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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 5 mars 1991 - Vol. 31 N° 58

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen du rapport annuel du Vérificateur général pour l'année financière terminée le 31 mars 1990


Journal des débats

 

(Quatorze heures dix minutes)

Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de l'administration est réunie afin d'entendre le Vérificateur général dans le cadre de l'examen de son rapport annuel pour Tannée financière se terminant le 31 mars 1990. Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Chevrette (Joliette) remplacera M. Lazure (La Prairie).

Organisation des travaux

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le secrétaire. Les règles de procédure pour l'exécution de ce mandat, telles qu'établies le 18 août 1987, sont les suivantes. La séance débutera par une période de déclarations d'ouverture, répartie selon l'ordre suivant: un maximum de 15 minutes pour M. le Vérificateur général, 15 minutes pour le porte-parole de l'Opposition, suivra le porte-parole des députés ministériels pour une période maximale de 15 minutes. La période des déclarations d'ouverture ne sera pas suivie de répliques ou de commentaires de la part des membres ou du Vérificateur général. Une période d'échanges avec le Vérificateur général suivra celle des déclarations d'ouverture et se poursuivra jusqu'à la fin de (a séance, si nécessaire, soit 22 heures. Les groupes parlementaires disposeront de temps de parole égaux, en respectant l'alternance dans les interventions, et le temps de parole inutilisé par un groupe parlementaire sera disponible pour l'autre groupe, relativement à une décision de la commission de l'Assemblée nationale du 3 décembre 1986. La période d'échanges avec le Vérificateur débutera par l'intervention du porte-parole de l'Opposition. Les membres de la commission disposeront d'un temps de parole de 20 minutes, en une ou plusieurs interventions qui peuvent prendre la forme de questions ou de commentaires. Le temps de réponse du Vérificateur général sera imputé au temps de parole du député qui pose la question.

Alors, selon l'ordre dont j'ai fait état tout à l'heure, j'inviterais maintenant M. le Vérificateur général à prendre la parole et à nous présenter préalablement les gens qui l'accompagnent.

Déclarations d'ouverture

M. Rhéal Chatelain M. Chatelain (Rhéal): Merci, M. le Prési- dent. Je m'exécute tout de suite. Je vous présente les personnes qui m'accompagnent. À ma gauche, M. Guy Breton, vérificateur général adjoint, responsable des services professionnels chez nous; à ma droite immédiate, M. Gilles Bédard, vérificateur général adjoint, responsable des opérations de vérification à Québec et, passé M. Bédard, M. Jean-Pierre Fortin, vérificateur général adjoint, responsable des opérations de vérification de notre bureau de Montréal.

Merci, M. le Président. Je remercie votre commission de m'inviter à témoigner pour une cinquième année consécutive sur le contenu du rapport annuel du Vérificateur général à l'Assemblée nationale. Cette fois-ci, il s'agit du rapport de l'année financière terminée le 31 mars 1990. Votre invitation donne ouverture à une étape importante dans le cycle d'imputabili-té de l'administration envers l'Assemblée nationale.

Vous m'avez entendu à plusieurs reprises dans le passé sur le sujet de l'imputabilité. Vous m'avez, d'ailleurs, fourni une autre occasion d'en discuter dans le cadre des audiences que vous avez tenues l'automne dernier concernant la Loi sur la fonction publique. Le mémoire que je vous ai alors présenté est reproduit intégralement en annexe dans mon dernier rapport annuel à l'Assemblée nationale. Vous vous souviendrez que, dans ce mémoire, de même que dans mon intervention devant votre commission, j'ai insisté sur l'importance d'une reddition de comptes à l'Assemblée nationale des responsables de la gestion que sont les hauts fonctionnaires.

J'ai constaté avec plaisir que le rapport de votre commission a reconnu le mérite de l'exercice de l'imputabilité et que cette idée, déjà acceptée dans de nombreuses autres Législatures, faisait son chemin au Québec. L'approche voulant que les hauts fonctionnaires puissent témoigner en commission parlementaire sur la qualité de leur gestion ne rallie cependant pas encore tous les intéressés. J'ai donc cru de mon devoir d'intervenir à nouveau en faveur de cette cause dans les remarques générales paraissant au premier chapitre du rapport annuel. Ce chapitre est d'ailleurs coiffé du titre: "Vers le plein exercice du contrôle parlementaire". J'y reprend des thèmes avec lesquels vous êtes familiers. L'Assemblée nationale délègue des pouvoirs en adoptant les lois constitutives des ministères et des organismes et celles instituant les divers programmes gouvernementaux, de même qu'en votant les budgets nécessaires à la réalisation de ces programmes. Elle exige en retour que des comptes lui soient rendus. Je rappelle ma conviction de l'importance d'inviter les hauts fonction-

naires à contribuer à cette reddition de comptes, non pas à la place des ministres, mais dans le cadre et à l'appui des responsabilités de ces derniers envers l'Assemblée nationale.

L'objet de mon propos n'est pas de faire en sorte que les ministres puissent abdiquer leurs responsabilités. Il est plutôt de réclamer le témoignage de hauts fonctionnaires en vue d'assurer que l'autorité suprême qu'est l'assemblée des parlementaires puisse bénéficier d'une information plus complète sur les activités gouvernementales. Les hauts fonctionnaires se voient attribuer des responsabilités de gestion, conformément aux lois adoptées par la Législature, qu'il ne serait pas raisonnable d'imputer entièrement aux ministres. De plus, ils disposent d'informations sur la gestion des services gouvernementaux d'un volume ou d'un niveau tel que l'on ne peut convenablement s'attendre à ce qu'elles soient Intégralement connues des ministres, et les représentants élus devraient avoir accès à ces informations. Ceci ne porte pas atteinte au principe de la responsabilité ministérielle. On pourrait peut-être constater, à l'occasion, qu'il existe un problème de communication entre les hauts fonctionnaires et leur ministre. Mais, alors, devrait-on pour autant voir l'Assemblée nationale elle-même privée de renseignements auxquels elle a droit?

Le paragraphe 1. 17 du rapport annuel vient compléter mon commentaire sur ce sujet. Permettez que j'en cite simplement une partie: "II importe que se manifeste la volonté politique d'en exiger davantage afin que les parlementaires puissent recevoir en temps opportun une information plus complète et plus pertinente. Rien ne peut remplacer la caution morale de l'autorité législative pour que la reddition de comptes de la gestion soit bel et bien instaurée dans les faits". Fin de la citation. Et je me permets d'ajouter, M. le Président, que cette reddition de comptes des hauts fonctionnaires appuierait bien celle des ministres en la complétant en quelque sorte, et cela, dans le respect de la tradition parlementaire.

Par ailleurs, j'insiste encore cette année dans le rapport annuel pour que les organismes et les entreprises du gouvernement soient assujettis de façon équitable à des règles d'im-putabilité. Ces entités administratives gèrent des fonds publics importants et il est tout à fait logique d'exiger qu'elles rendent compte, de façon appropriée, de cette gestion.

Vu la grande diversité de ces organismes et entreprises dont les objectifs et les modes de gestion peuvent varier sensiblement, il est important qu'une loi-cadre soit adoptée pour les départager et identifier des modalités d'imputabi-lité à leur égard. Ces modalités pourraient respecter à la fois les besoins d'information de l'Assemblée nationale et les caractéristiques propres de ces entités.

La présentation de l'information financière du gouvernement fait également l'objet de commentaires et de recommandations dans le premier chapitre du rapport annuel. Nous y faisons état de constatations à l'effet que l'information fournie à l'Assemblée nationale dans les documents prescrits est incomplète. Nous relevons le fait que le budget des dépenses ne permet pas de connaître avec précision le pourquoi des demandes de fonds et l'utilisation qu'on entend en faire. De même, les documents de reddition de comptes, c'est-à-dire les comptes publics et les rapports annuels des ministères, ne renseignent pas avec suffisamment de précision sur l'utilisation qui a été faite des fonds publics. nous concluons donc cette partie en soulignant que la présentation des documents de prévision de dépenses et de reddition de comptes ne facilite pas, dans leur forme actuelle et dans leur contenu, l'exercice du contrôle parlementaire. le fait que les comptes publics et les rapports annuels de certains ministères soient déposés à une date tardive ne contribue pas non plus à accroître leur utilité pour les parlementaires. un chapitre entier du rapport annuel, le seizième, rapporte de façon plus détaillée les résultats d'un examen, effectué conformément à l'article 43. 2° de la loi sur le vérificateur général, de ses documents d'information financière déposés à l'assemblée nationale.

Par ailleurs, en rapport avec la présentation des états financiers du gouvernement, le Vérificateur général reconnaît que le Conseil du trésor a procédé, au cours des années récentes, à une réforme importante des conventions comptables. Ces modifications ont contribué à une présentation plus fidèle et plus complète de la situation financière du gouvernement et du résultat de ces opérations.

D'autres améliorations importantes se font cependant encore attendre. Celles-ci permettraient, à notre avis, une présentation plus fidèle de l'information financière. Ainsi, nous déplorons le fait que le gouvernement n'applique pas intégralement les recommandations de l'institut canadien des comptables agréés sur la comptabilisation des obligations découlant des régimes de retraite des salariés du gouvernement. Le Vérificateur général souligne, depuis plusieurs années, que le passif non inscrit des régimes de retraite autres que le RREQOP, composé essentiellement de la non-comptabilisation du gouvernement jusqu'en 1979, de sa contribution d'employeur et des intérêts s'y rapportant, n'est pas véritablement amorti. La méthode d'inscription de ce passif n'est pas appropriée car, entre autres, l'amortissement annuel porté aux dépenses du gouvernement est même inférieur au coût annuel en intérêts calculé sur le solde non inscrit de ce passif. Comme le recommande l'ICCA, des mesures devraient être prises pour compléter l'inscription des obligations du gouvernement envers ces régimes de retraite puisque les obligations qui en découlent constituent de véritables

éléments de son passif comme ses autres dettes.

Au chapitre des dépenses additionnelles, nous relevons qu'au cours des dernières années financières le gouvernement a effectué des déboursés et a procédé à certaines imputations de dépenses normalement attribuables aux années subséquentes. Ces imputations étaient constituées, entre autres, de l'amortissement anticipé du passif actuariel non comptabilisé des régimes de retraite. Ces opérations comptables, quoique n'étant pas en conflit avec les exigences de la Loi sur l'administration financière, ont eu pour effet de modifier de façon importante les résultats de deux des trois années financières en cause. De plus, ces opérations auront un effet sur les résultats de 1990-1991, c'est-à-dire l'année qui se terminera à la fin du présent mois.

Depuis plusieurs années, le Vérificateur générai est préoccupé du fait que le gouvernement n'amortit pas assez rapidement le passif actuariel non comptabilisé de ces régimes de retraite. Il appuie donc tout effort du gouvernement pour en accélérer l'inscription. Il ne peut cependant cautionner la réduction considérable de l'amortissement du passif non comptabilisé de ces régimes en 1989-1990, année sur laquelle porte notre dernier rapport. L'inscription par anticipation de l'amortissement au cours des deux années précédentes et la réduction importante du montant de cette inscription en 1989-1990 s'éloignent de l'application uniforme de la convention comptable du gouvernement à cet égard. Donc, l'inscription par anticipation de certains déboursés ou de certaines dépenses de nature récurrente compromet la comparabilité des états financiers. Elle nuit à la compréhension de l'évolution du déficit des opérations budgétaires d'une année financière à l'autre. Le lecteur des états financiers voit ainsi s'amenuiser la possibilité d'évaluer l'imputabilité du gouvernement à la lecture des états financiers. C'est pourquoi le Vérificateur général désapprouve cette présentation de l'information financière.

La deuxième partie du rapport annuel de 1990 est consacrée à la présentation des résultats de nos travaux de vérification financière et de conformité auprès du gouvernement et de ses ministères, des fonds spéciaux et du fonds renouvelable, ainsi que de ses organismes et de ses entreprises. On y trouve aussi les résultats de cinq missions de vérification intégrée réalisées auprès des ministères de l'Éducation, de l'Environnement, de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, ainsi qu'auprès de la Société de l'assurance automobile du Québec et de la Société québécoise d'assainissement des eaux.

Le rapport annuel rend également compte de la conclusion d'une étude d'envergure gouvernementale de trois ans sur la gestion des ressources informatiques au gouvernement. Cette dernière étude sur l'informatique a été entreprise en 1987. Au cours des deux premières années, elle a porté principalement sur la coordination et la réglementation, sur l'encadrement par les ministères et organismes, de même que sur le développement des systèmes et certains aspects de la sécurité. Au cours de la dernière année, nous avons complété notre vérification du volet sécurité en plus d'examiner la gestion de la micro-informatique.

Le rapport annuel rapporte les résultats de nos vérifications de cette dernière année et présente un tableau synthèse des recommandations que nous avons formulées au cours des deux premières années de l'étude. De plus, il fait part des mesures prises ou déclarées par les gestionnaires à la suite de nos interventions.

Nous rapportons aussi les résultats d'une étude sur les dépassements de contrats dans les domaines de la construction et de l'entretien des routes, ainsi que dans celui des honoraires professionnels concernant l'informatique.

Nous rendons également compte, dans ce rapport annuel, de la vérification et de l'utilisation des subventions accordées par le ministère de la Santé et des Services sociaux à certains établissements du réseau hospitalier et des subventions accordées par le ministère des Transports en vertu du Programme de transport scolaire.

Nous livrons également les résultats d'un suivi des recommandations que nous avons formulées dans le cadre de certaines vérifications au cours d'années antérieures. Il s'agit de la vérification de l'optimisation des ressources à la Régie de l'assurance-maladie et d'une étude d'envergure gouvernementale portant sur la gestion de la trésorerie au gouvernement du Québec. Cet exercice distinct de suivi constitue une première dans le rapport annuel du Vérificateur général et c'est avec plaisir, M. le Président, que je souligne que l'initiative répond, en partie du moins, à un souhait exprimé par votre commission.

Dans la troisième partie du rapport annuel, le Vérificateur général rend compte de ses autres activités et fournit des renseignements généraux sur son organisation, ses devoirs et responsabilités, ainsi que sur sa structure organisatlon-nelle.

Comme vous avez pu le constater, M. le Président, le rapport annuel du Vérificateur général pour l'année financière terminée le 31 mars 1990 fournit une information abondante et bien documentée à l'assemblée des parlementaires. J'en rends hommage à toute l'équipe du Vérificateur général qui a su, encore une fois cette année, porter bien haut le flambeau de l'organisation et manifester sans relâche sa grande loyauté à l'égard de sa mission, laquelle consiste à bien renseigner l'Assemblée nationale. Je vous remercie de votre attention et je répondrai avec empressement et dans la mesure du possible à vos questions en recourant, si nécessaire et avec votre permission, à la compétence de mes

principaux collaborateurs qui m'accompagnent ici aujourd'hui. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le Vérificateur général. M. le député de Labelle.

M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président. Je veux remercier M. le Vérificateur général de ses mots d'introduction. Je voudrais, d'abord, le féliciter pour le travail qu'il a fait particulièrement cette année, alors que j'ai lu une très grande partie de tout ce qu'il a écrit dans son rapport annuel, et j'y reviendrai tout à l'heure. Je crois aussi qu'il a fait, en quelque sorte, une somme de ses constatations au cours des dernières années.

Il a été souligné que vous arriviez au terme d'un mandat; est-ce que nous pouvons souhaiter qu'il soit renouvelé? Ou bien on peut se poser aussi la question de ce qui va arrriver par la suite. On pourra la poser au gouvernement, je suppose bien, et quelqu'un pourra y répondre, je l'espère. Mais, ce que je peux dire, c'est que je dois d'abord vous féliciter du travail que vous avez fait. Je crois que, durant les années que vous avez passées ici, sur ce plan-là, jusqu'ici, c'a été très bien et que vous avez soulevé des questions fort intéressantes. Vous aviez eu auparavant une expérience au gouvernement fédéral et puis ici maintenant, à Québec; je pense que vous avez accumulé une somme d'expérience fantastique dans ce domaine.

Je voudrais relever quelques points que vous avez soulevés. Vous avez, d'entrée de jeu, ouvert sur la question de l'imputabilité externe. Nous en avons débattu à la commission qui a examiné, qui a fait le bilan de l'application de la Loi sur la fonction publique. Je vais simplement répéter ce que j'en avais dit, mais peut-être le souligner parce qu'on a simplement souligné que j'étais en désaccord sans trop approfondir ce que j'en avais dit.

Je veux simplement rappeler sur ce plan que, quant à moi, je suis d'accord avec l'imputabilité interne - tout le monde s'entend, il n'y a aucun problème - et, sur l'imputabilité externe, je pense que je demande à voir un certain nombre d'éléments. J'ai dit, d'abord, que les parlementaires devaient avoir des instruments pour travailler, poser des questions et scruter, en quelque sorte, la gestion des affaires publiques. Pour moi, ces instruments commencent par des documents valables. Je crois que cette année, dans votre rapport, vous touchez largement cette question et je vous en félicite parce que c'est le début, c'est l'a b c. Pour faire quelque chose, il faut avoir des documents dans les mains.

J'aurai des questions à vous poser ultérieurement cet après-midi; je voudrais aller plus loin dans cette affaire, parce qu'à mon sens, lorsque vous comparez l'information qui est disponible dans le privé à des conseils d'administration et à des bureaux de direction d'entreprise, il y a de l'information financière de disponible et d'autres types d'information aussi. L'administration des dirigeants est suivie au jour le jour à partir du moment où ils mettent un budget sur la table. Donc, je pense que, si nous faisons cette comparaison, nous devons aller la faire d'un bout à l'autre et voir comment on doit organiser l'information disponible aux parlementaires à partir de tous les ministères et de l'administration publique. Moi, je pense que c'est l'a b c. Ce sont les fondations dont on parle et puis après, s'il y a des rencontres, peut-être que nous pourrions examiner de telles choses, mais je crains même que, même si les sous-ministres venaient ici à la barre actuellement, étant donné qu'on n'a pas l'information de base nécessaire, ça pourrait être aussi décevant que ça peut l'être maintenant.

Ça va, par exemple, aller jusqu'à toucher la nature du travail que nous faisons dans les différentes commissions sur les engagements financiers. J'ai remarqué comment les choses se passaient maintenant et je trouve qu'il y a beaucoup de questions à se poser là-dessus. Alors, je pense que cette question est fondamentale pour le futur des choses. Fondamentale. Si on arrive à s'entendre là-dessus, une discussion sur l'imputabilité interne, externe va prendre une tout autre couleur que s'il n'y a qu'une ligne sur un gros chiffre et qu'on n'a pas de réponse pratiquement.

Alors, je crois que cette question mérite un examen très attentif et aussi, la deuxième que je souligne - je l'ai souligné l'an dernier et je le souligne encore - le respect des conventions comptables. Ça a l'air d'un jargon entre professionnels, lorsque nous évoquons cette question, mais là réside toute la qualité de l'information. Lorsque le Vérificateur, comme vous l'avez fait, dit que la présentation des états financiers du gouvernement ne répond pas aux normes de comparabilité, ça vient dire que ces états financiers sont incompréhensibles pour le public. Il y a quelques savants comptables et des analystes financiers qui vont faire les corrections, mais le public qui lit tire de mauvaises conclusions parce que le chiffre qui l'intéresse c'est le dernier chiffre au bas de la page et qu'il est incapable - parce que tout le monde n'est pas un professionnel comptable - de faire les corrections appropriées pour faire une bonne comparaison. (14 h 30)

C'est un point fondamental. Je sais que nous avons l'air de redire des choses, de mémè-res qui se répètent, mais qu'est-ce que vous voulez? Ça commence par là et c'est la vérité des états financiers dont il s'agit. Donc, à partir de ce moment-là, si quelqu'un se met à changer les conventions comptables, il y a des façons de traiter les choses. Ça se change, les conventions comptables, mais avec un processus déterminé

dans le cadre de l'application d'autres conventions qui visent à bien rendre public et à sensibiliser le lecteur ou l'utilisateur d'états financiers au fait qu'il y a des changements. Si on ne fait pas ça correctement, je pense qu'on passe à côté. Je trouve que c'est ce qui s'est passé dans les dernières années.

Dans le privé, vous devez rappeler durant trois ans que vous avez modifié les conventions comptables, que vous ne les appliquez pas de la même manière d'une année à l'autre. Durant trois ans, vous devez le dire, même si c'est fini, simplement pour bien sensibiliser le lecteur au fait qu'il y a eu des changements. Je trouve que ça, c'est majeur. Donc, on disait: La bonne information, une information intelligente, et ça va toucher loin parce qu'à mon sens il y a une réorganisation de l'information gouvernementale. Surtout maintenant qu'on dispose d'instruments électroniques et informatiques majeurs, on devrait pouvoir en bénéficier autant qu'on en bénéficie au bureau de direction d'une banque. Après tout, ils sortent des états financiers tous les mois, avec des suivis, des courbes, des pourcentages. Quelqu'un qui lit ça voit tout de suite où sont les problèmes, voit tout de suite où la réalisation des opérations diffère du budget. C'est ce qu'on n'a pas. Je n'ai pas vu souvent des courbes ici, autour de la table de la commission du budget et de l'administration. Je n'ai pas vu ça. Mais vous voyez ça dans n'importe quel bureau de direction et conseil d'administration qui se respecte. Vous voyez ça.

Alors, moi, je veux bien qu'on parle de l'imputabilité externe, c'est un des éléments qui pourraient éventuellement nous amener à regarder les choses. On le regardera, à ce moment-là, en regard de la responsabilité ministérielle parce que ça, c'est un autre principe de notre démocratie. Jusque-là, je sais que les objections sont majeures, les gens disent: Ça évite toute la partisanerie. Je rappelle ce que j'ai dit là-dessus: La démocratie fonctionne avec deux ou plusieurs partis et la dictature avec un seul parti. C'est ça, la différence. Donc, quand tout le monde s'entend trop bien, justement, on peut se poser des questions à savoir s'il n'y a pas des collusions trop faciles.

Nous allons revenir sur différents sujets au cours de la journée. Évidemment, vous avez parlé d'une loi-cadre, ça me paraît important. Je pense que c'est un sujet qui se discute et je trouve que, là, vous touchez un élément qui peut nous permettre de mieux contrôler les finances publiques. Vous parlez aussi de certains points de votre mandat, en particulier de l'examen que vous avez fait au ministère de l'Environnement sur les ressources informatiques; nous y viendrons aussi au cours de l'après-midi. Je pense aussi à certains secteurs dans le domaine de la santé. Vous nous rappelez toujours cette question des fonds de retraite; effectivement, c'est une dette non inscrite et qu'il faudrait inscrire, puisque c'est une dette réelle. Je ne parle pas des déficits actuariels, je ne sais pas, de la Régie des rentes, c'est autre chose parce que, là, on fait face à une autre réalité, mais celle-ci c'est une dette réelle en termes d'opérations gouvernementales.

Alors, je voudrais donc vous féliciter du bilan que vous faites cette année et du document que vous nous avez produit. Nous y reviendrons dans le détail. Alors, je vais passer la parole au représentant du gouvernement.

M. Jean-Guy Lemieux, président

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Labelle. m. le vérificateur général, effectivement, vous terminez votre mandat, un mandat de dix ans que vous terminez au mois d'août 1991. je veux quand même en profiter pour tracer un petit peu un bref résumé de votre carrière. alors, puisqu'il y a peu de gens qui vous connaissent, j'ai appris moi-même que vous êtes fils de cultivateur, sans doute de là votre intérêt très, très pragmatique des choses, que vous avez un bac en philosophie, que vous avez travaillé dans un cabinet d'experts-comptables de 1951 à 1955 et que vous avez travaillé au gouvernement fédéral pendant un certain nombre d'années. alors, vous nous rapportez une expertise, je dirais, très britannique de la gestion comptable et des comptes publics. pendant une période de 10 ans, de 1955 à 1965, vous avez été vérificateur, surveillant et directeur régional du bureau des services de vérification. puis, attiré un peu comme beaucoup de gens ces temps-ci par le québec, de 1965 à 1970, vous avez été contrôleur adjoint, puis contrôleur de la trésorerie, ce que nous appelons actuellement - je ne crois pas que je me trompe - contrôleur des finances, et, de 1970 à 1973, vous avez occupé le poste, au gouvernement du québec, de contrôleur des finances, dans le contexte de la nouvelle loi sur l'administration financière adoptée, si je me souviens bien, en 1970. puis - et sans doute voilà votre intérêt, peut-être, pour des notions telles que l'imputabilité interne, l'imputabilité externe, la formation, le développement des ressources - j'ai appris que vous avez été aussi, de 1973 à 1974, sous-ministre de la fonction publique, pour, de 1974 à 1981, être le premier sous-vérificateur général du canada, pour être nommé, en 1981, vérificateur général.

Écoutez, votre passage ici, au gouvernement du Québec, comme Vérificateur n'a quand même pas passé inaperçu. Je considère que vous avez été un allié très présent, je dirais, de la députation et qu'en quelque sorte vous avez été le protecteur de la gestion comptable du gouvernement eu égard aux citoyens. Sous votre règne, nous avons connu l'adoption de la Loi sur le vérificateur général, qui a été adoptée - et j'étais, à cette époque-là, en commission par-

lementaire - le 20 juin 1985, où on a réaffirmé la mission du Vérificateur général qui était de favoriser la vérification, le contrôle parlementaire sur les fonds et autres biens publics. On a aussi accordé une autonomie accrue au Vérificateur général dans l'exercice de ses fonctions et aussi, ce qui est important, on a élargi la portée de la vérification afin d'Inclure la vérification d'optimisation des ressources.

Alors, vous, depuis 1984 jusqu'à ce jour, vous avez fait des efforts répétés pour que l'Assemblée nationale exerce elle-même une plus grande surveillance des actes du gouvernement en assurant l'imputabilité des responsables administratifs de la gestion des fonds publics -ce que nous appelons, dans notre jargon, l'imputabilité externe - notamment par le biais d'un examen public de votre rapport annuel par les parlementaires au cours duquel les fonctionnaires sont appelés à expliquer et à justifier leurs décisions découlant d'un pouvoir délégué. Nous sommes certains, M. le Vérificateur général - et je parle pour moi-même, même si je ne partage pas, je dirais, en totalité le point de vue du député de Labelle... Mais, je dois vous avouer que, moi, j'ai fait un bout de chemin et que le député de Labelle a fait un bon bout de chemin aussi et, d'une certaine façon, je pense qu'à un moment donné, qu'on le veuille ou non, nous allons nous rencontrer, je ne dirais pas dans le même parti politique, je ne voudrais quand même pas donner d'illusions au député de Labelle, mais je suis certain que nous allons nous rencontrer à un certain moment.

Tout ça pour vous dire, M. le Vérificateur général, que, lorsque vous parlez de l'imputabilité externe, nous sommes biens conscients, tel qu'en faisait foi le rapport de la commission du budget et de l'administration sur la Loi sur la fonction publique, que la finalité de l'imputabilité externe est de permettre, avant tout, aux représentants élus des citoyens de pouvoir évaluer la qualité de la gestion gouvernementale en disposant de l'information la plus objective, complète et compréhensible possible, afin de connaître avec suffisamment de précision à quelles fins et de quelle manière sont utilisées les ressources publiques. Vous n'êtes pas sans savoir que cette commission s'était posé la question suivante, à savoir: est-ce que les mécanismes actuels d'imputabilité externe, qui s'inspirent d'une interprétation stricte de la responsabilité ministérielle, permettent aux parlementaires d'avoir suffisamment d'information pour être en mesure d'apprécier ladite qualité de gestion du gouvernement au nom des citoyens? Et nous avions répondu à cette question-là, après avoir fait une analyse des mécanismes d'imputabilité externe, tels la période de questions, le dépôt de rapports annuels d'activité. Et, là, je rejoins mon collègue de Labelle, à savoir que ces documents ou, je dirais, ces mécanismes d'imputabilité externe ne nous permettent pas d'effectuer notre travail comme nous devrions le faire. C'est la même chose au niveau des crédits budgétaires, au niveau des engagements financiers et au niveau de la surveillance des organismes publics. Nous en étions arrivés à la conclusion que les mécanismes parlementaires actuels ne constituaient pas un système adéquat d'imputabilité externe eu égard à la gestion des ministères et, en particulier, au niveau de la gestion des ressources humaines comme telles.

Nous sommes conscients que les élus n'ont pas toute l'information qu'il faudrait pour bien administrer et, vous savez, on est quand même heureux de voir que vous êtes revenu sans cesse à la charge - et vous le faites encore aujourd'hui - sur cette nécessité d'instaurer l'imputabilité externe au gouvernement, soit l'obligation pour les sous-ministres de rendre compte de leur administration courante à l'Assemblée nationale. Je dois vous dire, et je le dis en citant un journaliste du Soleil, M. Corbeil, qui faisait état qu'effectivement - et c'est un obiter dictum - au prochain congrès des membres du Parti libéral il y aurait une résolution à l'effet de demander au congrès des membres de mon parti, qui n'est quand même pas le gouvernement, de faire en sorte d'y aller en instaurant une politique d'imputabilité externe. J'ose espérer que les membres à ce congrès seront sensibles et seront bien conscients qu'il est nécessaire pour les parlementaires, s'ils veulent bien faire leur travail, d'avoir tous les renseignements qui leur sont nécessaires, car on est conscients qu'actuellement les renseignements souffrent d'intégralité, sont insuffisants et trop succincts pour que nous puissions nous prononcer en toute connaissance de cause.

Motion de félicitations au Vérificateur général

M. le Vérificateur général, je pense aussi à vos conseillers, M. Bédard, M. Breton et M. Fortin, qui nous ont quand même assistés, qui ont quand même fait un excellent travail tout le long de ces cinq années où on a eu à travailler avec vous et je me permets aujourd'hui, au nom de ma formation ministérielle, de faire cette motion de félicitations: Que la commission du budget et de l'administration félicite M. Rhéal Chatelain pour sa contribution, depuis août 1981, à titre de Vérificateur général du Québec, à la consolidation, à l'élargissement et à l'efficacité de la surveillance exercée par l'Assemblée nationale sur la gestion des fonds publics et autres biens publics. Alors, je fais cette motion et je demanderais aux membres de cette commission: Est-ce que cette motion est acceptée?

M. Léonard: Je vais l'appuyer.

Le Président (M. Lemieux): Alors, cette motion est donc acceptée? Alors, la motion est

donc acceptée.

M. le Vérificateur général, nous allons commencer dès maintenant à entreprendre, pour une cinquième fois d'affilée, la vérification de votre rapport annuel, à vous entendre sur ce rapport annuel et je passerais immédiatement la parole à M. le député de Labelle qui dispose d'une période de 20 minutes.

Discussion générale

M. Léonard: J'ai 20 minutes pour poser des questions.

Le Président (M. Lemieux): Pour poser des questions et faire des commentaires. Et, comme je le disais tout à l'heure, M. le député de Labelle, le temps de réponse de M. le Vérificateur général est inclus dans le temps qui vous est alloué, dans vos 20 minutes.

M. Léonard: Je voudrais d'abord commencer par un point, le chapitre 16, parce qu'à mon sens vous partez, dans le chapitre 1, de la faiblesse de l'information financière disponible, vous nous en faites mention, mais là où vous allez dans le détail, c'est au chapitre 16. Premier point, la remarque que je voudrais faire d'abord, c'est que vous décrivez le cycle de fonctionnement de l'administration publique. Très bien. Donc, j'ai l'impression d'avoir un graphique que l'on fait dans des boîtes de vérificateur; c'est exactement comme ça que l'on procède.

