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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le jeudi 3 octobre 1991 - Vol. 31 N° 41

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante et une minutes)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission va continuer ses travaux et procéder à la consultation qu'elle a commencée il y a deux jours par la tenue d'auditions publiques sur la proposition de politique de la culture et des arts telle que déposée à l'Assemblée nationale le 14 juin dernier.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacement, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le secrétaire. Je ne ferai pas la lecture de l'ordre du jour, il a été distribué aux parlementaires. Nous allons essayer de suivre l'horaire le plus exactement possible de façon à finir à une heure acceptable ce soir. Nous allons suivre les mêmes règles qu'hier, c'est-à-dire un quart d'heure de présentation, après ça, le reste du temps est partagé entre les deux formations politiques pour discuter avec nos invités.

Je vois que nos invités qui représentent l'Association des libraires du Québec sont déjà en place. Je leur souhaite la bienvenue. Je les invite à se présenter - si M. Caza est ici, que je ne connais pas - M. Caza à peut-être présenter les gens qui l'accompagnent et, dès après ça, à faire la présentation de votre mémoire selon les règles que j'ai indiquées. Vous avez la parole, M. Caza.

Association des libraires du Québec

M. Caza (Gérald G. ): Merci, M. le Président. Je vais vous présenter, premièrement, Mme Louise P. Rochon, directrice générale de l'Association des libraires du Québec; M. Guy Beaulieu, directeur du bureau à l'Association; M. Marc-André Dandurand et M. Yves Dulude.

Le Président (M. Doyon): Soyez les bienvenus.

M. Caza: Premièrement, on remercie la commission et le ministère des Affaires culturelles de nous fournir cette occasion de présenter nos remarques et nos suggestions quant à une politique globale du livre, une politique culturelle globale. Si vous le permettez, nous ne lirons pas le mémoire au complet; on va peut-être soulever uniquement quelques points en quatre ou cinq minutes qui vont résumer, pour gagner du temps peut-être au niveau d'un échange des questions qui pourront survenir à ce moment-là.

Premier élément qu'on doit mentionner et qu'on veut souligner d'une façon manifeste, c'est l'approbation par l'Association des libraires du Québec de l'ensemble des recommandations qui ont été faites par le groupe-conseil. Notre réflexion nous amène à nous situer en regard d'une politique globale de la culture en prenant pour acquis que cette politique globale va faciliter le développement de notre secteur de l'industrie qu'est le livre, le livre étant considéré pour nous comme un support majeur au niveau du développement de la culture, tant au niveau de l'échange des idées que de l'acquisition de connaissances.

Notre recherche a visé à identifier une action concrète qui permettrait à notre secteur de l'industrie de travailler dans le sens d'un renouveau de la culture au Québec, tel que décrit au niveau du rapport de la commission. Concrètement, nous identifions un manque flagrant au niveau de notre industrie en ce qui concerne les moyens d'information quant à la chose du livre, c'est-à-dire l'information des publications québécoises, l'information qui serait exportable concernant l'édition au Québec, cette édition-là étant mal identifiée à l'heure actuelle parce que ne comportant pas de banque de données complète.

Nous croyons que pour être capables de réaliser notre travail d'une façon professionnelle, d'une part, le premier élément, le premier besoin de l'ensemble de l'industrie, en nous référant tout autant au niveau des bibliothèques, des éditeurs, des distributeurs et des consommateurs principalement, c'est le besoin d'une banque de données informatisée moderne, complète pour tous les livres de langue française. Cet instrument-là est considéré comme fondamental pour aboutir à une gestion moderne de l'industrie et, plus particulièrement, à une gestion moderne de la référence et de l'information pour la diffusion du livre auprès des citoyens.

Le deuxième élément dans cette recherche de professionnalisme est d'aboutir à une formation continue et professionnelle des gens qui travaillent au sein de l'industrie du livre. Par le passé, nous avons bénéficié d'un programme de formation par le biais du Séminaire de librairie, qui est un cours qui s'étale sur trois semaines annuellement. Nous croyons qu'à l'heure actuelle nous en sommes rendus, après 10 ans, à devoir penser à une formation qui est plus exhaustive, qui s'étalerait sur un cours Intégré de formation de niveau collégial, qui s'étalerait sur une période de trois ans et qui aurait un tronc commun avec des disciplines comme la bibliothé-conomie, des diplômes aussi de recherche et

documentation, ce cours étant une nécessité de façon à alimenter l'industrie en personnel professionnel et à développer cette branche-là au niveau de la recherche, au niveau aussi de la mise en pratique de moyens modernes de gestion.

Dans un contexte où la culture doit se renouveler, où elle doit être accessible à toute la population, l'autre élément qui est essentiel, une fols qu'on dispose des outils et du personnel professionnel, c'est véritablement une campagne de promotion et de sensibilisation de la population à la lecture, tout particulièrement aux niveaux primaire et secondaire, mais aussi une campagne de promotion qui viserait à rejoindre l'ensemble de la population et à rendre manifeste l'importance d'une documentation, d'un suivi, tant sur le plan économique que social, pour développer une agressivité au niveau de notre action comme communauté.

Cette campagne de promotion nationale devrait être prise en charge par un maître d'oeuvre efficace et absolument volontaire au niveau des objectifs. Nous croyons qu'à l'heure actuelle on pourrait tout aussi bien développer des campagnes de promotion du type que d'autres industries ont développées, que ce soit Bell Canada, que ce soit les campagnes pour le lait ou pour les notaires, qui sont des campagnes nationales et qui permettent de sensibiliser l'ensemble de la population.

Ces campagnes de promotion et de sensibilisation à la lecture devraient s'appuyer aussi sur une plus grande disponibilité de budgets des bibliothèques tant publiques que scolaires pour renouveler leurs collections qui laissent à désirer. Il y a des secteurs de la population qui, par le passé, n'ont pas été rejoints au niveau du service. On pense, entre autres, à des secteurs qui sont la base même du développement économique. On retrouve dans très peu de bibliothèques publiques, par exemple, l'ensemble des instruments qui seraient nécessaires pour donner une information pertinente et immédiate tant aux chefs d'entreprise de la petite que de la moyenne entreprise; rendre accessible une documentation qui serait une stimulation à la créativité, à l'Innovation au niveau du développement tant économique que social et culturel.

À notre avis, l'élaboration d'un plan global de la culture, d'une politique globale de la culture rendrait enfin possible d'appliquer certaines lois qui existent déjà depuis des années, mais qui sont appliquées sans nécessairement se référer à un cadre global qui est majeur en termes d'orientation. L'élaboration d'une telle politique de la culture entraînerait sans doute, nous l'espérons, une application ferme et constante des lois qui régissent les secteurs de développement culturel, entre autres au niveau de la loi 51.

Un élément au niveau concret qui nous apparaît aussi majeur: dans la dernière année, le gouvernement du Québec, par le biais du minis- tère des Affaires culturelles, a été le ou un maillon excessivement important qui a permis de ne pas taxer le livre sur le plan provincial. Cette lutte que nous avons entreprise la dernière année de façon à faire disparaître la taxe fédérale sur le livre n'est pas terminée, les objectifs ne sont pas encore atteints, ce n'est pas encore complété. Nous croyons que le maître d'oeuvre, dont on parle au niveau du plan de la politique, devrait être le ministère de la culture au Québec et qu'une intervention encore plus forte, encore plus insistante auprès du gouvernement fédéral pourrait permettre, par le biais de la normalisation des taxes prévues pour le début de l'année 1992, de libérer enfin le secteur du livre d'une taxe pénalisante et qui diminue l'accessibilité de la lecture au Québec.

Finalement, notre approche vise à rendre l'industrie compétitive, par le biais des éléments qu'on vient de mentionner au niveau des moyens et des ressources dont on veut se doter et pour lesquelles nous travaillons déjà d'arrache-pied, à rendre compétitif notre secteur de l'industrie québécoise avec les autres nations étrangères qui constituent à 70 %, 75 % la source d'approvisionnement en livres au Québec. Nous devons retrouver notre indépendance au niveau de la diffusion et de la promotion de la lecture et, un des éléments fondamentaux à ce niveau-là, c'est la connaissance de notre propre industrie et des instruments qui vont rendre accessible à tous et chacun l'information concernant la production québécoise. Merci. Je crois que ça résume bien notre mémoire.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Premièrement, je vous souhaite la bienvenue. Le premier groupe le matin, on est frais et dispos. C'est vrai qu'on a travaillé très fort ensemble au niveau de la taxe sur le livre. Il y a eu des reportages faits aussi sur l'impact de coûts justement ajoutés sur les livres qui sont des impacts directs au niveau des ventes. Après quelques mois, bon, la nôtre ne s'est pas appliquée. La TPS s'applique. Il y a aussi un programme d'aide au niveau de la Banque fédérale de développement, un programme fédéral au niveau de l'aide à l'édition, je crois, parce que, au niveau fédéral, leur philosophie était: On laisse la taxe, donc pas d'exemptions, excepté qu'on va donner de l'aide.

Ma question a deux volets. Premièrement, après plusieurs mois - la taxe a été imposée en janvier - est-ce qu'il y a une espèce de normalisation de tout ça et est-ce que l'effet de la taxe est aussi évident qu'on te disait ou qu'il était au début? Autrement dit, est-ce que les gens se sont habitués à payer ce pourcentage de plus?

Et, deuxièmement, les programmes fédéraux d'aide aux livres, à l'édition, etc., est-ce que,

nous, au Québec, dans notre marché à nous, ça aide, est-ce que ça vous aide?

M. Caza: Au niveau - je vais essayer de répondre dans l'ordre - de l'effet de la taxe et de la question de la normalisation, pour nous, il n'y a rien de changé depuis le mois de janvier au niveau des effets. C'est les mêmes qui perdurent. On a fait des enquêtes auprès de l'ensemble de nos libraires, des librairies agréées au Québec - la dernière en date est de la fin avril - où on constatait, à ce moment-là, des diminutions de chiffre d'affaires variant de 5 % à 20 % selon les régions. Et il y a certaines régions que c'a été davantage que ça.

Au niveau des effets auprès de la clientèle générale, de la population en général, c'est le genre de chiffres qu'on retrouve dans l'ensemble des librairies. On ne peut pas mettre, évidemment, et on ne se prendra pas à ce jeu-là de dire: C'est entièrement dû à la TPS, bien sûr. Mais la TPS, comme telle, est la cause de bien d'autres maux qui les uns les autres s'additionnent et aboutit qu'on connaît actuellement une baisse de l'ordre de 10 % à 20 %, d'une façon assez constante, d'achalandage en librairie. Et ça, c'est large dans le sens où les gens viennent moins en librairie, ce qui est une habitude qui a été très très longue à créer, de se tenir à l'affût des nouvelles parutions.

Alors, l'effet de la taxe actuellement est désastreux. Au niveau des collectivités, des institutions qui achètent les volumes, on connaît aussi une baisse sensible à ce niveau-là, un retard à dépenser les budgets. Il y avait eu un devancement de dépenses dans les mois de novembre, décembre, l'an passé, où les gens, pour éviter la TPS, avaient dépensé rapidement leur budget, ce qui a créé un creux à ce niveau-là. Depuis le mois de janvier, donc, ça a été très lent, au niveau de la dépense publique, pour acquérir des volumes, et ce n'est pas véritablement repris encore à l'heure actuelle.

Au niveau des programmes fédéraux d'aide à l'édition, comme telle, les libraires, on n'a pas accès à ce genre d'aide. Ce que l'on constate davantage, à l'heure actuelle, chez les éditeurs, ce sont des diminutions de programmes d'impression, des diminutions du nombre des volumes imprimés pour une parution, pour tenir compte de la baisse des ventes du livre au Québec, et une difficulté. Les distributeurs, les éditeurs reçoivent le retour de notre piètre performance au niveau des ventes des derniers mois, compte tenu des règles de fonctionnement qu'on a au Québec au niveau des retours d'office. C'est maintenant qu'eux constatent à quel point on n'a pas vendu dans les six derniers mois, puisqu'on retourne les volumes maintenant, les invendus. La situation est assez précaire à ce niveau-là. On entend des hurlements, dans certaines zones.

