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Version finale

34e législature, 3e session
(17 mars 1994 au 17 juin 1994)

Le mercredi 25 mai 1994 - Vol. 33 N° 14

Poursuite du débat sur le discours du budget


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Table des matières

Journal des débats


(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de l'administration est réunie de nouveau afin de poursuivre le débat sur le discours du budget. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui. M. Lazure (La Prairie) est remplacé par Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière).


Discussion générale (suite)

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la secrétaire. La parole était à M. le député de Labelle et, à la fin de son intervention, hier, il lui restait un temps, je crois, de trois minutes. C'est bien ça, Mme la secrétaire? Alors, M. le député de Labelle, la parole est à vous.


Unification du taux de la taxe de vente

M. Léonard: Oui, M. le Président. On notait l'augmentation des revenus du gouvernement, et il y avait un point que je voulais aborder après avoir abordé celui de sa lutte à la contrebande de l'alcool, où il y a zéro inscrit, aucun dollar inscrit. C'est dire comment on en est réduit à l'expression de bonnes intentions ou d'intentions pieuses.

Je voudrais, ce matin, aborder cette question de l'augmentation de 4 % à 6,5 % de la taxe de vente du Québec sur les services. J'aimerais ça que le ministre nous parle des dispositions qu'il entend prendre, s'il y a des dispositions transitoires. Je lui signale un cas. Par exemple, des gens, hôteliers ou... On m'a parlé, par exemple, d'un camping qui a vendu des forfaits. Ses prix étaient fixés avant le budget et comprenaient les taxes. Et puis, tout à coup, du jour au lendemain, la taxe augmente de 60 % – de 4 % à 6,5 %, ça fait un peu plus que 60 %. Si le ministre veut sortir sa calculatrice, là, il peut vérifier. Alors, est-ce qu'il y a des dispositions transitoires pour cette hausse de taxe subite?

M. Bourbeau: C'est 62,5 %.

M. Léonard: Oui, 62 %. J'ai failli le dire, mais j'ai dit 60 %.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il y a une question?

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle, oui.

M. Léonard: Oui: Est-ce qu'il y a des dispositions transitoires? C'est ça, la question que j'ai posée. Parce qu'il y a des gens qui ont appris ça du jour au lendemain et qui avaient inclus la taxe dans les forfaits. Est-ce que le ministère des Finances, le ministère du Revenu va en tenir compte?

(Consultation)

M. Léonard: Vous n'y avez pas pensé?

M. Bourbeau: Non. M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre des Finances.

M. Bourbeau: ...je pensais que le député voulait avoir une réponse qui était complète. Évidemment, si le député ne veut pas que le ministre consulte ses fonctionnaires, bien, je vais lui faire une réponse très courte, et le député va se plaindre que la réponse n'est pas entière, alors... C'est beaucoup plus facile, M. le Président, de poser une question qui a quatre mots et puis, après ça, de s'asseoir sur son banc et attendre que le ministre fasse une réponse très élaborée. Je peux faire des réponses très courtes; le député va trouver que la séance va être longue.

M. le Président, en gros, on peut dire que la nature même de ces taxes, de ces annonces-là, fait qu'on ne peut pas les télégraphier d'avance. S'il fallait qu'on ait annoncé que la taxe sur les services augmenterait à compter du 1er juin, on peut voir tout de suite les inconvénients que ça pourrait causer, en ce sens que certaines personnes auraient un comportement différent. Dans le cas où les taxes augmenteraient, les gens se précipiteraient pour consommer rapidement et, après ça, on serait devant un vacuum. Inversement, si c'était le cas d'une taxe qui baisse, bien, les gens retarderaient les achats jusqu'à la date du 1er juin, et là, pendant une période de deux semaines, plus personne n'achèterait quoi que ce soit.

Donc, c'est évident, la tradition veut que ces annonces-là se fassent de façon à venir en vigueur le jour même, et ça cause toujours – mais c'était comme ça dans le temps où le Parti québécois trônait aussi, M. le Président, au gouvernement – un certain problème d'ajustement dans les jours qui suivent. Le principe qui prévaut, c'est que les services qui ont été rendus et facturés avant l'annonce, évidemment, comportent l'ancien taux de taxe, et les services qui sont facturés après l'annonce, forcément, ou rendus après, doivent comporter le nouveau taux de taxe. Maintenant, on ne peut pas agir autrement que ça. Le faire, M. le Président, ce serait instaurer un système qui serait tout à fait confus et on ajouterait à la confusion plutôt que de tenter de la régler.

Il ne faut quand même pas oublier non plus que, même si, dans certains secteurs, ça comporte une augmentation de coûts, l'opération s'est soldée par un coût net au gouvernement de 144 000 000 $, ce qui veut dire que les contribuables ont profité ou profiteront d'un retour de 144 000 000 $ dans leur gousset. Forcément, ils auront un surplus de revenus qui leur permettra en partie d'absorber les coûts additionnels que comporte la mesure pour les services.

M. Léonard: C'est tout?

M. Bourbeau: Oui. C'est trop court?

M. Léonard: Bon. Quand le ministre dit: Ça nous coûte 144 000 000 $, il faut qu'il se rende compte qu'il y a des contribuables qui paient là-dedans. Quelqu'un qui a, disons, 100 000 $ de revenus de services, lui, il va devoir absorber, par suite de la décision du gouvernement, 2500 $. Ça, ce n'est pas une grosse, grosse affaire, une petite entreprise de services qui a 100 000 $ de revenus. Au fond, lorsque vous augmentez votre taxe sur les services de 4 % à 6,5 %, ça vient de lui coûter, lui, 2500 $ sur le profit net de son entreprise. Puis il y en a, des entreprises comme ça, qui ont 100 000 $ de revenus de services. Et puis, leur profit net, il est de l'ordre de 20 000 $, 25 000 $ – c'est de ça qu'on parle – et ça vient de leur coûter 10 % de leur profit, et même plus.

C'est ça, la question. Au fond, le gouvernement, le ministre peut dire: Bien, moi, ça me coûte 144 000 000 $, mais il y a des gens, cependant, à qui il fait payer l'augmentation des taux. Je comprends que c'est une mesure que le ministre, que son prédécesseur aurait dû prendre dès le début, avoir un taux de taxe uniforme; c'était d'ailleurs ça, la réforme qui était proposée au fédéral, un taux unique, et qui a été changée par la suite. Ici, au gouvernement, ça devait être un seul taux, à l'époque, mais, par suite de l'improvisation qui a caractérisé la réforme, puis l'harmonisation, pour ainsi dire, dont tout le monde sait que ce n'en fut pas une, il s'est produit ce qui vient de se produire, avec les effets que nous avons. Mais, au fond, vous pénalisez certains types de commerces: l'industrie touristique en général, tous les services où il entre beaucoup de main-d'oeuvre. Exemple, les réparations d'autos. Maintenant, si vous allez faire réparer votre voiture, vous savez que, sur la main-d'oeuvre, ça vient de monter de 2,5 %, puis, en général, le coût de la main-d'oeuvre est très élevé sur ces réparations-là. Les coûts de services à domicile, le plombier, l'électricien: 2,5 %.

Alors, M. le Président, le ministre devrait peut-être se soucier davantage des conséquences individuelles du geste qu'il a posé. Je lui ai simplement posé la question s'il avait mis en place des mesures transitoires pour permettre un minimum d'ajustement pour ces gens.

M. Bourbeau: M. le Président.

(10 h 20)

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.

M. Bourbeau: Le député de Labelle fait erreur quand il dit...

M. Léonard: Ah!

M. Bourbeau: Oui. Il peut se relever sur son siège...

M. Léonard: C'est correct.

M. Bourbeau: ...et écouter, M. le Président. Quand il dit que les entreprises vont être pénalisées, je ne vois pas comment les entreprises pourraient être pénalisées parce que les entreprises...

M. Léonard: Les entreprises de services.

M. Bourbeau: M. le Président, les entreprises, quand elles facturent la taxe sur les services, elles l'ajoutent à leurs coûts; donc, elles n'ont pas à la payer elles-mêmes, c'est payé par le client.

M. Léonard: Ça, O.K.

M. Bourbeau: Donc, c'est à coût nul, chez elles; elles ne sont pas pénalisées. Si le client est un individu, c'est le consommateur qui paie. Si le client est une autre entreprise, ça ne lui coûte rien non plus, parce que ce client-là, lui aussi, a droit à un remboursement.

M. Léonard: Ça ne coûte rien à personne.

M. Bourbeau: Le député connaît le mécanisme, M. le Président, c'est le mécanisme qui est en vigueur. Alors, à ce moment-là, il n'y a pas de coût pour les entreprises. Ce n'est pas exact de dire ça. Le seul coût est au consommateur. Mais le consommateur, lui, le consommateur final...

M. Léonard: Je me permets juste une remarque. Dans le cas où les prix sont fixés d'avance, c'est un forfait qui n'échappe pas à la mesure du mois de décembre dernier. Il va admettre que, par suite de la montée du taux de taxe, l'entreprise, dans ce cas-là, doit absorber la différence.

M. Bourbeau: M. le Président, quand la taxe est comprise dans le prix, à ce moment-là, évidemment, ça fait partie d'un tout et la compagnie en question ajuste ses prix régulièrement. Maintenant, pour ce qui est de l'industrie touristique, M. le Président...

M. Léonard: Bon. C'est là où il y en a, des forfaits, là.

M. Bourbeau: Alors, est-ce l'industrie touristique va être désavantagée par la hausse de 4 % à 6,5 % de la TVQ sur les services? D'abord, ce que je pourrais dire là-dessus, M. le Président, c'est qu'il faut considérer l'ensemble des activités qui composent l'industrie touristique et hôtelière, de la restauration et de l'hôtellerie. Il y a les ventes de biens et services, c'est-à-dire les souvenirs, les excursions, etc.; il y a les déplacements à l'intérieur du Québec, les transports par autobus, par exemple, et aussi les congrès. Je pense que, quand on a dit ça, on a pas mal tout couvert l'industrie touristique.

Alors, prenons le secteur de l'hébergement. Le taux de 6,5 % constitue l'un des taux de taxation les plus bas par rapport aux régions avoisinantes. L'Ontario est à 5 %, donc en bas du Québec, mais le Nouveau-Brunswick est à 11 %; Terre-Neuve, à 12 %; Manitoba, à 7 %; Saskatchewan, à 7 %; Colombie-Britannique, à 8 %; Vancouver et Victoria, à 10 %; le Vermont est à 13 %; le Maine, à 7 %; l'État de New York, de 14,25 % à 19,25 %. Donc, M. le Président, à 6,5 %, on se situe, je dirais, même en bas de la moyenne. De plus, cette taxe demeure remboursable pour les étrangers. Il s'agit d'une pratique qui n'a pas tellement cours en Amérique du Nord. De plus, la taxe payée à l'égard des chambres d'hôtel, lorsque défrayée dans le cadre d'activités commerciales, donne droit à un remboursement de taxe sur les intrants. L'industrie de l'hôtellerie bénéficie elle-même d'un remboursement sur la taxe payée à l'égard de plusieurs fournitures: les immeubles, matériaux de construction, meubles, articles de décoration, articles de bureau, etc. Seul le Québec, parmi les provinces canadiennes, offre ce système de remboursement.

Enfin, une mesure de détaxation d'un forfait hôtelier admissible a été mis en place afin de stimuler l'industrie touristique. Et, encore ici, M. le Président, je répète ce que j'ai dit tantôt: seulement les factures qui vont être faites après la date du budget vont être sujettes au taux de taxe plus élevé; les factures qui ont été envoyées avant conservent l'ancien taux.

Maintenant, dans le secteur de la restauration, il s'agit là, bien sûr, d'une baisse du taux de taxation. La taxe sur les repas avait été diminuée de 10 % à 8 % et, maintenant...

M. Léonard: Est-ce que je peux arrêter le ministre, s'il le permet?

M. Bourbeau: Oui.

M. Léonard: Vous dites que les factures qui ont été émises avant le 12 mai, disons le 12 mai, elles vont être taxées à 4 %, même si le service rendu va l'être après, par exemple, durant l'été? Prenons un des cas qu'on m'a soulignés: les campings. Un taux de location, disons, de 800 $ pour la saison. Les gens ont payé d'avance, 800 $, ou ils se sont entendus sur les 800 $, et puis ça comprend un taux de taxe de 4 % au moment où la facture a été faite. Est-ce que les 4 % s'appliquent pour l'ensemble de la saison estivale?

M. Bourbeau: Oui.

M. Léonard: O.K.

M. Bourbeau: M. le Président, on m'indique que, si la facture a été envoyée avant et payée, je présume... Si ça a été payé avant, si ç'a été facturé avant... Ça dépend de la façon dont c'était payable. Si c'était payable avant...

M. Léonard: Oui.

M. Bourbeau: ...même si le service est rendu après, ça demeure à 4 %.

M. Léonard: Bon.

M. Bourbeau: S'il y a des paiements réguliers, disons, alors, s'il y a des paiements après le 12 mai, ces paiements-là doivent être faits à 6,5 %.

M. Léonard: Bon.

M. Bourbeau: Mais les paiements avant, à 4 %.

M. Léonard: Disons que, dans cette industrie-là, par exemple, les tarifs sont fixés au mois de mars, février. Les gens se sont entendus pour fixer le prix de la saison estivale à 800 $. Supposons que ça a été fixé en mars, avril ou même, des fois, février, au cours de l'hiver, et puis le propriétaire ne peut pas modifier son prix. Il peut très difficilement, pour des raisons, je pense, de relations avec la clientèle, dire: Mes taxes étaient incluses à 4 % et, là, je vous rajoute 2,5 %. C'est ça que je veux dire: en termes de relations avec la clientèle, il ne peut pas rajouter 2,5 %. Donc, il est pris pour l'absorber, à moins, de ce que vous me dites, que la facture ait été faite avant. Mais, à ce moment-ci, il y a encore des locations.

M. Bourbeau: M. le Président, le principe, c'est que, si ça a été facturé avant et payé avant, même si le service est rendu après, ça demeure à l'ancien taux. Si les paiements sont faits en partie avant et en partie après, les paiements qui sont faits avant le 12 mai sont à 4 %, ceux après le 12 mai, à 6,5 %.

Maintenant, le même principe vaut pour ceux qui ont acheté des biens, M. le Président. Quelqu'un qui a acheté une automobile, par exemple, et qui en prend livraison après le 12 mai voit sa facture diminuée de 8 % à 6,5 % sur la taxe de vente aussi. Évidemment, le député de Labelle est moins familier avec les baisses de taxes, parce que le Parti québécois n'en a pas fait, de baisse de taxes, quand il était au pouvoir; il faisait plutôt des hausses de taxes. Mais ça vaut aussi dans les deux sens. Alors, il faut se réjouir. Et j'aimerais dire ceci, M. le Président...

M. Léonard: On a livré un Québec en santé financière, ce qui ne sera pas le cas maintenant.

M. Bourbeau: Ha, ha, ha! Une autre considération, M. le Président, que je voudrais porter à l'attention du député de Labelle: quand on dit qu'il y a une économie de 144 000 000 $ pour les contribuables lors de l'uniformisation de la taxe, il y a un point qui a peut-être été passé sous silence, c'est que, quand on parle de 6,5 %, le coût pour le gouvernement de la baisse de 8 % à 6,5 % sur les biens est de 727 000 000 $; la récupération sur les services est de 478 000 000 $. C'est donc dire que le coût, au départ, pour le gouvernement est de 249 000 000 $. Donc, l'opération baisse de taxe à 6,5 % et hausse de taxe à 6,5 % se solde par une perte pour le gouvernement de 249 000 000 $, ou si vous voulez un gain pour les contribuables de 149 000 000 $. C'est uniquement parce qu'on a rehaussé les taxes spécifiques sur la boisson, le carburant et le tabac qu'on a ramené le coût à 144 000 000 $.

M. Léonard: Il y a 105 000 000 $ de différence, là.

M. Bourbeau: Il y a 112 000 000 $ pour la taxe spécifique et il y a un petit 7 000 000 $, les coûts de l'assouplissement aux règles sur les remises des mandataires. On a reporté certains mandataires d'un mois à trois mois; ça nous coûte 7 000 000 $ d'intérêts. Alors, si vous voulez, moins 249 000 000 $ pour le coût de l'opération, un autre moins 7 000 000 $ pour l'assouplissement des règles de la remise des mandataires et un gain de 112 000 000 $ pour la taxe spécifique. Mais, quand on regarde uniquement l'opération comme telle, baisse de taxe, hausse de taxe, le gouvernement remet 250 000 000 $ dans la poche des contribuables, ce qui n'est pas peu dire, M. le Président. Donc, le député peut bien réaliser que si, ça et là, il y a quelques coûts additionnels à certains contribuables sur certaines transactions, les contribuables sont quand même les grands gagnants de l'opération, puisque le gouvernement y perd 250 000 000 $.

M. Léonard: M. le Président, disons qu'on reviendra à la taxe de vente. Là, le ministre vient de nous dire qu'il a augmenté les taxes spécifiques de 112 000 000 $. Il n'en a pas parlé dans son budget. C'est où dans le budget, ça?

M. Bourbeau: Les 112 000 000 $, oui, M. le Président.

M. Léonard: Il a parlé des ajustements. C'est ça, là, c'est...

(10 h 30)

M. Bourbeau: On va, M. le Président, vous dire la page, là. Ce ne sera pas très long.

M. le Président, je voudrais référer le député de Labelle à l'annexe A, à la page 62, où on donne tous les détails techniques sur l'opération. S'il fallait qu'on soit descendu dans ces détails-là dans le discours sur le budget, le député de Labelle aurait passé cinq heures en Chambre à écouter le ministre des Finances, plutôt que 1 h 55, ce qui était déjà très long, d'ailleurs.

M. Léonard: Oui, mais il reste quand même que ce que cela veut dire, c'est une augmentation des taxes spécifiques; une augmentation des taxes spécifiques. Ou bien c'est juste un ajustement et, à ce moment-là, ça n'a rien, mais absolument rien changé en ce qui concerne les produits soumis ou sujets à des taxes spécifiques, genre alcool, essence, tabac, etc., tous ces produits-là. Donc, il a gardé les prix tels qu'ils sont, le montant de la taxe telle qu'elle est, en total, et puis il a fait varier le produit de certains... Mais, au fond, ces produits soumis à des taxes spécifiques n'ont pas connu de modification de taxe. Alors, qu'il appelle sa taxe de vente 6,5 %, le 1,5 % qu'il a attribué ou qu'il dit avoir baissé, au fond, se retrouve dans une augmentation de la taxe spécifique. C'est ça? C'est juste l'équivalent. C'est uniquement un ajustement.

M. Bourbeau: M. le Président, ça a toujours été très clair. On l'a dit dans le discours sur le budget: l'opération faisait en sorte de baisser la taxe de vente de 8 % à 6,5 % sur tous les produits, sauf... Enfin, sur tous les produits... Le coût aux consommateurs a été baissé pour tous les produits, sauf qu'à l'égard du tabac, des carburants, des boissons alcooliques, bière et vin, le gouvernement n'a pas voulu faire en sorte que ces produits-là coûtent moins cher aux consommateurs. Alors, par le jeu des taxes spécifiques on a repris, si vous voulez... La baisse de 1,5 % a été récupérée par le gouvernement à l'égard de ces produits-là, mais pas tout à fait; il y a quand même, malgré tout ça, une baisse. Je vais donner au député les détails.

Pour ce qui est du tabac, effectivement, ça arrive exactement à zéro; il n'y a aucune baisse, aucune hausse. Les baisses avaient été substantielles au mois de février, on n'avait pas à donner d'autre baisse sur le tabac.

M. Léonard: Vous laissez le champ de bataille glorieusement.

M. Bourbeau: C'est ça. L'avenir est dans la fuite, M. le Président.

M. Léonard: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Le salut est dans la fuite, comme disait le brave. Pour ce qui est des carburants, M. le Président...

M. Léonard: Ha, ha, ha! C'est comme ça que vous allez vous rendre au mois de septembre?

M. Bourbeau: On verra, on verra, M. le Président. Pour ce qui est des carburants, l'impact financier total pour le gouvernement est de moins 19 800 000 $. Donc, en ce qui concerne les carburants, même si on a rehaussé la taxe spécifique, la diminution de la TVQ a été plus importante et ça s'est soldé par un coût net de 19 800 000 $ pour le gouvernement.

