L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de la culture

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de la culture

Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le jeudi 28 février 1991 - Vol. 31 N° 21

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration, ainsi que sur les niveaux d'immigration souhaités de 1992 à 1994


Journal des débats

 

(Neuf heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Gobé): Si vous voulez prendre place. Alors, mesdames, messieurs, chers collègues, M. le maire, la commission de la culture va maintenant commencer ses travaux et je vous rappellerai le but de ces travaux. C'est la continuation du mandat que nous avons entrepris et qui est de procéder à une consultation générale sur l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration intitulé "Au Québec pour bâtir ensemble", ainsi que sur les niveaux d'immigration souhaités pour les années 1992, 1993 et 1994. Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?

La Secrétaire: Oui. M. Bradet (Charlevoix) est remplacé par M. Bordeleau (Acadie) et M. Charbonneau (Saint-Jean) est remplacé par M. Parent (Sauvé).

Le Président (M. Gobé): Alors, bienvenue, messieurs, à cette commission. Je vais maintenant vous donner lecture de l'ordre du jour de notre journée. Alors, nous allons commencer par entendre ce matin, dès 9 h 30, l'Union des municipalités du Québec; à 10 h 30, par la suite, nous aurons l'Union des producteurs agricoles et, à 11 h 30, l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec. Nous suspendrons les travaux à 12 h 30 pour une période de lunch et nous reprendrons à 14 heures et là, nous entendrons, entre autres, la Table de concertation multiculturelle de l'Outaouais québécois; à 15 heures, nous entendrons le Centre multiethnique de Québec inc.; à 16 heures la Casa latino-américaine de Québec et nous ajournerons à 17 heures jusque mardi, la semaine prochaine.

Il n'y a pas de remarques préliminaires, alors nous allons maintenant procéder à l'audition du premier groupe. Aussi, je vous demanderais, M. Mercier, de bien vouloir présenter la personne qui vous accompagne ainsi que le groupe que vous représentez et vous avez, par la suite, 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire et chacun des groupes parlementaires, soit l'Opposition officielle, par la voix du député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, et le gouvernement, par la voix de Mme la ministre, et d'autres collègues auront 20 minutes chacun pour dialoguer avec vous. Alors, vous avez la parole.

Union des municipalités du Québec

M. Mercier (Ralph): Merci. Alors, M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission, mesdames et messieurs, je suis accompagné ce matin de M. Serge Gareau qui, évidemment, est de la permanence de l'UMQ et qui a touché plus particulièrement le dossier dont il est question ce matin.

M. le Président, chers membres, c'est avec intérêt que l'Union des municipalités du Québec se joint aux éléments de la société québécoise appelés à réfléchir et à s'exprimer sur l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration déposé en décembre dernier par la ministre des Communautés culturelles.

Étant le gouvernement le plus près du citoyen, la municipalité est bien placée pour favoriser une intégration harmonieuse des diverses communautés culturelles. Par conséquent, nous espérons que notre réflexion saura enrichir le débat de cette commission. Son thème fut d'ailleurs l'objet d'analyses, de réflexions et d'actions tangibles parmi les membres de l'UMQ au cours des années.

Le Québec des années quatre-vingt-dix est très différent de ce qu'il était il y a à peine 20 ans. Son tissu social s'est transformé de façon radicale. D'une société homogène au plan ethnique, nous sommes passés au pluralisme.

À cause d'un certain nombre de facteurs qui nous démontrent que le Québec est en déclin au plan de la démographie - entre autres, la dénatalité, le vieillissement de la population, la migration interprovinciale - l'UMQ convient que l'immigration est devenue pour les Québécois un enjeu majeur, un enjeu qui s'inscrit dans une perspective de développement. Cette nouvelle réalité sociale exige forcément des changements profonds de mentalité des individus et la mise en place de mesures concrètes par les différents paliers de gouvernement qui visent non seulement à harmoniser les relations avec les citoyens de diverses souches, mais également à intégrer les nouveaux Québécois à la majorité francophone.

À notre avis, chacun des trois paliers de gouvernement est concerné par la question de l'immigration et, à des degrés différents, ils ont leur part de responsabilités qui justifient leur implication dans ce domaine. Le gouvernement fédéral détient tous les pouvoirs assujettis à l'immigration. Il établit les normes, les quotas nationaux; il contrôle, il sélectionne, etc. Il y a un an, le Québec obtenait à son tour le pouvoir de convenir des définitions applicables à la sélection des candidats à l'immigration pour la province, de préciser les modalités de sélection de ces candidats et, finalement, de définir la catégorie des investisseurs.

Finalement, la municipalité, quant à elle, est très certainement le palier gouvernemental

qui perçoit et qui vit le plus intensément les changements démographiques de la société québécoise. Contrairement aux autres instances gouvernementales, la municipalité est un véritable milieu de vie et ses actions ont un impact tangible et immédiat sur les rapports entre les citoyens dans leur ensemble. Mais, malgré les relations privilégiées qu'il entretient avec les citoyens, le gouvernement municipal ne dispose pas des moyens ni des ressources considérables de l'État dans des domaines stratégiques comme l'éducation et les services sociaux.

L'Union des municipalités du Québec croit cependant que le gouvernement local peut intervenir efficacement dans les domaines de juridiction qui lui sont propres et qu'il peut surtout être un excellent catalyseur pour améliorer la qualité des relations entre les citoyens de toutes origines dans leur vécu quotidien.

L'essence du message que nous souhaitons faire ressortir ce matin, c'est que la municipalité ne peut se positionner sur le niveau d'immigration souhaitable car c'est un sujet qui n'est pas de responsabilité municipale. Conséquemment, l'UMQ préfère laisser aux intervenants concernés et compétents le soin d'émettre des avis sur le sujet.

Par contre, la municipalité peut jouer un rôle de premier plan dans l'intégration des nouveaux arrivants et dans l'élimination de la discrimination raciale dans la collectivité. Mais il demeure un fait: la problématique de l'immigration n'a pas la même résonance et le même degré de préoccupation dans l'ensemble du monde municipal. H faut comprendre que le portrait social et culturel de Brassard n'est pas le même que celui de Pointe-au-Père ou de Mont-Laurier, pour ne citer que ces exemples. De même, les actions et les gestes d'intégration qui ont cours à Montmagny envers la population immigrée ne sont pas comparables à ceux d'une municipalité comme Hull.

En 1989, Statistique Canada estimait que 85 % des 85 000 nouveaux arrivants se concentraient dans la région métropolitaine de Montréal. Près de 8 % des personnes immigrées ont, quant à elles, choisi de s'établir dans les autres régions métropolitaines du Québec, soit: Québec, Hull, Sherbrooke, Trois-Rivières, Chicou-timi. Seulement 7 % ont préféré résider à l'extérieur des régions métropolitaines. La présence de services et de compatriotes, ainsi que l'adaptation aux nouveaux besoins peuvent justifier le choix que font les immigrants de s'établir dans un grand centre.

Déjà, plusieurs municipalités ou communautés urbaines ont pris des dispositions concrètes qui reflètent cette nouvelle réalité sociale, soit en formant des comités de relations interculturelles ou en désignant une personne responsable de cette question au sein de l'administration municipale afin de faciliter l'intégration et l'harmonisation des communautés de diverses souches. C'est le cas, notamment, de Brassard, de Montréal-Nord, d'Outremont, de la CUM et de Trois-Rivières.

L'Union des municipalités s'est, quant à elle, associée, en 1987, au Conseil des communautés culturelles et de l'immigration pour encourager la création de tables municipales de concertation des communautés culturelles. La création de tables municipales des communautés culturelles que propose l'UMQ à ses membres est une démarche formeUe et structurée. Elle exige un engagement précis des autorités municipales et l'attribution d'un mandat clair à la table. Actuellement, une vingtaine de tables sont actives. Essentiellement, ces tables de concertation sont formées de représentants des principales communautés culturelles du milieu, de membres du conseil municipal et de fonctionnaires. Divers autres organismes peuvent également en faire partie, comme les comités de citoyens et les associations de propriétaires, de locataires, les commissions scolaires et les CLSC.

Par rapport au document d'orientation déposé par la ministre, je dirais que de façon générale l'UMQ souscrit aux principes et à la philosophie qui sous-tendent l'énoncé de politique du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. Dans la perspective où l'immigration est devenue un enjeu majeur pour le Québec, l'UMQ se réjouit de voir que le gouvernement du Québec se donne un outil sous la forme d'un énoncé politique et une démarche qui propose des orientations, des objectifs et une série de mesures susceptibles de rallier l'appui de l'ensemble des Québécois.

Au chapitre du redressement démographique, l'UMQ convient que l'immigration est une solution fort avantageuse. Avec un indice de fécondité inférieur à 1,5 enfant par femme actuellement, la solution émise dans l'énoncé d'accroître le nombre de jeunes adultes nous semble un moyen de redressement souhaitable pour l'ensemble des Québécois. Toutefois, l'UMQ demeure convaincue que le gouvernement du Québec ne doit pas se soustraire à ses engagements dictés dans sa politique familiale et de ses programmes favorisant l'aide aux jeunes familles: les subventions de garderie, les primes à la naissance, les subventions à l'habitation.

Au plan de la prospérité économique, l'UMQ souscrit à l'orientation et au visées prescrites par le gouvernement du Québec. Selon elle, une sélection et une intégration rationnelles et équilibrées entre les nouveaux arrivants (jeunes travailleurs multidisciplinaires et gens d'affaires dynamiques) favoriseront la vitalité économique du Québec et de ses régions, plus particulièrement.

L'UMQ reconnaît la situation tout à fait distincte du Québec aux plans linguistique et culturel par rapport à celle des autres provinces canadiennes. L'UMQ soutient qu'il est fondamen-

tal que la sélection des immigrants pour les cinq prochaines années doit se faire en tenant compte de ce fait. Pour les municipalités, MRC et communautés urbaines, il est clair que le gouvernement doit poursuivre ses efforts de recrutement d'immigrants, notamment dans l'ensemble des pays francophones.

De plus, le gouvernement du Québec doit favoriser l'accessibilité à l'enseignement du français pour tous les nouveaux arrivants de façon à ce que l'adoption et l'adaptation à nos institutions privées et publiques en soient facilitées. En ce sens, il nous apparaît que l'ensemble du réseau scolaire pourrait jouer un rôle important dans l'intégration des immigrants.

Le Québec n'a guère le choix. Pour assurer sa suivie économique et sociale, il doit s'ouvrir sur le monde. Le contexte actuel d'interdépendance et de mondialisation des marchés nous oblige à nous ouvrir vers d'autres cultures et d'autres pays. En ce sens, l'UMQ est favorable aux principes gouvernementaux imputables à ce quatrième objectif. (9 h 45)

L'immigration est souhaitable, disions-nous, pour l'économie, la démographie, l'ouverture sur le monde et la pérennité de la langue française, mais l'UMQ soutient de plus que l'immigration est vitale pour la survie des régions. En ce sens, certaines recommandations ou suggestions pourraient être prises en considération par la commission. Le gouvernement ne pourrait-il pas sélectionner ses immigrants provenant de zones rurales ou semi-urbaines? Ce faisant, ces gens auront davantage tendance, au Québec, à s'installer en périphérie et à dynamiser les régions. Le gouvernement du Québec pourrait, de plus, favoriser le recrutement d'immigrants ayant une technologie agricole, industrielle, forestière, de pêche ou commerciale propice à l'économie de nos régions en déclin. Finalement, l'UMQ considère que l'ensemble des entreprises québécoises, qu'elles soient publiques ou privées, devra aussi s'impliquer dans l'effort d'intégration des immigrants en offrant des programmes d'accès à l'égalité et que ces mêmes entreprises devraient davantage s'impliquer dans l'amélioration et l'accessibilité à leurs services. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M. Mercier, et je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre de l'Immigration.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Merci, M. Mercier. Ça me fait plaisir de vous retrouver à cette table sur le dossier de l'immigration et des communautés culturelles. Je sais que nous avions travaillé ensemble sur la politique des services de garde. Alors, deux dossiers, finalement, qui, quand même, ont beaucoup de signification, surtout dans le contexte de la démographie.

M. Mercier, dans votre mémoire, vous avez fait deux suggestions concernant la sélection des immigrants qui pourraient dynamiser les régions. Vous vous demandez s'il n'est pas possible que le gouvernement sélectionne des gens provenant de zones rurales - c'était votre dernière intervention, là - ou semi-urbaines et vous aimeriez aussi que le gouvernement favorise le recrutement d'immigrants possédant une technologie agricole, forestière, industrielle, de pêche ou commerciale propice à l'économie des régions en déclin. Je pense que c'est une idée qui mérite qu'on s'y arrête. C'est une idée qui pourrait aussi favoriser la régionalisation. Cependant, ce qu'il faut savoir, c'est qu'actuellement le Québec sélectionne ses immigrants parmi les personnes qui manifestent le désir de venir chez nous. Et vous comprenez qu'il y en a des millions et des millions de personnes qui s'adressent à nos différents bureaux et on ne s'est jamais encore engagé véritablement dans un processus de recrutement actif. Comme les personnes viennent à nous, on ne s'est à peu près jamais engagé dans un processus actif de recrutement. Je pense, par exemple, aux technologies agricoles; on retrouve beaucoup de cette clientèle, entre autres, en Suisse et en Belgique. Ce sont des gens généralement qui, s'ils décident de venir s'établir au Québec, c'est parce que vraiment ils vont améliorer leur situation. Ce ne sont pas des gens qui vont fuir, par exemple, leur pays comme la clientèle provenant du tiers monde. Donc, ça suppose aussi du recrutement actif de la part du gouvernement.

Or, si c'était le cas - remarquez qu'on est en train d'explorer la possibilité de le faire - si c'était le cas qu'on pourrait envoyer nos agents dans des régions rurales ou semi-urbaines dans plusieurs pays faire du recrutement à ces endroits, quel rôle pourrait jouer, à ce moment-là, les municipalités? Parce que, nous, on peut aller sélectionner; cependant, il faut aussi connaître les besoins de la municipalité. C'est parce qu'il faut quand même commencer par identifier, dans une certaine région, les besoins en termes de technologie, que ce soit dans ces différents secteurs... Alors, quel rôle? Comment pourrait-on travailler ensemble pour identifier ces besoins de sorte que l'on puisse, dès à l'étranger, avant même que la personne arrive, déjà lui parler de la région, déjà lui envoyer de la documentation sur, par exemple, certaines villes ou municipalités d'une certaine région? J'aimerais vous entendre là-dessus, monsieur, l'un ou l'autre.

M. Mercier: Évidemment, la situation, je n'ai pas besoin de vous dire, peut varier de façon peut-être importante d'une région ou d'une partie du Québec à l'autre. Cependant, il reste quand même qu'il y a des problèmes majeurs dans certains secteurs de la province où il y a un dépeuplement et ça devient véritablement

inquiétant, au point où même des centres plus urbanisés en région laissent savoir que d'ici à peut-être une dizaine d'années tout au plus ils pourraient avoir des problèmes majeurs au point de vue de l'activité économique. Non pas qu'ils n'en vivent pas actuellement, mais ça pourrait véritablement s'accentuer. Donc, je pense qu'il y aura des possibilités.

Il faudrait, évidemment, que le gouvernement, là-dessus, soit aussi participatif, probablement en favorisant le développement de certaines des réglons qui sont peut-être plus durement touchées que d'autres et qu'à partir de cet aspect-là les municipalités comme telles ou les MRC puissent, elles, faire savoir effectivement les besoins et les possibilités qui existent évidemment dans leur territoire. C'est sûr que ce n'est pas une solution qui peut se trouver facilement, du moins être scrutée à la légère. Je pense qu'il faut approfondir ça. Mais plusieurs MRC, à l'heure actuelle, ou régions seraient aptes, à mon avis, à s'asseoir à une table et à travailler.

Sur le plan de l'intégration des immigrés, beaucoup de municipalités, dans le moment, font déjà évidemment un boulot important à partir des ressources dont elles disposent déjà et à partir aussi de la mixité, des fois, des tables de concertation qu'elles tentent de créer à l'intérieur de leur propre territoire, mais, encore une fois, je pense que la volonté des municipalités à aider à l'intégration, à aider aussi à l'élargissement et à la venue de l'immigration dans leur territoire est certainement bien marquée. Sauf qu'il ne faut pas - on l'indique aussi à l'intérieur de notre mémoire et vous l'avez dit Mme la ministre - peut-être retrouver des gens... Il faut être réaliste, quand même. Retrouver des gens qui proviennent du milieu urbain et tantôt vouloir les insérer en région, je pense que ça devient difficile tôt ou tard, et les expériences, au Québec, le démontrent. Ils tendent vers les grands centres et, finalement, vous vous retrouvez avec ces pourcentages qu'on vit actuellement, où à peu près 85 % des immigrés sont en milieu urbain, et beaucoup dans la région de Montréal. Mais pour changer cette tendance, pour retrouver des gens, ça aussi, vous êtes consciente que ce n'est peut-être pas toujours facile d'aller puiser les clientèles, parce que, comme vous le dites si bien, on prend ceux, finalement, qui ont l'intention ou qui veulent se déplacer. Il y a peut-être une forme de recrutement qu'on devra faire à l'extérieur pour tenter de trouver les clientèles sélectionnées et s'il s'agit, sur le plan des municipalités ou des MRC, de collaborer pour voir dans quel champ d'activité ces gens-là pourront tantôt se retrouver, je pense qu'il y a possibilité de le faire et l'Union des municipalités est prête à collaborer sur ce plan-là.

Mme Gagnon-Tremblay: Vous savez, M.

Mercier, on a aussi un obstacle de taille, je pense. Depuis le début de la commission parlementaire, différents groupes sont venus nous, dire que l'intégration, ce n'était pas si facile et que souvent, dans des régions, pour être capables de retenir nos nouveaux arrivants en région, il fallait avoir un certain noyau d'une même communauté, par exemple, pour qu'il y ait une espèce de sentiment d'appartenance pour que ces gens-là puissent, au tout début, avoir aussi une assurance que leur culture n'est pas menacée et ainsi de suite. Donc, à ce moment-là, vous comprenez pourquoi le Québec a décidé d'ouvrir cinq régions, pour le moment, et n'a pas décidé, par exemple, d'aller en Gaspésie, mais là où déjà on avait des noyaux.

On sait cependant, comme vous avez pris l'exemple de la Gaspésie, qu'il y a quand même un problème démographique incroyable aussi, et de plus en plus. Pas seulement là, mais dans d'autres régions aussi, mais plus particulièrement dans cette région. Vous comprendrez aussi qu'on ne pourra pas envoyer un a un les immigrants arrivants dans cette région-là, mais il va falloir s'organiser autrement. C'est pourquoi nous vouions tenter notre expérience de la régionalisation à partir de directions régionales, là où il y a déjà un certain noyau pour tenter l'expérience, pour voir si on peut réussir dans cette démarche. Donc, c'est important qu'on puisse, avec vous, identifier tous les secteurs et qu'on puisse aussi avoir des structures d'accueil. J'en ai parié beaucoup avec les leaders économiques, entre autres, mais quand on parie de région rurale ou semi-urbaine, on va devoir faire un peu la même chose avec les leaders de la région, à savoir, par exemple: Quelles sont les ternies qu'on peut offrir? Quel type de ferme on peut offrir? Par exemple, est-ce qu'il y a des boisés? À quel coût, par exemple, au niveau du financement? Parce que vous avez des personnes qui arrivent, qui ont quand même un capital intéressant et vous en avez d'autres qui sont un peu plus démunies, mais, par contre, qui sont très intéressantes en termes de main-d'oeuvre qualifiée ou qui ont d'autres atouts.

Alors, c'est un peu ça, finalement, qu'il va falloir déterminer avec les régions et je pense qu'on devrait peut-être travailler avec les régions. Là, on a déjà des directions régionales, entre autres, Québec, Sherbrooke, Hull et Montréal, et on verra par la suite comment on peut élaborer ce modèle dans les autres régions.

M. Mercier: Je pense, Mme la ministre, que oui, on est conscient de ça et je vous indiquerais également qu'on ne peut pas retrouver un ou deux immigrés dans une région éloignée et tenter de croire, finalement, qu'ils s'intégreront rapidement et facilement dans ce milieu ou dans le milieu. C'est très vrai, il est peut-être préférable de retrouver un certain nombre de gens en provenance d'une même région extérieure et qui

se retrouveraient finalement ici, au Québec, travaillant en région. Mais je pense qu'il y a quand même des territoires et on pourrait vous en indiquer - bien sûr, lorsqu'on regardera une mécanique, on pourra vous en indiquer - où des gens seraient certainement intéressés à travailler dans le sens de retrouver du développement dans leur territoire, voir en quelque sorte de quelle façon ces immigrés pourront s'insérer dans leur milieu et enrichir, je pense, la communauté locale.

Vous indiquiez tantôt une région aussi éloignée que la Gaspésie. C'est vrai, mais quand on se dirige vers la Gaspésie il y a tout le territoire aussi qui est derrière Rimouski, Mont-Joli, puis Dieu sait si actuellement ils vivent des problèmes de dépeuplement importants. Ça inquiète énormément des centres comme Rimouski qui, quand même aussi, vivent en quelque sorte ou en partie avec les gens qui sont en périphérie de ce grand centre. Mais si tantôt, à différents endroits au Québec, ces régions devaient disparaître ou mourir à petit feu, je pense que ce serait plus que regrettable, ce serait même catastrophique. C'est pour ça qu'on arrive avec une forme de suggestion, à savoir: Est-ce qu'il ne serait pas quand même intéressant de tenter de trouver des gens qui sont en région éloignée dans leur propre pays et, effectivement, les insérer ici, au Québec?

Vous avez mentionné la Suisse tantôt. Effectivement, il y a des gens même de la Suisse qui se sont retrouvés dans la région de Sherbrooke où, quand même, à certains endroits, ça a très bien opéré. Je ne vous dis pas à 100 %, mais en bonne partie, et les gens se sont bien conditionnés, se sont bien ajustés, parce qu'ils vivent à peu près du similaire quand même dans leur pays de provenance.

Mme Gagnon-Tremblay: II y a aussi... Les administrations municipales de concertation sont utiles lorsque, bien sûr, les administrations municipales sont sensibilisées au phénomène de l'immigration. On ne peut pas cacher quand même le fait qu'il y a encore certaines réticences. Il faut changer des attitudes et des mentalités et je l'ai vécu dans ma propre région, moi, alors qu'une ville, par exemple, avait besoin d'une main-d'oeuvre qualifiée et en nombre assez important. Je leur suggérais, par exemple, de leur envoyer cette main-d'oeuvre qu'on avait déjà sélectionnée et qui était déjà arrivée à Montréal et, justement, on disait: Non, on va aller chercher cette main-d'oeuvre dans la région de la Gaspésie parce qu'elle est déjà disponible. Alors, on dépeuplait cette région et, finalement, quand on s'est rendu compte que ces gens-là voulaient venir, on a fait appel, on a dit: Oui, peut-être pour une vingtaine de familles, peut-être que là la population accepterait.

Donc, on voit qu'il faut changer ces attitudes, ces mentalités et, pour avoir parlé avec des élus municipaux, je me rends compte que là aussi il y a certaines réticences parce qu'on ne connaît pas suffisamment les bienfaits de l'immigration.

Donc, dans ce sens-là, quel rôle pourrait jouer, par exemple, l'UMQ à ce niveau? Est-ce qu'il y aurait une activité quelconque de sensibilisation qui pourrait être faite, par exemple, lors d'un congrès de votre Union?

M. Mercier: Oui, il y a certainement possibilité de le faire. Il y a également aussi possibilité pour l'Union de relever à l'intérieur de chacune des régions les besoins ou de promouvoir la réceptivité à partir d'un plan d'action qui pourra peut-être être mis de l'avant par le gouvernement, par la ministre. Je vous dis que, malgré le fait que ce soit sûr que beaucoup de Québécois ont à s'ajuster avec leurs nouveaux voisins, j'ai l'impression que depuis les dix dernières années il y a un grand bout de chemin qui a été parcouru, mais, encore aujourd'hui, on y voit des difficultés et je le cite parce qu'il y en a peut-être qui s'interrogent. Je te vois même sur mon propre territoire. On a vu certains jeunes dernièrement dans des écoles manquer de réceptivité vis-à-vis d'une culture différente à l'intérieur d'un même groupe. Mais voilà! Il y a du chemin à faire.

Encore une fois, je vous dis, il y a énormément... Il peut y avoir du questionnement chez certains élus municipaux. Ça, je n'en doute pas. Mais je vous dis qu'en ce qui concerne l'Union on est prêts à participer, à contribuer pour faire en sorte qu'on puisse effectivement tenter de rendre plus facile l'arrivée, l'accueil des immigrants dans le territoire québécois et je pense encore une fois... Je n'exclus pas les milieux urbains parce que je pense qu'ils ont quand même des besoins aussi. Provenant moi-même du milieu des affaires et connaissant aussi des gens qui étaient peut-être récalcitrants, je dirais, à retrouver les immigrants dans leur milieu de travail, je dois vous dire que dans les dernières années j'ai rencontré à nouveau de ces gens-là qui sont enchantés, finalement, de leurs nouveaux employés, qui sont très fidèles et très travaillants.

Alors, on voit qu'il y a une évolution et elle se doit de continuer. Il y a des besoins en milieu urbain, mais on vous signale que c'est important; c'est peut-être une des solutions, tantôt, pour ramener peut-être ce problème qu'on vit en région, du dépeuplement des régions.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci. (10 heures)

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M. le député d'Acadie, il reste quelques minutes sur le temps de Mme la ministre, si vous voulez les utiliser.

M. Bordeleau: Bien, d'abord, je suis très

heureux de voir que votre mémoire porte sur toute la question de la régionalisation qui est un problème important actuellement dans le contexte des politiques d'immigration. À la page 9 de votre mémoire, vous mentionnez qu'avant de procéder le gouvernement devra également effectuer une analyse plus poussée de la situation identifiée avec ses partenaires des régions les plus susceptibles que d'autres d'accueillir les immigrants. Vous en avez parlé, vous avez fait référence surtout aux dimensions économiques ou à l'intégration économique comme telle, mais j'aimerais savoir: Quelles sont les caractéristiques d'une région qui est plus susceptible qu'une autre de recevoir les immigrants? Parce que vous dites: Le ministère devra identifier ces... Mais quels seraient ces critères utilisés par le ministère pour identifier une région qui est plus capable, au fond, de recevoir des immigrants? Et aussi, l'autre question que je vais greffer, c'est tout le problème de la rétention des immigrants. Vous y faites référence un petit peu à la fin de votre mémoire quand vous parlez de mesures coerci-tives, mais j'aimerais ça peut-être que vous vous expliquiez un peu plus de ce côté-là. Que voyez-vous concrètement comme mesures coercitives?

M. Mercier: Premièrement, je pense que, comme régions d'accueil, il reste qu'il faut considérer aussi les possibilités d'activités sur les plans économiques quels qu'ils soient, quelle que soit leur dimension. On ne peut pas demander à des gens de se retrouver quelque part en région sans avoir des ressources minimales pour améliorer leur sort, qu'on puisse bien vivre comme famille, ici au Québec. C'est un des facteurs, un des critères, je pense, qui s'avère élémentaire. Sauf que peut-être... Il y a peut-être du développement, à des endroits, qui aurait pu se faire et, avec les clientèles existantes actuellement dans ces régions, il n'y a pas eu possibilité d'y arriver ou d'amener du nouveau développement. Or, avec les immigrés, il y aurait possibilité, possiblement, de ramener une activité économique dans des territoires donnés, certaines formes d'activités économiques.

Sur le plan de la deuxième dimension, il y a peut-être aussi à penser s'il n'y aurait pas, d'autre part, certains incitatifs. On voit, par exemple, à l'intérieur des municipalités, que lorsque l'économie est un petit peu mollo, sur le plan des promoteurs, on tarde à mettre en place des incitatifs qui font en sorte que les gens, sur une période d'un an, deux ans, trois ans, bénéficient d'avantages fiscaux et qui font en sorte que, finalement, ils investissent demain matin. Mais, sur le plan de l'immigré, il y aurait peut-être lieu aussi de voir s'il n'y a pas certains incitatifs à mettre en place. Est-ce que ce serait sur le plan, dans le fond, des sommes directement attribuées à l'immigré? Est-ce que ça peut être quand même une forme de rabattement sur le pian, éventuellement, sur une certaine période, des impôts sur le revenu? Je ne le sais pas. Il y a des formules d'incitatifs qu'il faudrait analyser, qu'il faudrait regarder sur ce plan-là et c'est ce à quoi, aussi, on pense.

Le Président (M. Gobé): Ça vous satisfait, M. le député d'Acadie?

M. Bordeleau: Oui, ça va, merci.

Le Président (M. Gobé): Allons-y. M. Mercier, juste avant de passer la parole à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, j'aurais une question à vous poser. Vers quel genre d'immigration, quel genre d'emploi, quel genre de qualifications devrait-on se diriger, d'après vous, ou pourrait diriger vers les régions?

M. Mercier: Bien, écoutez, on en a indiqué à l'intérieur de ça. Je pense qu'il y a différentes... Tout dépendant d'une région, ça peut varier d'une région à l'autre, ça, vous en êtes conscient. Je pense que les conditions...

Le Président (M. Gobé): Vous parliez de Rimouski, tout à l'heure, je vous entendais parler de la...

M. Mercier: Bon. Alors, dans la région de Rimouski, est-ce que ça ne peut pas être du secteur de l'industrie? Si on doit inciter les gens à se retrouver, par exemple, derrière Rimouski, qu'on puisse y retrouver une industrie quelconque, qu'elle soit reliée à l'industrie forestière ou à d'autres industries, je pense que ça aussi, ça devrait être regardé, d'autre part, en même temps qu'avec des partenaires économiques. Donc, ça peut être des gens d'affaires qui auraient intérêt, tantôt, à développer également aussi en région par rapport à certaines conditions qui seraient offertes à ces entreprises-là, étant assurés d'une main-d'oeuvre qui pourra effectivement se retrouver pour meubler leur organisation.

Vous savez, il ne faudrait pas... Il y a une période où le Nouveau-Brunswick avait établi, au nord du Nouveau-Brunswick, une entreprise, une usine où ils avaient investi des sommes énormes frisant... Je pense que le gouvernement du Nouveau-Brunswick avait investi tout près de 20 000 000 $ dans une industrie japonaise avec des immigrés et on a tenté de ramener des gens, effectivement, à l'intérieur de ça. Et ceux, je pense, qui étaient des immigrés pouvaient très bien se conditionner au milieu de travail et tout, mais on a voulu, par le fait même aussi, tenter de diminuer le nombre de gens qui étaient sur le bien-être social. Alors, il y avait des gens de deuxième et peut-être de troisième génération de bien-être social et c'est clair, l'expérience n'a absolument pas fonctionné. Il faudra regarder aussi ailleurs, parfois, ce qui s'est fait aussi comme modèle dans les dernières années, quelles

ont été les tentatives, ne pas faire, du moins ne pas tendre vers les mêmes erreurs.

Le Président (M. Gobé): J'étais un peu confus parce que vous parliez à un moment donné de peuplement des régions, d'intégration des immigrants avec des initiatives locales et du milieu et, à un moment donné, vous semblez dire que ça serait des entreprises. Mais, si on parle de peuplement, je serais surpris de voir plusieurs milliers d'entrepreneurs, comme ça, d'une génération spontanée, venant dans Ee monde s'établir en région. Et je me demande comment on pourrait concilier le fait que... Et mes collègues députés me le mentionnent... J'ai même vu une émission à Radio-Canada dernièrement - très, très intéressante, d'ailleurs - un dimanche soir sur les régions, qui m'a éclairé beaucoup. Il y des choses que je connaissais, mais que j'avais peut-être besoin de visualiser, la même chose que beaucoup de monde. On sait qu'il y a un exode extrêmement fort des Québécois, des jeunes Québécois, scolarisés, vers les grands centres, vers Montréal. Je me demande comment on pourrait inverser, c'est-à-dire que les jeunes Québécois, eux, auraient des bonnes raisons pour venir s'établir à Montréal parce qu'ils n'ont pas d'emploi, parce que le cadre de vie ne correspond pas à leurs expectatives et, de l'autre côté, on repeuplerait avec des immigrés. Il y a quelque chose qui... Lorsqu'on sait qu'un immigré vient immigrer, généralement - à moins qu'il ne soit un réfugié, là, c'est un autre cas - il vient en Amérique pour l"'American way of life", comme on dit. Alors, comment se fait-il? L'immigré, lui, il aurait des bonnes raisons d'aller à Rimouski ou en région - je ne veux pas donner de nom - et le jeune Québécois, lui, aurait des bonnes raisons pour ne pas rester là-bas et venir à Montréal. Comment vous conciliez le paradoxe?

M. Mercier: D'abord, ce n'est pas nécessairement en région, je pense, qu'on doit établir des grandes entreprises. Il pourrait y en avoir, mais c'est peut-être davantage de verser vers les PME. Quand vous amenez le facteur des jeunes, effectivement, qui se déplacent vers les grands centres, il faut regarder aussi la formation qui a été rendue sur le plan de l'éducation, de l'instruction, à ces jeunes-là au cours des dernières années. Je pense qu'il y en a qui ont quand même bénéficié d'une formation importante, souvent de niveau universitaire. Et quand ils ont cette formation-là, ils ne trouvent pas souvent les débouchés à l'intérieur de leur région pour trouver un emploi. Il y a également aussi ceux qui ont quand même peut-être passé à travers une formation professionnelle, et encore, d'autre part, qui ne retrouvent pas les conditions de travail dans leur région qu'ils pourraient retrouver dans le milieu urbain. Il y a des choix, je pense, qui se font, et on ne pourra pas empêcher ça chez nos jeunes. Il y a peut-être aussi une modification même sur le plan de l'instruction, même de la formation, que le ministère de l'Éducation a déjà enclenchée depuis peu, sur le plan de la formation professionnelle. Parce qu'il faut se rendre à l'évidence qu'il y a peut-être des gens diplômés. Mais si vous avez des gens diplômés qui ne retrouvent pas d'emploi, qui finalement, du côté des emplois traditionnels, se retrouvent... Il y a des disponibilités et vous n'avez pas de travailleurs pour ces secteurs-là, ça devient un problème important pour l'industrie. L'industrie l'a déjà souligné et, déjà, le ministère de l'Éducation a apporté des ajustements qui font en sorte que sur le plan des polyvalentes, au départ, on tend à rendre une formation professionnelle immédiatement suivant la terminaison de son secondaire.

Pour revenir à notre clientèle qui pourrait provenir de l'extérieur, je pense qu'on parle, à ce moment-là, de jeunes adultes, qui ont quand même l'habitude - et c'est pour ça qu'on dit de région - de vivre en région, qui n'ont pas nécessairement l'attrait des grands centres, qui ont peut-être des grands centres, des milieux urbains près de chez eux, mais qui ne tendent pas à aller vers ça. On a l'impression qu'ici ces gens-là pourraient vivre effectivement de la même façon, dans le fond, qu'ils le font peut-être chez eux, mais avec des conditions meilleures.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie de votre éclairage. Maintenant, je vais passer la parole à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, au nom de l'Opposition officielle.

M. Boulerice: M. le maire, deux brefs commentaires quant à votre mémoire. Le premier, en page 5, dans la chronologie, pour ce qui est du gouvernement provincial, il y a quand même une étape importante, malheureusement, qui n'a pas été soulignée, qui est l'entente Cullen-Couture, mais je pense que c'est un oublie de rédaction.

J'ai également remarqué ceci en page 8, et je pense qu'il était très important que quelqu'un le dise, et je suis heureux que ce soit l'Union des municipalités du Québec qui en fasse part à cette commission. Vous dites: 'Toutefois, l'UMQ demeure convaincue que le gouvernement du Québec ne doit pas se soustraire à ses engagements dictés dans sa politique familiale et de ses programmes favorisant l'aide aux jeunes familles." Vous mentionnez les subventions de garderies, les primes à la naissance, les subventions à l'habitation, et là vous faites sans doute allusion également aussi à l'habitation sociale puisqu'il y a quand même un certain parallèle à établir. Il y a bien des catégories d'immigrants qui arrivent. Il y a peut-être, certes, les immigrants investisseurs, mais il y a une catégorie d'immigrants qui arrivent et qui ne nagent pas dans l'abondance et qui peuvent avoir besoin de ce type d'habita-

tion qu'est le logement social. Donc, je trouve que c'était très à propos de votre part d'avoir rappelé cette obligation-là comme telle dans le mémoire.

