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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 20 février 1991 - Vol. 31 N° 18

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration, ainsi que sur les niveaux d'immigration souhaités de 1992 à 1994


Journal des débats

 

(Neuf heures trente-neuf minutes)

Le Président (M. Gobé): À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, mesdames et messieurs. La commission de la culture va entreprendre ses travaux de la journée et je rappellerai le mandat qui a été alloué à cette commission. C'est de procéder à une consultation générale sur l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration intitulé "Au Québec pour bâtir ensemble", ainsi que sur les niveaux d'immigration souhaités pour les années 1992, 1993 et 1994. Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements à cette commission?

La Secrétaire: Oui. M. Bradet (Charlevoix) est remplacé par M. Bordeleau (Acadie).

Le Président (M. Gobé): Bienvenue, messieurs. Nous allons commencer ce matin par entendre le premier groupe qui est le Congrès national des Italo-Canadiens, région Québec. Je rappellerai, pour les gens qui viennent d'arriver, que l'organisme qui témoigne a 20 minutes pour faire l'exposé de son mémoire. Par la suite, les membres de cette commission disposent de 40 minutes qui se répartissent généralement, selon la coutume, en 20 minutes pour l'Opposition et 20 minutes pour le pouvoir, la règle de l'alternance jouant normalement pour l'ordre de préséance et, à la fin, il peut y avoir une courte période de conclusion ou de remerciements, commençant par l'Opposition officielle et se terminant par le parti au pouvoir.

Alors, sans plus attendre, je demande maintenant aux gens du Congrès canado-italien de bien vouloir se présenter pour fins d'enregistrement et afin que les membres de cette commission puissent mieux vous connaître, et de commencer par la suite l'exposé de votre mémoire, s'il vous plaît.

Congrès national des Italo-Canadiens, région Québec

M. Giusto (Angelo): Angelo Giusto, trésorier du Congrès national, région de Québec, des Italo-Canadiens.

M. Manno (Giuseppe): Jos. Manno, président du Congrès national des Italo-Canadiens, région Québec.

M. Folco (Alfredo): Alfredo Folco, président du Congrès national des Italo-Canadiens.

M. Trozzo (Michel): Michel Trozzo, prési- dent des services communautaires italo-canadiens.

Le Président (M. Gobé): Bonjour, messieurs. Vous avez maintenant la parole pour celui d'entre vous qui va présenter le mémoire.

M. Folco: Merci, M. le Président. Mmes et MM. membres de la commission, mesdames et messieurs, à titre de principal organisme de la communauté culturelle la plus nombreuse au Québec, le Congrès national des Italo-Canadiens, région Québec, ne peut être que particulièrement sensible au sujet qui nous préoccupe aujourd'hui: l'accueil et l'intégration des populations immigrantes. Le Congrès, qui regroupe la plupart des grandes associations à caractère culturel, social et communautaire de la communauté italienne, constitue l'interlocuteur privilégié des instances gouvernementales sur les grandes questions qui préoccupent la communauté italo-québécoise. La question du maintien et de l'essor des communautés culturelles autant que la question de l'immigration, des politiques qui doivent être élaborées et des programmes qui doivent être mis en oeuvre pour favoriser l'accueil et l'intégration harmonieuse des immigrants nous préoccupent à la fois comme Québécois et comme membres d'une communauté issue de l'Immigration. Nous sommes convaincus que l'immigration constitue pour le Québec un enjeu déterminant pour son développement futur.

Dans le contexte démographique actuel, la dénatalité et le vieillissement de la population menacent sérieusement le développement futur du Québec. Avec un taux de natalité qui ne permet pas, loin de là, la simple reproduction de la population, le Québec ne pourra même pas maintenir dans l'ensemble canadien, quoi qu'il devienne, son poids démographique et, dès lors, son poids politique et économique. Devant le risque d'avoir une population de plus en plus âgée, de moins en moins productive, de plus en plus pauvre et ainsi moins en mesure de conserver ses programmes sociaux, nous n'avons pas vraiment le choix, et l'énoncé le rappelle avec justesse: il nous faut hausser substantiellement notre niveau d'immigration.

L'immigration ne peut, évidemment, être perçue comme une simple réponse au déficit démographique. L'immigration au Québec est avant tout le résultat des besoins d'une société industrielle avancée. Le Québec s'est tourné vers les pays d'émigration pour accélérer son développement et les apports de l'immigration sont d'ailleurs difficilement contestables sur le plan macro-économique ou micro-économique. Au moins pour un temps, cependant, les immigrants

sont aussi un peu les enfants que nous n'avons plus. Mais l'immigration n'est pas une panacée. Nous devons compter maintenant, et sans doute devrons-nous toujours compter sur un apport extérieur, car nous croyons qu'il est de toute façon souhaitable pour une société de s'ouvrir ainsi. Mais, en même temps, il nous faut absolument hausser notre taux de natalité. Pour cela, nous devrons certainement élaborer des mesures de soutien à la famille, mais, bien plus encore, témoigner collectivement de l'importance que nous attachons au fait d'avoir des enfants, car c'est probablement davantage une question de valeurs - des spécialistes l'ont fait remarquer -de concurrence entre des valeurs parmi lesquelles l'enfant doit redevenir plus important.

En attendant, l'énoncé évoque des objectifs quantitatifs de 55 000 immigrants par année, ce qui paraît bien ambitieux. Pourtant, ces objectifs sont modestes en regard des besoins démographiques du Québec et ils tablent à la fois sur l'augmentation du taux de natalité de 1,5 % à 1,8 %, ce qui n'est pas assuré, et sur un niveau de rétention que nous pouvons qualifier d'optimiste de notre population immigrante. Nous disons donc, modestes quant à nos besoins, mais ambitieux car il nous faudra bien les accueillir, année après année, ces quelque 55 000 nouveaux arrivants, sans compter un nombre indéterminé de revendicateurs du statut de réfugié. Il faudra intégrer tout ce monde pour se donner les moyens de les intégrer harmonieusement à une société majoritairement francophone dans son coin de pays, mais spectaculairement minoritaire en Amérique du Nord.

Les choses ne se feront assurément pas toutes seules. Des problématiques parfois complexes et des contraintes sont déjà apparentes, surtout dans la région de Montréal, dans certains milieux de travail, dans plusieurs écoles. Certains manifestent des inquiétudes. Nous pensons, quant à nous, que les difficultés sont là pour nous permettre d'exceller. Comme notre propre immigration nous a contraints à viser l'excellence, nous croyons que ce peuple qui nous a accueillis dans cette Amérique francophone n'a jamais eu le choix d'exceller ou non depuis ses origines. Et ce n'est pas malgré, mais à cause précisément des obstacles qu'il a continué de progresser.

En ce qui a trait à l'immigration, il faut d'abord et avant tout que la volonté politique soit clairement affirmée, correctement articulée et puis que les moyens soient là. Nous pensons que l'énoncé a, pour commencer, ce grand mérite de nous proposer une politique claire, une vision intégrée et cohérente de l'immigration et de l'intégration. Il nous faut féliciter le gouvernement à cet égard, car la seule publication de cette politique démontre que cette question est importante pour lui et qu'il sait où il va, qu'il a la volonté de prendre les choses en main. Tout cela nous rassure, d'autant que, il nous faut bien l'avouer, nous étions vaguement inquiets puisque rien n'était venu combler le vide laissé par le précédent énoncé "Autant de façons d'être Québécois" paru il y a 10 ans déjà. Ce qui ne signifie pas que rien n'a été fait depuis, bien entendu: l'action quotidienne du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, les travaux du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, la déclaration sur les relations interethniques et interraciales, et je pourrais continuer à en citer pendant plusieurs minutes. Beaucoup de choses ont été faites et nous constatons avec plaisir que nos deux grands partis se rejoignent sur l'essentiel, sur les principes qui guident l'action du Québec sur les questions reliées à l'immigration. Tout cela est de bon augure et tout cela est réaffirmé, notamment les grands principes de l'action gouvernementale, dans l'énoncé.

Nous pouvons dire que non seulement le gouvernement actuel du Québec, mais le Québec sait où il va en matière d'immigration et d'intégration et qu'il ira effectivement, s'il en a les moyens.

Car, maintenant, c'est une question de moyens et, pour commencer, de pouvoirs. Et le Québec doit, à notre avis, récupérer l'ensemble des pouvoirs relatifs à la sélection et à l'accueil de toutes les populations immigrantes. Il faut que ces pouvoirs aient une assise juridique ou constitutionnelle solide pour n'être pas soumis aux aléas réglementaires ou à des sursauts politiques.

Ensuite, il faut se doter des moyens financiers et de programmes adéquats pour accueillir et intégrer les nouveaux arrivants. Nous devrions pouvoir compter en partie, à ce chapitre, sur des sommes récupérées du fédéral après les économies réalisées en éliminant certains programmes concurrents à cause de la présence de deux paliers gouvernementaux, ce qui permettra au Québec d'augmenter, entre autres, les ressources disponibles pour la francisation. Il faut impérativement en arriver ici à une meilleure adéquation entre l'offre et la demande. Il faut davantage de cours de français offerts plus rapidement à une clientèle plus nombreuse. Nous rejoignons l'énoncé sur ce point pour affirmer que le fait français demeure l'élément le plus significatif de la spécificité québécoise.

Cet objectif est d'ailleurs inclus dans ce contrat moral qui nous est proposé à tous, population d'accueil et immigrants. Nous avions l'habitude d'entendre peu parler de la réciprocité des droits et des devoirs, pour la société d'accueil aussi bien que pour les membres des communautés culturelles. Les droits demeurent et c'est essentiel; ils sont d'ailleurs garantis par les lois québécoises. Le Québec a une tradition qu'il conserve bien vivante à ce chapitre. Mais aux droits que nous avons correspondent aussi des devoirs. Parmi ces devoirs, celui d'accepter les grands principes affirmés collectivement et qui

sont: le français, langue commune de la vie publique, une société démocratique où la participation et la contribution de tous sont favorisées, une société pluraliste dans les limites qu'impose le respect des valeurs démocratiques.

Comme communauté d'origine immigrante, nous sommes particulièrement conscients que l'immigration comporte des devoirs. Nous acceptons ces devoirs. Nous tenons cependant à réaffirmer le fait que le concept de réciprocité est pour nous un concept fondamental qui est à la base même du contrat moral suggéré.

Nous tenons aussi à affirmer que nous ne considérons pas l'immigration comme un privilège. Après tout, n'avons-nous pas contribué à l'édification du Québec, et les futurs immigrants ne contribueront-ils pas tout autant au développement de notre société? Le Québec sélectionne les immigrants en fonction de ses besoins. Parler de privilège, comme le fait l'énoncé, nous paraît être une négation de la réalité.

Une intégration réussie. Il faut préciser que nous ne ferons preuve ici d'aucun excès de fausse modestie. Permettez-nous de vous rappeler que la communauté italo-québécoise, forte de 250 000 personnes, constitue à la fois l'une des plus anciennes communautés culturelles du Québec et la mieux intégrée. Nous avons, ici même en Amérique, une histoire qui remonte aux débuts de la colonie. Sans remonter à Christophe Colomb ou à Giovanni Caboto, nous voulons rappeler qu'un certain nombre de citoyens originaires de la péninsule italienne ont compté parmi les premiers Européens à développer ce pays. Si bien que l'un des nôtres s'est retrouvé sur les plaines d'Abraham, Bourlamacchi, comme général en chef adjoint de Montcalm.

Mais c'est évidemment le début de l'industrialisation de Montréal qui donne le signal de départ à une immigration beaucoup plus massive, arrivant par vagues successives jusqu'à la fin des années soixante. C'est ainsi que vos grands-parents se sont peut-être retrouvés avec les nôtres sur les chantiers de construction ou dans les premières grandes usines de Montréal comme simples journaliers, car la première immigration était constituée de paysans pauvres, en quelque sorte descendus en ville eux aussi, pour gagner les quelques sous qui permettraient de faire vivre leur famille.

Le Québec a beaucoup changé. Notre communauté a beaucoup changé. La communauté italienne est mieux instruite, elle compte toujours un grand nombre de travailleurs qui contribuent à la vie économique du Québec. Elle compte aussi des professionnels, des entrepreneurs, des ministres, des chefs d'entreprises et des créateurs.

En même temps, en dépit de notre intégration, dont témoigne aussi le grand nombre de mariages interethniques, notre communauté a réussi à se conserver bien vivante. Nous avons nos institutions qui enseignent la langue italienne et dispensent des services, des journaux, des émissions de radio et de télévision qui nous informent en italien, des créateurs qui continuent de s'alimenter aux sources de leurs origines.

Nous avons le sentiment d'avoir réussi comme communauté: intégrée mais vivante. C'est que nous avons été non seulement reçus dans ce coin d'Amérique mais acceptés avec nos différences. Il faut reconnaître ici le sens de l'hospitalité, l'ouverture d'esprit dont a témoigné la communauté d'accueil, notamment par ses programmes de valorisation des cultures d'origine et d'échanges interculturels. C'est beaucoup à cause de ces qualités du peuple québécois que nous avons le sentiment aujourd'hui de faire pleinement partie de ce peuple. Nous nous sentons Québécois à part entière et nous entendons le rester, quels que soient les choix politiques que nous effectuerons collectivement.

Nous voulions vous proposer ce témoignage aujourd'hui, mais aussi vous offrir notre collaboration dans la mise en oeuvre de la politique d'immigration et d'intégration.

Le Québec s'est bâti en partie grâce à l'apport des communautés culturelles. La communauté italienne a apporté, à ce chapitre, une contribution qui est particulièrement significative. Nous pensons qu'il faut reconnaître publiquement par des campagnes d'information adéquates cet apport des communautés. Cette reconnaissance peut se faire aussi par une meilleure utilisation par les institutions publiques des ressources humaines de ces communautés. Il nous paraît étrange à cet égard que les membres de la communauté italienne ne fassent pas l'objet d'un recrutement systématique dans le cadre des programmes d'accès à l'égalité du gouvernement, alors même que les membres de cette communauté sont nettement moins présents dans la fonction publique que d'autres groupes d'implantation beaucoup moins ancienne. Il y a là une négligence que d'autres paliers de gouvernement, d'autres institutions, ont heureusement su éviter.

Reconnaissance encore que le maintien de l'appui aux organismes qui oeuvrent bénévolement au sein des communautés. L'énoncé s'engage moins à ce sujet. Il y a pourtant une force mobilisatrice, une banque de ressources et d'expertise qui pourrait être mise à contribution dans la mise en oeuvre de la politique, peut-être même pour l'accueil de nouveaux arrivants d'autres communautés.

Le Québec nous tient à coeur. Il ne faut pas craindre l'immigration. Nous avons la prétention d'en être la preuve vivante. Nous avons la capacité, tous ensemble, si nous nous en donnons les moyens, d'accueillir et d'intégrer harmonieusement ceux qui nous viendront d'ailleurs. Nous vous offrons notre collaboration.

Le Président (M. Gobé): Je crois comprendre que vous avez terminé votre présentation, M. Folco. Je vous remercie et je vais maintenant

passer la parole à Mme la ministre de l'Immigration.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Merci beaucoup pour votre présentation, M. Folco. Votre mémoire fait état de l'intégration de la communauté italienne avec beaucoup d'éloquence et avec justesse, Je pense. On doit même vous féliciter justement pour le sentiment d'appartenance à la société québécoise. Vous acceptez d'emblée le contrat moral dans l'énoncé de politique et je dois vous dire, avec raison, que c'est la première fois, finalement, qu'un gouvernement définit ce qu'on pourrait appeler le contrat moral. C'est-à-dire qu'H veut qu'on fasse connaître nos attentes, par exemple, aux personnes qui désireraient venir s'établir au Québec. Aussi, je pense qu'il est tout à fait normal que la société d'accueil soit en droit de s'attendre à ce que les immigrants et leurs descendants s'ouvrent au fait français et qu'on sente les efforts nécessaires à l'apprentissage de la langue française. Et je vois que ce sont deux points sur lesquels vous insistez.

Juste pour peut-être répondre à la question de privilège, lorsque, dans notre énoncé de politique, nous parlons de l'immigration comme étant un privilège, c'est dans le sens que, comme gouvernement, nous avons des choix. Nous pouvons faire des choix qualitatifs et quantitatifs. Nous sélectionnons quand même à partir de certains niveaux que nous déterminons à l'avance; donc, il nous apparaît à ce moment-là que c'est un privilège pour un gouvernement de faire des choix, par exemple, à l'étranger. Une fois, bien sûr, que la personne est arrivée ici, ce n'est plus cette question de privilège mais c'est davantage, par exemple, à l'étranger. Lorsqu'on considère que vous avez des milliers et des milliers de personnes qui désireraient venir s'établir au Québec, nous considérons que le fait, pour un gouvernement, de choisir et de contrôler justement cette admission, c'est pour nous un privilège. C'est dans ce sens-là.

Vous acceptez d'emblée, comme je le mentionnais tout à l'heure, dans votre mémoire, le contrat moral Incluant le fait français. Ce que je trouve particulièrement intéressant et stimulant, c'est que vous avez beau avoir vos propres institutions comme communauté italienne, vous avez beau avoir aussi vos propres services, vos propres journaux, vous jugez cependant fondamental d'être en lien constant avec les Québécois et les Québécoises de vieille souche. Vous démontrez aussi qu'il est possible d'être fier de ses origines tout en étant un Québécois tout à fait intégré et épanoui. C'est un contraste que l'on sent avec un autre discours qu'on entend encore et qui veut que les Québécois des communautés culturelles ne pourront jamais avoir un sentiment d'appartenance au Québec aussi fort que celui des Québécois de souche française. Est-ce que vous avez quelque chose à leur répondre à cet effet-là?

Le Président (M. Gobé): M. Folco.

M. Folco: II me semble évident que l'aspect identification à la société québécoise est en partie lié à la durée d'implantation au Québec. En 1970, à un sondage où on parlait d'indépendance du Québec - j'utilise cet élément simplement à titre d'exemple - environ 24 % à 25 % des répondants avaient déclaré que, dans le cas de l'indépendance, ils quitteraient le Québec. En 1980, au même sondage, il y en avait moins de 15 %. Je parle de membres de la communauté italienne. Aujourd'hui, il est évident que le pourcentage serait probablement encore plus faible. (10 heures)

C'est une communauté qui, au fil des années, s'est implantée de façon solide. Je pense qu'une des raisons pour lesquelles cette communauté s'est particulièrement bien implantée, c'est le nombre d'interactions qu'elle a avec la majorité francophone; que ce soit dans le milieu des affaires, dans l'environnement urbain, dans la vie de quartier, que ce soit dans le quotidien, en termes de besoins de consommation ou autres, il y a des points de contact fréquents et réguliers. Je pense qu'il est évident que ça a grandement aidé à percevoir, à mieux comprendre. Parce que nous prétendons qu'un des éléments clés dans cette problématique, c'est de connaître l'autre, que les modifications d'habitudes culturelles ou le développement d'une culture commune ne se fait que par des échanges à caractère relativement continu. Et je pense que, dans le cadre de la communauté italienne, c'est quelque chose qui se produit. Je ne veux pas dire, et je ne voudrais pas qu'on interprète mes paroles comme étant des paroles qui voudraient signifier que tout est réglé. Ce n'est pas le cas.

D'ailleurs, je ne veux pas dire qu'il n'y a pas de problème de perception de la société québécoise à l'intérieur, par rapport... Dans notre communauté, il y a encore une perception qui n'est pas toujours nécessairement celle qu'on vous donne ce matin dans ce mémoire. Cependant, ce sont des perceptions qui se marginalisent de plus en plus. Ce qu'on peut vous dire à ce stade-ci, c'est une perception globale. C'est évident que, dans toute communauté, il y a des éléments. Ce n'est pas une communauté homogène. C'est une communauté qui est loin d'être monolithique. Mais il nous a semblé que le succès de l'intégration de cette communauté-là est basé en grande partie sur le partage d'expériences communes, et ça a pris un certain nombre d'années pour que ça se développe.

Le Président (M. Gobé): Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Qu'est-ce qu'on peut faire pour changer ça? Quel est le meilleur

moyen de susciter chez les communautés culturelles un véritable sentiment d'appartenance au Québec?

M. Folco: Si vous permettez, je vais me permettre une brève digression en répondant à votre question. Je crois que nous avions interprété la question de privilège dans le document tel que vous nous l'avez énoncé. C'est volontairement que nous avons inclus ce concept, cette phrase dans le document. Il nous paraissait évident que, dans le cas de l'énoncé, on parlait de privilège en termes de sélection. Nous avons réagi à ce terme parce que c'est un terme qui est trop fréquemment utilisé. C'est un terme qui est trop fréquemment utilisé, même encore au Québec aujourd'hui. Et c'est un terme qui colore la perception des membres des communautés culturelles.

La raison pour laquelle j'ai fait cette digression, c'est qu'en fait nous prétendons qu'au niveau de cette intégration le concept de réciprocité dont nous avons parlé est un concept fondamental. J'avoue que si, dans le document - et ce n'est pas une critique du document - il y avait un point qui nous semble à ce stade-ci devoir susciter une plus grande élaboration, c'est toute la problématique d'intégration des communautés culturelles, des membres des communautés culturelles, surtout des communautés culturelles bien établies.

Autant nous avons trouvé que tout l'aspect immigration est traité d'une façon exhaustive, autant nous aurions souhaité peut-être que certaines thématiques soient plus élaborées. Encore là, je me permets cette digression pour en arriver à votre question. Pour que les membres d'une communauté culturelle se sentent intégrés au Québec, même si, dans l'énoncé, on affirme que l'immigrant... Dans notre cas, il y a très peu d'immigrants d'origine italienne qui sont arrivés au Québec depuis 10 ans; il y en a vraiment fort peu. C'est une communauté bien établie. Dans l'énoncé, on affirme que, dans le fond, l'intégration, c'est en grande partie la responsabilité de l'individu.

Nous pensons que c'est une vision qui est un peu segmentaire. Ce n'est qu'une des réalités. L'intégration se fait en fonction de l'individu, en fonction de la communauté, de la force, de l'ouverture de la communauté au Québec, mais elle se fait aussi dans la réciprocité. Il est évident... Il faut être franc; dans le cas de la communauté italienne de Québec, c'est une communauté - je vous ai donné le chiffre - de 250 000 personnes. En réalité, du point de vue démographique et du point de vue du recensement, ce doit être 180 000; mais quand on ajoute l'ensemble de ceux d'origine italienne on peut arriver à environ 250 000. Il faut être franc, la montée de la communauté italienne et son intégration, c'est un peu en parallèle avec ce qui s'est passé chez les francophones du Québec.

Cette intégration est passée par la mise en place de structures économiques fortes. La communauté italienne s'est de plus en plus intégrée au milieu francophone, au fil des années, quand elle a développé un véritable rôle économique fort au Québec.

Ce que je veux dire par cela, c'est que plus les individus ont une part et un intérêt dans le système socio-économique dans lequel ils vivent, plus leur tendance à s'intégrer est forte. Des centaines d'entrepreneurs italiens, qui ont comme partenaires des francophones, se sont assurés que, dans leur entreprise, le personnel spécialisé soit francophone. Ils ont engagé des MBA qui proviennent de l'Université de Sherbrooke ou de l'Université de Montréal ou même de McGill. Ces gens-là, graduellement, se sont mis au courant de la culture économique québécoise.

Dans d'autres domaines, par certains côtés, le succès engendre le succès. Et je pense que ce qui a changé dans le cadre de la communauté italo-québécoise, c'est que c'est une communauté qui a un poids numérique, une importance économique et une implication dans les domaines culturel et social suffisant pour avoir pris fait et cause pour la majorité. Et je pense que le même phénomène peut et doit se produire chez d'autres communautés et se produira probablement très rapidement chez d'autres communautés.

Le Président (M. Gobé): Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Votre communauté étant bien établie, est-ce qu'elle serait prête à aider des communautés nouvellement arrivées, nouvelle vague? Parce qu'on sait très bien que, lorsque vous êtes arrivés, il y a bien longtemps, le flux migratoire n'était pas le même qu'il ne l'est maintenant; aujourd'hui, notre immigration provient davantage du Moyen-Orient ou encore des pays asiatiques. Est-ce que votre communauté pourrait nous aider dans ce défi d'aider aussi des communautés nouvellement arrivées, plus récentes?

M. Folco: C'est un peu ce qu'on suggère dans ce document. Si vous me le permettez, je vais laisser mon collègue répondre à cette question.

Le Président (M. Gobé): M. Trozzo.

Mme Gagnon-Tremblay: Et de quelle façon on pourrait le faire?

M. Trozzo: Disons que, étant le président des services communautaires, je vois fort bien comment la communauté italienne s'est organisée pour assurer à nos membres ce qu'on appelle aujourd'hui communément le confort culturel. Et je crois que notre communauté, la communauté italienne, s'est bien intégrée à la société québécoise, au point de pouvoir maintenant être d'une

aide précieuse pour pouvoir à son tour être une communauté d'accueil. Comme on l'a dit dans notre mémoire, Mme la ministre, depuis une dizaine d'années, le gouvernement se soucie beaucoup de cet aspect intégration. On nous a dit que nous étions autant de façons d'être Québécois et, aujourd'hui, on reconnaît cette façon différente de l'être tout en étant des Québécois à part entière.

Donc, notre communauté, la communauté italienne... Tout à l'heure, vous posiez une question, à savoir si elle était bien intégrée et, si oui, pourquoi; et, sinon, ce qu'on pourrait faire davantage. Moi, je serais porté à croire que nous vous suggérons une série de mesures pour ce qui est de l'immigration. Ce n'est pas le cas de la communauté italienne, nous sommes au stade des communautés culturelles, maintenant; enfin, on nous appelle comme ça. Ce que je voudrais dire par là, c'est qu'il faudrait être soucieux maintenant de nous reconnaître comme étant des Québécois à part entière; et cette reconnaissance comporte une série de mesures. À notre tour, si nous avons ce sentiment d'être des Québécois à part entière, pourquoi ne pas être un instrument d'accueil pour ceux qui sont des immigrants et ne sont pas encore intégrés à cette société-là? Être donc cet outil qui, comme des Québécois à part entière, contribue à l'accueil et à l'intégration de ces nouveaux arrivants.

En conclusion, je voudrais dire comment. C'est en assurant ce qu'on appelle le confort culturel. Pour moi et pour nous, ça nous paraît fort important, cette notion de confort culturel où on se sent très bien en s'exprimant en français, où on se sent très bien en ayant des "partnerships" avec des gens de vieille souche, mais aussi où on se sent culturellement à l'aise dans ce que sont nos racines et nos traditions, parce que nous y tenons.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Trozzo. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Saint-Jacques...

M. Boulerice: Sainte-Marie-Saint-Jacques, M. le Président de séance.

Le Président (M. Gobé): ...Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: On m'a ajouté un saint, ce qui fait que je suis sous bonne garde.

Le Président (M. Gobé): Vous avez 23 minutes pour votre formation politique. Par la suite, avec le consentement de la commission, je reconnaîtrai M. le député de Viau. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Je vous dirai très brièvement, très sincèrement "cari amici". Mais je n'irai pas plus loin en italien; je risque de m'exposer à des corrections grammaticales de la part de mon ami et collègue, le député de Viau. Quand on a vécu un certain temps à Torino et qu'au moment du retour on s'est établi au coin de Duplessis et de Lapierre, je pense qu'on connaît un peu la communauté italienne. Je vous ai lu, je viens de vous entendre et je ne peux pas m'empêcher de vous dire que, compte tenu de l'immense affection qu'il avait pour la communauté italienne, celui qui, aujourd'hui, serait sans aucun doute le plus heureux de vous entendre est mon président fondateur, M. Lévesque. Parce qu'on voit dans votre discours ce long cheminement qu'a fart la communauté italienne au Québec. Un cheminement... J'ai peur que les Québécois, entre guillemets - c'est l'appellation un peu humoristique qu'on emploie - "tuque et bas de laine" malheureusement, ne saisissent peut-être pas tous dans toute son ampleur. Il nous restera, à nous, de la propager, cette tongue - j'emploierai le mot "mutation", si vous me le permettez.

Mme la ministre, tantôt, vous disait: Mais comment on fait pour s'intégrer? J'aurais le goût de lui répondre: Mais on pourrait également poser la question à mon bon ami, Marco Micone, qui est probablement un de ceux qui a le plus enrichi l'écriture théâtrale québécoise. Né en Italie, arrivé ici au début de l'adolescence, Marco Micone nous renvoie un portrait de nous-mêmes, tuque et bas de laine, qui est fort intéressant puisqu'il est vu, comme je le dis toujours, avec des lunettes différentes des nôtres. Mais je me retrouve dans le portrait qu'il dresse de moi, donc de sa nouvelle société d'accueil. Je pense qu'il y a là un très bel exemple de ce que peut être l'intégration.

Je ne peux quand même pas m'empêcher aussi de penser... Parce que, quand on oublie le passé, on est condamné à le revivre. Il n'y a pas si longtemps, un fameux rapport, qui s'appelait Laurendeau-Dunton, nous classait, nous, Québécois de vieille souche, tuque et bas de laine, et vous, issus de la communauté italienne, les deux communautés, tout au bas de l'échelle sociale et économique dans ce pays qui est le nôtre, je dis. C'est un pluriel et non pas un possessif ethno-centrique que j'ai pour moi. Donc, je pense que s'il y a deux communautés qui, de par l'histoire, sont prédestinées peut-être à s'entendre, plus facilement en tout cas, je pense que c'est nos deux communautés.

Après ce petit préambule qui est toujours la marque de commerce des députés - c'est l'expérience de la Chambre - vous dites... Et c'est là la question que j'aimerais vous adresser... enfin, une des questions que j'aimerais vous adresser. En page 5 de votre mémoire, vous affirmez que le Québec doit récupérer l'ensemble des pouvoirs relatifs à la sélection et à l'accueil de toutes les populations immigrantes. Est-ce que vous croyez que l'entente intervenue en décembre dernier est, suffisante à cet égard, compte

tenu que dans l'entente, c'est toujours un pouvoir partagé, l'immigration? Il y a de l'argent du fédéral, certes, mais à la condition que le Québec respecte intégralement ce qui est décidé à Ottawa. Donc, on ne peut pas se donner la marge de manoeuvre que l'on souhaiterait. Est-ce que vous jugez cela suffisant? (10 h 15)

Le Président (M. Gobé): M. Folco.

M. Folco: Nous considérons que cette entente est un pas extrêmement important. Un pas important et significatif qui règle une quantité de problèmes. Ce que nous souhaiterions, cependant, c'est que, dans certains champs particuliers, il y ait une possibilité de mise en place de critères communs. Et nous parlons en particulier de toute la problématique des réfugiés, de la problématique des réunifications de familles dans le contexte constitutionnel canadien, et je parle dans le contexte actuel. Je pense qu'un certain nombre de critères devraient peut-être être élaborés de façon plus spécifique pour le Québec, être reconnus à l'intérieur de l'ensemble des critères qu'applique le gouvernement fédéral.

Ce que nous voulons dire, en fait, c'est que la nouvelle entente Gagnon-Tremblay-McDougall règle probablement la majorité des aspects problématiques de la politique d'immigration. Cependant, dans les champs qui demeurent, nous souhaiterions voir le Québec exercer une juridiction totale sur ces champs en s'inscrivant dans des critères à caractère pancanadien, c'est-à-dire que... Je pense que, dans ce cas-là, c'est une question de bonne foi. Je pense que dans le cas des réfugiés en particulier - quand je parle des réfugiés, ce ne sont pas seulement ceux qui sont sélectionnés dans leur pays d'origine ou à l'étranger mais aussi ceux en attente de statut -il est évident que le nombre important des réfugiés en attente de statut et le nombre important de réfugiés sélectionnés à l'étranger viennent influencer de façon importante la masse migratoire au Québec. Nous trouvons anormal que le Québec ne puisse pas influencer de façon plus directe au niveau des critères d'acceptation et nous souhaitons donc que le Québec obtienne ce rôle clé à l'intérieur de la sélection dans les champs où il n'a pas, disons, un pouvoir de sélection exclusif.

M. Boulerice: Je dois vous remercier d'avoir cette préoccupation au sujet des réfugiés. Je n'ai pas cessé, depuis le début de la commission, de ramener le sujet parce que je ne vous cacherai pas ma crainte que ce volet extrêmement précis soit malheureusement oublié. Est-ce que vous croyez qu'en se basant sur les traités internationaux - je crois que c'est la Convention de Genève, si la mémoire m'est fidèle - le Québec pourrait se donner une politique à ce niveau-là, sans ingérence et interférence du gouvernement fédéral, pour se camper nettement?

M. Folco: C'est pour ça que j'ai utilisé, tout à l'heure, le concept de bonne foi, en fait. Je pense que les critères actuellement utilisés par les fédéraux, par le gouvernement fédéral, et les critères utilisables dans un autre contexte par le Québec, seraient probablement relativement similaires. Un réfugié, c'est un réfugié. C'est une personne qui est en situation de danger physique ou de danger d'oppression mentale ou autre. Sauf que je préférerais, tout en étant conscient que ces critères seraient probablement similaires - parce que tout le monde, tous les pays du monde qui accueillent des réfugiés, sans exception, font appel aux accords de Genève - je souhaiterais, pour la valeur symbolique de la chose, que ce pouvoir soit rapatrié au Québec. Je ne m'attends pas nécessairement à ce que les critères québécois soient différents des critères appliqués un peu partout dans le monde pour l'accueil des réfugiés.

M. Boulerice: Ne croyez-vous pas que le Québec - et quand je dis le Québec, je dis tous ses gouvernements, l'actuel comme tous les précédents - a une perception différente du phénomène des réfugiés, différente de celle d'Ottawa? Je vous donne un exemple, M. le Président, et qui m'a énormément choqué. Savez-vous que l'automne dernier le gouvernement fédérai canadien a imposé la demande de visa d'entrée au Canada à une députée élue de la nouvelle démocratie chilienne pour venir effectuer une visite au Québec? Avouez que plus rigide que cela, on meurt.

M. Folco: II y a certaines personnes vivant...

M. Boulerice: C'est poussé fort, c'est odieux.

M. Folco: ...pas très loin.

M. Boulerice: Je m'excuse, M. le Président, pourriez-vous demander à M. le député de Richelieu de bien vouloir réserver ses commentaires à la fin de la commission ou de les faire en particulier?

Le Président (M. Gobé): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, continuez. Je n'ai rien entendu. Alors, j'aimerais que vous continuiez de procéder. Il vous reste exactement 13 minutes, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Folco: En fait, il nous incombe un champ qui est un peu particulier. Il est évident qu'il y a des gens... Vous pariez des députés chiliens, mais il y a des personnes qui vivent

très près de nous, des Américaines, des Américains, qui sont parfois refoulées aux frontières pour des raisons dites politiques. Je pense que l'exemple que vous nous donnez dépasse un peu le cadre de l'actuelle présentation. J'avoue que, personnellement, j'ai tendance à être d'accord avec vous. Cependant, ça dépasse nettement les critères d'exclusion politique qu'applique le gouvernement canadien. Ce sont des critères peut-être à revoir, mais qui ne sont pas liés, je pense, à l'accueil des réfugiés ou a l'immigration.

M. Boulerice: Dans votre mémoire, vous n'abordez pas de façon spécifique la question de la régionalisation de l'immigration et Dieu seul sait pourtant que s'il y a une communauté qui l'a pratiquée et, surtout, qui l'a réussie, c'est bien la vôtre.

M. Folco: C'est une omission volontaire, j'avoue. Les omissions disent parfois autant que ce qui est écrit. Nous sommes convaincus que la régionalisation passe par le dynamisme économique des régions. Pour analyser de façon sérieuse ce phénomène, il aurait fallu aller vraiment vers des recommandations et des suggestions se situant dans le domaine du développement économique régional. Il nous semble difficile, dans le cadre du regroupement des familles, ou même dans le cadre de l'immigration indépendante, de songer à régionaliser l'arrivée de nouveaux résidents au Québec s'il n'y a pas des pôles d'attraction économique extrêmement forts.

La régionalisation nous semble pouvoir être basée sur "l'entrepreneurship", sur le plein-emploi régional, sur le développement de certaines industries qui pourraient requérir des ouvriers spécialisés, mais ce n'est pas un phénomène qui, on l'avoue, nous semble pouvoir être infléchi uniquement en termes de volonté politique. Pour nous, c'est vraiment un choix individuel ou un choix de groupe basé sur l'attraction économique régionale. Tenter de le faire autrement, c'est s'exposer à se retrouver avec des collectivités faibles. Et je pense que certains cas, certains groupes de réfugiés qui sont arrivés au Québec il y a 10 ou 15 ans sont, eux, la preuve de ce que j'avance. Il y a eu une régionalisation forte à leur arrivée par le parrainage des groupes locaux. Mais, évidemment, à très court terme, il y a eu un fort attrait de l'axe urbain de la région de Montréal. Et cet attrait ne doit pas être critiqué. C'est le même attrait qui existe pour l'ensemble des Québécois. Que je sache, nul ne se scandalise quand des gens de Gaspé ou du Lac-Saint-Jean ou d'ailleurs viennent à Montréal à cause d'un pôle économique. Il ne faudrait pas être surpris si des personnes qui immigrent au Québec et qui vont s'installer à Arvida, arrivent un jour à Montréal si la situation économique à Arvida est un peu moins alléchante. La communauté italienne s'est régionalisée mais elle s'est régionalisée à l'intérieur de secteurs économiques; elle ne s'est pas régionalisée par souci d'essaimer à travers le Québec. Elle s'est régionalisée parce qu'il y avait des opportunités, des possibilités de développement, de travail, de mise en place d'entreprises, petites ou moyennes. Nous sommes convaincus que c'est vraiment la voie de l'avenir, mais ça aurait exigé vraiment une section peut-être plus longue encore que le mémoire que nous avons présenté aujourd'hui.

M. Boulerice: On s'attriste du dépeuplement de la Gaspésie, du dépeuplement même du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Je pense que c'est tragique de voir des régions se vider. Je donne un exemple: Je dis que Québec est la tête puisque c'est la capitale; Montréal, c'est les poumons. Mais si ce corps qu'est le Québec voit ses membres atrophiés, quelle société allons-nous avoir? Donc, à partir de cette régionalisation d'ordre économique que vous avez faite, si la communauté italienne - qui se dit d'ailleurs prête à être une société d'accueil puisqu'elle est déjà ici depuis plus de deux siècles - à travers cet "entrepreneurship" et les aspects économiques qui sont forcément sous-entendus à l'intérieur de cet énoncé-là, va vers les régions, ne pourrait-elle pas aider à cette régionalisation, c'est-à-dire à ce repeuplement de régions comme la Gaspésie, le Bas-du-Fleuve, la Côte-Nord, le Saguenay-Lac-Saint-Jean et l'Abitibi-Témiscamingue, qui sont des terres extraordinaires?

M. Folco: Je pense qu'il est évident que le milieu des affaires italo-québécois serait certainement intéressé à participer à une telle opération. Je tiens à dire, cependant - et c'est une remarque qui est un peu critique - que nous considérons que les efforts pour attirer les nouveaux investisseurs, les industriels et les entrepreneurs venant d'Italie sont nettement insuffisants. Je fais cette remarque-là. Je sais que vous, dans votre cas, vous parliez de la communauté déjà établie ici. Je considère qu'en termes de développement économique la communauté italienne, la communauté italo-québécoi-se, la communauté d'origine italienne - les noms sont toujours difficiles à trouver - est collée de très près à la majorité francophone. Je pense qu'elle peut participer et, dans certains cas, prendre même des rôles de leadership dans certains secteurs industriels. Mais je pense qu'elle va certainement participer et de plain-pied à tout effort de régionalisation économique. Je pense que les hommes d'affaires d'origine italienne sont aussi intéressés que n'importe quel autre homme d'affaires au Québec à développer en région une base industrielle forte.

La remarque que je faisais par rapport à la sélection se situe dans un autre ordre. Nous prétendons que l'Italie, en tant que pays d'émigration - il n'y a plus d'immigrants qui arrivent ici; il y en a très peu en provenance d'Italie - a

un bassin d'investisseurs potentiels; il y a un bassin de transferts technologiques, il y a un bassin peut-être - je m'excuse du terme anglais - de "joint venture1" d'entreprises conjointes, qui est nettement sous-exploité. Quand j'entends dire que l'Italie sera peut-être, au ministère des Affaires internationales, une priorité de deuxième rang, j'avoue que ça me surprend énormément. (10 h 30)

Je considère que nous ne tenons pas suffisamment compte au Québec des communautés installées depuis plusieurs années; je ne parle pas uniquement de la communauté italienne. Il s'est créé un clivage actuellement dans la perception publique. Les communautés installées depuis un certain nombre d'années, qui se sont intégrées, qui se sont développées et qui, de toute façon, se sont dotées de leurs propres forces, de leurs propres structures et de leurs propres institutions ne sont pas suffisamment sollicitées, ni au Québec, ni au niveau de leur rôle possible de pont avec leur communauté d'origine, dans leur pays d'origine. Et, je l'avoue, je n'ai absolument rien contre la priorité qui est accordée aux groupes d'immigration récente; en termes sociaux, en termes de besoins criants et pressants, ce sont des besoins prioritaires.

Sauf que je trouve dommage que, dans la perception qui se dégage depuis plusieurs années, les communautés plus traditionnelles qui pourraient collaborer, contribuer dans un certain nombre de champs et où il existe des expertises au Québec, mais, en plus, dans des pays comme l'Italie, la Grèce - il y a toute une série de pays que je pourrais nommer; je pourrais même me centrer uniquement sur les pays de forte industrialisation... Quand on dit que l'Italie est la cinquième puissance industrielle mondiale, quand on dit que l'Italie, actuellement, fait des investissements importants à l'étranger, je suis surpris de voir l'importance qui est accordée au recrutement des gens d'affaires, au recrutement d'investissements, au recrutement de personnes dans le domaine de la haute technologie. Et, dans le cadre de la régionalisation, on pourrait non seulement compter sur ce qui existe au Québec, mais on pourrait compter sur ce type d'entreprises venant de l'extérieur.

M. Boulerice: Je suis heureux que vous teniez ces propos parce que j'ai bien peur qu'il y ait effectivement encore une certaine perception, entre guillemets, folklorique de l'Italie, peut-être amenée par un certain cinéma d'une côte ouest, quelque part. Parce que vous avez pertinemment raison. L'Italie est une grande puissance industrielle; elle appartient d'ailleurs au groupe des sept. Et on ne l'a pas invitée au groupe des sept histoire de fleurir le décor, mais bien parce que ça correspondait à une réalité.

La dernière question que j'aimerais vous poser. Vous avez dit: Oui, nous voulons être une terre d'accueil. Enfin, je pense qu'il y a une vision très large chez vous, qui me plaît, mais il y a une dernière question que je veux vous poser. La ministre parle de contrat social. Comment respecte-t-on un contrat social? Dans une société aussi juridique que la nôtre, comment respecte-t-on ça, un contrat... un contrat moral, dis-je, plutôt? Comment est-ce qu'on respecte ça, un contrat moral? Je ne sais pas si on est en train de faire du droit nouveau. Je suis ouvert à bien des avenues, mais respecte-t-on un contrat moral?

M. Folco: Dans un domaine que vous connaissez fort bien, M. Boulerice, parce que je sais que vous avez oeuvré dans ce milieu-là pendant des années, nous pourrions parler d'évaluation "critériée". C'est que je pense que, pour évaluer le respect d'un contrat moral, il faut un certain nombre de critères. Je pense que l'énoncé donne des principes généraux de respect. Je parle d'évaluation "critériée" pour tenir compte d'un aspect; c'est que le respect d'un tel contrat doit tenir compte de la nature évolutive dans l'intégration; il doit aussi tenir compte, je pense, que toute évaluation doit avoir un caractère global parce qu'il y aura toujours des individus, à l'intérieur de toute communauté, qui ne pourront pas se retrouver entièrement à l'intérieur d'un tel contrat.

J'avoue - et c'est pour ça que j'insiste tellement sur l'aspect réciprocité - qu'il va falloir en arriver, au Québec - et quand je parle du Québec, c'est pour l'ensemble des habitants du Québec - à accepter que le Québec est une société pluraliste, et que c'est une société où se développe une culture nouvelle, une culture que nous pourrions appeler de convergence. Il y aurait divers termes possibles, mais il y aurait certainement une culture nouvelle et je pense que la région métropolitaine en est l'exemple.

Quand je parle de culture, je parle de culture dans son sens le plus vaste, que ce soit du point de vue littéraire, que ce soit du point de vue architecture; il y a une culture du quotidien, même, qui est nouvelle. Je fais cette remarque pour dire que nous ne pourrons pas, à long terme, évaluer le respect de ce contrat moral, ni pour l'ensemble de la population, ni pour les communautés culturelles, si une telle évaluation ne peut se faire à court terme. Il va falloir voir dans les prochaines années jusqu'où, jusqu'à quel point la société québécoise, qui se dit pluraliste, va accepter d'installer dans ses institutions et dans le quotidien un pluralisme réel. C'est bien beau de parler de pluralisme. Il y a certaines affirmations dans l'énoncé qui pourraient être sujettes à nuances. On dit, par exemple, que l'intégration, c'est quand une personne peut fonctionner dans tous les cadres, dans les cadres économiques, dans les cadres politiques, etc. Le pluralisme, qui est un principe, qui est un énoncé, devra être vérifié annuelle-

ment, mensuellement, quotidiennement, en le comparant à l'acceptation des Québécois en général. Pour les membres des communautés, ça va nous prendre quelques années.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Folco. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, c'était là malheureusement tout le temps que vous aviez et un peu plus même, d'ailleurs. La présidence a fait preuve de largesse dans votre cas.

M. Boulerice: Je vous en suis reconnaissant.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Avant d'aller un peu plus loin, j'aimerais requérir le consentement de la commission car vous savez que tout député qui n'est pas membre de cette commission peut intervenir à condition d'en avoir le consentement. J'ai reçu la demande de M. le député de Viau et de M. le député de Sauvé pour des courtes interventions sur le temps encore disponible du côté de la majorité. Je requiers donc le consentement de cette commission pour que nos deux éminents collègues puissent participer. Y a-t-il consentement?

M. Boulerice: Je me sentirais odieux de refuser ce consentement.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. En vertu du consentement de cette commission, MM. les députés de Viau et de Sauvé, vous pourrez intervenir. On va commencer par M. le député de Viau. Il reste à peu près une dizaine de minutes.

M. Cusano: Merci, M. le Président. Je serai très bref. Je veux remercier mon collègue de Sainte-Marie-Saint-Jacques pour sa collaboration. On a travaillé ensemble. Je veux seulement le remercier de m'avoir donné le droit de parole ce matin. En retour, je lui promets de ne pas faire de commentaires sur ses interventions.

Ce que je peux dire de ce qui a été dit ici et qu'on entend un peu partout, c'est que je suis particulièrement fier, M. le Président, de constater que tout le monde est d'accord sur le fait que la communauté italienne est extrêmement bien implantée au niveau économique. Nos plus grands employeurs dans la région de Montréal et ailleurs au Québec sont d'origine italienne. Au niveau social, nous savons le grand travail qui est fait par le Congrès national des Italo-Cana-diens ainsi que par d'autres organismes qui travaillent au milieu de la communauté italienne. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques faisait référence à M. Micone qui, certainement, contribue beaucoup à la culture du Québec. Et, au niveau politique, la communauté italienne est présente à tous les niveaux de gouvernement, que ce soit scolaire, que ce soit municipal, ici au Québec et au fédéral. Je suis content qu'on soit d'accord sur ces points-là.

Ma question sera très brève. Premièrement, j'aimerais vous remercier d'être ici ce matin, de votre présence, et particulièrement vous remercier de l'excellence de votre mémoire. Ma question est très brève. C'est pour savoir comment vous pouvez expliquer le fait que, lorsqu'on parle d'intégration dans le milieu scolaire, particulièrement chez les enseignants dans les dernières années, il y a une très grande intégration qui s'est faite. Il y a une grande présence de professeurs, de directeurs, de cadres dans les milieux des commissions scolaires qui sont d'origine italienne. Je ne pourrai pas vous citer des chiffres présentement mais ceux qui sont de la région de Montréal ou d'ailleurs peuvent facilement constater que c'est un grand nombre.

Mais Iprsqu'on parle de la fonction publique, on est sous l'impression que les gouvernements qui se sont succédé ont toujours fait certaines approches. Mais, au bout de la ligne, il semble qu'il y a très peu - si on parle particulièrement des jeunes ou des gens de la communauté italienne - de ces gens-là qui trouvent un emploi au niveau de la fonction publique. Comment expliquez-vous le fait que, du côté des enseignants, du milieu scolaire, il y ait une très grande pénétration et, du côté de la fonction publique, selon certains, cette poussée n'est pas aussi évidente?

M. Folco: Je vais me permettre, M. Cusano, de répondre d'une façon un peu lapidaire. Un agent immobilier que je connais m'a déjà dit: Dans le domaine de l'immobilier, il n'y a qu'une chose qui compte... Il y a trois choses qui comptent: localisation, localisation, localisation. Dans le domaine de la fonction publique, il y a une chose qui est fondamentale et qu'on peut aussi répéter trois fois, c'est: information, information et information. Je pense que je ne risque de choquer personne en disant que la fonction publique est en partie basée au Québec sur un système de réseaux. C'est l'évidence même, compte tenu du système scolaire que nous avons connu pendant très longtemps au Québec, un système scolaire à caractère relativement limité jusqu'aux années soixante. Tout le monde se souvient fort bien du système classique; tout le monde se souvient très bien des grandes institutions; ces institutions-là ont été la pépinière de la haute fonction publique québécoise. C'est normal, le réseau était là.

En ce qui concerne les autres paliers dans la fonction publique, c'est un peu le même phénomène. C'est un phénomène... Évidemment, ça n'explique que partiellement... Ce n'est pas la raison, peut-être même la raison principale, mais le phénomène du réseau existe, surtout dans une fonction publique concentrée prioritairement dans la région de Québec. Déjà, au départ, les membres des communautés culturelles partent avec un handicap: Leur réseau n'est peut-être pas le

même.

Le deuxième élément qui, je pense, est un élément clé, un deuxième élément qui me semble aussi extrêmement important en plus de ce manque d'information, c'est que, pendant longtemps, il y a eu le problème linguistique qui jouait. C'est un problème qui joue de moins en moins. Je pense qu'on n'a pas suffisamment axé les campagnes de recrutement sur les expertises qui se sont développées dans les communautés culturelles. Déjà, en enlevant l'obligation de résider dans la région de Québec initialement pour postuler dans certains postes, tel que le propose l'énoncé, déjà, on vient d'ouvrir une porte.

Je trouve important qu'il y ait des membres des communautés culturelles, pas uniquement parce que ça va faire des emplois, mais aussi parce qu'ils vont venir colorer la pensée de la fonction publique québécoise qui, parfois, est trop monolithique, homogène, et néglige les vrais problèmes de la région métropolitaine. Je me tais avant que M. le Président ne me chasse de la salle.

Le Président (M. Gobé): Non, non, M. Folco, au contraire, c'est très intéressant. Simplement que l'heure tourne et nous sommes déjà un peu en retard. Je me dois maintenant... Avez-vous terminé, M. le député de Viau?

M. Cusano: Je n'ai pas d'autre choix, alors je vais céder mon droit de parole au député de Sauvé.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie. M. le député de Sauvé, il reste deux minutes et demie, trois minutes.

M. Parent: Merci, M. le Président. Je vais tâcher de ne pas utiliser à mauvais escient...

Le Président (M. Gobé): Parce que d'autres groupes attendent pour être entendus.

M. Parent: ...le geste généreux de notre collègue de Sainte-Marie-Saint-Jacques en me permettant d'intervenir. D'abord, M. Folco, inutile de vous dire toute la fierté et le plaisir que j'ai de vous rencontrer ici, à cette commission parlementaire.

Je voudrais commencer par vous remercier et remercier toute la communauté d'origine culturelle italienne d'avoir répondu à l'invitation de la ministre, d'avoir répondu à l'invitation du gouvernement du Québec de venir nous aider à dévouvrir de nouvelles pistes afin que les gens des communautés culturelles, les nouveaux arrivants, puissent entrer de plain-pied à l'intérieur de la communauté québécoise en toute sérénité, en toute harmonie. Et je pense que nous devons vous remercier et vous dire toute l'appréciation que nous avons à l'égard du geste que vous avez posé en venant nous rencontrer.

Moi, je vous parle, monsieur... Ce n'est pas une question que je vais vous poser réellement, c'est plutôt un éclairage que je vais vous demander. Vous savez que je représente un comté, une circonscription électorale qui compte environ 18 % de gens d'origine culturelle italienne, des gens qui nous ont aidés à bâtir le Québec, des gens qui ont vécu chez nous en pleine harmonie, surtout dans la région de Montréal. Pour les raisons que vous avez mentionnées dans votre mémoire et dans vos réponses, on comprend pourquoi ils se sont peut-être limités à ce pôle économique et géographique qu'était Montréal. Mais je réalise quand même une chose. Sur le plan de la francophonie, sur le pian de la langue, dans votre mémoire vous souhaitez que l'on augmente les ressources disponibles pour la francisation. Remarquez bien que je suis d'accord. Et vous affirmez plus que ça. Vous dites même et je vous cite textuellement: "Le fait français demeure l'élément le plus significatif de la spécificité québécoise.

Par contre, je remarque que dans la communauté d'origine culturelle italienne, beaucoup de vos compatriotes, ou de nos compatriotes, n'ont pas su ou n'ont pas été capables ou n'ont pas, enfin, eu les moyens d'acquérir cette connaissance de la langue française. Ma question se résume à peu près à ceci: J'aimerais ça si vous pouviez nous aider à diagnostiquer pourquoi. Mais ça, le passé m'intéresse un peu moins. Mais ça nous donnera peut-être en même temps les moyens d'éviter que ça ne continue. Et c'est peut-être l'adjoint parlementaire au ministre de l'Éducation qui s'adresse à vous d'une façon plus spécifique comme ça. Alors, j'aimerais vous entendre sur ça, M. le Président. (10 h 45)

Le Président (M. Gobé): Alors, très rapidement, M. Folco, s'il vous plaît.

M. Folco: Je pense qu'il serait fort long de faire un retour historique. La situation change actuellement, et change très très rapidement dans la communauté italienne. Je pense que le fait que des membres de la communauté ont envoyé leurs enfants à l'école anglaise au fil des années, c'est un choix qui se justifiait à une époque donnée. Je n'entre pas dans les détails du système scolaire de l'époque; ce serait trop long. Et je pense que c'étaient des choix à caractère économique extrêmement justifiables, mais ce choix n'influençait pas nécessairement la qualité des rapports de ces individus avec la collectivité québécoise dans son ensemble.

Je pense que c'étaient des choix à caractère économique. Ce n'étaient pas nécessairement des choix... Ce n'était pas un rejet du fait francophone. Aujourd'hui... Une des choses que j'ai appréciée dans l'énoncé et que nous n'avons pas mentionnée dans notre mémoire, c'est l'ouverture qui est faite vers les populations adultes au

niveau de l'apprentissage du français. Les populations, traditionnellement, n'avaient pas accès à une telle formation à l'extérieur des cours d'éducation des adultes des commissions scolaires.

Je pense qu'il faut examiner toute cette problématique-ià en fonction du pourquoi les gens ont été vers des institutions de langue anglaise et, je me répète, c'étaient des décisions justifiées à une certaine époque. Mais il faut aussi se rendre compte que la situation a considérablement évolué aujourd'hui. Dans nos écoles françaises, dans l'est de Montréal, les populations atteignent aujourd'hui 30 %, 35 % d'élèves d'origine Italienne. Et il faut aussi se dire que môme chez ceux qui ont fréquenté les écoles anglaises il y a 15, 20, 30 ans, en aucun temps ils n'ont rejeté, ils n'ont refusé de parler le français. Le taux de bilinguisme est extrêmement élevé dans ces communautés. Mais, d'un autre côté, ces personnes-là qui, à un moment historique, ont pris des décisions qui se justifiaient économiquement, il est assez normal que leurs enfants, aujourd'hui - ceux qui se sont installés dans une culture plus anglophone - aient une tendance à aller dans des institutions anglaises.

H faut un peu se dire que, premièrement, môme dans les écoles anglaises, les gens parlent de plus en plus français, les jeunes acquièrent une connaissance du français. Et il faut se dire que ce n'est qu'une partie de la population d'Origine italienne qui a fait ce choix dicté dans les années cinquante et dans les années soixante par la situation que vous connaissez probablement mieux que moi, du réseau scolaire québécois. Moi, j'ai énormément d'optimisme quant au degré de francisation qui sera atteint, même chez les jeunes, dans les prochaines années.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Folco. Je dois malheureusement, sur ces bonnes paroles, vous interrompre car nous avons dépassé le temps largement. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, 15 secondes pour remercier nos intervenants, s'il vous plaît, avant que nous mettions fin aux travaux.

M. Boulerice: Je ne sais pas si c'étaient vos objectifs mais, à mon point de vue, vous en avez atteint trois de façon très admirable. Le premier est d'avoir montré cette mutation de la communauté italienne. Le deuxième est d'avoir apporté des éléments critiques, mais le mot "critique" n'a pas une connotation négative concernant ce qui nous est présenté. Le troisième est de nous avoir rapprochés, même s'il y a une séparation physique, et ça, c'est merveilleux. Donc, le quatrième qui vous reste, chers amis, ce sera probablement de faire en sorte que l'on puisse dire, nous aussi: "Québec fera dese".

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Maintenant, Mme la ministre, vous avez, vous aussi, quelques secondes pour clôturer cette intervention.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Je suis heureuse de constater que vous reconnaissez les gains obtenus par la signature de l'entente avec le gouvernement fédéral. On sait que l'Opposition a minimisé et continue, d'ailleurs, à minimiser l'importance de cette signature; je pense que c'est normal, compte tenu de son option et aussi parce qu'elle doit jouer son rôle de parti de l'Opposition. Je dois vous dire, cependant, que les gains réalisés dans le domaine de la sélection, entre autres, sont significatifs, même s'il est exact que ce ne sont pas les plus importants. Mais je pense que cet accord visait surtout à permettre au Québec d'obtenir la maîtrise d'oeuvre complète dans le domaine de l'intégration des immigrants. C'est d'ailleurs ce que nous avons obtenu.

Je constate aussi que vous acceptez cette notion de contrat moral et vous faites un peu comme ce qu'on retrouve dans plusieurs mémoires. Vous constatez que le gouvernement a eu le courage - je dis bien le courage - de définir les attentes réciproques qu'il a indiquées dans un document. C'est sûr que le contrat moral est symbolique mais il est important. Et, comme vous le disiez tout à l'heure, nous pourrons en évaluer les résultats par la suite.

