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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 19 février 1991 - Vol. 31 N° 17

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration, ainsi que sur les niveaux d'immigration souhaités de 1992 à 1994


Journal des débats

 

(Quatorze heures huit minutes)

Le Président (M. Doyon): Cette commission va débuter ses travaux immédiatement.

Donc, la commission de la culture se réunit pour procéder à une consultation générale sur l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration intitulé "Au Québec pour bâtir ensemble", ainsi que sur les niveaux d'immigration souhaités pour les années 1992, 1993 et 1994.

Mme la secrétaire voudrait-elle nous indiquer s'il y a des remplacements de députés par d'autres?

La Secrétaire: Oui. M. Bradet (Charlevoix) est remplacé par M. Bordeleau (Acadie).

Le Président (M. Doyon): Pour la durée de la commission?

La Secrétaire: Pour la durée du mandat.

Le Président (M. Doyon): Pour la durée du mandat de la commission. Très bien. Alors, on souhaite la bienvenue à M. Bordeleau comme membre pro tempore de cette commission.

Nous allons commencer les travaux de cette commission tout d'abord par les remarques préliminaires, le discours d'ouverture de la ministre qui durera une vingtaine de minutes, suivi par celui du représentant de l'Opposition officielle, pour un temps équivalent. Ensuite, nous procéderons selon l'horaire qui nous a été remis en entendant le Conseil du patronat du Québec qui devrait nous faire sa présentation d'une heure et, ensuite, nous suivrons selon ce qui est indiqué sur les feuilles qui ont été distribuées aux membres de cette commission.

Alors, Mme la ministre, sans plus de préambule, je vous cède la parole.

Remarques préliminaires Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président et chers collègues membres de cette commission, il me fait plaisir d'entamer les travaux de cette commission parlementaire qui doit examiner l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration, ainsi que les niveaux d'immigration souhaitables de 1992 à 1994.

Je rappelle que c'est la troisième fois que cette commission débattra d'immigration en six ans. On se souviendra qu'en 1985 la commission, alors présidée par le député de Westmount,

Richard French, avait abordé le thème de l'immigration dans le cadre d'un mandat d'initiative portant sur l'avenir démographique du Québec. En 1987, à la demande de la députée-ministre de Bourassa, Louise Robic, la commission a mené pour la première fois une consultation générale sur les niveaux d'immigration. Pendant ces deux consultations parlementaires, de même que pendant les consultations ministérielles que j'ai menées en 1989 et 1990, les groupes socio-économiques n'ont cessé de réclamer des autorités gouvernementales qu'elles dotent le Québec d'une politique d'immigration et d'intégration cohérente.

Dans la même foulée, une multitude d'intervenants nous pressaient d'obtenir du gouvernement fédéral les programmes et les pouvoirs nécessaires afin que nous puissions développer nos propres outils et maîtriser davantage notre avenir dans ces domaines d'importance stratégique pour la collectivité québécoise.

C'est maintenant chose faite. Voilà pourquoi, je crois, presque tous les mémoires qui nous ont été transmis félicitent le gouvernement d'avoir présenté cette politique. Ces encouragements réitérés au cours de ma récente tournée régionale m'ont fait prendre conscience de comment, au cours des trois derniers mois, avec l'énoncé publié en décembre et avec l'accord fédéral-provincial intervenu juste avant Noël et ratifié il y a deux semaines, le Québec a franchi des étapes décisives dans le domaine de l'immigration et de l'intégration.

Permettez-moi d'abord, M. le Président, quelques mots sur cet accord qui redéfinit le partage des responsabilités en matière d'immigration et d'intégration entre Québec et Ottawa, et qui remplacera l'entente Couture-Cullen dès le 1er avril prochain. Ce qu'il faut en retenir, c'est que cet accord accroît la maîtrise d'oeuvre du Québec en matière d'immigration et d'intégration. Il nous confère la responsabilité exclusive de la sélection des immigrants indépendants à l'étranger, alors qu'auparavant c'était une responsabilité partagée avec le fédéral.

Ce pouvoir de sélection exclusif est aussi valable sur le territoire canadien, c'est-à-dire pour les demandes dont le gouvernement fédéral décide, par dérogation, qu'elles pourraient être étudiées sur place.

L'accord nous permet aussi de récupérer l'ensemble des services touchant l'accueil et l'intégration linguistique, sociale et économique destinés spécifiquement aux nouveaux arrivants. Ainsi, le fédéral se retire complètement de ces champs tout en versant au Québec une compensation financière de 332 000 000 $ au cours des

quatre prochaines années. Une formule d'indexation est prévue à l'accord pour les années subséquentes.

Finalement, l'accord donne au Québec la possibilité de recevoir chaque année un nombre d'immigrants proportionnel à son poids démographique au sein du Canada, plus 5 % s'il le juge à propos. En somme, avec ce nouvel accord, le Québec pourra désormais mieux orienter son immigration en fonction de ses propres objectifs de développement.

Cet accord s'inscrit dans un mouvement de prise en charge par le Québec du domaine de l'immigration et plus largement de ses leviers de développement. Il s'inscrit également dans la tradition de coopération Ottawa-Québec en matière d'immigration et, à cet égard, je tiens à rendre hommage à mes prédécesseurs qui ont avant moi obtenu pour le Québec les responsabilités que le présent accord est venu enrichir.

Le défi auquel nous faisons face maintenant est celui de la mise en oeuvre de cet accord. Compte tenu des transferts d'activités que l'accord prévoit et de la complexité administrative de cette opération, la date du 1er avril constitue un délai extrêmement court. Pensons qu'il faudra notamment augmenter le nombre de classes en COFI, procéder à l'embauche de professeurs et réviser un grand nombre de nos programmes existants.

Tout en obtenant, bien sûr, de nouvelles responsabilités pour le Québec, il nous est apparu opportun de définir les orientations qui présideront à leur application dans la réalité. C'est ce que fait précisément l'énoncé de politique intitulé "Au Québec pour bâtir ensemble". Ce document d'orientation, M. le Président, propose aux Québécoises et aux Québécois un nouveau regard sur l'immigration, un regard qui reconnaît dans la venue de nouveaux Québécois un apport nécessaire au développement d'un Québec francophone prospère et pluraliste, un apport qu'il nous appartient de mettre à profit en fonction de nos défis de développement.

Cette vision se démarque d'une vision défensive de l'immigration, aujourd'hui généralement marginale, qui y voyait une menace à la sécurité culturelle de la majorité francophone. Les questions d'ouverture et de pluralisme préoccupent aujourd'hui un nombre de plus en plus grand de nos concitoyens et concitoyennes, et cette préoccupation est à notre honneur comme société. Pour traduire cette nouvelle vision dans les faits, l'énoncé fixe des objectifs et propose des moyens concrets. D'abord, toujours convaincu que la prospérité économique est le moteur d'une société ouverte et confiante en son avenir, le gouvernement du premier ministre, Robert Bourassa, estime que l'immigration répond aux besoins d'une économie en restructuration. Nous proposons donc d'agir de sorte que l'immigration stimule l'économie par l'apport de ressources humaines qualifiées et motivées, par l'injection du savoir-faire, de capitaux neufs et des contacts internationaux provenant des entrepreneurs et des investisseurs, ainsi que par l'élargissement du bassin de consommateurs.

Le gouvernement libéral est aussi déterminé à ce que l'immigration contribue à la pérennité du fait français dans la seule société majoritairement francophone en Amérique du Nord. C'est pourquoi l'énoncé fixe comme objectif d'augmenter la proportion de francophones dans le flux migratoire et annonce toute une série de mesures pour faciliter l'apprentissage du français et encourager son usage.

Sur le plan démographique, nous avons tous pris conscience de l'urgence d'un redressement, faute de quoi notre société est menacée d'une décroissance et d'un vieillissement de sa population. Des effets négatifs très sérieux sur la main-d'oeuvre, sur l'activité économique et le maintien des programmes sociaux, sans parler bien sûr du fait français, seraient alors à prévoir. Dans la mesure où la capacité d'accueil le permet, le gouvernement veut que l'immigration, combinée à sa politique familiale, redonne au Québec une vitalité démographique.

Mais nous sommes tout aussi conscients que l'apport de l'immigration à notre développement, le succès du projet migratoire de chaque individu, de môme que le maintien de rapports harmonieux entre les Québécois et Québécoises de toutes origines dépendent du degré d'intégration et de participation des immigrants et de leurs descendants à notre société.

L'immigration étant un privilège qu'accorde la société d'accueil, il est légitime que cette dernière fasse connaître ses attentes aux immigrants pour qu'ils apprennent à les partager. De même, la société d'accueil doit prendre davantage conscience des obligations que lui propose son propre projet démocratique à l'égard des citoyens et citoyennes de toutes origines qui la composent.

En présentant cet énoncé, c'est la première fois, à ma connaissance, qu'un gouvernement définit le modèle selon lequel il entend intégrer ses immigrants. À ce propos, les orientations générales qui guideront notre action en matière d'intégration sont, premièrement, le partage du français comme langue commune de la vie publique de la société québécoise; deuxièmement, le droit et le devoir de tous les citoyens, quelle que soit leur origine, de participer et de contribuer pleinement à la vie économique, sociale, culturelle et politique du Québec; et, troisièmement, l'engagement à bâtir ensemble un Québec pluraliste où les citoyens de toutes cultures et de toutes origines pourront s'identifier et être reconnus comme des Québécois à part entière.

De ces trois principes découle un énoncé d'attentes réciproques entre les nouveaux arrivants et leur société d'accueil, que j'ai appelé dans l'énoncé de politique le contrat moral. C'est une rencontre du projet migratoire individuel et

du projet social de la société d'accueil. Le contrat moral, dont la valeur est symbolique mais très importante, souligne que l'intégration réussie se fait à deux, qu'elle est la responsabilité autant de ceux qui s'enracinent que de ceux qui accueillent. Le contrat moral met en relief deux des trois grands aspects du modèle d'intégration que nous proposons, à savoir son caractère multidimensionnel et le fait qu'il nécessite l'engagement des deux parties. Le troisième aspect sur lequel il faut insister est que l'intégration est un processus à long terme qui s'étend normalement au-delà de la première génération. Il s'agit ici de cheminement individuel où chacun adoptera son rythme propre. C'est pourquoi la présente politique prévoit des mesures de soutien à la pleine participation non seulement des immigrants, mais également de leurs descendants.

Ces trois aspects de l'intégration font qu'on ne peut mesurer ce phénomène comme on pourrait mesurer le degré de connaissance du français à l'arrivée, par exemple. Il faut donc bien se garder d'établir les niveaux d'immigration des prochaines années sur la seule base d'indicateurs très partiels du degré d'intégration de nos nouveaux concitoyens, car ce serait là adopter une approche simpliste en regard d'une réalité pour le moins complexe.

Afin de faciliter la pleine participation des immigrants et de leurs descendants à la vie nationale, le gouvernement libérai entend oeuvrer à lever les obstacles à l'égalité des chances. Trois domaines sont particulièrement visés: l'accès' au travail, aux services et au logement. Ainsi, nous entendons soutenir l'adaptation des institutions à la réalité pluraliste de notre société. Outre l'effort d'adaptation au sein de l'appareil d'État, notre gouvernement soutiendra celui des organismes, municipalités, institutions et entreprises privées. Il les aidera à définir des services mieux adaptés à l'ensemble de la clientèle, il facilitera la formation interculturelle de leur personnel et développera un meilleur partenariat avec les organismes des communautés culturelles.

Les secteurs des services sociaux et de la santé, de l'éducation, de la sécurité publique et des communications feront l'objet d'une attention toute particulière, car les services qui y sont dispensés conditionnent largement le degré de participation dans d'autres domaines de la vie sociale.

L'énoncé prévoit également le soutien à la mise en oeuvre de programmes d'accès à l'égalité par la Sûreté du Québec, les établissements du réseau de la santé et des services sociaux, les commissions scolaires, les municipalités, ainsi que le secteur privé. En outre, le gouvernement appuiera les initiatives d'institutions et d'organismes communautaires contribuant à lutter contre la discrimination dans l'emploi et interviendra pour favoriser un égal accès au loge- ment.

Voilà qui résume les grandes lignes de cet énoncé de politique. Permettez-moi maintenant quelques mots sur le travail qu'amorce maintenant cette commission. M. le Président, je viens de terminer, il y a quelques jours, une tournée d'information et de consultation sur l'énoncé de politique à Montréal, ainsi que dans plusieurs régions du Québec. La très grande majorité des représentants de la société d'accueil et des leaders des communautés culturelles que j'y ai rencontrés, soit environ un millier de personnes, ont émis des commentaires nettement favorables en regard du document "Au Québec pour bâtir ensemble".

En dépit de cet accueil enthousiaste, pas question toutefois de nous asseoir sur nos lauriers. Nous entendons plutôt participer aux travaux de cette commission dans un esprit de réelle ouverture et nous demeurons à l'affût d'idées constructives susceptibles d'améliorer la politique gouvernementale. En ce sens, je serai particulièrement attentive aux propositions de moyens pour faciliter l'intégration des immigrants, que ce soit sur les plans linguistique, économique ou social. Donc, les propositions concrètes et réalisables seront évidemment les plus utiles.

Des partenaires socio-économiques comme des organismes des communautés culturelles j'attends non seulement des réactions et des demandes à l'endroit du gouvernement, mais aussi des engagements concrets à travailler à l'épanouissement du caractère pluraliste du Québec. Au terme de cet exercice démocratique, je compte examiner sérieusement les suggestions qui nous auront été faites et proposer au Conseil des ministres un plan d'action triennal qui en tiendra compte. Ce plan d'action comprendra des engagements précis de la part de tous les ministères et organismes gouvernementaux concernés.

En conclusion, M. le Président, je souhaite que nos travaux soient productifs et empreints de sérénité. Je connais déjà l'intérêt de mes collègues députés ministériels pour le sujet soumis à leur considération et j'ai la conviction que l'Opposition saura faire preuve d'une attitude constructive dans un dossier où les enjeux sont de première importance pour le Québec que nous voulons tous bâtir ensemble. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme la ministre. C'est maintenant au porte-parole de l'Opposition officielle - je pense que c'est le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques -de nous faire part de ses remarques préliminaires à cette consultation. M. le député.

M. André Boulerice

M. Boulerice: C'est bien ça. M. le Président, à titre de porte-parole par intérim, je me

permettrai d'abord de vous saluer et de saluer M. le vice-président, mes collègues et Mme la ministre des Communautés culturelles.

Je vous dirai, en guise de remarques préliminaires, que je vais remercier l'ensemble des groupes qui ont répondu affirmativement à l'appel de la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, et qui ont cru nécessaire de venir nous faire part de leurs commentaires concernant l'énoncé de politique rendu public en décembre dernier.

M. le Président, le nombre important de mémoires que nous avons reçus nous démontre à quel point la question de l'immigration est importante. Cela nous indique également l'urgence de tenir un débat public pour répondre aux espoirs, mais également, il ne faut pas s'en cacher, aux craintes que peut susciter cette question auprès de notre population.

M. le Président, la société québécoise, cette petite enclave francophone en Amérique du Nord, ne peut entreprendre un débat sur l'immigration sans tenir compte de la protection de sa spécificité. Cependant, comme toutes les sociétés industrielles avancées, le problème du vieillissement de la population lui impose d'entreprendre une action concrète et surtout vigoureuse. Si nous ne prenons pas la situation en main dès maintenant, les générations futures devront assumer la charge sociale et économique que comporte le vieillissement de la population, tout en étant toujours moins nombreux pour répondre à l'appel.

En ce sens, la solution de l'immigration doit être absolument envisagée, mais on ne doit surtout pas croire qu'il s'agisse là de fa seule avenue. Il faudra aussi penser à un véritable redressement de la natalité. C'est, d'ailleurs, la conclusion qu'on peut tirer en consultant l'annexe portant sur le rôle de l'immigration internationale et l'avenir démographique du Québec, rendue publique au moment même où on rendait public l'énoncé de politique de la ministre.

M. le Président, au nom de l'Opposition officielle, je tiens aussi à souligner l'importance et l'urgence de cette consultation eu égard à la question constitutionnelle. Au moment même où le Québec réfléchit à son avenir politique et où l'option souverainiste est de plus en plus envisagée comme la seule voie possible, un débat sur le rôle de l'immigration dans le développement de la société québécoise s'avère plus que nécessaire. Une question se pose, cependant: L'énoncé de politique soumis par la ministre nous permet-il de faire le débat?

Avant de répondre à cette importante interrogation, il faut, croyons-nous, M. le Président, discuter du battage publicitaire entourant le lancement de ce livre blanc. En effet, à en croire les propos tenus en décembre dernier par la ministre et son entourage avant que soit publié cet énoncé, les précédents gouvernements, dont celui de ma formation politique, ne se sont pas souciés de la question de l'immigration. Dans son discours de décembre, la ministre annonçait même que c'était une première au Québec.

À cet égard, M. le Président, je voudrais rappeler à la ministre que déjà en 1979, dans le cadre de la préparation du plan d'action du gouvernement du Parti québécois, "Autant de façons d'être québécois" - c'était le titre - une série de colloques régionaux ont été tenus et, à ce moment, on discutait les questions relatives à l'accueil et à l'intégration des immigrants. D'ailleurs, dans son énoncé de politique, la ministre reprend plusieurs idées déjà contenues dans "Autant de façons d'être québécois". Belle inspiration. Je l'en félicite, M. le Président.

Je tiens également à informer la ministre que c'est sous un gouvernement du Parti québécois que s'est négociée la première véritable entente fédérale-provinciale sur l'immigration. On comprendra ici que je fais évidemment référence à l'entente Couture-Cullen ou Cullen-Couture. Je souligne à la ministre, M. le Président, que l'exercice auquel nous nous livrerons au cours des prochaines semaines est en partie possible grâce à l'action positive de ce grand ministre de l'Immigration qu'a été M. Jacques Couture. En effet, par son travail de précurseur, le gouvernement du Québec a pu négocier un accord sur l'immigration qui lui permettait, dans le contexte politique de l'époque, de prétendre à certains pouvoirs en matière de sélection des immigrants.

D'ailleurs, M. le Président, l'accord conclu entre la ministre et son homologue fédérale, Mme McDougall, en décembre dernier, ne lui permet pas de prétendre à beaucoup plus de nouveaux pouvoirs en matière de sélection. Le Québec continue toujours à sélectionner les immigrants indépendants. La seule différence est qu'il peut maintenant le faire aussi sur place. En ce qui concerne la réunification des familles et les réfugiés, la ministre n'a aucun nouveau pouvoir et veuillez croire que je le regrette. Je ne l'en blâme pas. Contrairement à ce qu'affirmait dernièrement La Presse, l'immigration est toujours un domaine de compétence partagée.

De plus, en matière d'immigration, l'action du gouvernement du Parti québécois ne s'est pas limitée à cet important accord. Elle a aussi permis aux Québécois et aux Québécoises de comprendre le rôle humanitaire de l'immigration. Rappelons-nous simplement le succès du programme québécois de parrainage des réfugiés de l'Asie du Sud-Est, lancé en juillet 1979, qui a permis l'implication de 20 000 Québécois et Québécoises, membres de groupes humanitaires, répartis dans plus de 192 villes du Québec. Et je me permettrai de sortir de mon texte pour rappeler à Mme la ministre que, parmi ces villes, nombreuses étaient celles de sa région qui ont fait école dans ce domaine.

Cette réalisation, véritable amorce d'une politique de régionalisation de l'immigration,

permet aujourd'hui d'entreprendre ce projet en ayant conscience des difficultés qu'il représente. L'établissement de ces réfugiés de la mer dans diverses régions du Québec nous aura tôt fait réaliser que la régionalisation est un projet ambitieux dont la réussite dépend de plusieurs facteurs. À cet égard, on doit dire que les mesures prévues dans l'énoncé de politique sont pour le moins insuffisantes. (14 h 30)

Lors de son passage au pouvoir, le Parti québécois s'est aussi préoccupé de la place et du rôle des communautés culturelles dans la société québécoise. Ainsi, en mars 1981, il lançait son plan d'action à l'intention des communautés culturelles pour favoriser le rapprochement entre les Québécois et les membres des communautés culturelles. Parmi les mesures concrètes réalisées grâce à la mise en application du plan "Autant de façons d'être québécois", le gouvernement a subventionné la construction et l'aménagement de 18 centres communautaires. Il a multiplié par cinq, en six ans, le budget du programme d'aide aux communautés culturelles, il a voté des modifications à la Loi sur la fonction publique pour favoriser l'embauche des néo-Québécois, et je préfère toujours employer l'expression les Québécois nouveaux.

La réalisation de ces différentes mesures nous permet aujourd'hui de compter sur la participation et la collaboration de plusieurs groupes des communautés culturelles qui sont des intervenants de toute première ligne pour l'accueil et l'intégration des nouveaux arrivants.

Parmi les autres réalisations du Parti québécois, on ne saurait passer sous silence la création, en avril 1985, du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration. Des organismes consultatifs, le Conseil est certes un de ceux qui jouissent d'une très grande crédibilité. Il permet également aux communautés culturelles de se faire entendre auprès du gouvernement.

Comme on peut le constater, donc, bien avant ce livre blanc, les gouvernements, et plus particulièrement celui du Parti québécois, se sont préoccupés de la question de l'immigration. L'effort de la ministre actuelle est louable, mais bien d'autres avant elle peuvent se targuer de réalisations historiques en cette matière, dont, entre autres, Jacques Couture et Gérald Godin, et j'ai le plaisir, aujourd'hui, de parler en son nom.

Cette mise au point faite, M. le Président, l'Opposition tient tout de même à souligner l'initiative de la ministre, mais note cependant qu'après six années de pouvoir il était plus que temps que le gouvernement libéral fasse connaître ses couleurs, et cela dit, M. le Président, sans jeu de mots. Quant à l'énoncé de politique, beaucoup de bonnes intentions, mais peu de mesures concrètes, à mon point de vue.

Après cette brève mise au point sur l'action des gouvernements précédents en matière d'immigration, il convient maintenant de revenir à l'interrogation quts nous avons soulevée en introduction: Le livre blanc que nous nous proposons d'étudier dans les prochaines semaines est-il l'outil dont nous avions besoin pour procéder à cet important débat? Voilà la question.

D'emblée, M. le Président, l'Opposition officielle se dit un peu déçue du document soumis à la consultation par la ministre, car sa lecture nous a laissés sur notre appétit. En effet, le contenu de la politique ne nous permet, finalement, qu'une réflexion sur les grandes orientations du gouvernement en matière d'immigration, orientations qui, croyons-nous, ne seront pas l'objet de grands débats passionnés.

Qui de nous, M. le Président, peut s'opposer à ce qu'un gouvernement du Québec opte pour une sélection au service de la société francophone et d'une économie prospère, à une hausse graduelle des niveaux d'immigration en fonction des besoins et de la capacité d'accueil du Québec? Rares seront ceux également qui se diront défavorables au développement de services pour l'apprentissage du français et la promotion de son usage. Qui, enfin, osera dire non à une pleine participation des communautés culturelles à la société québécoise et au développement de relations harmonieuses? M. le Président, remettre ces orientations en question, ce serait tout simplement s'opposer à la vertu.

L'Opposition aurait également aimé évaluer les mesures concrètes pour réaliser ces orientations. Elle aurait apprécié mesurer la volonté politique de ce gouvernement par une analyse des budgets consentis pour la mise en application de cette politique. Malheureusement, le projet de la ministre ne permet pas ce genre d'exercice.

Au sujet des objectifs poursuivis par la ministre, je me dois également de faire quelques remarques. Comme pour les orientations, il nous est difficile de nous dire en désaccord. Nous pensons cependant que certains commentaires s'imposent en ce qui a trait à quelques-uns d'entre eux: les objectifs relatifs à la sélection, en premier. M. le Président, parlons d'abord de ces objectifs relatifs à la sélection. Parmi les cinq que privilégie la ministre, nous discuterons de trois: l'immigration francophone, l'accueil des réfugiés, ainsi que les niveaux d'immigration.

Je me permets de rappeler que je parlais d'immigration francophone, à une certaine époque, il y a trois ans, et que la prédécesseure de sa prédécesseure - puisque, dans mon cas, j'ai toujours devant moi une ministre qui a toujours un prédécesseur à son prédécesseur - donc Mme la députée de Bourassa, me disait que parler de l'immigration francophone, cela était discriminatoire. Je lui répondais que des francophones, il y en avait des blancs, des jaunes ou des noirs, des verts et des rouges, de toutes les couleurs et

que cela n'était pas discriminatoire de privilégier ceux avec lesquels nous avions une parenté culturelle et linguistique. Je m'aperçois que le langage gouvernemental a changé en changeant de ministre et je m'en réjouis.

L'accueil des réfugiés, en second lieu, ainsi que les niveaux d'immigration. En ce qui concerne l'immigration francophone, nous devons dire que nous partageons cette priorité avec la ministre, puisque nous avons été les premiers à l'énoncer. Je m'empresse d'ajouter, cependant, que la maîtrise de la langue française n'est pas le seul facteur d'Intégration; je l'avais dit à l'époque. Ce qui importe davantage, M. le Président, c'est la volonté des immigrants et des immigrantes de s'intégrer à la société d'accueil. En ce sens, ces nouveaux arrivants doivent être informés avant leur arrivée des caractéristiques spécifiques de la société québécoise. L'offre de cours de français dans les pays d'origine est également indispensable. Ces mesures demandent cependant des investissements importants et, dans ce domaine comme dans bien d'autres, on sait à quelle enseigne se loge le gouvernement libéral.

Au sujet des réfugiés, je voudrais, M. le Président, exprimer ma très grande déception quant aux objectifs et mesures prévus dans la politique pour faire face à l'importante mission humanitaire que représente leur accueil. À cet égard, M. le Président, l'énoncé de politique est plus qu'insatisfaisant. Quand on sait que plus de 1000 personnes revendiquent le statut de réfugié chaque mois, que la nouvelle procédure du gouvernement fédéral canadien pour traiter l'arriéré ne donne pas les résultats espérés et que l'actuelle est tout aussi inefficace, on s'étonne que la ministre ne se soit pas souciée, ou si peu, de cet important problème dans son énoncé de politique. On s'étonne davantage que le gouvernement n'ait pas cherché à revendiquer plus de pouvoirs en cette matière dans sa négociation aboutissant à l'accord de décembre dernier.

Si le rythme actuel des entrées se poursuit, nous accueillerons cette année 12 000 revendicateurs du statut, c'est-à-dire près de la moitié du nombre total des immigrants que nous recevons annuellement. M. le Président, il urge que le gouvernement québécois développe une stratégie particulière pour solutionner ce grave problème. Il ne sert a rien de continuer de s'en remettre au fédéral dans ce domaine, comme dans toute chose d'ailleurs, M. le Président.

Je m'en voudrais également de ne pas commenter les objectifs relatifs aux niveaux d'immigration. Là encore, l'Opposition se montre favorable, mais une question demeure: Arriverons-nous à attirer 55 000 immigrants chez nous d'ici 1994? À ce sujet, M. le Président, j'entretiens de sérieux doutes. Avec des niveaux de 35 000, on n'arrive pas à réaliser nos objectifs. Imaginons 55 000. M. le Président, ce serait dommage que ce niveau de 55 000 connaisse le même sort que la fameuse promesse du 1 % du budget pour la culture.

Pour atteindre ce niveau d'immigration, le gouvernement devra investir des sommes importantes, et on assiste à des coupures un peu partout, même au ministère de l'Environnement qu'on disait pourtant intouchable. Il ne faudrait pas que ce niveau ne devienne qu'un symbole, comme c'est le cas pour le 1 % à la culture. Il est primordial de l'atteindre, accompagné, bien entendu, d'un solide redressement de la natalité, si on veut remplir l'objectif de redressement démographique.

Avant de conclure, M. le Président, chers collègues, quelques mots sur les objectifs relatifs à l'intégration. Ici encore, les buts recherchés par la ministre sont plus que louables, mais, en ce qui a trait aux moyens pour les mettre en oeuvre, je vous avoue que je suis sceptique.

Parlons d'abord de régionalisation. Il est évident, M. le Président, que la région métropolitaine ne pourra accueillir au cours des prochaines années encore beaucoup de nouveaux arrivants sans que certaines tensions éclatent. N'ayons pas peur de la vérité et de la réalité. D'ailleurs, quelques mémoires, entre autres ceux préparés par les commissions scolaires de l'île de Montréal, mettent très bien en évidence ce problème. Pour le solutionner, cependant, il ne s'agit pas simplement de parier de régionalisation, il faut également présenter un projet précis et structuré en ayant à l'esprit que cette démarche doit absolument s'accompagner d'une stratégie de développement régional.

L'état actuel de plusieurs régions du Québec, comme l'a si bien démontré le Conseil des affaires sociales en publiant "Deux Québec dans un", ne nous permet pas de fonder beaucoup d'espoirs en cette avenue, malheureusement. Nos régions se vident parce qu'il n'y a plus de travail. Peut-on vraiment demander à un nouvel arrivant de s'y établir sans que l'on lui garantisse au moins un emploi? Pour réaliser ce projet, M. le Président, il faudrait plus qu'une volonté régionale; il faut avant tout que les populations puissent vivre décemment dans les régions.

En ce qui concerne l'apprentissage du français, la ministre devra certainement obtenir une meilleure collaboration du ministère de l'Éducation quant à la clientèle scolaire. En ce qui concerne les adultes, le rapatriement des budgets du gouvernement fédéral dans le cadre des programmes actuels ne nous permettra certes pas de répondre à la demande. La ministre devra nous dire, outre les sommes déjà rapatriées, quels sont les montants que son gouvernement veut investir.

Les réfugiés pourront-ils suivre des cours de français? Les immigrants parrainés recevront-ils des allocations pour leur formation? La ministre entend-elle développer toute une strate-

gie particulière pour venir en aide aux femmes immigrantes? Voilà autant de questions qui ne trouvent pas de réponse dans l'énoncé que nous étudierons.

Par ailleurs, en ce qui concerne l'insertion économique, l'énoncé ne pèche pas par trop d'originalité. Le Programme d'accès à l'égalité dans la fonction publique annoncé l'année dernière étant déjà un recul par rapport à la promesse électorale du premier ministre, comment la ministre pourra-t-elle prétendre inciter les entreprises privées à emprunter cette voie? Quelles sont les mesures prévues afin que les immigrants ne se trouvent pas dans des ghettos d'emplois? Pourquoi ne trouve-t-on pas dans cet énoncé des mesures particulières pour faciliter la syndical isation des travailleurs et des travailleuses immigrants qui vivent, pour plusieurs, des conditions de travail inacceptables? Voilà encore des questions sans réponse.

M. le Président, comme je l'affirmais plus tôt, le débat que nous aurons au cours des prochaines semaines est plus que nécessaire, et ce, pour plusieurs raisons. D'abord, il faudra s'entendre clairement sur le rôle de l'immigration dans notre société; il faudra par la suite évaluer avec rigueur l'énoncé de politique que nous a proposé la ministre. Comme je viens de le démontrer, ce programme est incomplet et de grands pans de la question sont laissés de côté.

Les discussions que nous aurons permettront donc, je l'espère, de bonifier ce projet, et je m'y engage. Il faudra aussi que la ministre exprime clairement, par contre, la volonté politique de son gouvernement de mettre en oeuvre une véritable politique de l'immigration. En ce sens, M. le Président, l'Opposition s'attend à ce que la ministre dévoile les budgets que son gouvernement lui accordera pour la réalisation de ces objectifs.

Enfin, M. le Président, ma formation politique prend très au sérieux l'objectif de 55 000 Immigrants pour 1994. La ministre devra nous démontrer qu'elle pourra le réaliser. Il serait dommage que la triste histoire de la promesse du 1 % pour la culture, ainsi que le triste sort qui fut finalement réservé à la politique de garde se répètent. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, il vous reste quelques minutes sur votre allocution de tout à l'heure; vous pouvez disposer de ces quelques minutes, si vous le désirez.

Mme Monique Gagnon-Tremblay (réplique)

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, j'aurai, tout au long de cette commission parlementaire, le loisir de répondre à l'Opposition, entre autres plus longuement sur les idées qui auraient pu être reprises dans le plan d'action par l'actuel gouvernement, idées qui avaient été énoncées dans "Autant de façons d'être québécois". Et je dois vous dire que, si elles le sont, c'est parce que la plupart n'avaient pas été menées à terme par l'ancien gouvernement. (14 h 45)

J'aurai l'occasion aussi de répondre à l'Opposition sur les gains majeurs que nous avons obtenus, contrairement à ce qu'on peut en dire, avec la signature de l'entente avec le gouvernement fédéral. Tout à l'heure, l'Opposition parlait, entre autres, des revendicateurs du statut de réfugié, que nous aurions dû obtenir beaucoup plus de pouvoirs. J'aurai l'occasion de questionner l'Opposition, à savoir: Si nous avions plus de pouvoirs, est-ce que ce serait pour ouvrir ou resserrer le contrôle des revendicateurs du statut de réfugié?

J'aurai l'occasion aussi, bien sûr, de parler de la régionalisation. Vous comprendrez que la liste des interrogations du député est sans fin; ça ne m'a pas permis, finalement, de connaître la véritable position de l'Opposition officielle. Bien sûr que tout au long de cette commission parlementaire nous pourrons connaître davantage la position de l'Opposition.

Donc, M. le Président, je vous demanderais que l'on puisse passer peut-être immédiatement à l'écoute des personnes qui doivent présenter des mémoires. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Compte tenu du fait que nous avons plusieurs dizaines de groupes à entendre au cours de cette consultation, nous allons commencer dès maintenant. Alors, j'inviterais tout d'abord le Conseil du patronat du Québec et ses représentants à bien vouloir s'approcher, s'il vous plaît, à prendre place à la table de nos invités.

Avant de leur demander de s'identifier, je rappellerai que notre façon de procéder, que vous connaissez déjà, est la suivante. Vous disposez d'une vingtaine de minutes pour faire état des représentations que vous voulez soumettre à cette commission. Ensuite, les députés du côté ministériel disposeront d'une vingtaine de minutes pour vous poser un certain nombre de questions, y compris la ministre, et nous appliquerons la règle de l'alternance. Ensuite, l'Opposition disposera d'un temps égal pour vous poser aussi les questions qu'elle juge à propos de poser. Alors, sans plus de préambule, si vous voulez bien vous identifier, présenter les gens qui vous accompagnent et débuter votre présentation.

