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(Neuf heures trente-quatre minutes)
Le Président (M. Farrah): Votre attention, s'il vous
plaît.
La commission du budget et de l'administration est réunie ce
matin afin de procéder à l'interpellation du député
de Labelle au ministre des Finances sur le sujet suivant: L'évolution
des transferts fiscaux fédéraux.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements ce
matin?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a deux
remplacements. Mme Bégin (Bellechasse) est remplacée par M.
Brouillette (Champlain); M. Chagnon (Saint-Louis) est remplacé par M.
Camden (Lotbinière).
Le Président (M. Farrah): Alors, étant donné
que c'est un bloc de deux heures, ça veut dire que l'interpellation va
se terminer vers 11 h 34. Ça va? À 11 h 34, ça va se
terminer. C'est un bloc de deux heures.
Une voix: Deux heures juste.
Le Président (M. Farrah): c'est 2 heures, 120 minutes.
alors, je rappelle les règles de procédure. le débat dure
au plus 2 heures, soit jusqu'à 11 h 34, comme on vient de le mentionner.
la discussion est divisée en trois étapes. un premier
débat de 20 minutes commence par l'intervention du député
qui a donné l'avis d'interpellation, soit le député de
labelle, dans ce cas-ci. il exercera un premier droit de parole de 10 minutes.
le ministre interpellé, soit le ministre des finances, aura ensuite un
droit de réplique de 10 minutes. après ces deux interventions,
nous procéderons à un débat de 80 minutes au cours duquel
chaque intervenant pourra s'exprimer pendant 5 minutes. il y aura alternance
dans les interventions, selon la séquence suivante: un
député de l'opposition, le ministre, un député
ministériel et ainsi de suite, selon la même séquence. si
un membre utilise moins de 5 minutes, le temps non utilisé est perdu et
la parole sera donnée à l'intervenant qui suit, selon la
séquence que j'ai indiquée; 20 minutes avant la fin de la
séance, le ministre aura droit à un dernier temps de parole de 10
minutes et le député de labelle aura ensuite un droit de
réplique de 10 minutes, ce qui mettra fin au débat.
Alors, sans plus tarder, pour débuter cette interpellation,
j'invite M. le député de Labelle à prendre la parole pour
une période maximale de 10 minutes.
Exposé du sujet M. Jacques
Léonard
M. Léonard: Merci beaucoup, M. le Président. Il me
fait plaisir de venir discuter avec le ministre des Finances ce matin d'une
question fort importante bien qu'aride, celle des transferts
fédéraux vers le Québec, parce qu'il s'agit de plusieurs
milliards de dollars qui entrent dans les finances ou dans les
équilibres financiers du gouvernement du Québec. L'on sait qu'il
y a eu beaucoup de discussions par rapport à ces programmes
fédéraux. Pour avoir participé en particulier aux travaux
de la Commission Bélan-ger-Campeau, cette question a été
soulevée à maintes reprises. Je sais aussi que le gouvernement du
Québec se plaint depuis un bon bout de temps de la réduction des
transferts fédéraux vers le Québec, et cela a
commencé vers 1981-1982, alors que le gouvernement fédéral
avait manifesté ses intentions de raccourcir ces transferts
fédéraux.
Cette année, j'ai bien noté que, dans son discours sur le
budget, le ministre des Finances, à la page 23, nous a lu ceci:
"L'exercice de révision des arrangements fiscaux doit arriver à
terme le 31 mars prochain. Je compte bien, dit-il, qu'il pourra se
dénouer par le redressement des carences des programmes
fédéraux qui ont pénalisé le Québec. Les
transferts fédéraux cesseront alors de constituer un handicap
à l'amélioration des finances publiques du Québec."
C'est une grande affirmation de la part du ministre des Finances. Il y a
plusieurs éléments dans cette phrase du ministre, des
éléments qui soulèvent, à mon sens, de nombreuses
questions que nous n'avons pas abordées durant les répliques au
discours sur le budget, sauf très succinctement, parce que nous voulions
poser des questions au ministre de façon particulière sur cet
aspect de son discours.
D'abord, il y a l'optimisme surprenant, doit-on le souligner, de la part
d'un homme qui, depuis qu'il occupe ses fonctions actuelles, ne cesse de
dénoncer les coupures du gouvernement fédéral. Je pourrais
vous ramener à l'annexe F du discours sur le budget 1986-1987, où
je pense que son discours était encore plus virulent que maintenant.
Nous y reviendrons au cours des débats. Puis, il y a aussi l'aveu dans
la même phrase que les transferts financiers d'Ottawa, au moins dans leur
forme actuelle, ont pénalisé le Québec. Or, je pense que
ce qu'il faut comprendre, c'est que, lorsque le ministre des Finances avoue que
ces tranferts constituent un handicap pour l'assainissement des finances
publiques québécoises, il indique aussi que ces
transferts sont un handicap au développement tout entier du
Québec. Ce qui nous a toujours été présenté
comme un des avantages du fédéralisme n'est en fait qu'un leurre,
il faut l'admettre, ça découle de ses paroles.
L'annexe E du discours sur le budget, la dernière annexe du
budget 1991-1992 - qui, soit dit en passant, ressemble encore dangereusement
à l'annexe F du discours 1986-1987 - constitue une critique
extrêmement sévère à l'égard des programmes
de tranfert et du fédéralisme tout entier. Elle comprend 31 pages
que j'ai lues d'un bout à l'autre et j'en avais lu une semblable l'an
dernier. J'ai lu aussi celle du discours 1986-1987, c'est une critique
extrêmement sévère, précise et juste, je pense, des
transferts fédéraux, de la façon dont ça
fonctionne.
Alors, je comprends mal l'optimisme du ministre des Finances qui,
après six ans, en est toujours au même point. Pourquoi est-il
aussi optimiste? En 1986-1987, il a établi des balises très
précises. Nous sommes en 1991-1992, cinq ans après, rien ne s'est
passé et, pourtant, il démontre un optimisme. Est-ce que c'est un
optimisme de commande ou bien si c'est un véritable optimisme? Je pense
qu'il nous devrait des explications là-dessus.
Dans le contexte actuel, cet optimisme s'explique mal d'autant plus que
toutes les demandes du Québec sont considérées comme
suspectes dans le reste du Canada. Les débats autour du lac Meech et
après le lac Meech, ce qui nous arrive par les journaux, par les
médias, ce qui transparaît des interventions dans le reste du
Canada, c'est que nos demandes là-dessus sont suspectes. Nous voulons
des amendements constitutionnels importants et nous voulons beaucoup d'argent.
Eux, le Canada anglais, les citoyens du Canada anglais se demandent où
est la logique et posent, ou se posent, la question: Le Québec ne
veut-il pas avoir son gâteau et le manger en même temps?
Autre aspect aussi sur lequel nous nous interrogeons, sur l'optimisme du
ministre des Finances, c'est que cet optimisme se situe dans le contexte des
finances publiques fédérales. Or, tout le monde sait que les
finances fédérales sont très mal en point, beaucoup plus
mal en point que celles du Québec. Le déficit
fédéral de 80 000 000 000 $ en 1980, alors que le gouvernement
fédéral avait déjà pris la décision de
réduire les transferts fédéraux vers les provinces, s'est
accru à 180 000 000 000 $ en 1985 et au 30 juin prochain il sera, en
gros, de 400 000 000 000 $. Bref, le gouvernement fédéral est
encore beaucoup plus endetté qu'il ne l'était lorsqu'il a pris la
décision de réduire ses paiements de transfert, beaucoup plus
endetté.
La question, c'est: Comment peut-on être optimiste dans ce
contexte alors que le gouvernement fédéral se creuse une tombe
sans fond - à ce qu'il me semble - et qu'il ne peut pas s'en sortir?
Donc, penser aller chercher des sommes additionnelles dans ce contexte, on se
demande comment il peut acquiescer aux demandes des provinces. Je pense qu'il y
a raison de se poser des questions sur l'optimisme du ministre des Finances
quant à l'avenir.
À ce moment-ci, je voudrais aussi pouvoir aborder la question des
transferts fédéraux aux provinces. D'une part, en raison des
actuelles négociations entre les ministres des Finances, mais aussi en
ce que la critique du Québec, à l'égard des programmes de
transfert, recèle une volonté de réorienter l'organisation
même des services offerts à la population.
Je pense que ça, c'est... À l'intérieur même
des programmes, le gouvernement du Québec indique qu'il veut
réorienter ses services offerts à la population. On demande une
transformation des programmes fédéraux. On demande plus d'argent
et on est, sans arrêt, devant un gouvernement fédéral qui
est cassé, pour employer l'expression populaire, qui est
complètement cassé.
Jusqu'à présent, en ce qui concerne l'opération de
ces transferts fédéraux, l'information donnée aux
députés et à la population, à mon sens, est assez
difficile à percevoir, à interpréter. Les
conséquences elles-mêmes sont difficiles à percevoir. Il
faut souvent lire entre les lignes pour voir une partie des intentions du
gouvernement en ce qui concerne les services offerts à la population. Je
me réfère évidemment à la question des services de
santé, en particulier.
Par ailleurs, il faut bien l'avouer, la position du ministre des
Finances manque de crédibilité, à notre avis, car ce que,
d'une part, il reproche au gouvernement fédéral il l'applique
lui-même, d'autre part, à l'égard des institutions locales,
en particulier les commissions scolaires et les municipalités. Je pense
que le ministre des Finances est peu crédible lorsqu'il critique les
programmes fédéraux compte tenu de ce qu'H fait lui-même
envers les municipalités. Certains éditorialistes ont
relevé ce point. On peut croire que le gouvernement
fédéral interprète les choses de la même
façon.
En somme, à ce stade-ci, M. le Président, nous aimerions
demander: Pourquoi le ministre des Finances est-il si optimiste? On notera
également que les négociations actuelles ont été
entreprises alors que M. Wilson occupait le poste de ministre des Finances
à Ottawa. Or, M. Mazankowski a récemment remplacé M.
Wilson. Ce changement à la direction du ministère des Finances
fédéral peut-il affecter le déroulement, et surtout le
dénouement, des négociations actuelles? Je soulève la
question en comprenant bien que le ministre des Finances ne pourra
peut-être pas répondre à la question. Il n'en demeure pas
moins que l'arrivée de M. Mazankowski représente une inconnue. (9
h 45)
Je voudrais aussi, avant de conclure mes
remarques d'ouverture, signaler que le dernier discours sur le budget du
gouvernement fédéral n'a pas fait preuve d'une grande ouverture
à l'égard des revendications traditionnelles du Québec,
comme la volonté exprimée de renforcer le contrôle d'Ottawa
sur les normes nationales en matière de santé ainsi que le
récent discours du trône qui mentionne la volonté d'Ottawa
de s'immiscer dans le domaine de l'éducation...
Le Président (M. Farrah): Votre temps est
écoulé, M. le député de Labelle.
M. Léonard: Oui, merci. Ce sont les raisons pour
lesquelles nous avons convoqué ce matin le ministre des Finances. J'y
reviendrai donc un peu plus loin.
Le Président (M. Farrah): Merci, M. le
député Labelle. Alors, M. le ministre des Finances, une
intervention pour une durée maximale de 10 minutes.
Réponse du ministre M. Gérard D.
Levesque
M. Levesque: Alors, M. le Président, je suis heureux de
l'initiative du député de Labelle de soulever cette question-ci
qui est devenue l'objet de la présente interpellation. Il s'agit, comme
il l'a dit lui-même, d'un sujet plutôt aride, mais qui est
extrêmement important pour l'équilibre de nos finances.
La situation des programmes de transfert fédéraux aux
provinces est une question essentielle dans le régime actuel, une
question à laquelle notre gouvernement porte toute l'attention voulue,
en particulier pendant la période actuelle de négociations sur le
renouvellement des arrangements fiscaux entre le gouvernement
fédéral et les provinces. Le gouvernement du Québec a
même jugé bon d'en faire état dans l'annexe E au discours
sur le budget que je prononçais le 2 mai dernier.
