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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 27 mars 1991 - Vol. 31 N° 28

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration, ainsi que sur les niveaux d'immigration souhaités de 1992 à 1994


Journal des débats

 

(Neuf heures trente-six minutes)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons commencer nos travaux pour continuer la consultation générale qui est en cours depuis quelques semaines. Elle porte sur l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration intitulé "Au Québec pour bâtir ensemble" ainsi que sur les niveaux d'immigration souhaités pour les années 1992, 1993 et 1994.

Nous avons un ordre du jour pour cet avant-midi fort chargé. Nous allons donc nous en tenir rigoureusement à l'horaire qui est devant nous. Nous commençons dès maintenant avec l'Office des services de garde à l'enfance. Je les invite à prendre place à la table de nos invités.

Alors, je vois que nos invités ont pris place à l'avant. Je leur souhaite la bienvenue. Je leur demande de se présenter et, ensuite, de passer à la lecture ou au résumé de leur mémoire, une vingtaine de minutes. Après ça, la conversation s'engage avec vous des deux côtés de la table. Nous vous écoutons.

Office des services de garde à l'enfance

Mme Marcotte (Nicole): Alors, je suis Nicole Marcotte, la présidente de l'Office, et j'ai, à mes côtés, Mme Ginette Galarneau, directrice de la recherche, et Monique Proulx, agente de recherche à l'Office.

Le Président (M. Doyon): Soyez les bienvenues.

Mme Marcotte: Merci. Alors, M. le Président, mesdames et messieurs, je vous remercie de me donner l'opportunité de présenter aux membres de cette commission le point de vue de l'Office des services de garde à l'enfance sur l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration. Ce mémoire vise essentiellement l'aspect intégration, puisque c'est par ce volet que l'immigration a une incidence sur la mission et les travaux de l'Office.

Tout en souscrivant aux objectifs d'intégration de même qu'aux mesures qui s'y rattachent, l'Office a tenté de cerner les difficultés et les besoins des communautés culturelles par rapport aux services de garde, afin de mieux identifier les moyens à prendre et ainsi permettre à chacun de jouer pleinement son rôle.

L'Office est un organisme gouvernemental dont le mandat est de veiller à ce que soient assurés des services de garde de qualité, avec tout ce que ça suppose de mesures de soutien et d'activités de contrôle. La plupart des services de garde au Québec sont des organismes privés, des entités juridiques autonomes, issues de l'initiative des parents ou d'autres promoteurs de la collectivité. Le fonctionnement des services de garde assure une pleine prépondérance aux parents qui sont appelés à participer à titre d'administrateurs au sein des conseils d'administration ou à titre de conseillers au sein des comités de parents.

La loi qui crée l'Office reconnaît aux parents le droit de choisir le service qui leur convient le mieux compte tenu des ressources disponibles. C'est dans le respect de ces structures que l'Office doit jouer son rôle.

Les difficultés et les besoins des communautés culturelles face aux services de garde sont similaires à ceux de bon nombre de parents québécois. D'autres problèmes sont cependant particuliers. Par exemple, des problèmes de langue limitent l'accessibilité aux services de garde ou à l'aide financière, l'information relative à ces services n'étant pas disponible dans la langue de ces immigrants. Des parents peuvent craindre de confier leur enfant à des personnes qui ignorent tout de leur culture et de lui faire vivre des situations dans lesquelles il pourrait se sentir perdu. Cette crainte, de même que le souci de transmettre à leur enfant leur langue et leur culture, amènerait certains parents à privilégier des services de garde monoethniques. Pour les immigrants qui comprennent mal le français ou qui ne sont pas familiers avec les structures des services de garde, la participation des parents au conseil d'administration ou au sein des comités peut présenter une difficulté majeure.

Un aperçu de la situation nous permet de constater que le développement des services de garde ne s'est pas fart au détriment des communautés culturelles. En effet, une étude réalisée par l'Office en 1984 révélait déjà que la présence des enfants des communautés culturelles dans les services de garde était au moins égale à la proportion de la population qu'il représentait. À partir de données plus récentes, on peut constater que l'accueil des enfants immigrants est une réalité vécue par la majorité des services de garde du Québec. Bien que la concentration se fasse principalement à Montréal, les régions de la Montérégie, de Québec, de l'Estrie et de Laval sont de plus en plus concernées et, à l'exception du Nord du Québec, toutes les régions sont touchées, bien que ce soit à un niveau moindre.

En ce qui concerne les enfants des communautés culturelles, on distingue deux catégories de garderie: celles identifiées à une communauté particulière et les garderies multiethni-

ques. Il est évident que les garderies identifiées à une communauté culturelle reçoivent généralement une majorité, sinon en exclusivité des enfants d'une même ethnie, ce qui influence, entre autres, la langue parlée à la garderie et la présence des membres du personnel parlant la langue d'origine des enfants.

En ce qui concerne les enfants, les services de garde nous paraissent pouvoir jouer un double rôle, à savoir: faciliter l'intégration des enfants d'immigrants à la société d'accueil. En effet, l'expérience peut être source de développement si elle permet à l'enfant de développer une image positive de lui, d'apprendre à fonctionner dans deux cultures différentes et de prendre certaines caractéristiques de chacune de ces cultures. Plusieurs études démontrent que des enfants de familles immigrantes peuvent rencontrer certains problèmes d'adaptation scolaire. En facilitant l'adaptation de ces enfants à la société d'accueil, les services de garde peuvent jouer un rôle de prévention important. De plus, en facilitant l'ouverture de la société d'accueil, on permet aux enfants de la société d'accueil de s'ouvrir aux autres cultures.

En plus d'être bénéfique à l'enfant, une bonne communication peut permettre de briser l'isolement des familles immigrantes, de soutenir les parents dans leur rôle d'éducation, de faciliter leur intégration à la société d'accueil et les aider à participer à l'intégration de leur jeune enfant. Cette communication apparaît d'autant plus possible que la participation des parents constitue une caractéristique majeure du milieu des services de garde. Ce contexte peut donc favoriser l'intégration des parents qui seront, par la suite, encouragés à poursuivre leur action en milieu scolaire. Pour que s'établisse une bonne communication avec les parents, il importe que le service de garde reconnaisse l'apport éducatif de la famille et, ensuite, le partage de ses propres ressources éducatives et des valeurs de la société d'accueil avec celles des parents. Cette ouverture suppose donc un personnel sensible et ouvert aux autres cultures, informé des différences culturelles, au fait des difficultés auxquelles sont confrontés les enfants et les parents immigrants et capable d'intervenir adéquatement auprès des uns et des autres. Cela suppose également un programme et un environnement qui reconnaisse et respecte la diversité culturelle.

Au printemps 1989, le gouvernement du Québec s'est doté d'une politique en matière de services de garde à l'enfance. Cette politique prévoit un ensemble de mesures qui, sans viser particulièrement les communautés culturelles, répondront à certains besoins de leurs membres, au même titre qu'elles répondront aux besoins de nombreuses familles québécoises. D'autres mesures mises de l'avant dans la politique sur les services de garde concernent particulièrement les communautés culturelles. Globalement, ces mesures sont conformes aux orientations contenues dans l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration. Cependant, compte tenu de son mandat, l'Office n'est pas toujours l'organisme qui doit initier ces interventions. Rappelons qu'au Québec les services de garde sont des entités autonomes. Souvent, les interventions gouvernementales ne peuvent donc être qu'incitatives ou de soutien.

Donc, concernant l'adaptation des services aux besoins de la clientèle des communautés culturelles et considérant le rôle de l'Office en matière de développement des services de garde, il apparaît que le soutien à la mise en place de services de garde multiethniques passe d'abord par une meilleure formation des parents et des organismes des communautés culturelles.

À cette fin, l'Office compte produire des documents d'information à leur intention. Ces documents devraient, notamment, traiter des types de services de garde existant au Québec, de leur fonctionnement, des avantages liés aux services multiethniques, de l'importance du choix de la langue parlée aux services de garde. L'Office s'engage également à faire connaître ces documents aux ministères et organismes concernés. Cette dernière mesure nécessite cependant la collaboration du MCCI afin de trouver et d'utiliser le meilleur véhicule permettant d'acheminer cette information et ainsi de la faire connaître. (9 h 45)

De plus, considérant que l'adaptation des services aux besoins de la clientèle des communautés culturelles suppose une bonne connaissance des besoins de cette clientèle, l'Office considère qu'il y aurait lieu de procéder à une étude visant à mieux connaître la clientèle multiethnique des services de garde, ses difficultés et ses besoins et à identifier les moyens à privilégier pour répondre à ces besoins. Il y aurait également lieu de commander, par exemple, au milieu universitaire des études plus globales sur le rôle des services de garde en matière d'intégration des enfants et des parents de communautés culturelles.

Concernant la formation interculturelle des intervenants, l'Office partage également l'orientation du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration et, considérant le rôle de première importance du personnel des services de garde par rapport au développement du jeune enfant et à son intégration, de même qu'à celle de sa famille, à la société québécoise, l'Office considère comme essentiel et prioritaire de sensibiliser les personnes qui oeuvrent présentement en services de garde à l'intégration des enfants des communautés culturelles.

À cette fin, l'Office compte d'abord poursuivre les efforts déjà entrepris en vue de véhiculer cette préoccupation à travers ses activités et compte élaborer un projet à présenter dans le cadre du Fonds d'initiative afin de développer une session de formation adaptée au

personnel des services de garde et d'offrir cette session dans les différentes régions du Québec, prioritairement dans les régions de Montréal, de la Montérégie, de Québec, de Laval et de l'Es-trie. De plus, l'Office considère comme essentiel d'intégrer rapidement la formation à l'éducation interculturelle au programme de formation en techniques d'éducation en services de garde et de soutenir le personnel des collèges dans leurs efforts pour intégrer cette dimension dans leur enseignement.

Enfin, considérant que les membres du personnel des services de garde ont besoin d'être mieux outillés pour intégrer le volet de l'éducation interculturelle dans leurs activités, il y aurait lieu de dresser un inventaire des ressources, des activités et du matériel favorisant l'intégration des enfants des communautés culturelles.

Quant à la représentation des Québécoises et Québécois des communautés culturelles aux instances décisionnelles et consultatives, l'Office partage cette orientation et rappelle à cet effet que la Loi sur les services de garde à l'enfance prévoit que l'Office est composé de 17 membres, dont 13 nommés par le gouvernement. La loi prévoit également la façon suivant laquelle ces 13 membres doivent être désignés. Bien qu'aucune exigence particulière n'ait été retenue concernant la nomination d'un membre de communauté culturelle, l'Office signale qu'il serait possible, tout en respectant les critères déjà retenus, d'assurer la représentation des Québécoises et des Québécois des communautés culturelles. L'Office croit également qu'une telle représentation auprès de son assemblée des membres constituerait un apport précieux grâce auquel il serait en mesure de mieux cibler son action auprès des enfants.

Finalement, dans un ordre d'idées plus général, l'Office désire offrir son entière collaboration en vue de la réalisation des diverses mesures retenues dans le cadre de l'énoncé de politique. L'Office croit pouvoir jouer un rôle stratégique en matière d'intégration et espère pouvoir contribuer largement aux efforts déployés par le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration.

En conclusion, j'aimerais rappeler que l'implantation et le fonctionnement des services de garde au Québec se fondent sur la participation des parents. C'est donc l'intérêt de l'enfant qui se trouve à l'origine des structures mises en place pour l'offre de services de garde au Québec. De plus, étant des corporations privées, les services de garde peuvent mieux refléter les milieux où ils s'implantent, tout en favorisant ainsi le développement harmonieux des enfants.

En matière d'intégration, le milieu des services de garde est une porte d'entrée privilégiée pour les enfants. C'est également le cas pour les parents qui sont appelés à participer pleinement au fonctionnement des services de garde au sein des conseils d'administration ou des comités de parents. Les services de garde renferment donc un vaste potentiel en matière d'intégration en ce qu'ils recréent à petite échelle une société d'accueil en soi. Lorsque l'on parle d'intégration et de société d'accueil, il est peut-être déjà trop tard pour toute une génération d'adultes; il ne l'est certainement pas pour cette jeune génération qui constitue la clientèle des services de garde. Pour y arriver, il nous faut cependant consentir des efforts visant à mieux soutenir le personnel qui, chaque jour, oeuvre auprès des enfants. Il y en a des milliers de ces éducateurs et éducatrices au Québec qui sont déjà très réceptifs à cette problématique. En misant sur eux, on peut escompter un effet de levier considérable puisqu'ils constituent des éléments multiplicateurs de haute valeur qui ont avant tout le souci du développement des enfants. Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la présidente. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Je voudrais remercier Mme Marcotte pour la présentation de son mémoire. Je l'ai lu avec beaucoup d'intérêt et je dois vous dire que c'est un excellent mémoire. Et, d'ailleurs, ça m'a rappelé le souci de la qualité que j'ai toujours reconnu à l'Office des services de garde. Vous savez, M. le Président, il y a quelques années, il y a peut-être deux ans, je pense, si ma mémoire est fidèle, Nicole était à une commission parlementaire avec moi sur la politique des services de garde et nous avions aussi débattu un projet de loi à la suite de cette commission parlementaire. Maintenant, je me rends compte que cette commission parlementaire avait soulevé énormément de passions. Et, aujourd'hui, quand on prend un peu de recul, on se rend compte que, malgré tout, nos interventions étaient bonnes et que nous avions présenté à la population une excellente politique des services de garde. Alors, je veux rendre hommage à Mme Nicole Marcotte, entre autres, parce qu'elle avait travaillé énormément fort dans ce projet de loi, et je suis persuadée que, ce matin, elle a encore des souvenirs...

Mme Marcotte: Certainement.

Mme Gagnon-Tremblay: ...de cette commission parlementaire que nous avons partagée ensemble.

Mme la présidente, je voudrais au départ vous parler des services de garde. Vous avez beaucoup parlé des services de garde monoethniques et pluriethniques. Dans votre mémoire, vous soulignez justement que, pour bon nombre d'immigrants, les différences des valeurs et des cultures sont une source d'inquiétude quand les parents envoient leurs enfants à la garderie. On sait qu'ils craignent de vivre certaines expérien-

ces difficiles. Est-ce que l'Office est en mesure, au moment où on se parie, de déterminer, par exemple, quel est le meilleur mode de garderie, monoethnique ou pluriethnique, et, à travers ces modes, est-ce qu'il y a, par exemple, ce que je pourrais appeler un service monoethnique lorsqu'il pourrait s'agir d'immersion? Si jamais il y avait des garderies monoethniques, est-ce que ça ne devrait pas exister trop longtemps et qu'on devrait se diriger davantage vers des garderies pluriethniques? Est-ce que l'Office, par exemple, a une position assez officielle quant à ces deux types de garderies?

Mme Marcotte: Mme la ministre, il existe, au Québec, effectivement un certain nombre de garderies monoethniques. Il en existe présentement 28, par rapport à quelque 800 services de garde ou garderies au Québec. Donc, ce n'est quand même pas un nombre considérable. Elles se concentrent généralement dans la région de Montréal. On retrouve des garderies monoethni ques de cultures juive, italienne, haïtienne et arménienne. Comme vous le savez, la Loi sur les services de garde à l'enfance permet ce type de garderies et l'Office ne peut décider de ne pas donner suite à des demandes de permis qui respecteraient l'ensemble des critères et des choix des personnes. Cependant, le gouvernement, dans sa politique sur les services de garde, s'est positionné à l'effet de "prioriser" à l'Office le développement de services de garde pluriethniques ou multiethniques, donc ne ne pas donner la priorité au développement des garderies monoethniques. Donc, c'est bien évident que l'Office respecte cette priorité-là, sauf qu'il doit le faire dans le cadre de sa loi qui ne lui permet pas d'interdire le développement des garderies monoethniques.

Maintenant, on peut observer, principalement dans les grands centres, un grand nombre de garderies qui, tout en n'ayant pas un caractère ou une identification multiethnique comme telle, aujourd'hui, reçoivent des enfants des communautés culturelles en grand nombre. Donc, de plus en plus, on devrait aller vers des garderies au sens plus large, puisque, dans le fond, ce qu'on vise et, je pense, ce qu'on poursuit par cette politique-là, c'est une intégration des enfants à la société québécoise. Alors, si on en vient à vouloir, par exemple, limiter ou interdire le développement de services de garde à caractère monoethnique, bien, il faudra qu'au plan légal on fasse les modifications qui s'imposent. Maintenant, on doit dire que, le développement étant maintenant contrôlé sur une base régionale et en fonction de certains critères, il y a des possibilités d'exercer un meilleur contrôle sur le développement, également, de ce type de garderie là.

Mme Gagnon-Tremblay: Donc, on se rend compte que ces garderies monoethniques sont davantage contrôlées ou gérées par des communautés beaucoup plus anciennes, finalement, et que la tendance pour les communautés plus nouvelles irait davantage vers des garderies pluriethniques plutôt que monoethniques, compte tenu des nouvelles clientèles. Je pense, par exemple, à des clientèles plus nouvelles, des communautés plus nouvelles, plus récentes.

Mme Marcotte: En fait, là où il existe une plus grande concentration - parce que, pour les autres cas, c'est quelques garderies - c'est dans la communauté juive et on peut comprendre que c'est probablement rattaché à des valeurs culturelles très, très spécifiques au niveau de la religion, qui touchent l'alimentation, qui touchent un ensemble de facteurs. Quant aux garderies italiennes, je pense qu'il en existe une ou deux, et ainsi de suite.

Maintenant, vous mentionniez tout à l'heure tout l'aspect de l'inquiétude qu'il peut y avoir de la part des parents dont on faisait mention dans le mémoire qu'on a présenté et c'est la raison pour laquelle on invite le gouvernement à miser peut-être davantage et de façon très prioritaire sur la formation du personnel qui oeuvre dans les services de garde. Et quand on parie de formation, on ne vise pas, là, une clientèle qui n'est pas déjà très sensibilisée à tous les problèmes d'intégration des communautés culturelles autant qu'à d'autres problèmes de la société québécoise.

Bien au contraire, on a là un potentiel d'éducateurs et d'éducatrices qui sont déjà très sensibilisés à la problématique, sauf que, si on veut qu'ils interviennent de façon efficace, encore faut-il leur donner les moyens. Et un des meilleurs moyens de donner à ces gens-là une information adéquate qui leur permettrait de soutenir les parents, puisque, on l'a vu, les garderies sont des corporations privées, bien, c'est de mieux outiller les personnes qui sont en contact avec ces parents-là pour qu'elles soient plus au fait de la culture, des besoins, des différences et des attentes de cette population là.

Il y a également tout le problème de rejoindre les communautés culturelles quand vient le temps de vouloir, par exemple, implanter des services de garde dans certaines régions ou dans certaines municipalités où il y aurait une plus grande incidence de communautés culturelles parce qu'il y a un problème de langue Et on sait aujourd'hui que ce n'est pas nécessairement la meilleure façon de faire de traduire tous les documents dans toutes les langues. D'ailleurs, l'Office n'y arriverait pas. Alors, on se dit: II va falloir que nous, à l'Office, on fasse une synthèse de l'information essentielle, mais, quelque part, il va falloir qu'on nous aide à rendre cette information disponible au niveau des communautés culturelles.

Mme Gagnon-Tremblay: Je pense que cette information... Je pense que le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration peut jouer un rôle, peut vous aider dans cot exercice-là, entre autres, aussi pour donner et remettre à la population qui arrive certains documents pour la renseigner, comme, par exemple, sur le système scolaire aussi bien que sur les garderies. Je pense qu'il y a bien des choses, qu'il y a une collaboration, bien sûr, qu'on peut vous allouer dans ce sens-là.

