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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le vendredi 22 novembre 1996 - Vol. 35 N° 32

Interpellation : Les compressions anticipées pour 1996-1997


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Table des matières

Journal des débats


(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Côté): La commission du budget et de l'administration débute ses travaux. La commission est réunie ce matin afin de procéder à l'interpellation du député de Westmount–Saint-Louis sur le sujet suivant: Les compressions anticipées pour 1996-1997.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a aucun remplacement.

Le Président (M. Côté): Alors, il est 10 h 4. Est-ce qu'on arrête à midi quand même ou on prolonge de quatre minutes pour compléter le temps?

M. Chagnon: Moi, je n'ai pas de problème.

Le Président (M. Côté): Ça prend le consentement.

M. Chagnon: Consentement à rester ici jusqu'à 12 h 4.

Une voix: Adopté, 12 h 4.

M. Léonard: 12 h 4.

Le Président (M. Côté): Alors, je vous rappelle les règles d'interpellation. Le débat dure au plus deux heures, soit jusqu'à midi, donc ça va être 12 h 4. La discussion est divisée en trois étapes. Un premier débat de 20 minutes commence par l'intervention du député qui a donné l'avis d'interpellation, soit le député de Westmount–Saint-Louis. Il exercera un premier droit de parole de 10 minutes. Le président du Conseil du trésor interpellé aura ensuite un droit de réplique de 10 minutes. Après ces deux interventions, nous procéderons à l'interpellation proprement dite au cours de laquelle chaque intervenant pourra s'exprimer pendant cinq minutes. Il y aura alternance dans les interventions selon la séquence suivante: un député de l'opposition, le président du Conseil du trésor, un député ministériel, et ainsi de suite selon la même séquence. Si un membre utilise moins de cinq minutes, le temps non utilisé est perdu et la parole sera donnée à l'intervenant qui suit selon la séquence que j'ai indiquée. Vingt minutes avant la fin de la séance, le président du Conseil du trésor aura droit à un dernier temps de parole de 10 minutes et le député de Westmount–Saint-Louis aura ensuite un droit de réplique de 10 minutes, ce qui mettra fin au débat.

Alors, M. le député de Westmount–Saint-Louis, vous avez la parole.


Exposé du sujet


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, je voudrais remercier le président du Conseil du trésor d'être ici ce matin avec nous, les membres du Conseil, les autorités du Conseil qui le secondent et l'appuient, qui sont venues, je ne dirais pas à sa rescousse, ce serait un peu prématuré, mais, à tout le moins, ce sont les gens du Conseil du trésor sur lesquels, j'en suis certain, le président peut s'appuyer pour son travail régulier et quotidien. Je salue aussi quelques collègues qui sont ici et les gens du cabinet du ministre.

M. le Président, le dossier des compressions budgétaires, on le sait, fait l'objet d'une série de remarques, une série de discussions, une série de réflexions depuis des années, et de nombreuses années. Au moment où on se parle, plusieurs dossiers retombent sur le bureau du président du Conseil du trésor, ma foi, non pas à son initiative, mais parce que c'est une situation, et qui a déjà été vécue dans le passé, où le Québec se retrouve avec une problématique de revenus, et, ayant une problématique de revenus, évidemment, pour arriver à faire en sorte que le budget soit équilibré ou, au moins, arrive aux sommes de déficit prévues et annoncées, on s'attend généralement du président du Conseil du trésor qu'il périme les crédits supplémentaires qui correspondent au manque de revenus à toutes les périodes financières de l'année. Généralement, après chacune des synthèses des opérations financières, lorsque les revenus sont en deçà de ce qui est souhaité ou espéré, le ministre des Finances appelle le président du Conseil du trésor et demande de périmer des crédits.

Évidemment, quand le président du Conseil du trésor fait sa péremption de crédits, il demande à chacun de ses collègues de diminuer les masses monétaires, les masses salariales, parfois, dans chacun des ministères concernés. Mais, depuis maintenant quelques jours, le président du Conseil du trésor, par voie de communiqué, pas plus tard que le 14 novembre, M. le Président, annonçait que, pour réduire ses coûts de main-d'oeuvre, il ouvrait des discussions accélérées avec, entre autres, chacun des syndicats, chacune des entreprises, chacun des grands syndicats: CSN, CEQ, FTQ. Le premier ministre, quant à lui, a déposé une offre aux syndicats. On a eu d'abord des discussions avec les syndicats leur suggérant grosso modo de remettre sur la table 5 % de l'enveloppe en termes de masse salariale des employés de l'État des secteurs public et parapublic en échange d'une protection de 25 000 à 30 000 emplois.

(10 h 10)

Cette offre s'est raffinée. On a eu une deuxième offre et, finalement, une troisième offre qui est la dernière offre qui a été présentée aux leaders syndicaux par le premier ministre lundi de cette semaine. Cette offre prévoit que les employés syndiqués devraient voir leur semaine de travail passer de 35 heures à 32 heures et qu'ils devraient recevoir un congé de cotisation aux régimes de retraite qui, soi-disant, selon le communiqué du bureau du premier ministre, maintiendrait les avantages pécuniaires des employés. Finalement, cette offre cherche à maintenir le revenu net des employés tout en réduisant sensiblement la semaine de travail pour, comme le disait le premier ministre avant sa conférence de presse de mardi, assurer plus de loisirs aux employés.

La réaction, M. le Président, a été immédiate: «L'opposition syndicale s'amplifie.» «Deux autres syndicats refusent de piger dans les surplus accumulés», avec une photo du président du Conseil du trésor, le président se reconnaîtra sûrement. «Le consensus vole en éclats.» C'est encore plus vitriolique, je dirais, M. le Président, dans les communiqués des syndicats. Certains syndicats ont même... Je pense à la CSN qui, et je cite, «appelle à la mobilisation ses 480 syndicats des secteurs public et privé contre les propositions malhonnêtes du gouvernement du Québec», propositions qualifiées ainsi par la CSN.

Je pourrais évidemment faire des lectures de communiqués de centrales, ça ne nous avancerait pas beaucoup, uniquement pour être capables de déterminer, au moment où on se parle, que les centrales ont montré un refus net à la proposition qui est suggérée par le gouvernement actuel, le gouvernement Bouchard, et le ministre, député des Laurentides. Parmi les raisons qui font que cette...

Une voix: Labelle.

M. Chagnon: Je m'excuse, de Labelle, Laurentides-Labelle, Labelle. On va finir par se comprendre, après tant d'années. Voilà.

M. le Président, il faut comprendre les syndiqués de refuser l'offre que le gouvernement leur fait. Le gouvernement leur fait l'offre de diminuer leur semaine de salaire et d'autofinancer, par le biais d'une réduction de cotisation aux régimes de retraite, leur salaire. Il ne faut pas oublier que le gouvernement, juste avant le référendum, avait signé des ententes, et ce n'était pas les gens qui sont en avant de nous, M. le Président, c'était la députée de Taillon, mais membre du même gouvernement, qui, juste avant le référendum, avait signé des ententes pour 1 000 000 000 $ sur trois ans avec les employés de l'État, leur garantissant des augmentations salariales au 1er avril 1996, au 1er janvier 1997 et au 1er janvier 1998. Alors, là, on n'est plus capables de les payer. Voilà la situation dans laquelle nous sommes. Là, on se réveille puis on n'est plus capables de les payer, puis là on décide d'aller jouer dans le fonds de retraite.

Mais, M. le Président, et j'invite... Je suis certain que, en ses lectures dominicales, le député de Labelle a sûrement lu, comme nous l'avons fait ici, l'évaluation actuarielle de tous les régimes de retraite de tous les employés du gouvernement. Je prends celui du RREGOP parce que c'est le plus important. Dans le régime de retraite des employés du RREGOP, M. le Président – et vous allez mieux comprendre pourquoi les syndicats ont dit non de façon vitriolique à sa proposition gouvernementale – dans la caisse des participants, au 31 décembre 1993, il y a 12 051 000 000 $ qui sont des vraies piastres, là, des vraies piastres des vrais cotisants, 12 000 000 000 $ d'argent pris chez les syndiqués qui s'en va dans la Caisse de dépôt, 12 000 000 000 $ de vrai argent. La part du gouvernement: 13 800 000 000 $ en écriture comptable, en argent virtuel, 13 000 000 000 $ de provision gouvernementale mise au passif du gouvernement, mais pas de la vraie argent, 13 000 000 000 $. Tous les syndicats se plaignent du niveau de capitalisation de leur fonds de pension par leur employeur depuis de très nombreuses années, sans compter les réclamations du Vérificateur général à l'effet qu'il manque plusieurs centaines de millions de dollars, plusieurs milliards, même, de dollars dans la capitalisation des régimes de retraite.

On prétend, les actuaires du RREGOP qui ont étudié les données prétendent qu'il y a – et avec raison – un surplus actuariel de 8 000 000 000 $ dans le régime du RREGOP. Ce 8 000 000 000 $, M. le Président, est carrément de l'argent virtuel. Les actuaires font une prévision sur les 25 ou 30 prochaines années avec des paramètres qui sont, par exemple, le niveau de mortalité des bénéficiaires, le niveau d'inflation, année après année, qui est présumé, le niveau de salaires et de masse salariale qui augmente. Voilà des critères, par exemple, sur lesquels les actuaires fondent leurs calculs. Or, il appert que les actuaires se sont trompés ou plutôt que les événements ont donné tort aux actuaires sur l'inflation. L'inflation a été moins élevée que celle prévue par les actuaires, ce qui a fait gonfler le surplus actuariel du régime. Mais, M. le Président, le surplus actuariel du régime, lui, risque, dans les 30 prochaines années, pour les mêmes raisons mais à l'envers – si, par exemple, les actuaires prévoient 2 % ou 3 % d'inflation et qu'on a 6 % ou 7 % – de fondre.

Or, la proposition du gouvernement ressemble à la proposition de la Singer, où le gouvernement ramasse le surplus actuariel comme employeur, ramasse le surplus actuariel de ses employés. Les employés, en cessant de cotiser, en cessant de mettre des vraies piastres dans leur régime, vont perdre des sommes exorbitantes à long terme, compte tenu de la proposition que le gouvernement leur fait à ce moment-ci. Or, qui est le vrai perdant de cette proposition-là, sinon les travailleurs à qui on dit: On va vous donner une augmentation, mais on s'assure que vous allez être obligés de l'autofinancer.

Le Président (M. Côté): Merci, M. le député Westmount–Saint-Louis. Maintenant, je cède la parole au président du Conseil du trésor et député de Labelle, pour 10 minutes.


Réponse du ministre


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président. À mon tour de vous souhaiter bonne journée, de même qu'aux députés de l'opposition, aussi à ceux qui m'accompagnent: le député d'Abitibi-Ouest et le député de Crémazie, mon sous-ministre, mon sous-ministre adjoint et, enfin, les gens de mon cabinet.

Avant de répondre de façon plus précise aux remarques «confusionnantes» du député de Westmount– Saint-Louis, je voudrais quand même faire le point sur la situation quant aux crédits 1996-1997. Sûrement qu'il gagnerait à être bien renseigné sur ce point, et il y a des choses intéressantes à en dire. Comme vous le savez, l'assainissement des finances publiques représente, pour le gouvernement actuel, une priorité incontournable. Nous le disons dans nos déclarations et nous le faisons dans la pratique. En ce sens, le gouvernement s'est engagé fermement à réaliser l'équilibre budgétaire d'ici l'an 2000 et cet engagement, je dois le rappeler, découle de la conférence socioéconomique de mars dernier où le gouvernement et des partenaires socioéconomiques se sont entendus pour éliminer le déficit sur un horizon de trois ans.

Déjà, à compter de l'exercice financier 1995-1996, le gouvernement s'était engagé dans la voie d'une gestion des dépenses plus responsable en adoptant les orientations et les principes suivants: l'allocation aux ministères et organismes d'enveloppes budgétaires fermées qui ne peuvent faire l'objet de demandes d'ajustement en cours d'exercice, sauf pour des raisons exceptionnelles; deuxièmement, une approche de la gestion gouvernementale davantage axée sur les résultats par l'instauration des plans stratégiques qui se veulent à la fois un instrument de planification et de reddition de comptes; et, troisièmement, l'allégement des contrôles administratifs centraux.

(10 h 20)

Ces nouvelles orientations ont déjà commencé à donner des résultats concrets. En effet, pour l'exercice financier 1995-1996, le gouvernement a respecté les ambitieux objectifs qu'il s'était fixés. Il les a respectés. Le discours sur le budget 1995-1996, qui avait été prononcé par mon collègue le député de Crémazie, avait fixé à 42 415 000 000 $ la dépense totale et à 36 198 000 000 $ les dépenses de programmes, alors que les résultats réels établissent à 42 218 000 000 $ la dépense totale et à 36 174 000 000 $ les dépenses de programmes, soit 24 000 000 $ de moins que ce qui avait été prévu au début en termes de dépenses de programmes. Ainsi, pour la première fois depuis 25 ans, les dépenses de programmes n'ont pas augmenté par rapport à l'année précédente. C'est un fait qu'il faut marquer d'une pierre blanche.

De la même façon, le gouvernement respectera les objectifs qu'il s'est donnés pour l'année budgétaire 1996-1997. À ce titre, le discours sur le budget de mai dernier a fixé à 40 864 000 000 $ la dépense totale et à 34 873 000 000 $ les dépenses de programmes, soit des baisses de 3,2 % et de 3,6 % respectivement par rapport aux dépenses réelles de l'année précédente. Les mesures d'économies réalisées sur les dépenses de programmes représentent 2 245 000 000 $, soit 1 166 000 000 $ pour contrer la croissance prévue des dépenses de programmes au niveau de 1995-1996 et 1 079 000 000 $ pour réduire le niveau des dépenses de programmes. À ces mesures s'ajoute une réduction additionnelle des dépenses de programmes de 246 000 000 $ qui résulte de la création d'un fonds spécial de conservation et d'amélioration du réseau routier, tel qu'annoncé au discours sur le budget de 1996-1997.

