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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 26 septembre 1996 - Vol. 35 N° 25

Consultations particulières sur le rapport quinquennal sur la mise en oeuvre de la Loi sur les intermédiaires de marché


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Jacques Baril, président
M. Jean Campeau
M. Henri-François Gautrin
M. Rosaire Bertrand
M. Jacques Chagnon
M. François Gendron
M. François Beaulne
M. Cosmo Maciocia
M. Michel Côté
*M. Serge Lyras, ACAPQ
*Mme Marie Claude Thibodeau, idem
*M. Michael E.P. Ballard, ABC
*M. Jacques Hébert, idem
*M. Jacques Labrèche, idem
*M. Claude Tessier, idem
*M. Théo Soucisse, Conseil des assurances de dommages
*M. René Langlois, idem
*M. Guy P. Roy, Association québécoise des experts en sinistre au service de l'assuré
*M. Jean Beaupré, idem
*M. Claude Gingras, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures treize minutes)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, mesdames, messieurs!

La commission du budget et de l'administration... Si vous me permettez... La commission du budget et de l'administration est réunie afin de procéder à des consultations particulières sur le rapport quinquennal sur la mise en oeuvre de la Loi sur les intermédiaires de marché intitulé «La distribution de produits financiers aux particuliers: relever résolument le défi du changement».

M. le secrétaire, est-ce que vous avez des remplacements qui vous ont été suggérés?

Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a aucun remplacement.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci. Donc, l'ordre du jour pour aujourd'hui: à 10 heures – nous sommes 10 minutes en retard – nous recevrons l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec; à 11 heures, l'Association des banquiers canadiens, pour une suspension aux alentours de midi; et, pour reprendre en soirée, à 20 heures, avec le Conseil des assurances de dommages; et, à 21 heures, l'Association québécoise des experts en sinistre au service de l'assuré.

Est-ce que les membres de la commission sont d'accord avec cet ordre du jour? Bon, c'est bien. Vous êtes d'une collaboration exemplaire.

J'invite les représentants et représentantes de l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec à se présenter, et M. le président à faire connaître les personnes qui l'accompagnent, et à nous faire part de leur mémoire. À vous la parole.


Auditions


Association des courtiers d'assurances de la province de Québec (ACAPQ)

M. Lyras (Serge): M. le Président, mon nom est Serge Lyras. Je suis courtier d'assurances agréé, fellow de l'Institut d'assurance du Canada, président du Groupe Lyras qui opère des bureaux dans la région de Montréal, les Laurentides et l'Outaouais, et je suis également président de l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec. Les gens qui m'accompagnent sont, à ma droite, Mme Marie Claude Thibodeau, courtier d'assurances agréée, présidente de MCT et fils inc., de Montréal, et présidente du conseil d'administration de l'Association; à ma gauche, Mme Manon Murphy, courtier d'assurances agréée, associée principale au cabinet Murphy, Tremblay, de Valleyfield, et première vice-présidente de l'Association; et, à mon extrême gauche, Mme Maya Raic, qui est directrice générale de l'Association.

M. le Président, Mmes et MM. les députés, nous estimons que cette commission parlementaire est un moment important dans l'histoire de la protection du consommateur au Québec. Nous savons qu'elle est aussi un moment crucial dans l'histoire de l'organisme que nous représentons.

Le gouvernement poursuit ici un certain nombre d'objectifs importants dont celui de simplifier les structures d'encadrement des intermédiaires et d'améliorer la protection des consommateurs dans le domaine des produits financiers. Ces objectifs sont aussi ceux de l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec, l'ACAPQ, dont la mission est de protéger le public en assurant le professionnalisme et la discipline des courtiers en assurance de dommages. L'Association réunit à ce titre tous les courtiers en assurance de dommages du Québec, qui sont au total 5 300, et elle existe depuis plus de 80 ans.

Depuis la publication du rapport quinquennal, en juin dernier, deux points importants ont davantage retenu notre attention. Le premier est celui de la structure d'encadrement proposée par le rapport; le deuxième est celui de la notion de distribution des produits financiers. Permettez-nous d'aborder en premier lieu la question de la structure d'encadrement des intermédiaires.

Actuellement, comme vous le savez, l'encadrement des intermédiaires de marché est assuré par cinq organismes assumant chacun des responsabilités différentes. Deux d'entre eux s'occupent de l'encadrement des intermédiaires dans le domaine des produits d'assurance de personnes, les deux autres, dont l'ACAPQ, s'occupent de l'encadrement des intermédiaires dans le domaine de l'assurance de dommages. Finalement, un cinquième organisme, l'Institut québécois de planification financière, l'IQPF, s'occupe de la formation et de la qualification des planificateurs financiers.

À l'évidence, il est souhaitable, dans l'intérêt du consommateur, que le nombre d'organismes soit réduit. Premièrement, ce serait plus facile pour le consommateur de s'y retrouver; deuxièmement, et ce n'est pas négligeable dans une période d'austérité, ça permettrait de réduire les coûts du système d'encadrement. Dans le rapport quinquennal, le gouvernement met sur la table trois propositions. Dans les trois cas, il est proposé de fusionner l'ensemble des deux conseils actuels et de leur confier tous les pouvoirs en matière de réglementation. Quant aux associations, si elles étaient maintenues, elles conserveraient uniquement la responsabilité à l'égard de la discipline des intermédiaires.

À première vue, on conclurait que le rapport quinquennal fait un constat d'échec de l'encadrement par les pairs tel qu'il existe dans les ordres professionnels et tel qu'il existe à l'ACAPQ depuis plus de 30 ans. Pourtant, ce système a fait ses preuves et est même devenu, au Québec, un objet de fierté. Mais ce qui est plus important, ce système est aussi celui qui responsabilise le plus les professionnels à l'égard de la protection du consommateur. C'est aussi celui qui suscite spontanément la plus grande adhésion à la réglementation professionnelle. On peut affirmer en effet qu'une réglementation élaborée par les pairs est en général perçue comme étant plus légitime que si elle provient d'un organisme extérieur et qu'elle suscite, par conséquent, une plus grande adhésion et une plus grande participation spontanées des professionnels. Ceci est particulièrement vrai en matière de développement du professionnalisme.

Pour ces raisons, la perspective de voir les courtiers ou les agents ne plus avoir à s'impliquer de façon associative dans la protection du public ou la réglementation créerait certainement à moyen terme une sorte de désaffection qui pourrait se traduire par plus de problèmes pour les consommateurs.

(10 h 20)

Le Québec a misé historiquement sur la responsabilisation des groupes professionnels pour le développement de leur compétence et l'exercice de la discipline. Concrètement, ce choix s'est traduit par la création d'ordres professionnels. On en compte aujourd'hui 43 auxquels le gouvernement a confié plusieurs responsabilités, dont les suivantes: réglementer l'exercice de la profession, imposer un code de déontologie, appliquer la discipline, veiller au niveau de compétence et de perfectionnement des professionnels et constituer un fonds d'indemnisation. Tous ces ordres professionnels sont chapeautés par un organisme léger, l'Office des professions, qui veille à ce que chaque ordre assume pleinement sa mission. Ce choix, le Québec ne l'a jamais regretté. Encore récemment, en janvier 1994, le gouvernement du Québec confirmait sa préférence pour cette orientation en accordant à l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec, l'ACAIQ, l'ensemble des pouvoirs d'encadrement de ses membres.

Nous invitons donc le gouvernement à aller dans le même sens en accordant aux intermédiaires de marché, comme à tous les autres groupes professionnels au Québec, les responsabilités touchant l'exercice et le développement de leur profession.

La réduction du nombre d'organismes d'encadrement, qui est un objectif majeur de la révision de la loi, devrait donc se faire, en ce qui nous concerne, dans le sens d'une plus grande marque de confiance à l'égard des intermédiaires et de leur capacité de gérer, dans l'intérêt du consommateur, à la fois la réglementation qui s'applique à leur pratique et la discipline de leurs pairs.

Malheureusement, le rapport quinquennal s'oriente dans une tout autre direction. Il montre en effet une préférence évidente pour la nomination par le gouvernement des dirigeants des organismes d'encadrement. Nous avons de la difficulté à imaginer concrètement quels bénéfices tangibles les consommateurs pourraient retirer d'une telle orientation. Nous sommes d'autant plus perplexes qu'il n'existe actuellement aucun état de dégradation de la protection du public dans le domaine des produits d'assurance. Au contraire, nous sommes plutôt convaincus que la situation s'est beaucoup améliorée, et ce, tant du point de vue de l'information aux consommateurs que de celui du professionnalisme des intermédiaires.

Dans cette ordre d'idées, nous avons recommandé, en 1995, que l'ACAPQ soit remplacée par l'Association des intermédiaires en assurance de dommages, l'AIADQ, afin de réunir les courtiers et les agents en assurance de dommages sous un même chapeau et de rendre l'encadrement plus léger et plus efficace. Nous souscrivons toujours aux principes qui nous ont guidés dans cette recommandation, qui sont l'autoréglementation, l'autodiscipline et l'autogestion.

Par ailleurs, en raison du manque de développement de la pratique et des produits mixtes, personnes et dommages, il nous apparaît depuis longtemps souhaitable que les organismes d'encadrement du secteur de l'assurance de personnes et de l'assurance de dommages se rapprochent, qu'ils partagent des ressources et qu'ils mettent en place des mécanismes de collaboration. Aujourd'hui, ce rapprochement est, dans une bonne mesure, un fait accompli. L'AIAPQ et l'ACAPQ partagent en effet depuis le 16 septembre dernier les mêmes locaux. Elles offrent une structure d'accueil unique aux consommateurs et aux intermédiaires et elles ont mis en commun plusieurs services administratifs. Ce regroupement réunit maintenant plus de 16 000 intermédiaires sous un même toit.

Par cette décision, les deux organismes se sont engagés sur la voie d'une collaboration continue dont ils envisagent l'élargissement à d'autres dimensions importantes dans un avenir rapproché. Ce rapprochement et toutes ces initiatives sont survenus, premièrement, parce que le besoin d'une simplification pour les consommateurs était devenu évident et, deuxièmement, parce que la nécessité d'une rationalisation des dépenses dans ce domaine l'était aussi. En se rapprochant ainsi, les deux organismes ont déjà agi concrètement dans le sens des objectifs poursuivis par le gouvernement.

En résumé, nous suggérons au gouvernement d'envoyer un message positif aux intermédiaires de marché en choisissant la voie de la confiance qui, de toute façon, est aussi celle de la responsabilisation des intermédiaires par rapport à la protection des consommateurs. Nous souhaitons aussi que le gouvernement prenne en considération les initiatives qui ont été prises par l'AIAPQ et l'ACAPQ pour apporter des solutions concrètes aux problèmes des consommateurs, dont la création d'une structure d'accueil unique et l'établissement de mécanismes de collaboration permanents.

Maintenant, j'aimerais aborder le deuxième point de notre présentation. Le gouvernement a proposé, dans le rapport quinquennal, de remplacer la Loi sur les intermédiaires du marché par une loi plus globale sur la distribution des produits financiers aux particuliers. Nous comprenons bien les motifs qui amènent le gouvernement à aller dans cette direction. Il y a une chose, toutefois, qui nous paraît fondamentale: la loi devra toujours rester, d'abord et avant tout, une loi professionnelle visant le développement et l'encadrement des intermédiaires de marché. Dans l'intérêt du consommateur, il est et il sera toujours fondamental que les produits financiers soient distribués par des professionnels qualifiés, surveillés et disciplinés.

La seule alternative véritable à cette option serait la certification des produits par l'État, ce qui n'est certes pas souhaitable tant du point de vue de l'industrie que de celui du consommateur. Ce dernier pourrait voir diminuer la disponibilité de produits bien adaptés à ses besoins. Qui plus est, dans le futur, toutes sortes de produits financiers pourraient être offerts au consommateur par des entreprises venant de partout dans le monde. Le consommateur québécois, dans tout cela, ne pourra être protégé adéquatement qu'à travers son intermédiaire. C'est à ce niveau-là, et à ce niveau-là seulement, qu'il sera vraiment protégé.

Voilà pourquoi il est impératif, à nos yeux, que la loi soit d'abord et avant tout une loi professionnelle s'occupant d'encadrer les intermédiaires. Ceci dit, le sujet de la distribution des produits pris globalement est un sujet très vaste qui mériterait une analyse plus approfondie que celle contenue dans le rapport quinquennal. Celui-ci nous paraît trop peu complet pour constituer une base suffisante à l'introduction d'une nouvelle loi aussi englobante. Des sujets comme la distribution électronique des produits financiers et la vente des produits d'assurance dans les succursales des institutions de dépôts au Québec devraient être abordés avec plus de profondeur.

(10 h 30)

En ce qui a trait aux institutions de dépôts en particulier, il faudrait notamment déterminer si ce qui se passe au Québec actuellement est véritablement dans l'intérêt des consommateurs. Il faut rappeler que les associations de consommateurs à travers tout le Canada ainsi qu'au Québec se montrent en général très inquiètes vis-à-vis des risques d'utilisation abusive des renseignements personnels, ainsi qu'à l'endroit du phénomène des ventes croisées ou liées de divers produits financiers par les institutions de dépôts. Nous croyons, nous aussi, qu'il y a lieu de s'interroger sur la pertinence de tolérer ou d'autoriser explicitement ce type de distribution à court, moyen et long terme.

Nous croyons même qu'un débat sur la distribution de produits d'assurance dans les succursales des institutions de dépôts devrait nous amener aux mêmes conclusions qu'au niveau fédéral, c'est-à-dire à une interdiction de cette pratique. Ceci dit, et juste au cas où la perspective d'un tel débat serait difficile à concevoir, l'ACAPQ a pris soin d'élaborer dans son mémoire les conditions qui devraient être respectées par les institutions de dépôts si elles continuent d'être implicitement autorisées à distribuer des produits d'assurance.

Ces recommandations sont notamment: l'obligation pour les institutions de dépôts de créer des cabinets d'agents pour distribuer des produits d'assurance; la séparation physique des lieux où s'effectuent les transactions d'assurance; l'interdiction du double lien d'emploi pour un employé de l'institution de dépôts ou du cabinet d'agents de l'institution; la certification et le lien exclusif des agents ainsi que l'interdiction pour l'institution de communiquer des renseignements personnels à son cabinet d'agents.

Sans ces conditions, nous croyons, à l'instar des groupes de consommateurs, que la combinaison de la puissance financière des institutions de dépôts et de l'exploitation de leurs multiples avantages concurrentiels finiront par représenter une menace à la protection du consommateur, en particulier à sa liberté de choix. Pour toutes ces raisons, nous invitons donc le gouvernement à examiner la possibilité de tenir un débat distinct sur toute la question de la distribution des produits financiers et de procéder, dans l'intervalle, aux améliorations nécessaires en matière d'encadrement des intermédiaires.

Avant de terminer, nous souhaitons dire un mot sur l'objectif du gouvernement du Québec de consolider sa juridiction dans le secteur des produits financiers. Nous respectons cet objectif et nous rappelons qu'il est de la responsabilité exclusive du gouvernement de s'assurer que tous les produits financiers soient distribués par des intermédiaires qui soient qualifiés, encadrés et disciplinés. La consolidation de la juridiction québécoise à travers le développement de l'intermédiation ne va évidemment pas à l'encontre des objectifs que nous poursuivons. Par ailleurs, la formule d'encadrement des intermédiaires que nous proposons ne constitue en rien une entrave à la poursuite de cet objectif par le gouvernement. Voilà, M. le Président, l'essentiel de ce que nous voulions dire aujourd'hui aux membres de la commission.

En résumé, le rapport quinquennal soulève deux grandes questions, en ce qui nous concerne: premièrement, en proposant de remplacer la Loi sur les intermédiaires de marché par une loi sur la distribution des produits, le gouvernement ouvre un débat qui devrait être beaucoup plus vaste et plus fondamental; deuxièmement, nous croyons que la révision de la loi en ce qui concerne les structures d'encadrement des intermédiaires devrait aller dans le sens d'une plus grande responsabilisation de ces derniers plutôt que dans le sens d'organismes plus ou moins étatiques. Nous recommandons, par conséquent, que les conseils soient abolis et que leurs responsabilités d'encadrement soient confiées aux intermédiaires eux-mêmes, comme c'est le cas pour tous les autres groupes professionnels au Québec. En d'autres mots, la révision de la loi devrait aller dans le sens d'une plus grande responsabilisation des intermédiaires et non dans le sens inverse.

J'aimerais vous remercier de nous avoir entendus. Il me fera plaisir, avec mes collègues, de répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je vous remercie de votre présentation, M. Lyras. J'accorde la parole au député de Crémazie.

M. Campeau: Merci, M. le Président. Je vous remercie, M. Lyras, pour votre excellent exposé. Alors, au nom du ministre Landry, Bernard Landry, je tiens à vous remercier pour la présentation de votre rapport aussi bien que pour le rapport lui-même. Il est évident que vous nous appelez à une réflexion profonde, et on respecte le fait que vous voulez une plus grande responsabilité des intermédiaires. Je pense que c'est louable de votre part et je pense que le gouvernement va en tenir compte.

Vous me permettrez deux questions, M. le Président. M. Lyras, en page 10 de votre rapport, vous affirmez, au bas de la page, que le gouvernement fédéral a décidé de ne pas autoriser les banques à distribuer de l'assurance dans leurs succursales, en disant que le consommateur – que vous avez bien cité tout à l'heure, parce que vous êtes pour la protection du consommateur – n'aurait rien à gagner avec un changement de mode de distribution et que rien, en somme, ne légitimait l'autorisation. Vous affirmez ça. Je ne dis pas que je suis en désaccord avec vous là-dessus, mais, nous autres, nos informations sont que le gouvernement fédéral a toujours eu beaucoup de misère à résister au lobbying des banques canadiennes. Alors, vous comprendrez que ce lobbying va s'intensifier dans les semaines ou les mois qui viennent, là-dessus. Nos informations sont que le gouvernement fédéral a simplement reporté sa décision. En tout cas, ce serait ça qu'il aurait dit aux banques dans les couloirs, qu'il allait reporter sa décision, selon les propos mêmes du ministre Doug Peters, qui le disait. Vous, qu'est-ce qui vous porte à croire que cette décision du gouvernement fédéral, elle est finale plutôt que reportée?

M. Lyras (Serge): M. le Président, pour répondre à la question de M. Campeau, premièrement, toutes les associations de consommateurs au Canada et au Québec, dans le débat de la vente d'assurance par les institutions financières au fédéral, ont manifesté leur inquiétude. Même Mme Plamondon, qui est une représentante des consommateurs au Québec, je pense, vous a tenu les mêmes propos. Les consommateurs sont inquiets de la possibilité que les institutions de dépôts vendent de l'assurance principalement à cause de la grande quantité d'informations que les institutions de dépôts possèdent sur les clients et de la possibilité que ces informations-là soient transmises au département assurance qui serait à l'intérieur des mêmes locaux.

Il y a toute la question des ventes liées, aussi, qui est extrêmement dangereuse pour le consommateur. Vous savez, ce qui se passe actuellement au Québec, ce n'est sûrement pas l'intention des dirigeants de l'institution de dépôts qui vend de l'assurance dans les succursales, mais le consommateur, souvent, se sent obligé de prendre le produit d'assurance auprès de l'institution de dépôts parce qu'il se sent en position de vulnérabilité. Quand il va demander un prêt à une institution de dépôts, le consommateur, vous le savez, vous l'avez sûrement déjà vécu, se sent un peu redevable à l'institution de dépôts qui lui fait un prêt. Lorsque la même institution de dépôts lui offre les produits d'assurance, le consommateur se sent souvent incapable de refuser cette offre. C'est ce qu'on appelle des ventes liées, et ça, c'est extrêmement dommageable pour le consommateur.

Maintenant, pour ce qui est de la position fédérale, nous pensons, parce qu'on nous a donné l'autre son de cloche que celui qui a été donné aux banquiers, que le gouvernement fédéral va maintenir d'une façon permanente l'interdiction pour les banques de vendre de l'assurance, pour les mêmes raisons que je viens de vous mentionner. Et ce que je peux vous dire, c'est que plusieurs autres provinces canadiennes aussi ont légiféré dans ce sens-là, pour empêcher les Credit Unions de vendre de l'assurance dans leur province. La situation qu'on vit actuellement au Québec devrait être réglée dans un objectif, aussi, d'harmonisation des lois du Québec avec celles des autres provinces, parce qu'on vise des grands ensembles économiques et on veut s'assurer qu'au Québec on ait les mêmes règles du jeu que partout ailleurs au Canada. Je dirais même que, dans le mémoire du Mouvement Desjardins qu'ils vous ont déposé, à deux reprises, ils demandent une harmonisation des lois du Québec avec celles des autres provinces et du Canada.

(10 h 40)

M. Campeau: Quand vous parlez que vous avez un autre son de cloche au sujet de l'assurance que les banques auraient pu avoir, ma question, c'est: Ce son de cloche là, de qui vous le détenez? Des politiciens, quel que soit le gouvernement en place, ou des fonctionnaires?

M. Lyras (Serge): On le tient évidemment des politiciens, parce que c'est eux qui prennent les décisions.

M. Campeau: Ah! Vous pensez ça, vous?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lyras (Serge): J'espère qu'ici aussi c'est les politiciens qui prennent les décisions.

M. Campeau: Ici, oui.

M. Lyras (Serge): Et on va le voir dans les prochains jours, sûrement. Mais, évidemment, les politiciens au fédéral, la décision qu'ils ont prise d'interdire aux banques de vendre de l'assurance, c'est évident que c'est une décision qui est basée sur la protection du consommateur, et la préoccupation de protection du consommateur va sûrement être là encore dans cinq ans.

Par contre, j'aimerais apporter une réserve. Si le Québec ne va pas dans le sens d'une harmonisation de ses lois de ce côté-là avec le reste du Canada, c'est évident que les banques vont faire une pression énorme sur le gouvernement fédéral pour avoir les mêmes règles du jeu au Québec qu'une institution de dépôts, ici, qui jouit d'un privilège. Et ça, ça peut être dangereux que le gouvernement aille dans ce sens-là pour harmoniser la législation dans le sens contraire. Tandis que, nous, on souhaite que vous harmonisiez la législation avec l'ensemble des provinces au Canada et le gouvernement fédéral.

M. Campeau: Je vous comprends très bien. Ce qui me plaît dans votre discours aussi, entre autres choses, c'est que vous parlez toujours pour la protection du consommateur. Vous comprendrez que, pour des gens, des députés, la protection du consommateur est de prime importance, je comprends qu'elle passe avant la rentabilité des bureaux de courtage. Et vous avez aussi mentionné Mme Plamondon. À l'exposé de Mme Plamondon hier, je ne sais pas si vous étiez présent; en tout cas, Mme Maya Raic pourra répondre à ma question si vous le jugez à propos. Mais qu'est-ce que vous pensez de son affirmation, l'affirmation, quand elle représente le Service d'aide au consommateur, que les représentants aux organismes de réglementation ne devraient pas être élus? Parce qu'il est difficile de croire que la plateforme sur laquelle un représentant opérerait... qu'il pourrait prendre l'intérêt du consommateur et qu'il est membre d'un organisme qui élit un représentant, que celui qui serait élu par un organisme serait plutôt porté à prendre les intérêts de l'organisme plutôt que l'intérêt du consommateur.

Alors, Mme Plamondon dit que les gens devraient être nommés et ne devraient avoir aucune attache avec quelque compagnie, ou institution, ou bureau de courtage que ce soit. Qu'est-ce que vous pensez de son affirmation? Est-ce que c'est vous qui répondez ou si vous laissez Mme Maya Raic répondre?

M. Lyras (Serge): Je vais répondre à votre question, parce que, en bout de piste, au Québec, c'est une philosophie profonde, toute la responsabilisation des professionnels. On a 43 ordres professionnels. C'est un modèle, à mon sens, à travers le monde entier. Cette philosophie de responsabilisation des individus est très efficace. Évidemment, il va se trouver des gens qui vont donner des exemples où il y a eu, dans certains cas, des dérapages. Il n'y a pas de système parfait, évidemment. Et on ne prétend pas que le système des ordres professionnels est parfait non plus, mais c'est un excellent système. Pourquoi? Parce que, quand vous responsabilisez les gens, des groupes d'individus, et qu'il y a des gens à l'intérieur de ces professions-là qui s'impliquent bénévolement dans des organismes, ils prennent vraiment l'intérêt du consommateur parce que, de toute façon, s'ils ne le font pas, ils vont devoir rendre des comptes à l'IGIF, dans notre cas, ou, au niveau des ordres professionnels, à l'Office des professions, et, si jamais il y avait du laxisme ou de l'abus, évidemment le gouvernement pourrait toujours intervenir. Mais pourquoi intervenir avant et légiférer avant plutôt que de faire confiance aux intermédiaires et aux professionnels? Je pense que c'est philosophique au Québec, c'est fondamental, et on devrait aller dans ce sens-là en ce qui concerne les intermédiaires de marché.

M. Campeau: J'aurais juste un commentaire à ajouter, M. le Président. Moi, je suis d'accord quand vous dites: Il faut faire confiance aux gens, mais il ne faut pas que ce soit une confiance naïve. Alors, je vous remercie, M. Lyras.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député de Crémazie. Maintenant, la parole est au député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Si vous aviez écouté le type d'interrogation que j'ai eu depuis deux jours dans cette commission, vous comprendriez à quel point votre mémoire va dans le sens des questions que je me posais depuis deux jours.

Vous souhaitez avoir un organisme qui ait tous les attributs d'un ordre professionnel – ma première question va être un peu brutale – pourquoi ne pas être un ordre professionnel?

M. Lyras (Serge): C'est une bonne question, et je pense que la réponse revient au gouvernement.

En ce qui nous concerne, comme on veut tous les attributs d'un ordre professionnel, nous serions à l'aise d'être sous le chapeau de l'Office des professions, comme les autres ordres professionnels. D'ailleurs, nous proposions, dans notre mémoire l'an passé, que les appels des décisions du comité de discipline soient entendus par le Tribunal des professions qui a de l'expertise dans ça, et ça évite l'engorgement des tribunaux civils. Donc, nous serions confortables de relever de l'Office des professions, mais je pense qu'il revient au gouvernement d'établir s'il préfère que nous relevions de l'IGIF, comme actuellement, ou de l'Office des professions. Mais, dans les deux cas, nous sommes d'accord en autant qu'on fonctionne sur le même modèle que les ordres professionnels, avec un mode électif pour les représentants et où les représentants, les dirigeants sont redevables à leurs pairs, et c'est ça qui est important d'abord et avant tout.

M. Gautrin: Je vous remercie. Donc, je vais essayer de cerner avec vous le problème que j'ai autour du concept d'ordre professionnel. Je vais vous donner le questionnement auquel je n'ai pas encore répondu.

Si on créait un ordre professionnel, ça couvrirait qui et ça couvrirait quoi? Qui et quoi? Moi, personnellement aussi, je suis en faveur de la création d'un ordre professionnel. Je pense que c'est assez implicite dans le genre de questionnement que j'ai eu depuis deux jours. Ma question: Est-ce que ce serait le même ordre pour couvrir les courtiers en assurance de dommages et en assurance de personnes? Première question. Et est-ce que ça couvrirait aussi les courtiers et les agents? Il semblerait que c'est en train de s'établir, une situation où, courtiers et agents, la distinction commence à être un peu ténue dans les fonctions. Donc, est-ce qu'on pourrait couvrir à la fois les courtiers et les agents?

Et, troisième élément, quel champ de pratique vous réserveriez absolument à l'ordre? Est-ce que vous réserveriez un champ de pratique exclusif? Vous voyez, je comprends que vous êtes un peu contre le fait que les institutions de dépôts soient impliquées dans l'assurance, mais il y a aussi des champs dans l'assurance qui sont relativement mécaniques. Ils ne nécessitent pas un conseil professionnel. On m'a donné, par exemple, l'exemple de l'assurance qui est distribuée aux enfants dans les écoles pour le genre d'assurance-accident qui est une assurance-groupe distribuée dans les écoles et qui ne nécessiterait pas nécessairement, ou à moins d'un alourdissement très fort, la présence d'un professionnel.

Donc, trois questions. À la fois, qui serait dans un tel ordre professionnel? Deuxième élément, quelle serait la part, ou le domaine, ou le champ d'application que vous réserveriez aux membres de cet ordre-là? Croyez-moi bien, vous avez en moi un allié dans la direction que vous avez, mais je tiens à essayer de mieux circonscrire et de mieux comprendre toute cette question du concept d'ordre professionnel qu'on pourrait établir.

(10 h 50)

M. Lyras (Serge): Bon. Pour répondre à votre première question, nous avons une préférence pour une séparation du dommage et de la personne parce que c'est deux secteurs d'activité proches, mais en même temps extrêmement différents.

M. Gautrin: Est-ce que vous me permettrez... À ce moment-là, donc implicitement, encore, a fortiori, séparation aussi des experts en sinistre et des planificateurs financiers.

M. Lyras (Serge): Bon, voyez-vous, à notre avis, les personnes du dommage, les agents et les courtiers devraient être dans le même organisme pour avoir des règles égales d'accès à la profession, de formation, de déontologie, etc.

Au niveau des assurances de personnes et des planificateurs financiers, on pense qu'ils pourraient être sous le même chapeau parce qu'il y a beaucoup, d'ailleurs, de planificateurs financiers qui font aussi de l'assurance de personnes.

M. Gautrin: Oui, je comprends.

M. Lyras (Serge): Et, évidemment, on veut simplifier et réduire aussi le nombre d'organismes et de structures. Nous serions même confortables avec la possibilité que le dommage et la personne soient sous le même chapeau en autant qu'à l'intérieur de l'organisme nous aurions deux secteurs, deux divisions pour faire la réglementation et la discipline.

Concernant les actes réservés, oui, nous souhaitons que tout ce qui pourrait se faire au Québec comme intermédiation en assurance de dommages ou de personnes le soit par des gens qui sont qualifiés, certifiés, contrôlés. Et c'est évident... Vous mentionniez comme exemple des produits qu'on peut qualifier simples. Un bon exemple de produit qu'on peut qualifier simple ou qu'on pense qui est simple: l'assurance-voyage. Vous savez que l'assurance-voyage maintenant, au Québec, c'est un secteur qui génère 100 000 000 $ de primes d'assurance. Il y a des produits extrêmement différents et diversifiés là-dedans pour bien protéger le consommateur, et ça prend un intermédiaire qualifié, qui connaît bien ces produits-là, pour bien conseiller le consommateur lorsqu'il a des besoins particuliers. Pensons aux maladies préexistantes ou quoi que ce soit qui crée des problèmes souvent lors de réclamations parce que c'est vendu par des gens qui ne sont pas compétents. Donc, oui, actes réservés, on est en faveur de ça et que tous les produits d'assurance, quels qu'ils soient, soient vendus par des intermédiaires qualifiés.

M. Gautrin: Vous êtes conscient que vous en élargissez considérablement le champ? Vous savez que, par exemple, dans les aéroports, vous pouvez acheter une police, même par distributrice, une police d'assurance-accident par distributrice. Il y a tout le champ de l'assurance collective où ça se fait, et c'est des produits extrêmement simples. Là, vous insistez aussi pour que ce soit fait par des intermédiaires de marché ou des... et c'est des produits extrêmement simples.

M. Lyras (Serge): Oui.

M. Gautrin: Je comprends que vous rentrez dans l'assurance de voyage, il peut y avoir des cas, des exemples d'assurance de voyage relativement complexes, et je n'essaie pas de plaider contre cela, mais il y a aussi du produit extrêmement simple qui ne nécessite pas nécessairement un intermédiaire de marché, ce qui risquerait d'augmenter les coûts si on prenait un professionnel pour le remplir. Mais votre position est claire: vous voulez couvrir absolument tout. C'est ça?