Les boissons alcooliques: la bière. La bière, on a haussé de 0,04 $ le litre la taxe spécifique. Malgré ça, ça se solde par un coût net pour le gouvernement de 22 200 000 $. Encore là...

M. Léonard: Oui, 22 200 000 $.

M. Bourbeau: ...la baisse de la taxe de vente était plus importante que la hausse de la taxe spécifique, donc le contribuable y gagne 22 200 000 $. Vous comprendrez, M. le Président, que ça fait pas mal de bière, ça, pour 22 000 000 $. Si vous essayiez de consommer ça vous-même dans une seule année, vous n'y arriveriez pas.

M. Léonard: C'est 0,04 $ le litre? Est-ce que...

M. Bourbeau: Oui, 0,04 $ le litre d'augmentation...

M. Léonard: D'augmentation...

M. Bourbeau: ...de la taxe spécifique.

M. Léonard: ...des taxes spécifiques.

M. Bourbeau: Oui, et la baisse, évidemment, de 1,5 % de la taxe de vente.

M. Léonard: Ça, ça vous coûte 22 200 000 $.

M. Bourbeau: Ça nous coûte 22 200 000 $, au gouvernement. Et, finalement, sur les vins et les spiritueux, l'augmentation est de 0,17 $ le litre, mais la baisse, M. le Président, nous a coûté 7 200 000 $. De sorte que toute l'opération, cette opération-là, l'impact de l'égalisation du taux de la TVQ à 6,5 % sur les recettes des taxes indirectes pour 1994-1995 – tabac, carburant, boissons alcooliques, c'est-à-dire bière, vins et spiritueux – se solde par un coût net pour le gouvernement de 49 200 000 $.

(Consultation)

M. Bourbeau: Donc, dans les récupérations qu'on a faites, M. le Président, au titre des taxes spécifiques, si on n'avait pas fait cette perte, si je peux dire, on aurait pu récupérer beaucoup plus que 112 000 000 $, on aurait pu récupérer 160...

M. Léonard: Plus 50 000 000 $.

M. Bourbeau: ...161 000 000 $...

M. Léonard: Oui, 171 000 000 $.

M. Bourbeau: ...162 000 000 $...

M. Léonard: Bien, 171 200 000 $.

M. Bourbeau: Oui, 171 000 000 $. Donc, 50 000 000 $ de plus.

M. Léonard: Oui, mais c'est où? Où est-ce que vous avez récupéré les 171 200 000 $?

M. Bourbeau: Pardon?

M. Léonard: Où est-ce que vous avez récupéré les 171 200 000 $, si ce n'est pas sur les carburants, sur les boissons alcooliques, sur les vins et spiritueux?

M. Bourbeau: Bien, il y a un manque à gagner total.

M. Léonard: Bien non! Je comprends, là, mais vous dites: 249 000 000 $, lorsque vous faites simplement varier les taux...

M. Bourbeau: Mais oui, mais oui, mais...

M. Léonard: ...et, après ça, vous prenez 122 000 000 $...

M. Bourbeau: C'est-à-dire que, si on avait appliqué uniquement, là, la taxe de vente à 6,5 %, ça nous aurait coûté 249 000 000 $.

M. Léonard: Oui, 249 000 000 $.

M. Bourbeau: C'est ça, 249 000 000 $, M. le Président.

(Consultation)

M. Léonard: Il ne faut pas vous tromper entre les additions et les soustractions, là.

M. Bourbeau: Non, non. M. le Président, le député est en train de me mélanger. Je vais reprendre mes explications au début, M. le Président.

M. Léonard: Ha, ha, ha! Non, mais c'est parce que...

M. Bourbeau: L'opération de la...

M. Léonard: ...si vous dites que ça vous coûte de l'argent d'avoir uniformisé le taux à 6,5 % dans le cas des carburants, boissons alcooliques, bière...

M. Bourbeau: Ça nous coûtait... Oui, oui, oui.

M. Léonard: ...vins et spiritueux et puis que vous récupérez sur l'ensemble 122 000 000 $, donc il y a un montant brut de 171 200 000 $. Où est-ce que vous les prenez, ces 171 200 000 $? C'est ça, ma question.

M. Bourbeau: Bon. Alors, M. le Président, je reprends l'explication. En faisant...

M. Léonard: O.K.

M. Bourbeau: ...la baisse du taux de taxe de 8 % à 6,5 % et en l'harmonisant pour les biens et services, ça coûtait au gouvernement 249 000 000 $. On s'entend là-dessus?

M. Léonard: Disons. Disons, globalement, de façon brute, au départ.

M. Bourbeau: Oui. Alors, le gouvernement a décidé qu'il n'avait pas les moyens de laisser partir 249 000 000 $. À ce moment-là...

M. Léonard: Alors, il est allé monter les taxes ailleurs.

M. Bourbeau: ...le député aurait dit que le déficit aurait été trop élevé. Alors, on s'est dit qu'à l'égard de certains biens...

M. Léonard: C'est les Québécois qui pensent ça.

M. Bourbeau: ...il n'était peut-être pas aussi essentiel de baisser les taxes, par exemple, sur le tabac. M. le Président, vous savez qu'on avait déjà fait un effort...

M. Léonard: Ah! c'est le tabac.

M. Bourbeau: ...assez surhumain sur le tabac, on ne voyait pas pourquoi on continuerait à baisser les taxes sur le tabac. Même chose pour les carburants et boissons alcooliques, bière, vins et spiritueux. On s'est dit, à l'égard de ces denrées-là: On va tenter de faire une opération qui va ramener le coût de ces denrées-là à peu près au même niveau qu'avant la baisse de taxes, c'est-à-dire comme si la taxe était encore à 8 %. Et comme elle n'était plus à 8 %, elle était à 6,5 %, on a plutôt utilisé le jeu des taxes spécifiques. Bon.

Alors, si on avait ramené ça exactement au coût original, ça aurait été à 161 000 000 $. Mais, dans les calculs qu'on a faits, M. le Président, on n'a pas ramené ça exactement au coût original. Pour les carburants, on en a laissé 19 800 000 $ sur la table; pour les boissons alcooliques, 22 200 000 $ pour la bière et 7 200 000 $ pour les vins et spiritueux, de sorte que, plutôt que 161 000 000 $, on a récupéré 112 000 000 $. Et voilà, M. le Président, pourquoi votre femme est muette. Oui, M. le Président et...

M. Léonard: Ça veut dire que la différence, ce n'est pas 122 000 000 $, c'est 49 000 000 $.

M. Bourbeau: M. le Président, le député de Labelle était peut-être un petit peu moins attentif pendant le discours sur le budget, mais ça a été très clairement dit dans le discours sur le budget. On l'a dit très bien. Je vais me citer.

M. Léonard: Ajustements.

M. Bourbeau: Je vais me citer, M. le Président: «C'est pourquoi des ajustements compensatoires seront apportés aux taxes spécifiques sur les produits du tabac, les boissons alcooliques et le carburant afin d'en maintenir les niveaux actuels de prix.»

M. Léonard: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Bon. Alors, le député ne peut pas dire qu'on s'est cachés, M. le Président, on l'a dit noir sur blanc. Et même, on a été plus catholiques que le pape, parce qu'on a dit «maintenir les niveaux de prix». On n'a pas tout à fait maintenu les niveaux de prix, on les a quand même un petit peu baissés. Donc, on a fait un peu mieux que ce qu'on avait dit.

M. Léonard: Mais remarquez la belle... la périphrase «des ajustements compensatoires» pour des augmentations de taxes spécifiques. On parle de baisse de taxes, mais on parle d'ajustements compensatoires parce que les taxes spécifiques augmentent. Ah bon!

M. Bourbeau: M. le Président, ça a été...

M. Léonard: Je vois, je vois.

M. Bourbeau: ...clairement dit. On a dit qu'on...

M. Léonard: Oui.

M. Bourbeau: ...maintiendrait les prix sur ces items-là.

M. Léonard: Oui, oui.

M. Bourbeau: On les a nommés, à part ça.

M. Léonard: O.K.

M. Bourbeau: Le député fend les cheveux en quatre, M. le Président, là.

Une voix: Ça améliore son vocabulaire.

M. Léonard: C'est un gouvernement qui ne dépense pas mais qui consacre des crédits. C'est à peu près la même chose. Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Ça, M. le Président, le grand maître des illusions, c'était celui qui siégeait comme ministre des Finances sous le Parti québécois, ce n'était pas moi.

M. Léonard: Ah! vous admettez au moins le style.

Mme Dionne: Il y a des différences entre les dépenses et les investissements.

(10 h 40)

M. Léonard: Oui, oui. M. le Président, dans cette question de taxe de vente, il y a eu aussi des déclarations qui ont été faites par le ministre des Finances fédéral à l'effet qu'il y aurait des modifications majeures ou, en tout cas, des changements majeurs – oui, je pense que c'est à peu près ça; ce n'est pas tout à fait le terme qu'il a employé, je ne me souviens pas – sur la TPS. Donc, de 1990 à 1994 – il s'est passé quatre ans entre cette période-là – le gouvernement du Québec a pataugé lamentablement dans sa réforme de la TVQ, puis là il arrive au moins à uniformiser le taux. Voilà que, maintenant, le ministre fédéral du Revenu vient de décider et vient d'annoncer qu'il ferait une modification majeure dans son système de TPS. C'était d'ailleurs une des déclarations qui avaient été faites au cours de la campagne électorale fédérale, l'automne dernier.

Maintenant, on va se retrouver à entrer dans une autre période d'incertitude et, malheureusement, on peut penser qu'il risque d'y avoir une autre période de confusion en termes d'administration. On sait ce que ça a pu coûter d'efforts aux commerces, aux 400 000 mandataires du gouvernement – je pense que c'est autour de 400 000 – et puis on les remet maintenant dans une autre période noire de confusion. Est-ce que, à l'heure actuelle, il y a des négociations fédérales-provinciales auxquelles le Québec a déjà commencé à participer? Est-ce qu'il y a des choses qui se passent ou bien si ce que le ministre sait, c'est tout ce qui a été dit sur la place publique? Est-ce que le ministre des Finances du Québec peut nous éclairer, peut éclairer notre lanterne à ce sujet?

Le Président (M. Forget): M. le ministre.

M. Bourbeau: Le gouvernement fédéral, comme l'a dit le député de Labelle, a réitéré à plusieurs reprises son intention de remplacer le régime de la TPS par une autre taxe. Le comité parlementaire fédéral qui a été mandaté pour étudier la question devra, semble-t-il, faire rapport pour le 1er juin 1994. Ce sujet sera discuté lors de la réunion des ministres des Finances de l'été prochain, et des réunions fédérales-provinciales ont commencé à ce sujet au niveau des fonctionnaires. Il est important d'indiquer aux autorités fédérales dès maintenant quels sont les principes de base du gouvernement du Québec à ce sujet. Et nous l'avons déjà fait, M. le Président, par l'intermédiaire de nos représentants.

Mais regardons d'abord, si vous voulez, l'approche fédérale à la coordination. Le principe de base: on nous parle d'équité, de simplicité pour les consommateurs et pour les entreprises; une meilleure coordination fédérale-provinciale; un rendement stable de la taxe; de l'efficacité économique et, bien sûr, une préoccupation pour les coûts administratifs. Pour réaliser ces objectifs, un cadre administratif intégré est souhaité, c'est-à-dire qu'on souhaite, du côté fédéral, la négociation d'une assiette fiscale commune, un taux de taxation unique de préférence, une législation qui serait identique, une seule autorité administrative, qui, bien sûr, serait fédérale...

M. Léonard: Bon.

M. Bourbeau: ...et une formule de réallocation des recettes fiscales. Ça, c'est l'approche fédérale, M. le Président.

Maintenant, les principes de base qui régissent le gouvernement du Québec, qui guident l'action du gouvernement du Québec. Les fonctionnaires du Québec, dès maintenant, ont reçu instruction d'indiquer, lors des réunions fédérales-provinciales, que le Québec tient aux éléments suivants: nous pensons qu'il doit s'agir d'une taxe directe pouvant être prélevée par une province; nous insistons pour le maintien de l'administration provinciale des taxes; nous voulons conserver les choix de la politique fiscale et également l'obligation pour les commerçants d'indiquer et d'afficher le prix total de la transaction, incluant la TPS et la TVQ, c'est-à-dire le prix incluant taxes au niveau du commerce au détail.

Et vous vous souvenez, M. le Président, que dans le budget on a parlé de ce sujet-là, en disant que le gouvernement du Québec, par l'intermédiaire du ministre de la Justice, tiendrait une consultation pour voir dans quelle mesure on peut obtenir l'adhésion des commerçants à un règlement qui irait dans ce sens-là. Finalement, M. le Président, l'option privilégiée par le Québec, c'est le maintien du régime actuel, mais avec des mesures de simplification. Ça ne veut pas dire, ça, que le Québec n'est pas disposé à discuter d'autres propositions, mais on pense que, si la TPS, qui fonctionne relativement bien maintenant... Au début, ça a été assez difficile, mais, si vous parlez aux commerçants, en général on va vous dire que c'est un régime qui fonctionne relativement bien, qui n'est pas si compliqué que ça comme tel à gérer. Bien sûr, ce qui est un peu plus ennuyant, ce sont les exceptions à la règle générale, mais, dans la mesure où il va être mieux harmonisé, dans la mesure où on n'aura pas ce problème des consommateurs qui ont des surprises lorsqu'ils se présentent à la caisse enregistreuse en voyant un prix affiché, puis que le prix, évidemment, est augmenté de 13,955 % à la caisse enregistreuse, probablement qu'on pourra, M. le Président, trouver que cette formule-là est la formule idéale; en fait, c'est celle qui est en vigueur ailleurs, dans d'autres pays aussi.

Pour ce qui est des réunions au niveau des fonctionnaires, on m'indique qu'il y a déjà eu deux réunions de fonctionnaires qui ont eu lieu à date et qu'une autre est prévue pour ces jours-ci. Ce sont, à toutes fins pratiques, des rencontres techniques où on s'échange des informations.

Le Président (M. Forget): M. le député de Labelle.

M. Léonard: Oui. Je vois que les positions du Québec ont quand même varié au cours de ces années-là. Je pense, en particulier, à un des éléments, le quatrième point qui a été soulevé par le ministre: que le prix total devait être indiqué sur le prix des marchandises ou des services. Je me rappelle très bien que le 30 août, ici, à cette même commission, où il y avait des fonctionnaires, nous avions soulevé cette hypothèse, puis là on nous avait dit, avec des grands sparages, qu'il fallait respecter la liberté des marchands et des consommateurs, leur laisser la liberté de l'inclure ou de ne pas l'inclure, d'en inclure une, la TPS, de ne pas inclure l'autre, et vice versa. Bref, on se rend compte, après quatre ans, qu'on avait fait fausse route et puis qu'on avait mal évalué la situation, puis qu'on se retrouve devant l'obligation pratique, comme ça s'est passé en Europe, d'inclure dans le prix des marchandises les taxes, soit TPS, soit TVQ. Et là je vois que le gouvernement vient de prendre ça comme point majeur de sa politique, en termes de taxation. Est-ce que le fédéral...

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que je pourrais ajouter là-dessus?

M. Léonard: Oui, oui.

M. Bourbeau: Sur la question de l'affichage...

M. Léonard: Oui.

M. Bourbeau: ...ou de l'inclusion des taxes dans les prix, il y a effectivement deux écoles de pensée là-dessus, M. le Président. Les deux écoles se réclament de la transparence. On peut très bien affirmer que c'est plus transparent de montrer les taxes séparées du prix, de façon à ce que les contribuables sachent exactement ce qui est le prix du bien, ce qui est le prix de la taxe; et d'autres, toujours au nom de la transparence, M. le Président, prétendent que c'est préférable de montrer le prix final sur les étiquettes, de sorte que le consommateur n'a pas de mauvaise surprise lorsqu'il se présente à la caisse enregistreuse. Autrement dit, le prix que vous voyez, c'est le prix que vous payez; alors, c'est plus transparent comme ça. Moi, je suis plutôt de cette école-là, bien que j'admette que d'autres puissent trouver que c'est plus transparent de montrer le prix séparé.

M. Léonard: Mais est-ce que...

M. Bourbeau: Mais, ça, M. le Président, justement, comme il semble y avoir plusieurs... Il y a au moins deux écoles de pensée, comme je le disais tantôt. On a convenu de soumettre cette question-là à l'appréciation des consommateurs dans une commission parlementaire. Alors, chacun pourra venir dire ce qu'il pense; on vit en démocratie. De toute façon, rien n'empêcherait, même si les taxes étaient comprises dans le prix global, un marchand d'indiquer sur l'étiquette: Le prix global est 125 $ et, incidemment, ça comprend tant de taxes; il pourrait toujours le marquer.

M. Léonard: Oui, c'est exactement ça. Est-ce que, dans la réglementation, les marchands ou les prestataires de services vont devoir indiquer: Taxes, TPS et TVQ: tels pourcentages? Est-ce que vous vous dirigez vers cette option?

M. Bourbeau: Ce que nous avons...

Le Président (M. Forget): Une minute, M. le ministre. C'est tout simplement que, dans votre période de 10 minutes, il reste environ une minute et demie. Vous savez, vous avez droit... Non, c'est au niveau des échanges, vous savez. C'est tout simplement pour clarifier.

M. Léonard: Oui, oui, c'est correct. Ah! c'est parce que...

Le Président (M. Forget): Oui, c'est justement, s'il y en a qui veulent intervenir.

M. Léonard: Oui, la députée de Kamouraska-Témiscouata pourrait vouloir parler.

(10 h 50)

Le Président (M. Forget): Parfait. Alors, M. le ministre.

M. Bourbeau: Le règlement que nous envisageons, M. le Président, ferait en sorte que le prix affiché devrait être le prix global incluant toutes les taxes, mais cela n'empêcherait pas le marchand qui voudrait le faire d'indiquer en plus, à côté ou sur la même étiquette...

M. Léonard: Mais, ça, ça va rester libre, si je comprends bien.

M. Bourbeau: Oui, ça pourrait rester libre de montrer, à l'envers de l'étiquette, par exemple, ou à côté: Ce prix de 125 $ comprend tant de taxe TPS et tant de TVQ. Ça pourrait aussi être ajouté par le marchand. Mais obligation serait faite, si ce règlement-là était adopté, d'indiquer au consommateur le prix global inclusif de toutes les taxes.

M. Léonard: Oui, je comprends ça. Vous pourriez avoir: 125 $, prix de vente TTI, comme on voit en Europe, toutes taxes incluses. Mais est-ce que vous allez demander d'inclure le pourcentage des taxes? À l'heure actuelle ou avant le changement, c'était 15,56 %.

M. Bourbeau: Bien, je pense que...

M. Léonard: Là, ça va baisser à...

M. Bourbeau: À 13,95 %.

M. Léonard: ...13,95 %, quelque chose comme ça. Est-ce que, à ce moment-là, vous allez demander aux marchands ou à ceux qui donnent des services: Taxes incluses: 13,95 %, par exemple?

M. Bourbeau: M. le Président, ça fait deux fois que je tente de répondre à la question. Le règlement que nous allons proposer à la consultation laisserait facultatif...

M. Léonard: Ah! ça va être facultatif.

M. Bourbeau: ...aux marchands d'afficher ou non le taux de la taxe ou la taxe. L'obligation serait faite de marquer le prix global TTI, comme le dirait le député de Labelle, toutes taxes incluses.

M. Léonard: Bien, c'est l'expression européenne. Je n'invente rien.

M. Bourbeau: Oui. Je sais que le député a beaucoup voyagé. Je le sais bien.

M. Léonard: Non, mais c'est parce qu'il n'avait pas l'air au courant des pratiques européennes en la matière.

M. Bourbeau: Non, non. M. le Président, j'ai quand même acheté quelques biens lors de certains voyages et je suis au courant de la formule.

