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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 12 mars 1991 - Vol. 31 N° 60

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières sur le financement des compagnies mutuelles d'assurance du Québec


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante-trois minutes)

Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de l'administration est réunie pour la durée d'une séance afin de tenir des consultations particulières sur le financement des compagnies mutuelles d'assurance du Québec. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacement pour la séance.

Le Président (M. Lemieux): Vous avez tous reçu une copie de l'ordre du jour. L'ordre du jour, tel qu'établi après entente entre les groupes parlementaires, se lit comme suit: à 9 h 30, les remarques préliminaires; à 10 heures, nous allons entendre la Corporation du Groupe La Laurentienne; puis, à 11 h 30, le groupe de travail sur le financement des mutuelles; à 13 heures, il y aura suspension. Nous reprendrons nos travaux à 15 h 30, pour entendre M. Denis Moffet; à 17 heures, l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes inc. Par après, nous ajournerons nos travaux. Est-ce que l'ordre du jour est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Lemieux): Adopté. Adopté, M. le député de Gouin?

M. Boisclair: Oui, adopté.

Le Président (M. Lemieux): Oui. Alors, je vous rappelle les règles d'audition telles que convenues entre les groupes parlementaires. La période des déclarations d'ouverture durera 30 minutes: 15 minutes pour Mme la ministre, 15 minutes pour le porte-parole de l'Opposition. La durée totale de l'audition de tous les organismes entendus aujourd'hui sera d'une heure trente minutes, soit 30 minutes pour l'exposé du mémoire et 60 minutes pour les échanges avec les parlementaires, dont 30 minutes pour le groupe parlementaire formant le gouvernement et 30 minutes pour l'Opposition. Le temps de parole des députés sera de 10 minutes en respectant la règle de l'alternance dans les interventions.

Déclarations d'ouverture

J'inviterais Mme la ministre à bien vouloir entreprendre sa déclaration d'ouverture, s'il vous plaît.

Mme Louise Robic

Mme Robic: Merci, M. le Président. Au cours de la dernière année, dans la foulée du dépôt du premier rapport quinquennal sur l'application de la Loi sur les assurances, les membres de cette commission ont eu l'occasion d'entendre un certain nombre d'intervenants qui sont venus exprimer leur point de vue et porter à la connaissance des parlementaires leurs préoccupations en rapport avec le secteur de l'assurance. Aujourd'hui, c'est avec grand intérêt que nous nous retrouvons afin d'échanger avec certains d'entre eux sur une question qui m'ap-paraît être de toute première importance pour le secteur québécois de l'assurance. Il s'agit du financement des compagnies mutuelles d'assurance de personnes à charte du Québec.

D'entrée de jeu, M. le Président, il convient de souligner et, ce, de façon très claire, qu'il n'existe actuellement ni difficulté réelle, ni problème de sous-capitalisation dans nos compagnies mutuelles d'assurance de personnes québécoises. Elles sont, en effet, toutes des institutions financières solides et crédibles. Il ne doit y avoir aucun malentendu dans l'esprit de ceux et de celles qui, nous entendant discuter de capitalisation, de recherche de capitaux, de normes de solvabilité ou encore de termes techniques comme de double comptage du capital et de traitement de l'achalandage, pourraient être portés à tirer des conclusions erronées n'ayant aucun rapport avec la réalité.

Nos compagnies mutuelles d'assurance sont fortes, M. le Président. Elles contrôlent des milliards de dollars d'actifs. Elles ont le capital nécessaire pour opérer et le public peut donc transiger sans crainte avec elles. Elles font, en outre, l'objet d'un contrôle et d'une surveillance diligente de la part des autorités publiques du Québec.

J'invite néanmoins tous ceux qui participeront aux discussions à l'occasion de cette séance de la commission à faire preuve d'une certaine mesure dans les propos qu'ils tiendront. Cette retenue témoignera du souci que nous avons tous de ne pas affecter, par mégarde, la confiance témoignée par le public à l'endroit des institutions financières et, de façon particulière, des compagnies mutuelles d'assurance québécoises. Il nous faut, en effet, éviter des conséquences aussi regrettables qu'inutiles à l'occasion de discussions qui se veulent constructives.

Cela dit, M. le Président, l'attitude que nous devrions adopter aujourd'hui aux fins des travaux de cette commission, en est une de grande ouverture d'esprit. Quant à moi, je suis

fermement décidée à témoigner, une fois de plus, de ma volonté de fournir au secteur de l'assurance québécoise et, en particulier, aux compagnies mutuelles d'assurance de personnes, les moyens nécessaires pour poursuivre leur croissance et leur développement.

M. le Président, des modifications progressistes à la Loi sur les assurances au cours des dernières années ont traduit la volonté bien arrêtée du gouvernement du Québec d'assurer le développement des assureurs québécois et, par la môme occasion, de l'économie du Québec en général. Ces amendements législatifs ont permis aussi de consolider leur situation financière, notamment par une saine diversification de leurs activités qui, associées à une diversification géographique améliorée, ont assuré à nos assureurs des revenus plus stables.

C'est avec un enthousiasme tout caractéristique que certains dirigeants visionnaires de compagnies mutuelles d'assurance de personnes, dont l'audace n'avait d'égale que leur détermination, ont su utiliser les nouveaux pouvoirs que le législateur leur avait accordés. Aujourd'hui, au Québec, plusieurs conglomérats financiers, avec à leur tête une mutuelle d'assurance, regroupent des institutions diverses. Au 31 décembre 1989, l'actif total des mutuelles représentait 69 % de l'actif de l'ensemble des assureurs de personnes à charte du Québec.

M. le Président, vous me permettrez de vous rappeler qu'une mutuelle, c'est fondamentalement un ensemble de personnes qui choisissent de mettre en commun leurs ressources et qui se regroupent pour s'offrir des produits ou des services selon des règles et des principes de fonctionnement démocratiques. En matière d'assurance, ces personnes, les mutualistes, sont les porteurs de polices émises par la mutuelle. Ils sont les créanciers de la mutuelle, mais ils en sont aussi les propriétaires car le concept de mutualité leur réserve, à eux et à leurs ayants droit, la propriété d'une portion de son avoir.

Cette structure de fonctionnement, mondialement reconnue d'ailleurs, a généralement bien servi ceux qui, au Canada, ont choisi d'y recourir. Au Québec, particulièrement, le mutua-lisme et la coopération sont des concepts qui ont permis le développement sous contrôle québécois d'institutions financières prestigieuses. Qu'on se réfère ici au groupe La Laurentienne et à L'Industrielle-Alliance dont nous entendrons les représentants durant cette séance, au groupe Coopérants et au Mouvement Desjardins.

Il ne saurait être question, M. le Président, que le gouvernement renie de si fières formules qui ont servi de support au développement remarquable qu'ont connu certaines de nos plus grandes institutions financières québécoises. Au contraire, je suis la première à reconnaître la viabilité du mutualisme et de la coopération et la vitalité qui caractérise ces deux réalités. Or, M. le Président, force nous est de constater que les entreprises issues du mutualisme connaissent des limites structurelles qui, en dépit de la bonne volonté de leurs dirigeants, ne peuvent échapper à certaines réalités financières. Mais, avant d'aborder cet aspect, vous me permettrez, M. le Président, de vous exposer brièvement certaines considérations susceptibles de mettre le tout en perspective.

Vous n'êtes pas sans ignorer que le gouvernement libéral dont je fais partie préconise pour ses Institutions financières une politique d'ouverture sur le monde et de présence accrue sur les marchés nationaux et internationaux. Au cours des dernières années, nous avons connu un mouvement important de libéralisation des échanges. Des accords internationaux, tels l'accord sur le libre-échange entre le Canada et les États-Unis ainsi que l'avènement de ce que plusieurs Européens considèrent déjà comme le nouveau centre économique du monde, l'Europe de 1992, sont autant de facteurs susceptibles d'infuencer sensiblement l'environnement global ainsi que les stratégies de développement de nos assureurs. Plusieurs d'entre eux sont déjà propriétaires d'entreprises d'assurances dans d'autres provinces canadiennes et certains autres ont en outre connu une diversification internationale.

M. le Président, les nôtres ont bien fait à l'extérieur de nos frontières et c'est ce qui me procure la conviction que le dynamisme prudent démontré par nos politiques n'est certainement pas incompatible avec la volonté qui nous anime de favoriser l'expansion de nos assureurs sur de nouveaux marchés.

L'internationalisation des échanges et la mondialisation des affaires sont pour moi, M. le Président, des tendances qui ouvrent des possibilités remarquables de croissance pour des organisations bien structurées et financièrement solides. Or, la croissance économique, même si elle constitue une des assises les plus fondamentales des politiques défendues par notre gouvernement libéral n'est cependant pas tout, spécialement dans le domaine des institutions financières. Notre préoccupation première sera toujours de protéger le public dont les dépôts et les épargnes ajoutent aux ressources des institutions financières et les rendent capables d'avancer aux personnes et aux entreprises qui en ont besoin le crédit si essentiel au fonctionnement de l'économie. En ce sens, et comme cela a été annoncé dans le rapport quinquennal sur l'application de la Loi sur les assurances, que j'ai déposé en juin 1990, le gouvernement sera amené à mettre en place des normes de capital pour nos assureurs.

Comme vous le savez, les institutions financières sont appelées à contracter des engagements et des obligations envers leur clientèle dans une mesure beaucoup plus considérable que celle que les marchés bancaires ou de valeurs sont disposés à accepter des autres

types d'entreprises commerciales. Dans des conditions normales, une entreprise commerciale n'est tout simplement pas admise par ses banquiers à s'endetter jusqu'à concurrence de ce qui est courant pour une institution financière. Pour ces dernières, il est normal de leur reconnaître un plus grand effet de levier par rapport au capital dont elles disposent puisque essentiellement, leur commerce réside dans le fait de contracter des dettes et engagements envers le public, que ce soit sous forme de dépôt pour les institutions qui en acceptent ou dans le cas des assureurs par l'émission de polices.

Dans ces circonstances, M. le Président, les gouvernements doivent être extrêmement prudents dans la définition de normes visant à établir le niveau adéquat de capital que les institutions financières ont à maintenir, de même que dans la surveillance des fluctuations de ce capital. Il s'agit là de la plus élémentaire protection que nous puissions accorder aux consommateurs des produits et services offerts par nos institutions financières. Cette composante d'une politique cohérente de protection du public que représentent les normes de capital est donc tout à fait essentielle. C'est pourquoi on la retrouve aujourd'hui dans la plupart des grandes économies industrialisées sous une forme plus ou moins élaborée, selon les juridictions.

Il faut dire, par ailleurs, que l'aspect de la protection du public n'est pas le seul à considérer dans la mise en place de normes de suffisance et de composition du capital. En effet, un tel processus de normalisation est tout aussi nécessaire pour les assureurs eux-mêmes puisque ce sont ces normes qui guideront les consommateurs dans le choix de l'institution avec laquelle ils feront affaire. Ces normes serviront également de guide aux analystes financiers qui seront appelés à apprécier et à coter la qualité des titres émis par les institutions. Elles influenceront en outre les investisseurs auprès desquels les assureurs désireux de lever des capitaux devront générer une confiance et un attrait suffisant.

Bref, M. le Président, les normes de capital représentent incontestablement une mesure qui sert autant les intérêts des institutions que du public. J'ajouterais que la mondialisation des échanges commande que les normes mises en place soient d'une qualité que je qualifierai d'internationale. Elles doivent, en effet, dégager cette crédibilité qui est si importante pour le financement des assureurs québécois et, en particulier, de nos compagnies mutuelles d'assurance. Il importe que le Québec se mette au diapason international sur ce plan.

Un autre phénomène qui m'apparaît pertinent aux fins de nos travaux d'aujourd'hui, c'est l'accroissement de la concurrence à laquelle nos assureurs auront à faire face au cours des prochaines années. Foncièrement, la concurrence est bénéfique au public et c'est pourquoi nous cherchons par nos politiques à la promouvoir dans toute la mesure du possible. Pour ne citer qu'un exemple récent, je vous rappellerai que, dans le cadre des dernières modifications à la Loi sur les assurances, nous avons donné la possibilité aux non-résidents d'incorporer des compagnies d'assurances au Québec. Cette mesure illustre autant notre politique d'ouverture sur le monde que notre visée de promouvoir une saine concurrence au profit du consommateur québécois. Envisagée sous l'angle de l'industrie elle-même, cette concurrence nouvelle oblige donc nos assureurs à être plus conscients de leur compétitivité. Elle les incite à rechercher l'atteinte d'une taille suffisante, une masse critique qui leur promette de réaliser des économies d'échelle, d'améliorer la distribution de leurs produits et de réaliser des investissements plus substantiels, dans des infrastructures informatiques, notamment. Pour atteindre cette masse critique si essentielle à leur entreprise, les compagnies mutuelles d'assurance de personnes, en particulier, doivent donc pouvoir accéder à des bassins de capitaux importants. De là, nos interrogations sur la suffisance de leur capacité de financement.

M. le Président, les trois éléments auxquels je viens de me référer, soit la libéralisation des échanges, la nécessité d'établir des normes de qualité internationale et l'accroissement de la concurrence constituent autant de paramètres que nous devrons forcément considérer dans notre évaluation de la gamme et de l'étendue des mesures à prendre pour favoriser la capitalisation des compagnies mutuelles d'assurance de personnes au Québec.

Mais pourquoi, me direz-vous, M. le Président, devons-nous maintenant nous pencher sur cette question? Les moyens traditionnels de financement des compagnies mutuelles d'assurance de personnes ne suffisent-ils pas? Pour quelles raisons le gouvernement devrait-il maintenant se préoccuper de modes d'accès au capital qui, à ce jour, ont bien servi les fins de ces entreprises? Les réponses à ces questions peuvent être fort complexes. Elles dépendront autant du degré de sévérité des normes de capital que le gouvernement sera amené à prescrire que des ambitions de chacune des compagnies mutuelles concernées. Mais d'abord, M. le Président, il peut être fort utile de dresser un bref bilan de la situation actuelle.

Au Québec, une compagnie mutuelle d'assurance dispose à la fois de modes internes et externes de capitalisation. Sur le plan interne, la compagnie mutuelle peut lever des capitaux en les prélevant sur les excédents ou, si vous voulez, sur les bénéfices que ces opérations sont parvenues à générer, il s'agit là, en fait, du mode traditionnel de financement d'une mutuelle, lequel établit un lien direct entre la rentabilité des opérations de laquelle dépend le niveau des bénéfices et la situation du capital à maintenir

en vertu des normes qu'elle doit respecter pour pouvoir opérer.

Cette proportion qui s'établit entre les bénéfices et le capital à cause de la structure même de la compagnie mutuelle est à l'origine de discours récemment entendus de la part des compagnies mutuelles québécoises, petites et grandes. Certains de leurs dirigeants ont affirmé qu'il fallait soigner sa rentabilité, rationaliser ses opérations et diminuer ses coûts.

Or, il s'agit là, M. le Président, des trois principaux moyens d'augmenter les bénéfices, ce qui peut notamment permettre de respecter des normes qui exigent de conserver un niveau de capital adéquat.

Il existe un autre moyen d'obtenir sur le plan interne un effet favorable sur le niveau de capital propre de la compagnie mutuelle; c'est la diminution de la masse d'actifs en fonction de laquelle ce niveau est déterminé. Plus les actifs diminuent, moins il sera nécessaire de maintenir de capital en vertu des normes mises en place par les gouvernements.

Le Président (M. Lemieux): mme la ministre, je dois faire état que vous avez déjà 15 minutes, c'est-à-dire 14 minutes de prises. est-ce qu'il y a consentement?

Une voix: Consentement.

Le Président (M. Lemieux): Consentement, ça va.

Mme Robic: Merci. C'est pourquoi, M. le Président, certaines compagnies mutuelles diront que par l'imposition de normes de capital il ne faudra pas les contraindre indirectement à 1 freiner la croissance de leurs actifs ou en I d'autres termes, ralentir la croissance de leurs i opérations parce qu'elles ne pourront plus en i payer le tribut sur le plan du capital à maintenir.

Dans d'autres cas, la situation peut-être vécue d'une façon encore plus rigoureuse en utilisant des méthodes comme la titralisation d'éléments d'actifs, c'est-à-dire la transformation de ces actifs en valeurs mobilières qui sont ensuite vendues dans le public en procédant à des ventes pures et simples ou encore, en ayant recours à la réassurance, on se départira d'éléments d'actif, de filiales ou de créances reposant sur les contrats d'assurance en cours. (10 heures)

Vous aurez rapidement compris, M. le Président, que cette dernière façon de procéder ne représente pas une orientation que le gouvernement se propose d'encourager a priori. Trop d'efforts ont en effet été consacrés par des mesures législatives et gouvernementales éclairées à favoriser la croissance de notre secteur de l'assurance. Il ne saurait être question que nous assistions en spectateurs impuissants à la réduc- tion, sinon à un démantèlement substantiel de ce secteur qui fait aujourd'hui notre fierté.

Sur le plan interne à la compagnie mutuelle il n'en demeure pas moins que la capitalisation via la rentabilité est devenue une opération beaucoup plus délicate et exigeante qu'elle ne l'était, il y a 20 ans. La réduction des marges bénéficiaires en conséquence de l'accroissement de la concurrence et le déplacement des activités traditionnelles des assureurs vers des produits qui sont davantage des produits d'épargne, domaine où le niveau de concurrence est très élevé, font en sorte qu'il est de plus en plus difficile pour les compagnies mutuelles de dégager des bénéfices suffisants et de les capitaliser adéquatement. m. le président, ce constat a amené le gouvernement du québec, par le biais d'amendements apportés à la loi sur les assurances, à ouvrir des voies de financement externes aux compagnies mutuelles d'assurance. on leur a alors donné la possibilité d'émettre des titres de participation privilégiée, t'équivalent des actions privilégiées pour les compagnies, lesquels venaient s'ajouter aux titres de dette subordonnée, les instruments de financement sous forme de dette ayant une certaine nature de capital, instruments dont elles disposaient dé/à, d'ailleurs. de plus, le législateur leur a accordé la possibilité de constituer une filiale de gestion, qu'on a appelée holding en aval, à laquelle pouvait être confiée la régie des autres filiales de l'assureur ce holding pouvait ainsi atteindre une taille et un niveau de diversification capables de susciter l'intérêt d'actionnaires minoritaires disposant de ressources importantes. l'admission à une cote boursière des actions du holding devenait, par le fait même, une perspective réaliste. ainsi, en l'absence de possibilités d'émettre directement des actions ordinaires, le financement de la compagnie mutuelle, par l'entremise d'un holding en aval, devenait un moyen, pour elle, d'accéder à des capitaux supplémentaires.

Ces deux initiatives du législateur québécois que sont les titres de participation privilégiée et le financement en actions ordinaires par l'intermédiaire du holding en aval, ont connu un succès inégal. Plusieurs compagnies mutuelles d'assurance de personnes ont eu recours au holding en aval, mais surtout pour des raisons de gestion corporative et de diversification et non de financement. Quant aux titres de participation privilégiés et aux titres de dette subordonnés, ces moyens de capitalisation n'ont à peu près pas été utilisés par les mutuelles.

Certains observateurs peuvent conclure que l'éventail des moyens de capitalisation actuellement disponibles aux compagnies mutuelles d'assurance est bien limité et qu'il faudrait l'élargir. Incidemment, je souhaite que les interventions que nous entendrons aujourd'hui nous éclaireront à ce sujet et qu'à tout le moins, elles nous permettront de mieux évaluer les

possibilités de procéder à un tel élargissement en respectant le souci de réalisme et d'efficacité financière qui devrait nous animer.

Il m'apparaît, M. le Président, que le succès limité qu'ont connu les titres de participation privilégiée démontre bien qu'il est théoriquement possible de concevoir une série de moyens de capitaliser nos compagnies mutuelles d'assurance québécoises. Mais si ces moyens sont inadéquats sur le plan financier, d'une part, ces mutuelles ne parviendront pas, en pratique, à lever les capitaux supplémentaires dont elles ont besoin et, d'autre part, le gouvernement ne réussira tout simplement pas à réaliser son objectif de favoriser leur solidité et leur croissance.

Une bonne solution dans les circonstances est, avant tout, une solution pratique et efficace. Elle devrait d'abord être structurelle et durable et non pas uniquement basée sur d'éphémères avantages ou mécanismes d'appoint octroyés par le gouvernement. En ce sens, il faut prendre le pari de favoriser l'essor de notre industrie de l'assurance sans agir pour autant au détriment des intérêts du public québécois.

M. le Président, quels que soient les modèles ou structures utilisés, les opérations énoncées peuvent constituer, pour un groupe donné, une solution qui, en plus de prévenir les difficultés de capitalisation, respecte les objectifs stratégiques de ce groupe. Il peut s'agir d'une décision corporative que nous pouvons respecter dans la mesure où les intérêts des consommateurs et des mutualistes sont adéquatement protégés. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le rapport quinquennal que j'ai déposé et les modifications à la Loi sur les assurances que nous avons adoptées ne privilégiaient aucun modèle particulier ni aucune formule spécifique.

Pourrions-nous aujourd'hui, M. le Président, ouvrir des horizons nouveaux et découvrir des mécanismes originaux de financement qui pourront subir le test du marché et permettre à la fois au gouvernement d'atteindre ses objectifs? Je le souhaite sincèrement. Je suis d'ailleurs confiante qu'encore, ici, l'originalité québécoise saura prévaloir et que nous parviendrons à orienter notre réflexion vers des solutions financièrement viables, adéquates et durables. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la ministre. M. le député de Gouin.

M. Boisclair: Oui, rapidement, si vous me le permettez, M. le Président. Je voudrais d'abord demander à la ministre si l'Inspecteur général, qui est sans doute concerné au premier titre dans les discussions qui ont cours ici, va se joindre à nous dans le courant de la journée?

Mme Robic: L'Inspecteur général ne se joindra pas à nous. Je pense qu'on est capable de très bien faire nos discussions entre nous. C'est bien sûr qu'il sera partie prenante aux décisions que nous aurons à prendre, mais, pour le moment, je pense que le suis très bien entourée, soit de mon directeur de cabinet et de mon sous-ministre aux Finances, M. Martel.

M. Boisclair: Merci, M. le Président.

Mme Robic: D'ailleurs, les députés qui vont suivre les délibérations pourront certainement participer à la discussion.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Merci. M. le Président, en débutant, j'aimerais remercier les personnes qui ont accepté notre invitation et qui participeront, aujourd'hui, à nos travaux. Je voudrais aussi souligner de façon très particulière la qualité des mémoires que ces personnes ont préparés à notre intention. Je suis convaincu, à l'avance, que leur contribution à l'étude que nous amorcerons sera tout aussi appréciable qu'appréciée.

Pour une troisième fois en moins d'un mois, les membres de la commission du budget et de l'administration ont l'occasion de se pencher sur le domaine des assurances. En effet, au mois de septembre dernier, nous avons tenu, à la demande de la ministre déléguée aux Finances, une consultation publique sur le contenu du rapport quinquennal concernant l'application de la Loi sur les assurances. Puis, au mois de décembre, nous étions conviés à l'étude du projet de loi 112 qui donnait suite au rapport quinquennal.

On se rappellera, tant lors de l'étude du rapport quinquennal que lors de l'étude du projet de loi 112, que l'Opposition officielle a manifesté certaines réserves, pour ne pas dire des réserves certaines sur l'opportunité des changements proposés par la ministre responsable des institutions financières, notre principale réserve ayant trait à la limitation des liens commerciaux en aval. Nos réserves n'ont d'ailleurs pas changé depuis. Nous croyons toujours qu'il s'agit d'un recul par rapport à la loi 75 votée en 1984. À cet égard, je crois que notre vision est partagée par de nombreux intervenants dans le milieu.

Rappelons que l'un des objectifs de la loi 75 était d'amener les entreprises d'assurances à contribuer davantage au développement économique du Québec. L'établissement de liens commerciaux en aval nous apparaît toujours comme un bon moyen de favoriser le développement de réseaux et de contribuer au développement économique du Québec. Une des conséquences aussi du repli de la ministre déléguée aux Finances a trait à la capitalisation des mutuelles d'assurance. Nous déplorons qu'en réduisant cet outil la ministre n'ait pas proposé, dans son projet de loi, des alternatives aux mutuelles. D'ailleurs, la ministre a reconnu ce fait lors de l'examen du projet de loi 112.

À cet égard, M. le Président, permettez-moi

d'attirer votre attention sur une citation de la ministre qui répondait à l'une de nos questions. Elle disait et je cite: "C'est vrai. Vous avez absolument raison quand vous dites que les compagnies mutuelles sont possiblement pénalisées par cette réforme. Mais elles ont la possibilité d'avoir un bras commercial en se réorganisant, en faisant une décentralisation partielle, telle La Laurentienne. "

M. le Président, il apparaît que la ministre déléguée aux Finances ne croit pas en la formule des mutuelles. J'exagère peut-être dans mon interprétation, mais c'est l'interprétation que j'ai eue lors de l'étude du projet de loi 112. Par ailleurs, en reconnaissant que les sociétés mutuelles étaient possiblement pénalisées, je m'interroge encore sur les objectifs de la ministre. Les mutuelles d'assurance-vie occupent 28, 5 % du marché québécois alors que les autres compagnies québécoises n'en occupent que 11, 8 %. C'est donc dire que le projet de loi 112 pénalise les entreprises qui comptent pour près de 65 % du marché occupé par des assureurs québécois. Par ailleurs, j'aimerais revenir sur cet objectif poursuivi par le législateur en 1984 qui demandait aux assureurs québécois de participer davantage au développement économique du Québec.

Lorsque l'on poursuit un tel objectif, il m'apparaît important de ne pas pénaliser les principales sociétés à qui on demande une plus grande participation. À tout le moins, M. le Président, on tente de compenser les difficultés que l'on crée en proposant des alternatives. Cette lacune du projet de loi 112 mérite d'être corrigée, à mon avis.

Je ne voudrais pas non plus mettre toute la faute sur le projet de loi 112. Les difficultés éprouvées par les mutuelles à aller chercher des capitaux externes ont des origines plus profondes. On pourrait d'ailleurs remonter au mémoire de 1982 présenté au ministre des Finances d'alors par les sociétés mutuelles d'assurance de personnes pour s'en convaincre ou faire référence au mémoire présenté au ministre Fortier en 1987 par l'ACCAP et La Laurentienne, si ma mémoire est bonne.

La loi 75 répondait aux demandes de l'époque. Certains des outils de capitalisation que permet la Loi sur les assurances se sont révélés peu pratiques. Mais doit-on renoncer à la formule des mutuelles parce que la levée des capitaux externes est limitée par la structure juridique de ces entreprises? Les principales intéressées ne semblent pas vouloir renoncer à cette formule. C'est déjà une indication que la formule présente d'autres avantages et qu'il faut probablement chercher la solution ailleurs que dans la démutualisation.

Faut-il rappeler qu'au Québec, aucune législation à ce jour n'a encadré ces principes dans un corps organisé. Le législateur au sein de la Loi sur les assurances a prévu des modalités de fonctionnement s'appliquant mutatis mutandis à une compagnie à capital-actions aussi bien qu'à une mutuelle. Permettez-moi d'ailleurs, M. le Président, de rappeler les propos de M. Claude Béland qui sont cités dans le rapport Garnier. "Le capitalisme, dit-il, s'est aussi développé avec l'aide du législateur. Il s'est implanté avec l'appui d'un pouvoir politique qui croyait aux valeurs du système. Aujourd'hui, des notions telles que la responsabilité limitée des entrepreneurs, la rémunération illimitée du capital, le vote en proportion du capital, etc., apparaissent normales. Mais ces notions n'ont pas toujours existé. Au contraire, l'intérêt sur le capital et la rémunération sans travail ont jadis été considérés comme des fautes graves. Les corporations et le principe de la responsabilité limitée ont été des fictions juridiques pour favoriser le libéralisme économique. Ces notions ne sont pas naturelles et résultent de rapports du législateur au développement d'un système dans lequel il croyait pour améliorer la vie sociale. " Fin de la citation.

Cependant, la ministre déléguée aux Finances n'a pas que des torts. Bien que son projet de loi 112 m'apparaisse incomplet, la ministre a tout de même formé un groupe de travail sur la question du financement des compagnies mutuelles d'assurance de personnes. Ce groupe de travail a remis son rapport à la ministre déléguée aux Finances le 19 octobre dernier. Outre la résolution qu'il propose et que nous aurons l'occasion d'étudier aujourd'hui, il ressort clairement une volonté de conserver les avantages du mutualisme qui, comme le rappelle le professeur Moffet que nous recevrons cet après-midi, constitue une forme organisationnelle qui invite à la recherche d'un équilibre entre l'enrichissement économique et l'enrichissement social.

C'est la raison qui m'a amené à proposer à la ministre déléguée aux Finances la tenue de ces consultations particulières aujourd'hui. Bien qu'on l'y ait un peu poussée, je la remercie d'avoir accepté de se livrer à cette démarche. Il m'apparaissait aussi important, avant d'avoir à nous prononcer sur une formule quelconque, que ce soit celle proposée par le rapport Garneau ou une autre, que les députés puissent échanger avec les représentants du milieu des assurances et des mutuelles en particulier. Il faut donc, M. le Président, que la ministre et les membres de cette commission donnent suite aux démarches des mutuelles d'assurance de personnes afin de faciliter la levée des capitaux externes. La ministre avait raison, tout à l'heure, de soulever, de souligner la longue tradition de solvabilité, mais je crois qu'aujourd'hui le problème est soit un problème de capitalisation - la ministre a longuement parlé des questions de normes de capital - soit une corrélation entre les normes de capitalisation et le financement. Rappelons-nous qu'aujourd'hui, nous devrons discuter du développement de nos mutuelles d'assurance et

aussi de cette forme d'entreprise, cette forme juridique sur laquelle, je crois, plusieurs personnes ont fait consensus et sur cette volonté maintes fois démontrée par les mutuelles elles-mêmes de conserver cette forme juridique parce qu'elle leur apparaissait une forme adéquate dans laquelle évoluer, compte tenu du contexte.

Donc, M. le Président, la ministre a semblé manifester cette volonté de faire suite aux démarches des mutuelles lors de l'étude du projet de loi 112, je me permets encore une fois de la citer. Elle disait: "Oui, certainement, je n'ai pas l'intention de mettre ce rapport-là sur des tablettes et je n'ai pas l'intention non plus de laisser aller les choses. Encore une fois, je n'ai pas d'échéancier à vous donner pour le moment, mais la commande est passée. " D'ailleurs, on pouvait lire dans les journaux, au lendemain d'un communiqué que la ministre rendait public, qu'elle avait même confié un mandat aux officiers de son ministère. Il serait intéressant de voir où elle en est rendue dans cette démarche pour que nous puissions partir sur le même point d'égalité, ce matin, savoir ce qu'il en est, ce qu'il en est du mandat précis qui a été donné, ce qu'il en est aussi des différentes démarches qui ont été entreprises, de voir aussi l'échéancier, si la ministre a déjà eu un certain nombre de commentaires sur, peut-être, l'applicabilité d'une des hypothèses soulevées dans le rapport Garneau ou par d'autres intervenants.

Donc, comme je le disais, M. le Président, déjà la ministre a confié à ses officiers du ministère des Finances le soin d'entamer des discussions plus approfondies sur la base des différentes hypothèses soulevées dans le rapport Garneau. Avec ces quelques mois de recul, peut-être la ministre s'est-elle fait davantage une idée d'un échéancier? Toujours est-il que je demeure convaincu que l'exercice d'aujourd'hui se révélera enrichissant pour tout le monde ici autour de cette table, comme celui, en général, pour ce type d'exercice. (10 h 15)

Alors, M. le Président, bien sûr, c'est avec une grande ouverture d'esprit que nous entreprenons les travaux de cette commission. Il ne m'apparaissait pas pertinent, à ce moment-ci, de rappeler tout l'historique et de revenir sur ce qui a motivé certains entrepreneurs québécois à se réunir sous la forme juridique d'une mutuelle, mais je crois qu'il s'agit là, encore une fois, d'un élément qui caractérise bien nos institutions financières. Cette mode qu'on a connue vers la mutualisation, au début des années cinquante, n'a pas été reprise ailleurs au Canada. Je crois, pour utiliser une expression qui a été maintes fois galvaudée, qu'il s'agit peut-être là, encore une fois, d'un élément distinct de nos institutions financières. Je crois que les gens du milieu ont fait preuve d'une volonté clairement démontrée, si ce n'est que pour des intérêts de gestion, si ce n'est que pour des stratégies de marché ou des stratégies à plus long terme, ils ont démontré une volonté très claire de ça, de s'en remettre à cette formule-là. Je crois que nous avons aujourd'hui, comme parlementaires, la responsabilité de répondre à ces attentes. Il faut dire aussi que la réflexion ne date pas d'hier. M. Garneau et son groupe de travail nous rappelaient le travail qui avait été fait en 1982 par un groupe de travail similaire à celui que la ministre a créé l'an dernier où, déjà là, il y a un certain nombre de propositions qui étaient formulées. En 1987, le ministre, M. Fortier, reprenait la même réflexion, donc je suis convaincu que la ministre devrait être plus avancée dans ses réflexions qu'elle m'a semblé l'être ce matin dans son intervention. espérons que les questions que nous pourrons poser aux intervenants qui viendront se présenter devant nous cet avant-midi et cet après-midi pourront nous permettre de cerner encore un peu plus les intentions réelles de la ministre. je crois qu'il serait dommage qu'un exercice semblable à celui-là, demandé par l'opposition officielle, je tiens à le rappeler, m. le président, suite aux tractations de fin de session qui ont permis l'adoption du projet de loi 112, qui aurait pu être retardé - il faut le rappeler - à cette session... il faudrait que cet exercice débouche sur des engagements concrets de la part de la ministre. je ne veux pas présumer de son état d'esprit ou du discours de clôture qu'elle prononcera cet après-midi, mais ii serait très décevant de voir que l'exercice auquel nous nous livrons ne soit pas suivi par des engagements plus concrets que ceux qu'elle a laissé entrevoir à ce jour. donc, m. le président, comme je le rappelais, c'est avec beaucoup d'ouverture que nous entreprenons les travaux de cette commission. je tiens à remercier ceux et celles qui ont décidé de participer à cet exercice. soyez assurés que l'opposition officielle et son chef aussi, m. parizeau, avec qui j'avais l'occasion de discuter récemment sur cette question, accordent une attention toute particulière aux travaux de cette commission. merci.

Auditions

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Gouin. Je demanderais maintenant aux représentants ou personnes qui représentent la Corporation du Groupe La Laurentienne de bien vouloir s'avancer et de bien vouloir prendre place à la table des témoins qui est située juste en face de moi.

Pour les fins de l'enregistrement du Journal des débats, je demanderais à ces personnes de bien vouloir s'identifier: nom, titre et fonction. J'aimerais leur rappeler que la durée totale pour tous les organismes est de 1 h 30. Vous aurez 30 minutes pour l'exposé de votre mémoire et suivront les échanges entre les parlementaires pour une durée de 60 minutes, dont 30 minutes

pour le groupe parlementaire formant le gouvernement et 30 minutes pour le groupe formant l'Opposition. Les députés auront un temps de parole de 10 minutes, tout en considérant la règle de l'alternance. Alors, nous sommes prêts à débuter.

Corporation du Groupe La Laurentienne

M. Drouin (Jacques): M. le Président, Mme la ministre, merci de nous accueillir ce matin. Mon nom est Jacques Drouin, je suis président et chef de la direction de la Corporation du Groupe La Laurentienne. Je suis accompagné, à ma droite, de Claude Forget qui est bien connu, il est vice-président principal, Affaires corporatives et, à ma gauche, M. Etienne Dubreuil qui est vice-président, Affaires juridiques et secrétaire de notre corporation.

M. Forget, je pense, vous a fait parvenir un mémoire que vous devriez avoir en main et qu'il va vous présenter. Avant qu'il le fasse, si vous me permettez de prendre quelques instants pour résumer les principales conclusions du Groupe La Laurentienne vis-à-vis de la question sur la table et résumer notre position comme société.

En résumé, notre perception de la question, c'est que les besoins de capitaux des mutuelles québécoises ne viennent pas principalement de leur structure juridique à caractère mutuel mais proviennent beaucoup plus de forces du marché. Il y a eu des changements importants dans le secteur financier au cours des dix ou douze dernières années. En particulier, il y a eu un choc que vous vous rappellerez, le choc des taux d'intérêts au début des années quatre-vingt qui a complètement bouleversé la réalité des marchés financiers. Les mutuelles autant que les non-mutuelles oeuvraient dans un marché dont les marges étaient beaucoup plus larges avant la décennie des années quatre-vingt que depuis cette époque. Il y a eu un bouleversement fondamental dans les marchés et un rétrécissement des marges considérable.

Le deuxième facteur, c'est que les mutuelles - comme M. Forget va être en mesure de vous le démontrer, pour toutes sortes de raisons historiques - s'adonnent à être cantonnées dans les parties du marché québécois qui sont les moins profitables de l'ensemble du marché. Il y a toutes sortes de raisons: les origines rurales des mutuelles, la façon dont les marchés ont été segmentés avec le temps. Mais c'est la réalité et je pense qu'on va être en mesure de vous le démontrer.

Le troisième facteur qui influence la performance des mutuelles est leur taille. Nous oeuvrons dans un marché où les marges se rétrécissant, la taille devient un facteur de survie et de concurrence extrêmement important. Nous l'avons vécu nous-mêmes à La Laurentienne Vie, La Laurentienne Vie étant isolément une entreprise qui, à notre avis, n'aurait pas la taille suffisante pour faire face aux réalités du marché contemporain et nous avons dû regrouper La Laurentienne Vie avec les autres membres du Groupe La Laurentienne pour atteindre la masse critique suffisante.

Le quatrième facteur, c'est que nous luttons, comme entreprise mutuelle québécoise, avec des concurrents beaucoup plus riches que nous qui ont un acquis, un vieux gagné, comme on appelle dans le métier, qui date de centaines d'années dans certains cas et qui ont accumulé des bénéfices latents sur leurs affaires à marge beaucoup plus élevés pendant toute cette période de temps comparativement aux mutuelles québécoises qui sont des créatures beaucoup plus récentes. Or, vous avez ces quatre facteurs de marché qui influencent la rentabilité des mutuelles d'assurance-vie québécoises. Le résultat de tout ça, c'est que depuis le début des années quatre-vingt, les mutuelles ne génèrent plus suffisamment de bénéfices pour regénérer leur base de capital. Il ne faut jamais oublier non plus que quand on veut attirer des capitaux, il faut être en mesure de rémunérer ces capitaux-là, c'est une règle inéluctable. Quel que soit le système que vous inventiez, il faut trouver des façons de rémunérer le capital si l'on veut être capable de l'attirer, il n'y a pas de magie autre. Autrement, on parle de subventions et on ne pense pas que le régime des subventions ait démontré qu'il était un régime tellement utile pour mousser la compétitivité ou l'essor économique de quelque secteur d'activité de la société. Alors, vous avez ce problème de rentabilité et de capitalisation et on ne peut pas les isoler l'une de l'autre. On va y revenir avec faits à l'appui.

Nous pensons que l'amélioration de la position des mutuelles du Québec passe par une nouvelle stratégie ou une nouvelle orientation pour ces sociétés qui les verra segmenter leurs marchés de façon différente qui permettrait de favoriser des regroupements possibles entre ces sociétés et, comme on serait en mesure de vous le démontrer, l'accès aux marchés extérieurs. Le marché québécois est un marché très limité par rapport aux marchés des services financiers. Il faut avoir accès et il faut pénétrer les marchés hors Québec et même hors Canada. Les assureurs-vie canadiens sont parmi les meilleurs au monde au plan de leurs connaissances et de leur compétence, et ça comprend les assureurs québécois. Ce que je dis est tellement vrai qu'on va être en mesure de vous démontrer que depuis 1988, les assureurs canadiens génèrent plus d'affaires et de bénéfices en dehors du Canada qu'ils ne le font à l'intérieur du Canada. Évidemment, on concurrence avec ces gens-là. Ces gens-là ont l'avantage d'une masse d'activités et d'une masse d'actifs qui proviennent non seulement du marché local mais de l'ensemble de leur présence géographique.

Il faut, bien sûr, s'attaquer à la question

des structures comme troisième de nos conclusions. Le Groupe La Laurentienne, comme le Groupe de L'Industrielle-Alliance, se sont attaqués à leur problème de structures. Nous ne préconisons pas que La Laurentienne ou la formule Laurentienne soit la seule formule. D'ailleurs, nous ne nous en accordons pas l'exclusive paternité; c'est une formule qui a été développée au cours des années, depuis le début des années quatre-vingt, avec les gouvernements qui se sont succédé. La créativité a été autant de notre côté que du côté des officiers gouvernementaux qui ont travaillé avec nous pendant toutes ces années. En pratique, on est arrivé à une formule qui a vraiment donné des résultats. On va être en mesure de vous démontrer, encore là chiffres à l'appui, que cette formule qui n'est pas exclusive... que ce genre de formule permet de régler une partie du problème.

