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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le lundi 15 février 1993 - Vol. 32 N° 35

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le financement des services publics au Québec


Journal des débats

 

(Quatorze heures sept minutes)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission du budget et de l'administration poursuit cet après-midi une consultation générale et des auditions publiques sur le financement des services publics au Québec.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui. M. Lazure (La Prairie) est remplacé par M. Beaulne (Bertrand).

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le secrétaire.

Est-ce que les membres... Oui, M. le député de Labelle.

Motion proposant que la commission présente un rapport intérimaire à l'Assemblée

M. Léonard: Je voudrais présenter une motion, très rapidement, M. le Président. Je voudrais le faire tout de suite. Je pense que ça va emporter d'emblée l'adhésion, et je voudrais le faire en vertu de l'article 175.

Je ne sais pas si c'est bien, le moment où je la présente, M. le Président, c'est que nous avons entendu beaucoup de témoignages, et nous voulons entendre ceux qui sont là cet après-midi. Mais nous pensons qu'au terme de l'audition de ces mémoires il faut qu'il y ait quelques séances de discussion entre le gouvernement et l'Opposition, pour différents motifs que je peux vous exposer, et qui sont dans le cadre de ma motion, ici. Je vous la lis, M. le Président.

La motion que je voudrais déposer est la suivante: «Que, suite aux deux premières auditions de consultation, et qu'en vertu de l'article 175 de notre règlement, la commission du budget et de l'administration adopte et dépose un rapport intérimaire à l'Assemblée nationale, dont les recommandations sont les suivantes: «il y a lieu que la commission siège une séance supplémentaire afin d'entendre les différents experts qui ont étudié spécifiquement, dans le cadre de la commission Bélanger-Campeau et des deux commissions d'étude créées en vertu de la loi 150, l'impact du déséquilibre des finances du gouvernement fédéral sur celles du Québec, ainsi que la question des chevauchements et des dédoublements administratifs; «il y a lieu que la commission siège une autre séance supplémentaire afin que les membres puissent interroger des représentants du Conseil exécutif au sein de la commission, et ainsi débattre les solutions qu'ils préconisent à court, moyen et long terme; «et, finalement, il y a lieu, dans le but de favoriser la meilleure exécution possible du mandat par les parlementaires, que le président du Conseil du trésor mette à la disposition des membres de la commission une copie des études, documents et analyses préparés par les divers ministères et traitant des dédoublements et chevauchements administratifs entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral.»

Est-ce que je peux déposer cette motion, M. le Président, et en fournir copie aux membres de la commission? (14 h 10)

Le Président (M. Lemieux): Je vous écoute, M. le député de Labelle.

Débat sur la recevabilité M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, je pense que nous entendons différents groupes venir nous dire comment ils voient l'état des finances publiques et des priorités gouvernementales, ainsi que les problèmes auxquels ces groupes eux-mêmes ont à faire face. Je pense que leur témoignage est très riche, mais, en même temps, je voudrais simplement qu'il y ait l'assurance qu'il y ait deux autres séances, au cours desquelles nous entendrions, par exemple, les experts qui ont déjà travaillé dans le cadre de la commission Bélanger-Campeau, qu'ensuite on débatte du contenu des documents qui ont été déposés par le gouvernement, le 19 janvier dernier, ainsi que la synthèse des opérations financières, le 1er février.

Je dois vous rappeler, M. le Président, qu'à deux reprises je vous avais écrit pour que l'on convoque la commission du budget et de l'administration pour étudier les synthèses des opérations financières antérieures, ce qui n'a pas été fait, mais qui serait drôlement pertinent dans le cadre des travaux de cette commission.

Enfin, il y a toujours des études qui ont été faites par le gouvernement sur les dédoublements administratifs dans le passé.

Là, je pense que ce que nous voulons... Nous ne voulons pas prolonger indûment les travaux de cette commission, mais nous voudrions avoir l'assurance de quelques séances additionnelles, lorsque les témoignages des différents groupes seront terminés - cela se termine, comme il est prévu, jeudi soir. Donc, les jours suivants ou ultérieurement, la commission du budget et de l'administration pourrait siéger.

Le Président (M. Lemieux): Lorsque j'ai fait

état, M. le député de Labelle, que j'aimerais bien vous entendre, vous savez qu'au niveau d'une motion, il y a deux étapes principales. La première étape est celle de la recevabilité; j'aimerais bien vous entendre sur la recevabilité de cette motion-là.

M. Léonard: Bien, nous pensons qu'elle est recevable en vertu de l'article 175 du règlement, parce qu'elle ne consiste pas à modifier... Bien, je vous le lis, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Je l'ai, oui.

M. Léonard: «Toute commission peut déposer un rapport intérimaire à l'Assemblée. Il ne peut être présenté à cette fin qu'une seule motion par séance.»

Donc, la commission pourrait déposer un rapport intérimaire à l'Assemblée. C'est la motion que je fais, que la commission accepte de le faire, et c'est avec les recommandations que nous avons déposées dans le coeur ou dans le cadre de cette motion.

Le Président (M. Lemieux): Ça va. Est-ce qu'il y a des interventions? Ça va? Pas d'intervention du côté ministériel.

M. Léonard: M. le Président, si on ne peut le faire qu'une fois par séance, ça veut dire qu'on peut le faire à ce stade-ci, dans le sens qu'elle est recevable sur ce plan-là, techniquement.

Le Président (M. Lemieux): Ce qui me fatigue un peu, c'est que...

M. Johnson: M. le Président... Le Président (M. Lemieux): Oui. M. Johnson: ...pour éclairer votre lanterne Le Président (M. Lemieux): Oui. M. Daniel Johnson

M. Johnson: Moi, M. le Président, ce que j'indiquerais, c'est que, dans la mesure où on pourrait penser que la troisième recommandation qui serait suggérée aurait pour objet de procurer des moyens additionnels à la commission, ce qui, à sa face même, pourrait quelquefois, cependant, être acceptable, je, personnellement, ne vois rien d'autre que des mesures dilatoires dans les deux premières recommandations, la première visant à littéralement faire changer le mandat de la commission par l'Assemblée nationale.

Il y a là un mandat que l'Assemblée nous a donné. On voudrait le faire changer, peut-être par nostalgie de la commission Bélanger-Campeau et, deuxièmement, on voudrait que cette commis- sion devienne une séance d'interrogation des membres de l'Exécutif afin qu'ils débattent des solutions que nous préconisons à court, moyen et long terme, alors que, ce que j'ai toujours indiqué, c'est que la commission vise justement à apporter l'éclairage nécessaire pour qu'éventuellement nous prenions les décisions qui s'imposent.

Le Président (m. lemieux): est-ce qu'il y a d'autres commentaires...

M. Johnson: Alors, ça pourrait être une mesure dilatoire, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): ...relativement à la recevabilité, parce que j'ai, de facto, de fait, après avoir pris connaissance de la motion de Mme la députée de Taillon, j'ai peut-être quelques réserves sur la recevabilité.

Mme Marois: Bien, nous croyons, nous, qu'en vertu de l'article 175 qui est là - nous ne pouvons le faire qu'une fois par séance; nous le faisons maintenant - nous croyons qu'il est loisible aux membres de la commission, sans retarder l'audience des groupes, d'ailleurs nous voulons le faire rapidement, sans retarder l'audience des groupes qui sont venus nous présenter leur point de vue, nous croyons qu'il est possible que l'on décide ensemble de prendre quelques séances de plus, une, deux ou trois, pour nous permettre de terminer dans le fond, de compléter, d'ajouter, d'assurer un complément au mandat qui nous est imparti, qui concerne les finances publiques. le président (m. lemieux): ça va, mme la députée de taillon. écoutez, eu égard à l'importance de cette motion-ià... oui, m. le président du conseil du trésor.

M. Johnson: m. !e président, j'ajouterais qu'on pourrait également lire dans les deux premières recommandations, dont le rapport intérimaire pourrait faire état à l'assemblée nationale, qu'il s'agit là pratiquement de mesures que la commission peut prendre à sa propre initiative, en séance de travail - évidemment, pas ici -mais qu'en séance de travail de la commission nous pourrions, comme membres de la commission - enfin je parle pour ceux qui en sont membres tout le temps - demander d'entendre des experts, etc., ou demander que nous siégions afin d'interroger des ministres, etc. ça ne relève pas, à proprement parler, de l'assemblée, mais bien des pouvoirs d'initiative que la commission peut avoir, auquel cas ce n'est pas le forum pour parler de ces choses-là. c'est en séance de travail que ça se discute.

Le Président (M. Lemieux): Je dois vous avouer que je dois m'interroger sur la nature de

la motion, M. le président du Conseil du trésor. Afin de faire en sorte que les travaux puissent continuer, je prends cette motion-là, au niveau de sa recevabilité, on s'entend bien, sous réserve. Je m'engage, dans le courant de la journée, à vous rendre une décision à cet effet-là. J'ai une idée, globalement. Ce qui me fatigue, c'est le fond de la motion. Effectivement, on peut présenter une motion de cette nature-là, mais c'est sur le fond comme tel de la motion.

Alors, je prends ça sous réserve, et nous commençons immédiatement. Oui.

M. Léonard: M. le Président, en souhaitant que ce soit avant 18 heures...

Le Président (M. Lemieux): Oui, ça va. M. Léonard: ...s'il y a moyen.

Le Président (M. Lemieux): Oui, oui, M. le député de Labelle.

M. Léonard: Moi, je suis tout à fait d'accord. Je ne veux pas retarder l'audition des groupes, cet après-midi, plus qu'il ne le faut. Nous avons pris 15 minutes maintenant. Alors, nous sommes prêts à procéder, étant donné que vous prenez cette motion en délibéré.

Le Président (M. Lemieux): Je la prends en délibéré sous réserve, effectivement.

Alors, est-ce que les parlementaires ont pris connaissance de l'ordre du jour?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Lemieux): L'ordre du jour est donc adopté.

Nous allons maintenant entendre la Fédération des CLSC. Les représentants ont déjà pris place à la table des témoins.

J'aimerais demander au porte-parole de l'organisme s'il veut bien vouloir s'identifier et présenter les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît, dans un premier temps.

Auditions (suite) Fédération des CLSC du Québec (FCLSCQ)

M. Payette (Maurice): M. le Président, madame et MM. les membres de la commission, mon nom est Maurice Payette. Je suis président de la Fédération des CLSC. À ma droite, Mme Jeanne D'Arc Vaillant, qui est la directrice générale; Mme Carole Lalonde, qui est conseillère cadre à la Fédération; et M. Michel Bissonnette, directeur des communications.

J'aimerais d'abord, M. le Président, vous remercier d'avoir accepté, même si on n'a pas tout à fait respecté les délais, que nous nous présentions devant votre commission. Comme la plupart des personnes ou des groupes qui se sont présentés devant cette commission, nous nous proposons de prêcher pour notre paroisse.

Le Président (M. Lemieux): Alors, permettez-moi de vous dire, avant que vous ne prêchiez pour votre paroisse...

M. Payette: Oui.

Le Président (M. Lemieux): ...que vous disposez, pour le faire, d'une période de 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire. Suivra un échange entre les deux groupes parlementaires d'une durée globale de 40 minutes: 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour l'Opposition. Ça vous va?

M. Payette: C'est ce que nous avions prévu.

Le Président (M. Lemieux): Alors, vous pouvez commencer à prêcher.

M. Payette: On prêche pour notre paroisse.

Le Président (M. Lemieux): Oui, Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: excusez-moi! nous avons en main une version préliminaire. est-ce qu'il y a une version finale de votre mémoire qui a été déposée?

M. Payette: Je pense que oui.

Mme Marois: Oui.

M. Payette: M y a une version finale...

Mme Marois: On ne l'avait pas, là.

M. Payette: ...avec un préambule. D'accord.

Mme Marois: D'accord.

Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous écoutons.

M. Payette: Oui, prêcher pour notre paroisse, mais j'aimerais préciser que notre paroisse, ce n'est pas seulement les 161 CLSC du Québec, c'est surtout les 3 000 000 de citoyens qui utilisent les services de ce réseau, qui fait l'admiration et l'envie de nombreux observateurs étrangers.

Je suis moi-même l'un de ces utilisateurs, et je suis un utilisateur engagé. En mars dernier, j'ai accepté de me soumettre au nouveau processus électoral, afin d'obtenir de mes concitoyens de ma MRC le mandat de les représenter et de défendre leurs intérêts dans un conseil d'administration. Citoyen décideur, je suis aussi, comme tout le monde, un citoyen payeur qui désire en

avoir pour son argent, et qui se pose beaucoup de questions sur l'utilisation que l'on fait des taxes qu'il paie.

Comme citoyen engagé bénévolement depuis huit ans dans l'administration des CLSC, j'aimerais vous transmettre, au nom des 1100 citoyens qui siègent sur les conseils d'administration des CLSC, un message très simple: Face au défi collectif du financement des services publics, vous avez entre vos mains une carte gagnante, une carte qui pourrait faire la différence entre un cul-de-sac désastreux et une porte de sortie créatrice et rentable. (14 h 20)

Cette carte gagnante, c'est le réseau des CLSC que la population du Québec s'est donné et a construit au cours des 20 dernières années. Si nous prétendons que c'est une carte gagnante, ce n'est pas d'abord pour des raisons idéologiques ou philosophiques, mais strictement pour des raisons de rentabilité économique. Notre contribution devant votre commission se situera davantage au niveau des dépenses publiques plutôt qu'au niveau de la fiscalité.

Je laisserai d'abord à Mme Vaillant le soin de vous transmettre notre diagnostic de la situation et quelques hypothèses de solution. Je reviendrai pour faire la synthèse de nos propos.

Mme Vaillant (Jeanne D'Arc): Donc, il nous apparaît important de regarder d'abord le diagnostic. Globalement, nous partageons celui qui est posé dans le document «Vivre selon nos moyens», sur les dépenses publiques. Ce malaise perdure, d'ailleurs, depuis un certain nombre d'années, et nous comprenons fort bien l'urgence d'agir.

Par ailleurs, à cause de l'expérience-terrain que nous avons, nous ne pouvons pas dissocier cette crise des finances publiques d'une autre situation, celle-là qui relève... qui est sociétale, et qui nous confronte. Il suffit de vivre tout simplement au quotidien, et de regarder autour de soi pour savoir et constater un chômage élevé, de la violence sous toutes ses formes dans les communautés, l'itinérance, le décrochage scolaire, la désintégration des communautés, les disparités régionales, l'augmentation de la pauvreté, et j'en passe, jeunes en difficulté, fermetures d'usines et le reste.

Donc, au-delà des dépenses publiques, il y a des problèmes de société importants que nous voyons sur le terrain et auxquels nous sommes confrontés. Nous ne voulons pas être pessimistes. Nous pensons et nous avons la certitude que, comme Québécois et Québécoises, nous pouvons traverser cette crise et nous pouvons faire face. Collectivement, nous avons cette énergie. Ce que nous soutenons avec d'autres, c'est qu'on ne peut pas apporter de solution véritable à la situation des dépenses publiques sans prendre en compte les grandes problématiques sociales. C'est, chez nous, une conviction très profonde.

Le risque est trop grand. Nous n'avons pas les moyens tout simplement d'adopter ou de risquer certaines solutions à court terme, qui mettraient en péril ou qui accentueraient les problèmes que nous connaissons.

Une certaine dérive de notre société ne peut donc pas être accentuée. Il y a trop de désarroi actuellement pour qu'on envisage des solutions trop technocratiques à un problème de finances publiques. Donc, face à une telle situation, quant à nous, i! faut revenir à l'essence même de !a vie démocratique, et faire un appel à tous et à toutes. Il nous faut d'abord, comme citoyens et citoyennes, un projet mobilisateur. On peut parler de contrat social. Il nous faut des orientations dans lesquelles tous les groupes, tous les citoyens vont s'engager. Je suis certaine, nous sommes certains qu'un grand nombre de groupes et de citoyens sont prêts à faire leur part si nous avons des orientations et un projet mobilisateur.

Regardons maintenant quelques pistes de solution. Nous venons de parler d'un projet mobilisateur, d'un partage d'orientation. Il est sûr que les débats auxquels nous assistons ici mettent en cause très profondément la relation existante entre les citoyens et l'État. Les questions qui sont soulevées requièrent donc un débat plus large pour porter sur les orientations de notre développement comme société. On peut constater que le contrat social autour duquel s'est fait le consensus de la révolution tranquille n'existe plus, et que nous n'avons pas encore de projet de rechange. Tout au plus, des projets de compressions budgétaires et des indications comme quoi on n'a plus les moyens.

Pour faire face à tout ce qui nous confronte comme société, il nous faut donc revenir à un projet mobilisateur, à des orientations pour commencer à rebâtir tous ensemble - patrons, travailleurs, aînés, jeunes, groupes ethniques. Il faut chercher une unité au milieu de notre diversité, au milieu de nos différences. Nous n'avons pas les moyens de faire autrement comme collectivité. Les choix à faire en matière de financement doivent être, quant à nous, conséquents avec des orientations claires de développement et de dispensation de services centrés même autour de la mission de l'État.

Donc, nous croyons fermement que tous les groupes, les citoyens et les citoyennes pourraient tous ensemble se mobiliser, trouver des solutions, et les mettre en oeuvre pour faire face à la crise actuelle. Dans le document «Vivre selon nos moyens», il y a un certain nombre de lignes de force qui sont mises de l'avant, qui touchent la décentralisation. Nous sommes d'accord avec la décentralisation. L'État est dans l'incapacité, actuellement, d'assumer centralement toutes les fonctions.

Mais il faut discuter des conditions d'une décentralisation et des moyens financiers qui doivent l'accompagner. Il faut également regarder

du côté de l'intersectorialité. Nous sommes également d'accord sur une gestion de l'appareil public et des fonds publics axée sur les résultats et l'imputabilité. Nous partageons également la nécessaire recherche de la façon la plus rentable de dispenser des services, et nous allons y revenir tantôt avec des exemples concrets.

Au niveau de la tarification, nous y sommes opposés. Dans le domaine de la santé et des services sociaux, pour nous, on ne peut pas remettre en question tout de go l'universalité, l'accessibilité, la gratuité - pour nous, le terme gratuité est un peu inapproprié, puisqu'on parle plus de non-tarification. Les citoyens paient des services, ils paient des impôts pour avoir des services. Donc, les services ne sont pas gratuits. Ils sont actuellement non tarifés.

La santé étant un bien collectif très précieux, la santé et le bien-être sont également une des conditions sine qua non d'une prospérité économique et d'une santé économique. Maintenant, si nous revenons à la recherche ou à un des objectifs, qui est la recherche de la façon la plus rentable de dispenser les services, nous le faisons à l'intérieur du système de santé et de services sociaux. Donc, nous allons vous parler de la façon la plus rentable de dispenser des services en santé et en services sociaux. Déjà, plusieurs éléments sont en place. Il y a des pas qui sont faits dans la bonne voie. Il y a une politique de santé et de bien-être, avec 19 objectifs, qui décrit très bien les grandes problématiques sociales, et qui fixe au réseau de la santé et des services sociaux des objectifs vers lesquels l'ensemble des établissements devraient converger.

Le cadre juridique de la loi 120, démocratisation du système, régionalisation, mission des établissements resserrée, le fait que les CLSC soient consacrés comme première ligne de services, une régionalisation avec la mise en place des régies régionales nous semblent des éléments qui vont dans le sens d'un système qui serait plus rentable. Qu'est-ce qui manque? Des orientations encore plus claires, une volonté ferme, un consensus. (14 h 30)

Rappelons le diagnostic qui a été posé par la commission Rochon, à l'effet que le système de santé était pris en otage par des luttes corporatistes. Les luttes corporatistes ne sont pas finies. Il suffit de parler de la loi qui existe au niveau des sages-femmes, qui a été adoptée il y a deux ans et demi, et les projets ne fonctionnent pas encore. Donc, on a, encore là, des exemples de corporatisme. Également, Rochon décriait l'hospitalo-centrisme, le fait que le système, la porte d'entrée, était le centre hospitalier, et ce fait-là continue encore. Donc, à partir de multiples exemples qui ont été mesurés, d'études qui ont été évaluées sur le terrain, et que vous avez dans le mémoire, qu'on parle du projet O.LO.(oeuf, lait, orange) pour les bébés, les femmes de milieu défavorisé qui sont enceintes et qui accouchent de bébés de petit poids, de programmes visant à corriger une sous-alimentation, on sait fort bien que 1 $ investi en prévention en épargne 3 $ au niveau du cu-ratif. Il faut donc inverser les tendances lourdes de notre système. Actuellement, le médico-hospitalier et l'institutionnel coûtent plus de 10 000 000 000 $.

Il nous faut opter, à l'instar d'autres pays comme la Norvège... La Norvège a fait le virage en 1984 vers des ressources légères. Ça a un impact sur son financement. Ils ont pris carrément... Ils ont adopté une loi privilégiant des services de première ligne et orientant tout leur système de santé vers une base, et le fait que les citoyens aillent d'abord consommer des services en première ligne, le centre hospitalier et les ressources plus lourdes n'étant utilisées que par ceux qui en ont vraiment besoin. Soulignons, au niveau du taux d'institutionnalisation, qu'on institutionnalise, au niveau des personnes âgées, 50 % de plus qu'ailleurs. Notre taux est à 7,2 %, alors qu'ailleurs c'est, règle générale, 5 %. Donc, il nous faut absolument prendre un virage vers des ressources légères. Il faut regarder... Au lieu de couper indistinctement un peu partout de façon aveugle, il faut revoir la cohérence interne du système de santé. On pense que, dans les 12 000 000 000 $, il y en a assez, mais on est convaincu qu'en réorientant la consommation là où elle doit être, il y a des économies à y faire pour répondre à de nouveaux besoins.

Pour donner des exemples encore plus concrets, je demanderais à M. Payette...

M. Payette: Pour résumer, avant de passer aux questions, je dirais qu'il est rentable d'abord de privilégier, d'accroître et de consolider l'accessibilité aux services de base. Pourquoi? Parce que ce sont des services généraux, des services légers, intégrés et peu coûteux et parce que cette accessibilité évite les nombreux recours inutiles aux services spécialisés et aux urgences hospitalières. Il est moins coûteux de livrer des pizzas en voiture compacte qu'en limousine. Il est rentable aussi d'accentuer les activités de prévention, d'agir sur les déterminants de la santé, d'intervenir en amont, d'empêcher que les problèmes se produisent ou ne s'aggravent, en intervenant tôt et rapidement. Les activités de prévention planifiées et exécutées de façon rigoureuse, supportées par une recherche evaluative, peuvent représenter des économies considérables, aussi bien en matière de santé et de services sociaux qu'en accidents de la route, en incendies, en catastrophes écologiques ou en conflits sociaux.

Le sauvetage d'un bébé de petit poids coûte infiniment plus cher que le surplus alimentaire aux femmes enceintes des milieux défavorisés. Il est rentable aussi d'investir massivement dans les services à domicile qui sont des services peu

coûteux, pour permettre à toutes les catégories de personnes en difficulté ou en perte d'autonomie de vivre chez elles, dans leur demeure, dans leur communauté locale. Si on compare le per capita du Québec à celui de l'Ontario en matière de maintien à domicile, on constate que le Québec investit 30 % de moins en soins à domicile et 15 % de plus en hébergement et en réadaptation.

Il est rentable de décentraliser la gestion des services jusqu'au niveau local et de donner aux administrations locales les marges de manoeuvre requises pour se sentir imputables et devenir créatrices et efficientes dans la gestion financière. On économisera ainsi les coûts souvent honteux de l'inutile lourdeur bureaucratique. Le citoyen décideur d'un conseil local se demande parfois si la permission de dépenser 100 $ ne coûte pas moins de 1000 $ de bureaucratie.

Il est rentable de miser sur la responsabilisation des citoyens et des communautés locales, sur leur capacité de prendre en main leur santé et leur bien-être. Si chaque citoyen devenait maître de sa santé, on ne poserait plus le problème de la dépendance aux services ou de l'usage abusif des médicaments. Ce sont les services de première ligne qui sont les mieux placés pour favoriser et supporter cette apprentissage de la responsabilisation en matière de santé. Il est rentable aussi de faire du CLSC un lieu privilégié de concertation locale et d'éviter les coûts inutiles de la compétition, de l'éparpil-lement, du cloisonnement, des chevauchements et des incohérences. Les concertations locales que l'on observe actuellement dans le processus de vaccination contre la méningite démontrent l'efficacité du réseau des CLSC.

Tout ce que je viens de dire sur la rentabilité des services de base et de la prévention, on le retrouve en noir sur blanc dans les différents documents de la réforme de la santé et des services sociaux: Le document d'orientation intitulé «Une réforme axée sur le citoyen», le document de réflexion sur le financement du système de santé et de services sociaux intitulé «Un financement équitable à la mesure de nos moyens» sur lequel nous sommes déjà intervenus, l'an passé, en commission parlementaire et, surtout, dans la politique de santé et de bien-être. Ce document aborde, par exemple, les coûts. Le titre du chapitre est particulièrement évocateur: «Orienter le système de santé et de services sociaux vers les solutions les plus efficaces et les moins coûteuses». Que retrouve-t-on parmi les principales solutions? Accentuer les activités de prévention et même y consacrer 20 % du budget, accroître et consolider l'accessibilité aux services de base, consolider le CLSC comme établissement de première ligne, accroître la disponibilité des services qui y sont offerts et en faire un lieu privilégié de concertation locale.

On se souviendra qu'en 1985 un comité de sages avait proposé, entre autres mesures, de faire une petite économie de 500 000 000 $ en supprimant le réseau des CLSC. En 1990, le gouvernement du Québec décide d'appuyer sa réforme de la santé et des services sociaux sur le réseau des CLSC qui couvre maintenant tout le territoire québécois. Le ministre Marc-Yvan Côté déclarait publiquement: Si les CLSC n'existaient pas, il faudrait les inventer. Dire que le CLSC représente une carte gagnante, ce n'est pas nous seuls qui le prétendons, ce sont tous les documents de la réforme de la santé et des services sociaux qui prônent le virage vers des objectifs de résultats, le virage vers la prévention, le virage vers les services de première ligne, ie virage du maintien à domicile et le virage de la décentralisation.

La question qui se pose maintenant pour nous est la suivante: Y a-t-il une volonté politique d'actualiser cette décision en acceptant, même en période d'austérité, de faire des investissements qui deviendront des économies? Merci.

Le Président (M. Camden): Nous vous remercions, M. Payette.

Alors, M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Oui, en remerciant nos invités d'aujourd'hui à qui j'avais prédit quelques tracasseries procédurières avant qu'ils ne prennent la parole; comme vous voyez, ça s'est déroulé, non pas dans le but de retarder quoi que ce soit, mais présumément pour éclairer la lanterne d'un peu tout le monde.

Votre document est extrêmement intéressant. Il reprend à son compte le discours de la prévention, de l'intervention de première ligne comme étant susceptible de mener à des interventions plus efficaces, plus économiques au sens budgétaire. J'aurais peut-être une question tout de suite, d'entrée de jeu, à l'égard des activités où vous voyez un potentiel de rationalisation, encore une fois, ou d'économie. Vous en parlez à la toute fin.

Vous dites que le document que nous avons présenté en janvier pointe du doigt des situations qui engendrent des coûts importants, comme la surconsommation de médicaments chez les personnes âgées ou les profils de pratique professionnelle. Là aussi, dites-vous, vous croyez qu'il y a des économies à réaliser. Pouvez-vous nous indiquer comment vous envisagez la réalisation d'économies dans les problèmes comme ceux-là, la surconsommation de médicaments ou les profils de pratique? (14 h 40)

M. Payette: Je répéterai d'abord que tout le problème de la prévention et de la promotion de la santé - prenons, par exemple, dans le cas de la surconsommation des médicaments - est un problème, je pense, dans lequel les intervenants de première ligne peuvent apporter une contribution importante. Il s'agit, très souvent, de faire

l'éducation, il s'agit d'aider des citoyens, de les orienter vers d'autres solutions que les médicaments, de contrôler. Je pense que le type d'interventions que font les CLSC sont toujours centrées sur, je dirais, la responsabilisation des citoyens. Et ça, je pense que c'est vraiment tant essayer de rendre le citoyen responsable et, même, de ne plus avoir besoin de services pour pouvoir lui-même être en mesure de s'occuper de sa santé.

Je vais laisser Mme Vaillant ajouter quelques informations là-dessus, sur la contribution qu'on peut apporter.

Mme Vaillant: Je vais vous donner un exemple, M. le ministre. L'an dernier, on a fait une opération dans les CLSC avec les pharmacies Jean Coutu, une campagne pour rejoindre toutes les personnes âgées. Les CLSC ont fait, avec les personnes âgées qu'ils desservaient, le ménage dans les pharmacies des personnes âgées. Donc, il y a eu là une opération de sensibilisation, premièrement, et d'éducation auprès des personnes âgées. Ça, c'est un exemple.

L'autre volet de votre question qui est extrêmement intéressante, c'est les profils de pratique. Comme disait Mme Yvette Brunet que vous connaissez sûrement, qui est présidente de l'AQDR, à un moment donné, dans un colloque: Ce n'est pas les personnes âgées qui se prescrivent les médicaments. Il y a quelqu'un qui les prescrit, ces médicaments-là. Donc, il y aurait à ce niveau-là, au niveau des profils de pratique, je pense, du travail à faire entre les CLSC, les cabinets privés. On a déjà des mécanismes de collaboration. Il y a des médecins de cabinet privé qui travaillent, par exemple, au niveau des services à domicile.

Mais il y a une sensibilisation à faire à ce niveau-là pour développer de nouvelles approches et éviter cette surconsommation de médicaments.

M. Payette: J'aimerais ajouter un autre exemple, si vous le permettez, M. le ministre. Ce qu'on est en train d'instaurer suite à la réforme, ce qu'on appelle le service téléphonique Info-Santé qui est un service ouvert dans chaque CLSC, qui va l'être, ça l'est déjà dans l'Outaouais et une autre région, où, 24 heures par jour, 7 jours par semaine, un citoyen qui a des problèmes de santé ou des problèmes sociaux peut appeler et avoir une réponse, non pas un répondeur, mais une vraie réponse, de la part d'une infirmière spécialisée qui est en mesure de recevoir cet appel-là, de faire une préévaluation et de fournir un conseil ou une référence soit en urgence hospitalière, soit dans un cabinet privé et ainsi de suite. Là où le système a été implanté, dans la région de l'Outaouais particulièrement, depuis quatre ans, je pense, l'évaluation a démontré qu'une partie très importante des gens qui ont utilisé ce système-là qui est très simple et très peu coûteux seraient allés à l'urgence s'ils n'avaient pas eu ce simple contact avec une personne spécialisée; non pas un médecin, une infirmière qui est en mesure de donner des avis et, très souvent, de rassurer les personnes. Ça, évidemment, c'est un service qui devrait, je dirais, s'étendre sur tout le territoire québécois. C'est inscrit dans la réforme et même dans le plan d'implantation. Là encore, évidemment, c'est un investissement, mais c'est, de toute évidence, un investissement qui, rapidement, peut faire des économies très considérables et diminuer la consommation inutile de services.

Le Président (M. Csmden): Une autre question? Oui, ça va.

Alors, Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président.

Ça me fait plaisir, à mon tour, de vous souhaiter la bienvenue. Nous nous excusons pour nos débats qu'il était nécessaire, pour nous, de tenir au début de cette commission. Ceci n'empiète en rien sur le temps qui vous sera imparti, mais nous croyons que, pour les fins de nos travaux, il était utile que nous puissions en débattre à ce moment-ci avec nos collègues, membres de cette commission. Cela étant dit, je veux vous souhaiter la bienvenue et vous remercier de l'excellent mémoire que vous nous présentez aujourd'hui.

En fait, ce qui est intéressant quand on le lit - j'ai lu la version préliminaire, mais je me suis rendu compte, en vous écoutant, que ça recouvrait essentiellement votre version finale, ce qui était au contenu de la version préliminaire - ce qui est intéressant dans votre document, c'est que vous élaborez une série de pistes d'action très précises. Je pense que le président du Conseil du trésor et les membres de son gouvernement devraient s'en inspirer pour dire: Voilà où nous pourrions faire des économies sans que le citoyen soit pénalisé. Au contraire, il sera mieux servi si nous modifions nos attitudes, notre façon de rendre disponibles des services ou des orientations que nous pourrions privilégier et qui pourraient répondre davantage à ces besoins. Je pense que c'est intéressant que ce soit, entre autres, sur la prévention des bébés de petit poids, sur la prévention de la violence dans les familles, sur la prévention du placement.

Vous mentionnez une expérience tout à fait pertinente avec des familles où on a évité que des placements en institution, avec ce qu'on sait que cela coûte par jour versus le fait que le jeune soit gardé dans son milieu, mais surtout ce qu'il peut en retirer aux plans humain et personnel comme un citoyen qui va devenir un meilleur citoyen parce qu'il sera mieux dans sa peau. Ça, je pense que c'est incalculable, dans un sens, mais c'est intéressant, les pistes que vous soulevez.

Moi, j'aimerais revenir sur le fond, peut-être, des propositions que vous faites, ici, dans

le sens où votre prétention, c'est qu'on devrait intensifier l'approche de prévention et de première ligne et mettre moins d'importance sur l'approche plus lourde, institutionnelle. Dans des mots plus simples, c'est l'hospitalisation et les services très spécialisés dans les hôpitaux et dans les centres d'accueil, d'ailleurs, parce que je pense que ça couvre cela, si je le comprends bien.

D'abord, moi, j'aimerais que vous m'identifiiez ce qui vous apparaîtrait absolument essentiel qui soit fait et qui n'est pas fait, actuellement, pour prendre ce vrai virage, parce que vous semblez dire que ce n'est pas évident qu'il soit vraiment pris.

Deuxièmement, dans votre document, à la page 9, vous faites référence à la politique de santé et de bien-être, parce que vous avez l'habitude de fréquenter les commissions. Il y a eu la commission des affaires sociales qui a longuement débattu, depuis déjà quelques années, de la réorganisation des services de santé et des services sociaux. Une des craintes qu'avaient les organismes oeuvrant en santé et dans les services sociaux, c'était de dire: On n'a pas de politique de blen-ôtre, on n'a pas d'objectif. Or, le ministre a déposé un document. Vous êtes assez durs, jusqu'à un certain point, quand vous dites: «D'ailleurs, le gouvernement du Québec devrait faire sienne cette politique ministérielle.» Avez-vous l'impression ou avez-vous des données vous permettant d'affirmer cela dans le sens où vous croyez que c'est une politique ministérielle, mais que ce n'est pas encore devenu une véritable politique gouvernementale dans le sens où vous ne sentez pas l'appui soit d'autres ministères ou à l'intérieur d'autres programmes à cette politique-là? Parce que c'est l'affirmation que vous faites au document, à la page 9, évidemment, sur le fond et sur cet élément qui est une stratégie majeure si on veut mieux agir. (14 h 50)

M. Payetle: J'aimerais apporter un exemple concret. Il y a eu, il y a environ 18 mois, un ensemble d'organismes qui ont fait ce qu'on a appelé le forum «Vivre chez soi», des gens, évidemment, qui représentaient des personnes âgées, des personnes handicapées, des familles et ainsi de suite; 350 organismes ont fait une déclaration qui demande explicitement au premier ministre d'avoir une politique de maintien à domicile qui soit interministérielle, et nous l'avons déposée récemment à M. Bourassa. Pourquoi? On a beau dépenser beaucoup d'argent dans des soins à domicile, mais s'il n'y a pas de politique de transport, s'il n'y a pas de politique sur le revenu des personnes âgées ou des personnes handicapées, s'il n'y a pas de politique sur la sécurité et s'il n'y a pas de politique sur le logement, les sommes dépensées en soins de santé risquent d'être annulées parce que la personne âgée qui est seule, isolée, qui n'a pas le minimum vital pour vivre, qui ne peut pas se transporter et qui a très peur pour sa sécurité, tôt ou tard, elle va demander d'aller en centre d'accueil, parce qu'il n'y a pas de politique intergouvernementale. Je pense que, ça, c'est un exemple où tant qu'il n'y aura pas une véritable politique gouvernementale concernant le maintien à domicile, on va continuer à travailler - c'est bien sûr - avec des soins de santé et avec des services à domicile, puis on va supporter les organismes communautaires, la Popote roulante, etc. Mais il est nécessaire que ce soit l'ensemble du gouvernement qui décide que le maintien à domicile, dans la société québécoise, il est temps qu'on le fasse parce qu'on a un retard terrible.

Mme Marois: Est-ce que vous me permettez, avant d'aborder l'autre question... Je trouve ça intéressant que vous nous fassiez cette démonstration-là aujourd'hui parce que c'est évident qu'il y a une certaine inquiétude, dans le sens où on dit: On investit de plus en plus dans les services à domicile, et on a l'impression qu'il n'y a plus de fin à cela et que ce n'est pas aussi efficace qu'on semblait le dire. Or, ce que vous nous démontrez avec les gens qui ont réfléchi à ces questions-là, c'est que, dans le fond, tant qu'on aura une vision très sectorielle et très limitée de ce que l'on doit faire, c'est évident qu'on mettra sans fin des sous qui ne donneront pas tout l'effet qu'ils pourraient donner s'il y avait une vision un petit peu intégrée.

C'est très intéressant, je trouve, comme analyse.

Le Président (M. Camden): Mme Vaillant. Mme Marois: Oui, Mme Vaillant.

Mme Vaillant: Sur votre premier point, il est sûr - et ça a été vécu dans d'autres pays - que ce n'est pas facile de faire un virage vers la première ligne, tout comme ce n'est pas facile, dans notre vie quotidienne, de se préoccuper de l'environnement, par exemple. On est portés à ne pas recycler nos affaires, c'est un peu fatigant. Le système de santé doit s'adapter. Il est sur la même trajectoire depuis 1970. Il faut rappeler juste un petit exemple parce que, des fois, ça fait du bien de regarder l'histoire.

Dans les années soixante-dix, il fallait être bien portant pour entrer, pour être admis dans un centre d'accueil et d'hébergement. Au début des années soixante-dix, c'était comme une condition, d'où la vétusté d'un certain nombre de centres d'accueil et d'hébergement. Donc, on a des façons de faire qui doivent changer. Ça, pour vivre dans ce réseau-là depuis un bon nombre d'années et à différents niveaux, je vais vous dire que ce n'est pas tout de go que le réseau hospitalier, à l'instar, par exemple, de ce que certains centres hospitaliers ont fait en Colombie-Britannique, va dire: Écoutez, au niveau régional, on va accepter de prendre 1 % de notre

budget. On va travailler avec la première ligne pour essayer de réduire l'hospitalisation, pour faire des ententes posthospitalisation pour qu'au niveau des services à domicile pour les aînés, pour que les références puissent se faire adéquatement.

Moi, je vais vous dire personnellement, je suis une technocrate du système de santé. Moi, j'ai la conviction profonde que c'est possible et faisable et qu'il va falloir, tant au niveau des centres d'accueil et d'hébergement qu'au niveau des centres hospitaliers... et on va amorcer ça avec les CPEJ. Avec Mme Denis, on avait discuté certaines hypothèses.

Mme Marois: Les centres de protection de l'enfance et de la jeunesse?

Mme Vaillant: Oui. Je m'excuse. Notre jargon: les centres de protection de l'enfance et de la jeunesse. Donc, quand vous dites: Comment ça peut s'articuler? Qu'est-ce qu'il faut faire? Il y a un pas en avant à faire au niveau de l'ensemble du réseau, il faut que ce réseau-là adhère aux 19 objectifs et il faut qu'on soit capables, avec les centres hospitaliers qui ont 6 000 000 000 $... C'est 6 000 000 000 $, le budget des centres hospitaliers; 2 800 000 000 $, la RAMQ. Il faut qu'on soit capables de regarder au niveau des territoires, parce que c'est là que ça se passe, comment on peut mieux articuler des services de première ligne avec des services hospitaliers, s'entendant que c'est comme...

Le réseau, c'est comme un corps humain. Chaque cellule a son rôle. Je vous dirai que ce pas-là n'est pas encore franchi et que nous devrions tous le faire. La Fédération doit également mettre l'épaule à la roue dans ce sens-là.

Le Président (M. Camden): M. Payette.