Mais je voudrais revenir à la question des garderies. Est-ce que vous croyez que ce serait possible qu'on sensibilise davantage toutes les garderies et si ça devrait être, finalement... Bon, on devrait inciter fortement, sans les obliger, mais inciter fortement les garderies à réserver peut-être chacune un certain pourcentage de places pour des petits Québécois ou Québécoises, des enfants des communautés culturelles. Est-ce que ça pourrait se faire ou bien croyez-vous que ça... (10 heures)

Mme Marcotte: Bien écoutez, moi, je pense que tout peut se faire si c'est vers ça qu'on veut aller. Cependant, je ne crois pas que, dans le milieu des services de garde, ce soit nécessaire de procéder ainsi puisqu'il y a déjà une très grande ouverture de la part des éducateurs en garderie, une très grande réceptivité par rapport à cette clientèle-là et je crois qu'il faut éviter justement de faire et de traiter comme une exception la problématique si on veut justement arriver à une solution. Moi, en tout cas, j'hésiterais à opter pour une solution comme celle-là avant d'avoir mesuré les impacts parce que je craindrais qu'il n'y ait beaucoup d'impacts négatifs par rapport aux impacts positifs. À date, on n'a pas la preuve, et encore faudrait-il le démontrer, que la clientèle des communautés culturelles est pénalisée proportionnellement à la population par le manque de places et l'accessibilité. Il n'y a rien qui nous prouve, dans le moment, que cette clientèle-là...

Mme Gagnon-Tremblay: O.K.

Mme Marcotte: ...est défavorisée par rapport à l'ensemble de la clientèle. Au contraire, les proportions semblent nous indiquer que la clientèle des communautés culturelles qui fréquente les services de garde est, à toutes fins pratiques, assez proportionnelle à la population. L'important, c'est qu'elle continue, cette proportion-là, d'évoluer et qu'elle s'accélère justement pour être capable de suivre le rythme de développement ou d'immigration que vous prévoyez. Et ce qui m'apparaît encore plus important, c'est que, quand on prévoit régionaliser, par exemple, l'immigration et accentuer les efforts pour orienter vers les régions, c'est bien évident que, quand on parle des grands centres comme Montréal, déjà, les gens sont très sensibilisés aux problèmes d'intégration des communautés culturelles, sauf que, si on veut orienter vers les régions, il va peut-être falloir miser davantage sur la sensibilisation dans ces milieux-là parce qu'il est bien possible que, bon, il y ait peut-être un ou deux petits immigrants dans une garderie dans une région donnée, mais ce n'est pas évident qu'ils ont vécu des problèmes d'intégration du même ordre parce que, souvent, on peut voir des enfants des communautés culturelles intégrés dans une région adoptés par une famille québécoise. Donc, le problème d'intégration, il est déjà fait.

Cependant, moi, je constate que, dans la politique d'immigration et d'intégration, on mise énormément sur des mesures de soutien au milieu scolaire pour faciliter l'intégration des enfants d'âge scolaire et je pense que c'est un excellent choix. Et si, dans le fond, on faisait le même exercice et qu'on avait la même préoccupation pour la clientèle des services de garde - disons-le-nous, ce sont quand même des clientèles encore plus jeunes, donc plus faciles à intégrer -je suis convaincue qu'on réussirait à faciliter l'intégration de ces enfants-là dans les écoles et, finalement, à un coût moindre au bout de la ligne. Mais peut-être faudrait-il investir un peu plus au départ pour s'assurer que l'intégration de ces enfants-là se fasse le plus facilement possible.

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, est-ce que l'éducation, la formation interculturelle, quant à la formation donnée, par exemple, par les techniques de garde, ça devrait être une option obligatoire?

Mme Marcotte: Moi, je pense que ça devrait être obligatoire. Si c'est devenu une politique du gouvernement de faciliter l'intégration, il faut qu'on ait des mesures qui viennent renforcer cette situation-là d'autant plus que, on l'a dit tout à l'heure, les garderies sont des corporations autonomes et le gouvernement ne peut agir que sur des moyens incitatifs, persuasifs ou de soutien. Alors, c'est d'autant plus important que, dans la formation, justement, ce soit un volet obligatoire parce que je crois que, dans le moment, c'est déjà offert à titre optionnel dans certains cégeps. Donc, si ce n'est pas obligatoire, je ne pense pas qu'on va rencontrer l'objectif souhaité.

Mme Gagnon-Tremblay: Ma dernière question, M. le Président. Concernant les agences en milieu familial, on sait qu'il y a plusieurs personnes qui ont plus confiance, par exemple, surtout des personnes comme de nouveaux arrivants qui ne connaissent pas trop, trop le milieu et qui sont plus portes à faire garder leurs enfants dans le milieu familial plutôt que dans des garderies. Est-ce que, par exemple, on développe davantage de ces agences en milieu

familial auprès des communautés culturelles? Est-ce qu'on retrouve beaucoup d'enfants dans ce type de garderies?

Mme Marcotte: Comme on le sait, les agences de services de garde en milieu scolaire, en milieu familial se sont développées, jusqu'aux dernières années, davantage dans les régions périphériques à Montréal, Laval et aux grands centres. Mais il existe quand même quelques agences de services de garde en milieu familial, entre autres dans le Montréal métropolitain, qui reflètent, dans le fond, l'image de la collectivité et où on retrouve des enfants des communautés culturelles et, j'imagine, des familles de corn munautés culturelles qui font de la garde d'enfants. Donc, au fur et à mesure qu'on va développer davantage dans les endroits où il y a une plus grande concentration de clientèle, on va sûrement atteindre proportionnellement cette clientèle-là. Et, effectivement, on avait prévu faire un rattrapage dans le développement des services de garde en milieu familial et l'Office a amorcé des travaux dans ce sens-là depuis déjà au-delà d'un an.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. Mme la présidente, vous me permettrez de vous appeler par votre titre et non pas d'y aller par votre prénom. Depuis hier, je trouve que notre commission fait un peu "embrassons-nous, Folleville". Ce n'est pas dans nos coutumes, quoiqu'on pourrait peut-être les changer, mais enfin. Ceci dit, en vous écoutant et après avoir lu votre mémoire, une des quatre premières questions, en espérant que le temps nous permette de les poser toutes les quatre, que j'ai, c'est: Est-ce que vous avez une idée de la provenance ethnique, entre guillemets, du personnel des garderies, actuellement? Il va de soi que je parle probablement beaucoup plus de Montréal qu'en région, puisque, bon, toutes les statistiques sont là pour le prouver.

Mme Marcotte: Mme Proulx va vous répondre.

Mme Proulx (Monique): À l'Office même nous n'avons pas de données concernant la provenance ethnique du personnel des services de garde, mais j'ai lu récemment une étude qui a été faite auprès de 70 garderies de la région de Montréal recevant des enfants de différentes communautés ethniques et on évaluait, dans ces 70 garderies, que le pourcentage d'éducateurs provenant d'autres ethnies était de 19 %, ce qui était évidemment moindre que la proportion d'enfants, mais c'était tout de même une assez forte représentation d'éducateurs de différentes ethnies. On a des données aussi, non pas chiffrées, mais on a régulièrement, à l'Office... Vous savez sans doute qu'il y a certaines exigences en matière de qualification du personnel. Dans toutes nos garderies, il doit y avoir au moins un tiers du personnel de garde qui a une formation en petite enfance reconnue par l'Office et, pour toutes les personnes qui ont fait des études à l'extérieur du Québec, nous demandons que ces personnes-là nous soumettent une attestation d'équivalence du ministère de l'Éducation. Ça nous amène à constater assez régulièrement, compte tenu des dossiers que nous avons à étudier, qu'il y a effectivement des éducateurs de différentes ethnies qui sont reconnus, qui ont des formations en petite enfance, mais acquise en Amérique du Sud, un peu partout à travers le monde, finalement, et qui sont à l'emploi de garderies, mais là, on ne peut pas chiffrer.

M. Boulerice: Sans vouloir pratiquer mon ancien métier d'éducateur spécialisé, Mme Proulx, est-ce que vous croyez que la présence d'éducateurs ou d'éducatrices, puisque je sais que c'est un milieu, je ne dirais pas réservé, mais où il y a beaucoup plus de femmes que d'hommes, enfin je l'observe dans ma circonscription... Pouvez-vous me permettre une petite parenthèse? Félicitations pour ce magnifique travail que vous avez fait avec l'hôpital Saint-Luc et le centre Jacques-Viger, pour cette belle garderie sur le boulevard René-Lévesque. J'ai eu beaucoup de plaisir à l'inaugurer. Est-ce que vous croyez que ce pourcentage d'éducateurs ou d'éducatrices en provenance de communautés culturelles est véritablement un facteur d'intégration, un "influent" au niveau de l'intégration, ou c'est peut-être plutôt une espèce de "sécurisant" à la fois pour l'enfant et pour les parents?

Mme Proulx: Écoutez, moi, personnellement je pense que la présence d'éducateurs et d'éducatrices de différentes ethnies, à l'intérieur des services de garde, c'est un atout à la fois, d'une part, évidemment, pour sécuriser les parents, mais je pense que, dans une société qui est de plus en plus multiethnique, ce n'est pas tout de vouloir intégrer les enfants à la société québécoise, encore faut-il aussi se soucier que le marché du travail puisse intégrer ces immigrants adultes. Et je me dis: Que les services de garde deviennent un lieu parmi d'autres où l'on peut employer des éducatrices et éducateurs de différentes ethnies, ça m'apparaît positif. Je pense que, oui, il y a un effet très sécurisant pour les parents, donc peut-être aussi pour l'enfant, mais il y a également... C'est que, dans une société qui est multiethnique, je pense que c'est de permettre à l'enfant de voir que les adultes avec lesquels il est en interaction sont aussi des gens qui proviennent de différentes ethnies mais, par ailleurs, je pense que, si on

pense à une intégration à la société québécoise, il est souhaitable qu'il y ait, évidemment, beaucoup d'éducatrices et d'éducateurs québécois de souche. Il ne s'agit pas, parce qu'une garderie est multiethnique, de vouloir avoir toute la gamme des ethnies chez les éducateurs au détriment d'éducatrices et d'éducateurs québécois d'origine. Je ne sais pas, Mme Marcotte, si vous souhaitez ajouter quelque chose?

Mme Marcotte: Non. Je pense qu'effec-tivemement on doit regarder l'évolution du dossier en fonction de l'évolution de la société et on ne doit pas... D'ailleurs, je lisais, dans une interview, un reportage dans La Presse concernant le dépôt de la Fédération des travailleurs du Québec où on disait: Si, finalement, on veut développer des garderies avec du personnel qui est le reflet, finalement, de la clientèle, nous, on ne marche pas. Je ne crois pas que ce soit dans l'orientation de l'Office et que ce serait sage de vouloir prendre une telle orientation, si on veut parler d'intégration, justement.

M. Boulerice: D'accord. Vous n'introduisez pas la fameuse vieille notion du clausus numerus. Plus il y en aura, tant mieux, mais il n'est pas question d'établir de quota. Je vous comprends bien, Mme Marcotte?

Mme Marcotte: Non. Il n'a jamais été question d'établir des quotas, et je pense que ce serait catastrophique de penser agir comme ça dans le milieu des services de garde. D'ailleurs, je ne crois pas que ce soit nécessaire. Comme on vous le disait tout à l'heure, c'est un milieu très social, très ouvert sur les besoins de la collectivité, qui est très réceptif, de façon naturelle, aux communautés culturelles. Donc, il n'y a pas de problème majeur ou de rejet qui n'ait jamais été rapporté à l'Office à l'effet que du personnel de couleur, par exemple, travaillait dans des garderies avec une concentration de clientèle québécoise. Donc, le problème, il est beaucoup plus au niveau de s'assurer de donner au personnel, tant de la société d'accueil, comme on le disait tout à l'heure, qu'aux parents, une meilleure information sur les deux cultures, dans le fond: celui qui arrive avec sa culture, il a besoin d'en savoir sur la nôtre et, nous, on a besoin d'en savoir sur la sienne. Plus les éducateurs qui sont en contact avec les enfants et quotidiennement avec les parents auront de l'information adaptée, à ce moment-là, plus ils pourront réagir de façon adéquate auprès de cette clientèle-là, parce que, dans le fond, ce qu'on vise dans une garderie, c'est d'abord et avant tout la santé, la sécurité et le développement de l'enfant dont on nous confie la garde.

M. Boulerice: Bien de vos collègues qui sont au niveau scolaire, soit primaire ou secondaire, ont fait état d'écoles où le nombre, la proportion d'élèves, à la fois en classe et dans l'école, est telle que la communauté ethnique, ce sont les Québécois de vieille souche. On m'avait suggéré d'ailleurs une expression amusante: museum Deutsch, les Allemands de musée. Donc, l'absence, disait-il, pour les étudiants d'autres communautés, de referents nettement visibles et tangibles de la société d'accueil. Est-ce qu'il y a des garderies à Montréal où vous avez observé le même phénomène? (10 h 15)

Mme Marcotte: Effectivement, il y a des garderies où il y a une concentration. On le disait tout à l'heure, c'est le reflet de la société qu'on vit dans les garderies. Donc, quand on se retrouve dans des quartiers où la clientèle de l'école est à concentration de sociétés culturelles, il y a bien des chances que la garderie soit dans la même situation. Donc, c'est évident que ce genre de situation là existe. Est-ce qu'elle existe à très grande échelle dans les services de garde, au Québec, dans le moment? Je dirais que non, mais je croirais que oui, ça existe dans probablement les mêmes quartiers où il a été fait mention du problème au niveau de ces écoles-là, et c'est ça, le lien que je voulais faire tout à l'heure quand je parlais d'un lien avec l'école. Partout et tout le temps, quand on se préoccupe de l'intégration et des problèmes des enfants qui sont dans les écoles, dans le fond, les mêmes problèmes et les mêmes besoins se posent, peut-être d'une façon différente au niveau des services de garde. Il ne faudrait pas les oublier.

M. Boulerice: J'ai le goût de renverser... Mon Dieu! je m'aperçois que je commence à avoir les attitudes de M. Scully à Radio-Canada. Je vais renverser une question qui a déjà été posée où on introduit, mais de façon très prudente, la notion américaine du "bossing" en disant: II faudrait les envoyer ailleurs, de façon à pouvoir avoir une mixité complète.

Qu'est-ce que vous penseriez de l'idée, non pas coercitive mais très incitative, avec des moyens de persuasion raffinés, d'amener de jeunes Québécois, tuque et bas de laine, à aller fréquenter les garderies qui sont là où il y a des concentrations géographiques assez prononcées de communautés culturelles? Je vais prendre un très bel exemple que va partager mon collègue, le député de l'Acadie. Il y a quelques années, le gouvernement issu de ma formation politique autorisait la communauté arméniennne à établir sa propre école - vous avez d'ailleurs parlé de la communauté arménienne - mais la communauté arménienne a insisté, dans une certaine mesure, peut-être pas à l'excès, mais elle a quand même fait un geste et déjà c'est appréciable, elle a incité, puisque, bon, dans le quartier il existe également des archéo-Québécois - une autre expression qu'on nous a suggérée pour nous qualifier nous-mêmes - ceux-ci à fréquenter cette école arménienne, ce qui fait que là, ça a

été l'inverse: de jeunes Québécois se sont retrouvés dans un milieu culturel différent. Il y a tout de suite un réfèrent de la société d'accueil pour les jeunes Arméniens et vous pouvez maintenant vivre une situation tout à fait particulière mais très belle de jeunes Québécois qui, fréquentant cette école, maintenant sont imprégnés de la culture arménienne, qui est très belle, très vaste et deux fois millénaire, même de la langue arménienne. Allez vers ça, ça vous paraît utopique? Je rêve en couleur? Je suis messianique?

Mme Marcotte: Ce n'est pas que ça me paraît utopique. Je pense que tout type d'expérience qui favorise des échanges avec la communauté d'accueil et les communautés culturelles et qui peut être suscité ou facilité auprès des services de garde est une expérience qui ne peut être que positive en soi. Là où j'aurais des restrictions sur une certaine organisation qui serait poussée vers une certaine obligation quelque part, c'est que oui, l'Office des services de garde est prêt et veut collaborer à faciliter l'intégration des enfants des communautés culturelles dans les services de garde et ce, autant pour le bénéfice des petits Québécois d'ici que des petits Québécois d'autres origines, mais il faut se rappeler que la mission de l'Office, c'est d'abord d'offrir des services de garde à l'enfance de qualité. On fait référence à de petites unités d'un maximum de 60 enfants qui se retrouvent dans un service de garde et où le choix des parents joue un rôle prépondérant, premièrement, parce que la loi le prévoit et, deuxièmement, parce que le parent assume quand même une part importante du coût de garde. Les services de garde ne sont pas gratuits.

Donc, il faut que toutes ces mesures ou projets qui visent effectivement à briser peut-être un certain isolement de certaines communautés qui pourraient se regrouper dans un même quartier, il faut qu'on les amène d'une façon un peu comme dans des projets où on a vu, par exemple, des projets se développer avec les personnes du troisième âge, dans un cadre où ce sont des activités incitatives mais où on ne fait pas, à cet âge-là, un carcan en disant que, les enfants, on va les obliger à être placés dans cette garderie-là même si ce n'est pas très pratique pour le parent parce que, dans le fond, on ne veut pas qu'il n'y ait que des enfants des communautés culturelles dans une garderie et des petits Québécois dans une autre.

Ça m'apparaitrait difficile de prendre une orientation. Et là, j'ai l'impression qu'on pren drait beaucoup plus en considération l'intégration de l'enfant et sa famille que le bien-être d'un petit enfant parce que, des fois, on parle d'enfants de deux et de trois ans qui vivent déjà beaucoup d'insécurité du simple fait de devoir être laissés dans un service de garde. Moi, je pense que ça pourra entrer, ce questionnement- là, dans le cadre d'études qu'on mentionnait tout à l'heure, mais beaucoup plus poussées et qui devraient être confiées à des universitaires, des études en profondeur qui vont mesurer les impacts de ces différentes approches là parce qu'on risquerait de faire peut-être plus de tort que de bien. Je ne dis pas que ce n'est pas positif, mais, moi, j'aurais de la misère à prendre une orientation, de dire: Oui, c'est quelque chose qu'on devrait faire. Parce qu'il me semble qu'il y a beaucoup de considérations dont on doit tenir compte dès qu'on parle de petits enfants et de toute la vulnérabilité de ces enfants-là.

M. Boulerice: Ma dernière question, Mme Marcotte, fait toujours appel à des interventions précédentes. Compte tenu que l'immense majorité s'établit en région montréalaise, certains ont fait la remarque: Oui, quant au niveau de l'immigration, mais attention! Nous risquons peut être - certains disaient sans doute - d'avoir un problème au niveau de l'habitation ou du logement. On donnait des exemples, comme à Côte-des-Neiges, où malheureusement certains quartiers, à cause de la détérioration du stock urbain, sont devenus de véritables "Bronx", et je pense que je n'exagère pas en employant ce terme. Donc, moi, j'ai toujours dit que ce serait criminel que d'inciter des gens à venir et de les placer dans des situations de logement et d'habitation qui seraient nettement inférieures aux standards acceptables.

Est-ce que vous croyez qu'en fonction du nombre que nous avons actuellement, enfin des nombres que nous planifions au niveau de l'immigration, nous serons capables de suivre cette évolution là quant à l'accessibilité du service du garde? Sinon, pourquoi et comment9 Si oui, tant mieux.

Mme Marcotte: Écoutez, est-ce qu'on sera capables de suivre l'évolution? Ce que je peux vous répondre, c'est que je l'espère. Ce sur quoi on peut peut-être miser davantage, c'est sur le fait que, malgré les périodes quelquefois difficiles au plan budgétaire au niveau gouvernemental, il y a un secteur où, malgré toutes les difficultés et quel que soit le gouvernement en place, on n'a pas cessé le développement: c'est dans le secteur des services de garde. C'est bien sûr qu'il y a des années où on aurait peut-être souhaité que le développement soit plus élevé alors qu'il l'était moins. On a dû quelquefois revoir à la baisse les projets de développement, mais il y a quand même des engagements très fermes de développer, au cours des prochaines années, de façon régulière et en visant à une certaine accélération, des services de garde.