Les plans stratégiques des ministères et organismes qui ont été publiés lors du dépôt des crédits en mars dernier contenaient pour près de 2 000 000 000 $ de mesures d'économies sur les 2 245 000 000 $ de compressions réalisées. À ce moment, il restait ainsi un montant de 275 000 000 $ à répartir entre les ministères, organismes et réseaux. Ces derniers se sont assurés non seulement de poser les gestes nécessaires afin de mettre en oeuvre les mesures prévues à leur plan stratégique, mais également de réaliser leur quote-part de l'économie de 275 000 000 $, assurant ainsi le respect de l'objectif de dépenses de programmes que le gouvernement s'est fixé. Et, par ailleurs, comme cela se produit chaque année, quelques faits nouveaux se sont présentés depuis le début de l'actuel exercice financier. Toutefois, comme je vous l'exposerai plus loin, les problématiques qui en découlent sont toutes en bonne voie d'être résolues, ce qui devrait réjouir le député de Westmount–Saint-Louis. L'exercice financier 1996-1997 se déroule ainsi tel que nous l'avions prévu.

J'ai souligné, il y a quelques instants, qu'au moment du dépôt des crédits des économies de l'ordre de 275 000 000 $ restaient à être réparties entre les ministères, organismes et réseaux. Bien que ces économies n'aient pas été réparties à ce moment, le gouvernement avait cependant déjà identifié les moyens de les réaliser. Ainsi, nous avions prévu réaliser des économies de 150 000 000 $ par une rationalisation plus poussée dans les dépenses de fonctionnement, de 100 000 000 $ dans les coûts de main-d'oeuvre de la fonction publique, notamment par l'instauration d'une mesure de départs assistés et d'un programme d'aménagement du temps de travail, et d'un autre 25 000 000 $ au niveau de l'allégement des structures gouvernementales.

En ce qui concerne les économies de 150 000 000 $ au niveau de la rationalisation des dépenses de fonctionnement, dès la fin du mois de mars 1996, les ministères, organismes et réseaux ont été informés de la répartition de cette cible. Ce sont les dépenses de transport et de communication, de services professionnels et administratifs, d'entretien et de réparation, de fournitures et d'approvisionnement qui sont notamment visées. Dans le cas des ministères et organismes, cette compression représente environ 10 % des dépenses visées, soit 77 000 000 $, alors qu'elle représente près de 4 % dans les réseaux, soit 73 000 000 $. Cette approche permet de tenir compte des efforts majeurs déjà requis des deux réseaux. Ainsi, dès le début de l'année financière, les ministères, organismes et réseaux ont pris les mesures nécessaires afin de rationaliser leurs dépenses de fonctionnement et de s'assurer ainsi de la réalisation des économies demandées.

Au chapitre de la réduction de 100 000 000 $ des coûts de main-d'oeuvre de la fonction publique, chaque ministère et organisme s'est vu allouer une cible d'économies à réaliser basée à la fois sur les crédits de la rémunération de l'année en cours et sur une estimation du nombre d'employés admissibles à la retraite. Le gouvernement a mis à la disposition des ministères et organismes deux outils qui les ont aidés à réaliser ces économies sans pour autant affecter la qualité des services à la population. Il s'agit de la mesure de départs assistés et du Programme d'aménagement concerté du temps de travail.

Concernant la mesure de départs assistés, le Conseil du trésor a adopté, au cours du mois mai 1996, les règles de ce nouveau programme qui a été mis en vigueur au cours de la période du 1er juillet au 30 septembre 1996. Cette mesure prévoit que les employés admissibles peuvent recevoir une indemnité de départ allant de six à 18 mois de salaire ainsi que le paiement de la totalité des jours de maladie et de vacances accumulés. En contrepartie, les employés qui se sont prévalus de cette mesure ont dû respecter certains critères: par exemple, ne pas être en préretraite ou en retraite graduelle et s'engager à ne pas accepter un emploi dans le secteur public au cours des quatre années suivant la rupture de leur lien d'emploi.

L'investissement total dans cette mesure est évalué, pour l'instant, à 165 000 000 $ et devrait permettre de réduire de façon récurrente la masse salariale de la fonction publique d'un montant de 120 000 000 $. Pour l'année en cours, l'économie salariale est estimée à 60 000 000 $, soit une demi-année étant donné que le programme a pris fin le 30 septembre 1996. Quand je dis 120 000 000 $, c'est 120 000 000 $ par année jusqu'à l'an 2000. Afin de pourvoir au financement de la mesure de départs assistés, un fonds spécial sera institué. D'ailleurs, le projet instituant le Fonds de gestion des départs assistés est présentement à l'étude pour l'adoption du principe. L'utilisation d'un fonds spécial permettra ainsi d'étaler l'investissement de 165 000 000 $ sur une période de quatre années afin d'assurer un rapprochement de la dépense et de l'économie résultant de la mesure de départs assistés.

Par ailleurs, le Conseil du trésor a également adopté le Programme d'aménagement concerté du temps de travail qui permet aux ministères et organismes de réaliser des économies au niveau des coûts de main-d'oeuvre sans pénaliser les employés qui y adhèrent. Diverses formes de réduction sont possibles comme, par exemple, la semaine de 32 heures réparties sur quatre jours – oui, il me reste quatre lignes sur ce sujet, puis je terminerai, si vous me permettez – ou encore la semaine de 35 heures dont 32 heures sont rémunérées et trois heures accumulées à l'intérieur d'une banque de congés compensatoires. Le ministère ou l'organisme assume en contrepartie la part de l'employé au régime de retraite jusqu'à un maximum de 20 % du temps complet de même que la pleine reconnaissance du service continu jusqu'à 20 % du temps complet.

Le Président (M. Côté): Merci, M. le président du Conseil du trésor et député de Labelle. Maintenant, je cède la parole au député de Westmount–Saint-Louis pour une durée de cinq minutes.


Argumentation


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. On a l'impression de faire un peu du théâtre de l'absurde. Je pense et je parle au président du Conseil du trésor des problèmes qui découlent du budget dont il parle. Dans le budget dont il parle, il y a des revenus qui sont anticipés, et ces revenus qui sont anticipés, ils ne rentreront pas. Le président du Conseil me parle du niveau de dépenses qu'il réussit à contrôler. Je sais que le président du Conseil réussit à contrôler ses dépenses, c'est vrai, depuis au moins 1991-1992. Les publications du gouvernement le démontrent. Le gouvernement rend publiques ses publications pour les fins de la vente de ses obligations. Elles démontrent, les publications de cette année, que, depuis 1992, les gouvernements successifs sont sur leur cible de dépenses. Je ne dis pas que cela n'est pas méritoire, au contraire, mais la question que je posais et le sujet que je soulevais tout à l'heure répondent davantage à une préoccupation que le président du Conseil du trésor devrait avoir concernant une demande de récupération de 1 400 000 000 $ dans les poches de ses employés. Le ministre me répond sur la meilleure façon, la meilleure recette qu'il a trouvée pour faire de la tarte aux fraises.

Je vais revenir sur le sujet pour permettre au ministre de pouvoir mieux s'expliquer sur ce dont on parle. Je vous dis: Vous avez déposé une offre extraordinairement intéressante, selon vous, aux employés de l'État. Ils vous disent: Ça n'a pas d'allure. Et ils vous disent: Il n'est pas question que vous veniez piger dans nos fonds de pension, et ils ont raison. Vous êtes en train ni plus ni moins de faire le même... Vous avez la même approche que les anciens patrons de la Singer qui s'en allaient jouer sur les surplus accumulés des fonds de pension des employés. Ne demandez pas à vos employés de trouver que ça a bien de l'allure, ils vont vous dire non, et c'est ce qu'ils font aujourd'hui, de ce temps-ci, en prenant des votes de grève à gauche puis à droite.

Quant au budget, le budget comme tel, si on veut s'y référer, si on veut faire comme le président du Conseil, en faire son credo, le budget, M. le Président, nous annonçait qu'il y aurait une création de 45 000 emplois nouveaux au Québec. Or, depuis le début de l'année, il y a 54 000 emplois de moins au Québec. Je comprends le ministre des Finances d'être obligé de se casser la tête pour faire enregistrer ses revenus, il y a 100 000 emplois de moins que ceux prévus au budget au moment où on se parle au Québec. Ça fait donc beaucoup moins de revenus, tant en termes de revenus par l'impôt des particuliers que de revenus sur la consommation. C'est ce qui force le président du Conseil du trésor, avec les collègues et la situation financière du gouvernement, d'hériter de problèmes comme ceux qu'il a dans les bras. J'avoue qu'il a toute ma sympathie, mais il va falloir qu'il passe à travers. C'est un peu la tristesse du métier de président du Conseil du trésor.

(10 h 30)

Même ses partenaires d'hier, au sommet dont il parlait tout à l'heure... Parlons du sommet d'il y a trois semaines. «Un sommet historique», disait Gérald Larose dans la revue Nouvelles de la CSN – vous devriez être abonné à ça, c'est intéressant. «Ce sommet a servi à déclencher un momentum qui va certainement asseoir sur des bases solides les priorités de l'emploi. Il est à coup sûr que, sur le point de départ d'une mobilisation générale qui interpelle tous les acteurs de cette société, à plus d'un égard, ce sommet revêt un caractère historique.» Ça, c'est Gérald Larose, président de la CSN, qui dit: Voici ce que j'ai retenu, entre autres, du sommet. Mais les lumières du sommet ne sont pas éteintes que vous allumez les projecteurs des volontés gouvernementales. Vous dites au monde: Ou bien on va vous diminuer vos semaines de travail de 35 à 32 heures et, en plus, vous allez accepter de mettre en état d'insécurité vos fonds de retraite et/ou vous allez tout simplement voir 20 000, 25 000 de vos collègues disparaître. Pour des gens qui ont l'emploi comme première priorité, c'est assez surprenant.

Outre le gouvernement, en parallèle avec le gouvernement, déposé ici, en Chambre, un projet de loi pour faire en sorte de permettre à Hydro-Québec, la plus grande société d'État et aussi la plus grande société au Québec, de modifier ses conventions comptables. Pourquoi? Pour diminuer de 6 000 emplois à Hydro-Québec. En deux mots, Hydro-Québec et le gouvernement du Québec veulent couper 31 000 emplois le plus rapidement possible. C'est là la grande vertu que veut mettre de l'avant le gouvernement dans sa vision créatrice d'emplois et génératrice d'emplois qui pourrait lui amener des revenus? Nous, on dit: Ça n'a pas beaucoup de sens.

Le Président (M. Côté): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Je cède la parole maintenant au président du Conseil du trésor et député de Labelle, pour cinq minutes.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, je comprends l'analyse que fait le député de Westmount–Saint-Louis, elle lui appartient. Je vais quand même continuer à lui parler de 1996-1997 parce que le sujet de son interpellation, c'était les compressions anticipées pour 1996-1997. Alors, il y a eu des choses de faites, annoncées au début, qui étaient anticipées à ce moment-là. On nous l'avait dit dans l'opposition, mais je veux faire état de la situation à ce stade-ci.

Nous sommes en train de réaliser l'allégement des structures gouvernementales pour 25 000 000 $. J'ai fusionné l'Office des ressources humaines au Secrétariat du Conseil du trésor depuis le début de l'année en éliminant ainsi des dédoublements et des chevauchements qui existaient auparavant entre ces deux organismes, et depuis fort longtemps. De même, le gouvernement est parvenu à une entente avec ses partenaires syndicaux concernant le statut et le financement de la CARRA, la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances. Jusqu'ici, les frais d'administration des régimes de retraite étaient assumés par le gouvernement uniquement, mais on constate puis on a constaté que, dans plusieurs autres juridictions, les frais d'administration des régimes de retraite du secteur public sont financés par les participants et les employeurs à même les régimes. Donc, il a été convenu que, rétroactivement au 1er avril 1996, on conférerait à la CARRA le statut d'organisme extrabudgétaire dont les frais d'administration seront partagés entre les participants et l'employeur. Que voilà une bonne nouvelle.

Donc, vous pouvez constater que tous les éléments ont été mis en place pour permettre aux ministères, organismes et réseaux de réaliser la totalité des compressions de 275 000 000 $ qui n'étaient pas réparties totalement ou complètement au dépôt des crédits 1996-1997. Ce qu'avait soulevé l'opposition, les craintes et les doutes qu'avait soulevés l'opposition n'ont pas eu de suite et ne se sont pas réalisés. De la même façon, nous avons créé aussi, par ailleurs, un fonds spécial de conservation et d'amélioration du réseau routier. Je passe sur les détails, le ministre des Transports pourra y revenir. Mais en revenant à la CARRA, cependant, vous voyez que nous pouvons négocier avec nos partenaires syndicaux.

Il y a aussi un autre point, effectivement, qui mérite d'être soulevé. Même si les informations actuellement disponibles nous permettent d'affirmer que les compressions prévues en début d'année seront réalisées, il y a eu certains faits nouveaux et imprévus qui se sont présentés depuis le début de l'exercice financier. La synthèse des opérations financières du 30 septembre 1996 démontre en effet que le gouvernement devra réaliser des économies additionnelles de l'ordre de 195 000 000 $ au niveau de dépenses de programmes afin de compenser une baisse prévue des revenus. À ce chapitre, les ministères et organismes procèdent actuellement à une évaluation des crédits qui ne seraient pas utilisés à cause de phénomènes tels une révision des paramètres économiques – par exemple, une bonne nouvelle, les taux d'intérêt diminuent, donc cela produit des économies dans les budgets qui servent ou vont servir en particulier à éponger ce 195 000 000 $ – une baisse de demandes ou de clientèles dans certains cas, un report dans l'exécution de projets ou tout autre facteur qui permettrait de dégager des économies additionnelles. À cette étape-ci, il est trop tôt pour se prononcer sur les résultats de cette opération.

