que les droits ne sont pas respectés, c'est d'abord au ministère ou

à l'organisme de le corriger. Pour ce faire, il faut qu'il y ait une structure légère qui soit capable de le corriger et je pense que le bureau de plaintes, c'est la solution dans bien des programmes gouvernementaux, mais ça ne suffira pas.

Je peux vous dire qu'il y a d'autres initiatives. Actuellement, nous sommes en train de développer un protocole d'entente avec la Régie de l'assurance-maladie. Véritablement, elle fait ça très sérieusement. Il y a vraiment des ministères qui font ça très sérieusement et qui veulent absolument réduire le nombre de plaintes, mais ce n'est pas la majorité. Vous savez, quand on dit: Ils nous ont envoyé les mesures qu'ils ont adoptées depuis trois ans pour améliorer le service à la clientèle, oui, les mesures c'est une chose, mais leur application, c'est autre chose. Il ne faut jamais oublier ça.

M. Després: II y a un autre point, M. le Président, dans le cadre où vous avez souligné que la formation des fonctionnaires de première ligne laissait à... quelques fois ou qu'on connaissait mal les lois ou les règlements. Vous avez laissé sous-entendre que, bien souvent, des occasionnels occupaient justement ces postes de première ligne. Est-ce que vous avez des données qui nous démontrent, par rapport aux plaintes que vous recevez dans chacun des ministères, que, justement, parce que vous avez parlé des occasionnels... Est-ce que, justement, les plaintes qu'on reçoit sont dues au fait que ceux qui occupent ces postes sont plus souvent des occasionnels que des réguliers et que des occasionnels n'ont pas toujours eu le temps, d'acquérir l'expérience, la formation sur toute cette réglementation ou ces lois-là? Est-ce que vous avez des données là-dessus pour répartir...?

M. Jacoby: Je n'ai pas de données précises comme telles. Ce que je sais, c'est qu'on inves-tigue de plus en plus sur la manière dont les programmes sont appliqués. Je réalise, par exemple, dans le secteur santé et sécurité au travail, sur la loi 42 en tout cas, que, l'année dernière, if y avait, sur 400 agents d'indemnisation en première ligne à travers la province, le tiers d'occasionnels. Or, on constate qu'il y a dans ce secteur-là des plaintes, fondées ou pas, c'est autre chose. Moi, je trouve ça terrible, c'est parce que la formation, c'est absolument essentiel. Quand on sait que, par exemple, un fonctionnaire de première ligne n'a pas de formation sur la loi qu'il applique, n'a pas de formation sur la jurisprudence qui a interprété la loi, tout ce qu'il sait, c'est ce qui est dans son manuel d'opération. Il ne sait pas, il n'a pas de "rebound" sur les mauvaises décisions qu'il a rendues, sauf qu'un jour il va recevoir du central une directive qui a été élaborée en haut, un an plus, tard, pour corriger des ratés qu'il y avait au niveau de la première ligne et il ne saura jamais que c'était lui qui a été à l'origine du problème. Il ne saura jamais quelle est la jurisprudence. Les agents de première ligne n'ont comme seul outil de travail que leur manuel d'opération et il n'y a pas de formation autre qu'une formation rapide sur ce que veut dire ce manuel sans connaître l'esprit de la loi et sans connaître l'esprit du programme. Ça, c'est un manque et c'est propre... Je pense qu'au gouvernement, c'a toujours été le tort, à chaque fois qu'il y a des compressions budgétaires, on tombe sur la formation, on coupe la formation...

Le Président (M. Lemieux): Toujours la formation.

M. Jacoby: ...alors que des entreprises performantes dans le secteur privé savent très bien que, quand ils ont des problèmes de concurrence, de compétition et de marché, il faut mettre des ressources et de l'argent sur la formation et la formation continue. On marche à l'envers. Ça, je trouve ça dramatique et je pense que c'est un autre problème de culture. Mais je pense que les organismes auraient au moins la responsabilité de dire clairement au monde: Vous avez des coupures cette année en pleine période, en pleine année, ne touchez pas à la formation, s'il vous plaît.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Limoilou, une autre question.

M. Després: Dans le même ordre d'idées, M. le Protecteur du citoyen, donc vous êtes d'accord qu'au niveau de la formation, du développement des ressources humaines, il y a un manque de ce côté-là. Sauf que vous avez dit tout à l'heure: Le Conseil du trésor contrôle tout. On sait qu'il a la responsabilité de contrôler la gestion des dépenses gouvernementales et en même temps du développement des ressources humaines. J'aimerais vous entendre là-dessus, à savoir si, à votre point de vue et avec votre expérience, on devrait dissocier la responsabilité du développement des ressources humaines en faisant porter le chapeau à quelqu'un d'autre que le Conseil du trésor.

M. Jacoby: Vous voulez que je parle comme Protecteur ou comme ex-sous-ministre?

M. Després: Au chapeau que vous voulez, monsieur.

Le Président (M. Lemieux): Ex-sous-ministre, je préférerais.

M. Jacoby: Je n'ai pas été invité à titre d'ex-sous-ministre, moi, là.

Le Président (M. Lemieux): Non, mais c'est vous-même qui vous êtes avancé, vous savez.

M. Jacoby: C'est pour ça, M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): Vous m'avez tendu la perche.

M. Jacoby: Est-ce que j'ai droit à mon avocat?

Le Président (M. Lemieux): Je me suis dépêché de me boucher l'oreille à part de ça, pour ne pas que ça sorte.

M. Jacoby: Non, écoutez. Moi, ce que j'ai pu constater lorsque j'étais sous-ministre, c'est qu'il est évident qu'il y a une apparence de conflit de préoccupations, pour ne pas dire d'intérêts, dans les grandes responsabilités du Conseil du trésor. Moi, ce que j'ai constaté, c'est que, à la fois le Trésor élabore des politiques en matière de gestion financière et, en même temps, des grandes politiques en matière de gestion des ressources humaines. Sauf que, pour des raisons de culture, j'imagine - vous savez, on a modifié la Loi sur la fonction publique, on a fait sauter le ministère de la Fonction publique, il y a quelques années, et le Trésor a rapatrié une partie des responsabilités du ministère - pour des raisons historiques, ce qui compte pour le Trésor, la première priorité P1 dans toutes ses priorités, c'est évidemment le budget. Je pense qu'au Trésor il n'y a pas d'équipe, il n'y a pas une unité pour contrebalancer ça. Je pense qu'on s'occupe de gestion des ressources, mais quand je regarde le nombre de personnes et de spécialistes qui s'occupent de détruire ou de critiquer ou d'accepter les mémoires présentés par les ministères en termes de questions financières et, parallèlement à ça, le nombre de personnes affectées à la gestion des ressources humaines, je veux dire, regardons et on verra qu'il y a un déséquilibre complet. Je ne dis pas qu'il est absolument nécessaire. Écoutez, vous me posez une question à brûle-pourpoint. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il faudrait que le Conseil du trésor considère comme priorité P1 autant le service à la clientèle par le biais de la gestion des ressources humaines que sa priorité en matière d'équilibre financier. Et peut-être qu'à ce moment-là les ministres, lorsqu'ils siègent autour de la table du Conseil du trésor, et les députés dans le caucus auront des choix éclairés quand ils auront à prendre des décisions parce que ce n'est pas vrai qu'une analyse du Conseil du trésor qui ne prend en considération que le problème d'équilibre financier généralement... Et c'est leur job au Trésor, il faut bien comprendre ça. Leur job, c'est de dire: Écoutez, on a des problèmes financiers et on rétablit les équilibres.

Mais, quand c'est toute la culture de ces analyses, où va-t-on? Moi, je suis convaincu que le système actuel, au Trésor, fait en sorte que les ministres responsables du Trésor n'ont pas tout I éclairage qu il faut lorsqu ils prennent les décisions qui affectent le service à la clientèle. Il me semble, puisque ces ministres décident des grands ensembles, du grand portefeuille budgétaire et d'effectifs du gouvernement, qu'il serait tout à fait normal que l'organisation du Trésor soit ainsi faite que les ministres soient conscients de tous les impacts de leurs décisions. Dans les mémoires au Conseil du trésor, il faudrait peut-être qu'il y ait un chapitre sur le service à la clientèle, sur l'impact sur le service à la clientèle.

Le Président (M. Lemieux): On vous remercie. Alors, une dernière question, M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Ça a existé pendant deux ans, ça, mais, moi, c'est le seul point de divergence que j'ai avec le Protecteur du citoyen: il a encore ses illusions sur la possibilité que le Conseil du trésor puisse assumer autant son rôle de protecteur de la bonne qualité des services aux citoyens que son rôle de protecteur des finances. Bon, l'avenir nous dira si c'est possible, en tout cas, un recul d'une dizaine d'années, de 10 ou 15 ans. Moi, je pense que c'est quasiment impossible. Je pense que la Loi sur la fonction publique, dans toutes les parties autres que la surveillance financière, devrait être assumée par un autre ministre et un ministre aussi senior que le président du Conseil du trésor pour faire le contrepoids, la contrepartie.

Deuxièmement, vous avez raison de dire, quand il y a des coupures, que ça va sur la formation, mais ça va aussi sur les effectifs en région et je trouve ça épouvantable. Ça, ce n'est pas partisan. Les deux ou trois gouvernements que j'ai connus l'ont fait parce que les décisions à savoir où couper se prennent à Québec, centralement, et on ne va pas s'autocouper. On va couper les régions et c'est là que ça fait mal quant à la qualité des services aux citoyens quand on coupe en région.

Ma dernière question, M. le Protecteur. Vous avez parlé de l'acheminement des plaintes, tantôt. C'est vrai que vous avez un problème parce que vous n'êtes pas assez connu en région, vous n'êtes pas assez connu des clientèles défavorisées. Elles ne savent pas trop comment vous rejoindre. Le réseau du ministère des Communications, qui est assez bien réparti à travers le Québec, a démontré, dans le passé, une certaine sensibilisation aux besoins de la clientèle. Est-ce que ce réseau ne pourrait pas être utilisé comme une porte d'entrée pour l'acheminement des plaintes qui iraient vers vous ou vers les ministères concernés?

M. Jacoby: Le réseau, actuellement, est utilisé en ce sens qu'il a le Protecteur du citoyen parmi les recours à qui s'adresser quand on a des problèmes, sauf qu'on n'est pas privi-

légié par la politique qu'applique le réseau en question, d'une part. On est traité comme tout le monde et ce n'est pas certain que, lorsque Communication-Québec, par rapport à une plainte, va dire: Allez chez le Protecteur du citoyen, on va plutôt aller à l'interne et ainsi de suite. Je pense que le réseau, on l'utilise, actuellement, mais, évidemment, le réseau n'a peut-être personne à privilégier. Alors, c'est autre chose. Je pense qu'il y aurait lieu de peut-être revoir avec le réseau de Communication-Québec s'il n'y aurait pas lieu d'améliorer les choses.

M. Lazure: Oui, merci.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le Protecteur du citoyen, pour votre participation à cette commission parlementaire. Nous allons suspendre trois minutes afin de permettre à l'Office des personnes handicapées du Québec de bien vouloir prendre place a la table des témoins.

(Suspension de la séance à 11 h 29)

(Reprise à 11 h 35)

Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux afin d'entendre l'Office des personnes handicapées du Québec. À l'ordre, s'il vous plaît! Auriez-vous la gentillesse et l'amabilité de bien vouloir vous asseoir?

Je demanderais au responsable de l'organisme de bien vouloir s'identifier et d'identifier les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Office des personnes handicapées du Québec

M. Perreault (Gaston): Mon nom est Gaston Perreault. Je suis président-directeur général de l'Office des personnes handicapées. À ma droite, M. Marius Jacques, qui est membre du conseil d'administration de l'Office des personnes handicapées, et à ma gauche Mme Lise Constantin qui est chef de service dans notre service de recherche à l'Office des personnes handicapées.

L'Office des personnes handicapées, M. le Président, MM. les membres de la commission, tient à remercier les membres de lui permettre d'exprimer ses commentaires sur la Loi sur la fonction publique. À titre de président de cet Office, je débute en vous disant que je me sens fort d'une loi qui est très jeune, qui a à peine 12 ans, une loi qui est loin d'être désuète, une loi qui trouve sa force dans l'expression unanime des membres de l'Assemblée nationale qui l'ont votée en 1978, une loi garantissant l'exercice des droits des personnes handicapées au Québec. L'Office des personnes handicapées "a pour fonctions de veiller à la coordination des ser- vices qui sont dispensés aux personnes handicapées, d'informer et de conseiller les personnes handicapées, de promouvoir leurs intérêts et de favoriser leur intégration scolaire, professionnelle et sociale." C'est à ces titres que l'Office se prononce dans le cadre de l'actuelle commission parlementaire concernant la Loi sur la fonction publique.

Lorsqu'on parle de modifier une loi qui s'adresse à toute la fonction publique, dont la mission, comme le disait lui-même M. Daniel Johnson lorsqu'il s'est présenté ici au début d'octobre, est de mettre en oeuvre les politiques gouvernementales et de fournir au public des services de qualité, il va de soi que l'Office des personnes handicapées se sent fortement interpellé. La raison en est fort simple. L'intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées, la qualité des services qu'elles sont en droit de recevoir sont directement reliées à leur présence dans les différents milieux.

La qualité des services aux personnes handicapées et leur embauche au sein de la fonction publique québécoise ne sont possibles que si le gouvernement assume pleinement ses responsabilités à leur égard. Il a un rôle de chef de file dans le développement de mesures favorisant . l'intégration sociale des personnes handicapées.

En tant que principal employeur au Québec et comme promoteur de mesures d'équité sociale, le gouvernement a des responsabilités de taille. Il se doit de montrer l'exemple en matière d'intégration au travail de groupes qui sont historiquement discriminés. Les chiffres qui sont mentionnés dans le mémoire et qui suivent permettent de constater que des efforts supplémentaires doivent être faits.

De 0,96 % en 1987, représentant 508 personnes, le taux de représentation des personnes handicapées occupant un poste permanent au sein de la fonction publique québécoise est passé à 0,74 %. Une diminution, puisque nous en sommes rendus à 391 personnes, sur, permettez-moi de le mentionner, selon les derniers chiffres que j'ai vus, quelque 52 000 fonctionnaires permanents et quelque 10 000 et plus occasionnels. Le gouvernement s'était engagé en 1984 à atteindre un taux minimum de 2 % de représentation des personnes handicapées dans la fonction publique. Selon l'avis de l'Office des personnes handicapées, il doit être plus ferme dans l'application de son plan visant l'embauche des personnes handicapées. Pour votre information et à titre peut-être de renseignement, l'Office a lui-même dans son personnel 20 % de personnes handicapées, quelque 40 personnes handicapées sur un effectif de 200. Avec 40 sur 391, nous représentons 10 % de l'effectif de personnes handicapées du gouvernement du Québec quand nos effectifs représentent à peine 0,3 % de l'effectif total. L'Office, tout en étant très petit, peut démontrer, je crois, que c'est possible.

Le gouvernement a pris des engagements, mais il doit y avoir des responsables du respect de cet engagement, de la livraison de ta marchandise. La réalisation de l'engagement de l'embauche des personnes handicapées doit être un des éléments de l'évaluation de la performance des responsables, des sous-ministres, des dirigeants d'organismes ou autres. Cette imputabilité doit être interne, bien sûr, mais aussi externe devant tous ceux qui ont des intérêts et des volontés pour l'embauche de personnes handicapées et je mentionne les membres de l'Assemblée nationale, je le répète, fort de leur support, ayant voté une loi à l'unanimité.

La politique d'ensemble de "À part... égale" a été le fruit de la participation de toute la société québécoise. II serait juste que les gestionnaires aient à rendre compte devant tel dossier de sa réalisation, en particulier en ce qui concerne les ressources humaines dont Us sont responsables.

Nous pensons, de plus, que la fonction publique doit exercer un leadership dans le développement de pratiques équitables et novatrices dans ce domaine. Étant confiants que notre fonction publique saura relever le défi, nous pensons que l'imputabilité externe contribuera à la diffusion d'un modèle positif d'utilisation du potentiel humain. Nous nous attendons aussi à ce que cette imputabilité assure aux ministères et aux organismes une souplesse suffisante pour que les adaptations nécessaires à certaines personnes handicapées soient possibles: qu'on parte d'adaptation de postes de travail, d'accessibilité, de reconnaissance de congés liés aux déficiences ou autres. Nous espérons aussi que certaines exigences concernant la classification pourront être plus rapidement réévaluées.

Les problèmes de coordination, en ce qui regarde cette approche, sont aussi absents et sont toujours d'actualité. Plusieurs moyens pourraient être pris par le gouvernement, mais tous ces moyens doivent trouver leurs assises dans la volonté réelle d'atteindre les objectifs qui sont recherchés. Permettez-moi de citer à titre d'exemple certaines entreprises dans le domaine privé qui ont pris les moyens qu'il fallait pour atteindre un objectif qu'elles aussi s'étaient donné. Permettez-moi de parler d'une entreprise qui, après quelques mois, est encore près de mon coeur, si vous voulez, Bell Canada. Bell Canada s'est donné un objectif d'au-delà de 8 % dans l'embauche actuelle des personnes handicapées: 8 % parce qu'elle a l'intention d'atteindre d'ici 1994 un chiffre de 3, 2 % de ses employés. Elle s'est donné du rattrapage. D'autres ont aussi adapté leurs postes de travail de façon que leurs emplois puissent être comblés par une personne handicapée.

D'autres exemples dans l'entreprise privée. Permettez-moi de vous parler de Pratt et Whitney, une entreprise qui, comme vous le savez, a connu énormément de difficultés au niveau de la gestion de son personnel, mais qui est partie avec deux personnes handicapées à son service il y a trois ans et qui est rendue aujourd'hui à 16 personnes handicapées à son service, qui représentaient 1 % de sa main-d'oeuvre; qui s'est donné aussi des programmes de sensibilisation pour son personnel, ainsi que des programmes d'accueil. Je pourrais vous parler des quincailleries Pascal qui, en 1989, l'an dernier, avaient à leur service 24 personnes handicapées, représentant 2, 5 % de leur main-d'oeuvre. Tout ça pour vous faire comprendre que, lorsqu'on veut, on peut. (11 h 45)

L'Office, en ce qui regarde les programmes de qualité de services, est convaincu que le transfert de ces programmes permettra aussi une meilleure harmonisation de l'intervention gouvernementale auprès des personnes handicapées, tout en contribuant à la réduction des impacts négatifs dus au chevauchement des différents programmes, qu'on parte de frais administratifs, de fractionnement de programme, de double ou de triple délais, ou autres. L'Office tient à rappeler la politique d'ensemble de prévention de ta déficience et d'intégration sociale des personnes handicapées vers laquelle doivent converger les décisions gouvernementales. Le gouvernement doit développer des moyens pour évaluer la satisfaction des personnes handicapées elles-mêmes en regard des services qui leur sont attribués. Il doit s'assurer également que ses immeubles sont accessibles et ses moyens de communication adaptés aux personnes handicapées.

Sur le plan de l'accessibilité architecturale, une toute petite enquête non scientifique a été réalisée par une société, qu'on appelle la Société communautaire logique à Montréal, qui a démontré que, sur I'île de Montréal seulement, les édifices gouvernementaux sont souvent inaccessibles aux personnes ayant des limitations fonctionnelles. Je vous en nomme quelques-uns: l'Office franco-québécois pour la jeunesse, la Bibliothèque nationale du Québec, le Protecteur du citoyen, la Commission des transports du Québec, des magasins de la Société des alcools et d'autres. Notre expertise nous permet de penser qu'une enquête plus large nous aurait sans doute révélé un nombre impressionnant d'édifices gouvernementaux inaccessibles aux personnes ayant des limitations fonctionnelles. Je vous rappelle pour ceux qui ont lu les journaux que, tout dernièrement, il y avait un avocat dans la région de Saint-Jérôme qui ne pouvait malheureusement pratiquer son droit, parce que le palais de justice était inaccessible.

Quant aux services de médiatisation adaptés aux personnes ayant une déficience visuelle ou auditive, qui sont aussi des barrières, la situation, permettez-moi de le mentionner, est encore pire. Tantôt, vous avez mentionné, à partir d'une

enquête qui avait été faite auprès d'un bon nombre d'organismes, dont l'Office des personnes handicapées, qu'il y avait eu beaucoup d'amélioration en ce qui regardait la qualité des services et l'accès à la clientèle. Permettez-moi de souligner qu'il y a encore une clientèle qui, à mon avis, est complètement absente des services qu'on peut lui fournir, ce sont ceux qui auraient besoin d'un média substitut, telles les personnes ayant des problèmes auditifs, telles les personnes très souvent ayant une déficience visuelle. Le manque de préoccupation, je crois, fait que nous en sommes encore là, pas rendus là, encore là, parce qu'il n'y a pas eu réellement de départ.

L'accès aux édifices où se donnent les services et la présence de moyens de communication adaptés sont les premiers aspects à considérer lorsqu'on vise une qualité de services aux citoyens et aux citoyennes. Permettez-moi, strictement à titre de préoccupation, quand je vous dis que la préoccupation n'y est pas réellement et que c'est là finalement qu'il faut qu'on se donne des moyens, de vous citer quelques exemples. Tout dernièrement, le ministère du Revenu émettait, avec beaucoup de bonne volonté et beaucoup de satisfaction pour sa clientèle, un document "La personne handicapée et la fiscalité", un document qui date de décembre 1989, où on disait aux personnes handicapées tous les avantages de la fiscalité dont elles pouvaient... On avait à titre d'exemple, pour bien identifier qu'il s'agissait de personnes handicapées, une personne aveugle avec un chien-guide. Excellent. Le seul problème, c'est qu'une personne aveugle ne peut pas le lire. Il n'est pas disponible en média adapté ou en braille. Il n'est pas, non plus, sur cassette où elle pourrait l'entendre. Donc, l'exemple même dont on se sert, M. Jacques qui est à côté de moi ne peut pas en prendre connaissance; un manque de préoccupation, pas un manque de bonne volonté.

Un autre exemple, peut-être, qui est plus proche de nous et qui rejoint l'embauche, "L'éthique dans la fonction publique", un document du Conseil exécutif, qui date du premier trimestre de 1990, où on mentionne, dès le départ, en ce qui regarde la fonction publique: "De façon à mériter la confiance du public, le fonctionnaire doit rendre des services de qualité et gérer efficacement les ressources publiques. Cela ne saurait se faire sans le respect de certaines normes d'éthique qui commandent à tous et chacun une conduite exemplaire dans l'accomplissement de sa tâche. " Des fonctionnaires qui auraient une déficience visuelle ne peuvent pas le lire. Il n'est pas disponible sur cassette ou en braille. Peut-être qu'il n'y a pas de fonctionnaire qui possède cette déficience.

Il faut admettre qu'il y a des pas, bien sûr, qui ont été faits au cours des dernières années pour favoriser l'intégration sociale des personnes handicapées. Il faut l'avouer, l'admettre et le comprendre, il reste beaucoup à faire. Les acquis, actuellement, sont fragiles. Ils sont acquis, mais fragiles. Comme nous l'avons mentionné dans notre mémoire, il semble à l'Office que le gouvernement a des responsabilités de taille envers les personnes handicapées. Il doit savoir, à notre avis, que cette décision de restreindre l'accès à certains services ou l'absence de volonté de sa part nuisent à l'intégration au travail ou à l'école ou dans le milieu social des personnes handicapées. Elles peuvent également rendre impossible l'accomplissement d'activités aussi courantes que se lever le matin, se nourrir, se vêtir ou se déplacer.

Permettez-moi de terminer en appuyant sur le fait que le gouvernement du Québec a pris ses décisions, à ce que nous sachions, en ce qui concerne l'intégration et la participation des personnes handicapées. Il s'est donné une loi, une loi qui garantit l'exercice des droits des personnes handicapées. Il a fait ses choix, il s'est donné des objectifs. Il a maintenant la responsabilité de s'assurer que ceux à qui il en confie la réalisation prennent les moyens pour les atteindre. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie. Vous savez, je suis très sensible à ce que vous venez de dire. Je ne vous trouve peut-être pas assez méchant. Je ne vous trouve pas assez méchant parce que j'ai eu l'occasion, moi, d'avoir une personne handicapée comme collaboratrice pendant deux ans, qui était aveugle, comme secrétaire. J'ai eu l'occasion, aussi, dans mon comté, le comté de Vanier, d'avoir souvent affaire avec l'administration gouvernementale, eu égard au placement de personnes handicapées, même celles déjà sur des listes de déclaration d'aptitudes. J'ai eu l'occasion aussi de regarder souvent si le travail avait été fait relativement à l'article 53 de la loi 51: "Lorsque le niveau dans lequel se retrouve la personne qui est nommée suite à un concours comprend un candidat visé par l'application d'un programme d'accès à l'égalité et que celui-ci n'est pas choisi, le sous-ministre ou le dirigeant d'organisme doit transmettre au Conseil du trésor les raisons pour lesquelles il n'a pas choisi celui-ci. " C'est de la foutaise. Je vous trouve généreux, très généreux de ne pas nous en parler plus que ça.