Donc, on suit de très près et on met à jour presque annuellement toute l'estimation des besoins des clientèles. On a amorcé, cette année, une grande tournée de consultation régionale, donc au niveau des différentes municipalités et

dans chacune des régions du Québec, pour connaître de façon plus précise les besoins des régions. On espère effectivement pouvoir suivre le rythme. Maintenant, c'est évident que, là encore, les communautés culturelles vivent la même situation que l'ensemble des Québécois. Oui, dans certaines régions, il manque de places. Il en manque pour tout le monde. L'important, c'est qu'on continue à développer, qu'on n'arrête pas le développement et que, dès que ce sera possible, on l'accélère.

Le Président (M. Doyon): Une dernière question, M. le député.

M. Boulerice: Oui, très brièvement. Mme Marcotte, vous dites que vous avez fait des tournées, etc. Donc, vous faites des prévisions de développement, mais en fonction des besoins exprimés actuellement. Est-ce à dire que l'évaluation que vous faites n'inclut pas les prévisions face à l'immigration, donc, que cela devra être révisé?

Mme Marcotte: C'est évident que toutes les prévisions sont révisées de façon annuelle et qu'on va tenir compte des objectifs qui vont être retenus au niveau de l'immigration pour ajuster notre estimation des besoins et, par la suite, être à même de répartir de la façon la plus équitable possible les places allouées et autorisées dans les différentes régions du Québec.

Le Président (M. Doyon): En terminant, M. le député.

M. Boulerice: Je vous remercie, Mme Marcotte, Mme Galarneau, Mme Proulx. Sans jouer avec les mots, j'ai l'impression que l'Office des services de garde nous a mis en garde: Ne faites pas cette politique sans une étroite collaboration avec l'Office des services de garde du Québec.

Mme Marcotte: C'est exact et j'y compte bien. Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, quelques mots de remerciement, peut-être.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, bien sûr, je remercie Mme Marcotte, Mme Galarneau et Mme Proulx pour la présentation de leur mémoire. J'ai écouté Mme Marcotte qui parlait de concertation régionale. Je sais combien je misais sur cette concertation régionale, au point où j'en ressens un peu de nostalgie, mais je suis contente de voir que le processus se poursuit. Donc, je veux vous remercier et je veux vous assurer aussi de notre entière collaboration au ministère; je pense qu'on aurait avantage à s'asseoir ensemble pour peut-être développer aussi certains programmes de recherche dans le cadre aussi du Fonds d'initiative mais aussi du fonds de recherche qu'avait mis à notre disposition le gouvernement fédéral. Je pense que c'est important qu'on puisse aller chercher notre part du gâteau. Donc, dans ce sens-là, ce serait important que l'on puisse s'asseoir ensemble pour développer certains programmes de recherche. Encore une fois, merci infiniment.

Mme Marcotte: Merci, Mesdames et Messieurs.

Le Président (M. Doyon): Très bien. Au nom des membres de la commission, donc, nos remerciements à l'Office des services de garde à l'enfance.

Fédération des CLSC du Québec

Pour ne pas retarder nos travaux pendant que Mme Marcotte, Mme Galarneau et Mme Proulx se retirent de la table, je demanderais aux représentants de la Fédération des CLSC du Québec de bien vouloir prendre place en avant, à fa place qui leur est réservée. Je vois qu'ils sont déjà là. Je leur souhaite la bienvenue. Je les invite à procéder comme le groupe qui les a précédés, présentation des représentants de la Fédération avec courtes explications sur le rapport, suivie d'une discussion avec les membres de la commission. Vous avez la parole.

Mme Vaillant (Jeanne d'Arc): Ça me fait plaisir d'être parmi vous et de vous présenter ceux qui m'accompagnent: Mme Lucille Rocheleau, conseillère cadre à la Fédération des CLSC et organisatrice du colloque "L'interculturalisme: un défi pour les CLSC", et M. Borja qui est directeur général du CLSC Soc à Sherbrooke.

Le Président (M. Doyon): Et vous êtes Mme Vaillant?

Mme Vaillant: Je suis, oui, Jeanne d'Arc Vaillant, directrice générale de la Fédération des CLSC du Québec.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue à vous trois.

Mme Vaillant: Nous allons vous présenter notre mémoire et nous allons nous partager ça à trois, chacun ayant son expérience et son expertise.

Donc, c'est avec beaucoup d'intérêt que nous avons pris connaissance de l'énoncé de politique du gouvernement du Québec en matière d'immigration et d'intégration. Le réseau de CLSC, c'est 158 CLSC et il y a 476 points de services à travers le Québec. De par leur mission, les CLSC ont le mandat d'offrir à toute la population, quelle que soit l'origine ethnique, des services de santé et des services psychosociaux

de première ligne.

Nous devons accorder une attention prioritaire aux personnes et aux groupes les plus vulnérables dont les conditions d'existence menacent leur santé sous toutes ses formes. Nous avons également la responsabilité de soutenir les groupes communautaires qui favorisent le développement des solidarités, de l'entraide, de la défense des droits et des intérêts des gens laissés pour compte. (10 h 30)

En octobre dernier, la Fédération des CLSC a organisé un colloque intitulé: "L'interculturalis-me: un défi pour les CLSC". On proposait alors aux CLSC quatre défis à relever dans leurs rapports avec les immigrants et les réfugiés: comprendre, d'abord, la situation de l'immigrant; accueillir les immigrants, c'est-à-dire adapter nos services - et quand on parle de nos services, ce sont des services qui touchent la santé et les services sociaux - pour les rendre accessibles à cette population; développer un réel partenariat avec le communautaire dans le respect des missions et des responsabilités de chacun et, également, promouvoir la composition multiethnique du personnel puisque, étant à la base du système de santé et de services sociaux, nous avons à répondre à des situations d'urgence et à des situations d'urgence sociale importantes. Donc, en gros, ce sont des préoccupations qui ont été exprimées par les CLSC et surtout ceux qui ont sur leur territoire une forte concentration de groupes ethniques.

Donc, dans le mémoire, nous voulons vous faire part des besoins identifiés auprès de notre population en matière d'immigration et d'intégration et souligner, dans l'énoncé de politique, les mesures qui nous rejoignent. Si nous prenons, d'abord, immigration et intégration, nous pouvons vous dire que nous sommes heureux de voir associés ces deux éléments parce que l'immigration constituera pour la collectivité québécoise une richesse en autant que nous pourrons intégrer ces nouveaux arrivants et construire ensemble un projet de société. C'est un contrat qui va permettre de clarifier les valeurs fondamentales de notre société qui doivent nous guider dans l'élaboration de nos politiques et qui élimine ainsi bon nombre d'ambiguïtés.

Dans le mémoire que nous présentions à la commission Bélanger-Campeau, nous précisions que le nouveau contrat social des Québécois doit être fondé, entre autres, sur la clarification et l'affirmation des valeurs fondamentales que propose le Québec comme terre d'accueil pour ses immigrants, notamment l'identité francophone du Québec et sa spécificité socioculturelle. De plus, lors du colloque de la Fédération sur l'interculturalisme, plusieurs conférenciers et participants ont clairement exprimé qu'il nous fallait, comme société d'accueil, nous ouvrir au monde et donc accepter de changer, mais que, pour y arriver, il nous fallait aussi clarifier certaines valeurs chères à notre société et qui ne sont pas négociables. Parmi ces valeurs, on citait: le français comme langue de la collectivité, l'égalité entre les hommes et les femmes et la non-violence. Donc, le contrat moral clarifie justement ces valeurs non négociables et confirme la volonté de la société d'accueil de se changer en s'ouvrant sur le monde.

Mme Rocheleau (Lucille): Au niveau de la sélection et du recrutement, les cinq objectifs proposés rejoignent vraiment les préoccupations qu'on a au niveau des CLSC.

Au niveau de l'immigration francophone, viser à augmenter l'immigration francophone facilitera certainement l'intégration à la société québécoise. Par contre, on pourrait aussi viser à intégrer les populations dont la langue maternelle est une langue latine, qui peuvent être des candidats qui s'intégreront facilement puisque les langues latines se rapprochent beaucoup du français et on sait que, de plus en plus, dans ces pays, on offre le français ou l'anglais comme langue seconde. Si on affirmait, à l'extérieur, que le Québec est un pays francophone, possiblement que ça pourrait favoriser le développement de l'enseignement du français comme langue seconde dans ces pays.

Au niveau des immigrants indépendants, on n'a pas relevé les mesures qui étaient proposées parce qu'on est d'accord avec les mesures qui sont là-dedans. Ce qu'on voulait souligner, cependant, c'était la nécessité et l'urgence de développer ces mesures pour améliorer la situation des travailleurs et travailleuses domestiques qui, pour bon nombre de ces travailleurs, font face à des difficultés majeures actuellement.

Au niveau des immigrants de la catégorie famille, on avait déjà mentionné l'importance de la réunification des familles pour faciliter l'adaptation des immigrants et des réfugiés. Là-dessus, pour nous autres, c'est un élément essentiel. On avait soulevé aussi le problème lié au parrainage et, plus spécifiquement, au parrainage des conjointes. Or, dans l'énoncé de politique, le gouvernement exprime clairement son intention d'intensifier son engagement en faveur de la réunification des familles et, aussi, on spécifie la réduction à trois ans de la durée de l'engagement du garant dans le cas des conjoints et des enfants. On espère que ces mesures-là auront un impact positif sur la situation des femmes et, particulièrement, des femmes parrainées.

On souscrit également à l'objectif qui vise à faciliter l'adoption internationale. Cependant, on se pose des questions sur les mesures qui sont proposées à l'intérieur. On se pose des questions sur l'impact qu'elles vont avoir sur l'objectif de faciliter l'adoption internationale. Pour nous, il faudrait s'assurer que la Loi sur l'adoption internationale réduise réellement les délais d'adoption et que les parents qui font une

demande d'adoption soient soutenus adéquatement dans leurs démarches, ce qui, actuellement, semble encore très difficile.

Au niveau des réfugiés, dans l'énoncé de politique, le Québec se reconnaît une responsabilité en matière d'accueil des personnes en situation de détresse. Les mesures concernant les réfugiés sélectionnés à l'étranger contribueront à faciliter leur intégration. La question de la promotion du parrainage collectif particulièrement en région permettra aussi que des régions autres que celle du Montréal métropolitain s'impliquent activement au niveau de l'intégration et amènera l'ensemble de la communauté à avoir un rôle proactif dans cette intégration. Il faudra, cependant, s'assurer que la région qui accueille ait l'infrastructure nécessaire pour permettre à ces réfugiés de s'intégrer véritablement. On veut dire par là des possibilités d'emploi, un nombre suffisant de réfugiés et d'immigrants pour éviter la marginalisation, un réseau d'entraide informel, des services de santé et des services sociaux adaptés.

Une autre possibilité aussi, c'est l'établissement d'un mécanisme de prévision des mouvements migratoires. Ce mécanisme-là pourrait faciliter le développement de cette infrastructure. Ainsi, les CLSC et les autres partenaires pourraient se préparer à recevoir ces réfugiés et se doter des ressources et des instruments de communication nécessaires avant qu'ils arrivent, pour mieux les accueillir et leur offrir les services dont ils ont besoin.

La situation des revendicateurs du statut de réfugié est beaucoup plus complexe et problématique. Nous sommes d'accord avec la nécessité de limiter le mouvement des revendicateurs du statut de réfugié et de faire en sorte que cette mesure ne soit pas une façon de contourner la sélection normale. Cependant, le retard qui est apporté à clarifier la situation des revendicateurs du statut de réfugié a un impact important sur leur santé et leur bien-être et sur les services sociaux et de santé, particulièrement, au niveau des CLSC de la région de Montréal et également au niveau de la région de Sherbrooke qui a accueilli, en 1989, plus de 400 réfugiés. Les mesures proposées concernant les revendicateurs du statut de réfugié dans l'énoncé de politique, pour nous, ne régleront rien au niveau des difficultés vécues par ces revendicateurs de statut ni au niveau des problèmes auxquels sont confrontés les intervenants des CLSC. Les revendicateurs du statut de réfugié vivent des difficultés majeures d'adaptation à la vie courante. D'abord, ils n'ont pas choisi de partir. Ils ont été obligés de partir et ils vivent souvent dans des conditions matérielles désastreuses et présentent fréquemment des problèmes psychosociaux graves, séquelles de leur vécu dans leur pays d'origine. Ils ont vécu des guerres, des famines, de la torture, etc. Et plus on attend pour clarifier leur statut, plus on augmente leurs difficultés d'adaptation. Ces revendicateurs vivent dans des conditions d'extrême pauvreté souvent et se présentent en dernier recours au CLSC pour obtenir de l'aide.

Alors, trois problèmes spécifiques se posent au niveau des services psychosociaux de santé dans les CLSC concernant les réfugiés. Tout d'abord, on se demande quels services on doit offrir à ces populations-là pour leur permettre de s'adapter étant donné le vécu qu'ils ont eu avant d'arriver ici. La deuxième question, c'est: Comment adapter nos pratiques actuelles pour faire face aux problèmes de santé mentale et physique de cette population-là? Par exemple, un jeune qui se présente au CLSC pour une dépression importante qui est liée, dans le fond, au fait qu'il a été témoin de l'assassinat de ses parents, comment intervient-on auprès de ce jeune-là? Lorsqu'un revendicateur du statut de réfugié se présente au CLSC parce qu'il n'a plus rien à manger, ou qu'il présente un problème de santé, ou un besoin de médicaments mais n'a pas encore sa carte d'assurance-maladie, les intervenants doivent répondre à ses besoins. Au ministère de la Santé et des Services sociaux, les services pour cette clientèle spécifique ne sont pas prévus. Il faut donc ponctionner les ressources du CLSC pour répondre aux besoins vitaux. Pour les CLSC à forte concentration multiethnique, ces demandes sont fréquentes. Nous recommandons donc au gouvernement du Québec de faire les démarches nécessaires pour obtenir du gouvernement fédéral l'argent pour offrir les services courants aux revendicateurs du statut de réfugié, pour offrir des services qui sont vraiment des services d'urgence et pour développer des services et l'expertise nécessaire pour soutenir l'adaptation et l'intégration. À ce niveau-là, je pense qu'on a beaucoup de recherches à faire. Actuellement, de toute façon, le Québec assume le coût de ces services.

Quant à la partie de l'intégration, nous sommes très contents de l'importance qui est accordée à l'intégration, parce que, effectivement, comme le disait Mme Vaillant, ça ne nous donne pas grand-chose d'avoir des immigrants si on n'arrive pas à les intégrer à la société d'accueil. Au niveau du colloque sur l'intercul-turalisme, les CLSC ont parlé de leur préoccupation concernant l'intégration des immigrants et plusieurs CLSC ont présenté des expériences intéressantes pour aider les immigrants à s'intégrer à la société d'accueil.

L'énoncé de politique propose trois axes d'intervention: d'abord, le français comme langue commune, deuxièmement, la participation des immigrants à la vie collective et, troisièmement, le développement de relations intercommunautaires harmonieuses. Nous souscrivons à ces trois axes d'intervention. De plus, la reconnaissance qu'une intégration réussie nécessite non seulement l'engagement de l'immigrant lui-même, mais également celui de l'ensemble de la société

d'accueil, nous apparaît fondamentale.

On reconnaît que la démarche d'intégration peut varier d'un individu à l'autre dans le processus à long terme d'adaptation et on a identifié, dans l'énoncé de politique, trois sous-groupes qui éprouvent des difficultés particulières. On parle ici, entre autres, des minorités visibles, des femmes et des personnes peu instruites et à faibles revenus. Nous ajouterions à ces trois groupes les personnes âgées également. On aurait aimé que, dans le document, on retrouve les raisons qui font qu'on a retenu ces catégories, raisons qui nous auraient peut-être permis plus facilement de développer des mesures propres à soutenir leur adaptation.

Dans les mesures proposées pour faciliter l'intégration, il y a des mesures qui visent les nouveaux arrivants et les réfugiés, d'autres qui visent les Québécois qui sont ici depuis longtemps et la société d'accueil. Pour nous, il est important de clarifier les mesures qui s'adressent aux nouveaux arrivants et les mesures qui s'adressent à la société d'accueil et aux Québécois d'origine autre qui sont ici depuis longtemps. Cette distinction est importante pour bien clarifier nos objectifs, pour rejoindre la bonne clientèle, délimiter nos interventions et assurer les ressources nécessaires. Si on ne fait pas cette distinction-là, on risque de tout mêler.

Au niveau du français langue commune, le développement du français comme langue de la vie publique et comme langue de travail est une mesure essentielle pour favoriser l'intégration des nouveaux arrivants à la société du Québec et, pour nous, cette mesure est fondamentale II ne s'agit pas de laisser porter le poids de la survie du français au Québec aux immigrants. Il faut vraiment que, comme société, on fasse en sorte que ce soit évident que le français, c'est la langue de communication et la langue de travail. Or, actuellement, en tout cas dans la région de Montréal, on va demander aux immigrants d'apprendre le français, sauf que, quand ils vont se chercher un travail, on leur demande de parler anglais.

Nous voudrions souligner aussi la nécessité de revoir la programmation des COFI, pour accorder plus d'heures à l'apprentissage de la langue. Le nombre d'heures accordées spécifiquement à l'enseignement du français actuellement est insuffisant et ne permet pas une maîtrise de la langue française.

Plusieurs mesures aussi visent à adapter l'enseignement à des clientèles cibles. Pour nous, la clientèle des femmes immigrantes confinées à domicile devrait faire l'objet de mesures particulières au niveau de l'enseignement du français parce que cette clientèle est difficile à rejoindre et qu'elle est de plus en plus isolée au fur et à mesure que la famille s'intègre à la société. Ici, le milieu scolaire pourrait jouer un rôle important en s'impliquant pour donner des cours de français aux parents, tout en aidant ces derniers à comprendre le fonctionnement scolaire et le milieu de vie de leur enfant.

Le deuxième point, c'est la pleine participation à la société québécoise. Ce point-là touche particulièrement les services en CLSC. Au niveau de l'accueil des nouveaux arrivants, comme le mentionne l'énoncé de politique, le premier contact avec la société d'accueil et ses institutions joue un rôle essentiel dans le processus d'intégration des immigrants. C'est pourquoi les CLSC accordent une très grande importance aux services à offrir.

Les mesures concernant le soutien à l'insertion économique et au marché du travail et la bonification du programme de subventions aux organismes oeuvrant en accueil et en adaptation sont, pour nous, pertinentes. Quant aux mesures prévoyant l'accroissement de l'offre des services sociaux courants aux nouveaux arrivants dans le réseau de la santé et des services sociaux, elle est absolument nécessaire. Mais on ne doit pas seulement augmenter ces services. Il faut aussi adapter les services pour répondre aux besoins de cette clientèle.

Le livre blanc sur la réforme du système de santé et de services sociaux propose aussi la constitution d'une banque d'interprètes dans l'île de Montréal pour seconder le personnel des établissements. C'est là une mesure essentielle pour offrir des services sociaux et de santé adaptés aux nouveaux arrivants. Et, pour nous, quand on parle d'interprète, il ne s'agit pas juste de quelqu'un qui peut interpréter, mais de quelqu'un qui peut aussi faire de l'accompagnement et comprendre les situations. (10 h 45)

II serait également nécessaire de développer des programmes de soutien aux personnes âgées immigrantes parrainées par la famille. Souvent confinées à la maison, elles sont isolées, vivent des conflits de générations et ont peu d'occasions de s'intégrer à leur nouvelle société. Il faut aussi soutenir les familles qui se retrouvent après de longues séparations. Ces familles vivent des difficultés particulières. Le réseau de la santé et des services sociaux et particulièrement les CLSC sont bien placés pour développer des programmes de soutien à l'adaptation, puisque c'est souvent à travers des problèmes de santé que se manifestent les difficultés d'intégration.