M. Lyras (Serge): Exactement. Parce que qu'est-ce qui est le plus important, avoir un coût très bas ou avoir des consommateurs qui sont bien protégés? Si les intermédiaires de marché s'impliquent...

M. Gautrin: Vous pouvez avoir les deux, mais enfin...

M. Lyras (Serge): Pardon?

M. Gautrin: Je vous répondrai: avoir les deux, mais...

M. Lyras (Serge): Vous pouvez avoir les deux, évidemment. Mais, quand vous parlez des produits qu'on peut acheter à l'aéroport, et c'est un produit tellement simple, il y a juste une possibilité pour collecter, c'est que l'avion tombe, puis vous mourrez, ça, ce n'est pas compliqué. Mais, du moment où on va un petit peu plus loin, on parlait des assurances-voyage, c'est très complexe, les assurances-voyage, et il y a beaucoup de consommateurs qui sont lésés parce qu'ils achètent ça par des agents de voyage qui ne connaissent absolument rien là-dedans et qui leur disent: Regardez, on va vous vendre une assurance-cancellation et voyage. Assurance-cancellation, c'est déjà plus simple et ça a moins de conséquences, mais une assurance-voyage, quand des gens vont à l'étranger, ils sont obligés de se faire soigner et ça coûte des montants très importants, et qu'ils apprennent par la suite qu'ils n'étaient pas protégés parce qu'ils avaient des maladies préexistantes ou parce qu'il y avait des restrictions dans leur police, les consommateurs sont lésés à ce moment-là et il est trop tard pour régler le problème, il faut le régler au moment de l'évaluation des besoins du consommateur.

M. Gautrin: Je vous remercie. Enfin, vous avez une position très claire, et, au minimum, moi qui essayais, tâchais de limiter ou de déterminer le champ qui vous était réservé; vous, c'est clair, vous prenez tout.

M. Lyras (Serge): C'est évident.

M. Gautrin: Merci.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Charlevoix.

M. Bertrand (Charlevoix): Merci, M. le Président. Depuis deux jours qu'on entend des groupes, on voit que ce qui ressort le plus, c'est la protection du consommateur, évidemment, chacun et chacune prétendant avoir la solution pour protéger le consommateur. Mais on en a entendu quand même de façon différente, puis on en a entendu qui m'ont laissé perplexe. Exemples: un groupe qu'on a entendu à la fin de la journée hier qui ne veut pas faire partie d'aucune espèce de loi et qui dit: Laissez-nous opérer; quelqu'un qui vient et qui dit, en parlant particulièrement d'assurance de personnes, mais quand même, et là je pense à Mme Plamondon: Le citoyen n'est pas suffisamment protégé; on a entendu des gens qui nous ont parlé de la protection dans l'ensemble. Je pense qu'on commence à réaliser, nous les députés, que c'est un domaine extrêmement complexe. Il y a quelqu'un qui nous a fait un tableau hier, que j'ai trouvé éloquent, pour nous expliquer comment c'était complexe, toute l'opération des intermédiaires.

J'ai deux questions particulièrement, et je vais rester, moi aussi, alentour de la protection du consommateur tout en creusant un petit peu plus. Vous êtes ceux qui êtes à la première ligne, je veux dire, vous vendez un produit qui est de dommages, mais vous le vendez, et vous êtes ceux et celles qui travaillez de façon constante avec le consommateur. À ce que je sache, ça fait au-delà de 80 ans que vous existez, quelqu'un nous a dit hier plus de 30 ans, je pense – ou ce matin – que vous pratiquez la discipline. J'aimerais savoir, avec votre expérience... Et vous dites dans votre mémoire, puis vous l'avez dit dans votre allocution, que la loi 134 est particulièrement axée sur les intermédiaires de marché au plan protection du consommateur et, dans le rapport quinquennal, vous dites que ça va plus vers la libération des marchés.

J'aimerais savoir, si on veut vraiment s'assurer... Parce que, nous, c'est l'objectif qu'on a, s'assurer de la protection du consommateur au maximum, en plus d'autres objectifs. J'aimerais que vous creusiez un peu plus par rapport à votre travail professionnel, par rapport au travail professionnel – vous pouvez même déborder si vous voulez – des agents. Vous avez dit assez clairement: Si on veut atteindre l'objectif, il faut que tout le monde qui vend de l'assurance de dommages soit dans un organisme. Je vous répète, au cas où vous ne l'auriez pas entendu, que, dans une discussion qu'on a eue, je pense que c'est la première journée, le président du Groupe Desjardins disait qu'il accepterait possiblement, ou même disait qu'il accepterait, je pense, si ma mémoire est bonne, que les gens qui vendent de l'assurance à l'intérieur des caisses soient membres d'un organisme, aient la même formation, les mêmes règles d'éthique et la même cotisation, quatre points extrêmement importants. Quand il dit ça, dans ma question à moi, c'était évident que ça s'appliquait aussi à tous ceux et celles qui vendent pour les directs, qui débordent un peu ce que, vous autres, vous faites.

J'aimerais qu'alentour de ce que je viens de vous dire et des affirmations, en insistant sur la protection du consommateur et en parlant de la libération des marchés... Jusqu'à quel point vous insistez qu'on doit, nous, s'orienter pour garantir de façon suffisante en même temps cette protection-là des consommateurs? Puis, si on veut, comme gouvernement, aller plus loin sur la libération des marchés, est-ce que c'est possible, puis comment? Et j'aimerais, M. le Président, si vous me le permettez, entendre non seulement le président, M. Lyras, mais j'aimerais entendre l'ex-présidente, Mme Thibodeau, avant, et j'aimerais que M. Lyras conclue et j'aimerais lui poser, à M. Lyras, une autre question après. On aime entendre non seulement le président, mais d'autres personnes aussi.

M. Lyras (Serge): C'est bien. Donc, je vais demander à Mme Thibodeau de vous répondre en premier et je compléterai par la suite. Mme Thibodeau.

(11 heures)

Mme Thibodeau (Marie Claude): Merci. C'est une très bonne question que vous nous adressez là. L'Association et nous croyons que tous les produits d'assurance distribués aux consommateurs devraient être distribués par des intermédiaires compétents, qualifiés, surveillés, encadrés.

Évidemment, la mission de l'organisme que nous représentons en est une de protection du consommateur. Je ne crois pas qu'il y ait de produits simples à vendre du fait que les consommateurs, quand ils achètent un produit, n'ont pas pris la peine de l'étudier, évidemment, donc sont confiants que le produit qu'ils achètent est le produit qui leur convient.

Il n'y a pas de geste simple non plus. Vous le disiez bien, on est à la ligne de feu. On pourrait présumer qu'un simple changement d'adresse ne nécessite pas de conseil. C'est inexact. Un changement d'adresse peut avoir des implications très importants et qui auraient pour effet de pénaliser le consommateur et de lui faire perdre son patrimoine familial.

Alors, je pense qu'on est, nous, intermédiaires de marché – et je pense que ça vise tous les intermédiaires de marché – très sensibles à cette responsabilité-là qu'on a et au fait que nous sommes un organisme qui a pour mission la protection du consommateur, c'est une préoccupation constante. Alors, quand on dit que tous les produits d'assurance devraient être distribués par des intermédiaires de marché, c'est ce qui nous anime. Ce sont ces responsabilités-là qui nous animent. M. le président.

M. Lyras (Serge): M. le Président, peut-être pour compléter. J'aimerais vous dire que, justement la fin de semaine dernière, nous étions en réunion avec l'ensemble des courtiers d'assurances du Canada et on nous répétait encore qu'au Québec on est l'endroit où on a le plus haut niveau de compétence et de professionnalisme dans la distribution des produits d'assurance. Effectivement, les normes, ici, au Québec, qu'on s'est imposées avec le temps en s'autoréglementant ont permis d'atteindre un niveau de professionnalisme très élevé. La libéralisation de la distribution des produits pourrait être un recul à ce niveau-là en faisant distribuer des produits par des gens qui n'ont pas de compétence et parce qu'on pense que c'est des produits simples. Et on trouverait ça extrêmement dommage, quand, nous, on préconise une augmentation même des compétences et du professionnalisme. Même si on est au plus haut niveau au Canada, on trouverait dommage qu'il y ait un recul, qu'on s'en aille en sens inverse.

M. Bertrand (Charlevoix): Est-ce que, M. le président, avec votre dernière partie, si je comprends bien, vous ne voulez quand même pas dire que c'est uniquement sous votre chapeau que ça doit se retrouver? Ce que vous voulez dire, j'imagine – puis je voudrais avoir votre opinion si c'est ça – si on s'en va vers une loi, tel que ça semble vouloir se diriger à l'heure actuelle, c'est qu'il faut s'assurer, il faut garantir que celles et ceux qui vendent des produits à quelque niveau que ce soit possèdent les qualifications requises et que tout le monde soit sur le même pied d'égalité. Est-ce que c'est ça que vous voulez dire?

M. Lyras (Serge): Exactement. C'est exactement...

M. Bertrand (Charlevoix): Vous ne voulez pas protéger, autrement dit, uniquement votre Association?

M. Lyras (Serge): Absolument pas. Au contraire, on pense que toute distribution de produits d'assurance au Québec devrait être faite par des intermédiaires très compétents et qualifiés, certifiés et contrôlés. Et si le consommateur a un problème, il y a des organismes d'autoréglementation à ce moment-là qui peuvent intervenir pour la protection du consommateur. Mais il faut au préalable établir des règles du jeu égales pour tous et un niveau de compétence qui soit le plus élevé possible.

M. Bertrand (Charlevoix): Si j'ai bien compris – même si vous n'insistez pas dans le mémoire, mais vous l'avez dit après – vous ne refusez pas l'idée que... Vous autres, vous préconisez deux groupes, entre autres le groupe de dommages, qui inclurait toutes les personnes, agents ou courtiers qui vendent du dommage. Mais, si j'ai bien compris, vous n'êtes pas réfractaires à l'idée qu'on pourrait se retrouver vis-à-vis d'un organisme qui regrouperait tout le monde mais avec des secteurs, comme vous l'avez dit, à l'intérieur. Encore là – je veux juste vous l'entendre dire – si je comprends bien, c'est d'insister sur le fait pour bâtir la structure en fonction de la protection du consommateur. Est-ce que c'est ça?

M. Lyras (Serge): Exactement, bâtir la structure en fonction de la protection du consommateur, y aller dans le sens de la responsabilisation des intermédiaires, donc avec le mode électif. C'est très important. Parce que, dans le livre vert, on parle d'autoréglementation par des représentants qui sont nommés par le gouvernement. Selon nous, ce n'est pas de l'autoréglementation. De l'autoréglementation, c'est vraiment fait par les pairs qui sont nommés par leurs membres.

Maintenant, c'est évident qu'on veut une simplification des structures, donc, si on parle d'un organisme unique, on peut vivre avec un organisme unique en autant qu'il y ait deux secteurs à l'intérieur – on l'a mentionné tantôt – où chaque secteur s'autoréglemente et en autant qu'il y ait une représentation équitable aussi au niveau de l'organisme unique par rapport aux différents secteurs d'activité qui sont touchés.

M. Bertrand (Charlevoix): Je n'ai plus de temps, est-ce qu'il en reste du côté de l'opposition...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, mais...

M. Bertrand (Charlevoix): ...je pourrais lui emprunter une minute ou deux.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, mais ils ont demandé le temps aussi. M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Oui.

M. Gautrin: ....consentement.

M. Chagnon: Chose certaine, je vais poser quelques questions, mais je vais faire ça relativement rapidement pour permettre au député de poser d'autres questions.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, oui, allez, M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: À moins qu'il y ait des gens chez nous qui...

M. Gautrin: Non, non, mais on pourrait, par consentement, prolonger un peu, parce que je crois que le questionnement du député de Charlevoix était important. S'il a seulement quelques questions à poser.

M. Chagnon: Je n'ai pas de problème, moi non plus.

M. Bertrand (Charlevoix): Je voulais juste leur demander... et elle peut s'inclure dans la question du député de Westmount–Saint-Louis. J'aimerais ça, en quelque part, dans les réponses que vous allez donner – je vais y aller par un autre côté – que vous expliquiez, si c'est un organisme qui s'organise comme ça – ou deux organismes, ça n'a pas d'importance – qui, à ce moment-là, va défendre les intérêts pécuniaires des intermédiaires. Je veux que vous spécifiiez un peu plus que, vous autres, vous travaillez, si je comprends bien, uniquement sur la partie de la protection des consommateurs.

Je ne veux pas qu'il y ait d'équivoque pour nous les députés, à savoir que c'est vos propres intérêts que vous défendez. J'aimerais ça, en quelque part, que vous puissiez, dans les réponses que vous allez donner aux questions des députés de l'opposition, inclure ce volet-là, que, quand vous parlez, vous parlez des intérêts des consommateurs. Mais quel est l'organisme ou les organismes qui travailleraient ou qui travaillent pour défendre les intérêts pécuniaires?

M. Lyras (Serge): M. le Président, voulez-vous que je réponde immédiatement?

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Allez, allez.

M. Lyras (Serge): Bon. Évidemment, l'Association des courtiers, son unique mission, c'est la protection du consommateur. Il existe un autre organisme au niveau des courtiers, qui est le Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du Québec, qui, lui, s'occupe de la défense ou de l'intérêt socioéconomique, si on veut, des courtiers. Donc, on a, à ce niveau-là, les coudées franches, parce que notre unique mission, c'est la protection du consommateur.

Dans le prolongement des organismes que le gouvernement entend mettre sur pied, évidemment, notre intérêt va toujours être uniquement la protection du consommateur.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est bien. M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir aux propos soulevés par le député de Crémazie concernant les problèmes et les risques de la distribution de produits d'assurance dans les institutions de dépôts, soit les pages 9 et 10 du document déposé par l'Association des courtiers.

Le député de Crémazie demandait si l'Association avait eu des confirmations de la part du ministre des Finances ou des gens du ministère des Finances concernant ses visions ou ses vues eu égard au fait que les banques, éventuellement, ou institutions de dépôts, soit qu'on leur laisse la porte ouverte en regard de la possibilité de vendre des produits ou de distribuer des produits d'assurance. La réponse qu'on a eue, on a dit: Non, on pense que, de façon permanente, le ministère des Finances fédéral irait toujours dans ce sens-là, à la condition... Et c'est là que je vais tenter de décoder M. Lyras, ça ne m'apparaissait pas très compliqué, très complexe comme oeuvre de décodage.

En fait, ce que vous dites, M. Lyras, c'est que vous suggérez, dans la nouvelle législation, que le gouvernement du Québec revienne sur ce qu'on y trouvait à l'intérieur de la loi 134, sur les prérogatives de Desjardins de vendre et de distribuer de l'assurance. C'est le cas?

Une voix: Exact.

M. Chagnon: Bon. Alors, pour faire en sorte que Desjardins soit au même niveau que les Credit Unions dans les autres provinces mais aussi, surtout, au niveau des ventes à travers le Canada. C'est intéressant de constater que les gens qui vont vous suivre sont les gens de l'association des banques du Canada.

(11 h 10)

Ceci étant dit, le ministre des Finances, quand on a siégé mardi, a répondu à cet argument à l'effet qu'il avait des sondages, de nombreux sondages, disait-il, reflétant la volonté des consommateurs d'acheter des produits d'assurance dans des sociétés comme Desjardins, dans des institutions de dépôts. Est-ce que vous en avez vu, de ces sondages?

M. Lyras (Serge): J'aimerais connaître la provenance de ce sondage. J'imagine que c'est un sondage qui a été fait par Desjardins?

M. Chagnon: Je ne le sais pas.

M. Lyras (Serge): Parce que l'ensemble des consommateurs au Québec se prononcent contre, et l'ensemble des consommateurs au Canada aussi. Il y a eu des sondages publics qui ont été faits à ce niveau-là. Il y en a eu un, entre autres, en avril dernier où 49 % des Canadiens disaient qu'ils souhaitaient que les banques n'aient pas la possibilité de vendre de l'assurance à l'intérieur des succursales; 39 % seulement disaient qu'ils étaient en faveur, et il y avait évidemment des indécis. Et ce que je peux vous dire, c'est que la tendance là-dessus est à la hausse. De plus en plus, les consommateurs se prononcent contre à cause des dangers.

M. Chagnon: Je n'ai aucune espèce d'idée, M. le président, d'où provenait le sondage. Je ne peux pas présumer qu'il venait de chez Desjardins ou d'ailleurs. Mais, une chose est certaine, M. le président, vous avez entendu comme moi les propos du ministre à cet effet-là, n'est-ce pas?

M. Lyras (Serge): Oui. On m'a dit qu'effectivement M. le ministre avait mentionné que certains consommateurs trouvaient commode... Je ne connais pas les détails exacts du...

M. Chagnon: Alors, ma question, M. le Président, au député de Crémazie qui remplace le ministre: Est-ce qu'il a l'intention de publier ces sondages que le ministre a évoqués mardi dernier pour raffiner ou renforcer la position qu'il avait à l'effet que les consommateurs seront tout à fait enclins, d'accord, et aiment l'idée de pouvoir acheter leurs assurances dans des institutions de dépôts, pour qu'on puisse au moins savoir de quoi on parle?

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Crémazie.

M. Campeau: M. le Président, je vais en parler avec le ministre des Finances, M. Landry, et ce sera à lui de décider par la suite.

M. Chagnon: Je vous remercie, M. le Président. Je souhaite évidemment que le ministre des Finances ouvre et permette la publication des sondages qui l'ont amené à avoir l'opinion qu'il a émise mardi dernier, de façon à ce qu'on puisse évidemment confronter les opinions des gens que nous recevons ici avec les documents sur lesquels reposent les positions du ministre. Merci, M. le Président.

M. Lyras (Serge): M. le Président, est-ce que je peux compléter, suite à la question de M. Chagnon?

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui.

M. Lyras (Serge): Je tiens à vous dire qu'actuellement la loi ne permet pas à Desjardins de vendre de l'assurance dans ses caisses. Desjardins a pris l'initiative de le faire et, actuellement, c'est contesté par le Regroupement des cabinets de courtage devant les tribunaux. Et la décision n'est pas rendue encore. Donc, la loi, à mon sens, n'a jamais permis implicitement que ce soit fait. À toutes fins pratiques, ce n'est pas un recul en arrière que le gouvernement aurait à faire, c'est juste d'appliquer la loi telle qu'elle est actuellement et d'enlever ce privilège que Desjardins s'est octroyé.

M. Chagnon: C'est une forme de tolérance. On a appelé ça la tolérance, même à l'intérieur du livre vert du ministre.

M. Lyras (Serge): Exact.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Si vous me permettez, avant de continuer, il reste cinq minutes pour entendre l'organisme. Le parti ministériel a écoulé 23 minutes, ou a utilisé 23 minutes, et le parti de l'opposition a écoulé 15 minutes. Donc, moi, je veux bien partager le temps équitablement, mais, si je laisse la parole à un député ministériel, il faudra faire vite parce que déjà on a écoulé notre temps, mais il reste cinq minutes, globalement, sur l'ensemble du temps.

M. Gendron: On va faire rapidement. Mais, sur les derniers propos, à notre connaissance, il y a un jugement de première instance qui a été rendu. Il n'y a pas l'air d'avoir beaucoup d'engouement de votre partie pour plaider l'appel. Mais il y a un jugement de première instance qui a été rendu, contrairement à ce que vous venez d'affirmer, que, à votre connaissance, il y aurait illégalité de la part de Desjardins de vendre de l'assurance. Or, c'est l'information dont on dispose, en tout cas.

M. Lyras (Serge): Dans le livre vert, on mentionne justement, on dit: Est-ce qu'on devrait aller de l'avant pour confirmer ou légaliser? Ça veut dire, effectivement, que le gouvernement est conscient qu'actuellement ce n'est pas clair. La loi ne leur permet pas de le faire implicitement.

M. Gendron: O.K. Rapidement. Mais, quand même, moi, ma question, puisque le temps est limité, deux commentaires très rapides. Vous avez, avec raison, parlé des inquiétudes du consommateur en ce qui a trait aux institutions de dépôts, parce qu'il y en a. Vous avez parlé de ça avec raison. Vous avez également dit que le consommateur était de plus en plus lésé par les gens qui vendent de l'assurance-voyage.

Je vous ai entendu assez, je pense, correctement. Vous avez été assez louangeur envers le système d'autoréglementation qui existe actuellement en disant que c'est un système qui a fait ses preuves. Mais c'est ce même système là, selon Mme Plamondon et d'autres, qui permet qu'il y ait une perte, quoi, estimée et corroborée par plus de gens que l'inverse, de 150 000 000 $ à 160 000 000 $ pour les consommateurs due à des changements inutiles, répétitifs de police d'assurance où le courtier ou l'agent a davantage intérêt à y trouver son compte que le consommateur.

Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce que Mme Plamondon était on ne peut plus explicite en disant qu'elle était convaincue que le chiffre de 150 000 000 $ était conservateur. Ça a été confirmé par d'autres. Et là il s'agit de pertes importantes pour les consommateurs. Et, vous, vous dites: Non, on est parfait, il n'y a pas de problème, on a un système d'autoréglementation qui devrait demeurer parce qu'il a fait ses preuves et qu'il est le bon.

Remarquez que je n'ai pas de réserve sur votre phrase à l'effet qu'on est probablement les plus exigeants pour l'ensemble des gens qui oeuvrent dans ce secteur-là. Ça, ça ne fait aucun doute. On fait souvent ça, au Québec, d'être les premiers dans des exigences. Parfois, ça nous cause des problèmes économiques, par exemple. Mais, au-delà de ça, mon propos, c'est: C'est quoi, votre version, sur les 150 000 000 $ de changements de police inutiles par courtiers, agents, ou ainsi de suite?

M. Lyras (Serge): M. le Président, je tiens à préciser d'abord que ce problème-là n'existe pas dans l'assurance de dommages. Il existe dans les assurances de personnes...

M. Gendron: Exact.

M. Lyras (Serge): ...à cause du phénomène de remplacement de police. Et il y avait déjà d'ailleurs en 1989, quand la loi 134 a été adoptée, une mesure qui préconisait de régler ce problème-là de remplacement de police en introduisant le système de commission nivelée qui, à ce moment-là, permettrait aux intermédiaires des assurances de personnes d'avoir avantage à ce que les produits ne soient pas remplacés, mais, au contraire, qu'ils soient maintenus dans le temps.

Donc, c'est plus difficile pour moi de me prononcer là-dessus parce que ce n'est absolument pas un problème en assurance de dommages; c'est un problème en assurance de personnes. Je pense que tout le monde est conscient de ce problème-là. Et une des façons de le régler, c'est d'instaurer la commission nivelée. À ce moment-là, je pense que le problème serait sûrement réglé; ça réglerait le problème définitivement.

M. Gendron: Une phrase ou deux. Des gens nous ont dit: Courtier, agent, il n'y a pas grande différence, vous devriez avoir un même nominatif. Vous, vous voulez en ajouter un: vous parlez d'un courtier adjoint. Alors, je voudrais juste avoir plus d'explications. J'ai de la difficulté à saisir pourquoi ça serait logique d'ajouter une nouvelle catégorie d'intermédiaires parmi les nombreux qui existent. Alors, qu'est-ce que ça ferait, ça, un courtier adjoint, de plus qu'un courtier tout court ou un agent?

M. Lyras (Serge): Tout d'abord, j'aimerais vous dire qu'il y a une différence fondamentale entre le courtier et l'agent. La différence est celle que le courtier tient son mandat du client. Le courtier, c'est un entrepreneur indépendant qui représente son client auprès de plusieurs fournisseurs. Donc, il trouve pour son client le meilleur produit au meilleur prix. Tandis que l'agent, c'est un employé d'une compagnie d'assurances qui travaille pour cette compagnie-là et qui, évidemment, répond à son employeur. Donc, la notion de conseil, à ce moment-là, et tout le mandat sont très différents.

M. Gendron: Mais, rapidement, combien il y en a, d'agents qui représentent deux, trois compagnies d'assurances, plutôt que ce que vous venez de dire? Parce que j'en connais plusieurs agents, moi, qui travaillent pour deux, trois compagnies d'assurances.

M. Lyras (Serge): La définition d'un agent, c'est qu'il ne doit représenter qu'une seule compagnie d'assurances.

M. Gendron: Ah! O.K.

M. Lyras (Serge): Et il est lié par un contrat d'exclusivité.

M. Gendron: Bon.

(11 h 20)

M. Lyras (Serge): Donc, l'agent ne représente qu'une compagnie. Il offre rien qu'un produit. Il y a toute la notion, aussi, si vous me permettez, M. le Président, de ce qu'on appelle, nous... Le courtier offre un choix réel au consommateur en offrant toute une gamme de produits de plusieurs fournisseurs, tandis que l'agent vend les produits uniquement de son employeur.

Maintenant, pour répondre à votre question concernant le courtier adjoint, c'est qu'à l'intérieur d'un cabinet de courtage il y a plusieurs départements. Il peut y avoir le département des assurances de particuliers, le département des assurances des entreprises et les départements de risques spécialisés. Nous, on pense qu'un courtier qui ne transige, par exemple, que des assurances de particuliers devrait avoir un permis de courtier adjoint en assurance des particuliers et travaillerait évidemment sous la supervision d'un courtier qui aurait le permis complet pour toutes les lignes. À ce moment-là, comme il ne fait que cette branche d'activité là, le consommateur ne serait pas lésé, parce que ce n'est pas nécessaire pour lui de connaître tout le domaine des assurances des entreprises. Et ça permettrait évidemment d'avoir des intermédiaires qui soient qualifiés mais un peu plus spécialisés, si vous voulez, dans leur champ d'activité.

M. Gendron: Merci beaucoup.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Un dernier intervenant. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Ça voudrait dire que vous êtes en faveur de la certification modulaire telle qu'elle a été présentée par un certain nombre d'intervenants hier et avant-hier?

M. Lyras (Serge): Est-ce que vous pouvez préciser votre question?

M. Gautrin: Alors, la certification modulaire et l'exemple qui nous avait été donné, c'était celui du permis de conduire où vous pouvez avoir un permis de conduire pour un poids lourd, un autre pour une motocyclette ou une automobile, ou pour un permis de conduire gradué.

Vous arrivez donc, vous, à être, au niveau de la certification modulaire – et on n'entre pas sur quel organisme doit s'appliquer, je pense qu'on a échangé là-dessus – en ayant des personnes qui aient la possibilité de faire tous les genres d'intermédiaires de marché, d'autres qui aient seulement un permis pour les intermédiaires de marché en assurance de personnes, d'autres intermédiaires de marché dans l'assurance de dommages. Est-ce que c'est ça que je comprends?

M. Lyras (Serge): Oui, en autant que ces gens-là sont sous supervision de quelqu'un de compétent et en autant, évidemment, que ce n'est pas restreint à, exemple, un seul produit. On parle quand même d'un permis. Un courtier adjoint pourrait faire toutes les assurances des particuliers.

M. Gautrin: Très brièvement. Comment vous vous positionnez par rapport à ce qui existe pour les experts en sinistre, par exemple, où ils doivent être... ils sont d'abord de classe II pendant cinq ans, ils sont sous la supervision d'un expert en sinistre de classe I, c'est-à-dire qu'après la certification il y a une forme d'apprentissage de temps plus ou moins limité avant d'être une personne en titre.

Est-ce que vous avez étudié cette question? Est-ce que la séparation à laquelle vous faites allusion en répondant au député d'Abitibi-Ouest, c'est une chose avec laquelle vous êtes en accord?

M. Lyras (Serge): C'est un excellent exemple. Exemple, aussi, en Ontario, le RIBO, qui est l'organisme équivalent à nous, il y a trois catégories de permis de courtier. Il y a le permis pour le courtier qui est gestionnaire, qui dirige un cabinet, qui doit évidemment avoir des compétences beaucoup plus larges, et, par la suite, il y a des permis pour des activités plus restreintes mais toujours sous la supervision d'un courtier complet. C'est exactement votre exemple. Il était excellent.

M. Gautrin: Merci, ça éclaire le débat.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. Lyras, ainsi que vos collaboratrices. Comme vous avez pu le voir, votre mémoire a suscité beaucoup d'intérêt parce que, d'abord, il abordait d'une façon assez complète toute la problématique du secteur des assurances. Je suis certain qu'il participera à aider les députés à faire un cheminement pour essayer d'avoir un projet de loi qui réponde le plus possible aux besoins de la société. Je vous remercie beaucoup.

M. Lyras (Serge): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Et j'invite, par le fait même, l'Association des banquiers canadiens à s'approcher.

Je suspends deux minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 24)

(Reprise à 11 h 30)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): À l'ordre, s'il vous plaît! J'inviterais les membres de la commission à reprendre place. Je conviens que je mets fin à d'importantes discussions, sans doute, et intéressantes, mais il faut reprendre nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants et représentantes de l'Association des banquiers canadiens, et j'invite son représentant, M. Tessier, à présenter ses collaborateurs, ses collaboratrices et à nous faire part de son mémoire.


Association des banquiers canadiens (ABC)

M. Ballard (Michael E.P.): Merci, M. le Président. Je ne m'appelle pas Tessier, mais plutôt Michael Ballard.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bon. Ça va faire pareil.

M. Ballard (Michael E.P.): Je suis vice-président, division du Québec, de l'Association des banquiers canadiens. Notre délégation aujourd'hui est composée bel et bien de M. Claude Tessier, qui est à ma gauche, qui est directeur principal assurances, Banque Laurentienne du Canada, et qui est également membre de notre comité sur les assurances à l'ABC; à sa gauche, Michel Mailloux, qui est directeur général administration, Trust général du Canada, ex-président de l'Institut québécois de planification financière, l'IQPF; à ma droite, Jacques Hébert, directeur Québec, Association des banquiers canadiens; et à côté de Jacques, Pamela Larrea, adjointe au directeur affaires juridiques, division du Québec, Association des banquiers canadiens; finalement, un vrai banquier, Jacques Labrèche, vice-président et directeur, région de l'Est du Québec, Banque de Montréal, et président de notre comité sur les affaires gouvernementales de l'Association des banquiers canadiens.

Au nom de l'industrie bancaire canadienne, qui compte 175 000 employés répartis dans 54 banques, dont neuf de propriété canadienne, l'Association des banquiers canadiens, ou l'ABC, par la voix de sa division du Québec, est heureuse de saisir l'occasion qui lui est donnée de commenter le rapport quinquennal sur la mise en oeuvre de la Loi sur les intermédiaires de marché qu'a déposé le gouvernement du Québec en juin dernier.

De prime abord, les banques constatent l'ouverture d'esprit et de vision à long terme du ministre responsable de la loi à l'égard du domaine financier. «Nos sociétés se transforment – écrit-il dans le préambule du rapport – et nos façons de faire doivent s'adapter. Face au changement, il n'y a qu'une attitude profitable: s'adapter.» Car c'est bien de cela qu'il s'agit, créer un environnement qui réponde aux réalités financières contemporaines des consommateurs et des gens d'affaires. Or, que nous disent ces consommateurs qui sont aussi nos clients? Ils nous disent notamment qu'ils devraient pouvoir choisir où acheter leurs produits financiers, que ceux-ci doivent être les meilleurs, accessibles partout et abordables. En d'autres mots, ils veulent un meilleur choix, plus de commodité et une concurrence accrue.

Les sujets abordés dans le rapport de même que les recommandations qui y sont contenues sont d'un intérêt certain pour les banques au Québec dont les 35 000 employés servent quotidiennement des milliers de consommateurs désireux, comme l'ensemble des Canadiens, d'obtenir les meilleurs services au meilleur coût et dans les meilleures conditions. Dans cette veine, les banques ne peuvent que souscrire globalement aux principaux objectifs poursuivis par les auteurs du rapport, à savoir: élargir l'accès aux produits, réduire les coûts par le décloisonnement des réseaux de distribution et simplifier la réglementation.