La faible progression des revenus de transfert constitue une contrainte
financière de plus en plus importante pour le gouvernement du
Québec. Cette année, les transferts financiers du gouvernement
fédéral, de 6 900 000 000 $, devraient représenter environ
19,7 % des revenus budgétaires alors qu'ils en représentaient
28,9 % en 1983-1984. La tendance actuelle, jumelée aux coupures
additionnelles du dernier budget fédéral, pourrait réduire
cette part à seulement 18 % en 1993-1994. Nous sommes
présentement au chiffre que j'ai mentionné.
Depuis qu'ils ont été mis en place, les programmes de
transfert du gouvernement fédéral aux provinces ont
été modifiés à plusieurs reprises. Le
fonctionnement actuel des programmes de transfert aux provinces ainsi que les
coupures effectuées par le gouvernement fédéral ont fait
en sorte que, de plus en plus, les transferts ont progressé plus
rapidement dans les provinces mieux nanties, c'est-à-dire les provinces
qui ne sont pas bénéficiaires de péréquation, pour
les nommer: l'ontario, l'alber-ta, la colombie-britannique. selon les comptes
économiques provinciaux de 1984 à 1989, la croissance moyenne des
transferts a été de 7,2 % dans ces provinces que je viens de
mentionner, et même de 7,8 % en ontario, alors que pour les provinces
bénéficiaires de péréquation, c'a été
plutôt de 6,1 %, au québec, 3,9 %.
Plusieurs facteurs expliquent ces résultats. D'abord, un
désengagement du financement fédéral de la santé et
de l'enseignement postsecondaire par le biais de coupures
répétées et répétées depuis plusieurs
années au programme de financement des programmes établis.
Ensuite, la réduction du rôle redistributif du programme de
péréquation à cause, surtout, de la mise en place d'un
plafond très contraignant, plafond qui a été mis en place
- le député de Labelle doit s'en rappeler - en 1982. Il y a aussi
le maintien des programmes à frais partagés qui favorisent les
provinces dont la capacité de dépenser est élevée
et les coupures qui ont été effectuées dans plusieurs
ententes fédérales-provinciales.
Le gouvernement fédéral participe au financement des
programmes provinciaux de santé et d'enseignement postsecondaire par le
biais du financement des programmes établis. Depuis 1982, Ottawa s'est
désengagé progressivement du programme. Pour la seule
année financière 1991-1992, les coupures à ce programme
représentent un manque à gagner de 1 700 000 000 $ pour le
Québec. Les coupures égales, par habitant, affectent plus les
provinces moins bien nanties car elles ont une capacité moins grande de
lever des impôts. Pour compenser le manque à gagner
résultant de ces coupures, l'effort fiscal requis par les provinces
moins bien nanties, même après péréquation, est de
17 % plus élevé que dans les provinces les mieux nanties. Lorsque
le plafond de la péréquation est atteint, on en revient presque
à une situation où la péréquation n'existe pas.
Dans un tel cas, l'effort exigé pour prélever 1 $
supplémentaire est de 39 % plus élevé pour les provinces
moins bien nanties.
Le gouvernement fédéral finance une part de plus en plus
faible des dépenses provinciales au titre de la santé et de
l'enseignement postsecondaire - j'ai ici les chiffres - de 47,9 %,
peut-être 50 % en 1977-1978. Cette part est descendue à 40,7 % en
1990-1991, c'est-à-dire l'an dernier, et si on projette encore un peu,
1994-1995, on serait rendu à 32,1 %, c'est-à-dire que le
Québec, au lieu de financer 50-50 avec le fédéral, serait
à 68 % pour les coûts, justement, de la santé. À ce
moment-là, avec les coûts de la santé qui augmentent
toujours, ça devient une situation très préoccupante.
En plus de se désengager progressivement du secteur de la
santé et de l'enseignement post-
secondaire, le gouvernement fédéral maintient les normes
imposées aux provinces comme celles de la loi canadienne sur la
santé. Je me réfère en particulier à ce qu'on
appelle la loi C-3. Ces normes constituent pour les provinces une entrave
à la gestion efficace de leurs services publics.
Le programme de péréquation, lui, a comme objectif de
permettre a chaque province... Je viens de parler du FPE, le Financement des
programmes établis dans la santé; ça, c'est un volet des
transferts. Là, j'aborde celui de la péréquation. Le
programme de péréquation, dis-je, a comme objectif de permettre
à chaque province d'offrir des services publics à un niveau de
qualité de fiscalité sensiblement comparable. En 1990-1991, ces
transferts totalisaient 8 200 000 000 $ au Canada, dont 3 700 000 000 $ au
Québec. Lorsqu'on considère les contributions per capita, le
Québec a reçu en péréquation 548 $ en 1990-1991 -
per capita 548 $ - soit la contribution la plus faible après la
Saskatchewan, 537 $. Je parle évidemment des provinces
bénéficiaires de péréquation. Terre-Neuve a
reçu pour la même période 1652 $, alors que le
Québec, encore une fois, recevait 548 $ per capita.
Depuis 1988-1989, le plafond de la péréquation constitue
une contrainte majeure à l'atteinte des objectifs du programme. Le
manque à gagner au Québec résultant du plafond
représente i 700 000 000 $ de 1988-1989 à 1990-1991. ça,
ce n'est pas le même 1 700 000 000 $ dont je parlais tout à
l'heure pour les effets des coupures dans le financement des programmes
établis. ii s'agit là d'un manque à gagner
résultant du plafond de la péréquation.
Même après la péréquation, des écarts
de capacité fiscale importants subsistent. Une fois le plafond atteint,
les provinces bénéficiaires doivent compenser entre elles la
chute de capacité fiscale d'une province. En raison de l'application du
plafond, la croissance des revenus de péréquation a
été, au cours des dernières années, largement
inférieure à la croissance nécessaire pour respecter le
fonctionnement normal du programme et ceci est particulièrement
important, ce problème de péréquation. À ce
moment-ci, alors que nous sommes en récession, si on compare la
situation à la récession de 1981-1982, où le plafond
n'était pas encore en place - il a été mis en place juste
à la sortie de la récession de 1981-1982 - à ce
moment-là, le gouvernement du temps pouvait bénéficier
encore de la péréquation pour des sommes considérables et
même pour des augmentations annuelles de 20 %.
J'aurais aimé parler des programmes - on aura l'occasion de le
faire - à frais partagés également, en particulier le
Régime d'assistance publique du Canada, ce qui touche l'aide sociale,
les autres programmes, les ententes Canada-Québec. Mais je m'en
tiendrai, en concluant, simplement à ceci. Pour le moment, pour
répon- dre à une objection du député de Labelle qui
dit que le gouvernement fédéral n'a pas les moyens... Le
gouvernement fédéral, il l'a dit, est cassé. Mais nous ne
mettons pas l'accent, dans nos négociations, actuellement, la
priorité, sur l'augmentation, c'est sur le réaménagement
et, à ce moment-là, le gouvernement du Québec recevrait sa
part juste et équitable.
Le Président (M. Farrah): Merci, M. le ministre. Alors,
les remarques préliminaires étant terminées, nous sommes
maintenant arrivés aux enveloppes de temps de 5 minutes. Alors, sans
plus tarder, la parole est à vous, M. le député de
Labelle
Argumentation M. Jacques Léonard
M. Léonard: Merci, M. le Président. Je voudrais
revenir aux demandes du Québec de façon générale,
puisqu'on les retrouve année après année. On les avait
formulées dans le discours sur le budget de 1986-1987, à l'annexe
F. On les reformule cette année, je pense, avec moins de force et j'ai
été amené à m'interroger. Il y a des questions que
je voudrais poser au ministre à ce stade-ci. En 1986-1987, lorsqu'il est
revenu aux affaires, dans son premier discours sur le budget, donc en avril
1986, il a formulé des conditions très précises pour les
programmes de transfert du gouvernement fédéral. Je vais vous les
citer. Par exemple, à la page 19 de l'annexe F du budget de 1986-1987,
on dit ceci: Le gouvernement fédéral doit retarder d'un an son
intervention dans le FPE et de véritables négociations
fédérales-provinciales doivent s'ouvrir au plus tôt sur la
base de la proposition du Québec ou de toute autre proposition visant
à un compromis. Je vais un peu plus loin, sur la
péréquation: Par conséquent, le gouvernement du
Québec considère que le programme de péréquation
devrait être modifié à compter du 1er avril 1987 et que la
nouvelle formule devrait favoriser un plus grand rapprochement de la
capacité fiscale des provinces bénéficiaires vers celle de
l'Ontario.
C'est une modification très importante parce que, aujourd'hui, la
péréquation n'est pas établie seulement d'après la
capacité fiscale de l'Ontario, mais d'après celle de cinq
provinces. Élément important: c'est une condition qu'il posait.
Ensuite, il disait que les accords fiscaux devaient tenir compte des
différences de coûts entre provinces résultant du volume
différent des besoins, des versements, d'une assistance sociale aux
particuliers - il parlait, à ce moment-là, du RAPC. Alors, le
gouvernement du Québec propose que le financement des programmes
provinciaux de sécurité du revenu soient amendés dans le
sens de la recommandation du groupe de travail parlementaire sur les accords
fiscaux. C'est une
référence très précise.
Un peu plus loin: Le gouvernement du Québec considère que,
si le gouvernement fédéral n'est plus à même
d'assumer ses responsabilités financières à l'égard
de la santé et de l'enseignement postsecondaire, il doit se retirer de
ces secteurs, moyennant compensation sous forme de points d'impôt
additionnels. Il faudrait, entre autres choses, que le fédéral
réduise l'influence qu'il exerce sur le plan du financement ou de la
gestion directe des régimes provinciaux à caractère
curatif et qu'il laisse, dans toute la mesure du possible, les provinces lever
les fonds requis pour les régimes d'assurance-maladie et contrôler
les dépenses en cette matière. Ça me paraît
exprimé très clairement, encore plus clairement que cette
année.
Au terme de tout ce temps, je me pose la question suivante: Le
gouvernement du Québec - ce sont les questions que j'adresse au ministre
des Finances - a-t-il obtenu des appuis quant à ces propositions qu'il
faisait, à l'époque? Je suppose qu'il les a transmises aux autres
provinces ainsi qu'au fédéral. A-t-il obtenu des appuis? Est-ce
qu'il y a eu un front commun des autres provinces canadiennes par rapport
à ces propositions? Est-ce qu'il y a eu des négociations? Est-ce
qu'il y a eu une entente quelconque? Ça me paraît très
important d'établir ce fait. Au fond, est-ce qu'il y a eu progrès
dans les négociations entre le Québec et le fédéral
ou entre les provinces et le gouvernement fédéral? Je vois bien
qu'il s'agit de références précises. Ces points-là
sont reliés à des travaux qui ont été faits, comme
ceux du groupe de travail parlementaire sur les accords fiscaux à
Ottawa; c'est très précis. (10 heures)
Est-ce que les demandes du Québec, actuellement, sont les
mêmes que celles qui ont été établies en 1986?
Est-ce qu'elles ont été modifiées? Est-ce que ce sont
toujours les mêmes? Est-ce que le Québec espère vraiment
que le gouvernement fédéral va être capable de maintenir sa
contribution financière, compte tenu de la situation des finances
fédérales? Le ministre vient de dire qu'il ne veut pas plus
d'argent; c'est un peu nouveau que nous entendions cela, alors qu'il vient de
dire, quelques minutes auparavant, qu'il se plaignait que le gouvernement
fédéral avait réduit les transferts de 1 700 000 000 $.
Donc, vous vous satisfaites du programme actuel, du montant actuel ou bien vous
en demandez plus? M. le Président, est-ce que le Québec a eu des
appuis? Est-ce qu'il s'est constitué un front commun? Est-ce qu'il
s'agit des mêmes demandes qu'en 1986? Est-ce que vraiment on s'en tient
au plafond financier que le ministre a mentionné tout à
l'heure?
Le Président (M. Farrah): Merci, M. le
député de Labelle. Je cède la parole, maintenant, au
ministre, pour une intervention maximale de 5 minutes.