Exclusion du discours sur le budget

Et, maintenant, je vous pose une première question. À la page 304, paragraphe 16.21, vous dites: "Le discours sur le budget a été considéré dans notre examen pour les modifications apportées aux prévisions initiales de dépenses. Nous ne formulons pas de constatations sur la forme et le contenu de ce document." Donc, vous ne dites rien sur le discours sur le budget. Mon point, c'est le suivant: étant donné que nous sommes en administration publique et que, d'un point de vue décisionnel, le moment important c'est le moment où le gouvernement fait son discours sur le budget, c'est là où il prend ses décisions et où il les rend publiques, est-ce que vous ne trouvez pas que le Vérificateur général devrait se prononcer au moins sur l'essentiel de ces documents quant à la comparabilité des états?

Parce que ce que vous avez souligné sur le report des dépenses payées d'avance, etc., c'était déjà apparent dans le discours sur le budget, parce que c'était là pour équilibrer, en quelque sorte, et modifier le déficit qui était envisagé. Donc, au fond, lorsqu'il y a eu péché, c'est là qu'il s'est produit. Et le Vérificateur général, de par, disons, le poids de la tradition, n'est intervenu et n'a souligné la chose que pratiquement deux ans après, c'est-à-dire au mois de décembre de l'année et trois quarts qui a suivi. Ce n'est pas tout à fait deux ans, mais presque. Et c'est là que vous pouvez dire: Bien, ce n'était pas comparable de procéder comme ça. Alors, pourquoi excluez-vous le discours sur le budget? C'est ça ma question. (14 h 45) l'autre élément que je porte à votre considération, c'est que, dans le privé, lorsqu'il y a un budget qui est déposé ou lorsqu'il y a des projets qui sont faits, le vérificateur de l'entreprise dit si les hypothèses qui sont faites sont en conformité avec le système de l'entreprise, avec ce qui se fait généralement ou bien s'il y a des fautes majeures, parce qu'il doit les souligner à ce moment-là. vous avez un projet de financement d'une entreprise, vous avez des états financiers pro forma et le vérificateur doit dire si ces états financiers pro forma sont conformes compte tenu des hypothèses qui sont émises. en quelque sorte, est-ce que le vérificateur général du québec ne pourrait pas, sur les deux ou trois principaux tableaux présentés dans un budget -et vous savez desquels je parle, les revenus et les dépenses - émettre une opinion sur la comparabilité, au moins sur ce point, peut-être sur d'autres, mais sur ce point?

M. Chatelain: m. le président, il y a deux questions qui sont soulevées. premièrement, comment se fait-il que le vérificateur général, dans l'étude qu'il a faite conformément à l'article 43e.2° de sa loi, au cours de ta dernière année, ne s'est pas penché sur la forme et le contenu du discours sur le budget? je dois répondre dès le départ que, évidemment, il était impossible pour le vérificateur générai de se pencher sur toute la documentation. ça va se faire au cours des années, d'accord? alors, il fallait quand même sélectionner, d'après nous, les documents où nous devions commencer cette étude-là. alors, nous avons arrêté notre choix, évidemment, sur les prévisions de dépenses et ce qui suit, évidemment les comptes publics qui donnent un compte rendu de ce qui a été réalisé à partir, justement, du budget des dépenses au début de l'année. donc, notre étude n'a pas porté, comme tels, sur la forme et le contenu du discours sur le budget, à l'exception de certaines données qui apparaissent au discours sur fe budget en ce qu'elles touchent ou encore apportent des modifications aux prévisions de dépenses comme telles et pas à autre chose. alors, c'est pourquoi, lors de nos premières armes, si vous voulez, conformément à cet article-là de notre loi, nous nous sommes penchés seulement sur les documents que nous appelons les documents budgétaires, mais concernant les dépenses, et les documents de reddition de comptes, c'est-à-dire les comptes publics et les rapports annuels. alors, pour la première question.

M. Léonard: est-ce une recommandation que

vous feriez, disons, que le Vérificateur général s'implique sur les principaux tableaux du discours sur le budget?

M. Chatelain: Là, on arrive à la deuxième question. Quant aux commentaires à l'effet que les documents budgétaires ou les documents qui sont déposés à l'Assemblée nationale ne font pas une comparaison comme telle - et, là, je parle surtout des états financiers - entre le résultat définitif et ce qui était prévu au départ, c'est-à-dire dans les prévisions de dépenses ou encore dans le discours sur le budget, nous le déplorons nous-mêmes. Nous l'avons déploré. D'ailleurs, on le signale dans la première partie de notre rapport également, lorsque nous parlons, justement, des normes générales de présentation des états financiers. C'est, d'ailleurs, une recommandation de l'Institut canadien des comptables agréés que ces données-là soient produites dans les états financiers. Alors, on le déplore et, d'ailleurs, on le signale également dans notre étude en vertu de 43.2° que la comparaison ne se fait pas avec les prévisions. C'est qu'on compare toujours, d'une année à l'autre, le réel avec le réel de l'année précédente. Alors, évidemment, c'est très difficile, à partir de cette information-là, de tenir le gouvernement imputable quant aux prévisions qu'il avait faites. Alors, nous le déplorons également.

Maintenant, concernant les prévisions de revenus, à savoir si un - et, là, je ne mentionne pas le Vérificateur général - vérificateur devrait se prononcer sur des prévisions de revenus, je dois dire que, même dans le secteur privé -mais, là, écoutez, je reviendrai au Vérificateur général tantôt - les vérificateurs ne se prononcent pas justement sur les budgets, d'accord?

M. Léonard: Je suis d'accord là-dessus.

M. Chatelain: II y a peut-être certains cas où on s'attend, aujourd'hui... Je dis bien aujourd'hui parce que, même là, l'Institut canadien des comptables agréés n'a pas une position arrêtée. C'est que l'Institut canadien des comptables agréés a tout simplement une note d'orientation, dans le moment, à ce sujet. Là, je parie, évidemment, des prospectus, appelons ça les hypothèses, vous savez, les pro forma et ainsi de suite. C'est que, dans le moment, les vérificateurs peuvent se prononcer sur leur pro forma, mais n'allant pas plus loin que de constater les hypothèses et de dire que, selon ces hypothèses, certaines choses pourraient se réaliser, mais le vérificateur ne va pas plus loin. Et, comme je vous dis, ce n'est pas encore une position ferme de la part de l'Institut canadien des comptables agréés; alors, disons que la tradition ou l'expérience est en train de se développer de ce côté-là.

Maintenant, concernant le Vérificateur général ici - là, je retourne au mandat du Vérificateur général - c'est que, dans l'article de la

Loi sur le Vérificateur général, l'article 43.2°, on dit bien que le Vérificateur peut faire des commentaires et des recommandations à l'Assemblée nationale dans son rapport annuel, concernant la forme et le contenu des documents - on pourrait les lire, mais en tout cas - qui sont déposés à l'Assemblée nationale comme outils, si vous voulez, de contrôle pour les parlementaires, O.K.? Alors, voici comment on le dit. Alors, le Vérificateur général peut se prononcer - et maintenant je cite - "sur la forme et le contenu des documents d'information financière, notamment les prévisions de dépenses et les comptes publics, déposés devant l'Assemblée nationale ou en commission, comme moyen de surveillance de l'utilisation des fonds et autres biens publics." Alors, nous, nous avons interprété jusqu'à date ce mandat-là comme voulant dire: est-ce que, M. le Vérificateur, dans leur forme de présentation - ce qui est là, le contenu et non pas la valeur du chiffre comme tel, mais le chiffre qui est présenté, la qualité du chiffre, si vous voulez, non pas sa valeur, ce n'est pas la même chose - les informations qui sont là dans leur forme et leur contenu sont réellement utiles aux parlementaires afin qu'ils puissent accomplir leur mandat ou s'acquitter de leur rôle? Alors, donc, on n'a pas encore interprété notre mandat à l'effet qu'on devait se prononcer, si vous voulez, sur la fiabilité ou l'exactitude du chiffre comme tel, mais sur sa valeur de présentation, si vous me comprenez bien. D'accord? Alors, c'est ce qu'on a fait, d'ailleurs, cette année lorsque nous nous sommes . penchés sur les documents de prévision de dépenses et des comptes publics; on ne s'est pas prononcés sur la valeur des chiffres, on s'est prononcés sur l'utilité de ces chiffres-là, dans le fond, c'est bien sûr.

Alors, vous voyez maintenant, si j'exten-sionne ça au discours sur le budget, c'est la même chose. Dans le secteur privé, on se rend compte que les comptables, les vérificateurs ne se prononcent absolument pas, évidemment, sur les prévisions budgétaires ou sur les prévisions de revenus; ils commencent à se prononcer peut-être sur certaines hypothèses, sur certains pro forma - appelons ça comme ça - bien qu'il n'y en ait pas beaucoup. Dans le fond, c'est de la jurisprudence de ce côté-là. Il n'y en a pas beaucoup encore. Alors, à plus forte raison ici, dans le cas du Vérificateur qui a interprété son mandat jusqu'à date comme ne l'engageant pas à se prononcer sur l'exactitude des chiffres.

Alors, vous voyez où nous en sommes rendus. C'est que, maintenant que nous avons franchi cette première étape, au cours de l'année... Mais, là, je me souviens que je ne dois pas prendre trop de votre temps, parce que mon temps est imputé au temps du député. Je m'excuse.

Le Président (M. Lemieux): Oui, mais on va

être large avec le député de Labelle. On est toujours large avec le député de Labelle.

M. Chatelain: C'est donc dire que je pense que la prochaine étape qui pourrait être franchie par le Vérificateur général serait, justement, de se pencher sur la valeur du discours sur le budget comme instrument, si vous voulez, de contrôle ou de l'exercice de surveillance par les députés et non pas encore sur la valeur des chiffres comme telle, mais sur la valeur de la documentation, si vous voulez, la valeur de la présentation. Merci, M. le Président.

M. Léonard: Est-ce que mes 20 minutes sont finies?

Le Président (M. Lemieux): Non, non. Allez-y, M. le député de Labelle.

M. Léonard: Moi, je pense qu'on s'entend là-dessus. Il ne s'agit pas de dire que le Vérificateur général dise que tel chiffre qui est présenté au budget, c'est ça qui est bon. C'est plutôt sur la façon d'arriver à déterminer un chiffre, sur la méthode, le processus qui nous amène à ça et, s'il y a des modifications, si ce n'est pas conforme aux règles comptables, dans le privé, le vérificateur doit le dire. Les états financiers pro forma qui sont faux, qui sont établis avec de mauvaises méthodes de façon à tromper les gens, c'est très important. On en a eu des échos et la Commission des valeurs mobilières, d'ailleurs, se penche sur un bon nombre de ces questions présentement. Alors, c'est là-dessus, c'est sur la méthode plutôt qu'il me semble que le Vérificateur général devrait intervenir quant au discours sur le budget, pas sur toute la documentation dans un discours sur le budget, parce que là ça l'amènerait à s'impliquer dans la confection du budget, ce que je ne souhaite pas. Mais c'est sur les deux, trois, quatre principaux tableaux du budget. Je pense qu'on s'entend là-dessus.

Si je comprends, j'ai l'impression que vous dites: On n'est peut-être pas encore rendus là, mais on devrait y arriver. C'est presque une recommandation...

M. Chatelain: Juste une précision là-dessus, M. le Président. Vous savez...

M. Léonard: Je ne veux pas vous faire dire ce que vous ne voulez pas dire, là.

M. Chatelain: Non, non. Non, non. Non, non, je comprends. Mais il ne faudrait pas quand même qu'on engage le Vérificateur général dans une voie qui voudrait qu'il - et, là, évidemment, pour illustrer - comparaisse devant les commissions en même temps que les ministres, les sous-ministres et ainsi de suite lorsqu'ils justifient leurs demandes, parce que voyez-vous le travail de bénédictin que ça demanderait, de la part du Vérificateur général pour commencer, d'être obligé de repasser et d'analyser chacune de ces demandes de crédits. Ce serait absolument impossible. Et il y aurait un danger, évidemment. Il y a un danger évident à ce moment-là, c'est que le Vérificateur général pourrait s'immiscer d'une façon bien indirecte dans des questions d'allocations de ressources.

M. Léonard: Oui, je suis d'accord, qu'il ne doit pas aller là. Je suis d'accord. Deuxième point, sur les crédits. Vous soulignez... Vous en faites une critique, à mon sens, percutante parce qu'à la page 304 toujours, ce que vous dites aux paragraphes 16.25, 16.26, 16.27 est très important: "La qualité de l'information fournie aux membres de l'Assemblée [...] est insuffisante à cause principalement des déficiences observées quant à son intégralité". Et: "[...] le contenu de ces documents budgétaires porte surtout sur les resssources financières requises pour la réalisation des programmes". Et: "Ces documents ne contiennent que très peu d'information sur les actions envisagées pour la réalisation des programmes, ainsi que sur la nature et la qualité des biens et des services à produire. En outre, les objectifs des programmes ne comportent pas d'éléments mesurables et ne sont habituellement pas supportés par un énoncé des besoins à satisfaire."

Quand vous dites ça, j'ai l'impression qu'il n'y a rien dans les livres de crédits. Et puis, quand on feuillette le livre des crédits - je l'ai apporté, c'est celui-ci - je pense que c'est rare, dans le privé, qu'on va trouver des documents aussi épais comportant aussi peu de chiffres et aussi peu de renseignements. Je peux vous le dire, vraiment, parce que c'est le défaut. Et, finalement, moi, je pense que vous avez raison de souligner que le parlementaire qui arrive à poser une bonne question, c'est presque par hasard qu'il arrive à poser une bonne question parce que ce ne sont pas les chiffres qui sont là-dedans qui vont l'inciter à poser des bonnes questions.

En réalité, je crois que la gestion, puisqu'on en est au plan des crédits, devrait comporter beaucoup d'autres renseignements que ceux qui sont là, beaucoup d'autres choses que des chiffres secs et, d'ailleurs, de valeur très inégale. On va prendre une page là-dedans pour mettre un chiffre. Tiens, j'en ai un ici: 1 700 000 $, qui est un chiffre, compte tenu du gouvernement, relativement petit. Et puis, vous allez trouver dans une autre page, aux Affaires sociales, à un moment donné, un montant de 300 000 000 $, 3 000 000 000 $, des choses comme ça, dans un seul bloc. Juste pour vous dire la qualité inégale des renseignements financiers qu'il y a là-dessus. Et, donc, je pense que vous avez raison de souligner ce point-là. Comment vous le verriez, vous, le document des

crédits?

M. Chatelain: D'accord. Bien, je pense que nous donnons peut-être un exemple ou deux ici, dans...

M. Léonard: Oui.

M. Chatelain:... notre document. Surtout, il y a un exemple que, moi, je trouve tout à fait bon, à la page 309, lorsque nous citons, justement, un exemple qui nous provient du gouvernement du Manitoba. C'est un bon exemple. On dit exactement.. Pour commencer, on souligne... Évidemment, c'est un petit programme, c'est un petit programme, il est facile, c'est peut-être du concret, c'est plus facile, mais ça illustre quand même.

M. Léonard: Oui, oui.

M. Chatelain: Alors, on commence par énoncer l'objectif du programme, ensuite les activités que ce programme-là comporte et les résultats attendus. Alors, il y a beaucoup d'informations là et puis ça, ça permet à un député non pas seulement d'être capable d'apprécier quelles sont les ressources qui seront attribuées à ce programme-là, mais de réaliser exactement qu'est-ce qu'on va faire avec ces ressources-là. Ça permet à un député de pouvoir apprécier ça. Ça permet à un député aussi de pouvoir évaluer, à la fin de l'année, le résultat comparativement. Alors, ce sont des exemples comme ça.

Aussi, M. le Président, ce qui a été signalé concernant l'intégralité, appelons ça, oui, l'intégralité de l'information, c'est qu'il y en a d'autre. En plus de cette information-là que l'on retrouve, évidemment, dans le livre des prévisions de dépenses, il y a de l'information qui est donnée de façon ponctuelle aux députés lors de la tenue de commissions parlementaires. Il y a peut-être beaucoup d'information qui est valable là. On ne parle pas, là, qu'il manque d'information à un moment donné. Il manque peut-être de certaines informations qui seraient plus utiles, d'accord, mais il y a de l'information qui est valable, mais elle devrait être formalisée, cette information-là. Elle ne devrait pas être rendue disponible aux députés seulement à la demande, elle devrait être disponible pour tous les programmes du gouvernement, O. K. ? Alors, ça devrait être formalisé davantage, ces informations.

M. Léonard: est-ce que vous iriez jusqu'à dire qu'il faudrait avoir des chiffres comparatifs surtout pour des programmes majeurs dépassant, par exemple, x millions de dollars...

M. Chatelain: Ah bien oui!

M. Léonard:... qu'il y ait des courbes et des analyses de ce type?

M. Chatelain: Absolument, absolument. D'ailleurs, on le signale dans ce rapport-là. Et puis, sur l'intégralité, le sujet qui nous concerne dans le moment, on peut voir, aux paragraphes 16. 41 et 16. 42 encore, ce qui précède, évidemment, toute cette partie-là de notre chapitre sur l'allocation des ressources où on fait justement ressortir le manque d'information dans le moment.

Vous savez qu'on a fait des comparaisons aussi avec ce qui se fait ailleurs. On a fait des comparaisons avec six autres gouvernements, c'est-à-dire au fédéral, quatre provinces et la ville de Montréal, et puis on ne dit pas que c'est mieux ailleurs, on ne dit pas que c'est absolument mieux ailleurs en général. Cependant, dans certains cas, comme le Manitoba que j'ai indiqué tantôt, la ville de Montréal qu'on signale à un autre endroit, l'information est beaucoup plus utile. Alors, on donne des exemples où on peut apporter des améliorations comme ça. (15 heures)

Le Président (M. Lemieux): II vous reste deux minutes.

M. Léonard: Deux minutes. C'est parce que j'ai une question plus générale à poser.

Le Président (M. Lemieux): Allez-y, allez-y.

Étude globale des engagements financiers

M. Léonard: Là, vous avez parlé des crédits. Je pense que vous avez des éléments peut-être sur lesquels on pourra et d'autres pourront revenir. Mais je voudrais tout de suite aborder une question qui est en relation avec l'étude des crédits, celle des engagements financiers. Ça ne touche pas directement votre travail, mais il reste que, comme contrôle parlementaire, je m'interroge sur le fait que, maintenant, les engagements financiers soient étudiés dans des commissions différentes, ministère par ministère, de telle sorte qu'il n'y a plus de vision d'ensemble de l'étude des engagements financiers. Au fond, chacun en regarde une partie; vous prenez le Conseil du trésor et vous regardez un aspect. Par exemple, il y a des ressources informatiques nécessaires au Conseil du trésor et il y a des ressources informatiques comme ça... La même question se pose dans tous les ministères. Auparavant, il y avait la commission des engagements financiers qui étudiait tous les engagements du gouvernement et qui prenait tous les ministères. On le faisait de façon globale. Cette façon de faire a été modifiée par suite de la réforme parlementaire qui s'est faite en 1984 et, aujourd'hui, chaque ministère étudie ses engagements financiers. Mais, par ailleurs, il n'y a plus, au plan parlementaire, une vision d'ensemble des engagements financiers. Est-ce que vous auriez

des commentaires à faire sur cette question actuellement? Parce qu'il me semble qu'en termes de contrôle budgétaire... On parle d'imputabilité. Il me semble que, dans le sens large, c'en est un des éléments.

M. Chatelain: Oui. Je comprends. Je me souviens, justement, de l'époque où il y avait une commission des engagements financiers.

M. Léonard: C'est ça.

M. Chatelain: C'était son nom.

M. Léonard: Oui.

M. Chatelain: Elle étudiait, justement, les engagements financiers de l'ensemble du gouvernement. Je me souviens de ça. D'ailleurs, j'y ai participé en tant que...

Le Président (M. Lemieux): C'est là que Taschereau a perdu le pouvoir. Ha, ha, ha! N'est-ce pas, M. le Vérificateur?

M. Chatelain: C'était le comité des comptes publics à l'époque.

Le Président (M. Lemieux): Oui. D'ailleurs, c'était dans cette même... Non, c'était à la salle du Conseil des ministres. Je pense que c'était... Non, c'était dans la salle en bas, c'est vrai.

M. Chagnon: Malgré tout ce que vous avez dit, c'est évident que le Vérificateur général ne peut pas se souvenir de ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chatelain: M. le Président, c'est vrai qu'aujourd'hui, vu que l'étude des engagements financiers est faite par des commissions, je pense qu'on les appelle... Ce sont des commissions sectorielles?

Le Président (M. Lemieux): Sectorielles, effectivement, oui.

M. Léonard: Ce sont des commissions ordinaires qui siègent pour étudier les engagements financiers de chacun des ministères, mais ministère par ministère. Il n'y a personne qui a une vision d'ensemble.

M. Chatelain: Mais, quand on parie des engagements financiers, selon ma souvenance, il s'agit, évidemment, de gestes administratifs ou de gestion ponctuels qui sont posés par l'administration.

M. Léonard: Oui.

M. Chatelain: A ce moment-là, vous regar- dez des gestes ponctuels et vous ne regardez pas l'ensemble, évidemment, des engagements financiers du gouvernement, tels que les études qui peuvent se faire à la commission du budget et de l'administration sur le budget, les prévisions de dépenses, le discours sur le budget et ainsi de suite, durant ces débats-là. Je pense bien que l'étude des engagements financiers - je parle de la définition bien restreinte d'engagements financiers - ne se prête pas à une étude de l'ensemble de l'administration gouvernementale parce qu'on ne regarde que des activités particulières une à une. Cependant, je pourrais établir un parallèle avec le comité ou, si vous voulez, l'ancien comité des comptes publics, ou une commission qu'on appellerait une commission des comptes publics, ou, maintenant, ici, la commission du budget et de l'administration. S'il y avait une commission, la commission des comptes publics - appelons-la comme ça - dont la mission serait d'étudier et le rapport du Vérificateur général et les comptes publics, mais seulement ça, et que cette commission-là se penchait de façon régulière sur le rapport du Vérificateur général, où le Vérificateur général et les hauts fonctionnaires seraient appelés à témoigner régulièrement, moi, je favoriserais ça, c'est bien sûr, une commission comme ça aussi.

Le Président (M. Lemieux): On en prend bonne note, M. le Vérificateur.

M. Léonard: Bon, quand vous parlez d'imputabilité externe, c'est là que vous la verriez s'exercer?

M. Chatelain: Ah bien, oui. Là, il faut faire des distinctions, parce que, si on m'amène sur ce terrain-là, on peut en discuter de l'imputabilité externe en ce qui regarde le rapport du Vérificateur général. Le rapport du Vérificateur général touche l'ensemble de l'administration et il ne touche que des gestes administratifs et non pas politiques. Il faut s'entendre. Alors, quand je parle de...

M. Léonard: On s'entend.

M. Chatelain: O.K. Alors, quand je parie d'imputabilité externe, dans ce sens-là, c'est l'imputabilité concernant des gestes administratifs seulement.

M. Léonard: Oui. Si j'ai bien compris, vous seriez d'accord pour qu'il y ait une commission des engagements financiers plutôt?

M. Chatelain: Là, je pense que ce n'est pas à moi de me prononcer là-dessus, parce que ça, ça relève de l'Assemblée nationale, évidemment.

M. Léonard: Bien, je comprends votre prudence, mais, quand même, est-ce que vous

êtes d'accord pour faire un constat qu'il est difficile, à l'heure actuelfe, d'exercer une vision d'ensemble sur des gestes posés un par un? Parce qu'il y a quand même des conclusions qu'on peut tirer à partir de l'analyse de gestes ponctuels, il me semble. L'autre aspect étant une analyse qui est faite à partir d'une vision synthétique; là, vous nous faites une analyse à partir d'une vision plus ponctuelle, une analyse de gestes ponctuels. Est-ce que ça, ce n'est pas une autre façon d'exercer un contrôle parlementaire, qui est encore importante? On le fait au plan de chacun des ministères, mais au plan de l'ensemble du gouvernement. En d'autres termes, si vous avez une fonction qui s'exerce à travers tout le gouvernement, à partir d'un ministère, par exemple, les communications, l'informatique, les téléphones, pareil, ou la Société immobilière du Québec pour les immeubles, une fonction centrale qui dessert tous les autres ministères, si vous analysez les engagements un par un, dans chacun des ministères, vous perdez la vue d'ensemble sur, par exemple, l'administration des immeubles, l'administration de l'informatique. Est-ce qu'on ne doit pas revenir, au moins sur certain de ces aspects, à une analyse générale, globale?

M. Chatelain: D'accord. Je pense bien que ça revient à un dicton, ça: de quelle façon est-ce qu'on doit trancher la carotte? Parce que regardez la question que vous soulevez... Évidemment, il serait peut-être utile, je ne dis pas préférable nécessairement, que cette analyse-là se fasse - et c'est les mots que vous avez employés et c'est exactement ça - par fonction et non pas comme ça se fait dans le moment. Je pense que, dans le moment, ça se fait peut-être par mission plutôt qu'autre chose, hein? Les commissions sectorielles, elles se voient attribuer des mandats selon les grandes missions de l'administration publique. Alors, c'est une façon de voir les choses. Alors, à ce moment-là, si la structure des commissions était organisée, disons - parce que je voulais dire structurée - selon les fonctions eh bien, à ce moment-là, on perdrait ou l'Assemblée nationale perdrait la possibilité de faire des études par mission gouvernementale: la mission économique, la mission sociale et ainsi de suite. Elle n'aurait pas l'occasion de le faire. Alors, il y a différentes façons de le voir. Mais, ce que vous recherchez dans le fond, vous, c'est peut-être une étude de l'ensemble de la qualité de la gestion du gouvernement, de l'imputabilité financière globale du gouvernement, et je pense bien que ceci peut se faire dans une commission comme la vôtre, à ce moment-là.

M. Léonard: Oui, mais il faudrait lui demander un mandat particulier, demander sa convocation pour, par exemple, étudier tel aspect. Parce que, au fond, ce que vous avez souligné à la page 249 par rapport à l'informatique, ce que vous dites à "Justification des dépassements de coûts", c'est: "Certaines de ces justifications nous paraissent même stéréotypées, comme par exemple", et, là, vous en listez toute une série. Je pense que c'est ça que ça produit. Finalement, à lire les explications, on ne sait plus rien parce que, au fond, on lit les mêmes mots, mais ça représente des réalités tellement différentes d'un ministère à l'autre, avec la même réponse. On dit, bon, qu'une des réponses stéréotypées, c'est l'augmentation de la complexité d'un projet. C'est vraiment un stéréotype, ça ne veut rien dire.

Le Président (M. Lemieux): Vous changez de sujet complètement, vous êtes dans les dépassements de coûts. Alors, comme je vous ai laissé une demi-heure, je vais y aller brièvement, quitte, après, à passer la parole au député de Saint-Louis, si vous me le permettez. d'abord, pour faire référence à ce que m. le député de labelle disait, le rapport, justement, de la commission du budget et de l'administration fait état, à la page 68... lors de l'étude qu'ils ont faite des engagements financiers, ils disent fort bien que l'information transmise ne permet pas de situer - vous l'avez au paragraphe 3 - la décision ministérielle dans son contexte, d'apprécier la contribution de la dépense à l'atteinte des objectifs du programme en cause, ni de savoir quels sont les résultats escomptés. alors, je pense qu'on avait fort bien dit que ce type d'étude ne permettait pas aux parlementaires d'exercer une surveillance complète sur la gestion des ministères, puisqu'elle porte essentiellement sur des décisions en matière de ressources financières et matérielles. tout simplement, ça rejoint exactement les préoccupations du député de labelle. c'est aux pages 68-69.

Gestion des ressources humaines

Mais ce n'est pas le sens de ma question. Moi, je veux changer de sujet complètement pour vous amener à un autre sujet: les personnes, le monde dans l'administration publique et le mandat du Vérificateur général particulièrement sur la dotation des emplois et le développement des ressources humaines. Vous n'êtes pas sans savoir que le CCGP, justement à la page 89 du rapport de la commission du budget et de l'administration, qui est le Comité consultatif de la gestion du personnel, écrivait,. en septembre 1990, en matière de planification des ressources humaines: "II semble bien que peu de systèmes structurés existent présentement au sein de la fonction publique, permettant à long terme la mise en oeuvre de programmes tenant compte de variables précises de planification. Toutefois, cette préoccupation a commencé à émerger depuis quelques années, notamment en regard de

l'attribution de postes et du vieillissement des effectifs. La planification se fait plutôt de façon opérationnelle, à court et moyen termes, dans la plupart des organisations. Il va de soi qu'un système plus structuré permettrait d'améliorer l'efficacité et la cohérence du système de dotation des emplois, ainsi qu'une planification peut-être plus adéquate du développement des ressources humaines, et ce, dans une perspective à long terme".

Vous n'êtes pas sans savoir qu'on a aussi fait état de la sous-utilisation des cadres. On a aussi fait état de la mobilité du personnel et ainsi de suite. En lisant votre rapport - je me sers de ça pour en arriver à plusieurs questions que j'aimerais vous poser, quitte à ce que vous en preniez note - au niveau de la Société de l'assurance automobile du Québec, à la page 185, au niveau de l'information de gestion et reddition de comptes, au paragraphe 9.98, vous dites: "[...] la Société effectue un suivi de l'utilisation des ressources humaines dans ses centres de services, afin de déterminer le nombre optimal d'employés requis par centre de services et de justifier le recours aux employés occasionnels ou au temps supplémentaire. Pour ce faire, elle utilise principalement des données produites sur une base mensuelle par un système d'information. Ces données ne reflètent pas les variations de l'achalandage à l'intérieur du mois, ce qui ne permet pas d'évaluer le niveau des ressources requises sur une base journalière." Alors, il y a une certaine forme de planification des besoins. On se rend compte que vous vous attachez strictement, je dirais, à une espèce d'aspect quantitatif et non pas, peut-être, qualitatif, et mes questions vont dans ce sens-là.

Dans un premier temps, est-ce que le Vérificateur général a le pouvoir de s'intéresser à la gestion des ressources humaines? Est-ce qu'il devrait faire autrement que s'intéresser peut-être à l'aspect financier et comptable, y voir l'aspect, je dirais, à plus long terme, exemple, le besoin de développement des ressources humaines en formation, mobilité du personnel, y aller davantage sur l'aspect qualitatif comme tel puisqu'il me semble important de se préoccuper de l'investissement qu'on fait dans nos personnes au gouvernement du Québec? Ma question serait: Est-ce que vous avez la compétence pour le faire? Et je me réfère à l'élargissement de votre mandat sur la vérification afin d'inclure la vérification d'optimisation des ressources, si ça ne pourrait pas cadrer avec ça. et est-ce qu'il est exact qu'actuellement vous seriez en train d'entreprendre une étude d'envergure au niveau du gouvernement du québec sur la gestion des ressources humaines et que vous auriez entre les mains - je sais que c'est peut-être confidentiel, mais les fonctionnaires, il y en a qui parlent beaucoup, m. le vérificateur - un plan de vérification de trois ans pour faire une évaluation de la gestion des ressources humaines sur 11 volets, dont la dotation, et qu'il y aurait là-dessus un comité aviseur dont, d'ailleurs, fait partie un de ceux qui ont témoigné devant cette commission, M. Robert Després, à ce que j'ai su?