M. Perreault: M. le Président... Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Perreault:... mon charme, si vous permettez, vu que vous trouvez que je ne suis pas méchant.

Le Président (M. Lemieux): Oui, je trouve que...

M. Perreault: Je crois que c'est quand même

dans le partenariat que nous allons réussir à avancer.

Le Président (M. Lemieux): Je suis bien conscient que c'est peut-être dans le partenariat, mais lorsqu'il y a un blocage mental... Et c'est la question que je vais vous poser. Parce que, vous savez, l'objectif est de 2 %. On ne se fera pas de cachette, là. Il était de 2 % en 1985, il n'a pas fluctué, il est à 0,74 %, c'est pas mal constant. Moi, ce dont je me rends compte comme député... C'est le député qui vous parle. J'essaie de contrôler la manifestation de mes émotions, je dois vous avouer que c'est difficile, parce que vous nous donnez des exemples de gens dans l'entreprise privée, mais je pense que, comme société et comme gouvernement, on a un rôle à jouer à cet égard-là. Ce que je constate, et j'aimerais vous poser la question... Est-ce que c'est exact, à vos yeux, qu'il y a un blocage mental au niveau des dirigeants et des administrateurs à engager des personnes handicapées dans la fonction publique parce qu'il y a un manque d'efficience et d'efficacité de la part de ces gens-là? Est-ce que vous avez vraiment, vous, cette impression-là que souvent c'est ce qui se passe? Et si on ne connaît pas, à l'intérieur de la machine, un directeur de personnel, quelque part dans un ministère à qui on peut essayer de "ploguer" quelqu'un et de faire comprendre qu'il a un rôle social à jouer, on a de la difficulté à placer des personnes handicapées dans la fonction publique. D'autant plus qu'on est rendu assez loin, on est rendu à un rangement au mérite par niveau avec la nature du handicap et la nature de l'emploi à combler pour un concours réservé aux personnes handicapées. En plus, on en arrive peut-être à une forme de discrimination en vertu du handicap plus ou moins lourd par rapport à un autre.

Alors, on voit qu'il y a des efforts consacrés par peut-être la collectivité du gouvernement. Mais ce qu'on constate et ce que je constate comme député, c'est qu'il y a vraiment un blocage qui est systémique, au niveau des personnes handicapées dans la fonction publique Et tout ce que je veux avoir de vous - vous êtes le président et je ne voudrais pas que vous essayiez de ménager la chèvre et le chou; on est là pour les aider et on est là, nous aussi, pour faire un travail comme parlementaires - est-ce que vous l'avez senti, ce blocage-là au niveau des getionnaires?

M. Perreault: M. le Président, il faut me connaître et je n'essaie pas de ménager la chèvre et le chou.

Le Président (M. Lemieux): Je l'espère!

M. Perreault: II y a une chose que je veux qui soit connue. Depuis que suis arrivé à l'Office, j'y ai consommé tout mon temps et plus à faire savoir que l'Office des personnes handicapées n'a pas été créé pour être neutre. L'Office des personnes handicapées, dans mon esprit, représente les personnes handicapées. Et, à ce titre-là, il est partial et se doit de les représenter, d'être assis sur le même banc qu'elles. Donc, à ce titre-là, je pense qu'il est important qu'on puisse non pas essayer de sauver la chèvre et le chou, mais essayer de faire avancer les choses.

Depuis que je suis arrivé, en ce qui regarde l'embauche des personnes handicapées et d'autres choses, j'ai commencé à faire une tournée auprès des sous-ministres du gouvernement pour essayer, premièrement, de me faire connaître, qu'ils sachent qui je suis et, moi aussi, de les connaître, de parler de leur engagement, de parier de leur ministère, des responsabilités qu'ils ont et d'un certain nombre de choses incluant l'embauche de personnes handicapées.

Le gouvernement s'est donné un plan d'embauché qui date de 1984 dans lequel existe un certain nombre de moyens. Mais j'ai le goût peut-être de répéter ce que M. Jacoby vous a dit ici sur le fauteuil avant, peut-être sur d'autre chose. C'est que les plans sont là, les moyens sont là, mais ça demeure là. Ça peut être pour des raisons de préjugés ou parce qu'on pense qu'il y a un manque de productivité, il y a un problème ici, il y a un problème là, peut-être, je ne le sais pas, mais il y a un manque de préoccupation. Une chose que je sais, c'est que je crois que les sous-ministres, les responsables ou les dirigeants d'organismes sont aussi capables de rendement et de réalisations que n'importe qui en autant qu'ils en aient le goût, qu'ils en aient la préoccupation. Je peux vous dire que la préoccupation d'embaucher des personnes handicapées dans les différents ministères au niveau des personnes que j'ai rencontrées n'est pas présente.

Les gens que j'ai rencontrés ne savent pas, premièrement, s'il y en a. Première réponse. Deuxièmement, on ne sait pas combien. J'oserais dire que ceux qui savent un peu combien il y en a, c'est parce qu'ils s'en sont un peu préoccupés. Mais il n'y en a pas. Il n'y en a pas. Il y a 62 000 fonctionnaires en ETC maintenant, comme on les appelle, au Conseil du trésor, des équivalents temps complet. Donc, 2 %, ça devrait dire à peu près 1400 employés, fonctionnaires personnes handicapées. Il y en a 400. Il faudrait tripler. On peut avoir des concours réservés, c'est marqué dans le plan d'embauché selon des décisions du Conseil du trésor. Je serais curieux de savoir combien il y en a eu depuis six ans.

Le Président (M. Lemieux): Sauf qu'ils meurent sur les listes de déclaration d'aptitudes.

M. Perreault: II n'y en a pas. Je pourrais vous mentionner quelque chose. Le Conseil du trésor, qui a la responsabilité de la politique au niveau du personnel et tout ça, qui est respon-

sable aussi du plan d'embauche, qui demande à tous les ministères de faire des rapports et de faire des choses qui a la préocupation, si vous voulez, j'ai été informé tout dernièrement qu'il avait été alerté en ce qui regarde certaines conditions d'embauche pour des personnes handicapées dans des normes de qualification et tout ça, qu'il se devait de faire certains changements. On avait répondu que c'était de la plus haute importance et qu'il fallait s'y mettre. Ceci date d'à peu près un an.

J'ai été informé il y a à peu près trois semaines qu'une personne qui avait fait application pour devenir agent de la paix avait été disqualifiée au départ parce qu'elle avait besoin d'une prothèse auditive. Lorsqu'on se donne des plans d'embauche pour faire des concours réservés, toutes sortes de choses spéciales, et je ne veux pas toutes vous les énumérer, comment pouvons-nous nous cacher en arrière d'un règlement qui n'a pas été corrigé? Cette personne-là a été refusée à la porte d'entrée parce qu'elle avait une prothèse auditive. Vous avez la réponse à votre question.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député des Îles-de-la-Madeleine. (12 heures)

M. Farrah: Merci, M. le Président. Premièrement, M. Perreault, madame, monsieur, bienvenue. Je vais me référer au mémoire du Protecteur du citoyen qui, à la page 10, premier paragraphe, dit ceci: "Toute la clientèle de l'État n'est cependant pas captive ou l'est à des degrés divers - et il y a toujours ceux qui savent se débrouiller à l'intérieur du système et même ceux qui fraudent l'État. Une trop grande part de l'énergie de l'État est d'ailleurs souvent consacrée à ces individus plutôt qu'à la majorité constituée des gens ordinaires qui n'osent pas trop déranger, poser des questions et même exercer leurs droits. " Dans mon esprit, je pense que vous êtes victimes un peu du système qui, malheureusement, mais il faut se le dire, marche sous pression, et c'est malheureux, ça. Pensez-vous, un peu, que vous n'êtes pas victimes de ça, qu'en fin de compte des groupes ou, en tout cas, des gens ou peu importe qui font des pressions peut-être plus efficaces, même si elles ne sont peut-être pas toujours correctes ou loyales, obtiennent peut-être plus l'attention de l'Etat que d'autres, au détriment d'autres, malheureusement? Et ceci, à mon point de vue, M. le Président, et je pense que c'est important, confirme l'obligation pour nous, peut-être, d'avoir le système d'imputabilité et, nous, en tant que députés, on pourrait assumer notre rôle de défendre des organismes qui, malheureusement, ne sont pas écoutés à leur juste valeur. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Perreault: Je vous avoue que je pense que vous avez raison. Je pense que M. Jacoby a raison quand il dit que, lorsqu'il existe des contraintes, des difficultés ou autres, c'est toujours, finalement, les premiers sur le bord qui prennent la porte, les premiers sur le bord qui perdent leurs services, les derniers arrivés, tout ça parce qu'il n'y a pas de permanence, il n'y a pas de droits acquis encore. Les droits sont reconnus, mais sont à acquérir, donc, finalement. Mais j'aimerais peut-être me permettre là aussi de vous souligner, quand vous pariez d'imputabilité, que je suis d'accord, dans un certain sens, avec aussi ce que M. Johnson disait - toujours dans sa présence, ici, au mois d'octobre et ici on dit la même chose - soit que la raison de l'existence de la fonction publique, c'est de rendre des services publics pour l'amélioration du bien-être de la collectivité dans laquelle sont les personnes handicapées. Il dit que les politiciens... Moi, je me retourne vers l'Assemblée nationale où sont les politiciens qui sont élus et qui sont là et je me sens encore fort de leur support et de leur vote unanime. La loi qui garantit l'exercice des droits des personnes handicapées, peut-être que je la lis mal, mais c'est une loi, à mon avis, qui possède, si vous voulez, dans un certain sens, la même légalité et le même droit que toute loi qui a été votée par l'Assemblée nationale, mais qui, à un moment donné, peut être le fruit d'une majorité. La loi qui garantit l'exercice des droits des personnes handicapées n'est pas le fruit d'une majorité: c'est l'expression unanime des membres de l'Assemblée. Et c'est avec cette force-là que j'ai peut-être pris, si vous voulez, le drapeau et que j'ai pris finalement le bâton du pèlerin là-dessus.

Je reviens à ce que M. Johnson disait. Il disait: Les politiciens établissent des choix, des priorités. La fonction publique les met en oeuvre et se charge de l'accomplisement. Si le système, c'est la fonction publique, il faut s'assurer que le système rencontre les objectifs qu'on se donne. Je viens de l'entreprise privée et je vous avoue que c'est ça qu'on faisait.

M. Farrah: Et ça marche?

M. Perreault: J'y ai travaillé de nombreuses années et il m'a semblé que ça marchait.

M. Farrah: Une dernière question, M. le Président. Je suis tout à fait d'accord avec vous, M. Perreault. De quelle façon faudrait-il s'y prendre pour que les ministères et organismes améliorent leurs services aux personnes handicapées de façon générale et concertée? Est-ce que vous avez pensé à des mécanismes qui devraient être mis de l'avant, en tout cas, à toutes sortes de moyens qui pourraient faire en sorte d'améliorer la situation parce que le constat est bien simple: la marchandise n'a pas été livrée? Lorsqu'on dit que c'est 0, 74 % alors que l'objectif était de 2 % depuis 1984, le constat est bien clair, à mon point de vue.

M. Perreault: Je pense que la politique d'ensemble, si vous parlez de moyens, est justement le document ou la politique de société que tous les ministères, tous les organismes, soient-Ils du domaine privé, parapublic ou public, s'étaient donnée. Peut-être que cette politique-là est devenue un livre de bibliothèque pour les chercheurs. Il faudrait le dépoussiérer et le ressortir.

Depuis que je suis arrivé en poste, je me suis donné comme responsabilité - je vous l'ai mentionné tantôt - de faire une grande tournée et d'essayer... Je suis très axé sur le service à la clientèle. Je pense qu'à titre de président je me dois d'être Imputable aux organismes de promotion, aux personnes handicapées, de travailler avec eux et leur faire savoir, finalement, ce que je fais, ce que l'Office fait et ce qu'on attend d'eux. Hier, j'étais dans ta région de Hull. La région de Hull s'était donné, à partir de moyens difficiles venant du milieu, un interprète gestuel pour des personnes ayant des problèmes auditifs. On a manqué de fonds. L'interprète gestuel a traversé le pont. Il travaille maintenant pour le Secrétariat d'État au fédéral. Du côté québécois, les personnes sourdes n'ont plus de logiciel humain pour transformer les paroles en gestes. Le jour où on aura des fonds, peut-être dans trois mois, dans deux mois, dans un mois, il n'y aura plus une interprète disponible. Il faudra en retrouver une autre. Donc, à mon avis, c'est manquer de vision. Quand je vous dis que les gains sont fragiles, je viens de vous en parler. Tout le monde était content, tout le monde l'avait. On a manqué de 29 000 $, à ce que je sache. On a perdu l'acquis. M. Jacques a quelque chose à dire, je pense.

Le Président (M. Lemieux): Oui, monsieur.

M. Jacques (Marius): Dans la foulée de mon président, je voudrais parler au nom des miens. Justement, c'est une question d'ajustement de vision. Je pense qu'il va falloir apprendre aussi à l'intérieur de la culture de la fonction publique à faire de l'évaluation inductive et non de l'évaluation déductive, comme on en fait constamment, en croyant au potentiel humain d'abord et en cessant de dire: Cette personne-là ne peut pas faire ci, ne peut pas faire ça, donc, elle ne peut rien faire. Mais il s'agit de dire: Cette personne-là, elle a un potentiel et, si on la prend de zéro et qu'on l'amène à 30 %, c'est déjà beaucoup mieux. Il ne s'agirait pas, par exemple, de faire l'inverse aussi, de prendre tout le monde de la fonction publique et de l'amener à 30 %, tu sais là.

Justement, il faut éviter ça et c'est justement le consensus social auquel il va falloir consentir si on veut, là, vraiment que les personnes handicapées s'intègrent dans notre société québécoise et également apportent aussi à la création de la richesse collective dont le gouvernement et, particulièrement, le Conseil du trésor, qui s'occupe de la fonction publique, ont besoin. Et, moi, je peux vous le dire, je le vis dans les entreprises. Aujourd'hui, les gens viennent chez moi dans l'entreprise et ils me posent des questions en entrant dans l'entreprise quand ils regardent ça: Où sont les personnes handicapées là-dedans? Et pourtant, 60 % de ces gens-là sont des personnes handicapées visuelles, d'autres sont des psychiatriques, des intellectuelles. Mais, avec la complémentarité de chacun, on réussit à produire aujourd'hui des choses qui sont vendues à travers le Canada et ça nous permet, dans notre cas, chez nous, d'aller vendre 55 % de nos produits à l'extérieur du Québec. Donc, on va chercher de l'argent ailleurs pour l'amener chez nous. Mais ça, il faut croire au potentiel humain et agir en conséquence.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. Perreault: M. le Président... Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Perreault:... peut-être juste à titre de commentaire encore. Je pense que, lorsqu'on regarde justement, malheureusement, une personne handicapée, on voit toujours finalement le manque de... On ne voit pas tout l'actif et tout le potentiel qui est disponible. Je pense qu'il s'agit finalement d'une préoccupation que l'Office et les autres, on réussisse à faire avancer. Mais c'est, justement, par la présence de personnes handicapées dans les milieux que les gens vont découvrir ce qu'il peut y avoir. Chez les employeurs que je vous ai mentionnés tantôt, n'allez pas croire finalement qu'ils font des gestes de charité. Il faut arrêter de penser qu'embaucher une personne handicapée, c'est un bon geste. Ce n'est pas un bon geste. C'est un geste sage, efficace et correct. Ceux qui le font le réalisent. Les taux d'absentéisme chez les personnes handicapées - il y a toutes sortes d'études qui le démontrent - sont beaucoup plus bas. La productivité, lorsque les postes sont adaptés, est souvent supérieure à ce qu'on produit actuellement.

Je termine peut-être là, avant que je reçoive une question, en vous faisant une suggestion peut-être naïve. C'est souvent mon propre de faire des suggestions naïves. Il me semble que, lorsqu'on veut, des fois, on peut. Je réfléchissais l'autre jour et je me disais: II est important que ce ne soit pas coercitif. Il m'apparaît, dans mon esprit, que, là où il y a de la coercition, on trouve des empêchements, des barrières. On arrive à des moyens finalement pour dire pourquoi on n'est pas capables. On part dans un sens, à mon avis, où il n'y a pas de préoccupation actuellement. Il faut l'éveiller. On dit: Un objectif de 2 %. Prenons n'importe quel ministère ou organisme. Si vous voulez, j'ai

ici finalement la décision du Conseil du trésor qui donne à chaque organisme...

Le Président (M. Lemieux): II y en a combien au Conseil du trésor de handicapés?

M. Perreault:... le nombre d'effectifs auquel il a droit. Certains ministères ont droit à 6000, d'autres ont droit à 1000, d'autres ont droit à 200. La suggestion que je ferais peut-être, c'est 2 % de 6000, moi, ça fait 120. On réserve des budgets de salaires pour 120 fonctionnaires, qui devraient être dépensés pour des personnes handicapées. Si les personnes handicapées ne sont pas embauchées au niveau de cet argent-là - l'Office a des problèmes financiers des fois - transférez les fonds à l'Office. L'Office aidera l'entreprise privée à embaucher des personnes handicapées.

Le Président (M. Lemieux): O. K. Alors, M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Moi, je salue M. Perreault, le président de l'Office, et ses collègues. J'aurais, évidemment, beaucoup de commentaires, beaucoup de questions, ayant eu la responsabilité de l'Office pendant huit ans. Je trouve, un peu comme le président de notre commission, que vous ne faites pas suffisamment preuve d'indignation, M. le président, et je vais en faire preuve un peu à votre place, surtout que j'ai le rôle, entre autres choses, de critique, pour l'Opposition, des personnes handicapées.

Lorsque le gouvernement - vous avez bien fait de le souligner - a fait adopter cette loi 9 à l'unanimité en 1978, il a inclus un article, l'article 63, qui parle du plan d'embauche. Justement, on a eu une longue discussion, à l'époque, avec les groupes de personnes handicapées, en 1977 et 1978, à savoir si on allait, justement, imposer un quota, comme ça se fait dans certains pays. On avait le choix, soit d'imposer un pourcentage d'embauche - là, je ne parle pas seulement de la fonction publique, mais, évidemment, de tous les employeurs - ou de faire de l'incitation. On a opté pour l'incitation puisque ça semblait être le consensus et on a imaginé la formule du plan d'embauche. Ça veut dire que chaque entreprise de 50 employés et plus doit soumettre périodiquement à l'Office des personnes handicapées un plan d'embauche. Dans le plan, on dira combien de personnes handicapées, quelle sorte de personne handicapée, etc., et l'Office a un certain temps pour étudier le plan d'embauche, l'approuver ou le refuser en faisant des suggestions.

Nous avions mis sur pied, avec la présidente de l'Office, Mme Robillard, à l'époque, ce plan d'embauche dans des centaines, des milliers d'entreprises. Moi, je dois dire, après toutes ces années, que je suis très déçu que la surveillance, la supervision de l'application des plans d'em- bauche n'ait pas été faite. Elle n'a pas été faite. Conséquemment, il y a très peu d'entreprises qui ont observé leur plan d'embauche et une des nombreuses entreprises qui n'a pas observé son plan d'embauche, c'est le gouvernement du Québec, parce que les 2 %, c'était le plan d'embauche du gouvernement du Québec par rapport aux personnes handicapées. À l'époque aussi, on a discuté: Est-ce que ça va être 1 %, 2 %, 3 %, 4 % ou 5 %? Il y a des pays où c'est 5 % d'obligation pour les entreprises, y compris le gouvernement, d'embaucher des personnes handicapées.

On a été très modérés, en 1984. On a dit: Prenons un objectif très modéré, et on a consulté, évidemment, tous les ministères, les sous-ministres, 2 %. Après six ans, de 1984 à 1990, on n'a même pas 1 % et on a régressé. On a eu, il y a trois ans, jusqu'à 0, 9 %, tout près de 1 %, mais pas tout à fait. Là, ça a baissé; c'est 0, 7 %. Je trouve ça épouvantable et ce qui me déçoit, M. Perreault, je vous le dis comme je le pense, c'est que, depuis quelques années, je n'ai pas entendu l'Office crier sur la place publique non seulement pour dénoncer les entreprises qui n'ont pas rempli leur plan d'embauche - et il y en a beaucoup, vous le savez - mais y compris l'entreprise qui s'appelle le gouvernement du Québec qui n'a pas rempli son plan d'embauche. Je n'ai pas entendu, depuis quatre ou cinq ans, l'Office dénoncer l'inaction du gouvernement du Québec. Vous avez dit tantôt qu'un des rôles de l'Office, c'est de prendre la défense des personnes handicapées. Vous avez raison de le souligner, mais, moi, je vous dis: Dans le secteur de l'embauche, privé ou public, l'Office n'a pas défendu les personnes handicapées et je souhaite que l'Office les défende plus fortement.

Une question. Il y a deux ministres qui sont en rapport étroit avec vous, le ministre responsable de l'Office des personnes handicapées qui est le ministre de la Santé et des Services sociaux; l'autre ministre qui est responsable de l'application de la Loi sur la fonction publique, le président du Conseil du trésor. Est-ce que vous savez combien de personnes handicapées ou quel pourcentage de personnes handicapées on retrouve, premièrement, au Trésor et, deuxièmement, au ministère de la Santé et des Services sociaux?

M. Perreault: Moi, je ne peux pas vous répondre. Je ne le sais pas. Le plan d'embauche du gouvernement du Québec et les rapports que nous recevons venant du Conseil du trésor sont globaux. (12 h 15)

M. Lazure: Bien oui, mais, M. Perreault, pourquoi vous ne le demandez pas ministère par ministère, organisme par organisme?

M. Perreault: C'est commencé, M. le député, ça fait partie...

M. Lazure: Alors, vous avez des chiffres? Vous en avez?

M. PerreauK: Non, je ne les ai pas ici.

M. Lazure: Vous allez commencer.

M. Perreault: J'ai commencé. Ça fait partie de ma tournée que je vous mentionnais tantôt, où je rencontre les sous-ministres et tout ça.

M. Lazure: Moi, je souhaiterais que, quand vous aurez vos rapports trimestriels, disons, du président du Conseil du trésor, organisme par organisme, ministère par ministère, vous dénonciez sur la place publique, au nom des personnes handicapées - parce que vous êtes là plus pour protéger les personnes handicapées que le gouvernement - les ministères et organismes qui se traînent les pieds. Et vous aurez le choix, il y en a tellement. La plupart le font. Et à plus forte raison le ministère de la Santé et des Services sociaux et le président du Conseil du trésor. Ça devrait être les deux premières cibles puisqu'ils devraient être les deux premiers ministres à donner l'exemple à l'ensemble des collègues.

Bon, ça, c'est sur l'embauche. Alors, moi, je partage tout à fait l'indignation du Président de la commission. Et je trouve que le gouvernement du Québec se comporte comme un très mauvais employeur, un très, très mauvais, qui donne un très mauvais exemple. Et je constate que l'Office n'a pas fait son travail depuis quelques années, autant auprès des employeurs privés que de l'employeur public. J'espère que ça va s'améliorer.

Deuxièmement, vous parlez d'accessibilité des immeubles. Ça, c'est l'article 69 de la loi pour l'exercice des droits des personnes handicapées. Parce qu'on n'a pas de problème trop, trop avec les immeubles... On en a un peu, mais les immeubles plus récents, depuis 1976, en général c'est assez accessible. Mais les immeubles d'avant 1976, il y a un article spécial là-dessus, l'article 69, qui n'est toujours pas en vigueur. D'une part, vous déplorez qu'il n'y ait pas d'accessibilité des immeubles, mais, d'autre part, je ne vous entends pas dire: Le gouvernement devrait - et ça, c'est une décision toute simple du Conseil des ministres, un arrêté en conseil, un décret du Conseil des ministres - mettre en vigueur l'article 69 qui demande que les propriétaires d'immeubles construits avant 1976 soumettent au ministère - à l'époque, c'était Travail et Main-d'oeuvre - un plan d'aménagement de leurs immeubles, échelonné sur cinq ans. Ce n'est pas un article coupe cou, là, qui demande du jour au lendemain de transformer, de rendre accessibles les immeubles qui sont plus anciens, mais c'est un peu comme le plan d'embauché. Que les propriétaires, toujours la voie incitative, mais sur une période de cinq ans, disent au gouvernement dans combien de temps on va pouvoir rendre accessible notre immeuble. Mais je n'ai pas entendu l'Office réclamer du gouvernement qu'il mette en vigueur cet article 69. J'espère qu'on va vous entendre bientôt là-dessus.

Troisièmement, vous dites, dans votre mémoire, qu'il y a un effort d'harmonisation des services aux personnes handicapées par le transfert au ministère de la Santé et des Services sociaux des programmes de service de maintien à domicile et de frais de déplacement. Vous allez chercher ça loin, M. Perreault. Là, vous dites: L'opération qui s'appelle transfert des programmes de l'Office des personnes handicapées vers des ministères, c'est de nature à harmoniser mieux et améliorer les services à la clientèle. Ce n'est pas ce qu'on constate dans le champ, au contraire. Moi, je pense qu'il y a des transferts de programmes qui se font de façon trop précipitée, vous le savez aussi bien que moi. Il y a eu des erreurs de parcours. Votre ministre responsable l'a admis l'autre jour en commission parlementaire et, à date, les quelques programmes qui ont été transférés de l'Office vers des ministères, ça n'a pas été de nature à améliorer la qualité des services. Si ça a eu un effet quelconque, c'est plutôt un effet négatif que ça a eu.