Vous acceptez aussi le respect du fait français. Et aussi, j'ai compris que vous étiez volontaires pour travailler aussi à aider les communautés de nouvelles souches. Bien sûr, je suis heureuse que vous validiez aussi les grands principes de l'énoncé de politique et, moi, je vous lance un appel. Je vous lance un appel, comme à une communauté bien implantée, de nous aider dans ce grand défi qu'on a à relever concernant l'immigration. Et soyez assurés que je prends bonne note, entre autres, des commentaires que vous avez formulés pour d'autres personnes de votre communauté à l'extérieur du pays, qui pourraient venir se joindre à nous en tant que prospection, par exemple, ou marne aussi au niveau de l'accueil et de l'établissement. Et je travaillerai avec d'autres ministères pour que l'on puisse avoir ensemble cette collaboration et je vous recontactera/. Je vous remercie.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Messieurs, au nom de tous les membres de cette commission, je tiens à vous remercier de votre participation et je vous prierais de transmettre aux membres de votre communauté, nos compatriotes d'origine italienne, toutes les amitiés et le respect de cette l'Assemblée nationale. Merci.

M. Folco: Merci.

Le Président (M. Gobé): La séance est maintenant suspendue quelques minutes afin de

vous permettre de laisser la place aux autres intervenants. La commission suspend donc ses travaux quelques minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 53)

(Reprise à 10 h 55)

Congrès hellénique du Québec

Le Président (M. Gobé): La commission de la culture va maintenant reprendre ses travaux. J'inviterai les représentants du Congrès hellénique du Québec à bien vouloir prendre place en avant et je demanderai aux participants de bien vouloir regagner leur chaise.

Êtes-vous M. Sotirios Antypas?

Une voix: Non, il n'est pas ici.

Le Président (M. Gobé): II n'est pas ici?

Une voix: M. le Président, il n'est malheureusement pas ici.

Le Président (M. Gobé): Pourriez-vous vous présenter pour les besoins de la connaissance des membres et aussi de l'enregistrement des débats, s'il vous plaît?

Mme Savidès (Danae): Je suis Danae Savidès, membre du Congrès hellénique et M. Nickos Costy est aussi membre.

M. Costy (Nicolas): Nicolas Costy. Mme Savidès: Nicolas Costy. M. Costy: C-o-s-t-y.

Le Président (M. Gobé): Très bien. Alors, je rappellerai que vous avez 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire et, par la suite, la même règle s'applique que précédemment, c'est-à-dire 20 minutes de chaque côté, 20 minutes pour l'Opposition officielle et 20 minutes pour la majorité gouvernementale, la règle de l'alternance étant bien entendu la règle pour les interventions. Autant que possible, nous allons essayer de rester dans le temps. Nous avons dépassé un petit peu; aussi, j'encouragerais tout le monde à bien vouloir respecter les horaires. Vous pouvez y aller, nous sommes tous prêts à vous écouter. Vous avez la parole.

Mme Savidès: Mon Dieu! ça va mal ce matin! O.K. Ce n'est pas toujours... J'aimerais un peu parler du Congrès hellénique qui est un organisme qui chapeaute à peu près 70 organismes de la communauté grecque, donc, on peut dire, un peu l'éventail de toutes les tendances politiques, culturelles et autres dans la com- munauté. Il y a eu un comité qui a été mandaté pour préparer le mémoire. Le mémoire que vous voyez ici. c'est le résultat des longues discussions qu'on a eues pour vous présenter notre position sur le contrat moral.

On va commencer. Tout le monde dans le comité est d'accord, on trouve que c'est un travail assez riche et assez complet. On aimerait féliciter Mme la ministre et tous ses collaborateurs parce qu'on trouve que c'est un travail, dans l'ensemble, positif et on espère enfin qu'avec un suivi on va avoir des résultats assez bons et assez riches.

On aimerait, après ça, faire un petit préambule sur ce qu'est notre communauté et on aimerait le lier à la problématique de la société québécoise, donc de la société où on vit ici. Nous autres aussi, on a passé à travers la difficulté de la langue. En tout cas, dans notre pays d'origine, il y a eu la conquête turque et on n'a pas eu droit à nos propres écoles pour une période de 400 ans. Donc, il a fallu maintenir notre langue un peu clandestinement, si vous voulez; on l'a maintenue et on y tenait beaucoup. Alors, on veut vous dire que, de cette manière, on comprend aussi la problématique qui est ici parce qu'on l'a vécue, on est passé à travers, et on est d'accord sur plusieurs des mesures qu'on essaie de faire pour maintenir le fait français ici au Québec.

On peut situer ça historiquement. Par exemple, en 1971, la communauté hellénique, bien avant la loi 22 et la loi 101, avait compris l'importance du fait français au Québec. Elle a changé le curriculum de son école primaire Socrates de l'anglais au français. Donc, il y a des preuves quand même. Plusieurs de nos organismes avaient pris position pour la loi 101. On remarque que, de plus en plus, plutôt chez les jeunes, malgré que notre communauté soit dite une communauté très isolée linguistiquement et très bien structurée, il y a une connaissance du français et une compréhension de la problématique. Donc, c'est plutôt comme ça qu'on voulait commencer notre préambule.

Maintenant, sur la question de la sélection, je cède la parole à M. Costy qui va parler de quelques points et moi, je reprendrai après avec quelques points.

Le Président (M. Messier): M. Costy.

M. Costy: Merci. Mme la ministre, membres de la commission, moi, je suis un petit peu ici en guise de technicien, tandis que les grandes lignes de la communauté sont mieux représentées par Mme Savidès.

Sur la question des remarques qui ont été faites dans l'étude sur la sélection, nous n'avons aucune hésitation à appuyer les principes qui décrivent le besoin du Québec d'augmenter le nombre d'immigrants indépendants. Une telle augmentation aurait des bénéfices nets pour le

Québec, tant dans le domaine économique que dans le domaine démographique. Toutefois, comme prévu dans l'énoncé, la quantité et les caractéristiques des immigrants indépendants doivent être étroitement accordées à la capacité du pays de les absorber, surtout au plan économique. Ceci, ce serait pour éviter des tensions sociales et le gaspillage tant de nos moyens comme Québécois que des qualités que nous apportent les immigrants, c'est-à-dire que nous avons des cas où des personnes viennent ici, elles ont des qualifications assez avancées, assez hautes, elles ne trouvent pas de travail, elles finissent par conduire des taxis. Alors, il faut un accord entre les besoins et la recherche d'immigrants que nous allons faire, le recrutement que nous allons essayer de faire.

Cette souplesse restera difficile parce que ceux qui connaissent un petit peu la partie technique de l'immigration sauront que ça prend, en moyenne, un an, donc, pour un immigrant, entre le moment où il est approuvé, où il fait sa demande et le moment où il arrive, où il met les pieds au Canada, au Québec. Ceci, c'est à cause des procédures statutaires qu'imposent les autorités fédérales et qui sont à l'avantage de tout le monde. Il s'agit de sécurité, il s'agit d'examens médicaux, etc., des choses qui nous intéressent tous. Mais ce délai d'un an, ça pourrait être souvent plus, parce que si l'immigrant prend un visa dans un an, que ça lui prend six mois pour ramasser sa maison, pour vendre ses effets pour venir au Canada, il a 18 mois de décalage entre le moment où il a été choisi par un officier de l'immigration, parce que son travail répondait à une demande du marché du travail au Québec, et le moment où il va arriver. Donc, c'est 18 mois. Comme vous le savez tous, il pourrait y avoir des changements économiques assez sérieux.

Je ne vais pas répéter les choses que nous avons déjà écrites dans le mémoire, mais je vais toucher de petits points, de petits détails qui viendront en complément, en supplément de ces remarques que nous avons faites. Nous avons suggéré dans le mémoire qu'il serait souhaitable d'accorder plus d'importance au facteur non pas d'admissibilité, mais... Pardon. Un instant, je vais trouver le mot juste.

Une voix: Adaptabilité.

M. Costy: ...d'adaptabilité. C'est ça qu'il me faut, oui. J'ai fait une erreur, ici, dans mon texte. Nous entendons par ceci une prime qui pourrait être accordée pour valoriser l'expérience du candidat dans des situations de formation et de travail qui sont semblables à celles qui prévalent dans notre société. J'espère que c'est clair, ce que je veux dire. Nous croyons que de telles expériences, qu'elles soient dans des écoles techniques, des universités, des ateliers, des usines, des banques ou d'autres lieux de travail et même dans l'exercice des professions, d'où des candidats d'une familiarité aux pratiques et aux habitudes de travail modernes qui s'accordent aux nôtres, faciliteront beaucoup l'adaptation.

Je pourrais donner un exemple. Vous avez des personnes qui font des études ou qui ont une expérience dans un travail où la technique est arriérée et ancienne, pour des raisons économiques, sociales ou quoi que ce soit. On fait la sélection. Lui, il s'appelle un menuisier. On l'inscrit comme menuisier. Si c'était un menuisier qui avait travaillé, disons, au Canada, aux États-Unis, en Europe même, dans des ateliers modernes avec de l'équipement moderne, je crois qu'une telle personne devrait recevoir quelques points de plus sur la sélection pour reconnaître le fait qu'il va être intégrable facilement au moins dans le lieu de travail. Pour implanter un tel critère, il serait peut-être nécessaire de "réapportionner" les points de sélection. Il nous semble qu'on devrait revoir, par exemple, et économiser quelques points parmi ceux qui sont attribués aux études primaires, car il nous semble inouï qu'on prime autant un tel niveau minime de formation, de scolarisation à l'égard de nos candidats indépendants, ceux que nous choisissons pour venir ici, pour travailler sur le marché du travail. Qu'est-ce que c'est, trois ans, quatre ans, cinq ans d'école primaire? C'est absolument rien. Ça ne donne rien, pour nous. Donc, on pourrait peut-être prendre quelques-uns de ces points qu'on doit considérer comme acquis. C'est quelque chose... Il faut avoir le primaire pour vivre aujourd'hui et même le secondaire, pour vivre au Québec. Et peut-être "réapportionner" quelques-uns de ces points, les donner à cette idée, ce facteur que nous proposons, qui favoriserait peut-être ceux de ces immigrants que nous avons à l'étranger, qui ont comme été exposés à un genre d'études et de travail tels qu'ils existent chez nous. On n'aurait pas tout à refaire avec ces personnes-là.

En ce qui concerne les occasions actuelles qui se présentent pour recruter des immigrants indépendants, nous espérons que les activités de nos services à l'étranger pourraient peut-être être ciblées dans des régions où il y a des problèmes. Malheureusement, on peut profiter de ces malheurs des autres et je citerai l'Europe de l'Est peut-être, le Moyen-Orient où je crois qu'il existe maintenant un réservoir de personnes immigrantes qui seraient adaptables. Je cite aussi un exemple. C'est le cas de la Roumanie où, après les deux langues officielles qu'ils ont, le hongrois et le roumain, la deuxième langue naturelle, disons, c'est le français. C'est ça qu'ils enseignent. Donc, je ne sais pas si les autorités roumaines leur permettent de sortir du pays maintenant à ces conditions-là, mais je pense que le Québec aurait peut-être intérêt à voir s'il existe des personnes là-bas. Je suis sûr qu'il existe des personnes là-bas, en Roumanie, qui

seraient bienvenues au Québec. Je m'excuse, un instant. On perd toujours ce dont on a besoin.

Le Président (M. Messier): Vous cherchez votre texte de présentation?

M. Costy: Non. C'est que j'avais une note sur un texte que j'avais préparé. Malheureusement, je ne le retrouve pas. Je ne sais pas où il est allé.

Nous parlons, dans notre mémoire, du besoin de mécanismes de révision des dossiers, des cas dont la demande a été refusée. Notre comité a senti le besoin de soulever ce cas, ce point particulier, parce qu'ils ont le droit de demander la révision d'une décision qui les touche de près. C'est presque une habitude pour nous qui habitons au Québec; quand nous avons une mauvaise réponse des autorités, il y a toujours un mécanisme pour demander une révision.

On trouve aussi que dans les cas d'immigration, l'acceptation et la sélection d'immigrants, il y a des cas qui sont refusés et qui devraient peut-être être revus. Soit, ils ont été refusés de bonne foi, mais il y a eu des cas où, parmi nous, on a ressenti qu'il y a eu des erreurs, des erreurs techniques dans les décisions. Nous voulons proposer que pour toutes les catégories d'immigrants non seulement les indépendants, mais pour les autres aussi, tout refus soit revu avant d'être envoyé à la personne concernée. Je ne parle pas de refus ou de découragement à un niveau de la présélection, mais je parle plutôt d'une demande de certificat de sélection, la formule 1210-01-B, soit avant ou après l'entrevue personnelle. Ça, c'est très technique, ce que je propose ici, et je ne sais pas si tout le monde me suit, mais c'est un besoin que, nous, nous ressentons. Il y a eu des cas injustes de refus un petit peu partout et il devrait y avoir une révision, au moins par un cadre supérieur à celui qui rend la décision, avant que la personne soit complètement mise à la porte.

Il faudrait aussi, je crois, que dans les cas que traite le service d'immigration du Québec le refus précise les raisons. La raison du refus devrait toujours être communiquée. Ce n'est pas une question de simplement dire: Monsieur, vous ne pouvez pas, alors, on vous refuse. Ce n'est pas juste, ça. Nous, on ne l'accepterait pas ici, chez nous. Pourquoi est-ce qu'on l'impose à du monde à l'extérieur? Aussi, ça aidera le demandeur qui a été refusé de soutenir cette demande de révision.

Pour la question d'accueil... (11 h 15)

Le Président (M. Messier): Juste une minute. On va pouvoir échanger. Il vous reste une minute de présentation et, après ça, on va pouvoir échanger de part et d'autre.

M. Costy: Bien sûr, oui.

Le Président (M. Messier): Est-ce que vous voulez poursuivre encore pour...

M. Costy: J'ai d'autres sections. J'ai pris ça par section: Accueil, etc. Nous avons partagé tout ça ici.

Le Président (M. Messier): O.K. On va peut-être pouvoir commencer le début des questions et on pourra peut-être enchaîner...

Mme Savidès: Est-ce qu'on a passé notre temps de présentation? Est-ce que c'est ça?

M. Costy: Non, non, on a eu 10 minutes.

Le Président (M. Messier): Une minute, mais on vous laisse encore quelques minutes, juste pour aborder quelques points et, après ça, l'échange débutera, M. Costy.

M. Costy: Tu veux reprendre, toi ou... Mme Savidès: Non.

M. Costy: O.K. Alors, je vais parler de l'accueil.

Le Président (M. Messier): Merci.

M. Costy: J'y arrive, oui. L'accueil à l'aéroport, nous sommes enthousiastes des remarques que nous avons trouvées dans l'énoncé. Je n'ai pas beaucoup à dire ici au sujet de ça, mais je suis d'accord avec l'énoncé que l'accueil au Québec devrait être fait à l'aéroport, au moment le plus tôt. Les immigrants devraient être accueillis au moment où ils mettent le pied sur la terre québécoise, parce qu'ils passent par un primaire, comme vous le savez, les douanes canadiennes, ils passent comme immigrants, par un secondaire où on vous fait vos paperasses de visa, etc. Là, vous avez voyagé 20 heures pour venir ici en traînant deux enfants et une femme. Vous n'avez pas besoin d'un grand délai, vous n'en voulez pas. Mais il devrait y avoir une présence québécoise à l'aéroport pour leur dire: Bienvenue. De quoi avez-vous besoin? Vous avez besoin d'un hôtel, vous avez besoin de quelque chose? Il devrait y avoir quelqu'un qui puisse les soigner.

En plus, nous proposons que ce soit à cet instant-là que le contact des nouveaux venus avec les communautés ethniques du pays soit fait, le premier contact. Notre comité a pensé à ça et on a dit: Sans les faire attendre trop, qu'est-ce qu'on peut leur dire? Écoutez, monsieur, demain, vous allez vous réveiller dans un hôtel en pleine ville. Vous parlez mal la langue, vous la parlez un peu, vous êtes perdus. Un pamphlet, un truc avec des pamphlets que chaque communauté pourrait émettre, quelque chose de pas très cher et les mettre à l'aéroport, dans la

salle d'accueil du Québec, pour que les Grecs - un mot grec, un drapeau grec dessus -prennent un de ces trucs-là, qu'ils connaissent où sont les églises, qu'ils sachent où sont les communautés, où sont les services, etc., quels sont les services qui existent. Ce serait un bon moment pour faire le premier contact.

Maintenant, un autre sujet que notre comité a touché, bien sûr, c'est cette question d'établissement en région des immigrants. Nous avons répondu à ça dans notre mémoire, courtement, mais comme vous allez voir, tout ce que nous avons écrit dans le mémoire, nous sommes plutôt pessimistes sur cette question.

Le Président (M. Messier): M. Costy. Après, on va commencer les échanges.

M. Costy: Vous voulez que je...

Le Président (M. Messier): Bon. Disons qu'on...

M. Costy: Laissez-moi finir au moins ça, parce que c'est un point assez important. Merci.

Le Président (M. Messier): Parfait. On vous laisse terminer ça et on débute.

M. Costy: Merci beaucoup. En surplus de ce que nous avons écrit dans le mémoire, saurons-nous refuser à nos nouveaux concitoyens le droit de mobilité que nous considérons comme inaliénable pour nous-mêmes, voire celui de vivre où nous voulons dans le pays? Toute mesure qui viserait à l'établissement d'immigrants en région doit être basée sur des incitations et ne pas être directement ou indirectement obligatoire. Merci.

Le Président (M. Messier): Merci beaucoup, M. Costy.

M. Costy: Nous avons encore à dire, mais...

Le Président (M. Messier): Ah! mais ça viendra avec la période d'échanges! Nous allons raccourcir la période d'échanges, compte tenu que vous avez dépassé quelque temps. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci beaucoup pour votre présentation. Dans votre mémoire, à la page 1, vous affirmez qu'historiquement les Grecs ont scolarisé leurs enfants en anglais, que depuis 1971 la communauté hellénique a compris l'importance du fait français et qu'il y a un consensus au sein de cette communauté pour encourager la promotion de la culture québécoise et de la langue française. Bien sûr que je me réjouis de cette prise de position qui dénote une évolution très positive de votre communauté. J'aimerais savoir, par contre, quels sont les principaux problèmes, s'il y en a encore, qui limitent la francisation de certains secteurs de votre communauté? Quels sont les principaux problèmes?

Mme Savidès: Je ne sais pas ce que vous voulez dire par ce qui limite la francisation de certains secteurs. De quels secteurs parlez-vous, Mme la ministre?

Mme Gagnon-Tremblay: Je pense à certains secteurs de la communauté. Il y a plusieurs personnes, comme on le disait tout à l'heure, qui ont soit transféré de la langue anglaise à la langue française... On voit cette importance maintenant d'apprendre et de se familiariser avec la langue, mais il y a certains secteurs qui ont encore certaines difficultés.

Mme Savidès: Ce serait plutôt au niveau des adultes et au niveau des personnes un peu plus âgées, la difficulté étant une difficulté d'accessibilité et de capacité d'apprendre. Moi, je suis travailleuse sociale et je remarque, par exemple, que pour ta population des personnes âgées, c'est quasiment impossible de commencer, dans notre communauté en tout cas, à parler d'une adaptation ou d'un apprentissage linguistique. Moi, je travaille à la DPJ, tandis que chez les jeunes, il y a toujours un enfant ou deux enfants qui peuvent traduire pour la famille parce qu'ils fréquentent les écoles françaises. Même ceux qui ont droit aux écoles dites non françaises fréquentent souvent les écoles bilingues. Donc, ils sont très aptes ou très capables de communiquer en français. Ce serait plutôt une question d'âge, je dirais, et aussi d'isolement. Je remarque, par exemple, que chez les femmes de notre communauté il y a un plus grand, je dirais, isolement linguistique. J'irais jusqu'à dire que, même au niveau de l'anglais, elles sont plus unilingues - grec - pour toutes sortes de raisons historiques, etc., que les hommes. C'est une question d'âge aussi. On le dit toujours, mais j'aimerais le souligner encore une fois, si vous le permettez, je pense que jusqu'en 1972 nous, les orthodoxes, on n'avait pas le droit de fréquenter les écoles catholiques. Ça, il faut le noter parce que ça dit beaucoup. C'est après 1972 qu'on a eu accès aux écoles françaises. Avant ça, veut, veut pas, c'était vraiment des efforts très personnels qui ont fait pour qu'une personne finisse par apprendre le français. C'est une autre ...

Mme Gagnon-Tremblay: Quelles sont les formules qui pourraient répondre le mieux aux besoins vécus par ces personnes, en termes de programmes de francisation, par exemple? Quelles sont les formules, temps partiel versus temps plein, milieu de travail, milieu scolaire versus CO FI et versus organismes communautaires? Quelles sont les formules qui pourraient répondre le mieux à ces besoins spécifiques de votre communauté?

Mme Savidès: On parie toujours d'augmenter les ressources données aux communautés culturelles ou aux organismes de communautés culturelles. Je sais que, dans un contexte de redressement, ça devient presque "embarrassing". Mais on trouve que, souvent, nos propres communautés, la communauté hellénique, le Congrès et d'autres ont été capables d'aider ceux qui veulent apprendre la langue ou même d'agir comme pont pour ceux qui n'étaient pas capables de remplir des formulaires, etc. Alors, on aimerait vraiment soutenir que vous mainteniez cet apport et, si possible, de l'augmenter comme vous pouvez, évidemment. C'est toujours sur une base... Au Québec, on a cette tradition de toujours travailler sur une base régionale, locale. Ça vient de très loin, ça, et je pense que nous aussi, si on veut pénétrer ou travailler, il faut toujours examiner la base, le local de la communauté, où est la vie et comment ça fonctionne. Je pense qu'une fois qu'on a ça, on est capable de vraiment bien communiquer.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Au tout début de votre mémoire, vous vous dites en faveur de l'objectif d'accroissement du volume d'immigration.

Mme Savidès: Oui.

Mme Gagnon-Tremblay: Or, j'ai reçu certains mémoires qui craignent que, si l'on va dans ce sens, la proportion des Montréalais d'origine immigrée dépasse un seuil donné et qu'on ne puisse plus intégrer les immigrants. Ce discours vous inclut, les Québécois des communautés, avec les immigrants, même si la communauté grecque est installée ici depuis plusieurs décennies et même si vous faites maintenant partie de la société d'accueil. Donc, comment réagissez-vous à ce discours?

Mme Savidès: Première chose, merci. On est une communauté de vieille souche en tout cas. Pour vous dire honnêtement, on s'est basé plutôt sur des études ou des recherches de macroéconomie qui nous démontrent que dans les périodes de difficultés économiques l'augmentation de l'immigration augmente le taux... "the standard of living". C'est tout simplement sur cette base-là qu'on s'est dit que ça ne devrait pas nuire à l'agrandissement de Montréal ou même de Québec.

Mme Gagnon-Tremblay: Parce qu'on sait que, même en période de récession, par exemple, ce sont souvent les seuls capitaux nouveaux qu'on peut injecter et que souvent, même s'il y a un fort taux de chômage, il y a également une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée.

Mme Savidès: Oui.

Mme Gagnon-Tremblay: Dans le même sens que ma question précédente, comment vous réagissez à cette idée de seuil qu'il ne faudrait pas dépasse??

Mme Savidès: Ah! Ça, c'était... Oui.

M. Costy: Le seuil du nombre d'immigrants par année? C'est ce dont vous parlez, oui?

Mme Gagnon-Tremblay: Le seuil, les personnes qui ont peur que Montréal, à un moment donné, soit envahi.

M. Costy: Ah! Qu'il y ait... Oui. Un point dangereux. Écoutez, si le Québec reçoit même un étranger, sa culture change.

Mme Savidès: C'est vrai.

M. Costy: La culture, c'est. une chose vivante, c'est un animal qui change tout le temps, qui grandit, qui pousse, qui change de couleur.

Une voix: Ça, c'est mauvais.

M. Costy: Je crois que les immigrants sont encore en grande minorité, mais, par contre, la culture québécoise a déjà changé en ayant admis autant d'immigrants qu'elle en a admis dans le passé. Alors, il y a une synthèse, une troisième culture qui se forme.

Mme Savidès: Qui est peut-être aussi riche, sinon plus.

M. Costy. Qui est aussi riche et peut-être plus riche que les deux séparément. Donc, cette inquiétude, moi, je ne l'ai pas.

Mme Gagnon-Tremblay: En somme, tout peuple qui évolue s'enrichit.

M. Costy: Mais c'est sûr!

Mme Savidès: On évolue de toute façon. Ça va dépendre comment on va évoluer. Je pense que ça... Moi, je me sens très riche parce que j'ai eu accès à autant de cultures. Ça m'a développée comme personne et je pense qu'il ne faut pas avoir peur; il faut être très sûr de notre culture. On est différent ici, au Québec. Je remarque, chaque fois qu'on voyage à l'extérieur et qu'on revient, on dit: On est au Québec. On sait qu'on est au Québec parce que c'est différent, on le voit et on le sent. Alors, il faut développer cette confiance en nous, se connaître et, avec ça, on peut facilement développer et enrichir ce qu'on a avec les autres.

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que vous vous sentez immigrants ou Québécois, après

plusieurs décennies au Québec?

Mme Savidès: Je vais vous répondre, pas individuellement, mais en termes collectifs. Moi, je viens d'une communauté qui a été, pendant plusieurs années, isolée. Ce n'est pas toutes les communautés qui répondraient de la même façon à votre question. Je viens d'une communauté qui a été, pour plusieurs années, isolée linguistique-ment et culturellement. On a un ghetto très visible, avenue du Parc, on a été un peu sur Parc Extension, après à Laval. Mais on est là. On a tendance a ne pas se sentir immigrants malgré que, moi, je sois immigrante, je ne sois pas née ici. Mais on appartient à une communauté culturelle de Québec. Comprenez-vous? On se voit comme Québécois, mais aussi comme Grecs, d'origine grecque ici au Québec. (11 h 30)

Mme Gagnon-Tremblay: Grecs d'abord et Québécois ensuite.

Mme Savidès: Non, excusez. On...

Mme Gagnon-Tremblay: Ou Québécois d'origine grecque.

Mme Savidès: Québécois d'origine grecque. Je remarque, je dirais que ce serait la réponse de la majorité des membres de notre... Ils sentent qu'ils appartiennent à une communauté culturelle. Il y a cette tendance. C'est une tendance assez forte dans notre...

Mme Gagnon-Tremblay: Vos enfants? Vos enfants?

Mme Savidès: Mes filles. Mes filles. J'ai deux belles filles. Elles sont jeunes encore.

Mme Gagnon-Tremblay: Qu'est-ce qu'elles répondraient, vos filles?

Mme Savidès: Je pense qu'elles se sentiront plus Québécoises que moi je l'ai senti, c'est sûr. Je ne sais pas. Elles font du patinage. Moi, je n'ai jamais osé faire du patinage. J'avais toujours peur de me casser le bras ou quelque chose, mais elles, c'est... Mais elles viennent d'une famille où on mangeait grec, on parlait grec. Alors, il va y avoir dans leur personnalité un peu de ça aussi. On ne peut pas le nier... "I do not think we could get away from..." Mais je pense qu'elles vont se sentir plus Québécoises.

Mme Gagnon-Tremblay: Ce sera peut-être à la troisième génération.

Mme Savidès: Peut-être. Mais...

M. Costy: Est-ce que je peux parler de mon histoire aussi?

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, oui.

M. Costy: Moi, je suis un Anglais. Je suis né en Angleterre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, oui.

M. Costy: Oui. J'ai immigré à 19 ans. J'ai passé les 30 dernières années à être... J'ai été fonctionnaire fédéral à Ottawa. Dès que j'ai pris ma pension, j'ai fui vers le Québec. Je me suis installé à Montréal. Ça, ce n'est pas pour moi. Pour moi, c'est ma réponse. Pour la communauté grecque, je dirais qu'ils se sentent bien ici. Ils se sentent bien. J'ai fait un voyage à Toronto récemment. J'ai parlé à la communauté grecque là-bas. Ils ne se sentent pas comme s'ils appartenaient à quelque chose, tandis que les Grecs ici sont conscients d'être au Québec, ils sont bien. On leur parle d'aller à Toronto, c'est une ville morte, etc., c'est des Anglais. Ils ne sont pas intéressés à ça. Donc, je crois que je reflète un petit peu cette tendance des Grecs, de la communauté grecque au Québec.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

Le Président (M. Messier): Compte tenu du temps disponible, je vais laisser le député Yvan Bordeleau, député d'Acadie, poser une question.

M. Bordeleau: Oui. D'abord, je vous remercie. Je suis très heureux de voir votre présentation, d'autant plus heureux que ce matin on a eu deux groupes très importants comme communautés culturelles au Québec et dans mon comté, dans le comté d'Acadie, j'ai, de fait, ces deux groupes. La communauté italienne et la communauté grecque représentent des proportions très importantes des citoyens de mon comté. Donc, je vous souhaite la bienvenue. Je suis très heureux de voir que vous êtes venus faire une présentation à la commission.

La question que j'aimerais... En fait, il y a deux points que j'aimerais peut-être aborder. Dans l'énoncé de politique, on parle de l'intégration des immigrants. J'aurais le goût de vous demander. Qu'est-ce que c'est pour vous, un immigrant intégré?

Mme Savidès: Un immigrant intégré?

M. Bordeleau: Vous êtes des immigrants...

Mme Savidès: Justement. Comme madame m'a posé...

M. Bordeleau: Vous vous considérez comme intégrés ou... Qu'est-ce que ça représente pour vous, un immigrant intégré? Quand, à votre avis à vous, on peut dire qu'un immigrant est intégré?

M. Costy: Un immigrant intégré, pour moi et, je crois, pour la communauté en général, pour les communautés étrangères, c'est une personne qui sent qu'elle nage dans un étang qui est à elle, c'est-à-dire qu'elle n'est pas mise à part, elle n'est pas marginalisée, d'aucune façon. Ça, c'est une personne qui est intégrée dans la communauté, dans la société dans laquelle elle vit.

S'il ressent, pour une raison, parce que son nom comporte 12 syllabes comme quelques noms grecs, ou parce que sa figure est différente, sa peau, etc., qu'il est marginalisé, qu'il est mal vu, qu'on ne lui accorde pas l'entrée à certaines choses, il n'est pas intégré. Alors, une partie de cette intégration, c'est les efforts que lui va faire, mais aussi ceux que la société va faire pour qu'il devienne intégré.

Mme Savidès: Quelqu'un qui est capable de négocier le système auquel il a affaire, dans sa vie, capable de remplir des formules, de travailler, de se trouver un emploi... comme ça.

M. Bordeleau: On parle de la société d'accueil dans le document; qu'est-ce que vous pensez que, pour la société d'accueil... Quels sont les critères, à ce moment-là, que vous croyez que la société d'accueil se donne pour évaluer si un immigrant ou une communauté est intégrée?

Mme Savidès: Oui. Parler de ça... On voulait faire attention que ça ne devienne pas quelque chose de très personnel pour la personne à l'immigration, pour celui qui prend tous les pouvoirs de décider si cette personne est in-tégrable ou pas. Moi, je trouve que ce serait ses antécédents, les antécédents propres d'une personne.

Le Président (M. Messier): Merci beaucoup, Mme Savidès. M. le député d'Acadie, malheureusement pour le temps disponible, c'est terminé. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: De toute évidence, quand on va parler de l'accueil aux réfugiés, M. Costy, je pense que vous allez être un interlocuteur privilège puisque, comme vous l'avez si bien dit, vous avez fui le Canada pour le Québec. Mais ceci dit, Mme Savidès, vous vous doutez bien que mon collègue, l'ancien ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, M. Godin, m'a chargé de vous adresser des salutations tout à fait particulières. Tout le monde sait qu'il est depuis 15 ans député de Mercier grâce à l'appui non équivoque de ses concitoyens et de ses compatriotes d'origine hellénique. J'ai eu, d'ailleurs, le plaisir de l'accompagner à quelques reprises dans ce magnifique centre communautaire de la côte Sainte-Catherine, qu'il a rendu possible d'ailleurs. Je ne vous cacherai pas que j'ai toujours été un petit peu jaloux de l'affection que vous lui portiez, j'aimerais bien en bénéficier un peu moi aussi.

J'aurais quelques questions à vous poser à la fois à vous, M. Costy, et à Mme Savidès, compte tenu de votre formation que je juge très importante dans le contexte, celle de travailleur social. La première question. Vous dites en page 5 de votre mémoire que le gouvernement devrait se préoccuper davantage de la formation des fonctionnaires qui seront appelés à travailler dans les services d'immigration. Est-ce que vous croyez que les nouveaux arrivants, actuellement, sont - ce n'est pas un blâme, je postule - mal servis par le gouvernement du Québec parce qu'on n'a pas pris toutes les mesures nécessaires et les plus adéquates?

M. Costy: Non, ils ne sont pas mal servis, mais ils pourraient être mieux servis parce que...

M. Boulerice: ...mieux servis.

M. Costy: ...un, une personne qui appartient à une communauté culturelle au Québec est peut-être plus sensibilisée, elle a une sensibilité spéciale au problème de la façon de voir l'immigrant, le nouvel arrivé ou même l'immigrant qui est ici depuis des années. Il y a une tendance... Nous croyons que si les services pouvaient être "semés" avec quelques personnes comme ça, ça pourrait donner un caractère plus sympathique, pas que ça manque, mais plus sympathique et plus sensible à ces services.

M. Boulerice: Vous avez fait des remarques assez pertinentes pour ce qui est de l'accueil à l'aéroport.

M. Costy: Oui.

M. Boulerice: Moi-même, lorsque j'arrive à Mirabel, je n'ai pas du tout l'impression d'arriver au Québec, j'arrive dans un territoire, somme toute, étranger. Le douanier me parle français, il va de soi, mais je n'ai pas l'impression d'arriver au Québec, j'arrive dans un territoire de juridiction fédérale, etc. Je ne sais pas, il y a une espèce de sensibilité inévitable que j'ai. Donc, ce que vous suggérez en définitive... Mais là, ça ne fait pas partie de l'entente comme telle.

M. Costy: Non, ce n'est pas une partie de l'entente.

M. Boulerice: Le ministère de l'Immigration du Québec devrait, selon vous, littéralement investir l'aéroport puisque c'est la première porte qui s'ouvre au nouvel arrivant, qu'il provienne d'Athènes ou de n'importe quelle autre ville.

M. Costy: N'importe où, oui.

M. Boulerice: Vous avez fait, à juste titre d'ailleurs...

M. Costy: Absolument.

M. Boulerice: ...allusion à la Roumanie et ça, j'apprécie.

M. Costy: Non, pour moi, c'est une question qu'au lieu... Les services fédéraux, jusque récemment, j'imagine, ou même maintenant, sont chargés de subvenir aux besoins des immigrants qui arrivent. Alors, il y a deux parties: une partie documentation, qui est faite et une partie, comme vous le savez peut-être, de "counselling". Maintenant, le "counselling" est fait exclusivement pour ceux qui ont des personnes, qui n'ont personne qui les reçoit. Alors il y a un immigrant indépendant qui arrive, il n'a pas de connaissances ici, il peut aller à ce service-là et puis avoir de l'aide du point de vue des conseils, quoi faire le premier soir, le premier jour qu'il va être dans le pays. Moi, je crois que ce deuxième service devrait être pris par le Québec. Le premier, c'est la documentation, c'est des pratiques internationales d'admission dans des pays, etc., mais le deuxième, ça ne devrait pas être à la charge du fédéral puisque ces personnes-là viennent pour s'établir au Québec. Ça devrait être pris tout de suite par les services et c'est déjà mentionné dans l'énoncé. Je crois que la ministre et le service prévoient ça.

M. Boulerice: Une question de très grande importance, à mon point de vue, tout au moins, que j'aimerais adresser à Mme Savidès et j'ai bien dit tantôt, compte tenu de sa formation, elle est travailleuse sociale. Le Conseil québécois pour l'enfance et la jeunesse qui intervenait hier nous a fait part de certains conflits ethniques et même interethniques qu'il y avait dans les écoles. Il parlait de ghetto - le mot est toujours difficile à prononcer, aidez-moi, s'il vous plaît, M. le Président - de ghettoïsation, n'est-ce pas, des écoles comme telles. Il s'inquiétait de ce phénomène comme tel puisque la première réussite pour ce qui est de l'immigration, je crois qu'elle doit se passer à l'école. Je pense qu'on va en convenir tous trois. Quelles seraient, d'après vous, les solutions pour pallier à ceci?

Mme Savidès: Vous savez, on a toujours proposé plusieurs solutions au niveau de la Commission des écoles catholiques, entre autres, évidemment, la question d'information au niveau du personnel par rapport aux enfants et leurs pays d'origine. Ensuite, il y a eu la question des analphabètes parce qu'il y a eu des vagues d'immigration. Parfois, on a tendance à nous mettre tous dans la même chose, mais on est totalement différents, même parmi nous. Les trois communautés que vous allez voir ici, vous allez voir des différences. Mais quand on parle, par exemple, de la problématique du Grec orthodoxe et unilingue qui commence à l'école, qui est ici depuis... que sa famille est ici depuis un certain nombre d'années et ensuite de la problématique d'un jeune Haïtien analphabète, d'âge d'école secondaire, là, tout de suite, on a des problèmes.

Comment est-ce qu'on brise... Mais la question était: Comment est-ce qu'on brise les ghettos parce qu'on trouve que les ghettos... Première chose, il faut établir si les ghettos sont aussi mauvais que l'on pense, parce qu'il y a des choses positives sur les ghettos aussi. Il y a toujours des choses négatives. Il faudrait peut-être voir comment est-ce qu'il faut éviter l'aspect négatif du ghetto, mais garder l'aspect positif. Parfois, c'est aussi un endroit où on a une confiance en soi parce qu'on sent qu'on fait partie d'un groupe comme nous. Peut-être qu'en donnant cette information et la formation sur les différents aspects culturels de chacun, on peut briser les isolements qu'on est en train de bâtir peu importe où on va. Ça fait peur parfois, "you know."

M. Boulerice: Mme Savidès, hier soir, Mme Lebron nous disait que dans certaines écoles la proportion - bon, on a toujours notre problème éternel de vocabulaire - des Québécois, tuque et bas de laine - c'est l'expression que j'emploie, moi - était...

Mme Savidès: Oui, oui.

M. Boulerice: ...tellement faible...

Mme Savidès: Oui.

M. Boulerice: ...que les jeunes Québécois - et là, j'emploie l'expression "les jeunes Québécois nouveaux" - qui s'y trouvaient n'avaient que très peu de références à la nouvelle société d'accueil compte tenu de l'absence numérique des Québécois, tuque et bas de laine, comme j'ai employé. (11 h 45)

Mme Savidès: Moi, je me disais... je ne suis pas pédagogue malgré que je sois travailleuse sociale. Donc, ma vision des choses, c'est peut-être différent de celle des pédagogues. Mais je me pose le problème quand je dis: Notre système d'éducation est un système très coûteux.

M. Boulerice: À qui le dites-vous!

Mme Savidès: "All right." Puis je me demande, pour l'amour du ciel, comment est-ce qu'on est arrivés là. On n'est pas capables, à l'intérieur d'un système aussi coûteux que ça, de se retrouver avec du monde qui fonctionne plus ou moins mal que bien à l'intérieur de nos écoles. Je trouve qu'on a tendance, parfois, à blâmer la victime. On fait ça aux femmes. Tu

sais, les femmes violées. On fait ça aux enfants qui n'apprennent pas le français. Ah oui! mais les autres... Puis je me demande: Comment est-ce que je... Moi, je mettrais des efforts pour ceux dont la langue - celle qu'on appelle la langue maternelle pour toutes sortes de raisons, à tort ou à raison - n'est pas le français. Je mettrais des efforts très particuliers parce qu'on a différents systèmes d'apprentissage d'une langue. Pour moi, si c'est ma langue maternelle, j'apprends comment écrire 'table", mais il ne faut pas que j'apprenne que, ça, c'est la table. O.K.? Pour quelqu'un qui ne connaît pas la langue, ça prend deux pas: un, le premier, c'est que, ça, c'est la table, ensuite, comment l'écrire. Alors, il me semble qu'il faudrait, pour ces enfants-là, trouver les moyens qu'ils apprennent plus vite ou mieux. Maintenant, qu'est-ce qu'on fait pour les autres? On leur donne des choses enrichies, pour ceux qui savent déjà que la table, c'est ça. Pour ma part, si j'étais responsable de n'importe quoi en éducation, je serais très inquiète. J'aimerais vraiment examiner tous les systèmes pour trouver des solutions parce que ça coûte trop cher pour qu'on ait des résultats, premièrement. Puis dire que c'est à cause des immigrants, I am not sure it is that... que c'est aussi facile que ça de régler le problème.

M. Boulerice: Mme Savidès, j'ai dit tantôt à nos amis de la communauté italienne que cette communauté avait fait de grands pas. Je pense que - enfin, je ne pense pas, je crois - j'affirme que la communauté hellénique - et vous savez qu'elle déborde, maintenant, dans ma circonscription et je m'en réjouis - je crois, je pense, je dis qu'elle a fait de nombreux efforts, elle aussi, des efforts immenses que, malheureusement, le temps de cette commission ne nous permet peut-être pas d'étaler mais qui sont très significatifs. Puis vous savez aussi, d'autre part, que j'ai d'excellentes sources, je vous en ai nommé une première qui est mon collègue Gérald Godin et, après, ma grande amie Nadia Assimopoulos. Donc, je pense connaître bien des gestes que la communauté hellénique a posés, mais je sens, dans votre discours, comme je l'ai senti également auprès de nos amis italophones tantôt, et peut-être chez ceux que nous recevrons un peu plus tard, un discours qui disait: II y a encore des difficultés d'acceptation de la part de la communauté principale d'accueil qui serait nous. Est-ce que vous croyez - je m'adresse à vous, mais vous de majesté, vous de pluriel aussi parce qu'il y a M. Costy qui est là, mon réfugié préféré - que c'est une ethnocentricité des Québécois de vieille souche qui perdure et perdure ou est-ce que ce ne serait pas plutôt encore des éléments de ce vieux réflexe normal d'une société tellement minoritaire, en Amérique du Nord, que l'autre est toujours un peu épeu-rant quand on le connaît mal, je dis bien? Moi, plus j'ai appris à vous connaître, je veux dire, vous n'êtes pas devenus une menace, vous êtes devenus un apport. Si le Québec vous a apporté, votre présence m'a énormément apporté et à bien des égards, moi aussi.

Mme Savidès: Je dis à ça, je réponds à ça, parfois, quand je m'étonne devant certains clients, parce que moi, je travaille à la OPJ, que c'est une situation normale et que c'est une réaction normale "to an unhealthy situation", à une situation qui est malsaine pour commencer, qui est difficile pour commencer. Oui, c'est sûr. Ecoutez, le développement historique n'est pas là parce que... Il y a toujours des raisons pour lesquelles ils sont là, évidemment, et ça ne fait pas très longtemps. Souvent, on dit "accessibilité des services sociosanitaires auprès des membres des communautés culturelles", c'est devenu comme... Moi, je me dis: Oui, mais jusqu'à 1960, jusqu'à la Révolution tranquille, les Québécois, chez eux, n'avaient pas droit à leurs propres services dans leur propre langue. Ils ne pouvaient même pas, jusqu'à tout récemment, travailler dans leur propre langue, dans leur propre pays. Alors, évidemment, il y a toujours des réactions à certains faits historiques. Moi, je remarque qu'il y a quand même une nette amélioration parce que ça fait longtemps que je suis impliquée, si vous voulez, je remarque qu'il y a une nette amélioration dans nos relations, pour le mieux. Mais, ceci dit, on espère toujours que ça va s'améliorer. Les statistiques nous démontrent qu'il y a encore des lacunes et des choses à faire, sûrement.

M. Costy: Est-ce que je pourrais dire deux mots là-dessus, s'il vous plaît?

Le Président (M. Messier): Avec le plus grand des plaisirs.

M. Costy: Quand je suis venu à Montréal, en 1949, comme immigrant, mon premier pas, à moi et à tous les autres qui étions des étrangers, on était des maudits DP.

Une voix: Des...

M. Costy: Des maudits DP, "displaced persons".

Mme Savidès: C'était le mot pour...

M. Boulerice: On vous le disait en anglais.

M. Costy: Oui.

M. Boulerice: D'accord.

M. Costy: Aiors, tout le monde, les Canadiens français et les Québécois de souche française nous reconnaissaient, nous mettaient comme ça: Vous êtes un maudit DP.

M. Boulerice: DP!

M. Costy: Oui. Vous ne connaissez pas ça, moi, je l'ai vécu.

M. Boulerice: J'étais, malheureusement, pas tout à fait né. Ha, ha, ha!

M. Costy: O.K. Alors, ça a marginalisé les populations pendant longtemps. La première génération d'immigrants, ceux qui ne parlaient pas le français ni l'anglais même, n'a pas pu pénétrer et n'a pas voulu, dans des cas, pénétrer cette barrière que faisaient les Québécois à ce moment-là. Ils avaient d'autres intérêts et d'autres préoccupations. Puis, ils étaient mal formés, ils ne connaissaient même pas leur propre langue d'une bonne façon, bien. Mais le temps a passé et la première génération d'immigrants, ceux qui sont venus les premiers, était prête à accepter une situation de ce genre-là. La deuxième génération, les premiers qui sont nés ici de ces parents-là se sont trouvés encore un petit peu mis de côté. Mais les communautés culturelles trouvent dur d'accepter que la troisième génération se fasse encore bloquer. Je crois que c'est là qu'il faut réfléchir comment les ponts vont être établis pour qu'ils ne soient pas marginalisés, comme je l'ai dit avant, parce que leur nom contient deux syllabes ou pour d'autres raisons.

Le Président (M. Messier): Merci beaucoup. Peut-être quelques mots de remerciements, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, très très bref. Lorsque j'étais responsable des classes d'accueil dans une commission scolaire, les nouveaux arrivants d'origine grecque m'avaient hellénisé, on m'appelait "M. Boularice"...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: ...et je vous avoue que j'y prenais un certain plaisir. Alors, écoutez, pour conclure très brièvement, puisque nous avons d'autres invités, je vous dirai très simplement, mais très sincèrement "epharisto".

Le Président (M. Messier): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je voudrais vous remercier, mais, bien sûr, auparavant, je voudrais dire que le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques ignore justement que, dans l'entente que nous avons signée avec le gouvernement fédéral, le Québec dispense des services, et ça inclut l'accueil aux aéroports - je dois dire que, d'ailleurs, c'est mentionné aussi dans notre politique, à la page 63 plus précisément - justement parce qu'on veut donner à l'accueil ce caractère québécois. Nous serons en mesure d'ouvrir ces bureaux d'accueil d'ici à l'été prochain. Aussi, en terminant peut-être sur une note un peu humoristique, j'ai vu tout à l'heure que mon collègue voulait vous mettre des paroles dans la bouche à l'effet que vous donniez votre appui. D'après votre réaction, j'ai senti que, si vous donniez votre appui, ce n'était pas au Parti québécois, mais bien à l'homme, Gérald Godin.

Le Président (M. Messier): Merci beaucoup.

M. Boulerice: Vous avez bassement interprété mes paroles, Madame, je le regrette, bassement interprété mes paroles.

M. Costy: En conclusion...

Le Président (M. Messier): Oui, quelques mots, M. Costy.

M. Costy: ...la communauté hellénique du Québec, par l'intermédiaire de notre Congrès, désire souhaiter à ('initiative courageuse que vous entreprenez tous un grand succès.

Mme Savidès: Oui.

M. Costy: Ce succès sera assurément mesuré en termes de résultats concrets et non seulement en termes de bonnes intentions. Le Congrès hellénique se tient à la disposition du gouvernement pour aider à l'épanouissement de ce contrat moral que vous nous proposez, car sa réussite sera celle de chacun de nous, autant que de notre collectivité québécoise. Les Québécois d'origine hellénique sont heureux de s'associer à cette initiative. Merci.

Le Président (M. Messier): Merci beaucoup, M. Costy, Mme Savidès; on vous remercie énormément. On suspend les travaux pour quelques instants et on prie le Congrès juif canadien de venir en avant, s'il vous plaît. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 56)

(Reprise à 11 h 58)

Congrès juif canadien

Le Président (M. Gobé): La commission de la culture va maintenant reprendre ses travaux. Nous allons entendre dans l'heure qui suit les représentants du Congrès juif canadien qui est représenté par M. Jack Jedwab, M. Max Bernard, M. Joël Moss et M. Darius Kiaizadeh. Messieurs, nous vous souhaitons la bienvenue. Nous nous excusons un peu de ce retard mais vous savez qu'il y a toujours un petit décalage dans les audiences afin de permettre aux gens de s'ex-

primer le plus librement posslbte en tenant compte de la contrainte temps.

Je vous rappellerai que vous avez 20 minutes pour exposer votre mémoire. Par la suite, une période de temps de 40 minutes sera répartie entre les membres de l'Opposition et de la majorité gouvernementale. Bien entendu, à la fin, il y aura une petite conclusion de part et d'autre, pour quelques minutes.

Alors, sur ce, je vous inviterai maintenant à présenter votre mémoire, et la personne qui le présente à se présenter elle-même.

M. Bernard (Max): Merci, M. le Président, M mes et MM. les commissaires, si je peux me permettre de vous présenter les membres de notre délégation. À ma droite extrême, M. Joël Moss, directeur du Service canadien d'assistance aux immigrants juifs; à ma droite, M. Darius Kiaizadeh, secrétaire du Service canadien d'assistance aux immigrants juifs; à ma gauche, M. Jack Jedwab, directeur des relations communautaires au Congrès juif canadien, région Québec, et mon nom est Max Bernard; je suis président du comité des relations communautaires du Congrès juif canadien, région Québec.

Le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui est le fruit d'un travail qui a été réalisé par les deux organismes majeurs de la communauté juive qui ont trait aux immigrants. Donc, le Congrès juif canadien, tout comme le Service canadien d'assistance aux immigrants juifs, a toujours accordé une place importante au dossier de l'immigration et de l'intégration et aux conséquences que les politiques élaborées par nos dirigeants pourraient avoir sur les membres de la communauté juive et sur la société québécoise dans son ensemble.

Alors, pour cette raison, nous avons partagé notre présentation en deux. Avec votre permission, je laisserai d'abord la parole à M. Darius Kiaizadeh, qui est secrétaire du Service canadien d'assistance aux immigrants juifs.

Le Président (M. Gobé): M. Kiaizadeh, vous avez la parole.

M. Kiaizadeh (Darius): M. le Président, mesdames et messieurs, nous sommes les représentants d'un groupe de professionnels et d'immigrants qui se sont servis de près de 70 ans d'expérience au Congrès juif canadien et au Service d'assistance aux immigrants juifs (JIAS) pour vous soumettre le présent mémoire.

Nous formons une communauté caractérisée par sa religion et sa culture. On retrouve à l'intérieur de notre communauté les deux courants du judaïsme, soit celui des Juifs ashkénazes canadiens d'origine essentiellement est-européenne et celui des juifs séfarades d'origine nord-africaine et moyen-orientale.

Notre communauté s'étant constituée grâce à l'apport de diverses vagues d'immigration, elle compte aujourd'hui environ 97 000 membres dont le tiers est né à l'extérieur du pays; environ 25 % ont le français comme langue maternelle ou académique. Ces dernières vagues d'immigrants étant arrivées au Québec vers le début des années cinquante, nos services communautaires se sont précipités pour se doter du personnel bilingue pour les servir dans la langue de leur choix.

Comme on le remarque dans notre mémoire, il est important de souligner que la communauté juive de Québec est une entité cosmopolite qui est formée de membres provenant d'une multiplicité de pays d'origine. La mosaïque de nos immigrants se compose de membres qui arrivent d'Europe de l'Est, de la Russie, des pays de l'Afrique du Nord, d'Afrique du Sud, de l'Iran et des pays du Moyen-Orient, généralement de jeunes cadres avec des études bien avancées, avec un ratio de natalité de 2,4 %, qui est un peu supérieur au taux de natalité national.

Notre expérience nous prouve que la barrière linguistique ne représente pas un obstacle important pour l'intégration de ces immigrants généralement avec une formation académique. À cette fin, je dois ajouter que le JIAS, sachant que le programme du COFI souffrait d'une liste d'attente de plusieurs mois, a créé, sous forme de projet-pilote, un département de formation qui va englober nos immigrants quatre jours par semaine, dont trois matinées de cours de français intensifs et une journée sous forme de conférences socioculturelles durant lesquelles on essaie de fournir à nos clients un aperçu sur le judaïsme nord-américain et des informations concernant la vie culturelle et économique québécoise, les services donnés par les différents paliers de gouvernement et le "job hunting", comment chercher et solliciter du travail. On va si loin dans ce dernier domaine, qu'à l'aide d'un autre service communautaire nous avons créé un club de placement qui va aider les immigrants à chercher un emploi, à se placer dans un emploi.

Nous apprécions le voeu exprimé à la page 52 de l'énoncé pour la création de projets-pilotes et invitons le ministère à bras ouverts à venir examiner le projet-pilote que nous avons démarré depuis le début de novembre 1990. C'est un plaisir de remarquer que les Russes, les Iraniens, les Polonais et les Éthiopiens, bien qu'appartenant à différentes cultures, niveaux de vie • et niveaux sociaux, ont un point commun: ils s'expriment en français.

Dans notre mémoire, nous mettons l'accent sur plusieurs catégories d'immigrants et nous énumérons certaines améliorations à apporter. En bref, en ce qui a trait à la classe des indépendants d'immigrants, comme nous le sollicitons dans notre mémoire, nous souhaitons que le gouvernement allège certaines exigences, en particulier dans le cas d'un contrat valable. Le traitement des dossiers de demandes doit être

effectué plus rapidement pour remédier à ce problème.

Pour la réunification des familles, bien que ce soit un domaine fédéral, nous aurions souhaité que le concept de réunification des familles soit élargi pour englober la famille dans son ensemble: père, mère, enfants, soeurs, frères et grands-parents, sans aucune limitation ou restriction.

M. le Président, pour s'épanouir, le Québec devra compter sur la richesse que constituent les nouveaux arrivants, lesquels apportent leurs talents, leur expérience et leur expertise au nouveau pays de résidence. Ce dynamisme n'assure pas seulement le remplacement de la population, mais aussi un bassin de main-d'oeuvre qualifiée qui propulsera le développement économique de demain.

Pour ma part, selon mon expérience personnelle, je suis arrivé de l'Iran à Montréal le 12 décembre 1976. Deux ans plus tard, avec le déclenchement de l'anarchie iranienne, je me félicitais d'avoir choisi, comme dans la chanson, la neige comme mon pays. Mes enfants cavalent entre les universités de Montréal et McGill. Chez moi, ça jase, ça "jouale" et ça brasse modestement, comme dans tous les foyers québécois.

J'espère qu'avec l'implication de l'énoncé et notre mémoire, à l'avenir, d'autres nouveaux Québécois viendront à cette table pour proclamer leur joie et leur gratitude envers notre pays. Merci.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M. Kiaizadeh. Je dois comprendre que ceci met fin à votre exposé.

M. Bernard: Non, M. le Président, avec tout le respect que je vous dois, j'ai encore quelques minutes, si vous me permettez.

Le Président (M. Gobé): Certainement. M. Bernard: J'ai aussi mon texte.

Le Président (M. Gobé): Je vous en prie, M. Bernard.

M. Bernard: Merci, M. le Président. Alors, rapidement, ce que j'ai à vous proposer, c'est ceci. La société dans laquelle nous vivons s'est considérablement enrichie dans le passé par l'apport des immigrants, quelle que soit leur origine, tant sur les plans économique que social et culturel. Nous sommes donc entièrement d'accord avec la notion d'encourager l'immigration. De son côté, la communauté juive, dont la présence au Québec remonte à près de 200 ans, a vu ses membres contribuer de façon significative à l'épanouissement du Québec, que ce soit dans les domaines académique, scientifique, financier, culturel ou autres. Les immigrants juifs qui ont trouvé dans le Québec une terre d'accueil sont aujourd'hui bien intégrés et se considèrent comme Québécois à part entière.

La société d'accueil joue un rôle essentiel au bien-être et à l'intégration réussie de tant d'individus qui ont fait du Québec leur terre de prédilection. Le processus d'intégration des nouveaux immigrants doit demeurer le fer de lance de tout programme gouvernemental visant à faire du Québec une société dans laquelle tous les groupes pourront cohabiter et former un ensemble prêt à affronter les défis de l'avenir.

Cependant, nous croyons que la langue, bien qu'elle demeure un élément crucial du processus d'intégration, ne peut constituer le seul critère de sélection. Entre autres, des considérations humanitaires devraient demeurer des facteurs importants, vu que le Québec est une société libre et démocratique qui valorise les droits fondamentaux. À titre d'exemple, il ne faut pas oublier une importante immigration en provenance, tout récemment, de l'Europe de l'Est.

Nous recommandons fortement que, pour que le processus d'intégration des nouveaux immigrants soit efficace, les immigrants potentiels soient mis au courant de la situation sociale et économique en vigueur dans la société québécoise de façon à leur assurer plus de chances de s'intégrer. Ceci requiert évidemment que les ressources mises à notre disposition à ces fins soient considérablement augmentées.

Les antécédents historiques de la communauté juive de Montréal témoignent du rôle qui peut être joué par le secteur du volontariat en coopération avec l'État afin d'assurer que les nouveaux immigrants puissent être harmonieusement intégrés au sein de la communauté et de la société.

D'autre part, nous sommes heureux d'apprendre que le gouvernement a augmenté les ressources dirigées vers la francisation des nouveaux immigrants et, dans la même veine, a amélioré l'accès aux programmes de langue française. Nous croyons, par ailleurs, qu'il serait souhaitable de verser aux nouveaux immigrants des allocations leur permettant de subsister pendant la période d'apprentissage, pour ainsi les encourager à fréquenter les COFI.

Nous soutenons depuis fort longtemps l'objectif de rapprochement entre Québécois d'origines diverses. Étant donné qu'il n'existe, à notre sens, aucune contradiction dans la promotion du pluralisme retrouvé au sein de notre société, le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration devrait assumer la responsabilité d'assurer que des programmes soient entrepris par les ministères concernés; à titre d'exemple, les ministères de l'Éducation et celui des Affaires culturelles. De tels programmes viseraient spécifiquement à la survie et à l'épanouissement des communautés culturelles.

Nous sommes heureux que l'énoncé de politique fasse mention de l'importance de combattre le phénomène du racisme et nous

souhaiterions que soient proposées des solutions concrètes à ce problème. Il arrive fréquemment que les immigrants choisissent notre société afin d'échapper au racisme ayant cours dans leur pays d'origine. L'énoncé politique propose, à juste titre, de faire échec au développement de tensions culturelles et raciales, dont l'émergence des gangs de jeunes constitue un exemple éloquent.

Nous ne pouvons qu'appuyer ce genre de proposition visant à inculquer à nos jeunes des valeurs de tolérance, de pluralisme culturel et d'acceptation des différences.