Autre élément important, la question de la complémentarité des gens qui oeuvrent au niveau de l'intégration. Les intervenants des CLSC sont confrontés à la difficulté de rejoindre cette clientèle qui ne connaît pas notre système de santé, qui souvent est très différent de ce qu'elle a connu. Une forme d'accompagnement par des bénévoles rattachés à un groupe communautaire pourrait faciliter la compréhension du système et son utilisation.

Le Président (M. Doyon): Avec votre permission, je vous signale que le temps qui vous

est alloué est terminé.

Mme Rocheleau: Ah oui!

Le Président (M. Doyon): Les 20 minutes se sont écoulées rapidement. Je ne sais pas si vous achevez la présentation de votre mémoire ou s'il vous en reste très long, sauf qu'il faut peut-être garder du temps pour la discussion avec les membres de la commission.

Mme Vaillant: D'accord, on peut tenter de résumer la dernière partie qui est tout ce phénomène de régionalisation de l'immigration qui est, quant à nous, un aspect important compte tenu de la concentration dans la région de Montréal. Il faut aussi s'interroger par rapport aux régions. Et, dans ce sens-là, M. Borja, qui est de la région de Sherbrooke où on vit certaines expériences fort intéressantes, pourrait peut-être synthétiser, avec la permission des membres de la commission, cette partie-là et nous serions disposés à répondre à vos questions subséquemment.

Le Président (M. Doyon): Très bien. Mme Vaillant: Si ça vous agrée.

Le Président (M. Doyon): Alors, en résumant.

M. Borja (Jaime): O.K. C'est que la régionalisation, nous trouvons, est un élément majeur dans l'énoncé de politique. Dans la région de l'Estrie, par exemple, nous sommes en train de nous préparer à faire face au problème de l'immigration. Il y a une table intersectorielle composée de la ville de Sherbrooke, de la direction régionale de l'immigration, des CRSSS, des deux CLSC de Sherbrooke, de l'organisme d'accueil aux immigrants. Nous sommes tous ensemble pour faire face aux problomos qui se présentent déjà dans la région de l'Estrie.

Et, comme vous savez, les immigrants, leur premier besoin, c'est de vivre d'abord. Donc, il faut qu'ils aient une source de travail. L'immigrant, il ne choisit ni la couleur, ni le climat, ni le lieu, ni le paysage. Il choisit l'endroit où il peut gagner sa vie. Donc, si la région était capable de présenter des sources de travail, l'immigrant n'aurait aucun inconvénient à se rendre dans les régions. Et je vous dis que l'intégration des immigrants dans les régions, c'est beaucoup plus facile que dans une grande ville, tout d'abord parce que, dans une région, on n'a pas ni les bonnes, ni les mauvaises expériences de l'immigration comme référence et que les immigrants qui arrivent dans une petite ville, comme Asbestos, ou Sherbrooke, ou East Angus, pour parler de ma région, ils se sentent mieux accueillis que par des gens qui habitent à Montréal.

En passant, pour vous illustrer un peu la chose, les gens d'Asbestos appellent des étrangers les gens qui viennent de Drummondville. Donc, quand on appelle étranger un étranger, il n'y a pas une grosse différence. Donc, c'est dans ce sens-là que la régionalisation, nous la trouvons importante, mais, par contre, je souhaiterais que le ministère de l'Immigration du Québec nous donne les moyens pour soutenir tout projet de table de concertation intersectorielle pour se préparer à accueillir ces immigrants-là en région.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Borja. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, Mme Vaillant, Mme Rocheleau et M. Borja, que je salue, qui est d'ailleurs de la région de l'Estrie. Je suis fière, parce que M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques a toujours tous les groupes dans son comté. Alors, voyez-vous, que j'aie quelqu'un finalement de la région de l'Estrie ce matin, ça me fait grandement plaisir.

Je voulais peut-être tout simplement relever, à la page 6 de votre mémoire, je ne sais pas si c'est une petite erreur, parce que, Mme Rocheleau, vous ne l'avez pas souligné dans votre présentation. Lorsque vous parlez des revendicateurs, vous mentionnez ici que "ces revendicateurs, n'ayant pas droit à la gratuité des services psychosociaux et de santé, ni à l'aide sociale, vivent dans des conditions d'extrême pauvreté". Donc, finalement, c'est parce qu'ils reçoivent justement ces services. Ils reçoivent l'aide sociale, ils reçoivent...

Mme Rocheleau: C'est effectivement une erreur qu'il y avait dans le document.

Mme Gagnon-Tremblay: Ah bon! d'accord! Parfait.

Mme Rocheleau: C'est pour cela que je ne l'ai pas mentionné. Ce que je voulais mentionner, c'est qu'au niveau des services de santé, souvent, le laps de temps entre le moment où les gens reçoivent leur carte...

Mme Gagnon-Tremblay: D'accord.

Mme Rocheleau: ...c'est une période de trois mois et, des fois, c'est plus long.

Mme Gagnon-Tremblay: Parfait. Alors, je voulais le soulever parce que vous n'en avez pas fait mention.

Je voudrais revenir à la page 5 de votre mémoire. Je trouve très intéressante la proposition que vous faites relativement à la mise en place d'un mécanisme de concertation et de prévision des mouvements migratoires et j'aimerais avoir un petit peu plus d'information là-dessus. Lorsque vous parlez de ces prévisions des mouvements migratoires, de quel type d'informa-

tion le réseau de santé aurait-il besoin? S'agit-il surtout d'une information relative au volume d'immigration anticipé, par exemple, pour que vous sachiez d'avance quel est le nombre de personnes que nous sélectionnerons au cours des prochaines années ou plutôt de données sur les caractéristiques de cette immigration?

Mme Rocheleau: C'est beaucoup plus au niveau des caractéristiques de cette immigration. Dans le fond, si on peut prévoir... Je pense que c'est beaucoup au niveau des réfugiés qu'on peut davantage prévoir ces éléments-là. En fonction de ce qui se passe dans le monde, à un moment donné, on sait qu'on va avoir des réfugiés. C'est des gens dans le territoire de Côte-des-Neiges qui nous disaient: Bon, on sait que, dans six ou neuf mois, on va avoir des réfugiés de tel endroit, juste par rapport à ce qui se passe actuellement dans le monde. Et si on était capable de prévoir que, par exemple, des gens de Chine, de l'Inde ou d'un pays d'Afrique vont arriver parce qu'il y a des situations politiques difficiles et qu'on sait qu'on va en recevoir plusieurs d'ici quelques mois, ça nous permettrait de nous informer d'abord sur qui sont ces gens-là qui viennent, quelle est leur culture, quelle est leur langue, qu'est-ce qu'on aurait besoin de développer comme outils, et c'est beaucoup dans ce sens-là qu'on parle de prévision des mouvements migratoires. Dans le fond, c'est de développer les outils qui vont nous permettre, dès le départ, de les accueillir et de travailler avec eux.

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que votre clientèle... parce que vous parlez beaucoup de réfugiés ou de revendicateurs. Je fais une différence entre les deux aussi, parce que, les réfugiés, nous les sélectionnons bien sûr, donc, à ce moment-là, on peut bien vous informer sur leurs caractéristiques...

Mme Rocheleau: On peut les avoir d'avance.

Mme Gagnon-Tremblay: ...parce qu'on les sélectionne au moins un an d'avance, parfois six mois. Cependant, quant aux revendicateurs, bien, je pense que, nous aussi, on n'en a pas idée. Bon, on sait ce qui se passe un peu dans le monde, mais on espère toujours que nos frontières seront mieux contrôlées et, comme vous le disiez tout à l'heure, il ne faut pas que ce soit une façon de détourner la loi actuelle. Mais on ne sait pas beaucoup plus que vous, nous non plus, par exemple, de quel endroit ils pourraient provenir.

Mais vous pariez beaucoup de réfugiés et de revendicateurs; est-ce que c'est parce que c'est la proportion la plus importante de votre clientèle aux CLSC?

Mme Rocheleau: Non, ce n'est pas la proportion la plus importante, mais c'est la clientèle pour laquelle on a le plus de difficultés à répondre à leurs besoins, parce qu'ils ont des besoins spécifiques. Les guerres, les famines, la torture, au Québec, on n'a pas connu ça. Donc, quand on arrive pour aider ces gens-là, les intervenants sont souvent démunis. Il y a le problème de la langue, évidemment, qui est un problème important. Il y a le problème de la culture, parce qu'on ne connaît pas nécessairement la culture. Ça, ça joue aussi pour les immigrants et les nouveaux arrivants, mais il y a en plus, pour les réfugiés, tout le problème des séquelles psychologiques que ces gens-là ont, à cause de ce qu'ils ont vécu dans leur pays. Et c'est cet aspect-là qui rend l'intervention plus difficile. Alors, c'est pour ça qu'on parle beaucoup des réfugiés. C'est sûr qu'au niveau des immigrants il faut aussi développer... Les intervenants ont besoin de connaître les cultures, ont besoin de connaître les valeurs fondamentales de ces gens-là pour être capables d'intervenir avec eux. Mais disons que, pour les réfugiés, c'est qu'on a comme une coche supplémentaire de difficultés.

Mme Gagnon-Tremblay: Donc, tout comme, par exemple, le réseau scolaire, le milieu de la santé aurait avantage à ce qu'une fois l'an, une fois que nous avons sélectionné nos personnes, on puisse vous indiquer la provenance, les bassins d'où ces personnes-là vont venir...

Mme Rocheleau: Oui.

Mme Gagnon-Tremblay: ..pour vous donner un peu certaines indications sur les services à rendre.

Mme Rocheleau: C'est ça. Je pense que ce serait intéressant non seulement d'avoir cette information, mais de mettre en place un méca nisme qui nous permette, dès ce moment-là, de commencer à élaborer des outils pour nous permettre de les recevoir.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je sais que Oui, madame.

Mme Vaillant: J'ajouterais, Mme la ministre, que, concernant les réfugiés, ce sont des cas de détresse à plusieurs égards, de détresse psychologique et aussi des situations d'urgence sociale où il faut qu'il y ait du dépannage: le gîte et le couvert. Il faut qu'on puisse non seulement leur donner des services psychosociaux adéquats, mais il y a également des cas d'urgence sociale et, actuellement, nos services ne sont pas suffisamment adaptés pour répondre à ce type de besoins là. Et c'est pour ça que nous attirons une attention particulière relativement aux réfugiés.

Mme Gagnon-Tremblay: Je sais que les CLSC travaillent beaucoup avec les organismes

communautaires, les ONG. J'ai visité quelques CLSC, surtout dans la région de Montréal entre autres, et on travaille beaucoup avec les organismes communautaires parce qu'ils ont aussi cette expertise-là et, parfois, c'est beaucoup plus facile de pouvoir contacter ou échanger avec des membres d'une même communauté, souvent.

Je ne sais pas, dans un contexte où on devra quand même définir les besoins mais définir aussi des services qu'on aura à rendre, est-ce que les CLSC se sont penchés, par exemple, sur les services qu'on pourrait offrir, dans le sens qu'eux pourraient offrir par rapport aux ONG, par exemple, ou par rapport à d'autres secteurs? En somme, c'est un petit peu: Qui peut faire quoi? Est-ce que, par exemple, tel service devrait relever du CLSC ? Est-ce qu'on devrait en faire faire davantage par les organismes? Est-ce que ça devrait être à un autre niveau? Est-ce qu'on a un peu élaboré ou un peu réfléchi à ça et élaboré une intervention?

Mme Vaillant: Je vais vous donner les grandes lignes et, de façon plus spécifique, mes collègues pourront compléter avec des expériences sur le terrain. Un des éléments majeurs de la collaboration des CLSC quand on parle d'intégration, c'est justement le lien avec les ONG et surtout ceux des communautés culturelles. Et, dans ce contexte-là, pour dispenser des services, que ce soit, par exemple, en maintien à domicile ou en soutien à domicile, il y a une collaboration nécessaire avec les organismes communautaires, soit pour faire de l'accompagnement pour être capable... Dans certains cas, c'est de la traduction, dans d'autres cas, ce sont des visites à domicile, dans d'autres cas, c'est une forme d'aide.

Et ce que les organismes des communautés culturelles nous ont exprimé clairement... Parce que, depuis le colloque sur l'interculturalisme, nous avons établi des collaborations beaucoup plus serrées avec eux. À titre d'exemple, nous venons d'organiser un forum avec 200 organismes sur le soutien à domicile et nous avons impliqué, dès le départ, des représentants des communautés culturelles pour que ce soit une démarche intégrée.

Et, dans ce sens-là, ce que les communautés et les organismes nous disent, c'est qu'ils veulent une relation de partenariat avec nous, ils ne veulent pas être au service du réseau public, mais en partenariat et, dans le domaine du partage des responsabilités, si vous voulez, avec le communautaire, qu'on puisse le définir ensemble. La ligne, c'est que l'établissement public offre les services de base, mais que, pour des services de soutien, de support, d'entraide, d'accompagnement, de visites, entre autres pour les aînés, il y ait une contribution importante des organismes communautaires.

Mme Rocheleau: Là-dessus, moi, je voudrais peut-être aussi apporter une précision par rapport aux difficultés qui sont vécues actuellement entre les CLSC et les ONG à certains endroits à cause du nombre important d'immigrants de cultures différentes qu'on connaît peu, de langues différentes. On a souvent tendance, à un moment donné, quand, au niveau d'un CLSC, on ne peut pas offrir le service, par exemple un service psychosocial parce qu'on n'est pas capable de comprendre la personne, à l'envoyer dans un ONG.

Et, finalement, on se retrouve dans des situations où ce sont les ONG qui, dans le fond, donnent les services sociaux parce qu'ils ont les ressources... Ils n'ont pas les ressources sociales, mais ils ont les personnes qui parlent la langue et qui connaissent la culture. Or, pour nous, là-dedans, c'est important qu'on clarifie ça. Je pense que le rôle de service social, le rôle de service de santé, ça revient aux organismes publics, aux CLSC. Ce qu'il faut faire, c'est développer les collaborations pour être capables de rendre ces services-là.

Or, actuellement, les organismes non gouvernementaux nous disent: Mais oui, mais vous nous demandez de faire votre travail parce que vous autres, vous n'êtes pas capables de le faire, mais, nous, on n'a pas les ressources pour le faire. Donc, à un moment donné, il y avait un débat à savoir: Est-ce qu'on doit mettre, dans les organismes non gouvernementaux, les services psychosociaux? Et, là-dessus, je pense que c'est important que les services psychosociaux restent au niveau des CLSC comme étant un organisme de première ligne qui offre ces services-là, mais qu'il faut mettre des mécanismes en place pour que ces services-là soient adaptés et qu'on soit capables de répondre à ces clientèles. (11 heures)

Mme Gagnon-Tremblay: Ma dernière question. C'est peut-être... Vous savez que nous sommes en train de réévaluer nos programmes de subventions, aussi, pour que, vraiment, ils répondent davantage aux objectifs qu'on veut bien atteindre. Par contre, quand on parle de partenariat, il faut qu'il y ait aussi... Il faut s'assurer d'un suivi, c'est-à-dire qu'il faut s'assurer des résultats aussi parce que ça prend un certain encadrement. C'est que, quand on veut faire faire par d'autres, quand il s'agit de services complémentaires, à ce moment-là, il faut s'assurer que ce soient les bons services. Il faut s'assurer aussi qu'on s'adresse aux bonnes personnes. Vous avez des personnes, des organismes actuellement qui oeuvrent dans certains domaines qui sont plus spécialisés que d'autres. Par exemple, vous avez des organismes qui oeuvrent dans tous les domaines en même temps. Vous avez des organismes qui se créent aussi à gauche et à droite pour répondre à un besoin rapide. Mais, à ce moment-là, comment aussi peut-on... Est-ce qu'on peut, à un moment donné, rationaliser jusqu'à un certain point pour être

capable de faire ce partenariat, départager la responsabilité de chacun et faire en sorte que ces organismes puissent vivre convenablement, puissent être assurés d'un certain fonctionnement annuel pour x années, sachant d'avance, par exemple, que les services qu'ils mettront en place sont des services pour lesquels ils reçoivent des sommes? Cependant, comment on peut faire et, comme je vous le dis, est-ce que vous avez des suggestions? Est-ce que vous pouvez penser nous aider aussi là-dedans?

Mme Vaillant: Écoutez, oui, c'est ce qu'il faut faire. Actuellement, dans les collaborations que nous avons, les suites du colloque sur l'interculturalisme, ce sont des zones d'intervention qu'il nous faut faire. Il faut le faire dans le cadre de la réforme sur la santé et les services sociaux pour tout le secteur des organismes communautaires. Mais, de façon plus particulière, au niveau de la Fédération, nous avons des réflexions dans les suites du colloque parce que nous avons eu des messages très clairs - je peux vous lé dire - très très clairs de la part des communautés culturelles d'adapter nos services, d'être à la disposition du monde et d'assumer nos responsabilités publiques. Nous allons faire ça avec eux pour être capables de départager et je pense que, dans ce sens-là, avec le plus grand plaisir, nous allons vous faire parvenir le résultat de ces travaux-là sur un "départage" entre ce que l'État, les services publics doivent assumer, y compris pour les communautés, les groupes ethniques, la complémentarité et l'arrimage des ONG.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Vaillant. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, la première question que j'aimerais vous poser, elle est Inspirée à partir de la page 4 de votre mémoire, c'est-à-dire dans les recommandations. Vous dites: "Pour faciliter l'adaptation des immigrants et des réfugiés qui sont déjà présents, il nous semble essentiel que les familles de ces immigrants puissent être réunies C'est pourquoi nous recommandons que la réunification des familles soit une priorité au niveau de l'immigration." Est-ce que vous savez que la définition du mot "famille" est du ressort exclusif du gouvernement fédéral canadien, ce que j'appelle avec beaucoup d'affection "mon oncle d'Ottawa", donc que le Québec ne peut agir à ce niveau-là? Vous en étiez conscients?

Mme Rocheleau: On en est très conscients. Ce qu'on voulait dire, le message qu'on voulait dire, c'est que, pour nous, si on parle d'intégration, ça reste un domaine fondamental sur lequel il faudrait faire en sorte qu'on puisse avoir quelque part un pouvoir.

M. Boulerice: En point 2: "Étant donné les difficultés que vivent les réfugiés en attente de statut, nous recommandons de rendre plus expé-ditif le processus de reconnaissance du statut pour les réfugiés qui sont déjà au Québec." C'est encore là un objet de mon oncle à Ottawa.

Mme Rocheleau: Eh oui! C'est ces deux éléments-là qu'on voulait faire ressortir comme étant effectivement un problème sur lequel il faut qu'on réussisse quelque part, à un moment donné, à pouvoir contrôler quelque chose là-dedans.

M. Boulerice: Alors, la meilleure façon de contrôler ne serait-elle pas, à votre point de vue, qu'on n'ait pas uniquement des demi-pouvoirs, mais les pleins pouvoirs en matière d'immigration?

Mme Vaillant: Écoutez, là-dessus, quant à nous qui sommes au niveau des services à dispenser à la population, ce qui est très important, c'est que le Québec puisse avoir la mainmise sur les leviers dont il a besoin dans une matière aussi importante.

M. Boulerice: Et vous estimez que nous devrions avoir les leviers sur ces deux aspects de l'immigration?

Mme Vaillant: Écoutez, très honnêtement, je ne suis pas une spécialiste en matière constitutionnelle et ce serait hasardeux, pour ma part, d'aller sur ce terrain-là. Mais je vous dirais que, par rapport à la clientèle, oui, il faut que le gouvernement du Québec ait les leviers nécessaires en matière d'immigration pour s'assurer que l'intégration se fasse. Les deux problèmes que nous soulevons, la réunification des familles et également toute la question des réfugiés, posent des problèmes humains importants auxquels nous sommes régulièrement confrontés.