M. Léonard: Ça n'a pas l'air.

M. Bourbeau: En plus de ça, le marchand aurait le droit, s'il le veut, d'indiquer en plus les taxes, mais ce ne serait pas obligatoire. Encore là, comme je l'ai dit tantôt, le gouvernement n'a pas décidé, d'une façon définitive, d'imposer l'inclusion de cette taxe-là. On va faire une commission parlementaire, on va consulter la population et on décidera éventuellement, en définitive.

M. Léonard: Est-ce qu'on peut savoir quand sera tenue la commission parlementaire, puisque le ministre nous annonce ça ce matin?

M. Bourbeau: Non. On l'a annoncé dans le discours sur le budget, M. le Président. C'était dit en toutes lettres que mon collègue, le ministre de la Justice, va... Le député de Labelle, M. le Président, dormait pendant le budget, si me je souviens bien.

M. Léonard: Bien, ça devait être ça. Parce que le ministre, on ne peut pas dire qu'il nous réveillait beaucoup. Il avait l'air d'avoir intérêt à nous endormir pour qu'on ne saisisse pas tout ce qu'il disait. Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Comment le député a-t-il pu faire une réplique à la fin de mon discours sur le budget s'il dormait, M. le Président? Alors, c'étaient des propos qui étaient écrits d'avance.

M. Léonard: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Il les avait écrits la semaine précédente, ne sachant pas ce qu'il y avait dans le budget, alors.

M. Léonard: Non, non.

Le Président (M. Forget): Alors, le temps de M. le député de Labelle est écoulé. Est-ce que Mme la députée veut intervenir?

Mme Dionne: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Forget): Pour une période de 10 minutes.


Considérations générales sur le budget

Mme Dionne: Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir d'intervenir ce matin. Je sais qu'on a eu depuis le début de la session, ce matin, des questions peut-être plus spécifiques sur le budget, des détails qui sont peut-être fort importants pour des clientèles spécifiques, mais, moi, je reviendrai peut-être de façon globale sur le budget pour dire tout d'abord que, d'après moi, la population du Québec s'attendait, dans le budget, à différentes choses.

Qu'on parle à certaines clientèles, on voulait des baisses de taxes; d'autres voulaient des baisses d'impôt; pour certains, c'était une réduction des dépenses; pour d'autres, c'était une réduction du déficit, mais tout le monde pensait et espérait des baisses, hein? Et je pense que le budget répond bien à plusieurs des demandes, puisque, dans les quatre points que je viens de soulever, il y a effectivement des baisses de taxes dans le budget du ministre des Finances pour 114 000 000 $; il y a des baisses d'impôt pour à peu près 500 000 000 $; il y a des baisses de dépenses qui sont fort importantes, puisqu'on parle globalement, depuis le budget de l'année précédente, à 2 100 000 000 $, et on parle d'une baisse de déficit de 470 000 000 $, M. le Président.

Donc, en résumé, M. le Président, je pense que les demandes qui étaient faites par la population... Bien sûr, il y a des gens qui vont dire: Oui, mais le déficit n'a pas assez baissé. D'autres vont dire: Les taxes n'ont pas assez baissé. D'autres vont dire: Les impôts n'ont pas assez baissé. D'autres vont dire: Les dépenses n'ont pas assez baissé. On n'a pas encore assez coupé. Alors, on pourra dire tout ça, sauf que, dans les demandes qui avaient été faites par la population, je pense qu'on a touché quatre points importants qui font de ce budget, d'après moi, un budget équilibré.

On a pensé aux gens, à la population, aux citoyens. On a pensé aux entreprises, on a pensé aux régions et on a pensé, aussi, aux dépenses gouvernementales qu'on se devait de réduire de façon fort importante. Et, d'ailleurs, ça avait été annoncé dans le budget de l'année dernière, si on se souvient et si on l'a bien lu. Alors, dans ce sens-là, M. le Président, je regarde la population de Kamouraska-Témiscouata, les citoyens qui m'en ont parlé, je pense qu'on répond, à tout le moins à plusieurs des demandes qui ont été faites par la population. Sinon, si on espérait plus, il faudrait continuer avec le gouvernement libéral. Je pense que c'est un budget qui est un budget de départ pour plusieurs années. Dans plusieurs pages du Discours sur le budget, on voit des mesures qui sont un début quand on parle de réduire le déficit à zéro.

Je me souviens, M. le Président, d'avoir fait partie du comité Poulin, où on en a parlé, de ce fameux déficit et des façons de le réduire le plus rapidement possible. Dans ce sens-là, tout ce qui est fait pour réduire le déficit et les dépenses, c'est apprécié et c'est regardé de près par la population de toute ma région.

D'autre part, M. le Président, le budget vient certifier certains plans qui avaient été mis de l'avant un peu plus tôt. On sait qu'au niveau du plan de relance, au mois de novembre dernier, le premier ministre du temps et le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie ont annoncé un plan de relance de 1 000 000 000 $ qui touche non seulement tout le Québec, mais certaines régions de façon spécifique. Dans ce plan de relance, on touchait toute la question de l'emploi, puisqu'il y a 300 000 000 $ qui sont réservés dans les régions du Québec.

Mais, au-delà de ça, il y a des mesures qui touchent des gens de façon particulière. On prend les jeunes qui sont en région. Le programme de Soutien à l'emploi scientifique – le député de Labelle doit le connaître très bien, j'espère qu'il en a parlé beaucoup dans son comté – permet à des jeunes diplômés qui ne revenaient pas en région – il faut se le dire, qui ne revenaient pas en région après des études spécialisées du côté scientifique et technologique – de revenir en région, puisque les entreprises, les PME, ont des mesures qui favorisent l'embauche de ces gens-là. Alors, le programme de Soutien à l'emploi scientifique, M. le Président, je peux vous dire que, dans notre région, on en a parlé beaucoup et on voit le retour, dans nos régions, dans des PME, de jeunes qu'on n'aurait pas pu voir autrement, puisque les entreprises n'étaient, je pense, pas suffisamment fortunées pour embaucher des gens, pour leur donner le salaire réel, qu'ils soient diplômés collégial ou universitaire.

Alors, le plan de relance qui a été confirmé dans le budget est, à mon avis, fort important. Dans la région du Bas-Saint-Laurent, je peux vous dire, M. le Président, que le Secrétariat aux affaires régionales, qui touche le Fonds décentralisé de création d'emplois, est débordé, dans le moment, de demandes. Alors, c'est pour dire que ce Fonds décentralisé est très populaire. D'ailleurs, au 31 mars 1994, M. le Président, on avait plus de 250 emplois de créés dans notre région à partir de domaines aussi importants que la forêt et l'agriculture. Alors, c'est fort important et ça fonctionne très bien. Alors, on espère que le Secrétariat va trouver la mécanique ou le personnel pour répondre à toutes les demandes qui sont là présentement en attente. Je sais qu'il y a plusieurs ministères qui font partie de ce comité et qui y travaillent de façon particulière pour que les projets se concrétisent dans les meilleurs délais.

D'autre part, en décembre dernier, on a parlé du fameux litige avec l'Ontario. Moi, je toucherai de façon particulière l'entente avec le Nouveau-Brunswick, puisque cette entente permet un meilleur climat économique entre le Nouveau-Brunswick et toute la partie sud du Québec, que ce soit Bonaventure, Rimouski, Kamouraska-Témiscouata ainsi que toute la partie qui touche le Maine, puisqu'il y a des liens très étroits, de façon particulière, au niveau forestier. On peut dire aussi que les villes qui sont frontalières au Québec sont de plus en plus agressives par rapport au marché des Maritimes, et l'entente qui s'est signée avec le Nouveau-Brunswick permet justement des ouvertures, un climat beaucoup plus favorable, une compétitivité... Comme vous le savez, M. le Président, le Nouveau-Brunswick, avec en tête son premier ministre, M. McKenna, sont de plus en plus agressifs au niveau économique. Alors, dans ce sens-là, la compétition est là, il y a des ouvertures, et c'est fort important.

(11 heures)

Dans le budget qui a été présenté par le ministre des Finances, il y avait quelques mesures aussi qui étaient fort importantes pour les régions. Je pense à la stratégie de protection des forêts: 100 000 000 $ sur cinq ans qui sont ajoutés pour développer – et, ça, ça va faire plaisir à nos gens qui étaient préoccupés par l'environnement – de nouvelles pratiques forestières quant à l'usage, par exemple, des pesticides, enrayer les coupes à blanc, qui sont souvent dénoncées par la population. Alors, c'est important, et je suis heureuse de constater que l'industrie forestière va participer à ce programme-là de façon concrète au cours des prochaines années.

Le Programme d'infrastructure, M. le Président. Programme d'infrastructure fort important. J'ai 37 municipalités dans mon comté. Ce qui a été annoncé dans le Programme d'infrastructure fédéral-provincial, M. le Président, c'étaient des investissements possibles admissibles de 6 733 298 $. Alors, c'était fort important.

Je peux d'ores et déjà vous dire, M. le Président, que, dans ce programme-là, qui s'est concrétisé par les sommes d'argent qui sont dévolues dans le budget, ce sera au-delà de 10 000 000 $ dans mon comté qui seront investis, puisque certaines municipalités vont bénéficier d'un volet spécial pour des projets spécifiques d'aqueduc et d'égout. Alors, c'est fort important, et la collaboration des municipalités est là. Tout le monde fait ses devoirs pour accélérer, devancer la relance économique, et ça va paraître dans les régions du Québec et de façon particulière dans le Bas-Saint-Laurent.

Quand on regarde les régions aussi, M. le Président, il y a un programme dont je vais vous parler et qui m'a fort plu dans le budget, c'est les montants d'argent qui sont accordés pour les jeunes qui veulent avoir une formation professionnelle au niveau secondaire. Je sais que l'Opposition n'en a pas beaucoup parlé, c'est peut-être trop intéressant. Et c'est 28 000 jeunes. Oui, 80 000 000 $ dans le système de prêts et bourses actuel qui sont accordés à nos jeunes. Quand on est en région, ce n'est pas facile de trouver la formation professionnelle. M. le député de Labelle devrait le dire et il devrait saluer cette belle initiative avec un grand sourire ce matin parce que c'est vraiment intéressant pour nos jeunes qui sont au niveau secondaire, qui finissent, qui sont des décrocheurs bien des fois, n'ayant pas d'autre alternative. Ils ne sont pas intéressés à la formation qui est donnée au niveau collégial. Pour retrouver cette formation professionnelle au niveau secondaire, M. le Président, qui est donnée dans des centres de formation de plus en plus spécialisés – parce que le gouvernement libéral a mis beaucoup d'argent pour s'assurer que cette formation au niveau secondaire, elle est spécialisée, elle répond aux attentes des PME un peu partout en région – c'est 80 000 000 $, comme je le disais, 28 000 jeunes, et on va sûrement, avec ça, éviter le décrochage scolaire, comme on en connaissait dans plusieurs régions.

M. le Président, quand les jeunes n'ont pas d'argent pour aller à l'école, quand les parents n'ont pas d'argent pour envoyer leur jeune suivre une formation professionnelle qui lui convient, ce n'est pas facile, c'est triste et ça fait du décrochage. Alors, par cette mesure, on vient vraiment aider des familles, parce que c'est très encourageant, autant pour les jeunes que pour les familles, de voir une lumière au bout du tunnel.

Dans les mesures, M. le Président... Oui. Vous m'arrêtez? Vous me dites cinq secondes. Écoutez, M. le Président, je vais m'arrêter là. Je sais que j'étais bien partie, mais je reviendrai tout à l'heure pour un autre 10 minutes. Merci.

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre des Finances, en réplique.

M. Bourbeau: En réplique, M. le Président? Ha, ha, ha! Qu'est-ce que je peux dire de mieux que ce que vient de dire mon adjointe parlementaire, M. le Président, qui s'exprime tellement bien, avec tellement de ferveur? Je dirais, comme vous avez pu le constater vous aussi, M. le Président, et tous ceux qui sont ici, que, dans le budget que j'ai déposé le 12 mai dernier, j'ai voulu présenter un budget qui répondait aux préoccupations des Québécois et des Québécoises. Ce budget, il a été conçu, je l'ai dit et je le répète, pour raviver la confiance des Québécois dans l'avenir et il comporte quatre objectifs: appuyer la création d'emplois – on ne le dira jamais assez, M. le Président – faire bénéficier les Québécois des fruits de la gestion rigoureuse du gouvernement; troisièmement, restaurer la crédibilité et l'intégrité du régime fiscal québécois et également poursuivre le redressement des finances publiques. Ça, c'étaient les quatre objectifs recherchés dans le budget, et atteints, je dois dire.

En ce qui concerne la création d'emplois, M. le Président, le gouvernement dont je fait partie est à toutes fins utiles, et on le sait, obsédé par la création d'emplois. Nous voulons tout mettre en oeuvre pour que chaque Québécois et chaque Québécoise qui le désire puisse occuper un emploi; le budget déposé s'inscrit dans cette ligne de pensée et je pense aussi qu'il le fait de manière responsable.

L'économie du Québec est fermement engagée dans la voie de la croissance économique, on le sait. Toutefois, il m'est apparu de la plus haute importance, à un moment où la reprise de l'emploi commence à se faire sentir, de renforcer encore davantage la confiance des consommateurs. C'est pourquoi le budget que j'ai déposé le 12 mai dernier comporte des allégements fiscaux importants de près de 700 000 000 $ pour le bénéfice des Québécois.

Je rappelle, M. le Président, pour mémoire, que ce budget diminue les impôts et les taxes de l'ensemble des ménages québécois. Il soutien encore et davantage les familles; il a injecté ou il injectera 61 000 000 $ en aide aux Services de garde à l'enfance; il appuie les jeunes; il vient en aide aux personnes âgées; il encourage le développement de toutes les régions du Québec et il favorise aussi la formation des travailleurs et la création d'emplois.

M. le Président, je tiens à dire que je suis particulièrement fier d'avoir pu concentrer le bénéfice des allégements fiscaux chez les ménages de la classe moyenne, bien sûr, mais encore davantage chez les ménages à faibles revenus. Par exemple, les deux tiers de la réduction d'impôt sur le revenu sont accordés aux ménages dont le revenu est inférieur à 25 000 $. Bien sûr, M. le Président, si on parle des gens qui gagnent 50 000 $, 60 000 $ ou 75 000 $, comme le député de Labelle, là, la baisse d'impôt, évidemment, elle sera presque nulle; effectivement, elle devient nulle à un certain montant d'argent. Mais on a voulu... Et le député de Labelle et ma collègue aussi, là...

M. Léonard: Et le ministre.

M. Bourbeau: ...je ne voulais pas singulariser le député de Labelle.

M. Léonard: Et le ministre.

M. Bourbeau: Oui, bien sûr; bien sûr.

M. Léonard: Ah, ah!

M. Bourbeau: Mais, pour les ménages à faibles revenus, M. le Président, c'est là que la baisse d'impôt va se faire sentir davantage. Ces contribuables, il nous a semblé, ont particulièrement besoin que leur gouvernement soulage un peu la pression fiscale qu'ils subissent.

Maintenant, M. le Président, les Québécois souhaitent, on le sait, laisser à leurs enfants un héritage positif, c'est-à-dire autre chose qu'un amoncellement de dettes, et le budget que j'ai déposé répond à cette préoccupation parce qu'il réduit de près de 500 000 000 $ le déficit par rapport à celui de l'an dernier. Et pour réduire ce déficit, tout en accordant des allégements fiscaux qui sont devenus essentiels pour la classe moyenne et les gens à faibles revenus, le gouvernement a mis en place des mesures de resserrement budgétaire sans précédent. Ces mesures-là atteindront 2 100 000 000 $ en 1994-1995. Par la suite, nous prévoyons un gel des dépenses de programmes que nous comptons appliquer jusqu'à l'élimination complète du déficit.

Maintenant, le budget du 12 mai dernier augmente encore, dois-je le répéter, le soutien aux familles, ce qui portera à à peu près 2 700 000 000 $ les montants d'argent que le gouvernement du Québec accorde aux familles québécoises, comparativement à seulement 814 000 000 $ en 1985, lorsque nous sommes arrivés aux affaires de l'État, M. le Président. Quand on regarde ça, on peut réaliser tous les efforts que le gouvernement du Québec a consentis depuis neuf ans pour venir en aide aux familles. Pensons-y: en 1985, le gouvernement du Québec dépensait 814 000 000 $ et, cette année, 2 700 000 000 $.

Comme je le disais hier, cette somme excédentaire de près de 2 000 000 000 $, on aurait pu, si on avait gardé la même philosophie que le gouvernement précédent, l'appliquer en totalité en réduction du déficit. Bien sûr, aujourd'hui, on pourrait afficher un déficit de 2 400 000 000 $ plutôt que 4 400 000 000 $ et laisser les familles dans l'état où elles étaient lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, c'est-à-dire commencer à payer de l'impôt, pour une famille avec deux enfants, à compter de 10 000 $ de revenu. Vous voyez ce que ça donnerait, M. le Président, les familles québécoises qui commenceraient à payer de l'impôt sur le revenu avec un revenu de 10 000 $ par année? Ce serait terrible, ce serait dramatique!

Et non seulement les familles avec deux enfants, même une monoparentale avec un enfant commençait à payer de l'impôt à 10 000 $ par année. Aujourd'hui, la monoparentale avec un enfant ne paie pas d'impôt, à moins qu'elle ne gagne 25 000 $, et, s'il y a deux enfants, une famille de deux enfants... de deux parents, à compter de 27 000 $. On peut imaginer, M. le Président, tous les efforts que le gouvernement a consentis à l'égard des familles.

(11 h 10)

Le gouvernement améliore de plus de 48 000 000 $ par année l'aide fiscale aux parents en instaurant un nouveau crédit d'impôt remboursable pour les frais de garde d'enfants. De plus, le gouvernement bonifie de 13 000 000 $ par année l'aide aux parents qui est accordée par l'Office des services de garde à l'enfance. Nous mettons en place les mécanismes requis pour faciliter l'augmentation des salaires des éducateurs et des éducatrices en garderie. Dès maintenant, une augmentation de salaire moyen de 1 $ l'heure pourra être consentie par les services de garde. À compter du 1er octobre prochain, tout sera en place pour que la tarification prenne le relais pour maintenir cette augmentation ou même la bonifier. Il deviendra donc possible de répondre aux demandes salariales actuelles des éducateurs et éducatrices en garderie sans hausser la contribution nette des parents qui ont un revenu inférieur à 56 000 $. C'est donc dire, M. le Président, que, même si le salaire des éducateurs et des éducatrices augmente de 1 $ l'heure, tous les parents dont le revenu est inférieur à 56 000 $ n'auront à débourser aucun sou parce que les bonifications apportées par le gouvernement vont être suffisantes pour combler ces coûts. Et, même si l'augmentation était de 1,50 $ l'heure, la même chose, il en resterait encore assez dans les poches des contribuables pour absorber ces coûts additionnels.

Le gouvernement a aussi porté de 2250 $ à 2400 $ le montant servant au calcul du crédit d'impôt pour le deuxième enfant à charge et pour les enfants suivants. Nous avons également instauré un nouveau crédit d'impôt pour couvrir 20 % d'un montant maximum de 5000 $ de frais reliés à l'adoption. Nous avons amélioré le programme APPORT, qui aide les parents à faibles revenus à participer au marché du travail. M. le Président, autant de mesures pour venir en aide à la famille.

Maintenant, M. le Président, nous avons voulu aussi, et je l'ai dit tout à l'heure, rétablir la crédibilité du régime fiscal. Alors, le budget ravivera aussi la confiance des Québécois en l'avenir par des mesures visant à rétablir la crédibilité du régime fiscal. Après avoir mis en place un plan efficace pour enrayer le commerce illégal des produits du tabac, le gouvernement poursuit son action avec des mesures pour contrer le commerce illégal des boissons alcooliques; avec des mesures pour contrer l'évasion fiscale dans le secteur de la construction; avec des contrôles améliorés pour prélever la TVQ dans les marchés aux puces et lors de ventes d'autos usagées; avec une révision des procédures de vérification du ministère du Revenu, afin de rendre les contrôles plus étanches et de mieux identifier les contrevenants. En même temps, le budget poursuit le travail d'amélioration des relations entre les contribuables et l'administration fiscale, entre le ministère du Revenu et les contribuables.