Alors, voici, M. le Président, mesdames et messieurs les commissaires, un bref aperçu de notre opinion sur l'importante question de l'immigration et de l'intégration de nouveaux immigrants dans notre société. Nous vous remercions d'avoir pris la peine de nous écouter si attentivement et serions heureux de répondre à vos questions.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M. Bernard. Je demanderai donc maintenant à Mme la ministre de bien vouloir prendre la parole.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Merci pour la présentation de votre mémoire. Je vous félicite aussi pour la qualité de ce mémoire. Bien sûr, vous soulevez plusieurs points et, malheureusement, on ne pourra pas s'attarder à toutes les questions, à tous les points que vous soulevez dans votre mémoire, mais on aura d'autres occasions pour en discuter plus en profondeur.

Cependant, le premier point que je voudrais aborder... Le Congrès souhaite que les résidents puissent parrainer leurs enfants mariés, frères et soeurs, et que le concept de famille élargie soit pris en considération également dans les parents aidés. On doit comprendre que le Congrès juif souhaite, en fait, la disparition de la sélection qui s'applique aux parents aidés en plus du parrainage; donc, l'acception la plus large possible du mot "famille".

Je voudrais vous dire que nous, en établissant la période de l'engagement, on a essayé d'établir un lien entre la durée de l'engagement et la capacité d'intégration économique des personnes visées. Dans le cas, par exemple, des conjoints et des enfants, il s'agit de personnes qui, normalement, s'intègrent rapidement au point de vue économique. Donc, nous avons estimé qu'un engagement pour une période de trois ans était suffisant. Aussi, il faut se rappeler que l'existence d'un engagement privait aussi la conjointe parrainée du soutien que l'État peut accorder pour l'intégration économique. Je pense, entre autres, pour les cours de formation professionnelle.

Je rappelle aussi qu'en plus de cet engagement il y a toujours aussi, à l'intérieur de notre

Code civil, une obligation alimentaire qui est reliée aux conjoints et enfants. En ce qui concerne les parents aidés, c'est-à-dire les frères, les soeurs, les cousins et les cousines, la période de cinq ans est demeurée inchangée. Premièrement parce que l'argument d'établissement économique qui s'applique, s'applique aussi de façon analogue... C'est-à-dire qu'il s'applique de façon analogue aux père, frères, soeurs, cousins et cousines; c'est-à-dire que ces personnes ne sont pas couvertes par l'obligation alimentaire en vertu du Code civil et elles peuvent donc être à la charge de l'État à (a fin de l'engagement. C'est pourquoi nous avons conservé cette période de cinq ans. (12 h 15)

Et quant aux grands-parents ou aux parents, c'est-à-dire les ascendants, la période de 10 ans est demeurée inchangée parce qu'il s'agit de personnes qui, selon notre expérience, s'intègrent plus lentement et plus difficilement au point de vue économique. Donc, le maintien d'une période de 10 ans nous semblait raisonnable car, en cas de difficultés, l'obligation de soutenir, dans notre société, est partagée entre les familles qui les ont fait venir et l'État québécois. Donc, c'est un petit peu la raison pour laquelle, nous, nous avons maintenu cette durée.

Je dois vous dire, cependant, que c'est le gouvernement fédéral qui indique la définition de la famille. Et vous savez, par exemple, que tout récemment le fédéral nous a fait part qu'il entendait réduire la possibilité d'une croissance excessive de la catégorie famille au profit des travailleurs et que le plan d'immigration 1991-1995, qui a été dévoilé par mon homologue, Mme McDougall, prévoit aussi un resserrement des dispositions réglementaires qui sont applicables pour prendre davantage en compte les liens de dépendance véritable entre les membres de la cellule familiale, mariés ou non. Les enfants devront donc être inclus dans la notion de famille.

Donc, en ce qui concerne la famille élargie, c'est une idée généreuse, mais ces personnes devront, d'une façon ou d'une autre, intégrer le marché du travail. Donc, n'est-il pas préférable pour nous, qui avons à faire cette sélection à l'étranger, d'en tenir compte immédiatement lors de notre sélection. D'autre part, quelle est votre opinion concernant l'intention fédérale de modifier les dispositions réglementaires applicables à la famille pour tenir compte des liens de dépendance véritable?

M. Bernard: J'aimerais peut-être que M. Moss réponde à cette question.

M. Moss (Joël): Écoutez, je dois faire un commentaire général. Je ne sais pas si ça va répondre plus précisément à votre question. Je m'excuse d'ajouter, Mme la ministre, quelques commentaires sur votre intervention. Pour la

durée aussi, il faut tenir compte qu'il y a d'autres pressions. Évidemment, il y a une pression économique pour la société, qu'il faut considérer. En même temps, une durée de 10 ans, c'est une pression sociale aussi pour une famille, c'est-à-dire d'avoir quelqu'un dépendant de cette façon-là. Et on a proposé autre chose dans ce sens-là pour améliorer cette situation. Si on peut avoir des garants conjoints, tel qu'il est possible maintenant dans d'autres juridictions, ça va encourager les familles à participer et à partager cette responsabilité. Au moins, si on ne va pas diminuer la durée, on peut supporter dans ce sens-là de faciliter les choses pour les familles. Ça va faciliter l'entrée à l'évaluation et aussi dans le processus de support. On sait bien que la juridiction de famille, pour le moment, ça reste au fédéral. Mais on demande au Québec d'encourager le fédérai à élargir cette définition-là dans le sens qu'on a discuté.

Mme Gagnon-Tremblay: Alors, vous demandez au fédéral d'élargir, au moment où le fédéral pense peut-être resserrer un peu?

M. Moss: C'est ça.

Mme Gagnon-Tremblay: En somme, ça signifierait de conserver la notion de famille telle qu'elle est actuellement?

M. Moss: Oui, mais la définition...

Mme Gagnon-Tremblay: Parce que je pense que l'objectif qui est visé aussi, bien sûr, c'est toujours l'objectif de la capacité économique, de la capacité financière de la province à assumer des coûts, à un moment donné, de personnes qui auraient, comme je le mentionnais tout à l'heure, de la difficulté à intégrer le marché du travail, pour toutes sortes de raisons. Donc, il est important que la famille puisse aussi - la famille qui a fait venir ces personnes - partager avec nous le coût de ces services.

M. Moss: Oui. Notre expérience, c'est sûrement que les familles ont démontré, dans notre communauté surtout, je pense, leur capacité et leur volonté dans ce secteur-là. Mais il faut ajouter aussi qu'on a une définition légale de la famille et, dans les pays d'où viennent beaucoup d'immigrants juifs, on a une définition de la famille un peu différente dans le sens que, par exemple, en Union soviétique, un cousin, ça peut être comme un frère ici. Dans ce sens-là, le prix pour ne pas élargir cette définition, c'est qu'on a des gens, ici, qui ont toujours des difficultés à s'adapter dans le sens qu'il y a une partie de leur famille, une partie de leur soi, dans un sens, qui est ailleurs. Élargir cette définition-là, ça va aussi faciliter ces choses-là et accélérer l'adaptation des immigrants.

Surtout, il faut encore rappeler que, malheureusement, la grande proportion des immigrants juifs vient des pays où c'est très important pour eux autres de quitter ces pays-là. Ce n'est pas seulement pour un avantage économique qu'ils viennent au Québec. C'est vraiment pour avoir une vie où on peut s'exprimer dans notre société, dans ce sens-là, et fuir des dangers. Pour les familles qui restent ici, au Québec, en sachant que leur famille, ailleurs, est en danger, ça bloque vraiment une intégration complète.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Selon le Congrès juif, on doit augmenter la sélection des réfugiés à l'étranger et l'arrivée des revendicateurs ne devrait pas avoir d'impact sur la sélection à l'étranger. Je dois rappeler que la triste réalité est que le Québec doit tenir compte de ses capacités d'accueil et d'intégration dans son effort humanitaire et que le fédéral, bien sûr, est le seul responsable du contrôle des frontières et du processus d'acceptation des revendicateurs du statut de réfugié. Et, plus le Québec se fait imposer des réfugiés sélectionnés sur place par le gouvernement fédéral, moins il peut aller en chercher à l'étranger parce que le mouvement imposé réduit d'autant le mouvement choisi.

Le Québec doit tenir compte, bien sûr, de ses niveaux planifiés. On fait des consultations, justement, pour pouvoir, à la suite d'un consensus social, déterminer des niveaux. Et aussi, on doit maintenir une composition assez équilibrée du mouvement. À la page 11 de votre mémoire, vous mentionnez que les réfugiés sélectionnés à l'étranger ne devraient pas être jugés selon leur capacité de s'intégrer à la société québécoise. Je tiens ici à vous préciser qu'il n'est pas dans l'intention du gouvernement, bien sûr, de leur appliquer des critères de sélection semblables à ceux des indépendants. Au contraire, je pense que le choix d'accueillir un réfugié se fait à partir de l'évaluation d'une série de facteurs déterminant les chances d'adaptation et d'autonomie personnelle du réfugié.

Est-ce que vous partagez mon avis à l'effet que ce ne sont pas tous ces réfugiés, bien sûr, qui pourraient réaliser une intégration réussie au Québec et qu'il devient alors de la responsabilité du gouvernement de choisir ses réfugiés en fonction de leur capacité d'intégration, et ce, autant pour les intérêts des réfugiés eux-mêmes que pour la société d'accueil? Et, compte tenu du fait que les réfugiés admis au Québec devront, d'une façon ou d'une autre, s'intégrer au marché du travail alors qu'ils n'ont pas été sélectionnés en fonction de ce marché, ne croyez-vous pas inévitable d'en limiter le nombre?

M. Bernard: Alors, Mme la ministre, si vous me permettez, je pense que, premièrement, on appuie énormément vos propos a l'égard du fait que la sélection des réfugiés ne devrait pas être

axée uniquement sur le critère d'intégration économique ou sur le fait qu'ils pourraient ou ne pourraient pas causer un drain économique à la société d'accueil. Ça, c'est très clair là-dessus.

Par contre, il faut tenir compte du fait qu'un réfugié, en premier, doit pouvoir se réfugier quelque part. Souvent, il est peut-être facile d'imposer des critères qui font en sorte que les réfugiés, en fin de compte, n'ont nulle part où aller, c'est-à-dire nulle part de valable. La société québécoise a pris beaucoup de plaisir, avec beaucoup de justesse d'ailleurs, en étant une société très libre, une société ouverte, une société démocratique qui pourrait accueillir, chaleureusement d'ailleurs, des réfugiés. Alors, d'abord, il faut leur trouver un endroit où aller.

Ensuite, à ce moment-là, il faudrait considérer des critères qui, je dirais, sont plutôt des critères de deuxième ordre tels que les critères économiques. Mais je ne pense pas qu'en collaboration avec le fédéral, vu le nouvel accord qui a été signé, il est impossible de mettre en place des critères de sélection qui vont respecter le caractère de réfugié, tout en protégeant la société d'accueil contre des contraintes ou du stress indu du fait de leur arrivée en masse. Ce n'est pas du tout l'implication qu'on donnait dans notre mémoire.

Mme Gagnon-Tremblay: Puisque nous ne pouvons limiter le nombre de revendicateurs et qu'apparemment le gouvernement fédéral est incapable de contrôler ce mouvement, est-ce que nous avons un autre choix responsable que de limiter la sélection d'étrangers mais de bien s'occuper de ceux qui seront reconnus sur notre territoire, finalement?

M. Bernard: Mais écoutez, vous pouvez certainement mettre l'emphase sur ceux qui vont bien s'intégrer à la société d'accueil qu'est le Québec. Ça, c'est clair. Mais de là à dire qu'il faut nécessairement exclure tous ceux qui pourraient, dans l'avenir, choisir de déménager du Québec pour aller s'installer en fin de compte ailleurs, je pense que ça serait illusoire. Même si...

Mme Gagnon-Tremblay: O.K. Je pense que je vais préciser davantage. C'est que nous avons... Chaque année, nous sélectionnons à l'étranger un certain pourcentage de réfugiés. Généralement, on les sélectionne à partir de camps de réfugiés. Ça, c'est un mouvement qui est d'environ de 10 % à 13 %, par exemple, de notre mouvement global. Cependant, on se rend compte qu'il nous arrive encore tout près de 1000 revendicateurs du statut de réfugié chaque mois. Bien sûr que, parmi ces personnes, vous avez des réfugiés, de véritables réfugiés. Vous avez d'autres personnes qui viennent pour améliorer, par exemple, leur condition économique, et ça prend énormément de temps pour pouvoir régulariser chacun de ces cas.

Est-ce qu'à ce moment-là vous seriez d'accord pour que le Québec, si ces personnes arrivent et que nous n'avons pas de contrôle sur les frontières... Ces personnes qui arrivent ici, à qui on a reconnu le statut de réfugié, ne devrons-nous pas les comptabiliser, par exemple, avec le pourcentage qu'on va chercher à l'extérieur? Parce que c'est une responsabilité humanitaire mais, aussi, il y a certaines limites au niveau de l'accueil comme tel.

M. Bernard: Si j'ai bien compris votre question, en d'autres termes, il faudrait les compter à même les réfugiés qu'on accueillerait.

Mme Gagnon-Tremblay: C'est ça, oui. Est-ce qu'on devrait les calculer à l'intérieur de nos 10 % ou 12 % de gens que nous allons chercher à l'étranger, s'occuper de ceux qui sont sur place, qui revendiquent, qui sont reconnus comme réfugiés, s'occuper davantage de ceux-là?

M. Bernard: Oui, bien sûr, mais je pense qu'il y a des commentaires à tout ça.

M. Moss: Je veux ajouter un commentaire, Mme la ministre. C'est que pour notre communauté, en tout cas, la fermeture de la classe désignée... Je sais que ça ne répond pas à toute la problématique ici, au Québec, mais pour notre communauté le phénomène de revendicateur est pas mal nouveau. Quand je dis "nouveau", je dis peut-être de six à huit mois. Avant ça, dans les deux années précédentes, peut-être qu'on a eu une dizaine de revendicateurs.

Maintenant, ce qui arrive, pour notre communauté, c'est un cercle vicieux. On ferme la classe désignée pour l'Europe de l'Est, d'où viennent beaucoup de réfugiés pour notre communauté. Le fédéral a parlé d'une normalisation du "processing" à l'Europe de l'Est et à l'Union soviétique sans avoir encore affecté les ressources nécessaires. En ce sens-là, on encourage ce problème-là et les réponses doivent être dans la planification pour voir les conséquences d'une telle action. On reconnaît bien qu'il y a un problème; on partage le problème et, j'espère, les solutions.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Maintenant, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.

M. Boulerice: Messieurs, je suis heureux de vous accueillir dans le premier Parlement de l'Empire britannique qui a permis à un citoyen d'origine juive de siéger à titre de député.

M. Bernard: Nous en sommes très reconnaissants!

M. Boulerice: Deux fois élu par les Québécois, tuque et bas de laine, de Trois-Rivières, deux fois destitué par le gouverneur-général anglais, l'obstination québécoise étant reconnue, ils l'ont réélu une troisième fois et Ezekiel Hart a siégé dans ce Parlement.

En deuxième lieu, puisque j'ai bien lu votre rnémoire - et je l'ai lu avec une attention tout à fait particulière, y retrouvant des sensibilités qui sont également miennes - j'aimerais vous rappeler que c'est à la demande du chef de l'Opposition, M. Parizeau, que ce Parlement a vigoureusement condamné ces gestes racistes qui 6ht été posés dans la circonscription d'Outremont par ceux qu'on appelle les "skin heads", qui font également des ravages dans ma circonscription. J'aime bien, d'ailleurs, la définition que donne M. Parizeau d'un raciste. Il dit que c'est quelqu'un qui est laid à l'intérieur. Et je peux vous assurer que ma formation politique ne tolérera jamais que ces manifestations de laideur se poursuivent dans ce pays. Il n'en resterait qu'un seul et nous serions là pour le poursuivre, soyez-en assurés. (12 h 30)

Vous parlez dans votre mémoire - et vous êtes le tout premier groupe qu'on reçoit qui le fait de façon aussi explicite et je vous en félicite - des réfugiés. Quand je vous ai dit qu'il y avait des sensibilités dans lesquelles je me reconnaissais, je pense que, forcément, c'est l'expérience de l'immigration en Union soviétique, qui a été tellement difficile, qui vous a fait demander de diminuer les délais entre la demande d'immigration et l'émission du visa. Dieu seul sait les conditions atroces qu'ils ont vécues. On a vu d'ailleurs des images, régulièrement à la télévision, de ces longues files d'attente, etc. Et après aussi, malheureusement, un certain "parcage", si vous me permettez l'expression, dans d'autres pays, avant l'arrivée vers la nouvelle terre d'accueil, qu'elle soit chez nous ou qu'elle soit dans un autre pays pour lequel vos coreligionnaires ont forcément une affection tout à fait légitime et tout à fait normale, que je ne saurais nier en aucune façon.

Vous avez également souligné, et là aussi, cela m'intéresse - voyons, j'essaie de trouver le mot juste - la capacité d'intégration. Vous avez fait un parallèle en disant, oui, l'augmentation en immigration francophone. Vous avez émis des réserves mais pas des réserves dans le sens négatif du terme. J'ai répondu hier que, quand on en parlait - et je pense que la ministre souscrit a mon propos - on n'a jamais parié d'immigration francophone dans son sens exclusif mais bien de favoriser légitimement des gens qui avaient une parenté culturelle et linguistique avec nous. Je pense que c'est dans la nature même des choses et j'y reviendrai tantôt dans la définition de "famille", puisque ça peut avoir une corrélation. Mais quand vous dites qu'il faut miser davantage sur les capacités d'intégration, quels sont, d'après vous, les critères qui nous permettent de dire qu'un immigrant va bien s'intégrer?

M. Bernard: Quel est le dernier mot de votre question, monsieur?

M. Boulerice: Quels sont les critères qui vont nous permettre de dire qu'un immigrant va bien s'intégrer, si nous excluons la langue?

M. Kiaizadeh: Monsieur, on n'a pas dit dans notre mémoire qu'on excluait le problème linguistique. On a dit qu'on le mettait peut-être en délai, en attendant que l'immigrant arrive et qu'il trouve un travail. On a essayé de lui donner un minimum de base linguistique, mais... Vous prenez la majorité - je dirais 65 % - des membres de notre communauté âgés de 40 ans et moins, aujourd'hui, ils sont tous parfaitement bilingues. Ils parlent le français aussi bien que vous et moi, ils parlent l'anglais et je dirais qu'ils parlent une troisième langue aussi. Le fait même d'être multilingue, ça a toujours servi à la communauté juive pour s'enrichir à travers ça.

M. Bernard: Moi, je pourrais peut-être ajouter, si j'ai bien saisi la portée de votre question, qu'il est impossible de définir avec précision les critères d'intégration. Il est clair que nous faisons, comme nous le suggérons dans notre mémoire, une certaine démarche avant l'arrivée d'immigrants. Au moment où ils décident d'immigrer et choisissent le lieu où ils désirent immigrer, on leur explique bien ce qu'est exactement la société québécoise. À ce moment-là, c'est clair que les chances d'intégration réussie de ces immigrants-là seront beaucoup améliorées parce qu'ils auront choisi, en toute connaissance de cause, le Québec comme leur destination.

Mais il y a ensuite le fait que - et nous appuyons énormément l'énoncé de politique à cet égard - la société qui accueille ces immigrants-là a des démarches à faire pour que l'accueil soit chaleureux et qu'ils ne se sentent pas, comme vous avez posé la question à une autre délégation tantôt, ghettoïsés, d'une certaine façon qui, en fin de compte, pourrait même être vue comme une espèce de racisme. Alors, à ce moment-là, j'appuie avec beaucoup d'enthousiasme les représentants de la communauté grecque qui vous ont dit que, peu importe la longueur ou le nombre de syllabes dans mon nom, à ce moment-là, je devrais me sentir très à l'aise.

Alors, c'est vraiment une question d'appui des deux côtés, d'intérêt de la part de l'immigrant à s'intégrer et de beaucoup d'efforts de la part de la société pour rendre ce processus d'intégration facile. Alors, à ce moment-là, je pense que tous les critères d'intégration qui pourraient exister sont actuellement dans la société québécoise. Mais il demeure simplement une question de les mettre en vigueur et de les appuyer avec enthousiasme afin de minimiser les

impacts négatifs ou les tendances négatives qui pourraient exister au sein de la société.

M. Boulerice: Je lisais à la page 21 - et j'ai trouvé ça très intéressant - que la promotion des cultures d'origine ne doit en aucun cas être négligée. Vous vous rappelez cette extraordinaire mesure qu'a adoptée le gouvernement, issue de mon parti, qui s'appelait PELO, Programme d'enseignement des langues d'origine, qui nous a permis d'éviter le "melting pot" américain et de préserver les langues d'origine. "Puisqu'il n'existe aucune contradiction dans la promotion des différentes cultures, le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration devrait assumer la responsabilité de s'assurer que ces programmes soient entrepris par les ministères concernés, par exemple, l'Éducation et la Culture."

Je vais faire un certain relais puisqu'on a parlé tantôt de certaines manifestations répri-mandables, au plus haut niveau de racisme. Quels sont les moyens qui devraient être entrepris de façon à sensibiliser l'autre aux particularités d'un autre et éviter ces choses-là? Moi, tout de suite, j'ai une solution qui va peut-être vous faire sourire; ce livre m'a tellement impressionné que je pense que toutes les bibliothèques, de toutes les écoles, devraient avoir ce livre de David Rome, Juifs et Canadiens français, 200 ans d'histoire commune, et peut-être en faire une lecture obligatoire.

M. Jedwab (Jack): Premièrement, je pense que quand on a parlé de promotion des cultures d'origine, si je peux soulever un exemple de cette promotion... Je félicite le gouvernement dans le sens qu'il appuie le programme PELO, le Programme d'enseignement des langues d'origine, mais récemment, on a vu un programme à la Commission des droits de la personne, lequel, je pense, était fort intéressant, qui s'appelle le "Black history month". Ceci ne comporte pas ia dimension de langue d'origine ou autres dimensions linguistiques, mais je pense qu'un tel programme mérite l'appui de notre gouvernement. Je pense qu'on a aussi appuyé ce programme. Ça tombe dans ce qu'on appelle la promotion des cultures d'origine. Là aussi, je pense qu'il faut dire que beaucoup de membres de la communauté noire qui arrivent au Québec, souvent, ne sont pas au courant de leurs racines. On a le même cas à l'intérieur de la communauté juive. Souvent, il y a des Juifs qui arrivent de l'URSS, qui à cause de la situation politique dans ce pays, ne sont pas au courant de leurs racines. Alors, dans l'ensemble, ça devient très important de leur faire apprendre leurs racines et, en même temps, de leur faire apprendre les différents aspects de notre société québécoise. Là, surtout, je pense que la formation se fait dans les deux sens. C'est pourquoi on encourage beaucoup ce qu'on appelle le rapprochement entre les différentes composantes de notre société.

Selon notre opinion, il faut multiplier les contacts entre les différents membres de la société, des contacts qui étaient assez limités dans les décennies passées. Comme je l'ai dit, il faut promouvoir la formation interculturelle, d'une part, pour les membres de la communauté de souche, entre guillemets, si vous me permettez cette expression courante, et d'autre part il est important d'apprendre aux nouveaux arrivants et aux communautés cultureUes l'histoire de la société québécoise et les aspects tout à fait particuliers de la société québécoise. Ceci va arriver, dans mon opinion et dans l'opinion du Congrès, effectivement, surtout dans les écoles. Il faut travailler beaucoup, par exemple, avec le ministère ou le ministre de l'Éducation, M. Pagé. Actuellement, M. Pagé et d'autres du ministère de l'Éducation ont un rôle important à jouer. C'est non seulement la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, mais les autres ministres qui ont ce rôle à jouer dans la formation, et c'est surtout avec la jeunesse qu'il faut travailler à l'objectif que vous venez de mentionner, M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Sainte-Marie-Saint-Jacques. M. Jedwab: C'est ça.

M. Boulerice: M. Jedwab, je sais pertinemment qu'il y a un système de jumelage qui existe entre les écoles juives et les autres écoles. Je n'ai pas l'évaluation, comment cela se comporte, où nous en sommes, à quel point, etc. Remarquez que j'aimerais bien l'avoir mais je suis persuadé que, d'ici quelques semaines, vous me la fournirez. Voilà. Je suis persuadé que l'expérience est positive. Est-ce que vous croyez qu'elle devrait être appuyée par l'État - quand je dis l'État, je parle à la fois du ministère de l'Éducation et du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, l'ancien comité interministériel -et qu'elle doit également être extensionnée? Je serais également intéressé et je pense que les mentalités doivent être changées très tôt. J'ai bien peur qu'à 84 ans, si jamais je me rends aussi loin, il y a peut-être des attitudes qui seront difficiles à corriger chez moi, mais c'était beaucoup plus facile de les faire changer lorsque j'en avais 17 ou 18. Ce serait peut-être intéressant que l'école Socrates, puisque je regarde nos amis qui sont là, nos amis helléniques, soit également jumelée à l'école Marguerite-Bourgeoys dans ma circonscription, qui, elle, est à très nette prédominance tuque et bas de laine, puisqu'il faut toujours employer ce vocabulaire.

M. Jedwab: Je suis tout à fait d'accord avec votre intervention. Le groupe Action rapprochement, et je pense que c'est à ce programme que vous avez fait référence, existe depuis 1980. Oui,

on pense que c'est important que le gouvernement appuie ce programme, d'une part. Il y a un certain appui qui existe déjà. C'est minime toutefois.

D'autre part, je pense que le modèle peut être bien appliqué aux autres écoles. J'aimerais ajouter cependant que c'est non seulement le jumelage à l'intérieur de me de Montréal qui doit être fait, mais le jumelage entre certaines écoles à l'intérieur de la ville de Montréal, pour nous, les Montréalais, qui sommes ici autour ainsi que pour les personnes qui habitent à l'extérieur de la ville de Montréal. Ça, c'est très important.

Comme je l'ai dit tantôt, c'est essentiel de multiplier les contacts entre les différentes communautés. On a fait ça surtout depuis les années soixante-dix. Il faut continuer de faire ça et mettre l'accent sur le rapprochement. Ce rapprochement, dans le contexte de notre projet de société, doit inclure aussi les anglophones. Ceci est absent dans l'énoncé de politique mais, pour faire un projet de société, tous les composants doivent être inclus. Je pense que c'est très important pour beaucoup d'anglophones d'avoir un contact accru avec les autres composants dans la société.

M. Boulerice: Compte tenu de l'expérience que vous avez de ce type de jumelage - je sais que, dans son énoncé, la ministre le prévoit à titre expérimental - ne croyez-vous pas qu'on a atteint un niveau suffisant pour dépasser même le niveau expérimental et commencer même à l'institutionnaliser? Et également, aussi... Bon, on ne va pas se reprocher d'être Montréalais, que voulez-vous, on va vivre notre accident géographique, mais le régionaliser également.

M. Jedwab: Si j'ai bien saisi votre intervention, vous êtes en train de parler de régionaliser les...

M. Boulerice: Eh bien, dans le sens qu'on ne le fera pas uniquement en région métropolitaine, mais peut-être en jumelant une école de Montréal avec une école de Chicoutimi. Parce que, comprenez la difficulté d'expliquer quelquefois à Chicoutimi ce qu'est la communauté séfarade, ce qu'est la communauté ashkénaze, ce qu'est la communauté hellénique - je dois dire grecque parce que, hellénique, quelquefois, ce n'est pas compris. Je ne les en blâme pas, mais... Alors, je parlais de l'extensionner dans l'ensemble du Québec comme tel et ma première réaction était: Compte tenu de l'expérience que vous avez déjà de ce type de jumelage, ne croyez-vous pas qu'on devrait immédiatement passer à une certaine forme d'institutionnalisation puisque, déjà, nous avons une expertise qui m'apparaît concluante? (12 h 45)

M. Bernard: Je pense que j'aimerais répondre à la question de la façon suivante. Je pense que l'expérience qu'on a eue a été très bonne. Je pense que c'est quelque chose qui devrait certainement être appuyé par l'État et qui devrait être élargi pour qu'effectivement, ça se produise dans les régions et ainsi de suite. Mais il faut faire très attention que ça ne devienne pas imposé parce que, si ça devient imposé, ce n'est pas fait de façon volontaire. À ce moment-là, ça devient une obligation au lieu d'un plaisir. Et c'est ça, l'important. Alors, pour accroître les liens culturels, c'est excellent comme programme, mais ça doit être un programme volontaire avec l'appui de l'État.

M. Boulerice: Dans le style... Quand je disais institutionnalisé, je disais de le rendre effectivement accessible et d'en faire des projets du code... un menu à la carte, si vous voulez. S'ils le souhaitent, ils le font. Si, par malheur, ils ne le souhaitent pas pour des raisons qui leur sont propres et qui ne sont pas discutables, eh bien, on attendra le moment où ils se seront fixés dans le menu, si je peux employer l'expression.

Maintenant, il y a une autre question que j'aimerais vous poser. Vous ne discutez pas du projet de régionalisation de l'immigration comme tel. Je vous avoue que ça m'a un peu intrigué puisque tous les autres l'abordent. Est-ce que vous croyez... Ne croyez-vous pas, dis-je plutôt, qu'il s'agit quand même là d'une bonne solution pour favoriser l'intégration des nouveaux arrivants? C'est évident.

M. Bernard: M. le député, nous avons ici un extrait d'un sondage qui a été publié à l'automne 1989 dans une revue de Statistique Canada, "Canadian Social Trends", qui nous donne les immigrants en termes de pourcentage de la population des régions métropolitaines, en date de 1986 qui a été la date du dernier recensement. Et à ce titre, Montréal est, je pense, à peu près dixième. Alors, le pourcentage d'immigrants à Montréal n'est, en fin de compte, pas fort comparativement à d'autres grandes régions ou grands centres municipaux du Canada. Alors, le concept de favoriser l'implantation des immigrants en régions autres que dans les grands centres urbains, je pense, est certainement quelque chose d'intéressant. Mais c'est plutôt l'attrait de l'endroit où ils vont s'établir qui doit les faire choisir cet endroit-là plutôt que de les pousser à sortir d'un milieu urbain.

Il ne faut pas non plus exclure de notre pensée le fait qu'eux, le programme qui est proposé par le gouvernement dans son énoncé de politique, ils pensent à y améliorer l'accueil que fait la société en parlant du contrat moral par des programmes qui pourraient être mis en place pour qu'un nouvel immigrant se sente beaucoup plus à l'aise, beaucoup plus capable de s'intégrer à la société. Je pense qu'on a toute une étape à franchir avant que tout ce système, cette

infrastructure soit implantée dans des régions autres que les régions urbaines.

Il est évident qu'avec les fortes concentrations de population dans les régions urbaines, à ce moment-là, il y a peut-être plus de fonds du gouvernement qui sont destinés à la création et au maintien de certaines institutions qui pourraient justement faire en sorte qu'un immigrant trouverait à cet endroit-là son choix de lieu où s'installer. Alors, je ne parle pas du tout de questions économiques parce que c'est évident, en principe également, que l'attrait des centres urbains... Mais je dis ceci: Écoutez, il faut certainement que des politiques qui sont mises en place résultent en des régions devenant plus attrayantes au lieu d'aller à l'inverse et de pousser les immigrants à s'installer en région si ça ne leur est pas chaleureux de le faire.

M. Boulerice: Ma dernière question est sans doute des plus importantes. D'après vous, est-ce que la définition de "famille" se lit dans le dictionnaire d'Ottawa ou dans le dictionnaire de Québec? On pourrait avoir le Larousse ou le Petit Robert, peu importe, mais...

M. Bernard: Nous essayons de faire le lien avec les deux vu le nouvel accord qui est mis. Mais j'aimerais peut-être céder encore une fois la parole à M. Moss qui a déjà abordé ce sujet.

M. Moss: Je dois dire que je n'ai pas saisi complètement l'intention de votre intervention.

M. Boulerice: Le mot "famille" est défini par Ottawa.

M. Moss: Oui.

M. Boulerice: Et moi, je dis... Enfin, je vous pose la question: Le mot "famille" peut-il être défini par Ottawa ou doit-il être défini par Québec?

Une voix: Je vous remercie, M. le député. Une voix: Je vais peut-être répondre...

Le Président (M. Gobé): Mais c'est là tout le temps qui était alloué.

M. Boulerice: Pour ma question, mais pour la réponse, vous allez quand même leur laisser le loisir d'y répondre?

Le Président (M. Gobé): Alors, très rapidement, s'il vous plaît. Nous avons déjà dépassé le temps imparti et nous devons...

M. Boulerice: On l'a fait pour nos collègues tantôt.

M. Bernard: M. le député de Sainte-Marie-

Saint-Jacques, avec tout le respect, je ne suis pas ici pour parler de questions constitutionnelles ou de partage de pouvoirs. Mais au point de vue de la communauté culturelle juive, je peux vous répondre tout simplement que notre suggestion, c'est d'avoir un certain degré de collaboration entre les deux paliers de gouvernement de façon à maximiser l'accès en élargissant la notion de famille, tel que vous l'a mentionné tantôt M. Moss. J'espère que ça répond à votre question.

M. Boulerice: Oui.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie beaucoup, M. Bernard, de cette réponse. Ceci met fin au temps de parole des membres de l'Opposition. Et je vais maintenant passer la parole... Il reste quelques minutes pour la majorité non pas présidentielle, mais la majorité gouvernementale. Je passerai donc la parole à M. le député de Richelieu.

M. Khelfa: Merci, M. le Président. À mon tour, je vous souhaite la bienvenue. Vous avez présenté un mémoire très étoffé, bien articulé. Comme résident en région, dans un comté à l'extérieur de Montréal, quand vous avez parlé de la régionalisation, vous avez répondu en partie à ma question, mais je vais quand même la poser de nouveau. Concernant la régionalisation des immigrants à l'extérieur, dans votre organisme, vous militez en général dans les grands centres et surtout à Montréal. Vous avez mentionné que la régionalisation, pour vous, doit se faire avec des mesures coercitives et incitatives. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Bernard: Ce sont plutôt des mesures incitatives au lieu de coercitives.

M. Khelfa: Au lieu de coercitives. Qu'est-ce que vous pensez du principe pour attirer les immigrants en région? D'après vous, quelle est la meilleure méthode pour attirer les immigrants en région?

Le Président (M. Gobé): Oui.

M. Jedwab: Premièrement, je pense qu'il faut remarquer qu'il y avait des communautés juives à Trois-Rivières et à Québec. Il existe toujours, dans certains coins du Québec, des membres de notre communauté. Je pense que c'est très important - peut-être que je peux utiliser ça comme exemple - de créer des infrastructures. Je pense que, premièrement, M. Bernard a répondu aux trois quarts à cette question. Mais il faut créer des infrastructures qui vont être attirantes pour attirer les nouveaux arrivants: l'infrastructure économique et l'infrastructure communautaire. Quand on regarde l'Ontario... Si on compare le Québec à l'Ontario, là, il y a environ 8 ou 10 municipalités urbaines

de taille moyenne qui sont attirantes pour les immigrants parce qu'il y a des infrastructures économiques, d'une part, et communautaires, d'autre part. Je pense que c'est cet objectif que le Québec doit viser si la société veut attirer dans les régions les nouveaux arrivants.

M. Khelfa: Ça veut dire que proposer d'obliger les nouveaux arrivants à s'installer dans les régions périphériques, ce n'est pas une mesure qui pourra inciter à une ouverture vers une nouvelle dynamique avec les immigrants dans des régions périphériques.

M. Bernard: M. le député de Richelieu, si vous me permettez un exemple très personnel, si j'avais le choix de m'installer aujourd'hui à un endroit quelconque, il est évident qu'ayant des enfants je regarderais premièrement la disponibilité des écoles. C'est primordial. Si je compte... Ou, si je donne une certaine importance à mes traditions religieuses et culturelles, à ce moment-là, il est important pour moi de savoir si je suis également capable de leur donner non seulement un enseignement laïc, mais également un enseignement religieux et culturel. S'il n'y a aucune façon de le faire dans un centre quelconque et si je ne peux môme pas compter sur la présence de suffisamment de monde de mon groupe, de ma religion ou de ma culture pour pouvoir nous-mêmes commencer quelque chose et le supporter financièrement de notre poche, à ce moment-là, il est clair que je ne vais pas du tout songer à m'installer à cet endroit-là.

M. Khelfa: Juste pour terminer... Je suis bien content de vous entendre parler. J'ai lu en fin de semaine un article de l'ancien vice-président du Parti québécois, disant que l'immigration doit être obligatoirement dirigée vers les régions. Je suis bien content de constater que même le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques est en désaccord avec ça.

Pour terminer ma question, concernant le niveau d'immigration, on parle d'un objectif de 25 % de l'immigration canadienne. Qu'est-ce que vous pensez de cet objectif de 25 %?

M. Moss: La question de niveau, c'est toujours difficile. Nous ne le voyons pas en termes de pourcentage du taux canadien, mais pas de tout le Canada. On voit plus quels sont les niveaux d'immigration qui peuvent contribuer au développement continu du Québec. Et, dans ce sens-là, ce n'est pas par rapport à un autre pourcentage qu'on mesure le succès ou le niveau mais il faut le mesurer dans le sens de: Quel niveau est optimal pour le Québec? On est très heureux que l'énoncé ait donné des niveaux plus intéressants pour le Québec mais, à notre avis, ces niveaux-là sont plus élevés aussi.

M. Khelfa: J'aimerais, en terminant... Malgré la situation économique actuelle du Québec, croyez-vous que l'économie québécoise peut absorber ce pourcentage?

M. Moss: Là, il y a, je pense, un élément d'évaluation qui doit être beaucoup plus élaboré qu'on ne peut le faire maintenant ou qui dépasse les ressources de notre communauté, évidemment. Tenant compte des ressources professionnelles qui... Surtout, je dois faire référence aux immigrants juifs; les ressources professionnelles, surtout des gens de l'Union soviétique, c'est un ajout immédiat pour le Québec sur le plan économique d'avoir des ingénieurs, d'avoir d'autres professions qui peuvent immédiatement contribuer au développement technologique et qui peuvent contribuer à la vie économique du Québec dans ce sens-là.

M. Khelfa: Ça s'applique aussi aux régions et pas seulement aux grands centres comme Montréal et Québec. Ça peut être applicable dans les régions périphériques, avec des mesures incttatives?

M. Moss: Oui. Et on retrouve dans notre communauté des immigrants qui viennent - d'abord, il faut un autre élément dans ce sens-là - ils viennent aussi rejoindre une famille, souvent. Et dans ce sens-là, si la famille est à Montréal, c'est... Évidemment, en plus des raisons que M. Bernard a citées, être avec la famille, c'est une autre chose. Mais les incitatifs économiques pour telle profession, ici et là, ça peut toujours inciter des gens à se régionaliser.

M. Khelfa: Bien sûr, plutôt que des mesures coercitives.

M. Moss: Absolument.

M. Kiaizadeh: Je vais ajouter à cette notion d'obliger l'immigrant... on aura beau obliger l'immigrant, lors de sa demande, à partir à Chicoutimi ou bien à partir au Lac-Saint-Jean mais l'immigrant, une fois arrivé et installé au Canada, il dépend de sa décision, pratiquement. Comment est-ce qu'on pourra obliger un immigrant qui a reçu un permis bien cacheté par l'ambassade canadienne ou les représentations québécoises? Une fois qu'il est installé, qu'il commence à payer ses taxes, qu'il commence à être le citoyen désirable que nous cherchons, je ne vois pas comment on pourrait l'obliger.

M. Khelfa: Je vous remercie de votre précision.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie beaucoup, M. le député de Richelieu. Merci beaucoup, monsieur. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, en conclusion, rapidement,

je vois que l'heure se termine.

M. Boulerice: Oui, bien... je sais que le temps file rapidement...

Le Président (M. Gobé): Trop vite.

M. Boulerice: ...trop vite, effectivement, pour nous. Je pense que ces échanges pourraient être, dans le temps, beaucoup plus longs et on s'en porterait sans aucun doute beaucoup mieux. Mais je remarque essentiellement ce matin qu'autant nos amis allophones que nos amis helléniques... Vous avez apporté énormément de matière à réflexion, de façon à ce que: Oui, il y a le Québec; oui, il faut le bâtir; mais je pense que les éléments que vous apportez vont faire en sorte que le mot "ensemble" soit en lettres majuscules et, forcément, "ensemble", c'est au pluriel. Donc, ça nous inclut tous. Alors, je vous remercie beaucoup, M. Kiaizadeh, M. Moss, M. Bernard et M. Jedwab, que je vois fréquemment, d'ailleurs.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, en conclusion.

Mme Gagnon-Tremblay: Moi aussi, je voudrais vous remercier. Bien sûr qu'on a très peu de temps pour approfondir autant de questions, comme je le disais au tout début. Cependant, compte tenu de votre vaste expérience en intégration, je vous lance un appel pour que vous puissiez nous aider dans ce grand défi qu'on aura à relever et, plus particulièrement, quant aux communautés nouvelle vague qui ont besoin des structures de communautés beaucoup mieux établies pour pouvoir nous aider. J'en parlais récemment avec M. Victor Goldbloom qui, justement, comme mon collègue le mentionnait tout à l'heure, a été d'ailleurs le premier député québécois d'origine juive à entrer au cabinet - nomination qui avait été faite par M. Bourassa en 1970 - alors, je lui en parlais aussi parce qu'il s'intéresse énormément à cette problématique de l'intégration. Donc, je voudrais, bien sûr, compter sur votre collaboration et votre appui pour que vous puissiez nous aider aussi concernant les nouvelles vagues d'immigration. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. MM. Jedwab, Bernard, Moss et Kiaizadeh, au nom des membres de la commission, je vous remercie de votre contribution. C'était très intéressant et je vous prierai de transmettre nos salutations aux membres de votre communauté. Ceci étant dit, la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures cet après-midi, en cette salle.

(Suspension de la séance à 13 h 2)

(Reprise à 14 h 25)

Bureau de la communauté chrétienne des Haïtiens de Montréal

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de la culture reprend ses travaux. Nous allons maintenant entendre le Bureau de la communauté chrétienne des Haïtiens de Montréal. Je crois qu'il est représenté par M. Icart ainsi que par Mme Tardif à qui je souhaite la bienvenue.

Je vous indique que nous disposons d'à peu près une heure, pas plus en tout cas, pour vous entendre. Vous avez une vingtaine de minutes pour présenter votre point de vue sur la politique de la ministre. La ministre réagira à vos commentaires avec certaines questions, si elle le juge à propos, de même que les ministériels, pour une vingtaine de minutes, et les représentants de l'Opposition officielle feront de même.

Donc, je vous cède la parole, M. Icart ou Mme Tardif.

M. Icart (Jean-Claude): Merci. Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, MM. les parlementaires. D'abord, rapidement, si vous me permettez de présenter le Bureau, qui fonctionne depuis 1972. C'est l'une des premières associations de la communauté haïtienne. Le Bureau est devenu au fil des années une référence aussi bien pour la communauté que pour le milieu d'accueil.

Notre communauté est relativement jeune. On peut parler de communauté haïtienne au Québec depuis peut-être une trentaine d'années, mais c'est probablement la communauté sur laquelle le Québec exerce le plus fort pouvoir d'attraction et également de rétention. Les membres de notre communauté se retrouvent dans les secteurs d'activité professionnelle les plus variés et ils contribuent à leur façon au développement du Québec.

Dans l'ensemble, on peut dire qu'outre les difficultés reliées à l'immigration comme telle, nos problèmes sont les mêmes que ceux de l'ensemble de la société avec, cependant, cet élément déterminant, ce facteur d'aggravation qu'est l'origine différente, dans le sens qu'on peut parler de certaines de nos difficultés comme de véritables révélateurs de difficultés de la société dans son ensemble.

Nous nous réjouissons de cet énoncé de politique de Mme la ministre et, principalement, le contrat moral qui nous apparaît une excellente idée, d'une part, parce que cela suppose qu'on reconnaisse qu'il y a certains problèmes pour lesquels le juridique ne suffit pas. Je pense notamment à un exemple qu'on pourrait prendre, le racisme, où il y a eu tout un arsenal juridique pour combattre le racisme, peut-être perfectible très certainement, mais, quelque part, on se dit qu'un problème de cette nature-là ne peut pas

être résolu uniquement par des mesures légales, des mesures juridiques. Ça prend autre chose.

Deuxièmement, parler de ce contrat moral suppose aussi l'existence d'un espace public, dans le sens assez ouvert pour établir cette distinction entre le privé et le public. Ceci nous apparaît important parce que le contrat moral suppose qu'il n'est pas nécessaire, pour être Québécois à part entière, d'abandonner certaines spécificités en autant, bien sûr, qu'elles respectent les droits fondamentaux, les droits de tous, ce qui suppose une certaine différence entre le privé et le public.

Une petite parenthèse. Le Québec a toujours été perçu comme une société... L'une de ses marques fondamentales, c'est cette forte conscience communautaire du Québec. Or, justement, nous savons que le communautaire, c'est le lieu par excellence de rencontre du public et du privé. C'est une notion sur laquelle il faudra donc s'interroger un peu plus parce que ça veut dire, dans la vie publique, le fait qu'on ait une spécificité culturelle.

C'est sûr que ce contrat d'accord s'établit dès le premier accueil. Cependant, on pensait qu'il était important qu'il soit rappelé, notamment au moment de l'acquisition de la citoyenneté, que c'est conjointement, ce contrat entre l'ensemble des citoyens et les nouveaux arrivants. On pense que les organismes communautaires auront un rôle particulièrement important à jouer à ce niveau.

Quant à la deuxième partie sur les orientations en matière d'immigration, c'est clair que le Québec doit se doter... Enfin, de toute façon, depuis 1968, le Québec essaie de se doter de mécanismes de sélection. Ce qui nous apparaît le plus intéressant, c'est la sélection des indépendants à avoir le programme expérimental, c'est-à-dire une sélection basée d'abord sur le potentiel d'adaptabilité professionnelle des candidats, pas seulement sur la capacité d'investissement ou l'offre d'emploi garanti.

D'ailleurs, certaines études nous montrent qu'en termes de retombées purement économiques cette catégorie d'immigrants est aussi rentable, disons, que les investisseurs ou autres.

Une petite parenthèse. Il existe depuis quelques années un programme spécial qui permet, parce que c'est un domaine où il y a eu beaucoup... certains abus, dans le passé, à des travailleuses domestiques de régulariser leur situation en territoire québécois. On espère qu'il sera maintenu. Ce n'était pas très clair dans l'énoncé de politique.

En matière de réunification familiale, c'est sûr que nous ne pouvons qu'approuver l'intention du gouvernement de réduire au minimum les délais. Au cours des dernières années, dans notre communauté particulièrement, on a été assez souvent témoins de difficultés liées à la dislocation familiale. On parle, par exemple, ces jours-ci du "backlog". Quand on pense qu'il y a des gens qui attendent depuis 10 ans le statut de réfugié au Canada, une bonne partie au Québec, environ 35 000, on se demande ce que sera la réunification familiale. Ces personnes vont se retrouver dans quelques années, certaines d'entre elles face à des étrangers, leurs enfants qui seront devenus des étrangers. Et là aussi, quand on parle d'adaptation à la société d'accueil, ce temps d'adaptation de la famille à elle-même n'est pas du temps perdu, bien au contraire.

Nous avions également la décision de réduire ou l'intention de réduire à 3 ans l'engagement souscrit par le garant en faveur de son conjoint et de ses enfants. Nous pensons même que cette mesure devrait être étendue à d'autres catégories. Nous pensons notamment aux frères et soeurs qui vont souvent se voir privés d'un certain nombre de programmes gouvernementaux, notamment des programmes de formation professionnelle parce que ayant été parrainés. Il nous apparaît quelque part aussi... On dit que quelqu'un qui a 20, 25 ans... Est-ce que ça lui prend absolument l'engagement de 10 ans comme quelqu'un qui aurait 60 ou 70 ans? Quelque part, il me semble qu'il y a quelque chose puisque, à 20 ans, on prive cette personne d'un certain nombre de mesures, notamment visant à l'insertion sur le marché du travail.

Un peu plus bas dans le document, on parle du marché du travail comme un secteur fondamental d'adaptation, alors que dans cette partie-là on peut en quelque sorte - enfin je ne peux pas dire handicaper - rendre plus difficile cette insertion sur le marché du travail. Et c'est pourquoi on concluait que, finalement, la citoyenneté devrait automatiquement annuler le parrainage dans la mesure où on se retrouve avec des citoyens de seconde catégorie, de seconde zone, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas les mêmes droits que tous les citoyens. On pense que la citoyenneté pourrait purement et simplement abolir le parrainage.

Également, on ne parie pas du tout d'une mesure qui a été souvent réclamée par des groupes, à savoir la possibilité de parrainage conjoint pour un parent. Que plusieurs membres d'une famille puissent parrainer le père ou la mère, c'est une pratique courante qui existe partout ailleurs, dans toutes les autres provinces, sauf au Québec.

Quant à l'adoption internationale, enfin, on y reviendra peut-être, s'il y a lieu, un peu plus dans les questions. Mais notre expérience avec des groupes qui ont adopté des enfants était que ça se passait bien quand les gens adoptaient un enfant pour avoir un enfant. Ce n'est un geste ni de charité, ni de solidarité internationale. Ce n'est pas ainsi qu'on résout les problèmes du tiers monde. Partir sur cette base, je pense que c'est complètement faux et erroné et aller au-devant de graves problèmes, aussi bien pour les enfants que pour les parents. Je pense qu'adopter un enfant, surtout tel que défini par le Québec,

c'est-à-dire rupture de tous liens avec la famille biologique... On adopte un enfant parce qu'on veut avoir un enfant. À partir de ce moment, je pense que la perspective change. Mais présenter l'adoption internationale comme le gros geste de solidarité internationale, etc., je ne sais pas. Je pense qu'il y a d'autres gestes qui peuvent être posés. Je ne suis pas sûr que... Enfin, on y reviendra s'il y a lieu.

Notre grande déception, quand même, dans ce document, a été la question de l'arriéré des revendicateurs du statut de réfugié. On s'attendait à quelque chose, disons, de plus nerveux ou de plus clair parce que c'est un problème. Ça représente environ 35 000 personnes sur le territoire du Québec. On sait, si on se base sur les résultats du fédéral à date, qu'une bonne partie, sinon une majorité sera acceptée, par conséquent, restera en territoire québécois. On parle de critères humanitaires. Cependant, dans ce programme-là, les critères humanitaires du Québec ne semblent pas pouvoir s'appliquer ou ne semblent pas pouvoir être au moins différents de ceux du fédéral. On en parle dans le document de sélection sur place, mais on ne pense pas à appliquer ce programme de sélection sur place à cette catégorie. Et plus le problème va traîner, plus les questions de réunification familiale vont être difficiles, et c'est des problèmes qui vont rester au Québec, si on se fie toujours sur le taux d'acceptation actuel. Honnêtement, j'avais pensé qu'il y aurait eu quelque chose de plus fort dans cette partie-là.

Enfin, notre petite déception là-dessus, c'est la réorientation totale du fonds d'aide aux réfugiés. C'est vrai qu'il y a des programmes intéressants dans les camps, aux Philippines ou ailleurs, d'apprentissage du français pour des personnes qui, éventuellement, seront acceptées par le Québec, dans le cadre, notamment, des parrainages de groupes ou autres, mais le fonds d'aide aux réfugiés n'est pas que cela. Ce n'est pas que cela et ça a permis dans le passé, au Québec, d'aider des groupes de réfugiés qui ne viendraient jamais au Québec. Je veux dire, actuellement, la population de réfugiés - on parle d'environ 15 000 000... C'est sûr qu'il y a des pays qui vont nous parler de capacité d'accueil limitée, mais on espérait toujours que ces pays, même en termes financiers, puissent supporter d'autres pays où le HCR a géré disons entre guillemets, ces laissés-pour-compte, ce qui ne semble pas être le cas et ce qui rend de plus en plus dramatique la situation des réfugiés dans le monde. J'espère que l'orientation première du fonds sera maintenue et que tout le fonds ne passera pas uniquement dans les camps de réfugiés, pour les personnes qui viennent au Québec.

Quant aux orientations en matière d'intégration, c'est sûr que... La question linguistique, je pense qu'on ne va pas s'arrêter là-dessus. De toute façon, ça n'a pas pris de loi pour que la communauté haïtienne s'insère dans la majorité francophone. Ce n'est pas ça, le problème. Le problème, c'est qu'on donne l'impression, dans le document, notamment au chapitre de l'école, qu'une fois que la question du français sera réglée, tous les problèmes seront réglés. On semble prêter trop de vertu, je pense, à la maîtrise de la langue française. C'est vrai que le français a une place particulière au niveau de la culture. C'est un peu le sanctuaire d'une culture. Ce n'est pas seulement un moyen de communication, contrairement à l'anglais, par exemple. On pourrait revenir là-dessus un peu plus longuement. Mais la maîtrise de la langue, ce n'est pas toute l'adaptation, notamment au niveau scolaire. L'école a quand même un rôle fondamental qui est celui de transmettre un certain savoir, de préparer des jeunes à devenir des citoyens à part entière, à apporter pleinement leur contribution à la société. Ce n'est pas que je veuille parler de façon trop familière ou autre, mais avoir, au bout du compte, des petits cancres qui parlent parfaitement français, je ne pense pas que ça règle le problème. Comme le disait, je pense ici même, un groupe hior: Pour du "cheap labour" sur Chabanel, même pas besoin de parler français, en fait. Je veux dire que l'école, ce n'est pas son rôle, finalement. C'est simplement apprendre la langue.

Il y a toute une série de recommandations, certaines depuis 10, 15 ans; je ne vais pas revenir là-dessus, mais, depuis 1976, il y a eu une série de recommandations sur l'école. Il y a des efforts qui commencent à être faits dans certaines commissions scolaires - je pense notamment aux agents de milieu de la CECM, datant de mars 1990 - et c'est des efforts qui doivent être encouragés. C'est beaucoup plus que la question de la langue. C'est important. C'est la clé, d'accord, mais ce n'est pas tout.

Bien sûr, on insiste sur l'école parce que les mécanismes fondamentaux, les lieux fondamentaux d'adaptation, c'est bien sûr l'école, pour les jeunes, et le marché du travail, pour les adultes. On reconnaît la nécessité de combattre une certaine marginalisation, les ghettos d'emplois sous-payés. On espère simplement que ces mesures toucheront non seulement les immigrants à venir, mais aussi qu'elles pourront bénéficier à ceux et celles qui sont déjà installés au Québec. C'est parce qu'il y a des expériences négatives actuellement qu'on se dit: II faudra prévenir ça dans le futur, mais, évidemment, on espère qu'on y sera là aussi, pas seulement pour éviter que ça ne se reproduise, mais pour corriger des situations existantes.

L'objectif de régionalisation, pas de problème, simplement en soulignant que, d'une part, ça dépend du développement régional au Québec. Deuxièmement, dans l'hypothèse la plus optimiste, selon le document, 75 % des nouveaux arrivants continueront de s'établir dans la région de Montréal, d'où la nécessité d'une intervention

particulière dans cette région. D'ailleurs, ce n'est pas par hasard que le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration est le seul à avoir son siège social à Montréal. Quand on parle, un peu plus bas, du rôle du logement, des loisirs et tout ça dans le processus d'adaptation, c'est déjà pas mal des compétences municipales, d'où la nécessité d'une très forte collaboration, à notre avis.

On parle aussi de manifestations interculturelles, c'est vrai. C'est vrai que tout le monde est attaché au patrimoine culturel, à l'héritage culturel, mais aussi, de plus en plus, à des formes d'expression nées de rencontres, du brassage à Montréal même. Montréal, vous l'ignorez peut-être, c'est peut-être l'une des capitales mondiales du "world beat", style fusion provenant de rencontres de différents groupes, enfin, un peu... Dans d'autres domaines, également, on pourrait parler de ce genre de manifestations qui, des fois, je pense ne sont pas assez soulignées, la primauté étant donnée trop souvent au folklore. Le folklore, bien sûr, a sa place, mais il n'y a pas que ça.

Enfin, en conclusion, on voudrait simplement dire, affirmer que l'immigration est un enjeu majeur pour le Québec. C'est aussi reconnaître qu'elle constitue l'un des atouts permettant au Québec de se réaliser pleinement. Pour nous, l'intégration et l'adaptation se bâtissent aussi, surtout dans le coude-à-coude quotidien avec d'autres organismes, groupes, associations et institutions avec qui nous tentons de trouver des solutions concrètes à des problèmes communs: lutte contre la pauvreté, contre la discrimination sous toutes ses formes, contre la marginalisation, etc. C'est à travers cette participation que nous voulons aussi pouvoir contribuer à rendre la société québécoise toujours plus démocratique, plus solidaire et plus juste, et ce, pour tous ses citoyens. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Icart. Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. Icart, de votre présentation. Votre mémoire est concis, mais il est très intéressant.

M. Icart: Merci, Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Je voudrais revenir à la page 4 de votre mémoire. En ce qui concerne la durée de l'engagement, vous proposez un engagement variable selon l'âge de la personne parrainée. Pouvez-vous élaborer là-dessus? Est-ce qu'en particulier... Quelle devrait être, selon vous, la durée de l'engagement pour une personne parrainée - je n'aime pas faire parfois de la sélection - d'âge avancé?