Un autre événement qui a eu un impact significatif sur les dépenses s'est produit au cours de l'été, il est bien connu, il s'agit des pluies diluviennes qui se sont abattues sur le Saguenay, en particulier, les 19 et 20 juillet dernier. Le gouvernement a agi immédiatement face à cette situation et, dès le 22 juillet, il y a eu un mandat spécial de 200 000 000 $ qui a été autorisé pour mettre à la disposition des ministères impliqués les crédits requis. Selon les estimations les plus récentes, le coût total des dommages est évalué à environ 642 000 000 $, dont un montant de 433 000 000 $ serait déboursé par le gouvernement du Québec et un montant de 209 000 000 $ attribuable aux municipalités et à d'autres organismes. En ce qui concerne la part du gouvernement, on estime qu'un montant de 372 000 000 $ serait remboursable ultérieurement par le gouvernement fédéral, ce qui laisserait un impact net d'environ 61 000 000 $ sur les dépenses du Québec.

M. le Président, étant donné qu'une part importante des déboursés de 433 000 000 $ sera remboursée, nous avons créé un fonds spécial d'assistance financière...

Le Président (M. Côté): M. le président du Conseil du trésor, je vous demanderais de conclure, s'il vous plaît.

M. Léonard: ... – je termine – qui va prendre en charge ces déboursés et qui percevra également les revenus du fédéral, et les dépenses gouvernementales ne seront affectées que par l'impact net, soit environ 61 000 000 $, dont environ 37 000 000 $ sont attribuables à l'année en cours. Étant donné le montant en cause, l'impact des inondations pourrait être absorbé sans ajustement de l'objectif de dépenses.

Le Président (M. Côté): Merci, M. le président du Conseil du trésor. Maintenant, je cède la parole au député de Crémazie, pour cinq minutes.


M. Jean Campeau

M. Campeau: Merci, M. le Président. Je pense que, à ce stade-ci, il est utile de rappeler, à notre arrivée au pouvoir, quels étaient les objectifs du gouvernement en matière de finances. Alors, en septembre 1994, l'objectif, M. le Président, était de remettre de l'ordre dans les finances publiques. On s'en souviendra, il y avait une espèce de désordre existant, on ne contrôlait plus le déficit et, même, à chaque année, dans l'évaluation du déficit, on se trompait.

Au cours des cinq dernières années du gouvernement libéral, en moyenne, c'était à peu près des erreurs de 1 000 000 000 $ par année qui étaient faites dans l'évaluation du déficit. Mais, si on oublie ces erreurs-là et qu'on s'en tient uniquement aux chiffres, aux chiffres qui sont arrivés, en 1991-1992, le gouvernement du Québec, le gouvernement libéral, a fait un déficit de 4 200 000 000 $; en 1992-1993, 4 932 000 000 $; en 1993-1994, 4 894 000 000 $. Et là on arrive au pouvoir à la fin de l'année, qu'est-ce qu'on fait? On tâche de remettre de l'ordre. Si on n'avait rien fait, en 1994-1995, le déficit aurait été de l'ordre de 6 000 000 000 $. Mais, parce qu'on est arrivés au pouvoir, on a pu le réduire à 5 700 000 000 $.

(10 h 40)

M. le Président, 5 700 000 000 $, c'est quand même un déficit encore inacceptable. Alors, à ce moment-là, on s'est fixé des balises. J'étais, à ce moment-là, ministre des Finances. Après avoir travaillé avec ma collègue la députée de Taillon qui était présidente du Conseil du trésor, on s'est fixé des balises. On est arrivés à établir que l'objectif serait, pour 1995-1996, de 3 975 000 000 $, une grande réduction par rapport au déficit de l'année antérieure, 5 700 000 000 $. Et je tiens à vous dire que 3 900 000 000 $, M. le Président, on y est arrivés. Au 31 mars 1996, l'année passée, le déficit du Québec était de 3 975 000 000 $ tel que prévu. Comme mon collègue le président du Conseil du trésor l'a mentionné tout à l'heure, c'était la première fois depuis bien des années que le gouvernement arrivait au déficit prévu sans se tromper. On a aussi établi, pour 1996-1997, 3 275 000 000 $. On diminue lentement le déficit, mais graduellement. L'objectif, évidemment, c'est d'arriver, en l'an 2000, à un déficit zéro.

On me dit que, cette année, le déficit de 3 200 000 000 $ va être rencontré. Alors, c'est tout à l'honneur du président du Conseil du trésor et de l'actuel ministre des Finances de pouvoir rencontrer les prévisions, parce que ce n'est pas tellement facile, rencontrer les prévisions de déficit. Mais ce n'est pas tout, il faut continuer. Il faut continuer à travailler à réduire ce déficit et à arriver à contrôler nos dépenses, tout en contrôlant évidemment aussi nos revenus, en tâchant de prévoir le plus justement possible. S'il y a des erreurs qui se font dans les revenus ou dans les dépenses, il faut compenser par l'un ou par l'autre. À ce moment-là, je pense qu'on est en excellente position pour, en l'an 2000, arriver au déficit zéro.

Alors, c'était l'objectif, dans le fond, qu'on avait prévu dès l'arrivée au pouvoir du gouvernement du Parti québécois, sauf qu'à ce moment-là on ne parlait que du déficit des opérations courantes par rapport au déficit des dépenses de capital. Par exemple, on n'avait pas dit qu'on arriverait à zéro dans le déficit total. On avait dit: Le solde des opérations courantes sera à zéro, alors que les dépenses de capital, on n'avait rien prévu, à ce moment-là, de si catastrophique que ça. On pensait maintenir les dépenses de capital pour un déficit de 1 800 000 000 $. On a changé notre point de vue et, maintenant, on tend vers le déficit zéro tout autant pour les dépenses des opérations courantes que pour les dépenses de capital.

Mais ce qu'il y a de réjouissant, M. le Président, c'est que, depuis deux ans que le gouvernement du Parti québécois est au pouvoir, jusqu'ici, nous avons rencontré nos objectifs, et je pense que c'est l'intention du gouvernement actuel de faire ainsi dans les années qui viennent. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Côté): Merci, M. le député de Crémazie. Maintenant, je cède la parole au député de Westmount–Saint-Louis.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Je vous remercie, M. le Président. Je vais revenir au sujet de l'interpellation et continuer à tenter de discuter avec le ministre président du Conseil du trésor qui a la chance d'avoir ses lutins pour pouvoir l'aider à éviter de discuter de ce dont je veux discuter.

Je veux revenir sur cette demande qu'il a lui-même effectuée de 1 400 000 000 $ de compression dans les budgets, dans les salaires des employés de l'État. Le ministre, encore une fois, nous a fait, là, sa recette de la tarte aux pommes. On va avoir un livre complet de recettes tout à l'heure, si on continue comme ça, à force de nous lire les documents préparés par son ministère. Il aurait été plus adéquat, disons, de me téléphoner. Je lui aurais dit de quoi je lui parlerais. Il aurait pu au moins se préparer des notes pour le sujet dont je lui parlerais. M. le Président, le président du Conseil nous signale et laissait entendre tout à l'heure que ce dont je parlais, c'était pour le futur et que, lui, il voulait nous parler du passé. Le 1 400 000 000 $ de réclamation qu'il fait à ses employés, là, c'est pour l'année 1996-1997, c'est là le sujet de notre interpellation.

Ce matin, le président du Conseil du trésor annonce que sa menace va être permanente. Sa mesure, sa menace va être permanente. C'est une menace en autant que les syndicats ne la signent pas. Si les syndicats ne la signent pas, la menace va devenir permanente parce qu'on a aussi annoncé qu'on voulait légiférer sur le sujet. Mais, dans le même papier de ce matin, le même président du Conseil du trésor, notre ami le député de Labelle, dit ceci: «Il est impératif pour le gouvernement que la réduction de temps de travail soit implantée le 1er janvier 1997.» Sauf erreur, je sais bien que je n'apprendrai pas au président du Conseil du trésor que le 1er janvier 1997, c'est dans l'année financière 1996-1997. Donc, les compressions qui sont demandées touchent notre année financière 1996-1997 – Soleil , ce matin – pour financer, évidemment, la hausse de salaires prévue pour les employés de l'État au 1er janvier 1997.

Bref, le président ne nous a pas répondu comment il pouvait percevoir le type d'offre qu'il a faite, encore une fois, une offre qui est rejetée par les gens du monde syndical. Il nous a dit: Oui, je me suis entendu avec les gens du monde syndical dans le dossier de la CARRA. C'est vrai qu'il s'est entendu avec les gens du monde syndical dans le dossier de la CARRA pour une économie de 9 300 000 $, sauf que, là, on en est rendus à chercher des économies de 1 400 000 000 $, plus que 150 fois l'économie qu'il a été rechercher avec sa première petite «négociationnette» avec les gens de la CARRA, et sur laquelle il demeure – puis peut-être qu'il pourra y répondre un jour, si ça lui plaît... Le président du Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec a confié au Soleil que l'entente de principe satisfaisait les syndicats mais qu'il restait des points à régler, notamment la question de la nomination du président de la CARRA et – un sujet que je mentionnais tout à l'heure – de la capitalisation du régime, un régime sous-capitalisé – sous-capitalisé par le gouvernement, j'entends – dans lequel le gouvernement veut voir ses employés cesser de compenser le régime pour s'assurer d'un salaire. Il demande à ses employés d'autofinancer leur salaire. Mais le même président du même syndicat, aujourd'hui, qu'est-ce qu'il dit? Eh bien, le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec, aujourd'hui, sur ce dont on parle ici – le ministre nous parlera peut-être de sa prochaine recette de la tarte aux poires ou aux prunes – dit ceci: Le Syndicat des professionnels s'opposera à la réouverture des conventions collectives.

M. le Président, quand est-ce que le président du Conseil du trésor va vouloir nous parler des vraies affaires, des vrais dossiers et de sa mesure permanente? Mesure permanente. Qu'est-ce qu'il va arriver aux gens, après 18 mois, lorsqu'on leur aura coupé leur salaire et qu'ils auront une réduction de leur semaine de travail? Qu'est-ce qu'il va arriver pour les enseignants? Qu'est-ce qu'il va arriver pour les gens dans les hôpitaux? Qu'est-ce qu'il va arriver aussi, M. le Président, pour les non-syndiqués? Eux, ils ne seront affectés par aucune mesure de contraction de leur niveau de salaire? Ils n'ont pas, eux, de diminution de leur niveau soit de semaine de travail, soit de rémunération?

Quel est le point de vue du Conseil du trésor? C'est tout à fait nébuleux ce que le Conseil du trésor et ce que le gouvernement pensent. Le gouvernement procède de façon à ce qu'on puisse malheureusement être obligés de l'accuser de cacher ce qu'il cherche à faire. Je voudrais, M. le Président, donner l'occasion au président du Conseil du trésor de pouvoir clairement, publiquement démontrer ce qu'il veut faire, ce qu'il entend faire pour que sa mesure devienne permanente et ce qu'il entend faire à l'égard des autres employés des secteurs public et parapublic, qui sont ceux qui ne sont pas syndiqués.

Le Président (M. Côté): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Maintenant, je cède la parole au président du Conseil du trésor et député de Labelle.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, je veux simplement conclure ce que je disais tout à l'heure, c'est que, au cours des semaines qui vont suivre, nous allons déposer, à l'Assemblée nationale, des crédits supplémentaires 1996-1997, et ces réaménagements ne constituent toutefois pas des dépassements parce que les hausses de crédits dans un programme vont être compensées par des disponibilités à l'intérieur d'un autre programme.

Maintenant, M. le Président, le député de Westmount–Saint-Louis, qui pose des questions et qui dit que le gouvernement se cache, je lui dirai que non, absolument pas, parce que le gouvernement, la semaine dernière ou la semaine d'avant, il y a maintenant neuf jours, a déposé à ses partenaires une proposition qui a été rendue publique et qui est toujours la même. Donc, je dirai simplement que, sur la base de cette proposition... Je lui demanderai de lire aussi un autre article de journal, qui est dans Le Devoir , par exemple, ce matin, où l'on dit que les actuaires de nos partenaires et les actuaires du Conseil du trésor se rencontrent pour examiner la proposition. Donc, nous discutons sur un plan technique, comme les syndicats, nos partenaires syndicaux l'avaient dit publiquement.

(10 h 50)

Alors, je voudrais rappeler la proposition du gouvernement, du Conseil du trésor, puis en rappeler aussi le contexte. Il s'agit de concilier des enjeux budgétaires et des enjeux de protection de l'emploi, ce qui a été l'un des sujets importants du dernier sommet économique. Donc, cette proposition a été déposée compte tenu de la nécessité de contribution de l'ensemble des composantes de la société québécoise, y compris les employés de l'État, compte tenu aussi du consensus sur la réduction du déficit budgétaire d'ici 1999-2000, qui, à mon sens est un objectif adopté, en tout cas, qui a fait l'objet de ce consensus durant la conférence de mars et le sommet d'octobre, la fin octobre, compte tenu aussi que les objectifs budgétaires gouvernementaux requièrent un effort récurrent de 2 600 000 000 $ à compter de 1997-1998, dont une part importante devrait provenir d'une réduction des coûts de main-d'oeuvre, compte tenu des priorités dans la Déclaration en faveur de l'emploi signée par le gouvernement, le patronat et les syndicats lors du Sommet sur l'économie et l'emploi, considérant aussi que les plans ministériels de compressions 1997-1998 identifient une gamme de mesures dont certaines ont un impact à la baisse sur le nombre d'effectifs, que la volonté du gouvernement existe de minimiser l'impact de l'effort de redressement budgétaire sur l'emploi dans les secteurs public et parapublic et compte tenu des ententes qui sont intervenues dans les différents secteurs lors du renouvellement des conventions collectives et qui permettent notamment aux parties, à la lumière de la situation budgétaire, d'intensifier à tout moment les discussions sur la recherche de solutions structurantes en matière d'organisation du travail, des clauses qui existent dans les conventions qui ont été signées l'an dernier et qui permettent ces discussions à ce stade-ci.