Maintenant - c'est d'actualité, que voulez-vous, on ne peut pas y échapper, M. le maire - eu égard à la récente réforme de la fiscalité municipale et au refus de votre Union devant des propositions du ministère des Affaires municipales, quel rôle pourront jouer les municipalités dans une éventuelle politique de régionalisation en immigration? Est-ce que les municipalités pourront s'impliquer financièrement dans une telle politique?

M. Mercier: Je pense que je l'ai indiqué assez clairement, en tout cas, il me le semblait. Peut-être que je devrais le répéter. Les municipalités sont prêtes à collaborer largement de par leurs ressources à l'intérieur de chacune de leur permanence. Elles sont prêtes à faire leur effort sur ce plan-là et à établir aussi une table de concertation, faire en sorte, en somme, qu'on puisse favoriser l'immigration. Maintenant, s'il s'agit quand même de sommes à investir, il faut voir que peut-être déjà au départ dans ce genre de travail-là, ce boulot-là qui s'effectue, les municipalités investissent déjà. Si on parle d'investissements additionnels majeurs, je pense qu'il ne faut pas se retrouver non plus dans un secteur d'activité qui appartient au gouvernement supérieur, au gouvernement du Québec. Et vous avez indiqué... C'est vrai qu'on vit cette tendance à des transferts et on ne voudrait pas se retrouver à nouveau aussi avec un autre élément qui apportera des déboursés ou des transferts additionnels aux municipalités sans, bien sûr, retrouver les ressources qui puissent l'accompagner. Et je pense qu'au moment où le gouvernement déciderait d'amener des responsabilités nouvelles - c'est pour ça, d'ailleurs, et je ne veux pas relever un autre dossier, mais je me dois quand même de le dire - de relever peut-être de nouvelles responsabilités dans un nouveau partage, il faut s'asseoir d'abord et discuter aussi des ressources, sur le plan financier, qui puissent nous être disponibles. Mais, mis à part ce facteur, je pense que dans l'état actuel les municipalités sont quand même disposées à collaborer, mais il faut quand même savoir qu'on n'est pas en mesure de le faire, et je ne pense pas non plus que ce soit nécessairement notre rôle à nous d'y investir des sommes importantes. Mais si, tantôt, dans un partage différent sur le plan des responsabilités nous devions y arriver, on dit: Oui, il peut y avoir des ouvertures, sauf qu'il faut effectivement en discuter.

M. Boulerice: Oui, parce qu'on demandera à la municipalité d'accueillir, de mettre en place certaines structures. Et c'est inévitable qu'il y a toujours des coûts qui sont reliés à des actions comme celles-là et il n'est pas dans votre intention de puiser dans la besace déjà passablement vide des municipalités pour y répondre. Ça, je pense qu'il était bien que ce soit précisé. Vous avez, comme la majorité des groupes qui se sont présentés, parlé de régionalisation. Je dois vous avouer que cela a toujours un écho passablement favorable de la part de députés originaires de la région de Montréal où, effectivement, toutes les statistiques - d'ailleurs, vous les citez bien, vous étiez documenté on ne peut mieux - démontrent que très majoritairement l'immigration s'établit à Montréal. Plusieurs s'interrogent sur cette attraction métropolitaine. Elle est, somme toute, identique à celle qui se vit dans les autres pays sauf que l'inquiétude que nous avons - quand je dis "inquiétude", je parle de préoccupation et non pas de crainte nécessairement, mais d'une inquiétude - c'est que si on a parlé d'un Québec cassé en deux, si on a parlé à Montréal d'un T" de pauvreté, on risquerait de voir un Québec pratiquement divisé en deux avec un Montréal pluriethnique et l'ensemble de toutes les autres régions du Québec être, quant à elles, monoethniques ce qui ferait qu'on vivrait deux réalités dans le même pays une surconcentration à Montréal, l'absence quasi totale à l'intérieur des autres régions du Québec, donc, potentiellement, peut-être, certaines difficultés à Montréal mais, a mon point de vue, un certain appauvrissement à bien des niveaux, peut-être au niveau social, sans doute au niveau économique, énormément aussi au niveau culturel parce qu'il y a un apport de l'immigration pour ce qui est du restant du Québec.

Mais, ceci pour vous dire, M. le maire, que les groupes qui se sont présentés devant cette commission nous ont dit qu'une politique de régionalisation doit s'accompagner - j'essaie de bien les citer - d'une politique de développement régional. Est-ce qu'à votre point de vue l'actuelle politique de développement régional est suffisante pour véritablement discuter de régionalisation de l'immigration, surtout si on considère aussi qu'on pourrait potentiellement songer à envoyer des immigrants en Gaspésie, mais on sait que cette région est désertée? Comment inciter des gens à aller dans un endroit qui se vide? Si ce n'est pas bon pour un Gaspésien, le premier réflexe de l'immigrant sera: Bien oui, mais - pour employer une expression très populaire, une expression du terroir - je ne suis quand même pas un bouche-trou, moi.

M. Mercier: Bon. Je pense que dans le modèle de développement économique qu'on voit actuellement il y aura des ajustements à faire, c'est bien évident. Je pense que, si on veut encourager ou si on veut inciter les gens, les immigrants à se retrouver en région, il faudra faire en sorte aussi qu'il y ait, encore une fois, et je l'indique, certains incitatifs, certains attraits à se retrouver en région. D'autre part, je ne pense pas - ça aussi, je vous l'indiquais,

vous êtes bien conscient de ça - quand on prend quelqu'un qui vit en milieu urbain à l'extérieur et qu'on tente, ici, de l'insérer en milieu rural, en région, je pense qu'on aurait de la difficulté à le faire. À plusieurs reprises, j'ai eu l'occasion de rencontrer, moi, des gens à l'extérieur, soit en Europe ou en d'autres endroits, où les gens qui vivent en région ne veulent pas, effectivement, entendre parler du milieu urbain. Pour eux, là, ils en ont quasiment une crainte. Donc, si on part de ce principe-là où vous avez beaucoup de gens qui, effectivement, préfèrent, dans leur propre milieu, demeurer en région, en rural, bien, à ce moment-là, quand vous les retrouvez ici, je pense qu'ils peuvent plus facilement se conditionner et y demeurer. Sauf que, vous avez raison de dire, il faudra voir tantôt une activité sur le plan économique qui va faire en sorte que ça puisse favoriser l'arrivée de ces gens-là et, dans le modèle de développement actuel, il y a certainement des ajustements qui devront se faire. Donc, c'est peut-être un dossier qui devra être mené parallèlement aussi avec Industrie et Commerce tantôt. (10 h 15)

M. Boulerice: Éventuellement, M. le maire, on pourrait penser que les administrations municipales qui sont, effectivement - et là-dessus je ne vais jamais contester l'affirmation que vous avez faite - le gouvernement de première ligne... Comme tout citoyen, j'ai d'abord une relation avec mon administration municipale; ce n'est qu'après que j'ai une relation avec le gouvernement. Je vais continuer d'employer le mot "provincial" mais vous savez qu'il m'est très désagréable, il mérite, mais enfin... Bon. Est-ce qu'éventuellement, compte tenu de cette situation particulière de l'administration municipale qui s'occupe très activement - et le terme n'est pas péjoratif - du quotidien des citoyens - la ville vraiment s'occupe du quotidien des citoyens. Est-ce que vous pensez qu'éventuellement les municipalités pourraient s'engager dans des programmes d'accès à l'emploi pour les communautés culturelles?

M. Mercier: Oui. Moi, je crois sincèrement... Déjà à l'heure actuelle il y a des municipalités, je pense, qui sont engagées dans cette voie. Maintenant, encore une fois, je pense qu'on vit des changements importants sur le plan du Québec et sur le plan de l'immigration aussi, que nos gens s'ajustent à recevoir des groupes culturels, des groupes, effectivement, à l'intérieur, je pense, des milieux d'emploi. Ça, c'est un facteur qui doit être accepté. Il y a du développement sur ce plan-là et je suis convaincu que les municipalités sont certainement prêtes à faire leur part sur ce plan-là. Ça, c'est très clair. Je ne crois pas, actuellement, qu'il y ait nécessairement une discrimination, sauf qu'il n'y a peut-être pas nécessairement de programmes partout établis pour favoriser, effectivement, ces mesures. Donc, à partir de ce que vous indiquez, je vous dis oui. Je pense qu'il y a un bout de chemin à faire sur ce plan-là.

M. Boulerice: Une toute dernière question, M. le maire, si vous le permettez. Pour ce qui est des niveaux d'immigration, vous connaissez les chiffres qui ont été avancés. Est-ce que vous croyez que ces niveaux - je vais poser la question - sont réalistes? Les gens du Conseil économique, dont vous avez sans doute entendu parler du mémoire puisqu'il a eu un peu un effet de bombe, disaient: On préférerait que vous nous posiez la question à l'inverse: Est-ce souhaitable? En tout cas, peu importe le qualificatif, les trouvez-vous à la fois réalistes et souhaitables, ces niveaux d'immigration? Croyez-vous que le Québec a à la fois la capacité physique et la préparation sociopsychologique, parce qu'il faut préparer une population à l'accueil? Croyez-vous qu'on a ce niveau suffisamment pour dire que les niveaux d'immigration sont à ta fois réalistes et souhaitables pour le Québec?

M. Mercier: Oui. Moi, je le crois réellement, sauf que c'est bien évident qu'il y a des mentalités aussi qui changent de jour en jour et on devra faire des efforts importants pour arriver à faire en sorte aussi qu'il y ait une meilleure réceptivité, je pense, de la part de l'ensemble de la population québécoise sur ce plan-là. Mais vous allez avouer avec moi que... J'ai l'impression en tout cas, on a l'impression que les choses ont bien changé depuis les dernières années et qu'on y arrive. Et ce n'est pas... Je pense qu'on ne peut pas se permettre quand même de diminuer l'immigration au Québec; au contraire, au moins minimalement, il faut la maintenir et surtout - surtout, je pense - dans la situation actuelle, en arriver à l'augmenter. Je suis convaincu qu'avec l'ensemble des partenaires on peut faire en sorte aussi que, sur le plan des structures d'accueil, effectivement, tantôt, ces • gens-là puissent se sentir heureux au Québec, qu'on puisse les garder chez nous. C'est une chose qui peut être faite, oui.

M. Boulerice: M. le maire, je m'aperçois que dans ce débat, comme dans bien d'autres, l'Union des municipalités donne le ton et j'étais vraiment très heureux d'entendre vos propos ce matin. Je vous remercie pour votre présence à la commission.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, le mot de la fin.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. Mercier. Merci, monsieur. Je voudrais justement aussi... Je prends bonne note de l'ouverture que vous

m'avez faite aussi concernant une activité de sensibilisation lors d'un prochain congrès, d'un futur congrès et j'aimerais ça, par exemple, que le personnel du ministère puisse entrer en communication avec vous peut-être aussi, non seulement pour penser au congrès, mais avec une consultation peut-être un petit peu en profondeur avec les maires de vos municipalités pour enrichir le plan d'action qui sera déposé en juin, ici. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Merci, M. le maire. Je vous remercie de votre prestation. La commission en tiendra certainement compte ultérieurement. Alors, ceci met fin à votre témoignage et je vais suspendre les travaux une minute, le temps que le groupe de l'Union des producteurs agricoles vienne prendre place. Alors, la commission suspend ses travaux pour une minute.

M. Mercier: Nous vous remercions de votre attention et allons, je pense, collaborer d'un certain mécanisme qui nous permettra de faire effectivement, peut-être, ces sondages finalement, de sonder le milieu minicipal. Et si jamais on peut apporter une aide sur ce plan-là, on se dit disposés à le faire. Je pense que c'est dans l'intérêt de nos municipalités et j'ajoute de nos régions aussi.

Le Président (M. Gobé): Nous suspendons nos travaux pour une minute.

(Suspension de la séance à 10 h 25)

(Reprise à 10 h 27)

Union des producteurs agricoles

Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, si vous voulez prendre place, nous allons maintenant continuer nos travaux. J'inviterais l'Union des producteurs agricoles, représentée par M. Jean-Yves Couillard, vice-président, et M. Gilles Besner, directeur, à bien vouloir prendre place en avant. On m'informe que M. Couillard n'est pas présent et que c'est M. Gaudet qui va le remplacer. Alors, si vous voulez vous présenter et commencer votre témoignage, nous sommes...

M. Gaudet (Pierre): Mme la ministre, M. le Président, messieurs et mesdames, je vous dirai, en introduction, que l'Union des producteurs agricoles ne se prend pas pour un spécialiste, entre guillemets, de la question, mais, comme organisation professionnelle qui représente l'ensemble des agriculteurs et qui représente 120 000 travailleurs forestiers impliqués dans l'industrie agro-alimentaires, on a l'opinion que c'est une question terriblement importante sur laquelle on a certainement déjà, à ce moment-ci, un certain nombre d'opinions. Je voudrais vous dire en même temps qu'on voudrait avoir l'opportunité, dans le temps, d'aller plus loin dans notre démarche puisque c'est une question qu'on regarde depuis un certain temps sans y avoir toutefois apporté tout le génie dont on est capable.

Je vous présente donc le mémoire. S'il est un groupe qui n'a pas à être convaincu de l'importance de l'immigration en tant que facteur stratégique du développement économique du Québec, c'est bien l'UPA. D'abord, parce que nous reconnaissons que des personnes d'autres communautés ont grandement contribué à la diversification de notre agriculture par l'introduction de nouvelles techniques de production, particulièrement dans le secteur des productions maraîchères; aussi parce que nous sommes conscients des problèmes reliés à la pénurie de main-d'oeuvre pour le secteur agricole. Encore ici, c'est dans le domaine des productions maraîchères et fruitières que ce problème de main-d'oeuvre ressort avec le plus d'acuité, ce qui ne veut pas dire qu'il n'existe pas dans d'autres productions.

Même si c'est surtout dans les régions métropolitaines que ce problème se manifeste le plus, nous le voyons émerger dans certaines régions du centre du Québec, telles la Mauricie et Nicolet.

L'UPA se retrouve donc au coeur de cette dynamique impliquant un nombre élevé d'immigrants qui, souvent, comptent sur l'agriculture pour se trouver un premier emploi. À titre d'exemple, mentionnons qu'en 1989 les services d'emplois agricoles rattachés aux fédérations régionales de l'UPA ont trouvé de l'emploi à 181 228 personnes-jours. De ce total, 146 066 placements, soit 80 %, ont été effectués dans la région de Montréal, c'est-à-dire dans les fédérations des Laurentides, de Lanaudière, de Saint-Jean-Valleyfield et de Saint-Hyacinthe. Finalement, nous estimons à plus de 75 % de ce nombre les travailleurs et travailleuses qui sont d'origine étrangère.

À ces données s'ajoutent celles des travailleurs saisonniers qui englobent également un bon nombre d'immigrants.

C'est donc dans ce contexte précis que l'UPA se préoccupe des questions de l'immigration et que nous tentons de plus en plus d'assumer un rôle actif dans le processus d'intégration de ces immigrants dans la société québécoise. D'ailleurs, le projet récemment accepté par le MCCI, qui vise tant les producteurs-employeurs que les travailleurs et les travailleuses agricoles, est directement relié à cet objectif d'une meilleure intégration économique, sociale et même culturelle de ces personnes à la société québécoise par le monde agricole.

Une fois cette toile de fond exposée, voici nos réactions sur l'énoncé de politique ainsi que

sur certaines mesures qu'il nous met de l'avant.

Globalement, l'UPA supporte l'orientation générale mise de l'avant par la politique gouvernementale proposée. L'insistance mise sur le volet intégration va dans le sens du dernier avis que nous formulions dans le cadre de la consultation annuelle du MCCI sur les niveaux d'immigration. Pour nous, la question n'est plus de savoir si nous devons acccueillir des immigrants au Québec; il en va de notre survie économique et démographique.

Sur ce point, soulignons en passant qu'il nous apparaît que le mécanisme retenu pour rétablir le niveau annuel d'immigrants à accepter tient compte des bons facteurs et est suffisamment rigoureux pour que nous puissions lui faire confiance. Ce niveau doit continuer de s'ajuster sur de courtes périodes à la réalité économique du Québec, tout en tenant compte de notre survie à moyen et à long terme. La vraie question porte donc sur l'intégration des immigrants à la société québécoise. Et nous sommes heureux de constater que le gouvernement entend intensifier les efforts dans les zones d'intégration, soit en renforçant ce qu'il a fait déjà, soit en développant de nouveaux moyens ou projets qui aideront à développer ce volet.

Là où nous devenons prudents, toutefois, c'est lorsque vient le temps d'appuyer une politique sans connaître les moyens qui la supporteront, sans connaître le budget - et ici je pense qu'il faudrait souligner le mot "budget" - qui lui donnera une certaine efficacité. Nous ne pouvons effacer de notre souvenir d'autres politiques gouvernementales qui promettaient beaucoup, et qui promettent toujours, faute de fonds pour atteindre des objectifs fixés.

Si le Québec veut véritablement relever les grands défis identifiés dans sa politique, soit: le redressement démographique, la prospérité économique, la pérennité du fait français, l'ouverture sur le monde, il se doit d'occuper pleinement le champ constitutionnel de l'immigration. Même si l'entente Couture-Cullen de 1978 nous a fait progresser dans ce domaine en augmentant le rôle du Québec dans la sélection des candidats, il reste que nous devons aller plus loin et maîtriser tous les outils nécessaires pour que l'immigration joue son rôle stratégique dans le développement économique, démographique, linguistique et culturel.

Si le gouvernement est sérieux en rendant publique sa politique, il doit viser l'exercice de ses pleins pouvoirs en matière de sélection, d'accueil, d'établissement et d'intégration des immigrants. De plus, comme les ententes administratives n'offrent pas de garanties suffisantes pour établir une politique stable à long terme comme l'exige celle de l'immigration, le gouvernement du Québec doit rapatrier, dans le cadre de la révision constitutionnelle qui s'amorce, sa pleine et entière juridiction dans le domaine de l'immigration, s'il veut rendre crédible sa future politique.

Tout comme les terres agricoles se sont agrandies au cours des dernières années, les enjeux reliés à l'immigration sont devenus plus importants pour notre développement collectif. Autant il nous est actuellement impossible de penser à aller cultiver nos terres avec deux boeufs, autant le gouvernement du Québec doit voir la nécessité de s'équiper d'instruments modernes et adéquats pour réaliser la tâche qui l'attend et atteindre les objectifs qu'il se fixe lui-même, et que nous partageons.

Dans un premier temps, nous supportons l'insistance de l'énoncé de politique pour établir un lien encore plus étroit avec la politique linguistique déjà existante. Cependant, autant la stratégie proposée nous semble bien articulée et intéressante au niveau de l'intégration - et ce, dès la phase d'accueil - de l'accès aux services, de l'implication dans les activités de la vie sociale et culturelle, autant elle nous semble faible au niveau de la langue de travail. Je pense qu'ici il faudrait peut-être faire un petit aparté pour dire que l'expérience qu'on connaît dans le milieu rural, dans le milieu agricole, pour les gens qui sont devenus de nouveaux exploitants, on se rend compte que le taux de réussite est relativement bon. Toutefois, pour avoir dans notre structure un genre de groupe d'accueil à partir de nos syndicats de base, on se rend compte que les intervenants qui viennent acheter des terres chez nous, qui viennent faire de la culture chez nous, avant de partir de chez eux, souvent ils sont dans une situation où ils connaissent très mal la place où ils s'en viennent. Par exemple, pour un Européen, s'en venir faire de l'exploitation agricole au Québec, c'est comme l'accès à un monde où l'espace ne manque pas, sauf que les conditions pour faire de l'agriculture ici, en termes de qualité de sol, de conditions climatiques, de conditions économiques, les gens n'ont pas nécessairement une bonne évaluation de cette situation-là et il y a une certaine désillusion chez d'aucuns qui se sont en venus chez nous, qui ont payé des organisations des fois à des prix qui sont, à mon avis, un peu ridicules. Je pense que si on laisse faire l'intégration de ces gens-là uniquement par les gens qui sont responsables de faire des transactions financières, il y a un risque par rapport à la qualité du travail qui va se faire là. Même si le taux de réussite est bon actuellement, il y a là un signal que, je pense, toute la collectivité québécoise doit recevoir à ce moment-ci et elle doit s'équiper pour y faire face.

L'autre élément aussi qui m'apparaît important, c'est que, parmi ceux qui sont venus chez nous, il y a effectivement beaucoup de gens qui sont francophones, mais il y a aussi des gens d'autres langues. Ce n'est pas du fait qu'on inscrive des enfants à l'école française qu'on a réglé le problème de la famille. On va en parler un peu plus loin, mais je voudrais vous donner

ici quelques exemples. Je connais des familles d'exploitants agricoles qui, sur le plan de la compétence, en termes d'élevage ou de production, sont des gens extrêmement compétents, mais ils se font avoir dans les affaires, parce que les interprètes, ce sont des enfants qui ont 7, 8, 10 ans. Il ne faut pas oublier que ceux qui sont en avant d'eux autres considèrent ces nouveaux venus... Ils ont la renommée d'avoir un bon porte-monnaie et ils se font assez souvent exploiter. Moi, je le sais très bien pour avoir été obligé de m'impliquer personnellement pour rétablir des équilibres dans le cas d'entreprises, parce qu'on en a chacun dans nos communautés. Dans nos paroisses, quand arrive un bonhomme comme ça, comme confrères en agriculture, on essaie de l'envelopper, de le caresser un peu pour faire en sorte que ces gens-là connaissent bien la situation, sauf qu'ils nous craignent, nous aussi, dans une certaine mesure et c'est assez légitime. Moi, en tout cas, connaissant les racines de l'agriculture, tu n'implantes pas un agriculteur quelque part. C'est comme un arbre, il faut que ça se développe et pour ça il faut avoir un terrain fertile à le faire.

Les trois mesures mises de l'avant... Ah! je voulais juste dire une autre affaire aussi avant de l'oublier! J'écoutais en m'en venant ce matin une nouvelle qui disait que le ministère de l'Éducation, par exemple - ça me surprend, mais en tout cas - va faire des coupures budgétaires assez importantes dans la question de la formation, particulièrement dans le secteur de l'immigration. Je me demande quel est le lien entre une séance de travail comme celle qu'on fait aujourd'hui etce qui s'est discuté à une autre table detravail où on vous coupe vos moyens. Je ne mets pas en cause votre volonté de bien réussir des choses, mais il me semble que la stratégie gouvernementale, le fil conducteur qu'il doit y avoir, je pense qu'il ne faut pas considérer tout le monde comme des innocents.

Le Président (M. Gobé): Monsieur, vous avez posé la question et, comme président de cette commission, je vais me permettre de vous ramener gentiment à l'ordre. Nous sommes ici pour tenir une consultation générale sur l'énoncé de politique en matière d'immigration et non des stratégies gouvernementales. Alors, je pense que la cohérence, c'est qu'on est ici pour écouter vos mémoires sur l'immigration.

M. Boulerice: Écoutez, il est cohérent. Je vous en prie, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Je ne vous empêche pas d'avoir le droit de leur faire part quand même aux membres. Vous savez, on a compris votre message, mais je pense que vous avez posé une question et...

M. Gaudet: Je vous remercie beaucoup de me ramener à l'ordre, mais...

Le Président (M. Gobé): Simplement, gentiment, pour... Vous sembiez douter du but de la commission et le but, c'est de tenir une consultation générale sur les politiques d'immigration et les niveaux d'immigration souhaités.

M. Boulerice: Le doute habite toujours tout le monde, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): M. le député, s'il vous plaît, laissez la parole à...

M. Gaudet: Ne pas semer la confusion au sein de la commission, M. le Président...

Le Président (M. Gobé): Vous pouvez continuer à procéder avec votre mémoire.

M. Gaudet: Je m'en excuse. Moi, vous savez, je suis un agriculteur et on est habitués à faire le lien entre toutes les choses. Parce qu'il n'y a rien, dans la nature, qui soit là carrément tout seul, tout est lié et tout se tient. C'était juste pour ça, c'est à cause de notre habitude de raisonnement, et je m'en excuse auprès des membres de la commission.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): Vous pouvez continuer.

M. Gaudet: Or, les trois mesures mises de l'avant pour supporter le rôle de la langue de travail dans le processus d'intégration linguistique des travailleurs et travailleuses allophones nous semblent très faibles, compte tenu du rôle crucial que joue le travail dans la vie d'une personne et de son effet d'entraînement sur les autres plans. Nous reconnaissons que des progrès ont été réalisés quant à l'intégration linguistique au cours des dernières années. Par ailleurs, il ne faut pas tourner les coins trop rondement et prétendre que dès qu'un jeune est inscrit à l'école francophone le problème de l'intégration linguistique est réglé pour toute la famille.

La fonction sociale dévolue au travail est trop importante pour la sous-estimer. Un nouvel arrivé ne peut se payer le luxe d'apprendre une langue simplement pour son développement personnel. Cet apprentissage doit être fonctionnel pour être significatif et motivant. À quoi sert d'apprendre le français, à quoi équivaut d'envoyer ses enfants à l'école française si le père travaille en anglais? Nous pouvons présumer que toute la famille retiendra qu'il faut parler anglais pour gagner sa vie au Québec.

Toujours dans le domaine de la cohérence des politiques gouvernementales, nous avons également d'autres interrogations sur la synchronisation de la politique d'immigration avec celle

de la main-d'oeuvre, du bien-être social, ou encore celle de la formation professionnelle. Nous ne voulons pas faire ici l'analyse de ces différentes politiques et de leur lien avec la politique d'immigration. Nous ne voulons qu'exprimer le sentiment que tout ne tourne pas rond, qu'un problème existe et que si les immigrants nous forcent à clarifier certaines situations qui embêtent les Québécois d'origine, nous pourrons les remercier d'avoir fait évoluer le Québec.

En regard de la régionalisation, l'énoncé de politique constate que les nouveaux arrivants ont tendance, dans une très forte majorité, à s'installer dans la région métropolitaine. Honnêtement, qui peut les en blâmer? Les états généraux du monde rural, tenus récemment, ont de leur côté fait le constat que nos campagnes se vident au profit des pôles urbains et, tout particulièrement, de la région métropolitaine. Les états généraux ont parlé de désertification humaine de nos campagnes, de désagrégation du monde rural, et on demanderait à un immigré qui vient de la région du Sahel de changer de désert.

Sur cette question, l'UPA ne peut rester silencieuse et ne pas signaler que cet aspect est probablement le gros point faible de l'énoncé de politique gouvernementale soumis à la consultation. Au même titre qu'un nouvel arrivant n'apprendra pas le français s'il ne peut gagner sa vie en français, il ne se rendra pas dans une région du Québec où il ne peut gagner sa vie en travaillant dans cette région.

Le document de l'énoncé mentionne, un peu candidement à notre avis, que les régions pourraient bénéficier davantage de l'immigration pour leur développement économique. On s'appuie sur le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration pour avancer que "les actions visant à promouvoir l'établissement des immigrants à l'extérieur de la métropole doivent nécessairement s'inscrire dans le cadre d'une politique de développement régional." Nous sommes d'accord avec la recommandation du Conseil.

Dans la même page, on affirme que "le Québec poursuit, depuis quelques années, une importante politique de développement régional." Permettez-nous d'en douter, et on pourrait citer des exemples à la tonne pour identifier notre inquiétude. Non, le Québec n'a pas de perspective globale de développement à long terme des régions. Le Québec n'a pas de stratégie de développement du monde rural. Nous n'avons pas de stratégie articulée de développement économique des régions axée sur des objectifs communs et partagés par les populations. Et ce n'est pas parce que les budgets sont acheminés par les deux niveaux de gouvernement dans les régions périphériques que nous avons une politique de développement régional.

La mise en place d'une telle politique est essentielle pour attirer les immigrants vers les régions et compter sur eux pour une relance économique. Les moyens mis de l'avant par la politique pour favoriser la régionalisation, même s'ils sont intéressants, nous apparaissent insuffisants. (10 h 45)

Parmi les moyens supplémentaires à développer, nous souhaitons que les pistes suivantes soient explorées: L'idée des clubs de placement, retenue par les mesures reliées à l'accueil et au soutien à la première insertion socio-économique, nous apparaît suffisamment intéressante pour que nous proposions au MCCI d'implanter un minimum de ces clubs dans chaque région du Québec, en spécifiant qu'un de leurs rôles majeurs est d'amener des nouveaux arrivants dans leur région.

Lorsqu'il est question de la formation interculturelle des intervenants, le document se réfère à une invitation faite par le CREPUQ pour former un groupe de travail ad hoc avec le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, afin de soutenir l'adaptation des universités à la réalité pluraliste, notamment dans le cadre de divers programmes de formation. Autant nous trouvons intéressante cette initiative, autant nous nous demandons pourquoi une invitation similaire n'a pas été faite à des responsables du niveau collégial, pour qui la question de l'adaptation des réalités est au moins aussi importante que pour le niveau universitaire, et probablement plus stratégique, compte tenu que les collèges sont plus nombreux que les universités, sont présents dans toutes les régions du Québec et rejoignent davantage d'immigrants que les universités.

Enfin, nous attirons votre attention sur l'existence, dans chacune des fédérations régionales de l'UPA, des services d'emplois agricoles qui se préoccupent déjà de répondre aux besoins en main-d'oeuvre des producteurs et productrices agricoles. Nous croyons que ces services pourraient jouer un rôle significatif dans l'accueil et l'intégration des immigrants et que le MCCI aurait avantage, au moins, à les connaître davantage, sinon à les utiliser dans une stratégie concertée de régionalisation de l'immigration.

En guise de conclusion, comme nous l'annoncions au début de notre intervention, nous supportons les orientations globales mises de l'avant par l'énoncé de politique, et ce, tant au niveau de défis majeurs à relever que des objectifs mis de l'avant pour y parvenir.

Nous rappelons que c'est au niveau des moyens que des questions se posent, et ce, tant au niveau des budgets qui supporteront cette politique gouvernementale que de leur réalisme au niveau des effets escomptés.

En tant qu'acteur économique important au niveau du Québec, les producteurs et productrices agricoles ne peuvent donc que souhaiter voir se maintenir le poids démographique au Québec, que souhaiter une plus grande prospérité économique

dans un Québec qui affirme encore davantage son fait français, tout en demeurant ouvert sur le monde et aux autres cultures. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Gaudet. Je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre, pour une petite question.

Mme Gagnon-Tremblay: Je veux vous remercier, bien sûr, et, même si vous ne vous considérez pas comme des spécialistes, je trouve vos propos tout à fait... Vos propos ont l'avantage d'être très terre à terre. Vous avez quand même allumé plusieurs lumières, quant à moi, et je prends bonne note de ces propos, entre autres, la question du français. Vous savez qu'on essaie de développer actuellement, avec le ministère de l'Éducation, la possibilité, pour des petites cellules, parce qu'on sait que ces familles se retrouvent parfois un peu isolées d'autres communautés. On essaie de donner des cours de français pour la famille, parce qu'on sait qu'il y a certains problèmes. Je pense aussi au rendement. Remarquez, j'ai des personnes qui ont créé des emplois, c'est-à-dire qui ont développé leurs fermes dans ma propre région. Ce sont des Suisses, des Belges, qui ont des entreprises très florissantes maintenant et qui font même de la transplantation d'embryons et qui sont très reconnus. Mais je pense, comme vous le disiez, qu'il faut les aider.

Quand on parle la langue, déjà, il y a un obstacle en moins, mais quand on ne parle pas la langue... Vous avez développé quelque chose de très intéressant du côté de l'exploitation. On peut exploiter quelqu'un et il ne faudrait pas justement qu'on ait cette image ou cette marque. Il ne faudrait pas laisser cette marque de commerce des Québécois, de vouloir exploiter ces gens qui arrivent. Alors, je pense qu'il y a des choses qu'on peut faire avec vous et j'y reviendrai peut-être un peu plus tard. Mais je sais que j'ai un collègue qui est dans une région très agricole et qui désirerait vous poser des questions, alors je vais lui passer la parole, si M. le Président me le permet. Et je pourrai revenir à la toute fin.

Le Président (M. Gobé): Très bien, Mme la ministre. M. le député de Saint-Hyacinthe, vous pouvez commencer votre intervention. Il vous reste une quinzaine de minutes, à peu près.

M. Messier: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Gaudet. D'ailleurs, je travaille en étroite collaboration avec la fédération de Saint-Hyacinthe et on rencontre souvent ceux qui s'occupent du placement de la main-d'oeuvre. On vit des problématiques assez dramatiques dans la région de Saint-Hyacinthe, et je pense que vous en avez fait mention. D'ailleurs, dans les statistiques, à la page 2, vous faites mention qu'effectivement vous placez quelque 80 personnes en région, dans

Lanaudière, Saint-Jean-Valleyfield et Saint-Hyacinthe, et 75 % de ce pourcentage provient d'origine étrangère. Et si je regarde la région de Saint-Hyncinthe, avec la ferme Spingola c'est environ 70 personnes d'origine mexicaine qui viennent et c'est évident qu'il y a des négociations qui se font toujours avec le MCCI, le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu, et vous pour essayer peut-être d'accroître, en tout cas il y a des négociations. C'est évident que nos gens en voudraient davantage, parce que notre population mascoutaine, ou ailleurs dans la province, n'a pas beaucoup d'intérêt à aller travailler sur les fermes agricoles. Et ça, c'est vraiment dommage Et la problématique, on la vit quasiment tous les jours; principalement, on va la vivre encore pour les prochains mois lorsque les cultures vont commencer.

Vous avez aussi fait mention de développement régional en disant qu'on n'avait pas une politique intégrée en matière de développement régional. Je fais référence aussi à notre problème qui est relativement crucial, et je le vois à tous les jours, principalement quand j'ai fait ma campagne électorale, rang par rang. J'ai vu des pères de famille pleurer, parce qu'ils n'ont pas de relève agricole. Ceux qui en ont ne veulent pas travailler sur les fermes et ceux qui n'ont pas d'enfants, qu'est-ce qu'ils font avec les fermes? Est-ce que vous pensez que, par une politique cohérente d'immigration, il est possible d'aller chercher des immigrants - je pense que vous y avez fait référence dans le texte et, là, je fais référence au fait qu'on a des Suisses, comme à Saint-Simon, qui sont très bien intégrés, et ça fonctionne très bien - et est-ce qu'il y a possibilité d'aller chercher d'autres producteurs agricoles dans d autres pays, les intégrer graduellement chez nous pour qu'ils deviennent des producteurs actifs, ici, au Québec? Et de quelle façon pourrait-on faire ça? Vous y avez fait référence tout à l'heure en disant qu'on devrait, lorsqu'on va chercher des immigrants ailleurs, leur montrer un petit peu tout l'aspect climatique. C'est évident qu'entre deux pays il y a des choses très différentes au niveau climatique, mais j'aimerais ça que vous précisiez davantage de quelle façon on peut aller chercher des producteurs agricoles et les implanter dans des régions à forte concentration agricole.

M. Gaudet: M. le député, il y a deux éléments qui sont importants pour nous autres. Vous soulevez deux points de façon particulière et il faut faire bien attention de ne pas mêler les choses. La question de la main-d'oeuvre agricole, c'est une question qui est complète en soi et qui doit être répondue elle-même dans son contexte particulier. La question du développement de l'agriculture par l'immigration, je ne pense pas qu'il faille compter que là-dessus,

globalement. Mais puisqu'on est à une table de travail...

M. Messier: Sur l'immigration.

M. Gaudet: ...qui aborde cette question-là, il y a certainement un volet intéressant à développer en termes d'outils de développement avec une politique d'immigration qui serait articulée et qui serait basée sur une logique de développement. Mais ça, ça doit se faire avec l'ensemble des partenaires du milieu. Je pense qu'on vient de faire un exercice à l'UPA qui s'appelle les états généraux, où on a convié les partenaires du monde rural dans une discussion qui était plus large, bien sûr, qu'uniquement la question de la production agricole.