Mme Frulla-Hébert: Remarquez que c'est aussi une tendance sur tous les marchés de ce temps-là. On regarde les ventes en général, les ventes au détail, et c'est sûr qu'en période de récession, effectivement, les gens achètent moins. Par contre, il s'agit de savoir - c'est difficile à savoir - est-ce qu'on attribue une partie de ça, justement, à la condition économique que l'on vit actuellement et l'autre partie directement imputable à l'augmentation?

M. Caza: Je crois qu'il y a eu une publicité autour de toute cette question-là. Le livre est quand même fort dispendieux au Québec à l'heure actuelle. La constatation qu'on est porté à faire aussi, c'est: comparativement à 1981, où on n'a pas connu une baisse de chiffre d'affaires lors de la récession du type que l'on connaît là... Au contraire, même, parce que, 1981, il y avait non seulement un statu quo, un maintien des ventes, mais, à certains moments de cette récession-là, on a connu des augmentations. Compte tenu que les gens ne dépensaient pas à d'autres niveaux, il y a eu une clientèle constante au niveau de la librairie dans ces années-là. On dit que la récession, à l'heure actuelle, est du même type; par contre, elle nous a touchés, cette fois-ci, d'une façon aussi importante que les autres secteurs de l'industrie, effectivement. La petitesse des budgets gouvernementaux, qui ont été mis pour compenser la récession à l'heure actuelle, ne permet pas de compenser ce manque de clientèle là. Toutes les commissions scolaires coupent, par exemple, leur budget, doivent assumer des déficits et ainsi de suite. C'est à tous les niveaux. Ça se répercute immédiatement à ces niveaux-là. Le livre n'ayant jamais été taxé alors que les autres activités qu'on a connues, comme la récession en 1981... Cette année, le livre est taxé en plus, alors on est portés à considérer que c'est un élément majeur au niveau de la réaction de la population.

Mme Frulla-Hébert: Remarquez que vous avez probablement raison. On pense au consommateur qui achète un ou deux livres, mais il y a aussi tout l'effet de la taxe sur ceux qui achètent à grand volume, les commissions scolaires, les bibliothèques, etc. Effectivement, c'est Intéressant de savoir... Parce que, finalement, c'était selon nos analyses, qui étaient des estimés, dans le fond, et on s'aperçoit que les analyses, finalement, sont justes. (10 heures)

Je voudrais revenir à deux choses. D'abord, cette campagne de promotion dont vous parlez. Bon, promotion en général - si je vous entends bien - de la lecture, et j'aimerais aussi qu'on parle un peu de la promotion au niveau des livres québécois. Au niveau de la lecture, campagne de promotion en général. Vous parliez finalement d'avoir une espèce de regroupement, de faire une espèce de grande campagne de promotion et de sensibilisation. Les bibliothèques

aussi en parlaient pour attirer les gens maintenant, les ramener à la lecture, ces jeunes qui sont souvent beaucoup plus attirés maintenant aussi par les médias électroniques, bon. Est-ce que ça serait possible aussi de penser à des partenaires? Vous pariez de Bell, vous pariez du Bureau laitier. Le Bureau laitier, Bell... Le Bureau laitier, je le connais très bien, ce sont chacun des partenaires qui forment le Bureau laitier, donc les agriculteurs et tout ça, qui donnent une partie, qui mettent un certain pourcentage, si on veut, pour justement participer aux campagnes de promotion. Bell, évidemment, c'est une entreprise indépendante. Est-ce que ça serait possible de penser, justement, à une espèce de partenariat global? SI la campagne de promotion est une campagne de promotion, de sensibilisation et d'intérêt aux livres, donc ça profite à tout le monde. Ça profite aux libraires qui les vendent, ça profite aux librairies qui reçoivent plus de clientèles, donc eux sont intéressés aussi à acheter des collections, les municipalités évidemment embarquent là-dedans. Est-ce que c'est possible de penser justement à un vaste mouvement où tout le monde participe?

M. Caza: Absolument. Je pense que c'est faisable. Il y a un exemple qu'on vient de vivre dans la dernière année par le biais, par exemple, de la coalition du livre, pour la défense du livre contre la taxe qui illustre bien que le milieu peut se regrouper et travailler dans ce sens-là.

Au niveau de notre profession, il y a énormément de travail qui se fait à ce niveau-là, tant par les éditeurs que les distributeurs, que les libraires, par exemple, dans chacune des régions, pour faire connaître des choses. Par contre, c'est un travail qui est très sectorisé. C'est chaque élément, chaque intervenant qui va seul. Il y a besoin de leadership à assurer là-dedans, d'un maître d'oeuvre et de la participation d'autres gens qui sont Intéressés. On a un petit marché. De regrouper ou d'amasser les sommes nécessaires pour une campagne nationale du même type que le lait, la consommation au niveau du lait et la consommation au niveau du livre au Québec, on ne va pas chercher les mêmes pourcentages de montants qu'on peut mettre dans la promotion.

Mme Frulla-Hébert: Seulement, juste pour revenir, parce que vous avez donné vous-même l'exemple, quand vous vous êtes regroupés tous ensemble justement pour la coalition pour la défense du livre, tout le monde était là-dedans. Il y avait les imprimeurs, il y avait les éditeurs, tout le monde était embarqué. Cette campagne-là a été quand même d'une notoriété énorme. Le monde en pariait, bon! Il ne serait pas possible de procéder de la même façon, c'est-à-dire que, si les imprimeurs embarquent, bien, évidemment, ils embarquent à un coût préférentiel, etc., de telle sorte que tous ensemble...

M. Caza: Dans une campagne de promotion comme celle dont on parle, je pense qu'il est excessivement Important qu'on ait des intervenants, par exemple comme les gens du ministère de l'Éducation, qui soient partie prenante d'une campagne de promotion de ce type-là, qu'on ait les différents niveaux, autant au niveau des bibliothèques publiques, qui, évidemment, ne peuvent pas investir énormément dans une campagne de promotion puisqu'elles détiennent leur budget déjà des fonds publics. Ce travail-là d'amasser l'ensemble des gens et de faire une campagne qui ne soit pas, excusez le terme, trop commerciale, orientée sur les intérêts de ceux qui paient le plus, mais d'avoir une campagne nationale, dans ce sens-là, ça prend un maître d'oeuvre qui va chapeauter un ensemble et qui va permettre d'avoir une visée qui va rejoindre l'ensemble des Québécois et non pas uniquement l'intérêt, par exemple, qui pourrait se prendre dans un secteur ou dans un autre. À certains moments, on a besoin d'un genre de leadership de ce type-là.

Mme Frulla-Hébert: Est-ce que vous voyez cette maîtrise d'oeuvre faite, d'une certaine façon, par le gouvernement? Je vous le demande directement parce que les journées passent et que, de plus en plus, se dessine, je dirais - c'est difficile de voir ça dans le milieu - une espèce de consensus où on dit au gouvernement: Écoutez bien, à cause justement du fonctionnement même de l'appareil gouvernemental... Moi, je veux bien. Si c'était juste de moi, je gérerais tout ça comme une entreprise privée et ça irait probablement beaucoup plus vite et mieux, excepté que tu ne peux pas. Il faut que tu gères des fonds publics et... Bon. À cause justement de cette structure d'appareil gouvernemental, quel que soit le système, ça va toujours exister. On dit là: Fonctionnarisme, dirigisme de loin, "arm's length" -là, c'est le nouveau mot. Moi, je suis d'accord avec ça. Le plus loin possible. C'est pour ça que je vous le demande directement. Est-ce que ça devrait être le gouvernement ou le gouvernement devrait tout simplement être là pour écouter? Si vous avez besoin du ministère de l'Éducation ou si quoi que ce soit, alors, nous, on coordonne. D'être une espèce de coordonnateur-rassembleur ou si le gouvernement, dans ce cas, devrait être le maître d'oeuvre et dire: La lecture c'est important, et: Bon, là, on chapeaute tout ça et on prend tout ça sur nos épaules?

M. Caza: Avec une politique de développement culturel, la participation gouvernementale à ce niveau-là d'une promotion de la lecture, je pense qu'elle doit être, d'une part, financière et non pas nécessairement demander uniquement à l'industrie de former la population sur un plan culturel en le défrayant à 100 %, puisque c'est un objectif national, à ce moment-là, qui dépasse les objectifs commerciaux, que d'inciter a la

lecture. Tel qu'on en parie dans le rapport de la commission, les jeunes lisent de moins en moins et écoutent de plus en plus de musique étrangère; il n'y a pas uniquement un intérêt purement économique d'impliqué à ce niveau-là...

Mme Frulla-Hébert: Absolument.

M. Caza:... il y a un intérêt de formation, et je pense que le gouvernement, c'est important qu'il participe à ce niveau-là. Mais on pense plus à des équipes restreintes de gens, de professionnels qui peuvent démarrer une campagne de ce type-là, encadrés ou appuyés par les gens de l'industrie et le gouvernement pour avoir des résultats.

Le terme qui nous a le plus frappés et qui est le plus important, à notre sens, au niveau de la commission, c'est "mise en commun". Ce qu'on fait chacun de tous les côtés... parce que le ministère a des programmes d'aide aussi à la promotion de la lecture, à la publicité de l'édition. Il y a des sommes d'argent énormes qui se dépensent à tous les niveaux, que ce soit au niveau de l'informatique dans toutes les bibliothèques, dans tous les secteurs, ou de la promotion comme telle. Il faut aboutir à mettre ça en commun pour avoir les ressources suffisantes pour faire quelque chose de solide et qui va durer, alors que, là, on dépense les mêmes sommes, mais dans des gestes isolés qui n'ont pas le même impact. Il doit y avoir une volonté de mise en commun à ce niveau-là.

Mme Frulla-Hébert: Parfait. Je voudrais juste revenir aussi à la promotion du livre, surtout à la promotion du livre québécois. On a entendu, la première journée, les représentants de l'UNEQ qui ont aussi exprimé les difficultés pour eux non seulement d'être publiés, mais d'être promus. Quand le livre québécois, par exemple, arrive chez vous, chez les libraires, est-ce qu'il y a cette espèce d'obligation de lui donner toute la place, une espèce de place privilégiée pour justement permettre à notre littérature québécoise de mieux se vendre?

M. Caza: Formellement, je crois que l'ensemble des libraires au Québec donnent le maximum de place et de visibilité aux publications québécoises. Par contre, il faut constater que l'on est noyés sous l'avalanche des publications et des mises en place de livres étrangers et de livres québécois. Il y a des pratiques de fonctionnement, au niveau des librairies, qui vont attirer l'attention sur certains ouvrages. Là-dessus, on ne s'entend pas tous au niveau d'une approche de marketing ou de mise en marché; il n'y a pas une seule recette. Certains éditeurs vont nous demander de ne pas trop insister pour dire que c'est québécois - des fois, ça fait moins vendre - de ne pas trop attirer l'attention sur le fait que c'est québécois, qu'il faudrait que ce soit comme la littérature étrangère. Il y a différentes opinions à ce niveau-là.

Je pense qu'en fonction de la demande de la clientèle aussi les libraires mettent une insistance à présenter, à diffuser le livre québécois dans leur librairie, selon les espaces dont ils disposent. L'espace dont on dispose aussi, on doit le rentabiliser. Donc, il y a un roulement important qui se fait là. Le commentaire ne se veut pas cynique du tout, mais j'aimerais y répondre comme ça. Je ne connais aucun libraire au Québec qui va cacher des livres de littérature québécoise en arrière pour ne pas les vendre si la clientele les demande. C'est un équilibre entre les deux qui se fait.