M. le Président, pour revenir à la Loi sur la fonction publique, qui est notre principale préoccupation, moi, je pense que l'Office des personnes handicapées, surtout s'il se rapproche plus des groupes de personnes handicapées, parce qu'il y a des douzaines d'associations régionales et locales de personnes handicapées, qui ont le goût de passer à l'action maintenant... Elles ont été plutôt tranquilles depuis quelques années, comparé au militantisme qu'elles avaient il y a 10 ans. Mais, surtout si l'Office s'allie aux personnes handicapées, je pense que vous avez beaucoup d'instruments qui peuvent vous faire exercer une pression efficace sur la machine gouvernementale, sur les ministres, pas sur les sous-ministres. Vous l'avez dit vous-même et le président de la commission l'a dit tantôt: Malheureusement, les sous-ministres, en général, ne sont pas intéressés à cette question-là. C'est la réalité. Alors, si on veut qu'il y ait de l'embauche de personnes handicapées physiques ou mentales dans l'appareil gouvernemental, il va falloir que ce soit la volonté politique qui l'impose à la machine gouvernementale. Vous avez dit tantôt: Pas de coercition. Bon. Il n'y en a pas de coercition dans la loi, c'est un plan d'embauché. Mais, par contre, votre thèse de "pas de coercition" n'a pas donné beaucoup de résultats, vous l'avouerez vous-même, depuis six ans dans la machine gouvernementale, ni en dehors dans le privé non plus.

Alors, je conclus en disant: L'Office a une grosse responsabilité. La commission ici vous appuie. Elle va continuer de vous appuyer, mais

vous avez une grosse responsabilité pour démontrer que votre voix peut être efficace au moins auprès de la machine gouvernementale et ensuite peut-être que le privé sera plus empressé de suivre son plan d'embauche.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de La Prairie. Je vous remercie de votre participation à cette commission parlementaire. Votre mémoire était des plus intéressants et les membres de cette commission à l'unanimité sont très sensibilisés à l'intégration des personnes handicapées au sein de l'administration publique. Nous vous remercions et je demanderais maintenant au Syndicat professionnel des médecins du gouvernement du Québec de bien vouloir prendre place à la table des témoins.

S'il vous plaît, MM. les membres la commission du budget et de l'administration, auriez-vous la gentillesse, l'amabilité, la courtoisie, l'élégance de bien vouloir prendre place? Nous allons maintenant entendre le Syndicat professionnel des médecins du gouvernement du Québec. Alors, je demanderais au représentant de l'organisme de bien vouloir s'identifier, s'il vous plaît, et de nous présenter la personne qui l'accompagne pour les fins de l'enregistrement du Journal des débats.

Syndicat professionnel des médecins du gouvernement du Québec

M. Le Blanc (Roland): M. le Président, MM. les députés, mon nom est Roland Le Blanc. Je suis président du Syndicat professionnel des médecins du gouvernement du Québec. Mon confrère, le docteur Jacques Bergeron, en est le vice-président.

Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous écoutons.

M. Le Blanc: M. le Président, la commission du budget et de l'administration se préoccupe de quatre questions principales dont la quatrième concerne la dotation des emplois et le développement des ressources humaines. À ce sujet, le Syndicat professionnel des médecins du gouvernement du Québec a demandé à maintes occasions de faire disparaître la clause d'exclusivité. C'est notre préoccupation première. Il est à noter que des 2000 médecins salariés de la province de Québec, seuls les médecins - au Syndicat, nous sommes 117, alors, moins de 200 - du Syndicat professionnel des médecins du gouvernement du Québec sont brimés dans leur droit de liberté professionnelle par la clause d'exclusivité. C'est-à-dire que tous les médecins du réseau, près de 2000 médecins, tant des CLSC, tant les médecins à plein temps des hôpitaux genre DSC, directeurs des services communautaires ou directeurs des services professionnels, avec l'approbation de leur conseil d'administration, peuvent, lorsque leur travail est terminé, avoir une liberté professionnelle.

Si la clause d'exclusivité disparaissait, II n'y aurait aucun conflit d'intérêts possible, car le règlement concernant le code de déontologie du Code des professions, sous-section 6, à l'article 2. 03. 49, mentionne que le médecin doit sauvegarder, en tout temps, son indépendance professionnelle et éviter toute situation où il serait en conflit d'intérêts, notamment lorsque les intérêts en présence sont tels qu'il pourrait être porté à préférer certains d'entre eux à ceux de son patient ou que son intégrité, sa loyauté envers celui-ci pourraient être affectées. De plus, l'employeur reconnaît qu'il n'y a pas de conflit d'intérêts en engageant des occasionnels et des contractuels pour réaliser le travail normalement fait par un médecin à plein temps.

Il est évident que la clause d'exclusivité nuit au recrutement de candidats qui se distinguent dans le milieu médical, candidats qui seraient des acquis pour les ministères et les organismes, mais qui ne veulent pas rompre entièrement avec la pratique active à cause du milieu de vie, du contact avec les confrères et de la formation médicale continuelle et quotidienne dans les bureaux, les cliniques et les centres hospitaliers.

Enfin, nous sommes d'avis qu'il y a des avantages pour la population à faire disparaître la clause d'exclusivité, car sa disparition permettrait: 1° la dotation des emplois à des médecins chevronnés qui accepteraient des postes à plein temps pour faire des évaluations médicales, des vérifications et du contrôle, tout en maintenant certaines activités dans le milieu médical, soit au bureau, soit au centre hospitalier, soit dans les cliniques; 2° l'engagement de médecins plus jeunes, aptes à assumer la relève.

En conclusion, la clause d'exclusivité est une injustice pour les médecins de la fonction publique qui sont les seuls à ne pas avoir le droit à la pratique médicale après avoir rempli les prestations normales de travail alors que les autres médecins salariés de la province n'ont pas cette clause d'exclusivité.

En résumé, M. le Président, nous croyons nécessaire le maintien de la Loi sur la fonction publique, mais avec modification des règlements. Il y a trois points de vue, trois données à cette affirmation: 1° plus de sévérité en dotation pour les occasionnels, les contractuels et les échanges de médecins entre DSC, département de santé communautaire d'hôpitaux, qui viennent oeuvrer dans les ministères et organismes aux frais du programme de santé communautaire; 2° que les gestionnaires soient nécessairement fonctionnaires et ainsi imputables; 3° que la clause d'exclusivité de services soit abolie dans la loi, mais que figurent dans la convention collective une clause eu égard à un conflit d'intérêts et même un article traitant spécifiquement de l'exclusivité d'emploi.

Chez les médecins, je vous en ai fait part, il ne peut y avoir de problème du côté conflit d'intérêts. Je pense que la clause d'exclusivité peut très bien être abolie pour les médecins, en modifiant quelque peu la convention collective, et, pour les autres organismes où on pourrait retrouver un conflit d'intérêts, ça pourrait très bien, non pas figurer dans la loi ou les règlements, mais dans leur convention collective propre. Je vous remercie, M. le Président. (12 h 30)

Le Président (M. Lemieux): J'aurais peut être une question à vous poser. Eu égard à la nature même de votre profession, pouvez-vous expliquer aux membres de cette commission comment il serait possible, peut-être pour vos membres, d'exercer leur profession efficacement, en pratique privée, exclusivement en dehors des heures de travail? Parce que je ne connais pas de maladie, moi, qui se situe entre 17 heures et 23 heures le soir ou entre 17 heures le soir et 5 heures le matin. Je comprends mal l'orientation que vous voulez donner à ce retrait de l'exclusivité de vos services de l'administration publique pour pouvoir professer à l'extérieur des heures normales parce que je me dis qu'on n'est pas capable d'identifier ou de limiter la maladie en quelque sorte. Comprenez-vous le sens de mon intervention? Oui? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Le Blanc: M. le Président, si on prend comme exemple un organisme, la Régie de l'assurance automobile du Québec, la RAAQ, vous avez à la RAAQ 33 médecins présentement; 12 de ces 33 sont à temps partiel. Il y en a, de ceux-là, un qui travaille 28 heures, l'autre 30 heures, un autre 32 heures et même un de 34 heures. Pourquoi? Ce sont de jeunes médecins qui veulent maintenir un contact avec une réalité médicale, qui est le centre hospitalier, qui est la clinique, qui est le travail avec des confrères. Ils se refusent à venir travailler... En soi, la. RAAQ, ce sont des dossiers. Ces médecins font l'évaluation d'un handicap quelconque et puis, après un certain temps, la monotonie de ces dossiers devient très harcelante. Ils sont, du matin au soir, devant un clavier et ça devient très dur pour eux.

Donc, en maintenant une porte ouverte à la pratique, la diversité, premièrement, est très intéressante, ça coupe la monotonie du travail. Il y a avantage, également, du côté du maintien de leurs connaissances médicales, parce que, après un certain temps, un an, deux ans, même cinq ans derrière un clavier sans éducation médicale continue, ces médecins-là, est-ce qu'ils sont vraiment à la page? Je ne sais pas, je le souhaite. Maintenant, comment est ce qu'ils peuvent, ces médecins, régler leur temps de travail? Très facilement, M. le Président. C'est qu'avec l'horaire variable il est très facile pour un médecin de remplir son mandat de travail à l'organisme complètement et d'avoir trois ou quatre heures de liberté professionnelle. Il peut pratiquer, il pout ne pas pratiquer. Mais il peut certainement rendre grandement service a la population également en pratiquant.

J'ai parlé de la RAAQ, je vais vous parler de la RAMQ où j'oeuvre présentement comme médecin-conseil. Nous avons fait une acquisition, au mois de juin dernier, d'un médecin hors pair, un jeune médecin pédiatre, surspécialisé en néonatalogie. Il était le directeur du service au CHUL et également directeur du service à l'hôpital Saint-François d'Assise. C'est une perle. Il a accepté de venir avec nous et je pense que, pour la RAMQ, c'est un acquis formidable.

Par contre, il est jeune. Il a une trentaine d'années et puis notre grande crainte, c'est qu'une certaine monotonie de fonctionnaire s'accapare de lui et, sans diversité, on va le perdre d'ici peut être un ou deux ans. Mais je parle un peu d'une façon égoïste pour la RAMQ. Pour nous autres, c'est une perle Par contre, pour la population qu'il dessert, les autorités du CHUL et de Saint-François d'Assise seraient des plus heureuses si ce médecin pouvait faire de la garde les fins de semaine une fois par 15 jours ou une fois par 3 semaines, selon son rythme d'auparavant. Il faisait 2 gardes par mois, ce médecin. Il est prêt. L'avantage pour ce médecin serait quoi? De se maintenir à la fine pointe d'une surspécialité et, nous autres, en contrôle de nos confrères, parce que les médecins de la Régie, on est un peu la police, quoi, vis-à-vis des médecins qui font une facturation à la Régie.

Ce médecin se maintient à la fine pointe des connaissances. Il est motivé à se maintenir à la fine pointe en pratiquant et il a amplement le temps, puisque, dans la majorité des organismes, on a le privilège d'avoir les horaires variables. Je ne sais si j'ai répondu amplement, mais.

Le Président (M. Lemieux): M le député des îles-de-la Madeleine, vous aviez une question?

M. Farrah: Au nom de la formation politique à laquelle j'appartiens, je vous souhaite la bienvenue. Une seule question: Est-ce qu'il n'y a pas un danger de conflit d'intérêts éventuellement à même des dossiers traités de se former une clientèle en dehors des heures de travail?

M. Le Blanc: Non, M. le député, je ne crois pas. Je reviens encore à la RAMQ, si vous me permettez. Sur les 20 médecins que nous sommes à la RAMQ, il y a 10 médecins fonctionnaires qui sont en poste suite à un concours normal et tout ça. Les 10 autres, ce sont des contractuels et ce sont des occasionnels à plein temps, ce qui contrevient même aux directives du Conseil du trésor comme telles. Si vous voulez, j'ai la référence ici. Il ne peut y avoir de conflit d'intérêts, pourquoi? Premièrement, les organismes... Là, je parle de la RAMQ, mais les autres

organismes sont exactement pareils La CSST, la RAAQ également, sauf à la Régie des rentes. Il n'y a pas d'occasionnels là. Alors, il ne peut avoir de conflit d'intérêts, puisque la moitié de notre force de surveillance a droit de pratique effectivement. Et l'employeur reconnaît le fait, puisque c'est l'employeur lui-même qui est allé chercher ces médecins clés pour travailler avec nous. Remarquez, j'en suis fort aise, parce qu'ils font un beau travail, puis c'est agréable. On a prêté serment, comme les autres professionnels et on a notre code qui nous dicte un article très sévère sur les conflits d'intérêts, que je vous ai mentionné dans mon exposé tout à l'heure, qui dit qu'un médecin ne peut et ne doit pas, sauf... Est-ce que ça...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je salue mes collègues médecins.

M. Le Blanc: Dr Lazure, bonjour.

M. Lazure: J'ai eu l'occasion de travailler avec eux dans le passé, des médecins consciencieux, des bons serviteurs de l'État. La question que vous soulevez est complexe, évidemment. Vous vous en rendez compte Moi, ce qui, au départ, me frappe, c'est que ce n'est pas un régime particulier pour les médecins. C'est le régime d'ensemble des professionnels, si je comprends bien le système. Qu'on soit avocat, médecin ou notaire, on est astreint à cette clause de l'exclusivité, n'est-ce pas?

M. Le Blanc: Les fonctionnaires.

M. Lazure: Oui. Bon. Donc, au départ, on ne peut pas parler d'une discrimination à l'égard des médecins. Deuxièmement, je comprends que vous disiez que ce serait utile pour la qualité des médecins, leur compétence, si le médecin pouvait avoir des contacts avec une clientèle, avec des patients. Ça serait comme une garantie qu'il se tient à date dans ses connaissances. Ça, je comprends ça. Mais, à cet égard, est ce qu'on ne pourrait pas imaginer des programmes de stages dans des hôpitaux, des CLSC, peu importe où, mais des programmes de stages pratiques qui seraient défrayés par l'employeur - que l'employeur soit la Régie des l'assurance-maladie, la Régie de l'assurance automobile, peu importe, ou un ministère - des stages, périodiquement - je ne sais pas, moi, une fois par semaine pendant six mois, pendant un an - pour s'assurer justement que ce que vous appelez la monotonie du travail n'envahisse pas les médecins en question? Est-ce que ça ne pourrait pas être une formule, ça? Et ça permettrait au médecin de conserver son statut de permanent à plein temps avec tous les avantages que ça comporte.

Le deuxième volet, le dernier. Si vous demandez d'enlever la clause d'exclusivité, surtout pour permettre au médecin d'augmenter ses revenus, de faire une pratique privée le soir ou le samedi, ça, c'est une autre question. C'est une autre sorte de considération. Je n'ai rien contre ça, qu'on veuille augmenter ses revenus, mais, à ce moment là, est-ce que la solution, ce n'est pas plutôt de dire: Moi, je vais être un médecin fonctionnaire, mais seulement à demi-temps? Ça existe, ça, du temps partiel régulier. C'est possible. On peut être médecin de l'État à demi-temps et l'autre demi-temps faire de la pratique privée ou de la pratique hospitalière, peu importe. Alors, il faut voir ce qui est la considération principale. Est-ce que c'est le souci de se tenir à date dans sa compétence comme médecin - cours de rafraîchissement, stages de perfectionnement - ou si c'est la considération d'augmenter ses revenus et d'avoir une pratique additionnelle? À ce moment-là, est-ce qu'on ne doit pas faire un choix personnel? Et, si on veut goûter aux deux, à ce moment-là, on travaille à temps partiel comme médecin de l'État et on s'en va à temps partiel en pratique privée ou dans un hôpital.

M. Le Blanc: M. le député, effectivement, c'est un règlement qui s'applique à tous les fonctionnaires. Donc, si on regarde cet aspect, c'est non discriminatoire. On peut se demander si vraiment cet article-là doit figurer encore dans les règlements d'une loi et non pas s'appliquer individuellement par organisme dans des conventions collectives individuelles. Vous dites, en deuxième lieu, qu'il n'y a pas de discrimination. Eh bien, oui, puisque des 16 000 et quelques médecins de la province de Québec, il y en a au-delà de 2000 qui sont des médecins, peut-être pas fonctionnaires, mais salariés à plein temps, avec un statut quasi égal et ces 2000 médecins, ils ont le droit de pratique entièrement.

M. Lazure: Mon intervention, c'était en regard des autres professionnels de l'État. Ce n'était pas en regard des autres médecins...

M. Le Blanc: Oui, d'accord.

M. Lazure:... confrères par ailleurs.

M. Le Blanc: Si on revient alors... Nous, notre discrimination, on la voit surtout avec les membres de notre profession comme telles. Comme médecin et comme directeur d'hôpitaux de longtemps, et je sais que vous étiez un protagoniste, une personne qui insistait beaucoup sur l'éducation médicale continue de vos médecins dans les hôpitaux, vous étiez un des premiers... Eh bien, je pense que vous allez concéder avec moi que le meilleur stage, la meilleure façon de motiver un médecin à se maintenir à la page, c'est quoi? C'est le contact avec des confrères.

Le comité d'évaluation médicale et dentaire des hôpitaux, c'est la clé de la formation. Vous mentionnez les stages. On s'est battus, M. le député, pendant les trois dernières conventions collectives que j'ai négociées pour les confrères, pour avoir en ressources humaines un minimum de 10 jours par année. On sait que la Fédération des omnipraticiens, dans la convention collective ou dans l'entente, figure qu'ils ont 10 jours par année en stage pour maintenir leur éducation, ceux de régions éloignées, 20 jours, avec des forfaits très généreux de l'État. On ne demande pas des forfaits généreux. Je demandais dans les trois dernières négociations 10 jours pour mes membres. On nous a accordé de peine et de misère un minimum de 3 jours. Je crois que 3 jours par année, ça ne maintient pas un médecin à la paye, s'il est a l'extérieur d'un contexte du pratique, de comités réglementaires d'évaluation médicale. Moi, je ne le crois pas, Dr Lazure.

M. Lazure: Ça, c'est un exemple de discrimination, je dirais, parce que c'est le même trésorier; celui qui tient les cordons de la bourse...

M. Le Blanc: Voilà!

M. Lazure:... dans sa négociation avec la fédération des médecins, il accorde 10 jours, comme vous le dites, avec compensation et à ces médecins qui sont des serviteurs de l'État tout aussi fidèles sinon plus, il n'accorde que 3 jours. Ça, ça n'a pas d'allure, quant à moi. Alors, je pense que la commission pourrait peut être regarder ça de près. Mais, je suis content de voir que vous regardez dans cette direction. Je pense que c'est une direction qui peut être prometteuse d'obtenir de son employeur gouvernemental des stages de rafraîchissement, de perfectionnement qui sont d'une durée raisonnable.

Le Président (M. Lemieux): Vous avez terminé, M. le député de La Prairie?

M. Lazure: Merci.

Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous remercions pour votre participation à cette commission parlementaire et nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

Une voix: À 16 heures. Le Président (M. Lemieux): Pardon? Une voix: À 16 heures. Le Président (M. Lemieux): Oui, 16 heures. (Suspension de la séance à 12 h 46)

(Reprise à 16 h 24)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux, et je demanderais à M. Louis Bernard de bien vouloir prendre place à la table des témoins, s'il vous plaît. Bonjour. Vous aurez, M. Bernard, 20 minutes pour votre exposé; suivra une période de questions et d'échanges avec les parlementaires des deux groupes, soit le Parti libéral et le parti de l'Opposition. Nous sommes prêts à vous entendre. Est-ce qu'on pourrait fermer la porte? O. K. Ça va. Merci. Ça va, M. Bernard, vous pouvez commencer.

M. Louis Bernard

M. Bernard (Louis): Merci, M. le Président. Messieurs les députés, je vous remercie de me fournir l'occasion de venir témoigner devant votre commission au sujet du maintien ou de la modification de la Loi sur la fonction publique. J'ai eu la chance de participer assez étroitement, en 1982-1983, à la préparation et à la rédaction de cette loi, et j'en garde une certaine fierté parce que je crois qu'il s'agit d'une loi qui est d'avant-garde et qui conserve, encore aujourd'hui, toute son actualité.

Vous me permettrez, M. le Président, dès le départ, de souligner que j'ai quitté la fonction publique depuis maintenant trois ans pour exercer des fonctions qui ne me permettent pas de suivre de près ce qui s'y passe Mon opinion sera donc forcément incomplète et je m'excuse à l'avance si certains dos jugements quo jo porto no tiennent pas compte des événements qui ont pu survenir au cours des dernières années. J'ajoute que, évidemment, je comparais devant vous à titre strictement personnel et que mon témoignage n'engage en rien mon employeur, la Banque Laurentienne ou le groupe dont elle fait partie.

J'ai eu l'occasion de prendre connaissance, M. le Président, de l'excellent document de consultation que vous m'avez fait parvenir et qui a été préparé pour votre commission. Les questions que vous posez sont, à mon avis, toutes pertinentes et j'espère que vos travaux permettront d'y apporter une réponse satisfaisante. Pour ma part, j'aimerais vous donner d'entrée de jeu mon opinion sur les quatre principales questions que vous soulevez dans ce document-là.

En ce qui concerne la qualité des services, je crois qu'il y a eu progrès, mais que les progrès sont limités et qu'il reste encore énormément de chemin à faire si on veut atteindre le niveau de service qui est désiré En ce qui concerne l'imputabilité, je crois que, malheureusement, à peu près rien n'a été fait quant à l'implantation d'un système d'imputabilité dans la fonction publique. En ce qui toucho le leadership du Conseil du trésor, je crois que les énergies du

Conseil dans ce domaine ont été mobilisées par les relations de travail et qu'en conséquence il n'a pas pu exercer un leadership efficace sur l'ensemble de la politique de la gestion des ressources humaines. Enfin, en ce qui concerne la dotation et le développement, je crois que c'est là qu'il y a eu les progrès les plus substantiels, en ce qui concerne la dotation des emplois et le développement des ressources humaines.

En somme, M. le Président, le jugement global que je porte sur les résultats obtenus depuis l'adoption de la loi, c'est que ceux-ci sont insuffisants et qu'ils n'ont pas encore atteint les objectifs fixés originellement. D'ailleurs, il faut bien admettre qu'il s'agissait là d'objectifs très ambitieux qui ne pouvaient pas être réalisés du jour au lendemain. Par ailleurs, si nous voulons avancer, nous devons nous interroger sur les raisons pour lesquelles les progrès n'ont pas été aussi rapides que nous l'aurions souhaité. Et c'est ce que je voudrais essayer de faire avec vous en concentrant mon attention sur les deux facteurs qui me semblent les plus importants.

Je voudrais, d'abord, vous parler - ça ne vous surprendra sûrement pas - de l'instauration d'un régime d'imputabilité. À mon sens, la raison principale de l'insuffisance des progrès accomplis tient dans l'incapacité où le Québec s'est trouvé de mettre en oeuvre un véritable régime d'imputabilité dans la fonction publique. C'est là, selon moi, la carence fondamentale qu'il faudra corriger si on veut faire avancer les choses, car c'est le moyen essentiel par lequel on peut espérer atteindre l'objectif externe de la loi, c'est à dire la qualité des services aux citoyens, et son objectif interne, c'est-à-dire la bonne gestion des ressources humaines.

Déjà, dans les dernières années de mon séjour dans la fonction publique, j'avais acquis la conviction que l'instauration d'un régime d'imputabilité était devenue une nécessité. Je n'en avais d'ailleurs pas fait mystère. Mon expérience actuelle dans le secteur privé n'a fait que renforcer cette conviction.

Les fonctionnaires, il faudrait l'admettre, ce sont des gestionnaires car l'État, qu'on le veuille ou non, est une entreprise qu'il faut gérer. Ce n'est pas qu'une entreprise, mais c'est une entreprise. C'est même, et de loin, la plus grande de nos entreprises québécoises puisqu'elle compte, à elle seule, pour plus de 20 % de notre PNB. Il importe donc au plus haut point que cette entreprise soit bien gérée, qu'elle soit gérée le mieux possible en faisant appel aux meilleurs gestionnaires et aux meilleures techniques de gestion. Sinon, c'est tout le développement de notre société qui en est pénalisé, surtout en ces temps où la concurrence internationale est féroce et sans pitié. De nos jours, un État qui n'est pas bien géré n'a aucune chance de garder sa place parmi le peloton de tête de la communauté des nations.

Je ne vous apprendrai rien, j'en suis sûr, en vous disant que le seul moyen d'assurer une gestion de qualité, c'est de la confier à des gestionnaires responsables, ayant à rendre compte de la qualité de leur gestion. Malheureusement, à l'heure actuelle, personne chez nous n'est vraiment responsable de la gestion administrative de l'État en tant qu'entreprise et personne ne rend de comptes à personne de la qualité ou de l'absence de qualité de cette gestion.

