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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 26 février 1991 - Vol. 31 N° 19

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration, ainsi que sur les niveaux d'immigration souhaités de 1992 à 1994


Journal des débats

 

(Quatorze heures douze minutes)

Le Président (M. Gobé): Bonjour, mesdames et messieurs. Bonjour, Mme la ministre, chers collègues. Je déclare les travaux de la commission de la culture ouverts. Je vous rappellerai que notre mandat aujourd'hui est de continuer nos travaux pour procéder à la consultation générale sur l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration intitulé: "Au Québec pour bâtir ensemble" ainsi que sur les niveaux d'immigration souhaités pour les années 1992, 1993 et 1994. Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui. M. Bradet (Charlevoix) est remplacé par M. Bordeleau (l'Acadie).

Le Président (M. Gobé): Bienvenue M. Bordeleau. Je vais maintenant vous donner lecture de l'ordre du jour. Nous allons entendre cet après-midi, à partir de 14 heures, l'Office de la pastorale sociale du diocèse de Québec, à 15 heures, la Maison internationale de Québec, à 16 heures, le Centre international des femmes de Québec, à 17 heures, Mme Marika Coulourides. On m'avertit qu'à 17 h 30, le Dr Joseph Kage ne pourra pas être là. il nous a fait parvenir une note dans laquelle il dit qu'il est dans le regret de ne pouvoir se présenter, et je fais part de cette note aux membres de la commission. Par la suite, nous suspendrons jusqu'à 20 heures. Alors, nous allons maintenant...

M. Bordeleau: M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Oui, M. le député.

M. Bordeleau: Est-ce que ça veut dire qu'on suspend à 17 h 30? C'est ça?

Le Président (M. Gobé): C'est exact, M. le député de l'Acadie. Je rappellerai que les ententes, en ce qui concerne la répartition du temps, sont les suivantes. Les intervenants, les témoins ont 20 minutes maximum pour exposer leurs documents. Par la suite, il reste 40 minutes pour les parlementaires, réparties comme suit: 20 minutes pour l'Opposition officielle et 20 minutes pour le côté ministériel. Je vous rappellerai qu'à la fin de chaque intervention, chaque formation politique se garde une minute ou deux pour conclure, la conclusion finale étant faite par Mme la ministre de l'Immigration.

À ce stade-ci, est-ce qu'il y a des remarques? Non, il n'y a pas de remarques. Est-ce qu'il y a des motions préliminaires? Non plus.

Sans plus attendre, nous allons commencer par entendre le... Une motion, M. le député? Non. Nous pourrions en débattre, mais je pense que nous allons maintenant procéder sans plus tarder et entendre l'Office de la pastorale sociale du diocèse de Québec. Je demanderai au porte-parole du groupe de bien vouloir présenter les gens qui l'accompagnent et de nous indiquer qui est celui qui va prendre la parole pour faire la présentation du mémoire. Alors, vous avez la parole.

Office de la pastorale sociale du diocèse de Québec

M. Théberge (René): Merci. Je me présente. René Théberge...

Le Président (M. Gobé): Bonjour, M. Théberge.

M. Théberge:... de l'Office de la pastorale sociale du diocèse de Québec. Nous sommes ici un groupe de cinq personnes, un groupe de recherche et d'engagement pour la pastorale des immigrants. C'est ce qui nous rassemble déjà depuis quelques mois autour de cette préoccupation-là, à la demande de l'évêque d'ailleurs, qui désire une politique pastorale un peu plus articulée, un peu plus claire et engageante en faveur, en regard des immigrants dans le diocèse de Québec.

Je vous présente les membres de notre groupe: Mme Turcotte, adjointe à l'Office de pastorale sociale; l'abbé Marc Caron, aumônier du port de Québec; l'abbé Pierre Gaudet, professeur de théologie à la Faculté de théologie de l'Université Laval, qui est très engagé avec les communautés vietnamiennes, en particulier, et beaucoup d'autres à Québec; ici, à ma droite, Marie-Hélène Blais, une ex-missionnaire d'Afrique qui a vécu l'expérience d'être accueillie à l'étranger pendant de nombreuses années et qui, actuellement, est responsable du service d'accueil et d'intégration des nouveaux immigrants rattachés, entre autres, à la Fraternité multicul-turelle de Québec. Donc, c'est notre groupe qui a réfléchi sur le mémoire. Nous ne croyons pas faire une présentation globale de tous les aspects fort riches de ce mémoire. Nous avons voulu privilégier certaines lignes. Là-dessus, je donne la parole principalement à Pierre Gaudet, qui va présenter le mémoire, ainsi que Marie-Hélène Blais, qui va présenter la dernière partie.

M. Gaudet (Pierre): Nous apprécions grandement l'effort de réflexion qui a conduit au présent énoncé de politique. Le fait que la

société québécoise soit, comme francophone, une société minoritaire en Amérique du Nord, ('oblige à prendre une conscience plus vive des dynamis-mes sociaux qui contribuent à l'intégration spontanée des immigrants à la société majoritaire anglophone.

Cette prise de conscience est nécessaire pour bien pointer les enjeux des mouvements migratoires et tenter de les orienter vers une intégration harmonieuse des nouveaux arrivants à un Québec majoritairement francophone. Elle permet en même temps de mettre en place des mécanismes d'accueil et d'intégration qui soient mieux coordonnés et qui répondent davantage aux besoins des intéressés principaux, à savoir ceux qui arrivent. Pour notre part, nous nous contentons de quelques remarques qui nous apparaissent importantes en raison des contacts que nous avons avec les communautés culturelles.

Premier point: élargissement de la problématique. Nous sommes très heureux de dire notre accord à l'ensemble de la problématique qui est esquissée dans la première partie du document. Il apparaît important pour la population de montrer avec soin l'apport de l'immigration au développement du Québec et d'expliciter de façon claire le contrat social que nous avons à proposer aux nouveaux arrivants, il serait bon cependant d'introduire dans cette problématique deux dimensions complémentaires. La première a trait à l'importance que les mouvements migratoires sont susceptibles de connaître au cours des prochaines décennies, et qui vont exercer constamment une forte pression sur nos frontières. On explique un peu à la suite la raison, mais le fait qu'il y ait au Canada 100 000 réfugiés en attente de statut est symptomatique de la situation; l'afflux des Haïtiens et des Mexicains vers les États-Unis aussi. Et nous pouvons prévoir que les prochaines décennies seront sans doute marquées par un mouvement de population extrêmement important vers les pays dotés d'un niveau de vie supérieur.

Mais je voudrais m'arrêter plutôt à la deuxième dimension, à savoir celle qui élargit la problématique concernant les réfugiés. Par le seul fait qu'ils existent, les réfugiés lancent une interpellation à toute la société québécoise, et cette interpellation fait éclater les critères qui guident habituellement une politique d'immigration. On ne détermine pas d'avance quels sont les peuples qui vont être l'objet de génocide idéologique ou les victimes de guerres sans fin. Les réfugiés, sans qu'on les ait choisis, sont là et ils interrogent notre conscience. Doit-on subvenir à leurs besoins d'une façon temporaire en espérant qu'ils puissent, à court ou à moyen terme, regagner leur patrie? Dans le cas où cet espoir n'est pas permis, doit-on ouvrir ces frontières et leur offrir une possibilité de réinstallation?

Chaque fois que de nouveaux drames humains surgissent de par le monde, la question est posée et il faut examiner la situation à nouveaux frais. La solidarité internationale nous oblige alors à fournir notre part. À ce moment, ce ne sont pas des critères de productivité qui doivent entrer en ligne de compte. Ce ne sont pas non plus uniquement des considérations sur le développement d'une société francophone et d'une économie prospère, considérations qui sont sans doute valables, mais, dans ce contexte, ce sont des raisons d'ordre purement humanitaire. Celles-ci nous obligent à dépasser notre propre point de vue et notre intérêt immédiat pour nous ouvrir à des exigences d'ordre éthique et social. Il serait bon que cette perspective soit marquée dès le point de départ dans la politique gouvernementale.

Ces remarques d'ordre général étant faites, on apporterait quelques réflexions sur des contenus plus précis, sur certains objectifs et, en première partie, sur la sélection des réfugiés pour élargir, dans la deuxième partie du document, au point 4, l'intégration des nouveaux arrivants, qu'Hs soient des réfugiés ou des immigrants.

À la page 37, on lit l'objectif: "Maintenir et mieux cibler l'accueil des réfugiés." La formulation de cet objectif provoque une certaine crainte. Sans doute est-il inévitable d'avoir à opérer une sélection parmi les innombrables réfugiés déjà reconnus comme tels par les organismes internationaux, mais cette sélection peut être à ce point exigeante que l'accueil des réfugiés ne devienne qu'un programme d'immigration déguisé où nous ne retenons dans la masse que ceux qui peuvent contribuer immédiatement à notre propre développement économique. On peut accueillir un réfugié pour des raisons strictement humanitaires, mais on peut aussi en accueillir un grand nombre parce qu'Hs correspondent globalement à nos propres critères de sélection des immigrants.

On ne devrait pas alors parler de programme humanitaire en faveur des réfugiés, mais bien plutôt de programme d'immigration parmi les personnes déplacées ou réfugiées. Dans cette perspective, nous nous étonnons de l'affirmation suivant laquelle le Québec aurait accueilli, en 1989, 7710 personnes pour des motifs humanitaires. Nous nous en étonnons d'autant plus que l'approche qui semble de plus en plus caractériser le Canada et le Québec, dans certains camps de réfugiés, en est une fort rigide: refus d'une famille ayant de la parenté au Québec parce que la grand-mère est malade, rejet d'un père et de son fils préalablement acceptés pour la seule raison que le père a subi entre-temps une attaque cardiaque. Et, en note, nous indiquons des cas précis qui nous ont été rapportés dans les derniers mois.

C'est pourquoi nous recommandons que, dans l'accueil des réfugiés, le Québec se définisse un programme d'aide humanitaire et qu'il s'enga ge chaque année à admettre, pour des raisons

strictement humanitaires, un certain nombre de personnes qui, autrement, n'auraient accès à aucun pays de réinstallation. On pense à des personnes rejetées, femmes ayant subi un viol, personnes âgées, personnes handicapées. Qu'il y ait un certain nombre, au moins symbolique, un certain quota de personnes que l'on accueille pour des motifs strictement humanitaires, donc qui ne seront pas productifs immédiatement sur le plan du travail. À notre connaissance, la Suisse et la Finlande ont de tels programmes, en particuier dans le Sud-Est asiatique.

Dans la sélection, on devrait être très attentifs à ne pas séparer les familles en attente et à favoriser le regroupement des familles en pays d'accueil. On devrait aussi veiller à traiter les demandes avec plus de célérité, afin d'éviter des véritables traumatismes que peuvent provoquer dans les camps l'attente indéfinie et les changements inexpliqués de décision. Nous souhaitons que le Québec puisse intervenir dans le traitement des réfugiés déjà reconnus et être attentif à la dimension humanitaire des dossiers présentés. En note aussi, quelques cas concrets.

On parle, à la page 37, de promotion des programmes de parrainage collectif. Je pense que ces programmes ont à être relancés. Lancés dans l'enthousiasme par le Canada, par le premier ministre Joe Clark, il y a quelques années, ces programmes ont subi beaucoup d'avanies et, actuellement, les membres de groupes collectifs faisant des parrainages se sont sentis souvent manipulés et ont eu l'impression que l'on abusait de leur générosité, d'autant plus qu'un manque d'organisation patent du côté gouvernemental les laisse presque toujours dans l'ignorance des dossiers qu'ils ont assumés. Il y aurait un effort pour stimuler cette approche.

Nous ajoutons ici un bref commentaire sur un autre objectif: soutenir la réunification familiale et l'adoption intemationiale. Je vous signale ici aussi... Vous savez sans doute que, concernant l'adoption internationale, il est urgent que l'on raccourcisse les délais qui sont actuellement d'une longueur éprouvante et qui incitent un certain nombre de familles à passer par des filières privées, à la limite de la légalité. Il est urgent de trouver des moyens de raccourcir les délais.

Ensuite, on évoque, au paragraphe suivant, la question du parrainage de mineurs non accompagnés, réfugiés dans les camps du Sud-Est asiatique. Là aussi, on a éprouvé, au cours des dernières années, des derniers mois, beaucoup de difficultés. À tel point qu'on s'est demandés s'il n'y avait pas, dans le gouvernement fédéral, l'intention de renvoyer dans le pays d'origine ces jeunes qui ont abouti dans les camps de réfugiés.

Enfin, nous tenons à souligner l'importance de soutenir la réunification familiale. Cela devrait être un critère important dans la sélection des réfugiés, comme dans l'acceptation de parrainage à partir des pays d'origine. Et nous accueillons très favorablement, à cet effet, la réduction en trois ans de l'engagement souscrit par le garant en faveur de son conjoint et de ses enfants, évoqué à la page 38.

Nous recommandons donc ici que, dans le traitement des dossiers des réfugiés déjà acceptés, le gouvernement adopte une approche humanitaire qui évite les délais excessifs et tienne compte tant de la situation dans les camps que de l'attente de ceux qui font ici un parrainage. C'est le premier volet, celui des réfugiés.

Le deuxième, à partir du point 4, page 8, l'intégration des nouveaux arrivants s'élargit à tout le problème de l'intégration des immigrés. Trois facteurs nous apparaissent particulièrement importants pour assurer l'intégration harmonieuse des nouveaux arrivants, qu'il s'agisse de réfugiés ou d'immigrants. L'apprentissage du français, l'intégration au monde du travail, qui nous apparaît vraiment l'élément essentiel, et la compréhension multiculturelle.

Je dirai quelques mots de l'apprentissage du français. Accroître, dit-on dans le document, l'accessibilité et la qualité des services d'apprentissage du français destinés aux immigrants et aux Québécois des communautés culturelles. Nous constatons que, dans la ville de Québec et dans les environs, le Centre d'orientation et de formation des immigrants - je ne sais pas sa nouvelle dénomination, le COFI - constitue une ressource chaleureuse et efficace pour les immigrants de Québec. Les rapports entre professeurs et étudiants, de même qu'avec les organisations bénévoles, sont excellents.

Le réseau scolaire est dans l'ensemble très ouvert à l'accueil des nouveaux arrivants et il fait preuve d'une attention particulière à leurs besoins. De telle sorte que, de ce point de vue, la région de Québec apparaît comme un excellent milieu pour assurer l'apprentissage du français et l'intégration des immigrants. La situation à court et à moyen terme pourrait être encore améliorée si on adoptait les mesures suivantes.

D'abord, rendre les cours d'initiation au français dispensés par le COFI accessibles le plus tôt possible. Il n'y a rien de pire, lorsqu'un réfugié ou un immigrant arrive et qu'il ne peut travailler, que d'attendre trois ou quatre mois à ne rien faire parce qu'il n'y a pas d'emploi qu'il peut exercer, attendre que les cours ne commencent. Il faudrait qu'il puisse rapidement accéder à ces cours.

Donner aussi une plus grande flexibilité au programme d'initiation au français. Il est plus difficile pour quelqu'un qui vient du Sud-Est asiatique de maîtriser la langue française que pour un hispanophone qui a une langue qui se rapproche du français. Il faudrait peut-être permettre une souplesse.

Souplesse aussi dans les cours de français offerts aux adultes immigrants au secondaire et au collégial. Là, on n'a pas examiné de façon

plus précise la situation mais, à première vue, il est peut-être un peu étonnant qu'un adulte qui fasse son secondaire soit obligé de tout suivre les cours de français langue maternelle. Il faudrait peut-être examiner avec les spécialistes s'il ne serait pas opportun d'apporter une modification et de leur faire suivre en équivalence des cours de français pour non-francophones. Ce serait peut-être plus approprié à leurs besoins plutôt que les cours de français langue maternelle.

Même chose au cégep où les cours de français et de philosophie sont extrêmement arides pour un étudiant qui sait le vietnamien et qui se prépare à une concentration en technologie, en informatique, au cégep, et qui doit suivre obligatoirement les cours de français langue maternelle et de philosophie. Il y aurait peut-être à examiner avec le ministère de l'Éducation des possibilités de souplesse et d'équivalence pour permettre un meilleur apprentissage du français.

C'est ce que nous recommandons, à la fin: que les cours de langue offerts à divers niveaux soient le plus immédiatement accessibles, qu'ils soient dispensés selon la méthode la plus adaptée à des adultes dont le français n'est pas la langue maternelle, et qu'ils soient assez souples pour tenir compte des acquis et des besoins des personnes.

L'autre point est capital, celui de l'intégration au monde du travail. Je laisserais la parole à Mme Blais pour poursuivre la lecture.

Le Président (M. Gobé): Très bien, madame. Nous vous écoutons.

Mme Blais (Marie-Hélène): Soutenir l'intégration au marché du travail et assurer l'égalité en emploi pour les Québécois des communautés culturelles. L'obtention d'un emploi est un facteur tout à fait déterminant pour l'intégration harmonieuse du nouvel arrivant et, particulièrement, pour qu'il demeure en région. Il faut insister là-dessus. Aucun plan de régionalisation ne pourra fonctionner s'il n'y a pas d'emplois disponibles et accessibles dans la région où habite le nouvel arrivant. Depuis que nous nous occupons de l'accueil des réfugiés, nous avons assisté à un grand nombre de départs de Québec vers Montréal, et particulièrement vers Toronto et Vancouver, pour la raison qu'il était impossible de trouver ici des emplois accessibles à des gens ne maniant pas bien la langue ou ayant peu de qualifications. (14 h 30)

Un certain nombre de mesures semblent ici s'imposer: mise en place de programmes de création d'emplois, particulièrement en région, ce qui est de toute première nécessité pour l'ensemble de la population vivant en région; encouragement à l'embauche de Néo-Québécois, programmes spéciaux, stages prolongés payés en entreprise, déductions fiscales, etc.; aide spéciale à la recherche d'emplois; coordonner les divers organismes gouvernementaux et prévoir une assistance spéciale pour le nouvel arrivant qui éprouve de grandes difficultés à entrer dans les réseaux d'embauché; programmes de formation professionnelle adaptés, tenant compte des habiletés déjà acquises en même temps que des limites linguistiques. Plusieurs immigrants dotés d'une véritable compétence dans un domaine particulier (mécanique, électricité, etc. ) ont de grandes difficultés, en raison de leurs connaissances linguistiques, à suivre les programmes réguliers de formation professionnelle. Il serait peut-être possible de trouver des aménagements qui leur permettraient de se donner une compétence plus rapidement. Possibilité de dérogation légale, dans certains métiers, pour l'acquisition de la carte de compétence - tenir compte de l'expérience dans le pays d'origine; simulation à la concertation patronale-syndicale pour faciliter l'embauche de Néo-Québécois; assurer une formation brève à certains membres de communautés culturelles qui pourraient être officiellement reconnus comme interprètes et aider les divers intervenants du réseau, tout en recevant une légère rémunération - formation qui consisterait plus à faire saisir le rôle précis de l'interprète qu'à donner des connaissances linguistiques, lesquelles devraient être acquises par ailleurs; assurer une formation brève qui permettrait à de nouvelles arrivantes de se qualifier rapidement comme aide familiale et d'être recommandées à d'éventuels employeurs; reconnaissance la plus large possible des acquis universitaires; assurer aux programmes du secondaire et du collégial une souplesse qui leur permettrait de mieux répondre aux besoins spécifiques des adultes allophones - problème des cours de français langue maternelle et de philosophie dans les programmes professionnels de l'enseignement collégial, pour des personnes qui maîtrisent difficilement la langue et veulent s'orienter vers une technique ou une concentration pour laquelle ils ont des acquis solides - que des dérogations soient rendues possibles.

En résumé, nous recommandons qu'un ensemble de mesures soient adoptées de façon à permettre une entrée la plus rapide possible sur le marché du travail et la possibilité de demeurer en région plutôt que de succomber à l'attraction des grands centres, particulièrement Montréal et Toronto; programmes de création d'emplois et souplesse des programmes de formation de tout ordre et de toute catégorie (formation professionnelle, secondaire, collégial, etc. ).

Compréhension multiculturelle. La compréhension multiculturelle nous semble comporter deux volets. D'abord, il est important d'aider les nouveaux arrivants à s'adapter à la société québécoise et, particulièrement, à vivre, sans trop de dommages, le choc culturel qui en

affecte plusieurs et peut causer des traumatismes importants. Par exemple, redéfinition du rapport homme-femme à l'intérieur du couple, violence conjugale, éducation des enfants, déstructuration familiale, crise d'identité des jeunes, etc. D'autre part, il est nécessaire d'éveiller les Québécois de souche à la réalité multiethnique et au pluralisme dont notre société est désormais affectée. Cela rejoint les préoccupations de l'énoncé de politique à propos des relations intercommunautaires, page 75.

On pourrait penser ici à des mesures comme les suivantes: création d'un réseau entre ceux qui interviennent auprès de nouveaux arrivants, professeurs du COFI, personnel du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, travailleurs sociaux, membres du CLSC, organismes d'accueil, comme à Québec la Fraternité multi-culturelle - le Centre multiethnique de Québec, maintenant - la Maison internationale, l'Aide médicale internationale à l'enfance, le Centre international des femmes, les associations ethniques, etc. Mise en place d'une banque d'interprètes issus des communautés culturelles et habilités à bien remplir leur rôle d'interprète; ouvrir des postes de psychologues et de psychiatres, de médecins, d'avocats à l'intention des professionnels issus des communautés culturelles. À cette fin, accepter des dérogations permettant à certains médecins nouvellement crédités de demeurer dans une ville comme Québec, par exemple, où il y a une population immigrante importante, et cela, tant en raison de leur compétence que de leur connaissance de la langue d'origine. Sensibilisation des intervenants sociaux à la réalité multiculturelle, leur donner une formation qui leur permette d'avoir une certaine idée de la culture d'origine de ceux et de celles qui font appel à leurs services. On peut penser aux travailleurs sociaux, aux avocats, aux juges qui doivent se prononcer sur des questions de violence conjugale ou de protection de la jeunesse, etc. Favoriser et soutenir les initiatives qui permettent aux Québécois de souche de rencontrer des membres de communautés culturelles et de s'ouvrir à leurs différentes cultures.

En résumé, nous recommandons que soient mises en place des mesures qui fournissent aux nouveaux arrivants une aide professionnelle ouverte à la réalité multiculturelle et qui, d'autre part, leur permettent d'être en contact avec la population québécoise de souche.

L'accueil et l'intégration de nouveaux arrivants est une tâche extrêmement importante pour l'avenir du Québec. Depuis plusieurs années déjà, un grand nombre de paroisses et de groupes catholiques se sont largement impliqués dans une telle oeuvre. On n'a qu'à penser à toutes les énergies rassemblées, au début des années quatre-vingt, pour accueillir chez nous les réfugiés de la mer du Sud-Est asiatique.

L'Office de pastorale sociale a l'intention de s'associer à l'effort entrepris par le gouver- nement du Québec et veut, d'ici quelques mois, adopter un certain nombre de mesures et d'activités qui permettront aux chrétiens de se sensibiliser à la réalité multiculturelle et de s'impliquer davantage dans l'accueil des nouveaux arrivants.

Une voix: Voilà.

Le Président (M. Gobé): Bon. Très bien. Je vous remercie, M. Théberge et Mme Blais. Je passerai maintenant la parole à Mme la ministre de l'Immigration. Vous avez 20 minutes. Vous pouvez peut-être garder quelques minutes pour la fin.

Mme Gagnon-Tremblay: O.K. Merci, M. le Président. Merci pour la présentation de votre mémoire. J'ai compris que d'après le titre Tour une politique d'immigration humanitaire", possiblement que le temps qui était mis, qui vous était alloué, ne vous permettait pas de parler également de l'immigration économique et, aussi, de nous donner des indications quant aux niveaux d'immigration pour les prochaines années. Peut-être qu'on aura l'occasion cependant d'en parler un peu plus longuement, un peu plus tard.

Je voudrais cependant revenir à des mesures que vous proposez, à partir de la page 11 de votre mémoire, concernant l'intégration au monde du travail. Entre autres, il y a quelque chose qui m'attire un peu lorsque vous mentionnez qu'il faudrait trouver ici des emplois accessibles à des gens ne maniant pas la langue. Qu'est-ce que vous entendez par emplois accessibles? C'est quoi, pour vous, des emplois accessibles pour cette catégorie de personnes qui ne manient pas la langue?

M. Gaudet: Je pense, en particulier, à des emplois en usine ou en atelier, qui exigent simplement une habileté manuelle, comme on en trouve dans plusieurs compagnies à Montréal ou à Toronto, où, dans les premiers mois, quelqu'un apprenant les rudiments peut accomplir une tâche et gagner son salaire. Ici la ville de Québec, il n'y a pour les nouveaux arrivants que les emplois de plongeurs dans les restaurants ou des emplois qui exigent, pour travailler au gouvernement ou à l'université, des compétences que plusieurs immigrants ne peuvent pas avoir en raison de leurs difficultés linguistiques.

Mme Gagnon-Tremblay: Ne croyez-vous pas cependant que ça pourrait être, à un moment donné, ça pourrait devenir un peu comme des ghettos aussi à cause de la sécurité au travail - parce qu'il faut quand même se comprendre entre travailleurs aussi - et que ça ne pourrait pas devenir des ghettos, une fois qu'on a eu cet emploi, parce qu'on se rend compte que, même au niveau des COFI, plusieurs personnes ne se rendent pas jusqu'aux COFI parce

qu'elles trouvent un emploi immédiatement, et entre apprendre la langue et gagner son pain, parfois le choix est facile à faire. Ces personnes se retrouvent dans des entreprises n'ayant pas appris le français. Est-ce que ce ne serait pas le danger que ça arrive, ça aussi, par exemple, qu'on s'en aille davantage dans des entreprises, la où ce n'est pas nécessaire de parler la langue et qu'on ne revienne pas par la suite à l'apprentissage de la langue?

M. Gaudet: II pourrait effectivement y avoir un certain danger. Il faudrait être sensibles à ça. Par ailleurs, le danger est peut-être moins grave que ceux qui se retrouvent en chômage en attendant d'apprendre la langue et qui, après, une fois qu'ils ont terminé le cours de COFI, n'ont pas plus d'emploi non plus même, parce que, pour certains, après cinq ou six mois d'apprentissage de la langue, ils n'ont pas la capacité d'exercer, d'aller à l'université ou surtout d'acquérir des compétences ultérieures, et certains vont se retrouver en chômage à partir de ce temps-là. L'expérience montre que, pour plusieurs, la possibilité d'avoir un premier emploi, les premières années, est très importante dans l'intégration, dans le sentiment de faire quelque chose et que, surtout chez les plus jeunes, il y a un désir de dépasser et de se donner progressivement d'autres compétences pour déployer. L'absence d'emploi est très dure à supporter pour...

Mme Gagnon-Tremblay: Souvent, on ne peut pas les retrouver sur l'assurance-chômage parce qu'ils n'ont pas encore travaillé suffisamment de temps.

M. Gaudet: Oui, effectivement.

Mme Gagnon-Tremblay: Dans l'énoncé de politique, on mentionne que nous voulons peut-être donner des cours sur mesure de l'apprentissage de la langue pour pratiquer certaines formations, certaines professions, les professions libérales ou encore certains métiers. À la sortie, par exemple, du COFI, on sait très bien que le cours qui est donné, et compte tenu aussi de toutes les nationalités, de toutes les langues parlées, que ce qui est important pour nous, c'est de leur donner le volet culturel, le volet sur la culture du Québec et aussi être capable de parler, de baragouiner ou de ce qu'on appelle, comme quelqu'un me le mentionnait déjà ici dans la région de Québec, le "presque français". Je trouvais que c'était un terme qui était bien utilisé, le "presque français". Cependant, après ce cours, il y aurait peut-être possibilité de cibler certaines professions ou certains métiers, et de leur donner des cours un peu plus pointus. Je pense, par exemple, à une infirmière qui pourrait pratiquer et qui aurait besoin davantage de vocabulaire se rapportant à cette profession. La même chose pour un métier, par exemple, mais des cours plus axés sur la profession ou le métier.

M. Gaudet: Je pense que c'est une approche très bonne et qui serait à poursuivre, à concrétiser sûrement.

Mme Gagnon-Tremblay: Toujours à la page 11, vous parlez également de programmes de création d'emplois, particulièrement en région. Est-ce que vous avez à l'idée des programmes spécifiques ou des solutions, des idées de programmes autres que ce qui se fait actuellement? Avez-vous des suggestions à nous faire à ce sujet-là?

M. Gaudet: Personnellement, je n'ai pas de suggestion à faire. Quand on pense à la mise en place de programmes de création d'emplois, non. On se référait à l'effort qui veut être entrepris pour trouver des emplois en région. On n'a pas de suggestion plus particulière.

Mme Gagnon-Tremblay: II y avait aussi une autre mesure que je trouvais intéressante, qui était l'encouragement à l'embauche de Néo-Québécois, soit par des programmes spéciaux, des stages prolongés payés en entreprise, des déductions fiscales. C'est sûr qu'il y a les programmes d'accès à l'égalité qu'on peut encourager et inciter fortement, même au niveau de l'entreprise privée, mais on sait déjà que, pour certains directeurs d'entreprise, par exemple, ou même certains Québécois, ça fait problème. On a toujours l'impression qu'on privilégie une catégorie d'employés par rapport à une autre catégorie d'employés lorsqu'on parle des programmes d'accès à l'égalité. Je l'ai vécu, entre autres, dans les programmes d'accès à l'égalité pour les femmes.

Vous parlez également de stages prolongés payés en entreprise, et tout ça. Est-ce qu'on peut, par exemple, mettre sur pied certains programmes dont ne bénéficieront pas aussi des Québécois d'origine? Est-ce qu'on peut faire ça? Est-ce qu'à un moment donné, on ne pourra pas être taxés, par exemple, de privilégier une certaine catégorie de la population par rapport à une autre qui est aussi à la recherche d'emploi et a aussi de la difficulté à se trouver de l'emploi? Est-ce qu'il n'y a pas un danger, à un moment donné, que ça se retourne contre l'immigrant ou contre l'immigration? (14 h 45)

M. Théberge: Là-dessus, on indique bien que c'est nécessaire pour toute la population vivant en région. On est bien d'accord qu'on ne peut pas introduire une discrimination tout à fait marquée. C'est lié à l'idée qui apparaît dans l'énoncé de politique d'établir en région, de favoriser l'établissement en région des immigrants et des réfugiés. Donc, ça suppose forcé-

ment qu'il y ait un phénomène d'attrait assez fort et vrai pour les nouveaux immigrants, et ça pose la question de la même manière pour ceux qui sont déjà là. Ce qu'on constate, actuellement, tous les gens qui ont un peu de mobilité quittent les régions éloignées pour les centres. Donc, c'est toute une vapeur, un mouvement à renverser pour l'immigrant qui, lui, est déjà attiré par les grands centres à cause de sa chance de retrouver un milieu culturel où il aura quelques affinités avec ce qu'il est. Donc, un énoncé de politique qui apparaît comme dans le vôtre, que je trouve intéressant, la revitalisation des régions, en pensant à l'immigration, au développement démographique que ça signifie, ça suppose un coup de barre radical pour que ce ne soit pas juste une idéologie, pour que ça atterrisse.