Mme Frulla-Hébert: Excepté - je suis certaine que M. Godin va probablement reprendre là-dessus - qu'on sait aussi très bien qu'attirer, attiser la curiosité, ça aide aussi à créer une demande.

M. Caza: Oui. Il y a un équilibre, par contre, qui doit se faire au niveau des espaces dont on dispose, dépendamment de l'importance de la librairie. Avec la loi 51, chacun des libraires doit recevoir au moins toutes les parutions québécoises de 25 maisons d'édition et les avoir en place pendant au moins une période de 4 mois. Si la loi est respectée - et ce n'est pas nous qui devons vérifier si elle l'est ou pas partout, ça relève du ministère - si cela est respecté, je pense que l'incitation est là et que ce travail-là se fait.

Maintenant, ce n'est peut-être jamais assez, ni pour le libraire ni pour certains éditeurs qui aimeraient une beaucoup plus grande visibilité. Au niveau de la visibilité, il faut rechercher aussi une plus grande information sur le livre québécois. Vous avez des statistiques à ce niveau-là, au niveau des journaux: quelle est la place, par exemple, dans les journaux, qu'occupe le livre québécois comparativement au livre étranger? Et ça vient jouer aussi.

En librairie, en moyenne 30 % de notre chiffre d'affaires, c'est du livre québécois. Je suis convaincu que, dans la majorité des librairies, on va donner 40 %, 50 % de l'espace d'affichage pour le livre québécois, ce qui ne correspond pas nécessairement même à la vente. Il doit se maintenir un travail dans ce sens-là, mais iI doit être renforcé par les médias, il doit être renforcé aussi par une information qui ne circule pas assez. On n'a pas, à ce jour, les libraires, une information rapide de ce qui paraît, de ce qui s'en vient ou même de ce qui est sorti. Il n'y a pas de banque de données à ce niveau-là.

Mme Frulla-Hébert: Oui. C'est ça. J'y reviens là, à la banque des données.

Le Président (M. Doyon): Une dernière question, Mme la ministre. Vous avez dépassé de quelques minutes.

Mme Frulla-Hébert: O.K. Vite, vite. Excusez-moi. Vite, vite. La banque de données. Depuis 5 ans, 88 librairies des 214 librairies agréées - parce que je me suis fait sortir les chiffres - ont bénéficié du programme qui est mis en place pour acquérir des logiciels de gestion comptable ou de gestion de leur stock, donc pour être capables de recevoir cette fameuse banque, ce que vous demandez ià, avec raison, la banque de données.

Il y a aussi une banque de données au niveau des volumes français, Electre, et je pense qu'il y a un projet présentement en cours avec notre Bibliothèque nationale pour voir si on peut inclure à l'Intérieur de ça aussi toutes les données au niveau des livres québécois, ce qui n'existe pas présentement.

Mais, justement, parce que des librairies...

Le Président (M. Doyon): Rapidement, Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: ...le sont et d'autres ne le sont pas, est-ce que c'est possible de penser à une application de l'informatisation?

Le Président (M. Doyon): Une brève réponse, M. Caza.

M. Caza: Une brève réponse. Je crois qu'une banque de données disponible auprès des usagers québécois entraînerait rapidement l'informatisation de l'ensemble des éléments du secteur.

Mme Frulla-Hébert: Ah! c'est l'inverse. Bon.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Caza. M. le député de Mercier ou de Sainte-Marie-Saint-Jacques? M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. le président Caza, Mme Rochon, M. Dulude, M. Dandurand, M. Beaulieu, vous avez remarqué que j'étais accompagné par un éditeur et un écrivain. Je pense que c'est utile pour ie dossier qu'on défend.

Talleyrand disait: Vaut mieux se rétracter et s'en attribuer tous les mérites que de persister et être vaincu. Lorsque nous avons lancé cette guerre "Taxer le livre, c'est imposer l'ignorance", je pense qu'on a réussi une mobilisation sans précédent au Québec, et c'était heureux. Le gouvernement du Québec s'est rétracté, s'en est attribué tous les mérites et j'en suis content parce qu'il savait que s'il persistait, il serait vaincu. Ce n'est malheureusement pas le cas du gouvernement fédéral, avec M. Beatty, qui a la prétention de venir nous dire qu'il va sauver la culture québécoise alors, justement, qu'il taxe et qu'il préside aux obsèques de l'édition québécoise au rythme où ça va. (10 h 15)

C'est beau, une commission parlementaire, M. Caza, c'est très intéressant, une commission parlementaire. Mais, quand on regarde la situation, vous parlez de l'édition, vous avez rencontré beaucoup de... Il y a d'ailleurs eu beaucoup de mariages forcés chez les éditeurs. Ce n'était pas des mariages d'amour ces derniers temps. Il y a des éditeurs qu'on connaît bien, et je vais en citer un: M. de Roussan, qui a commencé à éditer bien avant que je sois né et qui viendra, dans quelques jours ou quelques semaines, nous dire que, dans six mois, il ferme. C'est une perte. Quand de Roussan ferme, c'est un pape de la culture québécoise. Au niveau du livre d'art et surtout de la peinture - parce que je vois les gens du Conseil de la peinture - s'il y a quelqu'un qui a fait beaucoup au Québec, c'est M. de Roussan. Mais dans six mois, il met la clé sur la porte. Et mon collègue et ami, le député de Mercier, pourra vous parler de la création littéraire québécoise qui est drôlement secouée aussi actuellement.

Donc, je vous dis: C'est beau une commission parlementaire, mais si ce n'est qu'un "placotlng club", ça ne fera pas avancer les choses. Donc, je vous parle à vous, mais je me tourne et j'adresse ma question à Mme la ministre. Est-ce que la ministre peut s'engager ici, aujourd'hui, à cette commission de la culture, que ie livre sera exempté, encore cette année, par le gouvernement du Québec? Si on n'a pas de réponse, cette commission est un "placotlng club".

Mme Frulla-Hébert: C'est parce que, M. le Président...

Le Président (M. Doyon): Voilà. En tant que président, je dois signaler aux membres de la commission que cette commission vise à faire une consultation avec des gens qui ont des choses à nous dire sur des sujets sur lesquels ils peuvent se prononcer. Ce n'est pas une étude de projet de loi où on peut interroger la ministre sur ses intentions, sur l'interprétation de tel article. Ce n'est pas la façon de faire et ce n'est pas la façon dont j'ai l'intention de diriger cette commission. La question, d'après ce que je peux voir, s'adresse à la ministre. Elle n'est pas à propos dans les circonstances. Ce n'est pas ie bon forum. La session commence dans une semaine, les questions pourront être adressées durant la période de questions. Alors, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, si vous avez des questions à poser à nos invités, Je vous invite à le faire.

M. Boulerice: Ce n'est pas à propos de

s'assurer de votre survie, paraît-il, dans le cadre de cette commission. Ceci dit...

Le Président (M. Doyon): M. le député de

Sainte-Marie-Saint-Jacques, je vous invite à ne pas critiquer la décision de la présidence. Si vous avez à la mettre en...

M. Boulerice: Je ne critique pas, je répète vos propos, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): M. le député, vous n'avez pas à critiquer d'aucune façon, ni directement ni indirectement, la décision que je viens de prendre. Je vous invite à poser des questions à nos invités qui sont ici pour ça et vous devez le faire selon les règles que j'indique.

M. Boulerice: Vous m'avez dit, M. le Président, que ce n'était pas à propos. J'acquiesce, je répète vos propos. Voilà!

Le Président (M. Doyon): Alors, procédez. M. Boulerice: Mon seigneur est bien bon! Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Nous irons, compte tenu de l'absence de...

Le Président (M. Doyon): M. le député, si vous voulez que nous continuions cette commission dans l'atmosphère où elle s'est déroulée jusqu'à maintenant, je vous invite à changer d'attitude dès maintenant. Vous avez la parole et procédez selon les règles qui sont les nôtres. Il n'y a pas de bonté là-dedans. Il y a tout simplement des règles auxquelles vous êtes soumis comme tout le monde.

M. Boulerice: Mais j'aurai toujours l'attitude qui me vient de ma passion pour ce dossier. Ceci dit, M. Caza - vous avez été témoin, vous avez enregistré - je vais vous poser une autre question. Vous parlez du renforcement de la loi 51 qui a été, je crois, une loi très utile au Québec. Mais en parlant de renforcement, la question que je vais vous poser est: Quelles mesures concrètes peut-on adopter pour renforcer cette loi qui a permis, je le répète, l'établissement et le maintien de librairies en région, là où c'est le plus fragile? Le plus fragile. Et il n'y a pas une grande abondance dans le rapport Arpin, commandé par la ministre, pour ce qui est des régions.

M. Caza: Au niveau de la loi 51, quand nous affirmons que nous croyons qu'avec une politique culturelle ça va permettre de renforcer la loi, c'est dans le sens où la loi comporte des objectifs, entre autres ceux que vous avez mentionnés, qu'il y ait des librairies dans l'ensemble des régions du Québec, qu'il y ait une règle de fonctionnement qui permette d'équilibrer les rapports entre chacun des secteurs de l'industrie. Notre avis est qu'une politique culturelle nationale ou québécoise va permettre de resituer cette loi-là, ne serait-ce que pour les usagers et les gens qui doivent la faire appliquer, dans un contexte plus global qui devrait permettre, à ce moment-là, un renforcement et une meilleure compréhension de la loi quant à son application.

Dans des exemples concrets, parce qu'on a dit qu'on recherchait des applications concrètes, au niveau de certaines Interprétations de la loi quant à l'application, par exemple, des remises et des liens commerciaux entre les différents intervenants, il y a du travail à faire à ce niveau-là quant a son application. Il y a aussi que la loi a été faite dans un contexte, il y a 10 ans, lorsqu'elle a été modifiée, où, entre autres, était prévue une augmentation substantielle des budgets des bibliothèques à travers le Québec, chose qu'on a connue partiellement, mais pas de façon à compenser certains secteurs de vente en librairie, comme le manuel scolaire qui est tombé en marché libre à ce moment-là, et aussi d'amener à combler un trou dans la loi qui a été souligné, à savoir que, pour l'importation de volumes en provenance de tous les pays à travers le monde, la loi prévoit des tabelles fixant le prix au Québec quant à la distribution.

Il y a un trou dans la loi en ce sens que, du côté des autres provinces canadiennes, il n'y a pas de tabelles, ce qui permet, par exemple, aux autres provinces d'avoir des politiques de vente au Québec qui sont complètement indépendantes de la loi 51, alors que tous les autres pays dans le monde sont sujets à l'application de notre loi, ce qui entraîne même certains départs d'éditeurs qui trouvent plus avantageux de nous fournir des livres de l'Ontario pour éviter ou passer à côté de cette loi-là. Dans ce sens-là, on croit qu'une politique ferme va entraîner certaines révisions et permettre de fonctionner à ce niveau-là.

Et si vous me permettez, au niveau de l'affirmation que le milieu canadien ne connaît pas du tout nos us et coutumes au Québec, il y a un exemple qui est la campagne Minute Maid-Coca-Cola, qui vient de démarrer au niveau du reste du Canada et à laquelle on n'a pas pu se joindre, finalement, puisqu'on a été rejoints au début de juillet, six mois après que le côté anglophone ait été réglé. On nous demandait en dedans de six semaines d'embarquer dans une campagne qui ne respecte pas du tout nos us et coutumes au niveau du fonctionnement économique et les gens, passé la frontière québécoise, ne connaissent pas du tout comment fonctionne l'industrie du livre au Québec. Alors, la campagne nationale Coca-Cola va se faire campagne nationale...

Une voix: Anglophone.

M. Caza:... anglophone, hors Québec.

M. Boulerice: M. Caza, une dernière question, pour ma part. Compte tenu que la loi sur les bibliothèques a été effacée du feuilleton de l'Assemblée nationale, que le rapport Sauvageau est sur les tablettes, que le rapport Mittermeyer sur les bibliothèques scolaires est également sur les tablettes, que le maire de Québec est venu nous dire hier qu'il songeait fort probablement, compte tenu du dumping qui se fait au niveau des municipalités, à fermer des succursales de la Bibliothèque de Québec, qui est une des très belles bibliothèques, je me pose la question: Par quels moyens concrets va-t-on assurer la promotion de la lecture à l'école, puisque c'est une de vos grandes préoccupations?