Dans un premier temps, d'abord, est-ce que c'est vrai que cette étude-là est en train de se faire? Si c'est vrai, trois ans, est-ce que c'est possible d'accélérer cette phase-là? Est-ce que c'est possible aussi d'accroître - on me dit que ce serait quatre ministères et organismes qui seraient visés - l'échantillonnage? Et est-ce que le Vérificateur général va vérifier aussi, je dirais, pas simplement les politiques, les procédures ou les directives, mais est-ce qu'il va s'intéresser - c'est ça qui me semble important - aux résultats pour pouvoir les mesurer, ces résultats-là, pour voir leur contribution à l'atteinte des objectifs? Parce qu'il me semble que c'est là le but de la vérification de l'optimisation. Si vous ne vous intéressez qu'aux résultats et non pas à l'atteinte des objectifs, on se demande, en fin de compte, où est-ce que ça vous amener et qu'est-ce que ça va vous donner de façon concrète. Est-ce qu'une fois pour toutes, dans votre esprit - parce qu'il semble que le Conseil du trésor n'est pas d'accord là-dessus - c'est possible de planifier des ressources humaines au gouvernement du Québec? Est-ce que c'est possible de planifier un programme de gestion des ressources humaines? (15 h 15)

Et je fais état - un instant, je vais trouver ça dans notre rapport où on en faisait état, je l'avais tout à l'heure... Alors, au niveau du développement des ressources humaines comme telles, est-ce que le Vérificateur général croit que c'est possible d'arriver à une sorte de planification a court, moyen et long termes des besoins qu'on peut avoir en ressources humaines au gouvernement du Québec? Alors, c'est un peu le sens de ma question.

M. Chatelain: D'accord.

Le Président (M. Lemieux): Je sais qu'il y a beaucoup de questions à l'intérieur de ça.

M. Chatelain: M. le Président, je vois que vous avez beaucoup de renseignements assez précis sur certains mandats. Remarquez bien que je ne m'en offusque absolument pas. Il n'y a pas de cachettes là-dedans. Pour commencer, votre dernière question: est-ce qu'il est possible de planifier les ressources humaines...

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que c'est possible?

M. Chatelain: ...à court, moyen et long termes?

Le Président (M. Lemieux): on nous dit, eu

égard à la mobilité de la main-d'oeuvre ou aux demandes qu'on peut avoir à titre de personnel occasionnel, qu'on ne peut pas connaître les besoins eu égard aux nouveaux programmes qu'on peut mettre sur pied, aux programmes qui risquent de disparaître en cours d'année, qu'il est quasi impossible de prévoir une espèce de planification en besoin de ressources humaines au gouvernement du Québec en termes de formation, de développement et d'acquisition aussi.

M. Chatelain: C'est absolument possible parce que, si c'était impossible, comment ferait-on pour préparer des budgets? C'est aussi simple que ça. C'est absolument possible. Écoutez, que l'on planifie des ressources humaines quant à leur nombre, leur qualité et ainsi de suite et que l'on planifie des ressources matérielles tant en quantité qu'en qualité, je ne vois pas de différence. Évidemment, on ne traite pas des mêmes choses, c'est sûr. On traite de choses matérielles, d'un côté, et on traite des personnes humaines, de l'autre; ce n'est pas la même chose, bien sûr. Mais, je ne vois pas en quoi ce serait impossible. D'ailleurs, chez nous, on en a des plans; des plans de développement des ressources humaines, nous en avons. Nous savons, nous, que nous avons besoin de telle qualité de personnes pour travailler chez nous, nous le savons. On peut le planifier et non seulement pour cette année, mais pour l'an prochain et l'année suivante. Voyons donc, bien sûr. Alors, qu'on ne vienne pas nous dire qu'on ne peut pas planifier des ressources humaines. Bien sûr qu'if y a des événements ponctuels qui peuvent apporter, forcer des changements dans cette planification-là, mais ça, évidemment, on doit vivre avec ça, bien sûr. On doit s'ajuster en conséquence. Mais l'administration devrait connaître ses plans à long terme. Si elle ne les connaît pas, il y a un problème, elle a un problème. Alors, maintenant si...

Le Président (M. Lemieux): Vous savez, M. le Vérificateur, nous avons posé à 59 ministères et organismes la question: Votre organisme a-t-il élaboré un système de planification de ses ressources humaines? 50 ministères ou organismes sur les 59 n'ont aucun système de cette nature. Alors, vous êtes en train de nous dire qu'on a un sérieux problème.

M. Chatelain: Mais c'est déplorable. Bien sûr, tout à fart. Maintenant, je reviens à votre première question à savoir: Est-ce que le Vérificateur général a, dans son mandat, la possibilité de faire une étude justement sur la gestion des ressources humaines? Absolument, bien sûr, c'est clair. Si on parle d'optimisation des ressources, une ressource très importante, ce sont les ressources humaines, bien sûr. Alors, si on parle d'économie et d'efficience, bien sûr, encore là, on parie de ressources humaines, c'est clair. Alors, le Vérificateur général a le mandat de se pencher sur l'efficience; donc, H a le mandat de se pencher sur la qualité de la gestion des ressources humaines. Et la gestion des ressources humaines, ça comprend tout; ça comprend le recrutement, ça comprend la planification, évidemment, le recrutement, le développement, la formation, ainsi de suite, la dotation; ça comprend tous ces gestes-là.

Alors, maintenant, à savoir qu'est-ce que nous nous proposons de faire du côté de la gestion des ressources humaines, eh bien, je dois vous dire que vos renseignements sont tout à fait exacts. Il y a peut-être quelques précisions qu'on pourrait apporter. Alors, je demanderais ici à M. Jean-Noël Thériault, directeur de vérification chez nous, qui est justement responsable du projet que nous venons de lancer cette année dans ce secteur-là...

Le Président (M. Lemieux): Voulez-vous vous identifier pour les fins d'enregistrement du Journal des débats et est-ce que c'est une première, ce projet-là, M. Chatelain? Est-ce que c'est une première depuis que vous avez assumé ce mandat-là?

M. Chatelain: Comme tel, que nous en fassions un mandat distinct, oui.

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Chatelain: Oui, c'est une première.

M. Thériault (Jean-Noël): Jean-Noël Thériault, directeur de vérification. C'est exact, vous avez d'excellentes informations. Évidemment, il n'y avait rien de caché. Il y a eu des rapports qui ont été distribués à l'ensemble des intervenants dans la fonction publique; on parle du CCGP, on parle du Conseil du trésor, on parle de l'Office des ressources humaines, de la Commission de la fonction publique. Le document de base auquel vous venez de faire allusion a été distribué à tous ces gens-là et discuté dans les dernières semaines.

Nous entendons effectivement, au cours de la première année, regarder tout l'aspect de la dotation. Vous avez effectivement raison quand vous mentionnez... Vous me dites que c'est quatre ministères, disons que c'est six. Évidemment, c'est une première année d'intervention. Nous sommes, disons, un petit peu en période de rodage, en termes d'équipe de travail. Nous visons à nous implanter et à bien connaître le milieu pour apporter des opinions éclairées sur l'ensemble des fonctions de la gestion des ressources humaines et sur l'ensemble des fonctions des ressources humaines. Vous avez là-dedans la dotation, le développement, la rémunération et les avantages sociaux, la gestion du rendement.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce qu'il y a la mobilité?

M. Thériault: La mobilité, on l'intègre à l'intérieur de la dotation...

Le Président (M. Lemieux): La dotation.

M. Thériault: ...parce que c'est une préoccupation à l'intérieur de la dotation. En cette première année, nous allons examiner plus particulièrement la dotation de personnel régulier et non de personnel occasionnel. Nous différons notre intervention à cause des bouleversements qu'il y a dans ce domaine-là à l'heure actuelle. Egalement, pour les neuf autres secteurs d'intervention, il est évident que nous n'irons pas en détail dans chacun de ces neuf secteurs-là. Quand vous me parlez de trois ans, l'organisation n'a pas encore autorisé ces trois ans. Le comité de direction devra examiner l'opportunité de notre intervention. Nous autres aussi, nous devons vivre avec l'économie l'efficience et l'efficacité. Et c'est à ia lumière de nos priorités organisationnelles que nous allons décider d'y mettre deux, trois ans et d'impliquer le nombre de ressources nécessaires pour vérifier l'ensemble des fonctions de ia gestion des ressources humaines.

Évidemment, là, c'est un premier coup, c'est un premier essai, si je peux m'exprimer ainsi. Nous nous y attaquons. Nous nous faisons la main, entre guillemets. Évidemment, il faut s'imprégner dans le milieu. Il faut gagner de la crédibilité. If faut faire sentir qu'on est là et qu'on connaît ça. Évidemment, il faut aussi roder notre façon de travailler. Parce que, en termes de vérification de la gestion des ressources humaines, c'est la première fois - au Canada en tous cas - que ça s'exécute de façon horizontale. Au fédérai, le Vérificateur général du Canada y est allé, mais pour des fonctions ou de façon isolée et non sur l'ensemble, un peu comme en informatique. Notre intervention, cette année: recrutement, dotation de personnel régulier...

Le Président (M. Lemieux): Et au niveau de l'atteinte, comme je le disais tout à l'heure, quand je faisais état de l'importance de mesurer les résultats, de voir leur contribution à l'atteinte des objectifs, allez-vous le faire ou allez-vous vous intéresser strictement aux résultats et vous arrêter là? Il me semble que la deuxième phase est excessivement importante. Je vois que M. le Vérificateur dit oui, mais je ne sais pas si...

M. Chatelain: Oui, parce qu'il faut faire... Souvent, vous nous avez entendu dire que nous, on ne se penchait pas sur l'atteinte des objectifs, mais il faut se comprendre.

Le Président (M. Lemieux): C'est ça, oui.

M. Chatelain: C'est l'atteinte des objectifs des programmes. Ici, ce que vous soulevez, ce n'est pas l'atteinte d'un objectif d'un programme, ce n'est pas ça.

Le Président (M. Lemieux): Non.

M. Chatelain: C'est l'atteinte des objectifs de certaines politiques administratives. Ce n'est pas la même chose.

Le Président (M. Lemieux): Effectivement. M. Chatelain: D'accord.

Le Président (M. Lemieux): Ça va aller jusque...

M. Thériault: Je pourrais vous livrer la grande question d'importance...

Le Président (M. Lemieux): Oui, allez-y.

M. Thériault: ...qu'on se pose au niveau de la dotation. Vous allez voir, c'est peut-être philosophique, mais ça dit ce que ça a à dire, en écoutant bien. À l'intérieur des impératifs d'équité, d'impartialité et de transparence, évidemment, qui sont au gouvernement du Québec, les intervenants en gestion des ressources humaines s'acquittent-ils des responsabilités qui leur ont été conférées par la Loi sur la fonction publique en matière de dotation des emplois réguliers, et ce, de façon pertinente et efficace et en rendent-ils compte adéquatement? C'est à ça qu'on veut répondre, nous autres, en tant que vérificateurs, c'est une réponse qu'on veut donner. À l'intérieur des objectifs d'équité, d'impartialité et de transparence, est-ce que c'est efficient, la dotation, dans le domaine de la fonction publique? Évidemment, cette année, c'est sur une base plus limitée de six ministères. Nous allons examiner l'opportunité d'étendre davantage notre vérification, en termes de population, pour les autres fonctions de la gestion des ressources humaines.

Le Président (M. Lemieux): M. le Vérificateur, est-ce que vous avez assez de ressources pour effectuer un tel mandat?

M. Chatelain: Évidemment, on aimerait avoir beaucoup plus de ressources, mais, comme je l'ai déjà expliqué ici, avec un mandat comme celui que nous avons, que l'Assemblée nationale nous a confié, si on faisait de la vérification, disons, mur-à-mur, partout où nous avons compétence, ce serait absolument impossible. Il n'y aurait pas assez de vérificateurs dans tout le Québec pour faire un tel travail. Évidemment, nous sommes limités dans nos ressources, mais je ne dis pas ça comme une plainte, absolument pas. Je crois que nous avons assez de ressources, dans le

moment, pour faire quand même un travail raisonnable, avec le mandat que nous avons. Évidemment, on ne peut pas tout faire, c'est bien sûr; alors, nous sommes obligés de nous limiter ou de restreindre certains mandats, c'est clair. Mais, quand même, on peut procéder avec assez d'interventions pour avoir un bon effet dans la fonction publique.

M. le Président, peut-être que je pourrais signaler que ce genre d'étude qui vous a été décrite ressemble un petit peu à celle que nous avons effectuée dans le domaine de l'informatique sur une période de trois ans. Ce sont des études d'envergure. Ce sont des études de très grande envergure. Ce sont des études horizontales, mais de très grande envergure. On vient de mentionner six ministères, mais, vous savez que les fonctions qu'on va examiner comprennent quand même des examens assez poussés, demandent des interventions. Ce sont des grandes études d'envergure. Alors, c'est pour ça que nous sommes en train d'établir un calendrier d'une période d'à peu près deux ou trois ans pour tout faire, pour compléter cette étude-là qui est très vaste.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que c'est possible pour les membres de cette commission, si ce n'est pas de nature confidentielle, d'avoir une copie de ce document-là qui a été distribué?

M. Chatelain: il n'y a pas d'objection, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Pas d'objection? Alors, M. le secrétaire, voulez-vous en prendre note? Alors, mon temps est écoulé. J'ai à peu près pris autant de temps que vous avez pu en prendre, M. le député de Labelle. Je vous remercie de votre compréhension. La parole est à vous.

M. Léonard: Oui, je vais revenir à une question que je posais sur les engagements financiers. Si je comprends, ça pourrait être une autre approche. On pourrait, au moins sur certaines grandes fonctions, prendre l'analyse, l'étude des engagements financiers de façon horizontale, tous les ministères ensemble, et on aurait intérêt à le faire dès qu'il s'agit d'un organisme horizontal comme celui-là.

Rapports trimestriels des Finances

Sur un autre plan, il y a des rapports trimestriels qui sont faits par le ministère des Finances, qui sont produits, notamment, et qui rendent compte de la politique budgétaire du gouvernement et des états financiers relatifs à la politique budgétaire du gouvernement. Est-ce que vous trouvez qu'ils sont suffisants, à l'heure actuelle? Est-ce qu'il devraient aussi être élargis à certains ministères, de sorte que, ou par les engagements financiers ou autrement, pn ait une idée de là où est rendu le ministère dans l'année?

M. Chatelain: Là, nous parions de... M. Léonard: Alors, je vais aller plus loin. M. Chatelain: Allez, oui.

M. Léonard: Si vous prenez une entreprise à la Bourse, elle doit fournir des états financiers trimestriels à la Bourse, elle doit les rendre publics et ça doit être conforme aux nonnes comptables. Est-ce que ce que nous avons au gouvernement est satisfaisant? Est-ce qu'on ne devrait pas comparer les exigences d'une telle administration à ce qu'il y a dans le privé, des compagnies en Bourse? Des compagnies en Bourse, il y en a qui n'ont pas des centaines de millions et ce sont des obligations que la CVMQ impose à ces entreprises. Est-ce que, nous, au gouvernement, on ne devrait pas aller dans ce sens-là, aller beaucoup plus loin?

M. Chatelain: Bon, M. le Président je pense bien que le député vient de faire référence à... Comment les appelle-t-on, les rapports trimestriels?

M. Léonard: La synthèse des opérations financières?

M. Chatelain: Voilà.

M. Léonard: Ça, c'est pour les Finances.

M. Chatelain: D'accord.

M. Léonard: C'est très global.

M. Chatelain: Ça donne un portrait d'ensemble, je pense bien.

M. Léonard: Oui.

M. Chatelain: Mais ça ne fournit pas, évidemment, des renseignements selon la structure des crédits qui sont prévus par ministère. Je pense que c'est le sens de la question du député. Évidemment, les documents...

M. Léonard: En tout cas, disons, pour encore préciser, que, quand vous dites qu'il doit y avoir des données dans l'allocation des ressources qui permettent de juger de l'atteinte des objectifs, ces objectifs-là, on les mesure de temps en temps, pas juste un an après que l'année soit finie. Donc, en cours de route, si on doit faire des réajustements, rectifier le tir, on doit le faire. Et donc ça implique qu'il y ait des renseignements trimestriels. C'est le sens de ma question.

M. Chatelain: Oui, d'accord, je comprends; il y a deux aspects à cette question-là, évidemment. Sur l'opportunité que de telles informations soient fournies, je suis bien d'accord. Je crois que ça devrait se faire comme ça se fait, évidemment, dans le secteur privé. Vous avez soulevé, justement, le cas de compagnies dont les actions sont transigées à la Bourse, bien sûr. Mais ce sont des états financiers ou des rapports, évidemment, qui ne sont pas vérifiés.

M. Léonard: Ah non! Ça, c'est correct. M. Chatelain: Bon. D'autre part...

M. Léonard: C'est-à-dire qu'ils ne sont pas vérifiés, mais ça ne doit pas, non plus, s'écarter des normes comptables, normalement.

M. Chatelain: D'accord. D'autre part, je pense bien que, si on demandait aujourd'hui au gouvernement de produire de tels états, appelons-les trimestriels, ces états-là souffriraient, évidemment, des mêmes lacunes que nous avons signalées, nous, dans notre seizième chapitre, ici. Si on ne peut pas mesurer, évidemment, l'atteinte des objectifs ou les résultats obtenus à la fin de l'année comparativement au budget, si on ne peut pas le faire dans le rapport annuel, on ne pourra absolument pas le faire dans le rapport trimestriel.

M. Léonard: Je voulais vous l'entendre dire...

M. Chatelain: Bien sûr.

M. Léonard: ...parce que ça indique très nettement le décalage qu'il y a entre le privé et le gouvernement, à l'heure actuelle. (15 h 30)

M. Chatelain: D'accord, bien sûr. Je ne sais pas si... En tout cas. Je suis sûr que le député a vu, au cours des dernières années, certains rapports annuels de grosses compagnies dont les actions sont transigées à la Bourse, qui sont remplis d'une foule de renseignements beaucoup plus utiles maintenant et que j'aimerais voir dans les rapports annuels au gouvernement. Je vous donne un exemple... Oui, allez.

M. Léonard: C'est parce que c'était mon autre question qui venait: les rapports de ministères. Mais, là, j'en étais aux rapports trimestriels ou périodiques, à cet aspect des choses.

M. Chatelain: D'accord, bien sûr, évidemment. Mais je pense que ce serait déjà une amélioration si ces rapports trimestriels fournissaient les renseignements que l'on retrouve, dans le moment, dans les rapports annuels du gouvernement, dans les comptes publics, c'est-à-dire l'utilisation qu'on a faite des ressources finan- cières, le montant qui a été dépensé sur les crédits et ainsi de suite. D'ailleurs, on vous donne le cumulatif pour l'ensemble du gouvernement; il serait toujours possible de le donner par ministère. Ce serait déjà une amélioration. Évidemment, ce ne serait pas parfait parce que, comme nous l'avons signalé, au niveau annuel, il y a beaucoup de lacunes encore. Alors, je ne sais pas si le député voudrait que...

M. Léonard: Bon, je pense que c'est une façon de contrôler un budget, de voir où on en est par des rapports trimestriels.

Maintenant, les rapports annuels de ministères, vous en pariez à la page 312. Vous dites: "La plupart des autres gouvernements dont nous avons examiné les documents expliquent de façon détaillée les variations entre les crédits initiaux de l'année précédente et ces mêmes crédits présentés comme comparatifs au budget des dépenses de l'année en cours." En réalité, pour les avoir feuilletés, les rapports des ministères, jusqu'ici, sont plutôt des publications de prestige sur papier glacé, avec photo du ministre et puis quelques énoncés de politique qui sont presque des lieux communs. Quand on connaît les ministères, au fond, il n'y a rien là d'un véritable rapport annuel. C'est ça que vous voulez dire.

M. Chatelain: Bien sûr, oui...

M. Léonard: Est-ce que, maintenant, vous pensez que le gouvernement et chacun de ses ministères devraient produire un rapport semblable au rapport d'entreprise et même aller plus loin en termes de renseignements, étant donné que c'est une entreprise publique?

M. Chatelain: Bien sûr, je ne peux qu'appuyer le voeu qui vient d'être exprimé par le député. D'ailleurs, au paragraphe 16.59 de notre rapport annuel, qui commence au bas de la page 311, on signale ce que contiennent, dans le moment, en gros les rapports annuels, mais aussi l'information que l'on ne retrouve pas dans ces rapports-là, on le signale. Alors, à partir de ces rapports-là, ça ne permet réellement pas à un député de pouvoir évaluer l'imputabilité, justement, des ministères. Comme on le signale, ça ne permet pas d'évaluer absolument l'atteinte des objectifs des programmes, ni la relation entre la production de biens et services et les ressources utilisées. Alors, dans le secteur privé, comme je le disais tantôt, de plus en plus, on voit une nette amélioration dans le contenu des rapports annuels de ces entreprises-là.

M. Léonard: Bon, et je suppose bien que vous faites à peu près les mêmes remarques quant à la comparabilité des états financiers. Là, on y est; toutes vos remarques qui ont été faites jusqu'ici, je pense, s'appliquent présentement, maintenant.

Suivi donné aux remarques du Vérificateur général

Bon, sur le suivi, nous avions, l'an dernier, évoqué l'idée que nous devrions avoir un suivi des remarques que vous faites. Lorsqu'un vérificateur fait un rapport de vérification, if y a le rapport officiel, le certificat de vérification, si on veut, en deux ou trois paragraphes, c'est selon, mais il y a aussi les notes qu'il fait pour la direction. Si on veut, votre rapport, c'est ça. C'est à peu près semblable, similaire ou analogue. Et, dans une entreprise, il y a un suivi. Au bout d'un an ou de six mois, on se pose des questions: Comment a-t-on disposé des remarques du Vérificateur? Si je comprends, vous faites votre rapport à la suite des états financiers et puis nous en discutons ici, en commission parlementaire. Mais, comme celui qui doit donner suite aux remarques du Vérificateur ne vient pas ici, à cette commission, on ne sait pas si, finalement, on a tenu compte de vos remarques. On a discuté de cette affaire largement l'an passé et nous n'avons pas eu de convocation de la commission du budget et de l'administration, je le souligne à M. le Président, malgré qu'on se soit entendus.

J'ai écrit à la commission et je voulais avoir une rencontre là-dessus pour que la commission étudie comment on pourrait donner suite aux remarques du Vérificateur. Parce que, au fond, il faut tenir compte que le Vérificateur fait ses remarques à l'ensemble des parlementaires et qu'à un moment donné le suivi doit être analysé ici, soit à la commission, soit autrement, mais que le gouvernement doit dire s'il a tenu compte des remarques du Vérificateur. Est-ce que vous avez eu l'occasion, au cours de l'année, de réfléchir sur cette question et cette discussion? Et, si nous n'avons pas pu, malheureusement, nous réunir en commission parlementaire ici, est-ce que vous-même, étant donné que la question vous a été posée l'an dernier, vous avez quelques réponses à nous donner aujourd'hui?

M. Chatelain: M. le Président, ce n'est pas très difficile de répondre à cette question-là parce que, au cours des années, j'ai eu une uniformité d'opinion sur ce sujet-là dans le sens, bien sûr, que le suivi doit s'exercer, mais s'exercer par qui aussi? Alors, d'une part, le Vérificateur général exerce un suivi, justement, sur la mise en place des recommandations qu'il fait à la gestion dans les ministères et les organismes. Cette année, nous avons fait rapport sur deux exercices de suivi que nous avons exercés sur des recommandations que nous avions fartes - et c'est dans notre rapport annuel à l'Assemblée nationale - concernant deux organismes du gouvernement, c'est-à-dire un organisme et il y a également une étude d'envergure sur la gestion de fa trésorerie au gouvernement.

M. Léonard: Est-ce que vous parlez du

Conseil du trésor, de la réaction du Conseil du trésor?

M. Chatelain: Nous en parlons en partie. M. Léonard: Oui, oui. O.K.

M. Chatelain: D'accord. Alors, ici, c'est une façon de faire un suivi et d'en rendre compte, de ce suivi-là. Ici, c'en est une façon. Il y a deux autres façons que je voudrais mentionner, évidemment, et là je pourrais demander à M. Bédard aussi de compléter mes commentaires à ce sujet-là, mes remarques. C'est qu'il y a le rapport, évidemment, sur les états financiers auquel le député a fait référence tantôt, le rapport officiel, le certificat, si vous voulez.

M. Léonard: O.K.

M. Chatelain: II y a aussi le rapport annuel à l'Assemblée nationale sur l'ensemble de nos interventions de vérification, mais ça, il faut réaliser que ça ne comprend pas toutes les constatations, toutes les conclusions du Vérificateur général que nous avons dans tous les ministères et tous les organismes. Ce sont celles que nous croyons les plus importantes, qui doivent être portées à l'attention, évidemment, des députés. Bon, c'est que, dans chaque cas où nous faisons une intervention de vérification, nous émettons un rapport à la gestion. Et, d'ailleurs, dans le secteur privé, ça se fait aussi, le vérificateur émet souvent un rapport à la gestion. O.K.? Alors, nous émettons des rapports à la gestion qui contiennent, en plus de ce qu'on retrouve ici dans ce rapport annuel là, peut-être d'autres recommandations. Et, lorsque nous faisons des interventions de vérification par la suite...

C'est là que je demanderais à M. Bédard d'intervenir, si vous le permettez, M. le Président; il pourrait peut-être décrire de quelle façon nous exerçons des suivis à ce moment-là dans les organismes et entreprises du gouvernement. Et je reviendrai plus tard sur une autre méthode de suivi que j'aimerais discuter avec vous.

Le Président (M. Lemieux): M. Bédard, s'il vous plaît, pour les fins de l'enregistrement du Journal des débats, voulez-vous vous identifier?

M. Bédard (Gilles): Merci. Gilles Bédard, vérificateur général adjoint. À l'égard des suivis, effectivement, nous avons des mandats d'attestation de données financières, des mandats de conformité et aussi nous enclenchons des mandats d'optimisation des ressources. À l'égard des mandats d'optimisation dès ressources, nous venons à peine d'enclencher une politique de suivi et c'est sur ce sujet que nous vous faisons

rapport, cette année, sur deux suivis que nous avons faits. Dans des mandats de conformité et d'attestation financière ayant une incidence toute particulière sur (a présentation des données financières, à chaque année nous revenons avec les entités pour discuter des mesures qui ont été prises et faire un suivi de nos recommandations, de sorte que vous allez retrouver, à l'occasion, dans nos commentaires qui vous sont présentés, des commentaires du genre: Nous réitérons nos commentaires de l'année précédente à l'effet que le ministère, l'organisme ou l'entreprise n'a pas mis en place les mécanismes de correction qu'il nous avait mentionnés à l'égard des états financiers, à l'égard des recommandations de gestion que nous lui avions faites dans le passé.

Donc, tous ces commentaires-là sont dans les rapports à la gestion qui vont beaucoup plus loin que les rapports qui vous sont présentés à l'Assemblée nationale. Peut-être pour faire un bref sommaire, évidemment, les rapports à la gestion qui sont présentés aux gestionnaires font référence à plusieurs commentaires qui méritent d'être signalés aux gestionnaires. Certains de ces commentaires-là sont extirpés pour le bénéfice des parlementaires et c'est ce qui fait le rapport annuel à l'Assemblée nationale. Et chacun des commentaires qui apparaît au rapport à la gestion et qui a une incidence, soit sur la conformité ou sur la gestion financière, bien sûr, est suivi, il y a une politique de suivi. Par la suite, s'ils n'ont pas donné suite à nos recommandations ou aux engagements qu'ils avaient pris avec le Vérificateur général, si on le juge suffisamment important, ce genre de commentaires là peut revenir à l'Assemblée nationale dans le rapport annuel du Vérificateur général.

M. Léonard: Bon. Je vais aller juste un peu plus loin, si vous le permettez. Si, dans votre hypothèse d'imputabilité externe, il n'y a pas de suivi fait par le sous-ministre et le ministre, y a-t-il quelqu'un qui va venir ici devant la commission?

M. Chatelain: C'était le troisième aspect que je voulais mentionner.

M. Léonard: Ah bon! Oui.

M. Chatelain: Alors, ce troisième aspect-là, bien sûr, c'est que...

M. Léonard: C'est là où reviendrait le sous-ministre ou le ministre.

M. Chatelain: Oui, voilà. Comme vous avez pu le noter vous-même, M. le Président, dans notre rapport, année après année, on voit des lacunes à répétition, si vous voulez. Nous avons beau faire des recommandations, on fait des voeux pieux, dans les ministères, à l'effet qu'on va mettre en place des correctifs et ainsi de suite, mais, si la volonté n'est pas là, de mettre en place justement ces correctifs-là, je pense qu'on perd notre temps.

Selon l'expérience que j'ai vécue ailleurs, le fait de demander à la haute direction des ministères de venir témoigner et de prendre un engagement public devant une commission parlementaire quant aux mesures qu'ils vont prendre pour corriger la situation, je vous dis que ça amène des résultats. Non seulement ça, c'est qu'en commission parlementaire, à ces endroits-là, non seulement on demande au dirigeant de l'organisme ou du ministère ce qu'il doit faire, mais on lui demande, justement, un calendrier d'implantation quant aux mesures correctives. En plus de ça, on lui demande de revenir faire rapport plus tard devant la commission où on demande au Vérificateur général de s'assurer, justement, que les mesures ont été prises, ont été mises en place. Le Vérificateur général fait rapport à la commission, à ce moment-là, soit dans son rapport annuel ou encore lors d'une rencontre de la commission. Et je vous assure que ça amène des résultats. Alors, je reviens, justement, à l'imputabilité externe - c'est ça - si on veut s'assurer...

M. Léonard: Ça peut être aussi bien le ministre que le sous-ministre.

M. Chatelain: Ah! Ça peut être le ministre ou le sous-ministre, mais, comme je le disais tantôt, vous savez qu'ailleurs, quand on parle, justement, d'imputabilité externe et également de responsabilité ministérielle, dans les autres Législatures, on fait une sorte de distinction, quant aux comités des comptes publics, qui sont l'équivalent de la commission du budget et de l'administration, entre la nature du témoignage des hauts fonctionnaires devant cette commission et le témoignage des hauts fonctionnaires devant les autres commissions pour d'autres fins.

Concernant le rapport du Vérificateur général, évidemment, il ne s'agit que de gestes non politiques, de gestes administratifs. Alors, à ce moment-là, on ne voit pas non plus le ministre venir témoigner et les débats, selon l'expérience que j'ai moi-même notée, sont limités strictement au niveau administratif et non pas au niveau politique.

Mais, comme je dis, c'est quand même une approche qui est différente un peu dans le cas du rapport du Vérificateur général et des comptes publics devant les comités des comptes publics ailleurs. C'est une approche différente. À ce moment-là, on semble accepter plus, dans la tradition, le fait que le haut fonctionnaire témoigne en son nom, bien qu'il représente toujours le ministre, c'est vrai, mais, dans cette commission-là, il témoigne surtout en son nom et c'est accepté. Mais cette distinction-là entre le ministre et le sous-ministre, on ne la fait pas devant les autres commissions, devant les autres

comités dans les autres Législatures, on ne la fait pas de cette façon-là. Le haut fonctionnaire peut accompagner le ministre, il l'accompagne, mais toujours il est accompagné du ministre et, dès que la discussion s'oriente vers des aspects politiques, c'est le ministre qui doit répondre et le sous-ministre ne répond pas. Je tenais à préciser cette distinction-là.