Par exemple, je pense au monde agricole qui est souvent en recherche d'employés. Est-ce qu'il n'y aurait pas là un programme, un encouragement clair pour les immigrants de pouvoir être une main-d'oeuvre qui s'intéresse, qui est formée pour ça un peu parce que, actuellement, on ne s'improvise pas non plus dans ce monde-là, d'autant plus que, si on vient d'une région du monde où l'agriculture est totalement agraire, totalement différente, totalement primaire, par exemple... Mais c'est des voies; c'est comme de petites entreprises en région aussi, qui, possiblement, pourraient être favorisées. Mais vous avez bien raison. Ça ne peut pas se faire de façon discriminatoire pour les gens qui y demeurent, qui n'ont pas encore quitté.

Mme Gagnon-Tremblay: Nous parlons, bien sûr, de régionalisation, et nous pensons qu'en proposant la régionalisation et en ayant des mesures qui nous permettront justement de garder ces gens-là à l'intérieur d'une région, nous pourrons, finalement, "démétropoliser". Mais on sait cependant - et je l'ai dit à quelques reprises - que la régionalisation, on ne peut pas l'imposer, d'une part, à l'immigrant et on ne peut pas l'imposer à la région. Je pense qu'il faut un minimum de préparation. Il faut préparer, je pense, la population à des changements d'attitude, à des changements de mentalité, pour pouvoir accueillir mieux ces nouveaux arrivants, et il faut aussi que l'immigrant se sente accueilli pour pouvoir y demeurer. Alors, c'est certain qu'il s'agit de structures, qu'il faut se donner des structures.

Mais, lorsqu'on parle de marché du travail, étant donné que, justement, l'intégration économique y est pour beaucoup aussi dans une intégration réussie d'un individu et que, par contre, lorsque, moi, je parle aux régions et je discute avec des collaborateurs en région, je leur dis souvent que nous pouvons, par exemple, déjà faire cet arrimage entre la main-d'oeuvre spécialisée... Parce que, souvent, vous avez des taux de chômage assez élevés, mais vous avez une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. On peut faire cet arrimage entre les industries et, par contre, les gens que nous sélectionnons à l'étranger.

Mais pour ça, bien sûr, il faut être capables de sélectionner des personnes en fonction de ces besoins d'une région. Donc, ça signifie la catégorie des indépendants sur laquelle nous avons plein contrôle au niveau d'une sélection qui répond davantage aux objectifs économiques du gouvernement. Donc, comment vous voyez ça, cependant? D'une part, on voit qu'en région, on ne peut pas envoyer uniquement non plus des réfugiés parce que, comme vous le disiez tout à l'heure, il faut être capables de les retenir. Il faut être capables aussi de créer des emplois. Il faut que ça réponde à un besoin. Par contre, on se rend compte que c'est par la catégorie des indépendants qu'on va pouvoir davantage peut-être arrimer ces besoins avec l'offre.

M. Gaudet: II ne faut peut-être pas faire une distinction trop nette entre réfugiés et indépendants, parce que, dans la masse de réfugiés qui existe sur la planète, il y en a beaucoup qui ont effectivement des compétences de qualité: des médecins, des chirurgiens ou des professionnels, des hommes d'affaires...

Mme Gagnon-Tremblay: Par contre, au Québec, vous savez qu'ils doivent signer pour ne pas pratiquer lorsqu'ils arrivent. Ha, ha, ha!

M. Gaudet: Oui. Bon, alors il y aurait peut-être à examiner...

Mme Gagnon-Tremblay: Une deuxième carrière peut-être.

M. Gaudet: Oui.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui.

M. Gaudet: Alors, il y a de grandes compétences. De fait, on ne peut pas distinguer aussi nettement, et on note, parmi les réfugiés, des gens qui auraient des capacités pour exercer des métiers qui exigent des compétences professionnelles.

Je reviens, si vous me permettez, sur les stages prolongés. L'idée me revenait. Il est peut-être possible de penser à des programmes qui seront à l'intention de personnes qui maîtrisent mal le français. Il y a parfois des immigrants économiques, des immigrants ou des réfugiés qui ont des compétences manuelles, des connaissances en électricité, en mécanique, qui peuvent travailler en usine, mais qui ne seront pas employés parce qu'ils maîtrisent mal le français. Eux auraient besoin peut-être de programmes qui leur permettraient, qui aideraient l'employeur à les accepter, pour leur permettre d'accomplir leur travail dans ces moments où ils maîtrisent mal le

français et, ultérieurement donc, de devenir productifs sur le marché du travail.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui.

M. Gaudat: C'est un petit peu ça, je l'avais oublié, qu'on avait à l'esprit.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Et ma dernière question se rapporte justement à la possibilité de déroger, dans certains métiers, pour l'acquisition de cartes de compétence. Vous en faites mention à votre page 12. Alors là, je me demande quelle sera la réaction syndicale et comment aussi on pourrait déroger? Comme je reviens toujours à ma première question de base, est-ce que ce serait la meilleure façon de provoquer des réactions hostiles à l'immigration dans la population? Et aussi, est-ce que ce serait risqué de constituer des sous-emplois sous-payés? Je vous pose la question, parce que c'est toujours la réaction aussi. Vous savez qu'on fait affaire aussi dans ces milieux de cartes de compétence dans des milieux fortement syndiqués, chasse gardée et...

M. Gaudot: II y aurait peut-être toute une... C'est pour ça qu'il faut attacher beaucoup d'importance à ce qu'on appelle la concertation patronale-syndicale. Il y a sûrement une éducation à faire de ce côté-là. On te pose un peu comme problème, de ces personnes qui ont, de fait, des compétences techniques très bonnes, mais qui seront incapables d'entrer sur le marché du travail, qui se contentent de l'aide sociale ou de rester en attente. Là, il y a un problème. Est-ce qu'il est possible de sensibiliser le milieu de la construction, par exemple, à de telles possibflités sans provoquer des réactions? C'est à évaluer. On ne peut pas aller beaucoup plus loin que vous suggérez d'y penser.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

La Présidente (Mme Loiselle): Merci, M. Gaudet, Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, à vous la parole.

M. Boulerice: Merci, Mme la Présidente. Vous permettrez, au tout début, deux très brefs commentaires. Je relisais des notes d'une commission sur l'immigration que nous avons tenue il y a près de quatre ans. Je ne dis pas que ce que nous entendons est un répétiteur. Je trouve qu'il est quand même intéressant de se rappeler ce qu'on a dit. Je me souviens que la conférence des évêques québécois était intervenue par la voix de Mgr Valois. Je m'aperçois, dans votre résumé et dans votre énoncé, qu'on y retrouve exactement la même générosité. Je suis heureux de le constater.

La deuxième chose, je m'aperçois que son travail a été efficace, qu'il n'a pas été perdu, que nous avons toujours conservé cette même sensibilité. Elle est très évidente et très apparente dans votre mémoire. Je fais allusion, vous le comprendrez, à celui qui a été le premier à assumer le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, dans le gouvernement issu de mon parti, et je fais allusion, vous l'avez tous compris, au père Couture.

Donc, vous parlez avec beaucoup d'intérêt des réfugiés comme tels. J'aurais des questions très spécifiques à vous adresser au sujet des réfugiés, puisque c'est une préoccupation que je partage intégralement avec vous et les groupes qui vous ont précédés et qui y ont mis un certain accent également.

Quel devrait être, d'après vous, le règlement que l'on devrait adopter face à ceux qui sont en attente de statut actuellement? Vous savez comme moi qu'ils sont assez nombreux. Vous connaissez les conditions dans lesquelles ils vivent. Je ne dis pas conditions matérielles. Je parle de conditions psychologiques également.

M. Gaudet: Bon. On n'a pas échangé beaucoup là-dessus. On est plutôt en contact avec des réfugiés qui arrivent et qui sont déjà reconnus comme ayant statut de réfugiés, mais il est sûr qu'au point de vue psychologique, l'attente est extrêmement désastreuse pour ces personnes qui vivent dans une insécurité et qui ne peuvent absolument pas planifier leur avenir s'ils ont des parents, s'ils ont femme ou enfants qu'ils ont laissés dans leur pays. Il n'y a pas de planification possible.

On n'a pas échangé sur la solution, étant donné, sembte-t-il, que ça regarde le gouvernement du Canada surtout. Je ne sais pas si, avec la nouvelle entente, le Québec pourrait se prononcer là-dessus. Je ne pense pas. Mais il est sûr qu'on a nous-mêmes déploré des lenteurs bureaucratiques dans la solution des cas simples, et il faudra peut-être trouver une autre réponse qu'une réponse bureaucratique.

M. Boulerice: On ne peut pas y échapper, vous le comprendrez. C'est très souvent dans la réponse. Ce n'est pas moi, c'est l'autre, moi étant nous, le Québec, et l'autre étant Ottawa, le gouvernement fédéral central du Canada. Est-ce que vous croyez, puisque vous y avez fait allusion dans votre mémoire, que la sélection des réfugiés comme telle devrait appartenir au Québec, et que la définition du mot famille devrait être la définition - et j'ai employé la même image que j'employais auprès de vos collègues qui vous ont précédé - du mot "famille", ce soit celle qui est contenue dans un dictionnaire québécois et non pas dans un dictionnaire d'Ottawa.

J'avais même fait la blague en disant: On pourrait avoir le choix. Ici, le Larousse ou le Petit Robert, peu importe.

M. Gaudet: Pour la sélection, actuellement, dans les camps, le Québec a un droit, un choix ultime. Et si le Canada n'a pas d'objection, il doit respecter la sélection, le choix du Québec.

M. Boulerice: Je m'excuse. Je parle pour ceux qui arrivent ici.

M. Gaudet: Pour ceux qui arrivent sans avoir le statut de réfugié.

M. Boulerice: C'est ça, oui. M. Gaudet: Ah bon!

M. Boulerice: Je pense qu'il y aurait intérêt que, de ce côté-là, le Québec ait le plus de pouvoirs possible pour que l'ensemble de la politique d'immigration soit cohérente et qu'il n'y ait pas, je dirais, des échappatoires, si l'on peut dire. Il y aurait sans doute intérêt.

M. Gaudet: Pour ce qui est de la définition de la famille, je n'avais pas perçu qu'il y avait une distinction entre le Larousse et le Petit Robert. Je ne saisis pas tout à fait la question.

M. Boulerice: La définition du mot "famille", parce qu'on parie de réunification des familles, la définition du mot "famille" et la définition établie par le gouvernement d'Ottawa - parce que c'est lui qui s'occupe de la réunification. Donc, la question que je vous pose est la définition du mot "famille". Est-ce que ça devrait être le pouvoir du Québec de le définir, ce que ça signifie pour nous "famille", ou ça doit continuer d'être une prérogative du gouvernement fédéral, ou comme on dit en latin, "for the time being"?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Caron (Marc): Que la définition appartienne à Québec ou à Ottawa, à mes yeux, pour le moment, ce n'est pas la chose première d'importance. Il faudrait peut-être s'entendre pour la famille, non pas dans un sens de pays d'origine parce que je me suis fait prendre déjà. Quelqu'un me parlait de ses cousins et de tout ça. Il n'avait pas gros comme ça de parenté. C'était simplement qu'ils étaient du même village. Il les appelait ses cousins et même ses frères. Je pense qu'il y aurait un premier déblayage à faire entre "famille", telle qu'on l'entend en France, au Canada ou à Québec, et la famille telle qu'on peut l'entendre dans d'autres pays.

Après ça, la deuxième entente serait à faire entre celle et de Québec et du Canada. Ça, c'est une autre affaire. Mais au moins gagner la question pays, disons, occidentaux, et pays d'Orient.

M. Boulerice: Je vais vous reprendre, M. l'abbé Caron. Vous avez, vous, une définition du mot "famille" que vous privilégiez.

M. Caron: Oui, certainement.

M. Boulerice: D'accord. Cette définition-là, n'oubliez jamais, relève du gouvernement fédéral.

M. Caron: Ah bien! ça, peut-être...

M. Boulerice: Souhaitez-vous qu'elle relève du Québec ou du fédéral? Où pensez-vous gagner le plus rapidement? Persuader le Québec ou persuader le fédéral?

M. Caron: Je l'appellerais une définition d'ordre traditionnel, mais j'y ajouterais le mot "chrétien". Les parents des enfants, les grands-parents, à l'occasion, et peut-être les petits-enfants. Les frères et soeurs de ceux qui sont établis, là je suis un peu plus hésitant. (15 heures)

M. Boulerice: D'accord. Mais je vais continuer encore mon harcèlement, M. l'abbé Caron. Est-ce que c'est le Québec qui doit s'occuper de la réunification des familles ou si c'est le gouvernement fédéral?

M. Caron: Devra s'en occuper, à mon avis, celui qui, en dernière instance, aura à faire le choix. Si tout passe du Canada au Québec, c'est à Québec de faire la définition. Par "famille", nous entendons ceci, ceci et cela. Si cela appartient encore au Canada, eh bien, c'est peut-être à lui. Il a son mot à dire, à tout le moins.

M. Théberge: Là-dessus, j'ajouterais, si vous permettez, que l'important, si on n'arrive pas à s'entendre sur les mots, il faudrait qu'on ait une cohérence au moins dans les pratiques. Idéalement, que le Québec puisse le plus largement possible contrôler les avenues et les arrivées autour de cette réalité-là, sinon qu'on fasse, en tout cas, là comme dans d'autres domaines, qu'on tente des ententes pour savoir enfin ce vers quoi on veut marcher ensemble, si c'est encore possible.

M. Boulerice: D'accord. Dans votre mémoire, vous parlez, pour faciliter l'intégration, de jumelage. Alors, vous vous doutez bien de la question que je vais vous poser. Dans la région de Québec, c'est-à-dire notre capitale nationale, pouvez-vous nous dire si de tels programmes existent et quelle évaluation en faites-vous?

Mme Blais: Je crois que les familles qui ont été jumelées... Il y a plusieurs familles connues qui ont été jumelées avec des familles québécoises, et, en général, c'est excellent parce qu'il y a de très bons rapports qui s'établissent entre les deux. Les familles québécoises apprennent à connaître les autres cultures, et, en même temps,

il y a un service qui est fait aux personnes qui arrivent, et pas simplement un service, mais une connaissance mutuelle, une amitié mutuelle qui se développe entre les deux. Très souvent, les programmes ne sont que de quelques mois - je crois que c'est six mois - mais se prolongent beaucoup plus. Nous rencontrons fréquemment des famHles qui continuent à se visiter mutuellement et qui ont été jumelées il y a deux ans ou trois ans.

M. Boulerice: Est-ce que je peux extrapoler et prendre votre réponse en disant que, puisque nous discutons de régionalisation... Et, entre parenthèses, il va falloir le dire un jour, et c'est un député montréalais qui vous le dit: Montréal est une région, sauf que nous sommes la région qui reçoit le plus comme telle. Je sais que, dans d'autres régions, il y a non pas nécessairement une capacité d'accueil, mais je racontais l'anecdote... Lorsque j'assumais - je le fais de façon Intérimaire à ce moment-ci de la commission - à temps plein, si vous me permettez l'expression, le dossier des communautés culturelles et de l'immigration, au cours d'une tournée que j'ai faite des régions du Québec, j'avais constaté avec un certain ravissement que les gens dans les régions, lorsqu'ils recevaient un politicien autrefois, disaient: Je veux mon CLSC, je veux mon bout de route, je veux mon centre d'accueil. J'avais remarqué, à Trois-Rivières comme dans la région de Mme la ministre, en Estrie, dans l'Outaouais, des gens qui nous disaient: On veut nos immigrants. Je trouvais la phrase belle. Je la trouvais même très affectueuse et très accueillante. Donc, quand on parle de régionalisation, est-ce que je peux extrapoler en disant qu'une des conditions essentielles, si on veut tenter des expériences réussies de régionalisation, il faut que ce soit fait avec, comme principe de base, le jumelage dont vous venez de parler?

M. Théberge: Moi, là-dessus, je suis tout à fait d'accord. C'est une des orientations qu'on poursuit, par le biais de l'expérience des communautés chrétiennes, d'éveiller cette idée du parrainage, du jumelage, d'accompagner. Ça s'est fait - encore une fois, on l'évoque - dans les années quatre-vingt, autour des réfugiés sud-asiatiques. Il y a eu des expériences très riches. Suite à ces expériences-là, par ailleurs, il y a eu un creux. Des villages, des paroisses, des communautés chrétiennes ont investi pour accueillir, mais, très rapidement, à peu près tous ces gens-là, toutes ces famHles accueillies, sont partis pour la grande région qui est Montréal - Montréal, Toronto, etc. - à cause du phénomène de l'emploi. Et ça a été souvent un peu démobilisateur pour les familles, pour les communautés d'accueHIir, de s'organiser et de continuer, de renouveler l'expérience parce qu'elles avaient un peu l'impression, malgré tous leurs efforts, d'amener des réfugiés, des immigrants plus ou moins dans un cul-de-sac, très souvent à très brève échéance.

Je regarde, à peu près tout le Bas-du-Fleuve, partant de la rive sud, très peu de familles, pour en avoir connues plusieurs, se sont établies. Parce que, avoir un emploi, on sait que c'est le premier facteur de survie économique et d'intégration. Il faut rattacher, je dirais, cet élément-là à la capacité et à la demande qu'on peut faire, à la proposition qu'on peut faire à des communautés, qui peuvent le faire à cause de leur expérience chrétienne, à cause de valeurs humanitaires, à se mobiliser dans l'expérience du jumelage.

M. Boulerice: Vous avez parlé du travail, et je ne veux pas disconvenir avec vous que c'est forcément le point majeur. L'immigrant vient pour de nouvelles opportunités. Donc, elles se retrouvent au niveau du travail, un travail valorisant, un travail rémunérant, etc. Est-ce que vous croyez que cela a joué aussi en région? Et là, je m'explique. Il n'y a pas, comme à Montréal, forcément, un quartier chinois, une petite Italie, un village grec, et ce phénomène-là n'existant pas en région, ils se sont sentis peut-être un peu isolés. Parce qu'on a toujours, même encore, le goût de partage avec des compatriotes de même origine, lorsqu'on arrive quelque part. Est-ce que vous avez été capable d'en faire la mesure?

M. Gaudet: Effectivement, on voit, à l'expérience, que c'est souvent lié à la recherche d'emplois. Lorsque quelqu'un arrive à Québec ou dans un autre endroit et a des parents à Montréal, Toronto ou Vancouver, tout de suite, on pense à l'emploi et on lui promet des emplois plus rapidement. On va chercher avec lui. Les parents vont chercher avec lui. Il est sûr que cela joue. Il y a une attraction importante vis-à-vis des centres à cause de la présence d'une communauté culturelle à laquelle ils peuvent se rattacher, et ça leur permet d'entrer dans des réseaux de recherche d'emploi qui sont plus faciles pour eux. Ça joue, effectivement.

M. Boulerice: Au sujet des cours de français langue maternelle dans les collèges, c'est-à-dire dans les cégeps, les collèges d'enseignement professionnel, vous soulevez quelques problèmes. Vous dites, entre autres, que, dans les cas d'options professionnelles - et je me permets, pour votre bénéfice, au cas où, par malheur, vous n'auriez pas eu le temps de le lire, l'Association des manufacturiers a déposé une liste qu'on n'a peut-être pas encore reçue, mais enfin on en connaît le contenu - il y a beaucoup de pénuries au sujet de spécialisations. Vous savez comme moi que les pronostics du rapport Parent, malheureusement, ne sont pas appliqués. On prévoyait 30 % au secteur général et 70 % au professionnel, et, avec le temps, ce lut l'inverse.

70 % au général, 30 % au professionnel. Donc, il y a des pénuries de main-d'oeuvre qualifiée. Et quand vous parlez des collèges, vous parlez d'options professionnelles. Vous dites: Des dérogations devraient être permises. Moi, je ne le sais pas, j'ai un peu une crainte. Ne pensez-vous pas que peut-être, à la longue, ça pourrait défavoriser les membres des communautés culturelles, s'il y a certaines dérogations des cours de français langue maternelle dans les collèges, compte tenu, justement, des spécialisations professionnelles qu'on veut leur voir acquérir? Vous savez comme moi que lorsqu'on est un professionnel de la soudure ou de l'électricité, etc., on doit lire et comprendre un devis qui est écrit, et ça pourrait peut-être... Enfin, je vous pose la question.

M. Gaudet: C'est tant mieux. Simplement, mon expérience, je voyais un jeune, qui est préparé dans le domaine de l'électronique, être obligé de suivre un cours de français et d'étudier Baudelaire, Racine, Corneille, alors que son apprentissage du français était encore minimal. Alors, je me dis: Face à une telle situation, il faudrait permettre des modifications de programmes qui remplaceraient des cours, par exemple de poésie française, par des cours d'apprentissage de la langue française, ou des cours de philosophie par d'autres cours de français, en tenant compte du fait que les cours réguliers ne sont pas beaucoup accessibles à des gens qui maîtrisent mal la langue.

La Présidente (Mme Loiselle): Dernière intervention, s'il vous plaît?

M. Boulerice: Dernière intervention, Mme la Présidente, et je n'abuserai pas de votre bonté. Ne croyez-vous pas, puisqu'on parle également d'intégration... Vous nous parlez de Baudelaire; Baudelaire, c'est notre culture, et je pense qu'on se doit de la cultiver. Ne pensez-vous pas que les exempter dans un sens c'est peut-être les priver d'une intégration culturelle et qu'il ne vaudrait peut-être pas mieux de maintenir, mais d'aller dans un programme spécifique, supplémentaire, d'apprentissage, je dirais, entre guillemets - ne me prenez pas au pied de la lettre - un programme supplémentaire d'apprentissage du français vernaculaire?

M. Gaudet: Simplement, il s'agit, d'abord, des nouveaux arrivants qui maîtrisent mal la langue. Je ne pense pas à leurs enfants ou à ceux qui vont suivre le curriculum régulier, et c'est simplement une adaptation du programme à leurs besoins et à leurs capacités. Est-ce que ça leur nuirait? Je ne pense pas. Ce serait même plus profitable de prendre, d'approfondir le français, je dirais, général, le français de base, que de suivre des cours qu'ils ont de la difficulté à comprendre, à cause des problèmes linguisti- ques, et sans les retarder. Par ailleurs, si on ajoute d'autres cours supplémentaires pour le français, on retarde encore l'obtention des diplômes et l'insertion dans le milieu de travail. En tout cas, c'est une question qui sera à examiner.

M. Théberge: J'ajouterais qu'on poursuit différents objectifs. Il y a l'objectif d'implantation, bon, entre autres, quand on pense aux régions, en région ou en régions périphériques. Comment tout faire pour faciliter l'implantation et avec la perspective de la croissance démographique que ça signifie, qui sont des objectifs poursuivis? Comment essayer d'être un peu, je dirais dans le bon sens du mot, stratégique par rapport à l'autre solution qui s'offre, à un moment donné, à ces gens qui arrivent pour gagner leur croûte de fuir vers Toronto, vers les autres parties du Canada? Idéalement, c'est bien sûr qu'on leur donne... Ils arrivent à maîtriser notre culture, notre littérature, etc., mais où, je dirais, couper, en tout cas, pour qu'ils puissent vivre, survivre et prendre racine dans un coin du Québec, en particulier, puisque c'est là qu'on a un intérêt conjoint?

La Présidente (Mme Loiselle): Merci.

M. Boulerice: J'en aurais eu bien d'autres, mais le doux courroux de la présidente va s'abattre sur moi. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Loiselle): Ha, ha, ha!

Merci. M. le député de l'Acadie, pour une courte intervention, s'il vous plaît.

M. Bordeleau: Merci, Mme la Présidente. Tout à l'heure, Mme la ministre, vous mentionniez à la question des immigrants indépendants... Bon, je pense que vous avez d'ailleurs mentionné à plusieurs reprises, dans votre présentation, que la question de l'emploi est un facteur important comme élément d'intégration ou facteur susceptible d'améliorer l'intégration des immigrants. Alors, évidemment, dans la politique comme telle du ministère, il y a toute la catégorie des indépendants qui, eux, sont sélectionnés en fonction des besoins spécifiques du Québec, et on sait que dans ces procédures de sélection, dans les grilles de sélection, la question de l'emploi justement est un facteur important et pratiquement clé à ce niveau-là. Je pense qu'on s'entend pour dire que, de ce côté-là, il y a des besoins et qu'on doit, à l'intérieur de la politique de l'immigration, répondre aux besoins de la province. (15 h 15)

Maintenant, dans votre mémoire, vous avez développé - d'ailleurs le titre un peu et la recommandation que vous avez mise à la page 5 - ce que vous appelez l'immigration humanitaire ou les programmes d'aide humanitaire. On peut

parler, à ce moment-là, des réfugiés, de la réunification des familles. Vous parlez de certaines catégories de personnes: les personnes âgées, les personnes handicapées, et ces choses-là. Mais si on essaie, disons, de mettre un peu en équilibre tout ça, c'est ce besoin-là de répondre, au fond, à des besoins à partir d'une perspective humanitaire et, également, le besoin pour le Québec de sélectionner en fonction de critères assez précis, qu'on peut faire par la catégorie des indépendants. Quelle serait, selon vous autres, la proportion qui pourrait exister entre la catégorie des indépendants et la catégorie des... Quand vous dites "développer une immigration humanitaire, ouvrir des programmes d'aide", est-ce que ça veut dire, dans votre esprit quel pourcentage de l'immigration québécoise devrait être une immigration de type humanitaire? Et quel pourcentage devrait être une immigration du type d'une immigration indépendante, si on veut?

M. Gaudet: On ne s'est pas penchés du tout sur l'établissement d'un quota précis. Notre intention, c'était surtout de manifester un problème qui est celui de l'accueil humanitaire, de dépasser, dans la perspective globale, la simple référence à l'intétêt, même s'il faut le garder, et c'est extrêmement important, on le disait. Ce qu'on pensait, c'était plutôt qu'il faudrait peut-être ajouter aux programmes existants un programme humanitaire assez restreint permettant l'accueil d'un certain nombre de réfugiés, qui aurait une valeur un peu symbolique, au fond, pour que le Québec puisse dire: En dehors des quotas, en dehors des sélections, je dirais, plus rigoureuses de réfugiés qui présentent de grandes capacités d'adaptation au Québec, on en admet un certain nombre qui ne présentent pas ces qualifications-là, un certain nombre qui serait éventuellement plutôt symbolique, mais qui permettrait d'élargir la perspective à la question des réfugiés, aux questions humanitaires.

La Présidente (Mme Loiselle): Ça va?

M. Caron: Dans la même ligne, je crois qu'il y a ici, tout en respectant les normes humanitaires, quelque chose de l'offre et de la demande. Je suppose qu'on ait besoin de 10 ingénieurs pour travailler dans les sois. On en a besoin. Je pense qu'on peut en tenir compte. Ça ne veut pas dire qu'on va reléguer au second plan tous ceux qui sont dans le besoin pour sauver leur peau parce qu'ils sont menacés dans leur vie, eux et leur famille, dans leur propre pays. Je pense, à ce moment-là, que la proportion peut s'élever. Une proportion qui serait, disons le mot, à peu près uniforme, 30 %, 40 % ou 60 %; je pense que c'est possible. Ce sont ceux qui sont sur place, comme un médecin, qui vont faire le diagnostic. On va en prendre tant, on va pouvoir en accepter tant pour des raisons d'ordre économique et tant pour des raisons d'ordre proprement humanitaire. Ça, je pense que ce sont ceux qui sont sur place qui sont le plus en mesure de faire des normes qui vont osciller d'une année à l'autre, d'un besoin à l'autre, selon les circonstances.

La Présidente (Mme Loiselle): Une dernière intervention, M. Théberge, s'il vous plaît.

M. Théberge: J'ajouterais simplement un mot. M. le député de l'Opposition a qualifié notre mémoire par le mot "générosité", en faisant référence à un mémoire antérieur. Je crois que la pointe de générosité se situe précisément dans cette dimension. Comme société, est-ce qu'on ne doit pas - une société riche, malgré tout ce qu'on peut en dire, quand on se compare - être capable de cet accueil humanitaire qui est vraiment humanitaire au sens d'un certain nombre de personnes qui ne rencontrent pas les exigences économiques? C'est la pointe, je dirais, au niveau de la générosité du rapport. En arrière de ça, il me semble qu'il s'agit de se référer à l'effort qui a été fait dans les années quatre-vingt, entre autres, pour accueillir les "boat people" par nombre de communautés et de groupes. Il me semble que ça dit quelque chose sur la générosité de notre société. Donc, que ça apparaisse dans une politique gouvernementale, il me semble qu'il y a une cohérence.

La Présidente (Mme Loiselle): Mme la ministre, pour clore cet échange.

Mme Gagnon-Tremblay: Écoutez, quelques mots seulement pour vous remercier, parce qu'on a déjà dépassé le temps qui était mis à notre disposition.

Au départ, je voudrais vous remercier pour les propos que vous avez eus à l'égard du COFI de Québec. Je pense que notre directrice régionale, Mme Cérone sera très heureuse d'entendre ces propos. Merci beaucoup.

M. Boulerice: Écoutez, je ne veux quand même pas perdre des votes à Montréal puisque je suis un député montréalais, mais, pour emprunter peut-être un slogan qu'on a vu régulièrement dans votre ville, je peux vous dire que l'expression, ici, à cette commission, d'un groupe de Québec, c'était à mon point de vue capital qu'il soit fait.

M. Théberge: Au nom de notre groupe, au nom de l'Office de la pastorale sociale, je tiens à vous remercier tous de nous avoir accueillis et de nous avoir permis de nous exprimer comme nous l'avons fait. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Loiselle): Merci beaucoup.

M. Boulerice: Mes salutations à notre

cardinal l'évêque, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Loiselle): Je demanderais maintenant aux représentants de la Maison internationale de Québec de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Mesdames et Messieurs, bonjour, bienvenue à cette commission. Tout d'abord, j'aimerais que vous vous identifiez, s'il vous plaît.

Maison internationale de Québec

M. Raharolahy (Augustin): Merci, Mme la Présidente. Je suis Augustin Raharolahy, président de la Maison internationale de Québec. À ma gauche, M. Jean Moisset, membre de l'Association haïtienne de Québec; à ma droite, M. Khun-Neay Khuon, membre de l'Association cambodgienne de Québec; et enfin, à l'extrême gauche, que vous connaissez déjà, que je n'ai pas besoin de représenter, le père Gaudet, qui est aussi membre de la Maison internationale de Québec, étant donné que l'Aide médicale internationale à l'enfance fait partie de la Maison internationale de Québec.

La Présidente (Mme Loiselle): Merci. Alors, vous pouvez commencer votre présentation. Vous avez 20 minutes.

M. Raharolahy: Merci beaucoup. Mme la Présidente, Mme Monique Gagnon-Tremblay, ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire, nous exprimons nos remerciements à la commission parlementaire de la culture de bien vouloir nous accorder cette audience sur l'immigration.

En effet, le Québec évolue considérablement sur tous les plans et cherche à bâtir son avenir pour devenir à la fois une société francophone, démocratique et pluraliste.

Nous avons examiné l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration, et, pour ce faire, nous avons créé un comité de travail composé de 10 personnes de différentes origines et de différents milieux. Comme vous le savez sans doute, la Maison internationale de Québec est le regroupement des 28 associations dans la région de Québec où se trouvent réunis des membres des communautés culturelles originaires d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine, d'Europe, des Caraïbes ainsi que même des États-Unis. On peut quand même rappeler ce que la Maison internationale de Québec a comme objectif: regrouper les efforts de concertation et collaborer avec les organismes publics ou privés pour examiner les préoccupations majeures des communautés culturelles, eu égard aux différentes questions socio-économiques les concernant, favoriser le rapprochement avec la société d'accueil et développer des relations interculturelles.