L'avoir net de La Laurentienne Vie, au moment où on se parle, est de 50 000 000 $. Nous avons réussi, au cours des 10 ou 15 dernières années, à générer plus d'un milliard de dollars de capital qui nous viennent de sources externes aux mutualistes. C'a pris la forme d'apports de capitaux de partenaires qui sont des partenaires minoritaires dans notre corporation. C'a pris la forme d'émissions de capital publiques. Nous en avons fait, évidemment, au Canada; nous en avons fait aux États-Unis; nous en avons fait dans certaines de nos filiales. C'a pris la forme d'apports sous forme de capital privilégié et il n'y a aucune dette dans notre système, aucune dette au niveau de la corporation ni aucune dette dans aucune de nos filiales, sauf aux États-Unis. On nous a souvent accusé d'utiliser l'effet de levier. C'est vrai, nous l'avons fait, mais de façon fort prudente puisque nous n'avons aucun compte à rendre à aucun créancier, si vous voulez, sous forme de dette. Alors, les apports de capitaux ont été faits sous forme d'équité, sous forme de capitalisation qui participe aux risques de la société, et nous pensons avoir démontré que c'est possible pour une entreprise qui a protégé le caractère mutuel de sa propriété d'aller chercher des capitaux. Maintenant, ça ne veut pas dire qu'on ne fait pas et qu'on ne continue pas à faire face au défi de la rentabilité. C'est un défi de tous les jours, et nous n'avons pas réglé tous les problèmes. Il nous en reste encore, mais nous sommes sur la voie de devenir, je pense, une entreprise qui est vraiment concurrentielle sur les marchés tant canadiens qu'internationaux, et qui va continuer à pouvoir lever des capitaux dans la mesure où nous sommes aussi rentables que nos concurrents. C'est la règle de fond, c'est la règle de base. Les gens vont investir chez nous dans la mesure où on est capable de rémunérer le capital qu'ils vont injecter chez nous.

Je rappelle aussi à la commission qu'autant nous croyons à la propriété mutuelle... avec le législateur nous avons réussi un tour de force, je pense, un précédent, conserver la propriété mutuelle tout en ayant accès aux marchés dits capitalistes, avec succès. C'est une formule gagnante, c'est une formule qui va chercher le meilleur des deux mondes et, d'ailleurs, c'est une formule que vous allez voir copiée bientôt. Nous savons, par exemple, que deux sociétés s'apprêtent à emboîter le pas. North American Life et Confederation Life ont déclaré publiquement être intéressées à aller dans cette voie-là. Le gouvernement fédéral regarde très sérieusement la possibilité d'introduire une législation semblable dans ses statuts qui, encore une fois, ne donnerait pas nécessairement une solution purement Laurentienne, mais ce genre de solution pour régler le problème de capitalisation des mutuelles qui est semblable, d'ailleurs, dans le reste du pays, même s'il n'est pas du même degré.

Finalement, nous insistons sur la prudence dans l'intervention de l'État dans les marchés. Quand L'État intervient dans les marchés, il change les règles du jeu. Nous vous invitons, que ce soit dans l'introduction de normes prudentiel-les autant que dans les mesures que l'État voudrait adopter pour supporter la capitalisation des mutuelles, à être bien prudents, à ne pas perturber les lois du marché parce que nous pourrions créer ainsi des solutions qui pourraient être très éphémères, qui pourraient nous donner l'impression de régler un problème temporairement, mais qui va nous rebondir dans les quelques années qui suivent. C'est vraiment un problème de rentabilité, à notre avis, et ce problème provient du positionnement du marché qui est vraiment à l'origine de tout le débat ou qui devrait l'être.

Donc, pour résumer notre position, nous croyons que le problème de financement des mutuelles n'est pas d'abord un problème de structure juridique, mais beaucoup plus un problème de marché. Nous pensons que l'État pourrait favoriser l'adoption d'une stratégie de repositionnement de cette industrie qui favoriserait la segmentation des marchés, des regroupements et la diversification géographique. Nous pensons que les lois générales devraient favoriser et faciliter la modernisation des structures mutuelles. Nous ne préconisons pas que la formule Laurentienne soit la seule, bien loin de là, mais ce genre de formule... Il faut faciliter l'accès au capital dans la mesure où nos sociétés sont capables de rémunérer ce capital sur une base concurrentielle. Nous invitons l'État à la prudence, tant dans l'adoption de mesures prudentielles que dans son support à l'industrie pour ne pas perturber les règles du marché et ne pas créer des solutions qui pourraient être très éphémères. (10 h 30)

Alors, sur cette introduction et ce résumé de notre position, j'inviterais maintenant M. Forget à vous exposer plus en détail le contenu

de notre mémoire.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Drouin. M. Forget, s'il vous plaît.

M. Forget (Claude E. ): Merci, M. le Président. Je ne me livrerai pas à une lecture du mémoire, ce serait trop long et pénible, mais j'aimerais insister sur certains éléments qui, au moins à nos yeux, ont une importance plus significative.

Dans l'introduction, nous soulignons ce qui va probablement de soi, mais même ce qui va de soi, parfois, il est bon de le souligner. Il s'agit du financement des mutuelles dans cette séance de votre commission parlementaire, et nous tenons à dire que, quant à nous, c'est un débat qui nous intéresse directement.

En effet, l'été dernier, nous avons débattu, devant vous, d'un projet de loi spécial qui modifiait nos structures. C'était la deuxième fois en deux ans. Certains observateurs se sont cru autorisés, à partir de ça, de déduire qu'à cause de toutes ces transformations juridiques successives, nous n'étions plus une mutuelle. Nous tenons à affirmer très formellement, ici, que, quant à nous du moins, nous nous considérons comme faisant partie des mutuelles québécoises. À la suite de discussions nombreuses avec les autorités, dans le cadre, justement, de l'examen de ces deux projets de loi, il est apparu très clair que, pour ce qui est des autorités québécoises également, nous continuons d'être considérés comme une mutuelle avec, bien sûr, des particularités propres, mais, malgré tout, nous faisons partie de la famille des mutuelles. Donc, c'est un débat qui nous intéresse directement et nous sommes, évidemment, ravis d'y participer.

Plus de la moitié de notre mémoire consiste en l'exposé d'une proposition qui, si on s'était borné à la faire de façon catégorique et abstraite, aurait pu apparaître comme arbitraire ou gratuite, c'est-à-dire le fait que dans le fond, la situation dans laquelle se trouvent les mutuelles au Québec sur le plan de l'accès au capital... il est déterminé en premier lieu et continuera d'être déterminé, quelles que soient les formules juridiques qui sont disponibles, quel que soit le désir du gouvernement d'aider ou de stimuler le développement du secteur. Ce qui est déterminant, c'est le positionnement concurrentiel des mutuelles dans leur marché.

Les statistiques officielles, telles qu'on les voit publiées dans les rapports annuels, par exemple, de l'Inspecteur général, donnent une impression légèrement trop optimiste de l'évolution de la part de marché des mutuelles, au Québec, pour la raison toute simple que le nombre des mutuelles s'est accru au cours des années. Certaines compagnies que l'on connaît très bien, qui sont citées dans le mémoire - je cite, par exemple, l'Alliance et également une autre compagnie dont je vous fais grâce du nom pour l'instant - ont modifié leur statut au cours des cinq dernières années, d'un statut de charte fédérale ou de société par actions à un statut de mutuelle. Évidemment, quand le chiffre de leurs affaires est additionné au chiffre des affaires des mutuelles qui étaient là en début de période, on a l'impression d'une croissance.

Si on fait la correction des chiffres pour replacer les choses dans l'état où elles auraient été si le statut qu'elles ont, en 1990, avait été le leur depuis 10 ans ou, du moins, depuis 5 ans, on se rend compte, hélas, que le progrès qu'on croyait observer dans la part de marché disparaît complètement. Donc, on a un secteur qui réussit à maintenir sa part de marché, mais n'a pas réussi, au cours des cinq dernières années, à la faire progresser. En soi, c'est à demi rassurant. Ce n'est pas désolant puisqu'elles ont maintenu leur part de marché, mais il reste que le progrès qu'on avait cru observer était une illusion d'optique.

D'ailleurs - et on parle ici évidemment dans tout ce mémoire de moyennes - il est bien important de s'en souvenir lorsqu'on parle à la fois de la part de marché, lorsqu'on parle, par exemple, de la rentabilité des compagnies à charte fédérale ou à charte provinciale, on parle de moyennes. Il est évident que si on regarde l'industrie dans son ensemble, il y a une rentabilité qui a été assez mauvaise jusqu'au milieu des années quatre-vingt. Ç'a été la période de substitutions de polices suite à tous ces bouleversements auxquels Jacques Drouin a fait allusion tout à l'heure. Depuis le milieu des années quatre-vingt, la situation s'est un peu stabilisée, mais il reste que, dans l'ensemble, l'industrie réussit tout juste à rémunérer le capital au taux où le gouvernement rémunère ses prêteurs, ses bailleurs de fonds. Donc, comme il s'agit de risques commerciaux, il est évident que c'est un rendement qui, dans l'ensemble, est insatisfaisant. Il est bien sûr qu'à l'intérieur de ce groupe de compagnies québécoises et de compagnies canadiennes, il y a des sociétés qui réussissent à tirer leurs marrons du feu avec plus de succès et qui enregistrent des résultats plus intéressants. Mais, en moyenne, on peut observer qu'il s'agit là d'un secteur qui n'est pas particulièrement en pointe par rapport à la rentabilité et pour ce qui est des mutuelles québécoises, pas en pointe quant à la pénétration de son marché primaire. C'est probablement ça qui est le plus significatif: observer une stagnation dans la part de marché depuis maintenant quelque 25 ans. Pour des compagnies dont le Québec est le marché primaire, ça commence à poser un certain nombre de questions puisque pour toutes les autres compagnies avec lesquelles les mutuelles sont en concurrence au Québec, ou presque toutes les autres, elles ont d'autres marchés plus importants. Par conséquent, le fait qu'elles soient stagnantes au point de vue de leur part de marché est moins préoccupant pour

elles puisqu'elles se sont diversifiées davantage.

Les données subséquentes portent sur ce que nous appelons le "mix-produit", c'est-à-dire la combinaison variable dans le temps entre les produits de protection et d'assurance proprement dite sur lesquels les marges bénéficiaires sont plus significatives par opposition aux produits d'épargne, essentiellement les rentes, qui sont des produits où les marges sont plus faibles, en partie parce que la concurrence est plus vive, étant donné que les assureurs, quand ils vendent des annuités ou des rentes, sont en concurrence avec d'autres institutions. Ce n'est pas seulement les assureurs qui vendent des produits de ce type-là. Donc, la concurrence étant plus vive, c'est une des raisons au moins pour lesquelles la concurrence est plus forte.

Non seulement, dans le temps, cette situation est moins que favorable, mais on observe - si l'on compare de 1985 a 1989 les marchés en expansion comme celui des rentes - comment les mutuelles québécoises ont réussi à augmenter leurs primes. On se rend compte encore une fois que du côté des rentes, il y a une augmentation qui n'est pas la moitié, mais disons les deux tiers du taux d'augmentation qu'affichent d'autres sociétés. Pour ce qui est du côté protection, du côté assurance-vie proprement dit, la progression des mutuelles québécoises est la moitié de la progression des compagnies à capital-actions fédérales ou provinciales, tous statuts confondus.

Donc, il y a vraiment un décalage qui se fait sentir dans le succès avec lequel les mutuelles québécoises se sont adressées à leur marché. Sur le plan de la segmentation, c'est-à-dire que tout le monde n'est pas client des compagnies d'assurances ou de n'importe quelle autre entreprise au même titre. Il y a des segments définis par les caractéristiques mêmes des acheteurs de produits, qu'il s'agisse de leur niveau de revenus, qu'il s'agisse du sexe, de leurs occupations, des régions dans lesquelles ils vivent, urbaines ou rurales. Il y a une infinité de façons de segmenter les marchés et, évidemment, tous ces segments de marchés ne sont pas également intéressants ou rentables. Le succès général d'une compagnie dépend de son succès à pénétrer les segments qui sont les plus rentables, étant donné les caractéristiques de la clientèle.

Or, si on fait les recoupements que l'on peut à partir des données fournies par un grand nombre d'assureurs à un organisme non seulement nord-américain mais international, le Life Insurance Marketing Research Association, qui est basé à Hartford au Connecticut, qui obtient des compagnies, sur une base volontaire, les données sur la mise en marché de leurs différents produits en fonction des critères de la clientèle et tout, on a obtenu certains relevés qui montrent, qui confirment que la spécialité des assureurs québécois, en général - encore une fois, on parle toujours de chiffres glo- baux - c'est plutôt le bas de gamme par rapport au haut de gamme qui représente les segments où les compagnies plus grosses, les compagnies fédérales, mutuelles ou non mutuelles, sans distinction, ont plus de succès. Qu'il s'agisse de l'âge, il est clair que lorsque vous vendez de l'assurance à des jeunes de moins de 25 ans, des jeunes couples qui commencent avec un revenu modeste et parfois d'autres obligations importantes, ils ont un revenu disponible moins considérable pour acheter des produits d'épargne et même des produits de protection impliquant des primes élevées. Si toute votre clientèle est concentrée chez des jeunes ou chez des cols bleus, etc., donc vous avez, par tous ces recoupements-là, des situations qui sont moins favorables qu'elles ne devraient l'être.

Le mémoire donne plusieurs recoupements de cette nature, et tous concordent. C'est probablement les chiffres par rapport aux primes, la prime moyenne. On aurait pu citer le montant de l'assurance en vigueur, il y a différentes mesures, mais c'est le montant de la prime. On s'entend généralement dans l'industrie pour dire que c'est le montant de la prime moyenne qui est le plus significatif. Les primes moyennes en fonction des différentes catégories sont de 5 % à 55 % inférieures à ce que les compagnies concurrentes non mutuelles québécoises pratiquent sur notre marché québécois. Il y a donc là un écart très considérable.

Je n'insisterai pas plus longtemps sur cet aspect-là. Je pense qu'on a une abondance de démonstrations. Il y a également sur le plan de l'agressivité face au marché, si vous voulez, une mesure intéressante qui est l'augmentation des forces de vente. Il est assez bien démontré dans le monde entier que le succès à vendre de l'assurance dépend, dans une mesure très directe, du développement des forces de vente, d'abord du maintien des forces de vente à un niveau parce qu'il y a roulement considérable, c'est un métier difficile, et aussi de l'accroissement. On se rend compte que là aussi, les mutuelles québécoises ont eu moins de succès à maintenir et à développer de forces de vente, donc il y a, de ce côté-là, si on veut, une certaine mesure de l'agressivité commerciale et elle semble moindre en vertu de cette mesure-là.

La deuxième question vers laquelle on se tourne, c'est la question de la diversification et l'accès au marché des capitaux. Nous soulevons l'élargissement des pouvoirs de 1984 qui a permis aux assureurs québécois de créer des filiales en aval, des holdings en aval, développement qui, à son tour, a stimulé et encouragé la diversification des entreprises d'assurances. Ce que nous voulons souligner de ce côté-là, c'est qu'on pourrait considérer - et, dans certains milieux, je crois qu'on le fait trop volontiers - que cet élargissement des pouvoirs a entraîné les assureurs québécois dans trop de domaines. Ils se sont dilués, ils se sont en quelque sorte étendus

trop largement et ont peut-être menacé leur viabilité. Je crois qu'il faut le considérer différemment parce que, étant donné les trois tests du marché dans lequel les assureurs québécois oeuvrent, étant donné l'amenuisement des marges bénéficiaires, cette diversification-là, c'est pas seulement une fantaisie, c'est pas seulement un luxe, c'est pas seulement une mission économique générale souhaitée par les pouvoirs publics, mais c'est également un élément de développement stratégique essentiel pour assurer la rentabilité et le rayonnement de ces entreprises-là. Donc, ce n'est pas une distraction. Quand on a à évaluer les besoins en capital, il ne faut pas dire: Bien, si on n'avait pas ça, les besoins seraient moindres. Je crois peut-être qu'effectivement les besoins seraient moindres, mais la vulnérabilité serait plus grande. Donc, ce ne serait pas au net un gain. (10 h 45)

D'ailleurs, c'est ce qu'ont compris même les assureurs canadiens à charte fédérale pour qui même le marché canadien, pourtant quatre fois plus grand que le marché québécois, est trop restreint. C'est ce qu'ont compris d'autres assureurs dans des pays relativement petits comme l'Australie où il y a également le même désir et le même succès à diversifier les opérations de façon très sensible. Un assureur australien l'an dernier a fait l'acquisition d'un des plus importants assureurs britanniques, Pearl Assurance. C'est la même logique, c'est le même besoin d'acquérir une taille suffisamment importante pour se payer un certain nombre de choses qu'un assureur moderne doit se payer.

Dans ceci, l'expérience du Groupe La Laurentienne est évidemment intéressante, on en fait l'historique. Encore une fois, je n'ai pas l'intention de passer en détail tout l'historique, mais il est important, malgré tout, de souligner un certain nombre de choses de ce côté-là. Il y a, en particulier, le fait que certains instruments ont été utilisés à plein comme le financement public via le holding en aval alors que d'autres n'ont pas pu l'être comme, par exemple, le pouvoir d'émettre des actions au niveau de La Laurentienne Vie au moins jusqu'à l'été dernier où elle conservait son statut de compagnie pleinement opérante. Pourquoi? Des raisons essentiellement économiques. Comme on sait, ce statut-là a été acquis à partir de 1988, ça suivait d'un an le krach d'octobre 1987. La situation des marchés ne permettait pas d'utiliser l'instrument, ce qui ne veut pas dire que l'instrument n'était pas valable, c'est tout simplement une question de timing, si l'on veut, et c'est la raison pour laquelle il n'a pas été utilisé. Malgré tout, ce qui a été utilisé, c'est le financement via le holding en aval et on cite là des chiffres. Malheureusement, il y a des choses qui ont échappé, ce n'est peut-être pas exprimé comme ça devrait l'être mais avec un avoir propre de 50 000 000 $ - et ça, c'est vrai au niveau de La Laurentienne

Vie - le Groupe La Laurentienne a quand même pu, via des financements minoritaires, des financements dans le public, réussir à conserver le contrôle sur un ensemble d'opérations impliquant un financement externe de l'ordre de 1 000 000 000 $; donc, un effet de levier très considérable mais sans dette, un effet de levier par équité, en fonction des structures que la Loi sur les assurances du Québec permettait de mettre en place.

Je pense, M. le Président, pour permettre à M. Drouin de conclure brièvement, qu'on peut se limiter à ces éléments-là, les autres ayant déjà été mentionnés. Je vous remercie.

M. Drouin: M. le Président, s'il nous reste deux petites minutes...

Le Président (M. Lemieux): Oui, oui, allez-y, M. Drouin.

M. Drouin:... j'aimerais peut-être vous mentionner trois choses - au fur et à mesure que Claude parlait - sur lesquelles j'aimerais attirer l'attention de la commission. La première, c'est que nous parlons d'un enjeu très important pour l'avenir. Nous ne parlons pas seulement d'assurance, nous nous demandons à qui va appartenir, dans l'avenir, la croissance de l'épargne. Nous sommes sur un continent; nous habitons un continent qui, malgré les crises économiques temporaires, va s'enrichir et va vieillir au cours des 50 prochaines années. Il va y avoir une croissance de l'épargne très importante. Le débat s'engage, à savoir quelle partie de cette croissance de l'épargne va revenir aux assureurs par rapport aux banquiers ou autres intervenants financiers. J'aimerais que la commission garde ça en tête.

Le deuxième point sur lequel j'aimerais attirer l'attention, c'est que quand nous citons les chiffres qui ont été cités dans le mémoire - et nous parlons des mutuelles du Québec - nous ne pouvons pas présenter toute la réalité dans le sens que certaines mutuelles du Québec, dont nous et L'Industrielle-Alliance, ont une présence hors Québec et une présence étrangère assez significatives. En fait, notre présence à nous hors Québec, est plus importante que notre présence au Québec et, inversement, nous avons des filiales non québécoises qui ont une présence au Québec. Les chiffres ne traduisent pas tout ça. Ce que vous avez vu comme chiffres, c'est la présence de La Laurentienne Vie prise isolément, ce n'est pas la présence totale du Groupe La Laurentienne au Québec et, encore moins, la présence de La Laurentienne ou de L'Industrielle-Alliance en dehors du Québec, de telle sorte que nous faisons aussi partie de cet échange entre marchés. Les chiffres que nous vous avons présentés ne le reflètent pas adéquatement.

Le troisième point sur lequel j'aimerais

attirer votre attention, c'est que, de notre point de vue, malgré le fait qu'il y a évidemment des défis de marché et des défis de rentabilité, je ne voudrais pas que la commission conclue que notre point de vue, c'est que nous avons des inquiétudes comme industrie sur la santé financière ou la capitalisation de l'industrie, pas du tout! C'est une industrie qui est très bien gérée, qui a été gérée de façon conservatrice, qui est bien capitalisée. Maintenant, dans le débat sur la capitalisation, il y a évidemment des intérêts commerciaux en jeu et il faut en tenir compte dans la réalité. Nous faisons face dans le débat ou dans la concurrence pour notre partie de l'épargne ou de la croissance de l'épargne... Nous sommes donc en concurrence avec les banques qui sont très intéressées à entrer dans notre marché parce que la croissance de l'épargne va venir d'intervenants comme nous. Les réseaux de distribution qui sont très coûteux à développer, où une interface personnelle est en place, c'est ce genre de réseau-là qui va permettre de capter le gros de la croissance de l'épargne future, ou en tout cas, la partie la plus rentable. Les banques sont évidemment très intéressées. Vous en entendez parler quotidiennement. Alors, il y a des intérêts commerciaux qui se manifestent dans tout ça. Quand il y a beaucoup de pressions qui se font sur l'industrie de l'assurance de personnes québécoises pour adopter, par exemple, des normes bancaires ou des normes inspirées du système bancaire, ce n'est pas tout à fait étranger à certains intérêts commerciaux que je ne reproche pas du tout à nos concurrents. Ça fait partie de la partie.

Maintenant, il y a également que les grandes sociétés canadiennes qui sont en concurrence avec nous, comme on l'a dit plus tôt, et profitent de l'acquis des 50 ou 100 dernières années. Elles ne font pas face à la même réalité économique que nous et elles ont également poussé très fort pour que des normes de capitalisation beaucoup plus exigeantes soient imposées à l'industrie québécoise.

Finalement, par beaucoup d'échanges à l'intérieur de l'industrie, on a réussi à s'entendre sur des normes à travers le pays, des normes en vertu desquelles l'industrie se rend responsable de toute insolvabilité. C'est une grande conquête ou c'est une grande réussite de l'industrie d'ici. J'aimerais attirer l'attention de la commission sur le fait que sur ce plan, ces normes représentent un engagement de l'industrie à s'autosupporter, une industrie qui n'a jamais connu de faillites, d'ailleurs, qui n'a jamais connu de déboires et qui est, encore une fois, bien capitalisée. Mais je dirais que pour l'industrie québécoise, c'est un développement très important pour l'avenir que nous ayons réussi à nous entendre au Canada sur des normes identiques alors que les joueurs sont de poids tellement différents. J'aimerais conclure là-dessus, simplement pour attirer l'attention sur ces trois points-là.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Drouin. Il n'y a pas d'autres commentaires? Mme la ministre, est-ce que vous voulez que je pose les questions ou si vous commencez? Vous commencez, Mme la ministre?

Mme Robic: Oui, si vous me le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): D'accord, Mme la ministre, pas de problème.

Mme Robic: M. le Président, je vous remercie d'ailleurs et je vous souhaite la bienvenue, M. Drouin, M. Forget et M. Dubreuil. Ça fait plusieurs fois qu'on se retrouve ici et on apprécie beaucoup votre participation à ces débats. Je pense que c'est des débats importants pour nos compagnies, on apprécie votre présence et que vous preniez le temps de venir nous faire part de vos expériences. je voudrais dire à mon collègue d'en face, que si je ne croyais pas à la formule mutualiste, on ne serait pas ici aujourd'hui. j'aurais tout simplement, dans mon projet de loi, donné une formule quelconque et on aurait réglé le problème des mutualistes. on leur aurait dit: démutua-lisez-vous parce qu'on peut s'entendre votre groupe, les mutuelles... votre compagnie d'assurance ne l'est plus. alors, pour certaines, bien sûr, ce n'est pas la solution qu'elles préconisent. il faut apprécier ça. c'est pour ce faire que j'ai créé un comité, cette solution n'étant pas nécessairement la seule. pour certaines, c'était important de garder leur aspect mutualiste et j'y crois. c'est pour cette raison qu'on est ici, ce matin, pour tenter de trouver des moyens pour permettre à nos compagnies, tout en demeurant mutuelles, de se capitaliser pour se développer elles-mêmes et pour participer également à l'essor économique du québec. mais pour moi, la participation des mutuelles à l'essor économique du québec ne passe pas nécessairement par l'acquisition de filiales, mais par les investissements que nos compagnies mutuelles peuvent faire dans des entreprises québécoises. m. le président, si j'ai fait un recul à ce niveau pour les filiales commerciales - la loi n'empêche pas les filiales financières, bien sûr, qui sont contrôlées, qui sont également surveillées, c'est que nous croyions qu'il y avait un degré de risque plus élevé au niveau des filiales commerciales et qu'il fallait avoir une certaine prudence. c'est là que, bien sûr, nous avons partiellement - si certaines avaient des ambitions - limité l'acquisition de filiales commerciales pour nos compagnies mutuelles, mais c'est dans un esprit de prudence que nous l'avons fait, m. le président.

C'est assez intéressant, M. Drouin, quand vous nous faites votre présentation. Vous nous dites: Les besoins de capitaux ne proviennent pas de la structure juridique à caractère mutuel. Pourtant, dans votre énoncé, vous nous suggérez

un modèle semblable au vôtre pour aider à la capitalisation de nos mutuelles. Alors là, j'ai un problème. Vous faites un rapport direct, dans votre énoncé, entre la structure et les besoins de capitaux. Pourtant, nous autres, on s'interroge parce qu'on établit plutôt un rapport entre le besoin de capital et le mode restreint de capitalisation qu'offre la structure mutuelle. Est-ce que ce n'est pas la structure? Vous, vous dites que non, mais pourtant vous suggérez une restructuration. J'aimerais que vous m'éclairiez un peu parce que je suis un peu perplexe.

Le Président (M. Lemieux): Mme la ministre, est-ce que je pourrais compléter dans ce sens-là?

Mme Robic: Oui.

Le Président (M. Lemieux): C'est parce que j'ai remarqué deux interventions. Vous avez dit, M. Drouin - et je reprends vos propres mots - vous avez parlé d'une mutuelle, quand on est dans des marchés non profitables, et M. Forget a repris ceci: La position concurrentielle des mutuelles dans leur marché est restreinte. Alors vous en êtes arrivé à la conclusion d'une stagnation dans le marché; vous avez parlé d'une forme de diversité de vos opérations. Je pense que, si je suis votre logique, pour avoir participé à plusieurs travaux de la commission, elle se situe en aval. Mais je voudrais rejoindre ce que Mme la ministre vient de dire. Dans votre mémoire, à part d'utiliser votre structure, est-ce que vous avez d'autres orientations qui pourraient être prises pour une forme de capitalisation externe? Je pense que ça rejoint un peu ce que vous venez de dire, Mme la ministre.

Mme Robic: C'est parce que je trouve qu'il y a une contradiction, un peu, dans vos propos. J'aimerais que vous élaboriez.

M. Forget (Claude E.): je peux peut-être essayer d'éclaircir le point où on semble trouver un défaut dans la logique de l'argumentation. je le ferais en faisant la distinction, je pense, bien connue entre une condition suffisante et une condition nécessaire. il peut être nécessaire de changer des structures juridiques pour régler un problème de financement dans une mutuelle. c'est peut-être nécessaire mais ce ne sera pas suffisant. cependant, si vous augmentez la rentabilité suffisamment, ça, c'est une condition suffisante. c'est-à-dire que ça peut être suffisant pour régler un problème de financement, dépendant de sa nature et de son envergure, d'avoir un très bon rendement financier, peut-être en conservant la formule traditionnelle des mutuelles. d'ailleurs, on n'a pas toujours parlé du problème de financement des mutuelles; il y a eu une période où les mutuelles étaient très rentables, merci, et n'avaient pas besoin ou ne voyaient pas que leurs structures juridiques créait un problème. aujourd'hui, comme les conditions de marché ont changé, toute manipulation des structures juridiques qui "n'adresse" pas le problème économique est vouée à l'échec. donc, la condition essentielle et en elle-même suffisante, à la limite, c'est d'améliorer la situation concurrentielle. cependant, compte tenu du fait qu'on ne vit plus dans le monde de 1950 mais dans le monde de 1990, il peut être nécessaire d'ajouter à ça un assouplissement des formules juridiques, mais il faut faire attention de ne pas voir là, dans le changement des stuctures juridiques, la panacée. il n'y a pas de panacée là. ce n'est pas ça qui va, en soi, régler le problème le plus aigu.

M. Drouin: Si vous permettez, je pourrais même... (11 heures)

Le Président (M. Lemieux): Oui, mais est-ce qu'il y a d'autres orientations que celle-là pour faire en sorte qu'on augmente la capitalisation externe? Vous, en tout cas, j'ai eu l'impression moi dans votre mémoire qu'il n'y a pas de solution à cet effet-là, à part celle peut-être qu'on retrouve dans le rapport Garneau. Je vous en reparlerai tout à l'heure.

M. Drouin: J'aimerais répondre peut-être de deux façons...

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Drouin: ...avec l'exemple très concret du Groupe La Laurentienne. Nous avons dit que nous avons réussi à lever au cours des années près de 1 000 000 000 $, en fait au-dessus de i 000 000 000 $ en capitaux externes. nous l'avons fait. pendant les années 1980, nous l'avons fait alors que la rentabilité de nos activités permettait de rémunérer ce capital-là. nous pouvons encore aujourd'hui lever du capital, demain matin s'il le faut, même si les marchés financiers sont difficiles, dans les filiales ou dans nos activités qui connaissent une rentabilité suffisante. c'est la simple règle des marchés financiers. mais les marchés d'aujourd'hui sont beaucoup plus difficiles que les marchés d'il y a sept ou huit ans. c'était plus facile de lever des capitaux il y a sept ou huit ans, ou il y a cinq ou six ans. d'ailleurs, plusieurs entreprises québécoises en dehors du secteur financier l'ont bien vécu. les règles sont plus difficiles au moment où on se parle, mais ça va changer. dans trois ou quatre ans, les marchés financiers vont se rouvrir, mais ils vont se rouvrir peut-être avec des critères un peu plus souples qu'aujourd'hui, qu'au moment où on se parle. mais la condition sine qua non sera toujours la capacité de l'entreprise de rémunérer le capital. ii n'y a pas d'autre façon de lever du capital que d'être capable de le rémunérer. il n'y a

personne qui va investir chez vous, sauf si l'État veut le faire à escompte. Mais alors, à ce moment-là, faisons bien attention. Si on rend du capital disponible à une entreprise à escompte, vous affectez dès le lendemain matin sa structure de prix. Elle va le transférer cet escompte-là dans ses marchés, et elle va créer une distorsion dans les marchés. Je ne suis pas sûr qu'on va lui rendre service à long terme, ou qu'on rende service à l'économie à long terme.

On est beaucoup mieux à notre avis de trouver des formules qui facilitent l'accès aux marchés des capitaux, les marchés normaux des capitaux, par les institutions mutuelles, que d'essayer de trouver des formules qui vont faire en sorte qu'on va créer des distorsions dans le marché. C'est sûr que la dynamique des marchés fait que même si on mettait en place une structure idéale, les marchés financiers sont à peu près fermés au moment où on se parle. Ils sont en train de se rouvrir. Pour les mutuelles comme pour n'importe quelle entreprise capitaliste, si vous suivez les émissions de capital au cours des deux dernières années, il n'y en a à peu près pas eu de toute forme de société. Ça recommence au moment où on se parle, et vous pouvez être sûrs que ça va revenir. C'est une question de... est-ce que ça va prendre une autre année, deux ans, trois ans? Je ne le sais pas. Mais nous, on se prépare à commencer à faire des émissions de capital dans nos filiales ou dans nos activités qui ont la rentabilité suffisante. On n'aura pas de difficultés à lever les capitaux, dans la mesure où on est capable de les rémunérer. C'est une règle très simple.

Alors, moi je dis. N'adoptons pas nécessairement la structure de La Laurentienne, mais adoptons une structure ou une formule assez large qui permette aux mutuelles, quelles qu'elles soient, de s'intégrer au marché des capitaux normaux, et elles vont être en mesure de lever des capitaux dans la mesure où elles ont la rentabilité suffisante. C'est là, je pense, que - ce n'est pas la contradiction - les deux parties de la proposition se rejoignent. Il faut d'abord s'attaquer au problème de rentabilité ou au problème de positionnement de nos entreprises mutuelles avant d'imaginer qu'elles vont être capables de lever des capitaux sur les marchés normaux.

Le Président (M. Lemieux): M. Drouin, est-ce qu'on doit déduire de certains de vos propos, et je pense à une recommandation du rapport Garneau, que l'émission d'un titre d'une corporation qui s'appellerait un fonds mutuel, vous ne seriez pas d'accord avec ça si c'était garanti par le gouvernement du Québec?

M. Drouin: Bien, ça nous met un peu dans l'embarras, il me semble, cette histoire-là, parce que nous, c'est sûr que si l'État était pour décider ça, on va vouloir s'en prévaloir comme n'importe quel intervenant parce qu'on va se trouver désavantagés par rapport à nos concurrents. C'est pour ça que, nous, on a conservé notre caractère de mutuelle, et on est, entre guillements, pénalisés jusqu'à un certain point par le caractère de mutuelle. Le contrôle d'une mutuelle impose certaines contraintes, certaines règles auxquelles on doit s'assujettir, y compris le contrôle de la société, et c'est très important. On est d'accord avec ça.

Nous, ce qui nous préoccupe c'est que si l'État est pour introduire un régime comme celui-là, c'est très important pour nous d'y avoir accès. Mais, on se préoccupe de l'introduction d'un tel mode de financement qui va perturber les règles du marché et qui va peut-être régler un problème à court terme, mais peut-être en entretenir un de façon permanente. On se dit que ça serait peut-être plus intelligent de consacrer notre énergie à résoudre les problèmes de marchés qui vont automatiquement déboucher sur une capacité pour nos sociétés mutuelles de générer des capitaux, sur les marchés réguliers. Alors, c'est de là que vient notre position.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Mme la ministre.

Mme Robic: Vous nous parlez également du besoin que les mutuelles auront peut-être de se regrouper et de former des compagnies plus importantes. Là, je m'inquiète un peu parce que ce n'est pas la première fois que vous nous dites: II faudra peut-être faire des regroupe- . ments, peut-être qu'il y a trop de compagnies. Là, j'ai une inquiétude là-dessus, je m'inquiète de la concentration du marché. N'y a-t-il pas un danger de ça, d'une concentration trop grande du marché qui ferait que, finalement, le consommateur est pénalisé par ça?

M. Drouin: On est un bien petit pays, 25 000 000 d'habitants - je parle du Canada - au Québec, je ne connais pas le compte exact.

Le Président (M. Lemieux): C'est un sujet houleux de ce temps-ci, M. Drouin.

M. Drouin: Je sais bien. Une voix: C'est une réalité.

M. Drouin: Ah oui! Quand votre marché primaire comme celui-là est aussi petit, c'est très difficile de tirer son épingle du jeu sans faire certains regroupements. Regardons l'expérience des banques, avec les années, elles se sont regroupées. On a abouti à un système où il y a six grandes banques, peut-être que c'est exagéré d'aller si loin. Mais, à ma connaissance, il y a 250 assureurs de personnes, il y a au moins autant d'assureurs de dommages. Le marché des assurances au Canada et au Québec est beaucoup

trop fragmenté. On hérite d'un nombre de joueurs qui n'ont vraiment pas les moyens de supporter la concurrence dans l'état actuel des marchés. Je pense que la majorité d'entre eux le savent au moment où on se parle.

Nous-mêmes, on a fait l'expérience. Au Groupe La Laurentienne, on est maintenant convaincu que nous ne sommes pas en mesure d'être concurrentiels à moins de regrouper environ 3 000 000 000 $ d'actifs sous gestion commune, de là le regroupement que nous avons voulu faire au cours des deux dernières années. Peut-être que ce seuil, qui était à 1 000 000 000 $ il y a cinq ans, il était peut-être à 500 000 000 $ il y a 10 ans, et peut-être qu'il sera à 10 000 000 000 $ dans cinq ans ou 10 ans d'ici. Mais il est certain que la loi de la taille joue énormément dans notre métier et le seuil, si vous voulez, se déplace. Au fur et à mesure que les marges se rétrécissent, les entreprises deviennent plus efficaces et les investissements requis dans l'infrastructure deviennent plus importants. Mais je ne pense pas que le système bancaire ait desservi le marché canadien même s'il n'y a eu que cinq ou six joueurs. Quand on compare le système bancaire canadien aux systèmes bancaires comparables dans d'autres pays, c'est un système qui est en bonne santé et qui a bien desservi l'intérêt des consommateurs. Maintenant, je ne dis pas qu'on doit finir à six, mais peut-être qu'à 250 on est un peu trop.

Mme Robic: Mais même son association lui dit qu'il a été un peu arrogant, ils ont été un peu arrogants alors je pense qu'à six... S'ils étaient plus nombreux, ils auraient peut-être besoin d'être plus compréhensifs au niveau du consommateur. C'est là...

M. Drouin: Nous sommes partisans qu'ils soient un peu plus... D'ailleurs, on fait notre contribution avec beaucoup d'efforts.

Mme Robic: Vous me dites, à la page 7: "Le positionnement commercial... qu'ont adopté les compagnies à charte québécoise a un impact important sur la question de leur financement". Vous ajoutez: "Dans ce contexte, toute injection nouvelle de capital pourrait aggraver plutôt que résoudre le problème". J'ai des difficultés à vous suivre là-dessus. J'aimerais peut-être que vous reveniez là-dessus pour nous.

M. Drouin: M. Forget, je pense, pourrait...

M. Forget (Claude E.): J'essaie de trouver la référence précise.

Mme Robic: Page 7.

M. Forget (Claude E.): Oui, d'accord, mais un peu plus loin, on donne une citation...

Mme Robic: Ah bon!

M. Forget (Claude E.): .qui, dans le fond, est la réponse directe à votre interrogation. C'est l'impact sur les profits de différents types de produits. Malheureusement, je ne la retrouve pas rapidement. Mais on sait que certains produits ont un impact beaucoup plus important sur ce qu'on appelle le "bottom line", c'est-à-dire la rentabilité, que d'autres. C'est ce genre de raisonnement qui nous permet de dire: Ce positionnement-là, à la fois sur le plan de la répartition des produits et de la segmentation du marché, a un impact direct sur la rentabilité. C'est ce qu'on essaie d'illustrer plus loin, autrement dit. Je ne sais pas si ça répond à votre interrogation, Mme la ministre?

Mme Robic: Oui, ça va.

M. Forget (Claude E.): L'analogie est avec un fabricant de voitures.

Mme Robic: Oui.

M. Forget (Claude E.): Vous savez, c'est connu que GM aimait mieux vendre des Cadillac que des compactes.

Mme Robic: Oui.

M. Forget (Claude E.): Évidemment, cela a entraîné d'autres problèmes, mais il reste que pendant des années c'a été vrai.

Le Président (M. Forget, Prévost): Merci, Mme la ministre. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.

M. Boisclair: Oui. M. Drouin, M. Forget, M. Dubreuil, merci pour votre présentation. D'entrée de jeu, j'aimerais vous dire que je partage tout à fait l'analyse que vous faites en page 22 lorsque vous dites: 'Tout récemment, lors de l'amendement de 1990 à la Loi sur les assurances, le législateur québécois intervenait pour bloquer à ce niveau - on parle des acquisitions en aval - ou à peu près, les prises de participation via des holdings en aval et a en outre limité son champ d'application aux sociétés apparentées ou connexes à l'activité des compagnies d'assurances." Vous dites: "Malgré la détérioration du contexte concurrentiel et des marges de profit, les assureurs québécois ont par surcroît tous acquis à compter de 1984, des pouvoirs plus larges et se sont vu attribuer une mission plus ambitieuse que leurs concurrents à charte fédérale. Le législateur a en effet jugé que le capital géré par les compagnies d'assurance-vie, un capital essentiellement à long terme et regroupé en blocs significatifs, pouvait être un instrument de développement collectif pour le Québec. Le pouvoir de détenir - et c'est ça qui

est intéressant - via les filiales en aval, et de contrôler des sociétés de toutes sortes est sans équivalent dans la législation fédérale ou la législation des autres provinces. Plusieurs compagnies québécoises, toutes des mutuelles, s'en sont prévalues. Elles ont consacré à cette mission environ le quart de leurs actifs. "

Soit, nous avons défendu ce point de vue, tout comme vous l'avez fait, en fonction des moyens qui sont ceux de l'Opposition officielle, pour essayer de faire valoir un certain nombre d'amendements à l'occasion du débat sur l'adoption de la loi 112, mais, de ce côté-ci, il faut très clairement dire qu'il y a eu une différence importante de point de vue avec la ministre qui a pris un certain nombre de décisions en limitant, pour les compagnies mutuelles d'assurance, la possibilité d'investir dans des filiales commerciales, dans des activités dites connexes.

J'aimerais peut-être aussi souligner l'introduction que vous avez faite en soulevant avec beaucoup de conviction le fait que La Lauren-tienne est bel et bien une mutuelle. C'est une question qui, bien sûr, a fait discuter un certain nombre de personnes. La Laurentienne devait être consultée au moment de la rédaction du rapport Garneau. On me dit qu'il y a eu, soit par manque de temps ou... un certain nombre de mauvaises communications qui se sont faites. Je suis convaincu qu'il aurait été intéressant que votre point de vue soit entendu, à ce moment-là. Je souhaite, cependant, que la ministre ne reprenne pas cette même erreur. Lorsqu'elle dit dans son communiqué de presse qu'elle confie à ses officiers du ministère des Finances le soin d'entamer des discussions plus approfondies avec l'industrie sur la base des diverses hypothèses soulevées dans le rapport, j'espère que les dirigeants et vous-mêmes, M. Forget, M. Du-breuil, serez consultés à l'occasion de ces discussions avec les représentants de l'industrie.