M. Icart: À la page 4 on propose deux choses: d'abord, que la citoyenneté annule le parrainage; deuxièmement, oui, que le temps de parrainage puisse varier selon l'âge. Je me dis que quelqu'un qui a 20 ans, les frères et soeurs... C'est souvent plus difficile de les parrainer pour toutes sortes de raisons. Et vous savez comment ça se passe maintenant, c'est plus facile de parrainer le père et de parrainer l'ensemble de la famille, si on a les moyens, frères et soeurs, etc., même si au départ on visait surtout les frères et soeurs. Les frères et soeurs ont, mettons, entre 20 et 30 ans. Il y a quand même facilement 20, 30, 40 ans d'efforts, de vie active, productive en avant d'eux. Les grands-parents qui arrivent à 60, 70 ans, n'en ont quasiment plus. Est-ce que pour les deux ça prend le même support, le même suivi, les mêmes contraintes, les mêmes obligations? D'autant plus que le parrainage de 10 ans pour l'immigrant qui a 20 ou 25 ans peut le priver pendant 10 ans d'un certain nombre de programmes parfois extrêmement intéressants, parfois extrêmement importants, notamment en termes de réalisation sur le marché du travail? Exemple: un jeune de 23, 24 ans, parrainé n'a pas droit aux prêts et bourses pour l'université. Un jeune de 23, 24 ans n'a souvent pas droit à certains stages en milieu de travail. C'est le stagiaire rémunéré avec des subventions gouvernementales, parce que c'est comme si le parrain ne remplissait pas son rôle, son devoir de supporter la personne. Donc, on prive ces personnes qui ont quand même toute leur vie active devant elles d'une meilleure insertion sur le marché du travail. (14 h 45)

Et, souvent, ces personnes vont se retrouver dans des secteurs; souvent, ça va prendre - je pense notamment au niveau d'Haïti - certains stages, en plus de la reconnaissance des acquis, enfin apprendre les techniques d'ici et tout ça... et des stages seraient extrêmement importants pour permettre à ces personnes d'exercer des compétences qu'elles ont acquises. Peut-être qu'il n'y avait pas forcément le même type de diplôme qu'au Québec ou autre, peut-être que c'était plus un apprentissage. Mais ce genre de programmes devient inaccessible à ces personnes. Quelqu'un qui a 60 ans, je pourrais comprendre à la rigueur, mais quelqu'un qui a 20, 25 ans, toute sa vie active est devant lui et au Québec. Je ne vois pas pourquoi on prive ces personnes de ces facilités puisque, finalement, c'est le Québec qui va en bénéficier. Si elles s'adaptent plus difficilement sur le marché du travail, le problème devient un problème de la société québécoise, Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: En somme, nous, nous avons pris la capacité de l'intégration économique des personnes visées en considération. Quand on a réduit, par exemple, pour 3 ans, pour la famille immédiate, la famille nucléaire, c'est aussi parce qu'il existe quand même une certaine obligation; il existe une obligation

alimentaire dans le Code civil du Québec. Donc, si, par exemple, la personne ne respecte pas cet engagement, il y a aussi en vertu du Code civil l'obligation alimentaire en faveur des conjoints et des conjointes de même que des enfants, chose qui n'existe pas envers les frères et soeurs, et c'est pourquoi la période pour les frères, soeurs, cousins et cousines est demeurée à 5 ans. Elle est inchangée. Elle n'est pas de 10 ans, celle-ci; elle est de 5 ans. Lorsque vous parlez de parrainage, aussi de parrainage collectif, ne croyez-vous pas qu'on aurait de la difficulté, à un moment donné, à faire respecter cet engagement, je ne sais pas, si l'on se retrouve une dizaine de personnes pour parrainer quelqu'un? Dans un cas comme ça, quelle serait la marge de manoeuvre du gouvernement pour faire respecter cet engagement, si l'engagement n'était pas respecté?

M. Icart: Premièrement, je ne parlerai pas d'une dizaine de personnes. Deuxièmement, ça se fait couramment dans la plupart des autres provinces, et je ne suis pas sûr que ça pose tellement plus de problèmes que le parrainage de l'individu. Généralement, c'est le parrainage de deux...

Mme Gagnon-Tremblay: Pour le réfugié, ça va. Celui du réfugié, je pense qu'on est d'accord.

M. Icart: Non je ne parle pas de réfugiés. Je parle de familles.

Mme Gagnon-Tremblay: Des familles.

M. Icart: Des frères et soeurs, disons, deux frères ou deux soeurs ou deux frères et une soeur, deux ou trois personnes qui pourraient ensemble parrainer, donc, se répartir les charges en termes d'obligation financière pendant 10 ans. Je pense que les mesures seraient les mêmes que celles qui existent actuellement. Simplement, au lieu de toucher une personne, ça toucherait deux personnes. Les parrainages de groupes de réfugiés, là, qui impliquent parfois 10, 15 personnes ou plus, en principe, sont respectés. En principe, ça va bien là-dessus.

Mme Gagnon-Tremblay: Pour vous, est-ce qu'il y aurait un chiffre magique? Pour la famille, frères, soeurs, cousins et cousines, ça pourrait être un parrainage de combien de personnes?

M. Icart: Deux ou trois personnes. Parce que souvent la taille des familles, c'est à peu près ça, la moyenne, et les demandes qu'on a eues en ce sens, c'est à peu près ça, et je pense que c'est à peu près ça qui existe dans les autres provinces. C'est en moyenne deux ou trois personnes, plus souvent deux personnes, mais, enfin, je ne verrais pas le parrainage de quinze personnes quand même!

Mme Gagnon-Tremblay: Non.

M. /cart: Dans la pratique, ça se passe ainsi de toute façon. Je veux dire que, même s'il y en a un qui parraine son père ou sa mère, c'est l'ensemble des enfants ici qui va en prendre charge. Ça existe déjà dans la réalité. Ce n'est simplement pas officialisé face au ministère.

Mme Gagnon-Tremblay: Vous évoquez aussi brièvement /es tensions entre /es jeunes et la police, à la page 6 de votre mémoire. Plus généralement, est-ce que vous pouvez, par exemple, nous éclairer sur la question de la violence chez les jeunes? Nous savons que c'est une question complexe avec des causes profondes. On ne peut pas dire qu'on a trouvé nécessairement des solutions toutes faites à cet égard. C'est pourquoi nous nous sommes engagés de façon un peu modeste à y réfléchir davantage, mais pouvez-vous, par exemple, nous faire part d'expériences réussies dans ce domaine et comment on pourrait réussir peut-être aussi à travailler avec d'autres communautés implantées avec des institutions aussi?

Ce matin, on avait l'occasion de recevoir, par exemple, la communauté hellénique, la communauté italo-québécoise, la communauté juive et j'avais l'occasion de leur parler brièvement lors du dîner. Je leur demandais: On sait que le rapprochement des jeunes se fait souvent par les loisirs, par les sports. On sait que ces communautés, qui sont maintenant très bien implantées, ont aussi des gymnases très grands, des écoles, des institutions et surtout des gymnases très grands. Est-ce que ces communautés pourraient partager, par exemple, ces structures, ces équipements de loisir pour aider des communautés qui sont peut-être un peu plus récentes et qui ont de la difficulté, quant à la violence faite aux jeunes, quant aux difficultés pour les jeunes, entre autres?

M. Icart: Ça peut être difficile dans la mesure où, souvent, il y a un problème géographique. Je prends un exemple. On parle de la communauté noire. Ce n'est pas concrètement, on dirait, quelque chose... Souvent, le ministère va dire: Ah bien! La communauté noire, mettez-vous ensemble et on va avoir telle ou telle chose. Bon. C'est quoi les contacts quotidiens entre la communauté haïtienne et la communauté noire anglophone? Au départ, la plupart vont habiter Notre-Dame-de-Grâce, la Petite Bourgogne ou autrement, on va se retrouver dans l'est de Montréal. On va parler de la communauté grecque; il y a quand même un secteur bien identifié. Même chose pour la communauté juive. Bien sûr, il y a un très beau YMCA de la communauté juive sur Sainte-Catherine, mais, pour le petit Haïtien de Montréal-Nord ou de

Rivière-des-Pralries, ça peut peut-être faire un peu loin. Il y a d'abord ce problème-là.

Ce serait intéressant, par contre, dans la mesure où, très souvent, quand on parle de tensions, ce n'est pas seulement, ce n'est pas toujours entre Québécois de vieille souche ou Québécois d'origine canadienne-française, comme le dit quelqu'un que je connais, et les nouveaux groupes d'immigrants. C'est sûr que, parfois, entre ces groupes, entre eux, il y a aussi des tensions, et des mesures de rapprochement seraient intéressantes. Mais, d'une part, il y a que ces communautés essaient elles-mêmes de se doter d'un certain nombre d'équipements ou encore de faire une meilleure utilisation des équipements existants. Je pense notamment aux équipements de la ville. Je pense, par exemple, aux efforts qui sont faits du côté de la polyvalente Marquette, avec Jeunesse 2000, par exemple, pour essayer de rejoindre les jeunes des communautés culturelles sur ce territoire où il y a déjà un gymnase, où il y a déjà des équipements à utiliser. Des fois, ça peut être en termes de... Comment j'expliquerais ça? Par exemple, dans certains quartiers de la ville, il y a eu des petites chicanes. Dans tel quartier, les gens voulaient un terrain de baseball; nous, peut-être qu'on était plus intéressés à avoir un terrain de soccer. Donc, l'utilisation de l'espace, vous voyez, où est-ce que ça peut cohabiter? Des fois, le terrain de soccer et de football, etc., je ne le sais pas, mais il y a ça aussi. Mais, de toute façon, quand on parle des problèmes des jeunes, c'est peut-être un peu plus gros que ça quand même. Ce n'est pas que ça. Il y a la séparation familiale, d'accord. Dans les loisirs, il y a tout ça, d'accord.

Il y a l'école, pas mal de difficultés à l'école. La moyenne d'âge à la CECM actuellement, comme vous le savez, est d'à peu près 45 ou 46 ans. Le prof de 25 ans, qui a l'énergie pour jouer au basketball avec les élèves, le vendredi soir, après la classe, on ne le voit plus tellement. Et ces équipements-là, il y en a une sous-utilisation très forte. Au niveau des jeunes encore à l'école, les études surveillées ou autre, ça n'existe quasiment pas. Le chômage chez les jeunes, il ne faut quand même pas se faire d'illusion; on parle, dans la communauté noire, dans la communauté haïtienne, d'à peu près 30 % de chômage chez les jeunes adultes. Mais c'est déjà à peu près à 17 % chez les jeunes Québécois, ce qui est déjà trop important. Et c'est dans ce sens-là que, parfois, je parle des problèmes des jeunes des communautés culturelles comme des révélateurs des problèmes de la société. C'est un problème qui existe dans la société, mais il y a ce facteur d'aggravation qui est, à l'origine, différent. Mais c'est un problème de la société. Le jeune aura beau jouer au baseball, faire de la natation ou tout ce que vous voulez, à un certain moment, c'est les perspectives d'avenir qui l'intéressent. Je ne sais pas.. qu'il puisse se trouver un bon travail, élever une famille, se marier, etc., ça aussi, c'est essentiel, et, dans la mesure où ces perspectives paraissent plus faibles, plus sombres, dans la mesure où cet espoir ne lui semble pas permis, eh bien, ça donne des comportements un peu dommageables.

Mme Gagnon-Tremblay: D'accord. Merci beaucoup, monsieur.

M. Icart: Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Icart. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, Mme Tardif, M. Icart, je ne vous cacherai pas le plaisir que j'ai de vous revoir et surtout de vous redire mon appréciation pour l'extraordinaire travail que fait le Bureau. J'irai tout de go sur deux questions que je considère comme assez importantes. J'ai posé la question à des organismes qui vous ont précédés et qui m'ont répondu non. Mais là, je m'aperçois avec un certain réconfort que vous partagez mon point de vue et, comme nous avons également l'appui d'une personne qui a quand même une certaine influence ici, au Québec - je parle de Mme Bissonnette, directrice du Devoir - donc, je crois qu'à trois nous sommes moins seuls maintenant. Quand vous parlez d'une stratégie particulière pour la métropole, d'après vous, quelle devrait être cette stratégie particulière pour Montréal?

M. Icart: Quels que soient les programmes de régionalisation qui seront mis sur pied, quel que soit le succès de ces programmes, on est d'accord qu'il y a une concentration de nouveaux arrivants à Montréal, et c'est là pour rester. Il y a donc un effort particulier à faire pour la région de Montréal. Que ce soit un partenariat avec la ville ou avec la communauté urbaine - et le document ouvre la porte à cette possibilité -il y a des pouvoirs qui devront être, comme dans d'autres domaines, délégués à la ville de Montréal.

Quand on parle de loisirs, de logement, de leur rôle dans l'intégration, c'est sûr que c'est déjà assumé largement par les autorités municipales. Quand on va parler de relations des jeunes avec la police, c'est encore largement de compétence municipale. Quand on va parler de participation, c'est d'abord au niveau municipal, à mon avis. Est-ce qu'il y a beaucoup de villes au Québec où le gouvernement provincial a délégué certains pouvoirs, que ce soit en termes de gestion de l'aide sociale ou autre? Est-ce qu'il y a moyen de s'en inspirer? Est-ce qu'il y a moyen aussi que des querelles de paliers de gouvernement ne freinent pas trop certains programmes, comme ça a peut-être pu arriver avec d'autres paliers de gouvernement, dans la mesure où il s'agit de questions... Bien, c'est

sûr que les premiers concernés... Bon, il y a de bonnes raisons à ça. Il y a peut-être les intérêts supérieurs de la nation ou autres, mais, des fois, les premiers intéressés, ceux qui vivent ces difficultés au jour le jour, aimeraient bien que ces programmes puissent débloquer. Est-ce qu'on s'en va vers des querelles de partage de pouvoirs à ce niveau-là? Je souhaite que non.

Je ne sais pas si Francine veut ajouter quelque chose. Francine Tardif, qui est la secrétaire du conseil d'administration du Bureau. Malheureusement, ça n'a pas été mentionné sur le... Elle représente le Bureau de la communauté culturelle des Haïtiens de Montréal.

Le Président (M. Doyon): Mme Tardif.

Mme Tardif (Francine): Je pense que Jean-Claude a bien cerné une des préoccupations qu'on avait. C'est à Montréal que les gens débarquent, c'est-à-dire que quand les nouveaux arrivants... Le premier accueil nous semble à nous une période extrêmement importante; c'est au premier accueil que beaucoup de choses se jouent. Tout ne se joue pas là, mais beaucoup de choses se jouent là, et c'est à Montréal que va se faire le premier accueil. Dans ce sens-là qu'une attention particulière soit certainement mise à la rencontre aussi du Québec... et ça aussi, c'est une préoccupation qu'on avait, c'est-à-dire que la rencontre qui va se faire avec le Québec, ça va être le Québec montréalais d'abord. Donc, dans ce sens-là, et malgré nos appuis à une régionalisation de l'immigration, ça nous semblait plutôt une constatation de fait que c'est d'abord à Montréal que ça va se passer.

M. Boulerice: O.K. J'ai beaucoup aimé... Pardon. M. Icart. J'ai beaucoup aimé, M. Icart, ce que vous avez dit tantôt au sujet des jeunes, notamment pour ce qui est des études, des bourses, etc. Lorsque je suis revenu du séjour que j'ai fait dans votre pays d'origine, j'ai reçu énormément d'appels de jeunes qui voulaient venir au Québec recevoir une formation. On sait, malheureusement, que le système scolaire est dans un état de dégradation en Haïti, mais je crois maintenant que bien des espoirs sont permis et je m'en réjouis avec vous. (15 heures)

Le représentant du Conseil canadien des manufacturiers nous présentait, hier, une liste d'emplois de champs d'activité où le Québec manquait de compétences. Je lui faisais la remarque en lui disant: Bon, écoutez, nous manquons peut-être de soudeurs, mais non pas nécessairement parce qu'on n'est pas capables de former de bons soudeurs. Mais il se peut que des jeunes Québécois ne soient pas intéressés. On ne va quand même pas aller avec un revolver leur dire: Bien oui, mais vous vous en allez en soudure. Et je soulevais l'hypothèse: Pourquoi ne pas considérer l'immigration aussi selon l'optique suivante? Et j'aimerais avoir votre commentaire là-dessus, à savoir que nous pourrions identifier et pourquoi ne pas prendre, par exemple, votre pays d'origine, puisque c'est un pays qui a une parenté culturelle et linguistique avec nous, des jeunes qui ont les aptitudes et qui pourraient être admis comme immigrants ici et qui recevraient ici cette formation?

Ça serait, à mon point de vue, je crois, faciliter une immigration, d'une part. Deuxièmement, comme bien des groupes font la corrélation... oui, mais l'immigration doit absolument être rattachée au marché de l'emploi. Eh bien, je pense qu'on a fait la jonction des deux.

Le Président (M. Doyon): M. Icart.

M. Icart: C'est sûr que le marché de l'emploi joue un rôle important, fondamental au niveau de l'adaptation, quand on parle d'immigration, immigration régulière. Et le critère d'adap-tabilité, ça me semblait intéressant, beaucoup plus intéressant même que ce soit l'offre d'emploi garanti ou le potentiel d'investissement. Est-ce que ces personnes auront la capacité... Peut-être que je réfléchis trop à votre exemple, parce que je connais la soudure. En fait, ce n'est pas qu'il manquait de soudeurs au Québec, il y en avait, mais ça prenait des soudeurs spécialisés. Et au niveau de la planification de la main-d'oeuvre, cet ajustement n'a pas été fait. Ça prenait des gens qui non seulement étaient soudeurs, mais qui pouvaient, mettons, pendant trois mois, suivre une formation.

Exemple, il y a un an et demi, le contrat de Canadair, où c'est une soudure très spéciale au niveau des ailes d'avion. Il n'y a pas eu l'ajustement assez rapide de la main-d'oeuvre à ce genre d'emploi plus spécialisé. C'est sûr que quelqu'un qui a déjà une formation générale pourrait s'ajuster sans problème, généralement en soudure, électricité, mécanique. Ça ne poserait pas de problème. Et quand on parte d'adaptabilité de la main-d'oeuvre, oui, dans la mesure où cette personne peut aussi avoir accès à ces programmes de formation. Et c'est un peu ce que je déplorais, notamment pour certains jeunes parrainés de 20, 25 ans, qui n'ont pas accès justement à ce genre de programme parce que, généralement, c'est des cours ou des stages subventionnés par la Main-d'oeuvre ou le bureau du travail, etc. Ils n'ont pas accès à ça, alors que le potentiel, la formation générale de cette personne en technique, en mécanique lui permettrait en deux, trois mois d'acquérir la compétence qui lui permettrait d'occuper ce genre d'emploi. Et souvent, bon, il y a des difficultés comme ça en ce sens que les gens sont mal pris. parler de potentiel d'adaptation au niveau de la sélection, c'est en plein ça.

M. Boulerice: Très brièvement, en terminant, vous parlez d'un manque d'originalité des

mesures qui sont prévues dans l'énoncé pour solutionner le cas des revendicateurs de statut. À votre avis, la stratégie du gouvernement du Québec à cet égard devrait être quoi?

M. Icart: Le gouvernement du Québec a possibilité d'utiliser, soit des certificats de sélection du Québec, des mesures humanitaires ou encore ce qu'il annonce, cette sélection sur place qu'il annonce. Plus ça va prendre longtemps à régler, plus, à mon avis, ça peut poser des problèmes. Garder des gens dans l'incertitude pendant 3, 4, 5, 10 ans, je pense que c'est inhumain.

M. Boulerice: Un crime psychologique.

M. Icart: Je crois que c'est inhumain. On sait, en se basant sur les résultats du fédéral, que la majorité de ces personnes demeureront au Québec. Est-ce qu'il n'y a pas moyen, est-ce qu'il n'y a pas lieu de se pencher là-dessus dès maintenant? Est-ce qu'il n'y a pas lieu que le Québec, en termes de pouvoirs de négociation, moyens de pression auprès du fédéral, essaie d'accélérer les choses, ou encore, sur la base des pouvoirs qui lui sont dévolus, essaie de faire quelque chose là-dessus? Je pense que tout le monde espérait que le Québec aurait eu un éclair là-dessus. Malheureusement, on n'en trouve pas. Je ne sais pas, Francine, si vous voulez ajouter.

Le Président (M. Doyon): Mme Tardif.

Mme Tardif: Oui, peut-être. C'est que comme le Québec avait souvent eu un certain leadership en matière d'immigration humanitaire et une manière humanitaire de régler des problèmes dont on sait qu'ils vont devoir être solutionnés sur place... De toute façon, peut-être qu'on attendait ce même leadership humanitaire dans ce document. Je veux dire, employons ces termes-là vis-à-vis de cette question-là qui est en train de pourrir et dont tout le monde sait qu'à la fin une grande partie de ces gens-là vont, de toute façon, rester ici.

M. Icart: Et même le système utilisé actuellement par le fédéral... j'aurais aimé entendre le Québec faire des propositions au fédéral pour le régler. Vous voyez, pendant longtemps, le Canada se voyait comme un pays de second asile. Il y a eu des actions vraiment impressionnantes, en termes d'accueil des réfugiés, surtout au niveau de la sélection dans les camps et tout ça, de personnes déjà reconnues comme réfugiés par le HCR, que le Canada va accueillir. Évidemment, avec le développement de l'aviation, tout ça, le Canada est devenu une terre de premier accueil, sans avoir forcément les mécanismes pour sélectionner comme il le faut ces réfugiés de premier accueil, puisque le système avait toujours été pensé pour traiter des cas d'exception et non pas de tels volumes. Donc, le système se "jammait" constamment, puisque ce n'était pas ça la philosophie de base. La philosophie, ça a toujours été: on est une terre de second accueil. Et là, il n'y a pas de problème; ça a été magnifique.

Mais quand on devient une terre de premier accueil, là, ça ne marche plus parce qu'on ne s'est jamais vu comme ça. Mais plus la planète se rétrécit avec l'aviation, tout ça, plus on devient une terre de premier accueil. Alors, il faut quelque part se doter des mécanismes pour... Il y a eu un effort, un nouveau système adopté au début de 1989, mais il a été comme fait à l'envers, à savoir: minimum de formés et pleine audition, et non pas l'inverse et pleine audition. Et ce système recommence encore à "jammer", à se bloquer. Évidemment, une bonne partie de ces personnes, à cause de la place du Québec... c'est une grande ville internationale, c'est le premier port d'entrée pour des gens qui viennent de l'Europe et tout ça. Il y en a un paquet qui vont arriver au Québec et qui vont demander d'abord l'asile au Québec. Est-ce que le Québec va continuer à dire que c'est de compétence fédérale ou est-ce que le Québec va faire quelque chose là-dessus? De ces gens-là, éventuellement, une bonne partie va rester au Québec. Je m'arrête.

M. Boulerice: Je vous remercie beaucoup. Comme c'est le moment de la conclusion, eh bien, je renouvelle ces remerciements, mon appréciation de votre travail et surtout les éléments très importants que vous nous avez apportés, notamment sur la revendication de statut. Je pense qu'il y a des gens qui avaient une expertise on ne peut plus, si vous me permettez l'expression latine, "accurate". Je pense que c'était bien vous. Je vous remercie beaucoup, Mme Tardif. Je vous remercie, M. Icart.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, en terminant aussi.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je vais seulement terminer sur la question des revendicateurs de statut de réfugié pour vous dire que si, finalement, nous n'avons pas été beaucoup plus explicites dans l'énoncé de politique, c'est tout simplement parce que cette question est toujours de compétence fédérale. La détermination du statut de réfugié relève des compétences fédérales, puisque c'est le gouvernement qui a signé la convention de Genève, qui a signé aussi les ententes internationales et qui signe aussi les ententes internationales. Bien sûr que le mouvement va en augmentant et je dois vous dire aussi que cette augmentation a pour effet d'engorger le mécanisme fédéral d'examen, au point où on retarde de façon indue, je pense, ces nombreux cas. J'ai eu l'occasion d'intervenir auprès de

Mme McDougall à plusieurs occasions pour qu'on puisse, d'une part, contrôler les frontières et, deuxièmement, aussi traiter ces dossiers le plus rapidement possible parce qu'on sait que nous avons toujours affaire à des personnes humaines aussi.

Quant à la sélection sur place, bien, à l'intérieur de l'entente Canada-Québec, nous avons obtenu un pouvoir de sélection sur place, mais, une fois que le gouvernement fédéral a décidé, par dérogation, que la personne pouvait être traitée sur place... Alors, la personne qui demande un traitement sur place doit s'adresser au gouvernement fédéral et c'est à ce moment-là que le gouvernement fédéral décide si, oui ou non, elle doit être traitée sur place. Et si elle est traitée sur place, c'est à ce moment-là que le Québec applique ses critères, applique sa grille de sélection pour faire le traitement sur place. Par contre, bien sûr, nous avons obtenu la sélection exclusive à l'étranger pour la catégorie des indépendants.

Ajors, dans ce sens-là, je pense que ce que nous pouvons faire, c'est tout simplement demander - je pense que Mme McDougall est très préoccupée aussi par ce dossier - au gouvernement fédéral d'ajouter des ressources pour permettre la normalisation de ces dossiers le plus rapidement possible.

Alors, je veux vous remercier pour la présentation. Je pense que vous aviez quand même des propos très pertinents que nous prendrons en considération. Merci beaucoup.

Le Président (M. Doyon): M. I cart, Mme Tardif, soyez assurés que cette commission a été extrêmement heureuse de vous recevoir. Merci d'avoir été parmi nous. Alors, si vous voulez bien vous retirer, nous allons maintenant entendre le prochain groupe. Merci, M. Icart; merci, Mme Tardif.

Service à la famille chinoise du Grand Montréal

Nos prochains invités sont les représentants du Service à la famille chinoise du Grand Montréal. Ils sont représentés par Mme Cynthia Lam, M. Jonas Ma ainsi que M. Wen Qi. Je les inviterais à prendre place en avant et à s'installer. Nous allons les écouter avec beaucoup d'attention.

Les mêmes règles s'appliquent: environ une heure; une vingtaine de minutes ou moins pour votre présentation de mémoire; la ministre vous pose quelques questions; ensuite, les ministériels, s'ils le veulent aussi, de même que l'Opposition, pour un temps équivalent. Nous vous écoutons avec beaucoup d'intérêt.

M. Ma (Jonas): M. le Président, j'aimerais me présenter. Mon nom est Jonas Ma. Je suis un membre du conseil d'administration du Service à la famille chinoise. À ma droite, c'est Mme

Cynthia Lam, qui est la directrice de notre

Service et M. Wen Qi, qui est travailleur au sein de notre organisme.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue! Des voix: Merci.

Mme Lam (Cynthia): Bonjour! Au nom du Service à la famille chinoise du Grand Montréal, je voudrais vous remercier de nous avoir donné cette occasion de présenter notre mémoire devant la commission de la culture du Québec sur le nouvel énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration.

Introduction. L'histoire de l'immigration chinoise au Québec peut remonter jusqu'en 1880. Malgré son caractère pacifique et travailleur, cette population a été pendant longtemps victime de la discrimination raciste au Québec comme ailleurs au Canada. En dépit de cette injustice sociale, durant plusieurs décennies, un nombre important de familles chinoises se sont installées définitivement au Québec et ont considéré ce pays comme leur nouvelle patrie. Or, rien ne prouve que la discrimination contre la communauté chinoise n'existe plus maintenant au Québec. Elle survit plutôt sous d'autres formes que jadis.

Pourtant, la communauté chinoise a sans doute apporté beaucoup à la société québécoise. Aujourd'hui, cette communauté est l'une des plus dynamiques du Québec. Elle connaît d'ailleurs une croissance démographique très rapide depuis ces dernières années, alors qu'en 1989 les nouveaux arrivants chinois constituent le deuxième groupe le plus important de l'ensemble des immigrants reçus de l'année au Québec. Actuellement, elle est composée d'environ 60 000 membres et aucun signe ne montre que son nombre cesse de s'accroître désormais.

Fondé en 1976, le Service à la famille chinoise du Grand Montréal représente à tous les niveaux cette communauté chinoise. Il est devenu aujourd'hui un des organismes communautaires les plus importants et les plus progressifs de Montréal. À part un ensemble de services sociaux et communautaires qu'il offre aux membres de la communauté chinoise de Montréal, notre Service a établi des rapports de coopération avec les principaux organismes communautaires au Québec et à travers le Canada. Il maintient également des contacts très actifs avec tous les paliers de gouvernement visant à les sensibiliser et à collaborer à de nombreux projets, surtout au niveau de l'intégration de cette communauté à la société d'accueil. (15 h 15)

C'est avec beaucoup d'intérêt et sur la base de son expertise que le Service à la famille chinoise prépare ses points de vue sur la politique en matière d'immigration et d'intégration du

Québec et présente ce mémoire devant la commission.

M. Qi (Wen): Situation vue par le Service à la famille chinoise du Grand Montréal. Parmi les éléments sociaux les plus influents sur l'enjeu politique au Québec, nous en avons remarqué deux en particulier: le caractère francophone et l'immigration. Autrement dit, entouré par un monde anglophone en Amérique du Nord, le Québec doit faire face à tout défi pour maintenir son identité francophone. Deuxièmement, le Québec, pour maintenir la prospérité et le développement de son économie nationale, a besoin d'augmenter sa population active au moyen de l'immigration.

Or, comme on peut le constater depuis quelque temps, ces deux facteurs ne sont pas pour autant naturellement harmonieux dans l'élaboration de la politique, ni surtout dans l'application de cette politique. Ils ne sont pas sans doute contradictoires de nature, mais semblent plutôt perturbés par des variables conflictuelles issues de l'environnement actuel où se trouve le Québec ainsi que de ses rapports avec le monde extérieur.

D'abord, il est bien entendu raisonnable de se soucier de maintenir l'identité du Québec comme société francophone, distincte et différente des autres provinces du Canada. Mais un nationalisme extrême éventuel pourrait sans doute nuire à cette société qui, en même temps, est fondamentalement démocratique et pluraliste.

Ensuite, sans être prudent dans son application, la politique en matière d'immigration, qui est pourtant très subtile, pourrait parfois être mal interprétée par des intervenants et ainsi décourager les immigrants non francophones à s'installer au Québec.

Troisièmement, un programme de francisation peu efficace pourrait provoquer une fausse impression à la société d'accueil sur les immigrants non francophones ainsi que sur leur capacité et, par conséquent, perdre un potentiel important pour l'économie nationale du Québec et sa dynamique sociale. Ce même problème empêcherait certainement les immigrants non francophones de s'intégrer à cette société d'accueil.

Quatrièmement, demander seulement à sens unique une adaptation des immigrants à la société d'accueil sans pourtant comprendre et respecter leurs valeurs traditionnelles causerait également l'échec ou l'inefficacité du programme de francisation et de la politique d'immigration.

Enfin, le maintien du caractère francophone dépendrait aussi, en effet, de l'intégration sociale des immigrants. Autrement dit, dans le contexte où l'immigration se poursuivra au Québec, son caractère francophone se maintiendra en dépendant du succès de l'intégration des immigrants à cette société. Cependant, sans avoir un programme d'accès à l'égalité en emploi efficacement appliqué, surtout au sein de la fonction publique, les immigrants resteraient toujours loin de la société d'accueil et ceci, tant au niveau culturel qu'au niveau sentimental.

En vertu de ces facteurs influents sur la situation de l'immigration et de l'intégration des immigrants au Québec, nous avançons, dans la prochaine étape, nos affirmations ou recommandations au sujet de la nouvelle politique concernée du Québec.

Comme la plupart des Chinois viennent des pays non francophones, mais peut-être "fran-cisables", j'aimerais parler un peu davantage sur le processus de politique de sélection et de francisation.

En tant que société riche et démocratique, le Québec doit mieux comprendre l'aspiration à une vie agréable et à un système démocratique chez les gens du tiers monde. Ainsi, une responsabilité envers ces pays pauvres et une certaine humanité vis-à-vis des gens privés de moyens de vivre devraient être envisagées dans l'élaboration de la politique en matière d'immigration.

Dans la sélection des immigrants, le français et la culture française ne peuvent être considérés comme un seul critère déterminant, alors qu'il faudrait tenir compte d'autres éléments importants tels que l'âge, la motivation, la capacité linguistique, le potentiel de contribution à l'économie nationale, le niveau de l'éducation, l'utilité de la profession au marché du travail, la facilité de la formation professionnelle, le potentiel démographique, etc. Par exemple, un immigrant non francophone mais motivé, instruit et professionnel pourra apporter beaucoup plus à la société québécoise qu'un immigrant francophone non motivé à l'implication sociale ou économique. D'ailleurs, un tel immigrant non francophone est tout à fait "francisable" et s'adapte facilement à la société d'accueil, s'il est motivé.

Nous sommes entièrement d'accord pour prendre les mesures nécessaires en vue d'améliorer le programme de francisation et de le rendre plus efficace. Mais nous croyons qu'il importe aussi d'élargir l'accès au programme permettant également aux revendicateurs du statut de réfugié et même aux citoyens d'en profiter. L'objectif de ce programme doit viser à la fois la qualité et à la quantité. En effet, avec un tel programme de francisation efficace, on n'aurait plus besoin de se préoccuper d'une perte éventuelle de l'identité francophone dans le processus d'immigration.

Le gouvernement aurait à faire circuler plus d'informations auprès des candidats avant leur départ pour le Québec, tout en expliquant les attentes de la société d'accueil à leur égard. Il importe de leur faire comprendre et accepter le contrat moral dont on parle dans l'énoncé pour qu'ils soient prêts à une nouvelle adaptation avant de partir Le cours de français donné sur le terrain est une bonne initiative, mais on doit

faire davantage pour qu'il soit plus accessible et efficace.

Il est évident que le programme de francisation n'est pas le seul moyen d'intégrer les immigrants à la société d'accueil. Un immigrant d'origine française dont la langue maternelle est la même que celle des Québécois pourrait se sentir très étranger au Québec, s'il n'acquérait jamais un sentiment d'appartenance à cette société d'accueil. Cette conséquence devrait être encore plus grave pour un immigrant non francophone. De ce point de vue, à part le cours de français, d'autres mesures devront être prises pour encourager une acceptation interculturelle entre les immigrants et la société d'accueil ainsi qu'une adaptation mutuelle. Cela semble nécessaire pour que les immigrants aient petit à petit un sentiment d'appartenance à la société d'accueil.

Enfin, il ne faut jamais perdre de vue l'importance du programme d'accès à l'égalité en emploi, en particulier au sein de la fonction publique et dans les entreprises ayant un contrat obligatoire avec le gouvernement. Une égalité réelle à ce niveau sera certainement une des meilleures preuves de l'intégration sociale.

J'aimerais aussi parler un peu de la question de la réunification familiale. Dans plusieurs pays, la structure et la tradition familiales sont fort différentes de cedes du Québec, au moins de celles du Québec d'aujourd'hui. Nous proposons donc au gouvernement d'envisager, quand il s'agit du moment, l'élargissement de certains critères de sélection sur la réunification familiale en tenant compte de cette réalité ethnique. Il ne faut pas négliger le fait que, comme l'une des coutumes pour la plupart des communautés culturelles, la réunification familiale constitue une condition primordiale dans la vie privée. Un critère de sélection suffisamment large et généreux en vue de la réunification familiale pourra stabiliser sûrement l'installation de ces immigrants au Québec.

Plusieurs générations habitent sous le même toit, ou les enfants de la même famille, après leur mariage, habitent les uns près des autres, ce qui constitue un phénomène courant en Orient comme dans bien d'autres régions du monde. Pour respecter cette tradition, il importe pour le gouvernement de considérer tous les membres de la famille, que ce soient les parents, les grands-parents, les enfants ou les petits-enfants, peu importe leur âge ou leur statut civil.

Mme Lam: Maintenant, j'aimerais parier sur le sujet de la valorisation des organismes non gouvernementaux.

La situation nécessite une participation active des organismes non gouvernementaux au programme de francisation. Compte tenu de la diversité des sources d'immigration au Québec, un cours de français général organisé par le gouvernement répond parfois très difficilement aux besoins des nouveaux arrivants. Étant conscient de cette situation, le Service à la famille chinoise du Grand Montréal offre, depuis septembre 1989, aux nouveaux arrivants chinois des cours de français donnés dans leur langue maternelle. Ces cours semblent avoir obtenu beaucoup de succès, alors que bon nombre de jeunes inscrits au COFI ont abandonné leur cours pour venir étudier chez nous. Ils ont confirmé que l'enseignement est plus efficace chez nous du fait que le professeur connaît non seulement la langue maternelle, mais surtout leur mentalité et leurs problèmes d'apprentissage. Cet exemple est largement représentatif au sein des communautés culturelles. Bien entendu, la possibilité d'intervenir pour les organismes non gouvernementaux ne se limite certainement pas à ce niveau. Il y a, en effet, un tas de terrains où ils pourront jouer un rôle important. Une participation active de leur part améliorera énormément la performance du programme de francisation.

La même problématique se pose également à l'efficacité des services d'accueil et d'adaptation fournis par le gouvernement. À cause des barrières linguistiques et culturelles, les intervenants des institutions gouvernementales se sentent souvent impuissants dans leur opération. Une participation active des organismes communautaires pourra cependant résoudre ce problème embarrassant. À l'heure actuelle, il existe déjà certaines formes de partenariat entre les ONG et les services publics. Nous croyons que le gouvernement doit encourager davantage cette initiative. Grâce à une telle coopération entre les deux côtés, dont chacun possède son avantage et son expérience, les services sociaux deviendront plus efficaces dans le nouvel environnement social d'aujourd'hui et de demain. Les ONG, comme intermédiaires, favorisent sans doute le rapprochement entre la société d'accueil et les immigrants ainsi que leur adaptation mutuelle.

La situation demande une participation des ONG à l'élaboration de la politique d'immigration et à son application. Son expertise, qui devra désormais se valoriser davantage, est à la fois importante et utile pour la société d'accueil. De plus, une telle participation, comme le souhaite le gouvernement dans la nouvelle politique, peut non seulement renforcer la démocratie dans notre société, mais surtout aider à lutter contre le racisme et la discrimination qui existent encore sous différentes formes dans notre société. (15 h 30)

En dernier, notre conclusion. La volonté politique du gouvernement se reflète inévitablement dans l'élaboration de sa politique; elle passe ensuite par la distribution des ressources humaines et matérielles. Une politique voyante et un investissement important dans ce domaine apporteront sans aucun doute de bons fruits à la société québécoise à tous les niveaux. Pourtant, comme dans tout processus d'élaboration politique

et d'application, le gouvernement devra prévenir les effets négatifs provoqués par l'immigration dans la société québécoise, tels que le racisme, l'intolérance, l'ignorance, etc. Il importe de prendre d'avance les mesures nécessaires pour lutter contre ces tendances.

Enfin, nous proposons une participation totale des organismes non gouvernementaux à l'évaluation de la nouvelle politique du gouvernement en matière d'immigration et d'intégration sociale. Ceci aidera effectivement à son amélioration dans l'avenir. Merci beaucoup.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Lam. Mme la ministre, vous pouvez poser quelques questions si vous le désirez.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci, madame et messieurs, pour votre présentation. Comme vous l'avez dit de façon très juste, votre communauté est, depuis fort longtemps, implantée au Québec et vous avez développé une expertise tout à fait intéressante et exceptionnelle.

Ma première question s'adresse à l'un ou l'autre d'entre vous, bien sûr, et concerne davantage les attitudes à l'égard du français. Comme vous le savez, le gouvernement fait de la connaissance du français et de son usage comme langue commune de la vie publique un des trois axes majeurs de la politique d'intégration. J'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec cette prise de position, quel bilan vous faites de l'intégration linguistique de la communauté chinoise et s'il y a eu évolution récente à cet égard.

M. Ma: Peut-être que je peux commencer. Je crois qu'il faut mentionner que la communauté chinoise était perçue comme une communauté anglophone. Nous avons connu une période, on peut dire, d'adaptation, pendant les années soixante-dix où on a perdu une bonne partie de notre communauté. Les gens qui s'étaient instruits dans des institutions anglophones sont partis pour d'autres provinces. Maintenant, depuis dix ans, au sein de notre communauté, il y a une reconnaissance du fait français au Québec. Je crois que, quand on dit que nous sommes l'un des plus progressistes au sein de notre communauté, c'est que, un, je crois que nous ne sommes peut-être pas le premier, mais peut-être un des premiers groupes à reconnaître ce fait-là. On a travaillé très fort dans ce domaine de la francisation depuis quelques années.

Oui, nous sommes totalement d'accord avec la politique, le fait que le français soit, comme on dit, considéré comme langue de communication dans le domaine public. Comme je vous l'ai dit, depuis des années, on a fait des efforts pour aider notre communauté à s'adapter à ce fait. Peut-être que Cynthia pourrait parler un peu de notre action concrète à ce niveau-là.

Le Président (M. Doyon): Mme Lam.

Mme Lam: Oui. Comme on l'a mentionné plus tôt, depuis 1989, on a instauré le cours de français au niveau communautaire. On est situé dans le quartier chinois et c'est comme un centre communautaire. Par exemple, à Montréal, pour les Chinois, on ouvre depuis un an et demi cinq cours de français. C'est toujours plein et il y a toujours une liste d'attente aussi pour s'inscrire à notre cours. Par exemple, on adopte aussi certaines méthodes adaptées pour répondre aux besoins de notre communauté, surtout au niveau débutant, comme les nouveaux arrivants. Ça veut dire qu'on engage un professeur de français très qualifié, mais qui parle la langue chinoise et qui possède des connaissances de la mentalité des nouveaux arrivants d'origine chinoise et aussi le problème d'apprentissage spécifique. Beaucoup de gens qui sont inscrits au COFI nous disent qu'il y a beaucoup de problèmes. Ils sont très très découragés parce que, dans la classe, il y a beaucoup d'autres étudiants latino-américains et tout ça, et leur processus d'apprentissage est très très différent. C'est pourquoi on pense qu'on doit adapter la méthode à chaque communauté selon son besoin spécifique.

En même temps, on fait des décentralisations aussi. Par exemple, maintenant, sur la rive sud, il y a une grande concentration de population chinoise, et on travaille en collaboration avec les réseaux locaux. Par exemple, avec le CLSC Samuel-de-Champlain et avec d'autres institutions là-bas, on ouvre le cours de français aussi et il reçoit beaucoup de succès. Il nous donne beaucoup de plaisir de voir l'intérêt pour être francisé. C'est énorme maintenant. Pour moi-même, c'est une surprise aussi, mais c'est très positif.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. J'aimerais savoir quel est le profil de cette clientèle. Vous parliez tout à l'heure de nouveaux arrivants mais, aussi, est-ce que vous avez des personnes qui sont arrivées depuis un peu plus longtemps? Quel est le profil? Est-ce que c'est un profil plutôt jeune, d'âge moyen? Aussi, vous semblez me dire qu'au niveau du COFI les nouveaux arrivants de votre communauté semblent avoir de la difficulté. Est-ce que vous croyez que votre organisme est mieux en mesure de donner, par exemple, les cours de français à ces nouveaux arrivants de votre communauté que ne l'est, par exemple, le COFI?

Mme Lam: À ce moment-ci, oui.

Mme Gagnon-Tremblay: Que ne le sont les COFI, c'est-à-dire.

Mme Lam: Si le COFI reste comme maintenant. J'aimerais mettre l'accent sur notre cours

de francisation, surtout pour les débutants parce qu'on a toujours cru en l'éducation avec le service au public. Par exemple, le COFI, c'est un service public. C'est très important. Pour nous autres, ce sont les nouveaux arrivants, au niveau débutant, qui ont besoin d'une certaine préparation, par exemple, avant de s'inscrire et de profiter des cours donnés par le COFI. Oui.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Lam. M. le député... Ah! Monsieur...

M. Qi: Je m'excuse. Si vous me permettez. Peut-être que je vais ajouter un petit détail technique.

Le Président (M. Doyon): Oui, M. Qi.

M. Qi: Vu que la langue chinoise est une langue très différente linguistiquement du français, évidemment, pour ces nouveaux arrivants, surtout pour ceux qui ne connaissent que le chinois, dans ce cas-là, il vaut mieux être conscient de leur mentalité et donner dans leur langue maternelle un cours de langue française. Comme ça, petit à petit, quand ils auront acquis une base essentielle, à ce moment-là, ils pourront aller au COFI. C'est ce que disait Mme Lam.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Qi. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Juste une petite précision, M. le Président. Vous avez bien dit que les cours que vous donnez, ce sont des cours qui sont donnés aux nouveaux arrivants avant qu'ils puissent entrer au COFI. C'est-à-dire, pas toute la clientèle, mais je veux dire pour les nouveaux arrivants. C'est-à-dire que vous leur donnez des cours avant qu'ils arrivent au COFI et non pas après.

Mme Lam: Avant.

Mme Gagnon-Tremblay: Avant.

Mme Lam: Oui, parce que...

Mme Gagnon-Tremblay: Pour qu'ils puissent avoir les techniques de base pour pouvoir bien suivre les cours du COFI par la suite.

Mme Lam: Oui. Ils ne peuvent pas suivre avec succès...

Mme Gagnon-Tremblay: D'accord. Mme Lam: ...le cours au COFI.

Le Président (M. Doyon): Oui, merci, Mme Lam. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, madame, monsieur, je n'ai malheureusement pas réagi suffisamment à temps. J'aurais dû appeler un de mes collaborateurs ici en haut. Si le français peut être difficile, j'ai parmi mes adjoints quelqu'un qui parle couramment le mandarin et le cantonais et l'écrit. Il aurait peut-être pu me permettre de dialoguer avec vous dans cette langue. Lorsque vous me parlez des efforts vraiment très marqués de la communauté chinoise, je vais vous répondre, oui, parce que ses établissements principaux sont à la toute limite de ma circonscription électorale. Donc, de visu, chaque jour, chaque semaine, chaque mois, depuis des années, je suis en mesure de m'en rendre compte à un point tel, d'ailleurs, que je racontais à une adjointe de Mme la ministre, une anecdote.

La première fois que je suis allé à Paris, près de l'Odéon, je cherchais la rue Casimir-Delavigne, je crois, et je demande à une jeune fille qui de toute évidence était d'origine chinoise, je lui dis: "I beg your pardon, miss." Voyez ce réflexe parce qu'à cette époque, au Québec, la communauté chinoise n'était qu'anglophone. Mais devant son air hébété, je me suis dit: Qu'est-ce qui se passe? Elle m'a dit: Je m'excuse, je ne comprends pas. Je me suis rendu compte que j'étais en France et qu'effectivement on pouvait parler français. Là, vous nous en donnez un exemple merveilleux. C'est des exemples, d'ailleurs, que je peux voir régulièrement à Montréal, compte tenu, effectivement, de cette proximité que j'ai avec la communauté chinoise là, dans ma circonscription. Des choses qui peuvent même vous paraître drôles, un des meilleurs restaurants de ma circonscription, le Shanghai, appartient à des Québécois chino-soviético-francophones.

Mais sur un ton... Je pense que ces anecdotes-là méritent d'être... parce que ce sont des illustrations qu'effectivement il y a des choses qui se font. Ce sont toujours des petits bouts de chemin, mais ça finit par faire, lorsqu'on les additionne, une longue route. C'est d'ailleurs un vieux dicton qui vient de votre pays qui dit qu'un grand voyage commence toujours par un premier petit pas. Voilà. Dans votre mémoire, vous ne discutez pas de la question de la régionalisation. Est-ce que c'est parce que vous ne la trouvez pas envisageable ou que les membres de votre communauté y sont en principe réticents, c'est-à-dire qu'ils préfèrent rester dans la métropole où forcément il y a une concentration?

M. Ma: Je crois que la question de régionalisation, ce n'est pas une question politique en autant qu'on puisse - comment dire - déterminer le lieu où les gens veulent s'installer, dans le sens qu'après quelques années ou quelques mois dans le programme où ils sont entrés ils peuvent toujours déménager. Puis la force économique ne permet pas vraiment aux gens de rester dans une

région où il n'y a pas de travail, où il n'y a pas de développement économique. Je crois que ça touche plutôt une question de développement économique dans les régions.

S'il y a du travail, s'il y a du développement économique, oui, les gens vont y aller. Je raconte... Par exemple, une fois, je me suis rendu à 111e Madeleine. C'était la première fois que j'étais là, il y a trois ans, et puis j'ai rencontré une famille. C'était peut-être la première famille chinoise qui s'installait à l'île Madeleine parce que quelqu'un connaît la famille dans la région du Québec. On a dit qu'il y a des possibilités pour ouvrir un restaurant à l'île Madeleine. Mais c'est parce qu'il y a beaucoup de tourisme là-bas.

Une voix: Aux Îles-de-la-Madeleine.

M. Ma: Ils sont arrivés et puis ils ont connu des succès énormes. Il dit que je vais en parler avec d'autres personnes dans notre communauté pour ouvrir un autre restaurant chinois parce qu'il y a des demandes énormes là-bas.

M. Boulerice: Un Madelinot original!

M. Ma: Alors, c'est ça que je veux dire, c'est que, oui, c'est important au niveau de l'intégration, au niveau de ne pas concentrer les immigrants dans la région métropolitaine de Montréal. Mais, comme vous voyez, les immigrants sont venus pour chercher une qualité de vie meilleure peut-être et ça se définit souvent en termes économiques. Puis, ici, il n'y a pas d'événements économiques. Dans les régions, je crois que tout discours sur la régionalisation est inutile, en fin de compte, à cause de cette... parce qu'on ne peut pas régler le mouvement du citoyen. C'est ça, le problème. (15 h 45)

Le Président (M. Doyon): M. le député.

M. Boulerice: Une question à double volet. Vous parlez d'élargissement du concept de la famille. Quel est le concept qu'on devrait lui donner? Deuxièmement, j'ai affirmé ce matin que j'estimais que la définition du mot "famille" devait appartenir au gouvernement du Québec et non pas au gouvernement fédéral. Qu'en pensez-vous?

M. Ma: Je crois que je me souviens, vers l'année 1988 et entre 1988 et la fin de 1989, que la politique du gouvernement fédéral permettait, par exemple, qu'une soeur ou un frère non marié soit parrainé par un autre frère ou soeur installé ici si le parent l'accompagnait. Mais depuis le 1er janvier 1990, cette politique-là a été annulée. Comme on sait que, maintenant, le Québec a obtenu le pouvoir de sélection, je ne sais pas si ça touche la catégorie familiale. Mais si le

Québec a le pouvoir de déterminer quelle catégorie de membres de la famille, on suggère, on recommande qu'une considération plus généreuse, plus ouverte, plus large soit appliquée.

M. Boulerice: Cher ami, vous me permettrez de poursuivre, vous n'avez pas tout à fait répondu. Je vous ai demandé: Êtes-vous d'accord, oui ou non, à ce que ce soit le gouvernement du Québec qui définisse le mot famille?

M. Ma: Oui. M. Boulerice: Merci. Des voix: Ha, ha, ha! M. Boulerice: M. Qi.

Mme Lam: Si vous êtes d'accord avec notre recommandation, tant mieux.

M. Ma: Nous ne sommes pas d'accord avec la politique fédérale, par exemple. Alors, on espère qu'une politique québécoise puisse considérer ce domaine-là.

M. Boulerice: Dans la culture chinoise, la définition de famille est aussi très vaste, ce qui est merveilleux: premier grand-oncle, deuxième grand-tante...

M. Qi: Justement, pour répondre à la première partie de votre question en ce qui concerne le concept de la famille. Évidemment, en Chine, à Hongkong comme à Taiwan, c'est universel, c'est-à-dire que plusieurs générations habitent toujours ensemble. Même si les enfants se sont mariés, ils ont des petits-enfants et ils gardent toujours le grand-parent, et des fois peut-être quatre générations. Donc, nous pensons aussi, quand même, que c'est un aspect important. Peut-être que ça ne se limite pas seulement aux familles chinoises mais aussi à un certain nombre de familles issues de la communauté japonaise et autres communautés asiatiques.

Le Président (M. Doyon): M. le député.

M. Boulerice: Nous parlions tantôt de restauration. Donc, je vais poursuivre en vous indiquant la mezzanine, Sainte-Catherine est, angle Papineau. Vous y rencontrerez mon bon ami Greg Chang qui est originaire de Taiwan, qui parle un excellent français, sauf qu'il est un peu - comment dirais-je - agacé quelquefois, lorsqu'il prononce mal un mot, de voir que le Québécois tuque et bas de laine le reprend en anglais. Ça l'exaspère. Il m'avait fait part lui aussi - je n'en livrerai pas le contenu - des critiques qu'il avait quant aux mesures de francisation.

Vous vous dites en faveur de l'amélioration

des mesures de francisation pour les rendre plus efficaces. Alors, les rendre plus efficaces, ce serait quoi, pour vous?

Le Président (M. Doyon): Mme Lam.

Mme Lam: Pour rendre le programme de francisation plus efficace, je pense qu'il y a beaucoup de moyens. Par exemple, on doit chercher des méthodes plus innovatrices. Par exemple, pour répondre encore mieux aux besoins des communautés culturelles - ça comprend d'autres communautés - et aussi à certains problèmes d'apprentissage spécifiques... Comment peut-on chercher les méthodes les plus innovatrices? Par exemple, chez nous, on cherche toujours et, des fois, on trouve certaines solutions. Par exemple, on donne le cours à l'école pour attirer les parents qui viennent à l'école pour apprendre la langue française. Il y a deux buts, un pour améliorer encore la francisation. Deuxièmement, dans le contenu du cours, on donne de l'information et de la sensibilisation sur le sujet des valeurs sociales, sur le système scolaire ici et peut-être aussi - pas peut-être, définitivement - sur les attentes de notre société. Ça veut dire, comme annoncé dans la politique, le contrat moral. C'est quoi, les attentes, pour vous, comme parents nouveaux d'origine chinoise qui êtes ici au Québec? Pour nous autres, c'est notre rôle de partenaire, comme organisme non gouvernemental qui travaille avec le service public, ensemble. C'est un moyen d'attirer des parents qui ne sont peut-être pas faciles à rejoindre. D'autres moyens comme le COF1 ou d'autres services d'assistance...

Deuxièmement, on donne le cours dans les CLSC, dans les institutions existantes, et encore avec des buts: un, pour attirer les gens et les sortir de leur isolement social; deuxièmement, pour apprendre la langue; troisièmement, pour comprendre, sensibiliser et être informé, à savoir c'est quoi, le service d'assistance, c'est quoi, les valeurs et les attentes. Aussi, pour promouvoir certaines chances d'échanges.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame.

M. Boulerice: Si je vous interprète bien, Mme Lam, vous parlez de déconcentration.

Mme Lam: Concentration.

M. Boulerice: De déconcentration de la francisation.

Mme Lam: Oui, c'est ça. On va où sont les gens.

M. Boulerice: Voilà! Mme Lam: Oui.

M. Boulerice: Merveilleux! Oui, je vous en prie, M. Qi...

Le Président (M. Doyon): Oui, monsieur... M. Qi: O.K. Si vous permettez...

M. Boulerice: ...si M. le Président vous autorise. Sans aucun doute.

Le Président (M. Doyon): M. Qi.

M. Qi: Si vous le permettez, je voudrais justement faire un point. Évidemment, nous avons déjà parlé des cours donnés au sein de la communauté chinoise; nous avons parlé aussi des cours donnés sur le terrain, et c'est une très bonne initiative. Par exemple, on donne un cours à Hongkong pour les gens qui vont venir ici. Évidemment, on a parlé aussi du programme d'accès à l'égalité. Je pense, et c'est un point très important, que les gens commencent à être conscients de l'importance non seulement au niveau de la communauté, mais surtout au sein de la fonction publique. Moi-même, j'ai eu une expérience parce que j'ai travaillé pendant un certain temps avec les nouveaux arrivants chinois qui ont fait une demande de résident permanent. Ces gens-là, par exemple, beaucoup d'étudiants chinois, après la répression de Pékin, ont décidé de rester ici. Ils commencent à étudier le français. Mais quand ils ont commencé à chercher du travail, les gens leur demandaient: "Do you speak English?" Puis, ils se sentaient très déprimés. Ils disaient: Moi, je dois non seulement étudier le français, mais aussi l'anglais. Je pense qu'étudier le français, c'est très important, mais comment peut-on sensibiliser la société et encourager ces gens-là? Fournir un certain nombre de mesures positives pour ces chercheurs de travail, ça, c'est très important aussi. Sinon, étudier le français... C'est sûr qu'on a une langue commune de communication, mais, par contre, ils doivent vivre, évidemment. Mais si ça ne les aide pas vraiment, ils vont partir pour d'autres provinces.

M. Boulerice: Avant de vous dire au revoir et de vous remercier, je vais me permettre un commentaire. Je le fais de façon très amicale, mais dans votre mémoire j'ai lu que vous exprimiez des craintes quant au danger d'un nationalisme trop fort. J'aimerais apporter la nuance, je pense qu'elle est importante et qu'elle est malheureusement oubliée au Québec. Compte tenu d'expériences malheureuses qui ont été vécues ailleurs, le nationalisme québécois a toujours été un nationalisme d'affirmation culturelle, de survivance. Jamais, en aucun temps, il n'a eu de connotation de supériorité raciale. Donc, je ne crois pas que ce soit justifié d'avoir peur de ce nationalisme québécois. Je pense que, quelquefois, malheureusement, des gens ont

tendance à coller nationalisme à national-socialisme qui lui, malheureusement, a une connotation raciale et qui s'est échappé avec je ne sais combien de dizaines de millions de morts.

Alors, je pense que vous comprenez ce concept de nationalisme au Québec, qui n'en est un que d'affirmation d'identité dans un contexte où, vous le savez, nous sommes 40 fois minoritaires. Jamais il n'a été pour dire que j'étais d'une race supérieure à la vôtre. Je me permettrai également, si vous voulez bien, de rajouter que l'Opposition officielle continue de croire qu'elle a bien agi en appelant au boycott de l'ouverture du Festival des films du monde qui faisait l'éloge du cinéma officiel chinois parce que nous trouvions, à ce moment, que c'était d'oublier trop facilement le massacre de la place Tien an Men. Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Oui, M. Qi.

M. Qi: Si vous le permettez, je vais répondre d'abord à cette questfon-là et ensuite, peut-être, M. Ma prendra la parole.

Je voudrais, tout d'abord, attirer votre attention sur les termes que nous avons utilisés. Nous avons parlé, dans le texte, de l'éventualité d'un nationalisme extrême. Nous n'avons pas parlé du nationalisme, surtout en ce qui concerne l'affirmation de l'identité francophone. À ce propos, moi-même, je suis très compréhensif vis-à-vis de ce nationalisme qui est très bien fondé, qui est pertinent. Je trouve... Il importe de maintenir ce caractère. Nous sommes tout à fait d'accord à ce propos.

Par contre, il ne faut pas que ce nationalisme évolue à l'inverse, dans le sens... c'est-à-dire que ça évolue, éventuellement, vers un racisme, par exemple. Ça, je pense que tout le monde le sait, aujourd'hui, dans notre société, ça existe. Nous avons parlé seulement de cette possibilité.

M. Boulerice: Nous le combattrons tous ensemble.

M. Qi: D'accord.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Qi. Quelque chose à ajouter, M. Ma?

M. Ma: Oui, merci, M. le Président. J'aimerais ici renforcer le message de M. Qi. C'est qu'on n'a pas constaté que nationalisme égale racisme. Ce qu'on veut dire, c'est que dans le mouvement nationaliste, il existe un certain pessimisme envers la possibilité d'intégrer les immigrants parce que, d'après les expériences des années cinquante et soixante, ou même avant, les immigrants étaient plutôt intégrés au milieu anglophone. Peut-être que ce n'était pas vraiment anglophone, c'était peut-être une question du milieu des affaires et les affaires se passaient en anglais, à cette époque-là, et les gens devaient survivre sur ce plan-là. C'est ce que M. Wen Qi a dit tout à l'heure. (16 heures)

C'est ça que j'aimerais dire, que ce pessimisme sur l'impossibilité de l'intégration des immigrants peut amener une position au sein du mouvement, du projet nationaliste, que l'entrée des immigrants, ça va apporter peut-être des résultats négatifs dans notre projet. C'est ce que je comprends du film "Disparaître". Peut-être que ce n'est pas du tout ce qu'il veut faire, mais c'est le message qui a été donné. C'est ce qu'on a vécu, perçu de ce film-là. On pense que nationalisme, ce n'est pas égal à racisme, mais il persiste une sorte de point de vue ou attitude au pessimisme qui peut amener la société peut-être dans une préoccupation ou incertitude ou insécurité, et qui peut apporter des mesures qui, peut-être, au fond peuvent être insensibles aux besoins des minorités ici. C'est ça qu'on veut dire.