De juridiction fédérale, les banques à charte possèdent déjà, comme en fait foi l'article 409 de la loi qui les régit, le pouvoir d'offrir des services de conseil en placement et de gestion de portefeuille à leurs clients. Que le Québec veuille à sa façon légiférer en ce domaine à l'égard des institutions qui sont sous sa juridiction nous apparaît équitable dans le cadre d'une démarche axée sur le mieux-être des consommateurs. Quant à la vente de certains produits d'assurance, les banques s'y adonnent depuis nombre d'années à la grande satisfaction de milliers de clients qui, de plus en plus, recherchent et réclament le guichet unique.

Ceci étant, voici quelques commentaires susceptibles d'ajouter aux réflexions de cette commission. Tout d'abord, en ce qui concerne la distribution de produits et de services financiers, les auteurs du rapport soulignent que, et je cite, «pour améliorer la protection du consommateur, la loi régira non seulement les intermédiaires de marché, mais aussi tous les distributeurs d'assurance et de certains autres produits et services financiers non régis actuellement par la Loi sur les valeurs mobilières, et ce, quel que soit le mode de distribution utilisé». Fin de la citation. Quoique le rapport ne donne aucune précision quant à la nature des autres produits et services financiers que la loi régira, nous comprenons cependant des énoncés qui émanent du rapport que l'offre des produits ne sera pas toujours sujette à la détention d'un certificat. Néanmoins, la distribution des produits sera assujettie à certaines formalités. Il serait souhaitable que le gouvernement fournisse des précisions concernant les types de produits qui sont réglementés et ceux dont l'offre ne sera pas assujettie à la détention d'un certificat.

L'ABC considère que les intérêts du consommateur sont mieux protégés lorsque ce dernier peut choisir ses produits financiers parmi une vaste variété d'options qui lui est présentée. Exempt de la libre concurrence, le secteur canadien de l'assurance tarde à innover et à apporter des améliorations qui augmenteraient son efficacité. Cette résistance au changement se traduit par des coûts inutiles pour le consommateur et prive les Canadiens des avantages dont bénéficient les consommateurs d'autres pays tels que la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et l'Australie. Ajoutons que, dans la plupart des pays industrialisés, en Colombie-Britannique et ici même au Québec, certaines institutions de dépôts sont en concurrence avec les distributeurs d'assurance traditionnels. Cette concurrence favorise le consommateur, auquel on offre un meilleur choix dans la sélection de ses produits financiers.

Les banques sont régies par une législation fédérale dont l'objet est, entre autres, de définir les activités et pouvoirs qu'elles sont en droit d'exercer. Le rôle qu'elles jouent dans le milieu financier découle directement des prérogatives générales énoncées dans la loi et les règlements auxquels elles sont soumises. Dans cette perspective, l'optimisation du décloisonnement pour la distribution d'assurance dans les institutions de dépôts s'avère l'avenue qui semble la plus conforme aux intérêts de l'industrie bancaire. Il est nécessaire de favoriser le choix du consommateur lorsqu'il se procure des produits d'assurance tout en assurant la croissance et l'efficacité du système financier. Et c'est en ce sens que les banques sont d'avis qu'il importe d'encourager une approche qui permettra d'établir un équilibre entre une structure réglementaire effective qui respecte les champs de juridiction de chaque législature et les besoins de flexibilité opérationnelle nécessaire au fonctionnement efficace du système financier.

Abordons maintenant la question de l'assurance collective de personnes. Les banques vendent depuis de nombreuses années des produits liés à l'assurance collective de personnes. À travers le temps, l'expérience démontre que ces produits se sont avérés fiables, simples et accessibles. Fait important à souligner: pour le client, cette assurance est tout à fait facultative et sans lien aucun avec l'acceptation du prêt.

En 1995, les Canadiens détenaient environ 3 700 000 certificats d'assurance-vie couvrant le solde de leur prêt. De ces cas, un très petit nombre a fait objet de litige. Les institutions bancaires possèdent les instruments nécessaires pour assurer la formation complète du personnel en succursale. Celui-ci est formé pour répondre aux besoins des clients et pour garantir au consommateur l'acquisition d'un produit qui répond à ses besoins. En somme, ce marché est très bien desservi et l'ABC ne voit pas l'avantage d'ajouter d'autres réglementations en ce qui concerne ces produits. C'est pourquoi l'ABC est d'avis qu'il n'est pas nécessaire d'exiger que l'offre des produits d'assurance collective soit effectuée par des intermédiaires de marché et opte pour la première solution proposée à la section 4.7 du rapport.

(11 h 40)

Quant à l'assurance-voyage, nous apprécions la modification proposée afin de confirmer que le personnel d'une institution financière puisse offrir l'assurance-voyage sans être titulaire d'un certificat d'intermédiaire de marché en assurance, dans la mesure où ceci est permis en vertu de la loi fédérale. Encore une fois, ce marché est bien desservi, et nous ne voyons pas l'avantage d'ajouter d'autres réglementations. C'est pourquoi l'ABC est d'avis qu'il n'est pas nécessaire d'assujettir la distribution de produits d'assurance-voyage à la détention d'un certificat d'intermédiaire de marché.

En ce qui concerne l'encadrement des planificateurs financiers, l'ABC n'a pas de commentaires particuliers à formuler. Soulignons seulement que la mise sur pied de règles de déontologie et de pratique servant à mieux structurer les activités et les obligations des planificateurs financiers pourrait servir à soutenir une meilleure protection du consommateur. Quant à savoir qui sera responsable d'une telle réglementation et qui devrait s'y soumettre, nous considérons que cette question ne relève pas, dans le cas de l'industrie bancaire, de la juridiction provinciale. Mais, comme elle pourrait demeurer applicable pour tout autre intervenant qui fait affaire au Québec, il importe d'ajouter que toute réglementation qui pourrait être adoptée devrait s'harmoniser avec les dispositions que pourrait édicter le gouvernement fédéral sur ce point.

Abordons maintenant le principe d'interdiction du cumul des fonctions. Celui-ci fait maintenant partie de la loi, tel que souligné à la section 1.5 du rapport, et ce, malgré les objections soulevées par l'ABC à plusieurs reprises. Nous nous réjouissons cependant de constater que les auteurs du rapport s'interrogent maintenant sur le bien-fondé de cette interdiction en posant la question clairement, et je cite: «Doit-on également continuer à empêcher qu'une personne à l'emploi d'une institution financière puisse agir à temps partiel comme intermédiaire de marché en assurance?» Fin de la citation.

Nous avons toujours dit que nous comprenions difficilement pourquoi le gouvernement, tout en interdisant à des employés d'institutions financières dûment qualifiés de cumuler des fonctions de nature bancaire avec des fonctions d'intermédiaire en alléguant le besoin de protection des consommateurs, permet aux intermédiaires de marché en assurance de recevoir des dépôts et de placer des prêts hypothécaires. L'ABC croit fermement qu'une législation ayant pour but de restreindre le cumul des fonctions a pour effet de miner considérablement les économies d'échelle que vise l'établissement de réseaux et va à l'encontre des intérêts des épargnants.

Les banques ne s'opposent pas comme tel à un élargissement des secteurs d'activité des divers acteurs du monde financier, pourvu que celui-ci se fasse équitablement pour chacun, institution financière ou intermédiaire, qu'il permette un meilleur choix et des coûts moindres pour le consommateur et qu'il soit accompagné de mesures destinées à assurer une protection adéquate du public. Cependant, l'industrie bancaire favorise le traitement égal des partenaires financiers et croit que la définition des champs de pratique des intermédiaires de marché devrait, en toute équité, favoriser une meilleure utilisation des ressources dont disposent les institutions financières et reconnaître également à leurs employés dûment qualifiés le droit de cumuler les fonctions décrites ci-haut, et ce, afin que la concurrence puisse se faire à armes égales.

Dans le même ordre d'idées, nous ne croyons pas qu'il soit approprié d'imposer la troisième option envisagée au point 4.1.2 du rapport sans distinction à toutes les institutions de dépôts. Selon les circonstances particulières à chaque institution, il pourrait s'avérer plus approprié de conserver certaines activités au sein d'entités distinctes, et ce, notamment dans le domaine des valeurs mobilières, pour respecter certaines exigences de la Commission des valeurs mobilières du Québec.

Nous aimerions donc réitérer notre opposition ferme au chapitre III de la loi, lequel concerne la limite de 20 % à la propriété des cabinets de courtage en assurance par les institutions financières. Le rapport souligne cette interdiction à la section 2.5 et la réitère à la section 4.6 du document. Selon nous, le gouvernement devra plutôt éliminer les barrières à la distribution des produits d'assurance dans les succursales d'institutions financières car les consommateurs en retirent un avantage incontestable, particulièrement au niveau de l'amélioration des services offerts.

Étant donné que le gouvernement fédéral pourra, dans un avenir plus ou moins proche, permettre aux banques d'exercer de nouvelles activités ayant trait à la vente d'assurance, le besoin d'enrayer cette prohibition, au grand bénéfice des consommateurs, devient encore plus important. Étant donné cette dernière éventualité, il y aura certes lieu d'éviter que les dispositions du chapitre III entrent en conflit avec les lois et règlements permettant, d'une part, aux différentes institutions financières d'exercer les pouvoirs qui leur sont accordés en matière d'assurance et, d'autre part, de distribuer par la voie de leurs réseaux de succursales des produits d'assurance de plus d'un assureur.

Parlons maintenant des organismes d'autoréglementation. Dans le cadre du rapport quinquennal, à la section 4.4, le gouvernement fait état de diverses solutions susceptibles d'être envisagées afin de limiter les dédoublements des organismes d'autoréglementation et d'autodiscipline. L'ABC souscrit à l'idée de limiter les organismes d'autoréglementation afin de favoriser l'objectif de simplification qui découle du rapport tout en harmonisant les intérêts des divers acteurs du domaine financier. Cela favorise l'efficacité du système de même que la diminution des coûts inhérents à la réglementation. Par ailleurs, il est certain que les institutions bancaires souhaiteraient, dans le cadre de la mise en place d'un organisme d'autoréglementation, avoir une voix qui sera proportionnelle au rôle qu'elles jouent dans le marché des produits visés par le rapport.

Dans ce contexte et puisqu'elle est parmi les organismes susceptibles d'être impliqués dans la réglementation et la surveillance des intermédiaires de marché, il nous apparaît essentiel de questionner le rôle que pourrait jouer l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec, l'AIAPQ. On n'est pas sans savoir que l'AIAPQ a lancé une campagne de dénigrement à l'encontre des institutions financières offrant l'assurance-crédit hypothécaire. Le rapport d'enquête spéciale sur l'assurance hypothécaire de l'AIAPQ jumelé à une campagne publicitaire très négative sur le sujet sont quelques-uns des éléments qui sèment la confusion aux yeux du public. Ces actions sont donc entreprises dans le but de limiter la concurrence et non pas de protéger les intérêts du consommateur. Cela jette un important discrédit sur les activités de l'industrie bancaire dans notre province tout en causant auprès des consommateurs une inquiétude et une incertitude injustifiées.

Dans ces circonstances, nous croyons que tout mandat ou rôle qu'un organisme, que ce soit l'AIAPQ ou un autre, pourrait être appelé à jouer dans un nouveau contexte d'autoréglementation et d'autodiscipline devrait être attentivement étudié, délimité et justifié afin d'assurer un encadrement équitable et non discriminatoire aux divers intervenants impliqués. Ce faisant, il importe de garantir que la constitution de l'organisme soit représentative de l'ensemble des intérêts en fonction des trois principes de base suivants: l'ensemble des intervenants du marché doivent être représentés; la structure mise en place doit être suffisamment flexible pour s'adapter rapidement à l'évolution constante du marché; et la structure organisationnelle doit permettre d'assurer qu'aucun groupe ayant des intérêts ne soit en position de contrôle.

Enfin, parlons de l'importante question de la protection du consommateur. La protection du consommateur est parmi les principales préoccupations étalées à de nombreuses reprises dans le rapport quinquennal. Encore une fois, l'ABC souscrit entièrement à ce principe. En pratique, nous croyons qu'il est possible d'accroître cette protection par la voie de mesures d'autoréglementation. Des lignes directrices ont effectivement été développées par les divers intervenants de l'industrie bancaire afin de dicter la marche à suivre dans le cadre de la distribution de produits financiers et d'assurance. Ces mesures évoluent et peuvent être adaptées aux nouveaux besoins.

À cet effet, voici quelques exemples de mesures prises par les banques afin d'assurer la protection des intérêts des consommateurs tant en matière de formation que de protection des renseignements personnels. Les banques accordent une très grande importance à la formation de leurs employés. Plus l'employé est compétent, mieux il servira l'intérêt du client et plus celui-ci sera satisfait de faire affaire avec son institution bancaire. On n'est pas sans savoir que les banques accordent un pourcentage important de leur masse salariale à la formation de leur main-d'oeuvre. Cet investissement revêt diverses formes, puisqu'au centre de formation au sein de chacune des banques se greffe l'Institut des banquiers canadiens. La formation de la main-d'oeuvre constitue donc une priorité pour les institutions financières. Elle augmente la capacité du personnel à faire face à l'évolution des marchés, protège le consommateur contre la désinformation et stimule l'ensemble des intervenants dans un cadre hautement concurrentiel.

(11 h 50)

Par ailleurs, le secteur bancaire fait figure de chef de file en matière de protection de la confidentialité. En mars dernier, l'ABC rendait publique une nouvelle version du modèle de code de confidentialité qui respecte non seulement le code type sur la protection des renseignements personnels de l'Association canadienne de normalisation, mais prévoit également des exigences plus strictes. Ce modèle de code de confidentialité qui sert de ligne directrice pour les codes internes déjà existants au sein de chacune des banques témoigne d'une norme volontaire nationale qui s'applique au marché de l'industrie bancaire.

Parmi les principales caractéristiques de cette nouvelle version, on remarque notamment que les clients des banques ont le choix de refuser leur vie durant que leurs renseignements personnels servent à d'autres fins qu'à la gestion des produits et des services qu'ils ont demandés. Aucune pression ne doit s'exercer sur les clients quant à l'utilisation de leurs renseignements personnels à d'autres fins. Les banques communiquent clairement à quelles fins servent les renseignements personnels de leurs clients. Les banques obtiennent le consentement des clients avant de partager les renseignements personnels avec leurs filiales. En aucune circonstance les banques et leurs filiales ne partagent entre elles les renseignements concernant la santé des clients. Les personnes responsables de la conformité et des vérificateurs internes imputables devant le conseil d'administration de leur banque assurent la surveillance du respect des normes de confidentialité.

Ces quelques éléments illustrent à quel point les banques accordent une importance fondamentale au respect de la confidentialité des renseignements et au respect du secret bancaire auquel elles sont liées. De plus, nous pouvons souligner que, parallèlement aux moyens mis en place par les banques pour assurer la protection des renseignements personnels, certaines filiales de banques sont soumises à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Il ne fait aucun doute que les mesures qui sont prévues dans cette législation servent aussi à appuyer la protection des renseignements personnels des clients.

Par ailleurs, le rapport quinquennal fait état de la mise en place d'un ombudsman qui, à titre de tierce partie neutre, ferait office de réviseur lorsque des consommateurs ne sont pas satisfaits d'une décision prise à leur égard. Les banques ont déjà posé des gestes concrets en ce sens. En effet, elles ont mis en place des systèmes de règlement des plaintes dans le but d'améliorer leur relation avec la clientèle, et ce, en créant des services d'ombudsman internes propres à chacune d'elles. De plus, la création récente du poste d'ombudsman du secteur bancaire canadien permet de procurer un mécanisme de règlement des plaintes au niveau sectoriel. Le rôle de cet ombudsman consiste à mener des enquêtes et à résoudre les conflits.

Ces mécanismes, déjà en place au sein de l'industrie bancaire, contribuent à améliorer la relation banque-client par des moyens efficaces. L'existence des ombudsmans et des codes de confidentialité est de plus en plus connue des consommateurs, et l'ABC croit fermement que ces systèmes représentent des moyens d'autodiscipline qui répondent aux besoins des clients des instituts bancaires. De plus, l'importance accordée à la formation des employés assure la compétence des intervenants qui font directement affaire avec le client. Nous sommes d'avis que cela se construit en respectant l'esprit de la Loi sur les intermédiaires de marché sans engendrer des frais supplémentaires liés à l'implantation d'une nouvelle structure, le tout en adhérant au principe de simplification sous-jacent à la loi.

En conclusion, nous tenons à souligner que l'ABC appuie toute initiative du gouvernement qui vise à réviser, à modifier la législation relative aux services financiers afin de suivre l'évolution des marchés. Nous appuyons également très fortement les mesures qui ont pour principal objectif d'assurer la protection et le respect des intérêts des consommateurs. Néanmoins, nous considérons que les révisions législatives doivent tenir compte des coûts inhérents à la mise en place de nouvelles structures réglementaires par rapport aux bénéfices que celles-ci peuvent procurer aux divers intervenants impliqués. Dans cette même veine, l'ABC est d'avis que le législateur doit tenir compte des champs de juridiction respectifs de chacune des législatures et éviter le dédoublement juridique qui s'avère, en définitive, coûteux, restrictif et n'entraîne pas nécessairement des répercussions positives pour le consommateur.

En terminant, l'ABC remercie le gouvernement de l'avoir invitée à présenter le présent mémoire et à participer à cette consultation générale dans le cadre du premier rapport quinquennal sur la mise en oeuvre de la Loi sur les intermédiaires du marché. Il ne fait aucun doute que plusieurs questions importantes y étaient soulevées, et nous espérons que les quelques commentaires soumis s'avéreront utiles dans le contexte du développement des réseaux des institutions financières au Québec.

M. le Président, avec votre permission, j'aimerais ajouter une toute petite affaire. Quand le ministre Landry a déposé à l'Assemblée nationale le premier rapport quinquennal sur la mise en oeuvre de la Loi sur les intermédiaires du marché, en juin 1996, il a établi cinq objectifs qu'il poursuit dans le cadre de cette révision, et je les cite: renforcer la protection du consommateur et de l'investisseur tout en leur permettant un accès aux produits et services financiers au meilleur coût possible – l'Association des banquiers est 100 % d'accord avec cet objectif – optimiser le décloisonnement des réseaux de distribution de produits et de services financiers – encore une fois, 100 % d'accord – réduire les coûts inhérents à l'encadrement de la réglementation de la distribution des produits et services financiers – nous l'appuyons totalement – simplifier et uniformiser l'encadrement des intermédiaires de marché – 100 % aussi – affirmer et préserver la compétence du Québec dans la distribution des produits et services financiers, j'ajoute: en ce qui concerne les compagnies à charte provinciale, mais, à 4,5 sur 5, c'est pas pire. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. Ballard, de votre présentation. M. le député de Marguerite-D'Youville va poser les premières questions.

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Au nom du vice-premier ministre et du ministre d'État de l'Économie et des Finances, M. Landry, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue devant notre commission.

Je suis heureux de voir que vous souscrivez aux objectifs généraux du rapport ainsi qu'aux préoccupations d'optimisation du décloisonnement, d'autant plus qu'il y a quelques années, dans cette même salle, des représentants de votre Association venaient exprimer des réserves à l'endroit des premiers pas qui étaient faits dans cette direction par le gouvernement qui nous a précédés et que, d'autre part, votre Association ne s'était pas montrée tout à fait favorable aux efforts que faisaient, au début des années quatre-vingt, les institutions francophones de Montréal et la Chambre de commerce de Montréal pour faire de Montréal un centre bancaire et financier international.

Je vois que vous avez évolué dans votre réflexion, mais vous mentionnez dans votre rapport que, tout en souscrivant aux objectifs de décloisonnement, le gouvernement provincial ne doit pas créer un chevauchement et potentiellement des exigences législatives conflictuelles qui vont à l'encontre du principe d'harmonisation. Vous en avez touché dans votre mémoire. J'aimerais que vous nous disiez comment vous pouvez affirmer, à la page 6 de votre mémoire, que c'est le gouvernement provincial qui risque de créer des chevauchements et des exigences législatives conflictuelles en matière d'assurance et de distribution de ces produits, alors que vous savez très bien que le domaine des assurances est de compétence des provinces en vertu de l'article 92 de la Constitution, d'ailleurs une compétence qui a été reconfirmée par une décision du Conseil privé en 1916.

(12 heures)

M. Ballard (Michael E.P.): Je peux répondre en disant tout simplement que nous ne sommes pas ici, loin de là, pour faire de la politique. Nous demandons aux législateurs provincial et fédéral de bien vouloir, s'il vous plaît, harmoniser leurs efforts de sorte que le commerce au Canada et au Québec puisse bien fonctionner. Nous représentons des banques qui font affaire dans 10 provinces et 12 territoires et, comme tel, ça nous prend une certaine harmonisation afin de pouvoir poursuivre nos objectifs. Ce n'est d'aucune manière ne pas reconnaître les pouvoirs que possède le Québec. Je vais demander: Est-ce que d'autres membres de notre délégation veulent en ajouter?

M. Hébert (Jacques): Je suis fier de constater que vous admettez que l'industrie bancaire évolue, et, effectivement, nous évoluons à la vitesse des marchés. Et vous savez qu'avec la mondialisation des marchés, il faut s'adapter rapidement. C'est sûr que, pour le législateur, quel que soit son niveau, ça devient compliqué, mais j'espère que, quel que soit le niveau de gouvernement, tout le monde gardera toujours en tête qu'à la fin du compte c'est le consommateur qui en bénéficie ou qui écope.

M. Beaulne: Vous avez dit ne pas vouloir faire de politique, mais vous recommandez, en matière d'encadrement des planificateurs financiers, que la réglementation applicable à ce genre d'activité soit harmonisée avec les dispositions que pourrait édicter le gouvernement fédéral en cette matière. Je vous rappelle encore une fois que le domaine de la planification financière, tout comme celui, d'ailleurs, de la gestion de portefeuille et du conseil en valeurs, sont de compétence provinciale parce qu'ils constituent des activités en valeurs mobilières. Alors, qui, selon vous, crée des chevauchements?

M. Ballard (Michael E.P.): Voilà! Est-ce que c'est à nous, les banques, de décider qui a tort ou qui a raison? La Loi sur les banques, qui a été amendée en 1992, dans la section 409, nous donne, sous réserve d'autres dispositions de la loi, etc., le droit: «Sont notamment considérés comme opérations bancaires: la prestation des services financiers, les actes accomplis à titre d'agent financier, la prestation de services de conseil en placement et de gestion de portefeuille.» C'est la loi fédérale qui nous donne le droit de le faire. Est-ce que nous allons refuser ce droit, puisque nous faisons encore affaire dans 10 provinces et deux territoires, de se prévaloir d'une législation qui est déjà harmonisée en étant applicable à travers le Canada? Donc, à nous de décider? Je ne crois pas.

M. Beaulne: Mais vous savez très bien que le domaine de la planification financière est déjà réglementé au Québec. Alors, est-ce que je crois comprendre que vous rejetez ces règles?

M. Ballard (Michael E.P.): Non, non, pas du tout, nous ne rejetons absolument rien. Nous vous demandons, législateurs et gouvernement du Québec, de simplement, s'il vous plaît, consulter vos collègues dans l'autre Parlement afin que, nous, la viande dans le sandwich, ne restions pas toujours viande. C'est tout.

M. Beaulne: C'est une réponse acceptable.

En ce qui a trait aux organismes d'autoréglementation et d'autodiscipline, vous suggérez que, dans le cadre de l'organisme d'autoréglementation qui pourrait être créé, les banques puissent détenir une voix. Est-ce dire que vous êtes prêts à vous y soumettre?

M. Ballard (Michael E.P.): Ha, ha, ha! Vous voulez absolument qu'on fasse de la politique.

M. Beaulne: Bien, c'est dans votre mémoire. On vous pose des questions sur votre mémoire.

M. Ballard (Michael E.P.): Non. On dit tout simplement que les représentants dans le secteur financier soient représentés dans cet office de réglementation dans la mesure qu'ils sont présents sur le territoire et faisant affaire sur le territoire. Est-ce que mes collègues veulent ajouter?

Ce n'est pas une question de reconnaître ou de se soumettre. Et je ne veux pas répéter l'analogie que je viens de faire.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Marguerite-D'Youville, le règlement m'exige d'obtenir le consentement pour aller au-delà de 12 heures, selon l'ordre du jour.

M. Beaulne: Oui, ça va.

M. Maciocia: Consentement.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est bien, merci. C'est une formalité que je dois remplir. Excusez, vous pouvez continuer.

M. Beaulne: Bien, oui, une dernière question, pour laisser aux collègues la place pour intervenir. Dans l'éventualité où l'option 3 du rapport, de votre rapport, serait retenue, c'est-à-dire l'optimisation du décloisonnement, vous suggérez de ne pas vous assujettir à l'utilisation de cabinets multidisciplinaires. Pourquoi les règles applicables seraient-elles différentes, pour les courtiers, de celles des banques?

M. Ballard (Michael E.P.): Si vous me permettez, je vais... Si quelqu'un est prêt à répondre, allez-y, mais, moi, je dois réfléchir sur l'option 3. Est-ce que quelqu'un veut prendre la question?

M. Beaulne: Bien, je vais vous la rappeler.

M. Ballard (Michael E.P.): Je vous crois, mais c'est... En marchant par chiffre, ça...

M. Beaulne: L'option 3, c'est l'obligation qui est faite aux institutions de dépôts qui veulent distribuer dans leurs succursales des produits d'assurance et d'autres produits et services à le faire par l'entremise d'un cabinet multidisciplinaire d'agents.

M. Ballard (Michael E.P.): Oui, c'est-à-dire...

M. Beaulne: Entre autres. C'est un des éléments.

M. Ballard (Michael E.P.): ...sous juridiction provinciale.

M. Beaulne: Oui.

M. Ballard (Michael E.P.: Oui. Bien, encore là, je dois revenir à votre question. Si le gouvernement fédéral donne aux banques le droit de distribuer les assurances, nous sommes dans le même panier, qu'on se retrouve avec la planification financière. Et si on a le droit, si on nous accorde le droit de distribuer des produits d'assurance à travers les succursales bancaires, doit-on le refuser ou l'accepter, étant donné la présence pancanadienne des banques?

M. Beaulne: Oui, mais, ma dernière question là-dessus: Êtes-vous d'accord, oui ou non, pour que les mêmes règles s'appliquent à la fois aux banques qui pourraient entrer dans ce secteur et à l'encadrement qu'on exige des courtiers?

M. Ballard (Michael E.P.): Oui, en autant que les règlements sont harmonisés et que les règlements qui nous affectent sont les mêmes que ceux qui affectent nos concurrents. Nous sommes tout à fait d'accord, compte tenu quand même de la réglementation fédérale des banques, bien sûr.

M. Beaulne: Bon, ça va.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député de Marguerite-D'Youville.

La parole est au député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais souligner que, de notre côté, notre formation aussi, on vous souhaite la bienvenue à ces travaux, en même temps qu'il est utile, M. le Président, de constater qu'après deux jours et demi de travaux on a l'impression de réadopter ou de réentendre les gens qui voudraient réadopter la Loi sur la protection du consommateur. C'est l'unanimité ici. Tout le monde nous parle de protection du consommateur. On en a que pour la protection du consommateur. Je suis tout à fait et sérieusement ému de voir cette belle unanimité qui fait que des parties qui, souvent, ont des intérêts qui sont en conflit ont par contre toujours la main sur le coeur au nom de la protection du consommateur.

Ceci étant dit, vous, l'ABC, l'Association des banquiers canadiens, avez une vision qui, ma foi, reflète sa vision nationale, pancanadienne, à l'égard d'une plus grande possibilité pour le secteur bancaire d'avoir les pieds, les mains, afin d'occuper tout le terrain de la distribution des différents produits financiers.

La déréglementation est demandée depuis des années et des années par le secteur bancaire et, en fait, le secteur bancaire a réussi à avoir certains gains de ce côté-là depuis plusieurs années. Même au Québec, on a été parmi les premiers, en 1969, avec l'adoption de la loi 134, à faire en sorte que cette déréglementation puisse permettre entre autres – et ça a été le cas à l'échelle canadienne éventuellement – au secteur bancaire de devenir propriétaire, entre autres, de 66 % – je pensais que c'était 85 %, mais je me suis révisé, c'est de 66 % – du marché des valeurs mobilières, par exemple. Ce qui n'est quand même pas petit.

Toujours au nom de la protection du consommateur, on veut non seulement déréglementer, mais on veut faire en sorte de s'assurer que de nouveaux produits financiers soient distribués dans des institutions de dépôts, cette fois-ci. Bon.

Le ministre, je le soulignais tout à l'heure, prétend qu'il a des sondages d'opinion qui lui permettent de penser que les consommateurs aiment ça beaucoup. Les courtiers prétendent que non. Tout le monde, au nom de la protection du consommateur, on s'entend, sinon ça ne vaudrait pas la peine de faire le cirque ici.

Mais, pour les consommateurs, quel est l'avantage de cette déréglementation, au-delà des mots?

M. Ballard (Michael E.P.): L'avantage... Je peux peut-être citer un sondage. Nous sommes, tout comme le gouvernement, en faveur de la protection du consommateur. Tout le monde l'est. Mais on veut surtout bien servir le consommateur. Le consommateur – nous, on les appelle nos clients – doit primer dans tout ce débat-là. Nous avons fait, nous aussi, des sondages – on peut vous donner les références, cependant – le groupe S. Chawla et associés, de Toronto, a fait une étude, en mars 1995, auprès d'un sondage indépendant. Un échantillonnage de quelque 1 500 détenteurs de police d'assurance révèle que 97 % des Canadiens interrogés préfèrent pouvoir décider où acheter le produit d'assurance. C'est le simple bon sens. Alors que 60 % des répondants qui se sont prononcés sur cette question sont d'avis que la vente d'assurance-vie et d'assurance-habitation par les banques est une bonne idée. Comme vous le savez, ça a été discuté ici, notre concurrent principal au Québec, Desjardins, le fait. Nous leur souhaitons bonne chance. Et le fait que Desjardins distribue l'assurance-vie au Québec fait en sorte qu'une police d'assurance de 10 000 $ coûte environ 30 % de moins au Québec que ça coûte ailleurs au Canada, à cause que Desjardins le fait dans une succursale. Donc, c'est...

(12 h 10)

M. Chagnon: Pouvez-vous nous donner ce...

M. Ballard (Michael E.P.): Référence? Oui, bien sûr.

M. Chagnon: Vous pourrez le déposer à la présidence et la présidence nous le fera parvenir, s'il vous plaît.

Maintenant, d'autres personnes qui ont passé avant vous aujourd'hui ou dans d'autres moments ont fait part du problème, en tout cas, pour les consommateurs, de vivre la pression postréception d'une autorisation de prêt hypothécaire ou de prêt personnel, d'y voir une espèce d'intérêt lié, une vente liée, qu'on appelait, pour reprendre le vocabulaire, vente liée, que vous forceriez le consommateur à acheter chez vous. Vous dites quoi à ça? Pour sa protection, évidemment.

M. Ballard (Michael E.P.): Je peux vous dire que c'est tout à fait faux. Si c'est fait, ce n'est sûrement pas quelque chose qui est approuvé par aucune des banques que nous représentons. Les consommateurs sont libres d'acheter les produits qui sont offerts dans les succursales et il n'y a aucune connexion entre le prêt et l'assurance, par exemple. Est-ce que d'autres veulent commenter?