J'aimerais m'attarder, justement, à cette question-là: une mutuelle, oui ou non. Essentiellement, les critiques qui sont portées à l'égard de La Laurentienne - est-ce une mutuelle, oui ou non - portent, dans le fond, sur la gestion de l'esprit mutualiste. Certaines personnes disent que le cadre actuel de propriété... Malgré le fait que vous participiez, que vous conserviez plutôt une partie de cette philosophie mutualiste, certains prétendent que le nouveau cadre engage certains problèmes potentiels et, à certains égards, la rend moins compatible avec l'esprit mutualiste. J'aimerais que vous puissiez éclairer les membres de la commission sur la façon dont se vit l'esprit mutualiste chez vous, la façon aussi dont, peut-être, le patrimoine des mutualistes est protégé, et comment ça se vit chez vous dans votre quotidien.

M. Drouin: Écoutez, je peux commencer et M. Forget pourrait compléter. D'abord, j'aimerais indiquer que nous avons été fondés comme compagnie à capital-actions. Nous sommes devenus une mutuelle suite à une tentative de "take-over" par des intérêts externes et nous avons adopté la formule de la mutualisatlon qui était - je m'excuse de l'expression anglaise encore une fois - un "poison pill" à l'époque, formule que nous n'avons pas inventée, mais qui a été inventée par des sociétés bien connues, la Sun Life étant la plus connue. (11 h 15)

Donc, pour nous, la mutualité, c'est une réalité qui est née en cours d'histoire et qui a permis de consolider, au Québec, la propriété de notre groupe, la propriété de notre société qui était, initialement, une société mutuelle d'assurance-vie. Je ne pense pas que ce soit une religion. C'est une réalité économique, c'est une formule de propriété qui comporte de grands avantages que nous avons intégralement protégés dans la formule. Avec les années, nous sommes passés d'une mutuelle d'assurance-vie, que nous avons toujours conservée, à une société diversifiée dans les services financiers. La modernisation de la structure a permis de reconnaître ce fait-là. Les mutualistes ou les détenteurs de polices étaient à la fois des assurés de La Laurentienne Vie et, à la fois, des propriétaires d'un groupe financier qui oeuvrait dans le secteur bancaire, dans le secteur de l'assurance de dommages, etc. Nous voyons, nous, la modernisation de la structure comme étant, en partie, une reconnaissance de cette évolution qui permet de protéger la propriété des mutualistes d'un groupe financier qui n'est plus, maintenant, une société d'assurance-vie mais un groupe financier plus diversifié.

Nous nous étions, au cours des années, associés à des partenaires externes, sans avoir vraiment des structures d'accueil pour les incorporer dans notre groupe. Déjà, depuis le début des années soixante-dix, par exemple, le Groupe Victoire est un partenaire financier du Groupe La Laurentienne sans que nous ayons une structure d'accueil. Alors, moi, je perçois donc la modernisation de notre structure comme étant un reflet de cette réalité qui n'a pas évolué du jour au lendemain parce qu'on a changé la loi, mais la loi est venue reconnaître l'évolution graduelle de notre réalité.

Pour ce qui est du fonctionnement de La Laurentienne Vie comme société d'assurance-vie, les principes de la mutualité ont toujours été intégralement respectés et il n'y a absolument rien de changé dans le fonctionnement de cette société suite à ces changements. Pour ce qui est des aspects juridiques et des aspects de propriété. Les principes fondamentaux en vertu desquels les détenteurs de polices ont le contrôle absolu sur la société ont été intégralement respectés. Le principe du droit des détenteurs de polices à leur participation économique dans l'éventualité de la liquidation de la société est intégralement respecté.

Nous continuons à tenir des assemblées annuelles avec les détenteurs de polices de la même façon que nous les avons toujours tenues. D'ailleurs, ça va se tenir en avril. Nous leur faisons rapport comme nous leur avons fait rapport non seulement sur la société d'assurance-vie, mais sur l'ensemble du Groupe La Lauren-tienne dont ils sont l'actionnaire principal. Nous avons conservé le conseil d'administration de la mutuelle de gestion de La Laurentienne Vie qui a encore exactement les mêmes prérogatives, les mêmes pouvoirs et les mêmes attributions qu'elle avait antérieurement à la réorganisation. Donc, il n'y a pas eu de changement important sur le plan des principes de fonctionnement de l'entreprise détenue en majorité par des détenteurs de polices.

M. Forget (Claude E.): Peut-être qu'on pourrait dire qu'il y en a certains qui ont voulu nous faire un procès quant au style avec lequel on entretenait ou on n'entretenait pas une espèce de vie coopérative ou participative à l'intérieur de l'entreprise. C'est un point de vue intéressant, mais il reste que c'est un point de vue tout à fait théorique. Il y a, bien sûr, un certain nombre de mutuelles qui sont plus semblables à des coopératives à cause de ce style de gestion participative qu'elles ont, et qu'elles ont eu dès l'origine, mais ce sont des entreprises mutuelles minoritaires au Canada. Il y en a quelques-unes sur le plan québécois. Il y en a une seule, je pense, au plan fédéral. Toutes les autres sont le produit de la transformation que M. Drouin vient de décrire. Il est clair que, mis à part le style participatif ou non participatif, les droits économiques et les droits juridiques qui définissent essentiellement, à notre point de vue, la formule mutuelle y sont respectés intégralement, non seulement avant toutes les mutations et les transformations qu'on a connues, mais même après. Donc, il n'y a rien de changé de ce côté-là. Nous sommes une mutuelle dans ce sens-là, dans le sens du contrôle juridique et du respect des droits.

S'il y a quelque chose avec l'effet de levier dont on parlait tout à l'heure, les droits économiques des mutualistes ont été développés et multipliés bien plus que la formule originale aurait pu le permettre.

M. Boisclair: Je voudrais peut-être revenir sur la proposition du rapport Garneau où vous craignez un certain nombre de distorsions dans le marché. Il y a un certain nombre de craintes aussi qui peuvent être justifiées. Est-ce qu'on pourrait voir dans le cas de l'éventuelle création d'une corporation semblable à celle présentée dans le rapport Garneau, par exemple, d'éventuelles mesures de redressement pour une entreprise? Est-ce que, par exemple, la corporation pourra porter des jugements sur la qualité de l'administration qui pourrait faire face à des problèmes de remboursement? L'Inspecteur général pourrait trouver un allié intéressant parmi les gens qui composeront la corporation, puisque les entreprises, les compagnies d'assurances auront à justifier leurs demandes auprès de la corporation. C'est un peu le genre de craintes qui retiennent plus mon attention lorsqu'on parie de cette corporation à l'image de celle proposée par le rapport Garneau. J'aimerais peut-être vous entendre, savoir si vous partagez ces mêmes craintes.

M. Forget (Claude E.): Oui II y a deux dangers. Vous soulignez avec raison...

M. Boisclair: Une perte d'autonomie dans le fond.

M. Forget (Claude E.): ...qu'un accès automatique à du financement additionnel sans condition, pourvu qu'on ait le statut de mutuelle et qu'on soit dans le métier d'assurance, ça laisse envisager un accès probablement trop large. Injecter du capital additionnel dans un secteur où on voit qu'il y a déjà un certain nombre d'entreprises, globalement parlant, qui ont des problèmes de rendement adéquat, c'est presque garantir que les rendements vont être plus bas après qu'avant, pour l'ensemble encore une fois. Donc, ça c'est un danger. L'autre danger, on peut s'en douter facilement, c'est que si on astreint l'obtention de ce financement à des conditions, à des mesures de restructuration, à la soumission de plans de redressement ou de repositionnement sur le marché alors qu'on déplace le lieu de la responsabilité première pour gérer les compagnies, c'est un dilemme. Mais à tout prendre, ce que l'on dit, c'est que le danger est peut-être plus grand du premier côté, c'est-à-dire mettre plus de capital dans une industrie où se posent des problèmes économiques réels. Il faut peut-être mettre ça de côté. L'autre, il y a peut-être des moyens de contenir le risque et le déplacement de responsabilités vers l'administration publique, dans le fond, pour gérer une série d'entreprises commerciales.

Le Président (M. Forget, Prévost): Voici. Comme le temps s'écoule très rapidement, nous aurons le temps pour deux brèves interventions. Alors, Mme la ministre, quelques interventions très rapidement et après ça, on va revenir. Oui. Il reste 13 minutes en tout.

Mme Robic: Non, non. Alors, il peut... Oui, certainement. Continuez tout simplement.

Le Président (M. Forget, Prévost): O.K

D'accord.

M. Boisclair: Juste pour préciser, M. le Président. J'ai toujours cru qu'il y avait une demi-heure qui était...

Le Président (M. Forget, Prévost): C'est parce que le temps se termine à 11 h 30.

M. Boisclair: Oui, mais on a pris du retard au début. On a commencé à 9 h 50.

Le Président (M. Forget, Prévost): Est-ce qu'on a une entente pour continuer après 13 heures?

M. Boisclair: L'idée c'est... Oui, qu'on puisse utiliser tout le temps, qu'on reprenne les 10 ou les 15 minutes.

Mme Robic: On finirait à quelle heure, M. le Président?

Le Président (M. Forget, Prévost): 13 h 15, 13 h 20 quoi.

M. Boisclair: Quitte à couper sur l'heure du dîner.

Le Président (M. Forget, Prévost): Non, non, on va s'entendre. Il n'y a pas de problème.

Mme Robic: Non. On va finir... On va couper sur l'heure du dîner tout simplement.

Le Président (M. Forget, Prévost): Bon, parfait. Alors, 20 minutes de retard. On finira vers 13 h 20. Allez, M. le député de Gouin.

M. Boisclair: merci, m. le président. je comprends très bien l'analyse que vous faites, m. forget, mais il n'y a personne non plus qui propose l'accès illimité à des capitaux sans condition. ça, ça semble assez clair. j'aimerais revenir sur un élément: le rapport garneau, en plus de proposer la corporation, fait une réflexion sur un certain nombre d'autres hypothèses. on parle des actions, ce qu'on pourrait qualifier d'actions mutualistes. on parle de capital-actions composé de plusieurs catégories d'actions. on parle de cette question de créer des marchés là aussi pour les billets en sous-ordre. est-ce que les gens, chez vous, ont réfléchi sur d'autres moyens pour essayer de faciliter cette capitalisation, l'accès à des capitaux externes? je comprends que vous, vous avez choisi un moyen qui est connu par tous: une législation adoptée par l'assemblée nationale. sans doute pour vous, cela a dû être un processus très dispendieux, très onéreux pour en arriver à cette démarche. est-ce que, compte tenu de ces dépenses importantes suscitées par une démarche comme celle que vous avez entreprise, il n'y aurait pas lieu d'examiner un certain nombre de critères? je n'aime pas le mot dému-tualisation... le rapport quiquennal parle d'une réorganisation, d'une restructuration totale ou partielle, c'est le vocable utilisé dans le rapport quiquennal. est-ce qu'il y aurait peut-être lieu d'examiner d'autres alternatives ou s'il ne vaudrait pas mieux, d'ores et déjà, poser un certain nombre de règles qu'on pourrait appeler une restructuration totale ou partielle?

M. Drouin: Évidemment, on ne peut pas prendre comme position de s'opposer à des formules novatrices, créatrices d'émissions de capital, pour autant qu'elles respectent les règles qu'on a essayé d'énoncer: se soumettre aux lois de la concurrence économique normale. Mais on a fait l'expérience d'émettre du capital, étant une créature mutuelle, et on l'a affiché très haut et très fort. Toutes les fois que nous nous présentons au public, nous présentons notre société comme étant une société mutuelle qui veut avoir accès au marché des capitaux. On s'est rendu compte, avec l'expérience, que le marché a beaucoup de difficultés, un, à comprendre et, deux, à accepter une créature comme la nôtre, qui est une créature un peu spéciale, pour ne pas dire unique sur le marché. Les marchés financiers, on le sait, sont très conservateurs; Us sont soumis à des règles, tout un protocole, des façons de faire, etc. D'ailleurs, ça a fait partie de notre débat avec les autorités gouvernementales quand notre projet de loi a été discuté, que dans la mesure où nous allons lever des capitaux sur les marchés financiers, il faut se démarquer le moins possible des règles auxquelles sont habitués ces marchés-là. Toutes les fois qu'il y a le moindre écart, les marchés réagissent et les gens se posent des questions, hésitent à investir, se demandent...

Alors, moi, tout ce que je peux dire, fort de cette expérience-là, c'est que tous les instruments financiers, les titres ou les façons de faire qui se démarqueraient trop des marchés financiers normaux, vont avoir énormément de difficultés à se vendre. Déjà, en utilisant les formules bien connues, bien testées - en raison de la structure hybride que nous représentons tous parce que je pense qu'on va tous vouloir protéger le caractère mutuel - c'est énormément difficile à vendre et à faire accepter. Je pense que nous autres, avec les années, c'est en train d'être accepté, mais le moindre écart serait perçu de façon très suspecte. On serait immédiatement interrogé si jamais on arrivait avec un titre auquel les gens ne sont pas habitués, une formule de financement ou des conditions d'émission qui ne sont pas les conditions régulières.

M. Boisclair: Une dernière question, M. le Président, si vous me permettez. C'est peut-être sortir un peu du cadre du rapport Garneau et de la question du financement des mutuelles d'assurance. Vous demandez, par exemple, et plusieurs personnes qui interviendront dans le débat ou qui sont intervenues à différentes occasions soulignent le fait - je crois que le rapport Garneau en parle bien, à la page 8, lorsqu'il dit

et je le reprenais dans mon discours d'ouverture: "Aucune législation n'a encore encadré les principes - on parle du principe du mutualis-me - dans un corps organisé. Le législateur, au sein de la Loi sur les assurances, a prévu des modalités de fonctionnement s'appliquant mutatis mutandis à une compagnie à capital-actions aussi bien qu'à une mutuelle." Est-ce que vous verriez d'un bon oeil que peut-être dans une modification à venir de la Loi sur les assurances le législateur intervienne pour fixer un certain nombre de règles quant à la gestion de ce patrimoine qui appartient aux mutualistes, comme c'a été le cas, comme il existe ce genre de législation, je crois, en France. Le professeur Moffet donne un certain nombre d'exemples de législation. Est-ce que vous verriez d'un bon oeil que le législateur intervienne pour protéger justement ce patrimoine de mutualisme? (11 h 30)

M. Drouin: Moi, mon opinion personnelle sur les mesures protectionnistes - vous utilisez le mot "protection" - je ne suis pas sûr que c'est la meilleure voie pour l'avenir économique du Canada, du Québec, etc. Je pense qu'on devrait prendre une attitude beaucoup plus agressive sur les marchés. On va se tailler une place sur les marchés dans la mesure où on est aussi bon que les autres, on est aussi concurrentiel que les autres et on est aussi capable que les autres. Toutes les fois qu'on érige des barrières, on crée un effet négatif vis-à-vis d'autres partenaires, d'autres investisseurs ou d'autres groupes qui pourraient investir dans nos institutions. Par contre, nous serions très favorables à ce qu'une loi générale soit adoptée ici pour permettre de moderniser les structures mutuelles et les adapter à la réalité des marchés d'aujourd'hui. Je ne pense pas que ce serait une attitude protectionniste autant qu'une attitude qui permettrait d'ouvrir...

Une voix: C'est ça, c'est ça.

M. Drouin: ...de nouvelles possibilités d'action, d'intervention et de financement des sociétés mutuelles. Encore une fois, nous sommes loin de préconiser que la solution de La Lauren-tienne soit la seule.

M. Boisclair: Mais vous dites donc qu'une protection législative, comme il existe en France - on nous donne même des références - qu'une intervention du législateur pour protéger le patrimoine des mutualistes constituerait, quant à vous, une entrave ou une réglementation accrue de l'industrie.

M. Drouin: Je vais vous donner des exemples concrets. Nous, nous avons une filiale en Angleterre; notre filiale en Angleterre, nous avons pu l'acheter sans aucune contrainte. Nous avons 2 500 000 000 $ d'actif maintenant en

Angleterre. Nous pouvons maintenant avoir plus facilement une licence, un permis d'opérer une compagnie d'assurance-vie en France que nous pouvons le faire en Alberta. C'est plus facile, il y a moins de contraintes, c'est plus simple. Ça va être très difficile, à mon avis, dans un monde qui se globalise comme ça de dire: Permettez-nous donc de nous établir en Europe ou aux États-Unis et nous, les Québécois et les Canadiens, on va établir des frontières ou des... On va vous empêcher de venir intervenir librement sur nos marchés. Je pense qu'il y a une question de dosage, il y a une question de degré et je pense que la législation française, à l'heure actuelle, évolue beaucoup dans un sens d'ouverture plutôt que dans un sens de fermeture. Je pense que les Français qui avaient des entreprises beaucoup moins efficaces que les Allemands, par exemple, sont en train de devenir aussi efficaces que les Allemands. On a un bon exemple dans notre propre groupe, le Groupe Victoire, qui est un groupe français, a acheté une société allemande. Ils sont aussi bons, aussi capables et aussi efficaces que les Allemands. La législation allemande a été libéralisée pour leur permettre de le faire. Moi, je dis: Les mesures à caractère protectionniste peuvent nous donner une impression, une illusion à court terme, mais à long terme, je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure formule pour assurer le dynamisme de nos entreprises. Il faut réaliser que c'est une question...

M. Boisclair: Si vous me permettez...

M. Drouin: Dans tout ça, c'est une question de degré, c'est une question de timing et c'est une question d'évolution. C'est sûr qu'on ne peut pas se permettre aujourd'hui d'ouvrir les vannes toutes grandes, c'est évident.

M. Boisclair: mais vous assimilez une future intervention du législateur pour protéger le patrimoine des mutualistes, vous l'assimilez à des mesures à caractère protectionniste. c'est bien ça que je dois comprendre de votre réponse?

M. Drouin: C'est une question de dosage. Je pense que nous sommes tout à fait d'accord et nous l'avons proposé, que le contrôle mutualiste soit protégé dans le cas du Groupe La Lauren-tienne. Alors, évidemment, nous sommes partisans de cette barrière-là et nous réussissons à vendre, à l'heure actuelle... que les investisseurs viennent investir chez nous malgré ce contrôle-là. Nous ne proposons pas du tout que cette balise-là soit enlevée. Mais je dis que, dans la réflexion qu'on fait et dans l'ouverture qu'on veut avoir sur les marchés, soyons prudents dans les mesures à caractère protectionniste par rapport aux mesures d'ouverture. C'est tout ce que je veux dire. Je ne dis pas que nous avons les moyens de nous permettre d'ouvrir les vannes toutes grandes et

d'éliminer tout le protectionnisme. Tous les pays en font du protectionnisme, quel qu'il soit. C'est une question de degré sur laquelle je veux attirer l'attention et on va être beaucoup plus en mesure de lever des capitaux dans la mesure où on va être plus ouvert sur les marchés et concurrentiel que les mesures protectionnistes, trop protectionnistes. Les questions de degré et de dosage travaillent contre nous et pas pour nous, c'est le point que j'essaie de faire.

M. Forget (Claude E.): Si je peux ajouter brièvement, je crois que dès qu'on entend parler de protection, que ce soit du consommateur ou, dans ce cas-ci, des mutualistes, il est très difficile d'imaginer que ça se traduirait en fait par autre chose qu'une interdiction de faire ceci ou cela. Peut-être est-ce une mauvaise hypothèse?

Le Président (M. Lemieux): Ça va monsieur le...

M. Boisclair: Non, mais c'est de concilier ça avec l'esprit mutualiste. C'est qu'on concilie ce besoin de protection du patrimoine avec l'esprit mutualiste. Je pense que M. Drouin a tout à fait raison de dire qu'il s'agit là finalement d'une question de dosage. Mais, j'aurai l'occasion dans les jours qui viennent de discuter du partage et surtout des actifs accumulés dans les régimes de retraite. Vous voyez de quelle façon le problème se pose. Je vois M. Millette qui aura à intervenir à l'occasion de cette commission. C'est toute cette question finalement: À qui appartient ce patrimoine? Comment peut-on en disposer? De quelle façon aussi peut-il y avoir une interaction entre les gestionnaires de deux corporations? Le problème est posé et je pense que M. Drouin y a répondu d'une façon intéressante en parlant de la question de dosage. Mais, il y a aussi un certain nombre de considérations. Mot, je peux vous dire, je suis quand même assez sensible au plaidoyer que bien des gens font dans le milieu sur le respect de cet esprit mutualiste. Vous avez bien expliqué aussi, comment chez vous, à La Laurentienne, c'est vécu cet esprit mutualiste. Mais il y a aussi une certaine conception à y avoir, je crois, quant à la propriété de ce patrimoine, la façon dont on peut en disposer. Déjà, un certain nombre de règles existent, je ne crois pas qu'on est dans le néant.

M. Forget (Claude E.): Si vous me permettez, je crois qu'il faut faire attention là de ne pas tirer des analogies inappropriées. La protection du consommateur c'est une chose. Quand on parie de la protection des mutualistes, il faut bien se souvenir que dans la philosophie de la mutualité, les mutualistes sont des propriétaires. Les propriétaires n'ont pas que des avantages dans n'importe laquelle entreprise; ils encourent aussi des risques. Si l'on veut imaginer une forme de propriété où il y a seulement des avantages et aucun risque, je crois que là on est très innovateur et très audacieux, mais on mélange deux ordres de préoccupations. Si l'on veut traiter les mutualistes seulement comme des consommateurs, alors, il faut se poser la question: Est-ce qu'on croit vraiment à la mutualité parce que, de toute façon, ils sont des assurés, ils sont protégés comme assurés? Si en plus de ça, on veut leur donner une protection comme propriétaires, je pense que là on s'éloigne du concept plutôt que de s'en rapprocher.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Mme la ministre.

Mme Robic: Dans votre exposé vous nous dites que l'amélioration de la position des mutuelles québécoises passe par les marchés interprovinciaux et internationaux. Ça m'amène à parler de normes de capitalisation. Vous l'avez mentionné, tout à l'heure, M. Drouin. M. Millette va être heureux de savoir que vous avez fait un très bon plaidoyer pour les normes de l'ACCAP. Mais, n'est-il pas vrai qu'il faut se donner des normes compatibles sur ces marchés interprovinciaux et internationaux et que l'un des problèmes que l'on a, que nos compagnies mutuelles ont, c'est que, justement, ces marchés, les normes que l'on retrouve au niveau international font en sorte qu'on doit, si on veut être compatible avec ces normes, faire disparaître le double comptage et l'achalandage? C'est là, peut-être, que certaines de nos compagnies qui ont grandi grâce à certaines acquisitions, des filiales, se trouvent aujourd'hui pénalisées devant ces nouvelles normes. Vous qui êtes déjà sur ces marchés, vous ne craignez pas que, si nos normes ne sont pas à la hauteur de ces normes-là, qu'elles sont déficitaires vis-à-vis de ces normes-là, vos compétiteurs puissent se servir de ça contre vous?

M. Drouin: Je vais commencer... On a tous les deux la tentation de répondre ici. L'un des débats favoris de l'heure, peut-être trois éléments. J'ai indiqué, je pense, qu'il y a évidemment des intérêts commerciaux en cause ici. Ottawa est très influencé par la mentalité bancaire qui domine à Ottawa, puis c'est normal, c'est l'autorité fédérale qui gouverne le système bancaire. La majorité des fonctionnaires qui sont reliés aux services financiers à Ottawa connaissent beaucoup mieux le système bancaire que quelque autre activité.

Le deuxième point que j'aimerais "faire", c'est que les normes de l'ACCAP reflètent le résultat d'un long débat à l'intérieur de l'industrie où là aussi il y a des intérêts commerciaux en jeu, je l'ai indiqué, des joueurs plus gros, des joueurs moins importants, qui ont finalement réussi à s'entendre sur des normes. L'industrie se porte forte, se porte garante de

faire en sorte que ces normes soient respectées et d'indemniser tout assuré qui se retrouverait lésé dans le système canadien, par un assureur qui aurait été accrédité.

Nous, le débat a eu lieu. On en est arrivés à la conclusion, comme industrie, que ces normes-là correspondent parfaitement aux besoins de la protection du public. Non seulement ça mais, comme industrie, les grands, les moyens et les petits se rendent responsables d'indemniser les assurés. Nous disons à l'État: Ou bien l'État n'a pas besoin d'aller plus loin ou, si l'État veut faire quelque chose, pourquoi n'adopte-t-il pas tout simplement les normes que l'industrie elle-même a convenu d'appliquer et dont elle se porte garante?

Le troisième point que j'aimerais "faire", c'est que, au contraire, je ne pense pas que les Québécois ni les Canadiens devraient rougir de leurs normes. On a fait des comparaisons, justement, avec nos confrères européens qui ont une présence en Angleterre, en Italie, en Espagne, en France, en Allemagne, etc., et on a fait certains calculs qui démontrent que, non seulement nos normes, on n'a pas à en rougir mais, au contraire, généralement, les normes européennes sont plus souples et plus permissives que les normes de l'ACCAP qui ont été déposées. Je pense qu'on est en mesure de documenter cette comparaison-là. On a invité vos représentants à se familiariser avec ces chiffres-là.

Alors, pour ces trois raisons-là, je me sens bien à l'aise de supporter avec enthousiasme ces normes-là, comme représentant un compromis qui rencontre toutes les conditions imposées. Je ne sais pas si, Claude, tu veux ajouter...

Mme Roblc: Merci, M. le Président. Ça va. Le Président (M. Lemieux): Ça va.

Mme Robic: Non. Peut-être pas, M. le Président, si vous me le permettez.

Le Président (M. Lemieux): Oui. Allez-y, Mme la ministre.

Mme Robic: On va revenir sur le pourquoi de la raison qu'on se retrouve ici. M. le président, vous qui avez pris la décision de faire une réorganisation importante de votre organisme pour, justement, vous permettre de grandir, de vous développer, sans doute qu'avant d'arriver à cette conclusion-là qu'il vous fallait vous réorganiser, réorganiser vos structures, vous avez dû également chercher des moyens de vous capitaliser, de grandir, sans nécessairement aller à une restructuration. Dans toute cette réflexion, est-ce que ça a été pour vous la seule façon de réussir, le seul moyen que vous avez trouvé pour vous capitaliser, pour grandir, ou si c'est un moyen parmi d'autres que vous avez choisi? Est-ce qu'il y en avait d'autres? Est-ce que vous aviez d'autres alternatives au moment de vos discussions?

Le Président (M. Lemieux): M. Drouin.

M. Drouin: Si on regarde la solution, quand je dis qu'avec un avoir net de 50 000 000 $ on a réussi a lever 1 000 000 000 $ de capital extérieur sous forme d'équité, il y a toute une variété de réalités là-dedans. Il n'y a pas de dette; il n'y a pas un sou de dette encore, mais ce n'est pas exclu qu'on utilise la dette subordonnée ou qu'on utilise d'autres instruments, d'autant plus que la loi fédérale va nous permettre de le faire. Elle ne nous le permet pas au moment où on se parle. Mais il y a, dans l'éventail des moyens auxquels on a accès maintenant, le capital ordinaire, il y a le capital privilégié, il y a la dette subordonnée, il y a les intérêts minoritaires dans les filiales, il y a les intérêts participants de certaines catégories d'assurés. En d'autres termes, on a maintenant accès à toute la gamme des instruments financiers, des marchés financiers normaux, allié au fait que notre propriétaire principal est une mutuelle, la corporation mutuelle de gestion, qui représente les assurés. Dans notre système, il y a déjà une variété de solutions qu'on retrouve pour capitaliser nos activités, dont certaines ne sont même pas encore utilisées, dont la dette subordonnée que nous n'avons pas commencé encore à utiliser, mais que nous allons commencer à utiliser bientôt.

Le Président (M. Lemieux): En conclusion, s'il vous plaît, M. Drouin. Vous avez environ deux minutes pour conclure.

M. Drouin: Bien, notre conclusion... Je pourrais répéter... Nous pensons donc que le problème de financement des mutuelles n'est pas seulement un problème juridique, c'est beaucoup plus un problème de marché. À notre avis, le secteur de l'assurance-vie, le secteur des mutuelles d'assurance-vie, en particulier, devrait profiter d'une stratégie de repositionnement en se concentrant sur des segments de marchés plus lucratifs, en favorisant certains regroupements et la diversification géographique de nos sociétés. Nous sommes favorables à ce que les lois générales favorisent et facilitent la modernisation des structures des entreprises mutuelles. La formule de La Laurentienne est une solution. Il y en a beaucoup d'autres qui pourraient être mises de l'avant, mais une loi générale devrait faciliter cette chose-là plutôt qu'une série de lois privées. Nous sommes d'accord pour que l'accès au capital soit facilité, mais il ne faut jamais oublier que, quelle que soit la formule d'accès au capital, il faut rémunérer le capital et on aurait tort de trouver des formules, à notre avis, qui privilégieraient des formules d'accès qui ne sont pas basées sur des données de marché et une corn-

pétitivité adéquate de nos sociétés. Nous invitons l'État à être prudent avec l'adoption de normes de capitalisation et de normes prudentielles qui s'écartent des marchés ou avec l'introduction de mesures de support ou d'encadrement qui résulteraient en une perturbation des marchés normaux.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Drouin. Alors, nous allons maintenant suspendre nos travaux pour environ trois minutes, pour permettre au Groupe de travail sur le financement des mutuelles de bien vouloir prendre place. Rapidement, cinq secondes, Mme la ministre.

Mme Robic: Tout simplement, M. le Président, pour remercier le Groupe La Laurentienne, M. Drouin, M. Forget et M. Dubreuil d'avoir participé à notre consultation. Votre mémoire est intéressant. Il est sévère à des moments donnés, d'ailleurs, vous faites une analyse assez sévère, mais il est de grande qualité. On l'a trouvé fort intéressant et nous allons certainement avoir le plaisir de le relire pour pouvoir l'approfondir. Alors, je vous remercie infiniment.

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la ministre. M. le député de Gouin.

M. Boisclair: M. Drouin, M. Forget, M. Dubreuil, je veux vous remercier pour votre présentation. Je pense que les gens de l'Opposition officielle, particulièrement moi-même et M. Parizeau, sont contents d'avoir pu vous donner l'occasion de vous exprimer. Faut-il rappeler que c'est grâce à l'Opposition officielle si on est capable de tenir une consultation comme celle que nous tenons aujourd'hui. Je tiens à le rappeler, c'est à la demande de l'Opposition, et à vous dire que nous avons partagé dans le passé plusieurs points de vue en commun, particulièrement sur cette question des acquisitions en aval. Je souhaite que votre point de vue soit entendu. C'est une réflexion novatrice, une réflexion qui détonne peut-être un peu par rapport aux autres parce que j'ai eu l'occasion de lire l'ensemble des mémoires. Mais je crois qu'il s'agit là d'une position courageuse puisqu'elle est peut-être un peu plus à part. Je tiens à vous en remercier et je suis convaincu qu'il y a là matière à réflexion.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Gouin. Alors, nous suspendons...

M. Drouin: Nous avons apprécié le sérieux et l'accueil de la commission et aussi son sens de l'humour.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Drouin. La commission vous remercie de votre participation et nous suspendons pour trois minutes, pour permettre au Groupe de travail sur le financement des mutuelles de bien vouloir prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 11 h 50) (Reprise à 11 h 55)

Groupe de travail sur le financement des mutuelles

Le Président (M. Lemieux): La commission reprend ses travaux pour entendre le Groupe de travail sur le financement des mutuelles. La durée totale de l'audition de tous les organismes est d'une heure trente minutes, soit 30 minutes pour l'exposé de votre mémoire; suivront 60 minutes d'échanges entre les parlementaires, dont 30 minutes pour le groupe parlementaire formant le gouvernement et 30 minutes pour l'Opposition. Les députés ont un temps de parole de 10 minutes en respectant la règle de l'alternance. Mme la ministre, vous avez la parole. Pardon, M. Garneau, président du Groupe de travail sur le financement des mutuelles, la parole est à vous. Auriez-vous la gentillesse de présenter les gens qui vous accompagnent?

M. Garneau (Raymond): Certainement. M. le Président, Mme la ministre, MM. les députés, à ma gauche, M. Andréa Latulippe, président de La Solidarité, mutuelle d'assurance sur la vie; à ma droite, M. Leopold Marquis, président de la mutuelle Les Services de santé du Québec, M. Yves Millette qui faisait partie de notre groupe de travail à titre individuel, mais qui est un permanent à l'ACCAP, Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes inc., et, finalement, M. Serge Chevalier, fiscaliste de la firme comptable Raymond Chabot Martin Paré.

Nous tenons à remercier les membres de la commission du budget et de l'administration de nous permettre, aujourd'hui, de nous exprimer et d'engager le dialogue sur le financement des mutuelles d'assurance de personnes à charte québécoise.

Comme vous le savez, en octobre dernier, notre groupe de travail a soumis à Mme la ministre des recommandations afin de procurer aux mutuelles québécoises un moyen de financement qui leur permettrait d'assurer leur croissance et leur développement. C'est donc dans le cadre de nos recommandations et de la réflexion qui les a précédées que nous voulons faire quelques commentaires. Vous aviez déjà reçu, je crois, le rapport.

Notre exposé portera d'abord sur le mandat que nous avait confié Mme la ministre et les paramètres qui l'accompagnaient. Nous aborderons ensuite les différentes avenues que nous avons étudiées et celles que nous avons volontairement ignorées. Finalement, nous expliquerons pourquoi les recommandations formulées nous apparaissent

comme étant une bonne solution pour le financement des mutuelles.

En mai 1990, dans le cadre de la révision quinquennale de la Loi sur les assurances, Mme Robic demandait à notre groupe d'examiner les véhicules de financement qui pourraient être mis de l'avant afin de permettre aux mutuelles d'assurance de personnes du Québec de poursuivre leur expansion et ainsi continuer à jouer un rôle toujours plus important dans le développement économique du Québec. Dans l'exécution de ce mandat, Mme Robic nous a demandé de respecter un certain nombre de paramètres. Premièrement, les recommandations qui comprendraient des exemptions fiscales seraient difficilement acceptables. Deuxièmement, notre groupe devait réfléchir en dehors des structures gouvernementales, et je pense que ça se comprenait. Elle avait déjà le point de vue, probablement, de ses fonctionnaires. Troisièmement, aucun budget ne nous était alloué et, finalement, on avait cinq mois pour déposer notre rapport. Je crois que nous avons respecté les cinq conditions. J'espère qu'il ne leur arrivera pas la même chose que le lac Meech.

Finalement, quant à nous, les membres du groupe de travail, nous voulions proposer des options qui soient simples. C'était l'une de nos préoccupations. C'était de pouvoir proposer un mécanisme qui ne nécessiterait pas des tonnes de législations et des changements aux principes fondamentaux opérationnels des entreprises. Nous voulions que nos propositions soient transparentes, c'est-à-dire qu'on évite les voies, les avenues qui nous permettraient de faire indirectement ce qu'on n'a pas le droit de faire directement et, finalement, qui comporteraient pour le gouvernement et aussi pour les entreprises en question des coûts les plus bas possible. De plus, les propositions qui seraient faites devaient être applicables et équitables aussi pour toutes les mutuelles, peu importe leur dimension. contrairement aux sociétés à capital-actions, les mutuelles ne peuvent émettre d'actions ordinaires pour lever du capital et assurer leur croissance. en plus de leur profit annuel qui s'ajoute aux excédents accumulés, les mutuelles disposent des instruments ou moyens de financement suivants qui sont soit prévus par la loi ou simplement autorisés: d'abord, les actions privilégiées; ensuite, /es obligations non garanties et les billets en sous-ordre; troisièmement, les holdings en aval, fa fusion des mutuelles, la démutualisation ou la restructuration.

En ce qui concerne les actions privilégiées, la loi 75 de 1984 a bien permis aux mutuelles d'émettre ce type d'actions, mais la fiscalité sur ces titres a été tellement amplifiée depuis que leur utilisation comme instrument de financement est maintenant très coûteuse et le marché potentiel restreint. Ce moyen de financement a d'ailleurs été abandonné, je crois, par une des mutuelles qui l'avaient utilisé. Il s'agit donc d'un moyen de financement plutôt théorique que pratique.

Deuxièmement, quant aux obligations non garanties et les billets en sous-ordre, nous croyons qu'il est maintenant possible de donner une certaine vitalité à ces instruments qui sont permis par la loi, lesquels, à notre connaissance, n'ont pas été ou très peu été utilisés. Comme vous l'avez constaté à la lecture de notre rapport, nos recommandations reposent sur l'utilisation de ces instruments de financement. Alors, vous me permettrez d'y revenir un peu plus tard.

Troisièmement, les holdings en aval représentent un excellent instrument de financement qui se compare aux instruments qui sont à la disposition des autres institutions financières qui sont, rappelons-le, des concurrentes directes des mutuelles dans bien des domaines.

En permettant aux mutuelles québécoises de créer des sociétés en aval, le gouvernement du Québec a voulu ainsi faciliter l'utilisation de l'avoir des assurés et des actifs qu'il gère, qui sont sous le contrôle de Québécois en grande majorité et de permettre, en fait, à la collectivité québécoise d'en bénéficier par des développements économiques plus considérables. Or, cet instrument risque de devenir de moins en moins attrayant et sera peut-être même délaissé avec les normes de capital qui sont en cours d'élaboration et qui prévoient un traitement très, très conservateur des investissements en filiales et de l'achalandage.

Ainsi, jusqu'à maintenant, cet instrument a permis et permet encore aux mutuelles de diversifier leurs activités dans leur nature et sur le plan géographique à un coût abordable. Grâce à la participation de partenaires externes, cet instrument risque de ne plus être utilisé. la fusion de mutuelles. par le passé, on a connu quelques fusions. les coopérants ainsi que la compagnie l'industrielle-alliance sont des entreprises qui sont issues de fusions. la fusion, bien que n'étant pas un instrument de financement en soi, a permis aux mutuelles, mais aussi à d'autres types de sociétés, premièrement, d'avoir la taille suffisante pour opérer à des coûts concurrentiels et, deuxièmement, de jumeler leur avoir pour ainsi créer une base de capital plus importante. dans le cadre du mandat gu/ nous a été confié, nous n'avons pas examiné /a question de fusion. nous aurions pu difficilement suggérer cette option comme une source valable de financement et elle demeure ouverte aux entreprises intéressées, le tout sujet à l'approbation des autorités.

Finalement, la démutualisation et la restructuration. Au Québec, deux compagnies ont opté pour la démutualisation pour répondre à leurs besoins spécifiques de développement stratégique. Les consultations auprès des autres dirigeants de mutuelles - et nous avons tenu deux séances de

travail avec ces entreprises - nous ont amenés à la conclusion que celles-ci désiraient préserver leur caractère mutualiste qui sert bien leur clientèle et protège nos compagnies québécoises contre les prises de contrôle non désirées. Comme nous l'indiquions dans notre rapport, nous croyons que le patrimoine collectif amassé par nos mutualistes et dont nous sommes les gardiens doit être protégé, nourri et développé.

Par la suite, dans le cadre de notre mandat, nous avons examiné deux nouvelles avenues et analysé plus en profondeur le marché des obligations non garanties. Parmi les nouvelles avenues, il y avait ce que nous avons appelé les actions mutuelles que nous retrouvons à la page 18 de notre rapport. Sans entrer dans le détail technique, ces actions mutuelles auraient été des titres que l'on aurait pu comparer aux parts permanentes émises par les caisses populaires Desjardins.

Nous n'avons pas recommandé cette source éventuelle de financement. À notre avis, pour intéresser les épargnants à ce type d'instrument, il faudrait que des actions mutuelles jouissent d'avantages fiscaux, comme c'est le cas pour les parts permanentes. De plus, comme les mutuelles ont besoin de capital permanent ou quasi permanent, les investisseurs auraient dû accepter d'immobiliser leur épargne sur une période minimale de 10 ans, d'où la nécessité d'un marché secondaire actif.

Finalement, pour mettre en marché de tels titres à un coût raisonnable, il aurait fallu compter sur un important réseau de distribution, élément que plusieurs de nos mutuelles n'ont pas. Le véhicule demeure quand même valable, mais il ne serait pas adéquat pour lever rapidement des capitaux. La seconde avenue que nous avons examinée est celle du capital-actions composé de plusieurs catégories d'actions. Cette option mériterait d'être approfondie, chose que nous n'avons pu faire. Elle nécessiterait sans doute des modifications à la loi actuelle sur les assurances. Cette avenue avait déjà été recommandée par l'ACCAP en 1982, mais compte tenu que cette source de financement nécessite la cohabitation d'actionnaires et de mutualistes dans la société mère et qu'une étude des possibilités et conséquences aurait été nécessaire - étude que nous n'avions ni les moyens, ni le temps de faire - nous n'avons pas été en mesure de recommander cette approche. De plus, une opération consistant à joindre des actionnaires ordinaires aux mutualistes nous apparaît délicate puisque, dans la pratique, un actionnaire, même minoritaire, pourrait avec un peu d'astuce et de patience prendre le contrôle de la mutuelle ou faire en sorte que ses intérêts personnels influencent fortement les opérations.

Il nous reste donc les obligations non garanties et les billets en sous-ordre dont nous avons parlé plus tôt. Ces instruments de financement sont actuellement autorisés dans la Loi sur les assurances. Aucune législation nouvelle ne serait donc requise. La seule difficulté que présentent ces titres est que les compagnies n'ont pas trouvé de moyen efficace de les mettre en marché à un coût acceptable. À leur avantage, ces titres d'endettement sont reconnus dans le calcul du capital minimal d'une compagnie d'assurance-vie par l'ACCAP et par les autorités de surveillance dans la mesure où leur échéance est à long terme.