Auditions Conseil du patronat du Québec

M. Laflamme (Guy): M. le Président, permettez-moi de vous présenter M. Jacques Garon, qui est directeur de recherche au Conseil du

patronat du Québec, et M. Jean Tremblay, qui est directeur général de l'Association de l'industrie du bois ouvré du Québec. Pour ceux qui ne me connaissent pas, mon nom est Guy Laflamme, je suis président des Industries de la rive sud limitée et également président du conseil d'administration du Conseil du patronat.

Le Président (M. Doyon): Alors, bienvenue. Vous pouvez commencer.

M. Laflamme: M. le Président, avant de passer au mémoire en tant que tel, je voudrais d'abord excuser le président du CPQ, M. Ghislain Dufour, qui devait présenter le mémoire cet après-midi. Toutefois, ce matin - vous savez que M. Dufour siège à la commission Bélanger-Campeau - à la dernière minute, on a changé l'horaire, ce qui fait que, au pied levé, j'ai remplacé M. Dufour. Il s'excuse de ne pouvoir être présent parmi nous et participer aux travaux de la commission. Il vous souhaite toutefois bonne chance avec vos travaux, et que ceux-ci s'avèrent des plus rentables.

Avant d'aller plus loin, je demanderais à M. Garon de vous faire un rapport sommaire de notre mémoire et après, bien, nous serons disponibles pour les questions.

Le Président (M. Doyon): M. Garon.

M. Garon (Jacques): M. le Président, Mme la ministre, MM. les députés, Mmes les députées, le Conseil du patronat du Québec a pris connaissance avec beaucoup d'intérêt de l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration présenté par la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration du Québec. Le CPQ regroupe en effet 126 associations patronales de tous les secteurs de l'activité économique québécoise, ainsi que plus de 450 entreprises également de tous les secteurs et de toutes les tailles. Il représente ainsi directement ou indirectement les employeurs d'environ 70 % de la main-d'oeuvre québécoise.

Il va sans dire, donc, que le dossier de l'immigration, par ses liens avec le développement économique, lui tient à coeur et l'intéresse beaucoup. C'est en fonction de cet intérêt évident pour tout ce qui touche le développement économique et non, nous tenons à le préciser, à titre de spécialiste des questions d'immigration que le Conseil du patronat du Québec vous livre quelques réflexions touchant, d'une part, l'énoncé de politique et, d'autre part, les niveaux d'immigration souhaitables pour les trois prochaines années.

Le Conseil du patronat a réagi positivement à l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration des immigrants rendu public en novembre dernier par le gouvernement. Le CPQ se réjouit surtout de ce que l'énoncé de politique réaffirme l'objectif à long terme du gouverne- ment d'atteindre une proportion de 25 % de l'immigration canadienne, objectif auquel le CPQ a déjà maintes fois souscrit, et ce, pour des raisons démographiques et économiques.

En effet, avec un faible indice de fécondité ayant pour conséquence prévisible la décroissance de la population dès la fin du siècle, il est clair que l'immigration internationale constitue un des facteurs de croissance de la population. Son incidence sur la taille et sur la croissance de la population s'amplifie avec le temps, puisque la population immigrée est au fil des ans alimentée non seulement par les nouveaux venus, mais aussi par sa descendance en sol québécois. Jusqu'en 1985, l'immigration n'était pas suffisante et la position du Québec au chapitre du solde migratoire interprovincial était négative. En 1985-1986, la population du Québec a enregistré un gain net de 4116 personnes, selon Statistique Canada, la première augmentation depuis 5 ans. Par la suite, entre 1986 et 1989, le Québec enregistrait un gain net annuel moyen de plus de 13 000 personnes.

Les statistiques du recensement de 1986 font état d'un Québec qui vieillit, avec une croissance de la population très faible et des niveaux d'immigration tout aussi faibles. En 1989, par exemple, le taux de fécondité au Québec était de 1,5 par femme, en moyenne, soit le plus bas de toutes les provinces canadiennes; la moyenne canadienne était de 1,7. Dans les deux cas, c'est insuffisant puisqu'il faut un taux de 2,1 au minimum pour assurer la relève des futures générations.

Une faible fécondité contribue au vieillissement et une population plus âgée produit, à son tour, moins de naissances. Tout comme la croissance démographique qui s'est poursuivie malgré une fécondité inférieure au niveau de remplacement, parce que la majeure partie de la population est en âge de procréer, la baisse démographique aura tendance à se poursuivre chez une population plus âgée. Même si la fécondité devait monter au-dessus du niveau de remplacement, le nombre moins important de personnes en âge de procréer aurait toujours pour conséquence de garder la natalité à un niveau inférieur à la mortalité pendant un certain temps.

Par ailleurs, le nombre de personnes âgées de 65 à 74 ans a augmenté de 50 % au Québec en 15 ans, c'est-à-dire entre 1971 et 1986, et les 75 ans et plus, de 65 %. En 1986, il y avait plus de 650 000 personnes de 65 ans et plus au Québec. Si l'on en croit les démographes, il y en aura près de 1 000 000 dans moins de 20 ans. Or, les niveaux d'immigration actuels au Québec sont insuffisants pour pallier à cette carence démographique puisque nous n'avons accueilli, en 1989, qu'environ 33 600 immigrants, soit 17,7 % de l'immigration canadienne, alors que le Québec représente 26 % de la population du Canada.

C'est pourquoi une politique d'immigration

ouverte est essentielle au Québec, ne serait-ce que pour assurer le renouvellement des générations futures.

Le déclin démographique prévu au Québec a aussi des conséquences économiques, et on peut citer trois phénomènes importants: l'alourdissement du poids démographique et économique des personnes âgées, la plus grande place occupée par la dépense publique en biens et services et la réduction de l'épargne nette qui reste disponible pour le financement des nouveaux investissements en équipements.

Étant donné que les immigrés reçus au Québec depuis quelques années sont en moyenne âgés de 16 à 30 ans et qu'une part relativement importante est très scolarisée, leur apport économique est de toute évidence bénéfique.

Par ailleurs, de nombreuses études réalisées à ce jour démontrent que l'immigration ne concurrence pas indûment les travailleurs sur place. Si les compétences professionnelles des travailleurs immigrants sont prises en compte lors de la sélection et correspondent aux perspectives à moyen terme de la structure de l'emploi, il n'y a aucune raison de craindre que les immigrants indépendants ne viennent grossir le rang des chômeurs au Québec, d'autant plus qu'une partie de cette catégorie d'immigrants est composée d'entrepreneurs et d'Investisseurs.

C'est ce qu'affirment, en effet, Samuel et Conyers dans une étude commandée par le gouvernement fédéral et citée par le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration dans son avis du 5 mai 1986. Selon ces auteurs, "les immigrants sont susceptibles de créer plus d'emplois qu'ils n'en occupent. Même en 1983-1984, année où la conjoncture économique commençait tout juste à être un petit peu plus Favorable, les immigrants auraient créé plus d'emplois qu'ils n'en auraient occupé." Ils estiment que, "si la composition de l'immigration - en termes d'âge, de catégorie d'admission, de taux d'intégration au marché du travail et de propension à consommer - demeure inchangée, le potentiel de création d'empiois continuerait de se réaliser avec une immigration accrue". Selon eux, "l'immigration doit être vue comme ayant un effet positif sur l'emploi".

Le Conseil du patronat se réjouit, à ce titre, que la proportion d'immigrants indépendants soit passée de moins de 35 % du nombre total d'immigrants en 1985 à 58 % en 1989. Les succès atteints, selon l'énoncé de politique, sont particulièrement notables en ce qui concerne les entrepreneurs, les travailleurs autonomes et les investisseurs en valeurs mobilières. Outre ses incidences directes sur les investissements et la création d'entreprises, la venue de gens d'affaires apportant avec eux un savoir-faire innovateur et un réseau de contacts international contribue à dynamiser l'économie québécoise.

J'aimerais maintenant faire quelques commentaires au sujet de l'énoncé de politique du gouvernement. Le Conseil du patronat note avec satisfaction que le gouvernement met pour la première fois l'accent, dans sa politique, sur l'intégration véritable des Immigrants, un processus complexe et qui interpelle la société d'accueil dans son ensemble. La nouvelle réalité sociale québécoise, de nature pluraliste, exige désormais de nous une plus grande ouverture d'esprit et une meilleure compréhension des différentes ethnies qui la composent.

De manière générale, un effort remarquable est prévu dans l'énoncé gouvernemental au chapitre des mesures d'encadrement en matière d'accueil et de soutien à l'insertion socio-économique des nouveaux arrivants. On remarque que l'énoncé de politique met de l'avant des mesures pour mieux encourager les immigrants à apprendre à communiquer en français, que le gouvernement manifeste sa volonté de mieux intégrer les immigrants à la culture québécoise et que la clientèle connaissant l'anglais aura accès à un programme à temps plein équivalent à celui dont bénéficient les allophones se destinant au marché du travail. Par ailleurs, la mise en oeuvre de certaines mesures favorisant la régionalisation de l'immigration au moyen de projets-pilotes, lorsque se sera manifestée une volonté régionale d'accueillir davantage d'immigrants, doit être également encouragée, li s'agit, en somme, d'accroître les volumes d'immigration en fonction de la capacité d'accueil du Québec.

À ce titre, le Conseil du patronat s'est réjoui, M. le Président, Mme la ministre, de la signature de l'entente Québec-Ottawa en matière d'immigration qui confère au Québec l'entière responsabilité de la sélection et de l'intégration des immigrants qu'il souhaite accueillir sur son territoire.

Suite à cette analyse, le Conseil du patronat du Québec souhaite donc pour les années 1992, 1993 et 1994 une augmentation soutenue et réaliste des niveaux d'immigration. Ainsi, pour 1992, nous croyons que le Québec devrait accueillir 50 000 immigrants, soit 20 % du total prévu au Canada. Par la suite, une augmentation progressive jusqu'à 22 % du total canadien en 1994 devrait permettre au Québec d'intégrer sans heurt les nouveaux arrivants.

Par ailleurs, même s'il est évident que le Conseil du patronat favorise nettement l'arrivée d'immigrants indépendants, il n'en considère pas moins que le Québec doit poursuivre l'objectif humanitaire qui consiste à accueillir sur son sol un certain nombre de personnes en situation particulière de détresse. Nous suggérons, à cet égard, de maintenir une moyenne de 10 % pour la période de 1992 à 1994 et au-delà.

Pour conclure, M. le Président, le Conseil du patronat appuie l'initiative du gouvernement de mettre en oeuvre une politique intégrée d'immigration au Québec. L'immigration de personnes d'origines diverses a été une constante positive de l'histoire du Québec. Nul doute qu'un

processus d'immigration bien planifié, à la mesure de la capacité d'accueil du Québec, continuera de contribuer à sa progression démographique et économique.

Nous croyons, par ailleurs, que l'immigration au Québec devrait atteindre d'ici quelques années une proportion de 25 % de l'immigration canadienne. Des raisons tant démographiques qu'économiques justifient pleinement cet objectif. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Garon. Est-ce qu'il y a d'autres représentants du Conseil qui veulent prendre la parole pour terminer?

M. Laflamme: Ça va.

Le Président (M. Doyon): C'est tout? Mme la ministre, est-ce que vous avez certaines questions?

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Merci, M. le Président.

Bien sûr, je voudrais vous remercier pour la présentation de votre mémoire. Je constate que vous avez bien cerné les problèmes démographiques et les coûts que, faute d'immigration, par exemple, ça pourrait comporter pour les différents systèmes, entre autres de santé et d'éducation. Je constate aussi que le Conseil du patronat reconnaît que l'immigration est bénéfique pour l'économie du Québec, et je m'en réjouis. (15 heures)

Vous mentionnez dans votre mémoire et vous recommandez, entre autres, et en accord avec l'énoncé de politique, une augmentation du niveau de l'immigration. Il ne faut pas se le cacher, pourtant, il y a certains milieux qui s'inquiètent cependant d'une telle augmentation, surtout dans le contexte économique actuel. Donc, pour le Conseil du patronat, doit-il y avoir un lien entre les niveaux et la conjoncture économique et, si oui, lesquels?

M. Laflamme: Mme la ministre, en ce qui concerne les immigrants investisseurs, il est évident que leur venue en période de difficulté économique ne peut que nous aider à créer des emplois. En fait, nous pensons qu'il faudrait redoubler d'efforts pour attirer ces immigrants, particulièrement lorsque la conjoncture économique est défavorable comme celle qu'on vit dans le moment, parce qu'on connaît les retombées bénéfiques de leur contribution.

Pour ce qui est des professionnels et des autres immigrants qui ont une qualification professionnelle, ça ne devrait pas être non plus contingenté suivant la conjoncture économique, dans la mesure où le Québec fait face à une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée dans de nombreux secteurs actuellement, même si le taux de chômage demeure élevé.

Le Président (M. Ooyon): Merci, M. Laflamme. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Finalement, ce que vous soutenez, c'est que parfois on retrouve des taux de chômage un peu plus élevé, mais cependant il y a toujours une pénurie de maln-d'oeu-vre qualifiée. Cette clientèle pourrait combler justement cette pénurie de main-d'oeuvre qualifiée et aussi, en période de récession, souvent ce sont les seuls capitaux nouveaux que l'on peut investir au Québec par l'entremise, justement, des investisseurs ou encore des entrepreneurs. C'est un peu ça, finalement, que vous mentionnez.

M. Laflamme: Surtout les immigrants investisseurs. Vous avez tous ces gens et cet argent qui proviennent de Hong-Kong à l'heure actuelle, ces gens-là sont définitivement des entrepreneurs qui investissent au Québec et qui directement génèrent des emplois, emplois qui souvent servent à nos bons Québécois. M. Garon peut peut-être...

Le Président (M. Doyon): M. Garon.

M. Garon (Jacques): Oui, M. le Président. Mme la ministre, j'aimerais ajouter que la difficulté de la part du gouvernement, ce n'est pas de faire venir ces immigrants; c'est plutôt la concurrence féroce qu'il y a entre non seulement les provinces, mais les divers pays qui voudraient bien accueillir ces immigrants investisseurs, qui est une très grande considération. Je pense qu'à ce titre le gouvernement doit probablement redoubler d'efforts pour tenter de les accueillir.

Mme Gagnon-Tremblay: Justement, qu'est-ce que le Conseil du patronat peut faire pour nous aider dans ce grand défi d'accueillir? Parce que, comme vous le mentionniez tout à l'heure, c'est bien beau de sélectionner des immigrants investisseurs ou entrepeneurs, mais encore faut-il les retenir au Québec, parce que en premier lieu nous faisons de l'immigration.

Je pense, par exemple, à tout le grand défi que nous poursuivons au niveau de la régionalisation. On sait qu'actuellement au-delà de 80 % des nouveaux arrivants s'installent dans la grande région de Montréal et que non seulement nous avons l'intention d'ouvrir, mais nous avons ouvert des directions régionales, entre autres à Québec, à Hull et à Sherbrooke, et nous ouvrirons également une direction régionale dans Montréal même. Pour, bien sûr, pouvoir régionaliser, il nous faut amener ces personnes, mais il faut aussi les accueillir, parce que la régionalisation, on ne peut pas l'imposer, d'une part, à l'immigrant et on ne peut pas l'imposer non plus à la région. On sait que nous aurons aussi des attitudes et des mentalités à changer et nous devrons aussi nous doter de structures d'accueil,

surtout, je pense, avec les leaders économiques.

Qu'est-ce que le Conseil du patronat du Québec peut faire, par exemple, avec les entreprises en région, entre autres, pour, je ne sais pas, nous identifier, d'une part, cette main-d'oeuvre qualifiée qui est en demande, de même que pour pouvoir faire ce lien ou cette harmonisation entre l'offre et la demande?

Le Président (M. Doyon): M. Garon ou M. Lafiamme. M. Garon.

M. Garon (Jacques): Oui, merci, M. le Président. Mme la ministre, je pense que peut-être que le Conseil du patronat, avec d'autres associations d'ailleurs - nous ne sommes pas les seuls, ça doit être probablement un défi commun - devrait pouvoir peut-être vous aider à identifier effectivement non pas dans la région métropolitaine de Montréal, mais dans toutes les autres régions du Québec les pénuries d'emplois s'il y en a, parce que je pense que c'est un triple défi que de vouloir régionaliser l'immigration. D'une part, comme vous le dites, 80 % des nouveaux arrivants viennent s'installer dans la région métropolitaine de Montréal simplement pour une raison: c'est qu'il y a probablement beaucoup plus de coreligionnaires dans la région du Montréal métropolitain qu'il y en a partout ailleurs au Québec. Donc, c'est une première difficulté qu'il faut pouvoir surmonter.

Mais la première chose, je pense, qui pourrait guider ces immigrants, c'est d'être probablement assurés d'avoir un emploi. S'il n'y a pas d'emplois, toutes les mesures d'accueil que l'on pourra bien mettre comme encadrement, à mon avis, ne contribueront pas au succès d'une telle entreprise parce qu'il faut véritablement qu'on puisse s'intégrer, et s'intégrer, c'est, bien sûr, mieux comprendre la culture, mieux comprendre la langue et l'apprendre si nécessaire, mais surtout trouver un emploi; s'il n'y a pas d'emplois, il n'y a rien à faire, je ne pense pas qu'on pourra y arriver.

Alors, dans ce sens, peut-être que le Conseil du patronat pourrait effectivement collaborer avec le ministère, ainsi qu'avec de nombreuses autres associations pour qu'à l'extérieur de Montréal on puisse identifier de façon beaucoup plus précise là où effectivement il y aurait des possibilités d'emploi auxquelles dans la région on ne peut pas subvenir.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Garon. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Est-ce que vous pouvez cependant m'identifier certains secteurs de l'économie québécoise qui sont les plus aptes à absorber, par exemple, cette main-d'oeuvre qualifiée? Est-ce qu'il y a déjà une identification qui a été faite par votre Conseil?

M. Garon (Jacques): Oui. Il y a de nombreuses études, M. le Président et Mme la ministre, qui ont été faites à ce sujet. On sait, par exemple, que l'aéroncLrtique qui est un secteur en pleine expansion, avec la création d'un centre dans un cégep, est un pas dans la bonne direction pour la formation de nouveaux techniciens qualifiés, mais il n'en demeure pas moins qu'il y a une très grande demande pour du personnel et des professionnels qualifiés, particulièrement avec la venue de l'Agence spatiale qui sera localisée dans la région métropolitaine. Donc, ici, on parle de spécialistes en bureautique, on parle de spécialistes en intelligence artificielle, en communication, en conception et en fabrication assistée par ordinateur, enfin, bref, toute la gamme des professionnels qui peuvent être intéressés, par leurs qualifications, de près ou de loin à ce secteur.

Mais il n'y a pas que le secteur de l'aéronautique. Il y a aussi l'industrie du plastique, par exemple, dont le Québec a à peu près 600 entreprises, qui a une pénurie de main-d'oeuvre absolument épouvantable et qui requiert, là aussi, des chimistes spécialisés et d'autres spécialistes dans le domaine. On a aussi beaucoup de pénurie dans de nombreux secteurs qui requièrent des ingénieurs de toutes qualifications: en métallurgie, en céramique, etc.

On a, par ailleurs, aussi - et ça, peut-être que c'est moins su - une pénurie de main-d'oeuvre et de techniciens en sylviculture; avec le programme de reboisement que nous avons au Québec, on trouve très difficile d'aller chercher des gens qui vont justement aller en région et qui n'ont pas les qualifications. Or, il n'y en a pas. C'est-à-dire qu'il y en a peut-être, mais la demande est là et on pourrait certainement accueillir beaucoup de professionnels dans ce secteur.

Mais il y a aussi à un niveau du secondaire professionnel, si je puis dire, un grand nombre de métiers où aussi il y a pénurie. On pourrait vous citer de nombreuses industries qui requièrent des soudeurs qualifiés. On pourrait aussi avoir des machinistes et on s'aperçoit, quand on interroge nos membres, les entreprises, qu'effectivement elles ont toujours beaucoup de difficultés, et c'est un peu paradoxal avec le taux de chômage qu'on a actuellement, à recruter ces professionnels qualifiés qui ne sont pas nécessairement des ingénieurs, mais souvent des gens de métier. Et je pense que le gouvernement, d'ailleurs, a beaucoup de listes, qu'il tient à jour, de beaucoup de ces professions où justement il y a une demande constante en dépit d'une conjoncture économique très défavorable.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Garon. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Bouierice: Oui, M. le Président. Je vous

remercie d'avoir remplacé au pied levé votre président qui est en conclave actuellement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Je sais que la tâche est très lourde. J'aurais bien aimé l'entendre au niveau de l'immigration.

Dans votre mémoire, il y a quelque chose qui m'a vraiment un peu chicoté, pour employer une expression du terroir. Depuis 1976, le Québec accueille en moyenne 17,2 % de l'immigration canadienne. Alors, pouvez-vous me dire comment vous pouvez qualifier négativement la performance du Québec d'avant 1985, comme vous le faites d'ailleurs en page 2 de votre mémoire, en sachant fort bien qu'en dernière instance c'est le gouvernement fédéral qui détermine les niveaux d'immigration?

M. Garon (Jacques): M. le Président, je pense que cette performance négative n'est pas tout à fait due à une politique voulue. C'est simplement que les migrations interprovinciales ont joué en défaveur du Québec. Dans ce contexte, jusqu'à date, on ne peut pas empêcher les gens, quand ils viennent s'établir ici à un moment donné, de partir s'ils veulent partir. Or, ce n'est que relativement très récemment qu'on a obtenu des niveaux d'immigration positifs. Autrement dit, on a eu plus de gens qui sont restés au Québec qu'on a eu de personnes qui sont sorties du Québec pour aller ailleurs au Canada.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Garon. M. le député.

M. Boulerice: Quels seraient les moyens pour les garder ici, cher monsieur?

M. Garon (Jacques): Les moyens pour pouvoir...? Écoutez, je pense que l'énoncé de politique du gouvernement qui a été proposé tend en partie à répondre à ça. Autrement dit, d'abord, c'est les emplois, c'est évident. S'il y a du travail, on va pouvoir y arriver et, s'il y a un encadrement qui va leur permettre de mieux s'intégrer à la vie socio-économique du Québec, ça va certainement faciliter les choses.

Par ailleurs, ce qui est non moins important, et je pense qu'on commence vraiment à en parler au Québec, c'est de voir aussi que la population d'accueil ne va pas être trop rébarbative à accueillir ces nouveaux immigrants. Autrement dit, il faut qu'il y ait une interdépendance beaucoup plus forte que ce que nous avons connu jusqu'à maintenant pour éviter ce qu'on pourrait peut-être appeler la ghettoïsation de certains groupes, pas seulement à Montréal, mais ailleurs.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Garon.

M. Boulerice: Je vous avoue que j'apprécie beaucoup le discours que vous tenez au sujet de la régionalisation. Donc, forcément aussi, vous parlez d'emploi. Vous avez parlé de programme de reboisement, etc. La question que j'aimerais vous poser: Est-ce que vous êtes prêts à mettre en oeuvre des programmes d'accès à l'égalité?

M. Laflamme: Pardon? Pouvez-vous répéter, s'il vous plaît?

M. Tremblay (Jean): Programme d'accès...

M. Boulerice: D'accès à l'égalité au niveau de l'emploi. Pour les immigrants, là, il va de soi.

M. Tremblay (Jean): Vous dites bien les programmes d'accès à l'égalité?

M. Laflamme: À l'égalité? Quelle égalité?

Le Président (M. Doyon): L'égalité dans l'emploi, j'imagine.

M. Boulerice: En emploi.

M. Laflamme: Bien oui! Évidemment, le Conseil du patronat a toujours été d'accord avec cette position-là.

M. Boulerice: Mais dans l'entreprise, je parle.

M. Laflamme: Oui.

M. Boulerice: D'accord. Maintenant, vous avez insisté, à juste titre, sur l'intégration. Il va de soi que l'intégration se fait à l'école pour les tout-petits. Elle peut se faire dans la rue ou le voisinage comme tel. Vous avez été abondants en statistiques, et ce n'est pas un reproche que je vous fais, au contraire. Je pense que vous avez un dossier assez fouillé. Mais les statistiques nous prouvent également que malheureusement le français comme langue de travail n'a pas progressé autant qu'on l'aurait souhaité, malgré l'application des lois linguistiques au Québec. Dieu seul sait qu'une langue qui n'est pas utile au travail est une langue de vestiaire, comme je dis. Qu'est-ce que le Conseil du patronat compte faire pour favoriser le français comme langue de travail?

Le Président (M. Doyon): M. Garon.

M. Garon (Jacques): Oui. M. le Président, moi, je pense qu'on a tout de même, depuis 20 ans, fait des progrès remarquables en ce qui concerne la francisation, le français comme langue du travail dans toutes les entreprises du Québec, en tout cas dans la très grande majorité des entreprises au Québec. Je pense qu'aujourd'hui ce serait assez difficile de trouver un

emploi sans une connaissance minime du français au Québec. Je n'ai pas l'impression que, par ailleurs, on puisse immédiatement forcer les Immigrants à adopter une attitude très positive si on a au départ peut-être une attitude un peu rébarbative à cet effet. C'est pourquoi nous pensons, en tous les cas, que cette sélection des immigrants qui se fait doit s'accompagner, au départ, avant même que l'immigrant arrive en sol québécois, de très, très bonnes informations en ce qui concerne le milieu de travail et particulièrement la langue du travail. Je pense que quand l'immigrant arrive ici c'est trop tard.

Autrement dit, bien sûr, il va y avoir une intégration, il va y avoir un encadrement, mais je pense que ça doit commencer, dès le départ, dans le pays d'origine dans la mesure du possible. Et ça faciliterait beaucoup les choses pour ne pas avoir le genre de conflits ou, en tout cas, de difficultés auxquelles vous faites allusion lorsque les immigrants arrivent ici. (15 h 15)

Le Président (M. Doyen): Merci, M. Garon. M. le député.

M. Boulerice: Vous n'êtes pas sans savoir, puisque vous êtes montréalais, que les travailleurs immigrants se concentrent dans des secteurs souvent très précis de l'économie et que malheureusement, dans certains secteurs, les travailleurs immigrants deviennent, selon l'expression consacrée, du "cheap labor". On emploie souvent cette expression. Vous me permettrez une deuxième fois d'employer un terme anglais: les "sweatshops" que l'on voit, là, rue Chabanel et compagnie. Je pense que vous connaissez la métropole autant que moi.

Qu'est-ce que vous pensez de la syndicalisa-tion des travailleurs immigrants qui sont ici, mais toujours d'une façon un peu précaire, je parie socialement, dans un pays d'accueil, avec la peur d'être refoulés, la méconnaissance des droits, etc.?

Le Président (M. Doyon): M. Garon.

M. Garon (Jacques): Vous posez une question un petit peu paradoxale au Conseil du patronat, à savoir si on est en faveur de la syndfcalisatlon. Je vous répondrai d'emblée que je ne pense pas que ça entre tout à fait dans notre politique. Mais, en ce qui concerne la rue Chabanel, je peux vous dire qu'en ce moment ce n'est pas très rase et que même les ouvriers qualifiés québécois ont à subir les effets de la récession. Mais ça, ça ne règle pas le problème des immigrants, j'en conviens.

Ceci dit, il ne faut pas oublier que, quand on a une politique humanitaire et qu'on se dit volontaire pour accueillir une certaine quantité de gens qui sont des réfugiés, pour toutes sortes de considérations, vous ne pouvez pas contingenter ces gens-là dans tel et tel endroit au

Québec, ni physiquement ni moralement. Alors, il est évident que là vous n'avez pas un choix sur la question de la compétence, sur la question de la langue, et c'esi. ià, je pense, que vous retrouvez le plus grand nombre de difficultés. C'est un problème à long terme qui ne peut se résoudre que par un encadrement de plus en plus sophistiqué et une politique de plus en plus intégrée au marché de l'emploi. On n'arrivera certainement pas à résoudre ce problème du jour au lendemain. Je pense que c'est un problème à long terme.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Garon.

M. Boulerice: Je ne trouvais pas paradoxal de vous parler de syndicalisation, puisque vos homologues allemands et autrichiens en parlent très abondamment. J'en arrive, d'ailleurs. Ceci dit, une dernière question. Il y a des délais qui sont encourus par les requérants du statut de réfugié lorsqu'ils arrivent au Québec. Quelle serait, d'après vous, la stratégie que le gouvernement devrait adopter pour réduire ces délais atroces, même?

Le Président (M. Doyon): M. Garon. M. Garon (Jacques): M. le Président...

Le Président (M. Doyon): Ou M. Laflamme, c'est comme vous voudrez.

M. Garon (Jacques): ...je pense qu'il faudrait peut-être s'adresser au gouvernement. Je ne sais pas si c'est simplement une question de procédure bureaucratique qui fait qu'il y a des délais. Est-ce qu'il y a suffisamment d'officiers dans tous les ministères pour pouvoir répondre à cette demande, à cette accumulation? Je m'excuse, mais là je ne peux pas répondre plus avant à cette question.

M. Boulerice: Mais vous comprenez le bien-fondé de ma question parce que c'est ce fait-là qui fait - vous permettez le pléonasme - qu'on les retrouve dans les ghettos d'emploi.

M. Garon (Jacques): Mais je ne sais pas si, le statut d'immigrant reçu leur étant accordé, ça changerait fondamentalement ce problème. Mol, j'ai un peu de doutes là-dessus.

Le Président (M. Doyon): M. Laflamme.

M. Laflamme: Est-ce que vous avez fait une étude pour savoir la raison qui cause ces délais-là? Est-ce que c'est le critère de sélection? Est-ce que c'est les enquêtes qui prennent du temps? Je ne le sais pas. Écoutez, ce n'est pas nous qui administrons le ministère de l'Immigration.

M. Boulerice: Je vous répondrais...

Le Président (M. Doyon): M. le député.

M. Bouleiice: Là, c'est l'interviewer interviewé, M. Laflamme.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Je vous répondrais que c'est un peu de tout, mais, comme vous avez une réputation d'excellents gestionnaires, je me suis dit: Ils connaissent peut-être déjà la réponse à la question, donc ils ont peut-être des éléments de réponse. J'allais tout bonnement à la pêche.

M. Laflamme: Malheureusement, M. Boulerice, nous n'avons pas la réponse. Si nous l'avions, nous serions très heureux de vous la fournir.

M. Boulerice: Peut-être qu'à la fin de la commission, effectivement, on pourra bénéficier du concours du Conseil du patronat pour aider à solutionner cette question. Je ne sais pas si mon collègue... Non. Alors, je vous remercie beaucoup, M. Laflamme et M. Garon.

M. Laflamme: Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. Maintenant, en vertu de la règle de l'alternance, la parole est au député de LaFon-talne qui me l'a demandée.

M. Gobé: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Il me fait plaisir de vous recevoir ici, moi aussi, et j'ai noté avec plaisir que plusieurs passages de votre mémoire font, si ce n'est l'éloge, au moins grand cas de la réforme et du livre blanc proposés par le gouvernement et par la ministre. En particulier, je note que "le CPQ note avec satisfaction que le gouvernement met pour la première fois l'accent, dans sa politique, sur l'intégration véritable des immigrants, un processus complexe et qui interpelle la société d'accueil dans son ensemble". Je trouve ça intéressant parce que, au Québec, j'ai l'impression que notre problématique d'immigration n'est pas forcément la même que dans les autres pays, car nous avons à faire face - je vous écoutais parler et vous le faisiez ressortir, en plus, dans votre mémoire - à deux grands objectifs qui sont parallèles et qui peuvent être, à un moment donné, contradictoires tout en étant complémentaires, et je m'explique.

Nous avons une politique d'immigration au Québec, j'ai l'impression, parce que nous avons un problème démographique, et vous le mentionnez dans votre mémoire à la page 2 où vous dites qu'on a eu un solde migratoire négatif envers les provinces, particulièrement dans les années 1981, 1982, et on comprendra qu'à cette époque-là c'était l'accession de l'ancien gouvernement au pouvoir. Il y avait eu à peu près 200 000 personnes qui étaient parties vers les autres provinces et les États-Unis, mais on ne reviendra pas sur ça. C'était cyclique. C'était probablement un accident qui ne se reproduira pas, et souhaitons-le.

Mais il n'en reste pas moins que notre population est une population déclinante en termes de naissance, en ternies de vieillissement de population aussi et qu'on se doit, donc, d'avoir recours à des stratégies d'immigration pour compenser.

En même temps, et vous le mentionnez très bien, on le voit tous les jours, on a un certain nombre d'emplois très qualifiés, qui demandent des ouvriers qualifiés avec certaines expériences, pour lesquels nous n'avons pas de main-d'oeuvre au Québec et pour lesquels nous devons faire appel à une main-d'oeuvre extérieure. Le plus difficile est bien souvent de faire coïncider ce besoin d'immigrants, au niveau démographique, pour combler ce déficit et, en même temps, d'attirer ces employés, ces immigrants avec certaines qualifications.

Vu que vous avez fait le diagnostic, et je le répète un peu après vous, un peu après la ministre, d'ailleurs, j'aurais une question à vous poser. Je me demande s'il ne pourrait pas y avoir, avec une organisation comme la vôtre ou d'autres organisations patronales, une collaboration avec le ministère qui aurait pour but, d'abord, d'identifier clairement et d'une manière très pointue non seulement les secteurs où il manque ce genre d'employés là, mais les entreprises où il y a des besoins? Et est-ce que ces entreprises, en collaboration avec le ministère, ne pourraient pas faire le recrutement directement dans les pays concernés, en tenant compte de certains critères et de la contrainte linguistique, bien entendu? Car on sait qu'en plus des deux critères que j'ai énoncés précédemment on a aussi, au Québec, une contrainte linguistique. Pas la peine d'élaborer là-dessus, tout le monde le comprend. Alors, est-ce que vous y avez pensé ou est-ce que vous ne pourriez pas élaborer un peu sur cette idée?