Tout d'abord, nous formulons à l'égard du gouvernement du Québec, et particulièrement à Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'immigration et au ministre délégué aux Communautés culturelles, nos sincères félicitations en raison du sérieux de la démarche et de la volonté manifeste de doter le Québec d'une politique d'immigration plus globale et plus claire que dans le passé et, plus encore, orientée vers la participation des communautés culturelles au devenir du Québec. (15 h 30)

Dans le contexte d'un Québec en mutation, il est primordial d'avoir une ouverture d'esprit et une conscience de la présence d'autres cultures à l'intérieur de notre société et, plus encore, une volonté de partager équitablement des responsabilités concrètes avec les membres des communautés culturelles qui ne devraient pas être confinés seulement à des fonctions consultatives comme dans le passé.

Avec l'énoncé de politique, nous reconnaissons tout à la fois la complexité et la richesse de l'immigration, particulièrement au seuil de l'an 2000. Nous reconnaissons également que l'immigration est devenue un enjeu majeur pour le Québec, parce qu'elle s'inscrit dans une perspective de développement de la société distincte par rapport au reste du Canada, comme le mentionne d'ailleurs l'énoncé de politique, avec les apports suivants: le redressement démographique, la prospérité économique, la pérennité du fait français, l'ouverture sur le monde. Cependant, nous ne devrons pas, en tant que membres de cette société francophone et pluraliste, nous résigner à formuler de simples souhaits aussi louables soient-ils, il faut passer aux actes.

À notre humble avis, il est important que le Québec, à travers le gouvernement et ses institutions, passe en effet concrètement aux gestes afin d'assurer la pleine participation de tous les Québécois au progrès économique, social, politique et culturel, de favoriser la véritable appartenance à notre société, de veiller à ce que l'égalité de tous soit respectée et d'utiliser les compétences des communautés culturelles pour le développement du Québec.

Dans cette perspective, les recommandations que nous formulons devant cette commission sont dictées par les préoccupations suivantes. Tout d'abord, il s'avère important que le gouvernement concrétise, par des mesures adéquates, les orientations qui sont fondamentales dans l'énoncé. Ensuite, il nous apparaît primordial de maintenir un certain équilibre entre les orientations culturelles, économiques et humanitaires de la politique d'immigration.

Troisièmement, tout en étant entièrement d'accord avec le caractère francophone de la société québécoise et l'apport que l'immigration peut faire à cet égard, il apparaît plus que souhaitable d'assurer la diversité et l'équité

quant à la provenance des immigrants francophones. Comme vous le savez, il existe à peu près 135 000 000 de personnes francophones au monde, dont 35 000 000 en Afrique. D'autres pays de l'Europe de l'Est, d'Asie, de l'Amérique latine et des Caraïbes comportent également des francophones. Il ne faudrait donc pas limiter le recrutement et la sélection à certains bassins privilégiés.

Enfin, nous considérons comme essentielles la conception et fa réalisation d'une politique axée davantage vers le pluralisme, afin de mieux gérer concrètement la diversité de notre société et de s'orienter plus encore vers une véritable participation des communautés culturelles au développement du Québec et aux diverses instances décisionnelles. Nous comprenons également que, dans la société démocratique préconisée, non seulement la contribution pleine et entière de tous est attendue et le processus démocratique généralisé, mais encore que les droits des minorités sont garantis et assurés.

Cinquièmement, nous considérons comme nécessaire l'orientation suivante. D'une part, que le gouvernement du Québec prenne des mesures concrètes pour rectifier la situation caractérisée par l'absence des membres des communautés culturelles à certains postes de responsabilités professionnelles ou autres dans certains organismes ou institutions qui jouent un rôle dans le développement du Québec. D'autre part, nous estimons qu'il est utile de créer un comité de suivi de l'application de la politique d'immigration afin de s'assurer de l'application et de l'adaptation de ces mesures à prévoir. Ce comité pourra faire des recommandations à la ministre en ce qui concerne les corrections des modalités d'application. Ce comité de suivi pourra être composé des différents secteurs de la société. Cependant, il devra englober largement des représentants des communautés culturelles. Ce comité contribuera positivement, grâce à ses conseils, à la concrétisation des mesures et du plan d'action à réaliser. Par ailleurs, il permettra de mieux préparer l'avenir quant à l'évolution d'une politique d'immigration pour la décennie à venir. Que soient mis en place une structure ministérielle adaptée à ces objectifs de pluralisme et de participation ainsi qu'un ministère spécifique et dévoué à ces objectifs serait fortement souhaitable.

En somme, l'essentiel du message de notre groupe est qu'au-delà du caractère pertinent de cet énoncé, il donne lieu à une véritable application concrète dans un Québec de demain et qu'il ne sort pas un document que l'on exhibe, mais que, fondamentalement, il débouche sur une véritable transformation et une amélioration de la situation d'ensemble des communautés culturelles en matière d'intégration et de participation à la vie québécoise et à la société francophone et pluraliste.

Après ce préambule, nous vous présentons respectueusement nos réflexions et nos recommandations plus en détail. Considérons l'immigration. L'univers devenant de plus en plus solidaire et les brassages de populations de plus en plus nombreux, l'immigration est un phénomène qui est appelé à se développer. Il est essentiel d'y trouver ses propres intérêts, mais aussi très important d'être attentifs aux exigences de solidarité internationale.

En ce qui concerne la sélection et le recrutement, augmenter la proportion de l'immigration francophone. À cet égard, l'énoncé de politique mentionne que le bassin potentiel de francophones est restreint. De notre côté, nous remarquons que c'est le réseau de sélection qui est tout simplement concentré à certains points et absent des régions francophones d'Afrique et d'Asie.

Nous espérons que les ressources en accroissement seront réparties équitablement à travers le monde. Comme la carte du service d'immigration du Québec le montre bien, l'Afrique, l'Amérique latine et l'Asie sont dépourvues de nos services d'immigration, pourtant suffisamment bien concentrés en Europe centrale et aux États-Unis.

Par ailleurs, nous ne pouvons pas manquer d'attirer l'attention sur les dangers de mettre trop l'accent sur les immigrants francophones. L'expérience nous prouve que le français seul ne suffit pas pour une bonne intégration. Ainsi, cette ruée vers les francophones peut pousser le Québec à fermer la porte aux bons immigrants capables de s'intégrer à la société québécoise grâce à leur facilité d'employabilité ou à leur esprit d'entrepreneur.

Maximiser les retombées économiques. Pour arriver à la maximisation des retombées économiques, le Québec ne devrait pas tabler seulement sur la possession de plusieurs centaines de milliers de dollars par candidat à l'immigration et les possibilités de faire un voyage de prospection au Québec. En effet, nous savons très bien qu'il y a peu de gens qui peuvent répondre aux exigences actuelles pour les immigrants indépendants. Mais, en tenant compte des possibilités qu'offre le Québec aux entrepreneurs et gens d'affaires, candidats à l'immigration, et de la taille des régions souhaitant l'arrivée d'immigrants, le Québec devrait alléger ses exigences pour faciliter l'arrivée de beaucoup plus d'investisseurs et entrepreneurs moyens.

En fait, même ici au Québec, ce ne sont pas nécessairement les gros investisseurs qui se déplacent vers les régions, mais plutôt les petits et moyens entrepreneurs, ce qui explique combien l'assouplissement des exigences permettrait l'atteinte de ce noble objectif.

En ce qui concerne le voyage de prospection, il est important de souligner que l'absence de bureaux du Québec dans différentes régions peut en gêner l'organisation.

Enfin, soutenir la réunification familiale et l'adoption internationale. Nous accueillons très favorablement la réduction de l'engagement à trois ans. Dans le secteur de l'adoption internationale, nous remarquons qu'il y a une urgente nécessité d'amélioration. Il faudra faciliter les démarches administratives en vue de diminuer les délais et prendre des mesures en vue de prévenir ou corriger les abus qui pourraient venir de la part de personnes ou organismes mal intentionnés.

Maintenir et mieux cibler l'accueil des réfugiés. En vertu du principe de solidarité internationale, le Québec se reconnaît une responsabilité en matière d'accueil des personnes en situation de détresse. Il serait important que le Québec mette en place un programme d'aide humanitaire et s'engage à admettre chaque année, pour des raisons strictement humanitaires, un certain nombre de personnes qui, autrement, n'auraient accès à aucun pays d'installation. À cet égard, il faudrait éviter de ne compter que sur des groupes de parrainage privés.

Intégration. Nous souhaitons que le français soit la langue commune de la vie sociale et institutionnelle des Québécois. Nous soulignons cependant la parfaite compatibilité de ce statut du français avec le pluralisme culturel du Québec.

Le français, langue commune. Accroître l'accessibilité et la qualité des services d'apprentissage du français. Les communautés culturelles sont pleinement d'accord avec leur devoir d'apprendre le français. Mais la contrepartie, c'est la responsabilité et l'obligation pour la société en général et pour le gouvernement en particulier de fournir les services nécessaires pour y parvenir.

La participation. Assurer l'accueil des nouveaux arrivants et soutenir leur première insertion socio-économique. En plus des mesures préconisées par l'énoncé en cette matière, les centres d'accueil et d'hébergement devraient collaborer étroitement avec les associations des membres des communautés culturelles au sujet de l'accueil et du soutien des nouveaux arrivants dans le but d'adoucir le choc culturel.

Favoriser la régionalisation de l'immigration. La Maison internationale de Québec souhaite que des efforts de participation des immigrants au plan de développement régional soient réalisés afin de favoriser, d'une part, la création d'emplois pour les immigrants selon leurs compétences et leur spécialisation, qu'il s'agisse de travailleurs, de chercheurs, ensuite, la création de réseaux d'affaires entre les entreprises de la région, les investisseurs et les entrepreneurs immigrants.

Cependant, une orientation régionale de l'immigration devra se baser sur les conditions suivantes. D'une part, il faut intégrer la politique de régionalisation de l'immigration à la politique de développement du gouvernement du Québec et aux orientations économiques des instances régionales et des entreprises de la région. Créer un mécanisme régional de concertation, d'analyse et de suivi des efforts quant à l'accueil, l'établissement et la participation des membres des communautés culturelles au développement économique et social dans la région. Vous savez que cette espèce de suivi est très important dans une telle politique d'immigration. L'animation et la coordination de ce mécanisme de concertation devront être assurées par la direction régionale du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration dans chacune des régions, s'il y en a, en ce qui concerne l'immigration, l'intégration sociale, l'intégration économique.

Et dans la région de Québec, je crois que c'est très important. Il pourra regrouper plusieurs organismes dont, la direction régionale de Québec du ministère, le ministère des Communications, le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, la direction régionale de l'Office de planification et de développement du Québec, les corps intermédiaires comme les chambres de commerce, les organismes non gouvernementaux comme les associations et organismes des communautés culturelles, les représentants du milieu éducatif et des services sociaux à tous les niveaux, les représentants des municipalités, le représentant du Protecteur du citoyen.

La troisième condition également pour la régionalisation, c'est de favoriser à l'intention des immigrants, travailleurs, investisseurs et entrepreneurs des mesures d'information sur les potentialités de la région. Des moyens pourraient être utilisés, comme, par exemple, des visites guidées pour la prospection dans les différents coins du Québec, des incitatifs par des subventions ou autres mesures fiscales ou budgétaires qui peuvent aussi concourir à attirer des gens dans les différentes régions.

Sensibiliser les populations et les institutions de la région - et nous considérons que cette sensibilisation est de première importance - de façon systématique, quant à l'avantage de la contribution de l'immigration au développement régional. Par exemple, une émission d'intérêt public à la télévision sur les avantages et les aspects positifs de l'immigration. Aussi, le gouvernement devrait exercer son influence sur les corporations professionnelles pour les pousser à assouplir leurs exigences afin de permettre aux nouveaux arrivants d'exercer dans les meilleurs délais leur profession. Le cas du manque de médecins dans les régions est flagrant à cet égard. Alors que plusieurs médecins immigrants sont prêts à accepter des contrats à long terme pour offrir leurs services dans des régions aussi éloignées soient-elles, la corporation bloque systématiquement tout processus de recrutement.

Cinquièmement, faire participer les communautés culturelles, en particulier la Maison internationale de Québec, dont les membres

proviennent des communautés d'Afrique, d'Amérique latine, d'Europe, d'Asie, des Caraïbes, aux efforts de concertation, d'analyse, de sensibilisation et de suivi des actions de régionalisation de l'immigration. Je crois que ces associations peuvent apporter leur expertise.

En effet, l'expertise et l'expérience des membres des communautés culturelles de plusieurs pays au sein de la Maison internationale, dont la plupart viennent de la seconde vague d'immigration à partir des années soixante-dix et jusqu'à maintenant, aideront à l'identification des problèmes et à l'élaboration des solutions.

Enfin, assurer la continuité des efforts d'analyse et d'avis du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration non seulement au niveau national, mais aussi dans une perspective régionale.

Maintenant, nous allons aborder le Programme d'accès à l'égalité dans la fonction publique québécoise. Nous sommes heureux d'apprendre que l'énoncé de politique a mis l'accent sur les programmes d'accès a l'égalité. Nous espérons que l'objectif quantitatif de 12 % de l'embauche annuelle sera réalisé concrètement. Dans cette perspective, nous souhaiterions que les membres des communautés culturelles, à travers leurs associations et leurs représentants au sein de la fonction publique québécoise, puissent participer aux efforts de concertation, d'analyse, de sensibilisation et de sélection quant à l'application de ce programme.

Par ailleurs, nous sommes fortement heureux de constater que, pour le première fois, le gouvernement du Québec, à travers l'énoncé de politique du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, reconnaît la nécessité d'augmenter la présence des membres des communautés culturelles dans la haute direction de la fonction publique. En effet, nous soulignons la nécessité d'assurer la présence des communautés culturelles aux postes de gestionnaires. Nous constatons en effet le besoin d'instaurer la progression de la carrière des membres des communautés dans la fonction publique vers des responsabilités plus importantes, afin d'utiliser les compétences réelles des individus au bénéfice du Québec. Vous savez qu'il y a là une absence de redressement ou d'encouragement à la progression de la carrière ou à la promotion. Disons qu'il y a nécessité de corriger cela à l'instar du Programme de la relève féminine de gestion dans certains domaines.

Aussi, nous recommandons qu'un mécanisme approprié de promotion vise à permettre aux membres des communautés culturelles d'accéder à des postes de responsabilité en fonction de leur expérience, de leur qualification et de leur compétence. Dans cette perspective, nous appuyons la recommandation du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration devant la commission parlementaire du budget et de l'administration, à savoir "que soient organisées, de manière systématique, des sessions de sensibilisation sur les réalités interculturelles à l'intention du personnel de la fonction publique". C'est à la page 18 du mémoire de ce Conseil. Que le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration continue à jouer un rôle central dans le dossier du programme d'accès à l'égalité. En ce qui concerne le programme d'accès à l'égalité pour le secteur privé, il faudrait également s'assurer de ce programme-là pour le secteur privé.

Les relations intercommunautaires: gestion de la diversité et du pluralisme. Il ne s'agit pas seulement de sensibiliser les secteurs privé et public au pluralisme. Il conviendra également d'influencer tes institutions québécoises qui façonnent et régissent notre vie quotidienne. Elles doivent évoluer de manière à refléter la richesse de la diversité. Dans cette perspective, nos institutions économiques, sociales, culturelles et politiques doivent intégrer pleinement le pluralisme dans leurs structures, leurs politiques, leurs programmes et leurs méthodes. On peut prévoir l'implantation de cet objectif par étapes dans les ministères, les institutions gouvernementales, paragouvernementales et les grandes institutions privées. Par ailleurs, il faut s'assurer d'une plus grande présence des communautés culturelles dans les médias.

Enfin, il conviendra d'encourager la présence des communautés culturelles dans les conseils d'administration de certains organismes, tels que la SDI, Hydro-Québec, les commissions scolaires, le Mouvement Desjardins, etc.

Dans le but de concrétiser le caractère pluraliste de la société québécoise et de tenir compte de toutes les orientations mentionnées ci-haut, il est recommandé d'adopter une loi sur le pluralisme et de prévoir un ministère distinct dont la mission sera de gérer le pluralisme et de jouer un rôle central et de leadership dans les diverses institutions québécoises.

Le pluralisme suppose l'existence de plusieurs cultures qui coexistent harmonieusement et contribuent au développement en général. Il est assez important de prévoir les moyens nécessaires pour la préservation et le développement de ces différentes cultures qui font la richesse de la société francophone. Dans cette optique, les associations ethniques et leurs regroupements seront appelés à jouer un rôle de première ligne. (15 h 45)

En conclusion, la Maison internationale de Québec remercie le gouvernement du Québec d'avoir préparé cet énoncé de politique que nous considérons comme une grande innovation, avec une politique plus globale et plus claire. Nous souscrivons aux grandes lignes préconisées par l'énoncé. Par ailleurs, les commentaires que nous faisons parvenir à la commission constituent des précisions et des suggestions concrètes sur des points spécifiques; aussi, nous souhaiterions qu'ils soient pris en considération. La réussite d'une

politique, aussi globale et claire soit-elle, ne pourra être vérifiée que dans son application. La Maison internationale de Québec, avec ses 28 associations et organismes membres, est disposée à apporter sa contribution à la réalisation des objectifs fixés et à l'élaboration des moyens d'action. Merci, M. le Président. Merci, mesdames et messieurs.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Raharolahy. Maintenant, vous savez que la ministre dispose d'une vingtaine de minutes pour vous poser des questions. On a dépassé un peu le temps. De toute façon, Mme la ministre prendra une vingtaine de minutes, et, après ça, les membres de l'Opposition, pour vous demander certaines explications. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci monsieur. Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour la présentation de votre mémoire. On sait que le travail de la Maison internationale de Québec est connu et bien reconnu aussi. Ma première question s'adresse à l'un ou l'autre d'entre vous. Comme vous le savez, il existe déjà, dans la région de Québec, des organismes de concertation voués au développement économique régional. Lorsque vous parlez de créer un mécanisme de concertation, devrait-on créer un nouvel organisme ou plutôt amener les organismes existants à s'intéresser activement à la régionalisation de l'immigration? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Raharolahy: C'est une très bonne question. Nous ne pensons pas qu'il faille créer d'autres structures. Il faudrait plutôt amener les organismes concernés, les organismes socio-économiques, les organismes culturels, les organismes gouvernementaux, à travailler ensemble. Comme nous l'avons mentionné dans le mémoire, il y a une grande nécessité de participation des communautés culturelles et de leurs associations existantes. Nous croyons qu'effectivement, la direction de votre ministère, la direction régionale, pourrait jouer un rôle de chef de file pour la coordination, bien sûr, en ce qui concerne la régionalisation.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci. En tant qu'organisme de concertation, quelle contribution la Maison internationale de Québec pourrait-elle apporter à la régionalisation?

M. Raharolahy: Lorsqu'on regarde votre énoncé de politique, vous voyez qu'il y a plusieurs éléments, à partir de la sélection des immigrants jusqu'à la participation. En ce qui concerne la Maison internationale, le fait que cet organisme regroupe 28 associations diverses constitue quand même une véritable expertise pour certains domaines concernés par votre mémoire comme, par exemples, l'éducation interculturelle, la question de la participation des immigrants à certaines activités. Je crois qu'il y a là, effectivement plusieurs domaines à développer au sein de la Maison internationale. Par contre, nous avons, effectivement, à la Maison internationale, certains regroupements, comme ce qu'on appelle maintenant le centre multiculturel, qui s'occupent de l'accueil. Alors, évidemment, cette partie-là va être couverte par certains regroupements de la Maison internationale. La Maison internationale pourrait aussi travailler avec les organismes socio-économiques pour identifier les problèmes posés par la création d'emplois, l'accessibilité à des services sociaux, etc. Je pense qu'effectivement, nous trouverons, à l'intérieur de la Maison internationale, beaucoup de possibilités de collaboration.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Et d'après vous, quels besoins régionaux spécifiques l'immigration peut-elle combler dans la région de Québec? Est-ce qu'il y a des secteurs visés, comme le secteur industriel, agricole? Est-ce que vous avez identifié des secteurs qui pourraient davantage répondre aux besoins de la région de Québec?

M. Moisset (Jean): Évidemment, la réponse que je vais donner n'émane pas d'une recherche quelconque qui aurait été faite précédemment par la Maison internationale de Québec. Mais, compte tenu d'une certaine connaissance que l'on a de ia région, on pourrait peut-être penser - mais ça, ce ne serait pas très spécifique aux membres des communautés culturelles ou aux nouveaux immigrants - à certains secteurs tels que, par exemple, ceux en aval ou en amont de la recherche. Puisque Québec, c'est quand même une ville universitaire avec un certain potentiel, la matière grise, quand même est là, n'est-ce pas? Il y aurait peut-être des possibilités de voir au développement de certaines formes d'activités de production liées à la recherche - je sais qu'il y a des tentatives qui ont été faites de ce côté-là avec la création du parc industriel - et aussi la possibilité de voir au développement d'industries en amont ou en aval de ces activités de recherche. Mais on ne peut pas dire que ces tentatives aient apporté déjà les résultats qu'on pourrait en escompter, d'une part. D'autre part, Québec est quand même une région à très forte activité tertiaire et pour cause. On a quand même la capitale nationale ici, la capitale avec toute l'infrastructure gouvernementale, administrative. Il y a donc des efforts qui pourraient être développés du côté, par exemple, des industries touristiques, et je crois qu'il y en a déjà passablement. Tout à l'heure, à la question à laquelle mon collègue Augustin répondait, on aurait pu peut-être ajouter que parmi ces initiatives ou ces actions qui pourraient être entreprises, eh bien, il y aurait lieu, en concertation bien sûr avec les organismes économiques régionaux, de mettre davantage

à contribution les associations socioculturelles ou culturelles existantes de la région pour faire ce type de travaux d'identification, justement, des possibilités de développement économique régional et les faire connaître aussi aux immigrants potentiels, aux candidats à l'immigration ici avant même qu'ils arrivent, et ce que je dis là, n'est-ce pas, n'est pas propre, spécifique, à la région de Québec, mais pourrait être évidemment généralisé à toutes les régions. Voir un peu leur force, quels sont les potentiels existants et voir dans quelle mesure les nouveaux immigrants et, bien sûr, les membres des communautés culturelles déjà sur place, peuvent contribuer au développement de ce potentiel.

Mme Gagnon-Tremblay: Je trouve vos deux idées très intéressantes. Il y aurait probalement...

Je trouve que le secteur de la recherche, entre autres...

M. Moisset: Absolument.

Mme Gagnon-Tremblay: ...de même que le secteur touristique est très intéressant, surtout très relié à la région de Québec...

M. Moisset: Oui.

Mme Gagnon-Tremblay: ...et, comme vous le savez, nous sommes à la recherche aussi de projets qui se rattachent davantage à une région pour être capable de le développer, ce potentiel, et je trouve ça fort intéressant. Est-ce qu'il y aurait des projets-pilotes que vous pourriez initier et auxquels vous pourriez penser, par exemple, dans ces deux secteurs plus particuliers qui nous permettraient de développer davantage ces secteurs d'activités?

M. Moisset: Je pense que c'est d'emblée, n'est-ce pas? Enfin ce à quoi je penserais, c'est ce qu'on appelle les activités génératrices d'idées nouvelles ou de projets nouveaux. Les Anglais et les Américains parient de "seed money" pour parler de petits investissements initiaux qui pourraient être faits, là, et qui pourraient être générateurs d'activités beaucoup plus importantes. Très souvent, c'est presque qu'à fonds perdus. Nous avons évidemment l'Université Laval à laquelle j'appartiens comme prof, et très souvent on entreprend des projets de recherche et très souvent les gens nous disent: Mais vous ne faites que chercher, vous ne trouvez jamais. Mais ce n'est pas toujours vrai parce qu'il ne suffirait que de quelques sous d'investissement initiaux. Et, pour répondre à votre question, Mme la ministre, moi, je dirais que c'est trop important pour ne pas risquer un petit investissement en matière de recherche initiale et voir ce qui pourrait être fait de cette double activité, de ce double créneau. Je crois qu'il y a un potentiel là. Je ne l'ai pas identifié moi-même, évidemment, mais une recherche initiale, qui pourrait être financée par votre ministère ou des organismes de développement économique régionaux intéressés avec la participation tant des membres des communautés culturelles que de ces organismes régionaux, assurerait, je crois, une initiative extrêmement utile.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie. Je passerai maintenant la parole à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. Messieurs, j'espère que vous ne m'en voudrez pas, l'occasion étant fort belle, je ne vais pas la rater, j'aimerais adresser à M. Khuon mes meilleurs voeux à l'occasion de la nouvelle année, je crois que c'est l'année de la Chèvre cette année. C'est bien cela? Voilà.

M. Khuon (Khun-Neay): C'est un bon signe.

M. Boulerice: C'est un bon signe effectivement. Je vous avoue avoir été extrêmement impressionné par votre mémoire; malheureux, par contre, de notre mécanique, que l'on doit, ma collègue et moi, supporter puisque ce sont les règles, sauf que je me dis: II y aura bien moyen, dans un autre temps, de continuer le débat que nous avons amorcé ici aujourd'hui. J'aurais le goût de vous suggérer de prendre les intonations du général de Gaulle, de me regarder et de me dire: Je vous ai compris! Puisque je me suis promené quelques années en disant: Rien n'est plus naturel pour nous puisque, si on se fie au slogan du début des années soixante de la Révolution tranquille, slogan qu'avait introduit M. Lesage et qui disait: Maîtres chez nous, donc, quand on est maître, on est maître de prendre ses décisions. Je disais: Rien n'est plus naturel et rien n'est plus normal, sans en faire une religion, sans aller à l'exclusivité totale, rien n'est plus naturel, pour nous, que de favoriser une immigration francophone, puisque, comme on parle de réunification des familles, je disais de ces populations de la francophonie que nous avions des liens culturels et linguistiques avec elles. Donc, c'était en définitive, in extenso, une réunification d'une grande famille. Je vois que vous y apportez de l'importance; donc je me sens compris et je vous en remercie. Et surtout qu'une étude récente que je possède indique très clairement que, pour ce qui est de la langue où on se sent le plus à l'aise et de la langue des contacts sociaux, le français se cote très fort quand on parie d'immigration en provenance de France, quand on pense à l'immigration en provenance des pays arabes, et là, on fait allusion aux pays du Maghreb, quand on parie de l'Afrique, et là, sans aucun doute, on fait allusion à l'ancienne Afrique équatoriale française, quand on parie du Vietnam, du Laos et du

Cambodge, c'est très fort là aussi, ce que je possède comme statistiques et également de l'Amérique latine puisque je l'ai toujours considérée comme "francophonisable". Une ancienne ministre des Communautés culturelles disait que ça lui semblait discriminatoire. Il faut croire que nous ne partageons pas son point de vue, heureusement, là-dessus.

Cela étant dit, il y a une question que j'aimerais bien vous poser puisque vous avez insisté là-dessus, et je suis bien d'accord avec vous. Je pense que le gouvernement issu de mon parti a fait des efforts quant à l'intégration des représentants des communautés culturelles au sein de la fonction publique. Je crois bien que le gouvernement actuel fait également des efforts. D'ailleurs, c'est contenu dans le mémoire, l'intégration des communautés culturelles dans la fonction publique, sauf que, malheureusement, on s'aperçoit que l'on n'arrive pas à remplir l'objectif qu'on s'était fixé. Avez-vous la réponse? Est-ce quelque chose qu'on fait mal? Avez-vous la réponse a ça? Parce que, autant ma collègue sera sans doute malheureuse si elle ne remplit pas l'objectif, autant je me suis senti malheureux de ne pas être capable de remplir l'objectif.

M. Raharolahy: Oui, c'est une très bonne question. Vous savez, quand on parle de l'accès à l'égalité, vous avez deux éléments, d'une part, le recrutement externe et, d'autre part, la progression de la carrière des fonctionnaires qui se trouvent déjà dans la fonction publique. Je me permets de vous répondre sur ces deux plans-là. (16 heures)

Je crois que le gouvernement du Québec a le courage d'élaborer une politique sur l'accès à l'égalité portant particulièrement sur l'objectif quantitatif. Je pense que c'est l'une des bases du programme d'accès à l'égalité pour apporter des correctifs. Cet objectif de 12 % chaque année, il est évidemment très important de le réaliser, mais, à notre avis, cet objectif-là n'a pas été atteint probablement pour plusieurs raisons. Mais il faut aussi considérer que ce n'est pas facile d'aller prendre des mesures quantitatives lorsque les postes dans la fonction publique ne sont pas aussi nombreux que cela pour le recrutement externe. Évidemment, c'est un programme, je crois, qui va durer plusieurs années. Et nous avons demandé et il est prévu dans ce programme qu'il y ait un sous-comité de suivi pour la réalisation de ce programme. Nous avons demandé à ce que des communautés culturelles et même des gens de la fonction publique québécoise puissent faire partie de ce comité de suivi pour examiner les raisons du succès ou du non-succès de l'application du programme. Il y a une chose que je dois aussi mentionner, c'est que le programme doit mettre l'emphase sur la sensibilisation des fonctionnaires de la fonction publique à travers les ministères. Il est très important que les gestionnaires, les gens de la haute direction puissent comprendre ce que c'est que l'apport des communautés culturelles dans la fonction publique. Alors, je crois qu'elle a, effectivement, des efforts à faire. Maintenant, est-ce qu'elle va atteindre d'autres objectifs dans l'avenir? Je crois qu'il faut suivre le programme.

L'autre question qu'il ne faut pas non plus minimiser, c'est l'objectif qualitatif. Nous souhaiterions de la fonction publique québécoise, qu'il y ait un effort pour la progression de la carrière, la promotion, afin de mieux utiliser les compétences des fonctionnaires qui se trouvent déjà dans la fonction publique. Nous avons appris, à travers cet énoncé, qu'il y a là un certain objectif de vouloir accroître la proportion des fonctionnaires des communautés culturelles dans la haute direction, et particulièrement au niveau des gestionnaires, pas nécessairement à un niveau élevé, mais aussi dans les gestions quotidiennes. Il faut apporter plus de correctifs, je pense, au niveau des gestionnaires.

M. Boulerice: Dans le débat qui nous préoccupe, vous êtes un organisme culturel... Ah! je m'excuse, est-ce que vous vouliez rajouter quelque chose? Je vous en prie.

M. Moisset: Juste quelque chose que je voudrais ajouter, parce que votre question était à l'effet de savoir s'il y a quelque chose que vous ne faites pas, parce que vous avez effectivement une politique d'accès à l'égalité. Moi, je croirais, en guise peut-être de diagnostic tout à fait informel, superficiel d'ailleurs, qu'il est jusqu'à un certain point très très compréhensible que, par des effets du système, les réseaux de communication, d'information tout à fait normalement constitués dans n'importe quelle société amènent par exemple à une marginalisation plus grande de ceux et celles qui sont tout récents dans une communauté. De ce point de vue là ce n'est pas quelque chose d'antinaturel que l'on retrouve une faible proportion des membres des communautés culturelles au sein de la fonction publique. D'ailleurs, le fait même qu'il existe une politique d'accès à l'égalité, d'après moi, c'est une reconnaissance de ce phénomène-là.

L'élément de réponse que je voulais ajouter et qui rejoint un petit peu une question que vous aviez posée auparavant à l'autre groupe, c'était: Est-ce que vous ne craignez pas de créer une espèce d'effet de boomerang, avec des mesures de discrimination positive, enfin ce qu'on appelle aux États-Unis des mesures de discrimination positive, pour faire une plus large place, par exemple, à des représentants de communautés culturelles au sein de la fonction publique? C'est là que je crois que véritablement il y aura le courage politique, sans qu'évidemment, il faille être suicidaire, mais - ha, ha, ha! il ne faut pas être suicidaire - mais je pense que ça demande un certain courage politique et aussi beaucoup de

prudence.