M. Hébert (Jacques): Peut-être ajouter, si vous me permettez, qu'il ne faut pas penser que les consommateurs sont des gens qu'on peut manipuler comme on le veut. Les consommateurs d'aujourd'hui sont bien informés, ils sont conscients des produits qui existent sur le marché et ils prennent le temps de faire du shopping. La meilleure preuve en est, c'est le transfert des prêts hypothécaires, par exemple, où plusieurs personnes, sur l'espace d'une vie, vont changer d'institution financière à plusieurs reprises selon les taux et les modalités. Et je ne vois pas comment une personne se laisserait intimider par un directeur de succursale qui oserait faire cette gaffe épouvantable de donner à croire qu'un prêt hypothécaire serait lié à la détention d'une police d'assurance.

D'ailleurs, si on parle d'assurance-crédit hypothécaire, on a quelque chose comme 3 700 000 polices émises. Il doit sûrement y avoir des gens satisfaits dans le nombre...

M. Chagnon: Sûrement qu'il y a des gens qui sont heureux d'avoir leur prêt.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Hébert (Jacques): ...puisqu'ils reviennent chez nous.

M. Labrèche (Jacques): Il n'y a aucune obligation non plus pour le consommateur, nos clients, d'assurer leur vie pour protéger... en plus de l'assurance-hypothèque, si vous voulez. Il n'y a aucune obligation de cette nature-là. C'est une protection que le consommateur va chercher.

M. Chagnon: En fait, le consommateur est questionné à savoir s'il veut ou non cette protection-là?

M. Labrèche (Jacques): Absolument. C'est son choix. D'ailleurs, les statistiques sont dans ce sens-là, ce n'est pas l'ensemble des consommateurs, de nos clients, qui prennent le privilège.

M. Chagnon: Ça, c'est un point de vue qui est celui que vous défendez à l'égard de la protection du consommateur. Maintenant, depuis la déréglementation de 1989, sur le plan des prix pour le consommateur, en quoi les services offerts chez vous diffèrent-ils en termes de prix de revient pour le consommateur par rapport à ce qui existait avant ou ce qui existe encore en parallèle aux vôtres, à vos marchés?

M. Hébert (Jacques): À quel niveau?

M. Ballard (Michael E.P.): L'assurance, toujours?

M. Chagnon: Pardon?

M. Ballard (Michael E.P.): L'assurance, toujours, vous parlez?

M. Chagnon: Soit dans le domaine... Dans l'assurance, là, c'est peut-être un peu ... Bien, il y a un peu d'assurance, vous en faites un peu par la bande. Mais, je pense, par exemple, dans d'autres marchés où vous avez déjà pris pied, soit le secteur des valeurs mobilières, les marges ou les commissions payées aux intermédiaires ont-elles diminué depuis que vous avez acquis des banques? Est-ce que c'est... En quoi la protection du consommateur sur son portefeuille a été modifiée depuis que l'on a déréglementé?

M. Ballard (Michael E.P.): Mais on donne accès au réseau que la banque possède déjà. Et les banques, en plus d'avoir leur courtier à plein service dans les valeurs mobilières, offrent aussi un service escompte qui n'était peut-être pas là auparavant. Donc, il y a cette contribution-là qui a été faite.

M. Hébert (Jacques): Chaque fois que les banques sont entrées dans un nouveau marché, le prêt personnel, par exemple, les prêts hypothécaires, les fonds mutuels, chaque fois, les prix ont baissé. Ça s'appelle, vous le savez, la concurrence, et ça joue toujours en faveur du consommateur.

M. Chagnon: Les prix ont baissé.

M. Hébert (Jacques): Absolument. Absolument.

M. Chagnon: Est-ce que vous pouvez en faire une démonstration?

M. Hébert (Jacques): Si j'avais le loisir de vous envoyer des statistiques là-dessus, je pourrai vous prouver que, dans le cas des prêts hypothécaires, les prêts, auparavant, étaient peut-être 2 % ou 3 % plus élevés qu'ils l'ont été une fois que les banques ont été admises dans le marché.

Les prêts personnels, c'est encore plus évident. Vous vous souvenez peut-être de l'époque où les compagnies de finance prêtaient à du 18 %, 19 %, 20 % et quelques, quand les banques sont arrivées dans ce marché-là, les prix ont chuté. Et la vente directe de produits tels que les valeurs mobilières, maintenant, c'est connu et les commissions à payer sont beaucoup plus basses.

M. Chagnon: Malheureusement, je suis probablement trop jeune, je ne me rappelle pas du temps où les banques ne faisaient ni prêts hypothécaires ni prêts personnels. Dans un autre temps, peut-être que vous avez raison, mais, aujourd'hui, là – je vous parlais de 1989 à aujourd'hui – au moment où les banques entrent dans de nouveaux créneaux de marché – et, moi, je veux bien, théoriquement... La question que je vous pose, c'est: En quoi la protection du consommateur sur le plan financier a été améliorée? En quoi la concurrence dont vous parlez, qui existait avant de toute façon, prend une ampleur différente depuis que les banques s'intéressent à de nouveaux produits financiers, ou du moins qu'on a ouvert la possibilité à ces banques de vendre et de distribuer de nouveaux produits financiers? En quoi l'intérêt des consommateurs a été amélioré sur le plan financier?

M. Hébert (Jacques): Alors, je dois...

M. Labrèche (Jacques): Si on parle des courtiers en valeurs mobilières, effectivement, certains détenus par les banques, M. Hébert mentionnait qu'effectivement les banques, par l'intermédiaire d'un service, ligne directe ou de courtage à escompte, vont offrir au consommateur des produits alors que l'escompte payé, la commission va être beaucoup moindre que s'il avait transigé directement avec le courtier. Conséquemment, la banque, à ce moment-là, compétitionne, si vous voulez, à l'avantage du consommateur avec le courtier en valeurs mobilières, qui lui ne voit pas nécessairement ça d'un bon oeil. Mais c'est dans des cas bien précis. Le courtier traditionnel donne du service ajouté, de l'étude, tandis qu'au niveau du courtage à escompte on va plutôt exécuter des transactions. Alors, pour certaines transactions où le consommateur s'est déjà fait une idée de ce qu'il voulait se procurer, il peut le faire directement par l'entremise du courtier à escompte à des coûts beaucoup moindres. Donc, ça, c'est nettement un avantage pour le consommateur.

M. Chagnon: Alors, si c'est nettement un avantage pour le consommateur que les banques fassent du commerce direct sur le marché des valeurs mobilières, pourquoi les mêmes banques ont-elles acheté les grandes sociétés de valeurs mobilières, de courtage de valeurs mobilières?

M. Ballard (Michael E.P.): Voulez-vous répéter votre question? Pourquoi les banques ont acheté...

M. Chagnon: Bien oui, vous êtes en train de me dire que les banques réussissent à donner une meilleure protection au consommateur en diminuant son prix de revient, en éliminant un intermédiaire qui est le courtier, lorsque les gens peuvent acheter directement à la banque des valeurs mobilières. Alors, pourquoi en parrallèle avoir acheté aussi les maisons de courtage en valeurs mobilières?

M. Hébert (Jacques): Parce que les banques pouvaient de cette façon carrément aller chercher des profits additionnels pour leurs actionnaires et même, en faisant ça, pouvaient quand même rabattre les prix.

Permettez que je vous réponde un peu par la bande, ramener ça un peu au côté des assurances. J'ai une citation ici de M. Blowes, qui était chef de la pratique des courtiers d'assurances chez Ernst & Young, qui disait ceci: «Les compagnies d'assurances multirisques paient aux courtiers des commissions correspondant à environ 20 % à 25 % de chaque dollar de revenu de primes. Comparativement, les banques ont déjà d'importantes activités qui permettent de ramener ce rapport coûts-primes à environ 10 % à 15 %.» Alors, le mot magique, bien sûr, pour nous, c'est l'utilisation des réseaux. Quand on peut insérer de nouveaux produits dans nos réseaux, bien sûr, on peut immédiatement abaisser les coûts.

M. Chagnon: M. le Président, je terminerai ici tout simplement en demandant à l'Association des banquiers... Allez-y.

M. Tessier (Claude): Au niveau de l'assurance, les courtiers, selon nos statistiques, le montant d'assurance moyen vendu par un courtier d'assurances est d'environ 175 000 $, tandis que, dans les banques, les sommes sont beaucoup moindres. Il y a des marchés qui ne sont pas couverts par les courtiers parce que les primes ne justifient pas de payer les commissions qui permettent au courtier de se déplacer pour aller rencontrer son client. À ce moment-là, les banques peuvent offrir un produit de masse à des prix beaucoup inférieurs à ce qu'un courtier pourrait faire.

(12 h 20)

M. Ballard (Michael E.P.): Je ne sais pas si on peut revenir sur le groupe qui nous a précédés et qui a proposé qu'on doive réglementer et vendre l'assurance-voyage, par exemple, par l'entremise d'un intermédiaire et éliminer, il faut le croire, les machines qu'on trouve dans les aéroports. Il s'agit d'un produit simple qui n'intéresse aucunement les agents ou courtiers d'assurances puisqu'il n'y a pas de commission à faire dans ça, 3 $ ou 4 $ ou 5 $, ils ne sont pas intéressés à prendre ce marché-là. Donc, il va sans dire que, si on leur accorde le droit seul de vendre ce produit-là, le prix va monter. On ne pourra tout simplement pas vivre avec une telle commission.

M. Chagnon: M. le Président, je voudrais en terminant tout simplement demander à l'Association, suite à l'avant-dernière réponse, et à l'avant avant-dernière réponse des collègues qui accompagnent M. Ballard, est-ce que vous pourriez documenter, nous écrire un texte particulier sur ce que... d'abord la citation que vous avez faite et la démonstration de cette citation-là, tant dans le domaine que vous avez souligné que dans le domaine de l'assurance, pour faire une démonstration du bien-fondé de la déréglementation en ce qui concerne la diminution des coûts pour le consommateur de produits financiers que vous vendez dans vos institutions?

M. Hébert (Jacques): Par les hypothèques dont j'ai parlé. Voilà.

M. Chagnon: Bien, les hypothèques, moi, je ne me rappelle pas, en tout cas, que vous n'en ayez jamais vendu. Alors, ça...

M. Ballard (Michael E.P.): Oui, avant 1967.

M. Chagnon: Si on s'en tenait à la fin...

M. Ballard (Michael E.P.): Avant 1967, on n'en vendait pas, d'hypothèques...

M. Chagnon: Pardon?

M. Ballard (Michael E.P.): Avant 1967, les banques n'avaient pas le droit de faire des prêts hypothécaires.

M. Chagnon: C'est bien possible, moi, je n'avais pas le droit d'en acheter.

M. Ballard (Michael E.P.): Vous ne vous en rappelez pas parce que vous êtes trop jeune, mais peut-être votre père pourra vous en parler.

M. Chagnon: Oui, c'est bien possible, ça, M. le Président, mais, moi, avant 1967, je n'avais pas le droit d'en acheter, ça fait que c'est...

M. Ballard (Michael E.P.): Mais demandez à votre père, s'il est là.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est beau, la jeunesse, hein!

M. le député de Viger aurait une question complémentaire à celle du député de Westmount–Saint-Louis.

M. Maciocia: Oui, c'est ça, M. le Président. D'après vos affirmations, comment justifiez-vous – vous savez que les caisses populaires Desjardins, actuellement, elles sont dans ce marché-là, ici au Québec – vos propos de tout à l'heure, quand vous devez savoir, et je pense que vous le savez, qu'une police d'assurance-habitation ou police d'assurance auto qui est vendue par les caisses dans les succursales, ça se vend le même montant qui est vendu par un courtier à la même société Desjardins? Où est l'intérêt du consommateur? Dans le sens que, s'il achète dans la succursale, exemple, c'est 300 $, si c'est vendu par un courtier, la même police de Desjardins, c'est quand même 300 $.

M. Ballard (Michael E.P.): Bien, on ne peut sûrement pas justifier les prix que charge Desjardins. La théorie, bien sûr, que eux, Desjardins, par l'entremise de leurs quelque 1 500, 1 600 comptoirs au Québec peuvent, par ce réseau-là, mettre à la disposition de leur clientèle des produits d'assurance et, ce faisant, faire à meilleur marché... Si ce n'est pas le cas, il faudrait peut-être poser la question à M. Béland.

M. Maciocia: ...mais je la pose à vous parce que vous avez l'intention de venir dans le même domaine, c'est ça que vous avez l'intention de venir faire...

M. Ballard (Michael E.P.): Oui, oui, nous comptons...

M. Maciocia: ...et je vous pose la question, justement, dans le sens... Prenons, aujourd'hui, dans votre cas à vous... justement, je vais relier la question que j'ai posée tout à l'heure sur la prime des polices d'assurance avec vos taux d'intérêt. Ce matin, je regardais les taux d'intérêt des cinq, six – parce que vous savez très bien qu'il y a cinq, six banques majeures ici, au Canada – où je vois, que ce soit trois ans, quatre ans ou cinq ans, il n'y a pas de compétition là-dedans: c'est 7,95 % pour tout le monde. Où est l'intérêt de... sinon d'aller s'accaparer encore un domaine dans lequel, probablement, à longue échéance – je ne dis pas à courte échéance, mais à moyenne et longue échéance – probablement, le consommateur, il n'aurait rien à gagner à ce moment-là.

M. Tessier (Claude): Dans le domaine des taux d'intérêt, c'est une situation, une concurrence extrême, je dirais. Puis, une institution qui se démarque par rapport aux autres en offrant un taux supérieur accapare le marché et, à ce moment-là, les autres compétiteurs ne peuvent pas se permettre d'être en écart par rapport au leader du marché.

M. Maciocia: Mais c'est ça, c'est justement. Le consommateur, à ce moment-là, est pris puis il n'a pas de choix; il n'en a pas, de choix.

M. Tessier (Claude): Il y a un écart dans le sens où...

M. Maciocia: Parce qu'on se rappellera quand même que les banques, avant, dans les comptes, même des comptes courants, des comptes où on faisait des chèques, elles donnaient même des intérêts à un certain moment. Aujourd'hui, non seulement on ne donne plus d'intérêt, mais on charge. À la fin du mois, on charge un prix. Même si on n'a pas fait de chèque ou si on n'a rien fait, justement on charge 5 $, 6 $, 7 $, 8 $, 9 $ ou 10 $ au consommateur parce qu'il y a des frais, il y a, disons, des exigences des banques pour aller chercher un certain montant pour couvrir les dépenses, quand on sait pertinemment que les banques font beaucoup de profits.

M. Tessier (Claude): C'est justement la concurrence qui a amené cette situation-là. Les frais que doivent supporter les institutions financières, c'est l'ensemble des produits qui génèrent ces frais-là. À ce moment-là, si on charge à un client des frais qui se rapportent au produit qu'il a, ça permet, d'un autre côté, d'offrir de meilleurs taux à un autre produit. Par exemple, si, pour les certificats de dépôt, étant donné que la concurrence est tellement forte, les banques doivent maintenir leur marge le plus bas possible, à ce moment-là, si les marges sont faibles, ça ne permet pas de supporter des frais administratifs concernant les comptes d'épargne, ça fait que, à ce moment-là, les frais doivent être appliqués à ceux qui utilisent le service.

M. Maciocia: Vous venez de dire justement que la concurrence a amené ces frais-là. C'est ça que vous venez de dire?

M. Tessier (Claude): Oui.

M. Maciocia: Mais c'est justement au détriment du consommateur.

M. Ballard (Michael E.P.): Non, non, pas du tout. Vous allez trouver...

M. Maciocia: Bien oui, au détriment du consommateur, parce que le consommateur, avant, il ne payait aucuns frais sur son compte, et, aujourd'hui, il est obligé...

M. Ballard (Michael E.P.): Est-ce que vous trouvez une grande différence dans les compagnies d'huile, le prix de la gazoline, par exemple? C'est parce qu'il y a une concurrence acharnée dans ces marchés-là et tout le monde s'approche dans les prix jusqu'à ce qu'ils gagnent quelques clients de plus. C'est exactement ce dont on parle. Permettez-moi de demander à mon collègue, M. Hébert, de vous donner nos réponses génériques sur ça.

M. Maciocia: Non, mais j'aimerais quand même seulement dire une chose: vous n'allez pas me faire croire que les banques ne font pas de profit. C'est la seule catégorie, à date, depuis de nombreuses années où il y a des problèmes économiques et financiers, que ce soit à travers le monde... Pour se limiter au Canada, les seuls qui font du profit – et du gros profit! – c'est justement les banques.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est 12 000 000 000 $ l'an passé.

M. Labrèche (Jacques): Vous mentionnez un taux affiché puis vous mentionnez effectivement qu'il n'y a peut-être pas beaucoup de différence d'une institution à l'autre.

Par ailleurs, si on parle au niveau des consommateurs, partout on invite les consommateurs, qui sont de plus en plus avertis, à magasiner, à se renseigner et à discuter de ces points-là et de faire valoir effectivement à l'ensemble, comme tel, des transactions qu'ils opèrent avec une institution, afin, effectivement, d'obtenir de meilleures considérations que ce qui va être affiché comme tel. Effectivement, il y a un taux d'affiché et, également, beaucoup de situations qui vont être négociées compte tenu des circonstances. Pourtant, partout, c'est la recommandation qu'on fait aux consommateurs.

Bien sûr, il faut qu'il y ait un taux d'affiché, et, pour des raisons qu'on a mentionnées, ils ont tendance à être égaux ou de même niveau. Mais on a vu souvent, en autant que le groupe que je représente effectivement, devancer, si vous voulez, les compétiteurs au niveau d'une baisse des taux d'intérêt pour se faire rattraper, nécessairement, par le système.

On va essayer de se distinguer dans ce domaine-là comme dans d'autres domaines, mais, bien sûr que la concurrence étant ce qu'elle est, effectivement, les choses vont avoir tendance à être équilibrées.

Une voix: Allez-y.

M. Hébert (Jacques): Si vous me permettez. Les frais de service – ça va peut-être vous surprendre, mais c'est mon sujet préféré – il y a quelques années... Je pense qu'on ne doit pas comparer les frais maintenant avec il y a quelques années. Parce que, il y a encore quelques années, on avait peut-être trois ou quatre sortes de comptes; maintenant, il y a plusieurs sortes de comptes parce que la clientèle a exigé beaucoup de variation, beaucoup de flexibilité.

Il faut savoir là-dessus que les frais de service, d'abord, ici au Canada, sont environ de 30 % meilleur marché qu'aux États-Unis. Il faut savoir également que les institutions financières, entre elles, celles à charte fédérale et les institutions provinciales, se livrent une lutte acharnée. Il faut savoir également – et c'est très important de le souligner – qu'environ 40 % de tous les clients des banques canadiennes ne paient aucuns frais de service. Je sais que ça surprend, mais c'est la vérité.

Vous avez mentionné les profits des banques. Grâce à Dieu, les banques font des profits. Ce serait peut-être intéressant de savoir où vont ces profits et à quoi ça sert. On sait que la moitié des profits des banques retournent d'abord aux actionnaires, mais parlons, pour ne pas s'étendre trop longuement, des gouvernements. L'année passée, les banques canadiennes ont payé, au gouvernement du Québec seulement, 280 000 000 $ en impôts. C'est quand même une somme importante. Ça représente environ 7 % de tous les argents recueillis l'an dernier par le gouvernement du Québec au titre de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur le capital, provenant des banques. C'est énorme. À l'ensemble du pays, on a versé quelque chose comme 3 700 000 000 $ d'impôts de toutes sortes.

(12 h 30)

Si vous me permettez une dernière remarque là-dessus. Si, demain matin, les profits des banques devaient être coupés de moitié, ce serait 800 000 000 $ de moins qui entreraient dans les coffres de l'État. Où irait-on les chercher?

M. Maciocia: Je n'ai absolument pas dit ça, M. le Président. Vous n'allez pas me faire pleurer en disant que vous avez payé 7 %, disons, du total des revenus qui ont été payés au gouvernement du Québec, dans le sens de 297 000 000 $. Mais la question qu'il faut se poser est celle-ci: Pourquoi, au moment où les banques sont arrivées dans le marché, et on l'a vu dans le mémoire, comme le disait mon collègue, présenté par l'Association des courtiers, la question de la concentration, en 1994, vous avez eu 65 % de tous les actifs des sociétés en fiducie, quand, en 1992, c'était 0 %, et 70 % de tous les actifs des sociétés de courtage en valeurs mobilières, quand, en 1984, c'était 0 %? Alors, vous considérez que c'est de la compétition, que c'est vraiment dans l'intérêt du consommateur d'ouvrir, et d'ouvrir très large, la possibilité des banques d'aller chercher des marchés que probablement, je le répète, la première année, la deuxième année et la troisième année, ça va aller dans l'intérêt du consommateur, mais la quatrième, la cinquième, la sixième ou la dixième, ça va aller au détriment du consommateur?

Vous l'avez déjà démontré, comme je le disais tout à l'heure, avec des comptes. Avant, le consommateur ne payait rien dans ses comptes, dans n'importe quel compte qu'il avait. Je comprends qu'il n'avait pas toutes sortes de comptes comme aujourd'hui, mais, moi, je ne pourrai jamais accepter, comprendre que, dans mon compte que j'ai pour faire des chèques, je ne fais pas de chèque puis qu'à la fin du mois j'ai 7 $ que la banque me charge pour frais de services. Ça veut dire que je paie 84 $ à la fin de l'année. Et ça, ce n'est pas seulement moi, c'est tout le monde. Calculez combien de 84 $ par année les clients vont payer dans ces comptes comme ceux-là et vous allez comprendre.

M. Ballard (Michael E.P.): Vous trouvez exagéré 84 $ pour un service bancaire que nous vous donnons? Vous trouvez exagéré 7 $ par mois pour un service bancaire? Vous pouvez déposer un chèque à Vancouver, le sortir à Terre-Neuve, et tout ça, ça coûte quelques sous. Vous demandez...

M. Maciocia: Non. Vous me chargez... parce que je n'en fais pas!

M. Ballard (Michael E.P.): Pardon. Oui, mais vous exigez sur vos dépôts un quart de point de plus et vous ne voulez pas payer pour vos chèques?

M. Maciocia: M. Ballard, vous me chargez...

M. Ballard (Michael E.P.): Le marché a évolué.

M. Maciocia: ...parce que je n'en fais pas, de chèques. C'est ça qui est le plus drôle.

M. Ballard (Michael E.P.): Les banques... Voilà, monsieur...

M. Maciocia: Parce que, si j'en fais, vous ne me chargez pas, mais, si je n'en fais pas, vous me chargez.

M. Ballard (Michael E.P.): Il y a 92 sortes d'arrangements que vous pouvez faire avec votre banquier ou votre gérant de caisse. On offre toutes sortes de comptes. Si ce compte-là que vous avez ne fait pas votre affaire, je vous suggère fortement de négocier un autre arrangement avec votre banquier qui reflète mieux vos besoins, et peut-être que vous allez tomber dans les 40 % qui ne paient aucuns frais bancaires.

M. Maciocia: Mais je veux revenir à la question de la concentration. Parce que, s'il y a concentration, c'est ça qui va arriver, parce que, avant, on ne payait pas puis, après, on va payer. Avant, on va arriver avec des primes moindres, mais après quatre, cinq, six ans, on va arriver avec des primes que tout le monde est obligé de payer parce qu'il n'a pas le choix, parce que... ça va être étranglé. Il va y avoir seulement cinq, six, sept, huit joueurs dans le marché des assurances et des valeurs mobilières, et tout ça. Et, à ce moment-là, le client, il n'aura pas de choix. Mme Plamondon, de la protection du consommateur – et je peux la comprendre – c'est ça qu'elle nous disait. Hier, elle nous disait: Faites attention, n'allez pas dans ce sens-là, au nom des consommateurs. C'est Mme Plamondon qui nous disait ça hier.

M. Hébert (Jacques): Mme Plamondon fait beaucoup d'études, et on la respecte beaucoup, ce qui ne veut pas dire pour autant qu'elle respecte la vérité sur tous les sujets. Je veux vous faire une proposition personnelle: après le meeting, vous venez me voir et je vous dirai quelle sorte de compte de banque choisir pour payer à peu près pas de frais.

Vous avez mentionné souvent le mot «concentration». Permettez quelques statistiques là-dessus. D'après le Conference Board du Canada, les quatre premières institutions de dépôts en importance détiennent 42,5 % du marché en termes d'actifs. Comparativement, les trois premières sociétés pétrolières canadiennes en importance sont à l'origine de 60 % des ventes de leur secteur. Les trois grands de l'automobile détiennent plus de 60 % des ventes et les deux grands transporteurs aériens occupent 95 % du marché. Quand on parle de concentration, peut-être qu'on ne vise pas la bonne cible quand on vise les banques.

M. Maciocia: Mais exactement, exactement, il faut éviter ça. Il faut éviter ça. Justement, on vient de voir aussi, au niveau de l'essence, que l'essence a augmenté de 0,06 $ hier ou ce matin. Pourquoi? Parce que, justement, il n'y a pas cette concurrence. C'est concentré dans un groupe, dans un groupe très restreint de personnes...

M. Hébert (Jacques): Vous avez neuf banques...

M. Maciocia: ...puis, à ce moment-là, c'est clair qu'on n'aura pas de concurrence. Puis qui va payer pour? C'est le consommateur.

M. Hébert (Jacques): Vous avez neuf banques à charte canadiennes. Vous avez 54 filiales de banques étrangères auxquelles on va ouvrir plus grandes nos portes bientôt. Vous avez je ne sais combien de centaines de fiducies, plus, dans le cas du Québec, quelque 1 500 ou 1 600 caisses populaires. Si ce n'est pas des concurrents, alors je ne comprends plus ce que c'est que la concurrence. Il faut comprendre une chose, c'est que, à certains moments, on a l'impression que les banques ou les institutions financières se copient au niveau des taux. C'est qu'ils sont rendus assez bas que, justement, aussitôt qu'il y en a un qui bouge, les autres doivent bouger. Mais on est rendu au plancher complètement, malgré certaines choses qu'on veut faire croire au public.

M. Maciocia: Mais vous êtes d'accord, encore dans le mémoire de l'Association des courtiers d'assurances où il est dit: Les cinq plus grosses, grandes banques du Canada contrôlent 80 % de l'actif total du secteur bancaire du Canada, ce qui est une concentration supérieure à tout autre membre du G 7. Et la deuxième, la deuxième, c'est à 40 %, c'est la France, à 40 %, à la moitié de celle qui est au Canada.

M. Hébert (Jacques): Quand vous dites «le secteur bancaire», oui, mais ça n'inclut pas les fiducies et Desjardins. Attention!

M. Maciocia: Mais oui.

M. Hébert (Jacques): Alors, on est d'accord tous les deux là-dessus?

M. Maciocia: Oui, on est d'accord.

M. Hébert (Jacques): Mais, effectivement, la concurrence est féroce et la concentration, si elle est remarquable, ce n'est peut-être pas dans l'industrie bancaire, malgré ce qu'on en dit.

M. Ballard (Michael E.P.) Parlez de négocier, on est d'accord.

M. Hébert (Jacques): Parce qu'il faut savoir une chose – juste terminer là-dessus – on parle toujours des banques, mais parlons des six grandes banques. Ce sont six compagnies indépendantes les unes des autres qui se font concurrence.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député de Viger. Comme vous avez pu voir, votre président a été assez souple sur votre temps parce que c'était...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je comprends que c'était un sujet très...

M. Chagnon: Je comprends que le président trouvait le sujet intéressant.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ah!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Voilà. Vous avez traduit ma pensée. Vous avez trouvé les paroles que, moi, je cherchais. M. le député de Charlevoix.

M. Bertrand (Charlevoix): M. le Président, je vais quand même essayer de raccourcir et d'être tout aussi intéressant que le député de Viger.

Une voix: Bonne chance.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bertrand (Charlevoix): Il y a eu quelques affirmations faites que, je vous avoue, je qualifie de gratuites, mais il y en a certaines, en tout cas, où je vais demander des preuves.

Quand on affirme que 30 % des primes d'assurance-vie de Desjardins, et on a spécifié un petit peu, là, et on a parlé d'un sondage, je demande, M. le Président, qu'il y ait un dépôt de document pour les membres de la commission sur ces deux affirmations-là. J'ai aussi entendu qu'il n'y aurait pas de conflit, quand on parle de ventes liées, et, tout de suite après, on a dit: On a accès à des informations.

J'aimerais entendre aussi, surtout... Quand il y a la question des prêts commerciaux, moi, je suis bien prêt à croire que, quand il y a un prêt ordinaire, on n'insiste pas. Mais, juste le fait d'être là, dans la plupart des cas on n'a pas besoin d'insister, ça veut dire exactement ce que ça veut dire. Mais, dans le cas des prêts commerciaux, 500 000 $ et plus, à ma connaissance, il y a une exigence d'assurance-vie, et j'aimerais savoir s'il y a beaucoup de vos clients, quand ils sortent de chez vous, à qui vous n'avez pas donné ou vendu... pas donné, mais vendu l'assurance en question. Pas besoin de répondre tout de suite, parce que j'ai deux ou trois petites choses, puis, après ça, je vais vous laisser répondre.

Il y a au moins une affirmation, par exemple, M. le Président. Je vous avoue que, dans le mémoire, je suis totalement en accord. Et ça dit ceci: «Faire face à la présence de deux paliers de gouvernement qui appliquent des législations similaires dans le but de parvenir à des résultats semblables s'avère coûteux et restrictif tout en ajoutant peu ou pas de bénéfices pour le consommateur.» Ça, je suis totalement d'accord avec ça.

Maintenant, vous dites, à la page 17: «Ces quelques éléments illustrent à quel point les banques accordent une importance fondamentale au respect de la confidentialité des renseignements et au respect du secret bancaire [...]. De plus, nous pouvons souligner que, parallèlement aux moyens mis en place par les banques pour assurer la protection des renseignements personnels, certaines filiales des banques sont soumises à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.»

Je voudrais savoir combien il y en a puis pourquoi ce n'est pas toutes les banques. Alors, j'ai juste deux questions, M. le Président.

M. Ballard (Michael E.P.): On peut vous répondre tout de suite. Les filiales qui ont une charte provinciale sont assujetties clairement à cette législation.

M. Bertrand (Charlevoix): Toutes. Pourquoi vous dites «certaines» ou «pas toutes»?

M. Ballard (Michael E.P.): Oui, les filiales qui sont... Je crois bien que c'est votre question: Lesquelles? Les filiales des banques qui vendent... Par exemple – comment est-ce qu'on l'appelle, Michel? L'assurance Desjardins? – l'assurance nationale qui est incorporée au niveau provincial est assujettie à toute cette réglementation sans aucune question.

M. Chagnon: ...

M. Ballard (Michael E.P.): Pardon?

M. Chagnon: ...

M. Hébert (Jacques): ...

M. Bertrand (Charlevoix): ...refusez pas à ce que toutes les banques soient assujetties à la loi sur la protection?

M. Hébert (Jacques): Si vous me permettez, non seulement je vais répondre à votre question, mais ça nous fera plaisir de déposer, en plus des deux documents qui ont été cités précédemment, nos codes de confidentialité appliqués à l'industrie bancaire. Loi 68, les banques à charte fédérale ont choisi délibérément de se plier et de se soumettre à la loi 68 sur la confidentialité. Il n'y a aucune cachette là-dessus.

(12 h 40)

M. Bertrand (Charlevoix): Est-ce qu'on peut dire que ça va être avec le même empressement que vous...

M. Ballard (Michael E.P.): Peut-on – d'accord – clarifier? On ne veut pas – juste pour corriger mon collègue – pas se soumettre, mais nous avons tenté, même si les gouvernements n'harmonisent pas la réglementation de ces institutions, nous tentons en tout temps, quand même, de trouver un modus vivendi dans la région où nous opérons. Et c'est ce à quoi M. Hébert réfère, la loi 68, c'est un excellent exemple. On tente de la respecter le plus possible, même si les banques prétendent que, étant réglementées à l'autre niveau gouvernemental, ça ne s'applique pas. On ne l'ignore pas.