Le Président (M. Doyon): M. Laflamme.

M. Laflamme: M. le Président, si le ministère de l'Immigration du Québec demande au CPQ de l'aider dans une démarche semblable, le CPQ s'engage ici même à collaborer de la manière la plus efficace possible auprès de ses associations sectorielles pour identifier les secteurs et les professions en demande de main-d'oeuvre qualifiée à l'heure actuelle. Dans un premier temps, c'est une chose qui pourrait être faite: vous identifier très bien les secteurs et, en fait, les positions qui sont en manque. Suite à ça, on pourrait peut-être procéder à un deuxième stade.

M. Gobé: Dans l'énoncé de la ministre, on parle du contrat moral...

Le Président (M. Doyon): M. Garon voulait ajouter quelque chose.

M. Laflamme: M. Garon va compléter. M. Gobé: M. Garon, je m'excuse.

M. Garon (Jacques): Oui, je voudrais juste ajouter une petite chose. C'est que peut-être, là, il y aurait lieu d'avoir un lien avec le ministère de la Main-d'oeuvre parce que le ministre Bourbeau, justement, a une Conférence permanente sur l'adaptation de la main-d'oeuvre qui va probablement étudier cette problématique de pénurie de main-d'oeuvre et, par conséquent, il devrait y avoir, je pense, un lien très étroit pour que tout le monde marche à l'unisson dans la même direction.

M. Gobé: Donc, si je comprends bien, vous recommanderiez... Bien, vous recommanderiez, vous seriez favorable à une concertation ministères de la Main-d'oeuvre, de l'immigration et entreprise privée, une espèce de partenariat où il pourrait y avoir une espèce de chambre consultative de l'immigration ou des besoins de la main-d'oeuvre en ce qui concerne l'immigration.

M. Laflamme: Oui, de façon à mettre toutes les chances sur le bon côté. C'est louable, cette nouvelle politique, mais évidemment il faut l'aider si on veut qu'elle fonctionne et qu'elle rapporte les dividendes nécessaires.

M. Gobé: C'est ça. C'est parce qu'on voit dans l'énoncé de politique de Mme la ministre qu'on parie d'un contrat moral entre le nouvel arrivant, ou celui qu'on veut faire venir, et ('État, le Québec, la société québécoise. À ce moment-là, est-ce qu'on ne peut pas parler de partenariat entre la société québécoise et les entreprises privées de cette société afin de participer non seulement à la sélection, mais aussi, après ça, à l'accueil? Car, si vous sélectionnez des gens qui correspondent à certains critères dont vous avez besoin, il est évident qu'ils vont être intégrés très rapidement dans la société et qu'on aura, à ce moment-là, certainement un critère de rétention très important de ces immigrants.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député.

M. Gobé: Juste une dernière petite question, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Rapidement.

M. Gobé: On sait qu'une grande partie de ces immigrants, particulièrement les moins favorisés, les moins scolarisés, s'établissent dans la région de Montréal, dans l'est de Montréal jusqu'à peu près à Saint-Henri. On parle de près de 50 000 immigrants par année dans quelque temps. Prenons pour acquis qu'une grande partie seront, si on se fie à ce qu'on a maintenant, pas forcément des immigrants de haut niveau de qualification professionnelle, mais plutôt d'origine du tiers monde. On parie de 50 000 par année et peut-être que 10 000 ou 20 000 vont s'établir dans cette région-là. Y a-t-il un danger à moyen terme ou à long terme à cette trop grande concentration pour leur intégration à la société québécoise et en termes de rejet par l'ensemble de la société de cette immigration?

Le Président (M. Doyon): M. Garon ou M. Laflamme. M. Garon.

M. Garon (Jacques) : Oui, M. le Président, d'où l'importance de l'énoncé de politique du gouvernement. Si l'intégration qui est suggérée ici peut être mise en action relativement rapidement, les chances seront qu'on va éviter, justement, de créer des ghettos, comme vous le suggérez, qui sont un petit peu l'apanage de tous les pays neufs, de toutes les façons, mais où il y aura une intégration bien meilleure qui sera possible. Pour ces gens les plus défavorisés qui n'ont ni le niveau d'éducation ni les compétences souvent professionnelles requises pour les emplois en pénurie, je pense que c'est vraiment l'encadrement qui doit permettre de mieux les guider pour qu'ils puissent s'intégrer de façon beaucoup plus rapide et plus harmonieuse à la société québécoise.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Garon. M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui, merci, M. le Président. Très rapidement, c'est juste une question et ça va dans le sens de ce qu'on discute depuis quelques minutes. Je suis d'accord avec vous, il faut favoriser l'immigration. Je pense que c'est unanime de plus en plus, en tout cas pour les gens qui sont impliqués directement, parce qu'il y a des besoins de population, des besoins de main-d'oeuvre. Ça, on en a traité beaucoup. C'est surtout ce volet-là qui m'intéresse, c'est sûr, à cause du taux de dénatalité, de vieillissement et tout ça et, en plus, des richesses qu'on possède. Il ne faut pas se le cacher, le Québec est un pays riche et il ne peut pas faire autrement qu'être ouvert s'il veut se développer, question de marchés et question de développement.

Mais on en a traité en disant: Comment on fait pour garder les gens qui viennent et comment on fait aussi pour les attirer et tout ça? On revient toujours à la même chose, c'est l'emploi. Ce que cherchent les Québécois, c'est le plein emploi et ce que cherchent les gens quand ils déménagent, aussi, ils se cherchent une place où ils vont avoir un emploi payant pour être capables de mieux vivre. C'est ce que tout le

monde recherche, finalement.

On parte d'emploi, mais on relie toujours ça... Le plus grand problème de l'emploi, au Québec, c'est la formation professionnelle, la main-d'oeuvre qui n'est pas capable de répondre aux besoins. Il n'y a rien de plus triste quand on voit les journaux de fin de semaine, dans toutes les régions du Québec. Il y a un taux de chômage à 13 % ou 14 % et des pleines pages d'entreprises qui recherchent de la main-d'oeuvre. Ça n'a pas de bon sens. Il y a un problème qui est grave et le problème, ce n'est pas l'immigration. Le problème, finalement, c'est la formation professionnelle.

Je suis d'accord avec vous, c'est une richesse par rapport à ce que ça nous apporte, parce que c'est des individus de plus avec leur bagage, leurs connaissances et leurs particularités. Quand c'est des investisseurs immigrants, en plus, bien, ils nous amènent leurs connaissances techniques et l'argent qu'ils vont investir. De ce côté-là, ça va très bien. Par contre, quand on va dans le reste en disant: Bien, là, il faut favoriser l'immigration parce qu'on ne trouve pas toujours la main-d'oeuvre spécialisée pour répondre a la demande des entreprises - vous avez pris des exemples et on les retrouve dans toutes les régions du Québec: manque de soudeurs et manque de mécaniciens - je dois vous dire que le problème n'est pas nécessairement de société et ce n'est pas parce qu'on manque de monde pour le faire qu'il faut faire venir des gens de l'extérieur pour être soudeurs et mécaniciens. (15 h 30)

Ça veut dire que, là, on reconnaît d'une façon formelle qu'on a un problème qui est grave et qu'au niveau de notre politique de formation professionnelle, au niveau de la concertation entreprise-école, c'est un fiasco. Parce que ça n'a pas de bon sens quand on dit que, même pour des soudeurs et des mécaniciens, au lieu de transformer notre façon de former nos gens, on va aller les chercher à l'extérieur. Mais, même si on en faisait entrer plus, ça va faire quoi? Ça va faire qu'on va combler... mais il va rester notre taux de chômage élevé et des gens pas préparés.

Je suis d'accord pour qu'on les accueille, puis qu'en attendant qu'ils soient formés on ait des soudeurs et des mécaniciens de l'extérieur qui soient des Québécois nouveaux, mais il ne faudrait pas que, du revers de la main, on dise: On va aller les chercher à l'extérieur et on ne fera pas d'effort de formation professionnelle. Comme société, on n'a pas le choix de dire au plus sacrant: Ça nous prend une politique efficace de formation professionnelle; sinon on accepte qu'il y ait des victimes de la société, des gens qui vont être sur le BS toute leur vie, parce que notre système ne les forme pas correctement.

Qu'on la comble par rapport à des spécialistes qui vont nous amener de la technologie et des connaissances nouvelles, d'accord, mais qu'on comble notre lacune de formation professionnelle, pour des travaux de manoeuvre, en allant chercher des gens de l'extérieur, je vous dirai que c'est comme se cacher la vérité et dire que nous devons accepter que, dans la société, il y ait des dizaines et des centaines de milliers de gens qui ne peuvent même pas être soudeurs et qu'on va aller les chercher ailleurs, pas parce qu'ils ne sont pas capables, mais parce qu'on ne les forme pas. Je ne sais pas si je suis correct, mais je dois vous dire qu'on a, autant chez les Québécois actuels que chez ceux qui vont venir, un problème de formation professionnelle qu'il va falloir combler très rapidement. Il va falloir travailler ensemble là-dessus, avec vous autres spécialement, parce que le rapprochement va se faire avec l'école et l'entreprise.

Le Président (M. Doyon): Qui veut réagir? M. Laflamme.

M. Laflamme: Vous parlez de formation professionnelle. C'est une chose qui nous tient énormément à coeur, au Conseil du patronat. Il n'y a pas tellement longtemps - il y a à peine deux mois, je crois - le bureau des gouverneurs du CPQ avait le plaisir de rencontrer te ministre Pagé et nous avons eu l'occasion de dialoguer assez longuement avec lui. Il nous a fait part - et je pense que tout le monde le sait - d'une innovation qui vient d'être faite avec l'école des gens de l'air, à Montréal, en formation professionnelle, où l'industrie est impliquée dans la programmation, dans le choix des cours, dans la matière à donner, etc. C'est un début, me direz-vous, mais le ministre nous a assurés que cette manière de procéder s'appliquera dans d'autres domaines, dans d'autres secteurs, dont celui du meuble et celui du bois ouvré. Ils s'en viennent avec ce programme-là et je pense que c'est important que l'industrie soit impliquée dans la programmation des cours. Mais ça ne s'est pas fait dans le passé. Malheureusement, pour des raisons qu'on ignore, l'industrie n'était pas consultée. Les cours se donnaient, mais sans consultation auprès de l'industrie. Maintenant, c'est une innovation, ça commence. Alors, ça devrait déboucher et améliorer les préoccupations que vous et nous avons.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. Tremblay, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Tremblay (Jean): II y a également, dans ce que monsieur mentionnait, des problèmes au niveau de la mentalité des Québécois eux-mêmes. Il y a, au niveau de l'immigration, une possibilité de combler rapidement, à court terme, si on fait une bonne sélection... Si les industriels sont consultés, si le monde des affaires est consulté, on peut peut-être vous dire: Oui, on a des problèmes ici et là et, à ce moment-là, il y aura

une sélection qui servira uniquement à régler les problèmes à court terme. Mais, il y a partout chez nous un problème au niveau de la formation professionnelle dans les écoles secondaires et les cégeps où personne ne pousse nos enfants à aller dans le secteur professionnel. Alors, nos enfants vont soit à l'université, soit ils décrochent en cours de route. On est, nous, Québécois, responsables de ça.

Il y a vingt et quelques années, je travaillais dans l'hôtellerie et il n'y avait que des immigrants qui travaillaient dans l'hôtellerie, parce que les Québécois aimaient mieux travailler sur la construction et qu'ils n'y allaient pas. Ça se retrouve à d'autres niveaux aujourd'hui. Il y a des jobs que les Québécois n'ont pas envie de faire. Il y a, à l'école du meuble, 80 finissants qui vont terminer leur cours au mois de mai et il va y avoir 300 à 325 postes d'affichés de compagnies qui sont prêtes à en engager, mais il y en a juste 80 et l'école est à moitié vide. Pourquoi les Québécois n'y vont pas? Il faut peut-être s'interroger sur ce qu'on enseigne dans la maison chez nous. Ça, à court terme, l'immigration peut, en partie, le corriger et, effectivement, la formation professionnelle devrait s'ajuster, puis il devrait y avoir peut-être un peu plus de concertation entre le monde de l'industrie et, possiblement, ceux qui font les programmes à ces niveaux-là. Il faut se parler un peu plus. Mais on n'a pas à se sentir coupable de manquer de soudeurs, aujourd'hui; puis, demain, on va manquer de gens... Essayez de trouver des gens qui veulent aller travailler dans les pépinières, qui veulent aller travailler dans le secteur maraîcher. Ça prend des gens qui viennent d'ailleurs parce que nos Québécois ne veulent pas le faire, même si le salaire... Je comprends que ce n'est pas 22 $ de l'heure, mais c'est au moins le salaire minimum, puis les gens ne veulent pas faire ce travail-là. Alors, qui va le faire, ce travail-là? Actuellement, au Québec, il y a une forte proportion de gens qui sont - il ne faut pas se le cacher - des Mexicains qui viennent le faire. Ils sont contents, puis ils repartent. On serait bien mieux de s'assurer de les garder avec nous, puis peut-être qu'ils enseigneraient ça. Aujourd'hui, dans l'hôtellerie, c'est des Québécois qui sont là. Alors, il y a toute une éducation qui prend le temps que ça prend.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Tremblay. Le temps étant terminé, je dois... Non. Je viens de vérifier, il ne reste plus de temps.

M. Boulerice: Vous venez de vérifier, ah!

Le Président (M. Doyon): En tout cas, on va vérifier de nouveau, si vous me le permettez. M. le député de l'Acadie, et peut-être qu'on reviendra s'il reste du temps, mais on vient de m'informer qu'il n'en reste pas.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord, peut-être, faire un commentaire. C'est que je suis très heureux, aujourd'hui, de participer à être commission parlementaire. Étant député d'un comté où il y a actuellement plus de 33 % d'allophones, je suis en mesure de voir l'apport des communautés culturelles au Québec et la richesse que ces gens-là ont apportée à tous les niveaux, économique et social, dans la communauté québécoise. La réalité qu'on vit actuellement dans le comté de l'Acadie est peut-être quelques années en avance sur ce qu'on va vivre ailleurs dans d'autres parties du Québec, dans d'autres régions du Québec. Je pense que le défi majeur du Québec va être, au fond, de gérer l'immigration en fonction de l'ensemble des besoins de la société québécoise. Alors, à ce titre-là, je suis très heureux de participer et je suis également très heureux de voir que le premier mémoire qui nous est présenté est celui du Conseil du patronat, ce qui démontre bien l'importance que vous accordez à toute la question de l'immigration.

Il y a un point sur lequel j'aimerais revenir, c'est qu'on a parlé de la question de l'ajustement des besoins de main-d'oeuvre par rapport à la sélection au niveau de l'immigration. J'aimerais avoir vos commentaires sur le phénomène suivant. C'est-à-dire qu'on sait actuellement, au Québec, que la population qui est ici, qui est née au Québec va avoir, probablement, durant sa vie de travail, à faire des changements assez fréquents; et c'est de plus en plus fréquent parce que la structure du monde du travail change. La main-d'oeuvre doit s'adapter à des changements importants. On dit qu'une personne va peut-être occuper deux ou trois postes assez différents au cours de sa carrière.

Quand on parle de l'immigration et de la sélection des immigrants à l'étranger, évidemment, on parle de répondre à des besoins de main-d'oeuvre que la société québécoise a. À court terme, ça me semble être un objectif qui est valable; à moyen terme et à long terme, si c'est vrai que la société québécoise et le monde du travail vont évoluer de façon assez rapide, est-ce que la question de l'adaptabilité de ces personnes-là ne serait pas aussi un critère très important? D'ailleurs, on mentionne, pour la population québécoise, souvent des problèmes d'adaptabilité qui sont peut-être dus à un manque de formation dans les matières de base, dans les matières fondamentales, ce qui fait que les gens ont peut-être plus ou moins de difficultés à faire ces changements-là au fur et à mesure que les besoins se présentent.

Alors, j'aimerais avoir vos commentaires sur ça. Est-ce que la sélection des immigrants à l'étranger ne devrait pas tenir compte, en plus, évidemment, des postes qu'ils sont capables d'occuper à court terme en arrivant au Québec, de la question de l'adaptabilité de ces personnes-là par la suite, compte tenu de l'évolution et du

fait qu'elles seront des citoyens du Québec au mâme titre que tous les autres et devront faire face à ces réalités?

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. M. Laflamme, peut-être.

M. Laflamme: En ce qui nous concerne, un très grand pas est fait pour l'intégration des immigrants lorsque ces derniers ont, effectivement, un emploi. Que ce soit chez moi ou ailleurs, l'immigrant est pris en charge et on essaie de l'adapter. En ce qui a trait au choix culturel et linguistique que les immigrants doivent absorber lors de leur arrivée au Canada et au Québec en particulier, en premier lieu, à l'importance de l'encadrement que le ministère met à leur disposition pour accélérer leur intégration sociale, qu'il s'agisse de l'apprentissage d'une nouvelle langue ou tout simplement des lois en vigueur, de leurs droits, on pense que l'immigrant, quel qu'il soit, devrait avoir une solide base d'informations, même avant son arrivée. Il devrait savoir ce qu'est le Québec, les lois, dans quoi il s'embarque, comment ça fonctionne, etc., au lieu de débarquer sur un quai sans savoir trop, trop où il va.

En second lieu, on reconnaît la valeur de l'énoncé de politique du gouvernement. L'insertion socio-économique des immigrants a d'autant plus de chances de réussir que notre société d'accueil se montre plus ouverte. Dans ce sens, je pense qu'un très grand effort de communication et de coordination entre toutes les communautés culturelles du Québec et la population en général devrait être une priorité du ministère de l'Immigration. Sensibiliser les gens, c'est une nouvelle politique; le ministère de l'Immigration va procéder d'une manière différente, tant mieux, mais il faudrait que la population du Québec soit sensibilisée à ça aussi. Et ça, je pense que c'est un effort du ministère à faire pour sensibiliser la population.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Laflamme. Une toute dernière question, M. le député.

M. Bordeleau: Vous avez parlé des problèmes d'adaptation au point de vue social, mais ce à quoi je faisais référence, c'était au fait qu'en plus de sélectionner les immigrants sur la base des emplois qu'ils peuvent occuper immédiatement en arrivant ici au Québec, est-ce qu'on ne devrait pas également, au niveau de la sélection, tenir compte de leur capacité de s'adapter à d'autres types de travail par la suite? On dit qu'au niveau de la société québécoise les gens vont avoir à occuper de plus en plus de postes. Donc, travailler trop en fonction des besoins de main-d'oeuvre à court terme, c'est peut-être se retrouver avec une main-d'oeuvre qui sera ici et qui sera plus ou moins capable de s'adapter à des changements. S'il y a évolution, si la structure du travail change, évidemment, les emplois devront changer aussi. Alors, c'est à ce point particulier que je faisais référence.

Le Président (M. Doyon): M. Laflamme.

M. Laflamme: C'est peut-être un travail que, justement, vos officiers d'immigration devraient faire. Quand ils font une sélection, je ne sais pas comment ça fonctionne, mais j'imagine qu'ils doivent rencontrer les gens, ils doivent vérifier leur passé, ils doivent vérifier leurs capacités, leurs aptitudes, j'imagine.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Laflamme. Très rapidement, M. Tremblay, parce que le temps est terminé pour les ministériels.

M. Tremblay (Jean): II faut peut-être aussi prendre les immigrants comme des êtres humains, comme nous le sommes, nous autres aussi. Moi, j'ai pu travailler 10 ans dans un domaine et, quand j'ai changé, prenez pour acquis que je n'ai pas changé pour pire. Ces gens-là sont sûrement dotés d'une grande capacité d'adaptation, puisqu'ils partent d'un pays X, dans un contexte y, pour s'en venir ici; il faut avoir une très grande ouverture. Moi, je pense qu'on devrait s'assurer de leur offrir, à court terme, un encadrement qui leur permette de s'insérer totalement dans la communauté. Et, fiez-vous sur eux; s'ils ont été capables de partir de l'Asie, quelque part, pour s'en venir au Québec, ils seront bien capables de partir de Montréal pour s'en aller à Val-leyfield, ou le contraire, et de changer de telle job à telle autre job. Ces gens-là sont très capables de s'adapter, aucun doute là-dessus.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Tremblay. Il reste quelques minutes. Une dernière question du côté de l'Opposition.

M. Boulerice: Je voulais poser une question, mais, après avoir écouté mon collègue, le député de l'Acadie, M. le Président, je vais plutôt émettre un commentaire, en disant que les propos qu'il a tenus sont vraiment très pertinents. Il ne faudrait surtout pas tomber dans le même piège que les pays d'Europe de l'Ouest qui ont importé de la main-d'oeuvre, mais de la main-d'oeuvre pour des secteurs très ponctuels - et je vais remployer de nouveau le terme "cheap labor" - qui se retrouvent maintenant, on le voit en France, avec des populations d'origine maghrébine et, en Allemagne, avec des populations turques, et, là, ça a généré des conflits, puisque ces emplois-là n'existent plus et que ces gens sont là. Et ils sont partagés entre: ils restent ou nous devons les expulser, avec l'odieux que cela comporte compte tenu qu'une deuxième génération est déjà arrivée. Donc, je me dis, finalement, est-ce que vous apportez une certaine nuance quand vous dites: Notre premier

critère de sélection doit être l'emploi, mais avec la notion que vient d'apporter mon collègue, le député de l'Acadie? (15 h 45)

Le Président (M. Doyon): M. Garon.

M. Laflamme: Dans le mémoire...

Le Président (M. Doyon): M. Laflamme.

M. Laflamme: ...on se réfère à trois catégories, si je me rappelle bien - je ne me rappelle pas à quelle page - et on parle aussi des immigrants investisseurs. Ça fait partie de ce dont on a parlé, vous avez l'emploi et vous avez, évidemment, les réfugiés. Alors, il faut qu'il y ait une moyenne qui se fasse dans tout ça. Je pense qu'on le cite quelque part.

M. Garon (Jacques): Je pense que vous avez raison, mais j'aimerais rajouter sur ce que mon collègue a dit, en tout cas, qu'on est totalement convaincus que, s'il y avait des critères à examiner pour la sélection des nouveaux arrivants au Québec, le critère de l'adaptabilité serait probablement le dernier à envisager. Autrement dit, je pense qu'il faut faire confiance à ces gens-là et, quand ils arrivent en terre québécoise ou en terre canadienne, bien souvent, leur réaction, ayant réussi à arriver au Canada, ce serait de faire un petit peu comme le pape et d'embrasser la terre québécoise quand ils arrivent ici. Et pour le reste, faites-leur confiance, ils vont bien se débrouiller.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Garon.

Cela termine le temps dont nous disposions.

Quelques mots de remerciement, en conclusion, Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci, M. le Président. Je voudrais tout simplement souligner que la sélection se fait déjà en fonction d'une grille de sélection et, bien sûr, que le critère est un critère qui peut être éliminatoire, par exemple, si l'emploi ne répond pas à un guide d'emploi qui correspond aux objectifs économiques du Québec. Cependant, je dois vous dire que nous expérimentons actuellement, avant de modifier cette grille de sélection, le critère d'adaptabili-té.

Alors, écoutez, en dernier lieu, je voudrais, bien sûr, vous remercier pour la présentation de votre mémoire et aussi, en somme, pour les solutions que vous y apportez et les commentaires très importants que vous nous faites à l'égard de l'énoncé de politique. Merci infiniment de votre présentation.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Je vais me joindre à ma collègue, Mme la ministre des Communautés culturelles, pour vous remercier de votre mémoire, en retenant une chose, que l'immigration devra être faite en partenariat avec vous, de toute évidence et, je vous le dis très franchement, non pas en fonction uniquement de vos intérêts très spécifiques, mais il faudra tenir compte, dans une très large mesure, effectivement, des éléments que vous nous avez apportés. Ça, j'en conviens. Je vous remercie de votre présence.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Doyon): Alors, merci beaucoup, merci aux représentants du Conseil du patronat qui est le premier groupe qui a commencé cette consultation. Nous allons continuer, en vous demandant de vous retirer pour permettre à d'autres de s'approcher. Merci encore, merci beaucoup. Dès que M. Laflamme, M. Garon et M. Tremblay se seront retirés...

J'inviterai dès maintenant les représentants de l'Association des manufacturiers canadiens à bien vouloir prendre place à la table des Invités pour que nous puissions enchaîner sans trop de retard. Alors, j'invite les membres de cette commission à prendre place pour que nous puissions continuer nos travaux. Les discussions et rencontres privées pourront se poursuivre en d'autres endroits, en d'autres lieux et en d'autre temps.

Alors, bienvenue aux représentants de l'Association des manufacturiers canadiens. Vous connaissez les règles, je pense que vous étiez ici tout à l'heure: vous avez une vingtaine de minutes pour faire votre présentation, puis il y a 20 minutes pour les ministériels et 20 minutes pour l'Opposition, pour un certain nombre de questions. Je vous invite à vous présenter et à présenter les gens qui vous accompagnent. Nous commençons dès maintenant. M. Le Hir.

Association des manufacturiers du Québec

M. Le Hir (Richard): Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais d'abord faire une première remarque. Nous avons eu l'occasion, il y a quelques semaines, de changer de nom et nous nous appelons désormais l'Association des manufacturiers du Québec.

Le Président (M. Doyon): Soyez ainsi connus.

M. Le Hir: La deuxième chose que j'aimerais faire, c'est vous présenter les collègues qui m'accompagnent. Il y a, tout d'abord, M. Gaston Charland, à ma droite, qui est le directeur du secteur des ressources humaines au sein de notre groupe, et, également, M. Alberto Sterzi, qui est lui-même président d'une PME de la région de Saint-Hyacinthe qui produit des abrasifs.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue à tous les trois.

M. Le Hir: Merci beaucoup. L'Association des manufacturiers du Québec souscrit pleinement à la nécessité pour le Québec de développer un énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration. À l'heure des grands choix sociaux, il est opportun de bien définir les objectifs visés en matière d'immigration et d'identifier les mécanismes retenus pour en réussir l'intégration. Cette réflexion de base doit s'inspirer du courant révisionniste qui consiste à bien mesurer les enjeux auxquels nous devons faire face. En autant que les manufacturiers sont concernés, l'énoncé de politique et le niveau d'immigration ne peuvent se dégager du contexte de compétitivité et de globalisation des marchés, lis doivent également être applicables au niveau de la société québécoise de sorte que les immigrants puissent s'Intégrer rapidement.

Le premier point qui a attiré notre attention a été la décision de bien identifier le Québec comme une société ayant le français comme langue commune de la vie publique. Ce choix social doit être clairement exprimé aux immigrants. Le français est la langue du Québec. Par contre, nous hésitons à dire que le gouvernement devrait accentuer son action de francisation, surtout dans le cas des travailleurs spécialisés, hautement spécialisés ou dans le cas de tout autre travailleur dans les situations où le Québec est en position de pénurie. L'objectif de 40 % du flux total de l'immigration nous semble ambitieux. De plus, nous préférerions que les efforts se situent au niveau des travailleurs plutôt que vers les gens d'affaires dont l'apport économique est nécessaire à notre essor. Nous croyons que l'apprentissage du français pour cette catégorie sera favorisé, d'une part, par le marché du travail et, d'autre part, par les liens que devront entretenir ces immigrants avec les gens d'affaires québécois.

En ce qui concerne le niveau d'immigration, nous ne pouvons qu'appuyer la décision du gouvernement de procéder à une planification pluriannuelle des niveaux d'immigration de 1992, 1993 et 1994. Un mécanisme de révision annuelle nous permettra sans doute de suivre l'évolution des prévisions en regard des objectifs atteints. Dans ce sens, des correctifs pourront être apportés pour redresser la situation si le vécu de l'immigration dévie des objectifs visés.

Deuxièmement, cette planification nous permet de répondre à des questions fondamentales sur l'orientation que nous désirons apporter à l'énoncé. Le Québec se doit de conserver son poids démographique dans l'ensemble canadien qui est à peu près, à l'heure actuelle, de 26 %. La stratégie gouvernementale consistera alors à déterminer les meilleurs moyens pour atteindre ce but. Le niveau d'immigration doit être analysé dans ce contexte. Entre autres, il est particuliè- rement difficile de prévoir ce que les experts, les démographes au fond, qualifient d'indice de fécondité et, surtout après les changements apportés à la Loi sur les normes du travail, leur effet sur le niveau d'immigration. Ces avantages additionnels accordés par le gouvernement pour favoriser l'aspect démographique de notre population auront peut-être des résultats surprenants.

Selon les données disponibles au ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, l'indice de fécondité connaît présentement une amélioration encourageante. Vous avez les chiffres qui... Je vous fais grâce de la lecture de ces chiffres.

Cependant, nous pouvons, en souhaitant une amélioration continue du nombre de naissances, nous rallier aux prévisions globales suivantes qui devraient avoir pour effet d'atteindre graduellement l'objectif de maintenir notre poids démographique. On reprend également les chiffres sur une base annuelle.

Troisièmement, il s'agit de déterminer quelle devrait être, à notre point de vue, la répartition des divers types d'immigrants. Nous souscrivons a priori à une immigration qui vise à regrouper les familles et à apporter un appui et une terre d'accueil aux réfugiés dans le cadre de nos responsabilités internationales. Cependant, notre position vise à favoriser la catégorie "immigrants indépendants". La compétitivité et la globalisation des marchés nous obligent à attirer des travailleurs et des gens d'affaires qui contribueront au développement de l'économie québécoise. Nous privilégions donc le flux migratoire de cette catégorie d'immigrants, qui est passé de 35 % en 1985 à 58 % en 1989.

Il faut examiner quelques données pour bien comprendre la définition des "immigrants indépendants". En 1990, pour les trois semestres complétés, nous avions une répartition qui est celle qui apparaît sur le tableau. La catégorie "immigrants indépendants" rencontre également des objectifs qui peuvent être identifiés dans d'autres catégories. Par exemple, la définition d'Immigrants indépendants" inclut les dépendants immédiats, conjoint et enfants. De fait, ces derniers pourraient également être calculés dans la catégorie "immigrants famille", si la définition le permettait. Il faut se rappeler que, pour chaque dossier immigrant "autres indépendants", une demande signifie un travailleur intégré au marché du travail et la venue de trois dépendants.

Nous avons cependant une préoccupation quant à la perception de ces nouveaux travailleurs sur le marché du travail. Pour faciliter l'intégration, les travailleurs doivent être choisis en fonction des exigences du marché du travail et répondre à des besoins spécifiques à cet égard. Il y a donc lieu de s'assurer également que cette approche soit communiquée à l'ensemble de la population par des campagnes

d'information.

En ce qui concerne les diverses catégories d'immigrants, nous pouvons conclure que la répartitioh de l'immigration devrait être la suivante...

L'intégration doit se réaliser sur la base du contrat social démocratique. Nous souscrivons donc pleinement au fait que "les immigrants et leurs descendants s'orientent au fait français, consentent les efforts nécessaires à l'apprentissage de la langue officielle du Québec et acquièrent graduellement un sentiment d'engagement à l'égard de son développement". En regard du respect de ces obligations, le Québec doit prendre des mesures d'intégration appropriées.

Par contre, nous avons certaines réserves sur la stratégie employée pour réussir cette intégration. Si nous nous référons aux actions entreprises en matière d'intégration économique dans le secteur privé, le gouvernement préconise "le soutien à la mise en oeuvre de programmes d'accès à l'égalité dans le secteur prive". À notre connaissance, l'expérience de tels types de programmes au Québec ou ailleurs est très limitée. De plus, ceci s'adresse, non pas strictement à un problème d'intégration des immigrants, mais vise d'autres catégories de citoyens ou citoyennes. Nous préférerions donc une approche beaucoup plus proactive où le gouvernement pourrait, à l'aide d'incitatifs fiscaux, encourager et récompenser l'entreprise qui prendrait des mesures pour attirer des immigrants à l'intérieur de son organisation. Quoi qu'il en soit, le secteur privé rencontre déjà une partie de l'objectif visé par la politique de l'obligation contractuelle et il n'y a donc pas lieu de dédoubler les actions de surveillance à cet égard

Aussi, la question de la régionalisation de l'intégration des immigrants pose un défi de taille à tous les Québécois. Nous avons consulté quelques données à cet effet. En 1988, Montréal a reçu 88,1 % de l'immigration et il y aurait lieu de prendre des mesures pour corriger cette situation. Vous avez le tableau qui est bien connu de toutes les personnes qui oeuvrent dans le domaine.

Il n'y a qu'une seule façon d'intéresser les immigrants à aller vivre en région: l'emploi. À cet égard, la politique d'intégration est fortement associée aux emplois disponibles. Or, ces emplois sont déterminés par la capacité des entreprises à se développer.

Sur un autre point, nous partageons pleinement les préoccupations du gouvernement sur la faiblesse des banques de données. Il est important d'identifier "des objectifs quantitatifs et une évaluation plus précise de l'impact des décisions". Nous invitons les autorités gouvernementales à ne pas hésiter à investir rapidement pour s'assurer que la structure proposée maintienne un lien approprié avec les clients et leurs besoins.

En dernier lieu, nous réitérons, de façon générale, notre confiance en cet énoncé de politique. Nous avons cru bon d'émettre quelques mises en garde pour s'assurer que les résultats visés soient pleinement atteints.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Le Hir. Mme la ministre, vous avez quelques questions.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, je vous remercie. Merci beaucoup de votre présentation, et je remarque la modification à votre nom avec une consonance davantage québécoise.

M. Le Hir: Merci.

Mme Gagnon-Tremblay: Je vous félicite. Dans l'introduction de votre mémoire, vous mentionnez, bien sûr, que le français est la langue du Québec. Par contre, vous mentionnez: "Nous hésitons à dire que le gouvernement devrait accentuer son action de francisation surtout dans le cas des travailleurs" très spécialisés. Est-ce que ça pourrait vouloir dire, par exemple, pour vous autres que, dans des cas d'une pénurie de main-d'oeuvre très spécialisée, là on pourrait aller chercher une main-d'oeuvre très spécialisée et que le critère "langue" pourrait être non pas mis de côté, mais pourrait être moindre? Parce que vous savez que nous accordons actuellement, dans notre grille de sélection, passablement de points pour la personne qui parle français. Est-ce que ça suppose que, quand vous arrivez dans des secteurs très spécialisés, ce critère-là devrait être moins pris en considération? Est-ce que c'est ce que ça veut dire, finalement?