M. Boulerice: Question d'ordre philosophique: C'est quoi l'intégration? Le mot est prononcé très souvent sauf que, quand on regarde des statistiques qui ont été faites - je ne vais pas douter de la valeur de ces statistiques - le degré d'identification à la société québécoise est très faible, à l'exception des communautés originaires de France, enfin, de pays francophones européens, de pays francophones africains, des îles des Caraïbes francophones et, heureusement - et là, je m'étonne que M. Borja ne soit pas dans Sainte-Marie-Saint-Jacques - des populations originaires d'Amérique centrale et d'Amérique latine.

En contrepartie, on dénonce très ouvertement le melting-pot américain. Je connais peu ou pas d'États américains qui ont des mesures semblables aux nôtres, mais, par contre, l'intégration à la société américaine est indéniable.

Mme Vaillant: Là-dessus, je vous dirais que, pour nous, c'est l'adhésion aux valeurs fondamentales d'une société, c'est un lien d'appartenance. Et je dirais que c'est une espèce de chimie qui fait que et la terre d'accueil, et les immigrants en ressortent enrichis les uns et les autres. C'est surtout au niveau de cette espèce de contrat social ou contrat moral que nous pensons... À partir du moment où les valeurs sont clarifiées et qu'il y a cette espèce de contrat moral qui s'établit, ce sont des conditions qui vont permettre une meilleure intégration avec... Et ça se fonde sur le respect les uns des autres. Dans ce sens-là, je demanderais à M. Borja qui l'a vécu et qui peut être encore plus explicite...

Le Président (M. Doyon): M. Borja.

M. Borja: Oui, je pense qu'un indicateur de l'intégration d'un immigrant au Québec, c'est d'avoir une famille québécoise comme famille amie avec laquelle partager nos bons et nos mauvais instants. Je pense que tant et aussi longtemps qu'on ne peut pas avoir une famille québécoise comme faisant partie de notre vie d'immigrant, on n'est pas encore intégré. Pour avoir fait une étude, au début de mon travail à Québec, sur l'intégration des immigrants, il en ressortait qu'il y avait très peu, mais très peu d'immigrants qui, même après 10 ou 15 ans, avaient réussi à établir des liens d'amitié profonds avec une famille québécoise.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Borja. M. le député.

M. Boulerice: Et, d'après vous, M. Borja, pourquoi en sommes-nous à cette situation-là? Est-ce l'immigrant qui a la tentation légitime de vouloir fréquenter plutôt ses coreligionnaires ou bien est-ce l'archéo-Québécois - pour employer cette nouvelle expression qu'on nous a indiquée - qui, lui, est hermétique à l'immigrant?

M. Borja: C'est ça. Je ne pense pas qu'on puisse mettre tous \es immigrants dans le même sac. (I y en a qui ont fait un choix éclairé en venant au pays et, à ce moment-là, ils ont aussi fait des choix éclairés pour se placer dans des endroits où ils pouvaient s'intégrer plus facilement. C'est pour ça que je dis que l'intégration se fait plus facilement dans une petite ville qu'à Montréal. J'ai été quatre années à Montréal et je ne me suis intégré nulle part. Dans les deux premières années où j'étais à Asbestos, on m'a accueilli et on a accueilli mes enfants d'une façon fantastique et je me suis senti Québécois à ce moment-là, quand j'ai développé ces liens d'amitié avec ce monde de cette petite ville là. Donc, un immigrant qui a choisi le Québec, de vivre au Québec, il va trouver les moyens de s'intégrer, mais quelqu'un qui est là de passage pour s'en aller aux États-Unis ou à Toronto, bien, il ne s'intégrera pas. Encore pire celui qui est là simplement comme réfugié ou en attente de. Donc, il faut voir un peu... pas tous dans le même ensemble. Il faut distinguer un immigrant par rapport à un autre. Mais celui qui choisit pays, je pense qu'il est capable de s'intégrer de façon harmonieuse.

M. Boulerice: Vous parlez des réfugiés. J'aimerais ça en parler longtemps avec vous parce qu'au niveau des réfugiés, la situation que l'on vit, je trouve qu'on est en train de commettre des crimes psychologiques épouvantables dans ce pays en provoquant une attente... Mais, je vais plutôt revenir à la régionalisation puisque vous l'avez vécue. Vous l'avez bien vécue d'ailleurs; vous n'êtes pas néo-Québécois, vous êtes un néo-Asbestrien...

M. Borja: Oui, un Estrien.

M. Boulerice: Un néo-Estrien. On n'est pas un peu dans un cul-de-sac, M. Borja, quand les régions se dépeuplent? Toutes les indications nous proviennent que les régions se dépeuplent; la Gaspésie est en train de devenir un véritable désert, il y a une situation économique très inquiétante; le Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui était renommé pour être un endroit tricoté serré, pour employer l'expression populaire, se dépeuple. C'est la même chose pour l'ensemble des régions et Dieu seul sait que, moi, je crois avec vous très fermement, puisque j'ai bien fréquenté l'Estrie, l'Outaouais, la région de la Mauricie, que oui, les expériencecs d'intégration ont été réussies et un million de fois mieux qu'elles n'ont réussies à Montréal parce que c'était de petites communautés. Et la vieille expression de Tôffler "small is beautiful" est vraie. Mais, par contre, nous ne pouvons envoyer les gens en région. Il ne peut pas y avoir de directives puisque ce serait contraire à la Charte des droits et libertés qu'on s'est donnée. Donc, on ne peut pas les forcer à y aller. Les mesures incitatives, on les cherche, mais on ne les trouve pas. Résultat, ils sont à Montréal, donc la consolidation de ghettos, quand, en fin de compte, la solution serait qu'ils aillent effectivement en région. Vous avez mentionné Asbestos, je pourrais suggérer d'autres jolies villes qui en profiteraient énormément. J'ai l'impression qu'on est dans un cul-de-sac. Je ne sais pas quels sont vos sentiments?

M. Borja: Je pense que quelqu'un décide quelque part parce que, dernièrement, à Sherbrooke, les réfugiés viennent de l'Asie et de l'Amérique centrale. Il y a quelqu'un qui fait ça. Donc, dans ce sens-là, ces réfugiés arrivent déjà décidés quelque part à Mirabel de prendre l'autobus pour se rendre à Sherbrooke. Ils viennent de ces deux groupes ethniques majeurs.

Maintenant, je continue à croire que les régions pourront accueillir des réfugiés ou des immigrants tout court s'il y a des sources de travail; s'il n'y a pas de sources de travail, pourquoi les enverrait-on là-bas? Et, dans ce sens-là, je disais à Mme la ministre, quand elle a fait la tournée en région, qu'il faudrait que, dans chaque région, il y ait une table de concertation intersectorielle avec la chambre de commerce, la ville et tous les acteurs économiques et qu'elle pense à cette situation-là et qu'elle dise: Bon, c'est bon pour la ville d'augmenter nos payeurs de taxes; il faudrait leur trouver des sources d'emploi. Mettons-nous ensemble, travaillons ensemble et, quand on sera prêt, on va dire: Oui, on est prêt à accueillir 400 réfugiés ou 200. Mais il ne s'agit pas d'envoyer des réfugiés en région en disant: Qu'ils se débrouillent. Il faut s'assurer avant qu'il y ait des sources d'emploi. Et, dans ce sens-là, c'est ça l'enjeu majeur.

M. Boulerice: Une toute dernière question, M. Borja. Oui, sources d'emploi, mais pensez-vous que ce serait un incitatif très fort au niveau de l'immigration en région si, au départ, à tout candidat, on présentait une offre de parrainage, parce qu'il me semble que ç'a été la voie la plus efficace, la plus authentique et sans doute la plus humaine pour favoriser l'intégration? Déjà au début, si on présente un contrat moral en leur disant: Vous savez, il y a des gens qui sont prêts à signer un contrat de parrainage avec vous?

M. Borja: Ce qui est arrivé à East Angus, par exemple, où des Cambodgiens sont arrivés là, c'est qu'il y avait, pour chaque famille cambodgienne, une famille québécoise qui la par rainait, en quelque sorte, et finalement ça a été une réussite. C'est pour ça que je dis ça. Il faut que le peuple québécois accueille d'une façon plus particulière que les instances gouvernementales pour que cette intégration débute quelque part.

M. Boulerice: Êtes-vous un immigrant ou un Québécois?

M. Borja: Je suis Québécois, et mes enfants ne me donnent pas le choix. Plus mes enfants grandissent, moins je me sens de mon pays d'origine.

M. Boulerice: Merci, M. Borja, de votre participation.

Le Président (M. Doyon): Oui, Mme Vaillant.

Mme Vaillant: Si vous permettez, j'aimerais ajouter un élément supplémentaire en vous disant que c'est à la suite de l'ensemble des questions qui ont été posées qu'au niveau de la communauté d'accueil, comme Fédération des CLSC, nous avons pris un engagement d'adapter nos services et de traduire cette préoccupation majeure dans l'ensemble des interventions et des démarches que la Fédération entreprend et c'est ce qui explique également le fait que nous soyons ici ce matin. Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, quelques mots de remerciement, peut-être.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, je veux vous remercier. Je suis très contente de voir que, dans la région de l'Estrie, là, on ait déjà commencé à regrouper les acteurs, les intervenants pour pouvoir faire une meilleure concertation du dossier et nous permettre de préparer les structures d'accueil. Et je suis heureuse aussi de constater que les CLSC ont déjà fait un grand bout de chemin. Mais je reviens toujours sur qui doit donner ces services-là et, dans ce sens-là, je trouverais ça important que vous puissiez rencontrer le personnel du ministère - et, tout à l'heure, j'en parlais avec mes sous-ministres -dans le but, justement, d'identifier les besoins, mais aussi d'identifier qui doit desservir les clientèles, qui doit donner les services, parce que c'est justement ce que nous sommes en train d'évaluer, au ministère. Alors, vous avez déjà une expertise dans ce domaine et ce serait intéressant qu'on puisse échanger ensemble. Merci beaucoup, et je vous souhaite un bon voyage de retour.

Mme Vaillant: Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, au nom des membres de la commission. En vous permettant de vous retirer, je demanderais aux représentants de l'Alliance des communautés culturelles pour l'égalité dans la santé et les services sociaux...

M. Boulerice: Je voudrais prendre deux petites secondes pour des raisons humanitaires.

Le Président (M. Doyon): Oui.

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que je pourrais prendre les mêmes secondes?

Le Président (M. Doyon): Oui Alors, suspension pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 18)

(Reprise à 11 h 21 )

Alliance des communautés culturelles pour

l'égalité dans la santé et les services sociaux

et Association multi-ethnique pour l'intégration

des personnes handicapées du Québec

Le Président (M. Doyon): En souhaitant la

bienvenue aux membres de l'Alliance des communautés culturelles, je les invite à se présenter comme ils ont peut-être vu les autres le faire. Ils disposent d'une vingtaine de minutes, moins si possible, ça dépend du résumé qu'ils veulent nous présenter de leur mémoire. Après ça, la conversation s'engage avec les membres de cette commission pour quelques minutes aussi. Nous vous écoutons donc en vous souhaitant la bienvenue.

Mme Soave (Luciana): Merci beaucoup. Je suis Luciana Soave, présidente de l'ACCESSS, l'Alliance des communautés culturelles pour l'égalité dans la santé et les services sociaux, et je présente les deux personnes qui m'accompagnent.

Mme William (Nancy): Nancy William. Je suis la coordinatrice de l'ACCESSS.

M. Domond (Osé): Et Osé Domond. Je suis responsable des communications pour l'ACCESSS.

Le Président (M. Doyon): Alors, bienvenue à vous trois.

Mme Soave: C'est aussi un des membres fondateurs. J'aimerais aussi remercier l'Assemblée de nous avoir accordé un petit compromis. En effet, je porterais ici deux chapeaux aujourd'hui, si vous permettez, parce qu'on devait venir hier soir pour l'ACCESSS et, ce matin, pour l'Association multi-ethnique dont je suis la directrice générale. Alors, à l'intérieur de la présentation de l'ACCESSS, on prendra quelques minutes aussi pour soulever les préoccupations de l'Association multi-ethnique pour l'intégration des personnes handicapées du Québec.

Le Président (M. Doyon): Volontiers.

Mme Soave: Alors, on commence par présenter l'ACCESSS.

L'ACCESSS, brièvement, c'est une fédération qui regroupe actuellement 61 organismes. Nos membres sont tous des organismes. On a des membres actifs qui sont des organismes qui offrent des services aux communautés culturelles et des membres associés qui sont des groupes, des individus ou des organismes qui s'intéressent à la problématique de l'intégration des communautés culturelles, mais qui n'offrent pas nécessairement des services en ce moment.

Nos buts, nos objectifs, comme le dit notre nom, c'est d'améliorer les services de santé et les services sociaux aux communautés culturelles et, naturellement, on est très engagés. Nos organismes sont tous subventionnés par le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. Presque tous nos membres offrent des services d'accueil et d'adaptation, des services d'intégration aux nouveaux arrivants, aux réfugiés, aux immigrants ou aux communautés culturelles, aux Québécois de vieille souche d'origine ethnoculturelle. Nos actions sont la concertation parmi nos membres, l'offre de support, de formation à nos organismes membres, des conférences et des présentations de mémoires comme on est en train de le faire ici ou comme on a fait dans les cas de la santé mentale ou de la réforme de la Loi sur la santé et les services sociaux.

Je laisserai la parole à Nancy. On ne veut pas tellement faire un résumé. Notre mémoire n'était pas long. Je pense qu'on n'avait pas le temps. À ce moment-là, on avait une date limite et on ne pensait pas qu'on pouvait la dépasser. Donc, on s'est dépêchés de faire quelque chose vite vite et on avait demandé de dépasser pour soulever aussi des questions qu'on n'aurait pas eu le temps de mettre dans notre mémoire. On ne fera pas un résumé du mémoire pour laisser plutôt le temps aux questions et demandes qui pourraient se faire autour de la table en supposant que tout le monde a déjà lu le mémoire. Merci.

Le Président (M. Doyon): Oui, très bien. Mme William.

Mme William: Oui. Les organismes qui sont membres de l'ACCESSS sont des organismes communautaires: donc, ils offrent des services d'accueil et d'établissement aux membres des communautés culturelles. Donc, les services sont diversifiés. Ça peut être au niveau de l'éducation, de la santé et des services sociaux et tout ça. Ils agissent aussi comme partenaires auprès du ministère, comme partenaires aussi auprès des établissements du réseau de la santé et des services sociaux et d'autres types d'établissement. Donc, ils ont un rôle très important, un rôle qui est assez important au niveau de l'adaptation des membres des communautés culturelles à la société québécoise. Donc, on voit que c'est important de maintenir un système d'accueil et d'adaptation.

Mais, en même temps, dans l'énoncé, on parie des initiatives de rapprochement. C'est une mesure intéressante. C'est une mesure qui est en complémentarité aussi avec l'approche au niveau de l'accueil et de l'adaptation. Et en plus de ça, on dit comme ça qu'on va offrir une bonification du programme de subventions destinées aux organismes oeuvrant en accueil et en adaptation, notamment pour encourager la création des réseaux de soutien aux nouveaux arrivants par des bénévoles. C'est une mesure intéressante, mais il s'agit de savoir comment ça va se faire et quand ça va se faire, compte tenu que le gouvernement va augmenter, qu'il y aura un accroissement de l'immigration. Et, ensuite de ça, on parle de régionalisation. Donc, à ce niveau-là, il faut que les organismes communautaires aient un soutien accru, mais que le soutien aussi soit élevé.

Le Président (M. Doyon): M. Domond.

M. Domond: Bon. Moi, je ferais peut-être simplement un survol de trois dossiers: l'accueil et l'adaptation par rapport à l'intégration. On a constaté que, tout en reconnaissant la qualité du document de travail qu'est cet énoncé de politique et l'espoir qu'il représente pour les communautés ethniques au Québec, l'essentiel de ce chapitre sur l'intégration porte sur l'intégration linguistique. Nous croyons que l'intégration sociale, l'intégration économique et l'intégration politique doivent être mises en priorité parce que ce sont les vrais garants, parce que les gens vont apprendre une langue parce qu'ils vont travailler dans une langue, qu'ils vont apprendre une langue parce qu'ils vont vivre dans cette langue-là, mais qu'ils n'apprendront pas la langue juste pour apprendre la langue. Donc, si la politique linguistique ne s'appuie pas sur des facteurs économiques, sociaux et politiques, on risque de passer à côté des objectifs qu'on se fixe.

Nous avons aussi constaté qu'en général, quand on aborde la question de l'intégration des immigrants, on a tendance à poser une question, mais nous pensons qu'il faudrait en poser deux. La question qu'on se pose toujours, c'est: Qu'est-ce que le Québec attend de l'immigration? C'est tout à fait légitime, mais cette question-là, on en connaît la réponse. On sait que le Québec veut assurer son poids démographique au sein du Canada. On sait qu'on veut garder et maintenir la pérennité du fait français au Québec. On sait qu'on veut assurer un développement économique, tout ça. On est tous d'accord sur le principe de ça, mais la question qu'on ne se pose pas souvent, c'est celle à savoir: Qu'est-ce que l'immigrant vient chercher au Québec? Et c'est peut-être là où on trouve beaucoup plus de réticences et qu'on peut penser que c'est comme un rejet du français ou de la société par certaines catégories d'immigration. Mais non, c'est parce qu'ils doivent d'abord satisfaire à leurs besoins premiers qui sont: le travail, le logement, l'éducation pour leurs enfants, etc. S'ils sont bien accueillis et qu'ils sont bien encadrés dans le milieu où ils se trouvent, c'est certain que ça va aider. On a aussi des expériences de personnes qui ont appris le français et qui n'ont débouché nulle part, parce qu'à un moment donné ils trouvaient du travail dans un milieu anglais. C'est ce qui expliquait un peu aussi pourquoi il y a ce genre d'attrait ou ce qu'on croit être un attrait pour l'anglais, mais c'est là où la personne trouve ses ressources. Donc, il y a beaucoup plus de raisons de s'atteler à ça.

Et pour finir, je toucherai simplement quelques programmes qui ont été mentionnés dans l'énoncé politique et qui nous laissent un peu songeurs. On fait encore référence à l'application des programmes d'accès à l'égalité, mais on sait que ça fait longtemps qu'on en parle et on ne voit pas comment est-ce que ça va s'appliquer du jour au lendemain. On a fait aussi référence à l'obligation contractuelle. On sait que c'est un outil important que le gouvernement peut utiliser effectivement auprès des employeurs avec qui il fait affaire pour s'assurer d'une représentation des communautés ethnoculturelles dans le privé. Mais, malheureusement, on ne voit toujours pas encore les résultats de ça; on est toujours à 1 % de représentation dans la fonction publique et, maintenant, dans cette période où on parie de coupures budgétaires ou bien de gel des salaires, on se demande comment est-ce que le gouvernement va s'y prendre pour passer de 1 % de représentation dans la fonction publique aux 14 % promis dans le rapport, en 1994 Alors, dans cette période de trois ans, nous voyons très difficilement comment de tels objectifs peuvent être réalisables. Passer de 1 % de représentation dans la fonction publique à 14 % en trois ans, comment est-ce possible? (11 h 30)

Mme Soave: II y avait des questions d'accueil et d'adaptation quand on a parlé avec Mme la ministre, vendredi dernier. J'ai été peut-être un peu méchante. J'ai dit: II y a deux lignes qui parlent d'accueil et d'adaptation. J'ai passé à travers le document et j'en ai trouvé d'autres assez encourageantes aussi. Alors, ce n'est pas comme on avait cru en première lecture, que l'accueil et l'adaptation sont totalement négligés. Cependant, il y a une préoccupation qui nous reste. L'intention du gouvernement... On apprécie beaucoup, au début de l'énoncé, comment on reconnaît la valeur et l'apport de l'immigration à la contribution économique et sociale du Québec. Les immigrants viennent et apportent aussi du travail mais c'est véritable, aussi, que faire venir 55 000 immigrants par année, comme c'est mentionné à la page 10, sans prévoir des mesures d'accueil, sans avoir les budgets pour le faire, c'est un peu préoccupant. Et là, on revient à la question que Nancy posait. On parle de bonifier les organismes d'accueil d'adaptation, mais on ne dit pas quand. Je sais que, juste l'année dernière, la plupart des organismes d'accueil d'adaptation avaient été gelés. Cette année, on nous dit: Peut-être que cette année, vous allez avoir l'indexation, en même temps qu'on nous dit: On va augmenter, on va considérer le travail que vous faites Et on vient d'entendre la Fédération des CLSC, mais on sait que, pour d'autres participations et d'autres groupes, ça revient à la même chose. Si on ne soutient pas les groupes, comment peut-on avoir un accueil efficace?