M. Caza: II est encore tôt ce matin. Alors, on est en forme, on n'est pas dans une approche de panique, mais la situation est paniquante, je vous le concède. Au Québec, la situation au niveau du livre est paniquante. Ce qui se passe au niveau des municipalités à l'heure actuelle - c'est tout aussi vrai au niveau des commissions scolaires dans chacune de ces municipalités-là - laisse entrevoir une période très difficile au niveau de la diffusion et de la promotion du livre cette année, tout particulièrement, parce que tout le monde est en train de réajuster des choses à ce niveau-là. Par contre, il nous reste un coin d'optimisme: cette commission parlementaire, ce projet de politique culturelle au Québec, les efforts qui sont consacrés à ce niveau-là et ce qu'on lit, ce qu'on croit, jusqu'à preuve du contraire, que ça va déboucher très rapidement sur une action concrète du gouvernement au niveau autant du secteur du livre, des bibliothèques, de l'industrie comme telle. Je pense qu'à l'heure actuelle, s'il y a quelqu'un qui n'est pas conscient au Québec de la difficulté dans laquelle se trouve le secteur du livre, il ne le sera jamais; c'est foutu à ce moment-là. Mais, nous, on entretient un certain optimisme à ce niveau-là, compte tenu des demandes et des occasions qui sont présentées aux différents secteurs de l'industrie de venir présenter leur point de vue, que ça puisse déboucher très rapidement sur une action concrète.

M. Boulerice: M. Caza...

Le Président (M. Doyon): II reste trois minutes. Je voudrais peut-être donner la parole au député de Mercier, à moins que vous vous entendiez entre vous. Je ne pourrai pas prolonger. M. le député de Mercier.

M. Godin: M. le Président, trois minutes, c'est vraiment insuffisant pour un éditeur? un bibliophage et un auteur. Non seulement je ne peux pas partager ce qui n'existe pas, mais j'avais quand même commencé à souhaiter que la générosité proverbiale de l'autre côté me donne la permission de continuer au-delà des limites prescrites.

M. Caza, d'abord, une question. Il y a plusieurs années, il y a eu une politique d'achat imposée à des commissions scolaires et autres groupes dans les librairies du Québec. Madame, approchez-vous, vous allez peut-être m'entendre mieux. Madame, derrière, dit qu'elle ne m'entend pas.

Une voix: On va hausser le volume, madame.

M. Godin: Est-ce que les effets de cette politique-là se font sentir encore aujourd'hui?

M. Caza: Absolument, M. Godin. Ça, cette politique-là, je crois que ça serait invivable au niveau des librairies agréées. On fermerait nos portes.

M. Godin: Deuxième question. Moi, sur la rue Mont-Royal où j'habite, II y a deux sortes de débit pour l'imprimé. Il y a la librairie de seconde vente, de revente, qu'on appellerait, en bon québécois, de deuxième main, et, tout à côté, il y a la librairie traditionnelle, Champigny et autres, pour ne pas la nommer. Et, entre les deux, il y a les tabagies où on a le livre américain, qui est placé en étalage en vertu du vieux principe du "block booking". Si tu prends Penthouse, tu auras droit d'avoir toute cette liste de bouquins américains, les livres de poche, etc. Et, là, les livres se vendent moins de 3 $. Tandis que, dans les librairies, la Biblairie de Sherbrooke, par exemple, ou Champigny ou Gallimard, il y a peu de livres d'un prix inférieur à 15 $.

D'autre part, vous l'avez dit tout à l'heure, au Québec, le livre est retourné à l'éditeur après trois mois, comme les tomates carrées américaines qu'on retourne je ne sais pas où après très peu de jours. Ce que les Français appellent des primeurs. Et, moi, j'ai toujours déploré que le livre québécois, qui sort à une date x, trois mois après, il revienne à l'éditeur ou au distributeur et que, là, le distributeur, lui, ADP ou d'autres, retranche des avances déjà faites à l'éditeur, des montants fort importants qui font que l'éditeur se sent comme vous. Je ne sais pas si ça porte panique, mais il se sacre à l'eau quasiment de désespoir.

Alors, il y a eu, à une époque, le rapport de Grandpré qui condamnait les pratiques des distributeurs américains de livres de poche et de revues à gros tirage, Penthouse et autres revues, qui, à une époque, faisaient crier les ligues du Sacré-Coeur - je ne sais pas si vous vous en souvenez - et qui aujourd'hui passent inaperçues ou presque.

J'aimerais savoir si vous croyez qu'une intervention gouvernementale, encore une fois,

contre, je dirais, les empires américains installés dans le domaine des tabagies au Québec et qui les occupent littéralement comme une terre conquise, si vous croyez qu'une intervention à cet égard favoriserait un peu d'espace supplémentaire pour le livre québécois au détriment de ce qu'on appelle le "pulp magazine" et le "pulp publication" américains ou si ça vous semble totalement inimportant parce que le marché de vos livres à vous n'est pas là.

M. Caza: Je crois que l'intervention dont vous parlez à ce niveau-là est importante. Même si la majorité des librairies québécoises ne tiennent pas ces livres-là, comme vous le mentionniez tantôt, entre une librairie de solde ou de deuxième main et une librairie traditionnelle, on va trouver un endroit où ces volumes-là se vendent. La petitesse de notre marché, effectivement, entraîne une très grande difficulté à faire diminuer des prix. Compte tenu du nombre d'exemplaires parus, on ne peut pas faire baisser les prix de la même façon chez les éditeurs. (10 h 30)

Ce que vous mentionniez au niveau des retours de nouveautés qui, dans... on dit trois mois, mais, ordinairement, c'est plus quatre mois qui doit se faire, ce qui est quand même un temps très court. C'est souvent au moment où on retourne les volumes qu'on commence enfin à en parler dans les Journaux. C'est là comme problème aussi. C'est-à-dire que le libraire, s'il veut être capable de financer et se garder des liquidités va devoir avoir un certain roulement au niveau des nouveautés.

Par contre, la culture ne se fait pas que dans la nouveauté, effectivement. Par les temps qui courent, il est excessivement difficile de maintenir des collections de fonds dans les librairies. Il faut faire attention pour ne pas aboutir à n'avoir au Québec que des "fast books" - prêtez-moi l'expression - où on ne tiendra plus le fonds, les classiques ou ce qui est nécessaire, en termes de référence, mais que la nouveauté qui sort et qui est conservée quatre mois et, ensuite, remplacée par d'autres. Je pense que le rôle du libraire se situe aussi au niveau de la disponibilité; il doit rendre accessibles les ouvrages majeurs, les ouvrages de référence et tout particulièrement au niveau de la littérature québécoise.

Une intervention du gouvernement qui m'apparaît appropriée, c'est, entre autres, au niveau de la promotion. La promotion semble toujours insuffisante au niveau de notre propre littérature, quoi que l'éditeur investisse. Et il investit forcément en fonction des marges de profit qu'il peut obtenir avec ses ventes, mais c'est toujours insuffisant. À ce niveau-là, je crois qu'une intervention gouvernementale peut faciliter une plus grande visibilité, encore, du livre québécois, une plus grande promotion de la littérature québécoise, mais en ajoutant juste- ment ce manque à gagner que connaissent les éditeurs par la faute de la petitesse de leur marché. SI on était 50 000 000, comme en France, on n'aurait pas de problème de promotion de notre littérature au Québec. Avec 6 000 000, et quand on sait qu'il y en a 50 % seulement qui lisent d'une façon régulière, ça fait un très petit marché, donc très peu d'argent disponible pour pousser cette promotion-là.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Caza. Mme la ministre, en terminant.

Mme Frulla-Hébert: M. Caza, M. Dulude, M. Dandurand, M. Beaulieu, Mme Rochon, d'une part, je vous remercie. Vous savez que le livre, pour nous, c'est l'élément important et essentiel. Évidemment, on se retrouve en présence d'un poète-écrivain-éditeur et d'un comédien quand les caméras sont là. Je veux vous dire ceci, c'est que le livre ne sera pas taxé...

M. Godin: Je demande à la ministre de retirer ses paroles et je veux lui dire qu'elle devrait suivre des cours, elle aussi; ce serait peut-être, des fois, meilleur.

Le Président (M. Doyon): Alors, II n'y a pas... Mme la ministre, en terminant, rapidement s'il vous plaît.

Mme Frulla-Hébert: Le livre ne sera pas taxé, je l'ai dit et je l'ai répété. Quant aux mesures, finalement, que nous allons prendre suite à cette commission parlementaire, justement pour s'assurer qu'il y a, au plan de la nouvelle technologie, d'une part, et, deuxièmement, au plan aussi de la promotion du livre... Alors, nous allons travailler ensemble. Et je pense sincèrement qu'il y a des pistes, justement, non seulement à exploiter, mais qu'il faut le faire rapidement. Alors, merci de votre présence et vous pouvez être assurés de notre soutien.

Le Président (M. Doyon): Alors, merci beaucoup, M. Caza. Merci aux gens qui vous accompagnent. Nous avons amplement dépassé le temps qui nous était alloué.

Une voix:...

Le Président (M. Doyon): Nous sommes obligés de... M. le député, je pense que j'ai été très bon prince en permettant un dépassement considérable du temps qui était alloué. Il ne faudrait quand même pas abuser. Alors, merci beaucoup, M. Caza.

M. Boulerice: On devrait peut-être vous appeler monseigneur, si vous êtes bon prince.

Le Président (M. Doyon): M. le député, soyez au moins poli, si vous ne pouvez pas faire

plus que ça. Merci beaucoup, M. Caza.

M. Boulerice: La commission va être longue si vous la commencez sur ce ton.

Le Président (M. Doyon): Bien, je pense que vous partez sur un mauvais pied.

M. Boulerice: Bon. On va continuer à faire "cute".

Le Président (M. Doyon): Alors, j'inviterais maintenant la Société de la Place des Arts de Montréal à bien vouloir prendre place en avant, à la table de nos invités.

M. Boulerice: Suspension de trois minutes.

Le Président (M. Doyon): Alors, je demanderais à nos invités de bien vouloir prendre place en avant. À l'ordre, s'il vous plaît! Mme la ministre, je vous invite à vous approcher parce que... Alors, suspension pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 39)

(Reprise à 10 h 45)

Le Président (M. Doyon): La commission reprend ses travaux. J'invite la Société de la Place des Arts de Montréal, qui est déjà devant nous, à faire les présentations d'usage, c'est-à-dire que les deux personnes qui sont nos invités veuillent bien se présenter pour les fins de la transcription de nos débats au Journal des débats et, ensuite, procéder à la présentation du mémoire pour une quinzaine de minutes, après quoi on va discuter avec vous pour le temps qu'il restera sur les trois quarts d'heure. On est d'accord? Mme Touchette, M. Morin, bienvenue! À vous la parole.

Société de la Place des Arts de Montréal

Mme Touchette (Danièle): Merci, M. le Président. Sans plus tarder, si vous voulez bien, je vais présenter le mémoire que la Société de la Place des Arts de Montréal a préparé pour cette commission parlementaire. M. le Président, Mme la ministre des Affaires culturelles, mesdames et messieurs, il y a déjà assez longtemps que les Québécois souhaitent se doter d'une politique culturelle. Mme la ministre, vous avez non seulement compris l'importance d'une telle politique, mais vous avez aussi compris l'urgence d'agir.

Lors des débats qui ont présidé à la création du ministère des Affaires culturelles, le premier ministre, Jean Lesage, déclarait: "Le gouvernement ne crée pas la culture et le gouvernement ne la dirige pas non plus. Le gouvernement cherche tout simplement à créer le climat qui facilite l'épanouissement des arts".