M. Le Hir: Effectivement, dans les secteurs où il y a des pénuries - et il y en a plusieurs, nous avons évidemment bénéficié de la présentation qui a été faite avant nous et nous aurions d'autres secteurs à vous mentionner parmi la liste de ceux où il y a des pénuries - il nous semblerait préférable, à ce moment-là, d'agir en accordant une importance moindre, au départ, à la connaissance du français, quitte à s'assurer que, par la suite, on donne les moyens à ces gens-là de développer la connaissance du français dont ils vont avoir besoin pour évoluer dans la société québécoise.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Donc, ça pourrait supposer, finalement, de mettre peut-être moins - comment pourrais-je dire? - d'emphase sur ce critère-là pour une main-d'oeuvre spécialisée et, comme vous le mentionnez, toujours en espérant que cette personne-là, une fois intégrée, une fois arrivée ici, pourra avoir les moyens nécessaires pour se franciser.

M. Le Hir: II faut bien comprendre, dans ce sens-là, que la remarque que nous faisons ne vise

aucunement à remettre en question les politiques du gouvernement à l'égard du français et de la sécurité culturelle des Québécois. Cependant, il nous semble important de faire réaliser à toute la société dans son ensemble que les entreprises doivent réussir, sur le marché du travail québécois, à trouver fa main-d'oeuvre dont elles ont besoin. À défaut pour elles de ce faire, la tentation devient très grande, à ce moment-là, d'aller voir ailleurs si elles ne pourraient pas recruter plus facilement la main-d'oeuvre dont elles ont besoin. Et, dans ce sens-là, nous vivons dans un monde ouvert et le Québec également ne peut pas penser qu'il peut s'isoler complètement de ce monde et fonctionner comme si le reste n'existait pas.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Allez-y, Mme la ministre. (16 heures)

Mme Gagnon-Tremblay: Vous mentionnez également, à la page 2, que vous préféreriez que les efforts se situent davantage au niveau des travailleurs plutôt que vers les gens d'affaires". Est-ce que c'est parce que vous pensez que nous n'avons pas suffisamment réussi dans notre projet de gens d'affaires ou si c'est pour d'autres raisons?

On sait, par exemple, que la façon de régionaliser aussi, c'est d'attirer vers les régions des gens d'affaires, des entrepreneurs, entre autres, parce que nous ne pouvons pas non plus penser envoyer uniquement, par exemple, la catégorie des réfugiés en région, il faut aussi envoyer de l'immigration économique. Cependant, je dois vous avouer que l'accueil n'a pas été ce qu'il aurait dû être, qu'il a été loin d'être soutenu et que, de plus en plus, maintenant, nous développons des services d'accueil - d'ailleurs, je dois vous dire que, prochainement, nous aurons des bureaux d'accueil aux aéroports de Dorval et de Mirabel - mais aussi que nous sommes en train de travailler avec tous les leaders économiques, que ce soient, par exemple, les commissaires industriels, que ce soient les villes ou les municipalités, pour être capables non seulement de les accueillir, mais de proposer à ces entrepreneurs qui arrivent des projets d'entreprise, aussi de leur proposer des locaux et de leur faire connaître, bien sûr, aussi les lois fiscales, les lois corporatives du Québec.

D'ailleurs, nous avons déjà commencé des sessions d'information au ministère en collaboration avec l'Industrie et le Commerce, mais je me suis rendu compte qu'on accuse des lacunes à ce niveau-là parce qu'on n'a pas joué le rôle qu'on aurait nécessairement dû jouer. On est toujours portés à penser à la sélection à l'étranger, mais, cependant, il faudrait penser à ceux qui sont ici et il faudrait penser aussi à ceux qui arrivent. Je vous donne un exemple: l'an prochain, par exemple, arriveront 2000 entrepreneurs au Québec. Alors, si on fait comme on a toujours fait jadis, qu'on laisse aller ces personnes-là et qu'on ne les aide pas dans leurs projets d'entreprise, bien sûr qu'elles ne créeront pas; elles vont peut-être ouvrir un petit commerce sur le coin d'une rue, qui pourra fermer dans cinq mois ou dans six mois. Mais, cependant, si on est en mesure de leur proposer de véritables projets d'entreprise, soit de la coparticipation, soit encore, par exemple, des projets dans des secteurs d'activité importants - tout à l'heure on parlait du plastique, du métal - de leur proposer des locaux, mais aussi de les aider, parce que l'expérience québécoise n'est pas, naturellement, l'expérience de tous les pays, ne croyez-vous pas qu'a ce moment-là on pourrait réussir, d'une part, à régionaliser, mais aussi, bon, je pense, à améliorer, finalement, ces projets avec les nouveaux entrepreneurs?

M. Le Hir: Dans les propositions que vous faites, H y a évidemment des choses fort intéressantes qui méritent d'être creusées. Je vous dirai cependant quand même une chose; c'est qu'il n'y a aucun substitut, pour les immigrants investisseurs que nous attirons ici, au dynamisme économique. Il ne faut pas oublier que la raison principale pour laquelle ils cherchent à quitter leur propre pays, en mettant de côté, évidemment, les questions politiques et de répression qui peuvent exister dans leur pays d'origine, c'est essentiellement la perspective d'améliorer leur propre statut économique. Donc, dans ce sens-là, si, comme société, nous-mêmes, nous ne manifestons pas le dynamisme à la recherche duquel ils sont, évidemment, ils vont se révéler rapidement déçus et ils vont s'envoler vers des cieux qu'ils estiment plus cléments.

Alors, on n'échappera jamais, quelle que soit la qualité des programmes qu'on mettra en place, à cette réalité fondamentale. Je pense qu'au contraire - en fait, je dis au contraire, je m'excuse, ça ne traduit pas ma pensée - je pense qu'en fait les meilleures politiques qui pourraient être mises de l'avant pour attirer et conserver ces immigrants-là, c'est des politiques qui sont de nature à stimuler le niveau de l'activité économique au Québec à un niveau qui excède celui des régions qui sont en concurrence avec la nôtre pour l'attraction de ces immigrants.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, M. le Président. Je dois vous dire que les gens d'affaires - dans la catégorie des gens d'affaires, bon, nous avons fait récemment quelques petits chiffres et chaque individu possède en moyenne de 575 000 $ à 600 000 $ - ne demandent pas mieux, justement, que de créer des entreprises. Vous savez qu'au niveau de la catégorie des entrepreneurs la personne doit créer au moins trois emplois, excluant le sien. Aussi, les investisseurs doivent investir des sommes quand même

assez considérables - c'était 250 000 $, mais ce sera maintenant 350 000 $, pour une période de cinq ans - dans des entreprises du Québec. Mais je pense que, comme je le mentionnais tout à l'heure, si nous ne pouvons pas aider ces gens qui sont ici, qui arrivent ici, parce que je ne parle pas seulement d'une sélection à l'étranger, mais de ceux qui arrivent ici, à ce moment-là, nous ne pourrons pas réussir à améliorer notre façon de faire, notre système.

Cependant, quant aux indépendants que nous devons sélectionner en fonction d'une pénurie de main-d'oeuvre, par exemple, là aussi il va falloir avoir la collaboration des entreprises du Québec pour nous identifier non seulement les secteurs, mais nous identifier aussi les entreprises qui ont une pénurie de main-d'oeuvre. Je le mentionnais tout à l'heure, c'est non seulement pour la sélection, parce que, bien sûr qu'on peut faire de la prospection, nous avons 15 bureaux à l'étranger, mais on sait cependant qu'à partir du moment où la personne est sélectionnée, qu'elle peut obtenir son visa du gouvernement fédéral afin qu'elle puisse s'en venir et aussi liquider ses biens avant d'arriver, ce projet migratoire est un projet d'environ un an. Souvent, le marché a évolué. Souvent, par exemple, l'entreprise a dû combler cette pénurie de main-d'oeuvre qualifiée, d'où l'importance aussi d'avoir un système qui nous permettrait ici, au Québec, d'agir sur la clientèle qui est déjà en place, parce que vous savez que nous avons quand même des gens qui arrivent régulièrement et qui sont toujours à la recherche d'un emploi. Ce sont des personnes qu'on ne retrouve pas, bien sûr, sur l'aide sociale, parce qu'elles arrivent avec du capital, et ce sont des personnes qu'on ne retrouve pas non plus à l'assurance-chômage, parce qu'elles n'ont jamais été sur le marché de l'emploi, mais, parfois, ce sont des personnes aussi qui, parce qu'elles n'ont pas cette expérience québécoise, sont refusées dans les entreprises du Québec. Donc, est-ce que vous croyez que nos entreprises sont également prêtes à faire un effort pour donner, à ces gens qui arrivent, une expérience québécoise ou à faire un effort pour embaucher ces personnes, même si elles n'ont pas l'expérience québécoise?

M. Le Hir: Vous allez me permettre de distinguer deux cas dans les propos que vous avez tenus. Il y a d'abord le cas de la main-d'oeuvre qualifiée et des pénuries de main-d'oeuvre. Je vais répondre à cette partie de la question. En ce qui concerne les entrepreneurs, je pense que la personne la plus qualifiée pour répondre à cette question-là, c'est mon collègue ici, M. Sterzi, qui a vécu cette situation-là et qui est certainement en mesure de vous la présenter comme il faut.

En ce qui concerne, tout d'abord, les employés, la main-d'oeuvre qualifiée et la question des pénuries de main-d'oeuvre, d'abord, je pense que l'information existe déjà, même si, de toute façon, nous sommes tout disposés à continuer de la fournir à quiconque nous la demandera. Mais le ministère de la Main-d'oeuvre, à l'heure actuelle, et on mentionnait plus tôt la table permanente réunie autour du ministre Bourbeau, c'est déjà un forum, et le Forum pour l'emploi, justement, est une autre source de cette information-là. Donc, l'information est disponible.

Pour peut-être ajouter à la liste qui vous a été donnée et ne pas rester sous l'impression qu'il ne manque que des machinistes et des soudeurs au Québec, j'aimerais tout de même vous préciser que, dans un grand nombre de catégories de métiers, certains d'entre eux étant très spécialisés, il y a des pénuries et, le croiriez-vous, par exemple, il y a une pénurie d'électriciens au Québec. Une entreprise comme ABB, à Varennes, qui frabrique les gros transformateurs qui sont destinés aux lignes de transmission d'Hydro-Québec et les turbines qui vont être utilisées dans les barrages, a de la peine, actuellement, à recruter une main-d'oeuvre qualifiée. Il y a des dizaines, pour ne pas dire presque une centaine de postes qui pourraient être ouverts dans cette entreprise-là à des personnes qui auraient les profils de qualification adéquats.

Je peux vous mentionner également la même chose dans le domaine de la métallurgie où, sans qu'il s'agisse nécessairement, encore une fois, de machinistes ou de soudeurs, il y a des pénuries de main-d'oeuvre. Il y a également le fait qu'à l'heure actuelle, au Québec, pour toutes sortes de raisons, on ait peu privilégié le développement de compétences en génie industiel, en génie de production. On a formé beaucoup d'ingénieurs au Québec, mais, que ce soit pour des raisons culturelles ou aussi par le fait - encore une fois, c'est une perception culturelle - que le travail en usine est peu gratifiant ou peu valorisant en termes sociaux, ce ne sont pas nécessairement des secteurs où nos gradués en génie se sont pressés aux portes, avec comme résultat qu'à l'heure actuelle, pour faire l'industrialisation du Québec, on a souvent dû compter sur une main-d'oeuvre étrangère.

Aujourd'hui, le problème se pose dans les termes suivants: dans les années cinquante et soixante, autant une main-d'oeuvre qualifiée et bien formée pouvait se bousculer aux portes du Canada pour demander l'admission comme immigrants et venir apporter au Canada l'expertise qu'ils avaient acquise, autant aujourd'hui le profil des immigrants est complètement différent et, ces mêmes immigrants ayant souvent pris leur retraite, ceux qui sont arrivés en 1950 et 1960, et n'ayant pas été remplacés par une main-d'oeuvre autochtone, on se retrouve, aujourd'hui, pris avec la même situation. C'est un problème assez profond, qui tient au fait qu'on a une forte culture humaniste au Québec, qu'on a relativement une faible culture scientifique et

qu'on n'a pratiquement pas de culture industrielle.

Alors, il faut combler ces lacunes-là. Mais mon collègue, M. Sterzi, a certainement des commentaires à ajouter en ce qui concerne le cas des entrepreneurs.

M. Sterzi (Alberto): Bonjour.

Le Président (M. Bordeleau): M. Sterzi.

M. Sterzi: Pour ce qui concerne l'entrepreneur - parce que j'ai vécu les deux cas: je suis venu ici comme immigrant, alors j'étais employé, et là je suis employeur, j'ai une entreprise en région, à Saint-Hyacinthe - je suis d'accord et je veux manifester le désir de tous les entrepreneurs en disant que nous accepterions bien volontiers des immigrants à Saint-Hyacinthe ou à Drummondville ou ailleurs. Seulement, la raison pour laquelle il n'y en a pas, c'est que les immigrants eux-mêmes ne se présentent pas à nos portes pour demander de l'emploi à Saint-Hyacinthe ou à Drummondville. Le fait est qu'une fois qu'ils arrivent au Québec ils restent à Montréal et qu'ils cherchent toujours à rester très proches de leur communauté culturelle. Tandis qu'il n'y en a pas de communautés culturelles à Saint-Hyacinthe, je parle d'italiennes ou portugaises, etc.

Parce que je voudrais bien avoir des employés qui viennent avec une certaine connaissance industrielle. Je reprends un petit peu ce qu'a dit M. Le Hir tantôt, c'est qu'il y a certains pays où les connaissances industrielles sont un petit peu plus valorisées, sont un petit peu plus répandues à travers la population. Ici, au Québec, ce n'est pas valorisant d'être un technicien. Je m'excuse, il faut être avocat ou comptable. Être ingénieur ou être technicien de quelque chose, c'est... Ici, c'est avoir la robe, avocat, notaire, dentiste ou quelque chose comme ça. Être ingénieur, ce n'est pas tellement valorisant. Et c'est pour ça que même, des fois, s'il y avait opportunité de choisir, je choisirais l'immigrant, par exemple, qui, aujourd'hui, vient de Pologne ou de Tchécoslovaquie où il y a une certaine connaissance culturelle industrielle qui manque ici. Alors, ça, c'est pour dire la position des industriels, qu'ils soient en région ou à Montréal: Bienvenus les immigrants qui sont prêts à venir travailler à Saint-Hyacinthe. On n'a rien contre ça, au contraire.

Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Finalement, je me rends compte que, pour être capables de faire cette relation entre l'offre et la demande... Je parle surtout de ceux qui sont ici, parce que vous savez que vous avez quand même ici, actuellement, une main-d'oeuvre hautement quali- fiée, qui n'est pas sur le marché du travail, qui est à la recherche d'emploi. Donc, est-ce que, par exemple, une banque d'informations permettrait de faire cette relation entre vos besoins et, par exemple, la clientèle que nous recevons, nous, à tous les jours, au ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration?

M. Charland (Gaston): Mme la ministre, là-dessus, j'ai ici un document de quatre pages de pénurie et de surplus de main-d'oeuvre, surtout de pénurie, qui m'a été fourni, entre autres, par les organisations de commissions de formation professionnelle. Lorsqu'on parie de banque, on est tout le temps un petit peu hésitants parce qu'on se dit: Jusqu'à quel point ça va répondre vraiment aux besoins de l'industrie? On comprend qu'il faille avoir des données quelque part, mais il faut aussi avoir une façon de répondre aux besoins qui soit efficace. Et notre inquiétude là-dedans, c'est de dire: Eh bien, écoutez, il y a des gens qui ont un rôle, là-dedans, à jouer au niveau du Québec et c'est peut-être là que la synthèse doit se faire.

Je ne vous dis pas un organisme plutôt que tel autre, mais, nous autres, ce qu'on perçoit, c'est que, si on veut réussir au niveau des immigrants, ils doivent être inclus dans la masse de main-d'oeuvre et, à ce moment-là, par des moyens appropriés pour mettre la main-d'oeuvre près des besoins de l'entreprise, c'est là qu'on va atteindre les résultats.

M. Le Hir: Autrement dit, Mme la ministre... Le Président (M. Doyon): M. Le Hir.

M. Le Hir: Excusez-moi. Autrement dit, le fait d'avoir une banque, on n'est pas contre, ça peut être utile, mais la solution, ce n'est pas la banque, c'est ce qu'on va faire avec.

Mme Gagnon-Tremblay: C'est le lien.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre. (16 h 15)

Mme Gagnon-Tremblay: Souhaiteriez-vous plus d'ouverture de la part des corporations professionnelles? Parce que vous savez, tout à l'heure, vous pariiez, entre autres, des ingénieurs. Moi, je sais que nous avons beaucoup - beaucoup, écoutez, c'est relatif, je suis toujours un peu excessive dans mes propos - je veux dire que nous avons quand même des ingénieurs qui arrivent au Québec qui, par contre, ne peuvent pas entrer sur le marché du travail et on sent quand même peu d'ouverture de la part des corporations professionnelles. Vous avez des gens - je le disais tout à l'heure - qui sont hautement qualifiés. Surtout quant à l'Ordre des ingénieurs, est-ce que vous souhaiteriez un peu plus d'ouverture à ce niveau-là, pour permettre d'aller chercher cette main-d'oeuvre

qualifiée?

M. Le Hir: Je pense qu'il en est des ingénieurs comme il en est des entreprises. À l'heure actuelle, il faut bien que les corporations professionnelles réalisent que, dans un contexte de mondialisation des marchés, le protectionnisme et la - comment dirais-je? - mainmise qu'elles pouvaient penser avoir sur un marché, c'est une chose du passé, c'est révolu. Donc, les réflexes corporatistes vont devoir, comme les autres, faire l'objet d'une mise à jour et on va devoir, aussi rapidement que possible, disposer de ces reliquats du passé.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Le Hir. Mme la ministre, avez-vous une autre question?

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Tout à l'heure, vous avez parlé d'immigrants provenant d'Europe de l'Est et qu'on pourrait aller chercher facilement une main-d'oeuvre hautement qualifiée parmi cette nouvelle catégorie de gens qu'on pourrait sélectionner. Je dois vous dire qu'on a ouvert un bureau à Vienne, récemment, et que nous commencerons à sélectionner bientôt. Il y a déjà de nombreuses demandes provenant de ces pays. Cependant, nous nous sommes rendu compte que ces personnes, compte tenu de leur passé, auront besoin énormément d'encadrement quant à la recherche d'emploi, quant à l'aide. À ce moment-là, compte tenu, justement, de cette suggestion que vous nous faisiez, est-ce que, par exemple, l'Association des manufacturiers du Québec pourrait jouer un rôle pour nous aider dans ce défi qu'on aura à relever avec cette catégorie d'immigrants qu'on ira sélectionner?

Le Président (M. Doyon): M. Le Hir.

M. Le Hir: Écoutez, ça, c'est une question bien délicate. C'est sûr que, dans un élan de bonne volonté, j'aimerais bien pouvoir vous dire que, effectivement, on va pouvoir faire quelque chose, mais je suis loin d'être en position pour vous garantir qu'on pourrait faire un suivi là-dessus. Il faut bien comprendre que la raison d'être d'une association comme la nôtre est bien limitée. À partir du moment où on nous demande d'élargir le motif pour lequel notre association existe, on est prêts à l'envisager, mais il faut bien comprendre qu'à ce moment-là le rôle qu'on serait appelés à jouer dépasserait largement le mandat que nos membres nous ont confié. Ils sont tout disposés à envisager cette chose-là, mais, comme vous pouvez bien vous l'imaginer, la question qui se poserait, c'est celle du financement de nos activités dans un contexte pareil. Encore une fois, on ne ferme pas la porte, mais il faut bien comprendre que ce que vous nous demanderiez de faire déborderait le cadre du mandat que nous avons reçu. Si tant est qu'il soit dans l'intérêt de nos membres, à un moment donné, d'accepter un tel débordement, il faudrait tout de même voir de quelle façon ce serait faisable.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Le Hir. Merci, Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. Le Hir, ce que vous nous dites est très intéressant. La liste, M. Charland, si vous aviez la gentillesse de la déposer à la commission pour qu'on puisse la photocopier, je pense que ça pourrait...

M. Le Hir: II s'agit déjà d'une photocopie. M. Charland: C'est déjà une photocopie.

M. Boulerice: Déjà. Alors, une photocopie de la photocopie, et je m'arrangerai bien avec ma collègue des Affaires culturelles pour les droits d'auteur. Bon.

Le Président (M. Doyon): Vous la remettrez, M. Charland, à la secrétaire de la commission, qui verra à la distribuer. Elle ne sera pas vraiment déposée à cette commission, parce qu'on ne peut pas le faire, mais elle sera distribuée aux membres.

M. Boulerice: Dans le sens de nous la remettre. Oui.

Le Président (M. Doyon): Elle sera distribuée aux membres de cette commission. Merci. M. le député.

M. Boulerice: Je n'irai pas tout de suite dans des questions d'ordre philosophique; j'ai le goût de vous poser des questions pratico-prati-ques. M. Sterzi nous fait état de son cheminement et je pense que c'est un bel exemple qu'on a devant nous. Vous dites: Bien oui, on ne vient pas nous voir, on ne vient pas frapper à la porte. Question pratico-pratique: les communautés culturelles, forcément, sont établies à Montréal et je dois vous avouer que, comme Montréalais, moi, je m'en trouve très enrichi. Mes comportements culturels ont été considérablement modifiés lorsque j'ai quitté ma petite ville natale - tuque et bas de laine, comme on dit - pour arriver à Montréal, dans un quartier où il y a justement des Québécois d'origine italienne, d'origine portugaise, d'origine grecque. Donc, il y a énormément de choses qui ont été modifiées chez moi. Je pense qu'il y a un nouvel homo quebecensis, si je peux employer l'expression... enfin, je n'irai pas plus loin dans l'anthropologie. Mais, au départ, moi, je me sens riche, à Montréal, de cela. Mais je me sens attristé, effectivement, que, dans certaines villes, on ne le

vive pas. À Chicoutimi, la seule minorité visible, c'est une dame qui est là, d'origine laotienne, princesse royale de surcroît, fort jolie, très qualifiée, mais c'est la seule. Elle ne peut pas donner à une agglomération aussi importante que Chicoutimi ce que, moi, je reçois quotidiennement des gens qui habitent mon quartier. Les écoles de ma circonscription reflètent ce nouveau visage du Québec. J'ai un petit Québécois d'origine haïtienne qui n'est pas impressionné par mon titre de député et qui m'envoie promener avec un vocabulaire très vert, très québécois; ça, c'est un symbole d'intégration, je pense.

Ceci dit, la régionalisation, c'est presque une religion quand on parle d'immigration, maintenant. Vous voyez le mot, on le veut, mais le saisir - et je pense que Mme la ministre va en convenir avec moi - c'est drôlement difficile. Vous dites: Oui, je n'arrive pas à les amener à Saint-Hyacinthe parce qu'ils ont l'attrait de rester à Montréal. D'accord. Mais avez-vous fait des incitatifs, dans le sens que, puisqu'il y a une concentration à Montréal, donc il y a une radio, il y a une télévision, il y a ce qu'on appelle ces fameux journaux locaux qui sont dans différents clans, on les voit... Avez-vous fait, par exemple, de la publicité en disant: Moi, je recherche un soudeur avec une spécialisation bien précise? Je sais qu'il y en a en soudure.

M. Sterzi: Je vais vous répondre. Je n'ai pas fait de recherche à travers les journaux, mais j'ai appelé le ministère de l'Immigration à Montréal et j'ai fait des demandes pour savoir s'il y avait des gens qui pouvaient venir travailler à Saint-Hyacinthe, et j'attends toujours des réponses, en fait. Je n'ai pas fait d'autres démarches, comme mettre des annonces, non, ça, je l'avoue, mais je me suis référé au ministère de l'Immigration et je n'ai pas encore eu de réponse. Le problème, je l'ai vécu personnellement parce que, quand je suis arrivé au Québec, j'ai travaillé à Pierreville et, je vais vous le dire, je voyageais tous les jours. Je faisais Montréal-Pierreville tous les jours parce que je ne pouvais pas concevoir d'habiter à Pierreville. J'étais tout seul à Pierreville; j'étais l'Italien, à Pierreville, en fait. Et si on ne règle pas ce problème-là... Je ne sais pas comment. Ce n'est pas à moi de trouver la réponse à cela, mais je fais face à un problème et c'est cela, le problème auquel on fait face. À Saint-Hyacinthe, je n'ai pas de préférence pour une certaine communauté culturelle plutôt que pour une autre, mais, si je veux attirer de la main-d'oeuvre immigrante, je ne sais pas comment faire. Est-ce que ce serait le gouvernement qui devrait donner des incitatifs pour aller en région aux travailleurs? Vous avez aussi le même problème avec les médecins, il me semble. Ce n'est pas seulement un problème d'immigrants. Je pense que même les Québécois qui sont habitués à vivre d'une certaine façon, est-ce qu'ils ont de l'inté- rêt à aller vivre à Chicoutimi, par exemple - je dis Chicoutimi, parce que... - ou en Acadie?

M. Boulerlce: M. Sterzi, vous parlez d'incitatifs. Est-ce qu'il faudrait aller aussi peut-être à des incitatifs dits culturels? Écoutez, on s'entend, on ne recréera pas la Scala à Drummondville, quoique j'aimerais bien, mais on pourrait donner certains incitatifs aussi d'ordre culturel.

M. Sterzi: Oui. Je n'ai pas dit que ce sont des incitatifs au niveau monétaire; j'ai dit que c'est un problème auquel il faut faire face. Si on veut amener les immigrants en région, il faut qu'il y ait quelque chose qui les attire en région. Est-ce que c'est seulement la disponibilité d'un poste, d'un travail en région? S'il a le choix... Je pense que, du moment qu'il a le choix, il va rester à Montréal. Je ferais ça si j'avais le choix, je resterais à Montréal plutôt que d'aller en région. Et c'est ça, la difficulté, je pense, pour les entrepreneurs en région d'attirer les immigrants. À part quelques avantages spécifiques... Ou bien on parle d'emplois de haut niveau où il y a des salaires qui sont hors du contexte et on ne parle pas de la majorité des cas; là, on parle des cas spécifiques et je pense que c'est hors les normes, point final. Mais, dans la majorité, je pense que c'est ça, la problématique. Il faut je ne sais pas quoi. Je n'ai pas de suggestion à vous proposer aujourd'hui. Il faut que soient créés des incitatifs culturels et aussi je pense que la première chose, c'est de créer des noyaux culturels à certains moments. Ce n'est pas grand-chose, ça prendrait comme une espèce de petite communauté qui ferait qu'ils se sentiraient intégrés un petit peu. Après, l'intégration deviendrait beaucoup plus facile. C'est de faire les premiers pas, c'est peut-être de faire connaître un petit peu le Québec et les avantages qu'il y a à vivre en région.

Je vais vous dire qu'en regardant un peu la problématique je trouve que c'est une question même d'ordre économique. Pour l'immigrant qui arrive ici, normalement, la première chose, ce n'est pas d'acheter une voiture; alors, il a un problème même pour se déplacer. Si, moi, j'affiche un emploi à Saint-Hyacinthe et qu'il vient d'atterrir, comment il fait pour se rendre à Saint-Hyacinthe? Pas de transport en commun, il ne sait même pas où prendre l'autobus ou quoi que ce soit. Ce sont des problèmes qui semblent terre à terre, mais ils sont là. Il y a des barrières qui ne sont pas... Peut-être qu'on n'y pense pas, mais quelqu'un qui veut aller a Pierreville, par exemple, où j'ai été... Je me souviens que j'ai dû acheter une bagnole à 500 $ pour aller faire l'entrevue à Pierreville. C'est aussi simple que ça. Tandis que, si je dois faire une entrevue à Montréal, je prends l'autobus et je m'en vais. Quelles sortes de facilités on offre à tous ces gens-là? C'est ça, je n'ai pas de

réponse.

M. Boulerice: Sans aller dans votre vie personnelle...

M. Sterzi: Oui.

M. Boulerice: ...quand vous avez décidé d'immigrer, M. Sterzi...

M. Sterzi: Oui.

M. Boulerice: ...vous avez rencontré un fonctionnaire. De quelles villes vous a-t-il parlé?

M. Sterzi: Moi, je suis un petit peu un cas entre guillemets, c'est-à-dire que je suis venu à Québec parce que mon épouse est québécoise; elle m'a rencontré en Italie et elle m'a parlé du Québec. Alors, j'ai rencontré...

M. Bouierice: Vous êtes un époux de guerre, comme on dit.

M. Sterzi: J'étais plus informé par mon épouse que par les fonctionnaires. Par contre, je sais qu'on parle de Montréal, qu'on parie aussi d'autres villes, mais, dans la culture, je parle de ma culture, quand j'ai étudié la géographie, il y avait deux villes importantes: Montréal et Québec - je me souviens - puis Toronto. Ils me pariaient du Canada, on parlait du grand Canada, on pariait du Québec plus ou moins dans ce temps-là, je parle d'il y a 30 ans à peu près.

M. Bouierice: J'aurais presque le goût de vous faire une blague et qu'on suggère à Mme la ministre que le magazine Croc, qui fait amplement la promotion de Drummondville, soit dans tous nos bureaux d'immigration! Je vous remercie.

J'aimerais poser une question également à M. Charland. Vous, vous avez la liste, je ne l'ai pas. Mais, ceci dit, tantôt, mon collègue, le député de LaFontaine, a fait une assertion qui m'a un peu heurté dans le cas de la qualification de citoyens en provenance de pays dits du tiers monde; enfin, je pense qu'il faut parler du "deux tiers monde", malheureusement, au moment où on est ensemble.

Mais, dans le cas où le nombre de candidats à une spécialisation est trop faible - et je ne peux quand même pas obliger mon collègue ici à devenir médecin avec un revolver sur la tempe s'il ne le veut pas - vous ne trouveriez pas intéressant que l'on favorise une immigration francophone - là, je parie de la corne ouest de l'Afrique, le Maghreb et, enfin, l'ancienne Afrique équatoriale française - qui serait spécialisée ici, sur place, en partenariat avec vous?

M. Charland: Écoutez, c'est un peu ce que j'ai essayé d'expliquer tantôt. C'est qu'il ne faut définitivement pas essayer de régler le problème de l'immigration en disant: On va complètement changer nos politiques de main-d'oeuvre. Ce qu'il faut faire, c'est ie contraire, à notre point de vue; c'est établir des politiques de main-d'oeuvre qui soient efficaces, qui répondent aux besoins de l'industrie et, après ça, permettre aux gens, à travers les réseaux qu'on développera, qui vont être efficaces, qui vont répondre aux besoins de l'industrie, en autant qu'on est concernés, d'être capables de se qualifier pour les postes qu'on a de disponibles.

Maintenant, si je reviens à votre question: De quel endroit, quelle va être la provenance des personnes qui vont pouvoir se qualifier? à ce moment-là, je pense qu'il est approprié qu'on respecte les politiques d'immigration qui seront élaborées à la suite de l'énoncé sur lequel on travaille présentement. (16 h 30)

M. Boulerice: Au choix, comme on dit, fort probablement, M. Le Hir. Oui, vous favorisez la régionalisation. Je pense que le discours est unanime de part et d'autre; il est unanime non pas uniquement aujourd'hui, il est unanime depuis des années sur la régionalisation. Mais la question que je me pose: Comment les immigrants et les immigrantes vont-ils pouvoir trouver de l'emploi en région? Si on regarde les chiffres de Mme la ministre, sur 55 000, il y aurait 2000 immigrants investisseurs. Oui, mais là, 55 000 moins 2000, ça fait 53 000, et je vais vous donner un exemple. La région qui avait - et qui a déjà reçu de l'immigration - le taux le plus faible de chômage, c'était l'Abitibi. Mais, maintenant, malheureusement, l'Abitibi connaît un taux de chômage un peu similaire, identique aux autres régions, et c'est pourtant une région qui a accueilli, il y a quand même un bon bout de temps, une immigration ukrainienne et polonaise. Comment pensez-vous qu'ils vont trouver du travail en région?

Le Président (M. Doyon): M. Le Hir.

M. Le Hir: C'est certain que ce n'est pas un problème facile. Il n'y a pas de réponse facile. Cependant, je vous dirai qu'il y a des pays dans lesquels il existe certaines traditions. Vous avez mentionné vous-même tout à l'heure les Ukrainiens et les Polonais, et vous avez mentionné qu'il s'en était retrouvé un bon nombre en Abitibi pour des raisons bien simples, c'est que ces gens-là viennent des pays de mines et il y avait des mines en Abitibi.

M. Bouierice: Voilà.

M. Le Hir: Mais on ne peut pas nécessairement penser trouver dans chaque cas une ethnie qui est particulièrement adaptée aux besoins d'un marché particulier, quoique certains pays européens aient fait ça. J'entendais quelqu'un tantôt

parler de l'Allemagne avec ses gastarbeiters et le cas des travailleurs turcs. N'empêche que je ne pense pas que ce soit un modèle qu'on cherche à émuler, au contraire. Nous, on ne veut pas que les gens viennent ici pour faire "trois petits tours et puis s'en vont". On veut, au contraire, les intégrer et les faire participer au projet collectif québécois. Alors, comme je l'ai dit en commençant, c'est très, très difficile de trouver des solutions au problème que vous faites. La meilleure solution, en fait, c'est celle que je donnais à Mme la ministre un peu plus tôt. Les gens vont venir ou vont aller quelque part parce qu'il va y avoir une motivation économique hors du commun qui va les attirer là. Il s'agit, pour le Québec, de devenir - et c'est son défi - un pôle d'attraction tellement fort qu'il est irrésistible.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Le Hir.