Alors, qu'est-ce qu'il faudrait faire pour corriger cette situation? D'abord, je pense qu'il faudrait reconnaître que la situation existe. Il faudrait reconnaître également qu'elle doit être corrigée. Il faudrait accepter de faire une distinction entre la sphère politique et la sphère administrative. À mon avis, ce n'est pas la même chose de gouverner le Québec et de gérer l'État en tant qu'entreprise; c'est, au contraire, deux choses différentes: Notre système traditionnel de responsabilité ministérielle, qui place à la tête des ministères des personnes élues, rend difficile cette séparation des rôles et des responsabilités. Mais je crois qu'il faut reconnaître l'évidence: rendre le ministre seul responsable du moindre geste de chacun de ses fonctionnaires, c'est, en pratique, instaurer un régime de non-responsabilité, même un régime d'irresponsabilité administrative et ruiner toute chance d'amélioration de la qualité de la gestion.

Je suis bien prêt à admettre qu'il existe, entre la sphère politique et la sphère administrative, une zone grise où il est difficile de départager les rôles et les responsabilités. Mais je puis vous assurer qu'il existe également une autre zone qui est beaucoup plus large, qui, elle, n'est pas grise du tout et où il est clair que les problèmes sont purement d'ordre administratif et n'ont rien à voir avec le domaine politique.

Prenons, par exemple, la question du contrôle des coûts. On peut se poser toute une série de questions, par exemple: Est-ce que le ministère de la Sécurité du revenu - on peut prendre n'importe quel autre ministère ou organisme - a organisé ses envois postaux pour profiter au maximum des rabais offerts par Postes Canada? On peut profiter de rabais jusqu'à 10 % quand on organise ses envois postaux de telle ou telle façon. Ça se fait ou ça ne se fait pas? On peut poser la question. À mon avis, ça n'a aucune répercussion politique. Ça ne se fait pas, pourquoi? Parce que ça ne vaudrait pas le coup ou parce qu'on n'y a pas pensé? Quelles sont les mesures qui peuvent être prises pour réduire, par exemple, les frais de messagerie, les frais de papeterie, les frais de téléphone? Est-ce qu'on s'est assuré que les effets en suspens qui ne produisent pas d'intérêt sont réduits au minimum? Comme banquiers, nous, on scrute: est-ce qu'il y a un "float" trop grand quelque part? Bon, bien, dans toute entreprise, il y a des "floats". Dans toute entreprise, il faut prendre des mesures pour les contrôler. Profite-ton pleinement des économies

engendrées par les achats regroupés? Ce sont toutes de petites choses, vous me direz, mais quand on fait le total dans une entreprise aussi large que l'État, ça peut aboutir à des sommes qui sont assez rondelettes.

On peut prendre également les questions relatives à la gestion du personnel. Chaque ministère ou organisme a-t-il son plan de succession, son programme de formation, son système d'évaluation de la performance? Et, question plus importante, se sert-il efficacement de ces divers instruments? Y a-t-il une amélioration d'une année à l'autre?

Prenons enfin la question du contrôle administratif et de l'évaluation des résultats. Est-ce qu'on a développé dans chaque unité administrative des normes de performance et des statistiques de gestion? Est-ce qu'on a fixé des objectifs quantifiables ou objectivement appréciables? Est-ce qu'on peut mesurer la satisfaction des clients ou des usagers? M. le Président, on pourrait multiplier à l'infini le nombre de questions de cette nature-là qui ont un impact direct sur la qualité de la gestion administrative, mais qui n'ont aucune répercussion politique et qui, par conséquent, ne sont jamais posées, ne sont jamais mises en évidence dans notre système actuel.

Donc, la première chose à faire, ce serait nommer un responsable de ce genre de questions, ce serait de reconnaître officiellement que, dans un ministère, le sous-ministre et, dans un organisme, le dirigeant sont les premiers responsables de tout ce qui touche la gestion administrative et qu'en conséquence ils ont le devoir de prendre les moyens nécessaires pour en assurer la qualité la plus haute possible.

Une fois la responsabilité clairement établie, il faudra s'assurer que ceux et celles qui en sont investis rendent des comptes, qu'ils soient non seulement responsables, mais aussi imputables. Alors, imputables à qui?

Je parlerai un peu plus tard de l'imputabi-lité interne envers les autorités gouvernementales. Je veux d'abord vous parler de l'imputa-bilité externe envers l'Assemblée nationale. À mon avis, on ne réussira jamais à mettre sur pied un régime d'imputabilité si l'Assemblée nationale ne s'en fait pas le champion. C'est par là qu'il faut commencer. Ce n'est qu'en autant que les sous-ministres et les dirigeants d'organismes auront à répondre publiquement et régulièrement devant les commissions de l'Assemblée nationale de la qualité de leur gestion administrative que le système d'imputabilité pourra progressivement se mettre en marche et se développer. À cet égard, je ne peux faire autrement, M. le Président, qu'exprimer ma déception de ce que les commissions de t'As-semblée nationale n'aient montré jusqu'à maintenant que très peu d'empressement à se charger de cette tâche il y a maintenant plus de cinq ans que le règlement de l'Assemblée a été modifié pour permettre aux commissions parlementaires d'interroger les dirigeants d'organismes sur leur gestion Or, très peu d'entre elles ont utilisé ce pouvoir, même si le règlement en fait une obligation pour au moins un organisme par commission par année II ne semble pas y avoir d'intérêt pour ce genre d'exercice qui a son côté fastidieux et qui ne rapporte pas de dividendes politiques immédiats

Par exemple, votre commission a toute l'autorité voulue pour faire comparaître régulièrement le président de l'Office des ressources humaines et le président de la Commission de la fonction publique et les interroger sur la manière dont ils s'acquittent de leurs responsabilités. Pourquoi ne le feriez-vous pas? Vous pourriez ainsi mettre au point les règles plus ou moins formelles qui devront régir les relations entre les parlementaires et les fonctionnaires afin que ceux-ci ne soient pas constamment mis entre l'arbre et l'écorce. Car il y a, de part et d'autre, un apprentissage à faire.

Donc, pour conclure sur ce premier point, M. le Président, je résume ma pensée: pour atteindre les objectifs inscrits dans la Loi sur la fonction publique, il faut mettre en place un régime efficace d'imputabilité des fonctionnaires et, pour y arriver, il faut commencer par faire jouer aux commissions parlementaires le rôle d'examen et de surveillance qui est prévu par le règlement quant aux organismes gouvernementaux. Éventuellement, et le pjus tôt possible, il faudra étendre ce rôle d'examen et de surveillance sur la gestion administrative des ministères et des sous ministres qui les dirigent.

J'en viens maintenant à la deuxième carence majeure qui, à mon avis, explique l'insuffisance des progrès accomplis: l'absence de leadership montrée en cette matière par le Conseil du trésor. Comme je l'ai mentionné au début, l'attention du Conseil du trésor en matière de ressources humaines est trop souvent monopolisée par les relations de travail, de sorte que les autres aspects de la gestion des ressources humaines sont relégués au second plan. J'ajoute que, traditionnellement, le Conseil du trésor a toujours considéré que sa fonction première était d'ordre financier et qu'il s'est assez peu préoccupé des autres aspects de la gestion gouvernementale.

Cette constatation, j'ai déjà eu l'occasion de la faire lors de l'étude à laquelle j'ai participé sur l'octroi des contrats gouvernementaux. Mes collègues et moi, en effet, avons souligné dans notre rapport que le Conseil du trésor, en tant que premier responsable de la politique de gestion administrative, devait se donner les moyens de jouer le rôle de leadership qui est le sien et qu'il n'a exercé, jusqu'à maintenant, qu'en matière budgétaire. Il serait particulièrement important que le Conseil joue le rôle qui est le sien quant à l'imputabilite interne des sous-ministres et dirigeants d'organismes

On pourrait, bien sûr, se demander s'il est possible, voire même souhaitable, de combiner dans le même organisme la responsabilité du budget et celle des ressources humaines. Ne vaudrait-il pas mieux revenir à l'ancien système d'un ministère de la Fonction publique, par exemple? Ce n'est pas une question que l'on peut trancher de façon absolue, à mon avis, car chaque système a ses avantages et ses inconvénients. Tout dépend, en fait, des circonstances concrètes dans lesquelles on so retrouve.

Personnellement, cependant, je préfère le système actuel qui combine dans un même organisme la responsabilité de l'ensemble de la gestion administrative. Cela devrait, au moins en théorie, permettre un meilleur équilibre des éléments et une meilleure vue d'ensemble. Encore faudrait-il s'organiser pour que ce système fonctionne de façon adéquate. Ce qui est arrivé lors de l'abolition du ministère de la Fonction publique, c'est qu'on a confié de nouvelles fonctions au Conseil du trésor sans en revoir la structure et le fonctionnement pour s'assurer qu'il serait effectivement en mesure de les remplir efficacement. On ne s'est pas rendu compte, à ce moment-là, que les changements apportés à la Loi sur la fonction publique par l'abolition du ministère de la Fonction publique auraient dû entraîner une révision du rôle du Conseil du trésor et un réexamen de la loi de l'administration financière afin de refléter la nouvelle réalité.

Il est toujours temps de bien faire. Alors, ce que je suggère, c'est qu'on transforme le Conseil du trésor en un véritable comité de gestion, explicitement chargé de superviser l'ensemble de la politique de gestion administrative et budgétaire de l'État, et structuré de façon à pouvoir remplir efficacement cette mission. À l'heure actuelle, le Conseil du trésor a toutes les ressources voulues pour s'occuper du budget, de l'analyse financière, de l'analyse de programmes, de l'analyse des effectifs, ainsi que de l'ensemble des relations et conditions de travail. Ses ressources sont cependant déficientes en ce qui touche la définition des politiques générales de gestion, de la gestion des ressources matérielles, de celle des ressources humaines, ainsi que la définition des procossus administratifs, des normes de gestion et des contrôles de performance. En d'autres mots, il serait temps de procéder, en ce qui concerne la loi de l'administration financière, au même genre de réflexion en profondeur qui a conduit, il y a huit ou neuf ans, à la refonte de la Loi sur la fonction publique, car ces deux lois sont complémentaires.

Voilà donc les brèves réflexions dont je voulais vous faire part quant à l'étude que vous avez entreprise. Je me rends compte que mes commentaires pourront vous sembler plutôt critiques. C'est que j'ai voulu concentrer mon attention davantage sur les progrès qu'il reste à faire plutôt que sur ceux qui ont déjà été réalisés. Je crois que c'est d'ailleurs la raison de vos travaux. J'ajoute que les carences que j'ai pu signaler à votre attention ne comportent aucun jugement de valeur sur les personnes qui sont présentement chargées de l'administration de la loi. J'ai été pendant assez longtemps dans des fonctions semblables pour savoir que les individus n'ont guère de prise sur les carences du système et que c'est à corps défendant qu'ils doivent s'en accommoder. Nous ne pourrons les blâmer que lorsque nous les aurons rendus responsables et imputables, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.

La Loi sur la fonction publique actuelle a été adoptée en 1983. À mon avis, il y a lieu de la maintenir dans ses caractéristiques essentielles, car elle continue de répondre adéquatement tant aux besoins de l'État qu'à ceux de notre société. En réalité, si cette loi n'a pas encore produit tous les effets qui étaient escomptés lors de son adoption, c'est surtout qu'elle n'a pas été pleinement mise en oeuvre. Ce qui importe, c'est moins de la modifier que de l'appliquer.

Cela termine, M. le Président, les remarques que j'avais préparées et qui sont dans mon mémoire. Si vous le permettez, j'aimerais ajouter, commenter sur un point, qui n'est pas dans le document de consultation, mais qui a été soulevé devant votre commission, et c'est sur la possibilité qui existait autrefois et qui a été abolie, pour les membres de cabinets ministériels, de devenir fonctionnaires sans concours, mais sur simple examen de l'Office. C'est un privilège qui a été établi dans les années soixante lorsque les cabinets ministériels ont été formés, qui a été aboli il y a une dizaine d'années et qui revient périodiquement comme une possibilité.

Je voudrais porter à l'attention de votre commission que, lorsque cette disposition-là avait été établie dans les années soixante, c'était dans des conditions bien différentes de celles qui prévalent actuellement. À ce moment-là, les cabinets ministériels étaient une institution nouvelle. On trouvait très peu de personnes dans ces cabinets-là. La fonction publique elle-même n'avait pas été choisie par voie de concours, c'était l'ancien système et les effectifs de la fonction publique étaient dans une époque de grande croissance. Alors, l'existence de ce privilège était peut-être conforme aux exigences de ce moment-là.

Mais, à l'heure actuelle, les cabinets ministériels sont devenus des entités assez nombreuses. Si on fait le décompte, je ne l'ai pas fait, mais on trouverait certainement autour de 400 personnes dans les cabinets ministériels à l'heure actuelle. La fonction publique maintenant a toute été choisie par concours et puis on n'est pas dans une période d'expansion des effectifs, on est dans une période de réduction des effectifs Alors, réintroduire dans la Loi sur la fonction publique la possibilité pour les membres

de cabinets d'entrer dans la fonction publique, non pas pour des postes précis et par voie de concours, ce qui est toujours possible, mais par voie spéciale, sans qu'il y ait des postes précis et simplement par voie d'examen, à mon sens, ce serait revenir en arrière et puis ce ne serait pas très bon pour la fonction publique.

Je ne suis pas un adversaire des cabinets politiques, je me suis souvent prononcé en faveur des cabinets politiques. Je pense que c'est une institution absolument normale et nécessaire dans le fonctionnement de nos institutions. Mais je pense, cependant, que les personnes qu'il faut recruter dans les cabinets ne sont pas nécessairement le même type de personnes dont on a besoin dans la fonction publique. Je crois qu'il est possible d'avoir un système différent de sécurité d'emploi pour ces gens-là, avec des allocations de départ généreuses lorsque leurs fonctions sont terminées, comme c'est le cas, par exemple, pour les dirigeants d'organismes, comme c'est le cas pour les députés. Mais il serait abusif de permettre qu'un certain nombre de personnes, parce qu'elles ont passé un certain séjour dans un cabinet ministériel, puissent avoir priorité, finalement, d'emploi sur l'ensemble des citoyens, et cela, sans concours. Je pense que c'est un pas en avant qui avait été fait lorsque ce privilège-là avait été aboli et, à mon sens, on ne devrait pas le réinstaurer.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. Bernard, vous êtes, de par votre expérience aussi, un homme pratique et vous savez que les travaux de cette commission devront déboucher sur des recommandations. La commission veut faire en sorte que ses recommandations puissent aller dans le sens qui soit le plus utile, vous le comprendrez, à la collectivité. Comme parlementaires, ce que nous voulons et c'est sans doute ce que vous voulez, c'est qu'avec vos taxes vous ayez sans doute le plus de services possible et qu'on soit efficients et efficaces. Et, parfois, on aura des choix à faire. (16 h 45)

Je vais vous donner l'exemple d'un choix qu'on aura à faire. Nous avons l'article 2 qui nous dit: On doit fournir aux citoyens des services de qualité. L'article 3, paragraphe 2" nous dit: Le fonctionnaire investi du pouvoir de gestion doit en rendre compte. J'en arrive à ce qu'on appelle l'imputabilité et on va s'attarder surtout à l'imputabilité externe. Vous nous dites, à la page 3 de votre mémoire, que la carence fondamentale qu'il faut corriger, c'est "de mettre en oeuvre un véritable régime d'imputabilité" qui n'existe pas, à vos yeux. Mais ce qui me semble un petit peu plus important, vous allez un petit peu plus loin: à la page 4, dans le haut, vous dites: C'est un des moyens essentiels qui va nous permettre d'en arriver à une qualité des services aux citoyens plus efficace et de développer davantage une bonne gestion des ressources humaines. Vous nous dites, à la page 5: "II faudrait accepter de faire une distinction entre la sphère politique et la sphère administrative (... ) Mais il faut se résoudre à reconnaître l'évidence: rendre le ministre seul responsable du moindre geste de chacun de ses fonctionnaires, c'est, en pratique, instaurer - et je pèse bien vos mots - un régime d'irresponsabilité administrative et ruiner toute chance d'amélioration de la qualité de la gestion. " Vous êtes cohérent avec le livre que vous avez publié, "Réflexions sur l'art de gouverner", à la page 37 où vous nous dites: "À mon sens, en effet, il est souhaitable que les sous-ministres soient directement imputables devant le Parlement de leur gestion administrative. Il n'est pas moins naturel que les sous-ministres répondent des moyens qu'ils ont mis en oeuvre pour atteindre ces objectifs et donner suite à ces choix. "

Ma question est la suivante: Un important ministre de notre gouvernement donnait hier une allocution à l'occasion de la remise des prix d'excellence 1990 de l'administration publique. Cet important ministre - il s'agit de M. Claude Ryan - nous disait dans son discours qu'il récuse cette distinction qu'on tente souvent d'ériger entre le politique et l'administratif II nous dit ceci. "La tradition britannique du gouvernement attribue au ministre un pouvoir très étendu dans la direction des affaires de son ministère. Elle le rend en retour comptable de tous les actes faits par ses collaborateurs dans l'exercice de leurs fonctions. Il faut éviter qu'elle ne débouche sur des interprétations trop littérales". Et il dit: "Je la trouve néanmoins supérieure, en principe, à la règle de dualité qui sert d'inspiration à certaines propositions voulant que les sous-ministres soient désormais comptables de leur gestion devant le Parlement. " Il nous dit: "Un ministre qui serait condamné à fonctionner à l'Intérieur d'un carcan aussi limité ne résisterait pas longtemps devant les assauts de l'Opposition au Parlement. Il nous dit, et je terminerai là-dessus: "Le principe de la responsabilité ministérielle est premier; il est fondamental; il est inaliénable. "

Comme parlementaire, moi, comme personne élue, la seule préoccupation que j'ai, c'est que les travaux de cette commission puissent s'orienter dans le sens où, eu égard à l'administration publique, le meilleur système est celui qui va le mieux servir les citoyens. Vous venez de me dire dans votre mémoire que ne pas développer une forme d'imputabilité externe amoindrirait la qualité des services aux citoyens. J'aimerais vous entendre là-dessus. J'aimerais que vous puissiez m'éclairer là-dessus. Vous comprendrez que vous êtes complètement à l'opposé de ce que vient de nous dire M. Ryan. Je pense que je n'ai pas... Et, moi, je fais appel à M. Bernard, l'homme pratique.

M. Bernard: M. le Président, ce que M.

Ryan a dit, ce n'est pas Ia première fois que |e l'entends. Je l'ai entendu par des ministres importants d'autres couleurs politiques aussi. Je l'ai entendu de M. Lazure, peut-être pas de façon aussi catégorique, mais je pense que M. Lazure pourrait dire qu'il a eu, lui-même, des réticences à ce qu'on fasse une distinction entre la politique et l'administratif. C'est tout à fait normal et naturel. Je n'ai rien contre cette vue des choses, sauf que, à un moment donné, il faut se rendre à l'évidence que, pour être pratique, si on veut améliorer la qualité de la gestion administrative, il faut mettre quelqu'un qui est responsable. Est-ce que c'est vraiment possible, est-ce que c'est souhaitable qu'on prenne les ministres et qu'on les amène en commission parlementaire pour les interroger non pas sur les orientations politiques de leur ministère, non pas sur les objectifs à long terme qu'ils poursuivent, etc., mais qu'on leur demande: M. le ministre, est-ce que vous avez un système dans le ministère pour faire en sorte que vos envois postaux soient suivant le règlement je-ne-sais-pas-trop-quoi de Postes Canada de façon à épargner 0, 02 $ par envoi? M. le ministre, est-ce que vous êtes en mesure de savoir si on utilise les dernières techniques d'inventaire de la papeterie et du matériel pour vous assurer que vos inventaires sont au minimum et qu'il ne traîne pas des surplus, etc. ? Je pense que, pour ce genre de questions, le ministre va nécessairement se retourner vers son sous-ministre et lui demander pst, pst? Et il va répondre on son nom ou il va lui passer la parole et va dire: Voulez-vous répondre à cette question-là? On l'a vu dans l'étude des crédits. Dès que, dans l'étude des crédits, on aborde des questions qui sont vraiment des questions de gestion administrative, le ministre se retourne vers son sous ministre et lui demande de répondre.

Si on veut mettre l'accent sur ce genre de questions, il faut absolument que ça ne soit pas le ministre qui soit responsable parce qu'il y a deux choses. D'abord, parce qu'on prendrait le temps du ministre pour des questions où il n'est pas vraiment compétent pour répondre. Ce n'est pas lui qui choisit les systèmes. Ce n'est pas lui qui a cette préoccupation-là. Et, deuxièmement, c'est la tentation d'une commission parlementaire de "switcher", si vous me permettez l'expression, du niveau administratif au niveau politique. Les gens qui siègent à cette commission-ci sont des hommes politiques qui jouent le jeu parlementaire qui est fondamental à notre choix démocratique. En même temps, ils sont responsables de surveiller l'utilisation, la bonne gestion des fonds publics. Moi, tout ce que je demande, c'est qu'on puisse prendre les moyens pour que ces deux fonctions soient remplies et qu'on ne mette pas tout l'accent sur le jeu politique au sens noble du terme, le débat politique, si vous voulez, mais que l'Assemblée nationale trouve le moyen de s'intéresser à des questions de gestion adminis- trative. Je suis convaincu que, si on force les ministres à répondre des questions de gestion administrative, on ne réussira pas à enclencher un mécanisme par lequel les commissions parlementaires vont parler aux gens responsables des questions administratives pour les questionner sur leur gestion administrative.

Et je pense que c'est très important qu'on déclenche un mécanisme comme celui-là. Ce n'est pas la première fois qu'un sous-ministre vient ici qui est important, c'est la deuxième fois et c'est la troisième fois. Pourquoi? Parce que, la première fois que vous allez lui poser des questions: il va vous donner des réponses. Il va dire: Ah! on a un projet là-dessus; on a une étude en cours; on a un système qui est en train d'être développé, bon, etc. C'est normal, c'est bien sûr. Ensuite, il va vous dire: Là-dessus, par exemple, on a fait du progrès; on est rendu... Il y a des choses qui sont faites. Il y a des choses à faire, etc. Ce qui est intéressant, c'est que, lorsque le sous-ministre va revenir l'année suivante, par exemple, ou son successeur, parce qu'il y a une succession, mais ce n'est pas là l'important, on va lui demander: L'année passée, vous nous aviez dit que vous aviez une étude en cours sur ce point-là, où en êtes-vous rendu? Là, ça devient intéressant de savoir s'il y a des progrès ou s'il n'y en a pas.

Puis, ce qui est intéressant aussi, c'est que le sous-ministre, quand il sait qu'il va comparaître devant la commission parlementaire, va dire: Quelles sont les questions qu'ils vont me poser? Il va regarder l'année passée ce que vous avez posé. Ah oui, il y avait telle étude, il y avait telle chose. Où en est-on là-dessus? Évidemment, je veux dire, c'est sûr que ce ne sont pas toutes des questions qui sont de cette nature-là, mais ça va mettre la pression de l'Assemblée nationale sur la qualité de la gestion. Maintenant, si votre commission se met à poser des questions au sous-ministre qui sont de nature politique, bien, c'est sûr que là vous allez ruiner le processus et que, lui, va dire: Bien, écoutez, là je ne peux pas vous répondre, vous poserez la question à mon ministre, etc. Mais si la commission parlementaire, avec le temps, développe des moyens d'interroger les gestionnaires sur des problèmes de gestion... Je ne dis pas que ce doit être 50 % du temps de l'Assemblée nationale. On peut trouver un temps raisonnable pour ce genre de questions là. Mais je dis que, pour notre société, c'est très important que quelqu'un se penche sur la qualité de la gestion, parce que c'est le service aux citoyens, d'une part, et c'est les fonds publics. Et je peux vous dire qu'il y a énormément d'argent à épargner du côté des améliorations de productivité dans le secteur public.

Le Président (M. Lemieux): Donc, vous croyez qu'une imputabilité externe est nécessaire dans la conjoncture actuelle.

M. Bernard: Absolument. Puis, c'est la seule façon de le commencer. Je peux vous garantir une chose, c'est que, si l'Assemblée nationale prenait les devants et commençait à tenir régulièrement des sessions avec les sous-ministres sur leur gestion administrative, le gouvernement s'organiserait à l'interne pour suivre le processus. Parce que le gouvernement ne voudrait pas que les sous-ministres soient imputables seulement à l'externe. Il dirait au Conseil du trésor: Bien, vous allez vous organiser pour faire votre revue de programmes annuelle pour qu'on sache comment répondre de la qualité do la gestion. Parce que, là, il y a une vraie responsabilité politique. Si le gouvernement ne s'assure pas qu'il y a une qualité de gestion suffisante, bien, là, évidemment, les répercussions de ça, c'est que ça va monter au point de vue politique et qu'on va poser des questions au Conseil du trésor, au premier ministre ou aux différents gestionnaires.

