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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le jeudi 14 mars 1991 - Vol. 31 N° 25

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration, ainsi que sur les niveaux d'immigration souhaités de 1992 à 1994


Journal des débats

 

(Neuf heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Doyon): La commission continue ses travaux. Nous allons commencer par entendre le Regroupement des organismes du Montréal Ethnique pour le logement. C'est dans le cadre, comme on le sait, de la consultation générale que la ministre effectue sur l'énoncé de politique qu'elle a rendu public. J'inviterai les gens qui représentent le Regroupement, s'ils sont ici - je pense que je les vois - à bien vouloir s'approcher à la table de nos invités. Dès qu'ils auront pris place, je leur demanderai de bien vouloir présenter les gens qui sont les représentants du Regroupement, de s'identifier pour les fins du Journal des débats et de procéder à la lecture de leur mémoire ou de son résumé, pour une vingtaine de minutes, le restant du temps étant partagé à peu près également entre les deux formations politiques. C'est avec beaucoup de plaisir que nous vous accueillons, vous souhaitons la bienvenue. Je vous invite à faire les présentations et à commencer.

Regroupement des organismes du Montréal Ethnique pour le logement

M. Oré (Martin): Bonjour. Je m'appelle Martin Oré et je suis le coordonnateur du Regroupement des organismes du Montréal Ethnique pour le logement. On est venus accompagnés par les membres représentant des organismes qui siègent au conseil d'administration dont, Mme Monique Larose, présidente du conseil d'administration du ROMEL, organisatrice communautaire au CLSC Côte-des-Neiges; M. Claude Dagneau, directeur de l'Organisation éducation et information logement et administrateur du conseil d'administration du ROMEL.

Le Président (M. Doyon): Très bien. Bienvenue.

M. Oré: Pour ce qui est de la présentation de notre organisme et donner un bref historique de notre existence, c'est Mme la présidente qui fera la présentation.

Mme Larose (Monique): Bonjour.

Le Président (M. Doyon): Bonjour, madame.

Mme Larose: Je vais être assez brève. Le ROMEL, Regroupement des organismes du Montréal Ethnique pour le logement, a été fondé en 1984 à la suite de recommandations d'un sous-comité du CIPACC. Ça nous reporte aux environs de 1982. Ce sous-comité avait observé que les membres des communautés culturelles avaient difficilement accès à l'information en matière de logement et difficilement accès au logement social. Alors, le ROMEL a donc été créé pour répondre à ces deux problèmes et en même temps pour répondre aussi à un autre problème qui était le manque de personnes-ressources issues des communautés culturelles pouvant travailler à l'intérieur des groupes de ressources techniques, le manque de membres des communautés culturelles étant réellement formés et informés sur les différentes questions touchant le logement, les recours et les programmes et pouvant servir de relayeurs dans leur propre communauté culturelle. Alors, c'est à ces objectifs-là que le ROMEL s'est attaqué. Le ROMEL a reçu en 1986 sa première subvention de la SHQ pour pouvoir opérer et rencontrer ces objectifs-là. Depuis ce temps, le ROMEL a été à la source de la mise sur pied d'une vingtaine de coopératives d'habitation pour des membres issus de différentes communautés culturelles, latino-américaines, des personnes du Sud-Est asiatique, de l'Afrique, des Antilles.

Le ROMEL a également travaillé à la sensibilisation dans les différents secteurs publics: Office municipal d'habitation à Montréal, différents services comme dans les CLSC, les employés dans les COFI, à la ville de Montréal, à la Régie du logement, afin que ces personnes-là soient conscientes des problèmes auxquels font face les membres des communautés culturelles. Depuis trois ans également, le ROMEL met sur pied des forums afin de développer l'analyse des problèmes des membres des communautés culturelles et une plus grande concertation afin de travailler davantage ensemble à faire face à ces problèmes. Et, tout récemment, le ROMEL a également créé des documents audio-visuels en différentes langues afin de renseigner les membres des communautés culturelles sur le programme coopératif. D'ailleurs, au forum qui va s'ouvrir demain, on pourra visionner certains de ces documents audio-visuels.

Depuis un peu plus d'un an maintenant, le ROMEL collabore avec la ville de Montréal, la Société d'habitation et de développement de Montréal, la SHDM, qui a fait l'acquisition de nombreux logements, dans le quartier Côte-des-Neiges, de plus de 600 unités de logement dans Côte-des-Neiges pour fins de rénovation et, évidemment, de transformation en coopératives d'habitation, quand c'est possible. Alors, le ROMEL travaille étroitement avec la SHDM sur 300 unités de logement afin de viser à la transformation du plus grand nombre possible d'unités

en coops d'habitation. Évidemment, pour ceux qui connaissent Côte-des-Neiges, vous savez que ces unités sont destinées en très grande majorité à des gens issus des communautés culturelles. Alors, je vais terminer là-dessus, si vous voulez d'autres renseignements plus tard, eh bien, ça me fera plaisir de répondre.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame.

M. Oré: Quant à l'énoncé en matière de politique d'immigration et d'intégration, le ROMEL aurait quelques petits commentaires sur les données présentées. D'abord, on présente une situation globale à l'échelle du Québec, du Montréal métropolitain, de la région de Montréal, on ne fait pas la distinction pour des territoires particuliers, c'est-à-dire la ville de Montréal, et on ne fait pas de distinction non plus pour des groupes plus restreints. On parle globalement d'allophones, de populations d'origine autre que française et britannique.

Les commentaires concernant vos minorités visibles et les nouveaux arrivants ne fournissent pas de données chiffrées pouvant être comparées à celles décrites comme dans la situation globale. On considère qu'il est difficile de fonder une politique ou programme sur un aperçu aussi global, qui considère les communautés culturelles comme une masse relativement homogène, sans faire la distinction des statuts, c'est-à-dire immigrants ou non-immigrants, des périodes d'immigration, c'est-à-dire des anciens immigrants et des nouveaux immigrants, sans faire la distinction du groupe d'appartenance aux régions d'origine, c'est-à-dire les immigrés qui viendraient de l'Europe ou des pays du premier monde versus ces immigrants-là, qui viendraient des pays sous-développés ou qu'on appelle du tiers monde.

Un sondage omnibus s'était fait en 1989, par... Ce sondage donnerait un taux de 72 % des allophones qui seraient propriétaires. Il faudrait dire que ce sondage a été effectué auprès de 1489 ménages résidant dans la région métropolitaine de Montréal. Donc, il ne s'agit pas de la ville de Montréal dont la situation est tout à fait différente.

Selon le recensement de 1986, la ville de Montréal comptait un total de 26 % de propriétaires et 74 % de locataires, alors qu'on retrouve 45 % de propriétaires et 55 % de locataires dans l'ensemble de la région de Montréal. Il faut aussi noter que parler d'allophones, d'immigrants et de groupes ethniques, c'est parler de trois populations différentes. En général, on inclut parmi les allophones les personnes dont la langue maternelle n'est ni le français ni l'anglais. Lorsqu'on parle alors des allophones, on néglige non seulement les immigrants qui viendraient de France ou de Grande-Bretagne, mais aussi, entre autres, ceux qui viendraient des Antilles françaises ou anglaises.

Bon. D'autre part, le recensement de 1986 indique aussi que 37 % des immigrants, ménages immigrants résidant dans (a ville de Montréal étaient propriétaires, tandis que 63 % étaient des locataires. Toutefois, si on en décortique encore un peu plus - je comprends, je suis tout à fait d'accord que c'est fatigant quand on parle de chiffres et de données - mais, parmi les immigrants qui sont propriétaires, on compte 46 % de propriétaires qui appartiennent à l'ancienne immigration, c'est-à-dire ceux qui sont arrivés au Québec avant 1970 et qui étaient plutôt d'origine européenne, tandis que chez les nouveaux arrivants, c'est-à-dire ceux qui sont entrés au Québec après 1970, on ne compte que 19 % de l'ensemble. Alors, le sondage omnibus a été fait... Les trois quarts des personnes interviewées étaient des immigrants qui demeuraient au Canada depuis 23 ans, qui appartenaient à l'ancienne immigration qui compose à peu près 62 000 ménages dans la région métropolitaine; alors, on comprend maintenant d'où ça vient, ces fameux 72 % des allophones qui seraient propriétaires.

Quant à la distribution géographique des ménages immigrés parmi la région de Montréal, c'est vrai qu'on retrouve des immigrants un peu partout à Montréal, mais ça n'empêche pas non plus que certains groupes ethniques vont se concentrer davantage dans certains quartiers ou certains secteurs. Le ROMEL, en 1990, l'année dernière, avait produit un rapport pour la ville de Montréal, pour expliquer justement la problématique des nouveaux arrivants quant à l'habitation, et on voit les données statistiques, arrondissement par arrondissement, dans ce rapport qui a été soumis à la ville de Montréal. Les écoles à forte concentration ethnique parmi certains quartiers démontreraient que ce n'est pas tout à fait égalitaire, la distribution des ménages immigrants, sur le territoire de la ville de Montréal.

Quant au mémoire comme tel, je pense que la problématique est plus ou moins bien connue par nous. J'aimerais plutôt mentionner les obstacles qu'on rencontre, lorsqu'on essaie de favoriser l'accès à l'habitation par nos clients. D'abord, le fait que les politiques et programmes d'habitation sont conçus pour la majorité, c'est-à-dire pour l'ensemble de la population québécoise - et là je rejoins encore un petit peu mon intervention précédente - le fait de répondre à l'ensemble de la population ne tiendrait pas compte des nouveaux groupes de résidents, notamment les nouveaux arrivants. Donc, le fait de trouver des programmes qui ne sont pas adaptés aux besoins de la nouvelle immigration empêcherait davantage une accessibilité plus élargie. Il n'y a pas de relation spécifique à ces groupes de clients, donc, il n'y a pas eu d'effort d'adaptation de ces services non plus par les organismes publics chargés de l'habitation au Québec.

L'un des facteurs qui empêchent que ce soit fait comme ça, c'est la méconnaissance de la réalité multiethnique de la ville de Montréal et de la problématique des nouveaux arrivants, surtout dans le territoire de la ville de Montréal, par les responsables de l'élaboration de ces programmes et politiques. Un des facteurs politiques serait la courroie de transmission des besoins, c'est-à-dire la façon dont les communautés culturelles ou les nouveaux arrivants pourraient se servir de cette courroie politique pour transmettre leurs besoins aux autres instances et pouvoir arracher leur quote-part des bénéfices sociaux que cette société offre. (9 h 45)

Dans les obstacles institutionnels et administratifs, je pense que le principal inconvénient, c'est la multiplicité et la complexité des recours et services qui existent, c'est-à-dire qu'en matière d'habitation il y a un partage assez complexe, en tout cas pour nous, pour le client qu'on dessert, dans les sphères de compétence des organismes publics: la Régie du logement, pour ce qui est des relations locataires-locateurs; la Commission des droits de la personne du Québec, pour ce qui est du harcèlement et de la discrimination; le Service de l'habitation et du développement urbain, pour ce qui est de l'entretien du bâtiment; les associations des locataires, pour ce qui est du support aux locataires envers les problèmes des propriétaires; la Société d'habitation du Québec, pour ce qui est des programmes de cette province-là qui s'adressent à une clientèle spécifique; la SCHL, avec son autre programme et son autre domaine de sphère d'intervention dans l'habitation au Québec; les offices municipaux d'habitation, pour ce qui est de l'habitation à loyer modique. Je pourrais continuer pour ne plus finir.

Un autre obstacle qu'on rencontre... On est d'accord que l'efficacité des services offerts par cette société repose essentiellement dans la connaissance et, surtout, la capacité du citoyen de l'exercer en pleine autonomie et sur un pied d'égalité. Or, les immigrants, les nouveaux arrivants ne connaissent pas ces services, ne connaissent pas comment les exercer. Il y a un décalage, un déphasage, disons, entre la communication qui est disponible, adressée à l'ensemble de la société québécoise, mais qui, souvent, n'est pas adaptée à la réalité de cette nouvelle immigration qu'on a créée année après année.

Quant à ça, on trouve toujours intéressant le fait que, dans l'énoncé de politique, le logement apparaît comme un rôle envisageable à ne pas négliger. Mais on devrait peut-être mentionner aussi quel est l'apport de l'immigration dans l'habitation. Pourquoi est-ce que le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration du Québec devrait investir de l'argent dans ça? En quoi contribue l'immigration dans le secteur de l'habitation? On considérerait que l'immigration contribue à maintenir un taux d'occupation des logements locatifs à Montréal de façon stable, c'est-à-dire que les déménagements des ménages montréalais vers la banlieue seraient comblés justement par ces nouvelles vagues d'immigration qui arrivent à Montréal.

L'immigration incite aussi l'industrie de la construction résidentielle pour la production de logements locatifs pouvant accueillir les milliers d'immigrants qui désirent s'établir à Montréal. Lorsqu'elle s'établit dans certains quartiers, l'immigration contribue aussi à diversifier l'environnement par l'incorporation et l'apparition, des fois, de petites entreprises, de dépanneurs qui sont souvent reliés aux ménages d'origine immigrante. Promouvoir et faciliter une adaptation harmonieuse et une participation effective dans les sociétés d'accueil serait un des résultats, justement, de cet investissement. Mieux, l'adaptation des ménages immigrés, nous, on considère qu'elle passe nécessairement par leurs conditions d'habitabilité, par les conditions de logement. Donc, plus et mieux on intervient dans ces processus, les retombées au niveau des participations dans ces sociétés seraient encore beaucoup plus élevées.

L'information, les communications et l'éducation quant à l'entretien des logements. Faire cela aiderait peut-être beaucoup à maintenir les ensembles résidentiels du Québec dans un état convenable et qui durerait encore plus longtemps. Une chose qui est plus importante, c'est justement d'encourager l'accès des ménages immigrés à l'habitation. C'est aussi les encourager à développer un sentiment d'appartenance envers cette société d'accueil et de l'enraciner dans le secteur qui nous reçoit. Ça me fart penser au Québec des années cinquante lorsque le gouvernement, dans ses politiques d'habitation, facilitait justement l'accès à la propriété pour les ménages québécois. C'est à ce moment-là que plusieurs Québécois ont pu acheter leur maison et le sentiment d'appartenance et d'enracinement dans leur secteur a commencé à se développer. Maintenant, on regarde ses effets. On dirait que ça participe trop.

Quant aux problèmes spécifiques autres que l'accès au logement, il y a une question qui est tout à fait à ressortir, c'est les conditions matérielles dans lesquelles les ménages immigrés sont hébergés. Pour expliquer cela, je laisse la parole à M. Claude Dagneau.

Le Président (M. Doyon): Oui, pendant quelques minutes compte tenu du temps qui est déjà écoulé. Vous avez la parole.

M. Dagneau (Claude): Je vais essayer d'être très court là-dessus. Je préférerais qu'on y revienne dans la période de questions. Je dois préciser que, moi, je travaille dans un organisme qui travaille dans un quartier de Montréal, pas dans tous les quartiers de Montréal. Donc, je connais ce quartier-là surtout. Il s'agit du

quartier Côte-des-Neiges, qui s'adonne à être un quartier où il y a une très forte concentration de nouveaux immigrants. C'est certain que les conditions de logement sont un problème important dans notre quartier. Un autre problème auquel nous faisons face dans le quartier, c'est la pénurie de logements à loyer modique, particulièrement pour les familles à faible revenu, et aussi la pénurie de coopératives d'habitation, d'organismes sans but lucratif.

Je n'ai pas très envie, disons, d'entrer dans le détail de la description des conditions de logement pour l'instant. Je préférerais que vous me posiez des questions plus précises un peu plus tard.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, je voudrais vous remercier pour votre exposé. Aussi, je pense que votre mémoire, qui est d'une richesse vraiment exceptionnelle... et vous savez, M. le Président, M. Oré a une expertise assez poussée du logement dans la région de Montréal. Je pense que vous êtes le seul organisme, d'ailleurs, dans la région de Montréal, qui oeuvrez au niveau de l'habitation, si ma mémoire est fidèle. Vous êtes le seul, je pense?

M. Oré: Le seul organisme qui travaille en habitation et en immigration à Montréal? Oui, on est le seul.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Dans votre mémoire, vous mettez en évidence que le logement, pour une certaine fraction non négligeable de notre immigration, constitue un problème. Alors, il y a, par exemple, le Conseil scolaire de ITle de Montréal qui est venu nous dire qu'il n'y avait pas de différence quant à l'établissement des communautés dans des milieux défavorisés, favorisés ou bien plus favorisés quant à la pauvreté comme telle. Ça semblait quand même assez bien réparti. Vous qui travaillez aussi bien avec les nouveaux arrivants, les nouvelles communautés que les communautés les plus anciennes, est-ce que vous percevez plus de difficultés, par exemple, avec les communautés qui sont plus récentes que les communautés qui sont plus anciennes, et quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez?

M. Oré: Disons qu'il y a plusieurs... Disons que votre question est assez large, ample. Si vous voulez que je réponde juste au niveau des écoles, je ne pense pas que la distribution des ménages immigrés se soit faite de façon homogène parmi toutes les écoles, qu'elles soient riches ou pauvres. Justement, Mme Monique Larose intervient dans une école à forte concentration ethnique, l'école Saint-Pascal-Baylon, et ce n'est pas une école riche, pas du tout.

Il y a des problèmes de famille à l'intérieur, des enfants qui ne mangent pas et maintenant il se développe justement des programmes d'entraide entre les écoles riches du même quartier et les écoles pauvres. Mais si on parle, disons, quant à l'habitation, c'est vrai que l'ancienne immigration a une particularité à elle toute seule qui diffère de la nouvelle immigration; toutes ces différences-là, nous, on les fait ressortir dans un rapport de recherche que la ville de Montréal nous avait demandé, et on donne justement les différences quant à l'habitation, la problématique des nouveaux arrivants par rapport à l'ancienne immigration.

C'est tout à fait compréhensible que, lorsqu'on arrive ici aujourd'hui, on ne pourrait pas bien comprendre cette réalité de société comme quelqu'un qui y serait déjà depuis trois ans. Les gens de l'ancienne immigration ont déjà développé des réseaux d'aide, des réseaux sociaux assez forts, comme la communauté italienne qui participe beaucoup dans le domaine de la construction résidentielle, la communauté grecque et la communauté portugaise, tandis que si on regarde la nouvelle immigration, justement à cause du fait d'être nouvellement arrivée, elle n'est pas encore rendue dans ce développement et ces concentrations qu'on regarde lorsqu'on parte des anciens immigrants. Je ne sais pas si je réponds à votre question.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je comprends, finalement, qu'il y a certaines difficultés. Il y a quand même un déplacement au fur et à mesure que notre condition sociale se modifie. Il y a aussi des changements à ce moment-là, des déménagements, par exemple, dans certains quartiers.

M. Oré: Oui.

Mme Gagnon-Tremblay: Justement, la semaine dernière, on avait à discuter avec des représentants du milieu scolaire et on se rendait compte que classe d'accueil versus logement avait une signification dans le sens que, là où il y a des classes d'accueil, il y a... Quand il y a des classes d'accueil, ça signifie que, par la suite, il y a une forte concentration ethnique dans cette école parce que, généralement, les enfants qui vont à la classe d'accueil veulent demeurer dans cette école-là parce qu'ils y rencontrent des amis. Ils se forment des groupes d'amis et ils ne veulent pas quitter cette école. Souvent, là où on retrouve des classes d'accueil dans ces écoles, c'est des endroits où on a des logements à des prix meilleurs, à prix modique. Donc, automatiquement, il y a une concentration qui se fait. Comment on pourrait, par exemple, réussir à faire le lien entre les écoles à très faible densité ethnique, parce qu'il y a peu ou pas de classes d'accueil, et aussi le logement?

M. Oré: Je répondrai juste quant à la mobilité des ménages immigrés. Pour ce qui est des écoles, je vais laisser la parole à Monique Larose. Je pense que tu pourrais répondre à ça. En tout cas. (10 heures)

C'est vrai qu'il y a une mobilité qu'on observe chez la nouvelle immigration, mais quelles sont les causes qui motivent cette mobilité? Par exemple, Côte-des-Neiges, c'est un quartier qui concentre, à lui tout seul, 30 % de la nouvelle immigration qui entre au Québec. Mais, pourtant, ce quartier, on le perçoit comme un quartier de transition, c'est-à-dire que les gens vont être là pendant quelques années et, après, vont aller vers le nord, peut-être Montréal-Nord ou Saint-Laurent. Bon, mais quelles sont les causes"? D'abord, c'est le prix. Ils vont chercher quelque chose qui pourrait coûter moins cher et ils vont aussi quitter le quartier parce que les logements ne sont pas vraiment en état d'habitabilité. Alors, ce sont les deux principales causes qui vont être à l'origine de la mobilité.

Quant au problème des écoles comme tel, peut-être que Monique pourrait...

Mme Larose: À vrai dire, je travaille surtout avec les comités des parents à l'école. Je ne peux pas vraiment vous parler des mécanismes qui font qu'on prend la décision d'ouvrir une classe d'accueil dans un quartier plutôt que dans un autre. Je me sens assez dépourvue sur cette question-là.

Mme Gagnon-Tremblay: O.K. D'accord. C'est parce que les gens des commissions scolaires semblaient nous dire que, généralement, la population se retrouve là où on peut réussir à obtenir des loyers à prix modique ou à prix avantageux. Donc, nécessairement, on va essayer de s'inscrire dans des écoles tout près, et c'est à ce moment-là qu'on ouvre des classes d'accueil et, finalement, on retrouve parfois des écoles avec une, deux, trois, quatre classes d'accueil, et ces personnes-là demeurent dans cette école, une fois qu'elles ont terminé leur classe d'accueil, parce qu'elles se sont regroupées avec des amis. Donc, automatiquement, il y a une certaine concentration qui se greffe, qui se forme. On disait qu'il faudrait peut-être essayer de mieux orienter les logements ou d'essayer de faire un certain lien entre les logements et les écoles à moins forte densité ethnique, là où on pourrait ouvrir des classes d'accueil, mais limiter jusqu'à un certain point les classes d'accueil par école, pour ne pas se retrouver avec une forte densité ethnique, concentration ethnique.

Mme Larose: Je pense que vous soulevez là une grosse question. Pourquoi les gens viennent s'établir à Côte-des-Neiges? Il y a déjà une forte densité, mais ça les intéresse de venir habiter dans Côte-des-Neiges au moment de leur arrivée. Claude, tu veux répondre?

M. Dagneau: Je peux peut-être essayer de donner certains éléments. La nouvelle immigration dont on parle, elle ne se retrouve pas partout à Montréal. Elle se retrouve à Côte-des-Neiges. Disons qu'on va prendre trois groupes qu'on peut bien identifier, qui ressortent habituellement. Il y a les Latino-Américains, les immigrants du Sud-Est asiatique, les Noirs des Antilles anglaises et les Haïtiens. Prenons ces trois groupes-là. Il y a un peu d'Africains, des gens du Moyen-Orient et tout ça, mais ces trois groupes-là, ce sont les groupes dominants.

On retrouve ces mêmes groupes-là à Côte-des-Neiges, un peu plus au nord, à Saint-Laurent, dans des immeubles à logements à Saint-Laurent, un peu plus au nord que Cartierville. Donc, il y a comme une espèce de colonne où on peut retrouver ces groupes-là. On les retrouve aussi à Parc-Extension. Il y a une assez forte concentration ethnique à Parc-Extension. On trouve évidemment ces communautés-là ailleurs à Montréal, dans l'est, sur le Plateau-Mont-Royal et un peu plus loin dans l'est aussi, mais les concentrations fortes sont celles que je viens de vous mentionner.

Il y a d'ailleurs une recherche, un relevé qui a été fait par la SHDM, la Société d'habitation et de développement de Montréal. Ce sont peut-être des documents que vous avez. Sinon, si vous ne les avez pas, nous en avons des copies, nous pouvons vous en envoyer. Il y a une carte qui a été faite et qui montre bien la distribution de la nouvelle immigration à Montréal. Cette carte-là a été faite il y a un an et demi environ.

Pourquoi les nouveaux immigrants viennent-ils à Côte-des-Neiges, à Saint-Laurent, à Cartierville? Ils viennent là, selon notre analyse à nous, parce qu'il y a ce qu'on appelle des blocs d'appartements. Pourquoi choisissent-ils les blocs d'appartements? L'hypothèse que nous émettons, c'est l'anonymat, c'est-à-dire que ce sont des immeubles qui appartiennent à des propriétaires qu'on peut qualifier de professionnels, des gens qui possèdent des immeubles pour faire des affaires qui, dans bien des cas, dans la plupart des cas, consacrent toutes leurs activités professionnelles à leurs immeubles. En d'autres termes, ce sont des propriétaires professionnels à plein temps qui ne vont pas trop regarder qui va venir habiter leurs immeubles.

Dans l'est de Montréal, on a une situation qui est bien différente. On a des petits immeubles, duplex, triplex, quadruplex ou deux triplex côte à côte avec le propriétaire qui habite en bas. Et, quand il voit venir un immigrant, il se dit que cet immigrant-là va habiter au-dessus de chez lui, juste à côté de chez lui. Tandis qu'à Côte-des-Neiges ou à Saint-Laurent... et, quand je pense à Saint-Laurent, je ne pense évidemment pas à la partie de Saint-Laurent qui est formée de maisons unifamiliales. Je pense à des

blocs d'appartements, parce qu'il y a une partie de Saint-Laurent composée de blocs d'appartements qui ont été construits pendant la même période que ceux de Côte-des-Neiges, c'est-à-dire dans les années qui ont suivi la guerre.

La même chose à Cartierville. Il y a des immeubles peut-être un petit peu plus récents, mais qui sont, disons, de même nature...

Une voix:...

M. Dagneau: Juste terminer là-dessus. Je pense que l'analyse que nous faisons c'est que les immigrants viennent à Côte-des-Neiges, Saint-Laurent et Cartierville parce que c'est plus facile, parce qu'on leur fait moins de difficultés. Et, une fois qu'ils sont installés là, c'est certain qu'il y a un pôle d'attraction et qu'après ça les nouveaux arrivants vont se mêler a la communauté qui est déjà installée là. Mais ce n'est pas nouveau à Côte-des-Neiges; ça s'est produit comme ça dans le passé. Il y a eu une époque où il y avait, par exemple, une communauté grecque qui avait une certaine importance et qui n'est plus là, qui s'est déplacée.

Mais ce n'est pas nouveau que Côte-des-Neiges soit un lieu d'atterrissage et, malheureusement, un lieu de transition.

M. Oré: Mme la ministre... Mme Gagnon-Tremblay: M. Oré.

M. Oré: ...j'avais cru comprendre, d'abord dans votre question, que les immigrants vont aller ensemble dans un quartier avec l'espoir d'obtenir un HLM dans ce secteur-là. Alors, HLM c'est l'abréviation d'habitation à loyer modique. C'est administré par l'Office municipal d'habitation et financé par la Société d'habitation du Québec. Bon. Si c'était ça votre question, moi, je pourrais répondre qu'à Côte-des-Neiges ce n'est pas le cas. Vous savez que les demandes de logements HLM pour les familles sont beaucoup plus nombreuses dans les quartiers à forte concentration ethnique, et c'est dans les quartiers à forte concentration ethnique que l'on fait le moins de logements familiaux. D'autre part, il y a une très longue liste d'attente d'habitations à prix modique à Côte-des-Neiges où, justement, l'immigration représente presque 42 % parmi l'ensemble et ce n'est pas juste pour l'obtention de HLM que les immigrants vont nécessairement s'établir à Côte-des-Neiges ou à Notre-Dame-de-Grâce, parce que ce sont les quartiers les plus pénalisés quant aux constructions de HLM. C'est un de nos gros dossiers et tous les organismes de Côte-des-Neiges proposant une répartition adéquate d'unités de logements sociaux.

La distribution adéquate, la répartition adéquate, justement, des unités de logements sociaux... Donc, le gouvernement provincial a un rôle très important à jouer. C'est vrai qu'il y aurait une implication qui aurait des conséquences sur la distribution peut-être plus homogène à la grandeur de la ville de Montréal. Mais si c'était ça le cas, alors il faudrait donner plus de HLM, plus de coopératives en habitation à Côte-des-Neiges, aux quartiers qui demandent plus de familles parce que plus de la moitié des immigrants qui arrivent sont des familles immigrantes qui ont en moyenne deux enfants.

Mme Gagnon-Tremblay: Mais ne croyez-vous pas qu'il serait peut-être plus avantageux de trouver des solutions, je ne sais pas, moi... je pense à des logements à prix modique avec des ententes qui pourraient être prises, par exemple, avec des propriétaires, plutôt que de faire une concentration ou d'offrir trop de logements à prix modique, c'est-à-dire de HLM, et de ghet-toïser? Mais si, par exemple, on pouvait répartir davantage, faire une meilleure répartition au lieu de construire, en prenant des arrangements avec des propriétaires, pour obtenir quand même le même service, mais plus étendu sur le territoire?

M. Dagneau: Avant de parler de ce point-là, j'aimerais apporter un autre détail pour clarifier une chose que vous avez dite tout à l'heure. Vous avez dit que le Conseil scolaire de l'île de Montréal émet comme hypothèse que les immigrants se concentrent là où les loyers sont les plus bas. Je pense que ce n'est pas exact. Ça serait bon de faire une recherche là-dessus pour le vérifier, mais notre évaluation c'est que ça n'est pas exact. Les loyers de Côte-des-Neiges sont parmi les plus chers de Montréal. Ce ne sont peut-être pas les plus chers, mais je ne serait pas surpris qu'ils soient les plus chers. Ils sont parmi les plus chers.

Mme Gagnon-Tremblay: C'est de l'exploitation, finalement.

M. Dagneau: Comment?

Mme Gagnon-Tremblay: C'est de l'exploitation.

M. Dagneau: Peut-être, mais ce que je veux dire, c'est que les communautés culturelles de la nouvelle immigration ne viennent pas à Côte-des-Neiges, à Saint-Laurent ou à Cartierville, par exemple, là où on les retrouve en forte proportion, parce que les loyers sont plus bas qu'ailleurs. Si on fait une étude des statistiques, on s'en rend compte assez rapidement. Les loge ments de l'est de Montréal, et plus loin vers l'est, sont certainement meilleur marché et conviennent certainement plus aux familles immigrantes que les logements de Côte-des-Neiges. Les logements de Côte-des-Neiges sont composés de logements d'une chambre à coucher, deux chambres à coucher et trois chambres à coucher. Il n'y a pas de logements plus grands

que ça, sinon sur le boulevard Édouard-Montpetit où les logements sont antérieurs à la Deuxième Guerre et où on retrouve très peu de nouvelle immigration. Côte-des-Neiges, Saint-Laurent et Cartierville, par exemple, ne sont pas des quartiers naturels pour les communautés culturelles. Ce ne sont pas des quartiers qui comportent des logements adéquats pour les accueillir; les loyers sont élevés et les logements sont trop petits. Pourtant, c'est là que ces immigrants viennent. Alors, je pense qu'il faut bien comprendre le phénomène, avant de faire une affirmation comme celle qu'ils ont faite. Peut-être, en tout cas...

Mme Gagnon-Tremblay: Peut-être pas volontairement.

M. Dagneau: ...à l'oeil, comme ça, rapidement. Maintenant, en ce qui concerne les HLM, j'aimerais préciser, avant de penser à des formules nouvelles pour créer des habitations à loyer modique, ce qui est, en tout cas, un dossier sur lequel nous sommes en train de travailler à Côte-des-Neiges parce que nous avons un problème particulier qui est l'absence de terrains pour construire des logements... Il faut quand même voir certains faits et constater que...

J'ai fait une petite recherche, moi, il y a un an et demi, pour le deuxième forum du ROMEL, justement. J'ai regardé les demandes qui étaient faites à l'Office municipal d'habitation de Montréal, la distribution des demandes, et j'ai regardé aussi les logements construits. J'ai pris comme moyen, pour évaluer cette distribution-là, en tout cas comme repère, la carte préparée par la SHDM dont je vous parlais tout à l'heure, c'est-à-dire la carte qui nous donne les zones, les quartiers de Côte-des-Neiges où on retrouve la nouvelle immigration et ceux où on n'en retrouve pas ou très peu. J'ai constaté que, si on prend deux catégories de population, c'est-à-dire les personnes seules sans enfant et les familles avec enfants, on se rend compte que, dans les quartiers où se trouve la nouvelle immigration, il y a moins de logements pour les familles, beaucoup moins que dans les autres quartiers où on ne retrouve pas de communautés culturelles.

Et on retrouve, par ailleurs, plus - toujours en proportion, évidemment - de logements pour les personnes seules dans les quartiers où se trouve la nouvelle immigration que dans les autres quartiers. Or, la demande est inverse à cette situation-là. C'est-à-dire que le gros de la demande pour les logements familiaux provient des quartiers de nouvelle immigration, et c'est là qu'on retrouve le moins de logements pour eux. Et les demandes pour des logements pour personnes seules sont faites dans les quartiers québécois, là où on retrouve le plus grand nombre de logements pour les familles. Alors, on est très loin d'une situation où on pourrait dire: II faut cesser de ghettoïser et créer trop de logements à loyer modique pour les familles. On a exactement le contraire comme situation, à l'heure actuelle.

Mme Gagnon-Tremblay: Je vois que le temps...

M. Oré: J'aimerais ajouter... Je m'excuse de vous interrompre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. C'est parce qu'il me reste très peu de temps et j'avais une autre question que je trouvais tout à fait importante. On me dit que mon temps... J'ai quelques minutes, seulement. Concernant les revendicateurs du statut de réfugié, aux pages 10 et 11 de votre mémoire, vous vous penchez sur la situation particulière des revendicateurs et vous faites aussi, à un moment donné, une recommandation pour promouvoir la création de structures d'hébergement, de dépannage temporaire à l'intention des revendicateurs. Vous mentionnez aussi mettre en place une première maison d'hébergement administrée par une ONG. Alors, il y a eu une recommandation semblable qui a été faite aussi dans la région de Québec. (10 h 15)

Je me demandais, compte tenu qu'on en accueille tout près de 1000 par mois, comment, par exemple... Est-ce qu'on devrait multiplier maison par-dessus maison? Est-ce qu'il y a d'autres moyens de trouver une solution? Je me dis: Peut-être que oui, une maison d'hébergement, ça peut être intéressant, ça peut offrir le service, peut-être, je ne sais pas, moi, à une vingtaine de personnes et encore. Et quels sont les problèmes particuliers que vous rencontrez, par exemple, en matière de logement pour cette clientèle-là et comment on peut faire aussi pour que ça n'ait pas un effet non plus d'attraction sur un mouvement qu'on désire mieux contrôler?

M. Oré: Je commence à répondre. J'aimerais juste exprimer quelque chose qui me chicote dans la tête, c'est quant aux ghettos. Nous, on n'est pas portés à développer des ghettos. Ils sont... Les discours du ROMEL visent surtout une mixité sociale. On n'aimerait pas se concentrer dans des quartiers, dans des rues où sont juste des immigrants et dans des rues où sont juste des Québécois. On aimerait une mixité sociale plus large. Alors, on comprend, par mixité sociale, des ménages de différents revenus économiques qui seraient à l'intérieur et aussi des classes sociales de diverses origines. Donc, le quartier pourrait aussi avoir une diversité et une mixité des types de propriétés et déteneurs de logements. Alors, c'est ça qu'on envisage. Mais on comprend très bien que ça serait très difficile d'avoir, disons, un HLM à Westmount avec 25 %...

Le Président (M. Doyon): M. Oré, s'il vous

plaît, compte tenu du temps qui s'écoule, je suis obligé de vous...

M. Oré: O.K.

Le Président (M. Doyon): ...pousser un peu.

M. Oré: C'était juste... Quant aux nouveaux arrivants, le problème que rencontrent les revendicateurs d'un statut, c'est qu'ils disposent d'une très courte période de temps pour chercher leur logement. Dès qu'ils ont reçu leur chèque d'aide sociale, ils sont mis à la porte pour qu'ils puissent se débrouiller avec ce que le gouvernement leur offre. Alors, ces gens-là ne disposent pas de toutes les ressources, de toutes les connaissances à leur portée pour trouver des façons quasi immédiates de logement. Alors, c'est là que se pose le problème. Donc, la solution, disons, d'une maison d'hébergement temporaire serait, comme ça, temporaire, en attendant que ces personnes-là puissent trouver un logement où elles pourraient être hébergées à plus long terme.

Mais à ces problèmes aussi sont confrontés les ONG, les organismes non gouvernementaux, partenaires du MCCI, qui, souvent, quant à la demande assez nombreuse des revendicateurs qui arrivent à la recherche d'un logement, ne sont pas en mesure de satisfaire tous les besoins. De plus, les ONG sont mandatés aussi pour aider à la recherche d'un logement tous ces immigrants-là, ces revendicateurs-là. Mais il n'y a pas de ressources accordées, allouées spécifiquement pour ce volet, justement, de recherche de logement. C'est-à-dire que chez un ONG la personne qui s'occupe parfois d'héberger les nouveaux arrivants, c'est quelqu'un qui est aussi un nouvel arrivant, qui est à Montréal depuis trois mois et qui travaille dans le cadre du programme des travaux communautaires. Donc, je pense que c'est tout dire avec ça.

Je pense qu'on pourrait diversifier la solution. La maison d'hébergement transitoire, ce n'est qu'une possibilité de solution. Ce n'est pas la seule et ce n'est pas une solution non plus. C'est une façon de contourner les difficultés auxquelles font face ces clients-là, mais il pourrait y en avoir d'autres, comme, par exemple, des ressources financières aux ONG pour pouvoir avoir du personnel, évidemment, préparé et connaissant toutes les ressources du marché locatif, conditions, matériel d'habitabilité de Montréal ou de la région, justement pour mieux faciliter la recherche d'un logement et la signature des baux, etc. Parce que, dans le fond, c'est complexe pour quelqu'un qui...

Le Président (M. Doyon): Bon, M. Oré, merci. Je vais permettre au député de l'Opposition, le député de Shefford, qui a sûrement le désir de vous poser des questions et d'engager le dialogue. Peut-être que vous pourrez revenir.

Autrement, il ne pourra pas le faire et c'est mon devoir, comme président, de lui permettre aussi de participer au dialogue. M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Moi aussi, je vous souhaite la bienvenue. Je trouve très intéressant qu'on ait la chance de parler de logement et d'habitation pour les gens de Montréal et spécialement dans le contexte de la commission parlementaire des nouveaux Québécois. C'est surtout important qu'on soit en train de parler avec vous d'un quartier, finalement, qui est très important par rapport aux nouveaux Québécois, puisque, comme vous avez dit, un grand pourcentage de nouveaux venus commencent par passer chez vous. Et ça, c'est important parce que vous vivez l'accueil, l'intégration et ensuite de ça, finalement, le départ pour un autre quartier d'un large pourcentage de la clientèle que vous avez chez vous. Donc, vous êtes vraiment au courant du vécu des nouveaux venus dans votre quartier et on traite ce matin de quelque chose qui est fondamental par rapport à ces gens-là, c'est le logement, l'habitation.

Je regardais, en page 4 de votre mémoire... quand on parle d'intégration, vous revenez à ce que tout le monde nous disait au cours des jours précédents en commission parlementaire. Qu'est-ce qui est important pour un nouveau venu, pour lui assurer la stabilité souhaitée? C'est deux choses: l'emploi et le logement. On a surtout traité de l'emploi avec les groupes précédents, mais ce matin on traite de logement et vous le mettez avant l'emploi. Effectivement, quand des gens arrivent ici, on n'a pas le choix, on ne peut pas demeurer dans une bouche de métro, à la gare ou à l'aéroport, il faut se loger, il faut se trouver une place.

Ce qui est intéressant dans ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que les gens choisissent très largement ou en grande partie, en tout cas, Côte-des-Neiges, pas à cause des prix, pas nécessairement pour s'établir, mais à cause du milieu. Ils se retrouvent. C'est moins inquiétant, c'est moins... Je le dis un peu en interrogation et vous pourrez commenter... Les gens viennent s'établir là parce qu'ils se retrouvent, d'une certaine façon. Le choc est moins dur ou ils se sentent dans un milieu où ils sont plus nombreux.