Toujours en termes d'accueil, ce qui m'a laissée un peu surprise, c'est à la page 62, quand on parle de l'accueil à Mirabel et Dorval où on dit qu'il y aura des intervenants québécois qui vont accueillir et diriger les gens. Ce n'est pas spécifié si ce sera des Québécois de vieille souche, pour les uns, s'ils parleront seulement le français, en quelle langue ils vont faire l'accueil.

Moi, je me rappelle, quand je suis arrivée il y a environ 16 ans, je ne parlais pas un mot de français. Ils m'ont accueillie en français et, quand ils ont vu qu'on ne comprenait absolument rien, ils ont trouvé un interprète italien et c'est à travers ça qu'on a pu avoir un peu d'information. Mais cet accueil que j'avais reçu à ce moment-là, à Dorval, je dois dire qu'il n'était pas tellement utile. Ils m'ont donné toute une pile de dépliants et d'adresses, tout ça, mais on ne comprenait pas la langue. Ils ont fini dans quelque tiroir et, à la fin, on s'est intégrés un peu en cherchant pour notre compte ou avec des amis, des connaissances ou des groupes communautaires.

Non, je trouve que c'est important qu'il y ait quelqu'un à Dorval et à Mirabel, mais ça devrait être quelqu'un qui parle la langue des personnes qui arrivent, puis qu'on les dirige vers des groupes d'accueil et qu'elles puissent avoir un suivi, pas juste leur donner des dépliants, les diriger.

Et, juste avant de terminer, je veux mentionner le partenariat. C'est très important. Mme Jeanne d'Arc Vaillant a mentionné la collaboration qu'on a déjà commencée et on doit dire que c'est encourageant. Ça fait une période de temps, peut-être depuis le comité Sirros dont moi et Osé avons aussi été des membres... On est impliqués de plus en plus. On fait partie du comité du CSSMM, on prend part, avec la Fédération des CLSC, à l'organisation d'activités. On vient de recevoir une invitation du CLSC Saint-Laurent pour faire partie de son comité paritaire. Même chose pour le CRSSS de la Montérégie, et on se demande comment on peut à la fois répondre aux besoins de notre clientèle en accueil et adaptation et aux besoins de partenariat, de concertation avec les mêmes moyens et les mêmes personnes.

Alors, à certains moments, on parle qu'il y aurait des fonds pour la concertation et l'expertise. Ce serait important, éventuellement, de donner plus de détails et d'arriver vraiment à finaliser, parce qu'on a une expertise et c'est important qu'on la reconnaisse. On est au point où on doit choisir entre offrir les services ou offrir l'expertise, mais je pense qu'on devrait être en mesure de faire les deux.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, madame. Mme la ministre, est-ce que...

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, bien sûr, je veux vous remercier et surtout vous remercier davantage d'avoir accepté, avec si peu de temps d'avis, de venir ce matin pour présenter votre mémoire. Vous êtes le dernier groupe mais non le moindre. Et je pense que c'est une journée, aussi, où il y a beaucoup d'activités, ici, à l'Assemblée nationale. Vous vous souviendrez sûrement du jour où vous êtes venus faire la présentation de votre mémoire. Donc, merci d'avoir accepté de venir aujourd'hui un petit peu plus rapidement, finalement, qu'on ne l'avait prévu.

Tout à l'heure, vous étiez ici, justement, lorsque j'ai posé des questions aux CLSC, entre autres: Qui devrait faire quoi? Par exemple, qui devrait offrir certains services? On a parlé de services qui devraient rester sous la responsabilité, par exemple, des CLSC ou d'autres organismes gouvernementaux et on a parlé aussi, en fait, vous avez mentionné l'expertise mais aussi qu'il était important que vous donniez certains services comme groupe communautaire.

Est-ce que votre organisme a songé un peu à quels types de services complémentaires on pourrait donner, par exemple, qui pourraient être complémentaires à ceux des CLSC, parce que je pense que nous, on est...

Mme Soave: Je pense que Mme Jeanne d'Arc Vaillant avait déjà répondu dans le sens que les services professionnels strictement liés à la santé, ça devrait revenir au réseau, tandis que tout le support, la complémentarité, les visites, le service d'interprètes, les accompagnements, ce que les groupes en grande partie font déjà... Un immigrant arrive, on l'aide à trouver du logement, on l'accompagne, on a des interprètes bénévoles qui l'accompagnent au bureau d'immigration, on remplit des formulaires et on intervient aussi parfois pour défendre ses droits s'il ne s'entend pas avec les intervenants du réseau, parfois à cause de la langue ou de la culture. Ça nous arrive souvent, au moins dans mon organisme, à l'Association multi-ethnique, une des demandes qu'on a le plus souvent, ce sont des parents qui veulent changer leur enfant d'école parce que l'école ne fait rien. L'enfant n'apprend pas, il faut changer d'école. Puis tu ne peux pas continuer toute ta vie à changer d'école. Et peut-être que le problème n'est pas l'école mais l'attente des parents face à... ou peut-être qu'il a un problème au niveau... Ça, c'est une préoccupation qu'on a soulevée, nous, à l'Association multi-ethnique très souvent; beaucoup d'enfants qui se trouvent dans des classes faibles ou bien même dans des classes pour des enfants avec des troubles d'apprentissage sont en réalité des enfants qui ont des problèmes de langue et d'adaptation culturelle. Il y a une vérité des deux côtés.

Alors, je pense qu'on est très complémentaires dans le sens que tous les services spécialisés, pour moi, ils devraient rester au réseau et que, nous, on devrait être complémentaires dans tout ce qui est le support. Je pense qu'entre nous, c'est un peu clair. Une préoccupation qu'on a, c'est le fait que, n'ayant pas assez de sources de subventions, on est obligés de chercher des sources de subventions ailleurs, avec des bailleurs de fonds qui peuvent avoir des intérêts bien différents. Puis, on est obligés, je reviens encore à mon organisme... ou pour les

personnes handicapées. L'Office des personnes handicapées subventionne la promotion et la défense des droits, mais nous, on offre des services. Donc, les services, on va les chercher ailleurs et on pourrait se retrouver avec des bailleurs de fonds qui vont définir ce que les organismes doivent faire, mais qui ne se seraient pas nécessairement concertés sur ce que les organismes doivent faire. Alors, on demanderait une concertation interministérielle des bailleurs de fonds.

Mme Gagnon-Tremblay: Nous avons parlé aussi de services à domicile, surtout pour les personnes âgées. Je sais, par exemple, qu'il est absolument essentiel de donner, d'accorder certains services, surtout pour les personnes âgées. Est-ce que les personnes âgées des communautés culturelles ont plus de difficultés à obtenir ces services à domicile? Est-ce qu'elle souhaite, cette catégorie de personnes, avoir des services à domicile ou si elle préfère justement aller vers des centres d'accueil? Est-ce qu'il y a une différence entre, par exemple, vos personnes âgées et celles qui sont d'origine québécoise?

Mme Soave: Mais, dans les résultats de l'enquête de la Fédération des CLSC, ils ont vu que 97 % des gens préfèrent rester chez eux. Je pense que c'est international ou mondial. Les gens n'aiment pas aller en institution. Parfois, ils sont obligés d'y aller parce qu'ils n'ont pas d'enfant ou qu'ils n'ont pas de personnes qui les soutiennent, mais l'idéal pour tout le monde, c'est d'avoir assez d'aide pour ne pas dépendre des enfants et pour ne pas dépendre d'une institution.

Et la demande qu'ils peuvent faire au réseau, parfois elle n'est pas comprise. Il y avait une personne âgée, d'origine italienne, qui ne parlait presque pas le français et qui avait besoin d'aide. Le CLSC est allé et a déterminé ce qu'il donnerait. Mais elle, ce n'était pas ses besoins à elle. Elle avait besoin de quelqu'un pour nettoyer la maison, mais elle n'était pas immobilisée au lit et le CLSC fait le nettoyage seulement pour les personnes immobilisées au lit. On lui a dit: Si c'est ça que tu veux, on ne te donne pas de services.

Mme Gagnon-Tremblay: Mais j'imagine aussi, cependant, compte tenu de ces personnes plus âgées, comme on sait que ce sont plutôt ces personnes qui ont moins la connaissance de la langue, qui ont moins eu la chance aussi d'apprendre la langue, qu'il doit sûrement y avoir un problème qui est peut-être plus crucial encore que chez les personnes âgées qui parlent français.

Mme William: Le service de maintien à domicile doit tenir compte qu'il faut affronter la barrière linguistique et culturelle aussi. C'est important d'intégrer aussi les membres des communautés culturelles qui vont faire le service de maintien à domicile et que les autres intervenants soient sensibilisés aussi à la question, qu'il n'arrive pas qu'ils ne soient pas outillés pour faire face à ça.

Mme Soave: Je pense que la réalité des personnes âgées des vieilles communautés italienne, grecque, ukrainienne, polonaise ou autre, c'est un peu l'image de pourquoi le Québec d'aujourd'hui doit changer son système d'accueil. Quand ces gens-là sont arrivés, il n'y avait pas de système d'accueil. Parfois, ils le disent: Nous, quand on est arrivés, il n'y avait pas de système d'accueil. Parfois, ils le disent: Nous, quand on est arrivés, on devait s'arranger, travailler, même pour rien ou presque. Tout dernièrement, il y avait aussi une série d'articles dans The Gazette sur l'arrivée des Irlandais. Il y avait des situations où il n'y avait pas un système d'accueil et les gens ont dû travailler, travailler et travailler encore. C'est entré dans un rythme de travail où les gens, à un certain moment, n'ont presque pas eu le temps de vivre. C'étaient des gens aussi avec une instruction limitée. C'étaient des gens qui venaient de la campagne après la destruction totale par la guerre et qui ne pensaient qu'à travailler, nourrir les enfants, ramasser de l'argent pour éventuellement un jour retourner dans leur pays natal. Après, ils sont restés parce que leurs petits-enfants se sont mariés ici et qu'ils ne pouvaient plus repartir. Mais ils se retrouvent, à un certain moment, à un âge adulte où ce sont des personnes âgées, où ils réalisent que toute leur vie est passée et qu'ils n'ont jamais appris la langue.

Ça, ça m'est arrivé. Pendant trois ans, on a donné des cours à des accidentés du travail avec un programme conjoint avec votre ministère, la CSST et l'Association multi-ethnique. C'était un programme de réintégration, de réadaptation des accidentés du travail. Malheureusement, le projet a cessé parce que la CSST a décidé que l'appren tissage du français n'était pas nécessaire pour l'intégration do ces accidentés du travail. Malgré nos protestations, c'est fini. Mais c'était vrai ment pénible de voir des hommes - il y avait une majorité d'hommes qui venaient de la construction - de 48, 50, 55 ans, propriétaires de maison, des gens qui n'avaient pas nécessairement de problèmes strictement économiques et qui venaient apprendre le français après 30 ans de vie au Québec. Et la joie, un jour, quand un monsieur m'est arrivé avec le Journal de Montréal et qu'il m'a dit: Mme Soave, j'ai lu, j'ai compris l'article, avec les larmes aux yeux. Pour ces gens-là, c'était une chance d'avoir eu un accident pour pouvoir arriver à apprendre le français. Il y a des personnes âgées qui n'ont jamais eu cette chance-là. Ils se retrouvent à un âge où les gens disent: II y a 30 ans qu'ils sont ici, ils auraient pu apprendre la langue,

qu'ils s'arrangent un peu. Aujourd'hui qu'on a compris les erreurs du passé, il faut qu'on offre un accueil d'adaptation aussi bon et complet pour vraiment que les gens s'intègrent dès leur arrivée, pas attendre qu'ils s'intègrent quand ils auront 50 ans, s'ils ont un accident du travail.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Mme Soave, il y a vraiment quelque chose que je n'ai pas compris tantôt. Pourquoi faut-il qu'il y ait un service particulier pour répondre à cette dame ou ce monsieur qui avait besoin de services à domicile, de la part du CLSC, alors qu'en définitive le CLSC a donné à ce monsieur la même réponse qu'il donne à l'ensemble des Québécois? Il ne pouvait pas prétendre à plus que cela. Les politiques du CLSC, quant au maintien à domicile, sont exactement les mêmes. (11 h 45)

Mme Soave: Je ne discute pas ça, seulement que la dame, ne parlant pas la langue, ne connaissant pas le système, elle n'arrivait même pas à communiquer. Alors, elle pensait: J'ai besoin d'aide. Quelqu'un lui a dit que les CLSC pouvaient lui donner de l'aide et elle a fait sa liste de besoins. Ne connaissant pas le système, elle s'attendait à ça. Quand le CLSC est arrivé et a dit: Voici ce que nous, on offre, elle se sentait un peu trichée, parce qu'elle ne savait pas comment ça fonctionnait. Disons que là, nous, on est intervenus pour l'aider à lui faire comprendre que les CLSC n'ont pas des ressources sans fond, donc qu'il faut qu'ils se limitent à ne donner certains types de services qu'aux personnes qui sont en perte de mobilité. Le problème, était que cette dame-là toute seule, qui habitait chez-elle, elle avait besoin de quelqu'un pour nettoyer la maison. Le CLSC lui offrait au contraire de l'aider elle-même à prendre son bain. Là, ça ne rentrait pas dans sa mentalité que quelqu'un lui donne le bain. Elle a dit: Mais, moi, j'ai besoin qu'on me lave les murs, pas qu'on me lave, moi. Alors, il y avait une espèce d'accroc. C'est ça qui arrive parfois; quand on ne communique pas bien dans la langue, on n'arrive pas à expliquer les raisons pour lequelles tel service est donné et tel autre n'est pas donné et les personnes restent avec une sorte de mauvais sentiment: Peut-être que, parce que je suis une immigrante, ils ne m'offrent pas les services. Elles viennent nous voir et nous, on va leur expliquer éventuellement: Bon, ce n'est pas parce qu'ils en ont contre vous, c'est que le système fonctionne comme ça.

Alors, le rôle des organismes, c'est d'aider ces personnes-là à comprendre le système, à comprendre comment ça marche et d'aider le système à ne pas se fâcher si la personne refuse, mais de lui faire comprendre que c'est une autre mentalité au lieu de se fâcher. Par exemple, il y avait un intervenant au CLSC qui voulait absolument empêcher une maman, aussi d'origine italienne, de descendre l'enfant handicapé dans le sous-sol. Mais cette dame-là, comme beaucoup d'Italiennes, elles habitent dans les sous-sols. Puis, là, ils se sont accrochés. La mère a dit: Moi, je ne veux plus que le CLSC vienne me voir. Le CLSC a dit: Nous, on coupe le service parce qu'elle ne nous écoute pas. On a dû intervenir pour expliquer au CLSC là que c'est une habitude, une coutume de beaucoup de gens de dormir en haut et de vivre dans les sous-sols et pour expliquer à la mère qu'elle devait un peu céder dans certaines choses. Alors, c'est ça, le rôle des organismes: adapter le système aux différences culturelles et aider les gens de différentes origines à s'adapter au système.

M. Boulerice: Avec votre explication, je comprends mieux le rôle que vous jouez, qui est une espèce d'intermédiaire ou de traducteur, pas uniquement dans le sens de la langue...

Mme Soave: Traducteur culturel aussi.

M. Boulerice:. Traducteur culturel, c'est l'expression que j'allais employer, Mme Soave. Mais, à ce moment-là - et je ne vous le dis pas de façon agressive, de toute façon, on se connaît bien - ne trouvez-vous pas que ça porte un peu à ambiguïté, l'appellation que vous vous êtes donnée: Alliance des communautés culturelles pour l'égalité dans la santé et les services sociaux? Je veux dire que le Québécois moyen qui lit ça se dit: Comment! Ils ne les soignent pas? Ils ne leur donnent pas de services?

Mme Soave: Bon, d'abord, il y a un premier problème, à savoir que les gens ne connaissent pas les services. 42 % des gens seulement connaissent les CLSC, selon les taux de Léger & Léger, de la Fédération des CLSC et, parmi les communautés culturelles, ça double presque, les gens qui ne connaissent pas les services. Alors, il y a une barrière. Donc, il n'y a pas égalité tant que les personnes ne sont pas en mesure de connaître les services. Il peut arriver que la personne se rende au CLSC, que la réceptionniste en avant ne soit pas capable de communiquer avec cette personne et que cette personne tout de suite se sente rejetée et n'y retourne pas. Alors, disons que nous, quand on demande l'égalité des services, c'est pas dans le sens que la réceptionniste du CLSC doive parler toutes les langues, bien loin de ça, mais qu'elle soit au moins ouverte ou accessible à diriger la personne vers quelqu'un qui peut la comprendre ou la diriger.

M. Boulerice: Donc, votre sigle, votre abréviation correspond mieux: ACCESSS.

Mme Soave: Oui.

Mme William: Accessibilité. M. Boulerice: Accessibilité.

Mme William: II faut tenir compte de la réalité ethnique du territoire, de la concentration ethnique.

M. Boulerice: M. Domond, vous avez souligné tantôt un problème fondamental qui était la langue de travail. Je vais reprendre la phrase que j'ai employée avec tous les groupes qui sont intervenus, qui en ont fait mention: Une langue que l'on laisse au vestiaire lorsqu'on arrive à l'entreprise, à l'usine, etc., n'est pas une langue qui est valorisée. Et plusieurs intervenants ont réclamé des modifications à la Charte de la langue française de façon à ce que les entreprises qui emploient 50 personnes et moins soient soumises à la règle que le français est la langue de travail. Et la CSN nous faisait une statistique hier en disant qu'au-delà de 85 % des nouveaux emplois qui ont été créés récemment l'ont été justement par des entreprises de 20 personnes et moins. Est-ce que vous souhaitez que la Charte soit modifiée de façon à inclure les entreprises de 50 employés et moins dans la francisation, donc français langue de travail?

M. Domond: Ah! je pense que je préfère rester en dehors de ce grand cadre légal, etc., de la langue pour vous poser un problème. Par exemple, moi, j'habite au Québec parce que j'aime le Québec. J'ai toujours vécu là depuis 12 ans. Je n'ai pas envie de partir parce que je parle français, mes amis sont là, etc. Actuellement, je paie 500 $ de plus d'impôt plus le transport pour travailler à Toronto pour le même emploi qu'on m'a refusé au Québec. Alors, à ce moment-là, ce n'est pas ma langue que je vais laisser dans le vestiaire en sortant de l'entrepôt, mais c'est le travail qui est resté dans le vestiaire pour moi. Alors, je me dis que, si je dois consentir des sacrifices comme ça parce que j'aime cela ici et que je veux rester ici, etc., est-ce qu'il n'y aurait pas aussi possibilité que la société, à un moment donné, tienne compte de ce facteur d'intégration primordial qu'est l'emploi et le travail et mette en place le mécanisme qui va favoriser l'entrée sur le marché du travail des membres des communautés culturelles dans des milieux francophones au travail? Parce que le problème est le suivant. La personne qui arrive, sa première démarche, après avoir trouvé une maison, c'est de trouver un emploi. Où va-t-elle trouver un emploi? Si c'est a l'usine, quelle langue on parle à l'usine? Si c'est le français, cette personne va devoir parler le français, mais, si c'est l'anglais, probablement que, même si la personne apprend le français, cette personne va oublier le français.