M. Bertrand (Charlevoix): La région, pour vous, étant le Québec, si je comprends bien.

M. Ballard (Michael E.P.): Voilà.

M. Bertrand (Charlevoix): C'est ça.

M. Ballard (Michael E.P.): Oui, exactement.

M. Bertrand (Charlevoix): Une belle dimension.

M. Ballard (Michael E.P.): On le voit comme...

M. Bertrand (Charlevoix): Est-ce que ça va être avec le même empressement... Si jamais on en venait à un organisme, est-ce que ça va être avec le même empressement que vous allez – et je reviens un petit peu à la question du député de Marguerite-D'Youville – accepter d'en faire partie et de respecter les mêmes règles?

M. Ballard (Michael E.P.): Écoutez, nous opérons, M. le député, dans 60 pays du monde, les banques à charte, et on observe les lois de ces 60 pays là. Comme je l'ai mentionné tantôt à votre collègue, nous ne sommes pas ici pour faire de la politique, nous sommes ici pour vous expliquer notre position. Nous sommes la viande dans le sandwich gouvernemental, et on tente de vivre avec. Et ce n'est pas du tout juste de nous demander de trancher ces questions-là. Plutôt, nous vous demandons de le faire avec vos collègues à Ottawa.

M. Bertrand (Charlevoix): Nous ne vous demanderions jamais de trancher ça. Je voudrais avoir ma réponse sur le 500 000 $.

M. Hébert (Jacques): Juste un ajout. Pour la loi 68, vous serez peut-être heureux d'apprendre que nous tenons aussi des réunions de façon régulière avec la Commission d'accès à l'information dans le but très spécifique de faciliter les choses pour tout le monde, pour nos clients, bien sûr, d'abord et avant tout.

M. Bertrand (Charlevoix): Le 500 000 $ commercial...

M. Ballard (Michael E.P.): Le 500 000 $... M. Tessier, qui est...

M. Tessier (Claude): Pour certains prêts commerciaux, certaines entreprises où le propriétaire, l'actionnaire principal est la personne clé, puis souvent l'entreprise dépend de cette personne-là et, à ce moment-là, il y a un risque important de relié à la continuité de l'entreprise par cette personne-là, à ce moment-là, c'est certainement un élément pour diminuer le risque.

M. Bertrand (Charlevoix): Je suis à 100 % d'accord, mais vous n'avez pas répondu à ma question: Combien obtiennent des prêts de 500 000 $ et plus et sortent de chez vous sans être assurés par vous autres, par le système bancaire?

M. Tessier (Claude): O.K. Bon, c'est une bonne réponse... Par exemple, pour la Banque Laurentienne...

M. Bertrand (Charlevoix): Bonne question, plutôt. Je n'ai pas encore eu la réponse.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tessier (Claude): Je ne peux pas répondre pour les autres banques, mais je peux dire que, pour la Banque Laurentienne, on ne vend pas de prêts, on ne vend pas d'assurance sur les prêts commerciaux.

M. Bertrand (Charlevoix): Vous êtes représentants, ici, des banques et vous savez très bien ce que je veux dire. J'aimerais ça en avoir... Et, si vous ne l'avez pas, le pourcentage, vous êtes fort sur les chiffres, vous êtes fort sur les sondages, vous êtes fort sur les analyses, on aimerait ça, la commission, avoir, dans les jours qui viennent ou les semaines qui viennent, quelque chose d'écrit là-dessus.

M. Labrèche (Jacques): Il doit y avoir moyen de se documenter ou de vous donner satisfaction au niveau d'un pourcentage. Mais, de toute façon, ce que je crois, c'est que ces éléments-là sont négociés cas par cas. Il n'y a rien de systématique auquel vous faites référence, à savoir un prêt de 500 000 $ et plus, obligatoirement, comme vous suggérez, qu'il y aurait une assurance-vie. D'aucune façon, à mon point de vue.

M. Bertrand (Charlevoix): ...obligatoirement.

M. Labrèche (Jacques): Vous avez dit...

M. Bertrand (Charlevoix): Vous savez très bien ce que je veux dire.

M. Labrèche (Jacques): Moi, je réponds dans ce cas-là, clairement, que c'est du cas par cas. Conséquemment, il n'y a donc aucune généralité. Si vous en suggériez une... Selon moi, il n'y en a aucune.

M. Bertrand (Charlevoix): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Crémazie, dernier intervenant.

M. Campeau: Je pense qu'on apprécie beaucoup votre présence ici à répondre à ce barrage de questions. Je ferai juste deux commentaires suite au député de Viger, quand il disait: Le prix de l'essence... Vous comparez les banques avec les compagnies d'essence. Je veux juste vous faire remarquer qu'avant hier l'essence à Québec était 0,564 $ dans à peu près toutes les stations; on se lève ce matin, elle était à 0,624 $. Où est-ce qu'elle est, la concurrence? Et je vous fais un autre sujet: l'hypothèque. C'est vrai que les hypothèques, c'est une banque qui part le bal ou c'est une banque... C'est drôle, c'est comme si c'était à tour de rôle, ce n'est jamais la même. Mais, presque une heure ou deux après, tout le monde s'est aligné sur le prix de l'hypothèque que l'autre a sorti. Alors, vous comprendrez que, pour nous autres, c'est quoi, la concurrence? C'est quoi, la concurrence dans les prix? Alors, je ne peux pas faire autrement que d'abonder dans le sens du député de Viger sur cette concurrence presque automatique. Alors, comment vous expliquez ça que – par exemple, assurons-nous sur les hypothèques – dans une heure ou deux, toutes les banques s'alignent sur le même taux d'hypothèque?

M. Ballard (Michael E.P.): À notre avis, M. Campeau, ça explique ou ça illustre une concurrence acharnée plutôt que le contraire, que tout le monde se suit et que les différences de prix sont si minimes. Après tout, c'est une industrie, tout comme l'industrie du pétrole. Il n'y a pas 54 compagnies de pétrole. Ces prix-là sont fixés toujours par le leader qui avance, qui s'avance sur le marché, baisser ses prix, l'autre a la décision à prendre, soit de le suivre ou de ne pas le suivre. S'il ne le suit pas, il perd ses clients; s'il le suit, il peut garder ses clients; s'il bat son concurrent, et tout ça. Et vous savez que c'est le plus bel exemple de la concurrence que vous puissiez avoir, que tout le monde se suit dans les prix de même.

M. Campeau: Mais je vais juste faire un petit commentaire. Revenons à l'essence, c'est plus facile. Dans l'essence, entre 0,564 $ et 0,624 $, il me semble qu'il y a une petite marge qui pourrait être 0,612 $, 0,57 $.

M. Labrèche (Jacques): Dans l'essence, c'est un peu difficile de vous répondre adéquatement. Il faudrait inviter Jean Gaulin.

M. Campeau: La comparaison de l'essence. Si je vous ramène l'essence.

M. Labrèche (Jacques): Mais on peut se ramener à toutes sortes de choses.

M. Campeau: Bien, prenez l'hypothèque.

M. Labrèche (Jacques): On vous parle de sandwich, j'ai l'impression qu'il y en a qui ont faim. Mais, au niveau de ce que vous mentionnez, vous le savez très bien, M. Campeau, entre autres, que les marchés réagissent tellement rapidement, et au niveau mondial, qu'au niveau des hypothèques c'est souvent des situations d'appariement avec le niveau mondial, et, conséquemment, il y a peut-être un avantage concurrentiel qui est développé, qui permet à l'un d'afficher un taux préférentiel pendant un certain temps, ou, en tout cas, privilégié ou plus avantageux. Mais il n'y a pas de doute que cet avantage-là est vite comblé par les concurrents qui vont s'amener très rapidement et essayer de combler cette chose-là pour être effectivement au même niveau. Ce qui fait que je crois bien que, dans l'ensemble, c'est toujours le consommateur qui est gagnant, puisque vous avez des gens comme ça, à l'affût, qui veulent faire profiter toujours de meilleures conditions, qui s'empressent effectivement d'en faire bénéficier le consommateur, mais certainement que ça force les autres à suivre la barre. On le voit très bien au niveau des taux d'intérêt qui sont à un bas historique, puis...

M. Campeau: Bien... Bien oui, bas historique, mais il y a aussi eu des hauts historiques. Vous voulez me dire que, quand ça va monter, vous ne les monterez pas? Quand vous dites: Faire profiter le consommateur, revenons à l'essence, que vous n'aimez pas, mais, ce matin, 0,624 $, vous voulez dire que les compagnies veulent faire profiter leurs consommateurs de la hausse? On va aller dîner là-dessus, M. le Président.

M. Hébert (Jacques): Un petit commentaire là-dessus. Le gouvernement en place à l'heure actuelle a mis sur le marché Placements Québec, et on sait d'avance que les taux vont varier. Donc, le gouvernement admet lui-même que parfois les taux doivent aller à la hausse ou à la baisse, il faut s'adapter au marché. On fait la même chose dans l'industrie des services financiers.

M. Chagnon: C'est un exemple qui a été un succès.

M. Campeau: Je vous promets que les taux du gouvernement ne seront pas les mêmes que les vôtres.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bon, O.K. Je vous remercie, mesdames, messieurs, de nous avoir présenté votre mémoire et d'avoir répondu à nos questions. Je suspends les travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 48)

(Reprise à 20 h 7)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): À l'ordre, s'il vous plaît! J'invite les députés, les membres de la commission à prendre place puisque la commission va reprendre ses travaux afin de procéder à des consultations particulières sur le rapport quinquennal sur la mise en oeuvre de la Loi sur les intermédiaires de marché intitulé «La distribution de produits financiers aux particuliers: relever résolument le défi du changement».


Documents déposés

Avant de commencer, j'aimerais... La secrétaire vous a distribué des documents. Il y en a un que c'est une réponse de la compagnie mutuelle d'assurances, L'Union-vie, suite à une question du député de Verdun qui demandait une copie de certificat type modulaire pour les fins d'attestation des intermédiaires oeuvrant dans la distribution des produits financiers.

Un autre document qui a été distribué m'a été envoyé cet après-midi par la Confédération des caisses populaires d'économie Desjardins du Québec, et ce serait M. Béland, le président, qui vous fait parvenir différents points de vue relativement à la dotation des permis requis pour la distribution des produits et des services financiers.

L'autre document, la Confédération des caisses populaires d'économie Desjardins m'a demandé des copies des documents que le Regroupement des victimes des caisses populaires avait déposés en commission. Je lui ai fait parvenir puisque, de toute façon, c'était rendu public. En même temps, j'ai demandé aux représentants des caisses populaires de nous faire parvenir leurs commentaires sur les documents qui ont été déposés. Donc, aussitôt que ces commentaires me seront fournis, je vous les distribuerai.

Également, un autre document qui vous a été distribué. On m'a remis une copie d'un sondage qui a été effectué pour connaître l'intention ou la volonté des contribuables à vouloir faire affaire ou à acheter leurs assurances dans les banques et dans les caisses. On en a parlé longuement cet avant-midi, ça pourrait intéresser les membres de la commission.

Donc, j'invite pour ce soir les représentants du Conseil des assurances de dommages, je leur souhaite la bienvenue et j'inviterais M. Soucy...


Conseil des assurances de dommages

M. Soucisse (Théo): Soucisse.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Soucisse, excusez...

M. Soucisse (Théo): Je vous en prie.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): ...M. Soucisse, son président, à nous présenter celui qui l'accompagne et, ensuite, à nous faire part de son mémoire.

M. Soucisse (Théo): M. le Président de la commission, distingués membres, mesdames, messieurs, c'est pour nous un grand honneur d'avoir été invités à venir commenter le rapport quinquennal sur la Loi sur les intermédiaires de marché. Je vous remercie de l'invitation que vous m'avez adressée.

(20 h 10)

Dans un premier temps, permettez-moi de présenter la personne qui m'accompagne, Me René Langlois, membre du conseil d'administration et représentant des consommateurs. Me Langlois a été président de notre première commission des examens, président de plusieurs comités, membre actuel du comité des finances et de la commission des examens et délégué du Conseil au comité aviseur et de coordination du Centre collégial de formation à distance.

Avant toute chose, nous aimerions vous informer que Me Langlois et moi-même sommes ici pour transmettre la réflexion du président du Conseil et du représentant des consommateurs suite à l'expérience acquise au cours des six dernières années, c'est-à-dire depuis la création du Conseil. J'aurais aimé, bien sûr, aujourd'hui soumettre un mémoire avalisé par le conseil d'administration du Conseil des assurances de dommages, malheureusement, l'absence apparemment délibérée de certains représentants du réseau de courtage lors de notre assemblée dûment convoquée pour l'analyse d'un projet de mémoire a entraîné l'absence de quorum.

Cependant, ne pouvant tolérer, d'une part, que l'on paralyse la régie d'organismes voués à la protection du consommateur par un refus d'exercer de l'autorité confiée par la loi et ne pouvant taire ce que l'expérience de nos fonctions de représentants des consommateurs au Conseil des assurances de dommages nous a appris depuis sa création, notre conscience nous a dicté, à Me Langlois et à moi-même, de présenter un mémoire dont la commission jugera de la légitimité et de la pertinence.

Si vous le permettez, M. le Président, j'inviterais Me Langlois, unique représentant des consommateurs au Conseil des assurances de dommages, qui, depuis 20 ans, a oeuvré autant dans le réseau de courtage que dans celui des assureurs directs et des ordres professionnels, à soumettre à cette commission le fruit de nos réflexions.

Merci, M. le Président. J'inviterais Me Langlois, avec votre permission, à poursuivre notre exposé.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. Soucisse, j'invite M. Langlois, tel que convenu.

M. Langlois (René): M. le Président, distingués membres de la commission, vous avez sûrement déjà pris connaissance du mémoire que nous avons déposé depuis quelque temps déjà à la commission, et j'ai eu le plaisir d'entendre les prédécesseurs, ici, qui vous ont présenté des mémoires depuis trois jours. Alors, je vais tenter, dans un premier temps, d'être bref pour la partie de la présentation des points qui m'apparaissent peut-être les plus importants au mémoire pour donner à la commission l'occasion de nous interroger, de nous permettre de préciser certaines affirmations ou certaines propositions qui apparaissent au mémoire.

Alors, cette présentation sera donc adaptée, dans la mesure du possible, à plusieurs commentaires qui ont été faits par les gens qui sont passés devant vous depuis trois jours. J'ai lu dans ces présentations beaucoup d'éléments de convergence, des initiatives fort intéressantes, dont notre mémoire ne traite pas, et, certaines d'entre elles, j'aimerais y ajouter ou commenter dans certains cas.

Alors, d'abord, le gouvernement a choisi, dans le rapport quinquennal, de favoriser une loi sur la distribution des produits financiers plutôt qu'une loi d'encadrement des intermédiaires de marché. Je me réjouis de cette avenue-là, d'une part, parce que, à long terme, en raison de la désintermédiation que l'on rencontre partout en affaires, ici et ailleurs, l'émergence d'un vide aura à être créée. À court terme – et ça, ce n'est pas dans cinq ans, c'est maintenant – il y a lieu de favoriser une responsabilisation nécessaire des distributeurs de produits de masse, qui ne sont aujourd'hui pas contrôlés d'aucune espèce de façon.

Alors, les sujets dont je vous entretiendrai seront dans l'ordre suivant: d'abord, l'organisme unique, dont on a beaucoup parlé déjà à la commission; l'ombudsman; la distinction agent-courtier et planificateur financier représentant produits financiers; les employés des cabinets de courtage, les employés de l'article 12 de la Loi sur les intermédiaires de marché, dont on a déjà fait état ici à la commission; les employés des assureurs qui agissent comme agents d'indemnisation sans être titulaires de permis d'expert en sinistre; le processus disciplinaire et l'assurance-responsabilité ou les pouvoirs que l'on voudrait donner en matière disciplinaire pour fins d'indemnisation; le registre des polices d'assurance-vie, dont a fait état Mme Plamondon hier, et, finalement, le compte en fidéicommis et le financement d'un organisme de contrôle.

Alors, d'abord, pour ce qui est du BDPSF – vous me permettrez de suggérer d'ajouter la lettre s pour aller dans le même sens que ce que nous ont présenté les membres de l'Association des experts en sinistre indépendants. Il est vrai que tout cet ensemble législatif ne concernera pas que des produits, mais également des services financiers. Et ces gens-là, malheureusement, dans le titre retenu pour l'organisme, avaient été... je ne dirais pas oubliés, mais, disons qu'il n'était pas évident qu'on visait également les services. Pour les fins de la transparence auprès du consommateur, je pense qu'il est important que l'on précise que les services financiers sont également visés par cet ensemble législatif.

Pourquoi un organisme unique plutôt que les deux autres options qui ont été mises de l'avant ou proposées dans le rapport? D'abord, pour sa simplicité, pour l'expertise certaine que les assureurs peuvent apporter à un organisme comme celui-là. Si on va du côté des associations, les assureurs n'y seront pas, et l'expertise du producteur, celui-là même qui conçoit le produit, est nécessaire au sein d'un organisme qui se veut un organisme d'encadrement général de toute la chaîne de distribution.

Évidemment, il y a l'élément uniformité, l'élément harmonisation de tout l'ensemble réglementaire. Qu'il s'agisse des intermédiaires en assurance de personnes, en assurance de dommages, des planificateurs financiers, il y a là une philosophie de déontologie qui doit transcender l'ensemble de la législation. Et il m'apparaît qu'en regroupant tous les intervenants au sein du même organisme on s'assure, ou enfin, on se donne un meilleur gage que cette harmonisation-là voie le jour.

Au-delà de ça, il y a, bien sûr, l'équité et il y a le coût. Les coûts actuels de l'ensemble des cinq organismes de contrôle s'élèvent, selon les rapports annuels, à près de 12 000 000 $. C'est une somme considérable et il faudra voir dans quelle mesure un seul organisme du type unique pourrait composer avec un budget d'opération moindre. Il m'apparaît possible de le faire.

Est-ce que cet organisme doit être nominatif ou électif? C'est aussi une question qui a été soumise à plusieurs reprises ici. Selon moi, cet organisme doit être nominatif pour éviter d'abord les conflits d'intérêts que l'on a connus au sein du Conseil des assurances de dommages et du Conseil des assurances de personnes. Il y en a longuement été état lors des présentations antérieures. J'ai moi-même dû démissionner à titre de représentant d'une organisation au Conseil des assurances de dommages, en 1991, puisque l'orientation de l'organisation que je devais représenter au Conseil avait changé à l'intérieur d'une période de 12 mois. Or, les orientations d'une organisation comme le Conseil des assurances de dommages ne peuvent changer à tout venant selon le bon vouloir des organisations qui y délèguent des représentants.

Alors, il m'apparaît important que ces conflits d'intérêts où chacun tente de représenter, et à juste titre peut-être, les membres qui l'ont élu, qui ont fait en sorte que la personne s'est retrouvée au sein du conseil d'administration...

Comment peut-on arriver à faire une série de nominations qui ne soient pas électives mais qui soient efficaces? L'approche que nous suggérons, c'est celle qui est recommandée autant par la Bourse de Montréal que par la Bourse de Toronto: la mise sur pied d'un comité de mise en candidature. Nous suggérerions que ce comité soit composé, d'une part, de l'Inspecteur général des institutions financières, d'un représentant des consommateurs et, bien sûr, du président du conseil d'administration de cet organisme. Il n'est que normal que l'ambassadeur général de l'organisme, le président du conseil, ait au moins un rôle consultatif dans la désignation des gens avec qui il aura à travailler. Personne mieux que le président du conseil d'administration n'est à même d'apprécier, je pense, quels sont les besoins techniques au sein du conseil.

(20 h 20)

Comment est-ce qu'on peut atteindre ça? Comment est-ce qu'on peut identifier ces gens? Bien, c'est justement le rôle d'un comité de mise en candidature, comme ce que l'on retrouve partout dans les institutions financières. Il s'agit d'un comité, à toutes fins utiles, de recrutement, de sélection. J'ai la conviction que, dans cette industrie où l'on regroupe non seulement du personnel chez les assureurs, mais plus de 20 000 intermédiaires de marché, il y en a dans ça qui ont toute l'expertise nécessaire pour faire avancer un bureau de la nature de celui que vous suggérez en première option.

Quant à l'ombudsman dont on fait également état dans le rapport, nous croyons qu'il s'agit là d'une excellente initiative, d'une excellente avenue. Il nous apparaît que cet ombudsman devrait être rattaché au bureau du Protecteur du citoyen, pour plusieurs raisons: d'abord pour assurer son indépendance face au BDPF, puisque le Protecteur pourrait très bien constater à long terme certaines lacunes là. Également, il m'apparaît que l'expertise du Protecteur du citoyen est déjà très vaste à l'égard des plaintes qu'il peut recevoir – je pense qu'il en reçoit près de 30 000 par année. Et, au niveau des coûts, bien, il y a sûrement des économies d'échelle à faire de ce côté-là, tout en garantissant son indépendance face à une industrie qui sera déjà très présente par ses experts au BDPF.

Afin d'éviter que l'ombudsman ploie sous un grand nombre de plaintes, nous suggérons également de considérer la mise sur pied de comités de plaintes, de réception des plaintes chez chacun des assureurs, comités qui relèveraient directement du comité de déontologie qui existe déjà en vertu de la loi chez chaque assureur. Ce comité en est un statutaire, constitué exclusivement de membres du conseil d'administration. Il ne s'agit pas d'avoir des administrateurs pour entendre les plaintes; il s'agit d'avoir un comité de déontologie chez les assureurs à qui rendra compte un comité de plaintes chez chaque assureur. Ces comités de déontologie chez les assureurs, aujourd'hui, sont chargés de l'administration de la confidentialité des renseignements. Ils doivent s'assurer, par exemple, que chaque assureur a des mesures appropriées pour que les renseignements soient protégés.

Ce comité voit à l'ensemble de la déontologie, et il m'apparaît que les pratiques dont la légitimité peut paraître douteuse chez les assureurs devraient d'abord être référées à ce comité avant qu'une décision soit prise et avant que l'ombudsman ait à se pencher sur le tout. Vous savez fort bien que, souvent, le tout se règle en haut niveau sans que les matières deviennent publiques.

Le sujet suivant, la distinction agent-courtier et planificateur financier. J'ai rattaché ces deux sujets-là parce qu'il m'apparaît que la logique ne peut pas être très loin dans les deux cas. On a entendu, à propos des planificateurs financiers, les six ordres professionnels venir nous dire: Les planificateurs financiers, avec ce titre, jouissent d'une perception d'indépendance à l'égard du public. Et les gens, nous disait-on, nous disaient ces représentants, qui s'adressent aux membres des ordres professionnels qui portent le titre de planificateur financier s'attendent bien à recevoir des conseils qui sont désintéressés financièrement, des conseils où celui qui le donne n'a pas d'intérêt à vendre tel ou tel produit.

On a lu dans plusieurs mémoires la suggestion que les intermédiaires de marché qui vendent des produits en planification financière ne portent pas le titre de planificateur financier mais d'autres titres. Il y a un mémoire, son origine m'échappe, là, qui faisait état du titre de représentant en services financiers, je pense que c'était pour les stagiaires. Et il m'apparaît, à titre de consommateur, que ce titre de représentant en services financiers pourrait être approprié pour tous ceux qui font de la planification mais qui voient leur rémunération sous forme de commission sur les produits vendus, pour les distinguer des planificateurs financiers qui relèvent des ordres professionnels, qui n'ont pas le droit de recevoir une rémunération sur les produits vendus, des commissions, en d'autres mots.

Cette même logique, à mon sens, s'applique aussi dans le cadre des agents et courtiers. Les courtiers – et tous le reconnaîtront, je crois – jouissent d'une image d'indépendance, et cette image d'indépendance amène nécessairement la notion de conseil indépendant, conseil objectif, conseil désintéressé. La situation n'est pas celle-là en pratique, malheureusement. La loi prévoit que la distinction agent-courtier repose sur la pluralité de la représentation des courtiers par opposition à la représentation exclusive des agents auprès d'un assureur. En pratique, et à cet égard, je pense que les courtiers, au cours des 20 dernières années, ont probablement été plus la victime qu'autre chose de la voracité des assureurs, qui ont imposé aux courtiers, dans bien des cas, des quotas, des minimums de volume de primes, de sorte que les courtiers qu'on avait il y a 15 ou il y a 20 ans qui avaient, avec un volume de primes, une douzaine d'assureurs à représenter, aujourd'hui se retrouvent et n'en représentent que deux, trois et, parfois, dans certaines lignes de produits, un seul.

Or, si on s'attend à ce que, par exemple, le consommateur qui s'adresse à un courtier ait la conviction que le courtier va magasiner dans une série de marchés et que le courtier n'a pas accès à ces marchés – et là je conviens que certains courtiers, et peut-être tous, peuvent transiger avec des assureurs qui ne leur ont pas donné de contrat d'agence – mais, dans certaines lignes d'affaires – on peut penser, en pratique, je ne le sais pas, à l'assurance-bateau, à l'assurance des oeuvres d'art – il y a bien des courtiers qui n'ont qu'un seul marché, l'assurance-responsabilité des administrateurs et officiers ou d'autres types d'assurances fort spécialisées. Or, à cet égard, les courtiers, dans certaines lignes de produits et parfois dans certaines lignes d'affaires, représentent un nombre très restreint d'assureurs, et leur indépendance à l'égard des assureurs qu'ils représentent est affectée d'autant.

D'autres facteurs que celui que la loi prévoyait sur la représentation multiple, qui, à mon sens, va en diminuant – c'est toujours le cas, mais ça diminue significativement à l'égard de cette distinction – c'est l'image d'indépendance. Cette image d'indépendance, on le sait, constitue un levier de vente fort important pour les courtiers. Et c'est le cheval de bataille de leur publicité corporative que nous connaissons tous.

Les liens d'affaires, cependant, que les courtiers peuvent avoir avec leurs assureurs diminuent leur indépendance, ne serait-ce que sur la base des commissions qui leur sont allouées. Nous avons aujourd'hui dans le marché les commissions, évidemment, par produit, en pourcentage, et ces commissions-là, il faut aussi reconnaître que les assureurs les ont diminuées chez le courtier depuis plusieurs années. On peut remonter aussi loin qu'avant la guerre où les commissions automobile étaient à 25 %; aujourd'hui, c'est à 8 %, 10 % et peut-être 12 % dans certains cas. Dans d'autres lignes de produits, c'est la même chose, on a fait fondre les commissions des courtiers, les rendant vulnérables d'autant.

On a également prévu des commissions escalatoires sur des volumes. Lorsque votre volume auprès de tel assureur atteint un tel niveau, vous avez une commission additionnelle. On a également consenti aux courtiers, pour attirer les affaires chez un assureur ou chez un autre, des commissions contingentes. Ce sont les commissions qui reconnaissent l'indice de perte, par exemple. Si un volume d'affaires est confié par un courtier à un assureur à l'intérieur d'une année donnée et que l'assureur fait beaucoup de sous, le courtier aura droit à une bonification à la fin de l'année. Ces commissions dites de contingence sur les indices pertes-sinistres, évidemment, mettent les courtiers dans une situation de conflit d'intérêts évidente quand vient le temps de conseiller l'assuré sur les indemnisations ou les indemnités auxquelles il pourrait avoir droit.

Évidemment, ces bonifications-là ne sont pas versées au mérite de chaque cas, c'est sur l'ensemble des affaires d'un courtier par année. Mais il n'en demeure pas moins que tous ces facteurs-là... Le fait également que certains assureurs vont financer des équipements informatiques chez les courtiers, quand ce n'est pas des volumes achetés ailleurs, d'autres cabinets. Et, finalement, la propriété que certains courtiers peuvent avoir dans des assureurs et la propriété que certains assureurs peuvent avoir chez les courtiers, la règle du 20 %.

Tous ces facteurs-là ont fait en sorte que l'indépendance du courtier est passablement diminuée par rapport à ce qu'elle a déjà été. Il est peut-être temps d'ajuster cette réalité, soit par la divulgation, afin que le consommateur qui souhaite la transparence dans ses rapports soit dûment informé de la situation et des contraintes auxquelles le courtier fait face. Je reconnais que tout cet aspect de divulgation est fort lourd sur le plan réglementaire, mais il y a une autre avenue: retirons, abolissons cette distinction, reconnaissons législativement que les courtiers sont les représentants de l'assureur et toute la pyramide de réglementation sur la divulgation de la rémunération, des commissions, de la propriété, du financement, des contraintes dans les volumes d'affaires ou autres disparaîtra. Et si ce qu'on veut faire, c'est diminuer l'ensemble réglementaire, je pense que c'est sûrement une avenue à ne pas écarter. En tout cas, ça vaut sûrement la peine de la regarder.

(20 h 30)

Il y a un dernier élément à l'égard de cette distinction agent-courtier, c'est celui de l'étendue du mandat. Le consommateur qui se rend chez le courtier ou qui communique avec un courtier n'a aucune idée et n'a aucun moyen de valider l'étendue du mandat que l'assureur a donné au courtier, les contrats d'agents ne sont pas publiés comme ça. De sorte que si, par mégarde, par erreur, un courtier excède son mandat en acceptant un risque, l'assureur n'est pas au bâton aujourd'hui et, vraisemblablement, le consommateur risque de se retrouver lésé. Bien sûr, la preuve du mandat est faite, mais lorsque le mandataire excède le mandat que lui a confié le mandant, bien, il n'est pas lié et il est fort dommageable que de telles situations arrivent. Le professeur Bergeron, d'ailleurs, en faisait un long état dans son traité en 1989.

Ça m'amène à une suggestion que l'on retrouve dans le mémoire, c'est-à-dire consacrer la responsabilité de l'assureur lorsque le courtier erre quant à l'étendue de son mandat pour faire en sorte que le consommateur, lui, voie les indemnités, quitte à ce que l'assureur exerce un recours récursoire ou subrogatoire contre le représentant qu'il aura lui-même choisi. Il a une expertise que le consommateur n'a pas. Alors, c'est également une suggestion que je vous fais.

Ça m'amène au quatrième sujet, les employés de l'article 12 et les employés des services de sinistre des assureurs. Je vais essayer d'accélérer. Il y a à l'heure actuelle un peu plus de 4 000 employés chez les intermédiaires de marché, et là, pas strictement chez les courtiers: il y en a chez les experts en sinistre, il y en a dans les cabinets d'agents, il y a 4 124... enfin, il y a un mois, il y avait 4 124 employés non certifiés qui transigent directement avec le public et qui n'ont pour toute formation exigée que 30 heures, dont doit attester le patron, et 30 heures de stage. Alors, passez deux semaines à l'ouvrage et, voilà, la formation est complétée, alors que l'on sait que, chez les intermédiaires de marché en assurance de dommages, il y a aujourd'hui cinq examens fort complets à passer et qui requièrent, sans que ce soit obligatoire, sûrement plusieurs centaines d'heures d'étude. Il y a là une inéquité quant aux professionnels entre eux et également quant au réseau, puisque les assureurs à agents, les assureurs directs, ne bénéficient pas de cette possibilité de faire servir leur clientèle par des gens non certifiés, donc à un coût différent.

Il y a des inconvénients majeurs à cette situation. D'abord, les employés de l'article 12 étant non certifiés, ils ne sont pas soumis aux règles de déontologie du Conseil des assurances de dommages. Les consommateurs ne peuvent faire appel au Fonds d'indemnisation des assurances de dommages. La compétence est inégale et l'équité professionnelle, je viens d'en parler, l'équité entre les réseaux et, au-delà de tout ça, la transparence pour le consommateur. Le consommateur n'a aucun moyen de savoir si la personne en ligne est intermédiaire ou ne l'est pas. C'est le cas lorsqu'il transige avec des assureurs directs, pas quand il transige avec des courtiers. On parle de 4 000 personnes et plus.