Comme nous l'avons mentionné, la principale difficulté est de mettre ces titres en marché à un coût raisonnable pour la mutuelle et, surtout, d'assurer un marché secondaire pour les détenteurs de ces titres. De plus, les mutuelles d'assurance de personnes étant relativement moins connues que les autres institutions financières et la composition de leur bilan étant moins bien comprise, cela rend difficile toute démarche individuelle ainsi que l'établissement d'un coût équitable du capital. C'est pourquoi nous avons proposé une approche unifiée des mutuelles qui prendrait la forme d'une corporation que nous avons appelée le Fonds des mutuelles d'assurance de personnes à charte québécoise. De plus, pour faciliter la mise en marché des titres émis par la corporation, obtenir du financement à un coût raisonnable et assurer le marché secondaire - j'y reviens toujours parce que c'est, je crois, la pierre angulaire de toute approche - nous avons suggéré la participation du gouvernement du Québec sous la forme d'une garantie des titres qui seraient émis par la corporation.

L'importance de la garantie gouvernementale réside dans, premièrement, la facilité de mise en marché des titres; les titres garantis par le gouvernement sont des placements admissibles par les fonds de pension et les institutions financières qui sont des intervenants très importants sur le marché des obligations. Deuxièmement, la garantie gouvernementale assurerait le fonctionnement d'un marché secondaire et aussi diminuerait le coût du capital. Troisièmement, toutes les mutuelles auraient la possibilité d'emprunter auprès de la corporation en émettant, en contrepartie, des titres équivalents en durée et en rendement. Cette source de financement serait donc accessible aux petites mutuelles.

Quel serait le risque pour le gouvernement du Québec? À notre avis, le risque serait nul ou presque: d'abord, parce que toute demande de financement provenant d'une mutuelle devrait, au préalable, être acceptée par le conseil d'administration de la corporation proposée; ensuite, comme vous le savez, les mutuelles d'assurance font l'objet d'une surveillance et d'un contrôle régulier de la part de l'Inspecteur général des institutions financières. Ainsi, le gouvernement du Québec, sans s'ingérer dans les affaires des compagnies, a un accès permanent aux données financières des compagnies, ce qui permet d'avoir

un portrait toujours à jour de la situation financière des assureurs.

Finalement, il convient de rappeler que les provisions mathématiques établies par les assureurs sont calculées sur des bases conservatrices et, faut-il le rappeler, que dans le domaine de l'assurance de personnes, aucun membre assuré d'une mutuelle n'a subi de perte à la suite de l'incapacité d'un assureur de respecter ses engagements. De plus, en se capitalisant au moyen d'obligations, cela n'aurait aucun effet sur les droits et les pouvoirs des mutualistes. Comme nous l'avons expliqué dans notre rapport, le besoin de trouver de nouvelles sources de financement n'est pas nouveau ni unique aux mutuelles. Grâce aux régimes d'épargne-actions, plusieurs institutions financières québécoises d'importance ont bénéficié d'avantages qui leur ont permis de renforcer leur base de capital à meilleur coût. Les caisses populaires Desjardins ont, elles aussi, procédé à la levée de capitaux par le biais de parts permanentes auxquelles sont attachés des avantages fiscaux. Comme en font état les experts auxquels nous faisons référence dans notre rapport, les institutions financières des États-Unis, d'Europe et du Japon cherchent aussi à se capitaliser, tout cela afin, d'une part, de soutenir leur croissance et ainsi continuer à occuper la place qu'occupent ces institutions dans leur marché respectif et, d'autre part, pour satisfaire aux exigences minimales en capital auxquelles elles sont soumises.

Ainsi, la démarche des mutuelles québécoises n'est pas le signe qu'elles sont plus faibles que les autres institutions financières. Il s'agit plutôt de la recherche d'une solution qui leur permettra de concurrencer, sur une base équitable, avec les banques, les sociétés de fiducie et les caisses populaires qui occupent de plus en plus les champs d'activité qui étaient autrefois réservés aux compagnies d'assurances. À la différence de ces dernières, les mutuelles n'ont pas accès à des sources de financement comparables. Elles n'ont jamais pu bénéficier d'avantages fiscaux qui auraient pu faciliter la levée de capitaux. La solution que nous proposons ne contient aucune demande d'avantage fiscal, est, à notre avis, sans risque pour le gouvernement du Québec, est accessible à toutes les mutuelles, grandes et petites, et pourrait, en pratique, n'entraîner aucun coût pour le gouvernement puisque la différence entre le taux chargé aux mutuelles emprunteuses et le taux accordé à l'investisseur pourrait couvrir les frais d'opération du fonds des mutuelles d'assurance de personnes à charte québécoise. De plus, le capital ainsi souscrit serait admissible dans la base de capital requise par les autorités de surveillance.

Madame, messieurs, M. le Président, voilà les remarques que nous voulions faire et qui sont en quelque sorte un résumé du rapport qui avait été déposé auprès de Mme la ministre et dont vous avez copie. Nous sommes donc à votre disposition pour les remarques et les questions. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Garneau. Mme la ministre.

Mme Robic: Merci, M. le Président. Bienvenue, messieurs. Merci de... On est heureux de vous avoir pour pouvoir discuter plus en profondeur votre rapport qu'on peut certainement taxer d'être ingénieux et audacieux. Je vous l'ai déjà dit en privé et en public et je veux vous le redire dans l'exercice d'aujourd'hui. J'admets que c'est à l'initiative de l'Opposition, et que j'ai accepté d'emblée, parce que j'en ai fait une priorité que de trouver et de vous aider à trouver une solution à un problème que vous avez à vivre et qui, contrairement à d'autres, est peut-être causé par la structure que vous avez et que vous désirez conserver d'ailleurs, et que j'appuie. Donc, c'est intéressant de pouvoir vous avoir à notre table aujourd'hui et de pouvoir continuer avec vous la réflexion. C'est vrai que je ne vous ai pas donné beaucoup de temps; donc, la qualité du rapport, dans si peu de temps, doit nous impressionner. C'est vrai que je vous avais donné des balises à part ça, il faudrait peut-être qu'on fasse sauter ces balises-là dans la continuation de notre réflexion et aller plus largement dans notre poursuite de solution.

J'aimerais peut-être vous demander de nous décrire un peu plus en détail une opération de financement type qui serait réalisée via le fonds qu'on pourrait créer. Comment est-ce que ça fonctionnerait, un financement à travers le fonds mutuel?

M. Garneau: Oui. Je voudrais réellement prendre un exemple théorique parce qu'il n'est pas en fonctionnement et si mes collègues ont des choses à ajouter, je les prierais d'y aller. La façon dont on le voyait, c'est que ça opérait un peu comme la SDI. La SDI lève des fonds par l'émission d'obligations. Le conseil d'administration et le fonctionnarisme ou les officiers de cette entreprise-là reçoivent des demandes, les analysent, les acceptent ou les refusent. S'ils les acceptent, ils pourront les mettre en application soit par une prise de possession d'une partie du capital en actions directes, soit en débentures subordonnées, soit tout simplement en financement à long terme avec souvent des retours en actions du Trésor si telle et telle condition s'appliquent, mais souvent il s'agit de prêts à long terme. Donc, pour ce qui est du fonds des mutuelles, moi, je le vois un peu de la même façon. Afin de me soustraire de mon exemple théorique, prenons une mutuelle X qui veut prendre de l'expansion, qui a toutes sortes de bonnes raisons et un bon dossier soit pour procéder à l'expansion de son réseau soit par achat d'une société dans un secteur géographique

désiré, dans le même domaine où elle est. Elle présenterait une demande de financement au conseil d'administration de cette corporation. Il y aurait des gens qui devraient porter un jugement comme une entreprise quelconque, qui veut faire du financement sur le marché public, doit d'abord convaincre un courtier qui va soit acheter ferme son émission, soit analyser le prospectus et être convaincu de la véracité du projet, assez pour être capable de le distribuer dans le public. Si cette corporation-là, par son conseil, trouve le projet acceptable et valable et qu'il se situe à l'intérieur des capacités financières de l'entreprise, il pourrait y avoir émission de cette forme de financement, un peu comme la SDI opère dans le secteur manufacturier. Je ne sais pas si... (12 h 15)

Le Président (M. Lemieux): J'aurais peut-être une question là-dessus, moi, M. Garneau. Vous êtes un ancien ministre des Finances et ce fonds mutuel là... Qu'est-ce qui se passe si une mutuelle se trouve en difficulté financière? N'y aurait-il pas un danger, si elle se trouve en difficulté financière, que le fonds devienne en difficulté et que ce soit le gouvernement qui garantisse? Ne pourrait-il pas y avoir un effet sur la cote financière du gouvernement et ne pourrait-il pas y avoir un effet aussi sur la dette publique?

M. Garneau: C'a la même influence, M. le Président, que tout prêt fait par la SDI. C'a la même influence que toute garantie que le gouvernement donne à Hydro. On pourrait faire l'hypothèse qu'Hydro serait en faillite. J'ai souvent fait cette opération-là, non seulement sur les marchés canadiens, mais sur les marchés internationaux. Même si Hydro n'aimait pas ça, on savait fort bien qu'elle ne pouvait pas emprunter si elle n'avait pas de garantie gouvernementale. Elle prétendait qu'elle pouvait le faire, mais elle ne le pouvait pas en réalité et c'est ni plus ni moins la même situation que la SDI. Prenons Hydro-Québec, c'est une société d'État. Je verrais ça peut-être un peu tiré par les cheveux de donner cette comparaison-là, mais il reste que sur le plan que vous soulevez, c'est ni plus ni moins la situation de la SDI.

Le Président (M. Lemieux): Mme la ministre

Mme Robic: II faudrait peut-être, M. le Président, dire, à ce moment-ci, que la SDI opère un peu différemment qu'elle opérait. Maintenant, elle fait plutôt des prêts participa tifs. Elle s'éloigne des prêts pour faire du financement pur et simple. Alors, là, il y a une approche qui est un peu différente.

M. Garneau: C'est-à-dire que quand on regarde l'évolution de la SDI, aujourd'hui, elle opère davantage par des mandats et même... On a pensé de le faire faire aussi, de suggérer que ce fonds-là soit géré par la SDI pour ne pas créer une autre structure. Sans avoir fait toutes les analyses juridiques, on était sous l'impression que le gouvernement du Québec pourrait, par arrêté en conseil, confier à la SDI ce champs d'opération sans avoir de législation, un peu comme il a été fait avec le fonds coopératif lequel est à la charge de la SDI, mais tout ça, ça peut être vérifié. Je ne sais pas, je suis peut-être dans l'erreur sur le plan juridique strict, mais en termes de fonctionnement, l'idée générale est là. Et quand la SDI a été créée, ses antécédents, ses prédécesseurs - j'occupais des fauteuils qui étaient moins luxueux que ceux-là dans le temps, mais qui ressemblaient à ceux-là - c'était une forme de prêt et de garantie qui était donnée. Mais c'est sûr qu'on ne peut pas être et ne pas être en même temps. S'il faut trouver une solution, bien, c'en est une qui, à mon sens, est avantageuse, qui nécessite très peu de législation, de réglementation, qui n'est pas exorbitante par rapport à des précédents qui existent ou des situations qui existent et qui répond, je crois, à un besoin qui pourrait se situer dans le temps et qui est peut-être un peu plus dramatisé en raison... J'écoutais tout à l'heure les questions que Mme la ministre posait aux témoins qui m'ont précédé et qui est peut-être aussi largement influencé par les discussions qui existent entre le fédéral et les provinces concernant les normes de capital qui... On change les règles du jeu. Alors, au lieu d'avoir le hors-jeu à la ligne bleue, maintenant, on veut l'avoir à la ligne rouge. On dit: Donnez-nous un peu de temps pour nous ajuster aux nouvelles règles.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce qu'il y a un ordre de grandeur que vous avez à l'esprit pour les besoins de...

M. Garneau: La question que je poserais, c'est: Dites-moi comment seront rédigées les règles et je vous dirai approximativement le montant. Si on se basait, par exemple, sur une formule qui ressemblerait à celle de l'ACCAP, même si on la prenait à 66 %, comme le Fonds d'indemnisation permet d'aller jusqu'à 66 % de la norme, mais je crois que si on appliquait des normes fédérales et provinciales partout au Canada, qui seraient dans la nature de 100 %, 125 % de la norme SIAP actuelle, le montant serait relativement petit.

Le Président (M. Lemieux): Mme la ministre.

Mme Robic: Vous avez parlé d'une différence entre les coûts d'emprunt du fonds et le coût d'emprunt des mutuelles auprès du fonds.

M. Garneau: Oui...

Mme Robic: Voulez-vous...

M. Garneau: ...parce qu'on pense que le fonds doit se... Les mutuelles qui empruntent doivent payer un surplus par rapport aux coûts d'intérêt que le fonds lui-même va payer aux investisseurs pour défrayer les coûts, même si on pense qu'il n'y aura pas de demandes tous les jours. D'abord, il n'y a pas 200 mutuelles. J'écoutais le débat, tout à l'heure, même si certaines sont restructurées, elles peuvent encore être mutuelles dans leur concept, sauf qu'au point de vue du financement même, la compagnie qui a gardé son caractère mutuel par la tête de la société de gestion, si elle a besoin de financement dans ses opérations d'assurance, elle peut émettre du capital-actions, ce que nous ne pouvons pas faire. C'est là la distinction que l'on a. Elle est peut-être ténue, mais... Moi, je ne peux pas émettre de capital-actions et mes collègues ne peuvent pas non plus le faire aujourd'hui, tandis que dans la formule du témoin précédent, il ne pouvait peut-être pas le faire par la tête, mais il pouvait certainement le faire par la compagnie opérante puisqu'elle est une structure conventionnelle bien connue et qui permet - d'ailleurs, c'est l'une des raisons pourquoi ça a été fait, j'imagine - de pouvoir le faire par l'émission de capital. Nous, c'est ce qu'on ne peut pas faire.

Le Président (M. Lemieux): Pourquoi ne pas vous démutualiser?

M. Garneau: Pardon?

Le Président (M. Lemieux): Pourquoi ne pas vous démutualiser?

M. Garneau: Bien, ça, c'est un débat philosophique, je pense, qui serait intéressant et on souhaitait un peu le faire, ce matin, parce que nous voulons garder ce caractère de mutualité dans sa structure actuelle. Là, j'ai des remarques qui sont peut-être plus personnelles, mais, encore là, j'espère que mes collègues ne seront pas gênés de le dire. Si je prends le cas de notre entreprise, nous étions une compagnie à capital-actions. Pourquoi cette compagnie s'est mutualisée? Pour éviter un "take-over", une prise de contrôle par des intérêts non canadiens et non québécois, forcément. La mutualité, à ce moment-là, a été une façon d'éviter que la compagnie qui avait été en opération, ici, à Québec, qui a été fondée en 1905, passe entre les mains d'autres intérêts.

Depuis, nous avons et j'ai expérimenté au cours des dernières années avec cette entreprise que la mutualité est un principe fort intéressant pour ce genre d'institution parce que nous sommes en quelque sorte les fiduciaires. Même lorsque nous sommes une compagnie à capital-actions, on est obligé, disons, de gérer pour nos actionnaires, mais lorsqu'il n'y a pas de ça, on est véritablement des fiduciaires et ça nous permet aussi d'assurer un certain développement sans avoir à l'esprit que, demain matin, on pourrait être acheté par une compagnie européenne, une compagnie de toronto, une compagnie de new york. pour les gens du québec, et je pense que ça a aussi été le cas pour plusieurs entreprises canadiennes, c'est une formule intéressante. c'est une formule qui permet aussi à ceux qui veulent apporter une participation, s'intéresser aux opérations de l'entreprise, de le faire à titre de propriétaire. il y en a qui disent: bien, il n'y a pas beaucoup de participants à nos assemblées. les mutualistes, est-ce qu'ils sont véritablement conscients qu'ils sont propriétaires? c'est fort possible que ce soit comme ça. moi, je suis actionnaire d'un certain nombre d'entreprises et c'est rare que je vais aux assemblées des actionnaires. j'envoie ma procuration au président, parce que ça ne vaut pas la peine. j'ai 10, 15 ou 100 actions, ça ne vaut pas la peine de le faire. mais il reste que, fondamentalement, la direction a la responsabilité. moi, comme dirigeant d'une entreprise comme ça, je me sens beaucoup plus fiduciaire, représentant d'intérêts d'actionnaires qui sont limités, forcément, dans leur nombre pu dans leur intérêt. c'est la distinction qu'on fait entre les deux. j'ai géré dans les deux cas et la distinction est véritable. je la sens, moi, dans la façon de prendre les décisions et de rapporter également nos activités.

Le Président (M. Lemieux): Merci.

M. Garneau: Peut-être que M. Marquis voudrait ajouter.

M. Marquis (Leopold): M. le Président, votre question, d'ailleurs: Pourquoi ne pas se démutualiser? Je trouve qu'elle vient justement à point. Je pense qu'il faut y aller carrément dans nos discussions. J'aurais été même très déçu de passer ici, aujourd'hui, sans avoir parlé de ce volet particulier qui est très cher aux mutualistes.

Le Président (M. Lemieux): c'est suite aux explications qu'on nous donnait en atelier, ce matin, très tôt, d'ailleurs, à la convocation de mme la ministre que la question m'est venue. je me suis demandé pourquoi. il me semble que ça pourrait donner une extension de croissance. c'est la raison pour laquelle j'ai...

M. Marquis: Ça règle tous les problèmes si vous dites: Démutualisez-vous. C'est sûr, si on prend ça sous cet aspect-là. Mon intervention vient justement ici. Moi, je pense... D'ailleurs, le rapport y a fait bien allusion. C'est qu'on a résumé, ce matin, la position dans une suggestion. Si vous lisez tout le rapport, vous allez vous rendre compte que, quand même, tout le contexte a été donné pour bien faire ressortir le caractère mutualiste que l'on voulait garder à

nos institutions. Je n'ai pas besoin de les reprendre ici ce matin, c'est d'ordre historique, si vous voulez, mais il y a peut-être aussi un besoin de se dire que toute entreprise, tout management d'une entreprise, ce n'est pas seulement des "cennes" et des piastres. Il y a aussi la formule et, au Québec, je pense qu'elle prend un caractère particulier. Le gouvernement doit le savoir plus que tout autre, parce qu'il représente la collectivité. Les mutualistes ont toujours eu tendance aussi à dire, et avec raison, qu'ils représentaient justement une partie de la population qui s'exprimait, d'une certaine façon, sur le plan financier par le biais de leur entreprise, mais ils voulaient toujours garder ce caractère de mutualisme. Alors, c'est le filon qu'on a voulu exploiter dans notre rapport. Il est très bien expliqué. Je pense que l'erreur que l'on pourrait faire justement, c'est de passer tellement vite sur le contexte qu'on s'en va aux formules strictement d'ordre financier, s'associer à toute autre formule et ne pas distinguer entre le caractère mutualiste qu'on voudrait conserver à nos entreprises, tout en gardant la possibilité d'avoir le financement pour notre développement.

Je pense avoir vécu assez longtemps dans l'entreprise que je représente pour avoir passé par le caractère d'abord coopératif, syndicat coopératif en 1948. Un peu plus tard, secours mutuel parce que l'habit juridique ne fonctionnait pas. C'était le secours mutuel qui allait mieux à notre entreprise qui avait pris de l'ampleur dans les années soixante, et en 1976, si je me souviens bien, le législateur est arrivé. Sans même nous consulter, il a dit: Vous êtes assez gros. Vous avez les mêmes activités qu'une entreprise ordinaire d'institution d'assurances et on vous surveille de la même façon. Donc, soyez donc demain... et, par un article de la loi, 525, si je me souviens bien, en 1976 nous sommes devenus compagnie mutuelle. c'est donc que les mutualistes ne se sont jamais opposés. nous avons subi quand même trois transformations juridiques très fortes, très importantes, mais on ne s'est jamais opposé, on ne s'opposera jamais, je dirais, à aller vers un autre statut juridique, pour autant et aussi longtemps qu'on conservera et qu'on aura été capable de conserver le caractère mutuel. alors, aujourd'hui, la question est posée clairement et je pense qu'elle fait un peu d'éclairage sur le débat qui va aller sur le public, c'est sûr, c'est: pourquoi ne pas se démutualiser pour avoir, autrement dit, des possibilités de financement comme tout le monde? c'est ça la vraie question de base et je suis content qu'on soit au moins capable de l'aborder. et même pour passer pour un homme avec un peu d'idéologie, ça ne me fait rien, ça me fait même plaisir aujourd'hui de le dire et d'être représentant des autres mutuelles qui ne sont pas ici aujourd'hui, mais que l'on a représentées dans le rapport.

Je pense, parce que je connais très bien le milieu coopératif et mutuel depuis des années, être très bien comme représentant ici pour faire valoir cette qualité maîtresse que l'on recherche dans tout et on est prêt à vouloir autre chose. C'est pour ça qu'on a, je dirais, glissé vers une formule qui sera le moins possible dérangeante pour personne, j'entends, et même pour le gouvernement. On nous avait donné ce mandat-là, dans le fond, et on l'a respecté. Sachant que les fonds qui viendront... N'oublions pas ça, les gens, au lieu d'investir - c'est ça la formule mutualiste - pourraient investir dans leur propre entreprise s'ils le voulaient, si on trouvait la technique juridique. Ils pourraient le faire par le biais de leur caisse de retraite et la caisse centrale. Il me semble que c'est un retour normal des choses. C'est toujours sur une question d'options. Ce n'est pas la solution qu'on a proposée. Ça m'a touché de voir qu'on l'avait quasiment mise de côté, en voulant dire: Ça ne semble pas la vraie solution. On ne l'a jamais présentée ici, au comité, comme la solution, mais comme une solution d'ordre pratique, rapidement applicable et qui ne pourrait pas déranger. Les gens qui ne voudraient pas l'utiliser n'ont seulement qu'à ne pas l'utiliser, ma foi, même dans les mutuelles. Plusieurs mutuelles n'auront pas besoin de ce véhicule pour leur développement, j'en suis certain, mais, au moins, c'est une option de plus. Alors, on respecte beaucoup les formules actuelles qui sont essayées. C'est du cheminement chez les mutualistes actuellement, on en est certain. Mais de nous imposer une démutualisation . sous prétexte que d'autres l'ont fait ou d'autres veulent le faire, il me semble que c'est aller vite dans l'exercice qu'on fait actuellement et qui va toucher non seulement le coeur des mutualistes, mais aussi, je pense, la mécanique financière de toutes ces entreprises. Alors... (12 h 30)

Le Président (M. Lemieux): Merci. Mme la ministre.

M. Marquis: Je m'excuse, c'est peut-être un peu long...

Le Président (M. Lemieux): Non, non, ça va. Pas de problème.

M. Marquis: ...mais, moi, je l'avais... je trouve que votre question était bonne. ma réponse ne l'est peut-être pas, mais votre question m'a piqué, en tout cas.

Le Président (M. Lemieux): Mme la ministre.

Mme Robic: M. Marquis, vous nous avez parlé d'une évolution au sein des entreprises. Il y a eu des changements importants de structure qui se sont produits au fil des ans pour moderniser l'entreprise, la rendre plus viable, plus intéressante. Vous ne pensez pas que peut-être

c'est encore le temps... Vous n'êtes pas à une autre étape d'évolution? Qu'est-ce que vous dites à ceux qui se sont réorganisés, mais qui ont une corporation qui est toujours une corporation mutuelle? Les mutualistes à l'intérieur de cette corporation sont protégés, c'est encore leur entreprise, elle est différente, mais le caractère mutualiste est toujours là. C'est une "remutuali-sation", dans le fond. Ce n'est pas une "démutua-lisation", mais une "remutualisation" d'un conglomérat. Alors, est-ce qu'on ne retient pas le caractère mutualiste auquel vous tenez, tout en modernisant vos structures?

M. Marquis: Je suis certain, moi, que ceux qui ont essayé la formule, et d'ailleurs, je salue...

Le Président (M. Lemieux): Ils sont ici, il y en a peut-être ici, dans cette salle, M. Marquis.

M. Marquis: Oui. D'ailleurs, je les salue. Ça a toujours été quelque chose d'excellent, parce qu'il faut essayer de sortir du fameux problème de financement des mutuelles. Il est là, le problème, la problématique est là, tout le monde le reconnaît, le problème est bien posé. La façon d'en sortir, ceux qui ont essayé des formules actuelles, moi, je salue ça très bien, mais je pense que c'est à l'essai. Puis eux autres mêmes, puis Ils sont très corrects avec eux-mêmes, ils vont vous le dire que... D'ailleurs, ils ont évolué, ils évoluent tellement vite à l'intérieur de deux ou trois ans, que dans deux ans, trois ans, ils auront peut-être modifié leur propre formule, pour la corriger, l'améliorer. Donc, ce ne sont pas des formules, d'après moi, que j'appelle "éprouvées", de façon à dire: Voici... Comme législateur, c'est assez important d'arriver à dire... Ça ne change pas régulièrement les lois; vous savez que vous nous encadrez pour longtemps d'avance, dans les lois. Alors, on serait pris encore avec un autre carcan qui n'aurait pas été assez éprouvé. C'est ça qui nous fait le plus peur, dans le fond, ce n'est pas le changement. J'ai pris la peine de vous dire qu'on en a accepté comme un et d'autres en acceptent, et je pense qu'on est très ouvert parce qu'on connaît le problème qui s'en vient. On le connaît. On voudrait le solutionner le mieux possible, mais en respectant toujours ce fameux caractère mutuel, et il y aura des degrés... Je répondrais, Mme la ministre, si vous le permettez, qu'il y a des degrés dans la pureté, je pense que c'est vrai... On n'aime pas être trop pur, personne n'aime être trop pur...

Le Président (M. Lemieux): Vous vous situez à quel endroit?

M. Marquis: Moi le premier, je n'aime pas ça et je ne le suis pas, on ne l'est pas. Sauf que je sais qu'il y a des degrés, comme dans la perfection. Alors, chez les mutuelles, je n'hésiterais pas à dire qu'il y en a qui sont plus pures que d'autres, qui ont réussi. Comme chez nous, je ne le cache pas, on n'a pas de procuration, imaginez vous, puis d'autres ont des procurations. Les mutuelles qui ont des procurations... M. Garneau, je le trouve bien chanceux de diriger avec ça. Moi, je n'ai aucune procuration, et on exerce quand même vraiment le pouvoir, le pouvoir est vraiment entre les mains des mutualistes. Mais j'accepte ça, moi, que dans les entreprises, tout le monde ne soit pas toujours sur la même règle fixe, qu'il y ait des différences. C'est ça la personnalité des entreprises, puis, moi, je crois à ça plus qu'à toute autre chose. Ce n'est pas juste des "cennes" et des piastres, il y a de la personnalité dans les entreprises, j'en suis certain, à cause de l'expérience vécue. On aime à se distinguer du concurrent parce que c'est ça qui fait la différence et c'est ça, finalement, qui fait qu'on se pense meilleur que l'autre. Je voudrais garder cette différenciation possible, et on respecte toujours le voisin. Alors, ce qu'on a suggéré, c'est une option. Ce ne sera pas la règle à suivre pour tout le monde. Peut-être que les grandes mutuelles, comme La Laurentienne, qui ont pris une longueur d'avance sur le développement, bravo!... Mais nous autres, quand on représente la petite mutuelle, comparé même à L'Industrielle, et la petite el la moyenne, je pense que c'est comme si vous analysiez une PME par rapport à autre chose. Vous devez avoir un réflexe différent. Alors, nous autres, c'est ça qu'on veut protéger. Je ne sais pas si ça répond un petit peu à votre interrogation, madame.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Vous voulez compléter, je pense, M. Garneau.

M. Garneau: Évidemment, c'est une question de choix. Je crois, moi, que les gens doivent avoir ce choix-là. Chacun peut prendre la route qu'il veut, et ce n'est pas à moi de porter des jugements. Mais mon impression et ma conviction, c'est que cette voie-là est, en quelque sorte, à rencontre de la loi qui nous a permis d'avoir des filiales en aval. Quand la loi a été passée, si je me rappelle bien, et le débat et, encore aujourd'hui, tant du côté de l'Opposition que du côté gouvernemental et des intervenants, qu'est-ce qu'on dit? On dit: On se réfère à cette loi-là comme étant un pas en avant, qui a placé le Québec en avant de bien d'autres. Et pourquoi on dit ça? C'est que cette loi-là a permis aux mutuelles surtout, aux mutuelles d'assurance de personnes à charte québécoise, d'utiliser leur actif pour faire des expansions soit géographiques, soit en termes de champ d'activité. Quand on redéfait le processus et qu'on suit la réorganisation, c'est pour répondre à une difficulté que j'appelle les changements de règlements en cours de parties. Avant ça, les mutuelles qui

achetaient une entreprise - et c'a été le cas de la plupart de celles qui sont ici - leur investissement n'était pas soustrait de leur capital. Maintenant, on nous dit que ça va être soustrait du capital. Si ça l'est, tout le développement en aval ne pourra plus se faire et, à ce moment-là, on pourra peut-être continuer à parler des beautés de la loi 75, mais elle ne sera pas mise en application. On ne pourra pas utiliser nos actifs pour poser des gestes parce que tous ces gestes-là vont venir briser notre formule de capitalisation.

Vous dites: Maintenant, c'est devenu... Je vais prendre votre exemple de pureté. À venir jusqu'à il y a quelque temps, ce n'était pas péché mortel et, bientôt, ça va l'être. Bien, peut-être qu'il y a quelqu'un qui pourrait donner l'absolution pour les péchés passés pour un certain temps et qu'on puisse, par la suite, rattraper. Ça va prendre quoi? 10, 15 ans pour passer à travers cette période-là, mais il faut être bien conscient que lorsqu'on se restructure, ça veut dire qu'on soustrait les actifs des mutuelles au développement qu'on voulait créer par la création, par l'adoption de la loi 75, et c'est ça qui est le fond de toute l'histoire. Comme je l'ai déjà dit en privé... Bien là, je vais être assez gentil, M. Martel, je ne serai pas aussi... On était en privé lorsqu'on avait eu une discussion réellement franche, mais, moi, je crois que ce qu'on fait à ce moment-ci, c'est que quand on se... Si on se restructure, on se cache un peu la tête dans le sable. Ce n'est pas uniquement pour trouver un financement, c'est pour se réajuster aux nouvelles règles du jeu qui appellent le hors-jeu à la ligne rouge au lieu d'à la ligne bleue, en pleine période. C'est ça le réajustement qu'il nous faut faire et on se dit: Si vous preniez notre formule de création d'un fonds, moi, je crois qu'il y aurait probablement une période de 10 à 15 ans et, après ça - les mutuelles, elles ne sont pas plus folles que les autres - on saura qu'on ne peut plus utiliser nos actifs comme moyen de développement, mais uniquement notre capital. Donc, cette période va nous permettre d'accumuler des profits. Bon. Si on fait 27 000 000 $ de profits, ça augmente notre avoir et, l'année prochaine, on va probablement en faire autant et dans quatre, cinq, six ans, on va avoir augmenté notre base de capital par notre source de bénéfice et on va être capable de porter le péché dont on nous accuse ou dont on risque de nous accuser d'ici un mois, deux mois, un an, je ne sais pas quand.

Le Président (M. Lemieux): Mme la ministre.

Mme Robic: Alors, M. Garneau, ce n'est pas à cause de la nouvelle loi de la ministre que les compagnies auraient des problèmes à investir dans des filiales en aval, mais bien parce que les nouvelles réalités du marché vont s'appliquer bientôt et on ne peut pas les éviter, ces réali- tés-là.

M. Garneau: Absolument. C'est pour ça qu'on fait la proposition qu'on fait.

Mme Robic: Si on veut être compétitif, si nos compagnies veulent être compétitives et pouvoir aller sur les marchés internationaux, il va falloir se plier à certaines règles de ces marchés-là. Vous l'avez mentionné très éloquem-ment, et c'est une des raisons pour lesquelles nous sommes ici aujourd'hui, d'ailleurs. Alors, ça, je voudrais que ce soit bien noté.

Le Président (M. Lemieux): Mme la ministre, vous dites élégamment, mais, moi, je voudrais bien comprendre parce que même si on a à siéger souvent dans ce type de projets là, êtes-vous en train de nous dire que la loi 75, de 1984, vous embête relativement à l'environnement d'aujourd'hui? C'est ça que vous êtes en train de nous dire?

M. Garneau: C'est-à-dire l'environnement qui nous plane au-dessus de la tête.

Le Président (M. Lemieux): O.K.

M. Garneau: Parce que, à venir jusqu'à récemment, dans la formule qui était utilisée pour calculer la capitalisation des entreprises...

Le Président (M. Lemieux): Oui. L'investissement dans les filiales en aval, oui.

M. Garneau: ...on faisait référence à une norme de 5 % sur laquelle l'inspecteur, même s'il ne le disait pas, jouait un peu. c'était le bon jugement, mais, d'une façon générale, sur le plan international, on utilisait à peu près la règle des 5 % de capital pour comparer au passif qu'on avait. si on avait 100 $ de passif, plus ou moins... je prends la norme à laquelle on se réfère généralement, aux états-unis, c'est ça. alors, à venir jusqu'à date, lorsque, par exemple, on achetait le contrôle du trust général, notre investissement dans la filiale qui s'appelait l'industrielle-alliance-la financière, qui est une structure juridique, une corporation, cet investissement-là n'était pas soustrait de notre capital et maintenant on veut le soustraire. je ne dis pas que ce n'est pas une bonne chose, là. je n'argumente pas sur le fond. on pourrait argumenter sur le fond, mais si on le constate, on dit: comment on le règle, le problème? comment on le règle, le problème, pour permettre de passer de la situation qui existe aujourd'hui? en fait, toutes nos compagnies... si on ne change pas les règles du jeu, on est tous, en tout cas, très bien capitalisés. je disais, hier, qu'on a une norme de capitalisation de quelque 14 %. donc, on est même tellement capitalisé que notre "leverage" nous donne un retour sur notre avoir

qui n'est peut-être pas assez grand parce qu'on a trop de capital sous cette formule-ià. Mais, là, si on dit que l'on soustrait l'investissement qu'on a fait dans le Trust Général, qu'on soustrait l'investissement qu'on a fait en achetant d'autres sociétés...

Le Président (M. Lemieux): Je comprends.

M. Garneau: ...c'est là que change toute l'affaire.

Le Président (M. Lemieux): Je comprends, M. Garneau.

M. Garneau: II y a deux options: on soustrait totalement ou on soustrait les exigences en capital pour éviter le double comptage. Moi, je suis d'accord avec plusieurs de ces mesures prudentes. Je pense que j'ai eu l'occasion de le mentionner et je le répète ici. Je ne suis pas en faveur d'un trop grand laxisme. Je pense que les institutions financières doivent être surveillées, quant à moi, parce qu'on ne joue pas avec notre argent, on joue avec l'argent du public. C'est dans ce sens-là, je pense, qu'on est des fiduciaires. Mais, ce qu'on recherche, c'est une solution pour passer du point A au point B et, ensuite de ça, on aura besoin d'une base plus permanente. La solution, évidemment, ce n'est peut-être pas la solution idéale, mais elle permet de faire face rapidement à une situation. Si vous voulez mettre n'importe quelle norme, parce que je ne vois pas - et j'écoutais, tout à l'heure, la question que vous posiez - que le Québec puisse avoir des normes moins sévères qu'ailleurs. J'ai souvent utilisé l'exemple... On a eu, il y a quelque temps, dans un domaine que vous connaissez bien - je l'ai utilisé et je vais le répéter encore - dans le domaine de l'inspection des viandes, on a connu, au Québec, deux inspections: l'inspection "Canada approved" comme on disait, et "Québec approved". Parce que le Québec répondait à des normes de petites entreprises, il a été un peu moins sévère pour permettre à certaines de passer à travers. La conséquence, c'est que sur les tablettes des magasins, on disait: Nous ne vendons que de la viande "Canada approved". Finalement, l'autre est pratiquement disparue. On a été obligé de s'aligner. Comme on a toujours été des entreprises fortement capitalisées, au Québec, aucun des mutualistes ou des assurés n'a perdu un sou suite à une défaillance d'une entreprise. Il ne faudrait quand même pas se pénaliser psychologiquement en donnant l'impression qu'on est moins solide que les autres. Alors, je suis prêt, sur ce plan-là, à me comparer à peu près à tous mes concurrents.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Une dernière petite question. Après, je dois passer au député de Gouin, madame.

Mme Robic: Je ferai tout simplement une mise au point, ici. Je voudrais bien vous rassurer encore une fois. En ce moment, le Québec, le gouvernement vous a demandé de vous soumettre aux normes de l'ACCAP, ce que vous faites tous sans aucun problème. Il n'est pas question pour nous... on vous a dit, d'ailleurs, qu'on n'était pas rendu au point de prendre une décision sur de nouvelles normes. Il nous reste encore beaucoup de travail à faire à ce niveau-là. C'est bien sûr qu'on comprend les problèmes tout particuliers que vous avez et ce n'est pas notre intention de vous acculer au pied du mur. Il y aura certainement un délai dans le temps pour vous permettre de vous réajuster. Cela, je veux le dire encore une fois parce que je pense que c'est important que ce soit bien compris.

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la ministre. M. le député de Gouin.

M. Boisclair: oui. m. garneau et les gens qui vous accompagnent, /e vous remercie de votre présentation. je pense qu'il s'agit là, bien sûr, dans le rapport que j'ai eu l'occasion de lire à plusieurs reprises, j'ai eu l'occasion même d'en discuter avec un certain nombre d'entre vous de façon plus détaillée... je veux vous remercier de cette contribution originale, surtout de la façon généreuse dont vous l'avez faite aussi, dans des conditions pas nécessairement faciles, avec un mandat très clair et un certain nombre d'échéances quant au temps. vous avez quand même produit un rapport assez substantiel. (12 h 45)

J'aimerais aussi souligner les propos quand même assez élogieux que la ministre a tenus à l'égard du travail que vous avez fait, mais en rappelant que la qualité de son appréciation sera surtout fonction des résultats et des suites qu'elle donnera à ce rapport et que c'est bien facile de faire de beaux discours, de créer des comités, mais je pense que la véritable appréciation se trouvera dans les suites qu'on donnera à votre rapport.

J'ai bien apprécié aussi ce plaidoyer que M. Marquis, si je ne m'abuse, a fait tout à l'heure pour défendre cet esprit mutualiste. Je pense que tous alentour de cette table pourront convenir que si l'esprit mutualiste vous anime, je suis convaincu que l'esprit "entrepreneurial" vous anime tout autant. Maintenant, dans quelle proportion? Je pense que je laisse ça à votre bon jugement, mais il n'en demeure pas moins que vous êtes tous là en affaires, vous vous battez pour des parts de marché, pour des segments de marché. Il y a une certaine pression qui s'exerce auprès de vos dirigeants, des gestionnaires chez vous et que vous vous devez d'être compétitifs et concurrentiels dans un monde où nos économies se globalisent de plus en plus.

Ceci étant dit, j'aimerais revenir et partir dans mon analyse justement du plaidoyer de M.

Marquis tout à l'heure, en fonction de cet esprit mutualiste. Votre rapport souligne avec beaucoup de pertinence qu'à l'heure actuelle la législation qui s'applique aux compagnies mutuelles d'assurance est à peu près la même, mutatis mutandis, comme vous l'avez dit dans votre rapport, que celle qui s'applique aux sociétés à capital-actions. Vous rappelez même que le développement de l'esprit mutualiste, une condition nécessaire mais peut-être pas suffisante, pour reprendre l'expression qu'on utilisait tout à l'heure, serait peut-être de réglementer ou, à tout le moins, encadrer un certain nombre de choses pour une mutuelle, particulièrement la question du patrimoine qui appartient au mutualiste, le patrimoine mutualiste, comme le souligne M. Moffet, de la Chaire en assurance de l'Université Laval. La question que je veux vous poser est: Cet esprit mutualiste auquel vous êtes si attaché et vous en faites un vibrant plaidoyer dans votre rapport, jusqu'à quel point, si on veut vraiment en assurer... une certaine continuité, ne faudra-t-ii pas que le gouvernement intervienne et vienne encadrer un certain nombre d'éléments? On peut parler de la protection du patrimoine mutualiste ou d'autres éléments, mais jusqu'à quel point ne faudrait-il pas, comme le soulignait un peu M. Béland dans une citation que vous reprenez à votre compte, à titre de membre du groupe de travail... Jusqu'à quel point ne faudra-t-il pas que, dans une révision à venir de la Loi sur les assurances, on vienne encadrer, comme on l'a fait peut-être dans d'autres pays - je prends l'exemple de la France - un certain nombre de règles?

M. Marquis: je ferais l'intervention suivante. je pense que le pas qu'on pourrait faire nous amènerait forcément non pas à une intervention de l'état au vrai sens du mot, pour la réglementation, mais il est à prévoir que si les mutuelles demeurent au québec - il faut se demander si elles vont demeurer - je suis à peu près persuadé que dans quelques années, pour répondre à votre interrogation, il y aura certainement une double intervention. lés points que vous avez soulevés, ce sont les deux seuls, je pense, qui seront à préciser dans la future législation pour permettre justement que les mutuelles soient vraiment des mutuelles. on a beau se gargariser avec ce mot-là et en faire un caractère distinctif des autres entreprises, mais il va falloir que ce soit vraiment inscrit dans la pratique et on sait fort bien que ce n'est pas juste un mot. alors, je prétends que sur la question du patrimoine, il est sûr qu'il faudra certaines interventions, parce que actuellement c'est au dernier, dans le fond, que demeurent les biens, s'il y a une liquidation, vous le savez, ou s'il y a une démutualisation. on en a fait une chez nous, une petite, dans le cas de la mutualité. on sait fort bien que c'est très difficile d'appliquer des règles équitables lorsqu'il y a une démutualisation, précisément parce que le patrimoine, ce sont les gens qui sont là aujourd'hui qui en profitent, mais ce sont des gens, bien souvent, qui ont constitué ce patrimoine qui auraient dû en profiter bien avant la démutualisation. Alors, c'est pour ça que ces règles-là ne sont pas établies, sauf en cas de liquidation. Je pense que la loi le prévoit. Je pense qu'il faudrait arriver à établir certaines normes beaucoup plus précises qu'actuellement. Ça, j'en suis.