On parle toujours de l'imputabilité externe des hauts fonctionnaires, c'est vrai. Mais, lorsqu'ils s'acquittent de cette imputabilité-là, je le répète, ils ne portent pas atteinte à la responsabilité ministérielle, dans le sens que ça n'enlève absolument rien à la responsabilité du ministre, parce qu'un haut fonctionnaire pourrait venir ici témoigner et le ministre pourrait se faire questionner en Chambre, le lendemain, sur (a réponse que le haut fonctionnaire aurait fournie ici. Ça n'enlève rien à la responsabilité du ministre comme tel, mais ça reconnaît que le premier responsable de la gestion dans le ministère, c'est quand même le sous-ministre. Quand je dis le premier responsable, c'est celui qui est le plus près de l'action, il faut s'entendre.

M. Léonard: Vous allez convenir que la distinction entre l'administratif et le politique à ce plan-là, c'est une démarcation très difficile à faire dans bien des cas. (15 h 45)

M. Chatelain: Elle est peut-être... M. le Président, avec tout le respect... J'ai vu, moi, pendant sept ans, je crois, deux fois par semaine, régulièrement, des hauts fonctionnaires témoigner en commission parlementaire là-bas et jamais... C'est peut-être arrivé une fois, disons deux fois, pour que je sois absolument sûr, que la discussion a pris une tangente qui pouvait mettre en cause, justement, la décision politique du ministre et, à ce moment-là, le haut fonctionnaire s'est retiré et il n'a pas répondu. Le président du comité a reconnu qu'on ne devait pas s'attendre à ce qu'un haut fonctionnaire réponde et, à ce moment-là, on a convoqué le ministre. Mais ça a été deux cas, deux exemples - je pense qu'il y en a seulement eu un, mais disons deux - dans une période de sept ans, là-bas.

Le Président (M. Lemieux): Alors, merci, M. le député de Labelle. M. le député de Saint-Louis.

M. Chagnon: M. le Président, je voudrais faire miens les propos sages et gentils que vous avez mentionnes à l'endroit du Vérificateur général ainsi que le député de Labelle l'a fait au tout début de son intervention. Je ne voudrais pas tous (es reprendre et je ne voudrais pas en ajouter non plus parce que ça ressemblerait plus à une épitaphe qu'à un compliment. Pour rassurer le député de Labelle, je présume que le gouver- nement ne laissera par le poste de Vérificateur général en état de vacuum au début d'août. De deux choses l'une: ou bien donc il reconduira le Vérificateur ou il choisira un autre Vérificateur général, mais il n'y aura sûrement pas de vacuum, j'imagine!

J'avais quasiment le goût de vous laisser continuer à discuter parce que je sentais que mon ami, le député de Labelle, concernant le dossier et la question très importante, à mon avis, de l'imputabilité externe, commençait à fléchir, commençait à fléchir les genoux; la garde baissait un peu par rapport aux excellentes réponses que le Vérificateur général lui fournissait.

Inutile d'ajouter qu'à cette commission tout le monde sait que le député de Labelle et moi-même n'avons pas exactement les mêmes opinions sur ce point précis. J'ai mentionné à plusieurs reprises et fait valoir, tout au cours de la commission parlementaire que nous avons tenue sur la réforme de la structure de la fonction publique, comment je trouvais qu'il était important - comme vous l'avez souligné plusieurs fois - de faire en sorte d'inscrire le modèle d'imputabilité externe dans notre tradition politique et dans notre tradition surtout parlementaire.

Il m'apparaît encore une fois que le rôle des élus, dans une société comme la nôtre, extrêmement complexe, a beaucoup évolué et ça ne peut pas faire autrement que donner aux élus un rôle de suivi, de vérification et de recherche sur les actions prises par l'exécutif et, aussi, particulièrement en ce qui concerne les hauts fonctionnaires, sur les actions prises sur le plan administratif par les différents ministères.

Vous avez mentionné et le député de Labelle aussi - le député de Labelle est comptable et, dans ces choses, son jugement est sûrement exercé - a mentionné quelques difficultés qu'il pouvait y avoir concernant les conventions comptables. Si je me rappelle bien, au départ, vous avez mentionné à plusieurs reprises ici, au cours des années 1986, 1987, 1988, 1989, et vous le faites encore pour 1990, que les conventions comptables modifiées en 1986 et 1987 l'ont été en fonction des demandes que vous aviez déjà faites. D'ailleurs, sauf erreur, \e pense qu'à la page 27 de votre mémoire vous le mentionnez. Oui, à 2.37: "Depuis quelques années, le gouvernement a fait des progrès dans la présentation de son entité comptable, en la définissant dans ses conventions comptables et en indiquant, dans des annexes aux notes complémentaires, etc." Donc, je ne pense pas que la critique de la remise en question des conventions comptables sort à ce point flagrante et puisse être à ce point dure.

Mais en ce qui concerne d'autres sujets, peut-être en micro... Parce que votre rapport, évidemment, comme tout rapport de Vérificateur générai, amène inévitablement un tas de ques-

tions. On pourrait passer 14 jours, comme vous pourriez passer 365 jours par année en occupant tous les comptables agréés du Québec en train d'essayer de fouiller après toutes les punaises qu'il peut y avoir dans tous les ministères ou dans tous les organismes découlant de tous les ministères.

Si on revient au ministère de la Santé et des Services sociaux, qui est le chapitre 13 de votre document, vous avez fait une vérification intégrée de l'organisation des hôpitaux au Québec. Vous avez des suggestions et des recommandations qui touchent l'organisation des équipements, mais plus particulièrement des inventaires des achats des hôpitaux. Vous soulevez des questions intéressantes et importantes. Vous soulevez la question du regroupement. Il m'apparaît qu'en général c'est là le rôle des CRSSS que de voir à ces regroupements. En principe, à ma connaissance, il y en avait partout. Vous nous dites: Non, non, il n'y en a pas partout.

Achat d'équipement dans les hôpitaux

Vous nous dites aussi qu'on devrait respecter la réglementation concernant l'acquisition des biens. J'ai entendu toutes sortes d'histoires d'horreur concernant les achats d'équipement dans des hôpitaux. Je ne sais pas si vous avez vu des choses qui ne semblaient, en tout cas, pas conformes aux us et coutumes de sociétés transparentes et d'établissements transparents. Vous remettez en question des inventaires permanents fiables: se doter de systèmes d'inventaire permanents fiables dans les hôpitaux, et vous concluez en disant: "Les centres hospitaliers devraient préparer, tel que prescrit par la loi, un plan d'équilibre budgétaire".

Avez-vous trouvé, dans l'organisation hospitalière, premièrement, des coûts d'équipement hospitalier qui étaient différents d'un hôpital à l'autre?

M. Chatelain: M. le Président, sur cette question précise, est-ce qu'on pourrait demander à notre directeur de vérification, M. Pierre-Yves Poulin, s'il vous plaît, s'il peut répondre à la question?

Le Président (M. Lemieux): M. Poulin, vous vous identifiez tout de même pour les fins de l'enregistrement du Journal des débats et vous pouvez répondre à la question du député de Saint-Louis.

M. Chagnon: J'ajoute dans un même secteur, dans un même CRSSS, parce que, en principe, les CRSSS font de l'achat regroupé.

M. Poulin (Pierre-Yves): Pierre-Yves Poulin, directeur de vérification. Quant aux objectifs de vérification qu'on avait à l'égard de l'acquisition des biens, on a fait une vérification dans 14 centres hospitaliers. On n'a pas vraiment cherché à faire des comparaisons...

M. Chagnon: Combien de centres hospitaliers?

M. Poulin (Pierre-Yves): 14. On n'a pas fait de comparaison du coût d'un équipement d'un établissement par rapport à un autre, sauf que, si on prend, par exemple, les acquisitions qui se font par approvisionnement en commun, il existe, au niveau de la majorité des conseils régionaux, des procédures qui existent ou des achats qui se font de façon régionale. Donc, pour chacun des centres hospitaliers qui adhèrent au programme d'acquisition en commun, à ce moment-là, les centres hospitaliers d'une même région paient les mêmes produits au même prix.

M. Chagnon: Est-ce que vous avez trouvé des centres hospitaliers qui, pour l'acquisition de biens, au moment de faire des achats d'équipement, faisaient une espèce de troc avec certaines compagnies? On n'est pas en train d'appeler la police, là, mais simplement sur le modèle suivant: achetez des cathéters chez nous et nous vous fournirons la moitié d'un angiographe?

M. Poulin (Pierre-Yves): Bon, effectivement, on n'a pas vraiment mis l'emphase, dans le cadre de notre vérification, sur cet aspect. On a regardé, entre autres, si les besoins étaient bien déterminés concernant les équipements. À compter du moment où les besoins en équipements étaient bien définis, à ce moment-là, on regardait le procédé, le mode d'acquisition, à savoir s'il était le plus économique. On regardait si la réglementation était suivie, à savoir si on procédait par appel d'offres. Et puis, effectivement, c'est le genre de travail qu'on a fait.

M. Chagnon: Et vous avez trouvé que plusieurs hôpitaux ne procédaient pas par appel d'offres.

M. Poulin (Pierre-Yves): Exact.

M. Chagnon: Quand ils ne procédaient pas par appel d'offres, ils procédaient comment?

M. Poulin (Pierre-Yves): Bon, ça pouvait être de gré à gré. Ça se faisait de gré à gré normalement, mais la portée de notre observation dans le rapport n'est pas limitée au niveau des équipements, mais porte également sur les fournitures de telle sorte...

M. Chagnon: Ce que vous appelez "fournitures" par rapport à "équipement", c'est quoi?

M. Poulin (Pierre-Yves): Bon. Un équipement, ça peut être un équipement médical d'un

centre hospitalier pour traiter des patients, alors que les fournitures, on les définit plutôt comme étant des fournitures médicales. Ça peut être des seringues, ça peut être des...

M. Breton (Guy): Tout ce qui est jetable.

M. Poulin (Pierre-Yves): Tout ce qui est jetable, ce qui n'est pas réutilisable, en règle générale. Et puis, dans ces cas-là, on prévoyait qu'effectivement on devait procéder par appel d'offres si on ne procédait pas par approvisionnement en commun et on a constaté, dans la très grande majorité des centres hospitaliers, que cette règle-là n'était pas respectée.

M. Chagnon: Et pourquoi, selon vous? M. Poulin (Pierre-Yves): Selon moi? M. Chagnon: Oui.

M. Poulin (Pierre-Yves): C'est-à-dire qu'on a obtenu les commentaires, évidemment, des gestionnaires en place. Les commentaires étaient à l'effet que... D'ailleurs, c'est une des plaintes qu'on nous a faites, qu'on a mentionnées. Tous les achats qui ne font pas l'objet d'un approvisionnement en commun, entre autres, ou qui ne sont pas des denrées périssables doivent absolument faire l'objet d'appel d'offres. Et, là-dessus, il y a des conseils d'administration, il y a des gestionnaires, il y a des directeurs généraux qui nous ont dit que la réglementation à cet effet était trop exigeante, dans le sens que tous les achats qui n'étaient pas faits en vertu d'approvisionnement en commun ou qui n'étaient pas des achats de denrées périssables devaient faire l'objet d'appel d'offres, quel que soit le montant. Ça, c'est la réglementation qui le prévoit. Là-dessus, des gestionnaires nous ont dit que la réglementation était trop exigeante dans le sens qu'on n'exigeait pas un seuil minimum, par exemple, pour adhérer à cette politique-là, de telle sorte que, si on achète un crayon, il faut procéder par appel d'offres.

M. Chagnon: Est-ce que vous incluiez les fournitures pharmacologiques dans votre vérification intégrée?

M. Poulin (Pierre-Yves): Oui. C'est-à-dire que ce n'est pas une vérification intégrée qu'on a faite dans les centres hospitaliers.

M. Chagnon: Ah! Je m'excuse, j'avais compris que c'était une...

M. Poulin (Pierre-Yves): C'était une vérification d'utilisation de subventions.

M. Chagnon: O.K. Mais vous vous êtes aperçus que plusieurs ne procédaient pas... La réglementation est trop pointue par rapport aux besoins d'un établissement hospitalier; c'est ça que vous nous dites.

M. Poulin (Pierre-Yves): C'est-à-dire que ce n'est pas tout à fait ça que je dis, là. J'aimerais peut-être le dire autrement. Je mentionne que les gestionnaires nous ont dit qu'eux trouvaient que la réglementation sur ce point-là, de procéder par appel d'offres dans tous les cas, sauf exceptions prévues à la réglementation, était trop exigeante, dans le sens qu'il faut absolument faire des appels d'offres pour faire des acquisitions.

M. Chagnon: est-ce que vous avez noté des différences entre les prix payés lorqu'on ne procédait pas par appel d'offres par rapport au moment où on allait en achats regroupés?

M. Poulin (Pierre-Yves): II y avait effectivement quelques petites différences, principalement au niveau des fournitures que vous mentionniez tout à l'heure. Les écarts n'étaient pas majeurs, dans le sens que les gestionnaires des centres hospitaliers plus gros nous disaient qu'ils avaient quand même un pouvoir d'achat suffisamment élevé, de telle sorte qu'ils étaient capables d'obtenir des fournisseurs des prix équivalents, même meilleurs dans certains cas.

M. Chagnon: Que des achats regroupés?

M. Poulin (Pierre-Yves): Que des achats regroupés.

M. Chagnon: Ça remet en question le système des achats regroupés que vous suggérez.

M. Poulin (Pierre-Yves): C'est-à-dire que c'est le ministère de la Santé et des Services sociaux qui suggère cette politique-là. Nous autres, on ne se prononce pas vraiment à savoir si on devrait appliquer, dans tous les cas, cette politique.

M. Chagnon: Bien, vous le suggérez ici, point 13.53: "Les centres hospitaliers devraient se prévaloir des mécanismes d'approvisionnement en commun lorsque ceux-ci leur permettent de faire des achats plus économiques."

M. Poulin (Pierre-Yves): C'est ça, lorsque ceux-ci leur permettent de faire des économies.

M. Chagnon: "Lorsque ceux-ci leurs permettent de faire des achats plus économiques", oui. Le problème, c'est de savoir comment vous pouvez déterminer quand l'achat va être plus économique en commun ou en particulier.

M. Poulin (Pierre-Yves): C'est-à-dire que les conseils régionaux offrent des volumes de prix pour les fournitures. À ce moment-là, l'acheteur

est en mesure de faire une comparaison entre le prix qu'il peut obtenir des fournisseurs versus le prix qui est négocié régionalement.

M. Chagnon: Et, dans les inventaires des 14 hôpitaux que vous avez vérifiés, est-ce que vous avez trouvé des écarts entre les niveaux d'inventaires dans certains hôpitaux? En général, dans les hôpitaux, est-ce que les écarts étaient importants ou si c'est le même type d'inventaires que vous retrouviez d'un hôpital à l'autre, eu égard, évidemment, à la complexité de l'hôpital, puis au nombre de lits de l'hôpital?

M. Poulin (Pierre-Yves): II y a la complexité, il y a le nombre de lits et il y a également la nature des services qui sont offerts, des soins de santé qui sont offerts par centre hospitalier. Il y a ceux de courte durée, de longue durée, psychiatriques; donc, les besoins ou le type de fournitures vont différer d'un établissement par rapport à l'autre. Des écarts? Effectivement, dans le rapport, on fait mention d'un taux de roulement qui est différent d'un établissement à l'autre, qui varie quand même assez considérablement, si on pense au niveau des médicaments, au niveau des fournitures. Par contre, on a vu aussi qu'on ne revoyait pas toujours l'utilité des fournitures concernant l'inventaire, de telle sorte qu'il pouvait y avoir des produits qui étaient conservés alors que, dans le fond, on n'en avait pas vraiment besoin. D'ailleurs, on a cité un exemple dans le rapport aussi; il y a un établissement qui a, justement, fait cette révision de l'utilité de ses fournitures en inventaire et il a dénombré 600 produits différents qui n'avaient pas été utilisés au cours de la dernière année ou très peu. Ça, c'en était un qui avait fait cet exercice-là sur les 14. Donc, ce sont des coûts d'acquisition évidemment, des coûts de financement et également des frais d'espace, des frais de locaux. (16 heures)

M. Chagnon: Et pour les fournitures phar-macologiques, pharmaceutiques ou "médicamen-tales", les médicaments, en fait, vous avez eu le même processus, c'est-à-dire des fois des hôpitaux qui allaient en achats directs, d'autres fois en regroupement. Même processus.

M. Poulin (Pierre-Yves): Oui.

M. Chagnon: Est-ce que vous avez regardé ou entendu ces cas-là où certaines compagnies faisaient la promotion de leur équipement en fournissant du matériel médical à l'hôpital?

M. Poulin (Pierre-Yves): Je ne pense pas être en mesure de répondre à cette question-là. Je ne suis pas sûr qu'on soit allé si loin que ça, s'assurer qu'effectivement il y avait un lien entre les acquisitions versus les compagnies qui pourraient faire de la promotion. Je ne suis pas en mesure de vous répondre.

M. Chagnon: Est-ce que vous trouveriez ça normal?

M. Poulin (Pierre-Yves): C'est-à-dire qu'il y a des pratiques... C'est certain que, dans le secteur privé, il y a des politiques de promotion ou de publicité. C'est toujours à l'établissement d'user de jugement et de déterminer le procédé ou de prendre le fournisseur qui va lui donner satisfaction au meilleur prix. Je pense que, s'il est en mesure de faire des appels d'offres en plus, à ce moment-là, sa procédure sera plus qu'acceptable.

M. Chagnon: Merci. On m'apprend que l'article 9 de la Loi sur le Vérificateur général spécifie qu'on ne peut pas renouveler le mandat du Vérificateur; alors, ça règle le problème. Mais inutile d'ajouter combien on vous a estimé ici, à cette commission. Tous les membres de cette commission, tant du côté ministériel que de l'Opposition, ont apprécié grandement les réponses que vous nous avez fournies tout au cours de ces années où nous avons travaillé ensemble et je vous en remercie encore. Merci, M. le Président. Je reviendrai un peu plus tard sur un autre ministère.

Le Président (M. Forget): vu que le temps du député de saint-louis n'est pas terminé, si vous le permettez, le député de limoilou aurait une question à poser.

Des voix: Oui.

M. Després: Merci, M. le député de Joliette. Ce ne sera pas tellement long, même que quelques secondes, je pense que ça peut suffire. Je voulais simplement revenir, M. le Vérificateur général, sur le fameux mandat que vous vous êtes donné de l'étude sur la gestion des ressources humaines pour les deux, trois prochaines années. C'est bien six ministères? Ce sont des ministères en titre qui vont...

M. Chatelain: Oui, six ministères.

M. Després: Parce qu'on a parlé de quatre, de la part du président; après ça, je pense que vous avez parlé de six.

M. Chatelain: Oui, c'est ça.

M. Després: Comment ont-ils été choisis? Au hasard? Y a-t-il des raisons particulières: l'ampleur, l'importance du budget du gouvernement? On s'est fié sur quoi pour les choisir?

M. Chatelain: Oui, M. le Président, on me précise que c'est tout simplement la grosseur des ministères. C'est qu'on a choisi les plus gros,

ceux qui ont plus d'ampleur eu égard au budget du gouvernement.

M. Després: Donc, c'est les six premiers en termes de budget qui se retrouvent là? Ou est-ce qu'on peut savoir directement aussi quels sont les ministères concernés?

M. Chatelain: Maintenant, ça pourrait être les six premiers en termes de budget ou les six premiers en termes de ressources humaines. Nous allons préciser.

M. Thériault: C'est quoi, la question?

M. Després: Sur quoi on s'est basé? Quels sont les ministères qui ont été retenus pour faire partie de l'étude?

M. Thériault: Nous nous sommes basés sur les six ministères qui ont fait le plus de recrutement, où la dotation a été la plus importante au cours des 24 derniers mois.

M. Després: O.K. Et quels sont ces ministères-là?

M. Thériault: Je vais mettre à contribution ma mémoire. Ce sont des gros ministères au gouvernement. Vous avez le ministère de la Main-d'?uvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle. Je vais essayer de m'en rappeler, parce que je n'ai pas nécessairement traîné tout ça. Vous avez le ministère des Transports, vous avez le ministère de la Justice, le ministère de l'Éducation, le ministère de la Sécurité publique. Je suis rendu à quoi, à cinq?

Une voix: Oui.

M. Thériautt: II m'en manque un.

M. Després: II y a peut-être Santé?

M. Thériault: Non. Le ministère du Revenu.

M. Després: Le ministère du Revenu.

M. Thériault: Oui. J'espère qu'il n'y a pas d'erreur. Mais il me semble, de mémoire, que c'est ça.

M. Després: Main-d'oeuvre et Sécurité du revenu, Transports, Justice, Éducation...

M. Thériault: Éducation, Sécurité publique et ministère du Revenu.

M. Després: Ce sont donc les six ministères qui ont fait le plus de recrutement dans les 24 derniers mois de l'année.

M. Thériault: C'est ça. Évidemment, ce sont des ministères de grande envergure.

M. Després: C'était le seul critère?

M. Thériault: C'était le seul critère pour cette année, effectivement.

Le Président (M. Forget): Ça complète? M. Després: Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Forget): Merci beaucoup, M. le député de Limoilou. M. le député de Joliette.

Corporation d'urgences-santé du Montréal métropolitain

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je voudrais questionner, pendant quelques minutes, M. le Vérificateur général sur la fameuse structure qu'on appelle la Corporation d'urgences-santé de la région de Montréal métropolitain. Dans un premier temps, je voudrais savoir si c'est à la suite de plaintes ou si c'est purement à l'intérieur de votre mandat régulier que vous avez été amené à vérifier cette corporation.

M. Chatelain: M. le Président, ce n'est pas à la suite de plaintes, c'est à l'intérieur de notre mandat régulier. Selon nos échéanciers de travaux, nous sommes allés, justement, à cette corporation-là. D'ailleurs, nous avons un mandat de vérification financière de cette corporation-là et nous devons faire une intervention annuellement à cet endroit-là.

M. Chevrette: vous avez fait deux grandes constatations. tout d'abord, "l'enveloppe budgétaire de la corporation avait été dépassée de l'ordre de 5 474 313 $, sans que cette dernière ait demandé l'autorisation du ministre pour ce faire", c'était au point 5.135 de votre rapport. également, au point 5.136, vous dites: "nous avons également formulé un commentaire sur le versement par la corporation, en février 1990, d'un montant de 2 198 722 $ à la coopérative des travailleurs des services ambulanciers du montréal métropolitain, pour que celle-ci rende ses véhicules ambulanciers conformes aux normes d'équipement prévues à un règlement d'application de la loi sur la protection de la santé publique." avez-vous reçu des réponses de la corporation?

M. Chatelain: Oui, M. le Président, nous avons reçu des réponses et elles sont indiquées à la suite...

M. Chevrette: Oui, je sais, les commentaires en bas.

M. Chatelain: Oui, c'est ça.

M. Chevrette: Est-ce que ça vous satisfait?

M. Chatelain: Je pense bien que ce n'est pas à nous de dire si la réponse est bonne ou non. Nous reproduisons la réponse, évidemment, de la Corporation dans ce cas-ci. Il y a un endroit où nous ne sommes pas d'accord avec une partie de la portée, si vous voulez, de la réponse et nous le signalons au paragraphe 5.140, au haut de la page 89, parce que nous croyons qu'il y a eu une erreur dans la réponse de la Corporation à ce sujet-là.

M. Chevrette: La Corporation vous répond qu'elle a eu une autorisation du ministère, alors que la loi constituante d'Urgences-santé dit que c'est une autorisation du gouvernement.

M. Chatelain: Voilà.

M. Chevrette: Donc, il n'y a pas de décret gouvernemental jusqu'à date; donc, c'est illégal par rapport à la loi constituante.

M. Chatelain: M. le Président, est-ce que je pourrais demander à M. Jean-Pierre Fortin, vérificateur général adjoint à notre bureau à Montréal, qui est responsable de ce secteur, s'il pourrait peut-être apporter des précisions aux questions du député?

Le Président (M. Forget): Je voudrais demander à M. Fortin, quand même, de bien vouloir s'identifier.

M. Fortin (Jean-Pierre): Jean-Pierre Fortin, vérificateur général adjoint. Effectivement, là-dessus, la direction de la Corporation d'urgences-santé nous a informés qu'elle avait obtenu, dans un premier temps, des consentements oraux de la part du ministère. Nous leur avons fait remarquer que leur loi indiquait bien que ces consentements devaient être des consentements du gouvernement et que le gouvernement décidait par décret. Ils ont demandé un avis juridique et, présentement, nous sommes effectivement dans ce débat juridique comme tel. Nous maintenons cependant a priori que, lorsque la loi dit le gouvernement, c'est un décret qui doit être émis.

M. Chevrette: Donc, si je comprends bien, les explications qui vous sont données, c'est que c'est d'abord des autorisations verbales, transformées en une autorisation écrite du ministère, mais non conforme à l'esprit et à la lettre de la loi constituant Urgences-santé qui dit que ça prend un décret du gouvernement.

M. Fortin: Si, effectivement, nous considérons le versement de 2 198 000 $, c'était dans le prolongement du contrat d'acquisition des ambulances et, à cet effet, il y a eu un décret qui a été émis par le gouvernement, en juillet 1989, qui approuvait les termes et conditions du contrat annexé audit décret, qui établissait le montant du versement, un montant déterminé, et qui ne faisait pas référence à ces 2 198 000 $. Les explications que la Corporation a données concernant ça sont liées au fait qu'elle faisait face à une situation inattendue au moment où la transaction s'est faite.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez eu les détails des dépenses qui ont dépassé le budget fixé à 48 000 000 $?

M. Fortin: En fait, compte tenu, évidemment, de la façon dont la Corporation fonctionne, il est pratiquement impossible, si vous voulez, d'identifier de façon spécifique quelles sont les dépenses qui ont entraîné, de façon particulière, le déficit. Parce que ce qui semble, d'ailleurs, dans la réponse donnée par la Corporation, avoir prévalu dans la démarche, c'a été de maintenir le niveau de services antérieurement fourni par Urgences-santé avant la formation de la Corporation d'urgences-santé.

M. Chevrette: maintenir... oui, ils vous répondent que, pour maintenir la qualité des services qui étaient donnés antérieurement par urgences-santé, rattaché au crsss de montréal, il a fallu faire des dépenses additionnelles dans la nouvelle corporation. est-ce que vous vous êtes penchés, alors, sur la qualité des services?

M. Fortin: À ce moment-ci, nous n'avons pas entrepris de vérification qu'on qualifie chez nous d'optimisation des ressources. Ces dépassements ont été observés dans le cadre de notre mandat de vérification d'attestation des états financiers de la Corporation, au 31 mars 1990.

M. Chevrette: À ce moment-là, est-ce qu'on ne vous a pas remis des dossiers vous démontrant que la qualité des services était même diminuée malgré le dépassement de 4 000 000 $, 5 000 000 $?

M. Fortin: Nous n'avons fait aucun examen des activités à cet égard.

M. Chevrette: II n'y a pas eu de questionnement, non plus.

M. Fortin: Nous ne l'avons pas questionné, non plus.

M. Chevrette: Est-ce qu'il est de votre intention de vous pencher sur la qualité des services à Urgences-santé?

M. Fortin: Dans le cadre du mandat du Vérificateur général, il est prévu que, cycliquement, un mandat de vérification d'optimisation des ressources doit être effectué. Je ne vous cacherai

pas que c'est une corporation qui était en situation d'émergence et que, dans l'établissement de nos choix de projets, nous avons tenté d'en tenir compte puisque, effectivement, il pouvait y avoir des situations imprévues. Cette situation d'émergence d'une nouvelle corporation nous a amenés à considérer que, si nous nous y engagions avant même qu'elle ait pris son rythme de croisière, forcément, nous nous retrouverions dans une situation où les difficultés pourraient être beaucoup plus évidentes qu'elles ne le seraient autrement. Ça fait partie, quand même, du genre d'attitude qu'on adopte dans ces situations-là.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez eu accès aux livres de la Coopérative?

M. Fortin: De la coopérative des ambulanciers? Non, parce que c'est une coopérative privée. A priori, nous ne sommes pas en mesure, là, de nous justifier d'une intervention à ce moment-ci.

M. Chevrette: Compte tenu du fait que l'État paie pour le remplacement des véhicules ambulanciers, il y va donc de l'intérêt public de voir comment ça peut procéder. Est-ce que vous ne croyez pas que c'est de votre mandat d'aller vérifier, par exemple, comment on achète les véhicules ambulanciers dans une coopérative qui fait des transactions payées par le gouvernement?

M. Fortin: A priori, nous estimons que la direction de la Corporation doit se donner des mécanismes de contrôle quant aux transactions qui sont faites avec cette coopérative-là et, dans toute la mesure où ces transactions se situent à l'intérieur du contrat intervenu entre la Corporation et la Coopérative, contrat qui a été rédigé et approuvé aux conditions fixées par le gouvernement, if est extrêmement difficile, vous en conviendrez, pour nous, d'aller au-delà de ça.

M. Chevrette: Si on pouvait mettre en preuve devant vous qu'il y a des véhicules qui sont achetés au coût de 18 000 $ à 20 000 $ au prix régulier du marché en toute concurrence avec les autres compagnies existantes, est-ce que vous auriez le mandat, à ce moment-là, de vérifier de telles allégations?

M. Fortin: Dans la mesure où le contrat stipule que les ambulances sont payées à un prix qui pourrait équivaloir au montant que vous signalez, nous pourrions, dans le cadre, évidemment, d'un mandat de vérification d'optimisation des ressources, nous questionner sur la mesure d'économie dans laquelle les véhicules sont acquis.

M. Chevrette: Mais vous avez le droit de regard sur la politique d'achat québécoise.

M. Fortin: C'est juste. C'est dans ce sens-là que je...

M. Chevrette: Compte tenu que, même dans une réponse en Chambre qui m'a été donnée par M. Marc-Yvan Côté lui-même, ministre de la Santé, il disait qu'il ne pouvait qu'encourager le respect de la politique d'achat québécoise parce que le gouvernement subventionnait, est-ce qu'il ne serait pas important pour le Vérificateur général d'aller fouiller cet aspect-là, puisque, moi, j'ai des preuves écrites, au moins une preuve écrite, et non seulement à Montréal pour Urgences-santé, mais dans d'autres coopératives, qu'on achète, malgré des prix plus bas ici, dans des fabriques d'ambulances du Québec, à Orlando, par exemple? Et c'est le Québec qui paie, c'est le gouvernement du Québec qui paie via le ministère de la Santé et des Services sociaux. Et ça, ça m'apparaît être à la grandeur des coopératives parce que c'est dirigé souvent par quelques bonshommes qui ont des statuts assez uniques au niveau du Québec. Ça ne mériterait pas d'être gratté, ça? (16 h 15)

Le Président (M. Lemieux): Je ne sais pas. C'est parce qu'il me semble que c'est la Corporation qui fait des choix là. M. le Vérificateur général.

M. Chevrette: Non, non, je le sais, mais les choix sont faits dans le cadre de la politique d'achat et payés par le gouvernement.

M. Chatelain: D'accord. M. le Président, deux choses. Pour commencer, le champ de compétence du Vérificateur général.

Le Président (M. Lemieux): C'est ça, oui.