M. Boulerice: Je ne sais pas combien il reste de temps, M. le Président. Une dernière question, M. Le Hir. Vous avez sans doute compris que je suis un député montréalais, en plein centre de Montréal en particulier. Vous vous dites en faveur de la planification plurian-nuelle pour les niveaux d'Immigration. Mais, à votre avis - et je présume que vous êtes montréalais ou, comme dit notre ami Doris Lussier, "montréallste", vous aussi - quel serait le seuil d'accueil au-delà duquel la région métropolitaine, plus spécifiquement l'île de Montréal, dépasserait sa capacité d'accueil?

M. Le Hir: Je ne peux pas vous répondre à une question comme celle-là. Je doute même qu'une telle réponse soit possible. Je ne pense pas qu'on doive envisager la problématique dans ces termes-là. Historiquement, même si on regarde dans le passé, on se rend compte que Montréal a constitué un foyer d'attraction à la fin de la guerre, au début des années cinquante, qui excède de beaucoup ce qu'elle est maintenant et qu'elle ne s'en est pas portée plus mal, loin de là. Alors, vous dire qu'en ce moment ou au moment où on se parle on a atteint un seuil quelconque, ou bien on est en deçà de ce seuil ou bien on est au-delà du seuil, ça relève de la pure spéculation.

M. Boulerice: Mais je vous posais la question, M. Le Hir, parce que vous savez comme moi que, malheureusement, Montréal a un taux de chômage égal à Terre-Neuve - c'est la seule comparaison qu'on ait actuellement avec Clyde Wells et elle n'est pas à notre avantage - que, dans "Le Québec cassé en deux", que vous avez sans aucun doute lu, j'en suis persuadé, on fait état de l'île de Montréal cassée en deux et qu'à Montréal il y a énormément de problèmes aussi d'habitation dans le sens de logements. Si je regarde un quartier comme le mien et que j'ajoute Rosemont - parce qu'il faut faire attention aussi, l'immigration ne doit pas être uniquement à l'ouest de la rue Saint-Laurent; à mon point de vue, c'est très dangereux - si on regarde toute la partie est, le stock de logements a 50 ans d'âge. C'est la raison pour laquelle je vous disais: Oui, mais jusqu'à quel seuil c'est absorbable pour Montréal sans qu'il y ait de tension? Parce que, si on a une immigration avec tension, ce n'est pas une immigration reçue et on en sera les premiers malheureux, et d'avoir créé des malheureux aussi en leur disant: Bien, venez ici. Mais, là, ils seront dans une situation où, malheureusement, ça ne sera pas ce qu'ils avaient souhaité et ce qu'on aurait aimé qu'ils reçoivent aussi.

M. Le Hir: D'abord, je pense qu'au départ il faut faire bien attention à ne pas mélanger les problèmes. Vous faites une corrélation entre l'immigration et la détérioration du marché du travail pour une catégorie de Montréalais ou plusieurs catégories de Montréalais.

M. Bouierice: Non, non, non, je m'excuse. Je vous ai dit que, malheureusement, il y a beaucoup de chômage à Montréal.

M. Le Hir: Oui. Écoutez, on ne peut pas, à notre sens à nous, relier les deux problèmes. Si nous, comme société, nous avons raté certains passages - et c'est le cas - on ne peut pas penser qu'on doive nécessairement retarder le progrès de la société jusqu'à ce que ces gens-là l'aient rattrapé. Malheureusement, le temps court, le temps passe, et il faut être ou évoluer au rythme de son temps. Et, pour donner des exemples, on a un chômage structurel important au Québec et à Montréal en particulier; c'est probablement dû à certains choix que nous avons faits il y a 25 ou 30 ans. Je vais vous donner un exemple du genre de choix qu'on a pu faire il y a 25 ou 30 ans qui ne donne pas les résultats escomptés, c'est celui de notre réforme de l'éducation. On prévoyait, avec la réforme de l'éducation, que 70 % de nos jeunes obtiendraient un diplôme au...

M. Boulerice: Professionnel...

M. Le Hir: ...professionnel et 30 % au secondaire.

M. Boulerice: ...et ça a été l'inverse.

M. Le Hir: On se retrouve 25 ans plus tard et on a exactement la proportion inverse. Il ne faut pas penser qu'on est capables de récupérer les gens qui ont fait les mauvais choix ou qu'on a mal orientés. Il faut faire en sorte qu'on minimise autant que possible l'impact sur ces gens-là, mais, malheureusement, je suis obligé de vous le dire et aussi dru que ce soit à dire, il y

a une génération sacrifiée et ça n'a rien à voir avec nos besoins de main-d'oeuvre aujourd'hui. Et ce n'est pas en temporisant ou en retardant l'accès à des immigrants qui viendraient remplir des fonctions que nous, comme Québécois, nous ne sommes pas capables de satisfaire qu'on corrigerait le problème; au contraire, on l'accentuerait davantage.

M. Boulerice: Alors, une toute dernière question brièvement, en conclusion, avant de vous dire merci pour votre participation que j'ai beaucoup appréciée. Compte tenu des éléments que je vous ai donnés pour Montréal, ce portrait que vous connaissez, problème d'habitation, vétusté du parc de logements, taux de chômage élevé, d'après vous, est-ce que vous croyez qu'il devrait y avoir, pour ce qui est de l'immigration, une stratégie particulière lorsqu'on regarde Montréal versus l'immigration?

M. Le Hir: Je pense que vous me reposez d'une autre façon la même question. Mais peut-être que M. Sterzi aimerait faire un autre commentaire.

M. Sterzi: Premièrement, je voudrais dire...

M. Boulerice: Mais, vous me permettez, M. Sterzi, je ne fais aucune corrélation entre chômage, programme d'habitation et immigration. Je n'ai jamais dit et jamais je ne dirai qu'elle est cause de cela. J'observe qu'il y a le phénomène et on doit en tenir compte, à mon point de vue, dans une politique d'immigration vers Montréal.

M. Sterzi: Oui, vous avez raison... Le Président (M. Doyon): M. Sterzi.

M. Sterzi: ...jusqu'à un certain point, parce que je pense que, dans une politique d'immigration, le contexte économique actuel d'aujourd'hui, c'est un petit peu une parenthèse et je l'espère. Je l'espère dans le sens que, normalement, il faut envisager une politique d'immigration en supposant que tout marche normalement. Je pense qu'en ce moment, économiquement parlant, on marche anormalement. Alors, quand vous parlez des taux de chômage à Montréal de 13,4 %, est-ce que c'est conjoncturel, à ce moment-ci, ou si ça va être toujours comme ça? Une deuxième chose, il faudrait éventuellement voir dans un autre contexte à augmenter l'emploi à Montréal comme ailleurs. Je pense que les deux choses, l'emploi et les programmes d'immigration, ça ne doit pas être, comment pourrais-je dire? accolé ou bien nuancé à Montréal parce qu'il y a un contexte économique actuel. Je pense que toute la politique de l'immigration doit être faite compte tenu de ce que va être le contexte politique dans deux ou trois ans. C'est une chose.

Si on parle des politiques d'emploi, etc., je reviens un petit peu à ce que je voulais dire, c'est qu'ici, au Québec, il me semble qu'on n'a jamais mis l'emphase sur l'industrialisation, et j'entends sur la manufacture. La transformation de la matière première ou secondaire, c'est-à-dire la valeur ajoutée faite par les manufacturiers, ça a toujours été considéré comme quelque chose... on la voyait, on ne la voyait pas. Mais si on regarde quelles sont les deux puissances économiques émergeant dans le monde d'aujourd'hui, ce sont deux pays où l'industrie manufacturière est la plus importante au monde.

Quand je parle par des exemples aux employés, je dis: Ici, au Québec, c'est comme si on était une grande famille: on fait beaucoup de paperasse entre nous, avocats, notaires et comptables; on se passe la note, chacun paie, mais qui sort cet argent? Comment on fait pour vivre? Qui va produire les patates? Qui va produire le verre? Qui va le faire? On va l'acheter à l'étranger, au Japon? Mais qu'est-ce qu'on va lui donner en échange? Si on n'a rien à leur donner en échange, ce n'est pas dans le secteur tertiaire et dans les services qu'on peut leur donner quelque chose. Si on regarde les Américains, ils font des films, ils peuvent vendre encore des films, ou l'aéronautique. Mais il faut qu'ici, au Québec, on se préoccupe de développer le plus possible l'industrie manufacturière et d'être compétitifs vis-à-vis du monde entier; aujourd'hui, c'est rendu un village. Si on n'envisage pas que c'est la création d'emplois la plus facile et la plus directe, eh bien, on peut avoir bien des politiques d'immigration, mais il faut créer des emplois davantage.

Alors, pour revenir à la question de la limite de Montréal, je n'ai pas de réponse là-dessus, mais il faut résoudre le problème de l'emploi, créer de l'emploi et, selon moi, c'est à travers l'encouragement des initiatives manufacturières qu'on va y arriver.

M. Boulerice: Merci, M. Sterzi.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député de l'Acadie, une courte question.

M. Bordelesu: Oui. Merci, M. le Président. J'aimerais revenir sur un point qu'on a déjà discuté, mais je suis resté un peu sur mon appétit. À la page 9 de votre mémoire, je cite juste une phrase: "il n'y a qu'une seule façon d'intéresser les immigrants à aller vivre en région: l'emploi." M. Sterzi nous a fait part, au fond, de son expérience. Évidemment, c'est certain que, s'il n'y a pas d'emplois, c'est impensable de faire en sorte que les gens aillent en région. Ici, c'est toute la question de la régionalisation qui est extrêmement importante; on en a parlé tout à l'heure et on s'entend tous

là-dessus.

Maintenant, M. Sterzi faisait référence à une situation particulière qui n'est pas nécessairement un cas unique: lui a un emploi et les gens n'y vont pas. On a essayé de cerner un peu quels pouvaient être les facteurs qui pouvaient expliquer cette situation, parce que, là, il y en a un emploi. Alors, on dit que c'est la seule façon, pas nécessairement. C'est certain que c'est une façon très importante, mais ce n'est pas nécessairement la seule façon puisque, dans les cas où il y en a, les gens n'y vont pas. Les immigrants ne sortent pas de la région. Donc, ce que j'aimerais savoir de vous, comme vous êtes, au fond, responsable de l'Association des manufacturiers du Québec: Est-ce qu'il y a des immigrants qui sont allés en région à certains moments, peut-être à des moments économiques plus favorables que celui qu'on vit actuellement, et qui se sont établis dans certaines régions? J'aimerais ça si vous pouviez nous donner plus d'informations sur ce qui fait que ces personnes-là sont allées en région et ce qui fait qu'elles sont demeurées en région. Je ne sais pas si vous avez des données là-dessus. Si on avait des éléments de réponse un peu plus précis là-dessus, ça nous permettrait peut-être d'envisager d'une façon plus concrète et plus réaliste toute la question de la régionalisation et, si on n'a pas de réponse à ces questions-là, ça va devenir très difficile de réaliser une opération de régionalisation. Et j'ai l'impression qu'on a une partie de la réponse dans des expériences individuelles, peut-être un peu éparpillées sur le territoire québécois, mais certaines personnes l'ont fait et elles sont demeurées dans les régions. Est-ce que vous avez de l'information ou des observations à nous donner là-dessus? (16 h 45)

M. Le Hir: Malheureusement, il n'y a pas une pléthore d'informations disponibles sur le sujet. D'abord, il faut bien comprendre que, dans l'industrie, à part du cas, comme on l'a mentionné tantôt, des Polonais qui ont été attirés vers les mines de l'Abitibi, il n'y a pas un nombre considérable d'exemples comme ceux-là dans le portrait dans notre histoire. Ensuite, il faut réaliser que, industriellement, le Québec, au cours des 25 ou 30 dernières années, ça n'a pas été une terre d'essor. Au contraire, ça a été un endroit qui graduellement a perdu des plumes au profit de l'Ontario ou d'autres régions à l'ouest du Québec. Donc, le dynamisme qu'on a manifesté dans le secteur industriel n'était pas susceptible d'être un gros facteur d'attraction pour ces gens-là. Ensuite, il faut mentionner que, sur les immigrants qui se sont installés - et, effectivement, il y a des cas de réussite, il y en a peu dans le secteur manufacturier, mais il y en a davantage dans le commerce et les services -c'est ailleurs qu'il faudra aller chercher l'information, pas nécessairement chez nous. Il y a, bien sûr, des situations comme celle de M. Sterzi et, vous voyez, il est ici aujourd'hui.

M. Bordeleau: Je vous remercie. Je pensais que vous pouviez avoir certaines indications de ce côté-là. Mais, effectivement, on a peut-être une partie de cette réponse-là dans les 12 % qui sont allés à l'extérieur de Montréal et qui demeurent là; peut-être que ces gens-là pourraient nous expliquer pourquoi ils sont allés en région, pourquoi ils sont heureux en région et pourquoi ils sont restés là. Ça nous aiderait peut-être à... Oui, M. Sterzi.

M. Sterzi: Je connais deux cas. C'est que, par exemple, avec leur formation, ils ne pouvaient pas trouver d'emploi à Montréal. Un était ingénieur minéralogique; alors, il vit à Asbestos, il ne pouvait pas évoluer à Montréal. L'autre est ingénieur forestier. Je connais des personnes qui étaient des techniciens dans le granite; alors, ils sont allés vers Saint-Augustin, ici, au Québec, où il y avait des carrières. Mais c'est toujours l'emploi qui fait que, du moment qu'ils ont un emploi bien spécifique et qu'ils ne peuvent pas trouver de l'emploi à Montréal, ils sont bien obligés d'aller en région. Une fois qu'ils sont installés en région, ils s'intègrent. Je vous parle surtout de l'expérience de personnes qui sont d'origine, naturellement, italienne. Alors, l'intégration, je pense, avec le fait francophone, en étant de langue latine, c'est beaucoup plus facile. C'est le seul exemple que je peux vous apporter ici.

M. Bordeleau: Merci.

M. Charland: Si je peux me permettre d'ajouter quelque chose, lorsque je parlais tantôt de besoin du client, dans le même sens il serait important d'avoir de l'information. La question que vous posez, il est important qu'on ait de l'information qui soit mise à jour pour savoir les résultats, avoir un suivi des résultats pour nous permettre de dire: Bien, voici quels sont les faits qui permettent de favoriser une régionalisation, qui est l'objectif du gouvernement. Dans ce sens-là, je pense que c'est important d'avoir cette information-là et à très court terme, et j'invite le gouvernement à mettre sur pied un système à cet effet-là.

M. Bordeleau: Espérons qu'on aura tous ces informations-là, parce qu'on les cherche, nous aussi.

Le Président (M. Paré): Merci. Étant donné que le temps qui nous était imparti est maintenant terminé, je demanderais à Mme la ministre si elle a quelques mots pour conclure.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Écoutez, je vous remercie pour la présentation de votre mémoire. Vous aviez des propos tout à fait justes

tout à l'heure lorsque vous disiez qu'on ne peut pas faire payer à l'immigration les erreurs de notre passé. Je pense, d'ailleurs, que tous les pays, toutes les provinces et toutes les villes finalement qui ont été ouverts à l'immigration se sont enrichis non seulement économiquement, mais culturellement aussi. Donc, c'est important aussi que nous ne restreignions pas nos niveaux d'immigration parce qu'il y a une concentration, mais je pense qu'il faut plutôt essayer de travailler sur l'intégration et aussi sur la régionalisation même, on le sait, si elle ne sera pas facile. Mais il y a quand même des manières de s'y prendre et je pense qu'ensemble on pourra être capables de relever ce défi-là.

Bien sûr, je vous remercie énormément de vous être déplacés par une température aussi qui n'est pas très, très clémente. Je vous souhaite un bon voyage de retour.

M. Le Hir: Je vous remercie, Mme la ministre.

Le Président (M. Paré): Merci. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. Je vais, encore une fois, me joindre à ma collègue pour vous remercier, messieurs, en vous disant que je ne sais pas comment vous en ressortez, mais, quant à moi, votre participation et surtout les propos que vous avez tenus étaient très intéressants. Je souhaiterais personnellement poursuivre le dialogue avec vous dans fe cas de Montréal en apportant toujours la précision qu'il n'est pas dans mon esprit de la limiter, mais bien de rendre l'immigration à Montréal très harmonieuse puisque vous savez comme moi, vous lisez les journaux, que, malheureusement, on a des ratés à l'occasion et qu'un seul raté déjà c'est un de trop. C'est un de trop. Je pense qu'on s'entend tous là-dessus. Dans le cas de la métropole, puisque, on ne se le cachera pas, la majorité sera toujours attirée vers Montréal - il faut en attirer plus vers les régions, mais une très forte proportion choisira toujours spontanément Montréal - il ne faut pas qu'il y ait de ratés. C'est trop important pour le développement et notre vie à l'intérieur de notre métropole.

Messieurs, je vous remercie et, pour ce qui est de M. Sterzi, eh bien, rassurez-vous, j'ai beaucoup parlé de Montréal, mais j'arrêterai vous voir à Drummondville.

M. Le Hir: Saint-Hyacinthe.

M. Boulerice: Saint-Hyacinthe, pardon. Quand j'irai voir mon ami Laurent Denis, j'arrêterai vous voir.

M. Sterzi: Je suis en face.

M. Boulerice: Vous êtes en face? Bon, eh bien, alors, voyez-vous, je fais d'une pierre deux coups.

M. Sterzi: Mais j'habite Montréal.

M. Boulerice: Vous continuez à voyager. Vous n'habitez pas Sainte-Marie-Saint-Jacques, par hasard?

M. Sterzi: Non.

M. Boulerice: Vous avez raté un beau quartier.

Le Président (M. Paré): M. Le Hir, M. Sterzi, M. Chariand, merci de votre mémoire et de l'échange fructueux avec les membres de la commission. J'inviterais maintenant les gens du groupe Québec Multi-Plus à prendre place à la table, ici en avant.

Alors, au nom des membres de la commission, je souhaite la bienvenue au groupe Québec Multi-Plus et je vous inviterais, M. Constantin Charles, président, à nous présenter les gens qui vous accompagnent et, ensuite, à nous faire la présentation de votre mémoire.

Québec Multi-Plus

M. Charles (Constantin): D'accord. Bonjour, Mme la ministre. Bonjour, MM. et Mmes les parlementaires. Je suis effectivement avec l'équipe de Québec Multi-Plus. J'ai à ma gauche Mme Ana-Luisa, qui est consultante à Québec Multi-Plus et ici Mme Lise Robitaille, consultante, et M. Gary Obas, qui est directeur de Québec Multi-Plus. Je passe la parole à M. Gary Obas, il va présenter le mémoire.

Le Président (M. Paré): Oui, M. Obas, la parole est à vous.

M. Obas (Gary): Merci, M. le Président. Premièrement, je vais vous brosser un peu un tableau de ce que fait Québec Multi-Plus. Québec Multi-Plus se spécialise dans la formation aux relations interculturelles et, en six ans d'existence, l'équipe pluriculturelle et multidisciplinaire de Québec Multi-Plus a touché une soixantaine d'institutions oeuvrant dans des secteurs d'activité fort variés. Les personnes rejointes via nos sessions se retrouvent dans tous les types de fonctions: des gestionnaires, des responsables de l'application des programmes d'accès à l'égalité, des préposés à l'accueil, des intervenants, des professeurs, des étudiants, des commis de bureau, des personnes de décision, des bénévoles, et ainsi de suite. La liste serait assez longue.

À travers ces diverses expériences, Québec Multi-Plus a développé sur le terrain une approche originale de la formation, approche qui repose tout autant sur un solide contenu infor-matif que sur des outils d'animation dynamiques

et participatifs qui deviennent le véhicule privilégié de ce contenu. Nous avons comme mandat de sensibiliser le public à la réalité pluri-culturelle du Québec. Nous visons à développer plus d'empathie envers les membres des groupes ethnoculturels, à sensibiliser à l'influence des préjugés et stéréotypes sur les attitudes et les comportements, à informer sur les caractéristiques et l'histoire de l'immigration au Québec et au Canada, et à favoriser, finalement, le développement d'échanges intercommunautaires.

Alors, aujourd'hui, c'est à titre de praticiens et d'intervenants que nous prenons la parole pour vous faire part, finalement, de notre expérience-terrain et de nos réflexions. Le mémoire porte sur plusieurs points. Ils sont au nombre de 10.

L'apprentissage du français. Le fait de parler ou d'apprendre le français ne constitue pas un gage d'intégration sociale ou économique. Nous connaissons des groupes francophones, tels les Antillais et les Africains, qui éprouvent beaucoup de difficultés à se faire accepter. Et le fait français, bien que nous l'appuyions, doit être assorti d'une ouverture d'esprit de la société d'accueil.

En ce qui a trait à l'accroissement de l'immigration, l'accroissement de l'immigration surtout francophone nous apparaît comme une mesure voulant contrebalancer à tout prix le poids démographique du Canada anglais. Dans cet esprit, nous ne voudrions pas que les efforts d'intégration des immigrants déjà installés au pays ne soient pas encouragés.

Troisièmement, la participation aux divers volets de la société. Tout individu à qui on offre un accueil chaleureux ne peut que rendre la réciproque. Les nouveaux arrivants seront heureux, à notre avis, de mettre à profit leurs talents et leurs capacités, en autant qu'on leur en offre l'opportunité. Le seul fait de quitter leur pays d'origine témoigne de leur désir de contribuer à l'essor de la société d'accueil.

Pour ce qui est du développement de relations intercommunautaires, des organismes se le sont déjà donné comme mandat. Le gouvernement, à notre avis, devrait leur octroyer un soutien financier continu afin d'atteindre leurs objectifs fort louables. Il ne faut pas se le cacher, les subventions accordées dans le cadre de différents projets ou même de projets disparates ne font qu'accroître la fragilité de ces organismes en les maintenant dans une perpétuelle précarité. Ces organismes devenant partenaires du ministère, comme c'est bien dit dans l'énoncé de politique, aideront ce dernier à concrétiser ses objectifs.

Les niveaux planifiés d'immigration. Le gouvernement, dans son rôle de promoteur des attitudes favorables à l'immigration, devra, par le biais de diverses manifestations comme les médias, des actions concrètes, démontrer l'apport de l'immigration et ses incidences sur le bien- être de la collectivité en général.

La représentativité équitable à la fonction publique. Beaucoup de membres de groupes ethnoculturels placent ceci au centre de leurs préoccupations, c'est-à-dire l'emploi, finalement. Le travail leur est souvent difficilement accessible. Ils y trouveront sûrement une forme de valorisation de soi et des postes - quand on parle de postes, ça veut dire une représentativité équitable - permanents seront plus appropriés puisqu'ils sont les seuls à assurer une vraie représentativité et à vraiment permettre aux gens de pouvoir planifier des projets d'avenir.

La reconnaissance de diplômes étrangers. Beaucoup de gens ayant étudié à l'étranger ou ailleurs ne peuvent en faire profiter la société d'accueil. Des politiques visant à contrer ou à atténuer les effets du corporatisme favoriseront la transférabilité des connaissances acquises ailleurs et adaptables à la société d'ici.

La sensibilisation du public. Le public, on l'a constaté à plusieurs niveaux, est très mal servi par les médias. Ils sont très souvent davantage intéressés par le sensationnalisme. L'information sur les différents groupes ethnoculturels, leur histoire ne feront que développer de la compréhension, de la tolérance, le désir de découvrir l'Autre, avec un grand A. Les moyens sont multiples: annonces, capsules d'information dans les médias, et il y en a pas mal d'autres.

L'élaboration d'un lexique. Ce lexique devra bannir certains termes tels "Québécois de vieille souche", "minorités visibles". Le premier fait référence à une homogénéité des Québécois et à une stratification quant à leur date d'arrivée au pays et le second, "minorités visibles", à une stigmatisation ou à une mise à l'écart. (17 heures)

La formation des employés du gouvernement. On se dit qu'il n'y a aucune politique d'embauché à ia fonction publique des membres des groupes ethnoculturels qui ne puisse se faire sans la collaboration des employés qui se trouvent déjà à l'interne. Alors, des problèmes de cohabitation risquent de surgir. Pour les éviter, mieux vaut les prévenir en formant les employés à la diversité culturelle. Comme l'embauche se fera, on le souhaite, à tous les paliers et à tous les ministères, un programme de formation adapté aux besoins de chaque ministère s'impose. Le contenu sera essentiellement la démystification de préjugés et de stéréotypes et l'information sur différents groupes ethnoculturels et, pour les gestionnaires, un volet sur le management interculturel, à savoir comment gérer la cohabitation interethnique. Donc, l'intégration dans ces institutions-là des groupes ethnoculturels se fera, à notre avis, avec le moins de problèmes et le moins de heurts possible.

Enfin, nous voudrions vous souligner que bon nombre d'idées sont bien reçues, telles la diminution du nombre d'années de parrainage et tant d'autres. Et le fait d'avoir présenté cet

énoncé pouf nous faire part des désirs du gouvernement démontre une volonté d'agir. Nous offrons tout notre support dans le développement de meilleures relations entre tous les Québécois. On vous remercie.

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup pour la présentation de votre mémoire. Est-ce qu'il y a d'autres personnes qui veulent intervenir maintenant ou si on passe à l'échange? Ça va? Alors, Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Merci beaucoup pour vos propos. La présente commission parlementaire a pour but, bien sûr, de nous faire connaître votre point de vue sur l'énoncé de politique. Mais vous savez que nous voulons aussi connaître l'opinion de ceux qui viendront se faire entendre, au cours des prochaines années, sur les niveaux d'immigration, et on ne semble pas en avoir parlé dans votre mémoire. Est-ce que vous pouvez me dire si vous avez une opinion à ce moment-là? Le Québec, comme on le mentionne dans notre politique, veut, par exemple, augmenter d'une façon soutenue et réaliste les niveaux d'immigration; est-ce que vous êtes en faveur d'un niveau supérieur? C'est quoi votre opinion? Est-ce que vous en avez une à ce sujet-ià?

Mme Robitaille (Lise): Je peux peut-être intervenir. On est d'accord avec ie principe qui est énoncé dans la politique en matière d'immigration, comme quoi l'immigration est un facteur de développement économique, social et culturel, excepté que nous, ce qu'on a à dire, c'est: Oui, mais qu'est-ce qu'on fait pour soutenir l'intégration économique et sociale de ceux qui sont déjà ici? Par exemple, on a parlé tantôt des Nord-Africains et des autres francophones. Alors, on reprend la position qui a été reprise par d'autres organismes aussi, à savoir qu'il faut miser sur l'emploi aussi. Et soutenir la réunification familiale, entre autres, je pense que ça fait partie de l'accroissement de l'immigration. Quant à accroître les volumes d'immigration, je pense que ce qu'on aurait à dire aussi, c'est qu'on favorise la régionalisation, comme c'est énoncé dans notre énoncé. Mais on dit que c'est important aussi de soutenir les organismes et les intervenants qui oeuvrent déjà dans le domaine. Je pense à une région en particulier; je connais l'Outaouais. On se pose beaucoup cette question, à savoir: Est-ce qu'on va devoir fonctionner avec les mêmes ressources? Nous, on demande au MCCI d'avoir un financement accru et on n'a pas de réponse à ce titre-là. Alors, nous, ce qu'on aurait à dire, c'est: Oui pour l'accroissement des volumes d'immigration, qu'on mise sur la régionalisation, mais qu'on augmente Ses ressources financières et qu'on reconnaisse le travail d'organismes, qu'on appelle de première ligne.

Mme Gagnon-Tremblay: Donc, si je comprends bien, vous n'êtes pas nécessairement en défaveur d'une augmentation des niveaux, à la condition, bien sûr, que l'on puisse aussi avoir une politique d'intégration.

Mme Robitaille: C'est ça.

Mme Gagnon-Tremblay: C'est ça. Tout à l'heure, vous avez mentionné que... M. le Président, vous permettez? Oui.

Le Président (M. Paré): Oui, je pense que M. Charles voulait intervenir.

Mme Gagnon-Tremblay: Je m'excuse, je ne suis pas habituée de...

M. Charles: En effet, oui, je voulais intervenir. Absolument, on est en faveur de l'accroissement de l'Immigration; ça, je pense que c'est sans aucun doute. Moi, pour être intervenant dans un organisme de première ligne, et ceci depuis quatre ans, pour travailler avec des immigrants, des revendicateurs du statut de réfugié ou des réfugiés de catégorie désignée, c'est-à-dire ceux qui sont déjà sélectionnés, d'outre-mer, je pense qu'il faut davantage donner aux organismes communautaires, aux intervenants, les moyens afin de créer des outils bien concrets pour pouvoir favoriser l'intégration et l'adaptation de ces nouveaux arrivés. On peut prendre un exemple. Étant donné qu'on vit à Montréal, on connaît très bien la situation des nouveaux arrivés ou la situation des personnes, étant donné qu'on les identifie comme étant de seconde génération. On connaît très bien le problème d'adaptation que vivent ces groupes-là. Je pense qu'il faut aussi se pencher sur les problèmes actuels, sur la réalité actuelle de Montréal, mais ceci, à tous les niveaux, que ce soit au niveau scolaire, par exemple. Prenons le cas des problèmes dans ies institutions scolaires. Je pense que, quelles que soient les institutions, que ce soit la CECM ou la CEPGM, on fait face à des problèmes d'intégration pour les communautés culturelles. Depuis quelques années, on fait face à ce problème. Jusqu'à présent, je pense qu'on ne fait que soutenir des projets-pilotes. Je ne pense pas qu'il y ait des actions concrètes afin de résoudre ce problème. Ce qu'on suggère, c'est qu'on nous donne des moyens financiers afin de créer des outils et qu'on se sente soutenus de la part du gouvernement. Je peux vous dire que de la façon dont on travaille présentement, les organismes, ce n'est pas vraiment encourageant. Je peux vous donner un exemple concret de mon organisme; nous sommes une vingtaine d'employés dans un organisme communautaire. Certes, on a fait des demandes de subventions, qui doivent être entrées, mais, par contre, on a des dépenses mensuelles de 20 000 $ et on a 4000 $ en poche, en banque présentement. On se demande: Com-

ment va-t-on payer nos employés? On sait qu'à la porte il y a des dizaines de revendicateurs, deâ dizaines de personnes qui sont ici depuis quatre ans, qui attendent nos services. Je pense qu'on doit sentir davantage le soutien financier, qu'on doit se sentir plus sécurisés aussi, les intervenants, de façon que l'accueil de ces gens-là soit fart d'une façon équitable, j'ai l'impression.

Mme Gagnon-Tremblay: Nous sommes à réévaluer présentement l'ensemble de nos programmes de subvention, parce que nous voulons que nos programmes de subvention répondent davantage aux objectifs de notre énoncé de politique. Entre autres, nous voulons que les organismes que l'on subventionne fassent davantage de l'accueil, mais aussi beaucoup de rapprochement. Bien sûr, les organismes qui invitent davantage à la ghettoïsation verront leur financement disparaître, c'est l'objectif qu'on a visé jusqu'à maintenant.

Cependant, je dois vous dire aussi qu'il y a des choses que le gouvernement peut faire, c'est-à-dire que le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration peut faire, et d'autres choses que les autres ministères peuvent faire. Il y a des choses que des organismes gouvernementaux peuvent faire également; je pense, entre autres, à des CLSC qui ont des responsabilités face à l'intégration de cette clientèle. Et, bien sûr, il y a des choses qui peuvent être faites aussi par des organismes communautaires parce qu'ils ont l'expertise et aussi c'est plus facile pour des nouveaux arrivants de contacter ces personnes.

Cependant, ce que je voudrais savoir, c'est: Comme organisme communautaire, si, par exemple, les services que vous donniez étaient des services complémentaires et qu'à ce moment-là nous avions besoin de vos services, dépendam-ment du secteur où ils sont donnés, est-ce que vous accepteriez une certaine évaluation, un certain encadrement, afin que nous puissions signer des ententes et créer un véritable partenariat pour offrir ces services-là? Si, par contre, c'était davantage un organisme subventionné sans encadrement ou avec toute autonomie, c'est quoi, pour vous, un bon financement par rapport à du bénévolat? Est-ce que, par exemple, le fonctionnement doit être financé à 100 %, parce qu'on sait aussi que ça représente généralement 90 % de salaires? Par exemple, quelle doit être la proportion de bénévolat par rapport à la proportion de sommes subventionnées? Aussi, en tant qu'organisme, c'est-à-dire communauté de souche plus ancienne, est-ce que vous êtes prêts aussi à ouvrir vos portes à toutes les autres communautés de souche plus récente et à faire cette mixité, à un moment donné?

M. Charles: Je crois que oui. En ce qui nous concerne, je crois aussi pour Québec Multi-Plus et aussi pour l'organisme que je représente ici, c'est un organisme multiethnique et très multiethnique, on parle plus d'une quinzaine de langues. Alors, cela veut dire que nous sommes prêts, d'ailleurs nous ouvrons nos portes à toutes les communautés qu'on retrouve à Montréal présentement.

En ce qui a trait à l'entente qu'on a avec le gouvernement - et je pense que c'est valable aussi pour tous les autres organismes communautaires - on parlait et on va continuer à parler toujours de partenariat. On sent toujours qu'il y a - je ne sais pas si je peux l'appeler encadrement ou supervision - un encadrement et ceci, par les agents de liaison, lis rencontrent toujours la direction et les personnes responsables. Ils viennent toujours aussi rencontrer les conseillers en administration. Ce qu'on aimerait, par contre, c'est qu'on laisse une plus grande marge de manoeuvre à ces organismes-là. Lorsqu'on leur donne, par exemple, une subvention de 20 000 $ pour deux employés pour faire un travail, pour accueillir des centaines de personnes, c'est de considérer la masse de travail qu'ont ces organismes communautaires. Ce qui arrive, c'est qu'on nous donne peu de subventions et on nous demande beaucoup. Je pense que ça doit être très bien balancé.

Mme Robitaille: J'aimerais ajouter d'autres choses par rapport à ça.

Le Président (M. Paré): Oui, Mme Robitaille.