Alors, c'est dans ce sens-là que je pense que, dans une politique d'intégration où on vise à assurer la pérennité du fait français, l'élément emploi, l'élément économique, l'élément social sont primordiaux. La même chose pour l'éducation des enfants. On connaît tous un peu l'histoire de certaines commissions scolaires et qu'est-ce que ça nous a donné après un certain nombre d'années. Maintenant, les immigrants qui sont établis ici au Québec représentent le modèle pour ceux qui arrivent. Supposons que les groupes envoient leurs enfants a tel type d'écoles parce que cette école est plus accessible ou bien plus accueillante, plus ouverte que d'autres; les autres qui arrivent après, qu'est-ce qu'ils vont faire?

Alors, je pense qu'il y a des changements très significatifs, très intéressants qui sont en train de se faire à ce niveau-là, mais ce qu'on suggère, c'est qu'on systématise davantage le principe que l'intégration linguistique est sous-tendue par l'intégration sociale, par l'intégration économique et l'intégration politique, comme la participation des communautés aux différentes instances décisionnelles. Si l'immigrant arrive et voit qu'il y a une place pour lui, il va se débrouiller pour occuper cette place. Mais s'il n'y a pas de place, il va se marginaliser, il va s'isoler et cette intégration ne se fera pas. Il y a des gens qui sont ici depuis 40 à 50 ans, qui parlent le français, des Haïtiens, des Martiniquais, des Quadeloupéens, des Maghrébins qui parient français mais qui ne sont pas nécessairement intégrés. Ce n'est pas parce qu'ils refusent ou qu'ils rejettent la société et ce n'est pas non plus parce que la société et les citoyens ordinaires rejettent l'immigration Non, au contraire, je pense que les Québécois ont fait preuve de beaucoup d'entregent et l'accueil est très désirable. La population est prête, mais les classes dirigeantes, l'élite et les gens qui décident des politiques doivent comprendre que l'intégration passe forcément par le travail.

Mme Soave: J'aimerais aussi souligner peut-être l'école parce qu'on vit surtout à Montréal dans un phénomène d'écoles ghettos là. C'est très préoccupant. Est-ce que le gouvernement, dans son plan d'action, prévoit solutionner ce problème des écoles où l'enfant peut sortir avec un excellent français, mais ne va pas sortir avec une culture québécoise? Pour moi, les deux doivent venir ensemble On doit avoir des gens qui parlent français mais qui sont contents de le parier.

M. Boulerice: M. Domond, comment pouvez-vous me redire que l'intégration commence par le travail, et, dans votre mémoire, vous pariez du caractère indéniable francophone du Québec, alors que - et je vous repose la question - 100 000 entreprises au Québec échappent à la loi de francisation quant à la langue de travail?

M. Domond: II n'y a pas de contradiction entre le fait que le français soit prioritaire... C'est l'objectif que nous poursuivons. Mais donnons-nous les moyens d'atteindre cet objectif-là. Je me dis: Ce n'est pas en disant qu'on va imposer la langue comme... Imposer la langue, ça va passer. Moi, je suis pour le français. Je veux justement que ce fait demeure mais qu'est-ce que je fais pour que ça demeure? Il faut que je crée les conditions. Il faut qu'on ait la nécessité, l'obligation de parler français, pas parce que la loi l'impose, mais parce que, si je dois travailler, si je dois aller à l'école, si je dois circuler, ça se fait en français, donc je suis obligé de parler français. Je ne veux pas faire la démarche inverse, d'imposer le français, parce qu'il y a des gens qui apprennent le français et qui l'oublie. Ça, on le sait parce qu'une fois qu'ils ont fini le COFI ils cherchent du travail, ils tombent dans un milieu anglophone et, à ce moment-là, le français n'a plus d'utilité. Ce que je suis en train de dire, c'est que nous croyons à la même chose. Nous voulons, justement, voir le français se développer et se maintenir en qualité aussi au Québec, oui, mais comment?

M. Boulerice: Donc, vous, vous me dites que ça doit être laissé à la bonne volonté des gens, que l'État n'a pas à intervenir de façon législative.

M. Domond: Non. Je n'ai jamais parlé de la législation du tout. D'ailleurs, je pense que vous voulez que j'en parle. Non. La législation, si vous voulez qu'on en parle, la loi 101 a fait ses preuves. On a vu une plus grande proportion d'immigrants et de personnes vivant au Québec qui ont fait l'effort d'apprendre le français. La loi a toujours été... C'est pour ça que, nous aussi, on se bat pour avoir des lois sur l'égalité, sur l'égalité en emploi, sur l'accessibilité des services sociaux. C'est pour ça qu'on se bat, parce qu'on fait confiance à la loi. Un système démocratique comme le nôtre s'articule autour de ça. Nous, ce n'est pas un rejet de la loi ou bien une minimisation de l'importance de la loi ou de son impact sur les gens. Ce n'est pas ça, l'histoire. L'histoire, pour nous, c'est de dire que nous sommes en face d'un projet de société où on se dit: On va prendre ensemble un contrat moral. On veut voir le Québec de l'an 2000, 2025. On veut voir la nouvelle population. On veut voir le français ici. On veut voir une intégration réussie des immigrants qui vont venir, mais aussi des Québécois d'origine autre que traditionnellement française ou britannique. On veut voir tout ce monde-là se mettre ensemble et se mettre à travailler ensemble. C'est ce qu'on veut voir. C'est pour ça qu'on travaille. Alors, je dis que, pour qu'on arrive à ça, il faut tenir compte de ce que le Québec veut quand il accueille des immigrants et aussi il faut savoir ce que les immigrants attendent pour qu'ensemble on puisse arriver à atteindre les objectifs qu'on se pose.

Le Président (M. Doyon): Dernière question, peut-être, M. le député.

M. Boulerice: J'ai le goût, en vous remerciant, Mme Soave, Mme William et surtout vous, M. Domond, quand vous me dites qu'il faut savoir ce que le Québec veut, d'employer la phrase que j'utilisais avec abondance face à Mme la ministre. Je paraphrasais la Sagouine qui disait: "Je savions ce que je voulions, je voulions toute."

M. Domond: Et nous aussi, on veut "toute".

M. Boulerice: Et voilà! D'où convergence de nos deux projets. Je vous remercie beaucoup. Je vous remercie, Mme Soave, Mme William et M. Domond, avec qui j'aurai sans doute une poursuite de cette discussion.

M. Domond: Ça me fera plaisir.

Mme Soave: Je voudrais juste demander... Parce que notre information, c'était qu'on avait jusqu'à midi trente, mais j'ai l'impression que notre temps est écoulé. C'est que je n'ai pas abordé la question de la personne handicapée et d'autres questions qu'on voulait soulever. Jusqu'à quand avons-nous?

Le Président (M. Doyon): Bien, si vous voulez le faire...

M. Boulerice: La personne handicapée... Si vous me permettez. Je vous promets que je suis le seul député à avoir des cartes d'affaires en braille. Je vais les faire faire multilingues...

Mme Soave: Disons que notre remarque, c'était que l'énoncé de politique ne le mentionne pas. Tout l'accent est sur l'aspect économique. On est d'accord qu'un immigrant, on le veut parce qu'il doit aider à collaborer à l'intégration économique, mais, à partir de ça, on part du préconcept qu'une personne ayant une déficience ne serait automatiquement pas en mesure de collaborer pour la société et cela va contre les principes de base de la politique "À part... égale" où une personne, si elle a une chance, peut s'intégrer dans la société. Alors, ça, c'est un concept qu'on devrait... Et je sais que le problème n'est pas nécessairement avec le gouvernement du Québec, mais plutôt avec le fédéral. Mais on vous demanderait une collaboration dans notre lutte actuellement pour changer l'application de l'article I9(i)a de la loi canadienne d'immigration qui interdit l'accès à toute personne qui est un fardeau excessif pour la société et qui est appliqué aux personnes ayant une déficience. Cependant, on s'est trouvé dans des situations où le gouvernement québécois, dans

des cas de prise de décision, lançait la balle. Bon, ça, ça revient au fédéral et le fédéral nous dit: Ça, ça revient au provincial. Il faudrait qu'il y ait un leadership, que le système de santé et de services sociaux revienne au provincial. C'est le provincial qui paie pour et il pourrait exiger une révision de l'application de cet article-là.

Et je voudrais vous demander aussi ce qui est arrivé au projet qui existait, il y a sept ou huit ans, entre le Québec et le Canada, pour faire venir une dizaine - ce ne sont pas des chiffres astronomiques - de personnes par année parmi les camps de réfugiés. C'étaient des personnes handicapées et sélectionnées dans les camps de réfugiés que le gouvernement du Québec faisait venir en collaboration avec le gouvernement fédéral. Nous, on avait collaboré à l'accueil et à l'adaptation de trois familles. Après ça, on ne sait plus s'ils ont continué le programme, si ça continue et si c'est l'intention du gouvernement de continuer. On trouve que c'est important que le gouvernement, quand il parle de cas humanitaires, considère des cas vraiment humanitaires pas juste des personnes qui auraient ici une famille qui les accueillent ou l'assurance d'un travail, mais ce sont des cas strictement humanitaires. Il y a quelques années, il y avait une dame qui était venue ici pour se faire soigner. Elle n'avait pas de parents, pas d'amis et le médecin lui avait dit que, si elle retournait dans son pays, sa vie était en danger. Et ce qu'on nous avait dit, à ce moment-là, au ministère de l'Immigration, c'est que cette dame n'entrait pas dans la description des cas humanitaires.

Le Président (M. Doyon): Bon, d'accord. Alors, je vais permettre à la ministre, maintenant, compte tenu du temps qu'il nous reste, de vous remercier et de vous indiquer ce qui peut être fait ou ce qu'elle a déjà fait à ce sujet-là.

Mme Gagnon-Tremblay: Bien, peut-être pour répondre rapidement à votre question sur les personnes handicapées, je dois vous dire que le Québec reçoit, en général, grosso modo, une cinquantaine de personnes handicapées annuellement et que le Québec continue encore à poursuivre son oeuvre quant aux dizaines de personnes handicapées n'ayant pas de famille... le programme du gouvernement fédéral. Et je dois vous dire qu'il y a quelques mois j'ai rencontré un représentant du haut-commissariat aux réfugiés qui disait, justement, que le Québec est très généreux, que le Québec est une province qui reçoit beaucoup plus de ces personnes que d'autres provinces. Ça ne veut pas dire qu'on doive cesser, cependant, mais je pense que le Québec fait largement sa part actuellement.

Alors, écoutez, je veux vous remercier. Tout à l'heure, mon collègue parlait de la Sagouine et il disait: Qu'est-ce qu'on veut? Et moi, je serais portée à lui dire que Ti-Moune veut tout. Alors, écoutez, vos propos sont très pertinents. Je prends en bonne considération les recommandations que vous nous faites et je vous remercie infiniment de la présentation de votre mémoire.

Le Président (M. Doyon): Alors, Mme Soave, M. Domond et Mme William, nos remerciements pour votre présentation, vous permettant de vous retirer. Ceci termine les auditions des groupes qui ont défilé devant cette commission depuis maintenant plusieurs semaines.

Mémoires déposés

En terminant, je voudrais tout d'abord procéder au dépôt des mémoires qui n'ont pas été présentés par des personnes à cette commission. Je les ai ici, sur une feuille. J'en fait une lecture très rapide: Alliance Québec, Centre haïtien d'action familiale, Commission des écoles protestantes du Grand Montréal, Forel Régis, Dr Joseph Kage, Amitié chinoise de Montréal, Donald L'Espérance, Léo Donald Lachaîne, mouvement Les jeunesses ariennes, Steven Charles Potter, S.O.S. génocide et, finalement, The Black Theater Workshop of Montréal.

Alors, merci beaucoup. Nous en sommes maintenant, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, aux remarques de clôture pour une dizaine de minutes. Il y a peut-être un vote, oui.

M. Boulerice: On va voter?

Le Président (M. Doyon): On va voir ce qui se passe. Est-ce que c'est un vote?

M. Boulerice: Un vote.

Le Président (M. Doyon): Donc, nous suspendons nos travaux, étant bien entendu que, dès après le vote, avant le déjeuner, nous nous retrouvons à cette commission pour terminer nos travaux par les remarques de clôture du député de Sainte-Marie-Saint-Jacques et de Mme la ministre, ce qui terminera les travaux de cette commission sur l'énoncé de politique. Alors, suspension pour quelques minutes, le temps de voter.

(Suspension de la séance à 12 h 5)

(Reprisée 12 h 18)

Remarques finales

Le Président (M. Doyon): Cette commission reprend donc ses travaux, après la suspension de quelques minutes qui nous a permis de voter. La parole est maintenant au député de Sainte-Marie-Saint-Jacques pour les remarques de clôture. M. le député.

M. André Boulerice

M. Boulerice: Je vous remercie, M. le Président. Alors, j'irai de quelques remarques, mais brèves remarques, compte tenu que cette commission en est à sa conclusion, certes, mais que le nombre d'heures que nous y avons consacré est quand même assez impressionnant.

Je vais d'abord, si vous me le permettez, parler des niveaux d'immigration. Un des mandats de la commission était de consulter les groupes intéressés sur les niveaux d'immigration pour les prochaines années. Sur ce sujet, je dois conclure, malheureusement, qu'il n'y a pas de consensus. Peu de groupes, si ce n'est le Conseil du patronat et l'Association des manufacturiers du Québec, ont proposé des niveaux précis. Certaines commissions scolaires ont, par d'ailleurs, émis l'idée qu'il fallait quand même agir avec une certaine prudence au niveau des groupes. La ministre devra donc tenir compte de cette mise en garde venant de groupes qui sont quotidiennement en contact avec les professeurs qui sont les principaux agents d'intégration.

Quant à la situation montréalaise, bien que la ministre s'en défende, plusieurs groupes provenant de la région montréalaise n'ont pas senti de sensibilité particulière dans la politique pour ce qui est de la région de Montréal. En dévoilant le plan d'action prévu pour le mois de juin prochain, ce plan devra traduire les préoccupations particulières exprimées pour la région de Montréal.

Quant aux réfugiés, ce sujet a été invoqué avec le doigté qui s'imposait, compte tenu des conditions extrêmement difficiles dans lesquelles ces personnes se trouvent. Nous en retenons qu'il doit y avoir des mesures précises. Qu'est-ce qu'on fait avec ceux qui n'ont pas encore été acceptés formellement au pays? Ils sont près de 30 000 au Québec et ils sont 1000 à se présenter chaque mois à nos frontières. Bon, il va de soi que le contrôle de nos frontières ne nous appartient pas, du moins pas pour l'instant, ça sera sans aucun doute pour 1992 ou 1993, si les indications qui nous proviennent de la commission Bélanger-Campeau sont exactes, sauf qu'il n'en demeure pas moins qu'il y a 30 000 Québécois et Québécoises - à mon point de vue ils y sont depuis suffisamment longtemps pour pouvoir être appelés Québécois et Québécoises - qui vivent une situation particulière, une situation dramatique et une situation particulière et dramatique que n'a pas voulue le Québec. Ce n'est pas le Québec qui l'a voulue. Si Québec est à la recherche de solutions, il faut avoir l'honnêteté de dire que cette situation-là n'a pas été créée par son gouvernement, ni par les gouvernements qui l'ont précédé.

Quant à la francisation, eh bien, l'accessibilité aux cours de français doit être totalement révisée. Tous les nouveaux arrivants qui ne parlent pas français doivent pouvoir avoir accès à ces cours, qu'ils se dirigent ou non sur le marché du travail, et ici on songe particulièrement - et plusieurs groupes l'on fait ressortir -aux femmes immigrantes qui n'ont pas accès aux cours de français.

Et quand on parle de francisation, au cours de ces 11 séances, donc 62 heures 54 minutes, 70 groupes et individus entendus, 82 mémoires transmis, le mot "francisation" a été abordé, il a été également abordé dans un autre sens qui est celui du français langue de travail. Et les principaux groupes qui se sont présentés et qui ont été questionnés par l'Opposition officielle quant à la francisation des entreprises de 50 employés et moins, eh bien, tous ces groupes ont répondu que cela était nécessaire, impératif et un groupe a même émis l'opinion que cela était incontournable, qu'il fallait s'y rendre.

Quant à la régionalisation, je pense qu'on s'entend tous, autant la formation ministérielle que l'Opposition, sur la nécessité d'adopter une politique de régionalisation de l'immigration afin que cette idée ne demeure pas une utopie. Je dois admettre que la chose n'est pas facile. Il y a des contraintes qui rendent la problématique beaucoup plus grande qu'on ne l'aurait souhaité, mais une des avenues serait que le gouvernement prévoie une politique de développement régional. Actuellement, malheureusement, ce n'est pas le cas. Dans la mesure où les régions seront fortes, je crois que le pouvoir d'attraction des régions, pour ce qui est de l'immigration, sera également fort.

Il faut, avant de conclure, rappeler l'importance du rapatriement de l'ensemble des pouvoirs en matière d'immigration. L'entente administrative ne suffit pas. Pour des raisons que je peux bien comprendre, certains groupes ont souhaité ne pas se prononcer sur le sujet. Je ne ferai pas l'analyse des mobiles. Je ne prêterai pas d'intentions. Ce n'est pas ma nature, mais quant à ceux qui ont répondu - et la question leur a été posée fréquemment - eh bien, il apparaît presque unanime chez ces groupes que le Québec devrait détenir tous les pouvoirs en matière d'immigration. Si nous avons à trouver toutes les solutions, je pense qu'il faut que nous soyons en possession de l'entité du dossier de façon à avoir tous les outils pour faire en sorte que cette immigration soit une immigration réussie puisqu'elle est - et nous en convenons tous encore une fois - d'importance pour le Québec.

J'admets qu'il n'est pas facile pour le parti ministériel d'acquiescer à cet énoncé immédiatement. Le rapport Allaire ne prévoit pas que ce soit un pouvoir exclusif mais un pouvoir partagé. Est-ce que les provinces du Canada feront et auront le temps de faire des offres? Encore là, je me permets de douter qu'elles fassent l'offre que ce soit un pouvoir exclusif, sauf que je crois qu'à ce sujet-là, eh bien, les Québécois auront eux-mêmes à se prononcer d'ici un certain temps.

Je terminerai, M. le Président, parce que je

vous avais promis d'être bref, en parlant de la nécessaire collaboration. Pour réaliser les objectifs qui sont contenus dans sa politique, la ministre devra compter sur la collaboration de plusieurs groupes et miser sur la concertation. À ce sujet, les compétences et l'expérience de certaines commissions scolaires de l'île de Montréal et de professeurs qui oeuvrent dans les écoles multi-ethniques devront être mises à profit au même titre d'ailleurs que l'expertise, lorsque nous parlons de régionalisation, qu'ont développée certains groupes, notamment, puisqu'il faut les citer à titre d'exemple - le travail qui a été fait à été reconnu par tous - les groupes qui ont oeuvré en région et qui sont actuellement - et j'aime la phrase - en attente d'immigrants. Je pense que ça dénote une mentalité nouvelle. Donc, il s'agit de groupes de l'Estrie, de groupes de la Mauricie, de groupes de la région de l'Outaouais qui se sont présentés devant nous.