Ensuite de ça, un coup installés, rassurés, acclimatés, là, on décide d'aller dans un quartier où on a le goût non pas de passer, mais de rester et de s'établir. Ma première question m'amène à vous demander: Justement, le fait qu'à Côte-des-Neiges les gens arrivent et se sentent un peu plus rassurés dans le voisinage parce qu'ils retrouvent aussi beaucoup d'immigrants, est-ce que vous ne pensez pas que ça a un effet sur l'augmentation des loyers? Dans ce coin, face à ce roulement continuel, le fait que les gens passent, est-ce que ce sont justement des

propriétaires d'immeubles locatifs et... ce que vous êtes en train de nous dire, peut-être que nous, on en apprend ici ce matin passablement avec les commentaires que vous nous apportez. J'ai l'impression qu'il y a des gens qui sont propriétaires dans ce coin-là, qui le savent depuis longtemps. Est-ce que vous n'avez pas l'impression que le roulement amène justement une augmentation des loyers, sachant très bien, à Montréal, que l'un des problèmes majeurs reconnus par la ville de Montréal et par tous les groupes - demandez aux DSC, aux CLSC, aux CRSSS et à tous les groupes qui s'occupent un peu du vécu quotidien des gens - l'un des problèmes majeurs à Montréal, c'est le logement et - vous le dites dans votre mémoire - ça va de 50 % à 60 % des revenus pour se loger. C'est une cause première de l'appauvrissement des gens. Donc, les gens sont de plus en plus pauvres parce que les loyers coûtent de plus en plus cher. Vous le dites. Depuis dix ans, les loyers ont augmenté deux fois plus vite que les revenus. Donc, c'est important qu'on s'occupe du logement, sinon on favorise la pauvreté. Est-ce que je me trompe dans l'affirmation que je fais en disant que le fort taux de roulement dans votre quartier amène, finalement, un abus dans le prix des loyers?

M. Dagneau: Oui, c'est exact. C'est un fait. On constate que les gens qui sont dans leur logement depuis longtemps ont des loyers beaucoup plus bas que ceux qui viennent d'arriver, et c'est constant. C'est un fait. Mais je n'ai pas malheureusement de données, de recherches à vous donner maintenant, mais c'est un fait, on le constate. Nous recevons des locataires tous les jours à notre organisme, et c'est un fait qu'on peut facilement constater.

M. Paré: Ça m'amène à une autre question, dans le sens d'améliorer, je veux dire. Si, dans Côte-des-Neiges, il se faisait plus de HLM, plus de coopératives, plus d'organismes sans but lucratif au niveau des logements... parce qu'on sait que, d'année en année, ça diminue. C'est maintenant, je ne sais pas moi, environ 1000 HLM par année pour tout le Québec et on est rendus à 800 coopératives et OSBL. Si on en faisait plus dans ces quartiers-là, est-ce que ça ne viendrait pas améliorer deux choses? Premièrement, une espèce de chien de garde - excusez l'expression, mais on se comprend là-dessus - par rapport au prix, étant donné qu'il y aurait un marché plus abondant pour des loyers moins élevés, et est-ce que ça n'aurait pas aussi comme effet de retenir plus de gens dans le quartier et faire en sorte que ce ne soit pas juste du passage, mais que ce soit de décider finalement de s'établir et de demeurer dans Côte-des-Neiges?

M. Dagneau: Je vais vous répondre là-des- sus. Il faut distinguer entre deux formules: le HLM et la coopérative. Le HLM est un programme très particulier, en ce sens qu'il s'adresse à une catégorie bien précise de personnes, des gens qui sont capables de se qualifier parce qu'ils ont des revenus très bas. Il y a une grille d'évaluation. Il y a des critères d'admissibilité qui sont établis par le gouvernement et qui sont très fermes, très précis. C'est certain que construire plus de HLM, à Côte-des-Neiges, ça va avoir comme effet de fournir des logements en bon état, des logements adéquats à des familles qui sont dans la misère maintenant. Ça, c'est certain. C'est pour ça que nous faisons des pressions pour construire des HLM.

En ce qui concerne l'effet sur les autres propriétaires, mon interprétation à moi, c'est que les HLM n'auront pas cet effet-là, étant donné que les HLM sont un programme de logements subventionnés, c'est-à-dire qu'un locataire paie selon ses capacités, selon son revenu, peu importe la taille de son logement. C'est certain que le propriétaire du secteur privé n'ira pas comparer ses logements avec les HLM. Par contre, si on regarde le programme coopératives, là, on répond peut-être à la question que vous posez. Le programme que la ville est en train de mettre en place dans le quartier Côte-des-Neiges avec l'acquisition de 610 logements va normalement, nous l'espérons, avoir l'effet dont vous parlez, c'est-à-dire que, dans le cadre de ce projet-là, les loyers ne sont pas subventionnés. Les loyers des locataires qui habitent ces immeubles-là vont être à peu près ceux qui existent à l'heure actuelle dans le quartier, c'est-à-dire que la SHDM acquiert les immeubles, et les locataires qui habitent ces immeubles-là vont continuer à payer le même loyer avec une légère augmentation au départ parce qu'il y a des rénovations à payer. Les rénovations qui vont être faites il y en a une petite partie qui va être assumée par les locataires. L'augmentation ne sera pas très forte. Ces loyers-là, effectivement, vont demeurer comparables à ceux du quartier. La différence, c'est que les logements vont être dans un bien meilleur état et qu'il n'y aura plus de propriétaires du secteur privé qui leur feront manger de la misère, pour être bien clairs, parce que c'est comme ça que ça se passe. Je connais assez bien la situation pour pouvoir vous le dire.

Donc, ces logements de la SHDM, eux, vont entrer en directe concurrence avec ceux du secteur privé. C'est certain que, plus il y en aura, plus l'effet sera fort dans le quartier Côte-des-Neiges. Je ne sais pas si je réponds à votre question. C'est ça la situation. Ça, c'est un programme qui est fait par la ville de Montréal et qui s'adresse de façon spécifique aux communautés culturelles parce que la ville de Montréal a acheté 1800 logements en 1990 à travers la ville de Montréal, sauf que le tiers de ces logements-là, cette année, a été acheté à

Côte-des-Neiges et, comme Côte-des-Neiges est un quartier multiethnique, finalement, les locataires qu'on retrouve dans ces logements-là, ce sont des locataires issus des communautés culturelles de la nouvelle immigration.

M. Paré: Vous répondez parfaitement et je suis tout à fait d'accord avec vous. J'espère que vôtre message va bien passer parce qu'effectivement c'est une formule extraordinaire. On l'a vécue ailleurs à Montréal, je pense, à Milton Park, que vous devez connaître aussi, qui fait en sorte que le quartier permet aux gens une foule de choses, entre autres la responsabilisation par rapport au vécu dans une coopérative puisqu'on devient sociétaire, par rapport à la mixité, comme vous dites, parce que ce n'est pas seulement pour les nouveaux Québécois, mais c'est aussi pour permettre qu'il y ait cette mixité dont vous parliez tantôt avec des Québécois de plus longue souche ici, et ça permet surtout au gouvernement une économie parce que ça coûte moins cher qu'un HLM.

M. Dagneau: Un petit détail aussi important. Dans les HLM, les réfugiés politiques et les revendicateurs du statut de réfugié politique ne sont pas admissibles. Dans ces coops-là ils le sont. C'est un élément qui a son importance. Il y a autre chose que je voulais rajouter.

M. Paré: Dans l'autre réponse, ça pourra vous revenir. Je sais que le temps est très limité. Je vais vous poser une question à double volet comme on dit à l'Assemblée nationale.

M. Dagneau: Ce que je voulais rajouter, détail important, c'est que c'est un programme de la ville, ce n'est pas un programme du gouvernement. Je dois dire qu'il y a une certaine contribution via le PRIL, une contribution du gouvernement, mais c'est une contribution qu'on pourrait qualifier de boiteuse pour l'instant. Je n'entre pas dans... Si vous voulez avoir plus de détails, on pourrait vous les donner mais... (10 h 30)

M. Paré: Non. Je pourrais dire que je pense qu'on est pas mal tous conscients qu'on doit tous reconnaître à quel point la ville de Montréal a un souci et essaie de régler des problèmes en matière d'habitation puisqu'elle s'est même donné une politique d'habitation, ce qu'on n'a même pas ici au gouvernement.

Une question à double volet par rapport à quelque chose qui est important. Vous le mentionnez là-dedans et ça revient régulièrement: c'est l'information. Effectivement, les nouveaux arrivants, comme toute la population d'ailleurs... le meilleur service qu'on peut donner aux gens, c'est de l'information. Quand on a l'information, on peut profiter des programmes et se sentir plus en sécurité, et on peut défendre ses droits, ce qu'on ne peut pas faire autrement. L'informa- tion, c'est important.

Mon deuxième volet, c'est le harcèlement aussi parce que, quand on ne connaît pas nos droits, on est obligés de prendre ce qui passe et on est obligés d'accepter ce qu'on nous dit et ce qu'on nous fait, et je pense que les deux sont directement reliés, harcèlement et information. Il faut trouver des moyens, et je pense que vous êtes là pour nous aider et pour nous en fournir. De quelle façon est-ce qu'on peut le mieux fournir de l'information? Il y a évidemment - et vous en avez nommé dans votre mémoire - des structures, des institutions et des régies qui existent au gouvernement, et le cas qui nous concerne ce matin, c'est la Régie du logement ou des organismes comme le vôtre.

Le gouvernement doit utiliser les deux, mais regarder comment on peut mieux aider à l'augmentation de l'aide qu'on peut apporter à partir de maintenant, si on veut augmenter l'information et l'aide ou si on doit privilégier les sommes qu'on va ajouter. Il y a la Régie du logement, c'est évident. Ce qu'on peut faire dans la Régie du logement, vous savez qu'il y a des bureaux qui sont coupés et que ça coûte maintenant 25 $ pour un dossier, plus là TPS. Il y a des coûts maintenant et c'est vu par les gens comme une espèce de tribunal administratif, donc, quand on y va, c'est qu'on a un problème, ce n'est pas pour aller chercher de l'aide. Il reste quoi où on va sentir qu'on est accueilli et qu'on va être aidé? Je pense que c'est des groupés comme le vôtre, accessible, des gens qui ont connu les problèmes des autres et qui sont là à titre d'aidant.

Moi, je pense que la meilleure façon d'aider et la moins coûteuse aussi... parce que ça coûte bien moins cher, une subvention de fonctionnement à un organisme comme le vôtre, qu'une aide pour ajouter du personnel au niveau de la Régie du logement. Cela pourrait être fait, par exemple, ça n'empêche pas d'augmenter la qualité du service de ce que l'État possède comme institution. Dans votre cas, moi, je pense - et je dois dire qu'il en a été question il n'y a pas tellement longtemps ici, en commission parlementaire, en parlant de la Régie du logement - qu'il faut regarder pour ouvrir dans Côte-des-Neiges ou dans des secteurs comme le vôtre, soit un bureau particulier de la Régie du logement, soit, à l'intérieur de la Régie du logement, avoir un guichet particulier d'aide à titre d'information. Mais, même là, ce n'est pas fait et je pense que ce serait plus coûteux que, finalement, d'avoir pour vous autres une véritable politique de reconnaissance et de financement.

Je ne sais pas lequel des deux volets vous privilégiez, que la Régie du logement se transforme ou qu'on vous aide davantage. Je vous lance la question.

Le Président (M. Doyon): Une brève réponse, s'il vous plaît.

M. Ore: Quant à l'information sur ce qu'est le logement auprès des nouveaux arrivants, je ne parlerai pas juste de la Régie du logement. Mais il faudrait d'abord dire que cette information-là doit être adaptée, accessible justement aux nouveaux arrivants parce qu'il y aurait peut-être certaines valeurs culturelles qui empêcheraient leur compréhension. À la ville de Montréal il y avait un projet de création d'un guichet centralisé d'information sur le logement, mais ce fameux quichet serait presque une copie de ceux qui existent déjà à Accès Montréal. À Côte-des-Neiges, je ne sais pas s'il y a les meilleurs services qu'on puisse avoir.

Je pense qu'en partenariat, des organismes communautaires qui auraient une certaine expertise avec des organismes, disons, qui interviennent dans le milieu de l'habitation, cela pourrait être souhaitable. Comment le faire? C'est ça, en partenariat, une intervention dans le support, comme vous avez dit, aux organismes communautaires. Je pense que, d'après notre expérience comme organisme, on travaille sur ça. Disons qu'en pratique on fait connaître ce que fait la Régie du logement. En pratique, le ROMEL fait connaître ce que fait la SHQ, la SCHL et la Commission des droits de la personne, et le ROMEL n'est pas payé pour atteindre ces organismes-là.

Ce qui apporte le plus de résultats quand on donne cette information-là, c'est quand on la donne sur le terrain directement aux clients. L'expérience dernière, l'année dernière, on a visite tous les COFI à Montréal, le jour pour les immigrants, le soir pour les réfugiés; on a visité les églises, on a visité les organismes d'information, on a même donné un party à des communautés ethniques; on a distribué ça, et c'est là que ça a rapporté de plus en plus. C'est vrai que toute cette campagne d'information qu'on a faite l'année dernière a peut-être augmenté considérablement les appels des allophones auprès de l'assistance publique. Donc, l'adaptation de ces services auprès de cette clientèle-là est tout à fait raisonnable.

Si je donne un exemple quant à ça...

Le Président (M. Doyon): En terminant, M. Oré, s'il vous plaît.

M. Oré: Si je donne un exemple seulement, je dois dire que, par rapport au support des locataires, H y a une association de locataires dans la région de la ville de Montréal, qui se trouve à Côte-des-Neiges, où il y a une personne qui parle espagnol et tous les clients qui nous appellent chez nous, on les transfère à cette association de locataires parce qu'il y a quelqu'un qui parle espagnol, qui peut répondre à quelqu'un qui aurait besoin d'information. C'est justement lui qui pourrait peut-être... cette information-là.

Le Président (M. Doyon): Non. On n'aura pas le temps malheureusement de poursuivre, M. le député. Peut-être... Mon devoir est ingrat, mais il est nécessaire.

M. Paré: Malheureusement, c'est les règles du jeu ici. Mais, comme on a lu attentivement votre mémoire, je pense que les informations que vous vouliez nous fournir, on va en prendre bonne note. Comme c'est tout le temps qu'on a, bien, merci beaucoup d'être venus.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Tout simplement, en terminant, je dois vous dire que j'ai été très sensibilisée à la lecture de votre mémoire, entre autres concernant les coopératives. Je pense qu'il faudra travailler aussi... Il y a des programmes aussi qui sont prévus non seulement avec la ville, mais aussi en collaboration avec le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada. Alors, je pense qu'il va falloir développer peut-être ce côté-là aussi.

Moi, je dois vous remercier et vous féliciter aussi parce que votre mémoire est très riche en recommandations. On aura l'occasion de se revoir demain, à l'ouverture de votre colloque. Merci beaucoup et bon voyage de retour.

M. Oré: Malheureusement, on n'a pas touché quelque chose qui frappe le plus, la discrimination dans les logements, mais je pense que vous le pensez et nous le pensons aussi.

Le Président (M. Doyon): Alors, merci beaucoup. Je vous prierais de prendre la peine de vous retirer pour permettre à l'autre groupe de vous remplacer.

Sans plus de retard, j'inviterais les représentants du groupe Au bas de l'échelle à bien vouloir s'avancer, à prendre place à l'avant.

Je constate donc que les deux représentantes du groupe Au bas de l'échelle sont installées. Je les invite à se présenter brièvement et à nous faire la lecture, en tout cas une présentation du résumé de leur rapport; ensuite, la conversation s'engagera avec les membres de cette commission. Alors, vous avez la parole.

Au bas de l'échelle

Mme Bernstein (Stéphanie): Merci. Le groupe Au bas de l'échelle voudrait d'abord vous remercier de votre invitation à participer à cette consultation générale.

Je suis Stéphanie Bernstein, responsable du dossier des travailleuses et des travailleurs immigrants au sein de mon organisme, Au bas de l'échelle. À côté de moi, c'est Anick Druelle, coordonnatrice des services au sein du même organisme.

Au bas de l'échelle est un groupe populaire qui oeuvre depuis 15 ans à la défense des droits des travailleuses et travailleurs non syndiqués. On a trois volets à notre action: nous offrons des services individuels à des personnes qui ont des problèmes au travail; nous offrons des services d'information collective, c'est-à-dire des sessions d'information dans des groupes auprès des non-syndiqués, des petits salariés; aussi, on a un volet où on fait de la représentation politique pour encourager l'amélioration des conditions de travail des personnes non syndiquées.

Le Président (M. Doyon): Nous vous écoutons concernant votre mémoire.

Mme Bernstein: Merci. En tant qu'intervenant dans le domaine social, l'organisme Au bas de l'échelle tient à apporter quelques commentaires sur des sujets particuliers soulevés dans l'énoncé de politique.

Depuis ses débuts, notre organisme s'est toujours préoccupé de la situation particulière que les personnes immigrantes vivent sur le marché du travail et ce, surtout au niveau de leurs conditions de travail. Pour ces raisons, nous croyons que notre expertise dans le domaine peut s'avérer utile dans l'élaboration d'orientations et de programmes éventuels.

L'énoncé de politique au Québec "Au Québec pour bâtir ensemble" traite de maints sujets touchant l'immigration et l'intégration. Cependant, nous désirons limiter notre intervention à quelques points relevant directement de notre expertise. Nous aborderons donc les sujets suivants: la discrimination dans le domaine de l'emploi, l'accès à la justice des Québécoises et des Québécois des communautés culturelles, plus particulièrement des nouveaux arrivants, les conditions de travail des domestiques et des travailleuses et travailleurs agricoles et le partenariat entre les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux en matière d'intégration.

La discrimination dans l'emploi prend diverses formes et constitue une realité vécue par un grand nombre de Québécoises et Québécois de communautés culturelles, plus particulièrement par les personnes nouvellement arrivées au Québec et par les minorités visibles. Cette discrimination ne se vit pas seulement à l'embauche, mais également dans les conditions de travail. Elle peut être directe ou indirecte. Il faut s'attaquer immédiatement aux différents volets de la discrimination dans l'emploi étant donné que le travail est l'une des premières formes d'intégration à la société québécoise.

Le placement et l'employabilité des nouveaux arrivants constituent des préoccupations importantes et très valables pour le gouvernement. D'après notre expérience, les nouveaux arrivants sont souvent dirigés vers des emplois aux conditions de travail difficiles et très souvent en-dessous de leurs qualifications professionnelles, ce qui démontre peut-être une sous-valorisation de leur apport à la société d'accueil. Selon le recensement du Canada de 1986, la population immigrée au Québec est sous-représentée dans certains secteurs de l'économie. À titre d'exemple, les travailleurs immigrés arrivés entre 1981 et 1986 se retrouvent à 38 % dans le secteur manufacturier, un secteur mou de l'économie qui offre des emplois précaires et mal protégés.

Afin de répondre aux besoins en placement, le gouvernement propose comme solution possible des clubs de placement pour immigrants et immigrantes. Malgré que beaucoup de travailleuses et de travailleurs immigrants éprouvent des difficultés particulières à ce niveau, nous trouvons important de limiter les structures qui peuvent accentuer davantage la ghettoïsation de certaines travailleuses et travailleurs immigrants dans les secteurs précaires de l'économie. De plus, nous croyons que toute mesure pour encourager le placement et l'employabilité devrait être développée en collaboration avec les groupes desservant les communautés culturelles et spécialisés dans ce domaine.

Les solutions proposées par le gouvernement à la discrimination dans l'emploi se concentrent surtout autour des programmes d'accès à l'égalité et des obligations contractuelles. Ces programmes évidemment devraient se poursuivre, tout en étant assujettis à des évaluations continues. Cependant, ils ne constituent évidemment pas le seul mécanisme de lutte contre la discrimination. Nous sommes devant une situation où des milliers de travailleuses et de travailleurs immigrants subissent de la discrimination quotidiennement dans leur milieu de travail. Cette situation est particulièrement aiguë dans les petites entreprises. Nous le voyons tous les jours à Au bas de l'échelle.

Selon l'énoncé, le gouvernement appuierait des initiatives d'institutions et d'organismes communautaires qui contribuent à lutter contre la discrimination sous toutes ses formes, ainsi que la consolidation de l'action de la Commission des droits de la personne auprès des personnes victimes de discrimination pour des motifs de race, de couleur ou d'origine ethnique. Il faudrait peut-être davantage axer ces interventions auprès des personnes qui vivent une situation d'isolement dans leur milieu de travail à cause de leur difficulté à s'exprimer en français, du manque de syndicalisation dans ces milieux et de la méconnaissance de leurs droits. Ce travail est déjà entrepris, en partie, par les organismes communautaires comme le nôtre qui sont spécialisés dans la défense des droits et par les syndicats, mais le gouvernement pourrait le compléter avec des campagnes de sensibilisation auprès des employeurs et du grand public, en concertation avec la Commission des droits de la personne et en continuant à trouver des mécanismes aux niveaux judiciaire et administratif pour faciliter

l'accès aux recours en matière de discrimination.

Le gouvernement exprime également une volonté d'améliorer l'accessibilité aux services judiciaires des Québécoises et Québécois des communautés culturelles. À notre avis, il serait aussi important de mettre en place des mécanismes pour que ces personnes reçoivent davantage un traitement égal devant la loi. Ici, nous allons aborder les questions de l'interprétariat et de l'aide juridique, il ne faut pas non plus oublier l'accès à l'information sur les lois, ce qui est un enjeu majeur en ce qui concerne l'accès à la justice.

Présentement, les personnes qui ne peuvent s'exprimer en français ou en anglais, parce que devant les tribunaux on peut s'exprimer en anglais également, ne bénificient pas automatiquement des services d'un interprète qualifié lors de procédures judiciaires, à quelques exceptions près. Par exemple, les causes pénales, les dossiers d'immigration. Cette situation est particulièrement préoccupante parce que la société d'accueil nie un droit fondamental à celles et à ceux qui ne parlent pas encore sa langue. (10 h 45)

À Au bas de l'échelle, on voit ça assez souvent devant les tribunaux administratifs, par exemple à la Commission des normes du travail, nous avons souvent des causes de personnes qui ne parlent ni français ni anglais. Elles ne peuvent pas se défendre, elles ne peuvent pas comprendre les procédures et ce n'est pas évident de trouver quelqu'un d'assez qualifié ou qui sera accepté par l'avocat de l'employeur comme interprète. Alors, nous croyons qu'il est impératif que le gouvernement garantisse ce droit à toute personne qui ne s'exprime pas adéquatement en français et ce, devant tous les tribunaux.

Jusqu'à maintenant, aucune institution publique n'a apporté de l'aide au niveau de l'interprétariat. On pourrait supposer que l'aide juridique paie les frais d'interprète avec les autres frais judiciaires pour les personnes dans le besoin. Cependant, l'expérience nous montre que de moins en moins de personnes répondent aux critères d'admissibilité à l'aide juridique - je pense que tout le monde ici est au courant. D'ailleurs, le Protecteur du citoyen a souligné, dans son rapport annuel de 1989-1990, l'importance de cette situation et a encouragé le gouvernement à la rectifier. Les personnes récemment installées au Québec sont particulièrement affectées par cet état de fait car elles se retrouvent très souvent dans une situation économique précaire tout en restant exclues de l'aide juridique. Le gouvernement devrait donc regarder très attentivement cette situation et passer à l'action afin d'assurer un financement accru à cette mesure sociale qui vise l'égalité de toute personne devant la loi, finalement.

De plus, l'accessibilité à la justice ne se limite pas à l'accès au processus judiciaire; elle comprend également l'accès à l'information sur les lois. Cette information reste difficilement accessible pour les personnes nées et scolarisées ici. Alors, imaginons le cas des personnes nouvellement arrivées qui sont habituées à un système judiciaire et à des lois différentes.

Le gouvernement a déjà fait des efforts pour rendre l'information plus accessible en assurant des services multilingues dans certains organismes gouvernementaux tels que Communication-Québec et la Commission des normes du travail et en traduisant plusieurs dépliants d'information. Cependant, il reste que ces services demeurent très limités lorsque les personnes passent à l'étape d'entreprendre des démarches en vertu d'une loi. Les fonctionnaires chargés des dossiers disposent de très peu de ressources au niveau de l'interprétariat. Cette carence ne leur permet pas de s'assurer que les personnes nécessitant leur aide comprennent bien les procédures, leurs droits et les mécanismes d'appel à des décisions administratives ou autres. L'information sur les lois ne s'arrête pas aux préposés à la clientèle, il faut assurer des services multilingues dans le cadre de l'administration des lois. Il ne faut pas oublier la francisation non plus. Dans l'optique de la francisation et face à l'impossibilité de tout traduire dans les langues d'origine, le gouvernement devrait également encourager ses ministères à produire des documents d'information sur les lois en français, mais plus faciles d'accès, c'est-à-dire plus vulgarisés.

Maintenant, je vais parler un peu des domestiques et des travailleuses et travailleurs agricoles. Dans l'énoncé de politique, le gouvernement propose aussi d'augmenter le nombre de travailleuses et de travailleurs temporaires afin de pallier à des pénuries de main-d'oeuvre dans certains secteurs économiques. On parle plus spécifiquement des domestiques et des travailleuses et des travailleurs agricoles saisonniers. Cette orientation de la part du gouvernement suscite certaines réflexions, surtout quant à la nécessité de leur assurer des conditions décentes de travail. Il faudrait aussi souligner que ces pénuries de main-d'oeuvre relèvent en partie des conditions de travail s'y rattachant qui sont en dessous de celles normalement considérées minimales et acceptables.

Les domestiques sont parmi les travailleuses - je dis "travailleuses" parce que la presque totalité des domestiques sont des femmes - les plus exploitées. Les mesures de protection proposées par l'énoncé sont nettement insuffisantes. On recommande d'assurer un meilleur respect des normes québécoises relatives aux conditions de travail. Cependant, même avec l'entrée en vigueur de la Loi modifiant la Loi sur les normes du travail, le 1er janvier 1991, les domestiques qui gardent des enfants ou des adultes dans l'incapacité et qui exécutent exclusivement des tâches reliées à la garde demeurent

exclues du champ d'application de la loi. Celles qui occupent d'autres fonctions bénéficient d'un salaire minimum en dessous de celui des autres travailleuses et travailleurs et doivent assumer une semaine normale de travail plus longue, c'est-à-dire de 53 heures. De plus, compte tenu de leur isolement du fait qu'elles sont obligées de résider chez leur employeur quand elles entrent au pays sous les auspices du programme fédéral pour les domestiques, ces femmes ne pourront ni connaître leurs droits, ni les défendre - là, je ne parie même pas de la possibilité d'apprendre le français, non plus.

Nous citons le mémoire de la Commission des droits de la personne présenté lors des consultations sur la nouvelle Loi sur les normes du travail pour appuyer l'élimination de toute discrimination envers les domestiques. Je cite: "L'application du principe de l'égalité de tous devant les normes minimales du travail devrait être rigoureuse. C'est dire que l'universalité de la loi doit être recherchée. Les mêmes conditions de travail, injustes pour la plupart des personnes, ne peuvent en principe être considérées justes pour certaines catégories de travailleuses et de travailleurs." La Commission des droits de la personne considère que l'exclusion de certaines domestiques de la loi constitue de la discrimination en vertu des articles 46, 10 et 16 de la Charte des droits et libertés de la personne.

Le législateur prévoit la possibilité d'assujettir à la Loi sur les normes du travail, par voie de réglementation, les domestiques-gardiennes présentement exclues de son champ d'application. Les conditions de travail des domestiques qui sont couvertes par cette loi peuvent être améliorées par la même voie. Le gouvernement devrait donc profiter de cette occasion afin d'éliminer toute discrimination envers les domestiques.

L'idée d'un contrat type entre employé et employeur a également été proposée dans l'énoncé de politique. Ce n'est pas une idée nouvelle. Le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration a élaboré un tel contrat voilà plusieurs années, même s'il n'étart pas obligatoire. Si un nouveau contrat type est conçu, i! ne peut que se référer à la Loi sur les normes du travail. Il doit être exhaustif et obligatoire et le gouvernement québécois devrait instaurer un mécanisme de résolution de conflits quant à l'application du contrat. Ce mécanisme devrait être, si possible, indépendant des tribunaux. Certaines domestiques, parce qu'exclues du champ d'application de la loi, ne peuvent avoir recours à la Commission des normes du travail. On ne peut s'attendre non plus à ce que les domestiques venant de l'étranger puissent se présenter aux cours québécoises afin de faire respecter leur contrat. Les délais en cour civile sont excessivement longs - à Montréal, c'est jusqu'à deux ans - et les domestiques ont rarement les ressources financières ou une connaissance suffisante du système judiciaire pour exercer un tel recours.

La Commission des droits de la personne soulignait également l'exclusion partielle des travailleuses et travailleurs agricoles de la Loi sur les normes du travail. La Commission constate que cette exclusion affecte plus particulièrement les travailleurs immigrants et, pour cette raison, serait discriminatoire. Cette discrimination ne peut se justifier par une pénurie de main-d'oeuvre. Même le ministère de la Main-d'?uvre et de la Sécurité du revenu a déjà recommandé l'assujettissement de l'ensemble des salariés agricoles à la Loi sur les normes du travail puisque cela constitue... je cite: "Puisque cela constitue un élément de solution indispensable aux problèmes de main-d'oeuvre que connaît le secteur agricole québécois."

Comme dans le cas des domestiques et domestiques-gardiennes, le gouvernement peut se prévaloir de son pouvoir réglementaire en vertu de la Loi modifiant la Loi sur les normes du travail pour enlever les dispositions qui sont discriminatoires envers les travailleuses et travailleurs agricoles saisonniers. Avant de promouvoir une politique d'implantation de main-d'oeuvre pour répondre à des pénuries, le gouvernement devrait garantir que l'on n'exerce aucune discrimination à leur égard. De plus, il doit veiller à ce que ces travailleuses et travailleurs disposent de toute information pertinente sur leurs droits et recours et que les agences gouvernementales responsables assurent auprès des employés et des employeurs un suivi au niveau du respect de leurs droits.

Le dernier point que nous allons aborder est celui du partenariat. Le gouvernement québécois reconnaît l'expertise des partenaires non gouvernementaux dans le processus d'adaptation et d'intégration des immigrants et prévoit mettre en valeur leur apport considérable dans ce domaine. Sans aucun doute, le partenariat joue un rôle indispensable dans l'intégration harmonieuse des nouveaux Québécois et Québécoises, mais il resterait à mieux définir le partenariat, de concert avec les organismes, bien sûr.

On parle, entre autres, de la bonification des programmes de subventions aux organismes qui travaillent à l'accueil et à l'adaptation suite à l'entente Canada-Québec qui vient d'être signée et de miser davantage sur la collaboration entre les organismes publics, parapublics et privés afin de rendre les services gouvernementaux pius accessibles aux Québécoises et aux Québécois des communautés culturelles.

Le financement par le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration de plusieurs organismes non gouvernementaux qui oeuvrent directement avec les Québécois des communautés culturelles est, d'après la plupart des groupes concernés, insuffisant. À titre

d'exemple, une subvention octroyée dans le cadre du Programme d'aide à l'accueil et à l'adaptation des nouveaux arrivants ne garantit parfois à peine qu'un salaire. Les problèmes spécifiques que ces organismes vivent, considérant leur peu de ressources financières et humaines et les besoins réels de leur clientèle, devraient également être pris en considération dans le développement de ces programmes de subventions. Il ne suffit pas de reconnaître l'expertise de ces groupes. Il faudrait développer les programmes avec ces organismes et leur offrir la possibilité de participer à l'évaluation et à l'ajustement de ceux-ci. Ceci faciliterait un réel partenariat et rendrait plus efficace l'implantation de programmes complémentaires ou conjoints entre le réseau gouvernemental et non gouvernemental.

Pour terminer, je voudrais remercier une fois de plus les membres de cette commission pour l'attention qu'elles et qu'ils ont portée à nos intervention. Merci beaucoup.

Le Président (M. Messier): Je vous remercie beaucoup, Mme Bernstein. Nous allons avoir un échange d'environ 15 minutes, autant de la partie ministérielle que de l'Opposition, et je laisse la parole à Mme la ministre. Merci.

Mme Gagnon-Tremblay: Je vous remercie également et je vous félicite d'avoir pris le temps d'élaborer un mémoire sur ce sujet. Je dois vous dire que je l'ai lu avec beaucoup d'attention.

Justement, vous avez mentionné dans votre exposé de même que vous le mentionnez aussi dans votre mémoire, à la page 12, vous signalez l'importance de bien protéger les domestiques étrangères. Vous accordez beaucoup d'importance à ce sujet et vous parlez d'un contrat de travail obligatoire. Vous l'avez bien mentionné déjà: Dans l'énoncé de politique, nous parlons d'un contrat type, mais contrairement à ce qu'on aurait pu souhaiter, c'est-à-dire qu'on aurait pu se rendre compte qu'auparavant on avait une espèce de contrat type, mais on n'était pas obligé de le signer... Là, maintenant, avec l'énoncé, la signature sera obligatoire. Bien sûr aussi, nous avons prévu des séances d'information, des activités d'information, même à l'étranger; lorsque la candidate est sélectionnée, je pense que c'est à ce moment-là aussi qu'elle doit être bien renseignée sur ses droits et l'importance, pa<_2a_ signature="" de="" _exemple2c_="" tel="" et="" _d27_un="" on="" faire="" la="" pourra="" contrat="" respecter="" comment="" ce="">

Vous avez également suggéré qu'on instaure un mécanisme alternatif de résolution de conflits pour les domestiques étrangères avec le non-respect des problèmes, par exemple le non-respect de leur contrat. J'aimerais dans un premier temps que vous me disiez comment vous voyez ce mécanisme. Est-ce qu'il devrait être lié à la Commission des normes du travail? Et y a-t-il des modèles de mécanisme de résolution des conflits ailleurs dont vous auriez pris connaissance?

Mme Bernstein: Premièrement, je vais juste parler de l'aspect du contrat. L'expérience du dernier contrat type, même s'il n'était pas obligatoire, c'est qu'il se référait seulement à la Loi sur les normes du travail. On dit: Pour toutes les dispositions concernant les heures supplémentaires, etc., voir la Loi sur les normes du travail. Finalement, ce contrat type n'avait aucune valeur pour les domestiques-gardiennes.

Mme Gagnon-Tremblay: Alors, le message est passé à mes fonctionnaires.

Mme Bernstein: C'était ça vraiment le problème. Les échos que j'ai eus à propos du contrat qui sera élaboré, c'est que, finalement, ça va se référer à peu près à ce qu'il y a dans la Loi sur les normes du travail. Mais quand même, dans le Code civil, on peut prévoir quelque chose d'un peu plus étoffé.

Mme Gagnon-Tremblay: Dans le Code civil?

Mme Bernstein: Bien, je veux dire, il y a un contrat de louage de services entre deux parties...

Mme Gagnon-Tremblay: Oui.

Mme Bernstein: ...il faut le respecter. Alors, au lieu de juste se référer à la Loi sur les normes du travail, il faut écrire un contrat qui soit exhaustif, qui prévoie tout. Personnellement, j'ai déjà travaillé avec les domestiques; il y a déjà des ententes, disons, qui sont signées entre Immigration Canada, la domestique et l'employeur...

Mme Gagnon-Tremblay: Oui.

Mme Bernstein: ...qui marquent effectivement les conditions de travail, combien d'enfants, qu'est-ce que la domestique dort faire, etc., qui ne sont jamais respectées. Le salaire n'est même pas respecté. Quand on dit ça à Immigration Canada, ils disent: Bien, on ne peut rien faire; ce n'est pas notre domaine. La femme va à la Commission des normes du travail; la Commission dit: Vous êtes exclue du champ d'application de la loi. Alors, c'est très problématique.

Mme Gagnon-Tremblay: Ma deuxième question, c'était: Est-ce que vous avez pris connaissance ailleurs d'autres mécanismes de résolution de conflits comme celui que vous nous proposez?

Mme Bernstein: Je n'ai pas de modèle précis...

Mme Gagnon-Tremblay: Non ...de modèle précis...

Mme Bernstein: ...en tête là, mais comme je l'ai déjà mentionné, les cours civiles, c'est trop long. Souvent, la femme va être partie avant son audition en cour civile. Alors, il faut vraiment trouver quelque chose de plus rapide, ça peut être un service de médiation de conflits, mais il faut que ça lie l'employeur quelque part. C'est ça, l'important.

Mme Gagnon-Tremblay: Vous savez aussi que la question des domestiques, c'est vraiment une façon de venir s'établir au Québec ou au Canada, après y avoir séjourné pendant un certain temps. Alors, finalement, il y a toutes sortes de considérations qui sont prises pour compte et, finalement, peut-être que la personne ne serait pas sélectionnée sous une autre catégorie que la catégorie des domestiques. Étant donné justement qu'après trois ans, si ma mémoire est fidèle... C'est trois ans, n'est-ce pas?

Mme Bernstein: Deux. (11 heures)

Mme Gagnon-Tremblay: Après trois ans, la personne peut être admise comme permanente au Québec ou au Canada. Est-ce que, dans ces conditions, on volt que de plus en plus de domestiques viennent sous cette catégorie ou sous ce programme pour pouvoir venir peut-être plus rapidement parce que, sous la catégorie de l'indépendant, peut-être qu'à ce moment-là on ne serait pas admissible? Est-ce que nous devrions exiger davantage quant à la formation, à l'éducation? Parce qu'on sait très bien que la personne, après avoir travaillé pendant deux ans, trois ans, et aussi pour ne pas être exploitée dans un certain sens parce que c'est un peu comme une espèce de tremplin... Je pense que le travail domestique devient un peu un tremplin à un emploi beaucoup plus rémunérateur. Ça devrait être finalement... Selon le programme qui avait été déterminé par le gouvernement fédéral, c'est un peu ce qu'on visait. On visait peut-être une intégration pendant ces certaines périodes de temps et permette par la suite à la femme de pouvoir quitter ce type d'emploi et accéder à un travail meilleur. Ne croyez-vous pas qu'on devrait exiger peut-être plus d'éducation ou de formation même si c'est pour une travailleuse domestique?

Mme Bernstein: Au bas de l'échelle ne travaille pas expressément avec les domestiques à ce niveau-là, la formation, etc. Nous sommes plus experts dans l'aspect législatif, c'est-à-dire la Loi sur les normes du travail, les exclusions du champ d'application, etc. Je ne voudrais pas me prononcer sur la formation des domestiques. Je voudrais juste ajouter que même si - je dis "même si" - le programme fédéral pour les domestiques facilite l'entrée des femmes au pays parce que c'est un processus différent, disons, cela n'excuse pas le fait de donner des conditions de travail moindres à des domestiques. C'est surtout ça. Finalement, il faut regarder la situation de ces domestiques. Elles arrivent au Canada; elles sont accueillies par leur employeur à l'aéroport. Elles s'en vont à la maison de leur employeur et il y a des domestiques qui ne sortent quasiment plus de la maison. Môme si c'est écrit dans l'entente, elles n'ont pas accès au cours de français, leurs conditions de travail ne sont pas respectées et elles ont toujours peur d'être renvoyées parce que justement elles voudraient peut-être rester au Canada. Alors, l'employeur utilise cette menace tout le temps. C'est très difficile de revendiquer des droits dans des conditions semblables, surtout si elles résident chez l'employeur. On ne peut pas aller chez soi à la fin de la journée. Je pense que les choses qui préoccupent le plus Au bas de l'échelle, c'est de ce côté-là. Je ne me sens pas assez à l'aise de me prononcer sur l'aspect formation.

Mme Gagnon-Tremblay: Mais bien sur le respect du contrat finalement, le respect des droits.

Mme Bernstein: C'est ça.

Mme Gagnon-Tremblay: Mon collègue avait une question.

Le Président (M. Messier): Oui, le député de l'Acadie voulait s'exprimer sur le...

M. Bordeleau: Merci. M. le Président.

Le Président (M. Messier): Ça me fait plaisir.

M. Bordeleau: Dans votre mémoire, vous parlez de la question du placement et de l'em-pioyabHité. Au niveau de la formation professionnelle, je ne sais pas si vous avez de l'information sur le rôle des centres de formation professionnelle...

Mme Bernstein: Pardon, je ne vous entends pas.

M. Bordeleau: Sur le rôle des centres de formation professionnelle plus particulièrement face à la clientèle cible des communautés culturelles. À partir de votre expérience, est-ce qu'il y a certaines difficultés particulières qui font que les centres de formation professionnelle ou les programmes de formation professionnelle devraient être modifiés pour répondre à certains problèmes particuliers qui font qu'actuellement le fonctionnement de ces programmes ou des centres de formation professionnelle n'est pas

adapté aux clientèles cibles des communautés culturelles? Je ne sais pas si vous avez des commentaires sur ça.