Mme Robitaille: C'est en lien avec les axes d'intervention qui sont définis dans votre énoncé de politique et aussi en lien avec la question que vous venez de poser. Nous, on travaille dans le développement des relations intercommunautaires avec, je dirais, les mêmes objectifs que le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. Ça comprend deux choses: développer la connaissance et la compréhension de la société québécoise pour les nouveaux arrivants et développer les connaissances et la reconnaissance de la réalité pluraliste de la société québécoise. Alors, ça serait autant pour les nouveaux arrivants que pour les Québécoises et Québécois de toutes origines qui sont ici depuis 10 ans, depuis des siècles. Alors, à ce titre-là, nous aussi, on trouve qu'il y a encore des efforts à faire et des projets, comment dire? oui, des projets ou organismes à soutenir pour valoriser le pluralisme culturel auprès du public en général. Quand on parle de financement, à date, ce à quoi on a pensé, c'est: Pourquoi le MCCI ne subventionnerait-il pas des organismes partenaires, quelques-uns plutôt que plusieurs? Je ne sais pas combien il y a d'organismes, une centaine? Et nous aussi, on est d'accord avec le fait de vouloir décentraliser, comment je dirais, l'éducation interculturelle en subventionnant des projets

par ministère. À ce titre-là aussi, on a une expertise qu'on a développée avec les années et . on est prêts à collaborer de façon plus soutenue.

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que je comprends bien quand vous dites: Pourquoi ne pas subventionner des organismes avec qui on pourrait créer de véritables partenariats plutôt que les multiplier? Est-ce que ça veut dire que vous iriez jusqu'à dire, par exemple, que ceux avec qui on ne peut pas créer de véritable partenariat, aussi bien les voir s'effacer ou bien les éliminer? Est-ce que c'est ça, finalement, que vous voulez dire?

Mme Robitaille: C'est difficile de me prononcer là-dessus, mais je pense que je dirais oui, parce qu'il y a des organismes qui pourraient être subventionnés d'une autre façon.

Mme Gagnon-Tremblay: Au lieu de la multiplication.

Mme Robitaille: Oui, au lieu de la multiplication, et ça pourrait être subventionné par d'autres ministères que le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. Je pense que c'est en lien. Quand on parle de décentraliser, c'est ça.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

Le Président (M. Paré): Oui, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, M. le Président. Merci, Mme la ministre. Il me fait plaisir de vous accueillir, moi aussi, surtout que je suis député d'une circonscription de la région montréalaise où il y a un taux assez important de néo-Québécois, particulièrement d'origine italienne et haïtienne, donc, peut-être plus sujet aux situations ou aux problèmes que vous venez d'énoncer. Il y a quand même un certain nombre de choses qui me font tiquer dans votre "rapport". Vous parlez de l'accroissement de l'immigration et, là, je vais relire parce que peut-être que je n'ai pas bien compris: "L'accroissement de l'immigration surtout francophone nous apparaît comme une mesure voulant contrebalancer a tout prix le poids démographique du Canada anglais. Dans cet esprit, nous ne voudrions pas que les efforts d'intégration des immigrants déjà installés au pays ne soient pas encouragés." Pourriez-vous me dire exactement c'est quoi? Est-ce que vous voulez dire par là qu'on veut faire venir des francophones pour contrebalancer le reste du Canada ou est-ce qu'on veut faire venir des immigrants pour peupler le Québec, trouver des techniciens qui nous manquent ou des ouvriers spécialisés et, autant que possible, vu que nous sommes francophones, une société francophone, nous voulons qu'ils soient francophones ou francophonisables afin de conserver notre société québécoise? C'est quoi que vous pensez, vous, là? Là, ça prête un peu à équivoque. (17 h 15)

M. Obas: Oui, il faut dire qu'on n'a rien contre, c'est-à-dire qu'on ait une immigration francophone, mais ce qu'on se dit, c'est qu'on a, pendant très longtemps, pensé que la communauté italienne, par exemple, qui se trouve à Montréal majoritairement, et la communauté grecque préfèrent "s'anglophoniser", finalement. De plus en plus, on remarque que c'est tout à fait le contraire qui se produit. Si l'on veut parler en termes de convergence culturelle, il y a des gens d'origine autre, c'est-à-dire immigrés, qui seraient prêts, même s'ils ne sont pas d'origine francophone, à s'insérer au fait français du Québec. Là, pourquoi privilégier, au départ, une immigration francophone quand on sait qu'il y a des gens qui sont aussi compétents et qui peuvent être sélectionnés par la grille de sélection actuelle, bien qu'on ne soit pas tout à fait d'accord avec, mais qui pourraient, en venant au Québec, s'intéresser au fait français au Québec et accepter le français comme leur langue de travail ou leur langue de communication?

M. Gobé: O.K. Je vous remercie. Je n'ai pas fini, j'aurai d'autres questions après. Juste une petite mise au point. Vous avez quand même fait une assertion qui me semble un peu arbitraire pour cette communauté, lorsque vous dites que la communauté italophone a tendance à "s'anglopho-ciser" ou "s'anglophoniser"...

Une voix: S'angliciser.

M. Gobé: ...à s'angliciser, le mot est exact. Je crois que vous faites là quand même une assertion un peu grosse. La communauté anglophone de Montréal est une communauté particulière et la communauté italophone est une autre communauté. Dans la communauté anglophone, ils ont généralement 95 % des gens qui parlent français, anglais et italien. Le fait qu'ils s'expriment à l'occasion en anglais tient à un passif historique avec les commissions scolaires, les écoles montréalaises, et non pas à une volonté de ces gens de vouloir absolument devenir anglophones, car on retrouve dans des pays francophones comme la Belgique, par exemple, ou la France des communautés itaiopho-nes, 1 000 000 en France et 300 000 et quelques en Belgique, et ils parlent français. Alors, je pense qu'il faudrait quand même faire attention à ne pas catégoriser. Mais je ne pense pas que c'est ça que vous vouliez faire; je pense que c'est une image que vous donniez du résultat de ce qui s'était passé.

Ceci étant dit, est-ce que vous avez des idées en particulier de pays? Vous parlez des gens francophonisables ou francisabies autres que les francophones d'origine. Vous devez avoir une

idée derrière la tête, vous. C'est quoi les pays ou c'est qui ces gens-là? Où est-ce qu'on va les chercher? Comment on les amène ici pour les franciser? Comment va-t-on chercher quelqu'un dans un pays où on dit: Toi, tu n'es pas francophone; tu vas venir immigrer au Québec, puis, maintenant, tu vas devenir un francophone et on a des bonnes chances de penser que l'opération va avoir un succès, un taux de réussite de 75 %? Où, dans quel pays, et comment?

M. Obas: Si l'on prend un exemple très concret...

M. Gobé: Oui, oui, concrètement.

M. Obas: On va prendre les Latino-Améri-cains, qu'on met habituellement dans un grand panier. Très souvent, ce qui arrive, c'est que ces gens-là qui sont d'origine latine viennent au Québec et sont prêts à parler français. Quand ils commencent à apprendre le français, ce qu'on remarque très souvent, c'est qu'en arrivant quelque part on sourcille déjà pour leur démontrer qu'on n'a pas trop bien compris quand ils veulent s'exprimer en français. Je vais vous donner un autre exemple. Même moi, quand j'arrive, par exemple, je ne sais pas où, à la banque, même avant d'ouvrir la bouche, même avant de parler, on sourcille déjà en présupposant que je vais parler soit en anglais ou parler un français, bon, je ne sais pas trop, qui n'est pas trop correct. Alors, déjà, c'est l'attitude des gens avec lesquels on intervient qui, très souvent, cause problème. Quand, tantôt, je prenais la situation des italophones, c'était pour démontrer la perception, jusqu'à présent, à plusieurs niveaux; les gens pensent très souvent que les italophones, c'est-à-dire les gens d'origine italienne, et les Grecs sont des anglophones et c'est faux. Beaucoup de ces gens-là parlent français et ont choisi de vivre en français.

M. Gobé: Donc, si je comprends bien, vous, vous diriez: Ne favorisez pas à tout prix l'immigration parce qu'elle est francophone, mais regardez ailleurs, dans d'autres bassins, il y existe aussi des gens francisables.

M. Obas: Des gens qui seraient prêts à...

M. Gobé: C'est ça un peu... Je veux dire votre 2, à la page 3, l'accroissement de l'immigration, c'est ça, le message que vous voulez nous envoyer.

M. Obas: Oui.

M. Gobé: C'est bien ça.

M. Obas: Oui.

M. Gobé: Mais est-ce que vous ne croyez pas qu'il serait plus facile de franciser des francophones que de franciser des hispanophones?

Mme Iturriaga (Ana-Luisa): Non, je ne pense pas. Je m'excuse. Est-ce que je peux parler?

M. Gobé: Je m'excuse de faire un lapsus en disant "franciser".

Mme Iturriaga: Je ne pense pas. Je pense qu'il faut voir qu'en dehors de la langue... L'apprentissage d'une langue est facile à faire. Ça dépend du milieu d'où on vient, du bagage qu'on a culturellement. Mais je peux vous dire, étant moi-même mexicaine, latino-américaine, que j'ai appris la langue en six mois; ce n'était pas long. Je peux vous dire aussi que c'était l'intérêt; je voulais comprendre les gens que j'avais en face de moi. J'avais accepté de venir ici et je voulais m'insérer. Mais l'apprentissage du français, ce n'est pas automatiquement l'intégration ou l'adaptation. Il faut vraiment en faire deux idées séparées. C'est pour ça qu'on dit qu'on a le cas des Africains francophones, des Haïtiens qui sont francophones et qui, par contre, ne sont pas intégrés. On ne les accepte pas dans la société. Alors, vous voyez qu'il y a beaucoup de caractéristiques, je pourrais dire des principes qu'on pourrait énumérer pour pouvoir voir que le Québec va s'enrichir pas juste au niveau de la langue. C'est sûr que la langue publique, et je suis totalement d'accord, doit être le français. Par contre, si on prend le cas des Latino-Américains, on est des latins; on a des traits culturels et je pourrais vous nommer toutes les similitudes. Je dis: Pour moi, les Québécois, c'est des Latino-Américains, c'est des Latins d'Amérique. Comme les italophones, c'est des Latins. Alors, on a des traits qui nous relient; on se ressemble. C'est facile. Comme il y en a aussi par le fait du français.

Alors, il ne faut pas juste se borner à la langue; il faut voir d'autres traits qui vont rendre possible une entente, un échange. Mais pour ça, il ne faut pas toujours mettre la langue comme un élément d'intervention, tout de suite, a priori, parce que, avec le temps, je peux vous le dire, beaucoup de Latino-Américains se sont très bien, si je peux dire, francisés, mais il y en a dans d'autres communautés aussi, comme les Vietnamiens. Je pourrais vous citer encore d'autres communautés: les Libanais, c'est des gens qui arrivent, qui ont d'autres traits culturels, mais, quand même, ils ont le fait français qui les aide dans la recherche d'emploi, dans leurs démarches dans la société.

Moi, je pense que ce n'est pas de nier ou d'écarter le fait d'aller chercher des francophones, mais il faudrait aussi voir plus loin que juste la langue. Alors, c'est pour ça qu'on avait mis comme exemple de ne pas se borner à la

langue et de ne pas voir la langue comme égale intégration, adaptation. Il faut faire attention avec ça.

M. Gobé: Mais, dans un contexte nord-américain où on est sujet tous les jours à l'influence des médias de communication dans nos foyers, dans nos maisons, américains, anglophones, où il y a beaucoup plus de chaînes de télévision, beaucoup plus de postes de radio, où le stéréotype de la réussite nord-américaine, en général, il ne parle pas français, mais il parle américain et il habite en Californie, à New York ou à Toronto, est-ce que vous ne croyez pas que ces gens-là aient plutôt, même s'ils parlent français et sont de bonne foi, une tendance à vouloir s'identifier à la société nord-américaine qui, elle, est anglophone plutôt qu'à la société québécoise qui, elle, est francophone?

Mme Iturriaga: Mais voilà! Ça, c'est le mythe, qui est déjà partout dans le monde, sur le Canada. Le Canada, c'est l'Amérique.

Une voix: Oui.

Mme Iturriaga: Par contre, c'est notre devoir, comme société québécoise, de s'ouvrir au monde et s'ouvrir au monde, ça ne veut pas dire juste nous, ici, s'asseoir et recevoir, ça veut dire aussi se faire connaître à l'extérieur. Je vous donne un exemple. Moi, quand j'ai immigré - je ne le savais pas et, pourtant, j'ai choisi; j'ai marié un Québécois - je ne savais pas tous les enjeux de la société. Je suis entrée dans le feu de l'action. Quand je suis arrivée ici, j'étais toute perdue parce qu'il y avait des Québécois et, si je disais "Canadiens", ils devenaient rouges comme une tomate. Alors, là, j'ai commencé à comprendre qu'il y avait tout un enjeu de société, que c'est un bagage historique et, là, je me suis intéressée à la société québécoise. Mais il faut dire que c'est notre devoir et, vous l'avez énoncé dans votre énoncé de politique, que maintenant le Québec doit, à l'extérieur, donner la bonne information aux gens qui viennent ici. Ce n'est pas une fois arrivés ici qu'il faut tout comprendre où on a atterri. Il faut avoir un minimum d'information où on va aller. Jusqu'à présent, je peux dire - je ne sais pas s'il y a eu des améliorations; moi, ça fait huit ans que j'ai immigré - que les lacunes au niveau de l'information sur le Québec, c'était énorme et, une fois qu'on était parachutés ici, on était perdus. Mais je peux vous dire qu'on se rattrape vite parce que, veux veux pas, les paradis qui nous sont promis, quand ça fait 15 jours qu'on n'a pas de logement, qu'on n'a pas de travail, qu'on n'a pas ceci, on atterrit vite les pieds sur terre.

Je peux vous dire que c'est vrai qu'il y a tous ces stéréotypes et toute l'image, les mythes de l'Amérique qui sont dans le monde. Ce n'est pas juste parce que le Mexique est à côté des

Américains qu'il y a cette influence du mythe Amérique. Mais regardez les Africains, ils arrivent avec les mêmes idées, ils pensent que tout est facile. C'est ça qu'on véhicule. Je ne veux accuser personne, mais c'est ça qu'on véhicule comme Canada. C'est ça qu'on véhicule partout dans le monde. Alors, c'est notre devoir, je pense: si l'énoncé de politique qui est là, c'est une volonté du gouvernement d'avoir maintenant des mécanismes qui répondent avant même les mouvements migratoires, avant même que la personne immigre, il faut qu'elle soit informée où elle va et des enjeux, c'est quoi le Québec. Je ne pense pas que ça reste juste au niveau des images.

M. Gobé: En terminant, madame, vous reconnaîtrez quand même que c'est une réalité, cette vision de l'Amérique, et que, quand même on voudrait l'occulter ou ne pas la voir, elle est là et que l'influence est là pareil. Peut-être que, pour un certain nombre de personnes, ça ne joue pas, mais je crois que ça joue pour la majorité des gens, des immigrants, car on sait que l'immigrant quitte son pays généralement pour acquérir un statut social économique - en général, je parle, d'accord - supérieur à celui qu'il avait chez lui ou parce qu'il a un rêve en avant de lui et...

Le Président (M. Paré): M. le député de LaFontaine, je ne voudrais pas vous bousculer, mais, comme le temps est passé, j'ai promis la parole quelques minutes au député de Richelieu.

M. Gobé: Je m'excuse, M. le Président, oui.

Le Président (M. Paré): Je vais maintenant laisser la parole au député de Richelieu en lui disant: Quelques minutes à peine.

M. Gobé: Allez-y, M. le Président. Je m'excuse d'avoir dérangé le temps et d'avoir abusé de votre gentillesse.

M. Khelfa: Merci, M. le Président. Je veux profiter de l'occasion qui m'est offerte à ma première intervention à cette commission pour mentionner à quel point, personnellement, je suis très fier, très heureux de participer à cette élaboration de politique, surtout qu'il y a quelques années, il y a 22 ans, j'étais dans mon pays d'origine et qu'aujourd'hui je représente un comté à l'extérieur de Montréal qui est composé à 99 % de Québécois pure laine. Comme Égyptien pur coton, je suis fier.

M. le Président, j'aimerais amener une réflexion et, après ça, poser quelques questions. Dans un premier temps, je suis d'accord avec vous à 100 % quand vous mentionnez que la reconnaissance des diplômes étrangers doit être agréée d'une façon un peu plus directe, plus ouverte, pour permettre aux diplômés de l'ex-

térieur d'intégrer leur profession d'origine. Moi, le peux parler comme dentiste en Egypte; le Collège des dentistes ici est tellement fermé que c'est très difficile de pénétrer cette profession.

Ma question ici: Comme vous êtes une première ligne, comme le président l'a mentionné tantôt, voulez-vous m'expliquer deux choses? D'après vous, c'est quoi le vrai problème d'intégration dans la société québécoise d'après votre analyse? Vous avez mentionné: Ce n'est pas la langue, ce n'est pas la culture française qui peut être un handicap à l'intégration. Vous l'avez mentionné. Deuxième chose, votre action, est-ce qu'elle dépasse les limites de Montréal et comment?

M. Charles: Avant, je voudrais faire une distinction. Je travaille dans un organisme communautaire qui est un organisme de première ligne et je suis le président de Québec Multi-Plus qui fait de la formation. En ce qui a trait à votre question, M. le député, effectivement, on voudrait qu'il y ait une plus forte reconnaissance des diplômes étrangers. Ce qui arrive, c'est que, le plus souvent - et c'est le cas et, présentement, c'est ce qu'on retrouve effectivement -vous avez beaucoup de personnes qui sont très bien qualifiées, non seulement qui ont déjà obtenu un diplôme dans un domaine quelconque, mais qui ont des années d'expérience et qui, arrivées en terre d'accueil, ne peuvent pas travailler et ceci, en raison, d'une part, de la déqualification de leurs études, de la non-reconnaissance de leurs expériences de travail déjà faites ailleurs dans leur pays d'origine et, des fois aussi, il y a certains règlements au niveau syndical même qui empêchent d'embaucher ces personnes-là du fait qu'elles n'ont pas eu des études faites au Québec. (17 h 30)

En plus, vous avez aussi l'accessibilité, par exemple, ou l'acceptation, le fait d'être reconnus par une corporation. Prenons le cas de quelqu'un qui a étudié le service social dans son pays, il est vrai que c'est... On pourrait prendre un autre exemple. Il y a quelques années, il y avait le problème des médecins de l'extérieur; il faut être reconnu par l'association professionnelle, ensuite, vous allez subir une déqualification, on va vous retourner aux études à l'université, vous allez encore subir d'autres déqualifications. Je pense qu'il y a lieu d'encourager davantage cette ressource-là. C'est sûr que ce serait très bénéfique pour le pays. Alors, c'est dans ce sens qu'on supporte qu'il y ait une plus forte reconnaissance des diplômes étrangers.

En ce qui a trait à notre champ d'action, malheureusement, on retrouve la majorité des immigrants à Montréal. O.K.? Vu nos moyens, vu le fait aussi qu'on n'est pas tout à fait équipés... Mais on sait très bien que la régionalisation, ça répondrait aux problèmes des immigrants et ça comblerait beaucoup de lacunes à ce niveau.

Toutefois, si on nous en donnait les moyens, c'est sûr qu'on l'appuierait et, en tant que partenaires, on ferait notre boulot dans ce sens-là. Mais je voulais dire tout simplement que notre champ d'action reste au niveau de la région métropolitaine.

M. Khelfa: Merci.

Le Président (M. Paré): Merci. La parole est maintenant au porte-parole de l'Opposition.

M. Boulerice: (S'exprime en espagnol).

M. Gobé: M. le Président, pourriez-vous demander au député de Saint-Jacques - on sait ses talents de polyglotte - pour la bonne compréhension de son savant discours, pour les autres membres de cette commission qui, malheureusement, ne parlent pas l'espagnol...

Une voix: Pour la transcription.

M. Gobé: ...et pour la transcription des débats, parce que c'est très important pour le mémoire que nous allons devoir sortir, de bien vouloir nous donner l'exemple de sa connaissance de la langue de Molière?

Le Président (M. Paré): Oui. J'inviterais le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques à nous traduire sa pensée au fur et à mesure qu'il va l'exprimer.

M. Boulerice: M. le Président, comme le disait le sénateur Jacob Javits, de New York, je vais suppléer à la myopie linguistique de mon collègue...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: ...et je vais répéter en français ce que je disais à Mme Iturriaga. Je lui disais que j'étais député du quartier de Saint-Jacques et Saint-Jacques, en espagnol, se dit Santiago, ce qui explique d'ailleurs que je suis un député québécois très populaire à Santiago du Chili. J'ai déjà dit que la francophonie et rhispanité" étaient la contrepartie de la culture américaine, contrapartida de la cultura america-na, et je pense que vous en convenez avec moi. Et je disais que l'immigration francophone, pour nous, n'était pas quelque chose d'exclusif, mais que c'était "pequita", une petite préférence qui, à mon point de vue, était normale.

Et, au sourire que m'a fait Mme Iturriaga, j'ai cru comprendre qu'elle adhérait à mon propos, ce qui me permet d'ajouter que j'adhère à son propos lorsqu'elle parle des communautés originaires d'Amérique latine. La Mission Notre-Dame de la Guadeloupe est située sur la rue de Champlain, vous la connaissez; l'église Sainte-Brigide, vous la fréquentez sans doute. (S'ex-

prime en espagnol). Il y a chez moi une communauté d'origine péruvienne, il y a forcément aussi beaucoup de "Chileno Quebecences", comme ils s'appellent, c'est-à-dire des Québéco-Chiliens. Et c'est un fait que l'immigration latino-américaine est un très grand apport au point de vue à la fois culturel et linguistique pour le Québec. Je pense que, s'il y a des exemples à donner - et ce n'est pas dévaloriser ou défavoriser les autres - il faut le donner, celui-ci. Effectivement, c'est peut-être notre latinité qui a fait en sorte qu'on se rejoigne aussi facilement.

Je remarque avec beaucoup de joie - et là, ça va me permettre un peu de critiquer très gentiment votre mémoire - que les communautés latino-américaines qui sont présentes dans la circonscription où je suis n'ont pas attendu de publicité gouvernementale pour ce qui est du rôle positif qu'elles jouent dans ce magnifique petit coin de ville où j'habite, mais, spontanément, sont venues et ont dit: Mais, hé! la fête nationale, le 24 juin, ce n'est pas juste des fèves au lard, ça pourrait être des "tacos" aussi. Et, résultat, il y a trois ans, eh bien, la fête nationale, elle était très latino-américaine. Donc, je pense que ces pas doivent être faits également par les communautés, non pas se fier uniquement à des publicités gouvernementales où, là, on est obligés de tenir compte des structures, des ministères, des fonctionnaires, et tout ça, c'est long et ce n'est pas certain que ça rapporte aussi rapidement, mais bien faire le geste concret comme celui que je viens de vous expliquer.

Ceci dit, j'étais content que vous posiez la question - et mon collègue, le député de Richelieu, l'a fait - de la reconnaissance des diplômes étrangers. Je crois qu'il se commet, malheureusement, des injustices dans ce pays; je n'ai pas peur d'employer le mot. Mon collègue n'a peut-être pas pensé à l'employer, mais je sais qu'il le pense. Il y a eu de nombreuses injustices et elles subsistent; il faudrait les corriger.

Vous faites de la sensibilisation. Est-ce qu'il y a uniquement des groupes publics qui vous sollicitent ou s'il y a également des groupes privés? Je parle d'entreprises privées qui vous sollicitent également.

Mme Robitaille: Je vais commencer par répondre à cette question-là. Tantôt, quand on répondait à M. Khelfa, on disait que notre champ d'action était principalement à Montréal. On a déjà fait de ia formation auprès de la fonction publique québécoise, à Québec, ici, et dans ' l'Outaouais aussi. Alors, la volonté est là. C'est juste que, comme on disait, on a principalement développé... Ce sont toujours des programmes de formation sur mesure qu'on offre, mais toutes les possibilités sont là parce qu'on a l'expertise et, en plus, comme on le disait, on est une équipe pluriculturelle et multidisciplinaire.

J'aimerais revenir à ce qu'on disait tantôt par rapport à l'accroissement de l'immigration.

Oui, nous aussi, on mise sur l'immigration comme étant un outil de redressement démographique, mais, comme on le disait tantôt aussi, en mettant l'accent sur la continuité du fait français. Et, à ce titre-là, une des recommandations qu'on avait à faire, c'est d'accroître l'accessibilité aux services et aux programmes. Ici, on fait le lien aussi avec la reconnaissance des diplômes, à savoir, pour ceux qui arrivent ici et qui ne parient pas français, qu'on développe des programmes de francisation en milieu de travail ou des programmes adaptés aux besoins spécifiques, tels que des programmes de formation linguistique adaptés pour les étudiants ou les professionnels. Pour revenir, donc, à la sensibilisation que Québec Multi-Plus fait, c'est que, nous, on fait de la sensibilisation en misant beaucoup plus sur le développement des connaissances historiques, sociales et culturelles, mais on mise beaucoup sur la capacité de l'individu à, comment je dirais, prendre conscience de préjugés ou de stéréotypes. On dit souvent que c'est plus par rapport à une méconnaissance que l'ouverture d'esprit n'est pas là.

M. Boulerice: Une autre question que j'aimerais vous poser. Alors, j'ai échangé tout de suite, très spontanément, avec Mme Iturriaga. Tout le monde sait, malheureusement, que l'Amérique latine a vécu de sombres et de très dures dictatures. J'ai été le seul député québécois et même canadien présent au Chili; j'ai vu ce que ça pouvait être. Je ne parlerai pas de l'Argentine. Bon. On pourrait faire une longue nomenclature. Je ne sais pas, messieurs, de quel pays vous êtes originaires. Si vous êtes d'Haïti, je me réjouis avec vous de l'élection du père Aristide. Mon collègue y était; malheureusement, je n'ai pas pu accepter l'invitation qu'il m'avait personnellement adressée, mais je suis heureux de voir qu'il y a une grande similitude: Haïti a un pays et cherchait la démocratie; nous avons la démocratie et nous, Québécois, cherchons le pays. Voilà.

Donc, vous devez être forcément très sensibles au problème des réfugiés. J'ai peur que, dans le débat qui nous concerne durant cette commission, on évacue peut-être trop rapidement le problème des réfugiés. Quant à leur situation, d'après vous, qu'est-ce que le gouvernement devrait faire de plus? Qu'est-ce qu'on doit faire avec l'arriéré des réfugiés actuellement qui vivent des situations d'attente atroces?

M. Charles: Je pense que vous l'avez bien qualifiée, l'attente est atroce, elle est même plus qu'atroce, l'attente pour les réfugiés. Attendre deux ans, trois ans, quatre ans, des fois même, pour certaines familles, cinq ou six ans, se faire passer des enquêtes, des enquêtes, des enquêtes interminables sans avoir une réponse, on ne sait pas où ça va mener. En fin de compte, la loi a été changée. On vous dit: Ça va se régler tout

de suite; ça va se régler dans une année, dans deux ans, réunification familiale, vous allez dans votre famille, etc. Jusqu'à présent, ça traîne; ce n'est que quelques dossiers qui ont été réglés. Alors, nous autres, il faut évoluer dans ces dossiers, il faut travailler avec ces réfugiés-là. D'ailleurs, je pense que, de la façon dont ils se sont établis dans le pays, ils ont fait la preuve que, sans cela, ils peuvent vivre au Québec. Ceux qui étaient entrés avec quelques membres de leur famille, vous savez, ces gens-là de la catégorie dont vous faites mention, ce sont des gens qui ont dû fuir leur pays, qui ont dû laisser leur femme dans un pays ou les enfants dans un autre pays. Alors, ils arrivent et la famille est morcelée. Et ils doivent attendre et ils ne peuvent pas vivre, ils ne peuvent pas se réunir, la famille ne peut pas les parrainer. Pour nous autres, je pense que cette situation a trop duré et ça a un impact tout à fait négatif sur la santé mentale des immigrants, et vous savez peut-être plus que moi que, déjà, l'immigration en soi, c'est une forme de traumatisme. Alors, garder ces immigrants-là, garder ces gens qui ont un passé migratoire tout à fait tumultueux, des gens qui ont connu la torture, d'autres qui ont connu la guerre, dans cette situation, je trouve que c'est vraiment atroce.

Nous autres, ce qu'on pourrait suggérer face à cette situation - étant donné que je pense que le gouvernement, en fait, l'a toujours souligné et que le gouvernement est très sélectif par rapport à la question des immigrants, qu'il doit savoir effectivement qui va être ce nouveau Québécois, sa capacité d'adaptation dans le pays, etc., ça, je pense qu'on n'a rien contre - tout simplement, c'est d'essayer d'améliorer, de rendre plus rapide l'étude de ces dossiers-là. En ce qui a trait à ceux qui font partie du service de l'arriéré ou "backlog", je pense que ce sont des gens qui vivent au Québec depuis quatre, cinq ans, sur qui l'immigration a déjà beaucoup d'informations. Il y a des gens qui ont connu deux, trois enquêtes; on se demande pourquoi ces gens-là sont encore en attente; on se demande pourquoi le gouvernement ne pourrait pas les accepter. Il y en a qui ont eu des enfants; il y en a qui se sont mariés ici, qui travaillent effectivement, et je pense que c'est bien prouvé. Vu la procédure, moyennant que ces gens-là passent la première enquête, ils sont éligibles à recevoir leur permis de travail. Relativement à la lenteur de l'administration, automatiquement, dès qu'ils ont en main leur permis de travail, ces gens-là, on les retrouve sur le marché de l'emploi. Mais je pense qu'il est temps qu'on puisse faire quelque chose et moi, mon souhait personnel, c'est de pouvoir arriver à accepter tous les gens qui font partie de l'arriéré.

M. Boulerice: M. Charles, je sais que mes collègues, encore une fois, vont rugir, mais je ne peux jamais m'empêcher, quand je suis en face d'amis haïtiens, d'employer cette phrase que j'aime beaucoup: Pour moi, Haïti, c'est mon "kinam".

Vous ne pouvez pas faire ça en faisant du bénévolat, c'est évident. Pour moi, là, on ne fait pas le travail que vous faites sur une base de bénévolat. Il y a une trop grande rotation. Il n'y aura, malheureusement, probablement pas le suivi nécessaire et, après ça, je pense que vous avez droit comme tout le monde de gagner votre pain. Donc, vous avez beaucoup discuté tantôt de financement. Quelle devrait être, d'après vous, la politique de subvention? Elle devrait reposer sur quoi, cette politique de subvention? J'ai regardé M. Charles; ça peut être l'un d'entre vous, madame ou messieurs. (17 h 45)

Mme Iturriaga: Effectivement, dans les organismes communautaires, le travail est énorme et les ressources humaines ne sont pas suffisantes, on a déjà dit ça. Tantôt, Mme Lise Robitail-le a expliqué que, de plus en plus, le ministère doit considérer des vrais partenariats et on est pour ça, parce qu'on sait bien qu'il y a beaucoup d'organismes qui ont de la bonne volonté, mais qui s'effacent après quelques mois ou même une année d'existence. Il faut profiter de l'expertise des organismes qui sont déjà en place, qui ont une structure et qui ont toujours été près du ministère pour offrir vraiment un partenariat avec des résultats. Je ne sais pas si c'est correct de le dire, mais je veux profiter de l'occasion que j'ai de parler: Je pense que les membres québécois des communautés culturelles ont fait déjà beaucoup de bénévolat. On a souvent été exploités pour nos connaissances, pour notre expertise. Je pense que c'est juste, du moment que l'énoncé de politique veut la participation active, son invitation à prendre notre place. Mais, là, il faut aussi que ce soit réciproque, il faut aussi que les autres Québécois, vous nous laissiez la place aussi, parce que les connaissances, on les a, l'expertise, on l'a, mais je pense que ça suffit, le bénévolat. On l'a fait et le fait encore.

Mais je vous dis que les ressources financières et humaines dans les organismes communautaires sont vraiment précaires; par contre, notre expertise est toujours là. On est toujours appelés à répondre, à collaborer, mais c'est essoufflant. Je pense qu'on devrait voir vraiment les résultats et il faudrait voir, dans tous les organismes que vous avez, vraiment quels organismes sont des vrais partenaires pour pouvoir donner du soutien aux organismes communautaires qui offrent un résultat à nos démarches, sur le terrain, comme on dit. Parce que nous, on est des travailleurs sur le terrain, c'est nous qui sommes dans le champ d'action. Et nous, comme formateurs, je peux vous dire qu'on fait des affaires surtout avec les institutions publiques et parapubliques; privées, jusqu'à date, on a beaucoup de réticence. Nous aussi, on a été un peu

poussés à aller chercher d'autres façons de financement, mais je peux vous dire que, jusqu'à date, c'est vraiment nouveau. Les relations interculturelles, ça commence à être à la mode. C'est la vogue dans le moment. Par contre, les institutions privées ne sont pas encore prêtes à donner la formation intercultureile. Elles ne veulent pas encore cet accessoire.

Avec l'énoncé de politique, on souhaiterait bien que les gens prennent conscience qu'ils ne peuvent plus fermer les yeux à ce qu'est le Québec aujourd'hui et à ce que va être le Québec demain, et que, plus on va attendre, plus on peut se retrouver dans des circonstances très malheureuses. Au niveau de l'emploi, on l'a déjà constaté, nous, étant formateurs, il arrive qu'il y a des événements assez nuisibles pour la boîte et pour la vie des employés. Alors, la cohabitation en emploi, le voisinage; on parle beaucoup de l'emploi, mais le voisinage, la vie de tous les jours, c'est aussi important. Quand on prend le métro, aujourd'hui, à Montréal, on ne peut plus dire que ce n'est pas vrai, les relations interculturelles; on ne peut plus cacher ça.

Alors, pour tout ça - et je ne parle pas juste pour Québec Multi-Plus; je pense aussi aux autres organismes qui ont l'expertise et qui font de grands efforts - je pense que, maintenant, vous, comme politiciens, vous êtes dans une position de pouvoir nous offrir le support. Probablement que tes Québécois l'ont fait ailleurs, en Nouvelle-Angleterre, dans le temps; ils ont fait du bénévolat ou du "cheap labor", mais, à un moment donné, ils ont dit: Ça suffit. Et, vraiment, ça suffit. Il faudrait aussi que, nous, on ait la juste part.