Quant à l'autre, je pense que l'autre secteur où je verrais une certaine intervention possible aussi pour que les mutuelles soient vraiment ce que j'appelle - moi, j'ai toujours appliqué ça dans les coopératives, avec M. Béland, mais c'est à peu près la même chose - les trois P, la règle des trois P, qui était une trouvaille, en tout cas, la mienne, "possibilité de participation au pouvoir". Ça, je pense que, il y a 10 ans, tout le monde se débattait pour avoir ce qu'on appelle la possibilité de participation au pouvoir, dans tous les secteurs, y compris les secteurs financiers qui sont venus beaucoup plus... Il y a beaucoup plus de réactions, c'est bien normal. Mais si on veut avoir des entreprises, ce qu'on appelle, de chez nous, appartenant à des collectivités, ce n'est pas nécessaire que ce soit toujours le gouvernement. Il y a un espace entre le secteur privé bien respecté et respectable, et l'autre espace qui peut être habité par des collectivités. Donc, c'est ça. Les caisses populaires, si on veut, la meilleure image, c'est ça, alors ce sont des possibilités de participation au pouvoir, et ça, ça veut dire réglementer forcément et probablement un peu plus les règles qui sont là actuellement et qui régissent les mutuelles, peut-être pas de façon assez distincte des autres règles. C'est pour ça que je vous ai dit qu'il y avait des degrés de pureté dans ça. Ceux qui n'ont, admettons, aucune procuration prennent certains risques, mais c'est la règle la plus pure, c'est sûr. Mais la démocratie peut endurer beaucoup d'autres volets et il n'y a pas de problème à ça. Donc, il y aurait des interventions, d'après moi, à prévoir sur ces deux aspects-là, entre autres.

M. Boisclair: Vous avez tiré la conclusion à laquelle j'en arrivais: c'est bien beau se gargariser avec l'esprit mutualiste...

M. Marquis: Ouais...

M. Boisclair: ...mais il n'en demeure pas moins que c'est toujours intéressant de voir comment ça se vit dans chacune des mutuelles. Le rapport préparé pour le compte de Maheu-Noiseux, en 1989, par MM. Moffet et Gendron, était quand même assez intéressant à cet égard et proposait déjà un certain nombre de modifications quant au fonctionnement des mutuelles. On parle de ce régime de procuration qui les inquiétait, il y a une série de recommandations. On parlait même d'une possibilité d'instauration

d'un régime autocratique au sein des mutuelles. Je reprends tout simplement les propos de MM. Moffet et Gendron. Donc, finalement, ça dépend toujours de la qualité de la façon dont ça se vit dans chacune de nos entreprises.

Ce qui m'amène à vous poser une deuxième question, en regardant jusqu'à quel point et quelle analyse vous faites. Et là, je ne sais pas jusqu'à quel point vous parlez en tant que groupe de travail qui a réfléchi dans le cadre d'un mandat particulier, ou si vous pouvez vous permettre aussi d'intervenir sur une base individuelle en parlant de chacune de vos expériences dans vos entreprises, mais jusqu'à quel point les problèmes de capitalisation et de réduction de marges bénéficiaires sont dus à la forme juridique de la mutuelle, ou s'il ne s'agit pas plutôt d'un certain nombre d'autres causes ou de facteurs qui pourraient faire que vous voyez à l'heure actuelle une certaine difficulté, je n'oserais pas dire "problème", mais un certain nombre de difficultés qui sont rencontrées par les compagnies d'assurances de façon générale. Et est-ce que vraiment les problèmes dont vous faites part dans votre introduction, dans le rapport, sont des problèmes qui sont uniquement ceux des mutuelles d'assurances, ou ne sont-ils pas les problèmes rencontrés par plusieurs autres intervenants, plusieurs autres entreprises dans le milieu de l'assurance, qu'elles soient mutuelles ou pas? La conclusion à laquelle arrivaient un certain nombre de personnes, avec des démonstrations quand même assez solides, je n'ai pas à ce jour... Entre autres, sur les parts de marché, sur l'augmentation des parts de marché, sur le problème de segmentation aussi. Je fais référence au mémoire de La Laurentienne qui constitue quand même une base assez solide. Jusqu'à quel point, à votre avis, faut-il tenir compte de ces réalités-là, ou est-ce plutôt dû à la forme juridique de l'entreprise?

M. Garneau: Je pense que le domaine de l'assurance, en général - et on le réfère, dans notre rapport, je l'ai soulevé tout à l'heure dans mes notes d'introduction - c'est que la structure d'un bilan d'une compagnie d'assurance sur la vie, disons, ne s'analyse pas de la même façon, ou les données qui y sont ne s'analysent pas de la même façon qu'un bilan d'une autre sorte d'entreprise, à cause de notre façon d'opérer, à cause des exigences légales, à cause des exigences établies par les actuaires. Nous avons une structure d'actif et de passif qui est un peu différente et qui ne se comprend pas toujours. Dans une entreprise, vous pourriez toujours cacher, si on peut dire, des profits en essayant de montrer les inventaires différents - mais c'est très limité, cette capacité-là - tandis que dans une entreprise comme la nôtre, vous avez pratiquement dans une ligne 80 % de votre passif, ce sont les réserves actuarielles. C'est quoi le montant précis que ça prendrait ce matin? C'est très difficile à dire. Est-ce que c'est un quart de un pour cent de trop ou un quart de un pour cent de pas suffisant? Il y a des normes assez conservatrices qui peuvent faire en sorte que la structure du bilan de l'actif et du passif et l'état des opérations y soient influencés. Alors, à cause de ça, il y a une compréhension du marché en général qui est peut-être différente de celle des autres types d'entreprises.

Deuxièmement, il y a très peu de compagnies d'assurance-vie ou encore moins de vie, d'assurances générales, qui ont des actions, celles qui ne sont pas mutuelles, celles qui ont des actions cotées à la Bourse. Il y en a très peu, de telle sorte que l'expérience du marché n'est pas très grande et l'investisseur privé n'est pas influencé dans ses décisions par des courtiers qui ont eu à analyser beaucoup ces compagnies-là. Donc, je pense qu'il y a une difficulté additionnelle.

Quant à la rentabilité, je pense qu'elle est reliée beaucoup au type de placements que l'on fait, à la prudence qu'on peut avoir. Et je pense que chaque compagnie peut tirer des conclusions. Qu'elles soient grandes ou petites, elles peuvent avoir des conclusions différentes.

M. Boisclair: vous comprenez que les conclusions - celles que l'on va tirer - vont être quand même assez importantes, dans la mesure où les solutions qu'on tente d'apporter vont être fonction des conclusions auxquelles nous arriverons. c'est tout simplement parce qu'à la lecture de votre mémoire, c'est un volet qui n'est pas abordé, ou quand même rapidement, vous n'êtes peut-être pas allé à fond. j'essaie tout simplement d'aller encore plus loin dans l'analyse que vous faites, mais il y a quand même un certain nombre de démonstrations qui ont été faites cet avant-midi et là, si vous êtes capable de faire la démonstration contraire, j'en serais fort aise.

Lorsqu'on dit, par exemple, que les mutuelles du Québec sont cantonnées dans les segments relativement moins profitables de leur marché primaire, que la plupart d'entre elles n'ont pas une taille suffisante pour absorber leurs frais fixes, elles luttent avec des concurrents riches pour qui le marché du Québec est secondaire, sans qu'elles n'aient en contrepartie un accès équivalant à d'autres marchés. Lorsqu'on dit que l'amélioration de la position des mutuelles du Québec passe inévitablement par une meilleure segmentation de leurs marchés locaux, par des regroupements probables et par un accès au marché hors Québec, qu'est-ce que vous dites à ces gens-là? Qu'est-ce que vous répondez à cette argumentation qui est quand même assez solide et aussi bien étayée? Loin de moi l'intention de reprendre...

M. Garneau: Vous comprendrez que les

remarques qu'on pourrait faire là-dessus ne seraient que personnelles puisque aucun de nous n'a le mandat au nom du comité...

M. Boisclair: Je comprends bien, mais, monsieur, vous comprendrez cependant que les conclusions auxquelles on veut arriver vont guider les solutions qu'on essaiera de mettre de l'avant. On ne mettra pas des solutions... Je me sentirais bien mal à l'aise de proposer des solutions, alors qu'on ne s'entend pas sur le problème. Mais je crois que c'est la question du marché qui a été abordée d'une certaine façon dans votre mémoire. Je crois que, comme groupe, vous avez dû vous questionner sur ce positionnement des compagnies dans le marché. Il serait intéressant de voir ce que vous en dites.

M. Garneau: Allez-y donc!

M. Marquis: Je peux peut-être dire ce que je pense là-dessus. C'est que les institutions d'assurances en général, quelle que soit la forme au Québec ou ailleurs, ce n'est pas les institutions financières, pas une institution qui attire le plus de capitaux extérieurs au point de départ à cause de leur rendement en général. Je pense qu'on peut établir ça. Vous pouvez faire n'importe quelle recherche, vous allez arriver à cette conclusion en soi. C'est pour ça que ça demande, je ne dis pas un protectionnisme, mais, d'après moi, quelque chose, une intervention même un peu spéciale qui est peut-être une des formules qu'on a proposées, une intervention, appelons ça, spéciale à cause de ce caractère-là. Ce sont quand même des institutions qui, au point de départ, ne seront pas libres d'agir exactement comme elles le veulent, comme elles aimeraient le décider selon les règles du marché. N'oubliez pas que nous sommes régis par beaucoup. Il y a des enfarges. On peut appeler ça des enfarges législatives. Il ne faut pas se gêner. À l'occasion, ce sont de grosses enfarges. Pourtant, ce sont des institutions qui n'ont absolument aucune dette. Quand on fait l'analyse des titres pour placer à la Bourse, vous savez que c'est un des gros éléments que l'on regarde, le degré d'endettement et tout ça. Pourtant, il y en a qui vont jusqu'à 30 %, 40 % d'endettement, des grandes entreprises, et qui vont très, très bien dans leur développement. Les compagnies d'assurances n'ont absolument pas un seul sou de dettes. Même la règle qui vient s'établir, le fameux ratio, c'est en plus. Il y en a qui ne saisissent pas ça. Je pense que dans la population ici, il n'y a pas de problème, mais dans la population, les gens pensent qu'il y a un manque d'argent parce qu'on va sur une formule de financement. Ce n'est pas un manque d'argent. Les engagements sont pleins. Alors, là-dessus, il n'y a pas de problème. C'est un surplus. Donc, vous avez affaire à des compagnies qui sont saines au point de départ.

M. Boisclair: Ça, je le comprends bien, c'est bien expliqué dans le rapport. Mais lorsqu'on dit... Est-ce que vous êtes d'accord avec l'affirmation de dire que l'augmentation de votre... ou une meilleure situation concurrentielle, ou une meilleure position plutôt de la situation concurrentielle passe par une meilleure segmentation du marché? Est-ce que, en termes d'analyse stratégique, c'est le genre de conclusion auquel vous arrivez?

Le Président (M. Lemieux): II y a M.

Millette qui voulait aussi... Peut-être si vous voulez compléter.

M. Millette (Yves): Je pourrais peut-être ajouter à ça que, effectivement, c'est une grande préoccupation, la segmentation des marchés ou dans quels marchés les compagnies d'assurances doivent se développer. (13 heures)

Je pense qu'il faut dire aussi, si on parle des compagnies québécoises, c'est qu'elles ont commencé leur développement après les grandes compagnies canadiennes. Le développement des compagnies québécoises est plus récent et elles ont pénétré les marchés qu'elles ont pu pénétrer, je pense bien, et elles se sont développées tranquillement. Je suis tout à fait d'accord avec le mémoire qu'il y avait ce matin, il faut que les compagnies québécoises pénètrent tous les segments de marchés. C'était d'ailleurs la raison fondamentale de la loi 75, en 1984. C'est qu'on voulait permettre aux compagnies d'assurances québécoises, à défaut d'être capables de pénétrer les marchés extérieurs, de pénétrer d'autres marchés québécois. Mais on voulait leur donner cette possibilité de pénétrer et les marchés québécois dans d'autres domaines et les marchés extérieurs.

Et ça, je pense que les compagnies québécoises l'ont jusqu'à un certain point accompli. Si je pense, dans mon association, l'ACCAP, il y a 4 des 20 plus grandes compagnies qui sont des compagnies québécoises. Je pense que ce n'était pas le cas il y a 10 ou 15 ans, ou 20 ans.

M. Boisclair: Ce que vous me dites donc, M. Millette, c'est que le problème auquel sont confrontées les mutuelles n'est pas uniquement dû à leur structure juridique, à leur structure de propriété, il y a aussi d'autre chose comme...

M. Millette: Bien, il y a une structure de développement, mais quand on parle d'une structure de développement, il y a une chose dont on doit parler aussi, c'est le financement de ce développement-là. Un des problèmes que les mutuelles québécoises ont rencontrés, c'est justement d'avoir accès à des sources de financement suffisantes pour soutenir leur développement tout en préservant la protection des consommateurs, des assurés. Je pense que c'est

ça, le fond du problème, et c'est tout le fond du mémoire qui vous a été soumis ce matin. Ce sont toutes des considérations dont on doit tenir compte.

Évidemment que le problème ne sera pas réglé. Si les mutuelles sont capables de lever du capital mais que le capital est mis à la banque en attendant une hypothèse quelconque de développement, bien, je pense que ça ne donne absolument rien.

M. Boisclair: Bon. Revenons-en, et c'est là, c'étaient...

Le Président (M. Lemieux): Allez-y, M. le député de Gouin.

M. Boisclair:... justement ces besoins en termes de financement et de développement, parce que je pense que c'est vraiment ça le noeud du problème. C'est que les compagnies mutuelles d'assurance tiennent effectivement à un certain développement, je pense, dans le meilleur intérêt de l'ensemble des Québécois et Québécoises. Comment arriver à ce financement-là? On a parlé de la question de la démutualisation qui est une option que vous rejetez dès le départ dans votre rapport, suite au témoignage qui vous a été... Vous donnez même l'exemple d'une ou deux compagnies qui ont affirmé très clairement leur volonté de vouloir demeurer compagnie mutuelle d'assurance. Il y a un moyen qui est, j'en conviens, fort original, proposé par votre comité, avec la garantie gouvernementale et avec aussi un certain nombre de règles.

Moi, j'aimerais aller peut-être plus en détail. Comment la voyez-vous dans le concret, l'application de ce fonds? Il y a certaines personnes qui ont soulevé, et c'est un peu ce que je disais au moment où vous êtes arrivé dans cette salle, on a parlé du problème d'autonomie des mutuelles. Comment vous voyez, et quel genre d'intervention, par exemple, les dirigeants d'un futur fonds semblable à celui-là pourraient-ils faire, et sur quelle base aussi? Vont-ils accepter les projets qui leur seront déposés? Est-ce que vous voyez peut-être qu'un jour les futurs dirigeants de ce fonds-là pourraient remettre en question le style de gestion, non pas le style de gestion mais la gestion même faite par certains des dirigeants des compagnies d'assurances? Est-ce que ça deviendra l'allié de l'Inspecteur général pour assurer un meilleur contrôle, puisque ces gens-là auront, bien sûr, à justifier leurs demandes? Comment voyez-vous ça dans le concret? Quel genre d'intervention? Quelles seraient les responsabilités des gestionnaires de ce fonds-là? De quelle façon agiraient-ils en interrelation, par exemple, avec le gouvernement du Québec et avec l'Inspecteur général? Ça, à mon avis, c'est une question pertinente. S'il y a un moyen d'aller peut-être encore un peu plus loin dans votre proposition.

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. Garneau.

M. Garneau: En réponse à une question posée par Mme Robic, tout à l'heure, j'ai donné un certain nombre de paramètres. Évidemment, si jamais le gouvernement ou une législation créait cet organisme-là, il y a peut-être des normes additionnelles qui devront être soumises, mais moi, j'y vois le même genre de relations qui peuvent exister entre un investisseur et l'entreprise dans laquelle il veut investir et le même degré de surveillance. Si vous détenez des actions, par exemple, d'une entreprise et que vous en détenez suffisamment pour pouvoir jouer un rôle, vous pouvez faire connaître votre point de vue et être assez actif au niveau de l'assemblée des actionnaires.

Si vous êtes un prêteur, à ce moment-là... Je reprends l'exemple de la SDI. S'ils analysent un projet, ils en analysent la rentabilité à long terme et la décision est prise sur l'hypothèse de rentabilité d'un investissement et du retour qui peut être acceptable sur l'ensemble de l'avoir de cette entreprise-là. Dans le cas d'une mutuelle, ce sont des excédents accumulés et ce serait la même règle du jeu, à mon sens, que dans ces deux cas-là, soit un prêteur qui est une institution, soit gouvernementale comme la Caisse de dépôt et placement du Québec, par exemple. Quand la Caisse de dépôt et placement du Québec achète des obligations, elle porte un jugement sur le crédit, sur le management de l'entreprise et ce serait sans doute le même genre de critère qui devrait jouer.

M. Boisclair: Comment voyez-vous la nomination des membres d'un futur conseil d'administration d'une corporation semblable à celle que vous proposez?

M. Garneau: Nous croyons qu'ils...

M. Boisclair: Est-ce que vous voyez... Vous songez à des représentants gouvernementaux, par exemple?

M. Garneau: C'est-à-dire que ce seraient des gens qui seraient désignés, forcément, par le gouvernement ou par une commission parlementaire comme la vôtre ou les structures habituelles. Je ne vois pas comment les mutuelles ou les sociétés d'assurances qui pourraient éventuellement être appelées à... qui pourraient être autour. Donc, ça devrait être des gens indépendants.

Le Président (M. Lemieux): Absolument, absolument.

M. Boisclair: Ça, je le comprends très bien mais au-delà, ça peut être bien d'autres choses que des représentants gouvernementaux. Je comprends très bien que...

M. Garneau: Voyez-vous, actuellement, quand elle fonctionne, la SDI, d'une façon générale, c'est que lorsqu'elle a une demande d'emprunt, disons, ou de financement par une entreprise, supposons une scierie, je donne ça comme exemple, et que cette scierie-là est située à Matane, disons. Avant de prendre une décision... Normalement, si ma mémoire m'est fidèle et si ça se passe encore comme ça s'est déjà passé, la SDI va demander au ministère... Et dans ce cas-ci, ce seraient les gens qui s'occupent des terres et forêts, disons. Est-ce qu'il y a une dichotomie entre la politique générale et... Par exemple, si le gouvernement, pour toutes sortes de raisons, dans un plan de développement général, a décidé que les scieries ne seraient pas à Matane mais qu'elles seraient à Amqui, supposons, bien, la main gauche, dans ce cas-là, qui est peut-être la SDI ne viendrait pas renverser la politique du ministère. Le ministère ne pose pas... Est-ce que ça marche encore comme ça? Je ne le sais pas. Vous pouvez peut-être me le...

Le Président (M. Lemieux): Vous êtes encore à jour, M. Garneau.

M. Garneau: Je suis encore à jour? Bon. Le ministère ne porte pas de décision sur l'investissement lui-même, mais il porte sur la politique plus générale de l'établissement ou non de scieries. Il pourrait y avoir, dan? ce cas-là, une référence au service gouvernemental impliqué, qui est l'Inspecteur des institutions financières.

M. Boisclair: Donc, vous voyez fort bien, d'un bon oeil, le fait qu'une future corporation semblable à la vôtre soit... je ne dirais pas soit prise, comme si je l'associais à un élément péjoratif, mais doive respecter, à tout le moins, un certain nombre d'orientations gouvernementales et doit peut-être fixer un certain nombre de priorités quant aux projets qui seront retenus par une future corporation.

M. Garneau: Si je comprends bien, les réactions premières du gouvernement, c'est qu'il y a une réticence à le garantir. Si, en plus, il fallait qu'il intervienne pour dire le genre d'investissements, je pense que ce serait un peu malhabile et ça limiterait l'esprit d'entreprise, jusqu'à un certain point. Disons qu'une des mutuelles veut faire un développement, je ne sais pas, pour acheter une autre entreprise d'assurances, supposons, et que le projet est rentable. À moins que le gouvernement ait statué que les mutuelles ou les autres entreprises d'assurance-vie ne peuvent pas se développer dans leur domaine, ça va de soi que c'est la rentabilité...

M. Boisclair: C'est donc le critère de rentabilité qui doit primer...

M. Garneau: Absolument, la rentabilité du projet, et dans ce cas-là, surtout dans le domaine de l'assurance-vie, ce sont toujours des rentabilités à long terme. Quand on signe un contrat de rente à quelqu'un qui a 35 ans et que sa rente, au lieu d'être payable à 65 ans, et qu'il vit jusqu'à 90 ans, vous vous rendez compte que c'est un contrat qui est à long terme, qui n'est pas à court terme, et évidemment il faudra faire des analyses comme on fait lorsqu'on prend ces décisions-là. Et moi, je vous dirais que si les gouvernements décidaient d'appliquer la formule SIAP telle quelle, le besoin de financement à long terme va se poser, mais il se poserait dans un échelonnement beaucoup plus long et permettrait peut-être de développer des formules. Mais on en aura toujours besoin à long terme. On a des collègues, nous ici, des partenaires qui sont des mutuelles françaises et j'ai assisté à l'assemblée annuelle de cette mutuelle, l'an dernier, à Paris, et moi, je ne connaissais pas le président de la mutuelle, M. Jolain. Je l'ai entendu parler, et le discours qu'il a fait, j'aurais pu aussi bien le faire devant nos propres mutuellis-tes, il exposait le problème du financement à long terme des structures mutuelles. Justement parce qu'on n'a pas la possibilité d'émettre des capital-actions.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Gouin, une dernière petite question.

M. Boisclair: Très rapidement, parce que le temps file. Vous avez sûrement comme groupe, et c'est ça que je voulais savoir, comment vous entrevoyez le déroulement... Quel genre de suite faudrait-il donner à votre rapport?

M. Garneau: Je sais que ce matin, on viendrait commenter, article par article, le projet de loi créant la corporation, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boisclair: Mais j'aimerais bien avoir une réponse à cette question: Quel genre de suite voyez-vous à ce rapport? Quel genre de concertation ferez-vous avec les gens du milieu? Parce que déjà, Mme la ministre nous annonce qu'il y a un mandat qui a été donné aux officiers de son ministère pour faire une concertation avec l'entreprise du milieu, et est-ce que vous entendez associer, dans la mesure où, comme groupe, vous continuez d'exister ou si votre mandat fait que vous n'existez plus comme groupe, mais dans la mesure où...

M. Garneau: 11 est terminé depuis le mois d'octobre alors... Évidemment, on intervient par nos associations professionnelles...

M. Boisclair: Ah! Quel genre de suite faudrait-il donner à votre rapport, M. Garneau? Je termine là-dessus.

M. Garneau: Le mettre en application.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Garneau. Alors, en conclusion, Mme la ministre.

M. Garneau: Vous n'attendiez pas une autre réponse, j'imagine.

M. Boisclair: Évidemment, on aurait pu parler du délai, et vous savez comment ça fonctionne, là, M. Garneau.

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. Garneau.

M. Garneau: II y a une chose que je voudrais mentionner sur une des questions que vous avez posées antérieurement, M. Boisclair, c'est l'encadrement des mutuelles. Il faut quand même reconnaître que la loi qui a été adoptée avant Noël, dans le fonctionnement des mutuelles, soulève des préoccupations qui existaient et qui posent un certain nombre de balises qu'il nous faudra respecter dans l'avenir, que ce soit, par exemple, dans la forme des assemblées annuelles. Cette année, heureusement, comme la loi a été passée sur le tard et que cette nouvelle réglementation nous imposait toutes sortes de nouvelles considérations, ça aurait été difficile de rencontrer un échéancier aussi court, mais l'an prochain, on devra respecter ces nouvelles normes-là, et je crois qu'elles s'inscrivent un peu dans les préoccupations que l'on soulevait dans notre rapport sur l'encadrement du processus des mutuelles et toute la question des procurations, comment est-ce qu'elles peuvent être exercées, il y a des limites maintenant, qui sont placées, des limites dans le quorum des assemblées. Donc, il y a eu certainement un geste de posé et qui répond à un certain nombre des préoccupations qui existaient et auxquelles on se référait dans notre rapport.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Garneau. En conclusion, Mme la ministre.

Mme Robic: Oui, M. le Président. J'aurais aimé pouvoir dire au comité et à l'Opposition qu'on aurait déposé un projet de loi dans cette session, je pense que la réflexion est avancée, mais on n'est pas à ce point-là. Cependant, M. le Président, je l'ai dit et je le répète, notre intention est de travailler avec l'industrie pour trouver une solution à l'intérieur de structures que vous voulez conserver. Nous espérons que nous pourrons le faire. Vous nous l'avez dit, M. Marquis, vous nous avez suggéré une solution parmi d'autres. Cette solution semble apporter certains problèmes au niveau de l'industrie même, au niveau gouvernemental. On peut espérer que cette réflexion va se continuer. D'ailleurs, le mandat que j'ai donné au ministère, ç'a été non pas d'imposer des formules, mais bien d'alimenter le débat et la réflexion. Alors, ça va se con- tinuer. on espère qu'on arrivera à une conclusion positive qui sera acceptable pour tous les partenaires et qu'on pourra faire en sorte que nos compagnies mutuelles pourront demeurer, conserver leurs structures et en même temps se développer et atteindre leurs objectifs. alors, messieurs, je vous remercie beaucoup...

M. Garneau: Est-ce qu'on peut également remercier...

Le Président (M. Lemieux): Mais préalablement, M. le député de Gouin, et je vais revenir avec vous.

M. Boisclair: Merci beaucoup de cette collaboration et de cette contribution au débat. Comme je vous dis, la qualité de l'appréciation de la ministre en fonction des suites qu'elle donnera à votre rapport, et ça, je pense que, M. Garneau, vous qui avez déjà siégé dans un Parlement, savez très bien que c'est bien beau de dire qu'on veut y donner suite, et je comprends que ce soit à votre intention, mais vous connaissez aussi le fonctionnement de l'appareil gouvernemental pour avoir déjà siégé à un Conseil des ministres. Alors, souhaitons que rapidement on puisse en arriver à des solutions, en tenant compte, bien sûr, je pense que les compagnies... je terminerai peut-être juste là-dessus en disant: Je crois que les mutuelles d'assurance ont elles-mêmes un chemin à faire dans leur réflexion. J'ai particulièrement apprécié l'intervention de M. Millette qui disait que oui, effectivement, il y a un certain repositionnement et il y a une certaine orientation stratégique peut-être à modifier, et ça, chacun d'entre vous dans vos milieux à faire cette réflexion-là, mais elle est importante, et le caractère mutualiste aussi pourra se développer dans la mesure où il y aura aussi un certain... je n'ose pas dire contrôle, mais où les règles du jeu à tout le moins seront claires pour tous et toutes.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député de Gouin. M. Garneau.

M. Garneau: Alors, au nom de MM. Chevalier et Millette, M. Marquis et M. Latulippe, je voudrais vous remercier de nous avoir accueillis. Personnellement, je pense me faire le porte-parole aussi de mes collègues pour vous transmettre notre appréciation de la façon réellement non partisane dont fonctionne ce comité. Évidemment, à l'occasion, il faut respecter les règles du jeu de l'Opposition et du gouvernement, mais je crois que ç'a été très agréable de pouvoir travailler dans un contexte qui ne semblait pas orienté vers des couleurs politiques, mais plutôt vers une recherche de solutions. En tout cas, personnellement, j'ai bien apprécié.

Le Président (M. Lemieux): D'ailleurs, M.

Garneau, c'est le problème à cette commission, on cherche l'opposition et le pouvoir. Alors...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): La commission vous remercie de votre participation. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 h 30, soit après les affaires courantes de l'Assemblée.

(Suspension de la séance à 13 h 18)

(Reprise à 15 h 36)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux relativement à la consultation particulière sur le financement des compagnies mutuelles d'assurance au Québec.

Nous allons maintenant entendre M. Denis Moffet. Alors, je demanderais à M. Denis Moffet de bien vouloir prendre place à la table des témoins. Vous aurez, M. Moffet, une demi-heure pour l'exposé de votre mémoire, et suivra une période d'échange entre les deux groupes parlementaires. 30 minutes seront consacrées au parti ministériel, 30 minutes seront consacrées au parti de l'Opposition, et les députés pourront intervenir pendant une période de 10 minutes; je m'efforcerai de faire respecter la règle de l'alternance.

Alors, M. Moffet, nous sommes prêts à vous écouter.

M. Denis Moffet

M. Moffet (Denis): Je vous remercie, M. le Président. Alors, vous avez bien reçu, je crois, le mémoire que je présente à cette commission et qui s'intitule "Réflexions sur la problématique du financement des compagnies mutuelles d'assurance". Je ne lirai pas ce mémoire; je vais me contenter d'attirer votre attention sur certains points qui me paraissent plus importants, et peut-être même, à l'occasion, aller un peu à l'extérieur de ce mémoire.

En tout premier lieu, cependant, même si je ne lis pas le texte, j'aimerais répéter les remerciements à l'égard de l'Assemblée nationale pour m'avoir invité à participer à cette commission parlementaire. C'est pour moi un grand honneur, c'est une marque de considération et je pense que c'est important que l'université, en tant qu'institution, puisse avoir à l'occasion des représentants à ce genre d'exercice. Alors je vous en remercie, et je vais essayer, au meilleur de mes connaissances, de répondre à vos ques-tions, et peut-être d'apporter aussi des points nouveaux.

Je n'aime pas me qualifier d'expert. C'est a sujet extrêmement vaste. Il y a beaucoup de significations, et je crois que pour une seule personne, peu importe sa bonne volonté et sa compétence, ce serait assez difficile, à mon avis, qu'une telle personne puisse se prétendre experte sur le sujet qui nous intéresse aujourd'hui. En ce qui me concerne, j'ai commencé à m'intéresser au problème du financement des mutuelles d'assurance il y a à peine trois ans. Donc, c'est assez récent, et c'était à la suite de la demande du Conseil québécois de la coopération d'effectuer une étude portant sur les enjeux de la démutua-lisation. Et, depuis ce temps, j'ai eu l'occasion de prononcer quelques conférences à la suite des invitations que j'avais, et donc, de fil en aiguille, on en arrive ici aujourd'hui.

Il est intéressant peut-être de situer un petit peu le contexte historique des mutuelles. Les mutuelles québécoises, et je dirais peut-être canadiennes-françaises parce qu'il y a une compagnie mutuelle que je n'ai pas mentionnée dans le mémoire que vous avez lu aujourd'hui, et qui est une mutuelle du Nouveau-Brunswick, la Société L'Assomption, qui ressemble beaucoup, dans son histoire, aux mutuelles que l'on connaît, aux mutuelles québécoises. Donc, on peut aussi bien parler des mutuelles canadiennes-françaises en pensant qu'il y a au moins un très bon exemple au Nouveau-Brunswick.

Ce qu'il est important de bien avoir à l'esprit, c'est que nos mutuelles puisent leurs racines, si on veut, puisent leur inspiration dans les sociétés fraternelles et aussi dans les coopératives. Les sociétés fraternelles se sont développées pendant la révolution industrielle en Angleterre au XVIII siècle; c'est dans les centres industriels comme Manchester et Londres que se sont donc développées ces sociétés fraternelles qui avaient vraiment comme but l'entraide, la solidarité. Et je pense qu'il faut aussi avoir à l'esprit qu'il y avait peut-être une connotation de réaction à l'endroit des excès du capitalisme à cette époque-là. Quand on lit un petit peu sur la révolution industrielle, on se rend compte que, même si aujourd'hui on en ramasse certains bénéfices, à cette époque-là, ça a été extrêmement pénible pour les classes laborieuses. alors, il m'apparaît extrêmement important d'avoir à l'esprit que les sociétés fraternelles d'inspiration britannique ont influencé l'évolution de l'assurance au canada et ont influencé particulièrement - je dirais - la naissance de nos compagnies d'assurances. ici, au québec, on peut par exemple mentionner la société des artisans qui a été fondée à la fin du siècle dernier sous forme de société fraternelle, et est devenue plus tard une coopérative d'assurances. et, à la suite d'une fusion, le nom de la société des artisans a disparu et on retient maintenant le nom des coopérants, qui est une fusion entreles artisans et les coopérants. vous avez vu, dans l'historique que j'ai fait, donc, que je parte beaucoup de cet aspect-là. on a des compagnies d'assurances, au québec, qui ont commencé comme des sociétés fraternel-

les et qui se sont ensuite adaptées aux circonstances et sont devenues des mutuelles.

Il y a une différence assez importante, ici, entre l'histoire des compagnies canadiennes-françaises et l'histoire des compagnies canadiennes-anglaises parce que, si on va du côté de nos amis anglophones, au Canada, on constate que les compagnies d'assurances qui se sont développées au siècle dernier, se sont développées un peu avant les compagnies d'assurances canadiennes-françaises. Par exemple, la Canada Life, qu'on considère comme étant la plus ancienne des compagnies d'assurances canadiennes, a été fondée en 1842, je crois. Et ce que je veux bien vous signaler, c'est que les compagnies canadiennes-anglaises ont été, pour la plupart, des compagnies à capital-actions quand elles ont été établies, et elles se sont mutualisées beaucoup au cours de ce siècle, particulièrement dans les années 1950 et 1960. Il y a une exception notable qui est La Mutuelle du Canada. La Mutuelle du Canada, c'est une compagnie qui a été fondée au siècle dernier et qui a été fondée comme mutuelle, contrairement, donc, à la plupart des autres compagnies canadiennes-anglaises. alors, ici au québec, on a aussi des compagnies qui ont été établies sur une base de société à capital-actions, mais elles sont minoritaires par rapport aux autres. si on veut avoir quelques exemples de compagnies à capital-actions au québec, l'industrielle-alliance est une compagnie qui a été fondée en 1905 comme étant une compagnie à capital-actions; il y a eu ensuite la sauvegarde, qui a été fondée comme une compagnie à capital-actions et ensuite, on peut penser à la laurentienne, qui a été fondée comme compagnie à capital-actions. quand on regarde, par contre, la plupart de nos compagnies canadiennes-françaises, on trouve des origines dans le mutual isme. et le mutual isme, je le disais, était inspiré beaucoup par le fraternalisme qui remonte, donc, au xviiie siècle - d'origine anglaise - et ensuite, le coopératisme, lui, est apparu au milieu du siècle dernier. il y a eu l'expérience de rochdale, qui était une coopérative de tisserands; quand on parle du coopératisme, généralement, on parle des principes de rochdale. alors, on remonte justement à cette expérience de rochdale, au milieu du siècle dernier.

Il y a eu aussi, bien entendu, l'expérience, en Allemagne, des caisses de crédit qu'on doit à Raiffersen. Alors ça, c'est venu un petit peu après l'expérience de Rochdale et je pense qu'on peut dire, sans trop se tromper, que l'expérience allemande a influencé beaucoup le mouvement coopératiste québécois. On connaît bien, ici, le Mouvement Desjardins, qui est un mouvement de type coopératiste, et qui remonte au début du siècle. Je pense qu'on peut rattacher, si on veut, révolution ou la naissance du Mouvement Desjardins aux expériences de Raiffersen en

Allemagne.

Alors, on a donc ici, en toile de fond, une histoire qui est basée sur l'entraide, la solidarité. Mon ami, M. Drolet, dans le mémoire qui va suivre cet après-midi, m'attribue une petite référence dans le texte qu'il a préparé, où il réduit ma conception des sociétés fraternelles à la défense de la veuve et de l'orphelin. Je pense que c'est minimiser beaucoup le rôle des sociétés fraternelles. D'ailleurs, je ne reconnais pas ça dans le texte dont il s'inspire, qui s'intitule "Entraide, solidarité et mutualisme", que je pourrai déposer d'ailleurs, ici, auprès du secrétaire de la commission pour qu'on puisse s'y référer adéquatement. Ceci étant dit, donc, je tiens à ce qu'on considère, qu'on comprenne bien tout le respect que j'ai pour les origines fraternal istes et mutualistes de nos compagnies d'assurances.

Il y a eu aussi, à un moment donné, parmi nos compagnies d'assurances à capital-actions, un mouvement de mutualisation. On peut donner différentes explications à ce mouvement de mutualisation. La première explication qu'on donne - et c'est probablement celle qui satisfait le plus de personnes, qui est susceptible d'être la mieux reçue - c'est quand on dit que les compagnies à capital-actions se sont mutualisées dans le but de se prémunir contre des prises de contrôle hostiles. Et, quand on dit "hostiles" ici, il faut surtout comprendre des prises de contrôle qui nous viendraient de l'étranger. C'est une explication possible. On dit, en statistique, que c'est une hypothèse nulle compatible avec l'observation des données. Alors, mes amis statisticiens voudront bien prendre note et ceux qui ne sont pas statisticiens, j'espère que je ne les embête pas trop avec cette comparaison qui s'inspire des tests en statistique.

Par contre, il y a d'autres hypothèses qui peuvent être aussi tout à fait compatibles avec l'observation de notre histoire. Je pense à deux autres explications pour le phénomène de mutualisation. Ça pourrait être d'abord la volonté des gestionnaires de se protéger de la discipline de marché. Pourquoi? Parce que, quand on forme une mutuelle, à un moment donné, en particulier via le vote par procuration, il est possible de prendre le contrôle d'une compagnie et, à ce moment-là, d'être assez bien protégé de la discipline de marché; entre autres donc, des prises de contrôle, pas nécessairement hostiles. On pourrait aussi - comme le disait Ardian Gale, qui est un actuaire de New York - apporter comme explication la volonté, à un moment donné, de faire quand même une bonne affaire sur le plan commercial en transformant une compagnie à capital-actions en mutuelle. C'est-à-dire, à ce moment-là, que les actionnaires se font payer par ce qui va devenir la mutuelle pour laisser leur contrôle à la mutuelle après coup.

Alors, il y a trois explications possibles qui

ne réapparaissent pas à rejeter à priori, même en contexte québécois.

H y a eu aussi des démutualisations, c'est-à-dire des compagnies qui ont voulu laisser le statut ou abandonner la forme organisationnelle qu'on appelle le mutualisme pour devenir des compagnies à capital-actions. Un exemple récent de ça, évidemment, c'est Desjardins. On sait que Desjardins s'est démutualisée récemment et aussi, il y a quelque temps, La Laurentienne. La Laurentienne était une compagnie à capital-actions; elle s'est mutualisée à un moment donné et s'est démutualisée par la suite.

Alors, on peut observer un certain va-et-vient entre les différentes formes organisation-nelles. Des fois, ça m'amène à me poser la question et peut-être à la laisser en suspens ici: Est-ce que le mutualisme, à un moment donné, n'est pas tout simplement un moyen commode de s'adapter à certaines circonstances? Je parle, à un moment donné, dans le texte que vous avez sous les yeux, d'une espèce de mouvement au gré des courants dominants.

Pourquoi ai-je essayé de vous entretenir de l'historique du mutualisme? C'est dans le but de bien comprendre notre préoccupation d'aujourd'hui, c'est-à-dire le financement des mutuelles. Parce que, dans ma façon de voir les choses, il y a certainement des raisons de vouloir financer les mutuelles. Ou essayons aussi d'en trouver, des raisons de financer les mutuelles, à partir de leur contribution historique. Parce que, tout simplement, si le mutualisme est juste une forme d'accommodement quand on veut bien s'en servir, il faudra se poser la question si on veut véritablement financer cette forme d'organisation structurelle. Moi, au contraire - donc, c'est le point de vue que je veux vraiment énoncer clairement - je crois que la forme mutuelle au Québec a des origines basées sur l'entraide, basées sur la solidarité. À un certain moment, au Québec, ce mouvement d'entraide, ce mouvement de solidarité a été extrêmement important pour aider notre peuple à s'émanciper sur le plan économique. Alors, je pense que c'est une contribution historique qu'il est important d'avoir à l'esprit, malgré les faits que j'ai signalés, par exemple des mouvements de va-et-vient d'une forme à l'autre. Je pense qu'il y a un bilan extrêmement positif à tirer de l'expérience mutualiste au Québec.

Quand on arrive ensuite au financement des mutuelles, on peut voir plusieurs possibilités. Avant de parler des possibilités, il y aurait peut-être lieu de se poser la question: Pourquoi a-t-on besoin de se financer maintenant? Il est important de bien comprendre que dans une mutuelle, c'est la notion d'usage, davantage que la notion de capital, qui est la notion importante, de même que dans le coopératisme. On crée des coopératives dans le but de se donner un service. On n'a pas comme but, à un moment donné, nécessairement de faire des profits. On va parler d'ailleurs de trop-perçu plutôt que de parler de profits et on va faire des redistributions selon l'usage plutôt que selon l'investissement en capital.

Cependant, nos mutuelles se sont développées. En particulier dans les années 1980, il y a eu un mouvement de décloisonnement au Québec. Je pense que ce mouvement de décloisonnement a été en partie, disons, amené par les autorités gouvernementales de l'époque. On voulait donner plus de taille à nos compagnies d'assurances et, à cette époque-là, donc, nos compagnies d'assurances... Parce que Desjardins, par exemple, l'AVD était toujours une mutuelle. La Laurentienne était aussi une mutuelle. Alors, quand on pariait de compagnies d'assurances, on parlait surtout de mutuelles; et La Sauvegarde faisait partie - c'était une compagnie à capital-actions, vous le savez - du mouvement coopératif. alors, il y a eu un mouvement de décloisonnement dont un des buts était de donner une plus grande taille à nos compagnies d'assurances. évidemment, si on veut avoir des institutions financières de grande taille, il faut se rendre compte, au québec, que les banques nous échappent sur le plan du contrôle parce qu'elles sont à charte fédérale. alors, reste le mouvement coopératiste et, si on veut, le mutualisme ou particulièrement les compagnies d'assurances. alors, on a eu un mouvement de décloisonnement, entre autres choses, pour donner une plus grande taille.