Dans un deuxième temps, je vais poser une autre question tout de suite, vous parlez des clubs de placement. Compte tenu de votre expérience particulière, est-ce que vous auriez l'intention éventuellement de vous impliquer au niveau des clubs de placement et de quelle façon vous pensez le faire actuellement?

Mme Bernstein: Je voudrais préciser qu'Au bas de l'échelle ne travaille pas directement en employabilité. On voit peut-être plus les effets des programmes d'employabilité et de placement Sur la formation professionnelle, nous sommes d'accord qu'il y a des besoins particuliers des personnes, mais il faut voir qu'on ne peut pas mettre tout le monde dans le même bateau non plus. Je veux dire qu'il y a les personnes qui sont plus nouvellement arrivées au Québec; il y a des personnes qui ne parlent ni français, ni anglais; il y a des gens qui ont peut-être d'autres barrières aussi au niveau de la scolarité par exemple. Oui, il y a ces barrières, mais je pense qu'Au bas de l'échelle voulait plus mettre l'emphase sur l'aspect clubs de placement pour immigrants. Il y a déjà certains services qui ont été mis sur pied comme ça et notre expérience parfois nous montre que les employeurs peuvent profiter de ces clubs de placement aussi. Ils savent qu'il y a un club de placement pour immigrants; ils vont appeler à un tel centre. Les personnes ont besoin d'emploi surtout. Si elles ne parient pas français, c'est difficile de les insérer au niveau du marché du travail. Alors là, les employeurs vont profiter de cette occasion. On voit de l'exploitation où les normes du travail ne sont pas respectées. C'est très difficile de faire un suivi sur ces employeurs pour voir si effectivement ils respectent au moins la Loi sur les normes du travail et/ou les décrets de conventions collectives, s'il y a lieu. C'était surtout ça notre préoccupation. Il faut trouver des mécanismes de suivi. Ça a un effet de ghettoïsation aussi. Ça dépend, il faut être très vigilant. Il ne s'agit pas juste de faire des petits clubs de placement pour les immigrants qui vont créer un bassin de main-d'oeuvre, finalement, à bon marché. C'est ça qu'il faut éviter. Alors, il faut que ça soit très bien pensé.

Le Président (M. Messier ): Mme Druelle.

Mme Druelle (Anick): Oui, j'aimerais simplement ajouter quelque chose par rapport aux centres de formation professionnelle. Juste un cas, qui m'a été rapporté la semaine passée, de 10 femmes noires qui avaient été formées en micro-édition pendant un an. À la fin du programme d'un an, on a cherché à les déplacer et on n'a réussi à placer aucune de ces 10 femmes. Alors, je pense qu'il y a aussi un autre problème auquel il faudrait s'intéresser, c'est la réceptivité des employeurs au bout de cette formation.

M. Bordeleau: Je m'excuse, je n'ai pas entendu dans quel secteur ces femmes avaient été...

Mme Druelle: En micro-édition. En plus, il y avait une étude du marché qui avait été faite pour savoir que ce marché-là était vraiment en demande de personnes formées.

Le Président (M. Messier): Vous êtes bien gentille de nous avoir répondu. Est-ce que le député de l'Acadie aurait d'autres questions?

M. Bordeleau: Ça va.

Le Président (M. Messier): O.K. M. Paré, député de Shefford.

M. Paré: Mesdames, bienvenue à la commission. C'est important le sujet que vous traitez puisque l'emploi, c'est le meilleur - vous l'avez dit de toute façon - c'est le premier pont d'intégration directe: les gens qui travaillent, avec leurs collègues de travail; s'ils sont domestiques, avec la famille où ils se retrouvent. Finalement, l'intégration, ça passe par le travail et c'est important.

Vous dites que les deux grands problèmes que vous avez identifiés, c'est l'embauche et les conditions de travail. Effectivement, c'est de trouver un emploi; ensuite de ça, c'est comment on est traité à l'emploi, c'est important. Quelques questions là-dessus. Ça va revenir un peu à ce qui a déjà été discuté avec mes collègues, mais je trouve ça important. Ma première question est en termes pratiques. À la page 7, alors qu'on parie des services juridiques mais... ça concerne l'information, en fait, c'est l'accès à l'information, vous dites: "II faut assurer des services mutilingues dans le cadre de l'administration des lois." Là-dessus, j'aimerais que vous m'expliquiez jusqu'où vous voyez le service multilingue. Je n'ai rien contre, je dois vous dire, le principe comme tel, et c'est vrai qu'il faut s'assurer que ceux qu'on veut bien accueillir, bien les traiter et leur donner un certain temps... Mais on a comme deux choix dans la société: c'est ou on améliore rapidement et de façon efficace l'enseignement et la connaissance du français de façon à ce que les gens... Ce serait l'idéal que tout le monde ait la langue commune et même l'anglais parce que les services sont bilingues de façon très générale, mais jusqu'où peut-on aller dans les services multilingues? Connaissant le grand nombre de communautés qui s'intègrent maintenant au Québec, c'est par dizaines de langues qu'il faudrait donner le service. Est-ce que vous le voyez dans

le sens que c'est d'abord pour les groupes les plus importants ou est-ce une ligne seulement qui réfère... Je ne le sais pas, je vous le demande. Comme vous le demandez, dans votre esprit, c'est quoi?

Mme Bernstein: D'accord. Il faut d'abord regarder les droits fondamentaux, je pense. L'idée, c'est que toute personne devrait avoir accès à la justice. Ça, c'est le principe de base. Je suis d'accord, il est impossible d'offrir des services multilingues à tout le monde. C'est très, très évident. Mais je pense que, pour les personnes qui n'ont pas encore réussi à apprendre le français, c'est très important qu'elles aient accès à ces services. Ça peut être en collaboration avec des organismes qui sont spécialisés, mais ce n'est pas nécessairement automatique. Encore, je regarde la situation à la Commission des normes du travail. Oui, il y a des préposés qui parlent 17 langues, si je ne me trompe pas, à Montréal en tout cas. Mais, une fois que la plainte est déposée, les communications entre le plaignant ou la plaignante et l'enquêteur, c'est très difficile. Puis souvent les enquêteurs sont assez frustrés parce qu'ils ne peuvent pas communiquer avec la personne. Ils n'ont pas nécessairement les ressources pour aller chercher quelqu'un dans un ONG pour faire la traduction, puis là la personne ne comprend pas très bien. Il manque des délais pour aller en appel, ils ne comprennent pas trop ce qui se passe, etc. C'est dans ce sens-là, ce n'est pas juste d'avoir l'information: Oui, le salaire minimum était de 5,30 $ l'heure. Ça va plus loin que ça aussi pour assurer qu'il y a vraiment un respect des droits. Je suis très d'accord qu'on ne peut pas offrir un service multilingue. Le but, non plus, n'est pas d'offrir des services multilingues pour que les personnes sentent qu'elles n'ont pas besoin d'apprendre le français, c'est évident. Mais je trouve que, surtout les personnes nouvellement arrivées... Les personnes qui viennent nous voir, c'est des gens qui, dès qu'ils sont arrivés ici, ils sont allés sur le marché du travail, beaucoup dans des petites et moyennes entreprises, petites entreprises, je dirais surtout, où ils n'ont pas l'occasion d'apprendre le français parce que, pour leur travail, ils n'en ont pas nécessairement besoin. Prendre des cours de français, c'est très difficile. C'est utopique de penser que les gens, après leur journée de travail, puissent aller prendre des cours de français, ou même la fin de semaine. Trois heures de cours de français par semaine, ce n'est pas suffisant. Alors, c'est dans cette optique-là. Ce n'est pas d'offrir des services multilingues pour tout le monde, pour que tout le monde ait accès à des services multilingues pour toujours, ce n'est pas ça le but.

M. Paré: Vous avez raison. Tout n'est pas réglé même si ici, en commission, on a l'impres- sion qu'il y a de moins en moins de problèmes d'intégration, au point où il n'y en a presque plus et que le dialogue est facile. La réalité est pas mal toute autre étant donné, effectivement, que tout le monde ne suit pas les cours et, comme vous le dites, dans les petites entreprises de moins de 50 employés, il n'y a même pas l'obligation de parler le français. Donc, effectivement, ce n'est pas aussi simple. Sauf que, comme la Charte le dit et, de toute façon, le bon sens le veut, on ne peut pas ne pas permettre à tous d'avoir des chances égales ou, en tout cas, accès à des choses aussi fondamentales que la justice et la santé parce qu'il y a des problèmes, aux nouveaux arrivants, de communication linguistique. Ça, j'en suis et votre recommandation qui dit: "en collaboration avec les organismes", disons que ça me plaît. Parce que vous connaissez aussi tout le processus. Je pense que les organismes font des efforts, à Montréal, de plus en plus louables. Vous avez parlé de la Commission des normes du travail; je sais que, dans les organismes de la santé et des services sociaux, dans les CLSC et dans les hôpitaux, on veut que de plus en plus, là où il y a des communautés suffisamment importantes, qu'elles puissent se faire soigner et avoir des contacts directs avec la langue de l'utilisateur. C'est correct, sauf que vous comprendrez qu'on ne peut pas, même en fonction des conditions de travail et des conventions collectives, demander, pour le moment en tout cas, la connaissance de trois, quatre ou cinq langues aux différents répondants. Mais en collaboration avec les groupes, moi, je pense qu'effectivement c'est des gens du milieu, c'est des gens des communautés dans une large proportion et c'est important.

Mme Bernstein: Je voudrais peut-être juste ajouter quelque chose par exemple.

M. Paré: Oui, allez-y.

Mme Bernstein: II faut aussi prendre en considération les ressources limitées des organismes qui pourraient offrir des services d'interprétariat, des traductions. Déjà, ces organismes... Nous, une grande partie de notre clientèle vient des communautés culturelles et sont des nouveaux arrivants. Nous offrons des services dans différentes langues, mais nous n'offrons pas de service d'interprétariat, de traduction. Il faut aussi regarder l'ampleur de la tâche d'accompagner des gens pour rencontrer leur enquêteur, pour aller remplir d'autres plaintes, etc. Les groupes ne peuvent pas répondre à des demandes. Moi, je parle juste de la Commission des normes du travail, mais il y a la Régie du logement, il y a la CSST, etc. La demande est très, très forte et souvent, surtout les gens qui ne parlent ni français ni anglais, vont se désister de leur plainte par pure frustration, ou on va les encourager à se désister de leur plainte parce

que l'enquêteur de l'autre côté est très frustré aussi.

M. Paré: Là-dessus, hier, autant le maire de Montréal que le président de la Communauté urbaine de Montréal sont venus nous dire, de façon très spécifique et répétée, qu'il faut se donner les moyens de nos stratégies. Le deuxième sujet que je veux traiter, c'est les travailleurs agricoles. Vous en faites un des deux groupes que vous traitez de façon particulière dans votre mémoire, avec les domestiques - et, si j'ai le temps, on y reviendra - mais les travailleuses et travailleurs agricoles. Vous, Au bas de l'échelle, vous êtes situé à Montréal. Là, vous en parlez parce qu'effectivement c'est connu, c'a été publicise, mais est-ce que vous avez reçu beaucoup de plaintes? (11 h 15)

Mme Bernstein: Nous n'en recevons pas beaucoup. Nous, on a fait des recommandations au niveau législatif sur les travailleurs et les travailleuses agricoles parce qu'on trouve que la Loi sur les normes du travail fait de ia discrimination contre certaines catégories de salariés. C'est pour cette raison. Nous avons reçu de temps en temps... Oui, l'été surtout, l'été et l'automne, on reçoit des cas et nous constatons que même des personnes des régions nous appellent. On est un groupe montréalais mais, quand même, on est connu à l'extérieur de Montréal, la région de Saint-Hyacinthe, etc. C'est problématique parce que les gens maintenant, à partir du mois d'avril, si je ne me trompe pas, les salariés agricoles vont être assujettis à la loi, sauf pour le salaire minimum et les heures supplémentaires. On fait de la discrimination. En Ontario, ils sont assurés d'un salaire minimum. Ils n'ont pas une aussi grande pénurie de main-d'oeuvre agricole. Il faut faire attention parce que j'ai déjà eu des appels de travailleurs... Bon, je pense en particulier à un travailleur mexicain qui n'était pas protégé. Il était un travailleur immigrant, si vous voulez. Il avait eu un accident du travail. Il n'était pas couvert... Il était couvert s'il restait ici, mais sa famille était au Mexique. Il avait perdu une main. Pour la réadaptation, ça prendrait deux ans ici, au Québec, s'il reste au Québec. Il voulait retourner chez lui, mais il n'aurait pas son indemnité ni la réadaptation là-bas. Alors, c'est des problèmes. Il faut vraiment assurer des conditions décentes pour les personnes qu'on fait venir ici.

M. Paré: C'est important, ce que vous êtes en train de dire. Quand on parle de travailleurs et travailleuses agricoles saisonniers, je pense qu'il y a deux... Toujours en parlant des nouveaux Québécois ou des immigrants ou des gens de passage - on ne parlera pas des Québécois en région - ça veut dire, si je comprends bien, qu'il y a deux sortes de cas particuliers à traiter là- dedans; il y a les immigrants effectivement ici qui vont travailler sur les fermes pour se faire des sous et il y a ceux qui sont tout simplement de passage comme des gens qu'on va chercher en groupe au Mexique. Prenons l'exemple... Vous avez parlé de Saint-Hyacinthe, des cas qu'on connaît bien dans plusieurs de nos comtés. On va chercher les travailleurs par groupe de 10, 20, 30 ou 40 au Mexique et on les amène. La Montéré-gie a plusieurs coins où on fait ça.

Mme Bernstein: Ça augmente, oui.

M. Paré: Surtout les cultures maraîchères et des choses comme ça. Donc, on va aller les chercher pour une certaine période de temps, un certain nombre de semaines et on les installe sur les fermes. Ces gens-là ne sont pas des immigrants. Ce sont des... Vous les considérez comment et qu'est-ce qu'on peut faire pour eux autres?

Mme Bernstein: L'idée, c'est l'universalité de la Loi sur les normes du travail. C'est ça, l'idée. Parce qu'on ne peut pas dire que des personnes qui viennent ici d'une façon temporaire vont gagner moins cher juste parce qu'elles viennent d'ailleurs. Il y a quelque chose de pernicieux là-dedans. Les domestiques, c'est un peu la même chose, mais elles sont ici de façon... Elles ont un contrat les liant à leurs employeurs comme domestique pendant deux ans. Pendant ce temps-là, elles ne peuvent pas faire un autre travail. Elles ont un permis de travail spécifique et elles ont des conditions de travail qui ne seraient pas acceptables pour les Québécoises et les Québécois. La même chose pour les travailleurs agricoles saisonniers. C'est un peu ça, l'idée. Pourquoi n'y a-t-il pas une universalité de la Loi sur les normes du travail?

M. Paré: Donc, comme il n'y a pas universalité et comme, même dans la loi actuelle pour ceux qui sont d'ici et qui vont travailler, il y a des exceptions par rapport au salaire minimum et au nombre d'heures, on peut faire n'importe quoi. C'est à peu près ça. Dans le cas des Mexicains, pour revenir au même cas dont on parlait tantôt, qui viennent et qui sont installés chez un agriculteur ou un producteur agricole ou un cultivateur, effectivement, ça veut dire que ces gens-là en plus, dans la majorité des cas probablement, ne parlant ni français ni anglais, n'ont aucun recours. Ils ont l'impression, de toute façon, qu'on leur permet de faire de l'argent très rapidement. Donc, c'est le Klondike pour eux autres et ils sont bien contents. Mais s'il se passe quelque chose, là, il y a des problèmes et, s'il ne se passe rien, ce n'est pas eux autres qui vont se plaindre. Il faudrait que ce soit quelqu'un qui constate qu'il y a une situation qu'il ne trouve presque pas acceptable et qui pourrait référer à vous et à d'autres.

Mme Bernstein: Où vont-ils réclamer?

M. Paré: Bien, c'est la question que je vous pose. À vous ou à d'autres, est-ce que vous voyez des places ou s'il n'y a rien à faire?

Mme Bernstein: Bien, s'ils étaient assujettis à la Loi sur les normes du travail, au moins, ils pourraient aller à la Commission des normes du travail.

M. Paré: O.K. Donc, pour le moment, on ne peut aller nulle part.

Mme Bernstein: Je voulais juste ajouter qu'au niveau des travailleuses et travailleurs agricoles saisonniers on fait beaucoup de recrutement aussi dans les organismes pour réfugiés, immigrants et dans les COFI. Alors, ça touche les immigrants et les revendicateurs du statut de réfugié ici aussi. Alors, il faut regarder un peu cette façon de faire parce que, encore là, ces personnes ont des conditions de travail moindres que les autres travailleuses et travailleurs.

M. Paré: Dans les problèmes, vous parlez de gens qui... Là, je parie moins de travailleurs domestiques et travailleurs agricoles saisonniers... Généralement, par rapport aux deux problèmes majeurs vécus par les gens, c'est le placement et, ensuite de ça, les conditions de travail. Dans le placement, mon collègue a parlé tantôt de clubs de placement et de formation professionnelle et tout ça. Je voudrais juste y revenir très rapidement. D'autres groupes nous ont parlé des difficultés qu'ont les gens à s'intégrer et à se trouver du travail en fonction de leur expérience et surtout de leur acquis académique extérieur. Est-ce que vous avez beaucoup de cas qui ont des problèmes de reconnaissance des acquis à l'extérieur, ce qu'on appelle l'équivalence? Est-ce que c'est très courant et est-ce que les délais sont aussi longs que ce qu'on est venu nous dire par rapport à la régularisation de cette reconnaissance de l'équivalence?

Mme Bernstein: Nous n'aidons pas directement les personnes à avoir leur équivalence. On ne les aide pas à remplir les formulaires. Ce que nous voyons beaucoup, ce sont des personnes qui travaillent dans des emplois mal rémunérés, par exemple dans l'entretien des édifices publics pour des petites compagnies qui ne paient pas le salaire du décret, qui ont des... Je me souviens d'un cas particulier, un monsieur qui a été chef ingénieur et directeur du département de génie dans son pays. Il faisait de l'entretien d'édifices publics. Ça a créé des problèmes de santé mentale, évidemment. Je pense que vous avez probablement entendu des commentaires à ce niveau-là déjà, en commission. Alors, oui, évi- demment, c'est un problème que... Je pense que ça fait partie aussi... Je l'ai mentionné au niveau de la discrimination dans l'emploi. Il y a une tendance à offrir automatiquement des emplois dans le domaine manufacturier ou dans l'entretien ou d'autres choses comme ça à ces personnes, même si elles ont été infirmières ou in-génieures ou enseignantes dans leur pays d'origine. Alors, c'est une discrimination presque systématique.

Le Président (M. Messier):...

M. Paré: Oui, la dernière et je reviens là dessus parce que je trouve ça important. Ce que vous êtes en train de dire, c'est qu'on a comme tendance ou habitude, mauvaise habitude, de considérer que, quand un nouveau Québécois applique, il faut lui donner quelque chose de moins bon. Comment peut-on corriger cette situation-là? Quel conseil pouvez-vous nous donner, surtout qu'on semble vouloir maintenant avoir un choix? On ne semble pas seulement le vouloir, on décide de choisir l'immigration très souvent maintenant en fonction de nos besoins de main-d'oeuvre, d'investisseurs, donc de gens qui ont un bagage. Comment peut-on changer cette perception?

Mme Bernstein: Bon. Je pense qu'il faudrait faire une sensibilisation générale. Ça, c'est un processus à très long terme, si vous voulez, mais je pense qu'il faudrait aussi quelque part reconnaître l'expérience non canadienne des personnes. Parce que les gens souvent disent: Bien, je n'ai pas d'expérience canadienne, donc je vais travailler ici en attendant. Pourtant, ils avaient des postes intéressants dans leur pays d'origine. Là, ça fait deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit ans qu'ils travaillent soit en manufacture, entretien, etc. C'est très difficile de s'en sortir après parce qu'on n'acquiert pas d'expérience canadienne ou québécoise et les employeurs demandent toujours ça. Maintenant, on est en période de récession, c'est encore plus difficile. Alors, il faudrait trouver une façon de reconnaître cette expérience dans leur pays d'origine ou un tiers pays où ils auraient habité pendant plusieurs années.

M. Paré: Alors, comme mon temps est fini, je vais juste vous remercier et vous dire qu'en attendant que les employeurs reconnaissent l'expérience des nouveaux Québécois, bien, nous, on va reconnaître, la commission, l'expérience que vous avez et on va tenir compte de vos propos.

Mme Bernstein: Merci beaucoup.

Le Président (M. Messier): Merci beaucoup. Juste peut-être une petite intervention. Comme député de Saint-Hyacinthe, j'ai environ chaque

année 70 Mexicains qui viennent résider dans la région de Saint-Hyacinthe et je vais m'informer concernant ces... Parce qu'ils sont quand même logés, nourris, ils ont le salaire minimum, de mémoire, et ça coûte environ 2000 $ par Mexicain. Là, on parle des frais de transport, nourriture, logement, et ça équivaut à un salaire de 8 $ à 9 $ l'heure. C'est à peu près un salaire très comparable à ce qui peut se payer ailleurs. Mais je vais m'informer, à savoir les conditions advenant un accident de travail. Parce que vous semblez supporter l'idée qu'advenant un accident de travail ils ne sont pas compensés s'ils s'en vont à l'extérieur.

Mme Bernstein: C'a peut-être changé depuis ce cas.

Le Président (M. Messier): Oui, j'ai un... Il me semble que...

Mme Bernstein: Mais, à ma connaissance, il n'y a pas d'entente pour les indemnités entre le Mexique et le Québec.

Le Président (M. Messier): Je vais le vérifier parce que, là, vous m'allumez certaines choses et je vous remercie beaucoup. Mme la ministre, peut-être, pour quelques mots de remerciement.

Mme Gagnon-Tremblay: II y a mon collègue qui... Je ne sais pas si le temps est...

Le Président (M. Messier): On a passé le temps.

M. Gobé: Une minute.

Le Président (M. Messier): Elles sont très rares vos questions d'une minute, M. le député de LaFontaine.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Gagnon-Tremblay: Alors, peut-être que mon collègue pourra vous poser...

Le Président (M. Messier): 30 secondes, disons. Le temps de vous réchauffer, vous en avez pour une couple de minutes.

M. Gobé: Bonjour, madame. Dans le même ordre que le député de Saint-Hyacinthe, il disait que le coût d'un travailleur agricole mexicain équivaut à peu près à 8 $ l'heure. On sait que vous vous occupez beaucoup des travailleurs au bas de l'échelle, c'est le cas de le dire, ou des gens qui ne sont pas des travailleurs. Comment expliquez-vous qu'on soit rendu à faire venir des travailleurs saisonniers mexicains à 8 $ l'heure alors qu'on a au Québec et dans la région de Montréal à peu près 188 000 chômeurs ou personnes à l'aide sociale dont une grande partie sont catégorisés comme aptes au travail?

Mme Bernstein: II y a absolument des agriculteurs qui vont payer au moins le salaire minimum aux travailleurs et aux travailleuses agricoles, mais il y en a qui ne le paient pas et qui ne respectent pas... Aussi, quand on dit "salaire minimum", on fait le calcul, les 2000 $, etc., mais ce n'est pas vraiment un... On ne peut pas vraiment calculer ça dans le salaire comme tel.

Le Président (M. Messier): Mais c'est une dépense pour l'entreprise.

Mme Bernstein: C'est une dépense pour l'entreprise, mais ça ne fait pas nécessairement partie du salaire.

Le Président (M. Messier): C'est drôle.

Mme Bernstein: Les conditions de travail ne sont pas très bonnes. On peut être obligé de travailler sept jours par semaine, la semaine normale de travail. On n'est pas payé pour nos heures supplémentaires, etc. Dans un emploi-Même un emploi comme dans une boutique ou autre chose, on est obligé de payer au moins temps et demi pour le temps supplémentaire, etc. Alors, ce n'est pas nécessairement un emploi très intéressant pour les personnes d'ici.

Le Président (M. Messier): Je vous remercie beaucoup, Mme Bernstein. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Moi, je veux vous remercier et je veux vous féliciter aussi pour votre expertise qui est grande et qui est bienvenue. J'ai été à même de le constater lorsque j'étais à la Condition féminine. Je dois vous dire aussi que votre discours rejoint celui que je tiens depuis longtemps, c'est-à-dire que l'intégration, ça ne passe pas uniquement ou seulement par la langue, mais je dirais presque principalement par l'emploi aussi. Je disais aussi à d'autres groupes que nous sommes à réévaluer l'ensemble de nos programmes de subventions pour qu'ils puissent finalement atteindre davantage les objectifs que nous nous sommes fixés dans l'énoncé de politique. Alors, tout le volet insertion au marché du travail, nous le prendrons fortement en considération et je souhaite, bien sûr, que vous puissiez collaborer avec le ministère que je dirige afin que l'on puisse aussi peut-être prendre en considération vos recommandations dans l'élaboration de notre programme de subventions concernant l'insertion au marché du travail. Alors, je vous félicite et je vous remercie.

Mme Bernstein: Merci beaucoup. (11 h 30)

Le Président (M. Messier): On vous remercie énormément et on va permettre à la Confédération des caisses populaires et d'économie Oesjardins du Québec de venir nous rejoindre, s'il vous plaît. On vous remercie beaucoup, Mme Bernstein.

Bonjour, M. Béland. Vous qui êtes habitué aux commissions parlementaires, je crois que vous connaissez l'enceinte. Si vous voulez présenter les gens qui sont avec vous. Nous avons une heure ensemble: une vingtaine de minutes pour la présentation de votre mémoire et, après ça, il y aura échange de part et d'autre. Merci.

Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins

M. Béland (Claude): Je vous remercie, M. le Président. C'est vrai que je suis un peu familier avec l'enceinte, mais je trouve que les sièges se sont beaucoup améliorés. J'aimerais vous présenter ceux qui sont avec moi ce matin, ceux qui m'accompagnent. À ma droite, le président du conseH d'administration de la Confédération et qui est aussi président de la Fédération des caisses populaires de Québec; à ma gauche, M. Jocelyn Proteau, qui est premier vice-président du conseil de la Confédération et président de la Fédération de Montréal et de l'Ouest-du-Québec; à la gauche de M. Proteau, M. Humberto Santos; je pense que son plus beau titre, ce matin, c'est d'être Portugais. Il est aussi président de la Caisse centrale. J'aimerais souligner qu'il est membre actif du Centre social d'aide aux immigrants. En fait, il est l'ancien président du conseil de ce Centre social d'aide aux immigrants. À la gauche de M. Santos, M. François Aubin, vice-président aux relations publiques à la Fédération des caisses populaires Desjardins de Montréal et de l'Ouest-du-Québec; à la droite de M. Bertrand, M. Dominique de Pasquale, qui est vice-président adjoint aux communications à la Confédération des caisses.

Le Président (M. Messier): Merci beaucoup

M. Béland: M. le Président, c'est à titre d'institution profondément engagée dans le développement économique et social de notre société que le Mouvement Desjardins désire exprimer ses vues sur l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration.

Je pense qu'il est intéressant de rappeler devant cette commission que le Mouvement Desjardins est né lui-même sous le signe de l'ouverture au monde. Au début du siècle, Alphonse Desjardins amorçait une réflexion qui allait permettre d'allier les idéaux du coopéra-tisme européen et les traditions québécoises. Dès ses origines, le Mouvement Desjardins s'est ainsi largement nourri des expériences allemande, anglaise, belge, française, Scandinave et italienne.

Dans l'histoire du Mouvement, on fête, cette année, notre 90e anniversaire de fondation. Dans les publications qu'on a éditées à cette occasion, on rappelle les expériences et les réflexions des Allemands Schulze-Delitzch et Raiffeisen, de l'Anglais Henry Wolff, du Belge Micha, du Français Durand et de l'Italien Luzzati. C'est à partir de ses échanges de correspondance avec ces personnes que M. Desjardins a développé son propre modèle adapté au contexte nord-américain, si bien que Desjardins deviendra, à son tour, une source d'inspiration pour les Américains.

M. Desjardins apparaît comme le fondateur des "credit union" américains, et même pour les anglophones du Canada. Le Mouvement des caisses, qui fait partie de nombreuses organisations coopératives internationales, n'a jamais cessé, par la suite, d'enrichir ce modèle par des échanges avec d'autres pays, d'autres cultures. On ne peut donc qu'être sensibles aux réalités interculturelles qui enrichissent notre société.

On sait à quel point la situation démographique du Québec demeure préoccupante. Au Québec, ce phénomène a évolué à un rythme et avec une ampleur inégalés. En 1985, un rapport de la commission de la culture nous rappelait que le Québec, après avoir connu la fécondité la plus élevée de tout l'Occident, était en train de connaître une baisse qui n'avait pas d'équivalent dans le monde. Notre taux de natalité demeure bien en deçà du seuil du renouvellement des générations. La situation actuelle inspire la crainte d'un déclin qui ne serait pas que démographique. Le Québec risque de se retrouver avec une population de plus en plus âgée et sera confronté au fardeau accru des problèmes sociaux, alors même que sa population active sera de moins en moins nombreuse, de moins en moins jeune, de moins en moins compétitive.

Dans cette perspective, l'immigration apparaît comme un enjeu majeur et son accroissement comme un moyen de contrer le déclin démographique du Québec, moyen nécessairement complémentaire à une politique familiale visant à soutenir les familles et à favoriser l'accroissement naturel de la population. Nous sommes tout à fait conscients que l'accueil et l'intégration harmonieuse de quelque 55 000 nouveaux arrivants issus d'horizons diversifiés, pour reprendre les chiffres retenus par l'énoncé, ne vont pas sans nous poser quelques défis. Mais ce coin de pays a plutôt l'habitude des défis et nous sommes confiants dans notre capacité de relever aussi celui-là.

Déjà, cette société a témoigné d'une remarquable ouverture aux nouvelles réalités. Non seulement, sur un plan individuel, de simples citoyens, des enseignants, des journalistes, des membres d'organismes bénévoles ont-ils révélé des trésors de générosité et d'ouverture d'esprit, mais, sur un plan institutionnel, nous nous sommes dotés d'outils qui rendent manifeste et opérationnelle cette volonté d'ouverture.

Je pense que c'est l'occasion de souligner ici l'action du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration qui oeuvre à l'accueil, à l'intégration des immigrants, à la promotion des cultures d'origine et au développement des relations interculturelles. On doit aussi citer la Charte des droits de la personne, le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, ainsi que la déclaration sur les relations interethniques et interraciales, cette déclaration ayant été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1986. Enfin, des progrès significatifs ont été réalisés dans les institutions publiques, en particulier dans la région de Montréal où se concentrent 90 % des communautés culturelles.

En même temps, la contribution de l'immigration au développement du Québec ne s'est pas limitée au strict plan démographique, loin de là. Même s'il est difficile de chiffrer avec précision l'impact économique de l'immigration, les spécialistes s'entendent pour affirmer que cet impact est largement positif. Il faut, je pense, souligner - et ce serait peut-être un beau message à propager aux gens d'affaires - que l'immigration doit être vue comme un outil de développement par l'esprit d'entreprise qu'elle génère, par la qualité de la main-d'oeuvre spécialisée qu'elle procure et par son apport au capital intellectuel et financier de la société québécoise.

Il n'est pas indifférent non plus, dans une économie ouverte comme celle du Québec et à l'heure d'une mondialisation croissante, de pouvoir compter sur des communautés qui ont conservé des liens avec leur pays d'origine et qui, de par leur expertise, représentent pour l'ensemble de notre collectivité de précieux atouts pour nos échanges avec le monde. Tous ces travailleurs, ces investisseurs, ces gens d'affaires, de même que ces professionnels, ces créateurs et ces familles qui nous viennent des quatre coins du monde contribuent à notre développement économique et tout autant à notre vitalité culturelle.

On ne peut donc que regretter que cet apport soit à ce point concentré dans la seule région de Montréal. L'immigration pourrait en effet contribuer à répondre à certains besoins des régions en main-d'oeuvre, en investissement, en création d'entreprises. Le Mouvement Desjardins, pour sa part, est certainement en mesure d'apporter sa contribution aux efforts de régionalisation de l'immigration en tablant sur sa propre implantation à l'échelle du territoire québécois, sur la diversité de ses services financiers et sur sa volonté de travailler, de concert avec la communauté des affaires et d'autres intervenants socio-économiques, au développement des régions et à l'augmentation du niveau des emplois. En ce sens, on peut certes se rappeler l'apport de l'immigration à l'agriculture du Québec. Il nous apparaît que des pos- sibilités pourraient aussi être envisagées de ce côté.

L'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration souligne à juste titre ces différents apports des immigrants et des membres des communautés culturelles à notre vie collective. L'énoncé a aussi le très grand mérite d'affirmer clairement les intentions gouvernementales en ce qui a trait à l'immigration et à l'intégration.

On sait qu'une bonne partie des craintes qui subsistent à cet égard tiennent au fait que les transferts linguistiques ont traditionnellement joué en faveur de l'anglais. Il faut d'abord constater ici que les choses ont commencé à changer. Nous croyons que le message clair exprimé par le gouvernement dans l'énoncé de faire du français la langue commune de la vie publique est de nature, en soi, à contribuer à la promotion de l'usage du français par les Québécois issus des populations immigrantes, dans le respect des cultures d'origine.

Ce qui nous semble remarquable aussi dans l'énoncé, et qui est certes de bon augure pour la société que nous voulons bâtir, est cette remarquable continuité des positions essentielles du Québec à l'égard de la question de l'immigration. Cette continuité qui s'affirme même à travers les changements de gouvernement est faite d'une recherche de pouvoirs accrus pour la sélection et l'intégration des immigrants, d'une affirmation de la spécificité de l'approche québécoise dans le contexte d'une société distincte, ainsi que d'une volonté d'affirmer la pleine participation des communautés et de favoriser leur rapprochement avec la majorité francophone.

Nous pensons que la question des pouvoirs, et dès lors des moyens, est ici fondamentale. Même si l'entente fédérale-provinciale intervenue récemment quant à la sélection des immigrants va dans le sens de l'accroissement des pouvoirs, celle-ci a la fragilité de toute entente administrative. Nous croyons que le Québec devrait avoir juridiction exclusive sur la sélection et l'accueil de toutes les catégories d'immigrants. Ces nouveaux pouvoirs devraient être garantis par la loi ou la constitution et s'accompagner du transfert de ressources pour les assumer correctement. Car il ne suffit pas de se donner des objectifs ambitieux, encore que nécessaires, quant au nombre d'immigrants que nous voulons con-vraincre de s'établir chez nous, il faut encore que les structures d'accueil soient à la hauteur. Nous devons donc nous assurer que le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration dispose des sommes suffisantes pour rendre les programmes d'accueil, d'intégration et de francisation aussi efficaces et accessibles que possible.

Un autre élément de l'énoncé qui nous semble intéressant est cette notion de contrat moral qui nous est proposée. C'est une façon positive et originale de mettre en correspondance

les droits et les devoirs des deux parties: immigrants et société d'accueil. C'est aussi une façon d'affirmer les valeurs collectives pour lesquelles nous souhaitons l'adhésion de tous les Québécois, dont la place du français, les valeurs démocratiques, les objectifs de pleine participation et le pluralisme.

Quant à nous du Mouvement des caisses Desjardins, dont les valeurs sont l'entraide, la participation et la solidarité, je tiens à vous affirmer que nous avons la ferme intention d'assumer notre part du contrat. Nous avons même fait de cette question une priorité. Il convient de rappeler que Desjardins peut témoigner, par le biais des caisses ethniques - lettonne, polonaise, lituanienne, portugaise, ukrainienne, pour la plupart regroupées au sein de la Fédération des caisses d'économie - d'une longue tradition d'accueil aux communautés. Mais nous voulons privilégier dans l'avenir une participation des membres de ces groupes dans l'ensemble de nos caisses locales. Plusieurs communautés, dont les communautés italienne, haïtienne et juive, sont déjà fort bien représentées et très actives dans certaines des caisses. Plusieurs institutions Desjardins, dont la Fédération de Montréal et de l'Ouest-du-Québec, Desjardins, Deragon Langlois, la Caisse centrale, la Fiducie et le Crédit industriel ont mis sur pied le programme Immigrant Investisseur Desjardins. Mentionnons aussi que la Fondation Desjardins lancera sous peu un programme de bourses d'études pour les immigrants reçus.

Même si c'est l'ensemble du Mouvement qui, à l'image du Québec, doit progressivement se mettre à l'heure interculturelle, ce sont la Fédération des caisses d'économie et surtout la Fédération de Montréal et de l'Ouest-du-Québec qui desservent le territoire où se retrouve la plus forte concentration de population issue de l'immigration qui sont, au premier titre, interpellées par ces changements de population. La Fédération de Montréal et de l'Ouest-du-Québec, la plus importante, la plus imposante de nos fédérations, constituera en quelque sorte le fer de lance de notre action dans ce domaine. Elle a entrepris de s'acquitter de sa mission avec beaucoup de détermination, comme vous pourrez en juger en écoutant le président de la Fédération de Montréal, M. Jocelyn Proteau, à qui je cède la parole.

Le Président (M. Doyon): M. Proteau, nous vous écoutons.

M. Proteau (Jocelyn): Merci, M. Béland. Mme la ministre, M. le Président de la commission, mesdames, messieurs, le phénomène de l'immigration qui, il y a quelques années à peine, se concentrait principalement dans certains quartiers de la ville de Montréal, est maintenant répandu dans l'ensemble des municipalités de l'île et de ses banlieues, même celles qui sont le plus éloignées. Les caisses populaires affiliées à notre fédération, qui sont enracinées partout dans la grande région métropolitaine, prennent chaque jour davantage conscience de l'importance évidente de ce phénomène particulier. Elles réalisent aussi la nécessité, pour une institution comme la nôtre, d'apporter notre contribution pour favoriser l'intégration, tant économique que sociale, des communautés culturelles. L'approche que nous avons retenue est très simple. Elle consiste à tendre la main à ces nouveaux Québécois afin de les associer au projet de société qu'a élaboré, il y a 90 ans, Alphonse Desjardins.

Nous sommes convaincus que la participation à la vie démocratique, aux activités financières et sociales des caisses locales peut constituer un jalon important dans l'intégration à notre société. Dans cet esprit, la Fédération de Montréal et de l'Ouest-du-Québec s'applique actuellement à adapter ses programmes et ses services de façon à mieux tenir compte des besoins spécifiques des membres des communautés, notamment en matière de produits financiers et, entre autres, pour ce qui est des services internationaux. Déjà, certains actions ont été entreprises auprès de nos différents publics: organisation de sessions d'information pour mieux informer nos dirigeants, diffusion d'articles sur les nouveaux Québécois dans nos publications, réalisation d'une campagne de publicité institutionnelle sur l'intégration, en collaboration avec la CECM, à l'intention des membres et de la population en général et commandite de la Semaine d'amitié interculturelle organisée également par la Commission des écoles catholiques de Montréal. (11 h 45)

Nous avons souligné, à l'instar de l'énoncé, l'hyperconcentration de l'immigration dans la région de Montréal. Or, nous sommes convaincus que l'immigration peut jouer un rôle dans le développement des régions. Le programme Immigrant Investisseur Desjardins devrait nous permettre, d'une part, de contribuer au recrutement d'immigrants investisseurs et aussi d'entrepreneurs. Nous pourrions, d'autre part, collaborer à la réalisation de voyages de prospection et nous associer à des actions de promotion des régions auprès de ces immigrants. Ceux-ci seront ainsi amenés à constater la potentialité de nos régions, tout en sachant qu'ils pourront compter sur un éventail complet de services financiers accessibles dans l'ensemble des régions du Québec.

D'autres catégories d'immigrants pourraient contribuer à répondre à des besoins différents, notamment en vue d'une meilleure exploitation de certaines de nos terres agricoles. Concernant la clientèle spécifique des immigrants gens d'affaires, soit entrepreneurs ou investisseurs, nous sommes à développer, avec le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, un projet de séminaire portant sur les pratiques

commerciales, financières et industrielles du Québec.