Je voulais vous féliciter, Mme la ministre; dans l'énoncé de politique, enfin on entend parler de contrat moral, enfin on n'est plus, nous, immigrants, obligés de s'adapter. C'est un travail réciproque, c'est à deux que ça se passe. Nous, Québécois, les nouveaux arrivés, on est pour s'adapter, mais vous, Québécois qui êtes depuis trois siècles ici, est-ce que vous faites aussi la part des choses? Ce n'est pas juste de demander et d'exiger. Pour qu'il y ait un vrai échange, ça prend deux personnes qui font des ajustements, comme nous, on l'a fait. Il y a des choses de notre culture qu'on a dû mettre de côté; elles ne sont pas perdues, mais, quand même, on a acquis, on a enrichi notre culture. Moi, je suis fière de dire que je suis québécoise mexicaine, mais j'espère que demain, quand on va parler de Québécois, on va arrêter de dire "de vieille souche", "de nouvelle souche", "néo-Québécois", et tous les noms qui sortent. On est tous québécois du moment qu'on vit dans ce territoire, dans cet espace, et qu'on lutte tous pour avoir un projet de société. Je ne sais pas si je vous réponds.

M. Boulerice: Vous permettez, M. Charles, parce que Mme Iturriaga m'a tendu une très belle perche. Vous dites: Je suis fière d'être une Mexicaine québécoise. Vous avez des enfants, madame?

Mme Iturriaga: Non.

M. Boulerice: Quand vous aurez eu une fille, sans aucun doute aussi jolie que vous, que sera-t-elle?

Mme Iturriaga: Elle va être québécoise.

M. Boulerice: Voilà. C'est la réponse que j'attendais.

Mme Iturriaga: Avec les racines de sa mère, mexicaines.

Mme Gagnon-Tremblay: Quels propos!

M. Boulerice: Pardon? Vous ne trouvez pas que madame est élégante et jolie?

Mme Gagnon-Tremblay: Voyons! Je trouve que les messieurs, oui, sont très élégants et jolis aussi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Ah bien, oui. Mais là, madame, je n'ai pas tout pris. Je vous en ai laissé. Vous connaissez ma générosité.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Paré): Si on revenait au mémoire, s'il vous plaît.

M. Boulerice: Et si on me permet, j'aurais une... Oui, oui, M. Charles, je vous en prie.

M. Charles: Je voudrais juste, pour compléter la réponse de Mme Ana-Luisa, essayer de répondre à la politique de subvention que pourrait avoir le gouvernement vis-à-vis des organismes communautaires. Moi, je pense que ça pourrait se résumer, étant donné qu'on nous appelle partenaires, à nous considérer comme de vrais partenaires; c'est de ne pas nous donner quelques dollars quand eux autres pourraient prendre des millions pour réaliser un travail. Ce qui arrive, c'est qu'on nous donne une subvention pour payer peut-être un ou deux employés pour faire un travail et on ne considère pas les avantages sociaux pour cet employé-là. En ce qui a trait au bureau, par exemple, on ne considère pas qu'on doit avoir un espace physique, un bon téléphone, on a beaucoup d'appels à faire; on ne considère pas qu'il y a des choses essentielles pour pouvoir bien travailler et, le plus souvent, ça ne les comprend pas dans la subvention qu'on donne aux organismes communautaires. Et si, toutefois, dans nos demandes, on l'avait mis...

Le plus souvent, ce qui arrive, c'est que, si on avait une subvention de 15 000 $, l'année suivante on demande le double et il y a seulement un tout petit ajout. Le plus souvent, si c'est 15 000 $, c'est 1000 $ de plus ou, du moins, ce ne sera pas beaucoup. Alors, moi, ce que je peux vous dire par rapport à ça, c'est de nous considérer comme de vrais partenaires et de nous donner l'argent suffisant pour faire un bon travail.

M. Boulerice: M. le Président, si vous me permettez...

Le Président (M. Paré): En concluant, s'il vous plaît.

M. Boulerice: ...j'aimerais poser une question à M. Obas sur un ton un peu taquin qu'il va sans aucun doute accepter. Vous m'avez posé un problème de vocabulaire dès votre entrée en commission - je ne me souviens plus exactement quelle est la formulation que vous avez employée - en disant que je ne devais plus dire que j'étais un Québécois de vieille souche. J'ai vu que mon collègue de LaFontaine, lui, vous a traité de néo-Québécois. Alors, je me suis...

Une voix: Qualifié.

M. Boulerice: Qualifié. Non, mais je fais... C'est pour ça que j'ai dit à M. Obas que c'était sur le ton taquin, ma question. Mais comment devrions-nous nous appeler entre nous?

M. Obas: Très souvent, "Québécois", ce serait le terme le plus approprié, parce que j'imagine qu'en ce qui a trait à la date d'arrivée d'un individu dans une société d'accueil, ça ne devrait pas avoir un qualificatif précis. En autant qu'on vit dans le même espace, peu importe la date d'arrivée, on devrait tous être des Québécois, parce que, de toute façon, on ne fait pas une politique de morts. Comment on qualifierait les gens qui sont là depuis 100 ans, depuis 20 ans? Est-ce qu'on irait dire - bon, je ne sais pas, moi - un Latino-Américain qui arrive ici ou un Haïtien, qui est d'origine haïtienne, qui est arrivé ici il y a 20 ans, est-ce qu'il est plus québécois que celui qui vient d'arriver hier ou, en autant qu'il accepte de vivre au Québec et en français, est-ce qu'il n'est pas un Québécois comme tout le monde?

M. Boulerice: C'est ce que M. Lévesque disait. Je suis heureux de vous entendre.

Le Président (M. Paré): Étant donné que le temps qui nous était consacré est terminé, je demanderais à la ministre si elle a quelques mots pour conclure.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Prési- dent. Bien sûr que mes dernières paroles, je les prononcerai en français, puisque nous considérons que le français doit être la langue de communication et de la vie publique au Québec, tout en reconnaissant, bien sûr, à mon collègue, le député de Saint-Jacques, sa capacité pour les langues.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Gagnon-Tremblay: Je dois vous dire que nous avons parlé beaucoup de français et vous avez raison lorsque vous mentionnez dans votre mémoire que la connaissance préalable du français constitue un atout, mais, cependant, on sait qu'elle facilite l'intégration des nouveaux arrivants qui peuvent communiquer dès leur arrivée avec leurs futurs concitoyens. Elle permet aussi à la société d'accueil de faire l'économie des coûts liés à la francisation, mais ce n'est pas une panacée. On sait aussi que, pour pouvoir s'intégrer, ça passe souvent par une intégration économique, c'est-à-dire que l'emploi y est pour beaucoup. Cependant, dans le contexte actuel où, par exemple, on accueille actuellement tout près de 50 %, je dirais même au-delà de 50 % d'al-lophones, de personnes qui ne connaissent ni le français, ni l'anglais, vous comprenez que, pour nous, il est justifié de vouloir atteindre un objectif d'immigrants parlant français pour, finalement, contrebalancer jusqu'à un certain point, mais ça ne veut pas dire des Français à tout prix. Ça veut dire, finalement, des parlant français qui vont aussi s'intégrer à la société, c'est-à-dire qui vont répondre aux objectifs économiques du Québec.

Donc, dans ce sens-là, je pense que même l'effort que nous voulons faire, c'est un effort qui ne sera pas facile à faire. L'objectif est quand même un objectif, je dirais, qui va être même très difficile compte tenu des bassins limités de francophones, et ainsi de suite, et aussi du contexte de l'immigration économique dont on parlait tout à l'heure.

Bien sûr, je voudrais vous remercier pour la présentation de votre mémoire; je pense que vous nous avez fait valoir des points intéressants, surtout des expériences vécues. C'est toujours intéressant de nous faire connaître ces expériences. Je vous souhaite un bon voyage de retour et, surtout, soyez prudents parce que la température n'est pas tellement clémente actuellement.

M. Obas: Merci beaucoup.

Le Président (M. Paré): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, très rapidement, en concluant.

M. Boulerice: Oui. Afin d'éviter à ma collègue, la ministre, une syncope, je vais tout simplement lui dire qu'à la dernière commission parlementaire sur l'immigration j'avais conclu en

26 langues. Ceci dit, j'aimerais vous dire, Mme Iturriaga, Mme Robitaille, M. Charles et M. Obas, que j'ai énormément apprécié l'échange que nous avons eu. Je pense qu'il y a un courant qui est passé et ça, c'est vraiment très important. J'ajouterais très brièvement: Conservez, s'il vous plaît, la raison sociale que vous vous êtes donnée, Québec Multi-Plus, parce que cette appellation, à mon point de vue, correspond exactement au Québec que je souhaite demain, mais de préférence peut-être aujourd'hui même, ce qui serait préférable. Mais, de toute façon, je crois qu'on a l'intention d'y travailler ensemble, solidairement et conjointement, entre Québécois, n'est-ce pas, M. Obas? Merci. Gracias.

Le Président (M. Paré): Alors, mesdames et messieurs de Québec Multi-Plus, merci de votre très précieuse collaboration à la commission. Je vais rappeler aux membres que ce soir, à partir de 20 heures, deux groupes seront entendus.

Une voix: Un groupe.

Le Président (M. Paré): Un groupe?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Paré): Ah! Un groupe sera entendu, le Conseil québécois pour l'enfance et la jeunesse. Donc, les travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise à 20 h 5)

Le Président (M. Doyon): II est passé un peu 20 heures. Donc, cette commission reprend ses travaux. Nous allons maintenant entendre le Conseil québécois pour l'enfance et la jeunesse. Je les inviterais à s'avancer à la table de nos invités.

M. Boulerice: M. le Président, me permet-triez-vous, avant de commencer, de vous souligner qu'aujourd'hui est une journée exceptionnelle? C'est l'anniversaire de naissance de notre vice-président.

Le Président (M. Doyon): Un grand jour, quoi! Alors, joyeux anniversaire!

Une voix: Un grand jour pour le Québec.

Le Président (M. Doyon): Un grand jour pour le Québec.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Et surtout pour la circonscription de Shefford,

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: C'est congé, là-bas.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): C'est congé de devoirs et de leçons. Je suis sûr qu'il y a beaucoup de joie dans les chaumières du Québec. On se réjouit de la chose.

Une voix: Je peux faire un discours.

Le Président (M. Doyon): Non, surtout pas vous!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): Alors, tout en souhaitant la bienvenue à nos invités qui comprendront que ce n'est pas le manque de sérieux qui nous amène à sourire comme ça, c'est tout simplement que des jours comme ceux-là, on préfère les souligner en famille.

Je vous inviterais tout d'abord à vous présenter. Vous connaissez nos règles, c'est une vingtaine de minutes pour votre présentation, si vous en avez besoin. Ça peut être plus court, particulièrement le soir, il n'y a aucune objection là-dessus, le message s'adressant à Mme la ministre, aux ministériels, ainsi qu'à l'Opposition. Présentez les gens qui vous accompagnent et nous procéderons après avec des questions. Si vous avez des réponses à nous donner, nous en serons très heureux. Alors, à vous la parole.

Conseil québécois pour l'enfance et la jeunesse

M. Boisvert (Jean-Claude): Mon nom est

Jean-Claude Boisvert, je suis directeur général du Conseil québécois pour l'enfance et la jeunesse. J'ai avec moi, à ma droite, Mme Renée Gagnon, qui est vice-présidente du conseil d'administration du CQEJ, qui est orthopédagogue intervenante à l'école Lucien-Pagé qui est une école, comme vous le savez, en milieu multiethnique et, à ma gauche, Mme Olga Lebron, qui est membre du personnel du CQEJ et qui est de la communauté argentine de Montréal, qui est membre d'un comité de parents et vice-présidente du comité d'orientation de l'école Saint-Luc où il y a 85 nationalités. Elle pourrait même souhaiter bonne fête en argentin à monsieur...

Le Président (M. Doyon): Non, ce serait trop! Alors, bienvenue et nous vous écoutons.

M. Boisvert: D'accord. Écoutez, nous allons diviser nos présentations de la façon suivante. Je vais vous présenter très brièvement l'objet de notre visite et ce qu'est le CQEJ, le Conseil québécois pour l'enfance et la jeunesse. Je vais laisser à Mme Gagnon le soin de résumer notre

mémoire. On a demandé à Mme Lebron, puisqu'elle est parent de trois jeunes adolescents à l'école Saint-Luc, de vous dire un petit peu, dans ses termes de mère, ce que ça veut dire, ce mémoire, mais dans le sens de quelqu'un qui est sur le terrain.

Alors, le CQEJ, c'est un organisme que vous avez peut-être connu sous le nom de Conseil québécois de l'enfance exceptionnelle - ça existe depuis 29 ans maintenant - qui a changé de nom voilà quatre ans, qui a pour mission de faire la promotion des intérêts des enfants et des jeunes au Québec, et d'améliorer ou de collaborer à favoriser la meilleure qualité de vie possible pour eux. On a essentiellement deux mandats: un mandat de promotion - les locaux, ici, nous sont familiers, dans le sens qu'on est venus à plusieurs reprises; l'an passé, dans une tempête de neige, on était, à peu près à la même date, venus rencontrer M. Côté et la commission des affaires sociales; on est venus, Mme Gagnon-Tremblay, rencontrer la Commission sur les services de garde; on est venus sur la question du Centre permanent de la jeunesse - et un mandat de support aux intervenants. Nous avons 750 membres un peu partout au Québec; nous offrons congrès, colloques, stages, dossiers techniques et nous éditons une revue scientifique depuis 10 ans. Nous avons une subvention de deux de vos ministères et nous avons été aidés par le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, il y a trois ans et deux ans, pour un colloque qui s'est fait, que M. Sirros était venu présider, sur la question des enfants des communautés culturelles.

Pourquoi on est ici? Parce que, depuis quatre ans, on s'est préoccupés de cette question des communautés culturelles: colloques, stages, un numéro de la revue, des activités, particulièrement autour de la démystification de la question de la violence des jeunes en milieu scolaire, la question des changements de la famille et de la composition ethnique à Montréal. On a voulu non pas répondre à l'ensemble de l'énoncé de politique, mais venir, à travers notre biais enfance-jeunesse, même si le mandat du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration n'est pas directement centré sur l'éducation, la santé, les services sociaux et la justice, vous dire combien l'école est un noeud pour la réalisation de l'intégration et de l'accueil des gens des communautés culturelles, des immigrants, et combien c'est important qu'on puisse porter influence, au sein du gouvernement, à ce que l'énoncé de politique puisse avoir même des racines dans les autres ministères, jusque dans l'école.

Alors, je laisserai à Renée le soin de résumer notre position.

Le Président (M. Doyon): Oui, madame.

Mme Gagnon (Renée): Les objectifs du mémoire. On se dit très concernés par les difficultés que rencontrent les Québécois et les néo-Québécois. Nous croyons que les intervenants ne sont pas suffisamment préparés et supportés face à l'accueil et à l'intégration des différentes communautés culturelles. Vous abordez plusieurs dimensions de la vie collective québécoise dans votre énoncé de politique "Au Québec pour bâtir ensemble". Le CQEJ s'intéresse d'abord à favoriser la participation des immigrés et des relations intercommunautaires harmonieuses.

Afin que le développement de l'enfant ne soit pas divisé entre lui-même et sa famille et son entourage externe, nous croyons que, pour favoriser la transmission des valeurs culturelles, nous devons élaborer un système de communication qui permette l'échange d'informations entre l'école et les différentes communautés et entre les Québécois et les néo-Québécois. Mais nous devons aussi être très attentifs dans le message que l'on veut communiquer et les valeurs que l'on veut transmettre. La démarche la plus importante est donc celle qui consiste à faire respecter les différences, tout en faisant ressortir aussi les ressemblances. Le milieu scolaire doit être sensible aux dimensions multiculturelles de ses clientèles en autant que l'on connaisse bien ce qui les caractérise. Ainsi, chaque commission scolaire devrait définir l'approche à utiliser face à ces nouveaux immigrants et formuler des objectifs précis pour favoriser leur intégration.

Il est aussi primordial que l'on fasse connaître la dynamique des relations interethniques aux adultes signifiants entourant l'enfant et à l'enfant lui-même. Ceci aurait ainsi pour effet de viser les trois cibles du concept défini par Ouellet, en 1984: une meilleure compréhension des communautés culturelles, une plus grande capacité à communiquer avec d'autres cultures, des attitudes plus positives face aux différents groupes.

Cet échange d'informations doit se faire avec l'implication des jeunes de toutes communautés culturelles et toutes les instances entourant l'enfant et ce, par le biais d'activités et de projets éducatifs.

Qui sont les personnes concernées? En fait, tous sont concernés, les intervenants oeuvrant auprès des enfants, les parents et les jeunes eux-mêmes. Nous croyons cependant que ce travail d'intégration doit se faire tout d'abord dans le cadre scolaire. Nous avons à travailler sur la perception mutuelle qui existe entre les Québécois et néo-Québécois. Nous devons avoir un souci d'effort d'harmonisation entre ces deux groupes.

Dans le milieu scolaire, cet effort repose sur l'implication des jeunes et de leurs parents, surtout du personnel non enseignant, du personnel de l'entretien ménager aux secrétaires et au personnel administratif. Nous devons compter sur l'implication des membres des différentes associa-

tions et regroupements culturels et faire en sorte aussi qu'ils soient connus par tous. Tous ces acteurs doivent collaborer entre eux et avec les jeunes à la mise sur pied d'activités et de projets scolaires.

Toutefois, pour réussir une bonne communication et une bonne intégration, nous devons mieux outiller les intervenants scolaires dans une perspective d'amélioration de l'éducation multiculturelle. Par exemple, trouver une personne-ressource capable d'exprimer les valeurs, les caractéristiques et les similarités d'une culture, une personne pouvant nous mettre en contact avec un intervenant d'une association ou d'un groupe culturel, et fournir aux intervenants des perfectionnements, des exercices de sensibilisation et de réflexion face à notre façon de communiquer et à ses difficultés.

En conclusion, les autorités gouvernementales doivent donc compléter les politiques en milieu scolaire, ces politiques et programmes visant l'accès des enfants provenant des diverses communautés culturelles aux services sociaux, aux services de la santé et de la protection de la jeunesse. Nous devons, de toute urgence, adapter nos méthodes de dépistage, de prévention et de "counseling" au nouveau contexte culturel et linguistique. Nous suggérons fortement à la commission de la culture de se pencher sur les services sociaux, les services de la santé et du ministère de la Justice afin de constater les politiques actuelles et de rendre conséquente et cohérente l'implantation d'une nouvelle politique.

Enfin, nous ne devons pas oublier qu'une démarche d'harmonisation des relations interculturelles commence d'abord par la mise en évidence des différences et des ressemblances, et que l'école joue un rôle particulier pour aider l'enfant à se développer à travers ces différences et ces mêmes ressemblances. (20 h 15)

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, madame. Mme Lebron?

Mme Lebron (Olga): Oui. Moi, je viens plutôt témoigner d'une situation, la situation des enfants dans des milieux sociaux nouveaux autres, c'est-à-dire comment arrivons-nous à intégrer ces enfants? Je vais vous raconter ça d'une façon sommaire. Je ne veux pas, non plus, prendre beaucoup de votre temps. Je veux expliquer la situation à l'école Saint-Luc. J'appartiens au comité de parents et aussi au conseil d'orientation dans l'école, et nous vivons une situation difficile: 85 ethnies sont représentées à l'école et il y a une population étudiante de 1300, dont 90 % sont des immigrants. Ce n'est pas le seul problème à l'école Saint-Luc. De plus en plus, à Montréal, on trouve que les enfants de l'ancienne souche, c'est-à-dire les Québécois de souche, comme nous les appelons, nous, les néo-Québécois, disparaissent de nos écoles; c'est un phénomène tout à fait nouveau, il y a une désertion. Alors, je me demande comment nous arriverons à intégrer ces jeunes dans un nouveau milieu, dans une nouvelle société si, véritablement, l'aspect typiquement québécois nous manque, comme modèle - c'est plus faciie, pour un jeune, de s'approcher d'un jeune que d'une personne beaucoup plus âgée, un professeur ou un supérieur - pour leur donner cette possibilité d'intégration. Mais s'il nous manque, à nous, les modèles, comment arriverons-nous à intégrer les jeunes néo-Québécois, comment arriverons-nous à leur permettre de développer une, comment je pourrais dire, valeur d'appartenance? C'est-à-dire que les modèles caractéristiques nous manquent pour ces jeunes.

C'est évident que c'est une prise de conscience de la part des parents et c'est une prise de conscience de la part, aussi, des gens qui se trouvent plus haut dans notre société, de vous, nos représentants, de vous pencher sur cette problématique. Si nous n'arrivons pas à faire développer chez le jeune le sentiment d'appartenance à cette nouvelle société, arriverons-nous à pouvoir l'intégrer? Je pense qu'on est en train de manquer notre coup. Je pense qu'on devrait développer davantage des programmes qui permettent de véritablement bâtir ensemble et non pas d'essayer de former des gens capables de fonctionner dans son système. Ce n'est plus des enfants fonctionnels que nous voulons. Nous voulons appartenir, faire partie intégrante de la société et nous sentir comme tel.

Voilà. C'est tout ce que j'avais à vous dire comme parent, comme néo-Québécoise, comme une personne qui veut, d'une certaine manière, faire partie de cette société à part entière, pas à demi. Je ne le veux pas non plus pour mes enfants et je pense que les parents des enfants immigrants ne le veulent pas non plus pour leurs enfants. On veut les intégrer, mais c'est à vous de nous donner des cadres, de nous permettre d'intégrer ces jeunes.

Le Président (M. Doyon): Merci de votre témoignage, Mme Lebron. Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Merci surtout de vous être déplacés aujourd'hui, particulièrement ce soir, avec la température que nous connaissons présentement. Je voudrais peut-être vous poser une question sur le dernier témoignage. Bon, vous mentionnez la difficulté, par exemple, qu'ont les écoles à haute densité ethnique à faire une intégration réussie. À votre avis, à partir de quel pourcentage devient-il difficile d'intégrer les élèves des communautés culturelles et comment expliquez-vous, en particulier, que certaines écoles anglaises aient réussi, dans le passé, à intégrer des élèves italiens ou portugais qui représentaient parfois jusqu'à 90 % de leur clientèle? Est-ce qu'il y a

une façon de faire et qu'est-ce que vous pouvez nous suggérer en plus?

Mme Lebron: Je pense que, pour qu'il y ait une intégration, il doit y avoir d'abord une acceptation. C'est dans le cadre de l'acceptation que se fait l'intégration. Si je me sens acceptée dans une société, je vais travailler davantage pour. Toujours pour, c'est évident. Mais si je n'arrive pas à me placer, si je reste écartée, si les jeunes restent écartés, ils n'y arriveront jamais. Dans quel pourcentage, me demandez-vous, peut se faire une intégration? Je pense que plutôt qu'en pourcentage nous devrions nous demander pourquoi nos jeunes, pourquoi les Québécois désertent nos écoles. C'est la seule façon dont va pouvoir se faire une intégration. C'est à parties égales. C'est essayer d'équilibrer les poids.

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président...

Le Président (M. Doyon): Oui, allez, Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: ...pourquoi il y a cette non-acceptation, pourquoi on ne les accepte pas, d'après vous?

Mme Lebron: Je pense que, d'une certaine façon, il y a une méconnaissance des cultures. Alors, c'est évident que, quand l'humain méconnaît quelque chose, il s'écarte. Pour cela, on a besoin d'avoir des programmes ou de développer davantage des programmes qui nous permettent de nous faire connaître, de montrer qu'on est capables de s'intégrer, qu'on a des choses à donner.

M. Boisvert: J'aimerais ça, peut-être... Le Président (M. Doyon): M. Boisvert.

M. Boisvert: ...aller dans la même ligne, à partir des deux questions précédentes. C'est intéressant ce qu'Olga soulève. Moi, je suis père de quatre enfants, mais j'en ai trois à l'école Joseph-François-Perreault. On peut dire qu'il y a à peu près 25 % de Joseph-François-Perreault qui proviennent de communautés culturelles différentes de francophone.

La question, c'est la question de la mixité à l'intérieur d'une même école et à partir de quel moment les gens de notre communauté francophone décident que c'est un milieu qui appartient à d'autres et qu'on n'y inscrit plus les enfants. J'ai l'impression, c'est ce qui est ressorti de notre colloque en 1987, que c'est beaucoup la communauté anglophone qui a développé très rapidement - on n'a qu'à regarder le campus de McGill ou de Concordia - l'accueil à des gens de différents pays de l'extérieur favorisant même, par bourses et autres program- mes, leur venue, alors que, dans nos milieux à nous, c'a été davantage axé... Il y en a, évidemment, à l'Université de Montréal ou ailleurs, mais c'est beaucoup moins ouvert que dans d'autres milieux.

Moi-même, j'ai fait partie du conseil d'administration du Service à la famille chinoise pendant deux ans, et je suis présentement sur le conseil d'administration de l'Association mufti-ethnique pour l'intégration des personnes handicapées. La différence entre les deux, je vais vous l'avouer, et, là, je fais le parallèle avec la milieu adulte: l'Association multiethnique, c'est francophone pour des personnes haïtiennes, des personnes du Sud-Est asiatique ou latino-américaines qui ont des handicaps. Le Service à la famille chinoise, c'est typiquement anglophone. Mais les deux modèles de travail, par rapport à la communauté, c'est deux modèles tout à fait différents. Dans le fond, c'est comme si ça nous renvoyait le portrait que nous, les francophones, on n'a pas réussi à accepter certaines différences facilement avec, peut-être, nos peurs de l'inconnu.

Je regarde les travaux qui sont faits, par exemple, à Saint-Luc ou - Renée pourra en parler tantôt - dans d'autres écoles, des semaines multiculturelles. Il y a beaucoup de craintes de parents à franchir. C'est très difficile. Ça ne fait pas très politique, entre guillemets, par rapport à tout ce que vous travaillez présentement, mais il reste qu'il y a comme un sentiment... Et, pourtant, il y a eu beaucoup d'efforts de faits au cours des dernières années par votre ministère, par d'autres, par le gouvernement québécois, pour différencier ces images, mais il reste que, par exemple, quand mes enfants me parlent de l'école et des conflits parfois interraciaux, il y a encore beaucoup de travail. Il y a des images qui ne passent pas alors que, chez les anglophones, on a le sentiment que d'avoir des gens d'autres communautés culturelles, c'est comme déjà intégré, c'est un réflexe, bingo, il n'y a pas de problème, ça fait partie de notre communauté facilement. Chez nous, ce n'est pas facile.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Boisvert. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. À la page 10 de votre mémoire, vous soulignez l'importance des enfants comme source de rapprochement, justement, entre les différentes communautés culturelles du Québec, y compris, bien sûr, celles dites de souche. Vous avez tout à fait raison lorsque vous dites qu'il faut intégrer la dimension interculturelle dans des projets éducatifs et, comme vous le savez, notre gouvernement prévoit, entre autres, mettre sur pied des projets favorisant le développement de relations harmonieuses entre les Québécois et Québécoises de toutes les origines en milieu scolaire et collégial.

Vous retrouvez ça à la page 82 de l'énoncé de politique. Dans l'ensemble - on en a parlé tout à l'heure, mais j'aimerais peut-être qu'on précise davantage - quel bilan faites-vous de l'état des relations interethniques en milieu scolaire et aussi en milieu collégial?

Le Président (M. Doyon): M. Boisvert.

M. Boisvert: O.K. Je vais foncer en vous faisant un petit résumé, mais je vais demander à mes deux compagnes, qui sont dans deux milieux scolaires différents, de compléter. Le milieu collégial nous est moins familier, mais, au niveau secondaire, je commencerais par dire qu'il y a, malheureusement, une adéquation faite dans la population, beaucoup chez les intervenants, entre le développement de la violence en milieu scolaire et les conflits raciaux. C'est quelque chose qui se développe beaucoup depuis quelques années. On me racontait ce matin, par hasard, qu'il y a une polyvalente dans laquelle les corridors appartiennent à certaines communautés; ce corridor-là appartient à la communauté latino-américaine, puis ce corridor-là, si tu n'es pas un Noir, tu n'y passes pas. Dans le fond, il y a comme des conflits de territoires où chacun veut se retrouver "entre eux". Et, parce qu'à l'adolescence, au secondaire, les pairs, c'est bien important, le développement passe par les pairs, c'est évident qu'on se retourne vers ce qui est ie moins menaçant, ceux qui nous ressemblent le plus.

Par ailleurs, il s'est développé beaucoup - on a pu s'en apercevoir lors du colloque de 1987 et les années suivantes - de projets-écoles où il y a, des semaines, des activités particulières. Mais le ministère de l'Éducation, les commissions scolaires, bien sûr, devant les choix financiers qu'ils ont à faire, ne privilégient pas nécessairement les projets qui ont l'air de projets de loisir. On va privilégier maintenant l'adaptation scolaire, les clientèles en difficulté, l'apprentissage scolaire. Donc, c'est comme si on mettait de côté des sous qui pourraient servir à des activités éducatives, mais qui permettraient cette relation. D'où le fait que vous pouvez influencer, à travers vos travaux interministériels, pour favoriser que ça puisse se faire.

Maintenant, je sais que René est dans un milieu, aussi, où la mixité existe. Peut-être qu'elle veut commenter.

Le Président (M. Doyon): Mme Gagnon.

Mme Gagnon: Vous savez, à Lucien-Pagé, il y a beaucoup d'efforts qui se font sur la qualité du français. Mais, avant ça, il y a beaucoup d'efforts qui se font aussi sur "parler en français à l'extérieur des cours". Souvent, il y a de l'intervention qui est faite auprès du personnel enseignant pour demander aux étudiants de parler en français parce que la plupart, souvent, dans les corridors, vont se parler en anglais. Et ça, déjà, c'est une préoccupation que l'on a de demander au minimum aux étudiants, en tout cas, de parler sn français entre eux, mais... Bon. Il y a aussi beaucoup d'énergie juste sur la qualité du français écrit, étant donné qu'ils viennent tous de communautés culturelles différentes. Sur cette qualité-là aussi, il y a beaucoup d'efforts. Quand on arrive à la semaine multiculturelle, on en a une, les enseignants vont s'impliquer beaucoup à mettre sur pied, mais c'est plus de cet ordre, des spectacles sur les différences au niveau de la danse ou de la culture d'expression.

Par contre, quand on essaie de comprendre les caractéristiques qui différencient une culture d'une autre, je ne pense pas qu'on ait beaucoup d'informations. Les profs sont aussi un peu comme blasés par rapport, déjà, à ta première étape qui est de demander aux étudiants de parler en anglais. Quand on arrive dans ces semaines-là où on demande un peu plus d'implication de la part des enseignants, déjà on sent un certain retrait aussi à dire: Ah bon! Il y a une espèce d'abandon, déjà, en ce sens-là. (20 h 30)

Par contre, chez nous, c'est assez actif au niveau de la semaine multiculturelle. Comme je vous le dis, il y a beaucoup d'activités qui sont préparées, cette semaine-là, pour essayer de faire connaître à chacun les groupes, mais souvent sous une forme d'expression culturelle au niveau de la danse, des chants, de ces différences-là, mais pas tellement plus sur ce qui est plus profond au niveau de leurs différences ou de leurs ressemblances avec nous autres.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Gagnon. Mme Lebron, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Lebron: Nous, c'est ce que nous essayons de faire à l'école Saint-Luc. Étant donné qu'en plus c'est une école qui se trouve dans un milieu anglophone, c'est beaucoup plus difficile, la situation, c'est-à-dire que nous devons exiger un certain compromis de l'étudiant. Quand l'étudiant sort de l'école, le milieu qui l'environne est anglais, ce n'est pas un environnement français. Alors, nous demandons, de la part des étudiants, un certain compromis. C'est-à-dire que, quand ils s'inscrivent, ils ont un agenda qu'on leur donne à l'école, dans lequel est inscrit le code de vie de l'école. Alors, on leur demande de le signer afin de les responsabiliser à essayer de s'exprimer plus en français. C'est évident, la problématique de la francisation chez l'immigrant, c'est difficile, de nos jours. C'est tout un problème politique. Et, comme je vous l'ai expliqué auparavant, les intégrer dans notre cadre à nous, très spécial, c'est difficile. C'est pour cela que nous posons des gestes un petit peu plus sérieux. Nous allons même leur demander un engagement par écrit. C'est ce que

nous pouvons faire maintenant. Nous sommes en train d'étudier, d'envisager d'autres aperçus, mais, pour le moment, c'est tout ce que nous faisons.

Pour les regrouper, pour les intégrer, nous leur donnons les arts. C'est la musique qui rejoint les jeunes. L'école Saint-Luc est réputée pour la capacité des jeunes de s'exprimer d'une façon musicale; ils ont gagné déjà plusieurs trophées; cette année, ils ont gagné les quatre médailles d'or. C'est connu dans le milieu de l'enseignement. Mais c'est important, c'est très important. Et c'est pour cela que je me suis déplacée ce soir, pour essayer de mettre des énergies davantage en ce qui concerne l'intégration de ces jeunes et leur donner un encadrement beaucoup plus français, beaucoup plus adapté à cette société, pour mieux les intégrer.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Lebron. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: M. Boisvert, si je résume bien vos propos de tout à l'heure, vous semblez dire que la façon de rapprocher les jeunes ne passe peut-être pas obligatoirement, mais, au moins, passe par les loisirs. On peut le faire dans les sports, les loisirs. Est-ce que vous connaissez des expériences récentes qui ont été menées dans ce domaine et auxquelles vous auriez pu être associé, par exemple?