M. Chatelain: D'accord. Évidemment, la Corporation d'urgences-santé de la région de Montréal métropolitain fait partie du champ de compétence du Vérificateur général, c'est clair. C'est une corporation d'État, c'est un organisme du gouvernement, ça fait carrément partie du mandat du Vérificateur. D'ailleurs, nous sommes vérificateurs là. Bon. Premièrement. Deuxièmement, quant à la Coopérative, la Coopérative comme telle ne fait pas partie du champ de compétence - et je m'explique - du Vérificateur général. Ce n'est ni un organisme, ni une entreprise du gouvernement selon la définition qui est donnée d'un organisme ou d'une entreprise du gouvernement dans la Loi sur le Vérificateur général. Ce n'est ni l'un ni l'autre. cependant, si la coopérative était subventionnée, je dis bien subventionnée, nous aurions quand même un droit de regard à ce moment-là. si la coopérative bénéficiait de subventions de la part du gouvernement ou d'un organisme du gouvernement, ce qui est le cas, justement, de la corporation d'urgences-santé, là nous aurions un

droit de regard. Nous pourrions aller nous pencher sur l'utilisation qui est faite de la subvention...

M. Chevrette: O. K.

M. Chatelain:... au niveau du bénéficiaire. M. Chevrette: Je vous arrête tout de suite. M. Chatelain: Oui.

M. Chevrette: Est-ce que vous considérez qu'un prêt de la SDC, sans intérêt pendant les deux premières années, au montant de 3 000 000 $, ce n'est pas une subvention à la Coopérative?

M. Chatelain: Hum! Dans le moment, je dis que c'est un prêt.

M. Chevrette: Non, non, un prêt sans intérêt...

M. Chatelain: Sans intérêt.

M. Chevrette:... pour les deux premières années, est-ce que ce n'est pas une forme de subvention?

M. Chatelain: Hum! Il faudrait... Là, là...

M. Chevrette: C'est la Société de développement coopératif, je m'excuse.

M. Chatelain: Oui, pour la valeur des intérêts peut-être, oui. Maintenant, l'utilisation qui serait faite de la subvention, ce serait l'utilisation qui serait faite des intérêts. Ça, c'est une autre chose. Maintenant, je demanderais pas mal...

M. Chevrette: Je vous donne un exemple, M. le Vérificateur. C'est très important. Moi, je ne joue pas avec ces affaires-là parce que c'est d'intérêt public. C'est d'intérêt public parce que ce sont des deniers des Québécois, le fonds de développement coopératif...

Le Président (M. Lemieux): C'est parce que, M. le député de Joliette, il me semble que ça n'appartient pas au Vérificateur de se prononcer sur l'opportunité comme telle de la subvention.

M. Chevrette: Non, non. Mais, moi, j'exprime une opinion. Il n'est pas obligé d'être d'accord avec moi. S'ils ne sont pas sous sa juridiction, il le dira.

Le Président (M. Lemieux): Non, non, je suis d'accord. C'est simplement pour...

M. Chevrette: Je sais qu'il est assez grand garçon pour le dire.

Le Président (M. Lemieux): Non, c'est parce que je sais aussi que vous êtes assez grand garçon, M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Non, mais je veux le questionner pareil.

Le Président (M. Lemieux): Oui, oui, je suis...

M. Chevrette: Si vous me dites...

Le Président (M. Lemieux): Non, non, tant que vous pouvez le faire, il n'y aura pas de problème.

M. Chevrette:... que ce n'est pas dans son champ de compétence, il me le dira. Je le soulève parce que, moi, je prétends que c'est d'intérêt public quand un gouvernement de bonne foi - je n'essaie pas de mettre en doute la bonne foi ou pas des prêts ou des subventions...

Le Président (M. Lemieux): Non, non, mais je vous parle de l'opportunité là, c'est strictement là-dessus.

M. Chevrette: Oui, mais vous allez voir pourquoi j'en arrive là.

Le Président (M. Lemieux): O. K. Allez-y.

M. Chevrette: si le gouvernement, via la sdc, prête x millions de dollars à des coopératives et qu'on arrive, par exemple, comme c'est le cas présentement, avec un plan de redressement qui s'élève à 47 % d'individus de trop pour l'entretien de la flotte qui est subventionnée, sinon il y a faillite et il y a un bref de faillite d'émis, c'est très sérieux, ça. c'est de l'argent qu'on a mis, nous autres, comme société québécoise, via la sdc. donc, c'est une structure d'état qui a été exemptée, pendant deux ans, d'intérêts sur de l'argent des contribuables et on arrive avec une possibilité d'étatisation complète, donc de perte d'intérêts des deux années. ça tombe, comme par hasard, après les deux ans, en plus. et c'est de l'argent du public. et on nous dit que, juste pour raplomber les choses, en plus d'avoir 18, 5 millions de dette d'accumulés, ça prend un redressement, juste en effectifs, de 47, 5 % de trop d'effectifs dans les garages. il doit y avoir quelque chose là à gratter? c'est de l'argent du public. c'est juste ça. c'est possible que ce ne soit pas votre champ de compétence, je ne sais pas, mais, moi, je pense que ça prend quelqu'un qui est au moins responsable pour gratter quelque chose. si vous me dites que ce n'est pas vous, j'irai cogner à une autre porte, soyez sans crainte.

Le Président (M. Lemieux): Ça, je n'en doute pas que vous allez aller cogner à d'autres portes, M. le député de Joliette. M. le Vérificateur.

M. Chatelain: Bien que je sois très sympathique à l'orientation de la question qui est soulevée par le député, je suis obligé d'admettre, dans les circonstances là, que la Coopérative comme telle - je ne sais pas son vrai nom - ne fait pas partie du champ de compétence du Vérificateur comme tel.

M. Chevrette: Avez-vous le droit, dans ce cas-là, d'aller vérifier s'il y a eu des contrôles... Je vais vous poser la question autrement. Étant donné que la SDC relève du ministère de l'Industrie et du Commerce et que ça, c'est sous complète juridiction du Vérificateur général, avez-vous le droit d'aller voir si l'argent prêté à une coopérative par le ministère de l'Industrie et du Commerce, via le fonds de développement coopératif, a été suffisamment bien contrôlé et que l'argent qui a été prêté par le ministère, via le fonds, l'a été en toute connaissance de cause et avec tous les contrôles qui s'imposaient?

M. Chatelain: S'il s'agit de prêts, M. le Président, et non pas de subventions, il faut s'entendre...

M. Chevrette: De prêts sans intérêt.

M. Chatelain: S'il s'agit de prêts - on parlera de l'intérêt ensuite, si vous voulez - nous, on doit se limiter à ceci: s'assurer que, dans le cas de la "SDI", qui est clairement une entreprise du gouvernement, elle, elle s'assure, justement, que toutes les conditions du prêt sont respectées, qu'elle prend les mesures pour qu'elles soient respectées, qu'elle a l'information et tout ça. Nous, on peut intervenir à ce niveau-là, mais on ne peut pas intervenir au niveau du récipiendaire ou du bénéficiaire du prêt.

M. Chevrette: Mais la SDC... Une voix: C'est la SDI ou la SDC?

M. Chevrette:... étant un créancier de la Coopérative via l'Industrie et le Commerce, s'il y a faillite et qu'elle reçoit 0, 50 $ dans la piastre, ça commences-'tu" à vous intéresser, le contrôle?

M. Chatelain: Là, ce sont des cas hypothétiques, mais...

M. Chevrette: Non, non, ce sont des cas réels.

M. Chatelain: Non, non, mais, M. le Président, il faudrait...

M. Chevrette: Ce n'est pas hypothétique.

M. Chatelain:... déterminer, à ce moment-là, si le prêt dont une partie est perdue est devenu une subvention. Là, je pense que je demanderais une opinion juridique dans le contexte de la Loi sur le Vérificateur général: est-ce que c'est devenu une subvention et, par le fait même, est-ce que le Vérificateur général peut aller voir l'utilisation qui a été faite de cette subvention-là?

M. Léonard: Si les garanties ordinaires n'étaient pas là, il me semble que, oui, if y avait une intention de subvention.

M. Chatelain: II faudrait que ce sort établi à ce moment-là.

M. Léonard: Ça, vous pouvez le vérifier?

M. Chatelain: D'accord, oui. Il faudrait que ce soit établi à ce moment-là. Vous savez qu'on a un autre article de notre loi qui parle, justement, de ces prêts-là. Il y a un article de la loi qui parle, justement, de la valeur de la créance, par exemple. C'est l'article 31 de la Loi sur le Vérificateur général, qui dit tout simplement que, dans ces cas-là, l'entreprise du gouvernement, qui est le cas de la SDC, ou l'organisme du gouvernement "est tenu de fournir, sur demande, au Vérificateur général - c'est la SDC dans ce cas-là - les documents et renseignements que ce dernier juge nécessaires pour compléter sa vérification de la créance, du placement ou de l'évaluation d'une perte éventuelle reliée à l'exécution de la garantie. " C'est pour établir la valeur de la garantie. Vous allez comprendre que c'est dans un contexte de vérification financière que cet article-là est là. Mais le fardeau revient à l'organisme ou à l'entreprise du gouvernement de s'assurer, justement, du respect des conditions du prêt et ainsi de suite.

M. Chevrette: Mais, je suis votre raisonnement et peut-être que je ferais appel au président, qui est avocat, là-dessus, M. Lemieux.

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Je pose juste une question sur le plan juridique...

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Chevrette:... parce que je ne suis pas avocat personnellement et il m'apparaît y avoir un trou légal épouvantable à ce moment-là. Une fois l'argent donné par l'État, quelle que soit la structure, la société d'État, que ce soit la SDI, la SDC - ça pourrait même être le ministère de l'Industrie et du Commerce qui crée un program-

me donnant de l'argent à des coopératives ou à des compagnies - un coup le prêt fait avec les avantages des prêts participatifs, non-intérêt pour un an, deux ans, est-ce à dire que la compagnie, le récipiendaire, en tout cas, de ces prêts bon marché...

Le Président (M. Lemieux): Sans intérêt, oui.

M. Chevrette: ...est exempt de toute forme de contrôle gouvernemental par qui que ce soit?

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Chatelain: Non, non, il n'est absolument pas exempt.

M. Chevrette: Non, mais sur le plan utile?

M. Chatelain: oui, oui. il n'est pas exempt, absolument pas exempt, parce que celui qui fait le prêt, l'organisme ou l'entreprise qui fait le prêt...

Le Président (M. Lemieux): II doit le faire selon les normes.

M. Chatelain: Bien oui.

Le Président (M. Lemieux): Bien oui.

M. Chatelain: II attache des conditions à ce prêt-là, bien sûr. Il y a des conditions qui y sont attachées qui permettent à l'organisme prêteur de s'assurer, justement, que toutes les conditions seront respectées, c'est bien sûr.

Le Président (M. Lemieux): À titre d'exemple, est-ce que cet organisme-là a le pouvoir de faire ces prêts sans intérêt là? Et, à titre d'exemple, la SDI, dans certains de ses programmes - je pourrais le faire sous une forme comparative - a le pouvoir, dans sa loi, de faire des prêts sans intérêt ou sous forme participative.

M. Chevrette: Oui, mais c'est parce que...

Le Président (M. Lemieux): Je comprends votre point de vue, M. le...

M. Chevrette: ...dans le langage public, si vous me faites un prêt sans intérêt, moi, je ne suis pas assez cave pour vous dire que vous ne m'avez pas donné une subvention.

Le Président (M. Lemieux): Ce que vous vouiez savoir...

M. Chatelain: Oui, d'accord. Écoutez...

M. Chevrette: Je suis assez brillant pour me dire que, si je sauve 10 % de 3 000 000 $ par année, je viens de sauver 300 000 $ par année; pendant deux ans, ça fait 600 000 $ de moins au Trésor public. C'est correct, là? On peut jouer sur les mots, mais c'est...

Le Président (M. Lemieux): Je comprends votre point de vue.

M. Chevrette: Moi, c'est du gros bon sens et il n'y a pas un électeur, un citoyen du Québec qui ne comprendrait pas...

M. Léonard: Si mon collègue le permet, là-dessus, je pense que la SOI, lorsqu'elle fait un prêt sans intérêt, identifie comme une subvention la valeur, au taux légal, des intérêts, il me semble.

M. Chatelain: D'accord. Écoutez...

M. Chevrette: je n'en doute pas parce que ce serait un non-sens.

M. Chatelain: Je suis bien sympathique à ça; non seulement je suis sympathique, mais je suis porté... Parce qu'on a eu d'autres cas dans le passé. On pourrait même soulever: comment on évalue un tel prêt à la face même des états financiers du gouvernement? On pourrait même aller jusque-là, d'accord, mais ça, c'est un autre aspect. Vous savez, un prêt qui est remboursable dans 50 ans, sans intérêt, ça en est clairement une, subvention.

M. Léonard: Ou c'est un don.

M. Chatelain: Mais oui, c'est un don, bien sûr, d'accord. Alors, c'est ça, vous savez, c'est une question de degré, etc. Je pense bien qu'on regarderait la situation.

M. Chevrette: Non, mais, dans la saine gestion des deniers publics, que le gouvernement, de droit, accorde des prêts sans intérêt, que ce soit prévu... Tout est légal jusqu'à l'octroi du prêt. Mais, s'il n'y a aucun contrôle dans les formes, s'il n'y a pas de mode de contrôle ou si les exigences minimales ne sont pas respectées et s'il n'y a pas révocation du prêt, il y a donc des blâmes potentiels du Vérificateur général. Moi, c'est de même que j'interprète votre rôle. Si vous saviez que la SDC, demain matin, prête de l'argent à toutes sortes de groupes qui se forment et que la SDC ne contrôle absolument pas, vous seriez obligé de l'écrire dans votre rapport de Vérificateur général lorsque vous examineriez la SDC.

M. Chatelain: Si je comprends, M. le Président...

M. Chevrette: En un mot, je suis en train

de vous dire: Avez-vous hâte d'aller à la SDC? C'est ça que je vous demande.

M. Chatelain: M. le Président, si je comprends, c'est bien sûr que c'est une chose qu'on signalerait. D'ailleurs, l'une des choses sur lesquelles on se penche, évidemment, dans ces entreprises-là, c'est de s'assurer que ces entreprises, ces organismes s'acquittent de leurs devoirs et font leur travail, oui.

M. Chevrette: On se suit. Vous avez le droit donc d'aller à la SDC, vous avez le droit d'examiner la SDC. Pour examiner la SDC, n'avez-vous pas d'autre choix que de regarder comment la SDC a contrôlé les structures auxquelles elle a prêté?

M. Chatelain: Absolument, c'est ce qu'on fait. D'ailleurs, dans notre rapport annuel, c'est ce que vous voyez partout où on fait des vérifications d'utilisation des ressources.

M. Chevrette: On se suit encore là. Donc, vous êtes en train de me répondre que vous pouvez, comme Vérificateur général, en allant à la SDC, automatiquement demander les états financiers et les plans d'effectifs de la Coopérative pour savoir ce qui s'est passé. C'est ça?

M. Chatelain: Oui.

Le Président (M. Lemieux): M. le Vérificateur général, est-ce que vous pouvez aller jusqu'à vérifier l'utilisation de ce prêt-là, s'il est conforme à ses objectifs, puis aux buts qui étaient visés lors de son emprunt?

M. Chatelain: En se limitant et en se restreignant à la documentation qui est disponible, dans le cas que vous soulevez, à la SDC.

Le Président (M. Lemieux): Oui, à la SDC, vous auriez ce pouvoir-là aussi?

Une voix: SDC.

M. Chevrette: Vous avez raison parce que, regardez, la SDI fait un prêt sans intérêt pour un an ou deux. Qu'est-ce qu'elle fait? Elle dit au gars: II faut que vous ayez un plan de redressement, ça n'a pas de bon sens, vous vous en allez vers la faillite.

M. Chatelain: Voilà!

M. Chevrette: Bon, pourquoi, par exemple... Moi, c'est ça qui m'a frappé dans le cas d'Ur-gences-santé, par exemple, de Montréal. Vous autres mêmes, à 5.143, vous commencez par reprocher à Urgences-santé de ne pas avoir de plan d'effectifs entériné par le gouvernement. C'est bien ça que vous dites?

M. Chatelain: Oui.

M. Chevrette: Oui. Vous dites que le gouvernement n'a même pas entériné vos plans d'effectifs. Ça, c'est pour des dépassements. Plus encore, quand on sait que la SDC a prêté 3 000 000 $ - c'est de l'argent, 3 000 000 $, surtout quand on sait comment ça s'est fait à Montréal - et qu'on en arrive à constater, dans les demandes mêmes du ministère, des plans de redressement exigés par le ministère de 47 % des effectifs, comment cela se fait-il que ce ne soit pas à la SDC, entre vous et moi? Moi, c'est de même que je le vois. Je comprends que, par votre rôle, que même par le rôle du ministère, c'est peut-être embêtant parce que je remarque qu'il n'y a pas de poignées dans la loi, il n'y a même aucune possibilité de mise en tutelle dans cette loi-là, passée, on se rappellera comment, dans les années... Je vous conseille de relire exclusivement les délibérations sur cette loi 37 pour vous rendre compte que c'était prévu ce qui arrive aujourd'hui, pour n'importe qui qui connaissait un peu le sujet. À partir de là, est-ce que la SDC n'avait pas le devoir, comme la SDI le fait au moment où elle fait des prêts, de suivre ces affaires? Si une compagnie reçoit l'obligation de faire un plan de redressement et si l'on est sur le bord d'une faillite, que ce soit le ministère de la Santé qui demande des plans de redressement et non pas la SDC, moi, ça m'apparaît le diable à l'envers et ça mériterait que votre attention y soit portée de la façon dont vous m'avez dit que ça se faisait.

M. Chatelain: M. le Président, est-ce qu'on pourrait demander à M. Bédard?

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Chatelain: II pourrait peut-être préciser. M. Bédard est responsable des opérations de vérification chez nous, au bureau du Vérificateur général, et il pourrait préciser justement l'approche qu'on suit dans ces cas-là.

Le Président (M. Lemieux): M. Bédard.

(16 h 30)

M. Bédard: Merci. Je comprends très bien que vous avez une préoccupation très spécifique. Étant donné que je ne suis pas parfaitement conscientisé à cette préoccupation, je vais tenter de répondre d'une façon un peu plus générale à l'approche que nous avons au bureau du Vérificateur général. Dans ce contexte-là, nous pouvons parier de subventions, de prêts avec intérêt ou de prêts sans intérêt. Et cette préoccupation-là, nous l'avons autant au niveau des ministères et des organismes que des entreprises du gouvernement.

Donc, si nous allons dans un ministère, pour une subvention, nous vérifions, premièrement, si cette subvention-là qu'il a accordée à quelqu'un

est en conformité avec les lois et les règlements. Et, dans un deuxième temps, nous nous assurons que le ministère - et c'est son mandat dans la plupart des cas - s'assure que ces subventions-là ont bien été utilisées pour les fins pour lesquelles elles ont été octroyées. Donc, en termes de subventions, c'est le rôle du Vérificateur général de s'assurer que l'organisme ou le ministère qui a donné une subvention respecte les exigences de cette subvention-là dans son ensemble.

Pour un prêt avec intérêt ou sans intérêt, on s'assure, dans un premier temps, que l'organisme ou le ministère en question a bien attribué ce prêt-là conformément aux lois et règlements ou conformément à un décret qui lui a été donné. Évidemment, lorsqu'on parle d'un prêt sans intérêt, donc il y a des échéances à ce prêt, bien qu'il soit sans intérêt. Le ministère ou cet organisme-là doit, à cet égard, avoir des suivis pour ce prêt-là, pour s'assurer qu'il va récupérer, à la fin, à l'échéance, le prêt qui a été consenti conformément à la loi ou aux règlements, ou au décret, bien qu'il soit sans intérêt.

Et nous, si nous avons l'impression ou si nous pouvons, par le biais de nos vérifications, constater que cet organisme ou ce ministère n'effectue pas les suivis lui permettant de récupérer sa créance, là aussi, nous allons commenter.

M. Chevrette: O.K. Dernière petite question, M. le Président. C'est sur la politique d'achat québécoise. Je ne sais pas si vous pouvez me répondre, mais, étant donné que le gouvernement subventionne d'abord des organismes, prête à d'autres sous forme de prêt sans intérêt pour des bouts de temps, étant donné que le gouvernement paie lui-même les véhicules dans le cas du changement de véhicules - vous avez une somme de 2 000 000 $ et quelques juste pour le tiers de la flotte et il y en aura deux autres millions pour chaque tiers qui va suivre, ça veut dire pour 6 000 000 $ à 7 000 000 $ de véhicules -moi, je veux savoir s'il est de votre compétence de regarder si la politique d'achat québécoise a été suivie.

M. Chatelain: M. le Président, évidemment, ça fait partie de notre mandat lorsqu'on parle d'achats qui sont effectués par des organismes ou des entreprises du gouvernement, qui font partie de notre champ de compétence encore, bien sûr.

M. Chevrette: Bon, j'y vais autrement. Étant donné que, dans le cas présent, c'est une coopérative qui achète, mais qu'elle n'est qu'autorisée par Urgences-santé ou la Corporation... C'est le gouvernement qui paie pour les véhicules. Donc, si la Coopérative, en l'occurrence, des travailleurs de Montréal, du RETAQ, qui se voit payée par l'État n'applique pas la politique d'achat, ne respecte pas la politique d'achat, quels sont les pouvoirs du Vérificateur général dans un tel cas, parce que je veux savoir à qui m'adresser, moi?

M. Chatelain: Est-ce qu'on pourrait le demander à M. Fortin?

Le Président (M. Lemieux): Oui. M. Fortin, oui.

M. Fortin: Jean-Pierre Fortin, vérificateur général adjoint. En fait, si le contrat intervenu entre la Corporation et la Coopérative prévoit que la Coopérative doit acheter selon un contenu québécois conforme aux politiques d'achat, forcément la Coopérative doit s'y conformer au risque de s'écarter des clauses contractuelles. Et, évidemment, il appartiendrait à la Corporation, tout comme également on pourrait aussi s'intéresser à cette question, de s'assurer que le contenu québécois correspond à la politique d'achat du gouvernement.

M. Chevrette: Sur ce point-là, je finis par une remarque et je m'excuse d'avoir pris autant de temps. J'aimerais que vous vérifiiez, en tout cas, si c'est dans le cadre de votre mandat, deux choses précises. Il y a eu des sommes versées à plusieurs coopératives dans le domaine ambulancier. Et, pertinemment, je vous dis que je sais, en particulier sur la rive sud de Montréal, qu'il y a eu des ambulances achetées à Orlando à des prix supérieurs à celles fabriquées ici au Québec. J'ai la preuve écrite de ça.

Deuxièmement, je voudrais qu'on vérifie également si on est capable d'établir qu'on n'y va pas un peu trop dans le chrome quand on va acheter des ambulances à 135 000 $, alors que tous les spécialistes, y compris des médecins spécialisés en matière d'urgences, qui se sont spécialisés même aux États-Unis, nous disent qu'avec des véhicules de l'ordre de 85 000 $ à 90 000 $ on pourrait donner un excellent service ambulancier au Québec, à des coûts moindres que ceux qui se donnent présentement.

Il y va de l'intérêt public. Si c'est faux, j'aimerais mieux me faire dire que c'est faux que d'entendre toutes les rumeurs qui courent là-dessus à l'effet qu'il y a du chrome exagéré, à ce moment-là. Si ça m'était dit par des gens qui sont des rivaux, sur le plan syndical, je vous dirais: Ce n'est peut-être pas vrai. Mais c'est dit par des médecins spécialisés en urgences et spécialisés, en particulier, en soins préhospitaliers, qui nous disent qu'il y a de l'exagération contrôlée par un seul groupe. Je pense que c'est intéressant, si jamais vous pouvez vous intéresser à la question, qu'on puisse avoir des idées là-dessus parce que les budgets sont passés, quand même, de 30 000 000 $ et quelques, au niveau du Québec, à près de 100 000 000 $ et on nous dit, aux dernières nouvelles, que la qualité des services s'est dégradée, malgré le changement de

flotte et avec des effectifs beaucoup plus nombreux qu'antérieurement. Donc, il est de notre devoir comme élus de nous interroger au moins sur la qualité des services et sur la façon dont on opère ce système-là.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Joliette, nous avons les mêmes préoccupations au niveau des organismes publics et des sociétés d'État; nous espérons qu'un jour on va en arriver à une loi-cadre sur le financement des sociétés d'État. D'ailleurs, M. le Vérificateur nous en a parlé pendant plusieurs années. Je pense que, sans vouloir "factualiser" ou émettre des hypothèses, ce serait aussi intéressant à regarder versus certaines sociétés d'État aussi. Alors, M. le Vérificateur, vous pouvez répondre à la question du député de Joliette.

M. Chatelain: Oui. Évidemment, je ne peux pas prendre un engagement ici, publiquement, que nous allons faire telle ou telle chose en vérification, mais disons que nous prenons bonne note, quand même, des commentaires du député et puis que nous allons lire, évidemment, le compte rendu de cette commission.

Le Préskient (M. Lemieux): Alors, vous êtes toujours le bienvenu, M. le député de Joliette. C'est toujours intéressant de vous voir et de vous entendre.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Bertrand, vous aviez une question à poser.

Gestion des équipements à l'Office des personnes handicapées

M. Beaulne: Oui. En fait, dans votre rapport de cette année, vous faites allusion à la gestion des équipements et également à l'optimisation des ressources en milieu hospitalier. La question que j'ai concerne plus particulièrement l'Office des personnes handicapées. J'aimerais savoir si, cette année ou l'année précédente ou l'année précédant l'année précédente, vous avez eu l'occasion de vous pencher sur quelque chose qui a été porté à mon attention, qui est la chose suivante: il semblerait qu'en particulier en ce qui concerne l'Office des personnes handicapées, lorsqu'il s'agit d'autoriser la réadaptation ou l'adaptation de véhicules, il y a une certaine pratique de la part des fonctionnaires de cet organisme de déléguer automatiquement la commande à la même compagnie. Également, il a été porté à mon attention par des spécialistes dans le domaine qu'en matière de réutilisation de l'équipement qui est donné aux bénéficiaires et qui, après usage, n'est pas récupéré, il y aurait, semble-t-il, des millions de dollars qui se perdent de cette façon-là. C'est-à-dire qu'on autorise une personne à recevoir un équipement quelconque; ou bien la personne décède ou bien son statut évolue de telle façon que l'équipement qui a été préconisé devient désuet. On autorise un autre équipement et la pièce initiale demeure, tout simplement, entassée dans un fond de cave et n'est pas réutilisée. Je voudrais savoir si, dans vos recommandations concernant l'optimisation des ressources et la gestion des équipements, c'est un problème qui a été porté à votre attention ou si vous avez remarqué des lacunes à ce niveau-là? Je parle principalement de l'Office des personnes handicapées parce que c'est là, en particulier, que les exemples m'ont été cités.

M. Chatelain: D'accord. On pourrait demander à notre directeur responsable de la vérification des centres hospitaliers l'an passé s'il s'est penché, justement, sur ce sujet-là. Voulez-vous répondre? M. Arthur Roberge.

Le Président (M. Lemieux): Voulez-vous vous identifier pour les fins du Journal des débats?

M. Roberge (Arthur): Arthur Roberge, directeur principal de la vérification. Alors, sur votre question, on n'a pas touché à ce point-là. En fait, si j'ai bien compris, vous parlez de biens qui appartiennent à des bénéficiaires?

M. Beaulne: Oui.

M. Roberge: Et, par la suite, l'institution doit en traiter, ils ne sont pas récupérés par les bénéficiaires.

M. Beaulne: Qui ne sont jamais récupérés et puis qui disparaissent.

M. Roberge: Non. Nous n'avons pas touché à ça. Nous avons touché à l'achat, disons, d'équipement pour les besoins de l'hôpital, pour les besoins de l'institution.

M. Beaulne: Pensez-vous qu'il y aurait lieu, dans le contexte, surtout, de la maximisation des ressources, de recommander ou de faire en sorte qu'on ait un programme quelconque de récupération de ces équipements, de façon à gérer plus efficacement les fonds de l'Office des personnes handicapées? Parce qu'à chaque fois qu'on autorise une nouvelle commande, c'est un nouvel équipement qui se perd, comme ça, sans qu'on puisse le récupérer. Apparemment, il y a des millions de dollars qui sont perdus de cette façon-là.

M. Chatelain: Un instant, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): On pourrait peut-être vous demander, M. le député de Bertrand, une question, de nous tracer le lien

avec le rapport, mais...

M. Beaulne: II y a un lien direct surtout avec...

Le Président (M. Lemieux): Les questions du député de Joliette.

M. Beaulne: Ça rejoint un autre domaine ici. C'est que les pratiques qui existent à l'heure actuelle, certaines pratiques, semblent favoriser beaucoup plus le gaspillage que la réutilisation de matériel. C'est dans ce sens-là que je posais ma question. Si ça n'a pas été vérifié, pensez-vous qu'il y aurait lieu d'envisager la possibilité de mettre sur pied, d'établir un programme qui permettrait la récupération de ces équipements?

M. Chatelain: M. le Président, je vais tout de suite vous dire pourquoi on hésite. On cherche d'autres renseignements avant de pouvoir répondre. C'est que l'Office des personnes handicapées, dont ce n'est pas la première fois qu'on entend le nom, bien sûr, nous ne le voyons pas parmi les organismes et entreprises du gouvernement où nous effectuons des travaux de vérification. Si vous le permettez, on pourrait accepter cette question-là, dans le sens qu'on pourrait vérifier plus tard pour déterminer exactement - parce que je comprends bien la question du député, je saisis très bien l'orientation de cette question-là - si on a fait quelque chose de ce côté-là et si on pouvait faire quelque chose. Je pense que c'est ça, le but de la question. Dans le moment, je ne le vois pas, absolument pas parmi les entités où on effectue des travaux de vérification.

Une voix: C'est un programme dans un ministère.

M. Chatelain: Ah bon!

Le Président (M. Lemieux): Vous nous l'aviez déjà donné l'an passé.

M. Chatelain: D'accord. C'est un programme au ministère des Services sociaux, qu'on me dit. C'est pour ça qu'on ne le retrouve pas parmi les organismes et entreprises du gouvernement qu'on vérifie, parce que ça fait partie du ministère comme tel. Donc, on ne fait pas une vérification d'attestation financière ou quoi que ce soit à l'Office comme tel. C'est un programme, c'est comme si c'était un service du ministère.

On a identifié l'endroit où se trouve l'Office dans le moment. Ça fait partie de notre mandat, bien sûr, à l'intérieur du ministère de la Santé. Mais je dois vous dire tout de suite que, selon les réponses que j'ai eues, on ne s'est pas penchés sur ce cas-là ou sur les aspects qui sont soulevés par le député. Ça ne veut pas dire qu'on ne s'en occupera pas, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Ça va, M. le député de Bertrand?

M. Beaulne: Oui, mais pensez-vous, quand même, qu'il y aurait lieu de se pencher là-dessus, étant donné qu'il s'agit ici de l'utilisation maximale de fonds qui sont alloués à des équipements qui pourraient être récupérés et réutilisés?

M. Chatelain: Absolument, M. le Président. La réponse est affirmative.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Bertrand. M. le député de Labelle.