M. Payette: Oui. Je voudrais ajouter... C'est un problème qui existe en prévention. Souvent, la prévention peut faire des économies énormes. On a calculé, par exemple, que les 15 000 femmes du Québec qui vivent en milieu défavorisé, qui sont enceintes et qui risquent de donner naissance à des bébés de petit poids, si elles étaient toutes suffisamment alimentées par des programmes comme le programme que nous mettons sur pied, là, «Oeufs, lait, orange», ce serait une économie pour le Québec de 42 000 000 $. Cependant, rien ne nous assure que les 42 000 000 $ qu'on pourrait économiser dans les hôpitaux seraient retournés en première ligne et qu'ils ne serviraient pas à développer de nouveaux services de deuxième ligne. C'est ça qui est important, c'est que si on veut que la prévention puisse vraiment avoir de l'impact, puisse vraiment être efficace, il faut que les sommes qui auront été économisées, au moins partiellement, puissent permettre de continuer.

C'est la même chose au niveau de l'institutionnalisation. Si on essaie de maintenir les deux, de mettre autant d'importance à l'institutionnalisation qu'au maintien à domicile, on va être dans un cercle vicieux, le même que le transport en commun, le transport privé et ainsi de suite. Il faut briser, et c'est ça qui est le problème.

Mme Marois: Je vous remercie. C'est très porteur, je pense, d'avenir, comme perspective.

Le Président (M. Camden): M. le député de Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci, M. le Président.

Il me fait toujours plaisir de retrouver M. Payette; toutes les fois qu'on se voit, on se parle de problèmes de coûts dans les différents réseaux, que ce soit celui de la santé et des services sociaux ou d'autres. Toutefois, on s'est vu habituellement dans des circonstances toujours heureuses d'agrandissement de CLSC, de centres locaux de services communautaires dans le centre-ville de Montréal. Vous avez participé à plusieurs ouvertures. Il y a eu déjà beaucoup de changements qui ont favorisé non seulement l'émergence et la planification, mais aussi l'élargissement du rôle des CLSC dans notre vie quotidienne, même en milieu urbain.

Évidemment, votre mémoire parle beaucoup de gains qui pourraient être obtenus par le biais de la prévention. Je pense que vous avez tout à fait raison, mais il n'y a personne qui mésestime l'effet que la prévention peut avoir sur des coûts potentiels que le curatif pourrait avoir à corriger. Vous avez aussi parlé de la décentralisation. Vous êtes allé plus loin. Vous avez dit: Non seulement il faut prévenir, mais il faut décentraliser. Il faut se rendre plus près des gens. Est-ce que vous y voyez des gains de productivité, par hasard?

Le Président (M. Camden): M. Payette.

M. Payette: Écoutez, moi, je suis, comme citoyen, membre d'un conseil d'administration local. Je dois dire qu'on a des décisions à prendre sur un budget, sur l'organisation des services et ainsi de suite. Je sens très bien, comme un profane qui est là-dedans, que la lourdeur administrative, les différents échelons qui nous encadrent d'une façon extrêmement serrée, les différentes bureaucraties qui contrôlent, qui lisent les rapports, qui les relisent et qui nous les retournent et ainsi de suite, ça me paraît des choses qui sont inutiles et qu'il y a là-dedans... d'énormes gains de productivité. C'est une échelle locale. Ce n'est pas énorme, mais multipliez ça par les 600 établissements de la santé et des services sociaux, et je pense que, là, on est toujours à se demander: Mais qu'est-ce qu'il font là, en haut? Alors qu'on souhaiterait

qu'ils se penchent plus pour donner des politiques, élaborer des politiques, on sent que ce qui est fait, c'est beaucoup plus un travail bureaucratique. Alors, à ce point de vue là, ça, c'est une première chose.

Une deuxième chose, moi, je pense que c'est difficile de se sentir imputable et d'être créatif au niveau de l'utilisation du budget qu'on a quand toutes les règles de l'utilisation sont toutes, toutes serrées. C'est à peine si on peut bouger et ainsi de suite. Donnez-nous une chance sur le plan local. Je ne dis pas qu'on veut n'avoir aucun contrôle, mais on veut avoir une chance, et je pense que les citoyens qui sont sur les conseils sont assez responsables pour faire des gains de productivité, pour juger de la pertinence et de l'efficacité des services et pour décider que les services ne sont plus pertinents.

M. Chagnon: Alors, vous faites un lien entre décentralisation et gains de productivité?

M. Payette: Tout à fait, tout à fait. (15 heures)

M. Chagnon: C'est ce que je comprends. Vous êtes vous-même un représentant du monde élu, du secteur local, dans votre MRC. Vous nous l'avez dit précédemment. Nous avons rencontré, la semaine dernière... Nous avons reçu, plutôt, ici, la semaine dernière, la Chambre de commerce du Québec, qui, dans son mémoire, soutenait que l'avenir des CLSC devrait passer d'abord par un regroupement et, deuxièmement, devrait être administré par les MRC, ce qui...

M. Payette: Municipalité. Municipaliser les CLSC.

M. Chagnon: Vous êtes d'accord avec ça, vous? Quelle est votre opinion là-dessus?

M. Payette: C'est une idée qui a déjà été brassée, ici, au Québec. Il y a des modèles européens comme, par exemple, en France, je pense, aussi bien, je dirais, l'école primaire que les cliniques et les services sociaux sont municipalises. Donc, le conseil municipal est aussi le conseil de ces choses-là. Je me souviens qu'à l'occasion de la commission sur les affaires municpales, ça avait été examiné, mais je pense que les Québécois n'avaient pas mordu beaucoup à cette idée-là.

Je ne la rejette pas, cette idée-là, mais je pense qu'il faudrait prendre le temps de bien examiner les impacts. Moi, j'y verrais certainement un certain nombre d'avantages, mais il faudrait que les règles du jeu soient claires, que ce soit clair qu'il y a des politiques quand même concernant la santé et le bien-être, qui viennent du gouvernement central et qui doivent être respectées. Il pourrait y avoir des gains... Bon, je veux dire... Une administration locale pour la MRC Memphrémagog, qui a 33 000 habitants, pourrait faire, sans doute, beaucoup de choses, et on pourrait éviter, je dirais, beaucoup de - Comment je dirais? - frais administratifs.

Ce que je dis, sans être contre ni pour, je pense que c'est une avenue qu'il faudrait explorer. Elle l'a déjà été, mais moi, comme citoyen membre d'un conseil d'administration, je n'aurais pas d'objection qu'on explore cette possibilité.

M. Chagnon: Auriez-vous préféré cette formule-là plutôt qu'une autre formule qu'on aurait pu retrouver, si elle avait été choisie dans la réforme de la santé, au moment où on regroupait les structures? On les regroupait, si j'ai bien compris, par...

M. Payette: Par MRC et par concentration, une fusion de tous les établissements d'une même MRC.

M. Chagnon: On les regroupait aussi par genre. Les hôpitaux...

M. Payette: Oui.

M. Chagnon: ...avec les hôpitaux, les centres d'accueil avec les centres d'accueil, des CLSC avec des CLSC, etc. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de penser que ce serait encore plus cohérent comme système si on avait un hôpital, deux CLSC, un centre d'accueil, etc., regroupés ensemble, sous un même chapeau?

M. Payette: Apparemment, oui. La logique nous amènerait à ça, mais, moi, je pense que, même au niveau local, le poids actuel de tout le système médico-hospitalier serait tel qu'on ne serait plus en mesure dans le moment de faire le virage vers des services légers et des services de première ligne. C'est vraiment ça qui est notre crainte. Jeanne D'Arc?

Mme Vaillant: Là-dessus, là où il y a eu des fusions d'établissements, ce qui se passe, et on l'a encore dans quelques centres de santé en région éloignée, c'est que le poids du curatif est tel, l'hospitalisation est telle que tout ce qui touche les programmes de prévention et plus léger, le maintien à domicile, risque d'y passer.

Puis, il y a un autre élément aussi quand on regarde les grands ensembles. Il y a, en première ligne, une logique d'intervention qui n'est pas la même qu'au niveau des services spécialisés.

Et pour avoir géré un peu les transferts d'à peu près 3000 personnes du réseau hospitalier des CSS en CLSC, une des difficultés que nous avons eue, c'est de changer les modes de pratique. En CLSC, il n'y a pas d'interventions qui doivent être spécialisées. C'est une approche qui doit viser une prise en charge, qui doit viser la prévention, qui est plus légère, et si on n'a pas des garanties au niveau d'un conseil d'adminis-

tration, si on n'a pas des équipes relativement restreintes, souples, on manque le bateau.

On ne peut pas faire ça avec des ensembles de 500, 1000, 2000 personnes. Le personnel moyen en CLSC, c'est autour... La moyenne nationale est autour de 62. C'est insuffisant pour faire toutes les tâches, actuellement. Il faudrait augmenter encore d'au moins 40 personnes pour avoir des équipes minimales autour de 90, pour être capables de faire face à tous les mandats.

Mais si on a de grands ensembles, avec le poids du médico-hospitalier, moi, je vous le dis, c'est comme dans n'importe quoi, la prévention, les approches communautaires, tout ça va prendre le bord et va être, en quelque sorte, balayé par ce qui est lourd et spécialisé. C'est comme une loi de la nature.

M. Chagnon: Vous avez un verdict et un diagnostic plutôt noir, Mme Vaillant. Peut-être est-il réaliste? Toutefois, on ne peut pas oublier le fait que, par exemple, des politiques comme celles du maintien à domicile, quoi qu'on en ait dit précédemment, ont fait l'objet d'augmentations substantielles de crédits depuis les récentes années. Non sans besoin, parce que, sauf erreur, je pense qu'au Québec nous sommes l'État où le nombre de lits par personne âgée en centre d'accueil est un des plus élevés de la planète. Malgré cela, il aurait probablement fallu davantage, il y a 10, 15 ans, commencer par financer du maintien à domicile. Il nous faut faire aujourd'hui du rattrapage, j'en conviens bien. Mais ce rattrapage-là est amorcé, et le ministère de la Santé et des Services sociaux a 1 % de son budget, à tous les ans, un budget de 12 000 000 000 $, soit 120 000 000 $ par année, qui va strictement à l'ensemble de la problématique du vieillissement de notre société, compte tenu du fait que ce vieillissement prend des proportions, évidemment, que nous connaissons, qui sont de plus en plus grandes - tous les démographes sont capables de nous l'estimer - à près de 17 % à 18 % de la population de 65 ans et plus dans une dizaine d'années.

Mais dans le réseau des CLSC, on a quand même eu des augmentations de budget intéressantes depuis 1986-1987, qui ont oscillé entre 9,6 % en 1986-1987; 1987-1988, 6 %; 1988-1989, 9,5 %; 1989-1990, 10,6 %; 1990-1991, 9,6 % et, finalement, en 1991-1992, 7,1 %. Lorsque vous concluez dans votre document que la détérioration socio-économique de notre société ne doit pas être le prétexte à hypothéquer les chances d'une vie meilleure pour les prochaines générations, est-ce qu'on ne peut pas faire allusion au fait qu'année après année les gouvernements, depuis presque 17 ans, ont emprunté de plus en plus pour financer les opérations courantes? Vous qui êtes une technocrate du secteur de la santé, vous savez ce que c'est. Alors, on a investi dans plusieurs champs, avec de l'argent emprunté, pour financer des opérations courantes, pour financer l'épicerie, ce qui fait qu'effectivement les générations prochaines sont handicapées, seront hypothéquées. Mais pour financer nos opérations, aujourd'hui, est-ce qu'il n'y a pas moyen, aujourd'hui, de faire davantage, ou de recourir, d'avoir des revenus supplémentaires, ou de trouver le moyen de diminuer nos coûts, malgré les suggestions que vous nous faites de faire plus de prévention, d'ajouter 40 employés par CLSC? C'est là la dynamique dans laquelle on se trouve sur le plan financier, et c'est celle-là qui nous entraîne vers des problèmes majeurs, plus on avance, et qui feront en sorte d'empêcher des gouvernements à venir de pouvoir investir davantage, par exemple, dans la prévention. (15 h 10)

Mme Vaillant: Là-dessus, je vous dirais que le réseau CLSC dans le secteur de la santé est le seul qui a vécu ça. Il a été fait à partir de transferts de ressources; transfert, au début, des unités sanitaires. Dans les années quatre-vingt, il a été parachevé exclusivement par des transferts de ressources. Il y a 3500 personnes, 2000 venant du réseau hospitalier, 1500 qui venaient des centres de services sociaux, et ça ne s'est pas fait sans difficulté, là. Je vous le dis, il y en a eu, des luttes de tout acabit. Le réseau CLSC a été mis sur pied de cette façon-là en période de récession, avec un budget de 100 000 $ pour l'infrastructure minimale qui avait été ponctionnée à l'intérieur de l'enveloppe des CLSC. Bon. C'est comme ça que les ajouts d'argent se sont faits dans le réseau de première ligne, de façon substantielle. Ce qui a été ajouté - et là-dessus vous avez raison - c'est qu'il y a eu des budgets au niveau du SIMAD qui ont été ajoutés pour le désengorgement des urgences par Mme Lavoie-Roux. Il y avait 40 000 000 $ qui avaient été promis dans le livre blanc, pour les services à domicile, mais, vous voyez, le poids est tel qu'au niveau des 40 000 000 $ il y a eu 20 000 000 $ qui sont allés pour le service à domicile et 20 000 000 $ qui sont allés au niveau de l'hébergement. C'est donc dire que...

Et quand vous parlez des services à domicile, on est, grosso modo, actuellement, à 200 000 000 $. Si vous regardez les 75 ans et plus, il y en a 300 000 au Québec, actuellement, 300 060 personnes qui ont 75 ans et plus, et qui requièrent beaucoup de services. Si ces personnes-là n'ont pas des services à domicile, elles vont s'inscrire sur les listes d'attente pour les centres d'accueil et d'hébergement, elles vont aller dans les urgences, et vous allez les retrouver dans les lits des centres hospitaliers. C'est ce pourquoi il faut qu'il y ait un virage, et nous, ce qu'on dit... Ce n'est pas d'hypothéquer l'avenir des générations futures, ce que nous disons - et on le sait, que ce n'est pas facile - mais il faut réallouer à l'intérieur du système de santé. C'est ce que nous disons, fondamentalement.

Le Président (M. Camden): On vous remercie, madame.

Nous allons maintenant entendre le député de Labelle, qui souhaite nous adresser des questions.

M. Léonard: Merci, M. le Président.

Bienvenue. Merci pour votre mémoire et, je pense, la qualité des discussions que nous avons actuellement.

Évidemment, je viens d'écouter cette discussion sur le rôle des CLSC, des MRC, et ça me rappelle des souvenirs. Je ne veux pas avoir l'air trop grand-père non plus, mais c'était au coeur de nos préoccupations. Je dois dire que les CLSC ont adopté tout de suite les découpages des MRC, et j'avais eu, dans ce débat, l'appui du réseau des CLSC et de mon collègue, à l'époque, Denis Lazure.

Je pense toujours que c'est une des grandes voies de solution aux coûts de la santé, qui sont très lourds, mais qui ne sont pas, non plus... Quand on les compare à ce qu'il y a aux États-Unis, il ne faut pas exagérer. On est encore mieux que ce qu'il y a aux États-Unis. Donc, il faut quand même apprécier ce que nous avons, tout en se disant que tous les problèmes ne sont pas réglés. Alors, nous partons de ces prémisses.

Je vous entendais, tout à l'heure, dire, en parlant de décentralisation des politiques interministérielles qui devaient s'ajuster. J'ai toujours eu un peu de difficulté à penser que les fonctionnaires pourraient s'entendre sur des milieux aussi petits que celui des territoires des MRC ou des CLSC, maintenant, parce que, là, on fait appel à tout l'appareil gouvernemental: les transports d'une part, le ministère de la Santé et des Services sociaux, le ministère des Affaires municipales, puis mettez-les tous. On retrouve finalement toutes les implications ministérielles sur chacun de ces territoires de CLSC.

Plus loin, vous avez dit que, si on mettait à côté, les uns des autres, les services de prévention et les services spécialisés ou curatifs, vous seriez mangés à la casserole. C'est un peu ce que j'ai retenu. J'emploie cette expression. Est-ce que ce n'est pas là la véritable bataille? Une bataille en termes de pouvoirs décisionnels au plan local qui ferait qu'on rééquilibrerait les choses? Et, sur ce plan-là, est-ce que l'expérience que vous avez vécue dans la redéfinition d'un conseil régional vous a satisfait au cours de la dernière année ou maintenant, parce que c'est en train de se faire, ou est-ce qu'on peut penser encore qu'il faudrait aller encore plus proche des services, donc que l'unité territoriale de base serait celle des CLSC plutôt que des grandes régions administratives où, là, on se démarquerait de façon définitive des appareils gouvernementaux, pour reprendre une autre structure?

Et je vais ajouter un peu plus. J'ai toujours pensé que, finalement, un jour ou l'autre, on devrait arriver au Québec à faire des élections le même jour pour les commissions scolaires, les municipalités, les conseils de CLSC, les conseils d'hôpitaux, des conseils des bibliothèques - mettez-les tous - à partir de la même liste électorale, de sorte que le citoyen serait conscientisé sur les équilibres budgétaires qu'il aurait à faire et, donc, en termes décisionnels, de les prendre, les décisions, par ses élus, direct.

J'aimerais ça vous entendre, parce que je trouve que, quand vous avez dit «dans la bataille, nous serons toujours perdants», je ne suis pas sûr, parce que, au fond, la grande logique, c'est que vous dites: les services de prévention seront toujours moins coûteux que les services curatifs. C'est ça, votre point d'appui. J'aimerais vous entendre.

Le Président (M. Camden): M. Payette.

M. Payette: Sur votre dernière suggestion, des élections locales, on a toujours été très favorables que ce soit tout le monde ensemble, et on ne demanderait pas mieux. On l'a d'ailleurs suggéré, et on espère que ça va arriver.

Un autre point que vous avez signalé, c'est la question des conseils régionaux, maintenant. Je suis moi-même membre de l'assemblée régionale de ma région. Ce que je vous dirais, c'est qu'il est encore trop tôt pour conclure. Moi, je pense qu'il y a là un endroit extraordinaire pour pouvoir établir de la concertation, et pouvoir vraiment faire en sorte qu'on évite des choses qui sont inutiles et coûteuses, via cette concertation-là, à un niveau régional, mais ça pourrait être variable d'une région à l'autre.

Le troisième point, je dirais, le dilemme curatif-préventif, médico-hospitalier, services légers, ainsi de suite, je pense qu'il faut distinguer le fait que des situations, comme, par exemple, de grands centres urbains et des centres éloignés. Ça, je pense que c'est très important. On n'a aucun problème avec un centre de santé en Abitibi-Témiscamingue ou sur la Côte-Nord, c'est une formule qui fonctionne très bien. Il s'agit d'un centre qui a en même temps une vocation de CLSC et une vocation hospitalière. L'évaluation de ces centres-là, c'est vraiment très positif. Mais dans une... Prenons la ville de Sherbrooke, où il y a cinq grands hôpitaux. Je ne suis pas sûr si le CLSC qui est là va pouvoir vraiment assumer complètement, en tout cas, pas dans le moment, sa fonction. Je pense qu'il y a des situations où ça va être difficile de rétablir l'équlibre, dans ces centres-là.

M. Léonard: À ce moment-là, est-ce que c'est le cadre budgétaire qui devrait être assez rigide, parce que, lui, il pourrait être dicté par le gouvernement, et imposer les coûts de prévention ou que les services de prévention soient assurés dans ces endroits.

M. Payette: Des budgets protégés. Mais il y

a plus que la question du budget.

M. Léonard: II y a plus que la question de budget, je suis d'accord.

M. Payette: Là-dessus, Jeanne D'Arc.

Mme Vaillant: II y aurait comme, je vous dirais, une adhésion de toutes les composantes du système de santé, y compris les médecins; on n'en a pas beaucoup parlé, mais y compris les médecins. Là où ils ont réussi, je vais vous citer la Norvège, ils ont réussi parce que les associations médicales et l'ensemble des composantes de leur système de santé ont adhéré aux valeurs. Là, il y a un bout que le gouvernement peut faire, mais je suis très consciente qu'il y a un bout que, au niveau du réseau, nous devons faire. Il faut que les centres hospitaliers acceptent la mission des CLSC. Il faut que les cliniques privées acceptent la mission des CLSC. Il faut que les centres d'accueil et d'hébergement aussi...

Nous avons un travail de consensus à faire qui, quant à moi, devrait se faire dans le cadre de la politique de santé et de bien-être. Il faudrait continuer dans ce sens-là. Il y a des indications claires qu'un gouvernement, que le gouvernement peut donner. Il y a des bouts qui ont été faits dans le cadre de la loi 120. Il y a également les objectifs de la politique de santé et bien-être, mais il faut continuellement maintenir le cap, sinon le dérapage est très facile.

Je vais vous citer encore le cas des sages-femmes. Il y a une loi - elle est adoptée depuis deux ans et demi - et il y a une détermination du ministre - il n'y a aucun doute là-dessus. Mais vous avez là une situation de blocage. Il y a eu des rencontres innombrables. Je ne veux pas... Je le donne comme exemple, et, moi, je pense qu'en quelque part il y a comme des messages clairs qu'il faut qu'ils soient livrés et, nous, au niveau du réseau, nous avons, également, nos responsabilités de concertation, sinon on va être tous responsables. Notre système de santé, il ne pourra pas durer, il risque d'éclater.

Le Président (M. Camden): En conclusion, s'il vous plaît...

M. Léonard: Je pourrais simplement dire, en conclusion...

Le Président (M. Camden): ...30 secondes. (15 h 20)

M. Léonard: J'ai 30 secondes? En conclusion, c'est que, quand vous citez le cas des sages-femmes, et que j'étais à l'Université de Montréal, à la faculté de l'éducation permanente, nous nous préparions à donner un cours de formation. Merci.

Le Président (M. Camden): Alors, nous remercions les gens représentant la Fédération des CLSC pour leur présentation, et évidemment, de s'être prêtés à des commentaires et d'avoir répondu également aux questions des parlementaires. Je vous remercie.

Nous allons suspendre deux minutes pour permettre aux gens du Front d'action populaire en réaménagement urbain de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 21)

(Reprise à 15 h 23)

Le Président (M. Camden): S'il vous plaît, je vous demanderais de prendre place. J'invite donc le Front d'action populaire en réaménagement urbain à prendre place.

Dans un premier temps, est-ce que le porte-parole de l'organisme pourrait s'identifier et présenter également les gens qui l'accompagnent à la table des témoins?

Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU)

M. Saillant (François): Oui. Mon nom est François Saillant. Je suis coordonnateur du FRAPRU. À ma gauche, il y a Denyse Lacelle, qui est la présidente de notre organisme; Carlos Borges, du Comité de logement social de Châ-teauguay; à ma droite, Jean-Pierre Wilsey, du POPIR-Comité logement de Saint-Henri-Petite-Bourgogne; et, finalement, Walter Zelaya, du Comité des citoyens et citoyennes du quartier Saint-Sauveur à Québec.

Le Président (M. Camden): Je vous rappelle maintenant les règles de l'audition. Alors, 20 minutes sont d'abord consacrées à l'exposé de votre mémoire; suivra une période de 40 minutes d'échanges avec les membres de la commission, ou un partage à temps égal entre le parti ministériel et l'Opposition. Sans plus tarder, nous sommes disposés à vous écouter.

M. Saillant: Bonjour. Le Front d'action populaire en réaménagement urbain est un regroupement national de 40 groupes de citoyens et citoyennes à faibles revenus. Le FRAPRU a l'honneur de représenter les mal-logés, ceux et celles qu'on appelle les sans-abri fiscaux, ceux et celles pour qui le logement n'est pas une question de gros sous, de rentabilité, d'investissement, mais un droit. Un droit, par contre, qu'on s'acharne à leur refuser, et pour lequel ces gens-là doivent se battre quotidiennement.

C'est sans illusion aucune que le FRAPRU se présente devant cette commission, parce qu'à notre avis elle n'a rien de la vaste consultation sur la fiscalité qui a été promise au sortir des dernières négociations du secteur public. Nous avons acquis la conviction profonde que la

présente commission ne sert qu'à préparer le terrain pour une attaque sans précédent contre les programmes sociaux. Qu'il soit bien clair que nous n'entendons pas nous associer d'aucune façon à cette démarche.

Nous sommes ici dans un but, qui est celui de nous adresser à la population du Québec, et de lui faire entendre un autre discours que celui dont on tente de la gaver depuis la publication du document gouvernemental «Vivre selon nos moyens».

À notre avis, la démarche gouvernementale est incomplète. Elle est démagogique et elle est malhonnête. Le gouvernement libéral a délibérément choisi d'occulter un pan complet de la réalité des finances publiques, qui est celui des revenus de l'État, et plus particulièrement des revenus dont cet État-là se prive en n'imposant pas certains gains réalisés par des particuliers à hauts revenus, et même à très hauts revenus, ou des compagnies. Non seulement le parti au pouvoir ne propose aucune modification à ses dépenses fiscales, mais il n'a même pas la transparence et, à notre avis, l'honnêteté d'en publier le coût total pour l'État, ni de révéler à qui ça sert, à quelle couche de la population ça sert, ces dépenses fiscales.

Il y a à peine quelques pages dans le document quand même assez volumineux, «Vivre selon nos moyens», qui sont consacrées à la question des dépenses fiscales. Il y a à peine quelques chiffres épars qui sont cités, et c'est vraiment des chiffres épars. C'est carrément pour écarter, sans grande démonstration, du revers de la main, toute possibilité de réforme un tant soit peu substantielle de la fiscalité. Comment le gouvernement peut-il avoir le front de brandir le spectre du déficit et de proposer de couper à nouveau dans la santé, dans l'éducation, dans la sécurité du revenu, tout en laissant les privilèges fiscaux intacts.

M. Zelaya (Walter): Permettez-nous de nous attarder au domaine que nous connaissons le mieux, celui de l'habitation. Le FRAPRU évalue que l'état québécois se prive d'au moins 2 000 000 000 $ de revenus en n'imposant pas certains gains réalisés en ce domaine, et ce, alors que les gouvernements fédéral et provincial ne prévoyaient, au total, dépenser que 508 000 000 $ en subventions directes à l'habitation au Québec, ça dans l'année 1992-1993. le chiffre de 2 000 000 000 $ peut sembler énorme, mais avant de le repousser trop facilement, on devrait se souvenir que le livre vert sur l'habitation, «se loger au québec», publié par le gouvernement précédent évaluait à 825 000 000 $ le coût des dépenses fiscales dans le domaine de l'habitation, et les chiffres sur lesquels il s'est basé alors dataient de 1981, avant que ne débute véritablement la flamblée spéculative sur les prix des maisons.

Nous aurions aimé avoir des chiffres plus clairs sur les dépenses fiscales du gouvernement québécois dans le domaine du logement, chiffres que nous avons demandés dès le 6 novembre dernier au ministre responsable de l'habitation, M. Claude Ryan, qui s'était alors engagé à les dévoiler. M. Ryan a renouvelé cet engagement, le 12 janvier, dans une lettre adressée au FRAPRU. Nous devons aujourd'hui constater que le ministre était incapable de respecter son engagement. Serait-il possible que son gouvernement ne se soit même pas donné la peine d'évaluer un manque à gagner d'une telle ampleur? Et, s'il l'a fait, se pourrait-il qu'il trouve ces chiffres trop embarrassants pour les rendre publics? A-t-il donc peur que ses beaux discours sur la dette soient pris moins au sérieux?

Dans notre mémoire, nous faisons part de propositions très concrètes concernant les dépenses fiscales en habitation. Ces propositions sont les suivantes.

M. Saillant: II y en a trois. L'exemption des gains de capital réalisés par les propriétaires au moment de la vente de leur résidence principale devrait être limitée, par exemple, à un montant de 50 000 S à vie. Cette exemption permet au propriétaire de vendre la résidence où il demeure sans payer un seul sou d'impôt sur le gain de capital ainsi réalisé, et ce, peu importe son revenu ou le nombre de fois où il a profité de ce privilège.

En 1989, cette exemption fiscale a coûté pas moins de 4 600 000 000 $ au gouvernement fédéral, ce qui donne une bonne idée de son coût pour le gouvernement québécois - le quart probablement. Pour le FRAPRU, il ne s'agit pas de proposer au gouvernement d'abolir indistinctement cet avantage fiscal, et ce, même s'il pose en soi un problème d'équité, puisque seuls les propriétaires peuvent en profiter. (15 h 30)

II y a, pour nous, toute une différence entre des ménages qui, au moment de leur retraite, vendent la maison qu'ils ont occupée toute leur vie et réalisent ainsi un gain qui leur permet une sécurité financière et d'autres qui s'en servent comme d'un véhicule spéculatif. Il y a toute une différence entre le ménage à revenus moyens ou modestes qui réalise, par exemple, un gain de 50 000 $ une fois dans sa vie et un John Turner qui, en 1984, a fait un gain de capital de 635 000 $ sur la vente de sa résidence de Toronto, sans payer un sou d'impôt, ni en Ontario ni au fédéral. On n'a malheureusement pas d'exemple de ce genre-là au Québec, mais peut-être que certains députés ici présents pourraient nous amener des exemples tout aussi intéressants.

Deuxième proposition. Le gouvernement devrait mettre fin au double avantage tiré par les propriétaires de logements locatifs dont les dépenses comme les réparations majeures, l'entretien, les taxes, les assurances ou la

gestion sont déductibles d'impôt en plus de pouvoir justifier des augmentations de loyer à la Régie du logement. Donc, une dépense et deux avantages. Est-il nécessaire de rappeler que ce privilège, évidemment, n'est réservé qu'aux propriétaires, les locataires n'ayant aucune aide quand il s'agit d'entretenir le logement, d'y effectuer des réparations ou tout simplement de payer le loyer.

Troisième proposition. Le gouvernement québécois devrait abolir immédiatement, et ce, dans tous les domaines, l'exemption de 100 000 $ à vie sur les gains en capital et faire pression sérieusement sur le gouvernement fédéral pour qu'il en fasse autant. De plus, les gains de capital devraient être imposés à 100 % comme n'importe quel revenu de travail et non aux trois quarts comme c'est présentement le cas. Au total, ces exonérations ont privé l'État québécois de 421 000 000 $ en 1990.

Lors de leur budget de 1992, les ministres fédéral et provincial des Finances ont dû avouer que l'exemption de 100 000 $ sur la vente de résidences autres que la résidence principale était improductive, et ils ont aboli cette possibilité. Cette mesure n'en a pas moins coûté pendant six ans des centaines et des centaines de millions au gouvernement, tout en contribuant à la flambée spéculative des années quatre-vingt. Les locataires en ont été les grands perdants. Le stock de logements à bas loyer en a souffert de façon irréparable et même l'accès à la propriété, si cher au gouvernement, s'en trouva compromis à cause du prix des maisons qui devenaient carrément hors de prix. Et le pire, c'est que les gouvernements, tant fédéral que provincial, ont décidé de procéder à l'abolition de cette exemption, mais uniquement de façon graduelle, laissant encore ainsi s'envoler d'autres millions.

M. Borges (Carlos): Si elles étaient retenues, certaines propositions permettraient à l'État de récupérer des centaines de millions de dollars, dont une partie pourrait être investie dans la réalisation de 5000 nouveaux logements sociaux d'ici l'an 2000, comme le revendique le FRAPRU et de nombreux organismes communau taires, syndicaux, féministes et religieux à travers le Québec. La réalisation de 5000 nouveaux logements sociaux en sept ans représenterait certes des déboursés importants, mais elle aurait aussi et surtout des impacts sociaux et économiques non négligeables. Pensons aux emplois qu'elle permettrait de créer. Pensons à sa contribution à la revitalisation des quartiers anciens. Pensons à la diminution de problèmes sociaux importants et à la réduction qui s'ensuivrait dans des domaines comme la santé, les services sociaux ou la lutte à la criminalité.

Le gouvernement n'a peut-être jamais pris conscience que le problème du logement lui coûte cher, et là, nous ne parlons pas du prix des logements sociaux. Quand, de 5000 ménages locataires, 1 ménage locataire sur 5 consacre plus de 50 % de leurs revenus au logement, ça a des conséquences. Ça a des conséquences sur leur possibilité de s'alimenter convenablement et d'alimenter leurs enfants, ce qui oblige, par la suite, le gouvernement à distribuer des déjeuners gratuits dans les écoles. Ça a des conséquences sur leur condition physique et mentale et, du même coup, sur les soins de santé dont ils ont besoin. Ça a des conséquences sur leur capacité de chercher un travail ou de le garder. Tout ça, ça coûte de l'argent, beaucoup d'argent au même gouvernement. Même si le gouvernement ne veut voir ces problèmes qu'en termes économiques, il devrait au moins constater que son laisser-aller actuel dans le domaine de l'habitation a lui aussi un prix. Celui de 100 000 nouveaux logements sociaux lui semblerait sûrement beaucoup moins élevé.

M. Wilsey (Jean-Pierre): Vouloir s'attaquer au problème de la dette sans considération pour les Impacts sociaux et économiques à long terme dont nous venons de parler et en faisant totalement fi des dépenses fiscales des gouvernements, c'est purement et simplement criminel. Le FRAPRU propose, quant à lui, une révision en profondeur de l'ensemble de la fiscalité pour la rendre plus équitable et progressive. Le système fiscal actuel est coûteux. Il ne favorise pas la production de biens et de services, mais la spéculation. Il ne favorise pas la répartition de la richesse, mais sa concentration. Il ne favorise pas la justice, mais l'iniquité.

Afin de permettre un tel débat de société, le FRAPRU s'associe aux centrales syndicales et à de nombreux autres organismes pour revendiquer la mise sur pied d'une véritable commission d'enquête publique sur la fiscalité. Et nous réclamons une fois de plus que le gouvernement ait la décence de publier le coût total de ses dépenses fiscales. En attendant, nous pouvons d'ores et déjà vous annoncer très clairement notre intention de combattre toute nouvelle coupure dans les programmes sociaux, tout contrôle supplémentaire exercé contre les plus mal pris de la société, toute nouvelle tarification pour l'utilisation de services essentiels. Le problème des pauvres et des mal logés, ce n'est pas de vivre selon leurs moyens, comme le demande le gouvernement, mais simplement d'avoir les moyens de vivre.

M. Saillant: Au début de la présentation, nous disions refuser de nous associer aux travaux de cette commission parce que nous avions la ferme conviction que les dés étaient pipés et que la seule raison pour laquelle on nous consultait était pour savoir si nous aimions mieux nous faire couper les jambes, les bras ou la tête. Cette conviction a été renforcée dans les derniers jours lorsque nous avons pris connaissance des propos de la ministre de l'Éducation et

du ministre de la Sécurité du revenu - je devrais plutôt dire de l'appauvrissement - qui sont déjà en train d'annoncer la réalisation de mesures contenues dans le document, normalement de consultation, «Vivre selon nos moyens».

Nous voulions livrer un message à la population. C'est fait. Aller plus loin et accepter de répondre à vos questions, si vous daignez même en poser, et d'ouvrir le dialogue avec vous serait, à notre avis, inconséquent. Vous nous permettrez donc de nous retirer. Si vous voulez continuer votre show, faites-le sans nous.

Le Président (M. Camden): Alors, nous suspendons les travaux immédiatement.

(Suspension de la séance à 15 h 38) (Reprise à 15 h 40)

Le Président (M. Camden): Alors, nous allons suspendre jusqu'à...

M. Johnson: Ça l'est, là. C'est suspendu.

Le Président (m. camden): nous avons repris, m. le président, pour indiquer... alors, nos travaux ayant été suspendus, nous allons reprendre nos travaux à 16 heures, si les gens, évidemment, de l'archidiocèse de québec...

Une voix: Non, la Fédération nationale... Le Président (M. Camden): 17 heures? Une voix: La Fédération...

Le Président (M. Camden): La Fédération nationale des...

M. Chagnon: M. le Président, ils sont ici, nos invités prochains. Pourquoi ne pas commencer tout de suite?

Le Président (M. Camden): Ah! je suis fort disposé. Est-ce qu'on peut nous indiquer si les représentants de la Fédération nationale...

M. Léonard: M. le Président, il y a peut-être des gens qui attendent, à la télévision, pour regarder, à 16 heures.

Une voix:...

M. Léonard: Effectivement, il y a des gens qui suivent cette commission à la télévision, et s'il y en a qui...

M. Chagnon: Ils vont les voir parce qu'on n'aura pas fini à 16 heures.

M. Léonard: Oui. Ils veulent entendre ce que les représentants vont dire devant la com- mission, et c'est à 16 heures.

M. Chagnon: Ils le savent. Ils sont délégués pour venir nous rencontrer.

M. Léonard: M. le député de Saint-Louis, M. le Président pourrait peut-être considérer que j'ai quelque raison tout à fait démocratique de penser que, l'horaire les ayant prévus à 16 heures, c'est à 16 heures qu'on va les entendre. C'est comme un...

M. Johnson: Alors, on peut leur imposer des retards, mais pas des...

M. Léonard: Je vais utiliser un exemple. Un autobus qui doit partir à 16 heures et qui part à 15 h 45, il va manquer quelques-uns de ses passagers.

Le Président (M. Camden): Je comprends fort bien, M. le député.

M. Johnson: À condition que tout le monde ait un billet, oui.

Le Président (M. Camden): On vous remercie, M. le député de Labelle.

M. le député de Limoilou, oui?

M. Després: Puis je vous proposer, M. le Président, que le secrétaire puisse demander à l'organisme qui devait passer à 16 heures s'il veut, s'il est prêt à passer devant la commission. Et s'il est consentant, nous le faisons, sinon nous attendons à 16 heures. Je pense que... Est-ce que, M. le Président, cette proposition...

Le Président (M. Camden): Alors, nous allons... Je suis bien prêt... Je suis disposé à considérer cette possibilité. Est-ce que les gens de la Fédération nationale des associations de consommateurs sont disposés à se faire entendre immédiatement?

M. Beaudoin (Roger): Oui, comme ça peut être à 16 heures aussi, si vous le désirez.

Le Président (M. Camden): Très bien. Alors, à la lumière de vos propos et malgré les propos du député de Labelle, qui se faisait le répartiteur de travaux... Je comprends fort bien que dans un...

M. Léonard: M. le Président, je m'excuse, l'ordre du jour...

Le Président (M. Camden): Un instant, je suis après...

M. Léonard: ...a été adopté et il est prévu qu'à 16 heures la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec vienne.

Mais l'ordre du jour, il a été adopté, et vous l'avez adopté. Je ne vois pas pourquoi, maintenant, on ne le respecte plus.

Le Président (M. Camden): M. le député de Labelle, est-ce que vous en faites une question de consensus?

M. Léonard: Oui.

Le Président (M. Camden): De consentement?

M. Léonard: Oui.

Le Président (M. Camden): Alors, vous refusez. Alors, II n'y a pas de consentement. Nous procéderons donc à l'audition à 16 heures, considérant qu'il n'y a pas de consentement.

Oui, M. le député de Limoilou.

M. Després: Je pense que la proposition que j'ai faite n'était pas d'imposer ni au député de Labelle, mais tout simplement de faire la proposition que si l'organisme était prêt à se faire entendre. Il a fait valoir qu'il était consentant. Je n'étais pas...

Le Président (M. Camden): Écoutez, M. le député de Limoilou...

M. Després: J'ai l'impression que c'est plutôt le député de Labelle qui est en train d'imposer.

Le Président (M. Camden): M. le député de Limoilou, nous avons très bien compris le sens de vos propos. Le député de Labelle a indiqué qu'il refusait son consentement à cet effet, et le règlement veut qu'il y ait égard au consentement. Alors, nous entendrons donc, à 16 heures, les gens de la Fédération nationale des associations de consommateurs.

Nous suspendons nos travaux jusqu'à 16 heures.

(Suspension de la séance à 15 h 44) (Reprise à 16 h 1)

Le Président (M. Camden): Nous allons maintenant reprendre nos travaux. Je demande aux représentants de la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec, qui ont pris place à la table des témoins, de s'identifier.

Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec (FNACQ)

M. Beaudoin (Roger): M. le Président, j'allais distribuer de ce fait une espèce d'annexé, si vous voulez, à notre mémoire, quelques docu- ments. J'allais le faire. Est-ce que quelqu'un viendrait les chercher pour vous les donner ou bien est-ce que je dois circuler?

Le Président (M. Camden): De fait, M. Beaudoin, quelqu'un va prendre les documents et les distribuera aux membres de la commission.