Donc, si on veut arriver avec une politique globale qui a une logique - j'entendais, étant arrivé un petit peu à l'avance ce matin, les intervenants précédents parler de l'immigration dans le milieu rural - c'est évident que le monde rural a besoin de se concerter avec l'État pour développer une politique d'immigration articulée. Quelle sera cette politique? Moi, à ce moment-ci, je ne peux pas vous répondre là-dessus. Y a-t-il intérêt à vouloir en développer une? Oui, il y a intérêt à vouloir en développer une, mais en même temps il ne faut pas imaginer que le problème du développement régional, le problème du développement agricole va se régler par une politique d'immigration. C'est un des outils permettant d'arriver à répondre à des questions particulières comme celles que vous avez soulevées. Mais pour quelles raisons n'y aurait-il pas de relève en agriculture au Québec?

M. Messier: Ah! il y a plusieurs facteurs qui entrent en ligne de compte! Le prix des fermes et...

M. Gaudet: Ah! ce n'est pas une question uniquement d'immigration!

M. Messier: Non, non, c'est plus que ça.

M. Gaudet: Ne voulant pas me faire rappeler à l'ordre une autre fois par le...

Le Président (M. Gobé): Non, allez-y, je vous en prie, c'est très intéressant d'ailleurs. Vous êtes dans l'ordre, là, M. Gaudet. Je vous en prie.

M. Gaudet: C'est qu'il y a plus que ça. Et la question fondamentale, c'est toute la question du développement agricole et rural qu'il faut revoir globalement. Bon! Pourquoi, par exemple, mes fils et mes filles chez nous voudraient ou ne voudraient-ils pas prendre la relève? Il peut y avoir des questions qui sont d'attitude ou d'aptitudes des invididus. Mais, en plus, si eux, mes enfants, se rendent compte de ce qu'on peut offrir en comparaison, ce que l'agriculture ou l'exploitation peut offrir en comparaison à d'autres métiers ou à d'autres professions et que je ne suis pas dans le bon système parce que je tire le diable par la queue - excusez l'expression - bien, je veux dire, on vit dans une société à part entière où nos enfants ont au moins le même quotient intellectuel que les autres. Donc, je veux dire que la question du choix se fait en fonction de ce qui est offert comme brochette. Mais, dans ce sens-là, on a intérêt à ce que tout le monde se colle l'épaule à la roue, pas nécessairement pour qu'un par rapport à l'autre soit un vainqueur, mais c'est que la solution globale, elle, soit positive et que les retombées reviennent sur l'ensemble du milieu. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, mais je ne suis pas habitué, moi, de faire ces affaires-là.

M. Messier: Oui. Sur un autre point de vue, là on a touché peut-être des producteurs ou - comment je pourrais dire ça? - des promoteurs ou des agriculteurs qui sont propriétaires, mais au niveau pas nécessairement de la relève, mais des travailleurs agricoles... Je prends la référence Réal Laflamme à Sainte-Rosalie qui est médaillé d'or et un de ses deux travailleurs ou deux employés est un immigrant et j'essaie d'avoir une sorte de politique cohérente. Là, je fais du coq à l'âne. Ce gars-là a des travailleurs mexicains, 70, et, en même temps, il y a beaucoup de travailleurs qui viennent de Waterloo, la prison de Waterloo. On essaie d'avoir... On essaie d'équilibrer... Parce qu'il a quand même besoin d'entre 150 et 200 employés par jour et on essaie d'avoir un certain équilibre et on a des problèmes avec Waterloo, pour avoir toujours le même nombre de prisonniers pour qu'ils viennent travailler sur les fermes agricoles. Et je sais qu'on est en pénurie de main-d'oeuvre agricole. C'en est épouvantable.

Est-ce que dans une politique, dans un plan d'action qui va venir après avec la politique, on devrait "focuser" davantage pour aller chercher des travailleurs agricoles extérieures? Parce qu'il ne faut pas compter sur nos assistés sociaux. Il ne faut pas compter sur la relève. Nos travailleurs, actuellement, ils ne veulent pas aller travailler sur les fermes agricoles. Ils ont besoin d'une qualité de vie. D'ailleurs, il y a des problèmes de relève agricole parce que, lorsqu'ils sont à l'école ensemble, ils voient les conditions de vie d'un citadin, d'un gars de la ville, puis lui est obligé de se lever à 4, 5 heures le matin pour aller faire le train. Il arrive le soir, il va faire le train encore. Il y a une qualité de vie, là, chez les producteurs agricoles, qu'on ne retrouve pas chez des citadins, des gens de la ville. Mais chez des producteurs à l'extérieur du pays, est-ce qu'il y a possibilité d'aller chercher ou de "focuser" davantage en allant chercher des immigrants à l'extérieur? Des Mexicains, prin-

cipalement des Mexicains, parce que ce sont de très bons travailleurs qui aiment la terre. Est-ce qu'il y a possibilité d'aller chercher plus de Mexicains pour venir ici s'établir au Québec et travailler sur des fermes? C'est quoi la coordination? Qu'est-ce que l'UPA pourrait faire pour nous aider au niveau des travailleurs agricoles?

M. Gaudet: M. le député, je voudrais vous dire que pour nous autres, les producteurs agricoles, la première main-d'oeuvre à privilégier, c'est la main-d'oeuvre locale. Et là, il faut regarder la situation dans son ensemble. Pour des producteurs, la décision de semer ou de ne pas semer dans certaines productions est dépendante de la capacité d'avoir de la main-d'oeuvre pour faire l'entretien et la récolte à sa fin. Si je prends ça comme analyse, ce que vous avez fait, dans une certaine mesure, c'est correct. Sauf qu'en même temps que j'ai dit ça, au Québec, on a une responsabilité par rapport aux gens qui sont chez nous, n'est-ce pas? Deuxièmement, par rapport à une décision d'ouverture sur des gens qui viennent d'ailleurs et qui apportent chez nous leur talent, leur expertise, leur volonté, leur capacité de travail, leur engagement, moi, quand j'invite quelqu'un chez moi, il y a un minimum de choses au préalable que je veux savoir. Si je l'invite à dîner, il faut que je commence par savoir si j'ai de quoi à lui donner à manger. Ça, c'est la première des questions qu'il faut que je me pose à moi avant d'apporter l'invitation. Admettons que c'est un peu simple, là, mais ça, c'est une question qui est fondamentale.

Deuxième question, savoir: Est-ce que j'ai une place à la table9 Une fois que je l'ai invité, que je sais que j'ai de quoi à manger, ai-je une place pour lui à la table ou bien si déjà la table est pleine? S'il y a de la place, j'ai une deuxième question de répondue. La troisième question que j'ai après, c'est: Va-t-il rester juste à dîner ou bien s'il arrive pour coucher? Je comprends que, par rapport à l'analyse que vous faites et ce que vous venez de me dire, vous pourrez peut-être identifier ma réponse comme étant un peu simpliste mais pour nous autres, les producteurs, c'est comme ça qu'elle se pose la question. Et là, je vous ai dit tout à l'heure et vous me ramenez sur la question de la main-d'oeuvre étrangère saisonnière. (11 heures)

Bon, c'est évident qu'on a des problèmes de main-d'oeuvre, sauf qu'à ce moment-ci nous autres, comme organisation, notre objectif, ce n'est pas d'être un exploiteur de main-d'oeuvre captive qui vient de l'extérieur et des gens qui viennent chez nous pendant six mois et qui retournent chez eux après et qui reviennent chez nous. Si on a une politique d'immigration qui est un tant soit peu logique, ces gens-là, s'ils viennent gagner leur vie chez nous, pourraient s'installer chez nous et devenir des Québécois à part entière. Ils ne viendront pas faire qu'une chose, chercher une partie du résultat sans avoir à supporter cette province-là ou les infrastructures. Comme citoyens québécois ouverts à cette question-là, il faut la regarder dans une perspective qui est plus large qu'uniquement la question d'avoir une main-d'oeuvre saisonnière. Il faut la regarder dans une perspective où l'immigration peut être un outil pour répondre à des besoins de main-d'oeuvre, un matin, mais ça doit être aussi un outil de développement pour le Québec, pour les régions, pour des productions dans le cas de l'agriculture, pour l'économie, de façon plus globale.

C'est pour ça que j'ai de la difficulté à répondre à votre question sur la stricte question du volume de la main-d'oeuvre. Et notre responsabilité à nous, devant la commission, c'est de demander à la commission d'avoir une perspective ou une vision qui est plus grande qu'uniquement ce type de questions là disséquées du reste de la société. Je pense que vous avez une responsabilité, comme gouvernants, d'être un intervenant majeur par rapport au développement de cette vision-là. Ce qu'on vous a dit dans le mémoire, on vous a dit... Je pourrais vous résumer ça, moi, dans deux petites phrases. On vous a dit: Le plan, ça nous apparaît qu'il a du bon sens. Il a besoin d'être raffiné, par exemple, et il faut qu'il soit raffiné avec les gens du milieu. Donc, il y a une table de travail à créer à laquelle on va mettre les parties en présence, sauf que là où on est inquiet: Ça vaut-il la peine d'aller à la table de travail s'il n'y a rien à mettre au bout sur le plan pratique? On en a - excusez-moi l'expression - plein le casque de se mettre à des tables de travail, de dépenser des énergies extraordinaires pour faire des projets et arriver au bout et dire: Savez vous, là, on n'a pas de moyens pour aller là. La première question à laquelle il faudrait répondre: Qu'est-ce que tu as à mettre sur la table? En as-tu, du bacon, à mettre sur la table? En as-tu, des piastres, à mettre sur la table? As-tu des moyens à mettre sur la table? S'il n'y en a pas, n'en parlons pas parce qu'on crée des illusions et ces illusions-là créent des appétits et un appétit qui n'est pas comblé... Ça prend un agriculteur pour savoir que quand tu as donné l'appétit à quelqu'un, si tu ne lui a pas donné à manger, prépare-toi, il va faire mauvais. Il va faire mauvais, certain

Donc, vous avez une responsabilité, l'État, et cette responsabilité-là, nous autres, on est prêt, on est volontaire à y souscrire, sauf que là où on est inquiet actuellement, c'est de dire: Va-t-on continuer à s'engager dans des démarches où il y a un extra beau discours, mais ça ne se traduit pas dans l'action, même si le discours était parfait. Juste ça.

Le Président (M. Gobé): Très bien, M. Gaudet. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Messier: Est-ce qu'il me reste encore quelque temps avant de...

Le Président (M. Gobé): Oui. M. Messier: Ça va.

Le Président (M. Gobé): Allez-y. J'aurai une petite question, moi aussi, après.

M. Messier: C'est parce qu'il semble, à la lecture non pas de votre document, mais d'autres lectures, qu'il y a un projet-pilote qui est en train de se faire entre le MCCI et le MAPAQ pour définir les principaux paramètres, déterminer des régions, des modes de recrutement des producteurs agricoles, des agriculteurs immigrants. Je pense que c'est déjà une alternative, essayer de trouver un petit peu. Je ne sais pas si vous avez été consultés par le MAPAQ ou le MCCI pour savoir le profil d'un producteur agricole immigrant qui viendrait s'établir. Est-ce que vous avez été consultés par le MCCI ou par le MAPAQ sur un projet comme ça?

M. Besner (Gilles): Je ne comprends pas trop votre question, à savoir: En quoi on aurait pu être consultés?

M. Messier: Je voulais juste savoir. C'est parce qu'il y a un projet. Actuellement, il y a un projet-pilote pour définir certains paramètres par rapport à ce que devrait être un producteur agricole immigrant. Je voulais juste savoir si vous avez été consultés pour définir un peu le profil de ce producteur-là.

M. Besner: C'est parce que vous commenciez votre question en vous référant au projet qui existe actuellement à partir des fonds du MCCI et qu'on mène un autre projet que j'ignore et sur lequel on n'aurait pas été consultés. Je suis un peu surpris qu'on mêle tant que ça les deux problématiques: celle de la main-d'oeuvre et celle de l'immigration. Je veux dire, on n'a pas intérêt du tout. Nous, on s'est retenus beaucoup là-dedans. Ce qu'on vous souligne, c'est, en quatre lignes, qu'il y a des liens à faire avec d'autres politiques: la politique de bien-être social, la politique de formation professionnelle, mais il ne faut pas mêler les deux. Je regardais tantôt...

M. Messier: Mais, moi, je vous dis que Spingola, il fait faillite du jour au lendemain s'il n'a pas ses Mexicains. Ce sont les 10 Mexicains qui viennent travailler. S'il ne les a pas, il fait faillite.

M. Besner: Je ne dis pas qu'il n'y a pas un problème chez Spingola.

M. Messier: Non, mais il y en a d'autres. Je regarde André Chenail qui est député, qui est quand même producteur maraîcher, s'il n'a pas ses Mexicains, il ferme ses portes. On en a besoin de cette main-d'oeuvre parce que notre capacité de Québécois - moi, je le vis, je ne sais pas si vous le vivez - nos Québécois ne veulent pas aller travailler sur les fermes. C'est dur de travailler sur une ferme. Ce n'est pas une panacée.

Le Président (M. Gobé): C'est parce qu'on s'éloigne un peu du sujet. Là, on parle d'immigration temporaire, des travailleurs occasionnels, alors que nous sommes sur l'immigration et les quotas d'immigration permanente. Ceci étant dit, rapidement, vous pouvez répondre pareil, mais juste pour éviter que le débat ne s'embourbe, il y a une direction...

M. Besner: Je pense que c'est essentiel qu'on ne mêle pas les deux, parce que, concrètement, quand on parle des travailleurs mexicains chez M. Spingola, on ne parle pas d'immigration. On parle de main-d'oeuvre saisonnière qui vient ici régler des problèmes qu'on n'est pas capables de régler chez nous. C'est-à-dire que la différence entre un immigré et un travailleur mexicain, c'est que le Mexicain vient ici pour six mois; il sait quand il arrive et il sait quand il va repartir. Mais le travailleur immigré, il va ressembler au gars du bien-être. Le gars du bien-être, il attend le bien-être, il attend le chômage, dans le fond. Il vient travailler en agriculture en attendant. Il ne faut pas confondre les deux parce que, autrement, vous n'irez nulle part avec ça. Ça m'apparaît majeur, au moins quand on pose le questionnement de ces politiques-là, de ne pas confondre les deux, parce que les solutions ne sont pas débrouillées si on pose les deux dans le même paquet.

M. Messier: Vous avez raison.

M. Besner: On parlait tantôt de main-d'oeuvre captive, à Cowansville, il y en a, mais c'est fa seule qui existe au Québec. Il ne faut pas tout mêler, là. Dans ce sens-là, le travailleur immigré qu'on va intégrer au Québec ou qu'on voudra intégrer au Québec ne se mêle pas avec le Mexicain. Il s'identifie aux gens qu'on veut intégrer à temps plein. Il ne sera pas, lui, disponible pour aller trois semaines chez un producteur maraîcher et le restant de l'année se demander quoi faire; sinon, on le retrouve sur le bien-être, comme on retrouve déjà des Québécois.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Besner. Je pense qu'il faut être bien prudent de ne pas mélanger les deux catégories, parce que ce sont des statuts juridiques complètement différents pour les gens. Moi, j'aurais peut-être une petite question à vous poser, M. Gaudet. Vous avez beaucoup parlé des agriculteurs européens qui viennent s'établir au Québec sur des terres.

Moi, personnellement, étant d'origine européenne aussi, j'en connais plusieurs. Je viens d'une région qui est urbaine, mais mes grands-parents sont d'une région d'agriculteurs, j'y vais à l'occasion, et j'ai l'occasion de parler avec quelques-uns.

Une des interrogations que vous avez soulevées, c'est que les gens n'ont pas toujours, selon vous, la vue réelle de ce qui les attend lorsqu'ils viennent au Québec. Là-dessus, je peux aller dans votre sens en disant: C'est vrai, ils s'attendent à trouver des grands espaces, des grosses masses de production, des productions à l'américaine. Il y avait beaucoup de désillusions. Le marché n'est pas le même, la culture n'est pas la même non plus. Ça peut amener, des fois, des gens à investir beaucoup d'argent, à vendre leurs propriétés en Europe, venir acheter ici en étant un peu aguichés par des vendeurs immobiliers. Je me demande s'il n'y aurait pas, dans l'intérêt général du Québec et de ces gens-là, une crédibilité, s'il n'y aurait pas un intérêt à ce que l'UPA se joigne au ministère pour peut-être faire de la promotion ou agir à titre d'organisme-ressource lorsqu'on est sujet à des demandes ou à de la prospection Est-ce qu'on pourrait avoir de la prospection, dans un premier temps? Parce qu'il y en a certainement qui sont intéressés. De l'autre côté, lorsqu'on a des demandes qui viennent sans prospection, est-ce que vous ne pourriez pas, là aussi, jouer un rôle de conseil et dire aux gens: Attention! tu vas t'en aller dans telle chose, telle chose, telle chose! Si tu n'es pas prêt à faire face à telle et telle responsabilité ou telle et telle difficulté, tu vas avoir des problèmes. En d'autres termes, le Québec, ce n'est pas la France, ce n'est pas l'Allemagne, ce n'est pas la Belgique. Comment verriez-vous ça?

M. Gaudet: Écoutez, quand je vous ai dit, au début de notre présentation, qu'on avait encore beaucoup de réflexion à faire, la question que vous nous posez là, c'en est justement une. Nous, on s'interroge au niveau de la profession à savoir comment on pourrait intervenir. En même temps, il y a une autre chose qu'on sait. Le développement du partenariat qui est en train de se faire, actuellement, dans le monde rural, la question qu'on se pose est: Va-t-on être le seul partenaire? Est-on tout seul là-dedans? Si on est tout seul, est-ce qu'on va demander la permission aux autres avant d'agir? Ça, c'est une question. Parce que dans notre tête, à nous, le mot "partenariat", ça veut dire qu'on prend un engagement commun et qu'on s'entend sur la partie qu'on va supporter.

Vous me dites: Est-ce que l'UPA, comme organisation, est prête à faire une démarche de sensibilisation par rapport à d'autres producteurs agricoles dans le monde qui seraient à venir au Québec pour s'assurer que la situation est mise en place? Je voudrais juste vous dire qu'on reçoit dans nos structures, autant au niveau provincial qu'aux niveaux local et régional, des centaines de producteurs agricoles d'un peu partout dans le monde à chaque année qui viennent justement questionner ces points-là, parce que c'est évident que les quelques mauvaises expériences qu'ils ont eues ont des effets. Que ce soit en Europe ou ailleurs dans le monde, ceux qui ont connu des mauvaises expériences ici sont comme vous, ils ont encore de la famille là-bas et l'expérience négative est toujours plus répandue que l'expérience positive. Nous autres, on pense qu'il y a de quoi qui devrait être fait là, sauf qu'à ce moment-ci on a amorcé ce travail-là sur la base d'ouvrir nos structures à accueillir des gens qui, avant de poser des gestes, veulent s'informer, mais on n'a pas développé une stratégie d'aller informer des gens sur leur terrain, chez eux, pour leur dire c'est quoi le Québec d'ici du point de vue agricole.

Le Président (M. Gobé): Le ministère ne devrait-il pas mettre dans ses critères de sélection, avant de donner un visa à un immigrant-agriculteur-investisseur, l'obligation d'une entrevue au moins avec un représentant de l'UPA? C'est une question. Est-ce que ça pourrait être utile?

M. Gaudet: Nous autres, là... Écoutez bien! Il ne faut pas que tu oublies que quand on reçoit du monde... Moi, je les reçois sur ma main et c'est moi qui paie la facture. Si je suis en train de faire votre job et que je paie la facture, je vais y penser avant de dire oui sans réticences, mais, sur le plan d'une logique pure, on s'accorde sur le fait qu'on ne peut pas avoir une politique d'immigration qui ne donnerait pas l'information aux gens qui viennent chez nous. Est-ce que c'est nous qui allons la faire ou bien si c'est l'État? Bien, peut-être qu'on peut trouver une façon de s'en parler et trouver une solution, mais on s'entend sur le fait que l'information doit être bien faite. Si vous n'êtes pas capables de la faire, vous nous le direz, on va regarder un moyen pour la faire.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie de votre réponse. Maintenant, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. Gaudet, M. Besner. Je pense que vous n'étiez pas hors d'ordre, c'était tout à fait à propos de faire état de coupures dans d'autres secteurs. La ministre des Corn munautés culturelles et de l'Immigration n'est-elle pas également vice-présidente du Conseil du trésor? Donc, on coupe à partir des ordres du Conseil du trésor et c'est tout à fait normal que vous choisissiez le bon canal pour faire passer votre message.

Une voix:

M. Boulerice: Vous ne l'avez pas passé. Bon. Je vous informe. Ceci dit, ça peut sans doute peut-être vous paraître un peu paradoxal qu'un député de béton, de néon et d'asphalte comme le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques vous parle d'agriculture, mais que voulez-vous? Si mon collègue, le député de LaFontaine, a des grands-parents qui étaient propriétaires terriens, c'est également mon cas. Le dernier député libéral à temps plein de ma circonscription était un ministre de l'Agriculture qui est passé à l'histoire à cause d'une culotte qu'il avait achetée aux frais de l'État, donc, bien des raisons m'incitent à m'intéresser à l'agriculture comme telle et les questions que j'aimerais vous poser...

Une voix: À défaut d'un manteau! M. Boulerice: Pardon?

Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît! À l'ordre, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Boulerice: Et j'ai toujours dit que comme porte-parole à la culture, M. Gaudet, je n'ai jamais établi de différence entre le sillon et le microsillon. Tous deux sont d'égale importance au Québec. J'ai toujours dit, M. Gaudet, que les pays riches de demain étaient les pays les plus scolarisés et les pays qui produisaient des denrées alimentaires. Ce n'est pas les pays producteurs de pétrole qui seront les pays riches de demain. Ce sont les pays qui vont avoir atteint, non pas uniquement un degré d'autosuf-fisance alimentaire, mais qui en auront suffisamment pour l'exportation. Là est la richesse. Mon collègue vous parlait de son pays d'origine. La France est la quatrième puissance économique au monde. C'est le premier pays producteur agricole en Europe et c'est le troisième plus important malgré que son territoire soit trois fois inférieur au nôtre. C'est le troisième pays producteur céréalier au monde, d'où l'importance économique de l'agriculture. Et je pense que rien n'est plus légitime de votre part que de faire effectivement état de l'importance de l'agriculture. (11 h 15)

Mais quand on fait la jonction entre agriculture et immigration, une question que j'aimerais vous poser est: Un immigrant qui veut venir s'établir ici au Québec, comme immigrant sur une ferme, combien ça lui coûte? Je parle de l'immigrant indépendant. Vous savez, il y a une catégorie qui s'appelle l'immigrant investisseur qui, lui, doit avoir 250 000 $, mais ce n'est pas juré qu'il va aller dans une ferme. Il va peut-être plutôt acheter l'hôtel Shangrila sur la rue Sherbrooke à Montréal, comme ça s'est produit. Mais l'immigrant indépendant, combien ça lui coûte pour s'établir sur une ferme?

Deuxièmement, est-ce que cela a un impact négatif ou aucun impact sur la relève, puisque vous avez parlé de la volonté? Et j'ai aimé que vous fassiez aussi la distinction de vos fils ou vos filles, puisqu'on peut avoir des productrices agricoles aussi.

M. Gaudet: Eh bien, votre question, ça dépend de ce qu'il veut.

M. Boulerice: Disons, en général, une ferme...

M. Gaudet: Une ferme de production laitière au Québec, on ne peut pas penser à quelque chose qui a un certain sens, en termes de volume et d'équipement, si on ne parle pas de 400 000 $ à 500 000 $. Si on parle d'une production horticole, on parie aussi des mêmes montants. Si on va dans les productions céréalières ou fruitières, je pense que globalement on pourrait dire que ça prend 400 000 $, 500 000 $ pour avoir accès ou pour être propriétaire d'une entreprise comme celle-là, sauf qu'il faut comprendre que ce n'est pas nécessairement d'arriver avec 500 000 $. Si on a une mise de fonds suffisamment importante pour avoir accès au financement, mais au minimum je ne pense pas que quelqu'un puisse penser s'établir s'il n'a pas 150 000 $ ou 200 000 $ à mettre en disponibilité au départ.

M. Boulerice: Vos 400 000 $, 500 000 $, M. Gaudet, c'est global, c'est pour l'ensemble du territoire québécois. Est-ce qu'il y a des fluctuations en fonction des régions comme telles?

M. Gaudet: Oui. C'est évident qu'il peut y avoir des endroits, par exemple, je vous donne des exemples bien concrets. Il y a des groupes qui sont intervenus en Abitibi. Ça a été extrêmement positif parce que ça a créé une dynamique. Vous savez, des fois on en a besoin. Vous autres, à l'Assemblée nationale, vous parlez aux gens d'en face. Eh bien, en agriculture, la concurrence, ça prend quelqu'un en avant de toi dans une certaine mesure pour faire cette concurrence-là. La dynamique régionale, si tu tombes tout seul un matin, tu te compares avec qui? Tu te compares avec toi-même. Les miroirs, c'est intéressant, mais ça ne couvre pas toute la partie, ça ne couvre qu'à peu près... En tout cas, moi, il en dépasse un bout chaque bord, en ce qui me concerne.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gaudet: Pour l'agriculture, la question se pose de la même façon. Donc, c'est évident que dans les régions, la mise de fonds originale, si c'est quelqu'un qui a besoin d'une grande superficie de terres, il y a des régions où les terres coûtent moins cher. Ça peut peut-être prendre un peu moins d'argent. Il y a une dynamique qui s'est créée parce que des gens sont intervenus dans des régions. L'autre question qu'il faut se

poser au bout de ça: La dynamique est là pour les gens qui sont déjà les résidents dans ces régions-là, mais si elle échoue? Je compare souvent la dynamique à une baloune. Quand on la souffle et qu'on la regarde aller, on trouve ça intéressant, mais quand elle tombe il y a bien du monde désillusionné. Or, une dynamique, il faut qu'elle soit articulée, de façon à ne pas avoir un effet contre-indiqué si ça retombe. L'exemple des gens qui viennent des Açores en Abitibi en est un.

M. Boulerice: M. Gaudet, M. Mercier, le président de l'Union des municipalités du Québec, tantôt à ma question, répondait qu'il ne saurait y avoir une régionalisation de l'immigration sans, au préalable, y avoir une politique de développement régional. Est-ce qu'on pourrait établir comme un des éléments d'une politique de développement régional une aide à l'établissement sur les fermes pour les nouveaux immigrants? On les aide. Ça, c'est vraiment une très belle et très bonne mesure incitative d'aller en région, n'en convenez-vous pas?

M. Gaudet: Écoutez... Bien sûr, bien sûr que j'en conviens. La question, par exemple, à laquelle on va avoir à répondre, nous autres, les producteurs et les productrices agricoles au Québec - parce qu'il y en a déjà un nombre assez important, pour votre information - si une politique d'immigration donnerait une aide additionnelle ou particulière à quelqu'un qui est un immigrant par rapport à mon fils ou à ma fille pour l'établissement, là on va se questionner, à savoir quel est le lien entre ça et une politique nataliste, par exemple. Nous autres, on va se questionner là-dessus.

Toutes les politiques qu'on va développer, il faut les développer sur une base qui est équitable, aussi, et qui est soutenable. Parce que là, je pense qu'il y a... Même si on fait allusion à des coupures budgétaires ou à des choses comme ça, il faut être réaliste. On vit dans un système économique, actuellement, où les factures qu'on a créées, on n'a pas le choix, un matin, il va falloir les payer. Ça, il va falloir les payer. Ce qu'il s'agit de regarder, c'est: Pour les payer, est-ce qu'on va toujours couper dans le gras ou bien si on va de temps en temps couper dans le vif, pour employer des expressions qui sont de chez nous? Et est-ce qu'on peut penser qu'on va continuer de taxer le monde pour payer la facture?

Écoutez, si vous voulez venir en chercher plus que vous ne venez tout de suite en chercher chez nous, nous autres, on sait une chose, c'est que tu ne peux pas tordre une roche, il ne sortira pas de bouillon de la-dedans. Et là, on est rendus qu'on est la roche, il n'y en a plus de bouillon à sortir de là. Donc, il y a une question, il va falloir être pratique dans cette démarche-là et pour ça, il va falloir probable- ment politiser, entre guillemets, un certain nombre de questions pour être capables de les regarder sur une base qui est réaliste.

Actuellement, tout le monde tient un discours que les gens veulent entendre, mais le vrai discours, ce n'est peut-être pas nécessairement celui que les gens veulent entendre, c'est peut-être un autre type de discours qu'il faudrait tenir. Et ça, quand on est des hommes politiques, ça prend du courage plus que la moyenne. Parce que vous autres, vous êtes obligés... Ou des femmes politiques, oui, je m'excuse. Vous n'êtes pas là à vie, et tous les quatre ans...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gaudet: Et tous les quatre ans, il faut que vous passiez au parloir. Ça, c'est le minimum et parfois, c'est trois ans. Donc, le discours qu'il faudrait tenir, par rapport à celui qu'on tient, parfois il y a une différence entre les deux. Et je ne porte pas d'accusation envers personne en disant ça. Sauf que quand on regarde une question comme celle-là, celle de l'immigration, il faut bien se rendre compte qu'il peut y avoir un discours qui est populiste à tenir là-dessus, il peut y avoir un discours qui est réaliste à tenir là-dessus et il pourrait y avoir un discours qui est plein de rêves mais qui n'est pas réalisable. Entre l'idéal et ce qu'on est capable de faire, il y a quelque chose, là, entre les deux.

Par contre, moi je me dis, et l'UPA, ce qu'on se dit, c'est: Fixons-nous des objectifs, prenons les moyens pour atteindre le premier barreau de l'échelle pour commencer, là. Mais on sait qu'on s'en va par là, on sait qu'on s'en va vers le haut de l'échelle et la difficulté, c'est qu'on n'est pas capables d'atteindre le dernier barreau avant le premier. Commençons par le premier et assurons-nous qu'une fois qu'on a mis les pieds là, on n'est pas déséquilibrés, qu'on est capables de mettre le pied sur le deuxième barreau, c'est juste ça.

M. Boulerice: M. Gaudet, je sais que oui, il y a bien des éléments qui entrent là-dedans. Il y a du départ, et ça, votre Union en a beaucoup parlé, les problèmes reliés aux accords du GATT. Mais dans la question que je vous posais tantôt, si je mettais comme préambule de nouveau à ma question que le Québec se doit de revoir sa politique d'aide à l'agriculture. Parce que l'évaluation que j'en fais, c'est que, s'il y a eu une montée fulgurante, on a malheureusement assisté, durant un certain nombre d'années, à un certain ralentissement, à ce niveau-là Disons que l'État décide de revoir, mais revoir à la hausse, il va de soi, sa politique d'aide à l'immigration, est-ce que ma question devient plus acceptable pour vous?

M. Gaudet: Elle est acceptable votre question, mais dans notre tête à nous, à partir

du moment où on a accepté comme organisation de faire l'exercice du monde rural, on inclut l'agriculture dans le monde rural comme étant des partenaires importants du développement du milieu rural, mais pas le seul. Notre raisonnement est tout à fait simple. Si on veut la politique de développement du milieu rural sur l'unique base d'aller chercher des gens ailleurs et de les amener chez nous, des gens d'autres pays, on va faire une erreur. Ce n'est pas ça. Le tissus régional, ce n'est pas ça. L'immigration, ça peut être une des composantes du développement du milieu rural. Dans cette composante-là, il va y avoir des gens qui vont être intéressés par l'agriculture, mais il va y avoir des gens qui vont être intéressés par la forêt. Il va y avoir des gens qui seront intéressés par les pêches. Il va y avoir des gens qui seront intéressés par l'industrie minière. Il y aura des gens qui seront intéressés par l'industrie manufacturière, ou la transformation de produits agricoles ou agroalimentaires. Pour nous autres, cette question-là, elle se fait dans une enveloppe globale où l'agriculture, c'est un des intervenants. Pour nous autres, c'est sûr qu'on considère qu'on est un intervenant majeur, ça, c'est évident. Mais en même temps, quand vous dites: Est-ce qu'on doit revoir, à la hausse, notre... Je ne sais pas si c'est les volumes d'immigration que vous voulez dire. Nous autres, à ce moment-ci, on est mal équipés pour dire: Oui, il faut augmenter ou, non, il ne faut pas augmenter. On n'est pas équipés pour répondre avec précision à cette question-là.

M. Boulerice: ...l'aide l'agriculture.

M. Gaudet: Ça, avez-vous déjà vu un cheval qui refusait de manger de l'avoine, vous? Je vous ai dit tout à l'heure qu'il fallait être réaliste avec notre démarche. Parce que la facture qu'on crée, on la paie aussi. On la paie aussi. Il faut qu'il en reste de ce monde-là, ceux qui produisent, pour payer la facture. Parce que ceux qui travaillent actuellement et qui produisent, dont le résultat de leur travail, le soir, tu peux le calculer, et faire une facture à quelqu'un, il n'en reste pas tant que ça dans la société québécoise. Il y a bien du monde qui travaille, mais il y en a gros qui ne sont pas capables de facturer ce qu'ils font.

M. Boulerice: Je voudrais aborder une deuxième dimension de votre mémoire, M. Gaudet. Oui, je conviens avec vous qu'il faut voir tout cela à l'intérieur d'une grande stratégie de développement économique. Je vais, avant de vous poser la question sur la deuxième dimension de votre mémoire, peut-être un petit peu répliquer à mon collègue, le député de Saint-Hyacinthe, qui parlait tantôt de se lever à 4 heures le matin pour aller faire le train. J'étais en train de me demander si ce n'est pas plus agréable de se lever à 4 heures le matin pour aller faire le train quand on est dans le milieu rural que de s'engorger durant deux heures de temps dans un bouchon sur le boulevard Métropolitain, quand on est citadin.

M. Gaudet: ...faire le train.

M. Boulerice: Si j'étais un immigrant potentiel, je ne sais pas si je ne préférerais pas aller faire le train à 4 h 30 le matin que de m'engouffrer sur le boulevard Métropolitain.

M. Gaudet: Si vous devenez mal pris, on a du monde pour vous aider à vous diriger.

M. Boulerice: Je ne vous cacherai pas, M. Gaudet, que je n'ai jamais eu l'intention de passer toute ma vie en politique. Et l'un de mes plus grands rêves seraient de reprendre les terres de mon grand-père. Ceci étant dit, j'aurai sans doute besoin de vos conseils à ce moment-là. Mais je ne sais pas si vous êtes de la région de Joliette, entre parenthèses, mais il y beaucoup de Gaudet dans la région de Joliette et si vous avez un lien de parenté avec eux, je peux vous dire qu'ils ont tous leur franc-parier, vous en êtes l'exemple vivant aujourd'hui.

La question que je voulais vous poser c'est que, dans votre mémoire, vous dites que le Québec doit occuper tout le champ constitutionnel de l'immigration. Pourriez-vous développer plus à fond?

M. Gaudet: Je pense que ce n'est un secret pour personne que notre organisation, dans le débat constitutionnel actuel, s'est positionnée. Un des secteurs où il nous apparaît très vital, tenant compte de l'ensemble de la discussion qu'on vient de faire ce matin, un des secteurs qui nous apparaît très vital où le rapatriement des champs de juridiction soit complet, c'est ce secteur-là, bien évidemment. Parce que si on articule ou on développe une politique... on bâtit une politique de développement régional, mais qu'il y a quelqu'un d'autre ailleurs... Et je vais vous donner juste un exemple. Si le gouvernement fédéral nous impose d'avoir des immigrés qui sont d'origine... d'une origine qui n'a aucune affinité, par exemple, avec notre culture, comment voulez-vous que ces gens-là s'en viennent chez nous et qu'ils soient heureux en bout de ligne? Ce n'est pas parce que, moi, je n'aime pas ces gens-là, ce n'est pas la question. Et ce n'est pas parce que, comme organisation, on n'est pas intéressés à ce qu'il y ait d'autres types d'immigrants que des gens qui sont francophones, ce n'est pas la question, sauf que si quelqu'un d'autre que nous autres décide du choix des gens qui vont venir chez nous ou de l'ouverture qu'on fait chez nous, comment voulez-vous que sur le plan pratique on soit capables de développer une politique qui soit le moindrement articulée? Ça,

c'est une des raisons fondamentales pour laquelle on prend cette position-là.