La diversification, cependant, qui a été un chemin adopté parce qu'on pouvait la faire dans les quatre piliers, ça a amené, je dirais, certaines contraintes sur la liquidité des compagnies. Et on dit que les compagnies, peut-être, ont des besoins de liquidité. Pourquoi? Parce que les investissements dans les filiales, ce sont des investissements qui sont moins liquides que des investissements dans des titres, par exemple. Alors, c'est évident que si on a besoin, à un moment donné, d'argent pour les différentes affaires de l'entreprise, on n'a pas des actifs qui sont aussi liquides que si on avait des titres.

D'autre part aussi, quand on prend le contrôle d'une entreprise, que ce soit une institution financière ou n'importe quelle autre entreprise, il faut en général payer une prime pour le contrôle. Donc, à ce moment-là, ça entraînait aussi, l'acquisition de filiales, une sortie de liquidités dans nos compagnies. Évidemment, on peut dire que les filiales prennent de la valeur. Je veux bien prendre une partie de cet argument-là, mais je ne peux certainement par le prendre en totalité parce que c'est évident que nos compagnies d'assurances, lorsqu'elles font l'acquisition de mutuelles, c'est qu'elles n'ont pas comme but de devenir, en quelque sorte, des courtiers en filiales. Elles ont comme but de développer un ensemble cohérent qui, en particulier, va avoir comme finalité de donner de meilleurs services aux assurés. Il ne faut pas

comparer ça à des entreprises comme Trilon ou comme Power Corporation où, dans ce genre de holding financier - ou comme Edper par exemple - on est prêt à faire l'acquisition d'entreprises dans le but de les améliorer, si possible, et de les revendre après ça et, ce faisant, de faire un profit. Je n'ai absolument rien contre ce genre d'entreprises-là sauf que je pense important de faire la distinction avec les compagnies d'assurances.

Alors, on en est donc arrivé à dire qu'on a certains besoins de financement et, à ce moment-là, que constatons-nous? Nous constatons que, dans les mutuelles, il n'est pas possible de faire des levées de fonds de capital de risque. Pourquoi? Parce qu'on ne peut pas émettre d'actions. Alors, comment s'effectue le financement à l'intérieur des compagnies d'assurances de type mutuel? Il s'effectue par l'autofinancement, c'est-à-dire qu'on fait des bonnes affaires, et les surplus qui s'accumulent, on peut les utiliser, donc, ces surplus-là, dans le but de faire du développement.

Dans le passé, et c'est signalé dans le rapport Garneau, il y a eu aussi différentes approches. On parle, dans le rapport Garneau, des billets en sous-ordre et il y avait aussi les actions privilégiées. Je n'ai pas parlé des actions privilégiées dans mon mémoire. C'est une omission que je signale, mais on sait que La Lauren-tienne, notamment, a utilisé les actions privilégiées pour faire une levée de capital il y a quelques années; et encore, actuellement, je pense que la valeur de ces actions privilégiées, dans les livres de La Laurentienne, monte je pense, à 33 000 000 $, quelque chose comme ça. Alors donc, il y a déjà certaines possibilités.

Et aussi, on a créé au Québec, il y a quelques années, une structure particulière qui est la société mutuelle de gestion, dont on a déjà vu une application au Québec, et qui avait aussi comme but de permettre davantage de possibilités de financement dans les mutuelles. Je pense que cette formule-là présente ce que j'appellerais encore, beaucoup de zones grises, et que ces zones grises là, personnellement, me déplaisent suffisamment pour que je n'encourage pas ce genre de structures-là. Et les principales zones grises que je vois - et j'en parle dans le mémoire - c'est surtout une absence de législation concernant le patrimoine mutualiste. D'ailleurs, le rapport Garneau fait état que, bien souvent au Québec, qu'est-ce qu'on a? On a tout simplement une application des lois des compagnies d'assurances aux mutuelles, et sans faire grande distinction. C'est signalé quelque part dans le rapport Garneau et vous l'avez dans le mémoire que je vous ai soumis. Alors, ça, en ce qui me concerne, je pense que c'est une lacune au Québec actuellement, qu'on ait laissé une espèce de zone grise permanente dans la gestion du patrimoine mutualiste.

En ce qui me concerne aussi, dans la vie participative à l'intérieur des mutuelles - si on remonte au début de nos mutuelles d'assurance, comme je l'ai signalé - nous constatons une volonté d'implication sociale. Il y a dans nos mutuelles, donc, un historique, non seulement économique, mais social. Je pense, par exemple... Tantôt, je vous disais qu'il y avait des sociétés qui étaient aussi intéressantes en dehors du Québec; la société l'Assomption, par exemple - j'ouvre une parenthèse - avait clairement comme mission l'éducation. Ici, dans nos sociétés mutuelles, si on remonte au tout début, par exemple, il y avait la Société des Artisans, qui était une société canadienne-française et catholique. C'était un regroupement avec, donc, des visées qui dépassaient la visée strictement financière.

Alors donc, je pense, moi, que lorsqu'on a des sociétés qui ont un historique d'idéal social autant que d'idéal économique, ce serait peut-être important de penser avoir aussi une législation qui s'en inspire. Et je pense qu'on devrait, dans nos mutuelles, utiliser beaucoup plus ces institutions-là comme un lieu d'apprentissage de la vie économique, un lieu de démocratie. Mais ce n'est pas tout à fait ce qui s'est produit. Et c'est pour ça, quand vous voyez la conclusion que j'atteins dans mon mémoire, que j'associe étroitement le financement des mutuelles à ce genre de législation-là.

Alors, quand on regarde le problème, donc, de financement des mutuelles dans un contexte québécois, nous pourrions penser aussi à des solutions comme celle du Mouvement Desjardins, où on avait tout simplement pensé au financement par parts permanentes. J'ai eu l'occasion de le dire dans d'autres écrits que j'ai faits, je pense que c'est un mode de financement qui est quand même respectueux de la mentalité, disons, coopérative ou mutualiste. Il y a quand même peut-être aussi certaines zones grises. Peut-être que la loi en a pris bien soin - si je me trompe, je veux bien qu'on me le dise - mais ce que je peux voir des fois, dans les parts permanentes, c'est qu'il y a quand même des membres des coopératives qui peuvent maintenant avoir un investissement financier qui est plus considérable que d'autres. Alors, je me demande si on a mis vraiment à l'abri nos conseils d'administration des coopératives de ces possibilités que les gens qui ont plus, disons, d'investissement via les parts permanentes, et s'ils sont en même temps des dirigeants des conseils d'administration, est-ce qu'on est complètement à l'abri des conflits d'intérêts? J'ose espérer qu'il est ainsi. Je n'en ai pas la certitude.

Alors, je dis que les parts permanentes, c'est quand même très intéressant dans une mentalité mutualiste ou coopératiste, mais je pense que, dans cette approche-là aussi, maintenant, on fait entrer la notion de capital, on différencie les gens par le capital. C'est donc pour moi encore peut-être une zone grise.

J'avoue, là, que je n'ai pas, disons, passé en détail la loi à cet égard-là, mais je le signale ici cet après-midi. (16 heures)

Alors, on aurait pu penser aussi, si on veut aller chercher du capital externe... On disait que la solution de La Laurentienne, en créant une société mutuelle de gestion, ça permettait d'aller chercher du capital à l'extérieur tout en maintenant le contrôle chez les mutualistes. Je dis, à ce moment-là, qu'on pourrait peut-être penser donner aux mutuelles le pouvoir d'émettre des actions, mais sans droit de vote; parce que, à ce moment-là, donc, le contrôle, de toute façon, resterait dans les mains des mutualistes. Mais je dis encore une fois, malgré tout, un peu comme ce que je viens d'ouvrir comme, disons, interrogation en ce qui concerne les parts permanentes, que si on introduit des actions, par exemple, non votantes, on peut amener du capital. Mais n'empêche qu'on amène en même temps aussi, même si les intérêts sont minoritaires... On a déjà dit aux États-Unis: Tous les gens sont égaux sauf qu'il y en a qui sont plus égaux que d'autres. C'est que, quand les gens ont plus d'implication dans l'entreprise via le capital, on peut s'imaginer aussi que, à ce moment-là, ils peuvent avoir plus d'influence. Mais enfin, quand on veut associer différents types d'idéaux, c'est ce à quoi on peut s'exposer.

Alors, on a eu une proposition, celle que j'appelle du comité Garneau, qui est un mode de financement qui repose sur le financement par dette. Alors, un des avantages, peut-être, du financement par dette, c'est que ça ne crée pas, à un moment donné... Ça n'amène pas des intervenants dans la structure, qui auraient des intérêts, si on veut, à faire voter des dividendes. Cinq minutes, M. le Président?

Alors, ce qui est intéressant dans la démarche proposée par le comité Garneau, c'est qu'on fait intervenir aussi, dans le financement des mutuelles, les caisses de retraite. Alors, quand on regarde les caisses de retraite, il y a aussi, dans la gestion des caisses de retraite, un objectif d'amélioration du patrimoine des participants. Alors, on fait rejoindre, possiblement, des entreprises qui peuvent avoir, jusqu'à un certain point, donc, des idéaux communs.

Et ce qui est intéressant aussi, c'est qu'on demande la garantie de l'État à cet égard-là. Alors, je constate que la garantie de l'État, sauf erreur de ma part, elle est déjà donnée au Québec sur les emprunts d'Hydro-Québec; alors, ce n'est pas un précédent. Je signale aussi qu'il y a des pays comme la France et les États-Unis - qui est pourtant un pays de libre entreprise - qui ont des mécanismes d'assurance où la garantie de l'État intervient. Je pense à la Caisse centrale de réassurance en France, et je pense aussi au National Flood Insurance Program aux États-Unis, où l'État joue le rôle de garant ultime des ces deux systèmes-là.

Je remarque aussi qu'il y a eu au Québec, dans le passé, une intervention de l'État en ce qui concerne la capitalisation des entreprises. Qu'on pense au régime d'épargne-actions, à la SODEQ, à la SPEQ. Alors, il n'y a pas de précédent, là non plus, dans l'intervention de l'État. Alors donc, si on examine ça, et, M. le Président, j'approche de ma conclusion, si on met tout ça bout à bout, je peux lire maintenant, si vous me le permettez, la conclusion à laquelle j'en arrive.

Considérant que le mutualisme repose sur des notions d'entraide et de solidarité héritées du fratemalisme et du coopératisme;

Considérant l'importance de la contribution des mutuelles d'assurance au développement social et économique du Québec;

Considérant le rôle incitatif joué par les autorités gouvernementales en matière de décloisonnement;

Considérant le rôle contributif du décloisonnement au problème actuel de capitalisation des compagnies mutuelles d'assurance à charte québécoise;

Considérant les interventions récentes de l'État québécois en matière de capitalisation des entreprises;

Considérant les précédents, tant au Québec qu'à l'étranger, du rôle de garant assumé par l'État;

Considérant le réalisme de la formule de financement proposé par le comité Garneau et même donc, s'il pouvait exister d'autres modes de financement; j'ouvre cette parenthèse;

Considérant les faiblesses de la législation québécoise en matière de "gouvernance" des mutuelles, notamment en ce qui a trait à la gestion du patrimoine mutualiste et à la vie participative des mutualistes;

J'exprime aux représentants de l'Assemblée nationale du Québec mon appui à la formule de financement proposée par le comité Garneau, tout en proposant d'associer l'acceptation éventuelle de cette formule à une démarche devant conduire le plus tôt possible à une révision de la législation portant sur la "gouvernance" des mutuelles, notamment en ce qui a trait à la gestion du patrimoine mutualiste et à la vie participative des mutualistes. Et j'ajouterais que, ce faisant, nous rejoindrons aussi les principes que Mme Robic énonçait dans la lettre d'introduction à son plan quinquennal, où elle nous disait qu'elle voulait la protection des intérêts des mutualistes, et aussi que l'incitation à la vie participative deviennent une préoccupation en ce qui concerne l'évolution de nos assurances. Je suis d'accord avec cet énoncé et je pense qu'on pourrait aller dans cette direction. M. le Président, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Moffet. Mme la ministre.

Mme Robic: Oui, merci, M. le Président. Bienvenue, M. Moffet, à cette table de consultation. Merci d'avoir accepté de participer. Vous m'avez citée, en fin de présentation, mais vous avez dit, dans votre mémoire, que je vous ai laissé sur votre faim.

M. Moffet: C'est vrai, Madame.

Mme Robic: Alors, si on en parlait un peu, de ce projet de loi là. Quelles sont les forces et les faiblesses du projet de loi? Je suis brave, comme ministre, de demander une affaire pareille, mais je le fais. Et si je vous ai laissé sur votre faim, qu'est-ce que vous auriez voulu voir dans ce projet de loi là?

M. Moffet: D'abord, en ce qui concerne les modifications apportées aux lois, je dois vous féliciter pour avoir introduit un élément de déontologie à l'intérieur des compagnies d'assurances. Je pense que vous avez fait là une démarche qui, à mon point de vue, est extrêmement intéressante et rejoint plusieurs de mes préoccupations. Alors, il faudra voir, à l'usage, comment ça va se passer. Alors, ça, je ne le mentionnais pas parce que ce n'est pas tout à fait dans nos préoccupations, mais je suis heureux de le signaler; vous m'en donnez l'occasion.

Mais, où vous m'avez laissé sur ma faim, Mme Robic - Mme la ministre - c'est quand on parle effectivement des mutuelles. Moi, je pense que la vie participative à l'intérieur des mutuelles mérite beaucoup d'être encouragée et aussi d'être organisée, en quelque sorte. Et là, je pense qu'on n'a pas encore avancé. Et j'ai mentionné aussi, donc, dans le mémoire, ce que j'appelle, moi, la gestion du patrimoine mutualiste. Alors, ça, je pense que, dans les préoccupations futures... C'est là que je conserve mon espoir. C'est que je souhaiterais beaucoup que l'on aborde ces questions-là.

Mme Robic: J'entendais mon confrère dire qu'on était hors d'ordre. Ce n'était pas tout à fait ça. Je vais le reprendre parce que l'inquiétude que j'avais dans la préparation de mon projet de loi, c'était justement: Comment peut-on protéger le consommateur, le mutualiste? Et donc, j'ai été très sensible à vos remarques à ce niveau-là. Et c'est une question qu'on s'est posée: Jusqu'où peut-on aller, comme gouvernement, pour mettre quelque chose dans une loi pour inciter à la participation des mutualistes? Il faut que le mutualiste lui-même s'intéresse à sa compagnie, veuille participer. On ne peut pas le prendre par la main, là. Comment, nous, comme gouvernement... Je comprends qu'il y a toutes sortes de choses que les compagnies peuvent faire, mais nous, comme gouvernement, qu'est-ce qu'on peut faire pour inciter les mutualistes à mieux participer? On ne peut certainement pas les obliger à participer s'ils ne le veulent pas.

M. Moffet: Vous avez une vie politique active. Les partis politiques ont plusieurs moyens pour faire sortir le vote, par exemple. Est-ce que, si on n'avait pas des structures pour faire sortir le vote...

Le Président (M. Lemieux):... les résultats qu'on voudrait.

M. Moffet:... les gens iraient voter autant que cela? Alors, ce que je veux vous dire par là, Mme Robic, c'est qu'on peut faire des efforts. Alors si, à un moment donné, on omet totalement de faire des efforts pour amener les gens, soit à voter ou à aller à des assemblées générales, c'est évident qu'ils n'y vont pas. On peut cependant avoir des cas beaucoup plus concrets que ça. Quand vous allez à une assemblée d'une mutuelle et que l'on vous remet sur place, par exemple, le rapport annuel de la compagnie... Alors moi, je ne suis pas un comptable, mais malgré tout, depuis deux ou trois ans, je me suis intéressé un petit peu plus à la gestion des mutuelles et je commence à me démêler un peu dans les rapports annuels de compagnies. Je vais vous avouer que, quand vous êtes en train d'essayer de comprendre le rapport annuel pendant que les discours ont lieu... Et tout d'un coup, vous vous réveillez en pleine période d'élections et là, vous constatez que les propositions vous arrivent et, souvent, viennent de gens qui sont des employés de la compagnie. Vous assistez quelquefois à ce genre d'assemblée là, mais vous perdez vite le goût. Ah! disons que je ne généraliserai pas, je vais parler pour moi-même. Je perdis vite le goût de participer à ce genre d'assemblée générale.

Et, cependant, j'ajouterais, Mme la ministre, si vous me le permettez que si un pays comme les États-Unis, par exemple, se permet de limiter à deux termes le temps qu'un président peut faire, est-ce qu'on ne pourrait pas penser à limiter aussi le temps qu'un président de mutuelle peut faire pour inciter, par exemple, d'autres gestionnaires, à l'intérieur de la compagnie, à s'intéresser davantage et à conserver l'espoir qu'ils peuvent, eux aussi, à un moment donné, avoir la possibilité de monter dans cette compagnie-là?

Je pense qu'on pourrait s'asseoir et imaginer bien des façons d'améliorer la vie participative dans les compagnies mutuelles. Je crois qu'avec plusieurs personnes qui sont habituées plus aux questions "manageriales" et aux motivations, je pense qu'on pourrait faire de bons progrès là-dessus, assez facilement.

Mme Robic: Non pas comme ministre, mais comme membre d'un parti politique, je pourrais peut-être faire parvenir aux mutuelles notre manuel d'organisation...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Moffet: C'est une très bonne idée, madame.

Mme Robic: Très bon, hein?

Le Président (M. Lemieux): Ça dépend, Mme la ministre; il y en a qui vont peut-être vouloir se démutualiser.

Mme Robic: En page 9, vous exposez plusieurs de vos inquiétudes, mais vous déplorez le fait que les règles de déontologie sont quasi-muettes en regard de la question du patrimoine que constitue la partie non distribuée des surplus. Vous mentionnez qu'il est possible d'exproprier ou de privatiser ce patrimoine.

M. Moffet: Oui.

Mme Robic: Pourriez-vous nous expliquer un peu où vous voulez en venir, parce que vous suggérez que c'est même possible à travers un holding en aval, etc.? Et j'aimerais que vous nous exposiez vos craintes à ce niveau-là.

M. Moffet: Oui, certainement. Certainement, madame.

Si on prend un holding en aval, par exemple. Alors, vous avez une mutuelle et vous avez un holding en aval. Et le holding en aval est lui-même une compagnie à capital-actions, où les actions peuvent être transigées dans le public. Ce holding contrôle des filiales où les actions peuvent aussi être transigées dans le grand public.

Alors, quand vous observez, par exemple, qu'on peut être à la fois un dirigeant de la mutuelle, un dirigeant du holding et, en même temps, être un actionnaire à titre privé du holding ou de ses filiales, ou même être rémunéré avec des options d'achat d'actions sur, soit le holding, soit ses filiales, je pense que, déjà, on a une situation qui me semble une situation de conflit d'intérêts flagrant, et qui peut donc inciter à capitaliser dans le holding plutôt qu'à capitaliser dans la mutuelle.

Et comment donc peut-on en arriver à privatiser le patrimoine mutualiste? En faisant des affaires qui nous amènent à descendre, en quelque sorte, l'argent dans le holding en aval. Sans compter qu'on n'exclut pas certaines transactions entre compagnies affiliées qui peuvent avoir comme effet, aussi... Si on vend, par exemple, une entreprise du holding à la mutuelle qui le contrôle, et si on la vend à gros prix, c'est une façon d'expédier les surplus de la mutuelle vers le holding. Ce sont des zones grises qui existent et, à mon avis, on peut très bien observer que cela se produit.

Mme Robic: Mais n'est-il pas vrai que ce holding est contrôlé par la mutuelle? M. Moffet: Oui.

Mme Robic: Et que, si on capitalise le holding, on enrichit par le fait même la mutuelle, puisque que le holding fait partie de son patrimoine? N'est-ce pas?

M. Moffet: Oui, mais le dirigeant, je le répète... Imaginons un dirigeant qui est aussi le directeur de la mutuelle. Il peut prendre des décisions pour capitaliser, par exemple, le holding... S'il est en même temps un dirigeant du holding, où il participe, si l'on veut, aux décisions concernant le paiement de dividendes, et si cette même personne est actionnaire à titre privé, alors, ses intérêts de mutualiste, en haut dans la mutuelle, pour lui, sont très minimes par comparaison avec ses intérêts d'actionnaire privé.

Mme Robic: Alors, j'ai l'impression que vous pensez qu'une meilleure structure d'exercice de la démocratie dans une mutuelle favoriserait la discipline dans la gestion.

M. Moffet: Je pense qu'il faudrait s'assurer qu'il y ait une meilleure discipline, en effet, parce que, au niveau de la mutuelle, en haut, la discipline de marché est amenuisée par comparaison avec la discipline de marché qui prévaut lorsqu'on a affaire à des compagnies à capital-actions, madame.

Mme Robic: Vous êtes d'accord. Vous avez regardé le rapport Garneau, vous semblez... J'ai une autre question avant d'aller au rapport Garneau.

Vous avez parlé de démutualisation, vous avez parlé de réorganisation au niveau des mutuelles, mais on n'a pas touché à la remutua-lisation telle qu'on la connaît dans certaines de nos compagnies. Certains nous ont dit que c'est illusoire, que ce n'est plus une mutuelle, mais que, d'un autre côté, l'ensemble du conglomérat est contrôlé par une mutuelle de gestion qui est en haut de cette pyramide. Donc, dans toute la pyramide, la mutualité se reflète dans cette pyramide qui est protégée contre des prises de contrôle, etc. Quelle est votre pensée là-dessus? (16 h 15)

M. Moffet: Je vais vous poser une question, Mme la ministre. La société mutuelle de gestion est-elle demeurée sous la loi des assurances? Je ne sais pas si quelqu'un peut répondre à cette question-là? Moi, ce n'est pas clair, ce n'est pas une question pour vous embêter, d'aucune façon...

Mme Robic: Oui.

M. Moffet: C'est une question qui, pour moi, n'est pas claire. Je veux que vous compreniez que ce n'est pas pour vous embarrasser,

de quelque façon que ce soit.

Mme Robic: Bon, toutes les dispositions d'une mutuelle s'appliquent à la corporation des mutuelles.

M. Moffet: Parce qu'il est important de bien voir ça au point de départ. Parce que, à un moment donné, ça ne m'apparaissait, personnellement, pas tout à fait clair, si la société mutuelle de gestion restait sous le chapitre de la Loi sur les assurances. Parce que, à ce moment-là, ça aurait permis de faire, en dehors de la mutuelle, ce qu'on ne pouvait pas faire sous le chapitre, disons, de la Loi sur les assurances, en partant.

Mme Robic: Ils ne peuvent pas faire ça. C'est sous le contrôle...

M. Moffet: Alors, moi, ce que je vois d'abord dans ce genre de structure là, c'est que, quand on met une structure sur pied, il y a, je pense, immanquablement, une dilution du pouvoir. Ça, c'est clair. Alors, je trouve tout à fait étonnant que des mutualistes, par exemple, ne demandent pas une compensation pour une dilution de leur pouvoir. Je pense que, en général, dans des entreprises a capital-actions, les actionnaires sont très réticents à accepter une dilution de pouvoir sans avoir de compensation. Ça, c'est d'une part.

Alors, d'autre part, et ce que je vous disais précédemment, quand on crée cette société mutuelle de gestion, si le but est le financement - parce que notre préoccupation principale, aujourd'hui, est le financement - alors si notre but est le financement d'une compagnie, si vous entrez, finalement, des capitaux externes au niveau de l'ex-mutuelle, qui devient une compagnie à capital-actions, alors, ce que je dis, c'est que ça vient exacerber les possibilités de conflits d'intérêts qui, de toute façon, étaient déjà présentes lorsqu'on avait la mutuelle et son holding en aval. Alors, pour moi, il y a, dans le contexte actuel, à moins de légiférer en la matière, des possibilités de conflits d'intérêts qui sont exacerbées par cette structure-là.

Mme Robic: Merci. Vous avez étudié le rapport Garneau, vous nous dites que vous êtes d'accord avec les conclusions du rapport, avec la méthode retenue pour capitaliser nos mutuelles d'assurance. Est-ce que vous avez eu l'occasion de vous pencher là-dessus, vous, et de regarder d'autres méthodes possibles de financement pour nos mutuelles?

M. Moffet: on aurait pu penser, par exemple, aux parts permanentes. j'en ai déjà parlé précédemment, on aurait pu penser aux actions non votantes...

Mme Robic: Est-ce que ça s'applique, les parts permanentes? Est-ce que vous voyez un véhicule, là, intéressant pour nos mutuelles?

M. Moffet: Moi, je pense que le rapport Garneau souligne l'importance d'être capable de mettre sur le marché ces parts permanentes là. Et je crois que le Mouvement Oesjardins avait un réseau de distribution qui lui donnait un avantage à cet égard-là. Et je ne crois pas que les mutuelles aient un réseau de distribution qui leur soit autant favorable pour entreprendre une telle opération. Il m'apparaft, moi, que les parts permanentes, oui, c'est dans l'esprit, avec les réserves que j'ai apportées précédemment. Mais il y a la question ensuite, aussi, du réalisme de l'approche. Et il me semble, en tout cas, que le Mouvement Desjardins, lui, pouvait compter sur un réseau de distribution qui l'a supporté beaucoup dans l'usage de ce mode-là.

Il y aurait peut-être lieu, éventuellement aussi, de permettre le financement des mutuelles par une forme d'endettement, ou si les mutualistes sont prêts à accepter d'avoir des capitaux externes, avec des gens qui ont des préoccupations un peu différentes, il y a peut-être d'autres formules d'endettement qui sont possibles aussi. Et j'ai eu une information récemment; il semblerait que la Sun Life - ce pourrait être vérifié - vient de faire une forme d'émission d'obligations qui serait quelque chose comme 100 000 000 $, via la firme Burns Fry. J'ai entendu ça récemment, sans avoir tous les détails, mais ça m'a amené à... Et ça rejoint votre question. Pensez, récemment, est-ce qu'il n'y aurait pas possibilité d'avoir des formes d'endettement qui ne sont pas nécessairement subordonnées, par exemple? Si les mutualistes veulent jouer un rôle d'entrepreneurship, ils devraient peut-être accepter, au niveau, par exemple, de leurs polices d'assurance participantes, le risque de supporter de l'endettement de l'extérieur. Il y aurait peut-être lieu d'explorer ça. Je ne sais pas où on pourrait aller avec ça, mais il y a peut-être des ouvertures. Évidemment, j'ai examiné particulièrement le rapport Garneau, d'abord, pour essayer de me convaincre si cette formule-là, moi, me satisfaisait, à partir de l'interprétation, disons, que je fais des besoins de financement d'une part, et d'autre part aussi, à partir de ce que je vois comme étant la mission des mutuelles.

Mme Robic: Merci. Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Gouin?

M. Boisclair: Oui, merci, M. le Président. M. Moffet, je vous remercie de votre contribution. Je pense que vous êtes quelqu'un qui est à même de regarder les choses d'un peu plus loin, sans être pris dans le feu de l'action. Vous êtes

capable de porter un jugement qui, je pense, va éclairer l'ensemble des membres de cette commission. J'aimerais revenir, moi, sur un certain nombre d'éléments de votre mémoire, et essayer de mettre en relief aussi un certain nombre de discussions qu'on a eues cet avant-midi avec les représentants du Groupe de travail sur le financement des mutuelles, présidé par M. Garneau, et aussi avec des représentants du Groupe La Laurentienne.

Vous faites un vibrant plaidoyer, dans votre mémoire, pour cette structure de propriété, la structure mutuelle. Vous en faites même tout l'historique. Vous rappelez même le départ et l'emprise... pas l'emprise, mais le point de départ, plutôt, de ces mutuelles dans les sociétés fraternelles, comme vous les appelez. Je voudrais vous demander si, aujourd'hui, à votre avis, il y a, dans nos mutuelles, ce même esprit mutualiste qui a, au départ, animé les fondateurs de ce mouvement et si, à votre avis... Parce que j'ai pu prendre connaissance du rapport que vous signiez et que vous avez signé avec votre collègue, M. Gendron, où vous posiez déjà un certain nombre de remarques à l'égard de la façon dont la pratique du mutualisme s'effectuait. Alors, je ne sais pas quel jugement vous portez sur la situation actuelle quant au vécu de l'esprit mutualiste dans la mutuelle québécoise.

M. Moffet: Je tiens à souligner qu'il y a, à ma connaissance, au moins deux mutuelles dans la province de Québec, Les Coopérants et la SSQ, qui ont maintenu une forme de vie participative. On pourrait dire qu'elles sont dirigées par un collège électoral, en quelque sorte, parce qu'il y a des régions, et les régions délèguent des représentants à l'assemblée générale. Si on prend Les Coopérants, enfin, ma compréhension est qu'il y a trois niveaux dans la structure. Il y a les sections locales, les régions et l'assemblée générale. En ce qui concerne la SSQ, ma compréhension, c'est qu'il y a deux niveaux, les régions et l'assemblée générale.

Alors, il y a au moins deux mutuelles au Québec où il y a une assemblée générale qui repose, à la limite, sur une représentation. Donc, il n'y a pas accumulation de votes par procuration. Parce que, ce que je vois dans les mutuelles et qui, personnellement, m'apparaît comme étant une lacune à l'heure actuelle, c'est la direction au moyen des votes par procuration. Dans une compagnie d'assurances, il est relativement facile pour les dirigeants de recueillir des procurations. Ils peuvent tout simplement envoyer des formulaires de procuration par les avis de prime, entre autres choses. Si un individu, un assuré quelconque désirait contester, en quelque sorte, la gestion de la compagnie, et qu'il voulait, à la limite, se débarrasser des gestionnaires en place, il n'aurait pas nécessairement accès à la liste des assurés. Ce serait une opération très coûteuse. Et même s'il y avait accès, ça pourrait coûter très cher, pour cette personne-là, de contacter les assurés. Alors, c'est évident que les dirigeants ont un avantage tout à fait marqué par rapport à n'importe quelle personne qui voudrait contester ce management-là.

M. Boisclair: Je m'excuse, là, parce que le temps...

M. Moffet: Oui.

M. Boisclair: ...passe et j'aurais beaucoup de questions à vous poser. Donc, ce que vous nous dites, c'est que, dans la majorité des cas, la façon dont l'esprit mutualiste se vit laisse un peu à désirer et, pour reprendre un peu la citation du rapport Garneau où on parlait du cadre réglementaire qui faisait un peu défaut, on disait... Vous citez le rapport Garneau lorsqu'on dit que, mutatis mutandis, ce sont à peu près les mêmes réglementations qui s'appliquent pour les mutuelles que celles qui s'appliquent pour les entreprises à capital-actions. Moi, ce que je vous dis, c'est... J'entends bien des gens - et même, certaines personnes sont venues en témoigner cet avant-midi - se gargariser un peu avec le discours mutualiste. Mais vous-même, vous le notez dans votre rapport présenté pour le Conseil de la coopération du Québec et le Conseil canadien de la coopération, que c'est souvent l'esprit entrepreneurial qui prime l'esprit mutualiste. J'aimerais donc essayer de vous demander si, justement, à votre avis, la problématique qui entoure la question de la capitalisation vient de la structure de propriété, à savoir une structure sous forme mutuelle, ou si elle ne vient pas plutôt de caractéristiques propres à l'industrie, sur lesquelles on pourrait revenir?

M. Moffet: J'ai mentionné au cours de mon exposé que le décloisonnement entraînait, à mon avis, des problèmes de capitalisation. Alors, ces problèmes de capitalisation là s'appliquent pour toutes les compagnies qui ont entrepris leur croissance par l'acquisition de filiales, peu importe qu'elles soient des compagnies à capital-actions ou des mutuelles. La différence était, cependant, qu'au Québec, quand on a commencé ce mouvement-là, c'étaient des mutuelles que ça touchait. Et je dois avouer que, si on avait eu des compagnies à capital-actions, je ne suis pas convaincu que le décloisonnement serait allé aussi loin. Si on prend, à la même époque au Québec, on a eu de la diversification dans les chaînes d'alimentation. Alors, vous avez lu les journaux, tout le monde ici, aussi bien que moi.

M. Boisclair: En plus, j'ai lu votre mémoire, aussi. Vous en faites...

M. Moffet: Vous savez qu'on a constaté très rapidement que la diversification était extrême-

ment coûteuse, tant chez Provigo que chez Métro-Richelieu. Et puis, on a fait des changements de cap assez rapidement.

Le problème - et je tiens à le souligner ici par cette question - c'est que, dans des compagnies d'assurance de personnes, vous avez une forme de captivité qui vient du fait que les gens sont membres parce qu'ils sont détenteurs de polices. De quelle façon cette captivité se fait-elle? Elle se fait parce que, en assurance de personnes, on peut avoir des contrats à long terme. Alors, imaginons que vous avez pris une police d'assurance à 25 ans et que vous vous retrouvez à 55 ans; vous êtes bien assuré et vous êtes maintenant atteint du diabète ou d'une autre maladie, peu importe, et vous voulez changer de compagnie d'assurances. À ce moment-là, ça va être coûteux de changer de compagnie d'assurances parce qu'on va vous assurer selon des nouvelles normes, de nouveaux standards, en tenant compte de votre degré d'assurabilité. Vous pouvez, à la limite, n'être même pas assurable.

Ce qu'il est important de voir, c'est que, dans les mutuelles d'assurance, on peut, jusqu'à un certain point, prendre des risques en sachant fort bien que les gens - comme on le dit souvent - ne peuvent pas voter facilement avec leurs pieds. Pourquoi? Parce qu'ils sont, en quelque sorte, captifs par le fait de leur assu-rabilité. C'est même différent dans une compagnie d'assurance de biens ou de dommages parce que, dans une compagnie d'assurance de biens ou de dommages, les contrats sont à beaucoup plus court terme. Les assurés y sont beaucoup moins captifs, si on veut, que dans une compagnie d'assurance de personnes.

M. Boisclair: Est-ce que ce n'est pas plutôt un phénomène qui s'analyserait à la marge?

M. Moffet: Je ne pense pas qu'il s'analyse tellement à la marge. Si vous examinez le portefeuille d'une compagnie d'assurance de personnes, vous allez trouver un grand nombre d'assurés - si la compagnie est sur son erre d'aller depuis un certain temps - qui vont être d'un certain âge et qui devraient sûrement payer beaucoup plus cher pour aller s'assurer ailleurs. Je ne pense pas que ce phénomène-là soit à la marge.

M. Boisclair: Non, mais je vous demande votre opinion.

M. Moffet: Non, non. Je comprends bien et je vous réponds.

M. Boisclair: Mais il y a aussi, au-delà du décloisonnement, je crois que les compagnies d'assurances n'ont pas voulu grossir pour grossir. Je pense que le mémoire de l'ACCAP, qui sera présenté tout à l'heure, est très éclairant à ce sujet, et très clair. Je pense que tout le monde va facilement convenir que, si les sociétés d'assurances ne s'adaptent pas à un nouveau milieu, elles seront aussi rapidement délaissées par les consommateurs.

M. Moffet: Mon cher monsieur, c'est un argument qui ne me convainc pas totalement. Vous avez, dans le "Business Week" du 4 mars par exemple, en page couverture - j'ai signalé cet article-là, si vous avez vu, récemment - 'The Mess at Pru-Bache" aux États-Unis. la prudentielle, c'est une compagnie qui a à peu près 130 000 000 000 000 $ en actif et qui, elle aussi, s'est décloisonnée. et "bâche", dans le mot "pru-bache", c'est une compagnie de courtage. et elle a des poursuites qui lui viennent de gauche et de droite. même pour une grosse compagnie comme ça, la situation peut être assez difficile. il y a eu, dans les années 1980 - pour moi, c'est important de le signaler - en amérique du nord, un vent de libéralisme. et je n'aime même pas le mot "libéralisme", que j'associe, là... c'est faute de trouver mieux. il y a eu un climat d'euphorie qui nous a portés vers la déréglementation, la privatisation, et qui n'est pas, en ce qui me concerne, sans rappeler ce qui s'est passé dans les années 1920. et on se retrouve avec des fiascos économiques de très grande importance. que l'on songe, par exemple, à la "savings and loan association" aux états-unis - c'est une facture énorme - et on trouve, à un moment donné, à l'intérieur de cet imbroglio-là, une espèce de réseau politico-financier qu'on parvient à peine à démêler. (16 h 30)

Moi, ma vision des choses, c'est que les compagnies d'assurances vont être efficaces quand elles vont donner le meilleur produit possible à . leurs assurés. Ça n'exclut pas d'essayer d'offrir des produits, disons, associés à d'autres produits d'épargne, là, mais vraiment à l'intérieur de certaines limites.

M. Boisclair: Reste à voir aussi jusqu'à quel point le cas que vous soulevez - la Pru-Bache - est comparable. Je cherche une analyse, là, que j'ai lue dans un dossier de presse et il y a bien des réserves qui étaient exprimées.

J'aimerais peut-être profiter du temps qu'il me reste pour revenir à la formule qui est proposée dans le cadre du rapport Garneau. Compte tenu d'un certain nombre de réflexions - les considérants sont très clairs dans votre texte - finalement, vous en arrivez à proposer... à donner votre appui, plutôt, à la formule proposée par le rapport Garneau. Considérant aussi certaines réserves où vous dites: "II ne faut pas que ça; il faut aussi être capable d'encadrer l'esprit mutualiste, particulièrement en ce qui a trait à la protection du patrimoine."

Comment voyez-vous le fonctionnement... Parce que là, c'est sûr que la solution qu'on propose sera toujours fonction de la vision qu'on

a du problème qui est posé. C'est un peu pour ça que je vous demandais, tout à l'heure, jusqu'à quel point il vous apparaît que le problème... je n'aime pas vraiment parler du problème, mais la problématique, plutôt, qui entoure le phénomène de capitalisation des entreprises mutuelles, est due à la structure plutôt qu'à leur nature même, en termes d'entreprises qui oeuvrent dans une industrie. Permettez-moi juste de vous rappeler ce que disait le rapport de La Laurentienne: "Les mutuelles du Québec sont cantonnées dans les segments relativement moins profitables de leur marché primaire. La plupart d'entre elles n'ont pas une taille suffisante pour accepter les frais fixes. Elles luttent avec des concurrents riches pour qui le marché du Québec est secondaire, sans qu'elles n'aient, en contrepartie, un accès équivalent à d'autres marchés." Ce sont quand même des choses... un point de vue qui est quand même bien étayé dans le reste du mémoire.

Ce que je veux finalement vous demander, d'une part, c'est: Est-ce que ce qui est proposé par le rapport Gameau est une véritable solution aux problèmes vécus par nos mutuelles? On a discuté aussi de questions de segmentation de marchés, de stratégie, de "mixed marketing" et de "mixed..." au niveau des produits aussi. Donc, est-ce que c'est vraiment une solution qui va régler le véritable problème vécu par les mutuelles?

Et, deuxièmement, quelle est votre vision du fonctionnement de cette corporation? Bien des gens, certaines personnes plutôt, ont exprimé un certain nombre de réserves quant à la perte possible d'autonomie des compagnies mutuelles d'assurance. Aussi, certaines personnes ont dit que ce genre de fonds ne pourra pas s'adresser aux gens qui auraient peut-être plus de besoins. Quels critères, par exemple, devraient être retenus par une corporation semblable à celle proposée pour la guider dans ses choix de placements? J'aimerais un peu vous entendre sur cette question-là.

M. Moffet: Vous avez plusieurs questions.

M. Boisclair: Oui. Bien, dans le fond, j'en aurais deux.

M. Moffet: Oui.

M. Boisclair: Est-ce que ce qui est proposé répond aux problèmes? Et, deuxièmement, comment voyez-vous le fonctionnement, plus dans le détail, de la solution proposée par le comité Garneau?

M. Moffet: D'abord, est-ce que ça répond aux problèmes? À mon avis, il y a différents types de financement qui peuvent être envisageables. J'en ai mentionné quelques-uns et j'ai mentionné les limites à certaines de ces approches-là. Je dis que la solution Garneau m'ap- parait, dans le contexte historique du Québec, une solution raisonnable, modeste même. Il y a quelque chose, cependant, dans le préambule à vos deux questions, qui était une forme d'interrogation, aussi. Je me pose toujours la question. Si on dit que le domaine d'assurance des personnes, ce n'est pas un domaine tellement en évolution, je veux bien le croire. Moi, je considère ça comme étant - l'assurance des personnes - un bien essentiel. Cependant, il y a un besoin qui est là.

Si on dit, maintenant, qu'il faut développer d'autres secteurs au Québec, la question qu'on doit se poser, c'est: Est-ce qu'on doit confier aux mutuelles de faire du développement dans d'autres secteurs, ou bien est-ce qu'on ne doit pas encourager d'autres secteurs? On pourrait avoir plusieurs réponses à ça. Une des réponses, c'est peut-être de dire: Étant donné qu'on a déjà un certain type d'entreprises au Québec, qu'on a une infrastructure, pour essayer de garder un niveau d'activité chez nous et s'assurer qu'il reste là, par exemple, une certaine vision nationaliste qui, je pense, est toujours très présente maintenant au Québec, peu importent les allégeances politiques - je le dis - à ce moment-là, on peut dire: Écoutez, on a une structure qui s'appelle les mutuelles, on aimerait faire du développement dans d'autres domaines, alors peut-être qu'on peut profiter du fait qu'elles sont là, ces mutuelles-là, pour les emmener ailleurs.

Je dirais, cependant, strictement comme économiste, que les compagnies d'assurances, ce qu'on leur demande, c'est de donner le meilleur produit possible dans le domaine de l'assurance. Et, s'il y a d'autres domaines à développer, qu'ils se développent. À la limite, on pourrait dire: Si les mutuelles sont très efficaces, et vu que ce sont des mutuelles, elles vont retourner des fonds à leurs membres et puis les individus feront le choix. Et s'ils veulent s'acheter des téléphones cellulaires en cours de route, ils encourageront un développement en pleine expansion, qui est celui des téléphones cellulaires.