Alors, M. Beaudoin, est-ce que ce serait possible, puisqu'on vous a identifié... M. Roger Beaudoin, est-ce que vous pourriez nous présenter également les deux personnes qui vous accompagnent?

M. Beaudoin (Roger): Oui. Alors, personnellement, je suis Roger Beaudoin. Je suis coordon-nateur de l'ACEF de Québec, qui est un des groupes membres de notre Fédération; je suis aussi coordonnateur du comité fiscalité et budgets gouvernementaux de notre Fédération. À ma gauche, Mme Lise Pilon, qui est présidente de la FNACQ; à sa gauche, M. Richard Dagenais, qui est un membre militant ou bénévole de l'ACEF de Québec et qui est également, tout dépendant des possibilités, recherchiste pour notre Fédération. Malheureusement, Mme Ghislaine Beaulieu, qui est coordonnatrice de l'ACEF-Estrie, n'a pas pu se présenter. Elle a dû s'occuper d'un dossier très important concernant les coupures d'électricité, l'hiver, faites par Hydro-Sherbrooke dans sa localité, et c'était aujourd'hui qu'il y avait une rencontre très importante avec les autorités municipales à ce sujet-là. Alors, elle a vraiment considéré que c'était très important pour les consommateurs et les consommatrices de cette région de s'occuper de ce dossier majeur et urgent.

Le Président (M. Camden): Je vous remercie, M. Beaudoin. Nous considérons fort bien les motifs que vous apportez à l'égard de l'absence de Mme Beaulieu.

Je vous rappelle qu'en vertu des règles d'audition de la commission, 20 minutes sont consacrées à l'exposé de votre mémoire; suivra également une période de 40 minutes d'échanges avec les membres de la commission, répartie équitalement entre l'aile ministérielle et les membres de l'Opposition. Alors, sans plus tarder, nous sommes disposés à vous écouter.

M. Beaudoin (Roger): Mme Pilon.

Mme Pilon (Lise): Alors, la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec, c'est une fédération d'associations de consommateurs qui se consacrent à la défense des intérêts des consommateurs à moyens et à faibles revenus. Elle regroupe actuellement cinq associations de consommateurs.

Nous avons travaillé dans le domaine de la fiscalité depuis plusieurs années, notamment au niveau des budgets gouvernementaux ou des décisions relatives aux budgets gouvernementaux.

Nous avons aussi beaucoup travaillé sur le projet fédéral de TPS et provincial de TVQ. Nous avons aussi participé aux débats qui entourent le financement des soins de santé. En 1990, nous avons demandé une commission d'enquête publique sur la fiscalité québécoise, et nous avons réitéré cette demande en 1991.

Alors, notre exposé va commencer par parler de l'importance des responsabilités et des dépenses de l'État québécois. On n'a pas l'intention ici d'analyser de façon détaillée l'ensemble des dépenses actuelles du fonctionnement et des programmes de l'État. Nous allons présenter un certain nombre d'éléments que nous proposons à la réflexion et qui nous semblent les plus importants en tant qu'association de consommateurs. Alors, quand on pose la question du niveau d'importance et du type de dépenses de l'État, on pose en même temps la question du rôle de l'État, de sa place à l'intérieur de la société. Ce qu'on observe, c'est que, depuis quelques années, il y a des tendances, au Québec mais aussi dans ce qu'on appelle le monde occidental, c'est-à-dire en Europe et aux États-Unis, à des privatisations de sociétés d'État, à un désengagement de l'État et à une diminution des budgets pour l'aide des personnes démunies. La fiscalité aussi a été complètement remaniée, de façon que le fardeau fiscal des gens à revenus élevés et très élevés a diminué, particulièrement aux États-Unis, pour permettre, justement, en principe, à cette catégorie socio-économique d'investir davantage dans l'économie.

D'autre part, ces tendances ont entraîné, dans plusieurs pays, l'appauvrissement d'une grande partie de la population et une concentration de la richesse au sein des catégories les plus riches de la société. Au Canada et au Québec, on constate à peu près les mêmes phénomènes, quoique moins accentués qu'aux États-Unis, et cela est dû, en partie, à des décisions, au niveau de politiques fiscales, qui ont avantagé les personnes et les familles à revenus élevés aux dépens des personnes et familles à revenus faibles, moyens et modestes. Une forme de laisser-aller au niveau des politiques économiques et industrielles a également amené des modifications bouleversantes dans plusieurs pays et la montée du chômage.

Alors, tout ça a amené, finalement, une vision qu'on a appelée néo-conservatrice ou néolibérale, qui considère que l'État est comme, si vous voulez, un boulet dans une société et que, pour... C'est l'idéologie de l'État minimal et qu'il faut toujours moins d'État. On peut se poser la question: Est-ce que le secteur privé gère mieux l'économie et gère mieux la société que le secteur public? Est-ce qu'il gaspille moins? On ne pourrait pas établir comme une vérité fondamentale que le secteur privé gère mieux que le secteur public parce que la vérité n'est pas aussi simple, et on ne peut pas dire automatiquement que, parce que c'est privé, c'est mieux géré. Par exemple, on a les cas de faillites actuelles de grandes compagnies et, disons, d'un certain nombre d'empires financiers qui sont en train de s'écrouler. On a aussi comme exemple les coûts exorbitants des services de santé aux États-Unis, où c'est le seul pays qui, justement, a privatisé et a refusé, disons, de rendre le service public. On peut dire la même chose du côté des gouvernements, qu'il y a aussi mauvaise gestion, manque de contrôle, il y a aussi gaspillage. Mais l'avantage relatif du système public, c'est qu'on peut lui demander des comptes par l'entremise des élus, par l'entremise de l'opinion publique ou des médias.

On pourrait se poser la question: Est-ce que, justement, entre le fait que la gestion privée génère probablement autant de gaspillage que la gestion publique... Ce qu'on constate, c'est que, dans les deux cas, ce qui est commun, c'est que c'est toujours soit le travailleur, soit le contribuable, soit le consommateur qui finit par payer au bout du compte, de sorte qu'on constate qu'il peut exister des abus autant du côté des entreprises privées. En tant qu'associations de consommateurs, on sait que les entreprises privées, dans plusieurs cas, abusent des consommateurs dans leur pratique commerciale, de sorte que s'enligner uniquement sur une privatisation de l'ensemble de l'économie, disons que ce serait peut-être une erreur. On réaffirme la nécessité d'un rôle important de l'État, un rôle important au niveau des services publics, au niveau de la mise en place de politiques fiscales justes, au niveau surtout d'une politique de plein emploi et au niveau de l'accès à la justice de la protection des consommateurs. Disons que l'idéal, ce serait une société mixte où le privé et le public ont des fonctions complémentaires.

Pour traquer les gaspillages, la mauvaise gestion dans le secteur public, il y a l'institution, actuellement, du Vérificateur général. Nous serions favorables à un renforcement du rôle, à un renforcement aussi des capacités de sanctions du Vérificateur général et peut-être, éventuellement, à l'introduction de l'imputabilité des fonctionnaires de l'État face aux dépenses qui sont accomplies dans les différents ministères, ce qui pourrait être une mesure, en fait, qui permettrait justement de traquer les gaspillages. D'autre part, nous considérons que, dans certains domaines, i'État québécois joue insuffisamment son rôle, actuellement. Nous préconisons, justement, une augmentation de la contribution de l'État dans certains domaines, ce qui ne veut pas dire que, dans ces domaines, des économies ne sont pas possibles (16 h 10)

M. Beaudoin (Roger): Alors, comme on est une association de consommateurs, bien sûr, on fait attention à la question: Combien coûtent les services, ies produits, etc.? Ce qu'on constate, grosso modo, pour prendre un exemple important, c'est que quand i'État se désengage partiellement

d'un secteur qui, auparavant, était assumé davantage par lui-même, bien, ça ne veut pas nécessairement dire que, pour l'ensemble de la société, il y a diminution de coûts. L'exemple récent, c'est dans le domaine de la santé, c'est-à-dire que quand on désassure, de façon partielle, certains services complémentaires ou de façon même complète, comme par exemple les services dentaires à certains âges d'enfants, ou quand on introduit un ticket modérateur pour les personnes âgées au niveau de l'assurance-médicaments, bien, ça a des impacts, et ces impacts-là... Par exemple, si on parle du service au niveau dentaire pour les enfants, bien, c'est bien évident que quand il n'y a pas de programme public gratuit, évidemment, soit qu'il y a des gens qui, à faibles revenus, sont couverts; les gens, ensuite de ça, ne sont pas couverts autrement que par le paiement de leur poche ou, encore, les assurances privées.

Bien sûr, ces assurances privées là coûtent cher. Elles coûtent cher aux entrepreneurs, aux entreprises, aux consommateurs et aux consommatrices. De plus, il y a toujours une partie de la population qui n'est pas assez pauvre pour avoir accès à la gratuité et pas assez riche pour avoir accès, avec leur portefeuille ou encore avec les assurances privées, aux mêmes services, un peu comme aux États-Unis.

Aux États-Unis, évidemment, il y a des programmes pour les gens à revenus faibles, mais dès le moment où on est à revenus modestes, on n'a pas les moyens de se payer ces services-là, qui sont pourtant des services essentiels à la population. Nous, on pense que, bien souvent, le désengagement de l'Etat dans certaines responsabilités conduit, au niveau social, au contraire d'économies pour l'ensemble de la population.

Comme on a peu de temps, on a indiqué dans notre mémoire d'autres exemples, comme l'état des routes, évidemment. Quand les routes sont en mauvaise condition, bien, ça coûte cher aux consommateurs. Le Club automobile du Québec a évalué que c'était à peu près 600 000 000 $ de plus par année, l'état actuel des routes dans certaines régions du Québec, à cause des frais de réparation et d'entretien.

D'autre part, quand l'État se désengage, comme par exemple au niveau du régime d'aide juridique qui est un régime intéressant, qui a été en place en 1973 mais qui, depuis plusieurs années, stagne en termes de financement et en termes d'accessibilité de la population pourtant à faibles revenus... Quand on pense que des gens qui gagnent le salaire minimum n'ont pas accès à ce régime-là, bien, à notre avis, quand l'État se désengage de cette façon-là, à ce moment-là, il y a des droits sociaux, il y a des droits humains qui sont, à toutes fins pratiques, abolis parce que les gens n'ont pas les moyens de les assumer.

On pense aussi au programme Lait-école qui est un programme intéressant, en ce qui nous concerne, en termes d'éducation à la nutrition et qui a été aboli à moitié au cours des derniers mois et, bien sûr, à des programmes qui aident la population à se prendre en charge dans différents domaines, comme par exemple au niveau du financement des associations de consommateurs ou encore au niveau des programmes d'éducation populaire autonome.

Là, on a l'air de prêcher pour notre paroisse, comme association, mais on pense que la population apprécie à sa juste valeur l'effort que les associations de notre genre font. Énormément de personnes bénévoles qui s'impliquent chez nous font beaucoup, beaucoup de travail et, la plupart du temps, ne sont pas rémunérées pour ça.

Donc, il peut y avoir des changements dans le rôle de l'État, mais un État qui irait en se désengageant de ses responsabilités, à notre avis, ce serait faire fausse route. Au contraire, on pense qu'il faut que le gouvernement s'engage avec ses partenaires sociaux et économiques dans une politique de plein emploi et de lutte à la pauvreté et à l'appauvrissement de la population du Québec.

Maintenant, Richard Dagenais va nous parler un peu de taxe à la consommation.

M. Dagenais (Richard): Alors, le gouvernement libéral a introduit la taxe à la consommation calquée sur la TPS, en 1991, en nous disant que ça favoriserait finalement la production, que ça diminuerait les coûts des entreprises et, à long terme, que ça profiterait à tout le monde.

D'une part, on néglige le fait que les effets distribuas ont des impacts quand même sur les consommateurs. Le déplacement de la charge fiscale, par exemple, est de l'ordre de 1 500 000 000 $ en 1991. On n'a pas les données exactes, mais c'est de cet ordre-là, c'est-à-dire que les consommateurs supportent un plus grand fardeau et les entreprises en supportent un moins grand. Le gouvernement a augmenté les taxes aux entreprises pour déplacer un petit peu aussi et replacer les choses.

Le gouvernement soutient que l'utilisation d'un crédit à la taxe à la consommation élimine la régressivité, ce qui, pour nous, est inexact. Vous avez, par exemple, dans les feuilles qu'on vous a remises, en page 5, un graphique qui a été constitué par une professeure de l'Université du Québec à Montréal. Il indique que la TPS québécoise a des effets régressifs qui partent, par exemple, de l'ordre de 7 % et qui diminuent à 4,1 % pour les plus riches. S'ajoute aussi à ça la régressivité de la TPS. Je pense qu'il ne s'agit pas juste de dire qu'on abolit la régressivité pour les plus bas revenus, mais la régressivité joue aussi pour les moyens et les revenus un peu plus modestes. Alors, je pense qu'il doit y avoir ici une transparence. Le gouvernement ne doit pas juste faire croire qu'il rend la taxe plus équitable, mais il doit aussi être honnête et

reconnaître ce qu'il en est en termes de réalité.

L'autre aspect, c'est que le gouvernement dit que ça va diminuer les coûts des entreprises. Je pense que, ça, ça sous-estime le rôle des travailleurs qui vont demander une récupération de leur pouvoir d'achat lorsque la taxe à la consommation va augmenter. Si, dans notre économie, les travailleurs demandent, justement, des augmentations de salaire pour récupérer cette perte par la hausse de la taxe à la consommation, les coûts des entreprises vont augmenter et, en soi, les entreprises ne seront pas mieux. Je pense que ce qui compte essentiellement ici, c'est la charge totale, finalement, la charge fiscale totale dans l'économie pour rétablir le niveau de compétitivité par rapport à l'extérieur. Les effets distributes jouent, à mon sens, parce que les consommateurs et les citoyens y perçoivent un élément d'équité. Si les entreprises bénéficient des ressources publiques, je pense qu'on s'attend à ce que les entreprises contribuent aussi au paiement des charges publiques.

L'impact de la TPS, quant à nous, a été important. En 1991, par exemple, le taux d'inflation a dépassé de 1,7 %, au Québec, celui du Canada. Le revenu disponible des Québécois a diminué de l'ordre de 4,5 %, en 1991, étant donné l'inflation de l'ordre de 17,4 % au Québec. Alors, il y a un effet, finalement, sur le revenu disponible. On taxe les consommateurs et on dit: Dépensez plus pour relancer l'économie. Or, il y a une espèce d'incohérence, d'une part. Il s'agit de voir si l'aspect équité n'est pas perturbé dans notre système fiscal. Si on regarde en termes d'impôt sur le revenu, vous avez, à la deuxième page des feuilles qu'on vous a remises, par exemple, l'évolution du taux d'imposition moyen. C'est la dernière colonne. Alors, vous avez pour 1980, 1985 et 1990. Ce qu'on observe, c'est que le taux moyen a diminué pour l'ensemble des catégories de revenus. Les 100 000 $ et plus, par exemple, en 1990, étaient taxés, en moyenne, de 16 % alors qu'ils étaient taxés de 21 % en 1980. Ça, c'est pour le revenu courant.

Si vous regardez à la page suivante, vous avez le revenu de 1990 qui est ramené en dollars de 1980. Ce qu'on observe dans le graphique du haut - je ne sais pas si tout le monde suit, si ça va - c'est que, pour 1990, les taux d'imposition pour les faibles et moyens revenus étaient plus élevés que ce qu'on avait en 1980 alors que, passé un certain niveau de revenus qui est de l'ordre de 37 500 $, les niveaux d'imposition moyens sont plus faibles en 1990, et ça résulte, finalement, de la baisse des taux marginaux d'imposition. En termes d'équité, on voit que les plus hauts revenus sont taxés à un taux qui devient à peu près de l'ordre de 16 % ou 17 % des revenus disponibles pour l'impôt du Québec. En termes d'équité, il y a eu, donc, des effets. On a augmente le taux d'imposition moyen pour les moyens et faibles revenus alors qu'on a baissé celui des plus hauts revenus.

Pour terminer, je pense que le gouvernement fait valoir, dans son document, les éléments d'efficacité économique pour dire: II faut s'ajuster, finalement, par rapport aux économies de nos voisins, sinon notre compétitivité va en souffrir et il y aura plus de chômage. À notre sens, la distribution de la charge fiscale est importante aussi parce qu'il y a une perception d'équité et de justice qui est essentielle dans nos économies, qu'il ne faut pas négliger, qui est aussi importante, à notre sens, que la question d'efficacité. Si on néglige ça, il va y avoir plus d'insatisfaction, plus de grèves et ainsi de suite; donc, une économie qui va être moins performante aussi.

Je vais céder la parole... (16 h 20)

Mme Pilon: En terminant, je vais donner quelques recommandations, mais on n'aura pas le temps de donner toutes les recommandations. Donc, vous pourrez les retrouver aux pages 20, 21 et 22 du document.

Alors, une des recommandations qu'on trouve très importante, c'est le fait de geler la taxe à la consommation et, en particulier, de retourner à l'exemption de la taxe de vente québécoise sur les vêtements, les meubles et les chaussures, ce qui serait une mesure qui profiterait, en particulier, aux gens à modestes et à faibles revenus. On indique dans notre document que, par exemple, on pourrait considérer que les chaussures au-delà de 200 $ et les meubles au-delà d'un certain prix pourraient être considérés comme des produits de luxe et, à ce moment-là, pourraient être taxés. Ensuite, on demande qu'on gèle le taux actuel de la TVQ sur les services à 4 % pour la prochaine année et que le gouvernement fasse tout en son pouvoir pour, d'une certaine manière, essayer de convaincre le gouvernement fédéral de diminuer son financement par l'entremise de la TPS.

On demande aussi qu'il y ait peut-être une enquête sur les marges de profit des compagnies de tabac pour vérifier si ces compagnies de tabac n'ont pas profité du fait qu'il y avait des taxes élevées pour se prendre des marges de profit élevées.

Alors, nous vous remercions de votre attention, et on attend les questions.

Le Président (M. Camden): Je vous remercie, madame.

M. le président du Conseil du trésor, pour vos questions et commentaires.

M. Johnson: Oui, M. le Président.

D'abord, je remercie madame et messieurs d'avoir été ici cet après-midi et d'avoir patienté quelques minutes avant de nous adresser la parole. Je vous remercie.

J'aimerais apporter quelques correctifs à ce que vous venez de présenter. Il est entendu - et je le comprends - que c'est extrêmement visible,

les taxes à la consommation, et ça a, par définition, à revenus égaux, l'apparence d'une régres-sivité, c'est-à-dire que le fardeau semblerait porter davantage sur les gens à revenus plus modestes.

Cependant, j'aimerais rappeler quelques notions qui font en sorte qu'on doit regarder les taxes à la consommation dans l'économie générale de notre fiscalité. Regardez ce qui a été fait au fil des années pour en arriver à ce qu'on croit être un équilibre qu'on a atteint, quitte à - et c'est pour ça qu'on peut en discuter - ce qu'on y apporte certains ajustements, mais juste pour qu'on comprenne bien. Qu'on comprenne, par exemple... et je reprends dans l'ordre inverse où vous avez soumis vos suggestions, qu'il y ait, à nouveau, une exemption sur les vêtements et les appareils ménagers, profitant ainsi, dites-vous, aux familles à revenus modestes. Je suis obligé de vous dire que c'est le contraire qui se passe dans ce temps-là. Comme la page 44 du document que nous avons publié l'indique, c'est majoritairement, et alors là très majoritairement des gens à hauts revenus qui, en raison de leurs habitudes de consommation, portent le plus gros fardeau de taxe à la consommation sur les vêtements, les chaussures, les appareils ménagers. C'est comme ça que ça arrive, simplement. Mais là, je ne tiens même pas compte des crédits aux taxes à la consommation. C'est une réalité, ça, qu'on a observée. C'est en haut de 64 450 $ que les gens paient à peu près... Ils représentent 20 % des ménages. C'est eux qui paient 40 % de cette taxe-là sur les vêtements et les appareils ménagers. Sur les services de loisir, c'est encore une plus grosse portion.

Alors, c'est très progressif, dans le sens que la propension à consommer, évidemment, augmente avec les revenus. Vous me direz que le tableau que vous avez distribué indique, cependant, celui que la professeure, Mme Rose, de l'UQAM, a adressé, sous toutes réserves, les sources de ces documents. Vous dites que ça démontre la régressivité en raison du fait que si quelqu'un qui gagne 111 000 $ paie presque 5000 $, ma foi, de taxes à la consommation, c'est un moins gros problème pour cette personne-là que pour quelqu'un qui gagne 36 400 $ et qui paie à peu près 3000 $ de taxes à la consommation.

Il faut ' redresser les choses d'abord avec les crédits, évidemment, à la consommation, ce que le tableau indique, incidemment. Les trois premières classes de revenus qui sont exposées ici montrent une très nette progressivité, en raison des crédits au titre de la taxe sur la consommation. Deuxièmement, ça me semble faire complètement abstraction de l'évolution des taux d'imposition nuls que nous avons instaurés depuis cinq ans, où une famille avec deux enfants payait de l'impôt à partir de 10 000 $ ou à peu près, il y a cinq ou six ans, et, aujourd'hui, ne commence à payer de l'impôt sur le revenu des par- ticuliers qu'à partir de 26 000 $ de revenus. Alors, il y a littéralement 16 000 $ d'exemptions additionnelles qu'on donne à ces familles-là de revenus qu'elles conservent et dont elles retournent une partie sous forme de taxes à la consommation, mais à l'égard desquelles elles bénéficient d'un crédit.

Moi, ce que je dis, c'est qu'il faut mettre ça en perspective, ces différents tarifs là, ces différentes ponctions fiscales là. Je reconnais avec vous qu'il faut être extrêmement prudents pour assurer, de façon générale, un système fiscal progressif. Vous avez pris quelques éléments qui sont régressifs. Ce que je viens compléter, évidemment, c'est à même les interventions que nous avons faites au titre de la fiscalité, c'est de venir corriger cette régressivité par des mesures qui, elles, sont très nettement progressives. Les gens qui, dites-vous, bénéficient du fait qu'ils ne paient que 4,1 % des taxes de vente au Québec alors qu'elles... 4 % de leurs revenus, des gens qui font plus de 111 000 $, vont aux taxes à la consommation, ça, c'est une donnée. Il ne faut pas oublier que ces gens-là constituent moins de 1 % des contribuables, gagnent 6 % du revenu taxable et paient 10 % des impôts sur le revenu des particuliers. Ils paient 10 fois plus en impôts que la part de la population qu'ils représentent, 65 % de plus que la part du revenu national que ces gens-là représentent. Alors, c'est très, très progressif. Il y a déjà cinq échelles, cinq paliers d'impôt, de 16 % à 24 %. C'est vraiment nettement progressif.

Cependant, vous admettez en filigrane qu'il peut y avoir des difficultés du côté des finances publiques. Compte tenu de ce que vous avez soutenu et compte tenu des correctifs que je peux avoir apportés, quels sont les correctifs que vous suggérez pour assurer une meilleure équité fiscale, selon vous? Nous, on prétend avoir atteint un équilibre, mais je pense que le débat doit s'enclencher autour de ça aussi. Est-ce qu'il y a des mesures précises, compte tenu des correctifs que j'ai apportés, qui demeureraient intéressantes, selon vous?

M. Beaudoin (Roger): Bien, je vais commencer et, ensuite, si Richard...

Premièrement, à notre avis, justement, il y a un problème d'équité avec les diminutions d'impôt sur le revenu qui ont été faites depuis quelques années au niveau des gens à revenus élevés et très élevés. Il y a eu possiblement un maintien de la progressivité, mais une diminution de la progressivité par rapport aux années antérieures, entre autres dû à la diminution du taux marginal d'imposition maximum. Il y a eu effectivement une diminution importante, tout en maintenant aussi un certain niveau d'abri fiscal important, comme par exemple l'exemption de gains en capital, qui profite surtout aux gens à revenus élevés. Donc, oui, jusqu'à un certain point, il y a encore une forme de progressivité

dans le système actuel, mais il y a eu une diminution de la progressivité aux dépens des gens à revenus modestes et moyens, principalement. Aussi, il y a eu une forme de transfert du fardeau fiscal des entreprises vers les consommateurs, entre autres par la mise en place de la taxe de vente du Québec, mais aussi...

Il faut dire qu'on n'est pas les seuls à le dire. Dans les pages qu'on vous a distribuées tout à l'heure - en passant, on les a distribuées tout à l'heure simplement parce qu'on a été pris beaucoup dans des très courts termes et on ne voulait pas vous priver d'information; c'est de l'information publique. La première page 8 1/2 x 14, vous avez des commentaires de Georges Angers, du Soleil, qui indique «Les entreprises restent chouchoutées au Québec». Ça, ça date d'avril 1990. Il refaisait le même genre de déclaration, il y a de cela deux ans ou un an, en disant que la situation pour les entreprises est bonne au niveau des charges fiscales et même meilleure qu'elle ne l'était auparavant. Alors, ce qu'on dit, c'est que le gouvernement est allé trop loin. Il est allé trop loin du côté des taxes à la consommation. (16 h 30)

Vous disiez tout à l'heure que les gens qui ont des revenus de 110 000 $, bien sûr, disons que c'est une bonne évaluation, 4 100 $; ça leur coûte cher en taxes à la consommation, mais, nous, on dit: C'est une question de proportionnalité du revenu, c'est-à-dire que les gens qui ont 100 000 $, eux autres, après avoir payé 4000 $ en taxes de vente, il leur reste 96 000 $. O.K., il y a de l'impôt. O.K., il y a d'autres dépenses, mais la taxe de vente en tant que telle, elle affecte surtout les gens à revenus modestes et moyens. Les correctifs sont là pour les gens à revenus faibles. Donc, on ne veut pas se sentir enfermés dans les propos du document de consultation, c'est-à-dire qu'à notre avis il y a possibilité, il y a une marge de manoeuvre pour l'État québécois d'aller légèrement un peu plus vers les entreprises, d'aller légèrement un peu plus vers les gens à revenus élevés et très élevés et d'assouplir quelque peu la charge fiscale des gens à revenus modestes et moyens. Et on fait certaines propositions.

Si vous nous dites: L'exemption sur les chaussures, par exemple, les vêtements et les meubles, ça profite surtout aux gens à revenus élevés, on est d'accord en termes de chiffres, en termes absolus. On dit: Bien oui, d'accord. Alors, à ce moment-là, augmentons légèrement l'impôt sur le revenu des gens à revenus élevés et très élevés, vu qu'on va leur faire profiter de l'exemption davantage. Et c'est des mesures comme ça. Et, d'ailleurs, dans les pages qu'on vous a distribuées tout à l'heure, à la quatrième page on vous indique certaines possibilités de financement de la mesure de l'exemption qui coûteraient à peu près 835 000 000 $ mais qui respecteraient ce qu'on vous dit, c'est-à-dire un peu plus de charge pour les gens à revenus élevés et très élevés qui ont eu des diminutions de charges, un peu plus de charges du côté des entreprises qui ont eu des diminutions de charges. Et, comme ça, on va arriver à une situation plus favorable aux consommateurs et aux consommatrices; et aussi, ces consommateurs et consommatrices-là vont même aider à la relance économique.

Je ne sais pas si Richard a un complément.

Le Président (M. Camden): M. Dagenais.

M. Dagenais: Oui. Le complément que je veux apporter, c'est concernant le concept de progressivité et de régressivité. C'est un concept qui est défini en économique en rapport avec révolution du taux moyen et du taux d'imposition en fonction du revenu, des classes de revenu.

Je pense qu'il faut appeler une orange ce qui est une orange. Si le taux moyen diminue avec l'évolution du revenu, on s'entend pour dire que c'est régressif. Ce que vous dites dans votre document, c'est que ce crédit-là rend la taxe progressive, ce qui est faux. Ce qui est mal défini. Je pense qu'on est d'accord sur le fait de dire que les plus riches vont payer plus en absolu, et c'est une évidence. Mais, en termes de proportion des consommations, les riches paient un pourcentage qui est du même ordre ou plus faible, finalement, parce que leur taux d'épargne est plus élevé. Et quand vous dites: La propension à consommer des riches est plus élevée, normalement, ce n'est pas exact.

Un autre aspect. Je pense qu'on a, au sud, un président qui s'est fait élire en disant aux Américains: Je vais proposer des nouvelles mesures pour augmenter la base, finalement, de taxation en créant de l'emploi, en générant plus d'activité économique. Il nous apparaît, nous, que c'est une première mesure à faire. Au lieu de dire qu'on est pris dans un phénomène chronique où on a un taux de chômage, qu'il faut diminuer les dépenses et qu'il faut diminuer, finalement, les charges d'intérêts, je pense qu'une première façon c'est d'éviter le gaspillage dans nos économies, c'est de faire travailler nos ressources humaines...

Je m'excuse de vous déranger, M. Johnson.

M. Johnson: Écoutez, un instant, monsieur, s'il vous plaît! Avec toute la politesse, enfin, qu'ici on a manifestée à l'endroit d'absolument tout le monde, on ne peut pas, malgré tout, s'empêcher de demander combien de temps il reste. Si vous répondez longuement aux questions, je n'aurai plus le temps de demander des questions. Ça me préoccupait, avec la présidence, de voir depuis combien de temps vous parliez suite à ma question.

M. Dagenais: D'accord. Alors, moi, je pense qu'une façon aussi de réduire...

Le Président (M. Camden): Est-ce que je peux vous rappeler simplement une chose? Lorsque vous avez à adresser des commentaires, adressez-les à la présidence. Dans l'intérêt du débat et pour la qualité du débat, ce serait préférable.

M. Dagenais: D'accord. Alors, je pense que ce doit être un projet à long terme que de réduire le déficit et, une mesure, ça doit être de relancer l'économie et de la remettre sur pied en investissant, je pense, en termes de recherche et développement, de formation, et ainsi de suite.

Le Président (M. Camden): M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Justement, à ce sujet-là, la fiscalité est un des outils qu'on a pour aider la recherche et le développement. Et la plupart des groupes comme le vôtre viennent nous dire: Resserrez les dépenses fiscales, abolissez-les; il y en a pour des centaines de millions.

La question que j'ai est très précise: Comment pouvons-nous améliorer notre position économique avec ce levier qu'est la fiscalité si on abolit, justement, les leviers qui nous servent à attirer des gens ici, à attirer des entreprises ici, à attirer des emplois ici, à faire en sorte qu'on ait encore un taux combiné d'imposition qui est de 60 % plus élevé que notre voisin américain? C'est ça qui est en cause à ce moment-ci.

On peut répondre, du côté des dépenses: Oui, la santé est privée du côté américain et la santé est publique Ici. C'est correct, mais ça n'explique pas 60 % d'écart des taux marginaux d'imposition sur les gens que vous dites «à hauts revenus», que vous définissez, si je regarde les papiers, comme étant les gens qui font des salaires de professeurs, à peu près, et plus. C'est à peu près ça. Moi, je connais ça, les conventions collectives du secteur public. C'est les ordres de grandeur. Vous dites que les gens sont à hauts revenus rendus en haut d'une échelle de 19 ans de scolarité dans une école secondaire.

Ce n'est pas évident que, dans le monde industrialisé, ce sont eux, les gens à hauts revenus, qu'il faut aller taxer davantage ou à partir de cette classe-là. Ça m'apparaît être la classe moyenne, ces gens-là, pour tout vous dire. Mais ce sont des gens qui paient 51 % en haut; 1 $ sur 2 $ est payé sous forme d'impôt sur le revenu. Et ailleurs, c'est 0,30 $, c'est 0,40 $; c'est 0,50 $ au Japon, mais on n'est pas en concurrence immédiate avec le Japon. Il me semble qu'il faut regarder quel est le niveau de fiscalité, compte tenu de l'endroit géographique où on se trouve, et on essaie de s'aligner.

Alors, ce que je vous demande - vous me dites qu'il y a une lutte au déficit qui est nécessaire - de quel côté devons-nous faire porter nos efforts, sinon du côté des dépenses? Parce qu'à moins que vous me démontriez qu'il y a de la place encore pour monter les impôts - c'est ça que vous me semblez vouloir démontrer, là - il n'y a pas d'alternative vraiment viable, à part de monter les impôts, que celle de diminuer les dépenses.

Le Président (M. Camden): M. Beaudoin.

M. Beaudoin (Roger): Bien, écoutez, c'est sûr qu'à chaque fois qu'on parle de diminuer des abris fiscaux qui sont utilisés plus par des gens à revenus élevés, disons - par exemple, l'exemption sur le gain en capital - ou encore quand on parle des charges fiscales des entreprises, ça serait important qu'elles ne soient pas trop lourdes, parce que c'est nécessaire que les entreprises viennent s'installer ici, bien, on est comme face à une espèce de mur. C'est comme si on ne pouvait pas le faire, sauf que... En fait, ce qui a été fait, c'est qu'il y a eu un allégement des charges fiscales des entreprises depuis quelques années au Québec. Il y a eu un allégement des charges fiscales des gens à revenus élevés et très élevés. C'est possible que ce soit en partie dû indirectement au fait qu'aux États-Unis, pendant un certain nombre d'années - les années Reagan - il y a eu des diminutions importantes d'impôt sur le revenu des gens à revenus élevés, surtout, mais, justement, ce n'est pas une raison pour, ici, faire exactement la même chose. On l'a fait jusqu'à un certain point - pas complètement, heureusement - mais, là, maintenant, on est allé trop loin. À notre avis, il faut revenir en arrière.

Revenir en arrière, ça ne veut pas dire de multiplier par deux la charge fiscale des entreprises ou des gens à revenus élevés et très élevés, ça veut dire: là, maintenant, constatons qu'ils ont eu des améliorations, des allégements, constatons que les gens à revenus faibles, modestes et moyens... Les gens à revenus faibles ont été, en partie, préservés, sauf que le chômage est encore plus élevé. Constatons ça et, maintenant, revenons un peu en arrière. Ça ne veut pas dire de faire tout un gros changement, une grosse réforme.

Et, nous, quand on propose des choses, on essaie de proposer comment l'État pourrait aller chercher le même montant, ou à peu près. Pour le reste, les États-Unis, effectivement, c'est un voisin qui est bien gros, sauf que quand on regarde les autres pays industrialisés, souvent, on est dans la bonne moyenne sur bien des plans.

M. Dagenais: Je pense que, dans votre document, vous nous comparez avec les États-Unis en ce qui regarde les charges fiscales et, à un moment donné, vous dites: Du côté des dépenses de la santé, il ne faut pas regarder les États-Unis parce que ce n'est pas un bon cas; on va aller plutôt voir du côté de l'Europe.

M. Johnson: Je n'ai pas dit ça.

M. Dagenais: Mais, moi, j'ai lu ça dans votre document. J'ai compris ça comme ça.

M. Johnson: Non, non. Vous êtes la seule personne - ça me permet de le dire - qui, depuis le 19 janvier, ait dit qu'il y avait des choses fausses là-dedans. Tout le monde, depuis un mois, a trouvé qu'il n'avait rien, rien, rien ramassé de fausseté. C'est un des inventaires de chiffres et de séries historiques de chiffres absolument neutres, sans partisanerie aucune, et vous en tirez des conclusions, là...

Bien, j'aimerais que vous me disiez où vous l'avez vu, tout simplement. Si vous êtes pour affirmer des choses comme ça, j'aimerais que vous me l'affirmiez.

M. Dagenais: Je vais prendre une minute. Une voix: On peut attendre jusqu'à la fin.

Le Président (M. Camden): Alors, M. le député de Labelle. (16 h 40)

M. Léonard: Bien, M. le Président.

Alors, je vais remercier... Tout d'abord, je vais souhaiter la bienvenue au groupe qui nous a présenté ce mémoire, qui est d'excellente qualité, en passant, parce qu'il touche un aspect en profondeur que nous n'avons pas abordé jusqu'ici, et je voudrais les remercier. Je voudrais aussi excuser la commission pour la réception assez acide que fait le président du Conseil du trésor à vos remarques, mais vous avez raison de les faire. D'ailleurs, je vois que le ministre des Finances est réapparu ici. Ça fait au moins deux jours qu'il n'était pas venu ici, deux jours complets de séances de commission.

M. Levesque: M. le Président...

M. Johnson: La mesquinerie habituelle du député de Labelle.

Le Président (M. Camden): M. le député de Labelle, en vertu de notre règlement, on ne peut indiquer effectivement qu'un député a été absent pendant une courte période.

M. Léonard: Très bien, O.K.

Le Président (M. Camden): Non, non, permettez-moi. On ne peut indiquer...

M. Levesque: Ça, c'est «cheap».

M. Johnson: II ne connaît pas d'autre chose.

Le Président (M. Camden): ...qu'un député ou qu'un membre de la commission a été absent pendant une certaine période. Il est fort évident qu'il n'y était pas depuis les derniers jours, fort probablement, puisqu'on était samedi et dimanche.

M. Léonard: Non, non, je parle des jours de séances de commission. Mais j'ai déjà mentionné, de toute façon, que lorsqu'il était là il se comportait comme une plante verte. Alors, j'ai hâte de l'entendre tout à l'heure.

Le Président (M. Camden): Un instant! un instant! M. le député, vos propos sont plutôt discordants avec la nature des interventions.

M. le député de Beauce, vous avez...

M. Léonard: Très bien. Alors, on va passer au sujet.

M. Audet: Question de règlement.

Le Président (M. Camden): Une question de règlement.

M. Audet: M. le député de Labelle, effectivement, le ministre des Finances n'est pas venu les deux derniers jours parce qu'on ne siège pas le samedi puis le dimanche.

Le Président (M. Camden): C'est ce que j'avais indiqué, M. le député de Beauce-Nord.

M. Léonard: Je pensais à mardi et mercredi de la semaine dernière.

M. Levesque: J'étais ici, mardi.

M. Léonard: Bon! M. le Président, je voudrais d'abord remercier le groupe qu'il y a là pour la qualité de son mémoire, parce qu'il a mis le doigt sur un des problèmes majeurs auxquels sont confrontées ies finances du Québec, un problème que le parti gouvernemental essaie de nier. Je regrette, il y a un problème de fiscalité au Québec, et le tableau que vous avez déposé devant cette commission parle par lui-même. On voit très bien la régressivité qui s'est faite dans la fiscalité, l'impôt sur le revenu de 1980. Moi, je pense que c'est particulièrement important.

L'autre point que vous avez fait valoir, c'est que la réforme de la fiscalité a été faite dans un mauvais moment, en termes d'économie et de comportement de l'économie. J'ai eu l'occasion de le dire mais, au fond, il faut y revenir. Ils ont rendu l'impôt plus régressif avant les élections, on le voit très bien. Avant les élections de 1989, ils ont baissé les courbes d'impôt en disant. Nous avons baissé l'impôt sur le revenu. Là, vous démasquez ce fait-là ici. Puis, l'aspect négatif de la réforme ou plus négatif de la réforme: ils l'ont reporté au 1er janvier 1991, huit mois après que la récession ait été commencée. Et, ça, ça a été particulièrement dommageable à l'économie du Québec. Moi, je pense que c'est une question que vous avez eu

raison de soulever.

Et un des problèmes importants des finances publiques au Québec, c'est celui de la répartition de la fiscalité. Je pense qu'il y en a d'autres, des problèmes dont on n'a pas discuté ici, à cette commission, et qu'on verra bien, parce que nous avons déposé une motion cet après-midi à l'effet qu'il faut discuter de l'impact du déséquilibre des finances publiques fédérales sur le budget du Québec. Ça, c'est important aussi. C'est majeur parce que ça affecte le budget du Québec sur les transferts fédéraux, mais ça affecte le budget du Québec aussi dans son service de la dette puisque les taux réels d'intérêt sont de 7 % Ici, au Canada, depuis le début des années quatre-vingt, sans compter le frein que ça comporte pour l'économie d'avoir des taux d'intérêt aussi élevés.

Mais ces problèmes-là, non, on ne veut pas les regarder, on ne veut que des recettes pour équilibrer le budget, que des recettes qui touchent les dépenses. On ne veut pas examiner l'impact de la fiscalité. Or, il y en a. Et, moi, je pense que la courbe que vous avez déposée sur le taux d'impôt moyen selon les revenus de 1980 m'apparaît particulièrement importante. De la même façon, le rendement de la taxe de vente, compte tenu de la répartition des revenus, de 9000 $ à 111 000 $, lui aussi est très clair.