M. Gérard D. Levesque
M. Levesque: M. le Président, je voudrais tout d'abord
demander au député de Labelle de ne pas interpréter, comme
il vient de le faire, les paroles que j'ai prononcées il y a quelques
minutes. Tout le monde a bien entendu que j'ai parlé de priorité
et non pas d'exclusivité. Je n'ai pas dit non plus que je ne voulais pas
plus de montants versés au Québec dans les transferts. Ce n'est
pas ça que j'ai dit. Je répète ce que j'ai dit. Nous
voulons avoir plus de transferts, évidemment, d'Ottawa aux provinces,
mais nous mettons l'accent, la priorité sur le
réaménagement. Si on avait eu un aménagement qui, à
notre sens, était juste, équitable, le Québec aurait
bénéficié de milliards de plus sans nécessairement
que le fédéral ait à augmenter sa contribution. C'est ce
que j'ai dit. Je le répète, je ne veux pas être
interprété de la façon dont je viens de l'être parce
que c'est injuste...
M. Léonard: Avez-vous des appuis?
M. Levesque:... et c'est manquer, à mon sens, à
notre responsabilité de législateur vis-à-vis d'une
question qui ne devrait pas nous diviser. Au contraire, nous devrions faire,
ici même à l'Assemblée nationale, ce front commun que
souhaite le député de Labelle entre les provinces
bénéficiaires de péréquation. Je dis: Unissons-nous
pour mieux faire comprendre à l'ensemble du pays la situation actuelle.
On retourne à l'annexe du budget de 1986-1987, mais présentement
en 1990-1991 et en 1991-1992, nous sommes à préparer la
période 1992-1997, les nouveaux accords. C'est là, je pense, que
nous devrions ensemble faire front commun, ici à l'Assemblée
nationale, pour faire en sorte que nous n'ayons pas à subir ce qui est,
à mon sens, une incompréhension du rôle du gouvernement
fédéral dans un fédéralisme, dans un régime
fédéral. Même si je critique le gouvernement
fédéral - et cela, pas seulement depuis quelque temps - on sait
que le plafond qui mord présentement très dur dans les transferts
fédéraux, dans ce volet de la péréquation, ce
plafond qui a été placé là, pas l'an dernier ou il
y a cinq ans, mais en 1982, au sortir de la récession de 1981-1982 par
le gouvernement fédéral, c'est ce plafond qui fait mal
présentement. Je dis que, lorsque nous avons de ces
situations-là, nous devons ensemble trouver des moyens, et j'ai
confiance même... On va dire que je suis optimiste encore, mais j'ai
confiance, à cause justement du travail que nous avons fait
particulièrement au Québec, dans les revendications que nous
avons mises de l'avant. Nous avons réussi, je crois, et j'ai de bonnes
raisons de le dire ce matin, à convaincre le gouvernement
fédéral qu'il doit procéder à des changements.
J'aurai l'occasion d'aller un peu plus loin si on me donne le temps de
le faire et de vous indiquer comment j'arrive à la conclusion que le
gouvernement fédéral va procéder, dans ses
négociations en vue des accords fiscaux de 1992-1997, à des
changements qui correspondent davantage à la situation que nous
espérons voir corriger. Dans les circonstances, même s'il y a
changement de ministre au niveau fédéral, je dois dire que mes
relations avec M. Wilson, même si nous n'étions pas d'accord sur
plusieurs questions, ont toujours été empreintes de
cordialité. Mais je crois que, déjà, les rapports que j'ai
eus avec le nouveau ministre fédéral des Finances m'indiquent, au
moment où je vous parie... J'ai l'impression que le chemin parcouru
jusqu'à maintenant avec l'ancien ministre des Finances fera que le
nouveau ministre des Finances fédéral va sûrement tenir
compte dans les prochains accords, je l'espère bien, de la situation des
provinces qui sont bénéficiaires de la
péréquation.
Le Président (M. Farrah): Merci, M le ministre. Alors, je
cède maintenant la parole au député de Limoilou afin de
respecter la séquence au niveau du débat. Alors, M. le
député de Limoilou, la parole est à vous.
M. Michel Després
M. Després: Merci, M. le Président. J'aimerais
prendre les quelques minutes qui me sont allouées pour vous parler de
l'historique du fonctionnement et du financement fédéral dans le
domaine de la santé et de l'enseignement postsecondaire, ainsi que des
montants en jeu dans le cadre du financement des programmes établis en
1977. Le FPE comme on l'appelle, c'est-à-dire le financement des
programmes établis en vertu de la loi de 1977 sur les accords fiscaux
entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur les
contributions fédérales en matière d'enseignement
postsecondaire et de santé... Avant 1977, le gouvernement
fédéral n'a cessé d'augmenter sa présence dans le
financement de l'éducation postsecondaire et de la santé en
offrant un soutien financier aux provinces sous la forme de programmes,
à ce moment-là, à frais partagés.
Parlons tout d'abord de l'évolution de la contribution
fédérale à l'enseignement postsecondaire, comment le
gouvernement fédéral a commencé à participer au
financement des dépenses d'enseignement postsecondaire en 1951 en
allouant un montant égal per capita à toutes les provinces afin
de supporter les universités. En 1967, ces subventions per capita furent
remplacées par un mode de financement différent. Les provinces
avaient le choix de recevoir 50 % des frais de fonctionnement de leurs
établissements d'enseignement postsecondaire ou un montant de 15 $ par
habitant, indexé par la suite en fonction de l'évolution des
dépenses dans l'ensemble des provinces.
En 1973, un plafond de 15 % à la croissance annuelle totale des
contributions fédérales à l'enseignement postsecondaire a
été instauré mettant ainsi fin à la formule de
partage des frais à 50 %, telle qu'établie en 1967.
Du côté de la santé, les paiements accordés
aux provinces à ce titre sont effectués en vertu de deux
programmes distincts: la Loi sur l'as-surance-hospitalisation et la Loi sur les
soins médicaux. La Loi sur l'assurance-hospitalisation a
été introduite en 1957 et la formule adoptée par le
gouvernement fédéral fut la suivante: 25 % du coût par
habitant des services hospitaliers assurables, calculé d'après
une moyenne canadienne, plus 25 % du coût par habitant des mêmes
services calculés pour chacune des provinces.
Cette formule avait pour résultat d'attribuer aux provinces dont
les dépenses per capita étaient inférieures à la
moyenne nationale une aide financière équivalant à plus de
50 % de leurs frais d'exploitation. La Loi sur les soins médicaux,
l'assurance-maladie, prévoyait un transfert financier équivalant
à 50 % des coûts des services assurés dans l'ensemble du
Canada, répartis dans chaque province au prorata de sa population.
Lors des arrangements fiscaux de 1977, une nouvelle formule de
financement des programmes d'assurance-hospitalisation, d'assurance-maladie et
d'enseignement postsecondaire est entrée en vigueur. La formule retenue
consistait en une contribution totale, laquelle devait progresser au rythme de
l'économie plutôt qu'au rythme des dépenses liées
à la santé et liées à l'enseignement
postsecondaire. Les objectifs visés étaient alors la
stabilité, la prévisibilité de la contribution
fédérale; deuxièmement, garantir au gouvernement
fédéral que sa contribution ne serait plus sujette à la
croissance des dépenses des provinces; troisièmement, accorder
plus de flexibilité aux provinces et, enfin, les économies
réalisées par une meilleure gestion provinciale ne se
traduiraient pas par une réduction des transferts.
De façon plus simplifiée, la formule initiale du FPE
prévoyait une contribution totale égale à la contribution
fédérale par habitant en 1975-1976 pour les trois programmes
concernés, indexée selon la croissance du PNB et
multipliée par la population de la province.
Depuis 1982, le gouvernement fédéral s'est
désengagé du financement de la santé et de l'enseignement
postsecondaire en imposant des coupures par habitant, en particulier dans les
budgets fédéraux de février 1990 et de février
1991. La contribution de base par habitant a été gelée au
niveau de 1989-1990 pour les années 1990-1991 et cela, jusqu'en
1994-1995. Ainsi, pour cette période, la contribution totale par
habitant dans chaque province demeurera inchangée.
Compte tenu de la part qu'occupe ce programme au Canada, il ne permet
pas un degré
de redistribution entre les provinces suffisamment équitable
depuis 1982. Ainsi, la dynamique de ce programme devrait être revue, M.
le Président, pour faire en sorte, à tout le moins, que les
montants versés aux provinces, au titre de la santé et de
l'éducation postsecondaire, tiennent compte de la capacité
fiscale des provinces. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Farrah): Merci, M. le
député de Limoilou. Maintenant, je cède la parole au
député de Labelle.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: Merci, M. le Président. Je voudrais
revenir à une question au ministre des Finances et lui rappeler celle
que je posais tout à l'heure. Étant donné qu'il dit que le
fédéral n'aurait pas à mettre plus d'argent
là-dedans mais que, compte tenu d'un meilleur arrangement, les sommes
allouées aux provinces pourraient l'être de façon
différente, de façon à favoriser les moins bien nanties et
de façon que les mieux nanties paient plus, ma question, je la repose.
Elle était dans ce contexte. J'avais bien compris. Quels sont ses
appuis? A-t-il réussi à constituer un front commun? A-t-il des
indices qui lui permettent de croire que sa position peut réussir? Elle
a été énoncée en 1986-1987 et nous sommes en
1991-1992. D'après ce qu'on lit dans le dernier discours sur le budget,
il n'y a pas eu de progrès.
Je voudrais aussi dire un certain nombre de choses et lui lire la page
21 du discours sur le budget fédéral, le dernier discours sur le
budget, qui dit ceci. Le ministre des Finances, M. Wilson, avant de partir, a
dit ceci: "Je reconnais qu'une limitation de la croissance des transferts au
titre du financement des programmes établis peut amener à se
préoccuper de la capacité du gouvernement fédéral
de continuer à faire respecter les principes nationaux régissant
l'assurance médicale aux termes de la loi canadienne sur la
santé. Des mesures législatives seront présentées
afin que le gouvernement fédéral garde les moyens de faire
observer ces principes nationaux de soins de santé. Les principes de la
loi canadienne sur la santé ne seront pas compromis." Donc, on voit
très bien que le gouvernement fédéral, même s'il
limite la croissance des transferts - cela indique très
vraisemblablement que ça ne suivra pas la croissance économique
au Canada - entend, par législation, imposer des normes en ce qui
regarde les programmes à frais partagés, pas les programmes
à frais partagés, mais le financement des programmes
établis, la santé et l'éducation.
Donc, je pense que nous avons là des indications très
précises du gouvernement fédéral, très, très
précises. Est-ce que sa position a avancé ou reculé?
Est-ce qu'il a des appuis? Est-ce qu'il a constitué un front com- mun?
Je pense qu'il faut aussi constater que, dans le financement des programmes
établis, on conçoit ou on perçoit que la part est de plus
en plus grande pour la santé et l'enseignement, dans l'ensemble des
transferts fédéraux, pourrait-on dire, et qu'il y en a de moins
en moins pour le développement économique. (10 h 15)
Au fond, la nature des demandes du Québec consiste à
vouloir modifier les programmes à l'échelle canadienne. La
question, c'est: Est-ce que c'est acceptable pour le reste du Canada? Est-ce
que les autres provinces suivent le ministre des Finances du Québec?
Cinq ans après avoir énoncé ces principes, peut-il nous
dire s'il y a progrès dans ces négociations? Il me semble que ce
serait le moment de faire le bilan. C'est important. On parle d'une somme de 7
000 000 000 $. Est-ce que cette somme est plafonnée pour toujours?
Est-ce que les critères qui en gèrent la distribution sont
finalement figés? De plus, est-ce que le ministre a pris conscience que
le gouvernement fédéral va imposer, par législation, ses
normes sans augmenter sa contribution? C'est ça qu'il dit, à
toutes fins pratiques, dans son discours sur le budget du 21 avril dernier.
Moi, je pense que le ministre fait face à une situation qui me
semble assez claire de la part du gouvernement fédéral. Ça
ne bouge pas et, en plus, le gouvernement fédéral a plutôt
tendance à se raidir en imposant des normes, quel que soit son niveau de
financement. Un coup qu'il aura déposé une telle loi, je pense
qu'après il n'y aura plus de limites. C'est une intrusion
considérable. De toute façon, c'est un autre aspect des choses.
C'est un aspect constitutionnel, mais qui a des relations très
précises avec le niveau des programmes de transfert des fonds
fédéraux. Je repose donc ma question au ministre. Compte tenu de
l'évolution du désengagement fédéral, a-t-il eu des
appuis dans les autres provinces canadiennes? A-t-il réussi à
faire un front commun? Lui-même, a-t-il maintenu les demandes qu'il a
posées ou les propositions qu'il a faites en 1986 au gouvernement
fédéral et aux autres provinces?