Le Président (M. Lemieux): En conclusion, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Alors, je dirai simplement que 26 000 mandataires de la TVQ pourront désormais faire des remises trimestrielles plutôt que mensuelles. Le délai pour le calcul des intérêts sur les sommes qui sont dues par les contribuables est porté de 30 à 45 jours, le même délai que lorsque le gouvernement leur doit quelque chose, et le budget abolit les frais de 20 $ pour loger un avis d'opposition à une décision du ministère du Revenu. M. le Président, est-ce qu'il me reste encore quelques secondes?

Le Président (M. Lemieux): Il y a consentement?

M. Léonard: Bien, là, la cassette est un peu usée.

M. Bourbeau: Est-ce que j'ai une minute encore?

Le Président (M. Lemieux): Non, vous avez terminé.

M. Léonard: Ah! une minute, ça va.

Le Président (M. Lemieux): Vous avez terminé, mais consentement de M. le député de Labelle pour une minute.

M. Bourbeau: M. le Président, simplement pour dire que le gouvernement a aussi présenté une stratégie pour la création d'emplois, et je termine là-dessus. Le premier ministre, le député de Labelle s'en souvient, a présenté une stratégie en cinq volets pour accélérer la création d'emplois: alors, accélérer les principaux moteurs de l'économie que sont les investissements, la consommation et l'exportation; transformer l'État afin qu'il continue à s'acquitter de ses responsabilités de manière à mieux favoriser la croissance économique; accorder notre appui à des secteurs en émergence susceptibles de créer beaucoup d'emplois dans les années qui viennent; s'assurer que toutes les régions du Québec participent à la croissance économique et, finalement, accentuer nos efforts en matière de développement de la main-d'oeuvre et des ressources humaines.

Voilà, M. le Président, ce que l'on appelle un bon budget. Et, si ce n'était pas de la période électorale, M. le Président, le député de Labelle en conviendrait, mais, comme on est en période électorale, il dit que c'est un budget électoraliste. En tout autre temps, il dirait que c'est un bon budget.

M. Léonard: Je n'ai même pas dit ça. Je n'ai même pas eu la peine de dire ça, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle.

M. Léonard: Oui, M. le Président. Je n'ai même pas eu la peine de dire ça: c'est d'autres qui l'ont dit. Mais nous avons eu droit à une séance de grattage de dos, l'adjointe parlementaire vantant son ministre comme si elle ne pouvait pas le faire en dehors de la commission parlementaire. Nous avons eu droit à une redite, pour la quatrième fois, de la même cassette du ministre; tellement, qu'il a failli s'endormir en la récitant encore.


Harmonisation de la TPS

Alors, M. le Président, je voudrais revenir à la taxe de vente, TVQ, TPS, et aux discussions avec le fédéral. J'ai noté les cinq points de la politique du Québec, mais, sur le plan fédéral, on veut un système équitable, simplifié; on veut une assiette fiscale commune, un taux de taxation uniforme et une administration unique. C'est à peu près les cinq points, là. Mais il reste qu'il y a un problème majeur dans cette harmonisation, c'est que l'une des taxes est une taxe à la fabrication multistade – elle s'applique aux différents stades de la production, avec un système de détaxation sur les intrants – alors que la taxe de vente du Québec est une taxe sur le produit fini. On a deux raisonnements. Ça nous vient du XIXe siècle, en quelque sorte, ces deux définitions de taxe.

Quand le fédéral veut un taux de taxe uniforme, une assiette fiscale unique, commune, etc., une administration unique, là, je pense qu'on vient de lever un gros lièvre. Quelles sont les chances que le ministère fasse entendre raison au fédéral? Au fond, lorsqu'on dit une chose aussi simple qu'un taux de taxation uniforme à la grandeur du Canada – parce que, quand on se met à la place du fédéral, c'est ce que ça veut dire, le taux de taxe uniforme «from coast to coast», d'une mare à l'autre – qu'est-ce qui arrive? Qu'est-ce qui arrive? Est-ce que le Québec est en train de céder son champ fiscal de taxe de vente? Est-ce que, finalement, au fond, mieux vaudrait une seule administration, un seul ministère du Revenu? Et puis, comme le ministre a connu des insuccès remarqués dans le cas de la formation professionnelle, on est encore ici, avec lui, en train de reconnaître un insuccès remarqué aussi en ce qui concerne toute négociation taxe de vente-TPS.

Le Président (M. Forget): M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, le député de Labelle fait allusion aux insuccès du ministre en matière de formation professionnelle; le député a la mémoire courte. Dans le temps du Parti québécois, là, c'étaient vraiment des insuccès totaux, M. le Président. C'était l'à-plat-ventrisme devant le gouvernement fédéral. Jamais le gouvernement du Parti québécois n'avait réclamé quoi que ce soit; il signait des ententes à tour de bras avec le fédéral pour cautionner l'envahissement du gouvernement fédéral dans ses champs de juridiction. Je trouve que l'Opposition officielle est bien mal placée pour venir reprocher au ministre des Finances d'avoir fait une bataille, pendant plusieurs années, pour tenter de récupérer ce champ d'action.

M. le Président, je pense que, malgré tout, on a fait des progrès. C'est moi qui ai fait en sorte, par mes actions, M. le Président, de susciter cette cohésion au Québec, cette unanimité, même. J'ai réuni à une même table, à un même endroit, tous les acteurs, qu'ils soient du monde syndical, patronal, et j'ai été le catalyseur, M. le Président, qui a fait en sorte de susciter ce consensus.

M. Léonard: Il n'est pas fort, M. le Président.

M. Bourbeau: Consensus qui a été reconnu, M. le Président, comme étant tellement fort que l'ancien gouvernement conservateur avait, à toutes fins pratiques, reconnu l'importance d'accorder au Québec un guichet unique, et il n'est pas dit du tout que le gouvernement fédéral n'y viendra pas non plus. Alors, le député conclut un peu rapidement. De toute façon, M. le Président, nous avons beaucoup plus fait pour faire avancer ce dossier-là, le gouvernement du Parti libéral, que le Parti québécois, qui n'avait strictement rien fait. Alors, on peut bien nous blâmer de ne pas avoir une victoire totale, une victoire à 100 %, mais il reste quand même que le dossier a progressé énormément.

Quand je voyais, M. le Président, au cours des jours derniers, certaines personnes qui, disait-on, se mutinaient à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre... Sur un conseil d'administration de 19 personnes, on en nommait trois, à ma connaissance, qui se seraient réunies pour tenter de voir si on ne pouvait pas faire des pressions additionnelles et, sur ces trois-là, enfin, que j'ai pu voir, trois ou quatre, il y en avait un qui n'était même pas membre du conseil d'administration. Alors, on parle d'une mutinerie et il n'y en a même pas un qui est marin à bord du bateau. Il n'est même pas dans ce bateau-là, M. le Président, il pilote un avion. Alors, on nous parle d'une mutinerie à bord d'un bateau, et il y a un individu qui n'est même pas à bord du bateau et qui vient prétendre fomenter le trouble à l'intérieur d'un organisme dont il n'est même pas membre. On parle évidemment, bien sûr, tout le monde le sait, du président de la CSN, M. Gérald Larose, qui, à ma connaissance, n'a jamais été membre du conseil d'administration de la SQDM et qui vient faire son petit tour de passe-passe politique – on sait, M. le Président, que c'est un grand ami de l'Opposition officielle – qui vient faire croire aux gens qu'il est membre du conseil de la SQDM et qu'il se révolte. Pour se révolter, il faut au moins être membre du club, hein?

Un autre membre, M. le Président – on ne s'étonnera pas – est M. Richard Le Hir, candidat du Parti québécois, officiel ou enfin présumé, dans le comté d'Iberville. Alors, lui aussi vient se rebeller. Bien sûr, chaque fois qu'il peut faire des vagues et blâmer le gouvernement...

(11 h 20)

M. Léonard: Et la taxe de vente, elle?

M. Bourbeau: ...de quelque façon que ce soit, il le fait. Mais quelle crédibilité peut avoir un geste comme celui-là quand on sait qu'il est essentiellement politique et n'a rien à voir avec les intérêts fondamentaux de la SQDM ou encore du Québec? M. le Président, ce n'est pas très sérieux.

Revenons à nos moutons, M. le Président, parlons donc de la taxe de vente. Le député de Labelle sait fort bien que le gouvernement du Québec tient mordicus à conserver l'administration de ses taxes. Nous avons un ministère du Revenu au Québec, et il n'est pas question d'abandonner ces prérogatives-là. Dans les discussions que nous tenons avec le gouvernement fédéral, bien sûr, chacun a ses positions de départ, c'est normal. Un bon négociateur ne met pas sur la table, au départ, toutes ses options. Idéalement, dans un monde idéal, le fédéral voudrait atteindre certains objectifs; le Québec tient mordicus à ses principes de base, que j'ai énumérés tout à l'heure. Nous avons l'avantage, M. le Président, d'occuper le terrain: la TVQ, actuellement, est gérée par le gouvernement du Québec, nous avons l'infrastructure pour le faire, et le Québec, en aucune façon, ne renoncera à ses prérogatives en matière de taxes.

Dans les régimes de taxes qui sont envisageables ou à envisager, il y a toute une panoplie de possibilités. On pourrait, par exemple, revenir à la taxe de vente au détail, que certaines provinces ont encore au Canada. On pourrait penser à une taxe sur les opérations commerciales ou, si vous voulez, une taxe sur le revenu brut des entreprises – ce serait une possibilité – ou encore une taxe sur la valeur ajoutée avec facture, une TVA, comme on a en France.

M. Léonard: Vous parlez de la TPS ou de la TVQ?

M. Bourbeau: Je parle des taxes de vente en général qui seraient unifiées au Canada.

M. Léonard: Ah! de l'ensemble; les deux additionnées.

M. Bourbeau: Oui, une taxe sur la valeur ajoutée, une TVA qui pourrait être... On pourrait avoir une TVA, dont une partie serait fédérale et une partie québécoise, mais intégrée. Alors, toutes ces possibilités sont sur la table, mais, présentement, il n'y a absolument aucune espèce de décision de prise. Il y a des discussions qui se tiennent au niveau des fonctionnaires, et les ministres des Finances, lors de la réunion du mois de juin, en traiteront également.

(Consultation)

M. Bourbeau: Je rappelle, M. le Président, que le Québec, quant à lui, souhaite conserver ses prérogatives, insiste pour que ce soit la province, le Québec, qui perçoive la taxe. Comme vous le savez, les provinces ont le droit de percevoir les taxes directes; alors, nous, nous maintenons évidemment ces principes. On verra éventuellement quelles seront les décisions de la Cour suprême du Canada dans une cause qui est présentement inscrite et où on tente de définir exactement ce qui est une taxe directe, ce qui est une taxe indirecte et si, par exemple, la taxe multistade dont parlait le député pourrait être interprétée comme une taxe directe. La question n'est pas encore tranchée de façon définitive.

M. Léonard: Oui, mais je trouve, M. le Président, qu'il y a eu de grands détours, où le ministre s'est cru obligé de justifier son passé, son successeur étant incapable de le faire, si je comprends bien, à sa satisfaction à lui. Alors, je vois qu'il prend le relais.

M. le Président, je trouve que sa réponse est très vague en ce qui concerne la taxe de vente TPS. On sait que la TPS provient d'une taxe à la fabrication, l'ancienne taxe de vente fédérale, qui est perçue à différents stades de la production, alors que la TVQ est perçue lors de la vente. Au fond, comment pense-t-il intégrer le tout? Parce que, un des problèmes que même les marchands ou les manufacturiers constatent à l'heure actuelle, c'est qu'il s'agit vraiment de deux taxes fondamentalement différentes. On l'a harmonisée de force, mais ceux qui en portent le poids, de l'harmonisation, ce sont les marchands, ce sont les manufacturiers, à l'heure actuelle, qui essaient de se dépatouiller d'un système administratif d'une extrême lourdeur. S'il y a une chose que le ministre devrait reconnaître, c'est bien celle-là. Tout le monde s'en plaint.

Je comprends que tout le monde veut simplifier. Le fédéral dit: Je veux simplifier. Puis le Québec aussi dit cela. Mais, en réalité, où nous mènent ces négociations? Quelles sont les perspectives? Au fond, le fédéral va vouloir ou aimerait avoir une seule taxe, une seule taxe pareille partout dans le Canada. Alors que déjà les taux sont très différents d'une province à l'autre et que même les systèmes sont différents, comment le ministre pense-t-il pouvoir faire valoir son point de vue? Et est-ce qu'il va tenir mordicus – parce qu'il a dit qu'il voulait percevoir – à l'harmonisation? En d'autres termes, est-ce que, au cours du processus, on ne sera pas amené, pour le fédéral, à percevoir sa taxe et, pour le Québec, à percevoir la sienne? Donc, ce qui nous avait été vendu comme étant la vertu suprême – l'harmonisation – au mois d'août 1990 risque de faire les frais des discussions à l'heure actuelle.

M. Bourbeau: M. le Président, c'est sûr que l'harmonisation, c'est un objectif qui est souhaitable. Plus c'est harmonisé, plus c'est simplifié, plus ça simplifie la vie de nos entreprises. Mais cette harmonisation-là, elle ne doit pas se faire à n'importe quel prix. Présentement, le député de Labelle l'a bien indiqué, les deux taxes ne s'appliquent pas de la même façon, la taxe québécoise s'applique à la fin, mais n'oublions pas qu'elle a quand même un remboursement pour les intrants aux entreprises. Ça, ça n'existait pas sous l'ancien système et c'est de nature à favoriser les exportations. Alors, c'est un aspect qui est positif.

Si jamais la Cour suprême en venait à la conclusion que, oui, on peut appliquer la taxe du Québec à chaque stade, comme le fédéral le fait, et que ce n'est pas considéré comme une taxe indirecte, à ce moment-là, on pourra pousser plus loin encore l'harmonisation. On verra; on verra. De toute façon, on est déjà plus harmonisé au Québec que toutes les autres provinces canadiennes qui n'ont pas du tout de taxe de ce type-là, qui ont seulement une taxe de vente ordinaire. Alors, disons pour l'instant qu'on est mieux harmonisé que les autres, donc, tant mieux pour nous, et on pourrait peut-être l'être encore plus si, éventuellement, les jugements de cour nous permettaient de le faire.

M. Léonard: Je comprends, mais, si le gouvernement fédéral enfourche le cheval de l'uniformisation partout dans le Canada, il faut être conscient, par exemple, qu'en Alberta il n'y a pas de taxe de vente, alors qu'ici, au Québec, il y en a une générale de 6,5 %. Qu'est-ce que ça veut dire pour l'Alberta? Qu'ils vont devoir imposer une taxe de vente de 6,5 % qui va se retrouver dans les coffres du fédéral? C'est leur problème, vous allez me dire, mais, comme vous êtes fédéraliste, vous êtes obligé de concevoir les problèmes de l'ensemble et d'essayer de régler celui des autres au Québec aussi. Est-ce que cela veut dire que l'Alberta va embarquer dans le système ou pas?

M. Bourbeau: Ça prouve justement...

M. Léonard: Les négociations?

M. Bourbeau: Ça prouve justement, M. le Président, qu'on est loin de cet objectif qui voudrait faire en sorte d'avoir un seul taux de taxe au Canada ou de rendre la taxe obligatoire. Il n'y a pas un gouvernement fédéral qui va obliger une province à taxer contre son gré. Alors, il s'agit de négociations qui commencent, qui vont durer encore pendant une bonne année, une année et demie, et où chacun va devoir prendre acte de la réalité. Peut-être, à un moment donné, on va voir que la réalité va rejoindre la fiction.

M. Léonard: Est-ce que cela implique qu'il y ait des changements constitutionnels dans le cours de ces négociations?

M. Bourbeau: M. le Président, si jamais...

M. Léonard: Est-ce que vous avez cerné des points où il devrait y avoir des modifications à la Constitution pour qu'on puisse uniformiser?

M. Bourbeau: M. le Président, il est trop tôt pour me prononcer là-dessus, mais, si le fédéral, par exemple, voulait permettre aux provinces de percevoir des taxes indirectes, possiblement que le Québec accepterait un changement à la Constitution dans ce sens-là. Mais je parle à titre personnel. On n'en a pas discuté encore, c'est trop tôt encore pour le faire. Mais, si le fédéral est prêt à faire des gestes concrets pour permettre une harmonisation plus grande, on verra.

Chose certaine, c'est que le Québec, quant à lui, tient aux principes que j'ai énoncés tout à l'heure, les principes de base. Je les répète, M. le Président, les éléments suivants: la taxe directe – et on veut que ce soit une taxe directe parce que c'est le type de taxe qui nous est permise par la Constitution – qui pourrait être prélevée par le Québec; nous tenons également au maintien de l'administration provinciale des taxes; nous voulons conserver les choix de la politique fiscale – nous considérons très important de le faire – l'obligation pour les commerçants d'indiquer ou d'afficher le prix total de la transaction, incluant la TPS et la TVQ, c'est-à-dire, le prix incluant les taxes au niveau du commerce au détail et, finalement, comme option, nous privilégions le maintien du régime actuel, mais avec des mesures de simplification. Alors, c'est la position que nous adoptons, M. le Président. Elle peut évoluer au cours des mois de l'année qui vient, mais les principes de base doivent être maintenus.

(11 h 30)

M. Léonard: Juste avant de terminer sur ce chapitre de la taxe, M. le ministre – on va passer à d'autres sujets – je voudrais poser peut-être des questions précises. Est-ce qu'il y a eu des évaluations de faites au ministère des Finances ou du Revenu sur les coûts de la contrebande d'alcool pour le gouvernement et les coûts du travail au noir, comme le fédéral semble le faire à l'heure actuelle? Est-ce que, au gouvernement du Québec, il y a quelques études qui ont été faites des coûts d'évasion fiscale: travail au noir, contrebande du tabac, de l'alcool, etc.?

(Consultation)

M. Bourbeau: M. le Président, il est très difficile de sortir un chiffre précis sur...

M. Léonard: Un ordre de grandeur.

M. Bourbeau: ...les coûts de la contrebande d'alcool parce que, justement, si on était exactement au courant des chiffres précis, on saurait qui la fait puis comment ça se fait, puis on pourrait y mettre fin tout de suite.

M. Léonard: Oui, je comprends.

M. Bourbeau: Alors, il y a toute la panoplie des chiffres, M. le Président, qu'on peut voir. Il y a des gens qui prétendent que ça coûte 350 000 000 $; d'autres 100 000 000 $. On n'a pas plus d'assurance, évidemment, que c'est l'un ou l'autre de ces chiffres-là, mais on pourrait probablement dire...

M. Léonard: Ce serait une fourchette, ça, entre 100 000 000 $ et 350 000 000 $.

M. Bourbeau: ...que ça se situe peut-être quelque part entre les deux, mais probablement dans la partie inférieure.

M. Léonard: Puis le travail au noir, est-ce que... Il y a eu des études de faites par des professeurs-chercheurs de l'Université Laval, en particulier, puis il y a eu aussi des statistiques sorties par le gouvernement fédéral. Est-ce que le ministère des Finances ou le ministère du Revenu ont au moins des estimations? Je comprends qu'on ne soit pas au sou près, c'est sûr, mais est-ce qu'il y a des estimations, des ordres de grandeur, à tout le moins?

(Consultation)

M. Bourbeau: M. le Président, il y a eu toutes sortes d'études qui ont été publiées. Il y en a une récente faite par le professeur Rabeau, je crois, de l'Université de Montréal. Il est extrêmement difficile... Et souvent ces études-là, M. le Président, se contredisent l'une l'autre. Certains sont très pessimistes, d'autres estiment que ce n'est pas si important qu'on le pense. Encore – je prends un peu la même argumentation que tout à l'heure – si on pouvait cerner avec beaucoup de certitude le travail au noir, c'est qu'on pourrait l'identifier très clairement et on pourrait à ce moment-là intervenir auprès des contrevenants. Comme c'est de la nature même du travail au noir que d'être souterrain, d'être invisible, il est bien difficile d'en déterminer le coût; mais disons qu'au ministère des Finances on est plutôt porté à penser que les coûts sont plutôt dans la fourchette inférieure que supérieure de ce qui a été avancé un peu partout par les experts et que ça pourrait peut-être se situer autour de 3 %, 4 % ou 5 %, plutôt que les 10 % ou 15 % que certains ont énoncés.