Quand on parle de distinguer la sphère administrative et la sphère politique, ce n'est pas pour enlever de l'autorité aux ministres. Les ministres vont toujours garder la pleine autorité dans leur ministère. Ce n'est pas pour enlever la responsabilité globale du ministre. Le ministre restera toujours responsable de la bonne gestion de l'ensemble de son ministère. Mais son rôle, lui, c'est de voir à ce que son sous-ministre soit un homme compétent, qu'il fasse ce qu'il a à faire, qu'il développe ses systèmes, qu'il ait ses mécanismes de contrôle. C'est ça vraiment son rôle. Ça ne lui enlève rien du point de vue, si vous voulez, juridique. Sauf que, si on n'accepte pas à un certain niveau de faire la distinction des sphères, ça empêche tout contrôle sur la gestion proprement dite.

M. Chagnon: Permettez-moi de vous remercier d'avoir bien voulu participer à cette commission parlementaire. Compte tenu de vos expériences passées et du fait que vous avez contribué à mettre sur pied, travaillé avec les gens qui ont fait la commission Bisaillon à l'époque, votre participation est d'un intérêt tout à fait particulier.

À l'avance, je peux vous dire que je partage avec vous la vision que vous avez de l'imputabilité tant interne qu'externe. Mais, pour revenir sur la question de fond, au-delà de la problématique du prix du timbre dans la machine à timbres, le ministre qu'on interroge, comme on le fait actuellement, sur le plan de ses concepts et conceptions politiques, de ses visions, de ses orientations politiques dans son ministère n'est il pas en droit d'être celui qu'on devrait interroger, encore une fois, sous l'aspect du principe de la responsabilité ministérielle, quant aux moyens qu'il peut en principe lui-même aussi choisir pour qu'on mette en place, sur le plan administratif, la façon d'organiser, d'ordonner sa vision des choses au niveau polilique? Comment on fait pour dichotomiser ça?

M. Bernard: Je pense qu'un ministre, normalement, devrait avoir parmi ses obligations à l'égard de son ministère de s'assurer qu'il est bien géré. Par conséquent, il a parmi ses obligations d'interroger son sous-ministre sur la façon dont il gère, sur les systèmes qu'il a mis en place pour obtenir une bonne gestion. Dans le cours de l'année, il y a toutes sortes d'occasions qui ouvrent la porte à ça. Par exemple, vous avez le rapport du Vérificateur général qui vient une fois par année, qui porte souvent sur des questions de gestion C'est l'occasion pour le ministre d'avoir une bonne discussion avec son sous-ministre sur les suites qui ont été données à l'ancien rapport et au nouveau rapport, etc. Je pense que ça, c'est une occasion. Vous avez l'occasion souvent de réformes administratives. Vous faites une réorganisation de votre ministère pour toutes sortes de raisons, etc. Vous avez un nouveau ministre qui entre dans un ministère, qui doit se mettre au courant des choses, etc. Les occasions ne manquent pas pour le ministre de s'assurer qu'il y a dans son ministère une bonne gestion administrative.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de La Prairie.

M. Chagnon: Hier, nous avons eu le député de La Prairie qui. sur son chemin de Damas, a eu une conversion miraculeuse à l'égard de l'imputabilité. (17 heures)

M. Lazure: II a progressé, c'est tout. M. le Président, merci de me donner la parole. Je suis très heureux de retrouver M. Louis Bernard et de retrouver son texte qui est succinct, qui est clair, qui est logique, un petit bijou. L'administration, c'est un art. Il y a des artistes qui ont beaucoup de fioritures, d'autres qui ont un art un peu dépouillé, mais c'est un art administratif dépouillé que j'aime bien. Je pense qu'il y a quelques commentaires que je veux faire. La commission devrait reconnaître qu'elle n'a pas utilisé effectivement les pouvoirs qu'elle a, comme d'autres commissions. Moi, comme membre de cette commission-ci, comme vice-président, je vais faire tout mon possible pour que nous utilisions au maximum les pouvoirs de rencontrer périodiquement le président de l'Office des ressources humaines, le président de la Commission de la fonction publique. Vous avez raison de nous rappeler ça.

Deuxième commentaire. Votre suggestion qu'il y ait une refonte de la loi de l'administration publique, un peu comme il y a eu une refonte de la Loi sur la fonction publique, je pense que c'est pertinent. Je viens aux remarques du président, tantôt, quand il a cité M. Ryan dans une conférence qu'il donnait hier soir. J'ai l'impression que le ministre des Affaires municipales, hier soir, dans sa conférence, a démontré clairement qu'il a une comprehension pus vrai

ment à jour, à date, de ce que c'est que l'imputabilité. J'ai lu son texte tantôt, attentivement, et il a l'air de croire, comme bien des gens politiques hommes ou femmes politiques que si ses hauts fonctionnaires ont à rendre dos comptes, deviennent imputables. il perd une partie de son autorité et de sa responsabilité. Ce qui n'ost pas le cas. Vous dites dans votre texte, M. Bernard: "rendre le ministre seul responsable du moindre geste de chacun de ses fonctionnaires, " etc., ce que vous avez cité, M. le Président. Et j'ajouterais: Le ministre, il ne peut pas être le seul responsable, c'est évident, mais il est quand même le responsable ultime de tout ce qui se passe. Je pense que, là-dessus, vos remarques étaient assez claires et c'est ce que M. Ryan n'a pas l'air de saisir. Le ministre ne fait que partager, à ce moment-là, sa responsabilité dans des sphères qui sont à prédominance administrative. Parce qu'il y a des sphères où on peut difficilement séparer l'administratif du politique, il y a des zones grises. Mais on peut parler d'une prépondérance administrative et d'une prépondérance politique. Lorsqu'il y a prépondérance administrative, moi, il me semble que ça ne devrait pas causer un problème à un élu de dire: Bon, je vais laisser mon sous-ministre répondre devant les élus de sa gestion. Et ça ne veut pas dire qu'il abandonne sa responsabilité ultimement.

Juste une question que je voulais vous poser, pour le moment. Dans le cadre d'une réforme possible de la loi de l'administration publique, vous dites: Le Conseil du trésor pourrait devenir un comité de gestion qui aurait deux grandes fonctions: une, les ressources financières, l'autre, les ressources humaines. C'est un modèle, ça. Par contre, beaucoup de groupes de personnes nous ont dit: Depuis quelques années que le Conseil du trésor assume la responsabilité totale de la loi... Parce qu'il fut un temps, de 1984 à 1988, où le président du Conseil du trésor partageait la responsabilité de la loi avec un autre ministre qui, lui, s'occupait surtout de l'Office des ressources humaines. Mais, depuis 1988, c'est seulement le président du Conseil du trésor. Alors, plusieurs nous ont dit, la majorité nous ont dit: II semble que c'est presque impossible pour le Conseil du trésor de développer une sensibilisation et une préoccupation pour la gestion des ressources humaines. Est-ce que vous continuez de croire qu'on doit continuer dans ce sens-là, dans le sens que le Conseil du trésor conserve la totalité de la responsabilité de la loi?

M. Bernard: Le grand avantage que j'y vois, c'est que, en fait, il n'y a pas que la responsabilité financière et les ressources humaines. Parce que, si on crée un ministère de la Fonction publique, on est presque amenés à dire: Bon, il y a les ressources humaines, ça, c'est au ministère de la Fonction publique; les ressources financières, c'est au Conseil du trésor. Et, quand on fait cette séparation-là, on perd l'essentiel qui est la globalité de la gestion comme telle. La gestion, ça comporte évidemment un élément important do finances, un élément important de ressources humaines, mais il y a beaucoup d'autres choses dans la gestion. Il y a la planification, les ressources matérielles, les mécanismes de contrôle, etc. Quand on sépare, je dirais, la réalité gestion comme telle, on se trouve à perdre quelque chose. C'est pour ça que, moi, je pense qu'on devrait continuer, en tout cas pousser plus loin l'expérience qu'on a actuellement, en Insistant sur la globalité de la responsabilité du Conseil du trésor sur l'ensemble de la gestion administrative. Évidemment, il y aurait une place importante pour les ressources humaines là-dedans et il y aurait une place importante pour les ressources financières. Il y a de la place, également, pour d'autres choses. Si on avait un effort pour mettre à un endroit une responsabilité globale sur la qualité de la gestion de l'ensemble de l'entreprise État, je pense que ce serait préférable que de séparer finances et relations publiques, parce qu'on va avoir beaucoup de difficulté, d'abord, à les mettre ensemble, et, deuxièmement, on risque qu'il y ait des choses qui tombent entre les deux chaises. Mais je n'en fais pas une question de... C'est possible de l'organiser autrement, je veux dire.

M. Lazure: Moi aussi, je conçois théoriquement que ça pourrait être seulement le Conseil du trésor qui assume la totalité. Moi aussi, c'est empirique, pragmatique; à la lumière de l'expérience, ça me laisse assez songeur. Mais, à supposer qu'on garderait le même mécanisme, qu'est-ce qu'il faudrait faire pour que le Conseil du trésor devienne plus sensible aux dimensions autres que relations de travail, négociations et contrôle financier, à toutes les autres dimensions?

M. Bernard: Je pense que, si vous procédiez au même genre de réflexion que vous avez eue sur la partie ressources humaines actuellement, si vous aviez une commission, par exemple, qui portait sur la gestion dans son ensemble et le rôle du Conseil du trésor là-dessus, autrement dit si vous l'examiniez comme vous avez examiné la fonction publique, il y a beaucoup d'idées qui viendraient sur le tapis. Il y aurait un cheminement, les gens verraient... Parce qu'on est un peu l'esclave de la tradition. Le Conseil du trésor a été créé trésor et, là, on essaie de le transformer en gestionnaire. Alors, il y a une question de l'évolution des mentalités, de voir la nouvelle réalité, etc. On a besoin d'un débat là-dessus, etc. Alors, ce que je vous suggère, c'est d'entreprendre, à un moment donné, une réflexion en profondeur sur la réforme de la loi de l'administration financière.

Le Président (M. Lemieux): M.. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Tout d'abord, je veux, à mon tour, vous féliciter de la tenue et de la teneur de votre mémoire. Vous parlez d'imputabilité externe et je suis assez en accord avec cette idée-là. Maintenant, lorsque vous parlez d'imputabilité interne, je vous pose une question: L'entreprise privée a beaucoup évolué, dans la dernière décennie, dans le domaine des ressources humaines, de ce qu'on a appelé parfois, à l'occasion, la gestion participative. Est-ce que vous pensez que, au niveau du gouvernement, il y a suffisamment de consultations qui soient faites des employés pour les associer, d'une certaine façon, les responsabiliser davantage à leurs obligations? Parce que ma façon de le comprendre, c'est que, s'il y a une imputabilité interne, bien, il faudrait qu'il y ait des moyens de faire en sorte que les fonctionnaires de première ligne, par exemple, soient entendus à l'interne sur ce qu'ils constatent en faisant leur travail. Autrement dit, s'ils ne sont pas assez responsabilisés, l'imputabilité risque de tourner court. Est-ce que vous pensez qu'il y aurait du chemin à faire à cet égard?

M. Bernard: Oui, je pense qu'il y a sûrement du chemin à faire, mais, d'après moi, c'est plus une question de système qu'une question de programmes comme tels Je pense que, tout notre système n'étant pas suffisamment responsabilisé dans son ensemble, les gens se sentent impuissants devant leur travail Alors, ils l'accomplissent le mieux possible, mais ils n'ont pas l'incitation, disons, à innover, à dépasser leur assignation, etc. Il n'y a pas d'encouragement, comme on peut en trouver dans le secteur privé, en termes de bonus, par exemple. Dans la fonction publique, on ne récompense pas les bons coups et on ne punit pas le mauvais coups, en général. Alors, c'est un mode de gestion complètement différent. Alors, si on ne réussit pas à transformer cette mentalité-là pour amener l'accent sur la qualité de la gestion, là, il est presque impossible de mettre en oeuvre de nouvelles techniques de motivation, par exemple, à l'intérieur d'un système aussi dépersonnalisé, aussi non responsabilisé que celui-là. Alors, moi, je ne pense pas qu'une recette ou l'autre, un petit programme d'incitation ou quoi que ce soit changerait globalement l'attitude des fonctionnaires vis-à-vis de leur travail Ça ne veut pas dire qu'ils ne font pas un bon travail, mais on n'a pas un système qui mène au dépassement.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Ça va, M. le député de Pointe-aux-Trembles?

M. Bernard: Si vous le permettez, M. le Président, sur la question fondamentale: est ce qu'on peut distinguer la sphère administrative de la sphère politique, etc. ?

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Bernard: Je pense que les hommes politiques sont des gens pratiques. Si on procédait progressivement, si on disait: Tentons l'expérience, faisons une ou deux commissions parlementaires qui vont mettre plus l'accent sur les questions administratives comme ça, faisons-la, l'expérience, voyons s'il est possible de distinguer la sphère politique et administrative, probablement que les débats un peu théoriques, à savoir: Est ce que la responsabilité ministérielle doit être "all inclusive" ou est-ce qu'il est possible do la séparer, etc. ? perdraient un petit peu do lour acuité et qu'on verrait plus, clans la pratique, qu'est-ce qu'il est possible de faire.

Les commissions parlementaires apprendraient les limites, aussi, d'un processus comme celui-là et les fonctionnaires apprendraient à répondre parce que je peux vous dire que, dans la fonction publique, ce n'est pas très populaire de parler d'imputabilité. Les hauts fonctionnaires ne sont pas plus heureux qu'il ne le faut d'avoir à témoigner devant les commissions parlementaires. Alors, vous n'avez pas un mouvement spontané d'enthousiasme vis-à-vis de ces choses-là.

Le Président (M. Lemieux): Ha, ha, ha! On ne frappe pas aux portes.

M. Bernard: Et ça, cost parce qu'il y a une certaine crainte. Comment ça va so passer? Où est-ce qu'on va se retrouver, etc. ? Alors, il y a de l'expérience à faire de part et d'autre. Si on y allait progressivement, tentons l'expérience, mais allons-y sur une base déterminée; ne faisons pas une séance et, après ça, une autre l'année suivante. Faisons le un petit peu avec un continuum.

Le Président (M. Lemieux): M le député de Pointeaux Trembles, votre question.

M. Bourdon: Ce que je voulais ajouter, c'est que je souscris à ce que vous dites. Au niveau des parlementaires, les relations du ministre avec l'Opposition sont d'une nature partisane, comme par définition, et ça fait partie du système de responsabilité, alors qu'en commission parlementaire, sur des questions plus administratives, les lignes partisanes jouent moins parce que les députés veulent savoir comment l'argent do la population ost utilisé Par exemple, lors dos engagements financiers, on a eu une séance où on s'interrogeait sur les 30 000 mallettes, valises et autres contenants du secteur public.

M. Bernard: J'ai lu vos débats à l'occasion de mon autre rapport Ha, ha, ha!

M. Bourdon: C'est ça. Mais, le fond de la question, c'est qu'on n'a pas su à quoi servaient les mallettes et les valises. La question n'est pas partisane, je veux dire.

Le Président (M. Lemieux): Ça viendra, ça viendra, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: C'est ça. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il n'y a pas une façon du Parti québécois ou du Parti libéral d'envisager l'usage des valises; il y a une question de fait Et une question, peut-être, de plus d'enjeux. J'ai souvenir d'une discussion qu'on a eue aussi sur les quelque 360 000 000 $ que le gouvernement du Québec consacre chaque année à l'informatique. C'est un gros bloc. Ce sont des questions qui méritent d'être poursuivies parce que c'est un gros client, le gouvernement, pour 360 000 000 $ et comment cela est-il géré? Au plan de la gestion, ça a des conséquences importantes et, encore là, je peux difficilement imaginer que ça devienne politique au sens large. Sauf ce que vous disiez, que si ça fait trois ans que ça se pose, c'est évident que, là, le débat va devenir un peu plus vif dans le caucus ministériel.

Le Président (M. Lemieux): Ça va, M. le député de Pointe-aux-Trembles?

M. Bourdon: Oui.

Le Président (M. Lemieux): Une petite question avant de passer la parole au député de Saint-Louis. Vous dites que vous êtes dans l'entreprise privée et, quand on regarde les grandes compagnies, que ce soit chez vous, je pense, Laurentienne, Power, Bell, privées ou publiques, on constate qu'il y a normalement, chez ces compagnies-là, un vice-président aux finances. Et on retrouve souvent aussi un vice-président aux ressources humaines, ce qui assure, selon moi, une espèce de contrepoids et peut-être une possibilité d'arbitrage entre les deux. Ce que je ne comprends pas de ce que vous nous avez dit tout à l'heure, c'est pourquoi cette philosophie de gestion-là ne vous semble peut-être pas tout à fait applicable à la fonction publique. Ce que j'ai cru un petit peu dénoter de vos propos.

M. Bernard: Moi, ce que je chercherais, ce serait un champion de la gestion. Je voudrais avoir quelqu'un qui en fasse sa préoccupation principale, la gestion dans son ensemble, la gestion de l'État en tant qu'entreprise comme telle, et non pas simplement un champion de la gestion des ressources humaines ou un champion de la gestion des ressources financières. Je me cherche un champion do la gestion dans son ensemble. Mais, dans l'entreprise privée, on ne fait que ça, de la gestion. Alors, ce n'est pas la même chose. Toute l'équipe de la direction, on fait tous ça, de la gestion, tandis que, dans le secteur public, on fait beaucoup plus que la gestion. J'ai dit: L'État, c'est une entreprise, mais ce n'est pas qu'une entreprise.

Le Président (M. Lemieux): Oui, j'ai vu ça.

(17 h 15)

M. Bernard: Dans l'entreprise privée, la gestion, c'est tout. Dans la fonction publique, la gestion, c'est presque rien, je dirais, pour exagérer un peu, en ce sens que, si on regarde notre processus politique, on n'accorde pas beaucoup d'importance à la gestion comme telle. On attache beaucoup d'importance aux objectifs politiques, etc., et c'est normal et c'est correct que ça se fasse comme ça. Alors, moi, je me cherche, à l'intérieur de l'appareil de l'État, quelqu'un qui ferait de la bonne gestion, de la gestion dans son ensemble une préoccupation constante. Je crains que, si on divise les responsabilités de gestion, on perde ce centre nerveux. Alors, c'est pour ça que je favorise...

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député de Saint-Louis.

M. Chagnon: Je pense que les membres des différents partis politiques qui sont ici représentés autour de la table ont des opinions qui peuvent varier sur la question de l'imputabilité. On a cité M. Ryan qui s'est commis dans un grand texte, hier, à l'ENAP. Il y a le député de Labelle qui n'est pas plus d'accord. Mais c'est un peu normal que, dans chacun des partis politiques et aussi au sein de la fonction publique, il y ait des hésitations quant à la mise sur pied d'un programme d'imputabilité externe. Par exemple, le député de Labelle, lui, une des choses qui l'avaient traumatisé, qu'il nous a dit hier, c'était la commission sur la Baie James, la façon dont ç'a procédé. Ça lui a laissé, en tout cas, un goût amer. On n'était pas là, sauf M. le député de La Prairie. Et, pour lui, c'est ça, l'imputabilité. D'autres comme M. Bisaillon nous ont dit hier soir qu'on devrait probablement penser à intégrer à la Loi sur la fonction publique le plan de dotation de façon à pouvoir questionner les hauts fonctionnaires sur le plan de dotation et les politiques de dotation de chacun des ministères. On a aussi entendu d'autres opinions, comme celle du Vérificateur général que vous avez mentionnée à l'effet de questionner ce rapport du Vérificateur général. S'il y a une séquence qui doit être mise en place pour poursuivre les objectifs qui ont été sous-jacents à la mise sur pied de la Loi sur la fonction publique en 1983 et si l'imputabilité est cette séquence suivante, est-ce qu'il y a, à l'intérieur de cette séquence, des morceaux qui vous semblent prioritaires par lesquels commencer? J'ai cru comprendre que le rapport du Vérificateur général en était un, le rapport de l'ombudsman et le rapport annuel des ministères ou des organismes. Enfin, c'est quoi,

la séquence dans votre cheminement logique, les morceaux avec lesquels on pourrait même peut-être... Devrait-on les intégrer à la loi?

Le Président (M. Lemieux): Et si, dans cette séquence, M. Bernard, le haut de la pyramide, comme vous l'avez si bien mentionné et comme vous le savez fort bien, n'est peut-être pas tout à fait intéressé à une forme d'imputabilité externe, que doit-on faire?

M. Bernard: Moi, j'espère que la commission va continuer sur la lancée de ses travaux En fait, ce que vous faites actuellement, c'est réfléchir sur le rôle des commissions parlementaires dans l'ensemble du processus. Moi, ce que je vous suggère, c'est que vous avez déjà, d'après le règlement, des responsabilités à l'égard des organismes. Vous n'avez pas de responsabilité dans le règlement actuel, à moins qu'il ait été changé. Vous n'avez pas de responsabilité vis-à-vis des ministères comme tels, mais vous avez une responsabilité vis-à-vis des organismes. Alors, ce que je vous suggère, c'est au moins d'exercer la juridiction que vous avez et, à l'expérience, d'essayer de convaincre les gens que c'est une bonne chose, pour que les gens soient moins craintifs à l'idée que les fonctionnaires vont venir discuter avec les commissions parlementaires de questions administratives. Et vous aurez l'expérience, vous direz: Ça fait cinq réunions qu'on a et voici les résultats, etc.

En ce qui concerne la séquence, il n'y a pas de séquence comme telle, mais il y a une prudence. Il faudrait absolument avec vos commissions, si vous voulez faire avancer les choses, que vous fassiez bien attention à ne pas mêler les choses administratives et politiques. Si votre point de départ, c'est qu'il est possible de les distinguer, il faudrait que vous fassiez attention à ne pas les mêler, parce que c'est très facile de les mêler. Alors, moi, c'est ça que j'appelle les règles qu'il faut établir, un modus vivendi, les règles plus ou moins tacites. Il y a des choses qui appartiennent à la sphère politique et il y a des choses qui appartiennent à la sphère administrative, et il y a une zone grise. Alors, en termes de séquence, si vous voulez, j'essaierais d'éviter la zone grise. Je me concentrerais sur des questions qui sont vraiment des questions administratives Lorsqu'on sent qu'il y a une connotation politique qui se développe, avoir la force de résister à entrer dans cette voie-là. Il y a d'autres modes à l'intérieur de vos procédures pour attaquer les problèmes politiques.

Le Président (M. Lemieux): En un mot, si on se fie au droit parlementaire, vous nous dites: Créez donc des précédents.

M. Bernard: C'est de créer des précédents.

Le Président (M. Lemieux): C'est ça que vous nous dites?

M. Bernard: C'est ça Exact.

Le Président (M. Lemieux): Ça va. M. le député des Îles-de-la-Madeleine

M. Farrah: Merci, M. le Président. Ce qui est intéressant au niveau de votre mémoire, je pense. Parce qu'il ne faut pas se le cacher, on est à contre courant au niveau du haut de la pyramide, au niveau des hauts fonctionnaires. Il y en a qui nous trouvent pas mal courageux, il ne faut pas se le cacher, mais je pense que c'est notre rôle aussi en tant que députés quand même. On ne veut combattre personne, on veut améliorer le système. Personne ne peut être, non plus contre l'objectif d'améliorer la qualité, sauf que, dans votre dernière conclusion que vous venez de faire, la zone, elle est mince dans le contexte partisan et ma crainte, c'est qu'en commission tu peux débattre de façon bien objective un tel point au niveau administratif; il ne faudrait pas arriver une heure plus tard au niveau de la période des questions et qu'un ministre - excusez l'expression - se fasse planter, entre guillemets, sur une question qui a été posée au niveau administratif. Alors, je pense que je comprends bien la nuance à faire. Il faut être très prudent à ce niveau-là parce que ça peut mettre en péril tout le reste de la réforme.

Également, j'aime bien le niveau pratique de votre mémoire. Vous délimitez bien l'administratif parce que ça va nous permettre peut-être de convaincre ces gens-là de ne pas être inquiets. Vous délimitez de façon concrète et pratique l'administratif du politique, et ça, je l'apprécie beaucoup au niveau de notre mémoire.

D'autre part, tantôt vous avez parlé des primes d'excellence, c'est-à-dire que ça n'existe pas ou peut-être qu'on ne "focusse" pas assez sur l'excellence. Ici, à la commission, on a rencontré la majorité des syndicats, sinon la totalité, qui représentent les employés de la fonction publique et, de façon unanime, les syndicats ont rejeté, par exemple, les primes d'excellence, disant qu'eux aiment mieux récupérer, disons, l'argent qui est voté pour cette fin et le répartir de façon équitable entre la masse. Je pense que c'est une grosse lacune au niveau de notre système. Ma question est la suivante: C'est que d'un côté, on veut l'imputabilité, mais, d'autre part, au niveau des hauts fonctionnaires, est-ce qu'il y a la marge de manoeuvre nécessaire aussi pour les rendre imputables quand on parle de ces conventions collectives là ou, par exemple, des primes d'excellence qu'on refuse? Comment voyez-vous ça, vous, en tant que votre expérience?