Le Président (M. Farrah): Merci, M. le
député de Labelle. Je reconnais immédiatement M. le
ministre des Finances.
M. Gérard D. Levesque
M. Levesque: M. le Président, je réitère,
pour qu'on soit bien compris, que nous demandons - nous le demandons comme c'a
été demandé d'ailleurs par les anciens gouvernements,
même celui dont faisait partie le député de Labelle - une
augmentation des transferts du gouvernement fédéral aux
provinces. Mais nous mettons la priorité - je le répète -
sur le réaménagement basé sur l'équité,
basé sur la
Constitution de 1982 également, particulièrement dans le
domaine de la péréquation. Pour vous donner un exemple, je vous
réfère à l'annexe E, à la page 8, du budget de
1991-1992. Je vous prie de lire ceci si ça vous a échappé:
La structure des programmes de transfert a donc conduit à une croissance
rapide des dépenses dans les provinces mieux nanties. Ces
résultats ont rendu nettement plus difficile l'atteinte des objectifs
économiques et financiers du gouvernement fédéral. Si les
provinces mieux nanties - nous parlons de ces trois provinces qui ont une
capacité fiscale supérieure à la moyenne - avaient
enregistré une croissance annuelle moyenne égale à celle
du Québec, soit 3,9 % entre 1984 et 1989, c'est 2 300 000 000 $ de
moins, pour la seule année 1989, qui auraient été
versés à ces provinces. Le gouvernement fédéral
aurait alors mieux rencontré ses objectifs financiers et n'aurait pas eu
à effectuer des coupures de l'ampleur de celles qu'on a connues.
Là, ça touche directement le réaménagement sans que
cela ne coûte un sou de plus au gouvernement fédéral. C'est
là que j'arrive avec la priorité du réaménagement
sans mettre de côté ce que, normalement, un gouvernement est
prêt à supporter, qu'il soit de l'Est, de l'Ouest ou du Centre,
c'est-à-dire une augmentation des transferts fédéraux.
mais, tout de même, j'aimerais répondre d'une façon plus
précise à la question que réitère le
député de labelle. est-ce qu'il y a, disons, un front commun?
est-ce que le québec reçoit des appuis? bien, je dois vous dire,
tout d'abord, que ces appuis sont d'autant plus évidents que le
système lui-même fait mal aux provinces
bénéficiaires de la péréquation. le plafond existe
depuis 1982 en péréquation, mais il a commencé à
mordre en 1990-1991 et encore en 1991-1992, d'une façon où on
peut dire que ça fait réellement mal, alors, c'est clair que les
provinces bénéficiaires de la péréquation qui
traversent, comme les autres, présentement, une situation difficile
dénoncent, et cela dans tous les budgets... vous allez retrouver dans
pratiquement tous les budgets des provinces qui sont disponibles, au moment
où je vous parle, cet appui à la position du québec,
même s'il n'est pas explicite dans le sens: nous appuyons le
québec. mais les principes que ces provinces appuient sont les
mêmes que ceux qui font l'objet de nos revendications. le québec a
commencé peut-être avant, parce que nous voyions venir ces
choses-là, et nous avons, dès 1986-1987, et même le
gouvernement antérieur... je peux vous citer des extraits de budgets
depuis 1982 où même l'ancien gouvernement prévoyait qu'il
allait se passer quelque chose d'inacceptable s'il n'y avait pas de changements
qui pouvaient assurer une distribution plus équitable.
Du côté du plafond de la péréquation, oui, il
y a des appuis, oui, il y a une unanimité chez les provinces
bénéficiaires de la péréquation, mais il y a
également une vaste majorité de provinces qui ne veulent pas de
ces normes fédérales qui nous empêchent de mieux
gérer les programmes que nous avons justement à administrer.
Le Président (M. Farrah): Alors, merci, M. le ministre des
Finances. Je reconnais maintenant M. le député de
Lotbinière.
M. Lewis Camden
M. Camden: M. le Président, je profite de cette
interpellation pour vous entretenir d'un sujet qui est au coeur des frictions
fédérales-provinciales depuis plusieurs années. Il s'agit
des nombreuses coupures que le gouvernement fédéral a
effectuées dans le financement des programmes établis depuis
1982.
L'instauration du financement des programmes établis, en 1977,
était la première étape du désengagement
fédéral. En effet, avec le transfert global du financement des
programmes établis, la contribution du gouvernement
fédéral à la santé et à l'enseignement
postsecondaire devenait indépendante des coûts encourus par les
provinces à l'égard de ces programmes.
Depuis 1982, les coupures dans le financement des programmes
établis se sont multipliées et résultent, à
l'égard de la seule année 1991-1992, en un manque à gagner
de 1 700 000 000 $ pour le Québec. Ces coupures dans le financement des
programmes établis ont toutes pris la forme d'une réduction
égale par habitant de la contribution fédérale. Par
exemple, la dernière mesure de restriction du gouvernement
fédéral, le gel de la contribution par habitant au niveau de
1989-1990, coûte à elle seule 378 000 000 $ au Québec en
1991-1992.
M. le Président, des coupures égales par habitant sont
inéquitables car elles touchent plus durement les provinces moins bien
nanties. En effet, pour compenser le manque à gagner résultant
des coupures du gouvernement fédéral dans le financement des
programmes établis, les provinces moins bien nanties doivent fournir un
effort fiscal de 17 % plus élevé que celui des provinces mieux
nanties. Ceci est dû au fait que le revenu moyen des contribuables d'une
province moins bien nantie est inférieur à celui des
contribuables des provinces mieux nanties.
Je dois même ajouter que cette estimation de l'effort
supplémentaire qui tient compte du fait que les provinces moins bien
nanties reçoivent de la péréquation est très
conservatrice. En réalité, depuis que le plafond de la
péréquation est atteint, ces revenus supplémentaires que
doivent obtenir les gouvernements provinciaux ne résultent plus en des
hausses de leurs paiements de péréquation. Pour cette raison,
depuis 1988-1989, la première année d'application du plafond,
l'effort supplémentaire du Québec n'est pas de 17 %, mais de 35
%. Ceci signifie, M. le Prési-
dent, qu'en 1991-1992 le Québec doit demander aux citoyens un
effort fiscal additionnel évalué à 285 000 000 $ de plus
que ce que doivent prélever les provinces mieux nanties simplement pour
compenser l'effet des coupures dans le financement des programmes
établis.
Cependant, bien qu'il ait réduit substantiellement sa
participation financière à la santé et à
l'enseignement postsecondaire, le gouvernement fédéral maintient
l'imposition de normes nationales, notamment dans le secteur de la
santé. En effet, la loi canadienne sur la santé, adoptée
en 1984, impose aux provinces le respect de critères qui, lorsque
interprétés de façon restrictive, deviennent des
contraintes à la gestion efficace. D'ailleurs, de juillet 1984 à
avril 1987, le gouvernement fédéral avait pénalisé
financièrement, à même le transfert du financement des
programmes établis, les provinces qui permettaient la surfacturation ou
qui utilisaient des tickets modérateurs. En avril 1987, toutes les
provinces s'étaient pliées aux exigences de la loi. Les sommes
retenues ont donc été remboursées intégralement
mais le gouvernement fédéral n'est pas disposé à
faire preuve de flexibilité.
M. le Président, je trouve que le gouvernement
fédéral adopte une attitude de confrontation en renforçant
le maintien des normes simultanément au gel du financement des
programmes établis. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Farrah): Merci, M. le
député de Lotbinière. Je reconnais maintenant M. le
député de Labelle.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: M. le Président, j'essaie de concilier
le discours du ministre des Finances avec celui du député de
Lotbinière que nous venons d'entendre où il accuse le
fédéral, finalement, de faire de la confrontation. En tout cas,
peut-être que le ministre aura l'occasion de rectifier, mais j'aimerais
revenir à la question que j'ai posée au ministre des Finances:
A-t-il des appuis? Au fond, l'envers, c'est: A-t-il des oppositions
à ces propositions? En réalité, si elles n'ont pas avance
plus que ce que nous devons constater ce matin, c'est qu'il y a vraiment des
oppositions et du fédéral et, vraisemblablement, d'autres
provinces. Je m'explique. Par exemple, l'Ontario qui vient de déclarer
un déficit de 9 700 000 000 $, va-t-il accepter que le
fédéral coupe ses paiements de transfert à l'Ontario de 1
000 000 000 $ pour le donner aux provinces moins bien nanties, dont le
Québec? Ne pensez-vous pas que vous aurez des oppositions majeures sur
ce plan-là?
D'autre part, je rappelle la page 21 du discours du ministre des
Finances, M. Wilson, récemment, que j'ai lu tout à l'heure. Ils
veulent légiférer pour maintenir des normes
fédérales, même si les provinces s'y opposent, et il le
sait, il le reconnaît d'avance que la limitation de la croissance des
transferts va amener une opposition des provinces au maintien des normes. Ce
qu'il dit, c'est qu'ils vont légiférer pour maintenir les normes,
malgré que les transferts n'augmentent pas selon le rythme de la
croissance économique. Je pense que ça, c'est une constatation
très importante qu'il faut faire. Faut-il rappeler aussi que la
technique du gouvernement fédéral a toujours été la
même. Il a mis en place un programme, il a financé, fait miroiter
des sommes importantes et il a par la suite établi des objectifs,
établi des politiques et établi des normes. Au bout d'un certain
temps, il s'en sort. C'est ce qu'il fait avec le financement des programmes
établis. Nous le voyons très bien. Il a amené les
provinces à financer des standards de comportement, des standards
d'administration de ces programmes de santé et d'éducation. Le
ministre l'a rappelé tout à l'heure, 47,9 %, puis maintenant, il
réduit sa part de financement à 32 %. C'est la même
technique partout. Dans le domaine de la recherche, c'est la même chose.
Il a financé l'instauration de fonds de recherche, d'équipes de
recherche, de centres de recherche sur cinq ans et, au bout de cinq ans, il
s'en est sorti alors que les provinces ont été amenées
à prendre le relais du fédéral.
De la même façon, le ministre ne trouve-t-if pas
inquiétant le dernier discours du trône du gouvernement
fédéral selon lequel le gouvernement fédéral a
l'intention de s'ingérer dans le domaine de l'éducation et
là, je pense, même au plan primaire, au plan secondaire, de sorte
qu'il y aura des standards nationaux? Au nom de toute une série de
grands principes... Tout le monde a entendu hier le ministre Valcourt du
fédéral, et puis c'est rapporté dans les journaux de ce
matin, en particulier dans Le Devoir. Je le cite tout simplement de
mémoire: L'acquisition du savoir, ce n'est pas la compétence
exclusive d'une juridiction. Le savoir, c'est l'affaire de tout le monde, a
affirmé le ministre dans une entrevue à Radio-Canada. (10 h
30)
Un peu plus loin: M. Valcourt est également un des ministres les
plus à l'aise avec la notion d'un plus grand rôle
fédéral, d'un rôle plus important en éducation. Nous
ne sommes pas des mangeurs de juridiction, a juré Bernard Valcourt,
hier, en promettant que sa mission s'accomplirait dans le respect des
compétences provinciales. Les provinces sont maîtres de la
juridiction sur l'éducation, elles pourront ne pas vouloir se donner des
normes nationales, mais l'on sait que la technique, c'est de mettre en place un
programme de financement dans lequel les provinces sont politiquement
amenées à s'embarquer et après, il se désengage,
après avoir fixé des normes. Le ministre fédéral,
dans son discours sur le budget, a indiqué qu'il
légiférerait pour maintenir l'application de ces normes, quel que
soit le niveau des transferts fédéraux vers les
provinces. Ça, je pense que c'est une constatation très
importante qu'il faut faire. Encore une fois, cela indique - puis je pense que
je vais aider le ministre à être plus précis dans ses
réponses... Quels sont ses appuis par rapport à ces propositions
qu'il a faites depuis cinq ans et qui n'ont pas l'air de bouger?