C'est dans ce contexte que le gouvernement a proposé aux centrales syndicales, aux organisations syndicales que, pour réduire les coûts de main-d'oeuvre, des discussions accélérées soient entreprises dès maintenant à l'échelle de chacun des secteurs concernés afin de convenir des différentes formes que pourraient prendre l'aménagement, le partage ou la réduction du temps de travail et de s'entendre, le cas échéant, sur les adaptations nécessaires aux conventions collectives découlant de ces mesures. On a aussi proposé, comme gouvernement, que, selon l'évolution de ces discussions, soient explorées des avenues en vue de réduire l'impact des mesures retenues sur le revenu net des employés visés par le biais, entre autres, d'une réduction des taux de cotisation des régimes de retraite et que les parties puissent disposer des résultats de ces échanges au plus tard le 9 décembre 1996.

Alors, c'est ça, la proposition gouvernementale. Elle est sur la table, elle est publique. Mais, maintenant, il y a des discussions techniques qui se passent, présentement. Alors, elles aboutiront. C'est à la table de négociation que ces choses-là vont être entendues. Je comprends que le député essaie de créer un peu de confusion en mêlant tous les genres, en jouant sur 1997-1998 et 1996-1997, mais disons que cette proposition-là est une proposition, que je ne qualifierais pas, je dirais simplement qui nous apparaît correcte, discutable. Qu'il y ait des contre-propositions, fort bien, nous verrons, mais c'est pour cela que nous demandons aux organisations syndicales de venir à la table. Parce que, au fond, il y a un problème financier qui est largement dû à nos amis d'en face, très largement dû à nos amis d'en face, et qu'il nous faut régler. Il y a un passage obligé.

Ce que nous proposons, c'est une réduction du temps de travail...

Le Président (M. Côté): M. le président...

M. Léonard: ...avec une diminution de salaire, avec une réduction de salaire, mais, par contre, pour passer cette période, nous disons et nous soulignons aux organisations syndicales qu'il y a des surplus qui vont se dégager au-delà de ceux qui existent actuellement et qui permettraient aux employés d'être compensés en très grande partie, sinon totalement. C'est à voir selon les discussions.

Le Président (M. Côté): Merci, M. le président du Conseil du trésor et député de Labelle. Maintenant, je cède la parole à M. le député d'Abitibi-Ouest, pour cinq minutes.


M. François Gendron

M. Gendron: Oui, merci, M. le Président. Je veux remercier sincèrement le député de Westmount– Saint-Louis d'avoir suggéré que des parlementaires, ce matin, prennent cette période d'interpellation pour discuter d'une situation qui est loin d'être agréable, mais c'est la nôtre. Elle existe. Donc, c'est un lieu privilégié pour en parler. Le député de Westmount–Saint-Louis voulait absolument que l'interpellation porte sur les compressions anticipées pour 1996-1997. Il a raison. Moi, en ce qui me concerne, il a raison. Ce dont il veut traiter fait partie, c'est un des éléments des compressions à appliquer pour la présente année, même si ses effets, la proposition – j'ose espérer que vous le savez – auront une portée plus forte sur l'année subséquente.

Puisque c'est un lieu privilégié, M. le Président, puis je n'ai pas peur, je vais y revenir, moi, dans mon autre cinq minutes ou mes autres cinq minutes, dans le premier, je voudrais profiter de l'occasion de rappeler comment la situation budgétaire du gouvernement du Québec est difficile. Même si je crois honnêtement, en conscience, qu'on a posé un certain nombre de gestes, est-ce qu'on a posé tous les gestes requis? À coup sûr, non, parce qu'on ne serait pas dans la situation où nous sommes. Mais est-ce qu'on a tenté d'agir sur ce que j'appelle le rythme de croissance des dépenses en les jugulant, en les contrôlant mieux, en faisant les efforts requis? Je crois que, globalement, oui, un peu plus nous que vous – et je l'illustrerai tantôt. Mais ça ne me tente pas bien, bien, ce matin, de faire de la petite politique pour amenuiser la gravité du problème, puisque mon exposé, pour les cinq prochaines minutes, c'est de dire que c'est grave.

Est-ce qu'on a tenté d'agir également sur les revenus? Moi, je pense que oui. Mais, à chaque fois qu'on tente d'agir sur les entrées fiscales puis les revenus, on a un signal, un signal fort, légitime du peuple, de la population puis ceux qui sont branchés. Le niveau de taxation est assez élevé, le niveau des tarifs est assez élevé, le niveau des charges de toute nature est assez élevé, puis, même, leur collègue le député de Laporte, hier, essayait de l'exagérer davantage en disant qu'on avait clenché une série de contribuables à ne plus finir avec une augmentation de taxation.

Ai-je besoin de rappeler cinq éléments? La dette, au moment où on se parle, au Québec: 76 000 000 000 $. Je n'aime pas ça. L'intérêt sur la dette: 6 000 000 000 $, croissance exponentielle. S'il y a des profs de maths dans la salle, ça veut dire que c'est le jet multiplié par toutes les normes aériennes. Ça veut dire que ça va vite en étoile. 1990-1991, 4 500 000 000 $ en cinq ans, 1 500 000 000 $ de croissance, 6 000 000 000 $ sur le budget des opérations courantes. Est-ce que le Québec est la plus endettée de toutes les provinces? Réponse: Oui. Est-ce qu'on aime ça? Non. Mais c'est important de rappeler que, là, le per capita est rendu à 10 400 000 000 $. Je ne fais pas ça parce que j'aime ça, mais vous allez voir où je m'en vais, moi.

Autre élément. Dans chaque dollar aujourd'hui – c'est une image que tout le monde peut comprendre – dans une piastre, il y a 0,20 $ qui valent zéro, c'est-à-dire que 0,20 $ de la piastre sont strictement pour payer le service de la dette, dans chaque dollar. Alors, tout contribuable qui me donne 1 $, il ne me reste que 0,80 $ pour agir sur des choses. J'ai 0,20 $ poubelle, piscine, appelez ça comme vous voudrez, qui ne servent à rien. Entre 1990-1991 et 1996-1997, donc en cinq, six ans, ça a augmenté de 0,05 $. Avant ça, avec une piastre, j'en avais pour 0,85 $ que je pouvais faire des affaires. En cinq ans, donc aujourd'hui, j'ai déjà 0,05 $ de moins dans 1 $ pour agir.

(11 heures)

Autre chose qu'il est important de rappeler – et ça, ça va introduire ce dont le député de Westmount– Saint-Louis veut parler, ça va l'introduire – très calmement, quand je jase avec mes électeurs, ils me disent: M. Gendron, est-ce que vous êtes d'accord qu'on ne peut plus continuer de la même façon dans les coupures de ce qu'on appelle les grands vecteurs ou les grands secteurs du budget de l'État? On ne peut pas ne pas agir, mais on ne peut pas continuer à couper dans les mêmes proportions. Je veux juste rappeler au député de Westmount–Saint-Louis – et je sais que, lui, il le sait, mais il n'en parle pas souvent à ses commettants... Puis, en passant, on n'a pas grand suggestions. Si ce qu'on a mis sur la table n'a pas d'allure, qu'est-ce qu'ils feraient, eux autres, nos amis d'en face? Mais je voudrais juste rappeler que, si je ne touche pas à la santé, puis si je ne touche pas à l'éducation, puis si je ne touche pas aux intérêts de la dette sur le budget d'opérations et à l'aide sociale, bien, là je viens de parler de 80 % de mon budget. Il m'en reste 20 %. Si je ne touche pas à ces gros morceaux là, comment je vais faire ça? Surtout – et là c'est ma conclusion de 30 secondes – qu'on a un retard, et là je cite, dans le contrôle des dépenses. C'est parce que, quand toutes les autres provinces ont commencé – puis, au moment où on se parle, il y a sept provinces qui font des surplus sur le budget d'opérations – vous autres, le gouvernement, vous vous traîniez les savates. Ça ne pressait pas. Vous en parliez énormément, du contrôle budgétaire, vous en parliez énormément, qu'il y avait une urgence d'assainir les finances publiques, mais dans les faits, là, quand on regarde le budget, on a bien de la misère à saisir ça. Je pourrais le démontrer, j'ai tous les tableaux. Il y avait encore une croissance du rythme des dépenses publiques. Alors, c'est quoi, votre discours d'aujourd'hui, de dire: Tout ce que vous faites n'a pas d'allure, la proposition n'a pas de sens? Puis jamais je ne vous ai entendu saisir que, dans la proposition, il y avait deux objectifs – je vais y revenir tantôt parce que c'est ça dont vous voulez bien parler – et ça, c'est majeur – oui, je conclus – réduire les coûts salariaux, mais minimiser les pertes d'emplois. Moi, je veux minimiser les pertes d'emplois.

Le Président (M. Côté): Merci, M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Bienvenue.

Le Président (M. Côté): Alors, je cède la parole maintenant à M. le député de Westmount–Saint-Louis.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. J'aurais aimé, puis je sens que je vais être servi parce que, enfin, on commence à vouloir parler des vraies choses. Le député de Labelle et le député d'Abitibi-Ouest commencent à vouloir discuter de ce que sont vraiment les eaux en termes de récupération et de compression, finalement, de dépenses. On cherche à compresser 1 400 000 000 $. Le député d'Abitibi-Ouest – et je suis tout à fait d'accord avec lui – veut sauver des emplois à l'intérieur de la fonction publique, et il a raison. C'est ce que nous avions justement fait dans le passé en gelant les salaires, pas en les augmentant, pas en donnant 1 000 000 000 $ en masse salariale supplémentaire après toute la nomenclature des problèmes mentionnés par le député d'Abitibi-Ouest, et il avait raison. On ne donne pas d'augmentation de salaires à ses employés, même si c'est avant le référendum, on se retient un peu et puis on évite comme ça de se mettre dans la misère noire sur le plan de ses finances publiques plus tard. Voilà ce que nous avions fait; voilà ce que vous auriez dû faire.

Aujourd'hui, on cherche à récupérer 1 400 000 000 $, une mesure permanente, celle de la réduction du temps de travail auprès des employés. Ma question au président du Conseil du trésor, qui n'a pas été répondue, c'est la suivante: Vous laissez entendre ce matin que, dans 18 mois... Vous allez me dire: Ce n'est pas une compression pour demain matin, celle-là est dans 18 mois. Le monde, c'est demain matin qu'il vote. Ceux de la FTQ qui ont commencé à voter aujourd'hui puis qui disent non à la proposition gouvernementale, c'est l'avenir qui les préoccupe. Vous leur dites: «Toutefois, il a tenu à préciser – le «il», c'est le président du Conseil du trésor – que cela ne signifiait pas que les salariés du secteur public allaient automatiquement voir leur rémunération chuter de 6 % à 8 % à compter du 1er juillet 1998.» Ça ne signifie pas exactement ça, parce que je présume que vous allez le négocier, mais ça implique que les gens vont perdre quelque chose. Il faut leur dire aujourd'hui, il ne faut pas avoir peur de leur dire. Il faut être honnête et capable de le dire. Mais ça, évidemment, il n'y a personne qui va vous croire, qu'on va diminuer de trois heures le temps de travail des employés du gouvernement sans qu'il n'y ait de perte quelque part.

Je vous invite à clarifier votre discours politique sur ce sujet. Vous commencerez lundi, si vous voulez, si le congrès est trop brusque ou est trop près de vos échéances. Vous commencerez lundi, mais dites-le. Dites aussi aux gens qui ne sont pas syndiqués, dites aux gens qui sont – puis commençons par les travailleurs les plus précaires, là – des employés occasionnels du gouvernement, dites aux gens qui sont des employés temporaires du gouvernement, dites aux gens qui sont employés temporaires dans les réseaux de la santé plus particulièrement ce qu'il va arriver d'eux autres. Dites aux gens qui ne sont pas syndiqués, aux cadres, quelle est la ponction sur leur salaire que vous avez l'intention de prendre. Dites-le, soyez honnête, parce que, en principe, au 1er janvier, on doit être capable de savoir ces questions-là, on doit être capable de savoir combien le gouvernement va récupérer.

M. le Président, là on est le 22 novembre. Le 9 décembre est la date d'échéance. La première date d'échéance était le 6. On a reculé ça au 9, disons le 9 à 20 heures, après la clôture des boîtes de scrutin dans le comté où il y a une élection partielle le 9 décembre, ça serait mieux. Le 9 décembre, la nouvelle échéance, mais le 10 on va être en Chambre. Vous allez nous dire quoi? Vous allez nous déposer un projet de loi qui va finalement conventionner ce que vous avez l'intention de faire s'il n'a pas été préalablement autorisé et s'il n'a pas été préalablement adopté, avalisé par les centrales syndicales?