Le Président (M. Doyon): Très bien, merci, M. Ma. M. le député d'Acadie, vous aviez une question.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Ce sera une question très brève parce qu'on arrive à la fin du temps qui nous était alloué. Vous avez mentionné tout à l'heure toute la question de la francisation, des efforts que vous faites dans votre communauté. Il y a également, au fond, quand on parle de la question de l'intégration, il y a toute la question aussi du rapprochement des communautés comme telles, des contacts quotidiens qu'on peut avoir. Je me demandais, les organismes comme tels qui existent dans votre communauté, dans quelle mesure ces organismes-là ont créé ou créent actuellement des liens avec d'autres organismes qui sont issus, par exemple, du milieu francophone du Québec, de sorte qu'il y a peut-être un échange plus approfondi entre les deux cultures. Est-ce que ça se fait actuellement et quelle forme ça prend de façon plus précise?

M. Ma: Est-ce que je peux commencer?

Le Président (M. Doyon): Oui, monsieur. Allez.

M. Ma: De façon concrète, depuis je ne sais pas, huit ans, on a un projet de jumelage avec le CLSC Centre-ville dont le directeur était Mme Lam. C'est ce que je crois entendre. On a créé un projet pour permettre aux personnes âgées du quartier chinois de participer aux programmes du CLSC Centre-ville. D'ailleurs, dans le domaine de l'éducation, on a commencé un projet avec les enfants de l'école Saint-Luc à la commission scolaire catholique de Montréal. Ce sont deux projets qui ont été peut-être plus ou moins

établis et on a d'autres projets. Je vais demander à Cynthia de nous expliquer un peu.

Mme Lam: D'autres projets. Ça nous donne beaucoup de plaisir de vous en parler aussi... C'est encore sur le sujet de l'accès à l'égalité en emploi. On a choisi ce thème et organisé un colloque sur ces sujets-là: Égalité, où en sommes-nous, accès à l'égalité en emploi et minorités visibles. Pour nous autres, le programme d'accès à l'égalité a pour but de corriger certaines pratiques discriminatoires. Certaines institutions gouvernementales ne donnent pas la reconnaissance aux gens qui viennent de groupes des minorités visibles. C'est pourquoi on voulait mettre beaucoup plus de conscience et beaucoup plus d'information à ce sujet-là. Pour nous autres, c'est un projet qu'on a fait avec huit autres organismes culturels et organismes de services publics et parapublics. On a l'intention de poursuivre ce sujet aussi - pour nous, c'est un peu une meilleure intégration sociale pour notre communauté - après que le problème de francisation aura été un peu réglé.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Lam. M. Qi.

M. Qi: Nous avons une copie ici. Vers la fin de l'audience, nous pourrons la déposer.

Le Président (M. Doyon): Ça nous fera plaisir. Vous la laisserez en arrière, on s'en prendra une copie. M. le député, avez-vous d'autres questions? Mme la ministre, en terminant.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. En fait, je dois vous dire que j'ai pris connaissance du document qui m'avait été envoyé déjà il y a quelque temps. J'ai une dernière question. Vous savez que l'un des objets de cette consultation porte aussi sur les niveaux d'immigration, pour les années 1992, 1993, 1994. J'aimerais savoir quelle est votre opinion là-dessus? Est-ce que vous pensez qu'on devrait continuer d'augmenter nos niveaux d'une façon graduelle? Quelle est votre opinion?

Mme Lam: Je pense, selon notre connaissance, qu'il y a un grand intérêt chez les jeunes de Hongkong, de Taiwan et de la Chine continentale qui veulent essayer d'entrer au Canada et au Québec. Toujours selon notre connaissance, il y a une période d'attente assez longue pour certaines gens et ça a créé beaucoup d'incertitude. En même temps, par exemple, il y a deux ans, je me suis rendue à Hongkong où j'ai une grande, grande famille. Dans nos réunions familiales, il y a eu seulement deux sujets de conversation; un, c'est l'immigration au Québec parce que je viens du Québec et, deuxièmement, ça, c'est autre chose... Comment dtt-on ça? C'est comme à "Blue Bonnets".

Le Président (M. Doyon): Les courses.

Mme Lam: C'est ça. Oui, les courses. Mais le sujet de l'immigration au Québec a suscité beaucoup, beaucoup d'intérêt et c'est beaucoup plus important aussi. Définitivement, il y a beaucoup, beaucoup d'intérêt. Je pense que, dans la catégorie des immigrants investisseurs professionnels, tout le monde le sait très, très bien qu'il y a un nombre très important de gens bien qualifiés. Mais il y a une chose très importante pour nous autres, d'être traités honnêtement, de faire connaître aux gens qui veulent venir ici c'est quoi les attentes: notre civisme, nos valeurs, les exigences de la langue et aussi le système d'ici. D'après notre expérience, il y a beaucoup de malentendus et ça a créé beaucoup, beaucoup de difficultés après leur arrivée. On peut faire quelque chose et améliorer à ce niveau-là. Il y a deux choses: donner la préparation de francisation tout d'abord et, deuxièmement, donner l'information correcte et être au courant et honnête aussi.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Lam. Rapidement, M. Ma.

M. Ma: Oui, une dernière intervention. J'aimerais renforcer la question de garder les gens d'affaires qui sont entrés au Québec parce qu'il y en a un grand nombre qui partent une fois qu'ils sont entrés. Dans votre énoncé de politique, dans la deuxième partie, les orientations en matière d'immigration, vous avez parlé de créer et d'accroître les activités de "counselling" pour faciliter leur établissement au Québec et dans les diverses régions du Québec. On pense que, oui, on peut donner des services spécialisés et professionnels du côté gouvernemental mais, de notre part, comme organismes non gouvernementaux on peut jouer un rôle de coordination, on peut aussi jouer un rôle de soutien affectif et un rôle au niveau des informations. Même s'il y en a beaucoup qui sont partis, il y a quand même une partie qui est restée ici au Québec et qui a réussi plus ou moins à s'intégrer, au niveau économique au moins. Peut-être qu'ils pourraient partager leur expérience et leur savoir-faire avec les nouveaux arrivants, ils pourraient s'impliquer dans un "network" de personnes-ressources pour aider les nouveaux arrivants. Je crois que, sur ce point-là, il y a des choses qu'on pourrait élaborer et sur lesquelles on pourrait travailler. Il y a beaucoup à faire, bien sûr. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Ma. Mme la ministre, peut-être un mot de remerciement.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, c'est ça. Vous savez que nous sommes à organiser d'ailleurs des structures d'accueil pour les gens d'affaires. Bien sûr que votre aide à ce niveau-là nous

serait aussi précieuse, comme dans d'autres secteurs, d'ailleurs, parce que nous voulons créer un véritable partenariat avec non seulement les organismes, mais aussi tous les leaders socio-économiques. Donc, merci infiniment, merci beaucoup pour votre présentation et bon voyage de retour.

Le Président (M. Doyon): M. le député, un mot de remerciement aussi.

M. Boulerice: Oui. Vous nous avez donné, je pense, vous trois, un très bel exemple des efforts soutenus de la communauté chinoise et j'aimerais dire à M. Ma que je suis personnellement très optimiste quant à nos interrelations.

Je croyais, M. Ma, comme député, avoir tout vu. Eh bien, j'ai vu, moi, compte tenu de ma circonscription, un bingo "callé" en cantonais et j'ai vu, quelques semaines après, un club de l'âge d'or de ma circonscription jouer frénétiquement au mah-jong. Alors, je pense que l'intégration va se réussir de façon...

M. Ma: II dit que je connais un ami qui ne parle pas beaucoup le français, mais qui peut jouer au bingo en français.

Mme Lam: Bingo.

M. Ma: II connaît les chiffres en français.

M. Boulerice: Mais, moi, je vous avoue qu'on avait "callé" en cantonais. Ha, ha, ha! Merci de votre présence.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup...

M. Boulerice: Aïe! C'était quelque chose. J'étais épuisé.

Le Président (M. Doyon): ...d'être venus nous voir.

M. Boulerice: C'était assez drôle, ce n'est pas possible.

Le Président (M. Doyon): Nous allons maintenant demander au prochain groupe de bien vouloir s'approcher dès que vous aurez quitté. Il s'agit du Département de santé communautaire de l'hôpital Sainte-Justine et du Conseil communautaire de Côte-des-Neiges.

DSC de l'hôpital Sainte-Justine et Conseil communautaire de Côte-des-Neiges

Je souhaite la bienvenue à M. Kinloch, Mme Barey, M. Oré et M. Côté. Je vous invite à prendre place.

Vous connaissez notre façon de procéder. Une heure maximum au total; une vingtaine de minutes pour votre présentation, moins si vous pouvez le faire. La ministre vous pose des questions pendant un temps équivalent et les autres députés de l'Opposition font la même chose. Alors, vous avez la parole. Veuillez vous présenter. Je vous souhaite la bienvenue.

M. Kinloch (John): Bonjour, M. le Président. Je m'appelle John Kinloch. Je suis le président du Conseil communautaire de Côte-des-Neiges-Snowdon. J'ai, à ma droite, Marie-Claude Barey qui est aussi avec le Conseil, Martin Oré et Roger Côté, à ma gauche.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue! Vous pouvez y aller.

M. Kinloch: On va tous présenter notre mémoire cet après-midi. Je vais commencer en vous donnant un aperçu du travail, du rôle du Conseil communautaire de Côte-des-Neiges. Comme vous pouvez le lire dans notre document, le Conseil communautaire est né d'une volonté dans la communauté de Côte-des-Neiges, pour les groupes existants, de travailler ensemble, de se concerter. C'est justement le mot "concertation" qui, je pense, résume beaucoup le travail du Conseil communautaire depuis 1987.

Parmi les membres du Conseil communautaire, vous pouvez voir, en annexe à notre mémoire, à peu près une vingtaine de groupes communautaires, des groupes ethniques, des groupes qui travaillent sur la question du logement, de la pauvreté, de la jeunesse et de la lutte contre le racisme, par exemple.

Les priorités pour le Conseil communautaire cette année sont justement la question de la pauvreté, les différentes facettes de pauvreté qu'on voit dans une communauté de Montréal qui est vraiment touchée par le problème de la pauvreté, la question de la faim et aussi la question du logement. On est préoccupé par le problème de la jeunesse aussi et par le problème économique qui existe dans notre secteur avec le peu de ressources qui existent pour les chômeurs et les bénéficiaires de l'aide sociale. On travaille justement avec la ville de Montréal au développement d'une corporation de développement économique communautaire.

Côte-des-Neiges, pour les gens qui ne sont pas au courant, est l'un des secteurs de Montréal les plus multiculturels de la région de Montréal. On a, dans notre secteur, à peu près une trentaine de différentes langues, des gens de différents pays; 40 % des gens qui habitent le secteur sont nés en dehors du pays, alors ça affecte beaucoup le travail qu'on essaie de faire dans la communauté. (16 h 15)

C'est quoi, au juste, le travail du Conseil communautaire, comme tel? On tient un forum par mois qui est un lieu de rencontre pour les différentes gens qui travaillent dans le secteur. À nos rencontres mensuelles, on a des gens qui

viennent des différents groupements ainsi que des conseils municipaux de la ville de Montréal. On a des représentants du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. À peu près tout le monde qui est impliqué dans le secteur vient à nos rencontres qui servent de partage d'informations et de concertation.

Le mémoire qu'on va présenter aujourd'hui est divisé en trois parties: la partie immigration, la partie intégration et la partie relations intercommunautaires. Alors, il y aura des présentations sur ces trois points.

En terminant, le conseil communautaire vous fait part de notre satisfaction de voir le Québec se donner une politique globale d'immigration et d'intégration. Je vais passer la parole à M. Roger Côté.

M. Côté (Roger): Très brièvement, juste avant de débuter, juste pour compléter ce que John a dit, le quartier Côte-des-Neiges est vraiment un des quartiers de première instance et de premier établissement pour bon nombre de ressortissants, bon nombre de réfugiés, bon nombre de gens des communautés culturelles. C'est un quartier qui est en continuelle reconstruction de cette façon-là, surtout dans la partie nord qui, malheureusement, est une partie assez défavorisée et qui est un peu fuie par tout le monde, ce qui fait que des logements sont toujours disponibles. Et, comme les gens arrivent, n'ont pas beaucoup de choix et ont besoin de se loger rapidement, ça constitue un lieu de logement, de concentration pour beaucoup de communautés culturelles. Et ces logements sont très malfamés, ce qui fait que, continuellement, les gens y arrivent et, dès qu'ils sont en meilleure situation économique, ils évoluent, ils vont deux ou trois rues plus haut. Et, continuellement, il y a des gens qui prennent leur place.

Dans ce sens-là, dans notre mémoire, on n'est pas pour vous parler d'immigrants investisseurs. Ce n'est pas la constitution du quartier. Les gens qui arrivent au début au Québec et qui s'établissent dans le quartier Côte-des-Neiges, malheureusement, y viennent un peu parce qu'il y a une place libre là. Ça n'empêche pas qu'un petit peu plus tard, ça a un impact économique important. Si vous vous promenez dans les rues Côte-des-Neiges et Victoria, vous verrez à quel point c'est important, la présence des communautés culturelles, tant au niveau de la restauration et de l'alimentation que des services. Le quartier y est très représenté, en termes de présence économique, par des gens des communautés culturelles.

Juste pour terminer là-dessus, je pense que Marie-Claude pourra présenter la partie sur l'immigration.

Mme Barey (Marie-Claude): C'est ça. Tout d'abord, on se réjouit de la reconnaissance officielle du fait que la diversité ethnoculturelle, l'immigration, soit un facteur de développement pour le Québec. On trouve qu'on doit continuer à faire la promotion active de cette idée même si on a l'impression que c'est quelque chose de partagé dans notre société.

Au sujet de l'augmentation de l'immigration francophone, on se dit... Bon, on pense que ça procède de la supposition que les immigrants francophones sont plus faciles à intégrer. Devant ça, le conseil communautaire pense que ce n'est pas forcément le seul facteur à considérer et, non plus, le plus important. On pense que la langue est un facteur effectivement important. On est tout à fait d'accord que le Québec doive affirmer son caractère français mais, pour la réussite de l'intégration, on doit aussi consacrer des efforts aux mesures de francisation, ici même. Il ne faut quand même pas remettre en question notre capacité de franciser ici.

Et aussi, la sensibilisation aux institutions et services publics, le renforcement des activités d'initiation au mode de vie et les autres aspects de l'intégration sont très importants. On ne peut pas se fier seulement à la langue et se dire: Voilà, c'est fait, les gens parlent français, ils vont s'intégrer comme ça, tout seuls. Il y a vraiment un travail à faire là, auquel nos organismes, d'ailleurs, participent.

Pour ce qui est de soutenir la réunification familiale, on trouve qu'effectivement c'est une valeur importante, la réunification familiale, pour la qualité de vie et la santé mentale des immigrants. Effectivement, le réseau familial, le soutien émotif, le soutien technique même ou, des fois, monétaire, c'est très important pour l'équilibre de n'importe qui, finalement, et encore plus pour une personne nouvellement établie ici.

Et quand vous parlez de la durée de l'engagement, à propos du parrainage des parents, on semble comprendre que ça resterait fixé à 10 ans pour les parents, c'est-à-dire que, bon, pour les enfants, s'il s'agit de parrainer ses enfants, c'est trois ans. On trouve ça tout à fait intéressant. Maintenant, pourquoi se limiter aux enfants et exclure les parents? Donc, on a une question, là.

Ensuite, vous parlez aussi d'un mécanisme pour le respect des engagements financiers des parrains. Maintenant, il y en a déjà un qui est en place et on trouve que ses effets sont assez désastreux sur la dynamique familiale. Quand un parrainé doit poursuivre son parrain, son parent, ça crée une situation intolérable, invivable, extrêmement destructrice du climat favorable à l'intégration. Et on s'inquiète aussi de l'effet que ca va entraîner, la hausse du niveau d'engagement financier, sur la réunification familiale. On a l'impression qu'on va seulement favoriser les personnes qui ont les moyens, seulement les nantis, alors on a l'impression que ça va à rencontre du principe de la réunification familiale. C'est bon, la réunification familiale, mais on

dirait que c'est juste bon pour ceux qui ont les moyens de payer; et ça semble... Et si on veut augmenter le niveau d'engagement financier, ça nous cause un problème.

Ensuite, évidemment, il y a la question des délais. On trouve que les délais doivent vraiment être réduits pour permettre aux familles de se réunir. Et, finalement, sur ce sujet-là, le fardeau du parrainage, on aimerait bien qu'il soit partagé, qu'il puisse aussi être partagé par des parents. Il existe le parrainage collectif, mais on voudrait que le parrainage collectif se fasse aussi par les familles, que différents membres d'une même famille puissent parrainer leurs parents ou leurs proches; c'est ça.

En ce qui concerne la situation des réfugiés, nous considérons que l'immigration doit être perçue vraiment comme un acte d'aide humanitaire d'urgence et on a de la difficulté à concevoir qu'on garde les mêmes critères de sélection. On considère qu'ils devraient être suspendus. Et on s'inquiète du fait que, dans l'énoncé, le gouvernement propose qu'on prenne en compte les objectifs de la politique québécoise dans le règlement de l'arriéré des demandes de statut. Pour nous, quand on regarde la lenteur du processus, tout ça, et que, finalement, en bout de ligne, 80 % des personnes sont acceptées, on se dit: Comment peut-on se permettre de laisser ces personnes d'abord attendre si longtemps, et avec moins de services pendant qu'ils sont là? Ils n'ont pas droit aux mêmes services. Ça complique leur vie, ça compromet beaucoup leurs chances d'intégration.

Ils ont besoin de tout le support possible pour s'intégrer. Alors, on ne peut pas faire semblant qu'ils vont s'en aller. Ils ne s'en vont pas, ils sont là. Ils restent avec nous. On doit vraiment oeuvrer auprès d'eux. Nous, on se sent appelé, en tant qu'organisme du quartier, à les aider comme on aide les autres organismes, les autres immigrants reçus. Je donne des exemples: les allocations familiales; ils n'ont pas droit à la pleine participation aux programmes de francisation; les frais de scolarité qu'ils doivent payer au tarif des étudiants étrangers; l'impossibilité de se prévaloir de la réunification familiale; toutes ces choses-là entravent et alourdissent considérablement la possibilité de s'intégrer correctement. Donc, on pense qu'il dort y avoir des correctifs apportés dans ces cas-là où les revendicateurs de statut sont pénalisés et que leurs chances d'intégration harmonieuse sont compromises.

Pour ce qui est du niveau d'immigration, on est d'accord avec ce que l'énoncé de politique avance, une hausse du niveau en tenant compte de la capacité d'accueil du Québec. On souscrit aussi à la recommandation de la table de concertation de Montréal sur les réfugiés d'augmenter graduellement l'admission à 1 % de la population totale. Alors c'est, pour cette partie-là, ce que je voulais vous dire. Je vais passer la parole à Martin.

Le Président (M. Gobé): M. Oré, vous avez la parole.

M. Oré (Martin): Merci, M. le Président. Je me sens un peu nerveux et je me sens vraiment éloigné, comme si j'étais à un kilomètre du micro.

Le Président (M. Gobé): Non, non. Prenez ça calmement. Vous allez voir, ça va très, très bien. Vous pouvez relaxer, ce sera sans douleur.

M. Oré: Merci. On m'a mandaté pour parler de l'intégration. Mais voilà, c'est un sujet assez difficile à exprimer pour quelqu'un qui vient justement de surmonter certaines étapes d'intégration dans cette société.

Je soumettrais l'exemple des voyageurs québécois quand ils décident d'aller passer quelques jours au soleil. Je pense que la première chose à faire est de s'assurer d'un hôtel où on va rester. C'est quelque chose de semblable qui se passe avec les immigrants qui décident de s'installer ici, au Québec. Je pense que, pour n'importe quel immigrant qui arrive ici ou pour n'importe quel citoyen québécois qui décide d'aller ailleurs, il y a toujours des besoins premiers à résoudre avant d'entreprendre d'autres actions qui accéléreraient ou faciliteraient l'intégration comme telle à la société qui les reçoit.

Quant au Québec, moi, je dirais qu'on identifie deux besoins premiers ou deux besoins de base qui vont peut-être être la pierre angulaire de la réussite de toute politique d'intégration et d'adaptation des ménages immigrés. En premier, le Conseil placerait le logement et ensuite le travail. Le premier, le logement, s'avère une question de base parce que, si on ne sait pas où on va rester, si on ne sait pas où on hébergera la famille, évidemment, on coupe toute relation, que ce soit au niveau de l'école, que ce soit au niveau des échanges interculturels, que ce soit à tout niveau. Je pense que l'espace physique, l'endroit qu'on appelle maison, pour un immigrant, est très important, surtout si on tient compte que l'immigration que reçoit le Québec est composée presque à la moitié de ménages latino-américains qui viennent de notre propre continent, l'Amérique. Et les notions "famille" et "logement" sont souvent intimement reliées.

Ensuite, après avoir résolu de façon satisfaisante la recherche d'un logement, on fait face à la recherche d'un emploi. L'autonomie financière s'ajoute alors à l'autonomie résidentielle. C'est après qu'on commence à chercher les cours de français et c'est après qu'on commence à chercher à nouveau un emploi, peut-être, parce que l'emploi qu'on a trouvé en premier ne nous comblait pas, ne nous satisfaisait pas.

Alors, on ne va pas explorer plus en profondeur la question du logement parce qu'il y a un groupe membre du Conseil communautaire

Côte-des-neiges-Snowdon qui répondra peut-être à ça bientôt. Je parlerai plutôt de l'accès et de l'intégration au marché du travail.

Évidemment, le Conseil communautaire Côte-des-neiges-Snowdon est très heureux de voir que les volets travail et logement son inclus comme des pôles importants dans le processus d'intégration des ménages immigrés. Mais on pense que le travail est aussi une condition nécessaire à l'intégration. Donc, on encourage les programmes d'accès à l'égalité et on encourage aussi que des comités de surveillance de l'application correcte de ces programmes soient faits en partenariat et avec la participation des membres des communautés culturelles. Ce n'est pas étonnant que, pour 60 % des Jamaïquains, le taux de chômage s'élève à 60 % et que, pour les Haïtiens de 15-34 ans le taux de chômage soit de 40 %, et pour les Latino-Américains de 33 %. (16 h 30)

Un des obstacles qui gênent justement l'autonomie au niveau de l'emploi, c'est le problème des équivalences. Il faudrait reconnaître l'expertise professionnelle déjà faite à l'extérieur. On se demande pourquoi ne pas encourager les centres de recherche d'emplois dans les centres communautaires ou dans les organismes ethniques ou multiethniques. Il n'y en a pas tellement; il y a de rares expériences comme ça à Montréal. Moi, je connais personnellement deux centres de recherche d'emplois qui sont dirigés, orientés, supportés, encadrés par des Québécois et des Québécoises, et ça marche très bien. On se rencontre là, avec des Québécois et des Québécoises, et on fait face à une réalité qui est dure: la récession, le manque d'emplois. Peut-être que ce sont ces ressources-là qui nous font justement se rassembler et puis, on partage nos ressources en commun. Alors, des expériences comme ça, je pense qu'elles sont très valables et il faudrait encourager la prise en charge pour chaque immigrant à trouver son propre emploi, l'orienter, lui apprendre comment chercher un emploi ici, parce que ce n'est pas la même chose si on le fait en Amérique du Sud ou en Afrique.

Il faudrait aussi relier cette démarche de recherche d'emploi avec les cours de français, bien sûr. On était très contents quand on a entendu Mme la ministre, à Montréal, dire qu'il y aurait aussi certains cours de français, peut-être orientés vers le domaine d'intervention des immigrants. C'est-à-dire que ceux qui seraient ingénieurs auraient quelques mots, quelque lexique justement rattaché au niveau de leur carrière professionnelle; je trouve ça excellent.

Le Conseil communautaire suggérerait aussi la création de comités multipartites, employeurs, syndicats et communautés culturelles, justement pour surveiller que les objectifs des programmes d'accès à l'égalité en emploi soient vraiment exécutés.

Quant au français langue commune, on reconnaît que l'apprentissage du français, accompagné d'une initiation à la culture de la société d'accueil, est une condition nécessaire à une participation féconde dans cette société. Mais, vous savez, par exemple, quand je suis arrivé ici à Montréal, il y a six ans, j'ai pris un cours d'initiation à la vie québécoise à l'Université de Montréal; il ne se donnait pas ailleurs. On m'a appris comment le français a récupéré sa place au Québec. On m'a appris à partir de quel moment le gouvernement du Québec payait ses employés en français parce que, avant, il le faisait en anglais. On m'a appris la culture québécoise et on m'a appris les peintres québécois. Moi, j'ai lu "Le vaisseau d'or". On m'a appris la chanson du phoque, celui qui tourne le ballon sur son nez. Et moi, je me demande: Peut-être étaient-ce des éléments qui m'ont aidé à mieux m'intégrer à cette société, mais j'ai dû les chercher par mes propres moyens parce que je n'ai pas trouvé les ressources dans les structures publiques de cette société qui nous recevait.

Bon! Alors, on est tous d'accord que le français doit être encouragé et pas nécessairement qu'on doit parler français pour mieux s'intégrer. Je pense que, pour nous, les nouveaux arrivants, parler français, c'est aussi une manifestation de respect envers cette société qui nous reçoit.

Le Président (M. Doyon): En terminant, s'il vous plaît...

M. Oré: Le COFI. Moi, j'ajouterais...

Le Président (M. Doyon): Un instant! En terminant, s'il vous plaît, compte tenu qu'une vingtaine minutes doivent être réservées pour les questions. Si vous pouvez accélérer un peu, peut-être...

M. Oré: En terminant, j'exprimerais l'inquiétude, au Conseil communautaire, de voir un projet de rassemblement des quatre COFI de Montréal en un seul. On pense qu'on ne devrait pas centraliser les COFI. D'ailleurs, COFI, c'est l'abréviation de Centre d'orientation et de formation d'immigrants; je pense que ce rôle d'orienteur et de formateur, il l'a déjà perdu depuis longtemps. Il faudrait récupérer ces rôles d'orienteur et de formateur, il faudrait que ces orientations-là se fassent en partenariat avec les organismes communautaires ou ethniques qui auraient déjà développé une expertise quant à certains domaines d'intervention concrète. On vous reconnaît le rôle de directeur et de planificateur, de concepteur des programmes, mais je pense que l'exécution de toute cette politique-là et des mesures concrètes doit être confiée aux organismes qui auraient l'expertise reconnue.

Je pense qu'au niveau de l'école on n'a pas seulement besoin d'un plus grand nombre de professeurs, mais aussi de ressources supplémen-

taires, c'est-à-dire des agents de liaison et des agents du milieu. Ces agents du milieu font un travail excellent dans les écoles. Ils ne favorisent pas juste l'adaptation des élèves, des enfants, mais aussi l'adaptation des parents des élèves qui vont à l'école. Alors, ils font des rencontres entre les parents et on trouve ça enrichissant, surtout dans notre quartier de Côte-des-Neiges qui est le plus multiethnique au Québec.

Là, je passe encore la parole à Roger Côté. Merci.

Le Président (M. Doyon): M. Côté, je vous rappelle qu'il faudra qu'il reste un peu de temps pour les parlementaires pour vous poser des questbns.

M. Côté (Roger): Bien, c'est ça. Alors, très rapidement, sur la troisième partie qui porte sur les relations intercommunautaires, moi, je me souviens d'avoir entendu régulièrement... Je travaille au CLSC Côte-des-Neiges, alors je rencontre continuellement des gens d'autres CLSC qui me disent: Comment fais-tu pour travailler dans Côte-des-Neiges? Ça doit être difficile, ce paquet d'ethnies, c'est compliqué. Il y a des gens qui s'imaginent toujours que c'est une affaire impossible. Quotidiennement, dans le quartier, il y a des difficultés qui sont supplémentaires, compte tenu de la grande diversité de la communauté, mais, lorsqu'on établit une relation de partenariat, lorsqu'on établit une relation comme on en a instauré une au Conseil communautaire, comme les groupes sur l'accueil l'ont fait, où on fait de la concertation dans le quartier, ça donne des résultats qui sont les résultats du Conseil communautaire, des résultats de plein d'organismes dans Côte-des-Neiges.

Il y a présentement des cours de français qui se donnent pour à peu près l'équivalent de 1000, 1500 à 2000 personnes par semaine, des gens qui vont à des cours dans les écoles. Dans les organismes du quartier, il y a 12 organismes qui le font. De rassembler tout le monde, à la fois des acteurs sociaux, de l'éducation et des différentes communautés culturelles, ça se fait; ça se fait et ça se fait bien, même dans un contexte de difficultés majeures comme celui de Côte-des-Neiges, compte tenu de la clientèle; comme je l'ai dit, c'est une clientèle qui a déjà des difficultés, de prime abord.

Alors, lorsqu'on a lu l'énoncé de politique, toutes les mesures qui sont amenées nous réjouissent beaucoup. On dit même qu'il en faudrait plus. Évidemment, il en faudrait plus si je regarde par rapport à beaucoup de mon travail que je fais, qui est celui de sensibilisation de mes compatriotes québécois de vieille souche, tel qu'Inscrit, qui, pour certains, n'ont pas toujours des relations, en tout cas, de bons jugements par rapport à l'arrivée des immigrants et des communautés culturelles. Je pense qu'il y a encore beaucoup de travail à faire dans ce sens-là. C'est effrayant ce qu'on peut entendre venant des Québécois là-dessus. Il y a beaucoup de travail, il ne faut pas lâcher à ce niveau-là. Je ne vous dis pas, cependant, qu'il n'y a du travail à faire que sur les Québécois. Je sais aussi, pour travailler avec toutes les communautés, qu'il y a aussi beaucoup de travail à faire là.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Côté. Mme la ministre, peut-être.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, on sait que la méconnaissance fait peur. Alors écoutez, je veux vous remercier pour votre présentation et, bien sûr, un merci plus particulier à M. Oré pour son témoignage, qui était d'ailleurs fort intéressant et très pertinent.

Vous faites allusion, dans votre mémoire, à la situation particulièrement alarmante des jeunes Noirs qui connaissent des taux de chômage anormalement élevés. J'aurais deux questions. Selon vous, quels problèmes particuliers sont à la source de ces difficultés d'intégration socio-économique dans le cas de la communauté noire, anglophone et francophone? Ma deuxième question: Outre les mesures prévues à l'énoncé, en ce qui a trait, par exemple, à la mise en oeuvre de programmes d'accès à l'égalité, au développement de programmes d'amélioration de l'employabilité, quelles mesures concrètes devraient être prévues pour répondre à ces problèmes beaucoup plus particuliers?

M. Côté (Roger): Pour la dernière partie, j'aimerais vous dire, Mme la ministre, que lorsqu'il... Les programmes d'employabilité, d'une certaine façon, si je regarde par rapport à la situation de certains jeunes que je connais bien, il y a beaucoup de ressentiment de leur part face... Ils arrivent ici et, pour beaucoup, ils sont assez bien scolarisés. Cependant, ils ne peuvent pas entrer sur le marché du travail pour toutes sortes de raisons, qui sont à la fois discrimination et autres. Je pense que les programmes d'employabilité comme tels, peut-être s'il y avait une bonification supplémentaire pour les minorités visibles, ce qui se passe... Ces gens-là n'ont pas nécessairement besoin d'un programme d'employabilité; ils sont, comme tels, adéquats pour être employés. Cependant, ils n'arrivent pas à se placer. Est-ce qu'il y a possibilité de trouver une mesure supplémentaire pour bonifier chez les employeurs l'accès à l'emploi par rapport à certains jeunes?

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Est-ce que c'est un problème d'expérience québécoise?

M. Côté (Roger): II peut y avoir de ça, il peut y avoir... Vous savez, au niveau des jeunes

sur le marché du travail, II y a plusieurs ramifications pour trouver un emploi. Évidemment, il y a les contacts, ce que certains n'ont pas. Il y a le contact personnel; vous savez, l'oncle qui travaille à tel endroit et qui, lui, place son neveu. Évidemment, si vous n'avez pas d'oncle, vous n'en avez pas. Il y a évidemment l'expérience québécoise. Mais je connais des jeunes qui sont nés ici, ou ils sont arrivés, et qui n'arrivent pas à trouver un emploi. Et ce n'est pas du tout parce qu'ils n'ont pas la même scolarité que les jeunes Québécois. Et d'ailleurs, dans les études du... Je pense que c'était l'étude de Mme Chicha-Pontbriand, qui est de la Commission des droits de la personne, qui situe bien que, finalement, les jeunes des communautés culturelles et spécialement certains jeunes des communautés visibles sont plus scolarisés, plus formés, mais ils n'arrivent pas... Il faut trouver une façon d'aller plus loin dans les programmes d'accès à l'emploi; je parle de tous les programmes qui existent. Ça serait sûrement une façon, en tout cas, d'accélérer l'accès. Évidemment, il y a aussi tous les programmes d'accès à l'égalité qui sont instaurés, mais qui n'ont pas encore donné de résultats probants.

Mme Gagnon-Tremblay: C'est ça. À moyen et à long terme, encore...

M. Côté (Roger): C'est ça.

Mme Gagnon-Tremblay: On n'a pas encore... Ça va prendre un certain temps avant qu'on puisse en voir les effets bénéfiques.

M. Côté (Roger): Oui.

M. Oré: J'aimerais ajouter juste quelques petits mots.

Le Président (M. Doyon): Oui, monsieur.

M. Oré: Quant à la communauté noire, c'est vrai que c'est difficile des fois de la connaître en profondeur, surtout quand on parle de la communauté anglophone. Votre question est très précise. Ce n'est pas la communauté noire dans son ensemble, c'est surtout la communauté anglophone. Je pense que la communauté anglophone est très chanceuse parce qu'elle profite d'un préjugé assez répandu, qu'ils ne sont pas de bons employés. Souvent.. J'ai lu l'année dernière un rapport d'un conseiller en service social sur la communauté noire à Notre-Dame-de-Grâce, Montréal. Il disait que la plupart des adolescents, après leur 25e anniversaire, déménageaient à Toronto parce qu'il était plus facile de trouver du travail pour un Noir à Toronto qu'à Montréal.

Je pense que des mesures appropriées justement pour contrer ou dégager ces idées aideraient beaucoup à développer aussi l'employa- billté des jeunes Noirs. C'est la population économiquement active qui est là, qu'on gaspille de cette façon-ià. Je pense qu'il faudrait d'abord... Et je suis d'accord avec Roger.

Le Président (M. Doyon): Merci.

Mme Gagnon-Tremblay: Ma deuxième question porte sur le respect de l'engagement dont vous faites mention dans votre mémoire. J'ai eu l'occasion aujourd'hui, au cours de la journée, de faire part de ce qui avait finalement motivé le gouvernement à conserver cette période de 10 ans, et de 5 ans, entre autres, pour la famille un peu moins immédiate, mais, 10 ans pour les ascendants. Bien sûr que la question de la capacité d'intégration économique des personnes visées a joué beaucoup dans cette décision. Bien sûr que, par exemple, si je pense aux ascendants, il est plutôt difficile parfois de s'intégrer au marché économique. Donc, c'est un peu pour ça qu'on se dit: II est important à ce moment-là que la famille puisse aussi partager avec l'État certaines responsabilités financières à ce niveau-là.

Je dois vous dire aussi, dans un contexte de rareté des ressources et en particulier comme vice-présidente du Conseil du trésor, que je me dois aussi d'assurer une saine gestion des finances publiques. Ce qui revient à dire dans ce cas-ci qu'il faut veiller aussi au respect par le garant de son engagement. Nous l'avons réduit mais nous voulons, bien sûr, que l'on puisse respecter cet engagement. Je pense qu'on ne connaissait pas, qu'on sous-estimait vraiment la valeur de l'engagement qu'on signait. Souvent, on s'imaginait que, parce qu'on obtenait la citoyenneté canadienne, on était automatiquement dégagé de ses responsabilités. Alors, le gouvernement n'a jamais, jusqu'à présent, fait respecter nécessairement cet engagement. Nous, nous voulons mettre beaucoup plus d'emphase pour que la personne, lorsqu'elle signe son engagement, sache véritablement, finalement, la responsabilité qui lui incombe et, deuxièmement, la respecte. (16 h 45)

Vous me disiez tout à l'heure: Bon, il s'agit d'un effet désastreux sur la dynamique familiale quand un parrainé doit poursuivre le parrain qui le parraine. Je me dis qu'il y a peut-être un autre moyen, par exemple. Il y a peut-être un meilleur moyen d'assurer le respect de l'engagement pris par le garant. Je pense, entre autres, aux conjoints et conjointes: les conjointes qui sont bénéficiaires de l'aide sociale et dont les conjoints, normalement, peuvent subvenir à leurs besoins. Lorsque, par exemple, la conjointe a obtenu un jugement de pension alimentaire et que le conjoint ne pourvoit pas à cette obligation, souvent, la personne est obligée d'aller chercher de l'aide sociale. On voit dans certains cas que le gouvernement supplée, va chercher et

fait respecter cet engagement ou ce jugement pour la pension alimentaire. Par exemple, dans un cas comme celui-là, si l'engagement n'était pas respecté, le gouvernement pourrait-il faire la même chose au lieu de laisser les parents s'entre-déchirer pour aller chercher les sommes nécessaires? Est-ce que ce serait un meilleur moyen?

Le Préaident (M. Doyon): Oui, madame.

Mme Barey: Je ne crois pas vraiment. C'est-à-dire que, de toute façon, il semble qu'en ce moment même la situation est qu'il y a beaucoup de personnes qui étaient parrainées qui sont forcées, sinon par une politique gouvernementale, du moins par l'application des lois, peut-être de l'aide sociale, de poursuivre leurs parents. C'est ça qui se passe dans les faits en ce moment. Ce qu'on vous dit, c'est que ça crée un climat désastreux. On est tout à fait conscients du besoin de faire respecter l'engagement. Je pense que c'est important que le gouvernement fasse mieux connaître la portée de cet engagement-là. Il reste malgré tout que la façon de le faire respecter en bout de ligne, les méthodes qui sont appliquées en ce moment sont mauvaises.

Mme Gagnon-Tremblay: Le meilleur moyen pour faire respecter ça, est-ce que vous pouvez me suggérer de meilleurs moyens pour faire respecter l'engagement?

Mme Barey: Ce n'est effectivement pas facile à trouver comme meilleur moyen. Maintenant, je pense qu'il y a certainement moyen de trouver une façon. Ce n'est peut-être pas notre spécialité à nous, au Conseil communautaire. Il y a peut-être des groupes qui peuvent vous apporter des suggestions en ce sens-là. Ce que je pense, c'est qu'il faut respecter l'objectif de réunification des familles en ce sens-là aussi.

Mme Gagnon-Tremblay: Comprenez que le Québec est quand même une province très ouverte à la réunification de la famille, aux réfugiés. Le Québec est très généreux aussi. Vous savez aussi, cependant, qu'il y a des milliers, des milliers et des milliers de personnes qui veulent venir rejoindre leur famille au Québec, que nous avons, bien sûr, 15 bureaux à l'étranger, que nous avons des ressources qui sont limitées et que, pour être capables de faire venir aussi ces familles, il faut que ces familles soient intégrées au marché du travail; ou bien, il ne faut pas non plus qu'elles soient - comment pourrais-je dire, donc - aux crochets de la société.

Je pense que ce que les gens veulent ou ce que la société québécoise veut, c'est des gens qui vont répondre aussi aux objectifs économiques du Québec. Alors, on veut aussi une société dynamique. En ce sens-là, si, par exemple, on fait venir des familles et qu'on demande à quelqu'un de pourvoir à leurs besoins pendant un certain délai, c'est pour permettre à ces personnes, leur donner la chance de se familiariser pour pouvoir intégrer le marché du travail et subvenir à leurs propres besoins.

Mais si, cependant, il arrive, parce qu'on ne peut pas tout contrôler, que ces personnes... c'est un cas vraiment exceptionnel, je pense qu'il faut le comprendre, il faut l'accepter, parce qu'on peut avoir une situation financière une journée et elle peut être très changée en 3 ans ou 10 ans, comme c'était le cas. Sauf que pour les personnes qui en ont les moyens et qui font venir ces parents-là, ne croyez-vous pas qu'il est juste et normal pour le gouvernement, qui doit aussi, comme je vous le disais tout à l'heure, gérer les finances publiques d'une façon saine, compte tenu aussi de toutes les autres familles qui désireraient venir et être sélectionnées ici au Québec, qu'il puisse faire respecter cet engagement?

Mme Barey: On n'est pas contre. Je pense qu'une des suggestions que le Conseil fait par le parrainage conjoint de parents peut être une solution dans le sens que le fardeau, à ce moment-là, est réparti sur plusieurs parents et non pas juste sur un fils ou une fille. Les frères et les soeurs peuvent se mettre ensemble pour faire venir leurs parents, par exemple.

Mme Gagnon-Tremblay: Sauf qu'il reste toujours l'odieux de poursuivre son parent, quand même.

Mme Barey: Oui, c'est sûr. Ça ne règle pas ce problème-là mais disons que ça amène les gens dans le... Bon, pourquoi les gens sont-ils obligés de poursuivre leurs parents? Ce n'est pas forcément parce que les parents sont irresponsables ou n'aiment plus leurs enfants; c'est simplement que, souvent, leur situation économique a changé. La crise économique se vit à tous les niveaux; alors, ces personnes se retrouvent dans une situation économique différente et n'ont plus les moyens d'assumer, cinq ans plus tard, la charge de leurs parents.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le député

M. Boulerice: J'ai le goût de vous dire: Enfin, vous voilà! Parce que je pense que vous nous avez donné ce qu'une collection littéraire appelle Scènes de la vie quotidienne d'un jeune immigrant. Je vois ce que M. Oré nous a livré, et vous, vous insistez sur des facettes extrêmement importantes: le logement, la pauvreté, le racisme. Il ne faut pas se le cacher et avoir peur des mots. J'avais un peu craint que ce débat sur

l'immigration ne soit uniquement limité à cette espèce de loterie de l'immigrant investisseur. C'est plus vaste que ça; des facettes qu'on risquait peut-être d'oublier, je pense que vous nous les avez mises, comme on le dit en bon québécois, en pleine face, et c'est très utile que vous l'ayez fait comme tel.

Vous avez aussi abondé de façon assez opportune sur les réfugiés et, quand on a vécu comme moi, madame et messieurs, le tragique épisode des réfugiés turcs au sous-sol de l'église Saint-Robert, on ne veut plus revivre ce drame, d'où l'importance que j'attache à cette donnée du problème. Je suis heureux de constater que c'est extrêmement présent dans votre réflexion et dans le "transcrit" de votre réflexion.

Vous tracez un portrait on ne peut plus montréalais - c'est le discours que je tiens depuis le début et je ne vais pas en dévier; d'ailleurs, vous me convainquez de continuer -un portrait étonnamment montréalais en parlant justement du chômage, des problèmes de logement et de ces poches de pauvreté. Donc, l'allusion que j'ai faite hier à ce Québec cassé en deux où on voft Montréal, ce "T" de pauvreté, vous êtes dans l'une de ces lignes, dans Côte-des-Neiges. La situation que vous décrivez nécessite-t-elle... Parce que j'ai posé la question et certains groupes n'ont pas réagi. D'autres ont répondu oui, mais de façon peut-être un peu timide. Je leur ai posé la question: Croyez-vous qu'il soit nécessaire - et je vous la pose - que le ministère adopte une stratégie particulièrement montréalaise quand on aborde le dossier de l'immigration? C'est chez nous que ça se vit, à au-delà de 90 %.

M. Oré: Je commencerais peut-être et tu compléteras par la suite. Je pense que je serais favorable à cette idée-là étant donné que vous êtes confrontés à un quartier qui, de plus en plus, reçoit des ménages vietnamiens. Je ne sais pas si c'est le cas de tous ceux présents ici, mais Mme la ministre représente aussi Sherbrooke, où il y a une certaine représentation des ménages immigrés qui, après, vont se déplacer vers Montréal. Alors, la ville de Montréal concentre, à elle toute seule, à peu près 90 % de l'immigration qui entre au Québec; donc, la réalité multiethnique se vit plutôt à Montréal qu'à Québec.

Le problème qu'on retrouve, c'est que presque tous les programmes en matière d'immigration, les programmes et politiques de services, sont élaborés ici, à Québec, et ont comme objectif de desservir l'ensemble de la population québécoise. Donc, souvent, à partir de ce mécanisme d'élaboration, on ne tient pas compte de certaines réalités qui pourraient être vécues à Montréal, d'où l'expression de M. Doré, le maire de Montréal, que c'est à Montréal que la réalité ethnique se passe, se vit, mais c'est Québec que ça concerne. Alors, je pense qu'il devrait y avoir des politiques spécifiques pour Montréal parce que, en ce moment, soyons objectifs, Montréal concentre la presque totalité des immigrants.

Je penserais qu'au niveau, par exemple, des programmes d'habitation, des programmes d'accès à l'employabilité, des programmes de santé et d'adaptation des services, il faudrait aussi ajouter ou tenir compte de cette réalité qui est tout à fait incontournable.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Oré. M. Côté.

M. Côté (Roger): Oui. Juste pour compléter. Vous avez remarqué que, dans notre mémoire, on n'a pas parlé de la régionalisation, qui est un objectif important, parce qu'on s'est dit: Ça nous concerne moins. On est dans un quartier de Montréal et, sans être contre la vertu, on a regardé l'objectif de régionalisation et on s'est dit que c'est peut-être un objectif à long terme; sauf que, présentement, c'est à Montréal que ça se passe. On ne voit pas le lendemain où ça va être modifié dans ce sens-là. Donc, s'il y a des programmes et s'il y a des actions à y avoir venant du ministère, Montréal est encore et ça demeure la région la plus importante par rapport à ça.

Deuxième chose, lorsque je regarde les gens qui arrivent dans le quartier Côte-des-Neiges et qui viennent s'établir, ils se sentent très confortables de s'établir dans le quartier Côte-des-Neiges parce que vous n'êtes pas le Vietnamien de Rimouski ou le Cambodgien de Trois-Pistoles; vous êtes un Vietnamien qui vient s'établir dans un quartier de Montréal. Et quelqu'un qui va aller s'établir à Trois-Pistoles a, lui, la charge de l'immigration sur le dos, la charge de l'intégration sur le dos et la charge de l'intégration économique. Je peux comprendre que les gens se sentent un peu inconfortables d'y être avec ce fardeau supplémentaire.

Tandis que s'ils viennent s'établir dans un quartier à Montréal où ils voient à la fois des Noirs, des Vietnamiens, des Cambodgiens, bien, ils sont marginaux parmi d'autres marginaux. Dans ce sens-là, il y a une situation d'inconfort qui est plus partagée, ce qui fait qu'on est plus confortables dans ce sens-là. C'est pour ça que les programmes de régionalisation, j'émets un petit doute là-dessus même si, dans le fond, c'est très vertueux. Je pense qu'on doit continuer de l'être mais il va toujours y avoir cette question qui va demeurer: Comment est-ce que les Québécois vont recevoir, eux qui ne sont pas habitués, non pas de façon maligne mais... Parce que, quelque part, vous allez toujours être le Cambodgien de Rimouski. C'est beaucoup pour une personne.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Côté. M. le député.

M. Boulerice: M. Côté, vous dites qu'on n'a pas abordé la régionalisation sauf que je me souviens, à l'époque où j'ai assumé de façon très officielle le dossier des communautés culturelles et de l'immigration, ma formation politique avait organisé une tournée qu'on avait appelée Grandes Oreilles. Il y a des gens qui avaient fait des blagues là-dessus mais ça avait été intéressant puisqu'on avait fait le tour du Québec, dans l'ensemble. J'avais trouvé ça extraordinaire parce que, quand un politicien arrivait en région - et Mme la ministre le sait - il y a des années, on disait: On veut notre CLSC, on veut notre bout de route. Mais quand je me suis retrouvé dans l'Estrie, à Sherbrooke... Rappelez-moi comment s'appelle ce merveilleux organisme qui existe chez vous.

Une voix:...

M. Boulerice: Je me suis retrouvé à Trois-Rivières, je me suis retrouvé à Hull. Je voyais ces gens-là qui étaient en majorité Québécois, tuque et bas de laine - j'emploie toujours l'expression. Mais là, ce que j'entendais comme discours, c'était: On veut nos immigrants. Vous vous imaginez dans quelle situation j'étais. Je me disais qu'il y a quand même des mentalités qui ont évolué au Québec puisque déjà, en région, nous, Montréalais, oui, on le vit et on croit que, seuls, nous avons cette préoccupation-là. Mais c'est faux; l'ensemble des Québécois l'ont. Et ces gens-là avaient vécu le système de parrainage, qui a été extraordinaire. C'est une idée qui continue d'ailleurs d'être retenue dans le livre et ça, je m'en réjouis. Ces gens-là disaient: Je veux mes immigrants. Je trouvais ça affectif. Bon.

Ceci dit, là, vous ne voulez pas le développer maintenant mais moi, je vais transposer cette régionalisation sur notre belle He à Montréal. Vous ne pensez pas qu'on devrait régionaliser aussi, également, à Montréal? Pourquoi dans Côte-des-Neiges? Il y a de la place dans Sainte-Marie-Saint-Jacques. (17 heures)

M. Côté (Roger): Je pense que ça va se faire par une attraction naturelle, tranquillement. La raison pour laquelle ça s'est fait à Côte-des-Neiges, c'est évidemment pour ce que je vous ai dit. On se sent moins inconfortable dans un lieu où on est moins marginal. Petit à petit, il y a un transport des populations. On n'a qu'à voir la communauté asiatique sur la rive sud, qui devient de plus en plus importante. Je ne comprends pas; du côté de la rive nord, il y a quelque chose qui se passe entre Laval et Montréal. Ça ne passe pas autant que sur la rive sud. Mais je pense que, petit à petit... C'était impossible autrefois de passer la rue Saint-Laurent; je pense que ça se traverse beaucoup maintenant.

Je ne sais pas comment, spécifiquement par rapport à des établissements, on pourrait faire.

Peut-être... Il y a à Montréal trois ou quatre organismes qui sont responsables de chercher des logements pour l'établissement des réfugiés, entre autres, et qui ont des contrats avec les ministères: Hirondelle, La Maisonnée, le CSAI, la Maison internationale. Peut-être qu'à travers ce travail-là il faudrait essayer de disperser un peu plus et d'aller à Sainte-Marie-Saint-Jacques. Ça pourrait être une des solutions. Je sais que, traditionnellement, ces gens-là ont trouvé des logements dans le quartier Côte-des-Neiges, pour des raisons que j'ai expliquées tout à l'heure. Mais il y a présentement 10 % ou 12 % de disponibilité au niveau des logements à Montréal. Donc, il doit y en avoir ailleurs.

M. Boulerice: Bon. C'est là où je voulais également vous amener. M. Oré en a fait mention tantôt en disant qu'il y aurait potentiellement, je crois, un autre groupe qui en parlerait. Mais peu importe, j'aimerais avoir également votre opinion. Il a parlé du logement et vous parlez d'accès au logement. Oui, il y a un taux de vacance assez important à Montréal au niveau du stock de logements locatifs privés. Bon, il ne faut pas s'imaginer qu'on va les envoyer dans les luxueux condos qu'on connaît dans toute la périphérie de Côte-des-Neiges. Ils ne sont accessibles pour personne, y compris tous ceux qui sont autour de cette table, ces condos-là.

Donc, il y a un taux de vacance mais vous savez comme moi, M. Côté, que les prix sont fous. Le prix des logements, c'est fou. Et je mets quiconque au défi - et je suis prêt à un débat public là-dessus - de me dire qu'il y a eu, depuis 1985, une augmentation de la construction de logements sociaux. Au contraire, il y a eu une baisse dramatique. Et il n'y a pas que l'immigrant investisseur qui arrivera. Il y a une immigration qui va arriver avec un tout petit pécule, ils ne peuvent pas s'en aller dans un quatre et demi à 650 $ et 700 $, parce que les prix flambent même dans ma propre circonscription. Ça devient inabordable d'habiter une partie du centre-sud et le Plateau Mont-Royal.

Comment va-t-on faire pour l'accès au logement? C'est un fichu problème de dire à des gens: Venez chez moi; mais je ne suis malheureusement pas le Mexique, on est obligés d'avoir un toit. Comme je dis, au Mexique, je me contenterais d'un "palapas", parce qu'il y a la chance de faire soleil. Mais ici, vous voyez ce qu'on a, ici, à l'extérieur. Donc, il nous faut un logement abordable, confortable, propre, etc. Mais comment va-t-on faire? Parce que ces gens-là n'ont pas les moyens, à moins de revivre ce que bien des immigrations ont vécu, de s'entasser à quatre ou cinq ou six familles à l'intérieur d'un logement. Et Dieu seul sait que cette promiscuité-là n'en est pas une de soutien. Au contraire. Elle peut en être une de conflit.

Le Président (M. Doyon): M. Martin Oré.

M. Oré: Moi, j'aimerais juste parler de la première partie de votre intervention, quant à la régionalisation. Moi, si je pense à déménager... Moi, j'habite à Montréal mais, si je pensais à déménager en Estrie ou à Québec, l'effet immédiat que ça met bien dans ma tête, c'est que je vais tomber en chômage. Et c'est ça. Ensuite, je suis conscient que le problème de logement, c'est un problème aigu; mais je ne suis peut-être pas aussi pessimiste que vous l'êtes. Je pense qu'il y a toujours des pistes de solution et des alternatives à proposer, surtout quand on échange entre décideurs et clients, comme cette fois-ci. Je pense que c'est la première fois dans l'histoire du Québec que des immigrants ou des organismes ethniques sont au Parlement et discutent justement sur un énoncé de politique qui est tout à fait valable et défendable.

On sait que Montréal concentre, à lui tout seul, 90 % de l'immigration; 25 % de la population montréalaise est immigrante, reliée de près ou de loin à l'immigration. Est-ce qu'on peut imaginer, si on retire tous les immigrants de Montréal, à combien augmenterait le taux de vacance des immeubles locatifs? Voilà. C'est grâce à l'immigration, justement, qui s'établit année après année à Montréal, que le taux de vacance à Montréal est d'à peu près 4,5 %.

Alors, le problème qui se pose c'est que, s'il y a un taux de vacance, les logements les plus chers ne sont pas loués. Et il y a des concentrations massives de communautés ethniques dans certains arrondissements. C'est tout à fait vrai parce que, quand on arrive dans une terre qu'on ne connaît pas, on cherche d'abord le support moral, le support de la communauté et le support physique aussi. Alors, je pense qu'il y a un problème de logement, on le reconnaît. Je pense qu'on connaît assez bien la problématique. On en parlera peut-être après, mais je pense que...

Vous savez qu'il y a quatre ans la Loi sur la Société d'habitation du Québec, dans son article premier, disait: Faciliter l'accès à la propriété par les citoyens québécois dont l'immigrant et le résident permanent. Les revendicateurs sociaux étaient pratiquement exclus. Ça a changé. Ça a avancé beaucoup. Maintenant, les immigrants reçus peuvent accéder à un logement coopératif, peuvent bénéficier de l'accès à la propriété et des programmes d'accès à la propriété de 7000 $ par logement. C'est juste le revendicateur du statut de réfugié politique ou de réfugié qui est toujours pénalisé, même dans les COFI. Il n'y a pas de structure d'hébergement temporaire au Québec pour accueillir des nouveaux arrivants, et pire encore pour les réfugiés. Il n'y a pas un cerveau capable d'orienter la recherche d'un logement. Où aller plutôt qu'ailleurs? Un logement coûterait 400 $ à Côte-des-Neiges; un logement semblable pourrait coûter peut-être 250 $ ou 300 $ à Hochelaga-Maisonneuve ou dans le centre-sud, par exemple.

Dans votre comté, vous avez une société ache-teuse, la plus forte à Montréal, Interloge...

M. Boulerice: Oui, mais elle ne peut pas acheter parce que les prix sont trop élevés.

M. Oré: ...et puis nous, par exemple, on encourage les nouveaux arrivants à aller habiter dans votre comté...

M. Boulerice: J'espère bien.

M. Oré: ...parce que ça coûte un peu moins cher qu'à Côte-des-Neiges. Pourtant, souvent, la qualité matérielle d'habitabilité est meilleure. Vous voyez, c'est juste qu'un nouvel arrivant ne connaît pas tellement bien le marché locatif de la métropole et ne connaît pas non plus tellement bien tout le programme et les organismes qui pourraient être à sa portée pour l'aider.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Oré.

M. Boulerice: M. Oré, je trouve ça vraiment très sympathique que vous vouliez assurer ma réélection mais on ne fera pas le débat sur le logement.

Le Président (M. Ooyon): M. le député, je vous signale que le temps est expiré.

M. Boulerice: Oui, monsieur. De toute façon, au niveau du logement, je conclurai, M. Oré, en disant que, malheureusement, l'entreprise privée ne fera pas de logement social; et il y a malheureusement... Et je suis prêt à un débat public avec qui que ce soit sur le désengagement de l'État dans le logement social. Et s'il y a une augmentation du taux d'immigration, on risque d'avoir un problème pour ce qui est de les loger. Je ne souhaiterais pas qu'on les mette dans des camps de toile. Alors je pense que, quand vous avez souligné le problème de logement, il était extrêmement pertinent. Je pense qu'une politique de l'immigration, si elle se construit avec le ministère de l'Éducation, elle devra également se construire avec... Enfin, il n'y a plus de ministère de l'habitation au Québec mais un ministre responsable de l'habitation. Je suis persuadé que vous en convenez.

Le Président (M. Doyon): Alors, Mme la ministre, si vous avez quelques mots pour les quelques minutes qu'il vous reste.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Écoutez, je pense que je n'argumenterai pas. On pourrait argumenter longtemps sur l'opinion de mon collègue mais je pense qu'au-delà des mots, finalement, qu'est-ce que c'est, une stratégie montréalaise? Pour moi, c'est de l'action. Et dans l'énoncé de politique, les nombreuses mesures qu'on retrouve, c'est pour, justement, 80 % à

85 % de la population de Montréal parce qu'elle est là, elle est située là. Donc, c'est ça, finalement, la stratégie: c'est l'énoncer par ses actions.

Il s'agit, par contre - c'est pour ça qu'on est ici - de bonifier aussi ces actions-là, je pense. Je veux vous remercier. Je veux vous remercier parce que vous nous avez enrichis de votre expérience. Et je veux dire à M. Oré: Vous serez toujours le bienvenu dans la région de l'Estrie, M. Oré.

Le Président (M. Doyon): Alors, merci beaucoup. Merci d'avoir pris la peine de venir nous rencontrer. Je pense que ça a été très utile pour tout le monde. Maintenant, nous allons vous permettre de vous retirer, si vous voulez bien, et demander au groupe qui vous suit de prendre votre place à la table des invités. Alors, M. Côté, M. Oré, madame, M. Kinloch, merci beaucoup.