Chez les assureurs, maintenant, du côté du service des sinistres, on a entendu les gens de l'Association des experts en sinistre indépendants, qui sont soumis aux mêmes normes de formation; ça a été expliqué. Chez les experts en sinistre des assureurs, les agents d'indemnisation, les régleurs, les ajusteurs, enfin, ce sont tous des vocables qui sont utilisés, ces gens-là, comme les experts en sinistre indépendants, font le service après vente. Nous avions, au Conseil des assurances de dommages, en 1990, la conviction que celui qui fait le service après vente doit sûrement savoir, doit avoir des connaissances au moins analogues à celles de celui qui fait la vente, pour pouvoir servir convenablement.

Les employés des assureurs ne sont pas soumis aux exigences de certification aujourd'hui. Nous n'avons pas de chiffres exacts sur le nombre de personnes sans certification qui peuvent donc faire de l'expertise chez les assureurs. J'avancerais peut-être quelques milliers.

Ça m'amène au processus disciplinaire et à l'assurance-responsabilité dont ont fait état mes collègues de l'Association des intermédiaires en assurance de personnes, je pense, qui recommandaient que le comité de discipline de l'organisme créé puisse ordonner le paiement des indemnités aux victimes. Il y a plusieurs difficultés qui seraient rattachées à une pratique comme celle-là. D'abord, les règles de preuve n'étant pas du tout les mêmes – et je pense qu'on n'a sûrement pas l'intention de retirer le droit à une défense pleine et entière à celui qui, en bout de ligne, devra rembourser le fonds d'indemnisation ou le fonds d'assurance – la preuve en matière de responsabilité professionnelle est une année-risque, en matière civile, c'est de 10 à 15 ans. Il est vrai que le processus disciplinaire va régler les cas en trois mois, six mois parfois, mais à l'intérieur d'une année. Si on ajoute au processus disciplinaire toute la dimension civile de la preuve sur le lien de causalité et sur le dommage avec le plein droit d'une défense pleine et entière, on risque non pas de raccourcir les procès civils, mais d'allonger tout le processus disciplinaire, de sorte que celui que l'on aurait voulu expulser des rangs d'un groupe de professionnels après trois mois, six mois d'enquête, on devra l'endurer jusqu'à la fin de l'enquête, qui pourra prendre quatre ans, cinq ans, six ans, et avec les problèmes que ça pourra entraîner chez d'autres consommateurs.

Alors, je vous soumets qu'il y a là une difficulté. Je ne crois pas que le processus disciplinaire maintiendrait son délai de traitement. Je pense que le délai de traitement serait, et de beaucoup, prolongé si on ajoutait la dimension responsabilité professionnelle. Par ailleurs, une faute professionnelle, une erreur professionnelle n'est pas nécessairement une infraction. Alors, la solution, même si elle était mise de l'avant, ne serait que partielle.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Est-ce que vous pouvez accélérer? Parce qu'il y a beaucoup de députés qui veulent vous poser des questions, et déjà votre mémoire était quand même assez précis et facile à lire, en plus. Vous aviez un constat, vous aviez des recommandations claires.

M. Langlois (René): O.K. Oui. Je vous remercie. Je termine sur les deux derniers éléments. La recommandation de Mme Plamondon à l'égard du registre des polices d'assurance-vie est une excellente initiative, et, à titre de représentant des consommateurs, je pense que ce serait un grand pas en avant pour la société.

Le dernier point dont je veux vous entretenir, c'est le compte en fidéicommis. Pourquoi un compte en fidéicommis, alors que j'ai pu constater comme tous, là, que la proposition du gouvernement était à l'effet de ne pas mettre en vigueur cet article 26 de la loi? D'abord, parce que je pense que la mise sur pied d'une obligation de compte en fidéicommis permettrait un contrôle des argents confiés par autrui. Les sommes que l'on confie à un intermédiaire, que ce soit du côté de l'assureur ou que ce soit du côté de l'assuré, il doit y avoir quelque part un contrôle d'exercé pour s'assurer que les sommes se rendent là où elles sont destinées et au moment où elles sont destinées pour s'y rendre. Il n'est pas souhaitable qu'il n'y ait aucun contrôle à cet égard, de sorte que des sommes peuvent demeurer dans les comptes des intermédiaires pendant des semaines, voire des mois au profit des intermédiaires puisque les assureurs ont renoncé tacitement à leurs intérêts. Je vais donner simplement un exemple qui va illustrer cette dimension. On rencontre un courtier, on lui dit: Bien, voilà, je voudrais assurer mon commerce ou assurer mes biens. On complète une proposition, le courtier nous fait une soumission, on accepte la soumission et on fait un chèque: Voilà, j'aimerais bien être assuré en vertu des conditions consenties.

Prenons une prime de 10 000 $. Vous la versez aujourd'hui, le courtier prend la proposition et la transmet à l'assureur. Quelques semaines plus tard, l'assureur émettra une police. Quelques semaines après avoir émis une police, en fait 60 jours, 45 jours, voire 90 jours après l'émission de la police, l'assureur exigera paiement pour la police de la part du courtier. Là, ça va faire trois mois, quatre mois que l'argent du consommateur est dans le compte chez le courtier et il ne voit jamais la couleur des intérêts.

(20 h 40)

Il est vrai que, législativement, on a adopté l'article 18 qui remplaçait l'article 260 de la Loi sur les assurances à l'effet que, lorsque le courtier reçoit des primes, il est réputé être le mandataire de l'assureur, mais il n'en demeure pas moins que, dans les faits, les courtiers exigent, et probablement à juste titre pour assurer un juste paiement des primes, exigent avant le moment où les primes sont exigées par l'assureur lui-même les primes des consommateurs.

Notre recommandation est à l'effet que, pour éviter les opérations de cavalerie – j'en ai parlé, je ne m'étendrai pas là-dessus – pour s'assurer que le fruit des argents du consommateur retourne au consommateur, ce que l'on suggère pour simplifier également l'administration de tout ça, comme ça se fait à la Chambre des notaires, comme ça se fait au Barreau du Québec et probablement dans d'autres ordres professionnels, de verser tous les intérêts sur les comptes en fidéicommis au BDPF et à son fonds d'indemnisation de façon à ce que les intérêts sur les sommes remises par les assurés aux courtiers, destinées aux assureurs, et les sommes remises par les assureurs aux courtiers, destinées à l'assuré, lorsqu'ils produisent des indemnités, reviennent aux assurés par la voie des services du BDPF et par la garantie du fonds d'indemnisation du BDPF.

Alors, voilà, ça termine la présentation. Je suis conscient que certains faits relatés au mémoire peuvent bouleverser des habitudes, si jamais les propositions étaient accueillies par le gouvernement, et les habitudes de plusieurs de mes amis. Je suis de ce milieu-là. J'ai entendu récemment, d'une personne qu'on connaît bien: Oser, c'est aussi déplaire à ses amis. Et cela m'a convaincu de relever résolument le défi du changement que vous nous avez proposé dans le rapport quinquennal. Merci.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je vous remercie, M. Langlois, et j'accorde tout de suite la parole au député de Crémazie.

M. Campeau: M. Soucisse, M. Langlois, merci d'avoir pris le temps de rédiger un rapport assez complet, assez volumineux. Merci aussi d'être venus le présenter.

J'ai deux questions, peut-être trois, ou une réflexion. Vous parliez de l'indépendance d'un courtier. Vous avez bien souligné qu'il y a certains courtiers qui sont liés par des quotas de compagnies d'assurances. Donc, le courtier n'est plus indépendant, si je comprends bien ce que vous m'avez dit. Est-ce que, à tout le moins, le courtier ne devrait pas être dans l'obligation de le faire savoir à son client et que, son client, il va l'accepter comme ça? Il va savoir, à un moment donné, qu'il y a une certaine dépendance d'un courtier vis-à-vis d'une compagnie d'assurances. Le fait de le dire, bien, ça le dégagerait, ça ferait beaucoup plus de transparence.

M. Langlois (René): Je pense que ça s'impose parce qu'il est courant – et on voit ça tous les jours – qu'au moment d'un renouvellement un courtier qui fait face à de nouvelles exigences d'un assureur change la police d'assurance de place, change de marché, absolument pas dans les intérêts et absolument pas à la demande de l'assuré. Il le fait parce que les contraintes d'affaires le poussent à le faire. C'est pour ça, tantôt, que je disais que les courtiers, dans cette affaire-là, dans toute cette dynamique sur les contraintes de volume et de quota, ils sont un peu la victime. Mais ils le sont, et je pense que, oui, ces contraintes-là, si on veut maintenir cette image d'indépendance d'antan que la population a acceptée, oui, il faudrait qu'il y ait une divulgation de ces contraintes-là. Mais il y en aura beaucoup d'autres. Je conviens aussi que l'ensemble des obligations de divulgation peuvent devenir tellement lourdes qu'à toutes fins utiles les ventes ne se fermeront pas.

M. Campeau: Mais vous avez bien distingué entre agent ou courtier, en faisant une distinction: agent, un individu est à l'emploi d'une compagnie d'assurances.

M. Langlois (René): Oui.

M. Campeau: Courtier, il est indépendant, il est reconnu comme indépendant. Alors, s'il ne l'est plus, il devrait avoir l'obligation de le déclarer, et il n'y a rien de mal à ça. Les gens le verraient comme une espèce de courtier agent, moitié-moitié, là...

M. Langlois (René): Voilà. Et il ne...

M. Campeau: ...puis le monde ne s'en porterait pas plus mal.

M. Langlois (René): C'est ce que...

M. Campeau: Ce serait dévoilé.

M. Langlois (René): ...je crois. Je pense qu'il faut éviter d'entretenir un mythe sur l'indépendance absolue du courtier. Elle n'est plus là.

M. Campeau: Ça va. Alors, merci. Maintenant, l'autre point. Vous parliez du paiement de la police, là. Je ne comprends pas très bien, puis j'aimerais que vous me l'expliquiez davantage. Quelqu'un qui prend une police d'assurance, il paie avant que l'assurance soit en vigueur?

M. Langlois (René): Il ne paiera pas avant que l'assurance soit en vigueur. C'est qu'il y a très fréquemment un délai entre le moment où l'assurance entre en vigueur et le moment où la police est émise puis reçue par l'assuré. On peut recevoir une police 60 jours, 30 jours, 45 jours après qu'elle soit entrée en vigueur. C'est courant.

M. Campeau: Mais il ne paiera jamais avant que la police soit en vigueur.

M. Langlois (René): Ah! le courtier, non.

M. Campeau: Le client?

M. Langlois (René): Ah! c'est très fréquent. C'est très fréquent.

M. Campeau: Mais pourquoi ça? Ça n'a pas de bon sens.

M. Langlois (René): C'est très fréquent.

M. Soucisse (Théo): Il va la payer souvent au moment où elle devient en vigueur...

M. Campeau: Oui.

M. Soucisse (Théo): ...mais avant qu'elle soit émise.

M. Campeau: Oui, mais, si elle est en vigueur, je trouve ça correct, là.

M. Langlois (René): Oui, sauf que si elle est en vigueur et que le courtier lui-même, avec son statut d'indépendant, n'est pas encore tenu de payer l'assureur, pourquoi est-ce que ce courtier qui représente l'assuré, bien sûr, est plus exigeant à l'égard de l'assuré que l'assureur ne l'est envers lui? Pourquoi le courtier va réclamer 90 jours avant que l'assureur ne réclame lui-même le plein montant de la prime, et parfois même financer l'assuré à des intérêts comparables à ceux du marché, alors que lui-même n'a pas été encore tenu de payer l'assureur? Il est censé être le représentant de l'assuré, un représentant indépendant. La pratique n'est pas à cet effet-là.

M. Campeau: Alors, M. Langlois, est-ce qu'on peut présumer que la compagnie d'assurances qui reçoit, mettons, une police en vigueur et reçoit le paiement 90 jours plus tard...

M. Langlois (René): Oui.

M. Campeau: ...est-ce qu'on peut comprendre que, dans son coût, elle charge quelque chose de plus, finalement, pour ce 90 jours où elle ne jouit pas de l'argent?

M. Langlois (René): Non, parce que, tacitement et historiquement, les assureurs ont laissé les intérêts sur les comptes en souffrance aux courtiers, et ce n'est pas compris dans le prix de la prime.

M. Campeau: Oui, mais, à la fin, là, c'est un coût pour la compagnie d'assurances.

M. Langlois (René): Bien, évidemment que c'est un coût pour la compagnie d'assurances. Alors, si...

M. Campeau: Bon, bien, ça doit rentrer dans la prime. Elle charge donc plus cher à l'assuré parce qu'elle est payée 90 jours plus tard.

M. Langlois (René): Bien, j'imagine que ce n'est pas la sainte enfance. Ils doivent faire ça pour de fort bonnes raisons, là. Et pour, d'abord...

M. Campeau: Je ne trouve pas la compagnie d'assurances beaucoup plus – je n'emploierai pas le mot «honnête», là – beaucoup plus... je ne sais pas quoi, là, mais... que le courtier, là-dessus.

M. Langlois (René): Écoutez, en ce qui concerne les assureurs, les assureurs doivent faire en sorte que leur réseau de distribution distribue. Bon, ça peut se faire de bien des façons. On peut avoir des commissions à 10 %, à 15 %. On peut avoir une commission à 10 % mais exiger d'être payé six mois après. Ça vaut sûrement autant qu'une commission à 12 % et être payé maintenant.

M. Campeau: Bien, ça ne m'épate pas, là, ce...

M. Langlois (René): Bien, moi non plus. C'est pour ça que j'en fais état.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Langlois (René): C'est pour ça que j'en fais état dans le mémoire.

M. Campeau: Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ça va, M. le député de Crémazie? M. le député de Viger.

M. Maciocia: Merci, M. le Président. M. Soucisse et M. Langlois, on vous remercie du mémoire que vous avez présenté. M. Soucisse, je vous fais les excuses du député de Verdun, M. Henri-François Gautrin, qui ne peut pas être présent à cause des engagements qu'il avait pris. Il vous transmet ses excuses.

Je ne veux pas revenir sur les questions qui ont été posées par le député de Crémazie, mais, quand même, M. Langlois, vous n'êtes pas sans savoir que c'est très rare, à moins – je suis un courtier d'assurances – c'est très rare que les clients, ils paient d'avance. On fonctionne toujours avec une marge de crédit avec la banque. Ce n'est pas pour d'autre raison que celle, justement, que les primes d'assurance ne sont pas toujours payées d'avance. Parce que si c'était payé d'avance, je peux vous dire que les compagnies, ça agirait différemment de la façon dont elles agissent.

Je suis pas mal au courant que vous êtes au courant que ce n'est pas au moment de l'application que les clients paient la prime. Ce n'est absolument pas... Ça peut arriver. C'est dans les possibilités, ça, c'est clair et je le comprends. C'est dans les possibilités, mais, dans la réalité, ce n'est absolument pas ça.

M. Langlois (René): J'ai dû mal m'exprimer, mais je pourrais préciser.

M. Maciocia: Deuxièmement – tu sais, je voudrais quand même que ce soit clair – un autre point, les courtiers d'assurances, ils paient à 60 jours, ils ne paient pas à 90 jours. C'est très rare qu'il y a des compagnies qui te laissent 90 jours. C'est plutôt... À un certain moment, il y avait 45 jours... au lieu de 90. Mais la règle, c'est 60 jours.

M. Langlois (René): Soixante jours de l'émission.

M. Maciocia: C'est ça. Je voulais seulement éclaircir ça parce qu'il ne faudrait pas laisser de doute, dans le sens que le courtier vend 5 000 $ de prime une journée, puis c'est 5 000 $ qui vont lui rentrer dans le coffre à ce moment-là. Parce que si c'était ça, M. Langlois, je vous dirais qu'il y aurait beaucoup de courtiers, il y aurait beaucoup d'argent et beaucoup, je dirais, d'autres choses.

(20 h 50)

Mais je voudrais revenir sur un aspect très spécifique sur lequel j'aimerais quand même qu'on soit un peu mis au courant parce que je pense que c'est très important. Vous avez pris, M. Soucisse, je dirais, la responsabilité de nous aviser que le mémoire est uniquement présenté par vous et par Me Langlois.

Ma première question, parce que je pense que c'est très important pour nous de savoir: Est-ce qu'il y a un conseil d'administration chez vous? Il est composé de combien de personnes?

M. Soucisse (Théo): De 15 personnes, incluant moi-même.

M. Maciocia: Ça veut dire qu'il y a 13 personnes qui n'ont pas endossé votre mémoire.

M. Soucisse (Théo): Pas tout à fait. Ce qui est arrivé, c'est que nous avons convoqué une réunion en vue d'étudier le rapport et un nombre... Tout d'abord, on a un certain nombre de nominations qui sont venues à échéance il y a un petit moment, et puis nous sommes maintenant 11 personnes au conseil, temporairement. Nous avons fait une convocation pour étudier le rapport que nous devions vous présenter. Un nombre assez important d'administrateurs ont décidé de ne pas se présenter, ce qui a fait empêcher le quorum. Mais le quorum, selon les conseillers juridiques, même si le conseil n'est pas complété à cause des nominations, ça demeure à huit pareil. Étant donné que le nombre d'administrateurs au conseil est de 15, le quorum est de huit tout le temps.

M. Maciocia: Oui, je comprends. Il y avait combien de personnes au moment où vous avez fait l'avis de convocation, disons, le moment de la convocation de la réunion?

M. Soucisse (Théo): Si je me souviens bien, c'est six, monsieur.

M. Maciocia: Six.

M. Soucisse (Théo): Six, oui.

M. Maciocia: Les quatre autres, ils étaient présents.

M. Soucisse (Théo): C'est ça.

M. Maciocia: Pourquoi ils n'ont pas endossé le mémoire?

M. Soucisse (Théo): Bien, il n'y a pas eu d'assemblée, tout simplement. N'ayant pas de quorum, on n'a pas fait d'assemblée.

M. Maciocia: Vous n'avez pas fait d'assemblée.

M. Soucisse (Théo): Le travail sur le rapport avait été fait en collaboration avec M. Langlois, moi-même et le personnel permanent du Conseil. Tout ce rapport avait été présenté... Une première version du rapport a été présentée. À ce moment-là, une partie des membres avait tout simplement refusé, compte tenu que... Déjà faisant partie d'organismes qui, eux-mêmes, présentaient des rapports au Conseil, ils jugeaient inapproprié, pour eux, de discuter un rapport pour le Conseil.

Dans la deuxième version, ils se sont tout simplement absentés. Mais, en fait, ils avaient refusé de considérer la première version. Ici, M. Langlois et moi-même – M. Langlois représente les consommateurs – nous sommes là depuis le début du Conseil. Ce sont des genres de problèmes qu'on a rencontrés à l'occasion sur différents sujets. Alors, on a pensé que, par pure courtoisie, lorsque le ministre nous demande de répondre à un questionnaire, il nous demande de lui faire un rapport sur les activités du Conseil des cinq dernières années, on pense que la pure courtoisie...

M. Maciocia: Oui, oui.

M. Soucisse (Théo): ...il s'agit de répondre, ce que nous avons convenu de faire. Mais, pour ne pas faire de fausses représentations, nous avons établi qu'il s'agissait...

M. Maciocia: Je comprends.

M. Soucisse (Théo): ...d'un rapport du président et du représentant des consommateurs.

M. Maciocia: Je comprends. Dois-je comprendre aussi qu'au moment de la réunion où vous étiez six, comme vous avez dit, la réunion n'a pas eu lieu et vous n'avez pas discuté du rapport?

M. Soucisse (Théo): On n'a pas discuté du rapport.

M. Maciocia: Pas un mot.

M. Soucisse (Théo): Pas du tout.

M. Maciocia: Et ces gens-là n'étaient pas au courant.

M. Soucisse (Théo): Bien, ils ont reçu la copie du rapport.

M. Maciocia: Est-ce qu'ils se sont prononcés? Au moins, ils sont venus et ont dit...

M. Soucisse (Théo): Ils n'ont pas eu à se prononcer. Vous savez...

M. Maciocia: ...s'ils étaient plus ou moins d'accord ou pas d'accord sur le mémoire qu'ils avaient quand même en main.

M. Soucisse (Théo): Bien, vous savez... Pardon? Ce n'était pas celui-ci, en fait, dont on vous parle, là.

M. Maciocia: Oui, mais celui-là que vous avez...

M. Soucisse (Théo): Oui, oui, c'est ça.

M. Maciocia: Ils étaient au courant?

M. Soucisse (Théo): Oui, oui, oui. Ils ont toujours eu des copies de...

M. Maciocia: Ils en ont discuté un peu avec vous ou avec M. Langlois, avec Me Langlois? Ils en ont discuté à ce moment-là, oui ou non?

M. Soucisse (Théo): Bien, vous savez, au niveau de l'assemblée elle-même, ça ne s'est pas discuté du tout. Parce que l'assemblée a lieu ou elle n'a pas lieu. Vous savez...

M. Maciocia: Ça s'est discuté avant ou après?

M. Soucisse (Théo): Ça s'est discuté comme ça...

M. Maciocia: O.K.

M. Soucisse (Théo): On a marqué, par exemple, que certains membres sont favorables, bien sûr. Alors, ici... De toute façon, on a pensé que le gouvernement avait demandé d'avoir rapport...

M. Maciocia: Parfait.

M. Soucisse (Théo): ...et on a jugé qu'il fallait le faire, puis on l'a fait.

M. Maciocia: C'est parfait.

Une autre question que j'aurais à poser. Je pense que, dans le résumé de votre mémoire, vous nous dites: Ainsi, nous recommandons, entre autres, pour la distribution de produits et services financiers dans les institutions de dépôts, que le gouvernement établisse des mesures de contrôle susceptibles d'être applicables aux institutions fédérales et élabore des règles de protection des renseignements confidentiels.

Dois-je comprendre que vous êtes d'accord que le gouvernement du Québec ouvre aux banques la possibilité de vendre des produits financiers?

M. Langlois (René): Le texte n'a pas été rédigé dans ce sens-là. Ce que nous avions à l'esprit lorsque nous avons rédigé ce texte-là, c'était de s'assurer... D'abord, dans l'affirmation des compétences constitutionnelles du Québec, je pense que les assurances, maintenant, c'est reconnu – quoi que nos voisins puissent en penser parfois – il s'agit de juridictions qui relèvent de nous, au Québec, et non du gouvernement fédéral, bien que les affaires bancaires relèvent d'eux. On a entendu plusieurs personnes ici venir nous expliquer sûrement ce qui va se passer dans les années à venir à ce sujet-là. On verra comment on se sortira de la situation. Mais il est clair pour nous que les règles doivent être uniformes, quels que soient les joueurs. Si l'avenir fait en sorte que les banques obtiennent l'autorisation du gouvernement fédéral de faire des affaires d'assurance, le comment elles le feront devra être établi par cette Assemblée, l'Assemblée nationale, et non en fonction des règles que le fédéral voudrait peut-être nous voir harmoniser aux siennes. C'est le sens de notre intervention.

Si vous me permettez, M. le député Gautrin... je m'excuse, Maciocia, j'aimerais revenir sur une question que vous m'avez posée et à laquelle je n'ai pas pu répondre. Vous avez raison de façon générale, très générale. Le délai accordé par l'assureur au courtier pour payer le compte après l'émission de la police, pas après l'entrée en vigueur du contrat, c'est 60 jours, et c'est particulièrement parce que, de façon générale, c'est 60 jours que l'hypothèse que vous retrouvez au mémoire sur l'évaluation que pourraient représenter ces intérêts, c'est-à-dire à 4 % pendant 60 jours, compte tenu du volume-primes aujourd'hui traité par le réseau de courtage, représente 16 000 000 $. Je vous rappellerai que l'ensemble de la gestion des cinq organismes, aujourd'hui, en coûte 11 000 000 $. Alors, je voulais simplement préciser. Vous avez raison, c'est 60 jours.

M. Maciocia: Ça, j'avais compris très bien. Est-ce que je peux aller avec une question directe, à ce moment-là? Est-ce que vous êtes d'accord que les banques puissent vendre des produits financiers ici, au Québec?

M. Langlois (René): Je pense qu'il ne nous appartient pas de décider de cet élément-là. La Constitution est là et les autorités appropriées auront à prendre les décisions qu'elles jugeront utiles compte tenu de l'ensemble de la dynamique canadienne. Il y a passablement de joueurs, et je ne me risquerais pas à présumer de ce qu'est la situation dans les autres provinces. Mais il est prévisible que, si le législateur fédéral accorde aux banques le droit de faire des affaires d'assurance, nous aurons, nous, à contrôler comment elles le feront chez nous et...

M. Maciocia: Je me pose la question, M. le Président, et je pose la question à Me Langlois parce que vous êtes ici à titre de représentant des consommateurs à l'intérieur de l'organisme en question. Mme Plamondon, de l'association de protection des consommateurs, elle s'est prononcée clairement, dans l'intérêt des consommateurs, de ne pas aller dans cette direction-là. Elle nous l'a dit très clairement l'autre jour, parce que, justement, à cause de la concurrence, à cause qu'il y aura seulement un petit groupe, comme on en a discuté ce matin, qui pourrait être au détriment, justement, du consommateur. Il faut faire bien attention d'aller dans cette avenue-là. C'est pour ça que je vous ai posé la question, à titre de représentant des consommateurs à l'intérieur de l'organisme du Conseil des assurances de dommages.

M. Langlois (René): Sur le plan de la philosophie générale, il m'apparaît que, si nous faisons ce que nous devons faire pour que les consommateurs soient des consommateurs informés et matures, il appartiendra au consommateur de faire ses choix, à savoir où, quand et comment il voudra acheter ses produits financiers.

(21 heures)

Je sais que je fais cette affirmation qui peut aller à sens contraire de certains de mes collègues du côté du consumérisme, mais c'est ma vision personnelle des choses. Je pense que le consommateur de l'an 2000 doit être responsabilisé et qu'on doit respecter les choix qu'il fera. On a déjà vu... Et je parlais désintermédiation tantôt, c'est à l'échelle mondiale. Si nous n'y voyons pas, si nous n'établissons pas maintenant, avant que le train ne passe, les rails, ça risque de dérailler. Les moyens de communication technologiques et les moyens dont disposeront demain matin ces institutions pour nous vendre toutes sortes de produits sans intermédiaire feront en sorte que, si nous ne prenons pas maintenant les devants, nous desservirons les besoins de la population québécoise.

M. Maciocia: Une dernière question, M. le Président. Est-ce que, d'après vous, la concentration d'un produit, ça serait dans l'intérêt du consommateur?

M. Langlois (René): Sûrement pas.

M. Maciocia: Merci.

M. Langlois (René): Sûrement pas, mais je reconnais qu'il peut y avoir un effet là. Mais est-ce que c'est une législation de la nature de celle à laquelle vous faites référence qui pourra contenir cela? Permettez-moi d'en douter. Je pense que nous sommes mieux de baliser le vent à défaut de pouvoir l'arrêter.

M. Maciocia: Merci.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député de Viger. Maintenant, la parole est au député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui, très rapidement, parce que ça a été touché. Je voudrais quand même, peut-être, avoir une précision... Et, en passant, j'ai une longue expérience des comparutions ou de la présentation de mémoires par des gens. Vos propos, on peut les partager ou pas, mais ils ont le mérite d'être très clairs. Alors, je vous félicite.

La question de la distribution des produits et services financiers dans les institutions de dépôts est une question qui a été soulevée par bien du monde, on vient d'en parler, directement ou indirectement. Dans la proposition du gouvernement, il y avait trois choix, et, vous, vous avez opté pour le choix de le permettre. Même s'il y en a plusieurs qui nous suggèrent de défendre la vente d'assurances dans les institutions de dépôts, vous, vous dites: On va le permettre. Est-ce que c'est uniquement sous l'angle de ce que vous venez de développer, de la responsabilisation du consommateur? Est-ce que c'est surtout là-dessus que ça vous a fait pencher pour ce choix-là?

M. Langlois (René): Non, c'est un des trois volets. Il y a un autre volet qui m'apparaît aussi fort important. Nous avons déjà les cabinets multidisciplinaires où oeuvrent des intermédiaires de marché qui vendent toutes sortes de choses. S'il y a une vertu à empêcher les institutions de dépôts à avoir chez eux des gens compétents à vendre plusieurs produits, pourquoi diable est-ce que la même vertu ne s'appliquerait pas de l'autre côté, chez les cabinets multi? Quant à moi, il doit y avoir une uniformité de traitement. Je pense que l'équité commerciale va dans ce sens-là; le respect du choix des consommateurs va également dans ce sens-là. Pour nous, ce qui apparaît le plus important, c'est que, quel que soit l'intermédiaire en face du consommateur, à partir du moment où c'est une personne physique, elle doit, cette personne, être totalement qualifiée, compétente pour répondre aux besoins.

M. Gendron: Une très courte question. Il y en a plusieurs également qui ont établi qu'il n'y avait pas beaucoup de distinction, ou du moins pour des gens qui représentent l'intérêt du consommateur, plusieurs consommateurs ne réussissent pas – et ça semble être la majorité – à faire une distinction nette entre les courtiers et les agents. Vous, vous dites: C'est comme ça, parce que, dans votre mémoire, vous constatez presque la même chose, mais au lieu de dire: Bien, on devrait abolir ça purement et simplement, cette fine distinction non perçue par les consommateurs, vous dites: Étudiez ça. Alors, je veux savoir pourquoi vous recommandez d'étudier ça encore.

M. Langlois (René): Paris ne s'étant pas bâtie en un jour, au moment où j'ai rédigé ces lignes, je n'avais pas entendu les trois jours de commission qui viennent de s'écouler. Aujourd'hui, je vous dirais, compte tenu de la maturité dont l'industrie semble faire preuve: Abolissons la distinction.

M. Gendron: C'est clair.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bien, M. le député de Charlevoix.

M. Bertrand (Charlevoix): Merci, M. le Président. Me Langlois, vous avez parlé beaucoup des intérêts – je fais seulement ouvrir une parenthèse et la refermer aussitôt – et j'aurais aimé que vous en parliez au complet, tant qu'à en parler. Parce que vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a quand même maintenant beaucoup d'assurance qui est vendue et payée sous forme de financement directement avec les compagnies d'assurances. Vous n'êtes pas sans savoir non plus que les courtiers, dans beaucoup, beaucoup de cas, financent pour le client sans charger d'intérêts – peut-être qu'il y en a qui chargent, mais il y en a beaucoup qui ne chargent pas – et que, dans beaucoup, beaucoup de cas, si ce n'est pas la très grande majorité, les bureaux de courtiers perdent de l'argent sur ce qu'on appelle les comptes à recevoir. J'aurais aimé, là, que vous soyez explicite au complet dans ce sens-là. Et vous n'êtes pas sans savoir que CAFO est une compagnie de financement de prime d'assurance pour, en plus de ça, d'autres clientèles. Juste pour être sûr que tous les membres de la commission comprennent un petit peu plus ce que vous avez voulu dire.

M. Langlois (René): Est-ce que...

M. Bertrand (Charlevoix): Vous pourrez tantôt répondre. Avant de questionner, j'ai juste trois ou quatre courtes questions. Il y en a une, de toute façon, qui vient d'être posée par le député d'Abitibi-Ouest. Moi, je reviens sur ce dont le député de Viger a parlé au début, parce que je pense que c'est important pour la commission. Les membres le jugeront, mais c'est important d'être bien clair sur votre position ici.

Le Conseil, il est composé de 15 personnes, et, effectivement, je pense qu'on n'est pas sans savoir que, quand ça se produit, une affaire comme vous avez mentionnée tout à l'heure, il y a certainement certains problèmes en quelque part. Je fais part d'une lettre ici et j'aimerais déposer une série de lettres pour simplement, là, que les membres de la commission soient bien informés de la situation.