Desjardins peut aussi aider aux efforts de francisation. C'est ainsi que, fidèle à sa mission éducative et à l'esprit coopératif, la Fédération de Montréal et de l'Ouest-du-Québec élabore un programme destiné aux maisons de première ligne, aux centres d'orientation et de formation des immigrants, communément appelés les COFI, et aux organismes non gouvernementaux oeuvrant dans le domaine de l'immigration. La Fédération entend aussi collaborer avec le milieu scolaire pour favoriser l'éducation économique de la clientèle immigrante, notamment par le biais des caisses scolaires.

Au chapitre des communications et des relations avec la communauté, nous voulons aussi faire notre part en intensifiant les actions de sensibilisation menées auprès de nos dirigeants et de notre personnel, par le biais de nos publications et de nos programmes de communication internes et externes.

Nous continuerons de tenir compte de la dimension pluriethnique de notre société dans l'attribution de dons et commandites, par exemple, à l'appui de la Semaine nationale interculturelle et aux cérémonies du Nouvel An vietnamien. Nous avons l'intention, en 1991, de souligner d'une façon toute particulière l'apport des communautés culturelles à notre vie collective à l'occasion de certains grands événements, dont particulièrement la Semaine Desjardins.

Nous comptons que nos ressources humaines doivent s'adapter aux nouvelles réalités. Des programmes seront donc conçus dans ce but. Nous élaborons, par exemple, un programme de formation interculturelle visant l'acquisition de connaissances sur les différentes clientèles ethniques en présence, l'acquisition d'habiletés d'intervention spécifiques et l'encouragement à une attitude d'ouverture et d'échange interculturel. Nous voulons enfin faire davantage place aux ressources humaines de ces communautés. Dans cet esprit, nous invitons d'ores et déjà les membres des communautés culturelles à devenir, soit employés, puis dirigeants de nos caisses populaires et de nos caisses d'économie, et à faire partie de comités auxquels des représentants de Desjardins participent. En somme, nous les convions à prendre parmi nous la place qui leur revient.

Nous sommes bien conscients, particulièrement à la Fédération de Montréal et de l'Ouest-du-ûuébec, que l'accueil et l'intégration des communautés culturelles dans le contexte démographique et linguistique que nous connaissons représentent un défi de taille, tant pour Desjardins que pour la société. Nous tenons donc à affirmer aujourd'hui notre volonté de collaborer à la mise en oeuvre de la politique proposée par la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, en posant dès maintenant les jalons d'un plan d'action concret dont il m'a fait plaisir de vous exposer les grandes lignes. Je vous remercie de votre attention, et je recède la parole à M. Béland.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Proteau. M. Béland, pour quelques minutes, peut-être.

M. Béland: Oui, simplement pour conclure, pour vous dire que, finalement, Desjardins souscrit sans hésitation aux grandes orientations de l'énoncé et que nous vous proposons avec beaucoup d'enthousiasme notre collaboration. Et, même si les actions que nous venons de vous exposer sont modestes, nous avons quand même la prétention de croire qu'elles ne sont pas négligeables. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Béland. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, je veux vous remercier et vous dire que nous sommes très fiers d'accueillir le Mouvement Desjardins à cette commission parlementaire. Peut-être, avant de passer à ma première question, je voudrais aplanir toute ambiguïté. On parie souvent, entre autres, de l'entente sur l'immigration, qui est beaucoup plus solide qu'une entente administrative. Je me réfère à l'article 33 de l'entente, qui précise qu'aucune des deux parties ne peut y mettre fin ou ne peut modifier l'entente de façon unilatérale, ce qui est très différent de ce qui était dans l'entente Cullen-Couture auparavant. Et je pense que, malheureusement, on n'en a pas fait état; cet article est très peu connu. Et je dois vous dire que, dans le contexte constitutionnel actuel, c'est un gain majeur pour le Québec parce que ça nous permettra, non seulement d'unifier nos budgets, mais aussi nos différents programmes de francisation de même que nos programmes de subventions.

Alors ceci étant dit, je reviens à ma première question. À la lecture de votre mémoire et des nombreux projets que vous énumérez pour favoriser, bien sûr, l'intégration des immigrants, je pense qu'on doit se réjouir de l'engagement actuel du Mouvement et aussi de vos contributions à venir dans l'application de cette nouvelle politique. L'importance de Desjardins, on connaît le symbole que vous représentez en tant qu'institution issue de la majorité francophone, l'étendue de vos activités dans toutes les régions, dans tous les petits villages, même, je dirais, du Québec; je pense qu'elles font de vous un partenaire de choix.

M. Béland, comme président du Forum pour l'emploi, vous avez pu constater que, dans certaines régions, malgré un taux de chômage élevé, il y avait aussi des pénuries de main-d'oeuvre. Bon. Je sais cependant que l'immigration n'est pas la panacée à tous les maux et je ne veux pas non plus fermer les yeux sur l'importance de programmes de formation profes-

sionnelle; je travaille ardemment à ce sujet-là dans ma propre région. Mais, cependant, on peut aussi combler - parce que je travaille pour l'immigration - cette pénurie de main-d'oeuvre, si elle est bien orientée, bien sûr, avec l'immigration.

Cependant, on sait aussi qu'avant qu'une personne soit sélectionnée et arrivée il peut s'écouler 18 mois, parfois 24 mois. Donc, souvent, l'emploi est comblé ou ça ne satisfait pas... ça ne donne pas satisfaction aux employeurs. Alors, est-ce que vous avez, par exemple, d'une part, je ne sais pas, moi, une idée du délai que... Par exemple, si on devait "prioriser" ce type de candidat ou de candidate parce que, à un moment donné, il y a une pénurie à travers les régions... Et on ne l'a jamais fait auparavant parce que la régionalisation... Nous venons d'ouvrir des directions régionales et nous voulons vraiment travailler à trouver toutes les solutions.

Combien il pourrait normalement s'écouler de temps entre la demande... Pour vous, quel serait le délai, je dirais, maximal qui devrait s'écouler entre, par exemple, la demande provenant de la région, en termes de main-d'oeuvre spécialisée, et la venue de cette personne? Et, aussi, est-ce qu'il y a des... Quels seraient, d'après vous, les mécanismes les plus appropriés pour que les régions puissent aussi nous informer de leurs besoins en main-d'oeuvre? Est-ce qu'il y aurait un canal quelconque?

M. Béland: Oui. Je pense que c'est difficile de répondre à votre première question, justement, et ça, c'est la constatation que le Forum a faite. C'est que ce manque de concertation entre la définition des besoins en main-d'oeuvre et, je dirais aussi, la formation professionnelle, qui est un gros item, fait que ce sont des projets qui ne sont pas bien élaborés, actuellement. On a formé depuis deux ans beaucoup de tables de concertation dans les régions; ça commence à s'élaborer et il faut d'abord établir quels sont les projets qui sont viables dans les régions. Le plan Immigrant Investisseur, à ce moment-là, devient extrêmement important. Il faut commencer par définir le projet et, ensuite, évidemment, une fois qu'on l'a, on peut déterminer de quelle sorte de main-d'oeuvre on a besoin.

Et le délai, à ce moment-là, il faut qu'il soit le plus court possible. C'est ce que les gens nous disaient. La difficulté, c'est qu'on ne peut pas partir en disant: Si on avait telle spécialité, on pourrait lancer un projet dans la région. Il se définit plutôt à l'inverse. Je dis souvent: Ce n'est pas le capital qui manque, au Québec, ce sont des bons projets. On a beaucoup de difficulté, actuellement, à les définir. On se rend compte, actuellement, qu'on peut les définir mieux quand on est capables d'établir - à cause de la mondialisation des marchés - des partenariats. Et ça, c'est le message qu'on lance souvent aux gens d'affaires: II faut maintenant comprendre un peu, aussi, quand on parle d'immigrants investisseurs, il faut comprendre l'immigration comme dans le monde des affaires, comme étant un partenariat. J'ai vu beaucoup d'exemples, au Forum pour l'emploi, d'immigrants, non seulement venir investir ici, mais devenir des associés, des partenaires avec des gens d'ici. Le marché, ils ne le connaissent pas; évidemment, le partenariat québécois permet de leur faire mieux connaître. Mais le Québécois, lui, profite évidemment de l'expertise de l'immigrant. Je pense que ce n'est pas tellement par l'appel à de la main-d'oeuvre spécialisée qu'on règle un problème. C'est plutôt par, d'abord, la définition de projets. Donc, ça rejoint tout le dossier du développement régional.

Mme Gagnon-Tremblay: Justement, il y a quelqu'un tout à l'heure qui disait qu'on peut faire du développement régional aussi par l'immigration. Moi, j'en suis persuadée, s'il est bien planifié. Si on planifie bien nos demandes et l'offre, je pense que nous pouvons, effectivement, faire du développement régional à partir de l'immigration.

Et, bien sûr, ce qui est important aussi, c'est d'attirer des immigrants investisseurs ou des entrepreneurs. On sait fort bien qu'actuellement, dans les régions, là où on a des directions régionales, on n'envoie à peu près que des réfugiés, mais on n'a pas tellement développé cette catégorie. Je disais encore, la semaine dernière, que nous accueillerons tout près de 2000 entrepreneurs cette année, comme nous en avons accueilli autant l'année dernière. Mais, faute de ressources parfois, faute aussi d'accueillir convenablement ces personnes, souvent, il n'y a pas de création d'emplois ou il n'y a pas de création d'entreprises. Justement, c'est l'objectif lorsqu'on sélectionne ces personnes-là; c'est l'objectif qu'on vise et ils ont aussi une responsabilité: ils doivent absolument créer un minimum de trois emplois, les leurs. Mais, cependant, on se rend compte qu'on ouvre parfois un petit dépanneur ou un restaurant du coin qui ferme après six mois; ils ont perdu leur argent et ça n'a pas nécessairement rapporté.

Donc, c'est vraiment important de créer cette espèce de réseau d'accueil de gens d'affaires pour, non seulement être capables de leur proposer, par exemple, des locaux, mais leur proposer aussi des projets d'entreprises. Donc, vous comprenez qu'il va falloir absolument identifier les besoins dans chacune des régions, des secteurs d'activités. Je pense que nous aussi, étant donné qu'il y a énormément de gens qui veulent venir au Québec, nous devons être capables de privilégier des dossiers qui répondent davantage à des secteurs d'activités manufacturières, par exemple, que ce soit le secteur du plastique, du métal ou quoi que ce soit. Alors, il va falloir développer ces choses-là.

Quel rôle le Mouvement Desjardins peut-il

jouer avec nous? Je sais que vous êtes partout, y compris... Tout à l'heure, je disais jusque dans les petits villages; vos gérants ont souvent ce premier contact avec ces personnes parce que je pense que les premières économies, on veut les déposer quelque part, et aussi, souvent, on a à échanger des chèques. Quelle est la collaboration que pourrait jouer, par exemple, le Mouvement Desjardins à partir des gérants locaux ou quoi que ce soit?

M. Béland: Ce que nous avons proposé, justement à cause de notre grande décentralisation, c'est de collaborer avec le ministère, peut-être dans l'organisation de séminaires qui seraient destinés à des immigrants pour leur faire connaître évidemment le Québec, mais leur faire connaître aussi les régions du Québec. Je pense même à la Fédération de Montréal, où il y a eu certaines expériences de faites. Je ne sais pas si M. Proteau pourrait compléter ma réponse, mais il est certain qu'au niveau du Mouvement on est en train d'élaborer... M. Dominique, vous pourriez peut-être compléter cette réponse-là quant à la collaboration avec le ministère pour la tenue de séminaires.

Le Président (M. Doyon): Oui, M. Proteau.

M. Proteau: Oui, effectivement, c'est quand même relativement récent. Mais la Fédération de Montréal, de par ses ressources, tant de formation que de relations publiques, est entrée en contact au cours des derniers mois avec les gens du ministère pour, effectivement, mettre sur pied des programmes - comme je l'expliquais tout à l'heure - pour faire connaître les dimensions financières, les dimensions sociales du Québec et les réalités auxquelles les nouveaux arrivants doivent faire face. Moi, je vous dirai aussi que, lorsqu'on interroge la capacité de Desjardins d'intervenir, je pense que nous avons une responsabilité. Cette responsabilité première, permettez-moi l'expression, c'est de leur vendre les valeurs du système coopératif. Je prends un exemple particulier, spécialement les Asiatiques, ceux qui viennent de la région de Hong Kong. C'est de ce coin du globe, particulièrement, que nous arrivent les immigrants investisseurs. Ce sont des gens avec des ressources financières importantes. Donc, de par leur passé, ces gens-là sont relativement familiers avec les systèmes bancaires traditionnels, mais ils sont peut-être assez peu familiers avec un système comme le nôtre, un système coopératif. (12 heures)

À partir du moment, je pense, où on se donne les moyens d'aller vers eux pour leur montrer les valeurs du système coopératif et aussi la très grande richesse et l'élément excessivement important que peut constituer pour eux la prise en main de leur devenir économique par le système coopératif, à travers un groupe qu'ils voudront bien se donner ou à travers leur rapport à des entités déjà en place comme les caisses populaires locales ou autres, je pense qu'à partir du moment où ces gens-là seront familiers avec le système coopératif, déjà, on a un outil qu'on met à leur disposition qui leur permettra d'avoir un apport au développement économique de la société québécoise qui sera d'autant plus intéressant.

J'ajouterai aussi, si vous me permettez, Mme la ministre, je pense à un élément sur lequel on devrait s'interroger d'une façon toute particulière et qui, à mon avis, devrait être l'objet de certaines inquiétudes, c'est le taux de rétention, qu'on a au Québec, de nos immigrants. Pour ce que je connais de ce dossier-là, je pense que le taux de rétention est plus faible chez les gens qui ont des ressources plus importantes. Je pense qu'on devrait avoir un effort particulier à cet égard-là. Il y a sûrement quelque chose qui manque quelque part. Nos structures, de façon globale, à l'intérieur de la société québécoise, ont sûrement certaines carences, certaines faiblesses faisant en sorte qu'au bout de deux ou trois ans la personne, si je peux utiliser cette expression, "pacte" ses petits et s'en retourne ailleurs. Mais, souvent, c'est à Toronto qu'on les retrouve, ou à Vancouver. Je pense que c'est un phénomène sur lequel il faudra s'attarder d'une façon toute particulière parce que, si on investit des sommes importantes pour accueillir ces personnes-là, mais que c'est simplement pour une période de transition, il y a quelque chose qu'on manque quelque part.

Mme Gagnon-Tremblay: Je dois vous dire, à ce sujet-là, M. Proteau, que j'ai déjà donné des directives à mes fonctionnaires à l'étranger d'être beaucoup plus vigilants sur la motivation, non seulement à venir au Québec, mais à s'établir, et non pas à se servir du Québec comme un tremplin pour d'autres lieux. Nous allons être beaucoup plus vigilants, aussi, sur l'expérience, davantage que sur le projet comme tel, parce qu'on sait que, quand, par exemple, on vient déposer un projet, il peut s'écouler deux ans avant que la personne n'arrive. C'est tout à fait normal, avant qu'elle puisse être sélectionnée, obtenir son visa, et aussi liquider ses biens à l'étranger; alors, souvent, dans deux ans, le marché est très différent de ce qu'il était. Alors, je pense que nous allons miser davantage sur l'expérience, et aussi sur la motivation, non seulement à venir au Québec, mais à s'établir au Québec.

Je voudrais revenir, parce que nous avons parlé beaucoup d'immigrants investisseurs... mais, tout à l'heure, je parlais aussi de travailleurs indépendants, de travailleurs spécialisés, entre autres. Il y a quand même des difficultés. On se rend compte que, même si, parfois, les personnes possèdent une main-d'oeuvre qualifiée, il y a des difficultés au niveau des stages en entreprises. Je

sais, M. Béland, que, comme président du Forum, vous avez eu à circuler aussi; comment peut-on ouvrir les portes? Parce que, souvent, on demande à ces personnes l'expérience québécoise - quand ce n'est pas l'expérience canadienne - mais l'expérience québécoise.

Vous avez des personnes hautement qualifiées qui arrivent ici et qui sont obligées de fake toutes sortes de travaux inimaginables, que l'on ne voudrait jamais faire, nous, dans leur pays, pour être capables, après ça, d'accéder à un emploi convenable. On se prive de cette richesse, qui est inestimable. Mais comment pourrait-on, y compris dans les régions - parce qu'on parte du taux de rétention, on veut aussi retenir nos immigrants en région lorsqu'on parle de régionalisation et qu'on veut développer cette régionalisation - réussir, par exemple, avec la collaboration des nombreuses entreprises, à permettre ce stage pour donner l'expérience québécoise à ces personnes?

M. Béland: Je vais d'abord vous répondre pour le Mouvement Desjardins comme tel. Quant à nous, on n'a pas de problème avec l'accueil des travailleurs, si je peux les appeler comme ça, spécialisés; pas du tout. On les accueille très facilement, on les intègre facilement et on en a de plus en plus, d'ailleurs, dans le Mouvement Desjardins. M. Santos pourrait témoigner qu'à la Caisse centrale, par exemple, où on a 154 employés, il y en a sept qui sont des immigrants, trois dans la haute direction. Je peux vous dire qu'on ne fait pas de différence. Ça s'est fait très rapidement, très facilement, et on a été très heureux de bénéficier de l'expertise et des spécialités de ces gens-là. Si c'est possible dans te domaine financier, j'imagine que c'est possible ailleurs, sauf qu'ailleurs on va trouver beaucoup plus de difficultés - le Forum pour l'emploi en a été un bon exemple, on a témoigné largement - beaucoup plus de difficultés à cause de toutes sortes d'autres contraintes, syndicales, par exemple - ça vient compliquer beaucoup de choses dans les grandes entreprises - contraintes par rapport à une compréhension un peu limitée de la part de ces travailleurs spécialisés. On interprète plutôt la venue de ces gens-là comme étant ceux qui viennent prendre notre place, qui viennent prendre nos emplois. Alors, les taux de chômage toujours très élevés sont une barrière qui font que, même si on appelle les travailleurs spécialisés, là, on est portés à leur fermer la porte quand même en disant: On va se spécialiser, nous. On ne réalise pas que l'apport du travailleur spécialisé, au contraire, est générateur d'activités économiques et générateur d'emplois. Donc, je pense que c'est beaucoup par l'éducation, beaucoup par la compréhension de l'apport de ces travailleurs spécialisés qu'on peut réussir à faire un bout de chemin.

Mme Gagnon-Tremblay: Mais, ne croyez- vous pas, justement, qu'on va devoir interpeller de plus en plus les syndicats...

M. Béland: Oui, c'est sûr.

Mme Gagnon-Tremblay: ...parce que, dans ce grand défi de l'intégration, ce n'est pas une responsabilité unique du gouvernement, mais c'est une responsabilité de tous les intervenants, y compris les syndicats? J'ai été à même de constater ici depuis plusieurs semaines qu'il y a des obstacles, mais des obstacles assez considérables aussi face à une syndicalisation ou aux conventions collectives. Il va falloir en être conscients. Il va falloir avoir cette prise de conscience. Je ne sais pas de quelle façon on va devoir le faire, mats il va falloir faire le débat sur ça à un moment donné. Et là on a une nouvelle clientèle. On a une clientèle qui est ici et qui veut s'intégrer, et on a des responsabilités, nous, en tant que société d'accueil aussi. Comme je le dis, il va falloir aussi sentir une ouverture de la part de nos syndicats parce qu'on ne pourra arriver dans ce grand défi de l'intégration.

M. Béland: Ce que vous dites, Mme la ministre, c'est le fond, à mon avis, du problème. C'est qu'on est beaucoup trop cloisonnés dans notre société- Même ici, quand on parte d'immigration, pour nous, la régionalisation de l'immigration ne peut pas se faire sans la régionalisation de l'économie aussi. Cela va de soi. Or, quand on touche à ça, évidemment, il faut aussi s'intéresser à la question de la formation. Il faut évidemment s'intéresser à toute la question, j'allais dire, des contraintes syndicales.

Alors, de là est venue cette seule recommandation, finalement, du Forum pour l'emploi, de former des tables de concertation. C'est en assoyant les gens face à face, chacun faisant valoir son point de vue et, surtout, chacun s'entendant sur l'objectif ultime qu'on vise. Si c'est la création d'emplois, si ça devient une valeur de société, mon Dieu, il faut que chacun fasse un peu du sien pour arriver à réaliser cet objectif-là. Ça été la grande révélation du Forum. Quand on a fait notre premier tour de table, on s'est rendu compte que l'emploi, ce n'était pas la responsabilité du patronat, ce n'était pas la responsabilité du monde syndical, ce n'était la responsabilité de personne. Et, comme il n'y avait pas de représentant du gouvernement, on a dit: Ça doit être la responsabilité du gouvernement. Mais le gouvernement ne peut rien si les divers intervenants de la société n'en font pas, pour eux, une valeur. Et c'est aussi vrai pour l'immigration, c'est vrai pour la démographie, c'est vrai pour une politique de population.

Le Président (M. Doyon): M. Proteau, vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Proteau: Oui, à la question de Mme la ministre, à savoir: Est-ce qu'il serait opportun d'interpeller des groupes? J'ai vécu, cette semaine même, une expérience, je pense, qu'il serait peut-être utile de livrer ici aujourd'hui. J'ai eu l'occasion de manger avec des représentants de la communauté vietnamienne au début de la semaine, des gens avec qui on a des relations assez étroites. Je m'entendais dire, je m'entendais raconter, plutôt, que ces gens-là, les gens de cette communauté, ont éprouvé un certain nombre de difficultés avec ceux des leurs qui étaient médecins. Dieu sait si c'est des gens qui ont un haut niveau de scolarité. Et on me faisait part qu'il y a des médecins qui arrivent du Vietnam et qui doivent travailler dans des cuisines, qui doivent travailler dans différentes formes d'emploi pendant deux, trois, quatre ans, bon, parce qu'il y a toutes sortes de technicali-tés qui sont difficiles à franchir. Ces gens-là, de prime abord, ont le sens du travail. Ils veulent travailler. Lorsque vous posez la question, à savoir s'il faut interpeller des groupes, moi, je dis à ça: Oui. Et je n'ai pas d'animosité particulière envers l'Ordre des médecins du Québec. Mais je pense qu'un exemple comme celui-là est un témoignage dont il faut tenir compte. Ça m'apparait anormal, surtout lorsque, en contrepartie, on connaît les problèmes de la présence des médecins en région. Je me dis qu'il y a sûrement quelque chose qu'on peut faire à ce niveau-là.

Lorsque vous parlez du rôle ou de la responsabilité des syndicats, je porte à votre réflexion un élément sur lequel, possiblement, on aura à se pencher, au regard, particulièrement, des gens qui nous arrivent d'ailleurs et, surtout, du Sud-Est asiatique. C'est toute la valeur du sens du travail, qu'on a peut-être, à certains égards, un peu perdue ou mise en veilleuse quelquefois chez nous. Et ces gens-là arrivent ici fortement imbus de ces valeurs-là. Certains raisonnements qu'on voit dans le milieu des grandes centrales syndicales, que je ne veux pas condamner, loin de là, mais il y a certaines personnes qui sont portées à vouloir faire en sorte que ces gens-là paraissent comme dérangeants de par leur ardeur au travail. Je pense que, ça, c'est un élément sur lequel il va falloir revenir aussi et se pencher.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Proteau. M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. M. Béland et les gens qui vous accompagnent de la Fédération, bienvenue. Je vais vous dire, je ne suis pas surpris et je suis heureux de vous voir parce que, effectivement, le Mouvement Desjardins, avec ses représentants, est partout au Québec et il y est toujours quand c'est important. Et je ne peux pas faire autrement que vous féliciter parce que, dans tous les grands débats qui se passent au Québec, le Mouvement est présent. Ici, à Québec, mais aussi dans les différentes prises de position qu'on peut voir dans la revue Ma caisse - si je me rappelle bien le titre - où, effectivement, on se rend compte à quel point vous êtes d'actualité. Vos prises de position font preuve d'une lucidité et d'une connaissance des sujets concernant le milieu québécois qui sont traités avec, je pense, une mesure inégalée. Et votre participation est dans tous les domaines, dans tous les grands débats.

Ici, présentement, aujourd'hui, c'est important parce que c'est l'avenir des Québécois qui s'ajoutent, et ça veut dire que ça touche ceux qui y sont déjà aussi puisque ce sont des changements qu'on est en train de faire dans la société. Dans le débat constitutionnel aussi, vous êtes présents, et vous l'avez été et vous le serez encore, et d'une façon aussi très représentative parce vous y avez eu une consultation. Vous l'avez été et vous l'êtes encore au niveau du développement régional, c'est-à-dire relativement à l'emploi. Et c'est là-dessus que je vais commencer parce que je trouve ça très intéressant et indispensable. Depuis le début de la commission, presque tous les mémoires nous arrivent toujours en disant: Qu'est-ce qui fait qu'il y a des gens à travers le monde qui choisissent le Québec, et qu'est-ce qui fait qu'ils s'en viennent ici? C'est quoi, leur premier objectif? Et qu'est-ce qui fait en sorte qu'ils vont être à Montréal ou qu'ils vont être dans les régions? C'est toujours la même affaire. C'est l'emploi.

Ces gens-là se déplacent en vue d'avoir une meilleure situation; et la situation, c'est quoi? C'est par rapport à un emploi. Donc, accéder à un emploi et avoir le meilleur emploi possible aussi. Et ça m'amène à la régionalisation et à l'emploi. Pour avoir participé autant au colloque sur l'emploi qu'au Forum pour l'emploi, je sais à quel point vous vous êtes impliqués. Il y a eu des constatations qui ont été faites au Forum. La première, si je me rappelle bien, c'est le manque de formation. Et ça, c'est lamentable de voir que, finalement, il y a des pleines pages d'offres d'emploi, spécialement le samedi dans les journaux, et qu'on est rendus, comme société, à 13 % de chômage. Il y a quelque chose qui cloche quelque part. C'est évident qu'il faut penser à l'immigration pour combler dans certains secteurs, mais ce n'est pas vrai qu'on peut penser seulement à l'immigration pour combler les emplois manquants et ne pas former ceux qu'on va faire vivre avec l'assurance-chômage et l'aide sociale.

Comme société, on a un problème qui est très grave. Ma question vient de l'échange que vous venez d'avoir, parce que ça ne peut pas faire autrement que de nous sauter aux yeux à un moment donné. On a un problème majeur d'emplois au Québec, 13 % de chômeurs au Québec, 15 % à Montréal qui est la métropole. Ce qui est une catastrophe. Et vous nous di-

tes - et vous avez raison - qu'il y a des gens qui viennent du Vietnam ou d'ailleurs, avec une pleine chemise de diplômes, et qui doivent être plongeurs en attendant de décrocher. Je vais vous dire, on a la même chose des Québécois qui sont ici depuis longtemps, qui sortent de l'université avec des maîtrises et des baccalauréats, et qui se ramassent comme laveurs de vaisselle aussi. Le problème, il est général. C'est l'emploi. (12 h 15)

Et, si on veut régionaliser, si on veut envoyer des gens ailleurs qu'à Montréal, il faut leur offrir de l'emploi. Et pour ça, bien, ça va nous prendre, à mon avis, une politique de développement régional, une concertation du milieu, et il faudra créer des emplois qui vont faire que les gens vont y aller. Parce qu'on ne peut pas demander aux immigrants de venir au Québec et de s'en aller en Gaspésie, quand les jeunes Québécois déjà en place quittent la Gaspésie, l'Abitibi et le Lac-Saint-Jean pour s'en venir à Montréal. On ne peut pas penser remplir avec les nouveaux Québécois là où les Québécois quittent parce qu'il n'y a pas d'avenir. Il faut être très conscients de ça. On a un problème de société et il va falloir, à mon avis, se donner un objectif qui va nous aider à régler le problème des Québécois et des nouveaux Québécois, c'est une politique de plein emploi. Et je sais que vous y croyez, et que c'est faisable. On est tellement peu nombreux, avec toutes les richesses qu'on a au Québec, il s'agit d'avoir la volonté. Vous l'avez dit tantôt, on a les capitaux, il manque des projets; on est capables de les trouver, j'en suis sûr. Il va falloir être ingénieux et être solidaires.

Est-ce que vous croyez, connaissant la situation actuelle du chômage, spécialement dans les régions, que la régionalisation - je ne vous demanderai pas si elle est souhaitable; je pense que tout le monde en convient, elle serait souhaitable - est-ce que, dans la situation économique actuelle, elle est pensable?

M. Béland: Je pense que c'est dans des périodes comme ça qu'il faut y penser de plus en plus. Si vous me dites: Est-ce que c'est réalisable à court terme? Moi, je vais vous dire simplement ceci. Ça fait longtemps que, grâce au Mouvement Desjardins, je me promène un peu partout à travers le Québec, et j'étais beaucoup plus découragé il y a 20 ou 25 ans que je le suis aujourd'hui. Quand j'allais en région, il y a 25 ans, je ne partais jamais de la région sans avoir des demandes dans mes poches, des gens des caisses qui disaient: Si vous pouviez me sortir d'ici, je serais assez content, je veux aller, moi, où ça se passe.

Aujourd'hui, je ne vois plus ça. Non, aujourd'hui, je ne vois plus ça. Les gens se battent pour rester là où ils sont, ils veulent développer leur coin, il y a des projets partout. La Commission Bélanger-Campeau, qui nous a emmenés en région, partout, a été une révélation pour tous les commissaires qui ont dit: C'est incroyable, la vitalité qui existe dans les régions; sauf qu'on commence à apprendre à se concerter.

Tout à l'heure, vous disiez: II y a un manque de formation. Ce n'est pas tellement ça, le problème; c'est l'adaptation de la formation de la main-d'oeuvre et des emplois disponibles ou des emplois dont le Québec aurait besoin.

Aujourd'hui, je pense que, au contraire, le Québec est d'une richesse, sur le plan de l'éducation, comme on n'en a jamais eu. Les retraités retournent à l'université si ça leur fait plaisir. Les adultes peuvent aller suivre des cours. L'éducation, on en a, on est le pays probablement le plus riche à ce point de vue là. L'ouverture sur le plan de l'éducation est très large, sauf que ça ne produit pas les travailleurs dont on a besoin. Et le plus bel exemple qu'on a eu au Forum, c'est ce témoignage spectaculaire, hein, du vice-président aux ressources humaines qui avait besoin de 100 métallurgistes. Il a reçu 700 demandes d'emploi et il a été capable de combler quatre postes. Parce que ce n'étaient pas des métallurgistes, c'est incroyable! C'est chez nous. Ce n'est pas dans les régions, ça, c'est à Montréal, c'est sur notre territoire. Mais, la métallurgie, c'est dévalorisé. On a à valoriser aussi les postes techniques, tout.

Aujourd'hui, à moins d'avoir un diplôme universitaire, on n'a l'air de rien. Les gens pensent qu'ils ne sont plus rien au Québec, alors que tout le domaine de la technique est à développer. Et c'est là que l'immigration peut jouer un rôle important si on peut enlever les contraintes auxquelles M. Proteau se référait tout à l'heure. C'est sûr que, si on peut enlever toutes ces contraintes et remplir ces postes-là, ça va valoriser les postes spécialisés comme la métallurgie, et tous les autres. Ça va les valoriser, et peut-être inciter les Québécois et Québécoises à venir occuper aussi ces postes-là.

M. Paré: Sur le nombre d'immigrants qu'on doit accepter - parce que c'est un des objectifs de la commission présentement - vous dites, dans votre mémoire, que, évidemment, l'accueil et l'intégration harmonieuse de quelque 55 000 nouveaux arrivants issus d'horizons divers ne va pas sans poser quelques défis. On a l'habitude des défis, et on est capables de les relever. Donc, ça, je vous reconnais et je reconnais le Mouvement Desjardins. Effectivement, on a relevé d'autres défis.

Sauf que, dans le contexte actuel, avec tous les autres défis qu'on a relevés, il y a d'autres groupes qui sont venus, dont la ville de Montréal, hier. Et M. Doré nous disait que ce n'était pas seulement une vision d'avenir, la, c'était une constatation d'actualité qu'il faisait en disant que "c'est un défi québécois, mais qui se vit à Montréal". Et, au moment où on se parle, l'intégration est très difficile, peut-être parce

qu'il y a concentration. Donc, c'est une des raisons, avec tout le contexte montréalais qu'on connaît, de ce que M. Doré appelait les deux visages de Montréal. Mais il nous disait aussi, et vous le dites encore ici, vous, dans votre mémoire, à l'ouverture à la diversité: "...encore avec des moyens insuffisants"; et M. Doré disait qu'il faut se donner les moyens de notre stratégie et qu'il faut investir davantage à Montréal pour intégrer ceux qu'on a déjà.

Est-ce qu'on a les moyens de se donner d'autres structures d'accueil dans toutes les régions du Québec alors que, maintenant, Montréal dit qu'on n'a pas suffisamment de moyens pour être capables d'intégrer, déjà, dans la région montréalaise? C'est vrai que, à mon avis - et on en a la preuve par les groupes qui viennent ici - l'intégration risque d'être beaucoup plus facile dans les autres régions où, finalement, l'intégration, c'est à la culture; pas nécessairement à la langue, mais à la culture québécoise. Finalement, notre culture, c'est la langue qui en est l'objet principal.

Est-ce que vous croyez que l'intégration, on peut la faire maintenant sur l'ensemble du territoire avec les moyens qu'on a? Je vous la pose, la question, en la raccrochant à un autre volet qu'on retrouve dans votre mémoire. L'intégration, c'est aussi Montréal et c'est surtout Montréal. En page 8, on dit qu'il va... Il y a un moyen peu coûteux, mais une volonté, par exemple, qui fait qu'on va intégrer, et vous le dites: II faut qu'il y ait un message clair. Là-dessus, il y avait même un groupe, hier, qui était la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, qui disait qu'il faut lancer un message clair; et, quand on l'aura lancé, il va être perçu comme tel, et non pas comme étant diffus, confus et contradictoire. Le message clair, c'est de dire comment on peut vendre un projet de société - c'était dit en toutes lettres - à ceux qui viennent quand on n'a pas défini la société qu'on veut être. Qui sommes-nous? On veut dire aux autres qui ils vont être, mais on n'a pas défini qui nous sommes. C'est un peu large comme question, mais je vous la pose comme telle. L'intégration, c'est une question de sous, mais c'est peut-être encore davantage une question, comme vous le dites, de message clair. Quel est ce message et de quelle façon doit-on le passer?

M. Béland: Sur les 55 000 personnes, nous, on s'est dit d'accord avec le chiffre qui apparaît dans l'énoncé, qui tient compte d'une politique de la population. On nous disait, en somme: C'est le chiffre qui est nécessaire pour faire au moins que le Québec de demain ne décroisse pas. Donc, ça, c'est le défi. C'est vrai qu'il faut avoir les moyens de notre statégie, mais... Je vais peut-être répéter ce que j'ai dit tout à l'heure, mais il faut avoir les moyens de nos priorités. Il s'agit de savoir si cette question de la démogra- phie et de la population québécoise, c'est une priorité parmi les priorités. Je sais qu'il y en a toute une série, mais ensuite, une fois qu'on a bien établi quelles sont nos priorités... Quant à nous, la démographie au Québec, c'est une des grandes priorités. Donc, il y a peut-être des choses qu'il va falloir sacrifier, mais il faut se donner les moyens de cet énoncé-là. Autrement, je pense qu'on peut faire toute une série de voeux, établir toute une série de priorités tellement vastes que, finalement, on n'en réalisera aucune. Et c'est dans ce sens-là qu'on a dit, nous, ici, oui aux 55 000, et oui aux moyens, cependant. Je ne sais pas où on fera des sacrifices, mais ça nous apparaît comme un domaine vraiment prioritaire.

Quant à l'intégration à Montréal, peut-être, M. Proteau, que vous pourriez ajouter à ça.

M. Proteau: Oui. Il y a une question que vous avez posée, à savoir s'il faut se donner d'autres structures? Moi, je réponds très spontanément et très fermement à ça: non. Des structures, il y en a suffisamment. Il faut d'abord, je pense, avoir la préoccupation de les rendre efficientes, les structures. Peut-être que c'est une déformation venant de l'entreprise privée - parce que même Desjardins, je pense qu'il faut considérer ça comme l'entreprise privée - je pense que le rôle du gouvernement dans un dossier comme celui-là, c'est de faire en sorte qu'on passe des voeux pieux à l'action. Vous savez, il y a une chanson, que vous connaissez sans doute comme moi, qui dit: 'Tout le monde veut aller au ciel, mais personne ne veut mourir". Si je fais un parallèle avec ça, il faut, je pense, franchir le pas additionnel à l'effet que tout le monde en parle, tout le monde semble préoccupé, mais, finalement, un peu tout le monde, aussi, se sent démuni.

Quand je dis aller vers l'entreprise privée, je pense que ce sera peut-être le rôle de l'État de faire en sorte que les entreprises y trouveront des avantages, y trouveront le goût. Et, là-dessus, j'aimerais mieux parler de mesures "mobilisantes", de mesures incitatives que de mesures contraignantes. Des projets de loi qui peuvent éventuellement obliger à avoir tant de personnes de communautés culturelles, à mon avis, ça, c'est des mesures qui sont contraignantes. Il y a des mesures incitatives, des mesures qui sont plus positives et, à mon avis, elles vont donner énormément plus de résultats. C'est vraiment en alignant l'action sur l'entreprise privée qui peut faire, dans ce domaine-là comme dans une foule de domaines, beaucoup de choses, en s'efforçant aussi de rendre nos structures beaucoup plus efficientes, qu'à mon avis on est capables de faire le pas additionnel pour régler le problème.

Vous me permettrez, pendant que j'ai la parole... tout à l'heure, ça m'a échappé, je vous parlais de rétention. Pour avoir déjà eu l'occa-

sion de discuter avec mon voisin de gauche, M. Santos, je crois qu'il aurait peut-être des choses à dire là-dessus.

Le Président (M. Doyon): M. Santos.

M. Santos (Humberto): Merci, M. le Président. Je pense, que, du côté de la rétention, il faudrait penser à la chose de façon plus terre à terre. Je pense qu'un des membres posait tout à l'heure la question: Pourquoi les gens viennent-ils au Québec et au Canada? Tout d'abord, parce que le Québec et le Canada ont un nom extraordinaire à l'étranger. C'est le ciel et, donc, on vient au ciel. C'est vrai, on ne va peut-être pas mourir, mais on vient au ciel pareil. Lorsqu'on arrive, il y a des changements majeurs. Un des changements majeurs - je n'en ai pas encore entendu parler aujourd'hui - c'est le climat. Le climat est très difficile pour quelqu'un qui vient, par exemple, du Portugal.

Si vous arrivez ici et que vous pensez que vous venez pour deux, trois ou quatre ans - vous avez laissé votre famille là-bas - et que vous allez retourner, alors, qu'est-ce que vous faites? Vous fartes ce que beaucoup d'immigrants font. Vous travaillez dans deux ou trois jobs s'H le faut. Vous mettez des sous de côté. Vous trouvez que le Québec est bien difficile. C'est la fin du monde, vous savez, la neige qui tombe à partir du 1er novembre jusqu'en avril. Et, là, vous dites: Ça ne marche pas, mon affaire, je m'en vais. Je m'en vais au Portugal, je retourne au Portugal.

Alors, si on parle de rétention, il faut casser ce cercle vicieux. Il faut dire: On vient ici pour y rester. Et, si on vient ici pour y rester, il faut que l'immigrant accepte de vivre la vie du Québec. Et la vie du Québec, c'est de faire du ski de fond, c'est de jouer au hockey à 7 heures le matin avec votre petit, c'est de faire toutes sortes de choses que l'immigrant, normalement, ne fait pas. Ça, c'est très important.

Je me souviens, il y a à peu près 15 ans, le gouvernement du Québec avait fait des excursions où on mettait un paquet d'immigrants dans un autobus et on nous amenait à la cabane à sucre. C'est un départ. On pourrait faire des choses de même, qui ne sont pas tellement coûteuses, mais qui font que les gens commencent à s'adapter. Si on reste à la maison pendant qu'il neige trois pieds de large, on veut toujours retourner; ou, alors, on va peut-être vers l'Ontario ou vers la Colombie-Britannique, parce que la Colombie-Britannique, c'est exactement comme Lisbonne. Il pleut, il fait beau et il y a de belles montagnes. C'est excellent.

Alors, du côté de la rétention, if faut non seulement la régionalisation, mais s'habituer à vivre la vie économique, la vie de tous les jours. Je pense que c'est très important. C'étaient mes commentaires, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Santos. M. le député.

M. Paré: Oui.

Le Président (M. Doyon): En terminant peut-être; il reste une couple de minutes.