M. Léonard: Entre 3 % et 5 % du PIB, selon vos estimations à vous.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le ministre. Nous allons suspendre nos travaux environ cinq minutes, M. le député de Labelle?

M. Léonard: Oui, cinq minutes.

Le Président (M. Lemieux): Alors, à la demande du député de Labelle, nous suspendons pour environ cinq minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 34)

(Reprise à 11 h 42)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux. La parole est à M. le député de Labelle.


Transferts fédéraux

M. Léonard: M. le Président, je voudrais aborder une autre question, qui est celle des transferts fédéraux. Il reste que, dans les transferts fédéraux, on voit qu'il y a des variations significatives au cours des années. Cette année, il y a 7 733 000 000 $ prévus au budget, alors que l'an prochain cela baisse à 7 074 000 000 $, donc une diminution de presque 700 000 000 $. Et les années subséquentes, l'année suivante aussi; une autre diminution additionnelle de 500 000 000 $, donc, en l'espace de deux ans. Puis 200 000 000 $ par la suite, un autre 100 000 000 $ en 1998-1999. On voit que le fédéral se retire de façon accélérée de ces programmes de transferts. Remarquez qu'on peut toujours se poser la question de ce qu'ils faisaient là parce que, au fond, ça aurait été mieux de transférer des points en impôt; ça aurait été plus conforme, d'ailleurs, à la Constitution. Mais on voit que le Québec est en train de se faire jouer un vilain tour; les revenus de transferts fédéraux sont en diminution, en chute libre, de 700 000 000 $ l'an prochain et de 500 000 000 $ par la suite, donc 1 200 000 000 $ sur deux ans, de façon récurrente, plus d'autres après.

M. le Président, j'aimerais ça que le ministre nous fasse le point sur ces négociations par rapport aux transferts fédéraux. En Chambre, il nous reporte toujours au budget; ensuite, il nous reporte à des rencontres qu'il doit y avoir. Est-ce que, à un moment donné, on peut avoir l'heure juste sur les positions du Québec, sur l'état des négociations avec le gouvernement fédéral, sur là où on se dirige par rapport à ces transferts fédéraux? Ça lui ouvre une porte toute grande.

M. Bourbeau: M. le Président, quand on parle des transferts fédéraux, il faut considérer les transferts totaux. Bien sûr, il y a les transferts financiers, mais il y a aussi, comme le disait le député, la question des points d'impôt. Si on regarde uniquement les transferts financiers, oui, il y a une légère diminution sur la période: ça passe de 6 772 000 000 $ en 1991-1992 à 6 235 000 000 $ en 1998-1999. Si on regarde les transferts totaux, ça part de 11 866 000 000 $ en 1993-1994 pour se terminer à 12 300 000 000 $ en 1998-1999. On voit donc qu'il y a quand même une légère augmentation des transferts totaux sur la période de 1993-1994 à 1998-1999. Le taux de croissance moyen est de 0,7 % sur la période; donc, c'est légèrement en hausse si on regarde la totalité.

Maintenant, comment expliquer l'évolution à la baisse des transferts financiers? Comme je l'ai mentionné dans le discours sur le budget, M. le Président, la part des transferts fédéraux dans les revenus budgétaires devait passer de 29,8 % en 1983-1984 à 21,5 % en 1993-1994, donc sur une période de 10 ans, et cette part devrait continuer de décroître dans les années à venir. Ça ne veut pas dire que les montants eux-mêmes vont décroître, mais que la part dans le budget va décroître. Il est d'ailleurs prévu que les transferts financiers fédéraux diminueront en valeur absolue à chaque année d'ici 1998-1999, comme on l'a mentionné tout à l'heure.

La baisse des transferts financiers, à chaque année de l'horizon de prévision, reflète le fait que les points d'impôt croissent plus rapidement que la contribution fédérale totale aux programmes de transferts aux provinces. Faible hausse de la contribution totale du gouvernement fédéral qui résulte des gels du fonds de financement des programmes établis; des mesures de dernier recours du fédéral au Régime d'assistance publique du Canada et à la partie enseignement postsecondaire du financement des programmes établis; du désengagement fédéral des programmes à frais partagés.

Maintenant, la croissance des points d'impôt, elle est généralement plus rapide que le PIB. Comme les transferts de points d'impôt sont déduits de la contribution totale pour obtenir les transferts financiers, ces derniers diminuent d'année en année. Cependant, il ne faut pas oublier que les points d'impôt sont des revenus que le gouvernement du Québec perçoit et qui sont donc inclus dans les transferts autonomes. Bien que l'évolution des transferts financiers s'explique techniquement, il n'en demeure pas moins qu'elle constitue un problème majeur pour les finances publiques du Québec.

Maintenant, comment le gouvernement du Québec réagit-il aux coupures des transferts aux provinces qui ont été annoncées par le ministre fédéral des Finances dans son dernier budget? Même si le gouvernement fédéral doit réduire son déficit et couper ses dépenses, il ne doit pas le faire sur le dos des provinces, comme je l'ai dit à l'Assemblée nationale et comme je l'ai répété. En effet, il n'y a qu'un seul payeur de taxes au Canada, et pelleter purement et simplement le déficit fédéral dans la cour des provinces ne règle pas du tout le problème du déficit et de la dette au Canada. Pour régler véritablement le problème du déficit et de la dette au Canada, il faut ramener l'ensemble du secteur public canadien à sa mission fondamentale. Cela signifie notamment remettre en question chacun des programmes de dépenses des gouvernements, éliminer les programmes les moins utiles et ne garder que ceux qui sont essentiels, s'assurer que les services sont rendus au plus bas coût possible, éliminer les chevauchements et les duplications entre les divers paliers de gouvernement – et ça vaut autant pour le fédéral que pour le provincial et pour le palier municipal aussi – et réformer les transferts aux provinces afin de les ramener à leurs objectifs fondamentaux.

M. le Président, le Québec demande depuis plusieurs années une réforme des transferts aux provinces et a déjà identifié les objectifs fondamentaux qu'il devrait poursuivre, c'est-à-dire, premièrement, faire en sorte que la redistribution de la richesse au Canada soit suffisante pour permettre aux gouvernements provinciaux d'offrir à leurs concitoyens des services publics comparables à des taux de taxation comparables; deuxièmement, faire en sorte que les provinces disposent des revenus adéquats ou des ressources adéquates, si vous voulez, pour assumer leurs responsabilités, soit en modifiant le partage des champs fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, soit en faisant en sorte que le gouvernement central verse des transferts aux provinces pour compenser leurs ressources inadéquates; troisièmement, respecter les compétences provinciales et favoriser l'efficacité du secteur public au Canada. En effet, les transferts aux provinces doivent confirmer les compétences provinciales et ne pas être un prétexte pour des interventions fédérales accrues dans les domaines de compétence provinciale.

Maintenant, dire que la réduction du déficit fédéral passe nécessairement par une réduction des transferts aux provinces, c'est, selon nous, mettre la charrue devant les boeufs. Il faut d'abord se rappeler à quoi servent les transferts aux provinces et se demander s'ils sont actuellement à un niveau qui leur permet d'atteindre leurs objectifs.

(11 h 50)

Finalement, même si la situation financière du gouvernement fédéral semble précaire présentement, certaines études ont montré que ce sont les dépenses des provinces et non celles du gouvernement fédéral qui subiront le plus de pression dans l'avenir; par exemple, dans le domaine de la santé. Il faut donc que le gouvernement fédéral réduise d'autres catégories de dépenses moins essentielles avant de couper dans ses transferts aux provinces. Voilà, M. le Président, l'essentiel de la position du gouvernement du Québec sur cette affaire.

Le Président (M. Lemieux): Pour 40 secondes, M. le député de Labelle. Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata a demandé la parole tout à l'heure.

M. Léonard: Pour 40 secondes?

Le Président (M. Lemieux): Oui, il vous reste 40 secondes.

M. Léonard: Comment le ministre peut-il penser que le fédéral va se rendre à ses positions, à l'heure actuelle, alors que le fédéral lui-même est en déficit considérable, encore plus important, deux fois plus important, toutes proportions gardées, que le déficit des provinces ou que le déficit du Québec, notamment? Alors, quelles sont ses lueurs d'espoir au bout du tunnel? Parce que, de façon pratique, là, même son chef, en commission parlementaire il y a quelques semaines, nous a dit: Écoutez, il n'y a pas beaucoup d'autres choix que de couper les transferts fédéraux si on veut vraiment diminuer le déficit fédéral. Alors, il y a quand même une contradiction à l'intérieur même de l'actuel gouvernement entre le ministre des Finances et le premier ministre désigné. C'est ça.

M. Bourbeau: M. le Président, il faut faire une distinction entre la situation présente des finances du gouvernement fédéral et celle qui est anticipée dans les années à venir. Aujourd'hui, si on regarde la situation, ç'a l'air très triste et très dramatique même, l'état des finances publiques fédérales, mais les études qu'on a pu faire, qu'on a pu voir, indiquent qu'à moyen terme et à long terme la situation est beaucoup moins tragique en ce qui concerne l'avenir des finances fédérales que ce qu'on pourrait croire.

Le fédéral a déjà posé des gestes concrets au cours des dernières années qui, vraisemblablement, vont faire en sorte de corriger assez rapidement la situation de ses finances publiques; l'instauration, par exemple, de la TPS. Bon, en période de récession, bien sûr, ç'a n'a pas rapporté autant qu'on aurait voulu, mais, en période de croissance économique, c'est susceptible de rapporter beaucoup. Le fédéral a aussi posé des gestes comme, par exemple, la réforme de certains programmes comme le programme d'assurance-chômage qui, déjà, là, donne des résultats en termes de diminution des coûts. On veut aussi faire des réformes dans d'autres domaines. Si le fédéral, M. le Président, s'attaque le moindrement à la tâche de réduire ses dépenses de fonctionnement, qui sont beaucoup trop élevées selon un grand nombre d'observateurs, on pourrait très bien voir assez rapidement les finances du gouvernement fédéral se redresser d'une façon qui pourrait être assez spectaculaire, même au cours des prochaines années, alors que les provinces, elles, ayant hérité, de par la Constitution, de champs d'action, de responsabilités qui sont susceptibles de croître encore avec le temps, c'est-à-dire la santé, l'éducation, etc., pourraient voir leur situation se détériorer.

Comme je viens de le dire, M. le Président, les services de première ligne à la population, c'est le gouvernement du Québec qui les donnent. Qu'on regarde le domaine de la sécurité du revenu, par exemple, bon, il est sous la responsabilité du Québec; bien sûr, le fédéral en paie une partie, mais c'est le Québec qui est sur la ligne de feu. Même chose pour la santé, les services sociaux; même chose pour l'éducation à tous les niveaux. Ce sont des responsabilités qui encourent des coûts de service qui vont toujours grandissant parce que les coûts d'éducation augmentent continuellement, les coûts de la santé augmentent avec le vieillissement de la population, et le fédéral, lui, se contente, M. le Président, d'être en deuxième plan, si vous voulez, et fait les transferts de fonds, les transferts financiers, les transferts fiscaux. Les coûts d'administration de ces programmes-là sont beaucoup moins importants pour le fédéral que pour les provinces, qui sont sur la ligne de feu. Alors, à moyen terme, on peut très bien envisager que le fédéral puisse facilement réduire considérablement ses frais de fonctionnement, ses coûts d'administration, sans avoir à couper dans les transferts aux provinces d'une façon indue.

M. Léonard: Est-ce que le ministre partage l'objectif que se sont donnés beaucoup de pays de la Communauté économique européenne de ne pas dépasser 3 % de leur PIB en termes de déficit des administrations publiques, toutes administrations publiques confondues? Lorsque l'on regarde le budget fédéral, effectivement, dans le dernier budget, l'objectif du gouvernement fédéral, c'est de ramener le déficit fédéral à 3 % du PIB; 24 000 000 000 $, c'est pratiquement 3 % du PIB dans deux, trois ans, quatre ans. Et cela implique, à toutes fins pratiques, que les provinces auront un budget en équilibre. Est-ce que le ministre des Finances du Québec partage cette approche ou ces objectifs?

M. Bourbeau: M. le Président, les objectifs que nous recherchons, c'est d'atteindre le point zéro, le déficit zéro...

M. Léonard: Au Québec, ça.

M. Bourbeau: ...au Québec; donc, ça serait 0 % du PIB. Déjà, nous sommes en bas de 3 %; c'est 2,7 %, je crois, cette année.

M. Léonard: Oui, mais, M. le Président, je voudrais juste rappeler au ministre que le déficit fédéral équivaut à 6,3 % du PIB, déficit auquel il faut ajouter le déficit même du Québec, et nous sommes à 9 % du PIB. Donc, quand on parle de toutes administrations publiques confondues, on est à 9 %, et l'objectif des pays de la CEE, c'est 3 %.

M. Bourbeau: M. le Président, j'allais répondre au député que, si c'est à 9 %, comme il le dit...

M. Léonard: Oui, c'est le total des deux.

M. Bourbeau: ...si jamais, par hasard, M. le Président, et Dieu nous en garde, le Parti québécois atteignait ses objectifs de séparer le Québec, M. le Président, on se retrouverait, le lendemain de la séparation, avec un chiffre de 9 % ou 10 %. Le déficit du Québec serait de 9 % ou 10 % du PIB, et là ça serait vraiment tragique.

Le Président (M. Lemieux): Votre temps est terminé.

M. Léonard: Mais, M. le Président, sur cet échange-là, je pense qu'il faudrait quand même...

Le Président (M. Lemieux): Oui, mais... Consentement?

M. Bourbeau: Oui, oui, consentement, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Consentement, M. le député de Labelle.

M. Bourbeau: On entretient des bonnes relations avec l'Opposition, M. le Président.

M. Léonard: Il reste que, qu'on soit fédéraliste... Même si on est fédéraliste, la réalité, c'est 6,3 % au fédéral plus 2,7 % au Québec; c'est 9 % dans le système fédéral, à l'heure actuelle, applicables au Québec. On peut peut-être dire que c'est 8,8 % ou 9,2 %, ça, c'est autre chose, mais c'est autour de 9 %, total. Je pose la question au ministre, s'il partage l'objectif d'atteindre un déficit de 3 %, si ça ne doit pas être un des objectifs fixés à la politique budgétaire des gouvernements, fédéral et Québec.

M. Bourbeau: Excusez, M. le Président, j'allais, tout à l'heure, poursuivre. J'ai commencé par parler du volet Québec; le volet fédéral... Bien sûr, le gouvernement du Québec n'a pas de responsabilité comme telle sur le déficit fédéral, mais il m'apparaît, quant à moi, que 3 % dans trois ans, c'est quand même très haut encore, et on devrait viser, au fédéral comme dans toutes les provinces canadiennes, à réduire le déficit à zéro le plus tôt possible. Et je ne vois pas pourquoi le gouvernement fédéral ne pourrait pas y arriver.

Comme je le disais tout à l'heure, M. le Président, si le gouvernement fédéral était vraiment décidé à mettre fin aux chevauchements et aux duplications, s'il était décidé à se retirer de tous les champs de juridiction qui sont ceux des provinces, bien sûr avec compensations dans les cas où ça s'impose, si le fédéral décidait de faire le ménage dans son propre jardin, M. le Président – et Dieu sait qu'il y a encore beaucoup de ménage à faire, le fédéral a des leçons à retirer des provinces en ce qui concerne l'administration de ses propres budgets – si le fédéral faisait ces efforts-là, je suis convaincu que le taux de 3 % du déficit fédéral par rapport au PIB, ce serait trop élevé, et le fédéral pourrait, comme les provinces, anticiper à très court terme, d'ici quelques années, réduire son déficit, non pas à 3 % du PIB, mais à zéro.

Quant à moi, M. le Président, je formule le voeu que le gouvernement fédéral annonce le plus tôt possible son intention de faire en sorte que son déficit aussi puisse rejoindre le point zéro, tout ça dans le plus grand intérêt des contribuables canadiens...

M. Léonard: Mais...

M. Bourbeau: ...et aussi, M. le Président, toujours pour faire en sorte que nos enfants héritent un jour non pas d'un amoncellement de dettes, mais d'une situation économique saine pour l'avenir.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle.

M. Léonard: Il y a quand même une question qui se pose, parce que, quand le ministre parle de l'administration fédérale, il y a une certaine ambiguïté. Si on parle de son administration, de ses fonctionnaires, etc., il faut constater que la part du budget fédéral dévolue aux coûts administratifs du gouvernement fédéral est mince par rapport à l'ensemble du budget fédéral. Et, lorsque le ministre dit qu'il y a possibilité de rationaliser, ça veut dire, à mon avis, qu'il va aller dans le coeur même des grands programmes, et l'un de ceux-là, ce serait justement celui des transferts aux provinces. Donc, s'il partage l'objectif de réduire le déficit fédéral à une norme maximum de 3 % du PIB, comme les pays de la CEE, il faut qu'il dise comment il pense que le fédéral doit l'atteindre, la réduction de son déficit, parce qu'il passe de 6,3 % à 3 %, à l'heure actuelle; et lui, ça implique zéro. Si, en plus, il veut zéro au fédéral, qu'il se rende compte des milliards que cela implique.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président...

M. Léonard: Je pense que, comme fédéraliste, il ne peut pas être indifférent à cette question-là, il est partie du même système.

M. Bourbeau: Il faut toujours faire attention, M. le Président, quand on parle de statistiques. Le député dit...

M. Léonard: Bien, ce ne sont pas des statistiques.

(12 heures)

M. Bourbeau: ...que la part du budget fédéral qui est consacrée à l'administration est faible. C'est facile d'avoir une part faible...

M. Léonard: ...relativement...

M. Bourbeau: ...on n'a qu'à dépenser beaucoup. Plus on dépense, plus on a l'air fin. J'ai vécu ça à quelques reprises dans le passé, dans l'administration publique, M. le Président. À un moment donné, il s'agit...

M. Léonard: Ce n'est pas ça, la question, là.

M. Bourbeau: ...qu'un gouvernement devienne un grand dépensier pour faire en sorte que la part relative affectée aux frais de fonctionnement diminue toujours, de sorte qu'à la limite le gouvernement le plus endetté serait celui qui serait le mieux administré. C'est simple, M. le Président, le fédéral, par exemple, a une dette énorme. Évidemment, cette dette-là fait partie de ses dépenses.

M. Léonard: Mais, M. le Président, le coût de toute la fonction publique fédérale, les dépenses de fonctionnement de la fonction publique, je pense que ça n'atteint pas 20 000 000 000 $, alors que son déficit est de 40 000 000 000 $. Ce que je dis au ministre, c'est qu'il est obligé d'affecter les programmes eux-mêmes, c'est ça. Ça dépend comment on entend «administration». Juste dans le sens fonction, coût interne de fonctionnement, c'est une chose, mais le fonctionnement des programmes, c'en est une autre. Et c'est là-dessus que je lui pose la question, parce qu'on ne s'en sort pas; on ne s'en sort pas.

M. Bourbeau: Le député n'écoute pas ce que je dis, M. le Président. J'étais exactement en train de prouver ça tantôt, avant qu'il ne m'interrompe. Le gouvernement fédéral a une dette tellement énorme qu'on peut dire que ses frais de fonctionnement par rapport à son budget total sont minimes ou enfin sont moins importants. C'est sûr que, si un gouvernement n'avait aucune dette, à ce moment-là ses frais d'administration, ses dépenses d'administration seraient plus importantes par rapport à son budget. Mais, si la dette grossit, grossit, grossit, à un moment donné la dette devient tellement importante que les frais d'administration prennent toujours une place relativement plus faible, et on pourrait prétendre que ce gouvernement-là, qui s'endette continuellement, est meilleur administrateur et devient de plus en plus meilleur administrateur parce que les coûts relatifs d'administration diminuent.