Maintenant, nous avons le plaisir de recevoir le Congrès hispano-canadien. Il est supposé y avoir le père Marcel Quirion qui est ici, je lui demanderais de s'avancer. Mme Mon-réal, Mme Vera et M. Guerra peuvent prendre place en avant.

Des voix:...

Congrès hispano-canadien

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît!

Donc, c'est avec beaucoup de plaisir que nous recevons le Congrès hispano-canadien. Je leur souhaite la bienvenue au nom des membres de la commission. Je leur demande, maintenant qu'ils ont pris place en avant, de bien vouloir se présenter. Vous connaissez nos règles, elles sont simples: une vingtaine de minutes pour la présentation et, ensuite, un temps égal pour les deux partis représentés à cette commission pour vous poser des questions ou faire des commentaires.

M. Quirion (Marcel): Je suis Marcel Quirion, président du Congrès, de façon provisoire.

M. Guerra (Jorge): "Mi nombre", mon nom - excusez-moi - est Jorge Guerra. Je suis président de l'Association latino-américaine de Côte-des-Neiges et aussi membre du Congrès hispano-canadien, section Québec.

Le Président (M. Doyon): Madame.

Mme Vera (Gloria): Je m'appelle Gloria Vera; je suis travailleuse sociale et impliquée dans la démarche de l'actualisation des forces vitales humaines à l'Institut de formation et de rééducation de Montréal.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue à vous trois et soyez assurés que nous allons vous écouter avec beaucoup d'intérêt. Vous pouvez commencer.

M. Quirion: D'abord, j'avouerai en public, à ce public-ci pour le moins, mon enchantement quand j'ai pris connaissance de l'énoncé de politique d'immigration et d'intégration; ça a été un peu comme une bonne nouvelle qui vous empêche de dormir après. Je comprends qu'on veut mettre des enjeux, des objectifs poursuivis par cet énoncé comme prioritaires dans le plan d'action du gouvernement. C'est une vision qui mérite beaucoup de respect. Je vous dirai que les autres provinces du Canada dont je connais quelques-uns des programmes et les pays d'Europe dont je connais des programmes à travers l'ARIC, l'Association de recherche interculturelle, seraient fiers d'avoir un programme politique comme celui-là pour l'immigration.

L'autre dimension qui vient, s'annonçant depuis quelque temps, c'est qu'on veut mobiliser tous les ministères qui sont près de la société pour qu'ils offrent aussi leurs services, et non pas limiter le problème de l'immigration au MCCI, au ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration; ça, c'est d'une très grande importance. Dans quelle mesure suivront-ils on ne suivront-ils pas? Ça, je ne le sais pas. J'espère qu'ils suivront. (17 h 15)

J'ai aimé aussi le contrat social et la façon dont il était défini: L'intégration du projet de vie d'immigrant avec le projet de la société québécoise. Mais - il y a un "mais", malheureusement; il n'y a jamais rien de parfait dans ce monde-ci - même si l'énoncé semble très complet et très précis, à mon avis, il semble idéaliser la pleine contribution et la pleine participation de l'immigrant. Cette participation de l'immigrant m'inquiète. C'est pour ça que je les accompagne depuis 40 ans; au Québec, depuis moins de temps, mais à l'extérieur, oui. D'abord, je pense, comme première observation, qu'on prend trop l'immigrant comme un autre Québécois, mais un petit peu différent. Ce n'est pas vrai du tout. Pour avoir passé plus de la moitié de ma vie avec eux et avoir côtoyé leur monde intérieur, je peux vous dire qu'ils sont très différents. D'abord, nous avons une culture occidentale, rationnelle et le tiers monde aussi, il a sa raison; il se sert de son jugement pour faire ses choix, mais il est surtout émotionnel, émotif. La guerre du golfe Persique a pu illustrer un peu ça pour celui qui était inquiet à ce point de vue là.

Ce que je crains, ce n'est pas un manque de motivation de la part de l'immigrant pour s'intégrer; ce que je crains, ce sont ses blessures psychologiques qu'il porte, qui l'empêchent de faire les pas qu'il aimerait faire, qui l'empêchent d'être ouvert comme il voudrait l'être, qui l'empêchent d'accompagner un projet qui lui est présenté. Dernièrement, je lisais à travers la

littérature du Conseil canadien du multiculturalisme, toutes les publications, tout le mouvement qui se faisait de Halifax à Vancouver pour accompagner des élèves et accompagner des adultes face à l'image qui était projetée du golfe Persique. On s'occupe d'eux autres parce qu'on a peur qu'ils soient traumatisés. Quand des coopérants partent pour l'Amérique latine ou partent pour l'Afrique, on leur donne des sessions spéciales de préparation pour que le choc psychologique ne soit pas trop fort. Est-ce que l'immigrant ne mérite pas la même chose? Moi, je le pense. Vous pouvez prendre les plus belles mesures du monde, mais si lui, dans son for intérieur, ne vous accompagne pas, pour une blessure ou une autre, le plan va rester à moitié chemin ou à peine... - excusez-moi, je parle espagnol - il fera quelques pas, il restera là.

Premièrement, je dirais - vous avez dû probablement lire le rapport si vous avez eu le temps ou si vous avez la même patience que je vois aujourd'hui, vous l'avez certainement lu - qu'il ne faut pas oublier qu'un immigrant, c'est un coeur brisé, à la base, en arrivant ici. Il est brisé parce qu'il est séparé de son milieu social, de son milieu d'amitié, son milieu de relations, son milieu physique, parce que la majeure partie d'entre eux sont de zones torrides ou tropicales. Ces bonshommes-là, cette blessure de la séparation faite par une violence ou économique ou politique, peu importe, ça, ça ne se ferme pas du jour au lendemain, ni d'une année à l'autre non plus. C'est déjà un handicap qu'eux portent dans toute leur démarche ou leur vécu ici, au Canada.

À part ça, il ne faut pas oublier - parce que ce sont eux qui me le disent, ce n'est pas moi qui l'imagine - qu'eux se sentent plus défavorisés que n'importe quel Canadien. Je ne fais pas de commentaire, c'est dans le rapport. Ils se sentent plus défavorisés que le plus pauvre des défavorisés ici, à Montréal; c'est comme ça qu'ils se sentent. Seulement pour la pauvreté de leur français, eux sont loin de la communication qu'ils pourraient faire avec les différents services. Ils sont pauvres de l'information qu'ils devraient avoir sur les services qui pourraient leur donner de l'aide. Ils sont isolés. Ils sont même marqués comme peut l'être l'ex-détenu.

Je travaille, en même temps que je travaille avec les immigrants latino-américains, dans les prisons; j'accompagne les bonshommes pour la réhabilitation par après; eux sont marqués du doigt. La plupart des employeurs n'en veulent pas. L'immigrant, c'est un peu comme ça, c'est un étranger: Toi, tu n'es pas un Québécois. Ça fait un bonhomme qui est très vulnérable. Donc, n'importe quel geste ou parole qui semble manquer de respect à sa personne le blesse. Un autre, ça ne le blessera pas, mais lui, ça va le blesser. Par exemple, quand il recherche un loyer, est-ce que le propriétaire a la même réaction en face de lui qu'il a en face d'un

Canadien ou d'un Québécois? Ah non! La majorité: non. Il y a quelques exceptions, oui. Parfois, je suis même allé pour les personnes louer un appartement après qu'il eut été refusé à un immigrant. L'appartement était prêt. Vu que j'étais un Québécois, le bonhomme me l'a loué.

Dans l'apprentissage du français, la plupart de vous autres doivent connaître ma position là-dessus. J'ai été dans la pédagogie pendant la majeure partie de ma vie. Je trouve qu'il manque beaucoup, qu'il y a beaucoup à réviser. De temps en temps, quand j'entends Mme la ministre ou d'autres dire qu'il va y avoir des rénovations au niveau du COFI, j'en suis très heureux. Mais il y a beaucoup à changer à ce niveau-là. Seulement au niveau de ia classe, quelqu'un qui ne va pas à l'école depuis 15 ans, qui n'a pas lu de livres, qui a peut-être lu le journal, lui donner 5 heures de classe de français par jour, 5 jours par semaine pendant 30 semaines, c'est fait pour vomir le français et non pas pour l'aimer. Pour moi, l'important, c'est qu'il apprenne moins au COFI, mais qu'il prenne le goût du français. Ça, c'est possible, par exemple. Comme quelqu'un l'a mentionné ici tout à l'heure - je ne me souviens pas qui - on fait la même chose au Carrefour latino-américain: on fait des classes sur mesure, pour des petits groupes, avec beaucoup moins d'heures. On a fait la comparaison entre ceux qui finissaient au COFI et ceux qui finissaient chez nous. La différence n'est pas tellement grande. Eux, ils étaient amourachés du français. C'était toute la différence du monde.

J'aurai des suggestions tout à l'heure pour le COFI. C'est certainement facile de couper les classes de français. Ils doivent vivre ici, au Québec. N'est-ce pas aussi important d'apprendre à vivre au Québec, avec des Québécois, que d'apprendre le français? Je pense que c'est quelque chose en relation avec ça. Même, ils doivent savoir les valeurs du monde québécois. Ce n'est pas facile pour un étranger. Vous êtes en évolution et notre culture n'est pas tellement définie et se cherche et, heureusement - je suis content de ça - elle va s'enrichir. Mais pour quelqu'un qui cherche qu'est-ce que c'est un Québécois et la culture québécoise, il est perdu. Dans des écoles à certains endroits, on en fait des classes d'histoire. Les immigrants aiment les classes d'histoire, mais ce n'est pas ça qui va leur faire comprendre qu'est-ce que c'est un Québécois. La Révolution tranquille jusqu'à aujourd'hui, ça, ça va les aider.

Quelqu'un a publié un volume dernièrement: Un pays, une culture, quelque chose du genre; c'est une dame qui a publié ça. J'ai passé ça à plusieurs personnes. Ah! bien, là... Ça faisait 15 ans qu'elles étaient ici. Ah! Là, je sais ce que c'est un Québécois. Je comprends pourquoi il est comme ça. Je comprends pourquoi il réagit comme ça. Il y a des outils à penser. Il faut se pencher sur ces problèmes-là pour aller un peu plus au fond.

Passons au problème aussi de la recherche d'un emploi. Ça me fait mal parce que je sais que l'étranger donne plus de valeur au travail que nous ne pouvons lui en donner. Lui, ce qui lui importe, ce n'est pas le salaire. C'est sûr qu'il va faire attention d'avoir un bon salaire, mais si le salaire n'est pas égal à celui d'un Québécois, il va se sentir dévalorisé. Pour lui, l'important, c'est de se réaliser comme personne, d'être le soutien de la famille, d'être quelqu'un en travaillant, parce que s'il ne travaille pas, il n'est personne. C'est bête comme ça. C'est pour ça que plusieurs n'acceptent même pas d'aller chercher leur bien-être. Ils ne veulent pas y aller parce que c'est trop dévalorisant.

Des bonshommes - là, c'est peut-être une exception... Un ingénieur en physique nucléaire qui est venu il y a peut-être deux ans ici, actuellement, comme travail, il est manoeuvre dans un entrepôt. Ça, c'est un exemple. J'ai remarqué que, parfois, les Québécois n'aiment pas voir quelqu'un de supérieur à eux, surtout s'il vient de l'étranger. Est-ce que c'est ça la raison? Je ne mets l'étiquette nulle part, mais c'est ça que je vis.

L'accès difficile aux services publics. J'appartiens au CGU, au Conseil général des usagers, à tous les CLSC, à tous les centres de sartté de Montréal et on se pose toujours la question: Pourquoi les immigrants ne vont-ils pas aux services de santé? Pourquoi ne vont-il pas aux CLSC? C'est une vieille question, ça, et il y a des raisons. Même le gouvernement fédéral prend ça comme motif. Il faut dire que l'immigrant coûte moins cher que le Canadien parce qu'il ne va pas aux services de santé.

L'école. Pour un bonhomme du tiers monde, l'école, c'est le foyer continué et le professeur, c'est le papa ou la maman qui fait ce que le papa ou la maman ne fait pas. Quand on va reconduire son enfant à l'école: Je te confie mon enfant. En disant: Fais avec mon enfant ce que je ferais avec et peut-être mieux parce que toi, tu as plus de connaissances. Quand on voit en plus le froid qui entoure les écoles, les difficultés de pénétrer là-dedans, les difficultés d'entrer en contact avec les autorités ou l'enseignant, si vous saviez comme c'est dur pour eux à vivre. Il y a deux ans, on a fait une expérience. On allait inviter les parents latino-américains au nom du collège. Les parents qui n'y allaient pas auparavant, on rencontrait quatre ou cinq parents, les deux fois qu'on a cité ces parents-là, au nom du directeur de l'école, 98 % ou 99 % des parents étaient là; ils manquaient d'ouvrage pour aller à l'école. Qu'est-ce que ça veut dire ça? Pour moi, ce sont des signaux qu'ils nous lancent. Ils veulent nous dire... C'est un message qu'ils veulent nous envoyer. C'est facile d'organiser ça, ça ne coûte rien pour être capable de les approcher et de collaborer un peu plus avec l'école.

La discrimination. La discrimination, ce serait bon de voir quel effet cela a. Ça, j'ai rarement vu ça. La discrimination a trois effets: premièrement, ça me fait sentir inférieur à l'autre; deuxièmement, la discrimination me fait dire que moi, je suis voué à l'échec. L'échec est plus facile pour moi que pour l'autre, c'est ça que ça veut dire, et il y a l'effet Pygmalion. Si, dans la discrimination, on me dit que je suis comme ci et comme ça, je suis porté à être comme ça, même si je ne le suis pas. Ça, n'importe quelle psychologie moderne va vous dire ça. Quand on fait de la discrimination, je pense qu'on n'est pas conscient du dommage qu'on peut faire à ce moment-là. Combien me reste-t-il de minutes?

Le Président (M. Doyon): ...minutes. Vous êtes tellement intéressant que je pense que Mme la ministre et M. le député vont consentir à ce qu'on continue de vous écouter. Les questions seront peut-être moins longues, mais en tout cas!

M. Quirion: O.K. Mais eux ont à intervenir aussi. Ce ne sera pas long. L'autre problème. Là, ce n'est peut-être pas au niveau gouvernemental, mais les gens ont une vie dure dans le public et en famille aussi. Ça, c'est un phénomène nouveau pour eux. C'est très nouveau. Les relations, les rôles ne sont plus les mêmes une fois rendu ici. La femme regarde un peu la femme québécoise, emprunte des choses, des comportements. Hum! papa n'aime pas trop ça! Si le papa ne travaille pas, il se sent inférieur parce que sa femme va aller travailler. C'est incroyable! Les enfants ont l'air de traîtres parce que ce sont les enfants qui font entrer la culture québécoise dans la maison et eux, ils veulent la protéger. Imaginez-vous quelle sorte de relation ça fait! Quand le papa est arrivé ici quatre ans avant et que la maman arrive quatre ans après... Chacun fait son bout de chemin pendant quatre ans. Est-ce qu'ils vont se rejoindre? il y en a qui peuvent le faire mais ce sont des grands athlètes, ce sont des exceptions.

Pour faire court, je vous dirai dans les grandes lignes les émotions ou les sentiments qu'eux vivent. D'abord, ils vivent une grande désorientation. Heureusement que les organismes communautaires sont là et qu'ils peuvent à un moment donné leur donner une certaine sécurité. L'insécurité et la perte de confiance en eux-mêmes... Il y a des bonshommes que j'ai connus en Amérique latine. Je les revois ici, je ne les reconnais plus; comme personnalité, je ne les reconnais plus. Ils sont bloqués. Il y a une dévalorisation de soi qui n'est pas saine, sans parler de l'angoisse, de l'accumulation des tensions, de l'accumulation de refoulements et de frustrations, des peurs de toutes sortes. Il y a des personnes encore - ce sont les personnes âgées, ce ne sont pas les jeunes qui font ça -qui sentent le besoin de montrer leur passeport quand elles montent dans le métro parce qu'elles

voient le chauffeur de métro comme une autorité. Ce sont toutes ces dimensions émotives que je voudrais aujourd'hui vous présenter, c'est-à-dire vous dire: Faites attention! Vos projets sont beaux, mais c'est la façon dont vos projets vont être appliqués qui va aider ou non. (17 h 30)

Avec un certain négativisme qui s'établit, il y a toute une spirale d'émotions qui s'enregistrent l'une et l'autre et qui produisent des blocages émotifs. Je cite deux exemples avant de conclure. Une personne très équilibrée - je prends la peine de dire "très équilibrée" - a fait son cours d'administration ici, à l'université; une fois qu'elle a eu son diplôme en main, elle a dû chercher un patron, se chercher de l'ouvrage. Le centre d'emploi m'appelle: Viens donc! Il y a une dame, ici, qui n'est pas capable de parler français à un patron. C'était une personne équilibrée, dans tout le reste, oui, mais, dans ce domaine-là, non. Une jeune fille qui avait été classée par deux psychologues comme déficiente mentale et, par son professeur, comme fieffée, un professeur-chef. La directrice de l'école m'appelle: Viens donc voir cette jeune fille! Bien oui, mais pourquoi voulez-vous me faire venir? Eh bien, il y a ça et ça. Qu'est-ce que vous voulez que je fasse? Les professionnels l'ont classée et ils ont dit ce qu'elle avait, et je ne pouvais rien faire là-dedans. Oui, oui. Viens, viens, viens. J'ai jasé avec elle et je me suis rendu compte qu'elle avait un blocage émotif. Ça faisait un an et demi qu'elle ne disait pas un mot de français et qu'elle n'écrivait pas un mot de français dans ses examens ou dans les tests qu'elle passait. Elle savait son français. J'ai noté, dans la conversation, une personne qu'elle aimait beaucoup. Je. lui ai dit: Est-ce que je peux faire venir cette personne-là? Elle a dit: Oui, fais-la venir. Au bout d'une heure: Es-tu prête à passer tes examens ià? Elle a dit: Oui, mais assieds-toi à côté de moi. Elle a eu un des meilleurs examens de la classe. Ça, faisons attention à ça. Ces gens-là sont plus émotifs que nous; ils peuvent bloquer plus facilement en chemin que nous ne pouvons bloquer.

Pour finir, les correctifs à cette situation, les correctifs possibles. Les centres communautaires, c'est sûr qu'ils offrent des services, mais ils peuvent offrir un service au point de vue culturel que personne d'autre ne peut offrir. Quand on a des problèmes émotifs profonds, même si on a le meilleur psychologue du Québec qui reçoit cette personne-là, pour dire ses émotions, il faut les dire dans sa langue maternelle même si on maîtrise le français. Après un certain nombre d'années, ça changera, mais, dans les débuts, ça ne peut pas être comme ça.

Un autre, c'est qu'il faudrait préparer, de la même façon qu'on prépare aujourd'hui les "televidente" - ceux qui regardent la télévision, comment on dit ça, en français?

Une voix: Les téléspectateurs.

M. Quirion: Les téléspectateurs. Oe même qu'on ne peut pas voir les coopérants ou le choc émotif qu'ils vont vivre en changeant de pays, il faudrait avoir quelque chose de semblable. C'est pour ça que j'ai amené celle-là cet après-midi; elle est à l'École de formation et d'éducation de l'Uruguay. Elle vous expliquera en quelques mots en quoi consiste... C'est très sain. C'est un système qui est appliqué au Honduras, qui est appliqué dans la jungle de l'Amazonie, qui est appliqué au Pérou, en Afrique, partout, et il marche à merveille. Il fait découvrir aux personnes les ressources qu'elles ont. Une fois qu'elles sont sûres d'elles-mêmes, qu'elles sont confiantes, là elles peuvent regarder avec tranquillité leurs problèmes. Il n'y a pas de problème. Elles les solutionnent, leurs problèmes.

Un autre. Peut-être... Ah! Ce que je voulais dire à propos des COR, le COFI devrait réserver des temps où on enseignerait comment vivre au Québec et il devrait conter petit à petit ce que c'est, la Révolution tranquille, pour qu'ils comprennent les Québécois. Les enseignants actuellement sont pris, sont débordés, sont menacés: Comment je dois faire, moi? J'ai 18 élèves de 18 nationalités différentes en classe. Comment je vais faire avec ça? Où je vais apprendre ça? J'ai 50 ans, j'ai 52 ans. J'attends ma pension. Pourquoi prendre le problème de ce côté-là? Pourquoi on ne le prend pas autrement? On explique aux professeurs, aux enseignants quels sont les défis de l'adaptation et quel est l'impact de l'adaptation. Là, c'est beaucoup plus facile. Il y a moyen d'apprendre. On peut tâter différentes traces sur le même niveau. Ça, ce n'est pas quelque chose d'un autre monde.

Je me demande si la famille devrait faire ça ou je me demande si le gouvernement devrait faire ça. Comment être capable d'appuyer un peu plus les familles? Toutes les tensions de la société sont dans la famille. Un papa pour qui ça ne marche pas, qui a des problèmes de travail, avec qui il va se défouler? Avec un compagnon de travail? Avec son patron? Non. Il va se défouler avec sa femme et ses enfants. La maman qui est en diable, quand son mari arrive, avec qui elle va se défouler? Avec ses enfants ou avec son mari? C'est clair. Ça crée des bombes à retardement dans ce milieu-là et eux ont besoin d'être accompagnés pour être capables d'affronter ce que ça veut dire changer de pays, partir d'une famille élargie à une famille rétrécie. Vous n'avez pas d'idée de la différence que ça fait. Une famille élargie, tous les recours sont là. La banque est là pour la famille élargie, les services sociaux sont là, l'hôpital est là. Tout est là. Là, il tombe tout seul, il n'a plus personne. Et il y a des conflits conjugaux. La famille élargie, un homme accroche un mari à son travail ou le mari en parle à un homme. Ils se parlent entre eux. La femme parie avec l'autre femme, avec sa

voisine de la famille élargie. Puis quand ils se rencontrent le soir, le problème est réglé sans se parler. Mais ils n'ont pas appris à se parler. Ça, ce n'est pas instinctif. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, père Quirion. Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Bien, écoutez, monsieur... Oui?

Le Président (M. Doyon): Préférez-vous attendre que Jorge...

Mme Gagnon-Tremblay: On pourra peut-être avec des questions compléter.

Le Président (M. Doyon): O.K.

Mme Gagnon-Tremblay: Bien, écoutez, je pense que ma première réaction serait que j'aurais le goût de vous applaudir. Je pense que c'est beaucoup de choses qu'on connaît, dont on est au fait; cependant, se les faire redire, et vraiment dans le quotidien de tous les jours, je pense que c'est important. Je souhaiterais tellement justement que la population puisse entendre ce discours-là assez régulièrement pour que l'on puisse partager ensemble les difficultés et que l'on puisse mieux se comprendre. On sait que ça passe aussi par l'éducation interculturelle, la connaissance des autres, le partage. Que ce soit à tous les niveaux, dans les institutions, que ce soit dans les COFI, que ce soit, par exemple, dans nos gestes quotidiens, c'est tellement important.

Bien sûr qu'il y a des mesures, mais, comme je l'ai mentionné, et vous l'avez dit vous-même que vous étiez en accord avec l'énoncé de politique et tout ça, nous sommes conscients cependant que nous pouvons le bonifier, cet énoncé de politique. Nous pouvons aussi bonifier les différentes mesures. C'est pour ça d'ailleurs que nous sommes en commission parlementaire. Vous savez qu'il y aura un plan d'action qui sera déposé, possiblement en juin prochain. Bien sûr qu'on compte sur votre expertise pour pouvoir nous aider à bonifier aussi cette action parce que c'est quantité de petits gestes, de petites mesures qui vont nous permettre finalement d'atteindre les objectifs qu'on se donne. Alors, je veux vous remercier de votre présentation.

Je voudrais cependant profiter de l'occasion qui m'est donnée pour vous poser quelques questions, entre autres, sur le rôle que peuvent jouer dans le processus d'intégration, sur le plan psychologique, par exemple, les organismes des communautés culturelles. Au niveau du système scolaire aussi. Le ministère, tant lors de la sélection, par exemple, que dans les services d'accueil, aussi bien que d'autres institutions de la société québécoise, quel rôle finalement pourrait-on faire jouer à ces institutions?

M. Quirion: Je laisse la parole à Jorge. S'il y a quelque chose à complementer, je le ferai avec plaisir.

Le Président (M. Doyon): Monsieur.

M. Guerra: De mon côté, ce que je pourrais dire, ça touche la question du partenariat qu'on a soulignée à plusieurs reprises. Je pense que le document est intéressant et nous sommes contents de ça. Justement, nous pensons que ce partenariat doit se traduire justement dans une relation de reconnaissance de l'expertise des organismes gouvernementaux. Je pense qu'on a plusieurs expertises, soit concernant les soins au niveau de l'adaptation, dans le jargon des services sociaux. D'un autre côté, nous avons des services qui sont reliés justement à ces services psychologiques, cet appui psychologique. Oui, nous avons des ressources au niveau de la communauté latino-américaine. Nous avons des médecins, nous avons des psychologues et nous avons des gens qui travaillent là-dessus. Oui, nous avons des ressources encore au niveau de l'intégration au travail. Mais ces ressources-là, bien sûr... Nous avons des ressources, par exemple, concernant la question des jeunes, qui est très importante de plus en plus. Mais nous avons des ressources justement qui ont des moyens insuffisants, qui ne possèdent pas, d'un côté, l'appui nécessaire pour justement profiter de cette expertise-là. D'un autre côté, nous avons l'expertise, oui, mais nous avons une expertise qui n'est pas seulement l'expertise pratique. C'est une expertise qui est basée sur la formation de ces gens-là.

Nous avons des gens qui sont formés ailleurs, et des gens, même, qui sont formés ici, qui peuvent justement desservir la communauté et permettre une meilleure intégration. Mais ces ressources, jusqu'à maintenant, ne sont pas considérées. On les perd parce qu'on n'a pas l'argent pour les payer, parce qu'elles ne sont pas absorbées par les services sociaux, parce que les programmes sur l'égalité sont encore loin d'avoir réussi justement à tourner la page à ce niveau-là.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

M. Quirion: J'aurais une autre suggestion. Un truc bien simple, mais assez difficile à organiser. Mais avec la bonne volonté des Québécois, ça s'organise très bien. Avoir des personnes qui accompagnent les gens quand ils arrivent aux différents services parce qu'à ce moment-là la présence du Canadien invite le fonctionnaire à être plus délicat, plus respectueux envers lui. Le problème ne traîne pas en longueur, en termes d'une conversation qui ne se comprend pas. Il se crée des liens entre l'im-

migrant et le Canadien qui vont continuer et qui continuent, ce qui, petit à petit, serait bâtir le tissu social de gens qui se comprennent, qui veulent se donner la main, qui s'aiment. Ça, je peux vous dire qu'on a fait l'expérience, c'est merveilleux.

C'est d'autant plus précieux que les premiers souvenirs des immigrants restent toujours. Les autres peuvent disparaître, les premiers ne disparaissent pas. Ça fait qu'un petit réseau, des réseaux de personnes... J'ai fait une annonce à un moment donné dans La Presse, pour des bénévoles là-dessus. Ils sont apparus le lendemain avec des grands sacrifices et ils étaient contents d'accompagner.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Vous savez, actuellement, nous sommes à réévaluer nos programmes de subvention pour les organismes communautaires et bien sûr que ces programmes sont évalués en fonction des objectifs que l'on veut bien, qu'on s'est fixés dans notre énoncé de politique, par exemple, quant à l'accueil et au rapprochement, mais non pas, par exemple, en vue de ghettoïser certaines communautés. Je pense que non seulement on essaie de réévaluer nos programmes, mais aussi je pense qu'il faut identifier les besoins dans certains secteurs. Commencer par identifier les besoins, voir qui les donne actuellement, comment ils sont donnés. C'est sûr qu'on aura toujours besoin d'un certain encadrement. Il faudra aussi en faire une certaine évaluation.

Hier, cependant, il y avait une recommandation qui a été faite par un groupe et on nous disait: Quand vous avez un groupe communautaire qui donne des services qu'on peut vraiment évaluer, qui sont bons, que ce sont des services importants et qu'ils sont bien donnés, qu'ils atteignent les objectifs que vous vous fixez, n'y aurait-il pas lieu de conserver ces organismes et de bien les financer, au risque de voir disparaître d'autres organismes qui ne donnent pas les mêmes services, ou pour éviter aussi la multiplication d'organismes? J'aimerais vous entendre sur ça.

Le Président (M. Doyon): Père Quirion ou M. Guerra.

M. Quirion: Oui, oui. Je vais donner mon opinion et lui donnera la sienne. Oui, ça fait longtemps que je regarde marcher le ministère des Communautés culturelles. Ça fait longtemps que je suis en contact avec eux autres. Mais un des points névralgiques de décision comme celle que vous voulez dire, d'un choix qu'on doit faire, c'est d'établir des critères. Mais je pense que c'est possible d'établir des critères. Ils ont peur. Probablement que la peur du ministère, c'est d'être obligé de définancer d'autres organismes subventionnés. C'est possible. Mais qu'il en donne moins à un et plus à l'autre. Celui qui a plus ordinairement, celui-là il faut le renforcer. J'imagine que c'est simple.

Il y a une expérience, une compétence qui s'établit à ce moment-là et qui permet de donner un service beaucoup plus rapidement et plus efficacement et plus profondément. Ça, c'est ma position. Il faut faire attention entre organismes et organismes aussi. Ils donnent le service et les autres sont très nombreux. (17 h 45)

Le Président (M. Doyon): M. Querra.

M. Guerra: Oui. Moi, j'irais un peu plus loin aussi dans le sens que je pense que, quand on parle justement des nécessités de financement de ces organismes-là, on ne va pas chercher, aller voir ce que le voisin est en train de faire. Mais ce que nous sommes en train de dire... Par exemple, je vais prendre un exemple concret: les projets de jeunes. Nous travaillons, à Côte-des-Neiges, par exemple, ensemble avec le CLSC Côte-des-Neiges, l'Association latino-américaine de Côte-des-Neiges, la maison de jeunes de Côte-des-Neiges pour un projet de jeunes qui concerne les jeunes décrocheurs, mettant l'accent essentiellement sur la communauté latino-américaine, en sachant qu'il y a d'autres communautés qui en ont autant ou plus besoin que nous autres, en sachant que la communauté noire, par exemple, en a besoin, en sachant que la communauté asiatique en a besoin. Mais, malheureusement, nous n'en avons, financièrement, que pour une personne. Alors, voyez-vous ce que je veux dire? Une seule personne, quand elle est employée pour 300 - c'est en train d'être défini, justement, maintenant - ce qui ne nous permet pas, justement, d'engager plus de monde qui pourrait justement faire un travail de lien entre les services qui sont offerts par les organismes, les services publics d'un autre côté, et permettre à ces jeunes-là de se réintégrer, soit à l'école, soit sur le marché du travail, pour les empêcher d'être une proie facile pour la délinquance ou la drogue. C'est ça que nous voulons empêcher.

Mais nous nous attardons à des problèmes comme... Écoutez, c'est un projet-pilote, ça va durer trois ans. Quand ce sera fini, ce sera fini. Alors, tant pis si vous ne vous êtes arrangés pour trouver du fric ailleurs; ça va être difficile de vous en trouver chez nous. C'est ça la problématique, aujourd'hui. Ça, c'est un problème intéressant parce que le coût social, quand on ne prend pas d'action, aujourd'hui, pour prévenir ce qui va devenir, après, un délinquant ou un jeune qui va être dans des maisons correctionnelles, etc., le coût social va être beaucoup plus grand que peut-être financer trois ou quatre personnes pour qu'elles fassent un bon travail dans un secteur. Je pense que c'est cet esprit-là qu'on veut que vous révisiez, dans le sens de dire: Ce n'est pas juste à court terme qu'il faut en

parler; il faut regarder qu'est-ce que ça va nous coûter à long terme quand on ne prévoit pas un bon travail, aujourd'hui. Je pense que, dans ce sens-là, le partenariat, on doit le comprendre aussi; au moins, on le comprend comme ça, nous autres. C'est-à-dire que nous, nous avons... Nous pouvons vous parler beaucoup plus qu'en commission parlementaire parce que nous n'avons pas le temps, mais pouvoir en parler avec des personnes responsables dans les ministères et dire: Écoutez, c'est ça notre vision des problèmes concrets que nous avons et c'est ça la solution que nous proposons. Parce que nous avons des solutions à proposer, pas seulement d'aller chercher de l'argent mais des solutions, comme donner bénévolement du temps, des choses comme ça, mais pas seulement du temps donné bénévolement, bien sûr.

Alors, c'est ce type de choses que nous pouvons voir, mais il faut être ensemble. Il faut créer des comités, si vous voulez, ou des tables de concertation entre les services gouvernementaux, les ministères; de l'autre côté, les syndicats, parce qu'ils sont un élément important, parce que c'est vos travailleurs puis, de l'autre côté, les gens du communautaire. Je pense qu'en coordonnant ces trois paliers, nous pouvons arriver à des ententes formelles au niveau de s'organiser pour trouver des solutions concrètes.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Guerra, Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. Guerra, chère Gloria, père Quirion, je ne vous poserai pas de questions. Non pas que j'aie la prétention de connaître vos réponses, quoique je m'en doute, puisqu'on se connaît depuis de nombreuses années. Je peux vous dire que j'ai rencontré l'abbé Bouchard, il y a trois semaines, et on parlait de vous. Je disais que vous étiez un Everest de solidarité et de sensibilité. Je pense que vos paroles, tantôt, le démontraient à ceux qui, par malheur, ne vous connaissent peut-être pas autant que moi, j'en ai le bénéfice.

Je lisais votre mémoire et je voyais, pour ce qui est des réfugiés, une phrase: L'absence de la famille élargie. Je lisais ce texte et, en le lisant, père Quirion, je voyais redéfiler devant moi ces femmes qui, depuis très exactement un an et deux mois, viennent à mon bureau de circonscription comme elles vont au bureau de mon collègue, le député de Gouin, appeler dans leur patrie d'origine leur enfant dont elles sont séparées parce que le Québec ne peut les admettre; la décision appartient à Ottawa. Je vous laisse les 19 minutes qu'il me reste. Parlez-nous des réfugiés, je vous en supplie, père Quirion.

Le Président (M. Doyon): Père Quirion.

M. Quirion: Avant que Gloria ne dise son mot, il est très important... C'est un agir pratique, une intervention que j'ai découverte dernièrement et que je trouve très favorable parce qu'elle a été expérimentée partout. Mais avant de laisser la parole, au cas où je ne l'aurais pas après, merci, M. Boulerice, de me donner 19 minutes... Si on ne solutionne pas l'équilibre émotif de l'immigrant, ne pensez pas à l'intégration. Il va être intégré parce qu'il travaille. Il va être intégré parce qu'il maîtrise le français. Il va être intégré parce qu'il ne fait pas de problème. Mais où est sa participation à construire une société? Vous ne l'aurez pas si on ne fait pas attention à son climat émotif. Souvent, ça ressemble beaucoup plus au désert du golfe Persique, avec des trous et tout le reste, qu'à une plage de Miami. Il faut faire attention pour que son monde intérieur ressemble à une belle plage où on est content d'être, de rester, de penser tranquille et de se reposer. Conte ton expérience.

Le Président (M. Doyon): Madame.

Mme Vera: Pour moi, c'est tellement quelque chose de précieux de me mettre en face de vous, et je vous remercie fortement. Je m'excuse pour mon français; je l'aime quand même, mais je suis encore en train d'apprendre. Plutôt que de présenter un exposé, je voudrais vous présenter mon témoignage personnel qui peut, en partie, vous illustrer ce que mes camarades peuvent vous dire d'une façon plus généralisée et analysée.

Moi, depuis 1988, je suis arrivée ici, au Canada, avec ma famille, dans la province de Québec, à Montréal, travailleuse sociale de profession dans la spécialité du développement social dans la communauté, avec 18 ans d'expérience professionnelle. Quand je suis arrivée ici, il s'est passé 6 mois où je ne pouvais pas rentrer dans un magasin, avec ma personne, avec mes forces. J'ai regardé, mais tout le temps, ma pensée était très loin. J'ai trouvé. Maintenant je le vois, je peux voir avec mes yeux le passé, avec les yeux du présent le passé que j'ai passé. Je vois qu'il y a un passage d'une société traditionnelle à une société moderne. Je viens de là pour faire face à une société moderne. Je viens d'une société solidaire dans une société individualiste; c'est un passage. Je me suis toujours dit: Qu'est-ce que je vais faire ici? Quand j'étais dans mon pays... J'ai quatre enfants. Mes enfants, dans mon pays, avaient un statut - comment je pourrais dire -très "alto"...

Une voix: Très haut.

Mme Vera: ...très haut. Je viens ici, le monde était réduit. Il y avait un téléphone. Mais ça coûte cher pour pouvoir garder le contact

avec mon histoire, avec mon origine. C'est tellement pénible. Mais malgré que j'aie eu beaucoup de personnes accueillantes ici, au Canada, qui m'ont donné des choses pour me refaire, pour m'installer... Je les remercie beaucoup parce que ce sont des choses matérielles dont j'ai eu besoin dans ce temps-là. Je me demandais toujours: Comment pouvoir rentrer, vivre? Quelqu'un qui m'a connue dans le COFI, parce que comme réfugiée je ne pouvais pas rentrer dans te COFI de 5 heures qui vient, j'aurais aimé... mais j'ai pris le COFI, de 7 heures à 10 heures le soir, 3 soirs par semaine. Alors, un professeur qui m'a connue m'a dit: Gloria, tu dois aller à un institut, il y a un cours pour toi, pour pouvoir t'aider à relever ce défi. J'ai toujours... Je me souviens de la parole de ce professeur. Je suis allée à la recherche... J'ai recherché l'institut une semaine, deux semaines, je l'ai trouvé. Il y avait une session de sensibilisation, même si mon français était très petit, mais quand même, je me lançai.

J'ai trouvé tellement dans... L'institut est venu me chercher, moi. J'ai donné le premier pas, mais c'est l'institut qui est venu me chercher, ma personne. Il est venu chercher mes forces, mais ça fait un an que j'ai été là et un soir par semaine, mais j'ai commencé à délibérer, j'ai commencé à penser: Gloria, qui es-tu? C'est Gloria qui est venue du Pérou, mais j'ai laissé mes forces où? Où sont-elles? Dans ce temps-là, l'institut m'a donné un accompagnant - accompagnant, oui, ça se peut, accompagnant, oui -pour m'aider à me retrouver, pour pouvoir me ramasser, mon expérience, mon vécu, toute la richesse que j'apporte et la mettre devant moi en regardant ma force pour pouvoir faire quelque chose dans ma situation. C'est moi qui dois donner le pas. Mais comment? Je pense que c'est très important, très, très important de faire la reconstruction de l'identité psychosociale de la personne. C'est utile pour relever le défi. Je l'ai vécu, j'ai encore... J'ai dit: Je peux aider les autres immigrants, pouvoir faire un facteur multiplicateur des instruments utiles, aller chercher la personne dans ses forces pour reconstruire son identité psychosociale et pouvoir donner les premiers pas dans cette société.

Je pense que c'est très important pour commencer le processus, pour faire face à l'impact social d'adaptation et commencer à s'intégrer à une société.

Le Président (M. Doyon): Oui, père Quirion, vous voulez ajouter quelque chose.

M. Quirion: Elle me contait que son petit gars de deuxième année du secondaire, aujourd'hui, ce matin, recevait un certificat de la commission scolaire des écoles catholiques de Montréal, en disant que son petit gars avait été le meilleur de la région. Il y a deux ans, dans un examen de français, il avait 59, il était un peu découragé. Le mois suivant, il est monté à 78; le troisième trimestre, il est monté à 94 et il a fini l'année en étant le meilleur en français. C'est parce qu'il était accompagné, c'est là qu'est le problème, il faut qu'être accompagné d'une façon ou d'une autre. Quand tous les ministères embarquent, c'est un genre d'accompagnement, mais il faut que ce soit un accompagnement qui soit un peu chaleureux. C'est là qu'est le problème. Si vous avez ça, vous avez tout le reste. Merci beaucoup.

Le Président (M. Doyon): Merci, père Quirion. M. Guerra. (18 heures)

M. Guerra: Je voudrais ajouter quelques chiffres qui, je pense, sont importants pour saisir vraiment l'importance de la communauté latino-américaine au Québec. Premièrement, je pense qu'il y a de la recherche qui a été faite au niveau de la communauté latino-américaine. Quelques chiffres n'ont pas pu être publiés parce qu'il nous manquait d'argent présentement pour le faire, mais d'autres ont déjà été faits.

Ça nous démontre que 82 % de la communauté latino-américaine parle français. La communauté latino-américaine, en général, commence... le gros de la communauté est arrivé ici vers les années soixante-dix, en avant; 41 % de la communauté latino-américaine est bilingue; 8 % de la communauté latino-américaine ne parle ni l'une ni l'autre langue encore; 10 % de la communauté latino-américaine parle essentiellement l'anglais. Alors, voyez-vous les pourcentages et l'importance au niveau du français et au niveau de la communauté latino-américaine? C'est aussi un élément, 90 % de cette communauté-là habite Montréal.

Troisièmement, je pense qu'il y a un élément qu'il faut comptabiliser, c'est politique et c'est social; l'intégration de la communauté latino-américaine depuis son arrivée a été justement à côté du choix en général du peuple québécois. Ceci dit, la communauté latino-américaine s'est prononcée, par exemple, favorablement lors du référendum en 1981. Cependant, ce que nous voyons aujourd'hui, et c'est cela qui nous inquiète, nous voyons aujourd'hui qu'on se bute de plus en plus à des obstacles de la part de cette même communauté qui était ouverte au début et qui, aujourd'hui peut-être, face à une immigration de plus en plus visible, a plus de préjugés justement, met plus de freins, disons, face à une intégration de ce genre-là. C'est plus difficile aujourd'hui, cette intégration-là, à tous les niveaux.

Je pense qu'il y en a certains peut-être, le plus important pour nous autres, à part le français qui n'est pas un fait naturel peut-être parce que c'est une langue latine, celle que nous parlons en Amérique latine... À part le fait d'être "francophonisables", ils savent - et c'est un élément que, justement, on ne fait pas ressortir

à notre goût justement dans les documents de l'entente ministérielle entre le Québec et le Canada... Mais ils devaient demander ça... Ça a toujours été une communauté profrancophone, "francophonisable", mais qui n'est pourtant pas plus intégrée. Je ne parle pas des gens qui commencent à arriver ici et qui sont ici depuis 1 à 5 ans, je pense aux autres qui sont ici depuis 16, 17, 18 ans ou moins que ça, et qui ne peuvent pas faire valoir encore, avec tout ce temps vécu au Québec, essentiellement à Montréal, leurs diplômes, faire valoir leurs études, même faites au Canada. Voilà des questions de frein au niveau de leur intégration. Pour nous, le travail, c'est important dans cette intégration-là. Pour nous, le travail, c'est, comme disait le père Quirion, un élément essentiel à notre intégration. Il faut qu'on reconnaisse que nous avons une expertise. On dit: Écoutez, l'expérience canadienne est disparue, on ne l'applique plus. Mais quand on va faire une application dans le secteur public, on la demande encore; on demande deux ans ou huit ans d'expérience. Qu'est-ce que ça traduit, cette expérience-là? Ah! Cette expérience-là, c'est l'expérience canadienne.

Il y a toute cette sensibilisation qu'il faut justement développer dans le secteur public. Il faut développer une sensibilisation face à cette problématique et je pense que c'est important. Il faut que les employés soient plus susceptibles de comprendre cette réalité-là. En même temps qu'on applique les programmes d'accès à l'égalité, en même temps qu'on applique des mesures concrètes d'accessibilité aux services, il faut qu'on sensibilise en même temps pour outiller ces employés, pour pouvoir exiger de ces employés-là et pouvoir se comporter justement d'égal à égal avec les immigrants qui parlent français.

On disait: De l'autre côté, ça nous inquiète, la question de la francisation. Oui, nous sommes pour la francisation des immigrants, mais attention! Pas parce qu'on n'a même plus d'immigrants supposément francophones, ils ne sont plus intégrés nécessairement à la société québécoise. On ne prône pas que vous n'ameniez pas ces immigrants-là, mais on dit: Attention! Vous êtes en train de tomber dans ce mythe, ce mythe: parce que ce sont des francophones, ils sont intégrés. Je vous dis: Moi, j'ai travaillé à la ville de Montréal, dans les ressources humaines, et là, j'avais des centaines de curriculum vitae de gens de pays francophones ou de pays "fran-cophonisés" parce qu'on était colonisés, qui sont sans travail parce qu'il y a encore de la discrimination, discrimination systémique dans les examens, discrimination des fois directe par les employeurs. C'est à ce type de choses qu'il faut s'attaquer. C'est là, je pense, un des points importants pour nous et de là développer les autres comme les jeunes, l'intégration sociale, etc. Mais un des points importants pour commencer, c'est la question du travail. On veut être reconnus en tant que minorité visible, ensemble avec les Asiatiques, ensemble avec la communauté noire, qu'ils nous reconnaissent nos droits en tant que citoyens à part entière, à un certain moment. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Guerra. M. le député, vous voulez exprimer quelques remerciements.

M. Boulerice: Oui. Muchas gracias por su participacion y yo digo a usted: Francofonia y Hispanidad son la contrapartida de la cultura anglofonia.

Le Président (M. Doyon): Merci. La quatrième...

M. Quirion: Pour Mme la ministre, une petite affaire.

Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Quirion: Pour le ministère. Un détail simple comme bonjour qui semble une montagne mais qui ne l'est pas. Je l'ai crié sur les toits; en public, en privé. Le cours des COR, on dit qu'on enseigne le français pour se trouver de l'emploi. Quand les gens arrivent sur le marché du travail, ils se rendent compte que ce n'est pas vrai, surtout avec l'immigrant, on demande les deux; on demande le français et l'anglais. Qu'est-ce que ça coûterait aux COFI? On vous enseigne le français. C'est que vous soyez capables de communiquer avec les Québécois, c'est tout et c'est beaucoup plus près de la personne. Ce n'est pas un objectif intéressé, il faut être capables de se parler, c'est tout!

Le Président (M. Doyon): Merci, père Quirion. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, je prends bonne note de vos remarques. Je voudrais, bien sûr, féliciter Gloria pour la qualité de son français et vous remercier aussi pour toutes vos remarques. Je vous lance un appel de collaboration, aussi un appel à la participation. Je pense que vous pouvez jouer un rôle important dans l'élaboration de notre plan d'action qui sera déposé prochainement. Je compte beaucoup sur votre expertise. Merci beaucoup.

Le Président (M. Doyon): Je me fais sûrement l'interprète de tous les membres de cette commission en vous remerciant chaleureusement de vos présentations. Tout le monde vous a écoutés avec beaucoup d'intérêt, comme vous avez pu vous en rendre compte. Merci beaucoup et bon voyage de retour.

Alors, pour terminer cette partie, cet après-midi, nous allons inviter le dernier groupe avant que nous allions manger, la Fédération des organismes de Trinidad et Tobago du Québec, à

bien vouloir s'approcher. Les personnes qui sont censées être là sont MM. Cecil Alfred, Mme Goin, M. Parris, M. Bowlesdove et Mme Bastida.

Bienvenue à tout le monde, à tous les cinq. Vous étiez ici dès le début, depuis un certain temps en tout cas. Vous savez comment on procède: vous disposez d'une dizaine de minutes pour faire la présentation. Veuillez tout d'abord vous présenter et ça va nous faire plaisir de vous entendre.

Fédération des organismes de Trinidad et Tobago du Québec

M. Alfred (Cecil): Good evening, Mr. Chairman, Mme la ministre. On my right is Sylvan Bowlesdove, the liaison officer; Mr. Arnold Parris, the public relations officer; Mrs. Carmen Bastida, intercultural relations officer and Mrs. Wendy Goin, intercultural relations officer. My name is Cecil Alfred and I am the president of the Federation of Organizations of Trinidad and Tobago of Québec.

Le Président (M. Doyon): Welcome to everybody.

M. Alfred: Thank you. We have a script. Is it possible that we could hand it out? It is on culture, something that we have just tabled.

Le Président (M. Doyon): You do as you wish.

M. Alfred: Yes.

Mme Bastida (Carmen): Donc, on peut distribuer, c'est un ajout.

Le Président (M. Doyon): Oui, quelqu'un va s'en charger, laissez-le là. Mme la secrétaire, vous pouvez vous occuper de distribuer les documents.

Mme Bastida: Oui, s'il vous plaît.

Le Président (M. Doyon): Très bien.

Mme Bastida: C'est un ajout au mémoire.

Le Président (M. Doyon): Très bien.

Mme Bastida: Merci.

Une voix: De rien.

Le Président (M. Doyon): O. K. Go ahead.

M. Alfred: I would just like to give a brief history of the Federation. The Federation of Organizations of Trinidad and Tobago of Québec was formed for the purpose of uniting all former nationals to share information and resources available from the Provincial Government; to establish a better communications link with the Québec community; to retrieve more information to ensure a sense of direction through social and cultural communications from the Provincial and Federal Governments; to bring awareness and understanding of our culture to the Québec Government and citizens; to find ways of integrating collectively in the Québec social and cultural communities; to work in harmony in building a better Québec for all. The Federation comprises nine social and cultural organizations.

We would now like to present to you our proposal and recommendations regarding student services, French language, social integration and cultural integration. Under student services, conferences have been held over the past year to discuss Black youth related problems in Montréal. One of these conferences was to examine the social and educational situation of Black youth and to allow for the exploration of the initiatives that have been undertaken by various jurisdictions with the purpose of serving the needs of Black youth. We therefore propose funding to facilitate a conference that would be conducted by the Provincial Government, Black youth, adults, and the respective sponsoring organizations to establish a plan of action and to address the social and educational situation of Black youth.

Under French language, we recommend that continued efforts be made by the Provincial Government and concerted action is needed for the success of linguistic integration. Mr. Chairman, we feel alone having to deal with this situation, since relevant information is often difficult to come by.

We recommend easier access to French classes and a breakdown on the number of students attending to help improve the quality of the French language. We also would like more information from the French institutions which offer services to visible minorities.

Under integration, we recommend, to ensure the distinctiveness of Québec, the full participation of all cultural communities and equal participation in all events organized by the Provincial Government on integration and access to resources to promote intercultural relationships.

I would just like to give you all a brief history of our culture, under cultural integration. In 1877, Roume de Saint-Laurent, a French planter, visited the Island of Trinidad. He then asked for permission to reside on the Island. Permission was granted and that resulted in an exodus of immigrants from France to the Island of Trinidad. A new form of culture was introduced to the Islanders which has been handed down from generation to generation. That culture was carnival. Carnival was responsible then for the birth of calypso which was composed and sung in French around 1814. It was also

instrumental in developing the steel pan instrument which is known today as the only musical instrument to have been created in the 20th Century. Today, Mr. Chairman, carnival in Trinidad and Tobago has become one of the world's best festivals, and all thanks to Roume de Saint-Laurent. (18 h 15)

It is said that Black English-speaking immigrants find it difficult to integrate in Québec because of its culture and language. As a former Trinidadian myself, I find it difficult to believe that Trinidadians cannot adjust to the Québec culture. Growing up in Trinidad, broken French we call patois, Spanish and English were spoken in our homes. The practices of the French culture were always evident.

Some of us choose to reside in Québec because of our cultural ties with France, while some choose for their social and economic needs. This is not to say, Mr. President, that difficulties do not exist. One of the major problems we are faced with today is the uncertainty of not knowing where we stand or what role is expected of us in the new Québec. The barriers are still there despite our complaints and efforts to remove them. It is sometimes, Mr. Chairman, disheartening to see and hear the prejudice and discrimination being practiced against Blacks or other ethnic groups.

We feel the remedy clearly lies in the hands of the Government to openly discuss its policies with all Quebeckers regardless of race, to define what is expected of Black immigrants and the role, if any, leaders from the community should play in the integration process.

Mr. Chairman, we propose funding to assist in our effort to find space. For the purpose of conducting meetings, intergroup relations, workshops, French courses, intercultural communication links with Quebeckers, and rehearsal that is needed to maintain and improve our cultural heritage. We propose easier access of information regarding social, cultural and economic integration.

The Federation, Mr. Chairman, respects and acknowledges the need to preserve the Québec culture and distinctiveness, but feels helpless, not knowing what is expected of us or the role we should play.

I thank you, Madam Minister, Mr. Chairman.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le président, merci de votre présentation. Après vous avoir écouté, vous avoir compris et vous avoir suivi en anglais, vous nous permettrez de vous demander peut-être de faire, pour certains d'entre nous, le même effort de nous comprendre et de nous suivre en français parce que certains membres voudront probablement s'adresser à vous en français et vous comprendrez que nous avons très bien compris votre message en anglais. Je suis sûr que vous pouvez faire la même chose.

Nous nous permettrons de nous adresser à vous en français. Mme la ministre, vous voulez commencer.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Merci de votre présentation. Il y a une première question que j'aimerais bien vous poser: Est-ce que vous comprenez tous le français ou si vous avez de la difficulté?

M. Alfred: On comprend le français beaucoup avec Carmen, avec Sylvan.

Une voix: Très bien. Une voix: Vous aussi?

M. Alfred: Moi aussi, oui. Je ne parle pas français.

Le Président (M. Doyon): Vous nous répondrez en anglais, si vous voulez.

Mme Gagnon-Tremblay: Vous préférez qu'on vous parie en français ou en anglais?

M. Alfred: Les deux, parce que M. Arnold Parris ne parle pas beaucoup français.

Mme Gagnon-Tremblay: Qu'est-ce qu'on fait?

Une voix:... ils parlent français. Une voix: Un peu.

Mme Gagnon-Tremblay: Well, then, I will try half and half.

M. Alfred: Merci beaucoup.

Mme Gagnon-Tremblay: English for me is not as perfect. In your brief, you are asking the Government to finance a conference on the educational and social situation of the Black youth. This idea of a conference of that kind seems to me quite interesting, but I am wondering if you already got in touch with other organizations of the Anglophone Black community for that conference. And I am wondering if they have accepted and are they going to participate in that conference?

M. Alfred: Carmen, would you please answer?

Mme Bastida: Oui, d'accord. Mme la ministre, pour répondre un peu à la question au nom de la Fédération, je crois que point n'est besoin de s'inquiéter à ce sujet. Je crois que la Fédération... je crois que les gens ici représentent la Fédération des organismes de Trinidad et Tobago du Québec, mais sont également en contact avec,

finalement, la troisième communauté culturelle la plus importante du Québec, c'est-à-dire la communauté noire. Donc, si un tel événement était supporté, voire même peut-être financé en partie par l'actuel gouvernement, la Fédération se ferait un plaisir et même... Je crois que nous avons testé un peu le terrain et je crois que l'ensemble de la communauté noire serait tout à fait d'accord et participerait à une telle conférence des jeunes qui mettraient, finalement, en valeur leur problématique.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que l'Association des gens d'affaires et de professions de race noire pourrait être un partenaire socio-économique de cette conférence?

M. Alfred: We have not had the opportunity, Madam Minister, to have such a conference on the economic situation.

Mme Gagnon-Tremblay: Je trouverais ça... C'est sûr que là, vous êtes encore à l'idée, vous songez à préparer une telle conférence, mais je constate que vous n'êtes pas encore allés aussi loin que faire les contacts avec les autres organismes ou encore vous ne savez pas tout à fait avec qui vous pourriez vous associer. Je pense aussi à un contact qui serait intéressant, c'est celui du milieu universitaire qui, fort probablement, pourrait être intéressé à une telle conférence parce qu'on sait que ce milieu universitaire élabore souvent aussi des études en fonction de problématiques spécifiques.

Mme Goin (Wendy): Oui, Mme la ministre. Je suis quand même de la Fédération des organismes de Trinidad; je suis aussi la présidente d'un organisme Westean, qui est une partie de l'organisme. La plupart de ceux qui sont avec nous autres sont des jeunes, des jeunes gens de 13 ans jusqu'à 20 ans. Je sais qu'il y a des problèmes à l'école avec les Noirs, les jeunes, et on sait qu'il faut commencer à faire quelque chose avec ça. C'est pour ça qu'on a eu l'idée d'une conférence. On sait que c'est une nécessité d'avoir cette conférence. On attend encore. On a fait toutes les démarches. C'est pour ça qu'on approche le gouvernement, maintenant, mais on sait qu'il faut contacter... On a déjà fait des démarches auprès d'autres organismes: au niveau municipal, tous les autres organismes, à l'école aussi avec les professeurs. Moi, je pense, personnellement, qu'il y a un problème. Le problème existe pour les Noirs, les jeunes. Les problèmes d'adaptation et d'intégration sont causés par la pauvreté et on a les femmes et les parents seuls qui ont des problèmes avec leurs enfants. On veut savoir des enfants: Qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce que vous pensez? Qu'est-ce qu'on peut faire ensemble pour vous autres? Les adultes ont des idées et vous autres aussi.

Les parents, moi, je pense, des immigrés doivent aussi assister aux cours de français. Quand les élèves apprennent le français à l'école, ça cause des problèmes à la maison parce que les parents continuent à parler en anglais ou dans leur langue. C'est pour ça qu'on veut mettre ensemble tous les parents et les jeunes aussi. On sait qu'il y a un problème et on espère que le gouvernement puisse donner la force que les autres niveaux ne sont pas capables. C'est pour ça qu'on approche le gouvernement, premièrement.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

Le Prêssident (M. Doyon) Mme la ministre, merci. M. le député de Satnte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Je dois avouer, au départ, que vous m'avez donné une merveilleuse leçon d'histoire et je vous en remercie. Je ne savais pas qu'il y avait eu un établissement français dans ces îles. Donc, je vais considérer ça comme une indication très suggestive de voyage pour moi, aller voir sur place. Est-ce que je me trompe en disant que vous organisez également un carnaval à Montréal?

M. Bowlesdove (Sylvan): No. We, ourselves, do not organize. We are part of the organization that organizes the Carnival in Montréal, but we do not have a say in that, really, we participate as a group.

M. Boulerice: Est-ce que je me trompe en disant que cette année, ou l'an dernier, il a été fait au parc LaFontaine? Non? Oui.

Des voix: Oui. Une voix: Oui, au...

M. Boulerice: Oh! that is a very good habit because it is in my riding.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Boulerice: I promise I will attend next time. Besides that, Léo Ferré, in a song said: We are all German Jews. And I guess that he meant that everyone, in some regards, might one day suffer from discrimination. When I look at your paper - I will use that word - you insist on discrimination and if there is a word I hate, it is that word, "discrimination". Earlier, to a group, I said that racists were people ugly inside themselves. That is a word that comes from my president, Mr. Parizeau, and stick to that sentence because I do believe it is true. We have to be very careful, sometimes, people are very hypocrite. They will say to a Black or a

Yellow: You are my brother, but in the back of his mind, it is: Yes, but you will never be my brother-in-law. You know how it works; it is just so hypocrite.