M. Paré: En terminant... Malheureusement, c'est toujours trop court, surtout que c'est bien intéressant. Vous mentionnez aussi, à la page 4, que, oui, l'immigration au niveau des investisseurs, au niveau de l'intégration, au niveau des gens avec une expertise, mais aussi au niveau démographique, en spécifiant, par contre, comme vous le faites, que ce doit être complémentaire à une politique familiale. Autant pour les nouveaux venus que pour les Québécois déjà en place, effectivement, ça prend une politique familiale qui permette que les familles soient un peu plus nombreuses, un peu plus importantes qu'elles le sont.

Je suis obligé de conclure parce que le président me dit que c'est terminé. Vous avez élaboré tout un plan d'action et je dois vous dire qu'on le reçoit avec beaucoup de joie et d'optimisme. On sait que vous êtes sans doute l'institution, au Québec, qui peut le mieux nous aider par votre présence partout sur le territoire, et à peu près dans tous les secteurs, parce que, maintenant et de plus en plus, le Mouvement Desjardins est dans les prêts personnels et dans l'investissement; par le Forum, il est dans la création d'emplois et le développement régional. Vous êtes impliqués partout et dans tous les domaines qui vont permettre une intégration plus facile - comme vous le dites, je ne me souviens plus à quelle page - en plus, d'une façon tout à fait naturelle, à la francisation. Donc, on reçoit avec enthousiasme votre offre et je dois vous dire qu'on compte beaucoup sur elle. Alors, merci de votre implication et de votre présence aujourd'hui.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, je voudrais également vous remercier et vous dire que je suis très heureuse de l'appui que vous manifestez à l'énoncé de politique. J'accepte avec enthousiasme votre offre de collaboration parce que je pense qu'il n'y a pas plus québécois que Desjar-dins, et que ça pourra peut-être servir aussi de symbole ou de modèle à d'autres organismes ou d'autres institutions. Nous aurons... je sais que nous travaillons actuellement - nos fonctionnaires du ministère - avec votre mouvement dans le but d'établir certaines collaborations et de voir comment on peut relever ce défi de la régionalisation. Alors, je dois vous dire que vous avez mon entière collaboration de même que celle du ministère. Et peut-être, en terminant sur une note un peu plus légère, je constate, M. Béland,

que nous avons facilement fait consensus autour de cette table; je vous souhaite autant de succès à l'autre table, c'est-à-dire à celle où vous siégez actuellement. Merci.

M. Béland: C'est dommage que vous n'y siégiez pas, ce serait peut-être plus facile.

Le Président (M. Doyon): Au nom des membres de la commission, vous me permettrez de remercier les représentants de la Confédération des caisses d'économie Desjardins et de leur manifester l'appréciation de cette commission pour la visite qu'ils nous ont rendue et les explications qu'ils nous ont données. Malheureusement, le manque de temps ne m'a pas permis de permettre au député de l'Acadie et au député de LaFontaine, qui le voulaient aussi, de discuter avec vous. Malheureusement, ce sera à une autre occasion. Le député de Richelieu me fait signe que lui aussi avait des choses à vous dire. Merci beaucoup.

Donc, les travaux sont suspendus jusqu'à 15 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

(Reprise à 15 h 36)

Le Président (M. Doyon): Donc, fa commission de la culture reprend ses travaux avec, pour commencer, un petit changement à l'ordre du jour. Je pense qu'il y a un consentement qui a été manifesté par tout le monde. Nous allons commencer par entendre l'Association des Vietnamiens de Sherbrooke pour une demi-heure, 30 minutes.

Alors, je les inviterais, sans plus de délai, à bien vouloir s'approcher de la table de nos invités, à y prendre place. Il y a deux personnes. M. Kiet et M. Tuan. Je leur souhaite la bienvenue. Je leur demande de s'identifier pour les fins de la transcription de nos débats et de procéder pour une dizaine de minutes - je me réserve le droit de vous indiquer que le temps a passé quand c'est le cas - à la lecture de leur mémoire pour une dizaine de minutes, le restant du temps étant partagé entre les deux formations politiques. Vous pouvez y aller, nous vous écoutons.

Association des Vietnamiens de Sherbrooke

M. Ngo (Thanh Kiet): Bonjour, M. le Président, Mmes, MM. les députés. Je vais vous lire le mémoire. Après avoir lu attentivement l'énoncé de politique... Pardon!

Le Président (M. Doyon): Un instant. Vous voulez vous nommer, s'il vous plaît?

M. Ngo: Je suis M. Kiet Ngo, le président de l'Association.

Le Président (M. Doyon): Et la personne qui vous accompagne?

M. Ngo: M. Truong, le vice-président de l'Association.

Le Président (M. Doyon): Très bien, bienvenue. Vous pouvez y aller.

M. Ngo: Excusez-moi. Je vais continuer, donc. Après avoir lu attentivement l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration, nous osons nous permettre les quelques observations suivantes. Dans le premier paragraphe de la deuxième partie de l'énoncé, on peut lire, et je cite: "En vertu de l'entente Couture-Cullen, le Québec a le pouvoir de sélectionner les ressortissants étrangers désireux de s'établir de façon permanente ou temporaire sur son territoire." Cette entente ne s'applique donc que dans le cas d'un immigrant désirant s'établir au Québec. Est-ce que cela voudrait dire aussi que le Québec n'a pas le pouvoir de faire sa propre promotion, son recrutement et sa sélection en matière d'immigration? Dans le cas affirma-tif - c'est ce que nous croyons - comment le gouvernement du Québec peut-il débloquer certaines situations coûteuses causées par Ottawa? Je cite: La situation des "revendicateurs du statut de réfugié en attente de statut au Québec ajoute un fardeau supplémentaire aux finances publiques québécoises." Bien sûr, ce premier point n'est plus d'actualité du fait qu'il y a l'entente ou l'accord survenu entre Québec et Ottawa.

Mon deuxième point est - je lis - comment porter à 25 % la part de l'immigration totale au Canada pour assurer le maintien du poids démographique du Québec si le Québec n'a pas le plein pouvoir politique en matière d'immigration, sachant le rôle important de l'immigration sur l'avenir économique, démographique et culturel du Québec?

La deuxième partie de mon mémoire traite de la régionalisation de l'immigration. La régionalisation est un problème crucial pour que la mise en oeuvre de la politique soit faite de manière harmonieuse. Elle est importante sur trois niveaux. Premier, social. Selon les données de l'énoncé, 87 % de la population immigrante se trouve dans la région de Montréal. Comme vous le savez, une forte concentration dans une région crée toujours des problèmes sociaux tels que la discrimination raciale, religieuse, politique et culturelle; la création des ghettos et les problèmes inhérents à la ghettoïsation; le sentiment de non-appartenance à une société commune.

Deuxième niveau, donc, c'est au niveau économique. Une augmentation démographique excessive dans une région n'apporte pas des

retombées économiques positives à la région, sans perdre de vue les problèmes sociaux mentionnés ci-dessus.

Au niveau culturel, une forte concentration de l'immigration dans une ville fait diluer le fait français du Québec, ce qui va à l'encontre de l'objectif recherché.

Ainsi, nous souhaiterions que le gouvernement recherche des solutions réalistes, concrètes et dynamiques pour la mise en oeuvre de la régionalisation. Nous pensons que le gouvernement doit prendre des initiatives dans le développement économique régional, attirer les investisseurs étrangers dans les régions. Ceci permettra d'offrir à la population d'immigrants des opportunités d'emploi sans affecter la population québécoise dans sa vie économique existante, ce qui éviterait les tensions raciales et l'image ou le préjugé à l'égard de ces immigrants "voleurs de jobs des Québécois".

Ce phénomène est plus réel dû au faible taux de population par rapport aux grandes villes et, de ce fait, les communautés ethnoculturelles visibles sont plus visibles dans les petites villes ou régions. Ce phénomène prend une ampleur plus réelle et plus grande pour la population d'immigrants, car le choc culturel et le sentiment d'isolement dans les premiers temps sont difficilement supportables, et leur intégration sera plus lente, plus difficile et coûteuse, d'où le risque de la migration de ces immigrants vers les grandes villes, et c'est un cercle vicieux.

Dans la politique de régionalisation, le gouvernement ne doit pas oublier le rôle des organisations non gouvernementales et les associations des communautés culturelles qui jouent un rôle très important dans l'intégration des immigrants car, bien souvent, les immigrants se tournent vers ces organisations et ces associations bien plus que vers les services gouvernementaux pour toute information concernant leur nouvelle vie et leur nouvelle société, tout comme ils y recherchent un certain réconfort moral dû au choc culturel et à l'isolement, comme nous t'avons mentionné ci-haut.

En guise de conclusion, nous sommes très touchés par la lecture de l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration qui fixe des objectifs à la fois généreux, nobles et réalistes. Nous jugeons que seules quelques réflexions dont nous avons fait état sont susceptibles d'être mentionnées. Le seul obstacle à la mise en oeuvre de la politique du gouvernement en cette matière, à notre humble avis, est un obstacle d'ordre politique. Il faut que le Québec ait le pouvoir total dans le domaine de la politique de l'immigration - et peut-être dans d'autres domaines touchant directement l'immigration - pour assurer non seulement son développement économique, social, démographique et culturel normal, mais c'est l'avenir même de la société québécoise, une société avec ses nobles traditions, sa propre culture, son histoire caractérisée par des luttes pour préserver sa valeur, qui en dépend. Je vous remercie.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie beaucoup. Ceci termine votre exposé. Je passerai maintenant la parole à Mme la ministre pour une période de 10 minutes.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. Ngo, et surtout bienvenue à cette commission parlementaire. C'est avec beaucoup de plaisir qu'on accueille aujourd'hui des représentants de la région de Sherbrooke. Comme vous le savez, nous avons ouvert une direction régionale et nous croyons que nous pouvons, en région, réussir ce projet de régionalisation.

Je voudrais, monsieur, vous faire part quand même de certains... Il y a quand même certaines inquiétudes dans le sens qu'on s'est rendu compte qu'il y a beaucoup... En région, on a envoyé beaucoup de réfugiés, entre autres, davantage par exemple que de gens d'affaires, et on se rend compte aussi que le taux de rétention n'est pas toujours celui qu'on désirerait. On sait qu'une façon de retenir nos immigrants, c'est, d'une part, bien sûr, qu'ils soient bien intégrés au niveau linguistique, c'est qu'on soit capable de parler la langue de la majorité, mais aussi d'avoir un emploi. Souvent, malgré qu'on a des taux de chômage élevés, on a aussi un manque de main-d'oeuvre qualifiée. Mais compte tenu justement de ces difficultés, c'est-à-dire qu'il y a, comme je le disais tout à l'heure, les disponibilités d'emplois, les services et aussi l'ouverture des régions elles-mêmes... parce que la régionalisation - je l'ai dit à plusieurs reprises - on ne peut pas l'imposer à l'immigrant et on ne peut pas l'imposer non plus à la région. Est-ce que vous croyez que la région de Sherbrooke, pour vous, est une région qui peut offrir justement ces possibilités? Quelles sont les difficultés, par exemple, que la communauté a pu rencontrer? Est-ce que vous avez, par exemple, des membres de votre communauté qui ont quitté la région? Pour quelles raisons? Est-ce que c'est une raison d'accueil ou... Quelles sont les raisons?

M. Ngo: Mme la ministre, vous êtes de la région, donc, je crois que vous êtes la mieux placée pour apprécier la situation. Il est évident que le taux de rétention des immigrants - je parle pour les Vietnamiens - est très faible. On peut parler de 50 % des départs vers d'autres villes, Toronto, Vancouver ou Montréal. Ceci est dû au fait qu'il n'y a pas assez d'emplois. Je ne parle même pas de la main-d'?uvre qualifiée, juste dans les manufactures. Récemment, en plus, la région n'est pas très bien servie parce qu'il y a certaines compagnies qui ont fermé. Donc, je pense que l'essentiel, pour un immigrant ou pour un réfugié qui arrive dans une nouvelle région, une nouvelle société, c'est de trouver un emploi.

Cet emploi-là représente non seulement sa survie économique, mais également la survie économique de sa famille au pays. Vous êtes consciente aussi que les travailleurs, les réfugiés, ici, chaque mois, essaient d'économiser un certain montant d'argent pour envoyer à leur famille, dans les camps ou au pays. C'est pour ça que l'objectif principal d'un réfugié, après six mois de francisation, c'est de trouver un emploi et n'importe lequel, je peux vous l'assurer.

En ce qui concerne la région de Sherbrooke, je pense que c'est une belle région. Ce n'est pas loin de Montréal. C'est une belle région, surtout pour les familles. On est gâté par la nature, il y a des lacs, il y a des montagnes. C'est très beau, la région de l'Estrie. Je pense qu'il y a possibilité de développer une population immigrante assez intéressante dans la région. Mais, parallèlement, il faudrait, bien sûr, comme annoncé dans mon mémoire, un développement économique pour pouvoir offrir à ces nouveaux arrivants un emploi.

Mme Gagnon-Tremblay: Cependant, M. Ngo, l'emploi, est-ce que c'est le principal argument, en ce sens que ça passe par l'emploi? Est-ce qu'il y a d'autres obstacles aussi? Il y a le fait, entre autres... Souvent, il y a une communauté qui est de moindre importance, et on ne retrouve pas les services au sein de sa communauté, comme on pourrait retrouver ces services-là au sein de la communauté vietnamienne ou chinoise de la région de Montréal, par exemple. Est-ce qu'il y a d'autres obstacles que vous voyez, qui pourraient... Par exemple, le fait aussi de ne pas informer suffisamment à l'avance les réfugiés qu'on sélectionne dans les camps du lieu où ils iront et de les informer sur ce qui les attend...

M. Ngo: Je pense que l'arrivée en région des réfugiés ou des immigrants ne pose pas un problème important. Et je reviens toujours à la question de l'emploi, Mme le ministre. Pourquoi? Parce que, vous savez, quand les immigrants ou les réfugiés ont attendu des années dans les camps de réfugiés de Thaïlande, de Hong Kong ou autres, ils se sont dévalorisés humainement, si vous voulez. Donc, arriver dans une nouvelle société qui juge par la situation sociale ou économique de la personne... il est bien évident que chaque réfugié ou n'importe quel immigrant veut à tout prix chercher un emploi, ne serait-ce que pour pouvoir s'intégrer à la nouvelle société. Je pense que l'intégration passe par l'emploi parce qu'en travaillant l'immigrant fréquente d'autres Québécois. En travaillant, il va connaître les lois et les obligations de sa nouvelle société. Donc, la région importe peu, je pense, dans le choix de s'installer définitivement.

Mme Gagnon-Tremblay: Je voudrais peut-être aussi aborder la question de l'emploi. On sait que la région de Sherbrooke n'est pas une région moins défavorisée qu'une autre région du Québec, par exemple. Est-ce que lorsqu'on parle d'emploi... Bien sûr, il n'y a peut-être pas autant d'emplois qu'on le souhaiterait, mais est-ce qu'il y a aussi des difficultés, tout simplement, à se trouver un emploi, pour d'autres facteurs? Je pense, par exemple, a la question de la langue parlée, de la langue écrite. Je pense aussi à l'expérience québécoise. Est-ce qu'il y a vraiment d'autres facteurs ou bien si vous sentez carrément que c'est parce qu'il n'y a pas d'emplois ou qu'il peut y avoir des emplois, mais qu'on n'est pas tout à fait adapté à ces différents emplois?

M. Ngo: II est évident qu'il y a certaines catégories d'immigrants - je n'aime pas utiliser le mot "catégorie", mais il faut quand même utiliser un mot pour désigner quelque chose -qui ne sont pas aptes, si vous voulez, à s'intégrer facilement dans un premier temps, du fait - excusez-moi d'utiliser un mot anglais - de leur "background".

Ceci dit, nous sommes un peuple, je pense, travailleur, qui peut, si vous voulez, endurer physiquement et moralement des conditions difficiles de travail. Je pense que nous sommes aussi très appréciés par les employeurs qui n'ont pas de syndicat parce qu'on n'a pas de tradition syndicale, chez nous, au Vietnam. C'est pour vous dire que le facteur emploi, je le placerais au premier rang. Ensuite, il y a le facteur culturel, si vous voulez, parce que, s'ils se retrouvent sans une certaine consolation culturelle, morale ou autre entre gens d'un même pays, ils se sentent isolés et cet isolement peut être aggravé ou prendre une ampleur plus importante, du fait que, s'ils n'ont pas un emploi, ils vont rester à la maison, dans leur appartement et, en hiver, vous savez bien que c'est très rude. Donc, au niveau mental, c'est très difficile aussi pour les nouveaux arrivants.

Donc, si jamais ils trouvent un emploi, je pense que ça leur permet de s'ouvrir dans leur nouvelle société, d'apprendre en même temps le fonctionnement de la société québécoise et puis la langue, ça vient très vite parce qu'on a une tradition de - excusez-moi encore, je ne suis pas fier - colonisé. D'accord? On a été colonisés pendant 100 ans par les Français et après, il y a eu les Américains. Donc, les gens s'adaptent à n'importe quelle langue, je pense, pour pouvoir trouver du travail. La génération ancienne, par exemple la mienne, parle français parce qu'on a une éducation française, mais la nouvelle génération, c'est-à-dire la génération des années 1970-1980, parle anglais parce que c'était la présence des Américains. Donc, je pense que la langue n'est pas un problème. Je pense que si, moi, même si ce n'est pas suffisant... Je pense que c'est déjà pas mal pour pouvoir se chercher un travail. C'est au fur et à mesure de leur intégration qu'ils vont apprendre à mieux connaître la société québécoise.

Le Président (M. Gobé): Merci, monsieur. M. le député de Shefford, vous avez la parole.

M. Paré: Oui. Moi, aussi, je vous souhaite la bienvenue à la commission et je vous félicite, dans votre mémoire, d'avoir réussi en trois pages à si bien cerner la globalité du débat. On a vu beaucoup de mémoires depuis quelques jours et les choses sont rapportées souvent de façon moins claire et moins résumée, si on veut, mais pour vouloir dire la même chose. Je dois vous dire que je partage tout à fait votre vision des choses et spécialement où on dit: "Le seul obstacle à la mise en oeuvre de la politique du gouvernement en cette matière, à notre humble avis, est un obstacle d'ordre politique. Il faut que le Québec ait le pouvoir total dans le domaine de la politique d'immigration."

Beaucoup d'autres l'ont dit de façon différente et, souvent, en prenant plusieurs paragraphes. Vous, vous le dites d'une façon très claire. Effectivement, c'est comme ça que ça se réglerait. Encore ce matin, la Fédération des caisses populaires et d'économie du Québec est venue dire la même chose. Tant et aussi longtemps que ça va être partiel, ça va être réglé partiellement et on va devoir toujours régler à la pièce et continuer à vivre avec le danger qui nous guette toujours. C'est dommage et vous le dites tellement bien parce que c'est une question de développement social, économique et culturel. Vous avez raison: tout est interrelié et directement relié.

J'écoutais le maire de Montréal venir dire, hier, exactement la même chose que ce que vous dites, et je trouve ça amusant, la façon dont vous l'amenez. Le maire de Montréal a amené hier ce qu'on appelle le double visage de Montréal, donc la double attirance, le déchirement, le danger pour les Québécois déjà en place et le déchirement pour les nouveaux venus parce que ces gens-là embarquent malgré eux dans un débat qui nous appartient et qui devient le leur. Nous devrons nous brancher, et même la personne qui représentait la Chambre de commerce du Québec métropolitain est venue dire: Tant et aussi longtemps qu'on ne saura pas qui on est, ne demandons pas aux immigrants qui arrivent de faire un choix pour ce qu'ils vont être. On doit d'abord, nous, le savoir. Je trouve ça très bien. Vous le dites d'une façon très claire, mais la façon intéressante de l'amener, je trouve, c'est là où vous amenez... Les autres mémoires nous disent: II faut trouver des moyens d'amener la régionalisation des nouveaux Québécois.

Sur la deuxième page, vous nous donnez les dangers de la non-régionalisation. Je pense qu'on n'a pas le choix que de le regarder aussi avec cette lunette, en nous montrant les dangers qui se traduisent d'une façon sociale et économique aussi parce que ça risque d'avoir des coûts énormes. Vous nous prouvez que la régionalisation, c'est possible, la preuve c'est que vous êtes de Sherbrooke. Moi, la première question que je veux vous poser, c'est: Vous avez décidé d'aller à Sherbrooke et, dans votre mémoire, fin page 2, début de la page 3, vous dites qu'il faut emmener des investisseurs en région et il faut emmener aussi des nouveaux Québécois en région, mais, pour le nouveau Québécois, quand on va dans une région plus totalement québécoise - excusez l'expression, je voudrais être clair - où on ne vit pas le même contexte que Montréal, le choc culturel et le sentiment d'isolement, par contre, sont plus grands.

Est-ce que vous pensez que c'est briser la glace, que c'est les premiers arrivants qui vont devoir faire un peu le défrichement, finalement, mais qu'au fur et à mesure qu'il va y avoir des groupes qui vont s'être implantés - je pense, à Sherbrooke, à Trois-Rivières, à Québec, peu importe où - quand il y aura déjà un premier groupe d'une communauté culturelle qui se sera implanté, ce sera plus facile pour les nouveaux, non seulement pour les attirer, mais pour leur permettre une intégration plus facile?

M. Ngo: Oui, vous avez raison de poser cette question parce que ça m'aide dans un sens. Notre association est très petite dans la région du fait que le départ des nouveaux immigrants vers les grandes villes au bout d'un certain temps... Donc, je vous dis: II faut que ce soit... C'est comme un puzzle. Il faut que toutes les pièces soient mises en place en même temps pour que ça devienne réalisable, la régionalisation. Sinon, s'il manque une pièce, ça ne marcherait pas. Et le choc culturel, comme vous avez parlé, c'était bien plus évident encore parce que, du fait que notre association est petite, on n'a pas les moyens... je n'ai pas les moyens financiers ou les ressources humaines pour pouvoir aider ces gens-là, parce qu'on parle leur langue. Ce qui fait qu'on se trouve dans une situation de cul-de-sac. On veut les aider, mais on n'a pas les ressources nécessaires. Ce qui fait que les nouveaux arrivants s'attendent à notre aide, peut-être morale, mais cette aide, parfois, on n'arrive même pas à la leur donner, si vous voulez. Donc, c'est un cercle vicieux parce que, s'il y a un développement économique dans la région, les gens vont rester bien plus nombreux et, de ce fait, la communauté sera plus grande et plus solide. Dans ces cas-là, on pourrait éventuellement offrir des services à ces nouveaux-là.

M. Paré: Un des points et des sujets qui est majeur, par rapport à ce que vous dites, pour faciliter l'intégration, spécialement dans les régions comme ça où il n'y a pas encore beaucoup de présence de nouveaux Québécois, c'est le rôle, effectivement, des organismes non gouvernementaux. Et ça, je le comprends parce qu'un organisme gouvernemental est vu comme un service, d'abord pour toute la population, et surtout pour la population déjà présente. Et, très

souvent, on voit ces organismes non pas comme une aide, mais en exécution de quelque chose.

Je prends la Régie du logement, qui est un bon exemple. Si les gens ont des problèmes de logement, ils ne seront pas comme portés à aller là parce que c'est vu comme un tribunal administratif. Donc, on remplit des formules et on fait des plaintes, alors qu'on y va plutôt pour demander de l'aide, de l'accompagnement, finalement, juste des conseils. Et ça, il y a les organismes. Moi, je pense qu'à la commission on va certainement faire l'unanimité là-dessus, sur l'importance de bien reconnaître et d'aider ces groupes-là. Je dois dire, je pense, que c'est unanime, presque tous les groupes qui sont passés, sans exception ou presque, ont spécifié une aide importante, en tout cas, suffisante pour ces groupes non gouvernementaux. Et la reconnaissance, ils l'ont tous spécifiée sans exception. Mais, en plus, les gens demandent à ce que les groupes soient consultés et soient impliqués dans les démarches les concernant directement, y compris au niveau d'une politique de reconnaissance et de financement. Ça, moi, je pense que c'est important.

Quand on parle, par contre, de groupes non gouvernementaux, ça veut dire que les nouveaux Québécois devront se retrouver dans des organismes qui sont quand même des organismes d'accueil pour tous les nouveaux Québécois, sauf s'il y avait une communauté suffisamment importante qui s'implante et qui commence à se donner des activités culturelles et en plus autonomes. Mais, dans votre tête, un organisme, c'est un organisme par grande ville ou par région, sauf Montréal, évidemment? C'est dans ce sens-là que vous le voyez? (16 heures)

M. Ngo: Oui, c'est ça. Quand je parle des organismes non gouvernementaux, je parle, par exemple, du centre, à Sherbrooke. C'est un organisme dont j'apprécie beaucoup les services. Depuis deux ans, je travaille assez étroitement avec tous les membres du centre. Donc, je peux apprécier les efforts et le travail qu'ils ont faits pour les nouveaux arrivants. Ici, je parle pour toutes les communautés culturelles et pas seulement pour les Vietnamiens, si vous voulez. C'est dans ce but-là, c'est dans cette idée-là que je parle qu'il faut aider mieux les organismes non gouvernementaux parce que les organismes gouvernementaux...

Il faut aussi comprendre la mentalité des nouveaux arrivants. Le gouvernement d'où il s'enfuient représente un gouvernement d'oppression, si vous voulez. Donc, ils ne se sont pas encore défaits de cette idée-là dans leur tête, ce qui fait qu'ils vont hésiter à s'adresser à l'autorité gouvernementale parce que, pour eux, c'est l'autorité. Peut-être que ça a une connotation d'oppression même, si vous voulez. C'est pour ça qu'il vaut mieux développer les organismes non gouvernementaux, du fait qu'ils ne représentent pas une autorité gouvernementale. En plus, ils ont des bénévoles qui font leur travail parce qu'ils aiment leur travail. C'est dans ce sens que je...

M. Paré: Oui. Eh bien, en concluant, je dois vous dire que je trouve important, comme je le disais tantôt, la vision que vous nous apportez par rapport à la nécessité qu'on a, comme société, de régionaliser, non plus comme un voeu, mais comme un devoir qu'on a, finalement, si on veut préserver ce qu'on est comme société. Je trouve ça important. Et je conclus sur le dernier point sur lequel vous avez insisté passablement. De toute façon, on ne peut pas faire autrement que de conclure que c'est comme ça que ça doit se passer. Le point majeur et important, ce sera toujours l'emploi. On va réussir à avoir des néo-Québécois à Sherbrooke comme dans n'importe quelle autre région, en autant qu'on sera capable de leur permettre d'avoir ce qui est essentiel pour leur autonomie, c'est-à-dire un emploi, donc, l'accessibilité à l'emploi et à un emploi de qualité. C'est la même chose pour tous les Québécois. Mais c'est évident que si on veut que des nouveaux Québécois choisissent d'aller quelque part, en autant qu'ils puissent en vivre... Et, là-dessus, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez défendu tantôt. On ne pourra pas faire autrement que d'avoir une obsession qui est l'emploi pour tout le monde et, avec ça, on permettra aux gens de choisir où ils vont travailler.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Shefford, pour ces mots très édifiants. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je voudrais également vous remercier et vous dire que, justement, en région, nous aurons besoin de collaboration pour pouvoir mettre sur pied différents programmes, que ce soit au niveau de l'accueil... On sait qu'il y a déjà des organismes qui oeuvrent dans ce sens-là. Il s'agit tout simplement de leur donner les moyens nécessaires pour les renforcer et aussi travailler avec les gens qui sont déjà sur place. Mais que ce soit au niveau de l'accueil, que ce soit au niveau de la francisation ou que ce soit au niveau de l'emploi, je pense que nous avons quand même aussi des expériences à faire, à effectuer en région. Et vous pouvez compter sur mon entière collaboration. Alors, je vous remercie beaucoup pour la présentation de ce mémoire et je vous souhaite un bon voyage de retour. Nous nous verrons sûrement dans la région.

Le Président (M. Gobé): Donc, merci beaucoup.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Gobé): Moi aussi, au nom des membres de la commission, je vous remercie et je vous souhaite un bon voyage de retour dans votre région de Sherbrooke.

J'appellerai maintenant les intervenants suivants, le Service d'aide aux Néo-Canadiens de Sherbrooke. Veuillez vous avancer, s'il vous plaît, et prendre place autour de cette table.

Alors, si je comprends bien, vous êtes Mme Nicole Robitaille, Mme Marie-Louise Jovian et Mme Hélène Jacob. Est-ce exact?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Gobé): Alors, bienvenue à cette commission. Et sans plus attendre, car le temps coule, je vous demanderai de bien vouloir commencer votre exposé. Vous avez, pour ce faire, dix minutes.

Une voix: Ils ont une heure.

Le Président (M. Gobé): Ils ont une heure?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Gobé): Ah! Je m'excuse. Oui, oui. À cause du décalage avec l'autre groupe, j'ai mélangé les horaires. En effet, alors, vous avez 20 minutes. Mais vous pouvez le faire en 10 minutes aussi, vous savez.

Une voix: Ah bon!

Le Président (M. Gobé): Ce n'est pas obligatoire.

Service d'aide aux Néo-Canadiens

Mme Robitailie (Nicole): Mme Nicole Robitaille, présidente du Service d'aide aux Néo-Canadiens.

M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, mesdames, messieurs, le Service d'aide aux Néo-Canadiens tient à remercier le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration d'avoir été consulté et de pouvoir être entendu. Je laisse la parole.

Mme Jovian (Marie-Louise): Marie-Louise Jovian, administratrice au Service d'aide aux Néo-Canadiens. Fondé en 1954, le Service d'aide aux Néo-Canadiens est un organisme sans but lucratif dont les objectifs sont l'accueil, l'établissement, l'adaptation des immigrants ainsi que leur rapprochement avec la population de l'Es-trie. Pour les atteindre, il peut compter sur le dévouement de 300 bénévoles, dont des interprètes qui secondent son personnel permanent composé de six permanents, deux temporaires et quatre stagiaires.

Agents d'accueil, interprètes et bénévoles prennent en charge les réfugiés dès leur descente d'autobus. Ils les conduisent à l'hôtel, au restaurant et leur montrent comment utiliser le matériel de la chambre d'hôtel. Viennent ensuite les démarches utiles à leur établissement. Les mêmes personnes vont faire en sorte qu'ils aient tout ce qui est nécessaire pour fonctionner, ce qui se traduit par la fourniture de vêtements, de meubles, la recherche d'un logement, l'achat de la première épicerie, les inscriptions diverses, soit: assurance-maladie, allocations familiales, école, garderie, etc.

Afin qu'ils puissent vivre de façon autonome dans notre système, le comité d'adaptation diffuse toute l'information nécessaire sur autobus, bail, entretien du logement, contraintes climatiques, gestion des allocations, changement d'adresse, organismes de services, etc. De plus, leur sont offerts des services d'accueil, de références, d'interprétation et de traduction, d'accompagnement et de consultation.

Le rapprochement entre immigrants et Québécois se fait par le truchement de témoignages dans les médias, dans les écoles, d'activités sociales variées et du jumelage d'un nouvel arrivant à trois Québécois pendant un an. Le Buffet des nations est, depuis 20 ans, un événement de rapprochement unique au Canada. Environ 500 Québécois et 500 immigrants y marient leurs différences et leurs ressemblances dans une atmosphère de fraternité. Si le Service d'aide aux Néo-Canadiens joue depuis plus de 35 ans un rôle déterminant dans l'amélioration de la situation des nouveaux arrivants en Estrie, c'est parce qu'il peut compter sur des gens au dévouement inlassable, qu'ils soient bénévoles, interprètes ou employés.

Mme Robitaille: Je présenterai en second lieu le point de vue du Service d'aide aux Néo-Canadiens en rapport avec l'énoncé de politique. Attendu depuis longtemps, l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration nous paraît excellent dans son ensemble. Réaliste, ambitieux, mais pourtant équilibré, il met en cause toutes les composantes de l'immigration. À ces propositions, nous désirons en ajouter quant à la sélection, l'intégration et l'emploi. Nous souhaitons que notre réflexion, basée sur les problèmes liés à notre région, soit prise en considération lors du choix final de la politique en matière d'immigration et d'intégration.

La sélection. De plus en plus, les immigrants seront sélectionnés dans les populations francophones. Il faudrait prévoir, dès maintenant, des formes et des moyens d'intégration en fonction des cultures qui leur sont propres. Il serait souhaitable que la répartition des immigrants dans l'ensemble du Québec se reflète dans notre région et, plus spécialement, en ce qui concerne la catégorie des indépendants. Visant une intégration rapide et réussie des familles, nous suggérons de réduire les délais de réunrfi-

cation.

Pour la catégorie réfugiés, nous devrions faciliter la venue du conjoint et des enfants qui sont à l'étranger. En ce sens, nous proposons que le conjoint au Québec n'ait pas à se porter garant des siens et que le gouvernement parraine sa famille au même titre que celles sélectionnées à l'étranger.

Une intervention auprès du gouvernement fédéral pour accélérer les réponses aux demandes de revendicateurs du statut de réfugié seraient pertinentes, sinon urgentes. Tenir compte aussi des engagements des requérants réduirait leur angoisse et leur témoignerait de plus d'humanité. Le nombre des immigrants devrait être calculé en fonction des besoins, des capacités d'accueil et d'emploi.

Sujet de l'intégration. Il semble urgent que les COR développent des programmes spécifiques à l'immigration francophone. Réduire au minimum les délais d'inscription dans les COFI, offrir des activités de perfectionnement du français à tous les immigrants, sans distinction de date d'arrivée, de catégorie, de sexe, de minorité visible, auraient pour avantage de ne pas marginaliser et de mieux préparer au marché du travail, en plus de viser une adaptation rapide et réussie.

Afin de prévenir les problèmes engendrés par un trop grand nombre d'élèves dans les classes d'accueil, il serait opportun de respecter les normes déterminées et de donner aux classes d'accueil du personnel formé en fonction d'une société pluraliste et du matériel adapté à cette réalité. À prévoir, entre autres, des activités de perfectionnement pour les professeurs des classes d'accueil.

Mme Jovian: Maintenant, nous présentons quelques suggestions pour une participation efficace. Informer les réfugiés sélectionnés à l'étranger sur leur destination au Québec, et avant leur départ. Leur accorder une nuit de repos à Montréal, lorsqu'ils arrivent en après-midi ou en soirée, après un long voyage, 15 heures, parfois plus de 24 heures. Maintenir le service de traduction de diplôme; écourter les délais pour établir les équivalences; organiser, dès la fin du COFI, des clubs de placement répondant aux besoins de la clientèle régionale et débouchant sur de l'emploi.

Favoriser la collaboration entre les services en recherche d'emplois existants et les organismes qui connaissent bien la clientèle. Constituer une banque d'emplois et une banque de candidats immigrants compétents et assurer la liaison entre employeurs et clientèle immigrante. Solliciter les personnes à la retraite, les former pour oeuvrer dans les nouveaux réseaux de bénévoles et prévoir les budgets à cet effet. Accroître le soutien aux communautés culturelles pour réaliser des activités propres à leur culture qu'elles partageraient avec la société québé- coise.

Reconnaître la compétence des immigrants au moyen de stages offerts en collaboration avec les gens d'affaires. Sensibiliser ceux-ci à l'apport des immigrants tant par leur compétence que par leur expérience. Sensibiliser les propriétaires à la réalité pluraliste du Québec. Tenir compte de l'expérience des intervenants du milieu dans l'élaboration et l'application des programmes qui touchent les immigrants. Et, quant aux relations intercommunautaires, nous suggérons que, pour contribuer à des relations intercommunautaires harmonieuses, l'information diffusée par les médias devrait refléter une société devenue pluraliste.

Des moyens attirants, affiches et bandes dessinées entre autres, seraient de bons outils pour faire connaître la culture des ethnies. La déclaration sur les relations interethniques et interraciales, si elle était largement diffusée, en serait un aussi. D'autre part, un rôle d'agent de liaison entre les représentants municipaux et les organismes d'intégration pourrait être dévolu au bureau régional du ministère.

Mme Robitaille: Nous allons terminer par les niveaux d'immigration pour les années 1992 à 1994. Le succès de la régionalisation nous semble dépendre directement de l'emploi. La venue de plus d'investisseurs dans notre région créerait sans doute de l'emploi pour une main-d'oeuvre immigrante déjà formée, expérimentée, ne demandant qu'à travailler. Facteur de stabilité, le travail les fixerait en région. Les familles jeunes avec enfants s'adaptent plus facilement, plus rapidement. Il serait sans doute avantageux d'en recevoir en plus grand nombre. On remarque aussi que les gens ont tendance à demeurer dans les milieux où la communauté culturelle à laquelle ils peuvent s'identifier est déjà existante.

Pour les réfugiés. Face aux événements, aux bouleversements, aux changements rapides qui surviennent partout dans le monde, nous ne pouvons rester indifférents à la misère de ceux et celles qui doivent fuir, ni à ceux qui ont fui il y a déjà plusieurs années. Or, notre population, en général, est loin de connaître la réalité des camps de réfugiés. Il serait urgent qu'une grande campagne de sensibilisation soit entreprise au cours de laquelle tout le phénomène de cette migration serait démystifié.

Dans notre région, une excellente structure est non seulement en place, mais nos intervenants, professionnels ou bénévoles, ont développé une expérience pertinente dans l'accueil des réfugiés. Ceux-ci représentaient environ 75 % des nouveaux arrivants ces dernières années. Pour les inciter à rester en région, il conviendrait de préparer à tout point de vue le milieu à leur venue.

Autres considérations. Étant donné que nous disposons des structures et des ressources

humaines nécessaires à un bon accueil, nous croyons qu'il serait justifié d'augmenter le pourcentage d'immigrants en région, tout en tenant compte des limites et des carences. Limites, soit celles du financement; carences, celles occasionnées par une méconnaissance du marché du travail, le manque d'emploi dans bon nombre de secteurs, ainsi qu'un vide dans les services d'interprètes. En créant une banque d'interprètes rémunérés, nous répondrions à un besoin de plus en plus manifeste. En augmentant le nombre total d'immigrants à venir dans notre région et en gardant le même pourcentage de réfugiés, nous augmenterions le nombre d'indépendants et dans l'économie de notre région. (16 h 15)

Pour une meilleure utilisation des ressources d'accueil existantes, il conviendrait de prévoir les budgets nécessaires sur une période de trois ans, tout comme dans les cas des niveaux d'immigration. Prévoir les budgets en fonction des prévisions d'accueil assurerait la continuité des services et permettrait une planification à plus long terme. Les organismes d'accueil pourraient ainsi garder un personnel hautement qualifié dans le domaine interculturel. Toute la communauté régionale estrienne y gagnerait. Le but poursuivi par le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration aurait ainsi plus de chance d'être atteint, soit une intégration harmonieuse. Merci.

Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie, madame. Et maintenant, je passerai la parole à Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Aussi, c'est avec beaucoup de plaisir que nous accueillons un autre groupe de la région de Sherbrooke, un groupe qui a fait ses preuves depuis 1954, je pense. Tout à l'heure, vous parliez à juste titre du Buffet des nations, qui est un événement très reconnu et très recherché. D'ailleurs, l'année dernière, j'avais eu l'occasion d'y inviter tous mes sous-ministres pour les sensibiliser à cet événement que vous faites chaque année, qui est un événement de rapprochement, finalement, entre la société d'accueil et aussi les Québécois des communautés culturelles.

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire. Aux pages 16 et 17, entre autres, vous suggérez de soutenir financièrement et techniquement la formation de réseaux de bénévoles pour favoriser l'intégration des nouveaux arrivants. Je sais que vous avez fait une expérience, entre autres, au niveau du jumelage, du programme de jumelage entre Québécois et immigrants. Est-ce que c'est avancé? Est-ce que vous pouvez m'en parler un peu? Est-ce que vous pouvez à ce moment-ci en faire une évaluation, par exemple?

Mme Robitaille: J'aimerais, pour la période de questions et réponses, vous présenter Hélène Jacob, directrice du Service d'aide aux Néo-Canadiens, qui va répondre aussi. Alors, peut-être...