Mon collègue, Augustin, tout à l'heure, a parlé de la sensibilisation qu'il faut faire au niveau des fonctionnaires, par exemple, de la fonction publique et pas seulement des fonctionnaires d'ailleurs, mais de l'ensemble de la population. Mais je dirais qu'une fois ces conditions réalisées, il faut avoir le courage politique maintenant de dire: Peut-être qu'il y a lieu d'appliquer certaines formes de discrimination positive lorsqu'il y a effectivement un emploi. Et là, c'est très simple de dire: Si on a la compétence requise pour remplir le poste, on va donner une certaine priorité à un membre de la communauté culturelle si, effectivement, il y en a parmi les candidats et les candidates.

Moi, je croirais que c'est ça qu'il faut commencer par se dire: Est-ce que, dans les différents services de la fonction publique, avec le nombre de postes, très limité d'ailleurs, qu'on a, les effets du système ne continuent pas à jouer en faveur des membres de la majorité, tout naturellement, alors qu'il faudrait vraiment que, politiquement parlant, on fasse une place à ces membres des communautés culturelles si on y croit vraiment? Autrement dit, on peut avoir des politiques; c'est très beau sur le papier et, à côté, la réalité reste ce qu'elle est. Alors, évidemment, dans le long terme, je ne sais pas, peut-être qu'on arrivera à quelque chose. Mais encore faut-il, n'est-ce pas, qu'on le veuille, et, si ça doit prendre beaucoup de temps, comme le dirait le maréchal Lyautey, il faut s'y prendre sans tarder.

M. Boulerice: Merci, monsieur.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Il nous reste deux minutes. Je vois que M. le député de l'Acadie et M. le député de...

Une voix: Richelieu.

Le Président (M. Gobé): ...de Richelieu, vous avez aussi des petites interventions. Si vous pouvez vous partager les deux ou trois minutes qui restent, rapidement.

M. Bordeleau: Oui.

Le Président (M. Gobé): Je vous laisse la préséance, à vous de vous entendre entre vous.

M. Bordeleau: En fait, j'avais une intervention qui va être quand même relativement courte. Juste un commentaire. Vous faisiez référence à la question qu'on avait posée tout à l'heure, a savoir l'effet boomerang dont vous avez parlé. Je pense qu'à ce moment-là, on parlait de faire en sorte que, pour faciliter l'emploi, il y ait des mesures de dérogations, au fond, et qu'on accepte des gens qui ne répondent pas néces- sairement à tous les critères de compétence qu'on s'est donnés, et c'est dans ce cas-là qu'on parlait d'avoir peut-être un effet négatif et non pas... Dans le cas du programme d'accès à l'égalité, vous y faites référence, je pense que le gouvernement actuel a démontré clairement sa bonne volonté à ce niveau-là en mettant en place, en mars 1989, un programme d'accès à l'égalité.

Je veux revenir, dans ce cadre-là, au paragraphe que vous aviez à la page 19. Tout à l'heure, monsieur a mentionné l'implication que les communautés culturelles pourraient avoir au niveau du comité de suivi que vous suggérez. Et, dans le cadre plus particulier de la mise en place de ce système-là, vous nous dites, à la page 19, que vous souhaiteriez que les membres des communautés culturelles, à travers leurs associations et représentants, puissent participer aux efforts de concertation, d'analyse, de sensibilisation, de sélection quant à l'application de ce programme. Et ce n'est pas nécessairement seulement au niveau du suivi, il y a le problème qu'on a mentionné, c'est la difficulté d'attirer. Je pense que le gouvernement va mettre en place bientôt des stratégies, au fond, pour attirer les gens des communautés culturelles; il va également mettre en place une certaine sensibilisation par des cours sur les caractéristiques de la fonction publique dans les communautés culturelles. Mais, ce qu'il serait intéressant de savoir, c'est concrètement, dans la mise en application plus spécifiquement, quel genre d'apport un groupe comme le vôtre pourrait-il avoir pour venir aider le ministère à faire en sorte que ce programme-là réussisse?

M. Raharolahy: Je laissera la parole à...

M. Khuon: II existe d'ailleurs une association qui est née il y a à peu près deux ans, qui s'appelle l'Association des fonctionnaires issus des communautés culturelles qui est d'ailleurs membre de la Maison internationale. Cette association-là, justement, est née dans le but de sensibiliser le public en général, de travailler sur la compréhension réciproque des cultures différentes dans le contexte de la fonction publique aussi bien que dans la société en général.

Cette association a d'ailleurs saisi le ministre du Conseil du trésor de son désir de participer à différents comités qui, je pense, sont en train de se mettre en place pour l'application de cette politique d'accès à l'égalité. Et, pas nécessairement les associations ethniques, mais il y a une association spécialisée qui est formée de fonctionnaires issus des communautés culturelles et qui pourrait bien être partenaire du gouvernement dans la mise en place de différents comités et mécanismes d'application.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Merci, M. le député de Richelieu. Alors, on

comprend que vous posiez votre question en dehors des travaux de la commission à ces gens-là. Je tiens à vous remercier d'être venus témoigner devant cette commission. Vous avez peut-être un dernier petit mot, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques? J'avais cru comprendre que vous aviez fini, mais...

M. Boulerice: Ah bon! Merci et surtout que, pour l'énoncé, si j'ai bien compris, vous étiez très heureux d'être ici consultatifs, mais quand viendra l'action, vous voulez surtout être participatifs.

M. Raharolahy: Exactement. Vous avez parfaitement raison. Merci, M. le Président. Merci, Mme la ministre.

Le Président (M. Gobé): Mme la ministre a peut-être encore un petit mot à vous adresser. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, bien sûr. Je veux vous remercier également et vous savez que l'intégration au marché du travail, pour moi, c'est une préoccupation majeure, la même chose que l'égalité des chances. Compte tenu de la discussion que nous avons eue au tout début concernant certains secteurs qui pourraient être développés, j'aimerais que vous puissiez entrer en communication avec la direction régionale, Mme Cérone et essayiez de développer un projet qui pourrait nous être soumis et voir ce qu'on peut faire ici pour la région. J'apprécierais beaucoup.

M. Raharolahy: Effectivement, vous savez que nous avons un colloque les 5 et 6 avril à l'Université Laval dans lequel il y aura un atelier sur l'intégration économique, et la direction régionale de ce ministère est en collaboration avec nous. Merci de votre conseil, Mme la ministre.

Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie beaucoup, messieurs. Maintenant, nous allons vous libérer. Nous vous remercions d'être venus témoigner en cette commission. Nous vous prions de bien vouloir accepter nos remerciements.

Je suspends les travaux pour une minute, le temps que vous vous retiriez. Par la suite, nous allons accueillir le Centre international des femmes de Québec. La séance est suspendue pour une minute.

(Suspension de la séance à 16 h 13)

(Reprise à 16 h 14)

Le Président (M. Gobé): La commission va reprendre ses travaux. Alors, mesdames, nous vous souhaitons la bienvenue, aujourd'hui, en cette belle journée ensoleillée. Et, je vous inviterai, sans plus tarder, à présenter votre mémoire, et je vous rappellerai que vous avez 20 minutes. Je vous demanderai de vous en tenir à l'intérieur de ces 20 minutes. Et je vous ferai signe, si jamais vous arriviez vers la fin sans vous en rendre compte, deux minutes avant, un petit signe pour que vous puissiez clore votre exposé, au cas où vous ne l'auriez pas déjà fini, à ce moment-là. Mais si vous finissez avant, on en profitera pour discuter un peu plus longuement. Alors, si vous voulez vous présenter et commencer, aussitôt après, les explications de votre mémoire.

Centre international des femmes de Québec

Mme Vento (Guadelupe): M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission, mon nom est Guadalupe Vento. Je suis la directrice du Centre international des femmes de Québec. Et à ma gauche, j'ai Mme Sonia Anguelova, la coordi-natrice du programme de jumelage de la région de Québec. Nous vous remercions de l'opportunité de vous exposer notre point de vue.

D'abord, je vais vous dire qu'est-ce que nous ne sommes pas venues faire ici. Nous ne sommes pas venues parler des principes. Alors, je vous saurais gré de discuter avec nous, si ça vous intéresse, de recommandations concrètes.

Deuxièmement, on n'est pas venues discuter des critères de sélection et des niveaux d'immigration puisque nous endossons, pour l'essentiel, l'énoncé de politique de Mme la ministre. On vient ici plutôt de notre point de vue enrichir le plan d'action de la ministre, 1991-1994.

Le Centre international de Québec est un organisme partenaire du ministère qui oeuvre à l'intégration des femmes et de leurs familles immigrantes depuis 10 ans. Nous donnons des services de première ligne: information, référence, interprétariat, accompagnement. Nous avons donné, à titre indicatif, 9000 services l'année passée.

Notre clientèle est à 60 % féminine et est surtout composée d'Asiatiques, Latino-Américains, Polonais, Africains, etc.

Nos recommandations. La première, c'est la mise sur pied par le centre régional de Québec du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, en collaboration avec ses partenaires du milieu, d'un service de "counseling" et d'orientation adapté aux immigrants. Ce service ferait avec le nouvel arrivant l'analyse personnalisée des possibilités de transférabilité de la formation et de l'expérience.

Les raisons pour lequelles on vous demande ces services-là, c'est que la région de Québec compte un nombre important de réfugiés, plus de 50 %, si on additionne toutes les catégories de réfugiées et des catégories de la famille. Bon nombre de ces personnes sont scolarisées. Les

services de "counseling" et d'orientation, ainsi que les programmes spéciaux des différents ministères, s'adressent à des clientèles défavorisées qui ne comprennent pas les gens scolarisés. Les immigrants perdent beaucoup d'années à se chercher, à se situer face au marché du travail. Ils ignorent comment récupérer la richesse qu'ils apportent au niveau des acquis et de la formation. En général, ils refont des degrés universitaires qui ne leur assurent que de l'endettement. Ils ignorent les ouvertures réelles du marché du travail. Ils ont besoin d'une sorte de plan de carrière. Ces services-là ne contrecarreraient pas les services collectifs; c'est un service différent des services collectifs. Ces types de "conselling", nous n'entendons exactement par là que quelques personnes, donc ce ne serait pas cher, qui verraient personnellement les immigrants qui arrivent au COFI et d'autres; ce serait ouvert à d'autres. Ils pourraient voir avec eux leurs forces, leurs faiblesses, et ce qui leur reste à faire pour arriver à transférer concrètement, de façon latérale ou oblique, leur formation.

Ça n'existe pas à Québec. À ma connaissance, ça n'existe nulle part. Je crois que c'est la lacune majeure à Québec, une perte d'énergie, d'argent et d'encouragement parce que ces gens-là, au bout de trois ans, sont découragés. Et là, nous ne pouvons plus réussir à les encourager. On croit que c'est le centre régional qui est le mieux en mesure d'offrir ce service parce que c'est un service crucial qui ne doit pas être offert par des organismes qui ne touchent que certaines clientèles.

La deuxième recommandation, c'est de créer un comité interministériel du centre régional de Québec du ministère des Communautés culturelles et de la direction régionale de Québec du ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, afin d'améliorer l'insertion socio-économique des Québécois des communautés culturelles, en utilisant le programme d'intégration à l'emploi de ce ministère: EXTRA, PAIE. Mais il faut que le ministère du Revenu soit aidé par des gens compétents au niveau de l'identification des besoins des immigrants, donc le centre régional.

La troisième recommandation, à Québec, les petites et moyennes entreprises constituent le bassin essentiel d'employeurs. Elles sont très peu sensibilisées à la présence des immigrants. Elles sont ignorantes, je ne dirais pas, racistes, plutôt méconnaissantes des différentes ethnies, surtout des Africains, par exemple. Il faut sensibiliser ces gens-là. Nous ne pouvons pas le faire parce qu'on n'a pas l'autorité pour le faire. Alors, on voudrait aider, on voudrait collaborer, mais il faudrait que ce soit plus sérieux, fait sérieusement. Et le centre régional a une autorité morale importante dans la région.

La quatrième recommandation, c'est d'étendre le programme de jumelage qui existe déjà chez nous, depuis 1987, par exemple, aux indépendants ou d'autres catégories d'immigrants, parce que ce programme-là permet d'impliquer la société d'accueil. Par exemple, ce programme, l'année passée, a sollicité 10 000 heures de bénévolat chez la population d'accueil, pour aider à intégrer. On a trois objectifs très précis: la francisation pratique, la connaissance de la société d'accueil et le développement de l'em-ployabilité.

Alors, c'est, pour l'essentiel, nos recommandations. On est très intéressées à répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, madame. Je passerai donc maintenant la parole à Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Merci beaucoup, Mme Vento. Je sais que le Centre international des femmes est très actif dans la région de Québec. Mme Vento, la première chose qui attire mon attention, concernant le "counseling"... Vous avez parlé d'un "counseling" qui pourrait être donné, par exemple, dans le COFI, pour orienter davantage les nouveaux venus, les nouveaux arrivants, soit dans des spécialités quelconque ou bien aussi pour qu'ils puissent prendre en compte, faire un peu l'évaluation de leur potentiel. Est-ce qu'à ce moment-là, vous voyez des responsables, des spécialistes en orientation qui pourraient, par exemple, provenir du ministère de la Santé et des Services sociaux ou de l'Éducation, reliés au COFI ou si, par exemple, ça pourrait être des organismes communautaires qui pourraient aider et qui seraient peut-être mieux placés pour aider les responsables du COFI ou de la direction régionale, finalement?

Mme Vento: Nous croyons que ce service-là, pour nous, est essentiel à la régionalisation. Or, les organismes du milieu sont tous très actifs, très pertinents, très près de la clientèle, mais, par contre, sont relativement sectoriels, d'une façon ou d'une autre. Alors, nous voulions plutôt souligner l'importance que ce service-là soit vraiment accessible à tous, sans parti pris. Parce que, la vie étant ce qu'elle est, les organismes entre eux ont quand même certaines clientèles, disons, privilégiées, alors que le centre régional, lui, est au-dessus de tout soupçon. Il nous apparaît important que ce soit des gens formés pour donner du "counseling" d'orientation, mais on n'a pas besoin de reprendre les services qui se donnent déjà en ville.

Par exemple, ce dont on a besoin vraiment, je vais vous en donner un cas concret: une femme, 42 ans, qui vient de l'Europe de l'Est, où elle était architecte. Elle fait quoi? Elle ne sait pas du tout, cette femme, quoi faire avec ça. Évidemment, elle essaie de "revalider" ses choses. Elle se rend compte qu'elle perd de la scolarité.

Qu'est-ce qu'elle fait? Si elle pouvait rencontrer un service, en première ligne, qui lui montre un peu: Écoutez, telles sont les possibilités latérales... Parce que c'est très important qu'elle ait un plan de carrière qui commence par une insertion, maintenant, même si elle est en deçà de ses possibilités futures, lui faire visualiser son avenir et mettre ses énergies à travailler son avenir. Cette perte d'énergie et de formation antérieure, c'est ce que je déplore, au niveau de la ville de Québec. Ce sont des années qu'on ne récupère jamais.

Mme Gagnon-Tremblay:...

Mme Vento: Alors, c'est relativement simple de lui dire, par exemple: Madame, au niveau de technicien en design, il y a quand même beaucoup de bureaux d'architectes en ville qui, peut-être, vous prendraient au niveau technique.

Mme Gagnon-Tremblay: D'accord.

Mme Vento: Ce serait ce type de chose-là, très concrètement. Ensuite, on la réfère à la formation, aux lieux de formation et aux lieux de référence déjà établis en ville, qui sont quand même très compétents et très pertinents.

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que votre Centre international des femmes a déjà pris contact ou travaille actuellement avec des organismes très connus comme, par exemple, le Cercle des fermières, l'AFEAS, les groupes de femmes qu'on retrouve dans tous les petits villages, dans les grandes villes aussi, dans tous les coins, dans tous les quartiers de ville? Est-ce que vous travaillez en relation avec ces groupes ou si vous avez très peu de contacts actuellement?

Mme Vento: Les contacts que nous avons eus essentiellement, c'est par rapport au programme de jumelage. On les a sollicités pour s'impliquer au programme de jumelage et c'est là...

Mme Gagnon-Tremblay: J'aimerais que vous me parliez de ce programme de jumelage, justement, qui est très intéressant. J'aimerais que vous m'en parliez plus longuement. Comment vous vous y prenez, par exemple? Et c'est quoi votre programme de jumelage? Je pense que pour le bénéfice de la commission ici, ce serait intéressant de vous entendre parler là-dessus.

Mme Vento: Nous croyons que, dans la région de Québec, le programme de jumelage est essentiel pour l'intégration parce qu'on jumelle pendant un an trois unités familiales, c'est-à-dire trois familles ou trois individus à une famille nouvellement arrivée ou un individu nouvellement arrivé, avec trois objectifs très précis: la fran- cisation pratique, parce qu'ils vont au COFI mais qu'ils n'ont pas la pratique du français, la connaissance du milieu, c'est-à-dire autant les CLSC que ce qu'on fait pour habiller un enfant correctement en hiver. Et le troisième objectif, c'est le développement de l'employabilité dans le sens très précis de créer un réseau naturel pour ces gens-là qui n'en ont pas, parce que vous savez que 80 % des emplois ne se trouvent pas par les centres d'emploi, ils se trouvent par le réseau naturel. Ces gens-là n'ont pas de réseau naturel; on essaye de leur donner un réseau naturel.

Mme Gagnon-Tremblay: Alors, vous jumelez cette famille avec combien de familles québécoises?

Mme Vento: Trois.

Mme Gagnon-Tremblay: Trois familles québécoises.

Mme Vento: Parce qu'on essaie de voir dans ces trois familles-là les besoins différents de cette famille. Par exemple, si le monsieur est vétérinaire, on essaie de la jumeler avec un vétérinaire et, en même temps, on trouve une famille où il y a une mère avec des enfants, du même âge que la mère, pour pouvoir savoir comment on fonctionne avec une otite.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Et ce jumelage dure combien de temps environ?

Mme Vento: Un an.

Mme Gagnon-Tremblay: Un an. Et ça donne des résultats quand même intéressants, j'imagine?

Mme Vento: On est en train de l'évaluer. On a eu l'aide des étudiants de l'Université Laval pour faire une évaluation d'impact parce qu'on n'avait pas eu ni la chance, ni la possibilité de faire l'étude d'impact. Mais on a eu gratuitement des remarques de professeurs du COFI qui disaient qu'ils voyaient la différence entre ceux qui étaient jumelés et ceux qui ne l'étaient pas.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui.

Mme Vento: Ça, c'est au niveau de la francisation. Au niveau de l'emploi, on a même des cas où on a trouvé un emploi à son protégé, mais il y a surtout cette mise dans la réalité qui est très essentielle et l'éveil que ça crée chez le Québécois aux différentes cultures.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, Mme Vento.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-

Jacques?

M. Boulerice: Oui. Comme votre organisme travaille dans la région de Québec où, possiblement, de toute évidence, devrais-je plutôt dire, l'intégration est plus facile, est-ce que vous pouvez me dire quelles sont les conditions, d'après vous, qui font qu'un immigrant s'intègre bien...

Mme Vento: À Québec?

M. Boulerice: ...à la société d'accueil? À Québec.

Mme Vento: À Québec, récupérer tout de suite ses énergies en arrivant pour se mettre au travail pour l'emploi, pour pouvoir transférer ses compétences dans l'emploi. Deuxièmement, c'est faire un réseau d'amis, de personnes. On n'aime pas une société parce qu'il y a une loi, on aime une société parce qu'il y a Jacques, il y a Jeanne, qui sont fins et qu'on aime. Alors, nous pensons que l'intégration passe par la relation réelle entre les deux types de société.

M. Boulerice: Mme la ministre, tantôt, m'a donné un exemple en disant: Dans le COFI, on apprend le français. Il faut qu'ils apprennent à écrire. Elle a donné un exemple assez savoureuse, savoureux pardon, je m'excuse - je parle d'apprentissage du français et je fais une erreur au niveau de l'accord du qualificatif mais, enfin, je pense que vous allez m'excuser - le professeur disait à l'élève "pantoute" sauf qu'il devait aller au tableau et écrire "pas du tout". L'exemple que me donnait Mme la ministre était quand même assez significatif. Vous avez beaucoup parlé de jumelage. Mme la ministre vous a interrogée là-dessus. Je pense qu'on partage la même idée au niveau du jumelage. Mais la question précise que j'aimerais vous poser dans ce jumelage: Est-ce que vous croyez que ça a un rôle aussi, autant sinon plus important peut-être que l'école, dans l'apprentissage de la langue? (16 h 30)

Mme Vento: Définitivement, parce que les parents n'ont pas la même chance que les enfants de vivre vraiment dans ce milieu. Le COFI est un milieu d'apprentissage, mais c'est un milieu artificiel d'apprentissage. Alors, il faut en plus du COFI avoir la réalité réelle du français, telle que vécue. Une culture, ce n'est pas seulement une langue, c'est apprendre à lire ensemble, et ça, il faut avoir quelqu'un pour lire avec.

M. Boulerice: Les programmes actuels pour les femmes immigrantes... Est-ce que vous vous êtes attardées à ce sujet-là en termes de réflexion? Au niveau do la francisation, esl ce quo c"est suffisant? Vous n'ignorez pas, Mme Vento, que, malheureusement, trop souvent la femme immigrante se retrouve dans ce que l'on appelle des ghettos d'emplois. Donc, l'apprentissage du français est difficile, les conditions socio-économiques passablement basses, etc. Est-ce que vous avez réfléchi à cette question-là? Avez-vous des commentaires?

Mme Vento: La loi 37 a eu un impact qu'elle ne soupçonnait pas, l'impact d'intégration linguistique des femmes immigrantes. Je suis sûre qu'au ministère, on ne le sait pas. C'est parce que ça a forcé, entre guillemets, les femmes immigrantes à réintégrer l'école, à aller apprendre le français parce qu'on doit participer à l'un ou l'autre programme d'intégration d'emploi. Alors les personnes qui étaient sur la sécurité du revenu, ça a donné une impulsion qui a aidé le couple à prendre la décision que la femme aille à l'école; ça a aidé la femme à convaincre le mari, quoi!

M. Boulerice: Ah!

Mme Vento: Alors, ça a eu un impact réel sur la scolarisation francophone des femmes immigrantes à Québec, on le perçoit très clairement.

M. Boulerice: Vous avez parlé dans votre mémoire - j'essaie de trouver le mot - de sensibiliser les petites et moyennes entreprises au sujet de l'apport de l'immigration. Comment voyez-vous ça? La sensibiliser, Mme Vento, je pense que c'est un motif noble, mais est-ce qu'on a l'assurance que cela débouche sur des actions concrètes? Vous pouvez me sensibiliser sur l'importance de l'immigration, mais l'assurance que je vous appelle dans trois semaines et que je vous dise: Mme Vento, je recherche quelqu'un dans mon entreprise et j'ai pensé à vous, est-ce que je pourrais vous voir demain? C'est toujours très hypothétique.

Mme Vento: Ça me fait penser si vous me demandez si je peux cuire un oeuf dans l'eau glacée. Je vais vous dire: Au moins, mettons-là à zéro...

M. Boulerice: Ha, ha, ha!

Mme Vento: ...et peut-être qu'on va finir par cuire l'oeuf, mais avec de la glace, ça me surprendrait.

M. Boulerice: Bon. Écoutez, il y a 500 ans qu'on a découvert l'oeuf de Colomb et j'ose espérer qu'on va trouver la solution bien avant ce moment-là. Je vous remercie beaucoup, Mme Vento et Mme Anguelova, pour vos commentaires et votre participation à la commission.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, il vous reste une minute et quarante-cinq secondes pour clôturer.

Mme Gagnon-Tremblay: Écoutez, ma seule question, c'est peut-être par un oui ou par un non. Compte tenu de l'importance pour la femme aussi de s'intégrer sur le marché du travail parce qu'on se rend compte que, souvent, ce n'est pas un caprice, mais c'est une nécessité, parfois, dans un couple, d'avoir deux salaires surtout lorsque c'est un couple qui arrive au Québec. Ça devient une nécessité. Compte tenu de ça, ne croyez-vous pas que nous devrons à l'avenir prendre aussi en considération la capacité de la femme et non pas sélectionner en fonction uniquement du demandeur principal, mais aussi toujours prendre en compte la formation de la conjointe pour pouvoir mieux s'intégrer à la société québécoise?

Mme Vento: Oui.

Mme Gagnon-Tremblay: Alors, je vous remercie infiniment. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gobé): Merci, mesdames. Au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier et vous témoigner notre reconnaissance pour votre témoignage.

Ceci étant dit, je vais suspendre les travaux pour une minute, le temps de permettre à l'intervenante suivante, Mme Marika Coulourides, de venir s'installer. Alors, la séance est suspendue pour une minute.

(Suspension de la séance à 16 h 36)

(Reprise à 16 h 37)

Le Président (M. Gobé): À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à Mme Coulourides de bien vouloir se présenter en avant. Alors, bonjour Mme Coulourides. Il nous fait plaisir de vous accueillir à cette commission.

Je vous informe que vous avez une période de 10 minutes pour exposer votre mémoire, et, par la suite, chacune des deux parties aura 10 minutes. Et nous mettrons fin à cette commission pour la période de l'après-midi. Alors, madame, vous avez la parole.

Mme Marika Coulourides

Mme Coulourides (Marika): O.K. D'accord. Alors, je peux commencer?

Le Président (M. Gobé): Allez-y, vous avez la parole.

Mme Coulourides: Mme la ministre, M. le Président, membres de la commission, je regrette, mais j'avais fait la recherche sur ce papier-là en anglais, alors je lis en anglais, mais, les questions, vous pourrez me les demander après en français. Ma mère étant Française, il n'y a pas de trouble, mais pour la recherche et tout ça, c'a été fait en anglais.

Le Président (M. Gobé): II n'y a pas de problème, madame. Nous sommes dans un pays où les deux langues officielles sont encore le français et l'anglais.

Mme Coulourides: O.K. D'accord. Compris. For the future of Québec, it is imperative that we welcome more immigrants, since according to the Economic Council of Canada, by the year 2040, the birthrate would be too low for our economic needs. There would not be enough people of working age to support the cost of social programs, including pensions and care for the elderly, much less to make the economy grow. The ideal scenario would be a high population growth assuming 2,17 births per woman and a rise in net immigration in Canada of 120 000 people per year.

If in Québec we are therefore to accept more immigrants we must take into account the policy of multiculturalism which seeks to improve intergroup harmony by encouraging all ethnic groups in Québec to develop themselves as vital communities. This enables the groups to gain cultural or economic security plus high self-esteem.

The multicultural policy may be seen at three levels: actual policy statements, the various components of the policy with their interrelationships and the psychological analysis.

The actual policy within a bilingual framework aims to assure cultural freedom for Quebeckers while helping to break down discriminatory altitudes and cultural jealousies. The policy also seeks to avoid the assimilation of ethnic groups by encouraging them to maintain and develop themselves as distinctive groups within Québec society.

Secondly, the fundamental purpose of the policy is to increase intergroup harmony and mutual acceptance of all groups which do maintain and develop themselves.

Thirdly, it is realized that group development by itself is not sufficient to lead to the social acceptance of the group or to intergroup contact or sharing. Obviously, intergroup participation cannot be achieved unless some common language is learnt. The policy encourages this approach, and in Québec, is emphasizing French as a common language for intergroup communications.

It is here that we start with policy statements regarding integroup or assimilation, when a group does not want to maintain cultural distinctiveness and moves increasingly towards

participation with the larger society, an assimilation or integration pattern emerges in which a group retains its cultural integrity and, at the same time, moves into an integral position within the larger society.

Language maintenance refers to a set of positive attitudes towards retaining one's language of origin by transmitting its offspring and using the language within the family and community; at the same time encouraging the children to learn the inherited language as a means to preserve their own culture, their ethnic identity and their religion. In order to achieve intergroup relations, it is essential to have a common linguistic channel along which to communicate.

There are two aspects of the official language learning as defined by Dr. William Lambert in 1977 at McGill University involving two forms of bilingualism.

Substractive bilingualism which occurs when individuals who learn a second language do so under social, political or legal pressure, with the result that in the long run there will be a loss of the mother tongue and perhaps other aspects of culture.

Additive bilingualism occurs when individuals learn a second language in order to increase their life opportunities; here, there is no threat to the long term vitality of their mother tongue.

Motives for learning a second language are identified either as "instrumental" or "integra-tive", and these are proposed as social psychological models. The instrumental motive involves learning a second language for occupational advancement, or actually to attain an occupation; whereas the integrative motive for learning is to be able to join another culture or group. Motives are very important in the success of second language learning: when attitudes and motives are positive, achievement and proficiency reach even greater levels.

The Multicultural Assumption within the policy states that "confidence in one's own individual identity" can provide a basis for, "respect for that of others and a willingness to share ideas, attitudes and assumptions". Here we see two assumptions made: 1) That the group development and maintenance permit a sense of confidence which will lead to acceptance by other groups, and to tolerance; 2) that group development and maintenance permit intergroup sharing.

Clearly, what must be promoted by the policy is a non ethnocentric pride in one's group - one which recognizes the positive qualities, but also the limitations of the group, the group's uniqueness and distinctiveness as well as its similarities with others. Without intergroup contact, isolation and a lack of perspective of one's qualities and defects will likely result, leading to an ethnocentric pattern.

Recent research undertaken tested a promising new approach to intergroup relations, namely the multiculturalism hypothesis. One research showed that favorable feelings towards members of other ethnic groups are based on a sense of cultural well-being and security with one's own cultural identity and background. In other words one's gain in cultural security would generate an appreciative and supportive attitude towards the attempts of any other groups to become culturally secure.

The multicultural hypothesis poses a challenge to the previous less optimistic hypothesis that people are basically ethnocentric - that is, one ethnic group feels their group is superior to other groups, which are seen as being less valuable, based on fear or envy of those other ethnic groups.

This research was an exploratory study which evaluated the relevance of the multicultural and ethnocentric hypotheses for Greek Quebeckers. It dealt with the feelings of Greek Quebeckers about their own ethnicity and attitudes towards other ethnic groups in Québec and their willingness to interact with others.

The testing consisted of 87 Greek Canadians who had arrived from Greece approximately 22 years ago in Montréal. The average age was 44 years. 49 % of them had not finished high school. 16, 5 % had some college education and 34, 5 % had finished high school or technical school.

On the whole, men were more educated and half of the women were working. The participants were couples with at least one child going to school.

Their salaries: 47 % made over $ 30 000 and 53 % made between $ 10 000 and $ 30 000.

I will read you some of the questions that were asked on the questionnaire and, of course, in Greek. The questions asked to the participants were as follows: Should cultural and racial minority groups in Québec give up their traditional ways of life and take on the Québec way of life or should cultural and racial minority groups in Québec maintain their traditional ways of life as much as possible when they come to Québec?

How important do you consider the maintenance of the Greek language?

How do you think Greek Quebeckers will rate economically in the future?

How confident are you that your children will carry on the Greek cultural traditions and the Greek language?

How confident are you that the Greek language and culture will be respected in Québec over the next ten years or so?

The test was administered in Greek and the recipients were shown how to rate the responses on a scale of one to seven. One being completely negative and seven being completely positive.

Also a series of personal questions were asked,

including age, length of residence in Québec, level of education, number and ages of children, and the extent of their religiousness.