M. Bernard: Je vois ça comme une évolution longue à faire. Je pense qu'on devrait recon-

naître le mérite dans la fonction publique. Mais si vous me demandez comment on peut faire ça demain matin, je vais dire: C'est impossible. C'est impossible parce que le système ne s'y prête pas. Comment fait-on pour transformer un système? On ne peut pas faire de révolution là-dedans. Il faut faire une évolution et c'est par le développement d'un système d'imputabilité que peu à peu on verra la nécessité de mettre l'accent sur l'évaluation du mérite, de distinguer entre les bons et les moins bons. Parce que, au fond, ce qu'on n'accepte pas dans la fonction publique, c'est qu'il y a des bons et des moins bons. S'il y a des bonnes choses, il y a des moins bonnes choses au point de vue gestion. Mais si vous alliez dans l'entreprise privée et que vous ne faisiez aucune distinction entre les bons et les pas bons, je veux dire, cette entreprise-là serait vouée à la faillite. On ne considère jamais la qualité des "outputs" dans la fonction publique. On ne considère que la façon dont les biens sont acquis Prenez General Motors, par exemple. Si vous vouliez juger General Motors en faisant simplement savoir où ils achètent leur matériel et comment ils engagent leur personnel et que vous ne faisiez aucune vérification sur la façon dont ils utilisent leur personnel, la façon dont ils utilisent leur matériel, la qualité des autos qu'ils construisent, la part de marché qu'ils ont, etc., vous seriez complètement à côté de la coche. Mais ce qu'on fait dans la fonction publique, c'est qu'on met toute l'attention sur la façon dont on acquiert les "inputs", mais on ne met aucune attention sur la qualité des résultats. Alors, on ne changera pas ça du jour au lendemain. Mais si on commence par responsabiliser les gens sur la qualité de leur gestion, peu à peu on va entrer dans des questions comme: comment fait-on pour motiver le personnel? Quand on rentre dans ça, il y a les primes d'excellence, il y a les évaluations, il y a toutes sortes de choses.

M. Farrah: Tout à fait juste, M. le Président. Peut-être un dernier commentaire ou question. En tout cas, votre mémoire est pratique. D'une part, il délimite très bien, comme je l'ai dit, l'administratif avec la politique. D'autre part, pour peut-être nous aider à défendre notre cause auprès de la pyramide et des hauts fonctionnaires, vous ciblez très bien aussi le problème de la résistance au changement au niveau des organisations. C'est un principe de gestion, je pense, qui est tout à fait juste et il faut l'expliquer. Dans ce sens-là, si on y va graduellement, comme vous dites, ça peut faire en sorte d'atténuer les peurs et je pense que c'est un principe qui est très bon à appliquer.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Alors, une dernière question, M. le député de La Prairie.

Ml. Lazure: M. Bernard, je ne peux pas vous laisser aller comme ça sans avoir vos lumières. La question qui brûle toutes nos lèvres: D'après vous, pourquoi les hauts fonctionnaires sont-ils aussi réticents que ça? Vous les connaissez bien, vous, M. Bernard. Pourquoi sont-ils aussi réticents que ça vis-à-vis de l'imputabilité?

Le Président (M. Lemieux): C'est-à-dire à comparaître devant les commissions parlementaires. Vis-à-vis de l'imputabilité externe, il faut bien s'entendre.

M. Bernard: C'est la peur de l'inconnu, d'une part, et c'est le souvenir de quelques commissions qui ont mis les fonctionnaires entre ce que j'appelais l'arbre et l'écorce. Mais, par ailleurs, je dois vous dire qu'il y en a plusieurs commissions, énormément plus, peut-être 20 fois plus de commissions où les fonctionnaires ont comparu et où ça s'est très bien passé: les commissions sur Hydro-Québec, les commissions sur la SGF, les commissions sur REXFOR. Il y en a eu énormément dont je me rappelle, qui étaient des commissions très intéressantes, qui n'ont pas mis les fonctionnaires mal à l'aise, qui ont apporté beaucoup d'informations au public, etc. Alors, évidemment, ces commissions-là, peut-être qu'on les a moins à la mémoire et on se rappelle davantage les quelques-unes où les fonctionnaires ont été mis dans des situations inconfortables. Deuxièmement, personne n'aime vraiment à se faire critiquer, à se faire examiner et à se faire pousser dans le coin.

Une voix: Ils sont payés pour ça.

M. Bernard: Si on peut l'éviter, je veux dire, normalement, personne ne court après ce genre de chose là.

Le Président (M. Lemieux): Nous vous remercions de votre participation et de votre collaboration à cette commission parlementaire. Nous allons suspendre environ trois minutes pour permettre à M. Robert Pelley de bien vouloir prendre place...

Une voix:... ce matin

Le Président (M. Lemieux): Oh, pardon, M. Claude Perron.

(Suspension de la séance à 17 h 27)

(Reprise à 17 h 34)

Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux pour entendre M. Claude Perron. Bonjour, M. Perron.

M. Perron (Claude): Bonjour.

Le Président (M. Lemieux): Nous allons vous écouter. Vous avez 10 minutes pour l'exposé de votre mémoire et suivra un échange entre les parlementaires dune vingtaine de minutes, si nécessaire. Soyez bien à l'aise, vous êtes chez vous dans cette grande maison. Le salon est assez grand, soyez bien à l'aise, ne vous gênez pas si vous avez des questions à nous poser. Allez-y, on vous écoute.

M. Claude Perron

M. Perron (Claude): D'accord. Mon nom est Claude Perron, je travaille au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche depuis sept ans, dans le même corps d'emploi et pour le même programme. Il s'agit du programme Jeunes Volontaires. Je tiens à exprimer immédiatement ma nervosité, car je ne voudrais pas être pénalisé pour avoir fait un témoignage ici.

Le Président (M. Lemieux): Je ne vois pas pourquoi vous le seriez.

M. Perron (Claude): Nous autres, on est très nerveux et vous allez voir pourquoi.

Le Président (M. Lemieux): Ça va.

M. Perron (Claude): Vous allez voir qu'on vit des situations pour lesquelles il faut très souvent tourner notre langue sept fois. Je vais vous parler de l'historique du programme, mon embauche, mes renouvellements de contrat, ce que je vis comme faux occasionnel, ce que je vis aussi au niveau personnel.

Au niveau de l'historique du programme, le programme a été implanté à la suite d'une décision du Conseil des ministres en mars 1983, à l'intérieur des autres mesures d'employabilité du MMSR, du ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu. Ce n'est qu'en novembre 1983, soit huit mois plus tard, que le Secrétariat à la jeunesse et le ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu ont conjointement mis sur pied le programme Jeunes Volontaires. Au départ, c'était un programme spécifique d'une durée de trois ans avec un budget annuel. La période est largement dépassée et c'est heureux pour les jeunes démunis car ce programme répond à leurs besoins. À noter que le programme Jeunes Volontaires est maintenant rendu permanent par le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

Lors de mon embauche initiale, j'ai eu une convocation en très bonne et due forme, j'ai eu une entrevue de sélection, selon des critères bien définis. On a fait une évaluation de mon dossier et on a confirmé mon emploi. La seule chose que je n'ai pas faite, cost Ig concours écrit.

Mes renouvellements de contrat. En vue des 10 renouvellements de contrat de travail, mon employeur devait obligatoirement remplir une fiche de notation positive. Vous avez eu quelques notations qui ont été remplies selon les même règles que les employés permanents.

Ce que je vis comme faux occasionnel: insécurité constante, particulièrement lors des changements de direction ou des hautes autorités et lorsque je commets, comme tout le monde, ce qui est permis, une erreur. Avec raison ou pas, j'ai la ferme conviction que je dois toujours démontrer ma compétence et une forte capacité d'adaptation au changement Je donne les meilleures années de ma vie professionnelle. Je suis grand-père. J'ai 48 ans et plus j'avance en âge, plus je réduis mes chances de réintégrer le marché du travail si je perds mon emploi. J'ai travaillé au niveau de la création d'emplois et on sait que, à mon âge, les chances de réintégrer sont de 10 % à 15 %.

Des collègues, sachant que je venais témoigner ici, m'ont demandé de vous transmettre ce qu'ils vivent aussi, et je les cite: "Nous sommes réticents, à tort ou à raison, à recourir à la procédure du grief, de crainte des conséquences sur la durée de nos contrats de travail et des conséquences futures." Ça répond à la question de tantôt, au début. "Nous avons souvent l'impression que l'employeur a tendance à nous utiliser au-delà du rendement normal. Même après plusieurs évaluations positives, en suivant les mêmes mécanismes prévus pour les employés réguliers, nous avons des difficultés à obtenir des primes de chef d'équipe, une année de perfectionnement, congé pour fins d'études, etc. Nous nous sentons frustrés d'être en probation d'une façon permanente. En d'autres mots, après avoir démontré notre compétence pendant plusieurs années, nous devenons insécures face à une carrière, d'autant plus que les règles prévues à la Loi sur la fonction publique ne facilitent nullement notre accès à la permanence.

J'ai pensé, comme plusieurs, à chercher un emploi ailleurs, mais j'aime mon travail et, en m'appuyant sur le fait que les professionnels ayant cumulé plus de cinq ans de service ont obtenu leur permanence ou sont en voie de l'obtenir, j'ai préféré attendre les résultats de la présente négociation pour le renouvellement de la convention collective à compter du 1er janvier 1990. Pour moi, ce sont des acquis récurrents puisque le gouvernement, en agissant ainsi, respecte ses normes minimales qu'il impose aux employeurs ayant dos employés de plus de cinq ans Actuellement, le Conseil du trésor a autorisé la conversion des postes occasionnels en permanents s'ils sont identifiés comme tels par ses administrateurs et selon leurs critères. (Et mon poste vient d'être identifié comme permanent. Je vais vous parler tantôt d'une directive du Conseil du trésor par rapport à l'ouverture du poste) C'est inadmissible et je suis aussi mal à l'aise. D'une part, si c'est moi qui suis choisi, les

autres candidats affirmeront que c'était un concours bidon Si c'est le contraire, je vivrai cela comme une injustice car depuis huit ans, coux qui avaient plus de cinq ans de service ont été titularisés, soit immédiatement à la signature d'une convention collective - ça veut dire en 1983 - ou après avoir passé avec succès un concours écrit et réservé seulement pour eux, c'est-à-dire en 1986. Précisons que le concours écrit n'est pas obligatoire pour l'obtention d'un emploi permanent.

J'ai aussi démontré que j'ai été embauché selon les mêmes règles que plusieurs permanents et, dans les faits, le gouvernement reconnaît que j'occupe un emploi permanent. Le gouvernement a donc fait une erreur en m'engageant comme occasionnel et en me maintenant occasionnel dans un poste permanent. Je refuse donc d'être pénalisé et, bien au contraire, je demande que ma situation soit régularisée. C'est une question d'équité sociale pour moi et pour tous les autres vivant la même situation que moi.

Au niveau personnel, bien sûr, comme tout le monde, j'ai des difficultés à planifier et à obtenir des engagements financiers à moyen ou long terme. Par exemple, lors d'un achat de maison, étant donné que nos contrats se renouvellent année par année, les institutions financières s'engagent plus ou moins. C'est aussi épuisant de toujours expliquer ma situation d'occasionnel à ma famille, mes amis, mes confrères, y compris même mes employeurs qui voudraient que je devienne permanent.

Hier soir, j'ai mis la main sur un article du Soleil, en 1982, qui décrivait ta situation des occasionnels et, drôle de coïncidence, c'est la même situation qui prévaut actuellement, mais amplifiée de 400 % à 500 %. Je cite quelques extraits: Les occasionnels, des défavorisés du système. Le gouvernement du Québec compte à son service des milliers d'employés occasionnels. Plusieurs de ces employés sont en train, cependant, de devenir des occasionnels de carrière. Il se trouvait même quelques rares oiseaux qui ont été embauchés comme occasionnels durant plus de 10 ans. Maintenant, on on trouve de plus en plus et une centaine de ceux-ci qui auront accumulé plus de trois ans d'expérience dans la fonction publique au 1er avril.

Et, face à cette situation, la commission Bisaillon - vous en avez parlé tantôt - soulignait son étonnement vis-à-vis des dimensions du phénomène de l'engagement d'employés occasionnels dans la fonction publique, indiquait l'importance de se doter de meilleurs instruments d'évaluation des candidats afin d'améliorer le processus de recrutement des occasionnels, regrettait et déplorait en outre la situation de certains employés occasionnels dont les contrats avaient été renouvelés pour des périodes de 5, 10 et 15 ans sans avoir donné suite aux recommandations du comité créé en vertu de la lettre d'entente 18, et recommandait à ce moment-là, afin de ne pas pénaliser les employés victimes de cette dérogation ou réacceptables en matière de gestion des effectifs de la fonction publique, l'intégration pure et simple des employés occasionnels dont les contrats avaient été renouvelés pour une période de plus de cinq ans, ce qui a été fait en 1983, et l'ouverture de concours réservés aux occasionnels dont le contrat avait été renouvelé pour une période de plus de trois ans.

Tantôt, j'ai mentionné que M. Johnson a annoncé qu'il aurait 3500 nouveaux postes. J'ai reçu, parce que le syndicat m'a remis un communiqué de presse... Et M. Johnson dit ceci dans un communiqué de presse de... (17 h 45)

Le Président (M. Lemieux): Est-ce le communiqué de presse de Québec, 24 octobre 1990?

M. Perron (Claude): Oui, c'est ça.

Le Président (M. Lemieux): O. K. On a le même, ça va.

M. Perron (Claude): Vous l'avez?

Le Président (M. Lemieux): Oui. Je voulais vous en parier justement. Ça va.

M. Perron (Claude): Ce qu'il dit, c'est qu'il veut nous donner un concours réservé.

Le Président (M. Lemieux): C'est ça.

M. Perron (Claude): Mais, par après, ce qui annule tout, c'est qu'il dit que la décision du Conseil du trésor relative à la tenue du concours réservé n'exempte pas les sous-ministres ou les dirigeants d'organisme de favoriser l'utilisation des ressources internes de la fonction publique pour combler les postes permanents. Ça veut dire qu'on n'est pas assurés, même si on passe ce concours là. Et, de plus, il ajoute - et c'est le comble: Si les postes ne sont pas dotés à l'interne, ils pourront alors l'être par des employés occasionnels ayant plus de cinq ans de service continu dans un même ministère, un même emploi, un même corps ou classe d'emploi, s'ils sont déclarés aptes à un concours réservé ou - je dis bien "ou" par des personnes qui auront réussi à des concours de recrutement publics. Alors, je ne vois pas en quoi ce sont des concours réservés. Alors, moi, je trouve que, si M. Johnson ne change pas sa directive, ça va être indigne, indigne non seulement pour moi, mais pour au moins 300 personnes qui sont dans la même situation que moi.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. Perron. Je voulais justement, moi aussi... Écoutez, si je résume le sens de votre intervention, c'est un problème qui est global, c'est le

problème relatif aux occasionnels. Ce que vous venez nous dire devant cette commission se résume en peut-être trois mots, en cinq mots: Je veux garder mon emploi. C'est ça que vous venez nous dire?

M. Perron (Claude): Je veux dire plus que ça. Je veux dire que, si on avait corrigé la situation en 1983...

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Perron (Claude):... on ne serait pas dans la situation actuelle

Le Président (M. Lemieux): D'accord.

M. Perron (Claude): Et ce n'est pas on convertissant des postes actuellement qu'on va régler le problème de fond, parce qu'on est capable de contourner et ça se contourne depuis six ou sept ans. Je vous ai lu un article en 1983.

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Perron (Claude): Je trouve aussi que ce n'est pas respecter les ententes, tout ce qui a été négocié avec le syndicat en 1983. On vient de le dire ici, je lis quelques journaux, que c'est illégal, les ententes de 30 à 36 mois. C'est illégal. Il y a certaines ententes qu'on a eues, qu'on pensait, nous autres, avoir obtenues et, là, c'est illégal, on n'est plus rien. On ne sait plus du tout où on s'en va. Alors, moi, je dis... El si je calcule qu'il y a 3500 postes, ça veut dire qu'il y a à peu près 500 candidatures, à peu près 2 000 000 $ qui vont être traités par les gestions de personnel, et, selon un chiffre que j'ai eu, si on calcule 20 000 $, ça veut dire que ça coûterait à peu près 70 000 000 $ pour convertir ces postes-là, alors que M. Johnson vient de dire que ça ne coûtera pas une cent de plus. Ce n'est pas vrai. Alors, je me dis: Comment ça se fait qu'on est compétents.. Vous avez fait une enquête, la population, à 90 %, a dit qu'elle est satisfaite des services; alors, pourquoi pas, purement et simplement, comme ça s'est fait en 1983, nous déclarer permanents, tout simplement, avec, je ne sais pas moi, une déclaration d'aptitudes?

Le Président (M. Lemieux): Vous comprendrez que ce n'est pas du pouvoir de la commission actuelle. Vous êtes bien conscient de ça...

M. Perron (Claude): Oui, oui.

Le Président (M. Lemieux):.. que la commission du budget et de l'administration n'a pas ce pouvoir-là.

M. Perron (Claude): Oui.

Le Président (M. Lemieux): Mais ce que vous nous dites, c'est enregistré à la fois sur ruban magnétique et aussi devant les membres de cette commission qui ont bien entendu vos doléances au sujet du problème des occasionnels. Moi, tout ce que je peux vous dire là-dessus, c'est qu'on en prend bonne note. M. Johnson doit comparaître devant nous - c'est-à-dire non pas comparaître mais témoigner; j'aime mieux le mot "témoigner" que "comparaître" parce ce n'est pas tout à fait exact - doit témoigner demain, je pense. Alors, on lui posera des questions, effectivement, dans le sens de votre intervention relativement à ce communiqué de presse. Est-ce que mes collègues ont des questions? M. le député de Saint Louis ou M. le député de La Prairie. Oui?

M. Chagnon: Je voudrais vous remercier du témoignage que vous nous avez donné. Effectivement, ça remet en question une partie de la problématique du cas des occasionnels. C'est un peu difficile, vous comprendrez, pour les membres de cette commission de tenter de réparer, peut-être, l'injustice qui aurait pu se faire pour une personne, un individu dans le système. On essaie d'extrapoler la problématique au niveau de l'ensemble de la question des occasionnels et, dans ce cadre-là, bien, c'est un témoignage intéressant et, M. le Président, je pense qu'il faudra en tenir compte.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Saint-Louis. M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je pense que c'est un témoignage qui souligne, encore une fois, parce qu'on en a eu d'autres, le caractère complètement injuste qu'a pris cette embauche d'occasionnels depuis quelques années. Et, moi, je note qu'on est tous responsables de ça, peu importe le parti politique qui était au pouvoir. Une mesure qui, en grande partie, a été inspirée par la crise de 1981-1982. À ce moment-là, l'embauche d'occasionnels faisait économiser à l'État un certain montant d'argent puisque souvent les occasionnels n'avaient même pas les avantages sociaux qu'ils ont maintenant aujourd'hui. Mais cette mesure-là a été amplifiée, vous dites, 400 fois, 400 % ou 500 %, par rapport à 1983. C'est ça qui n'est pas acceptable parce que, depuis 1983, il y a eu des années où ce n'était pas des années de crise, au contraire, des années d'expansion. Je pense qu'il va falloir que le gouvernement corrige cette situation et le plus rapidement possible.

Nous avions reçu, les membres de la commission, le communiqué du ministre responsable du Conseil du trésor et de la fonction publique, ce midi. À première vue, surtout si on regarde seulement le titre, c'est un communiqué qui paraissait une bonne nouvelle pour les occasionnels puisque ça dit: M. Johnson annonce la

tenue de concours réservés à certains employés occasionnels. Mais, M. le Président, je suis obligé de dire que c'est quasiment un titre qui frise la fausse représentation parce que, quand on lit, comme M. Perron l'a lait tantôt, l'ensemble du communiqué, ce n'est pas vrai que c'est un concours réservé seulement aux occasionnels, il ouvre toutes les portes possibles. Il ouvre toutes les portes possibles, y compris la grande porte du concours régulier de recrutement.

Nous, M. le Président, on trouve un peu beaucoup dommage que le président du Conseil du trésor ait posé ce geste-là aujourd'hui. Ça nous paraît un geste improvisé. Il me semble qu'il aurait pu attendre quelques jours, au moins que la commission ait fini ses séances, que nous ayons eu l'occasion, puisque nous le rencontrons demain soir, à la clôture des travaux... Il aurait pu attendre quelques jours. Il aurait pu aussi consulter, peut-être, les syndicats. On me dit que les syndicats n'ont pas été consultés du tout. Et on me dit, M. le Président - je termine là-dessus - queles syndicats ont une délégation à l'extérieur Alors, avec nos excuses, à vous, M. le Président, et à nos collègues de la commission, ainsi qu'à la personne qui vient par la suite, nous jugeons utile d'aller écouter les doléances des syndiqués occasionnels ou permanents en rapport avec ce communiqué de presse du président du Conseil du trésor.

Nous regrettons de devoir interrompre les travaux de la commission quelques minutes pour pouvoir aller entendre et écouter ce que les syndiqués ont à dire de cette nouvelle directive.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de La Prairie. Alors, de consentement, nous allons suspendre nos travaux. M. le député de La Prairie, cinq minutes, ça va? Cinq minutes. Alors, nous reprendrons à 18 heures nos travaux.

(Suspension de la séance à 17 h 53)

(Reprise à 18 h 5)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. Perron, comme j'en ai fait état, on vous remercie de votre collaboration. Nous sommes bien au fait et bien au courant du problème généralisé du dossier des occasionnels et on va attendre la suite des événements. On va voir ce que le président du Conseil du trésor aura décidé sur cet aspect.

Maintenant, je demanderais à M. Robert Pelley de bien vouloir prendre place à la table des témoins, s'il vous plaît.

Bonjour, M. Pelley. Alors, comme je le dis souvent à chacun des témoins, vous êtes ici chez vous. J'ai lu le début de votre introduction et, pour un ex-fonctionnaire, je n'ai jamais eu l'impression d'avoir eu la vie facile, d'être trop payé et de ne pas avoir assez d'ouvrage. Mais c'est seulement une petite remarque. Ne la prenez pas de façon mesquine et méchante là. D'ailleurs, j'ai bien aimé le titre: "Comment faire danser un éléphant. " Moi, j'aimerais savoir comment on peut pousser sur un éléphant un petit peu.

Alors, voulez-vous vous identifier pour les fins d'enregistrement au Journal des débats?

M. Robert Pelley M. Pelley (Robert): Oui.

Le Président (M. Lemieux): Vous avez 10 minutes et suivra une période d'intervention entre les parlementaires.

M. Pelley: C'est Robert Pelley: Je vais faire une présentation peut-être personnelle et non pas comme représentant d'un groupe ou d'une organisation.

Je voudrais d'abord vous remercier, M. le Président, pour me donner l'opportunité d'exprimer mon opinion là-dessus. J'aimerais revenir, en forme de résumé, sur les points saillants du mémoire que je vous ai déjà présenté.

Comme préambule, on doit d'abord souligner le danger de rester confiné dans des stéréotypes de la fonction publique, parce qu'il existe, ce danger. Il semble y avoir une vision folklorique qu'il faut laisser de côté si on veut obtenir une qualité de prestation jugée satisfaisante. J'ai été heureux de voir le sondage qui est sorti récemment et qui dit que la vision folklorique commence peut-être à disparaître. À mon avis et après avoir comparé les fonctionnaires québécois avec ceux d'autres pays, avec les militaires en principe bien motivés, avec les gens de l'entreprise privée, j'arrive à la conclusion que la fonction publique québécoise peut se comparer plus que favorablement avec n'importe quel des secteurs mentionnés. À mon sens, il s'agit d'un talent exceptionnel, mais parfois mal utilisé ou mal exploité.

Dans un deuxième temps, dans mon mémoire, je défends la thèse que des changements limités seulement à la Loi sur la fonction publique en soi ne seront aucunement suffisants pour obtenir l'efficacité du service à la clientèle et l'imputabilité. La Loi sur la fonction publique doit être faite de façon à ne pas empêcher qu'on ait l'efficacité. Ça devrait peut-être donner une vision de l'avenir. Ça devrait être facilitant. Mais ce n'est pas par le biais de la loi, parce qu'on parle de changements dans cette loi-là, que nécessairement on va être capables de faire tout ce qu'on veut faire. Cela vient du fait que la Loi sur la fonction publique n'est qu'un encadrement parmi beaucoup d'autres ayant autant, sinon plus d'impact. Cela vient aussi du fait que la fonction publique n'est qu'un acteur parmi beaucoup d'autres. En somme, il ne faut pas imputer à la Loi sur la fonction publique ni aux personnes

qu'elle régit toutes les fautes de la nation. Il faut obligatoirement adopter une approche plus large.

Dans un troisième temps, j'ai cru bon de dire quelques mots sur le modèle entreprise privée parce que ce modèle est utilisé souvent et peut-être trop souvent comme modèle-phare pour la fonction publique. D'une part, l'entreprise privée a déjà eu sa part d'échecs. On voit des études récentes qui indiquent que, dans une entreprise québécoise type, pas moins de 25 % à 35 % du chiffre d'affaires ne représentent que l'entreprise fantôme, du gaspillage en somme. Donc, lorsqu'on reprend ça comme modèle, il faut être capable de choisir les modèles qu'on veut utiliser.