Mme Jacob (Hélène): Le programme jumelage existe depuis un an maintenant. Cette année, on a fait 30 jumelages entre Québécois et immigrants. Un jumelage est une cellule immigrante, c'est-à-dire famille ou individu jumelé avec trois cellules québécoises, individus ou familles. C'est un programme qui connaît beaucoup de succès. La preuve, c'est qu'on a une liste d'attente chez les Québécois en ce moment. Et les personnes immigrantes sont aussi très stimulées à être jumelées. On a aussi des demandes, mais il y a des normes qui sont... On jumelle les nouveaux arrivants. C'est un programme qu'on reconduit l'an prochain. On a fait une évaluation récemment. On se rend compte que les gens jumelés, entre autres, ont plus d'intérêt à apprendre la langue parce que, quand ils l'apprennent, ils peuvent échanger justement avec des Québécois d'origine ou des Québécois qui sont ici, aussi de communautés culturelles, mais qui sont ici depuis plusieurs années. On se rend compte qu'ils facilitent l'adaptation des nouveaux arrivants, en ce sens qu'ils vont répondre à des questions de toutes sortes chez les personnes qui sont jumelées.

Aussi, en ce qui concerne l'emploi, souvent les gens ont des questions. On ne sait pas trop comment s'y prendre, comment faire. Les gens qui sont jumelés peuvent répondre à ces questions-là, même les présenter à des gens qui, éventuellement, pourraient les engager. Alors, c'est tout un réseau que les gens ont quand ils sont jumelés.

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que, par exemple, vous constatez, après une brève expérience quand même... Un an, ça ne vous donne peut-être pas suffisamment le profil, l'éventail. Est-ce que vous croyez que le taux de rétention est meilleur? Et croyez-vous aussi que, lorsqu'on peut jumeler ces personnes quant à la recherche d'emploi, c'est un réseau qui vous a donné des résultats, par exemple, au niveau de l'emploi?

Mme Jacob: C'est un réseau qui est quand même jeune. Je dirais qu'au niveau de l'emploi, actuellement, je pense qu'on peut créer des contacts, mais ce n'est pas suffisant. Je pense que, d'une part, pour l'emploi, il faut que les gens soient informés justement des méthodes qu'on utilise pour faire de la recherche d'emploi et, d'autre part, que les employeurs soient informés et sensibilisés à la présence de gens qui peuvent être compétents et très bien pour certains emplois. Il y avait cet aspect-là et il y avait l'autre aspect qui était...

Mme Gagnon-Tremblay: Qui était le taux de rétention.

Mme Jacob: ...le taux de rétention.

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que vous croyez que le taux de rétention est meilleur?

Mme Jacob: C'est un peu jeune pour dire qu'on réussit à retenir les gens avec le programme jumelage. On a même connu des départs de personnes jumelées. Alors, on ne peut pas voir des effets sur le taux de rétention à l'heure actuelle.

Mme Gagnon-Tremblay: Tout à l'heure, vous parliez d'une... C'est-à-dire je vais continuer avec la même question pour revenir tout à l'heure à la répartition des immigrants. Est-ce qu'il y a une raison quelconque pour laquelle, dans votre proposition, vous privilégiez la clientèle cible des retraités dans ce programme?

Mme Jovian: On avait pensé à la clientèle des retraités parce qu'on a remarqué que, justement, c'est une clientèle qui est de plus en plus jeune, les gens prenant leur retraite de plus en plus tôt, et que ce sont des gens qui sont souvent actifs, qui cherchent quelque chose à faire et qu'on pouvait très bien utiliser ces gens-là, à condition de leur donner l'information suffisante. Moi, j'en côtoie beaucoup à l'université et je m'aperçois que c'est des gens qui sont souvent impliqués dans du bénévolat. Alors, pourquoi pas les amener auprès de nos immigrants? C'est comme ça que l'idée a surgi.

Mme Gagnon-Tremblay: O.K. Croyez-vous aussi qu'en région... On se rend compte que, lorsqu'on a un noyau suffisant d'une même communauté, c'est peut-être plus facile d'offrir des services. Peut-être que cette clientèle se sent plus à l'aise parmi les siens. Croyez-vous que dans des régions, par exemple, comme celle de Sherbrooke, on aurait avantage surtout lorsque... Parce qu'on ne peut pas non plus forcer quelqu'un à aller demeurer en région. Mais, lorsque, par exemple, on sélectionne les réfugiés, est-ce qu'on aurait avantage à essayer de choisir une clientèle qui est un peu homogène, pour permettre peut-être cette fraternité entre eux?

Mme Jacob: On remarque que des gens qui trouvent une cellule, des gens de leur ethnie, ont tendance à demeurer davantage. Entre autres, je pense aux Latino-Américains où il y a quand même beaucoup de représentants en région et les gens ont tendance à rester. Moi, je dirais que c'est un facteur. C'est vrai. Quand on reçoit une ou deux personnes d'une communauté qui n'est pas présente à Sherbrooke, les gens ont tendance à quitter pour aller vers leur communauté.

Mme Gagnon-Tremblay: Vous avez parlé aussi des équivalences, les équivalences de diplôme et des délais aussi. Je pense que vous avez tout à fait raison. Il y a des délais qui sont inadmissibles, mais je me suis rendu compte récomment aussi qu'on accordait chez nous des équivalences de diplôme à peu près à tout le monde. On faisait le travail des universités et souvent aussi des cégeps et on accordait des équivalences de diplôme à des Québécois d'origine, à mon grand étonnement. Là, on a réduit un petit peu notre clientèle et on a "priorisé", finalement, la clientèle qui a le plus besoin d'équivalences. Mais je me suis laissé dire aussi que, souvent, on en demande davantage parce que, vous savez, les équivalences, ce n'est pas toujours facile non plus. Le délai peut être source parfois aussi de manque de documents, de documents, d'information qu'il faut aller chercher dans le pays d'origine et aussi de traduction, parce qu'il faut aussi qu'il y ait des documents qui soient traduits. Souvent, quand on veut s'embaucher, on me dit parfois que l'employeur n'en demande pas tant. Est-ce qu'on a pu faire, à un moment donné, l'expérience à savoir ce qui est vraiment nécessaire, parce que je suis en train de me demander moi-même si, lorsqu'on fait les équivalences de diplôme, on n'en exige pas ou on n'en fait pas trop?

Mme Jovian: Les corporations le demandent.

Mme Gagnon-Tremblay: Les corporations professionnelles?

Mme Jovian: Oui, c'est ça. Elles le demandent et demandent une équivalence et une traduction certifiée. C'est là qu'est le problème.

Mme Gagnon-Tremblay: Mais est-ce qu'il y aurait moyen, à un moment donné, de regarder ce qui est absolument essentiel et de voir comment on pourrait, par exemple, donner satisfaction, mais peut-être... Il y a peut-être des choses qu'on n'aurait pas besoin d'exiger.

Mme Jovian: II faudrait peut-être voir avec les corporations professionnelles comme l'Ordre des ingénieurs, des infirmières, etc., parce que c'est surtout là que les problèmes surgissent.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui.

Mme Jacob: On demande les équivalences aussi pour s'inscrire à des cours de français après la période COFI.

Mme Gagnon-Tremblay: Ah bon, d'accord.

Mme Jacob: Alors, tant que les gens n'ont pas ça en main, c'est difficile de pénétrer l'éducation des adultes, entre autres, les commis-

sions scolaires. C'est aussi dans un temps où le taux de chômage est plus élevé actuellement; c'est un temps où les employeurs ont plus de choix. Alors, à ce moment-là, c'est sûr qu'un dossier complet, c'est plus facile.

Mme Gagnon-Tremblay: Dans votre mémoire, vous réitérez aussi l'importance de favoriser une meilleure accessibilité et une meilleure adaptation des services d'apprentissage du français pour les nouveaux arrivants. On sait qu'avec l'entente qui a été signée récemment, ça va nous donner une meilleure marge de manoeuvre pour pouvoir unifier nos programmes de francisation, aussi les diversifier dans certains cas. En région, quels sont les principaux obstacles qui empêchent encore une partie de la clientèle de s'inscrire à des cours d'apprentissage du français, que ce soit, par exemple, pour les gens qui se destinent au marché du travail, que ce soit, par exemple, pour les femmes à la maison ou que ce soit pour les différentes clientèles? Qu'est-ce que vous identifiez comme obstacles encore? Est-ce que vous avez pensé aussi à différents programmes qui pourraient être donnés, des programmes plus souples, plus flexibles, par exemple? Est-ce que vous avez des idées à ce niveau-là?

Mme Jovian: Les premiers obstacles, c'est que quand l'immigrant n'est pas réfugié, n'a pas droit vraiment au COFI et à ses allocations, donc, il peut entrer dans le cours de français seulement s'il reste de la place. Si, par exemple, une famille a fait venir quelqu'un de sa parenté, peut-être sa mère, et cette personne-là a droit au cours de français seulement s'il reste de la place. Moi, je connais des cas où d'année en année il n'y a jamais de place pour certaines personnes.

D'autre part, on pensait que s'il y avait des cours organisés avec les commissions scolaires et que ces cours de français soient accessibles à toutes les catégories d'immigrants qui veulent perfectionner le français, qu'ils soient là depuis un mois, qu'ils soient là depuis cinq ans, que ça leur soit accessible et que ce ne soit pas compartimenté, c'est-à-dire des cours pour les femmes, des cours pour les handicapés, des cours pour les minorités visibles, mais que tout le monde le fasse en même temps... Si on veut une intégration, je pense qu'il ne faut pas séparer les gens. Il ne faut pas faire de clivage.

Il faut que les gens se sentent à l'aise et qu'ils ne se sentent pas dans une catégorie qui leur donne un certain sentiment d'infériorité. Donc, c'était d'ouvrir ces cours-là qui seraient des cours du soir, probablement, de façon à ce que, si les gens sont sur le marché du travail, ils puissent en faire bénéficier autant le père que la mère. Donc, les mêmes cours pourraient se répéter un soir sur deux, par exemple. Mais il faudrait que ce soit avec le concours des commissions scolaires.

Mme Gagnon-Tremblay: II faut dire qu'auparavant, entre autres, le programme PNFE, le programme qui était géré par le Québec, mais subventionné par le gouvernement fédéral, permettait l'apprentissage du français seulement aux gens qui se destinaient au marché du travail. Et encore, à ce moment-là, les personnes qui parlaient anglais n'étaient pas éligibles. Alors ça, je pense qu'on va pouvoir corriger maintenant. Nous avons la maîtrise d'oeuvre. Ça va nous permettre de corriger.

Mais je discutais justement encore la semaine dernière avec ta commission scolaire catholique de Sherbrooke justement, concernant les classes d'accueil, et je me demandais, et je sais qu'il y a une certaine expérience qui a été... Il y a un programme qui a été expérimenté pour permettre, par exemple, à la mère d'assister, d'apprendre le français au même moment où son enfant va à l'école, prend aussi des cours, soit au niveau de la classe d'accueil. Et nous avons même signé au ministère des ententes avec différentes commissions scolaires sur 111e de Montréal, entre autres.

Mais croyez-vous que ce serait possible - parce que je sais que Mme Robitaille est dans le milieu scolaire, entre autres - qu'au niveau des classes d'accueil... C'est peut-être plus difficile dans la région de Montréal, mais est-ce que ça peut être expérimenté, par exemple, dans la région de Sherbrooke, avec la collaboration des commissions scolaires, de voir à ce que peut-être... Quand on parle de classes d'accueil, c'est des gens qui arrivent nécessairement et qui n'ont souvent aucune connaissance de la langue, et on peut retrouver dans une même classe d'accueil différentes ethnies parlant différentes langues. Est-ce que ce serait, à ce moment-là, souhaitable que l'on puisse permettre, à titre d'observateurs, les parents, par exemple? Est-ce que ça pourrait déranger ces classes d'accueil? Est-ce que c'est faisable, par exemple, de permettre aux parents d'assister, je ne sais pas, au cours des premiers mois, trois, quatre mois, cinq, six premiers mois, de permettre à ces parents de venir à l'école avec leurs enfants et à titre d'observateurs? Croyez-vous que ça pourrait être possible, Mme Robitaille?

Mme Robitaille: Je sais que l'expérience.. Bon, vous avez mentionné que c'est vécu peut-être à Montréal, parce que les choses se font déjà, donc, peut-être plus rapidement étant donné le pourcentage d'immigrants. Moi, je le verrais d'une façon très positive. C'est sûr que dans le domaine scolaire, face aux enseignants, face à une école, c'est toute une nouvelle dynamique qu'il faudrait mettre en place. Mais je pense qu'un nouvel arrivant, si on veut lui permettre une meilleure intégration, ce serait peut-être une façon, justement. Très souvent on va dire: On ne parle pas des femmes. Les femmes restent à la maison, etc. Je me dis: Si c'est

possible en collaboration avec le milieu scolaire, je pense que ce serait une acquisition pour elles de vivre nécessairement dans le milieu scolaire et de voir aussi comment vit le milieu scolarisé. (16 h 30)

Parce que très souvent il y a des problèmes qui naissent justement... Quand les enfants vont à l'école et qu'ils reviennent à la maison, la vie québécoise, les enfants, ils apprennent vite ça. Ils s'habituent très vite, tandis que les parents ont souvent vécu dans un système scolaire très différent ou même pas des fois, parce qu'ils arrivent de camps où les parents sont analphabètes. À ce moment-là, je me dis: Ce serait peut-être une solution. Comme dans des maternelles, jadis - je ne le sais pas encore - il y avait les fameux miroirs où on pouvait regarder de l'extérieur et les enfants ne nous voyaient pas. Pour ne pas troubler les enfants, c'est peut-être aussi une solution possible. Mais je me dis que si on veut de plus en plus faire participer les parents - et c'est un autre problème - à l'école... C'est une difficulté qu'on rencontre, lors de remise de bulletin ou quoi que ce soit. Les parents ne participent pas, justement, à la vie de l'école. On parle de les intégrer. Je pense aux comités de parents, entre autres; on ne les retrouve pas souvent non plus. Alors, si on les habitue dès leur arrivée à une certaine participation - je ne sais pas - on les amène de temps à autre, je pense que ce serait une solution qui serait nécessairement bénéfique à long terme.

Mme Gagnon-Tremblay: Moi, je dois vous dire que j'ai senti une grande ouverture de collaboration de la part des commissions scolaires, et soyez assurés que je vais essayer de l'exploiter. Cependant, je me dis: Croyez-vous qu'on pourrait avoir des obstacles de la part de la partie syndicale aussi? Parce que, ce matin, on a parlé des questions des conventions collectives et des syndicats. J'ai dit à plusieurs reprises aussi qu'il va falloir que nos syndicats soient sensibilisés à tous ces obstacles. On va devoir aussi les interpeler davantage et ils vont devoir nous aider dans ce grand défi, parce que ce n'est pas toujours à coups d'argent, à coups de signe de dollars, mais aussi parce qu'il y a quand même des limites, à un moment donné. L'État, c'est vous, c'est nous, c'est moi, c'est tout le monde. Il va falloir être sensibilisé à ça. Est-ce que vous croyez qu'on peut réussir à faire tomber ce mur et à obtenir la collaboration également de nos syndicats pour ouvrir - je ne sais pas, moi - penser à des programmes novateurs?

Mme Robitaille: Étant aussi représentante syndicale, vous vivez...

Des voix: Ha,ha, ha!

Mme Gagnon-Tremblay: Je l'ignorais cependant, Mme Robitaille.

Mme Robitaille: C'est sûr et certain que de plus en plus... En tout cas, je regarde pour l'Estrie, siégeant au conseil d'administration du syndicat de l'enseignement de l'Estrie. C'est sûr que je n'enseigne pas dans une école où il y a des classes d'accueil parce que les classes d'accueil sont situées à Sherbrooke. M y a deux écoles d'accueil au primaire et une au secondaire. C'est bien sûr que, chaque fois que j'ai l'occasion d'amener la cause immigrante, je l'amène. Je pense que, dans le futur... Je pense que les enseignants, actuellement - si on regarde pour Montréal - font beaucoup de choses parce qu'ils ont... Je m'excuse, mais ils ont peut-être les problèmes que nous, on n'a pas encore. Peut-être que nous, on ne veut pas avoir les problèmes qu'ils ont à Montréal, justement, parce qu'on corrige à un moment donné quand le problème est là. Je pense qu'il y a une ouverture qui se fait de plus en plus au niveau de l'inter-culturel.

Je regarde, depuis trois ans, le ministère de l'Éducation du Québec, la Centrale de l'enseignement du Québec et l'ACDI ont un projet interculturel où participent des enseignants principalement de Montréal, mais du Québec aussi, et c'est cette vision-là qui est véhiculée. De plus en plus, à un moment donné, qu'il y ait des projets dans les écoles, les enseignants sont là, on le vit tous les jours, on est nécessairement ceux qui ont les enfants avec eux à longueur de jour. Je pense qu'il y a une ouverture qui se fait. Là où il y a peut-être un problème - on ne l'a peut-être pas mentionné ou peut-être un petit peu - c'est que les nouveaux enseignants qui sont formés.... Parce que là notre clientèle enseignante, elle commence à vieillir, comme à peu près la Sûreté du Québec qui est vieillissante. La moyenne d'âge est assez élevée. Ceux qui entrent dans le système, actuellement, n'ont aucune préparation universitaire. Si je regarde, à Sherbrooke, en formation des maîtres, ils ont deux crédits optionnels en interculturel. Alors, si on leur demande de privilégier peut-être une approche différente, ils vont l'apprendre sur le tas - excusez l'expression - sauf qu'il faudrait peut-être, à un niveau autre aussi, préparer ces jeunes enseignants à une vision qui est différente et peut-être à bâtir des projets. Et dans nos commissions scolaires, la partie syndicale a une chose à faire, mais la partie patronale a des choses à faire aussi sur ce côté-là. Il y a peut-être des ouvertures d'esprit, sauf qu'il faut que ça se fasse aussi, je pense. Et je me dis qu'il y a des possibilités, sauf que, de part et d'autre, il faudrait peut-être s'attabler, ce qu'on ne fait pas souvent. S'attabler, je veux dire... On s'attable, sauf si on négocie, lorsqu'on est en négociation; à part de ça, on ne se rencontre pas souvent. Je pense qu'il y aurait lieu peut-être de prévoir des

tables, à un moment donné, où on pourrait se rencontrer, les commissions scolaires, sur des projets précis. Et je pense que les enseignants, de plus en plus, ont une vision du Québec qui est beaucoup plus pluraliste. Je pense qu'on est de ceux qui forment la société de demain. Alors, je pense qu'on a tout en nos mains pour faire des choses. Il faut donner les moyens aussi, et pas nécessairement des moyens qui sont très très coûteux, non plus.

Mme Gagnon-Tremblay: Et si la région de l'Estrie était un modèle dans ce sens-là?

Mme Robitaille: Moi, je serais sûrement une première partisane parce que, pour moi, c'est très important. Je pense que - même si je me répète - c'est une vision du Québec, en tout cas, qu'on veut privilégier, je pense. Quand on parle de régionalisation, lorsqu'on parle de Montréal... Moi, l'avoir vécu... C'est une expérience très personnelle. Quand je suis arrivée au projet de l'ACDI du ministère de l'Éducation, on m'a dit: Tu viens de la province. J'ai été choquée. Et j'ai dit: Bon, bien, c'est vrai, les gens de Montréal, peut-être, ils ont une vision du Québec et, pour moi, le Québec de demain, c'est peut-être le Québec qui est ouvert pour tout le monde et qui n'est pas.... L'autoroute 10 des Cantons de l'Est ça se fait vite aller à Montréal, mais il y a peut-être beaucoup de monde qui ne font pas Montréal-Sherbrooke, et je me dis, bon, je pense que c'est tout un devenir du Québec qui est train de se faire actuellement.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Je vais maintenant passer la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. À mon tour, je vous souhaite la bienvenue. Je trouve très intéressante la discussion qui est commencée. Sur l'ensemble de votre mémoire, je dois dire qu'il est très complet et qu'il touche à peu près toutes les facettes qui peuvent toucher l'intégration des nouveaux Québécois.

Je vais commencer tout de suite là-dessus, parce que j'écoutais la dernière conversation, et je vais commencer par la fin de l'échange que vous avez eu avec Mme la ministre, pour vous dire que, effectivement, il en a été question dans bien d'autres mémoires. L'école, c'est très important. C'est important pour chaque citoyen, chaque citoyenne, finalement. Parce qu'on forme des citoyens et on prépare des gens à faire face à la vie. Donc, qu'ils soient Québécois de souche ou qu'ils soient nouveaux Québécois, c'est important, mais c'est un lieu important d'intégration.

Moi, je dois dire, pour en avoir rencontré, j'ai beaucoup d'admiration pour les enseignants qui se retrouvent dans des classes ou dans des écoles avec un grand pourcentage de nouveaux Québécois. Pas parce que c'est plus dur, que ça prend des gens qui sont plus héroïques, c'est que ces gens-là ont maintenant à innover une société qui se transforme. La preuve, c'est que nous, on est en train d'en discuter et eux, ils le vivent déjà depuis des mois et des années, l'espèce de choc d'intégration par rapport aux nouveaux qui arrivent et à ceux qui accueillent. Donc, de le vivre, c'est quelque chose.

Je dois dire, quand on sait, pour les professeurs, le nombre... quand on considère juste deux facteurs, maîtres et élèves et le nombre de groupes à rencontrer, on sait déjà que la tâche est lourde; c'est déjà d'enseigner énormément. Dans l'école où on leur demande en plus d'être les gens qui vont favoriser l'intégration et faciliter la compréhension des nouveaux venus, je vais vous dire: Chapeau, professeurs! Si, effectivement, les professeurs vont devoir accepter cette réalité avec une ouverture, le gouvernement va devoir ouvrir aussi en reconnaissant la lourdeur de la tâche qui s'ajoute; montrer à des gens une connaissance parfaite du français, à compter, à parler et à écrire, c'est beaucoup. Mais, quand on ajoute en plus un pourcentage, souvent très largement majoritaire, de gens qui ont une difficulté de perception, de compréhension et d'écriture de la langue française, je dois vous dire que ça prend des gens bien dévoués et déterminés.

C'était mon premier commentaire. Je ne sais pas si vouiez rajouter. Moi, tout ce que je voulais rajouter sur les classes régulières, c'était ça. Il va falloir en tenir compte dans la négociation, mais il va falloir tenir compte dans nos structures comme telles et dans nos institutions de cette nouvelle réalité qui s'installe et avec laquelle non seulement on va devoir vivre, mais qu'il faut accepter et se préparer à vivre parce que c'est déjà de l'acquis et on est en train de regarder, non pas pour la diminuer, mais pour l'augmenter.

Ça m'amène à un autre commentaire et peut-être une question. Vous rapportez dans plusieurs de vos suggestions - et je pense que c'est important, parce que, si on ne sensibilise pas et on ne réussit pas à faire accepter par la majorité des Québécois la réalité, on va avoir des problèmes tout le temps. Vous dites, à la page 34: "En regard des relations intercommunautaires, que l'information diffusée par les médias sur les communautés culturelles soit plus large et qu'elle soit vérifiée à la source." Qu'on utilise des moyens de communication attirants pour diffuser l'histoire et la culture des diverses ethnies représentées en région.

Qu'on aille dans ce sens-là, oui, mais, entre nous, il va falloir reconnaître que nos médias d'information ne tiennent pas vraiment compte de la nouvelle réalité québécoise. Qu'on prenne n'importe lequel des quotidiens ou n'importe

lequel de nos postes de télévision francophones, en tout cas, on va s'apercevoir qu'on n'a jamais l'impression, quand on écoute, soit Radio-Canada, Quatre Saisons ou Télé-Métropole, qu'il y a un tiers de nouveaux Québécois à Montréal. Ça ne parait pas chez nos artistes. Ça ne paraft pas chez nos annonceurs et ça ne paraît pas dans nos émissions non plus. Et je ne sais pas si vous avez une façon de nous aider à changer ça, parce que vous tenez tellement à l'information et à la sensibilisation. On est tous conscients et on en discute. Quels moyens peut-on prendre pour réussir à faire passer le message au niveau national québécois? Avez-vous des suggestions à nous faire? Vous avez raison de vouloir aller plus loin, mais vous êtes déjà à une étape où on en a une autre à franchir avant qu'on n'a pas atteinte, à mon avis.

Mme Robitaille: On n'a peut-être pas de suggestions, sauf que, si on revient à l'école, je me dis que ce n'est peut-être pas la génération qui est actuellement en place qui doit accepter qu'on lui lance ça comme ça. Je pense que le travail est à faire auprès des jeunes qu'on a actuellement dans nos écoles. C'est avec ces tout petits ou adolescents qu'il faut travailler et leur donner, justement, cette chance de cohabiter et de vivre avec ces nouveaux arrivants, ces nouveaux Québécois. Si on prend en région, il ne faut pas se leurrer, bon, que les régions se vident souvent au détriment de grandes villes, et je pense que même nos jeunes en région, il faut les préparer à un vécu qui s'ouvre, à du multi-culturel dans les grandes villes.

Pour les médias, je pense que déjà il y a des travaux qui ont été amorcés, Mme la ministre, comme de rencontrer si ce n'est que les journalistes. Ça ne paraît pas, mais c'est un travail qui est à faire. Peut-être qu'à un moment donné, même en région, ils n'étaient pas sensibilisés, il y a plusieurs années, et il ne faut pas remonter très loin. Là, lorsqu'on les invite à venir couvrir un événement, il y a peut-être une approche qui est différente maintenant. Avant, c'était carrément qu'ils n'avaient pas le temps. Maintenant, on doit avouer qu'en région il y a une approche qui est différente. On les a sensibilisés au travail qui se faisait, et ils viennent couvrir pour nous différentes activités. Avant, on ne l'aurait pas vu. Probablement qu'il y a eu de l'information de faite. Les gens ont été touchés. Ils sont venus voir quelques fois, et je pense qu'il y a un premier travail à faire à ce niveau-là.

C'est sûr que, si on pense à équité et accès à l'emploi ou à l'égalité dans les emplois, c'est à plus long terme. Il ne faut pas se leurrer sur le visage qui va changer dans les années futures. Je pense que c'est en y allant avec des petites choses, mais commencer tout de suite. Il y a des grandes choses d'écrites là-dedans. Si chacun en faisait un petit peu tous les jours, possiblement qu'on verrait, dans les années, et pas si loin que ça, un résultat. Mais il faut arrêter de le dire, mais faire des petites choses ponctuelles pour en arriver... Mais, face aux médias, c'est bien sûr qu'il faut commencer déjà en informant les gens qui sont sur place et, si je prends les jeunes qu'on a aujourd'hui, peut-être que dans 5 ou 10 ans ce seront eux qui seront annonceurs et journalistes, et ils auront une vision qui sera différente. C'est donc... Et l'an 2000, ce n'est pas si loin que ça. Donc, ces jeunes-là, on les a actuellement. C'est un commentaire.

M. Paré: À la lecture de votre mémoire et en écoutant vos commentaires tantôt, je dois dire qu'effectivement on pourrait certainement vous considérer comme un exemple par rapport à ce que vous faites pour l'intégration, et Mme la ministre avait raison tantôt de le dire avec fierté. Je ne sais pas quelle recette vous avez utilisée par rapport au succès que vous avez par la participation des bénévoles et des groupes de parrainage. Je trouve ça formidable, même si je dois conclure que si c'est possible à Sherbrooke, bravo, ça doit être possible et il faudrait essayer de l'avoir dans les autres régions où on va régionaliser l'immigration.

Mais pensez-vous que c'est quelque chose qui est envisageable dans une ville comme Montréal ou dans une grande ville? Quel message pourrait-on passer pour essayer de faire des rapprochements semblables, sachant le pourcentage où il y a un grand nombre d'immigrants qui arrivent à Montréal? Là, on fait quelque chose sur une base qui est un peu, sans être neuve, mais qui est quand même limitée par rapport au pourcentage de la population. Mais, quand on voit le nombre de nouveaux Québécois qui arrivent à Montréal et dans toute la région métropolitaine, il faut avoir, je pense, des formules qui soient différentes, probablement, parce qu'on ne pourrait probablement pas trouver le même "pattern" - excusez l'expression - par rapport au parrainage parce que vous disiez que c'est trois pour un, si j'ai bien compris votre jumelage. À Montréal, s'il y a un tiers de nouveaux venus, trois pour un à Montréal, on manquerait de monde. Il y a comme quelque chose qui n'est pas très... Vous avez un exemple, je pense, et on va devoir adapter l'accueil par rapport aux différentes régions du Québec, mais il devrait être particulier à chacun des coins ou, en tout cas, il ne pourra pas être le même nécessairement à Montréal que dans le reste du Québec. (16 h 45)

Mme Robitaille: Le phénomène de régionalisation, c'est sûr que ce que nous, on ne voudrait pas, c'est dire: Oui, à Montréal il y a une situation qui est x, en région il peut y avoir une situation, et ne pas penser que ce soit les mêmes facteurs qu'on pourrait appliquer. C'est sûr qu'il y a un facteur qui est historique à Montréal.

Montréal reçoit un fort pourcentage des immigrants, bon, pour toutes sortes de raisons. C'est sûr que si on veut régionaliser, en tout cas, je pense que c'est une vision qui doit être politique et de tout ordre, à tous les niveaux nécessairement administratifs à tous les pays. C'est une volonté collective aussi. Je ne voudrais pas qu'on dise: Montréal, c'est ça, Sherbrooke, c'est ça. Sherbrooke a un visage qui est peut-être autre que celui de Montréal. Hull a sûrement un autre visage et Québec aussi... de ne pas penser appliquer avec des normes nécessairement, donc ça serait très sain.

Vous dites que, si on parle d'accueil, c'est sûr qu'on n'est pas nécessairement un exemple, sauf que, si on regarde depuis trois ans, on a doublé... à chaque année. Et les problèmes sont aussi survenus. Jusqu'au jour où on avait 100 personnes qui arrivaient par année, on avait un nombre suffisant de bénévoles. Tout allait bien. On avait le temps de les accueillir, etc. Mais lorsque, depuis trois ans, on double à chaque année, là, les problèmes, on les voit. C'est sûr qu'on essaye de les circonscrire. On essaye vraiment de pouvoir les accueillir le mieux possible. Sauf que les problèmes ils sont là aussi, même si la région est plus petite.

M. Paré: Je trouve ça important, ce que vous êtes en train d'amener. Premièrement, je dois dire: plus on va régionaliser, parce que c'est plus facile d'intégrer dans les régions, plus la réussite qu'on va avoir dans les différentes régions va avoir un effet d'attrait ou d'influence par rapport aux communautés qui vont se parler, aussi bien Sherbrooke, Montréal, finalement, que ce soient les communautés italiennes, grecques ou les autres. Plus on va les intégrer en province, plus ça va avoir de l'effet sur la communauté montréalaise, donc sur les communautés québécoises.

Mais vous dites que plus le nombre grossit, plus ça prend de monde et plus ça amène de problèmes parce qu'effectivement chaque personne amène ses besoins et ses divergences par rapport à ça. Vous dites, à la page 27: "En bref, nous sommes prêts à recevoir plus d'immigrants, à condition que des mesures soient prises pour augmenter le nombre des indépendants et des gens d'affaires, de sensibiliser davantage les Estriens, de favoriser la création d'emplois, de soutenir les organismes non gouvernementaux en fonction de la réalité régionale." C'est tout à fait réaliste et, de toute façon, ça retrouve exactement ce que tous les groupes ont dit avant vous et vont certainement répéter. Si le nombre de nouveaux arrivants augmente, il faudra qu'on soit en mesure de les accueillir, si on veut garder la même qualité de services. Donc, ça prend plus d'aide, finalement, et ça prend plus d'emplois, parce que le meilleur moyen d'intégrer les gens, c'est de les faire travailler et ils sont actifs dans la communauté.

Par rapport au paragraphe qui est là, et finalement à la réponse positive que vous donnez à l'augmentation de l'immigration et à la régionalisation, pour vous, ce serait quoi le nombre idéal? Je sais que c'est difficile à dire, sauf que l'un des points ou un des objectifs de la commission, c'est de définir un nombre d'immigrants. Et un nombre d'immigrants, là, on parle de 55 000 annuellement. Est-ce que vous trouvez que c'est un nombre raisonnable, acceptable, intégrable? Je ne le sais pas. Je vous le pose à titre interrogatif en disant que ça, c'est pour l'ensemble du Québec. Et, pour la région de l'Estrie, ça serait en proportion de sa population. Est-ce que vous trouvez que c'est quelque chose qui serait raisonnable...

Mme Robitaille: Comme le mentionnait le mémoire, je crois qu'il faut avoir en tête... Nous, c'était très clair. Dépendant de la situation mondiale, si on parle de réfugiés, entre autres, on ne peut pas rester, en tant que Québécois, Québécoises, à l'écart de ça, dire: Non, parce qu'il y a un taux de chômage très élevé, on ne peut pas recevoir ces gens-là. Je pense qu'on ne peut pas, avec l'ouverture sur le monde maintenant - le monde a de moins en moins de frontières - dire: Non, on va restreindre de ce côté-là. Je pense qu'on se doit de rester ouverts pour recevoir nécessairement des réfugiés. C'est sûr et certain qu'il reste toujours le problème de l'emploi, de fixer un chiffre qui soit provincial et le mettre au prorata par région. On ne peut pas vous en fixer. C'est bien sûr qu'actuellement, depuis quelques jours, on voit le taux de chômage, on voit le nombre de chômeurs inscrits à l'assistance sociale. C'est ceux qui, en tant que Québécois qui regardent ça, vont dire: Bon... Nous, qui prônons nécessairement l'augmentation en fonction de plus d'indépendants ou de gens d'affaires, c'est très clair qu'il reste toujours que des gens d'affaires ou des indépendants qui viennent s'établir en région, ça donnerait l'opportunité d'ouverture de postes, d'emplois. Il reste qu'on ne le sait pas.

Dans le domaine politique, il y a un travail du ministère qui se fait déjà de ce côté-là pour aller voir ailleurs, un petit peu dans d'autres pays, pour faire venir des gens, des investisseurs. Sauf que ça, on n'a pas nécessairement la clé du succès. Ils n'ont pas tous des réponses à dire: Oui, on va venir au Québec aisément. Pour fixer un chiffre, bien sûr que c'est très aléatoire. Sauf que je pense qu'il y a des capacités d'accueil dans l'Estrie. Il reste que de fixer un chiffre... Je sais que nous, on double chaque année. C'est bien sûr qu'on pourrait dire: Oui, on est capables d'en recevoir plus. Reste que, si les gens ne restent pas en région parce qu'il n'y a pas de travail, nous, on s'est posé la question. Par contre, s'ils vont à Montréal, ils n'auront pas plus d'emploi non plus. Le phénomène est là aussi. C'est donc qu'il faut aller plus loin et

voir, à un moment donné... S'ils s'en vont à Montréal ou à Toronto, je ne suis pas sûre qu'actuellement leur taux de réussite en recherche d'emploi soit excellent aussi. C'est pour ça. Il y a toute une dynamique, actuellement, qui est québécoise, à ce moment-là. C'est donc que fixer un chiffre est difficile.

M. Paré: Le comportement des nouveaux Québécois est identique au comportement des Québécois. Il ne faut pas l'oublier. Les gens qui quittent la Gaspésie ou l'Abitibi pour venir à Montréal ne sont pas plus assurés d'avoir d'emploi. Si le taux de chômage est à 15 % à Montréal, c'est évident qu'ils vont se mettre sur la liste d'attente, la même affaire. Peut-être avec la différence que la personne qui est en région peut vouloir s'en aller en période où elle n'a pas d'emploi, pour se rapprocher d'une communauté qui est la sienne, qui est un peu plus importante. Il y a peut-être ça.

À la page 34, la recommandation 3.15: "Que dès maintenant les propriétaires soient sensibilisés à la réalité pluraliste du Québec." Est-ce que, à votre connaissance, les nouveaux Québécois ont eu à subir plus que les Québécois qui sont ici depuis un peu plus longtemps? Finalement, est-ce qu'il y a harcèlement ou est-ce qu'il y a vraiment eu discrimination?

Mme Jacob: Je pense que j'aborderais le problème autrement. C'est que, comme on a des gens qui partent de la région, c'est des gens qui ont des engagements et qui ne respectent pas ces engagements-là. Donc, à quelque part, on est en train de brûler, je dirais, le potentiel d'accueil de notre région parce que, comme il y a beaucoup de nouveaux arrivants qui partent après l'établissement, ça fait des propriétaires mécontents. On n'a pu trouver aucune façon de régler, à l'heure actuelle, sauf qu'une des façons de régler serait d'avoir une maison d'accueil, une maison qui permettrait d'accueillir les nouveaux, les aider à s'adapter, de voir avec eux s'ils vont rester ou s'ils vont quitter, de bien leur expliquer ce qu'est un bail, etc. C'est une des solutions qui est envisageable. Il y en a peut-être d'autres. On a regardé la possibilité que le gouvernement loue massivement 100 logements et, au fur et à mesure des départs, que les logements soients remplis. On a regardé ça aussi, mais ce n'est pas possible à l'heure actuelle. C'est un dossier qui se passe au Québec, peut-être que ce serait intéressant de voir les arrangements possibles. Mais c'est ça, il y a des propriétaires mécontents qui, en plus de n'avoir aucune sensibilité aux cultures, nous ferment leur porte.

M. Paré: Quel est le nombre d'immigrants que vous recevez présentement sur une base annuelle? Les derniers chiffres?

Mme Jacob: La dernière année, c'est 425 à peu près, c'est-à-dire les gens qu'on a accueillis...

M. Paré: Oui.

Mme Jacob: ...au terminus, parce qu'il y en a plus que ça dans notre région. Nous ce sont des réfugiés sélectionnés à l'étranger. On a accueilli 402 de ces gens-là.

M. Paré: Je comprends ce que vous dites à partir du problème de logement ou d'habitation. Il faudrait peut-être trouver une solution par des logements. Il en a été question un peu ce matin aussi, quand un groupe - je ne me souviens pas duquel - disait qu'il pourrait y avoir peut-être comme un HLM particulier ou un genre d'habitation temporaire. Je dois dire que c'est un peu embêtant que le gouvernement mette sur pied ce genre d'habitation temporaire, sauf que, oui, il faut s'occuper de l'accueil, par contre, et du logement des gens qui arrivent au Québec. On n'est pas à Caracas. On ne peut pas les garder dehors, c'est évident. Mais est-ce qu'on peut se permettre d'investir, et est-ce que ça n'aurait pas un effet de créer plutôt des ghettos? Je ne sais pas, de ce côté-là, comment on peut le faire, et comment on peut rétablir la situation par rapport à des propriétaires qui ont vécu des gestes isolés, probablement, mais qui ont un effet. C'est souvent multiplicateur quand c'est dans des groupes qui arrivent, je suppose, parce que ça ne doit pas être général, ce que vous êtes en train de décrire comme s'étant produit. Si je comprends bien, les gens qui ont quitté sans respecter leur bail, c'est pour s'en aller à Montréal ou ailleurs.

Une voix: Oui.

M. Paré: Donc, ils n'étaient plus dans la région.

Mme Jacob: Souvent, ils ne sont plus dans la région et ils sont introuvables. C'est sûr que pour les propriétaires, à quelque part, c'est difficile à prendre. Mais, quand vous parlez d'une maison d'accueil, est-ce que ça va créer un ghetto? Est-ce que ça crée des ghettos quand on a des maisons de transition, par exemple, pour les malades mentaux, les ex-patients psychiatriques? Je pense que les maisons de transition, c'est une maison où c'est un passage, donc ça permet une adaptation, c'est-à-dire leur livrer une information qui les rend fonctionnels au moment où ils sont dans leur logement. Je ne pense pas que ça crée un ghetto, que ça soit un endroit... Le ghetto, en fait, il peut être créé si on les installe tous dans le même coin. Mais, à partir du moment où c'est une maison où ils viennent, ils sont accueillis pendant quelque temps et, après, ils sont en logement. Je pense

qu'il faut faire attention pour ne pas les installer dans le même coin, et c'est là que le ghetto peut se créer.

M. Paré: Malheureusement, le président me fait signe que mon temps est terminé. Je conclus tout simplement eh vous disant merci. Votre mémoire était très intéressant et je pense que vous nous avez fourni de très bonnes réponses à nos questions.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Shefford. Mme la ministre, en conclusion.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, bien sûr, moi aussi, je veux vous remercier. Je vais vous remercier spécifiquement pour tout le travail que vous effectuez tous les jours. Vous le faites avec conviction. Je suis en mesure de le constater régulièrement et je veux vous assurer de mon entière collaboration. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Merci, M. le député de Shefford. Mesdames, au nom de toute la commission parlementaire, nous tenons à vous remercier d'être venues devant nous. Soyez assurées que nous avons pris bonne note de votre mémoire et de vos recommandations. Ceci étant dit, je vous remercie et je vous souhaite un bon voyage de retour à Sherbrooke. Je vais maintenant appeler le groupe suivant à se présenter en avant, qui est le groupe Caritas-Sherbrooke.