Le Président (M. Farrah): Je remercie M le depute de
Labelle. M. le ministre des Finances
M. Gérard D. Levesque
M. Levesque: M. le Président, c'est évident que les
provinces bénéficiaires de la péréquation,
c'est-à-dire les sept provinces en question, ont manifesté dans
leur budget de cette année un appui non équivoque à la
position que nous avons tenue. C'est celle du Québec et cela, depuis
quelques années. Même le gouvernement fédéral a non
pas seulement indiqué, mais il a pris des mesures pour tenter de
corriger, mesures encore trop timides mais des mesures, tout de même, qui
indiquent que le message du Québec s'est rendu à destination.
Disons qu'on n'a qu'à se référer au même discours du
ministre fédéral des Finances, et je cite: Les mesures de ce
budget ramènent la croissance des transferts
fédéraux-provinciaux à un niveau conforme aux
réalités financières de l'heure. Cependant, il est
également temps de nous demander si le système de transferts et
d'accords fiscaux ne pourrait pas être réformé de
manière à mieux répondre aux défis, aux
priorités et aux besoins nouveaux des années quatre-vingt-dix et
du siècle prochain.
Nous voulons nous assurer qu'à l'avenir le système de
transfert assure le partage des possibilités et des avantages permis par
la Confédération, soutienne un Canada plus efficient et plus
compétitif et maintienne les principes et les normes sur lesquels
s'appuie la citoyenneté canadienne, tout en respectant la liberté
d'action des provinces, tout en respectant la liberté d'action des
provinces. Les pourparlers sur la mise à jour et le renouvellement de la
péréquation sont déjà bien lancés et se
poursuivront dans le cadre de ce processus plus large. Ce n'est pas un langage
que nous aurions entendu il y a deux, trois ou quatre ans, c'est un langage
nouveau de la part du ministère fédéral des Finances et de
son titulaire, qui indique justement que le travail fait
particulièrement par le Québec en cette matière arrive
à des résultats au moins verbaux pour le moment. Nous
espérons des résultats concrets pour les accords de
1992-1997.
Un autre exemple de cela pour établir ou rétablir une
certaine équité entre le traitement que l'on donne aux provinces
bénéficiaires de la péréquation par rapport aux
provinces les mieux nanties, c'est la disposition qui a été prise
par le gouvernement fédéral dans ce programme qu'on appelle le
Régime d'assistance publique du
Canada, qui touche l'aide sociale. On a vu que le gouvernement
fédéral a mis, l'an dernier, dans son budget, un plafond. Non pas
un plafond destiné aux provinces les moins nanties,
bénéficiaires de la péréquation, mais un plafond au
versement de ces transferts touchant l'aide sociale, le Régime
d'assistance publique du Canada. Ce plafond de 5 % a été
placé là pour les provinces les mieux nanties. Donc, encore une
fois, le message fait son chemin. J'ai bien confiance que, dans l'approche et
dans les travaux qui se font présentement au niveau des fonctionnaires
des diverses provinces avec les fonctionnaires du gouvernement
fédéral, avec le ministère fédéral des
Finances, nous arriverons sans doute - et je dis sans doute... Je n'ai aucun
doute qu'il va y avoir des changements. J'espère que ces changements
seront de nature à rendre ces transferts plus équitables dans le
contexte actuel. Quant aux questions d'éducation, j'aurai l'occasion de
revenir sur le sujet. Je vois que mon temps est déjà
écoulé.
Le Président (M. Farrah): Merci, M. le ministre des
Finances. Je reconnais maintenant M. le député de Champlain pour
une période maximale de 5 minutes.
M. Pierre A. Brouillette
M. Brouillette: Merci, M. le Président. Mon interpellation
portera sur la péréquation. Le programme de
péréquation vise à permettre à chaque province
d'offrir aux citoyens des services publics à un niveau de qualité
et de fiscalité sensiblement comparable. Pour ce faire, des paiements
annuels inconditionnels sont versés aux provinces moins nanties de
façon que leur capacité fiscale, c'est-à-dire le rendement
qu'elles peuvent tirer de toute une gamme d'impôts et de taxes, soit
augmentée au niveau de celle d'une norme préétablie.
Depuis 1982, le principe de la péréquation a
été inscrit dans la Loi constitutionnelle - paragraphe 36-2.1 -
ce qui confère au programme un caractère permanent. Le
caractère inconditionnel des paiements de péréquation
signifie que chaque province bénéficiaire est libre d'utiliser
ces fonds d'après ses besoins et ses priorités propres. Les
transferts au titre de la péréquation sont établis au
moyen d'une formule qui, pour chaque source de revenu considérée,
compare la capacité fiscale ou la richesse des provinces à la
capacité fiscale moyenne de la norme constituée de cinq provinces
dites représentatives. Ces cinq provinces sont le Québec,
l'Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique.
Une province qui a une capacité fiscale inférieure
à celle de la norme reçoit des paiements de
péréquation de façon à compenser pour sa
déficience fiscale. Après péréquation, les
provinces bénéficiaires ont toutes une capacité fiscale
égale à celle de la norme. Présentement,
sept provinces ont droit à des paiements de
péréquation, soit Terre-Neuve,
l'île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Ecosse, le
Nouveau-Bruns-wick, le Québec, le Manitoba et la Saskatchewan.
Aux fins de la péréquation, la capacité fiscale
d'une province est mesurée à partir d'une assiette fiscale
définie de façon à représenter le régime de
taxation pour l'ensemble des provinces. Par exemple, dans le cas des taxes
générales de vente, l'assiette fiscale représentative est
constituée des ventes au détail par province ajustées pour
les éléments généralement assujettis ou
exemptés par les provinces.
En 1990-1991, les transferts fédéraux au titre de la
péréquation ont atteint 8 200 000 000 $, dont 3 700 000 000 $ au
Québec. Lorsqu'on considère les contributions par habitant,
Terre-Neuve a reçu 1652 $, le montant le plus élevé, alors
que le Québec a reçu 548 $, soit la contribution la plus faible
parmi les provinces bénéficiaires après la
Saskatchewan.
Le programme de péréquation comporte deux restrictions
à la croissance des paiements. Ces restrictions ont été
introduites en 1982. Une disposition de plafond stipule que les droits de
péréquation de l'ensemble des provinces
bénéficiaires, à l'égard d'une année
financière, ne peuvent croître plus rapidement que
l'économie canadienne telle que mesurée par le produit national
brut, par rapport à une année de base qui est 1987-1988. Lorsque
les droits de péréquation croissent à un rythme
supérieur au PNB, l'excédent des droits, calculés selon la
formule sur les droits plafonnés, est retranché à chaque
province selon sa part de population dans les provinces
bénéficiaires, ce qui représente 60 % pour le
Québec.
Le plafond de la péréquation s'applique à
l'égard de 1988-1989 et aux années subséquentes et
entraîne un manque à gagner considérable pour les provinces
bénéficiaires. Pour le Québec, le manque à gagner
est de 1 700 000 000 $ pour la période de 1988-1989 à 1990-1991,
ce qui représente pour l'année 1988-1989 un manque à
gagner de 300 000 000 $, pour 1989-1990 656 000 000 $ et pour 1990-1991 777 000
000 $, ce qui fait un total de 1 733 000 000 $.
En raison de l'application du plafond, les écarts de
capacité fiscale déjà importants qui existent entre les
provinces bénéficiaires et non bénéficiaires sont
accentués. Après prise en compte du plafond, les provinces non
bénéficiaires ont une capacité supérieure de 16,7 %
à celle des provinces bénéficiaires pour prélever
les impôts. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Farrah): Merci, M. le
député de Champlain. Je reconnais maintenant M. le
député de Labelle.
M. Jacques Léonard M. Léonard: Oui, M. le
Président, j'ai bien noté dans la réponse du ministre des
Finances qu'il a dit que les provinces bénéficiaires de la
péréquation l'appuyaient. Cela lui semblait évident, et
j'imagine qu'il a raison, je pense. On pourrait vérifier dans chacune
des provinces mais, en principe, je pense qu'il a raison. Mais ce qu'il admet
implicitement en disant cela, c'est que celles qui ne bénéficient
pas de la péréquation s'opposent. L'Ontario qui perdrait de
l'argent s'oppose nécessairement, l'Alberta et la Colombie-Britannique
s'opposent, et je pense que ce sont celles qui ne bénéficient pas
de la péréquation. Donc, ça me paraît un point
acquis.
La question devient très politique aussi, c'est la
capacité politique du gouvernement fédéral d'imposer
à une province comme l'Ontario, un réarrangement fiscal qui va
lui drainer des fonds. Là, je pense qu'on peut se la poser, cette
question, elle est majeure et, à mon sens, c'est là où
ça bloque. En réalité, depuis un certain nombre
d'années on voit très bien, comme le dit le ministre des
Finances, que ce sont les provinces riches, finalement, qui en
bénéficiaient davantage et que le gouvernement
fédéral n'est pas allé à rencontre de cette
tendance. Bref, il y a quand même matière à
réflexion considérable.
D'autre part, je voudrais - puisque le ministre a indiqué qu'il
parlerait d'éducation - simplement lui rappeler que le gouvernement
fédéral, dans son discours du trône, a indiqué qu'il
voulait s'assurer qu'en matière d'éducation il y ait des normes,
que les Canadiens dans l'ensemble devaient avoir une formation d'un certain
niveau. Je pense que dans l'entendement général on va être
d'accord avec ça. La question, c'est: Est-ce que c'est lui qui doit s'en
mêler? Est-ce que M. Valcourt doit s'en mêler? Puis, M. Valcourt
qui est, comme on l'a présenté, pratiquement l'homologue
fédéral du ministre de l'Éducation de chacune des
provinces, n'a aucune juridiction. Mais le fédéral, par son
pouvoir de dépenser, va s'introduire dans ce secteur. C'est ça,
dont il est question. Je pense que nous touchons là au lien qu'on doit
faire - qui est évident - entre toutes les matières
constitutionnelles et les finances du fédéral et du
Québec. Nous y touchons du doigt. Le gouvernement fédéral
va mettre en place un programme au nom de son pouvoir de dépenser. Il va
imposer des normes, et quand on dit que le gouvernement fédéral
n'imposera pas de normes et que les provinces sont libres, je le
réfère encore une fois à la page 21 du discours de M.
Wilson qui dit qu'il va légiférer pour s'assurer que ces normes
sont respectées, quel que soit le niveau du financement.
Nous touchons-là, de façon évidente, la relation
entre les compétences constitutionnelles, les problèmes
constitutionnels que nous avons, les finances du gouvernement
fédéral et des gouvernements des provinces. Nous y touchons.
La question, c'est que je pense que le ministre des Finances va
être amené à se commettre. Il ne dit rien sur les questions
constitutionnelles. Tous ses collègues en partent mais lui-même
demeure silencieux. À mon sens, il est un des principaux
intéressés dans ces questions constitutionnelles et
financières à cause de la relation évidente entre les
deux. (10 h 45)
Je pense qu'au fond ça va poser une question fondamentale: Est-ce
que le Québec veut, lui, avoir ses programmes d'éducation,
maintenir sa juridiction exclusive en matière d'éducation ou s'il
va laisser aller? Est-ce qu'il va pouvoir maintenir l'universalité de
ses programmes en matière de santé, la gratuité de ses
services en matière d'éducation et de santé? Ça,
c'est une question de fond. Est-ce que, finalement, tout cela, les normes du
fédéral seront compatibles avec les objectifs que le
Québec veut se donner, est en droit de se donner et doit se donner?
Est-ce que c'est compatible? En d'autres termes, est-ce que le Québec,
lui, va imposer son modèle aux autres provinces ou bien s'il va se faire
imposer son modèle par les autres provinces via le gouvernement
fédéral? Nous sommes au coeur d'une question à deux
volets, l'un constitutionnel, l'autre financier, les capacités fiscales
de chaque province et de l'ensemble du Canada. Nous y touchons et je pense que
le ministre de l'Éducation, il me semble, devrait faire le point, un
point très clair, sur cette question.
Le Président (M. Farrah): Merci, M. le
député de Labelle. M. le ministre des Finances.
M. Gérard D. Levesque
M. Levesque: Je me demande si le député de Labelle
annonce une interpellation au ministre de l'Éducation. Évidemment
que...
M. Léonard: ...lapsus, mais en l'occurrence...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Léonard: ...vous me le permettrez.