But, anyway, you said that, unfortunately, it still exists here. And if it does exist, this National Assembly has voted a resolution which we call... Would the Minister come to help his counter-minister? Comment dit-on? La déclaration interraciale. I mean it was a very solemn proclamation in this National Assembly and I felt very proud of it. And it came in second, after our Charter of Rights. And our Charter of Rights was described by the Minister of Justice, Mr. Rémillard, as the best, even better than the Canadian one. So, I guess we should be proud of that.

But my question is: In what field is this discrimination happening? Is it in school? Is it at work? Is it in the neighbourhood? Or is it - and I hope, God, you will not say yes - in all those fields? And if so, could you indicate to me - because we might pass a third resolution, but I do not think it will solve the problem -what would be the very specific action? We have denounced what happened to the Jewish Community in Outremont, a few months ago. You have probably heard that some skin heads have been beating up people in the Carré Saint-Louis, which is my territory, and I just do not accept it. And if I have to look after them by myself, I will. I mean, I will not make justice myself, but I will spot them so they can be arrested as soon as possible. So, are those acts of discrimination in many different fields of activity or are they only concentrated in one aspect?

And then, the second question I am asking you is: Could you give us strong measures that could be applied as soon as possible, including relations with the police force? These we have, as a matter of fact, because, if I may say so, those after the skin heads attacks at the Carré Saint-Louis, we have, the municipal counsellors, the federal MP and myself, established a kind of consultation table with the district police force and it is working beautifully. We might try it.

Le Président (M. Doyon): Qui est prêt à prendre la parole là-dessus? Mme Goin.

Mme Goin: Merci bien. Moi, ce que j'ai cru, c'est que le gouvernement continue a faire les démarches, à éduquer les gens qui vont être en contact avec les immigrés, soit les immigrés, les minorités visibles comme nous autres, les Noirs. Les agents de police continuent encore à les éduquer, des cours. Il faut qu'ils continuent d'entrer dans le milieu des Noirs à Côte-des-Neiges, soit à Notre-Dame-de-Grâce, sur la rue Walkley. Il faut aussi que le gouvernement continue à engager des agents de police de la même race et qu'il les envoie dans divers secteurs où il y en a. Comme, à Montréal, il y a des coins où il y a une concentration de jeunes gens noirs, comme à Côte-des-Neiges ou à Notre-Dame-de-Grâce. S'ils voient un agent de police qui est comme eux ou comme elles, si c'est une femme, ils vont peut-être être plus à l'aise. Le contact sera plus facile. Les relations ensemble vont être à l'aise. Maintenant, quand ils vont... souvent, les jeunes gens jouent dans la rue, ils voient les polices, il y a toujours des Blancs. Quand ils les voient, ils disent: Oh! La police, et ils s'enfuient. Peut-être que s'ils voient quelqu'un qui peut parler avec eux, leur dire: Qu'est-ce que vous faites ici? Faites attention quand vous faites... Ce qu'il faut, c'est parler avec eux autres au lieu d'agir comme s'ils ne se connaissaient pas, et qu'ils aient peur. C'est comme la situation à Oka et à Kanesatake avec les Mohawks. C'est la même chose. Ils ont engagé des Mohawks pour être policiers, je pense, à Kahnawake ou à Oka, où sont concentrés des gens de la même race, peut-être pour avoir des relations plus à l'aise. Les professeurs de l'école aussi, je pense, il faut qu'ils continuent à faire des cours ou des échanges culturels avec eux autres. Pour le public en général aussi, faire des annonces publicitaires. Je pense au gouvernement du Canada qui en fait avec les photos de tous les différents... C'est ici Québec, le Québec du futur. Ils vont montrer des gens de toutes races. Ils faut qu'on s'habitue à vivre ensemble, qu'on essaie de partager le pays. C'est une belle province, le Québec, et tout le monde peut le partager en paix, ici. On est ensemble. On réalise que tout le monde est ici pour de vrai. Personne ne va dire: Va-t-en chez toi, tu n'es pas chez toi. C'est ici notre maison, maintenant; c'est ici notre pays. On peut sûrement rester ensemble à partager cette idée. Je pense que c'est une des façons dont on peut le faire.

Aussi à l'école, après l'école, comme je l'ai dit plus tôt, on pourrait avoir des projets - je ne sais pas comment le dire en français - "Big Brothers, Big Sisters" pour les parents. Il faut avoir quelqu'un qui peut parler français avec les parents et les élèves en même temps et avec les petits. Des cours pour les adultes pourraient être plus accessibles.

Il y a un problème d'adaptation à la culture québécoise. La culture québécoise, pour les Noirs, ils ne font pas de ski, ils ne jouent pas au hockey parce que c'est trop cher pour les immigrés, je pense, mais on va à la cabane à sucre. Tout le monde va à la cabane à sucre. On devrait continuer à faire des annonces de ça dans le milieu. Ce sont mes idées personnelles. C'est tout ce que j'ai ici. Peut-être que quelqu'un peut continuer. Merci, madame. C'est ce que je pense.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme Goin. M. le député, le temps étant terminé, si vous voulez les remercier ou une dernière remarque, peut-être.

M. Boulerice: I will say thank you. What you are really suggesting, Wendy, is that we should copy Benetton sponsoring "united colours of the world", when we are sponsoring Québec activities.

Mme Goin: Yes.

M. Boulerice: By the way, such action like having your Carnival in a very, very French-speaking district such as mine is something great. Those are little steps that make us get together, know each other much better and, then, getting all the prejudices off. So keep going with it, i promise I will be there next time.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme Gagnon-Tremblay: Moi, je voudrais conclure en vous disant que juste avant Noël, j'ai rencontré un groupe de la communauté, une vingtaine de personnes de la communauté noire anglophone de la région de Montréal et nous avons convenu de former un comité de travail pour, entre autres, identifier certains problèmes plus spécifiques et voir aussi quelles solutions on peut y apporter. Je trouve que l'idée de votre conférence peut apporter aussi une espèce d'éclairage et peut peut-être nous aider. Donc, comme vous le savez, ma sous-ministre est à mes côtés et je lui en ai déjà fait part. Quelqu'un du ministère entrera en communication avec vous pour développer cette idée et voir comment on pourrait tenir une telle conférence. Je vous remercie de la présentation de votre mémoire.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, merci d'être venus nous rencontrer, merci de la présentation que vous avez faite. Bon voyage de retour et ça nous a fait plaisir de vous recevoir. Donc, nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures précisément, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 37)

(Reprise à 20 h 9)

Collectif des femmes immigrantes du Québec

Le Président (M. Messier): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Richelieu. À l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce qu'on a le plaisir d'avoir Mme Bizzarri ou Mme Villefranche?

Mme Bizzarri (Aoura): Mme Bizzarri.

Le Président (M. Messier): Mme Bizzarri. Bonsoir, madame.

Mme Bizzarri: Bonsoir.

Le Président (M. Messier): Ça va bien?

Mme Bizzarri: Oui. Et vous?

Le Président (M. Messier): Oui. Très heureux de vous recevoir ce soir, au nom du Collectif des femmes immigrantes du Québec. Nous allons débuter avec quelques minutes de retard votre présentation, qui devrait durer une quinzaine de minutes et, après ça, on aura un échange de part et d'autre du parti ministériel. Et vous aurez le plaisir d'échanger avec le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, M. Boulerice. On vous laisse pour une quinzaine de minutes, madame.

Mme Bizzarri: Je représente ici le Collectif des femmes immigrantes, qui est un organisme à but non lucratif, multiethnique et provincial. Nous avons 33 organismes membres actuellement. Ce sont des organismes qui... c'est 33 groupements qui cohabitent et agissent de concert, au-delà des différentes origines, des religions et des milieux socio-économiques différents.

L'objectif fondamental du Collectif est de défendre les droits des femmes immigrantes, de lutter contre les racisme, le sexisme et, bien sûr, de sensibiliser la société québécoise. Maintenant, ces objectifs, on essaie de les réaliser de différentes façons, soit en mettant l'accent sur la formation linguistique et professionnelle. On revendique la mise en place des programmes d'accès à l'égalité, mais, également, on travaille directement dans le sens qu'on essaie de faire... Comme l'objectif est de rapprocher les communautés culturelles à la communauté québécoise francophone, ce qu'on essaie de faire dans la réalité, d'un côté, c'est de sensibiliser la société québécoise par différents programmes, colloques, documents, etc., et, de l'autre, d'Intégrer les immigrants à la société québécoise, soit en les informant de leurs droits, des ressources, soit en donnant des sessions d'information thématique, soit en donnant l'information sur des métiers comme tels, pour qu'ifs puissent s'intégrer plus facilement en milieu de travail. Donc, grosso modo, en résumé, c'est ce que fait l'organisme.

Maintenant, l'immigration, on va... Je vais faire une brève entrée en matière avant d'arriver aux recommandations du Collectif. C'est sûr, c'est très clair que l'immigration a toujours représenté pour la société d'accueil un avantage en termes d'accroissement des forces de travail, des ressources humaines, des pouvoirs de consommation et d'investissement des capitaux. Donc, le Québec doit compter de plus en plus sur l'immigration pour assurer son avenir démographique et économique et, donc, la décision d'augmenter le niveau d'immigration, ça ne nous surprend pas.

Maintenant, il faut bien constater, à la

lecture de l'énoncé, que la nouvelle politique québécoise en matière d'immigration donne avant tout la priorité à une intégration économique. Rentabilité, prospérité sont les objectifs prioritaires du gouvernement, et on trouve que l'objectif humanitaire est quand même un peu délaissé. Bien sûr, compte tenu du temps, on n'a pas réagi à tous les points de l'énoncé. On a réagi à certains ceux où l'on n'est pas nécessairement d'accord, à ceux que l'on juge, nous, prioritaires et à ceux qui sont plus de notre compétence. Donc, notre mémoire ne touchera pas... et moi non plus, ce soir, je ne toucherai pas à tous les points.

Je vais commencer par celui où le Collectif n'est pas nécessairement en accord avec l'énoncé. C'est la sélection des immigrants. Donc...

Le Président (M. Messier): ...quand vous êtes pour.

Mme Bizzarri: Oui.

Le Président (M. Messier): Parfait.

Mme Bizzarri: C'est le seul où je suis contre, pour une fois. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Messier): On vous écoute.

Mme Bizzarri: Donc, pour nous, le Collectif, c'est très important que le Québec garde une immigration ouverte à tous et à toutes et sans discrimination en regard de la couleur, de la race, de la culture ni de la langue d'origine.

Dans notre expérience d'organisme provincial et multiculturel, rien ne nous a prouvé, jusqu'à maintenant, qu'une ethnie s'intègre mieux qu'une autre même si, au départ, elle parle français.

Le Québec, aujourd'hui, c'est un pays aux couleurs du monde et, d'après nous, il devrait le rester. La volonté du gouvernement du Québec de mieux contrôler et de mieux orienter son intégration et la volonté légitime des Québécois de préserver et défendre la culture francophone, d'après nous, ne doivent pas se traduire par une politique de sélection et de recrutement discriminatoire. Le fait d'adopter une série de mesures discriminatoires ne contribuera pas à instaurer une société meilleure, tolérante et pluraliste. D'après nous, la solution, c'est de faire venir les immigrants ici, peu importent lesquels, francophones aussi, mais une fois qu'ils sont ici, que les jeux soient clairs. Ici, c'est en français que ça se passe et qu'on mette sur pied les ressources nécessaires pour que la francisation se fasse. Là, je passe justement à la francisation.

Donc, les immigrants, par rapport au chapitre de la francisation, ce que j'ai à dire, c'est que les immigrants qui viennent ici, bien sûr, viennent avec l'espoir d'une vie meilleure.

Ils sont très conscients, ifs savent très bien que cela passe par l'apprentissage du français, car c'est essentiel pour communiquer, pour travailler, pour s'intégrer. Sans la langue française, on est comme si on était muets; on ne parle pas, on n'a pas de voix. Donc, aujourd'hui que le Québec est maître en matière d'intégration et de francisation de ses immigrants, il ne faut pas qu'il manque l'occasion de faire d'une pierre deux coups. Ça veut dire que, d'un côté, il va satisfaire les immigrants qui revendiquent depuis longtemps l'accès à l'apprentissage du français et, de l'autre côté, il va contenter ia société québécoise de souche qui tient à préserver sa langue d'origine.

Donc, les mesures qui sont proposées par rapport à la francisation des immigrantes dans l'énoncé, en général, sont toutes bonnes, mais il me semble qu'avant toutes ces mesures-là, nous, ce qu'on attendait, ce qu'on aurait voulu voir, la chose qu'on revendique depuis des années, c'est l'accès universel pour toutes les immigrantes à la formation linguistique et professionnelle, aux allocations et aux services de garde, sans exclusion basée sur les statuts d'immigration ou les années de résidence au pays. Ça, on aurait voulu le voir dans l'énoncé et il n'y est pas. Donc, on est en accord avec toutes les autres mesures de francisation, bien sûr, mais pourquoi pas l'accès à tous les Immigrants à l'apprentissage du français? C'est ça que j'aurais voulu voir et que je n'ai pas vu.

Maintenant, toujours par rapport au français, on parle aussi de projet-pilote pour enseigner le français dans les pays d'origine. On est d'accord avec cette mesure-là comme avec les autres, mais, dans notre façon de raisonner ou de compréhension, on s'est posé la question. Il me semble qu'avant d'aller franciser les immigrants avant qu'ils arrivent ici, la première chose à faire serait de donner accès à tous ceux qui sont ici à l'apprentissage du français. C'est sûr que nous ne sommes pas contre cette mesure-là, mais pourquoi pas, avant, ne pas régler ceux qui sont sur place ou que, déjà, on fait venir? Ensuite, s'il nous reste de l'argent, s'il nous reste de l'énergie, bien oui, on peut les franciser avant qu'ils viennent. Mais qu'on s'occupe au moins de ceux qui sont là avant.

Bien sûr, on est d'accord aussi pour des cours de français en milieu de travail, quoique, là aussi, on considère que la première des choses à faire, c'est de les franciser en arrivant, et la francisation dans les milieux de travail est très bien pour ceux qui n'ont pas pu suivre les cours de français au départ.

Une revendication ou recommandation du Collectif, je ne le sais pas, en tout cas, on va l'arranger comme... donc, c'est que la formation linguistique actuelle, celle qui est donnée aux COFI, est très bien et elle va permettre aux immigrants de se débrouiller. Maintenant, elle ne permet pas aux immigrants de se trouver un

travail ou de suivre un cours de formation professionnelle. Donc, la recommandation du Collectif, c'est qu'une formation linguistique plus longue et plus approfondie soit offerte à tous les immigrants qui se destinent au marché du travail parce que la formation actuelle, c'est juste pour se débrouiller un petit peu et ça ne sert pas à intégrer le marché du travail ni à suivre un programme de formation.

Ensuite, pour nous, une des priorités à nos yeux, c'est l'utilisation du français comme langue au travail. Alors, si la promotion et l'enseignement du français en milieu de travail s'avèrent primordiaux, encore faudrait-il pouvoir travailler en français. Tant que les immigrants gagneront leur vie dans la langue anglaise, les problèmes de francisation des immigrants et la survie de la langue française au Québec ne seront pas résolus. Donc, il faut considérer aussi que le gouvernement du Québec devra prévoir des mesures pour sauvegarder la langue française au Québec et pour que le français devienne réellement la langue du travail. Parce que c'est bien beau de donner l'accès aux immigrants à l'apprentissage du français, mais si, ensuite, quand ils vont sur le marché du travail, le marché du travail où vont les immigrants est majoritairement anglophone, à ce moment-là, on vient de les perdre dans le sens de la langue française. Donc, voilà.

Celui-là, je vais le sauter parce que j'ai peur de ne pas avoir le temps. Ensuite, les immigrants de la catégorie de la famille. Le collectif des familles immigrantes tient à féliciter le gouvernement pour la mesure qu'il pense prendre par rapport à la réduction du temps du parrainage et au délai du traitement des candidatures. Cependant, on est inquiet quand vous parlez de réévaluation du niveau de l'engagement financier exigé du garant. Ces exigences économiques supplémentaires demandées au garant n'auront pour effet que de restreindre cette catégorie d'immigrants et elles vont renforcer une discrimination d'ordre économique. Ça veut dire que si on applique cette mesure, avec cette mesure, seules les classes riches, qui ont le plus d'argent, pourront voir leurs familles réunies.

Un autre point d'interrogation pour nous, quand vous parlez des mécanismes entourant le respect des engagements du parrain. Mon point d'interrogation ici est le suivant. Le mécanisme pour s'assurer que les parrains gardent ces engagements... Est-ce que le MCCI ou, en tout cas, quelqu'un au gouvernement va faire comme au BS, le bien-être social, là, qu'il y a les tontons macoutes qui vont voir qu'est-ce qui se passe. En tout cas, ça, c'est un point d'interrogation. Ce n'est pas clair par rapport à l'énoncé, ce que ça veut dire pour nous.

Maintenant, toujours par rapport à la catégorie de la famille, un point différent. Nous, on considère que pour permettre à un plus grand nombre d'immigrants de s'intégrer à la société québécoise francophone les parrainés devraient - attendez... On demande que les besoins de formation linguistique ne fassent pas partie des engagements du garant parce que, de plus, l'actuel obstacle à ta francisation empêche les immigrants parrainés de suivre aussi les programmes de formation, du fait qu'ils ne peuvent pas suivre un programme de français. Ils ne pourront pas non plus suivre un programme de formation et s'intégrer au marché du travail. Donc, notre recommandation, c'est que tout immigrant ou immigrante parrainé devrait avoir accès à la formation linguistique, aux services de garde et aux allocations, au même titre que la catégorie des indépendants. Alors, on laisse les autres engagements au parrain, oui, mais, au moins, celle de la francisation, d'après nous, ce serait très important qu'elle ne fasse pas partie des engagements. Autrement, on ne francisera pas ces gens-là aussi facilement que ça.

Par rapport au partenariat avec les organismes des communautés culturelles, les organismes des communautés culturelles ont une connaissance de la clientèle, ont une expertise et ont aussi une façon de travailler que le gouvernement ne peut pas avoir. Maintenant, comme vous le dites dans l'énoncé, on devrait développer des liens de collaboration plus étroits. Mais, pour ce faire, d'après nous, il faut reconnaître tout d'abord l'expertise des organismes de communautés culturelles, puis il faut aussi nous donner des moyens pour qu'on puisse opérer mieux à partir de ce qu'on fait. Actuellement, le financement des organismes est basé sur un financement au fonctionnement, puis un fonctionnement de projet. Donc, la recommandation, ce serait qu'il y ait plus de financement de fonctionnement, moins de projets, et que le financement se fasse plus à long terme.

Je vais prendre notre organisme comme exemple. Nous sommes un organisme de rapprochement et nous avons reçu, dans l'année en cours, 20 000 $ de subvention du MCCI. Pour les avoir, nous avons dû présenter deux demandes de subvention sur six mois. Or, quand on fait une planification de six mois en six mois, je peux vous garantir que ça n'aide pas l'efficacité d'un organisme. Donc, si on veut développer le partenariat, c'est une question de reconnaissance, oui, mais c'est une question aussi de nous donner les moyens pour qu'on puisse se programmer un peu plus à long terme que de six mois en six mois. De toute façon, l'argent arrive toujours après les six mois qui sont passés, alors, on ne sait jamais: Est-ce qu'on va les avoir, oui ou non? Et je pense que c'est dans un intérêt commun que cette collaboration-là devrait s'établir.

Un autre point...

Le Président (M. Messier): Un dernier point, madame, parce que nous allons commencer l'échange après ça, par la suite.

Mme Bizzarri: Oui. Ça va. J'ai une minute? Encore une minute?

Le Président (M. Messier): Quelques minutes, oui.

Mme Bizzarri: O. K. Donc, à la page 70 de l'énoncé, on parle de représentativité des communautés culturelles à des instances décisionnelles et consultatives. Alors, moi, c'est le consultatif qui me reste un peu en travers de la gorge. Pour nous, les femmes des communautés culturelles, l'heure n'est plus à la consultation. Nous voulons être associées aux prises de décision et être des partenaires véritables. Nous faisons partie intégrante de la société québécoise et, à ce titre, nous sommes concernées pour toutes les décisions relatives à son fonctionnement. Donc, nous désirons être associées à tous les projets, à toutes les activités et à toutes les instances où les programmes et les énoncés politiques seront élaborés et décidés.

Nous avons à offrir plus que nos bras et que notre force de travail. Nous avons aussi des cerveaux, nous avons des connaissances, nous avons une expertise, et la société entière devrait en bénéficier. De plus, nous sommes convaincues que si, dans les lieux décisionnels, il y avait plus de minorités les décisions prises seraient meilleures, car elles tiendraient compte de la diversité des composantes de notre société. Donc, associées, on considère qu'il est temps qu'on soit associées aux décisions, parce que des consultations, on en a faites pas mal, et pas les moindres.

Si j'ai encore juste 30 secondes... Par rapport aux relations interculturelles, nous sommes en général en accord avec ce que l'énoncé propose. Cependant, dans tout ce qui est proposé, il y a deux choses qui nous semblent prioritaires: une, c'est la mise en oeuvre d'un plan de sensibilisation de la population en ce qui concerne l'apport de l'immigration au développement de la société québécoise, et l'autre, qu'on priorise dans celles qui sont proposées, c'est la mise sur pied d'une campagne de promotion axée sur une image positive des minorités visibles pour l'ensemble de la population. Bon, je pense que mon temps est fini.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame, merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Mme Bizzarri, merci de votre présentation. Je suis très heureuse de vous retrouver aux communautés culturelles après avoir travaillé longtemps avec vous à la condition féminine. Je sais que vous poursuivez encore votre oeuvre auprès des femmes.

Vous avez parlé, tout à l'heure, Mme Bizzarri, de rendre plus accessibles, entre autres, les cours de français. Vous avez fait un certain reproche, par exemple, comme quoi le gouverne- ment, avant de franciser ou de donner des cours de français à l'extérieur du pays, devait penser davantage à améliorer les cours que nous donnons ici.

Juste, peut-être, une petite remarque en passant. Nous avons expérimenté un programme. Lorsque je suis allée à Hongkong, l'automne dernier, j'ai signé avec l'Alliance française une entente pour permettre aux gens, surtout aux gens d'affaires qui veulent venir s'établir au Québec, de suivre des cours de français. Je dois vous dire, cependant, que ces cours-là sont à la charge, aux frais des investisseurs ou des gens d'affaires. Ce n'est pas le Québec qui paie. Cependant, nous avons un professeur du Québec parce que nous voulons aussi qu'il y ait un contenu de culture québécoise. Mais je dois vous dire que c'est une expérience quand même... C'était un genre de projet-pilote; nous l'expérimentions. Je dois vous dire qu'il y a beaucoup de demandes et que je suis agréablement surprise de voir que ces gens suivent des cours de français.

Donc, c'est une bonne indication pour nous que la personne ait la motivation de demeurer au Québec, non seulement de venir, mais de demeurer au Québec. Mais encore une fois, je vous dis que c'est un mode... Par contre, la personne paie pour actuellement. Ce n'est pas le gouvernement qui défraie ces cours de français et, bien sûr, je suis d'accord avec vous pour dire qu'il faut rendre davantage accessibles nos cours de français, de façon qu'ils soient plus flexibles, pour rejoindre toutes les clientèles, là où elles se trouvent.

Alors, dans votre mémoire, à la page 5, Mme Bizzarri, vous vous montrez particulièrement intéressée à la formule de cours de français en milieu de travail, afin de rejoindre la clientèle qui n'a pas eu accès à une formation linguistique valable. C'est une préoccupation aussi que partage le gouvernement et qui prévoit développer des projets-pilotes dans diverses entreprises. J'aimerais savoir: En quoi cette formule répondrait-elle à des besoins particuliers de la clientèle des femmes et connaissez-vous des expériences dans ce domaine?

Le Président (M. Doyon): Mme Bizzarri.

Mme Bizzarri: Non, je ne connais pas d'expériences dans le domaine. Maintenant, c'est sûr que c'est souhaitable parce que vous savez aussi bien que moi qu'il y a une majorité d'immigrants qui ne passent pas à travers les cours de français en arrivant au pays et, donc, qui nous échappent, toujours par rapport à la langue française. Alors, c'est sûr que la façon de rattraper ces gens-là, c'est de donner des cours de français en milieu de travail. Donc, dans ce sens-là, c'est utile. C'est ce qu'il faudra sûrement considérer dans ce projet-là. Il faut voir aussi les types de travail, les types d'emploi où

ces gens-là sont, parce que c'est sûr que ce ne pourra pas être les mêmes cours donnés à tout le monde. Il faut voir aussi les niveaux de fatigue, les niveaux de travail que ces gens-là vont faire. Est-ce qu'on va demander à quelqu'un qui lave les planchers de 8 heures à 17 heures d'apprendre le français sur la demi-heure de travail? En tout cas, c'est à voir.

Donc, les questionnements par rapport à ça, je les ferai dans ces termes-là, selon les types de travail que ces gens-là font. Est-ce qu'à ce moment-là, c'est sur l'heure du dîner? Est-ce qu'on les garde encore une heure de plus? Est-ce qu'on enlèverait peut-être une demi-heure de travail et on donnerait une demi-heure de français? Ce serait à voir dans ces termes-là, d'après moi, pour que ce soit quand même... pour que ces gens-là puissent en profiter, parce que, selon là où ils travaillent, le niveau de réceptivité peut être différent.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre. (20 h 30)

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que vous avez des expériences d'enseignement, c'est-à-dire de cours un peu plus poussés de formation, un peu plus pointus, par exemple, pour des catégories, des professions que pratiquent certaines femmes, des professions libérales, ou bien encore des métiers et puis une formation plus pointue qu'on leur donne? Je sais, par exemple, qu'il y a eu une expérience, à un moment donné, avec un groupe de femmes, et je pense que c'étaient des femmes africaines, entre autres, pour être capable de développer, justement, un vocabulaire, aussi, et une pratique dans un secteur plus spécialisé. Avez-vous eu vent de cette expérience? Croyez-vous que c'est une bonne formule?

Le Président (M. Doyon): Mme Bizzarri.

Mme Bizzarri: Donc, ce qu'on a remarqué, avec l'expérience du Collectif, on offre des cours de formation en soudure. C'est le deuxième groupe qu'on a; c'est la deuxième année. Donc, on est allé dans les COFI pour écouter ces gens-là et, bien sûr, on les a choisis selon leur volonté de faire un métier non traditionnel, mais aussi c'étaient ceux qui parlaient français le mieux. C'étaient les finissants du COFI qui se débrouillaient le mieux en français qu'on a choisis. Parce que le cours en soudure, même si c'est un cours manuel, ça demande quand même une certaine compréhension du français, et c'est en français que ça se passe.

Donc, ce qu'on a pu constater en offrant ce cours-là, on avait déjà une dizaine... Dans le premier projet, on donnait une dizaine de semaines de français après le COFI. Donc, on avait 10 semaines de français, quelques semaines de rafraîchissement de mathématiques. Ensuite, on les mettait en soudure et ce dont on s'est rendu compte, c'est que la formation du COFI est très bien pour se débrouiller, mais elle n'est pas suffisante pour suivre un cours de formation, même si c'est un cours de métier manuel. Je ne parle pas de secrétariat ou quelque chose comme ça où il faut avoir un très bon français. Même un cours qui ne demande pas un excellent français, qui demande uniquement la compréhension, ça ne suffit pas.

Donc, il faut avoir des cours d'appoint ou spécialisés spécifiques pour les gens qui vont retourner sur le marché du travail ou qui veulent suivre des cours de formation. Et là, actuellement, le deuxième projet qu'on a fait, on a augmenté la... De 10 semaines, on en a 14 au niveau du français. Donc, c'est un cours de français qui a été fait un peu sur mesure pour nous. On l'a demandé à votre ministère et on a dit: Bon, ce n'est pas seulement de quel côté on va mettre l'accent; on a donné les livres de soudure; c'est ça qu'il faut qu'ils comprennent. Donc, il y a une formation de français par rapport au métier qu'elles vont devoir apprendre par la suite. Donc, c'était quand même une formation spécifique et, sans ça, c'est absolument impossible pour ces femmes-là de suivre un programme de formation, donc c'est très, très important d'avoir des cours de formation particuliers pour la clientèle des communautés culturelles, parce que même si elles sont passées par les COFI, ce n'est pas suffisant. Donc, il faut pousser plus.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Vous savez qu'actuellement le gouvernement octroie un crédit d'impôt aux entreprises qui veulent faire de la formation professionnelle. Mais on se rend compte que très peu d'entreprises l'utilisent pour les cours de français parce que le cours de français peut servir aussi, est accepté comme formation professionnelle. Qu'est-ce que vous pensez d'un crédit d'impôt qui est accordé à l'entreprise pour l'inciter davantage à donner des cours de français dans le milieu de travail?

Le Président (M. Doyon): Mme Bizzarri.

Mme Bizzarri: Je pense que c'est bon. Mais là, je ne comprends pas pourquoi ils n'acceptent pas, en tout cas, pourquoi c'est difficile.

Mme Gagnon-Tremblay: C'est peut-être parce que ce n'est pas suffisamment connu, je me rends compte... On ne s'imagine peut-être pas que les cours de français font aussi partie de la formation professionnelle.

Mme Bizzarri: Donc, l'idéal, ce serait peut-être de faire un peu de publicité dans ce sens-là. Moi, je sais, par rapport à l'expérience du Collectif, qu'on commence depuis 10 ans à essayer d'avoir des rapports avec les entreprises,

mais ce n'est pas facile. C'est nouveau pour une entreprise, en tout cas, pour certaines entreprises, d'avoir affaire à une clientèle immigrante, et une chose dont nous, on s'est aperçu, par exemple, c'est quand on disait: c'est le Collectif des femmes immigrantes... On appelait pour placer nos femmes en stage; ça raccrochait vite. Donc, on a appris aussi à avoir des stratagèmes. Je ne sais pas si c'est le bon mot. On ne disait pas Collectif des femmes immigrantes, on disait: CFI, subventionné par Emploi et Immigration Canada. Là, on avait une chance de prolonger le discours, essayer de planter notre clou pour dire: Bien, on a des femmes; ça ne vous coûte rien. Est-ce que vous les prenez en stage? Donc, il y a probablement des stratégies auxquelles je n'ai pas pensé. En tout cas, je n'ai pas de réponse à votre question, mais il y a sûrement des stratégies à développer avec les entreprises. Je serais très heureuse de collaborer avec vous ou quelqu'un de votre ministère pour élaborer cette stratégie-là, vu qu'à ce moment-là je serai comme dans le décisionnel et pas le consultatif.

Mme Gagnon-Tremblay: Là, je reconnais bien les groupes de femmes qui sont encore obligées d'utiliser toutes les stratégies pour arriver à leurs fins. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le député.

M. Boulerice: Oui. Mme Bizzarri, si vous me le permettez, avant d'aller vers vous, je vais me permettre une petite question à Mme la ministre. Il y a quelques années, Mme la ministre, il y avait une compagnie qui faisait une publicité à la radio et elle disait: Notre principale richesse, nos employés; notre principale qualité, nos produits. Je ne me souviens plus quelle compagnie, mais en tout cas, je me souviens forcément que le slogan était percutant puisque des années après, ça doit faire peut-être 15 ans, je m'en souviens. Pardon?

Une voix: Sidbec-Dosco.

M. Boulerice: Ah bon! Merci, cher collègue. Oui, vous avez posé la question à Mme Bizzarri, mais...

M. Gobé: ...1978-1979.

M. Boulerice: Nous sommes déjà si vieux, cher collègue. Que le temps fuit!

M. Gobé: J'étais jeune à l'époque. J'étais très jeune...

M. Boulerice: Oui. Et nous mourrons, malheureusement...

M. Gobé: ...contrairement à vous.

M. Boulerice: ...mais enfin! Ceci dit, oui, vous en avez parlé avec Mme Bizzarri, mais ne croyez-vous pas, Mme fa ministre, qu'il faudrait peut-être faire une certaine offensive envers ces entreprises? Je trouve ça un petit peu particulier que l'État leur offre quand même un crédit d'impôt, ce qui est quand même significatif. Un crédit d'impôt, pour employer le vocabulaire courant, ce n'est pas des pinottes pour qui l'emploie parce que, effectivement, la principale richesse, c'est leurs employés. J'avoue que je suis un petit peu étonné de voir le faible taux de réponses de la part de nos entreprises. Est-ce que c'est parce que ce n'est pas ancré dans nos mentalités encore?

Mme Gagnon-Tremblay: Je pense que c'est parce qu'on ne connaît pas suffisamment bien le programme, et on s'imagine que ça s'adresse davantage à de la formation professionnelle, mais que ça n'inclut pas les programmes de francisation. Donc, je pense qu'on a aussi un peu de publicité à faire autour de ce programme. Je dois vous dire que j'ai rencontré aussi, il y a quelque temps, des représentants de l'association de l'hôtellerie et, justement, ils étaient très, très attirés par ça. Ils trouvaient ça quand même important et, souvent, on me disait justement que vous avez du personnel aux chambres, par exemple, qui, si on pouvait lui donner cette connaissance du français, pourrait fort bien travailler dans la cuisine et, par la suite, faire le service aux tables. Donc, on voit l'importance, dans le milieu de travail, de donner aussi cette chance d'apprendre le français dans le milieu de travail. Mais il faut prendre... Je pense qu'avec chaque entreprise il faut faire des ententes avec chacune et les sensibiliser à l'importance de le faire.

M. Boulerice: Alors, vous comprendrez, Mme Bizzarri, qu'il est important que je pose la question à Mme la ministre parce que j'ai trouvé effectivement très intéressant que vous l'exprimiez dans votre mémoire, que les cours de français dans les entreprises sont nécessaires - et vous avez même ajouté indispensables. Sauf que, vous allez convenir avec moi que ça va probablement causer peut-être certaines difficultés d'application. Je pense notamment à ce qu'on appelle les ghettos d'emploi. Je les situe toujours géographiquement à Montréal parce que c'est très identifié: Chabanel, ces emplois dans le textile où on sait qu'il y a une très forte concentration de femmes immigrantes au salaire minimum, sans protection aucune, d'ailleurs. Ce qui préoccupe toujours un syndicat en particulier, et les autres le sont également, mais un en particulier que je connais bien - ses bureaux sont à côte des miens - qui est la CSN, qui revient toujours à la charge là-dessus. Effectivement, il y a un problème au niveau des femmes immigrantes et de l'emploi comme tel.

Mme Bizzarri, vous avez indiqué... et ça aussi, je trouvais ça important. Le Collectif déplore l'absence de modèles d'identification pour les enfants d'immigrants. Tantôt, vos collègues et amis de Trinidad et Tobago ont fait quelque chose d'un peu identique en disant: Oui, mais il y a des modèles d'identification généraux qui n'existent pas. Là, quand vous dites: l'absence de modèles d'identification pour les enfants d'immigrants... La première image qui me vient en tête, et ce sera probablement peut-être un beau jour une belle identification de voir que le jeune joueur de hockey le plus applaudi au Québec sera un petit Québécois d'origine, je ne sais pas, moi, ivoirienne, haïtienne, ou bien vietnamienne. Est-ce un peu dans cet esprit-là que vous le pensiez également? Parce que c'est valorisé pour les enfants, ces modèles-là. Moi, je souhaiterais que ce soit un violoniste aussi, parce que je m'occupe beaucoup de culture.

Le Président (M. Doyon): Mme Bizzarri.

Mme Bizzarri: Je vais essayer de prendre une question à la fois. Donc, par rapport aux cours de langue, quand on dit que c'est indispensable, les cours de langue en milieu de travail, c'est vrai et c'est aussi parce que jusqu'à maintenant il y a une majorité d'immigrants qui ne sont pas passés par des cours de français tout d'abord et qui n'y ont pas eu accès. En ce sens-là, oui, ça devient indispensable.

Maintenant, pour le Collectif, ça reste toujours la première des choses de notre première recommandation, revendication, c'est l'accès pour tous les immigrants aux cours de français en arrivant au Québec. Alors, ceux qu'on n'a pas pu rejoindre de cette façon-là, qu'on les rejoigne de n'importe quelle façon dans le milieu de travail aussi. Mais c'est sûr que l'idéal, c'est qu'on francise les immigrants aussitôt qu'ils arrivent.

Maintenant, l'autre, par rapport à l'intégration des enfants de communautés culturelles. Oui, ça pourrait être comme vous dites. Maintenant, moi, je ne l'avais pas pensé en ces termes-là. Ça, c'est des choses qui vont sûrement revenir avec le temps. Vous savez, parfois, on a l'impression que les enfants s'intègrent. Ils s'intègrent plus vite que leurs parents, c'est sûr. Ils sont jeunes, mais ça ne se fait pas si facilement que ça. Compte tenu que les parents à la maison ne sont pas nécessairement francisés, bien, ça n'aide pas non plus l'enfant à s'intégrer assez vite. Dans les écoles, dans le système scolaire actuel, ces enfants-là ne sont pas identifiés. Il n'y a rien qui leur fait sentir qu'ils font partie de la boutique, de la botte. Le personnel enseignant n'est pas sensibilisé; il est formé pour enseigner une matière et il n'est pas formé pour enseigner à 30 enfants, dont 10 ou 12 nationalités différentes pour lesquels certaines choses ne veulent pas dire la même chose. Aussi, ils sont très réticents à utiliser l'expertise des organismes des communautés culturelles. Donc, pour qu'on puisse se rendre, qu'il y ait un joueur de hockey autre, en toui cas, que je ne le sais pas, haïtien, africain ou qu'il y ait une escrimeuse italienne... Ma fille fait de l'escrime. Elle a déjà gagné les championnat provinciaux...

M. Boulerice: Ah oui! Ah!

Mme Bizzarri: Maintenant, elle ne va pas bien. Donc, avant de se rendre jusque-là, il y a des mesures qu'il va falloir prendre. Donc, il faut que les commissions scolaires élaborent une politique d'embauché de personnel des communautés culturelles. Ça veut dire que, si on a ce personnel-là, l'enfant peut s'identifier à quelqu'un. Il faut que le personnel enseignant reçoive des cours de sensibilisation aux différentes réalités culturelles et aussi, à notre avis, on a besoin d'activités qui suscitent un sentiment d'appartenance de ces jeunes-là. Ces jeunes-là, c'est les Québécois de demain. Donc, ce n'est pas juste une question de leur apprendre le français.

Oui, bien sûr mais il faut aussi qu'ils se sentent partie de ce pays. Ils ont déjà des parents à la maison qui, peut-être, n'ont pas eu la chance, n'ont pas eu l'accès à l'apprentissage du français. En plus, dans les manuels scolaires, ils ne voient pas nécessairement des têtes frisées comme la leur ou de couleur aussi foncée. Ensuite, l'enseignante, avec toute la bonne volonté du monde, n'est pas formée et ne sait pas trop quoi faire. Donc, oui, il faut des programmes de sensibilisation pour les enseignants; il faut embaucher du personnel immigrant; il faut des activités qui donneraient un sentiment d'appartenance à ces jeunes-là dans les écoles.

Il y a aussi, d'après nous, des ressources qui devraient être mises à la disposition des organismes communautaires. Ça pourrait être le gouvernement aussi qui le fasse. En général, ça coûte moins cher quand c'est les organismes communautaires qui le font, et cela viserait à rejoindre les parents des enfants, pour les mettre au courant de ce qu'est le système scolaire ici, comment ça se passe. Ce n'est pas nécessairement comme dans les pays d'origine. Donc, il faut que les parents aussi soient conscients du système scolaire québécois, de la façon, aussi du besoin, qu'ils s'impliquent pour aider leur enfant. Bien sûr, il y a une chose: il ne faut pas s'attendre actuellement, avec le non-accès à l'apprentissage du français pour la majorité des immigrants, que le parent d'un enfant immigrant puisse le soutenir dans les travaux scolaires.

Moi, ma fille, je l'ai aidée jusqu'à ce qu'elle soit en troisième primaire; maintenant, c'est elle qui me dit où mettre les accents. Donc, tout ce que je fais, c'est dire: Est-ce que tu as fait tes devoirs? Mais je ne peux pas la soutenir.

II faut aussi être conscient de ça, qu'il y a une majorité de parents qui ne peuvent pas soutenir ces enfants-là. Donc, il faut que le milieu scolaire tienne compte de ça.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Bizzarri. M. le député.

M. Boulerice: Oui. Vous avez parlé également, Mme Bizzarri, de favoriser l'accès des femmes des communautés culturelles au milieu de pouvoir. Je pourrais vous donner deux exemples qui, à mon point de vue, sont merveilleux. Je pourrais citer Mme Frulla-Hébert qui est ministre des Affaires culturelles et active à l'intérieur du parti ministériel et... Pardon? Je pourrais vous parler aussi, dans notre cas à nous, de Mme Nadia Assimopoulos, qui a assumé des fonctions très importantes à l'intérieur de notre formation politique: présidente de l'exécutif national. Pardon?

M. Gobé: Jean Alfred.

M. Boulerice: Je parle de femmes, monsieur, et je vous prierais de vous taire quand je parle, M. le député de LaFontaine!

Le Président (M. Doyon): Adressez-vous au président, M. le député. C'est le président qui ramène les députés à l'ordre et non...

M. Boulerice: Exercez, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Alors, demandez-le-moi, M. le député.

M. Boulerice: Alors, je vous demande de demander à M. le député de LaFontaine... Ses incartades, depuis le début de la commission, commencent à peser lourd.

Le Président (M. Doyon): M. le député de LaFontaine, je vous prierais d'être prudent dans vos propos. Vous avez la parole, M. le député.

M. Gobé: J'en prends bonne note, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci.

M. Boulerice: Vous allez me dire: Ce n'est que deux personnes que j'ai nommées, mais c'est quand même des exemples qui ont force de valeur. Mais ceci, c'était, pour vous dire: Est-ce que vous avez des relations avec un groupe-Non, je ne me rappelle plus exactement l'appellation, mais comme Mme la ministre a été ministre de la Condition féminine le groupe de Mme Debas qui s'occupe beaucoup de l'accès...

Une voix:...

(20 h 45)

M. Boulerice: FRAP voilà! qui est un groupe qui fait un travail extraordinaire pour l'accès des femmes justement au milieu du pouvoir, milieu économique également. Je pense qu'elles font un travail admirable et je pense que ce serait peut-être intéressant que le Collectif fasse la jonction avec ce groupe.

Mme Bizzarri: J'ai la parole!

M. Boulerice: Enfin, je vous donne comme suggestion comme telle...

Mme Bizzarri: Oui, pourquoi pas!

M. Boulerice: ...parce que je trouvais intéressante l'introduction de cette notion-là de favoriser l'accès des femmes des communautés culturelles aux lieux de pouvoir. Mais une question vraiment qui me tient à coeur... Dans votre mémoire, vous ne discutez pas de la situation de plusieurs femmes immigrantes qui sont en attente du statut de réfugié et ça, vous savez que c'est une condition extrêmement difficile. Je pense que ce n'est pas moi qui vais vous l'apprendre. Votre organisme a-t-il des données sur la situation économique de ces femmes, le type d'emploi, le taux de chômage, etc., et que devrions-nous faire?

Mme Bizzarri: O.K. Bon. Je m'excuse. Je vais en prendre une à la fois et j'en aurais aussi une à commenter... à la fois. Bon. Alors, par rapport au pouvoir, première question. Par rapport... Donc, c'est bien sûr que les organismes, entre nous, on garde les contacts et, en tout cas, on collabore. Maintenant, quand on parle d'avoir des femmes des communautés culturelles associées aux prises de décision, ce n'est pas uniquement de les associer à un organisme qui pousse dans cette direction-là. C'est parfait. Ce que je suis en train de demander ici, c'est que le gouvernement ait une porte plus grande ouverte et qu'il y ait un autre point de vue plus ouvert par rapport... pas juste à un organisme qui pousse dans le dos des femmes pour qu'elles prennent le pouvoir. Il faut aussi, une fois qu'on vient cogner à la porte, que la porte s'ouvre. L'endroit où est le pouvoir, il faut bien que la porte s'ouvre.

M. Boulerice: On a essayé dans LaFontaine.

Mme Bizzarri: Donc, je pense que le gouvernement a son rôle à jouer par rapport à donner l'accès aux décisions à tous les citoyens minoritaires ou pas parce que, au fait, si on met toutes les minorités, communautés culturelles, autochtones, handicapés et toute l'affaire, les femmes, eh bien, on va finir par être une majorité. Et donc, nous, on pense que toutes les minorités devraient avoir accès aux prises de décision au même titre que les autres, parce

qu'on est convaincu que les décisions vont être meilleures une fois qu'on sera là-dedans.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Bizzarri.

Mme Bizzarri: Est-ce que ça répond à votre question?

M. Boulerice: Oui, et pour la situation des femmes immigrantes en attente du statut de réfugié?

Mme Bizzarri: Est-ce que ça vous déplairait de me reformuler la question par rapport aux réfugiés? Je vous avoue que j'ai oublié.

M. Boulerice: Dans votre mémoire... Mme Bizzarri: II n'y a rien.

M. Boulerice: Ce n'est pas un reproche, Mme Bizzarri. Vous n'en parlez pas...

Mme Bizzarri: Oui.

M. Boulerice: Et personnellement, j'attache énormément d'importance à ce volet de l'immigration, des femmes immigrantes qui sont en attente du statut de réfugié. On sait que c'est long. On sait dans quel climat vivent ces femmes, etc. La question que je vous posais, c'est: Votre organisme a-t-il les données qui pourraient peut-être nous permettre de mesurer l'ampleur de tout cela, des données sur la situation économique de ces femmes, le type d'emploi, le taux de chômage qui peut exister chez ces femmes immigrantes en attente du statut de réfugié?

Mme Bizzarri: Nous n'avons rien présenté dans notre mémoire par rapport aux réfugiées, un, parce que le délai était assez court et on a beaucoup d'autres engagements, à part celui de présenter le mémoire, et aussi parce qu'on ne s'occupe pas spécifiquement des femmes. Donc, il y a d'autres organismes, comme la table de concertation sur les réfugiés, dont on s'attend à ce qu'ils mettent l'accent sur ce point-là. Nous, non, on n'a pas de données par rapport à ça. Bien sûr, on trouve que l'attente pour régler le statut de ces gens-là est trop longue. En attendant, ces gens-là ont ici, au Québec uniquement, un accès à l'apprentissage du français qui est quand même limité. Je ne sais plus combien de classes il y a en ville, à Montréal, pour apprendre le français, le soir, à temps partiel, chose très difficile pour quelqu'un qui est réfugié, donc qui a un travail déjà précaire et assez dur. Donc, c'est sûr qu'il faudrait voir à ces changements-là. Maintenant, ce n'est pas notre... Comment est-ce que je pourrais dire? On n'a pas une connaissance spécifique par rapport à ça.

Le Président (M. Doyon): D'accord.

Mme Bizzarri: Ce n'est pas pour rien qu'on n'a pas touché...

M. Boulerice: Mme Bizzarri, votre organisme, comme tous les autres organismes de même nature que le vôtre, ont parlé de financement, ont parlé du subventionnement de l'État à ces organismes, d'une augmentation des subventions. Les budgets, semble-t-il, ne répondent pas aux besoins que vous avez pour le fonctionnement. Donc, je pense qu'on n'entreprendra pas une longue discussion au sujet du bien-fondé de l'augmentation de ces budgets. Mais vous avez, tantôt, fait un exemple qui est important, à savoir que vous passez 6 mois à remplir le formulaire, 6 mois d'attente avant de vous faire répondre que, oui, c'est accepté, et 6 mois avant que le chèque arrive. Donc, si vous avez bien calculé comme moi, ça fait 18 mois déjà que vous avez...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: ...embarqué sur l'année suivante. Et là, vous recommencez encore ce même cycle. Est-ce que ce ne serait quand même pas un certain avantage tout de suite au départ? Dans l'hypothèse que, malheureusement, il n'y a pas d'augmentation, mais s'il y avait au moins la possibilité d'obtenir un budget triennal, ce qui vous éviterait de vivre à la petite semaine et d'aller dans une planification ou une certaine priorisation, ne serait-il pas... Je m'excuse, mais, le temps avançant, l'élocution flanche. Est-ce que ce ne serait quand même pas un petit pas en avant qui pourrait faciliter la vie des organismes comme le vôtre?

Mme Bizzarri: Bon. Alors, c'est sûr que l'augmentation est nécessaire. Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Ha, ha, ha!

Mme Bizzarri: Maintenant, je voudrais juste mettre les points sur les "i". Je n'ai pas dit que ça prend six mois pour remplir un formulaire.

M. Boulerice: Mais, des fois, ça peut aller très longtemps.

Mme Bizzarri: Non. Ce qu'on trouve pénible, c'est de devoir faire des demandes de subvention de six mois en six mois. Donc, ça ne prend pas six mois pour le faire. En tout cas, faire une programmation de six mois, quand on a la réponse à la fin des six mois, alors là, c'est sûr que ça n'aide pas dans l'efficacité d'un organisme. Donc, bien sûr, l'augmentation serait bienvenue. De toute façon, la ministre et d'autres savent c'est quoi, les conditions économiques des

organismes et les finances, ce qu'on a à notre disposition. Maintenant, au cas où il n'y aurait pas d'augmentation, ce serait quand même très bénéfique que les subventions soient stables et plus à long terme. Déjà, ce serait un bon pas. Alors, je ne veux pas renoncer à l'augmentation en disant ça, mais c'est sûr que, si on est financé, supposons, sur deux ans ou trois ans, ça peut être le même montant pendant trois ans, l'un après l'autre, sauf qu'on sait qu'on va les avoir chaque année sur trois ans. Là, on se fait un programme autre que de six mois en six mois. Donc, l'augmentation, c'est bien parfait, mais ce qui est très important, c'est de savoir que pendant deux ans ou trois ans on peut fonctionner. Donc, on peut prévoir des activités à plus long terme, et on devient plus rentable. En tout cas, le service qu'on offre est plus rentable, si c'est fait d'une façon...

M. Boulerice: Parce que ça se fait. En tout cas, pour ce qui est de la culture - je peux vous en parler longuement - il resterait à souhaiter que Mme la ministre fasse la jonction avec sa collègue pour voir quelle est la mécanique du ministère des Affaires culturelles, mais je pense que ça pourrait assez facilement... De toute façon, je la vois assez réceptive à ce niveau-là.

Mme Bizzarri, je vais terminer en vous remerciant de votre participation. J'ai surtout remarqué que ce dossier, vous en parlez avec le coeur et la raison, donc avec une certaine passion. Je pense que c'est un gage d'avancement pour votre collectif d'avoir une personne comme vous à sa direction. Je vous remercie de votre présence, madame.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Richelieu, est-ce que vous avez toujours une question à poser?

M. Khelfa: Merci, M. le Président. Je vais être court pour donner l'occasion à mon collègue de LaFontaine de vous poser une petite question. Mme Bizzarri, dans un premier temps, j'aimerais vous féliciter, vous dire personnellement que je vous admire. Vous êtes toujours très active. On a eu la chance de se rencontrer à quelques reprises. Vous participez à la vie active du Québec.

J'aimerais vous demander si vous pouvez me donner votre propre expérience. Comment vous avez réussi à développer cette implication sociale et à prendre en main des causes qui sont justes et à les faire avancer, comme la cause de la femme, la famille immigrante et la femme, en général? Comment avez-vous réussi à avoir cette maîtrise du français? Quel support financier avez-vous eu? Comment vous pensez prendre le modèle que vous avez eu et le transporter aux nouveaux arrivants?

Le Président (M. Doyon): Mme Bizzarri.

Mme Bizzarri: Donc, si j'ai bien compris, la question est personnelle. Comment est-ce que, moi...

M. Khelfa: Si vous me permettez de la poser.

Mme Bizzarri: Oui, oui. Si les autres n'ont pas de problème, moi, je n'en ai pas. Alors, je ne le sais pas trop. Donc, c'est sûr qu'il y a une chose. Moi, j'ai été de la catégorie chanceuse qui avait accès aux COFI. Donc, comme je l'ai dit tantôt, ce n'est pas suffisant pour se trouver un travail décent et tout le reste. Maintenant, j'ai quand même eu la chance de suivre un cours de français, pendant six mois, aux COFI, ce qui m'a donné une connaissance de base, qui m'a permis, par la suite, de faire d'autres pas. Bien sûr, j'en ai fait un après l'autre. Ça fait 19 ans que je suis là. Alors, voyez-vous, je n'ai pas fait de grands sauts. Je monte les marches une à la fois.

M. Khelfa: Plusieurs, peut-être.

Mme Bizzarri: J'aimerais bien pouvoir voler! Ce n'est pas le cas!

Donc, c'est ça. Je veux dire que je n'avais pas d'autre financement ou d'autre source que celle que le gouvernement a offerte par rapport aux cours de français. Je suis partie de la manufacture, donc, je ne viens pas... J'ai travaillé à la manufacture avant. Le cours de français m'a aidée dans une certaine mesure, et ça m'a permis après de changer. Pourquoi, moi, j'ai fait ce que j'ai fait? Pourquoi j'ai mis autant de coeur et de passion, pas dans certains dossiers, dans tous les dossiers où je mets les mains?

M. Khelfa: C'est normal. Vous prenez à coeur la société québécoise. Je vous félicite. Mais là, si je comprends bien, le déclencheur, c'a été le COFI et votre volonté de faire quelque chose pour la société.

Mme Bizzarri: Ça s'est fait à deux. Ça s'est fait à deux dans le sens que c'est sûr qu'il faut que la société québécoise donne un coup de main, et c'est les immigrants aussi. Donc, ça s'est fait à deux. Maintenant, si l'immigrant ou moi, je n'avais pas eu cet accès-là et j'étais tout le temps restée à la manufacture, peut-être qu'avec mon caractère je serais sortie pareil. Ça aurait pris beaucoup plus longtemps parce que le besoin primordial de remplir le frigidaire passe avant tout, pour moi comme pour n'importe qui d'autre. Alors, si je n'avais pas eu cette chance-là, eh bien, ça m'aurait pris peut-être plus longtemps et peut-être pas non plus.

M. Khelfa: Juste une dernière...

Mme Bizzarri: Sans vouloir rien enlever à mes qualités personnelles... mais c'est sûr que

l'ai eu besoin du minimum. La société, il faut aussi qu'elle ouvre les portes aux immigrants pour que nous, on puisse participer... (21 heures)

M. Khelfa: À partir de votre expérience - et je termine avec ça - lesquelles vous semblent répondre le mieux aux besoins des femmes immigrantes en matière de francisation? Est-ce que c'est le pays d'origine, le milieu scolaire ou bien les médias ethniques?

Mme Bizzarri: Est-ce que vous...

M. Khelfa: Pour franciser une immigrante...

Mme Bizzarri: Oui.

M. Khelfa: C'est quoi le milieu le plus propice pour vous?

Mme Bizzarri: Bon. Moi, tout d'abord, je reviens avec la même chose; depuis 1983, je le dis. Tout d'abord, il faut que toutes les immigrantes aient accès à l'apprentissage du français avec une allocation minime qui leur permette de survivre. Parce que si j'ai accès mais je n'ai pas un sou noir, bien, je vais aller sur le marché du travail, et le marché du travail auquel les immigrants ont accès ou ont une chance d'être engagés n'est pas francophone. On parle uniquement francophone. Donc, ce n'est pas seulement une question de milieu favorable pour apprendre le français. La question première, d'après nous, au Collectif, c'est que toutes les immigrantes devraient avoir accès à l'apprentissage du français. Tu arrives au Québec. Bien, voilà, ma chérie, six mois de cours de français! Et je te donne, même si c'est très peu, un minimum pour que tu ne meures pas de faim pendant que tu suivras ces cours-là.

Parce que, au fait, les allocations que le fédéral, jusqu'à maintenant, a données et que le provincial a gérées, là - ce qu'on fera par la suite, on verra bien - ce sont des allocations qui équivalent au BS, au bien-être social. Donc, moins que ça pour survivre, on ne peut pas l'avoir, donc, c'est ça le départ; c'est ça et une fois qu'on a ça, je pense qu'après... on verra, après. Donnez-nous ça. On verra après si ce sont les organismes communautaires, si c'est ci, si c'est ça. Donnez-nous l'accès à l'apprentissage après que les cours eurent été donnés aux COFI. Qu'ils soient donnés dans l'organisme à côté du nôtre, est-ce que ça a vraiment une importance? Je ne suis pas sûre.

En tout cas, c'est comme le droit de vote aux femmes. Quand les femmes n'avaient pas le droit de vote, on disait... Il y en avait qui disaient: Ah! mais elles ne sauront pas pour qui voter, peut-être qu'elles voteront mal, peut-être qu'elles n'iront pas voter, elles ne seront pas intéressées; en tout cas, plein de choses.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, madame...

Mme Bizzarri: Une fois qu'on leur a donné le droit de vote, elles l'ont utilisé. Donc, donnez-nous l'accès à l'apprentissage du français; après, on verra bien les milieux les plus favorables. C'est l'accès et des allocations qui vont nous permettre de survivre, qui vont faire qu'on va se franciser.

Le Préaident (M. Doyon): Merci, Mme

Bizzarri. Le temps est écoulé. Vous permettrez à

Mme la ministre de vous remercier en quelques mots.

Mme Gagnon-Tremblay: Bien sûr que je voudrais remercier Mme Bizzarri. Et je retrouve en elle la batailleuse, celle qui ouvre encore, et je dirais même, qui défonce encore des portes pour pouvoir atteindre les objectifs qu'elle se fixe. Alors, je vous encourage à continuer et je vous remercie beaucoup aussi des propositions que vous nous avez faites, et je les prends en considération. Merci beaucoup, Mme Bizzarri. Bon voyage de retour.

Le Président (M. Doyon): Au nom de tous les membres de la commission, Mme Bizzarri, merci beaucoup.

Mme Bizzarri: Est-ce que j'ai le droit de dire quelque chose encore ou non?

Le Président (M. Doyon): Ah! si vous avez quelque chose à ajouter, allez.

Mme Bizzarri: Bien, j'espère, Mme Gagnon-Tremblay, de défoncer votre porte aussi.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Gagnon-Tremblay: Elle est déjà ouverte.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Bonsoir.

Mme Bizzarri: Bonsoir.

Le Président (M. Doyon): Nous allons maintenant, en permettant à Mme Bizzarri de se retirer, demander aux représentants de la Maison d'Afrique, Mme Hekpazo et M. Ndiaye, de bien vouloir s'approcher.

Maison d'Afrique

Mme Hekpazo (Jacqueline): Juste Mme Hekpazo.

Le Président (M. Doyon): Alors Mme Hekpazo, soyez doublement bienvenue. Vous savez

comment on fonctionne à peu près. Mme Hekpazo: Oui.

Le Président (M. Ooyon): Une vingtaine de minutes pour vous et, ensuite, on se partage le reste du temps. Nous vous écoutons.

Mme Gagnon-Tremblay: Bonjour, madame.