No discussions were allowed between husband and wife during the testing.

As we see on the overall, the questions were very favorable, they were very positive, although the women rated a little higher then the men. We see from the answers to question B they show that Greek Quebeckers wanted to keep their language alive; but also to become fully Quebeckers. They realized they must learn three languages.

Overall responses indicated that Greek Quebeckers rate their own language more favorably than other groups, also that they find it unacceptable to think of family or marriage without any group other than Greek. Of all the other ethnic groups discussed, English and Italian Quebeckers are seen to be the least unacceptable in this dimension.

The results also showed that Greek Quebeckers who have more education, a higher degree of security, less religiousness and less ethnocentrism are more willing to interact with other ethnic groups. In comparing male and female responses, men felt that the economic health of one's family depends on education and a lack of ethnocentrism, whilst women felt that the economic standings of one's own family depended only on education.

It was also revealed that Greek Québec males whose families are well placed financially in Québec expect other Greek Canadians to do well; also and conversely those whose families fare poorly expect other Greek families to do poorly. None of the Greek females shared this opinion.

On two counts then the Greek female Quebeckers responded with more realism and less emotion when considering the foundation of their own family and their own group's economic standing. Family success to these women is education.

The aim of this study by Dr. Lambert (McGill 1977) was to explore further the multi-culturalism hypothesis and its implications for intergroup harmony or conflict.

Members of the Greek ethnic group tested who have attained cultural security and who are free from the attitudes of ethnocentricism will be more accepting and appreciative of other cultural groups.

The result is that Greeks who feel more economically and culturally secure, having more ethnocentric qualities and religious beliefs, show strong acceptance of other ethnic groups, but due to their economic situation did not permit them to enter into social contact with other ethnic groups.

That social status and survival of one's own cultural group is significantly dependent on religion and ethnocentricism.

That the more educated respondents become, the less ethnocentric and the less religious they will be, and the more economically secure they will be.

That education could promote a willingness to interact with other ethnic groups and to attribute favorable positive evaluation traits to other groups. This should be programmed into the education of Greek immigrants, but also other immigrants arriving to Québec.

In conclusion, they displayed a very strong rejection of an assimilation option and an equally strong desire to maintain their culture and language in Québec.

Greeks want to retain their culture and language and be part of the mosaic; they do not want to integrate or be part of the Québec society. They do not want to assimilate with other ethnic groups for fear that their children woutd lose the Greek culture and language by entering into intergroup marriages. Greek parents do not understand the problems that their children are facing in Québec - an environment which is so different from the Greek reality that they left behind when they emigrated from Greece.

As recommended at the founding of the Hellenic Canadian Congress on April 21, 1986, it is necessary that Greek Canadian youth integrate into the Québec socioeconomic reality rather than forming social ghettos and that they progress naturally into Québec society.

Greek youths are more likely to accept the Greek culture, and value it more readily if they are not forced to comply.

Since youth is the survival of the Greek culture and language that the Greeks want to preserve, then we must give youth a sense of belonging and power within the community and organizational structure so that they will continue to love Greece, its history, culture, traditions and language.

It is by giving this to the youth that they will have a positive feeling about themselves and therefore accept other cultures. Only through positive acceptance of themselves can they integrate with those other cultures.

If you are to accept immigrants in the future in Québec, in order to safeguard the future and continue economic growth, one must be aware that for these immigrants to integrate into Québec society, they must feel positive about themselves. Thank you. Merci.

Le Président (M. Gobé): Thank you very much, Mrs. Coulourides. Maintenant, je vais passer la parole à Mme la ministre de l'Immigration.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Merci beaucoup, madame.

Le Président (M. Gobé): Vous avez une

période de 10 minutes. Par la suite, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

Mme Gagnon-Tremblay: D'accord. Alors, madame, selon l'hypothèse multiculturelle dont vous nous avez parlée, la fierté de ses origines constitue une base fondamentale pour s'intégrer à la société d'accueil. On sait qu'historiquement, la communauté grecque a toujours été, je crois, très fière de ses origines. Mais pourtant, selon l'étude que vous avez citée - c'est vrai que c'est de 1977 - les mariages avec des personnes des autres communautés semblent plutôt mal acceptés dans la communauté grecque. Ne croyez-vous pas que la fierté de ses origines, tout en étant nécessaire, bien sûr, n'est pas une condition suffisante pour assurer une bonne intégration, mais que le sentiment d'appartenance, cependant, est très important? Est-ce que vous pouvez vous exprimer là-dessus?

Mme Coulourides: Vous dites sentiments, "feelings". On doit dire...

Mme Gagnon-Tremblay: Je parle de sentiment d'appartenance au Québec.

Mme Coulourides: Oui, mais je pense qu'ils ont peur de la famille... Disons, les grecs, ils ont peur, premièrement, de la langue; ils ont peur de la religion, ils ont peur de perdre leur enfant à une autre culture, à un autre monde. Alors, pour eux, la famille est très, disons, c'est très... Justement, spécialement si leurs parents et leurs soeurs sont en Grèce. Alors, tout ce qu'ils ont, au Canada et au Québec, c'est leurs enfants. Alors si, par mariage, ils perdent leur fils et perdent leur fille à une autre religion, une autre culture ou quelque chose comme ça, pour eux, ils ont vraiment perdu un enfant. C'est très très fort chez les Grecs.

Je voulais vous dire que l'étude a 50 pages, mais c'est très intéressant. Comme je l'ai lu, concernant la culture, les gens qu'ils vont plus accepter sont les Italiens, disons, parce qu'ils sont près d'eux. Ils parlent un peu la langue, l'anglais, et les Anglais. Alors, ils acceptent le mariage entre Italiens et Grecs. Pour moi, je suis surprise parce que c'est deux religions différentes: grecque orthodoxe et catholique. Ça marche mal, mais ils acceptent ça. Ils viennent d'accepter ça. Depuis que le "papier" a été écrit, dans la colonie grecque, on a plusieurs "inter-marriages". Maintenant, on voit des enfants qui quittent leurs parents et disent: Non, non, je veux me marier avec cette personne-là. Alors, la chicane et la bagarre commencent. On a des cas comme ça.

Mme Gagnon-Tremblay: Ne croyez-vous pas, justement, que la peur d'avoir peur peut, à un moment donné, avoir un impact sur une intégration réussie? Là, je laisse de côté la question des mariages entre personnes différentes, mais je pense, par exemple, aux origines, à la fierté des origines. C'est qu'on peut être fier de nos origines, mais, cependant, si on veut, je ne sais pas, vraiment avoir cette intégration réussie au Québec, ne faut-il pas, en plus d'avoir la fierté de ses origines, parce que je pense qu'on ne peut pas nier ça à personne, avoir un sentiment très fort d'appartenance au Québec? Il faut vraiment être fiers aussi d'être Québécois.

Mme Coulourides: Oh! sur ça, maintenant, on voit, depuis les derniers 10 ans, que les enfants ont appris le français. Ils ont des vues "positives", comme je le dis. On dit "positive". Comment on pourrait dire ça en français?

Mme Gagnon-Tremblay: Positives.

Mme Coulourides: Positives? Même chose? O.K. Positives vers le français. Moi, je vais vous dire, dans mon temps, je ne voyais pas qu'on allait à l'école grecque. Mais maintenant, disons que les choses ont changé. Je trouve que dans 10 ans, on va voir d'autres changements. Et je vois qu'une autre étude devrait être faite sur ça par l'université. Je voulais m'embarquer, les prochaines années, pour voir s'il y a vraiment un changement sur ça.

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce qu'il y a des mesures qui vous apparaissent pertinentes pour favoriser le rapprochement de la communauté grecque avec la communauté francophone et l'établissement de relations intercommunautaires harmonieuses?

Mme Coulourides: Les relations... Je n'ai pas entendu.

Mme Gagnon-Tremblay: L'établissement de relations intercommunautaires harmonieuses.

Mme Coulourides: Oui.

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que, pour vous, il y a des mesures qui paraissent plus pertinentes pour favoriser ce rapprochement de la communauté grecque avec la communauté francophone?

Mme Coulourides: Je ne vois pas qu'il y a un grand rapport entre les francophones et les Grecs. J'aurais aimé plus de rapports que maintenant.

Mme Gagnon-Tremblay: Et comment peut-on faire ce rapprochement, d'après vous?

Mme Coulourides: Premièrement...

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que vous avez des suggestions?

Mme Coulourides: ...on devrait approcher les Grecs qui sont éduqués - moi, je trouve - parce qu'ils ont le respect dans la colonie grecque, à Montréal. Disons que ce seraient les psychiatres, les docteurs ou les ingénieurs, qui ont un peu le respect, et les gens écouteraient ce qu'ils diraient, premièrement, la première chose. Si on peut contacter ces gens-là à travers la société "graduée" qu'il y a à Montréal et, après ça, approcher la société "graduée", disons, des professionnels, des diplômés professionnels d'université, c'est à eux, après ça, d'approcher la communauté grecque, je pense.

Mme Gagnon-Tremblay: Donc, si je comprends bien votre pensée, c'est à travers l'élite grecque que l'on pourra réussir à faire davantage ce rapprochement avec la société francophone.

Mme Coulourides: Et aussi à travers le "Hellenic Canadian Congress", le Congrès hellénique canadien. Il y a un chapitre québécois et un chapitre grec aussi à Montréal...

Mme Gagnon-Tremblay: Oui.

Mme Coulourides: ...qui est le lieu et dans la colonie grecque. Il y a des professionnels qui sont là, des avocats et même des professeurs de l'Université de Montréal. Ce sont eux qui peuvent approcher, après ça, le peuple grec de Montréal ou la colonie grecque, on doit dire, c'est mieux.

Mme Gagnon-Tremblay: J'ai rencontré la communauté hellénique. Je l'ai rencontrée récemment, et on a entendu des personnes qui sont venues ici, et j'ai quand même senti une ouverture. Ces personnes, de plus en plus, apprennent le français maintenant, aussi.

Mme Coulourides: Oh oui!

Mme Gagnon-Tremblay: Alors, on voit vraiment une volonté de se rapprocher davantage de la communauté francophone.

Mme Coulourides: Oh oui! Il y a ça, oui. Mme Gagnon-Tremblay: Merci, madame.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Mme Couiourides, je suis curieux, mais quelquefois il peut arriver que ma mémoire flanche. N'avez-vous pas un lien de parenté avec l'ancien consul général de Grèce?

Mme Coulourides: Oui, c'était mon père. Malheureusement, il est décédé en décembre 1989.

M. Boulerice: Votre père est décédé, madame.

Mme Coulourides: Oui.

M. Boulerice: Vous m'en voyez désolé. J'ai eu l'immense plaisir de le connaître. Je pense qu'il n'y avait pas un homme plus amoureux du Québec que monsieur votre père.

Mme Coulourides: Oui.

M. Boulerice: Je crois d'ailleurs avoir eu aussi le plaisir de dîner chez vous, avant de se rendre au centre communautaire hellénique où - et voilà ma question, Mme Coulourides...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: ...le sénateur Gigantès avait dit que le multiculturalisme avait été quelque chose d'inventé par Pierre Elliott Trudeau pour faire accepter aux Ukrainiens que le français était la deuxième langue officielle au Canada et non pas l'ukrainien.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Ce qui m'amène à vous poser comme question, chère amie: Est-ce que la politique fédérale de multiculturalisme est respectueuse du caractère distinct du Québec ou bien si cette politique demande des ajustements pour en tenir compte?

Mme Coulourides: Ça a besoin d'ajustements. M. Boulerice: Mais de quel type?

Mme Coulourides: II y a beaucoup de choses. Sur quel aspect vous voulez qu'on discute? Sur la psychologie? Il y a beaucoup de choses. Psychologiquement, je vois la question de l'enseignement de la langue. Je vois aussi l'intégration des Grecs dans le milieu francophone. Il y a beaucoup de choses qu'on peut discuter. Sur la question de la langue, moi, je suis très forte avec la manière du "Immersion French Program". Je suis très forte sur ça. Quand il y a des "positive attitudes"... Je vais le dire en anglais, je ne sais pas tellement. On peut dire "positive attitudes" en français aussi?

Des voix: Oui.

Mme Coulourides: O.K. D'accord, merci. Alors, quand il y a des "positive attitudes", des Grecs vont apprendre le français, mais quand il n'y en a pas, alors ça ne s'apprend pas bien. Quand il y a disons, des "positive attitudes" entre une famille grecque et une famille canadienne, alors, ils vont s'aimer, ils vont se parler, mais quand il n'y a pas ces "positive attitudes",

ça ne marche pas. Et on peut voir avec les résultats et les commentaires, dans le "testing" que le Dr Lambert a fait, qui est un assez grand "papier"... il a fait ces recherches-là pendant cinq années à McGill. (17 heures)

M. Boulerice: Mme Coulourides, pour ce qui est des Québécois d'origine hellénique...

Mme Coulourides: Oui.

M. Boulerice: ...6 % considèrent la langue française comme la langue où ils sont le plus à l'aise.

Mme Coulourides: Oui.

M. Boulerice: 5 % emploient le français à la maison. 11 % emploient le français comme langue de travail. C'est quatre fois moins que la communauté italienne. 5 %, la langue des contacts amicaux. Cinq fois moins que la communauté italienne. Journal lu le plus souvent en français, 11 %. Quatre fois moins encore. Je fais la comparaison avec la communauté italienne parce que ce sont les deux plus importantes communautés au Québec. Pour ce qui est de la radio française, seulement 10 %. Je suis presque tenté, mais n'y voyez pas de méchanceté, de dire que j'écoute bien plus, moi, 89,5 sur la bande FM qu'on écoute peut-être 98,5. À la télévision, c'est 3 %.

Mme Coulourides: Oui.

M. Boulerice: Et je vois à la page 9, vous dites: "As we recommended at the founding of the Hellenic Canadian Congress, it is necessary that the Greek Canadian youth integrate into the Québec socioeconomic reality rather than forming social ghettos."

Je pense, à mon point de vue, qu'on aurait dû ajouter "social, economic and cultural reality rather than forming social ghettos". Face aux chiffres que je viens de vous donner, il y a une drôle de pente à remonter, hein?

Mme Coulourides: II y a une drôle de quoi? M. Boulerice: De pente. Mme Coulourides: Oui.

M. Boulerice: Et quelles sont les mesures que la communauté hellénique prend actuellement pour en arriver à cet énoncé très formel que la communauté hellénique a pris lors de la fondation de son association?

Mme Coulourides: En ce moment, ils essaient, disons, avec leurs enfants, de pousser leurs enfants. Les Grecs sont toujours, même en Grèce et ici, très forts sur l'éducation. Ils poussent leurs enfants pour apprendre le français, l'anglais et le grec. Ils ont les trois, mais, à ce moment-ci, les parents grecs sont pour les trois langues. Et même ils ont fait une étude dans tout le Canada, récemment, et ils vont montrer que les Grecs sont forts pour la langue. Ils veulent que les enfants... Ils vont même payer des cours spéciaux pour que l'enfant apprenne le français, le grec et l'anglais. Il n'y a pas question de ça.

Mais je trouve que, aussi, moi-même, je vais vous dire la vérité. Moi, j'avais un nom grec, mais les Canadiens français ne nous ont pas accepté dans les écoles catholiques, il y a longtemps. On devait aller à l'école protestante.

Alors, ma mère avait la langue française. On a appris le français à la maison, mais parce que j'étais baptisée grecque orthodoxe et parce que j'avais un nom grec, on était forcés d'aller dans le système protestant. Alors maintenant, moi, je trouve que le grand problème, à Montréal, spécialement... Les mamans de 60 ans, 70 ans et 50 ans ont été forcées au commencement du siècle, après la première guerre et après la deuxième guerre, quand sont venus les Grecs immigrants, d'aller au "Protestant School Board". Alors, là, elles ont appris l'anglais. Alors, maintenant peut-être que les petits-enfants vont à l'école française mais la grand-maman ne va pas parler le français, et ce n'est pas parce qu'elle n'a pas voulu parler le français, mais c'est le gouvernement qui leur a dit d'aller au "Protestant School Board". Alors, ce n'est pas de ma faute si, moi, j'ai eu mon enseignement à l'école anglaise parce que ma mère a essayé au Sacré-Coeur, mais on a dit: Non, vous êtes grecs orthodoxes, alors, vous n'êtes pas acceptés. Et je pense que c'était seulement dans les années 1965, 1970 que la loi a été changé. Et on a laissé les grecs orthodoxes s'infiltrer un petit peu dans la commission catholique. Alors, ce n'est pas ma faute. Moi, je voulais apprendre le français, aller à l'école française. C'est votre faute.

M. Boulerice: Peut-être par hérédité, Mme Coulourides, oui, je suis bien d'accord avec vous, mais de toute façon, ma position et celle de mon parti est très connue. Il s'agit d'écoles linguistiques et non pas d'écoles confessionnelles, puisque cela nous a causé bien des problèmes, mais comment m'expliquez-vous, Mme Coulourides, que la communauté hellénique s'identifie beaucoup plus à la communauté anglophone qu'à la communauté francophone?

Mme Coulourides: Parce que, disons...

M. Boulerice: Mais après quand même... Oui, je sais qu'il y a eu un passé lourd que nous assumons.

Mme Coulourides: Oui.

M. Boulerice: Mais il y a eu quand même là de nouveaux arrivants.

Mme Coulourides: Je vais vous dire la vérité. Quand le ministre de la culture, M. Godin était là, on avait plus de contacts avec les

Canadiens français qu'on a maintenant, parce que

M. Godin était vraiment respecté et on l'aimait beaucoup. Est-ce qu'on va me mettre à la porte bientôt?

M. Boulerice: Non. Mme Coulourides: O.K.

M. Boulerice: Madame, on ne peut empêcher un coeur d'aimer.

Mme Coulourides: O.K. D'accord. Même l'association Cretoise sur l'avenue du Parc a beaucoup aimé M. Godin. Alors, ils ont eu beaucoup de respect. Je pense que, pour eux, une personne comme M. Godin, un membre de l'Assemblée nationale, "MNA", qui doit s'approcher, comme M. Godin, et trouver les Grecs et avoir les résultats de M. Godin parce qu'il les a trouvés... Il a besoin aussi de vous, de venir chez vous et, nous, on devait venir chez vous. Mais ça prend les deux pour qu'on se rencontre.

M. Boulerice: J'attends une prochaine invitation au Centre hellénique sur Côte-Sainte-Catherine, Mme Coulourides.

Mme Coulourides: Qu'est-ce que vous avez dit?

M. Boulerice: J'attends votre prochaine invitation au Centre hellénique sur Côte-Sainte-Catherine.

Mme Coulourides: Oui. Alors, je vais vous inviter. Pour sûr.

M. Boulerice: Je conclurai après.

Le Président (M. Gobé): Vous conclurez, monsieur... C'est parce que c'est terminé.

M. Boulerice: Ah bon! Écoutez, ce que je...

Le Président (M. Gobé): Vous avez le mot de la fin, et Mme la ministre...

M. Boulerice: Le mot de la fin. Je sortirai du débat qui nous concerne, Mme Coulourides, pour vous dire que vous m'avez appris la nouvelle. Malheureusement, je ne l'ai pas su à temps, mais je vous avoue ressentir un profond chagrin à l'annonce du décès de votre père. C'était un homme de conviction, c'était un homme de courage. Je connais bien les gestes qu'il a posés. C'était un homme de très grande culture. Je pense qu'il était un très grand Québécois, puisqu'il avait choisi de rester et de vivre au Québec. Au moment où la dictature militaire s'est installée en Grèce, il a eu le courage de démissionner et de respecter la légitimité. Je peux vous dire que, sans doute, ce deuil est encore très présent chez vous et que je le partage, Mme Coulourides.

Mme Coulourides: Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Maintenant, Mme la ministre, sur ces paroles du député, si vous voulez conclure.

Mme Gagnon-Tremblay: II ne me reste qu'à vous remercier, madame. J'ai compris aussi que, suite à cette étude de 1977, vous poursuivez ou vous aviez l'intention, peut-être, d'y apporter des études un peu plus récentes, de travailler sur des documents...

Mme Coulourides: Oui.

Mme Gagnon-Tremblay: ...plus récents, alors vous comprendrez que nous accueillerons toujours favorablement d'autres suggestions ou d'autres études du genre. Merci beaucoup, madame.

Mme Coulourides: Merci.

Le Président (M. Gobé): Mme Coulourides, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier et je vous prierai de transmettre les salutations de ces mêmes membres à l'ensemble de votre communauté. Sur ce, je vais suspendre les travaux de cette commission jusqu'à 20 heures ce soir en cette salle. Bon appétit.

(Suspension de la séance à 17 h 9)

(Reprise à 20 h 5)

Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît, mesdames et messieurs! La commission de la culture va maintenant reprendre ses travaux. Je vous rappellerai brièvement le mandat de la commission qui est de procéder à une consultation générale sur l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration intitulée "Au Québec pour bâtir ensemble" ainsi que sur les niveaux d'immigration souhaités pour les années 1992,1993 et 1994.

Nous allons maintenant entendre au cours de la soirée la Table de Concertation des organismes de Montréal au service des réfugiés, de 20 heures à 21 heures, et, de 21 heures à 22 heures, la Ligue des droits et libertés.

Alors, je demanderais aux représentants de fa Table de Concertation des organismes de

Montréal au service des réfugiés de bien vouloir prendre place en avant et à votre porte-parole de bien vouloir présenter très brièvement votre groupe et les gens qui sont autour d'elle. Vous pourrez aussitôt après commencer la présentation de votre mémoire. Je vous rappelle que vous avez un maximum de 20 minutes, et, advenant que vous le dépassiez, je vous ferai un petit signe qui voudra dire "deux minutes", et ceci, pour vous permettre de conclure rapidement. Alors, vous avez maintenant la parole.

Table de Concertation des organismes de Montréal au service des réfugiés

Mme Augenfeld (Rivka): Merci beaucoup, M. le Président. Au nom de la Table de Concertation de Montréal pour les réfugiés, je vous remercie pour l'occasion que vous nous donnez de comparaître devant vous. Mme la ministre est venue récemment, au mois de novembre, nous voir à la Table, à notre réunion mensuelle. Alors, je pense que vous avez eu l'occasion de voir un peu l'envergure des groupes qui siègent autour de la Table.

Je vais prendre pour acquis que tout le monde a lu notre mémoire et je ne vais pas le relire, mais plutôt le commenter. Juste peut-être en commençant, vous dire qu'on est un regroupement, une table de concertation qui existe depuis 11 ans, depuis 1979. On fait des réunions mensuelles, on est là depuis tout ce temps-là, je crois, parce qu'il y a un besoin pour les organismes membres d'avoir une table qui nous rejoint, et aussi je pense qu'il y a un besoin dans la société d'avoir ces groupes réunis pour pouvoir dire certaines choses à la société et faire notre part dans tout ce qui est la sensibilisation et l'éducation du public au sujet des réfugiés.

Je vous présente, en commençant, mes collègues. Il y a à ma gauche Mme Mathilde Marchand, qui travaille depuis longtemps au Centre social d'aide aux immigrants, qui est un des organismes les plus anciens à Montréal qui travaillent à l'intégration des réfugiés et des immigrants; soeur Denise Lainé, à ma droite, qui travaille à l'Alliance intercommunautaire du parrainage. Toutes les deux avec moi, on représente ce soir la Table de Concertation comme telle.

Je vais faire une revue générale de notre mémoire, et ensuite, pendant quelques minutes, Mme Marchand va parler plus spécifiquement de la question de ce qu'on appelle le "backlog", les personnes en arriéré. Soeur Denise aura quelques mots à dire sur la question du parrainage.

Pour commencer, comme on n'a pas beaucoup de temps et comme on vous l'a dit, on est très heureux de voir le ton du document, de l'énoncé de politique, comme on le dit dans notre présentation, de voir un peu le ton et cette acceptation de cette société nouvelle qu'on est en train de bâtir ensemble. Cependant, on voudrait s'arrêter sur quelques points qui nous semblent quand même troublants.

Ce que je voudrais faire remarquer aussi, c'est que j'espère que ce qu'on a à dire va être pris dans le sens dans lequel on vous le donne, dans un esprit de coopération pour améliorer la situation pour les réfugiés et pour notre société d'accueil, et que nos critiques, parce qu'il y en a, des critiques, vont être prises dans cet esprit. Nous croyons que le rôle des ONG, le rôle du secteur privé n'est pas seulement de donner des services à la clientèle, mais aussi, au moment nécessaire, de faire partir des consultations pour l'amélioration des programmes et, parfois aussi, de critiquer des choses qui, on le croit, pourraient être améliorées. Alors j'espère que ça va être pris dans le sens positif que c'est offert.

Nous sommes très préoccupés par la question des réfugiés, que ce soit la question de sélection à l'étranger, que ce soit la question d'un revendicateur sur place. Nous voudrions vraiment souligner que l'on n'accepte pas l'idée que les réfugiés soient sélectionnés sur des critères d'admissibilité qui sont normalement appliqués pour les immigrants; c'est difficile pour nous de voir, dans l'énoncé de politique, un commentaire sur les caractéristiques des pays d'origine des réfugiés. Pour nous, si on parle de sélection des réfugiés à l'étranger, c'est toujours le besoin des réfugiés qui devrait être primordial et non pas les critères d'admissibilité qu'on applique normalement aux immigrants. C'est le besoin du réfugié, le besoin de protection, le besoin de pays d'asile qui devrait toujours primer, et qu'on fasse tout, à ce moment-là, pour raccourcir les délais, pour prendre les plus démunis.

En ce qui concerne les requérants sur place, là aussi, je pense que, comme on le mentionne dans notre mémoire, les personnes qui nous arrivent depuis 1989 se font accepter par le système canadien en très grand nombre, en majorité; à peu près 80 % des personnes qui arrivent maintenant de pays où il y a des abus et des violations flagrantes des droits humains, des droits de la personne, se font accepter en grand nombre. Alors, il nous semble que l'idée que certaines personnes ou la plupart de ces personnes viennent pour abuser de notre système, c'est une idée qui ne marche plus. La plupart de ces personnes-là ont besoin d'un pays d'asile et, si elles viennent chez nous faire leur demande sur place, c'est parce qu'elles n'ont pas un autre endroit où le faire. Un ancien haut commissaire pour les réfugiés à Genève a qualifié un certain groupe de personnes maintenant comme les "jet people"; c'est aussi logique maintenant de prendre un avion et de faire le tour du monde pour trouver un pays d'asile que d'essayer de traverser à pied 1000 kilomètres de désert. Alors les gens nous arrivent ici parce qu'ils ne trouvent pas d'autre moyen de faire une demande

d'asile ailleurs. C'est une illusion de penser que ces gens-là peuvent s'arrêter quelque part et faire tranquillement une demande dans une ambassade ou un consulat canadien. Ce n'est pas possible. Et plus les portes se ferment partout plus ils viennent chez nous. Et nous, comme partie de notre obligation internationale... Je pense qu'on souhaite que le Québec veuille aussi, en prenant sa place dans le monde, assumer toutes ses obligations internationales, ses obligations morales d'ouvrir les portes. Pas à n'importe qui, mais quand même qu'il reconnaisse qu'on a un devoir de protection et qu'on a le devoir d'offrir un asile aux personnes qui arrivent chez nous et qui, selon notre système, se font accepter. Et qu'on n'aille pas en vouloir à ces personnes d'avoir choisi elles-mêmes le Canada, et le Québec plus particulièrement, comme pays d'asile et qu'on les accepte comme des personnes qui sont dignes de notre protection.

Soeur Denise va, comme je l'ai dit, parler du parrainage plus particulièrement. Je voudrais dire que la Table et les organismes de la Table veulent jouer leur rôle, mais ça prend des ressources pour travailler comme il faut. Une table de concertation, c'est nécessaire, mais pour que ça fonctionne, il faut que nos membres individuels soient vivants, aient une certaine stabilité pour pouvoir faire leur travail. Et on espère que, dans les détails des programmes et des plans d'action qui s'en viennent, on va tenir compte de ces besoins pour que les organismes puissent bénéficier d'une certaine stabilité pour pouvoir faire ce travail qui est devant nous. C'est un grand défi, mais j'espère qu'on pourra collaborer pour le faire.

Je vais maintenant donner la parole à Mme Marchand pour parler plus longuement de la question du "backlog" et de la réunification des familles.

Le Président (M. Gobé): Mme Marchand, vous avez la parole.

Mme Marchand (Mathilde): Bonsoir. Au risque de répéter un peu des choses qui ont déjà été dites à des rencontres précédentes - je fais un peu allusion à la conférence de presse que nous avons eue en décembre dernier - il y a quand même des sujets qui sont... C'est une question vitale, pour nous qui travaillons auprès des réfugiés, on sait très bien que d'après la législation, la loi, le domaine des réfugiés est un domaine sacro-saint au fédéral. Mais il y a quand même une place pour que le Québec y joue un rôle efficace et bénéfique, dans le cas du "backlog" précisément. Ce sont des gens qui, après quatre ans, bientôt cinq ans, ont acquis les habitudes de vie du Québec, ont appris le français, se sont intégrés, ont travaillé, et tout ça.

Cette situation de languissement, de laisser pourrir une situation, devient tellement intolé- rable qu'on rencontre des cas de plus en plus fréquents de dépression nerveuse, et même, ça peut aller jusqu'à la solution finale de s'enlever la vie. Ça s'est vu. Ce n'est pas du tout du chantage, ce n'est pas du jaunisme. C'est la réalité que nous vivons. Alors, nous aimerions, ce soir, demander encore plus fortement, plus chaleureusement au gouvernement du Québec de bien se pencher sur cette question et de nous aider à convaincre le fédéral qu'il faudra bientôt, le plus vite possible, envisager un règlement global pour ces gens qui sont pour la plupart acceptés en grande majorité. Quand on fait, quand on dépouille, quand on dépèce le dossier, on se rend compte qu'à 92 %, ils sont acceptés. Alors, je crois que c'est une évidence que tout le monde reconnaît, sauf peut-être les intéressés, que cette situation est devenue intenable, intenable pour eux les victimes d'abord, et pour nous les intervenants qui n'avons plus de moyens, qui n'avons plus d'arguments, qui n'avons plus de potion magique à donner pour que l'espérance continue à tenir ces gens-là en vie.

Il y a, à l'intérieur de ce dossier, quelque chose d'encore plus triste et affligeant, c'est la réunification des familles. Quand on sait qu'on prend quatre ans et demi pour accepter quelqu'un dans ce fameux règlement de l'arriéré et qu'il faut ajouter à ça une année et parfois deux ans pour faire venir femme et enfants, vous vous rendez compte dans quel état de dégradation se retrouve ce couple, cette famille. Alors là aussi, évidemment, le Québec n'a pas tout pouvoir en ce sens, mais il y a quand même des délégations à l'étranger. Il y a cette situation dramatique de la guerre dans le golfe qui rend encore davantage pénible la situation de ces gens, mais pour toutes les délégations qui fonctionnent encore bien et où on peut faire pression, on demande l'appui du Québec. C'est notre cri d'alarme et notre demande que nous vous faisons ce soir, là. (20 h 15)

Le Président (M. Gobé): C'est bien, madame.

Mme Laine (Denise): Je vais commencer en citant une phrase que j'ai recueillie dans l'énoncé de politique. "La participation active de la population dans l'accueil aux réfugiés s'avère un des éléments majeurs de leur intégration. Le gouvernement appuiera davantage les efforts de divers groupes et individus dans ce domaine." Je crois que c'est très vrai, et nous nous réjouissons de ce désir d'augmenter la possibilité pour des groupes privés ou des institutions de parrainer. Mais je peux vous dire qu'en ce moment, à l'intérieur de la population, surtout à Montréal, les groupes de parrains se font très rares et qu'il n'y a aucun enthousiasme face à cette activité pour plusieurs raisons.