Aujourd'hui, 30 ans plus tard, la proposition de politique de la culture et des arts donne tout son sens à ces intentions et nous en sommes ravis. Est-elle complète? Sûrement pas. Est-elle perfectible? Sans aucun doute. Mais une chose est certaine: elle pose les bonnes questions et nous indique des voies à poursuivre mais qui restent à être précisées. Plus que jamais, et ce, compte tenu du contexte économique et social, les partenaires culturels doivent déployer tous leurs moyens afin d'accomplir leur mission. Ne lâchons pas maintenant. Il faut se doter d'une politique culturelle dans les meilleurs délais et se maintenir dans l'action avec force et vision; voilà le défi que nous devons relever.

La Place des Arts est justement tournée vers l'action. Et notre action s'inscrit dans une mission qui se lit comme suit: Place des Arts est une institution publique nationale qui a pour mission de promouvoir les arts de la scène et de rendre possible en ces lieux la tenue de spectacles.

Cette mission est à la fois vaste, multl-dimensionnelle et bien définie quant à notre champ d'intervention. Aussi, notre propos d'aujourd'hui s'en tiendra-t-il à commenter les éléments de la proposition qui sont en rapport direct avec le champ d'action de la Place des Arts, au service des arts de la scène depuis plus de 28 ans. De ce point de vue, la lecture et l'analyse de la proposition pour une politique de la culture et des arts mettent en relief notamment cinq éléments fondamentaux qui sont également les principales balises de l'action de la Place des Arts, à savoir: 1° favoriser la création; 2° accroître l'ouverture au monde et l'action internationale; 3° assurer la stabilité des organismes culturels; 4° favoriser la diffusion; 5° favoriser la recherche et le développement.

Voyons en premier lieu, si vous le voulez bien, la création. "Faire mieux, autrement, et plus tôt. C'est la triple et implacable loi de la concurrence" - voir page 61 du rapport Arpin. Voilà en deux lignes l'essence même de la proposition de politique au regard de la création. Nous partageons entièrement ce point de vue et nous l'appuyons sans réserve. Nous sommes convaincus de l'obligation que nous avons de susciter la convergence des auteurs, des concepteurs et des interprètes et aussi de créer un climat propice à la stimulation et à la mise en commun de recherches et d'expérimentation en ce domaine.

Un ordre nouveau se dessine. Le décloisonnement des secteurs économiques, l'effondrement des barrières géographiques par le fait du libre-échange Canada-Etats-Unis ainsi que par l'effet de l'Europe de 1992, l'interpénétration des systèmes économiques qui suivra celle des systèmes politiques de l'Europe de l'Est, tous ces développements récents suscitent un nouveau comportement dans une fonction exportatrice.

Des réseaux nouveaux irradient les réseaux traditionnels de communication, alors que l'on assiste à une planétarisation des valeurs. Demain, afin d'éviter l'écueil de la banalisation, il faudra de plus en plus compter sur la différence, le produit inédit, le produit de qualité et l'avant-garde. Seule une vitalité créatrice doublée d'une capacité d'innovation peuvent amener à relever les défis artistiques d'aujourd'hui et de demain. il en est de la création artistique comme de la création industrielle. C'est un chemin difficile et pavé d'écuells, mais nous devons le parcourir. Ce net parti pris pour la création appelle, entre autres, un programme de recherche couplé à un programme financier pour le supporter, sans quoi les efforts de nos créateurs seront vains. À titre d'exemple, en 1988, Place des Arts créait un fonds de production dont le but était de permettre la création d'oeuvres québécoises. C'est ainsi que, de concert avec les intervenants du milieu culturel et du milieu des affaires, furent créés, produits et présentés Gala, Rabelais, ainsi de suite, et, bientôt, Titom" de Gilles Vigneault et Marcel Sabourin.

Pour réaliser ce type de projets, il nous faut constituer des syndicats financiers. Or, les dispositions législatives nous empêchent d'être aussi efficaces que nous le souhaiterions puisque nous ne pouvons compter sur les surplus de la Société pour alimenter normalement un fonds de production, nous permettant ainsi d'augmenter notre nombre d'interventions et de mieux les planifier dans le temps.

Deuxièmement, l'action internationale. Il ne fait aucun doute dans notre esprit que la concurrence énorme que nous livrent les grandes productions étrangères peut effectivement constituer une menace sérieuse pour l'industrie culturelle québécoise, mais on ne doit pas la craindre pour autant. Au contraire, nous devons y faire face en offrant un produit culturel en mesure de lui répondre et, par surcroît, en tirer profit. Nous croyons que notre politique culturelle ne doit pas se refuser à l'importation de produits étrangers, quelle qu'en soit l'envergure. Nous devons même la susciter dans une certaine mesure, et ce, pour des raisons d'ordre culturel, d'une part, et pour des raisons d'ordre économique, d'autre part.

En effet, la confrontation avec les produits étrangers permet au consommateur de spectacles de développer son jugement critique et d'être ainsi plus apte à apprécier nos produits québécois. Les produits étrangers peuvent, d'autre part, stimuler notre propre industrie à créer et à mettre en marché des produits de même qualité, nous permettant ainsi d'établir notre action internationale sur la base de la réciprocité. Tel est le cas du Ballet national de Hongrie pour lequel une entente portant sur cinq ans prévoit la présentation de cette troupe au Canada et, inversement, la présentation d'une troupe québécoise en Hongrie. D'autre part, la location de nos salles pour des productions majeures venant de l'extérieur devrait entraîner des revenus non négligeables permettant ainsi d'appliquer la théorie des vases communicants avec des partenaires québécois.

Troisièmement, la stabilité des organismes culturels. Consciente de l'apport capital de ses clients-utilisateurs, préoccupée par leur vulnérabilité économique et inquiète de la diminution de leur nombre, la Place des Arts s'est donné comme principale orientation celle de renforcer sa fonction de soutien aux clients-utilisateurs. Aussi, sommes-nous rassurés de retrouver au rapport Arpin toute une série de recommandations ayant pour effet d'assurer la stabilité et l'épanouissement des organismes culturels. Le rapport du groupe-conseil soulève, à juste titre, la nécessité de consolider nos organismes culturels et celle de procéder à la mise en commun du savoir-faire et à la création de conglomérats pour l'exportation.

En effet, peut-on lire dans le rapport à la page 65, les organismes culturels, même les plus importants, comme le Théâtre du Nouveau-Monde ou l'Orchestre symphonique de Montréal, sont des organisations de petite taille qui entrent à peine dans le groupe des PME. En d'autres termes, nos plus gros sont encore des infiniment petits dans l'univers économique. Aussi, à l'instar des membres du groupe-conseil, notre opinion est à l'effet que la consolidation de nos entreprises doit être à l'ordre du jour.

Il nous apparaît nécessaire de donner plus de force à nos entreprises culturelles. Nous irions même jusqu'à favoriser les regroupements d'entreprises, si cela s'avérait nécessaire, pour en faire des organisations plus fortes, plus stables et plus prospères. Plusieurs moyens d'action sont proposés à cette fin dans le rapport Arpin. D'autres moyens peuvent aussi servir cette cause primordiale, mais la mise en commun de ressources et les économies d'échelle qui en résultent constituent, à notre avis, une des clés de la réussite. En même temps, il nous apparaît fondamental, ainsi que d'ailleurs le propose le rapport Arpin, que les organismes culturels, grands et petits, puissent appuyer leur développement et leur réussite sur des engagements financiers soutenus, uniformes, récurrents et prévisibles au-delà d'une année ou deux, comme cela est présentement le cas.

Quatrièmement, favoriser la diffusion. Enfin, nous croyons qu'il est de notre devoir d'attirer l'attention de cette commission sur la prolifération des projets de construction de salles de spectacles sur l'île de Montréal et en périphérie. Cela laisse perplexe alors même que le budget-temps que le consommateur consacre aux activités culturelles rétrécit et que certaines disciplines sont en déclin. L'étalement urbain en matière démographique n'appelle pas nécessairement un étalement culturel qui ne saurait à son tour qu'exercer une pression additionnelle sur

nos organismes culturels déjà suffisamment hypothéqués de toute part. Ceci étant dit, nous croyons qu'au lieu d'ajouter à la concurrence, les subventionneurs devraient s'assurer que chaque intervention s'appuie sur des orientations précises et bien ciblées. Ainsi, en octobre 1990, il n'y avait pas moins de 19 000 nouveaux fauteuils projetés pour la seule région du Grand Montréal.

Cinquièmement, la recherche et le développement. La recherche et le développement constituent à nos yeux l'un des éléments les plus importants de cette proposition de politique de la culture et des arts. C'est, dit-on dans le rapport, essentiel à la continuité car cela représente un investissement dans les produits et marchés de demain. C'est de l'investissement à long terme. Dans l'accomplissement de son rôle de promoteur des arts de la scène, l'action de la Place des Arts s'harmonise avec celle que le groupe-conseil recommande au gouvernement puisque Place des Arts a effectivement pris le parti d'activer la recherche et le développement de nouveaux produits et de nouvelles clientèles. Il appert urgent de déployer un créneau d'expertise additionnelle en ce qui a trait aux technologies nouvelles, et ce, pour des motifs d'excellence, de rentabilité économique et d'adaptation liés aux tendances du marché. Nous deviendrons très rapidement des dinosaures des arts de la scène à moins que nous ne nous engagions immédiatement, et avec force, dans le développement des technologies nouvelles, notamment: diffusion par satellite, laser, graphisme électronique et télématique. Déjà, nous avons mis sur pied un comité technologique formé d'universitaires, de producteurs et de spécialistes des technologies. (11 heures)

La recherche et le développement passent obligatoirement par les nouvelles technologies, ce qui requiert des Investissements financiers importants. Aussi, croyons-nous que le ministère des Affaires culturelles doit intervenir auprès des autres ministères pour identifier et mobiliser toutes les ressources disponibles au sein de l'appareil de l'État dont pourront bénéficier la recherche et le développement au service des créateurs, des artistes et des producteurs.

D'autre part, nous devons, cela va de soi, consolider nos acquis, mais notre développement passe également par la recherche de nouveaux publics. Parmi ceux-ci, la jeunesse représente un bassin potentiel de fréquentation très important, tant auprès des spectateurs que des créateurs. Nous devons donc être en mesure de motiver les jeunes à la dimension culturelle par des efforts systématiques et soutenus. D'autre part, n'oublions pas que plus du tiers de la population de Montréal est composée d'immigrants récents. On ne peut ignorer ce fait. On doit en faire un de nos principaux axes de développement et prendre collectivement les moyens les plus opportuns pour bien traduire cette réalité.

En conclusion, la proposition de politique de la culture et des arts fait ressortir avec force l'importance de l'État dans le soutien et le développement de la culture. Elle suggère à cette fin que le MAC soit doté d'un mandat lui assurant une plus grande autorité et la capacité de mener efficacement une action horizontale, et qu'il se définisse de plus en plus comme un ministère d'intervention.

Nous comprenons que cette intervention veut dire, dans les faits, susciter de nouveaux partenariats, donc de nouveaux partenaires, de nouvelles formes de partenariat, et, dans bien des cas, réapprendre à travailler ensemble et de façon concrète. Ainsi défini, nous croyons qu'il est essentiel, voire même fondamental, que le MAC soit interventionniste puisqu'il s'agit d'interventions fertiles, celles qui permettent de mobiliser, de susciter la mise en place des conditions économiques et sociales qui permettront à leur tour le développement et le plein épanouissement des arts, des artistes et des producteurs.

À cet effet, qu'il nous soit permis de mettre en relief l'importance du mariage culture et tourisme, et ce, notamment dans le cas de Montréal qui, dans son processus de relance, a besoin de rayonner. Or, ce rayonnement passe par une image d'excellence. Rien n'empêche que la Place des Arts et les autres institutions culturelles montréalaises soient porteuses au premier plan de cette image à l'échelle nationale et internationale.