C'est bien beau de faire des séances de rencontre entre actuaires syndicaux puis actuaires du gouvernement, finalement, du côté de nos employés, les gens qui, il y a à peine un mois, estimaient que les régimes de retraite étaient sous-capitalisés, contrairement à ceux de l'Ontario, par exemple, pour ceux des enseignants, et le député d'Abitibi-Ouest connaît ça, eh bien, on est en mesure de penser qu'ils vont continuer à réfléchir comme ils l'ont fait il y a un mois. Qu'est-ce qui arrive, M. le Président, pour l'avenir des employés des secteurs public et parapublic après qu'ils auront baissé leur semaine de travail de trois heures? Et qu'est-ce qui arrive à ceux qui ne sont pas syndiqués? Qu'est-ce qui arrive à ceux qui sont précaires, qui sont occasionnels et qui sont sans sécurité d'emploi, occasionnels et à temps partiel?

Le Président (M. Côté): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Alors, M. le président du Conseil du trésor, vous avez la parole pour cinq minutes.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président. De qui nous viennent ces remarques? De l'ancien adjoint parlementaire du président du Conseil du trésor dans l'ancien gouvernement, qui constitue l'opposition officielle, puis qui a accumulé les déficits que l'on sait et qui est sorti avec un déficit de 5 700 000 000 $ en 1994-1995, sur l'année financière 1994-1995.

M. le Président, nous ramassons le désastre que vous avez occasionné, dont vous êtes responsables. Donc, aujourd'hui, nous voulons assainir les finances publiques, remettre ces finances en bonne santé, comme l'ont fait les autres provinces canadiennes. Mais, pendant que cet ancien gouvernement a été au pouvoir, ils n'en ont rien fait, ils ont aggravé la situation. Notre carte de crédit est pleine et nous devons rétablir l'équilibre.

Donc, pour revenir plus précisément à ce qui nous concerne ici, nous avons fait une proposition à nos partenaires employés. Alors, cette proposition porte sur une période déterminée actuellement en ce qui concerne les mesures de compensation. Mais, sur le fond, nous savons tous que nous devons réduire de façon structurelle le budget de dépenses du gouvernement du Québec. Si l'opposition ne le sait pas, elle vient justement de démontrer que la population a eu raison de l'éjecter du gouvernement.

Alors, nous faisons cette proposition de réduction du temps de travail, ou d'aménagement, ou de partage du travail dans la foulée, d'ailleurs, de ce que tout le monde souhaite, qu'on maintienne l'emploi le plus possible. Donc, il y aura plus de gens au travail. Réduction du temps de travail, c'est un des exemples importants qui pourraient survenir dans la fonction publique. Cela veut dire aussi que le salaire nominal n'est pas affecté comme tel, mais que la paie en termes salarial est réduite. Qu'est-ce que nous indiquons à nos partenaires? Donc, ça, c'est notre proposition. De toute façon, sur le plan de la structure des coûts, nous devons y venir sur une réduction qui comporte une réduction des coûts de main-d'oeuvre. En compensation, nous indiquons qu'il y a des surplus qui vont se dégager à partir du 1er janvier 1997 qui pourraient être affectés à compenser la perte, de sorte que, durant un an et demi, le salarié va se retrouver avec une paie qui est la même, relativement la même. Qu'est-ce qu'il y a durant ce temps-là? Nous allons discuter sur la façon d'arriver à réduire les coûts de main-d'oeuvre dans l'ensemble de l'État, secteur par secteur, parce que ça peut être différent d'un secteur à l'autre, tout le monde le comprendra. Nous allons disposer d'un an et demi, le temps que la présente convention se termine, tout en respectant les engagements de la présente convention. C'est ça qui se fait, M. le Président. C'est ça qui se fait.

(11 h 10)

Donc, notre proposition est claire, elle est, je dirais, correcte parce qu'elle pose les vrais enjeux des coûts de main-d'oeuvre. Ils sont élevés, les coûts de main-d'oeuvre à l'intérieur du gouvernement du Québec, pas parce que les gens sont trop payés. On le sait tous, ils sont payés environ, d'après les études de l'IRIR, à moins 2 % du privé. Par ailleurs, la paie globale, la rémunération globale dépasse de 4,3 % le privé, notamment à cause des bénéfices des fonds de pension. Bon. Mais ce sont des avantages acquis, je n'en disconviens pas. Je dis qu'il y a une occasion de compenser le temps de procéder à des mesures structurelles permanentes et puis d'en deviser et d'en discuter avec nos partenaires. C'est ça, l'essentiel de la proposition. Je pense qu'il faut la considérer comme telle. Nous y reviendrons, M. le Président, vous me faites signe que c'est fini. Mais je voudrais qu'on sache, juste pour conclure, que, pour la suite des choses, il y a obligation de résultat si l'on veut être sérieux lorsque l'on parle de bonne santé financière des finances publiques.

Le Président (M. Côté): Merci, M. le président du Conseil du trésor. Je suis prêt à recevoir maintenant l'intervention du député de Crémazie. M. le député.


M. Jean Campeau

M. Campeau: Oui, M. le Président. De fait, quand on regarde ça et qu'on écoute le député de Westmount–Saint-Louis, il semble aimer les déficits. Là-dessus, il rejoint son parti parce que le Parti libéral, lui aussi, semble aimer les déficits. Alors, on peut donc dire qu'il est solidaire de son parti. À ce niveau-là, M. le Président, je prends une déclaration qui remonte à mars 1984, alors que le Parti libéral était encore au gouvernement mais sur le point de sortir. Lors du budget, le ministre des Finances d'alors avait déclaré: Le niveau du déficit, actuellement, est tolérable. Ce déficit-là, à l'heure actuelle, s'annonçait à 4 700 000 000 $. Il disait: Il est acceptable, il est tolérable, compte tenu de l'état de l'économie québécoise, une économie qui sort d'une récession. Donc, le député de Westmount–Saint-Louis était sûrement d'accord avec cet énoncé-là.

Ce qu'il faut comprendre, M. le Président, c'est qu'un gouvernement, en temps de prospérité, doit faire des surplus pour permettre qu'en temps de ralentissement on puisse faire des déficits. À la fin, au bout de quelques années d'un cycle, mettons, de cinq ou six ans, on devrait arriver avec zéro déficit, parce que les surplus d'une année pourraient compenser les déficits de l'autre. Donc, la théorie dit: En temps de prospérité, efforçons-nous de faire des surplus et, en temps de récession, bien, on pourra se permettre des déficits. Ce n'est jamais souhaitable, de faire des déficits, mais, quand même, quand il faut relancer l'économie, on pourra se permettre de faire des déficits.

On voit bien que le gouvernement du Parti libéral, lui, il ne croit pas à cette théorie-là parce que, même en temps de prospérité, il continue à faire des déficits. Alors, nous, du gouvernement, bien, si l'ancien gouvernement a pris des mauvaises décisions, on est pris avec. Alors, il nous faut quand même corriger les erreurs en plus de bien gérer. Ça explique pourquoi l'effort qu'on a à faire est quand même assez important, à l'heure actuelle, et pas facile. Il faut quand même l'admettre, ce n'est pas facile de réduire le déficit. Alors, c'est pourquoi le gouvernement se doit d'être vigilant.

Le déficit, on est d'accord ici, de ce côté-ci de la Chambre – je ne sais pas si, de l'autre côté, ils sont d'accord – il doit être réduit. Il doit être réduit, bien sûr, dans le respect et avec la coopération de toutes les Québécoises et de tous les Québécois. Mais ce déficit-là doit être réduit et, de plus en plus, la population en est consciente et est d'accord, sauf, c'est évident, qu'elle souhaite qu'on ne coupe pas, qu'on ne la prive pas de services ou qu'on sache bien gérer, ce qu'on est en train de faire, M. le Président. Mais vous comprendrez que ce n'est pas facile, parce que, en même temps qu'on travaille à réduire notre déficit, bien, il faut quand même parler du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral, on y envoie, nous autres, les Québécois et les Québécoises, les compagnies, les particuliers, 29 000 000 000 $ en impôts. Lui aussi, il veut réduire son déficit, alors il le réduit à nos dépens.

Alors, nous, regardez comment on est mal pris: en plus de vouloir corriger les erreurs de l'ancien gouvernement, on est pris avec un gouvernement, à Ottawa, qui nous envoie moins de transferts. Autrement dit, notre 29 000 000 000 $ qu'on envoie, on en voit de moins en moins la couleur. On devrait en recevoir au moins le même montant. On envoie 29 000 000 000 $, peut-être plus. Alors, d'année en année, il nous réduit. Alors, en 1995-1996, on recevait 7 500 000 000 $. Ça va en diminuant. Cette année, 1996-1997: 6 600 000 000 $. En l'an 2000, on va atteindre 5 200 000 000 $. Alors, regardez ce qu'on a à combattre: en plus de combattre la mauvaise gestion de l'ancien gouvernement, de vouloir ramener le déficit à zéro, on est pris avec un gouvernement fédéral qui ne nous retourne plus notre juste part du 29 000 000 000 $ qu'on lui envoie chaque année. Alors, pour un ministre des Finances et pour un président du Conseil du trésor, c'est évidemment de la grande gymnastique qu'il faut faire pour rejoindre les deux bouts.

Alors, comme je le disais tout à l'heure, ce déficit, il doit être ramené à zéro, il doit être réduit, mais, bien sûr, dans le respect de tous les citoyens et les citoyennes du Québec, et il nous faut leur coopération. Sans eux, on ne peut aller nulle part. C'est pour ça qu'il faut discuter avec les syndicats. Il faut discuter avec nos employés pour trouver une solution. Il faut se mettre à table, comme le disait le président du Conseil du trésor, les rencontrer et trouver des solutions, trouver les meilleures solutions possible.

Le Président (M. Côté): Merci, M. le député de Crémazie. Je cède la parole maintenant au député de Westmount–Saint-Louis.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Je ne peux pas dire que j'ai été vraiment éberlué par les deux déclarations faites précédemment par le député de Labelle et le député de Crémazie. Dans les deux cas, la tentative d'imputation des problèmes budgétaires du gouvernement du Québec depuis Olivier Taillon, premier ministre, jusqu'à aujourd'hui aux libéraux fait dans la grossière indécence, à mon avis.

Le député de Labelle était membre du gouvernement de 1976 et de 1984, le député d'Abitibi-Ouest aussi, puis le député de Crémazie, lui, il était sous-ministre du ministre des Finances. On va regarder ensemble juste 15 secondes c'était quoi, le bilan de ce gouvernement-là qui, selon la recette magique du député de Crémazie, aurait dû faire des surplus en temps de croissance. Eh bien, entre 1976 et 1985, le déficit est passé de 5 000 000 000 $ à 25 000 000 000 $. Le déficit a augmenté, a été multiplié par cinq fois sous un gouvernement péquiste dans lequel chacun d'entre vous avez été des acteurs majeurs. Le gouvernement libéral a repris votre succession de déficits et a ensuite réussi à minimiser ces déficits, à ramener, en 1989, année justement plus prospère, à 1,1 % le déficit en pourcentage du PIB, et il a augmenté par la suite. Vous vous souviendrez peut-être qu'on a eu une crise économique en 1990-1991 qui a fait en sorte d'augmenter le niveau de déficit, c'est vrai.

Par la suite, évidemment, le député de Crémazie qui dit: Bien, c'est la faute du fédéral. Le député de Crémazie devrait être à genoux en train de remercier le gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral lui a envoyé 542 000 000 $ qu'il n'escomptait pas, qu'il n'estimait pas, pour pouvoir lui permettre de boucler son budget 1995-1996. Sans ça, il aurait été encore endetté de 542 000 000 $ de plus. Tout à l'heure, il aurait dû écouter le député de Labelle quand il disait: Oui, on a passé... Je lui parlais des problèmes...

Le Président (M. Côté): M. le député de Westmount–Saint-Louis, voudriez-vous, s'il vous plaît, continuer à vous adresser à la présidence?

M. Chagnon: Oui, c'est ce que je fais. Je le fais par votre intervention, M. le Président. M. le Président, le député de Crémazie aurait été bien mieux d'écouter le député de Labelle lorsqu'il disait: On a eu un coup d'eau au Lac-Saint-Jean. Ce n'est pas drôle, effectivement, mais c'est le gouvernement fédéral qui, dans le fond, va en payer 90 %. Il aurait dû écouter ça aussi.

M. le Président, je voudrais revenir au sujet que j'évoquais. Je comprends la difficulté budgétaire. Le ministre président du Conseil du trésor a 1 400 000 000 $ qu'il tente de récupérer sur la masse salariale de ses employés. Il ne nous a pas dit un mot sur ce qu'il comptait... à moins qu'il n'ait pas de prévision de compression sur la masse salariale des employés non syndiqués, pas un mot. Mais le 1er janvier, ça vient pour tout le monde, syndiqués, non-syndiqués. S'il ne veut pas nous dire ce qu'il compte faire, bien, c'est son droit, mais, à ce moment-là, qu'il ne cache pas ce qu'il devrait dire, d'une part.

Deuxièmement, le 9 décembre, quand les gens vont lui dire non – un peu partout, il se fait dire non sur ses propositions – quand il va revenir avec son projet de loi, eh bien, à ce moment-là, quelle sera son attitude par rapport au règlement qu'il aurait pu avoir s'il avait justement négocié peut-être un peu plus de bonne foi avec ses employés, en leur disant à l'avance, même avant le sommet, ce qui s'en venait? On ne peut pas croire que, à trois semaines ou un mois et demi avant la fin de l'année fiscale, on se ramasse tout d'un coup avec, pouf! un coup de baguette magique, une demande de récupération de 1 400 000 000 $ de la masse salariale des employés de l'État. On trouve ça un petit peu particulier. Vous conviendrez avec moi que, sur la plan de l'annonce faite à Marie, ça fait un peu spécial.