M. Levesque: Enfin, je transmettrai le message au ministre de
l'Éducation. Parlant d'éducation, justement, ce n'est pas la
première fois que le gouvernement fédéral, par son pouvoir
de dépenser, intervient dans ce domaine-là. Il faut remonter
à plusieurs années pour songer, par exemple, à l'aide
financière aux universités. Lorsque l'on pense au financement des
programmes établis, il y a là une partie de ce transfert qui
s'adresse à l'enseignement supérieur, à l'éducation
postsecondaire. Cependant, cette annonce, certainement, nous rendrait
réellement perturbés, si vous voulez, si on devait donner suite
à des mesures qui sont décrites ou appréhendées par
le député de Labelle. J'aime mieux penser que l'assurance
donnée par le premier ministre du Canada au premier ministre du
Québec à cet égard fera en sorte qu'il n'y aura aucune
intervention ou interférence de la part du gouvernement
fédéral en matière d'éducation. Si on songe aux
normes, c'est sûr que le gouvernement fédéral, qui est en
train de se désengager dans le financement des programmes établis
touchant la santé et l'éducation supérieure, serait bien
malvenu d'établir des normes, surtout dans un domaine qui n'est pas de
sa juridiction, une juridiction clairement exclusive des provinces. Alors,
c'est sûr que nous allons surveiller ça de très
près, que nous allons être extrêmement vigilants, mais cela
n'empêche pas que l'on puisse souhaiter que les transferts
fédéraux en cette matière qui ne datent pas d'aujourd'hui
soient plus conformes aux besoins des provinces, que ce soit en matière
de santé ou en matière d'enseignement supérieur. Mais que
ces transferts se fassent avec le plein respect des juridictions,
particulièrement de la juridiction exclusive du Québec, en cette
instance, dans le domaine de l'éducation.
Cela étant dit, je reviens à la question que me pose le
député de Labelle sur l'appui ou le non-appui des provinces non
bénéficiaires de la péréquation. Le
député de Labelle décrit une situation que son imagination
l'a amené à construire, il nous dit: II est clair... J'arrive
à la conclusion que les trois provinces non bénéficiaires
de la péréquation - l'Ontario, la Colombie-Britannique et
l'Alberta - sont absolument contre la position du Québec. Or, les
années que j'ai vécues avec les réunions
fédérales-provinciales réunissant le ministre
fédéral des Finances et mes collègues des autres
provinces, l'expérience que j'ai vécue, ce n'est pas ça.
Il y a une attitude très comprehensive de la part des autres provinces
et il y a même des appuis. Par exemple, on sait que la
Colombie-Britannique n'est pas du tout d'accord avec le régime des
programmes à frais partagés. On sait que les quatre provinces de
l'Ouest, par exemple, ont demandé qu'il y ait des changements
considérables, que ces transferts financiers se traduisent plutôt
par des transferts de points d'impôt, exactement comme la position
traditionnelle du Québec. Alors, il y a là des appuis, venant
particulièrement de l'Alberta, aux positions du Québec.
Quant à l'Ontario, je peux parler du régime
antérieur mais, là, je suis un peu dans l'attente pour voir
quelle sera la position du nouveau gouvernement de l'Ontario. Ça, je ne
voudrais pas... Mais, jusqu'à maintenant, disons, jusqu'au moment
où je vous parie, la situation a été une situation de
respect de la part de ces provinces-là qui pourraient, si on suit la
trajectoire du député de Labelle, dire que non, on serait
contre
ces positions prises par les provinces bénéficiaires de la
péréquation.
Le Président (M. Farrah): Merci, M. le ministre des
Finances. Je reconnais M. le député de Prévost.
M. Paul-André Forget
M. Forget: M. le Président, une des difficultés
auxquelles les provinces font face vis-à-vis du gouvernement
fédéral provient de son désengagement progressif et de
l'incertitude qui pèse sur l'avenir de nombreux programmes conjoints
dans des secteurs où il avait incité les provinces à
s'engager financièrement. En effet, outre les trois grands programmes de
transfert aux provinces - péréquation, financement des programmes
établis et Régime d'assistance publique du Canada - il existe de
nombreuses formes d'engagement du gouvernement fédéral dans les
provinces, soit par des garanties de prêts, des prix
privilégiés et des versements directs à des
bénéficiaires.
Toutefois, un grand nombre de programmes comportent également des
transferts intergouvernementaux aux fonds consolidé des gouvernements
provinciaux. En 1990-1991, le Québec comptait plus de 50 ententes pour
lesquelles il percevait des revenus de transfert. Même s'ils ont une
importance moindre que l'enveloppe budgétaire fédérale
consacrée aux programmes de transfert, ces programmes posent deux grands
problèmes. D'une part, plusieurs programmes existants ne contribuent pas
suffisamment à réduire les disparités économiques
au Canada puisqu'ils ne tiennent pas compte de la capacité de
dépenser des provinces. D'autre part, on assiste à un
désengagement progressif du gouvernement fédéral dans
plusieurs autres de ces programmes alors que ceux-ci avaient incité les
provinces à agir dans des secteurs non prioritaires. Il en
résulte une intervention de moins en moins efficace du secteur
public.
M. le Président, pour réduire la croissance de ses
dépenses, le gouvernement fédéral a décidé
de se désengager à plusieurs endroits et ce, sans consulter les
provinces. Le Québec, comme les autres provinces, a été
touché par ces mesures: gel de l'entente pour l'aide juridique, gel de
l'entente sur les jeunes contrevenants, gel du transfert de l'impôt des
entreprises d'utilité publique, indexation partielle de l'entente sur
les langues officielles dans l'enseignement, retrait du projet de soutien des
services de garde à l'enfance, réduction des budgets
alloués à l'habitation sociale.
En effectuant des coupures à la pièce, le gouvernement
fédéral suppose que les gouvernements provinciaux ont tous la
même capacité de suppléer aux responsabilités dont
il s'est dégagé. Or, le fardeau qu'il impose aux provinces moins
bien nanties est nettement plus élevé. Il est surprenant de
constater que plutôt que, de corriger les conditions d'application de
programmes trop coûteux, le gouvernement fédéral effectue
des coupures sans distinguer les provinces qui ont la capacité de
prendre le relais.
Le cas de l'habitation sociale est un exemple éloquent au sujet
duquel le gouvernement fédéral, plutôt que de sabrer
unilatéralement dans toutes les provinces, devrait corriger son
programme pour le rendre plus efficace et mieux adapté aux besoins des
provinces. Au moyen de ce programme, le gouvernement fédéral
défraie une partie des dépenses des provinces vouées
à la construction de logements pour les familles à faibles
revenus. Or, puisque la formule de répartition des fonds
fédéraux prend en considération l'ampleur des coûts
des projets, la répartition des fonds avantage les provinces dont la
capacité de dépenses est élevée.
M. le Président, ce fonctionnement a pour résultat
qu'entre 1986 et 1990 les engagements fédéraux pour l'habitation
sociale ont connu une croissance annuelle moyenne de 4,2 % au Québec, de
7,8 % dans les provinces moins bien nanties et de 6,6 % dans les provinces bien
nanties, dont 9,9 % en Ontario. Au Québec, l'allocation du budget
fédéral pour l'habitation sociale en 1990 résulte d'une
décision unilatérale qui fait en sorte qu'il a obtenu 22 % du
budget canadien, soit un niveau inférieur à sa part de population
de 25 %; sa part des besoins de logements sociaux pour les familles à
faibles revenus s'établit à 29 %. Merci beaucoup, M. le
Président.
Le Président (M. Farrah): Merci, M. le
député de Prévost. Je reconnais immédiatement M. le
député de Labelle.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: m. le président, j'entends les
députés ministériels donner certaines indications sur les
programmes de transfert fédéraux. quand, après ça,
j'écoute le ministre des finances dire: ii y a une ouverture, c'est une
attitude de réceptivité, alors que - pour employer un anglicisme,
vous me le permettrez - ces députés "blast" le
fédéral, je voudrais savoir s'ils se sont parlé, les deux,
parce que, à mon sens, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, qui
n'est pas tout à fait correct. je devrais conclure de leurs propos que
le ministre des finances du québec a complètement raté ses
objectifs de 1986-1987 parce que, là, ils les lisent, en 1991-1992, de
leur texte. je pense qu'il ne faut pas avoir la double attitude. ça
marche ou ça ne marche pas et, en réalité, tout à
l'heure - je vais revenir à cela - finalement, les provinces
n'accepteront pas, très probablement, les modifications
proposées. celles qui ne bénéficient pas de la
péréquation vont nécessairement se trouver
piégées si les propositions du ministre des Finances sont
acceptées.
Je voudrais toucher cette question de péréquation de
façon un peu plus précise, M. le Président. Les sommes
dévolues à la péréquation au Canada apparaissent
considérables de la part des provinces, surtout celles qui n'en
bénéficient pas, c'est évident. Même, je pense que
le Québec se fait un mauvais renom à cause de cela parce
qu'à tout bout de champ on entend dire: Ah! si le Québec n'est
pas content, on lui coupera la péréquation et, là, il va
comprendre le langage, jusqu'à un certain point, arrogant. Il se lit
dans les journaux anglophones... Vous lirez ça dans la presse de Toronto
et bon...
On peut se demander, à cause de l'ampleur de ces sommes, si
finalement ça ne joue pas contre le Québec parce que, chaque fois
qu'il y a des projets structurants, on nous ramène la
péréquation, la péréquation qui est en quelque
sorte l'assistance sociale des provinces au Canada. Le Québec dit,
prétend et affirme haut et clair qu'il veut se développer, exige
des programmes structurants et, à un moment donné, quand on a vu
des projets s'installer à Montréal, en ce qui concerne
l'aviation, par exemple, on a entendu la réaction très claire de
l'Ouest: Ils ont de la péréquation et ils veulent, en plus, des
projets économiques structurants. Là, ils trouvent ça
injuste, inacceptable. La question que je me pose, c'est: Est-ce qu'on ne joue
pas contre nos propres Intérêts en quémandant des sommes de
péréquation de la façon dont on le fait, alors qu'au fond
ça n'apporte rien au point de vue des structures économiques? (11
heures)
M. le Président, je voudrais aussi souligner un autre aspect de
la position du ministre des Finances quand il déplore que le
gouvernement fédéral réduise son rôle redistributif
à cause de l'introduction des plafonds dans la
péréquation. Au fond, ce pourquoi il plaide, c'est qu'il y ait
des sommes plus importantes dévolues à la
péréquation. Donc, ça risque d'être pris dans les
autres programmes de transfert, parce qu'il a dit d'entrée de jeu, tout
à l'heure, que ce qu'il demandait, ce n'était pas une
augmentation des budgets fédéraux, du budget
fédéral global des transferts, mais un réarrangement.
Donc, compte tenu de cela, on parle en termes relatifs, en termes de
proportions - je vois que le ministre s'agite un peu - ce qu'il veut, c'est
quand même une augmentation substantielle de ces programmes. Donc,
ça touche nécessairement d'autres équilibres à
l'intérieur de tous les programmes de transfert. Est-ce que c'est une
bonne chose d'augmenter la péréquation, d'augmenter l'assistance
sociale ou bien si ce ne serait pas mieux d'augmenter la contribution du
fédéral dans les programmes de nature économique beaucoup
plus structurante? Je pense que, ça, c'est une question majeure et je ne
voudrais pas revenir, là, au quantum exact de 7 000 000 000 $ ou 6 900
000 000 $. Ce n'est pas de ça dont il s'agit, M. le ministre des
Finances, c'est des proportions respectives de la péréquation par
rapport à l'ensemble du budget fédéral. Je pense qu'il
faut conclure de son discours qu'il veut que cela augmente.
Le Président (M. Farrah): Alors, merci, M. le
député de Labelle. Je reconnais maintenant M. le ministre des
Finances.
M. Gérard D. Levesque
M. Levesque: M. le Président, \o\n de m'agiter, je veux
simplement remettre les choses en perspective et en place. Je veux rappeler au
député de Labelle que je n'ai jamais mentionné que je ne
voulais pas d'augmentation de la contribution globale des transferts aux
provinces. Parce que j'ai dit que je mettais la priorité sur le
réaménagement, il se plaît à dire que ce n'est pas
important, les sommes en question. Au contraire, il est important de faire en
sorte que le gouvernement fédéral s'acquitte entièrement
de ses responsabilités et particulièrement des
responsabilités constitutionnelles qui sont les siennes et qui sont - le
député de Labelle devrait s'en rappeler - inscrites
littéralement dans la Constitution de 1982. C'est ce que je dis, mais,
en plus, je dis que je mets la priorité sur le réarrangement de
ces transferts.