C'est une fausse économie, c'est uniquement parce que ses autres programmes deviennent tellement chers, tellement dispendieux que ça fait bien paraître les coûts d'administration. Mais il ne faut pas se leurrer avec ça, M. le Président. Quand on a un service de la dette énorme... Quand on fait des transferts, par exemple, il y a des services du gouvernement fédéral qui coûtent très cher et qui ne requièrent pas beaucoup de frais d'administration. Les compensations, par exemple, au RAPC, ça demande peut-être une équipe de 20 fonctionnaires pour calculer ça, alors ce n'est pas très dispendieux; mais les sommes d'argent sont énormes, c'est une dépense. Les compensations pour les autres programmes, le fonds des services établis, la même chose. L'ACDI, peut-être que c'est quelques millions de dollars et il n'y a peut-être pas grand monde qui administre ces fonds-là. Alors, c'est très, très difficile d'en venir à la conclusion que le gouvernement fédéral dépense peu ou moins que d'autres. Il faut regarder de quoi son budget est confectionné.

Le Président (M. Lemieux): Mme la députée de Témiscouata-Kamouraska.

Mme Dionne: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Oh! c'est le contraire, Kamouraska-Témiscouata.

Une voix: Un autre couplet!

Mme Dionne: Je pense, M. le Président, que tout député en cette commission a le droit de parler, hein?

Le Président (M. Lemieux): Effectivement.

Mme Dionne: C'est démocratique. Il est certain que, moi, je n'apprendrai rien au ministre des Finances parce que, le budget, il le connaît par coeur, c'est un fait. Par contre, je suis convaincue que, si le député de Labelle m'écoute un peu, il va apprendre des choses sur le budget.

M. Léonard: Très attentivement, Mme la députée.


Mesures fiscales touchant les personnes de 65 ans et plus

Mme Dionne: Alors, là, ce qu'il vient de me dire, c'est qu'il va m'écouter attentivement, M. le Président. Moi, je voulais juste souligner certaines mesures qui me semblent intéressantes. Ce mois-ci, on sait qu'il y a plusieurs personnes âgées qui se rencontrent dans différentes activités un peu partout à travers le Québec. Il y a certaines mesures du budget qui sont fort importantes pour ces personnes, et vous me permettrez, M. le Président, d'en souligner quelques-unes qui sont contenues dans le budget.

Tout d'abord, la majoration du crédit d'impôt pour les adultes qui hébergent leurs parents. Alors, c'est important, de plus en plus la population est vieillissante au Québec; il faut une solidarité familiale. Comme on est dans l'Année internationale de la famille, je pense que d'avoir majoré le crédit d'impôt, pour les adultes qui hébergent leurs parents, de 440 $ à 500 $ – c'est 2 000 000 $ de plus – c'est important et c'est encourageant pour ces familles qui hébergent leurs parents.

Si on regarde au niveau du Fonds des services de santé, vous vous souvenez, M. le Président, que plusieurs clubs de l'âge d'or, un peu partout dans mon comté et à travers le Québec, avaient demandé que le ministre des Finances révise la participation des personnes âgées à ce fonds de santé. Effectivement, il y a l'exclusion de la pension de vieillesse du revenu assujetti au Fonds des services de santé, et, ça, c'est important. Alors, ça relève les revenus de 9000 $ à 14 000 $; c'est 16 000 000 $ qui sont dans les poches des personnes âgées. Pour avoir discuté avec certains présidents de clubs de l'âge d'or, elles sont heureuses que ce pas ait été fait. Ce n'est pas tout ce que les personnes âgées demandaient, mais c'est un bon geste, important, et elles l'apprécient.

On regarde le nouveau crédit d'impôt remboursable pour les emplois familiaux, M. le Président. Ça, c'est intéressant parce que, de plus en plus, on a des personnes âgées qui ont besoin de se faire aider à ce niveau-là, qu'on prenne tous les services d'assistance aux tâches, aux activités de vie quotidienne des personnes âgées pour qu'elles puissent rester à la maison. Entre autres, l'entretien courant du logement, des vêtements, la préparation des repas et le magasinage. C'est vrai que c'est loin des transferts fédéraux, M. le Président, mais c'est quand même la réalité de la vie de plusieurs personnes âgées du Québec. Alors, ce nouveau crédit d'impôt remboursable s'adresse aux gens de 65 ans ou plus. Pour des revenus de 30 000 $ et moins, le remboursement, c'est 30 % des dépenses admissibles; donc, c'est un maximum de 3000 $.

Ce qui est intéressant – et je vais référer le député de Labelle à l'annexe A, page 37 – c'est la simplification des tâches de l'employeur. Je trouve que le ministère du Revenu a été innovateur – et le ministère des Finances également, bien sûr, parce que les grandes idées viennent souvent du ministère des Finances – dans sa mécanique...

M. Léonard: Et l'étude vient d'ailleurs. Ha, ha, ha!

Mme Dionne: ...pour pouvoir faciliter le travail des personnes âgées de 65 ans et plus qui vont devenir employeurs par le fait même. Alors, c'est intéressant, et je trouve qu'il y a une volonté là de faciliter le travail de nos personnes âgées. Je pense que ça va être intéressant pour elles; elles pourront en bénéficier, et ça va être facile d'application.

D'autre part, une nouvelle mesure qui a été demandée et qui est intéressante, c'est le report du paiement des impôts fonciers municipaux pour les personnes âgées de 65 ans et plus. Alors, comme vous le savez, M. le Président, je pense qu'une des parties importantes des joyaux d'un couple de 65 ans et plus, c'est quand il peut dire: J'ai encore ma maison, j'ai fini de la payer. Toutefois, cette maison, qu'il avait peut-être achetée ou construite à 20 000 $ ou 30 000 $, en coûte maintenant ou est évaluée à au-dessus de 100 000 $, ce qui fait que les impôts fonciers sont beaucoup plus élevés que ce que les personnes âgées peuvent se permettre de payer. Alors, elles ont le choix de vendre la maison, de se retrouver dans un HLM, dans un quatre et demi, n'ont plus de terrain, ne sont plus dans leurs biens personnels – c'était des fois le seul choix – ou de dire au maire de la municipalité: Écoutez, je vous paierai mes taxes quand je recevrai mon retour d'impôt ou quand je recevrai un cadeau, ou quelque chose comme ça. Bien des fois, ils n'avaient pas l'argent pour les payer et, pour des personnes âgées, c'est une question de fierté de pouvoir payer ses impôts fonciers.

Alors, la nouvelle mesure est en collaboration avec les unions municipales et ça permet justement à ces personnes de 65 ans et plus qui ont des impôts fonciers et des intérêts accumulés de reporter ce paiement selon une entente avec la municipalité, et la loi va être modifiée en ce sens. Les impôts fonciers, comme je le disais, M. le Président, seront exigibles au décès du propriétaire ou à la vente ou au transfert de la résidence.

Un point fort important – parce qu'il y a des conjoints, souvent – les conjoints survivants n'auront pas à payer les impôts fonciers et les intérêts accumulés. Alors, la même mesure s'applique pour les personnes de 65 ans, les propriétaires, mais aussi pour leur conjoint survivant, qui est aussi souvent une femme, comme vous le savez, M. le Président, parce que, de plus en plus, les femmes vivent plus longtemps que les hommes. On voit ça dans plusieurs couples; je pense que c'est important. Et on pourra aller jusqu'à 25 % de la valeur nette de la résidence. Alors, c'est une mesure qui est intéressante, et j'espère que toutes les municipalités du Québec, et particulièrement celles qui sont en région, accepteront de participer à cette mesure pour s'assurer que nos personnes âgées restent dans les régions, dans les petites municipalités bien des fois, et évitent, comme ça, d'être obligées de partir, de se retrouver dans une plus grande municipalité, loin de leur famille et de leurs amis.

Il y a aussi, bien sûr, le crédit d'impôt en raison de l'âge, pour les 65 ans et plus, qui est disparu dans certaines provinces, qui a été modifié au niveau fédéral, mais où il n'y aura pas d'harmonisation au niveau du Québec. Donc, c'est 24 000 000 $ encore qui restent dans les poches de nos personnes âgées. Je termine, M. le Président, en disant que la réduction d'impôt, qui touche à peu près 90 % de tous les contribuables du Québec, touche forcément des couples sans enfants, des couples qui sont à la retraite, des couples de 65 ans et plus; alors, c'est une mesure qui va sûrement être intéressante pour plusieurs personnes âgées.

M. le Président, je termine là-dessus. Comme vous le voyez, M. le député de Labelle, c'était très intéressant, vous pourrez en parler dans votre comté, et c'était premièrement très intéressant pour les personnes âgées un peu partout à travers le Québec. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la députée. M. le ministre, avez-vous des commentaires relativement à l'intervention de Mme la députée?

(12 h 10)

M. Bourbeau: Oui, M. le Président, je dois dire que la députée, ma collègue, mon adjointe parlementaire, fait état d'une connaissance assez approfondie du budget. On voit, M. le Président, qu'elle y a collaboré activement et qu'elle fait preuve d'une grande sensibilité à l'égard des personnes âgées, d'une grande connaissance aussi du milieu, du terrain. C'est une députée qui est fortement enracinée dans sa région, dans son comté; elle le démontre par les paroles très sensibles, très sensées aussi qu'elle prononce. M. le Président, c'est important pour un député d'être au courant des préoccupations de ses électeurs et de ses électrices et d'être à l'écoute aussi. Le député de Labelle aurait intérêt à écouter davantage la députée lorsqu'elle s'exprime sur la question.

Et ça m'amène justement, M. le Président, à me dire qu'en fait on a, dans le budget du gouvernement du Québec cette année, plusieurs mesures dont vient de parler avec éloquence ma collègue. Il y a d'autres mesures qui existent également au gouvernement du Québec qui viennent en aide aux personnes âgées et qu'on a parfois tendance à oublier. À partir du moment où ces mesures-là existent, parfois on les prend pour acquises et on les oublie. Laissez-moi vous en rappeler quelques-unes, M. le Président.

Je vous dirai que le gouvernement du Québec apporte des mesures concrètes pour appuyer spécifiquement les personnes âgées; exemple, en maintenant l'universalité du crédit d'impôt en raison de l'âge. Ma collègue vient d'en parler. Elle a également parlé de l'instauration d'un nouveau crédit d'impôt remboursable pour emplois familiaux qui s'adresse dans un premier temps aux personnes âgées et qui a pour but de réduire les coûts de certains services offerts à domicile et de simplifier les démarches d'employeurs. Également, en résumé de ce qu'il y a dans le budget, nous avons majoré le crédit d'impôt pour adultes hébergeant leurs parents en le portant de 440 $ à 550 $ en 1994; nous n'assujettissons plus la pension de la sécurité de vieillesse à la contribution de 1 % au Fonds des services de santé et, finalement, nous modifions la législation de façon à permettre aux municipalités d'offrir aux personnes âgées la possibilité de reporter le paiement de leurs impôts fonciers. Tout ça, M. le Président, on l'a dit. J'ajouterai que les personnes âgées bénéficieront également de la réduction de l'impôt aux contribuables de 500 000 000 $ qui a été annoncée ainsi que des modifications à la taxe de vente du Québec qui font passer la taxe de vente de 8 % à 6,5 % pour les biens.

En plus de ça, M. le Président, n'oublions pas que ces mesures-là s'ajoutent aux multiples mesures que le gouvernement du Québec a choisies pour les aider. Laissez-moi vous rappeler, par exemple, que, dans le régime fiscal, nous avons présentement ce crédit en raison de l'âge qui coûte au gouvernement, donc qui laisse dans les poches des contribuables, 190 000 000 $ par année. Ça, c'est le crédit en raison de l'âge. Les remboursements d'impôt foncier valent 47 000 000 $ au bénéfice des personnes âgées. Le crédit d'impôt pour la TVQ, 58 000 000 $, toujours pour les personnes âgées. Le crédit d'impôt pour revenu de retraite, M. le Président, on l'a oublié, celui-là, mais il coûte quand même 73 000 000 $, toujours pour le bénéfice des personnes âgées. Et que dire du crédit d'impôt pour adultes qui hébergent leurs parents? Un coût de 8 000 000 $ par année, avant le budget de cette année. Donc, il s'agit là de mesures qui s'additionnent les unes aux autres, qui vont toutes dans le sens, M. le Président, de venir en aide ou de simplifier la vie, ou d'adoucir la vie des personnes âgées.

Maintenant, dans les programmes de transferts, n'oublions pas Logirente, qui coûte à peu près 22 000 000 $ par année au gouvernement. Les HLM, les habitations à loyer modique, et le supplément au loyer dans les HLM, dans les habitations privées, coûtent 54 000 000 $ par année au gouvernement. M. le Président, c'est donc dire que, en plus des mesures dont vient de parler ma collègue, il y a déjà toute une panoplie d'autres mesures que le gouvernement a adoptées à l'égard des personnes âgées et qui font en sorte que les personnes âgées peuvent en bénéficier année après année.

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le député de Labelle.


Transferts fédéraux (suite)

M. Léonard: Oui, M. le Président. J'ai bien entendu, tout à l'heure, le ministre des Finances. Alors, on sait que, pour réduire même légèrement son déficit, Ottawa a coupé dans l'assurance-chômage; il a annoncé des réductions importantes de sa contribution au RAPC et au financement des programmes établis. Le ministre des Finances du Québec vient de nous dire qu'il souhaitait qu'Ottawa réduise son déficit à zéro rapidement.

M. Bourbeau: Mais pas sur le dos des provinces, M. le Président.

M. Léonard: Oui. Mais, en même temps, il veut avoir plus d'argent de la part d'Ottawa. Je voudrais juste lui rappeler une chose – j'ai fait venir entre-temps les chiffres: on se rappelle que le déficit fédéral annoncé dans le discours du budget est de 39 700 000 000 $, auxquels on peut ajouter quelques milliards suite à la montée du taux d'escompte de la Banque du Canada. Le point que je veux souligner, c'est que les dépenses totales des opérations de l'État, donc, du coût de fonctionnement du gouvernement fédéral, c'est 20 500 000 000 $. Bon, je vais demander au ministre où il doit couper, parce que, 20 500 000 000 $, ce sont les dépenses totales du gouvernement fédéral; 20 500 000 000 $.

Il peut décider, de la part du ministre des Finances, de rayer de la carte le gouvernement fédéral, il va rayer 20 500 000 000 $ de coût de fonctionnement. Je veux dire, là, on n'a plus de gouvernement fédéral, mais il reste encore, dans les opérations fédérales, à aller chercher un autre 20 000 000 000 $, 19 000 000 000 $. Où est-ce qu'il va les prendre? Qu'est-ce qu'il propose au gouvernement fédéral s'il ne veut pas que ça se fasse sur le dos des provinces? Est-ce qu'il propose de couper dans les pensions de vieillesse, de la sécurité de vieillesse? Est-ce qu'il propose de couper dans les transferts du gouvernement fédéral à l'assurance-chômage? d'abolir la défense? Si je comprends, il ne veut pas sabrer dans les transferts aux provinces. Où est-ce qu'il propose que le gouvernement fédéral modifie son budget pour arriver à zéro?

Pour instruire le ministre des Finances, je fais juste donner les chiffres qu'il y a ici. Principaux transferts aux particuliers: 40 800 000 000 $ au total. Sécurité de la vieillesse, c'est 20 600 000 000 $; assurance-chômage, 18 300 000 000 $; et puis allocation et pension des anciens combattants, 1 900 000 000 $. Ça, c'est le budget 1994-1995. Total: 40 800 000 000 $. Transferts monétaires aux autres administrations: 26 000 000 000 $. Ensuite, total des droits au titre des transferts aux particuliers: 37 000 000 000 $, etc. Des subventions, par la suite, 17 200 000 000 $, et puis des transferts aux sociétés d'État, 4 600 000 000 $; défense, 10 800 000 000 $; réserve nette des péremptions, 2 400 000 000 $. Alors, quand on prend tout le total, c'est 122 600 000 000 $. Je suppose que les frais de la dette ne comptent pas là-dedans; il est obligé de les payer, alors on arrive à des dépenses totales de 163 000 000 000 $, en comprenant les frais de la dette. Où est-ce que le ministre des Finances du Québec propose de faire quelques coupures au gouvernement fédéral, puisqu'il ne veut pas qu'on touche aux transferts aux provinces?

M. Bourbeau: M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.

M. Bourbeau: ...j'ai devant moi aussi la composition des dépenses budgétaires du gouvernement fédéral qui, pour l'année 1994-1995, se situent à la hauteur de 163 600 000 000 $.

M. Léonard: C'est ça.

M. Bourbeau: Là-dessus, M. le Président, le transfert aux particuliers est un peu au-delà de 40 000 000 000 $; 26 000 000 000 $ pour le transfert aux administrations – les administrations, c'est les provinces, forcément – on parle de 10 800 000 000 $ pour la défense; 44 700 000 000 $, autres – je n'ai pas fait une analyse exhaustive de «autres» – les dépenses de programmes, 122 600 000 000 $, puis, finalement, le service de la dette, 41 000 000 000 $.

M. le Président, vous avez dans «autres» et «défense», là, 54 000 000 000 $ qui, certainement, comportent beaucoup de dépenses d'administration et c'est des secteurs dans lesquels on peut couper. Dans les programmes, M. le Président, dépenses de programmes... O.K., ça, c'est le total des quatre autres. Alors, on peut certainement, M. le Président, dans les transferts aux particuliers de 41 000 000 000 $, aller chercher des compressions là-dedans si on réforme les programmes de façon à éviter les duplications et les dédoublements. Je présume qu'il doit y avoir des frais d'administration quelque par là-dedans aussi.

C'est difficile d'analyser le budget d'un autre gouvernement comme ça, M. le Président, sur le coin de la table, là, mais je serais surpris, très surpris que les dépenses de fonctionnement n'excèdent pas 20 000 000 000 $; ça dépend de ce qu'on comprend par des dépenses de fonctionnement. Il y a des coupures qu'on peut faire, M. le Président, dans bien des programmes sans affecter nécessairement les transferts aux provinces qui, si je comprends bien, se chiffrent à 26 000 000 000 $. Entre 26 000 000 000 $ et 122 000 000 000 $, il reste pratiquement 100 000 000 000 $ où on peut certainement trouver des compressions. Moi, je continue à penser qu'il y a moyen pour le gouvernement fédéral, sur une période de temps, de réduire son déficit au-delà des 3 % qui ont été annoncés, de façon à éventuellement en arriver à l'équilibre budgétaire, comme le gouvernement du Québec se propose de le faire d'ici cinq ans.

(12 h 20)

M. Léonard: Si je comprends bien le ministre, là, il dit: Il n'est absolument pas question de couper dans les paiements de transferts aux provinces. Donc, on est renvoyé à couper dans les programmes de transferts aux particuliers à l'intérieur de l'administration fédérale. Je comprends qu'à tout bout de champ, à toutes les deux phrases, il invoque les chevauchements, les dédoublements. Est-ce qu'on a fait des calculs au ministère des Finances pour savoir c'est quoi, les chevauchements et dédoublements applicables au Québec? Parce que, si vous en parlez avec autant d'éloquence, entre guillemets, c'est que ça doit s'appuyer sur quelque chose. Ce n'est pas simplement des mots remplis de vent, des ballounes, ça doit être quelque chose.

M. Bourbeau: M. le Président, je n'ai pas dit que je m'objectais à ce que le gouvernement fédéral diminue les transferts aux provinces; il pourrait très bien le faire dans le cadre d'un...

M. Léonard: Bien, en tout cas, c'est ce que votre premier ministre désigné a dit.

M. Bourbeau: ...réaménagement de la fiscalité, mais, pour ce faire – et là, j'espère que ceux qui vont écouter mes propos, M. le Président, vont les citer dans leur entièreté – il y aurait possibilité, par exemple, de réaménager la fiscalité de façon à ce que le fédéral se retire complètement, disons, de la santé – je la donne à titre d'exemple – retire ses transferts, mais réaménage les points d'impôt, par exemple, de façon à ce que le Québec ait un nombre de points d'impôt additionnel qui tienne compte des responsabilités inhérentes à la santé. À partir de ce moment-là, le Québec n'aurait plus de transferts fédéraux pour la santé, mais aurait les points d'impôt afférents, ce qui serait, à mon avis, une bien meilleure façon de suivre l'évolution des coûts. Les points d'impôt, évidemment, augmentant avec l'inflation et les coûts de la santé aussi, à ce moment-là, on aurait une simplification.