J'ai une lettre ici qui est adressée à Bernard Landry, au ministre, M. Landry, je m'excuse, et qui dit: «Le 4 août 1995, dans le cadre de la révision de la Loi sur les intermédiaires de marché, un document intitulé "Le consommateur d'abord" était acheminé au ministre des Finances sur papier à lettre du Conseil des assurances de dommages. Le 7 septembre 1995, et sur représentation des administrateurs, M. Soucisse, président du Conseil des assurances de dommages, et M. René Langlois, administrateur, admettaient la paternité de ce mémoire – admettre la paternité, pour moi, c'est de l'avoir pas mal fait – et reconnaissaient que ce document, bien que financé à même les deniers du Conseil, représentait leur opinion personnelle et non celle des administrateurs de l'organisme.» Et là ça continue, et on dit même: «Il serait, de plus, souhaitable que les coûts relatifs à la préparation de ce mémoire soient assumés par les personnes qui parrainaient ce document.»

Moi, M. le Président, avec votre permission, je vais déposer une série de lettres pour que les membres de la commission en prennent connaissance, pour simplement mieux informer leur connaissance.

Ceci dit, j'aurais apprécié beaucoup que vous mentionniez davantage, au début, jusqu'à quel point vous le faites sur le plan personnel, parce qu'on a devant nous, quand même, un document du Conseil. Alors, je pense que, en quelque part, il faut que ce soit quand même noté de façon explicite que c'est en votre nom personnel que vous êtes là, même si on a un document, nous, du Conseil. C'est ça?

M. Langlois (René): Ce n'est pas le cas.

M. Bertrand (Charlevoix): Ce n'était pas le cas?

M. Langlois (René): Ce n'est pas le cas. Ce document ne vous est pas présenté par René Langlois personnellement, mais par René Langlois que le gouvernement du Québec a nommé représentant des 7 000 000 de consommateurs. C'est à ce titre-là que je vous le dépose. Si la présente assemblée juge nécessaire – et je ne sais pas quelle sera la position du Conseil des assurances de dommages – que je rembourse les 52 $ de photocopies pour le document qui, pourtant, est intitulé «Mémoire du président et du représentant des consommateurs du Conseil des assurances de dommages», rassurez-vous, je vais le faire. Comme je l'ai préparé de façon bénévole, ce n'est pas 53 $ qui va m'empêcher de présenter une information complète à la présente assemblée. Parce que ce qui en résultera, c'est le régime du prochain millénaire. Les prochains 20 ans de l'industrie des assurances seront décidés ici même. Il est important, à mes yeux de représentant de 6 000 000 ou 7 000 000 de consommateurs, que les choses soient dites telles qu'elles sont. Un chat est un chat. Et c'est à cela que je me suis consacré bénévolement pendant quelques semaines pour la rédaction de ce document.

(21 h 10)

M. Bertrand (Charlevoix): Merci. Vous recommandez que le champ d'application de la loi couvre toute la chaîne de distribution des produits d'assurance et de services financiers. Je ne sais pas si c'est M. Soucisse ou vous qui préférez répondre. Est-ce que vous incluez tout ce qu'on appelle, ce que vous appelez, dans le jargon de l'assurance, les vendeurs de quelque produit que ce soit d'assurance? L'exemple inclut les directs ou les gens qui représentent des compagnies, que ce soient agents, agents captifs, etc. Tous les produits d'assurance.

M. Soucisse (Théo): Mais ils sont déjà inclus. Les directs sont déjà inclus, non? Oui. Ils sont déjà certifiés par le Conseil.

M. Langlois (René): Le sens de la suggestion du document est de faire en sorte que tous le soient. Ceux qui manquent aujourd'hui, c'est les employés des assureurs au service des sinistres et les employés des courtiers qui transigent avec le public sans être certifiés.

Si vous me permettez, j'aimerais revenir sur la question des comptes à recevoir. Il est vrai qu'une somme importante est perdue chaque année par les courtiers en comptes à recevoir qui tournent à des mauvaises créances. Cependant, il m'apparaît, comme consommateur, que les mauvaises créances ne devraient pas être supportées par les intérêts des primes des autres clients mais par les avoirs propres du courtier. C'est comme ça que ça se fait dans toutes les professions. Et, pour un groupe qui aspire au statut de professionnel, ça devrait se faire comme ça aussi.

M. Bertrand (Charlevoix): Vous me permettez de ne pas être d'accord, j'imagine.

M. Langlois (René): Bien sûr.

M. Bertrand (Charlevoix): Vous recommandez aussi que le titre de planificateur financier soit réservé aux personnes qui ne distribuent aucun produit financier. On a reçu un ou deux groupes, sur cette question-là, qui veulent être traités beaucoup plus à part, qui ne veulent pas, si on s'en va vers un organisme, être inclus dans cet organisme-là. J'aimerais ça que vous spécifiiez davantage.

M. Langlois (René): La raison pour laquelle je pense qu'ils ne devraient pas être amalgamés dans l'organisme unique est la suivante. La pratique du droit comporte de multiples volets, et, dans le cadre, par exemple d'une planification financière – je vous parle de celle-là parce que je connais mieux celle-là que les autres – évidemment, il y a tout l'aspect économique, financier, ce qu'il adviendra des taux d'intérêt, la position personnelle de la personne, ses avoirs, etc., son patrimoine, mais il y a toute une autre dimension, l'aspect juridique, l'aspect fiscal. À mon sens, lorsqu'un avocat prépare une planification financière, immanquablement, il aura à donner, quelque part à l'intérieur du processus, une opinion, un avis, une consultation de nature juridique.

Or, si on regroupe ces professionnels, si on les amalgame au sein du même organisme, comment diable est-ce qu'on va déterminer si on doit s'adresser au Barreau du Québec? Parce que l'erreur a été faite dans la moitié ou dans le quart qui concerne la prestation de services juridiques, ou au BDPF, parce que ça relève plutôt du financement. Il m'apparaît beaucoup plus simple pour le consommateur de rattacher ces recours au statut que possède le professionnel qui, lui, fait la planification, je pense, avec beaucoup d'éloquence et beaucoup de clarté.

Les gens du CIQ sont venus ici nous expliquer que, déjà en matière familiale, ils ont, par tables de concertation, établi des normes uniformes à l'égard des pratiques alternatives du droit; il n'y a pas de raison qu'à l'égard de la planification financière on ne puisse pas en faire autant. Ce que je suggère dans le document, c'est qu'à l'égard de ceux qui ne sont pas parmi les six ordres professionnels et qui voudraient faire de la planification sans distribuer des produits, sans être payés à commission, ces gens-là pourraient relever du BDPF qui pourrait participer à ces tables de concertation. À partir du moment où ce BDPF ne sera pas associatif, on pourra avancer avec les ordres professionnels, je pense, au niveau de l'harmonisation.

M. Bertrand (Charlevoix): Une dernière question, M. le Président. Tout de suite après vous, on reçoit un groupe d'experts en sinistre, et vous en parlez un peu, d'experts en sinistre, dans votre document. J'aimerais savoir où vous les situez, toujours dans le cadre de si on va vers un organisme. Actuellement, si je comprends bien, ils sont sous le chapeau du Conseil des assurances de dommages...

M. Langlois (René): Des assurances de dommages, oui.

M. Bertrand (Charlevoix): ...votre responsabilité. Si jamais c'est un organisme et que le Conseil et les conseils disparaissent, est-ce que vous les voyez dans cet organisme? Est-ce que vous les voyez en dehors de l'organisme? J'aimerais que vous...

M. Langlois (René): Je pense qu'il est nécessaire qu'ils soient à l'intérieur de l'organisme. J'ai parlé de service après vente tantôt, c'est ce que ces gens-là font. Les vendeurs, disons, les représentants en assurance de dommages, qui vendent un produit financier qui est l'assurance de dommages, et les experts en sinistre, qui vendent un service qui est un service après vente sur le produit, doivent relever de la même autorité.

D'une part, je pense que la compétence de base et les connaissances de base doivent être identiques. C'est d'ailleurs le cas actuellement. On a un programme de plus de 450 heures qui a été mis sur pied depuis 1990 où ces gens-là sont soumis aux mêmes normes que les vendeurs. On veut s'assurer que celui qui règle, c'est ce que le vendeur a vendu au consommateur. Je pense que si l'on veut que la promesse se réalise... parce que la promesse ne se réalise pas toujours, tous ne passent pas au feu, mais la journée où on passe au feu, il faut que celui qui vient pour réaliser la promesse connaisse la nature de la promesse que le vendeur nous a faite. À mon sens, ces gens-là doivent relever du même organisme, et c'est pourquoi je suggérais au tout début de la présentation que le BDPF soit plutôt le BDPSF, pour y inclure la portion services.

M. Bertrand (Charlevoix): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, MM. les membres de la commission, merci, M. Soucisse et M. Langlois. J'ai aimé entendre, tout à l'heure, votre grande honnêteté et votre franchise en disant: S'il me réclame 52 $, je vais lui remettre. J'aime ça, et vous représentez bien les consommateurs, je crois. Je vous en félicite.

Et, par le fait même, j'invite les représentants de l'Association québécoise des experts en sinistre au service de l'assuré.

Je vais suspendre pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 17)

(Reprise à 21 h 18)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): À l'ordre, mesdames, messieurs! Je vous invite à reprendre place, nous avons un petit retard à rattraper.

Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association québécoise des experts en sinistre au service de l'assuré. Et j'invite son président, probablement M. Roy si ça n'a pas changé, à nous présenter les personnes qui l'accompagnent et à nous faire part de leur mémoire. M. Roy.


Association québécoise des experts en sinistre au service de l'assuré

M. Roy (Guy P.): Bonsoir.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui.

M. Roy (Guy P.): Je vous présente, à ma droite, ici, M. Paul Morissette, membre du Conseil des assurances de dommages, qui représente les experts en sinistre au service de l'assuré; ici, à ma gauche, Me Jean Beaupré, de la firme Joli-Coeur, Lacasse, Lemieux, Simard, St-Pierre, avocats; M. Claude Gingras, expert en sinistre; M. Denis Houde, membre du conseil des experts en sinistre; et M. Jean Bernatchez, également membre du conseil des experts en sinistre.

M. Beaupré (Jean): Alors, M. le Président, membres de la commission, mesdames, messieurs, c'est à moi que revient la charge, effectivement, de vous présenter le mémoire de l'Association québécoise des experts en sinistre au service de l'assuré. Si on m'a mandaté pour le faire, c'est en fonction de mon expertise au niveau de l'assurance depuis au moins une bonne quinzaine d'années. Ma pratique en droit m'amène à travailler effectivement pour les experts en sinistre au service de l'assuré, particulièrement leur clientèle.

(21 h 20)

L'Association des experts en sinistre est heureuse de pouvoir répondre à l'invitation de la commission du budget et de l'administration de présenter ce mémoire et, à ce titre, faire connaître son opinion relative au rapport quinquennal concernant la mise en oeuvre de la Loi sur les intermédiaires de marché.

Le mémoire nous amène sur quelques pistes et, particulièrement, bien sûr, ce sont des préoccupations de la part des experts en sinistre. On y traite du statut des experts en sinistre, du mode de rémunération des experts en sinistre au service de l'assuré, du délai de résiliation de contrat intervenu avec l'assuré et l'expert en sinistre, du changement de nom des experts en sinistre, de même que la modification du rôle des experts en sinistre.

Dans un premier temps, le statut des experts en sinistre. Le rapport quinquennal sur la mise en oeuvre de la Loi sur les intermédiaires de marché indique – et ce, je pense, à juste titre – que la loi favorise la confusion en ce qui a trait au statut des experts en sinistre dans le cadre de leur relation avec le consommateur. Pour remédier à cette situation, les auteurs du rapport soulignent que la loi régira les trois groupes d'experts en sinistre qui sont soit employés d'un assureur, soit courtier au même titre que les experts en sinistre indépendants et que les experts en sinistre au service de l'assuré.

Il s'agit là, bien sûr, d'une longue énumération qui favorise effectivement la confusion mais qui, dans la pratique, correspond à une simple réalité. Il existe uniquement deux catégories d'experts en sinistre, soit ceux au service de l'assureur et ceux au service de l'assuré. La confusion origine uniquement du défaut d'introduire dans la loi et les règlements concernant les intermédiaires de marché les notions réelles. En assurance de dommages, il n'y a que deux parties impliquées, soit l'assureur et l'assuré. Chacune d'elles peut retenir les services d'un expert pour favoriser le règlement du sinistre et obtenir, bien sûr, l'indemnisation. Il est du devoir du législateur, pour enrayer toute confusion, d'exprimer clairement cette réalité et d'exiger des experts en sinistre qu'ils dénoncent aux sinistrés leur appartenance de manière à éviter toute situation conflictuelle.

L'expert en sinistre agit dans les limites d'un cadre juridique qui est le mandat. Il exerce ses activités suivant les instructions qu'il reçoit et, conséquemment, dans l'intérêt de celui qui le mandate. L'expert en sinistre doit donc agir exclusivement pour l'une ou l'autre des parties. L'expert en sinistre ne peut à la fois représenter les intérêts de l'assureur et de l'assuré. On peut, bien sûr, le qualifier d'expert en sinistre indépendant, mais, à compter du moment où il est mandaté par l'une ou l'autre des parties pour agir, il ne peut prétendre pouvoir exercer son mandat en toute neutralité et dans l'intérêt de toutes les parties.

Les articles 187 et suivants du règlement adopté en vertu de la Loi sur les intermédiaires de marché soulignent de façon importante, expresse, les devoirs et obligations des experts en sinistre envers le public. L'observation de ces dispositions par les experts en sinistre et plus particulièrement, je le souligne, l'obligation de dévoiler leurs intérêts apparaissent comme étant la solution appropriée pour enrayer toute confusion et ainsi procurer aux consommateurs toute la protection souhaitée par le législateur.

Il est important de se rappeler que les législateurs imposent à l'assuré l'obligation d'établir sa réclamation et d'en faire la preuve. Dans ce contexte, l'expert en sinistre au service de l'assuré est le seul qui est en mesure de sauvegarder les intérêts de l'assuré. Nous invitons donc le législateur à désigner de manière spécifique les deux catégories d'experts en sinistre, soit celle au service de l'assureur et celle au service de l'assuré, et de renforcer les termes de la réglementation en ce qui a trait à l'obligation pour les experts en sinistre de dénoncer aux sinistrés leurs intérêts.

Quant au mode de rémunération de l'expert en sinistre au service de l'assuré, la loi stipule ce qui suit: «La rémunération d'un expert en sinistre qui obtient un mandat d'un sinistré – donc au service de l'assuré – est établie, au choix du sinistré – au choix du consommateur – sur une base horaire ou à pourcentage. Le mode de rémunération choisi par le sinistré de même que le taux horaire de l'expert en sinistre doivent être expressément mentionnés dans le contrat pour que celui-ci soit valide. De plus, le contrat ne lie le sinistré qu'au moment où l'expert en sinistre lui en transmet une copie.»

À cet égard, le rapport, au chapitre des problèmes constatés dans l'application de la Loi sur les intermédiaires de marché, souligne que ce mode de rémunération à pourcentage peut occasionner des différends et rendre les réclamations plus difficiles à régler et, par conséquent, le rapport conclut que, pour remédier aux difficultés reliées au mode de rémunération basé sur un pourcentage, la loi devrait être modifiée pour abolir ce mode de rémunération.

S'il y a différend, comme l'indique le rapport, ce n'est certes pas entre l'expert en sinistre et l'assuré. Une consultation auprès des membres de l'Association nous permet de conclure que la très grande majorité, soit au-delà de 98 % des sinistrés, exige que la rémunération de l'expert en sinistre soit établie sur un pourcentage des sommes perçues du règlement du dossier.

Au surcroît, en quoi le mode de rémunération de l'expert en sinistre au service de l'assuré peut rendre les réclamations plus difficiles à régler? Doit-on comprendre que, pour les auteurs du rapport, ce mode de rémunération s'associe avec la notion de mauvaise foi? Doit-on comprendre que les sinistrés qui ont bénéficié des services d'experts en sinistre et qui ont versé à titre d'honoraires un pourcentage de l'indemnité d'assurance perçue ont été insatisfaits du règlement et, par voie de conséquence, ont enregistré des plaintes au Conseil des assurances de dommages ou encore au Surintendant des assurances? Qui se plaint et de quoi? Malheureusement, le rapport est muet à cet égard. Et je pense que ce qui a été dit devant la commission jusqu'à ce jour ne démontre pas effectivement qu'il y a des problèmes.

Pourtant, suivant les vérifications qui ont été effectuées, aucune plainte de sinistré n'a été enregistrée ni même portée à la connaissance de l'Association. Il nous apparaît, par ailleurs, utile de souligner que le mode de rémunération à pourcentage n'est pas exclusif aux experts en sinistre au service de l'assuré. Une analyse minutieuse du mode de rémunération des membres d'autres associations ou corporations professionnelles nous démontre que la règle – je dis bien la règle – est la liberté de conclure toute entente avec un bénéficiaire de services sous réserve, bien sûr, que les honoraires réclamés soient justes et raisonnables pour des services rendus dans des conditions normales.

Je vais me livrer maintenant à une énumération qui, je l'espère, ne vous apparaîtra pas longue mais importante, et non pas exhaustive. Je pense que, si on avait voulu vous faire la démonstration de tout ce qui peut exister comme revenus à commission, on ne vous aurait pas présenté un mémoire d'une quarantaine de pages mais on aurait dû livrer, je pense, des caisses à votre attention, Mais, quand même, je vais me limiter à certaines observations d'associations ou de corporations professionnelles.

Le Barreau du Québec, par exemple – c'est facile pour moi d'en parler, j'en suis membre – enseigne, dans le cadre de ses cours de formation professionnelle, ce qui suit, donc, pour des avocats en devenir: Tant le client que l'avocat ont intérêt à connaître d'avance sinon le montant précis, au moins l'ordre de grandeur des honoraires que générera un mandat avant de s'y engager. C'est pourquoi, au fil des ans, trois autres façons de calculer les honoraires, sans compter leurs nombreuses variantes, ont été développées et continuent à être utilisées par la plupart des avocats. Il s'agit de l'entente à forfait, de l'entente à pourcentage et de l'entente à tarif horaire. Quant à l'entente à pourcentage – et je vous le rappelle, c'est le Barreau qui l'enseigne – celle-ci s'applique tant au capital qu'aux intérêts que peut percevoir l'avocat. Les clients, les consommateurs, les bénéficiaires des services de l'avocat considèrent qu'une telle convention leur garantit le maximum d'efficacité de la part de leur avocat, car ce dernier a intérêt à obtenir le plus rapidement possible l'indemnité la plus élevée possible.

(21 h 30)

Quant à l'Ordre des ingénieurs du Québec, les ingénieurs ont adopté en 1983 un barème des honoraires qui décrit les principaux modes de rémunération. Tout dépendant du type de tâche qu'il effectue, l'ingénieur sera rémunéré selon la méthode du pourcentage ou la méthode horaire. Pour un certain service, tels des services consultatifs ou de gestion, la méthode du pourcentage est moins appropriée. Malgré tout, l'ingénieur peut conclure une entente avec son client pour être payé selon d'autres critères puisque ce dernier n'est pas lié – je répète, n'est pas lié – par le barème proposé par l'Ordre des ingénieurs.

Les arpenteurs-géomètres, c'est au même effet. L'Ordre des arpenteurs-géomètres a produit le guide des tarifs des services professionnels d'arpentage. Ce guide ne doit pas être utilisé qu'à titre de référence. Il présente une échelle de tarifs déterminant des honoraires justes et raisonnables pour les services rendus dans des conditions normales. Le guide a pour but d'aider le professionnel à fixer ses honoraires, non pas de lui imposer des limites. L'Ordre a déterminé la valeur de chacun des services rendus, mais l'on ne prétend pas écarter tout autre mode de paiement. Principalement, les arpenteurs sont rémunérés selon un tarif horaire ou une somme forfaitaire. Je vous rappellerai que le consommateur demande à savoir combien effectivement ça va lui en coûter, les services qu'il réclame.

Ordre des architectes du Québec. Pourtant, en particulier, j'ai appris, en lisant leurs tarifs, qu'ils étaient effectivement également rémunérés à pourcentage et souvent sur le coût total de l'ouvrage. Cette méthode, bien sûr, n'est pas obligatoire, mais elle convient au type de services offerts. Et, encore là, les architectes ne sont pas liés par les suggestions de l'Ordre.

Plus près de nous, l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières. Aucun document ne régit le mode de rémunération des courtiers en valeurs mobilières. Il faut consulter le contrat de travail de chacun puisque les conditions peuvent différer d'une personne à l'autre. Le marché est toutefois propice au paiement des honoraires suivant un pourcentage préétabli. Ce pourcentage est établi suivant les paramètres fixés par la concurrence, par la concurrence et non suivant des normes suggérées par l'Association.

L'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec. Connaît-on un mode de rémunération différent de celui à pourcentage pour les membres de cette Association? Les formulaires sont spécifiques à cet égard-là. La Chambre des notaires également. Il y a des tarifs, mais, également, on prévoit un pourcentage.

L'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec. On en a parlé abondamment; ceux qui nous ont précédés en ont parlé également. Les courtiers membres de cette Association sont payés par l'assureur qui les mandate suivant un tarif à pourcentage, le tout en fonction particulièrement du volume des ventes réalisées.

Je pense qu'abolir le mode de rémunération à pourcentage, tel que demandé dans le rapport, c'est, d'une part, de nager à contre-courant et, d'autre part – et c'est ça, je pense, qui est le plus important – de pénaliser le consommateur, qui exige souvent de connaître d'avance le montant qu'il devra débourser à titre d'honoraires. Et, plus encore, peut-être qu'il ne se servirait pas du service d'un expert en sinistre pour défendre ses droits, n'ayant pas les moyens de le faire et n'ayant pas d'argent, peut-être, à risquer dans une aventure dont il ne connaît pas la finalité.

De plus, nous vous référons au paragraphe 19° de l'article 201 de la Loi sur les intermédiaires de marché, qui autorise le gouvernement à déterminer par règlement les règles relatives à la divulgation du mode de rémunération. Je pense que le législateur a été très prudent, il n'a pas indiqué la nature du mode de rémunération. Il a parlé de la divulgation du mode de rémunération et non quant à la fixation de la rémunération. Le législateur a signifié son intention de permettre à l'assuré et à l'expert en sinistre de transiger quant au mode de rémunération, sous réserve toutefois qu'un contrat intervienne à cet égard.

Quant au délai de résiliation du contrat intervenu avec l'expert en sinistre au service de l'assuré, je vous le rappelle, le motif fondamental pour lequel l'Association des experts en sinistre au service de l'assuré a toujours défendu le caractère distinctif et essentiel de la profession de ses membres est la protection du public. Conséquemment, l'Association n'a pas d'objection à ce que la loi soit amendée pour fixer à cinq jours le délai d'intervention du sinistré pour résilier le contrat intervenu.

Le changement de nom de l'expert en sinistre. Quels sont les motifs qui justifient le changement de nom d'«expert en sinistre» par celui d'«agent en règlement de sinistre»? Le rapport le souligne, en fait état, mais il est tout à fait muet quant aux considérations qui militent en faveur du changement de nom. Si l'expert en sinistre, du moins celui au service de l'assuré, avait comme seule fonction de négocier le règlement du dossier, l'Association serait en accord avec la recommandation formulée par les auteurs du rapport. Mais le règlement d'un sinistre, ce n'est que l'objectif à atteindre. Le rôle de l'expert en sinistre au service de l'assuré est beaucoup – et croyez-moi – beaucoup plus étendu. En fait, il accompagne le sinistré dans tout le processus d'indemnisation, il analyse le contrat d'assurance pour déterminer l'étendue de la protection de l'assuré. Et vous savez jusqu'à quel point ça peut être important, l'analyse d'un contrat d'assurance. Combien d'assurés reçoivent leur contrat d'assurance et ne s'en servent jamais, ne le lisent même pas, sauf finalement lorsqu'ils sont victimes d'un sinistre!

L'expert en sinistre doit recommander également... Parce qu'il y a des mesures conservatrices ou d'urgence pour la protection des biens sinistrés, et ce, en conformité avec les exigences de la police d'assurance. Il doit aussi évaluer les dommages en ce qui a trait aux sections, contenu, bâtiments et frais additionnels de subsistance. Souvent, vous savez, les sinistrés, ils sont démunis, ils ont besoin de quelqu'un pour les accompagner. Au-delà de régler le sinistre, il s'occupe également de la supervision du processus d'évaluation devant être effectué par des spécialistes, qu'il s'agisse d'expertises comptables pour le calcul des pertes occasionnées en raison de l'interruption des affaires ou encore d'expertises pour l'évaluation des dommages suite à la destruction d'oeuvres d'art, de collections, etc., et, bien évidemment, de la négociation du règlement d'indemnisation, qui est tout à fait importante mais qui suit le processus.

Alors, ce n'est donc pas un agent mais bien un expert à toutes et chacune de ces étapes. Le titre d'expert en sinistre correspond davantage à la qualité exigée de celui qui exécute chacune des tâches énumérées ci-dessus que d'agent en règlement de sinistre, qui fait référence uniquement à un négociateur. De surcroît, le consommateur est familier avec cette appellation, et y apporter une modification aussi fondamentale est une menace à la fois pour l'expert en sinistre au service de l'assuré et davantage pour le consommateur. Nous invitons donc le législateur à conserver le titre d'«expert en sinistre».

Quant à la modification du rôle des experts en sinistre, le rapport recommande que soient retranchés de la définition d'«expert en sinistre» les mots «en estime les dommages», compte tenu qu'ils réfèrent à une tâche qui n'est pas toujours accomplie par eux. En ce qui a trait particulièrement aux experts en sinistre au service de l'assuré, l'estimation des dommages est généralement, et non exceptionnellement, exécutée par eux. De surcroît, compte tenu qu'il appartient à l'assuré de faire la preuve de ses dommages, toute la supervision du travail exécuté par des spécialistes, retenus lorsque nécessaire, est assurée par l'expert en sinistre. C'est souvent en raison de son expertise et de sa formation qu'il évalue l'opportunité de faire intervenir un spécialiste. Son intervention à cet égard est tout à fait fondamentale, essentielle, au-delà de la nécessité. C'est donc à juste titre que le législateur avait, entre autres, attribué à l'expert en sinistre le rôle de procéder à l'estimation des dommages. Suivre la recommandation du rapport nous apparaît injustifié dans les circonstances et, de surcroît, favoriserait une demande ultérieure interdisant aux experts en sinistre de procéder à l'évaluation des dommages, car non indiqué dans leur description de tâches ou attributions, alors que leur formation, leur formation entière est à cet effet.

Qu'il soit permis à l'Association des experts en sinistre au service de l'assuré de faire valoir que l'assuré a besoin, le consommateur a besoin, pour le représenter à la suite d'un sinistre, d'une personne qui a la qualité d'un expert en sinistre de par sa formation et son expertise, d'une personne dont le mandat est limité exclusivement à ses intérêts. Les problèmes identifiés par les auteurs de même que les solutions suggérées, malheureusement, nous portent à croire que l'affaiblissement des experts en sinistre au service de l'assuré est souhaité; certainement pas par le législateur et certainement pas non plus par le ministre, lorsque ce dernier soutient effectivement que ce qui est important pour cette commission, c'est le consommateur et sa protection. Comment ne pas conclure, effectivement, qu'on recherche l'affaiblissement des experts, lorsque, dans un même rapport, on conclut... les étapes suivantes... les recommandations, c'est-à-dire: d'une part, abolir le mode de rémunération à pourcentage des experts en sinistre au service de l'assuré, sachant que tous les bénéficiaires de leurs services exigent que leurs honoraires soient connus d'avance et que leur choix, depuis toujours, dans une proportion d'au moins 98 %, correspond à un honoraire à pourcentage et que, en plus, il est de notoriété que la majorité des corporations professionnelles ou associations accorde à leurs membres la liberté de contracter le mode de rémunération souhaité, y compris celui à pourcentage? Le même rapport recommande d'allonger les délais pour permettre la résiliation du contrat intervenu entre un assuré et un expert en sinistre au service de l'assuré. Le même rapport recommande également de changer leur titre d'«expert» en celui d'«agent», et ce, sans justification. Également, le rapport conclut de modifier leur rôle, soit de soustraire une tâche importante, soit l'estimation des dommages, pour le motif qu'ils ne sont pas les seuls à exécuter cette tâche, alors que plus de 50 % de leur mandat consiste effectivement à procéder à l'estimation des dommages.

(21 h 40)

Nous retenons du rapport que l'un des objectifs poursuivis par le ministre, et je le répète, est de renforcer la protection du consommateur. Pour atteindre cet objectif, nous recommandons que la loi et les règlements soient modifiés de manière à reconnaître le caractère distinctif du rôle de l'expert en sinistre au service de l'assuré et ainsi assurer un équilibre entre l'assureur et l'assuré au cours de tout le processus du règlement du dossier.

L'Association québécoise des experts en sinistre pour l'assuré est composée de membres dont l'intérêt premier est celui du consommateur. L'Association appuiera donc toute mesure favorisant celui-ci et, au même effet, elle condamnera toute démarche visant à brimer ses droits.

Les commentaires et recommandations qui sont soumis sont le fruit de réflexions des membres de l'Association qui, pour la plupart, oeuvrent dans le domaine depuis plus de 10 ans et qui ont à coeur la défense des droits des sinistrés. Nous souhaitons, bien sûr, que les membres de la commission accorderont toute l'attention que mérite l'Association, et ce, dans l'intérêt du consommateur.

Vous me permettrez, M. le Président, d'ajouter également. Bien sûr qu'on s'est interrogés sur la structure relative à l'autoréglementation et à l'autodiscipline. L'expérience des experts en sinistre au service de l'assuré s'est faite au coeur du Conseil des assurances de dommages. Sur le conseil d'administration, il y avait 15 ou 16 personnes et, quant à la représentation, un membre des experts en sinistre au service de l'assuré et un consommateur et, le reste des membres du conseil d'administration, des gens représentant l'assureur. C'est bien évident qu'il y a là un déséquilibre tout à fait important. Et peu importe, pour les experts en sinistre, le mode ou la structure qui sera privilégiée par le législateur, ce qu'il est important de souligner, c'est qu'on y retrouve le caractère représentatif particulièrement du consommateur et, également, de ceux qui le protègent, les experts en sinistre au service de l'assuré. L'Association se réjouit également que le mémoire fasse état de la création d'un poste d'ombudsman pour s'assurer effectivement que les plaintes du consommateur puissent être gérées de façon objective et qu'il y ait des résultats positifs qui correspondent aux attentes et aux besoins du consommateur.

Alors, c'est là l'essentiel du mémoire que nous avons présenté. Alors, nous sommes ici effectivement, bien sûr, mandatés par l'Association en bonne et due forme pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): On vous remercie, M. Beaupré, de votre présentation. J'inviterais le député de La Peltrie à vous questionner.

M. Côté: Merci, M. le Président. Alors, M. Beaupré, M. le président, ainsi que toute votre équipe, bienvenue à cette commission et merci d'être venus nous présenter votre point de vue en relation avec le rapport quinquennal sur la mise en oeuvre de la Loi sur les intermédiaires de marché. Soyez assurés que le ministre, M. Bernard Landry, aurait certainement apprécié vous entendre directement ce soir, mais d'autres obligations l'ont retenu ailleurs. Soyez assurés que le député de Crémazie, qui est son remplaçant comme responsable du gouvernement à cette commission saura sûrement lui transmettre tous les principaux points du mémoire.