En terminant, nous formulons un voeu. Une politique culturelle est à nos yeux un tout indissociable. Il est important qu'elle soit Implantée dans toutes ses dimensions, mais par dessus tout, ce qui nous apparaît fondamental, c'est d'agir tout de suite, de mettre en oeuvre dès aujourd'hui les moyens d'action nécessaires pour que la politique culturelle ne demeure pas un exercice intellectuel. Fort heureusement, nous ne partons pas de zéro, bien au contraire; beaucoup se fait déjà, mais beaucoup reste à faire. Il nous faut accélérer le rythme et donner encore plus de force à nos actions. La Place des Arts, une place ouverte à la création, est investie d'une mission qui converge parfaitement avec ses intentions. Par surcroît, son plan de développement s'inscrit en totale harmonie avec plusieurs des recommandations contenues à la proposition de politique.

Mme la ministre, adopter une politique culturelle au Québec n'aura certes pas pour effet de régler tous les problèmes des Québécois, qu'ils soient d'ordre constitutionnel, économique ou social. Néanmoins, nous sommes persuadés que la réalisation d'une politique culturelle servira de toile de fond à leur règlement. Merci de votre attention.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la présidente. La présentation a pris 20 minutes, il reste 25 minutes. J'informe cette commission que

j'ai l'intention de m'en tenir strictement au partage du temps, tel que prévu dans l'entente et sur l'horaire. Donc, pour éviter des difficultés, le temps venu, je devrai interrompre les intervenants. À la fin des interventions, il y aura des remerciements et uniquement des remerciements à nos invités de façon à ne pas engager de débat et à ne pas prolonger. Je veux que ces choses soient très claires et je verrai à les mettre en pratique, comme président. Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Morin et Mme Touchette-Robitaille. Je voudrais d'abord relever certaines choses qui sont ici, dans le mémoire. Par exemple, votre mémoire fait référence, entre autres, à la recherche d'un nouveau public dans une perspective d'accroître l'accessibilité. Il fait aussi mention, finalement, d'une espèce de politique au niveau de l'éclatement, c'est-à-dire d'accueillir pour que, nous, on puisse y aller. Compte tenu des marchés, de ce qui se passe présentement, parce qu'on en a parlé beaucoup... Hier, l'organisme RIDEAU est venu et on parlait de garage versus aider à la production. Quel est l'impact, selon vous, des grands spectacles tels "les Misérables" ou "le Fantôme de l'Opéra", ces spectacles internationaux sur le marché québécois qui attirent énormément de clientèles, et ce, à fort prix?

Est-ce qu'il y a un impact direct dans notre marché, d'une part? Et, deuxièmement, ce sont des grands spectacles internationaux; on ne peut pas en priver la population non plus, mais ces spectacles-là mobilisent aussi beaucoup en termes de temps, si on veut, certains locaux qui existent justement à Montréal, qui sont là pour les recevoir. Alors, est-ce qu'il y a un impact direct, négatif ou positif?

Mme Touchette: Je vois deux volets à votre question, Mme la ministre. Tout d'abord, vous parliez de la jeunesse et, ensuite, vous parliez des impacts des grands spectacles sur les autres spectacles. Je répondrai, si vous voulez bien, à la première partie. Je demanderais à M. Morin, directeur général, de répondre à la deuxième partie.

Nous constatons, effectivement, une baisse d'assistance pour plusieurs des salles, qu'il s'agisse de la Place des Arts ou d'autres salles à Montréal. Je pense qu'il s'agit même d'un phénomène nord-américain qui, d'une part, est dû à un contexte économique difficile et, d'autre part, aussi à des changements d'habitudes chez le consommateur où la participation active est beaucoup plus Importante. Et aussi, la présence du vidéo a beaucoup gâté le spectateur qui, maintenant, peut effectivement entendre une excellente cassette de Pavarotti chez lui, dans le confort de son foyer, après une grande journée de travail.

Force nous est de constater cet état de choses. Le contexte économique ne demeurera pas éternellement, nous le souhaitons, autant dans les arts que sur le plan économique. Mais je pense qu'il est essentiel de développer la nouvelle clientèle, notamment les jeunes, puisque ces jeunes seront le public de demain et également les futurs auteurs et compositeurs de demain. Donc, il est très important de développer la jeunesse côté salle et la jeunesse côté scène afin que, dans 10 ans, dans 20 ans, il y ait une interaction extrêmement positive, d'une part, de la part du public, pour encourager les créateurs et, d'autre part, pour que ces mêmes créateurs aient un public constant.

Et nous avons en ce sens développé plusieurs actions. Depuis déjà deux ans, nous avons lancé un vaste programme jeunesse pour encourager les jeunes, pour les aider à assister aux spectacles par le biais de certains billets gratuits qui sont offerts notamment aux jeunes qui étudient au niveau supérieur en musique, théâtre, et ainsi de suite. Nous avons récemment formé un conseil d'administration junior pour leur permettre de se familiariser également avec l'administration des grandes salles.

Et nous pensons également qu'il est très important de considérer ce nouveau visage de Montréal puisque Montréal a maintenant un visage très différent. Il y a énormément d'immigrants récents. Et nous avons, depuis deux ans, mis également sur pied des événements à caractère international pour encourager ces gens à fréquenter, à assister aux spectacles et également à participer à la vie culturelle qui est la réalité de 1991. En ce qui concerne l'impact des très grands spectacles sur nos salles, je demanderais à M. Guy Morin, directeur général, de bien vouloir répondre à cette question.

M. Morin (Guy): M. le Président, brièvement. Les grands spectacles qui viennent maintenant à Montréal et bientôt à Québec - je l'espère, puisqu'il en est question - ont certainement un impact. D'une part, il faut vous dire, à titre d'exemple, que, pour un spectacle comme "le Fantôme de l'Opéra", qui prend l'affiche pour une période d'au-delà de 100 jours - plus de trois mois - au-delà de 35 % à 40 % des billets sont achetés par des gens qui viennent de l'extérieur du Montréal métropolitain. Donc, sur un plan touristique, c'est très important. Un fort pourcentage de ce pourcentage-là vient des États périphériques au Québec, du nord-est, des États de la Nouvelle-Angleterre, de l'Ontario, ainsi de suite. Alors, c'est un facteur très important et nous souhaitons bien que ça puisse se continuer sur ce plan-là.

Dans l'ensemble, si on regarde la population qui achète, c'est, bien sûr, une clientèle qui fréquente déjà nos salles de spectacles, mais, pour un grand nombre aussi, il s'agit de spec-

tateurs qui viendront pour la première fois à la Place des Arts et, dans bien des cas, pour la première fois assister à un grand spectacle, et là, c'est une ouverture qui est intéressante. Que nous prenions la porte de gauche ou la porte de droite, ce qui compte, c'est d'entrer dans la salle. Et nous, nous avons un espoir qu'ils puissent y revenir pour d'autres types de spectacles, que ce soit de musique symphonique, de danse ou d'opéra, etc.

Maintenant, la rentabilité de ces projets-là, sans être acquise, semble excellente. Ce sont des spectacles très dispendieux, bien sûr, mais qui rapportent des revenus aussi pour des salles comme la Place des Arts. Et, avec cette rentabilité - on en parle dans le mémoire - s'applique le principe des vases communicants, ou devrait s'appliquer le principe des vases communicants. Les surplus réalisés avec de tels projets, si ces surplus-là ne s'en vont pas dans le fonds général de la Place des Arts ou dans le fonds consolidé de la province, en d'autres mots, si nous pouvons utiliser ces surplus pour pouvoir aider à la création d'oeuvres québécoises, nous aurons, avec le temps, graduellement et rapidement, des fonds Importants pour être capables de développer des produits québécois. Si, d'autre part, nous prenons ces fonds-là pour couvrir les dépenses de la Société ou encore les retourner au gouvernement du Québec sur une base annuelle, bien là, on aura simplement la difficulté qui est celle que nous avons depuis déjà quelques années.

Un dernier mot sur ça, puisque nous sommes au chapitre des grands projets, c'est que ces grands projets là, bien sûr, prennent de la place. Il faut avoir des produits québécois, et c'est avec l'argent de ces spectacles-là que nous les ferons; je viens de le mentionner, c'est ce que j'appelle le principe des vases communicants. Mais il faut aussi avoir un type de réciprocité. On pourrait avoir, année après année, de Londres, de Paris ou de New York, de grands spectacles. Mais, un jour ou l'autre, et dès maintenant, il faut mettre le pied dans la porte et négocier des ententes avec les producteurs étrangers, ententes par lesquelles on aura, nous aussi, des spectacles québécois, des spectacles canadiens qui iront à l'étranger. Ce n'est guère facile. Nous n'avons pas encore beaucoup l'habitude. Nous devons admettre que nous sommes encore en culottes courtes par rapport au Metropolitan, par rapport au Covent Garden ou par rapport aux plus grandes salles ou groupes au monde.

Mais, néanmoins, on vient de le mentionner au mémoire aussi, on prend le Ballet de Hongrie, par exemple, où, dans l'entente, on dit: Vous allez prendre une troupe canadienne. Est-ce qu'on enverra I Musici là-bas ou les Grands Ballets canadiens ou Vertigo? Je ne sais pas. Nous avons cinq ans pour envoyer une troupe en Hongrie. Mais ça fait partie des ententes. Si le groupe de New York ou de Toronto revenait régulièrement avec de grandes productions, genre "le Fantôme de l'Opéra", on a déjà posé la question: Qu'est-ce que vous allez prendre en retour? Et la réponse est simple: Donnez-nous le produit, nous allons le présenter. Mais donnez-nous le produit. Pour ça, il faut produire des choses d'excellence, de haut calibre, malheureusement très souvent dispendieuses. Et pour arriver à faire ça, on a besoin de sous. Alors, voilà la réponse.

Mme Frulla-Hébert: Alors, ce que vous suggérez, de façon concrète, c'est que les surplus, qui proviennent justement de ces grandes productions de l'extérieur, servent soit pour de la recherche-développement au niveau de notre propre produit ou aussi pour nous aider à exporter les produits que nous avons...

M. Morin (Guy): Oui.

Mme Frulla-Hébert: ...ce qui veut dire une modification de la Loi sur la Place des Arts?

M. Morin (Guy): Est-ce que je peux répondre, M. le Président?

Le Président (M. Doyon): Oui, allez, M. Morin, oui. (11 h 15)

M. Morin (Guy): Merci. J'ai l'exemple de la production qui viendra dans le temps des fêtes à Montréal, à Ottawa et probablement à Québec en janvier, qui est une production de Gilles Vi-gneault. Bon. C'est une petite production magnifique, madame; gardez-vous au moins un soir avec vos enfants, il faut voir ça. Et vous aussi, M. Boulerice. Ha, ha, ha! Ceci étant dit, c'est une petite production, ça, alors ça coûte 200 000 $, mettons 200 000 $ à 225 000 $ par rapport à une grosse production comme "le Fantôme de l'Opéra" qui coûte 7 500 000 $. C'est tout petit, mais c'est magnifique quand même. Mais il faut l'investir, ce montant-là. Il faut le prendre quelque part. Le prend-on dans le budget d'opération d'une société ou dans un fonds affecté à de telles fins, avec l'espoir, bien sûr, qu'il soit rentable et sur une période donnée? Bien, les autres sociétés investissent là-dedans, comme une entreprise dans la haute technologie va amortir son nouveau produit sur une période de 5 ans ou 10 ans; c'est le même raisonnement, effectivement. Alors, pour Titom" - ça s'appelle "Titom", cette magnifique comédie musicale -nous, on a dit: On va les investir, les 200 000 $, et on va les amortir sur 5 ans. Mais on est obligés de les prendre à même notre budget d'opération. On ne les prend pas dans un fonds parce que ce fonds-là n'a pas été créé de façon officielle. Voilà. Et ils pourraient venir des surplus venant du "Fantôme" ou des "Misérables", ces choses-là.