Donc, sur les deux plans, on a facilité la vie à des gens qui avaient des revenus supérieurs à la moyenne puis, plus ça allait, plus on leur facilitait la vie. Je pense que ce qui ressort de votre tableau... Vous n'avez pas paginé, mais le tableau sur la courbe de la progressivité de l'impôt, je pense que lui indique très nettement que c'est la classe moyenne qui vient d'en prendre un coup. Et cela, je pense, nous amène à discuter des rendements de l'impôt sur le revenu.

Est-ce que vous pourriez, en quelques mots, nous expliquer davantage ce que cela comporte pour le citoyen ordinaire que d'avoir une courbe d'impôt comme celle-là?

Le Président (M. Camden): M. Dagenais.

M. Dagenais: Je pense qu'il est clair que ça affecte le pouvoir d'achat et le revenu disponible, surtout des familles, je pense bien, et même des individus. Les familles, effectivement, ont été allégées dans leur fardeau fiscal ces dernières années. Je pense qu'il y a eu des efforts dans ce sens-là, mais, à mon sens, il faut que le fardeau fiscal se déplace plus vers les hauts revenus qui ont une plus grande disponibilité, finalement, pour assumer ces coûts fiscaux là.

Ce qui se produit, à mon sens, c'est qu'on affecte, à ce moment-là, le pouvoir d'achat et les besoins essentiels, même, de certains individus, de certaines familles, et ça crée donc des contraintes de plus en plus importantes.

M. Léonard: Donc, ça freine la consommation?

M. Dagenais: À mon sens, oui, ça peut freiner. Ça freine la consommation dans le sens que... Si on dit, par exemple, que c'est les moyens et les bas revenus qui ont une propension à consommer plus grande...

M. Léonard: C'est ça.

M. Dagenais: ...effectivement, ça affecte. Et si on impose une taxe à la consommation, on l'a vu, je pense, l'effet, en 1991. Je pense qu'il ne faut pas négliger le fait que c'est dû en partie à l'introduction de la TVQ et de la TPS. Je pense qu'il ne faut pas se le cacher, c'est une réalité. Il faut voir s'il y a lieu, dans l'avenir, d'ajuster les choses, peut-être pour provoquer moins de perturbations dans l'économie.

M. Léonard: Donc, sur les besoins essentiels, genre vêtements, chaussures, appareils ménagers, il faudrait revenir sur cette décision pour stimuler la consommation.

M. Dagenais: C'est une chose qu'on préconise. Oui, je pense qu'il y aurait lieu, par exemple, d'avoir une taxation qui tienne compte, peut-être, du fait qu'il y a certains produits qui sont plus de luxe et donc plus consommés par les catégories de revenus élevés; ça peut être une autre façon aussi de le faire, mais je pense que vu la régressivité, on ne peut pas l'abolir, la régressivité, avec une taxe à la consommation. Je pense qu'elle est là. Essentiellement, c'est un système qui comporte cette difficulté-là.

M. Léonard: O.K. Dans la comparaison que vous avez pu établir avec la courbe de l'impôt d'autres pays, vous avez bien dit que le président du Conseil du trésor choisissait ses modèles là où ça faisait son affaire, et non pas que ses documents étaient faux. Je pense qu'il faut rectifier.

M. Dagenais: Absolument.

M. Léonard: Mais je voudrais, au-delà de cela... Effectivement, lorsque vous avez fait des comparaisons, est-ce que vous avez tenu compte du fait qu'aux États-Unis, lorsqu'on compare les taux d'impôt, les dépenses en santé ne sont pas incluses et que, si l'on veut vraiment faire des comparaisons, il faut inclure les dépenses de santé dans le fardeau fiscal pour que ce soit comparable? Parce que, même si ce n'est pas assumé par le secteur public, pour l'ensemble des citoyens c'est une charge inévitable, inexorable, malheureuse, mais c'est comme ça. Je pense que, qu'ils l'assument par des assurances privées ou par le secteur public, en quelque sorte, cela revient au même dans le fardeau de la société

américaine.

Est-ce que vous pouvez expliciter ou épiloguer là-dessus?

M. Dagenais: Je n'ai pas les chiffres exacts en tête, mais, si on regarde...

M. Léonard: Bien, le fardeau de la santé aux États-Unis...

M. Dagenais: C'est rendu à peu près à 14 %...

M. Léonard: ...dépendant de la façon dont on le calcule, en tout cas, est de 10 %, 10,1 %, 11,6 %, alors qu'au Québec et au Canada c'est en bas de 10 %.

M. Dagenais: Oui. À mon sens, ce qui compte pour les citoyens, c'est la charge globale, peu importe...

M. Léonard: C'est ça.

M. Dagenais: ...de prime abord, de quelle façon elle est redistribuée dans l'économie. Je pense que le secteur public peut avoir des avantages pour contrôler l'évolution des coûts, parce qu'il est une organisation qui a une expertise et qui peut contrôler l'ensemble du système. Ça, ça peut être un avantage; on peut l'utiliser à notre avantage.

L'autre aspect, c'est de dire: Est-ce que, vu que c'est fourni par une entreprise publique, les consommateurs vont être moins bien servis, les besoins vont être moins bien ciblés? À mon sens, il existe des mécanismes pour améliorer, finalement, la coordination entre les besoins et l'offre de service, et on n'a peut-être pas travaillé suffisamment dans ce sens-là.

M. Léonard: O.K.

M. Beaudoin (Roger): Un commentaire bref. Il me semble que les derniers chiffres au niveau des États-Unis, c'était 14 % du PNB. Il me semble aussi que les augmentations de coûts annuelles sont vraiment très importantes et même en complet non-contrôle. Quand vous entendez parler, par exemple, que le président de Chrysler des États-Unis, qui fait une déclaration publique... Il parlait pour les trois grands de l'automobile américaine, il disait... En page 6 de notre mémoire, on l'indique: il disait qu'il donnait vraiment son aval à une intervention du président des États-Unis, Bill Clinton, sur cette question-là, parce que ça n'avait plus de sens. Elles sont rendues, ces trois compagnies-là, à payer 6 000 000 000 $ par année pour les soins de santé, et ça représente des coûts très importants.

Évidemment, ici, les entreprises vont dire qu'elles paient toujours trop cher pour un peu de tout, mais, par rapport à nos voisins, bien, les entreprises, ici, paient moins, tout dépendant, évidemment, de la grosseur de l'entreprise par rapport au niveau de son importance économique, mais, je veux dire, globalement, elles paient moins qu'aux États-Unis. (16 h 50)

M. Léonard: Alors, je vous remercie, et continuez d'essayer d'éclairer la lanterne du parti gouvernemental.

Le Président (M. Camden): M. Levesque, M. le président du Conseil du trésor, M. le ministre des Finances?

M. le ministre des Finances.

M. Levesque: Alors, M. le Président, comme je ne voudrais pas décevoir mon ami le député de Labelle, qui semble s'ennuyer de moi chaque fois que je suis pris ailleurs dans mes fonctions, je vais m'empresser, à ce moment-ci, M. le Président, dans les quelques minutes qu'il me reste, non pas tellement de poser des questions, parce que je ne pense pas qu'on aurait le temps, d'après ce que le président m'a indiqué, mais peut-être d'attirer l'attention de la commission et de nos visiteurs - que je salue fraternellement - sur certains points qui ont été soulevés par le député de Labelle lorsqu'il a parlé de certains aspects de la fiscalité. Il aura peut-être oublié de mentionner que nous n'avons jamais failli à l'indexation, année après année, depuis 1985.

Le député de Labelle, qui veut faire de la partisanerie - qu'on a essayé d'éviter autant que possible jusqu'à maintenant - semble oublier qu'alors qu'il était ministre dans le gouvernement précédent on oubliait de temps à autre l'indexation. Ce serait peut-être bon de le rappeler. C'est important, ça, pour les consommateurs et les gens, particulièrement de la classe moyenne et à faibles revenus. L'impôt sur le revenu, depuis 1985, jamais il n'a été augmenté. Au contraire, nous l'avons réduit.

Il est important aussi de rappeler ce qu'il y a d'important, je pense, au point de vue des consommateurs que vous représentez aussi aujourd'hui d'une façon pour laquelle je vous félicite, parce que vous faites le tour des questions, mais est-ce qu'il y a quelque chose de plus important que la famille au Québec? Les consommateurs se retrouvent en grande partie dans les familles. Quel est le soutien à la famille qu'on avait en 1985? 800 000 000 $. Quel est aujourd'hui le soutien à la famille? 2 300 000 000 $.

Et je pourrais continuer, mais, là, on m'indique que mon temps est déjà expiré. J'aurais aimé vous parler des crédits à la TVQ. J'aurais aimé vous parler également de l'inflation - parce que vous en parlez dans votre mémoire - l'inflation à 0,4 dans la première phase et à 0,2 dans la deuxième phase. Je pense qu'il était important

de rappeler ces chiffres. J'aurai probablement l'occasion d'y revenir.

Le Président (M. Camden): Alors, brièvement, parce que le temps imparti est...

M. Beaudoin (Roger): Brièvement, d'accord. Écoutez, M. Levesque, on n'est pas venus vous dire que tout ce que vous avez fait depuis un certain nombre d'années n'est pas bon.

M. Levesque: Parfait.

M. Beaudoin: II y a certaines choses qui nous semblent assez intéressantes en termes de soutien aux familles. Il y a des choses, par contre, qu'il ne faut pas oublier. Quand on parle de soutien direct aux familles au niveau, possiblement, de l'impôt sur le revenu, du programme APPORT ou d'autres choses comme ça, il ne faut pas oublier non plus que la taxe de vente du Québec, que ces augmentations de taxes là ont aussi été difficiles pour un grand nombre des familles et que le net, II faudra l'évaluer, le net.

Autrement dit, oui, sur certains plans le gouvernement libérai a fait certains bons coups. Il a fait mieux que le gouvernement fédéral, souvent, sur la question de l'appui aux familles. Mais il y a des choses qui, à notre avis, sont à corriger, et on est ici pour vous le dire.

Et, d'autre part, une chose à corriger, M. le ministre... Excusez-moi, il faut que je m'adresse à M. le Président. Nous souhaiterions que le ministre des Finances soit plus clair et plus précis et plus transparent dans les annonces qu'il aura à faire prochainement au niveau du budget parce que, malheureusement, il y a des gens qui ont dû, dans les dernières années - soit des journalistes, soit des commentateurs - chercher des chiffres, chercher des mesures, les trouver quelques jours plus tard, les annoncer à la population par l'entremise des médias. Et, à notre avis, ça devrait être beaucoup plus clair et transparent, le processus d'annonce des mesures par le ministre des Finances. En tout cas, ça, c'est un voeu, selon nous, très important, parce qu'il y a aussi le rapport des citoyens et des citoyennes avec l'État qui est en jeu là-dedans. Ceci n'implique pas du tout, M. le Président, que nous n'aimons pas le personnage du ministre des Finances, mais, par contre, nous souhaitons vraiment plus de transparence et de précision à l'avenir.

Le Président (M. Camden): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président.

Je pense que c'est intéressant, les dernières remarques que vous venez de faire, parce que nous avons été nous-mêmes, ici, et vous-même comme organisme qui vient témoigner, victimes de cela, puisqu'on nous a rendu public le document sur lequel, d'abord, on débat depuis qu'on a commencé cette commission, quelques jours à peine avant qu'elle n'ouvre. Et on nous a donné des explications sur des manques à gagner pour l'État, de l'ordre de 2 500 000 000 $, le matin où on a ouvert cette commission. Alors, si ça ne manque pas de transparence, ça, je me demande ce qui en manque. Donc, dans ce sens-là, j'espère que vos propositions et vos conseils ne tomberont pas dans l'oreille de sourds, pour que cela soit plus évident à l'avenir et que les citoyens et citoyennes soient davantage informés. Je suis tout à fait d'accord avec vous.

Je voudrais revenir sur votre mémoire, que je trouve particulièrement intéressant. Je pense que mon collègue, le député de Labelle, a fait état d'un certain nombre d'éléments qui sont tout à fait justes. Dans le fond, ce qu'on aurait souhaité, compte tenu que cette commission était d'abord convoquée sous prétexte de discuter de fiscalité, c'est que les comparaisons que vous faites sur un certain nombre d'années, sur un certain nombre de périodes nous soient faites dans le document. On préfère, effectivement, se comparer soit aux États-Unis ou ailleurs, choisissant les systèmes selon ce qui nous convient, et ça met de côté, à mon point de vue, le véritable débat qui devrait porter sur la fiscalité.

Cela étant dit, il est évident que la façon de résoudre le problème auquel est confronté l'ensemble de notre société en termes de finances publiques - parce qu'il y en a un, cependant, un problème réel - et peut-être aussi la façon de résoudre le problème auquel sont confrontés surtout nos concitoyens et nos concitoyennes, c'est qu'on augmente le niveau de richesse. On sait fort bien, actuellement, qu'il y a probablement une seule avenue à travers laquelle on peut passer pour faire en sorte que ça ait un impact global et que ça rejoigne en même temps chacun des citoyens et des citoyennes, et c'est par les politiques de l'emploi.

Une des préoccupations que nous avons, de ce côté-ci, à tout le moins, c'est que, pour réaliser une politique de l'emploi, nous croyons qu'il doit y avoir une unité d'action dans le secteur des politiques de main-d'oeuvre et des politiques actives du marché du travail. On voit actuellement une décision qu'est en train de prendre le gouvernement fédéral, le Parlement, si la loi devait être adoptée, qui aura des effets désastreux sur les chômeurs du Québec mais aussi sur les finances publiques du Québec parce que, si on modifie la Loi sur l'assurance-chômage, on transférera ainsi des consommateurs et des consommatrices, des travailleurs et des travailleuses vers les régimes de sécurité sociale, vers les régimes d'aide sociale, et on amplifiera la pression, évidemment, sur les finances publiques du Québec.

Moi, j'aimerais que vous me parliez un petit peu de l'état de vos réflexions quant à l'impor-

tance d'implanter une politique d'emploi - et vous pariez vous-même de plein emploi - quant à des gestes qui devraient être posés par le gouvernement et par les partenaires. Parce que je ne pense pas que ce soit la responsabilité du seul État, mais c'est la responsabilité d'une collectivité, d'une société qui s'incarne - cette société - dans des organismes, dans des institutions, qui se concrétise par des décideurs dans notre société. Alors, moi, j'aimerais que vous me parliez un petit peu de cet angle-là et, évidemment, sous l'angle aussi des dédoublements auxquels on est confrontés, qui ont un impact sur les finances publiques et qui empêchent, en plus, que les politiques d'emploi soient réellement efficaces. (17 heures)

M. Dagenais: Je pense qu'il faut concevoir le problème de la dette de deux façons, et d'abord le concevoir dans sa situation conjoncturelle. Je pense qu'il est normal, pour une administration publique, d'assumer, certaines années où il y a récession, des déficits pour compenser. Là où c'est plus problématique, effectivement, c'est qu'il y a, au Québec, un déficit structurel et, à ce moment-là, je pense qu'il faut agir sur la structure de l'économie. Il y a des composantes qu'on peut essayer de modifier, qui ne requièrent pas, en soi, des investissements importants, mais plutôt des investissements en termes de gestion, d'amélioration, finalement, des relations entre les divers intervenants de l'économie. Et, à mon sens, ça passe par la concertation. Les économies qui fonctionnent le mieux, à mon sens, c'est les économies où il y a concertation. Et mon impression, c'est que le gouvernement laisse trop de place encore au libre marché, au fonctionnement des entreprises privées, et ne veut pas suffisamment intervenir pour assurer une coordination d'ensemble qui, à mon sens, améliorerait la situation.

M. Beaudoin (Roger): Peut-être un dernier élément ou deux autres. C'est qu'un des problèmes qui vient souvent quand on parle de plein emploi, c'est deux choses.

Premièrement, est-ce que c'est utopique? Nous, on pense que, que ce soit le plein emploi ou le développement de l'emploi, il faut vraiment une volonté politique d'aller dans ce sens-là avec les partenaires socio-économiques parce que, sans ça, on va avoir des relances à tous les cinq ou sept ans. Mais le chômage structurel va rester comme ça et, ensuite, il va y avoir une autre récession. Et là, on va revenir comme ça, et les finances publiques, finalement, vont toujours être dans le trou, si vous me permettez l'expression. Et donc, une véritable relance doit passer par une relance de l'emploi.

D'autre part, le contrôle de l'inflation. Le plein emploi, dans bien des circonstances, peut entraîner une augmentation de l'inflation, entre autres, au niveau des désirs des travailleurs et des travailleuses, une plus grande mobilité, etc. Mais il faut agir là-dessus pas par des politiques de type seulement monétaire, mais, encore là, par une forme de concertation socio-économique. Quant au dédoublement qu'il peut y avoir au niveau fédéral-provincial, je vous dirai que, malheureusement... Malheureusement, dans un sens, simplement qu'on ne peut pas vraiment répondre à la question. On n'a pas beaucoup analysé cette chose-là. On n'est pas convaincu qu'à chaque fois que le Parti québécois parle qu'il y a dédoublement c'en est nécessairement. On n'est pas non plus convaincu que ça n'en est pas. Par contre, sur la question de la main-d'oeuvre, je vous dirai qu'on avait tendance, sans trop en avoir discuté, à dire qu'il pouvait y avoir une forme de dédoublement, mais on manquait un peu d'expertise dans ce domaine-là.

Mme Marois: C'est intéressant, je pense, la porte qui s'ouvre là et, de plus en plus, autour de cette perspective de politique d'emploi à laquelle adhèrent, d'ailleurs, un bon nombre d'organisations et de groupes qui sont venus présenter ici des mémoires. Et, sur la base, entre autres, de cette concertation utile et nécessaire, je pense qu'il va falloir poser des gestes très concrets dans ce sens-là, sinon, on ne réglera pas le problème structurel auquel on est confronté comme société et qui est déjà en train de miner notre économie, mais qui est en train de miner notre organisation sociale aussi. C'est là où ça nous mène.

Moi, juste peut-être pour un peu appuyer sur la question des dédoublements, je comprends que ce n'est pas nécessairement, vous, comme association, comme fédération, votre préoccupation, et vous n'avez pas nécessairement tous les outils pour en faire l'analyse. Mais ce que je peux vous dire, c'est que d'autres avant nous l'ont fait. Et, soit dans les commissions comme celle de Bélanger-Campeau ou des études de l'École nationale d'administration publique, il y a effectivement des dédoublements en nombre important. On parle de plus de 250, certains qui sont essentiellement d'ordre de gestion, si on veut, d'autres sont de l'ordre des services, mais il y a sûrement un travail à faire de ce côté-là. Et, au niveau de l'emploi, ça, on sait très clairement, c'est bien établi, qu'il y en a. Mais c'est établi aussi dans un certain nombre d'autres secteurs par des études qui méritent d'être remises à jour, mais qui existent déjà.

Je vous remercie, M. le Président. Je pense qu'il reste quelque temps pour mon collègue?

Le Président (M. Camden): Oui, M. le député de Montmorency.

M. Filion: Est-ce qu'il y a alternance ou...

Mme Marois: Ils ont terminé, eux.

M. Filion: Ah! ils ont terminé.

Le Président (M. Camden): Le temps de l'aile ministérielle étant épuisé...

M. Filion: II reste combien de temps?

Le Président (M. Camden): Deux minutes.

M. Filion: Doux minutes.

Le Président (M. Camden): Votre question et la réponse.

M. Filion: Merci, M. le Président.

J'aimerais d'abord dire que votre mémoire est très intéressant. Vous soulevez beaucoup d'aspects pratiques, d'aspects qui touchent vraiment la fiscalité sur le terrain, comme on dit. Et il y a un point que vous soulevez sur lequel j'aimerais avoir un peu plus de commentaires et qui nous donne des pistes en même temps. Vous dites: Le gouvernement, en sixième recommandation, ne doit pas piger dans les revenus des sociétés d!État - SAAQ et HydroQuébec - qui ont des fonctions bien précises pour la population québécoise.

Pour vous, est-ce que ça représente des institutions qui deviennent des espèces de taxes cachées où vous avez l'impression qu'au fond on prélève chez Hydro-Québec des frais, entre autres, de garantie pour les emprunts? 147 000 000 $, c'est peu dire. C'est une façon de financer le gouvernement. Est-ce que, pour vous, ça vous apparaît une espèce de taxe cachée, le fait que vous le souleviez de cette façon-là?

M. Beaudoin (Roger): En fait, effectivement, c'est une forme de taxe cachée dans le sens que, par exemple, quand le gouvernement prend des montants au niveau de la Société de l'assurance automobile du Québec, ce que ça fait, concrètement, c'est que si, pour tout de suite, ça n'a aucune conséquence sur les tarifs de services de la SAAQ, dans deux ans, il y a des bonnes chances qu'il y ait des augmentations qui soient dues au fait que le gouvernement est allé chercher de l'argent dans ce pot-là.

Alors, pour Hydro-Québec, remarquez que c'est peut-être un peu différent. Le rationnel, c'est de dire que le gouvernement assume une forme de garantie d'emprunt sur le marché international, etc. On peut toujours en discuter, mais, au bout du compte, ce que ça fait, c'est que ça fait effectivement une dépense de plus au niveau d'Hydro-Québec et, donc, une pression sur l'augmentation des tarifs, évidemment. Alors, ça a toujours un impact.

M. le Président...

Le Président (M. Camden): Très brièvement, M. Beaudoin, pour terminer.

M. Beaudoin (Roger): Oui, d'accord.

Le Président (M. Camden): Très brièvement, 30 secondes.

M. Beaudoin (Roger): C'est que si, effectivement, on n'augmente pas l'impôt sur le revenu, mais qu'on augmente beaucoup, beaucoup les taxes à la consommation ou toutes les formes de tarification ou de taxes cachées, au bout du compte, c'est quand même des charges fiscales très importantes de plus qui sont assumées par la population.

Le Président (M. Camden): M. Beaudoin, Mme Pilon, M. Dagenais, de la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec, nous vous remercions de votre participation à la commission.

Nous allons suspendre nos travaux pour deux minutes afin de permettre aux représentants de l'Archidiocèse de Québec de prendre place à la table.

(Suspension de la séance à 17 h 7)

(Reprise à 17 h 8)

Le Président (M. Camden): Je prierais nos invités de bien vouloir prendre place. Veuillez, s'il vous plaît, prendre place afin que la commission puisse reprendre ses travaux.

Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Archidiocèse de Québec. Dans un premier temps, est-ce que le porte-parole de l'organisme pourrait s'identifier et présenter les gens qui l'accompagnent?

Office diocésain des milieux - diocèse de Québec

M. Théberge (René): Bonjour, bonsoir. Mon nom est René Théberge de l'office de pastorale, l'Office diocésain des milieux, c'est le titre, qui est le service, au diocèse de Québec, qui porte la préoccupation des questions de justice et des questions socio-économiques. Les membres de la délégation: Christiane Lagueux, qui est au diocèse de Québec aussi, membre de cet Office diocésain des milieux, avec la préoccupation sociale, et Pierre-André Fournier, qui est curé de Saint-Roch, qui est un collaborateur précieux pour nous et qui porte ces préoccupations-là quotidiennement dans son milieu.

Le Président (M. Camden): M. Théberge, évidemment, ça me fait plaisir de vous accueillir. Je vous rappelle brièvement que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, et que 40 minutes seront partagées en temps égal entre les membres de l'aile ministérielle et de l'Opposition afin de vous formuler des commentaires ou des questions auxquels vous serez invités à répondre.

Vous pouvez débuter la présentation de votre mémoire.

(17 h 10)

M. Théberge: Merci. J'ai conscience qu'on arrive après beaucoup d'autres prises de parole. Ce sera la nôtre plus simplement, avec nos convictions, avec ce que nous sommes.

L'Office diocésain des milieux au diocèse de Québec a comme mission de promouvoir les valeurs chrétiennes, les valeurs de justice et de solidarité. Ce sont nos assises. Et une des conséquences, c'est de rendre autonomes le plus possible les individus et les groupes laissés pour compte, en particulier dans le développement de notre société.

Donc, prendre la parole ici aujourd'hui, c'est en vue, toujours, de l'humanisation, la dignité des personnes à travers nos systèmes sociaux, à travers des éléments importants de la dignité des personnes actuellement, les systèmes sociaux qui entourent la vie des personnes. Notre présentation va suivre l'évolution du libellé, va suivre le libellé de la consultation: l'évolution des dépenses gouvernementales, dans un premier temps, la fiscalité, le déficit et les besoins financiers.

Bien sûr, on n'a pas de réponses techniques à vous donner ou de statistiques sophistiquées. Vous espériez peut-être ça, mais ce n'est pas d'abord de ce côté-là qu'on peut exceller, mais, nous faire les porte-parole d'un certain nombre de valeurs et d'impératifs importants.

Notre niveau de connaissance, je dirais, c'est celui de citoyens et de citoyennes moyens qui écoutent les médias, qui, aussi, utilisent les services d'éducation, de santé, les régimes d'assurance sociaux de toutes sortes, et qui profitent aussi des différents programmes de développement offerts par le gouvernement, les gouvernements, et, avec le souci d'une gérance dans nos organismes, dans nos budgets, d'avoir la meilleure gérance et la meilleure utilisation des ressources.

Et je dirais que, comme valeur de fond, nous refusons de croire que, fatalement, les forces économiques soient incontrôlables - ça, pour nous, c'est fondamental, ce n'est pas magique, mais je crois que vous en êtes convaincus aussi - et que les décisions du gouvernement en cette matière ne puissent qu'être à la remorque de décisions canadiennes ou de décisions des grandes tendances mondiales. Ça, pour nous, c'est fondamental, un gouvernement reçoit de la population l'importante responsabilité d'assujettir ses forces au service de toute la population, de toutes les personnes. C'est des grands principes, mais nous y croyons fermement.

Des critères de choix. Notre première recommandation concerne les principes qui doivent soutenir tous les choix socio-économiques. Le premier: des choix qui tiennent compte prioritairement des personnes les plus démunies: les jeunes, les sans-emploi, les femmes, les personnes immigrantes, les réfugiés, les familles à faibles revenus. Et le deuxième choix de fond, des choix qui favorisent le développement durable des différentes régions du Québec. Et ça, je crois que vous avez eu l'occasion souvent de voir les implications dans des régions comme.. On peut penser à Rimouski, Gaspé, des implications des églises des diocèses pour savoir que c'est une option qui a des enracinements très concrets.

Des choix qui sont souvent exprimés, mais l'écart entre riches et pauvres ne cesse de grandir. On parle d'une société «à deux vitesses», «cassée en deux». Ce sont des expressions imagées, mais des expressions, je crois, qu'on ne peut pas ne pas retenir. Et éviter de sacrifier, au niveau d'une génération. Je pense ici à la génération des plus jeunes. Il y a quelque chose là, pour moi, qui est vraiment... Les jeunes., actuellement, on leur offre peu d'espoir, et ça, c'est crucial, pour moi, de ne pas pouvoir nourrir un minimum d'espoir chez cette génération-là.

Donc, les principes qui ont motivé jusqu'à maintenant les choix économiques et financiers de nos gouvernements ont été du côté de la croissance de notre richesse et de la lutte contre les dépenses. Les résultats ne sont pas venus, je crois que vous le savez mieux que nous, il faut corriger la trajectoire, mais l'État ne doit pas simplement faire le jeu des grands monopoles: mise à pied, fermeture, abandon de services, etc.

Il y a ici peut-être un point que j'ajouterais. Notre société, elle est socialisée dans le bon sens du mot. Nous sommes imbriqués dans des systèmes multiples et aussi, dans les périodes de crise, on ne doit pas redonner toute la responsabilité à l'individu. Dans le fond, la socialisation fait partie de notre culture. Ça, c'est, pour nous autres, une donnée importante. C'est vrai, dans les périodes de croissance, que la socialisation fait partie de... qu'on appartient à des systèmes, mais c'est vrai aussi dans les périodes de décroissance. Donc, ceci pour dire de ne pas faire reposer sur l'individu les difficultés d'une décroissance. Il y a là une responsabilisation - je crois que c'est un mot important - à la fois chez les entreprises et chez les patrons, dans la gérance d'Etat et chez les individus aussi.

Les conséquences sur les dépenses gouvernementales. La première, c'est l'emploi. Pour nous, l'emploi est l'objectif premier de toute politique, de tout programme socio-économique. Ça nous paraît, encore une fois, fondamental de le redire: travailler sur l'emploi. On ne cesse de dire que, pour nos pays industrialisés, la redistribution de la richesse collective se fait d'abord et avant tout par les revenus d'emplois et la sécurité qui s'y rattache.

La situation se dégrade avec les fermetures d'usines: précarisation, pauvreté, marché noir. Alors, encore là, parler de plein emploi, c'est

peut-être utopique, mais, quand on le dit, c'est pour dire l'importance de travailler vraiment à l'emploi. Pourquoi ne pas faire servir les grands traites du libre-échange à la poursuite de cet objectif en proposant, en négociant des normes qui servent cet objectif et responsabiliser aussi encore davantage les entreprises elles-mêmes, les entrepreneurs, à l'idée d'être créateurs d'emplois? Il faudrait, il me semble, qu'il y ait comme un lien nécessaire entre toute aide à l'investissement de la part de l'État, en particulier, et la création d'emplois. Trop souvent, actuellement, on va aider une entreprise à se moderniser parce qu'il y a une production supplémentaire à faire, parce qu'il y a des contrats, et l'État aide à la modernisation et au bout de la course souvent, il y a des mises à pied parce qu'on peut produire plus avec moins de monde. Donc, il me semble qu'il y aurait un lien à faire entre aide à l'investissement et création d'emplois.

Au point B, réviser la loi de la sécurité sociale et faire de cette protection un droit plutôt qu'un privilège. Là, il s'agit de la dignité, encore une fois, des personnes. Même le Protecteur du citoyen lance des appels dans ce sens-là. On agit parfois, on a l'impression, c'est comme si la pauvreté était une question de choix personnel, sans tenir compte de ses conséquences désastreuses pour la personne elle-même, pour la famille et son milieu.

Les lois de sécurité sociale, comme l'as-surance-chômage et le bien-être social, étaient prévues comme des filets pour protéger le citoyen temporairement - je crois que c'est le mot important: temporairement - en difficultés financières entre deux situations stables. Maintenant, on se rend compte que de plus en plus de gens doivent compter sur ces sources de revenus d'une façon permanente, et c'est tout le déséquilibre que ça provoque. (17 h 20)

La pauvreté et le fait d'être longtemps sur la sécurité du revenu, en chômage, ça a des effets qui sont déstabilisants, démobilisants pour les personnes et sur leur capacité de travailler. Et il ne faut pas se surprendre que, dans les reprises économiques, les gens ne retournent pas aussi facilement sur le marché du travail qu'ils en sont sortis, parce qu'il y a les structures de personnes qui sont brisées. Ici, encore une fois, je pense aux jeunes. Il y a toute une génération chez qui... On leur donne peu de rêves de produire, leur capacité de produire, de travailler à l'âge où on est en pleine puissance, je dirais, d'actualisation de soi.

Au point C, favoriser une politique industrielle à deux volets, un volet haute technologie qui nous place et nous maintient sur le marché international. Chaque région du Québec pourrait recevoir sa part de responsabilités à cet égard, en prenant en charge au moins un des grands secteurs industriels. L'idée des grappes industrielles nous paraît intéressante, il faudrait peut- être la penser en termes des réglons, que les régions puissent vraiment en bénéficier.

Le deuxième volet, qu'on appelle un volet «artisanal», qui permet la production et la distribution de services à haute échelle. Par exemple, «Achetons chez nous». Les résultats d'une telle politique artisanale créent des emplois, mais ils soutiennent aussi les personnes. On pense, ici, dans cette ligne-là de volet artisanal, à toutes les petites coopératives de production qui seraient à soutenir; ça s'est déjà fait beaucoup, il y a peut-être eu un relâchement de ce côté-là, une coopérative de production, que ce soit en habitation, en artisanat et différentes choses.

Au point D, en bas, augmenter les crédits à l'éducation et, plus particulièrement, à l'éducation aux adultes et à l'éducation populaire autonome. L'éducation populaire nous paraît une façon de resocialiser des personnes et une manière de lutter contre la marginalisation. Il se fait beaucoup... Je dirais qu'avec peu de moyens, c'est un domaine où il y a beaucoup de choses qui se font. Il nous semble essentiel de continuer à lutter contre la volonté du gouvernement fédéral de créer un système parallèle de formation de la main-d'oeuvre; c'est un point sur lequel on sait que vous travaillez.

Au point E, maintenir l'universalité des services, comme ceux de la santé et de l'éducation. L'universalité des services, c'est un principe fondamental à notre société, actuellement. Et refuser d'introduire les contrôles coûteux. Et c'est ici qu'arrive, entre autres, le ticket modérateur. Pour nous, ça ne nous paraît pas un premier moyen à utiliser. L'universalité des programmes devrait devenir une des formes essentielles de la solidarité sociale, de devenir fiers, je dirais collectivement, de ces programmes sociaux, de ces mesures. Les Américains nous envient à ce niveau-là et, soi-même, en tout cas, comme société, on a à en devenir fier. Bien sûr, ça implique à la fois les usagers et les distributeurs de services. Ça, ça ne revient pas souvent dans le cahier que vous avez présenté, des finances publiques, «Vivre selon nos moyens», la responsabilité des distributeurs de services. Parmi les professionnels de la santé, pourquoi les professionnels de la santé ne seraient pas des salariés de l'institution qui les emploie? C'est une question, ça se passe dans les CLSC. Quand des contrôles efficaces auront été mis en place auprès des distributeurs de services, il me semble que les gens accepteraient qu'il y ait d'autres contrôles qui s'ajoutent, chez les usagers en particulier.

Un autre point important, mieux utiliser - bon, je vais aller rapidement - les fonctionnaires provinciaux, simplifier, ajouter, je dirais deux mots clés, la cohérence et la continuité dans l'élaboration des politiques. On a souvent l'impression... On se fait dire qu'une politique est mise en place et, rapidement, il y a

un changement de personnel et... La cohérence et la continuité nous semblent un lieu d'économie important. Les nouvelles régies régionales sont un bon pas dans le sens de la décentralisation et de la responsabilisation, mais il faut éviter que les mesures administratives viennent paralyser ces gestionnaires.

Mieux gérer les dépenses d'opération courantes du gouvernement. Le Vérificateur général, dans son rapport, dénonce chaque année des dépenses inutiles et somptueuses. Bon, ça nous paraît un lieu d'économies. Peut-être une suggestion: Pourquoi il n'y aurait pas un genre de conseil de sages qui pourrait s'adjoindre au Vérificateur général pour accroître le poids de ses recommandations? Pas faire le travail à sa place, mais accroître le poids de ses recommandations.

Voilà. Je laisse la parole à Christiane Lagueux.

Mme Lagueux (Christiane): Alors, pour poursuivre, si on regarde les conséquences sur la fiscalité, en tout cas les conséquences des deux grands principes qu'on a énoncés au début sur la fiscalité, on a essentiellement deux éléments à apporter ici à ce point-là.

Il y en a un premier, c'est concernant la question des systèmes fiscaux qui sont dits progressifs dans le document «Vivre selon nos moyens». Nous disons oui, il y en a une certaine partie qui est progressive, mais quand on ajoute à ça la perception des taxes, la taxation, quand on ajoute à ça l'accessibilité des abris fiscaux qui sont, finalement, avantageux pour ceux qui ont des hauts revenus, alors là, on s'aperçoit qu'il y a de la régressivité à l'intérieur de ça.

Alors, ce qu'on propose, c'est de réviser des systèmes de perception d'impôt pour éviter les abris fiscaux, entre autres, les abris fiscaux au niveau des entreprises. On parle que c'est important d'en avoir pour inciter à la formation et inciter aussi à l'investissement. Pourquoi ne pas éliminer ces genres d'abris là pour les remplacer par des abris qui récompensent, je dirais, le maintien et la création d'emplois durables et intéressants? Ça pourrait avoir un certain impact sur la question des emplois.

On parle aussi de la grande mobilité à la fois des capitaux et des gens qui ont plus de revenus que d'autres. Je ne sais pas s'il y a possibilité de parler d'imposition sur la mobilité, justement. Est-ce qu'il n'y a pas moyen de créer certaines formes de taxe de départ ou de séparation quand les capitaux se déplacent d'un endroit à l'autre?

La deuxième dimension qui nous apparaît importante, c'est, s'il y a lieu d'augmenter les revenus du gouvernement malgré tout, de privilégier la perception des revenus par les impôts plutôt que par l'imposition de nouvelles taxes à la consommation. Dans ce sens-là, on se dit que ce qui est important à l'intérieur de ça, c'est toute la question de l'éducation de la population. C'est clair qu'il est frustrant pour M. Tout-le-Monde d'avoir l'impression qu'il met la main dans sa poche et que, finalement, il est le seul à payer. Bon, II est important, je pense, d'avoir une information large sur ce qu'on fait, quel genre de services on obtient avec nos impôts, d'avoir l'impression aussi que le fardeau fiscal est partage également par l'ensemble de la population. Quand on a l'impression effectivement que c'est nous autres qui subissons et que les seuls qui voient leur pouvoir d'achat diminuer, dans le fond, c'est les gens qui se considèrent comme plus faibles ou moins nantis, bien là, ça pose question. Je pense qu'il y a quelque chose à faire de ce côté-là. C'est pour ça qu'on parle finalement de l'urgence de la transparence à l'intérieur de ça au niveau... Les gens sont capables de comprendre quelque chose à la condition qu'on leur explique pourquoi et qu'ils en comprennent aussi l'équité à l'intérieur de ça.

Je pense qu'il est important, au niveau de l'éducation populaire justement, de développer la fierté des Québécois et des Québécoises de se doter de leviers socio-économiques qui ne créent ni perdants ni gagnants. Je pense que là-dessus on peut miser. On a fait des grandes campagnes sur la participation ou sur «Buvez du lait». Pourquoi on n'en ferait pas sur la qualité de vie dans laquelle on est inséré dans cette société qui est Sa nôtre?

Le paragraphe suivant parle également des conséquences des deux grands principes qu'on a émis au début, c'est-à-dire se préoccuper des plus faibles et se préoccuper des régions. Bon, les conséquences de ça sur le déficit, les besoins financiers et la dette. Alors, à l'intérieur de ça, ce qui nous apparaît important...

Le Président (M. Camden): Mme Lagueux, est-ce que je peux vous inviter à conclure peut-être, si c'est possible?

Mme Lagueux: Oui, bien c'est correct d'abord. Fondamentalement...

M. Léonard: II y avait des choses intéressantes aussi qui venaient.

Le Président (M. Camden): Écoutez, je dois vous indiquer...

Mme Lagueux: Vous nous poserez les bonnes questions pour qu'on puisse continuer. le président (m. camden): ...que les membres de la commission ont pris connaissance du mémoire et certains s'en sont même fait des résumés. d'autres ont des résumés entre les mains. je pense qu'ils sont à même de vous formuler un certain nombre de questions et de commentaires suite à vos propos. (17 h 30)

Mme Lagueux: Très bien. Alors, si on veut conclure à l'intérieur de ça, ce qu'on croit, et je me réfère à la conclusion que nous avons donnée, je pense que ce qui est important comme rôle du gouvernement par rapport à l'économie, par rapport aux finances, c'est de se préoccuper du développement des personnes et particulièrement des plus faibles, des collectivités aussi, des régions, plutôt qu'essentiellement de l'économie elle-même à tout prix. Ce n'est qu'un moyen, finalement, pour bienvenir et sur la richesse en termes de recherche du profit à tout prix.

Alors, c'est ça qu'on calcule important, et je pense qu'il y a moyen de se donner des façons de faire et de se convaincre collectivement par une éducation populaire et une sensibilisation toujours renouvelée. C'est un défi important, mais qui nous apparaît faisable.

Le Président (M. Camden): Je vous remercie, Mme Lagueux.

M. le ministre des Finances, pour vos questions et commentaires.

M. Levesque: Très brièvement, M. le Président, afin de donner à certains de mes collègues l'occasion aussi de poser quelques questions.

Je me permettrai tout d'abord de vous féliciter pour votre mémoire, vous remercier de votre présence et de votre participation à ce forum.