Et là, il y a un certain nombre d'expériences qui ont été vécues là-dedans.

Le Président (M. Gobé): ...s'il vous plaît

M. Gaudet: II y a un certain nombre d'expériences qui ont été vécues là-dedans et, de notre point de vue, il nous apparaît que si on avait eu effectivement les pouvoirs constitutionnels nécessaires on aurait probablement évité un certain nombre de terrains bien glissants. Et c'est pour ça qu'on pose ça comme argumentation.

Le Président (M. Gobé): M. Gaudet, M. le député, en conclusion, s'il vous plaît.

M. Gaudet: Juste pour compléter ma question, je m'excuse, M. le Président...

Le Président (M. Gobé): Oui, allez-y rapidement s'il vous plaît!

M. Gaudet: Je ne pense pas qu'on soit si loin que ça en disant ça de la position de la ministre à ce moment-ci.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. M. le député.

M. Gaudet: Que je pense que vous appuyez...

M. Boulerice: Oui, je suis son contre-ministre,

Le Président (M. Gobé): Son adjoint parlementaire

M. Boulerice: ...et, comme je le dis, je suis tout contre, tout contre elle. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): Est-ce que vous voulez conclure, M. le député.

M. Boulerice: M. Gaudet, M. Besner, au-delà de la verdeur et, donc, de la couleur des propos, je pense que vous nous avez livré des réflexions qui sont extrêmement importantes. J'ai l'habitude de dire dans ma circonscription que mes chauffeurs de taxi sont les meilleurs sociologues ou politicologues au monde C'est souvent à eux que je demande conseil. Mais là je suis en train, parallèlement à notre discussion, de faire une réflexion en disant que, si l'agriculture manque de bras, la politique manque d'agriculteurs.

M. Gaudet: On est convaincus de ça.

M. Boulerice: Je vous remercie.

Le Président (M. Gobé): Merci, M le député. Mme la ministre, en conclusion, s'il vous plaît.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, bon écoutez, moi, je veux vous remercier et je constate qu'on est sur la même longueur d'onde, et j'endosse une bonne partie de vos propos Je dois rappeler cependant que ce concept, c'est un concept qui est tout à fait nouveau, que nous sommes en train de développer. Il ne faut pas se le cacher, c'est que penser faire du développement régional, intégrer l'immigration pour faire du développement régional, on n'a jamais pensé à ça. On n'a jamais pensé qu'on pouvait vraiment l'intégrer pour en faire du développement régional. Et c'est nouveau. On est en train de développer ce nouveau concept, et c'est la première fois qu'on a une politique d'immigration et d'intégration au Québec. C'est la première fois. Donc, actuellement, nous avons l'entière collaboration du MAPAQ, entre autres. Tout à l'heure, mon collègue vous parlait d'une étude. C'est une étude actuellement qui est davantage interne parce que, avant de se lancer sur la place publique et d'aller consulter des gens comme vous ou des spécialistes comme vous, il faut commencer par faire notre propre réflexion. Et après, dans un deuxième temps, et ce sera probablement dans un court moment, nous pourrons aller vous consulter. Je pense qu'il y a beaucoup de questionnement que nous faisons actuellement et il faut trouver les réponses de base. Tout à l'heure, vous parliez de l'information à l'étranger Oui, c'est important. Il faut être capables de bien informer nos candidats à l'étranger et aussi il faut se poser des questions sur la prospection. Je pense qu'il y a, par exemple, une certaine quantité de prospection qu'on peut faire pour amener des gens qui répondent vraiment aux besoins de l'agriculture, mais, comme vous le disiez tout à l'heure, encore faut-il commencer par savoir s'il y a quelqu'un autour de la table, et qui doit manger, et ainsi de suite.

Il y a aussi toute la question de la formation de base. On va devoir se pencher sur la formation de base. Vous avez des gens qui arrivent ici, qui ne possèdent pas la langue, mais qui ont du coeur au ventre, et à qui on ne peut pas demander de retourner à l'université ou au cégep, ou faire des DEC ou quoi que ce soit, mais qui ont besoin d'une pratique pratico pratique. Il va falloir leur enseigner la pratique des instruments. Alors, il y a ça aussi. Il faut se pencher là-dessus. Il y a les secteurs d'activité. Il va falloir identifier avec vous quels sont les secteurs d'activité qui sont rentables aussi et qu'il vaut la peine de développer. Je pense que vous parliez tout à l'heure de la reproduction, des légumes, des petits fruits. On sait que ces gens-là, maintenant, nous font goûter à des fruits ou des légumes forts différents. On ne mangeait pas, avant ça, de mets cambodgiens,

vietnamiens, les mets chinois depuis un peu plus longtemps, mais... Et maintenant on adhère à cette nouvelle nourriture. Il faut voir si notre climat nous permet de développer ces choses au lieu d'aller les chercher, par exemple, dans la grande région de Montréal ou encore à l'extérieur de la province.

Alors, ce sont encore des choses qu'il faut développer, que ce soit dans d'autres secteurs, laitier... L'industrie agricole, c'est l'industrie des nouvelles technologies. Ces gens-là aussi... On retrouve des techniciens parmi ces personnes-là. Est-ce qu'il y a moyen d'améliorer nos propres technologies à partir de ces personnes qui sont ici? Ce sont des questionnements qu'on se pose.

La question du financement. Vous avez des investisseurs qui arrivent ici avec des sommes considérables qui peuvent acheter, oui, une ferme de 500 000 $ ou de 1 000 000 $. Vous en avez d'autres, comme je vous le disais tout à l'heure, qui feraient d'excellents agriculteurs. Je pense à des familles aussi qui ont le potentiel mais qui n'ont pas l'argent. Ils sont démunis mais, par contre, ils ont du coeur au ventre et veulent travailler et feraient d'excellents travailleurs sur la terre. Il faut savoir se poser des questions. Comment on peut aider ces gens-là? Est-ce qu'on peut encore penser à une formule de coopérative pour aider ces gens-là? Vous savez, nous, on le ferait peut-être moins, par exemple, dans un même secteur ou dans une même maison mais ces personnes-là, deux ou trois familles, elles le font. Elles sont habituées de le faire et elles le font et elles peuvent peut-être se regrouper. Il y a les questions...

Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît?

Mme Gagnon-Tremblay: ...des prêts agricoles, aussi. Il va falloir penser à ces personnes-là. Il y a les structures d'accueil. Il va falloir aussi les informer sur les différentes lois, les instruments aratoires. Alors, vous comprenez qu'on est encore à songer, à réfléchir là-dessus et cette réflexion-là va devoir se poursuivre avec des spécialistes. Et moi, j'ai lancé tout à l'heure l'invitation à l'UMQ et je vous lance aussi l'invitation. Comme je vous dis, je sais que vous en avez marre des tables de travail et tout ça mais, moi, j'ai dit: Voyons, dans un premier temps, quels efforts on peut faire, si on peut arriver à faire quelque chose et, une fois qu'on aura répondu à toutes ces questions, si on ne peut rien faire avec l'agriculture, on mettra ça de côté et on pensera à autre chose.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Mais si, cependant, on peut faire quelque chose, on continuera à travailler avec vous autres et, à ce moment-là, on verra ce qu'on peut aller faire.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup.

Mme Gagnon-Tremblay: En tout cas, moi, je vous félicite pour votre réalisme.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Merci, M. Gaudet. Merci, M. Besner. Au nom des membres de cette commission, nous vous remercions de votre prestation. C'est très intéressant. Nous espérons avoir l'occasion de vous rencontrer dans d'autres occasions. Alors, sur ce, je suspends les travaux pour une minute afin de permettre au prochain groupe, soit l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec, de venir prendre place en avant, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 11 h 38)

(Reprise à 11 h 40)

Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec

Le Président (M. Doyon): Nous allons devoir recommencer et je demanderais, dès maintenant, aux représentants de l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec de bien vouloir prendre place à la table de nos invités. J'invite donc M. Gilbert Normand, que je vois en avant, Mme Hélène Dufour, M. Lucien Beaulé et M. Pierre Château-vert à prendre place en avant. Je leur souhaite la bienvenue et je leur demande de se présenter. Après ça, ils disposeront d'une vingtaine de minutes pour faire la présentation de leur mémoire et ensuite... On a l'habitude de dire à la blague que ce n'est pas obligatoire non plus, 20 minutes, maximum 20 minutes disons, et ensuite une période d'échanges entre les représentants du gouvernement et ceux de l'Opposition officielle. Alors, vous ayant souhaité la bienvenue, je vous invite à commencer après les présentations.

M. Normand (Gilbert): Merci, M. Doyon. Mon nom est Gilbert Normand. Je suis maire de la ville de Montmagny, pour vous situer, et président du CRCD Chaud ière-Appalaches. Je représente ici l'UMRCQ qui, elle-même, représente 1180 municipalités au Québec. Je suis accompagné de Mme Hélène Dufour, mairesse de Sacré-Coeur et préfète de la MRC de la Haute-Côte-Nord, à mon extrême droite; M. Lucien Beaulé, maire de Piopolis - c'est déjà un nom exotique - et M. Pierre Châteauvert, secrétaire de l'UMRCQ.

Le Président (M. Doyon): Tous des endroits qu'on connaît.

M. Normand: Merci. Je suis le porte-parole

du comité sur l'immigration en région que l'UMRCQ a mis sur pied l'automne dernier. L'immigration et les régions: deux réalités, deux solitudes. Depuis de nombreuses années, les gens des régions constatent que, contrairement à la réalité vécue dans leur milieu, Montréal est une ville cosmopolite où les rapports entre les citoyens sont de plus en plus impersonnels et surtout reliés à l'activité économique. De plus, ils constatent que les Montréalais de souche et les immigrants ont peu de contact, les uns se regroupant dans certains quartiers du centre-ville, les autres se dispersant sur un territoire de banlieue toujours plus vaste.

Pour les gens des régions, cette réalité peut être déroutante et difficile à comprendre, étant habitués à développer entre eux des liens solides et à partager des valeurs similaires aux plans social et culturel. Le fossé entre le Québec des régions et Montréal ne se limite plus maintenant à l'urbanité versus la ruralité, mais aussi à des changements culturels profonds dont les retombées sont imprévisibles. Je pense que c'est là un fait important à noter.

Notre perception de la problématique actuelle de l'immigration au Québec est donc profondément liée aux relations entre Montréal et les régions. Elle tient compte des aspects de la francisation et de l'intégration des nouveaux Québécois à la communauté déjà en place.

L'énoncé de politique déposé par Mme la ministre constitue pour l'UMRCQ une bonne nouvelle car il démontre une volonté de s'attaquer aux problèmes et d'apporter des solutions qui permettront aux nouveaux Québécois de s'intégrer en participant au progrès de notre collectivité. Cependant, tout en félicitant l'initiative du gouvernement, nous nous inquiétons de l'absence d'une définition claire et de projets précis quant à fa régionalisation de l'immigration au Québec.

Pour l'UMRCQ, si le Québec veut réellement procéder à une régionalisation de l'immigration, les solutions devront s'appuyer sur les besoins des régions. Je répète, les solutions devront s'appuyer sur les besoins des régions et ce sera ensuite au gouvernement de les soutenir par des moyens qui auront été définis conjointement.

L'absence de définitions et de solutions concrètes démontre la complexité de la problématique de l'immigration au Québec. Avec un monde urbain de moins en moins conscient des réalités régionales, l'approche à définir devra remettre en question les conceptions adoptées jusqu'ici, en ce sens qu'il faudra reconnaître l'apport indispensable des régions au développement du Québec. J'ai envie de répéter: II faudra reconnaître l'apport indispensable des régions au développement du Québec et ce, dans tous les secteurs d'activité. Il faudra accepter qu'elles participent à l'élaboration des objectifs de la régionalisation de l'immigration et des modalités pour mettre en oeuvre une telle politique.

Quels sont les objectifs de la régionalisation de l'immigration? Les Québécois sont confrontés à un phénomène de déclin sévère dans les régions, aux plans démographique, social, économique et culturel. Malheureusement, ce déclin est augmenté et peut-être même favorisé par des politiques fiscales récentes. Ce phénomène se présente sous des visages différents qui vont d'un déclin net dans un grand nombre de communautés rurales jusqu'à une déstructuration territoriale et communautaire importante dans les localités à proximité des grands centres urbains.

L'UMRCQ qui a participé activement aux états généraux du monde rural partage avec une quarantaine de groupes représentatifs la conviction qu'il faut contrer ce déclin en inventant de nouvelles voies de développement économique et social, tournées résolument vers une mise en valeur des ressources du monde rural et une prise en charge locale des leviers qui leur permettront de jouer un rôle plus déterminant pour l'expansion de notre société et le mieux-être des Québécois. Dans mon esprit, un Québécois est un résident du Québec et non nécessairement un francophone.

Il est possible d'arrêter l'hémorragie des ressources, des ressources humaines en particulier, par des politiques familiales, par l'immigration ainsi que par un assouplissement des règles de l'adoption internationale. Mais il faut bien se mettre dans la tête, dès le départ, que l'immigration ne réglera pas tous les problèmes à elle seule.

Le choix des ruraux de rejeter toute forme d'attentisme et de fatalité face au déclin est également fondé sur la capacité qu'ils se reconnaissent de prendre en main le développement de leur milieu. Je répète: La capacité qu'ils se reconnaissent de prendre en main le développement de leur milieu parce qu'ils connaissent leurs possibilités et leurs limites.

Si on veut garantir le succès d'une régionalisation de l'immigration, autant l'immigrant devra y trouver son compte que la communauté d'accueil. C'est pourquoi, dans l'état actuel des régions tel que décrit dans le rapport "Deux Québec dans un" du Conseil des affaires sociales et analysé par les états généraux du monde rural, nous considérons que l'immigration devra répondre à des besoins précis. Je pense que c'est important. L'immigration devra répondre à des besoins précis.

Nous croyons ainsi que, dans un premier temps, les candidatures susceptibles de participer rapidement à la vie économique de leur communauté devront être favorisées. En répondant aux besoins de leur nouveau milieu, les immigrants pourraient voir ainsi leur intégration facilitée.

Étant également sensible à l'objectif de favoriser la francisation et l'intégration des immigrants à la collectivité québécoise, l'UMRCQ considère qu'une politique de régionalisation de

l'immigration constituera un excellent moyen. Il est clair cependant que ce ne peut être le seul objectif recherché par un tel exercice.

L'accueil de la population et les rapports avec la main-d'oeuvre régionale. Toutes les régions du Québec ont vécu l'expérience des "boat people", chaque village s'étant organisé pour mettre en place des structures d'accueil afin de permettre à ces gens de rebâtir leur vie dans un nouveau pays. L'accueil des Québécois fut alors extraordinaire. Cependant, tous ces réfugiés ont quitté leur lieu d'accueil pour se retrouver à Montréal ou ailleurs, pour se regrouper dans une communauté plus importante, trouvant difficile de vivre l'isolement de leur famille ou d'un groupe ayant des valeurs communes. L'absence de préparation adéquate des communautés d'accueil et l'improvisation qui a caractérisé cet épisode furent certainement des facteurs du départ de ces gens.

Cette expérience en incite plusieurs à croire que la régionalisation de l'immigration est impensable et que toute tentative se terminera de la même façon. Malgré cela, nous sommes d'avis qu'il faut tenter d'autres expériences, à la condition que certaines mesures de base soient respectées.

Dans les régions qui rencontrent d'importantes difficultés économiques, l'immigrant entrepreneur, ou celui qui pourra rapidement s'intégrer au réseau économique, devrait être pré-férablement sélectionné pour répondre aux pénuries de main-d'oeuvre - comme on le sait, l'argent n'a ni odeur ni couleur - dans certaines catégories de professionnels ou de travailleurs spécialisés. L'arrivée de personnes pouvant pallier de telles carences ne pourra que créer un climat favorable à l'intégration. On devrait ainsi favoriser l'arrivée de professionnels ingénieurs, de travailleurs spécialisés dans l'exploitation de certaines ressources naturelles, de travailleurs agricoles capables de prendre des fermes ou des terres qui sont abandonnées ou sur le point de l'être ou toute autre personne capable d'apporter une contribution à l'économie régionale. On les accueille. Il est normal qu'ils viennent aider selon leurs compétences et leurs capacités.

Tout comme les autres résidents d'une région, il est évident que la meilleure façon d'intégrer quelqu'un à la vie d'une communauté passe d'abord par un emploi valorisant. Toute démarche ou projet de régionalisation de l'immigration devra considérer cette réalité. Ainsi, toujours en tenant compte de la réalité actuelle des régions, il est évident que certaines régions ne pourront accueillir que des personnes aptes à s'intégrer et à participer de façon presque immédiate à la vie économique de la communauté. Avant de procéder, le gouvernement devra également effectuer une analyse poussée de la situation et identifier avec ses partenaires les régions plus susceptibles que d'autres d'accueillir les immigrants. Pour les autres régions, tant que des pistes de solution aux problèmes économiques n'auront pas été identifiées et que l'avenir ne sera pas assuré, il sera difficile d'accueillir les immigrants qui peuvent investir, créer leur propre entreprise ou susciter toute autre activité de nature économique. Ils peuvent aussi investir dans les entreprises existantes. Ils peuvent être une source de ressources humaines et de ressources financières importantes. Les processus de régionalisation de l'immigration devront être connus, conçus en fonction des besoins réels et des volontés tels qu'identifiés par les communautés. La sélection des immigrants nécessitera une planification rigoureuse tant du point de vue professionnel que linguistique. Le ministère québécois de l'Immigration devra donc établir des liens étroits avec les autorités locales, responsables, pour que tous les espoirs de l'immigrant et de la communauté d'accueil soient satisfaits dans la plus large mesure possible.

La rétention des immigrants en région. La rétention des immigrants en région constitue certainement l'aspect le plus délicat de tout ce dossier. En effet, dans l'ensemble des discours que l'on entend sur cette question, on insiste souvent sur l'investissement que doit faire la communauté pour accueillir l'immigrant et sur l'apport positif que celui-ci doit apporter. On est souvent très exigeant envers l'immigrant et, dans le contexte où le respect des droits et libertés de la personne constitue une valeur fondamentale, le rapport entre le droit individuel et l'idée du contrat et des obligations de l'immigrant est difficile à établir. C'est ce qu'on appelle des méthodes coercitives légères; nous allons y revenir un petit peu plus loin.

Un fait, cependant, demeure. Les régions ont besoin de l'apport de nouvelles ressources pour se développer et celles-ci doivent devenir rapidement membres à part entière dans la vie de la communauté régionale, sans quoi il est tout à fait inutile d'investir des énergies dans ce dossier. En plus de ce que l'immigrant peut apporter comme idées nouvelles et dynamismes, différents moyens peuvent être pris pour s'assurer que les nouveaux arrivants s'intègrent rapidement dans leur milieu. D'abord, lors de la sélection, nous croyons que les familles pourraient être favorisées. Se déplaçant plus difficilement que les célibataires et les enfants représentant un facteur important d'intégration, nous croyons que les familles immigrantes devraient être favorisées et constituer un premier critère de sélection à être appliqué.

Le regroupement de plusieurs immigrants de même provenance ou de nationalité rapprochée constituait, selon nous, un autre moyen pour les inciter à rester en région. Se sentant moins isolé et pouvant partager avec d'autres l'expérience vécue, nous croyons que le nouvel arrivant aurait de meilleures chances à tirer profit de son milieu et à participer à la vie de la communauté. D'ailleurs, en facilitant l'intégration par grappes,

les nouveaux arrivants pourront peut-être former leur propre réseau d'entraide avec l'appui de la communauté. Il faudra cependant prêter attention pour éviter les phénomènes de ghetto.

L'organisation des structures locales d'accueil constitue un autre facteur important. Mises sur pied par les municipalités en collaboration avec la MRC, ces structures devraient satisfaire les besoins fondamentaux de l'immigrant et le faire participer le plus rapidement possible à la vie de la communauté. Cette structure devra être souple et humaine, donc, impliquer directement la population locale. Le rôle du ministère sera également essentiel pour garantir le succès de cette intégration. Par un support adéquat apporté aux municipalités d'accueil, c'est-à-dire tant au niveau logistique que des conseils pour appuyer l'action des différents intervenants. Le rôle du ministère dans ces expériences de régionalisation devra toutefois s'adapter aux priorités que se seront fixées les populations concernées.

À ce niveau, il ne suffira pas d'établir un bureau dans une capitale administrative, ou deux ou trois autres COFI. Un contact étroit et constant entre les personnes-ressources et les responsables de la communauté devrait être développé pour que le rôle du ministère soit rempli de façon satisfaisante pour tous.

L'UMRCQ demande aussi à la commission d'examiner attentivement la question de la rétention de l'immigrant en région par des méthodes coercitives légères telles que l'obligation de demeurer dans une communauté pendant une certaine période de temps en échange de la gratuité de certains services auxquels tous les citoyens ont droit en ce moment et ce, même si cela peut s'avérer délicat à gérer sur le plan politique. On sait que ça se fait dans d'autres pays. Dans les cas où l'intégration demande une forme de subvention, exemple l'agriculture, et dans un contexte où nos jeunes ont de la difficulté à prendre la relève de leurs parents, en raison des difficultés économiques, il faudra réfléchir aux mesures les plus respectueuses des objectifs d'immigration et d'équité pour l'ensemble de la population. Conscients que toute solution ne comporte pas que des aspects positifs, il faudra veiller à éviter toute forme d'excès.

La concrétisation de la régionalisation de l'immigration, maintenant. L'UMRCQ considère que les expériences de régionalisation de l'immigration sont réalisables dans un avenir rapproché. Des municipalités ou des MRC pourraient être choisies pour mener une expérience-pilote sur les structures à mettre en place et sur la façon de procéder en ce domaine. Ce projet auquel notre organisation est prête à apporter sa collaboration pourrait servir de modèle à toutes les communautés désireuses de s'impliquer dans le même sens. D'autres mesures pourraient également être envisagées: informer les régions et leur population du potentiel de développement qu'offrent l'immigration et les programmes pour l'intégration des nouveaux arrivants dans les communautés: faire la promotion auprès des immigrants entrepreneurs des potentiels de développement économique des régions où les domaines du tourisme et de l'agriculture doivent être favorisés. Cette campagne d'information devra être honnête quant à la situation véritable de la région pour ne pas susciter de faux espoirs et engendrer des problèmes ultérieurs; permettre aux régions intéressées de diffuser dans les bureaux du ministère à l'étranger leur matériel de promotion, afin d'attirer l'attention des immigrants investisseurs et, finalement, faire en sorte que le ministère soit à l'écoute des régions. Je répète: Faire en sorte que le ministère soit à l'écoute des régions, plus spécialement lorsque des occasions de combler une carence en matière de ressources humaines se présentent. Toute autre initiative visant à définir et à identifier des actions favorisant la régionalisation de l'immigration devrait être supportée par le ministère.

En terminant, Mme la ministre, l'UMRCQ affirme sa volonté de s'impliquer comme partenaire régional dans la mesure de ses moyens, pour travailler avec le gouvernement afin de donner au Québec des régions un moyen de plus pour développer l'économie et assurer le devenir des communautés. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. Mme la ministre, vous avez quelques questions?

Mme Gagnon-Tremblay. Oui, sûrement. Je vous remercie. M. le maire, également. Donc, je voudrais d'abord signaler que vous êtes le premier organisme qui consacre l'ensemble de son mémoire à l'objectif de la régionalisation de l'immigration et je veux aussi vous remercier d'avoir approfondi le sujet. Vous abordez la question dans un esprit constructif et je prends bonne note de l'offre de collaboration avec laquelle vous terminez votre mémoire.

Dans le mémoire. à la page 4, vous exprimez la crainte que les mesures de l'énoncé ne soient trop timides. Alors, moi, je peux comprendre en partie cette préoccupation, parce que cette impression vient probablement de la volonté du gouvernement d'aborder la régionalisation de façon réaliste et responsable, alors même que l'expérience du passé nous a montré, comme vous l'avez si bien mentionné, que la rétention en région est difficile et, naturellement, il y a beaucoup de facteurs aussi. Je dis toujours que la régionalisation, on ne peut pas l'imposer à l'immigrant, d'une part, et on ne peut pas l'imposer non plus à la région. Donc, ce qu'on veut faire, c'est une action. On veut éviter qu'une action trop précipitée en matière de régionalisation ne vienne accentuer des difficul-

tés que vivent déjà certaines régions. C'est pourquoi nous voulons agir en concertation avec ces dernières.

Ma première question est au niveau des expériences-pilotes. Vous proposez d'initier quelques expériences-pilotes de régionalisation. Doit-on en conclure que la régionalisation doit d'abord faire l'objet d'une expérimentation? Dans quelle région, par exemple, souhaiteriez-vous que se tiennent les premières expériences-pilotes? Quelles sont les raisons de ces choix? Et quel rôle, bien sûr, les MRC peuvent-elles concrètement y jouer?

Le Président (M. Doyon): Alors, une des quatre personnes qui sont devant nous...

M. Normand: C'est une question à plusieurs volets.

Mme Gagnon-Tremblay: Commençons par la première.

M. Normand: Je pense que du côté... Si on regarde le côté économique, il y a certaines régions, par exemple, comme la Haute-Côte-Nord, qui ont actuellement un besoin de main-d'oeuvre; d'autres régions aussi, comme la région de Portneuf, ont besoin d'une main-d'oeuvre spécialisée, si on parie de la main-d'oeuvre spécialisée. Par contre, d'autres régions aussi ont besoin de support financier, si on pense à des régions comme la Gaspésie, par exemple, ou même l'Abitibi. Dans quelle mesure? Je ne peux pas vous le dire de façon très précise. Peut-être qu'à ce moment-là des nouveaux investisseurs pourraient être orientés dans ces régions-là, de la main-d'oeuvre spécialisée pourrait être orientée dans ces régions-là. C'est pour répondre à votre question en tant que région. (12 heures)

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce qu'on peut en faire une expérimentation, est-ce qu'on se doit d'en faire ...de l'aborder d'une façon expérimentale?

M. Normand: Bien écoutez, moi, je pense que oui, dans le sens que si on veut suivre le processus que nous, on propose ici, à savoir qu'on peut par exemple aller à l'extérieur, dans d'autres pays, faire de la prospection et, à partir de cette prospection-là, expliquer aux gens, justement, où ils s'en viennent, le language qui se parle, le moyen de communication qui se parle, parce que le language est un moyen de communication, ce qui est très important pour les immigrants, et aussi ce qu'ils vont trouver en arrivant... Et aussi leur dire de quoi nous avons besoin actuellement. Si on a besoin de pâtissiers, on fera une recherche en vue de trouver des pâtissiers. Si on a besoin de techniciens spécialisés, la recherche se fera dans ce sens-là. Mais là-dessus, je pense qu'il y aurait probablement une expérience à tenter.

Mme Gagnon-Tremblay: Voyez-vous, on remarque deux choses. D'une part, on nous dit et on le constate aussi, puisque le taux de rétention en région n'est pas toujours celui qu'on désirait... On se rend compte que quand, par exemple, il y a une espèce de noyau, un noyau d'une certaine catégorie, c'est-à-dire de certaines nationalités, par exemple, ou de certaines ethnies, on est plus porté à y demeurer, parce qu'on a vraiment l'impression qu'on est avec les nôtres, surtout lorsqu'on vient d'arriver. Donc, on ne peut pas développer, par exemple, toutes les régions du Québec en même temps, compte tenu de ce phénomène-là et compte tenu aussi du fait que ça demeure aussi des services de première ligne, des services d'accueil, des services de référence, des services...

Et aussi, c'est toute la question de l'emploi. Actuellement, nous avons... nous voulons développer, commencer à expérimenter au niveau de cinq régions du Québec, là où il y a déjà un certain noyau de familles, là où on a déjà aussi, bon, des centres de formation pour la francisation. Ça n'empêche pas, cependant, qu'on puisse développer d'autres services ailleurs. Vous savez que là où on n'a pas de ces centres, on peut par exemple faire des ententes avec les commissions scolaires locales et offrir quand même des cours de français.

Donc, nous voulons développer davantage. Alors ça, on a ça, d'une part. On voit qu'il y a quand même certaines réticences, on voit que pour être capable d'attirer en région et de retenir, il faut aussi avoir certains noyaux. D'autre part, vous avez des gens qui sont dans la grande ville de Montréal, mais qui vivent le désespoir parce qu'ils n'ont pas d'emploi et qui pourraient fort bien, à ce moment-là, occuper des emplois. Vous parliez tout à l'heure de main-d'oeuvre spécialisée, et on en a. On n'a pas besoin même d'aller les chercher encore à l'extérieur parce qu'il y en a qui sont arrivés et qui sont encore à la recherche d'emploi. Et parfois, le réseau n'est pas suffisamment développé pour connaître ou pour identifier ces personnes qui sont à la recherche d'emploi parce que ce sont des personnes qui arrivent, donc elles n'ont pas travaillé, elles ne sont pas sur l'assurance-chômage.

Ce sont des personnes, aussi, qui ont un certain montant d'argent en arrivant, donc elles ne sont pas sur l'aide sociale. \\ faut être capable d'identifier ces ressources qu'on a déjà. Et pour ces régions un peu plus éloignées, là où il y a des besoins de main-d'oeuvre, je pense que si on connaissait bien, on pouvait identifier ces besoins, il y a sûrement quelque chose qu'on pourrait faire, il y a une relation qui pourrait s'établir et un certain jumelage qui pourrait se faire. Mais ces régions-là ont un défi, par contre, incroyable, pour pouvoir retenir... Il va falloir que ces personnes qu'on envoie pour les raisons que je vous ai données tout à l'heure,

entre autres du noyau, il va falloir que ces personnes-là tombent en amour avec les régions.

Et pour tomber en amour avec les régions, il va falloir que l'accueil soit chaleureux, il va falloir que les familles s'en occupent, il va falloir que les familles québécoises s'en occupent, il va falloir que la région s'en occupe. Parce sans ça, je pense qu'on ne réussira pas à relever ce défi-là. Est-ce que vous croyez qu'on est prêts à développer ces types de collaboration?

M. Normand: À mon avis, oui. Plusieurs régions sont prêtes actuellement à développer ce type d'accueil là. D'ailleurs, j'ai été assez surpris, lors des états généraux, alors que personnellement j'ai fait une présentation dans la région de la Côte-Sud, de voir la réaction des personnes en place. Il y avait environ 250 personnes dans la salle et je dirais que 8 sur 10 des personnes, à ce moment-là, sur le sujet de l'immigration, étaient très réceptives.

Alors, moi, je pense qu'actuellement les structures sont prêtes. Plusieurs municipalités, plusieurs MRC ont déjà des organismes de représentation, tel leur conseil économique, qui vont à l'étranger chercher des investisseurs, chercher des ressources humaines. Alors, il y a des structures qui sont en place, qui ont déjà commencé ce type de travail là et ils ne demandent pas autre chose que d'avoir un appui supplémentaire là-dessus. Je donne juste un exemple: juste le jumelage de certaines villes, à un moment donné, favorise la venue d'immigration. Ce n'est pas sur une haute échelle, mais ça explique quand même ce qu'on veut dire. J'ai vu chez moi, à Montmagny, un boulanger aller chercher un pâtissier qu'il n'était pas capable de trouver au Québec. Apparemment que les pâtissiers, c'est très rare. Il est allé le chercher en France et maintenant sa "business" fonctionne très bien parce qu'il a trouvé un pâtissier compétent. Il y a d'autres secteurs comme ceux-là, et je pourrais vous en nommer plusieurs, où on peut aller chercher de la main-d'oeuvre spécialisée. Et ces gens-là ne viennent absolument pas enlever les emplois des autres. Au contraire, le pâtissier permet que l'industrie en engage 11 autres.

Mme Gagnon-Tremblay: Vous savez, justement, le ministère de l'Immigration, par l'entremise de ses 15 bureaux à l'étranger, un peu partout dans le monde, peut aussi vous aider à faire ce type de prospection, que ce soit, par exemple, au niveau des investisseurs ou des gens d'affaires, des entrepreneurs. J'avais l'occasion, justement, de discuter avec le Conseil économique du Canada, l'opinion avec laquelle je n'étais pas tout à fait d'accord, j'étais un peu sceptique quand on disait qu'on ne reconnaissait pas l'apport économique, que c'était neutre jusqu'à un certain point. C'est parce que je pense qu'on ne le regarde pas au même niveau.

Mais lorsque, par exemple, il arrivera 2000 entrepreneurs, dans le courant de la présente année, ici, au Québec et que ces personnes-là auront l'obligation de créer dans leur entreprise au moins trois emplois incluant les leurs, à ce moment-là, je dis: C'est quand même un investissement et il s'agit cependant d'avoir les outils nécessaires, les structures nécessaires pour les aider à développer leur projet. C'est sûr que, par exemple, souvent, je remarque... Parce que, moi aussi, je viens d'une région et je suis très régionaliste et je travaille énormément dans ma région pour le développement régional. Je sais ce que les autres régions ressentent et je trouve que c'est important, cependant, que l'on puisse identifier les secteurs d'activité et que l'on puisse aider ces personnes à développer. Parce qu'on ne peut pas tout développer. Je pense, par exemple, à la région de Sherbrooke; quand bien même je penserais à des secteurs... On a le secteur du textile, on a le métal, on a le plastique, mais dans d'autres régions vous avez d'autres secteurs qui sont beaucoup plus attractifs aussi. Je pense que, nous, il faut connaître ces secteurs-là. Il faut le savoir, si vous voulez qu'on fasse de la prospection. Parce que chaque région, chaque commissaire industriel s'en va dans des pays pour aller faire de la prospection. Et on a à peu près tous le même langage au Québec. Dans une même région, chaque ville va aller faire sa prospection. Et moi, je sais par exemple que, par expérience, les représentants de Sherbrooke partent, ils disent: On a l'Université de Sherbrooke dans Sherbrooke et on a l'Université Bishop qui est une université anglaise à Lennoxville. La ville de Magog va dire: On a également l'Université de Sherbrooke et on a également l'Université Bishop et les gens de l'extérieur sont tout mélangés. Mais où est située l'université? Quelle différence y a-t-il entre les deux villes? Je pense qu'il faut avoir aussi un discours cohérent, d'où l'importance, bien sûr, d'un bon développement régional Dans ce sens, je pense que c'est important, il faut identifier ces secteurs-là Nous, on a besoin de ça. Comme je vous dis actuellement, nous sommes en train de l'expérimenter dans les cinq directions régionales, là où nous avons déjà des personnes Cependant, là où il n'y en a pas, ça ne veut pas dire qu'on n'est pas capable de faire le travail avec vous et qu'on n'est pas capable d'expérimenter ces projets-là. Cependant, il faudrait nous identifier ces secteurs d'activité.

M. Normand: Je pense que M. Beaulé voudrait ajouter quelque chose.

M. Beaulé (Lucien): Simplement pour renchérir sur ce que vous avez mentionné tout a l'heure, Mme la ministre, concernant la bienvenue de l'immigrant en région. Il est sûr, et c'est une chose qui a manqué autrefois, parce que, pour que l'immigrant puisse rester en

région, it faut que la population soit réellement informée d'avance et qu'elle reçoive l'immigrant, que l'immigrant n'arrive pas en région, comme on voit trop souvent, un voleur de job, pour employer une expression bien populaire, mais qu'ils le voient comme un investissement de ce qui s'en vient. On a réellement beaucoup de travail à faire en région. Même dans les grands centres, c'est un travail qu'il faut qu'il se fasse aussi pour exempter les ghettos qui se font présentement.

Le côté de la régionalisation, c'est sûr qu'il y a des régions qui sont beaucoup plus... Je m'excuse. C'est pour ça qu'on mentionnait d'avoir des projets-pilotes, parce que ça peut s'expérimenter davantage. Même dans des régions, il y a plusieurs régions qui sont réellement assez préparées pour ça, au point de vue réception, côté commissariat industriel ou commissariat au tourisme, avec les possibilités de développement additionnelles. Mais encore là, ça demandera une collaboration du ministère pour pouvoir informer les régions davantage sur l'apport économique que l'immigrant est appelé à apporter dans la région.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Beaulé. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. Mme la mairesse, MM. les maires, M. le secrétaire, et puis avec forcément des salutations particulières à M. le maire de Piopolis. J'ai séjourné tellement longtemps l'été à Graniteville.