Dans un quatrième temps, le mémoire que je vous ai présenté tente de circonscrire ce que peuvent vouloir dire des concepts tels que qualité, efficience et imputabilité. À cet égard-là, je vous réfère aux pages 11 à 14 du mémoire. On pourra en parler plus tard, si vous voulez.

Cinquièmement, et c'est là la clé de mon mémoire, je tente de suggérer des pistes d'action concrète pour obtenir la qualité des services aux citoyens au moindre coût. D'une part, j'ai essayé de tenir compte des facteurs que j'ai mentionnes tantôt; j'essaie de tenir compte aussi de ce que j'ai pris en France, en Angleterre, aux États-Unis, soit par des visites, des contacts ou des lectures et aussi, dans mes suggestions, j'essaie de tenir compte de ce que j'ai vu dans l'entreprise privée, principalement comme l'un des neuf examinateurs nationaux pour le prix Canada pour l'excellence en affaires. J'ai été nommé récemment sur le comité technique du système de gestion de la qualité, de la "Canadian Standards Association", qui se veut aussi une fenêtre sur des pratiques internationales. En somme, il ne faudra pas qu'on soit en retard sur ce qui se passe dans ces pays-là ni dans l'entreprise privée. Il faudrait même que nous devenions, pour des raisons qu'on pourra discuter, à toutes fins pratiques, un modèle pour ces organisations-là.

Les pistes d'action, il me semble, peuvent se résumer un peu bêtement comme suit. Première piste, tout changement à la Loi sur la fonction publique telle qu'on la connaît aujourd'hui devrait avoir comme objectif strict de nous amener la gestion rationnelle légale, c'est-à-dire bureaucratique, et la gestion mobilisante, c'est-à-dire de nature à inciter l'engagement de l'ensemble du personnel. La raison pour ça, c'est que, fondamentalement, la Loi sur la fonction publique telle qu'elle est là n'est pas si bête que ça. C'est une loi qui explique l'articulation des acteurs. C'est un nombre de paramètres et ce n'est pas si pire que ça, mais les changements qui doivent être faits après, c'est d'amener un autre style de gestion et non pas dans la mécanique de gestion.

Deuxième piste, tout changement doit, paradoxalement, revêtir un caractère permanent. Cela veut dire que l'action entreprise doit être suffisamment ancrée dans un plan d'ensemble pour no pas varier constamment avec tout changement de mode ou avec chaque nouvelle arrivée de ministre, de sous-ministre ou de président-directeur général.

Troisième piste, l'histoire ici et ailleurs démontre sans équivoque que sans une volonté clairement exprimée et l'engagement très visible des plus hautes autorités - je parle du gouvernement - et ce, sans augmenter la bureaucratie ni la paperasse, le véritable service à la clientèle efficace et économe ne se fait à peu près pas ou, au mieux, meurt dans un temps record. On a vu dans la fonction publique une vraie pléiade d'actions ponctuelles dans différents ministères, des programmes de toute nature. Le fameux programme de productivité, de performance aux Travaux publics, ça, c'est parti. La rénovation qui est déjà préconisée, on en parle beaucoup moins.

Quatrième piste, pour obtenir la qualité, il faut, comme nous l'avons déjà dit, aller au-delà d'une simple révision de la Loi sur la fonction publique. En effet, il faudra plutôt penser en fonction d'un véritable projet d'entreprise au niveau de chaque ministère et organisme, mais coordonné centralement.

J'ajoute une nouvelle information qui n'est pas dans le mémoire que je vous ai présenté Cette notion d'action dans chacun des ministères et organismes, mais coordonnée centralement, on voit ça, à titre d'exemple, dans l'approche américaine qui est révélée par PExecutive Order 12 637" du 27 avril 1988. C'est encore récent. Ce sont des nouvelles choses dont on parle. Chaque département doit préparer un plan d'action qui englobera toutes les fonctions du département d'ici 1991 et la coordination se fait par l'Office of Management and Budget" Un rapport annuel de chaque département va au président des États Unis Ce n'est pas quelque chose qui s'en va dans un secretariat junior quelque part; ça va au président. Ce rapport-là parle spécifiquement du plan d'action et des résultats et on parle toujours de qualité. Ce rapport au président forme la base d'un rapport annuel au Congrès. On voit déjà, n'est-ce pas, l'embryon d'une imputabilité intelligente.

Le modèle français ayant un historique plus long réitère essentiellement le même cheminement via la circulaire du 23 février 1989 - on parle encore d'hier - signée par le premier ministre qui, lui-même, en tant qu'individu, démontre une participation personnelle on ne peut plus visible à cet égard.

Dans le cas québécois, il faudra alors que le virage parte du niveau des plus hautes autorités, c'est-à-dire, quant à moi, près du bureau du premier ministre et du Secrétaire général du gouvernement. La coordination pourra, à titre d'exemple, se faire par le secrétaire général

associé aux emplois supérieurs et, comme on dit, à la réforme administrative.

Cinquième piste, le projet d'entreprise dans chaque ministère et organisme doit débuter par une analyse qui l'amène à redéfinir sa vocation, sa clientèle et ses besoins, analyser son environnement, les acteurs clés et les tendances, identifier ses propres forces et faiblesses, identifier les menaces et opportunités à son fonctionnement et impliquer l'ensemble du personnel. Cette première action, l'analyse stratégique de c'est quoi le ministère, c'est quoi la société, c'est quoi la régie en question, la commission, de dire: Pourquoi j'existe? Pour qui j'existe? Quelles sont les choses qu'il faut que Je fasse? ça pourrait être le premier élément sur lequel les autorités de ce ministère doivent être imputables. Sans cette direction, Dieu sait qu'on est sur le pilote automatique souvent.

Une fois le poids du Conseil exécutif bien focalisé et cette première étape, celle de l'analyse stratégique annuelle, complétée, un deuxième élément serait de requérir de chaque sous-ministre un plan annuel d'amélioration de la qualité. C'est-à-dire que ce plan annuel serait le deuxième élément dont le sous-ministre serait imputable et aura comme point de mire la chasse à la non-qualité, ce qui est plus intelligent que la simple diminution des coûts. À part ça, si la règle de 25 %, 35 % de gaspillage qu'on volt dans l'entreprise privée s'applique le moindrement à l'activité gouvernementale, le succès de la chasse à la non-qualité veut dire, dans un certain sens, s'attaquer au déficit annuel.

Septième piste, la démarche qualité totale, parce que c'est de ça qu'on parle, est vue en France, aux États-Unis et dans l'entreprise privée à la fois comme une démarche philosophique et une démarche d'action. Il y a une foule d'outils et de techniques éprouvés qui sont déjà disponibles. Ils sont disponibles à la fonction publique. Dans mon mémoire, aux pages 19 à 21, on voit la liste.

J'aimerais quand même souligner quelques éléments clés: investissement en formation et perfectionnement qui dépasse nettement la norme habituelle québécoise. Une écoute-client extrêmement poussée. Implication accrue des employés par une autonomie beaucoup plus large ainsi qu'un accent sur l'autocontrôle. Le "management" participatif, pour ne pas dire entrelacé, entre les clients, les fournisseurs et les employés. On peut mentionner aussi qu'en France la notion de PPBS se modifie de façon importante. Depuis 1985, les budgets globaux et non pas par programme et élément de programme sont utilisés avec succès au niveau des préfectures: En 1991, demain matin quasiment, on doit étendre la globalisation des crédits de fonctionnement à tous les ministères. Cette approche en France d'avoir ce qu'on peut appeler un pot d'argent et non pas les transferts où on retourne au Conseil du trésor pour en demander chaque fois, cette notion est considérée comme étant un des éléments clés.

Également, la notion de crédits périmés semble s'éteindre graduellement en France pour être remplacée par une budgétisation triennale avec transfert de crédits non périmés à l'année subséquente. Dans le mémoire que je vous ai présenté, vous voyez ce que le premier ministre de France dit à cet égard.

Huitième piste, une des idées clés du mémoire concerne la vision que nous pouvons avoir du rôle du fonctionnaire. Quand on parle de fonctionnaire, je parle de l'ensemble des gens. Je ne parle pas simplement du commis de bureau, mais de tout le monde. Il existe aujourd'hui une vision du fonctionnaire comme quelqu'un qui représente l'administration dans les contacts avec les citoyens. Je suggère, au fond, un changement radical d'approche ou d'esprit ou de culture. Quant à moi, le rôle du fonctionnaire devrait être inscrit dans nos moeurs et dans la loi comme étant celui qui représente le citoyen auprès de l'administration. Autrement dit - et je dis ça un peu bébétement - au lieu d'avoir des cadres supérieurs qui vont botter le derrière des fonctionnaires, les fonctionnaires vont botter le derrière des boss, si on ne leur donne pas des mécanismes pour offrir les services. On voit ça dans d'autres administrations, cette fonction-là. Et je ne parle pas de relations de travail; je ne parle pas de conditions de travail, je parle de ce sentiment de ce qu'on peut appeler le service public. Ça peut marcher ailleurs, donc ça peut marcher ici. Il faudra quand même que cette nouvelle vision s'accompagne d'une marge de manoeuvre et d'outils appropriés.

Voilà, M. le Président, l'essentiel de mon mémoire. Évidemment, l'autre document a plus d'exemples et plus d'autres choses. Vous trouverez une foule de détails de concepts explicatifs dans le mémoire en soi. J'avais déjà l'impression d'être un peu osé, un peu trop avant-gardiste, mais je vois à la fois, d'une part, notre déficit annuel, le coût de l'appareil gouvernemental dans la structure de coûts de nos entreprises, le peu de mobilisation des talents des employés de l'État et, d'autre part, je vois le libre-échange, je vois la mondialisation des marchés, l'Europe de 1992. Et je vous donne un exemple: je suis allé à Bruxelles, l'année passée, au Centre technique et scientifique de la construction. Et dans ce cas-là, on a vu la France, l'Allemagne, ces pays-là se concerter pour produire des standards. (18 h 15)

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous arrivez à votre conclusion, M. Pelley?

M. Pelley: Oui. Il reste 30 secondes.

Le Président (M. Lemieux): O. K. Ça va.

M. Pelley: En somme, l'efficacité et l'im-

putabilité vont nettement au-delà d'une simple révision des textes de loi et ça dépend de trois choses que je vais nommer très rapidement: des "leaders" du plus haut niveau qui donnent le signal de départ, qui fournissent des conditions nourricières et demandent des comptes par rapport à un projet partagé; des gestionnaires qui agissent promptement et incisivement à l'intérieur de leur propre organisation; un personnel qui retrouve la joie de vivre à l'intérieur d'un projet partagé ayant comme vocation le service au client-citoyen et ayant comme moyen la revalorisation du personnel lui-même.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. Pelley. On remarque, à l'intérieur de votre mémoire, que vous souhaitez peut-être redéfinir le rôle du fonctionnaire comme celui qui représente le citoyen auprès de l'administration plutôt que celui qui représente, je dirais, l'administration auprès des citoyens. J'aurais peut-être rien qu'une petite question: Est-ce que la répartition actuelle des responsabilités en gestion des ressources humaines peut permettre de fournir, à votre avis, au citoyen les services de qualité auxquels il a droit?

M. Pelley: Dans certains cas, oui. Je vois comme exemple ce qui se passe à la Société de l'assurance automobile, aujourd'hui. Je vois les changements qui ont été faits dans ce caî là. Je vois qu'il y a un certain nombre de ministères, actuellement, qui tentent... Au ministère, e du Revenu, même, aussi déplaisant que ça puisse être de donner son argent, bien, on soit quand même avec un sourire, relativement parlant. Donc, il y a des choses qui peuvent être faites Par contre, on voit d'autres administrations où le citoyen est encore un peu un dérangement Dans d'autres cas, je pense qu'un problème fondamental qu'on rencontre, c'est qu'on se concentre dans ces organisations-là sur ce qui se passe au comptoir L'expression anglaise, c'est: "Service with a smile". Mais ce n'est pas le sourire qui est important c'est, lorsqu'il y a quelqu'un au comptoir qui doit servir la clientèle, toute l'administration gouvernementale en amont de ça et c'est pour ça qu'on parle d'un projet partagé. Vous savez, tout ce qui se passe en arrière du comptoir doit aussi être réglé. Donc, ce n'est pas juste le fonctionnaire qui est en contact avec le citoyen qui est important, mais tous les autres, dans l'ensemble de l'organisation, pour permettre à cette personne-là de le faire. Dans l'entreprise privée ou dans l'administration gouvernementale, c'est un peu la même chose.

On le voit, en France. J'ai un exemple, j'ai parlé de ce qu'on appelle la poste, la partie poste des PTT, en France. C'est une petite organisation de 300 000 personnes et ces gens-là, même avec tout ce qu'il y a de problèmes pour gérer 300 000 personnes, ont été capables de se donner un projet partagé dans lequel les em- ployés, même au plus bas niveau, se retrouvent. Donc, c'est possible de le faire, mais a la condition, par exemple, qu'il y ait une volonté au plus haut niveau de forcer et d'obliger les gens à rendre compte. Et ça peut se faire.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie. Alors, est-ce qu'il y a des questions? M. le député de La Prairie, vous avez une question?

M. Lazure: Oui Juste un commentaire, M. le Président Merci. Je veux féliciter M. Pelley d'avoir pris le temps et l'énergie de nous produire ce document où il y a plusieurs recommandations intéressantes, notamment à la page 24. Quand vous parlez d'un PAAQ, plan annuel d'amélioration de la qualité, moi, ça me rappelle des souvenirs. Au Secrétariat aux relations avec les citoyens, nous avions initié ce genre de plan d'amélioration des services à la clientèle pour chaque ministère, chaque organisme. Et vous avez raison quand un peu plus loin, à la page 25, vous dites: "Rendre l'imputabilité tangible en la reliant au plan de modernisation (et son PAAQ) - son plan d'amélioration de la qualité - et en la traduisant en attentes signifiées. " À partir du moment où l'imputabilité qu'on voudrait pratiquer avec les fonctionnaires, imputabilité externe autant qu'interne, est accrochée à des choses concrètes comme un plan annuel, il me semble qu'à ce moment-là il y aurait moins de résistance. Peut être qu'on ne s'égarerait pas dans des débats théoriques un peu futiles. Et, moi, je trouve que c'est une série de recommandations, ensuite, celles que vous faites, qui touchent la Loi sur la fonction publique et qui ont a peu près toutes comme caractéristique le souci numéro 1, c'est-à dire le souci de la qualité du service à la clientèle, finalement.

M. Pelley: M. le député, dans le plan annuel dont vous parlez, d'abord, il y a une pression par les plus hauts niveaux de dire Faites le. c'est pour ça que vous êtes payés. Mais, on même temps, pour les gens qui sont dans ce plan annuel... J'ai vu à la Caisse des dépôts et consignations en France que, dans le dernier compte, il y avait 150 groupes d'employés. Je n'oserai pas dire cercles de qualité parce que c'est un mot qui n'est plus à la mode en France, mais 150 groupes de travail basés sur les fonctionnaires et les patrons qui travaillent ensemble pour régler 850 dysfonctionnements dans l'organisation. Ces dysfonctionnements-là parlaient de coûts, de délais et d'accessibilité des services aux citoyens. Donc, ça peut être quelque chose d'extrêmement revalorisant pour les gens de la fonction publique eux mêmes.

Le Président (M. Lemieux): Ça va, M. le député ?

M. Lazure: Merci, M. Pelley.

Le Président (M. Lemieux): Nous vous remercions de votre collaboration à cette commission parlementaire. Je demanderais maintenant à MM. Claude Trudelle et Jean-Nil Boucher de bien vouloir prendre place à la table des té. moins, s'il vous plaît.

Vous avez 10 minutes pour l'exposé de votre mémoire. Je vous demanderais, dans un premier temps, de bien vouloir vous identifier pour les fins d'enregistrement du Journal des débats et nous vous écoutons immédiatement après.

MM. Claude Trudelle et Jean-Nil Boucher

M. Trudelle (Claude): Bonjour à tous. Mon nom est Claude Trudelle. Je suis étudiant à la maîtrise on relations internationales à l'Université Laval et celui qui m'accompagne est Jean Nil Boucher, étudiant au doctorat en sociologie à l'Université Laval. On fait des représentations à titre personnel parce qu'on connaît d'expérience, d'une part, et pour l'avoir aussi étudiée de façon plus statistique la situation des jeunes dans la fonction publique provinciale. Alors, le message qu'on vient livrer à la commission ce soir est relativement simple. Il s'agit simplement de prendre conscience, d'une part, que les jeunes de moins de 30 ans sont sous-représentés actuellement dans la fonction publique du Québec, ce qui n'est quand même pas insignifiant comme phénomène et, en conséquence, que des mesures importantes doivent être prises pour corriger cette situation-là dans les années qui viennent si on ne veut pas assister à un vieillissement accéléré des effectifs de la fonction publique québécoise. Alors, Jean-Nil, qui est ici, va élaborer un peu plus l'argumentation et donner les jalons de la réflexion qui nous mène à cette conclusion.

Le Président (M. Lemieux): C'est à vous, monsieur.

M. Boucher (Jean-Nil): Donc, l'aspect que je traite, c'est l'emploi des jeunes dans la fonction publique. On sait qu'en général la situation des jeunes au Québec est assez déplorable. Les jeunes vivent un paquet de facteurs adverses qui leur rend particulièrement difficile de trouver un emploi et d'améliorer leur situation socio-économique Par exemple, aussitôt qu'il y a des compressions budgétaires, ce sont les jeunes habituellement qui sont visés parce que, quand il y a des compressions budgétaires, ce sont les derniers arrivés, finalement, qui sont pénalisés et, en majorité, ce sont des jeunes. Même chose, on demande de l'expérience de travail, mais, comme les jeunes n'en ont pas, la situation n'est pas facile pour eux. Globalement, on pourrait dire que, depuis 10 ans, le marché du travail se divise comme en deux groupes: il y a les 35 ans et plus qui ont une certaine sécurité d'emploi, qui ont réussi à trouver des emplois enviables et un assez bon salaire et, par contre, il y a les 35 ans et moins qui vivent des conditions beaucoup moins favorables avec de moins bons salaires.

Ça, c'est un phénomène qu'on peut retrouver à peu près partout. Par exemple, l'an dernier, moi, j'étais au cégep et, quel que soit le département, on pouvait voir qu'il y avait des professeurs de 30 ans et moins environ qui, eux, avaient une petite expérience de travail, qui avaient déjà travaillé avant dans d'autres cégeps et qui étaient là à titre de chargés de cours. Par contre, il y avait, par exemple, des professeurs de 40 ou 50 ans qui étaient là, eux, depuis 20 ans et, eux, avaient la permanence. Quels que soient les secteurs d'emploi qu'on regarde, c'est un phénomène assez massif, je crois, et d'une grande évidence qu'il y a une segmentation du marché du travail, une sorte de division entre plus vieux et plus jeunes. (18 h 30)

Le taux de chômage des jeunes de moins de 30 ans est à peu près le double de celui des adultes. Ce n'est pas comme tel un nouveau phénomène, parce que, même en 1970, on pouvait remarquer que, déjà, le chômage des jeunes était à peu près le double de celui des adultes, mais ce qui a changé depuis ce temps-là, c'est qu'en 1970 le jeune pouvait espérer un jour améliorer sa situation. Il pouvait partir d'une "jobine", mais, à un moment donné, réussir à trouver un bon emploi, puis, finalement, cheminer vers une carrière, tandis qu'aujourd'hui c'est ça qui n'est pas possible. L'avenir n'est plus radieux pour les jeunes parce qu'on passe d'une "jobine" à l'autre et d'une misère à l'autre, finalement.

On peut regarder, par exemple, le curriculum d'un jeune de 25 ans; il va y avoir 15 expériences de travail dans son curriculum: trois mois comme chauffeur de taxi, six mois comme serveur de restaurant, quatre mois plongeur et ainsi de suite. Ce sont toutes des expériences, finalement, qui ne sont pas pertinentes. En plus, ça amène une situation dans le style... On dirait qu'il existe comme une sorte de "bumping" que les jeunes se font les uns et les autres. Étant donné que ceux-là qui sont instruits n'ont souvent pas d'emploi au niveau de leur instruction, Ils vont chercher des emplois qui demandent peu de compétence, de sorte qu'eux autres ils sont surcompétents dans ces emplois-là. D'accord?

Par exemple, j'ai déjà travaillé dans un hôtel comme réceptionniste. Moi, j'avais une maîtrise en sociologie, puis, là, je me suis enquis pour voir la situation des autres. Il y en a un qui avait un baccalauréat en droit, un autre un baccalauréat en théologie, un autre un baccalauréat en musique, qui jouait du violon, ainsi de suite. Tout ça pour être réceptionniste alors qu'on n'a môme pas besoin d'un secondaire III pour être réceptionniste. O. K. ? Étant donné qu'il

n'y a pas d'emploi pour les plus instruits à la mesure de leur compétence, ceux-là qui ne sont pas instruits, ils se font prendre leurs emplois par ceux-là qui sont plus instruits. Finalement, les moins instruits, eux, se retrouvent sur le bien-être social, par exemple.

À la limite, si la tendance se maintient comme ça, on pourrait croire qu'avant longtemps ça va prendre un doctorat pour devenir laveur de vaisselle. J'exagère un peu, mais c'est cette tendance-là, en tout cas, qui est en train de se développer depuis une dizaine d'années. Cette situation-là est générale, puis on peut dire que c'est un problème structurel, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de solution immédiate visible pour le contrer. C'est simplement l'évolution du Québec depuis 30 ans qui est comme responsable de cette situation-là. C'est-à-dire que, dans la période de prospérité des . années soixante et soixante-dix, il y avait beaucoup de création d'emplois et les jeunes de cette époque-là ont pu trouver des emplois, mais, aujourd'hui, 20 ans plus tard, ces anciens jeunes-là ont 40 ou 50 ans et ce sont ceux-là qui occupent des emplois enviables, tandis que les jeunes, eux, se retrouvent dans une situation où il y a peu d'emplois pour eux.

Donc, la difficulté que vivent les jeunes, c'est un problème général et structurel qui ne peut pas changer facilement et qui se retrouve à tous les niveaux dans la société. C'est donc normal que cette tendance-là se retrouve aussi dans la fonction publique provinciale. Mais ce qu'il est surprenant de constater, c'est que, dans la fonction publique particulièrement, la tendance est plus accentuée qu'ailleurs, c'est-à-dire que, quand on regardo lu niveau do jeunes qu'il y a dans la fonction publique provinciale, on s'aper çoit que les jeunes sont sous-représentés. Il faudrait qu'il y ait quatre fois plus de jeunes dans la fonction publique pour être simplement au même niveau, pour être représentatif de ce qui existe de Jeunes dans la société québécoise.

Est-ce que ce phénomène-là du nombre restreint de jeunes dans la fonction publique provinciale est inévitable? Pas nécessairement parce que, quand on regarde les chiffres, on s'aperçoit que, dans la fonction publique fédérale, le nombre de jeunes de moins de 30 ans est supérieur quand même à celui de la fonction publique provinciale. Deuxièmement, on constate que le clivage selon l'âge se retrouve dans la différence selon les âges, c'est-à dire que, en majorité les 35 ans et moins ont un statut précaire dans la fonction publique alors qu'en majorité les 35 ans et plus ont un statut per manent.

Enfin, ce phénomène a pour conséquence le vieillissement des effectifs de la fonction publique. On prévoit qu'en l'an 2000, la moitié des fonctionnaires auront 45 ans et plus. Est-ce désirable? D'après moi, il y a des mesures qui pourraient être prises actuellement pour tenter d'introduire le plus possible du sang neuf dans la fonction publique. Ce qu'on propose finalement, c'est une sorte de politique de discrimination positive à l'embauche des jeunes dans la fonction publique Sur les 50 000 fonctionnaires actuels, si on regarde les chiffres des dernières années, il y a entre 1000 et 1500 nouveaux employés qui sont embauchés chaque année. Or, il serait possible qu'une politique de discrimination positive aux jeunes tente de les embaucher pour tenter de réduire le problème. Parce qu'il y a le problème, d'une part, que le taux de chômage est très élevé chez les jeunes; si au moins on pouvait croire que la fonction publique fait son possible pour essayer d'intégrer une partie de ces jeunes dans sa fonction publique. Par ailleurs, on sait que la fonction publique est en train do vieillir; donc ce serait un atout pour elle d'injecter des jeunes pour, du moins, diminuer la tendance au vieillissement.

Le Président (M. Lemieux): Votre con elusion, s'il vous plaît.

M. Boucher: Oui. La conclusion, finalement, c'est qu'il me semble qu'il serait désirable que le gouvernement du Québec et les centrales syndicales s'entendent pour s'associer au-delà de leurs idéologies et de leurs intérêts particuliers pour tenter de favoriser l'embauche des jeunes dans la fonction publique tant que c'est possible. Parce que, à date, il ne semble pas qu'il y ait de politique favorable comme telle aux jeunes, alors que c'est quand même une catégorie défavorisée. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Je vous romorcio do votre mémoire, d'avoir posé ce problèmo, parce que, effectivement, cela en est un, c'en est un pour les jeunes. Peut-être que le problème d'accès à la fonction publique en est un pour l'ensemble des citoyens au Québec. Le député de Prévost me faisait un... Vous avez une question, M. le député de Prévost? Le député de Prévost me faisait remarquer quelque chose tout à l'heure; alors, je vais lui faire poser se question tout de suite. M. le député de Prévost.