Il y a chez vous, sûrement, un désir d'aider la société. Vous dites vous-même que vous n'avez pas l'expertise dans tous les domaines, et c'est clair. Nous ne l'avons pas non plus. Nous sommes à la recherche, justement, de solutions dans des moments difficiles. Même si vous dites que vous ne voulez pas mettre l'accent sur le déficit ou l'endettement, ce sont des choses que nous ne pouvons pas éviter. L'endettement est très sérieux, au Québec. Je n'ai pas à vous l'apprendre, vous le savez. Les déficits sont difficilement contrôlables. Nous réussissons, cette année encore, à maintenir le cap sur les dépenses du gouvernement, mais après des tours de force assez extraordinaires, tout en tenant compte de préoccupations que vous avez véhiculées dans votre mémoire, mais nous ne pouvons pas tirer sur les revenus lorsqu'ils ne sont pas là. Et ils ne sont pas là, non pas parce que nous n'avons pas fait notre possible pour les obtenir, mais parce que, simplement, nous sommes dans une période de grave ralentissement économique, et cela dure depuis quelque temps déjà. Nous ne sommes pas les seuls dans cette situation, vous me direz sûrement. On n'a qu'à regarder nos voisins et on s'aperçoit que la situation est loin d'être meilleure. Au contraire, les difficultés sont là également, et elles sont là souvent d'une façon encore plus évidente.

Mais n'empêche que nous devons regarder vers l'avenir et prendre les moyens nécessaires pour faire face à la situation. Ce que nous recherchons, évidemment, c'est une série de solutions. Il n'y a pas qu'une solution. Nous devrons faire des arbitrages, à un moment donné, en tenant compte évidemment, encore une fois, des préoccupations que vous avez avancées sur le sort des démunis en particulier.

À ce propos, je n'ai pas à vous rappeler la préoccupation qui est la nôtre de nous pencher sur ces questions-là. Nous avons posé des gestes très concrets, que ce soit dans les mesures fiscales pour l'aide aux familles, par exemple. On sait qu'en 1985 il y avait 800 000 000 $ pour le soutien à la famille. Nous sommes rendus à 2 300 000 000 $. Donc, il y a là une volonté très ferme d'encourager la famille, de soutenir la famille, qui est la base encore, même s'il y a des questions qui se posent là-dessus. Chez moi, dans mon esprit, du moins, c'est la base de la société. C'est une cellule extrêmement importante, et, souvent, son éclatement cause beaucoup de problèmes de toutes sortes, sociaux et même financiers.

Nous avons des crédits pour taxes de vente, des remboursements d'impôts fonciers, des reconnaissances des besoins essentiels à l'impôt sur le revenu, l'harmonisation avec l'aide de dernier recours, des hausses des seuils d'imposition, l'indexation des besoins essentiels reconnus, la réduction des impôts pour les familles, l'aide de dernier recours, le programme APTE pour aider les moins favorisés, le programme APPORT, l'aide au logement, l'allocation-logement, Logi-rente, HLM, l'aide juridique.

Autrement dit, il y a une foule de mesures qui sont là pour, justement, répondre à plusieurs de vos préoccupations. Mais il reste un fait, c'est qu'il y a du chômage, il y a du sous-emploi. Et vous savez la préoccupation que notre premier ministre a pour l'emploi. C'a été son «motto». C'a été son credo, son mot d'ordre depuis que je le connais. Et chaque fois que nous avons des réunions du Conseil des ministres, chaque fois que nous avons des réunions du caucus, chaque fois que nous avons des réunions de comité, M. Bourassa revient toujours avec la question de la création d'emplois.

Alors, c'est important, je pense, de le dire, parce que nous sommes très préoccupés par la création d'emplois. Mais il n'y a pas de solution magique au Québec qui n'existe qu'ici et qui n'existerait pas ailleurs. Le problème est mondial, planétaire, mais nous devons cependant prendre toutes les mesures imaginables pour essayer de ramener les choses. Nous avons des signes encourageants présentement. Nous espérons que cela va se traduire en emplois. Mais vous avez raison de dire que, quelquefois, on investit et ça modernise, mais ça ne crée pas d'emplois. Nous sommes dans un monde en pleine évolution, vous le savez. Il y a la robotique et la bureautique, tout ce qui n'existait pas il y a quelques années. Il y a les échanges qui se font à l'échelle pla-

nétaire. Il y a toutes sortes de conditions qui changent, et tout cela, évidemment, se fait souvent en contradiction même avec le besoin que nous avons de l'emploi. Et je suis d'accord avec vous lorsque vous rappelez qu'une personne sans emploi est une personne qui se cherche. Ce n'est pas normal qu'une personne en santé ne puisse avoir d'emploi. Et à ce propos-là, je suis sûr que nous sommes sur la même longueur d'onde.

Vous parlez, évidemment, dans votre mémoire, de sécurité sociale, de politique industrielle, d'éducation, de formation, d'universalité, d'universalité des services en santé, en éducation, etc. Ça, ça veut dire que quelle que soit, si je comprends bien, la fortune des personnes concernées, vous voulez toujours qu'elles aient accès, sans contribution particulière, aux services d'éducation, de santé, etc. Si je comprends bien, c'est l'universalité.

Vous parlez également d'une certaine mobilité que vous voudriez contrôler. Ça, je crois que c'est un désir que je respecte chez vous, mais je ne vois pas de quelle façon on pourrait faire ça sans avoir recours à des méthodes qui ne sont pas encore acceptables dans nos régimes. Enfin. Cependant, je suis prêt à vous écouter, si vous voulez élaborer là-dessus ou sur d'autres sujets que j'ai abordés.

Le Président (M. Camden): M. l'abbé Théberge.

M. Théberge: Oui. Peut-être juste sur l'universalité, M. le ministre.

Nous croyons que c'est pour éviter l'arbitraire que nous disons: L'importance de l'universalité, il nous parait que c'est vraiment le choix de société qui a été fait puis qui se défend vraiment. Maintenant, il y a d'autres façons, d'autres formes d'imposition où les personnes peuvent apporter leur contribution. Mais ce n'est pas l'usager du service au moment où il se présente. Ce n'est pas là que j'ai à le juger. Toi, tu peux; toi, tu ne peux pas. Mais...

M. Levesque: Vous ne seriez pas contre l'impôt-services, comme ça. (17 h 40)

M. Théberge: L'impôt-services introduirait, je crois... C'est un frein dans l'universalité. Mais, d'autre part, par les taxes, par les impôts sur les revenus, je crois que c'est là qu'est votre ligne de départ, et c'est éviter les évasions fiscales le plus possible. Ça, ça nous parait important. Responsabiliser les distributeurs de services. La personne qui vient demander un service chez un médecin ou ailleurs, elle est en situation de fragilité par opposition aux distributeurs de services, qui sont en situation de pouvoir. Ils ont un service à rendre. De quelle manière pourrait-on davantage responsabiliser les distributeurs de services? Il me semble qu'il y aurait quelque chose. Il y aurait des économies, II y aurait quelque chose à faire de ce côté-là. En tout cas, ce sont mes observations ici.

Le Président (M. Camden): M. le député de Labelle, vos commentaires et questions.

M. Léonard: Merci, M. le Président.

D'abord, je voudrais vous souhaiter la bienvenue au nom de l'Opposition officielle et vous féliciter pour la qualité de votre mémoire. Il y a des éléments neufs dans votre mémoire que je voudrais souligner, et vous dire que je partage un peu vos préoccupations.

Le premier élément qui m'a frappé à travers d'autres, mais particulièrement celui-là, c'est ce que vous dites à la page 6, où vous dites: Favoriser une politique industrielle à deux volets: un volet haute technologie et un volet artisanal. Je pense qu'au-delà de la volonté du gouvernement d'avoir des recettes pour essayer de couper les dépenses et puis augmenter ses Impôts, il y a une préoccupation que nous devons tous avoir pour l'économie du Québec. C'est que, à un moment donné, il faut que l'appareil de production soit meilleur et qu'il amène de la richesse additionnelle aux Québécois, aux personnes, comme vous dites. Donc, c'est l'appareil économique au service des personnes et des citoyens.

Mais l'élément neuf que je vois, c'est la haute technologie en même temps que vous en appelez un autre secteur artisanal, c'est-à-dire que, effectivement, il faut de la technologie de pointe. I! faut des emplois industriels à haute valeur ajoutée - c'est le jargon du moment, là - mais au-delà de ça, il y a aussi des emplois qu'on peut créer dans des secteurs plus traditionnels qui vont être plus productifs à l'aide de la technologie, qui peut être une technologie courante, mais qu'on n'utilise pas parce qu'on en est encore à des techniques de production très éloignées. Moi, je crois beaucoup à cela, et, en particulier pour le développement régional, il peut y avoir un mélange des deux. Je pense qu'il ne faut pas être pour l'un ou pour l'autre. Il faut être pour les deux. Il faut être pour les deux et le plus possible aller dans cette direction. Je trouve que c'est la première fois que cela est soulevé.

On me dit que le secteur primaire au Québec représente 3,5 % des emplois, mais ce qu'on a lu dans une littérature récente, c'est que, au Japon, c'est deux fois, trois fois plus dans le secteur primaire. Pourtant, ils n'ont pas les richesses naturelles que nous avons, ni en forêt, ni en espace pour faire de l'agriculture. Il y a les pêcheries qu'ils ont, et les richesses minières, moins encore. Alors, ça, là, je crois qu'il y a une source d'emplois considérable dans ce secteur et je pense que tout dépend de la productivité qu'on va pouvoir y attacher. Je voulais souligner ce point pour vous dire que je suis très content, puis, en plus, vous y introduisez la dimension régionale.

Deuxièmement, je voudrais aborder la question de la fiscalité. Ma collègue vous interrogera sur d'autres éléments en ce qui concerne les politiques gouvernementales dans les dépenses. Sur la fiscalité, le groupe qui vous a précédés a bien indiqué la régressivité des courbes de l'impôt qui a été accentuée au cours des dernières années. Ce groupe a aussi mentionné que la taxation est lourde pour les gens à faibles revenus et les personnes, les citoyens de la classe moyenne. Le ministre des Finances a augmenté ses taxes de 4 000 000 000 $ sur une base annuelle au cours des dernières années, depuis 1989.

Alors, je comprends que la suggestion que vous faites. En tout cas, votre proposition, c'est de dire: Les abris fiscaux, le moins possible, parce que, en définitive, cela va retourner chez les mieux nantis. Tout pris, sur une période de temps, c'est eux qui vont en profiter, donc aux dépens de l'État. Deuxièmement, vous dites: Ralentissez l'orientation qui a été prise d'augmenter la taxation, la tarification pour revenir plutôt à l'impôt sur le revenu, ce qui est conforme aux recommandations du groupe qui vous a précédé. Cela implique, donc, que l'on revienne en arrière sur les propositions qui ont été faites.

Et enfin, un élément que j'ai bien remarqué, c'est que, en ce qui concerne les dépenses ou ce que vous appelez la croissance effrénée des besoins, vous dites que là-dedans il y a des décisions qui sont prises par opportunisme politique et des décisions qui satisfont les intérêts privés. Vous notez, au passage, un élément qui commence à ressortir dans l'opinion publique. La loi sur l'ouverture des magasins le dimanche nous apparaît un exemple en ce sens. Et si vous avez lu le dernier journal Les Affaires, vous aurez pu y constater que maintenant la large majorité des Québécois est contre l'ouverture des commerces le dimanche. Donc, une évolution très sensible de l'opinion publique qui va dans votre sens de ce que vous dites actuellement. Et je pense qu'il faut le noter.

Je voudrais vous dire que, sur cette question, donc, en me résumant, de la politique industrielle à deux plans - et je suppose que vous n'en excluez pas d'autres, mais vous mettez le doigt sur deux volets que je trouve particulièrement importants - appliquée au plan régional aussi, je trouve ça très intéressant. J'aimerais ça que vous explicitiez davantage, puis on reviendra sur la fiscalité, par la suite, s'il reste quelques minutes.

M. Fournier (Pierre-André): M. le député, je vous remercie d'avoir l'oeil sur le travail. Je viens d'un coin à la basse-ville, Saint-Roch, où, lorsqu'on parle de sans-abri, ce n'est pas sans abri fiscal, c'est sans-abri tout court. On s'aperçoit qu'on est vraiment dans un autre monde. Et, moi, je suis heureux qu'on m'ait demandé pour représenter les pauvres, les petits, ceux qui crient à chaque jour, et j'en ai eu plusieurs encore aujourd'hui. C'est vraiment un cri qui vient d'en bas et qui est difficile à entendre.

Entre autres, vous avez souligné, pour nous autres, l'aspect artisanal. On a fermé les usines de chaussures, dans Saint-Roch, beaucoup d'autres usines de gens qui peuvent, qui ont une très grande intelligence et qui se manifestent manuellement. Je pense qu'il y a beaucoup de gens qui veulent travailler et qui peuvent travailler, et ça devrait être la priorité des priorités. Actuellement, ce que je remarque, c'est que non seulement on a une pauvreté horizontale qui s'agrandit, ça veut dire de plus en plus de gens qui sont sans emploi, qui sont pauvres - chez nous, c'est la majorité de gens qui ont un revenu en bas de 10 000 $ par année - mais en même temps ce que j'appellerais une pauvreté verticale. C'est qu'on retrouve, dans un même ménage, plusieurs phénomènes de pauvreté: drogue, violence, décrochage scolaire. Tout cela va demander aussi de l'aide à ces personnes.

Au niveau de l'emploi, je pense qu'il faut se dire qu'il y en a, de l'argent. Nous avons au Québec les moyens de donner de l'argent, de donner de l'emploi, dis-je, aux gens. Je pense que ça, ça devrait... On devrait se dire: On a ce qu'il faut. Quand je regarde les milliards qui sont dépensés ces mois-ci... Je respecte les gens. Je pense que tout le monde a besoin de repos, mais il y a des milliards qui sont dépensés dans le Sud. C'est ainsi. Je vais souvent au palais de justice et j'ai participé à un procès où ça nous coûtait, nous, à la fabrique, 1000 $ par jour. Lorsqu'on pense aux frais, au niveau juridique... Je pense, entre autres, à un procès qu'il y a eu avec la juge Ruffo où le gouvernement était quasiment en procès avec lui-même. On en arrive à des frais énormes. On a l'argent. On l'a. Comment faire pour convaincre nos amis qu'ils ont le même estomac que les autres, qu'ils ont besoin de dormir sur un lit comme les autres, qu'ils ont besoin d'un peu de loisirs comme les autres, mais qu'ils n'ont pas besoin de gagner 20 fois ce qu'un autre gagne?

Il y a des gens chez nous qui ont 600 $ par mois. La plupart des gens chez nous ont 600 $ par mois. Or, beaucoup de gens chez nous, dans la province, un grand nombre, ils ont ça par demi-journée. Ils reçoivent 500 $, 600 $ par demi-journée ou en quelques heures. Alors, je pense que ce n'est pas facile pour vous autres, je le sais, et on a notre grande responsabilité au niveau de l'Église aussi. C'est peut-être parce qu'on ne réussit pas toujours qu'on vient vous voir pour dire: Bien, aidez-nous à convaincre nos gens qu'il faut partager, sinon on se nuit tout le monde. Je pense qu'il y a un grand effort à faire, mais au niveau de l'emploi d'abord, et au niveau artisanal. (17 h 50)

Le Président (M. Lemieux): M. le président

du Conseil du trésor.

M. Johnson: Oui, M. le Président.

J'ai remarqué, aux pages 10 et 11 de votre présentation, que vous souhaitiez beaucoup plus de décentralisation des activités gouvernementales et même, je dirais, une rationalisation. Vous trouvez que le système lui-même crée des pressions financières par la multiplicité des programmes, et vous concluez presque que c'est la multiplicité des contrôles qui vient augmenter les coûts.

Vous donnez un exemple très pertinent d'un organisme communautaire qui est habitué dans son milieu, à cause de la façon dont il est implanté, de faire affaire globalement avec les problèmes des gens. Or, les normes gouvernementales, en général, des programmes de subventions ciblent un projet ou une activité. Ça demande, je présume - si vous voulez vous exprimer là-dessus - un contrôle additionnel de la part d'un groupe communautaire. Est-ce que ça distrait les énergies des gens de s'impliquer directement avec la personne ou, enfin, avec les organismes ou entreprises dans leur milieu avec lesquels ils veulent agir? Qu'est-ce que vous reprochez le plus aux programmes gouvernementaux, à l'attitude, je dirais, gouvernementale dans ces programmes de subventions qui viendrait alourdir le fonctionnement d'un groupe communautaire? Ça, ça m'intrigue beaucoup. Je suis convaincu qu'il y a beaucoup à faire de ce côté-là, en laissant un peu plus la bride sur le cou, je dirais, mais, en même temps, ce sont des fonds publics. Ce sont des fonds publics, alors il y a une responsabilité de notre part de pouvoir défendre chaque sou qui est dépensé. Est-ce que vous avez des suggestions à faire pour assurer ce contrôle-là, qui est minimal, en vous libérant un petit peu pour que vous fassiez votre travail?

Mme Lagueux: Oui. Ce n'est pas le contrôle minimal qui nous fatigue à l'intérieur de ça, c'est plutôt la possibilité ou la manière d'avoir accès à ces genres de programmes là. Bon. Par exemple, vous avez soulevé l'exemple qui était proposé ici.

Je regarde par rapport à la santé mentale. Bon. Il y a eu des cas en santé mentale, et, en particulier, à un moment donné, dans une région, entre autres, on en était arrivés à dire que ce qui était important, c'était le répit pour les familles qui devaient supporter des personnes. Alors, ce que ça a donné, c'est que, dans le fond, il y avait... Les organismes qui existent, c'est souvent des organismes qui sont à petit budget: 50 000 $, 60 000 $, 70 000 $ par année pour fonctionner avec une ou deux permanentes, sauf que, finalement, ce que ça produisait, c'est que, sans avoir la possibilité d'avoir plus, d'agrandir plus la permanence, ça obligeait, dans le fond, pour accéder à ce genre de programme là ou pour, dans le fond, participer à l'effort collectif du répit dépannage, qu'une des deux permanentes, par exemple, soit entièrement consacrée à la gestion de ce programme-là sans que ça ne rajoute rien à l'organisme, finaiement. C'est comme si ça déviait le principal partenaire qu'on a pointé de sa fonction originale qui est, dans le fond, de parfois donner du répit dépannage, parfois avoir d'autres styles de support à d'autres genres de familles. Alors, c'est un peu ça qui est dénoncé dans ça.

Je donnerais aussi un autre exemple au niveau de l'éducation populaire, entre autres. Ça fait à peu près un an, un an et demi qu'on dénonce un peu ou qu'on essaie de couper les budgets d'éducation populaire autonome. Alors, en même temps qu'on dit ça au ministère de l'Éducation, bien, on apprend que, par exemple, le ministère de !a Justice, lui, de son côté, annonce un programme d'éducation ou de sensibilisation de la population à tel ou tel ou tel aspect et débloque des fonds pour ça. Alors, là, on ne comprend pas très bien la logique qu'il y a en arrière de ça, parce que... Finalement, ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'on va perdre à partir du ministère de l'Éducation pour être obligés de se retourner ailleurs pour aller justifier, dans le fond, pour un peu ia même chose. Alors, il y a de ça aussi dans les remarques que nous formulons ici.

M. Johnson: là-dessus, je dirais que, dans le fond, vous venez de prouver qu'il y en a une multiplicité de programmes de toutes sortes qui existent dans tous les secteurs...

Mme Lagueux: Oui

M. Johnson: ...d'activité du gouvernement. Mme Lagueux: Bien, c'est ça.

M. Johnson: Tout simplement, dans le cas qui nous préoccupe, moi, j'ai toujours été frappé de voir l'ampleur qu'avait prise l'idée originale d'éducation populaire qui visait surtout l'alphabétisation des gens, afin qu'ils soient minimale-ment formés pour se former davantage et avoir un emploi, etc., pour pouvoir fonctionner au moins dans la société. Ça a été élargi à un point où... J'avais soulevé ça. Ça avait fait un petit peu scandale auprès du groupe communautaire en cause, mais on avait même subventionné un voyage dans un pays d'Amérique latine pour que quelqu'un aille prendre connaissance de la façon dont les soupes populaires là-bas étaient organisées. Au point de vue communautaire, ce n'est pas à négliger, mais ce que je dis, c'est qu'à un moment donné il faut des priorités là aussi. Et si on multiplie le genre de projets, on perd de vue les priorités orginales.

Alors, dans ce sens-là, peut-être que vous pouvez témoigner si vous trouvez que l'ordre de priorité des différents programmes gouvernementaux est suffisamment clair. J'en ai déduit que

non peut-être.

À l'égard des groupes communautaires, vous dites: On en a besoin davantage auprès de notre organisme habituel qu'est le ministère de l'Éducation. Là, il y a une rationalisation pour concentrer sur l'alphabétisation incidemment, et vous dites: Pendant ce temps-là, il y a d'autres ministères qui ont peut-être d'autres vocations, qui ont également des sommes pour les groupes communautaires. Mais un groupe communautaire a besoin de quoi, dans le fond? Pour vous, si on vous demandait, si on devait rationaliser les programmes d'aide aux groupes communautaires? Il y a le Soutien aux organismes communautaires du ministère de la Santé, le SOC. Ça, c'est vraiment au titre de la santé et du soutien social, je dirais carrément, y compris le travail social, bénévole et tout. À l'Éducation, on sait ce qu'il y a; à la Justice, il y a autre chose, la sensibilisation à nos droits, etc. Si vous aviez des choix à faire, par ordre de priorité, qu'est-ce que vous choisiriez, vous?

Mme Lagueux: Je ne dirais pas ça dans ce sens-là, je dirais ça autrement un peu.

M. Johnson: Oui.

Mme Lagueux: On cherche la collaboration des organismes communautaires; c'est clair au niveau de la nouvelle loi sur la santé et les services sociaux. Je ne sais pas si c'est aussi clairement exprimé dans d'autres ministères, mais c'est clair à ce niveau-là. Alors, je pense que ce qui est important, c'est le respect de l'approche communautaire qu'on loue dans les discours, mais qui doit aussi être respecté au niveau des programmes. Je ne pense pas que la part du budget qui est utilisée pour soutenir l'ensemble des organismes communautaires soit si grand, je dirais, dans la masse monétaire globale. Sur les 40 000 000 000 $ du budget gouvernemental, ce n'est pas très, très, très, très énorme. Alors, je pense que ce qui est important de respecter à l'intérieur, entre autres, c'est, je dirais, l'approche, qui est souvent globale par rapport à un groupe, que l'organisme communautaire fait dans l'exercice de sa mission ou de sa fonction.

Je pense aussi que, au niveau de l'éducation populaire, c'est entendu qu'il y a peut-être certaines activités qui sont farfelues, mais quand on regarde l'ensemble des activités qui sont proposées dans l'éducation populaire autonome, il y a les activités d'alphabétisation, mais il y a aussi nombre d'activités qui aident les personnes les plus marginalisées d'abord et avant tout à, au minimum, se regrouper, se reconnaître et être capables d'apprendre à s'informer sur leurs droits, pour être capables de commencer une certaine forme de prise en charge. Avant d'alphabétiser quelqu'un, il faut d'abord lui donner les moyens de se rendre compte qu'il a besoin d'être alphabétisé, et ça, l'éducation populaire autonome joue un grand rôle à l'intérieur de ça. Elle n'a pas réussi à 100 %, mais je pense qu'il faut lui donner les moyens de poursuivre, parce que je pense que c'est des groupes qui ont bien réussi.

M. Johnson: Oui, oui. Vous voyez, explicitement, vous avez exprimé les priorités. Avant d'apprendre à quelqu'un à lire et à écrire, il faut qu'il s'en rende compte. Donc, un autre genre d'intervention.

Mme Lagueux: Bien, il faut aussi lui apprendre à écrire.

M. Johnson: Oui. Il y a donc un autre genre d'intervention, y compris... Puis ce n'est pas farfelu pour autant. C'est juste quand les ressources sont limitées, on essaie de voir avec un programme ce qu'on peut faire de mieux. L'organisation d'une soupe populaire dans une cuisine communautaire, ça demeure important. C'est même primordial dans certains quartiers, on le sait pertinemment. C'est une question de savoir dans quel ordre - on a 40 000 000 000 $, et il y a 60 000 000 $ d'aide aux groupes communautaires au ministère de la Santé - on alloue toutes ces ressources-là, qui ne sont évidemment pas suffisantes, tout le monde l'a dit, là. Mais, en attendant, c'est les seules qu'il y a. On ne peut pas en inventer d'autres.

Alors, je vous remercie de votre témoignage.

Le Président (M. Lemieux): Mme la députée de Taillon. (18 heures)

Mme Marois: Oui. Merci, M. le Président.

J'ai le goût de réagir à l'exemple que donnait le président du Conseil du trésor. On pourrait aussi prendre l'exemple d'une entreprise qui envoie ses employés en congrès quelque part dans un endroit de villégiature dans le Sud et qui va le déduire complètement de son revenu comme une dépense, ce qui sera vrai aussi, mais toute proportion gardée, probablement que ça aura coûté pas mal plus cher à l'État. Ça ne justifie pas nécessairement certaines choses, mais je pense que tout est relatif dans notre société.

Merci, M. le Président, et je vous souhaite la bienvenue à mon tour. Ça me fait plaisir de vous saluer. Je trouve votre mémoire très rafraîchissant dans le sens où il remet en lumière les valeurs fondamentales d'une société.

Je pense que ce qu'il faut se dire, c'est que le fondement même de nos sociétés modernes, c'est que nous puissions nous donner les moyens pour assurer une solidarité minimale qui va faire que quelqu'un va se nourrir, se loger, s'habiller décemment et, dans nos sociétés modernes, être capable d'être formé, informé et de vivre en santé. Je pense que si on passe à côté de cette base, surtout dans des pays comme les nôtres,

qui sont quand même, et malgré les difficultés auxquelles on est confrontés, des pays riches, je pense qu'on doit être blâmé pour cela si on ne réussit pas à atteindre ces objectifs-là. Donc, dans ce sens-là, ça ramène très clairement à la base les valeurs sur lesquelles ont doit s'appuyer et qui devraient justifier nos investissements, justifier nos choix politiques ou nos choix économiques.

Juste sur la question de la fiscalité et des abris fiscaux, c'est intéressant, vous dites: II faudrait pouvoir regarder ce que ça a comme impact. Est-ce que je peux vous dire que, nous, comme membres de la commission, à l'intérieur des documents qui nous ont été présentés et des documents que nous possédons par le ministère des Finances, nous n'avons pas une comparaison, nous n'avons pas de données en ce qui a trait à l'effet de tel ou tel ou tel abri fiscal quant à l'impact sur le budget de l'État dans le sens où c'est un manque à gagner. C'est de l'argent qu'il ne reçoit pas. Donc, quand on parle de transparence, et vous en parlez, ça aurait pu commencer là aussi: que l'on puisse avoir, d'une façon systématique, une connaissance de cela, de telle sorte qu'on fasse les vraies discussions et qu'on propose les vrais choix. Je pense que là on regarde les choix plutôt du côté des dépenses.

Sur l'éducation populaire autonome, je veux revenir là-dessus. J'ai longuement oeuvre dans ces milieux-là, travaillé au niveau de l'action sociale, de l'animation sociale et de l'action populaire, et ça dépasse l'alphabétisation. Ça peut vouloir dire apprendre à faire un budget, ça peut vouloir dire apprendre à écrire un petit curriculum minimal pour savoir comment se présenter chez un employeur. Je suis certaine que, quand je dis ça, je ne me trompe pas pour avoir longtemps travaillé dans ce type d'organisation là. Quand on se dit que l'éducation et la formation pour que des politiques d'emploi soient efficaces, ça passe par là, bien on va regarder en quoi le discours du gouvernement correspond à son action. quand on regarde du côté de l'éducation populaire, et j'ai pris la peine de faire relever les budgets de 1992-1993 et de 1991-1992, les dépenses, les budgets de dépenses, on a diminué de 3 900 000 $ l'éducation populaire autonome en 1992-1993, et, en 1991-1992, on parlait d'une baisse de 7,9 %. alors, l'éducation et les politiques de formation, c'est à un niveau de cégep, d'université, c'est au niveau de l'obtention d'un diplôme au niveau secondaire, mais c'est la base qui va faire en sorte que les gens puissent même y aller chercher leur diplôme de niveau secondaire. or, elle n'est même pas là, parce que, effectivement, on coupe là où on a l'effet de levier le plus important au moindre coût, en termes d'investissements.

Cela étant dit, je veux revenir sur vos propositions et sur les remarques que vous faites, parce que je crains un petit peu qu'on arrive à une oeuvre de désolidarisation entre les groupes, entre les générations par l'opération qui est menée ici. J'aimerais que vous me parliez un petit peu des expériences que vous vivez, justement, avec les groupes populaires, les groupes d'action communautaire, qui, soit dit en passant, ont à peu près droit à quatre millièmes du budget du gouvernement du Québec. Parce que j'ai essayé de trouver une proportion qui pouvait nous dire un peu ce que ça pouvait signifier, et j'inclus les organismes bénévoles qui reçoivent de l'aide de la part du ministère de la Santé et des Services sociaux et l'éducation populaire. J'aimerais que vous me parliez un petit peu de ce qui se fait dans ces groupes et de l'impact de l'action des collectivités, de l'action communautaire dans une perspective, justement, de resituer les personnes dans des filières qui vont leur permettre d'être des citoyens actifs dans nos sociétés en termes de pouvoir accéder à des emplois. Parce qu'une politique d'emploi, ça s'appuie d'abord - et les pays qui réussissent ont tous compris ça - sur une politique de formation qui investit énormément tant dans l'éducation populaire que dans les autres niveaux.

Alors, j'aimerais ça que vous m'en parliez un petit peu de par l'expérience que vous vivez. Vous parliez de votre quartier dans Saint-Roch; vous êtes sûrement en contact avec des organismes communautaires qui travaillent à ce niveau-là.

M. Fournier: Dans les groupes populaires, une chose qu'on peut remarquer, c'est que, en général, si je regarde chez nous, je pense aux comités de citoyens, par exemple, ces gens-là, il va y avoir un ou deux permanents qui sont entourés d'une foule de bénévoles. Et ça, ça ne sort dans aucun livre, ça ne sort nulle part. Ils vont aider des centaines de personnes régulièrement, mais ça ne sort nulle part. Dans plusieurs autres groupes également, c'est la même chose. Je pense que, comme vous le disiez aussi, c'est des sommes minimales. Combien de groupes fonctionnent avec des budgets de 50 000 $, même pas parfois.

Moi, je fais partie d'un groupe qui reçoit de l'aide. On a un demi permanent, mais on est une vingtaine qui nous réunissons à chaque mois. En plus, on est en contact avec beaucoup d'autres personnes, mais ça nous suffit, pour nous autres, alors que d'autres groupes aussi ont 70 000 $, mais ce n'est même pas le salaire de bien des gens qui travaillent actuellement. On a vu encore dans les journaux dernièrement des gens qui protestent parce que, avec 80 000 $, ils n'arrivent pas dans leur salaire, eux autres. Évidemment, chez nous, ça fait grincer des dents à bien du monde, quand ils ont 10 000 $ par année et que l'autre fait des manifestations parce que, hum! 85 000 S, s'il avait 100 000 $, il me semble que là il arriverait, mais là il n'arrive pas. C'est ce qu'on vit dans notre société.

Les groupes populaires, je pense qu'il s'agit de vérifier un petit peu si ces gens-là ont une base qu'on appelle, mais c'est vraiment de quoi à sauvegarder, c'est une richesse, et ça aussi, ça fait partie de notre culture de chez nous. On a parlé tout à l'heure de l'aide au niveau social, services de santé, mais les groupes populaires font partie de notre culture et ils font énormément. La basse-ville ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui sans les groupes populaires.

Mme Marois: Oui...

M. Théberge: J'ajouterais un mot. Toutes les mesures sociales... Le bien-être social en particulier, c'est un filet, l'assurance-chômage, c'est un filet de sécurité économique, c'est un filet pour la survie économique de la personne. Beaucoup de groupes populaires jouent le rôle, je dirais, d'un filet de sécurité humain, social, de solidarité, pour éviter que la personne se retrouve toute seule dans son coin avec ses quelque 600 $ ou 800 $, selon...

C'est une donnée, je crois, qui coûte relativement peu cher à l'Etat pour procurer ce filet de sécurité, de solidarité humaine qui se retrouve dans toutes sortes de petits noyaux, qui joue un rôle important. On espère actuellement pouvoir faire faire une étude par l'Institut québécois de recherche sur la culture concernant un centre de bénévolat sur la rive sud, ici, en face, à Lévis, qui est installé depuis 20 ans cette année. C'est de mesurer ce que ça peut vouloir dire, un groupe de bénévoles comme celui-là, avec tous les autres petits groupes qu'ils ont engendrés depuis 20 ans, au niveau de la solidarité sociale, de la sécurité de la personne qui vient s'ajouter, encore une fois, aux filets de sécurité financiers, qui sont, bien sûr, fondamentaux. C'est l'observation que j'ajouterais.

Mme Marois: Merci.

Le Président (M. Lemieux): Alors, merci, Mme la députée de Taillon.

Est-ce que vous avez d'autres... Non? Alors, merci, M. le président du Conseil du trésor.

Nous allons suspendre nos travaux à 20 heures pour entendre l'Association de l'amusement du Québec.

Alors, je vous remercie de votre participation à cette commission parlementaire, et, dès 20 heures, je rendrai la décision relativement à la motion qu'a déposée le député de Labelle. Remarquez, M. le député de Labelle, que la décision est prête. Je l'ai rédigée. Mais, eu égard au fait que nous avons déjà 10 minutes de retard, en arrivant ce soir à 20 heures je pourrai rendre cette décision.

Alors, nous suspendons nos travaux à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 10)

(Reprise à 20 h 2)

Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux pour entendre ce soir, à 20 heures, l'Association de l'amusement du Québec.

Décision du président sur la recevabilité de la motion

Mais permettez-moi préalablement de rendre une décision relativement à la motion du député de Labelle, qui se lit comme suit: «Notre mandat est une consultation générale qui nous oblige à une démarche particulière, en vertu des articles 167 et suivants du règlement, à un processus qui est défini dans le cadre d'un mandat de l'Assemblée nationale du 2 décembre 1992 qui dit que la commission du budget et de l'administration procède à une consultation générale sur le financement des services publics au Québec et tienne des auditions publiques à compter du 2 février 1993 afin d'examiner les orientations à privilégier à court terme et à moyen terme, tant en ce qui a trait au niveau et à l'évolution des dépenses gouvernementales, de la fiscalité, du déficit et des besoins financiers et de la dette. «Les articles 167 et 168 nous donnent aussi la façon dont cette consultation générale doit s'effectuer: la prise de connaissance des mémoires en séance de travail, le choix de tenir des auditions publiques, le choix de qui elle entendra, la durée totale de l'audition, de l'exposé et des échanges avec la commission. L'article 175 de notre règlement permet effectivement l'utilisation de la motion pour dépôt d'un rapport intérimaire; quel doit être l'objet de cette motion pour dépôt d'un rapport intérimaire? «En date du 8 novembre 1988, une décision a été rendue par le président de la commission de l'époque, M. Marcel Parent, qui nous disait que "la motion doit avoir pour objet d'obtenir de l'Assemblée, soit des moyens supplémentaires pour accomplir le mandat confié à la commission, soit des précisions supplémentaires sur ce mandat". «L'article 175 se doit d'être interprété restrictivement; il ne doit pas élargir le débat ni modifier l'orientation des travaux tels que définis par le mandat de l'Assemblée. L'article 175 ne doit pas être utilisé comme moyen d'instaurer, d'initier un mandat similaire ou de même nature que le mandat initial. Il doit être un moyen permanent de réaliser d'une façon exceptionnelle le mandat qui nous a été confié par l'Assemblée nationale. «Cette motion permet-elle de réaliser d'une façon exceptionnelle le mandat confié? Quel en est le contenu? Elle prévoit, à la lecture de la motion qui a été déposée par le député de Labelle, deux séances supplémentaires. Dans un point a, d'entendre les experts sur l'impact du

déséquilibre des finances publiques du gouvernement fédéral, sur celles du Québec, ainsi que la question des chevauchements et dédoublements administratifs; dans un point 2, d'interroger les membres de l'Exécutif. En second point, b, un dépôt de document traitant du déroulement et du chevauchement administratif. «L'application de l'article 175 est-il le seul moyen prévu au règlement pour obtenir les moyens supplémentaires ou précisions supplémentaires nécessaires au bon cheminement de ce mandat? Je ne le crois pas. La commission peut obtenir ici, dans le cadre de l'article 149, c'est-à-dire de sa propre initiative, l'autorité utile, si elle le juge nécessaire, d'entendre les experts sur l'impact du déséquilibre des finances du gouvernement fédéral et sur celles du Québec. Il en est de même pour entendre des membres de l'Exécutif, où une procédure bien particulière est instaurée et instituée par l'article 164 et suivants du Code. Pour ce qui est du dépôt du document, encore là, la commission a d'autres moyens; que l'on songe aux articles 51 et 53 du règlement, et même une motion permet ici le dépôt d'un document. «Donc, la commission dispose de moyens autres que supplémentaires pour réaliser le mandat que l'Assemblée nationale lui a confié. Si la commission a déjà ces moyens qu'elle peut faire, elle n'a donc pas besoin de l'article 175 qui prévoit par motion le dépôt d'un rapport intérimaire. L'article 175 se doit, comme je le disais tout à l'heure, d'être interprété très restrictivement et se veut une mesure exceptionnelle non prévue aux règlements. «Subsidiairement, selon Geoffrion, (note à l'article 438 du tome de Geoffrion), la présentation par la commission d'un rapport intérimaire vise à obtenir des instructions additionnelles de l'Assemblée permettant à la commission de poursuivre son travail. L'adoption d'une telle motion implique que la commission cesse ses travaux et entende la réponse de la Chambre. Il n'est pas possible de faire rapport à l'Assemblée avant la reprise de la session, tandis que la commission a prévu un calendrier des auditions, tel qu'en fait foi ce mandat de l'Assemblée, la conduisant jusqu'au jeudi 18 février 1993. «De plus, pour la réalisation des faits visés, il ne semble pas utile de faire une rapport intérimaire. Comme je le mentionnais tout à l'heure, en effet, la motion vise deux cas: la tenue de deux séances additionnelles demande la production de documents. Ni l'un ni l'autre ne requiert la production d'un rapport intérimaire et, de ce fait, l'interruption prématurée de nos travaux. Le premier objet peut être accompli en vertu des articles 167 ou 76 selon le cas, alors que la demande de production de documents peut être faite également aux fins de l'organisation même des travaux de cette commission. «Pour toutes ces raisons, considérant qu'il n'est pas nécessaire de mettre fin à nos travaux pour accomplir ces choses et que l'article 175 doit recevoir une interprétation qui est restrictive, je déclare la motion irrecevable.»

Merci. Maintenant, je demanderais, s'il vous plaît, aux responsables du groupe Association de l'amusement du Québec...

M. Léonard: M. le Président... Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Léonard: Si je comprends, votre réponse est enregistrée au Journal des débats. Donc, nous pourrons en prendre connaissance et nous pourrons en revenir au terme d'autres articles pour présenter une motion à l'effet de continuer nos travaux. Je veux simplement souligner que notre intention n'était pas d'arrêter les auditions, mais, à la suite de la fin des auditions, de demander deux ou trois séances additionnelles pour les objets qui sont mentionnés à la motion.

Le Président (M. Lemieux): J'en suis conscient, M. le député de Labelle, mais, dans le texte de cette argumentation, vous êtes bien conscient que j'emploie l'expression, dans un deuxième temps, «subsidiairement au premier énoncé», relativement au jugement que j'ai rendu. Alors, je me dois maintenant... Comme vous venez si bien de le mentionner, le tout est enregistré sur les galées. Par la suite, ça ne nous empêche pas de revenir avec d'autres motions, effectivement; on verra quelle en sera la nature.

M. Léonard: Très bien. Nous reviendrons.

Le Président (M. Lemieux): Maintenant, je demanderais aux membres de l'Association de l'amusement du Québec... Je vous remercie d'avoir pris place à la table des témoins. Dans un premier temps, je demanderais au porte-parole de ce groupe de bien vouloir s'identifier, d'identifier les gens qui l'accompagnent, et permettez-moi de vous faire état de la procédure parlementaire.