Mme Frulla-Hébert: Finalement, cette façon de faire répondrait probablement à la critique de quelques producteurs québécois qui disent: On a beau créer, on n'a pas de salle - enfin à Montréal - où se produire.

M. Morin (Guy): Mme la ministre, des salles, il y en a à Montréal. Bien sûr, on veut les meilleures salles aux meilleures dates. Je peux louer le 23 septembre, à chaque année, à 50 producteurs. Il y a moins de producteurs qui veulent louer le 23 juillet.

Mme Frulla-Hébert: Oui. C'est ça. M. Morin (Guy): Bien sûr, on veut...

Mme Frulla-Hébert: Évidemment, au temps de pointe.

M. Morin (Guy):... toujours avoir les meilleures dates. Le problème, ce n'est pas la disponibilité des salles, ce sont les budgets. Parce que, quand on fait une production, si on fait une production normale, ça va monter à 750 000 $, mettons. Alors 750 000 $, le secteur privé n'a pas... et ne peut pas prendre ce genre de risque là.

Mme Frulla-Hébert: Rapidement, une question. Justement, RIDEAU, hier, nous a suggéré d'insister sur l'apport des grandes sociétés telles que vous, telles que le Grand-Théâtre ici, pour, justement, aider en région, en disant que nos grandes sociétés, évidemment, nous demandent un effort financier assez grand au niveau du gouvernement, donc que ces grandes sociétés là devraient aider à rendre la culture plus accessible en région. Comment voyez-vous ça, ce rôle-là? Est-ce que c'est possible pour vous de jouer un rôle semblable?

Mme Touchette: En fait, oui, il s'agit d'un rôle de diffusion nationale, tout d'abord, mais on en revient quand même encore à une question de fonds pour diffuser les produits. J'aimerais juste souligner peut-être une petite clarification. Nous parlions tout à l'heure des 7 000 000 $ de fonds de production ou du coût de production, plutôt, pour "le Fantôme" versus les 200 000 $ de "Titom". C'est que, dans le cas du "Fantôme", nous n'avons aucun risque financier. Nous sommes strictement locateurs de salle. Donc, nous n'avons aucun, aucun risque, alors que, dans le cas de la production de "Titom", nous devons engager une somme pour réaliser cette production. Donc, c'est le principe des vases communicants dont parlait M. Morin.

Donc, Mme la ministre, réaliser cette diffusion à l'échelle nationale, c'est pensable. Nous avons même considéré changer, d'une certaine façon, la vocation du Café de la Place, qui est un théâtre plutôt intimiste, avec peu de décors, peu de personnages, donc facile à déplacer en termes de coûts, mais encore faut-il que nous ayons les moyens pour produire ce genre d'événement et le distribuer ou le promener à travers les principaux centres de la province. Donc, avec des moyens possibles, qui ne sont pas nécessairement des moyens additionnels mais des moyens dus à une bonne gestion face à, par exemple, des revenus additionnels lors d'une location intéressante, si ces surplus pouvaient demeurer à la Société, bien sûr que nous pourrions, dans un cadre quinquennal, sur trois ans, sur cinq ans, penser à établir ce genre d'action et le planifier d'avance et non pas à la pièce.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Mme la Présidente, M. le directeur général, chers amis, la prédécesseure de la prédécesseure de l'actuelle ministre avait saisi un surplus budgétaire de 500 000 $ du musée d'Art contemporain et avait forcément réduit la subvention en conséquence. Par contre, en parallèle, on avait épongé un déficit de 3 500 000 $ au musée des Beaux-Arts. Ça m'ap-paraissait être une pénalité pro forma et une récompense au délinquant.

Vous avez eu, à la Place des Arts, une initiative on ne peut plus heureuse en 1988 lorsque vous avez créé votre fonds de production en vue justement de permettre la création d'oeuvres québécoises. Si je comprends bien, la loi actuelle vous empêche de faire davantage dans la mesure où vous ne pouvez pas compter sur vos surplus d'opération pour financer ce fonds. La voie est où? On doit procéder le plus rapidement possible par une modification de la loi. Je vous informe que ce Parlement ne s'épuise pas à voter des lois sur la culture; 5 depuis 1985. On a quelquefois l'air un peu de réparateurs de Maytag tellement on est inactifs. Ou bien, vous risquez peut-être de sombrer dans la tentation d'être délinquants vous aussi et de faire un déficit, ce qui est le meilleur moyen de conserver votre argent.

Mme Touchette: M. le directeur général.

M. Morin (Guy): Écoutez, Mme la ministre de l'époque, Mme Bacon, avait autorisé la création d'un fonds au montant de 500 000 $. Elle l'avait autorisé par la voie d'une lettre officielle, mais ça ne nous permettait pas, d'une année à l'autre, avec les surplus de la Place des Arts, si surplus il y avait, de rouler ces surplus-là dans un fonds de production, ayant bien sûr une limite. Il n'était pas question de rouler entièrement les surplus mais d'en rouler une partie. C'est une question de légalité et la loi, les dispositions législatives ne le permettent pas présentement.

Nous avons des discussions avec le ministère des Affaires culturelles depuis déjà un bon moment à l'effet de pouvoir un jour ou l'autre ouvrir la loi et, en l'ouvrant, elle sera ouverte sur d'autres sujets également. Il nous apparaît certainement intéressant, pour ne pas dire nécessaire, que la loi soit ouverte, tout au moins sur ce point-là, parce qu'un fonds de 500 000 $ ne s'épuise pas en l'espace de 2 mois, mais s'épuise quand même rapidement. Maintenant, ce fonds-là, il faut se rappeler que ce n'est pas un fonds qui servira à de la subvention. C'est un fonds qui va servir à de l'Investissement, ce qui est bien différent. Alors, si le fonds a 5 000 000 $ ou 10 000 000 $, nous allons Investir dans les productions, dans la création et, par la suite, les productions. Certaines de ces productions connaîtront du succès, d'autres pas. C'est la loi de la moyenne. Si l'on se compare à l'industrie du film, on devrait faire bien, mais, s'il y a des retours, ça alimentera le fonds, contrairement à une subvention.

Alors, tout ce qu'on demande, c'est le pouvoir d'avoir ce fonds-là et d'y rouler une partie des surplus annuels de la Place des Arts. Je ne peux pas demander ça à Mme la ministre, mais je sais que nous avons déjà des discussions à ce sujet-là.

M. Boulerlce: Moi, je n'ai pas le droit de lui poser de questions, mais vous le pouvez. Il y a eu un précédent hier, alors vous avez toute la latitude.

Le Président (M. Ooyon): C'est le président qui décide de ce genre de choses, M. le député.

M. Boulerice: La présidence impériale! Vous soulevez une question fondamentale à la page 9, c'est celle de l'importance des nouvelles technologies de communication. Le rapport Arpin, malheureusement, n'est pas allé aussi loin que je l'aurais souhaité. Les organismes interviennent et, d'ailleurs, des membres du groupe Arpin l'introduiront à leur propre compte, ce qui est heureux. Donc, vous avez soulevé à la page 9 l'importance des nouvelles technologies de communication et leur incidence sur les arts de la scène. Vous avez parlé de laser, de télématique, de graphisme électronique, et on pourrait poursuivre tellement la panoplie est vaste et même insoupçonnée aujourd'hui par rapport à ce que ce sera demain. Vous insistez sur la nécessité d'Investir des sommes et vous employez bien le mot "considérables" en recherche et développement. La question que j'aimerais vous poser, c'est: De quelle façon le ministère peut-il vous apporter un soutien concret à cet égard? Par quel moyen ou quelle formule?

M. Morin (Guy): M. le Président, lorsque je me réfère, à ce moment-ci, à de nouvelles technologies, je pense, bien sûr, à des ministères habilités à supporter, à aider, à nous fournir leur expérience dans ce domaine-là: l'Industrie et Commerce, par exemple, le ministère de l'Éducation, pour en citer un deuxième, et ainsi de suite. Je ne suis pas familier avec tous les rouages gouvernementaux, les rôles mais les mandats de chacun des ministères, et ce n'est certes pas au ministère des Affaires culturelles qu'on a une expertise en matière de nouvelles technologies ni des fonds pour développer les nouvelles technologies.

Chose certaine - on le mentionne dans notre mémoire et Je me permets de le dire à la commission, Ici - c'est que nos grands centres seront des dinosaures d'Ici 10 ans si on n'introduit pas de nouvelles technologies. On est en retard sur le sport professionnel d'à peu près 20 ans à ce sujet-là. C'est peut-être un peu terre à terre ce que je vais dire, mais on présente des combats de boxe via satellite au centre Paul-Sauvé à Montréal depuis 15 ans, en direct de Las Vegas, sur écran géant. C'est un début de haute technologie, mais c'est pour Illustrer que... Et ce n'était pas nécessaire parce que, depuis la guerre, les billets se vendaient tout seuls. Ce n'était pas nécessaire d'avoir de l'électronique dans les hôtels pour avoir des billetteries électroniques. Ce n'était pas nécessaire d'avoir des écrans géants. Ce n'était pas nécessaire d'avoir des opérations satellites. Tout ceci n'était pas nécessaire; on vivait des années d'abondance sur le plan de la billetterie.

Maintenant, depuis 3, 4 ou 5 ans, tel n'est plus le cas et on doit réagir rapidement pour faire le rattrapage, d'une part, peut-être sauter des générations sur le plan technologique - H y a des générations à sauter - et arriver aux meilleures installations technologiques. Et les centres qui ont de l'avenir, les centres bien organisés à ce sujet-là feront beaucoup et mieux, ça c'est évident, et les autres se verront en difficulté rapidement.

M. Boulerice: Vous avez parlé de votre recherche de nouveaux publics et vous faites mention des jeunes. Je m'efforce de faire un certain travail avec les écoles de ma circonscription, notamment les classes d'arts plastiques, de façon à ce que les professeurs amènent les enfants dans l'atelier d'un peintre, d'un graveur, d'un sculpteur, qu'ils ne voient pas uniquement le produit fini mais ce qu'est le travail de réalisation de cette oeuvre.

Donc, est-ce que chez vous, à la Place des Arts, dans le cadre de ces activités pour les jeunes, vous avez les moyens de les familiariser avec la Place des Arts? Je ne le sais pas, moi, je vous donne un exemple: peut-être, avant un spectacle, des visites d'écoliers derrière les coulisses, la régie technique, tout l'envers du décor, comme on dit.

Mme Touchette: Oui. Nous avons, depuis

plusieurs années, un programme d'animation assez poussé, que vous connaissez sûrement, M. Boulerice, et qui permet à bien des jeunes, lors de la tenue de spectacles, le midi, bien souvent à des prix extrêmement réduits, de se faire expliquer le spectacle. Le spectacle est très court. On l'arrête, on explique les mouvements, le choix de la musique, l'interprétation des gestes. Entre autres choses, ceci s'adresse non seulement à la danse, mais à l'opéra, à la musique.