Il y a quelque chose de nouveau, je pense, qui m'a frappé un peu dans la présentation de votre mémoire, particulièrement en ce qui est en relation avec les deux catégories d'experts en sinistre. Vous suggérez de désigner, justement, deux catégories d'experts en sinistre: il y a ceux au service d'assurés et, aussi, ceux au service des assureurs. Comment percevez-vous la désignation des deux autres groupes d'experts, qui sont les indépendants et ceux qui exercent une expertise puis qui sont en même temps courtiers?

M. Beaupré (Jean): Bien, je pense qu'effectivement... En tout cas, vous... C'est pour ça que je dis qu'effectivement, dans le mémoire ou dans la législation, il y a de la confusion, parce que, en réalité, à partir du moment où il y a un sinistre, il y a deux parties qui sont impliquées: il y a l'assureur et l'assuré, et lorsqu'on en arrive au règlement du sinistre une ou l'autre des parties est représentée. Alors, ceux qu'on appelle les experts indépendants, c'est clair et c'est établi dans la loi qu'ils sont des experts en sinistre au service de l'assureur et payés par l'assureur.

Il y a les agents qui sont captifs également, qui sont des courtiers qui procèdent souvent au règlement de réclamations. Ils ne sont pas forcément et généralement des experts en sinistre, mais ils sont également représentants de l'assureur.

Ce qu'on souhaite, nous, comme experts, c'est que ce soit très clair pour le consommateur que, lorsqu'il y a un sinistre, l'assuré sache à qui il a affaire. Lorsqu'un expert en sinistre, qu'il soit indépendant ou au service de l'assuré, se présente et fait des représentations, il faut que ce soit clair pour l'assuré qu'il est en présence de quelqu'un qui va représenter ses intérêts en toute neutralité. Alors, s'il accepte, le consommateur, de travailler uniquement avec l'assureur, croyant effectivement, et c'est possible, qu'il obtiendra de l'assureur une réclamation adéquate, mais... Qu'il le sache, qu'il traite avec l'assureur, mais qu'on ne lui fasse pas valoir, effectivement, que dans son intérêt c'est souhaitable de travailler avec un expert en sinistre indépendant au service de l'assureur.

M. Côté: Mais comment vous percevez l'application, quand même, de la réglementation pour ces quatre groupes?

M. Beaupré (Jean): Je pense qu'il y a effectivement dans la réglementation, et je le dis dans le mémoire, particulièrement à l'article 187 de la réglementation où on donne l'obligation à l'expert en sinistre, effectivement, de désigner qui il représente... Alors, je pense que juste l'application sévère de cette disposition-là assurerait déjà beaucoup de protection quant à l'assuré. Et, au-delà de ça, je pense qu'il est peut-être du devoir, effectivement, du législateur ou du gouvernement de s'assurer...

Effectivement, on sait les budgets importants dont bénéficient les assureurs pour faire parler de l'assurance comme telle. Ce serait peut-être important pour le législateur de faire connaître au consommateur, à l'assuré qu'à la suite d'un sinistre il peut également bénéficier, bien sûr, d'un expert. Ce n'est pas connu. Pourquoi ce n'est pas connu? Parce que le législateur ou le gouvernement n'en parle pas, et, bien évidemment, à partir du moment où on représente une association qui n'a pas les moyens d'en faire la promotion, bien sûr que l'assuré, lorsque...

D'abord, un, quand on est assuré, on n'a jamais l'impression que, nous, on va avoir un dommage. Donc, on peut entendre parler de dommages ou quoi que ce soit, mais c'est toujours pour les autres. On commence à se soucier du règlement du dossier le jour où on est effectivement victime d'un sinistre. Alors, tant et aussi longtemps qu'il n'y a pas vraiment de promotion sérieuse à cet égard-là, lorsque l'assuré devient sinistré, il n'a souvent pas le réflexe de consulter. Son réflexe, c'est de s'assurer de parler avec la première personne, et la première personne est souvent un ajusteur indépendant qui représente l'assureur, et le règlement se fait. Je ne dis pas qu'il se fait contre l'assuré. Je dis qu'il est important que l'assuré sache effectivement qu'il y a quelqu'un qui le représente pour avoir un choix éclairé, de dire: Oui, je travaille uniquement avec l'assureur, ou encore... mais savoir qu'il y a effectivement quelqu'un qui peut le représenter.

Je peux parler facilement du domaine des avocats. Si on parle du droit criminel particulièrement, c'est sûr que c'est clair pour tout le monde – parce qu'on a cette culture-là – qu'il y a un procureur de la couronne qui, lui, représente le Procureur général ou la police, et il y a effectivement un procureur de la défense qui représente celui qui a commis l'infraction. Il n'y a pas personne... Il ne peut pas y avoir de confusion à cet égard-là et jamais un procureur de la couronne ne va se présenter en disant: Moi, je représente le Procureur général et, dans ton intérêt, je vais régler ton dossier. Non. Il dit: Je suis procureur de la couronne. Regarde, moi, ma job, c'est effectivement d'aller chercher une condamnation. Je pense que c'est clair dans la culture. Ce n'est pas aussi clair dans la culture relativement aux assureurs et aux assurés.

M. Côté: Une autre question, peut-être. Le rapport quinquennal recommandait de retrancher de la définition d'«expert en sinistre» les mots «en estime les dommages». Alors, vous, vous dites que... vous recommandez de maintenir ces mots qui existaient.

M. Beaupré (Jean): En estime les dommages?

M. Côté: Oui.

M. Beaupré (Jean): Bien, particulièrement en ce qui a trait aux experts en sinistre au service de l'assuré. Et, je le dis dans le rapport, au-delà de 50 % de leur travail consiste à...

M. Côté: Oui. Mais, par contre, dans l'esprit du rapport quinquennal, l'exclusion qui est proposée n'excluait pas cette activité du travail de l'expert en sinistre, mais plutôt n'obligerait pas celui qui estime les dommages à détenir un certificat d'expert en sinistre. Alors, c'était dans cet esprit-là, au niveau de l'exclusion. Est-ce qu'à ce moment-là ça modifie votre perception?

(21 h 50)

M. Beaupré (Jean): Non, pas du tout. Écoutez, ce qu'on considère comme étant important... C'est bien sûr que, dans la loi, ce n'est qu'une définition, mais on sait jusqu'à quel point une définition peut être importante pour que quelqu'un puisse dire: En vertu de la loi, je fais telle tâche, alors qu'à partir du moment où on l'enlève il ne pourra pas dire: En vertu de la loi, je remplis tel mandat ou je fais... je me préoccupe de telle mission.

M. Côté: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député de La Peltrie. M. le député de Viger.

M. Maciocia: Oui. Merci, M. le Président. M. Beaupré, je vous remercie du mémoire que vous avez présenté. C'est très clair et très explicite, je pense. La première question que j'aurais à vous poser: Quelle est la différence entre vous et les experts indépendants? Est-ce qu'il y a une différence?

M. Beaupré (Jean): C'est sûr qu'il y a une différence importante...

M. Maciocia: C'est laquelle?

M. Beaupré (Jean): ...quant au mandat. Les experts en sinistre indépendants, ils travaillent pour les assureurs, ils représentent les assureurs, alors que les experts en sinistre, que je représente, sont au service de l'assuré.

M. Maciocia: Si je comprends bien, il y a des experts de l'assureur, il y a des experts indépendants, des experts de l'assuré. C'est ça que je comprends?

M. Beaupré (Jean): C'est-à-dire qu'il y a des experts au service de l'assuré...

M. Maciocia: C'est ça.

M. Beaupré (Jean): ...et il y a des experts en sinistre indépendants.

M. Maciocia: Indépendants. Mais est-ce que...

M. Beaupré (Jean): Mais, indépendants, ils sont payés, et la loi le dit, par les assureurs.

M. Maciocia: Mais est-ce que l'expert indépendant, il peut être aussi pris ou réquisitionné par un assuré?

M. Beaupré (Jean): Il travaille pour les assureurs.

M. Maciocia: Oui, je comprends.

M. Beaupré (Jean): Alors, est-ce qu'il pourrait... Oui, je comprends votre question aussi.

M. Maciocia: Je comprends.

M. Beaupré (Jean): Peut-être que mon collègue Gingras pourrait répondre à cette question.

M. Gingras (Claude): Pour vous éclairer, on est tous des experts en sinistre indépendants. On peut travailler pour les assureurs comme pour les assurés.

M. Maciocia: Voilà.

M. Gingras (Claude): Dans la vie, dans la pratique, si tu travailles pour un assuré, tu n'as plus aucun ouvrage pour des assureurs parce que tu as osé défendre des assurés. Alors, on s'est branchés: on a décidé de travailler uniquement pour les assurés. On ne peut pas revenir puis travailler pour les assureurs. La loi nous le permettrait, mais, dans la pratique, ça ne se fait pas. Et ceux qui travaillent pour les assureurs, ils sont aussi indépendants que nous, mais ils travaillent uniquement pour les assureurs.

M. Maciocia: Je comprends. Je pense que c'est plus clair, là. Parce que vous avez pris la décision que vous alliez travailler uniquement pour l'assuré, mais, en réalité, vous pourriez travailler aussi pour l'assureur...

M. Gingras (Claude): Oui.

M. Maciocia: ...tandis que l'indépendant, il peut travailler pour les deux...

M. Gingras (Claude): Non. On est...

M. Maciocia: ...pour l'assureur et pour l'assuré.

M. Gingras (Claude): ...indépendants, tout comme ceux qui travaillent pour les assureurs, et on pourrait travailler pour les deux parties.

M. Maciocia: Je comprends. Mais ceux qui s'appellent des experts en sinistre indépendants, ils peuvent travailler pour les deux.

M. Gingras (Claude): Oui. C'est notre titre à nous.

M. Maciocia: C'est ça. Mais vous avez fait un choix...

M. Gingras (Claude): Oui.

M. Maciocia: ...que vous allez seulement représenter l'assuré.

M. Gingras (Claude): Exact.

M. Maciocia: C'est ça.

M. Gingras (Claude): Oui.

M. Maciocia: O.K. Ma question, aussi, M. Beaupré, c'est dans le sens: Est-ce que vous connaissez la raison pour laquelle le gouvernement voudrait changer «expert» pour le nom d'«agent»?

M. Beaupré (Jean): Non, puis on vous avoue bien honnêtement que – et on le dit dans le rapport – c'est sans justification. On ne le sait pas. Sauf qu'il y a une chose qui est sûre, c'est qu'à partir du moment où un individu se présente vis-à-vis quelqu'un qui a besoin de services, de dire qu'on est agent de réclamation, je pense que, dans le contexte actuel, c'est péjoratif un peu parce que c'est comme si on disait: Nous, on est agents de réclamation; notre mandat est limité à un agent de réclamation, on va régler ton dossier. Alors qu'effectivement on est loin d'être des agents de réclamation. Ce n'est pas la finalité de notre mission. Notre mission: on est des experts en sinistre. On rencontre un assuré sinistré et on lui dit: Voici, là, on va vous accompagner dans toute votre démarche d'indemnité.

Et la dernière partie, ce sera un agent de réclamation. C'est là qu'on va le négocier. Mais, avant ça, c'est qu'on va analyser votre police d'assurance pour connaître votre couverture. Dans votre police d'assurance, c'est obligatoire, là. Il fait -20° dehors, là, et le toit est parti, puis les tuyaux, ça va geler, ça va péter, ça prend des mesures de sécurité, des mesures protectrices, ça prend des mesures d'urgence. On va s'en occuper. Un assuré démuni, il ne sait pas comment intervenir, il ne sait pas qu'est-ce qu'il faut faire dans ce cas-là. Alors, il faut donc l'accompagner là-dedans. Le solage, est-ce qu'il y a une faille dedans? Est-ce qu'il est craqué? Il faut déterminer, effectivement, s'il doit être remplacé, s'il doit être payé. C'est quoi, l'indemnité? Bien, ça là, c'est au-delà d'un agent de réclamation, c'est de l'expertise spécialisée. Et l'expert en sinistre, c'est son rôle. Son expertise lui permet de régler le dossier dans le meilleur intérêt, mais pas uniquement au point de vue financier.

M. Maciocia: Je comprends, seulement que je répète: Vous n'êtes pas au courant pourquoi ils veulent changer le nom d'«expert» pour «agent».

M. Beaupré (Jean): C'est-à-dire qu'on va... Ce serait tout simplement être devin. Le rapport ou le mémoire qui est présenté ne nous dit pas pourquoi. On dit tout simplement: On devrait changer l'appellation d'«expert» pour «agent». C'est uniquement la seule considération.

M. Maciocia: Puis vous n'avez pas posé de questions?

M. Beaupré (Jean): Pas du tout.

M. Maciocia: Vous n'avez pas demandé pourquoi ils veulent changer le nom d'«expert» pour «agent»?

M. Beaupré (Jean): Non.

M. Maciocia: Et aussi la question du pourcentage, de paiement au pourcentage. Est-ce que vous savez pourquoi le gouvernement veut changer de pourcentage à honoraire?

M. Beaupré (Jean): Non, on ne sait pas pourquoi. Tout ce qui est dit dans le mémoire, c'est qu'il semble que ça retarde les dossiers.

M. Maciocia: Vous comprenez, il doit y avoir des raisons. J'imagine qu'il doit y avoir des raisons, et c'est pour ça que je pose la question.

M. Beaupré (Jean): Oui, et je vous avoue bien honnêtement qu'on aurait aimé ça les connaître. Ça nous aurait permis... D'ailleurs, les démarches qu'on a faites, par exemple, à partir du moment où on dit: Ça ne permet pas de bien régler les dossiers, bon, bien alors, on consulte. On demande aux membres de l'Association: Est-ce qu'effectivement vous avez eu des problèmes? Est-ce que vous avez eu des plaintes? Alors, on va voir au Conseil des assurances de dommages: Est-ce qu'il y a eu des plaintes d'enregistrées au Surintendant des assurances? Il n'y a pas de plaintes. Et, à partir du moment où il n'y en a pas, qui se plaint? On ne sait pas. On aimerait ça le savoir, par exemple.

Si on nous disait: Bien, voici, là, votre mode de rémunération, tout le monde s'en plaint; et, voici, on a un rapport détaillé là-dessus; voici ce qui se présente, monsieur X, madame Y, vous avez fait du mauvais travail. Et patati! et patata! On ne sait pas. Qui s'en plaint? Est-ce que c'est l'assureur? Est-ce qu'il y a eu du lobbying qui a été fait? On ne le sait pas. Tout ce qu'on sait, c'est que, dans le rapport, on dit tout simplement que c'est un mode qui ne favorise pas le règlement du dossier. Pourtant, les clients des experts en sinistre au service de l'assuré sont contents, sont heureux; il n'y a pas de plaintes de logées.

Quant au mode de rémunération, c'est la même chose, on dit: Ça ne facilite pas le règlement du dossier. Pourquoi? On ne sait pas. C'est un questionnement. On se pose cette question-là. Encore là, il n'y a pas de plaintes. Il n'y a personne qui a dit qu'il a été extorqué. Les gens acceptent. On parle de l'an 2000? C'est ça, l'an 2000, c'est de permettre au consommateur d'être responsable et de faire des choix.

Il y a des consommateurs qui, suite à un sinistre, sont démunis. Ils disent: Qu'est-ce que je fais avec ça? De quelle façon je règle mon dossier? Ils rencontrent un expert en sinistre au service de l'assuré. Si on vous demandait de procéder vous-même à l'inventaire des biens que vous possédez, vous verriez que c'est compliqué. Il y a une méthode pour le faire, par exemple, et l'expert en sinistre est capable de vous accompagner dans ça. Il est capable de vous tenir par la main pour vous dire: On va y aller pièce par pièce. On pose les questions, on prend des photos, on va chercher dans des cendres les petits morceaux pour identifier. Ça, c'est important de le faire.

Je pense que c'est plus facile. Moi, je suis avocat et, lorsque j'envoie une réclamation et qu'il n'y a pas d'avocat qui s'oppose, je trouve ça l'fun; trois semaines après, j'ai un beau jugement puis je peux l'exécuter. Je m'applaudis puis je suis bien fier. Je m'imagine que lorsqu'un assureur arrive vis-à-vis un assuré et que l'assuré ne conteste rien, l'assuré est heureux de voir qu'il y a quelqu'un qui va monter sa réclamation puis qui va lui offrir un montant, l'assureur doit être content. Puis je pense qu'on ne le cache pas. Sauf qu'à partir du moment où on a quelqu'un qui vient gratter un peu puis qui dit: Wo! Attends un petit peu, là, là on va faire des calculs, c'est bien différent. Puis, ce solage-là, il faut qu'il soit payé parce qu'il est craqué. Oh! Peut-être, on ne l'avait pas vu.

Je pense qu'il est tout à fait important que l'expert en sinistre au service de l'assuré soit là. Et je vous l'ai dit tantôt, et je pense qu'au... Même que le législateur, le gouvernement devrait favoriser qu'on puisse en faire une promotion, une publicité pour dire: C'est important de sauvegarder vos droits; c'est important qu'il y ait quelqu'un qui vous accompagne.

Un sinistre, c'est important, vous savez. Il y a des gens qui, toute une vie durant, s'achètent une petite maison, s'achètent une petite auto puis s'achètent des meubles et, en l'espace d'une nuit, une allumette, c'est fini. Et l'impression quand on les règle, ils perdent la moitié de leur maison, la moitié de leur auto et la moitié de leurs biens.

M. Maciocia: Merci.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député de Viger. M. le député de Crémazie.

M. Campeau: Merci, M. le Président. En fait, on est face à des experts en sinistre au service de l'assuré, puis d'autres au service de l'assureur. Alors, la pratique veut que, quand on est pour l'assuré, on n'est pas pour l'assureur. Et vice versa aussi?

M. Beaupré (Jean): Ça devrait être...

M. Campeau: Que vous pourriez en fait le faire, mais que ça ne se fait pas.

M. Beaupré (Jean): C'est ça.

M. Campeau: En pratique. Puis qu'à un moment donné ceux qui défendent l'assureur s'appellent «ajusteurs indépendants».

M. Beaupré (Jean): Exact.

M. Campeau: Ça ne vous choque pas de voir le mot «indépendants»? Ils ne sont pas indépendants s'ils travaillent pour l'assureur.

M. Beaupré (Jean): Je pense que ça peut être choquant quant à l'appellation. Ce qui est davantage choquant, c'est peut-être qu'il y a souvent un manque de transparence dans la relation avec l'assuré. C'est ça qui est davantage choquant que l'appellation elle-même.

M. Campeau: Je pense que, vous autres, vous êtes habitués à l'appellation. Je pense que, quand je l'entends, l'appellation, si je dis «indépendant», il est indépendant.

M. Beaupré (Jean): Oui.

M. Campeau: L'indépendant, il ne dépend de personne.

M. Beaupré (Jean): Je pense que, finalement, ce qui serait important, c'est peut-être lorsque quelqu'un de la Sûreté du Québec se présente sur les lieux puis qu'il montre effectivement, là, que, lui, il est de la Sûreté du Québec, puis il est enquêteur, c'est clair. Alors, j'imagine que, si chacun était détenteur et chacun avait un permis... Mais, au premier abord, lorsqu'on rencontre un consommateur sinistré, on lui dit: Regarde, moi là, j'ai un mandat; je suis expert en sinistre et je suis payé par tel assureur pour régler ton dossier. Veux-tu travailler avec moi? Fais ta réclamation, présente la moi et on verra ce que ça donne. Ça peut être de la transparence. On ne dit pas que c'est défendu. On dit qu'il faudrait que ce soit comme ça. Il faudrait que ce soit clair comme ça. Mais, malheureusement, ce n'est pas toujours comme ça.

M. Campeau: Bon. On parlait justement de commission. Vous parliez de trois modes: à forfait, ça va; au taux horaire, ça va. Au pourcentage...

M. Beaupré (Jean): Oui.

(22 heures)

M. Campeau: ...est-ce qu'il peut arriver que, si vous avez une réclamation de 10 000 $, bien, les premiers 5 000 $ soient à un certain pourcentage, l'autre 5 000 $ à un autre pourcentage, puis que, si vous allez chercher 11 000 $, sur le dernier 1 000 $, ce soit à un très haut pourcentage? Qu'il ne soit pas le même, plus élevé, graduel?

M. Beaupré (Jean): Écoutez, je sais de façon spécifique que, au niveau du Barreau, effectivement, ça se fait, mais c'est conventionnel. Alors, au niveau des experts en sinistre, c'est également conventionnel. À partir du moment où on a une relation d'affaires avec un sinistré, alors on convient d'un pourcentage, qui peut s'échelonner entre 3 % ou 4 %, aller jusqu'à 5 %, 10 % ou 15 %, dépendant des cas, dépendant, bien évidemment, du travail effectué, mais c'est sur une base conventionnelle. Ça pourrait, effectivement, comme vous l'indiquez.

M. Campeau: Il peut être gradué.

Mon autre question, c'est: Un expert comme vous, en sinistre au service de l'assuré, où est-ce qu'on trouve ça? D'abord, on vous engage pour des maisons. Est-ce qu'on vous engage pour un accident d'automobile? Puis où est-ce qu'on vous trouve? Est-ce qu'on vous trouve dans les pages jaunes? Il me semble qu'on ne voit pas ça souvent, votre profession.

M. Beaupré (Jean): Je vais peut-être laisser... Peut-être...

M. Gingras (Claude): Dans les pages jaunes, oui, on a une rubrique Experts en sinistre, et c'est très clairement indiqué qu'on travaille pour les assurés. Il y a aussi le fait que plusieurs incendies sont publicisés, et on envoie quelqu'un offrir les services de l'expert en sinistre au sinistré directement.

M. Campeau: Êtes-vous branchés sur la radio de la police?

M. Gingras (Claude): Ce n'est pas nécessaire. Les sinistres qui ont besoin de nous sont largement publicisés.

M. Campeau: Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Charlevoix.

M. Bertrand (Charlevoix): Merci, M. le Président. Combien de membres, déjà, votre association?

M. Gingras (Claude): Quarante-six.

M. Bertrand (Charlevoix): Quarante-six?

M. Gingras (Claude): Quarante-six membres.

M. Bertrand (Charlevoix): Je voudrais revenir un petit peu sur le système d'agents. On s'entend bien qu'il y a quand même l'agent qui est pour une compagnie, qui est payé, lui, à salaire. Si je prends l'exemple de l'agent qui est à salaire pour, exemple, Belair ou la Royale, etc., lui, il est payé à salaire puis il fait le travail. Si je prends l'autre qui est indépendant, on s'entend bien qu'il peut... Son terme l'indique, lui, ce qui le différencie, c'est qu'il peut prendre des contrats de huit, 10, 15, 20 compagnies. Il n'est pas attaché à une compagnie...

M. Beaupré (Jean): Une compagnie d'assurances. Une compagnie d'assurances.

M. Bertrand (Charlevoix): ...il n'est pas exclusif à une compagnie d'assurances...

M. Beaupré (Jean): C'est ça.

M. Bertrand (Charlevoix): ...on s'entend bien. Par contre, s'il voulait, l'assuré pourrait lui confier un mandat quand même, un peu comme vous autres, mais ce n'est pas dans la tradition. Vous autres, vous avez choisi d'être uniquement pour l'assuré. On s'entend bien?

M. Beaupré (Jean): Oui.

M. Bertrand (Charlevoix): Je voudrais qu'on s'entende aussi quand même quand vous faites l'affirmation des qualités des services que vous donnez. Moi, quant à moi, je serais plus porté à penser que dans les trois cas, s'il y a un sinistre, dans les trois cas, tout le monde va s'occuper du bien-être du sinistré, c'est-à-dire s'il faut le reloger, s'il faut voir, pour employer vos expressions... Il y a des décisions rapides à prendre pour ne pas que le sinistré soit pris au dépourvu. Moi, je pense bien que, dans les trois cas, ça se fait.

Là où je voudrais juste que vous me confirmiez si mon raisonnement est bon ou non, c'est que vous ne le dites pas clairement, mais ça semble vouloir dire ça: la personne qui est à salaire pour l'assureur, c'est bien sûr, selon ce que vous dites – vous ne le dites pas – qu'elle défend d'abord l'intérêt de l'assureur, d'après ce que je peux voir.

M. Beaupré (Jean): Oui. Oui.

M. Bertrand (Charlevoix): Si l'indépendant prend un mandat d'une compagnie d'assurances, vous prétendez qu'il peut défendre – je ne dis pas qu'il le fait – d'abord et avant tout l'intérêt de l'assureur par lequel il va être payé. Et vous autres, vous dites: Nous, étant donné qu'on est carrément uniquement pour l'assuré, on va défendre l'intérêt de l'assuré. Alors, je m'en vais au bout de tout ça. Dans le fond, ce que vous prétendez, c'est qu'il y a une grosse chance que l'assuré en ait un peu plus. Est-ce que mon jugement ou mon raisonnement est bon?

M. Beaupré (Jean): Oui, je pense, et je pense que c'est... Écoutez, à partir du moment où l'assureur confie un mandat à un expert en sinistre... Bien sûr, c'est humain, ça, on va essayer...

M. Bertrand (Charlevoix): Mais c'est ça qui est la grosse différence.

M. Beaupré (Jean): Oui.

M. Bertrand (Charlevoix): Est-ce que c'est ça?

M. Beaupré (Jean): Oui. Je pense que...

M. Bertrand (Charlevoix): Bon.

M. Beaupré (Jean): ...oui, c'est important.

M. Bertrand (Charlevoix): O.K.

M. Beaupré (Jean): Je ne vous dis pas qu'il y ait de la mauvaise foi, là.

M. Bertrand (Charlevoix): Parce qu'elle n'est pas sortie...

M. Beaupré (Jean): On en est...

M. Bertrand (Charlevoix): ...évidente, cette différence-là.

M. Beaupré (Jean): Non, non, pas du tout. On n'en est pas du tout au niveau de la mauvaise foi, on en est au niveau d'un règlement du dossier. Écoutez, l'interprétation d'un contrat d'assurance qui est faite par une partie et qui est faite par l'autre, comme avocats, lorsqu'on représente une partie, on ne représente pas les deux, et notre mandat, c'est de s'assurer de satisfaire pleinement notre client. Alors, lorsqu'il arrive un sinistre... Et je ne dis pas que l'expert en sinistre indépendant va tenir des propos mensongers, il va être de mauvaise foi. Je ne dis pas ça. Je dis que, en toute objectivité et en toute neutralité, il représente avant tout l'assureur.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de...

M. Bertrand (Charlevoix): Je ne prétends pas et ne parle pas de mauvaise foi non plus.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Charlevoix, le règlement m'oblige à demander le consentement pour dépasser 22 heures. Je suis déjà en retard.

M. Bertrand (Charlevoix): Consentement. Je n'en ai que pour peut-être deux minutes.

Une voix: Accordé pour peu de minutes.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Accordé pour peu de minutes. Merci.

M. Bertrand (Charlevoix): Je ne le prétends pas, dans le sens que vous le pensez, absolument pas, mais je veux être très clair et précis, la plus grosse différence entre vous et les autres, c'est que vous dites: Étant donné que l'assuré, nous, nous paie, on prétend qu'on peut aller en chercher plus, qu'il va lui en rester plus. Je vulgarise au maximum, mais c'est parce que je veux m'en venir à autre chose.

Quand vous parlez de système de commission, depuis trois jours qu'on est en commission, nous, le système de vente à commission revient souvent sur le tapis. Pour la protection du consommateur, il y en a qui prétendent que peut-être que le système à commission peut fausser le travail des intermédiaires. Vous autres, vous arrivez et vous dites: Oh! un instant! On est, nous, des professionnels; on travaille à commission et on travaille pour l'intérêt des consommateurs. J'aimerais que vous me fassiez un lien, dans votre prétention – pour l'intérêt de tous les membres de la commission – que travailler à commission, selon ce que vous nous avez expliqué depuis tout à l'heure, vous pouvez le faire et le faire dans l'intérêt des consommateurs. Si c'est vrai pour vous, est-ce que je peux traduire, prétendre que c'est aussi vrai pour les intermédiaires?

M. Beaupré (Jean): Je vous dirai tout simplement que ces gens-là qui m'accompagnent, ça fait 10 ou 15 ans, pour la plupart, qu'ils sont des experts en sinistre, et ils vous disent dans un rapport que les consommateurs eux-mêmes, ils veulent ça, ils veulent que ce soit à pourcentage, ils veulent qu'un expert partage également le risque. Lorsqu'on interprète une police d'assurance, lorsque l'expert en sinistre interprète la police d'assurance, il lui dit: Écoute, là-dedans, il y a ci, il y a tel problème, il y a telle affaire, tu es peut-être mal assuré, il y a peut-être telle affaire. Il aime ça, lui, penser que, quelque part, il y a un expert qui va l'accompagner. Mais, plus encore, l'élément de confiance est souvent de partager le risque. C'est souvent ça, aussi, pour un avocat. On lui dit: Regarde, j'ai mon dossier. Est-il bon? Oui, c'est hasardeux un peu. Il est bon, mais, écoute bien, on va faire une démarche ensemble. On va le faire à pourcentage. On va participer au risque tous les deux ensemble. Bien, c'est un peu ça.

Alors, je pense que le fait que les consommateurs, à 98 %, demandent que ce soit comme ça et non à tarif horaire, c'est le voeu du consommateur.

M. Bertrand (Charlevoix): Vous me dites ça pour vous. J'entends bien ça. Je vous demande d'extensionner. Est-ce que, si c'est bon...

M. Beaupré (Jean): Oui.

M. Bertrand (Charlevoix): ...pour vous, dans toutes les mêmes proportions, est-ce que ça vous apparaît tout aussi valable pour les autres – parce qu'on est sur la loi des intermédiaires – est-ce que ça vous paraît tout aussi valable, le système de commission, tout aussi sincère, tout aussi honnête...

M. Beaupré (Jean): Oui.

M. Bertrand (Charlevoix): ...tout aussi correct pour les intermédiaires? C'est juste ça que je veux vous entendre dire.

M. Beaupré (Jean): Vous parlez des autres corps professionnels qui sont des intermédiaires de marché? Écoutez, je pense que dans tout ça, ce qui est important, c'est la transparence. À partir du moment où, quelque part, le consommateur, il est privé de la connaissance, que celui avec qui il travaille, celui qui est mandaté par l'assureur ne lui dit pas qu'il touche une commission qui correspond à tel pourcentage, il y a un problème.

Dans le cas des experts en sinistre au service de l'assuré, la convention se fait directement entre l'expert et le consommateur qui dit: Oui, je t'engage et tu ne me chargeras pas plus de 4 % du montant que je vais percevoir de l'assureur. Donc, c'est très clair. Il y a une convention, un contrat qui existe entre le consommateur directement, ce qui n'est peut-être pas le cas partout où le consommateur obtient une police d'assurance et où il ne sait même pas quelle est la relation financière qui existe entre l'assureur et le courtier.

(22 h 10)

M. Bertrand (Charlevoix): Une dernière question, M. le Président. Il y en a plusieurs qui vous voient exclus d'un organisme quelconque qui pourrait être formé. Actuellement, vous êtes sous le Conseil des assurances de dommages. S'il y avait un organisme qui englobait tout ça... Il y en a qui vous voient exclus. Quelle est votre prétention ou votre désir?

M. Beaupré (Jean): Non. On espère ne pas être exclus. On est déjà inclus, sauf qu'on n'est pas représentatifs. Alors, dans une structure différente, on souhaiterait y être inclus et davantage être représentatifs ou, à tout le moins, si on l'est moins, au moins que le consommateur, lui, le soit davantage.

M. Bertrand (Charlevoix): Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je vous remercie, MM. les membres de la commission. Merci, MM. les représentants de l'Association québécoise des experts en sinistre pour l'assuré.

Notre journée et notre horaire étant complétés, j'ajourne les travaux au mercredi 9 octobre, 14 heures.

(Fin de la séance à 22 h 11)


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