Omission d'éléments importants dans le discours sur le budget

M. Léonard: J'avais traité ou posé des questions sur un certain nombre d'éléments qui nous amèneraient de l'information financière, disons, suffisante ou satisfaisante. Je voudrais vous poser une question en rapport avec le même sujet, à mon sens, mais qui a trait, cette fois, au budget. Je reviens au premier élément qui a trait à la divulgation de tous les éléments d'importance dans un discours sur le budget. Par exemple, la lettre que je vous ai écrite traitait de la divulgation des renseignements concernant la taxe de vente du Québec uniformisée avec la TPS fédérale. Au budget, il y avait, quand même, d'inclus dans les crédits, dans les données financières, un certain nombre de millions qui touchaient la taxe de vente du Québec et qui indiquaient, finalement, qu'il y aurait une uniformisation. L'intention était d'uniformiser. Personne n'a lu, dans les états financiers, qu'il y avait des sommes de quelques millions qui impliquaient cette uniformisation. (16 h 45)

Est-ce que vous ne croyez pas qu'il s'agit d'un manquement à la divulgation d'éléments importants aux états financiers, compte tenu qu'un changement de système de cette nature est un changement important? Même si la somme de quelques millions par rapport aux 35 000 ooo 000 $ du budget était peu importante, elle indiquait un virage majeur dans la politique du gouvernement.

M. Chatelain: M. le Président, effectivement, nous avons reçu une lettre du député qui nous demandait, justement, des commentaires à ce sujet-là. Nous avons fait le tour de la question avec le ministère des Finances, nous avons fait la lecture des documents qui ont été déposés en Chambre, des explications qui ont été données et je suis d'accord avec le député que, lors de la présentation du discours sur le budget, il s'agissait d'un élément important qui avait quand même une influence considérable sur le montant des revenus qui étaient prévus au niveau des taxes à la consommation. D'ailleurs, je pense que

le député l'a déjà signalé ou que d'autres personnes l'ont souligné ou signalé. C'est que l'augmentation qui était prévue aux taxes à la consommation lors du discours sur le budget était, quand même, assez importante pour que les revenus prévus soient fondés sur des hypothèses autres que les hypothèses normales d'une augmentation d'une année à l'autre ou peu importe.

M. Léonard: C'est ça.

M. Chatelain: D'accord. Le ministre des Finances, lors de la déclaration ministérielle qu'il a faite à l'Assemblée nationale le 30 août, a publié des chiffres qui faisaient part à l'Assemblée nationale de l'augmentation des revenus, au cours des trois prochaines années, je crois bien, qui était due, justement, à l'agencement de la taxe de vente provinciale.

M. Léonard: À l'uniformisation des deux taxes.

M. Chatelain: D'accord, à l'uniformisation des deux taxes.

M. Léonard: L'harmonisation, c'est le mot que je cherchais.

M. Chatelain: L'harmonisation, oui, voilà! Alors, le ministre, lorsqu'il a publié ces chiffres-là à la fin d'août, a lui-même signalé que les revenus accrus qui provenaient de cette harmonisation étaient reflétés, justement, dans les prévisions de revenus qui étaient contenues au discours sur le budget. Mais il l'a signalé seulement au mois d'août. Évidemment, nous ne pouvons que constater. Nous avons discuté de la chose avec le ministère des Finances. On nous a confirmé que ce que le ministre avait dit était exact, que les projections des revenus qui avaient été faites pour les fins du discours sur le budget contenaient, justement, cet élément-là, c'est-à-dire l'élément de l'harmonisation. Nous n'avons pas vérifié l'exactitude des chiffres comme telle - et, là, je me reporte à ce que nous disions ici plus tôt quant au mandat du Vérificateur général à ce sujet-là - mais, quand même, le sous-ministre adjoint aux Finances nous a avisés qu'on ne pourrait pas identifier, dans leurs calculs, les montants précis qui étaient dus, disons, à cette harmonisation-là, qui avalent été ajoutés, justement, à cette prévision de revenus.

Alors, ceci étant dit, je pense bien que, de part et d'autre, il est reconnu que le ministre des Finances, bien qu'il ait tenu compte de cette harmonisation dans le discours sur le budget au mois d'avril, n'en a pas fait part à l'Assemblée nationale. Dans le discours sur le budget, il n'a pas fait part de cette explication-là. Tout ce que je peux faire, comme Vérificateur, c'est constater qu'il s'agissait d'un élément important qui n'a pas été communiqué à la Chambre. Maintenant, quant aux raisons pour lesquelles le renseignement n'a pas été communiqué, je pense que ça déborde le mandat du Vérificateur générai. Il peut y avoir des raisons tout à fait justifiées au niveau politique sur lesquelles je ne peux pas me prononcer. Alors, je pense que je dois me limiter à ces commentaires-là, M. le Président.

M. Léonard: M. le Président, je pense que c'est aussi admettre, quand même, qu'en régime parlementaire, lorsque... Vous venez de dire qu'il s'agissait d'un élément important par rapport au discours sur le budget qui n'a pas été mentionné. Il me semble que c'est admettre que, par le fait même, il y a eu un manquement à la divulgation minimale qui doit être faite dans ce discours sur le budget.

Moi, c'est ce qui m'amène à vous poser cette question par rapport au premier point que j'ai soulevé cet après-midi que, lorsque le discours sur le budget est fait, il devrait y avoir un rapport du Vérificateur du type de celui qui est fait sur des états pro forma. Il me semble que, sur ce plan-là, lorsqu'il y a des éléments importants qui sont susceptibles de se produire, même s'ils n'ont aucun impact sur les chiffres, ils doivent être mentionnés et on doit dire qu'on en a tenu compte dans les prévisions. On le fait, par exemple, pour des poursuites. Or, les poursuites, on sait qu'il se peut que l'entreprise n'ait pas à en subir des conséquences nocives parce que, si elle gagne, finalement, il n'y a rien qui se produit de négatif dans ses états ou, en tout cas, vice versa. Pourtant, les règles comptables obligent le Vérificateur à les mentionner et obligent l'entreprise à les mentionner; tout passif éventuel, en quelque sorte.

Dans une administration gouvernementale, il me semble, effectivement, que des changements majeurs, comme celui du système de taxation auquel nous avons assisté cette année, devraient ou auraient dû être mentionnés comme tels. Ils l'ont été de façon très vague. Au fond, quand on lit bien les textes, ça ne rend pas compte de la situation comme elle était à ce moment-là. Pour moi, ça renforce mon point à l'effet qu'au budget le Vérificateur doit intervenir d'une façon appropriée à fa circonstance. Il ne s'agit pas d'états financiers, donc ce n'est pas le même type d'intervention, mais il doit le faire.

Là, vous le faites a posteriori, il est trop tard, toujours trop tard. Ça me fatigue de voir que, finalement, les contrôles parlementaires sont toujours après coup, trop tard pour que ça ait quelque influence que ce soit. Je trouve qu'on perd beaucoup su ce plan-là.

Le Président (M. Lemieux): On va développer un mécanisme d'imputabilité externe.

M. Léonard: Oui, c'est ça.

M. Chatelain: M. le Président, je suis bien sympathique aux commentaires du député. Cependant, il s'agit d'une interprétation, quand même, du rôle du Vérificateur général, d'une interprétation de son mandat. Egalement, physiquement, comment pourrait-on, justement, atteindre ce que recherche le député? Je me demande si ce serait possible. Ça voudrait dire que le Vérificateur devrait se pencher, a priori, disons, sur l'utilité - appelons ça comme ça dans le moment - des chiffres qui sont fournis à l'Assemblée nationale, par exemple dans un document comme le discours sur le budget, un document tout à fait confidentiel. Je pense qu'au point de vue physique ce serait à peu près impossible.

Cependant, il y a une autre chose aussi à considérer, j'y reviens, c'est le mandat du Vérificateur. Est-ce que le mandat du Vérificateur va jusque-là, jusqu'à se prononcer, de façon ponctuelle, sur de tels documents?

M. Léonard: Je dois dire que, sur les états financiers de cette année, de l'année en cours, sur le budget de l'année en cours, 1990-1991, il y avait un impact parce que c'était prévu qu'il y aurait harmonisation, mais non divulgué comme tel. Ce qui était non divulgué, c'était le fait qu'il y avait un impact financier. En réalité, on a mis en preuve, durant tout le discours qui a porté là-dessus, qu'il y avait un impact de 362 000 000 $ sur l'année 1991. Donc, ça devait nécessairement apparaître dans les colonnes de chiffres quelque part.

M. Chatelain: M. le Président... M. Léonard: C'est ça mon point.

M. Chatelain: ...je n'ai absolument rien contre ce que le député dit, absolument, absolument rien! Justement, je crois que ça fait partie de notre mandat en vertu de 43.2° de la Loi sur le Vérificateur général. Ça fait clairement partie du mandat. Je dois dire que ça fait partie du mandat, mais de façon, quand même, a posteriori. C'est que le Vérificateur peut examiner, disons, la qualité de l'information qui est fournie et se prononcer sur la qualité de cette information-là.

M. Léonard: Si je comprends, vous trouvez que la qualité laisse à désirer sur ce point. C'est ça que ça veut dire.

M. Chatelain: Je pense que j'ai fait mon commentaire tantôt là-dessus.

Le Président (M. Lemieux): Ce n'est peut-être pas ce que le Vérificateur général a dit, M. le député de Labelle.

M. Léonard: M. le Président, qui défendez-vous, les parlementaires ou votre gouvernement?

Le Président (M. Lemieux): Personne, M. le député de Labelle. Moi, je ne voudrais pas que vous interprétiez les paroles de M. te Vérificateur général.

M. Léonard: Je voudrais simplement, à titre de remarque, au chapitre 3, noter qu'en ce qui concerne la publication du rapport d'activités du ministère des Finances, pages 38 et 39...

M. Chatelain: Ah! C'est effectivement le chapitre 3.

M. Léonard: ...juste pour parler du même ministère...

M. Chatelain: D'accord.

M. Léonard: ...et des mêmes acteurs, la recommandation 3.7 dit ceci: "Le ministère des Finances devrait rendre compte de ses activités dans un rapport annuel à l'Assemblée". Et il y a des commentaires qui passent à côté de la question. C'est ce qu'on appellerait du vasouil-lage, si on veut, du vasouillage. Et, à 3.8, ce qui est dit à "Réaction au commentaire du ministère", je le souligne pour les fins de la commission ici: "Sans mettre en doute l'importance de la qualité de documents tels le discours sur le budget, la synthèse des opérations financières et les comptes publics, qui sont déposés à l'Assemblée nationale par le ministère des Finances, ceux-ci ne constituent pas un rapport d'activités au sens de la loi". Donc, non seulement le ministère des Finances a fourni son rapport en retard, mais il n'a même pas fourni de rapport, c'est ça que ça veut dire, et il est dans l'illégalité par rapport à ce point. Et, moi, je pense que, s'il y a un ministère qui devrait donner l'exemple sur le plan du rapport d'activités et de ses états financiers, c'est bien le ministère des Finances. Et, moi, je pense que c'est une constatation majeure qui est faite dans votre document, en l'occurrence.

Dégradation de l'administration au ministère de l'Environnement

M. le Président, je voudrais aborder maintenant un autre ministère qui a fait l'objet d'une étude importante et de constatations majeures à mon sens, c'est le ministère de l'Environnement. Page 123, chapitre 7. Je vous réfère plutôt à la page 124 parce que c'est là qu'on fait état des résultats de la vérification. J'ai rarement vu un constat aussi grave porté sur la gestion d'un ministère. Je vais lire quelques lignes à travers toute cette page parce que je ne veux pas la reprendre, mais il me semble que, pour la commission, c'est important que ce soit mentionné. Au point 7.9, la vérification rapporte que "le ministère a entrepris en 1985 le développement d'un système de planification". La mise en

place du système à ce jour n'est pas encore terminée. C'est ce qui est dit. Et, à 7.11, on ajoute que "le lien avec la planification opérationnelle n'est pas assuré." Au point 7.12, c'est que "les ressources du ministère risquent d'être monopolisées par des événements ponctuels". On a l'impression, à lire la suite, que c'est effectivement le cas. Alors, je me suis posé la question sur le sens du mot "risquent", pourquoi vous l'utilisiez, vous m'avez enseigné la prudence en utilisant ce mot dans ce cas. À 7.13, "les activités du ministère ne font pas l'objet de vérification interne et il n'y a pas eu d'évaluation des programmes". À 7.14, "le ministère n'a déposé son rapport annuel de l'année financière terminée le 31 mars 1989 qu'en juin 1990." C'est mieux que les Finances, mais c'est encore en retard. J'ai le goût de vous demander ce qui marche dans ce ministère-là.

M. Chatelain: Eh bien! je pense bien, M. le Président, suite aux commentaires du député et suite aux commentaires qu'on retrouve dans notre rapport annuel, que c'est une situation qui est, quand même, déplorable, bien sûr. Bien, à la décharge du ministère, il faut dire, quand même, que c'est un ministère - là, je vais être dans la situation où je dois défendre le ministère - qui est relativement jeune et, précisément, comme le député l'a souligné, c'est que le ministère a été monopolisé par des événements ponctuels. Le ministère le reconnaît lui-même dans son commentaire. Il le reconnaît lui-même. D'ailleurs, il le dit bien: "Le ministère reconnaît - et je cite - que les contraintes conjoncturelles survenues depuis août 1988 avec l'accident écologique de Saint-Basile-le-Grand ont eu pour conséquence de ralentir sensiblement le rythme d'implantation de cette approche de gestion." Alors, c'est bien la situation déplorable au niveau de ce ministère-là, c'est que le ministère a un mandat très complexe et très vaste. Il n'a pas suffi à la tâche. On se demande s'il peut suffire à la tâche et là je ne parle pas du niveau des ressources, rien de ça; je parle tout simplement de planification et ainsi de suite. Comment va-t-il prendre les moyens pour suffire à la tâche? On se pose de sérieuses questions, évidemment, suite au constat que nous avons là.

Maintenant, je pourrais demander à M. Bédard de compléter les commentaires que je viens de faire.

M. Bédard: Bien, écoutez, je pense qu'il n'y a pas grand-chose à ajouter aux commentaires de M. Chatelain, sauf de renchérir sur le fait qu'effectivement le ministère a tenté de se donner des outils pour être capable de répondre aux attentes et que, suite aux nombreuses interventions autant à l'interne qu'à l'externe, il a dû mettre de côté les préoccupations de planification, d'évaluation et de reddition de comptes pour venir répondre d'une façon ad hoc à plusieurs interventions qui lui ont été imposées. Ça a comme conséquence que vous avez les lacunes qui vous sont présentées en regard des orientations du ministère, de sa préoccupation à l'égard de la planification et, en même temps aussi, de l'évaluation de ses interventions.

M. Léonard: disons, par rapport aux questions qu'on se posait, comment envisagez-vous, vous, le suivi de vos recommandations? là, je parie globalement de tout ce que vous avez fait sur ce ministère-là. là, vous faites une constatation où c'est le vide total. je pense qu'il n'y a pas d'entreprise privée qui pourrait se comporter comme ça, elle serait déjà en faillite depuis un bon bout de temps. on peut trouver ça dans des institutions parapubliques un tel - je ne sais pas - chaos, il n'y a que là qu'on peut trouver ça. maintenant, le suivi, vous le voyez comment par rapport à vos recommandations?

M. Chatelain: M. le Président, un commentaire général, justement, sur le suivi qu'on devrait exercer devant une situation comme celle-là. Il s'agit, quand même, d'une entreprise assez considérable que le ministère de l'Environnement; c'est une entreprise considérable et la situation que nous avons déplorée est, quand même, assez accablante, bien sûr. Vu la complexité des opérations, vu la nature même des lacunes que nous avons signalées, vu l'ampleur des remèdes que l'on devra appliquer, je crois que nous devons, quand même, donner le temps au ministère de procéder, de faire quelque chose, d'améliorer la situation. Dans un tel contexte, nous allons attendre une couple d'années; quand je dis une couple d'années, nous allons attendre deux ans peut-être avant d'aller faire un suivi détaillé, justement, de toutes ces constatations et recommandations-là. Et c'est, justement, le genre de suivi, je pense, qui serait d'intérêt pour l'Assemblée nationale, que vous retrouviez, justement, le résultat de ce suivi-là, d'ici deux ans, dans notre rapport annuel.

Maintenant, je ne sais pas, je vois le vérificateur général adjoint, ici à côté de moi, qui est responsable de ce secteur-là et je me demande s'il est d'accord avec moi; je vais le lui demander tout de suite.

M. Léonard: Vous venez de lui confier le mandat là.

M. Chatelain: Oui, je viens de lui confier le mandat.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bédard: Ça ne vous surprend pas si je suis d'accord avec mon Vérificateur général.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Léonard: C'est une offre que vous ne pouvez pas refuser, comme c'est là.

Des voix: Ha,ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que nous suspendons?

M. Léonard: Oui, on reviendra sur cette question.

Le Président (M. Lemieux): Alors, nous allons suspendre trois minutes pour permettre aux gens de se dégourdir et nous allons continuer par après. Je pense que ça va faire... Je voulais tout simplement aussi vous dire, sans que ce soit enregistré, que le mandat du Vérificateur, je pense, en vertu de l'article 9, ne peut pas être renouvelé. Est-ce qu'on peut renouveler votre mandat? Votre mandat ne peut pas être renouvelé, n'est-ce pas?

M. Chatelain: Non, il ne peut pas être renouvelé.

Le Président (M. Lemieux): II ne peut pas être renouvelé. Alors, vous allez vraiment être en vacances à compter du mois d'août.

(Suspension de la séance à 17 h 3)

(Reprise 17 h 18)

Le Président (M. Chagnon): La commission parlementaire reprend ses travaux. Alors, M. le député de Labelle.

M. Léonard: Oui, M. le Président. Je ne sais pas si M. le Vérificateur et son adjoint avaient fini leurs commentaires. J'avais une autre question générale aussi. Dans un cas comme celui-là où vous constatez, finalement, que ça ne marche pas dans le ministère, où vous dites: Les objectifs sont imprécis, il n'y a pas de plan d'organisation ou, quand ils en font un, ils ne le suivent pas; ils ont des rapports à faire et ils sont en retard, ne croyez-vous pas que, du point de vue d'une saine administration, le Conseil du trésor devrait jouer un rôle, qu'il aurait dû jouer un rôle par rapport à une situation qui, de toute évidence, est rendue à un point inacceptable depuis un bon bout de temps? Il me semble qu'il y a un problème là parce que, s'il n'y a pas de rôle au Conseil du trésor, quel rôle joue le Conseil du trésor? Il me semble que c'est une question fondamentale. C'est un organisme de contrôle, de régulation, d'examen. Est-ce qu'on n'est pas en droit de se poser cette question?

M. Chatelain: M. le Président, je ne voudrais pas toucher au rôle comme tel du Conseil du trésor, à savoir, dans un cas comme celui-ci, s'il joue son rôle ou non.

M. Léonard: Faisons-le de façon conceptuelle. Je ne veux pas toucher aux gens, ce n'est pas ça.

M. Chatelain: D'accord. Je pense bien que le Conseil du trésor est dans une position pour jouer un rôle, ce n'est pas la même chose. Il est dans une position pour jouer un rôle. C'est lui, d'ailleurs, qui se penche sur les demandes de crédits des ministères, c'est lui qui les approuve et qui les soumet, en définitive, à l'Assemblée nationale éventuellement. Il approuve, justement, le plan d'organisation administrative supérieure. Le Conseil du trésor a un rôle très, très important à jouer et même dans l'administration des ministères comme telle, en bout de ligne. D'autant plus que le Conseil du trésor a à sa disposition toute une foule d'informations. Régulièrement, le Conseil du trésor reçoit des demandes d'approbation des ministères. Il a des analystes qui analysent ces demandes-là et, je reviens à ce que je disais tantôt, il analyse également les demandes de crédits budgétaires. Il analyse également les demandes d'autorisation de postes d'effectifs. Alors, le Conseil du trésor est dans une situation, justement, pour exercer un rôle. Vous savez que le Conseil du trésor a déjà été décrit, je ne sais pas où, dans le passé comme étant le gérant général, si vous voulez, du gouvernement; on a déjà entendu ça, le "general manager".

M. Léonard: Ou c'est le contrôleur?

M. Chatelain: Le contrôleur, lui, il exerce une fonction de contrôle, ce n'est pas la même chose.

M. Léonard: Vous parlez du contrôle financier uniquement.

M. Chatelain: D'accord. Alors, il joue un rôle de "general manager", si vous voulez, de gérant général du gouvernement, dans un sens. Il a des pouvoirs très vastes dans la Loi sur l'administration financière. Maintenant, à savoir si le Conseil du trésor exerce son rôle ou non, ici, on ne s'est pas penché sur cette question-là, absolument pas. Mais, tout simplement, je pense que la question du député est tout à fait valable parce que c'est une situation qu'on déplore, c'est une situation qu'on a dû déplorer dans notre rapport annuel. Je pense qu'à la suite de ce rapport-là il y a peut-être des gestes qui ont été posés, justement, pour améliorer la situation. Je pense que le Conseil du trésor lui-même s'est penché, justement, sur l'aspect déplorable de la situation. Est-ce qu'il aurait dû le faire avant? Ça, c'est une autre chose.

M. Léonard: Je n'en suis pas là pour le

moment...

M. Chatelain: D'accord.

M. Léonard: ...mais sur le rôle du Conseil du trésor. Quand un ministère est en difficulté, disons, administrative généralisée comme celui-là, qu'en d'autres termes il y a un cancer là-dedans, est-ce que ce n'est pas le rôle du Conseil du trésor de suppléer en quelque sorte et d'aller voir d'un peu plus près ce qui se passe? C'est un peu ce que vous m'avez répondu. Vous me dites que ce n'est pas un contrôleur, mais, dans une entreprise, le contrôleur fait plus que regarder les chiffres; il va aussi regarder un peu la justification des gestes qui sont posés. En tout cas, il a tendance à aller là et à dire à la direction de l'entreprise: Pour nous, d'un point de vue de contrôle strictement, il y a des choses qui sont inacceptables ou qui ne vont pas là. Et donc, au fond, je pensais que le rôle du Conseil du trésor aurait dû être de signaler la chose, vu l'état avancé de dégradation de l'administration au ministère de l'Environnement, de sorte que le gouvernement aurait dû poser des gestes avant ça, avant que ça aille aussi loin que ça.

Est-ce que vous ne pensez pas que le Conseil du trésor là-dedans aurait pu aller beaucoup plus vite, beaucoup plus en profondeur et signaler et que c'est sa responsabilité de le faire?

M. Chatelain: M. le Président, je dois être très prudent dans ma réponse. C'est que ce n'est pas au Vérificateur général de se prononcer sur les liens ou l'exercice du pouvoir, si vous voulez, entre deux ministères d'un gouvernement, parce que là, nécessairement, je touche à un aspect politique.

M. Léonard: O.K.

M. Chatelain: Pas péjoratif, non, il faut s'entendre.

M. Léonard: alors, je vais le prendre par analogie. dans une entreprise, la fonction contrôle, indépendamment des gens qui occupent les postes, a le devoir de signaler de telles situations parce que c'est là que ça se sent, que, d'un point de vue administratif, ça se voit. et donc, est-ce que le rôle du conseil du trésor, à l'intérieur du gouvernement, quelles que soient les personnes qui occupent les postes, ce n'est pas, justement, de le signaler et de poser des gestes par rapport à une telle situation dans un ministère? il a une fonction générale, horizontale; donc, il doit intervenir.

M. Chatelain: Le Conseil du trésor dispose d'informations, mais peut-être qu'il ne dispose pas de toutes les informations nécessaires ou des informations qui lui permettraient, justement, de poser des gestes ou de voir à ce que des gestes soient posés. C'est une autre chose. Peut-être pas de les poser lui-même...

M. Léonard: Oui.

M. Chatelain: ...mais tout de même de susciter que certains gestes soient posés. Entre autres, pensons à l'évaluation de programmes. Il y a une directive du Conseil du trésor, maintenant, qui veut que les ministères fassent la vérification interne et fassent également l'évaluation de programmes. On appelle ça un suivi de gestion ou une évaluation de programmes. On n'en est qu'au tout début de tels programmes à l'intérieur du gouvernement, mais, quand même, vous savez que, lors de l'instauration du système dit PPBS, il y a plusieurs années...

M. Léonard: En 1970-1971.

M. Chatelain: ...dans les années soixante-dix, oui, justement, c'était prévu, à ce moment-là, qu'il y aurait des évaluations de programmes qui seraient faites de façon ponctuelle, mais quand même qui seraient fartes lorsqu'il y aurait certaines demandes qui seraient présentées pour l'obtention de fonds au Conseil du trésor. Le Conseil du trésor lui-même devait identifier, à l'époque, je me souviens, au tout début, les programmes qui feraient l'objet, justement, d'une telle évaluation. Alors, parce qu'il y a une directive du Conseil du trésor qui a été publiée l'an passé, justement sur l'évaluation de programmes, qui exige, justement, que les ministères mettent en place un système d'évaluation de programmes, ça ne veut pas dire que ça n'existait pas, cette obligation-là, auparavant.

Elle existait et puis, d'ailleurs, dans le contexte du système PPBS, le Conseil du trésor peut demander et peut disposer de ces évaluations de programmes. Alors, comme je le disais tantôt également, vu que le Conseil du trésor reçoit régulièrement, de tous les ministères, y compris du ministère de l'Environnement, des demandes d'approbation de toutes sortes qui font l'objet d'analyses, le Conseil du trésor était sûrement au courant de la situation au ministère de l'Environnement.

Je pense bien qu'il aurait été du devoir du Conseil du trésor de non seulement constater cette situation, mais - là, je dis ça entre parenthèses, entre guillemets - de voir à ce que les moyens soient pris pour que cette situation-là ne se dégrade pas. Fin des guillemets.

M. Léonard: Vous avez dit que les objectifs étaient mal définis. Est-ce que vous pensez que ça tient à la notion même d'environnement que cela a pu se passer et que le ministère lui-même n'a pas fait son lit quant aux objectifs qu'il poursuit? En tout cas, est-ce que c'est lié à la

notion d'environnement même qui recouvre un vaste champ? Au fond, c'est la qualité de la vie, en quelque sorte, puis la qualité de la vie, ça a toutes sortes de dimensions, de facettes. Est-ce que vous pensez que le ministère de l'Environnement va être capable de les définir, ses objectifs, avec assez de précision pour cibler ses gestes, ses actions?

M. Chatelain: Moi, je suis optimiste. Premièrement, je vais demander à M. Bédard, M. le Président, avec votre permission, de compléter. Je suis optimiste de ce côté-là, vu les commentaires que nous avons obtenus du ministère de l'Environnement, les engagements qu'ils ont pris à l'effet, justement, qu'ils préciseraient davantage leur planification et qu'ils la traduiraient, cette planification stratégique là, en planification opérationnelle. Je suis optimiste, mais quand même. Est-ce que je pourrais demander à M. Bédard...

Le Président (M. Lemieux): M. Bédard, s'il vous plaît.

M. Bédard: II y a une chose, quand même, qu'il faut retenir au ministère de l'Environnement. Je comprends vos préoccupations. Nos constatations sont éloquentes à cet égard; il y a des préoccupations de gestion. Tout de même, il faut, quand même, reconnaître que le ministère de l'Environnement, c'est un des seuls ministères qui ont mis en place un mécanisme pour avoir une planification stratégique dans son ensemble et se donner des outils pour être capable, par la suite, de coller ça à ses opérations, pour être en mesure, par la suite, d'évaluer, puis de se donner certains critères. Ce qu'on dit, c'est qu'il y a beaucoup de choses qui sont en place, beaucoup de choses qui sont incomplètes. Lorsque tout sera complété, on pourra, par la suite, dans un contexte global, être en mesure d'évaluer, de comparer avec les atteintes ce qu'on s'était donné comme objectifs au départ et on se donnera, à ce moment-là, certains critères pour être en mesure de quantifier et d'évaluer ces choses-là. Donc, il ne faudrait pas, avec tout le respect que j'ai pour vos propos et vos commentaires, conclure, dans son ensemble, que le ministère n'a pas mis en place et n'avait pas une préoccupation de gestion. Au contraire, il a mis en place des mécanismes dès le départ; il a voulu se donner une planification stratégique; il a voulu la coller à ses opérations régulières et il a voulu se donner des outils pour être capable, par la suite, de venir mesurer ça, concrètement, par les résultats qui en résultent.

Effectivement, il a été embourbé par la suite; il a dû mettre ça de côté, ce n'est pas complété. Le ministère le reconnaît. Il reconnaît aussi et il réalise l'ampleur des mandats qui lui sont confiés. Il tente de mettre en place des mesures concrètes pour y arriver et, lorsque tout ça sera complété, en tout cas, nous, on a quand même une certaine confiance qu'il pourra, à tout le moins, être en mesure d'évaluer ça par rapport à ce qu'il s'était donné au départ. Je reviens sur ce commentaire que je vous donnais au début: le ministère s'est donné une planification stratégique très précise et très exigeante en même temps. Bien sûr, elle n'est pas complétée et elle présente les lacunes que nous vous avons données dans le rapport. Mais, à tout le moins, lorsque tout ça sera en place, eh bien, on ose espérer que ce sera à la satisfaction et de l'Assemblée nationale, et des gestionnaires, et du Vérificateur général.

M. Léonard: Je dois comprendre que c'est le suivi qu'il y aura dans deux ans. C'est dans deux ans que vous allez le voir. La planification opérationnelle va être terminée là.

M. Chatelain: M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): M. le Vérificateur. (17 h 30)

M. Chatelain:... peut-être que je pourrais ajouter un commentaire à ce qu'on discutait tantôt, au tout début. On a mentionné tantôt la vérification interne et, justement, l'évaluation ou l'analyse de programmes. Le ministère lui-même souligne, dans sa réponse, dans le commentaire, et là je cite: "En fonction des ressources dont il disposait pour faire face à ses nombreux mandats, le ministère a choisi de ne pas se donner de système de vérification interne. " Fin de la citation. Deuxièmement, quant à l'analyse de programmes, et je cite: "Quant à l'analyse... au sens de la directive du Conseil du trésor, le ministère amorcera, au cours de la présente année, sa mise en oeuvre à partir des éléments de base qu'il a développés. " Fin de la citation. Alors, vous voyez que, dans les deux cas, ça n'a pas encore été fait.

Ce qu'on déplore, nous, souvent, et surtout dans le cas de la vérification interne - l'analyse de programmes c'est autre chose - c'est que, souvent, lorsqu'il y a manque de ressources dans un ministère ou qu'on doit courir au feu - au sens figuré, mais ça peut être littéral aussi - le premier service qu'on sacrifie, évidemment, c'est la vérification interne ou encore on demande au vérificateur interne de faire d'autres travaux que de la vérification interne. C'est ce qui arrive très souvent et on le déplore. Ici, on le note dans ce ministère-là encore. Quant à l'évaluation de programmes, je reviens à ce que je disais tantôt: le Conseil du trésor a instauré cette politique-là il y a un peu plus d'un an maintenant et, voyez, le ministère n'avait pas encore commencé à faire ces évaluations de programmes. C'est à la base même.

M. Léonard: Oui.

Le Président (M. Lemieux): M. Bédard.

M. Bédard: Je voudrais juste ajouter, pour témoigner du commentaire que j'avais fait tantôt, que, si vous regardez à la page 140 du rapport, le ministère a précisé 18 champs d'action. Bien sûr, ils ne sont pas indiqués, mais, pour chacun de ces champs d'action là, il s'est donné des critères de performance qu'on a pu apprécier, nous, dans un document qui nous a été présenté par la suite. Les champs d'action sont indiqués, mais les critères ne le sont pas. Tout ça pour clarifier encore davantage la préoccupation qu'a le ministère d'être en mesure, par la suite, de venir évaluer comment il se comporte par rapport aux visions qu'il s'était données au départ. Je ne dis pas que c'est complet. Je dis qu'il reste beaucoup de choses à compléter pour être en mesure de répondre aux attentes qui lui ont été données, j'en conviens.