M. Beaulé: Merci, monsieur. Ça me fait plaisir. Vous savez pourquoi le nom est Piopolis?

M. Boulerice: Non, et j'aimerais bien l'apprendre.

M. Beaulé: Si vous permettez juste un instant.

Le Président (M. Doyon):...

M. Beaulé: C'est que c'est une ville qui a été fondée par les zouaves pontificaux. Et ça vient du grec...

M. Boulerice: Pius Polis.

M. Beaulé: C'est ça.

M. Boulerice: La ville de Pie...

M. Beaulé: Exactement la ville de Pie, c'était au temps de Pie IX, quand les zouaves avaient été... au temps des problèmes de Garibaldi, et puis le village a été fondé par 12 zouaves pontificaux qui étaient venus, non pas tellement rester dans la région, eux, il y en a un seul qui a établi famille et qui est resté de façon per- manente. D'autres ont fait un peu comme on parle de nos immigrants, ils ont été s'établir ailleurs. Et c'est le premier village qui a été établi dans le coin, avant Lac-Mégantic, etc.

M. Boulerice: Bon, alors j'ai appris. M. Châteauvert, je vous en remercie, surtout que vous m'avez également donné l'occasion de... M. Beaulé, je m'excuse... de pratiquer une science que j'aime beaucoup, qui est l'étymologie, et oui, la racine des mots, n'est-ce pas? Je remarque qu'en page 9, et c'est un bref commentaire que je vais faire sur votre mémoire, vous dites: "Avant de procéder, le gouvernement devra également effectuer une analyse poussée de la situation et identifier avec ses partenaires les régions plus susceptibles que d'autres d'accueillir les immigrants. Pour les autres régions, tant que des pistes de solutions aux problèmes économiques n'auront pas été identifiées et que l'avenir ne sera pas assuré, il sera difficile d'accueillir les immigrants qui peuvent investir, etc. Alors, je pense qu'à ce niveau-là on se rejoint, à savoir que oui, on peut parler de régionalisation, mais il faut avoir d'abord et avant tout une politique de développement régional des régions. Et ma collègue députée de Chicoutimi fait une phrase que j'ai toujours appréciée, en disant: Le Québec est un corps. La ville de Québec étant la capitale, c'est la tête, Montréal étant la métropole, ce sont les poumons. Mais quel corps avons-nous si, par malheur, les membres sont atrophiés? Et, pour elle, les membres sont les régions. Alors, un corps dont les membres sont atrophiés n'est pas un corps sain et un corps viable. Je pense qu'on s'entend sur ce point-là.

Maintenant, vous avez dit tantôt, M. Normand, maire de Montmagny, où j'ai d'ailleurs d'excellents amis... Vous avez parlé de mesures légèrement ou enfin... des mesures légèrement coercitives. Et vous avez dit: Je vais développer un petit peu plus tantôt. Alors, je vous en donne l'occasion.

M. Normand: Les mesures coercitives qu'on a qualifiées de légères, on parle par exemple d'incitation à demeurer dans un certain endroit durant un certain temps pour avoir droit soit à l'éducation gratuite, soit aux services sociaux et de santé gratuits, comme ça se fait dans certains pays. C'est-à-dire que les gens ont droit à leur éducation gratuite en autant que les enfants vont à l'école dans telle ou telle région. Par exemple, ils vont avoir droit aux services médicaux gratuits en autant qu'ils demeurent dans telle région pour une période de deux, trois, cinq ou sept ans dépendant de certains pays. C'est ce qu'on entend un petit peu là, grosso modo, comme exemple - je vous donne ça comme exemple, il peut y avoir d'autres méthodes - par méthodes coercitives légères.

M. Boulerice: M. Normand, puis-je vous

demander quels sont ces pays? Ce sont sans doute des pays de grande démocratie?

M. Normand: II y a la Suisse, entre autres, qui fait ça et le Maroc aussi le fait. Les gens qui sont du côté rural, pour avoir droit de s'en venir en région, c'est-à-dire en ville, ils doivent avoir une permission spéciale de leur gouvernement. Ce sont les deux que je connais.

M. Boulerice: Parce que quelqu'un me faisait remarquer que, quand on voulait investir au Mexique, on avait la liberté de le faire sauf qu'on devait avoir un partenaire mexicain. Je vous dis ça là parce qu'il y en a plusieurs qui pourraient être tentés de hurler au loup et de dire: Mais nous ne respectons pas notre Charte des droits et libertés. Alors, je pense que la définition que vous donnez, légère, etc., n'est pas, à mon sens, une limitation des droits mais bien des incitatifs, disons peut-être pas musclés - "musclés" n'est pas le terme sans aucun doute - mais des incitatifs de façon à ce qu'ils restent en région. Pour ma part, moi, je n'en fais pas un cas de conscience au point où je veux... (12 h 15)

M. Normand: ...contrôle aussi qu'on le voit.

M. Boulerice: D'accord. Vous favorisez, dans votre mémoire, une sélection familiale. Alors, dans le cas où le ministère opterait pour cette solution, enfin, pour cette orientation-là que vous souhaitez, est-ce que, d'après vous, il devrait évaluer les chances d'intégration de tous les membres d'une même famille?

M. Normand: Écoule?, on n'est pas restric tifs quand on parle de familial. Peut être que Mme Dufour voudrait répondre à cette question.

Le Président (M. Doyon): Mme Dufour?

Mme Dufour (Hélène): Non. Je ne pense pas, comme M. Normand vient de le dire, que ce soit restrictif mais on pense que, si c'est une famille qui vient s'établir, on a plus de chances que ces gens-là demeurent en région parce que les enfants s'intégrant, d'après nous, plus facilement que les adultes, bien, ça peut avoir un incitatif là pour les gens de demeurer en région alors que si vous prenez quelqu'un qui est tout seul, bien, c'est beaucoup plus facile pour lui aussi de se déplacer peut-être que si c'est une famille qui a déjà, en tout cas, dont au moins un des parents a déjà un travail en région. Et ce serait bien tant mieux si on réussissait à avoir du travail pour toute la famille, là, mais à un certain moment il ne faut pas se leurrer, ça dépend également dans quelle région les gens vont aller. Parce que je pense que, dans notre mémoire, on insiste beaucoup sur ce qu'on considère comme important. Les gens, il faut qu'ils aient un travail valorisant et ce travail-là, ils vont le retrouver en autant qu'il y ait du travail en région. C'est pourquoi on se dit également que le gouvernement du Québec doit vraiment avoir une volonté de développement régional à tous les niveaux, pas seulement au niveau de l'immigration.

Il y a une autre chose que je voulais peut-être ajouter même si on ne m'a pas posé la question mais, tout à l'heure, suite à l'intervention de Mme la ministre, si vous me permettez, on parlait de vendre les régions à l'étranger. Je pense que là-dessus il y a une chose très importante, il faut être très honnête en vendant nos régions à l'étranger. L'exemple que Mme la ministre donnait en disant que tout le monde se réfère à l'Université de Sherbrooke, à l'Université Bishop, je pense que, quand on va vendre une région à l'étranger, on doit situer la région et la situer vraiment. Parce que, en tout cas... Moi, je viens de la Côte-Nord et la Côte-Nord, c'est tout un monde et c'est 1400 kilomètres de côte, là. Alors, c'est très différent si vous vendez la Côte-Nord en parlant de Sept-îles ou si vous vendez la Côte-Nord en parlant de Blanc-Sablon ou si vous vendez la Côte-Nord en parlant de Sacré-Coeur ou de Tadoussac. Alors, il faut être très honnête dans la vente des régions à l'étranger et bien situer la région par rapport, justement, peut-être, aux centres les plus rapprochés où on trouve les services dont parlait Mme la ministre tout à l'heure.

M. Boulerice: Mme Dufour, votre région, c'est, géographiquement, 24 fois le Luxembourg

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Vous avez de lespace, mais rien, encore là, n'est plus normal que d'aller vendre votre région. Ça, je me permets de l'ajouter à votre propos. Je prends toujours à l'appui mon.. Malheureusement, il a dû quitter la commission, mais mon collègue, le député de LaFontaine, qui connaît bien la France, va vous dire qu'il y a de grandes offensives de la part des régions françaises pour vendre leur région et ils ne la vendent pas, eux, actuellement dans un contexte d'immigration puisque la France n'est pas en demande d'immigration, mais au point de vue économique. Prenons en exemple, et je suis persuadé que vous trois, en tant que maire, avez sans doute eu des contacts, le Languedoc-Rous-sillon, le Béarn et tout cela, le Nord-Pas-de Calais. Donc, je pense qu'effectivement on pourrait vendre des régions quand on vend globalement -- vous me permettrez l'expression latine, M. le maire de Piopolis - le grand "package deal" qu'est le Québec.

Ceci dit, avant de vous poser une deuxième question, je vais vous dire que je ne crois pas que l'on puisse un tant soit peu mettre en doute la chaleur de l'accueil des régionaux. J'ai trop

parcouru ce beau Québec et vos régions pour penser autrement et je serais même prêt à dire... D'ailleurs, je le dis publiquement puisqu'il y aura l'enregistrement de nos débats, je suis même prêt à dire que les régionaux pourraient donner à bien des métropolitains des leçons d'accueil et de chaleur au niveau de l'accueil.

Ceci dit, vous faites état également, dans votre mémoire, du concept de nationalité rapprochée. C'est quoi, pour vous? Est-ce que c'est la dimension que je donne de francophonie et de latinité où des statistiques très récentes nous prouvent qu'il y a une insertion plus rapide au niveau de la communauté francophone?

M. Normand: Écoutez, la nationalité rapprochée, je l'ai signalée tout à l'heure, quand on parle d'un Québécois, on parle d'un résident du Québec.

M. Boulerice: Si vous me permettez, un citoyen... Ça, c'est la définition que donnait M. Lévesque: un Québécois est quelqu'un qui réside au Québec et qui l'aime suffisamment pour en faire sa patrie...

M. Normand: Absolument.

M. Boulerice: ...et, moi, j'ajoute toujours qu'à l'immigrant aussi, je ne lui demande pas de devenir un Canadien français. Je ne lui demanderai pas d'apprendre à giguer, mais je vais simplement lui demander d'assimiler notre langue et une certaine partie de notre culture, mais je ne l'obligerai pas à la tuque et aux bas de laine. Nous-mêmes, d'ailleurs, on les laisse tomber. Mais je vous laisse poursuivre, M. Normand.

M. Normand: De toute façon, je pense qu'il y a un problème qu'il faut voir de façon globa-ble. C'est que l'immigrant, qu'il vienne de l'Occident ou de l'Orient, lorsqu'il s'en vient chez nous, en Amérique - il faut bien dire en Amérique - et que sur la carte il y a un petit point qui s'appelle le Québec, pour lui, avant de partir de chez lui, si on ne le lui dit pas, il s'en vient en Amérique où il y a au-delà de 300 000 000 d'habitants qui parlent anglais et, à travers ça, 5 000 000, 6 000 000 d'habitants qui parlent français.

M. Boulerice: Correct.

M. Normand: Lui, il va apprendre le moyen de communication qui va lui permettre de communiquer avec le plus de gens possible. Surtout si on lui dit: "Ne te bâdre pas de ça, au Québec, de toute façon, tout le monde parle anglais. Souvent, c'est ce qui arrive et, ça, je l'ai entendu de la bouche de gens, d'immigrants qui sont ici actuellement, au Québec, qui se le sont fait dire au moment de partir de chez eux il y a quatre ou cinq ans.

Il ne faut pas oublier que les gens, lorsqu'ils s'en viennent, viennent gagner leur vie. Pour gagner sa vie, on le sait, il faut savoir communiquer. La communication est importante et c'est pour ça qu'on insiste beaucoup sur le fait qu'avant que les gens partent, que ce soit de Hongkong, de la Suède ou de l'Arabie, il faut qu'ils sachent que s'ils veulent vivre au Québec, en région surtout, il va falloir qu'ils apprennent le français. Et s'ils s'en viennent vivre en région et qu'ils n'ont pas la volonté d'apprendre le français, ils vont peut-être pouvoir continuer à vivre là, si le positif est plus fort que la contrainte d'apprendre cette langue-là, mais s'ils n'ont pas la volonté d'apprendre la langue et que, subitement, ils peuvent avoir les mêmes avantages dans une autre langue, à ce moment-là, on sait très bien ce qui va se passer. Quand on parle d'être honnête dans son recrutement, il faut faire mention aussi du problème de la langue.

M. Boulerice: Je ne sais pas, je pense que vous vouliez ajouter quelque chose. J'ai une dernière question à vous poser.

Une voix: Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?

M. Normand: Non, ce n'est pas sur ce côté-là. Je voulais revenir sur ce que Mme Dufour avait mentionné tout à l'heure concernant la politique familiale, un point important dans ça, et on le signale aussi dans le mémoire. Mais j'aimerais renchérir un petit peu sur ce côté. On sait qu'on a énormément de dénatalité au Québec. C'est un problème, pas rien qu'au Québec, c'est en Amérique et c'est un peu mondial. Pour pallier ce côté-là, nécessairement, l'immigration devrait aider à favoriser davantage l'adoption internationale. Je comprends que c'est un problème à long terme, mais n'empêche que ça pourrait aider énormément. On a beaucoup de parents qui seraient intéressés à adopter des enfants, mais, à l'heure actuelle, ça prend des gens qui sont fortunés pour être capables d'adopter des enfants, en plus de toutes les tracasseries. J'en sais quelque chose, parce que ma fille et mon gendre ont adopté un enfant. Ça a pris des années et des années et ça a coûté plusieurs milliers de dollars en suivant la politique normale d'adoption. Il y a certainement des possibilités d'améliorer ce côté aussi et ça pourrait être de nature à aider.

M. Boulerice: J'ai beaucoup apprécié cette remarque, M. Beaulé. La moyenne est quelquefois de sept ans. Si votre fille l'a fait, ma secrétaire l'a fait, mais ça a été un calvaire pour elle, cette attente épouvantable.

M. Beaulé: Ils devaient en adopter deux, et ils en ont pris juste un parce que, pour le

deuxième, ils n'ont jamais refait les procédures. Ça a pris des années et des années. Ils commençaient avec un pays et, finalement, quand ça venait tout près, ça ne marchait plus. Il y avait toujours un tas de tracasseries épouvantables. Ça a pris une énergie énorme.

M. Boulerice: Une toute dernière et brève question - parce que je suis vraiment désolé, je dois faire un enregistrement à la radio à midi trente - vous parlez du rôle de la municipalité et de la municipalité régionale de comté dans le processus d'accueil. Est-ce que vous pouvez nous dire où les municipalités pourront assumer un nouveau rôle en ce sens, sans l'appui financier du ministère si on tient compte de la récente réforme de la fiscalité municipale?

M. Normand: Non seulement ils vont pouvoir, mais ils vont être obligés. Parce que dès cette semaine - on parlait d'adoption tout à l'heure - il y a une personne qui m'a appelé au sujet d'un regroupement de familles qu'ils ont fait dans la ville de Montmagny. On a recruté 34 familles pour recevoir éventuellement des Irakiens, des enfants irakiens. Si jamais ça se produisait et on nous demandait si on acceptait de payer le transport pour aller les chercher à l'aéroport... Notre réponse a été oui, mais c'est sûr et certain qu'avec les contraintes il va falloir aller chercher l'argent ailleurs parce qu'on n'en aura plus chez nous tantôt.

M. Boulerice: Mme la préfète, M. le maire, M. le secrétaire, on a vu, lors des audiences de la Commission Bélanger-Campeau. l'Union des municipalités du Québec, l'Union des municipalités régionales venir faire entendre leur voix, accompagnées de bien d'autres maires dans les différentes régions et on a vu que les administrations municipales, les gouvernements municipaux voulaient de plus en plus être partie prenante dans tous les dossiers qui concernent la nation. Je dois vous dire que j'ai très longtemps souhaité cette décision de la part des municipalités au niveau de la culture puisque.. Vous savez que j'ai cette responsabilité et je vois avec satisfaction - et je suis persuadé que Mme la ministre partage mes propos - que vous voulez également être partie prenante de ce grand projet de société, puisque c'est un projet de société, celui de l'immigration, de l'accueil des immigrants, du bien-être des immigrants qui arriveront ici et le processus qui fera en sorte qu'ils seront des Québécois comme vous l'avez si bien dit tantôt.

Alors, je vais vous remercier chaleureusement pour votre présence, votre mémoire et les propos que vous avez ajoutés à ce mémoire, en vous demandant de m'excuser, je devrai immédiatement me lever de cette table et aller vers le plus proche appareil téléphonique.

M. Normand: Juste un mot avant que vous ne partiez. Les régions sont un tout, sont un corps. Pour vous, où situez-vous le centre du Québec? À quelle place situez-vous le centre du Québec?

M. Boulerice: Le centre, il est lorsque nous allons tous nous rassembler et décider ensemble Le centre est à créer.

M. Normand: Vous savez, dans le corps humain, le centre, c'est le nombril. Le coeur est toujours un petit peu plus haut à gauche.

M. Boulerice: Mais, le nombril, M. le maire, et ce n'est pas pour vous faire injure, il est dans Sainte-Marie-Saint-Jacques.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Puisque lorsqu'on le regarde, chaque fois qu'il y a une commission de la culture et elle traite de différents sujets, un très grand nombre d'organismes, je dirais près de la moitié, ont une raison sociale dans ma circonscription. Alors, je suis peut-être quelquefois tenté par ce petit nombrilisme, mais rassurez-vous, je suis sans doute le plus régional des métropolitains. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Gagnon-Tremblay: Bien dit.

Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre, vous voulez ajouter quelque chose?

Mme Gagnon-Tremblay: Oui Je voudrais vous remercier, bien sûr. Je suis très heureuse des propos réalistes qui ont été tenus depuis le début de la matinée et, aussi, je sens beaucoup de collaboration, d'ouverture de collaboration et je trouve ça intéressant. Je me rends compte qu'on prend davantage conscience du phénomène ou du facteur immigration. Je ne le sentais pas auparavant Depuis, ça fait maintenant deux ans que je suis a ce ministère et il n'y avait pas autant de sensibilité et on ne portait pas autant de sensibilité et autant de collaboration dans ce dossier-là. Alors, moi, je suis très heureuse. J'ai lancé une invitation ce matin à d'autres intervenants et je trouverais ça intéressant que l'on puisse travailler avec vous aussi sur certaines collaborations Par exemple, en région vous retrouvez quand même des moyens de régionali ser, parce que, comme je le dis, ce n'est pas demain matin qu'on pense qu'on va relever ce grand défi là. II faut y aller de façon prudente et si on peut réussir à démétropoliser un pourcentage raisonnable, je pense qu'on pourra lever le chapeau, mais je pense qu'on est encore vraiment au tout début de notre exercice. Alors, merci infiniment et bon voyage de retour.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, étant assuré que votre invitation est fort bien comprise, fort bien reçue, je suspends, en remerciant les maires et la préfète et tout le monde de leur présentation. Je suspends nos travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

(Reprise à 14 h 24)

Table de concertation multiculturelle de l'Outaouais québécois

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à nos invités qui représentent la Table de concertation multiculturelle de l'Outaouais québécois, ils sont plusieurs ici présents. Je m'excuse du retard. Le député a été retardé. Nous n'avons pas pu commencer avant.

M. Boulerice: Ce n'est pas vous, M. le Président, qui devez vous excuser; c'est moi qui dois m'excuser auprès de nos invités de ce léger contretemps. J'espère que vous n'allez pas m'en tenir rigueur. Mais comme vous êtes de l'Outaouais et qu'entre nous le contact est direct...

Le Président (M. Doyon): Une raison de plus pour commencer dès maintenant. Alors, je souhaite la bienvenue à la Table de concertation multiculturelle de l'Outaouais et je l'invite à se présenter, de prendre 20 minutes ou à peu près pour faire la présentation de son mémoire; après ça, le dialogue s'engagera pour un temps égal entre vous et les membres du gouvernement et les membres de l'Opposition. Alors, vous pouvez faire les présentations des gens placés à la table de nos invités et commencer la présentation de votre mémoire.

M. Lumbu (François): D'accord. Le chef de la délégation de l'Outaouais, c'est moi-même. Je m'appelle François Lumbu. Il y a Mme Thérèse Cyr, membre du conseil d'administration de la Table de concertation multiculturelle de l'Outaouais et conseillère de la ville de Gatineau; il y a M. Marc Yang Va, vice-président de la Table de concertation et, en même temps, directeur général d'Accueil parrainage Outaouais; il y a M. Lévis Martel, président d'Accueil parrainage Outaouais; M. Jacques Plamondon, président provisoire du Forum international de l'Outaouais et recteur de l'Université du Québec à Hull.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue

M. Lumbu: M. Gilles Gagné, directeur général du Secrétariat régional de la concertation de l'Outaouais; il y a Mme Régine Péloquin, présidente de l'Association des femmes immigran- tes de l'Outaouais; enfin, il y a Mme Marie-Francine Lemaire, la vice-présidente de l'Association des femmes.

M. le Président, Mme la ministre, distingués membres de l'Assemblée nationale, au nom des différents organismes de l'Outaouais qui se sont associés pour vous soumettre leur avis sur l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration, je vous remercie pour l'honneur que vous nous faites en acceptant de nous entendre aujourd'hui.

L'ensemble des voix régionales qui se sont exprimées dans le mémoire que nous vous présentons se sont accordées pour véhiculer l'essentiel des préoccupations de l'Outaouais en matière d'immigration et d'intégration. Nous espérons que vous saurez vous montrer sensibles à ces préoccupations.

Se comprendre c'est d'abord mieux se connaître. Et j'aimerais prendre quelques minutes pour vous dire ce que nous sommes, ce que nous recherchons, comment nous fonctionnons au sein de chacun des organismes que nous représentons devant vous aujourd'hui.

Je commencerai par la Table de concertation multiculturelle de l'Outaouais, que j'ai le plaisir de présider actuellement, et je vous demanderais ensuite, je demanderais ensuite aux autres membres de notre délégation de vous faire une brève présentation des organismes qu'ils représentent.

Donc, incorporée en 1988, la Table de concertation multiculturelle de l'Outaouais québécois est un organisme sans but lucratif qui vise essentiellement à réaliser une meilleure adéquation entre les programmes et services dispensés par les différents organismes régionaux et les besoins exprimés par la population immigrante de l'Outaouais. Notre vocation est donc fort différente de celle d'un organisme voué à l'accueil des nouveaux arrivants, comme Accueil parrainage Outaouais. Nous cherchons plutôt, dans une démarche complémentaire à celle qu'a Accueil parrainage, à obtenir une collaboration et une implication directe des différents intervenants régionaux que sont les municipalités, les organismes régionaux de développement, les organismes pourvoyeurs de services et les ministères en région, tout cela en vue d'améliorer et d'accélérer le processus d'intégration socio-économique des immigrants.

Nos principaux outils sont la sensibilisation, l'information, l'échange et la concertation. Une soixantaine de représentants, représentant une trentaine d'institutions et d'organismes régionaux ainsi que toutes les associations et regroupements ethniques de l'Outaouais, participaient à notre dernière assemblée générale et sont membres de notre organisme. Ce précieux réseau nous assure une concertation efficace.

Notre conseil d'administration regroupe des représentants de municipalités et d'organismes régionaux ainsi que des Néo-Québécois qui

oeuvrent au sein de divers organismes régionaux. Chacun des membres de notre conseil d'administration est responsable de la mise en place et du fonctionnement d'un comité de travail composé de représentants des organismes sectoriels concernés. Nos comités de travail traitent présentement de thèmes aussi variés que l'éducation, la formation de la main d'oeuvre, les besoins du marché du travail, la francisation, les politiques municipales d'accueil, les communications interculturelles et la sensibilisation des gens d'affaires à la problématique de l'immigration.

Vous vous en doutez, nos moyens ne sont pas à la mesure de nos ambitions. Nous fonctionnons actuellement grâce à une subvention accordée l'année dernière par l'ensemble de la deputation de l'Outaouais et je saisis l'occasion pour remercier bien sincèrement nos cinq députés pour la confiance qu'ils nous ont témoignée. Mais cette subvention est actuellement épuisée et le support que nous avons obtenu jusqu'à présent de !a part d'organismes régionaux et notamment du Secrétariat régional de la concertation de l'Outaouais, ne suffira pas pour nous permettre de poursuivre les projets qui nous tiennent à coeur.

Ces projets sont les suivants. Nous voulons constituer une banque de ressources régionales qui permettra aux organismes d'accueil d'orienter directement les nouveaux arrivants vers les informations et les services adéquats. Nous voulons susciter une concertation active entre les gens d'affaires de la région afin de nous doter d'une politique d'accueil d'immigrants investisseurs. Nous voulons poursuivre les démarches déjà entreprises avec la Commission de formation professionnelle de l'Outaouais pour évaluer les besoins de formation plus spécifiques a la population immigrante. Un projet-pilote de mise en place d'un comité aviseur de clientèle immigrante est déjà en cours de réalisation.

Nous voulons contribuer activement à la structuration d'un projet-pilote dans le secteur agro-alimentaire dont les promoteurs seront les immigrants. Nous voulons continuer à répondre aux demandes de collaboration que nous adressent des organismes et institutions régionales pour résoudre des problèmes liés à l'accueil et à l'intégration des immigrants.

Nous bénéficions déjà d'une collaboration exceptionnelle de plusieurs partenaires régionaux, parmi lesquels je veux souligner les villes de Hull, de Gatineau et de Buckingham, les directions régionales du MCCI, de l'OPDQ, du MEQ et du ministère de la Main-d'oeuvre, le MMSR, l'Université du Québec à Hull, le collège de l'Outaouais, la Commission de formation professionnelle, le CLSC de Hull et, bien sûr, le SRCO.

M. le Président, la Table de concertation multiculturelle de l'Outaouais n'a donc plus besoin que d'une permanence pour orchestrer convenablement son plan d'action

Je vais maintenant demander à M. Lévis Martel, président d'Accueil parrainage Outaouais, puis à M. Jacques Plamondon, président provisoire du Forum international de l'Outaouais, et à M. Gilles Gagné du directeur général du SRCO, et à Mme Régine Péloquin, présidente de l'Association des femmes immigrantes de vous exposer succinctement en quoi leur organisme est concerné par l'énoncé de politique en matière d'immigra tion et d'intégration.

Le Président (M. Doyon): Allez

M. Martel (Lévis): L'organisme Accueil parrainage Outaouais que je représente ici avec Marc Yang Va est un organisme qui existe en terre outaouaise depuis déjà près de, en fait depuis au moins 11 ans, depuis 1979. Il a été fondé d'une volonté de la communauté de donner un petit peu des mains aux politiques qui avaient été énoncées à ce moment-là, l'entente Couture-Cullen, avec aussi l'invitation des évêques. L'organisme est né d'une volonté de vivre et de rendre possible le parrainage des réfugiés du Sud-Est asiatique. Alors, nous avons donc fort travaillé à ce moment là. On est parti de rien, et beaucoup avec le support de l'Église, de Mgr Adolphe Proulx, dans le temps, qui nous a beaucoup soutenus.

Ensuite, l'organisme a fait du parrainage et s'est occupé de faire des ententes avec le ministère de l'Immigration du Québec d'alors et le ministère de l'Immigration fédéral, de telle sorte qu'on puisse faire l'accueil véritablement et l'adaptation, ce qui est devenu notre principale mission. On a travaillé beaucoup aussi à se restructurer. On a formé un plan d'action On a travaillé au moins deux ans là-dessus et ce plan d action, donc, nous a permis d avoir cette mission qui est la nôtre d'accueillir les immigrants, les réfugiés en terre outaouaise, de les aider à s'insérer dans la communauté. On a travaillé fort aussi avec les directeurs de COFI qui se sont succédé, donc qui étaient en quelque sorte en Outaouais les représentants du MCCI, et avec eux on a aidé beaucoup à mettre sur pied la Table de concertation et d'autres organismes comme l'Association des femmes immigrantes de l'Outaouais.

Mais on s'est vite rendu compte que nos moyens n'étaient pas suffisants pour tout faire ce qu'on aurait voulu faire et, bon, on est restés à notre principale mission qui est l'accueil. Et c'est ce qu'on voudrait encore développer: l'accueil, l'adaptation et l'insertion intégrée des immigrants en terre outaouaise. Le rôle d'Accueil parrainage outaouais se vit donc et s'exprime dans des activités spécifiques de première ligne et d'importance capitale: l'accueil, l'installation, le suivi des personnes comme des familles immigrantes et réfugiées parce que c'est non seulement la personne, mais c'est l'ensemble de la personne et de la famille que nous considérons

comme important et que nous devons servir. Ces tâches accomplies par APO exigent, pour rendre justice à cette clientèle que nous servons, une concertation serrée et continue avec tous les intervenants du milieu, ceux qui sont ici comme tous les autres organismes publics et para-publics.

L'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration, ce pourquoi nous sommes là aujourd'hui, appuie, nous l'avons remarqué, la responsabilité que nous avons prise et entend bien le reconnaître. C'est bien écrit, noir sur blanc. Nous réclamons, cependant, comme organisme accrédité, mais peu, trop peu subventionné, qu'un support financier décent vienne soutenir nos interventions d'accueil et de services en tenant compte de l'augmentation du flot d'immigrants. Afin d'assurer une présence de qualité, un suivi convenable à l'accueil, ainsi qu'une continuité dans notre planification, nous proposons un mode récurrent de subvention selon un plan triennal, ce que des organismes déjà font, entre autres, Centraide, qui nous supporte. Alors, nous pensons que nous pourrions ainsi mieux répondre à ces responsabilités qui nous sont confiées et que nous croyons nôtres com-munautairement.

Le Président (M. Doyon): Merci.

M. Lumbu: Alors, c'est au tour du FIO.

M. Plamondon (Jacques): Oui. Le Forum international de l'Outaouais est un organisme qui est né dans la foulée du sommet socio-économique de 1986 et qui repose sur l'idée que l'Outaouais, à cause de sa grande diversité et des ressources humaines très valables qui existent dans cette région, peut jouer un rôle tout à fait de premier plan dans des échanges sur la scène internationale. Alors, c'est un groupe de personnes qui, d'abord, se sont réunies au nom de leurs organismes pour essayer de faire démarrer un forum sur une base plus permanente et le Forum, maintenant, est en voie d'incorporation, ce qui explique qu'on se soit référé à moi pour agir comme président provisoire puisque, normalement, on devrait recevoir sous peu une incorporation. Mais, pour le moment, on demeure toujours un organisme bona fide.

Les objectifs de l'organisme étaient de... On a pour mission de promouvoir les intérêts, coordonner les activités et développer les implications des individus et des organismes de la région de l'Outaouais dans le développement des échanges internationaux. Alors, de fait, on fait ça avec beaucoup d'attention, et la préoccupation pour les échanges interculturelles s'est imposée à nous. Ça veut dire qu'au départ, ce n'était pas nécessairement dans le plan de ceux qui se réunissaient pour mettre sur pied le Forum international. C'est au fur et à mesure de nos travaux et des contacts que nous avons multipliés avec les communautés culturelles de l'Outaouais qu'on s'est rendu compte que, pour soutenir et accroître les relations internationales, il était important de soutenir et d'accroître les relations interculturelles. C'est dans cet esprit-là, finalement, qu'on a travaillé de façon plus étroite avec les groupes qui sont ici autour de la table et c'est dans cet esprit-là aussi que nous sommes intéressés par la politique du MCCI concernant la régionalisation de l'immigration.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Plamondon. Le Secrétariat régional de la concertation de l'Outaouais.

M. Gagné (Gilles): Oui, alors, le Secrétariat régional de la concertation de l'Outaouais, c'est l'organisme régional de concertation et de développement pour notre région. On dessert le territoire de la région 07, c'est-à-dire l'ancienne Communauté régionale de l'Outaouais, maintenant CUO, avec maintenant une nouvelle MRC, la MRC des Collines, ainsi que les comtés de Pontiac et de Papineau et de la vallée de la Gatineau. Notre rôle, c'est de se préoccuper de toutes les dimensions du développement de la région et de le susciter par le biais d'actions concertés des intervenants de l'Outaouais.

Nous soutenons, bien sûr, en ce sens-là, la politique de développement qui touche la question de l'immigration et surtout de la régionalisation de l'immigration et nous sommes en étroite association, bien sûr, avec le Forum international et aussi avec la Table de concertation des immigrants. J'aimerais souligner aussi que, dans ce contexte-là, notre organisme regroupe à peu près tous les décideurs de notre région, qu'il peut être un partenaire très intéressant et peut-être même nécessaire pour toute la question de l'immigration, en tout cas, en ce qui touche l'Outaouais. Je veux aussi signaler que, pour le reste de la province - comme nos organismes existent aussi ailleurs - il peut être également un partenaire important pour la question de la régionalisation de l'immigration. D'ailleurs, on supporte un projet qui vous sera présenté tantôt concernant un colloque pour la régionalisation de l'immigration.

Le Président (M. Doyon): L'Association des femmes.

Mme Péloquin (Régine): L'Association des femmes immigrantes de l'Outaouais est un organisme sans but lucratif créé en 1982 pour répondre aux besoins spécifiques des femmes immigrantes dans l'Outaouais. L'immigration constitue une situation de changement et de réapprentissage à laquelle doivent s'adapter les femmes immigrantes. Pour répondre à ce besoin, l'AFIO se veut un organisme d'accueil, de soutien et de référence. L'accueil par l'écoute active et une aide ponctuelle, un organisme de soutien, en

étant un lieu de rencontres et un réseau d'entraide, également un organisme de référence en étant l'intermédiaire entre les femmes et les ressources du milieu, services publics et organismes communautaires.

Les préoccupations des femmes immigrantes de l'Outaouais vis-à-vis des nouvelles politiques d'immigration en matière de régionalisation peuvent se résumer comme suit. Sur le plan professionnel, les femmes immigrantes constituent une main-d'oeuvre qui n'est pas utilisée à son plein potentiel. Il existe un réel besoin de mise à niveau de leurs compétences. Il devient donc nécessaire de mettre en place des stratégies d'intervention visant à actualiser et à adapter le processus d'accès aux programmes d'orientation et de formation professionnelle de façon à correspondre aux caractéristiques spécifiques des femmes immigrantes, d'une part, et du marché du travail de l'Outaouais, d'autre part.

Sur le plan linguistique, par le passé, beaucoup de femmes n'ont pas bénéficié des cours de français donnés au COFI. La généralisation de l'accès à ces cours à toutes les femmes immigrantes allophones permettra de contrer la compétition que peut représenter la proximité de notre région avec l'Ontario.

Sur le plan social, la femme immigrante joue un rôle important et exerce une influence au sein de sa famille et de sa communauté. En ce sens, elle a une grande influence sur la qualité de l'intégration de ces dernières. Quand on connaît l'attrait que peut exercer l'épanouissement, l'acceptation de sa communauté par la société d'accueil, en l'occurrence l'Outaouais, on comprend bien que l'intégration réussie des femmes conditionnera en grande partie l'attitude de l'entourage ainsi que celle de futurs arrivants En matière de régionalisation, cet aspect de ia question ne devrait pas être négligé.

L'Association des femmes immigrantes de l'Outaouais est un organisme multiethnique et rejoint donc des membres de toutes les communautés ethniques entre lesquelles elle contribue à tisser des liens, de même qu'entre immigrantes et Québécoises de souche. LAFIO fait voix commune avec les autres organismes membres de la Table de concertation multiculturelle de l'Outaouais, particulièrement en ce qui concerne l'obtention et la récurrence des subventions, et souhaite que nos préoccupations communes soient retenues. Merci. (14 h 45)

Le Président (M. Doyon): Merci. Mme Péloquin.

M. Lumbu: M. le Président, nous poursuivons notre exposé. Alors, nous avons beaucoup apprécié le titre de l'énoncé de politique "Au Québec pour bâtir ensemble", non seulement parce que ce titre évoque la nécessité d'associer les Québécois de toutes origines à la construction du Québec de demain, mais surtout parce que, en tant que région directement concernée par l'immigration et possédant une personnalité particulière, nous considérons être étroitement associés à l'identification des mesures susceptibles de rencontrer les objectifs de l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration.