Alors, si on veut recommencer à donner un élan à cette participation, je pense qu'il y a une

analyse actuelle des faits qui devra être poussée en profondeur. Vous aurez peut-être, à l'intérieur du ministère même, à faire une réorganisation, mais, à l'extérieur, il y a des situations qui font que les groupes ne sont plus animés pour faire ça, parce qu'il n'y a pas de politique définie qui pourrait les encourager dans ce domaine face aux réfugiés qu'ils désirent parrainer; il n'y a pas de dialogue entre les groupes parrains et le ministère au sujet, par exemple, d'une longueur interminable ou bien d'un refus. Il n'y a pas de dialogue, alors les groupes se trouvent face à un mur, se découragent et se désorganisent.

Je pense que ce sera quelque chose de très important à regarder avant de vouloir former des groupes. Il y a actuellement quelques institutions, même des institutions religieuses, il y a aussi des groupes ethniques qui sont très actifs dans ce domaine, mais, pour les groupes privés, je pense qu'il y aura un gros travail à faire. Ça a été fait dans les années quatre-vingt. Il y a eu un immense succès face à cette méthode, et je crois qu'on peut continuer et étudier vraiment la situation et qu'on peut retrouver des groupes qui pourraient s'engager, peut-être pas dans la même formule qu'avant, mais on peut trouver une formule de collaboration. Les groupes attendent seulement d'être vraiment certains de la politique et du travail qu'ils auront à faire.

Il y a aussi le fait qu'à l'époque, on avait une certaine émulation. S'il y avait un certain nombre de parrainages privés, il y avait un certain nombre de personnes qui étaient ajoutées au quota. Ça, on ne peut pas dire que ça joue maintenant. Et on nous demande: Mais qu'est-ce que ça donne aux gens si, nous, on parraine? On aime mieux les aider quand ils arrivent, parce que cette promesse ou cette entente-là n'a pas été respectée d'une façon très très rigoureuse.

Alors, je crois que, et pour les réfugiés et pour les gens d'ici, c'est une méthode qui est très dynamique pour l'intégration, mais encore faudrait-il ne pas décevoir les groupes par des refus ou des attentes trop longues.

Mme Augenfeld: Est-ce qu'on a encore 2 minutes sur les 20 minutes?

Le Président (M. Gobé): Oui. Allez-y, je vous en prie.

Mme Augenfeld: C'était pour ajouter peut-être la chose suivante. Je pense que, comme Mme Marchand a dit, on est très conscient - on est là-dedans depuis des années - du rôle du Canada et des juridictions respectives du Canada et du Québec. Mais dans toutes nos revendications fédérales, on a toujours demandé au Québec, aux différents gouvernements, de nous appuyer dans nos demandes pour que les programmes, les mesures et les lois soient plus humanitaires, plus justes, plus penchés vers la question de la protection et de la réunification des familles pour alléger le processus, pour aller dans le sens d'assumer notre rôle et nos responsabilités dans le monde. Alors, c'est pour ça, peut-être, qu'on est déçu quand on voit que ce qu'on reproche au Canada dans l'énoncé, c'est que les mesures n'étaient pas assez dissuasives. Ce n'est pas une solution au problème des réfugiés, que nous, le Canada, on trouve comment les empêcher même d'arriver à nos portes. C'est évident que les 15 000 000 de réfugiés ne peuvent pas tous arriver ici; ils ne veulent même pas tous arriver ici. Mais ceux qui arrivent à nos portes ont le droit, et nous, on a l'obligation de les entendre et de les traiter comme il faut. Et on espère qu'on pourra toujours compter sur le gouvernement du Québec et les instances du Québec pour nous appuyer.

L'autre chose que je voudrais vous dire, c'est que, très souvent, les ONG qui sont sur le terrain depuis très longtemps... Les personnes qui sont ici devant vous, entre nous tous, on a peut-être plus d'années d'expérience qu'on voudrait l'admettre. Alors, très souvent, en vertu de cette expérience du terrain, quand on nous propose des programmes, on peut vous dire si ça peut marcher ou pas. C'est pas juste des théories. Et, à plusieurs reprises, on a dit: Ce programme ne va pas marcher. Pour le programme administratif, pour ce fameux "backlog", quand on nous a annoncé le programme, en 1989, en nous disant que ça va prendre deux ans, en le regardant, en sachant la capacité du côté du gouvernement, du côté des organismes, on a dit: Ça ne va pas marcher, pas parce qu'on ne voulait pas que ça marche. Nous, notre intérêt, c'est de régler les situations de tous ces requérants. Et, malheureusement et tragiquement, il s'est avéré qu'on avait raison et que, maintenant, c'est une telle incohérence administrative que, finalement, peut-être il y aura d'autres mesures. Alors, on vous prie aussi d'accepter qu'on partage avec vous notre expérience pour améliorer et les programmes et les règlements et les pratiques.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, madame. Le temps imparti pour votre mémoire est maintenant épuisé. Je vais demander à Mme la ministre pour une période de 10 minutes...

Mme Gagnon-Tremblay: Merci beaucoup, mesdames, pour votre présentation. Je vais passer immédiatement aux questions, compte tenu que le temps à notre disposition n'est pas tellement long. En 1990, le Québec a accueilli près de 7600 réfugiés ou personnes en situation de détresse, tant, par exemple, à l'étranger que sur place, et ce chiffre représente presque 19 % du total global pour 1990. Et, bien sûr, ça, ça ne tient pas compte, là, des quelque 1000 revendicateurs du statut de réfugié que le Québec reçoit tous les mois et desquels la société, naturellement, prend la charge. Tout à l'heure, vous parliez, par

exemple, de la sélection à l'étranger. Étant donné, comme vous le mentionniez aussi, qu'il y a déjà 15 000 000 de réfugiés un peu partout dans le monde, ne croyez-vous pas que le gouvernement serait justifié de faire de l'immigration humanitaire l'unique objectif de la politique de sélection? Ne croyez-vous pas aussi qu'étant donné ces 15 000 000 de réfugiés à travers le monde, il est dans l'intérêt du Québec de choisir? Parce que, bien sûr, on n'utilise pas une grille de sélection comme on l'utilise, par exemple, au niveau des indépendants. On tient compte davantage du caractère humanitaire, mais aussi des chances d'intégration au Québec. Donc, dans l'intérêt du Québec aussi bien que des personnes réfugiées, ne croyez-vous pas qu'il est important qu'on puisse faire une certaine sélection aussi? Parce qu'il y a des personnes, finalement, qui auraient peut-être, qui aurait une meilleure chance de réussir leur intégration dans d'autres pays que le Québec. Et là, on essaie de voir, quand on sélectionne à l'étranger, par exemple, ces 7600 réfugiés, on les sélectionne toujours en fonction d'une intégration qu'on suppose qui serait peut-être mieux réussie. Parce qu'il faut faire des choix, bien sûr. Comme je le mentionnais, il y en a 15 000 000 qui désireraient venir au Québec. Bien, peut-être pas tous au Québec, mais en bonne partie s'ils avaient la chance.

Mme Augenfeld: Je voudrais répondre à votre question peut-être en deux parties. Premièrement, nous croyons beaucoup que le volet de réfugiés sélectionnés à l'étranger, c'est correct. C'est juste que ça fait une partie importante de ce qu'on prend de l'étranger. Par contre, peut-être, je vais répéter ce que j'ai déjà dit et ce qu'on a dit à plusieurs reprises aussi au fédéral, le discours qu'on fait au public quand on parle des réfugiés, on dit: On ne veut pas tellement qu'ils viennent ici eux-mêmes, qu'ils se sélectionnent eux-mêmes, on voudrait aller sélectionner à l'étranger, parce que peut-être que ceux qui viennent eux-mêmes ne sont pas ceux qui ont le plus besoin de nous. Nous, on veut aller chercher ceux qui ont vraiment besoin de rétablissement. Alors, on préfère aller les sélectionner à l'étranger. Sauf qu'ensuite - et c'est ça le discours au public, c'est ça qu'on dit au public quand on parle de revendicateurs, je ne suis pas d'accord, mais c'est ça, le discours qu'on a entendu pendant des années - on va à l'étranger et on ne prend pas les gens qui ont le plus besoin de rétablissement, ceux qui sont le plus en danger, les plus démunis. Pour commencer, la grande majorité des réfugiés dans ce monde, c'est les femmes et les enfants. Si on regarde la proportion de femmes et d'enfants qui font partie, finalement, de ceux qui arrivent ici, que ce soit au Québec ou dans d'autres provinces, c'est loin d'être le cas que la majorité, c'est les femmes et les enfants. On fait beaucoup de difficulté pour les femmes et pour les enfants, les mères célibataires, ça devient très problématique, etc. Alors, déjà, il y a une discrimination quelque part et les personnes qui ont le plus besoin de notre aide ne la reçoivent pas.

Deuxièmement, très souvent, jusqu'à ce qu'elle arrive à être face à un conseiller de sélection, la personne était depuis plusieurs années dans une situation complètement anormale, dans un camp ou dans une autre situation, dans un tiers pays pas établi. La personne n'est pas lui-même ou elle-même. C'est difficile de juger dans une interview de quelques minutes de la capacité de cette personne de s'intégrer. Si on regarde les groupes qui sont arrivés ici depuis, disons, les dernières 30, 40 années, ils sont arrivés et se sont établis avec succès. Ce n'était pas évident pour certains groupes. Si on regarde les préjugés qui existaient à l'époque - heureusement on a beaucoup élargi nos horizons - ce n'était pas évident que ces gens-là allaient s'intégrer et s'établir. Pour nous, on est convaincus qu'avec un réseau d'entraide, d'aide et de cours de langue et d'autres appuis d'organismes, beaucoup de personnes s'établissent avec beaucoup de succès. Et, plusieurs années plus tard, on se dit: Tiens, regardez comment ces gens-là se sont établis. Alors, ce n'est pas évident. Les gens ne demandent pas mieux que d'avoir une chance. C'est le numéro un.

Deuxièmement, il me semble qu'il y a beaucoup de... Si vous regardez les personnes, encore une fois, qui viennent ici, si vous regardez les pays d'origine, c'est très souvent des personnes qu'on ne sélectionne pas à l'étranger. On a du mal à voir où elles peuvent aller pour avoir même une petite chance. On a beaucoup de Sri Lankais qui arrivent ici au Québec. Ils se font accepter comme réfugiés. Mais on voit mal où, à quelle ambassade, à quelle mission du Québec, où ils peuvent même aller essayer de se faire entendre; ce n'est pas évident, alors ils viennent ici. Si on veut que le public soit accueillant pour les réfugiés, on ne peut pas, en même temps, faire un discours contre les réfugiés ici et penser qu'on va avoir, comme on dit, une attitude accueillante pour ceux qu'on fait venir. Ce sont les mêmes gens. Ce sont les mêmes personnes avec les mêmes problèmes. À l'étranger, il nous semble qu'on devrait et qu'on peut les accueillir, on peut les établir, on a la capacité. Malgré tous les problèmes qu'on peut avoir ici, il faut quand même voir relativement les choses, et les personnes qui ont une chance ici, elles s'établissent.

Mme Gagnon-Tremblay: Mme Augenfeld, justement, vous dites: II faudrait prendre en considération aussi ceux qui arrivent. Je comprends, par exemple, qu'une personne qui arrive dans la catégorie des réfugiés ou revendicateurs, généralement, c'est une personne, comme vous le mentionniez tout à l'heure, qui est plus démunie

et qui a besoin davantage d'encadrement, de support, d'accueil, finalement. Donc, ça prend quand même des ressources plus nombreuses, plus considérables en termes d'accueil, et, bien sûr, il y a une capacité aussi au niveau gouvernemental, qui est limitée. Je pense que le Québec est reconnu comme une province très généreuse envers les plus démunis, mais il y a une certaine capacité. Dans un premier temps, est-ce que vous croyez que nous devrions prendre en considération, dans notre pourcentage de réfugiés qu'on sélectionne à l'étranger, ceux qui sont déjà sur place, nous occuper davantage de ceux-là, peut-être même quitte à aller en chercher moins, à en sélectionner moins à l'extérieur, mais nous occuper de ceux qui sont ici? (20 h 30)

Deuxièmement, je ne sais pas si je me suis trompée tout à l'heure, mais vous sembfiez distinguer deux catégories de revendicateurs, c'est-à-dire vous avez dit: Les vrais réfugiés qui échappent à des situations qui menacent leur vie et les "jet refugees", donc, ceux qui ne peuvent pas faire des demandes d'immigration dans leur pays, comme vous le disiez, faute d'ambassade, etc., mais qui seraient peut-être sans doute des réfugiés économiques. Est-ce ça que vous vouliez dire, non?

Mme AugenfeW: Non, je m'excuse, je ne me suis pas bien exprimée. La notion traditionnelle d'un réfugié, c'est quelqu'un qui un jour fuit son pays mais traverse à pied de son pays au pays avoisinant, à pied, il traverse une frontière. C'était peut-être le cas dans le temps et ça arrive encore de nos jours, mais ce n'est plus la seule façon que les personnes fuient. Très souvent, c'est plus facile pour un réfugié, pour un vrai - je n'aime pas le terme, on est réfugié ou pas - mais, disons, un réfugié qui a besoin de protection, qui doit fuir son pays, c'est plus facile de s'échapper ou de fuir sur un avion que d'essayer de traverser 1000 ou 2000 kilomètres à pied pour arriver à un pays avoisinant qui est peut-être complètement hostile. Alors, ce que j'ai dit, c'est que le haut commissaire pour les réfugiés de Genève, il y a quelques années, quand il est venu ici au Canada donner la médaille Nansen au peuple canadien pour tout ce qu'il a fait pour les réfugiés, parlait justement des "jet people" comme d'un nouveau phénomène. Ça veut dire qu'on a eu des réfugiés à pied, on a eu des "boat people" qui sont arrivés par bateau et que, maintenant, il y a des personnes qui se sauvent avec justification mais en avion, et les gens tournent en rond, littéralement, et ne savent plus où atterrir, ils vont d'un aéroport à l'autre. C'est tragique. Parfois on n'entend plus jamais parler d'eux, on les chasse d'un pays à l'autre. Et ce qu'il a essayé de dire, c'est que ces personnes-là ont besoin de notre attention, méritent notre protection et qu'il faut voir que, dans ce monde moderne, il y a d'autres façons d'être réfugiés. Nous, on croyait, en Amérique du Nord, qu'on allait échapper à ce phénomène d'être un pays de premier asile, parce qu'on n'avait pas de frontière avec des pays qui produisaient, disons - c'est un autre terme qu'on n'aime pas - des réfugiés. Ce n'est plus ça. On vit dans un monde où les réfugiés nous arrivent et nous demandent notre protection, et c'est logique et c'est juste qu'on leur donne toute notre considération. Est-ce plus clair?

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, oui. Étant donné que le Québec ne contrôle pas les frontières et que, même s'il contrôlait... J'ai senti quand même de votre part une certaine demande d'ouverture pour les gens qui arrivent. Comme je vous le disais tout à l'heure, c'est que nous sélectionnons aussi des réfugiés à l'étranger et qu'il y a une certaine capacité d'accueil, il y a quand même aussi un consensus social. Donc, pour vous, ça serait quoi, par exemple, le consensus social pour l'aide que le Québec peut apporter à cette catégorie de réfugiés aussi bien à l'étranger qu'ici, là, ça serait quoi à partir du niveau d'immigration qu'on sélectionne annuellement? Par exemple, quel serait le pourcentage, la proportion à partir des structures d'accueil que nous possédons aussi et - je pense qu'il ne faut pas se le cacher - de l'impact financier que ça peut avoir aussi sur les finances du Québec dans un contexte de rareté des ressources, ça pourrait signifier quoi, pour vous, comme pourcentage de cette aide que le Québec devrait accorder?

Mme AugenfeW: Vous savez, nous, on n'a jamais demandé un chiffre fixe. On a demandé que la proportion de réfugiés monte pour rester, disons, en proportion avec ce qu'on avait avant Alors, si le Québec pense, par exemple, augmenter le total de 20 %, que le nombre de réfugiés augmente au moins de 20 %. Vous savez, l'ironie, à un moment donné, c'est ce que le Canada a pris, disons en 1983, 1984, 1985, en somme quand les niveaux étaient assez bas au Canada, la proportion de réfugiés là-dedans, si on ajoutait ceux sélectionnés par le gouvernement et ceux parrainés, la proportion était assez élevée. On a demandé qu'en augmentant les chiffres globaux, on augmente le pourcentage de réfugiés, sauf que, depuis plusieurs années, les chiffres du fédéral et du Québec restent stables et les parrainages ont augmenté. On demandait au gouvernement, qu'il soit canadien ou québécois, de faire sa part et aussi d'augmenter le pourcentage au fur et à mesure.

Mme Gagnon-Tremblay: Sauf, cependant, c'est ce que je mentionnais tout à l'heure, que j'ai le contrôle de la sélection à l'étranger. Je peux sélectionner à l'étranger, j'ai le contrôle. Cependant, je n'ai pas le contrôle ici. Alors, c'est là qu'arrive la difficulté, voyez-vous, quand

il s'agit de déterminer un pourcentage, parce qu'il faut dire qu'une fois que la loi C-55 a été adoptée par le gouvernement fédéral, on a vu quand même une diminution considérable d'arrivées au Canada et, plus spécifiquement, au Québec. Cependant, sachant fort bien que les délais sont très longs - et je suis d'accord avec vous, qu'ils sont inadmissibles - à ce moment-là, il y en a quand même aujourd'hui, et on doit y faire face, tout près de 1000 par mois, et nous pensons que ça peut aussi s'aggraver, que ça peut être beaucoup plus considérable. C'est pour ça que je vous disais tout à l'heure: Est-ce que, par exemple, on doit aussi prendre en considération les gens qui arrivent ici quand on comptabilise notre pourcentage? Parce que j'ai un contrôle à l'étranger, mais je n'ai pas de contrôle ici, sur le territoire québécois, de ceux qui arrivent.

Mme Augenfeld: Écoutez, on comprend votre préoccupation en ce qui concerne le contrôle et la sélection, sauf que, comme on l'a dit dans notre mémoire, on ne voudrait pas du tout qu'on joue un groupe contre l'autre quand il y a un besoin des deux côtés. Les revendicateurs... Je pense que, pendant longtemps, on a eu, je dirais, plus qu'une chicane, c'était vraiment une bataille avec le fédéral parce qu'il ne voulait pas accepter l'idée que le Canada est un pays de premier asile. Je pense qu'avec les années, finalement, c'est devenu un fait accompli, c'est une réalité, et personne ne dit plus que le Canada n'est pas un pays de premier asile.

Mais il reste qu'on a des obligations internationales et qu'on a quand même l'obligation d'aider et d'aller sélectionner à l'étranger; on est parmi les rares pays de rétablissement, disons, et on a une certaine obligation. Si on joue un groupe contre l'autre, je pense que c'est au détriment des deux, et ça n'aide pas du tout à sensibiliser le public en ce qui concerne les besoins. Mme Marchand et moi, on travaille dans des organismes qui font l'établissement des personnes qui arrivent, et je pense qu'avec les ressources adéquates au début, les personnes sélectionnées deviennent très vite des payeurs de taxes et, éventuellement, des citoyens extrêmement fidèles. Vous savez, il n'y a rien comme un réfugié, une personne qui arrive d'une situation de détresse, pour voir une personne qui tient à ce pays, qui a une attitude vraiment de remerciement incroyable envers ce pays. La plupart des gens, quand vous leur demandez ce qu'ils viennent trouver ici, disent: La paix, la tranquillité. C'est peut-être une qualité qu'on oublie parfois, jusqu'à quel point ça n'existe pas dans le reste du monde, mais c'est ça que les gens viennent chercher chez nous, et ils l'apprécient beaucoup.

Si on regarde les revendicateurs, et je vais m'arrêter là-dessus, le coût pourrait être diminué de beaucoup s'il n'y avait pas cette très longue période d'attente maintenant entre l'arrivée du revendicateur et cette première étape qui s'appelle le minimum de fondement, où la personne n'a pas le droit de travailler; elle est, malgré sa volonté, au bien-être social. Maintenant, quand le fédérai a annoncé son programme, il voulait que ça se fasse dans les 72 heures. Ça, ça nous semblait complètement ridicule, et ce n'était pas possible même. Mais, là, on est à l'autre extrême, où ça prend des mois et des mois. Cette étape, pour nous, était toujours contestée; on la considère injuste et, aussi, inefficace du point de vue administratif. Si on pouvait procéder beaucoup plus vite à une étape où la personne pourrait avoir le droit de travailler, on éliminerait cette période - qui nous coûte cher, je suis d'accord - de bien-être social, où les gens sont complètement assis malgré leur volonté, et je pense que Mme Marchand peut en témoigner.

Le Président (M. Doyon): Mme Marchand, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Marchand: Oui, M. le Président. Ce que nous voyons très souvent, ce sont des gens qui viennent nous voir en nous disant: Écoutez, ma date d'enquête pour le minimum de fondement est dans six mois. De grâce, trouvez-moi un travail. Je ne peux plus rester comme ça. C'est vraiment la majorité des gens qui sont d'abord extrêmement inquiets de savoir ce qui va leur arriver. Ce long délai est souvent très dur pour la santé et pour les nerfs. Et le fait de travailler, pour eux, c'est un dérivatif, et aussi se tenir debout et avoir cette fierté de dire: Je ne coûte rien au pays d'accueil. Et, pour eux, c'est une humiliation, une humiliation.

Alors, c'est pour ça que, si on pouvait supprimer ce minimum de fondement qui, comme le dit Mme Augenfeld, n'est pas l'étape, c'est un aléatoire... Et, bien souvent, on leur fait passer plus qu'un minimum de fondement, ce qui est parfois deux auditions. Alors, ça devient injuste, injuste à tous points de vue, et aussi ça accentue la charge financière de la province.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Marchand. Mme la ministre, vous avez terminé?

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Oui. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. Eh bien, comme nous sommes souvent montés aux mêmes barricades, je vais vous dire que je suis très heureux de vous revoir ce soir. Je vais aller, parce qu'il y a la mécanique et le temps qui, forcément, nous restreint... Vous ne pensez pas qu'il y a une espèce de perception négative du réfugié? Avez-vous une espèce de profil du réfugié au Québec

de façon à ce qu'on arrête d'avoir cette perception négative du réfugié qui est, pour bien des gens, quelqu'un qui vient par en dessous bénéficier de services sociaux au Québec? Parce que c'est ça, malheureusement, qui est véhiculé. Et vous savez fort bien, comme moi, que là n'est pas la vraie perception.

Le Président (M. Doyon): Mme Augenfeld.

Mme Augenfeld: Oui, je vais commencer peut-être et Mme Marchand va ajouter. Écoutez, il y a toutes sortes de perceptions qui circulent dans la société, et ça dépend de ce qu'on fait avec. Est-ce qu'on essaie de démystifier certaines choses, de faire une sensibilisation et une éducation ou est-ce qu'on fait des choses pour renforcer cette perception qui n'est pas correcte? Vous savez, nous, on a toujours dit et on continue de dire: On est prêts à faire notre part. On pense qu'on fait notre part avec les moyens limités qu'on a de faire de la sensibilisation, de l'éducation, et on demande au gouvernement de faire preuve de leadership - et je pense que l'énoncé est un début, mais il faut continuer - de vrai leadership, de faire une publicité et une éducation qui va aller à rencontre de cette fausse perception pour nous. Là, on pourrait travailler ensemble. Mais nous, on ne peut pas faire tout ça nous-mêmes quand il y a un autre discours, si vous voulez, qui nous arrive de l'autre côté.

Je vais vous donner un exemple. Au début, la Table de Concertation est née en 1979, au moment de l'arrivée des "boat people". Pour moi, c'était le moment le plus beau, mais évidemment le sommet - depuis, on n'est jamais arrivés là - d'une concertation, une vraie concertation de tout le monde. Le gouvernement, les médias, les ONG, tout le monde allait dans le même sens. Les médias et les gouvernements, fédéral et québécois, nous ont dit: Voilà des personnes qui méritent notre attention, c'est des personnes qui sont des bons, n'est-ce pas?

Nous, on a pris la relève, et le public a répondu d'une façon magnifique. Je pense que c'était un moment, vraiment on peut dire, glorieux dans notre époque. Des gens qui n'avaient jamais fait du parrainage ont dépassé toutes les attentes. C'était vraiment un moment splendide. La Table est née à ce moment-là, et on a continué depuis. Mais on a vu comment ça peut marcher. On a vu comment, avec une volonté politique, les délais étaient raccourcis, les personnes arrivaient presque trop vite. Entre le parrainage et l'arrivée de la famille, on n'avait presque pas le temps de trouver l'appartement parfois. Ce n'est pas une blague. Je pense que ceux qui l'ont vécu l'ont vu. Il y avait une politique d'accueil. Soeur Denise était là et Mme Marchand aussi. Il y avait une politique d'accueil. Il y avait une volonté de faire pour le meilleur des mondes. Là, ça a marché. Et tout le monde était d'accord que les gens étaient des réfugiés. 10 ans plus tard, les mêmes "boat people", on n'est plus sûrs que ce soient les mêmes personnes. Si c'étaient des réfugiés à ce moment-là, c'est toujours des réfugiés, et si c'est pas des réfugiés maintenant, ce n'étaient peut-être pas des réfugiés à ce moment-là.

Maintenant, on arrive en 1987. Il y a des Sikhs qui nous arrivent, un petit bateau qui arrive du côté de la Nouvelle-Ecosse. Tout d'un coup, tout a été fait par le gouvernement fédéral pour faire un portrait de terroristes, de personnes affreuses. On a oublié par la suite de dire au public que beaucoup de ces cas-là ont eu une acceptation. Il y a un problème au Pendjab. Il y a des problèmes pour les Sikhs en Inde. Je ne vous dis pas que chaque personne dans ce groupe était un réfugié, mais il y avait des cas sérieux là-dedans. Ça méritait au moins notre attention.

La première réaction des gens sur les côtes de Nouvelle-Ecosse était d'offrir à manger à ces gens-là. On les a accueillis comme des êtres humains. C'est par la suite qu'on les a mis derrière les barrières et que le ministre fédéral de l'époque a tout fait pour faire un portrait de personnes qui devaient être chassées tout de suite. On a fait une crise nationale d'un bateau de 167 personnes. Vous savez, ce n'était pas une crise nationale.

Je sais que je suis longue là-dessus, mais c'est pour vous dire que, chaque fois, il y a un discours qui peut être positif ou négatif. Il y a un jeu de médias aussi, évidemment, là-dedans qui peut être positif ou négatif, et ça aide à la perception négative ou positive qui se crée dans le public.

Le Président (M. Doyon): Mme Marchand, voulez-vous ajouter?

Mme Marchand: Non, je crois que l'exemple était très bon. C'est un petit peu celui-là que j'avais en tête. (20 h 45)

M. Boulerice: Mme la ministre vous dit: J'ai un contrôle à l'extérieur, je ne l'ai pas ici. Vous dites au gouvernement fédéral: II y a des revendicateurs de statut, vous avez laissé créer le problème. Maintenant, réglez-le. Il y a des groupes qui vous ont précédé et qui sont venus en disant: II faut la réunification des familles, et Dieu seul sait que c'est important. Vous parlez de la perception négative face aux réfugiés. Voilà. La ministre a un pouvoir ou le ministre, dépendant qui occupe le siège, en tout cas, de toute façon, le ministère a un pouvoir de sélection, mais n'a pas le pouvoir d'acceptation des immigrants.

Le Québec a des attitudes, somme toute, accueillantes, mais, vous l'avez vécu avec moi de façon tragique, le triste épisode des réfugiés turcs. Et pour ce qui est de la famille, eh bien, vous savez que c'est la définition de la famille,

faite par Ottawa mais non pas une définition faite par le Québec. Donc, vous avez des cas extrêmement pathétiques qui existent. Je pourrais d'ailleurs vous en nommer un. Le voisin de Mme Tremblay, ici, qui est ma recherchiste, qui attend ses enfants depuis deux ans, trois ans. Alors, il y a, effectivement, un tiraillement, et je pense qu'une fois pour toutes, il va falloir répondre clairement aux questions. Quand je dis ça, je vous le dis à vous, mais je nous le dis à nous, un nous collectif. Est-ce qu'au niveau de l'immigration, que l'on parle d'immigrants et que l'on parle de réfugiés - et j'aime bien l'insistance que vous avez mise pour ce qui est des réfugiés, c'est pour ça que je faisais allusion à nos barricades communes sur lesquelles on est montés - est-ce que l'immigration, ça doit continuer d'être un pouvoir partagé ou bien non ça doit être un pouvoir exclusivement québécois?

Le Président (M. Doyon): Mme Augenfeld.

Mme Augenfeld: Est-ce que vous parlez de la récupération des étapes sécuritaires et médicales quand vous dites entièrement Québec?

Le Président (M. Doyon): M. le député.

M. Boulerice: L'ensemble du dossier de l'immigration.

Mme Augenfeld: Écoutez, si c'est pour être de ressort québécois, on va avoir les mêmes revendications envers le gouvernement de Québec qu'on a maintenant envers les deux gouvernements. C'est que, pour que ça marche, pour que ça soit efficace et pour que ça soit respecté, il faut y mettre les ressources nécessaires et adéquates. Si vous voulez faire respecter la loi de l'immigration et les étapes et le processus, on ne peut pas attendre deux ans, trois ans ou quatre ans pour faire venir sa femme et ses enfants d'un pays où il y a des difficultés. C'est inadmissible. Alors, pour nous ce qui compte, c'est une politique qui est cohérente. Et je sais, on parle de choses qui coûtent de l'argent. Mais finalement qu'est-ce qui coûte plus quelque part? Mettre des ressources adéquates à l'étranger ou diviser les familles pendant des années pour que, une fois qu'elles sont réunies - laissez-moi finir - une fois qu'elles sont réunis, on ait des problèmes sociaux ici?

Parce que je vous assure, et on le voit tous les jours, qu'une femme et enfants qui arrivent ici après quatre ans ou cinq ans de séparation, ce n'est pas facile de retisser cette famille. Et qui en hérite? Les services sociaux, les écoles, les enfants qui sont complètement à l'envers, qui ne comprennent rien des raisons pourquoi ils ont tant souffert. Alors, ça prend des ressources, ça prend des ressources justement dans les pays où ça prend plus longtemps, et on va le demander du Québec, on va le demander du Canada. Et, comme j'ai dit au début, plus le Québec va avoir du pouvoir dans le domaine, plus on va venir à vous ici - et j'espère qu'on sera réinvité - pour vous dire qu'on voudrait que ça soit plus efficace et plus humain, plus humanitaire, parce qu'il y a deux choses qui comptent là-dedans. On comprend qu'il y a des réalités budgétaires et ressources. On comprend tout ça. Vous parlez d'immigration, ce n'est pas notre domaine de premier intérêt, mais vous dites qu'au Québec, on est pris avec une définition de la famille d'Ottawa. Par contre, M. le député, je vous soumets que, dans d'autres provinces, on accepte le parrainage de plusieurs membres de la famille pour un autre membre de la famille à l'étranger, et que le Québec, jusqu'ici, n'a pas encore décidé de le faire. Exemple concret: si vous avez une personne ici qui veut faire parrainer ses parents, disons, si moi, je veux faire parrainer mes parents, mais que je n'ai pas assez de revenus, je ne peux pas associer ma soeur à ma demande pour que toutes les deux ensemble on fasse venir nos parents de façon conjointe.