Je trouve curieux, par exemple, que pour l'ensemble des transferts qui
sont là pour aider particulièrement les provinces les moins bien
nanties - c'est une des caractéristiques d'un véritable
fédéralisme - 43 % des transferts aillent aux trois provinces les
mieux nanties. Alors, c'est ça, c'est le réaménagement qui
est la priorité. C'est ça que j'ai dit et c'est ça que je
répète.
M. le Président, le député de Labelle se surprend
que les députés qui ont participé, les
députés ministériels - je ne peux pas en dire autant des
députés de l'Opposition qui ne semblent pas
intéressés par ce sujet... Mais les députés
ministériels qui sont nombreux ici, qui interviennent dans ce
débat parient évidemment de la problématique. C'est
ça. Ils donnent les faits et c'est un apport que je considère
comme important dans cette façon... l'occasion que nous donne cette
interpellation de pouvoir véhiculer cette information-là au
public. Il est important qu'un sujet aussi aride soit cependant
étalé, expliqué devant la population. Ce n'est pas facile
de faire une vente sur les transferts fédéraux, sur ce
sujet-là, et d'attirer l'attention du public sur une question souvent
très technique. Le travail que font, ce matin, les ministériels
est louable et je ne veux pas insister sur l'absence des députés
de l'Opposition, ils ont peut-être d'autres occupations. J'aime souligner
l'apport important que nous recevons ce matin des députés
ministériels qui s'intéressent justement à
cette question primordiale pour les finances du Québec et, en
conséquence, pour les contribuables du Québec.
Alors, M. le Président, le point que je voudrais souligner
à ce moment-ci, c'est qu'il est clair que l'évolution des
transferts fédéraux doit se faire autrement que ce que nous avons
connu jusqu'à maintenant. J'ai confiance que les nouveaux accords de
1992-1997 vont refléter le changement que l'on annonce
déjà dans le discours sur le budget du gouvernement
fédéral du printemps ou de l'hiver dernier. J'ai confiance que le
message bien articulé du gouvernement du Québec - cela, avec le
travail constant des fonctionnaires, particulièrement des fonctionnaires
du ministère des Finances du Québec -fasse en sorte que nous
puissions voir la nouvelle législation fédérale
correspondre réellement à ce voeu qui touche
l'équité dans les relations fédérales-provinciales
et qui touche également le respect des juridictions de chacun.
Le Président (M. Farrah): Merci, M. le ministre des
Finances. N'ayant plus d'intervenant du côté ministériel,
je vais reconnaître maintenant, pour terminer le débat, le
député de Labelle. Après quoi, on passera aux conclusions:
10 minutes chacun. C'est qu'on est quand même à l'étape du
débat.
Comme dernière intervention au niveau du débat, M. le
député de Labelle, pour une période de 5 minutes.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: Merci, M. le Président. Le ministre n'a
pas répondu à ma question sur les effets du programme de
péréquation. En termes politiques, je pense que c'est une
question très importante. Lorsque les autres provinces du Canada
trouvent que le Québec en a trop sur le plan de la
péréquation ou en a beaucoup sur le plan de la
péréquation, il conteste, à toutes fins pratiques,
l'octroi de projets plus structurants parce que, au fond, ils font des
comparaisons globales avec les transferts fédéraux et les
implications fédérales.
Moi, je pense, M. le Président... Pour reprendre les affirmations
du ministre qui dit: Ah! je suis pour que les fonds augmentent dans le cadre
des transferts fédéraux... Très bien, il pourrait dire
ça. Compte tenu de la réalité actuelle du gouvernement
fédéral, ce qu'il en dit m'apparaît des voeux pieux,
ça m'apparaît illusoire parce que le fédéral est
pourri de dettes, c'est bien connu.
Pour toucher un autre point, les programmes à frais
partagés. Cet aspect n'a pas encore été touché et
c'est quand même un programme important. La difficulté de
renouveler, premièrement, en termes de normes et le fait aussi que le
gouvernement soit dans les programmes à frais partagés, dans les
autres programmes, dans les deux, le gouvernement fédéral a
tendance à se retirer plutôt qu'à s'impliquer sur le plan
financier. J'ai bien vu passer dans le dernier discours sur le budget la
création du Fonds de développement industriel. Le gouvernement se
targue d'avoir eu une idée géniale, mais, en
réalité, ça vient du fait que le gouvernement
fédéral s'est retiré de ce programme par lequel il
intervenait dans le développement industriel. Pour toutes les ententes
fédérales-provinciales qui portent sur le développement
régional, sur toute espèce de programme - le ministre en a fait
état tout à l'heure, il en a fait la liste, il l'a lue - le
fédéral se retire de plus en plus. Dans le cas du
développement industriel, c'est le gouvernement du Québec qui a
été appelé à s'impliquer davantage en créant
le Fonds de développement industriel parce que le fédéral
s'était retiré du développement industriel. Alors, on voit
très bien que, finalement, la contrainte financière joue de plus
en plus au gouvernement fédéral, et jouera de plus en plus. Je
ramène encore cette intention, bien exprimée par le ministre des
Finances fédéral, d'intervenir de façon législative
pour s'assurer que les normes qu'ils avaient introduites à l'occasion de
la mise en place de programmes d'assistance financière seront
respectées par les provinces, même si l'assistance
financière est plafonnée, réduite, compte tenu de la
progression de l'inflation.
Alors, M. le Président, je pense que le ministre doit, à
mon sens, être réaliste. Ces députés qui
critiquaient le gouvernement fédéral, tout à l'heure, dans
son action ont probablement plus raison que l'optimisme qu'il affiche
lui-même. Le gouvernement fédéral est pourri de dettes.
Comment pensez-vous, à terme, qu'il va bonifier ces transferts alors
qu'il doit emprunter simplement pour vivre, qu'il a un déficit de 30 500
000 000 $? La réalité vraie, c'est que l'argent qu'il emprunte,
puisque c'est le gouvernement, nous aurons à le payer sous forme de
taxes additionnelles. Le ministre dit sans arrêt que le déficit
d'aujourd'hui, ce seront les impôts de demain. Cette assertion s'applique
en particulier au gouvernement fédéral dont le déficit est
d'un ordre de grandeur d'au moins deux fois celui du Québec,
actuellement. Au moins deux fois, toutes proportions gardées, compte
tenu de la population. Ça, c'est considérable et, à mon
sens, il s'adresse à un impuissant quand il pense qu'il y aura plus de
fonds d'accordés aux programmes de transfert fédéraux.
Le Président (M. Farrah): Alors, merci, M. le
député de Labelle. Le débat étant terminé,
nous sommes rendus maintenant à l'étape des conclusions. Alors,
il y a 20 minutes, réparties équitablement entre l'Opposition
officielle et la partie ministérielle. Dans un premier temps, je
reconnais le ministre des Finances pour une période de 10 minutes, en
conclusion.
Conclusions M. Gérard D. Levesque
M. Levesque: Alors, M. le Président, le
député de Labelle a hâte d'arriver à l'utilisation
de ses 10 minutes. Il a été très discret sur la question
constitutionnelle, disons, il n'a pas provoqué. Donc, comme il a le
dernier mot, ce matin, il a dû se dire - moi aussi j'échafaude un
petit peu parce qu'il se permet de le faire de temps à autre...
Une voix: ...imagination, ce matin.
M. Levesque: Oui, une imagination créatrice. Je me dis:
Qu'est-ce qu'il va nous dire en réplique, étant donné
qu'il a le dernier mot, ce matin, contrairement à ce qui se passe
d'habitude lors des débats en législation? Je me dis: Ah! Nous
allons voir le véritable député de Labelle, dans quelques
minutes, celui qui va utiliser toute cette discussion fort intéressante,
d'ordre technique, où on s'entend, où on fait front commun pour
faire des demandes à l'intérieur du fédéralisme
canadien, à l'intérieur des lois, à l'intérieur des
juridictions propres à chacun. Eh bien! là, à ce
moment-là, à la suite de toute cette belle
problématique... Nous avons travaillé dans une atmosphère
relativement sereine. Il me dit: Moi, j'ai le droit de réplique.
Là, on va voir le véritable député de Labelle qui,
en 1984, laissait son parti pour suivre les durs de l'indépendance. Il
va arriver évidemment à la conclusion que, s'il y a des
problèmes en matière de relations
fédérales-provinciales, s'il y a des problèmes du
côté des transferts, si les provinces moins bien nanties sont
moins bien traitées, on ne regardera pas aux solutions que le
présent gouvernement envisage.
Quant à nous, nous regardons l'avenir avec confiance et nous
travaillons présentement dans l'intérêt des contribuables
québécois, à l'intérieur du régime actuel,
pour améliorer le sort des Québécois, des contribuables
québécois, des concitoyens et des concitoyennes qui vont
bénéficier de l'amélioration que nous entendons
réussir pour les accords de 1992-1997. Mais je me permets de douter que
le député de Labelle aille dans ce sens-là. Je crois qu'il
réserve ses derniers propos pour nous faire un discours sur les
avantages de l'indépendance pure et dure. Alors, nous allons
l'écouter, sûrement, nous n'avons pas le choix d'ailleurs, M. le
Président. (11 h 15)
J'aimerais cependant, au moins, qu'on s'entende sur ceci.
L'évolution des transferts fédéraux ne s'est pas faite
dans le meilleur intérêt des provinces les moins bien nanties.
Ceci a causé un tort évident à l'équilibre de nos
finances publiques. Autrement dit, si nous avions eu des transferts
correspondant à l'esprit du véritable fédéralisme,
tel qu'on le conçoit, nous n'aurions pas eu à nous retourner vers
nos contribuables pour demander des efforts de plus en plus... Parce que, de
moins en moins de transferts fédéraux, de plus en plus la charge
sur les contribuables, au niveau provincial. Alors, cette évolution est
d'autant plus intolérable que ce sont les provinces les mieux nanties
qui semblent s'en être le mieux tiré. Disons que les principes
constitutionnels sont, à ce moment-là, mis en cause.
Le gouvernement du Québec a pris l'initiative de faire une
analyse complète de la situation, de faire les pressions qui s'imposent
jusqu'à ce que le gouvernement fédéral lui-même
reconnaisse, dans son dernier budget de février 1991, qu'il y avait
là un problème et qu'il fallait s'y attaquer. Les autres
provinces ont très bien reçu l'analyse du Québec. Les
provinces les moins bien nanties, comme les provinces les mieux nanties, ont
reconnu qu'il y avait là un problème à corriger et en
particulier, le plafond de la péréquation. Dans le domaine du
financement des programmes établis, que l'on reconnaisse qu'il y a une
différence dans les obligations, dans la capacité fiscale de
certaines provinces par rapport à d'autres et que l'on considère
également que les normes nationales ne peuvent pas nous empêcher,
nous les provinces, de pouvoir gérer mieux les choses qui sont de notre
juridiction.
La prochaine année sera déterminante. J'ai bon espoir que
le travail incessant du Québec... Je voudrais rendre hommage aux
fonctionnaires du ministère des Finances qui sont ici ce matin avec nous
et à d'autres de leurs collègues qui sont au ministère
présentement parce que leurs obligations les tiennent là. Je
tiens à souligner l'importance du travail incessant, encore une fois,
que ces gens font pour convaincre aussi leurs homologues canadiens,
provinciaux, de l'importance du changement que nous souhaitons. Le gouvernement
fédéral donne maintenant des indications qu'il accepte de
discuter dans le cadre exprimé par le Québec. Les provinces moins
bien nanties appuient le Québec et les mieux nanties reconnaissent que
des changements importants doivent être apportés. Ces discussions
bien complexes - évidemment, on touche un sujet aride comme nous l'avons
dit et reconnu de part et d'autre - sont difficiles à mener. Vous pouvez
être assurés que le Québec va tout mettre en oeuvre,
techniquement et politiquement, pour mener ces discussions à bonne fin
et permettre évidemment aux finances publiques du Québec
d'être non seulement moins pénalisées, mais d'être
aidées dans l'effort que nous faisons globalement vis-à-vis de
l'assainissement de nos finances publiques.