Mme Hekpazo: Bonjour. Alors, une mise au point préliminaire. Dès la préface de l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration, les limites de l'exercice sont clairement posées par le premier ministre lui-même: "Dans le cadre constitutionnel actuel, nous ne possédons pas tous les pouvoirs nécessaires pour atteindre seuls les objectifs du présent énoncé." De fait, selon l'article 95 de la Constitution, une incompatibilité des lois peut limiter le pouvoir des provinces. Dans ce cas, lorsque l'application d'une loi ou d'un règlement provincial entraîne la désobéissance à une loi ou à un règlement fédéral, c'est la loi fédérale qui a prépondérance.

En outre, les politiques d'accès au territoire canadien sont de plus en plus restrictives et ce, depuis l'adoption des lois fédérales C-24 en 1976, C-55 et C-84 en 1988. Pourtant, d'après Statistique Canada de 1984, il faudrait 275 000 immigrants par année pour avoir un taux d'accroissement de la population d'à peine 1 %.

Que dire également de la Loi sur les langues officielles - C-72 - qui prône le bilinguisme, alors qu'au Québec existe une Charte de la langue qui tend à franciser l'ensemble de l'activité économique et sociale, la loi 101?

Malgré ce que semble croire la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, ce n'est pas la première fois que le Québec se dote d'orientations dans ce domaine. En effet, "Autant de façons d'être Québécois" exprimait déjà une vision ainsi qu'un plan d'action en faveur des communautés culturelles, un plan qui avait d'ailleurs suscité beaucoup d'espoir mais qui est resté lettre morte.

Le ministre délégué aux Communautés culturelles, quant à lui, pose une facette essentielle de la problématique immigration-intégration. Les rapports intercommunautaires harmonieux sont plus faciles à établir quand il n'y a pas de lien entre le statut socio-économique des individus et leurs attributs ethniques. À la fin de son message, quand le ministre délégué écrit: "Les Québécois des communautés culturelles sont d'abord et avant tout des Québécois tout court", il semble oublier toute la problématique constitutionnelle en cours.

Quelques commentaires sur la première partie de l'énoncé. Les auteurs de l'énoncé semblent croire que l'immigration, de façon générale, est un choix. Pour nous qui sommes originaires d'Afrique, donc du tiers monde, ce sont les conditions matérielles et sociales d'existence extrêmement difficiles qui nous amènent, pour la majeure partie d'entre nous, de l'exode rural à la ville et au chômage et de là, à l'immigration. En outre, le fait de s'établir au Québec est dû à ce que le Canada était l'un des derniers pays occidentaux relativement ouverts pour l'immigration. Du moins, c'est cette image qui perdure à l'étranger car, dans les faits, la migration a toujours été éminemment sélective au niveau de la classe socio-économique. Il y a, d'une part, des immigrants indépendants, travailleurs qualifiés et productifs et, d'autre part, des immigrants parrainés, en majorité non qualifiés ou, au mieux, dont les qualifications ne sont pas considérées.

En outre, jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la politique d'immigration du Canada souffrait du cadre discriminatoire dit du traitement préférentiel. Jusqu'en 1967, les personnes de race noire faisaient face à des politiques très restrictives en matière d'immigration; sauf en 1955, où le gouvernement fédéral accepte l'entrée de 280 Antillaises anglophones se destinant à des emplois de domestiques. Cette mesure comblait un besoin temporaire de main-d'oeuvre dans un domaine peu valorisé. Jusqu'en 1967, l'immigration noire était principalement anglophone, féminine, cantonnée dans des secteurs d'emploi dits féminins: les infirmières, ouvrières ou domestiques. Ceci étant posé, qu'en est-il de l'entente Cullen-Couture?

L'entente Cullen-Couture reconnaît au Québec des responsabilités en ce qui concerne la détermination du volume et la sélection de ses immigrants. En fait, le Québec sélectionne seulement les immigrants indépendants auxquels s'est ajoutée, depuis quelques années, la catégorie des immigrants investisseurs. Or, les immigrants indépendants sont ceux qui ne répondent ni à la catégorie de la réunification de la famille ni à celle des réfugiés qui, eux, comptent pour environ la moitié de l'ensemble des arrivées en 1988 et échappent à tout contrôle du Québec.

En outre, il est bon de souligner qu'un investisseur investit pour son profit propre et très secondairement pour le bénéfice du pays d'accueil. Le fédéral garde aussi l'exclusivité de la mission au niveau des règles relatives à la santé et à la sécurité. L'entente Cullen-Couture de 1978 n'abordait pas directement la question de l'intégration des immigrants, mais le fédéral intervient par le biais de la politique du multiculturalisme et par ses responsabilités dans le domaine de l'emploi.

On notera encore ici une incompatibilité fondamentale entre le concept d'une société francophone distincte et celui d'une société multiculturelle. L'échec de l'accord du lac Meech a remis en question ces conceptions. Le Canada est-il une mozaïque de communautés ethniques, une juxtaposition multiculturelle, étant entendu alors que les Canadiens français sont un groupe ethnique parmi les autres? Mais ni le Québec ni

les autochtones ne se reconnaissent ainsi. Ou bien le Canada est-il une fédération où toutes les provinces sont égales? Dans ce cas, il n'y aurait aucune raison pour que le Québec ait un statut distinct de celui des autres provinces. C'est donc dans ce contexte qu'il faut comprendre les questions soulevées par l'immigration et l'intégration.

Le fédérai fixe donc toujours les nonnes et objectifs nationaux. C'est toujours lui qui détermine le nombre d'immigrants que le Canada accepte, le Québec n'obtenant que le droit d'en accueillir un nombre proportionnel à sa part de la population canadienne plus 5 % pour des raisons démographiques. Le premier ministre canadien le dit ainsi: "L'entente sur l'immigration ne défavorise donc aucune province. Nous ajouterions qu'elle n'en favorise aucune et qu'elle ne favorise donc pas le Québec pour les raisons que le premier ministre cite lui-même: "Personne n'interprète cette disposition comme un engagement ferme de la part du gouvernement fédéral à envoyer un certain nombre d'immigrants au Québec. Elle n'est pas non plus un engagement de la part du Québec à accueillir un certain nombre d'immigrants. De plus, personne ne peut garantir que tous ceux qui s'établissent au Québec vont y demeurer étant donné que le principe de libre circulation et d'établissement des personnes prime dans la Charte et garantit que les immigrants venus au Québec restent libres de s'installer dans une autre province."

À propos de l'obligation contractuelle et du programme d'accès à l'égalité dans la fonction publique, en considérant ce qui se fait au niveau fédéral dans ce domaine, nous pourrons mieux juger des difficultés de réalisation de ces deux points.

La Loi sur l'équité en matière d'emploi fait obligation pour les entreprises sous juridiction fédérale comptant 100 employés et plus de produire un rapport annuel sur l'état d'avancement de leurs programmes d'équité en matière d'emploi. Mais la loi ne prévoit aucune sanction pour les sociétés qui n'atteignent pas un taux satisfaisant de représentation. Le pourcentage de représentation d'un groupe cible donné au sein de la fonction publique peut être considéré, quant à lui, comme un indicateur de la place réservée dans la société à ce groupe donné, à l'instar du PNB comme indicateur de développement d'un pays donné.

C'est ainsi qu'une étude du Conseil ethno-culturel du Canada, basée sur les rapports de 13 sociétés nationales, souligne la piètre performance de la représentation des minorités visibles au sein de ces sociétés soumises à la réglementation fédérale. Alors que les minorités visibles constituent 6,3 % de la population active au Canada, leur taux de représentation est nettement inférieur.

En outre, l'étude notait que les travailleurs des minorités visibles occupent surtout des emplois semi-spécialisés, manuels et de soutien administratif. Ils doivent faire face, de plus, à la discrimination systémique ancrée dans ces entreprises.

Au niveau québécois, concernant cette question de sous-représentation dans la fonction publique, ce que l'on constate, c'est que la proportion des minorités ethniques va en décroissant: 4,3 % en 1986; 4,14 % en 1987; 3,8 % en 1989.

À la lumière de ces chiffres qui touchent l'ensemble des groupes ethniques, nous nous demandons comment le pourcentage de 12 % va être atteint, et ce, d'ici à 1993. Et, spécifiquement, quel sera le taux de représentation des minorités visibles à l'intérieur de ce pourcentage? Surtout que, comme le déclarait l'ex-ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, Mme Louise Robic: "À ce niveau, le plus grand problème qui se pose est celui de la diminution de la taille de l'État, prônée par le gouvernement libéral. Ainsi, on ne recrute pratiquement plus dans le secteur public, qui compte à peine, parmi ses effectifs, 3 % des représentants des minorités ethniques."

À propos de l'avenir démographique du Québec, selon une étude rendue publique en décembre 1989 par le gouvernement fédéral, il est montré que la proportion des francophones du Canada continue de diminuer et n'est plus que de 23 % de l'ensemble canadien, après avoir atteint 30 % en 1950.

D'après une projection du Bureau de la statistique du Québec, à partir des données du recensement de 1981, en 1981, la population québécoise constituait 27 % de l'ensemble canadien. Elle serait de 20 % dans 40 ans. Et à partir des données de 1986, la part du Québec diminue sans cesse de 26 % à 24,5 % de l'ensemble national entre 1986 et 2011, sur une période de 25 ans, donc moins du quart de la population du Canada. Ces données posent directement le problème de la diminution du poids relatif du Québec dans l'ensemble canadien, ceci pouvant amener une érosion de son poids politique.

Pour 1990, il fallait autour de 40 000 immigrants pour que le Québec accueille 25 % des immigrants du Canada. Or, il y a eu 25 000 immigrants en 1988; 30 000 en 1989; 35 000, probablement, en 1990. Selon Mme Nicole Brodeur, pour 1990, 30 000 à 33 000 immigrants étaient prévisibles. De 1980 à 1988, la moyenne annuelle est d'environ 20 000 immigrants pour le Québec, c'est-à-dire 17 % de l'ensemble canadien. On est loin des 25 %. Pour remonter la côte, ne pourrait-on pas considérer la suppression de l'arriéré qui concerne 35 000 personnes environ au Québec? De 1980 à 1989, le Québec aura donc reçu environ 230 000 immigrants, soit une moyenne annuelle de 23 000, comme la décennie précédente. C'est en 1967 que le chiffre record de 55 000 immigrants a été atteint pour le Québec. Cela coïncidait avec un taux de chômage

de moins de 6 %. En 1984, par comparaison, c'est un peu moins de 15 000 immigrants qui arrivent au Québec. Cela coïncidait avec la fin d'une récession qui portait des taux de chômage de 13 % à 14 % par endroits.

Le Québec n'ayant pas actuellement de politique de plein-emploi, il est à craindre que, tout comme au fédéral, les politiques d'immigration développées par les deux gouvernements se rejoignent dans le fait que l'entrée au Canada est favorisée pour les capitaux et les personnes fortunées, et l'accès est rendu plus difficile aux travailleurs ordinaires, avec peu ou pas de qualification, ainsi qu'aux personnes démunies ou en détresse. L'énoncé de politique se dirige donc dans la même direction.

À propos de la pérennité du fait français, Ses autorités fédérales admettent que leurs politiques en matière d'immigration favorisent les anglophones. En 1987, 31 % des immigrants étaient des anglophones, 19 % des francophones; alors qu'en 1983 32, 7 % étaient francophones et 21 % des anglophones. En 1988, sur 160 000 immigrants au Canada, 12 124, soit 3 %, connaissaient le français et 46 % l'anglais. Et cette proportion demeure inchangée depuis au moins une décennie, admettent ces mêmes autorités. M. Jean Dorion de la SSJBM évalue le pourcentage d'immigrants sans connaissance du français à leur entrée au Québec, de 62 % qu'ils étaient en 1985 à plus de 70 % en 1988. Il est normal dans ce contexte d'insister sur la francisation et d'en demander le financement nécessaire au fédéral.

On peut souligner aussi que les coûts engagés pour la francisation sont minimes par rapport aux coûts engagés par les pays d'origine pour la formation de ces travailleurs qui émi-grent ensuite pour le bénéfice du pays d'accueil.

A propos du contrat moral, il est écrit que "l'immigration est un facteur nécessaire et un atout", et un peu plus loin, "l'immigration constitue un privilège accordé par la société d'accueil". Il semble donc y avoir quelque contradiction dans les termes! (21 h 15)

Nous ne pensons pas qu'il y ait une morale attachée au phénomème de l'immigration. C'est une nécessité de part et d'autre, autant pour la société d'origine que pour la société d'accueil. L'immigration comble des besoins. Pour le Québec, il s'agit d'un besoin de main-d'oeuvre et de capitaux, d'un besoin linguistique et culturel et d'un besoin démographique. Pour l'immigrant, il s'agit d'un besoin de travail et d'un besoin d'améliorer ses conditions de vie. Il y a donc convergence des besoins socio-économiques et cette convergence peut se faire non pas sous le signe de la culture, mais bien plutôt sous le signe de l'égalité. S'il faut parler de contrat, c'est donc plutôt d'un contrat social dont il faudrait parler. Le Québec est en pleine redéfinition actuellement; il est à la veille de se doter d'un nouveau contrat de société. Il est essentiel que les groupes ethniques en général et les minorités visibles particulièrement soient parties prenantes également de ce processus de redéfinition.

Commentaires sur les autres parties de l'énoncé. Nous constatons l'absence de l'Afrique noire au titre de grand bassin de migrants potentiels et donc l'absence également d'un service permanent d'immigration du Québec. Ce désintérêt est présent également au niveau fédéral. Le gouvernement fédéral a confié l'Afrique et le Moyen-Orient à 19 agents d'immigration tandis que 68 autres couvrent l'Asie et le Pacifique. L'immigration suit en cela le chemin de l'économie. Il y a un seul agent canadien à Rabat, pour les pays d'Afrique du Nord, et 3 pour les 21 pays francophones d'Afrique. Dans ce contexte-là, à quoi peut bien rimer le beau discours sur la francophonie, tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial? Faudra-t-il qu'un candidat à l'immigration au Québec, originaire d'Afrique noire, se rende à Paris pour pouvoir être sélectionné ou qu'il attende la venue d'une mission spéciale de sélection au Maghreb?

Concernant la notion d'adaptabilité professionnelle, l'expérience n'a-t-eile pas suffisamment démontré qu'un immigrant travaille rarement, à son arrivée, dans le secteur pour lequel il a été formé. Ce critère sert-il à dissuader le candidat de se plaindre advenant qu'il ne puisse travailler dans son domaine une fois au Québec? L'obligation d'accepter tout type de travail fait-elle partie du contrat moral de tout futur immigrant?

A propos des réfugiés, nous approuvons l'élaboration d'instruments d'information et d'éducation de la population sur la situation des réfugiés dans le monde. La population québécoise sera à même de constater que c'est le continent africain qui renferme le plus grand nombre de réfugiés de par le monde. Sur les 15 000 000 de réfugiés recensés de par le monde, le continent africain en abrite plus de la moitié. L'accueil des réfugiés étant du ressort du fédéral, environ un tiers des réfugiés admis au Québec sont réellement choisis alors que le Québec reçoit plus de la moitié des revendicateurs du statut de réfugié.

Nous déplorons vivement le fait que l'énoncé de politique reprenne les mêmes critères d'analyse en cette matière que ceux du fédéral. Nous sommes très surpris de voir également que les auteurs de l'énoncé pensent réellement que les lois C-55 et C-84 ont suscité beaucoup d'espoir. Au contraire, ces lois ont soulevé un énorme tollé de protestations.

Recommandations. Amnistie ou plutôt régularisation des dossiers pour les revendicateurs du statut de réfugié en attente depuis plusieurs années et qui, pendant toutes ces années, ont contribué par leur travail au développement économique du pays d'accueil; que l'argent ainsi libéré au fédéral puisse servir à faciliter leur insertion au Québec. Le nombre estimé de ces

personnes est de 36 070.

Acceptation d'un plus grand nombre d'immigrants et de réfugiés, c'est-à-dire jusqu'à 50 000 personnes par année. Selon l'Office de planification démographique du Québec, la population prévue pour 2001 est de 7 062 000 habitants. Si l'on compte accueillir 40 000 immigrants par année à partir de 1990, soit sur une période de 11 ans, le Québec, recevra donc 440 000 personnes; ajoutons quelques cas spéciaux de réfugiés, par exemple, environ 10 000 par année. Pendant la même période, cela nous donne un total de 550 000 personnes, soit un apport d'un peu plus de 500 000 personnes sur un peu plus de 7 000 000 de Québécois.

Rapatriement total des pouvoirs par le Québec au niveau de la main-d'?uvre et de l'immigration, car emploi et immigration sont les véritables plaques tournantes de l'avenir sociolin-guistique du Québec. Abrogation de l'article 95 de la Constitution. Reconnaissance de la prévalence de fa loi 101 sur la loi C-72. Suppression du contrat moral pour que les Néo-Québécois deviennent des Québécois à part entière.

Ne faudrait-il pas qu'il y ait un Québec qui soit un pays à part entière? L'octroi de la nationalité canadienne, symbole de l'acceptation en tant que citoyen à part entière, relève du gouvernement fédéral. Le Québec, lui, n'a pas encore le pouvoir d'octroyer la nationalité, la citoyenneté. Le défi de l'immigration n'est pas tant l'intégration en soi, mais la gageure, l'enjeu est bien plutôt que celle-ci se fasse sous le signe de l'équité.

Renforcement des structures d'accueil déjà existantes des organismes communautaires et populaires au niveau des services de première ligne d'aide aux immigrants et aux réfugiés. En créer au besoin. Accès facilité au statut d'immigrant reçu pour les travailleurs et travailleuses avec permis de travail temporaire, après un an de séjour au Québec. Mise en oeuvre d'une politique conséquente de développement de l'emploi dans les régions ainsi que la mise sur pied de structures d'accueil et d'appui adéquates pour qu'une régionalisation de l'immigration ait des chances de réussite. Révision de la configuration du réseau et des ressources consacrées au service d'immigration en Afrique noire. Revalorisation de l'enseignement de l'histoire et de la géographie. Information et éducation sur le phénomène de l'immigration et ses causes. Abrogation de l'article 93 de la Constitution qui protège les commissions scolaires des deux majorités confessionnelles à Montréal et à Québec. Inscription dans la Charte des droits et libertés de l'interdiction de discrimination contre un immigrant, basée sur le fait qu'il n'est pas citoyen.

Transfert des communautés culturelles au ministère des Affaires culturelles. Les cultures d'apport ne doivent pas être reléguées à un niveau secondaire. La hiérarchisation des cultures ne doit pas être. La caractéristique d'une culture est d'être vivante, ouverte sur l'avenir. Ce n'est pas le cas jusqu'à présent. On croirait en effet qu'il existe d'une part une culture en mouvement, en perpétuel renouvellement, qui est la culture québécoise et de l'autre, des curiosités, des cultures figées qui végètent et qu'on appelle les communautés culturelles. Pour une culture féconde, la confrontation culturelle est nécessaire. La culture se vit mais ne se morcelé pas. Les cultures d'apport ne doivent pas rester statiques. Les échanges interculturels doivent se développer davantage pour que puisse grandir une culture francophone active à vivre ensemble.

Élimination des barrières que sont l'obligation de l'engagement du garant et le niveau d'engagement financier. Soutien aux organismes de lutte contre le racisme. Soutien accru aux programmes d'aide au développement. Il n'est pas inutile de rappeler que le système économique international étant marqué par l'inégalité des échanges entre les pays du Nord et ceux du Sud, l'immigrant originaire du Sud va porter cette marque catégorisatrice déjà porteuse de discrimination. M. Régis Vigneau, ex-sous-ministre adjoint du MCCI, déclarait en 1986: 'Tant que les pays industrialisés ne consentiront pas à assurer aux pays non industrialisés les conditions de leur développement chez eux, l'exode de ressortissants de ces pays vers les nôtres ne pourra que s'accentuer."

En conclusion, l'énoncé de politique provinciale en matière d'immigration et d'intégration ne se démarque pas de la politique fédérale en la matière. L'immigration se fait toujours en fonction des besoins du pays d'accueil, que ce soit pour son image de marque humanitaire, pour ses besoins en main-d'oeuvre à bon marché et de professionnels déjà formés, pour ses besoins en capitaux: immigrants investisseurs, ou pour ses besoins démographiques: familles et femmes immigrantes parrainées qui ne coûtent rien au pays d'accueil. Quant à l'intégration, regardons ce que disait le rapport final du Comité spécial sur la participation des minorités visibles dans la société canadienne. "Dans la société canadienne, il existe une tension entre les partenaires européens originaux de la Confédération, qui dominent les institutions canadiennes, et les autres peuples qui désirent partager entièrement la vie institutionnelle du pays. La participation égalitaire des pièces de la mosaïque est inhérente à la notion de la diversité de la société canadienne.

Pourtant, la société canadienne est en fait une mosaïque verticale avec quelques morceaux surplombant les autres. Une surface inégale. Tant et aussi longtemps que nous nous obstinerons à maintenir la rhétorique des deux peuples fondateurs, les Canadiens possédant un héritage autre que français ou anglais ne pourront se faire reconnaître comme égaux dans le développement du Canada, ni ne pourront acquérir un

sentiment d'appartenance. Le droit à la différence doit s'accompagner du devoir d'égalité économique et sociale; sinon cela peut mener de la marginalisation à l'exclusion. La question de l'intégration des immigrants ne pourra être que très problématique tant que le contexte constitutionnel est ce qu'il est.

En effet, tant que la question nationale n'est pas résolue au Québec, toute la problématique de l'immigration et de l'intégration resteront comparables au mythe de Sisyphe. J'ai fini.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Hekpazo. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci aussi, Mme Hekpazo, de votre présentation. Et je passe immédiatement aux questions. Aux pages 4 et 5 de votre mémoire, vous manifestez votre inquiétude sur la proportion des minorités ethniques dans la fonction publique québécoise. Le gouvernement est très sensible à cette problématique et, vous savez, c'est pourquoi il a annoncé en 1989 la mise en oeuvre du programme d'accès à l'égalité dans la fonction publique, étant donné la concentration de la fonction publique à Québec, nous avons en particulier décidé d'éliminer le critère de résidence dans la région de Québec pour la dotation de postes. Et une stratégie visant à attirer les Québécois des communautés culturelles à postuler aux divers emplois disponibles va également être mise sur pied.

Donc, présentement aussi, nous sommes à mettre sur pied des cours sur la fonction publique à l'intention des Québécois des communautés culturelles. Et pour vous, quel type de collaboration votre organisme pourrait-il nous apporter pour faire mieux connaître la fonction publique et la possibilité d'y faire carrière auprès d'éventuels candidats de votre communauté?

Mme Hekpazo: II y a déjà eu des représentations de faites de la part de fonctionnaires du gouvernement à l'annonce du plan. Donc, ça fait depuis 1989 et on est en 1991. Il y a plusieurs banques de candidats qui se sont formées et nous sommes en lien avec les organismes qui suivent, justement, les dossiers. Mais ça fait déjà plus d'un an et il n'y a toujours pas d'avance réelle.

Mme Gagnon-Tremblay: Pouvez-vous me dire, M. le Président...

Le Président (M. Doyon): Oui, allez, Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: ...cependant, parmi les candidats ou candidates que vous avez suggérés ou que vous avez inscrits dans la banque, est-ce qu'il y a des personnes, parmi ces personnes, qui ont passé un concours?

Mme Hekpazo: Oui, des concours et différents tests. Ils ont réussi. Il y en a qui ont été embauchés pour des périodes temporaires, mais c'est sur une base temporaire.

Mme Gagnon-Tremblay: Mais, je voulais dire, temporaire ou occasionnelle?

Mme Hekpazo: Occasionnelle. C'est ça le mot, oui.

Mme Gagnon-Tremblay: Parce que vous savez que vous avez des occasionnels pendant 10 ans aussi dans la fonction publique; mais finalement, il y a quand même eu un résultat. Vous avez certains résultats positifs, là.

Mme Hekpazo: Sur de courtes périodes. Mme Gagnon-Tremblay: Oui.

Mme Hekpazo: On est conscients que c'est sur du long terme mais quand on sait que, dans la plupart des gouvernements, on a tendance à dégraisser la fonction publique, je vois mal, s'il n'y a pas un redressement ou un changement en termes de politique d'ouverture d'emploi, comment ça pourra se faire, disons, à moyen terme.

Mme Gagnon-Tremblay: Mais ces personnes qui ont été embauchées de façon occasionnelle, est-ce qu'elles sont encore en poste actuellement ou si elles sont déjà sorties de la fonction publique?

Mme Hekpazo: II y en a quelques-unes qui sont sorties et qui sont un peu désabusées. Mais on essaie toujours de les repousser pour qu'elles maintiennent leur candidature et pour voir justement si, effectivement, au bout de quelques années, il y a des chances beaucoup plus sûres de percer, disons.

Mme Gagnon-Tremblay: Et parmi les candidats ou les candidates qui n'ont pas réussi le concours, est-ce qu'on vous a indiqué certains problèmes, les raisons pour lesquelles ils ou elles croyaient ne pas avoir réussi le concours? Parce que je pense que ce qui est important au niveau du programme d'accès à l'égalité, c'est d'être capable de travailler sur les causes mêmes, sur les causes de... Qu'est-ce qui fait, par exemple, qu'on ne peut pas réussir le concours? Je pense que c'est là qu'est la clé du succès, finalement.

Mme Hekpazo: Disons que c'est dans l'élaboration, peut-être aussi, des textes ou du contenu des examens eux-mêmes. Il faudrait peut-être voir aussi ce qui est demandé, ce qui correspond aussi un peu à l'expérience des personnes. Mais, ça, ça se justifie très rarement parce que la plupart des postulants ont étudié ici avec les mêmes étudiants québécois, dans les

mêmes domaines...

Mme Gagnon-Tremblay: O.K.

Mme Hekpazo: ...et avec comme résultat, pas d'embauché au bout, pas de façon sûre.

Mme Gagnon-Tremblay: Les personnes qui ont été embauchées, est-ce qu'elles l'ont été plutôt dans des organismes, dans des ministères situés à Montréal?

Mme Hekpazo: C'est plutôt à Montréal, oui.

Mme Gagnon-Tremblay: À Montréal. Quels sont, selon votre expérience avec des gens originaires d'Afrique, les éléments qui pourraient les attirer dans la région de Québec pour y vivre?

Mme Hekpazo: Bien, comme on dit, le gagne-pain. S'il y a une assurance de travail, je pense que la plupart des gens sont prêts à aller là où il y a du travail, où il y a des gagne-pain, où il y a une possibilité de vie qu'on peut planifier pour s'installer, pour rester là, oui. Ce n'est pas uniquement aussi dans la région de Québec. Ça peut être dans les autres régions du Québec. Mais comme on l'a mentionné, s'il n'y a pas de programme politique de développement régional, s'il n'y a pas de mesures de soutien avec, je ne vois pas comment ça pourrait réussir.

Mme Gagnon-Tremblay: D'après votre expérience, les personnes qui ont suivi le concours, qui ont réussi le concours, ces personnes-là, si le poste avait été à Québec, elles auraient accepté volontiers de se déplacer, de venir vivre à Québec, vous croyez?

Mme Hekpazo: Je pense que oui. Mme Gagnon-Tremblay: Oui.

Mme Hekpazo: Si c'est un poste ferme, même si c'est pour un an, de par les conditions de chômage des gens de notre communauté, je pense qu'il n'y a pas réellement un choix. On va prendre, c'est certain.

Mme Gagnon-Tremblay: Je vous disais tout à l'heure que nous sommes à mettre sur pied des cours sur la fonction publique à l'intention des Québécois et des communautés culturelles. Est-ce que vous avez des suggestions concernant les éléments qu'on pourrait inclure dans un tel cours?

Mme Hekpazo: Vous l'avez déjà mentionné. Enfin, si vous pensez à un programme de coordination dans les différents ministères concernant ce qu'on appelle la formation interculturelle et le mode de vie québécois, etc., mais comme je vous le dis, la plupart des postulants ont étudié ici. Ce sont des gens qui sont formés comme les Québécois. Ils ont, en plus, l'expérience de leur pays d'origine, paice que, souvent, on doit doubler notre temps d'études, recommencer ou s'orienter autrement. Donc, je pense qu'il y a... Sauf si vous avez vraiment, s'il y a des arcanes du pouvoir dans la fonction publique, là, je dis d'accord; on serait intéressé à rentrer dedans. (21 h 30)

Mme Gagnon-Tremblay: Dans votre mémoire, vous démontrez aussi un souci marqué de rapprocher les communautés originaires de l'Afrique de la population québécoise. Vous insistez aussi sur l'aspect dynamique des cultures en présence, la minorité comme la majorité, qui doivent accepter de se modifier. Avez-vous initié des activités visant, par exemple, à faire mieux connaître cette culture aux Québécois de souche?

Mme Hekpazo: Oui. Disons que depuis plusieurs années, enfin, plus particulièrement dans les années quatre-vingt, nous avons eu un festival de l'échange. Alors, c'étaient les communautés du tiers monde qui se réunissaient, qui étaient ensemble, d'Asie, d'Amérique latine et d'Afrique, pour faire connaître les réalités des pays d'origine à la population québécoise. Ça a eu un succès mitigé, c'est certain, parce que, aussi, le degré d'accueil de la société québécoise n'était pas encore tellement développé, pas comme dans ces années qui viennent; enfin, je l'espère. Il y a beaucoup d'organismes qui sont en lien avec la Maison d'Afrique et qui postulent, qui soumettent leurs projets divers de manifestations culturelles originaires, enfin, originales, de leur propre pays. Mais, comme l'a mentionné l'autre intervenante auparavant, il n'y a pas de financement. Et si on considère la part africaine en général aux minorités visibles, on peut dire qu'on passe en dernier. Le montant maximal que les organismes peuvent avoir pour faire leur projet, pour le réaliser, je pense que c'est 8000 $. Ça, ça permet juste de tenir l'événement et il n'y a pas de suivi; il n'y a pas d'effet d'entraînement. Donc, si on y assiste telle année... Ça va être, par exemple, le festival du Têt pour la communauté asiatique; pour nous autres, ça va être un repas africain avec une danse africaine, puis rendez-vous l'année prochaine.

Mais est-ce que c'est ça une culture vivante? Je ne pense pas. Il n'y a pas d'échange, déjà, entre les principales communautés culturelles et la culture québécoise, disons, qu'on a mis dans le ministère des Affaires culturelles, par exemple. Alors, ça, ce serait une approche intéressante que le volet strictement promotion culturelle des cultures d'apport soit considéré - surtout en ce moment où il est question de redéfinir une politique culturelle pour le Québec - partie intégrante de ce ministère-là, un peu comme PELO, le programme d'enseignement

des langues d'origine, qui est intégré avec le milieu scolaire. Donc, c'est un peu cette démarche-là que, nous, on favorise.

Mme Gagnon-Tremblay. Je prends bonne note de votre recommandation. Je voudrais aussi savoir comment se vit quotidiennement l'adaptation culturelle des personnes d'origine africaine. Est-ce qu'il y a des ajustements, des conflits de valeurs parfois difficiles, entre les parents et les enfants, par exemple? Avez-vous initié des activités permettant à votre communauté d'harmoniser les valeurs de leur culture d'origine avec celles de la société québécoise?

Mme Hekpazo: Disons que nos valeurs ne sont pas différentes en ce qui a trait à l'essentiel, c'est-à-dire le sens de la famille et la solidarité internationale. Je me rappelle, quand vous êtes venue à Montréal, vous avez parlé aussi du respect des valeurs démocratiques et, entre autres, de l'égalité de l'homme et de la femme. Je pense que ça aussi, dans les nouvelles générations... Parce qu'il y a eu plusieurs vagues d'immigration aussi. Ceux de l'ancienne vague sont un peu plus comme nos parents ou les gens de notre âge, avec certaines valeurs, mais la force des choses et les circonstances socio-économiques font qu'on est obligés de s'adapter; sinon, on reste de côté, on est marginalisés. On n'est déjà pas reconnus, donc si, en plus, on s'exclut en ne participant pas d'une manière ou d'une autre, je pense qu'on n'y gagnera rien.

Je voulais mentionner aussi un fait que vous pensiez, surtout quand vous êtes venue à Montréal, la réflexion que vous aviez faite à propos, par exemple, de la période de trois ans pour l'obligation du garant. Alors, si on dit que la société québécoise est pour l'égalité de l'homme et de la femme, pour l'autonomie des personnes, je vois mal comment vous pouvez demander au garant - en général, c'est le mari - qu'il prenne sa femme, disons, en tutelle pendant trois ans, avec ses enfants. Donc, c'est comme une dépendance. Et ça, c'est contradictoire, à mon avis, parce que, si on reconnaît l'autonomie des personnes, l'égalité des personnes, quand on vient ici, on ne doit pas nous remettre une barrière qui nous dit: Vous êtes dépendante, donc vous n'êtes pas autonome; vous êtes dépendante de votre mari. Alors, c'est principalement pour ça que nous, on n'est pas d'accord. Parce que si on prétend à l'égalité des hommes et des femmes, la femme est en situation de dépendance, surtout la femme parrainée pendant trois ans. Alors, qu'on les réduise, c'est déjà bien, mais je pense que ça ne devrait pas être.

Mme Gagnon-Tremblay: Vous savez qu'il y a une semaine interculturelle qui se tiendra bientôt et que nous misons sur tous les organismes pour pouvoir en faire une réussite. Est-ce que la Maison d'Afrique prévoit faire une activité quelconque au cours de cette semaine interculturelle?

Mme Hekpazo: C'est comme l'annonce de l'énoncé de politique, on a été vraiment avertis une fois que c'était fait. Alors, c'est par intérêt de notre groupe que, nous-mêmes, on fait toujours les démarches pour aller s'informer, pour être là quand il y a des choses qui se passent, que nous estimons important d'aller défendre. Alors, ça aussi, si on l'avait su un petit peu plus à l'avance, peut-être qu'on y aurait participé. Ça, c'est sûr. De toute manière, on sera là en tant que simples spectateurs.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, madame.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Mme Hekpazo, moi qui suis un assidu de "Vue d'Afrique", je ne vous cacherai pas que je suis particulièrement heureux ce soir d'avoir la voix de l'Afrique. Je pense qu'il était important qu'elle se fasse entendre à cette commission. Vous faites allusion, à l'intérieur de votre mémoire, à la francophonie. Vous savez fort bien qu'à l'intérieur de ma formation politique je suis chargé de la francophonie. Et je m'aperçois que la chute du mur de Berlin a provoqué une espèce d'attitude un petit peu B.C.B.G. où il fait bon courir de Budapest à Bucarest et de Prague à Varsovie. Mais ma grande crainte est que, durant ce temps-là, on oublie d'autres capitales dans un continent que l'on a colonisé, que l'on a exploité et que l'on a souvent à bien des égards aussi, ruiné. C'est une interrogation que j'ai et que je véhicule le plus souvent possible. J'ai très peur que l'ensemble des pays occidentaux - et à ce niveau-là, j'inclus le Québec même si, constitutionnellement, il n'est pas encore un pays - nous ne souffrions du même travers que tous les autres pays.

Dans tout ce que vous avez dit, vous êtes allés, je crois, à certains égards, au fond des choses: Décidons ce que nous voulons être; je pense qu'on sera mieux équipés pour décider ce que nous voudrons faire après. Je pense que c'est une règle à laquelle on ne peut échapper comme tel, quoi qu'en pense, quoi qu'en dise, comme disait un général célèbre, tout ce qui grouille, grenouille et scribouille.

Je regardais les 14 recommandations que vous faites et, si vous êtes intéressés par mon pointage, je vais vous le donner. Je cotais oui, inconditionnellement, 11 sur 14, et 3 que j'aimerais bien discuter avec vous, mais j'ai peur que le temps ne nous manque. Mais de toute façon, ce soir, c'est une première prise de contact. Je suis persuadé qu'on pourra continuer à entretenir le dialogue. Je regarde au départ, la première, où vous dites: À bas l'hypocrisie! L'amnistie pour les revendicateurs du statut de réfugié en attente

depuis plusieurs années! On sait fort bien qu'au-delà de 90 %, au minimum des minimums, vont être acceptés. Mais durant ce temps-là on continue à jouer au yo-yo avec des êtres humains. Vous avez le courage de le dire très clairement: Amnistie, et tout de suite, et qu'on en finisse! Et que ce pays-là, après, se donne des politiques de contrôle de ses frontières s'il le veut mais qu'il ne fasse pas des victimes de sa propre incurie, parce que c'est ça. Là, on regarde les revendicateurs du statut de réfugié. Maintenant, bien oui, on les a; on les a, mais qui ouvrait les portes? Est-ce qu'il y avait quelqu'un devant les portes? Je pense que là-dessus notre discours, et notamment les voix qui nous viennent d'Ottawa, sont passablement hypocrites. Eh voilà! J'apprécie que vous l'ayez précisé.

Vous partez au point 3 du rapatriement total des pouvoirs pour le Québec au niveau de la main-d'oeuvre et de l'immigration car l'emploi et l'immigration sont les véritables plaques tournantes de l'avenir socio-linguistique du Québec. Comment pourrais-je ne pas être d'accord avec une chose comme celle-ci? Renforcement des structures d'accueil déjà existantes des organismes communautaires et populaires au niveau des services de première ligne d'aide aux immigrants et aux réfugiés; en créer au besoin, soit! Nous tenons, nous, les parlementaires, des discours vantant le bénévolat dans nos circonscriptions, en disant: Bien, qui connaît mieux les besoins d'eux que vous? Vous êtes en première ligne. Et pourquoi cela ne s'appliquerait-il pas justement au niveau des structures d'accueil quand il s'agit d'immigration? Si on tient le discours, il faut le tenir dans tous les secteurs où cela est vrai. Vous avez eu la justesse de l'indiquer.

L'accès facilité au statut d'immigrant reçu pour les travailleurs et travailleuses avec permis de travail temporaire, après un an de séjour au Québec. Bien oui, mais s'ils ont fait la preuve qu'ils étaient capables de travailler ici et qu'ils travaillaient, on va leur dire: Rembarquez-vous maintenant parce que c'était temporaire. Mais c'est, encore là, jouer au yo-yo avec des êtres humains. L'immigration, ce n'est pas la comptabilité de boîtes de conserve; ce sont des femmes et des hommes avec des sentiments. Je ne sais pas si vous avez écouté tantôt le père Quirion qui a cette sensibilité-là; il y a une très longue nomenclature. Je ne vais pas pratiquer mon vieux métier, là, mais les séquelles psychologiques qui peuvent exister... D'où la raison de vous dire tantôt qu'à bien des égards vous êtes allée au fond des choses, madame.

Révision de configuration du réseau et des ressources consacrées au service de l'immigration en Afrique noire. Le gouvernement fédéral a refusé au gouvernement du Québec - je me souviens, c'était mon parti politique qui était au pouvoir - l'établissement d'une délégation générale à Dakar. Certains privilégient encore une juridiction partagée des relations internationales. On sera encore en quête d'un statut à Dakar. Remarquez que Dakar, c'est un accident géographique; ça pourrait être Abidjan comme Bamako. Mais si on n'a pas ça, quelle ouverture effectivement avons-nous vers l'Afrique? Via Paris, à quelques milliers de kilomètres, encore une fois? Donc, vous êtes là, encore une fois, allée au fond des choses. Et aller au fond des choses, je vous préviens, ça choque toujours. Mais vous avez le courage de le faire. C'est un courage qui est méritoire.

Vous parlez de l'inscription dans la Charte des droits et libertés de l'interdiction de discrimination contre un immigrant, basée sur le fait qu'il n'est pas citoyen. Mais c'est la plus élémentaire loi de l'hospitalité. Je ne vous ai pas encore remis ce beau petit certificat plastifié et je ne vous ai pas, compte tenu de notre régime constitutionnel, fait prêter serment d'allégeance à Sa Très Gracieuse Majesté, la reine du Canada. On dit Elisabeth II, c'est une erreur historique; c'est en réalité Elisabeth 1ère du Canada. On n'a jamais eu de reine Elisabeth au Canada, donc elle est première et non pas deuxième. C'est une anecdote, en passant, qu'il m'amuse bien de raconter à l'occasion mais encore là, vous êtes allée effectivement au fond des choses.

Vous parlez du transfert des communautés culturelles au ministère des Affaires culturelles. Je vous avoue que là, cette question-là m'intéresse particulièrement puisque vous n'êtes pas la première personne qui fait cette réflexion. D'autres personnes, issues de communautés culturelles, l'ont présentée. Et je pense que vous lui donnez une dimension, encore là, qui mérite une certaine attention. Il faut faire attention: Est-ce que communauté culturelle est communauté culturelle dans le sens de distribution de subventions? À ce moment-là, ça peut s'appeler un office. Mais si on veut, lui donner une grande dimension, je pense que l'idée de rattacher peut-être à un ministère des arts et de la culture serait effectivement intéressante. (21 h 45)

Bon. J'ai commencé à vous faire mon pointage, comme tel, des remarques que vous avez faites. La dernière, il n'est pas inutile de rappeler que le système économique international étant marqué par l'inégalité des échanges entre les pays du Nord et ceux du Sud... Bon, bien ça, cette phrase de mon ami Vigneau, Régis Vigneau, je pense, qu'elle est fort à propos et, encore là, je pense qu'elle vient renforcer ce que je disais tantôt à propos du danger qui guette les pays occidentaux de se détourner de l'Afrique envers laquelle ils ont une immense responsabilité historique. Je tenais à vous faire ces commentaires, madame, et j'aurai à ajouter une question.

Vous parlez, et c'est là, dans mon pointage, où je n'ai pas dit le "oui" spontané, en me réservant une petite négociation avec vous; mais rassurez-vous, ce n'est pas le lac Meech qu'on

va vivre tous les deux. S'il y a suppression de ce contrat moral, quelles sont, d'après vous, les obligations que vous estimez avoir en tant qu'immigrante, envers le pays d'accueil?

Mme Hekpazo: Comme je l'ai souligné tout à l'heure, le pays d'origine, en l'occurrence l'Afrique, est dans la situation économique que vous connaissez bien. Les problèmes d'émigration à l'intérieur du pays, comme je l'ai souligné, en général, dans le milieu rural, les jeunes s'en vont à la ville en espérant trouver du travail. Bon. Il y a encore moins de politique de développement de l'emploi en Afrique qu'il n'y en a ici, pensée de façon cohérente, soutenue, etc., à cause de certaines conditions, autant locales qu'internationales.

Alors, le choix n'est pas un choix réel parce que, si on avait à choisir, je pense que chacun serait content de vivre dans son pays, de pouvoir s'y développer, développer le pays et puis mener une vie qui a de l'allure. Alors les contraintes socio-économiques font que c'est comme une nécessité d'émigrer. Là, on en arrive au fameux choix: Dans quel pays peut-on aller? Depuis 1974, en Europe, les barrières sont réelles; il n'y a pratiquement plus d'immigration, sauf avec certaines ententes et certains pays. Ce qui restait comme pays, c'était le Canada, jusqu'aux années 1981 à 1984. Et là, depuis l'institution du même type de lois qu'il y a en Europe, par exemple, c'est de plus en plus difficile d'entrer comme immigrant ici. Alors, nous, ce qu'on a à offrir, comme disait tantôt l'intervenante, ce n'est pas seulement les bras, la main-d'oeuvre; il y a aussi la matière grise. À partir du moment où on est là, si on reconnaît que chaque être humain est, comme on dit, égal à tout autre devant la loi, on est là. Il y a eu un droit d'accès contrôlé par la politique d'immigration, on a été accepté, donc on est égal. Moi, je verrais ça non pas comme un contrat moral parce que, comme je le dis, il n'y a pas de moralité là-dedans, c'est un échange de services. Alors, pour que ça ne soit pas marqué d'une éthique d'échange inégal, c'est un échange égal de services, de personne à personne.

Moi, je viens ici pour travailler. J'améliore autant ma condition personnelle que je participe au développement économique, social et culturel ici. Je paie des impôts comme tout le monde. Je fais les mêmes choses que la population québécoise. Alors, pour éviter de créer des citoyens, je ne dis même pas de seconde zone mais de troisième zone, je pense que, si vraiment il y a une égalité de départ il ne doit pas y avoir de considération comme un privilège. Parce que, dès qu'on dit privilège, ça fait référence au temps de la royauté ou au temps des seigneurs, c'est-à-dire: Je t'accorde le droit. C'est très condescendant, c'est très paternaliste. Déjà, s'il y a cette mentalité au départ à l'intérieur de cet énoncé, c'est dommageable dès le départ. Je préfère tout ce qui est échange de services, contrat social d'égal à égal, comme tout le monde. Mais comme on part de beaucoup plus bas que tout le monde on ne doit pas, en plus, nous mettre ce contrat moral là-dessus. On est prêts à travailler. Je pense que les gens, les immigrants en général, veulent se faire tout petits. Une fois qu'ils sont entrés ici, ils pensent juste à leurs revenus pour pouvoir élever leur famille, quand ils en ont une, et pour pouvoir aussi envoyer un peu d'argent au pays, parce que les conditions au pays sont très difficiles. Donc, en général, on va dire: On se tient tranquille, on fonctionne dans la société selon les règles du jeu. Alors, je ne vois pas... Le contrat moral, moi, je le mettrais sur les investisseurs, ceux qui sont bien nantis ici. C'est-à-dire ceux qui ont vraiment la part de capital ou d'investissement pour le Québec, majoritairement, et non pas pour le simple travailleur qui est là et qui n'a même pas voix au chapitre, de toute manière, le plus souvent.

M. Boulerice: L'abrogation de l'article 93 de la Constitution, c'est la Constitution canadienne. C'est lorsque nous adopterons une constitution québécoise que nous pourrons l'abroger. Et cela sera en concordance avec l'article 1.16 du chapitre 4 du programme de ma formation politique.

Par contre, à l'article 1.8, pour vous et pour le bénéfice de certains collègues de cette commission, nous disons "Favoriser l'établissement des immigrants et immigrantes à l'extérieur de Montréal - j'ai bien dit "favoriser" - au moyen d'une politique de régionalisation de l'immigration qui serait un élément de la politique de développement régional du gouvernement du Québec. Cette régionalisation serait strictement incitative. Quand je parle des régions, je parie de la grande région du Richelieu également, ça va de soi. Comment réagissez-vous à la régionalisation, madame?

Mme Hekpazo: Comme je l'ai dit, on n'est pas contre la régionalisation dans la mesure où, dans les régions, on a aussi notre travail et aussi les services qui vont avec. Il ne faut pas faire comme on a fait pour la désinstitution-nalisation, c'est-à-dire larguer les gens dans les rues, sans soutien de quelque ordre que ce soit. Ça, ça ne donne rien du tout parce que même vous avez vécu l'expérience avec les gens de la communauté asiatique que vous aviez installés à Sherbrooke, je crois, et qui sont revenus en ville après. S'il n'y a rien pour vivre, là-bas, pour envisager un avenir un peu plus souriant, je vois mal comment les gens vont rester là. Comme on a déjà émigré de bien loin, ça ne nous coûtera rien d'émigrer encore un peu plus loin et de continuer à circuler comme ça. C'est la libre circulation qu'on dit, des biens, des marchandises et des personnes.

La régionalisation, quand on voit le phéno-

mène ici, les Québécois de souche, ceux qui participaient à la commission Bélanger-Campeau, les jeunes, les gens des régions, sont tous venus dire: Bon, il faut un programme de développement régional parce que les jeunes quittent, parce que... Même pour ceux qui voulaient vivre de l'agriculture, il y a eu des états généraux. On s'en vient en ville parce qu'il faut s'en sortir d'une façon ou d'une autre parce qu'il y a une situation économique difficile.

Alors, s'il n'y a pas de coordination au niveau gouvernemental pour les politiques de développement régional, donc, les politiques de développement de l'emploi ainsi que les politiques familiales... Parce que si on pense à l'avenir démographique, les familles immigrantes ont les mêmes besoins que les familles québécoises. Donc, ça fait appel à tous les services de soutien: les services de garde, les cantines scolaires comme il y en a d'établies dans quelques endroits, etc. Alors, ce n'est pas juste la régionalisation de l'immigration. Il faut coordonner ça avec d'autres politiques parce que c'est un morceau par ci, un morceau par là. Si ce n'est pas relié de façon cohérente, on va se retrouver dans trois ans d'ici, au prochain énoncé, au prochain plan triennal, pour dire les mêmes affaires.

M. Boulerice: Mme Hekpazo, je vais vous remercier et surtout vous redire ma vive appréciation pour ce qui est de votre participation à cette commission parlementaire et mon souhait de poursuivre ce dialogue dans un avenir rapproché.

Mme Hekpazo: Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, M. le Président. J'ai trouvé votre mémoire extrêmement intéressant, madame, même si certains points ont un peu écorché mes oreilles. Mais j'ai l'impression que, dans l'ensemble, c'est quand même un mémoire très bien travaillé et très bien préparé. On voit que vous savez ce dont vous parlez; on n'est pas obligés d'en partager tout à fait l'essence, mais, au moins, on doit reconnaître que vous avez fait là un travail extrêmement appréciable, un travail qui a une certaine rigueur et les choses que vous avez pointées sont généralement des choses qui sont... on les accepte ou pas, mais elles sont au moins pertinentes et d'actualité dans notre société. En particulier lorsque vous parlez des revendicateurs, près de 36 700 revendicateurs, il est évident qu'on a là un problème. Maintenant, ce problème peut s'expliquer par diverses raisons; vous avez omis de les mentionner. Pourriez-vous m'indiquer pourquoi, selon vous, la moitié des revendicateurs viennent au Québec plutôt que dans d'autres provinces?

Mme Hekpazo: Bien, parce qu'il y a quand même... Quand on débarque là, selon le point de débarquement et aussi selon l'origine des revendicateurs du statut de réfugié, on a toujours des points de contact. Il y a comme des réseaux parallèles, si on peut employer l'expression. Quand on débarque quelque part, on sait qu'il y a Untel ou Unetelle qui habite à tel endroit; ça commence comme ça. On sait aussi qu'il y a des politiques un peu plus ouvertes, enfin il y a un discours. C'est surtout le discours d'ouverture au niveau québécois, donc il y a aussi des mesures d'aide à ceux qui arrivent, qui font qu'on se dit: Pourquoi pas? En fait, ça dépend aussi de la distribution; quand on débarque, si on tombe sur un bon agent ou quoi que ce soit, il va nous dire: Bon bien, allez donc à tel endroit ou allez donc à tel autre. Il y a beaucoup de facteurs qui entrent en ligne de compte aussi, là.

M. Gobé: D'accord. Moi, votre idée d'amnistier ces gens-là, en général, dans la mesure où il pourrait être prouvé que, depuis qu'ils sont au Québec, ils n'ont pas été à la charge de la société mais qu'ils ont subvenu à leurs besoins ou à ceux de leurs dépendants, s'ils en ont, sur le fond, je n'y vois pas un gros problème. Mais ce qui m'inquiète, et j'aimerais vous entendre là-dessus, c'est qu'une fois qu'on a vidé ce bassin - disons qu'on le vide demain, qu'on s'entend avec nos collègues fédéraux - qu'est-ce qui nous dit que, dans deux autres années, on n'a pas un autre bassin de 36 000...

Mme Hekpazo: Non si... Pardon.

M. Gobé: ...ceci devenant une forme parallèle pour faire de l'immigration en passant pardessus les réseaux, le circuit normal, et en pénalisant à ce moment-là l'immigrant qui, lui, fait sa demande naturellement?

Mme Hekpazo: S'il y a réellement une politique de sélection, s'il y a vraiment un droit d'accès, un contrôle réel, pas seulement des frontières parce que, pour quelques faux réfugiés comme... Ça me fait penser un peu, comme l'a dit l'autre intervenant pour les problèmes de quelques faux assistés sociaux, je pense que la majorité est réellement en situation de détresse et a besoin d'aide. Et, si la politique de sélection est menée de façon efficace, ce qui n'est pas le cas jusqu'à présent parce qu'il y a beaucoup de lacunes au niveau des fonctionnaires et de leur travail, au niveau des simples agents d'immigration, etc. - enfin, ça, c'est des problèmes internes au ministère de l'Immigration - l'image que ça aura si déjà on fait une régularisation des dossiers de ces revendicateurs de statut, ce sera une image de générosité et de bon sens. Alors, je pense que ce n'est pas négatif en termes politiques.

Pour après, s'il n'y a rien qui est fait dans les autres types de politiques, surtout les politiques au niveau international - mais comme ça ne dépend pas du Québec uniquement, ça aussi, c'est un point d'interrogation - si on sait, dans les pays d'origine... Parce que, en général, pour les revendicateurs de statut, c'est toujours ceux qui proviennent du tiers monde qui poseraient problème. Ça, c'est clair aussi. Alors, s'il y a des efforts qui sont faits en termes de politique internationale, de politique étrangère par rapport à ces pays-là, si vraiment il y a un discours honnête et réellement d'engagement en faveur des populations du Sud, je pense que tout ça, ça se sait aussi parce qu'il y a un système de fonctionnement. Bon, il y a les voies officielles, il y a les voies parallèles. Il y a ce qu'on appelle la radio trottoir ou le téléphone arabe pour ceux qui le connaissent. Ça, c'est très bien et ça aussi, ce n'est pas négligeable en termes d'image.

Si le Canada a une image humanitaire, pourquoi le Québec n'a-t-il pas un autre type d'image beaucoup plus cohérente, beaucoup plus sérieuse et réellement en faveur des pays du Sud?

M. Gobé: Lorsqu'on regarde votre résumé ainsi que vos recommandations, on se rend compte que vous avez une très grande considération pour les problèmes du tiers monde, entre autres choses. Et quelque chose qui me semble un peu paradoxal malgré tout, c'est qu'on sait que, dans le tiers monde, il y a des problèmes très importants de cadres qualifiés, des problèmes très importants de gens ayant des expériences ou capables de faire en sorte que leur société soit fonctionnelle, structurée et efficace.

Lorsqu'on regarde, par contre, l'autre côté du mémoire, vous dites qu'il faut faire du recrutement dans les pays d'Afrique noire. Je connais un petit peu les pays d'Afrique noire. Je ne lis pas souvent Jeune Afrique comme mon collègue. Je peux vous assurer que je l'ai lue dans le temps, mais je préfère vous dire la vérité; je ne l'ai pas lue depuis longtemps, même si je connais le titre. J'aurais pu vous la citer, ça m'aurait fait grand plaisir.

Ceci étant dit, madame, ne croyez-vous pas qu'on ne rend pas un grand service ou qu'on risque de démunir ces pays-là de leurs meilleurs cadres en allant faire du recrutement dans ces pays? Parce que, bien entendu - on ne se racontera pas d'histoires - les critères actuels de l'immigration vont faire en sorte de recruter cette clientèle, cette clientèle qui est plus intéressée, à cause de sa scolarisation, à vouloir partir.

Mme Hekpazo: C'est pour ça que je dis...

M. Gobé: Comment peut-on entrer entre les deux, là?

Mme Hekpazo: Je comprends bien mais ça pose un problème réel, ne serait-ce qu'un problème de conscience, aussi. Si, justement, il n'y a pas d'ouverture en rapport avec les thèmes de l'immigration, etc., pour les pays d'Afrique noire, c'est pour ça qu'on dit: Un soutien accru à l'aide au développement. Alors, ça aussi, comme ce n'est pas du ressort québécois, c'est un point d'interrogation. Mais il peut y avoir des pressions quand même pour que, justement, le fameux 0,7 % de l'aide au développement, on y arrive, non pas en l'an 2000, en l'an 2025 ou 2026, parce qu'on sera mort d'ici là.

M. Gobé: Parce que j'ai connu, dernièrement, l'exemple parfait. J'étais en Haïti pour assister aux cérémonies pour la nomination du nouveau président de la république et j'ai été à même de constater que l'avion d'Air Canada que je prenais pour me rendre à Port-au-Prince était rempli de près de quelque 300 personnes, tout près de 95 % d'Haïtiens occupant des positions assez enviables au Québec, qui retournaient là-bas pour la fête du président et le carnaval. Lorsque je suis arrivé à Port-au-Prince, j'ai été à même de découvrir qu'on avait besoin de coopérants pour faire fonctionner le pays, coopérants venant, entre autres, du Québec, de la France, de l'Allemagne ou d'ailleurs. J'ai trouvé ça un peu paradoxal.

Mme Hekpazo: C'est pour ça que, nous aussi, on travaille, enfin, on essaie, parce que ça aussi, c'est toujours difficile de percer dans les institutions - il va dire - québécoises. Au niveau de l'association québécoise et des organismes de coopération internationale, depuis un peu plus de 10 ans, on essaie de faire valoir qu'ici, les immigrants originaires du Sud, qui sont des cadres, qui sont des gens à diplôme ou tout ce que vous voulez, ou même des simples travailleurs, on est intéressés à coopérer et à aller au pays, mais à titre d'ONG québécoise qui serait formée aussi d'immigrants africains puisque, pour nous, ça fonctionne...

M. Gobé: Une dernière petite question, juste comme ça.

Le Président (M. Ooyon): Oui, rapidement, M. le député, votre temps est terminé.

M. Gobé: Oui, je termine, M. le Président. J'apprécie votre grande patience à mon égard. Madame, vous avez parlé de régionalisation de l'immigration. On parle d'implantation en province, en région. Seriez-vous d'accord que nous obligions - pas nous - que les immigrants soient obligés, à leur arrivée au Québec, de s'établir dans une région ou une autre pendant un certain nombre d'années, sous peine de ne pas recevoir leur visa ou leur acceptation d'immigration, comme ça s'est fait dans certains pays? Je sais

que, dans certains pays, vous êtes obligés de vous établir dans le Nord, dans le Sud, dans l'Est.

Mme Hekpazo: Oui, mais comparaison n'est pas raison, là. Si vous voyez déjà le tollé que ça a soulevé au niveau des mémoires qu'il y a eus pour les politiques de français à la CECM, je pense que si vous allez de l'avant avec une idée pareille vous allez être mis au ban de la Commission des droits de la personne.

M. Gobé: Je suis heureux de vous l'entendre dire. C'est l'idée de l'ancien vice-président du Parti québécois, dans Le Soleil de cette semaine.

Mme Hekpazo: Ah bon!

M. Gobé: Je voulais avoir votre impression là-dessus. Il était candidat dans le comté de Rosemont en 1989 et il disait que, dans un Québec souverain, il faudrait obliger les immigrants à s'établir en région. Alors, je voulais avoir votre opinion, vous qui avez vécu dans le Nord et dans le Sud. Sur ce, j'ai terminé, madame, et je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Doyon): Merci. Alors, Mme la ministre, quelques mots de remerciement à l'adresse de Mme Hekpazo.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Il ne me reste qu'à vous remercier, madame, et je prends bonne note de tous vos propos. Je profite de l'occasion aussi pour vous souhaiter bon voyage de retour.

Mme Hekpazo: Merci.

Mme Gagnon-Tremblay: Je sais qu'il est déjà très tard et que vous avez encore une longue route à faire.

Mme Hekpazo: Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame. Merci et bon retour. Au revoir.

M. Boulerice: Vous avez sans doute appris qu'il y avait des députés du Front national à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Doyon): Cette séance est ajournée.

(Fin de la séance à 22 h 5)

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