Le Québec, pour toutes sortes de raisons, n'accepte pas. Il y a des hésitations, on ne sait pas encore si ça va être plus efficace, moins efficace. Dans d'autres provinces, surtout dans les cas de réfugiés qui veulent faire venir leurs familles, on accepte les parrainages conjoints. C'est dans notre demande, dans notre mémoire. Alors, si vous voulez parler de définition de famille, on vous demanderait ici, devant tout le monde, de considérer que même la famille selon cette définition étroite, elle-même, pourrait être utilisée d'une façon plus humaine. Alors, vous savez?

M. Boulerice: On peut peut-être répondre à votre voeu, mais la réunification des familles est toujours le pouvoir du gouvernement fédéral central.

Mme Augenfeld: Monsieur, M. le ministre...

M. Boulerice: Chaque fois que l'on parle de services, Mme Augerfeld...

Mme Augenfeld: Pardon.

M. Boulerice: ...on parle toujours de guichet unique. En immigration, vous ne pensez pas qu'il devrait y avoir également un guichet unique?

Mme Augenfeld: M. le député, M. Boulerice, pour le parrainage, la réunification de famille, c'est le Québec qui contrôle tout ce qui est le parrainage, ça veut dire qui examine les parrains pour établir si, oui ou non, ils ont les moyens nécessaires de faire venir leur famille. C'est le Québec qui a le contrôle de ça. Si le Québec dit que le parrain ici n'est pas eligible, ça s'arrête là et on attend jusqu'à ce que la personne revienne avec des moyens adéquats. Il y a des

moments où la ministre peut, par dérogation, invoquer certaines raisons humanitaires pour accepter ie cas, malgré le manque de revenus selon le barème. Mais c'est à la discrétion de la ministre du Québec. Ensuite, le reste, c'est vrai que c'est le Canada et toujours juste le sécuritaire et le médical, on parle de catégories de la famille. Même chose pour les parents assistés, qui est un degré plus loin, où il y a une partie qui se fait ici et une partie à l'étranger. Si quelqu'un veut faire ici un appui pour faire venir une soeur, par exemple. Si je veux faire venir ma soeur, par exemple, de France, je peux appuyer sa demande, mais c'est le Québec, toujours, qui doit m'accepter et, de l'autre côté, c'est le Québec qui sélectionne ma soeur et décide si, oui ou non, elle va passer la grille de sélection. Alors, le Québec a tout le pouvoir et l'avait déjà de dire oui ou non à toutes ces personnes-là qui tombent même dans une notion plus élargie de la famille.

M. Boulerice: Mais, Mme Augenfeld, acceptez-vous... J'ai l'impression que M. le Président va m'imposer la guillotine tantôt. Dans le cas de ces personnes que vous connaissez fort bien et qui sont à la Mission chrétienne latino-américaine, sur la rue Papineau, Mme la ministre est très sympathique, elle est très au fait du dossier, je lui ai écrit, on s'en est parlé, elle est prête, elle accepte, mais c'est toujours Ottawa qui décide, Mme Augenfeld...

Mme Augenfeld: Mais, M. Boulerice, ça, c'est des familles, des personnes qui sont dans le fameux "backlog", les personnes qui, elles-mêmes, ici, ne sont pas encore acceptées, et c'est pour cette raison qu'on demande au Québec de pousser ce dossier avec nous au fédéral pour qu'on accepte les personnes ici et pour qu'ensuite, elles puissent faire venir leur famille. On a demandé pour les cas que vous mentionnez, ces cas douloureux qui ont fait la grève de la faim, l'année dernière, qu'on fasse venir ces familles sur permis de ministre. Et c'est vrai que les permis de ministre, pour le moment, c'est de juridiction canadienne. On a demandé une attitude humanitaire. On a demandé une compréhension de cette tragédie humaine pour faire venir ces gens-là et finir tout ce qui était le statutaire, ça veut dire le médical et sécuritaire, sur place. Et c'est ce qu'on demande toujours au fédéral en ce qui concerne les familles des réfugiés. Ce qu'on demande au Québec, c'est de nous appuyer dans cette demande. On comprend bien ce qu'est la juridiction fédérale. Ce qu'on demande au gouvernement du Québec, c'est de pousser ce dossier pour que ce soit plus humain, je le répète.

M. Boulerice: Vous ne préférez pas un guichet unique, encore ::ne fois. Vous préférez qu'on vous aide à pousser sur un autre palier de gouvernement, alors qu'un seul pourrait peut-être tout régler.

Mme Augenfeld: M. Boulerice, je vais vous répéter: c'est plus logique et plus cohérent que ça se passe à un endroit, mais que ça se passe comme il faut. Alors, vous savez, il faut que ça se passe comme il faut. Il faut que ça se passe avec une attitude la plus ouverte possible.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Augenfeld.

M. Boulerice: J'aurais le goût de vous demander: Croyez-vous qu'on est plus ouvert? Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): La question ne semble pas avoir été vraiment posée. Alors, s'il n'y a pas d'autres questions, Mme Augenfeld, Mme Marchand, Mme Laine, permettez-moi de vous remercier de votre prestation. La ministre a sûrement aussi des remerciements à vous transmettre. Je demanderais peut-être à M. le député de commencer, la ministre terminera.

M. Boulerice: Bien, en vous remerciant et en vous souhaitant bon retour dans la belle circonscription de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Bien sûr, je veux vous remercier et vous féliciter aussi pour l'excellent travail que vous faites. J'ai été, comme vous l'avez mentionné, à même de constater tous les groupes qui vous accompagnent dans cette démarche-là. Et je sais que vous êtes très convaincus du bien-fondé de vos travaux, et avec raison d'ailleurs. Alors, je vous félicite et, moi aussi, je vous souhaite un bon voyage de retour.

Mme Augenfeld: Alors, merci de nous avoir entendus, et on espère qu'on aura d'autres chances d'échanger. Je vais oser vous demander qu'on soit consulté avant que les vrais plans d'action soient mis en action, qu'on ait une occasion de vous faire part de notre expérience sur le terrain, pour essayer de bâtir quelque chose qui sera vivable, travaillable et qui ira dans le sens qu'on veut tous pour un Québec qui sera vraiment une société modèle pour le monde.

Le Président (M. Doyon): Merci à toutes les trois, merci beaucoup. Le temps de vous retirer et j'inviterai les représentants de la Ligue des droits et libertés à vous remplacer en avant.

Les noms que j'ai sur ma feuille sont ceux de M. Denis Langlois, de Mme Fulvia Spadari et de M. Pierre Duquette. Dès que vous vous serez installés, veuillez vous présenter. Je vous indique que les règles suivantes s'appliquent: une ving-

taine de minutes pour la présentation de votre rapport - je pense que vous les connaissez. Mme la ministre disposera d'un temps équivalent pour discuter avec vous et certains représentants ministériels, s'ils le veulent. Le représentant de l'Opposition officielle a aussi une période d'une vingtaine de minutes pour engager un dialogue avec vous. Alors, si vous voulez commencer par les présentations, s'il vous plaît.

Ligue des droits et libertés

M. Langlois (Denis): Bonsoir, Mme la ministre, MM. et Mmes de l'Opposition, MM. les députés et mesdames, mon nom est Denis Langlois. Je suis responsable de l'information ainsi que du dossier des relations interethniques et interculturelles. À ma droite, il y a M. Pierre Duquette qui est avocat spécialisé dans l'immigration, qui a travaillé avec le Barreau canadien, section Québec, sur cette question-là, et Mme Fulvia Spadari qui est responsable du dossier réfugiés et de la campagne sur le "backlog" à laquelle s'est associé notre organisme.

Le Président (M. Doyon): Très bien. Vous pouvez commencer.

M. Langlois: Alors, nous tenons d'abord à vous remercier sincèrement de nous avoir invités à commenter ce premier énoncé de politique québécoise en matière d'immigration et d'intégration. À l'instar de plusieurs organismes, nous nous préoccupons de cette question depuis plusieurs années. Nous sommes ici ce soir pour vous faire part de notre appui, de nos questions et, dans certains cas aussi, de nos désaccords, car il y en a qui demeurent, hélas! Si vous le permettez, après ma brève présentation générale, Mme Spadari ainsi que M. Duquette compléteront sur des aspects particuliers, notamment sur la question des réfugiés, sur laquelle nous voulons revenir comme organisme, après l'organisme qui nous a précédés, ainsi que sur d'autres questions particulières que M. Duquette abordera, la question de la famille, entre autres.

Les réflexions que nous vous soumettons ce soir peuvent se regrouper sous quatre aspects, en fait. Notre mémoire, le mémoire que nous avons adressé à la commission, disons, se résume en quatre aspects majeurs. Le premier aspect, c'est qu'on désire exprimer une satisfaction assez grande de voir l'énoncé reprendre à son compte de multiples suggestions et orientations positives quant à l'intégration des nouveaux arrivants et à la participation des Québécois des communautés culturelles à la société québécoise. Il y a une foule de mesures qui ont été entérinées, qui ont été suggérées par différents organismes, par différents intervenants sur le terrain. Et nous sommes heureux de constater que l'énoncé de politique accorde une attention majeure à tout ce problème de l'intégration et de la participation des Québécois des communautés culturelles en général et des nouveaux arrivants, des nouveaux immigrants en particulier. On aura peut-être l'occasion, dans la période d'échanges, de revenir là-dessus.

Le deuxième aspect de notre mémoire. Nous voulons affirmer une certaine inquiétude vis-à-vis de ce qu'on peut appeler une secondarisation de la dimension humanitaire de cette politique. En particulier sur la question des réfugiés, nous avons de sérieux désaccords avec l'énoncé. Je me limite à ça pour ce qui est de moi-même et M. Duquette et Mme Spadari en particulier vous feront part, plus précisément, de ces désaccords. (21 heures)

Troisième aspect de notre mémoire. Sans être en désaccord avec certaines orientations au niveau de la sélection là, cette fois, des nouveaux arrivants, on a quand même des questions, des interrogations sur le bien-fondé de certains critères, notamment celui de la langue et celui de l'apport économique. Celui de la langue, je veux juste préciser brièvement que la position de notre organisme, la position générale de notre organisme là-dessus, c'est que nous ne sommes pas vraiment convaincus que ce critère doive constituer un facteur déterminant, tel qu'il est libellé dans l'énoncé, dans le choix et dans la sélection des nouveaux arrivants. Nous reconnaissons d'emblée que le fait d'aller chercher de nouveaux arrivants ou des immigrants francophones peut faciliter leur adaptation professionnelle et leur adaptation aussi socioculturelle, sociolinguistique, et peut finalement faire économiser des frais d'intégration au Québec, qui ne seront peut-être pas si négligeables que ça. Toutefois, nous ne partageons pas la problématique qui dirait que ce critère-là peut constituer un facteur tout à fait déterminant dans l'intégration totale. Il y a d'autres facteurs qui nous semblent importants à considérer dans l'intégration et, notamment, sur les lieux de travail, notamment l'usage du français dans les lieux de travail, notamment la situation des PME en ce qui regarde la francisation de l'entreprise, notamment l'américanisation, finalement, la portée de la culture américaine chez nous. Ce sont des facteurs qui existent. Alors, grosso modo, on n'est pas tout à fait convaincus qu'il faille hausser dans la grille d'évaluation ce critère-là. L'apport économique, j'y reviendrai sous le quatrième aspect. Le quatrième aspect de notre mémoire, c'est peut-être ce que je pourrais appeler une question de fond qu'on s'est posée à la lecture du mémoire. Est-ce que, comme société, il est réaliste de vouloir maximiser la contribution des nouveaux arrivants à la solution des problèmes sociaux, économiques et linguistiques et même démographiques que connaît le Québec à l'heure actuelle? Est-ce que l'effet de l'immigration sur la résolution de certains problèmes structurels de notre société peut être si impor-

tant au point de justifier une politique de sélection qui est, en très grande partie, je parle de la politique de sélection là, orientée sur ces priorités-là? Il nous semble que c'est un peu exagéré comme insistance et comme espoir sur les retombées surtout, peut-être, au niveau économique, au niveau linguistique, que l'immigration pourrait apporter dans la résolution des problèmes auxquels fait face la société québécoise à l'heure actuelle. Alors, c'est plus au niveau des questions qu'on se pose, là, par rapport au libellé actuel de l'énoncé. Alors, si vous permettez, je vais céder la parole à Mme Spadari.

Le Président (M. Doyon): M. Langlois, merci. Mme Spadari?

Mme Spadari (Fuivia): Bonjour. Alors, moi, je vais parler plus spécifiquement de la question du programme SAR, le programme de suppression de l'arriéré des revendicateurs. On sait que ce programme-là devait régler en deux ans 85 000 dossiers au Canada dont 28 000 au Québec, ce qui représente environ 30 000 personnes qui vivent, au Québec, cette situation-là. À l'heure où on se parle, le programme devrait être terminé et la très grande majorité de ces demandeurs devraient avoir reçu leurs papiers de résidence permanente ou être à la veille de les recevoir. En réalité, dès le début, le programme s'est enlisé et avançait à pas de tortue. J'ai les chiffres actuellement pour le mois de février. Le total des cas réglés, alors que tout devrait être terminé, est à peine de 20 %. Ce que ça veut dire, c'est que le programme ne rencontre pas du tout ses objectifs et ne respecte pas les délais, et ça crée une attente interminable et injustifiable pour l'ensemble des demandeurs qui sont coincés dans cette machine-là. Je voudrais souligner aussi que le comité de la Chambre des communes, le Comité permanent de l'emploi et de l'immigration, en octobre dernier, quand ils ont fait l'évaluation du programme SAR, eux, ils étaient encore plus pessimistes que les groupes, parce qu'ils disaient que ça prendrait 10 ans et que ça coûterait 1 000 000 000 $ pour finir ce programme-là.

Je voulais souligner aussi que M. Kharas, qui est directeur adjoint de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, en décembre dernier, était forcé de reconnaître que le programme ne finirait pas avant 1993. Donc, d'un côté, un programme qui n'a pas rempli ses promesses d'il y a deux ans et qui est très lent. D'un autre côté, on a formé une coalition pour un règlement global et humanitaire sur la question des réfugiés et sur le "backlog" avec la Table de Concertation de Montréal pour les réfugiés et le Barreau canadien, section immigration, division Québec. En fait, c'est suite à des cris d'alarme qui nous ~;ont venus des groupes d'aide aux réfugiés, de témoignages de groupes d'aide aux réfugiés, que cette coalition s'est mise sur pied. Et l'une des premières choses qu'on a fartes, c'est de demander une étude sur les conséquences psychologiques de l'attente chez les demandeurs de refuge. Cette étude-là a été dirigée par Mme Cécile Rousseau, attachée à l'hôpital Douglas, et a été faite en collaboration avec quatre groupes d'aide aux réfugiés partenaires: La Maisonnée, la Maison internationale de la rive sud, le Centre social d'aide aux immigrants et le groupe ALPA. L'étude montre que si, en soi, l'immigration n'est pas un problème de santé mentale, il faut se rendre compte que les réfugiés représentent d'emblée un groupe qui est potentiellement vulnérable par le stress prémigratoire qu'ils ont subi; souvent, ils ont été obligés de fuir dans des conditions dramatiques, séparation brutale de la famille, pour demander ici une protection.

Ce que l'étude montre aussi, c'est que l'attente à laquelle ils sont soumis ici une fois qu'ils arrivent, deux, trois ou quatre ans, est un facteur de stress majeur et le plus important que ces gens-là connaissent dans leur condition postmigratoire. L'étude a documenté les conséquences psychologiques à court et à long terme de cette attente. Ce qui est notable, c'est évidemment la souffrance qui est ressentie très cruellement en raison de la séparation des familles, c'est aussi l'insécurité dans laquelle ces gens-là sont plongés chaque jour et l'avenir qui est complètement bouché parce qu'ils ne savent jamais ce qui va leur arriver.

Je vais accélérer. Aussi, ce que ça montre, c'est que cette attente interminable est devenue extrêmement difficile à supporter pour ces personnes et même que Mme Cécile Rousseau craignait l'émergence d'un comportement suicidaire chez certaines personnes.

De un, le programme ne respecte pas ses délais. De deux, ce programme-là, par l'attente qu'il crée, génère une souffrance psychologique tout à fait injustifiable chez les demandeurs. Et de trois, ce programme-là porte atteinte aux droits de la personne. Parce que le progamme, dans l'état des choses actuel, en générant cette souffrance psychologique là, constitue un traitement cruel et inhumain. Je veux souligner que le Comité interéglises de Toronto, en octobre dernier, a présenté un rapport sur le programme SAR et les droits de la personne au comité des droits humains des Nations unies. Et, dans les commentaires, le comité des Nations unies a dit qu'il était plausible que cette attente indûment prolongée constitue une sorte de traitement cruel et inusité.

Il y a aussi la question de justice. Est-ce que c'est raisonnable de faire attendre des gens deux, trois, quatre ans pour traiter leurs demandes en réponse à une demande de protection? Est-ce que c'est raisonnable, cette situation-là?

On va aussi rappeler que... On parle ici de valeurs fondamentales, je pense qu'on parie de

dignité humaine, on parle aussi de justice. Le Canada, donc le Québec aussi, reconnaît le droit à la protection pour les personnes en détresse. On doit donc se doter de politiques cohérentes avec la reconnaissance de ce droit.

Je vais terminer en parlant plus au niveau de l'intégration, parce que ces gens-là vivent ici depuis déjà quelques années. Pour le moment, les statistiques nous montrent que 96 % de ces personnes-là vont être acceptées. Donc, c'est des gens qui vont demeurer ici. Comme j'ai vu dans l'énoncé que l'un des objectifs du Québec, c'est d'accentuer l'effort pour l'intégration, moi, je dis que ces personnes-là ont assez souffert, il faut absolument que ce programme-là cesse. Nous demandons donc au gouvernement du Québec de demander au gouvernement du Canada d'abolir ce programme, de demander un règlement global et humanitaire de cette situation afin de permettre à cette population - on parle de 30 000 personnes - de pouvoir enfin construire leur vie au Québec et de prendre des mesures pour que la réunion des familles soit immédiate.

Je pense que cette situation-là, elle est intolérable, ça fait longtemps qu'on le dit. Chaque jour qui passe est un jour de trop. Et je voulais juste vous donner une image: on peut dire que c'est comme le supplice de Tantale, c'est mourir de soif à côté de la fontaine. Alors, je pense que le Québec peut donner son appui et aider à ce que ces gens-là puissent vivre enfin au Québec. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Spadari. Me Duquette.

M. Duquette (Pierre): Voici, je suis à la Ligue des droits et libertés depuis deux ans, mais j'ai aussi été avocat et je suis toujours avocat à l'aide juridique, et je fais de l'immigration depuis une quinzaine d'années. Je dois dire que je ne fais pas que de l'immigration, mais, quand j'en fais, je représente à peu près seulement des réfugiés.

À la question que M. le député posait tout à l'heure: Est-ce qu'on serait mieux de mettre tous les pouvoirs au Québec plutôt que de les partager? J'ai beaucoup de difficultés à répondre à cette question, mais j'aimerais y répondre avant d'aborder les sujets que j'avais préparés ici.

D'abord, la position que j'ai toujours eue, c'est que l'immigration doit être humanitaire et juste. Bien sûr, il faut que ça soit aussi juste pour le Québec, c'est-à-dire que les immigrants qui viennent ici soient utiles, efficaces, intéressants, et tout ce qu'on veut, mais il faut aussi que ça soit juste pour ceux qui viennent. Jusqu'à maintenant, je dois dire qu'avec la politique fédérale ça n'a pas toujours été juste. On peut se demander justement: Est-ce que ce serait plus juste si on transférait tous les pouvoirs au Québec? À première vue, on peut dire oui, on peut dire non. Si on regarde ce que le Québec a fait depuis qu'il a plus de pouvoirs, au départ, on avait tendance à croire tout à fait oui, c'est-à-dire qu'à l'époque de Jacques Couture, c'était carrément orienté du côté de la justice et de l'humanité. Ça s'est, je dois dire, détérioré par la suite. Je parle de façon historique. Ça a même dégringolé un peu. Si on lit l'énoncé, que j'ai lu avec beaucoup d'intérêt, j'ai eu le goût, à plusieurs reprises, d'applaudir à ce qui était écrit parce que je trouvais ça très bien. Mais tout d'un coup, je suis arrivé à la page 38 où on parle des réfugiés et je me suis dit: Mon Dieu, où ont-ils pris ces informations-là à part dans les vieux tiroirs du fédéral? Et je me dis que si jamais, effectivement, ça devient ça, la politique du Québec, je ne suis pas tellement enclin à dire qu'on devrait mettre tous les pouvoirs du côté provincial, en tout cas du côté du Québec.

Pour être plus précis - je suis arrivé en retard, j'aurais aimé arriver plus tôt pour entendre ce que Rivka Augenfeld a dit tout à l'heure, mais j'ai l'impression que je risque de répéter un peu ce qu'elle a dit - la Convention de Genève que le Canada a signée, c'est une convention qui permet à des personnes de venir au Canada et d'y demander le statut de réfugié. Le Canada en signant cette convention-là s'est engagé à les accepter, à les reconnaître suivant la Convention. On peut bien, effectivement, les empêcher de venir. À ce moment-là, on n'aura plus à respecter la Convention de Genève; on n'aura pas de revendicateur. Ce que le fédéral a tenté de faire à un moment donné, c'était effectivement d'empêcher les revendicateurs de venir. Il a réussi partiellement et il a empêché, en tout cas, certainement des personnes qui n'étaient pas tout à fait de vrais revendicateurs de venir. Il a passé, ce qu'on voit ici dans le texte, deux législations importantes, C-55 et C-84, qui étaient extrêmement rudes à l'époque et qui se sont avérées, finalement, pas si mauvaises à l'usage, je dois dire. C'est-à-dire qu'on a éliminé des revendicateurs du statut de réfugié qui n'en étaient pas. Par exemple, les Jamaïcains, les Portuguais, un certain nombre de Turcs qui étaient venus ici également, et on ne peut qu'être contents du fait que les revendicateurs du statut de réfugié maintenant sont à peu près tous des réfugiés, des vrais. Donc, quand on emploie dans le texte ici, une ancienne terminologie, je dois dire qu'on ne devrait plus l'utiliser, je trouve ça choquant. C'est-à-dire qu'on parle des gens qui abusent du système, on parle des faux réfugiés, on parle des personnes qui, si je prends le texte ici, passent devant les autres pour demander la résidence permanente en demandant faussement un statut de réfugiés. Je trouve ça effectivement choquant étant donné que 80 %, aujourd'hui, des revendicateurs du statut de réfugié sont acceptés comme étant de vrais réfugiés. (21 h 15)

En 1985-1986, ce langage-là était utilisé au

fédéral; en 1987, c'est devenu furieux, comme le disait Rivka tout à l'heure. On a fait C-55 et ensuite C-84. Les abus sont disparus. Ça prend encore un peu de temps, mais pas autant de temps pour passer au travers des demandes de statut de réfugié. On a presque seulement de vrais réfugiés qui viennent; il n'y en a pas une tonne; il y en a à peu près 10 000 cette année, on parle de 800 par mois. Ce n'est quand même pas grand monde, quand on pense qu'il y a 15 000 000 de réfugies dans le monde, s'il en vient 10 000 au Québec, on ne peut pas trouver que c'est extravagant.

Ce qu'on dit ici à propos des revendicateurs du statut de réfugié qui sont dans l'arriéré, ceux qui étaient venus avant 1989, on dit qu'ils sont un fardeau extrême sur nos services sociaux, aide sociale, etc. Ce n'est pas vrai. Moi qui suis à l'aide juridique, j'ai perdu à peu près tous mes clients qui étaient dans l'arriéré, parce que, maintenant, ils travaillent tous. Alors, il a fallu que je les abandonne et que je les laisse à la pratique privée. Donc, c'est faux que les gens qui sont dans l'arriéré sont des consommateurs de services sociaux; ils ne le sont presque plus, et ça va très vite.

Quelques mots à propos de la famille, parce que je devais dire quelque chose à propos de la famille. Si le Québec a plus de pouvoir, c'est évident que le Québec doit faire mieux que le fédéral ici, et je crois que le Québec, même sans tous les pouvoirs, pourrait faire quelque chose ici pour accélérer les délais absolument faramineux pour que les familles soient réunies. Je parle des réfugiés qui veulent réunir leur famille; je parle des gens qui ne sont pas des réfugiés non plus et qui veulent également parrainer leur famille: enfants, parents, conjoint. Les détais sont terriblement longs, inacceptables, et je crois que si c'était à nous que ça arrivait ces choses-là, on crierait, on aurait déjà, j'imagine, occupé le parlement. Mais comme ça arrive à des gens qui n'ont pas encore appris à occuper le parlement, bien ils attendent, ils attendent, ils attendent des années. Malheureusement, cette situation-là ne s'est pas améliorée depuis que je m'occupe d'immigration, et je pense qu'elle s'est empirée.

Attendre trois ans, quatre ans ou cinq ans avant que des enfants viennent rejoindre les parents, je trouve ça catastrophique. Et c'est encore comme ça maintenant. Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci, Me Duquette. Ceci termine votre présentation. Mme la ministre, vous avez quelques questions à poser?

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Merci, M. le Président. Bon, je dois vous dire, au départ, que j'ai eu l'occasion justement de discuter encore une fois, tout récemment, avec mon homologue fédérale, Mme McDougall, de la question des revendicateurs du statut de réfugié et je dois vous dire qu'elle est très préoccupée aussi que le gouvernement fédéral se penche sur cette question actuellement, parce qu'on est très préoccupé par ce qu'on pourrait appeler un deuxième contingent d'arriérés. Bien sûr que le Québec aussi se préoccupe de ces nombreuses personnes qui arrivent tous les mois.

Ceci étant dit, je voudrais vous poser une question quant à votre mémoire. À la lecture de votre mémoire, nous comprenons que vous souhaiteriez que le Québec fasse de l'immigration humanitaire l'essentiel objectif de sa politique. Or, notre politique d'immigration ne se veut pas une politique d'aide aux pays du tiers monde. Il s'agit plutôt d'une politique de développement du Québec au même titre qu'une politique familiale et, comme je l'ai maintes fois mentionné, notre politique d'immigration vise des objectifs aussi économiques, des objectifs linguistiques, familiaux et, certainement aussi, humanitaires.

Donc, à la page 4 de votre mémoire, vous mentionnez que la dimension humanitaire est trop secondarisée dans la politique de sélection. Vous savez, pour répondre au défi de développement du Québec, le gouvernement doit poursuivre concurremment cinq objectifs en matière d'immigration, soit la démographie, bien sûr, les objectifs linguistiques, les objectifs de la famille, humanitaires mais aussi économiques. Tout à l'heure, vous mentionniez qu'il y avait eu un revirement ou une modification, un changement d'attitude ou de mentalité au ministère, par exemple, depuis le passage du père Couture et, maintenant. Je dois vous dire que oui, c'est vrai, c'est très vrai et ça fait suite à une commission parlementaire qui a eu lieu ici, où les groupes nous ont demandé de tenir compte de l'immigration économique et de sélectionner beaucoup plus de la catégorie des indépendants afin justement qu'on puisse faire bénéficier davantage ces personnes du développement général et économique du Québec. Alors, vous avez raison de dire que oui, vous sentez maintenant une différence et une modification, bien sûr. Ça fait suite à cette commission parlementaire. Et, pour nous, l'objectif économique est un objectif aussi qui nous paraît quand même très important.

D'ailleurs, la très grande majorité des groupes qui ont témoigné jusqu'à maintenant devant cette commission partagent aussi les cinq objectifs en matière d'immigration que je vous mentionnais tout à l'heure. Vous savez aussi que le Québec entend accueillir 15 % de ces immigrants pour des raisons humanitaires, et ce, bien sûr, malgré le fait que nous recevons présentement 1000 revendicateurs du statut de réfugié chaque mois, lesquels, naturellement, reçoivent aussi plusieurs services gouvernementaux.

Mais, à votre avis, le gouvernement serait-il justifié de faire de l'immigration humanitaire l'unique objectif de sa politique de sélection?

Le Président (M. Doyon): À qui adressez-vous votre question, Mme la ministre?

Mme Gagnon-Tremblay: À un ou l'autre. Le Président (M. Doyon): À un des trois?

M. Langlois: Je vais commencer par répondre...

Le Président (M. Doyon): M. Langlois.

M. Langlois: ...si vous permettez, et peut-être que M. Duquette pourrait ajouter d'autres considérations.

Pour répondre directement à votre question: Non. Effectivement, l'objectif humanitaire ne devrait pas être le seul objectif d'une politique québécoise en matière d'immigration et d'intégration. Nous ne contestons pas ia légitimité des autres objectifs poursuivis, même si nous insistons sur l'objectif humanitaire. Cette légitimité-là que (e Québec, effectivement, sélectionne à l'étranger ses immigrants en fonction d'un certain nombre de critères, y compris celui de la langue, malgré ce que j'ai dit au début, et sur le plan économique, sur le plan démographique, ce sont des objectifs que nous trouvons légitimes.

La question que nous nous posons toutefois en ce qui regarde le côté humanitaire, c'est essentiellement: Est-ce que, véritablement, c'est ce genre d'ouverture - les pages 38 et 39 sur les réfugiés et la façon dont on considère effectivement dans cet énoncé de politique là la résolution de la question des réfugiés - sur le monde qu'on veut voir retrouver dans un énoncé de politique sur l'immigration? Nous répondons: Nous ne croyons pas que c'est ce genre-là d'ouverture sur le monde. Il faut faire preuve d'une solidarité et d'un humanisme qui est beaucoup plus clair que ça, et la question elle-même d'un réfugié ou des personnes en détresse en général doit être résolue, à notre avis, non pas principalement ni d'abord à partir des objectifs et des priorités du Québec, mais d'abord et avant tout à partir des objectifs et des priorités des personnes en détresse elles-mêmes. C'est ça, une politique humanitaire qui est conséquente jusqu'au bout, à notre avis.

Or, il y a des tendances dans cet énoncé-là. On pourrait citer plusieurs expressions de l'énoncé qui, effectivement, nous laissent croire qu'on veut, à travers la question humanitaire et la question des réfugiés, faire servir aussi la sélection des réfugiés à des objectifs et des priorités légitimes du Québec. Nous disons non. L'énoncé doit carrément séparer les deux choses. Une politique humanitaire est faite en fonction des personnes en détresse. Ça nous paraît être l'approche à privilégier en ce qui concerne la politique humanitaire.

Juste pour terminer sur les autres objectifs, ça nous paraît effectivement important, mais en même temps... Je veux juste relever que la semaine dernière le Conseil économique du Canada, en tout cas par la voix des journaux, publiait effectivement une étude, dont vous avez certainement pris connaissance, essayant de démystifier, sur la base de certains chiffres, le réel apport économique de l'immigration en ce qui concerne l'ensemble du Canada, disant que sur une période de 25 ans, finalement, l'augmentation du taux de croissance du revenu disponible par habitant au cours du prochain quart de siècle ne pouvait être prévu que de 0,02 % en raison de l'immigration.