Vous voyez, cependant - et je dis bien cependant - si on veut développer une espèce de stratégie économique où on exerce un contrôle et on garde, à l'intérieur de ce qu'on peut contrôler ici, au Québec, certaines institutions, à ce moment-là, on peut dire: Essayons de faire en sorte que ce soient les mutuelles qui le fassent, il y a un choix politique, à mon avis, qui est 'à-

M. Boisclair: Je ne sais pas si, vraiment... c'est vraiment là, sans doute, la question de fond la plus importante que...

M. Moffet: Vous avez entièrement raison. Ça me semble une question de fond. La réponse n'est pas évidente à ça, à mon avis.

M. Boisclair: Je ne prétends pas avoir la réponse à ça.

M. Moffet: Moi non plus. Je dis que la réponse n'est pas évidente. Mais je vous ai donné, par exemple, une forme de cadre d'analyse là-dedans.

M. Boisclair: Oui. Au niveau du fonctionnement, maintenant, comment fait-on la comparaison avec la SDI...

M. Moffet: Oui. Moi, je vais vous dire...

M. Boisclair:... que je trouve un peu boiteuse, là. Mais...

M. Moffet: Moi, je vais être très honnête avec vous, je me trouve fort incompétent pour répondre à cette question-là. Au meilleur de ma connaissance, j'ai essayé de voir si le mode proposé, en tout cas, s'incrivait dans une certaine logique mutualiste et une certaine perception des choses. Quant à l'organisation fonctionnelle de cette entreprise-là, je vous recommanderais vraiment de demander à des gens plus compétents que moi en la matière.

M. Boisclair: Oui. Mais là, c'est parce que vous vous êtes quand même permis...

M. Moffet: Oui.

M. Boisclair: Vous vous êtes quand même permis d'appuyer la formule proposée par le rapport Garneau...

M. Moffet: Oui.

M. Boisclair: II faut comprendre qu'au delà des principes - très rapidement - dans la mesure où on aura à réfléchir, nous, comme parlementaires, ce sera sans doute une proposition qui, nous le souhaitons, viendra dans un délai assez court.

M. Moffet: Oui.

M. Boisciair: Nous aurons à nous prononcer sur cette question-là. Et, le fond du problème, c'est souvent, pour reprendre d'autres débats qu'on a eus sur d'autres sujets, une question de composition sur les critères d'admissibilité, des choses semblables. Parce que, facilement, les objectifs qu'on met sur papier peuvent souvent, lorsqu'on étudie concrètement les choses, s'avérer complètement différents. Et, dans ce sens-là, moi, je pense qu'il y a déjà une certaine mise en garde à faire.

Je pourrais donner des exemples très concrets, là, sur d'autres sujets. Les énoncés de politique et les projets de loi, ce sont souvent deux choses bien distinctes. Donc, par exemple, comment... Est-ce qu'on analyse un rapport financier d'une compagnie mutuelle d'assurance, et est-ce que les comparer les unes aux autres comme on compare - je ne sais pas, moi, des entreprises qui oeuvrent dans le secteur manufacturier - est-ce qu'on peut se permettre... De quelle façon, par exemple, peut-on les comparer, ces rapports-là, et sur quelle base doit-on accorder le financement? Quels critères devra-ton retenir? Qui prendra ces décisions-là?

M. Moffet: Vous avez des questions qui me semblent tout à fait pertinentes. Mais je vous répète que, sur une courte période, il me serait difficile d'entrer dans tous ces détails-là. Quand vous me parlez, à titre d'exemple, de comparaison d'une mutuelle avec une autre mutuelle, d'abord, il faudrait bien s'entendre sur la façon de présenter les rapports financiers...

M. Boisclair: Bien, voilà!

M. Moffet: Bien, écoutez. Vous pouvez prendre, à un moment donné... À titre d'exemple, je me souviens d'un rapport annuel où on nous annonce un bénéfice net de 8 500 000 $; et il faut aller à la note 13, à un moment donné du rapport annuel, pour voir qu'il y a 7 100 000 $ qui proviennent d'une transaction entre compagnies affiliées. Alors, comment on traite ça, à ce moment-là? Est-ce que c'est 8 500 000 $ moins 7 100 000 $, le bénéfice net, ou si c'est 8 500 000 $? alors, comme vous voyez, quand on entre là-dedans... c'est pour ça que je vous dis, m. le député, que je ne peux que vous répondre. vous entrez dans quelque chose qui est énorme, à ce moment-là. et si vous vous attendez qu'on prenne un document comme le rapport garneau, et qu'un individu, par exemple, qui n'a pas toutes les compétences, s'installe là et qu'il dise, à un moment donné: je vais faire maintenant l'analyse de comment ça va fonctionner, on s'embarque dans quelque chose. et le genre de questions, donc... comme je vous le dis, vous prenez les rapports annuels et, maintenant, avec les holdings en aval, vous avez des transactions entre compagnies affiliées. une chatte y perd ses chatons là-dedans.

Le Président (M. Lemieux): Avez-vous des questions, M. le député de Gouin?

M. Boisclair: Ah bien! Oui. J'en aurais plusieurs autres, mais je vais commencer par celle-ci. Puisqu'on peut s'entendre qu'effectivement, entrer dans toute l'analyse, ça peut être en soi très difficile, au-delà de ça, si on regarde de façon générale, est-ce que la crainte soulevée par certaines personnes, dans le fond, qu'il y ait une perte d'autonomie des compagnies mutuelles, vous apparaît justifiée?

M. Moffet: Une perte d'autonomie...

M. Boisclair: Je fais référence à M. Cardinal, qui est avocat, qui publiait un article dans Le Devoir. Permettez-moi de le citer. "Verra-t-on un jour la corporation imposer des mesures de redressement, la nomination d'inspecteurs, ou encore la verra-t-on porter des jugements sévères sur les dirigeants à l'occasion de difficultés de remboursement ou de refus de financement ou, enfin, verra-t-on exiger la diffusion", par exemple?

M. Moffet: Bien ça, ça me semble... J'ai lu l'article de M. Cardinal. Il n'y a rien qui m'étonne là-dedans. Si vous empruntez auprès d'un banquier, il va vous poser le même type de questions, à un moment donné. Vous allez être obligé de vous asseoir devant lui, à un moment donné, et de discuter des possibilités de redressement en cas de besoin. Oui. À chaque fois que vous vous endettez ou à chaque fois que vous faites affaire avec un partenaire, vous perdez, jusqu'à un certain point, de l'autonomie. Pour moi, c'est très clair.

M. Boisclair: Alors, je comprends très bien que le banquier va être très à même de faire une analyse de vos états financiers, et ça, je pense qu'il a les compétences pour le faire, et même de comparer avec un certain nombre de ratios de l'industrie. Et il y a aussi un certain nombre d'exigences qui sont là, des exigences de l'Ordre des comptables, pour faire la comparaison entre les états financiers. Il y a une série de critères qui existent. Mais, par exemple, qui choisirait-on pour faire l'analyse des demandes de projets venant d'une compagnie X, mutuelle d'assurance?

M. Moffet: Mais, quand on...

M. Boisclair: On ne pourra certainement pas prendre des gens du milieu, qui seraient immédiatement, vous le comprendrez facilement, en conflit d'intérêts.

M. Moffet: Mais, quand on a créé la Caisse de dépôt et de placement du Québec, par exemple, je suppose qu'à ce moment-là, on a aussi prévu des mécanismes pour étudier les demandes de financement et autres choses semblables...

M. Boisclair: Effectivement, mais les représentants...

M. Moffet: Je ne vois pas ce qui est différent de certaines autres situations, entre autres, la Caisse de dépôt dans le passé, sauf erreur de ma part.

M. Boisclair: Non, mais... C'est sûr, mais il n'en demeure pas moins, vu... Essayer de comprendre les états financiers des compagnies mutuelles d'assurance, ce n'est pas la même chose que comparer les états financiers... que d'essayer d'avoir une compréhension des états financiers d'entreprises du secteur manufacturier, dans la production ou dans le domaine des services. C'est très... Je vous avoue que, parfois, les problèmes que j'ai à essayer de les comprendre et d'en tirer des comparaisons, les uns avec les autres... Mais il n'en demeure pas moins que c'est un secteur très spécialisé et qu'il pourrait peut-être y avoir un certain problème de ce côté-là.

M. Moffet: Je vous comprends et je sympathise totalement avec vous quand vous dites que vous avez des problèmes à comparer, à un moment donné, une compagnie à une autre. Et Je pense, à ce moment-là, encore une fois, qu'il y a des gens qui vont développer une spécialité en cette matière-là; parce que, quand on compare des compagnies, c'est évident qu'il y a bien des points. Il ne faut pas regarder juste, par exemple, les primes, parce qu'on peut avoir une compagnie qui vend beaucoup à un moment donné, mais si elle vend de la mauvaise qualité, elle peut avoir des problèmes dans cinq, dix, quinze ans. C'est bien évident, c'est très clair. Je sympathise avec les interrogations que vous avez, bien sûr.

M. Boisclair: ii y a une dernière question que j'aimerais vous poser, m. moffet: est-ce que le fait qu'une société soit regroupée sous une forme juridique de mutuelle... est-ce que vous avez déjà fait des études ou une réflexion sur le fait... est-ce que ça ne constitue pas, pour cette entreprise, un avantage en termes marketing, en ce sens que le détenteur de police est aussi propriétaire de sa police, dans le fond? n'y a-t-il pas là un avantage qui a peut-être été négligé ou sous-estimé de la part des dirigeants de ces compagnies mutuelles? et, dans je fond, les compagnies n'auraient-elles pas l'avantage propre à développer cet esprit mutualiste pour, peut-être, en tirer des résultats qui pourraient être très évidents en termes de rendement et en termes de part de marché? (16 h 45)

M. Moffet: Vous avez bien raison. Moi, ça m'a toujours étonné de voir que les compagnies d'assurances n'ont pas utilisé, comme outil de marketing, leur caractéristique première. Je dois avouer que je trouve que le Mouvement Desjardins, par exemple, a vraiment cultivé beaucoup le sentiment d'appartenance lié au coopératisme, et même le sentiment de propriété, dans certaines de ses publicités passées. Vous avez entièrement raison.

M. Boisclair: Alors, si c'est si évident, pourquoi ne le font-elles pas?

M. Moffet: C'est une interrogation que j'ai. Je n'ai pas la réponse à ça. Je trouve qu'elles ont vraisemblablement eu peut-être un manque à

gagner dans le passé à cet égard-là. Je pense qu'elles auraient pu l'utiliser bien davantage. Je vous assure que je pense qu'elles auraient dû l'utiliser. Je suis toujours étonné de voir qu'elles ne l'ont pas fart.

M. Boisclair: Alors, je concluerais peut-être sur cette question-là; jusqu'à quel point est-ce la philosophie mutualiste ou l'esprit entrepreneurial qui les anime?

M. Moffet: C'est une question que vous pouvez fort bien poser. C'est pour ça que moi, donc, encore une fois, je pense que ma position est claire. Je dis: Finançons les mutuelles si on croit vraiment que le mutualisme en vaut la peine. Et, justement, s'il en vaut la peine, associons notre démarche à une révision de la législation en matière de gestion du patrimoine mutualiste, et aussi en matière d'animation de la vie participative. Je pense que ma position est claire.

M. Boisclair: Oui et, sans doute, j'en partage une bonne partie. Moi, ça va pour...

Le Président (M. Lemieux): Peut-être seulement une petite question, parce qu'il y a quelque chose dans votre mémoire qui a attiré un petit peu mon attention. Ma question va être très courte, sans préambule. Est-ce que les mutualistes y trouvent vraiment leur compte dans une démutualisation? Parce que vous semblez, dans votre mémoire, affirmer le contraire, qu'il n'y trouvent pas leur compte en se démutuali-sant. Ça m'a frappé un petit peu. C'est la seule petite question. J'en avais discuté, d'ailleurs, avec le député de Prévost qui m'avait souligné ça aussi.

M. Moffet: Est-ce qu'ils y trouvent leur compte en se démutualisant?

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Moffet: Bon, si on regarde la seule démutualisation qui a eu lieu au Québec, on remarque une chute de l'avoir propre des détenteurs de polices, des mutualistes, en passant de l'année qui précède la démutualisation à l'année qui suit la démutualisation. Alors, comment s'est faite la démutualisation? Il y a peut-être des interrogations qui sont là. Comment a-t-on traité en particulier le fonds de participation? On ne peut pas le savoir parce que, dans les rapports annuels qui sont publics, on ne voit pas cela.

Le Président (M. Lemieux): Ça va. Alors, comme il n'y a pas d'autres interventions, en conclusion, Mme la ministre.

Mme Robic: Oui, M. le Président. Je voudrais remercier M. Moffet d'avoir participé. Ça a été intéressant. Je pense qu'on est en train de développer la suite de ce qu'on a entendu, certaines idées ici, alors on vous écoutait M. Moffet, mais on prenait des notes en même temps. Alors, on vous remercie infiniment. Vous nous permettez de saisir certaines faiblesses dans l'opération, également dans les obligations d'un gouvernement vis-à-vis des mutualistes. Il faudra peut-être regarder ça. Ça a toujours été ma grande préoccupation. Cet argent qui se retrouve dans les compagnies appartient aux mutualistes. On parlait de redistribution tout à l'heure, comment ça doit se faire, mais ça, je pense que c'est un tout autre débat. Ce n'est pas si simple que ça. Donc, on vous remercie infiniment et on espère pouvoir utiliser vos lumières à d'autres moments.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Gouin, brièvement.

M. Boisclair: Oui, je veux vous remercier de votre présentation, et juste reprendre où la ministre a laissé. C'est quand même quelque chose d'intéressant et j'aurais aimé ça, vous questionner; mais on pourra rediscuter de cette question. Il y a quand même un choix qui a été fait par le gouvernement du Québec de protéger le consommateur d'assurances plutôt que le mutualiste. Et je pense que le projet de loi 112, qui a été adopté en décembre dernier, est venu concrétiser cette volonté-là. Mais, ceci étant dit, je veux vous remercier, M. Moffet, de votre contribution, et soyez assuré qu'on prend bonne note de vos propos.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le député de Gouin. La commission vous remercie de votre participation à cette commission parlementaire, et si vous voulez dire peut-être un petit mot en conclusion, rapidement.

M. Moffet: Vous avez été très aimable pendant ces délibérations. Je vous en remercie beaucoup. J'apprécie encore l'honneur qui m'a été fait de venir ici cet après-midi. Je vous assure de mon entière collaboration si vous vouiez continuer ces débats-là, ça me fera le plus grand des plaisirs.

Et j'aimerais aussi déposer un texte qui a été cité à la fois dans mon propre texte et dans le texte d'autres personnes, qui s'intitule "Entraide, solidarité et mutualité".

Le Président (M. Lemieux): Alors, j'en autorise le dépôt, M. Moffet. Encore une fois, la commission vous remercie de votre participation. Je demanderais maintenant au représentant de l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes, M. Millette, de bien vouloir prendre place à la table des témoins.

Alors, M. Millette, comme vous êtes un personnage coutumier des commissions parlemen-

taires, bientôt on va peut-être songer à vous prêter un de nos sièges, mais il y a une prémisse: il va falloir que vous mettiez votre photo sur les poteaux

Alors, bienvenu à cette commission parlementaire. Vous connaissez...

Une voix:...

Le Président (M. Lemieux): Votre photo sur les poteaux! Oui, c'est ça. C'est un peu...

M. Millette:...

Le Président (M. Lemieux):... l'accent du Lac-Saint-Jean, ce n'est pas celui de Montréal.

Alors, vous connaissez les règles du jeu: vous avez une demi-heure pour exposer votre mémoire. Suivra une période d'échanges entre les différents groupes parlementaires d'une demi-heure chacun. Et il y aura l'intervention des députés qui ont un temps de parole de 10 minutes. Alors, nous sommes prêts à vous écouter, M. Millette.

Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes inc.

M. Millette: D'abord, je dois dire que Me Jean-Pierre Bernier qui est le directeur du contentieux, vice-président et chef du contentieux de l'Association, devait assister à la présentation et j'imagine qu'il a été quelque peu retardé. Il devrait être là dans quelques instants. Il sera en mesure de vous fournir une perspective qui est plus encore une perspective de l'extérieur du Québec à ce niveau-là.

Je dois aussi vous dire que la position qui a été présentée par l'ACCAP à la présente commission parlementaire n'est pas une position de l'Association, mais un document de travail qui a été préparé pour le bénéfice de la commission. Il y a déjà plusieurs années qu'on parie de financement des compagnies mutuelles au Québec, mais ce sujet-là est un sujet qui est nouvellement débattu à l'extérieur du Québec, dans les autres mutuelles canadiennes. Notre Association n'en est pas encore arrivée à développer une position certaine. Vous allez voir dans mon mémoire que, à partir de 1985, l'Association a commencé à faire une réflexion sur la démutualisation ou sur la réorganisation des mutuelles. Mais aujourd'hui le phénomène s'est étendu à d'autres préoccupations de sorte qu'on parle maintenant de financement des compagnies mutuelles et même de réorganisation des compagnies mutuelles dans un ensemble qui est beaucoup plus global. Donc, dans ce cadre-là, l'Association n'a pas encore établi des positions qu'elle défend ou qu'elle préconise, mais elle est encore au stade de la recherche pour essayer d'amener l'industrie canadienne à se positionner.

Évidemment, la législation quand on parle de financement, on parle aussi, dans le cas des mutuelles, de réorganisation, on parie des droits des mutualistes, mais aussi on parie de protection des consommateurs. Donc, je pense qu'il faut situer et c'est où on a essayé de situer le mémoire, il faut essayer de situer toute cette question-là dans un ensemble global. On a vu d'autres personnes qui ont fait des représentations ce matin qui venaient dire qu'une chose importante, c'était le marché que vous deviez développer, vos segments de marché, etc. Effectivement, on ne peut pas parier de financement dans l'absolu comme ça. Il n'y a personne qui va commercer à se financer pour le plaisir de se financer, pour mettre l'argent à la banque en fait. Ça doit obéir à des raisons, à des motifs. Le financement des mutuelles finalement n'est qu'un des éléments de l'ensemble de la problématique de la réorganisation des institutions financières au Canada; qu'on parie des lois fédérales sur les fiducies, la nouvelle loi sur les banques, etc..

C'est Jean-Pierre Bernier de l'ACCAP.

Le Président (M. Lemieux): Bienvenu. Continuez, M. Millette.

M. Millette: oui, parfait. donc, c'est l'ensemble de tout le système de fonctionnement des institutions financières qui est sous-jacent au problème du financement comme tel. l'accap, finalement, le document qui a été préparé essaie de faire le tour de toute cette problématique-là et non pas uniquement du financement. au départ, on peut essayer d'explorer les motifs qui pourraient inciter une compagnie mutuelle à se réorganiser. le premier de ces motifs-là, c'est le développement de ses affaires. c'est un grand débat à l'intérieur de l'industrie - m. moffet en parlait un peu tantôt - c'est: est-ce qu'une compagnie d'assurance-vie devrait se limiter à bien servir ses assurés et, dans le cas d'une mutuelle, à bien servir ses mutualistes en leur donnant le meilleur produit possible ou si une compagnie mutuelle ou une compagnie d'assurances devrait aussi essayer d'être une opération commerciale et essayer de développer les secteurs du marché? je pense qu'il n'y a pas de réponse qui va l'une sans l'autre.

D'un côté, si une compagnie mutuelle n'est pas progressive, le marché va finir par l'éliminer. D'un autre côté, on peut dire que si elle fait du décloisonnement à outrance et qu'elle abandonne son marché de base, son "sequel function", elle risque aussi d'avoir des problèmes. Mais, au bout de tout ça, il y a un juste milieu à trouver et, pour réussir à trouver ce milieu-là, il peut s'avérer qu'une mutuelle ait besoin de trouver du financement pour développer les nouveaux marchés qu'elle veut développer. Et donc, à ce moment-là, une des raisons qui pourraient l'inciter à se réorganiser est justement le développement de ses affaires. Et je pense que

notre société... La commande, entre guillements, qui a été passée aux compagnies mutuelles d'assurance-vie du Québec, c'était qu'elles devaient participer au développement économique du Québec, qu'elles devaient participer au développement du marché des institutions financières québécoises pour améliorer, pour garder chez nous, pour canaliser chez nous l'épargne des Québécois, etc.

Donc, le législateur a élargi la vocation des compagnies mutuelles. Et je pense que, finalement, c'était une perspective juste, parce qu'on s'aperçoit que partout dans le monde, à l'heure actuelle, on a un développement des marchés de cette façon-là.

La deuxième raison qui peut amener le développement, la réorganisation d'une mutuelle, c'est la diversification en amont et la question des liens commerciaux. On se rappellera que, au Québec, lorsqu'on a fait la réforme des institutions financières, la réforme des compagnies d'assurances, on ne s'est pas vraiment posé la question des liens commerciaux. On disait: Les compagnies mutuelles d'assurance sont des compagnies qui sont largement détenues par leurs propriétaires et ces compagnies-là pourraient avoir des liens commerciaux aussi bien en amont qu'en aval. Aujourd'hui, avec la réforme des institutions financières et avec ce qui s'est passé dans les autres juridictions, il y a un genre de pattern qui se crée et où on dit que les lieux commerciaux devraient être plutôt en amont et on favorise - ou on facilite - jusqu'à un certain point la diversification en amont plutôt qu'en aval. donc, à ce moment-là, les compagnies mutuelles qui n'ont pas de capital-actions, qui ne peuvent pas être possédées par quelqu'un d'autre peuvent être tentées de se réorganiser pour pouvoir participer à cette nouvelle tendance qu'on décèle dans les milieux internationaux de la diversification en amont et des liens commerciaux. quand je parle des liens commerciaux, ça peut aussi bien être d'essayer de trouver une affiliation avec des institutions financières étrangères. donc, j'entends liens commerciaux dans un sens très large, ici. c'est qu'on va essayer de trouver des partenaires pour développer un marché où, finalement, c'est de plus en plus dispendieux de développer des nouveaux produits, etc., pour satisfaire la nouvelle gamme. donc, ça peut être un autre des motifs qui peuvent inciter les compagnies mutuelles à se réorganiser.

Un dernier motif qui peut inciter les compagnies mutuelles, c'est d'avoir un meilleur accès au capital et de trouver du capital moins dispendieux. On sait que ou, généralement, on va dire que l'endettement est une façon plus dispendieuse de trouver du capital que l'émission d'actions ordinaires, par exemple. Parce que l'action ordinaire va permettre à l'actionnaire de participer à l'essor de la compagnie, il va avoir un gain de capital que vous ne trouverez pas dans le type d'endettement. Donc, à ce moment-là, le coût pour lever le capital va être moindre au moment où vous allez le faire. Donc, il peut y avoir des intérêts marqués à le faire. Et, dépendant des époques aussi, certains véhicules financiers vont être plus intéressants que d'autres. Les actions privilégiées ont déjà été quelque chose de très intéressant. (17 heures)

Aujourd'hui, la fiscalité fait que c'est beaucoup moins intéressant. Le dernier budget de M. Wilson a commencé à dire que les caisses de retraite devraient être incitées à investir en actions. Eh bien! on peut s'attendre que le marché va se déplacer de ce côté-là éventuellement. Donc, il y a des modes, si on peut dire, dans le financement des entreprises. Et je pense que les mutuelles vont devoir avoir un meilleur accès au capital pour pouvoir profiter, jusqu'à un certain point, de ces modes-là. Parce que, à l'heure actuelle, les compagnies mutuelles sont obligées d'inventer un véhicule à chaque fois qu'elles veulent avoir accès à du capital, mais le temps qu'elles inventent leur véhicule, l'opportunité est partie et il y a déjà autre chose qui est à la mode. À ce moment-là, il y a un intérêt à faire une réorganisation des compagnies mutuelles, pour qu'elles aient un meilleur accès au capital au moment où c'est nécessaire. Donc, ça prend une réorganisation qui est assez large pour permettre ça.

Quelles sont les considérations, maintenant, à retenir lors de la réorganisation des mutuelles? Évidemment, c'est toute la question des droits des mutualistes. Le premier des droits des mutualistes dont on parle souvent, c'est le droit des mutualistes ou des assurés participants à un dividende. Et là je parle du cas où la compagnie d'assurances fonctionne, est opérationnelle et qu'elle ne songe pas à se réorganiser. Est-ce qu'on devrait améliorer les droits des assurés? Par exemple, est-ce qu'on devrait obliger, comme un rapport l'a déjà préconisé au gouvernement fédéral, les compagnies d'assurances à distribuer sous forme de dividendes, à garantir des échelles de dividendes à leurs assurés participants, de façon à ne garder comme surplus que ceux qui sont absolument essentiels à leur développement? Est-ce que la compagnie devrait le faire dans le cours normal de ses affaires? C'est une préoccupation qui revient continuellement et qu'on va habituellement attacher à la notion que la compagnie d'assurances devrait se limiter à essayer de fournir le meilleur produit d'assurance possible à ses assurés? À ce moment-là, tout ce qui est en excédent, on va dire que ça devrait être retourné à l'assuré. Toute la jurisprudence, tant au Canada qu'aux États-Unis, est venue nier ce genre de chose là et est venue dire que non, l'assuré n'a pas droit au surplus de la compagnie, n'a pas droit d'exiger un dividende en cours d'opération. C'est, dans une compagnie mutuelle,

la même chose que dans une compagnie à capital-actions, c'est le conseil d'administration qui doit décider si un dividende doit être distribué. La législation vient dire que lorsqu'un dividende va être distribué, il y en a un certain pourcentage, 90 % et plus, qui doit être donné aux assurés participants. Ça, c'est dans le cas où on a une compagnie à capital-actions qui a des assurés participants. Mais, à part ça, on laisse au conseil d'administration le choix de déterminer à quel moment un dividende devrait être déclaré.

Il y a certains États américains, l'État de New York, plus spécifiquement, qui sont imposé par législation une certaine forme de distribution des surplus, sous prétexte ou sous motif d'équité inter-générations, et c'est un des problèmes des mutuelles, c'est que les surplus qui sont accumulés par une génération devraient être retournés aux assurés de cette génération-ià. Et non pas attendre, éventuellement, que la mutuelle soit liquidée et que seuls les assurés au moment de la liquidation participent aux dividendes de liquidation.

Encore là, il y a peu d'États américains et pas de provinces canadiennes qui ont suivi ce genre de législation là, parce que ça hypothèque assez lourdement le développement de la compagnie mutuelle.

Maintenant, quels sont les éléments de protection des mutualistes? Évidemment, les législations, du moins les législations canadiennes et québécoises, ont surtout privilégié la protection de l'assuré ou du consommateur, à venir jusqu'à maintenant, plutôt que la protection du mutualiste comme tel. Parce que la Loi sur les assurances, que ce soit du Québec ou du fédéral, parie très peu de la protection des actionnaires. Et actionnaires, je comprends par ça les droits des mutualistes. C'a été laissé au droit général des corporations ou des compagnies au Québec et les mutualistes, finalement, n'ont pas été protégés comme tels. Il n'y a pas de législation qui concerne les mutualistes, le fonctionnement, les droits de vote. Il y a un certain nombre de dispositions dans la législation, mais ce sont des dispositions minimales. Par contre, en voulant protéger le consommateur, la législation est allée très loin et a beaucoup, comme M. Garneau le disait ce matin, accentué le rôle fiduciaire des administrateurs et, jusqu'à un certain point, la législation a changé l'équilibre entre la compagnie d'assurances et ses administrateurs et ses assurés pour ne laisser qu'un rôle très marginal, finalement, aux actionnaires des compagnies. Et là, je parle plus spécialement des petits actionnaires, parce que si on parle d'actionnaires dans des groupes financiers, etc., là, le poids de l'actionnaire va se faire sentir plus, mais si on parle de petits actionnaires, les législations n'ont pas favorisé la protection des petits actionnaires, y compris les mutualistes ordinaires.

Maintenant, dans le cas d'une réorganisation, quels sont les droits des mutualistes aux surplus accumulés? Encore là, au Québec et au Canada... Au Canada, les démutualisations, il y en a eu très peu, sinon au Québec. Au Québec, il y en a eu plusieurs, donc, la jurisprudence, si vous voulez, ou la coutume qui a été établie l'a été beaucoup plus à partir de réorganisations québécoises que canadiennes, mais aux États-Unis, dans les droits des mutualistes, il s'est développé... Il y a eu des législations dans, je crois, c'est 33 États, de mémoire, c'est 33 États américains qui ont développé des législations sur la façon de faire. Mais, dans tous ces États-là, encore, on laisse aux conseils d'administration le choix du mécanisme de réorganisation et on leur laisse le choix de distribuer ou non les surplus accumulés.

Évidemment, les législations vont poser des conditions. Il va devoir y avoir des évaluations et si l'argent est retourné, s'il y a des sommes d'argent qui sont retournées aux assurés, on va surveiller que ce montant-là soit un montant raisonnable, qui tienne compte des surplus, qui tienne compte de la santé financière de l'entreprise et, surtout, qui va faire en sorte que les administrateurs et les dirigeants de la compagnie ne prendront pas le contrôle de cette compagnie-là à bon compte. Et ça, c'est la grande préoccupation du législateur américain. Ç'a été aussi, je pense, la grande préoccupation du législateur québécois. Je pense que chacune des réorganisations au Québec a été faite en tenant compte de la situation particulière. Des évaluations ont été demandées dans chacun des cas: évaluations comptables, évaluations actuarielles. Je pense que, chaque fois, on a pris une très grande précaution pour éviter qu'un groupe d'invididus ne jouissent d'un privilège d'initiés parce qu'ils sont au courant de la situation. Et je ne pense pas que ça se soit produit. Même aux États-Unis, les législations se sont développées de façon telle que peut-être qu'à l'origine il y a eu des cas d'abus, au début du siècle, mais, aujourd'hui, il y a presque autant de démutualisations que de formations de nouvelles compagnies aux États-Unis et on n'entend jamais ou à peu près jamais de critique sur la valeur qui est accordée aux actions, etc.

Il y a beaucoup de problèmes lorsqu'on distribue de l'argent pour créer un marché pour les actions de la mutuelle, pour s'assurer que ces actions-là ont une juste valeur marchande qui s'établit, mais le problème est un problème de marché et non pas un problème d'initiés, si vous voulez, ou de personnes qui essaient de s'enrichir au détriment des mutualistes. Habituellement, il y a un pattern qui s'est établi autant aux États-Unis qu'au Canada, les mutualistes qui ont droit à un remboursement ou qui ont des droits advenant la démutualisation sont les assurés actuels et ceux qui l'ont été au cours des cinq années précédant la date de démutualisation et tout ça se fait pour une raison évidente, c'est que ça devient très difficile de retracer ceux qui

ne sont plus là depuis longtemps. il y a plusieurs façons de distribuer aux mutualistes. il y a d'abord la façon de distribuer des actions de la compagnie démutualisée; il y a aussi celle de vendre des actions dans le marché et de prendre le produit de la vente pour le donner sous forme de dividendes ou de bonis aux mutualistes et il y a aussi celle de garantir des échelles de dividendes pour un certain nombre d'années à venir. ici au québec, dans tous les cas de mutualisation, on a choisi cette route-là. il n'y a pas eu de distribution d'argent aux. mutualistes, pour leur permettre de s'acheter des téléphones cellulaires, mais il y a eu des garanties des échelles de dividendes qui ont été garanties sur une certaine période de temps. donc, il y a toujours eu, jusqu'à maintenant, un certain retour. lorsque la compagnie était démutualisée comme telle - on va prendre l'assuran-ce-vie desjardins qui est devenue compagnie à capital-actions, qui appartient au mouvement desjardins - dans ces cas-là, il y a eu un certain retour. dans des cas où il y a eu des réorganisations avec compagnie de gestion mutuelle, là on se retrouve dans un cas différent, où, finalement, on est encore avec une mutuelle et il n'y a pas eu véritablement démutualisation. je pense qu'on doit, à ce moment-ci, faire un petit retour historique. d'abord, on s'est beaucoup posé la question, c'est une question qui s'est posée depuis le début: est-ce qu'une compagnie d'assurances a besoin d'un capital-actions? dès l'origine, dès les années 1800, dès les origines de l'assurance, on se posait la question. et on s'est très souvent dit: on a besoin d'argent, on a besoin d'un capital-actions, d'un capital de départ, d'un fonds de garantie pour démarrer des opérations, mais par la suite on n'en a plus besoin. et ça a été vrai, par la suite, il y a beaucoup de compagnies qui sont nées mutuelles ou qui se sont démutualisées. il y a eu des tendances et, finalement, on s'aperçoit que c'est quand une compagnie veut se développer ou doit développer ses opérations qu'elle a besoin d'une capitalisation, et on s'aperçoit qu'aujourd'hui, aux états-unis comme au canada, on a un retour vers une réorganisation, vers un besoin de financement, mais parce qu'il y a un besoin de développement des opérations, pour permettre aux compagnies d'assurances de conserver leur position concurrentielle sur le marché où elles sont, qui est une position très concurrentielle à l'heure actuelle. donc, pour conserver leur position, elles ont besoin de fonds de développement, et c'est la même problématique qui revient encore.

À l'origine, aux États-Unis à tout le moins, la mutuelle était, ce qu'on appelait la mutuelle pure, dans le fond c'était un club d'investissements, c'est-à-dire que c'était foncièrement capitaliste. La mutuelle était organisée, c'était un groupe d'investisseurs qui devaient souscrire une police d'au moins 1000 $. Si on se reporte au milieu du siècle dernier, 1000 $, c'était quand même assez impressionnant. Et les 1000 $, l'assuré devait payer la prime entière au moment où il s'assurait. Donc, il devait la déposer, il devait avoir suffisamment d'argent pour le faire. Donc, c'était une forme d'investissement, et par la suite la compagnie d'assurances faisait des placements. Et, selon la rentabilité des placements, retournait des dividendes aux mutualistes, et ce dividende-là constituait une rémunération du capital qui, finalement, avait été investi, de la prime qui avait été payée d'avance. À un point tel qu'aux États-Unis, ce qui a permis de développer l'Ouest américain, ce sont les compagnies mutuelles qui, avec les compagnies de chemin de fer, ont finalement développé l'Ouest américain, littéralement.

Donc, c'étaient vraiment, à l'origine, des clubs d'investissements, beaucoup plus que des compagnies fraternelles ou des compagnies de secours mutuel. C'étaient vraiment des clubs d'investissements. Par ailleurs, il y a eu aux États-Unis des sociétés de secours mutuel, avec le développement du fraternalisme, de l'entraide, d'aider les gens autour d'eux II y a eu, spé-cialement au Québec aussi, un fort mouvement fraternaliste. À la fin du siècle dernier, les Unions Saint-Joseph, comme on les appelait - ou les cercles d'entraide de la Société Saint-Jean-Baptiste un petit peu plus tard - se sont installées à peu près partout, ont couvert le territoire, il y en avait énormément et elles étaient vraiment là, selon les principes mutualistes, pour aider les autres. Mais, aux États-Unis, ces institutions-là ne se sont à peu près jamais transformées en compagnies mutuelles, contrairement à ce qui s'est passé au Québec. Au Québec, il y a un certain nombre de compagnies mutuelles qui sont nées du fraternal isme, mais, encore là, les grandes compagnies québécoises ne viennent pas de cette origine-là. La Laurentienne et L'Industrielle étaient des compagnies à capital-actions à l'origine et non pas des compagnies fraternelles ou des sociétés de secours mutuel. (17 h 15)

Maintenant, quelles sont les méthodes de réorganisation des mutuelles? Il y en a un certain nombre, il y en a, en fait, sept ou huit qu'on connaît à l'heure actuelle et qui ont presque toutes été utilisées au Québec - pour ne pas dire toutes - mais la première, c'est la démutualisation pure et simple, c'est-à-dire où il y a des sommes d'argent, la compagnie émet du capital-actions et rembourse les assurés des sommes d'argent. Ça n'a pas été utilisé à l'heure actuelle au Canada. Au Québec, ça ne s'est jamais fait, et ailleurs au Canada non plus; il n'y a pas eu de démutualisation pure.

La deuxième méthode qu'on a vue assez souvent au Québec, c'est l'acquisition d'une compagnie à la suite de sa démutualisation ou la démutualisation de la compagnie en vue d'une fusion. Bon, on connaît le dernier cas, c'est

l'Assurance-Vie Desjardins, avec La Sauvegarde; l'Assurance-Vie Desjardins a été démutualisée pour pouvoir fusionner avec La Sauvegarde et est devenue une compagnie à capital-actions qui appartient au Mouvement Desjardins. Il y a eu plusieurs cas comme celui-là au Québec.

La troisième méthode de réorganisation, c'est la cohabitation des mutualistes avec les actionnaires par l'émission d'actions privilégiées. Ça, ça a été proposé en 1984 dans la loi du Québec; ça a été accepté; ça a été utilisé une fois par La Laurentienne-Vie qui, à l'époque, a fait une émission d'actions privilégiées; les règles fiscales ont changé; ça a rendu le véhicule beaucoup moins intéressant. On revient au problème du financement dont je parlais un peu plus tôt; on crée un véhicule puis, au moment où on s'en sert, l'opportunité est passée. La législation fédérale qui est présentement à l'étude devrait normalement permettre aussi aux compagnies mutuelles d'émettre des actions privilégiées.

Le rapport Garneau, le comité Garneau a étudié cette perspective-là, en essayant d'étendre les privilèges - le phénomène d'actions privilégiées - parce que, dans le droit corporatif moderne, on ne parle plus d'actions ordinaires et d'actions privilégiées; on dit qu'il y a trois droits à rattacher à des actions, qui sont le droit de vote, le droit de participer aux surplus, et le troisième, de mémoire, je l'oublie. Mais, il y a trois droits rattachés aux actions et il doit y avoir un type d'actions, au moins, qui donne le droit de vote. Mais, pour le reste, il y a à peu près toutes les réorganisations possibles. On ne parle plus d'actions ordinaires, d'actions privilégiées. Donc, il serait possible d'étendre le concept d'actions privilégiées pour faire des actions beaucoup plus utiles pour le financement des compagnies mutuelles. Encore là, évidemment, ça pose des problèmes de cohabitation d'actionnaires ou d'assurés.

Le quatrième phénomène...

Le Président (M. LeSage): M. Millette, il reste deux minutes à votre présentation.

M. Millette: Parfait. La quatrième méthode de réorganisation des mutuelles qui a été très largement utilisée au Québec, c'est le holding en aval. Le holding en aval est un mécanisme qui est intéressant parce qu'il permet de faire vivre des mutualistes et des actionnaires; et, chacun étant dans un véhicule séparé, chacun a ses droits. Donc, il y a beaucoup d'intérêt au holding en aval. D'ailleurs, ça a bien fonctionné. Mais les nouvelles règles sur la solvabilité des institutions financières, double comptage de capital et autres, risquent de rendre assez difficile l'utilisation du holding en aval parce que, évidemment, les investissements de la compagnie d'assurances, de la mutuelle, dans son holding en aval, ne seront pas tenus en compte; il va y avoir une certaine élimination du capital, ce qui fait que, même si vous levez du capital, on ne peut pas en tenir compte; à ce moment-là, ces règles risquent de ne pas être intéressantes. Donc, le holding en aval risque de perdre beaucoup d'intérêt.

Il y a aussi les entreprises en participation conjointe, les "joint ventures". Il y en a, pour en parier vite, deux qui ont eu lieu à l'heure actuelle au Québec et qui ont permis à des compagnies d'assurances de mettre sur pied une aventure quelconque sur le plan économique. Les deux se sont faites dans le domaine de l'assurance collective. La première, c'est L'Industrielle qui, avec la Standard Life - c'étaient deux compagnies qui n'ont aucun lien entre elles, aucun lien de parenté - se sont réunies pour faire un "joint venture" en assurance collective pour permettre le développement de l'assurance collective. Ce "joint venture" là, n'existe plus à l'heure actuelle; l'autre a été un "joint venture" entre L'Impériale et La Laurentienne pour faire le marché de l'assurance collective; et ce "joint venture" là continue à fonctionner.

Le Président (M. LeSage): En conclusion, M. Millette.

M. Millette: En conclusion, il y a encore d'autres mécanismes de financement qui existent et on peut penser qu'il y en a un nouveau qui pourrait être discuté, qui est la fiducie, parce que la fiducie est un mécanisme qui permettrait de ne pas complètement séparer la mutuelle de son surplus, si vous voulez, ou de son fonds de développement. Alors voilà; ça complète un peu la présentation du mémoire et ça me fera plaisir, ainsi qu'à mon collègue Jean-Pierre Bemier, de répondre à toutes les questions de la commission.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. Millette. La parole est à vous, Mme la ministre.

Mme Robic: Merci, M. le Président. M. le Président, ça me fait de la peine que M. Moffet soit parti parce que les dernières paroles de mon confrère m'ont un peu surprise. Quand je dis que je favorise la protection des assurés et non pas la protection des mutuelles et des mutualistes, je dois vous dire qu'il me semble que les principes que j'ai retenus dans la réorganisation de La Laurentienne... Dans mon projet de loi, quand je parle de conflit d'intérêts, de transactions intéressées, de création d'un comité de déontologie et puis de la composition du conseil d'administration, là, ça, c'est la protection du mutualiste, il me semble.

M. Boisclair: Bien je vais laisser M. Millette répondre. Je citais, à la page 8, la page...

Mme Robic: Non, c'était M. Moffet, ce n'est pas M. Millette; je veux dire, ce n'est pas ça...

M. Boisclair: Madame, je citais le mémoire...

Mme Robic: Ah!