Vous disposez d'une heure pour la présentation de votre mémoire, dont 20 minutes pour votre exposé. Suivra un échange entre les deux formations politiques pour une durée globale de 40 minutes: 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour le groupe de l'Opposition. Alors, je vous écoute.

Auditions (suite) Association de l'amusement du Québec

M. Song (Henley): Je suis Henley Song, vice-président de l'Association de l'amusement du Québec. À ma gauche, M. Jacques-André Fortin, administrateur de l'Association de l'amusement du Québec, et, à ma droite, M. Luc Marcoux,

administrateur de l'Association de l'amusement du Québec.

En tant que représentant de l'Association de l'amusement du Québec, nous sommes très heureux d'être reçus par cette commission parlementaire portant sur le financement des services publics. Nous tenons à féliciter le gouvernement pour cette initiative et pour son ouverture d'esprit indispensable dans son écoute sur les points de vue les plus diversifiés qui se retrouvent énoncés ici. En voulant cerner le problème financier du gouvernement, les intervenants viennent discuter de leurs propres préoccupations. Notre objectif est d'apporter une proposition de solution tant pour notre industrie que pour le gouvernement. Nous voilà donc assis autour de cette table pour discuter de la façon la plus ouverte possible du secteur précis de l'amusement, qui connaît ses limites et ses aléas. (20 h 10)

L'Association de l'amusement du Québec est un organisme à but non lucratif qui a été constitué le 14 avril 1986. Elle a aussi regroupé des gens d'une industrie fonctionnant depuis plus de 50 ans. L'Association réunit actuellement plus de 200 membres, exploitants et commerçants répartis à travers le Québec.

L'Association de l'amusement du Québec s'est donné pour but, d'une part, de défendre et de promouvoir les intérêts de chacun de ses membres et, d'autre part, d'établir et de faire respecter des règles de conduite en vue d'assurer à l'industrie un environnement sain et un développement harmonieux.

L'Association est entièrement financée par ses membres qui lui versent chaque année une cotisation votée lors de son assemblée générale annuelle. La Régie des loteries du Québec a décidé de ne plus émettre de permis pour les appareils de vidéo-loterie suite à la décision de la Cour suprême en octobre 1991. En n'émettant plus de permis, la Régie a secoué encore une fois l'industrie. La vidéo-loterie représente une source majeure de revenus pour les exploitants dans l'industrie de l'amusement, et cette décision nous a amenés à opérer notre gagne-pain dans un vide juridique. Nous sommes ainsi forcés à gérer nos entreprises dans l'insécurité totale.

Les effets négatifs de cette décision se sont multipliés, car le gouvernement n'a pas instauré de nouvel encadrement du secteur pour remplacer celui qu'il venait d'abolir. Un des effets directs a été de réduire les revenus de la Régie des loteries. Effectivement, cette situation a occasionné un manque à gagner important pour le gouvernement du Québec. En décidant de ne plus émettre de permis, la Régie renonçait par le fait même à quelque 14 000 000 $ de revenus, et ce, seulement pour cette année financière.

Le défi majeur que doit relever l'industrie de l'amusement est des plus orthodoxes: parvenir à opérer la vidéo-loterie dans la légalité en payant les redevances qui sont dues au gouver- nement. Les décisions politiques et juridiques qui ont été prises au cours des dernières années ont placé beaucoup d'intervenants dans l'embarras, puisqu'elles ont occasionné une perte de contrôle pour le gouvernement, le milieu policier et l'Association elle-même. La situation est telle que de nombreux membres se demandent s'ils pourront continuer à gagner décemment leur vie dans le domaine de l'amusement. Ils sentent leur avenir menacé.

Le fait que nous soyons obligés de défendre la gestion de la vidéo-loterie revêt quelque chose d'illogique. Au moment où ces appareils ont fait leur percée au Québec, à la fin des années 1970, les exploitants ne voulaient pas de vidéo-loteries. Alerté par tous les effets négatifs que ce genre d'activité était en mesure d'entraîner, le gouvernement a décidé quand même d'ouvrir la porte à la vidéo-loterie en la réglementant en 1979; la catégorie A, vidéo-loterie, était instituée par la Régie des loteries du Québec. cette réglementation a profondément modifié les enjeux de notre industrie. après de nombreuses pertes et hésitations dans l'industrie de l'amusement du québec, le milieu existant n'a pas eu d'autre choix que d'investir des millions pour l'implantation de la vidéo-loterie au détriment des appareils d'amusement déjà en fonction au québec. la vidéo-loterie représente maintenant plus de 75 % de son chiffre d'affaires.

Aujourd'hui, le gouvernement se demande si l'argent récolté par la vidéo-loterie est digne d'enrichir les fonds publics. La récession qui sévit au Québec comme ailleurs, avec un taux de chômage qui côtoie les 14 %, oblige le gouvernement à considérer la portée de chacune de ses décisions qui impliquent des pertes d'emploi. Le gouvernement ne peut pas détruire un secteur privé de l'économie alors qu'il lui est possible de contribuer à lui redonner toute sa vitalité.

Nous trouvons, au Québec, une industrie de l'amusement qui compte une dizaine de manufacturiers, près de 30 commerçants et des centaines d'exploitants qui desservent des milliers d'établissements à travers la province. Considérée dans son ensemble, l'industrie de l'amusement regroupe près de 10 000 emplois directs qui sont générés tant dans le secteur manufacturier que celui des exploitants. Puisque le gouvernement a cautionné l'industrie de l'amusement pendant une douzaine d'années, certaines entreprises comptent maintenant plus de 100 employés et quelques-unes ont fait preuve de suffisamment de dynamisme pour exporter et même pour s'implanter dans d'autres pays.

Nous pouvons faire valoir aisément les effets pécuniaires positifs de la vidéo-loterie, mais nous savons que nous sommes devant un gouvernement qui doit considérer tous les aspects sociologiques du milieu.

Les problèmes sociologiques des citoyens représentent des coûts importants pour un gouvernement, et c'est de cette façon ouverte

que l'association entend aborder cet aspect. Deux chercheurs en économie, Gabrielle A. Brenner, de l'École des hautes études commerciales, et Reu-ven Brenner, associé au CRDE de l'Université de Montréal et au McGill's School of Management, ont publié un livre intitulé «Gambling and Speculation» dans lequel ils infirment la perception négative qui s'est développée concernant le jeu et les joueurs.

Tout d'abord, selon eux, il n'est pas possible de faire un lien direct entre le crime organisé et l'amusement. Lorsque ce Nen existe, il est imputable à une réglementation inappropriée du secteur. En outre, des objections sociales se posent concernant les pauvres gens qui dépensent beaucoup d'argent dans l'amusement sans obtenir de biens en retour. Toujours selon les Brenner, ces gens sont avant tout des payeurs de taxes indirectes volontaires. La proportion de gens qui dépensent presque tout leur argent dans la loterie ou dans l'amusement est marginale.

D'autre part, la presse fait grandement état des cas pathologiques de personnes qui sont victimes de l'amusement. Les joueurs compulsifs ou maladifs existent; ils constituent toutefois une minorité. Nous nous entendons pour dire, nous aussi, que chaque cas est un cas de trop. Il est toutefois plus intéressant pour la presse de présenter les cas les plus pathétiques plutôt que de parler des milliers de gens qui se divertissent avec tous les jeux qui sont mis à leur disposition. N'oublions pas, les gens aiment jouer et beaucoup en ont besoin pour conserver leur équilibre mental.

Par ses décisions concernant la loterie et les casinos, le gouvernement a admis que l'amusement n'est pas aussi néfaste pour la société que certains sont tentés de le croire. L'Association de l'amusement exprime le besoin d'une réglementation assurant un contrôle efficace pour contrer au maximum les éléments sociologiques négatifs de l'amusement.

Le 15 décembre 1992, le gouvernement faisait l'annonce officielle de l'implantation de deux uasinos au Québec. Il est maintenant connu que 1200 appareils de vidéo-loterie seront mis en place dans le casino de Montréal. La décision du gouvernement sur la réglementation des appareils de vidéo-loterie dans les casinos devra trouver son pendant pour les appareils fonctionnant dans d'autres sites. Nous retenons deux points majeurs de cette annonce qui supporte le scénario de la gestion par le partenaire État-privé.

Premièrement, les retombées économiques majeures des activités d'amusement des Québécois devant bénéficier à la collectivité québécoise plutôt qu'aux États ou aux provinces environnantes. Nous sommes persuadés qu'une bonne implantation des appareils de vidéo-loterie gérée par les partenaires État-privé est en mesure de bonifier également cet aspect économique, l'argent des Québécois et des touristes contri- buant à faire fructifier une industrie et des emplois au Québec.

Le deuxième point qui a attiré notre attention est le souci du gouvernement de contrôler adéquatement les impacts sociaux et d'assurer une sécurité publique sur les activités d'amusement. Du moment que le gouvernement concède qu'il est possible de créer un cadre réglementaire sécuritaire pour la vidéo-loterie dans les casinos, nous concluons que ce même cadre peut être aussi efficace pour la vidéo-loterie gérée par les partenaires État-privé.

La vidéo-loterie gérée par le secteur privé qui fonctionne dans un vide juridique depuis si longtemps devra connaître son sort dans les mois qui viennent. Le gouvernement considère trois scénarios sur lesquels nous exposons notre point de vue. Le premier, c'est la saisie et l'abolition complète de la vidéo-loîerie privée. Ce scénario vise à saisir tous les appareils de vidéo-loterie qui fonctionnent au Québec et à interdire toute exploitation de cette forme d'amusement.

En plus de constituer une opération fort onéreuse pour les forces policières, cette option ne représente pas une façon efficace de contrôler rapidement la vidéo-loterie à !a grandeur du territoire québécois. La saisie et l'interdiction de la vidéo-loterie occasionnerait systématiquement la création d'une zone noire qui est non souhaitable, tant pour les contrôleurs de la Régie des loteries, les corps policiers, que le milieu de l'amusement. Les coûts socio-économiques risquent d'être très élevés pour les exploitants actuels et pour le gouvernement. (20 h 20)

Deuxièmement, nationalisation de la vidéo-loterie par Loto-Québec. Par cette option, le gouvernement contrôlerait tous les terminaux et tous les appareils de vidéo-loterie au Québec, en ne laissant aucune place au secteur privé. Nous sommes devant un scénario où l'État devient un compétiteur du domaine privé en voulant exploiter lui-même les forces d'un marché.

Un élément important de ce scénario est l'engagement de dépenses pour le gouvernement. En plus d'impliquer des dépenses pour l'implantation d'un système de vidéo-loterie national, le gouvernement devra prévoir un engagement financier considérable de plusieurs millions pour la formation de techniciens et pour le fonctionnement et l'entretien de ce système: réparation, transport, nettoyage, etc.

Les exploitants actuels des appareils de vidéo-loterie connaissent très bien les détails de ce métier et sont les mieux placés pour gérer le personnel et régler les problèmes inhérents à ce secteur d'activité, d'autant plus que nous assistons présentement à une tendance internationale de privatisation plutôt que de nationalisation.

Le troisième, ce serait la gestion des appareils de vidéo-loterie par les partenaires État-privé. Par cette option, le gouvernement gère de façon centrale les terminaux pour les

appareils d'amusement et le secteur privé assure l'exploitation des appareils. Cette situation devient tout à fait plausible dans la perspective où le secteur privé est contrôlé de façon aussi stricte que le seront les casinos. Tout le domaine de la vidéo-loterie étant géré dans une loi-cadre; c'est ce troisième scénario qui, à tous points de vue, représente la solution idéale pour les deux parties, le gouvernement et l'industrie.

Nous croyons que le rôle de l'Association de l'amusement du Québec est primordial dans ce scénario. Nous sommes en mesure d'édicter des règles d'éthique qui devront être suivies par nos membres. Nous serions, nous aussi, des brigadiers efficaces du système supportant le travail des contrôleurs gouvernementaux. En attribuant une responsabilité financière et pénale à l'exploitant, le gouvernement assure un autocontrôle dans le milieu qui est le plus efficace que bien des mesures coercitives. Ce scénario demande très peu d'engagements financiers venant du gouvernement; il s'agit de réaménager les ressources humaines à la Régie des loteries et à investir pour l'implantation des terminaux centraux.

L'industrie de l'amusement, qui a développé au cours des années le secteur de la vidéo-loterie, a acquis une expertise de toute première valeur, fruit de bien des essais et de bien des erreurs. Les exploitants ont su créer d'excellents réseaux de distribution et de collection depuis fort longtemps dans le Québec, tout en développant des relations d'affaires fructueuses et de confiance avec les établissements qu'ils desservent.

N'oublions pas également que la majorité des exploitants sont propriétaires de leurs appareils de vidéo-loterie, ainsi que de tout l'équipement d'entretien requis pour les faire fonctionner. Ce sont là des investissements importants qui pourraient être mis à la disposition du partenaire, en l'occurrence, le gouvernement.

Monsieur...

M. Fortin (Jacques-André): Oui. L'Association de l'amusement du Québec recommande au gouvernement du Québec d'implanter le scénario partenaires État-privé. Nous réitérons les avantages de ce choix: élargissement de l'assiette fiscale pour le gouvernement; Investissements mineurs pour le gouvernement; utilisation d'une expertise du secteur privé; vitalité d'une industrie déjà en place; contrôle du gouvernement sur le secteur avec l'aide du privé; développement d'un nouveau secteur manufacturier; maintien de milliers d'emplois.

Les problèmes sociologiques appréhendés par la légalisation de l'amusement sont moindres lorsque le gouvernement assure un bon contrôle du secteur. La pire situation pour le gouvernement est celle qui prévaut actuellement. L'option partenaires État-privé est en mesure de concilier les objectifs moraux et financiers du gouverne- ment.

Chaque personne qui est le moindrement concernée par la vidéo-loterie fait naturellement référence au modèle du Nouveau-Brunswick, qui favorise la gestion partenaires État-privé. L'Association de l'amusement du Québec fait confiance à ce modèle d'implantation qui a su conserver la vitalité du secteur privé et rapporte encore aujourd'hui des fonds importants au gouvernement. De plus, faire référence à un modèle existant, qui est près de nous, nous permet de le bonifier et d'éviter les problèmes qu'ils ont dû régler en cours de route.

D'autres expériences d'implantation de vidéo-loterie par les partenaires État-privé se sont avérées également très positives. Susan Walker, directrice executive de la loterie au Dakota du Sud, affirmait que l'implantation de la vidéo-loterie a été un réel succès financier. Après un an d'opération, les revenus réels dépassaient les prévisions de 2 000 000$. «The reason why it is successful is that we have invited private sector participation in the ownership, marketing and servicing of this product, and it has worked extremely well.»

Le gouvernement du Québec pourrait établir sa réglementation selon les principes qu'a appliqués le Nouveau-Brunswick. Premièrement, le gouvernement développe les terminaux et établit toute la réglementation pour leur application; deuxièmement, le gouvernement fait les investigations pour approuver les commerçants, les exploitants et les établissements. Le gouvernement accrédite les exploitants, le gouvernement accrédite les commerçants, le gouvernement approuve les établissements, le gouvernement approuve les appareils de vidéo-loterie. Troisièmement, le gouvernement approuve tout le mouvement ou les changements concernant la vidéo-loterie.

C'est donc dire que le gouvernement peut compter sur l'appui du milieu pour l'implantation de ce scénario. C'est une expérience que l'Association est prête à vivre et un défi qu'elle a le goût de relever.

Le coût d'implantation de ce système nécessite une mise de fonds gouvernementale. Mais encore, il ne s'agit pas vraiment d'implantation puisqu'il suffit au gouvernement d'établir une formule adéquate pour une industrie qui fonctionne déjà.

Toujours en se fiant à certains modèles déjà établis au Canada et en tenant compte des taxes qui se sont ajoutées depuis ces implantations, c'est-à-dire TPS et TVQ, les revenus directs provenant de ces machines pourraient être divisés ainsi: 25 % au gouvernement, 45 % à l'exploitant, 30 % à l'établissement.

En gardant les mêmes proportions par rapport à la politique pour le nombre d'appareils au Québec que dans les Maritimes, là où le nombre a été limité pour assurer un bon contrôle, le Québec a un potentiel de revenus de

100 000 000 $ par année. À ce montant s'ajoutent l'argent versé pour la TPS, l'argent versé pour la TVQ, l'impôt provincial sur le revenu, l'impôt fédéral.

Le gouvernement doit nécessairement considérer l'impact économique d'une nouvelle implantation ainsi que toutes les retombées indirectes: construction, embauche, etc. Les exploitants devront injecter des millions de dollars dans l'économie québécoise. Seulement pour l'acquisition d'un nouveau système, il faut calculer a peu près 175 000 000$.

Le gouvernement a-t-il les moyens de ne pas considérer ces sommes d'argent injectées par le privé, surtout lorsqu'il est assuré de contrôler la situation? Les exploitants qui investiront plusieurs centaines de milliers de dollars, sinon des millions, dans l'achat d'appareils ne sauraient sous aucune considération tolérer l'existence d'un marché parallèle, car ils ont à protéger leurs investissements et leurs revenus. Jamais le gouvernement ne saura égaler l'effacité de cette brigade pour la surveillance et l'élimination optimale de la zone grise.

Le Québec ne fait pas cavalier seul dans les décisions qu'il doit prendre sur la vidéo-loterie; des États américains et des provinces canadiennes sont pris avec les mêmes questions. Pour ceux qui ont déjà légalisé la vidéo-loterie, des études ont démontré que le fait de conserver une place aux exploitants privés protège des emplois existants tout en en créant de nouveaux, procure plus de revenus par une pénétration rapide du marché, établit ou conserve de bonnes relations avec les établissements, assure un meilleur rendement des équipements, garantit au gouvernement le succès de l'implantation du système. Le Québec est donc dans une très bonne position pour tirer bénéfice des expériences qui l'entourent.

Par sa politique d'achat chez nous, le gouvernement est devant un choix où il peut encourager le développement d'un secteur manufacturier québécois. Le secteur de l'amusement a un potentiel de carrière intéressant pour les finissants universitaires du Québec en génie électronique, en design, en administration.

L'Association de l'amusement est prête à s'engager concrètement pour promouvoir le développement manufacturier de l'amusement en collaboration avec le gouvernement du Québec, car nous représentons une industrie en pleine effervescence qui laisse une grande place à l'initiative et à la créativité. Avant longtemps, l'industrie serait prête à exporter ses produits.

Conclusion. L'objectif de notre mémoire était double: démontrer l'importance du secteur de l'amusement en tant qu'acteur économique et proposer au gouvernement d'élargir son assiette fiscale dans cette industrie qui offre toute sa collaboration. Le déficit du gouvernement du Québec ne lui permet pas de ne pas considérer sérieusement cet argent qui est à sa portée. Il est avant tout question de milliers d'emplois au Québec et de centaines de millions de revenus pour le gouvernement.

L'expertise qui s'est développée dans le milieu de l'amusement offre de nombreux avantages, et la contribution du milieu pour pallier aux problèmes sociologiques de l'amusement est en mesure d'assurer une efficacité des lignes maîtresses déterminées par le gouvernement.

Le gouvernement a une bonne occasion de faire confiance à l'industrie et aux Québécois qui la dirigent. Cessons de relever les aspects négatifs du domaine de l'amusement pour enfin valoriser ses aspects positifs qui sont réels. L'option État-privé est une formule efficace pour la gestion de l'amusement.

Alors que les nouvelles règles mondiales du commerce sont établies et que la majorité des provinces canadiennes et des États américains vont de l'avant concernant la légalisation de la vidéo-loterie, et que nous assistons à une vague de privatisation, comment le gouvernement du Québec pourrait-il mettre en péril au-delà de 10 000 emplois directs et refuser des revenus tandis qu'il accuse un déficit sans précédent?

Le Président (M. Lemieux): Merci.

M. le ministre des Finances, la parole est à vous. (20 h 30)

M. Levesque: Je vous remercie, M. le Président.

Alors, nous voulons souhaiter la plus cordiale bienvenue à l'Assocation de l'amusement du Québec. Je crois que vous abordez là un sujet qui fait sûrement l'objet de réflexion de part et d'autre. Ma première question serait: Comment vous situez-vous présentement depuis le jugement de la Cour suprême?

M. Song: Vous voulez savoir comment on se situe présentement?

M. Levesque: Oui

M. Song: On se sent dans une situation excessivement difficile à vivre. Tous nos membres sont dans une situation presque intenable. L'Association reçoit régulièrement des appels et des lettres pour savoir où en sont rendues les décisions du gouvernement.

N'oubliez pas que ça fait au-delà de 50 ans que des gens vivent de ce domaine-là, de l'industrie; c'est presque de génération en génération. Alors, quand on est dans une situation pareille où on a vécu pendant plusieurs années et que le gouvernement nous a presque cautionnés pendant plusieurs années en nous émettant des permis, les gens se sont sentis comme en sécurité avec le gouvernement. Mais avec les développements qui sont arrivés dernièrement, c'est l'insécurité totale. C'est pour ça qu'on est ici présents ce soir, pour justement demander au

gouvernement de vraiment nous dire où il s'en va avec ce dossier-là, pour savoir vraiment à quoi s'en tenir pour l'avenir.

Si on regarde ça de notre côté à nous, on prend ça beaucoup émotivement parce qu'on a beaucoup de familles qui vivent de cette industrie et qui trouvent que cette industrie-là les fait bien vivre, fait bien vivre leur famille, fait bien vivre les employés. On dit: Pourquoi le gouvernement ne voit-il pas ça d'un côté positif alors que d'autres États, d'autres provinces, aux États-Unis même ou ailleurs, l'ont légalisé et qu'on puisse, autrement dit, vivre notre vie pas dans cette insécurité-là et pas en ayant toujours une épée de Damoclès au-dessus de notre tête en se disant: Où on s'en va demain? C'est pourquoi on est ici ce soir.

M. Levesque: Vous donnez l'exemple du Nouveau-Brunswick où le secteur privé a été appelé à se joindre au secteur public. Est-ce que, dans les autres provinces de l'Atlantique, on n'a pas eu une expérience différente où c'est l'État qui a pris charge de ces instruments?

M. Song: Oui, je peux vous répondre sur cette question. Dans les provinces de l'Atlantique, il y a la province de Nouvelle-Ecosse où c'est le gouvernement qui a étatisé. Mais je crois que vous devez aussi être au courant que la situation ne s'est pas avérée aussi efficace qu'au Nouveau-Brunswick et que, présentement, le Parti libéral qui est dans l'Opposition en Nouvelle-Ecosse a déclaré publiquement que, s'il était au pouvoir, il reviendrait avec partenaires État-privé.

M. Levesque: II faut bien mentionner que, à ce sujet, le Code criminel canadien réserve aux gouvernements provinciaux et à leurs agences de même qu'aux organismes bénévoles le secteur des loteries, bingos, tirages, etc. Vous, vous voudriez, pour faire face à cette situation, pour vous légaliser, autrement dit, si je comprends bien votre proposition, vous associer à l'État.

M. Song: Comme c'est fait au Nouveau-Brunswick ou dans d'autres États américains.

M. Levesque: Ce n'est pas parce que l'État ne pourrait pas le faire seul?

M. Song: Si on se fie aux exemples qui ont été vécus les dernières années... Autrement dit, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Ecosse ont légalisé à peu près à la même période, et les résultats, après quelques années, se sont avérés négatifs quand l'État a étatisé. Autrement dit, quand le Nouveau-Brunswick a été avec partenaires État-privé, la situation a été différente, beaucoup plus positive.

M. Levesque: Quand je pense à Loto-

Québec, par exemple, qui aurait pu fonctionner autrement, mais qui fonctionne comme vous le savez alors que toutes les provinces canadiennes, d'ailleurs, interviennent directement dans le secteur des loteries conventionnelles, Loto-Québec possède le deuxième meilleur niveau de vente per capita en Amérique du Nord après le Massachusetts. Alors, vous ne pensez pas que Loto-Québec pourrait continuer dans la même veine? Là, je ne veux pas dire que je mets de côté ce que vous suggérez, mais je veux voir comment l'État ne pourrait pas arriver à des fins convenables autrement qu'en passant par le secteur privé.

M. Song: Je vais passer la parole à M. Marcoux.

M. Marcoux (Luc): II est certain que si on prend un exemple comme la Nouvelle-Ecosse, la province a sanctionné sans se servir du secteur privé, mais il faut comprendre deux choses. La première, c'est qu'il n'y avait pas d'association qui était capable de représenter ses membres et en même temps, par le fait même, pouvoir faire valoir les aspects positifs du secteur État-privé. La deuxième chose, c'est qu'au Québec, contrairement à ce qui se passe dans d'autres provinces canadiennes ou dans d'autres États américains, la province de Québec est la seule province qui a cautionné cette industrie au-delà de 12 ans, ce qui fait que ça a créé des entreprises qui ont développé à partir de cette légifération-là, qu'on explique dans le mémoire, depuis 1979, qui confère un cas particulier à la province de Québec, ce qui n'était pas le cas en Nouvelle-Ecosse, ce qui n'est pas le cas en Ontario, ce qui n'est pas le cas des autres provinces canadiennes et, même, ce qui n'est pas le cas de plusieurs États américains.

Alors, quand on regarde la situation au Québec, il faut considérer qu'on est dans une situation qui est difficile à comparer à d'autres provinces, étant donné le cautionnement de l'État via la Régie des loteries envers notre industrie depuis 12 ans. Mais cet aspect, aujourd'hui, quand on parle de quelques dizaines de milliers d'emplois, ne peut pas être mis de côté parce que ce serait un chaos total dans notre industrie si on était évincé complètement de cette industrie.

M. Levesque: Cependant, vous êtes d'accord que, pendant les années où vous avez opéré, vous l'avez fait, vous me dites, avec les permis de la Régie, mais depuis le jugement de la Cour suprême, très récent d'ailleurs, vous ne pouvez plus opérer. N'est-ce pas?

M. Marcoux: Exactement. C'est une situation dans laquelle on est dans une «inconfortabilité» évidente, et ce n'est pas ce qu'on veut. On veut plutôt suggérer au gouvernement, à travers cette commission, de pouvoir réglementer une industrie

qui fonctionne depuis 10 à 12 ans, qui est implantée là et qui existe. C'est sûr que, dans un vide juridique comme on vit présentement, ce n'est pas de tout repos pour des investissements futurs ou pour une situation qu'on est les premiers à vouloir corriger.

M. Levesque: Vous appelez ça un vide juridique... Enfin. Dans ce que vous proposez, quels sont les types d'établissements où on prévoit que de tels appareils pourraient être installés?

M. Marcoux: Naturellement, on n'a pas élaboré pour ce soir sur les types d'établissements, mais il serait facile d'en arriver à un consensus, à savoir qu'on pourrait peut-être trouver un terrain d'entente où il y aurait des établissements qui seraient adéquats pour contrer les effets négatifs soit sociologiques, soit autres afin d'avoir un contrôle le plus parfait possible.

M. Levesque: Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des Finances.

M. le député de Montmorency.

M. Filion: Merci, M. le Président.

J'aimerais, à mon tour, au nom de ma formation politique, souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Association de l'amusement du Québec. Je dois dire que le mémoire en soi est un bon résumé de la problématique que vous vivez depuis maintenant... particulièrement depuis un an et demi, compte tenu du jugement de la Cour suprême, le jugement qui a refusé d'entendre, à toutes fins pratiques, le jugement de la Cour d'appel. Vous êtes effectivement dans une problématique d'opération qui vous rend illégal, bien sûr, mais je pense que cette illégalité-là d'opération est à la fois maintenue et suscitée par le gouvernement en place qui n'arrive pas non plus lui-même à prendre position face à l'orientation que doit prendre cette industrie-là. (20 h 40)

Au moment où on se parle, je pense que ça devait être pris il y a au moins un an, à ce que je me souvienne personnellement. Je sais qu'en février 1992, on devait avoir un positionnement face à l'orientation de l'industrie, et on n'en a pas eu. Aujourd'hui, on se retrouve encore, un an plus tard, à plus d'un an après, sans savoir non plus où vous allez. Je peux très bien comprendre qu'un mémoire comme celui-là est un peu une espèce de cri d'alarme où vous dites au gouvernement en place: Écoutez, là, arrêtez de nous entendre, arrêtez de regarder, posez des gestes et dites-nous où vous voulez aller, et que, dans ce sens-là, bien sûr que je pense que tout le monde, au fond, souhaite savoir ce qui va arriver de cette industrio-là qui, actuellement, est opérée illégalement et qui génère des fonds qui ne sont pas versés au trésor public.

Vous parlez de 100 000 000 $ par année que le gouvernement pourrait aller chercher en revenus de toutes sortes. C'est beaucoup d'argent quand, actuellement, on est en train de vouloir couper un peu partout dans les dépenses publiques parce qu'il y a des manques à gagner importants. C'est sûr qu'il y a toute une réflexion sociale autour de ça, mais indépendamment de tout ie débat social, je pense que vous êtes en droit d'exiger du gouvernement qu'il dise où il veut aller.

J'aimerais, bien sûr, vous poser une question ou quelques questions, également, face à l'opération que vous vivez présentement. Est-ce qu'actuellement !e gouvernement a donné signe de vie? Est-ce que vous vous attendez bientôt... On nous avait dit, nous, du côté de l'Opposition, bien sûr, qu'on allait même prendre une décision au mois de janvier. Est-ce qu'il y a eu des développements dans ce sens-là? Est-ce que vous avez plus d'information qui peut vous laisser croire que vous allez arriver à un règlement dans ce dossier-là bientôt?

M. Song: Malheureusement, nous sommes obligés de vous dire qu'on n'a vraiment pas eu de nouvelles, d'approches du gouvernement. Nous avons tenté plusieurs fois de lui envoyer... On lui a envoyé beaucoup de documentation. Même, depuis au moins un an et demi ou deux ans, nous avons envoyé un des premiers... Par exemple, on a envoyé, autrement dit, un premier document, un deuxième document. Celui de ce soir, c'est le troisième document. On se demande ce que le gouvernement... qu'est-ce qu'il fait pour ne pas nous contacter, parce qu'il me semble qu'on est de bonne foi. On veut vraiment bien faire, on veut être d'honnêtes citoyens, comme tous les autres, payer les impôts, payer les taxes. Alors, on ne peut pas dire qu'on a eu une réponse affirmative ou une approche. Mais on espère, ce soir, que cette chose-là se produira.

M. Filion: Dites-moi, on sait qu'actuellement le gouvernement a légiféré le domaine des loteries Vidéoway, je crois, avec Vidéotron, où on peut jouer à la loterie à la télévision. Selon vous, est-ce que c'est normal qu'on ait légiféré actuellement dans le domaine des vidéo-loteries à la télévision et qu'on n'ait pas encore légiféré dans le domaine d'opération, comme vous le vivez présentement? Est-ce qu'il y a des choses qui sont différentes ou qui sont explicables, selon votre connaissance?

M. Song: Nous, on a trouvé ça vraiment une situation qui était, on peut dire, dans nos termes à nous, peut-être un petit peu drôle. On s'est dit: II me semble que l'importance de l'industrie de l'amusement, c'est plus important que Vidéoway, d'après nous Alors, on s'est posé la

question; si c'est une question, autrement dit, de morale, je crois que les télévisions sont à la portée de tous les citoyens à travers la province et même, aussi, des plus jeunes. C'est pourquoi on s'est dit: Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas pensé à passer notre dossier avant Video-way? C'est officiel qu'on s'est posé la question.

M. Filion: Dites-moi également, tout à l'heure, il y a eu une question qui semblait vouloir dire... Si jamais le gouvernement prenait la décision de prendre le contrôle total de l'opération sans vraiment solliciter le partenariat de l'entreprise privée, selon vous, est-ce que vous vous trouveriez dans des pertes incroyables d'entreprises? Parce que vous soulevez en même temps le débat que le gouvernement a lui-même suscité, le développement d'entreprises, et que, du jour au lendemain, suite à une décision gouvernementale, il renverrait du revers de la main des entreprises qui se sont développées et qui ne vaudraient plus rien demain matin. Alors, dans ce genre d'approche, est-ce que vous avez l'intention de demander une compensation pour les entreprises perdues ou... Comment vous voyez ça?

M. Song: M. Marcoux va vous répondre.

M. Marcoux: II est certain que l'absence de réglementation qui débouche sur cette commission, finalement, sur notre mémoire, fait en sorte que, au niveau de l'option que Loto-Québec puisse le prendre au complet, ce seraient des pertes d'emplois qui seraient assez dramatiques pour des entreprises qui sont en existence depuis au-delà de 10 ans. Naturellement, on a fait état un peu des possibilités qui peuvent arriver, mais c'est tout à fait impensable de penser, de légiférer ou de nationaliser une industrie qui est déjà au secteur privé quand on sait que, dans les discussions qui se passent à travers cette commission ou les discussions qui se passent à l'Assemblée nationale, on fait état de privatisation potentielle de joyaux mêmes du gouvernement du Québec.

Alors, dans une situation où l'entreprise privée possède la mainmise sur une industrie depuis déjà 10 à 12 ans, il serait à peu près impensable de penser à ce qui arriverait au lendemain d'une étatisation complète. J'explique.

C'est sûr que l'Association de l'amusement va prôner les négociations vraiment de bonne foi, tel qu'on l'explique ici ce soir, mais mettons-nous à la place de centaines de petites entreprises en région un peu partout au Québec qui, demain matin, n'ont plus aucun gagne-pain. Je pense qu'avec la situation de l'emploi ou de la récession qu'on vit actuellement, ce serait vraiment un état difficile à vivre pour certaines PME et certains individus. Alors, si on était dans un contexte favorable à la création d'emplois ou dans une économie qui est en pleine croissance, la situation serait peut-être différente, mais les solutions de rechange, à l'heure actuelle, pour les emplois qui sont directement reliés au domaine de cette industrie, sont inexistantes.

M. Fortin: J'aimerais ajouter un point, s'il vous plaît. Votre question était principalement: Qu'est-ce que ça ferait à l'industrie? Comme on le mentionne dans notre mémoire, présentement, l'industrie de la vidéo-loterie représente environ 75 % de toute l'industrie de l'amusement. Le point que je veux faire, c'est qu'au début, à la fin des années soixante-dix, comme on l'a mentionné, on n'était pas intéressé à investir là-dedans, mais vu que la demande s'est créée, on n'a pas eu le choix, il a fallu suivre la demande. Ce chiffre de 75 % vient des nombreuses années, une douzaine d'années, d'année en année qu'il a fallu continuer à suivre la vague, si je peux me permettre l'expression. Si le gouvernement s'empare au complet de cette activité-là, ce serait catastrophique pour notre industrie.

M. Filion: Est-ce que vous croyez que le gouvernement peut, du revers de la main, tasser toute l'industrie et prendre la place sans créer vraiment de problématique de terrain majeure? Et est-ce que vous croyez que les gens vont accepter ça sans rien dire ou si ça peut susciter vraiment des réactions particulières?

M. Fortin: C'est évident que, dans le cas où ça arriverait, sans trop élaborer, l'industrie résisterait un peu. Il ne faudrait pas penser que, demain matin, les 25 000 ou 30 000 appareils qui sont présentement sur le territoire québécois disparaîtraient en claquant des doigts. Il ne faudrait pas penser ça, et je pense que vous en êtes conscient. Qu'est-ce qui se passerait? Je ne peux pas vous le dire précisément. C'est certain qu'il y aurait une réticence de l'industrie. Les opérateurs et exploitants qui verraient du jour au lendemain leurs revenus diminuer de 75 %, je ne pense pas qu'ils seraient heureux et qu'ils laisseraient aller ça comme ça.

M. Filion: Écoutez, on pourra revenir plus tard. On peut transférer maintenant la règle de l'alternance, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Montmorency.

M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Oui. Les questions du député de Montmorency m'intriguaient. Est-ce qu'il est en train de plaider qu'il est en faveur de la proposition telle que libellée par l'Association?

M. Filion: Posez vos questions, M. le président...

M. Johnson: Non, mais je pose la question

au député de Montmorency. Est-ce qu'il est en faveur?

M. Filion: Non, non, mais...

M. Johnson: Est-ce que... Je vais m'adresser à ces messieurs...

M. Filion: Mais non, écoutez! M. le président...

M. Johnson: ...dans les mêmes termes que le député de Montmorency. Est-ce que le député de Montmorency vous a fait comprendre qu'il était parfaitement en faveur de la proposition que vous avez mise de l'avant, un partenariat État-entreprise privée afin de légaliser une situation, évidemment, que vous appelez inconfortable à l'égard de 25 000 à 30 000 machines vidéopokers au Québec?

M. Song: Je crois qu'il nous a plutôt démontré qu'il avait une oreille attentive, qu'il avait...

M. Johnson: Est-ce que vous cherchez une oreille ou vous cherchez une solution, à ce moment-ci? (20 h 50)

M. Song: D'abord, si on veut trouver une solution, je crois qu'il faut commencer par le début. Il faut d'abord se faire entendre si on veut avoir une réponse. Mais de votre part à vous, malheureusement, on n'a pas eu cet appel de se faire entendre. Alors, c'est officiel que, si on ne peut pas se faire entendre, on ne peut pas avoir une réponse.

M. Johnson: Excusez-moi...

Le Président (M. Lemieux): Pouvez-vous vous adresser au président?

M. Song: Je m'excuse, M. le Président, mais des fois on est un peu émotif parce que ça fait tellement longtemps qu'on vit cette situation.

Le Président (M. Lemieux): Vous êtes chez vous, ici, mon cher monsieur. Doucement.

M. Song: Merci.

M. Johnson: II y a probablement confusion dans les termes.

M. Song: Oui.

M. Johnson: Personnellement, comme député, c'est vrai pour tous mes collègues, on a constamment été inondé de représentations de vos membres. J'en ai rencontré, mes collègues en ont rencontré, tout le monde a rencontré vos membres ou l'exécutif de votre Association, à un moment donné ou un autre depuis un an et demi, sinon ça fait deux ans et demi ou trois ans.

Je crois comprendre que vous attendez une réponse. Je ne suis pas sûr que ce soit exact que vous attendiez qu'on vous écoute. Vous attendez une réponse qui va dans le sens de vos intérêts et de votre demande. Je vois les gens derrière vous qui font signe que oui. Alors là, on se comprend. Il y a eu écoute amplement. Il n'y a pas eu de réponse, évidemment, de nos amis d'en face. Quant à nous, vous le soupçonnez, nous sommes en train d'examiner... Dans le nouveau contexte où, notamment, c'est le moins qu'on puisse dire, il y a une expérience-pilote avec des centaines d'appareils d'État dans un casino éventuel, nous sommes en train d'évaluer ce que ça représente, ça. Une situation qui parle de ce que vous appelez l'inconfort. Le Code criminel appelle ça l'illégalité. L'inconfort qui va nous mener vers, je dirais, un redressement de la situation.

Il y a des options, si je comprends bien, comme vous l'avez expliqué à de nombreuses reprises, qui visent à faire en sorte que le secteur privé, avec l'État, avec la formule du Nouveau-Brunswick peut être impliqué, mais il existe également en Amérique du Nord d'autres solutions purement étatiques, où l'État n'a pas dédommagé l'industrie qui avait décidé de s'implanter.

Je comprends que nos amis d'en face vous ont émis un permis en 1980, mais que la Cour suprême, éventuellement, a dit, en refusant d'écouter, évidemment, le pourvoi en appel, que c'était illégal, ce qui nous met dans une drôle de situation. Quatorze mois plus tard, compte tenu des enjeux, il ne m'apparaît pas exorbitant que vous n'ayez pas encore la réponse que vous souhaitez. Il peut y avoir une réponse, également, que vous ne souhaitez pas. On va avoir écouté tout le monde, y compris les gens qui trouvent que ça doit être contrôlé par l'État quand il s'agit de loteries et de jeux. C'est pour ça, d'ailleurs, que c'est un casino d'État et non pas un casino privé ou un casino d'État privé qui est envisagé. Il est fort possible qu'en bout de ligne on décide, pour des considérations de sécurité publique, d'équilibre, de finances publiques ou de quoi que ce soit d'apporter une réponse qui n'est pas parfaitement celle que vous recherchez. Mais vous ne pourrez pas dire qu'on ne vous a pas écoutés. Je pense que, ça, c'est un petit peu injuste. On a toujours été disponible pour tout le monde à ce sujet-là.