M. Léonard: Alors, vous avez de bonnes promesses. Mais je voudrais toucher un autre point. Au ministère de l'Environnement on doit agir avec des interlocuteurs, notamment des municipalités. Là, je pense qu'on vient d'ouvrir un vaste pan des préoccupations d'environnement. Est-ce que vous pensez qu'avec la planification stratégique - si je comprends, c'est là ce qui reste de bon làndedans, le reste est très discutable - c'est suffisamment avancé? Et est-ce que ces acteurs-là vont être en mesure d'"opéra-tionaliser" les objectifs du ministère? Est-ce qu'il y a des contrôles particuliers qu'il faudrait exercer pour vraiment vérifier l'atteinte des objectifs? Comment voyez-vous la situation du point de vue du Vérificateur général? Parce que, au fond, le ministère de l'Environnement va dépenser des sommes importantes, mais il sera toujours, jusqu'à un certain point, d'une certaine façon, à la remorque des acteurs qui vont "operational iser" ces politiques. Si on pense aux municipalités, bon, il y a l'épuration des eaux, vous voyez, c'est 72 % des fonds qui sont là, mais il y a aussi beaucoup d'autres secteurs, beaucoup d'autres gestes: la qualité de l'eau, l'épuration, la gestion des déchets, mettez-en plein. Est-ce qu'il n'y a pas des problèmes particuliers de contrôle plus vastes que dans d'autres ministères?

M. Chatelain: C'est évident qu'il y a des difficultés énormes au ministère de l'Environnement, justement à cause du nombre d'acteurs qui participent à la réalisation de ces programmes-là, entre autres. On a mentionné les municipalités, il y a les industries, les cultivateurs, quand on parle de pollution agricole, il y a la Société québécoise d'assainissement des eaux, d'autre part, qui est un autre acteur très important, il y a les municipalités, comme on l'a dit, et il y a le ministère. Les sommes en cause sont énormes, comme le député vient de le dire, elles sont énormes. Et puis, il y a des changements de cap, à un moment donné, faits de façon ponctuelle...

Le Président (M. Lemieux): Qui sont nécessaires.

M. Chatelain: Qui sont absolument nécessaires. Une municipalité peut décider de changer cette planification, peu importe. C'est bien certain que ce n'est pas facile. Évidemment, la solution va résider dans cette planification, et non seulement dans la planification stratégique ou à long terme, mais dans cette planification opérationnelle. La solution va être là, dans la planification opérationnelle que le ministère sera en mesure de faire, avec, évidemment, les ressources qu'il aura à sa disposition, bien sûr. On ne dit pas que ce sera facile, mais je crois bien que c'est là qu'est la solution. On a touché aux difficultés entre les acteurs, on pourra discuter justement... On peut parler des relations, si vous voulez, entre les municipalités, la Société québécoise d'assainissement des eaux et le ministère de l'Environnement et du cadre de gestion qu'ils se sont donné, parce qu'il y a certains chevauchements dans ces responsabilités-là, dans les responsabilités du ministère, de la Société, des municipalités et ainsi de suite, assez qu'ils ont dû se donner quand même un cadre de gestion pour réaliser, justement, des usines d'épuration et ainsi de suite. Ce n'est pas facile.

M. Léonard: Est-ce que vous pensez que, finalement, le ministère devrait être beaucoup plus directrf dans ses priorités vis-à-vis des municipalités? Si on prend, par exemple, le programme d'épuration des eaux, est-ce que lui-même devrait déterminer quels secteurs, quels bassins il épure, plutôt que de faire du saupoudrage un peu partout au Québec?

M. Chatelain: d'accord. en partie en réponse à cette question-là, à savoir s'il devrait être plus directrf, je pense que c'est une question de politique. ça, ce n'est pas au vérificateur général de répondre à ça. à savoir où il devrait faire ses....

M. Léonard: Mais en termes d'utilisation des fonds...

M. Chatelain: Ah oui! C'est autre chose.

M. Léonard: ...s'il était plus directif, ce serait mieux utilisé.

M. Chatelain: Bien, disons qu'en tant qu'intervenant, maintenant - c'est autre chose, là, qui est très important, évidemment, dans, appelons ça, la dépollution, là, ou l'assainissement - il devrait faire ses interventions, je pense bien, selon un ordre de priorité qu'il devrait déterminer selon les besoins. Mais, dans

le moment, le ministère ne connaît pas exactement les besoins, appelons ça, de dépollution. Il ne les connaît pas entièrement, parce que... Vous avez plusieurs pages ici, dans ce rapport-là, qui indiquent ça. Alors, ce serait quand même assez difficile pour le ministère, dans le moment, de planifier ses interventions de façon directive, si vous voulez, s'il n'a pas fait ces travaux-là.

M. Léonard: Bien, je ne sais pas. Si vous avez 10 verres d'eau et que vous videz un verre d'eau dans l'ensemble des 10 verres, ça fait 11 verres d'eau sale. Vous n'avez pas de l'eau propre partout. À 90 %, c'est l'inverse qui se produit.

M. Chatelain: Disons que le ministère devrait planifier ses interventions...

M. Léonard: Donc, ça veut dire qu'il doit procéder par bassin, un par un...

M. Chatelain: Oui.

M. Léonard: ...et le faire intégralement, parce que, autrement...

M. Chatelain: D'accord. Mais je vais vous donner un exemple: la qualité de l'eau.

M. Léonard: Oui, vous parlez de l'eau potable.

M. Chatelain: Encore, ou les aqueducs, si vous voulez, l'eau potable, si vous voulez, d'accord?

M. Léonard: C'est correct.

M. Chatelain: II faut quand même que l'eau rencontre certaines normes de salubrité, appelez ça comme vous voulez. Mais à savoir où avons-nous besoin, quel est le besoin d'eau salubre, à quels endroits? Par exemple, les plages pour les baigneurs: on peut viser certains niveaux de qualité de l'eau pour permettre la baignade, mais il faudrait que le ministère se pose des questions à savoir est-ce qu'une telle plage dessert 10 000 baigneurs et l'autre seulement une cinquantaine? Vous savez, il faut quand même établir le besoin qu'il y a d'assurer cette qualité-là. Alors, le ministère devrait quand même faire ces études-là de coûts-bénéfices, peu importe, qui vont lui permettre de planifier ses interventions en conséquence. Alors, ce n'est pas à savoir si le ministère devrait être plus directif. Dans le moment, je pense bien que le ministère lui-même devrait compléter ses études qui vont lui permettre d'établir une priorité pour ses interventions.

M. Léonard: Si je comprends ce que vous nous dites, c'est: Un aveugle ne peut pas diriger un autre aveugle.

M. Chatelain: Peut-être que ce sont des mots pas mal forts, mais... Ha, ha, ha!

M. Léonard: Mais c'est à peu près ça. Il ne sait pas où il s'en va, alors c'est difficile qu'il dise aux autres intervenants où ils doivent aller. C'est ça?

M. Chatelain: Je n'ai pas dit ça.

M. Léonard: Mais vous le pensez, si je comprends vos mimiques. Bon. Qu'est-ce qu'il y a, M. le Président?

Le Président (M. Lemieux): C'est parce que M. le Vérificateur a dit qu'il n'avait effectivement pas porté un tel jugement.

M. Léonard: Non.

Le Président (M. Lemieux): Tout simplement. Ressources informatiques

M. Léonard: m. le président, je pense que le vérificateur général et son équipe ont fait un travail important - il l'a mentionné d'ailleurs - sur les ressources informatiques du gouvernement, chapitre 11.

Le Président (M. Lemieux): Ah! ça, ça m'intéresse.

M. Léonard: Vous avez touché différents aspects de l'informatique. Je ne sais pas si vous voudriez nous faire un état des travaux que vous avez faits pour lancer la discussion, parce que c'est très large, ce que vous avez fait. C'a touché tout le gouvernement, tous les ministères pratiquement. Si je peux faire un commentaire au départ, c'est que les ressources informatiques contrôlent pratiquement toute l'information, contrôlent une large partie de l'information de gestion au gouvernement. Donc, ça a une importance capitale, d'autant plus que, dans l'avenir, ça va en prendre encore plus que maintenant et qu'on est en train d'équiper tout le monde en ressources informatiques, donc je suppose que vous n'y êtes pas allé par hasard dans ce secteur.

Alors, j'aimerais que vous nous fassiez état de cette question.

Le Président (M. Lemieux): Oui, moi aussi, ça me préoccupe. Mais est-ce que vous seriez d'accord pour y ajouter aussi, M. le député de Labelle, parce qu'on a eu l'occasion, aux derniers engagements financiers - je vois que votre adjoint voit où je veux aller - de voir ça, les contrats professionnels dans le domaine de l'informatique? Si vous pouviez y ajouter ça... D'autant plus que vous en êtes arrivé à une conclusion que j'ai trouvée un petit peu aber-

rante, que, dans la majorité des contrats examinés, les ministères n'ont pas effectué l'évaluation du rendement des professionnels sous contrat après la réalisation de leur mandat. J'ai assisté - je ne nommerai pas la firme, mais on pourra la retrouver aux engagements financiers - à des dépassements de 130 %, 160 % et 175 %.

Vous nous avez donné, dans votre rapport, des justifications stéréotypées, des justifications fourre-tout. Il y en a une qui revient souvent disant: Le mandat a changé en cours de route, etc. Souvent, les gens s'appuient sur le fait que l'autorisation a été donnée par le Conseil du trésor. Vous savez que le Conseil du trésor doit donner une autorisation et que, lorsqu'il y a un dépassement de coûts, il doit y être fait, je pense, une évaluation des professionnels. Une évaluation du rendement des professionnels engagés à contrat doit être effectuée une fois le travail terminé. Il semble qu'on ne la fait pas dans la majorité des cas et qu'on se dit: Bon, on a été au Trésor et le Trésor nous a dit que c'était O. K., qu'on pouvait y aller.

Alors, j'aimerais savoir si ce contrôle-là du Trésor, à vos yeux, au niveau des dépassements de coûts sur les contrats de services des professionnels, vous apparaît suffisant.

M. Chatelain: Ah oui! À savoir, M. le Président, si l'évaluation du rendement du professionnel a été faite avant de pouvoir approuver l'adjudication d'un nouveau contrat...

Le Président (M. Lemieux): Effectivement. M. Chatelain:... au même professionnel. Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Léonard: Vous, vous dites que non, parce que j'ai vu vos recommandations. Vous dites, à un endroit, qu'on ne remet pas en cause l'inscription à Rosalie d'un professionnel qui s'est avéré non compétent.

Le Président (M. Lemieux): Oui, 12. 36 du rapport. Mais ce que je veux vous dire...

M. Chatelain: Oui, d'accord.

Le Président (M. Lemieux):... c'est qu'on ne fait pas cette évaluation-là. Souvent, on a l'impression qu'on nous dit: On n'a pas besoin de la faire parce que le Trésor nous a donné son autorisation pour effectuer ce dépassement de coûts là, eu égard aux justifications qu'on a données, soit la difficulté de rencontrer des professionnels spécialisés, l'augmentation de la complexité du projet...

M. Chatelain: Oui, mais ça n'excuse pas, M. le Président, d'après moi, du tout le fait qu'on n'ait pas fait cette évaluation du rendement des professionnels. C'est une exigence, au départ, du Conseil du trésor ou du secrétariat du Conseil du trésor qui n'est pas respectée. Le Conseil du trésor lui-même acquiesce à ce que cette exigence-là ne soit pas respectée. Moi, je trouve ça aberrant.

Le Président (M. Lemieux): Pourtant, il y a eu une analyse préliminaire qui a été faite précédemment.

M. Chatelain: Bien sûr. Alors...

Le Président (M. Lemieux): Je vous laisse aller avec la question et si vous pouvez nous embarquer là-dessus aussi...

M. Chatelain: Oui.

Le Président (M. Lemieux):... j'aimerais ça avoir des précisions.

M. Léonard: Je pense que c'est un des aspects...

Le Président (M. Lemieux): C'est un des aspects, oui.

M. Léonard:... qu'on a soulevés lorsque nous avons étudié les engagements financiers du Conseil du trésor.

Le Président (M. Lemieux): Du Conseil du trésor.

M. Léonard: Mais je pense que l'étude que vous avez faite déborde largement tout ça.

M. Chatelain: Oui, oui. d'accord.

M. Léonard: Je pense que c'est la nature même des ressources informatiques que vous avez étudiée dans votre analyse.

M. Chatelain: Je pense bien, M. le Président, pour répondre au voeu du député de situer l'étude dans son ensemble pour ensuite pouvoir poursuivre la discussion, si vous voulez, est-ce qu'on pourrait demander à M. Breton, s'il vous plaît?

Le Président (M. Lemieux): M. Breton, s'il vous plaît.

M. Breton: Guy Breton, vérificateur général adjoint. Le projet de vérification informatique ou d'informatique que nous avons fait sur les trois dernières années a cherché à englober la partie commune à ce qui se passait dans tous les ministères. C'est ainsi que, dès la première année, on a parlé de la conception administrative des systèmes informatiques ou de toute l'infor-

matique. On a également examiné l'évaluation postimplantation. Beaucoup de systèmes sont créés, sont mis en place et, évidemment, si on ne se pose pas la question sur la qualité de ce qu'on a fait, il y a toujours un risque de répéter les mêmes erreurs ou de passer dans les mêmes ornières. (17 h 45)

II y avait également tous les outils au développement, le support au développement pour les programmeurs, les analystes. Il est important de se pencher sur ce sujet, compte tenu par exemple du ministère du Revenu qui développe ou qui repense tous ses systèmes informatiques. Encore il nous fallait nous assurer que les outils sont disponibles et qu'ils sont bien utilisés. Donc, la première année, c'est ce qu'on a regardé principalement, la base si vous voulez.

La deuxième année, en 1989-1990, on s'est intéressé à l'encadrement de la sécurité. Il y a préoccupation pour la sécurité. C'est un mot que tout le monde utilise, mais on ne pose pas nécessairement les gestes nécessaires pour s'assurer qu'il y aura sécurité. Donc, on s'est assuré qu'il y avait des structures qui prévoyaient l'exercice de la sécurité dans le milieu informatique. De même, la gestion des projets: c'est une première étape qui nous a amené à constater que les contrats, par exemple, de développement connaissent des excédents puisque les projets eux-mêmes connaissent des excédents. Dans cette gestion des projets, on peut constater, d'une part, qu'il y a gestion, mais que, d'autre part, il semble y avoir bien des circonstances qui allongent les temps prévus. C'est ainsi qu'on en est venu à parler de ces justifications stéréotypées pour les allongements de projets.

Il y a également - on pourra revenir, si vous voulez, sur les justifications stéréotypées - l'encadrement ministériel. Jusqu'à quel point, dans les développements de systèmes ou dans la gestion, les gestionnaires s'impliquent-ils dans la gestion de l'informatique ou encore dans son développement? Est-ce que chacun s'y intéresse directement ou, encore une fois, est-ce qu'une structure prévoit qu'une autorité suffisante est utilisée pour bien gérer, ou bien encadrer, ou bien diriger l'informatique à l'intérieur des ministères? Nous avons également, l'an dernier, examiné les systèmes complémentaires, à savoir qu'il se crée, en parallèle avec les grands systèmes, des sous-systèmes soit pour préparer l'information avant le grand système, soit pour analyser l'information par après. Le concept n'est pas faux en soi parce que ça permet de dégager, d'une part, les grands ordinateurs et que ça permet d'avoir également une façon de développer qui est beaucoup plus près des utilisateurs. Sauf qu'on peut se poser la question sur la pertinence de multiplier ces sous-systèmes. On pourrait avoir des systèmes complémentaires qui seraient répétitifs partout et qui donneraient un service universel à tout le monde, plutôt que d'avoir un système complémentaire totalement personnalisé. Donc, il y a un moyen terme à trouver à ce moment-là.

Et cette année, on a continué dans le contexte de la sécurité. L'an dernier, on avait vérifié l'encadrement, alors, cette année, on est allé vérifier si effectivement la sécurité ou les outils étaient en place pour la sécurité et on s'est penché sur la gestion de la micro-informatique soit l'achat de la micro-informatique, soit l'attitude face à la micro-informatique qui s'est développée au cours des années par comparaison avec la grande informatique. La microinformatique est encore pour beaucoup une opération individuelle. Il y a quelques réseaux locaux qui regroupent des micro-ordinateurs. Ces réseaux locaux permettent d'atteindre des niveaux de production ou de traitement intéressants, mais on n'a pas transposé dans ces réseaux les mêmes préoccupations de sécurité, d'organisation, de planification, d'efficience ou d'efficacité qu'on applique avec les grands ordinateurs parce que, la dépense étant moins élevée, la fonction étant distribuée sur un grand nombre de personnes, il est plus difficile de trouver un responsable local qui va peut-être imposer une discipline de travail à tous ceux qui utilisent l'équipement. C'est une opération humaine plus difficile à réaliser. Mais, plus ça va, plus c'est un investissement qui a grandi dans le gouvernement avec ces appareils, plus il y a également de l'information qui devient importante.

Jusqu'à maintenant, c'était de l'information individuelle, de l'extraction de données à partir des grands ordinateurs ou encore des données qu'un individu pouvait accumuler pour ses propres besoins, pour un petit groupe. Mais, de plus en plus, on cherche à transposer dans ces ordinateurs des tranches d'informations essentielles et, si on n'y garde pas le même niveau de sécurité, le même niveau de gestion ou d'efficience que sur les grands ordinateurs, on risque d'avoir des fuites via ces micros. Alors, l'importance de l'informatique se déplace vers les micros, mais, je dirais, l'environnement sécuritaire des grands ordinateurs ne se déplace pas à la même vitesse. Il y a évolution à gagner. Ça vous décrit l'essentiel de ce qu'on a fait en ces trois années.

M. Léonard: Sur les ressources communes, le grand système communautaire, est-ce que vous pensez qu'il peut répondre actuellement aux besoins du gouvernement pour plusieurs années à venir? Est-ce que sa base est solide, est correcte et, pour les années à venir, est-ce qu'on peut construire là-dessus ou s'il y a des changements majeurs à apporter, à votre avis?

M. Breton: À mon avis, ce qui est en place est solide. Ce qui est en place est efficace aussi,

parce qu'on ne peut pas penser transposer tout ce qui est là sur les réseaux de mini-ordinateurs ou de micro-ordinateurs. Il y a des opérations à très grand volume qui nécessitent d'être faites par les grands ordinateurs. Il y a une concentration d'information qui nécessitent d'être faite techniquement uniquement par ces grands appareils. Donc, la structure des grands appareils, pour l'instant, en autant que je suis concerné, est d'excellente qualité et se compare plus qu'avantageusement avec ce qui se fait ailleurs.

M. Léonard: II n'y a pas de problèmes importants de compatibilité entre les différents noyaux majeurs des...

M. Breton: Non.

M. Léonard: ...ressources informatiques.

M. Breton: À mon avis, le ministère des Communications a aplani ces difficultés de communication entre les noyaux informatiques, si vous voulez. Il existe maintenant des réseaux à l'intérieur du gouvernement et on a même fait, dans le cas de certaines de nos vérifications, la preuve que, partant d'un terminal dans un ministère, avec les bons mots de passe, on pouvait aller travailler dans l'ordinateur d'un autre ministère, si nécessaire. Évidemment, il fallait avoir l'autorité suffisante pour être capable de communiquer de l'un à l'autre, mais on l'a fait par expérience. Ça existe pour ceux qui sont autorisés à le faire.

M. Léonard: Est-ce que le gouvernement est vraiment indépendant de ses fournisseurs en termes de quincaillerie par rapport à ces ressources informatiques?

M. Breton: La dépendance est de nature technique et non pas de nature économique, je dirais, dans le sens que, éventuellement, quand vous avez tous vos appareils qui sont structurés en fonction d'une famille d'ordinateurs ou d'une façon de travailler, ça devient quasi impossible de changer absolument tout pour recommencer dans une autre famille. Maintenant, à l'intérieur d'une famille d'ordinateurs, il y a un certain nombre de manufacturiers qui sont capables de fournir ces équipements et là, c'est le jeu du marché et le jeu de...

Le Président (M. Lemieux): On sent qu'on devient de plus en plus captifs, je ne sais pas si...

M. Breton: II est étroit; il est de plus en plus étroit.

Le Président (M. Lemieux): II est très étroit.

M. Léonard: Si je comprends votre réponse - il me semble qu'elle n'est pas tout à fait nette, je dirais - vous dites: Oui, il ne dépend pas, mais, en même temps, la réponse que vous nous fournissez, c'est plutôt qu'il n'y a pas qu'un seul gros câble, mais qu'il y en a plusieurs autres petits et qu'il est aussi lié qu'autrement.

M. Breton: Non, ce que je veux dire, c'est, par exemple, si un appareil européen arrivait à 50 % des coûts d'achat de tout ce qui existe sur le marché...

M. Léonard: Oui, par exemple.

M. Breton: ...il ne serait peut-être pas rentable de convertir tout ce qu'on a à cet appareil européen qui travaille dans un autre style parce que les frais de conversion seraient énormes et le temps de conversion serait énorme. alors, dans ce sens-là, maintenant, qu'on est commis dans le style, disons...

M. Léonard: Nord-américain.

M. Breton: ...IBM ou nord-américain, que ce soit IBM ou deux ou trois autres manufacturiers, ils font tous de la même façon. Dans ce sens-là, on est lié technologiquement à continuer dans ce qu'on fait. Mais on a vu, dans les 10 dernières années, un changement de fournisseurs de gros ordinateurs. IBM n'a pas la même place qu'elle occupait autrefois. Il y a d'autres manufacturiers.

M. Léonard: diriez-vous qu'en comparaison avec des systèmes universitaires, par exemple, le gouvernement est aussi libre de ses moyens que pour... vous ne savez pas? oui.

M. Breton: Je ne vois pas la difficulté de ce côté-là.

M. Fortin: en fait, ce qu'il faudrait dire là-dessus, c'est que, dans les universités, leur approche au niveau des ordinateurs pour la recherche scientifique, par exemple, ou à des fins...

M. Léonard: Oui, c'est à ça que je me référais.

M. Fortin: c'est un style d'ordinateurs qui est complètement différent des ordinateurs de gestion. alors, dans ce sens-là, la distinction est très nette.

M. Breton: Les ordinateurs scientifiques sont moins universels; il y en a seulement quelques-uns. Vous les retrouvez pour les services de la météo, par exemple...

M. Léonard: Ça dépend si on parle du système d'Harvard. C'est quand même...

M. Breton: ...et des choses semblables. M. Léonard: ...très élaboré.

M. Breton: Mais par comparaison, le gouvernement du Québec, par rapport au gouvernement des autres provinces, est très, très équipé.

M. Léonard: Suréquipé? M. Breton: Non.

Le Président (M. Lemieux): II faut le surveiller le député de Labelle et constamment!

M. Breton: L'histoire de l'informatique au Québec est à l'effet qu'entre les années soixante et soixante-cinq il a fallu changer le mode d'administration et passer, je dirais, d'un système, je ne dirai pas archaïque...

M. Léonard: Mitaine.

M. Breton: ...manuel à un système informatisé et qu'à ce moment-là d'un seul coup on s'est informatisés au Québec. En cinq ans, on s'est informatisés alors qu'il n'y a à peu près personne qui a pu le faire au même rythme. Les autres attendaient que ce qu'ils faisaient sur les machines-comptables évolue jusqu'à ce que la nécessité les force à changer. En règle générale, le Québec a gardé cette avance sur tout le monde.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce qu'on est sous-équipé?

M. Breton: Non.

Le Président (M. Lemieux): Ça va.

M. Breton: Ceux qui n'ont pas un micro personnel vont dire qu'ils le sont tant qu'ils n'auront pas le leur.

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le Vérificateur, vous avez quelque chose à dire. Je sens que vous avez le goût de...

M. Chatelain: Oui, je voudrais tout simplement dire que nous sommes équipés, nous, au Vérificateur général. On n'est ni sous-équipés, ni suréquipés là, mais j'aimerais que M. Breton puisse préciser un détail qu'il m'a précisé au cours de la dernière semaine concernant la guerre dans le Golfe et le lien qu'on peut faire avec notre réseau informatique chez nous.

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. Breton.

M. Breton: Nous utilisons un réseau informatique qui s'appelle Banyan, par rapport à celui qui est en usage au gouvernement, dans la plupart des ministères, à savoir le Novell. Nous utilisons des appareils compacts, alors que, normalement, le Service des achats recommande autre chose. À noter qu'on avait déjà commencé à s'équiper avec ça avant que ces règlements sortent. Tout ça pour dire qu'ayant des compacts et du Banyan, on a appris que les Marines des États-Unis, sur le champ de bataille, travaillent avec des compacts et du Banyan comme nous travaillons à nos bureaux.

M. Léonard: Alors, ce n'est pas rassurant pour les ministères que vous allez vérifier!

M. Breton: Voilà le message!

Le Président (M. Lemieux): Y a-t-il quelque chose Jacques?

M. Chagnon: Avez-vous des Patriot et des missiles Tomahawk aussi?

Le Président (M. Lemieux): Tomahawk!

M. Léonard: Par rapport à l'équipement dont le gouvernement dispose, il y a un équipement de base que vous appelez ressources communes, je suppose, il y a quand même encore beaucoup d'acquisitions de logiciels, même d'appareils. Est-ce que le jeu en vaut la chandelle passé un certain stade et une certaine capacité de traitement informatique? À un moment donné, on veut toujours, comme on a dit l'autre jour, quatre fois plus gros, quatre fois plus vite. Est-ce qu'on n'est pas non plus dans l'ère, je ne sais pas, de l'informatique chromée?

M. Breton: Tout vient avec les besoins qui sont identifiés. Tout à l'heure, vous avez identifié que le budget serait intéressant s'il était publié avec des graphiques, des tableaux, des courbes, des analyses. Ça présuppose un logiciel pour le faire. Ça existe. Beaucoup de gens maintenant l'ont. C'est comme ça. Les gens...

M. Léonard: Sauf les parlementaires là, hein! C'est ça.

M. Breton: Les gens deviennent sophistiqués. MacLuhan le disait: Le message est dans le médium, et les gens cherchent à améliorer les médiums pour nous informer. On parie d'avoir un tableau de bord, par exemple, à savoir qu'avec l'équivalent d'un écran on ait les éléments essentiels du rendement, ou de l'efficacité, ou des opérations d'un ministère ou d'une opération de sorte que le gestionnaire puisse, d'un coup d'oeil, voir si ça se déroule bien ou pas. Mais, évidemment, ça prend des logiciels, ça prend des appareils de plus. Alors, notre façon de nous gérer fait de plus en plus appel à de l'électronique, mais il faut acheter, après ça, les logiciels, les câbles et les appareils électroniques pour

répondre à ce besoin-là, à ce niveau de sophistication.

M. Léonard: Avez-vous fait des comparaisons avec certains États américains, par exemple? Il y en a 50. Est-ce que vous avez eu l'occasion de faire des comparaisons à part des provinces que vous avez? Mais les provinces, je suppose que vous avez l'Ontario, puis vous avez le fédéral et la ville de Montréal; c'est des choses quand même pas de même taille, ni le fédéral ni la ville de Montréal. Les autres provinces, il y a peut-être l'Ontario qui nous ressemble. Est-ce qu'il y a eu des comparaisons ou des contacts pris avec certains États américains? (18 heures)

M. Breton: On n'a pas fait de recherches comparatives de ce sens-là parce que notre...

M. Léonard: Je ne vous dis pas... M. Breton: Mais on n'a pas cherché...

M. Léonard: Simplement une approche pour voir un peu si certains États américains avaient un équipement informatique semblable.

M. Breton: Mais on n'a pas cherché à mesurer l'efficacité de l'informatique au Québec.

M. Léonard: Ah non?

M. Breton: D'abord, on ne mesure jamais l'efficacité. On mesure, on constate la présence d'outils de mesure de l'efficacité, des outils que le responsable ou le gestionnaire se donne. Est-ce qu'un gestionnaire se donne des outils pour mesurer son efficacité et réagir? Ça, ça fait partie d'une vérification d'envergure gouvernementale ou d'optimisation des ressources.

M. Léonard: Mais le ministère des Communications devrait le faire, lui qui gère des ressources d'informatique ou la base commune.

M. Breton: II pourrait... Normalement, il devrait avoir ses outils.

M. Léonard: Ils le font ou ils ne le font pas?

M. Breton: Partiellement, par le rapport annuel, on voit des critères de rendement ou de...

Le Président (M. Lemieux): M. Breton, à la page 220 du rapport du Vérificateur, 11. 66... et je me réfère à ce qui nous a été dit souvent en commission parlementaire. Vous savez, souvent, on a l'impression que ce sont les politiciens qui font du patronage. Moi, je peux vous dire que, depuis que je suis en politique, j'en ai vu très très peu de politiciens, et je trouve qu'il est davantage administratif. Je vous réfère à 11. 66 où vous dites: "De tels déguisements servent manifestement à acheter rapidement des biens qui, autrement, devraient subir un processus de validation et d'autorisation plus long. En outre, ces achats échappent à plusieurs contrôles internes, plus particulièrement au moment de la réception des biens, ce qui ouvre la porte à des acquisitions sans autorisation, à des erreurs sur la nature et la valeur des biens reçus et à des fraudes. "

Je vous trouve très réservé sur ce paragraphe-là, moi. Je trouve que vous n'allez pas bien loin. Il me semble qu'habituellement vous êtes beaucoup plus ouvert que ça. Qu'est-ce qui se cache derrière ce petit paragraphe-là? On pourrait me répondre là-dessus?

M. Chatelain: M. le Président, je dois dire...

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que c'est votre sourire qui doit en dire plus long?

M. Chatelain: Non. Je dois vous dire que les mots qui sont utilisés là...

Le Président (M. Lemieux): Ils sont pesés. M. Chatelain:... ils sont pesés. Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Chatelain: Ce sont des mots qui, dans la bouche d'un Vérificateur, sont très importants.

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Chatelain: Parce qu'un Vérificateur, c'est rare que ça s'emporte et que c'est porté à l'exagération. Alors, si on comprend bien le sens des mots, c'est bien sûr qu'il s'agit d'une situation tout à fait exceptionnelle. Je vous dis que, quand on emploie des mots comme "artifices administratifs" et "déguisements"...

Le Président (M. Lemieux): Je vais vous poser une question. Situation exceptionnelle...

M. Chatelain:... c'est très sérieux.

Le Président (M. Lemieux):... est-ce qu'elle est généralisée?

M. Chatelain: Je pourrais vous répondre. Elle est passablement généralisée, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Ça m'inquiète en Beethoven, M. le Vérificateur.

M. Chatelain: D'accord. Mais à savoir est-ce que la situation se continue, il ne faut quand même pas alarmer tout le monde. Mais c'était, à

l'époque du moins, une situation qui était passablement généralisée.

Le Président (M. Lemieux): Je vous laisse élaborer là-dessus un petit peu. J'aimerais ça...

M. Chatelain: Maintenant que j'ai parti le bal, je pourrais demander de passer la pierre à quelqu'un d'autre...

Une voix: Passer la roche.

Le Président (M. Lemieux): Passez donc la pierre à quelqu'un d'autre, oui.

M. Chatelain: D'accord.

Le Président (M. Lemieux): Au bout, oui. Il me semble que tout le monde veut éviter ça, ce petit paragraphe là. Non?

M. Thérlault: Jean-Noël Thériault, directeur de la vérification.

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Thériault: Non, moi je ne veux pas l'éviter.

Le Président (M. Lemieux): Non?

M. Thériault: On peut en parler.

Le Président (M. Lemieux): Oui, allez-y.