Le renouvellement des arrangements fiscaux est une occasion unique et
excellente non pas de souligner l'importance du séparatisme ou de
l'indépendance, comme nous allons possiblement l'entendre...
Excusez-moi, si ce n'est pas le cas, je m'excuse d'avance. Si le
député de Labelle ne
parle pas de cela, je dis: Député de Labelle, je vous
salue, vous avez mis de côté votre passion, votre obsession pour
penser aux Québécois et à leur avenir à
l'intérieur du fédéralisme canadien. Je dis encore une
fois que c'est une occasion de montrer que le fédéralisme est
flexible. Nous ne sommes pas dans un régime fermé, absolu. Nous
sommes dans un régime qui, s'il est bien vécu, est encore le
meilleur régime pour répondre aux besoins du Québec. Si le
fédéralisme canadien, ce système-là, est
réellement respecté dans son esprit, il est sûr qu'il va y
avoir dans les prochains accords un respect de l'importance d'une
redistribution à travers le territoire du Canada et que le Québec
va en profiter pas parce que le Québec est l'enfant choyé de la
Confédération, mais parce que le Québec aura reçu
sa juste part, ni plus ni moins.
Nous observons que ces dernières années, depuis 1982, on a
commencé à avoir une érosion et ça s'est
perpétué. En 1982-1983: abandon de la compensation pour garantie
de recettes; plafonnement de l'indexation de la contribution à
l'enseignement postsecondaire en 1983-1984, 1984-1985; à la suite du
budget fédéral de mai 1985, indexation au PNB, moins 2 % de
pourcentage. Ce sont là toutes des choses que l'ancien gouvernement a
vécues, cette érosion-là date déjà d'une
dizaine d'années. Il est temps de replacer les choses. Je compte sur
tous nos collègues ici, à l'Assemblée nationale...
Le Président (M. Farrah): M. le ministre.
M. Levesque: ...et particulièrement sur la collaboration
active de l'Opposition officielle. Je demande, en particulier, l'appui non
équivoque du député de Labelle, même s'il doit
enlever son chapeau souverainiste pour accepter de collaborer en vue d'un
fédéralisme mieux vécu dans l'intérêt des
Québécois et des Québécoises. Je vous remercie, M.
le Président.
Le Président (M. Farrah): Merci, M. le ministre des
Finances. Je reconnais maintenant M. le député de Labelle en
conclusion finale pour une période maximale de 10 minutes.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: Merci, M. le Président. Le ministre des
Finances, avec toute son expérience, a bien prévenu les gens des
conclusions qu'on pourrait tirer ce matin. Je pense qu'il a insisté
lourdement, mais ce qu'il a fait par la même occasion - il a moins
insisté mais nous avons bien entendu - c'est que lui, il nous a fait
part de son obsession fédéraliste, les trémolos
fédéralistes. C'est tout juste s'il n'a pas mentionné les
Rocheuses comme en 1980, on était tout proche. Le Québec
bénéficiait de tout le reste du Canada...
Je dirai, en partant, qu'il ne mette pas des conclusions que les
Québécois sont en train de tirer sur le compte de la
partisanerie, sur le compte de l'idéologie. Moi, je pense, M. le
Président, que ça ne serait pas de mise. En
réalité, nous venons d'avoir un échange sur les transferts
fédéraux qui existent, grosso modo, de façon importante
depuis une vingtaine d'années, peut-être un peu plus, 25 ans, mais
qui ont produit, qui finalement n'ont pas changé la situation à
l'intérieur du Canada, les inégalités; leur effet a
été nul, à peu près nul. quant à moi, je
voudrais qu'au premier point on s'interroge sur les relations qu'il y a - qui
sont nécessaires - entre la question constitutionnelle et la situation
financière actuelle.
Oui, M. le Président, nous avons vécu dans le
système fédéral et c'est ce que ça nous donne, le
constat actuel. Le ministre n'a pas écouté ses collègues
tout à l'heure - d'ailleurs, ils l'ont tous abandonné là.
Il y en a un qui est revenu, effectivement. Ils ont décrié le
système, comment il fonctionnait. Non, lui, il garde son optimisme, mais
il n'a rien réussi depuis cinq ans. Il n'a rien changé depuis
cinq ans. Il ne changera rien, sauf modifier quelques détails. Le fond
des choses ne changera pas, particulièrement depuis le rapatriement de
la Constitution de 1982 où, finalement, nous sommes dans un
régime unitaire où le gouvernement, c'est le gouvernement
fédéral. Le gouvernement au Canada, c'est le gouvernement
fédéral et les provinces ne sont que des provinces, au sens
français du terme. Il va falloir qu'il le constate un de ces jours.
C'est ce que veut dire la déclaration du ministre des Finances qui dit
qu'il va légiférer pour imposer les normes, quel que soit le
niveau de financement du fédéral dans les programmes de transfert
fédéraux. Il va imposer ses normes par législation, alors
qu'avant il l'a fait en introduisant des programmes par son pouvoir de
dépenser. Maintenant, il va légiférer. Ça,
ça découle directement de la Constitution de 1982, directement.
Alors, il ne changera rien là-dedans.
L'évolution, les perspectives d'avenir, c'est vers une
centralisation du Canada. C'est l'intérêt des anglophones, du
reste du Canada, d'avoir un gouvernement central fort. Ils vont le constituer
et je les comprends de vouloir et de faire un gouvernement central fort. Je les
comprends. Mais ça, ça ne règle pas, nous, notre avenir.
Ça, c'est le problème. Quand on adopte une attitude
misérabiliste en quêtant plus d'argent, en en voulant plus d'un
gouvernement qui est cassé, qui va devoir augmenter son déficit
pour augmenter ses paiements de transfert, qui va faire des déficits,
donc qui va indiquer qu'on va augmenter les impôts dans l'avenir - comme
je le disais tout à l'heure, pour payer ce déficit, parce que
nous allons le payer - ce qui se passe, c'est que c'est le
fédéral qui va décider pour nous et nous allons payer des
taxes pour lui permettre d'avoir les moyens de décider pour nous. C'est
ça
qui se passe.
Alors, le ministre nous a prévenus qu'on aurait un discours qui
toucherait la souveraineté du Québec. Bien oui, parce que les
conclusions sont en train d'être tirées; il faudrait qu'il les
tire et qu'il enlève ses lunettes roses. Peut-être pense-t-il que
pour lui il est trop tard, qu'il ne veut pas toucher à ça. C'est
un dossier trop compliqué. Il y en a d'autres qui y pensent. Alors qu'il
nous laisse la chance d'y penser. Mais ce n'est pas juste une question
d'idéologie, une question d'émotivité, c'est le contraire.
Je trouve que l'émotivrté a changé de camp. Les
fédéralistes sont de plus en plus émotifs. Je les regarde,
ça me fait sourire. Dès qu'ils sont à court d'arguments,
ils évoquent les Rocheuses. Mais là, ils sont gênés
parce qu'on en a ri un peu, ils évoquent autre chose: les bienfaits
de... Comme si, après, les Québécois ne pourront pas se
promener, ne pourront pas continuer d'aller aux États-Unis et dans le
reste du Canada.
M. le Président, nous sommes d'accord que, finalement, le
Québec n'a peut-être pas eu sa part, mais, au fond, quand je dis
peut-être, je dirais oui aussi, mais ce n'est pas sûr que je la
réclamerais en termes de péréquation, quant à moi,
comme le souhaiterait le ministre, que ça augmente. Non, je pense que ce
qui est important, c'est des projets structurants, pas de la
péréquation, pas de l'assistance sociale, vraiment pas. Ce n'est
pas ça qu'on veut. Nous n'aurons pas l'attitude misérabiliste
ici, de ce côté. Jamais! Je la rejette d'avance parce que, au
fond, que les paiements de péréquation augmentent, cela va aussi
affecter notre réputation. Il n'a pas répondu à la
question que je lui ai posée là-dessus, sur la
péréquation. Plus on augmente la péréquation -
peut-être que cela peut équilibrer ses budgets - cela nous nuit
à d'autres égards par rapport au reste du Canada. Cela nous nuit
par rapport aux grandes décisions qui sont prises sur le
développement économique parce que les gens, à toutes fins
pratiques, en viennent à établir un certain équilibre
entre les provinces, compte tenu de leur population évidemment, et que
ce que nous gagnons en péréquation nous le perdons par ailleurs.
C'est ça, la réalité.
Il faudrait peut-être se poser la question du point de vue de
l'Ontario. L'Ontario finance de façon importante le gouvernement
fédéral, finance, à toutes fins pratiques, les fonds, les
transferts qui vont dans les provinces pauvres du Canada. Pour le
Québec, c'est à peu près égal, ce que nous
contribuons au gouvernement fédéral et ce que nous en tirons.
C'est l'Ontario qui finance et pourquoi finance-t-il? Pourquoi reste-t-il dans
le Canada, à ce titre, s'il doit verser quelque 6 000 000 000 $, 7 000
000 000 $ ou 8 000 000 000 $ pour les autres provinces? Parce qu'il y a
d'autres avantages que ces simples paiements de transfert. Il y a des
décisions qui sont prises au fédéral qui servent
très bien l'Ontario et tout compte fait, il en
bénéficie.
Je veux juste ramener un fait qu'on peut discuter, évidemment. Le
Canada paie 43 000 000 000 $ d'intérêts par année. À
qui paie-t-il ces intérêts? 60, 7 % à l'Ontario, 17, 4 % au
Québec: Comptes publics du 31 décembre 1989, c'est ma source. Ce
n'est pas intéressant pour l'Ontario? Il n'y a pas autre chose?
Ça, ce sont peut-être des transferts importants, des transferts
intéressants. Si le gouvernement du Québec mettait autant
d'attention à scruter, justement, où va ce service de la dette
chaque année, peut-être qu'on en tirerait d'autres
conclusions.
Je sais qu'il y a des transferts indirects, qu'il y a des parties de ces
sommes qui peuvent revenir, mais si on en faisait l'analyse, au fond, si on
faisait l'analyse de l'évolution de ces transferts, de ces 43 000 000
000 $ dont 60, 7 % vont à l'Ontario, c'est important. Le ministre des
Finances pourrait peut-être se prêter à une autre
interpellation sur ce sujet. Ses fonctionnaires, je suis sûr, auraient
plein d'intérêt à scruter la chose. Je vois qu'ils ont
scruté la question des transferts fédéraux avec beaucoup
de compétence et je suis sûr que cette question aussi
mériterait leur attention. Mais en termes de dépenses
structurantes, des services de la dette, ça s'en va à ceux qui
détiennent les capitaux, ceux qui prennent les décisions, ceux
qui orientent l'économie. Ça peut peut-être expliquer que
l'Ontario ait moins besoin de péréquation en bout de ligne.
Même s'il paie de façon très large les transferts aux
provinces maritimes, aux provinces pauvres de l'Ouest et à Terre-Neuve,
il trouve un avantage majeur à rester dans le Canada. Non seulement il a
un avantage, mais il progresse encore plus vite que toutes les autres provinces
du Canada. Ça, ce sont de vraies décisions, de vrais secteurs
qu'il faudrait analyser comme le reste. alors, m. le président, je vois
que mon temps est pratiquement terminé. moi, je pense qu'il ne faut pas
aborder ces questions avec une attitude misérabiliste en quêtant
à quelqu'un qui est plus quêteux que nous. il faut prendre des
décisions avec des perspectives d'avenir et, là-dessus, c'est 7
000 000 000 $ qui sont quand même importants, qui ne doivent pas
diminuer, du moins à court terme, tant que nous restons dans la
situation constitutionnelle actuelle. ces 7 000 000 000 $ nous reviennent,
effectivement, parce que nous allons les payer un jour par nos taxes, parce
qu'ils s'en vont directement au déficit canadien.
Le Président (M. Farrah): Merci, M. le
député de Labelle. Ceci met fin à cette interpellation, ce
matin. Alors, je remercie les différents intervenants pour la
qualité des débats ainsi que pour la courtoisie dont ont fait
preuve les intervenants. Je remercie aussi les non-élus pour leur
présence. Sur ce, j'ajourne la commission sine die. Merci.
(Fin de la séance à 11 h 31 )