(11 h 20)

Et là on n'a pas de réponse de la part du président du Conseil du trésor à savoir ce qui se passe si, le 9 décembre, on ne s'entend pas. On aura, entre le 9 et la fin de la session, on présume, une loi spéciale pour faire en sorte d'adopter le plan de compressions budgétaires du ministre, mais on ne sait pas non plus ce qui va arriver. C'est quoi, les compressions? Est-ce qu'il va y avoir des demandes de compressions pour les non-syndiqués? C'est quoi? Il n'y a rien qui nous dit, par exemple, que l'effort de compressions qui est demandé aux syndiqués, on ne le retrouvera pas partout ailleurs dans la fonction publique. Et, dans ce sens-là, M. le Président, ça devient des questions extrêmement, il me semble, en tout cas, importantes et qui doivent être répondues le plus rapidement possible pour calmer les gens dans les secteurs public et parapublic.

Le Président (M. Côté): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Maintenant, je cède la parole au président du Conseil du trésor et député de Labelle, pour cinq minutes.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, d'abord, je rappelle qu'il y a une proposition sur la table. C'est une proposition. On peut la prendre en deux volets. Une partie, premier volet, est une réduction des coûts de main-d'oeuvre par le biais de l'aménagement du temps de travail, du partage du travail, par une réduction du temps de travail qui vise à maintenir l'emploi. Ça, c'est une chose que l'on doit considérer en elle-même. Par ailleurs, nous, nos actuaires nous disent qu'au-delà des surplus existants de 8 200 000 000 $ dans les fonds de pension à l'heure actuelle, à partir du 1er janvier, il va se dégager des surplus additionnels, virtuels mais additionnels. Nos actuaires nous disent que, selon des hypothèses très prudentes, ils peuvent nous assurer qu'ils existent. Bon, on pourrait les utiliser pour compenser des réductions de salaires. C'est ça, la proposition. Effectivement, cette partie, là, ce sont des surplus accumulés du côté des employés, mais on leur indique que ça existe et qu'ils pourraient les utiliser, parce que, autrement, cela voudrait dire qu'il faudrait bonifier des fonds de pension qui sont déjà, quand même, intéressants actuellement, compte tenu de comparaisons avec le privé.

Nous avons déposé une telle proposition sur le plan technique. Nos gens rencontrent les parties, les organisations syndicales, au plan technique, pour vérifier si les hypothèses sont bien prudentes. C'est ce qui se fait. M. le Président, je voudrais juste dire qu'il faut faire ces choses présentement, il faut les faire, jour après jour, le plus vite possible. C'est dans ce sens-là que nous invitons les organisations syndicales à nous parler, sur un plan technique, pour voir, pour vérifier, puis je suis heureux de constater que c'est en train de se matérialiser, en tout cas, toujours sur un plan technique. Maintenant, M. le Président, le député de Westmount–Saint-Louis nous parle du 9 décembre. Je dirai que nous sommes aujourd'hui au 22 novembre. Le temps presse, mais nous devons vérifier l'hypothèse que nous avons, examiner la proposition. Moi, je fais l'hypothèse, aussi, que nous allons déboucher sur des discussions très positives sur ce plan-là, parce que c'est une chance qu'il y ait de tels surplus qui évitent d'avoir à faire une réduction nette des salaires.

Alors, voilà où nous en sommes. Je fais l'hypothèse que nous allons nous entendre. Par ailleurs, en termes de perspectives, ce qu'il est important de comprendre, c'est que cela nous donnerait plusieurs, plusieurs mois de discussions pour en arriver à des mesures structurantes de remplacement. Donc, nous allons continuer de nous parler. Est-ce que c'est impossible de nous parler? Je dirai qu'il y a eu des discussions: il y a eu la rencontre de mars, il y a eu, par exemple, des discussions en ce qui concerne la CARRA qui ont été positives, il y en a eu sur la déréglementation. Nous ne cherchons absolument pas l'affrontement; nous cherchons une proposition consensuelle qui nous amène à rendre compte ou, en tout cas, à transformer la proposition qui est sur la table. Qu'il y ait des contre-propositions, nous, nous sommes très ouverts à les entendre.

Alors, là, maintenant, on voudrait que je réponde à une question hypothétique. C'est le genre de chose à laquelle je ne réponds pas. Quant à l'autre question du député de Westmount–Saint-Louis, en temps et lieu, nous aviserons. C'est ce que je lui dis: En temps et lieu, en ce qui concerne les non-syndiqués, nous aviserons.

Le Président (M. Côté): Alors, merci, M. le président du Conseil du trésor. M. le député d'Abitibi-Ouest, vous avez la parole.


M. François Gendron

M. Gendron: Oui, M. le Président. Tranquillement, je veux quand même en profiter pour que le député de Saint-Louis, qui était le demandeur de l'interpellation, arrive le plus près possible d'un certain nombre de réponses sur la proposition qui est sur la table. Je veux dire, à ce moment-ci, deux choses.

Il faut se rappeler que, même s'il y a eu des efforts de compressions, les effectifs de la fonction publique... Et, en particulier, encore, avec nos amis d'en face qui disaient qu'ils les gelaient, mais ils augmentaient les effectifs d'occasionnels d'une façon assez significative, des embauches d'occasionnels. Quand tu comptes une série d'occasionnels, dans le jargon, ça fait des équivalents temps complet en addition.

Je ne porte qu'un jugement statistique. Est-ce qu'il y a eu croissance, dans les 10 dernières années, même si on faisait des compressions? La réponse, c'est oui, parce que les effectifs ont augmenté de 6,4 %, en moyenne, au total. Est-ce que la rémunération, également, a été touchée? La réponse, c'est que, dans les 10 dernières années, la rémunération de la fonction publique a toujours suivi à peu près l'inflation. Est-ce que les salariés sont gelés depuis un certain nombre d'années? Les salariés de l'État, est-ce qu'il y en a qui sont gelés depuis un certain nombre d'années? La réponse, c'est oui. Est-ce que ces gens-là ont fait des sacrifices? C'est oui. Est-ce qu'ils ont largement contribué, fait leur part? C'est encore oui, dans mon livre à moi. Donc, il n'est pas question, là... Parce que j'y tiens, le moment est privilégié, il n'y a pas de charge contre ces gens-là. Je respecte énormément le travail de ces gens-là. On a besoin de ces gens-là, puis, oui, ils ont fait des sacrifices.

Mais, malgré tout ça, j'ai d'autres problèmes encore aujourd'hui. Un, les mêmes gens, par leurs représentants, ont convenu qu'il fallait atteindre l'objectif zéro d'ici l'an 2000. Et, écoutez bien, M. le Président, ce qu'on est obligés de dire encore: 58 % du budget de l'État est pris par tout ce qu'on appelle la rubrique rémunération globale. Ça touche 58 % de l'État. Même si ces gens-là ont dit: On a été gelés, même si ces gens-là ont dit: On a fait des sacrifices – ils ont raison, en plus, là, ça, je ne nie pas ça, je n'ai pas de trouble avec ça – mais est-ce qu'il y a eu, pour l'État québécois, un coût additionnel sous la rubrique rémunération? Bien oui, parce que, entre-temps, il y a eu toute la question légitime, normale de ce qu'on appelle communément, là, l'égalité en emploi, les bénéfices aux auxiliaires familiales, un certain nombre d'exemples d'équité légitime, normale.

Rappelez-vous les décisions qu'on a été obligés de donner au Conseil du trésor pour des dossiers latents d'équité en emploi. Puis, je répète, je n'ai pas de gêne, moi, je suis heureux que l'État ait contribué à faire ça, mais ça a eu comme conséquence que la facture pour l'État sur l'item ou la rubrique rémunération, ça a augmenté. Les gens, au sommet, ils ont dit: On voudrait, en même temps qu'atteindre l'objectif du déficit zéro en l'an 2000, protéger l'emploi. On voudrait avoir des mesures qui font qu'on arrête d'avoir toujours un seul réflexe: on coupe, coupe, coupe, non seulement dans les services, parfois, à la population, même si on ne veut pas, à cause des grands postes budgétaires, éducation, santé, mais dans les effectifs.

(11 h 30)

Alors, c'est ça qui a été déposé, parce que la rémunération occupant une grande place, il faut agir dessus. La proposition qu'on vient de déposer permettrait de protéger l'augmentation prévue de 1 % pour les deux prochaines années. Oui, augmentation consentie, augmentation négociée, augmentation, d'après moi, qui était justifiable compte tenu des sacrifices qu'ils ont fait. Mais, aujourd'hui, on se rend compte qu'il y a un endroit où on pourrait puiser. Et là, regardez, c'est très important – il me reste du temps? O.K. – regardez bien ça, là. Est-ce qu'il est exact que, lorsque les salaires et l'inflation grimpent moins vite qu'on l'avait prévu et qu'on aura moins besoin de revenus pour donner suite à nos obligations... C'est ça, là, on a moins besoin de revenus que prévu pour donner suite à nos obligations. On regarde s'il n'y a pas un endroit donné où, tout en respectant nos engagements pris, temporairement on pourrait puiser puis dire: C'est à même ce fonds-là?

Un, on va protéger les emplois, on va rencontrer nos objectifs. Puis ce n'est pas parce qu'on est méchants, ce n'est pas parce qu'on veut vous planter; écoutez, c'est parce que les besoins qu'on avait prévus dans le fonds de retraite sont moindres qu'estimés et qu'il y a un surplus accumulé. On ne veut pas vous le voler. Temporairement, on vous demande de prendre un congé de cotisations pour l'affecter sur la protection de l'emploi et la protection, également, des revenus qui vous permettront de consommer, de dépenser et éventuellement de continuer à faire rouler l'économie. C'est moins grave que de dire: L'augmentation que je t'avais dit que tu aurais, je ne peux pas te la donner. Moi, j'aime mieux leur payer 1 % tel que prévu puis regarder si, à même le fonds accumulé, il y a un surplus là qui peut être utilisable, tout en respectant nos engagements, par exemple. Puis je vais y revenir encore en conclusion.

Le Président (M. Côté): Merci, M. le député d'Abitibi-Ouest. M. le député de Westmount–Saint-Louis, vous avez la parole.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Sur les derniers propos du député d'Abitibi-Ouest, et qui sont sensés, je comprends la mécanique et le raisonnement que fait le député d'Abitibi-Ouest. Il dit: Il y a un surplus accumulé dans le fonds de pension, il y a un surplus accumulé qui est basé sur le fait que l'inflation a été plus faible que prévu. C'est vrai. Il a raison, le député d'Abitibi-Ouest, l'inflation a été plus faible que prévu. Les actuaires se sont basés sur des calculs erronés quand ils ont fait leurs prévisions. Mais ces calculs-là sont faits sur une base de cinq ans. Ils se sont trompés sur cinq ans. Or, ces calculs-là valent pour 30 ans. Est-ce que le député d'Abitibi-Ouest peut raisonnablement – puis la réponse, c'est non – imaginer que, dans les 25 ou 30 prochaines années, les mêmes gens qui font les mêmes calculs et qui ne se trompent pas sur leurs calculs, mais qui se trompent sur la paramétrisation, sur les paramètres de leurs calculs comme l'indexation, ils ne se tromperont pas pour les 30 prochaines années? Et, s'ils se trompent à l'envers, si l'inflation est plus forte que celle qu'ils prévoient, eh bien, c'est l'envers qui va se passer, c'est le fonds, c'est la banque, c'est l'actif du fonds actuariel ou c'est le surplus actuariel qui, lui, va fondre. Et c'est là le danger de cette proposition gouvernementale.

Ceci étant dit, M. le Président, je voudrais, toujours dans le but de regarder les compressions budgétaires faites et demandées par le Conseil du trésor, signaler au président du Conseil une note – puis je ne prétends pas que le président du Conseil puisse connaître ça par coeur, j'ai peut-être plus de temps pour regarder toutes sortes de choses qu'il en a lui-même – «Normes et pratiques de gestion», tome II, répertoire dans les circulaires du ministère de la Santé et des Services sociaux. C'est expédié par le directeur général de la coordination régionale et ça concerne le «Manuel de gestion financière des établissements». Le président du Conseil est un comptable de profession, je le lui remettrai, s'il le veut, après notre interpellation.

On retrouve, dans ce dossier, que, depuis le 1er avril 1996, on modifie les conventions comptables dans le secteur de la santé. J'aimerais savoir si le Conseil du trésor a accepté les modifications comptables du ministère de la Santé dans ce domaine-là, où la liste des dépenses devant être capitalisées au fonds d'immobilisation est modifiée pour inclure les acquisitions de logiciels, les frais de développement de systèmes informatiques et tout contrat de location-acquisition. On ajoute aussi que les dépenses relatives à la capitalisation des logiciels et des frais de développement de systèmes informatiques sont devenues justement des dépenses d'immobilisation plutôt que des dépenses d'opérations courantes.

Le président du Conseil sait que, dans le secteur, n'importe qui qui fait affaire avec des dossiers comme ceux-là, depuis toujours, on a investi à court terme pour financer, on a investi dans nos opérations pour financer nos projets d'implantation de réseaux informatiques et les réparations majeures, les rénovations, l'aménagement des immeubles, l'acquisition et la construction d'immeubles. C'est dans le même paragraphe dans le manuel dont je parle. Dans le même paragraphe, on parle d'acquisition et de construction d'immeubles et, ensuite, on ajoute – ça, c'est l'élément nouveau: frais de développement d'un système informatique ayant pour effet d'apporter des avantages futurs sur plusieurs exercices. C'est la façon dont on cherche à l'intégrer. On cherche à modifier la convention comptable pour faire en sorte de diminuer, dans le fond – je comprends l'objectif – le coût des opérations courantes des hôpitaux.