M. Thériault: Évidemment, tout ça est lié au problème des fameuses commandes ouvertes où apparaissaient là-dedans des équipements dont la liste n'était pas à jour, les prix n'étaient pas à jour et même déphasés. Évidemment, quand vous vous mettez à la place du gestionnaire dans le ministère qui regarde sur le marché le prix des micro-ordinateurs d'une certaine catégorie et qui regarde à la liste des commandes ouvertes, il se dit: Ça n'a pas de sacre bleu de bon sens. Il faut que je fasse quelque chose. Je ne veux pas que le gouvernement se fasse avoir parce que je peux avoir quelque chose à meilleur marché. En fait, je pense que les gestionnaires, avec en arrière cette trame de fond, agissaient avec la bonne intention de vouloir sauver de l'argent sur les acquisitions.

C'est ce qui fait qu'ils ont peut-être oublié toute la réglementation, tous les grands objectifs que la commande ouverte voulait véhiculer. On ne veut pas jeter ici la pierre aux gestionnaires. Je pense que, de façon générale, les gens étaient bien intentionnés, sauf que, évidemment, en procédant ainsi, ça amène tous les problèmes qu'on mentionne comme les problèmes au niveau des inventaires. Lorsqu'on reçoit de la marchandise qu'on n'est pas censé avoir reçue théoriquement, lorsqu'on nous facture des choses qui n'existent pas, évidemment, quand on met à jour des inventaires à l'aide de factures fictives, ça devient un petit peu tannant de maintenir un inventaire à jour.

Les problèmes de contrôle au niveau des acquisitions et tout ça, il y a tout un jeu qui se fait en parallèle qui peut amener beaucoup d'abus, finalement, parce qu'on perd les pédales là-dedans. On peut se faire livrer des choses ou ne pas s'en faire livrer et il n'y a plus personne qui s'aperçoit de rien.

Le Président (M. Lemieux): Le contrôle est où?

M. Thériault: II y en a très peu, à ce moment-là. Il faut presque que la personne qui trafique les factures aille recevoir le micro. Dans une grande organisation, ce n'est pas le cas. Il y a plusieurs intervenants, donc les contrôles peuvent tomber très facilement. C'est pour ça qu'on signale le danger, non pas que les gestionnaires ont agi de façon mal intentionnée, sauf qu'on a peut-être oublié cette dimension-là, d'ouvrir la porte à des choses beaucoup plus graves. Nous avons, effectivement, essayé de voir s'il n'y avait pas anguille sous roche en arrière de tout ça; on n'a pas vu de malversation ou de mauvaise intention, sauf qu'on a allumé la lumière rouge et qu'on a dit: Si vous continuez de même, ça va être le bordel tout à l'heure.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez des choses à ajouter, M. le Vérificateur?

M. Chatelain: Ça, c'est un mot fort pour un vérificateur.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): Ce n'est pas un endroit que je fréquente, M. le Vérificateur.

M. Chatelain: je pense que ce qu'il est très important de retenir dans ce que m. thériault vient de dire, c'est que, bien que ce soit une situation quand même, comme je l'ai dit, exceptionnelle, nous n'avons pas eu de preuve qu'il y a eu malversation. il faut s'entendre. il y a eu de l'argent qui a été versé pour des biens qui ont été, effectivement, quand même, livrés. on ne veut pas dire non plus que le gouvernement n'a pas obtenu la valeur, une valeur en contrepartie de l'argent qui a été dépensé. il n'y a pas eu de fraude comme telle, il faut s'entendre, il n'y a pas eu malversation. alors, c'est très important à retenir.

Le Président (M. Lemieux): Mais vous dites bien que ces manières de procéder là sont inacceptables, hein?

M. Chatelain: Absolument.

M. Thériault: Elles sont inacceptables aussi dans le sens où, lorsqu'on défend des acquisitions ou qu'on vient, évidemment, défendre son budget, on établit certaines choses, certains besoins et ces besoins-là se traduisent en nature d'équipement, bien sûr. Tout ça, ça se tient. Et quand on arrive puis qu'on achète autre chose que ce qu'on a défendu, là, il y a un autre problème qui se pose. On dit: En vertu de nos besoins, en vertu de tel programme, on va acheter tel type d'équipement, et puis, le lendemain, on se tourne de bord puis on achète autre chose. Je ne sais pas comment tout ça peut se tenir, à un moment donné, et se défendre, évidemment, aussi.

Le Président (M. Lemieux): Ça va. M. le député de Labelle, vous pouvez continuer.

M. Léonard: Oui. Je pense qu'on commence à mettre le doigt sur un certain nombre de choses. À la page 249, les dépassements de coûts... Non, non, je ne veux pas vous envoyer là, parce que je veux aborder un autre sujet, mais des artifices administratifs plus ça, ça commence à être dans la mélasse, disons, un peu, un peu.

J'aurais le goût juste de poser une question de vérificateur, finalement: Est-ce qu'il y a un inventaire qui est tenu de tous ces appareils informatiques que le gouvernement a quelque part?

M. Thériault: II n'y a pas d'inventaire central au niveau du gouvernement du Québec. Il y a des statistiques qui sont tenues par le ministère des Communications. Quand on parle ici, nous autres, de 12 500 micro-ordinateurs, ce sont des statistiques qui sont recueillies par le ministère des Communications.

M. Léonard: Vous ne savez pas s'ils existent vraiment.

M. Thériault: II y a des inventaires ministériels, comme on le dit dans notre rapport, qui sont incomplets. Souvent, c'est tout simplement une quantité d'équipement: on n'a même pas la nature des micros, on n'a pas trop la nature des logiciels. Il y a des inventaires qui sont par département. C'est échevelé un petit peu.

M. Léonard: Je vais arrêter de poser des questions, vous m'épeurez.

M. Thériault: Ce n'est pas ramassé. Lorsqu'on arrive dans un ministère puis qu'on leur demande: Combien vous avez de micro-ordinateurs, de quelle nature et dans quelle famille? il n'est pas évident qu'on va avoir la réponse.

M. Léonard: Les gens, est-ce qu'ils peuvent les emprunter, le soir ou les fins de semaine, pour terminer leurs travaux?

M. Thériault: pour travailler? probablement, oui, dans le cadre de leur travail, mais on n'a pas suivi... comme disait quelqu'un, on n'est pas allé jusque dans les chambres à coucher pour voir ce qui se passait.

Le Président (M. Lemieux): Non, il ne faudrait pas.

M. Léonard: Non, non. Je n'ai pas... Je voudrais aborder un autre point: la sécurité. Vous avez fait des travaux, vous avez examiné cette question, c'est une question très importante parce que le gouvernement détient des renseignements personnels sur à peu près tous les citoyens, en pratique. Est-ce que vous êtes satisfait des mesures de sécurité, globalement?

M. Thériault: Globalement, il y a deux types de sécurité: premièrement, la sécurité qui est exercée sur les ordinateurs de grande puissance et c'est ce sur quoi nous avons axé notre vérification au cours de la dernière année, la qualité de la sécurité. Nous avons également axé notre vérification sur les systèmes où ça impliquait les données concernant le citoyen, O.K...

M. Léonard: Les personnes.

M. Thériault: ...de façon presque exclusive. On est ailé voir quelle sorte de contrôle il y avait là-dessus. De façon générale, depuis les cinq ans où on parle, dans notre rapport, de différentes lacunes, les ministères ont réussi à améliorer la qualité de la sécurité. C'est de beaucoup supérieur à ce que c'était.

M. Léonard: Là, vous parlez des gros ordinateurs?

M. Thériault: Des gros ordinateurs.

M. Léonard: Des gros ordinateurs. On parlera des citoyens après.

M. Thériault: Oui. Ce qui est sur gros ordinateurs, sur des ordinateurs de grande envergure ou des systèmes de grande envergure, ça concerne, ce qu'on a vérifié, les données concernant les citoyens: l'impôt sur le revenu, les programmes de sécurité du revenu, les dépôts judiciaires, la gestion des saisies-arrêts, les dossiers correctionnels. En fait, ce sont des données concernant le citoyen. On s'est demandé: sont-elles protégées comme il le faut? Est-ce que, moi, ma donnée et l'information qui me concerne, les contrôles là-dessus sont suffisants - les contrôles d'accès, etc. De façon générale, depuis cinq ans, le contrôle s'est quand même bien resserré. Ce n'est pas n'importe qui qui accède à n'importe quoi. La seule lacune ou la lacune majeure qu'on peut décrier sur les différents accès, c'est qu'on est trop permissif à

l'égard du personnel informatique. Les spécialistes qui travaillent là-dedans, le département d'informatique dans un ministère où ils sont 50 ou 75, il y en a peut-être seulement 5 qui devraient accéder à l'information pour faire des travaux, alors que tout le monde y accède. Cette lacune est générale, dans tous les ministères. On a fermé la porte, si vous voulez, aux usagers, avec des codes d'accès qui sont bien gérés. Seules les personnes qui en ont besoin y ont accès, sauf le département d'informatique où on n'a pas senti encore, où on n'a pas réalisé le besoin de resserrer les contrôles. On s'est dit: Ce n'est pas grave, c'est nous autres. La lacune majeure au niveau des accès concerne les spécialistes. C'est peut-être là que c'est le plus dangereux. Nous disons: Fermez ça, en fait, réduisez. Si vous avez besoin seulement de quatre personnes pour travailler dans un domaine, donnez accès à quatre personnes et installez des mécanismes de contrôle et de suivi pertinents.

La même chose aussi au niveau des moyens qui sont mis en place. C'est presque du laxisme, mais on a tendance à dormir un petit peu, des fois, sur certaines mesures d'encadrement de la sécurité qu'on veut y mettre. Comme les moyens de suivi. Par exemple: il existe des listes qui sortent automatiquement dans le cas de tentative d'accès infructueuse. Il n'est pas certain que la structure permette de toujours consulter ça. Peut-être que le rapport peut sortir, mais... Peut-être qu'il n'y a pas quelqu'un qui est désigné pour s'assurer qu'il y a une vérification qui est faite. C'est dans ce contexte-là... Mais les mécanismes sont en place, de façon générale. Un petit peu de laisser-aller sur le suivi des mesures en place et un accès trop permissif du personnel technique en informatique, c'est ce qu'on peut reprocher dans les systèmes de grande envergure. Mais si on revient à il y a cinq ans, c'est une amélioration de 100 % par rapport à ce qui existait en 1985, par exemple, si on veut faire une comparaison. Pour le faire, les gestionnaires ont mis les contrôles beaucoup plus près de celui qui travaille. Ils se sont dotés d'outils, d'un logiciel de contrôle d'accès. Ils ne l'ont pas seulement acheté, ils s'en servent. Tout ça a permis d'aller dans le bon sens. Mais il y a encore du travail à faire parce qu'un faux pas en sécurité informatique ou quelques-uns peuvent amener certains désagréments.

M. Léonard: Certains désagréments, en effet.

Le Président (M. Lemieux): Vous dites depuis 1985.

M. Thériault: Bien, depuis 1985... Je ne voulais pas aller trop loin.

Le Président (M. Lemieux): Non, c'est parfait. Il peut vivre avec cette date-là, le député de Labelle.

M. Léonard: Pour une fois, ça ne me dérange pas. J'en suis au fond des choses, pas à vos allusions. Est-ce qu'il y a eu des tests de faits à l'effet qu'une tierce personne, quelque part, pourrait avoir accès et... Je me méfie toujours. La littérature là-dessus donne des cas à faire dresser les cheveux. Un jeune particulièrement brillant qui a percé les secrets, je pense, de l'aviation américaine, je peux vous dire que ça ne rassure personne. Effectivement, quelqu'un qui est assez brillant va faire un logiciel pour détecter et aller chercher les codes. Est-ce qu'on est à l'abri de ça?

M. Thériault: Non. Évidemment, le petit futé, le petit brillant, je pense qu'il va toujours y en avoir. Évidemment, quand on met des mesures de sécurité en place, il y a un prix à payer pour ça. On pourrait peut-être avoir un paquet de logiciels pour prévenir l'intervention du petit futé, une chance sur 100 000, mais, évidemment, il faut payer pour ça. Il y a des risques calculés qui se prennent, j'imagine. On met des contrôles raisonnables en place. On agit en bon père de famille. On se donne des moyens de suivi, comme sur les tentatives d'accès infructueuses. Je pense que tout est là pour que ça fonctionne bien. Et on peut se dire: Les ministères ont fait ce qu'il fallait. Mais, évidemment, le petit futé, lui, on ne pourra jamais prévenir ça. Le spécialiste en informatique qui travaille à l'intérieur d'une boîte, qui a toute liberté et qui s'y connaît plus que tous les autres, on pourra difficilement avoir des contrôles assez étanches pour prévenir tout ça. Mais il faut agir, je pense. C'est ce que les ministères font de plus en plus. Ils agissent en bons pères de famille.

M. Léonard: Oui, je comprends, ce n'est pas des reproches, mais je pense que c'est vrai qu'il n'y a rien de parfait là-dedans. Vous le confirmez encore une fois. C'est extrêmement dangereux, à terme, des trucs comme ça.

Une dernière question sur l'informatique. La question des droits d'auteurs sur les logiciels, est-ce qu'il y a une solution satisfaisante en vue? (18 h 15)

M. Thériault: En vue? Bien, il y a une directive qui se promène au niveau du gouvernement, depuis septembre 1990. C'est en consultation, évidemment. Ça faisait une couple d'années que c'était à l'état latent, si on veut. C'est pour sensibiliser les différents ministères à se positionner vis-à-vis des droits d'auteurs. Il faut que les ministères et les hautes autorités de chacun des ministères manifestent leur volonté formellement de faire respecter les droits d'auteurs. Il y a toutes sortes d'interprétations que les gestion-

naires peuvent faire. À titre d'exemple, vous avez, dans un ministère un gestionnaire qui nous a dit: Bon, on a un seul logiciel. On en prend 10 copies et puis on a 10 micros, ce qui fait que c'est correct, parce que chaque micro travaille un dixième du temps, donc on est correct avec les droits d'auteurs. C'est assez élastique comme interprétation.

Évidemment, il faut que les ministères se dotent aussi de moyens pour prévenir et repérer l'utilisation de ces logiciels qui sont piratés. Il faut retourner peut-être dans le champ régulièrement, voir ce qu'il y a sur les micros. Je pense que l'organisation du Vérificateur général est un bel exemple là-dessus. Ce que nous faisons, je ne voudrais pas nous vanter, mais on retourne régulièrement, par sondages, voir, chez nos vérificateurs, ce qu'ils ont sur leur micro. Est-ce que ce sont tous des logiciels autorisés? On a une politique qui est très ferme dans l'organisation et bien appuyée par le comité de direction qui dit: Le piratage est formellement défendu. On associe ça à un mal vraiment très gros. C'est ce que les ministères ne font pas. Il y a une tolérance. Il y a quasiment un... Il y a un laisser-aller, là-dedans. Il faut vraiment commencer par une politique ministérielle très ferme et se doter, sans faire peur, de moyens préventifs et de détection du piratage de logiciels.

M. Léonard: Là, vous avez un ministère qui estime qu'il devrait payer 500 000 $ pour se conformer à la loi.

M. Thériault: Oui.

M. Léonard: Je suppose que c'est un peu partout pareil. Est-ce que ça veut dire que le gouvernement a une dette éventuelle contingente ou devrait faire face à des poursuites?

M. Thériault: Oui. Effectivement, et remarquez bien que nous n'avons pas, dans notre vérification, recherché de façon systématique le piratage. On était ouverts à ça, parce que ce n'est pas facile à détecter nécessairement. Ça prend des vérifications assez serrées. On a quand même relevé, même avec notre vérification, un certain nombre de cas.

M. Léonard: Vous n'êtes pas affectés de trop de virus?

M. Thériault: Non, pas à ce qu'on sache. De toute façon, nous sommes en contact avec la communauté informatique depuis quand même quelques années. S'il y avait eu contact important avec un virus quelconque, on en aurait été averti. On l'aurait su de toute façon. Mais si c'est arrivé, c'est à une échelle très réduite.

Délais en vigueur au ministère du Revenu

M. Léonard: O.K. M. le Président, sur le ministère du Revenu, en ce qui concerne les délais requis dans le règlement d'un avis d'opposition, vous avez fait quelques remarques. C'est aux pages 45, 46 et 47, dans ces pages-là; oui, c'est ça. Vous constatez une détérioration à l'égard des délais, comme c'est indiqué à la page 45 où vous avez un tableau là-dessus. Quelle est votre réaction face aux commentaires du ministère sur cette question-là?

M. Chatelain: m. le président, est-ce que je pourrais demander à m. bédard s'il peut répondre à la question, s'il vous plaît?

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. Bédard.

M. Bédard: Oui. Dans un premier temps, le constat que nous faisons, c'est que le ministère du Revenu ne respecte pas l'objectif qu'il s'est donné, de 180 jours, et on vient faire un constat. Et, dans sa réponse, il vient tout simplement dire qu'il maintient l'objectif qu'il s'est donné, de 180 jours, mais il vient donner des explications justifiant, jusqu'à un certain point, ces délais. Donc, nous, dans ce contexte, on dit: Bien, si le ministère s'est donné ça comme objectif et s'il maintient que cet objectif-là est souhaitable, à tout le moins il devrait mettre les mécanismes en place pour respecter les objectifs qu'il s'est donnés.

M. Léonard: Alors, vous trouvez que c'étaient des voeux pieux que de le dire sans mettre les mécanismes en place. Au fond, il ne les avait pas mis en place. C'est ça que ça veut dire?

M. Bédard: Bien là, quand vous dites des "voeux pieux", à tout le moins, notre commentaire est tout simplement à l'effet que le ministère s'était donné ces objectifs-là et que ça a des résultantes, bien sûr. Le constat que nous faisons, c'est qu'il dépasse et de beaucoup.

M. Léonard: Est-ce qu'il y a eu des conséquences négatives chez certains contribuables là-dessus? Parce que, si votre réaction est lente ou, en tout cas, si les délais sont dépassés, il peut y avoir des conséquences, parce que, d'un point de vue juridique, le contribuable qui doit réagir par rapport à un avis d'opposition lui-même est tenu à ces délais et, après, il y a des appels et là ça vient de tomber. Est-ce que, lorsque le ministère est lui-même en retard, les délais sont allongés en conséquence?

M. Bédard: Effectivement, il y a des délais qui en résultent. Il peut en résulter aussi des coûts. Je ne sais pas si on a des exemples concrets, peut-être que Marc-André pourrait

ajouter, mais, à tout le moins, il y a des conséquences possibles, bien sûr. Le contribuable, au bout de 180 jours, peut lui-même intenter, décider d'enclencher des poursuites et ça peut nécessiter des coûts. Maintenant, est-ce qu'on a des cas concrets? Je pourrais peut-être demander à Marc-André... M. Lepage, pardon.

M. Lepage (Marc-André): Marc-André Lepage...

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. Lepage.

M. Lepage: ...directeur de la vérification. Une des conséquences de cela, c'est que, lorsque la personne reçoit un avis d'opposition, elle est obligée de payer immédiatement; même si elle veut aller en opposition, elle doit payer immédiatement. Donc, une des conséquences, c'est qu'elle est privée de son argent durant une certaine période de temps, tant que le cas n'est pas réglé.

M. Léonard: Oui. Mais, quand ça dépasse deux ans, qu'est-ce que vous faites? C'est là qu'il y à des préjudices importants.

M. Lepage: Mais on dit...

M. Léonard: 11 y a des causes importantes sur le plan fiscal. Lorsque le ministère envoie un avis de cotisation, le contribuable doit payer et ça prend du temps après.

M. Lepage: mais lorsque ça dépasse 180 jours, le contribuable peut faire appel à la cour d'appel du québec, peut déposer sa cause là et la faire plaider par la cour d'appel du québec. à ce moment-là, ça ne veut pas dire que ça va être nécessairement plus rapide, mais, au moins, il y a un autre endroit où il peut en appeler.

M. Léonard: II peut dessaisir la Cour supérieure ou la cour...

M. Lepage: Si le ministère n'a pas...

M. Léonard: ...de première instance et aller directement en appel?

M. Lepage: Si le ministère n'a pas rendu sa réponse...

M. Léonard: Oui.

M. Lepage: ...à ce moment-là, le contribuable peut, 180 jours après, aller directement à la Cour du Québec pour présenter sa cause et là je ne sais pas si ça court-circuite une autre cour là...

M. Léonard: Ah bon! C'est nouveau. Il me semble qu'il y a des choses qui traînent depuis fort longtemps...

M. Lepage: Après 180 jours.

M. Léonard: ...et qui ne se règlent pas.

M. Lepage: Après 180 jours.

M. Léonard: Oui, même ça, il y a des délais qui sont plus longs que ça des fois?

Le Président (M. Lemieux): T'as encore un délai à la Cour du Québec, j'imagine.

M. Léonard: Ah oui! T'as pas eu ton jugement.

Une voix: Non, mais il y a des causes...

Le Président (M. Lemieux): Ça représente quelle somme d'argent ça? Avez-vous une idée des sommes d'argent que ça peut représenter?

M. Lepage: Non, on n'a pas quantifié les sommes d'argent qui sont impliquées dans...

Le Président (M. Lemieux): J'imagine que c'est le ministère qui touche les intérêts?

M. Lepage: Le ministère verse les intérêts lorsque... Si ça dépasse-Le Président (M. Lemieux): II verse les intérêts, O.K.

M. Lepage: ...il verse les intérêts aux contribuables.

M. Léonard: Mais, généralement, M. le Président, si je peux faire une remarque par rapport à votre question...

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Léonard: ...c'est que, lorsqu'on en est rendu là, il s'agit de sommes importantes, j'imagine, de part et d'autre, parce que, autrement, les gens ne se bad reraient pas de...

Une voix: Rembourser.

M. Léonard: ...poursuivre aussi longtemps. Donc, il s'agit de millions, de centaines de milliers de dollars pour le contribuable.

Le Président (M. Lemieux): C'est une question qu'on pourra poser au ministre du Revenu, M. le député de Labelle.

M. Léonard: Oui.

M. Bédard: Remarquez bien, le commentaire

que M. Lepage vient de donner c'est ce à quoi nous faisons référence au point 3. 40 lorsqu'on dit: "Or, le fait de ne pas rendre les décisions à l'intérieur du délai de 180 jours - que le ministère s'est donné comme objectif, là - peut inciter les contribuables ou les mandataires à recourir aux tribunaux pour obtenir plus rapidement le règlement de leur dossier et établir si le ministre remboursera les sommes qu'ils ont dû verser et qu'ils contestent. " Donc, c'est justement pour ajouter au commentaire que M. Lepage vous donnait tantôt comme explication. Et ça, le contribuable peut le faire à partir de 180 jours. Alors, c'est pour ça que le ministère s'était donné ça comme objectif pour empêcher probablement ça.

M. Léonard: Oui, mais moi, comme député, j'ai écho de situations où il y a des contribuables qui sont lésés et qui ont des sommes et des contestations qui durent depuis longtemps. On m'a mentionné un cas où ils avaient eu la visite d'un "cotiseur" il y a 10 ans. Ils en ont entendu parler il y a deux ans. Tout à coup, après huit ans, ils ont découvert qu'il y avait quelque chose là et ils lui ont envoyé une facture. Et là, depuis ce temps-là, ça traîne. Et, je pourrais en mettre encore plus parce que le ministère prend des garanties si les versements ne sont pas là et donc ça gèle tout dans une entreprise quand ça arrive. Alors, moi, indépendamment de la culpabilité... Est-ce qu'il y a une culpabilité ou pas? Je ne le sais pas, parce que ce n'est pas tranché par les tribunaux. Mais, justement, parce que ce n'est pas tranché par les tribunaux, il faudrait éclaircir la situation. Je vous signale ça, je porte ça à votre attention. En tout cas, on pourra en parler au ministre du Revenu, mais il y a des conséquences très graves à ça, des avis de cotisations qui traînent.

M. Bédard: Le commentaire que nous formulons ici, c'est: à partir du moment où le contribuable a reçu une cotisation, qu'il a dû la payer, dans ce contexte-là, le ministère se doit de réagir. Il s'est donné comme objectif 180 jours, mais, en même temps aussi, c'est une garantie pour le contribuable, parce qu'à partir de 180 jours il a le droit, lui, d'avoir recours aux tribunaux pour forcer le ministère à prendre position d'une façon plus rapide dans son dossier. Je ne dis que c'est la solution idéale, bien sûr, je pense que la solution idéale, ça serait que le ministère respecte les objectifs qu'il s'est donnés de 180 jours, mais, à tout le moins, il y a un certain recours qui est donné au contribuable pour lui permettre de forcer, jusqu'à un certain point, ou d'obliger le ministère à prendre une décision.

Le Président (M. Lemieux): Je serais curieux de savoir dans quelle proportion le ministère suit justement et va en cour.

M. Léonard: Bien si c'est... On a l'impression, parfois, que ça traîne très longtemps.

M. Bédard: Le cas auquel vous faites allusion, ça serait le cas où une vérification aurait été faite et où, huit ans après, une cotisation serait envoyée. Ça, on ne fait pas référence à ça...

M. Bédard: Non, O. K.

M. Bédard: ... le sens de notre commentaire. que je sache, il y a certaines prescriptions. combien de temps le ministère peut attendre pour émettre un avis de cotisation suite à une vérification? là, il faudrait que je regarde l'aspect légal, il faudrait que je vérifie davantage.

M. Léonard: O. K. Non, mais... O. K. Ça va. Mais tout ça, c'est quand même des délais. Un dossier qui est fermé, il me semble qu'au bout de deux ans il a des nouvelles ou il n'en a pas, mais même avant ça. Il me semble que 180 jours, c'est déjà un délai. S'il n'y a personne qui y travaille et qu'à un moment donné on tire ça des tiroirs parce que le ministre des Finances a besoin de revenus, là c'est pressurer le contribuable.

M. Lepage: mais ce qui arrive dans ces dossiers-là, règle générale, c'est que ce sont des dossiers assez complexes quand même où on attend les résultats de la décision du fédéral qui va être prise à ce niveau-là, puis...

M. Léonard: Oui, ce n'est généralement pas des dossiers privés, c'est des dossiers d'affaires.

M. Lepage: D'entreprises.

M. Léonard: Ce sont des dossiers d'affaires, mais quand même je trouve ça anormal qu'on relève les choses après des délais aussi longs.

En tout cas, là, ce qui est souligné c'est la dégradation, je suppose que ça va être remis en place. Il y a un nouveau ministre, est-ce que ça va aller mieux?

M. Bédard: Ce qui est important, c'est que, dans ces commentaires, le ministère dit, dans un premier temps, qu'il veut garder cet objectif-là et, dans un deuxième temps qu'à tout le moins, lorsqu'il dépassera, il s'obligera à justifier ses dépassements dans ses dossiers.

M. Léonard: O. K.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle, est-ce que nous continuons jusqu'à 19 heures pour ajourner à...

M. Léonard: Moi, j'ai terminé.

Le Président (M. Lemieux): C'est terminé. O.K.

M. Léonard: Peut-être, en finissant, une dernière question.

Le Président (M. Lemieux): Oui, oui, allez-y, M. le député de...

M. Léonard: Le ministère du Revenu avait entrepris une vaste, disons, réforme de ses systèmes informatiques qui étaient pratiquement à point lorsqu'il a eu la directive de réformer la TVQ. Donc, est-ce exact qu'il y a eu quelques logiciels qui se sont avérés désuets, c'est le moins qu'on puisse dire? Mais l'ordre de grandeur des gaspillages, en l'occurrence, serait de quelque 12 000 000 $ ou 13 000 000 $? Plus que ça? C'était le coût pour adapter seulement! C'est plus que ça, donc.

M. Chatelain: M. le Président, je pense que, là, il s'agit d'un exemple qui serait survenu depuis la fin de l'année financière qui a fait l'objet de notre vérification.

M. Léonard: Ah bon! C'est après vous autres.

M. Chatelain: Ça serait dans l'année financière subséquente, c'est-à-dire qu'on regarderait un tel sujet...

M. Léonard: Mais vous confirmez qu'il avait fait une réforme des systèmes informatiques et...

M. Chatelain: M. le Président, ça, on peut confirmer qu'il y a une réforme des systèmes informatiques énorme - vous le savez vous-même, M. le Président, vous y avez déjà fait référence - au ministère du Revenu, qui dure depuis plusieurs années et ça se continue.

M. Léonard: Là, ils sont obligés de recommencer la réforme avec la TVQ dans une grande partie du système.

Le Président (M. Lemieux): Oui, vous avez des commentaires?

M. Léonard: M. Lepage.

M. Lepage: Le ministère avait déjà développé un nouveau système pour la taxe de vente. Donc, la TVQ devenant opérationnelle à partir de 1991-1992, il a dû ajuster son système qu'il avait déjà développé, mais une très grande partie de son système sert quand même pour la nouvelle taxe de vente.

M. Léonard: Ah! c'est pas tout "scrapé".

M. Lepage: Non. Une autre chose qui est arrivée, c'est qu'il a dû retarder également le développement d'autres systèmes, comme le système sur l'impôt sur les corporations. C'était prévu à une date en particulier et il a dû le retarder de six à huit mois à cause de la TVQ, mais ce n'est pas "scrapé", par exemple.

Le Président (M. Lemieux): Alors, je vous remercie et, sur ce, je vous remercie, M. le Vérificateur général, de même que vos adjoints, MM. Breton, Bédard et Fortin. Je remercie les membres de cette commission parlementaire et j'inviterais peut-être M. le député de Labelle, si vous voulez ajouter quelque chose.

Remarques finales

M. Léonard: Je voudrais encore une fois rappeler la motion de félicitations que nous avons votée au début de la séance à l'endroit de M. Chatelain et je pense que nous la devons aussi à toute son équipe, parce qu'il y a du travail très sérieux qui est fait là. On a pu le constater au cours de l'après-midi. Et puis je voudrais vous remercier de votre collaboration aussi à répondre à nos questions aujourd'hui.

Le Président (M. Lemieux): Alors, je vous remercie, M. le député de Labelle, et nous ajournons nos travaux sine die, donc nous ne siégerons pas ce soir à compter de vingt heures. M. le Vérificateur général, oui, je m'excuse.

M. Chatelain: M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le Vérificateur.

M. Chatelain: Si vous me permettez, tout simplement, je dois vous dire que votre appui, l'appui de la commission aux travaux du Vérificateur général a toujours été une source d'encouragement et puis de motivation dans l'accomplissement de notre mandat. Merci de cet appui. Soyez assurés que c'est avec un sens profond du devoir que nous nous acquittons de notre rôle envers cette institution suprême qu'est l'Assemblée nationale, institution suprême de notre régime démocratique. Merci de nous avoir entendus et de nous avoir aussi permis de rendre compte de nos activités au service de notre vrai patron, qui est l'Assemblée nationale.

Et sur une note peut-être plus personnelle, concernant évidemment la motion qui a été votée à l'endroit du Vérificateur général qui approche de sa retraite, je la vois comme un témoignage d'appréciation et je l'accepte avec beaucoup de satisfaction. Je vais conserver un excellent souvenir, évidemment, de cette commission. Mais aussi, je l'accepte avec empressement puisque, comme le député de Labelle vient de le signaler, cette motion-là rejaillit éventuellement sur le dévouement de mes adjoints et de mes collabora-

teurs et collaboratrices, c'est-à-dire tous les employés du Vérificateur général, et je leur rends hommage. Merci beaucoup.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le Vérificateur général. Nous ajournons nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 32)

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