Ça pourrait se faire aussi pour l'aide sociale, la sécurité du revenu, où les ressources du gouvernement du Québec sous forme de points d'impôt pourraient évoluer à la hausse avec le temps – avec l'augmentation du coût de la vie, par exemple – pour tenir compte des coûts additionnels qu'occasionnent ces programmes-là. Donc, dans un cadre de réaménagement de la fiscalité canadienne, il est possible qu'effectivement il y ait des baisses de transferts financiers. Évidemment, ça devrait être compensé par un réaménagement des responsabilités et des transferts fiscaux, pour faire en sorte que les provinces aient les moyens de leurs responsabilités. La Constitution canadienne a donné aux provinces des responsabilités, il faut que la fiscalité supporte ces responsabilités-là, et tout ça dans un arrangement qui mette fin autant que possible aux chevauchements, aux duplications. Alors, chaque palier de gouvernement exerçant ses responsabilités devrait avoir les ressources financières afférentes. Et que ceux qui voudront me citer, M. le Président, me cite dans l'intégralité de ce que je viens de dire, y compris le député de Labelle.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle.

M. Léonard: J'ai toujours essayé de ne pas mal citer le ministre des Finances; d'ailleurs, c'est plutôt rare que je le fais. Je lis son budget, je passe mes propres remarques là-dessus. Le point, M. le Président, c'est que le ministre vient de dire: Oui, il faut réaménager la fiscalité dans l'ensemble canadien. Mais qu'est-ce qui l'empêche de le faire, actuellement? Il est fédéraliste, son gouvernement l'est, le gouvernement fédéral est fédéraliste par définition, qu'est-ce qui l'empêche de le faire? Parce que ce n'est pas la première fois qu'on entend ce qu'il dit aujourd'hui. Son argumentation évolue sur ce volet. Qu'est-ce qui l'empêche de le faire et puis de faire du ménage là-dedans?

J'arrive au deuxième volet: à tout bout de champ, il évoque les dédoublements et chevauchements. Ça aussi, qu'est-ce qui l'empêche de le faire, sinon que... Son approche a l'air complètement éthérée. C'est du rêve qu'il fait. Il fabule, en quelque sorte, parce que, au fond, le système auquel il croit l'amène à ne pas du tout aboutir à ce qu'il voudrait. En réalité, il faudrait qu'il change de côté de la table, puis là il comprendrait.

M. Bourbeau: M. le Président, le ménage, dans une fédération, ça se fait à deux. On ne peut pas faire le ménage seul, puisqu'on est dans une fédération; donc, il y a le gouvernement fédéral et il y a les gouvernements provinciaux. Le fédéral a convoqué les provinces, justement, à une opération de ménage, si je comprends bien. Alors, le député nous demande de faire le ménage. Je lui dis: Oui, on est d'accord. On a indiqué au gouvernement fédéral notre intention de participer à cette opération de réaménagement, si vous voulez, des responsabilités et également de l'équilibre fiscal qui doit accompagner ce réaménagement-là.

M. Léonard: M. le Président, tout à l'heure, on parlait de la taxe de vente; c'en est un, réaménagement. Le gouvernement fédéral, si je comprends bien, voudrait prendre le tout pour lui – assiette fiscale commune, taux de taxation uniforme, administration unique – de façon à assurer l'équité et la simplicité du système. Voilà un beau cas, on en a parlé tout à l'heure. Les négociations commencent, paraît-il. Les négociations commencent; où est-ce qu'on va se retrouver? En réalité, le discours qu'il vient de nous tenir n'est absolument pas accroché à la réalité fédérale actuelle, absolument pas. Ça tourne à vide dans son affaire.

M. Bourbeau: Si le député s'imagine qu'on ne peut pas en arriver à des conclusions entre gouvernements fédéralistes, imaginez-vous comment ça va se passer lorsque les négociations vont commencer avec un gouvernement hypothétique du Parti québécois qui voudrait négocier, avec le gouvernement fédéral, les ententes économiques qui suivraient une séparation. Alors, là, M. le Président, on en aurait pour longtemps et on serait dans l'incertitude et dans l'insécurité pendant des générations et des générations avant de pouvoir en arriver à des conclusions. Donc, M. le Président, moi, je pense que, dans le système actuel, il y a moyen. Le gouvernement fédéral a indiqué sa volonté de régler ce problème-là. Moi, je pense que le gouvernement fédéral est sincère quand il dit qu'il veut en arriver à des ententes simplifiées avec les gouvernements des provinces.

M. Léonard: Mais...

M. Bourbeau: Bien sûr, dans une négociation, chacun établit au départ ses points de départ, ses principes de base. Le gouvernement fédéral, dans ses négociations, a des objectifs; nous avons les nôtres. C'est de bonne guerre. M. le Président, lorsque nous discuterons avec le gouvernement fédéral et lorsque nous en arriverons à des conclusions, le gouvernement du Québec va insister pour maintenir les principes de base que j'ai indiqués tout à l'heure.

M. Léonard: Disons une chose, il reste quand même qu'il y a des expressions qui sont sorties du côté fédéral, où on a traité les revendications du Québec de caprices. De caprices. C'est ça. Alors, on voit tout le fossé qui sépare même le gouvernement du Québec fédéraliste du gouvernement fédéral actuel: ce sont des caprices de la part du Québec. Au fond, est-ce que le gouvernement du Québec ne doit pas se rendre compte d'une réalité qui fait que le système, appuyé sur la Constitution de 1982, tend à une centralisation effrénée qui est mise en place aujourd'hui même par ceux qui l'ont rapatriée, la Constitution: le gouvernement fédéral libéral actuel? Donc, tout ce qu'il dit, c'est finalement de la poudre aux moineaux, ce n'est pas autre chose.

M. Bourbeau: Des paroles verbales, comme dirait le député de Labelle.

M. Léonard: Oui, c'est des paroles verbales, exactement. Ce sont des paroles verbales.

M. Bourbeau: Ha, ha, ha! M. le Président, les indications que j'ai, en discutant avec mes collègues du gouvernement fédéral, sont à l'effet que, contrairement à ce que dit le député de Labelle, il y a, du côté fédéral, une volonté d'en venir à une entente avec le Québec sur la plupart de ces points-là. Les administrateurs fédéraux, les députés, les ministres fédéraux, sont des gens comme nous, des gens ordinaires, M. le Président, qui voient bien que le système actuel n'est pas très efficace. Ils voient bien que les gouvernements quels qu'ils soient, qu'ils soient provinciaux ou fédéraux, ont des problèmes de déficit et qu'il faut s'attaquer à ces problèmes-là en réformant les administrations publiques, en réformant la fiscalité aussi et en tentant de simplifier, de clarifier les responsabilités qui échoient à chacun des ordres de gouvernement.

Alors, moi, j'ai l'impression, M. le Président, que, d'ici très peu de temps, le gouvernement fédéral et nous, nous pourrons en venir à des ententes qui vont permettre d'amorcer ces discussions-là de façon à permettre éventuellement que la Fédération canadienne fonctionne mieux et qu'elle soit plus efficace et, donc, qu'elle rapporte plus à chacun des citoyens du Québec et du Canada.

Le Président (M. Lemieux): Seulement une petite question. Dans les années soixante, au moment où Jean Lesage a négocié la Régie des rentes, il était question de rapatrier des points d'impôt. Est-ce que vous êtes en train de nous dire... Dans plusieurs discussions au niveau des domaines de compétence de juridiction provinciale ça a fait l'objet de discussions assez fortes, et je me souviens... Je pense à la conférence de 1964, où même Jean Lesage avait quitté la salle d'une manière assez ferme. Il était question à cette époque-là, justement, de rapatrier des points d'impôt dans les secteurs d'activité juridictionnelle de nos champs de compétence en vertu de l'article 92 de l'AANB. Ce que j'aimerais savoir, M. le ministre, est-ce que vous êtes en train de nous dire que, effectivement, enfin – enfin, je dis bien – le fédéral manifeste de l'ouverture d'esprit pour faire en sorte que non pas il abdique, mais qu'il transfère des points d'impôt dans des domaines, je dirais, aussi pointus que le domaine de la santé, entre autres, aussi pointus que le domaine de l'éducation? Il y a une ouverture d'esprit, c'est ça que vous avez voulu nous dire? Il y a une ouverture d'esprit à cet effet-là?

M. Bourbeau: Non, je n'irais pas jusqu'à dire ça, M. le Président. Quand j'ai parlé, tout à l'heure, de la possibilité qu'il y ait éventuellement des transferts de points d'impôt, j'exprimais mon point de vue personnel sur la question.

(12 h 30)

Le Président (M. Lemieux): Ce que vous souhaiteriez.

M. Bourbeau: Oui, et non pas... Je ne livrais pas, pour consommation publique, des confidences que j'aurais pu recevoir de députés ou de ministres fédéraux.

M. Léonard: La commission parlementaire est publique.

M. Bourbeau: Non, non, mais le député de Labelle me questionnait tantôt sur ce que pourrait être un Canada qui fonctionnerait mieux. Alors, je disais que, quant à moi – et je crois l'avoir dit comme ça – je pense que ça serait beaucoup plus simple si, plutôt que d'être deux gouvernements, deux ordres de gouvernement qui participent tous les deux au financement de services – que ce soit la sécurité du revenu, ou la santé, ou l'éducation, que sais-je, avec les duplications que ça entraîne, les dédoublements – ce serait préférable que chacun des gouvernements ait ses propres responsabilités clairement établies et son propre financement.

Quant à moi, je pense que le financement dont devrait bénéficier le Québec, par exemple, pour des services qui sont de juridiction provinciale devrait être accroché à des modes de financement qui sont évolutifs, qui peuvent faire en sorte que les revenus de ces modes de financement augmentent avec l'inflation, alors que les transferts fédéraux peuvent être plafonnés, eux; à ce moment-là, ça devient tellement contraignant pour les provinces. Alors, c'est dans cet esprit que j'ai tout à l'heure parlé que, à mon point de vue, l'évacuation des responsabilités dans les domaines provinciaux du gouvernement fédéral devrait idéalement se situer dans une perspective de transfert de points d'impôt qui permettrait le financement à long terme des responsabilités provinciales.

Le Président (M. Lemieux): Ce que vous nous dites, M. le ministre, c'est que vous souhaitez ce transfert de points d'impôt, considérant que, sans doute, plus près de la réalité quotidienne, plus près de la réalité provinciale, vous seriez mieux en mesure de les administrer, d'une certaine façon.

M. Bourbeau: On pourrait envisager l'avenir, M. le Président, avec beaucoup plus de sérénité si on savait que les revenus afférents à ces responsabilités croissent avec le temps, au fur et à mesure.

Le Président (M. Lemieux): Vous auriez un meilleur contrôle.

M. Bourbeau: Un meilleur contrôle parce que les responsabilités aussi évoluent, croissent avec le temps. La santé coûte toujours de plus en plus cher. Si les revenus inhérents à la santé sont plafonnés, on court rapidement vers une impasse, alors que, si les revenus croissent, parce que ce sont des points d'impôt, eh bien, à ce moment-là, le Québec peut envisager l'avenir avec beaucoup plus de sécurité.

Le Président (M. Lemieux): J'ose espérer que le ministre des Finances du Canada, on puisse lui envoyer une copie de ces galées, M. le ministre des Finances.

M. Bourbeau: M. le Président, je vous mandate pour le faire en mon nom.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle.

M. Léonard: M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le député de Labelle.

M. Léonard: ...est-ce que vous avez terminé? Bon, revenons donc aux prévisions du ministère des Finances. Il prévoit que les transferts vont baisser de 1 500 000 000 $ – parce que c'est ça, c'est ça qui est inscrit dans les chiffres – d'ici deux ans; je laisse les autres années. Le problème que cela pose, c'est que, dans les prévisions de transferts, le gouvernement a inclus les diminutions de ces transferts. Donc, en quelque sorte, il indique au gouvernement fédéral qu'il peut quand même diminuer son déficit même si les paiements de transferts diminuent. Cela lui pose une commande de coupures de dépenses majeures. Mais, en réalité, il se met dans une position de négociation où il a déjà préindiqué au gouvernement fédéral qu'il pouvait rééquilibrer son budget sur une période de quatre ans, même avec une réduction des paiements de transferts de 1 500 000 000 $ sur deux ans, puis ça monte même à 1 800 000 000 $ sur quatre ans.

Alors, est-ce que le ministre, qui émet beaucoup de paroles verbales ce matin, va admettre que le gouvernement fédéral impose ses conditions aux programmes qui sont financés par transferts fédéraux, alors que ces transferts diminuent et que les charges augmentent de la part de la population du Québec? Comment concilie-t-il ça, là?

M. Bourbeau: M. le Président...

M. Léonard: D'une part, il se rend, dans ses chiffres, dans ses prévisions, il se rend devant le fédéral; d'autre part, on sait que les charges, les dépenses vont augmenter. Et puis, en même temps, il indique qu'il va rééquilibrer son budget sur quatre ans. Moi, je pense qu'il y a quelques problèmes de conciliation. J'aimerais ça, entendre le ministre sur cette affaire.

M. Bourbeau: M. le Président, moi, je trouve qu'il y a une certaine contradiction dans les propos de l'Opposition. D'un côté, on nous reproche d'être optimistes lorsqu'on inscrit des revenus de stabilisation – le député l'a déjà fait, d'ailleurs – et, de l'autre côté, on nous accuse de nous écraser devant Ottawa lorsque, par prudence, on incorpore des intentions dans notre budget, les intentions annoncées dans le budget fédéral. D'autant plus que dire que le Québec accepte facilement la réduction des transferts fédéraux est absolument faux. Cette année encore, j'ai indiqué dans mon discours sur le budget la nécessité, pour le gouvernement fédéral, de procéder à une réforme majeure des transferts aux provinces pour les ramener à leurs objectifs fondamentaux, à savoir: améliorer la redistribution de la richesse au Canada; favoriser l'efficacité du secteur public; assurer aux provinces des ressources adéquates. Tout ça, je l'ai dit et je le répète, M. le Président, je l'ai dit dans le budget.

J'ai aussi souligné la nécessité d'un partenariat entre le gouvernement fédéral et les provinces dans la réforme des programmes sociaux. Cette réforme, elle est nécessaire, mais elle doit se faire en respectant les objectifs que je viens de mentionner. Par ailleurs, nous avons voulu tenir compte du fait que, lors du dernier budget fédéral, il a été annoncé qu'en 1995-1996 la contribution fédérale à chacune des provinces au titre du Régime d'assistance publique du Canada serait gelée au niveau de 1994-1995.

Il a également été annoncé qu'à compter de 1996-1997 le total de la contribution fédérale à l'ensemble des provinces à l'égard du RAPC et de la portion du fonds de programmes établis afférente à l'enseignement postsecondaire serait ramené à son niveau de 1993-1994. Tant que les détails de la réforme fédérale des programmes sociaux ne seront pas connus, il sera impossible d'estimer avec précision l'impact sur chacune des provinces des intentions exprimées par le gouvernement fédéral à l'égard de sa contribution au RAPC et au FPE, portion enseignement postsecondaire, à compter de 1996-1997. Pour les fins de la présente prévision dans le budget, l'hypothèse retenue a été d'appliquer au Québec la même règle que celle que le gouvernement fédéral a annoncée pour sa contribution à l'ensemble des provinces. Les transferts à l'égard du RAPC et de la portion d'enseignement postsecondaire du FPE ont donc été fixés, à partir de 1996-1997, à leur niveau de 1993-1994.

M. le Président, l'Opposition serait bien mal venue de critiquer la prudence avec laquelle nous avons procédé. Le gouvernement préfère être rigoureux mais conservateur dans l'établissement de ses prévisions budgétaires et de ses revenus. Cela ne signifie aucunement que nous acceptions d'avance quelque coupure que ce soit dans les transferts aux provinces. Le gouvernement du Québec entend participer activement aux travaux fédéraux-provinciaux entourant la réforme, de façon à conjuguer nos efforts et concerter nos actions en véritables partenaires.

Il ne faut pas oublier non plus, M. le Président, que, en ce qui a trait à la péréquation, la prévision du présent budget tient compte des modifications techniques apportées aux programmes dans le cadre de son récent renouvellement pour la période 1994-1999. Ces modifications devraient résulter en une augmentation récurrente des droits de péréquation versés au Québec de l'ordre de 66 000 000 $, à compter de 1994-1995. Voilà, M. le Président, un bel exemple des gains qui peuvent être enregistrés par un gouvernement responsable.

Maintenant, en ce qui concerne le guichet unique, M. le Président, dans les discussions à venir, nous maintiendrons évidemment notre priorité pour l'établissement d'un guichet unique et pour l'administration, par le Québec, de l'ensemble des programmes de formation et d'adaptation de la main-d'oeuvre, et d'emploi, et d'aide à l'emploi.

Le consensus qui s'est dégagé au Québec sur cette question confirme que le palier de gouvernement qui est le plus à même de fournir efficacement ces services aux travailleurs et de leur offrir les meilleures chances de conserver leur emploi ou d'en trouver un autre, c'est celui qui se trouve le plus près d'eux. Nous sommes sensibles à leurs préoccupations à cet égard. Nous croyons qu'il faut éliminer au plus tôt les chevauchements et les duplications. Nous croyons avoir fait la preuve de notre capacité d'élaborer les solutions les plus appropriées. Notre objectif est donc de travailler sans relâche au renouvellement indispensable du fédéralisme fiscal, en collaboration, bien sûr, avec nos partenaires canadiens. Ce serait faire trop bon marché des intérêts des Québécois que d'agir autrement.

(12 h 40)

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle.

M. Léonard: Bon. M. le Président, évidemment, je pense que le ministre a lu son discours sur le budget. Je pourrais juste lui dire que la partie qui concerne les transferts fédéraux, c'est à peu près une photocopie conforme du discours sur le budget de l'an dernier, et on pourrait remonter au précédent, ainsi qu'aux précédents, au pluriel, et c'est toujours la même position.

M. Bourbeau: Il est cohérent, alors.

M. Léonard: Oui, mais il n'a pas l'air d'y avoir une obligation de résultats, parce que les résultats se font attendre et on voit ce que ça donne: moins 1 500 000 000 $ sur deux ans.


Programme de stabilisation des revenus des provinces

Je voudrais cependant lui poser une question précise en ce qui concerne les transferts, les deux paiements, les corrections, au titre des années 1991-1992 et 1992-1993, respectivement de 282 000 000 $, qui pourraient être versés en 1994-1995, et 160 000 000 $, en 1995-1996. Je sais qu'on va nous répondre d'emblée que c'est sûr qu'on va l'avoir, sauf que je peux simplement dire que le gouvernement fédéral a déjà refusé de payer ces corrections au budget pour les années antérieures. À l'heure actuelle, la question qui se pose, même si lui ne l'admettra pas, c'est le fait que ces paiements ou ces corrections pourraient ne pas être versées, puisque les négociations ne sont pas terminées. Ces montants ont été inclus aux équilibres financiers tels que déposés, tels que lus au discours sur le budget.

Alors, quels sont les arguments que le ministre peut apporter à l'effet que son dossier serait, paraît-il, assez sûr pour inclure ces paiements au titre de corrections pour les années antérieures? Il reste que les négociations ne sont pas terminées et, tant qu'elles ne sont pas terminées, on voit mal comment il peut les inclure au budget.

M. Bourbeau: M. le Président, encore là, l'Opposition tient deux langages différents. Tout à l'heure, on nous reprochait évidemment d'en mettre moins et, là, maintenant, on nous reproche d'en mettre plus dans le budget. À l'égard des transferts fédéraux, nous avons été très conservateurs, le député est au courant.

M. Léonard: Alors, vous aussi, vous tenez un double discours parce que ce que vous faites pour le passé, pourquoi ne le faites-vous pas pour l'avenir?

M. Bourbeau: Non, mais on fait toujours la même chose, M. le Président: on inscrit dans le budget les sommes d'argent qu'on pense être dues au gouvernement et toujours en étant conservateurs. Hier, je parlais justement, M. le Président, des indices que nous avons utilisés dans le budget pour prévoir la croissance économique, par exemple. Je disais que nous avons inscrit 3,2 % de croissance économique pour l'année 1994-1995 et 3,3 %...