Ce qui m'amène à vous demander, parce que vous voyez nos préoccupations: Comment le partenariat État-secteur privé peut-il être le meilleur garant du contrôle du comportement excessif qu'on peut trouver, évidemment, chez les joueurs compulsifs? Comment nous assurer que ce sont véritablement les jeunes de plus de 18 ans et pas ceux de 18 ans et moins qui peuvent être appelés à jouer à ces machines-là? Comment nous

assurer que ça se déroule dans des conditions optimales qui font en sorte qu'on peut, au moins, résister aux critiques qui ne tarderont pas à venir si ça devient un phénomène un peu trop répandu sous la coupe de l'État?

M. Marcoux: Pour répondre à votre question, il est sûr que les règles qui seraient édictées, advenant une étatisation complète, pour contrer les effets négatifs, tels que les joueurs en bas de 18 ans ou les joueurs compulsifs, ces mêmes règles s'appliqueraient tout aussi bien dans un partenariat État-privé. Qu'est-ce qui fait l'aspect sécuritaire de cette nouvelle industrie qu'on appelle la vidéo-loterie terminale, reliée par lignes téléphoniques au même titre que les terminaux Loto-Québec? C'est les appareils eux-mêmes avec les contrôles qu'il y a autour de ces appareils-là et non les gens de l'industrie ou l'État qui font que le système est sécuritaire. C'est bien l'appareil. On sait qu'avec l'avènement de l'électronique et tout ce qu'il y a aujourd'hui, ce sont ces systèmes qui sont sécuritaires. Que ce soit l'État, que ce soit l'entreprise privée, on dit que l'entreprise privée - et on l'entend souvent à travers les médias - ne saurait assurer un contrôle, ayant des infiltrations quelconques. Mais le problème n'est pas dans les gens qui représenteraient cette industrie. Le contrôle est assuré par la forme des équipements et le contrôle est total, à cet égard-là, au même titre que les terminaux de Loto-Québec.

M. Johnson: À propos de l'équipement, c'est justement une des questions, je présume, que vous... Si on parle de partenariat avec l'État, on parle d'un contrôle centralisé de ces terminaux-là, d'une façon ou d'une autre. Est-ce que ce sont les mêmes machines que les 25 000 qui sont sur le marché qui seraient modifiées ou si ce seraient des machines nouvelles? Vous parlez de 25 000 nouvelles machines à 175 000 000 $, etc.

M. Marcoux: C'est sûr que ce n'est pas...

M. Johnson: Ce n'est pas l'équipement que vous avez en main aujourd'hui qui est en cause.

M. Marcoux: II est sûr que ce n'est pas les mêmes équipements.

M. Johnson: C'est ça.

M. Marcoux: Les équipements qui existent aujourd'hui au Québec ne répondent pas aux besoins d'un contrôle total, tel qu'aujourd'hui les entreprises existent. On sait qu'il y a eu des représentations, au mois de juin l'an passé, de la part de grosses compagnies vis-à-vis des ministères du Revenu, de la Sécurité publique ainsi que de Loto-Québec; ils ont reçu des représentants de manufacturiers majeurs, américains et européens. Quand on parle des systèmes, c'est de ces systèmes-là qu'on parle.

M. Johnson: Oui. Le lendemain du jour où il y aurait un partenariat État-secteur privé avec 25 000 nouvelles machines, qu'est-ce qui arrive avec les 25 000 machines qui sont sur le marché, là?

M. Marcoux: Naturellement, c'est sûr qu'il y aurait peut-être, à ce moment-là, des lois qui pourraient être émises ou une nouvelle réglementation qui légaliserait les appareils dans les casinos. Cette même réglementation pourrait être appliquée pour légaliser les nouveaux appareils. Il suffirait de créer des règles ou un cadre bien spécifique, à l'effet que ça prend des appareils qui sont accrédités par Loto-Québec pour que ce soit légal...

M. Johnson: Oui.

M. Marcoux: ...et non les appareils existants.

M. Johnson: Mais qu'est-ce qu'on fait avec les appareils existants, vous me dites?

M. Marcoux: On a juste à comparer ce qui s'est produit dans d'autres provinces...

M. Johnson: Oui.

M. Marcoux: ...ils ont tous quitté la province pour atterrir dans des provinces où il n'y avait pas de réglementation. Entre autres, certains appareils du Nouveau-Brunswick, lorsqu'ils ont légalité, il y a deux ans, sont apparus sur le territoire québécois parce qu'il n'y avait pas cette réglementation-là. Naturellement, aujourd'hui, avec l'ouverture des marchés mondiaux dans différents pays, il serait facile pour les entreprises d'ici d'exporter ces mêmes produits sur un marché d'appareils de seconde main.

M. Johnson: II ne doit pas y avoir de grosses hypothèques, là-dessus.

M. Fortin: On ne peut pas répondre pour tous les opérateurs.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marcoux: Je pourrais dire qu'il y en a qui ont encore des hypothèques sur leur route d'amusement.

M. Johnson: Sur leur?

M. Marcoux: Sur leur route d'appareils d'amusement, il y en a qui ont encore des hypothèques.

M. Johnson: Merci.

Le Président (M. Lemieux): Ça va, M. le président du Conseil du trésor?

M. le député de Labelle, vous avez demandé la parole.

M. Léonard: Oui. Merci, M. le Président.

D'abord, je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Association de l'amusement et les féliciter de venir devant l'Assemblée nationale pour exposer leur problème. Même si le président du Conseil du trésor souligne, assez lourdement, qu'il y a illégalité en la matière, il reste que vous faites face à un problème, suite à la décision de la Cour suprême. Là-dessus, vous avez le courage de venir devant l'Assemblée nationale, au salon rouge, pour l'exposer, la question.

En même temps, quand on parle de jeu, on parle, évidemment, de la question du contrôle. J'ai toujours un peu une image en tête, mais je ne voudrais pas que vous la preniez mal. Quand vous nous proposez, quand vous proposez de garder bien solidement, de contrôler toutes les opérations et que vous seriez une brigade, j'ai un peu toujours l'image que c'est comme le renard qui garderait les poules, mais en même temps je me dis que le plus gros renard, qui est en même temps un loup, c'est l'État. Alors, lui aussi est dans le terrain de jeu, si je comprends.

Donc, finalement, il faut reprendre la question comme elle est. Je pense que c'est un problème important que celui qu'on constate, cette illégalité, où l'État perd des sommes importantes devant une situation de fait. Même après 14 mois, ça a l'air que ce n'est pas long, 14 mois, pour préparer une réglementation, comme si on n'avait pas vu venir la décision de la Cour suprême. Il me semble qu'un gouvernement le moindrement prévoyant aurait pu la voir venir. Le ministre des Finances va tout de suite me dire que je fais de la partisanerie; je fais une constatation, parce que, en même temps, quand il a besoin de sous, il taxe. Les 4 000 000 000 $ qu'il a garrochés aux contribuables depuis trois ans, ils les ont sentis passer, les contribuables. Alors, je pense qu'il faudrait, de toute urgence, régler cette question, la légaliser. (21 heures)

Mol, j'ai eu une interrogation, en lisant votre mémoire. Quand vous dites qu'il a 25 000 emplois dans cette industrie, ça m'est apparu un peu gros. Ou bien les 100 000 000 $ sont un peu faibles comme revenus du gouvernement, ou bien... Un des deux. Parce que j'essaie de faire la relation entre 25 000 emplois et 100 000 000 $; il y a comme une absence d'équation, parce que 100 000 000 $, vous dites que ça représente 25 %, donc, 25... Si on fait la relation, l'ensemble de l'industrie, c'est 400 000 000 $ de chiffre d'affaires; 100 000 000 $ pour le gouvernement, il en reste 300 000 000 $ pour 25 000 emplois. Donc, on en est à des emplois à 12 000 $ par année. Sur quelle base avez-vous fait vos calculs des 25 000 emplois?

M. Song: M. Marcoux va vous répondre.

M. Marcoux: Quand on parle des emplois directs, on parle de 10 000 emplois, dans un premier temps. Je vais expliquer les 10 000 emplois; on viendra aux 25 000 par la suite.

Le 31 octobre 1991, a la Régie des loteries et courses du Québec, il y avait 1400 sociétés qui étaient enregistrées dans leur fichier central d'exploitants d'appareils d'amusement. En prenant comme moyenne que la plupart des entreprises ont entre 5 et 10 employés - je dis bien en moyenne; il y en a qui en ont peut-être seulement 1 ou 2, comme il y en a qui en ont 100, 130, 140 - on en arrive à un total de 10 000 emplois assez facilement. Il faut considérer aussi, dans ces emplois, les secteurs comme les petites salles d'amusement ou des choses comme ça. C'est quand même des emplois qui sont là en permanence. Ce n'est pas seulement des techniciens. Je parle de l'ensemble des emplois directs.

Quand on parle des 25 000 emplois indirects, on sait, via la Régie des loteries et courses, on sait, via un document qui a déjà été déposé ou qui a déjà été discuté par votre parti, qu'il y a quelque chose comme 8000 établissements au Québec qui possèdent ou qui ont le potentiel de posséder ces appareils-là. Si on parle de 8000 emplois potentiels, on peut parler de différents secteurs. On parle quand même de peut-être une possibilité de 15 000, 20 000 ou 25 000 emplois indirects.

M. Léonard: O.K. Ma deuxième question, c'est en relation avec les arcades, les pouvoirs de réglementation des municipalités et les jeunes qu'il y a là-dedans dès un âge, disons, en bas de 18 ans, et largement.

Comment vous voyez qu'on peut régler cette question alors que, dans les faits, il y en a quand même beaucoup, de jeunes, qui ont accès à ces machines à l'heure actuelle? Je sais que vous allez me dire: Bien, en réglementant, on va les empêcher de jouer. Mais si, aujourd'hui, l'industrie elle-même est dans le contexte que vous savez, comment, après, même s'il y a une réglementation, vous allez être capables de la faire respecter?

M. Marcoux: Nous croyons que nous pouvons accepter la même réglementation que Loto-Québec pourrait suggérer pour contrôler ces effets négatifs là. Naturellement, on pourrait sûrement édicter des règles plus précises, des endroits spécifiques. Ce pourrait être, comme exemple - je dis bien «comme exemple», parce

que ce n'est pas ce soir que ça va se décider - les secteurs hôteliers, où il y a déjà une réglementation des 18 ans et plus, qui pourraient recevoir ces équipements; ça pourrait être des endroits désignés spécifiquement à travers d'autres secteurs. Mais il est facile d'en arriver à une réglementation, du moment que ça fait l'objet d'une concertation entre les différents intervenants. Et il serait facile d'en arriver à édicter des règles pour que ces règles soient suivies par l'ensemble du secteur.

M. Léonard: Oui. Bien.Ça va. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Labelle.

Il n'y a pas de questions du côté ministériel? Alors, est-ce que M. le député de Montmorency veut poursuivre?

M. Filion: Oui.

Une voix: Le gouvernement?

Le Président (M. Lemieux): Je ne sais pas si le gouvernement a fini, mais il n'y a pas... À partir du moment où je reconnais et je demande à un membre du côté ministériel s'il veut bien prendre la parole et que je n'ai pas de réponse, en soi, la règle de l'alternance a été respectée, et je me dois de revenir du côté de l'Opposition officielle.

Alors, M. le député de Montmorency, est-ce que...

Parce que je ne peux pas obliger un membre du parti ministériel, vous le comprendrez, à bien vouloir prendre la parole.

M. Léonard: Mais, là, ils le perdent définitivement.

Une voix: ...ils ne parleront plus, là.

Le Président (M. Lemieux): Non. Pour parler, il faut absolument... Si quelqu'un ne demande pas la parole, comment, moi, puis-je, comme président, lui donner la parole?

M. Léonard: Obliger. Obliger.

Le Président (M. Lemieux): Et je ne peux pas l'obliger, de par le règlement, à bien vouloir poser une question.

M. Léonard: Bien oui, mais, là...

Mme Marois: Mais l'alternance, ça existe ou ça n'existe pas, hein.

Le Président (M. Lemieux): Oui. Mais, c'est ça, Mme la députée de Taillon. Je fais...

M. Léonard: Alors, c'est fini là, hein?

M. Johnson: Justement, c'est ça. M. Léonard: Le débat est terminé.

M. Johnson: Donc, on remercie ces messieurs et...

Le Président (M. Lemieux): Bon. Alors, ça va. Alors, comme il n'y a pas de questions du côté de l'Opposition officielle ni du côté ministériel...

M. Filion: II y en a des deux côtés.

Mme Marois: Oui, il y en a.

M. Léonard: Oui, oui.

Mme Marois: II y en a. On en a.

M. Johnson: Ah boni Bien, allez-y.

Mme Marois: II y en a, mais c'est l'alternance.

M. Johnson: On a le droit de penser à une question plus tard. Allez-y.

Le Président (M. Lemieux): Ah! Il y en a. Alors, M. le député de Montmorency.

M. Johnson: Allez-y. C'est à vous à parler.

Le Président (M. Lemieux): Attention, là! Je veux bien qu'on me comprenne. Du fait que le parti ministériel, au moment où je me suis retourné, que je leur ai demandé «Est-ce que vous avez une question à poser?» et que le parti ministériel m'a fait savoir qu'il n'avait pas de question à me poser, il faut qu'il le demande. Non, ils n'ont pas terminé. À partir du moment où leur temps n'est pas expire, l'alternance... Il faut absolument, pour que je puisse faire respecter ce principe, qu'on me le demande. SI on ne me le demande pas...

M. Johnson: M. le Président. Tout le monde est de bonne foi, ici, et depuis le lundi 2 février que l'alternance est respectée, ou peut-être depuis mercredi le 3...

Mme Marois: Oui, à peu près.

M. Johnson: ...je dirais. Bon. L'Opposition s'est aperçue de ce qui se passait. On va lui donner crédit pour ça. Mais il n'en reste pas moins que si, à ce moment-ci, personne de notre côté... On se trouve suffisamment informés, compte tenu des questions et réponses qui ont fusé de part et d'autre. Maintenant, si l'Opposition a des questions additionnelles, ça ne veut pas dire que ça n'éveillera pas chez nous des questions complémentaires pour avoir des éclair-

cissements. C'est juste ça qui est en cause.

Le Président (M. Lemieux): Ce que je veux bien vous faire comprendre, M. le député de Labelle, c'est que le temps qui est octroyé aux ministériels ne disparait pas de facto; il n'existe pas du fait que, lorsque je le leur ai demandé, ils n'avaient pas droit de parole.

M. Léonard: M. le Président, je vais vous poser une question.

M. Johnson: Contrairement à l'Assemblée.

M. Léonard: Comment pouvez-vous faire respecter l'alternance si, systématiquement - parce que, parfois, c'est ce qu'ils font; on s'est aperçu de ça la semaine dernière - ils refusent de parler pour se réserver toujours le droit de conclure?

M. Johnson: M. le Président, je peux vous éclairer davantage?

M. Léonard: Comment vous faites? Expliquez-moi ça.

Le Président (M. Lemieux): Oui, allez-y, M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: À l'Assemblée, pour des débats restreints, on sait que si le temps non utilisé par une formation politique n'est pas utilisé par elle, il accroît celui de l'autre partie.

Mme Marois: Parfait.

M. Johnson: Autrement, dans les débats de nature générale, il y a l'alternance, par principe. Mais si, à un moment donné, personne ne se lève, ça signifie qu'on met fin au débat.

M. Léonard: On s'entend. Mme Marois: Parfait.

M. Léonard: Mais si vous n'utilisez pas...

M. Johnson: Si personne... Bon, alors, là, de ce côté-ci, nous ne demandons pas la parole à ce moment-ci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Oui. Mme Marois: Parfait.

M. Johnson: Et il n'est pas question que notre temps accroisse, par ailleurs, celui de nos collègues d'en face.

Le Président (M. Lemieux): Ah oui! C'est ça. Mais c'est ça.

Mme Marois: Bien oui, mais c'est ça.

M. Léonard: À l'Assemblée nationale, c'est ça, la règle.

Le Président (M. Lemieux): Écoutez...

M. Johnson: Dans les débats restreints, ce qui n'est pas le cas ici.

Le Président (M. Lemieux): Écoutez, là, M. le député de Montmorency, vous allez prendre la parole, et je vais éclaircir cette notion-là d'alternance le plus rapidement possible. Je vais l'éclaircir dès demain matin. Je vais éclaircir cette règle de l'alternance. Alors, M. le député de Montmorency, vous avez la parole.

M. Filion: Merci, M. le Président.

J'aimerais revenir un peu sur la remarque du député de Vaudreuil, tout à l'heure. Je pense qu'on est en commission parlementaire pour questionner, justement, les dossiers et les mémoires. Et le but de l'exercice, c'est d'essayer de comprendre en détail la situation que peut vivre l'industrie de la vidéo-loterie. Et, moi, j'aurais envie de vous demander: Comment se fait-il, selon vous, qu'on art légiféré, jusqu'à maintenant, sur les casinos? Ou on légifère, on réglemente, on encadre ce monde-là, ou on veut donner un élan au monde du jeu. On légifère également la vidéo-loterie à travers la télévision. Et là on a une industrie qui est en place, où il y a un paquet de personnes - on parle de 15 000 à 20 000 personnes actuellement sur le territoire québécois - et là on laisse pourrir une situation.

Moi, là, comme parlementaire, j'aimerais essayer de comprendre, du milieu, comment on peut arriver à se traîner les pieds. Parce que, vous savez, le problème, là... En janvier 1988, il y a eu un comité ministériel qui a été formé au gouvernement. Le ministère du Revenu a formé un comité ministériel sur, entre autres, bien sûr, toute la question du tabac mais également la question de l'amusement, où on avait commencé à faire des recherches et commencé à regarder les dossiers. Et, quand même, ça fait plus de cinq ans. J'essaie de comprendre. Comment se fait-il, encore, qu'il n'y ait pas de... Puis, c'est ça qui demeure... Puis, d'ailleurs, tous les gens se posent des questions parce que, actuellement, on opère des machines un peu partout au Québec. C'est l'illégalité totale, on le sait. Plus de permis. Et on ne légifère pas, on ne dit rien, il ne se passe rien. Il doit sûrement y avoir quelque chose, quelque part, qui ne fonctionne pas. Mais c'est ça que je veux essayer de comprendre, parce qu'il faut légiférer, il faut faire quelque chose. (21 h 10)

M. Marcoux: Pour répondre à votre question, je pense que l'explication est peut-être logique. Si on prend le gouvernement actuel, par

l'entremise de M. Ryan, il a répondu à des questions de l'Opposition pas plus tard qu'au mois de décembre, à l'effet que les considérations d'ordre juridique et légal étaient très complexes avant qu'il ne prenne une décision. Je peux peut-être comprendre un peu le gouvernement actuel qui a retardé de prendre des décisions dans ce domaine très chaud, probablement parce qu'il y a des consultations plus profondes à faire, comme entre autres, celles-ci, et aussi du point de vue juridique.

Naturellement, je pense que - pour donner une réponse au gouvernement actuel - s'il sanctionnait cette industrie avec l'état privé, comme exemple, Loto-Québec qui ferait cavalier avec les exploitants actuels - ce qu'on voit d'un très bon oeil - ça ferait en sorte que les questions d'ordre juridique et légal, qui sont les interrogations majeures du gouvernement au moment où on parle, seraient probablement, par le fait même, éliminées.

M. Filion: Complètement? Dans quel sens dites-vous «éliminées»?

M. Marcoux: Naturellement, il se pose des questions au niveau des possibilités d'ordre légal et juridique. On sait qu'il y a des procès qui sont intentés dans tous les secteurs de la province de Québec; à chaque fois qu'il y a des saisies, il y a des procès qui sont intentés. Finalement, c'est une espèce de roue qui tourne, où II y a un imbroglio qui continue constamment. Si le secteur privé qui, à l'heure actuelle, donne quand même une résistance à sa survie... Il est certain que si ce même secteur privé ou un secteur privé de remplacement pouvait faire partie de la solution, bien, à ce moment-là, je pense que ça éliminerait un paquet de problèmes d'ordre juridique qui peuvent se produire.

M. Filion: Est-ce que vous sentez....

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Montmorency, votre temps est expiré.

Il n'y a pas de question du côté ministériel? Alors, comme il n'y a pas...

M. Audet: II restait du temps.

Mme Marois: Ça n'a pas été minuté, le temps, M. le Président. Je m'excuse, là, mais...

Le Président (M. Lemieux): Écoutez, là...

M. Audet: Non, non. Regardez le règlement, il n'y a rien qui m'empêche de parler. Je peux parler s'il reste trois minutes. L'enveloppe de temps n'est pas terminée.

Mme Marols: M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): Non. Alors, écoutez, M. le député de Labelle, vous allez m'expliquer quel article du règlement vous invoquez à l'effet que je ne peux pas céder la parole au député de Beauce-Nord. Si vous invoquez l'article 169 du règlement, je vous invite à le lire attentivement. Je vais vous écouter sur l'article 169 du règlement, particulièrement le paragraphe 2.

M. Léonard: M. le Président, on avait convenu que nous procéderions par alternance, c'est-à-dire que le gouvernement prend son temps de parole après que les intervenants soient venus ici, devant nous; il prend 10 minutes - parce que c'était ça - et, après, nous avions 10 minutes, et eux revenaient par la suite.

Si on part du principe qu'il y a alternance, M. le Président, il faut qu'ils parlent. S'ils ne parlent pas, ça veut dire qu'ils ont terminé avec les intervenants qui viennent devant nous. Parce que, autrement, le mot «alternance» n'a plus de sens. Alors, ça veut dire qu'on ne procède pas par alternance. On va procéder autrement, mais pas par alternance.

M. Audet: M. le Président, sur le règlement.

Le Président (M. Lemieux): Oui, sur le règlement.

M. Audet: Je veux juste ajouter quelque chose. Si on regarde l'article 33, notre règle de procédure dit que: «Le député qui désire faire une intervention doit se lever et demander la parole au président.» «Qui désire», elle n'oblige pas le député à parler. Le règlement n'oblige pas, à cet égard-là, il permet.

Si on se réfère ensuite - je vais terminer, Mme la députée de Taillon - à l'article 173, il dit que: «Le président partage entre les députés de la majorité et ceux de l'Opposition le temps que la commission consacre à chaque personne ou organisme.» C'est ce qui a été fait: 20 minutes d'un côté et 20 minutes de l'autre côté. «Sous réserve de l'alternance - alors, s'il n'y a pas de député, d'une part ou d'autre part, qui a décidé de poser des questions; c'est ce que je comprends ici - chaque député peut parler aussi souvent qu'il le désire, sans excéder 10 minutes consécutives.» Alors, le règlement à cet égard-là est très clair.

Je vous demanderais de me reconnaître, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Lorsque vous faites référence à 173, je pense que vous voulez faire référence à 169 parce que, à 173, nous sommes dans les consultations particulières.

M. Audet: C'est la même chose.

Le Président (M. Lemieux): C'est la même chose, mais je voulais seulement vous le souli-

gner.

Vous avez des commentaires relatifs à ça?

M. Johnson: M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: M. le Président, j'ai demandé la parole, s'il vous plaît.

Le Président (M. Lemieux): Mme la députée de Taillon.

M. Johnson: Excusez-moi... Franchement!

Le Président (M. Lemieux): Oui, c'est vrai, vous avez raison. Mme la députée de Taillon, s'il vous plaît. Là, c'est l'alternance, c'est vrai.

Mme Marois: Ça a l'air d'être un peu ridicule, ce qu'on fait, mais ça ne l'est pas.

M. Johnson: Oui. Ha, ha, ha! Oui.

Mme Marois: Ça ne l'est pas. On s'était entendus, au début de la commission, sur le fait que nous alternerions nos interventions. Et on s'est entendus de bonne foi sur ça. Peu importe l'article sur lequel on s'appuie pour le faire, on s'est entendus de bonne foi pour le faire. À partir du moment où l'une des parties décide de ne pas exercer son droit de parole, j'imagine qu'elle le perd, en conséquence, sinon ça ne vaut pas la peine de s'entendre. On va faire ce qu'on veut, et comme on le veut.

M. Audet: Je veux juste ajouter une dernière chose, M. le Président, là-dessus, pour essayer d'apporter un éclairage nouveau pour qu'on en finisse. Lorsqu'on Chambre 11 y a un débat, par exemple, il y a entente entre les leaders pour consacrer un temps de parole, de part et d'autre. Il arrive assez souvent, en Chambre, par exemple, que deux personnes de l'Opposition interviennent consécutivement puisque, de notre côté, il n'y a pas eu de députés qui ont eu l'intention d'intervenir dans le débat. À ce moment-là, c'est un député de l'Opposition qui intervient.

Il va arriver aussi, dans d'autres circonstances, que deux députés de la formation ministérielle interviennent consécutivement. La règle de l'alternance s'applique en Chambre, et notre règlement, en commission, est basé sur le règlement de la Chambre. Alors, à ce moment-là, je ne comprends pas pourquoi on soulève ça ici parce que, là, je vous le rappelle, le règlement est très clair à cet égard-là.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Beauce-Nord.

M. le député de Montmorency et, après, M. le président du Conseil du trésor.

M. Filion: Très simplement, M. le Président, si on a une règle d'alternance, il faut alterner, et les gens doivent parler à tour de rôle, en principe. SI les gens passent leur tour pour garder leur temps pour venir terminer la séance, à ce moment-là, il n'y en aura plus, de séance, parce qu'il n'y aura plus personne qui va parler. Alors, on ne sera pas plus avancé.

Le but d'une commission parlementaire, M. le Président, c'est d'échanger, de bonne foi, à tour de rôle. Alors, lorsque les gens ont à parler, ils parlent. Et s'ils ne veulent plus parler, bien, à ce moment-là, l'alternance revient, et on termine la commission. C'est dans le but d'en arriver à des échanges de bonne foi et selon des règles très claires, ce n'est pas pour commencer à jouer au chat et à la souris. On a bien d'autres débats et, quand on a un débat comme celui-là, aussi important, je pense que les gens ne trouvent pas ça drôle qu'on commence à jouer au chat et à la souris en commission parlementaire, M. le Président.

M. Audet: Une dernière petite chose.

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît, M. le député de Beauce-Nord.

M. Audet: Juste une dernière petite chose.

Le Président (M. Lemieux): Oui, s'il vous plaît.

M. Audet: Je veux juste vous inviter, M. le Président, si vous rendez une décision là-dessus, à tenir compte de la tradition qui existe en commission parlementaire, lorsqu'il y a des consultations générales, à l'effet qu'il y a toujours eu, ou presque - dans les commissions auxquelles j'ai siégé - entente entre les deux formations. C'était le ministre responsable qui ouvrait les débats et qui en faisait la conclusion pour remercier les invités. Je vous inviterais à tenir compte de ça.

Le Président (M. Lemieux): M. le président du Conseil du trésor, sur la question de règlement.

M. Johnson: C'est précisément... Oui, M. le Président...

Mme Marois: On en a eu une, entente, à cette commission-ci.

M. Léonard: II y avait une entente, là.

M. Johnson: c'est la troisième semaine que nous siégons. on a écouté des douzaines de personnes, il y en a d'autres à venir, et c'est la première fois que le problème se soulève avec

cette acuité-là.

M. Léonard: Non, ce n'est pas la première fois.

Le Président (M. Lemieux): M. le président du Conseil du trésor, s'il vous plaît, allez-y, sur la question de règlement.

M. Johnson: Le député de Labelle voudrait instaurer, avec un formalisme que je dirais de mauvais aloi, une succession dans les échanges, que la réalité ne reconnaît pas. Il faudrait qu'on commence, à chaque fois qu'on a 10 minutes, qu'il continue ses 10 minutes, qu'on revienne pour nos deuxièmes 10 minutes et qu'on conclue à chaque fois, comme s'il était impératif et avantageux, je devrais dire, que quelqu'un termine, comptant un but dans une apothéose absolument extraordinaire. Ce n'est pas ça qui est en cause.

Comment je ferais, moi, à ce moment-ci? Il me reste deux ou trois minutes que je n'ai pas prises tout à l'heure; je pensais que j'avais réponse à toutes mes questions. Le député a demandé des explications sur les 25 000 emplois directs et indirects. Je n'avais pas songé à cette question-là. Si d'aventure je voulais plus d'explications que celles qui ont satisfait le ministre ou le député, qu'est-ce que je ferais pour demander une question? Je n'ai plus le droit de demander de question parce que, quand c'était mon tour, je n'avais rien de spécial à demander. Et là il m'en reste encore, du temps, dans mon enveloppe; je demande une question intéressante, et il y a des réponses intéressantes, mais je pense qu'il y aurait une autre question qu'il faudrait demander là-dessus. Je n'ai pas le droit. C'est de l'enfantillage! Vous voulez le savoir, c'est de l'enfantillage pur et simple!

M. Léonard: Comme question de fait...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle, vous avez... Oui, M. le député Labelle.

M. Léonard: Comme question de fait, c'est moi qui ai posé la question sur les 25 000 emplois et, après que j'aie terminé de parler, le président du Conseil du trésor a dit qu'il n'avait pas de question...

M. Johnson: Je donnais un exemple. M. Léonard: ...et il en a eu la possibilité. M. Johnson: Je donnais un exemple.

M. Léonard: Moi, M. le Président, je pense...

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît! Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Oui.

Le Président (M. Lemieux): Oui, je vais vous laisser terminer, M. le député de Labelle.

M. Léonard: Je pense simplement qu'il y avait eu une entente. Le gouvernement a choisi de commencer lorsque les intervenants venaient, nous terminions, et il n'y a pas eu d'altercation majeure jusque-là...

M. Johnson: C'est ça.

M. Léonard: ...mais on remarque, cependant, qu'on tient à l'alternance.

M. Johnson: C'est la première fois que ça arrive.

M. Léonard: Non, c'est la deuxième fois que cette question revient.

Le Président (M. Lemieux): Mme la députée de Taillon. S'il vous plaît! Tant que la question de règlement ne sera pas décidée. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Alors, contrairement à ce que disait le président du Conseil du trésor, il y a déjà eu, devant la commission parlementaire de l'économie et du travail, un tel débat, et c'était à la demande d'un membre du gouvernement qu'il y avait eu alternance. Et chacun devait, obligatoirement même...

M. Johnson: Puis?

Mme Marois: ...puisque c'était l'entente que nous avions faite...

M. Johnson: II n'y en a pas, d'entente. (21 h 20)

Mme Marois: ...utiliser le temps qui était imparti à chacune des formations politiques en alternant, dix minutes chacun. Et si ce temps n'était pas utilisé, il n'était plus disponible. Quand le président du Conseil du trésor, M. le Président, nous dit qu'il n'y a pas eu entente, je m'excuse...

M. Johnson: II n'y en a pas eu.

Mme Marois: ...nous allons remonter aux galées. Il y a eu entente à cette commission au début de nos travaux. Alors...

M. Johnson: Bien, voyons donc!

Mme Marois: ...vous-même, vous vérifierez...

M. Johnson: Pas du tout!

Mme Marois: ...ce sur quoi...

M. Johnson: Pas du tout! Mme Marois: ...il y a eu entente... M. Johnson: Pas du tout!

Mme Marois: ...à l'effet qu'il y avait, effectivement, alternance.

Le Président (M. Lemieux): Oui. Alors, écoutez, Mme la...

M. Johnson: C'est un principe qui est dans le règlement, l'alternance.

Le Président (m. lemieux): ...députée de taillon, à ce que je sache - et je viens d'en référer à m. le secrétaire - il n'y aurait pas eu d'entente.

M. Johnson: Absolument pas!

Le Président (M. Lemieux): II y a eu, au niveau des remarques préliminaires, un modus vi-vendi qu'on a essayé, tenté de...

Mme Marois: Ah bon! Modus vivendi et entente sur lequel on a... Pas grave...

Le Président (M. Lemieux): Mais, moi, je me dois, en vertu des règles...

Mme Marois: ...on s'en souviendra!

Le Président (M. Lemieux): ...quitte à prendre ça sous réserve, puisqu'il y a un autre groupe qui doit se faire entendre, là...

M. Johnson: Oui.

Le Président (M. Lemieux): ...je me dois d'appliquer le règlement. Et j'ai un article qui, à mes yeux, est clair, il est sans ambiguïté, d'une limpidité extraordinaire, là...

Une voix: Ah oui?

Le Président (M. Lemieux): ...c'est l'article 169...

Mme Marois: Bien, c'est drôle que vous vous en souveniez maintenant.

Le Président (M. Lemieux): ...concilié avec l'article 33.

Écoutez, je prends quand même ça sous réserve. Et, ça, je le fais dans le but de protéger chacun des droits des témoins, chacun des droits des parlementaires qui sont ici. Alors, présentement, je prends cette question-là sous réserve, M. le député de Beauce-Nord. Vous me permettrez, en toute équité, là, s'il vous plaît, pour ce soir, de faire en sorte que vous ayez oublié votre question, si vous le voulez bien, sans... M. Audet: Par respect pour nos invités. Le Président (M. Lemieux): Par... M. Johnson: Autrement, il va pleurer. Le Président (M. Lemieux): Par respect... M. Léonard: Ça, c'est de l'arrogance. Le Président (M. Lemieux): Je pense que...

M. Johnson: Non, non. Non, non. «Autrement, vous allez pleurer», c'est de la sympathie.

Le Président (M. Lemieux): ...vous comprenez, M. le député de Beauce-Nord.

M. Léonard: Non, pas du tout.

M. Audet: Par respect pour nos invités.

M. Léonard: Non, non, non.

M. Johnson: De la sympathie à votre endroit.

Le Président (M. Lemieux): Alors, comme il n'y a plus de questions...

Mme Marois: Vous avez l'air ridicule.

M. Filion: Est-ce qu'on peut, M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): ...de la part des députés, à la fois de l'Opposition et ministériels... C'est terminé, M. le député de Montmorency.

Je vous remercie pour votre participation à cette commission parlementaire, et j'invite maintenant l'Association...

Une voix: Les associations.

Le Président (M. Lemieux): ...les Associations... Un instant... Les Associations touristiques régionales associées du Québec à bien vouloir prendre place à la table des témoins, et je suspends environ deux minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 22)

(Reprise à 21 h 24)

Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux pour entendre les Associations touristiques régionales associées du Québec.

Je demanderais, dans un premier temps, au

porte-parole de cette association de bien vouloir s'identifier et de nous présenter les membres qui l'accompagnent. Le débat est d'une durée d'une heure, dont 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Suivra un échange avec les deux formations politiques, d'une durée totale de 40 minutes: 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour le groupe de l'Opposition officielle. Alors, nous sommes prêts à entendre la représentante.

Associations touristiques régionales associées du Québec

Mme Gallant (Linda): Bonsoir, M. le Président. Linda Gallant, présidente des Associations touristiques régionales associées du Québec; Mme Cécile Dupont-Chamard, qui est présidente de l'Association touristique de Chaudière-Appa-laches; M. Claude Pinault, qui est vice-président de CAA et président de l'Office du tourisme et des congrès de Québec; M. Réjean Beaudoin, directeur général des Associations touristiques régionales associées du Québec; M. Daniel Gosselin, de Raymond, Chabot, Martin, Paré; et M. Belzile, de Raymond, Chabot, Martin, Paré.

Le Président (M. Lemieux): Nous vous écoutons, madame.

Mme Gallant: Merci.

Le Président (M. Lemieux): Oui. Vous avez 20 minutes. Ça va?

Mme Gallant: Oui. La simplification de notre fiscalité a toujours été une préoccupation de nos gouvernements. Cependant, bien que leurs préoccupations et leurs efforts peuvent, pour une période de temps, la simplifier, l'évolution de la fiscalité ainsi que la duplication ne permettent pas de la simplifier comme on se le propose. Le propriétaire d'une petite entreprise est préoccupé quotidiennement par la complexité d'observation... En effet, ce dernier doit tenir les livres de l'entreprise et produire de nombreuses déclarations gouvernementales, tout en choisissant les bons formulaires. Or, ceux-ci sont modifiés fréquemment, compte tenu des nombreux changements dans nos lois. Il en résulte une complexité accrue et des coûts d'observation plus grands pour les contribuables.

À cet effet, nous suggérons l'instauration d'un guichet unique où l'ensemble des services gouvernementaux couramment utilisés par les petites et les moyennes entreprises seraient regroupés afin qu'on puisse y trouver l'assistance technique nécessaire. Le Canada a subi trois réformes fiscales importantes. De plus, l'entrée en vigueur de la TPS et de la TVQ a créé de nouvelles taxes à administrer par les entreprises touristiques. Plusieurs modifications aux lois fiscales ont été apportées, et les raisons invo- quées pour justifier ces modifications démontrent que l'entrée en vigueur de ces deux taxes a eu une influence néfaste et, surtout, qu'elles sont très difficiles à administrer pour les intervenants de l'industrie touristique.

Afin de simplifier l'administration des taxes à la consommation pour les petites et les moyennes entreprises, le système québécois TVQ devrait être harmonisé par l'utilisation d'un taux combiné TPS-TVQ et par une abolition des nombreuses différences entre l'admissibilité aux crédits de taxes pour intrants et le remboursement de taxes sur intrants. Considérant la lourdeur accrue occasionnée par la gestion administrative imposée par les gouvernements aux petites et aux moyennes entreprises, ceux-ci devraient davantage reconnaître cette situation de fait et faire preuve d'une plus grande indulgence envers les contribuables qui, du jour au lendemain, deviennent sujets à des responsabilités auxquelles ils n'étaient pas adéquatement préparés.

L'importance économique du tourisme est particulièrement sensible au Québec. En 1990, cela représentait les valeurs suivantes: des recettes touristiques totales de 4 000 000 000 $, 2,5 % du produit intérieur brut du Québec, 4,4 % de la valeur des exportations du Québec, 78 000 personnes-années en emplois directs et indirects et, très important, des rentrées fiscales de 657 000 000 $ pour le gouvernement du Québec. Néanmoins, plusieurs indicateurs économiques portent à croire que le Québec est loin de sa performance méritée.

Pourtant, en tant qu'activité économique, le tourisme contribue de nombreuses façons à la prospérité d'une région. Pour plusieurs régions du Québec, l'industrie touristique agit à titre d'outil majeur de développement économique. L'État tire également profit de l'industrie touristique, car cette dernière est à l'origine de nombreuses recettes directes et indirectes. En fait, l'État retire 16,30 $ pour chaque montant de 100 $ de recettes touristiques.

Le développement de l'économie québécoise nécessite l'appui de l'État sous diverses formes afin de contribuer à son essor et à une meilleure position concurrentielle. Le gouvernement québécois, conscient de cette responsabilité, a développé diverses mesures fiscales dans le but de stimuler le développement de certaines industries en créant pour celles-ci des mesures particulières. Ainsi, l'industrie agricole constitue depuis longtemps un secteur particulièrement choyé par la fiscalité québécoise. En effet, les autorités fiscales ont jugé bon, au fil des années, de relâcher leur étreinte sur les contribuables exploitant une entreprise agricole. Or, la majorité des entreprises touristiques ont de nombreuses similitudes avec l'entreprise agricole familiale que le fisc désirait privilégier en instaurant différentes mesures fiscales particulières. Pourtant, l'industrie touristique ne jouit aucunement d'un

traitement fiscal équivalent.

Pour sa part, l'industrie minière bénéficie d'un avantage comparatif par rapport aux autres secteurs de l'économie, notamment le tourisme. La présence d'incitatifs fiscaux a contribué à encourager la poursuite des activités d'exploration minière. Cependant, cet impact ne se répercute pas également à l'ensemble des régions du Québec. Que penser d'une telle mesure pour le tourisme, qui avantagerait toutes les régions du Québec?

Les encouragements fiscaux dont bénéficient les industries cinématographique et télévisuelle ont permis à ce secteur de se renforcer et de favoriser l'expansion de son marché. Or, l'industrie touristique nécessite des investissements pour combler ces deux besoins. Elle n'a pourtant jamais été avantagée d'incitatifs fiscaux de cette sorte.