L'Opposition, dans ce dossier - et c'est peut-être la nature même de cette commission où les débats... Je ne voudrais pas faire d'injure, M. le Président, à nos collègues des autres commissions, mais les débats à la commission de la culture ont toujours un certain niveau. Je pense que nous allons le reconnaître à notre bénéfice. L'Opposition ne s'est pas placée en opposition, face à la ministre et son énoncé de politique. Je crois que l'Oppostion s'est inscrite dans la démarche de la ministre dont la volonté est aussi de voir que l'immigration au Québec soit mieux acceptée par les Québécois, qu'elle soit mutuellement enrichissante, à la fois pour ceux qui reçoivent et ceux qui viennent d'être reçus. Et je peux assurer la ministre que, quant à l'énoncé du plan d'action, comme nous l'avons fait, d'ailleurs, au niveau de la loi qui devait être votée, puisque l'accord administratif entre en vigueur le 1er avril, l'Opposition, dis-je, continuera de lui offrir son concours.

Il y a un deuxième point de conclusion, M. le Président, que j'aimerais aborder. J'aimerais, à mon tour, dire, puisque la ministre a réagi - et je la félicite d'ailleurs d'avoir réagi - que j'ai été, comme l'ensemble des Québécois, passablement insulté, voire blessé et même meurtri, lorsque certains ont voulu accoler la notion de racisme à la notion de nationalisme. Le nationalisme québécois n'a jamais été raciste. D'ailleurs, "nationalisme" vient de "nation". Nous serions les premiers racistes de cette nation puisque nous appartenons à l'Assemblée nationale. Je peux admettre que certains de nos compatriotes n'ont peut-être pas toute l'ouverture d'esprit et les comportements les plus adéquats, mais de là... et je crois qu'en cette Chambre, à l'exception peut-être de certains, tous se réclament d'un nationalisme. Je crois, M. le Président, que cette remarque était profondément insultante. Et elle venait, on le sait, malheureusement de groupes issus de communautés culturelles qui formaient un groupe de travail. Je pense qu'il faudrait leur poser la question: Est-ce que de telles assertions feront en sorte que les Québécois seront encore plus réceptifs qu'ils ne le sont actuellement au sujet de l'immigration, lorsque l'on s'amuse, je ne sais pour quel mobile, à leur inculquer une étiquette qui leur a toujours été profondément révulsive? Les Québécois ne sont pas racistes. Et, la ministre l'a bien cité, nous sommes donnés comme exemple dans bien des domaines comme étant une société où la qualité d'accueil est exceptionnelle, comparativement à d'autres pays. (12 h 30)

Et voilà pour cette commission. J'ajouterai une chose qui est tout à fait personnelle et je me dis: Pourquoi ne pas le faire? Connaissant peu la titulaire de ce ministère, M. le Président, je dois confesser avoir nourri certains préjugés à son égard, mais, au cours de ces 62 heures 54 minutes sans additionner celles que je fais présentement et celles qu'elle fera tantôt, j'ai appris à mieux connaître cette femme, cette parlementaire, cette ministre et je dois dire que, dans la conduite de ce débat, je pense qu'elle a fait preuve d'une très grande ouverture, quelque fois d'une certaine tolérance envers certaines petites attaques pas mesquines, mais caractéristiques du porte-parole de l'Opposition. J'ai pu sentir chez elle une sensibilité - je n'hésiterai pas à employer le mot - égale à celle que j'ai toujours sentie auprès de mon collègue, le député de Mercier. Donc, je dirai, M. le Président, que, pour moi, ça a été très agréable de travailler avec Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

Maintenant, je vais remercier mes collègues qui ont également participé à la commission, remercier les fonctionnaires du ministère qui nous ont très rapidement donné les informations qui nous étaient utiles au questionnement, remercier Mme Tremblay qui m'a assisté, mes autres collègues qui ont participé, vous-même, M. le Président, et, forcément, ce monument de dévouement à cette commission qu'est notre secrétaire et ses adjointes et adjoints qui sont toujours fidèles à eux-mêmes. Merci

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre.

Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci, M. le Président. M. le Président, c'est à la fois avec une satisfaction et avec une conscience aiguë des défis à relever que je vous livre mes conclusions alors que s'achève aujourd'hui cette consultation générale sur l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration.

Ma satisfaction se fonde sur quatre constatations. Premièrement, sur le plan de la participation, cette consultation a été un franc

succès, que ce soit en termes de nombre ou de représentativité. Comme on l'a mentionné, 70 organismes et individus ont été entendus. Près de 63 heures d'audiences, 82 mémoires ont été transmis et, parmi les organismes de la société d'accueil, nous avons reçu des représentants des milieux syndical, économique, patronal, ainsi que des porte-parole du monde municipal, scolaire, institutionnel et communautaire des diverses régions du Québec. Toujours au nombre des témoignages issus de la société d'accueil, nous avons entendu des représentants de communautés culturelles établies au Québec depuis de nombreuses années. Finalement, nous avons aussi reçu des représentants des Québécois d'arrivée plus récente.

Deuxièmement, ces groupes ont fait entendre leur voix aux parlementaires, certes, mais aussi à l'ensemble de la population par l'entremise des médias. Je m'en réjouis car je suis persuadée que mieux la population sera informée des enjeux fondamentaux qui sous-tendent les questions relatives à l'immigration et à l'intégration, meilleure sera son attitude à l'égard de ces phénomènes.

Troisièmement, j'avais signalé, à l'ouverture de cette commission, que les propositions concrètes et réalisables succeptibles de faciliter l'intégration des immigrants seraient accueillies très favorablement. Dans ce sens, il est heureux de constater le grand nombre de propositions qui nous aideront certainement, dans la mesure où elles s'avèrent réalisables, à enrichir le plan d'action gouvernemental. Ce plan d'action découlera en grande partie du présent exercice démocratique qui se termine aujourd'hui même.

On me permettra sans doute, M. le Président, dans un dernier constat, d'éprouver une légitime fierté devant le consensus largement positif qui s'est formé relativement aux orientations et aux objectifs de cet énoncé. Ce consensus n'est-il pas révélateur d'une nouvelle prise de conscience, parmi les Québécois, des enjeux de l'immigration? Le nouvel accord Canada-Québec nous permet de réaliser une plus grande maîtrise de la sélection des immigrants et de leur intégration au Québec. Le consensus entourant l'énoncé de politique augure bien de la réussite de l'exercice de nos nouvelles responsabilités. Cela dit, nous avons également pu cerner les éléments à propos desquels des divergences et des expressions d'inquiétude se sont manifestées.

J'aimerais maintenant approfondir les principaux enjeux qui ressortent au terme de cette consultation et, ce faisant, effectuer une première synthèse de nos travaux. Tout d'abord, j'ai constaté que la vaste majorité des groupes partagent notre vision selon laquelle l'immigration est un apport positif pour le Québec. Ils adhèrent aussi à notre orientation fondamentale selon laquelle c'est un facteur de développement dont le potentiel doit être davantage mis au service des défis de développement du Québec. Le consensus qui prend forme à cet égard témoigne d'une nette évolution des mentalités dans toutes les couches de la population.

Sur le plan démographique, il y a aussi consensus sur l'idée que l'immigration ne peut remplacer une politique familiale. Il s'agit là, en effet, d'un élément nécessaire, mais non suffisant, d'une stratégie de redressement démographique responsable.

Au plan linguistique, la vaste majorité des groupes ont affirmé que l'immigration peut et doit absolument contribuer à la pérennité du fait français, élément le plus significatif du caractère distinct du Québec moderne. Des groupes entendus nous ont, par ailleurs, signifié que la contribution de l'immigration à la vitalité du fait français exigera cependant des efforts accrus et ce, tant sur le plan de la sélection des immigrants que du soutien à leur intégration. Aussi, endossent-ils, pour la plupart, les axes d'intervention majeurs de la présente politique à ce chapitre, à savoir: la progression soutenue de la proportion de l'immigration francophone dans le volume total, l'intensification des services d'apprentissage du français, la promotion du français comme langue d'usage et l'ouverture de la collectivité francophone à la pleine participation des personnes d'origines diverses.

Au plan économique, les représentants des milieux d'affaires ont recommandé une augmentation du nombre d'immigrants indépendants et particulièrement d'immigrants gens d'affaires. À l'instar du gouvernement, ils voient dans cette orientation un facteur de développement économique du Québec. Le Conseil économique du Canada, cependant, a exprimé une réserve quant à l'importance de l'immigration comme facteur de développement économique. Cette réserve provient peut-être davantage d'une perspective macroéconomique tandis que d'autres analyses, se situant au niveau des milieux d'affaires, démontrent les effets bénéfiques de l'immigration au plan économique. L'un ne voit pas d'impact dans les chiffres et les courbes, les autres constatent des effets concrets dans leur action quotidienne sur le terrain des réalités d'affaires.

Finalement, quant à la dimension "ouverture sur le monde", la majorité des intervenants ont fait écho à l'énoncé de politique en reconnaissant le pluralisme culturel comme une richesse pour toute société moderne. Le contrat moral, notion qui fonde notre politique d'intégration, suscite, pour sa part, un appui spontané et quasi unanime. Il apparaît foncièrement juste car il rappelle que l'intégration est la responsabilité tant de l'immigrant lui-même que de la société d'accueil. Je crois qu'autant les Québécois que les nouveaux arrivants y adhéreront avec sérénité.

En regard avec ce contrat moral, je veux signaler la reconnaissance par les communautés culturelles du rôle de premier plan qu'elles ont à

fouer dans l'intégration des nouveaux arrivants de même que leur adhésion unanime au principe selon lequel le français est la langue commune de la vie publique. Je veux également souligner la reconnaissance par plusieurs institutions de la société d'accueil - la Fédération des CLSC, par exemple - que l'intégration des immigrants exige d'elles une ouverture et une adaptation à la réalité pluraliste. Mieux, elles n'y vont pas à reculons mais avec conviction, dans la plupart des cas.

Examinons maintenant de plus près quelques enjeux de la politique d'immigration et, ensuite, de la politique d'intégration. Tout d'abord, notre objectif premier d'accroître la proportion de francophones dans le mouvement global de l'immigration recueille un appui majoritaire. Des groupes ont cependant fait valoir avec justesse que la connaissance du français ne garantit pas l'intégration, et je suis d'accord. Il n'est pas question de sélectionner des francophones à tout prix, des francophones dont les chances d'intégration économique ne seraient pas suffisantes. J'ajouterais toutefois que, s'il faut bien admettre que la connaissance du français n'est pas garante de l'intégration, elle la facilite cependant certainement. Par ailleurs, la connaissance du français ne sera pas un critère de sélection éliminatoire comme certains groupes ont semblé le craindre.

Concernant la question des revendicateurs du statut de réfugié, plusieurs groupes ont souhaité, par souci humanitaire, que leur soit accordée l'amnistie. À tous ces groupes, j'ai demandé: Comment faudrait-il agir pour assurer à ces personnes un traitement décent tout en évitant que ce traitement ne devienne précisément un facteur d'attraction d'autres revendicateurs dont les motifs ne sont pas toujours acceptables au sens de la Convention de Genève? Compte tenu des réponses, je dois admettre que, si la problématique s'en est trouvée approfondie, le problème, lui, demeure entier et il m'apparaft toujours aussi déchirant.

La question des niveaux annuels d'immigration a suscité des opinions partagées. Sans que cela ne reflète toutes les nuances de leurs pensées, signalons tout de même que les milieux d'affaires, de même que deux centrales syndicales sur trois, se sont prononcés en faveur d'une augmentation graduelle des niveaux. Cette position est également celle des unions municipales, de la Communauté urbaine et de la ville de Montréal, de même que des communautés culturelles. Les organismes du monde scolaire sont partagés sur cette question. Ainsi, deux des commissions scolaires les plus concernées par le phénomène de l'immigration se disent pour une augmentation graduelle des niveaux tandis que les organismes qui les regroupent et les représentent aux niveaux régional et provincial ont exprimé de fortes réserves

Finalement, les organismes du mouvement nationaliste se sont généralement exprimés contre une augmentation, voire en faveur d'une baisse sensible des niveaux. Tous ces points de vue seront pris en considération et contribueront à éclairer le gouvernement dans le cadre du processus de décision entourant la détermination des niveaux d'immigration pour les années 1992, 1993 et 1994 II faut savoir cependant que les niveaux constituent la clé de voûte de la politi que d'immigration. L'analyse nous révèle en effet que, pour réussir à la fois à augmenter la proportion de francophones, à accueillir plus d'entrepreneurs et d'investisseurs et à respecter nos engagements à l'égard de la réunification des familles et des réfugiés, cela suppose une augmentation des niveaux. La stabilisation ou la baisse des niveaux, il faut bien le comprendre, remet en question l'un ou l'autre de ces objectifs.

En ce qui concerne l'intégration, notre consultation parlementaire a mis en évidence l'idée que le processus d'intégration s'étend sur une longue période, voire même sur plus d'une génération. Cette vision permet de relativiser des données isolées telles que celles relatives au transfert linguistique. Ces dernières, considérées à l'extérieur du tableau d'ensemble, ont un effet alarmant auprès de la population. Une autre idée qui remporte l'adhésion générale, c'est celle que l'intégration se réalise sous plusieurs dimensions interdépendantes, c'est-à-dire linguistique, économique, institutionnelle et culturelle.

Certains groupes se sont particulièrement attardés dans leur témoignage à l'apprentissage et à l'usage du français. Les mesures en vue d'augmenter l'accessibilité aux cours de français, que ce soit pour les immigrants ou les Québécois des communautés culturelles, ont reçu un large appui.

Quant aux organismes du monde scolaire, ils nous ont fait part des défis reliés à l'intégration des élèves allophones. Certains se sont montrés confiants en leur capacité de réussir; d'autres ont plutôt insisté sur les difficultés et ce, dans un contexte où des demandes de budgets additionnels étaient adressées au ministre de l'Éducation. Quoi qu'il en soit, au-delà des mesures substantielles déjà prévues à l'énoncé, j'entends véhiculer auprès de mon collègue, ministre de l'Éducation, les propositions du milieu soclaire

L'objectif de favoriser une meilleure répartition des immigrants sur le territoire québécois a reçu un large assentiment quant à sa pertinence et ce, dans tous les milieux. Certains groupes ont établi un rapport entre cet objectif et la politique de développement régional, considérant le second comme une condition préalable au premier. Pour ma part, je vois plutôt l'immigration, et en particulier celle des gens d'affaires, comme un facteur de développement régional. De toute façon, c'est une tâche de longue haleine et il faudra un effort régional concerté pour commencer à attirer et à retenir

plus d'immigrants dans les régions. C'est dire qu'à moyen terme la grande majorité des immigrants continueront vraisemblablement à s'établir dans la région montréalaise. Toutefois, l'immigration se répartit maintenant plus également dans l'ensemble des quartiers de la ville et les immigrants s'installent désormais, dès l'arrivée, dans les banlieues. Il y a de moins en moins de quartiers monoethniques et de plus en plus de contacts entre allophones et francophones.

Toutes ces tendances encourageantes devraient inciter les esprits alarmés à plus de modération. Dans les faits, la population immigrée de Montréal est beaucoup moins concentrée géographiquement aujourd'hui qu'elle ne l'était, par exemple, il y a 20 ans. Néanmoins, je suis hautement consciente de la nécessité de mesures d'intégration substantielles. Dans l'énoncé, la politique d'intégration, bien qu'elle s'adresse à toute la population québécoise, trouvera son application plus particulièrement dans la région montréalaise.

Finalement, en matière d'intégration économique, plusieurs communautés culturelles nous ont rappelé l'importance de suivre de près l'évolution des programmes d'accès à l'égalité afin que ceux-ci produisent des résultats attendus. Je suis tout à fait d'accord et je me propose de suivre ce dossier de très près. Notre gouvernement accordera une attention particulière à celui de la fonction publique, dont l'implantation a débuté l'année dernière.

Outre les remarques sur le fond de l'énoncé, les groupes ont tous exprimé leur hâte de connaître les moyens dont sera dotée notre politique, d'une part, et souhaitent vivement que nous passions à l'action, d'autre part. En ce qui concerne les moyens, j'ai déjà annoncé que le Conseil des ministres avait reconnu que la mise en oeuvre de l'énoncé représentait des dépenses additionnelles de 30 000 000 $ au cours des trois prochaines années.

Pour ce qui est de la prochaine étape, je suis entièrement d'accord avec l'affirmation à l'effet qu'il faille maintenant passer à l'action à tout prix, puisque nous avons déjà largement consulté. Je proposerai donc au Conseil des ministres un plan d'action qui prendra en compte plusieurs des recommandations présentées lors de la commission parlementaire. J'espère être en mesure de rendre public ce plan d'action d'ici à la fin du mois de juin. Entreprendre une nouvelle consultation, à compter de ce moment, aurait un effet de ralentissement quant à la mise en oeuvre du plan d'action et partant, quant au règlement de problèmes maintes fois soulevés au cours de ces audiences publiques et pour lesquels on attend des actions rapides et pertinentes.

Ceci étant dit, nous suivrons de près l'état de réalisation du plan d'action gouvernementale et nous en ferons un bilan d'étape au terme de la première année. Il faudra y voir l'occasion d'effectuer des corrections au besoin.

En conclusion, M. le Président, et sur une note un peu plus personnelle, j'aimerais remercier le président, bien sûr, de cette commission, le député de Louis-Hébert, le président de séance, le député de LaFontaine, tous mes collègues, que ce soient, par exemple, les députés d'Acadie, Richelieu, Saint-Hyacinthe, Saint-Jean, Saint-Henri. Mais, bien sûr, je voudrais aussi remercier les porte-parole de l'Opposition, en particulier le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, le député de Mercier, le député de Shefford, qui ont fait en sorte qu'en plus d'être utiles ces cinq semaines d'audiences se soient avérées, pour moi, une expérience des plus agréables. Je voudrais plus particulièrement remercier le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Moi aussi, au cours de cette commission parlementaire, j'ai appris à le connaître davantage. Nous avons partagé 63 heures d'audiences ensemble, c'a été pour moi une expérience très enrichissante et je veux le remercier de sa collaboration de tous les jours, finalement. Merci infiniment, c'a été très utile.

Je voudrais, bien sûr, aussi remercier notre sous-ministre, Mme Brodeur, qui m'a accompagnée tout au long de ces audiences, de même que tout le personnel du ministère et du cabinet aussi qui a été là à chaque instant pour nous aider dans ce travail. Pour moi, c'est un esprit de travail constructif qui a bien marqué cette consultation, qui correspond au titre de l'énoncé, comme on se souviendra, on l'a très peu mentionné au cours de cette commission parlementaire, mais c'est un titre qui veut tout dire, c'est-à-dire: "Au Québec, pour bâtir ensemble". Alors, merci à tous et à toutes.

Le Président (M. Doyon): Alors, merci, Mme la ministre. À titre de président, vous me permettez d'exprimer à mon tour des remerciements envers tous les membres de la commission. Aussi bien le côté ministériel, en particulier Mme la ministre, que les porte-parole de l'Opposition ont contribué très largement à garder un débat d'une élévation certaine. Il n'y a eu aucune prise de bec. Il y a eu des divergences d'opinions, mais tout ça s'est déroulé dans la plus parfaite gentilhommerie. À titre de président, mon rôle en a été totalement facilité. C'est un rôle qui parfois a été ingrat, mais qui s'est voulu, volontairement, en même temps - en tout cas, en ce qui me concerne - le plus effacé possible, étant entendu que les discussions qui devaient avoir lieu étaient entre la ministre et nos invités, de même que les porte-parole de l'Opposition. Mes collègues m'ont facilité la tâche et c'est avec beaucoup de plaisir que j'ai participé à ces travaux. Je remercie aussi le secrétariat de la commission, Mme Tanguay qui a fait un travail extraordinaire.

Donc, tout ça pour dire que nous pouvons, je pense, considérer que nous avons abattu du bon boulot. Nous l'avons fait sur une longue

période et ça a contribué à améliorer ce qu'on pense devrait devenir la collectivité québécoise. Alors, soyez tous remerciés bien sincèrement. Donc, nous ajournons nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 51)

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