M. Léonard: On parle des transferts, là, on parle des transferts.

M. Bourbeau: Oui, mais on parle du budget en général. Les 3,2 %, M. le Président, étaient très conservateurs. J'ai cité hier toute une série d'organismes qui avaient des prévisions économiques parfois supérieures au Québec. En fait, le seul, M. le Président, qui était inférieur de beaucoup, c'est M. Richard Le Hir, qui, lui, prévoyait 2,4 % de croissance économique pour l'année courante – M. le Président, il n'y a personne, parmi tous les autres, qui était en bas de 3 %; alors, ça en dit beaucoup sur le sérieux et la crédibilité des représentants les plus autorisés de l'Opposition officielle – et qui, certainement, dans un gouvernement hypothétique péquiste, serait probablement le ministre des Finances, je présume, puisqu'il fait des prévisions à lui seul qui sont tellement...

M. Léonard: Vous le voyez déjà dans votre soupe? Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: ...en dehors de la réalité. D'ailleurs, je suspecte que le député de Labelle ne doit pas voir venir ça avec beaucoup de plaisir, M. le Président, un expert semblable qui vient lui faire des leçons sur l'art de faire des prévisions.

Mais revenons, M. le Président, si vous voulez, aux paiements de stabilisation. Rappelons d'abord que le programme fédéral de stabilisation des revenus des provinces prévoit qu'une province qui subit une baisse de ses revenus par rapport à l'année précédente peut recevoir une compensation du gouvernement fédéral. Ça, c'est le principe de base. Les revenus assujettis à la stabilisation comprennent les taxes, les impôts, certains droits et permis ainsi que les revenus de transferts fédéraux au titre de la péréquation et du financement des programmes établis.

La compensation versée à la province correspond à la baisse des revenus d'une année à l'autre, corrigée de façon à éliminer l'effet des modifications apportées à la fiscalité au cours de l'année qui fait l'objet d'une réclamation. Le paiement de stabilisation peut être versé sous forme d'une contribution financière jusqu'à concurrence de 60 $ par habitant, l'excédent pouvant prendre la forme d'un prêt sans intérêt pour une période de cinq ans.

La Colombie-Britannique et l'Alberta ont reçu des paiements de stabilisation pour des réclamations à l'égard de 1982-1983 et 1986-1987 respectivement. L'Ontario a reçu 227 000 000 $ à l'égard de l'année 1990-1991. Plus récemment, Terre-Neuve, l'Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse, l'Ontario, le Manitoba et la Saskatchewan, en fait, M. le Président, une majorité des provinces canadiennes, ont reçu des montants pour des demandes de stabilisation à l'étude. Le Québec, quant à lui, a présenté deux réclamations au gouvernement fédéral pour des paiements de stabilisation. C'est-à-dire 282 000 000 $ à l'égard de l'année 1991-1992, demande présentée le 28 septembre 1993, et 160 000 000 $ à l'égard de l'année 1992-1993, présentée le 3 mars 1994.

M. le Président, chaque réclamation a été établie en conformité avec la loi et les règlements fédéraux. Le ministre fédéral des Finances étudie présentement ces deux réclamations. Il devra statuer sur la réclamation de 1991-1992 d'ici au 30 novembre prochain et sur celle de 1992-1993 d'ici au 30 novembre 1995. Quant à moi, M. le Président, je suis confiant que le Québec va obtenir les montants réclamés; c'est pourquoi nous avons inscrit des montants de 282 000 000 $ en 1994-1995 et de 160 000 000 $ en 1995-1996. Le Québec n'est pas la seule province, d'ailleurs, à avoir anticipé des revenus de stabilisation en 1994-1995. Dans leur discours sur le budget, Terre-Neuve et l'Île-du-Prince-Édouard ont inscrits des montants de 34 000 000 $ et de 5 500 000 $ respectivement.

M. le Président, si on devait donner une liste des versements qui ont été faits, effectués et anticipés au titre du programme de stabilisation, laissez-moi vous résumer, pour les fins de ceux que ça intéresse, les faits suivants. D'abord, des paiements qui ont déjà été effectués dans le cadre d'un règlement définitif: la Colombie-Britannique, 174 000 000 $ à l'égard de 1982-1983; l'Alberta, 419 000 000 $ à l'égard de 1986-1987; l'Ontario, 227 000 000 $ à l'égard de 1990-1991.

Maintenant, M. le Président, des avances qui ont été versées pour des demandes présentement à l'étude: l'Ontario, encore, 300 000 000 $ à l'égard de 1991-1992 et 1992-1993; la Saskatchewan, 30 000 000 $ à l'égard de 1991-1992; l'Île-du-Prince-Édouard, 4 000 000 $ à l'égard de 1991-1992; Terre-Neuve, 15 000 000 $ à l'égard de 1991-1992; la Nouvelle-Écosse, 40 000 000 $ à l'égard de 1991-1992 et le Manitoba, 50 000 000 $ à l'égard de 1991-1992. Donc, on voit, M. le Président, que l'année 1991-1992 a été une année où déjà six provinces ont reçu des avances. Et je vous rappelle que la réclamation du Québec pour la même année, 1991-1992, est de 282 000 000 $, et l'Ontario a déjà reçu 300 000 000 $ à l'égard de 1991-1992 et de 1992-1993. Maintenant, comme je le disais tout à l'heure, déjà deux provinces ont provisionné des revenus en 1994-1995, soit Terre-Neuve et l'Île-du-Prince-Édouard, en plus du Québec, bien sûr.

M. Léonard: Alors, moi, je pose une question au ministre: Pourquoi le Québec n'a-t-il pas, lui, reçu d'avances? Est-ce qu'il a produit sa réclamation en retard? Est-ce que le ministre s'est traîné les pieds pour produire sa réclamation? Et, s'il ne s'est pas traîné les pieds, pourquoi n'a-t-il pas reçu d'avances comme les autres provinces? En réalité, est-ce que sa réclamation est si bien fondée? Et, finalement, comment cela se fait-il que le ministre des Finances peut statuer s'il versera ou non de tels paiements au titre de la stabilisation des revenus, de tels paiements de correction? Si la loi est claire, il n'y a qu'à les verser. Et lui aussi, comme ministre des Finances du Québec, pourrait avoir droit à des avances.

M. Bourbeau: M. le Président, je ne sais pas... Évidemment, je ne peux pas affirmer avec certitude que le gouvernement fédéral va payer parce que la décision vient de lui. Alors, il est bien évident qu'il va falloir attendre la décision du gouvernement fédéral, mais peut-être que l'indication pourrait être le fait que, dans le dernier budget du gouvernement fédéral, les montants qui sont indiqués comme devant être versés au Québec par le gouvernement fédéral dans l'année qui vient sont plus importants que ceux que nous-mêmes avons indiqués dans notre propre budget à l'égard des transferts fédéraux.

M. Léonard: Est-ce que vous avez des documents? Est-ce que vous pourriez déposer des documents à cette commission sur cette affaire?

M. Bourbeau: Aucun problème. Vous n'avez qu'à regarder le budget fédéral et le budget du Québec, c'est dans les deux budgets.

M. Léonard: Je comprends, là, mais vous n'avez pas de lettre confirmant les intentions du gouvernement fédéral de prendre en considération la demande du Québec? Au-delà des accusés de réception, il y a quand même des indications qui doivent avoir été données?

M. Bourbeau: M. le Président, je viens de dire au député que, dans le budget fédéral au chapitre des transferts aux provinces, au Québec, il y a une somme d'argent qui est indiquée, que le député pourra vérifier...

M. Léonard: Mais pourquoi vous n'avez pas d'avances, vous?

M. Bourbeau: ...qui est supérieure aux sommes d'argent que le Québec prévoit recevoir du fédéral. Donc, je présume qu'on est en bonne situation: le fédéral se propose de nous transférer plus d'argent que, nous, on pense qu'on va en recevoir. Alors, ça devrait être une indication assez intéressante.

(12 h 50)

M. Léonard: Le ministre, tout à l'heure, a dit que l'Ontario avait reçu des avances pour 1991-1992 et 1992-1993. Pour 1992-1993, l'Ontario a reçu des avances. Pourquoi le Québec n'a-t-il pas lui aussi reçu des avances sur les réclamations qu'il fait au fédéral?

M. Bourbeau: M. le Président, il faudrait demander la question au gouvernement fédéral, c'est lui qui fait les avances. Le gouvernement du Québec négocie dans le cadre d'un règlement général et final. D'autres provinces ont demandé des avances; nous, nous n'avons pas, à ma connaissance, demandé d'avances.

M. Léonard: Pourquoi vous ne le faites pas?

M. Bourbeau: M. le Président, on n'en a pas demandé. Peut-être qu'on pourrait...

M. Léonard: Pour 282 000 000 $, ce n'est pas important?

M. Bourbeau: On pourrait peut-être en demander. Mais, nous, on demande la totalité du montant, alors on ne demande pas des avances. C'est une question de trésorerie. Le Québec n'a pas de problème de trésorerie présentement. On a anticipé sur nos programmes d'emprunt et ça va très bien présentement.

M. Léonard: Écoutez, M. le Président, je dois prendre la réponse du ministre qu'il n'y a pas de problème de trésorerie, qu'il y a en masse d'argent, ça lui sort par les oreilles, qu'il ne demande pas d'avances, des avances auxquelles il aurait droit, comme l'Ontario y a droit, pour 1991-1992 et 1992-1993. Là, je pense qu'il y a quand même quelque chose. Est-ce que les fonctionnaires n'ont pas le temps d'écrire une lettre pour signature du ministre envers le gouvernement fédéral?

M. Bourbeau: Ha, ha, ha! M. le Président, possiblement que le fédéral fait des avances à certaines provinces. Nous, nous préférons régler le dossier de façon définitive. Nous négocions avec le fédéral pour un versement global de 282 000 000 $. Alors, le fédéral a fait des avances à certaines provinces, il n'en a pas fait à d'autres; c'est une question de négociation. Notre tactique de négociation vise à obtenir la totalité. Le député s'amuse, M. le Président.

M. Léonard: Non, je ne m'amuse pas.

M. Bourbeau: Bien oui, le député s'amuse.

M. Léonard: Je trouve que la réponse est – je regrette pour le ministre, mais je le dis – enfantine. Si le Québec a droit à des avances, ne serait-ce que pour percevoir les intérêts sur ces sommes-là, je pense que ce serait intéressant. Et puis, si c'est vrai... Je pense que le ministre parle à travers son chapeau, à l'heure actuelle, en disant: Ce n'est pas important d'avoir des avances sur des montants de l'ordre de 440 000 000 $, si on prend les deux montants, alors que l'Ontario en a reçu, des avances. Pourquoi il ne se donne pas la peine d'aller les chercher?

M. Bourbeau: M. le Président, je n'ai pas dit que ce n'était pas important. Le député, M. le Président, ne cite pas mes paroles du tout.

M. Léonard: Ça n'influence pas du tout sur les résultats de la négociation.

M. Bourbeau: Le député improvise, M. le Président...

M. Léonard: Pas du tout!

M. Bourbeau: ...il tente de traduire ma pensée, mais ne la traduit pas du tout. Il improvise, il me fait dire des choses que je n'ai pas dites, M. le Président. Alors, je trouve ça un peu malheureux. Le député devrait être un peu plus logique et un peu plus rigoureux.

J'ai dit tout à l'heure que ce programme-là ne donne pas de droits aux provinces, c'est le gouvernement fédéral qui peut rembourser des sommes d'argent. Le député dit: Pourquoi ne pas avoir demandé des avances? J'y ai droit. La loi n'est pas faite ainsi. J'ai dit tout à l'heure, dans mon énoncé, qu'une province peut recevoir une compensation du gouvernement fédéral. Il y a une différence entre «peut» et «doit», le député le sait très bien; si le député ne le sait pas, il l'apprendra. D'autre part, M. le Président, nous négocions présentement un règlement global. Alors, d'autres provinces ont une technique différente; nous, nous négocions un règlement global. Voilà.

M. Léonard: M. le Président, si le Québec peut recevoir des avances, peut recevoir des avances, pourquoi ne demande-t-il pas au fédéral une avance sur son 282 000 000 $ qu'il pense pouvoir exiger d'ici le 30 novembre 1994, puis une avance sur le 160 000 000 $ qu'il croit pouvoir exiger du gouvernement fédéral d'ici le 30 novembre 1995? Si l'Ontario les a eues, ces avances-là, pourquoi lui ne les veut-il pas?

M. Bourbeau: M. le Président, même question, même réponse.

M. Léonard: Bon. Alors, je pense qu'il y a quelques problèmes dans la cabane! Je reviens au guichet unique. Le guichet unique, je suppose que le ministre est familier avec ça. Il nous en a parlé, tout à l'heure, de l'aide à l'emploi, de guichet unique en formation professionnelle. Où est-ce qu'il veut l'instaurer, son guichet unique, à l'heure actuelle, par rapport aux Finances? Parce que, dans le domaine de la formation professionnelle, c'est justement là où il n'a pas eu de succès. J'espère qu'au niveau des Finances ça va être un peu mieux.

M. Bourbeau: Je ne comprends pas le sens des questions. J'ai, tout à l'heure, répondu amplement à cette question-là, M. le Président. C'est la même question que tout à l'heure. Le ministère des Finances n'a pas une position qui est différente de celle du gouvernement.

M. Léonard: Le ministre ne devrait pas s'impatienter. Je sais qu'il est 12 h 55, il a faim et son taux de... Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît, s'il vous plaît!

M. Bourbeau: Effectivement, M. le Président, je dois dire que ça prend une bonne dose de patience pour endurer les propos du député de Labelle.

M. Léonard: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît!

M. Bourbeau: Mais, M. le Président, je pense que je suis capable d'en prendre encore pendant un certain temps.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle, M. le ministre, il reste cinq minutes.

M. Léonard: Bon.

Le Président (M. Lemieux): On continue.

M. Léonard: On continue. Alors, si je comprends, le ministre pourrait avoir des avances pour 440 000 000 $, il ne les exige même pas et il n'y a pas de réponse à ça. Je ne sais pas si ses fonctionnaires sont au neutre, à l'heure actuelle, puisqu'il ne leur donne pas de directives à cet effet. Mais, durant ce temps-là, le gouvernement du Québec, dit-il, n'a pas de problème de trésorerie, sauf qu'il emprunte à tour de bras. On verra dans les annexes au budget qu'il y a des emprunts importants cette année; importants.


Réduction des dépenses du gouvernement

Mais je voudrais revenir, je voudrais aborder une autre question sur les dépenses. Dans les crédits, les dépenses avaient augmenté de 522 000 000 $, au-delà de ce qui avait été prévu au plan de l'an dernier, et puis voilà qu'un mois et demi après le dépôt des crédits, le 12 mai, on réduit encore ces dépenses de 520 000 000 $. Pourquoi le gouvernement, à un mois et demi de distance, a-t-il un discours aussi contradictoire? Pourquoi ne pas avoir présenté des crédits qui auraient très bien rendu compte de la situation et qui auraient fait en sorte que l'étude des crédits en commission parlementaire aurait porté sur les véritables décisions du gouvernement, alors que cette étude de crédits a porté sur des chiffres gonflés et que, maintenant, d'un coup, d'un trait de plume, au ministère des Finances, on vient de baisser les crédits de 520 000 000 $ pour dire qu'on se conformait au plan initial? Est-ce qu'il n'y a pas là une contradiction qui, en fait, prive l'exercice parlementaire de tout son sens? Mais, en plus, c'est que ça met tout le monde dans l'insécurité: après avoir étudié des crédits à 520 000 000 $ plus élevés, voilà qu'on les réduit de 520 000 000 $. En d'autres termes, vous avez fait un pas en avant puis un pas en arrière. C'est ça, la réalité.

M. Bourbeau: M. le Président, je ne comprends pas. Les mots n'ont pas le même sens pour tout le monde. Je ne vois aucune contradiction là-dedans. Ce qui aurait été contradictoire, ce serait d'avoir baissé les crédits, d'avoir fait un effort de compression des crédits au mois de mars, et d'avoir relevé, après ça, les dépenses au mois d'avril; ça, ça aurait été contradictoire. Mais il n'y a pas de contradiction, M. le Président, on a fait une opération en deux temps: on a réduit les dépenses au mois de mars et on a encore continué à les réduire au mois de mai. En quoi est-ce que c'est contradictoire? Ce n'est pas contradictoire, ça va dans le même sens.

M. Léonard: Non. De l'avis de tous, M. le Président, les crédits, par rapport au plan qui avait été dressé l'an dernier, ont été augmentés de 522 000 000 $. Ça, vous pouvez lire la presse financière. D'ailleurs, il y a eu, encore là aussi, des qualificatifs où on a traité ces crédits d'électoralistes parce que le gouvernement se laissait aller par rapport à ses plans et prévisions de l'an dernier. Puis maintenant, un mois et demi après, on les réduit du même montant, 520 000 000 $. C'est contradictoire. Je regrette, vis-à-vis du ministre, mais, que ce soit dans un sens ou dans l'autre, il y a une contradiction dans la démarche.

M. Bourbeau: Le député nous dit qu'on avait des crédits qui excédaient de 520 000 000 $ les prévisions. On vient justement de réduire de 520 000 000 $ les dépenses; donc, on est revenu exactement à l'objectif recherché. Qu'est-ce que le député veut? Il ne peut pas se plaindre, M. le Président, on a exactement fait ce qu'il voulait qu'on fasse.

M. Léonard: Je demande au ministre d'expliquer sa démarche erratique; erratique.

M. Bourbeau: Mais, M. le Président...

M. Léonard: Parce que vous les montez à la fin mars, vous les rebaissez le 12 mai. Pourquoi? 520 000 000 $, là, c'est une masse considérable, une masse budgétaire considérable en termes de crédits.

M. Bourbeau: On ne les a pas montés à la fin mars, M. le Président, on a comprimé les dépenses de 2 100 000 000 $ en tout: 1 600 000 000 $ en mars, puis un autre 500 000 000 $ en mai. Je ne comprends pas, là. Ce qui est erratique, M. le Président, c'est d'aller dans une direction puis, après ça, de changer de direction.

M. Léonard: Ce que vous avez fait.

M. Bourbeau: Nous, on va toujours dans la même direction, c'est-à-dire la baisse de dépenses, la compression des dépenses. Donc, ce n'est pas erratique, c'est une démarche, M. le Président, qui est cohérente, qui va toujours dans le même sens. Je ne vois pas ce que le député peut voir d'erratique là-dedans, on va toujours dans le sens de réduire... En fait, M. le Président, le budget que j'ai déposé, c'est un bon budget pour les raisons suivantes: c'est un budget qui a réduit les dépenses du gouvernement, c'est un budget qui a aussi réduit le déficit, c'est un budget qui a réduit les impôts, c'est un budget qui a réduit les taxes, un budget qui a tout réduit, M. le Président. Ça, c'est un bon budget.

Un budget qui serait un mauvais budget, c'est comme les budgets du temps du Parti québécois, où on augmentait tout: on augmentait le déficit, on augmentait les impôts et, surtout, on augmentait les dépenses du gouvernement. Ça, M. le Président, là, le gouvernement du Parti québécois, c'était un champion toute catégorie dans l'art d'augmenter les dépenses. Ça, là, les programmes sociaux, M. le Président, il y en avait pour tout le monde. On en inventait. On donnait des augmentations à tout le monde. Surtout avant le référendum, M. le Président, il y a des hausses énormes de traitement pour tout le monde, les fonctionnaires, etc., et on sait le traitement qu'on leur a infligé après le référendum. Ça, M. le Président, c'est le type de budget, quand on hausse tout, qui va très mal et qui ne peut que mener au désastre.

Quand on coupe, quand on réduit, M. le Président, les impôts, les taxes, le déficit, les dépenses, ça, c'est un budget qui va dans la bonne direction et c'est la direction, M. le Président, que j'entends suivre dans les mois et les années à venir, et ainsi de suite.

Le Président (M. Lemieux): Alors, la commission va ajourner ses travaux sine die, en attendant l'ordre de la Chambre, cet après-midi. C'est bien ça, Mme la secrétaire? Probablement.

(Fin de la séance à 13 heures)