Je rappelle au président du Conseil du trésor que la réaction dans le milieu hospitalier, et particulièrement au niveau des administrateurs, a été celle-ci, un peu désastreuse: Une manoeuvre comptable fait fondre le déficit des hôpitaux. Par un jeu comptable, Québec réduit artificiellement le déficit de ses hôpitaux. Une directive transmise à la mi-août à l'ensemble des établissements de santé du réseau fait disparaître 35 000 000 $ d'encre rouge des livres.

Est-ce que le ministre est tenté de me dire aujourd'hui que c'est une façon normale de transférer aux immobilisations les investissements en matière informatique?

Le Président (M. Côté): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. M. le président du Conseil du trésor, vous avez la parole.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, je pense que le député de Westmount–Saint-Louis ou n'a pas écouté ou dormait lorsque le discours sur le budget a été lu le printemps dernier, parce que cette mesure a fait même l'objet d'un amendement à la Loi sur l'administration financière en juin. Pour ce qui est de la fonction publique, tout cela a été fait en toute transparence et répond aussi à une donnée très concrète qui est que des dépenses de développement en informatique... Quand on parle de dépenses de développement, il s'agit de définir des systèmes qui, en général, durent au moins sept ans, 10 ans dans la pratique, plus que sept ans, mais des éléments fondamentaux dans les systèmes informatiques, et ce sont ces dépenses qui sont amorties. Cela a été annoncé au discours du budget et est fait par amendement à la Loi sur l'administration financière. Alors, je veux juste rappeler les choses là-dessus.

M. le Président, je voudrais quand même revenir sur des questions du député de Westmount–Saint-Louis. Il y a sa notion des excédents où il essaie de mousser la crainte qu'on peut avoir quant à l'avenir. Je dirais que c'est une préoccupation qui est compréhensible par rapport à l'avenir. Il y a toujours des fluctuations dans l'activité économique, il y a des cycles économiques, il y a des périodes de récession avec des périodes de croissance économique, cela existe.

Qu'est-ce que nous avons actuellement dans nos régimes? Nous avons un surplus accumulé de 8 200 000 000 $ pour répondre notamment au vieillissement, le facteur de vieillissement de la population, donc à des données démographiques qui sont les données à peu près les plus importantes qu'il y ait dans ces considérations. Il y a aussi, dans ce 8 200 000 000 $, une provision qui est faite pour prévoir aux fluctuations économiques, aux différents paramètres économiques. Bon. Ce que nos actuaires nous disent, c'est que, au-delà de ce 8 200 000 000 $, il y aura encore des surplus. Parce que, là aussi, il y a le fait que l'inflation est beaucoup plus basse, que l'évolution des salaires a été moins prononcée que ce qui avait été prévu, etc., que les rendements sur les placements sont plus élevés. On sait qu'il y a des rendements nets, à l'heure actuelle, qui dépassent 6 %, alors que, durant des années, on a prévu que ces rendements nets seraient de 3 % ou 4 %, mais rarement, là, les actuaires avaient prévu que ces rendements nets là dépasseraient le 4 %. Ce sont des hypothèses d'ailleurs retenues même sur le plan international, de façon générale.

Alors, il y aura des surplus additionnels. Bon. Est-ce qu'on va continuer à les accumuler? La provision, à l'heure actuelle, est de l'ordre de 37 % des engagements, si je comprends, ou des prévisions qu'il y a là, alors qu'on pourrait se satisfaire de 25 %. Donc, c'est amplement provisionné; il y en aura encore au-delà du 37 %. Et c'est là où nous indiquons aux organisations syndicales, à l'heure actuelle, qu'on pourrait utiliser ces surplus additionnels, au-delà de la provision de 8 200 000 000 $, pour compenser une réduction des coûts de main-d'oeuvre. Bon. Ça se situe dans un contexte, c'est de cela que nous voulons parler. Techniquement, nos gens sont en train de vérifier ou vont vérifier ces jours-ci la valeur des hypothèses. Je reviens là-dessus, sur le caractère de la proposition que nous faisons, en rappelant une chose: pour 1 $ de coût de main-d'oeuvre au gouvernement du Québec, en moyenne, il y a 62 % de salaire et 38 % d'avantages sociaux.

Je pense que, dans l'année et demie ou dans les deux ans qui viennent, nous pouvons nous asseoir et en discuter. La mesure qu'il y a là, sur ce plan-là, peut avoir un caractère transitoire. Il y a cependant le fait qu'il faut réduire nos coûts de main-d'oeuvre globalement. Mais on peut amener toute espèce de suggestion, nous pouvons discuter. C'est ce que nous voulons faire avec nos partenaires du monde du travail. C'est ça que nous proposons. Mais nous avons cependant une obligation de résultat que l'on peut atteindre par la proposition que nous avons mise sur la table.

(11 h 40)

Le Président (M. Côté): Merci, M. le président du Conseil du trésor. M. le député d'Abitibi-Ouest.


M. François Gendron

M. Gendron: M. le Président, je voudrais poursuivre sur ce qui m'apparaît l'élément le plus important ce matin. M. Jean-Robert Sansfaçon, dans Le Devoir , disait aujourd'hui, je pense: «Il faut négocier.» Ça, on en est convaincus, ça vient d'être rappelé par le président du Conseil du trésor. Puis il ajoutait: «Pour le maintien de l'emploi, la piste suggérée par Québec est loin d'être farfelue.» Et là, si on faisait de la petite politique, au tout début de l'introduction, le député de Westmount–Saint-Louis disait: Écoutez, c'est une piste qui n'a pas d'allure, qui n'a pas de bon sens, ce n'est pas intelligent de regarder ça.

Alors, moi, je voudrais juste ajouter très sereinement et très calmement à ce que j'ai dit tantôt, parce que, quand le député a repris mes propos, il a dit: Oui, mais, écoutez, les actuaires peuvent se tromper, puis, s'ils se trompent, bien, justement les surplus vont servir. Moi, je trouve qu'il a raison, mais il a oublié une condition, et il le sait. J'ai bien dit, moi: Si j'étais syndiqué, j'exigerais à mort que les bénéfices prévus de mon régime de retraite ne soient pas altérés si on touche au surplus temporairement, parce que les obligations que j'ai contractées comme employeur avec les salariés, moi, je veux les respecter. C'est clair, ça. Je veux les respecter. Et là je cite quelque chose, si j'ai garanti à quelqu'un qu'il toucherait 70 % des cinq meilleures années à la prise de sa retraite et que ça constitue une obligation de 37 000 $ pour vous, monsieur, je veux vous livrer 37 500 $ parce que c'est cette obligation-là que j'ai contractée avec vous.

Je voudrais juste indiquer aussi que, «l'an dernier, les syndicats ont eux-mêmes demandé et obtenu qu'on utilise une partie du surplus de la caisse – regardez bien ça, ça veut dire que ça se fait – pour accélérer le passage à la retraite des employés plus âgés». Ah! regardez bien, ça sert à ça. Non, honnêtement, ça sert à deux aspects. Je me rappelle très bien, j'ai négocié moi aussi un petit peu dans ma vie, il y a longtemps, par exemple, et on ne peut pas tout oublier. On disait: Quand il y a des surplus, tu bonifies le régime ou tu regardes si tu peux prendre un congé. Ça, c'est écrit, c'est un principe universel. Or, ce qu'on met sur la table, on dit: Est-ce que c'est le moment, en conscience, de bonifier les régimes? Unanimité. Il n'y a personne qui pense que le moment est venu de bonifier les régimes. Est-ce que c'est le moment de respecter nos engagements du 1 % de plus? Oui. De payer ce qu'on a signé? Oui. Il faut respecter notre signature là-dessus et donner ce qui est prévu. Pour le sauvegarder et sauvegarder les emplois, je dis: Écoutez, regardez donc ça si on ne peut pas temporairement prendre un congé.

Et je continue à lire ce qu'il disait: «Cette fois, c'est le gouvernement qui offre aux salariés de compenser une partie du manque à gagner salarial lié à la réduction du temps travaillé par une baisse de leurs contributions.» Je le sais, c'est ça qu'on leur demande. Dans les circonstances et compte tenu des augmentations de 2,5 % que je veux leur donner – je veux leur donner 1 % le 1er janvier, puis je veux leur donner 1 %... – là ça leur fait de l'argent dans leurs poches pour protéger leur pouvoir d'achat et continuer à tenir compte... Parce que ce ne sont pas des gens qui sont partis en peur en termes de rémunération, là. Il faut arrêter de dire ce que j'ai entendu pendant des années. On est en 1997 bientôt, on est en 1996 présentement, est-ce que ces gens-là sont projetés dans des écarts qui font que ça n'a pas de bon sens? Non, au contraire, ils sont un peu en bas de la moyenne, mais, compte tenu des autres avantages, soit sécurité d'emploi et un certain nombre de bénéfices qu'on discute, globalement, je ne pense pas que ces gens-là sont les misérables de la société. Mais pas plus essayer de faire accroire qu'ils ne méritent pas ce qu'ils ont eu.

Alors, on leur dit: Est-ce que ça vous tente de regarder ça, compte tenu que le 2,5 %, on veut le protéger? Vous ne trouvez pas qu'il y a une piste qui mérite à tout le moins d'être étudiée? C'est ce qu'on veut, c'est ce qui est sur la table, pour deux autres objectifs qu'eux-mêmes ont partagés au congrès, c'est-à-dire au sommet – le congrès, ça s'en vient, là: protéger les emplois puis arrêter ce que j'entends partout, puis vous aussi: Est-ce que, dans la santé et services sociaux au Québec, on peut continuer avec un rythme de coupures comme on a fait jusqu'à date? Vous les avez, les réponses, tout le monde souhaite que c'est assez parce que, là-dedans, ces gens-là ont des frères, ils ont des soeurs, il ont des copains de travail.

Moi, je fais un appel général aux salariés du secteur public, pas en disant: Écoutez, je veux encore que ce soit vous autres. Les surplus, ils ne sont quand même pas chez Steinberg, les surplus ne sont pas là, ils sont dans les caisses de retraite que vous savez. On dit: Regardez donc ça, s'il n'y aurait pas moyen de trouver une accommodation temporaire en ayant la garantie de la protection des obligations que j'ai contractées envers vous pour le futur et en essayant de protéger vos emplois, parce que, si je ne peux pas faire ça, je vais être obligé de faire des sacrifices liés à des pertes d'emplois, puis ça n'a pas de bon sens, on en a assez subi, au Québec. Merci.

Le Président (M. Côté): Merci, M. le député de d'Abitibi-Ouest. M. le député de Westmount–Saint-Louis.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Il m'apparaît assez évident que le député d'Abitibi-Ouest ne peut garantir à personne que les mauvais calculs qui servent aujourd'hui à engraisser le surplus actuariel de la caisse du régime de retraite des employés de l'État ne pourront pas, dans l'avenir, faire en sorte, s'ils comportent les mêmes erreurs, mais à l'envers, de coucher cette caisse-là par terre. Alors, se servir de la cessation des compensations à la caisse de retraite des employés aujourd'hui pour autofinancer leurs augmentations de salaires, je peux comprendre, moi, comme individu, en tout cas, que, si j'étais syndiqué, je dirais: Non merci, parce qu'on vient ni plus ni moins me demander d'hypothéquer mon avenir pour manger mon steak aujourd'hui. C'est un peu comme si on demandait à un chauffeur de camion de vendre son camion pour s'assurer d'être capable de payer son hypothèque. Il me semble que ça n'a pas de sens.

Mais, ceci étant dit, tout à l'heure j'ai posé une question concernant la façon dont on calcule, dans le secteur de la santé, avec les conventions comptables modifiées, les coûts d'implantation des systèmes informatiques. Le député de Labelle me dit: Ça a tout été passé au budget puis le député de Westmount–Saint-Louis devait dormir quand on a passé les modifications à la Loi sur l'administration financière au début de juin. Moi, je voudrais demander si, en termes de cauchemar... Le député de Labelle, où est-ce qu'il était puis est-ce qu'il dormait, lui, quand, à la fin juillet, sa collègue de l'Éducation a annoncé qu'elle passait des opérations aux immobilisations l'implantation de 100 000 ordinateurs dans le secteur scolaire pour les cinq prochaines années? A-t-il une petite idée de ce que ça veut dire? Est-ce qu'on sait que, par exemple, le temps de non-désuétude d'un appareil du type PC 486 qu'on implanterait demain matin dans une école est à peu près de trois ans et qu'on est en train de demander de l'immobiliser pendant 15, 20, 30 ans, de prendre une hypothèque générale comme on le fait pour les immeubles pour financer une opération de 300 000 000 $ dans le secteur de...

Je vois le ministre qui me dit non. Est-ce qu'il trouve normal qu'on se serve des immobilisations, des plans d'immobilisations qui doivent servir à la construction des écoles, des collèges et des universités pour financer des plans d'intégration d'informatique dans les écoles? Quiconque a un ordinateur sait qu'il n'irait pas, je ne sais pas quoi, moi, justement prendre une hypothèque pour financer son ordinateur. C'est à cela que nous invite le gouvernement. Ça m'apparaît un peu bizarre que le président du Conseil du trésor, qui doit comprendre ce genre de propos là, fasse en sorte de laisser aller aux immobilisations des dépenses qui doivent être d'opérations courantes.

Le président du Conseil aurait intérêt à regarder ce sujet-là. Ça m'apparaît, en tout cas, une mauvaise gestion que de faire cela comme le Conseil du trésor a dû l'approuver. Je ne peux pas comprendre qu'on laisse un programme d'implantation d'ordinateurs pour fins scolaires être financé par des immobilisations pour les, comme je disais, 10, 15, 20, 30 prochaines années, comme c'est le cas pour les autres immobilisations du secteur scolaire. Dans ce cas-là, je pense que le cadre financier du ministère de l'Éducation risque d'être, dans le fond, un peu modifié. On sait que, dans le secteur de l'éducation, il y a eu pour 500 000 000 $, 600 000 000 $ de compressions budgétaires cette année. Dans le secteur de l'éducation, la ministre l'a annoncé, il y en aura encore pour 700 000 000 $, 800 000 000 $ l'an prochain.