D'emblée, je peux vous dire que nous souscrivons à l'ensemble des objectifs de l'énoncé de politique. Pour l'Outaouais, l'augmentation de l'immigration constitue un élément majeur de sa stratégie de développement en stimulant son économie, en équilibrant sa structure démographique et en renforçant son ouverture sur le monde, pour autant que soit préservée et renforcée son identité québécoise distincte.

Je viens d'évoquer une autre personnalité régionale particulière. J'aimerais souligner deux traits de cette personnalité régionale qui, j'en suis convaincu, devraient séduire bien des étrangers qui se préparent à immigrer au Québec. Il s'agit d'abord de notre caractère urbain. La communauté urbaine de l'Outaouais constitue la troisième agglomération québécoise après Montréal et Québec. Nous formons également avec la région de la capitale canadienne la quatrième agglomération canadienne dans laquelle résident près de 200 000 Néo-Canadiens d'origines diverses. C'est donc dire que nous faisons partie d'une métropole cosmopolite offrant de nombreuses opportunités d'affaires et de nombreux emplois spécialisés.

Bien sûr, nous savons que ces relations de voisinage avec la province de l'Ontario sont fort suspectes aux yeux du Québec, fuites commerciales et de services, assimilation à l'anglais, fragilité de la région face aux forces polarisantes ontariennes sont autant de tares dont on affuble facilement la région.

Pourtant, nous sommes intimement convaincus, M. le Président, que notre contexte frontalier constitue, au contraire, un atout pour le développement de la région, pour autant que soit préservée et renforcée notre identité québécoise distincte. De nombreux immigrants sont intéressés à vivre en français dans la région de l'Outaouais, même s'ils traversent tous les jours la rivière pour aller travailler en Ontario. Une amélioration des services d'accueil et d'apprentissage du français ne fera qu'encourager cette tendance. Je reviendrai sur cette question plus tard.

Une seconde dimension de notre person nalité régionale réside dans la présence d'un vaste territoire agricole qui compte parmi les meilleures terres du Québec. L'absence de relève entraîne un déclin accéléré de ce secteur, alors que la proximité immédiate d'un marché urbain d'environ 1 000 000 d'habitants constitue un potentiel fort intéressant pour certaines productions agro-alimentaires spécialisées.

Voilà pourquoi, M. le Président, nous aimerions mieux nous faire connaître auprès des

candidats indépendants qui pourraient venir s'installer dans l'Outaouais en toute connaissance de cause. Puisque la sélection des immigrants indépendants relève de la compétence du Québec et que cette catégorie d'immigrants contribue immédiatement et directement à dynamiser l'économie de leur région d'accueil, l'Outaouais souhaite au moins être associée à la sélection et au recrutement de ces immigrants en fonction de ses besoins spécifiques et de sa capacité d'accueil.

L'immigrant indépendant, désireux de s'installer au Québec devrait pouvoir s'informer avant de choisir sa région d'adoption, les caractéristiques et les possibilités d'investissement dans chacune des régions du Québec. Nous vous avons fait part dans notre mémoire, M. le Président, de notre détermination à participer pleinement à la mise en oeuvre de la politique en matière d'immigration et d'intégration. Nous vous avons également fait part de nos inquiétudes de ne pas pouvoir tirer tout le profit espéré de la mise en oeuvre de cette politique car les mesures proposées pour promouvoir la régionalisation nous semblent beaucoup trop timides. Il n'est évidemment pas dans mon intention de reprendre ici les différents éléments de notre mémoire. J'aimerais toutefois revenir sur nos principales recommandations.

Le Président (M. Doyon): Rapidement, étant donné que vous êtes à presque une demi-heure.

M. Lumbu: II me reste...

Le Président (M. Doyon): II restera moins de temps pour la discussion, je veux tout simplement vous mettre au courant de ça.

M. Lumbu: M. le Président. Donc, nous aimerions qu'il y ait la tenue d'un colloque national sur la régionalisation de l'immigration. Nous aimerions que vous souteniez et que vous développiez les services d'accueil. Comme vous le savez, M. le Président, l'accueil constitue le fondement de tout processus d'intégration, plus encore dans Montréal où il existe de nombreuses associations ethniques bien organisées qui facilitent la prise en charge des nouveaux arrivants. L'accueil en région joue un rôle déterminant sur la perception que le nouvel arrivant aura de la société d'accueil et sur sa détermination à s'y intégrer.

Nous pensons qu'une politique d'accueil en région pourrait s'articuler autour de trois objectifs. Premièrement, assurer des conditions de fonctionnement efficaces aux organismes existants ou en voie de création qui sont voués à l'accueil. J'aimerais quand même insister sur un point qui me semble être très intéressant. C'est qu'on aimerait qu'on facilite, qu'on puisse assouplir les normes d'admission aux programmes d'enseignement de niveaux collégial et univer- sitaire en ce qui concerne la connaissance préalable du français; des formules d'apprentissage accéléré du français en cours de formation pourraient être retenues.

Un autre point que nous aimerions voir et que nous recommandons, c'est d'associer les structures en charge de la promotion du développement régional à la politique de régionalisation de l'immigration. Supporter les efforts de la région pour s'ouvrir sur le monde. Vous faites l'hypothèse, dans l'énoncé de politique, que s'ouvrir à l'immigration favorise une nécessaire ouverture sur le monde, dans un contexte de mondialisation des échanges économiques, culturels et sociaux. Vous avez certainement raison. Nous faisons également l'hypothèse inverse. Toute démarche favorisant l'ouverture de la région sur le monde augmentera son potentiel d'accueil à de nouveaux immigrants et suscitera un attrait accru pour les candidats immigrants au Québec. Depuis quelques années, des organismes et institutions de l'Outaouais multiplient leurs efforts pour organiser des événements internationaux pour développer leurs échanges avec l'extérieur et pour promouvoir la région à l'étranger. Les succès récoltés par ces initiatives ont conduit certains leaders régionaux à encourager de manière plus systématique ces initiatives en les intégrant à l'intérieur d'une stratégie concertée de développement des échanges internationaux. C'est ainsi qu'est né le Forum international de l'Outaouais.

Donc, nous pensons qu'il est important d'encourager ces efforts déployés par la région pour s'ouvrir sur le monde, car ceux-ci ont un effet immédiat sur l'intérêt que peut nourrir l'ensemble des intervenants régionaux à l'endroit de l'immigration. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Je vous remercie M. Lumbu. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci, messieurs et dames, pour votre présentation. Alors si j'ai bien compris, vous voulez tenir deux événements majeurs, c'est-à-dire un premier colloque sur la régionalisation qui, j'imagine, pourrait aussi bénéficier à l'ensemble des autres régions du Québec. Et bon, j'imagine que lors de ce colloque aussi on pourrait parler d'idées novatrices dans certains secteurs d'activité, permettre à certains secteurs d'activité, à des personnes de s'impliquer ou de s'intégrer dans certains secteurs d'activité. Et vous avez parlé aussi d'un forum international. Et là, si j'ai compris, ce forum, c'est dans le but de développer des échanges internationaux aussi bien avec les communautés, les Québécois des communautés ici au Québec qu'avec l'extérieur, finalement. Et est-ce que vous pouvez me parler davantage de ces deux événements majeurs que vous voulez tenir au Québec?

M. Lumbu: Si vous permettez, on va d'abord parler de la tenue du forum international et je donnerais la parole à son président provisoire, M. Plamondon.

M. Plamondon: Oui, tout d'abord pour ce qui est du forum, donc, c'est un organisme qui est en voie d'incorporation. L'idée qui est sous-jacente à ça, c'est qu'en région il se trouve beaucoup d'institutions qui ont des vocations internationales et qui peuvent les exercer de façon tout à fait légitime et pour elles-mêmes. Je pense à... L'exemple spontané qui me vient en tête, c'est le nôtre, l'Université du Québec à Hull. Nous avons des échanges financés par l'ACDI avec le Brésil, l'université de Pernambouc, le Togo, avec Haïti et la Pologne. Alors, on peut exercer cette mission-là.

L'idée derrière le forum, c'est que si nous le faisons, et nous acceptons de le faire et de partager avec d'autres établissements, nous ferons plus et mieux. Les autres établissements, alors là, c'est le collège, les organismes de santé et de services sociaux, le Secrétariat régional de concertation de l'Outaouais, les municipalités. Et le forum, c'est le regroupement de ces personnes-là, de même que l'entreprise privée. Et c'est en voie d'élaboration, c'est une formule qu'on pense être novatrice et qu'on espère bien sûr démarrer avec beaucoup de soutien de la part de la région. Et, jusqu'à maintenant, ça s'avère une formule gagnante dans le sens où la plupart des organismes de l'Outaouais ont joint le forum et même des entreprises privées de conseils, ou des gens qui ont des expériences très importantes dans des interventions à l'extérieur du pays. On est servi bien sûr, vous le savez, par la proximité d'institutions fédérales importantes qui ont bien sûr des ressources humaines considérables dans le domaine qui nous intéresse.

Alors, le forum, c'est donc une initiative novatrice à nos yeux. Maintenant, c'est à l'intérieur du forum, et en concertation avec le SRCO, qu'a jailli - et la Table multiculturelle, qui s'est fait la propagatrice de cette idée-là - qu'est née l'idée d'un colloque national sur la régionalisation. Et ça, cette idée-là, elle a été tranquillement amenée sur d'autres tribunes. On pense au Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, on pense à l'organisme de concertation provincial qui regroupe tous les organismes de concertation au Québec, on pense à l'OPDQ Et on a essayé, de cette façon-là, de trouver des partenaires qui seraient prêts à patronner l'événement et à s'y associer en nous aidant à trouver les meilleures ressources pour faire deux choses.

Il y a un développement inégal de la connaissance de l'immigration à travers les régions du Québec; donc, il y a une sensibilisation requise. Et on a entendu, ce matin, des organismes venir dire qu'effectivement il y a des régions du Québec qui sont moins avancées que d'autres dans le domaine de l'immigration. Donc, on voudrait faire une démarche qui pourrait servir à sensibiliser d'autres régions, mais on voudrait aller plus loin et faire des choses plus concrètes - et ça, c'est à l'invitation de la présidente du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration - et pouvoir échanger sur des expériences concrètes qui ont été menées dans différentes régions, au Québec. À ce titre-là, on aurait besoin aussi de la participation non seulement des régions périphériques, mais aussi des régions urbaines et ça veut dire y compris des expériences qui ont été menées avec succès dans la région de Montréal, dans la région de Québec et ailleurs dans des régions qui ont touché de plus près l'immigration. Alors, l'idée du colloque, c'est donc un événement ponctuel dans le temps, sur lequel on met présentement beaucoup d'énergie parce qu'on pense que tout le Québec et toutes les régions du Québec pourraient en profiter. (15 heures)

Mme Gagnon-Tremblay: Merci. On sait par exemple que votre... M. le Président, on sait que votre région reçoit beaucoup de réfugiés, aussi, et lorsque je suis allée en Thaïlande l'été dernier, j'ai discuté avec plusieurs réfugiés qui avaient été sélectionnés par le Québec mais qui étaient en attente de leur passage, c'est-à-dire de leurs frais de séjour et qui, par exemple, donnaient des cours de français - parce que nous avons une école de français, en Thaïlande - et j'ai constaté qu'il se crée des liens très importants entre certains groupes de ces personnes, entre autres, par exemple, entre différentes ethnies et ces personnes-là se font des amis. Sur les 300 qu'il y avait là-bas, il y a des personnes, entre autres, qui enseignaient le français parce que, dès qu'ils maîtrisent assez bien le français, ils deviennent des professeurs pour soit les plus jeunes, les analphabètes et ainsi de suite.

Il se crée des liens importants. J'ai constaté cependant que ces personnes-là sont dirigées dans différentes villes, soit Sherbrooke, Hull ou bien même Québec, et qu'on brise ces liens parce qu'on ne sait jamais où on va être dirigé, on ne sait pas si on va être à Hull, si on va être à Québec, si on va être à Sherbrooke, on ne connaît pas d'avance la région où on va pouvoir aller. Et aussi, parfois, c'est que ces amis-là, ce petit groupe de 10 se trouve brisé parce qu'il y en a un qui se retrouve à Sherbrooke et vice versa.

Donc, je me dis, dans ce sens-là Est-ce que vous privilégeriez, par exemple, une formule plus souple qui permettrait de garder des liens entre ces amitiés qui se sont formées à l'extérieur? Et, M. Gagné, l'organisme que vous supportez actuellement est un organisme d'accueil; est ce que c'est le seul organisme qui existe en Outaouais?

M. Lumbu: Généralement, c'est Accueil

parrainage qui est l'organisme qui s'occupe spécialement de l'accueil des réfugiés et des immigrants. Alors, je demanderais que les représentants de cet organisme puissent répondre de façon spécifique à votre question.

M. Yang Va (Marc): C'est sûr que les gens qui arrivent, dans les camps, ils ont créé des liens. Si on peut les regrouper dans une région, c'est sûr que le lien de solidarité, d'entraide va continuer. Maintenant, la répartition entre les régions, ça nous dépasse et tout ce qu'on sait, c'est que parfois même la parenté est répartie un peu partout à Québec, Sherbrooke ou Montréal, et une fois répartie, ce n'est pas facile de faire revenir de Sherbrooke, ou de Québec à Hull, ou surtout d'une autre province à Hull. Alors, ça, ce sont des questions administratives qui devraient relever des niveaux administratifs et politiques fédéral et provincial.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Vous m'avez bien dit que c'était le seul organisme qu'il y avait en région d'accueil et de référence?

M. Lumbu: II existe aussi un deuxième organisme...

Mme Gagnon-Tremblay: Oui.

M. Lumbu: ...qui s'appelle l'Association des femmes immigrantes.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, d'accord.

M. Lumbu: Qui s'occupe des problèmes bien spécifiques des femmes immigrantes.

Mme Gagnon-Tremblay: D'accord.

M. Lumbu: Alors, si elles ont quelque chose à ajouter.

Mme Gagnon-Tremblay: Mais l'organisme de première ligne, là?

M. Lumbu: Justement, c'est, pour la première ligne, Accueil parrainage, mais de façon subsidiaire, c'est l'Association des femmes immigrantes.

Mme Gagnon-Tremblay: Parce qu'on sait que les femmes ont des problèmes particuliers.

M. Lumbu: Particuliers, c'est ça.

M. Yang Va: Si je peux ajouter pour préciser un peu le rôle d'Accueil parrainage, c'est que nous autres on s'est donné la mission d'accueillir, pour aussi installer et assurer le suivi qui est l'intégration. Alors, ça c'est le mandat et la mission qu'on s'est donnés, ou que le gouvernement nous a donnés, et on va con- tinuer de perfectionner notre travail dans ce sens-là. L'accueil, ce n'est pas un geste ou une réception de transit comme Montréal ou Mirabel. L'accueil, c'est un processus dynamique qui engage de l'énergie et, aussi, c'est tout le processus d'apprentissage, l'initiation des gens dans la vie. Donc, c'est totalement différent. J'ai entendu parler de l'accueil partout, mais quand on parle de l'accueil, c'est un processus dynamique qui rend... Ça ne dure pas seulement une nuit ou un mois, mais c'est plus long et plus complexe qu'on ne pense.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

Le Président (M. Doyon): Mme Lemaire, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Lemaire (Marie-Francine): Oui, vous parliez des besoins spécifiques des femmes. Il reste que si Accueil parrainage est en effet l'organisme de première ligne, qui mène des actions de première ligne, l'Association des femmes immigrantes est née avant tout du besoin de briser l'isolement des femmes immigrantes, comme le signalait Régine, dans la mesure où, très souvent, pour les hommes il est plus facile de se créer des contacts, d'avoir des points de chute, qui soient professionnels, sociaux, etc. Et le problème majeur - ce n'est pas le seul mais, en tout cas - le premier problème des femmes immigrantes, c'est un problème d'isolement. Et à partir de là, l'Association a souhaité rendre un certain nombre d'autres services: être un lieu d'échanges, un lieu de rencontres. Elle a rendu certains services d'accompagnement et d'interprétariat, mais qui vont peut-être être remis en question prochainement, puisqu'il semble qu'il y ait une nette tendance, au Québec actuellement, à doter les services publics et un certain nombre d'organismes de services d'interprétariat. C'est-à-dire que dans la mesure où les CLSC, les hôpitaux, etc., disposeront de personnel capable de faire de l'interprétariat curturel pour les membres des communautés, évidemment l'Association pourra se trouver déchargée de cette tâche et se consacrer à autre chose.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Bouierice: Chers amis, je me permets de vous dire qu'il est très agréable de revoir les gens de l'Outaouais. Comme le président de ma formation politique m'a chargé - c'est un vocabulaire qu'on entend régulièrement - d'un certain parrainage de votre région, je suis appelé à y être fréquemment. J'en retire toujours, d'ailleurs, un bénéfice personnel très net, qui est celui de l'enrichissement. D'ailleurs, je vois autour de cette table des figures connues, voire même très amies, d'où le plaisir que j'ai de vous recevoir.

J'aimerais, si vous me le permettez, remer-

cier M. Gagné d'avoir évoqué de façon très sobre, puisque c'était un trait caractéristique de la personnalité de la personne, le souvenir et la mémoire du très grand humaniste qu'était votre évêque, Mgr Plourde. C'est toujours dans nos coeurs que vivent ou meurent ceux qu'on aime et je pense qu'il est encore très vivant pour nous, tellement il a imprégné notre société d'idéaux très élevés. J'ai apprécié que vous en fassiez allusion, M.Gagné.

J'ai lu votre mémoire, inévitablement, avec beaucoup d'attention, compte tenu des remarques précédentes, et il y a une question très précise que je vais vous poser parce qu'elle figure, effectivement, comme énoncé dans votre mémoire. Est-ce que vous pourriez m'expliquer comment, concrètement, un organisme comme le vôtre pourrait participer au processus de sélection des immigrants? Vous êtes te premier organisme à réclamer ce type de participation.

M. Lumbu: II faudrait tout d'abord, peut-être, réexpliquer c'est quoi la Table de concertation, brièvement. C'est que la Table de concertation essaie d'étudier les besoins des immigrants ou des communautés immigrantes établies dans la région. À partir de la connaissance de ces besoins, la Table de concertation essaie d'entrer en contact avec les organismes, les institutions régionales, les organismes pourvoyeurs de services. Donc, on essaie d'harmoniser tout ça. En même temps, la Table de concertation essaie de rapprocher les communautés, soit les communautés immigrantes récentes et les communautés de souche. Donc, ça fait que nous connaissons, de façon assez efficace, ou nous essayons de le faire, la problématique de l'immigration. Donc, si nous disons que nous voulons participer à la sélection, au choix des immigrants, c'est qu'on voudrait que le ministère soit à l'écoute des régions. O.K.? Qu'il tienne compte des problèmes, des atouts, des difficultés ou des avantages que, par exemple, l'Outaouais possède.

Pour ce faire, on demanderait que les fonctionnaires qui se trouvent dans les bureaux d'immigration du Québec à l'étranger soient au courant des spécificités régionales, notamment, de l'Outaouais. Ensuite, qu'on puisse éventuellement leur remettre des documents promotionnels. Évidemment, pour préparer ces documents promotionnels, on aura besoin d'aide du ministère de l'Éducation parce que nous n'avons pas de moyens financiers actuellement suffisants Donc, la participation d'un organisme comme le nôtre au choix des immigrants se ferait de cette façon-là. Actuellement, c'est à cela, du moins, que nous avons pensé.

M. Boulerice: Vous parlez de subvention. Je vais aller immédiatement à la troisième question, sautant la deuxième, pour la replacer plus loin dans la chronologie que je m'étais établie. L'argent, c'est le nerf de la guerre. Bon, écou- tez, le mot "guerre" n'est peut-être pas le mot le plus heureux à prononcer dans le contexte actuel mondial, mais enfin... Sur quoi devrait-être basée une politique de subvention des groupes comme le vôtre qui participent à l'intégration des immigrants et des immigrantes?

M. Lumbu: C'est-à-dire que...

M. Yang Va: Vous parlez du volet intégration?

M. Boulerice: Non, je dis: Sur quoi devrait-être basé... Parce que tous les organismes ont fait la même remarque que vous. Ils ont tous parlé des difficultés de financement. Ils ont même parlé de sous-financement ou, tout au moins, de financement non adéquat, compte tenu des responsabilités qu'ils assument. Donc, la question que je vous pose, c'est: Sur quoi devrait être basée une politique de subvention de groupes comme le vôtre qui participent à l'intégration des immigrants?

M. Lumbu: Mais comme je le disais, il faudrait d'abord savoir que la Table, si c'est au niveau de la Table de concertation, la Table de concertation n'est pas un organisme de services, ce qui fait que... Alors, s'il s'agit d'un organisme de services, dans ce cas-là, je dirais que c'est un peu Parrainage Outaouais qui serait en mesure de vous dire quels seraient les critères valables.

M. Yang Va: AJors, pour nous, ce qui est très important, c'est qu'on est en région. Maintenant, il y a une politique de régionalisation. On ne peut pas imaginer que ça va réussir si on ne peut pas investir d'abord. Le critère, c'est: On ne peut pas... Si on attend qu'il y ait trop d'immigrants avant d'investir dans une structure d'accueil qui peut vraiment bien préparer la population, la collectivité d'accueil, et en même temps avoir aussi des services soutenus avec de la continuité et de la qualité pour éventuellement expérimenter comment on peut faciliter l'intégration, le rapprochement des populations et de là, faire vraiment que la région soit... Et ce n'est pas un organisme qui va accueillir, mais la région qui va planifier, qui va gérer, qui va accueillir Alors, pour ça, il y a la dimension de prévention et il y a la dimension du suivi et la dimension de la recherche. Alors, c'est pour cela que les critères qui sont demandés jusqu'ici, critères selon les activités et les services produits par les rapports, etc., ne peuvent pas relater toute la dynamique et le processus de prévention et de planification à long terme. C'est ça. On aimerait que la planification, le mode de financement soient instaurés en permettant à la région de planifier, d'ajuster les services selon les besoins et c'est dans ce sens là qu'on aimerait que les budgets et le mode d'octroi de subventions soient mis en place.

M. Boulerice: Et est-ce que je peux exten-tionner votre réponse en disant qu'il serait plus que souhaitable que les budgets soient triennaux, et non pas annuels, de façon à vous permettre effectivement de faire une planification solide?

M. Martel: C'est qu'on vit une inquiétude presque constante. C'est que d'une année à l'autre, même là pour l'an prochain, on est inquiets parce que, bien sûr, les budgets sont en train de se préparer, mais avec tout ce qui se trame, on se demande ce qui va nous arriver. Est-ce que le personnel qu'on a, les gens qui rendent le service, qui sont sur le terrain... Alors pour eux, c'est bien sûr, c'est leur gagne-pain. Mais est-ce qu'on va pouvoir rendre le service avec la même compétence? Est-ce qu'on va pouvoir être au service des immigrants, des réfugiés? En planifiant, peut-être qu'on va pouvoir améliorer, bonifier un peu nos services ou, si on vit un certain attentisme, de quelle façon ça va être discrétionnaire? Est-ce qu'on va avoir suffisamment? Tant que c'est à chaque année et fondé sur des rapports... Il me semble qu'une fois qu'on a une certaine crédibilité, que l'organisme est reconnu, alors il ne suffit pas de beaux mots, je pense qu'il faut l'appuyer par une volonté certaine de lui permettre de continuer à vivre et à rendre un service compétent et que la responsabilité soit partagée entre l'organisme et les gens du niveau politique.

Le Président (M. Doyon): Merci.

M. Boulerice: Dans le dossier de l'immigration, la région... Et je ne vous le dis pas de façon flatteuse, mais la région qui, véritablement m'a le plus instruit sur certaines facettes, c'est bien la vôtre. C'est dans l'Outaouais, c'est chez vous que pour la première fois on m'a sensibilisé de façon très précisé aux problèmes rencontrés par les femmes immigrantes et notamment par les travailleuses domestiques. En lisant votre mémoire, je me suis aperçu qu'il n'y avait aucune référence spécifique à cette notion-là et je dois vous avouer que ça m'a un petit peu étonné, en me disant: Ils n'en parlent pas, il n'est pas réglé, il existe. (15 h 15)

M. Lumbu: Je demanderais à l'Association des femmes immigrantes de pouvoir répondre à cette question.

Mme Lemaire: Je crains de ne pas avoir très bien compris votre question.

M. Boulerice: J'ai dit que le premier endroit au Québec où on a parlé d'une problématique, je dis bien d'une problématique au niveau de l'immigration, c'était chez vous et le sujet qu'on avait abordé était le statut, les conditions dans lesquelles vivent les femmes immigrantes, mais qui sont ici comme travailleuses domestiques.

Mme Lemaire: Ah oui!

M. Boulerice: Les bonnes, comme on dit dans un français un peu méprisant.

Mme Lemaire: Oui, oui. C'est une catégorie spéciale, en effet, parce que des personnes qui souhaitent s'établir au Québec peuvent y entrer à condition de travailler pour un employeur pendant deux ans, et sans en bouger, à la suite de quoi on leur facilite l'obtention de la citoyenneté. Donc, certaines femmes qui n'étaient pas spécialement disposées à faire ce métier, par exemple, peuvent utiliser ce biais pour être acceptées comme immigrantes au Québec. Évidemment, ça crée un lien de grande dépendance, vous vous en doutez. Et nous avons eu vent d'ailleurs, à l'Association, de quelques cas où des employeurs auraient manifestement abusé de la situation de ces femmes, parce que même si elles ont ce type de lien avec leur employeur, même si elles en espèrent quelque chose de très concret qui est le droit de s'établir au Québec et d'obtenir la citoyenneté, bien, il reste qu'elles ont aussi le droit d'être payées, le droit enfin de jouir des avantages qui sont rattachés à l'exercice de n'importe quelle profession. C'est une situation qui favorise certains abus.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Lemaire. M. le député, quelques mots de remerciement, compte tenu du temps qui s'est écoulé.

M. Boulerice: En terminant, ce serait quoi la solution?

Mme Péloquin: Bien, la solution, ce serait, éventuellement, que les femmes qui travaillent pour ces employeurs ne soient pas tenues de respecter ou soient obligées d'être expulsées du pays pour n'avoir pas respecté leur contrat de travail, finalement. Elles pourraient, éventuellement, travailler ailleurs, chez un autre employeur, que l'Immigration puisse leur trouver un autre foyer ou un autre type de travail, mais qu'elles ne soient pas obligées de subir cette situation.

Mme Lemaire: D'ailleurs, si je peux me permettre d'ajouter un mot, la situation du parrainage crée une dépendance pas seulement pour les femmes qui vivent cette situation et qui travaillent comme domestiques, parce que vous savez que, dans certains cas, une femme immigrante est parrainée par son mari, si celui-ci est arrivé au Québec avant elle. Donc, là, je ne parle plus des domestiques, je parle simplement des épouses qui sont entrées ici, parrainées par leur mari, et, là aussi, ça peut donner lieu à un certain nombre d'abus, disons, de pressions, de chantage. S'il y a des difficultés dans le couple, le mari menace de faire expulser sa femme. Nous n'avons pas de solution à proposer, mais il serait

souhaitable que cette situation change, c'est-à-dire qu'à l'intérieur d'un couple, par exemple, l'un des deux membres n'ait pas cette espèce de pouvoir qui est vraiment excessif de menacer la personne qui est arrivée au pays grâce à lui, de la faire expulser. Ce sont des situations qui sont vécues assez couramment, paraît-il.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame.

M. Boulerice: Je vous remercie. Ce sont, effectivement, les préoccupations que partage le Conseil du statut de la femme. Je pense qu'il y aurait peut-être un dialogue à établir avec lui aussi. Merci beaucoup mesdames, merci messieurs.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Écoutez, je vais vous remercier. Je pense qu'on voit, justement, qu'avec la concertation régionale de l'Outaouais, avec cette Table que vous avez créée, vous avez quand même un objectif en tête: l'intégration. Je pense que nous sommes tous en faveur d'une intégration réussie. Je voudrais profiter de l'occasion, bien sûr, pour vous offrir aussi notre collaboration quant au forum et quant au colloque que vous voulez organiser pour bientôt. Alors, vous pouvez compter sur notre collaboration et je vous souhaite aussi, bien sûr, un bon voyage de retour. Vous avez un bon bout de chemin à faire encore.

M. Lumbu: Merci beaucoup.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup d'être venus nous voir. Merci beaucoup pour votre présentation. En terminant, je vous permets de vous retirer en vous souhaitant un bon voyage de retour. Merci beaucoup.

M. Lumbu: Merci, M. le Président.

Centre multiethnique de Québec

Le Président (M. Doyon): J'inviterais maintenant les représentants du Centre multiethnique de Québec à bien vouloir s'approcher à la table de nos invités. Je crois qu'ils sont représentés par M. Jean-Guy Vennes et par Mme Juana Proulx. Dès qu'ils se seront installés, je les invite à se présenter et à commencer la lecture de leur mémoire ou du résumé de leur mémoire, comme ils le veulent bien. Alors, vous pouvez commencer.

M. Vennes (Jean-Guy): M. le Président, Mme la ministre, je vais d'abord me présenter. Jean-Guy Vennes, président du Centre multiethnique de Québec, autrefois la Fraternité multiculturelle. À ma gauche, la directrice, Mme Juana Proulx. Mme Juana Proulx est une Québécoise d'origine péruvienne. Elle a marié un Québécois. Elle est mère de famille de deux belles grandes filles et d'un beau garçon. La famille est vraiment intégrée à la communauté québécoise.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue.

M. Vennes: Je crois qu'il serait important de vous situer brièvement en ce qui regarde le Centre multiethnique de Québec. Le Centre multiethnique de Québec est un organisme à but non lucratif qui existe depuis 30 ans. Il a été fondé par Mme Aline Blouin, une femme cultivée, humaniste, qui durant sa vie s'est appliquée à rapprocher les Canadiens de cultures différentes. Avec les années, l'organisme a changé un peu de vocation, il est devenu plus humanitaire et est devenu un organisme de services. Je porte à votre attention les objectifs du Centre multiethnique. Le Centre multiethnique de Québec a pour objectif d'accueillir et de favoriser l'adaptation des nouveaux arrivants à ta communauté québécoise. Voilà donc le champ dans lequel la directrice, ses permanents et les nombreux bénévoles travaillent.

Après avoir parcouru l'énoncé de politique, le conseil d'administration et le personnel n'ont pas jugé opportun d'apporter des observations sur la politique comme telle. Il s'est plutôt attardé à vous expliquer brièvement trois points qui constituent le quotidien du Centre multiethnique. Le premier point, c'est l'accueil. Je pense qu'il serait bon que vous vous fassiez un peu à l'idée de ce qu'est un réfugié qui arrive à Québec. Généralement, le réfugié arrive à l'aéroport. Un fonctionnaire du fédéral vient le chercher et le conduit à l'hôtel Mercure. Là commence le travail du Centre multiethnique. Grâce aux agents d'accueil, à des interprètes, à des bénévoles, nous commençons le processus de la connaissance du Québec.

Viennent d'abord les inscriptions, soit pour recevoir la carte d'assurance sociale; ensuite, on leur donne l'information sur le Québec comme tel, on les informe sur les services, où ils peuvent recevoir, par exemple, des habillements, des vêtements. Nous avons la fameuse activité qu'on appelle la recherche d'un logement. Nous faisons visiter trois logements aux immigrants et on leur explique ce que c'est qu'un bail. On leur explique ce que c'est qu'une maison. Remarquez bien, je suis obligé de dire ça parce qu'il y a bien des réfugiés qui n'ont pas connu la structure, je dirais, physique de nos maisons. On leur explique ce que c'est qu'un bail. Cette activité dure en moyenne à peu près trois à quatre jours de travail. Après quoi on laisse le réfugié ou la famille dans son logement, bien souvent plus ou moins meublé. On leur dit de s'initier à la structure québécoise en attendant d'aller suivre des cours au COFI.

Je voudrais vous dire que l'hôtel Mercure, qui est sur la rue Saint-Vallier, comprend deux grandes divisions de chambres: une vieille partie,

puis une partie neuve. Si vous allez vous chercher une chambre ce soir, soyez certain que vous n'irez pas dans la vieille partie si vous êtes bien identifié comme Québécois. Mais, si vous êtes un réfugié, un immigrant, c'est là qu'on va vous conduire avec tout ce que peut comprendre un règlement qui est assez sévère, surtout lorsqu'il est question de familles. Je vais passer vite parce que j'ai très peu de temps.

Vous devinez la difficulté dans laquelle vivent les réfugiés quand ils arrivent pour la première fois en terre québécoise. À notre point de vue, l'accueil au Québec est un service à repenser en profondeur et mérite aujourd'hui que les grands décideurs se penchent sur cette activité qui conditionne souvent l'engagement politique, social, économique de ceux qui espèrent entreprendre une nouvelle vie en terre québécoise. Je voudrais juste vous lire ici un paragraphe d'une personne qui est spécialisée en psychologie, particulièrement dans le cas des immigrants: Le nouvel arrivant, pour vivre son processus d'intégration et d'acculturation harmonieusement, a besoin d'un encadrement bien structuré qui tient compte de son cheminement antérieur, de son état actuel et de son attitude face à son adaptation. Les réfugiés qui arrivent ici sont à la fois heureux d'être en sécurité et malheureux d'avoir tout quitté.

L'organisme qu'on appelle le centre a une expérience assez intéressante et, devant ce phénomène et profitant de l'occasion d'une réflexion en profondeur au ministère de l'Immigration, vous propose comme solution des maisons d'accueil. Ceci n'est pas une idée farfelue ni originale puisque, en Ontario, nous retrouvons des maisons d'accueil dans au moins trois villes; donc, on connaît ça. À Ottawa, London, Kitchener, nous avons des maisons d'accueil; en Alberta aussi. Je suis entré en communication avec ces deux sortes de gouvernement et j'attends prochainement de la documentation. J'ai reçu fortuitement une petite documentation du Manitoba et j'ai ici un document qui nous indique que la maison comprend 29 chambres, pour cette fois-ci, de courte durée. Nous avons de l'information de la France où il existe 39 centres d'hébergement dans les principales villes de la France. Ce réseau de maisons d'accueil dispose de 10 000 places. Nous pensons qu'à l'occasion d'une réflexion en profondeur comme le ministère semble faire, l'idée de maisons d'accueil devrait être étudiée par vos fonctionnaires, par votre cabinet, pour essayer de voir s'il n'y aurait pas des possibilités de réalisation. (15 h 30)

En ce qui regarde l'accueil, le conseil d'administration recommande, à l'occasion du transfert de responsabilités fédéral-provincial qui est après se faire actuellement, qu'il y ait la possibilité pour trois organismes principaux, celui de Hull, celui de Sherbrooke et celui de Québec, qui s'apparentent énormément en termes de clientèle, en termes d'activités, d'être consultés dans le fameux passage de responsabilités fédéral-provincial.

Nous recommandons que des maisons d'accueil soient envisagées, à l'exemple de nos voisins, et je dois vous dire que le Centre multiethnique a déjà fait des démarches assez sérieuses sur ce plan-là et peut vous dire qu'actuellement trois partenaires sérieux sont intéressés à participer à la fondation de telles maisons d'accueil, dont l'un est une institution financière très respectée au Québec.

Enfin, le Centre multiethnique de Québec propose au ministère que, dès septembre prochain, l'expérience d'une maison d'accueil soit entreprise et le Centre multiethnique est déjà prêt à participer activement à l'expérience.

Nous voulons dire un mot maintenant en ce qui regarde l'enseignement du français. Nous déplorons le retard à dispenser l'enseignement du français aux réfugiés. Tantôt, brièvement, je vous ai fait un peu, je vous ai un peu décrit la situation des réfugiés quand ils arrivent pour les premiers jours, ici, à Québec. Lorsque le COFl doit organiser des cours pour ces personnes-là et prend un mois, un mois et demi - on a connu une période de trois mois, mais passons, je crois que ça s'expliquait - attendre un mois, nous considérons ça comme étant vraiment exagéré pour les réfugiés. Nous nous posons la question, à savoir si la formule des COFl ne pourrait pas être améliorée en utilisant d'une façon plus rationnelle les services d'éducation des adultes que l'on retrouve dans toutes les commissions scolaires, dans tous les cégeps, et je dirais même dans toutes les universités.