Nous allons suspendre une petite minute, le temps que vous vous installiez.

(Suspension de la séance à 16 h 57)

(Reprise à 16 h 59)

Caritas-Sherbrooke

Le Président (M. Gobé): Si vous voulez bien regagner vos places, nous allons sans plus attendre accueillir Caritas-Sherbrooke qui, si je comprends bien, est représenté par M. Lionel Bureau, vice-président, M. Desève Cormier, prêtre et directeur, et Mme Anne Beauvais, coordonnatrice du secteur Action fraternité internationale. Est-ce exact?

Mme Beauvais (Anne): C'est exact.

Le Président (M. Gobé): Alors je vous souhaite la bienvenue et vous demanderai de présenter votre mémoire sans plus tarder. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour ce faire.

M. Bureau (Lionel): M. le Président, Mme la ministre, Mme et MM. les députés de cette commission, on voudrait vous dire à quel point on est heureux d'avoir été invités à présenter un mémoire devant cette commission. Au départ, je viens d'avoir le plaisir de saluer - c'est un petit détail - mon député, Mme Monique Gagnon-Tremblay, dont j'ai le privilège d'être un des électeurs.

J'ai écouté tout à l'heure avec beaucoup d'attention ce qui a été dit par les membres du Service d'aide aux Néo-Canadiens que je connais bien, ayant été leur premier employé permanent en 1968.

Pour bien vous situer, je me permets de vous rappeler quelques faits. En 1979, c'est l'époque des "boat-people". Des milliers d'Asiatiques se jettent à la mer à la recherche de terres d'accueil. Partout au monde, on s'organise pour accueillir ces malheureux dont le triste sort émeut grandement. Au Canada, au Québec, on constitue des comités d'accueil. À Sherbrooke, avant de lancer quelque initiative, on se consulte, on tient des rencontres qui réunissent le Service d'aide aux Néo-Canadiens, un représentant de l'archevêché de Sherbrooke, Caritas-Sherbrooke, l'organisme que je représente, et un fonctionnaire du ministère de l'Immigration du Québec. Une conclusion se dégage des consultations. On convient d'établir un service particulier pour constituer des groupes de parrainage. Action fraternité internationale est né. Les initiatives et la réponse extraordinaire des gens font que plus de 110 familles sont accueillies dans plusieurs villes de l'Estrie, faisant de notre région une des plus actives au pays face à ce problème. On établit à près de 100 000 $ les contributions en argent et en nature offertes durant les années 1979-1980.

En 1990, après 10 ans d'activité, 810 personnes ont été parrainées en Estrie. Le nombre de personnes reçues est moins considérable qu'en 1979, certes, mais il est constant: de 20 à 40 personnes par année. Présentement, 109 personnes sont en attente de venue grâce à l'action de 22 groupes de parrainage qui ont été constitués ces six derniers mois, ayant contracté des engagements financiers - des contributions financières volontaires, cela va sans dire - se chiffrante 110 000 $.

Maintenant, je voudrais vous présenter Mme Anne Beauvais qui va vous faire lecture du mémoire. Madame.

Mme Beauvais: Voilà donc 12 ans que le service d'aide aux réfugiés Action fraternité internationale a été établi au sein de Caritas-Sherbrooke. L'expérience a prouvé depuis 12 ans que Caritas-Sherbrooke avait alors pris une heureuse décision puisque, dans les mois subséquents, au-delà de 100 groupes de parrains ont été constitués, faisant de l'Estrie une des régions les plus actives au Québec à ce chapitre, selon le ministre de l'Immigration de cette époque, M. Jacques Couture.

Après 12 ans, le nombre de réfugiés

accueillis s'ôlevc à quoique 1000 personnes provenant principalement du Sud-Est asiatique, de l'Amérique latine, de l'Europe de l'Est et de l'Afrique. Depuis l'établissement de notre service, les demandes d'accueil reçues de réfugiés dans des camps n'ont jamais cessé de nous parvenir. Des lettres racontant des cas pathétiques nous arrivent tous les mois.

Plus d'une centaine de réfugiés sont parrainés chaque année par notre entremise, tous n'étant pas effectivement accueillis à Sherbrooke; les uns s'établissent dans une autre province ou un autre pays ou sont refusés par l'un ou l'autre des paliers gouvernementaux s'ils ne satisfont pas aux critères de sélection. Tout de même, forts de cette expérience et du rôle que nous jouons dans la communauté, nous croyons de notre devoir de vous faire part de certaines considérations.

Ampleur du problème des réfugiés. Même s'il s'agit d'une réalité bien connue de votre ministère, il nous semble opportun de rappeler que la population des réfugiés dans le monde continuera d'augmenter à un rythme alarmant; cela constitue une grande préoccupation pour le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. D'ailleurs, la revue Réfugiés, dans son numéro de mars 1990, l'explique clairement: "La population réfugiée dans le monde s'accroît inexorablement. Il y a 20 ans, elle s'élevait à un peu moins de 2 500 000 personnes. En 1980, elle s'établissait à 8 200 000. Aujourd'hui, à l'aube d'une nouvelle décennie, le nombre de réfugiés relevant du Haut Commissariat aux réfugiés avoisine les 15 000 000. Et encore ce chiffre n'inclut pas les 2 000 000 de Palestiniens, au moins, qui reçoivent l'assistance de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient."

Comme l'indique ce numéro de Réfugiés, "les ressources disponibles pour leur venir en aide sont de plus en plus inadéquates. Malgré le nombre croissant de réfugiés, le budget du Haut Commissariat pour les réfugiés pour 1990 ne sera pas plus important qu'en 1980. En conséquence, les nécessiteux seront affamés, les enfants n'auront pas accès à l'éducation et de moins en moins de réfugiés pourront parvenir à l'autosuf-fisance."

En considération, nous espérons donc que le ministère adopte une politique qui tienne compte à la fois de la réalité des faits et des exigences de la compassion qui inspire l'action de Caritas-Sherbrooke. Nous ne pouvons ignorer, d'autre part, que notre pays est l'un des plus vastes, habité par une population fort réduite. En substance, nous savons bien que le Québec et le Canada ne peuvent résoudre le problème que de façon symbolique. Néanmoins, outre l'aspect humanitaire, un autre point nous semble important à relever, soit l'aspect économique. Nous constatons que les régugiés, en général, ont une disponibilité au travail plus grande que la nôtre car ils sont habitués à travailler de plus longues heuros, ils sont moins oxigoanis quant au lype de travail et, par surcroît, ils deviennent des consommateurs potentiels.

En cela, ils rendent un service appréciable à l'économie. Non pas que nous cautionnons le "cheap labor", mais parce que nous savons qu'une hausse du salaire minimum équivaudrait à de nombreuses mises à pied. Nous estimons que ces réfugiés sont plus heureux, même avec cette perspective d'emploi, qu'ils le sont sans espoir dans leurs camps. Les réfugiés constituent donc pour l'État une ressource peu coûteuse en même temps que rentable.

Dans cette optique, il y va de notre intérêt commun d'établir une politique claire et plus ouverte à leur égard, d'autant plus que les frais de leur parrainage sont assumés en partie par des particuliers motivés et disposés à participer à leur intégration. La réunification de familles telle que spécifiée dans votre énoncé revêt également une signification toute spéciale dans notre région.

Ces choses étant dites et compte tenu que vous spécifiez dans votre énoncé de politique que vous appuierez différents groupes et ferez la promotion du parrainage collectif, nous sommes donc très désireux et impatients de connaître les mesures concrètes que vous réservez en faveur des organismes qui s'occupent de réfugiés.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme Beauvais. Mme la ministre, vous avez maintenant la parole.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, bien sûr, je vous remercie. Et comme vous voyez, M. le Président, nous sommes très privilégiés aujourd'hui de recevoir tous les groupes de la région de Sherbrooke; c'est avec beaucoup de satisfaction que j'ai pris connaissance de votre mémoire.

Vous parlez principalement des réfugiés. Je pense que Caritas s'est toujours dévoué davantage à cette cause. J'ai été à même de constater aussi, lorsque je suis allée en Thaïlande l'été dernier, qu'en Thaïlande on s'apprête de plus en plus à fermer les camps. Même le Haut Commissariat aux réfugiés souhaite que les gens retournent dans leur pays ou aillent rejoindre de la parenté dans d'autres pays. Mais, finalement, on se rend compte qu'on essaie de fermer de plus en plus ces camps, d'où peut-être la difficulté pour nous, plus tard, d'aller sélectionner ces réfugiés. Mais, selon l'expertise que vous avez, entre autres dans le domaine du parrainage collectif, quels sont les milieux, d'après vous, où les gens sont les plus susceptibles de réagir favorablement à l'idée de parrainer des réfugiés? Quels sont ces groupes qui, en bonne partie, veulent parrainer des réfugiés?

M. Cormier (Desève): Voici, je vais répondre, Mme la ministre. Ce qui s'était passé en 1979, c'était les groupes des paroisses qui

avaient été très actifs. Et même les paroisses reculées, où on voyait fort mal les gens s'établir, se sont organisées et ont recueilli les fonds nécessaires pour faire venir des gens. Alors, les communautés chrétiennes des paroisses, en tout cas, nous semblent, pour une part, des gens à utiliser. Il y a aussi des groupes religieux ou des groupes de travail qui sont prêts à le faire. Et, de plus en plus aussi, on constate que, quand on parle de réunification de familles... C'est que, pour ceux qui connaissent un peu les moeurs de gens du Sud-Est asiatique, c'est dans leurs moeurs; s'il y en a un qui sort d'un camp, il essaie de faire sortir toute la famille. Alors, très souvent, Mme Beauvais reçoit à son bureau des gens qui viennent avec un montant d'argent pour faire venir des parents. Donc, il y a ces gens-là, ces groupes des paroisses, certains groupes de travail qui sont déjà unis. On a aussi construit des groupes à même de petits noyaux d'amis, des gens qui se parlaient entre eux, à qui on soumettait des cas.

Cependant, pour aller dans cette ligne de pensée, on ne vous cache pas qu'on est un peu ralentis de ce côté-là. Il y a des choses qui - on ne sait pas trop quelles sont les causes - mais il y a des lenteurs dans l'arrivée des parrains qui sont un peu, je ne dirais pas dérangeantes, mais un peu gênantes. Je pense en particulier à un groupe. J'ai un de mes frères qui est curé à Sherbrooke. Il est venu un père jésuite, aumônier dans un camp en Thaïlande, qui nous disait: Avez-vous une paroisse où je pourrais aller parler de parrainage? En voulant éviter un peu de travail à mon frère qui avait prêché tous les dimanches, j'ai dit: Va donc à Saint-Georges-de-Windsor, près d'Asbestos. Mon frère serait prêt à ce que tu partes aux gens. Alors, le père y est allé effectivement, le père Morin... Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de le rencontrer, mais c'est un bonhomme qui a le langage facile et qui convainc facilement ses auditeurs.

Alors, les paroissiens ont effectivement accepté de parrainer une famille. C'est un cas dont vous êtes au courant, d'ailleurs. Ça fait près de deux ans maintenant que le parrainage a été signé. Je comprends qu'il y a eu des complications médicales dans le cas d'un des membres de la famille, mais ce n'est pas un cas unique. Alors, vous comprenez que c'est un petit peu gênant. Si on va voir des gens, on dit: Écoutez, c'est terrible ce qui se passe. Il faut sortir des pauvres gens des camps. Les gens disent: Bon, bon, c'est correct. On va se cotiser, on va amasser de l'argent, des meubles. Ces gens-là ont déjà... À Saint-Georges-de-Windsor, ils ont déjà des meubles mis de côté, des couvertures, etc., pour attendre la famille. Ça fait bientôt deux ans qu'ils attendent la famille. Moi, pour un, en tout cas, je ne serais pas très à l'aise d'aller me promener dans la paroisse et de dire: Bonjour. Ça va bien Votre réfugié va venir bienlôi. Cost un pou gênant.

Alors, il y a des groupes qu'on peut constituer - pour répondre à votre question - mais disons qu'on est un peu hésitants à pousser la pédale au fond pour trouver des nouveaux groupes. De quoi dépendent ces retards-là? Vous le savez probablement plus que nous autres puisque les questions que vous abordez, je suis certain que le gouvernement fédéral les aborde aussi. Ça, ça nous gêne, cette lenteur.

Mme Gagnon-Tremblay: J'ai souvent constaté aussi dans ces camps qu'on jumelle, justement; on fait du jumelage avec les familles d'ici pour faire venir de ces réfugiés. Parfois, on identifie même des cas; je pense aux enfants non accompagnés, entre autres. J'ai constaté que, souvent, ces personnes-là ne sont pas encore identifiées comme des personnes à être sélectionnées. Vous savez que, dans ces camps-là, le Haut Commissariat fait beaucoup de travail pour que ces personnes aillent retrouver davantage la parenté dans d'autres pays. Ou bien même aussi, souvent, ces personnes-là partent et on leur a passé un message, on leur a dit: Dès que tu auras une chance, il faut que tu quittes; c'est aux États-Unis qu'il faut que tu t'en ailles.

Donc, on accepte en premier lieu, des fois, de venir au Canada, et peut-être au Québec, mais si, par exemple, quelqu'un des États-Unis, un officier des États-Unis passe et décide de faire du recrutement, on voit que ces personnes changent d'idée et s'en vont aux États-Unis. Souvent, ça crée justement des désenchantements parce que les familles attendent ici. Souvent, ils ont eu des photographies, ils ont correspondu, et tout ça. Ça crée quand même certains problèmes. Alors, c'est ça que j'essayais de voir lorsque j'y suis allée: Comment peut-on éviter ces choses? Quand, par exemple, une liste est envoyée au Haut Commissariat, elle est immédiatement transmise alors que les personnes n'ont pas encore été véritablement sélectionnées. Ça, c'est peut-être une difficulté; mais, bien sûr, il y en a d'autres, je pense, qu'on pourrait aussi essayer d'atténuer.

Je voudrais cependant revenir au parrainage collectif. Est-ce que vous avez des idées, par exemple, sur le genre de modifications les plus importantes qu'on pourrait apporter aux programmes de parrainage collectif pour les rendre plus attrayants pour les Québécois? Parce que, finalement, ce que j'ai compris de l'abbé Desève Cormier, ce n'est pas tellement parce que vous n'en avez pas. Moi, je pensais que c'était parce qu'ils n'étaient peut-être pas assez attrayants, mais ce n'est pas parce que nos programmes ne sont pas assez attrayants, c'est tout simplement que la clientèle, elle est là. Tout à l'heure, vous avez dit qu'il s'agirait peut-être d'aller faire une petite tournée dans certains villages ou certaines villes, et la population, dépendamment de qui vend le projet, répondrait spontanément Cepen-

dant, ce n'est pas là que semble être le problème. Donc, c'est davantage la lenteur à faire venir ces personnes, finalement.

M. Cormier: Je pense que oui, effectivement, c'est un problème qu'on rencontre, la lenteur. Je pense aussi à une autre paroisse de Sherbrooke; ils ont attendu leur famille pendant, je ne sais pas, peut-être une couple d'années. Ils avaient 9000 $ mis de côté pour accueillir ces gens-là. Au bout de quelque temps, ils nous ont rapporté les 9000 $ et ils ont dit: Appliquez-les à d'autres, nos gens n'arrivent pas. Ça, il faut comprendre que ça peut être démobilisant pour des gens. Il n'y a peut-être pas seulement ça comme problème. On note, en tout cas depuis une couple d'années, que c'est vraiment très long: deux ans - n'est-ce pas, Mme Beau-vais? - deux ans, un an et demi, deux ans, deux ans et demi; c'est commun. Ça, pour des gens à qui on a présenté le problème comme réclamant une solution urgente, ça n'a pas l'air très pressant. Il y en a d'autres cas comme ça aussi, qu'Anne connaît; ça ne vient pas. Ça ne nous encourage pas tellement à prendre le flambeau et à aller se promener. Je ne sais pas si ça répond un peu à votre question. (17 h 15)

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Vous avez aussi... On a aussi, sur notre territoire, des revendicateurs du statut de réfugié. On sait qu'ils sont en attente de leur statut, malheureusement depuis fort longtemps. Ça crée des problèmes, surtout dans la région de Montréal. Vous savez que nous en avons 35 000 et qu'il nous en arrive encore 1000 par mois. C'est quand même très considérable.

Tout à l'heure, je n'ai pas posé la question aux autres groupes de Sherbrooke, à savoir s'ils avaient identifié ces revendicateurs. Dans notre région, est-ce qu'il y en a? Aussi, comme il en arrive 1000, ça crée certains problèmes. Ça a même un impact important sur nos ressources financières et aussi sur nos structures. Donc, dans ces conditions, qu'est-ce qu'on fait?

Je sais que c'est déchirant. On parlait, l'autre jour, avec le père Quirion, de Montréal, et je lui disais: Dans ces circonstances, est-ce qu'on continue à recruter des réfugiés dans des camps à l'étranger ou on s'occupe de ceux qui arrivent, parce qu'ils sont aussi en situation de détresse, parfois? Je me dis qu'il y a toujours un fort pourcentage. Peut-être que, si on régularisait leur situation plus rapidement, il arriverait la même chose qui arrive dans d'autres pays. C'est qu'au lieu d'en accepter huit sur dix peut-être qu'on en accepterait deux sur dix; mais, comme on prend tellement de temps, ils ont eu le temps, souvent, d'avoir des enfants ici, ils sont intégrés, et tout ça. C'est très difficile. C'est des choix qui sont très déchirants. Est-ce que vous avez une idée là-dessus? Est-ce que, par exemple, on doit davantage s'occuper de ceux qui sont ici, finalement?

Mme Beauvais: Jusqu'à présent, dans le cadre de mon service à Caritas, je n'ai pas reçu beaucoup de personnes qui étaient revendicatrices de statut et qui sont venues chercher de l'aide, à part, je dirais, trois ou quatre personnes à qui on a pu offrir une aide technique ou peut-être matérielle. Donc, jusqu'à maintenant, le nombre ne justifierait pas qu'on déplace notre axe de priorité sur les revendicateurs de statut à Sherbrooke même. Donc, dans ce contexte-là...

Mme Gagnon-Tremblay: On les retrouve davantage à Montréal, d'où peut-être l'image d'une intégration plus difficile, finalement, si on ajoute au nombre, déjà. C'est pour ça que je vous posais ma deuxième question. Je sais que c'est déchirant, là, mais est-ce qu'on doit prendre en compte ceux qui sont ici avant d'aller en chercher, de continuer à en sélectionner un grand nombre à l'étranger?

Mme Beauvais: Sûrement qu'il faut tenir compte de ceux qui sont ici. Il y a certainement une aide qu'on pourrait aussi apporter, au sein de notre organisme, à cette clientèle. Il faudrait définir ça, à ce moment-là. Je sais que, jusqu'à présent, ça a été une aide technique. Il y a aussi la possibilité de... Il y a déjà des revendicateurs qui sont venus me voir pour avoir une lettre de recommandation. On ne savait pas jusqu'où ça supposait un engagement vis-à-vis la personne en cause. Donc, à ce moment-là, ce serait à définir, ça. C'est des choses qu'on n'a jamais définies avec les deux ministères, ce que serait notre travail à cet égard.

M. Cormier: Pour compléter ce que Mme Beauvais a dit, on a rencontré, effectivement, les officiers de votre ministère à Sherbrooke, à votre nouveau bureau régional - on était heureux de les accueillir, incidemment - en particulier M. Larose et Mme Gagné. Comme Anne le dit, le problème ne saute pas aux yeux à l'heure actuelle; est-ce qu'on le verra mieux plus tard? J'ai l'impression que les revendicateurs de statut, il n'y en a pas tellement dans Sherbrooke.

D'autre part, on doit être assez mal équipés sur le plan, par exemple, de la revendication juridique. Il y a des avocats, à Montréal, qui se spécialisent là-dedans et qui, semble-t-il, en font un peu une carrière, une spécialité. On a des avocats qui peuvent s'intéresser à ça. On a eu affaire à eux quelquefois, mais je ne pense pas qu'ils aient autant d'expérience et d'expertise que ceux qu'on peut trouver dans un centre où les cas sont plus nombreux. Disons, en tout cas, qu'on n'est pas fermés à ce type d'action. Ce serait nouveau pour nous. On a été mis sur pied pour s'occuper des réfugiés, pour aller les chercher dans des camps. Quand ils sont rendus dans notre ville, c'est une approche différente,

évidemment, mais ça pourrait être sûrement considéré. Surtout, on se rend compte, d'après les informations qu'on a, que ce sont des problèmes humains très pénibles qui sont vécus par ces gens-là qui attendent. Ils font des dépressions, ils connaissent des malheurs psychologiques énormes. Dans ce sens, si la charité exige qu'on soit proches de ces gens-là, je pense qu'on ne refuserait pas de regarder ça avec les petits moyens dont on dispose.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui, merci, M. le Président. Alors, bienvenue à la commission. Je dois dire qu'en vous écoutant et en lisant le mémoire on se rend compte que vous êtes un exemple de l'ouverture et de la générosité des Québécois. Ce n'est pas nouveau. C'est reconnu. On a eu d'abord les missionnaires qui sont allés de l'autre côté et, maintenant, avec l'ouverture sur le monde et la vie moderne, bien, on les accueille. Vous dites dans votre mémoire que, effectivement, on a du territoire, on a de la richesse et on ne peut pas se permettre d'être renfermés et de se fermer les deux yeux par rapport à la misère qui se vit dans le reste du monde. Je suis d'accord avec vous, et on ne peut pas faire autrement que d'encourager des groupes qui veulent se dévouer et travailler pour des gens qui sont plus mal pris que nous autres. Mais, par contre, on doit aussi tenir compte de notre réalité et c'est pour ça que j'ai quelques questions à poser là-dessus.

La première, vous dites à la première page de votre mémoire qu'en 12 ans le nombre de réfugiés accueillis s'élève à quelque 1000 personnes et vous nous dites d'où elles viennent: du Sud-Est asiatique, d'Amérique latine, de l'Europe de l'Est et d'Afrique. Ma question toute simple est: Vous nous dites d'où ils viennent, et moi j'ai envie de vous demander: Où sont-ils? Ces gens que vous avez aidés, maintenant, sont-ils encore dans la région?

Mme Beauvais: Est-ce que vous voulez dire depuis la création de l'organisme?

M. Paré: Oui, selon...

Mme Bauvais: Une grande partie de ces gens n'y sont plus. On me racontait, quelqu'un qui a oeuvré au début, à la création d'Action fraternité internationale, qu'à ce moment-là il y a eu beaucoup de gens placés dans les petites entreprises; mais, après le début des années quatre-vingt est survenue la crise, donc il y a eu beaucoup de fermetures de petites entreprises. Ces gens-là ont quitté pour des régions peut-être plus prolifiques au niveau de l'emploi, entre autres Montréal et Toronto.

Maintenant, depuis deux ans que je suis au service, je dirais que les trois quarts demeurent en région. Ce n'est pas mathématique, c'est selon moi. Cependant, ceux qui y demeurent ont de la famille ou, certaines fois, comme on parlait de réunification de famille, ils viennent rejoindre certains autres membres. À un moment donné, ils peuvent tous se déplacer aussi, la famille qui était déjà ici avec celle qui arrive, vers Montréal, pour l'emploi. Une grande partie quitte, je dirais, mais il en reste quand même qui ont le désir de s'implanter et d'y rester, même avec les difficultés reliées à l'emploi ou autres.

M. Paré: De toute façon, ce qui compte pour vous, c'est qu'ils soient sortis du lieu d'où ils demandaient, finalement, à sortir. Si vous les gardez, vous avez réussi; et si, eux, ont réussi à se placer ailleurs, ils ont réussi à s'en sortir. D'une façon ou d'une autre, le but même de l'existence de votre association, c'est ça, c'est de permettre aux gens de s'en sortir.

À un moment donné, vous dites - et vous avez raison - que, malheureusement, on n'a pas parlé de technologie, de mondialisation puis de développement, et on a l'impression qu'on s'en va toujours vers une société meilleure. Par contre, la misère augmente et le nombre de réfugiés aussi, toujours. Vous dites à un moment donné, en page 3, que c'est évident, il y en a 15 000 000. On a à peu près 50 % de cette population au Québec; on n'est même pas 8 000 000, même pas 7 000 000, et là vous dites: "En substance, nous savons bien que le Québec et le Canada ne peuvent résoudre le problème que de façon symbolique". Pour vous, de façon symbolique, vous voulez dire quoi? Ça va toujours être très restreint. Vous demandez qu'on puisse vous aider, mais on n'a pas d'espoir de pouvoir en faire beaucoup.

Mme Beauvais: Ça prend toujours une petite goutte d'eau dans un vase plein. C'est dans ce sens-là qu'on est bien conscients qu'on ne peut pas régler de façon générale le problème, qu'on s'y attaque de façon partielle. C'est dans ce sens-là qu'on l'illustre comme étant symbolique.

M. Paré: Qu'on fasse notre part et qu'on serve d'exemple, au moins, aux pays comme les États-Unis et les autres qui ont plus de moyens et qui sont plus impliqués là-dedans.

À la fin, dans votre conclusion, finalement, vous dites, et c'est ça qui semble être votre grosse interrogation: "Ces choses étant dites et compte tenu que vous spécifiez dans votre énoncé de politique que vous appuierez différents groupes et ferez la promotion du parrainage collectif, nous sommes donc très désireux et impatients de connaître les mesures concrètes que vous réservez en faveur des organismes qui s'occupent de réfugiés. " Donc, finalement, ce que vous voulez connaître, c'est les mesures con-

crêtes. Effectivement, les gouvernements sont là pour répondre aux besoins et les mesures sont souvent ce qui est demandé. Quels sont les espoirs que vous avez, en termes de mesures concrètes?

Mme Beauvais: Quand on parlait de lenteur des dossiers, c'est certainement une de nos attentes, que le ministère soit plus facilitant à ce niveau-là. Si on regroupe des parrains désireux d'investir des sommes d'argent et de participer à leur intégration, c'est sûr que, quand ça fait deux ans qu'ils attendent une personne, entre-temps ils ont été comme un peu démobilisés; ce qui n'aide pas à maintenir la motivation de départ. Dans ce sens-là, c'est certainement une de nos attentes: des critères qui faciliteraient la venue de ces gens au pays, en termes de temps, surtout.

M. Cormier: II y aurait aussi, je pense bien... On parle beaucoup de régionalisation au ministère depuis une couple d'années, mais il nous apparaît, nous autres, que... C'est bon qu'on en parle, puis il se prend des mesures comme, par exemple, l'ouverture, chez nous, d'un bureau régional; c'est excellent. D'autre part, il y a des choses qui ne sont pas faites et, à mon avis, tant qu'il n'y aura pas de réussite de la politique d'immigration vis-à-vis des réfugiés, tant qu'on ne prendra pas certains... Il y a des choses qui doivent être faites et puis, si ce n'est pas fait, ça n'aboutira pas.

Quelqu'un a signalé ça tout à l'heure, mais je ne me souviens plus quelle personne; c'est Mme la ministre, je pense. C'est sûr qu'il faut que les syndicats embarquent. Quelqu'un parlait des syndicats tantôt; il faut que les syndicats embarquent dans une action d'accueil aux réfugiés. Il faut que les centres de main-d'oeuvre embarquent là-dedans. Il faut que les centres de formation professionnelle embarquent là-dedans. Il faut que les employeurs disent... On répète qu'on ne trouve pas, des fois, de main-d'oeuvre spécialisée. On dit ça, mais qu'est-ce qui se fait, concrètement, pour s'assurer que des Vietnamiens qui arrivent, qui ne sont pas bons en soudure, disons, ou qui connaissent déjà la soudure, mais qui auraient besoin d'un cours d'adaptation, aient ce cours-là? Il ne se fait pas grand-chose de concret.

Il y a des gens qui restent chez nous, comme Mme Beauvais le disait, mais il y en a d'autres qui partent. On a vu un tas de gens extrêmement intéressants partir de chez nous, de Sherbrooke, pour s'en aller à Toronto, des gens qui partaient à regret. Ils ont été accueillis à Sherbrooke, ils se sont sentis bien accueillis, ils aiment la région, seulement ils disent: J'ai une belle job qui m'est offerte à Toronto, à 50 000 $. Le gars, il s'en va; puis sa femme qui est ingénieure s'en va aussi. Voici deux candidats, deux citoyens d'excellente qualité qui partent. Et ça, on en voit beaucoup qui partent comme ça. Et ça, je trouve ça triste pour notre province.

Quoi faire pour les garder, ces gens-là? Je pense qu'il y a des choses qu'il faudra qu'on fasse. Il va falloir qu'on investisse dans des moyens concrets pour faire en sorte que les gens restent en région. Et jusqu'à date on avoue, quand on parle de moyens concrets, on espère qu'ils viennent puis que ça ne retarde pas trop parce que c'est un peu triste quand les gens partent comme ça. C'est l'objectif, d'ailleurs, du ministère, de garder les gens chez nous, mais il manque peut-être de moyens concrets puis de structures vraiment efficaces.

M. Paré: Malheureusement, le président me dit que c'est fini. J'aurais aimé ça qu'on aborde au moins un autre sujet, là où on parle de ce que nous apportent ces gens-là, mais, en même temps, de ce qu'est la société. On dit que ces gens-là ont une habileté et une volonté de travailler puis, en même temps, c'est des consommateurs potentiels. Mais j'aurais aimé ça qu'on puisse vraiment prendre le temps de l'étudier. Oui, c'est vrai, mais, en même temps, on ne peut pas considérer qu'il y ait deux sortes de citoyens au Québec. On demande l'ouverture, par exemple, des centres pour la formation puis des syndicats. Il ne faudrait pas non plus - parce qu'on veut aider, puis il faut le faire - qu'on amène deux classes de travailleurs ou qu'on amène un appauvrissement collectif en disant qu'on a une main-d'oeuvre à bon marché. Je dois vous le dire, ça, il faut le reconnaître, mais moi, je préfère qu'on dise: On les amène, on les aide et on les forme pour qu'ils aient des emplois; parce qu'il y a l'accessibilité, on en a parlé ce matin, et le travail de qualité. Et moi, je dis: L'accessibilité puis le travail de qualité, c'est pour tous les Québécois, les moins nouveaux comme les nouveaux. Il ne faut pas risquer d'avoir une classe plus pauvre qui va amener un appauvrissement collectif. On en a tellement parlé dans les stages en milieu de travail, ou autre chose, de ce qui, finalement, amène, sur une masse salariale, des travailleurs à être plus pauvres; il ne faudrait pas se permettre ça. Il ne faudrait pas vouloir qu'il y ait un genre de ghetto de bas salariés qui va amener plus de salaires bas parce que, finalement, c'est une compétition par le bas et non par le haut. Malheureusement, je dois conclure, mais je trouve ça très intéressant et j'espère qu'on pourra continuer la discussion à un autre moment.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Shefford. Mme la ministre, en conclusion.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je veux vous remercier aussi pour cette présentation. Je ne peux qu'être d'accord avec vos arguments. Je

pense que si on veut régionaliser il faut aussi se doter de structures d'accueil. C'est bien beau accueillir, mais il faut aussi retenir nos immigrants. Je pense aussi qu'on a énormément de travail à faire dans nos régions en termes de sensibilisation, d'attitudes à modifier et aussi de mentalité à modifier. Alors, c'est un travail que nous aurons à faire au cours des prochaines années, bien sûr, mais je suis quand même optimiste. Je pense que si nous travaillons tous dans le même sens, et on sait, par exemple, que la région de Sherbrooke est une région qui a l'habitude de se concerter, qui a l'habitude d'arriver à relever des défis, on pourra les relever. Alors moi, je vous remercie beaucoup de votre présentation et bon voyage de retour. (17 h 30)

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Merci, mesdames et messieurs. Je vais maintenant appeler le groupe suivant à venir se présenter en avant; c'est le Conseil national indo-canadien. Si vous voulez venir en avant vous installer. Bonjour, messieurs. Je vous inviterai à vous présenter tout d'abord, et, en même temps, à commencer votre présentation. Vous avez, pour ce faire, 10 minutes.

Conseil national indo-canadien

M. Sankaran (Gowri): Merci, monsieur. Je m'appelle Gowri Sankaran. C'est compliqué, mais pas tellement compliqué comme on le trouve sur le tableau dehors. Ici, M. Jakhu et M. Goswami.

M. le Président, Mme la ministre, les membres de la commission, j'ai l'honneur et le plaisir de faire la présentation de la part du Conseil national indo-canadien et de l'Association nationale des Canadiens et des Canadiennes d'origine indienne, qui comprennent 80 % des associations indiennes au Québec et représentent une grande majorité des Québécois d'origine indienne.

Nous sommes très heureux d'avoir une occasion de présenter notre exposé sur l'immigration devant cette commission. Nous espérons que c'est un reflet de la déclaration du gouvernement décrivant la nature pluraliste de la société québécoise. Il est hautement louable que le gouvernement du Québec ait reconnu le rôle positif et indispensable que jouent les immigrants, non seulement comme élément d'un redressement démographique, mais aussi comme facteur de prospérité économique et de pérennité du fait français au Québec. Nous sommes convaincus que les immigrants se doivent, entre autres, de contribuer à la pérennité du fait français alors que le gouvernement devra améliorer ses efforts pour assurer aux immigrants la meilleure intégration possible. Cependant, nous nourrissons certaines réserves et inquiétudes qui concernent surtout les mesures envisagées pour atteindre les objectifs énoncés dans le document "Au Québec pour bâtir ensemble"

Notre appréhension la plus sérieuse concerne la recommandation de poursuivre une immigration plus active dans les pays où le français est parlé. Nous croyons que ça fait une grande emphase sur la connaissance du français en milieu de travail par opposition à une connaissance acquise du français, ainsi que plusieurs autres qualités désirables. Pour moi, j'ai choisi absolument volontairement de venir ici, au Québec, parce que j'aimais et j'aime la culture française. À cette époque-là, il y a trois ans, j'ai eu la possibilité d'aller en Colombie-Britannique ou de venir ici, et mon choix était évident. Je suis sûr que mon cas n'est pas isolé parmi mes compatriotes. Il n'y a aucune preuve statistique ou scientifique que les immigrants parlant la langue française s'intègrent mieux et plus rapidement à la société québécoise.

Selon le recensement de 1986, on conclut que 70 % des allophones de première génération parlent couramment le français. Oe plus, nous estimons que près de 100 % des gens de deuxième génération d'origine indienne sont compétents en langue française. Notre communauté est consciente du fait français du Québec et le supporte. Ceci s'applique d'autant plus à notre jeune génération. Compte tenu de l'importance du sujet, nous demandons à la commission de garder un esprit ouvert en ce qui a trait à la direction et à l'accroissement des efforts à l'immigration.

Pour atteindre l'objectif des 40 % d'immigrants parlant la langue française, le gouvernement doit renforcer son effort, non seulement dans les pays parlant français, comme par exemple dans une partie de l'Europe, mais aussi dans les pays comme l'Inde ou l'Egypte. Le potentiel de trouver des immigrants professionnels ou bien compétents dans différentes matières et qui parlent français couramment existe dans d'autres pays, comme je l'ai mentionné, l'Inde ou l'Egypte, par exemple. Enfin, le gouvernement devrait implanter dans divers pays de nouvelles infrastructures, ou collaborer avec les infrastructures existantes telles que l'Alliance française, pour améliorer la connaissance du français chez les immigrants potentiels, par exemple dans le cadre du programme de réunification des familles. Aussi, il devrait également sensibiliser le public au fait français et lui démontrer les avantages d'immigrer au Québec. Merci beaucoup.

Le Président (M. Messier): Je vous remercie beaucoup. Nous allons avoir une période d'échange d'une vingtaine de minutes. Mme la ministre, vous avez la parole en premier.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, je vous remercie. Merci pour la présentation de votre mémoire. Vous êtes un peu inquiet, finalement, devant la décision du gouvernement de recruter un pourcentage d'immigration francophone. Vous semblez avoir une certaine inquiétude. Je dois vous dire,

au départ, que lorsqu'on parle d'immigrants francophones ce ne sont pas des francophones pour des francophones, mais des francophones qui vont aussi s'intégrer et qui vont répondre aux objectifs économiques du Québec.

Si on essaie d'aller chercher un pourcentage un petit peu supérieur, c'est parce qu'il faut dire qu'on accueille déjà 50 % de notre population immigrante qui est allophone, ne parlant ni le français ni l'anglais. Donc, c'est un peu ce pourquoi le Québec, le gouvernement, essaie de faire un effort un petit peu pour recruter aussi des immigrants francophones.

Cependant, vous mentionnez qu'en Inde beaucoup de personnes éduquées parlent le français et qu'un grand nombre, d'Alliance française, entre autres, sont présentes dans le pays. Ces gens qui parlent le français se retrouvent dans quelle partie, à peu près? Est-ce qu'ils sont un peu regroupés? Est-ce qu'il y aurait du recrutement à faire? Est-ce qu'ils sont un peu regroupés ou s'ils ont déjà quitté l'Inde et sont déjà dans d'autres pays?

M. Goswami (Tapas): Merci, Mme la ministre. Au point de vue de l'inquiétude que nous avons à propos de ce qui a été annoncé pour les 40 %, ce n'est pas basé sur les 40 % comme tels. Ce que nous avons noté dans l'énoncé de politique en matière d'immigration, nous croyons que ça limite les gens de pays d'origine indienne qui sont aussi capables de bien s'intégrer assez facilement dans le milieu francophone, ici au Québec, et que ça exclut des gens qui sont compétents dans différents métiers ou des professionnels. Nous croyons que si le gouvernement base sa politique d'immigration simplement au niveau de la langue française, en effet, on exclut des gens compétents, soit professionnels ou compétents dans différents métiers, et qui appuieraient vraiment le développement économique du Québec.

Alors, dans cette partie, dans ce contexte, dans cette optique, nous croyons que c'est un objectif proclamé dans l'énoncé de politique du gouvernement du Québec. Nous croyons que ça va un peu plus loin que ce qui a été fait.

Deuxièmement, ceux que nous représentons sont vraiment les gens d'origine indienne, Québécois d'origine indienne, ici. Nous avons mentionné ceux d'Egypte, mais nous représentons vraiment plutôt la communauté indienne établie au Québec.

Mme Gagnon-Tremblay: Je reviens à notre pourcentage d'immigration francophone. Vous savez que, même si la personne parle la langue française, si elle ne répond pas au guide d'emploi du Québec, elle est éliminée automatiquement. Alors, nous voulons conserver aussi ce critère. Je pense que c'est important. C'est pour ça que je vous disais tout à l'heure que ce n'est pas uniquement de l'immigration francophone pour de l'immigration francophone. Je pense que, si, par exemple, quelqu'un voulait déjà suivre des cours de français avant son arrivée, il pourrait fort bien être eligible. Quand on parle de francophones, c'est la connaissance du français aussi; donc, ça se pourrait aussi, pour être eligible à notre grille de sélection.

L'autre question que je vous posais tout à l'heure, que ce soit, par exemple, au niveau des gens d'affaires ou encore tout simplement de la catégorie des indépendants... Parce que, ce que nous faisons, surtout en Inde, c'est davantage de la réunification familiale. Par exemple, il y a les statistiques que j'ai ici: en 1990, nous avons sélectionné 755 personnes en Inde dans la catégorie de la réunification familiale, c'est-à-dire 629 dans la catégorie de la réunification familiale. Mais, lorsque vous parlez d'indépendants, c'est-à-dire de travailleurs autonomes ou, entre autres, de gens d'affaires, de gens qui sont fort qualifiés, est-ce que ces personnes se retrouvent en partie en Inde ou si elles ont déjà quitté l'Inde et qu'elles pourraient être recrutées ailleurs, dans d'autres pays? J'entends toujours les personnes que vous identifiez comme parlant aussi le français.