M. Forget: Je voudrais vous féliciter d'avoir présenté ce mémoire et surtout d'avoir mis beaucoup l'accent au niveau des jeunes. Vous avez soulevé quand même un point très important. C'est tout nouveau de s'entendre au niveau des centrales syndicales. Vous n'êtes pas les seuls au Québec, on sait qu'il y a des problèmes au niveau des jeunes. Remarquez bien, je suis fermier; au niveau de la relève agricole, il y a beaucoup de problèmes au niveau des jeunes. Mais je pense qu'on a fait un bon bout de chemin au niveau des jeunes.

Au niveau de la fonction publique, ça semble qu'il n'y a pas grand-chose qui a été fait. Et puis de quelle façon voyez-vous ça, vous autres, qu'on pourrait s'asseoir avec les centrales

syndicales pour pouvoir négocier une façon pour impliquer davantage les jeunes? J'aimerais ça vous entendre.

Le Président (M. Lemieux): Est ce qu'il y a des moyens pour la régler, cette situation, chez vous - vous avez établi la prémisse, vous nous avez identifié le problème - autrement que d'avoir à nous dire, encore une fois, une politique de discrimination positive? On en a partout.

M. Boucher: Oui. D'après moi, il n'y a pas de raison immédiate, obligatoire pour laquelle le gouvernement ou les centrales syndicales peuvent désirer qu'il y ait un ajout de jeunes dans la fonction publique. Le gouvernement, quand II embauche quelqu'un, ce qu'il cherche, ce sont des compétences. Les syndicats, ce qu'ils cherchent, c'est à défendre les intérêts de leurs membres. Il faudrait qu'il y ait comme une sorte de désir ou une volonté, mais sans obligation, en fait, d'embaucher des jeunes. Il faut qu'il y ait une espèce de volonté de "partnership"...

Le Président (M. Lemieux): Une dynamique qui est nécessaire à vos yeux?

M. Boucher: Oui.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Prévost, vous voulez continuer?

M. Forget: C'est la mécanique vers où, vous dans votre petite tête, vous pensez qu'on devrait s'orienter. La mécanique pour déclencher, c'est quoi, vous pensez?

Le Président (M. Lemieux): Dites ça comme si vous étiez dans votre salon.

M. Boucher: II est grand aujourd'hui.

Le Président (M. Lemieux): Oui, il est grand aujourd'hui. Il n'y a pas beaucoup de gens. Dites ça simplement Vous savez, on est tous concernés. Le député de Saint-Louis a de jeunes enfants. Le député de Prévost. Moi, j'en ai une de 19 ans. C'est pareil de l'autre côté. Il y a seulement le député de Limoilou qui n'a pas commencé, mais son effort va venir à un moment donné. On est en famille. Dites-nous ça, si vous avez une solution concrète et pratique.

M. Trudelle: Je pense que vous savez très bien que vous touchez là la vraie question à poser. On ne les a pas, les solutions et les réponses à ça. Ce n'est pas la réflexion qu'on a faite, premièrement parce qu'on n'est pas experts de la fonction publique et encore moins des négociations de convention collective, parce que c'est là que ça se joue.

Le Président (M. Lemieux): Vous venez de nous dire qu'il y a une difficulté pour les jeunes à entrer dans la fonction publique.

M. Trudelle: Tout à fait.

Le Président (M. Lemieux): Vous constatez un taux de vieillissement des effectifs et vous nous dites: Faites quelque chose pour ça. C'est ça, le message que vous nous passez.

M. Boucher: Concrètement...

Le Président (M. Lemieux): Oui, concrètement.

M. Boucher:... on ne sait pas. On l'a cherché et on ne l'a pas trouvé. Alors...

Le Président (M. Lemieux): Bon. O. K.

M. Boucher: Ça ne semble pas évident par quel mécanisme ce serait. Tout ce que je trouvais à dire - vous avez raison, c'est facile, tout le monde le dit - c'est une politique de discrimination positive.

Une voix: Oui.

M. Boucher: Bien oui. C'est la solution miracle, ça. C'est facile à dire. Mais concrètement qu'est-ce que ça pourait être d'autre que ça quand on a le choix entre une personne de 40 ans et une autre de 20?

Le Président (M. Lemieux): Je pense qu'il peut y avoir, à mon avis, d'autres solutions que ça. Peut-être une spécificité plus particulière au niveau de l'enseignement qui se donne dans nos universités par rapport au monde du travail, y compris le monde de la fonction publique. Vous savez, quand, dans mon bureau de comté, moi, je reçois quelqu'un qui a un doctorat en anthropologie, ça a beau être le meilleur chasseur de lions au monde, je n'en ai pas de lions à tuer dans la région de Québec, c'est difficile pour moi de lui trouver quelque chose. Alors, il y a peut-être le secteur universitaire, les syndicats et tout le gouvernement. Je pense que ce que je dois retenir de votre message, en ce qui me concerne personnellement, c'est qu'on va avoir à faire un effort de concertation. Là-dessus, je passe la parole au jeune député de Limoilou.

M. Després: Merci, M. le Président. C'est un petit peu ça, je pense, avec le message que vous nous laissez, un message qu'on a déjà entendu, c'est très bien parce que vous êtes tous les deux étudiants, je pense, un au doctorat en sociologie et un autre au niveau de la maîtrise, M. Trudelle.

M. Boucher: Oui.

M. Després: Je comprends très bien le message que vous nous laissez. Ce qui devient plus difficile pour nous, avec les programmes d'accès à l'égalité, que ce soit pour les communautés culturelles, que ce soit pour les femmes, les jeunes, les personnes handicapées et avec le peu de postes de permanence qui augmentent dans la fonction publique. C'est un peu ça, nous aussi, qu'on cherche, quelles sont les mesures concrètes que l'on peut mettre de l'avant ou qu'on peut modifier pour, justement, favoriser l'accessibilité des jeunes dans la fonction publique. Je vous laisse tout simplement en vous disant: Si vous en avez, de ces mesures-là - parce que les auditions continuent cette semaine et que nous aurons des travaux pour faire un rapport de recommandations auprès du ministre concerné - ne vous gênez pas pour venir nous livrer des mesures particulières qui pourraient justement favoriser ces jeunes-là.

Il y a une chose... Vous avez mis, effectivement, beaucoup d'accent sur cette jeunesse-là. J'aimerais savoir la part... Est-ce que vous avez des données, soit vous, M. Trudelle, ou M. Boucher qui êtes en sociologie... Quelle est la part de l'emploi des jeunes dans la fonction publique? Nous, on a la donnée, là-dessus, mais par rapport à d'autres secteurs d'emploi ou à d'autres secteurs d'activité: l'industrie de la construction, l'industrie de la restauration, le secteur privé, les services professionnels, l'entreprise privée. Je ne sais pas si vous avez des données là-dessus, si vous vous êtes penchés là-dessus.

M. Trudelle: Oui, tout à fait. Ça fait partie des éléments qu'on a considérés. Je ne sais pas si M. le Président accepterait ou jugerait à propos qu'on distribue aux membres présents de la commission le document que j'ai remis tout à l'heure à M. Major.

Le Président (M. Lemieux): Oui. Il n'y a pas d'objection. J'autorise le dépôt.

M. Trudelle: II s'agit d'un tableau qui présente clairement et justement quelle est la part relative des jeunes dans l'administration publique provinciale quand on compare avec la part qu'ils détiennent dans d'autres secteurs économiques. Vous allez réaliser, à la lecture de ce tableau-là, qu'en 1987 il y avait dans la fonction publique provinciale quatre fois moins de jeunes que dans les autres secteurs économiques, enfin, que dans l'ensemble de l'économie O. K. ? Ce que nous montre le tableau intitulé: "Indice de représentation des jeunes dans certains sous-secteurs, pour l'année 1987", à l'item "Administration provinciale", le quatrième avant-dernier, on peut lire: 0, 27. Ce qui signifie qu'il y avait, dans la fonction publique provinciale, quatre fois moins de jeunes que dans l'ensemble de l'économie. C'est ça que ça veut dire, le vieillissement de la fonction publique.

Une voix: Oui

M. Trudelle: C'est comme ça que ça s'illustre et se manifeste. C'est comme ça que ça s'observe. Et si on n'a pas, aujourd'hui, les solutions miracle, si je peux dire, ou toutes faites, c'est parce qu'on sait très bien qu'elles n'existent pas. Et les négociateurs syndicaux le savent très bien aussi qu'elles ne sont pas données, ces solutions-là. Elles sont à se faire. Et je pense que c'est effectivement dans la concertation entre les parties qu'on trouvera éventuellement un mécanisme qui permettra d'intégrer davantage de jeunes de moins de 30 ans dans la fonction publique provinciale. Sauf qu'en attendant il faut quand même le dire. Et ce message-là, je pense qu'il est important parce que la fonction publique a un rôle social important à jouer, un rôle sociopolitique et un rôle socio-économique à jouer dans l'ensemble de la société. Et, lorsqu'elle ne reflète plus la société qu'elle a la responsabilité de réglementer, je m'excuse, mais on est devant un problème sérieux. (18 h 45)

M. Boucher: Je pense que ce que veut dire mon collègue, M. Trudelle. c'est que c'est vrai que, globalement, dans la société, il y a un problème pour l'emploi des jeunes et c'est normal que ce problème se reflète dans la fonction publique, qu'il y ait relativement peu de jeunes qui soient embauchés. Il y a un scandale parce que non seulement les jeunes ont de la misère globalement, mais c'est encore pire dans la fonction publique. La fonction publique provinciale est à peu près le pire employeur pour les jeunes de la province.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Saint-Louis.

M. Chagnon: II y a un dénominateur commun dans votre tableau qui est saisissant. Plus l'indice de représentation des jeunes dans certains sous-secteurs est bas, plus ce sous secteur est syndiqué. C'est vrai, premièrement, pour le plus bas, l'administration provinciale...

Le Président (M. Lemieux): Je ne sais pas si vous avez remarqué.

M. Chagnon: suivi de l'éducation, suivi de l'administration fédérale, suivi des services médicaux et sociaux. Quand on tombe dans des sous-secteurs qui sont moins syndiqués, là. on voit une décompression qui passe de 1, 28 à 2, 1.

M. Boucher: Et où les salaires sont moins bons, j'ajouterais, c'est un deuxième critère, ça. Plus les salaires sont bons, moins il va y avoir

de jeunes.

M. Chagnon: Sûrement.

M. Trudelle: Cette sous-syndicalisation, si on peut dire, de certains secteurs où les jeunes sont surreprésentés.. Enfin, on s'entend sur le phénomène dont il est question

M. Chagnon: On s'aperçoit que ce n'est pas la faute aux syndicats. On s'aperçoit que, dans ce dénominateur commun qui est le fait que plus le secteur est syndiqué, moins on retrouve de jeunes, c'est que c'est aussi des secteurs où plus le secteur est syndiqué, plus on y a amené la sécurité d'emploi, donc une mobilité moins grande de la main-d'oeuvre. Finalement, il y a moins d'entrées.

M. Boucher: C'est évident que c'est un effet pervers qui s'est produit, disons, mais qui joue à rencontre des jeunes. Il n'y a pas de coupable, mais il y a des victimes, par exemple, au phénomène.

Le Président (M. Lemieux): On comprend très bien le sens de votre mémoire. Tout comme vous, on n'est pas pour la perversion, du moins, pas sur cette terre. Je ne sais pas ce que ça peut donner ailleurs, mais, en tout cas, pas sur cette terre et on est sensibles à vos préoccupations. On veut que vous le sachiez, on est vraiment très sensibles et préoccupés. On ne vous dit pas que la commission n'attachera pas une importance peut-être toute particulière à cet aspect dans ses recommandations, effectivement. Alors, on vous remercie de votre participation et je veux que vous sachiez que, à mes yeux, elle est des plus positives. Je ne sais pas si mes collègues ont d'autres commentaires. Ça va. Oui, un petit commentaire.

M. Beaulne: Oui, simplement un petit commentaire de conclusion. Je pense que ce mémoire ost important et on devrait en tenir compte, d'autant plus que, dos doux côtés de la Chambre, on s'évertue à promouvoir l'accessibilité des jeunes sur le marché du travail. Je pense que ceux qui devraient commencer par en donner l'exemple, c'est la fonction publique du Québec.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Bertrand. Alors, je demanderais maintenant à M. Guy Leroux de bien vouloir prendre place à la table des témoins. Nous vous remercions. À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux et nous demandons à M. Guy Leroux de bien vouloir prendre place à la table des témoins, s'il vous plaît. Alors, M. Leroux, vous avez 10 minutes pour l'exposé de votre mémoire et suivra une période de questions, si nécessaire, avec les membres de cette commission.

M. Leroux (Guy): Messieurs de la commission...

Le Président (M. Lemieux): Voulez-vous vous identifier pour les fins du...

M. Guy Leroux

M. Leroux: Oui, Guy Leroux, agent de bureau. Messieurs de la commission, le gouvernement du Québec a décidé de tenir des commissions parlementaires sur l'opportunité de maintenir ou d'amender la Loi sur la fonction publique. À mon sens, il est plus que temps qu'une commission, éclairée de l'opinion des citoyens québécois, se penche sérieusement sur la Loi sur la fonction publique. J'invite donc la commission à prendre connaissance des éléments que j'entends proposer dans le but d'améliorer la Loi sur la fonction publique.

D'abord, le service au public, les relations patrons-employés. Alors, le service au public n'est pas assuré par des automates et, à mon avis, la Loi sur la fonction publique a créé suffisamment de ressentiment chez les fonctionnaires au point de les démotiver. En fait, ce n'est pas avec des raisonnements ou des textes de loi du genre: "L'employé doit obéissance et politesse à son supérieur" qu'on peut créer un climat de confiance propice à l'accomplissement du travail des employés.

C'est vrai qu'une relation d'autorité de type "line" et non de type "staff", donc de type d'autorité, régit les rapports patrons-employés. Mais un style de gestion autoritaire et dégradant qui considère les employés comme des demeurés plutôt qu'une richesse humaine à exploiter ne pourra jamais contribuer à une amélioration du service au public.

Certains peuvent conclure que la majorité des gestionnaires sont plutôt âgés, n'ont pas reçu une formation adéquate, n'ont pas passé de concours à leur entrée on fonction. En fait, je ne suis pas capable de me prononcer sur ces affirmations, mais, par contre, une chose est certaine, la commission doit s'interroger au plus haut point sur l'absence de jeunes gestionnaires de moins de 35 ans. Alors, la structure de la loi actuelle ne permet pas de corriger cette lacune et le service au public en écope. Elle ne permet pas de corriger cette lacune due au fait de la promotion sans concours, en fait. Il est évident que les années d'expérience compensent pour un diplôme universitaire, mais il n'en reste pas moins, à mon sens, que la haute bureaucratie est peut-être devenue une chasse gardée pour ceux qui sont déjà là, peut-être trop.

Concernant les méthodes de travail, le service au public ne sera pas amélioré si les employés ont le sentiment de travailler dans une atmosphère de répression. Pire, à mon avis, des

modifications à la loi qui feraient que chaque aspect du travail d'un employé pourrait être soumis à des sanctions ou à des mesures disciplinaires enlèveraient toute initiative à l'employé. Il faut amender la Loi sur la fonction publique et non pas la laisser telle quelle pour y retirer tous les articles ou les aspects les plus dégradants et y substituer un texte de loi ayant une vision moderne du travail.

Alors, le mot clé, à mon sens, c'est très clair, ce doit être la qualité de vie au travail. À mon avis, celle-ci est inexistante ou, pour le moins, insuffisante dans la fonction publique.

La commission s'intéresse sûrement aux travaux des sociologues modernes américains par exemple, Maslow qui ont montré le lien essentiel entre la productivité et la qualité de vie au travail, et la désuétude de la hiérarchisation et de la parcellisation du travail parce que, en fait, on s'intéresse, ici, à savoir si les effectifs humains sont productifs et, finalement, si on en a pour notre argent, si on veut.

Alors, l'enrichissement des tâches (offrir davantage de responsabilités) et l'élargissement des tâches (offrir une plus grande variété de tâches) composent l'essentiel de la qualité de vie au travail, et non pas tout le temps faire la même chose, le même travail ennuyant sous une hiérarchisation qui, en fait, est trop lourde, à mon sens.

Concernant la dotation des emplois, la promotion sans concours permet la pire corruption, à mon sens C'est, du moins, l'avis émis par le rapport de la Commission de la fonction publique qui pense que la sélection du personnel "s'exerce selon les préférences des décideurs et souvent sans relation apparente avec la compétence du candidat". À mon sens, encore là, ça revient à la question de la promotion sans concours. Si on n'a pas de promotion sans concours, il est difficile d'aller chercher dans le public les personnes les plus compétentes à effectuer les tâches.

Donc, je recommande à la commission du budget et de l'administration de modifier la Loi sur la fonction publique pour atteindre les objectifs suivants. On pourrait en énumérer plusieurs, mais je vais quand même me restreindre un peu. Alors, cesser la corruption permise par l'article 42 de la Loi sur la fonction publique qui permet la promotion sans concours, abolir ce type de promotion. Ensuite, s'assurer que la compétence s'avère le seul critère d'embauché et de promotion, sauf, évidemment, en ce qui a trait aux restrictions en faveur des femmes, des handicapés, des minorités. Pour la discrimination positive, il y a toujours de la place à ce sujet-là. La discrimination positive, ce nest pas lié à la promotion sans concours, c'est aller chercher dans le public. Établir des lignes de conduite pour que, s'ils existent, les liens de parenté, même les liens sexuels ou les liens filiaux, ne puissent jouer un rôle dans l'embauche ou la sélection du personnel. Modifier un cadre de gestion, à mon avis, périmé qui sert à protéger la machine bureaucratique, c'est-à-dire les hauts fonctionnaires plutôt que de viser le service au public et les relations de travail. Mettre l'accent sur un dialogue, une communication entre les gestionnaires et les employés, comme c'est recommandé par les sociologue modernes. Ces objectifs s'atteignent par des politiques de qualité de vie au travail et la suppression des articles répressifs de la Loi sur la fonction publique Intéresser de jeunes gestionnaires acquis aux méthodes modernes de travail à s'engager dans la fonction publique. Des jeunes qui sont diplômés d'université.

Alors, à mon avis, l'intention qui se cache derrière la Loi sur la fonction publique n'est pas la bonne intention. L'intention qui devrait être derrière la Loi sur la fonction publique, c'est une approche confiante et positive, si on veut, dans l'être humain.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie. Vous nous dites qu'il faut amender la Loi sur la fonction publique pour en retirer les articles et certains aspects dégradants de la loi. À part la promotion sans concours, dont vous demandez l'abolition, soit l'article 42, à quels autres aspects dégradants faites-vous référence dans la Loi sur la fonction publique?

M. Leroux: Disons que, concernant, si on veut, l'embauche, on a parlé de l'embauche, par exemple, des jeunes. Il est évident que, si on ne va pas chercher dans le public le personnel dont on a besoin, en quelque sorte, on protège toujours les mêmes hauts fonctionnaires. Et ces hauts fonctionnaires-là, avec la promotion sans concours, sont capables, si on veut, d'ouvrir des concours qui sont pour eux-mêmes. Alors, en ce sens-là, on en arrive à une certaine chasse gardée, si on veut.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que c'est le seul élément dégradant dans la loi, à vos yeux? C'est le seul article dont vous demanderiez l'abolition complète?

M. Leroux: C'est sûr qu'il y a eu d'autres personnes qui se sont présentées devant cette commission pour présenter, si on veut, une vision peut-être un peu plus positive. Par exemple, on a parlé de différents styles de gestion. Moi, je n'ai pas nécessairement envie, ce soir, de les présenter parce que ce n'est pas à moi de le faire, mais il n'en reste pas moins que c'est certainement l'aspect le plus important à enlever: la promotion sans concours.

Le Président (M. Lemieux): Vous faites état aussi, dans une partie de votre mémoire, si je me souviens bien, que la structure de la loi actuelle ne permet pas de corriger une lacune à l'effet

qu'il y aurait une absence de jeunes gestionnaires.

M. Leroux: Oui.

Le Président (M. Lemieux): J'aimerais savoir de vous quel type de lacune vous vise/ quand vous faites état de ça C'est quoi, ces lacunes là?

M. Leroux: C'est parce que, si on veut, avec le fait que l'Office des ressources humaines ne soit pas tenu, si on veut, d'aller en chercher dans le public, on en arrive à une situation indirecte où, comment dirais-je, on compense par les années d'expérience la compétence nécessaire pour exercer un emploi. Moi, je ne suis pas contre le fait que la compétence soit aussi valable qu'un diplôme universitaire, mais si on fait les promotions qui sont sans concours, finalement, vous avez ceux qui sont toujours là. C'est ça qui est le problème, ce sont ceux qui sont toujours là qui, finalement, vont se donner des promotions. C'est indirect, mais c'est ça.

Le Président (M. Lemieux): Seriez-vous pour qu'on on arrive à une recommandation à l'effet quo lus fonctionnaires ne pourraient plus participer aux concours de recrutement?

M. Leroux: Non. Par contre, je serais à l'effet qu'on devrait aller en chercher davantage dans le public.

Le Président (M. Lemieux): Pour aller en chercher davantage dans le public, si on exclut les fonctionnaires, si on exclut la participation des fonctionnaires à des concours de recrutement...

M. Leroux: On n'est peut-être pas obligé, M. Lemieux, d'aller si loin. Mais si un concours est offert, il n'est pas obligé de ne l'être que dans la fonction publique. C'est ça qui est le problème. Une promotion n'est pas obligée d'être offerte seulement dans la fonction publique. C'est ça, le fameux problème.

Le Président (M. Lemieux): O. K. Ça va.

M. Leroux: Elle peut être offerte au grand public aussi.

Le Président (M. Lemieux): Ça va. M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: J'ai une question qui me venait à l'esprit en vous écoutant parler. Une question, d'ailleurs, qui vient de l'expérience que certaines personnes ont portée à mon attention. Vous dites que vous voulez abolir la promotion sans concours. Moi, et j'aimerais avoir votre opinion là-dessus, j'ai entendu dire à plusieurs reprises que, même là où il y avait des concours, souvent c'étaient des concours bidon, dans le sens où on traficotait les exigences et on rédigeait ça de façon à ce que des individus qu'on avait déjà en tête cadrent parfaitement dans la description de tâches ou dans la description des exigences et que, de fait même, c'était une façon détournée d'aboutir au même résultat qu'une promotion sans concours. Alors, j'aimerais que vous me fassiez part de vos commentaires là-dessus.

M. Leroux: Je suis parfaitement d'accord avec ce que vous dites. Effectivement, on peut rédiger un concours qui va servir uniquement comme parure à nommer une personne. Je suis parfaitement d'accord avec ça. Et c'est un peu ce dont je parle quand je parle de l'attitude, de la mentalité, si on veut. C'est sûr que les hauts gestionnaires se disent: On peut aller en chercher dans le public. Mais la loi nous permet également soit de rédiger un concours ou même d'aller à la promotion sans concours. Et, entre autres, les zones géographiques, ça, je n'en ai pas parlé, ça peut être une autre restriction. Au point où toutes les restrictions deviennent tellement lourdes qu'on nomme la personne qu'on désire. Là, vous avez raison quand vous dites qu'on rédige un concours qui sert seulement à nommer une personne qu'on a choisie d'avance. Mais, moi, je pense qu'effectivement si on n'en arrivait qu'à ce point, ce serait déjà une énorme amélioration par rapport à une porte ouverte à la corruption encore plus grande. Mais, éventuellement, il faut en arriver simplement que si on... Si on veut restreindre par des normes géographiques, parce que c'est la personne qui a le plus d'années d'expérience, finalement, le terme de compétence devient complètement désuet. C'est ça, la question. Le terme compétence devient complètement désuet. Et le grand public n'a absolument pas accès à la fonction publique qui devient une chasse gardée. Après, on s'interroge pour quoi faire que les fonctionnaires, par exemple, sont plus âgés. C'est sûr, c'est une chasse gardée.

Le Président (M. Lemieux): Ça va, M. le député de Bertrand?

M. Beaulne: Oui.

Le Président (M. Lemieux): Et si on y ajoute les exigences additionnelles au corps d'emploi, on comprend que vous avez en très grande partie raison. Nous vous remercions, M. Leroux, de votre participation à cette commission parlementaire et de l'intérêt que vous avez démontré.

M. Leroux: Merci.

Le Président (M. Lemieux): Et on prend bonne note de vos commentaires.

M. Leroux: Merci, monsieur.

Le Président (M. Lemieux): Je demanderais maintenant à M. Michel Robichaud, s'il est ici, de vouloir... Alors, on me dit que M. Robichaud est absent. Nous devons ajourner nos travaux à demain, je crois, 10 heures. Je vous remercie et nous ajournons nos travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 19 h 3)

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