Nous considérons que le COFl constitue un dédoublement des services et nous pensons qu'il y aurait peut-être lieu d'avoir un moyen d'économie. Je voudrais bien faire remarquer que cette prise de position ne remet pas en cause la compétence des professeurs engagés par le COFl; elle préconise une rationalisation des services d'enseignement et une augmentation du nombre de semaines d'enseignement consacré au français. Nous comprenons très bien qu'au COFl il doit y avoir un encadrement de 30 semaines, mais vous devinez comme moi que la langue française est une langue difficile. Il faut trouver des moyens pour que les gens puissent continuer à suivre des cours et je pense que le service d'éducation des adultes devrait être utilisé au maximum. C'est une complémentarité que le ministère de l'Éducation devrait apporter au ministère de l'Immigration.

Un dernier mot maintenant en ce qui regarde le problème de l'emploi. Nous vivons quotidiennement le problème de l'emploi pour les réfugiés. Nous savons que ce n'est pas une question facile à solutionner. C'est un problème qui existe aussi pour nos Québécois d'origine, mais nous pensons qu'il devrait y avoir des

projets qui puissent faire l'objet d'études au niveau de ia direction régionale du ministère de l'Immigration et qui, disposant par exemple d'un certain budget, pourrait faciliter des initiatives intéressantes. Nous pensons en particulier, parce que nous en avons un petit peu discuté, aux coopératives, par exemple, de serres agricoles. On sait que beaucoup d'Asiatiques ont le culte de la terre, ainsi que pour les Latinos et nous constatons que ce sont des individus qui aiment travailler. Peut-être y aurait-il lieu de voir si, dans ce genre d'expérience de coopérative qui pourrait ressembler un peu aux PME des années soixante, soixante-dix, ça ne pourrait pas être une solution. Nous proposons cette solution qui est plutôt d'ordre théorique; je pense que ça appartient à des spécialistes comme vous retrouvez dans votre ministère pour regarder si vraiment il y a lieu de trouver preneur.

Je voudrais conclure que nous aurions pu donner notre point de vue sur la politique de la régionalisation, la sélection des candidats du pays, les équivalences et les exigences académiques de certaines professions, autant de questions essentielles qui nous préoccupent à titre de simples citoyens. Comme représentants du Centre multiethnique de Québec, notre intervention est centrée sur l'accueil et l'adaptation. Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Vennes, merci. Mme la ministre, vous avez des questions?

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Alors, merci. Je vais passer immédiatement aux questions. Merci, M. Vennes, pour votre présentation. Je voudrais revenir aux maisons d'accueil parce que vous savez, il y en a en Ontario, comme vous le mentionnez, en Alberta, mais il y en a aussi en France. Et en France, on fait de l'hébergement. Moi, à ma connaissance, en Ontario et en Alberta, il ne s'agissait pas d'hébergement mais davantage du guichet unique de services. Mais supposons qu'on pense à des centres d'accueil avec hébergement comme... C'était plutôt votre... c'était plutôt le sens de votre pensée. Ce serait pour combien de jours? Pour vous, c'est quoi, un centre d'accueil pour hébergement, ce serait pour combien de temps?

Mme Proulx (Juana): Nous, nous pouvons les recevoir pour trois semaines. C'est qu'à Ottawa ils les logent pendant quatre semaines. C'est parce que, pendant ces trois semaines-là, on aurait tout un programme d'activités pour eux, disons, et aussi on pourrait faire la recherche de logement mais un peu plus lent que dans l'espace de cinq jours. Parce que, quand même, le mode de fonctionnement pour les gens qui arrivent, ils doivent quitter l'hôtel dans l'espace de cinq jours.

Alors cinq jours, vous savez, une personne qui arrive du Vietnam, tout le voyage, elle n'arrive pas disposée à chercher son logement. Alors, nous, nous pensons que ce serait intéressant d'avoir quelques jours à lui donner de la formation, des renseignements et, ensuite, elle pourrait chercher son logement, mais tranquHIe-ment dans l'espace de trois semaines et non pas de cinq jours.

Mme Gagnon-Tremblay: Et est-ce que ça s'adresserait uniquement aux réfugiés ou aussi aux autres nouveaux venus?

Mme Proulx: On l'a pensé pour les réfugiés et aussi pour les immigrants. Parce que les immigrants qui arrivent, les indépendants qu'on les appelle, arrivent certainement avec un peu d'argent, mais on pourrait les héberger aussi si nous avions des places. Mais pour l'expérience de la maison, on a pensé plutôt à 15 chambres, alors ce n'est pas beaucoup. Parce qu'on voudrait tenter l'expérience pendant trois ans et voir si le projet est viable et il apporte des résultats, après quoi on pourrait faire une évaluation et voir si on continue en plus grand ou bien si ça finit là.

Néanmoins, on voudrait tenter l'expérience. En Ontario, c'est pendant quatre semaines et pendant quatre semaines, il y a des programmes de formation; j'ai visité celui d'Ottawa.

Mme Gagnon-Tremblay: C'est parce que vous savez, comme vice-présidente du Conseil du trésor, je calcule rapidement et je ne peux pas faire autrement dans un contexte de rareté des ressources parce que je me dis: C'est une chose, avoir des centres d'accueil, c'est une autre chose que de les faire fonctionner. Et aussi, à un moment donné, il y a différentes régions et une fois qu'on aura développé ces régions-là, il y aura d'autres régions qui ne sont pas identifiées, là où on n'a pas de direction régionale présentement, qui voudront aussi de ces centres d'accueil.

C'est parce que j'essaie de voir le coût, par exemple, du centre d'accueil, du fonctionnement, et je me dis: Est-ce qu'on n'est pas mieux de mettre notre argent dans des services directs, c'est-à-dire, par exemple, en y allant, avec du jumelage avec des familles? Je sais qu'il y a un organisme ici, dans la région de Québec, qui s'occupe de jumeler ces nouveaux arrivants avec, en moyenne, trois ou quatre familles et il y a un suivi qui se fait et une intégration qui semble très bien réussie. Et là, au lieu d'injecter des sommes dans du béton ou dans un fonctionnement, c'est davantage au service à la clientèle. J'aimerais vous entendre là-dessus

Mme Proulx: Moi, je pense, madame, qu'il faut y penser au départ. Il semble très important d'y penser, comme je vous le dis. Mettons quelqu'un qui arrive du Vietnam, et qui arrive

fatigué, et le lendemain on l'amène pour chercher un logement, un appartement. On lui explique brièvement toutes les procédures qu'il doit suivre. Je trouve que c'est trop pour ces gens-là. Il faudrait avoir une approche plus humanitaire, plus détendue. Il faudrait vraiment les accueillir avec des services, comme vous le dites. Je ne pense pas que le fait d'essayer, dans les maisons d'accueil qui sont très coûteuses... Parce que, comme Jean-Guy le disait, nous avons aussi des partenaires qui aimeraient se joindre à ce projet. Donc, c'est un projet-pilote qui a un partenaire sérieux, les communautés religieuses, et les milieux pourraient s'impliquer.

Mme Gagnon-Tremblay: Ce n'est pas tellement le financement de la construction comme telle, ce n'est pas l'achat de la bâtisse ou du centre d'accueil qui me fait problème ou qui me questionne. C'est davantage le fonctionnement par la suite. Je comprends qu'il y a peut-être des organismes qui peuvent nous aider, mais c'est toujours la question de l'argent, reliée au fonctionnement de cet édifice par la suite.

Mme Proulx: Bien, quand on dit des services, on continue, nous, à donner des services, et nous avons développé dans les paroisses de l'aide pour les gens qu'on accueille et qu'on installe. Nous avons des groupes de bénévoles qui travaillent et qui continuent à donner une panoplie de services et qui continuent à les amener vers les CLSC, vers les écoles, et tout et tout. Les services du Centre, on va continuer à donner des services, et des services de première ligne et tout. Je pense que c'est une expérience qu'on pourrait tenter. Moi, j'y crois sincèrement, alors j'aimerais vous convaincre de ce projet.

Mme Gagnon-Tremblay: Parfait madame, merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le député d'Acadie, vous avez une question?

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. En fait, j'ai deux questions. Je vais d'abord commencer par revenir sur quelque chose que vous avez mentionné tout à l'heure dans votre exposé. Vous vous êtes questionné, tout à l'heure, sur l'effficacité des COFI et la nécessité ou la possibilité que ce soit réintégré dans une structure qui serait plus du type de l'éducation permanente ou l'éducation continue. J'aimerais que vous m'expliquiez un petit peu plus. Disons que je ne vois pas très bien les avantages que ça pourrait avoir que ce soit intégré à l'éducation pour adultes, compte tenu du fait qu'il ne s'agit pas seulement ici d'enseigner la langue, il s'agit aussi d'enseigner au fond les différentes valeurs, les différentes caractéristiques, un peu le fonctionnement de la société, et ça me semble dépasser ce qu'on retrouve actuellement dans les écoles ou les collèges au niveau de l'éducation pour les adultes. Et même si, disons, on pouvait éventuellement, dans la mesure où c'est différent, si on pensait à rapatrier, au fond, ce qui existe dans les COFI actuellement vers l'éducation permanente, bien, il faudrait rapatrier les ressources qu'on a actuellement dans les COFI. Il faudrait avoir des locaux pour accommoder ces personnes-là. Et où serait l'économie, exactement, à ce niveau-là?

M. Vennes: Je vais l'expliquer un peu plus. Actuellement, nous avons un COFI qui se trouve sur la rue Père-Marquette. Lorsqu'il est question d'héberger notre personnel, je veux dire héberger les réfugiés qui nous arrivent, il faut les loger dans le circuit du COFI, parce que ces individus-là, durant 30 à 40 semaines, vont se diriger au COFI, comme tel, pour pouvoir suivre des cours, alors qu'on pourrait très bien, par exemple, s'assurer que l'enseignement du français se donne à l'Ancienne-Lorette, à Sainte-Foy, à Charlesbourg, à Beauport, où les individus pourraient très bien s'intégrer plus facilement à la communauté québécoise.

M. Bordeleau: On mentionne souvent que le fait que les... Depuis que la commission parlementaire a commencé ses travaux, on parle des services qu'on doit donner aux immigrants - vous en avez parlé, vous autres aussi - pour favoriser l'accueil, etc., les intégrations. Mais est-ce qu'on n'a pas, au niveau des COFI justement, un service qui est dédié au fond à cette clientèle-là, et qui est centré exclusivement, disons, à rechercher la plus grande efficacité possible en termes d'accueil, d'intégration, alors que ça ne serait pas l'objectif, par exemple, du système scolaire que de répondre à cette même finalité-là? (15 h 45)

M. Vennes: C'est vraiment l'objectif du ministère de l'Éducation de dispenser l'enseignement. Faisons un petit peu l'histoire. Les COFI ont été mis sur pied en 1968, 1969, au temps de Mario - je pense que c'est Mario Beaulieu.

Une voix: Munsinger.

M. Vennes: Non, Mario Beaulieu, qui était ministre de l'Immigration, à ce moment-là.

Le Président (M. Doyon): L'équivalent, oui.

M. Vennes: À peu près dans la même période, le ministère de la Justice réclamait son École de police. Il a pris le collège de Nicolet et il l'a transformé, mais, dans les collèges, on a continué à donner l'enseignement des techniques policières. Dans les principaux cégeps, vous retrouvez les techniques policières. En ce qui regarde, par exemple, l'hôtellerie, on a voulu à

tout prix avoir l'École d'hôtellerie, qui se trouve près de la rue Saint-Denis, à Montréal. Elle répondait à une vocation très spécifique. Mais dans les commissions scolaires vous retrouvez l'enseignement de l'hôtellerie, de la cuisine, qui se dispense dans les diverses commissions scolaires. Je dirais la même chose pour l'agriculture par rapport à Saint-Hyacinthe. Alors, moi, je dis que le ministère de l'Éducation a cette responsabilité de dispenser l'enseignement. Et pourquoi le ministère n'aurait-il pas cette responsabilité de s'occuper aussi de l'enseignement du français aux immigrants qui nous arrivent? Moi, je pense qu'il pourrait donner une plus grande variété. Je pense, entre autres, encore une fois, aux gens qui après 30 semaines d'étude du français pourraient continuer et je pense, entre autres, aux mères de famille qui restent à la maison plutôt que d'aller continuer leur formation en français.

M. Bordeleau: Dans votre position, vous sembtez, disons, limiter le rôle des COFI à l'enseignement de la langue. Est-ce que les COFI n'ont pas un rôle plus large, c'est-à-dire de sensibilisation au mode de vie, de transmettre un minimum de valeurs du milieu d'accueil? C'est cette partie-là, moi, que je crains qu'elle ne puisse pas être assumée parce qu'il ne s'agit pas d'un enseignement, il s'agit beaucoup plus de formation. D'ailleurs, on parle du Centre d'orientation et de formation des immigrants. Alors, que cette partie-là ne puisse peut-être pas être prise en charge, au fond, par le système scolaire comme tel, c'est là-dessus que j'avais une crainte.

M. Vennes: Je crois que le COFI quand même a, en premier lieu... La première responsabilité, c'est de dispenser de l'enseignement. C'est sûr qu'il faut qu'il profite de la présence de ces étudiants pour les intégrer à la communauté québécoise, je ne nie pas ça du tout, mais je suis convaincu que les commissions scolaires pourraient très bien faire ce travail-là.

M. Bordeleau: M. le Président...

Le Président (M. Doyon): M. le député.

M. Bordeleau: Oui, une deuxième question. En fait, c'est juste une question de clarification. C'est que dans votre mémoire, à la page 12, vous faites référence, vous dites: II s'interroge, en parlant du Centre multiethnique, cependant sur l'ouverture possible à des emplois neufs. Qu'est-ce que vous entendez exactement par l'ouverture à des emplois neufs?

M. Vennes: Je pensais à l'agriculture, l'exemple que je vous donnais, par exemple. Il y a beaucoup, actuellement, c'est la mode des serres, des légumes. On se disait, nous autres:

Peut-être qu'il pourrait y avoir des coopératives de serres agricoles ou des PME pourraient éventuellement faire des emprunts, comme on le fait à la société centrale d'hypothèques, où on peut emprunter, par exemple, sur une période de 30 ans, 35 ans, à 2 % d'intérêt. Il pourrait y avoir des formules semblables. Je ne suis pas en mesure de vous donner toute la réponse à cette question-là, mais je pense qu'il y a un filon assez intéressant à suivre dans ça.

M. Bordeleau: Quand vous dites "emplois neufs", c'est de la création d'emplois?

M. Vennes: C'est ça, oui.

M. Bordeleau: Merci beaucoup.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. M. Vennes, si vous le permettez, je porterai deux commentaires en préambule, et soyez assuré que je les fais en toute amitié. Un premier, dans votre énoncé, je vous avoue que ça m'a heurté, vous avez dit: Le français est une langue difficile. À force d'apprentissage, j'ai réussi à en apprendre plusieurs; notre collègue, M. le Président, de la commission parle couramment l'allemand; je prendrai à témoin mon collègue, M. le député d'Acadie, qui sait que je réussis à me débrouiller quand même assez bien en arménien, et je peux vous dire que l'arménien et l'allemand sont beaucoup plus difficiles à apprendre que le français. Et c'est malheureusement, M. Vennes, j'espère que vous en êtes conscient, un argument que trop souvent on a utilisé pour justifier le non-apprentissage de la langue française, en disant que le français était une langue difficile et compliquée. Je pense qu'il faut relativer les choses à ce niveau-là.

La deuxième, à la page 2, vous parlez de juridiction quasi exclusive de l'immigration. Je me permets de vous rappeler, M. Vennes, puisque c'est une très grande préoccupation dans votre mémoire et que je la partage, que le Québec n'a aucun pouvoir sur le statut des réfugiés. La preuve, cet amoncellement qui existe actuellement des revendicateurs du statut qui n'ont pas encore de réponse parce que ça relève toujours du gouvernement fédéral. Et au niveau de l'immigration, bien, on a toujours un pouvoir de sélection, mais le pouvoir d'acceptation relève également du gouvernement fédéral. Certes, nous avons obtenu plus de budget inévitablement, mais je trouve que là, c'était quêter ce qui nous appartient de droit puisque nous sommes contribuables encore dans ce système constitutionnel. Mais ces remarques étant faites, cela ne diminue absolument en rien la qualité de votre mémoire et les interrogations sérieuses que vous posez à l'intérieur de ce mémoire.

Vous pariez, notamment, M. Vennes, du nombre de semaines dans l'apprentissage du français pour les immigrants. Ça, ce sont des commentaires que j'entends et j'aimerais connaître votre opinion à vous. Plusieurs me disent: Vous savez, M. le député, aller au cours et recevoir la petite allocation qu'on reçoit, bien, moi, j'aime mieux aller travailler et essayer de me débrouiller sur le terrain. Peut-être qu'à Québec se débrouiller sur le terrain, c'est plus facile, je ne le sais pas. Parce que c'est une ville beaucoup plus francophone que la métropole, mais il y a cette interrogation-là par rapport aux immigrants. Alors, d'après vous, le nombre de semaines pour les cours de français, est-ce que vous l'aviez quantifié?

M. Vennes: Je crois que ça, ça varie selon les étudiants. Quand vous dites, par exemple, que la langue française n'est pas une langue difficile, c'est que nous côtoyons tous les jours les immigrants et eux-mêmes nous disent que c'est une langue difficile, le français. J'emploie plutôt leur langage. Peut-être qu'eux sont dans l'erreur et que c'est une langue facile, mais je vous donne ici plutôt une opinion des gens que nous fréquentons tous les jours.

M. Boulerice: D'accord, M. Vennes, je ne ferai pas un long débat avec vous là-dessus, je vais vous dire que le vietnamien est une langue très facile. Je suis en train d'en faire l'apprentissage pour mieux communiquer avec mes citoyens dans Sainte-Marie-Saint-Jacques qui sont d'origine vietnamienne. Alors, on va modifier de part et d'autre notre vocabulaire en disant que chaque langue a ses particularités, mais qu'aucune n'est difficile. Elles sont tout simplement dépendantes de l'amour que l'on porte à cette langue et de notre volonté de l'apprendre.

Vous parlez... Ça, c'est important, c'est vraiment le noyau central du problème dans la région où je vis et je vais voir dans quelle mesure c'est également vécu ici. Vous êtes de Québec, donc, vous êtes de la capitale. Vous parlez des difficultés rencontrées dans la recherche du logement. On sait fort bien que les immigrants qui arrivent, les réfugiés ne sont pas dans un état économique... Écoutez, à part quelques amis de régimes despotiques qui réussissent à entrer avec des valises assez pleines, 99, 99 % des immigrants et des réfugiés qui arrivent arrivent dans un état de dénuement assez complet. Je l'ai vécu avec beaucoup d'amis latino-américains. Des Haïtiens aussi. Et comme il y a malheureusement, je dirais, une baisse sensible marquée - je suis prêt même, si on conteste mes propos, à un débat public là-dessus - de la construction de logements sociaux au Québec, quelles sont les principales difficultés au niveau du logement d'après vous? Et est-ce que la ville ne devrait peut-être pas être as- sociée à un certain programme de sensibilisation au sujet du logement pour immigrants et réfugiés? Parce que, de toute évidence aussi, on vit dans des conditions climatiques où c'est une obligation d'avoir un toit chez nous.

M. Vennes: Je suis parfaitement d'accord avec ça. C'est bien sûr que si la municipalité pouvait trouver des solutions à la question du logement, je ne voudrais pas que ce soit exclusif aux réfugiés, que ce le soit aussi même à nos Québécois qui auront besoin d'avoir des avantages que j'appellerais fiscaux, mais le problème est là. C'est ce que nous vivons avec cette situation-là.

M. Boulerice: Et la qualité des logements? M. Vennes: Ah! C'est ça.

Mme Proulx: C'est ça que j'allais vous dire, justement. A Québec, nous sommes en train d'avoir deux pôles centraux d'immigrants: la basse-ville et Ernest-Lapointe. Ces deux pôles, on est en train de les développer avec beaucoup d'immigrants. Je pense que, dans le moment, nous n'avons pas de solution puisque les allocations que les réfugiés ont, c'est très minime, c'est l'équivalent de l'aide sociale. Donc, nous ne pouvons pas les loger, disons, à Sainte-Foy, à Sillery ou ailleurs que dans ces lieux où le logement n'est pas cher. Certainement que les gens qui demeurent à la basse-ville, qui ont quitté pour s'en aller vers la banlieue, bien, leur logement est libre. Alors, c'est là que nous sommes en train d'amener les immigrants, les réfugiés qui arrivent. Aussi, on l'a dit tantôt, le COFI est proche, alors, on essaie de les faire habiter autour du COFI. Donc, c'est proche du COFI qu'on trouve la clientèle immigrante en quantité.

M. Boulerice: Et si, par malheur, certains d'entre eux ou d'entre elles vivent de prestations d'assistance sociale, le partage du logement, forcément, est pénalisé, ce qui, à mon point de vue, est une très grande injustice, puisque le partage du logement n'a pas pour but d'économiser, mais de se donner de meilleures conditions de logement comme telles.

Vous avez fait une critique importante des COFI. Est-ce que l'on devrait remettre en question ce concept, selon vous, ou, sans le remettre en question, avoir une interrogation, j'emploierai les mots 'très introspective"?

M. Vennes: C'est peut-être que je me suis mal exprimé. C'est que je veux dire que le ministère de l'Éducation doit entrer dans toute sa responsabilité dans la formation des immigrants et non pas les exclure. Je dirais que là où les COFI existent, tant mieux. Qu'il y ait une meilleure collaboration aussi avec les commissions

scolaires, ce qui, je pense, existe déjà, mais si les centres se développent pour l'immigration - je ^ pense à des régions comme Rimouski et Sept-îles - j'espère qu'on ne mettra pas sur pied un COFI pour assurer la formation de ces gens-là qui arrivent, alors que les commissions scolaires sont tout à fait équipées pour pouvoir donner ces services-là.

M. Boulerice: Donc, là, vous apportez la nuance qu'on n'avait pas saisie, qui était qu'il faut voir les conditions particulières en fonction des régions comme telles.

M. Vennes: C'est que, pour nous, le COFI- - je reprends l'exemple du COFI à Québec - je ne doute pas de la compétence du personnel qui est là, loin de là, au contraire, il fait un excellent travail, mais je me dis que ça limite quand même une certaine intégration de nos étudiants, de nos immigrants puisqu'on est obligés de les loger autour du COFI, ce qui fait que ça fait des ghettos. Vous commencez à retrouver dans certaines rues de la basse-ville ce que l'on voit dans plusieurs rues à Montréal: des ghettos d'une même ethnie. Est-ce que c'est ça l'intégration?

M. Boulerice: C'est la dernière question que je voulais vous poser, M. Vennes. Est-ce que vous croyez qu'à Québec on commence à avoir des quartiers ghettos? Parce que j'y suis comme vous... Je pense qu'on ne peut pas empêcher une certaine concentration, il va de soi, mais je pense que c'est très enrichissant pour la société québécoise de côtoyer toutes ses composantes. J'ai l'avantage d'habiter un quartier, à Montréal, où mon voisin d'en face est un Québécois d'origine haïtienne, celui de droite est d'origine portugaise et ceux qui sont à l'arrière sont d'origine cambodgienne, d'où la relation interculturelle qui est de beaucoup facilitée puisque je n'ai pas à voyager jusqu'à - vous connaissez un peu la géographie de la métropole - Saint-Denis coin Jean-Talon pour rencontrer la communauté italienne. Est-ce que vous croyez qu'à Québec il est en train de se développer un phénomène un peu identique à celui-ci?

Mme Proulx: Oui. Il est en train de se développer, comme je vous le disais, quand je vous parlais tantôt des réfugiés qu'on loge près du COFI et l'autre partie qu'on loge à Ernest-Lapointe. C'est des endroits où on peut maintenant dire qu'il y a beaucoup d'immigrants. Certainement que ceux qui arrivent avec niveau universitaire, on peut dire que c'est une autre qualité d'immigrants et ils sont logés à Sainte-Foy, ailleurs, mais ceux qui arrivent démunis et qui n'ont pas d'autre ressource que l'aide gouvernementale, c'est là qu'on les loge où il y a les loyers les moins chers.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme

Proulx. M. le député, quelques mots de remerciement peut-être.

M. Boulerice: Oui. Dans votre texte, vous dites: Fier de son passé, en pariant de votre organisme. Je pense que vous avez bien raison de le dire puisque vous avec 30 ans d'expérience. Alors, fier de votre passé, mais dans mon cas, confiant en votre avenir, parce que je pense qu'on aura encore énormément besoin de vous dans ce dossier. Je vous offre mes meilleurs voeux et je vous remercie d'être venus à cette commission.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: En terminant, je voulais peut-être faire une petite mise au point. Nous signons déjà des ententes avec des commissions scolaires. Là où nous n'avons pas de COFI, nous avons déjà des ententes avec des commissions scolaires pour donner certains services parce qu'il n'est pas de notre intention, bien sûr, d'ouvrir des COFI partout, là où il n'en existe pas présentement, mais bien à partir de la demande aussi.

Je vous remercie pour votre présentation et vous avez quand même soulevé une difficulté qui mérite notre attention, qui mérite d'être vue en profondeur. Est-ce que, par exemple, c'est à partir du modèle que vous suggérez? Est-ce que c'est autre chose? J'ai quand même constaté une difficulté et je vais demander justement aux gens du ministère de voir comment on pourrait combler cette difficulté. Oui?

M. Vennes: Est-ce que vous pourriez expliquer de quelle difficulté vous parlez?

Mme Gagnon-Tremblay: La difficulté du logement pour l'arrivée, l'accueil des réfugiés. Alors, au centre d'accueil, entre autres. Je vais quand même m'occuper de voir ce qu'on peut faire pour combler cette difficulté. Merci beaucoup de votre présentation.

Mme Proulx: Avant de partir, j'aimerais vous dire que nous sommes en train d'organiser un colloque pour les 22 et 23 mars sur les logements parce qu'on aimerait aussi sensibiliser la population québécoise, les propriétaires de logements et les immigrants, les réunir autour d'une table pour essayer aussi de trouver des solutions à ce problème qui commence à se poser sérieusement dans notre région.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Proulx.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Vennes. Alors, vous n'avez pas un long chemin à parcourir, mais on vous souhaite un bon retour et on vous remercie surtout d'être venus nous voir.

Nous allons suspendre pour 10 minutes exactement. Nous reprenons un petit peu passé 16 h 10 avec la Casa latino-américaine de Québec. Suspension pour 10 minutes exactement.

(Suspension de la séance à 16 h 3)

(Reprisée 16 h 21)

Confédération des associations latino-américaines

La Présidente (Mme Loiselle): Mesdames et messieurs, nous allons reprendre les travaux de la commission, s'il vous plaît. Je demanderais aux représentants et représentantes de la Casa latino-américaine du Québec de bien vouloir prendre place s'il vous plaît.

Bonjour et bienvenue à la commission de la culture. Pour faciliter l'échange, je vous demanderais de bien vouloir vous identifier s'il vous plaît.

Une voix: Pardon?

La Présidente (Mme Loisetle): Votre nom s'il vous plaît.

M. Mendez (German): Bon, je me présente, German Mendez, président de la Casa latino-américaine...

La Présidente (Mme Loiselle): Pourriez-vous présenter vos amis? Oui.

M. Mendez: Oui. Ici à ma droite, c'est Mme Catalina Aranguiz, coordonnatrice de la Casa, puis M. Calixto Zelaya, responsable, disons, de la commission qui a étudié l'énoncé.

La Présidente (Mme Loiselle): Parfait. Comme vous savez, M. Mendez, vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. Alors, vous pouvez débuter tout de suite.

M. Mendez: Oui, merci. Bon. D'abord, il faut présenter notre organisme. La Casa latino-américaine, c'est le nom enregistré de la Confédération des associations latino-américaines du Québec. Nous représentons 16 associations, la plupart des ressortissants latino-américains qui sont dans la région de Québec.

Nos objectifs sont, en général - je peux vous lire les objectifs - d'établir un centre culturel et des services multiples qui favorise- raient l'intégration de la communauté latino-américaine dans la société d'accueil; de favoriser l'intégration, le bien-être, le développement et l'accessibilité à des services qui faciliteront l'adaptation des membres de la communauté latino-américaine au Québec; de promouvoir et fortifier l'organisation de la communauté latino-américaine de Québec avec la société d'accueil; de favoriser les relations fraternelles et l'échange à tous les niveaux entre les associations latino-américaines et la communauté québécoise, de promouvoir la défense des droits des langues et créer des liens de solidarité entre le peuple québécois et les peuples d'Amérique latine. Disons que c'est notre mandat comme organisme.

Ce que je voudrais ajouter c'est qu'en tant qu'organisme issu des communautés latino-américaines, nous avons l'impression, la sensation, depuis à peu près un an et demi, d'être plus écoutés par le gouvernement du Québec. Depuis un certain temps, on se sent plus consultés, plus écoutés, si vous voulez. On ne peut pas dire que le processus d'intégration se soit amélioré d'une manière qualitative impressionnante mais, aujourd'hui, on est ici, par exemple. Et après, je vais laisser la parole à Catalina vous exposez un peu qu'est-ce que nous faisons.

Mme Aranguiz (Catalina): Moi, je dois vous énumérer certaines des activités que la Casa latino-américaine fait. Nous faisons, par exemple, des tables rondes où on traite de sujets qui permettent l'interrelation entre les membres de la communauté latino-américaine et la communauté d'accueil. On a des programmes de tables rondes qui se réalisent une fois par mois, dans lesquelles on peut discuter sur divers sujets qui intéressent la communauté latino-américaine et qui, en même temps, vont promouvoir l'intégration de notre communauté au sein de la société québécoise.

Je vous en cite quelques exemples: L'identité latino-américaine, c'est quoi? Mythe ou réalité. Le nouveau rôle de la femme latino-américaine au sein de la famille latine au Québec, et d'autres sujets comme, par exemple: l'entreprise autogérée, qu'est-ce que c'est? Est-il possible de vivre une telle expérience à Québec? Ça, c'est, comme je vous dis, des activités offertes à nos membres sous la forme de tables rondes.

En même temps on organise des séances de vulgarisation des services existants dans la société québécoise parce qu'on a constaté que la plupart de nos membres ne connaissent pas toute la panoplie des services qui existent dans la société québécoise. Donc, la Casa s'est occupée d'organiser des séances d'information, quoi qu'elles soient déjà peut-être données ailleurs aussi, mais nous avons une connotation particulière. C'est que nous réussissons à plusieurs reprises à donner ces informations-là pour les gens qui ne parlent pas la langue. Il faut dire

que, dans notre communauté, il y a un haut pourcentage de gens qui n'ont pas réussi encore à franchir le seuil du "frangnol", comme on l'appelle de façon assez comique, si vous voulez.

Donc, on développe des séances de vulgarisation des services offerts comme, par exemple, les services offerts par la confédération des caisses populaires Desjardins et les services offerts par la Banque fédérale de développement, les services offerts par les CLSC; on a constaté qu'ils sont sous-utilisés parce que nos membres méconnaissent ces organismes-là. Ces séances permettent les échanges et la sensibilisation de notre clientèle.

Ensuite, on s'occupe aussi de l'intégration à l'emploi de notre clientèle. Et ça, c'est quelque chose qui nous tient vraiment à coeur parce que le niveau de chômage dans la population latino-américaine, immigrants en général, mais latino-américaine en particulier, est assez élevé. Donc, on a monté un dossier. On a commencé à travailler là-dessus et, actuellement, on est assez avancés, on va pouvoir déposer un rapport final qui va nous permettre de connaître le profil socio-économique des gens de la communauté latino-américaine et, ensuite, les causes qui empêchent leur accessibilité au marché de l'emploi.

Dans ce même ordre de choses, on participe aussi à des tables de concertation sur l'emploi, de concert avec tous les ONG et les organismes des gouvernements tant provincial que fédéral qui s'occupent de la problématique d'intégration des immigrants sur le marché de l'emploi. Et en même temps on participe à des tables de concertation de la ville de Québec pour justement pouvoir améliorer l'intégration de la communauté que, nous, on représente.

Notre souci a toujours été d'offrir des activités variées répondant aux besoins de l'ensemble de nos membres. Nous avons élargi nos activités. Cet élargissement nous a permis de créer un groupe du troisième âge latino-américain. On a constaté aussi qu'à l'intérieur de notre communauté, il y avait un groupe d'âge qui était toujours très isolé. C'est soit parce que le seul rapport qu'ils avaient, c'étaient les rapports familiaux les plus proches, et des gens qui n'avaient pas pu encore dominer la langue se trouvaient dans une situation d'isolement assez dramatique. Des cas vraiment dramatiques que nous avons connus nous ont fait organiser un groupe du troisième âge latino-américain. Et, pour ne pas créer un groupe latino-américain, un groupe fermé, un ghetto, si vous voulez, on a justement établi des liens étroits avec un groupe de dames dans ce cas-là, malgré que notre groupe soit mixte, mais les liens qu'on a pu établir, c'est avec un groupe de dames qui s'appelle l'Amicale Belvédère, dans lequel on organise des séances et échanges de gens qui commencent petit à petit à parler un peu l'espagnol. Et nos gens aussi, de façon informelle, commencent à comprendre un peu plus le français. Ça, c'est quelque chose qui nous a été très reconnu par les gens qui participent. On a environ une vingtaine de participants dans chaque activité sur 40 personnes inscrites. Je trouve que c'est quelque chose qui vraiment permet, comme je vous dis, à ces gens-là de communiquer avec le milieu parce qu'ils étaient complètement isolés.

On offre aussi des ateliers de langue espagnole pour les enfants issus de notre communauté, issus de mariages mixtes et aussi des enfants de familles québécoises qui sont intéressés à apprendre la langue. La méthodologie utilisée, c'est apprendre en jouant. Donc, c'est très facile pour les gens qui n'ont jamais parlé l'espagnol de pouvoir commencer à parler petit à petit.

On participe activement aussi à diverses instances, comme des colloques organisés par des femmes immigrantes axés sur les relations interraciales, internationales, sur l'intégration aux communautés culturelles de l'ÉNAP, des colloques organisés à l'extérieur. Ensuite, on a participé aussi à des séances de travail interministérielles sur le programme d'accès à l'égalité dans la fonction publique fédérale, parce que c'est un programme qui nous intéressait particulièrement. On a trouvé que l'initiative, justement, du gouvernement était une initiative excellente. On voulait vraiment avoir un petit rôle à jouer là-dedans et on a été invités, déjà, à participer à une séance de travail interministérielle sur ces programmes-là. On a fait d'ailleurs une analyse des programmes, on a fait nos critiques, on a fait nos recommandations, etc.

Ensuite de ça, dans les activités, les services offerts... Ça, c'est la partie activités. Les services offerts, on a le service d'accueil et de référence pour nos membres sur les organismes pertinents, l'accompagnement et l'hébergement auprès des personnes du troisième âge, surtout, des démarches reliées à des adultes latino-américains aux prises avec les problèmes de la langue, des informations sur les divers programmes existants au niveau des CLSC, par exemple, car aussi contradictoire que ça puisse paraître, les gens ne sont pas toujours informés de tous les programmes dont ils peuvent bénéficier, par exemple, pour accéder au marché de l'emploi.

Je cite un exemple. Le gouvernement fédéral a un programme de subventions de l'individu à l'emploi que nos gens, vraiment, même s'ils voient nos conseillers, s'ils les voient à maintes et maintes reprises, ils ne sont pas informés. Nous, quand on regarde un répertoire des programmes, chez nous, auxquels on peut référer des gens, donc quand il arrive des gens au centre d'emploi, ils disent: Je veux savoir si je suis bénéficiaire de ces programmes ou pas.