Alors, évidemment, je peux comprendre que, lorsqu'on veut, en pleine période de compressions budgétaires, faire en sorte de dégager 229 000 000 $, ce qui sera le coût réel pour le ministère si je comprends bien, 229 000 000 $ pour l'acquisition d'un réseau et d'un parc informatique, on ne cherche pas dans ses opérations courantes parce qu'on n'a plus d'argent dans les opérations courantes. Mais transférer aux immobilisations la dépense, sur cinq ans, de l'implantation du réseau informatique, de l'implantation et du financement de l'implantation de 100 000 nouveaux ordinateurs dans les écoles, ça ne m'apparaît pas – et le ministre me corrigera s'il le juge à propos – être une sage politique sur le plan financier de la part d'un gouvernement, compte tenu de la désuétude très rapide de ces équipements-là, compte tenu de l'évolution technologique extrêmement rapide qui rejette finalement une bonne partie de ces équipements-là rapidement. Dans ce cadre-là, je pense que le ministre devrait nous expliquer en quoi ce genre de politique aide la situation financière du Québec.

(11 h 50)

Le Président (M. Côté): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Alors, comme il reste 14 minutes, les deux dernières interventions seront d'une durée de sept minutes chacune. Alors, M. le président du Conseil du trésor.


Conclusions


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Oui. M. le Président, un mot pour d'abord répliquer au député de Westmount–Saint-Louis. Les dépenses en informatique ne sont pas amorties sur 25 ans, au maximum sur sept ans et selon des normes très précises, au maximum sur sept ans et, dépendant des cas, ça peut être plus court. Alors, je récuse ce qu'il en dit à l'heure actuelle.

Je vais revenir à une chose. Il était question des compressions anticipées pour 1996-1997. C'est ça, l'objet de l'interpellation. Je voudrais rappeler une chose. L'objectif que nous avons de réduire le déficit à zéro en 1999-2000 implique des étapes. Il y en a une cette année que nous voulons respecter. Nous avons respecté l'étape l'an dernier, nous voulons respecter celle de cette année et nous voulons aussi respecter les autres. Nous voulons arriver à des finances équilibrées, saines et nous ne voulons pas juste faire des discours là-dessus, nous posons des gestes pour y arriver.

Alors, il est important qu'on soit d'accord là-dessus. J'espère que l'opposition est d'accord sur la bonne santé financière du Québec, parce que notre carte de crédit est pleine. Elle est pleine. Aller plus loin dans l'endettement, ce serait une catastrophe non seulement sur le plan financier, mais sur le plan de toute la population et des jeunes qui nous suivent. Nous devons donc respecter cet engagement, absolument, pas juste parce que c'est un engagement, mais c'est une nécessité absolue.

Donc, en 1996-1997 aussi, nous voulons arriver à l'objectif que nous nous sommes fixé. Il s'agit aussi d'une question de crédibilité. Depuis des années, nous avons entendu des discours sur les déficits. Il faut absolument qu'on arrive à réussir à nous en sortir, comme d'autres s'en sont sortis. Et je crois en particulier que, lorsque, au tournant de l'année 1996-1997, nous allons démontrer que nous avons réussi à équilibrer nos finances, à respecter nos objectifs, la crédibilité du gouvernement, mais la crédibilité de nos institutions financières, de nos institutions publiques et je dirai de l'État du Québec va s'en trouver grandie, ce qui n'est pas un mince avantage pour toute la société.

Alors, nous avons posé des gestes difficiles depuis le début de l'année dans différents secteurs. Nous avons posé des gestes par l'assurance-médicaments, par la réforme de l'aide juridique, par toute une série de mesures en santé, en éducation aussi, dans l'aide sociale aussi. Maintenant, il y a aussi un bloc important que constituent les coûts de main-d'oeuvre, 58 % des dépenses de programmes. Comment faire? Parce qu'il faut, à un moment donné, les réduire. C'est ça l'essentiel de notre proposition: nous visons à les réduire. Il faut les réduire de façon structurelle, donc trouver des mesures qui s'inscrivent dans le temps et qui portent des fruits pour que, de façon définitive, la santé des finances publiques soit assurée.

Nous avons une proposition, c'est celle que nous avons déposée, qui est de réduire le temps de travail parce que, au-delà de la santé des finances publiques, il faut aussi que le plus de gens possible, le plus de Québécois possible travaillent. Donc, nous avons un souci de maintien de l'emploi. En mars, nous avons discuté vraiment des finances publiques; en octobre, nous avons discuté d'emploi. Cela nous a amenés à faire la proposition que nous mettons sur la table, qui est de réduire le temps de l'emploi, le temps de travail, de l'aménager de façon différente, de le partager et donc, conséquemment, d'en réduire les coûts. Ça, c'est, je dirais, la partie gouvernementale de la proposition.

En même temps, nous avons détecté qu'il y avait des excédents qui se produiraient au-delà d'une provision qui est déjà amplement suffisante, qu'il y en aurait encore plus compte tenu des paramètres économiques: taux d'inflation, progression des salaires, rendement des placements qui font qu'il y aura des surplus qu'on pourrait utiliser pour compenser cette réduction du temps de travail ou d'aménagement et réduction des salaires en conséquence pour que le salaire net demeure le même. C'est ça, l'objectif.

Donc, nous invitons d'abord, dans un premier temps, les spécialistes de la chose à vérifier, contre-vérifier les hypothèses de travail. C'est ça qui se fait présentement, qui doit se faire, qui est en train de se faire, que nos partenaires des organisations syndicales font, pas les dirigeants, mais au plan des fonctionnaires, en tout cas, des techniciens, des spécialistes, des professionnels. C'est ça qui se fait présentement. Est-ce que c'est absolument insensé, une telle proposition? Je dis non. Toute hypothèse, on peut échanger au moins là-dessus. Et puis, quand on regarde ces hypothèses, comme je crois qu'il arrivera, si elles s'avèrent vraies, fondées, prudentes, pourquoi ne pas procéder dans ce sens-là? Pourquoi ne pas procéder dans ce sens-là? Moi, je pense que nous avons une occasion de nous poser des questions, de nous interroger sur les structures de coûts à l'intérieur du gouvernement. Cela nous donnera au moins un an et demi, d'ici la fin de la convention, pour inscrire de façon permanente des mesures qui vont réduire les coûts de travail. C'est ça qui est en cause.

Alors, moi, je pense que c'est une proposition, je ne dis pas extraordinaire, je dis: Elle est correcte, elle est sensée, elle est discutable, on peut s'en parler. C'est l'invitation que nous lançons à nos partenaires des organisations du travail, des organisations syndicales. C'est ça que nous faisons. Mais nous avons cependant une obligation de résultat parce que nous devons laisser des finances publiques saines aux Québécois.

Le Président (M. Côté): Merci, M. le président du Conseil du trésor. Maintenant, je cède la parole à M. le député de Westmount–Saint-Louis, pour une durée de sept minutes.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Finalement, on s'aperçoit qu'une grande partie de nos problèmes, la problématique sur les finances publiques, est généralement partagée d'un côté comme de l'autre de cette Chambre. Mais, en ce qui concerne la situation particulière que nous vivons actuellement, elle découle en grande partie du dernier budget que nous avons eu, le dernier budget dans lequel on prévoyait une hausse de 45 000 emplois au Québec. Effectivement, après huit mois, après un an de comptabilité des emplois créés ou perdus au Québec, on s'aperçoit, avec les chiffres de la fin d'octobre, M. le Président, que nous avons perdu, au Québec, depuis le début de l'année, 54 000 emplois; 54 000 emplois plus 45 000, on est à moins 99 000 emplois de la cible du gouvernement. Je comprends qu'on puisse faire des sommets sur la création d'emplois. Nous sommes pris dans un gouffre absolument épouvantable et la situation de l'emploi est absolument incroyable.

Ces pertes d'emplois multipliées par des créations virtuelles d'emplois prévues par le ministère des Finances dans son budget font en sorte que le gouvernement n'a plus et n'a pas les ressources financières pour continuer d'opérer. Il n'a pas non plus les ressources financières et les revenus pour se permettre de financer la promesse préréférendaire qu'il avait faite en signant les conventions collectives avec ses employés pour 1 000 000 000 $ sur les trois prochaines années. Eh bien, évidemment, un gouvernement responsable ne serait pas tombé dans la trappe des augmentations salariales qu'il n'avait pas moyen de financer. Pour les financer, ce qu'il offre à ses employés, au moment où on se parle, c'est un bouquet de mesures – pour reprendre l'expression gouvernementale appréciée – selon lesquelles les syndiqués arriveront et paieront le bouquet de la mariée. Ils vont s'autofinancer un bouquet pour être capables de regarder ce bouquet faner devant leurs yeux au cours des semaines et des mois à venir. En deux mots, on leur demande d'aller piger dans leur fonds de pension pour être capables d'avoir un revenu qui serait à peu près le même sur les 18 prochains mois en réduisant leur semaine de travail de 35 à 32 heures pour les fins, selon le premier ministre, d'augmentation de leurs loisirs.

M. le Président, on ne peut pas penser que les gens ou la population en général pourra continuer de regarder le gouvernement avec la crédibilité financière que le président du Conseil du trésor voudrait qu'on lui atteste au moment où on se parle. Mais la population, M. le Président, va continuer à conserver un souvenir de ce gouvernement-là comme n'ayant pas été celui qui avait un autre moyen de gouverner, qui avait développé l'autre façon de gouverner, qui avait développé l'autre façon d'administrer. Bien, l'autre façon d'administrer, c'est de s'en aller tout croche dans la succession des décisions à prendre, d'avoir un taux de chômage record, lequel bat celui du Nouveau-Brunswick depuis six mois. Le Nouveau-Brunswick, petite province qui n'a pas les ressources ni matérielles, ni physiques, ni l'économie, ni la qualité de l'économie du Québec, depuis six mois, a un niveau de chômage qui est inférieur à celui du Québec. Et pourtant on en est encore en train d'essayer de diminuer, de se compresser. Je comprends pourquoi. Mais on est en train de s'en prendre, pour 1 400 000 000 $, aux fonds de pension des employés de l'État.

Aussi, on a comme perspective, pour les semaines, les mois et les années à venir, des hausses de taxes en vue, hausses de taxes annoncées pas plus tard qu'hier par non plus la présidente du Conseil du trésor, mais bien la ministre de l'Éducation, hausses de taxes scolaires en vue pour l'an prochain. Hausses d'impôts déguisées pour les années à venir sans compter celles que nous avons reçues depuis deux ans et qui se chiffraient – on l'a indiqué hier – à près de 2 000 000 000 $ en augmentation d'impôts. Hausses d'impôts, diminution de services, coupures dans les hôpitaux, coupures dans le secteur de l'éducation, financement sur sept ans, me dit-on, du réseau informatique dans les commissions scolaires qui, on le sait, après quelques années, se retrouve relativement désuet.

Le financement: une vision à court terme de l'État, une vision fermée aussi de notre avenir. Notre avenir ne peut pas passer inexorablement par uniquement des coupures de services dans l'État. Il faut avoir une politique d'emploi, et ce gouvernement n'en a pas, manifestement n'en a pas; il a des idées, fait des sommets, réunit du monde autour d'une table pour essayer de nous faire croire qu'il a une certaine vision de l'emploi, mais il n'en a pas. Sa proposition aux syndiqués, elle est elle-même conditionnelle, si les syndiqués ne la prenaient pas, à une diminution de 25 000 emplois dans le secteur public. Si vous ne prenez pas ce que je vous offre, après le 9 décembre, vous risquez une perte de 25 000 emplois dans le secteur public. Déjà, pour des gens qui ont signé la Déclaration pour l'emploi, c'est manifestement une brisure de solidarité du sommet, c'est une brisure des conclusions du sommet. Les parties syndicales ont désormais dénoncé le consensus du sommet parce qu'elles s'aperçoivent qu'elles se sont fait avoir. Aujourd'hui, les parties syndicales; hier, les étudiants, les villes, les commissions scolaires, les employés de l'État.

(12 heures)

M. le Président, plus on avance avec le gouvernement, plus on s'aperçoit que le gouvernement se creuse une espèce de marécage et a de la misère à s'en sortir. Le marécage dans lequel le gouvernement nous amène est un marécage évidemment fondé sur une absence de revenus, tant dans le domaine de l'impôt sur les particuliers que dans le domaine de la relance de la consommation. Et c'est bien entendu que, dans un cas comme dans l'autre, il n'y a pas de possibilité pour le gouvernement de pouvoir relancer ses revenus tant et aussi longtemps qu'il n'aura pas une véritable politique économique, une volonté de faire en sorte que la création d'emplois soit pour lui une obsession. C'est là la façon la plus normale, la plus sécuritaire, la plus intelligente, je dirais, de réduire son déficit en s'assurant de pouvoir profiter de la croissance économique. Malheureusement, le gouvernement du Québec ne nous promet pas cette avenue-là, mais il ne nous promet qu'une avenue à voie directe, à sens unique, où on va couper dans les services de l'État, où on va couper dans les hôpitaux, où on va couper dans les cégeps, où on va couper dans les universités, où on va couper dans les écoles et dans les centres d'accueil. Mais, au bout de la ligne, on n'aura pas plus de revenus parce qu'on n'aura pas plus d'emplois. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Côté): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Alors, la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 4)


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