Le tourisme est un secteur en pleine croissance sur le plan international. Les déplacements à l'extérieur des frontières font partie des moeurs dans les pays industrialisés. Chaque touriste étranger dépense «touristiquement» trois fois plus que le Québécois au Québec. Malgré l'importance économique du tourisme international, ce secteur ne bénéficie pas d'avantages fiscaux comparables à ceux dont jouissent les centres financiers internationaux. L'industrie touristique est telle que le seul motif financier du secteur privé ne peut suffire à assurer son développement sans que des encouragements publics à l'investissement ne soient nécessaires. Le gouvernement québécois n'a cependant pas établi de mesures fiscales spécifiques à l'industrie touristique, tout comme il a été fait pour les secteurs économiques mentionnés précédemment. Toutefois, l'entreprise touristique bénéficie de certaines dispositions fiscales, au même titre que l'ensemble de l'économie. Et, malgré ces dernières, les PME de l'industrie touristique peuvent plus difficilement que les autres bénéficier des mesures fiscales actuelles d'aide à la capitalisation. (21 h 30)

Différents programmes d'aide ont été mis en place par le gouvernement du Québec dans le but de stimuler les investissements dans l'industrie touristique. Cependant, ces programmes ne couvrent pas tous les besoins. Il faudrait créer de nouvelles possibilités de financement par l'apport de certaines mesures d'aide afin de permettre au secteur touristique de disposer de leviers financiers visant le soutien aux projets prônés et leur amélioration; exemple: promotion, restauration d'attraits, services touristiques et formation de la main-d'oeuvre. De plus, l'accès au capital dans les PME, afin de répondre aux besoins de l'industrie touristique, doit être amélioré afin d'accélérer le rythme de développement. L'ampleur des investissements à réaliser pour accroître leur compétitivité requiert des sources de financement largement supérieures aux disponibilités fournies par l'accroissement de leurs fonds propres et leur possibilité d'emprunt.

Il s'agit, en somme, de placer un individu dans une attitude favorable à l'investissement dans l'industrie touristique. À cet effet, nous proposons que l'acquisition des biens mobiliers, équipements, ameublements, etc., donne droit à un amortissement de 100 %. De plus, nous suggérons la mise en place d'un crédit d'impôt à l'investissement de 5 % sur l'acquisition d'un Immeuble ou sur les restaurations capitalisées au coût de celui-ci. Afin d'encourager les dépenses en promotion touristique, un crédit d'impôt de 10 % devrait être implanté pour toute dépense en publicité destinée à attirer les touristes québécois et étrangers au Québec.

L'appui du gouvernement à l'égard de l'industrie touristique passerait donc d'abord par la fiscalité, tout en reconnaissant également la nécessité de favoriser par d'autres moyens la réalisation de projets touristiques. Cette approche devrait ainsi contribuer à accroître la capacité concurrentielle de l'industrie touristique québécoise, car les dépenses attribuées au développement touristique par le gouvernement du Québec sont largement inférieures à l'effort consenti par le Nouveau-Brunswick et l'Ontario. Cette situation a un effet négatif sur la fréquentation de la clientèle au Québec, qui s'est encore détériorée au cours de la première moitié de 1992.

Finalement, certaines mesures particulières à l'agriculture, telles que l'exonération de 300 000 $ dans le calcul du capital versé et le roulement sans incidence fiscale d'entreprises familiales entre les générations, devraient être accordées à l'industrie touristique, car elles profitent indûment au secteur agricole.

L'ensemble de ces recommandations visent la relance de l'industrie touristique québécoise, qui est essentielle au développement économique des régions du Québec. Ces mesures priveront, dans un premier temps, le fisc de certains fonds. Néanmoins, l'effet multiplicateur généré par les nouvelles recettes touristiques permettra au gouvernement québécois de recouvrer amplement et même davantage les deniers publics qu'il aura investis dans l'industrie touristique. En somme, ces recommandations permettront d'accentuer les moyens et les ressources pour promouvoir et mettre en place les infrastructures touristiques dans chacune des régions du Québec. C'est à cette condition que l'industrie touristique peut demeurer le fleuron de l'orgueil des Québécois et l'envie des visiteurs étrangers.

Alors, pour résumer: 1) afin d'inciter les entreprises touristiques à promouvoir le tourisme au québec, nous proposons l'instauration d'un crédit d'impôt remboursable au taux de 10 % sur toute dépense de promotion engagée par l'entreprise touristique. 2) afin d'inciter les entreprises touristiques à restaurer les actifs de leurs entreprises, nous

proposons l'instauration d'un crédit d'impôt à l'investissement, remboursable au taux de 5 %, sur tout investissement afin de restaurer des biens mobiliers et immeubles. De même, ce crédit s'appliquerait à l'acquisition de biens mobiliers ou à une déduction accélérée, au taux de 100 %, pour l'acquisition de biens mobiliers et la restauration de biens immeubles. 3) afin de promouvoir la formation de la main-d'oeuvre, nous proposons l'élargissement du crédit d'impôt à la formation, au taux de 40 %, à l'entreprise non incorporée. 4) afin d'alléger le fardeau administratif, pour toutes les entreprises du québec, nous proposons la création d'un guichet unique pour chaque entreprise. ce guichet unique consisterait à regrouper en un seul numéro tous les comptes de remise au gouvernement du québec.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, madame. M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Je vous remercie, M. le Président, et je remercie mon collègue, le ministre des Finances, qui m'a demandé si je voulais souhaiter la bienvenue à Mme Gallant, de mon comté. Je suis heureux de la voir ici. On connaît l'enthousiasme à la défense de l'industrie touristique. C'est également vrai de Mme Dupont-Chamard et de M. Beaudoin, évidemment, de longue date, et de ceux qui les accompagnent.

C'est une grosse commande, évidemment, là, que vous nous avez encore décrite quant aux gestes ou programmes que le gouvernement pourrait mettre sur pied, des gestes qu'on pourrait poser afin de faciliter le développement de l'industrie touristique. Il n'en reste pas moins qu'il y a eu, depuis de nombreuses années, un certain nombre de programmes d'aide financière, le crédit touristique, par exemple, qui a largement permis la modernisation de certaines infrastructures, des interventions en région de l'OPDQ et, je présume, bientôt, du Secrétariat aux affaires régionales, seront également au su, et seront «renippés» - je pense que le terme est connu - des attraits régionaux afin d'améliorer l'offre touristique. De façon indirecte, il y a un tas de ministères, par des interventions, je pense, dans le domaine culturel, qui viennent également améliorer certaines de nos infrastructures afin que les gens prolongent leur séjour dans l'une ou l'autre des régions du Québec.

Mais si vous aviez à faire une suggestion du côté de la fiscalité - vous en faites plusieurs, c'est pour ça que je vous le demande - si vous aviez a en faire une plutôt que de nombreuses, comme c'est le cas, quelle est celle que vous privilégiez? On pourrait peut-être engager la discussion là-dessus.

Mme Gallant: Toutes. C'est difficile. Je crois qu'en résumant à quatre demandes, on vous apportait les quatre qu'on croyait que vous auriez pu appliquer dans le prochain budget même. Je pense que vous savez, M. le Président... Vous ne le savez pas, je m'excuse, M. le Président, mais j'aimerais que vous réalisiez que l'industrie touristique a pour but de vous aider à solutionner le problème fiscal que nous vivons en ce moment, tout le monde. Alors, comme vous voyez, ce n'est pas des subventions, mais plutôt des crédits. Juste au niveau de la promotion, en demandant un crédit d'impôt, c'est que c'est encore l'entreprise qui va investir les sous, et on a largement besoin d'une image pour le Québec, pour vendre le Québec. Et ça, ça ne peut pas être le gouvernement à lui seul qui peut le faire, mais ça doit se faire en concertation avec l'industrie. Alors, il faut leur donner un petit incitatif en ce moment. Vous savez que les dernières années ont été très difficiles pour nous. On doit, on espère, on prie que, cette année, ça puisse être le changement, que nous allons commencer à revoir des années comme on en a déjà connu.

Je ne peux pas vous dire qu'il y en a une plus particulièrement qu'une autre qui est plus importante. Elles le sont toutes. Alors...

M. Johnson: Je peux comprendre votre hésitation à larguer deux ou trois de vos demandes, mais ce que je veux dire, je veux juste illustrer les dimensions critiques de l'industrie, selon vous. Par exemple, vous pouvez dire que c'est la taxe sur la restauration, l'hébergement, je devrais plutôt dire, le 4 % qui fait problème. Mais si on met ça en perspective, évidemment, c'est le plus bas taux qui existe parmi toutes les régions du nord-est de l'Amérique du Nord. Il n'y en a pas moins. L'Ontario, c'est 5 %; le Nouveau-Brunswlck, c'est 11 % ou je ne sais pas quoi; dans le Vermont, à New York, c'est entre 5 % et 8 %, plus 10 $ la chambre ou à peu près pour les chambres de 100 $ et plus. Ça peut être la taxe sur l'essence, sachant, encore une fois, que, dans les régions périphériques qui sont susceptibles d'attirer du trafic automobile, on a un régime, évidemment, de détaxe à la pompe qui fait une différence. On ne paie pas... Autrement dit, l'essence est moins chère en région périphérique touristique, dirions-nous, que dans nos grands centres urbains.

Autrement dit, est-ce que vous privilégiez des mesures à caractère régional qui encouragent les gens à se déplacer au Québec ou une mesure d'intérêt général qui amène les gens au Québec? Ça, c'est parce que c'est deux approches, ça, au point de vue touristique...

Mme Gallant: Oui...

M. Johnson: ...c'est le marché intérieur et le marché extérieur.

Mme Gallant: Oui.

M. Johnson: Lequel voulez-vous qu'on cultive davantage?

Mme Gallant: O.K. Premièrement, le tourisme québécois, il est très, très, très important pour notre industrie: un, c'est 70 % de notre chiffre d'affaires en ce moment; deux, aussi longtemps que les Québécois ne connaissent pas leur province, ils ne pourront jamais être les porte-parole efficaces pour vendre le Québec aux autres. Nous, on considère que c'est un principe très, très, très important pour le développement futur de l'industrie touristique. Mais si on veut arriver à ne plus être en déficit, on ne doit pas seulement conserver le Québécois au Québec, mais on doit aussi inciter des touristes extérieurs.

Alors, oui on... Nous, ce qu'on demande, c'est bien simplement que vous nous reconnaissiez comme étant une industrie particulièrement importante au niveau du développement futur pour la province de Québec, et qu'on ne soit pas le ministère le moins important à l'intérieur. Ça veut dire, peut-être nous reconnaître avec un petit peu plus de soutien financier, un peu plus de promotion et ça, pour les années qui s'en viennent, parce que l'année 2000, c'est vraiment... Au tournant du siècle, ça sera le produit d'exportation numéro un au niveau du Québec, au niveau du monde entier.

Réjean voudrait peut-être... (21 h 40)

Le Président (M. Lemieux): Si j'ai bien compris, vous voulez compléter?

M. Beaudoin (Réjean): Oui, M. le Président.

C'est une question de défi. Et comme nous avons devant nous des gens de défi, M. le Président, je vais vous donner l'image de ce défi-là. Prenons l'Ontario, par exemple. Ils attirent quatre fois plus d'Américains que le Québec. Ce n'est pas parce que l'Ontario est quatre fois mieux située géographiquement, ce n'est pas parce que l'Ontario a quatre fois plus d'attraits que nous, ce n'est pas parce que l'Ontario est quatre fois plus hospitalière que le Québec, mais son cheminement de mise en marché, depuis les dernières années, a démontré qu'ils attirent 6 500 000 Américains et, au Québec, nous en avons 1 500 000. Donc, nous avons un énorme rattrapage à faire sur ce plan-là.

Donc, si, demain matin, le nombre d'Américains doublait au Québec, M. le Président, ça veut dire qu'on crée déjà 13 000 emplois personnes-année au Québec, si on doublait le nombre d'Américains chez nous. Un autre élément qui entre en ligne de compte aussi, c'est les recettes annuelles per capita, si on compare l'Ontario et le Québec. En Ontario, les recettes touristiques annuelles per capita sont de 930 $; au Québec, 630 $. Donc, une différence de 300 $ en moins pour le Québec. SI, avec notre dynamisme, ensemble, on atteint le même niveau que l'Ontario, en termes de recettes annuelles per capita, ça veut dire 2 000 000 000 $ par année de recettes touristiques pour le Québec, 40 000 emplois de plus et, M. le Président, environ 400 000 000 $ de plus par année en recettes fiscales pour le gouvernement du Québec, ce qui n'est quand même pas à négliger.

Ce qui s'est passé au cours des années? On n'a pas été assez progressifs et continus dans notre mise en marché. Si on compare les budgets du gouvernement de l'Ontario et les budgets du gouvernement du Québec en matière de marketing touristique, au cours de la dernière décennie, l'Ontario a dépensé 90 000 000 $ de plus que nous en mise en marché touristique, plus particulièrement aux États-Unis. Alors, c'est pour ça, M. le Président, qu'on a un rattrapage à faire, un énorme rattrapage, et c'est pour ça les mesures que nous posons aujourd'hui, que nous soumettons aux membres de la commission. Nous sommes profondément convaincus que ce sont là des voies à court terme pour aider à combler ce rattrapage touristique que nous avons avec notre compétiteur qui s'appelle l'Ontario.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député de Labelle.

M. Léonard: Merci, M. le Président.

Alors, bienvenue et félicitations pour votre mémoire.

Je voudrais quand même attirer l'attention sur un fait qui a été rendu public avant Noël, et j'aimerais que vous me le confirmiez, que le déficit touristique au Québec atteignait maintenant 1 000 000 000 $ par année. C'est exact?

Mme Gallant: Oui.

M. Léonard: C'est exact, oui. Alors, je pense que, là, nous avons effectivement un problème parce que, au fond, il faut se poser la question, si les décisions fiscales qui ont été prises par le gouvernement ont été la cause de ce qui s'est passé.

Lorsqu'on parle de tourisme, on parle de toutes sortes de gens, évidemment. Et vous avez distingué, je pense, deux classifications majeures: le marché intérieur et le marché extérieur. Le problème que nous avons, c'est, je pense, sur le marché extérieur. Vous venez de le signaler, nous n'avons pas manifesté le dynamisme qu'il faudrait, et qu'il aurait fallu manifester depuis un certain nombre d'années, ce qui fait que nous avons stagné, même reculé sur ce plan-là. Et, en toute dernière analyse, les dernières années - depuis 1991 - les formalités à remplir pour récupérer la taxe pour les touristes font que, finalement, ils ne remplissent pas les formulaires Puis, Dieu sait si on touche là, encore une fois, du doigt, la complexité de l'administration TPS et TVQ. On l'a encore, là.

Les touristes viennent ici, puis trouvent les prix assez chers, merci, d'autant plus que ce n'est pas constant. Parfois, la taxe est incluse; d'autres fois, elle ne l'est pas; d'autres fois, il y en a une ou l'autre, mais ça pose ce problème-là.

Deuxièmement, quand on parle du marché intérieur, il s'est affaibli. C'est indubitable. En réalité, les Québécois comparent de plus en plus la facture qu'ils paient lorsqu'ils voyagent et qu'ils font du tourisme ici, à l'intérieur du Québec, et la facture qu'ils paient lorsqu'ils sont à l'étranger. La comparaison, c'est que, finalement, ça ne coûte pas plus cher d'aller passer 15 jours au Mexique, un peu partout dans les îles, et même dans le sud des États-Unis, que de rester au Québec. Parfois, même, on m'a dit que ça coûtait plus cher de rester ici que d'aller là. Alors, je pense que là, on vient de toucher du doigt un facteur majeur. Il faut se reposer la question de l'opportunité d'avoir taxé, d'avoir introduit cette taxe de façon générale dans l'économie, mais plus particulièrement dans le domaine du tourisme.

Quand on parle du marché intérieur, il faut aussi ajouter un autre facteur. Dans le tourisme, on emploie beaucoup de main-d'oeuvre, et les taxes sur la masse salariale sont importantes au Québec parce que, dans notre façon d'aller chercher des sous dans l'entreprise, nous avons choisi cette voie, mais en exemptant le secteur touristique, l'hôtellerie en particulier, de la taxe de vente. Ça avait été une des discussions importantes quant à ce secteur, à l'époque. Maintenant, on taxe les deux de la même façon.

Alors, je voulais en venir à ce que vous disiez sur les crédits d'impôt. Vous savez, beaucoup d'organismes sont venus ici pour nous dire: plus d'abris fiscaux. Ce que vous nous demandez, c'est d'en créer un. Est-ce que, entre les deux, l'abolition de la taxe de vente ou des crédits d'impôt sur différents investisssements que vous faites, entre les deux, lequel préfére-riez-vous? Les deux, que vous allez me répondre, mais au-delà de ça?

M. Beaudoin (Réjean): C'est ce qu'on pensait, M. le Président.

Nous avons analysé la situation, et nous vous présentons les conclusions de ce qu'on voit, M. le Président. C'est qu'il est sûr et certain qu'en principe moins il y a de taxes, moins il y a d'irritants pour le consommateur; c'est sûr et certain. Mais, après avoir envisagé différentes facettes, à un moment donné, nous avons conclu à des recommandations que nous avons énumérées tout à l'heure: crédit d'impôt pour l'entreprise qui fera de la publicité, pour l'entreprise qui va restaurer ses installations; allégement administratif fiscal pour les entreprises. Également, dans l'analyse que nous avons faite, nous avons comparé le secteur tourisme avec les secteurs des mines, de l'agriculture, cinématographique et télévisuel. On s'aperçoit que nous sommes un secteur nettement défavorisé par rapport aux secteurs que je viens de souligner, M. le Président. Alors, c'est sûr et certain que, si nous voulons, comme je le mentionnais tout à l'heure, relever tous ensemble le défi de remettre le Québec vraiment dans la compétition touristique, à court terme, nous, pour l'instant, on préconise les recommandations que nous vous soumettons le plus respectueusement.

Mme Gallant: J'aimerais juste rajouter là-dessus... C'est que, avec le crédit d'impôt, nous allons créer. C'est pour promouvoir l'investissement, les rénovations. Alors, je considère que ça va créer aussi des emplois, ce dont nous avons grandement besoin.

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre des Finances, s'il vous plaît.

M. Levesque: Alors, je me joins à ceux et celles qui vous souhaitent la plus cordiale bienvenue. Je vous félicite pour la tenue de votre mémoire, fort intéressant. Vous couvrez beaucoup de sujets, des sujets qui nous tiennent à coeur, même si nous ne pouvons pas toujours répondre d'une façon qui vous plaise entièrement, vu la quantité de demandes. Vous ne vous imaginiez pas que je ferais mon budget ce soir, non plus.

Une voix: Demain. (21 h 50)

M. Levesque: Ha, ha, ha! Tout de même, vous avez sûrement raison de souligner l'importance de l'industrie touristique au Québec. Nous savons que cette industrie est... peut-être que je n'exagère pas en disant que c'est la clef de l'avenir pour notre économie, particulièrement dans des régions comme celle que je représente ici, à l'Assemblée nationale, où l'industrie touristique est celle vers laquelle on se tourne davantage lorsqu'on regarde les possibilités de développement. je tiendrais cependant, vu qu'on a souligné les aspects moins positifs de la fiscalité, qu'on me permette simplement de rappeler que, du côté de la restauration, la taxe sur les repas... évidemment, lorsque vous ajoutez la tps, les gens disent: ii y a eu une augmentation. mais pour le québec, la tvq était à 10 %, et elle a été réduite à 8 %. je le dis simplement par respect de la vérité. lorsque nos amis d'en face se plaisent à parler toujours de l'augmentation des taxes ici et là, ils oublient de dire que, lorsque nous avons introduit les changements, nous avons également baissé la taxe de 9 % à 8 %. la taxe qu'ils avaient prise à 8 %, et qu'ils avaient montée à 9 %, nous l'avons prise à 9 %, et nous l'avons baissée à 8 %. c'est rarement répété, ces choses-là. c'est simplement par respect de la vérité.

Du côté des chambres d'hôtel, mon collègue,

votre député - à deux d'entre vous, au moins... un... Ah! Seulement une... d'accord - rappelait que le taux de 4 % constitue l'un des taux les plus bas par rapport aux régions avoisinantes. Alors, je pense que c'est important de le souligner.

Il y a une chose, aussi. Lorsque l'on parle de la TVQ et qu'on parle du 4 % du 1er juillet dernier, il est bon aussi d'ajouter toujours quelque chose que l'Opposition oublie d'ajouter souvent, c'est que l'industrie de l'hôtellerie bénéficie elle-même de remboursements sur la taxe payée à l'égard de plusieurs fournitures. Et ça, il faut en tenir compte, parce que ça touche les immeubles, les matériaux de construction, les meubles, les articles de décoration, les articles de bureau. Tout ce que vous achetez, que vous payez non pas 9 %, mais 8 %, c'est remboursé maintenant, depuis le 1er juillet dernier. Alors, je pense que ça aussi, ça doit entrer en ligne de compte.

Il y a plusieurs autres avantages du côté des transports, du côté des congrès. Nous avons fait attention à votre industrie dans plusieurs aspects de la mise en oeuvre de cette taxe de vente. Je dois vous dire que lorsque l'on parle... que l'on suggère des mesures d'amortissement accéléré, là, il faudrait y penser sérieusement, parce qu'il y a beaucoup d'autres industries qui nous regardent présentement, et qui suggèrent la même chose. Mais, tout de même, j'ai pris note de toutes vos suggestions.

Il y en a une, cependant, que j'attends, c'est comment est-ce qu'on va faire pour financer ça? On est en réunion, en forum, et c'est surtout pour trouver une façon de lutter contre l'endettement, contre le déficit. Je pense que c'est très mauvais pour l'Industrie touristique aussi, pour l'économie du Québec. Il faut que le gouvernement du Québec cesse d'emprunter pour payer les dépenses courantes, emprunter à 10, 15, 20, 30 ans pour payer les dépenses courantes. Il faut cesser de faire ça. Il faut également savoir que, du côté de l'impôt ou des taxes, vous le dites vous-mêmes, c'est assez. Autant que possible, c'est assez. Alors, c'est du côté des dépenses qu'il faut faire attention. Or, votre mémoire, encore une fois, qui est très bien fait, suggère d'autres dépenses. Lorsque vous parlez, par exemple, de ce que l'Ontario consacre à la publicité... nous avons fait des progrès de ce côté-là, mais il y en a encore à faire. Mais, encore une fois, c'est du côté des dépenses qu'on se tourne. Lorsque l'on parle de certains abris fiscaux, comme on le mentionnait, il y en a plusieurs qui sont venus ici nous dire: Mettez fin à tous ces abris fiscaux-là, c'est assez. Et vous, vous nous suggérez d'autres abris fiscaux, des dépenses fiscales, si vous voulez. Alors, je ne dis pas que ce n'est pas justifié, je ne dis pas que ce n'est pas désirable, je ne dis pas que nous ne regarderons pas tout cela de très près, mais si vous aviez une suggestion, avant de partir, sur ce qu'on pourrait faire pour dégager des sommes pour répondre à vos besoins.

Mme Gallant: M. le Président, il faut cesser de voir les dépenses touristiques comme une dépense, mais plutôt comme un investissement. Ça ne coûte que 49 000 $ à l'industrie touristique pour créer un emploi. Si on peut augmenter le taux d'occupation de 1 % dans nos hôtels à travers la province de Québec, ça représente 1310 emplois directs et indirects. Je considère que ça peut être une partie de votre solution, M. le ministre. Comme vous l'avez dit vous-même - M. le Président, pardon - c'est l'industrie de l'an 2000. Si nous voulons vraiment empocher notre part de cette industrie-là, on doit investir. On n'a pas investi dans le passé, c'était loin d'être une priorité. Je pense que nous devons maintenant faire le pas et investir. C'est des petites recommandations que nous vous faisons.

Le Président (M. Lemieux): Oui, vous pouvez compléter.

M. Beaudoin (Réjean): En fait, M. le Président, au cours des dernières années, nous avons souvent fait parvenir aux membres de l'Assemblée nationale différentes missives expliquant l'importance du tourisme et de l'avenir. On avait une expression, M. le Président, qui disait que le ministère du Tourisme est un ministère de type offensif: il crée l'enrichissement. Donc, comme le disait Mme la présidente, si bien, on investit pour créer un nouveau carrousel économique, qui va entraîner de nouveaux revenus fiscaux, et ces revenus-là pourront être répartis dans d'autres ministères essentiels du gouvernement du Québec. C'est pour ça que, nous, on croit que le ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, le ministère du Tourisme, les ministères de type offensif, qui font progresser socio-économiquement le Québec... À ce moment-là, lorsqu'on demande des choses, qu'on propose, qu'on suggère, c'est investir pour vraiment mieux préparer l'avenir.

C'est ça, notre philosophie, que nous avons toujours véhiculée au cours des dernières années.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président.

Ça me fait plaisir de vous saluer à mon tour. Évidemment, saluer particulièrement la présidente, qui vient de la Montérégie, qui oeuvre dans la Montérégie, qui est une belle région touristique aussi.

Peut-être, d'abord, quelques commentaires pour dire comment je crois qu'il est important que nous valorisions effectivement le secteur touristique, et que nous ne fassions pas comme on l'a fait à l'égard de certaines avenues qu'on a mises de côté dans d'autres champs. Je pense à

des comparaisons... Je pense, entre autres... Ça a l'air drôle, mais je pense entre autres a la formation professionnelle, où on a un peu dévalorisé la formation de type technique, et, maintenant, on le regrette amèrement. On sent qu'il y a un virage important à faire, parce qu'on se dit que nos entreprises ont besoin de ce type de travailleurs et de travailleuses. Partout, dans le monde, on se promène pour aller voir ce qu'il y a ailleurs, et on ne serait pas content de montrer ce qu'on a ici?

Alors, dans ce sens-là, je pense qu'on a à consolider ce secteur-là, à le développer, à le valoriser, et à le présenter au monde entier, parce qu'en plus, on est... On occupe une place spéciale en Amérique du Nord, et on a, de par notre différence au plan culture, au plan culturel, au plan de la langue, à offrir quelque chose au monde entier, pas seulement à l'Amérique, mais au monde entier. Je pense qu'il serait criminel de ne pas utiliser ce potentiel-là qui est chez nous. (22 heures)

Dans ce sens-là, je suis un peu inquiète quand j'entends le ministre des Finances dire que c'est la clé de l'avenir, et que je regarde les chiffres que vous nous présentez, en termes, justement, d'investissements. En ce qui a trait au budget du tourisme, qu'on compare le Nouveau-Brunswick, qui mettait 55 $ per capita, pour l'année 1991, à Québec, qui mettait 13.20 $; c'est absolument, à mon point de vue, inadmissible à tous égards, bon, quand on sait, en plus, que la question fondamentale à laquelle est confrontée cette commission, c'est la question de la hausse du niveau d'emplois, de la hausse de notre richesse collective... Vous venez de nous dire combien coûte la création d'un emploi dans le secteur touristique, en termes d'investissement... Quand on se tourne vers les secteurs comme l'aluminerie, par exemple, on parle de 300 000 $ à 500 000 $, de demi-millions de dollars; alors, je pense que ça vaut la peine qu'on regarde de près votre secteur.

Vous faites un certain nombre de recommandations. Je veux avoir vos commentaires sur deux. L'une concerne la formation de la main-d'oeuvre - vous faites référence, là, à des besoins qui concernent l'industrie touristique à cet égard - j'aimerais ça que vous m'en parliez un petit peu. L'autre élément, qui concerne très largement les travaux de notre commission, c'est que vous parlez de la création d'un fonds de relance pour la promotion touristique, qui serait géré par les partenaires de l'industrie, si je comprends bien, par la proposition qui est là. Est-ce que vous suggéreriez qu'une partie, par exemple, de la taxe qui s'applique aux produits touristiques puisse être dirigée vers ce fonds-là, dans une perspective où il y aurait promotion, soit intérieure, pour consolider le tourisme québécois soit, évidemment, vers l'extérieur, pour attirer le tourisme étranger, le touriste étranger.

Mme Gallant: On n'est pas très, très gourmands, mais une partie de l'argent des casinos nous conviendrait absolument très bien, surtout si c'est pour faire la promotion à l'extérieur du Québec. On considère que l'industrie va avoir quand même à mettre sa part, mais il y a des moyens. Nous, on avait justement mentionné que, possiblement, une partie, soit les frais d'entrée du casino, soient utilisés pour créer un fonds spécial pour la promotion du tourisme.

Pour la première question, au niveau, voyons de...

Mme Marois: La formation. Une voix: De la main-d'oeuvre.

Mme Gallant: ...c'est que nous avons demandé que ce soit applicable à toutes les compagnies, car dans l'industrie touristique, il y en a beaucoup qui sont seulement enregistrées et non pas incorporées. Alors, ils n'ont pas accès aux crédits d'impôt...

Mme Marois: Ah oui!

Mme Gallant: ...et vu, en tout cas, l'importance sérieuse, mais l'importance sérieuse de pouvoir former notre personnel adéquatement, que ça soit en accueil - et c'est vraiment un besoin essentiel - je pense que ça devrait être disponible pour tout le monde.

Mme Marois: D'accord. Merci. Mme Gallant: Bienvenue.

Le Président (M. Lemieux): Merci, madame.

Un instant! Il n'y a pas d'interventions du côté ministériel, pour le moment? Il reste deux minutes du côté ministériel.

M. le député de Montmorency.

M. Filion: Est-ce qu'ils veulent parler, M. le Président? C'est parce qu'il y a la règle de l'alternance...

Le Président (M. Lemieux): ii n'y a pas d'intervention ministérielle. il n'y a pas d'intervention ministérielle. m. le député de montmorency.

Mme Marois: Parfait! On a compris ça. On respecte ça. Il n'y a pas d'intervention.

M. Filion: Merci, M. le Président.

J'aimerais saluer, moi, également, les représentants des Associations touristiques et leur dire qu'effectivement l'industrie du tourisme, c'est très important au Québec. Je pense qu'on a beaucoup de choses à vendre et à exporter. Actuellement, c'est une industrie qui a beaucoup

de difficultés à concurrencer les prix, et à pouvoir vraiment attirer le client chez nous. Pourtant, le gouvernement en place a implanté des casinos qui étaient, à toutes fins pratiques, pour eux, la solution miracle au relancement de l'économie et probablement du tourisme, mais, moi, je crois qu'il faut faire plus que ça.

Effectivement, on a eu beaucoup de personnes qui sont venues ici, et qui ont présenté des mémoires où ils disaient: Les abris fiscaux, il faut passer à autre chose. Mais, moi, je crois qu'au niveau de l'investissement immobilier c'est quand même intéressant comme formule, sauf que, moi, où j'accroche un petit peu, c'est que quand on veut stimuler une entreprise ou une industrie comme la vôtre, on est pris avec deux paliers de gouvernement. Si on veut vraiment donner un bon coup de barre ou aider vraiment l'entreprise, on a pratiquement besoin des deux paliers.

Quand vous vous adressez à la commission, est-ce que vous pensez uniquement au palier du gouvernement du Québec, quand vous demandez vos crédits d'impôt, ou si vous pensez vraiment aux deux paliers de gouvernement?

Mme Gallant: Ce soir, on intervient auprès de vous, mais, définitivement, nous faisons aussi des pressions avec le fédéral. Là, ce soir, c'est avec vous.

M. Filion: J'espère que vous allez faire de bonnes pressions au niveau fédéral, parce que, vraiment...

Mme Gallant: Je demeure juste à côté d'Ottawa, oui.

M. Filion: Oui? Continuez, c'est important. Il faut récupérer notre dû, comme on dit. Notre butin, comme on disait au début des années cinquante. Mais, moi, j'aurais envie de vous poser des questions parce que vous ne soulevez quand même pas le débat de la surtaxation au niveau des prix et de la concurrence. Vous soulevez simplement l'investissement, mais vous n'avez pas d'idée, également, comment est-ce qu'on pourrait arriver à alléger ou à rendre plus concurrentiel le produit qu'on doit exporter, parce que plusieurs sont venus nous dire qu'il fallait réduire les taxes à certains niveaux, au niveau de l'essence, etc., pour qu'on puisse vraiment pouvoir vendre notre produit à l'étranger.

Les gens ont l'impression que, venir au Québec, ça coûte une fortune. Les gens ne sont pas habitués de payer 15,56 % de taxes sur une facture. Dans ce sens-là, je pense quand même qu'on peut difficilement travailler un stimulant d'investissement sans aussi penser à la concurrence des prix sur le marché. Dans ce sens-là, ce n'était pas une préoccupation pour vous?

Mme Gallant: C'est une préoccupation majeure, mais comme vous le savez, nous avons... M. le Président, nous sommes en difficulté financière, tout le monde. Il faut trouver des moyens d'aller chercher de l'argent. Alors, cet argent, nous, on dit qu'il va nous arriver beaucoup plus rapidement si on investit justement dans la promotion, si on repart l'industrie, et si on crée des emplois. Là, peut-être, qu'on va vous revenir, sûrement, pour vous dire: Maintenant que nous avons solutionné votre problème financier, nous aimerions avoir une réduction de taxes, s'il vous plaît.

Je pense que c'est très sérieux, et on voulait vous apporter vraiment des solutions qui étaient faisables et immédiates pour le budget qui s'en vient.

M. Filion: 5 % de crédit... Vous demandez 5 % de crédit au niveau de l'immobilier, vous trouvez ça suffisant?

Mme Gallant: Non, ce serait encore mieux si on avait plus.

M. Filion: Vraiment, pour inciter, parce que c'est des mesures incitatives, là. Quand on parle d'investir 1 000 000 $, est-ce que vous croyez que c'est suffisant, un crédit d'impôt de 5 %, pour qu'un investisseur...

Mme Gallant: Quand on parle de l'industrie touristique, il y a beaucoup de petites entreprises touristiques qui ne sont même pas incorporées, qui sont enregistrées. Alors, les investissements que nous allons voir, d'ici quelques années, ne sont pas des investissements majeurs parce qu'ils ont plus d'argent vraiment à investir. Ce qu'on veut faire, c'est améliorer ce que nous avons déjà en place, les infrastructures qui ont vraiment besoin d'être retouchées.

Durant cette récession, il y a beaucoup... Ça a été négligé un peu parce que... bon, faute de fonds. Alors là, c'est le temps de profiter un peu de la situation. On est moins occupé. Ça serait une façon de le faire. Je pense que c'est plus réaliste, que c'est plus réel, plus réalisable comme ça. Si on voulait nous en accorder plus, on serait tout à fait heureux, mais je pense qu'on voulait plutôt arriver avec quelque chose qui pouvait se faire, et comme je vous dis, à court terme.

M. Beaudoin (Réjean): Ça va, M. le Président.

Je voulais intervenir, mais Mme la présidente a dit le mot, à court terme. C'est vraiment l'optique, M. le Président, où on n'a pas voulu amener toutes sortes de propositions sur toutes les facettes de l'industrie touristique, mais nous avons voulu vraiment répondre aux objectifs de la commission, qui étaient ceux d'amener des suggestions en fonction du prochain budget.

M. Filion: Votre approche, c'est...

Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse. Vous voulez compléter, je crois?

M. Pinault (Claude): Je fais juste un commentaire, M. le Président. Vous vous préoccupiez tout à l'heure du volet consommateur, je dirais, de la compétitivité du Québec en matière touristique, du point de vue des consommateurs québécois. J'ai encore à l'esprit les délibérations dans le cadre des discussions que nous avons eues, l'industrie touristique avec le ministère du Tourisme, dans leur plan triennal de développement stratégique. On constate qu'un des produits à privilégier au Québec - parmi les multiples produits, on connaît le circuit grande ville, pourvoiries et le reste - c'est les circuits. On s'est mis dans la tête que la meilleure façon de promouvoir le Québec, c'est de vendre le Québec en circuits, histoire de se promener un peu partout, sauf que la composante essentielle pour ça, si on vise le marché intraQuébec... parce qu'il faut comprendre que, tout à l'heure, il y a une question qui avait été soulevée... Le marché intraQuébec - les Québécois, les Américains et les autres - il y a trois niveaux de marché, on visé les trois.

Quand c'est la saison, ça va. Quand c'est un creux de vague, on est bien content sur le marché québécois qu'ils viennent combler la différence. Quand c'est la haute saison, où ça va assez bien, bien là, on aime bien la clientèle extérieure. Donc, comme on dit en milieu, on balance le portefeuille, sauf que - et là, vous allez me voir venir de loin parce que je suis très préoccupé par les consommateurs, par déformation professionnelle, peut-être - pour qu'on puisse faire du circuit au Québec, puisqu'on n'est pas très développé en autocarisme, c'est l'automobile.

On vient de partout en automobile, et si on veut que les Québécois voyagent au Québec en automobile, ça prend du carburant. C'est un élément de l'équation. Je ne vous dis pas que c'est le seul. Je pense qu'il faut que le produit soit attrayant, et l'industrie a des besoins pour qu'elle soit attrayante. Mais celui qui achète, celui qui couche dans ces hôtels, celui qui mange dans ces restaurants, celui qui visite les attraits touristiques... parce qu'il n'y a pas que les hôteliers, il n'y a pas que les restaurateurs. C'est vrai que c'est deux piliers, mais, souvent, on oublie les autres qui sont les petits, très petits même. C'est qu'il faut que les Québécois aient l'impression...

On a un problème de perception. Les Québécois sont convaincus, quand bien même qu'on ferait un exercice rationnel, de dire que ça ne coûte pas plus cher qu'ailleurs, etc., etc., ils sont convaincus que ça coûte cher, de voyager au Québec. (22 h 10)

Un agent de voyages me disait, la semaine passée, que le client avait le choix, qu'il avait décidé - déjà, ça, c'est fabuleux - qu'il avait décidé d'aller aux îies-de-la-Madeleine. On lui a dit qu'il y avait 150 $ de taxes. Ça tombe mal parce que, quelques jours auparavant, on venait juste d'annoncer que ceux qui voulaient se rendre en Floride, c'était 149 $. Imaginez donc!

M. Filion: Oui!

M. Pinault: Je comprends que les sièges étaient limités, mais, ça, on ne le disait pas.

Il y a cette espèce de déchirement. Alors, il y a une réalité du fonctionnement des consommateurs au Québec, c'est qu'ils ont l'impression que ce n'est pas achetable. Alors, qu'on veuille vendre le Québec sur le plan touristique par les circuits, on a un problème. Les Québécois, quand ils prennent leur voiture, ils trouvent que c'est cher; les Américains, aussi. Tourisme Canada avait fait, en 1991, un rapport sur la perception du prix et du produit en demandant aux Américains, aux Québécois et aux gens de l'extérieur, les Européens, etc., avant même l'arrivée de la TPS: Pensez-vous que c'est cher? Ceux qui voyagent en automobile, les Américains et les Québécois, c'était le groupe qui ressortait le plus, et qui disait: Oui, ça coûte cher de voyager - avant même la TPS! Imaginez, aujourd'hui, avec la TPS et la TVQ.

Alors, il y a un problème de perception, et avant qu'on puisse parler de compétitivité, il va falloir qu'on rentre dans la tête des Québécois... Ce n'est pas évident, parce que, moi, je dis toujours que c'est un peu comme le syndrome de la boîte de céréales. On a beau marquer sur la boîte que, dans le voyagement, dans le transport, il y a eu tassement de la marchandise, bien, quand je l'ouvre, je trouve qu'il y a à peu près ça d'air, et il m'en manque. J'ai l'impression de ne pas en avoir pour mon argent.

Alors, je pense que, tout ce que je veux, c'est que, dans cette équation, qui est la partie A, l'industrie, il y a la partie B, c'est-à-dire le consommateur québécois, qui n'est même pas foutu de voyager au Québec parce que, pour lui, dans sa tête, c'est clair que c'est trop cher. Je pense qu'il faut travailler sur des avenues pour lui faire prendre conscience que... Il faut faire des efforts en ce sens.

Le Président (M. Lemieux): Alors, malheureusement, le temps est écoulé, M. le député de Bertrand, de part et d'autre. Un bonjour, et je vais permettre la même chose du côté de l'Opposition officielle.

M. Johnson: Simplement pour remercier nos visiteurs, leur dire qu'on a été sensibles à leurs revendications, que nos moyens ne sont pas illimités, même si leurs demandes le sont, et qu'on en tiendra compte dans tous les cas.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle.

M. Léonard: Merci pour votre mémoire et les explications que vous nous avez données. Je pense que vous avez attiré l'attention sur un fait, c'est qu'il faut faire de la promotion si on veut attirer le touriste, et spécialement l'étranger.

Le Président (M. Lemieux): alors, nous vous remercions de votre participation à cette commission parlementaire. nous ajournons nos travaux à demain, 9 h 30 - j'ai bien dit: demain, à 9 h 30 - pour entendre la fédération des commissions scolaires. alors, merci.

(Fin de la séance à 22 h 13)

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