M. Boisclair: Je citais le mémoire...

Mme Roblc: Bien, c'est donc de valeur que je ne lui aie pas répondu; il est disparu, là.

M. Boisclair: Je citais le mémoire, Mme la ministre, je citais le mémoire à la page 12. À la page 12: "Comme on le voit, les gouvernements, dont celui du Québec, ont choisi..." - comme M. Millette l'a d'ailleurs expliqué dans sa présentation - "Comme on le voit, les gouvernements, dont celui du Québec, ont choisi de protéger le consommateur d'assurance plutôt que le mutualiste..." Alors si vous aviez lu...

Mme Robic: Oui, alors, M. Millette, c'est votre question.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Boisclair: Si vous aviez lu le mémoire, Mme la ministre, vous auriez compris.

Mme Robic: Alors...

M. Millette: Je pense, et ça c'est un phénomène...

Mme Robic: ...je suis piquée.

M. Millette: ...qui a été, qui est universel en Amérique du Nord - je parle du domaine des assurances - le législateur a eu une volonté de protéger le consommateur des produits d'assurance; et il a conduit sa protection, notamment en augmentant le rôle fiduciaire des administrateurs, en exigeant des normes de solvabilité, etc. Ce n'est pas une remarque désobligeante à l'égard de la loi 112, loin de là, c'est tout simplement pour dire que la législation s'est plus appliquée à protéger le consommateur du produit que le participant, le mutualiste ou l'actionnaire de la compagnie. Donc, le gouvernement a, pour toutes sortes de bonnes raisons, là, protégé le consommateur plutôt que l'actionnaire.

Mme Robic: Alors, comment un gouvernement protège-t-il l'actionnaire?

M. Millette: Si on parle de l'actionnaire comme tel, il y a une loi sur les valeurs mobilières, qui est épaisse comme ça, et qui permet de protéger l'actionnaire; mais il n'y a rien dans la législation qui permette de protéger le mutualiste comme tel. C'est un animal qui est tombé entre deux chaises, je pense.

Mme Robic: Et ce qu'on peut retrouver dans ma loi ne comble pas une partie de ce problème-là?

M. Millette: Oui, quand on parle... Notamment l'article qui prévoit qu'il doit y avoir un certain nombre d'assurés qui assistent à une assemblée annuelle, c'est un droit ou c'est une règle qui vise plus spécialement la protection des mutualistes en tant qu'actionnaires de leur compagnie. Mais si on regarde le nombre de dispositions de ce type-là qu'il y a dans la Loi sur les assurances avec le nombre de dispositions qui concernent la protection du mutualiste consommateur, je pense qu'une ne fait pas le poids par rapport à l'autre. Ce qui ne veut pas dire que...

Mme Robic: je n'insisterai pas plus. vous dites, dans le début de votre document, dans votre présentation, qu'il ne s'agit pas d'une prise de position de l'accap. cette présentation, c'est donc produit pour information, c'est bien ça?

M. Millette: C'est exact, oui.

Mme Robic: Est-ce qu'on peut tout de même déduire de votre exposé que la réorganisation des mutuelles est une avenue qu'elles devront examiner si elles veulent améliorer leurs possibilités de capitalisation?

M. Millette: Bien, quand on parle - je voudrais être bien clair - de réorganisation des mutuelles et qu'on énumère 8 ou 10 possibilités de réorganisation, je pense que les 8 ou 10 possibilités de réorganisation devraient être envisagées. Je ne pense pas qu'on doive obliger une compagnie d'assurances mutuelle à se dému-tualiser et à retourner de l'argent à ses assurés; ou je ne pense pas qu'on doive obliger une mutuelle à devenir ou à créer une compagnie mutuelle de gestion. Ça, je ne le pense pas. Mais on doit permettre à une compagnie mutuelle d'avoir les outils nécessaires pour se réorganiser si jamais elle décide de tirer profit des opportunités qui lui sont offertes, et par le marché, et par la législation.

Mme Robic: Donc, il ne fallait pas couler un modèle dans une loi générale et dire: Voici, si vous voulez vous démutualiser, c'est de cette façon que vous devez le faire et il n'y a pas d'autres façons.

M. Millette: Oui, je pense que c'est ça.

Mme Robic: Enfin, laisser constamment l'initiative à chacune d'elles, malgré la lourdeur de bills privés, c'était mieux.

M. Millette: II y a toujours possibilité d'organiser une législation générale qui va faire suffisamment d'ouverture pour permettre des réorganisations de mutuelles sans recourir à des bills privés. Ça, c'est un problème technique particulier. Mais je ne pense pas que la législa-

tion devrait reconnaître une seule méthode de réorganisation.

Mme Robic: Vous avez parlé d'un modèle, vous avez parlé de la fiducie, la création d'une fiducie. Est-ce que vous pourriez élaborer là-dessus? Je ne pense pas que ce soit un modèle qui est en vogue ici présentement, là, et j'aimerais vous entendre.

M. Millette: D'abord, à l'heure actuelle, au Québec, la fiducie n'est pas... Jusqu'à l'adoption de la révision du Code civil, la fiducie était une création de la "common law", donc elle n'a pas cours ici, au Québec. Mais, la fiducie... Finalement, les compagnies mutuelles sont d'origine fiduciaire et les législations, comme je le disais tantôt, ont beaucoup accru le rôle fiduciaire des dirigeants et administrateurs. Elles en ont quasiment fait des administrateurs de compagnies de... pas de compagnies de crédit, mais de fiducies. Et l'intérêt de la fiducie, c'est que c'est un corps de droit organisé qui, en "common law", est aussi bien organisé et aussi intéressant que le droit des compagnies, par exemple. Donc, il y a des auteurs qui écrivent. La fiducie est quelque chose de très courant en "common law", et l'intérêt de la fiducie est de ne pas créer des entités qui soient différentes. On crée des patrimoines, mais on ne crée pas des choses qui sont indépendantes les unes des autres, contrairement au fait que, lorsqu'on crée des compagnies, on crée des entités qui sont séparées.

En "common law", ce n'est pas tout à fait le cas... pas en "common law", dans la création de fiducies. Ça pourrait constituer une avenue intéressante, la fiducie, pour la réorganisation des compagnies mutuelles parce que, à ce moment-là, c'est le constituant qui choisit la méthode de réorganisation et il pourrait établir les droits qui sont nécessaires à chacun des participants. Donc, il peut y avoir un intérêt, mais c'est encore très hypothétique comme approche, à l'heure actuelle. Il y a certains spécialistes québécois, ici au gouvernement, qui ont étudié la fiducie et qui trouvent que ce véhicule peut être très intéressant et compléter le droit québécois dans ce domaine-là.

Mme Robic: Vous vantez les mérites du holding en aval et vous dites: Bon, c'est un bon véhicule de financement et de développement pour la mutuelle. Mais vous dites que ça permet également d'incorporer toute la dynamique du droit corporatif nouveau, dont l'émission d'actions comme fonds de rémunération des cadres. Alors, là, vous touchez un point sensible encore, parce que M. Moffet nous disait qu'il y avait un danger, là, à se servir justement de ce genre de véhicule pour rémunérer des cadres ou pour faire en sorte que les mêmes administrateurs, que ces administrateurs-là, puissent agir en conflit d'in- térêts. Est-ce que vous avez ces mêmes inquiétudes-là, vous?

M. Millette: II y a toujours des possibilités de conflits d'intérêts, partout, toujours. Mais je pense que le droit corporatif a développé des mesures de protection pour s'assurer que les administrateurs et les dirigeants n'abusent pas de ces mécanismes-là. Mais, d'un autre côté, si la législation ne permet pas de le faire à un type de compagnie donné, c'est à son détriment parce qu'elle ne pourra pas attirer les meilleurs administrateurs, les meilleurs dirigeants. Donc, elle n'est pas aussi bien positionnée dans la concurrence avec les autres secteurs qui l'entourent. Et donc, jusqu'à un certain point, le holding en aval était intéressant pour ça. C'est qu'il permettait à la compagnie mutuelle de continuer à exister, mais aussi d'incorporer tout le courant de droit corporatif nouveau à son fonctionnement. Et, on s'est aperçu que ce modèle-là a été très populaire. Je pense que la très grande majorité des compagnies québécoises ont des holdings en aval maintenant. (17 h 30)

Mme Robic: C'est nécessaire pour attirer des bons cadres, ce genre de "perk"? Est-ce que c'est courant dans des compagnies à capital-actions?

M. Millette: Bien, les programmes de participation des dirigeants, encore là, il y a beaucoup de modes, des choses qui viennent et qui vont. Mais toujours, la législation... Finalement, le but du mémoire, c'est de permettre à une compagnie mutuelle de se positionner, d'avoir une législation qui est suffisamment souple pour être capable de se positionner, d'avoir le véhicule nécessaire pour se positionner au moment où c'est intéressant de le faire. Et, c'est dans ce sens-là, finalement, que tous ces mécanismes-là sont intéressants. C'est pour permettre aux compagnies mutuelles de se développer au même rythme qu'une banque ou qu'une compagnie d'assurances à capital-actions. C'est pour jouir des mêmes mécanismes et être capable d'aller chercher les mêmes moyens de financement, de développer des produits, etc., au moment où le besoin s'en fait sentir.

Mme Robic: Qu'est-ce que vous pensez de l'idée de M. Moffet qui disait que les administrateurs devraient être changés à tous les deux ans?

Une voix: Deux termes!

Mme Robic: Deux termes. Oh! Oui! Grosse différence. Je m'excuse. Deux termes, oui. Je m'excuse.

M. Millette: C'est difficile de répondre à une question comme celle-là. Je pense que ça

n'est pas la pratique. Ça n'est même pas la pratique dans le domaine politique, contrairement aux États-Unis. Ça n'est pas la pratique dans le domaine des affaires de permettre à un administrateur de rester plus qu'un terme ou deux termes. Il peut y avoir toutes sortes de raisons qui font qu'un administrateur doit rester pour une plus longue période. Et, je ne pense pas que ça améliorerait tant que ça la qualité des conseils d'administration des compagnies. Et même, ça pourrait risquer de poser des problèmes de non-permanence et des choses comme ça, qui peuvent être aussi néfastes pour le développement d'une mutuelle.

Mme Robic: Je vais m'éloigner de ce genre de questions auxquelles il est difficile de répondre.

M. Boisclair: ...c'est un bel exemple de permanence. Ça fait quoi, 25 ans, M. Lévesque?

Mme Robic: Oui, c'est vrai.

M. Boisclair: 35?

Mme Robic: 35, à peu près, oui.

Le Président (M. LeSage): Mme la ministre...

Mme Robic: Vous traitez dans le rapport... à la page 29, vous constatez que les compagnies mutuelles d'assurance n'ont jamais effectué d'émissions publiques, ni de placements privés de debentures subordonnées, et ce, même si elles véhiculent et jouissent d'un traitement fiscal raisonnablement favorable. On nous dit qu'on ne se sert pas de ce véhicule-là parce que les analystes ne connaissent pas le produit. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça? Est-ce qu'on pourrait remédier à ça? Est-ce que l'industrie a fait ce qu'il fallait pour remédier à ce problème-là?

M. Millette: Là, vous faites appel à mon chapeau de membre du comité Garneau. Je pense que oui. Je pense que c'est vrai. La recherche qu'on avait faite à ce moment-là au comité Garneau - et ce n'est pas vrai uniquement pour les compagnies mutuelles, c'est vrai pour l'ensemble des compagnies d'assurances - nous amène à conclure que les milieux financiers, que ce soient les caisses de retraite, que ce soient les investisseurs, que ce soient les courtiers en valeurs, connaissent très mal le fonctionnement des compagnies d'assurances. Et, lorsque vous voulez utiliser, faire des émissions de capital, que ce soit sous forme de debentures ou sous forme d'obligations, ou même sous forme d'actions privilégiées, c'est difficile parce que les gens connaissent mal le fonctionnement, connaissent mal à quoi ils doivent s'attendre et vont se fier habituellement aux critères prudentiels qui peuvent être rattachés à ça. Donc, s'il y a des normes qui permettent d'acheter un titre lorsqu'il a eu un certain rendement pendant un certain temps et que le titre a ce rendement-là, on va l'acheter. C'est un peu ce qui avait amené le comité Garneau à faire la proposition d'une garantie gouvernementale. S'il y a une garantie gouvernementale, on peut avoir moins de réticence de la part d'un investisseur à acheter le titre parce qu'on se dit: S'il y a eu une garantie gouvernementale, c'est qu'il y a une étude qui a été faite et qu'il y a une certaine garantie que ce mécanisme-là peut fonctionner. Donc, à la longue, ça peut réussir à créer un marché, ça peut amener les investisseurs à s'intéresser au titre, et ça peut aussi amener à développer des analystes qui vont être capables d'expliquer les institutions financières.

Je ne voudrais pas particulariser l'exemple, mais je me souviens d'avoir vu l'émission d'actions privilégiées de La Laurentienne et je sais à quel point il m'a été difficile de convaincre à peu près tout le monde que c'était un véhicule qui était aussi bon qu'un véhicule d'actions privilégiées émises par n'importe quelle compagnie incorporée au Canada. Donc, il y a vraiment une difficulté à percer les marchés financiers qui ne connaissent pas ce genre d'institutions.

Mme Robic: Ça va.

Le Président (M. LeSage): Merci. M. le député de Gouin.

M. Boisclair: Oui. Quelques questions. Juste pour revenir sur une question de la ministre tout à l'heure: Ce n'est pas une prise de position, c'est un document de recherche préparé par l'ACCAP. Est-ce que c'est préparé par sa section québécoise? Parce que, là, c'est juste pour bien comprendre au niveau du fonctionnement chez vous.

M. Millette: Oui. L'ACCAP est une association canadienne et elle a une section québécoise. Évidemment, la section québécoise a été plus confrontée au cours des dernières années au problème du financement des compagnies mutuelles. Comme je l'ai dit tantôt, la réorganisation mutuelle a été un phénomène essentiellement québécois au cours des six ou sept dernières années. C'est maintenant une préoccupation beaucoup plus large. Il y a des mutuelles canadiennes qui s'en préoccupent. Comme je le citais dans mon mémoire, North American Life a soumis au comité de la Chambre des Communes du Canada, qui étudie le décloisonnement des institutions financières, un mémoire demandant au gouvernement fédéral d'adopter un mécanisme qui est semblabe à celui de la mutuelle de gestion, qui est semblable au modèle de La Laurentienne. Vous avez aussi la confédération qui a demandé au gouvernement fédéral de lui

permettre d'avoir des "joint ventures" et de libérer un peu les règles sur les transactions intéressées pour permettre à ces "joint ventures" là de fonctionner. Donc, on s'aperçoit qu'il y a un intérêt grandissant de l'Association à ce niveau-là. Et je pourrais demander à Jean-Pierre Bernier de vous faire part un peu de ces préoccupations-là.

M. Boisclair: Oui. Mais juste pour être bien sûr que je vous ai bien compris, vous me dites que votre association nationale a déposé un mémoire au ministre responsable des institutions financières pour permettre ce genre de société de gestion semblable à celui de La Laurentienne?

M. Millette: Non, c'est la North American Life qui a déposé un mémoire comme ça auprès du comité de votre équivalent au gouvernement fédéral, le comité Blenkarn.

M. Boisclair: Parfait. Merci.

Le Président (M. LeSage): M. Bernier, est-ce que vous pourriez vous identifier?

M. Bernier (Jean-Pierre): Oui. Jean-Pierre Bernier, vice-président et chef du contentieux de l'ACCAP. Le mémoire que vous avez est beaucoup plus québécois que canadien et ceci est dû au fait que les lois québécoises concernant les compagnies d'assurances sont beaucoup plus avancées que les lois qui régissent les autres provinces, et même la loi fédérale. Vous avez donné aux mutuelles québécoises, ici, des moyens d'accéder à des capitaux nouveaux tels que rémission d'actions privilégiées pour les mutuelles ou l'émission de debentures, qui n'existent pas dans les autres lois canadiennes.

Il est vrai que nous travaillons actuellement avec le gouvernement fédéral pour donner aux mutuelles à charte fédérale le même genre d'accès au capital que les lois québécoises ont donné aux compagnies mutuelles à charte québécoise. Nous avons, depuis six ou huit mois, des relations ou consultations très régulières avec les autorités fédérales, justement sur l'émission d'actions privilégiées par les mutuelles fédérales. Nous discutons, non pas de la démutualisation, mais surtout de la réorganisation des mutuelles, un peu comme La Laurentienne a fait avec son holding en amont. Nous discutons également de rémission de debentures et d'obligations, des termes et conditions qui seront rattachés à ces debentures. Nous discutons également avec le gouvernement fédéral toute la question de l'investissement et de l'accès au capital par l'intermédiaire de holdings en aval. Le problème des holdings en- aval, c'est que vous êtes pris dans des règles concernant les transactions entre parties intéressées et, au fur et à mesure que le système financier s'en va vers la conglomeration, le regroupement des compagnies, vous êtes pris dans un conglomérat où vous avez des compagnies fédérales qui sont associées avec des compagnies provinciales, et il y a toute la question de l'harmonisation des lois. C'est un sujet qui est énorme.

M. Boisclair: Je ne voulais pas insister outre mesure; c'était juste pour avoir une petite précision sur le contenu de votre mémoire parce qu'il doit y avoir de vives discussions parfois, chez vous; j'en suis convaincu.

M. Millette: Non, mais tout ça, c'est qu'il y a souvent une tendance, je pense, à dire que la réorganisation des compagnies mutuelles, c'est une patente de compagnies québécoises. Je ne pense pas que ce soit le cas. On a essayé de démontrer, avec le mémoire, que c'est une grande préoccupation aux États-Unis; on a donné des exemples. Je pense qu'à peu près chacun des modèles de réorganisation qui a été utilisé au Québec est documenté aux États-Unis; il y a eu des précédents aux États-Unis. Et maintenant, c'est une grande préoccupation canadienne. Je pense que c'est important de le savoir. Ce n'est pas quelque chose que les compagnies québécoises...

M. Boisclair: La revue de presse est abondante aussi, en la matière. Il y a eu des cas très célèbres aux États-Unis qui, je pense, pourraient nous éclairer ici. Moi, j'aimerais revenir sur votre proposition parce que vous êtes les seuls à nous avoir parlé de la fiducie. Vous nous avez dit que, à votre connaissance, il y a des études qui se font à l'heure actuelle au gouvernement du Québec sur cette question-là. Est-ce que je vous ai bien saisi?

M. Millette: Sur l'implantation de la fiducie comme instrument québécois.

M. Boisclair: Oui, mais à l'intérieur du Code civil.

M. Millette: À l'intérieur du Code civil.

M. Boisclair: c'est ça qui, je présume en tout cas, suit le cours normal de son adoption, et a été déposé en chambre, je crois, la session dernière?

M. Millette: C'est ça. Et l'intérêt de la fiducie, notamment de la fiducie d'investissement, c'est que ça peut fonctionner de façon semblable à une compagnie; ça peut être inscrit en Bourse; les unités peuvent être inscrites en Bourse, etc. Et il y a une souplesse qui permet d'utiliser deux patrimoines côte à côte.

M. Boisclair: Comment cohabitent les détenteurs d'unités, les actionnaires, si on peut les appeler ainsi?

M. Millette: Bien, c'est qu'il n'y a pas...

M. Boisclair: C'est ça, il n'y a pas de titres, ce sont tous...

M. Millette: ...ce sont tous des actionnaires, ce sont tous des détenteurs de titres d'investissement et dont la qualité peut être différenciée. Il peut y avoir différents types de titres. L'intérêt, comparativement au droit corporatif, c'est que le constituant, c'est-à-dire la compagnie mutuelle, peut mettre dans le contrat les clauses nécessaires pour assurer la pérennité du contrôle des mutualistes. Elle peut permettre, par ce biais-là aussi - pourrait éventuellement permettre, parce que ça pourrait fonctionner un peu comme un fonds distinct qu'on connaît déjà dans les compagnies d'assurances - ça pourrait permettre de reporter la plus-value des fonds ou de la valeur de la compagnie auprès des assurés. Donc, vous auriez un contrat participant qui pourrait prendre de la valeur selon la valeur de la compagnie. Il y a beaucoup d'intérêt à étudier un mécanisme comme ça.

M. Boisclair: Je trouve que votre contribution est particulièrement intéressante à cet égard. Lorsque vous dites, je vais juste reprendre votre mémoire, en page 32: "Le constituant, c'est-à-dire la compagnie mutuelle qui se réorganise, établit les règles de base - lorsque vous parliez des contrats - qui perpétueront la primauté des mutualistes et, par la suite, l'équilibre se fera entre les diverses catégories de détenteurs d'unités", lorsque vous parlez d'équilibre, vous faites référence à quoi, exactement?

M. Millette: Par exemple, dans une fiducie, on ne parle pas d'administrateurs, mais on parle...

M. Boisclair: De fiduciaires.

M. Millette: ...de fiduciaires. Et, à ce moment-là, le nombre de fiduciaires, l'élection ou le choix des fiduciaires va se faire de façon à respecter l'équilibre. Il va y avoir des fiduciaires qui vont représenter des investisseurs de telle catégorie, des fiduciaires de telle autre catégorie, et ça devient plus facile de le faire dans le droit corporatif.

M. Boisclair: donc, c'est une avenue qui est quand même, sans doute à votre avis, des plus prometteuses. sans doute que, déjà, lorsqu'on parle des fiducies...

M. Millette: C'est une avenue prometteuse. Je suis porté à dire plus prometteuse, mais c'est une avenue prometteuse.

M. Boisclair: Donc des plus prometteuses, c'est dans ce sens-là.

M. Millette: Ah! O.K. D'accord.

M. Boisclair: Peut-être pas... Je ne peux pas la mettre en comparaison avec d'autres et commencer à mettre différents niveaux aux différentes solutions proposées, mais c'en est une, à tout le moins, qui pourrait être intéressante. Est-ce que cette discussion s'est faite, au comité Garneau, sur la fiducie?

M. Millette: Non, la fiducie...

M. Boisclair: Parce que la fiducie n'est pas du tout reprise dans le rapport. (17 h 45)

M. Millette: La fiducie, c'est la première fois qu'on en fait état publiquement, je pense, dans un mémoire. C'est un concept qui avait été étudié, plus ou moins, il y a un certain temps. Je pense que c'est un modèle qui est en suspens, en parallèle, depuis plusieurs années, depuis 1984, en fait. Mais la fiducie était un phénomène qui n'était pas québécois. La législation québécoise ne la permettait pas et ça a fait en sorte que ce modèle-là est toujours resté un peu de côté par rapport à d'autres modèles qui ont été utilisés parce qu'ils étaient des modèles corporatifs.

M. Boisclair: Compte tenu des modifications au Code civil, il y a cette convention à laquelle vous faites référence dans votre mémoire, la convention internationale signée en 1985...

M. Millette: C'est ça.

M. Boisclair: ...dont je ne connais pas le contenu, mais vous me dites qu'il y a moyen d'importer ce système-là ici.

M. Millette: Oui, oui, c'est une question, je ne dirai pas de mois, mais c'est une question d'une couple d'années avant que le Code civil soit adopté et que ce genre de véhicule devienne quelque chose qui peut être utilisé couramment.

M. Boisclair: Je vais peut-être sortir de cet élément qui m'a particulièrement intéressé dans votre mémoire, et revenir un peu dans le corps de votre mémoire, au milieu, lorsque vous parlez de cette démutualisation. Vous expliquez, bien sûr, qu'il n'y a pas eu de démutualisation pure, au sens où il y a toujours eu un certain nombre de modèles, ou il y a quand même une certaine mixité qui s'exprime. Vous qui avez quand même une excellente connaissance du marché et de cette industrie-là, est-ce que - je ne sais pas si vous vous laisserez aller sur la réponse - il est trop facile pour une compagnie d'assurances, une mutuelle, de faire une restructuration, eu égard aux intérêts des mutualistes?

M. Millette: Quand vous dites "trop facile"...?

M. Boisclair: Trop facile en ce sens que, ne gagnerait-on pas à protéger - M. Moffet nous parlait du patrimoine, tout à l'heure; d'autres personnes sont venues nous dire, cet avant-midi, que ce serait une contrainte qui serait vue comme une mesure protectionniste; vous nous avez bien expliqué aussi la jurisprudence qui existe, à savoir qui détient ce surplus, puis de quelle façon on peut en disposer - mais ne gagnerait-on pas, à certains égards, à baliser les règles du jeu? À l'heure actuelle, la Loi sur les assurances ne le prévoit pas; on en faisait mention dans le rapport quinquennal. Il n'y a cependant pas eu de dispositions, comme vous le savez, qui ont été reprises à cet effet-là. Est-ce que, à votre avis, il serait intéressant et pertinent de réfléchir à cette voie-là et peut-être de s'entendre sur un certain nombre d'éléments, peu importe la formule choisie? Vous avez bien fait comprendre qu'il existe différentes possibilités de restructuration, mais ne devrait-il pas y avoir un certain nombre de grandes lignes directrices qui devraient être définies dans une législation?

M. Millette: II y a, effectivement, des grandes lignes directrices...

M. Boisclair: Oui, vous en soulignez quelques-unes.

M. Millette: ...et en annexe de mon mémoire, le mémoire de 1985, on vous en donne toute une série. L'étude de 1985 a été faite par mon association. Il y a effectivement des règles à suivre, mais je pense que jusqu'à maintenant, le gouvernement québécois a suivi scrupuleusement toutes ces règles-là. Comme je le disais tantôt, il y a eu des évaluations à chaque fois, il y a eu des avis qui ont été envoyés à l'ensemble des assurés, chacun a eu l'occasion de se prononcer sur le bien-fondé, tout ça a été entériné par une législation et l'expert du gouvernement, l'Inspecteur général des institutions financières, s'est prononcé sur chacune des transactions. Il y a un modèle qui se répète de transaction en transaction, qui s'est développé au Québec. Je ne pense pas qu'on soit encore des néophytes, au Québec, à ce niveau-là. Ça fait peut-être, je ne sais pas, je ne les ai pas comptées, mais sept ou huit réorganisations qui se font.

M. Boisclair: Ça s'est toujours, cependant, fait à la pièce?

M. Millette: Ça s'est fait à la pièce, effectivement, et j'irais presque dire Dieu merci. Ça s'est fait à la pièce jusqu'à maintenant, parce qu'il n'y a pas un cas qui est semblable, exactement pareil à l'autre. Donc, je pense qu'il devrait y avoir des règles qui pourraient encadrer de façon générale cette réorganisation, la rendre plus souple aussi, parce qu'un des problè- mes qu'il y a lorsqu'on crée un modèle nouveau - je vais prendre juste pour un instant le modèle de la laurentienne - on le met dans une loi privée, mais il n'a pas de concordance dans les lois générales; et ça devient très difficile de raccorder cette loi particulière là avec le système de droit existant autour. et là, il y a un intérêt certain, à ce moment-là, à reconnaître ce modèle-là dans une loi générale pour lui permettre de participer au corps de droit constitué au québec, et non pas le garder de façon restreinte dans un mécanisme qui est en soi très restreint, le mécanisme d'une législation privée.

M. Boisclair: Peut-être une dernière question pour reprendre la question que j'ai posée à à peu près tous les groupes qui sont venus témoigner aujourd'hui devant cette commission. Est-ce que, à votre avis, fa problématique entourant le financement des compagnies mutuelles d'assurance est due à la nature même de l'industrie et des activités de ces entreprises-là ou si elle due à sa structure, la structure juridique?

M. Millette: Bien, si on parle de problèmes de financement dans le sens de rejoindre des outils, c'est dû à sa structure. Si on parle de la nécessité de trouver du financement, bien, c'est dû à la conjoncture. Je pense qu'on ne peut pas parler de l'un et de l'autre...

M. Boisclair: Non, mais je peux faire... C'est très habile de votre part, M. Millette; je reconnais là votre grand talent parce que vous êtes aussi membre du comité Garneau... et pour bien d'autres considérations aussi. Mais, dans le fond, le problème, quel est-ii? Je vais essayer de poser ma question de façon différente. Le problème, est-ce que c'est un problème du fait que les marges bénéficiaires - et sur ça, tout le monde s'entend - ont été relativement basses ces dernières années? Que les mutuelles du Québec sont cantonnées dans certains segments d'activités relativement... peut-être moins rentables comparativement à d'autres? Est-ce que c'est une question de taille? Est-ce que c'est une question de concurrence? Est-ce que ce sont ces facteurs-là qui sont les plus importants, qui font que la problématique est d'actualité, ou si c'est plutôt la structure même de l'entreprise, à savoir une mutuelle, puisqu'il y a un choix qui a été fait de limiter les acquisitions en aval à des, par exemple, activités connexes, choix qu'on a fait avec la loi 112 au mois de décembre? Par conséquent, on peut juste se retrouver en amont... le discours qu'on connaît bien. Dans le fond, je n'oserais pas m'exprimer ainsi parce qu'on pourrait me citer là-dessus, mais je vais le tenter: Est-ce que ce n'est pas un faux problème? Je vous la pose de façon très crue, la question, là.

M. Millette: Est-ce que le financement des mutuelles est un faux problème?

M. Boisclair: Non, ce n'est pas ça, mais jusqu'où devrait-on s'interroger sur les moyens apportés? Est-ce que, dans le fond, ce ne sont pas des problèmes plus structurants que les problèmes de conjoncture, finalement?

M. Millette: Je voudrais faire une histoire courte, là, mais l'industrie de l'assurance-vie au Québec est une industrie qui est jeune, je pense. Les entreprises sont de naissance relativement récente. Elles n'ont pas, comme le mémoire de La Laurentienne le disait ce matin, une longue tradition où elles ont pu accumuler des surplus. Elles ont occupé les créneaux de marché qui étaient disponibles lorsqu'elles se sont développées et, malgré tout, elles ont atteint un développement - on a parlé de 25 % du marché au cours des 10 dernières années, ou des 7 ou 8 dernières années - malgré le fait que la concurrence est devenue extrêmement vive, malgré le fait qu'il y a des nouveaux joueurs qui sont venus s'installer, malgré le fait qu'il y a eu une véritable révolution technologique, les compagnies québécoises continuent de conserver au moins la même part de marché. Et je pense que, finalement, avec l'aide du législateur, les compagnies québécoises ont réussi à prendre le tournant. Je ne sais pas s'il y a des considérations philosophiques derrière ça, mais je pense qu'il y a eu du travail quotidien qui a été fait et qui a permis à ces institutions-là de trouver les moyens, avec l'aide du gouvernement, d'occuper des nouveaux créneaux de marché, de se diversifier et de tenter de s'implanter à l'étranger. Et tout ça a fait qu'on a même réussi à trouver des moyens de financement. Donc, finalement, c'est une expérience collective dans l'ensemble de l'industrie et, effectivement, il y a encore des problèmes structurels, il y a encore des problèmes... Mais, je pense que les compagnies québécoises réussissent présentement à prendre le tournant.

M. Boisclair: Peut-être une dernière chose. L'ACCAP, comme telle, a endossé le rapport Garneau puisque vous êtes un des signataires?

M. Millette: Je siégeais au comité Garneau à titre personnel et non pas comme représentant de l'ACCAP. Chacun des membres du comité Garneau siégeait à titre personnel.

M. Boisclair: Ah! Ils y étaient à titre individuel. Bon. Bien, je vous remercie pour ces précisions.

Le Président (M. Lemieux): Mme la ministre.

Mme Robic: Alors, M. le Président, à mon tour de remercier M. Millette, de l'ACCAP, de sa présence et du travail qui a été fait. On l'apprécie grandement. On apprécie également les textes de référence que vous avez inclus parce qu'ils vont nous servir. Alors, merci.

Le Président (M. Lemieux): alors, la commission vous remercie de votre participation et nous ajournons nos travaux sine die, la commission ayant...

M. Boisclair: ...un mot de clôture?

Le Président (M. Lemieux): Oui, oui. O.K. Allez-y, M. le député de...

M. Boisclair: Bien, je laisserai la ministre s'exprimer.

Le Président (M. Lemieux): Oui, oui. Ça va. Un petit mot de la fin, Mme la ministre.

Mme Robic: Ah! bon, c'est bien. C'est terminé, M. le Président. Regardez, M. le Président, je suis toute prête.

M. Boisclair: II faudrait savoir où on s'en va.

Mme Robic: Voici.

M. Boisclair: II n'a toujours pas été préparé ce matin.

Mme Robic: M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): Vous allez remercier l'organisme en même temps, Mme la ministre?

Mme Robic: J'ai remercié l'organisme, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Oui? Alors, ça va.

M. Boisclair: J'espère qu'il n'a pas été préparé ce matin.

Mme Robic: II y a trois semaines. Bon. Vous êtes heureux, là?

Le Président (M. Lemieux): Alors, M. Millette, je vous remercie de votre participation à cette commission parlementaire sur la consultation sur le financement des compagnies mutuelles d'assurance au Québec. Alors, Mme la ministre, nous vous écoutons, maintenant.

Remarques finales Mme Louise Robic Mme Robic: Merci, M. le Président. Je tiens

d'abord à souligner, M. le Président, après avoir discuté toute la journée de ressources financières pour les compagnies mutuelles, qu'il est fort encourageant de constater qu'au Québec, nous avons aussi des ressources intellectuelles remarquables. La qualité des mémoires qui nous ont été présentés aujourd'hui en est une démonstration très éloquente. Tous ceux et celles qui ont consacré des énergies considérables à la confection de ces mémoires, je les en remercie.

M. le Président, à la lumière des représentations qui nous ont été faites au cours de la journée, je pense que nous avons été en mesure de constater que l'originalité et le dynamisme sont toujours présents au Québec. Je suis confiante que nous pourrons y puiser des éléments d'une solution efficace, non pas à des problèmes, mais plutôt à des situations visant à donner à notre secteur de l'assurance la possibilité de prendre un second souffle dans la poursuite de son développement.

Je suis consciente, M. le Président, du rôle de catalyseur que le gouvernement se doit d'assumer dans l'opération d'analyse, de recherche et d'ingénierie financière que nécessitera toute cette opération de rehaussement de la faculté de capitalisation des compagnies mutuelles d'assurance. C'est pourquoi je réitère les invitations que j'ai eu maintes fois l'occasion d'adresser à l'industrie, à l'effet de poursuivre ses efforts afin de nous présenter des hypothèses de travail dont nous pourrons nous inspirer pour lui procurer des outils bien adaptés à sa stratégie de croissance.

Quant à nous, nous poursuivons et nous mènerons à terme la réflexion entreprise au sujet du financement des compagnies mutuelles d'assurance et nous demeurons tout à fait disponibles à l'endroit de ceux et de celles qui voudront bien nous faire profiter de leurs vues.

Je m'en voudrais de ne pas souligner, encore une fois, l'excellent travail du groupe que M. Raymond Garneau a accepté de présider. À M. Gameau et à chacun des autres membres de ce groupe, je dis merci et je vous donne l'assurance que le gouvernement saura mettre à profit les idées intéressantes que vous avez formulées. Nous retenons votre intention de demeurer des compagnies mutuelles d'assurance de personnes.

M. le Président, on nous a entretenus de toute une variété de concepts, aujourd'hui, et on est venu nous dire que le gouvernement devait faire quelque chose. À cela, je réponds qu'il n'a jamais été question pour nous de nous défiler devant nos responsabilités. Nous sommes tout à fait disposés à faire preuve de rigueur et à démontrer un esprit innovateur dans notre contribution à l'amélioration des choses; j'espère que personne, ici, n'en doute. Nous sommes disposés à déployer tous les efforts requis pour apporter à la législation les ajustements appropriés dans le but de procurer aux compagnies mutuelles d'assurance de personnes les accès les plus étendus possible au capital.

Par ailleurs, il m'apparaît que l'industrie québécoise de l'assurance devra démontrer de pareilles dispositions en choisissant de mettre l'épaule à la roue. De leur côté, les compagnies mutuelles devront songer à se prévaloir de ces accès pour lever de véritables capitaux qui soient permanents, qui soient flexibles sur le plan de la rémunération, et à l'égard desquels on puisse concevoir un marché au profit de l'investisseur. Car, M. le Président, il ne fait aucun doute que de tels capitaux peuvent servir de base durable au développement futur de notre secteur de l'assurance au Québec. Mais, pour (es compagnies mutuelles, considérant la structure corporative qu'elles ont choisie, il existe une contrainte additionnelle. Il faut en effet que les titres de capital qu'elles émettront confèrent des droits qui soient compatibles avec le mutualisme et son fonctionnement. Les droits conférés à ceux qui injecteront du capital dans la compagnie mutuelle devraient respecter les privilèges fondamentaux des mutualistes qui sont propriétaires de l'avoir de la mutuelle et qui en élisent une majorité d'administrateurs.

J'ai le sentiment, M. le Président, que notre industrie de l'assurance ne s'attaquera pas là à une mince tâche. Mais, une chose est certaine, c'est que le gouvernement a l'intention de relever avec elle ce défi, de telle sorte que nous puissions apporter à nos compagnies mutuelles, à l'intérieur des paramètres que j'ai indiqués plus tôt, des modes d'accès efficaces au capital dont elles auront besoin pour poursuivre la croissance que nous voulons tous leur voir connaître. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la ministre. M. le député de Gouin, brièvement.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Oui, mais, M. le Président, vous me donnerez au moins autant de temps que vous en avez donné à...

Le Président (M. Lemieux): Non, M. le député de Gouin, la moitié du temps de Mme la ministre.

M. Boisclair: La moitié du temps. Je reconnais là votre générosité, mais tout simplement pour vous dire... Et vous êtes sans doute un vrai libéral, M. le Président...

Le Président (M. Lemieux):...

M. Boisclair: ...mais vous dire que je me permettrai de faire un certain nombre de commentaires, sur l'inspiration du moment, et qui sont un peu le fruit des réflexions qu'on a pu avoir toute la journée. Mon discours de clôture n'est pas prêt depuis trois semaines. J'ai au

moins attendu...

Mme Robic: Franchement.

M. Boisclair: C'est ce que vous avez dit, Mme la ministre. Alors, j'ai au moins attendu de pouvoir lire les mémoires et d'en prendre connaissance pour dire que, effectivement, au-delà d'un certain nombre d'intentions, je peux constater que le discours que je viens d'entendre ressemble fort à celui que j'ai entendu au moment de l'étude du projet de loi 112, où on nous disait: Oui, certainement, je n'ai pas l'intention de mettre ce rapport-là sur des tablettes et je n'ai pas l'intention non plus de laisser aller les choses. Encore une fois, je n'ai pas d'échéancier à vous donner pour le moment, mais la commande est passée.

Ce que nous souhaitons, rapidement, de ce côté-ci, c'est qu'on puisse répondre à l'appel qui a été lancé. Faut-il rappeler que nous étudions depuis 1982, à ma connaissance à tout le moins, et j'ai lu un certain nombre de documents qui remontaient à 1982. En 1987, le ministre Fortier avait aussi été saisi de cette question-là. La question a été ramenée sur la table à l'occasion de l'étude du rapport quinquennal, et c'est dans cette perspective que l'Opposition avait cru bon qu'on puisse se donner un forum pour essayer d'accélérer les choses, pour permettre à l'ensemble des intervenants de se prononcer sur la question d'actualité qu'est le financement, bien sûr, et aussi sur une proposition qui avait été élaborée par un groupe de travail formé de gens de l'industrie.

Ce que je pourrais peut-être en conclure, c'est que, d'une part, soit, il existe un problème. Je crois que nous avons tous un certain nombre de responsabilités. Je crois que les compagnies mutuelles d'assurance de personnes ont, elles aussi, un rôle important à jouer dans cette restructuration de l'échiquier international. Je me souviens de l'intervention de M. Millette, cet après-midi, lorsqu'il participait aux travaux de la commission avec les membres du rapport Gar-neau, lorsqu'il nous disait: Oui, c'est vrai, les mutuelles ont aussi un effort de réflexion à faire en termes de segmentation, de réalignement en fonction d'un certain nombre de réalités. Je crois que, ça, c'est leur responsabilité et je suis convaincu qu'elles s'en acquitteront comme elles doivent le faire, bien sûr, au meilleur de leurs intérêts, et aussi dans le meilleur intérêt des mutualistes.

Cependant, il n'en demeure pas moins que nous avons sans doute, nous aussi, comme législateurs, une responsabilité pour veiller à ce que ce qui constitue, dans le fond, nos institutions financières... Nous en sommes tous bien fiers; nous sommes tous heureux d'en parler lorsque nous nous adressons à l'Assemblée nationale. Je crois que ce qui caractérise, d'ailleurs, notre système d'institutions financiè- res, c'est que la majorité de ces grandes institutions sont à l'abri des prises de contrôle, et qu'elles ont réussi avec brio, grâce au leadership des gens qui les ont dirigées, à canaliser l'épargne des Québécois dans leur meilleur intérêt. Et je crois que c'est dans ce sens que l'intervention du législateur devrait se situer, en ayant en tête ces mêmes préoccupations.

Donc, je conclurai en remerciant l'ensemble des participants - je l'ai souligné au moment de l'introduction - pour la qualité des mémoires présentés. Il y a là une expertise certaine et j'espère que tous les membres de la commission prendront le temps de les lire attentivement, particulièrement les annexes du mémoire de l'ACCAP, le mémoire de La Laurentienne, et, dans le fond, l'ensemble des mémoires, qui nous fournissent certainement matière à réflexion. Il faudra certes un peu de temps pour digérer tout ça, mais je suis convaincu que c'est certainement faisable... en moins d'un an, peut-on se dire?

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Gouin. Alors, la commission ayant... Oui, Mme la ministre.

Mme Robic: M. le Président, si vous me permettez un petit instant, M. le Président.

M. Boisclair: M. le Président, moi, je ne... Mme Robic: Non? Ah!

Le Président (M. Lemieux): Là, il n'y a pas le consentement. Alors la commission ayant accompli son mandat, nous ajournons nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 6)

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