M. Boisvert: Non, pas spécifiquement, à part des semaines culturelles organisées dans les polyvalentes. Il y a des milieux de loisirs qui ont commencé, par exemple, à Saint-Léonard et ailleurs, à inviter des jeunes de différentes communautés à faire partie d'équipes sportives, mais pas spécifiquement autour des loisirs organisés. Il y a des centres communautaires. Le Centre communautaire sportif de l'est, dans Hochelaga-Maisonneuve, commence à se donner un programme d'intégration des jeunes des communautés culturelles. Je sais que, dans la communauté anglophone, dans Saint-Louis-du-Parc, etc., par exemple, il y a des projets communautaires financés par Centraide qui ont eu des sous pour commencer à utiliser le temps après l'école pour Inviter les jeunes de communautés culturelles différentes à participer à des loisirs. Mais spécifiquement ce sont des centres communautaires. Ce sont des préoccupations qui ne viennent pas directement du milieu scolaire, ni de la ville de Montréal ou de la Communauté urbaine. Ça vient vraiment de centres communautaires épars sur le territoire, où les gens tentent différentes expériences, parfois avec succès, parfois avec insuccès.

Par exemple, il y a des communautés qui ont de la difficulté, même entre elles, à se fréquenter, il faut se le dire, même entre jeunes; par exemple, la communauté haïtienne avec la communauté noire anglophone. C'est comme si on répétait un certain schéma qu'on peut comprendre aussi dans notre communauté. Donc, même entre les jeunes de différentes communautés, c'est difficile. Je sais, par exemple, qu'au Service à la famille choinoise, ils ont tenté des expériences avec des enfants regroupés autour d'une fête de Noël, etc. Oui, mais le petit Vietnamien n'est pas nécessairement un petit Chinois, et le petit Cambodgien... Il y a des différences et ils se discriminent un petit peu entre eux aussi. Alors, il y a comme des susceptibilités nombreuses qui ne sont pas faciles à contrôler. Il y a, pour nous, comme Québécois, à vraiment mettre beaucoup d'énergie pour nous-mêmes. Ce qu'Olga nous dit, c'est: Si nous désertons - on charrie - si on quitte beaucoup, pour d'autres raisons, la ville de Montréal ou l'île de Montréal et qu'on se retrouve dans les banlieues, c'est évident que les écoles vont devenir de plus en plus des concentrations et Montréal aussi. Alors, dans le fond, ce qu'Olga essaie de nous dire indirectement, c'est: Ne partez pas et restez pour nous donner un modèle typiquement québécois. Ce n'est pas facile.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Boisvert.

M. Boisvert: Les milieux associatifs, dans ce sens-là, que vous financez déjà beaucoup dans les communautés culturelles, pourraient être reliés au milieu scolaire davantage. Évidemment, c'est une grosse porte à ouvrir à la CECM et peut-être un petit peu moins difficile à ouvrir à la PSBGM, mais ces deux empires, officiellement - je ne ferai pas fermer les micros, - ont des politiques, mais, quand on regarde dans les écoles, ce n'est pas évident. Le milieu associatif pourrait être très intéressant et les parents sont bien conscients de ça.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Boisvert. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, peut-être.

M. Boulerice: Oui. M. Boisvert, vous comprendrez que c'est avec un petit peu de nostalgie que je vous reçois. L'éducateur spécialisé que je suis se rappelle ces nombreux colloques organisés par l'ancienne appellation et auxquels j'ai assisté. Mais, là, je suis quand même très intéressé de voir que vous vous intéressez à la question de l'immigration à travers le prisme de la jeunesse. J'aurais bien des questions à vous poser.

La première. Cet éducateur spécialisé est devenu très rapidement responsable des classes d'accueil d'une commission scolaire située sur la Rive-Sud de Montréal, la régionale de Chambly. Je suis d'ailleurs en congé sans solde. Pourquoi je cacherais mes origines? Je garde mes contacts. Vous savez comme mol que la Rive-Sud est également une terre d'accueil pour ce qui est de l'immigration, mais il n'y a pas, sur la Rive-Sud,

les problèmes que vous décrivez et qui sont vécus à Montréal comme tel et à Montréal centre-ville.

Je vous pose une question, mais je suis en train de donner la réponse moi-même. Nous avions établi une politique très ferme qui était: vous n'avez pas le choix de l'école, dans le sens que nos classes d'accueil étaient situées à des endroits précis, mais une fois que vous aviez terminé le séjour en classe d'accueil - il nous reste à apprécier, était-il suffisamment long ou trop court, etc.? - vous deviez aller à l'école secondaire, entre guillemets, régulière de votre secteur, parce qu'il y avait une géographie scolaire. Nous avons donc évité la constitution de ghettos. Le problème ne serait-il pas qu'à Montréal on n'ait pas adopté la même politique et que l'on permette d'aller à l'école de son propre choix et, là, d'aller augmenter un nombre et, finalement, de créer une surpopulation qui devient ghettoïsante?

M. Boisvert: J'aimerais ça commenter ce que vous soulevez. Je connais un petit peu, moi aussi, la Rive-Sud. Il y a deux commentaires qui me viennent. Le premier, le pourcentage de concentration qui était soulevé tantôt, le deuxième, c'est les endroits où les gens des communautés culturelles ont voulu s'installer sur l'île de Montréal - prenons l'île de Montréal - en comparaison avec la dynamique sur la Rive-Sud. Sur l'île de Montréal, c'est évident que les communautés, avec les concentrations déjà existantes de certaines communautés, se retrouvent dans les mêmes quartiers. Par exemple, la communauté haïtienne a commencé à se développer beaucoup à Montréal-Nord et à Saint-Michel. Bon, c'est évident qu'il y a un effet d'entraînement; on va se retrouver là avec une communauté haïtienne nombreuse. Les Grecs, la communauté grecque, on sait où les gens ont voulu s'installer. Il y a donc des concentrations. Il y a des communautés qui se disséminent, d'autres qui se concentrent. Alors, indépendamment des choix d'écoles qu'on aurait pu proposer aux gens, c'est évident que, si les communautés se concentrent à certains endroits, c'est dans ces écoles-là qu'on va les retrouver. C'est une concentration qu'on n'a pas encore retrouvée sur la Rive-Sud, sauf, peut-être, à Brossard où on commence à avoir beaucoup de gens du Sud-Est asiatique et des West Indies. Moi, les échos que j'ai, c'est que ça commence à se poser à Brossard...

M. Boulerice: Ça commence, là?

M. Boisvert: ...parce que la proportion des personnes qui viennent des communautés culturelles... Alors, c'est comme s'il y avait un cap autour de 40 %, 50 %. Je pense que M. Jacob, de l'Université du Québec, disait qu'il y avait un cap aux États-Unis et, lorsqu'il y avait une concentration qui dépassait, on avait un problème auquel on devait s'adresser. Moi, je pense qu'il y a peut-être un élément en termes de favoriser l'accueil et l'insertion dans le milieu scolaire pas concentré, mais dispersé sur le territoire, mais, à mon avis, il y a une grande relation avec la concentration sur l'île de Montréal de certaines communautés. Par exemple, la communauté anglophone noire, c'est...

M. Boulerice: Notre-Dame-de-Grâce.

M. Boisvert: ...Notre-Dame-de-Grâce et c'est, un petit peu plus haut, Côte-des-Neiges et, à Laval, on commence à voir certaines concentrations aussi. Ça a un effet d'entraînement pour le milieu scolaire aussi.

M. Boulerice: Ça va être quoi, la solution, M. Boisvert?

M. Boisvert: Je pense que ce qu'Olga a soulevé, c'est... Il n'y a pas de solution facile, mais, nous, le petit bout - puisque vous êtes un ancien du CQEE - qu'on est venus dire aujourd'hui, c'est: II y a beaucoup d'investissements qui peuvent être faits du côté des enfants. Indépendamment des concentrations, des choix d'école, favoriser ce contact entre jeunes Québécois de souche et jeunes Québécois d'autres origines, loisirs partagés, préoccupations, se familiariser avec la différence et cette question du langage qui est cruciale dans bien des concentrations, c'est déjà investir pour l'avenir. Pour ce qui est des adultes, c'est une autre paire de manches, mais au moins, pour les enfants, faire cet effort-là.

M. Boulerice: Corrigez-moi, je pense que c'est Margaret Mead qui avait dit: Donnez-moi tous les enfants du monde durant un an et je changerai le monde. Je pense que, malheureusement, ce n'est pas en notre pouvoir aujourd'hui. Mais ce que vous dites, oui, je suis d'accord avec vous, et je me permets aussi d'apprécier ce que Mme Lebron a dit tantôt. Il y a un manque de référence à la société d'accueil parce que les Québécois de vieille souche sont quasiment absents de l'école. Je pense que vous avez touché, effectivement, le fond du problème. Je suis tellement heureux de l'entendre dire, d'une part, par une mère, donc, parent et Québécoise nouvelle aussi. Je pense qu'il y a une portée supplémentaire quand c'est vous qui le dites.

Mais ce que je ne comprends pas... Vous me dites que les enfants des autres communautés dans l'école ne parlent pas entre eux leur langue d'origine, mais plutôt l'anglais. Les petits Québécois d'origine vietnamienne, enfin, peu importe, se parlent entre eux dans la...

Mme Lebron: Exactement. Une voix: Pourquoi...

M. Boulerice: Madame répond, si vous le permettez.

Mme Lebron: Voilà la problématique, la nouvelle problématique.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Richelieu... Mme Lebron, vous avez la parole.

Mme Lebron: Voilà la nouvelle problématique. Les jeunes se parlent davantage en anglais et c'est sérieux. C'est quelque chose de très sérieux. Je vous invite, d'ailleurs, si vous méconnaissez la situation, à venir faire un tour à Montréal, à l'école Saint-Luc, et vous allez voir de vos yeux et entendre de vos oreilles que les enfants commencent à se parler davantage en anglais. Pourquoi, disons-nous? Bon, peut-être que c'est la problématique de la jeunesse, la musique, la société de consommation, tout ce que vous voulez, monsieur, mais c'est ça, peut-être, le problème. Et c'est grave, c'est très grave parce que ce qui nous intéresse, nous, c'est d'intégrer l'enfant ici, en fait, à son nouveau pays d'origine. Mais, pour cela, il faut que nous, d'une certaine façon, touchions le coeur de ce parent adoptif qu'est le Québec pour nous donner un coup de main.

M. Boulerice: II faut avouer que c'est facile de vivre en anglais au Québec et, notamment, à Montréal. Il faut dire, également, que le message du gouvernement actuel n'est pas tellement clair quant à la présence et à l'importance du français dans notre société. (20 h 45)

Mme Lebron: Effectivement.

Mme Gagnon: Moi, je voudrais juste ajouter que c'est probablement le milieu francophone qui nous sauve à ce niveau-là parce que l'école Lucien-Pagé, dans le territoire où elle est, c'est un milieu francophone, ce qui fait que chez nous les communautés culturelles se parlent d'abord dans leur langue, mais, je vais vous dire, ensuite dans les corridors en anglais. On va entendre des jeunes de la communauté haïtienne parler en français. On va entendre certaines communautés favoriser un peu plus le français, mais, dès qu'ils se retrouvent entre eux, ils vont parler d'abord dans leur propre langue, mais très facilement ensuite en anglais. Mais c'est vrai que le message, présentement, est à double sens et les jeunes se disent à un moment donné: Si, moi, ça ne fait pas mon affaire, de toute façon, je vais me diriger vers une école anglophone. Dans le milieu français, on exige beaucoup de pression pour qu'ils parlent en français et je ne crois pas qu'ils aient cette pression-là, dans le secteur anglophone, de parler en anglais. Non, on va parler en anglais facilement sauf que, nous, on met de la pression, par exemple, pour qu'ils parlent en français. Et, déjà, je ne pense pas que ce soit très accepté de la part de tous que de sentir ça tout le temps. Mais nous, contrairement à elle qui est déjà dans un milieu anglophone, c'est le secteur francophone qui peut nous sauver. Tous les magasins, tout ce qu'il y a comme secteurs et comme services est en français.

M. Boulerice: M. Boisvert tantôt disait: II y a un corridor réservé à telle communauté, il y a un couloir qui est pour telle autre, un escalier qui pourrait être attribué... Quand, malheureusement, se sont produits les tragiques événements du Golfe, moi, je vous avoue avoir craint, au niveau de nos écoles, des conflits potentiels entre les petits Québécois d'origine arabe et les petits Québécois d'origine juive, en me disant: Ce serait dommage puisque ces deux communautés présentes au Québec vivent quand même dans un climat d'harmonie exceptionnelle.

M. Boisvert: Mais, vous savez, ils ne sont pas du tout dans les mêmes écoles.

M. Boulerice: Ils le sont peut-être au niveau du cégep, en tout cas. La question que je voulais vous poser, en me servant de cet exemple-là, c'est que, là, vous me dites: Oui, il y a telle nationalité et telle nationalité. Est-ce qu'il y a des choses qui se font? Parce qu'on dit: Bien oui, il faut qu'ils soient en contact avec les Québécois de vieille souche, question d'avoir une référence à la société. Ça, c'est les propos de Mme Lebron. Est-ce qu'il y a des choses qui se font de façon à ce que le jeune Québécois d'origine vietnamienne apprenne un peu ce qu'est le jeune Québécois qui, lui, est plutôt hispanique et qui se retrouve dans la même école que lui? Est-ce qu'il y a des choses qui se font?

M. Boisvert: II y a des choses qui se font. Il y a des choses qui se sont développées dans les polyvalentes et les écoles primaires aussi. On a eu des reportages, il y a quelques mois, d'essais qui se font et qui sont stimulants aussi, où, dans le cadre de certains cours, à travers l'apprentissage de la langue ou l'apprentissage de l'histoire ou de la géographie, on va se servir de la présence des enfants pour illustrer, sur une carte, leur provenance, leurs coutumes, etc.

C'est davantage dans les choix. Vous m'amenez à commenter le fait que, dans les choix auxquels l'école est confrontée par les programmes-cadres du ministère de l'Éducation, on remet en question la formation personnelle et sociale. On voudrait mettre l'accent davantage sur les mathématiques et les sciences. Je comprends que, pour les directeurs et les directrices d'école, les commissaires et les professeurs, il faut faire de l'acrobatie pour trouver le temps par rapport aux matières, pour intégrer dans le temps en classe les apprentissages connexes. Ce n'est pas facile, ça vient en

compétition avec l'éducation sexuelle et d'autres secteurs.

Il y a des écoles qui vont avoir des programmes avec des centres communautaires, comme dans Saint-Henri, pour garder les enfants après l'école pour les devoirs; il y a des enfants des communautés culturelles qui commencent à les utiliser. La communauté noire anglophone à LaSalle a ce programme-là aussi. Ça dépend des écoles et ça dépend des milieux. Je pense qu'il y a peut-être déjà eu un certain recensement au niveau de l'éducation, des projets-écoles, mais c'est embryonnaire, ce n'est pas comparable. Ce serait à évaluer.

C'est difficile pour les intervenants, la situation actuelle. Je vais vous donner deux exemples. J'ai déjà été D.G. de CLSC, alors j'essaie d'imaginer les gens qui travaillent dans le milieu des CLSC centre-ville, par exemple, où il y a peut-être 50 ou 60 communautés différentes qui peuvent se présenter à l'accueil. Faut-il avoir 50 ou 60 interprètes? On ne peut pas les avoir sur place. Est-ce que je peux avoir une infirmière de chaque communauté? Ou, par exemple, la DPJ, par rapport aux Haïtiens, pour vous montrer... Les policiers de la STCUM ne vont plus dans la famille d'un jeune qui a fait une fugue d'un centre d'accueil, parce qu'il commence à y avoir des jeunes dans les centres d'accueil aussi, ne vont plus directement chercher le jeune chez lui; ils passent par les gens de la communauté parce que la violence est bien intégrée. Le méchant, c'est le jeune et le jeune, dans la famille, et le corps policiers, aux yeux de la communauté haïtienne, il y a une distance. Il y a déjà du travail qui a été fait par la STCUM. Alors, c'est compliqué pour les intervenants.

M. Boulerice: Ha! C'est pour ça, M. Bois-vert, que vous aviez parlé de nouvelles pratiques judiciaires. O.K. Je n'en saisissais pas le sens et, là, vous venez de me le donner.

M. Boisvert: La Loi sur la protection de la jeunesse, placement dans les centres d'accueil par rapport à langues et cultures différentes, ça commence à poser déjà des problèmes.

M. Boulerice: Oui. Une très brève question parce que mon collègue de Shefford veut poser une question. Vous avez parlé d'initiatives qui se font dans certaines écoles comme telles. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu qu'il y ait véritablement des programmes normes du ministère de l'Éducation, que le ministère s'implique véritablement en concertation, forcément, avec le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, que le ministère établisse des programmes normes de façon à soutenir, au niveau scolaire, qui est la première porte, ce que nous voulons faire, nous, avec le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration?

M. Boisvert: Je pense que, ce matin, vous avez vu les manchettes de La Presse, le Conseil scolaire de l'île de Montréal qui parlait de la pauvreté des jeunes et de la question des immigrants. Je pense que le Conseil scolaire, ce qu'il met de l'avant, c'est que les commissions scolaires de l'île de Montréal et des alentours, concernées à divers degrés, parce que Sainte-Croix, c'est différent aussi de l'est de IHe et la CECM de PSBGM ou Verdun. Donc, des programmes normes, c'est peut-être difficile à la grandeur du Québec, mais il y a sûrement des possibilités d'arrimage des deux ministères avec le Conseil scolaire et les commissions scolaires concernées pour avoir des sous consacrés à des activités éducatives, milieu scolaire, relation parents et associations pour favoriser cette... "Normes", je le comprends davantage pour tout le Québec ou tout un milieu, mais...

M. Boulerice: Non, non, pas mur-à-mur là, mais...

M. Boisvert: Je pense que le Conseil scolaire est en train de faire ses propositions déjà dans ce sens-là. C'est ce qu'il réclamait ce matin.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Boisvert. M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, M. le Président. À entendre les derniers témoignages, on vient de se rendre compte qu'on vient de toucher ce qui va être, tout le long de ces audiences, probablement la pierre d'achoppement de ce qu'on appelle l'intégration, l'intégration pas forcément des parents, d'immigrants qui arrivent aujourd'hui, mais de leurs enfants, de ceux qui, dans 15 ans ou 18 ans, vont former la société, entre parenthèses, québécoise de ce moment-là. On écoutait les gens un peu plus tôt, Multi-Plus...

M. Boisvert: Québec Multi-Plus.

M. Gobé: ...un peu avant vous, et ils l'effleuraient; vous, vous entrez en plein dedans d'une manière extrêmement percutante et je pense que c'est le premier coup, vraiment le premier coup de cette commission.

C'est évident qu'il y a des grosses concentrations de groupes ethniques ou de gens d'origines diverses dans certains quartiers. Il y a deux raisons: ou, alors, le groupe ethnique se regroupe. C'est le phénomène de la communauté; étant donné qu'il y en a un certain nombre qui habitent déjà ce quartier-là, ils se regroupent parce qu'ils partagent ensemble les mêmes manières de penser, les mêmes manières de vivre, les mêmes épiceries, le même genre de culture et, là, ils vivent en autarcie, une espèce de petite autarcie avec leurs propres institutions parallèles très souvent. Il y a aussi la multi-

plicité des immigrants plus ou moins riches ou démunis qui arrivent et cherchent des logements à bon marché, logements qui étaient occupés précédemment par d'autres personnes. Ça pouvait être, bien souvent, des Canadiens français, des Québécois qui, s'enrichissant avec le temps, ont migré vers les banlieues plus riches et plus prospères. Alors, on se retrouve avec une multitude de gens d'un peu partout qui sont dans des écoles où il n'y a plus de Québécois. C'est à peu près ça que je vois comme tableau.

Il y a d'autres quartiers comme Saint-Luc. Je m'informais auprès de Mme la sous-ministre, tout à l'heure, qui le confirmait un peu, c'est qu'on vit là dans un milieu anglophone, traditionnellement. Les logements bon marché sont, là aussi, disponibles. Les communautés s'installent là. Ces gens-là n'ont pas le droit d'aller à l'école anglaise. Donc, on fait une école française pour ces gens-là. L'ensemble du milieu est anglophone et eux vont dans une école française, donc sont complètement déphasés de la réalité ambiante.

Vous soulevez un certain nombre de problèmes que ça crée, mais ça, c'est juste les problèmes d'aujourd'hui. Et, madame, vous avez un cri au secours! Vous dites: Aidez-nous à nous intégrer à une société. Car, en effet, si on continue comme ça, dans 15 ans on va se retrouver avec une génération de gens qui ne seront ni des Québécois tels qu'on les connaît aujourd'hui, ni des Sri Lankais, ni des Vietnamiens, ni des Pakistanais et qui ne seront pas, non plus, des anglophones. Une espèce de société hybride et des gens qui n'auront aucune valeur traditionnelle autre que celles véhiculées par la télévision et par les modes qu'on va rencontrer. On connaît, d'ailleurs, ça dans certaines régions d'Europe. On connaît ça en Angleterre dans certaines banlieues, dans Liverpool en particulier. On connaît ça dans certaines banlieues allemandes avec la génération des jeunes Turcs qui ne sont ni allemands ni turcs maintenant, et on connaît ça en France dans la région parisienne avec les beurs, comme on les appelle, des jeunes gens qui ne sont ni algériens ni français. Quand vous regardez ces villes-là, on se rend compte des problèmes épouvantables qu'il y a de délinquance juvénile, criminalité, taux de chômage, problèmes sociaux ordinaires.

Maintenant, une fois qu'on a énuméré ça et qu'on en a fait le constat, il y a la question de notre collègue, que j'ai bien aimée, qui a dit: Qu'est-ce qu'on va faire, c'est quoi la solution? Est-ce que la solution, c'est de prendre ces enfants-là et de les éparpiller dans les écoles? Permettez-moi de douter que notre société québécoise serait prête à ce genre de réglementation sans que de hauts cris s'élèvent et moi, personnellement, je verrais mal de petits enfants se faire prendre par l'autobus le matin pour être transportés dans un autre milieu de vie que celui dans lequel leurs parents vivent.

Maintenant, ces jeunes-là, c'est quoi leurs stéréotypes? "C'est-u" les stéréotypes québécois? Ils n'en voient pas à l'école. C'est les stéréotypes québécois qu'ils voient à la télévision? La télévision, c'est quoi, chez eux? Bien, ça va être la télévision anglaise, généralement; elle est plus simple, plus facile à comprendre, elle est plus valorisante. C'est la réussite. C'est vraiment l'image de l'Amérique. Tout immigrant, en étant un moi-même à l'origine, je peux vous dire que, lorsqu'on part en Amérique, qu'on abandonne nos familles, notre pays, qu'on abandonne nos habitudes, bien, on y va pour acquérir quelque chose de meilleur, de la réussite. On veut ce qu'il y a de mieux et on le veut pour nos enfants en plus. Alors, le stéréotype de la réussite, et je le reprenais avec le groupe qui vous précédait, c'est bien souvent l'Amérique de Disneyland, l'Amérique de "Miami Vice", l'Amérique de "Dallas". Et ce n'est certainement pas le soir, sur le canal 10 - je me trompe peut-être de canal, je ne veux pas faire de publicité -Télé-Métropole, "Terre humaine" ou "Entre chien et loup". Moi-même qui suis français d'origine, j'ai un peu de difficultés à m'identifier à ça, si ce n'est comme une fresque un peu historique, amusante. J'imagine que je suis du Sri Lanka, de Ceylan ou du Pakistan et que, dans mon école, il n'y a aucun petit Québécois, quand je vois ces canaux de télévision là, le soir, pour moi, ça ne me concerne pas. Donc, je m'embarque sur la télévision anglaise.

Quand je dis qu'on touche la pierre d'achoppement, c'est que je ne vois pas comment on va pouvoir intégrer de manière harmonieuse toutes ces générations-là à la société québécoise telle qu'on espère la définir, francophone, avec un certain nombre de valeurs: de démocratie, de liberté, de respect des autres. Je ne vois pas comment, si on continue comme ça. Maintenant, la solution. Et tout le long de la commission, je pense, ça va certainement nous revenir. On va le réentendre constamment. On peut faire de l'angélisme et avancer des grands principes, mais la réalité dure et pure... Tout à l'heure, vous mentionniez, madame, que, dans certains couloirs d'école, ça se parle en anglais entre communautés.

Le Président (M. Doyon): Vite, M. le député, parce qu'il reste une minute.

M. Gobé: Oui. J'y arrive, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): II faudrait la poser parce qu'ils n'auront pas le temps de répondre.

M. Gobé: Vous mentionniez que les gens se parlent en anglais entre communautés; pas dans la même communauté où, bien souvent, ils vont se parler dans leur propre langue. Mais entre communautés, c'est plus facile pour eux de se parler en anglais. Pourquoi? La raison, c'est

quoi? C'est plus facile pour eux. C'est la langue de la valorisation, la langue du stéréotype américain.

Maintenant, je reviens à ma question. Comment vous pensez qu'on peut passer outre à ces problèmes-là et essayer d'intégrer ou d'identifier les jeunes à la société québécoise, en tenant compte de ce qu'on vient de décrire et de ce que vous avez décrit, vous aussi?

Mme Gagnon: En tout cas, c'est bien personnel comme réflexion, mais je vais vous dire, en tant que Québécois, si nous-mêmes on cherche une identité et une langue qui nous appartiennent, comment peut-on fournir une identité, ainsi qu'une langue à ces immigrants-là qui arrivent? On est divisés. Je me dis que le jour où on sera... Bon, monsieur ne respecte peut-être pas nécessairement ce que je dis. Je vous l'ai dit, c'est une opinion très personnelle.

M. Gobé: Parce que, là, vous parlez pour moi, madame ?

Mme Gagnon: Non. Je parle pour monsieur, à votre droite.

M. Gobé: Ah bon! Excusez-moi.

M. Khelfa: Excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Ooyon): M. le député de Richelieu.

M. Khelfa: Ce n'est pas une affaire de respect, c'est que je ne partage pas du tout votre analyse et, je constate que vous l'avez mentionné, c'est personnel. Ce n'est pas une affaire de manque de respect. C'est différent.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député de Richelieu. Mme Gagnon, vous pouvez continuer.

Mme Gagnon: Je ne sais pas quoi vous dire exactement à part ça. Ce qu'on constate, c'est ça, puis ce qu'on se fait dire par les étudiants, c'est: Écoutez, de toute façon, moi, ici, je vais probablement... Justement, hier, il y avait des étudiants qui me disaient: De toute façon, probablement que, l'année prochaine, en terminant notre classe d'accueil, on va se trouver une école anglophone qui va pouvoir nous accepter.

M. Gobé: Ils n'ont pas le droit, avec la loi 101.

Mme Gagnon: Je le sais, mais c'est ce qu'ils véhiculent. C'est ce que les jeunes véhiculent entre eux. C'est ce qu'ils nous disent: Moi, de toute façon, en finissant ma classe d'accueil, je vais me trouver une école anglophone. Qu'on leur dise: Oui? Ah bon! Tu n'as pas le droit d'y aller, c'est quand même ce qu'ils véhiculent. C'est cette facilité-îà, aussi, de pouvoir en sortir et de dire: Moi, c'est l'anglais. Expliquez-moi comment ça se fart qu'aussitôt qu'on sort des classes les étudiants parlent dans leur propre langue et ils parlent en anglais. Je ne le sais pas. Je n'ai pas de réponse. Peut-être que Jean-Claude en a une, mais...

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Gagnon. Je vais permettre à l'Opposition, en terminant, de finir l'échange avec nos invités. M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Je vais essayer d'être très court. Je vais essayer d'exprimer ce que je ressens par rapport à ce que vous venez de dire, tous les trois, à la table, que je trouve très intéressant, puis c'est vraiment le noeud du problème et c'est l'avenir du Québec. Je pense qu'on ne peut pas se le cacher. Je ressens de la joie et de la crainte. La joie, c'est de voir à quel point vous cherchez, d'une façon désespérée, comment on peut s'en tirer. Et peu importe qu'on soit Québécois de souche, comme on s'appelle, ou nouveau Québécois. Je dois vous dire que je trouve ça superemballant de voir qu'on cherche une solution, mais, en même temps, j'ai beaucoup de craintes par rapport à la réalité, à l'image de la réalité que vous êtes en train de nous projeter. J'entendais Mme Lebron dire que ce n'est pas une question de langue, puis, effectivement, ils le parlent, le français, les nouveaux Québécois. Ce n'est pas une question de langue, c'est une question de culture. Et vous avez complété tantôt en disant: C'est un problème politique. Il va falloir arrêter de se mettre la tête dans le sable, puis, à un moment donné, comme société, décider de ce qu'on veut.

Mais je me demande, et c'est là que j'ai un commentaire à faire... Ce n'est peut-être même pas une question, puis c'en est peut-être une, mais je le lance comme un commentaire. On a dit: Le problème qu'on vit à Montréal n'est pas unique, on le retrouve dans les autres grandes villes nord-américaines où, à un moment donné, il y a une concentration de nouveaux venus qui dépasse 40 % à 50 %, puis, nous, on laisse aller ou, en tout cas, on se ramasse avec une réalité qui est à 80 %, 85 % et 90 %. Et, à l'intérieur de ces écoles, on constate qu'il y a des rivalités par rapport aux différences des différents groupes ethniques.

C'est une idée qui m'est venue comme ça en vous écoutant: Est-ce qu'on ne pourrait pas finir par conclure, sans que ça nous donne la solution, qu'effectivement il y a des rivalités - on le retrouve dans toutes les autres municipalités où il y a des concentrations importantes - et que, là, il doit y avoir des disputes, mais que nous, à

cause de notre contexte particulier et de la dualité des deux cultures, on se ramasse que le français devient le bouc émissaire et l'anglais devient la soupape, et, nous, on est perdants sur tous les tableaux? Et ça, il va falloir le regarder correctement. J'ai l'impression, juste par ce que j'ai entendu tantôt, que le français est victime des chicanes interculturelles possibles qui n'ont pas lieu parce que c'est le français qui mange la claque. Et l'anglais risque d'être la soupape; c'est là qu'ils se retrouvent ou c'est là qu'ils se soulagent. Je ne suis pas sûr, mais je vais vous dire, je me demande s'il ne faut pas regarder de ce côté-là, s'il n'y a pas, finalement, quelque chose. Parce que, s'ils se retrouvent dans les passages avec chacun leur couloir, mais qu'ils se retrouvent en se parlant en anglais, le français est l'obligation, mais ce n'est pas le lien, finalement. Je ne le sais pas, je lance ça comme idée. Je ne sais pas si vous avez des commentaires là-dessus.

Le Président (M. Doyon): M. Boisvert, voulez-vous réagir à ça?

M. Boisvert: Simplement peut-être en résumant. Il y a, d'une part, cette question linguistique qui a été abordée, mais je voudrais qu'on puisse vous laisser avec le message: c'est important d'agir par le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, une politique gouvernementale sur écoles, projets, enfants, communautés, associations. C'est important, dans le contexte linguistique particulier, d'agir rapidement. C'est important de supporter les intervenants qui font face à cette grande difficulté, qui, eux-mêmes, dans la grande majorité, provenant de notre communauté québécoise, sont très désemparés devant toutes les adaptations qu'ils doivent prendre devant ce problème.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Boisvert. Ceci termine le temps qui était à notre disposition. Alors, au nom de la commission et des membres, je vous remercie. Peut-être que Mme la ministre veut ajouter quelques mots de remerciement aussi.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je voudrais vous remercier et, peut-être juste en passant, vous dire qu'actuellement plus de 70 % des élèves allophones qui ont fait leur secondaire en français choisissent librement le cégep français. Et leur propension à choisir un cégep anglais est à peine plus élevée que celle des francophones. Mais, cependant, je considère que, l'immigration étant un privilège, c'est important aussi, nous avons une responsabilité, de bien faire connaître nos attentes à l'étranger pour que l'on sache qu'au Québec ça se passe en français et que l'on puisse choisir librement le Québec aussi. Alors, sur ça, je vous dis merci. C'est une discussion qui a été très intéressante et surtout fort enrichissante. Merci beaucoup. Bon voyage de retour.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. J'interprète peut-être Mme Lebron, Mme Gagnon et M. Boisvert et, dans votre cas, je dirai cher collègue. J'ai l'impression, je me trompe peut-être, qu'on ne retrouve pas les éléments qui, pour vous, sont essentiels, là-dedans. C'est le sentiment que j'ai, que vos préoccupations ne sont pas là-dedans.

Mme Gagnon-Tremblay: Attendons le plan d'action.

M. Boulerice: Oui, mais, ceci dit, je pense qu'il faut quand même lancer des pistes. Sauf que je n'ai jamais douté des propos que pouvait me tenir ma grande amie Louise Laurin. Je pense que vous avez renchéri avec des exemples très percutants sur le discours que me tient, depuis des mois, Louise Laurin que vous connaissez, d'ailleurs, autant que moi, qui est très impliquée dans ce domaine, dans ce milieu. Je ressens, moi aussi, du débat qu'on a eu, que j'aurais bien aimé pouvoir prolonger encore beaucoup plus longtemps, mais il y a une mécanique qu'on doit respecter, une espèce de sentiment de frayeur parce qu'on est en train de regarder demain et j'ai l'impression qu'on est obligé de dire que, pour ce qui est d'aujourd'hui, c'est un constat presque de faillite, d'où l'inquiétude que j'ai...

Le Président (M. Doyon): En terminant, M. le député. Je vous signale que c'étaient quelques mots de remerciement, c'était tout le temps qui vous restait.

M. Boulerice: Oui, je les termine, monsieur. D'où l'inquiétude que j'ai, l'ardeur du travail qu'on a à faire pour qu'on retrouve tout ce qui est essentiel là-dedans, de façon à ce que demain ne soit pas cette espèce de faillite que je constate aujourd'hui, selon les propos que vous tenez, et je ne mets aucunement en doute les propos que vous avez tenus. Je vous remercie.

M. Boisvert: Merci de nous avoir accueillis.

Le Président (M. Doyon): Alors, bon voyage de retour, soyez prudents.

M. Boisvert: Oui.

Le Président (M. Doyon): Je signale aux membres de cette commission que le groupe L'Amitié chinoise de Montréal a dû se désister,

ils ont été victimes d'un accident en se rendant ici, à Québec. Donc, leur comparution devant cette commission est remise à une date ultérieure qu'on déterminera ensemble.

Alors, cette commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, 9 h 30, pour continuer notre consultation. Nos travaux sont ajournés.

(Fin de la séance à 21 h 8)

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