On fait le "counselling" individuel, on fait le guide dans l'élaboration du curriculum vitae,

le guide pour les modalités à suivre pour les prochaines entrevues en vue de l'obtention d'un emploi. On fait référence aussi ailleurs pour un éventuel retour aux études, on écoute et on se réfère à nous aussi dans des situations de détresse, on fait la traduction de documents, on fait l'élaboration des rapports pour nos associations de membres, on offre les services de dactylographie et de photocopie, service de courrier, service d'animation d'activités, services de prêt de locaux. Et tout est là. Je ne veux pas m'allonger, je vais laisser la place à Calixto. Merci.

M. Zelaya (Calixto): Merci. L'élaboration de l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration, ainsi que la consultation auprès des différents groupes, constitue un pas important dans la bonne direction. En tant que communauté culturelle latino-américaine, nous entendons jouer un rôle actif et dynamique dans le cadre de cette nouvelle politique. C'est dans cet esprit que nous présentons un mémoire qui contient nos observations sur l'énoncé, ainsi que quelques suggestions que nous croyons pertinentes.

Mais avant, nous avons cru bon de nous présenter et de faire une analyse des effets négatifs de la politique appliquée jusqu'à maintenant. Il est opportun aussi de préciser que nous avons participé à l'élaboration d'un autre mémoire présenté par la Maison internationale de Québec, organisme auquel nous appartenons. Nous éviterons donc de répéter des aspects déjà traités. Notre document serait donc, d'une part, complémentaire et, d'autre part, un document important pour notre spécificité et extrait de notre vécu.

Qu'est-ce que la Casa? La Confédération des associations latino-américaines de Québec est un organisme sans but lucratif créé en 1984. Cet organisme regroupe sous sa tutelle 16 associations dont les membres sont en majorité des ressortissants des pays de l'Amérique latine. La création de l'organisme traduit une volonté générale manifeste, d'où le besoin de se regrouper afin de mettre en commun les expériences acquises et de valoriser l'esprit d'entraide en vue d'une meilleure intégration à la société québécoise.

Toujours soucieuse et à l'écoute des besoins variés de ses membres, la CASA latino-américaine offre des services d'information et de référence adaptés aux besoins de chaque membre. Ces services concernent la formation, le conseil, l'orientation et d'autres services répondant à des demandes ponctuelles des associations.

Notre bassin de population est surtout issu de la dernière vague d'immigration et notre champ d'action se limite à la ville de Québec et à sa banlieue. Dans le cadre de notre mandat, nous sommes préoccupés en particulier par la forte mobilité de nos gens, c'est-à-dire que la ville de Québec ne représente pour beaucoup d'entre eux qu'un lieu de passage au profit d'autres provinces, notamment celle de l'Ontario et, en proportion moindre, au profit de la ville de Montréal. Les principales causes sont: la difficulté à se trouver un emploi et le manque de support à leur intégration socio-économique ici à Québec.

La communauté latino-américaine de Québec n'est pas très nombreuse, mais elle est jeune et dynamique, avec un grand potentiel culturel et socio-économique. D'ailleurs, par rapport à d'autres communautés, notre intégration pourrait se faire plus rapidement car nous avons l'avantage de posséder une lanque maternelle, l'espagnol, très proche du français, en plus d'être originaires de pays qui possèdent des institutions juridiques, politiques, religieuses et culturelles similaires à celle du Québec.

Depuis la constitution de notre organisme, nous avons travaillé à l'organisation de notre communauté, mais aussi au rapprochement vers la société québécoise et aux autres communautés culturelles. Dans ce sens, la Casa fut promotrice de la mise sur pied de la Maison internationale de Québec et a organisé toutes sortes d'activités visant à la participation des Québécois. Malheureusement, nous n'avons pas eu de la part du gouvernement le support économique et politique suffisant, ce qui nous a empêchés de rendre un service plus efficace à l'intégration de notre communauté.

Les préjudices d'une mauvaise politique. La politique d'intégration qui a été appliquée jusqu'à maintenant n'a pas pris en compte les atouts de notre communauté. Elle est caractérisée par la sous-utilisation des ressources humaines et par le gaspillage de l'investissement fait dans les programmes d'immigration. Ces politiques ont causé aussi beaucoup de préjudices à notre communauté. Nous citons, entre autres, l'état léthargique de beaucoup de nos membres causé par la dévalorisation et la frustration dues à l'impossibilité de trouver une façon de se réaliser; une sorte de mépris. Le peu de portes de sortie produit aussi un certain refus de la part de l'immigrant à aller vers les Québécois. Il y a la tendance à l'appauvrissement.

Cet aspect a deux volets: Premièrement, perte de statut social. Dans son pays d'origine l'immigrant sentait qu'il occupait une place dans la société, même s'il s'agissait d'un pays moins favorisé sur le plan économique, tandis qu'ici il n'arrive pas à franchir le seuil de la pauvreté. Deuxièmement, la dette réelle contractée par certains membres pour essayer d'améliorer sa situation économique.

La disqualification professionnelle: beaucoup d'immigrants avec plusieurs années de formation académique et des longues années d'expérience ne trouvent pas l'opportunité de continuer l'exercice de leur profession ou le recyclage nécessaire à leur reclassification, ce qui entraîne une dévalorisation personnelle et une perte pour

l'individu et la société. La désintégration sociale: plusieurs immigrants, dans l'impossibilité de s'intégrer, ont cherché une autre façon d'entrer en rapport avec cette société, notamment par la délinquance, l'alcoolisme, la drogue, etc., ce qui entraîne un gaspillage des ressources humaines, et un détournement des fonds de l'État afin de régler les problèmes engendrés par cet état des choses. Le gaspillage de l'apport culturel que la communauté immigrante peut fournir, c'est-à-dire que le repli sur soi des immigrants et le peu d'ouverture de la société d'accueil maintiennent les deux cultures à l'écart l'une de l'autre, empêchant ainsi l'enrichissement culturel du Québec.

De plus, cette politique erronée a aussi causé préjudice quant à l'apprentissage du français. Nous mentionnons, entre autres, que l'apprentissage de la langue est déconnecté de la réalité. Les diverses institutions, par exemple le COFI, s'occupent uniquement de donner les rudiments de la langue et, ensuite, on laisse l'immigrant se débrouiller par lui-même, ceci sans aucun suivi subséquent. Dans le meilleur des cas, l'immigrant réussit à atteindre un niveau de presque français, insuffisant pour communiquer adéquatement. Il y a aussi un manque de motivation de la part de l'immigrant, engendré par le sentiment que cela ne mène nulle part; autrement dit, le manque de possibilité de travail décourage la personne à continuer l'apprentissage de la langue.

Notre avis sur l'énoncé. L'énoncé contient, à notre avis, les bases essentielles pour effectuer un virage majeur dans un domaine qui touche directement les communautés culturelles et qui comporte une grande importance pour l'avenir du Québec.

Pour ce qui a trait à l'immigration, nous avons une certaine réserve quant au fait de privilégier la sélection de candidats francophones. Dans le fond, cette politique ne fait que détourner le problème, c'est-à-dire que la mauvaise gestion de l'intégration des immigrants et de l'enseignement du français est posée ici en termes de pénalisation aux candidats non francophones. Cependant, comme Latino-américains, nous aimerions que l'on tienne compte de l'avantage que nous présentons de parler une langue soeur du français et le fait que nous appartenons au même continent.

Un autre point à faire ressortir, ce sont les catégories d'immigrants quelque peu rigides. Il faut considérer que la constitution de la famille dans notre pays diffère de celle des Nord-américains. Pour nous, un cousin peut très bien faire partie de la famille au même titre que notre frère ou notre soeur. Or, aucune des trois catégories ne correspond à cette situation, étant donné que la réunification familiale ne s'applique qu'aux proches parents d'après une conception nucléaire de la famille. D'autre part, le programme spécial que vous appelez "parents aidés" ne résout pas le problème, parce que la condition économique de la plupart des Latino-américains ne permet pas de remplir les conditions du programme.

Quant à l'aspect de l'intégration, nous sommes sceptiques. Est-ce que vraiment il y aura des changements? L'énoncé nous paraît très bien, mais s'il ne s'applique pas d'une façon réelle et concrète on se trouvera dans une situation plus déplorable.

Nous en avons la preuve avec le programme d'accès à l'égalité de la fonction publique québécoise pour les membres des communautés culturelles, lequel fait partie de cette nouvelle politique. En effet, l'apparition du programme avait créé beaucoup d'attentes dans les communautés culturelles. Cependant, au fur et à mesure qu'on a constaté le peu d'application concrète du programme, le scepticisme de nos membres s'est accru.

En guise d'exemple du peu d'application du programme, nous mentionnons qu'il était prévu dans le document la création d'un sous-comité de suivi composé de membres des communautés culturelles. Nous avons écrit au Conseil du trésor, qui est responsable du programme, lui faisant savoir notre disponibilité d'y participer. Mis à part l'accusé de réception, nous n'avons pas eu d'autres nouvelles.

On a aussi prévu dans le programme d'assurer la présence d'un membre des communautés culturelles au sein des comités d'évaluation lorsqu'il y a un membre de ce groupe cible parmi les candidatures, mais nous n'avons pas eu connaissance de la mise en fonction de cette mesure. Il y a d'autres mesures prévues dans le programme, dont nous ne ferons pas mention ici, afin d'alléger le texte.

Cependant, force est de constater que loin de voir une application concrète du programme, nous observons que la discrimination systémique empêchant les communautés culturelles d'accéder à la fonction publique s'est accrue à cause de la crise économique et du problème des travailleurs occasionnels. Dans cette grave situation, nous ne voyons pas une attitude claire de la part du gouvernement de mettre de l'avant ce programme. On pourrait dire que notre crainte n'est pas justifiée, car le programme ne fait que commencer mais, au mois de mars prochain, il aura un an d'existence.

Notre position n'est pas pessimiste, mais nous avons l'intérêt d'être des partenaires francs et sincères. Nous nous engageons à travailler à l'application de cette nouvelle politique, même face aux contraintes économiques, sociales ou politiques, mais notre instrument de mesure privilégié sera toujours le bénéfice concret perçu par nos membres. (16 h 45)

Suggestions. En terminant, nous formulons ces quelques suggestions: qu'une fois les consultations publiques terminées, le compte rendu

définitif fasse ressortir pour les communautés plus défavorisées comme la nôtre que le problème du chômage est au centre des difficultés d'intégration. Le chômage affectant l'ensemble de la société et frappant plus particulièrement ces communautés, cela les maintient à l'écart d'une possibilité réelle d'intégration et entraîne toutes sortes de problèmes personnels et sociaux; que dans l'application de la nouvelle politique, l'attention préférentielle ne soit pas portée sur les communautés culturelles de Montréal ou sur les communautés plus nombreuses, mais de façon égalitaire et juste parmi toutes les communautés.

En ce qui concerne la région de Québec, il faudra mettre en pratique une politique d'intégration proactive afin d'éviter l'aggravation des problèmes sociaux et la formation de ghettos.

Aussi, que soient prises toutes les mesures nécessaires, y compris des mesures compensatoires, afin d'accomplir les objectifs et l'échéancier de réalisation du programme d'accès à l'égalité dans la fonction publique québécoise pour les membres des communautés culturelles. Comme exemple de mesures compensatoires, nous proposons que, dans le cadre d'une réforme du règlement pour s'attaquer à la discrimination systémi-que, on ajoute un quatrième numéro au deuxième paragraphe de l'article 37 du règlement sur la tenue de concours. Ce quatrième numéro pourrait dire: "4° La liste comprend un candidat visé par l'application du programme d'accès à l'égalité." Cette sorte de mesure aiderait à réaliser les objectifs quantitatifs du programme.

Quant au processus d'enseignement du français, que soient constituées des équipes multidisciplinaires et multiethniques qui, à partir d'une recherche avec la participation active de la clientèle cible, puissent recommander l'implantation d'une méthode systématique, continue, adéquate et efficace. Que soient prises en considération les opinions exprimées à la page 5 au sujet de la nouvelle politique d'immigration.

J'aimerais finir en faisant une déclaration. Même si nous sommes très critiques par rapport à l'ancienne politique, nous voulons féliciter Mme Gagnon-Tremblay, ministre déléguée aux Communautés culturelles, parce que vraiment nous sommes conscients qu'elle fait un effort très sérieux pour surmonter cette situation. Un exemple de ça, à notre avis, c'est l'énoncé. Mais, quand même, à cause de ce que nous avons vécu, notre communauté est toujours sceptique.

La Présidente (Mme Loiselle): Merci, M. Zelaya. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, je vous remercie beaucoup, monsieur, de votre présentation. Je vais passer immédiatement aux questions. J'ai plusieurs questions à vous poser. Vous avez parlé de la disqualification professionnelle. Vous n'êtes pas les premiers à me parler de cet obstable, de ce problème. J'en ai même discuté avec mon collègue responsable de l'Office des professions et j'entreprendrai bientôt une rencontre avec les responsables des différents ordres professionnels, par exemple, les ingénieurs. J'ai rencontré récemment la Chambre des notaires; j'ai rencontré le Ban-eau et les comptables agréés. Est-ce que vous pourriez m'indiquer, comme je dois entreprendre cette tournée, des professions qui sont plus fermées que d'autres et m'en donner les raisons? Est-ce que votre communauté, par exemple, a plus, davantage de difficultés avec un ordre professionnel qu'un autre?

Mme Aranguiz: Je pense que toutes les communautés culturelles ont des difficultés avec... Les médecins, par exemple. On a beaucoup de médecins qui viennent des pays de l'Amérique latine: de l'Uruguay, d'Argentine, du Chili, etc., et du Pérou; il y a beaucoup de Péruviens qui sont arrivés et qui ne réussissent jamais à percer cet ordre-là. Ça prend des années et des années. La même situation est vécue par les vétérinaires qui arrivent des pays de l'Amérique latine, par exemple. Ce sont des cas que nous avons... Nous avons constaté que ce sont des gens qui, en plus d'avoir à se recycler par des années et des années d'études à l'université, même avec ça, même avec des stages et tout ça, ils ne réussissent jamais à percer. C'est très rare, les cas qui réussissent vraiment à franchir ça.

Par rapport, à la carrière d'avocat, bien sûr, l'enseignement de chaque pays est particulier dans les études de droit. Mais, quand même, il devrait y avoir une facilité pour que soit reconnu le cours de base, pareil comme dans les pays de l'Amérique latine ou l'équivalent ici, à Québec. Sauf que là, la formation est spécifique en droit ici, c'est normal.

Il faut qu'ils réapprennent au niveau de l'enseignement aussi. C'est très difficile de reconnaître les diplômes obtenus ailleurs, en enseignement, ici. Il faut tout recommencer à zéro. Quand il arrive des gens des pays de l'Amérique latine, qui ont des fois de 15 à 20 ans d'expérience dans l'enseignement, une fois qu'ils ont franchi le seuil de la langue, ils ne réussissent quand même pas à s'intégrer sur le marché du travail.

L'Ordre des infirmières aussi, c'est long et c'est ardu. Moi, je ne sais pas combien de temps j'ai passé à faire des démarches pour diverses gens qui viennent du Nicaragua, du Salvador et du Chili pour essayer de percer aussi l'Ordre des infirmières. C'est énormément long et bureaucratique, des certificats à ne plus en finir, des communications avec leur pays d'origine. Des fois, ce n'est même pas possible, ce sont des pays en guerre, donc, il n'est pas possible d'avoir des choses officielles. Ce sont des gens qui ont sauvé juste leur peau en sortant de ce pays-là. Donc, c'est juste quelques cas que je vous nomme comme ça, mais je pourrais... Si vous avez besoin de plus de détails, on les a.

Mme Gagnon-Tremblay: D'accord. Alors, pour les médecins, je comprends peut-être un peu mieux parce que, vous savez, à cause de notre politique au Québec, justement, d'admission à la Faculté de médecine, les personnes qui veulent venir au Québec doivent signer un formulaire comme quoi ils s'engagent à ne pas pratiquer au Québec.

Cependant, est-ce qu'on a développé d'autres possibilités pour ces médecins d'oeuvrer, par exempte, dans d'autres domaines un peu connexes à la médecine? Est-ce qu'on s'est penché là-dessus? Est-ce qu'on a développé, par contre, des...

M. Zelaya: Je pense que le problème, c'est qu'ils se trouvent dans une situation où ils n'ont pas la possibilité de se réorienter vers un autre domaine. Je connais, par exemple, des médecins d'origine salvadorienne. Ils me disent: O. K. Je connais les difficultés ici pour s'intégrer dans la profession. Quand même, j'ai certaines connaissances, j'ai certaines expériences où je pourrais peut-être les réorienter dans une autre... Mais il n'y a pas une autre possibilité, donc seulement de rester dans notre situation. Moi, dans mon cas, par exemple, j'étais avocat dans mon pays, mais je ne trouve pas la possibilité d'aller ailleurs. J'ai essayé, par exemple, de me rendre dans le domaine des relations industrielles; j'ai fait un certificat à l'Université Laval. Je me suis dit: Peut-être que ça va m'aider parce que mon expérience était surtout dans le droit du travail, mais je n'ai pas trouvé l'opportunité de m'in-tégrer. Donc, c'est ça la situation. Dans nos situations, disons qu'on ne trouve pas la porte de sortie.

Vraiment, on ne peut pas dire que c'est dans une certaine profession, notre profession ou une autre. C'est une gamme de professions. C'est ça la situation. Mais on peut dire aussi, dans ce que nous appelons chez nous des zones pas nécessairement professionnelles universitaires, mais dans d'autres professions... Par exemple, un mécanicien, qui vient ici, qui a beaucoup d'expérience, il n'arrive pas à avoir la carte de compétence, donc, il doit rester toujours sur le bien-être social. C'est ça.

Mme Gagnon-Tremblay: Remarquez, lorsque j'ai rencontré les représentants de la Chambre des notaires, récemment, j'ai senti une grande ouverture de leur part. J'ai senti, naturellement... Il y avait aussi une méconnaissance du dossier, une méconnaissance totale. Bon! Je pense que la Chambre des notaires même a mis à notre disposition des ressources pour pouvoir étudier davantage le fonctionnement dans d'autres pays, par exemple, regarder le droit qui s'identifie le plus au nôtre et aussi voir, par exemple, quelqu'un qui a pratiqué le droit, qui a été avocat pendant certaines années, comment et quels seraient les cours supplémentaires qu'on pourrait lui donner à son arrivée ici pour peut-être adhérer à la Chambre des notaires. Parce qu'on sait que la pratique du notariat est une pratique qui est beaucoup plus facile, peut-être, pour quelqu'un qui arrive de l'extérieur, je pense, par exemple, que ce soit au niveau de la recherche de titres... Alors, je pense qu'il y a des ouvertures.

Mais j'ai constaté, cependant, que, si la Chambre des notaires était très peu informée, il y avait probablement d'autres corporations professionnelles aussi qui ne l'étaient pas, d'où l'importance de rencontrer ces différents responsables pour voir ce que l'on peut faire pour ouvrir justement les portes à des personnes comme vous qui arrivez avec des compétences quand même reconnues.

Il y a aussi un autre groupe... Je ne me souviens pas, je pense que c'est la semaine dernière ou cette semaine qu'on nous parlait de personnes qui pourraient orienter, justement, des nouveaux arrivants, avoir une espèce de service d'orientation pour leur expliquer, à partir de ce qu'ils possèdent déjà, ou les qualifications que la personne possède déjà où elle pourrait se diriger, dans quoi elle pourrait se diriger et qu'est-ce que ça prendrait pour la poursuite de la formation. Par exemple, on nous a parié de personnes-ressources en orientation. Est-ce que vous trouvez que ce serait important? Est-ce que vous voyez une nécessité à ce niveau-là?

M. Zelaya: Mais oui. Je trouve que ça pourrait être, bien sûr, des mesures à prendre. Juste de faire déjà un programme, de faire le suivi jusqu'à avoir des résultats très concrets... Bien oui.

Mme Gagnon-Tremblay: Dans votre mémoire, vous indiquez aussi que le chômage constitue le problème principal des membres de votre communauté dans la région de Québec. Et je pense que vous avez bien décrit les problèmes: les tendances à l'appauvrissement, la disqualification professionnelle... Vous en faisiez mention, de même que des problèmes personnels. Est-ce que vous avez des données sur les taux de chômage et les revenus de la communauté hispanophone à Québec?

M. Zelaya: Nous n'avons pas, en ce moment, de données concrètes parce que nous sommes en train de faire juste une démarche pour aboutir à ça. Nous pensons avoir les résultats d'ici au mois de mai. Mais nous avons déjà une certaine appréciation. Par exemple, nous pensons que dans certaines communautés - par exemple, la communauté salvadorienne qui est la plus nombreuse - le chômage reste entre 60 % et 70 %. Dans d'autres communautés - disons peut-être qu'elles sont arrivées avant, mais - peut-être que le problème est moins grave. Mais nous nous attendons à avoir un résultat plus concret d'ici

au mois de mai.

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que vous avez identifié les principales causes? Parce que, bien sûr, il y en a quelques-unes qu'on connaît, mais est-ce que c'est un problème? Tout à l'heure, vous disiez, justement, que la langue est quand même plus facile à apprendre, peut-être. Est-ce que... C'est quoi?

Mme Aranguiz: Justement, pour pouvoir avoir une position claire à ce niveau, on a entamé toute une série de recherches. Je pense qu'on a eu, justement, l'occasion, à un moment donné, de parier avec vous, Mme la ministre, sur ça. Et on s'attend d'avoir des résultats vraiment scientifiques d'ici à un mois pour savoir exactement. Nous, on sait, à la lumière de toutes les données qu'on a déjà reçues, que le problème majeur est le problème de la langue et les problèmes de la désinformation et de la désorien-tation et la non-reconnaissance des études. On sait, grosso modo, que c'est ça. Mais on ne veut pas l'affirmer sans une base scientifique. Ça va être possible, comme je vous le dis, quand on va déposer notre mémoire, d'ici quatre à cinq semaines au maximum.

La Présidente (Mme Loiselle): M. le député d'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais revenir... Dans votre mémoire, à la page 7, vous dites: "Dans l'application de la nouvelle politique, l'attention préférentielle ne doit pas porter sur les communautés culturelles de Montréal ou sur les communautés plus nombreuses, mais de façon égalitaire et juste sur toutes les communautés."

Je pense que vous reliez ça, peut-être, au programme PAE qui a été mis en place par la fonction publique?

M. Mendez: Non, pas nécessairement. C'est à l'ensemble, disons, des programmes parce qu'il y a une tendance à penser que le problème, c'est la grosse ville. Donc, c'est là qu'on met les fonds. Puis, les régions sont souvent assez dépourvues de ressources pour solutionner des problèmes, disons à Québec ou à Sherbrooke.

M. Bordeleau: Mais replaçons ça dans le contexte du Programme d'accès à l'égalité de la fonction publique. Est-ce qu'on doit comprendre, quand vous écrivez ce paragraphe-là dans votre mémoire, que vous souhaiteriez que la région de Québec soit préférée à la région de Montréal? Est-ce que c'est ce que vous sous-entendez ici? (17 heures)

M. Zelaya: Non, pas du tout, c'est-à-dire que ça n'a rien à voir avec le Programme d'accès à l'égalité. Notre avis sur la question que vous posez, c'est au sujet... Par exemple, quand nous vous avons demandé du soutien financier concret de la part du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, je pense que ça fait un an, deux ans, trois ans, etc. Par exemple, certains agents de liaison nous avaient dit: Excusez, mais ce qui arrive, c'est que vous êtes une petite communauté. Donc, on doit porter, disons, l'attention sur les communautés qui sont importantes, sur les grandes communautés, sur la communauté de Montréal. Donc, ici à Québec, on les laisse aller. Notre peur, c'est que si on laisse de côté les petites communautés comme ça, on pourrait arriver à la même situation qu'à Montréal. À Montréal, il y a des ghettos parce que la proportion des immigrants à Montréal est plus grande. Ici, c'est encore petit. Mais, au fur et à mesure que ça va accroître, on va voir arriver des ghettos ici à Québec. C'est pour ça que nous demandons ça.

M. Bordeleau: Ça va. Je vous remercie. Je comprends mieux le sens du paragraphe. Merci.

La Présidente (Mme Loiselle): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, j'ai apprécié que vous fassiez état de la perte de statut, en donnant notamment votre situation à vous, dont j'ai essayé de comprendre le pourquoi. J'ai une excellente amie d'origine chilienne, brillantes études en droit à l'Université de Santiago, suivies d'études à l'université catholique de Louvain en Belgique, donc, une université francophone qui n'est absolument pas... Elle n'a jamais pu pratiquer le droit au même titre qu'un des concitoyens de mon collègue, le député d'Acadie, avec un diplôme en ingénierie, s'est retrouvé durant de très nombreuses années, je crois qu'il était veilleur ou gardien de nuit dans une entreprise. Je ne dis pas là que ce sont de sots métiers, mais je pense que sa formation l'appelait à autre chose.

Vous touchez là un point, je pense, qui est extrêmement important au niveau de l'immigration. Si l'immigration est pour signifier une perte de statut et, en fin de compte, le gaspillage d'une formation professionnelle universitaire et même postuniversitaire pour bien des gens, je pense que l'on fait effectivement fausse route. Ça, je pense que ça mérite une attention considérable.

Dans votre mémoire à la page 5, vous dites que vous êtes sceptiques et vous parlez du Programme d'accès à l'égalité dans la fonction publique. Vous dites même - je vois le dernier paragraphe - "en guise d'exemple du peu d'application du programme, nous mentionnons qu'il était prévu dans le document la création d'un sous-comité de suivi composé de membres des communautés culturelles". Vous poursuivez: "Nous avons écrit au Conseil du trésor" - vous savez que Mme la ministre est vice-présidente du

Conseil du trésor - qui est responsable du programme, lui faisant savoir notre disponibilité d'y participer. Mis à part l'accusé de réception, nous n'avons pas eu d'autres nouvelles".

J'avoue que je suis passablement inquiet de constater cette situation et, face à cette critique que vous avez des programmes d'accès, est-ce que vous avez des exemples patents de gens des communautés culturelles qui, a compétence égale, se sont trouvés discriminés dans la fonction publique québécoise?

M. Zelaya: Je vais donner un exemple. Dans un concours auquel je participais, c'était un poste sous le Programme d'accès à l'égalité dans la fonction publique, un poste au Conseil du trésor. Il y avait 95 personnes qui y ont participé. Disons qu'elles se sont présentées à l'examen. Après l'examen du dossier de chaque personne - c'est le premier examen - sur 95 personnes, il y avait 32 membres des communautés culturelles. À la première étape est arrivé un seul membre des communautés culturelles. Ça dit quelque chose parce que, si toutes les personnes ont été admises à l'examen, ça veut dire que toutes les personnes avaient les prérequis nécessaires, mais seulement une personne a réussi à aller à la deuxième étape. Mais personne issu des communautés culturelles n'a été classé, disons. Donc, pour moi, c'est clair qu'il y a quelque chose qui ne marche pas. C'est-à-dire que le Conseil du trésor, qui dort donner l'exemple dans l'application du programme d'accès à légalité, n'a pas appliqué le programme, à mon avis.

Moi, je veux faire ressortir une chose, par exemple. Quelle était la raison pour laquelle, moi, je n'étais pas affecté... Pourquoi je n'ai pas eu l'opportunité d'aller à la deuxième étape? Parce que mon français n'était pas suffisant. Mais j'ai mes résultats ici, mes résultats sur le français étaient à peu près dans l'examen écrit - il y avait un seul examen - disons 70 % de connaissance du français. Pour moi, ça, c'est contre le règlement. Le règlement, à l'article 25, dit que lors d'un concours seule la maîtrise de la dactylographie ou la connaissance d'une langue seconde peut être un critère d'évaluation éliminatoire lorsqu'elles sont jugées indispensables à l'exercice de certaines attributions de l'emploi. Le seuil de passage à un critère d'évaluation éliminatoire est fixé à 60 %. Cependant, mes résultats dans l'examen des connaissances étaient des résultats plus hauts que ceux de plusieurs personnes qui sont allées à la deuxième étape. J'ai fait une démarche auprès de la Commission de la fonction publique pour essayer de me faire justice, mais ça n'a rien donné. Je viens de recevoir une lettre disant, une lettre que je trouve très polie, mais qui ne dit rien. Ils n'ont pas examiné le dossier à fond. Ils disent, par exemple, que certainement le problème des travailleurs occasionnels... Ça démontre que les personnes qui ont participé ont plus d'expérience et que, peut-être, à cause de ça, on n'a pas été classé. Mais, pour moi, c'est clair qu'il n'y a pas vraiment une application concrète du programme. Mais ce qui est pire, c'est que même à l'Office des ressources humaines, et même au Conseil du trésor il n'y a pas un organisme qui puisse veiller vraiment à l'application concrète du programme.

M. Boulerice: Est-ce que c'est vrai que dans ce type d'examen de français on va jusqu'à poser des questions sur la connaissance de la littérature québécoise?

M. Zelaya: Je ne peux pas vous dire ça parce que mon expérience était, par exemple, de dire quel était notre avis sur la question d'empêcher les gens de parler une autre langue que le français à l'intérieur des écoles.

Moi, je pense que j'ai bien fait, je pense que j'ai bien présenté mon exposition, mais j'ai de la misère avec des accents, des choses comme ça.

M. Boulerice: On vous a... Dans l'examen, on vous posait cette question?

M. Zelaya: Oui, c'est ça le sujet qu'on a développé, c'est-à-dire la question n'était pas sur le sujet. J'aimerais être clair dans ce sens. La question était: Développer un sujet. Mais ils nous ont dit quel était le sujet. Moi, avec le petit peu de connaissances que j'ai sur le Québec et sur le problème du français, je l'ai développé, mais j'ai eu de la misère avec des accents, avec des petites choses. Pour moi, de me demander plus, surtout que je reste ici depuis quatre ans, c'est beaucoup. Surtout, vraiment, moi, je sens comme Latino-américain que je ne suis pas encouragé à continuer l'apprentissage du français. Comprenez-nous? Des fois on tombe dans une situation psychologique difficile pour continuer de faire valoir ses connaissances.

M. Boulerice: À la page 3, vous dites que votre communauté a été victime d'une sorte de mépris. Je vous avoue que je ne vous ferai pas croire que je suis député du paradis terrestre, ce serait mentir...

Mme Gagnon-Tremblay:... M. Boulerice: Pardon?

Mme Gagnon-Tremblay: ...pas le paradis terrestre en plus!

Le Président (M. Khelfa): ...votre comté, M. le député.

M. Boulerice: Non, j'ai dit: Je ne vous le ferai pas croire. Sauf que j'aimerais quand même

vous informer que, dans ma circonscription, de façon très unanime, nous avons décidé que, dans un quartier en particulier où il y avait deux églises, une seule nous suffisait et nous avons donné la deuxième à la communauté latino-américaine, puisqu'elle la partageait. On a dit: Prenez-là au complet, elle est à vous et on insiste, parce qu'ils s'intègrent bien dans ce quartier. Mais, là, je trouve ça drôle que vous me disiez qu'à Québec votre communauté a été l'objet de mépris. Dieu seul sait que toutes les statistiques le prouvent: ceux qui apprennent le français le plus rapidement, ceux qui lisent le plus les journaux français, ceux qui écoutent le plus la radio française, ceux qui regardent le plus la télévision française, ceux qui ont le plus de contacts en français avec d'autres, à part les communautés francophones d'origine, ce sont toutes les communautés issues de l'"hispanidad".

M. Zelaya: Vous avez lu dans notre mémoire, par exemple, que nous parlons du fait que nous avons une langue maternelle très proche du français. Nous avons aussi des institutions toutes proches du Québec. Donc, ça, c'est un atout pour nous. Nos gens ont, disons, d'une façon naturelle le besoin d'aller vers les Québécois. Mais le problème, c'est qu'au fur et à mesure que la personne commence à s'établir ici, elle commence à sentir qu'elle n'a pas l'opportunité de s'intégrer socio-économiquement. Donc, ça entraîne une sorte de mépris. Ça entraîne une tendance pour nos gens de dire: O.K. mais attendez, nous voulons le faire, nous ne trouvons pas vraiment l'opportunité de nous intégrer réellement. Ce que je dis, c'est ce que j'ai vécu et ce qu'a vécu notre communauté. J'aimerais préciser, par exemple, que ça, c'est partagé aussi, par lui, par lui, par tout notre conseil d'administration, par toutes les personnes avec lesquelles nous avons des contacts. Je ne sais pas, peut-être qu'il y a d'autres personnes qui pourraient avoir une opinion différente, même de la communauté latino-américaine.

M. Mendez: Quand on parle de mépris, on ne parie du mépris des Québécois envers les Latino-américains, on parle du mépris de la communauté latino-américaine envers la mauvaise politique qui existait.

M. Boulerice: J'ai fait une mauvaise lecture, et j'en suis content. Parce que si j'avais fait une bonne lecture, à ce moment-là, j'aurais été navré de voir que nos compatriotes aient eu cette attitude envers vous. Monsieur... J'allais dire madame, parce que je vois qu'il y a un changement.

Le Président (M. Khelfa): J'apprécie la précision, M. le député.

M. Boulerice: M. le Président, qui est issu d'ailleurs d'une communauté culturelle, me fait signe que je dois conclure. Je vais vous dire que dans un débat comme celui-ci, forcément, nous devons jouer avec les concepts des énoncés philosophiques comme tels, mais je pense qu'il est très bon que des groupes se présentent et nous dressent, en quelque sorte, ce que j'appelle les scènes de la vie quotidienne dans la condition d'immigrant, donc, des exemples très pratico-pratiques de ce qui a été vécu. Ce qui vous donne aussi l'occasion et l'opportunité de cibler des moyens de correction peut-être beaucoup plus appropriés que lorsque l'on parle de façon un peu philosophique des choses. Je vais vous remercier dans votre langue en disant: "Muchas gracias por este participacion a la comision" et j'ose espérer que, compte tenu de l'immense qualité et de la grandeur des services que vous rendez, eh bien, le support économique soit suffisant. Quant au support politique, je crois que par la sincérité de vos interventions vous l'avez déjà en acquis, autant de la part de la ministre que de moi-même. Hasta luego! Hasta pronto!

Le Président (M. Khelfa): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Je passerai la parole maintenant à Mme la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles pour conclure. Deux minutes, madame.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Je voudrais juste apporter quand même une précision en disant que, vous savez, le Programme d'accès à l'égalité a été créé depuis un an seulement. Alors, bien sûr qu'il va falloir quand même être beaucoup et même très vigilants. Je demanderai bientôt une évaluation des résultats. Je dois vous dire aussi que j'ai toujours mentionné qu'il fallait s'attaquer au problème à la base aussi, parce qu'un programme d'accès à l'égalité, c'est bien beau, mais si on ne s'attaque pas aux raisons qui font qu'une personne ne puisse pas passer l'examen il y a des problèmes.

Vous me disiez tout à l'heure: Moi, je n'ai pas réussi à passer l'examen à cause du français. Moi, je vous encourage quand même à ce moment-là à continuer à persévérer et à poursuivre un cours de formation en français sur mesure peut-être, qui vous permettrait de passer le prochain examen. Mais je pense que ça, c'est important, parce que vous savez, dans la fonction publique comme dans d'autres secteurs, vous avez des emplois où on a besoin un peu plus de français que d'autres. Il y en a d'autres où on en demande peut-être un peu moins. On est peut-être un peu moins exigeant quant au français écrit, peut-être, plutôt qu'au français parlé. Mais, dans d'autres secteurs, il peut arriver que le français puisse être important. Donc, je vous dis et je me dis: Ne vous découragez pas, je pense que vous devez être persévérant et peut-être suivre un cours sur mesure

pour l'améliorer davantage et être capable de passer le prochain examen.

Alors, je vous dis merci, et j'espère qu'on aura l'occasion de se rencontrer à nouveau. Merci.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Khelfa): Merci, M. le ministre. Merci Mme Aranguiz, M. Zelaya, M. Mendez.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Khelfa): Je vous souhaite un bon retour et j'espère que vous allez réussir avec plus que 70 % pour le prochain examen. Étant donné la situation, vous êtes le dernier groupe, je vous souhaite un bon retour et la commission de la culture ajourne ses travaux au mardi 5 mars 1991 à 14 heures précises pour continuer ses travaux. Ceci étant dit, bonjour.

(Fin de la séance à 17 h 15)

Document(s) associé(s) à la séance