M. Sankaran: Premièrement, à mon avis, c'est une question de différence entre la langue maternelle et la langue acquise. En Inde, définitivement, il y a d'anciennes colonies françaises comme Pondichéry et il y a des gens qui parlent la langue maternelle de Pondichéry. Mais, ce dont je parle, c'est à peu près une petite proportion de la population de l'Inde. Ce que je ne connais pas très bien, c'est qu'en Inde il y a à peu près 22 universités où on peut faire des études complètement en français. Il y a même des écoles distribuées dans des villes différentes, mais où on peut faire des études secondaires en langue française. Il n'y a pas trop de gens, mais quand on prend la population de l'Inde, avec 800 000 000, et qu'on parle d'à peu près 3 000 000 ou 4 000 000 de gens qui font leurs études en français, régulièrement... Peut-être qu'ils sont distribués également dans l'Inde entière, mais surtout dans les grandes villes comme Bombay, Madras, Delhi ou ailleurs. Peut-être qu'il n'y a pas une concentration de gens qui font ça, mais, à mon avis, il y a des gens qui le font déjà en Inde. Nous ne parlons pas seulement des gens qui ont quitté l'Inde.

Mme Gagnon-Tremblay: Qui ont quitté l'Inde, mais ceux qui sont sur place aussi.

M. Sankaran: Non, sur la place, là. (17 h 45)

Mme Gagnon-Tremblay: Donc, finalement, ce que vous mentionnez, c'est qu'il n'y a pas suffisamment de recrutement de la part du Québec dans ce pays pour aller chercher surtout, entre autres, les gens qui ont déjà une connais-

sance de la langue française. Comme vous le mentionniez, il y a déjà plusieurs universités qui enseignent le français, qui sont entièrement françaises. C'est un peu ça, finalement. C'est le recrutement qui manque, à ce moment-là.

M. Sankaran: Oui, madame. C'est ça que mon collègue a dit tantôt et que je voudrais répéter. C'est la même chose. C'est exactement... Il y a des universités où la langue française est la langue majeure. En effet, c'est la langue des universités qu'il a mentionnées. Puis, tantôt, la question que vous avez posée au point de vue du monde des affaires, c'est aussi aux Indes. Ce n'est pas ailleurs, je ne mentionne pas ailleurs, c'était à la place... Donc, la question qu'on nous pose, qui est sur le recrutement, au point de vue de la représentation du gouvernement du Québec, il n'y a pas assez de recrutement aux Indes. Alors, c'est un effet qui est véritable.

Mme Gagnon-Tremblay: Vous savez, on dit toujours que, pour faire la promotion du Québec à l'extérieur, il n'y a rien de mieux que quelqu'un qui provient du pays pour aller faire... Je pense que, même si je me transportais en Inde pour aller faire la promotion du Québec, je pourrais toujours essayer de convraincre certaines personnes, mais je pense que vous êtes beaucoup mieux placés que moi pour aller convaincre des gens du pays de venir au Québec et leur faire connaître aussi ce qu'est le Québec. Il y a une question de langue, mais il y a une question, bien sûr, de culture, il y a une question de climat, il y a une question de... Et aussi il faut que les gens soient très au fait de ce qui les attend au Québec. Donc, peut-être que vous avez raison lorsque vous mentionnez dans votre mémoire qu'il n'y a pas suffisamment de promotion. Mais est-ce que votre association a déjà pensé ou a déjà des ambassadeurs, par exemple, qui pourraient, en Inde, porter ce message?

M. Sankaran: C'est bien possible, évidemment. Par exemple, si, même, il y a beaucoup d'intérêt pour le français et le côté français... Par exemple, j'ai longtemps résidé à Bombay; j'ai profité de l'Alliance française à Bombay. La relation et l'attrait indien vont vers Paris et la France, surtout. Et, si on regarde le Québec comme une partie de l'Amérique du Nord, alors on n'a pas exactement le fait français du Québec. C'est mieux encore. Par exemple, il y a une autre commission, en plus du bureau de votre commission, pour l'Inde à Delhi, c'est tout. C'est l'autre commission du Canada. Alors, si on peut avoir un bureau du Québec, disons une ambassade de Québec ou quoi, à Bombay, par exemple, qui est une ville ultramétropolitaine, alors, on aurait le bénéfice d'avoir des gens de l'Inde qui viendraient ici pour le fait français; non seulement ils viendraient ici pour la prospérité économique mais avec l'intérêt pour le français.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. C'est certain que l'Inde est couverte par notre bureau de Bangkok, entre autres, et il faut dire aussi, cependant, que nous faisons des missions. Notre conseiller se rend en Inde faire des missions pour émettre des certificats de sélection. Donc, il faudrait voir aussi... C'est toujours la question du nombre parce que, avant d'ouvrir un bureau, il faut aussi voir le nombre de personnes. Aussi, il faut toujours prendre des arrangements, bien sûr, pour l'émission des visas, avec le gouvernement fédéral. Mais je pense que ce serait peut-être important qu'un organisme comme le vôtre, ou d'autres représentants de l'Inde, puisse aussi faire cette promotion du Québec auprès de sa clientèle francophone, entre autres.

M. Sankaran: Oui, c'est bien possible. Je pense peut-être aussi à une mission à Bombay, sur une base expérimentale, pour une période limitée. Bangkok, oui, mais Bangkok n'est pas près de Bombay, près de l'Inde; ce n'est pas facile de voyager.

Mme Gagnon-Tremblay: J'aurais peut-être juste une petite dernière question à vous poser. Nous allons actuellement à New Delhi. Est-ce que vous croyez que nous devrions plutôt faire notre mission a Bombay, justement, pour aller recruter ce bassin francophone?

M. Jakhu (Ram S.): M. le Président, permettez-moi de parler anglais, s'il vous plaît. I do not think it would make much difference if you opened the office in Delhi or Bombay. That is, I will say, from the French-speaking people's point of view, both cities are good because the diplomatic embassies are in Delhi so that a lot of courses are being taught in French also. But I will say Bombay is still the better place on that.

If I can add some points on the questions which you have raised, I think that the problem which we are facing or which we see in this statement is the impression about India being an anglophone country. Because the report says, the policy says that the emphasis will be only in French-speaking countries, that means the countries like India will be ignored. It may not be ignored intentionally but that will be the fact because of the limited resources of the Department of Immigration. Naturally it will be more concentrated on French-speaking countries. So the implications of that will be that countries like India or people from that part of the world will be ignored.

And I think that what bothers or concerns us more is the question of independent immigrants. Because the family class immigrants follow the independent immigrants, if the stress is on the selection of independent immigrants, and that is reduced from countries like India, naturally or consequently, the family class will

also be reduced. So, I think that these are the major concerns. And another aspect of that is that once the concentration is on the French-speaking countries, the present processing or the future processing of the family class will also be further delayed.

I want to bring to your notice, Madam Minister, the situation which our community, like some other communities, is facing. Now I am sure you are very much aware of the situation that spouses, the reunification of spouses and children from India takes more than two to three years, which is, in my view or in our view, inhuman. The reasons we are given is that there is lack of facilities. So our theories that if you consider only the French-speaking countries, the countries like India or people from there will suffer, not only the independent class but also the family class. Thank you.

Le Président (M. Messier): Merci. M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui, merci. Bienvenue à la commission. À la lecture de votre mémoire, il y a certains paragraphes sur lesquels j'aimerais avoir des précisions et je vais vous les lire en vous demandant vos commentaires. Il y a, entre autres à la page 8, le point 18. Je vais le lire. Ce n'est quand même pas très long. "Le gouvernement a, de façon arbitraire, mis en veilleuse les qualifications académiques des immigrants et ne reconnaît pas de façon adéquate l'expérience professionnelle étrangère. Une telle pratique crée des barrières artificielles qui empêchent les Indo-Canadiens d'oeuvrer dans leurs professions. Encore une fois, si le gouvernement est sérieux dans son engagement vis-à-vis l'intégration - et nous en doutons - il devrait régler ces problèmes sans tarder. Une action immédiate et opportune de sa part fournirait à notre communauté l'élément moteur pour l'intégration des Indo-Canadiens. " J'aimerais ça que vous m'expliquiez exactement c'est quoi. C'est une question d'équivalence? C'est une question de reconnaissance professionnelle? C'est quoi exactement, que vous dénoncez là-dedans?

M. Jakhu: I think that it is a very serious problem which our community or people from India are facing. The problem is not only the equivalence but also the non-recognition of the experience which persons gained outside Québec. For example, I got my master's degree in international law from India, that is equivalent to 17 years in Québec; but I was given 16 years of schooling without any explanation. And the worst is that equivalence, which is given by MCCI, is not recognized by the universities. So what good is it, the equivalence which is given by MCCI? So I struggled hard and did my doctorate in law at McGill University, but I was not accepted for a doctorate right away. I had to do my "maîtrise" again. And that is the discouragement and also denial of the experience and qualities of the people. And I think that it is a major problem.

The other is the non-recognition of the experience gained outside. A number of members of our community are school teachers; the experience which they gained, not only in India but also in other countries like Europe, that experience is not recognized by the Québec Government, the Ministry of Education. So they are not considered at par with others. So, I think that this is a very serious problem, and again, if that is what is looked into, then, that will facilitate the integration. Of course, integration is the one factor. Thank you.

M. Paré: O. K. Thank you. Deuxième question. C'est maintenant dans la conclusion, à la page 9 où, à la fin du premier paragraphe, il est écrit: "Une ouverture d'esprit encore plus grande chez la majorité francophone contribuera largement à remédier aux lacunes du passé et facilitera la structuration d'une société pleinement intégrée dont l'unique spécificité serait le fait français. " Je voudrais avoir vos commentaires là-dessus, mais je voudrais en passer un aussi en vous disant que, depuis le début de la commission et d'une façon assez régulière dans les mémoires, il est clairement identifié que, oui, ce qui fait la spécificité de la société québécoise, c'est le fait français, c'est la langue, mais que ce n'est pas seulement une question de langue; c'est une question de culture, c'est une question de manière de vivre. C'est la culture plus large que juste la langue. Si vous écrivez ça: Une ouverture d'esprit encore plus grande pour faciliter l'intégration, vous écrivez ça pour avoir quoi? Qu'est-ce qui vous amène à demander ça? Est-ce que vous sentez que vous n'êtes pas bien accueillis ou... J'aimerais ça, savoir pourquoi vous demandez, dans la conclusion, une chose semblable?

M. Jakhu: Dans la conclusion...

M. Paré: C'est dans la conclusion, à la page 9, à la fin du premier paragraphe de la conclusion, vers la fin de la page. Ça commence par: "Une ouverture d'esprit... " C'est la dernière phrase du premier paragraphe de la conclusion. Est-ce que vous avez une perception, ou vous sentez que la majorité des Québécois francophones ont une perception par rapport à vous qui n'est pas favorable ou positive? Je ne sais pas, j'essaie d'interpréter la phrase.

M. Jakhu: I think the majority of the French population is very receptive. I must say that I travel extensively in Québec with my broken French - or, at least, I can understand French rather than I can speak or articulate the arguments in French. I have seen open arms; a

very, very warm reception which I personally got and I think that it is the perception of most of the people from our community. I think that what we have tried to mention here is the institutions, for example, the Department of Immigration, and that is not very, very hospitable. You see, whenever somebody comes... O. K. There are two factors. One is if a person of Indian origin comes, the person of the Immigration Department will start speaking in English. It may facilitate and I think it shows... But I think that what bothers us again is the perception that Indian people are only Anglophone. Actually, they are not; most of them are French-speaking. The thing is that the service we got is less than what we deserve as equal partners.

I think that is the perception. I think the members of the Immigration Department and other departments have to be more sensitive to our requirements, our necessities. I think this is what we tried to mention here.

M. Paré: Vous savez que l'un des buts de la commission, ici, c'est d'aller chercher des informations des nouveaux Québécois, mais aussi de parler avec l'ensemble de la population. Ça nous permet une sensibilisation. On en a parlé; il faut que les nouveaux Québécois s'intègrent et il faut que les Québécois déjà au Québec accueillent, le plus largement possible et le mieux possible. Je retrouve une phrase, toujours à la page 9, au point 20, qui me semblerait quelque chose qui viendrait probablement faire en sorte que les groupes se retrouvent. Je lis la première phrase et, si vous l'avez écrit là, c'est que vous êtes d'accord. Et, si vous êtes d'accord, j'ai l'impression qu'on vient de s'entendre sur pas mal de choses. Voici trois des particularités qui distinguent la société québécoise. Vous en donnez une définition: "Le français est la langue commune de la vie publique. " Deuxième point: "Le Québec est une société démocratique" et, troisième point: "Le Québec est une société pluraliste. " (18 heures)

Toute personne désireuse de s'établir au Québec devrait accepter ces trois caractéristiques et le processus d'intégration des immigrants devrait en tenir compte. "

Mais par contre, dans le reste du paragraphe, qui est interrogatif, on se demande lequel des points est prioritaire: Est-ce la facette du point 1 qui dit que la société québécoise, c'est une société francophone, ou le point 3 qui dit que c'est une société pluraliste? Je la lis pour que les gens qui n'ont pas le texte puissent la comprendre. "Cependant, la question de la pérennité du fait français soulève certaines interrogations. La poursuite de cet objectif signifie-t-elle que le français constitue la langue du commerce ou exige-t-elle la domination du français dans tous les aspects de la vie culturelle du Québec? La capacité de parler français et de faire des affaires en français est-elle suffisante pour contribuer au développement du fait français? La priorité du français se limite-t-elle à la langue seule ou s'étend-elle à tout ce qui est d'origine française? Le concept de société pluraliste, dans ce contexte, veut-il dire l'unilin-guisme dans une égalité de cultures?"

Je vois l'interrogation que vous vous posez par les questions que vous nous posez. Ça veut dire que l'on met dans la balance, finalement, ce qui est un débat de société, et c'est bien qu'on l'amène. On reconnaît, parce que vous avez mis a, b et c, une société française et une société pluraliste. Vous finissez en disant: Si elle est pluraliste, ça veut dire que, dès qu'il y a une connaissance du français, on pourrait être moins exigeants dans le vécu du français. Vous n'avez rien, je pense, contre une société qui veut vivre en français. Et une des questions que vous posez: Est-ce que ça veut dire que le commerce doit se faire en français? Moi, je dois dire que c'est ce que la loi 101 dit et c'est ce que la société québécoise veut de plus en plus: une société dont le commerce... la langue de travail va être le français. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ou est-ce que vous considérez que, ça, c'est une domination du français?

M. Goswami: Dans notre réponse, je ne crois pas que nous voulions dire que c'est une dominance de la langue française. Nous acceptons, c'est évident, le fait français au Québec. Sans doute, nous l'avons déjà mentionné au départ dans le rapport que nous vous avons présenté. L'inquiétude qui revient encore, c'est la chose dont on a parlé au départ, qui est le pourcentage de cette immigration qu'on a appuyée. C'est dans ce contexte et dans l'optique de cette discussion que nous avons posé cette question pour savoir si nous acceptons la société québécoise comme un fait français. En même temps, nous voulons aussi avoir l'assurance que c'est une société pluraliste qui respecte les droits de tous les citoyens québécois, peu importe d'où ils viennent. C'est dans ce contexte que nous avons mentionné cette partie. Sans doute, nous ne sommes pas contre ce fait français et nous ne mentionnons pas la domination du français dans cet aspect. C'était particulièrement dans cette optique que nous mentionnions que nous acceptons le fait français et que, en même temps, c'est une société pluraliste. Nous voulons savoir... Nous respectons l'égalité des différentes cultures qui sont établies au Québec.

Le Président (M. Messier): Peut-être quelques mots de remerciements, M. le député.

M. Paré: Oui, en concluant, j'aurais aimé ça qu'on puisse poursuivre; malheureusement, on me dit que c'est fini. Mais, si je comprends votre réponse, ce que vous désirez de la société québécoise, c'est qu'elle soit pluraliste, qu'elle

soit ouverte, qu'elle soit accueillante. Mais, en retour, toute la population, peu importe notre origine, reconnaît qu'au Québec ça se passe en français, dans la langue commune et dans la langue des affaires. Merci.

Le Président (M. Messier): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci. Je vous remercie également pour cette présentation. Je souhaite justement que vous vous fassiez les ambassadeurs, finalement, de la promotion du Québec en Inde, entre autres. Je pense que c'est important. Vous l'avez mentionné tout à l'heure, il y a quand même une clientèle de parlant français. Je sais aussi que les gens de l'Inde sont des gens d'affaires, qui ont le sens des affaires. Dans ce sens, je pense que cette expérience est aussi une expérience qui est très bienvenue au Québec. Alors, je vous remercie et je vous souhaite un bon voyage de retour.

Le Président (M. Messier): Je remercie le Conseil national indo-canadien, je vous souhaite un bon retour.

MM. Michel Le Blanc et Daniel Blais

Je vais inviter M. Michel Le Blanc et M. Daniel Blais à se présenter à la table, s'il vous plaît.

M. Blais et M. Le Blanc. Lequel des deux est M. Le Blanc?

M. Le Blanc (Michel): C'est moi.

Le Président (M. Messier): Enchanté. Bonsoir.

M. Le Blanc: Bonsoir.

Le Président (M. Messier): Et, à votre droite, c'est M. Blais.

M. Blais (Daniel): Bonsoir.

Le Président (M. Messier): On a une trentaine de minutes ensemble, une dizaine de minutes pour la présentation de votre mémoire et, après ça, il va y avoir échange de part et d'autre. On vous laisse...

M. Blais (Daniel): M. le Président, Mme la ministre, MM. les députés, mesdames et messieurs, nous sommes présentement des étudiants en formation des maîtres à l'Université de Sherbrooke, c'est-à-dire que nous faisons un CAPES, qui se traduit par "certificat d'aptitude professionnelle en enseignement au secondaire". Alors, nous sommes les futurs enseignants de la société québécoise. Notre conscientisation s'est faite à partir d'un cours à options qui était à notre choix et, vu que le titre de ce cours nous intéressait, nous l'avons choisi. Dans le cadre de ce cours, notre sensibilisation s'est accrue au phénomène pluriethnique grâce à nos professeurs qui, eux, par ailleurs, enseignent déjà le français dans un COFI. Nous avons eu l'immense loisir de discuter avec les personnes responsables de ce même COFI, qui nous ont grandement éclairés sur le sujet ainsi que sur les derniers développements dans le domaine.

Aujourd'hui, nous avons terminé notre cours et nous tenons à partager ce que nous rapporte notre formation actuelle. Nous sommes particulièrement sensibilisés à cette cause pour prendre des engagements qui soutiendront les divers efforts mis en oeuvre pour favoriser l'intégration des immigrants. Nous sommes assurés que nos interventions seront efficaces, d'abord par le fait que nous avons été conscientisés et, ensuite, parce que nous avons reçu des outils adéquats pour notre enseignement.

Nous allons vous entretenir particulièrement de notre vision de l'éducation. En tant qu'éducateurs, sous la tutelle du ministre de l'Éducation, nous sommes l'un des premiers contacts humains que les immigrants peuvent percevoir de la réalité québécoise. Nous avons donc un rôle capital comme intervenants auprès d'eux dans le rouage de l'intégration. L'éducation des jeunes qui sont déjà cette future génération qui vivra quotidiennement la cohabitation interculturelle pourra prendre un visage renouvelé si nos interventions sont adéquates. Pour ce faire, nous devons nécessairement mettre en place des conditions favorables et propices, facilitant du mieux qui soit leur intégration dans le milieu ainsi que dans le milieu social.

M. Le Blanc: Comme moyen concret, il existe dans la loi 107 un article sur le projet éducatif de l'école. Or, il est justement possible d'implanter une pédagogie interculturelle faisant corps avec le projet éducatif de l'école. De plus, la pédagogie interculturelle doit être pratiquée dans l'ensemble des disciplines scolaires et elle nécessite aussi, par le fait même, un programme de transition. Si nous poursuivons dans cette visée, il va de soi qu'une adaptation des pratiques éducatives se trouve essentielle. Ces moyens sont des conditions qui, de fait, sont chapeautées par les dix principes d'action en éducation interculturelle qui, eux, sont répartis en trois groupes.

Pour commencer, le premier groupe, qui contient les trois premiers principes, consiste à promouvoir la participation scolaire et le développement de l'identité. Or, le premier principe, c'est une plus grande connaissance de la contribution des groupes ethniques minoritaires à la société, qui favorise le développement d'une meilleure image d'eux-mêmes. Ceci implique: de reconnaître la pluralité ethnique comme une richesse dans l'école et non pas comme une

source de problèmes; d'expliquer les phénomènes reliés à l'immigration et à ('"acculturation"; de mettre en évidence les bienfaits de l'immigration dans un pays, sans cacher les problèmes entraînés par ce phénomène; d'expliquer pourquoi l'apport de certains groupes est souvent méconnu, biaisé ou même ignoré dans l'histoire de notre pays et de présenter aux élèves des minorités ethniques des figures d'identification valables.

Comme deuxième principe, une initiation à la sous-culture de l'école engendre une meilleure intégration à l'école. Pour cela, il faut essayer d'abattre les barrières d'incompréhension et de communication en prévoyant des moyens pour initier les élèves à cette sous-culture, comme: l'initiation des nouveaux arrivants à la sous-culture de l'école par leurs pairs de la même culture; l'exploitation des caractéristiques du milieu scolaire dans lequel les élèves évoluent; une bonne connaissance des caractéristiques propres à l'école et le développement d'un sens d'appartenance au milieu; une prise en considération des habitudes concernant le travail scolaire dans les familles des élèves de minorités ethniques.

Et, comme troisième principe, l'élimination des barrières pédagogiques à la pleine participation de tous les élèves favorise une meilleure égalité des chances en éducation.

Aussi, nous devons porter une attention particulière, par exemple, aux diverses pratiques en éducation: les activités parascolaires très courantes ici, mais que certaines religions interdisent; les images que les élèves se font du rôle de l'enseignant; certaines pratiques scolaires et sociales et réprouvées par des parents d'élèves de minorités ethniques; certaines pratiques scolaires qui existent depuis longtemps et que l'on tient pour acquises, et des activités et des célébrations qui ne reconnaissent que la culture de certains élèves.

Le deuxième groupe de principes, qui contient les quatre autres, vise à promouvoir la participation à la société. Or, le quatrième, la reconnaissance du développement plurilinguistique des élèves, favorise une meilleure acculturation. Voici quelques considérations à ce sujet. L'élève d'une minorité ethnique vit très souvent une situation linguistique d'une grande complexité. La très grande proportion de ces élèves est bilingue ou, même, polyglotte. Les élèves et les parents des minorités ethniques veulent apprendre le français de même que préserver leur langue d'origine.

Comme cinquième principe, la prévention et la dénonciation des préjugés, des stéréotypes, de la discrimination et du racisme favorisent des relations égalitaires et une plus grande participation à l'école et à la société.

Sixième principe, la reconnaissance des différences entre les groupes ethniques favorise une meilleure acceptation de la pluralité, mais la mise en valeur de leurs similitudes est plus efficace pour éliminer les barrières et la compétition. Alors, voici quelques points traduisant aussi cette préoccupation: Mettre d'abord en valeur les similitudes entre les groupes culturels afin de favoriser les rapprochements; favoriser la prise de conscience des différences afin de valoriser l'enrichissement interculturel, et faire porter cette réflexion relativement aux similitudes et aux différences sur les modes de vie plutôt que sur les styles de vie.

Septième principe, la création de conditions de collaboration et d'entraide chez les groupes ethniques favorise la reconnaissance d'un vécu commun et contribue à diminuer la compétition entre eux. Il faut explorer la possibilité de devenir des partenaires égaux. Entre autres, les pratiques suivantes peuvent aider: la collaboration d'élèves de divers groupes à la réalisation de travaux scolaires; la valorisation de toutes les ethnies en évitant de placer les mêmes groupes en situation d'infériorité; émulation et non pas compétition; résolution des problèmes communs; création d'un climat d'ouverture et de partage entre les groupes et les individus ayant des expériences communes et travail en sous-groupes pluriethniques.

M. Blais (Daniel): Pour le troisième groupe qui englobe les derniers principes, c'est-à-dire les huitième, neuvième et dixième, la mise en évidence des styles de vie des groupes ethniques, des us et coutumes, mais surtout de leur mode de vie. L'univers des valeurs, des croyances, des attitudes, des opinions, etc., entraîne une meilleure compréhension interculturelle.

Le neuvième principe est une prise en considération de la culture subjective qui permet à chacun des élèves de se sentir reconnu dans son processus de socialisation et d'acculturation.

Comme dernier principe, c'est l'identification des représentations que les élèves ont des différents groupes ethniques qu'ils côtoient, contribuant à diminuer les stéréotypes et les préjugés tout en améliorant les relations interethniques. Voici quelques objectifs qui s'inspirent de ce dernier principe: décrire et expliquer les perceptions réciproques exprimées par (es élèves, expliquer les fonctions sociales ou culturelles de certains comportements; sensibiliser les élèves au fait suivant: Les perceptions sont, la plupart du temps, fondées sur des faits ponctuels, non représentatifs de toutes les situations et de tous les individus. Ils ont peut-être tendance à reproduire des messages véhiculés par la famille, lesquels prennent souvent plus forme de représentation.

M. Le Blanc: Certaines situations s'expliquent sociologiquement ou autrement. Voilà pour les conditions et les principes que nous venons d'énoncer. Il faut dire qu'ils sont tirés du deuxième livret de M. André Beauchesne et, pour

toutes ces raisons que nous venons d'invoquer, nous vous suggérons, comme exigence minimale, un cours d'éducation interculturelle à l'échelle provinciale faisant partie d'un curriculum, d'un programme pour l'obtention d'un permis d'enseignement.

Nous demandons aussi que le MCCI fasse une forte recommandation au MESS en s'adres-sant au Conseil des universités pour qu'un tel cours apparaisse concrètement dans le corpus des programmes de toutes les universités du Québec pour la formation des maîtres. Ainsi, nul ne pourra s'esquiver de la réalité interculturelle. Par conséquent, il serait profitable pour l'ensemble des enseignantes et enseignants du Québec qu'ils puissent bénéficier des outils indispensables à cette fin pour un enseignement adapté à la clientèle interculturelle.

Maintenant, passons aussi au matériel didactique adapté. Nous suggérons que le ministère de l'Education produise des fascicules appropriés accompagnant les programmes et guides pédagogiques destinés aux enseignantes et enseignants. Les scénarios d'apprentissage envisagés par ces documents d'appoint intégreraient la réalité interculturelle en misant sur la coopération, sur l'entraide, sur l'échange de visions sur le monde, sur des stratégies pédagogiques mettant en évidence la diversité ethnique, tant par l'expérience que par les valeurs, ainsi que sur l'universalité de l'expérience humaine, et encore. (18 h 15)

Pour tous ces points, nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Messier): Avant de vous donner trois crédits pour votre présentation, je vais passer la parole à Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, je veux vous remercier pour le travail que vous avez fait à préparer ce document. Je trouve ça vraiment intéressant, surtout de la part de deux étudiants. C'est la première fois, je pense, depuis le début de notre commission parlementaire. Vous êtes les premiers étudiants à nous faire partager votre réflexion. Et, dans ce sens-là, je vous félicite et je suis très fière, d'autant plus que ces deux étudiants viennent également de la région de Sherbrooke. Alors, on se préoccupe de plus en plus du phénomène de l'immigration. Je ne sais pas si c'est parce que, moi-même, j'en parle depuis mon arrivée au ministère et que je ne cesse de faire passer le message, aussi bien en région qu'à l'extérieur, mais je trouve ça quand même intéressant de voir cette ouverture qui n'existait pas et qu'on ne sentait pas il y a quelque temps.

Alors, je vous remercie. Bien sûr, en tant que futurs maîtres, en tant qu'étudiants qui terminez un cours, est-ce que vous trouvez, par exemple, que le cours que vous avez suivi en formation des maîtres, au point de vue de l'éducation interculturelle, a été suffisant? Est-ce qu'on aurait pu améliorer davantage, surtout à la suite de ce que vous avez entendu, par exemple, cet après-midi à la commission parlementaire, sur les difficultés de même que, finalement aussi, les mesures qu'on doit mettre en vigueur?

Est-ce que vous croyez avoir reçu une formation suffisante lorsque vous dites qu'elle devrait non seulement être suffisante mais obligatoire? Est-ce qu'on devrait pousser davantage? Y aurait-il encore des choses à modifier?

M. Le Blanc: Je crois pouvoir dire qu'il y a toujours de quoi à améliorer. C'est un fait. Maintenant, il reste que la meilleure expérience, c'est le bain ou l'immersion. Or, présentement, en région, ce ne sont pas toutes les écoles qui ont adopté des projets concrets pour un projet éducatif d'école qui envisage cette réalité-là. Donc, pour ce faire, juste à Sherbrooke, il n'y a que l'école Le Phare qui a un projet d'éducation internationale, qui vise justement cette réalité interculturelle. Puis, il y a aussi l'école Larocque au primaire. Mais je pourrais dire que plus les écoles et les commissions scolaires s'engageront dans cette optique-là, plus, aussi, il sera facile d'intégrer une pédagogie parce que c'est aussi, comme je l'ai dit tantôt dans les conditions, interdisciplinaire. Donc, chacun a aussi sa part, même selon sa discipline, une possibilité d'adapter les cours. Ça, c'est peut-être manquant encore dans la formation.

Mme Gagnon-Tremblay: Si on devait obliger, par exemple, à l'obtention de certains crédits au niveau de l'éducation interculturelle, et si même on devait rendre obligatoire cette formation pour pouvoir enseigner, est-ce qu'à ce moment-là il faudrait, en plus de la formation théorique que vous pouvez recevoir... Si j'ai bien compris, vous souhaiteriez peut-être qu'il y ait un stage vraiment dans un milieu où il y aurait pleine immersion, finalement, et qu'on soit véritablement... qu'on en connaisse davantage les difficultés, les problèmes, et aussi... pas seulement les problèmes, mais l'enrichissement que ça peut apporter?

M. Blais (Daniel): Disons que, si on revient à ce qu'on recommande, vous avez entendu, dans notre mémoire, on a essayé d'être le plus constant possible. C'est évident qu'on n'irait pas jusqu'à demander au gouvernement d'enlever le permis d'enseignement aux personnes qui ont cinq, six ans d'expérience s'ils n'ont pas suivi ces trois cours-là. Nous souhaiterions que ce soit à la base même, à l'université, qu'on l'impose dans le curriculum scolaire. Bien entendu, chaque expérience personnelle va enrichir la démarche professionnelle.

M. Le Blanc: Ça pourrait aussi s'adapter par

rapport à des cours. Il y a toujours une forme, je pourrais dire, de renouvellement. On a toujours à se remettre à jour. Alors, ça peut même faire partie de ces cours-là, où les professeurs ont toujours...

Mme Gagnon-Tremblay: Une formation continue...

M. Le Blanc: Oui, oui. À garder. Alors, ça aussi, ça en fait partie.

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que vous avez pris connaissance de la formation interculturelle dans les programmes de formation des maîtres dans les autres universités? Est-ce que vous vous limitez à l'Université de Sherbrooke ou si vous avez également fait une étude dans les autres universités, si ça semble être identique, semblable ou bien différent?

M. Le Blanc: Moi, en tout cas, j'avoue mon ignorance, à savoir si les autres universités le font ou ne le font pas. Je sais cependant une chose, c'est que le cours d'éducation interculturelle, c'est, entre guillemets, un bébé de M. André Beauchesne. Donc, quelque part, c'est comme une forme d'innovation ici, en Estrie. Maintenant, je ne peux pas dire s'il est implanté ailleurs dans les autres universités.

Mme Gagnon-Tremblay: Vous avez aussi parlé de matériel didactique. Est-ce que vous... Lorsque vous avez suivi vos trois crédits, est-ce que vous vous êtes rendu compte qu'il y avait vraiment une faille à ce niveau-là? Est-ce que vous auriez souhaité avoir du matériel plus à point ou...

M. Le Blanc: Bon, moi, je vais parler pour ma matière. Je travaille en enseignement moral et en enseignement religieux. Je puis dire que les documents approuvés par le ministère au niveau de /'enseignement moral sont très adéquats. Pour l'enseignement religieux, ça pose certaines interrogations, entre guillemets. Je sais aussi pertinemment bien, pour d'autres matières, que le matériel n'a pas encore subi d'adaptation réelle sauf le renouvellement, peut-être, de la reliure.

M. Blais (Daniel): Dans mon cas, je suis plutôt en sciences, chimie, biologie, physique. En biologie, ce n'est pas si mal. Du côté chimie et physique, c'est à travailler. On utilise encore du matériel des années soixante-dix. Ça commence. Ça débute. Il y a beaucoup, on pourrait dire, d'entreprises qui essaient de passer leur matériel pour approbation en incluant simplement certaines photographies et même certains croquis qui ne font aucunement allusion au texte. Donc, il y aurait des choses à faire là-dessus aussi.

Mme Gagnon-Tremblay: Donc, ceci signifie que le ministère aurait aussi avantage à travailler avec les universités dans le but de leur donner le coup de main pour préparer du matériel didactique pour cette formation.

M. Le Blanc: Oui, ça irait de pair. Si on veut être cohérents et en pleine congruence pour une société qui, demain, va prendre un visage de plus en plus diversifié au niveau ethnique, bien, ça serait logique de...

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

Le Président (M. Messier): Merci. Peut-être le plus vorace des députés de l'Opposition, le député de Shefford. Il faut les mériter, ces trois crédits-là.

M. Paré: Ce n'est pas difficile d'être le plus vorace cet après-midi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paré: Merci, M. le Président. Moi aussi, je vous souhaite la bienvenue à la commission et je vous remercie de votre contribution. Je trouve ça un peu dommage que les gens qui étaient juste avant vous soient partis. Vous êtes la preuve vivante de l'ouverture d'esprit de la majorité francophone et ça fait du bien de voir des nouveaux enseignants à venir très préoccupés par cette nouvelle réalité québécoise. C'est intéressant de voir comment, premièrement, vous êtes bien sensibilisés à ce qui s'en vient, juste par les commentaires que j'ai entendus en vous écoutant quand vous parliez des problèmes que vivent les jeunes.

Effectivement, les nouveaux Québécois nous arrivent tout jeunes, pris avec un nouveau monde, une nouvelle façon de vivre et presque l'obligation qu'on leur donne d'apprendre deux nouvelles langues s'ils n'ont pas déjà le français ou l'anglais. Donc, c'est des jeunes qui sont déjà pris dans un tourbillon qui est beaucoup plus exigeant que ce que nos petits Québécois ont à vivre en étant ici depuis longtemps. Et quand vous dites - et je suis tout à fait d'accord avec vous - qu'il faudrait prendre les moyens dans l'éducation pour valoriser les groupes, non pas les mettre les uns contre les autres mais les valoriser... Effectivement, peu importe d'où ils viennent, ils sont tous des gens qui méritent de l'être, valorisés.

Donc, là-dessus... et je suis d'accord avec vous quand vous dites que ça prend des cours interculturels pour la formation des maîtres, à partir de maintenant, parce que, peu importe où on va se trouver, ce n'est pas seulement à ceux qui sont à Montréal, où il y a beaucoup, beaucoup de communautés regroupées au sein d'une même école qu'il faut penser. Si on veut de la régionalisation, même s'il y en avait juste un, deux ou trois dans une classe, il faut avoir la

môme préoccupation, être capables de lacceplor au moment où ça va arriver et ne pas prendre ça comme si on faisait... Quand on a dit, à un moment donné, qu'il faut intégrer dans les classes les personnes avec une déficience ou quelque chose, le professeur, s'il n'était pas préparé à une nouvelle situation, pour lui, ça devenait quelque chose de grave alors que, pour vous, ça ne semble pas être ça.

Mais j'ai une question à vous poser parce qu'on en a entendu, des professeurs et des groupes représentant les commissions scolaires ou les écoles, venir nous dire la réalité vécue dans les quartiers de Montréal, que ce soit l'école Saint-Luc ou n'importe laquelle, où il y a, dans certains cas, plus de 80 % des élèves qui sont de minorités ethniques culturelles. Est-ce que vous avez visité de ces écoles? Est-ce que vous avez parlé à ces professeurs? Est-ce que vous avez une vue réelle de la situation qui se vit là? Ce n'est surtout pas pour vous décourager, au contraire. Est-ce que - comment dirais-je ça... Votre intérêt par rapport à ça, moi, me stimule, mais avez-vous vu sur place la réalité?

M. Le Blanc: Moi, je dois affirmer, pour ma part, que non, mais, pour connaître ma région en Estrie, je me suis renseigné surtout auprès des COFI pour savoir ce qui se passe, ce qui se vit, et aussi auprès des écoles que j'ai nommées tantôt. C'est présentement, je pourrais dire, les modèles dans ma région parce que je veux d'abord oeuvrer là. Ce n'est pas que je ne porte pas un intérêt à Montréal, mais je ne me suis pas, je pourrais dire, mis à jour dans tous les détails qui se passent à Montréal.

M. Paré: Toujours dans la préparation des professeurs, il y a aussi la préparation de la collectivité dans la sensibilisation. Il ne faudra pas l'oublier, effectivement, la meilleure sensibilisation... Il y a des gens qui l'ont compris; quand on parle d'environnement, par exemple, de recyclage, de cueillette, les intervenants ont dit: La première place où il faut aller pour sensibiliser la population, c'est chez les jeunes, dans les écoles et, ensuite de ça, ils vont convaincre les parents. C'est la même chose si on veut changer la mentalité par rapport à l'accueil des nouveaux Québécois. Vous avez raison, il faudra le faire dans les écoles, d'une façon souvent la plus simple mais la plus importante parce que c'est la façon imagée dans, finalement, tout ce qui est pédagogique. Vous avez raison, une image vaut 10 000 mots. Il y a déjà eu une politique qui avait commencé là-dedans, dans le sens de la transformation des volumes; malheureusement, la politique a été abandonnée, mais il faudra la ramener, et très rapidement. Effectivement, il faut que le jeune s'habitue à voir, dans sa réalité d'études quotidiennes, qu'il est dans une réalité qui évolue. Quand le jeune, lui aussi, verra arriver dans sa classe des gens des mino- rités culturelles ou des minorités visibles, lui non plus, il ne devra pas avoir une réaction comme s'il arrivait quelque chose de pas normal alors que ça va devenir le quotidien.

Vous prouvez par votre présence ici, par le document que vous avez présenté et ce que vous avez dit, votre intérêt par rapport à cette nouvelle école moderne qui serait adaptée au Québec qui évolue. Vous n'étiez pas tout seuls dans votre classe, c'est évident. Vos collègues étudient la même chose que vous autres pour devenir des enseignants; est-ce qu'ils ont cette même perception, cette même volonté? Est-ce qu'ils ont cette même réaction par rapport à leur profession qui s'en vient, avec un contexte qui change?

M. Le Blanc: J'ose croire que oui. D'abord, le cours est un choix; je veux dire que c'est un cours à option, mais c'est un cours qui était au choix parce qu'on avait une possibilité de deux. Le fait qu'on ait choisi ce cours-là montre, je pourrais dire, un premier intérêt. Et le fait, aussi, d'avoir terminé tout le cours ensemble, je pourrais dire, montre un deuxième intérêt qui est plus profond, celui de continuer à garder une sensibilisation et à creuser davantage tout le processus que ça peut engager auprès de l'éducation, auprès de la modification sur laquelle on aura à intervenir auprès de ces jeunes.

M. Paré: Vous avez parlé d'une foule de choses, je dois le dire, et je ne voudrais pas toutes les reprendre parce que je pourrais répéter, mais effectivement, avec le projet de loi 107, de plus en plus, dans le fameux projet éducatif, il y a des écoles qui vont avoir des projets d'intégration ou de valorisation. Je pense que si, à l'intérieur de ces écoles-là, on retrouve des professeurs comme vous en êtes, on risque que le projet, qu'il soit élaboré par les comités d'école ou les comités de parents, soit finalement un succès. Je le souhaite. Je vous souhaite bonne chance dans votre profession. Comme il est 18 h 30, avant que le président ne me le dise...

Le Président (M. Messier): Nous devons...

M. Paré: ...parce qu'on se le fait dire souvent...

Le Président (M. Messier): ...incessamment terminer nos travaux.

M. Paré: ...incessamment. Je dois vous dire que je suis bien content que vous soyez venus. Je pense que c'est un espoir, finalement, de vous entendre par rapport à l'objectif d'intégration qu'on a très largement à cette commission.

Le Président (M. Messier): Mme la ministre va vous remercier.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je veux également vous remercier pour la présentation de ce mémoire. Je suis très heureuse de voir que vous vous intéressez à cette cause qui est fort défendable. Je veux aussi profiter de l'occasion pour vous souhaiter bonne chance dans votre future carrière.

Le Président (M. Messier): On vous accorde vos trois crédits. Bonne fin de soirée et bon retour à Sherbrooke. On ajourne nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 30)

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