Est-ce qu'une telle étude existe pour le Québec? Est-ce qu'il ne faudrait pas effectivement la faire? Et est-ce qu'il ne faudrait pas aussi, avant d'insister et de définir des objectifs, des priorités économiques précises en termes de sélection des immigrants, est-ce qu'il ne faudrait pas regarder ce qu'ont produit au plan économique les immigrants qui sont arrivés depuis 25 ans effectivement? Est-ce ceux qui sont arrivés avec de l'argent qui ont été le plus efficaces du point de vue du développement économique du Québec? Je ne sais pas, moi, mais la réponse, ce n'est pas oui d'emblée.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Langlois. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Je pense que c'est un équilibre, finalement, que le gouvernement du Québec veut atteindre. Remarquez que j'aurai l'occasion de questionnner le Conseil économique qui se fera entendre, je pense que c'est jeudi prochain, demain. Alors, j'aurai l'occasion justement de les questionner sur cette étude et particulièrement sur l'apport économique. Cependant, je reviens encore à cette question de l'immigration humanitaire. Ne croyez-vous pas que le Québec est quand même généreux? Je ne veux pas dire qu'on en fait plus là. Le Québec est reconnu comme une province très généreuse envers l'immigration humanitaire. Et nous avons l'intention de poursuivre cet objectif aussi.

Mais, comme je le mentionnais dans le préambule de ma question tout à l'heure, il y a aussi une politique d'aide aux pays du tiers monde qui, je pense, doit s'opérer. Et on ne peut pas non plus, uniquement par le biais de l'immigration, aider, par exemple, ces pays du tiers monde. Je pense qu'il y a d'autres moyens aussi d'aider ces pays, pour aider à la reconstruction de ces pays. Mais je reviens encore à l'idée de la première question, c'est-à-dire ne croyez-vous pas que le Québec est quand même généreux face à son immigration humanitaire?

Le Président (M. Doyon): M. Duquette.

M. Duquette: Je dois répondre oui. Si on fait des comparaisons avec d'autres provinces, oui, on est probablement plus généreux que la

plupart des autres provinces. On a été probablement les premiers à être aussi généreux. Par la suite, mettons, les autres provinces ont suivi, comme l'Ontario, je dois dire, la Colombie-Britannique, suffisamment. Les autres, pas vraiment. Le Québec a été le premier à donner l'aide sociale, le premier à donner l'aide juridique, et, pour l'assurance-maladie, je crois peut-être le premier également.

Alors, effectivement, on est en avance sur les autres. Ça ne veut pas dire que, tout d'un coup, on doit faire un bond en arrière et être le dernier parce qu'on a été un jour les premiers, et je suis content d'entendre que vous dites, Mme la ministre, que vous voulez continuer dans cette voie-là. Malheureusement, le texte, vous n'auriez pas dû l'écrire comme ça. Alors, si c'est ça, la politique, c'est un peu gênant parce que c'est l'énoncé. Ce n'est pas du tout ce qu'on dit ici, le texte a l'air de reculer trois ou quatre ans en arrière en dénonçant les réfugiés comme étant des abuseurs. Ça, c'est choquant.

Deuxièmement, vous parliez de l'arriéré qui commence à s'accumuler encore. Je dois dire que ce n'est pas au Québec. Il y a un problème d'arriéré en Ontario. Il n'y en a pas un au Québec. Actuellement, on règle les revendications du statut de réfugié en à peu près huit mois. La première partie, qui s'appelle l'enquête, est trop longue. C'est vrai. Ça devrait être raccourci et ça va être raccourci d'ici très peu de temps, c'est-à-dire que ça va probablement être réduit à deux mois, je pense.

Ce qui fait que, si tout va bien, dans les mois qui vont suivre, un revendicateur du statut de réfugié va voir son cas traité complètement jusqu'à la fin en à peu près quatre ou cinq mois. Ce qui devrait être très bien, et ça, je n'appelle pas ça de l'arriéré. Là, c'est un peu trop long. C'a commencé à bretter comme on dit, entre guillemets, mais c'est à cause d'une paperasserie inutile au niveau de l'enquête, mais c'est en train de se régler. En Ontario, à Toronto, bien sûr, parce que tout le monde est là, là ça bloque vraiment, et le problème de votre homologue, c'est Toronto, ce n'est pas au Québec.

Enfin, nous sommes la Ligue des droits et libertés. Nous ne sommes pas le Conseil du patronat ni la Chambre de commerce. Ça fart que si on n'a rien dit à propos des gens qui apportent de l'argent, c'est peut-être que ce n'est pas notre domaine. Il y en a d'autres qui vont venir en parler, et ce n'est pas qu'on est contre l'argent, mais on s'occupe plus de ceux qui n'ont pas de voix normalement et qui sont moins bien défendus que ceux qui viennent avec le Conseil du patronat, par exemple. (21 h 30)

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Duquette. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Je reviens encore sur cette question. Vous m'excuserez de ne pas partager votre point de vue sur la question du recul quant aux réfugiés, dans l'énoncé de politique, parce que je remarque, encore, à la page 37, on dit: "En vertu du principe de solidarité internationale auquel ils souscrit pleinement et à l'instar des autres sociétés industrialisées, le Québec se reconnaît une responsabilité en matière d'accueil des personnes en situation de détresse." Et un peu plus loin, on dit: "Durant les prochaines années, l'effort d'accueil des réfugiés sera maintenu et le soutien à leur intégration accentué." Donc, on reconnaît notre responsabilité. Et comme je le disais, nous voulons aussi poursuivre et continuer de jouer notre rôle humanitaire. Mais aussi - je reviens encore sur ça - c'est sûr qu'on se questionne, par contre, sur l'ampleur du mouvement des revendicateurs du statut de réfugié, parce que c'est tout à fait normal puisque, comme je le mentionnais tout à l'heure, quand on a à définir des niveaux chaque année, qu'on a à sélectionner dans nos bureaux à l'étranger, que nous sélectionnons toujours en fonction des structures que nous avons en place et de l'accueil que nous pouvons donner à ces personnes et que, cependant, il nous en arrive 12 000 par année que nous n'avions pas prévus, ça bouleverse un peu, ça chambarde un peu, ça nous coince un peu dans notre politique, à ce moment-là. Alors, ça, je pense que c'est ce qu'on questionne dans notre énoncé de politique. Et je pense que c'est avec raison, mais ça ne veut pas dire pour autant que nous voulons mettre de côté et ne pas poursuivre notre rôle humanitaire.

Je reviens cependant sur un autre point qui est intéressant, qui est important dans votre mémoire parce que nous en avons discuté cet après-midi, avec, entre autres, je pense le Centre international des femmes de Québec. À la page 7 de votre mémoire, vous mentionnez votre inquiétude à l'effet que la prise en compte des caractéristiques socio-économiques du conjoint ne défavorise certains candidats. Donc, justement, cet après-midi, on nous disait que comme au Québec, généralement, la femme doit souvent être sur le marché du travail, non pas par caprice ni parce qu'elle le veut absolument mais par besoin, parce qu'on sait qu'aujourd'hui, pour une famille, au Québec, souvent les deux doivent travailler, donc la femme, souvent, doit être sur le marché du travail et, dans ces circonstances-là, ne pas tenir compte des caractéristiques socio-économiques de cette personne du conjoint, ça peut avoir aussi pour effet un isolement. La femme peut se sentir davantage isolée, que ce soit, par exemple, au niveau de la langue, que ce soit aussi au niveau culturel. Justement, cet après-midi, ce groupe, ce Centre international des femmes de Québec nous disait: Oui, vous devez prendre en considération et même, lors de votre sélection, vous devriez, par exemple, sélectionner en fonction de chaque individu. Là déjà, au départ, ce serait quand même une sélection qui serait plus égalitaire face à

la conjointe, par exemple, qui arrive ici, mais on nous disait qu'on devait prendre en considération les caractéristiques, par exemple, de formation chez la conjointe, pour permettre une intégration réussie.

M. Lang lois: Je m'excuse, Mme la ministre, mais j'aimerais que vous me situiez à quel endroit de notre mémoire.

Mme Gagnon-Tremblay: À la page 7 de votre mémoire.

M. Langlois: Notre mémoire arrête à la page 6. Peut-être que vous êtes...

Mme Gagnon-Tremblay: Moi, j'ai une page 7; j'ai la page 7 et on a même 8. On a même 7 et 8. Même la page 8. Lorsqu'on parle de famille, on dit, par exemple: "La prise en compte accrue des caractéristiques socioprofessionnelles du conjoint peut, indirectement, défavoriser certains candidats dont les conjoints ne disposeraient pas des compétences répondant, encore une fois, aux priorités du Québec." Le troisième paragraphe de la section de la famille.

M. Langlois: O.K. C'est parce qu'on n'a pas la même pagination que le fax, je pense.

Mme Gagnon-Tremblay: Ah bon! Je m'excuse.

M. Langlois: Je m'excuse.

Mme Gagnon-Tremblay: Alors, je reviens un peu. J'aimerais que vous me donniez vos commentaires sur cette demande, par exemple, du Centre, cet après-midi, à l'effet qu'on devrait prendre en compte les caractéristiques socio-économiques du conjoint ou de la conjointe. Parce que souvent, finalement, lorsque le candidat principal est accepté en fonction d'une grille de sélection, automatiquement la famille vient, mais on prend rarement... C'est-à-dire, bien sûr qu'on donne des points supplémentaires, par exemple, si la conjointe ou les enfants ont une connaissance du français, des choses comme ça, mais au niveau de la formation comme telle... Parce que, aussi, d'une part, vous avez des groupes qui nous demandaient: Pourquoi conservez-vous, par exemple, une période de trois ans de parrainage, de garantie? Justement, on disait que si, par exemple, on prenait plus en considération la formation d'une conjointe, à ce moment-là, elle pourrait intégrer le marché du travail. Parce que, lorsqu'elle arrive ici, ça ne signifie pas que le couple demeurera toujours ensemble ou qu'il n'aura pas de difficulté.

M. Langlois: Oui. Dans ce sens-là, on serait parfaitement d'accord, effectivement. Je ne connais pas la position de l'organisme auquel vous faites allusion, qui proposait d'en tenir davantage compte. Mais on serait parfaitement d'accord que ça puisse aider un requérant, effectivement, favoriser un meilleur pointage pour un requérant. Le sens dans lequel on se posait la question, dans le paragraphe auquel vous faites allusion, c'est dans le cas où, effectivement, cette prise en compte là défavoriserait le candidat en question. À ce moment-là, est-ce qu'il n'y aurait pas un certain risque, jusqu'à un certain point, de dénaturer ou, en tout cas, de limiter l'exercice du droit de réunion?

Mme Gagnon-Tremblay: Ce qu'il ne faut pas oublier, cependant, c'est que vous avez des centaines et des centaines de personnes qui viennent frapper aux portes de nos bureaux à l'étranger et qui veulent venir au Québec. Donc, le Québec, a ce moment-là, peut faire une sélection en fonction de ses objectifs. Bien sûr qu'il y a des personnes qui seront refusées, bien sûr qu'il y en a qui sont refusées aussi. Tout à l'heure, vous parliez du critère de la langue qui, pour vous, est un facteur qui ne devrait pas être déterminant. Or, je dois vous dire qu'au départ le critère langue n'est pas le facteur déterminant, mais que l'employabilité est un facteur déterminant. Vous savez, par exemple, que, même si une personne parle français, si elle ne répond pas au guide d'emploi du Québec, automatiquement, cette personne est éliminée. Le facteur employabilité est un facteur déterminant, comparativement à la langue. Et justement, en parlant de la langue, étant donné, par exemple, ce que nous sélectionnons actuellement, que près de 50 % de notre immigration est allophone, ne croyez-vous pas qu'il est normal que le Québec fasse un effort supplémentaire pour essayer d'atteindre un objectif qui est de 40 % de l'immigration francophone, de parlants français?

Le Président (M. Doyon): Ce sera peut-être la dernière question, Mme la ministre, compte tenu du temps que vous avez utilisé. Alors, M. Langlois, Me Duquette ou Mme Spadari.

M. Langlois: Sur cette question de la langue, brièvement. Effectivement, il y a quelque chose de légitime dans la politique québécoise à ce niveau-là. Et je pense qu'on ne veut pas laisser entendre que la Ligue des droits et libertés n'est absolument pas d'accord avec le fait d'aller chercher les francophones, effectivement. Ce contre quoi on veut mettre en garde, c'est l'idée qu'aller chercher et augmenter le pourcentage des francophones jusqu'à 40 % ou même 55 % chez les immigrants indépendants, travailleurs indépendants - je pense que c'est même 65 % que l'énoncé de politique propose dans le cas des travailleurs indépendants et quelque chose comme 30 % ou 35 %, si ma mémoire est fidèle, dans le cas des gens d'affaires - ça ne nous semble pas être une garantie

du fait que l'immigration va véritablement servir à développer la pérennité du fait français comme étant un objectif de l'énoncé de politique, simplement parce qu'il y a d'autres facteurs et qui sont peut-être, effectivement, beaucoup plus déterminants. Un immigrant qui passe à travers les COFI, qui apprend le français très bien, mais qui se retrouve du jour au lendemain dans une entreprise où c'est l'anglais qu'il doit parler pour pouvoir travailler... Jusqu'à quel point on développe l'usage du français et on y collabore vraiment? Il y a une politique d'ensemble de la langue qui est en jeu dans cette question-là et pas simplement une politique d'immigration. Il ne nous semble pas garanti que le fait de rehausser ça nous aide, comme société, à maintenir le fait français, véritablement, face à une société nord-américaine. C'est dans ce sens-là qu'on intervient, dans notre mémoire, sur la question de la langue.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Lan-glois. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Eh bien, M. le Président, à même circonscription, même question. Ce n'est pas une question morale que je vous pose. C'est une question très pratico-pratique. Je dis à même circonscription, puisque, madame, ma circonscription...

Une voix: ...tous dans votre comté.

M. Boulerice: ...est l'abondance, vous le savez, et je m'en réjouis. Ha, ha, ha! Est-ce que le dédoublement de structures facilite ou complique les choses aux réfugiés pour ce qui est de l'immigration et de l'accueil?

M. Langlois: Dans l'accueil des réfugiés...

M. Duquette: Du côté des réfugiés, à peu près pas. Effectivement, c'est le fédéral qui s'occupe à peu près de tout, du début à la fin. C'est seulement à la fin que le CSQ est automatiquement donné à une personne qui a été reconnue comme réfugié. Non, ça ne change pas grand-chose parce que le provincial n'a à peu près pas de pouvoirs de ce côté-là. Du côté de la sélection des immigrants d'une façon générale, oui, c'est beaucoup plus compliqué, de telle sorte que, de temps en temps, les immigrants potentiels préfèrent peut-être aller en Ontario, parce qu'ils ont juste un fonctionnaire à voir et que ça va être plus court que de venir au Québec Si les pouvoirs étaient plus concentrés et si, effective ment, le candidat éventuel à la résidence permanente au Canada ne voyait qu'un seul fonctionnaire à l'étranger et que celui-ci avait tous les pouvoirs, ça irait beaucoup mieux.

M. Boulerice: Voulez-vous tous ces pouvoirs pour le Québec?

M. Duquette: Bien, écoutez, c'est ce que je disais au début. En autant que le Québec fonctionne mieux que le fédéral, oui. Sinon, non.

M. Boulerice: Croyez-vous que le Québec a des chances de fonctionner mieux que le fédéral?

M. Duquette: J'avais beaucoup d'espoir, je dois dire, au départ à ce sujet-là. Je crois que le Québec étant une société plus petite, on a beaucoup plus de capacités en tant qu'individus à contrôler ceux qui nous dirigent, je pense, ou au moins à les approcher, et je crois que c'est tout à fait possible que oui.

M. Boulerice: Parce que, au risque de vous étonner, je suis tout à fait d'accord avec ma collègue, la ministre, à l'effet que le fédéral se penche sur l'immigration. Sauf que mon pronostic diverge du sien. Je pense qu'il s'y penche tellement qu'il va tomber ou trébucher. On l'a vu dans bien des exemples, et ce que vous soulignez au sujet du "back-log", là, je ne pense pas qu'on va voir demain la solution venant du fédéral. Vous parlez, et ça, c'est une préoccupation qui me rejoint, de s'intéresser au bassin d'immigration de l'Afrique du Nord, donc vous faites allusion, sans aucun doute, aux pays du Maghreb et de l'Afrique noire, mais est-ce que c'est dans l'optique de l'accueil aux réfugiés ou de l'immigration? Je tiens à la précision, puisque l'accueil aux réfugiés, ça a une autre dimension. L'immigration, si, par malheur, nous étions tentés d'aller chercher la-bas le peu de main-d'oeuvre qualifiée qu'ils ont déjà, ce serait les appauvrir davantage. Est ce que c'était dans cette optique là que vous l'aviez vu? Dans l'accueil aux réfugiés ou bien dans l'immigration dans le sens le plus large du terme?

M. Langlois: Je vais vous répondre là-dessus. En fait, on faisait allusion, je pense, à la page 28 de l'énoncé de politique. Ce n'était pas en rapport avec l'accueil des réfugiés qu'on mentionnait ça, c'était en rapport avec la sélection des immigrants indépendants. Et il nous semblait, dans le prolongement de ce que l'énoncé affirmait qu'effectivement, l'Afrique francophone, l'Afrique du Nord, comme l'Afrique subsaharienne, telle qu'on l'appelle dans l'énoncé, constituait des bassins importants d'immigration. Et peut-être aussi pour arriver à renforcer, entre autres, dans la mesure où l'énoncé privilégie le critère justement du français, il nous semble que, là, il y a un bassin potentiel de sélection de nouveaux arrivants et il nous semblait même qu'on devrait envisager d'ouvrir de nouveaux bureaux dans ces régions-là pour permettre et faciliter finalement les demandes d'immigration de la part de ces gens-là. (21 h 45)

Quant à savoir la question est-ce qu'on ne va pas siphonner le peu de main-d'oeuvre qualifiée qu'il y a là? Je ne suis pas en mesure de vous faire une étude économique du Sénégal, de la Haute-Volta, du Mali et de l'effet que l'immigration pourrait avoir ici. Mais les chiffres sont-ils si importants venant de cette région-là pour nous permettre de dire qu'il y aurait une conséquence grave à faire venir des gens du Sénégal, de la Haute-Volta ou d'Algérie ou du Maroc. Il y a déjà beaucoup de Marocains qui viennent, beaucoup de Tunisiens qui sont ici. Je ne crois pas qu'on doive, plus qu'à l'égard d'autres régions du monde, se poser cette question-là. On pourrait se la poser dans le cas de tous les pays du tiers monde, c'est notre bassin d'immigration.

M. Boulerice: D'accord. Vous parlez de la définition de la famille propre au contexte québécois, vous dites qu'elle peut poser problème. Votre définition à vous serait quoi? Est-ce que vous entendez celle nécessairement du pays d'origine de l'immigrant, sachant qu'il y a bien des modèles, ou bien une extension du concept qu'on a actuellement et, si oui, dans quelle direction?

M. Langlois: Je vais laisser Pierre répondre à cela.

M. Duquette: En fait, on peut l'élargir... Ce n'est pas moi qui ai écrit le texte comme ça, mais je crois, parce qu'on en a discuté, que ce qu'on voulait dire, c'est qu'on doit élargir un peu la famille ou le concept de la famille en ajoutant les frères et les soeurs de façon évidente, c'est-à-dire qu'actuellement, la catégorie de la famille ne permet pas de parrainer les frères et les soeurs et ça serait tout à fait raisonnable, normal, de pouvoir les parrainer qu'ils soient majeurs ou mineurs, orphelins ou non orphelins. Ça serait un élargissement simple et acceptable pour nous ici et, évidemment, pour les étrangers qui veulent venir ici. Alors, ce n'est pas une définition complètement différente de la nôtre.

M. Boulerice: Plusieurs des intervenants précédents ont parlé de parrainage et de parrainage collectif. Avez-vous une opinion?

M. Duquette: Oui. Enfin, j'ai entendu tout à l'heure ce qu'on a dit sur le parrainage par plus d'une personne. Je crois que, oui, ça devrait être élargi. Je dois dire que la question du parrainage se pose de façon très différente au Québec que dans toutes les autres provinces. Curieusement, partout dans les autres provinces, il y a un parrainage où les gens s'engagent à subvenir aux besoins de la personne qui va venir, mais il n'y a aucune sanction quand l'individu parrainé se retrouve sur l'aide sociale le len- demain de son arrivée. Ici au Québec, l'engagement est un engagement je dois dire, entre guillemets, sérieux, c'est-à-dire qu'il y a une sanction immédiate. l,e répondant ou le garant peut-être poursuivi légalement et la personne qui demande l'aide sociale peut être obligée de poursuivre son garant. Et ça se passe effectivement tous les jours aujourd'hui. Dans les autres provinces, les tribunaux ont déterminé que l'obligation alimentaire qui semblait exister dans l'engagement n'existait pas, en fait, et qu'il n'y avait donc aucune poursuite qui pouvait en découler. On est un peu plus chanceux ici. Par contre, curieusement dans les autres provinces, ou dans une autre province en tout cas, on peut être plusieurs pour parrainer une seule personne. Ça serait normal que ça se fasse ici et ça permettrait éventuellement, si jamais il y a des délinquants qui ne respectent plus leurs engagements, d'avoir plus de personnes à poursuivre éventuellement.

M. Boulerice: Vous avez dit, et ça été mis en parallèle avec le rapport du Conseil économique canadien qui démystifiait peut-être certaines choses - de toute façon, on aura le débat, je ne sais pas si c'est demain, tout au moins dans quelques jours - que la dimension humanitaire de l'immigration était absente de la politique. Ce à quoi la ministre forcément a réagi, je pense que c'était tout à fait normal qu'elle le fasse. Mais cette affirmation étant faite dans votre texte et compte tenu de l'importance que vous accordez aux réfugiés, et cela est également votre travail, Me Duquette, est-ce que vous avez songé, pensé, et je vais employer un mot qui est sans doute ignoble dans le contexte, mais c'est le seul que je trouve, à un calcul, à un pourcentage? Quel devrait être le pourcentage de réfugiés par rapport à des immigrants et par rapport à ceux qu'on appelle la catégorie des immigrants investisseurs? Est-ce que vous avez pensé à un certain dosage, peut-être en termes de pourcentage?

M. Duquette: Oui. Je ne vais pas répondre directement tout de suite à cette question, parce que je crois que je dois répondre en même temps à vous et à Mme la ministre à propos des prévisions qu'on peut faire au sujet des réfugiés. C'est-à-dire que l'accueil des réfugiés ici n'est pas une aide au tiers monde. Ça n'a rien à voir éventuellement avec une aide au tiers monde et ça n'a rien à voir avec des programmes semblables à l'ACDI ou autrement. Le réfugié est un individu qui fuit la persécution et qui aboutit ici ou ailleurs. En fait, généralement ailleurs, rarement ici. Et quand il arrive ici, il n'arrive pas de façon programmée, c'est-à-dire qu'il est particulièrement agaçant pour un fonctionnaire à l'immigration parce qu'il arrive la fin de semaine, le dimanche soir, rarement le lundi à 9 heures, et il n'arrive pas non plus suivant ce qu'on

aimerait, c'est-à-dire plutôt pas l'été, parce qu'on est en vacances, pas dans la période de Noël, parce qu'on aimerait mieux pas, il arrive de façon désordonnée. Cfest ça à peu près la façon et c'est ce qui choque évidemment une prévision normale du travail, et c'est un peu ennuyeux. Mais qu'est-ce que vous voulez, c'est la définition d'un réfugié: il se sauve. Il n'arrive pas nécessairement comme on voudrait qu'il arrive. Est-ce que chaque réfugié devrait arriver avec, dans l'année, 9999 autres ou bien 19 999? C'est difficile à dire. Ça dépend beaucoup beaucoup de l'évolution de la politique mondiale, ça dépend curieusement aussi de l'accueil qu'on en fait. C'est vrai que, si on les accueille très bien, il va en venir plus et que, si on est très méchant, il n'en vient plus un. Mais remarquez bien que, si on en a 10 000 ou si on en a 12 000, ce n'est pas beaucoup. Et, comme on a l'intention d'augmenter notre bassin d'immigrants à 45 000, 50 000 ou 55 000, on peut certainement trouver acceptable que le pourcentage de réfugiés augmente au moins dans le même sens, c'est-à-dire que, si on en a actuellement 12 000 et qu'on a 35 000 ou 36 000 immigrants, ça veut dire le tiers, on pourrait continuer comme ça, avec le tiers. Mais ça, ça ne veut pas dire que c'est des prévisions. C'est simplement des possibilités. Il s'agit de savoir, après ça, si on a la capacité d'accueil. Ça, c'est un peu ennuyeux effectivement pour des fonctionnaires, c'est-à-dire qu'il faut engager des professeurs de français, etc., et on ne peut pas prévoir comme on ne sait pas combien il va en venir. Mais je crois que le système doit être suffisament élastique pour répondre aux arrivés. Il faut s'ajuster et être capables de comprendre que les chiffres arrivent de façon imprévue.

M. Boulerice: J'ai souri tantôt, Me Duquette, parce que vous avez donné la même réponse que je donnais lorsque j'étais responsable des classes d'accueil et que le ministère de l'Éducation me disait: Combien en aurez-vous l'an prochain? Je disais: Écoutez, je n'ai malheureusement pas de calendrier des prochaines révolutions ou des guerres civiles, donc ça m'est bien difficile de vous dire combien j'en aurai l'an prochain.

Vous avez parlé de capacité d'accueil. Je sais que ce n'est pas l'objet très spécifique de votre organisme, mais je sais quand même que vous avez déjà traité le sujet qui, du moins, vous préoccupe et qui est toute la question de l'habitation et du logement. Et il y avait au mois de juin, dans le journal La Presse, un article de M. Salvet qui était une collaboration spéciale, qui disait: Loger les gens à Montréal, une responsabilité négligée dans l'accueil des immigrants. Donc, quand vous parlez de capacité d'accueil comme telle, ne croyez-vous pas que l'immigration, dans tous ses sens, autant réfugiés qu'immigrants, entre guillemets, ordinaires, ça doit être une préoccupation, mais pas uniquement du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. Enfin, c'est le maître d'oeuvre, il va de soi, je ne veux pas nier ça. Mais que ce doit être également un travail de concertation véritablement interministériel: Habitation, Santé, Justice, Travail. Je ne ferai pas mon discours sur la rue Chabanel, je pense que vous le connaisse/ très bien, hein? Si on veut quo cet accueil soit réussi. Si l'accueil n'est pas réussi, je pense que l'immigration n'est pas réussi.

Le Président (M. Doyon): M. Langlois.

M. Langlois: Oui. Vous avez parfaitement raison, M. le député. Même si on ne l'a pas signalé nulle part, que ce soit sur la question du logement, que ce soit sur la question du travail, de la justice, de l'équité en emploi, des programmes d'accès à l'égalité, ce n'est pas possible qu'effectivement, il n'y ait qu'un ministère ou une institution qui s'en préoccupe. Je veux dire que je pense que l'ensemble de la société québécoise est interpellée, l'ensemble de ces institutions sont interpellées par cette question-là. Quelle forme concrète ça devrait prendre au niveau du gouvernement, au niveau interministériel? Je ne le sais pas. On n'a pas réfléchi davantage à cette question-là. Sauf qu'il y a une chose qui nous préoccupe et à laquelle fait écho l'énoncé de politique. J'ai commencé par ça dans ma présentation. C'est quelque chose qui nous paraît extrêmement important. C'est effectivement l'ensemble des mesures d'intégration et de lutte contre la discrimination, contre le racisme, mais qui veulent dire aussi programmes d'accès à l'égalité, qui veulent dire lutte contre les préjugés, qui veulent dire surveillance de la discrimination à l'emploi, qui veulent dire finalement une foule de choses comme ça.

Une chose peut-être qui apparaît plus marginale, mais sur laquelle la Ligue, comme organisme, a travaillé depuis une couple d'années, ce sont les agressions physiques dont sont victimes les immigrants, les ethnies, les homosexuels, les groupes minoritaires en général, mais, en particulier, les minorités visibles effectivement. Et ces agressions physiques, je vous dirais, pour avoir rencontré justement ce matin deux personnes qui étaient encore victimes en mai 1989 d'une agression physique par une bande de jeunes carrément racistes, qui les avaient agressés avec des bâtons, avec des cannes, etc. Ces gens-là, s'adressant aux institutions, commencent un petit peu à douter de la volonté de ces institutions là de combattre véritablement ce fléau-là. Mais, ça aussi, ça fait partie du portrait effectivement, et je pense qu'il va falloir, sur les préjugés, le racisme, sur la discrimination, avoir des actions concertées et aussi s'appuyer sur les organismes du milieu, favoriser ces projets-là par les organismes du milieu.

Le Président (M. Doyon): Une question, M. le député?

M. Boulerice: Bien, ce n'est pas nécessairement une question comme telle, ce serait un commentaire. Je pense que l'heure est venue de nous dire au revoir. Je veux vous remercier de votre présence et surtout du mémoire et des réflexions qui ont accompagné ce mémoire. J'ai apprécié, M. Langlois, que vous fassiez en tout dernier allusion à ces incidents qui sont survenus et qui, malheureusement, sont survenus dans ce beau petit coin de Montréal, qui est le nôtre. J'aimerais peut-être - et je pense que mes collègues de la commission vont me permettre de vous donner ce message - vous informer qu'il y a une concertation de tout instant entre les élus, quel que soit le niveau - je ne me plaindrai pas là qu'il y ait eu multiplication des paliers cette fois-ci à ce sujet-là - avec les services de police de Montréal.

Et il est dans notre intention d'ailleurs de faire très bientôt appel à des organismes de la circonscription, qui ont une expertise dans ce domaine, à l'exemple, le vôtre comme la Table de Concertation, parce que je serais vraiment très malheureux que ces gestes soient imités par d'autres ou qu'ils perdurent. Alors, je ne sais pas si mes paroles sont rassurantes, mais je peux vous dire que les actions sont déjà entreprises à ce niveau-là, parce que, effectivement, c'est une image extrêmement négative. Et elle ne peut s'exercer envers qui que ce soit, et surtout pas également envers ceux qui arrivent chez nous pour une première fois. Ça contredirait ce vieux dicton américain qui dit: Vous n'avez jamais une seconde chance de faire une première bonne impression.

Arriver dans une terre d'accueil et recevoir un coup de bâton le lendemain, je vous avoue que le mot "accueil" prend une dimension tout à fait différente. Encore une fois, merci de votre participation, et surtout bon retour dans la belle circonscription de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Vous me pardonnerez mon immodestie lorsqu'il s'agit de parler de cette circonscription. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre?

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci. Moi aussi, je voudrais vous remercier. Et je dois vous dire que, comme gouvernement, nous avons des choix de société à faire, des choix qui ne sont pas faciles, et comme responsable du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, je dois vous dire que ces choix-là sont parfois, pour moi, déchirants. Cependant, comme vice-présidente du Conseil du trésor, je dois aussi tenir compte de la capacité de payer de l'État. Je dois tenir compte aussi, bien sûr, de la capacité d'accueil, des structures que nous avons en place actuellement. Donc pour vous dire que ces choix-là ne sont pas toujours des choix faciles, c'est pourquoi je vous parlais tout à l'heure d'un certain équilibre aussi entre les différentes catégories. Je tiens aussi à vous féliciter pour l'excellente étude que vous avez faite récemment sur les mouvements racistes d'extrême droite. D'ailleurs, nous nous en inspirons au ministère. Je sais que la sous-ministre me parlait justement tout à l'heure de cette étude qu'elle a fait venir, et nous nous en inspirons actuellement. Je vous remercie beaucoup et bon voyage de retour.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors, il me reste à vous souhaiter aussi un bon retour à Montréal, et merci de vous être présentés devant nous. Alors, nous ajournons nos travaux à demain, 9 h 30.

(Fin de la séance à 22 h 2)

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