Nous avons également, l'an dernier, et ce, toujours dans le but de ce grand programme jeunesse que nous avons démarré, cédé la salle à l'Orchestre métropolitain lorsqu'il y a eu pour 2 jours 2 jeunes musiciens, un jeune violoniste de 12 ans et un jeune pianiste de 12 ans, qui étaient excellents, soit dit en passant, donc des jeunes jouant pour des jeunes, et nous avons accueilli les écoles. Le tout était subventionné par Alcan. Il y avait des boîtes à lunch de Culinar. Cette année, nous aidons l'Orchestre symphonique également en lui cédant la salle lors de matinées qui s'adresseront à des jeunes. Nous essayons par tous les moyens possibles, évidemment, d'aider le milieu scolaire à s'intéresser. Ce n'est pas toujours facile parce que c'est un milieu qui est extrêmement complexe. C'est une lourde machine, mais nous sommes en contact et nous sommes particulièrement en contact, comme je le disais tout à l'heure, au niveau des étudiants de niveau supérieur, qu'il s'agisse de Lionel-Groulx ou de Saint-Hyacinthe, de Concor-dia, du module théâtre de l'UQAM, du Conservatoire de musique et ainsi de suite, où nous avons des interventions au niveau de ces jeunes, de plus en plus. (11 h 30)

Nous avons lancé un concours d'arts graphiques. Nous planifions avoir des bourses pour les jeunes. Ce genre de projet pourrait fort bien être piloté par ce conseil d'administration junior dont je vous ai annoncé un peu plus tôt la formation, que nous avons rencontré pour la première fois la semaine dernière et qui est formé d'un représentant de chacune de ces institutions; elles sont au nombre de neuf. Ils se sont vu soumettre un problème et un projet dont ils soumettront la solution au conseil d'administration même de la Place des Arts. Nous espérons ainsi que, par des jeunes, nous pourrons trouver des intérêts pour d'autres jeunes.

M. Boulerice: Je vais être franc, je le savais, Mme Touchette, mais je trouvais important que vous le disiez vous-même pour prouver que, parce que certains le pensent, la Place des Arts n'est qu'une boîte où on met quelque chose, il y a des gens qui entrent. Je sais qu'il se fait beaucoup de choses en parallèle.

Une dernière question. RIDEAU nous en a parlé en identifiant des publics, l'impact de la TPS, l'impact de la TPS provinciale qui s'en vient et de la taxe de 10 %. Donc, très bientôt, dans quelques semaines tout au plus, 27, 5 % de taxes sur toute manifestation culturelle. Ça veut dire quoi pour la Place des Arts?

Mme Touchette: Ça veut dire beaucoup. Je demanderais à M. Morin, qui est très près de la question, d'y répondre.

M. Morin (Guy): Pour la Place des Arts même, ça veut dire beaucoup, mais ça veut dire davantage pour le public. L'inaccessibilité va être évidente, apparente. Que voulez-vous, si vous prenez un billet de 50 $ et que vous y ajoutez 27 %, ça veut tout dire. Et si vous multipliez par 2, lorsque vous sortez à 2 personnes, on voit déjà... Et le tout s'applique, incluant la taxe provinciale, à compter du 1er janvier. On voit déjà la chute des ventes des billets à compter du 1er janvier de façon dramatique. Il faut arrêter de se conter des histoires. La baisse est à peu près de 15 % depuis un an, la moyenne, la baisse, 15 %. Mais 15 %, très souvent, c'est ce qui permet à une société, quelle que soit la société, Grands Ballets ou un groupe de théâtre, une troupe de théâtre, ces 15 % là, c'est ce qui fait qu'ils peuvent arriver ou ne pas arriver. S'ils perdent ces 15 % d'assistance, ça devient dramatique. Et, à compter de janvier, le poids de ces taxes va mettre en péril nombre d'entreprises.

Nous avons abordé ça par la bande ici, dans le mémoire, en disant qu'il va falloir consolider des entreprises, qu'il va falloir leur donner des structures plus fortes. Nous n'avons pas le pouvoir d'agir en matière fiscale. Ce n'est pas le rôle de la Place des Arts, mais notre recommandation, tout au moins, au comité, est d'espérer que la politique prévoira de favoriser tout au moins des regroupements pour avoir des entreprises plus fortes pour être capables de faire face à ces choses-là.

Il faut se rappeler qu'à Montréal, parce que je ne peux pas parler pour Québec, il faut parler de 27 % et quelques poussières. Si vous vous en allez à Toronto avec le même billet, ça coûte infiniment meilleur marché parce que vous n'avez pas la taxe d'amusement et que vous n'avez pas la TVQ. Vous n'avez que la TPS. Le citoyen de Toronto, même s'il subit les foudres et les effets de la récession, est quand même bien nanti, aussi bien nanti qu'à Montréal, paie moins cher en taxation et beaucoup moins cher qu'à Montréal. Ça ne veut pas dire que les Montréalais iront à Toronto pour autant, mais ça veut dire que nous sommes pénalisés au Québec, et notamment à Montréal, avec cette taxe municipale épouvantable qui n'est pas ristournée au milieu culturel. Je veux bien, un jour, qu'elle soit ristournée, on en parle abondamment. Mais on peut bien les ristourner aux maisons de la culture, c'est très valable, c'est dans le réseau culturel, ça, mais ce n'est pas ristourné à sa source. À sa source, ce serait ristourné aux producteurs qui produisent des spectacles ou aux

amphithéâtres et aux salles de spectacles qui les présentent. Ça permettrait de générer de nouvelles activités. Mais si on ne fait rien sur le plan de la taxation, les 15 % de perte d'assistance que nous avons connus cette année vont continuer, l'hémorragie va se continuer. Je ne sais pas jusqu'où nous irons, mais moi, qui suis un vieux de la vieille dans ce domaine-là et qui assistais encore à un concert de l'Orchestre symphonique de Montréal avant-hier soir, où jamais je n'ai vu à l'Orchestre symphonique de Montréal des sections complètes vides, bien, j'ai vu ça mardi soir. Et ça, c'est un signe des temps. Il va falloir réagir, et rapidement, parce que la facture va augmenter et je ne sais pas qui va payer la facture.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Morin. Quelques mots de remerciement, si vous le désirez, M. le député.

M. Boulerice: Oui. Je vous remercie, Mme Touchette, M. Morin. Je retiens que vous êtes d'accord pour une politique de la culture, mais qu'il y a des actions ponctuelles à être mises sur place immédiatement, sinon nous courons à certains désastres dans certains secteurs. Je vous remercie de votre présence et bonne continuité. J'espère que M. Morin restera directeur général, mais qu'il ne renoncera pas à son ambition d'être chef d'orchestre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: On vous le souhaite, M. Morin. Mme Touchette-Robltallle, deux mots pour vous dire qu'il est inacceptable de taxer la culture à 25 %. Nous y travaillons très fort présentement avec le ministre des Affaires municipales et le ministre des Finances. Merci.

Le Président (M. Doyon): Alors, merci beaucoup, de la part des membres de la commission. Tout en vous permettant de vous retirer et en vous remerciant en même temps, j'inviterais le groupe suivant, il s'agit du Conseil de la peinture, à bien vouloir prendre place en avant, à la table de nos invités.

Je vois que Mme Joubert et Mme Pelletier sont en avant. Elles sont ici depuis un bon moment. Les règles sont connues. Pour ne pas perdre de temps, je les invite à se présenter tout d'abord et, ensuite, à faire soit la lecture ou le résumé de leur mémoire! Donc, vous avez la parole.

Conseil de la peinture du Québec

Mme Joubert (Suzanne): Alors, j'ai à ma droite Mme Hélène Pelletier, vice-présidente du conseil des peintres du Québec, et je suis

Suzanne Joubert. Je ne fais pas partie de leur conseil d'administration, mais on m'a demandé de m'occuper de ce mémoire.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue.

Mme Joubert: Nous ne doutons pas de la bonne foi des producteurs du rapport Arpin, tout omme nous sommes convaincus de l'énergique sincérité de Mme la ministre Frulla-Hébert. Nous saluons de plus quelques points nouveaux et notoires dans le projet de politique culturelle qui nous a été soumis, tels que la reconnaissance de la primauté de la création, bien que sa rentabilité ne soit pas toujours évidente à court terme, la volonté de mettre la culture au rang des priorités de l'État, avec un budget en conséquence, et la reconnaissance officielle des regroupements professionnels d'artistes à titre de partenaires des services culturels gouvernementaux, ce qui devrait normalement se concrétiser, croyons-nous, par la présence de représentants directs des artistes au sein des comités de ces services. Mais vous comprendrez que nous ressentions en même temps un mélange d'exaspération et de scepticisme devant notre énième mémoire, rédigeant encore une fois notre réponse à des propositions gouvernementales qui reprennent, nous sommes néanmoins heureux de le constater, nombre des recommandations formulées par le Rassemblement des artistes en arts visuels à la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec.

Le conseil des peintres du Québec fête cette année son 25e anniversaire, c'est dire qu'il a presque le même âge que le ministère des Affaires culturelles, et si nous ne nions pas qu'il y ait eu progrès au long de ces 25 années, nous nous souvenons amèrement aussi de tant de reculs qui suivirent de modestes avancées, de tant de commissions, de rapports et de mémoires plus ou moins sans lendemain: mémoire à la commission Rioux sur l'enseignement des arts en 1967; mémoire au sujet des droits d'auteur en 1973; mémoire sur la politique culturelle de la ville de Montréal en 1981; mémoire présenté à ta commission parlementaire sur la culture en 1985 et, en 1991, mémoire conjoint des différents conseils des artistes en arts visuels à la commission Bélanger-Campeau. Et cela, sans parler des documents que nous avons également dû préparer, à l'occasion, pour intervenir au palier fédéral de gouvernement qui vous fait compétition sur le plan culture, entre autres.

Que dire encore quand on a déjà tant dit? Faut-il rappeler de nouveau que les artistes en arts visuels, et les peintres en particulier, pratiquent un métier solitaire, parmi les moins rémunérateurs qui soient, et qu'ils doivent généralement, comme le reconnaît le rapport Arpin, pratiquer, au moins à temps partiel, un second métier pour arriver à survivre. Michel Ragon, le grand critique d'art français des

années cinquante, soixante, devenu romancier depuis, a écrit, et je cite: "Aucun autre milieu ne peut aligner autant d'Individus qui se privent de tout pour réaliser leur idéal".

À partir de là, quelle disponibilité nous reste-t-il, je vous le demande, pour rédiger bénévolement des mémoires incessants à chaque changement de gouvernement, de ministre ou de conjoncture politique? En 1985, nous étions ici, j'étais ici moi-même d'ailleurs, devant ce même gouvernement, à présenter un mémoire parmi tant d'autres, dont les résultats collectifs n'ont pas dû être bien considérables puisque les budgets consacrés à l'aide à la création ont plutôt diminué qu'augmenté depuis, que les associations d'artistes sont toujours aussi financièrement vulnérables, que nous n'avons toujours ni sécurité au travail, ni pension de retraite, ni statut fiscal approprié, tant et si bien que nous songeons à boycotter bruyamment le prochain rapport du genre et sa commission parlementaire si le gouvernement ne donne pas suite à celui-ci, car, pour l'instant et depuis longtemps, ce sont tes artistes qui subventionnent la culture de leurs propres petits deniers et de leur vie toute entière pour le plus grand prestige des gouvernements et le bonheur du public.

Notre légitime colère épanchée, nous avons choisi de relever brièvement trois points en particulier de votre rapport, tout en les appuyant de solutions pratiques qui restent à être développées avec notre collaboration puisque nous serons désormais des partenaires.

Au chapitré 1, "Développer le domaine des arts et de la culture",, beaucoup d'insistance est mise sur le droit d'auteur, à distinguer, dans notre cas, du droit moral ou des cachets d'exposition. Ce droit d'auteur, nous en reconnaissons certes l'Importance, mais II ne représente pas, il s'en faut de beaucoup, le premier mode de financement des artistes en arts visuels. Il ne nous rapporte pour l'instant que des broutilles, d'autant que, dans la conjoncture actuelle, il semble même que son application ait des effets négatifs sur la représentation par des revues, aux budgets toujours de plus en plus limités, des oeuvres protégées par les sociétés de perception. S'avéreraient plus immédiatement efficaces l'assouplissement du régime fiscal qui nous a retiré récemment le droit d'étaler sur plusieurs années le revenu d'une année exceptionnelle subséquente, la plupart du temps, à un projet public, une année exceptionnelle souvent encadrée d'une série d'années de vaches maigres; la reconnaissance d'un statut fiscal particulier aux artistes qui ne peuvent se comporter comme des PME et mettent le plus souvent de très longues années à enregistrer quelques profits et, surtout, l'exemption de taxes sur la première vente d'une oeuvre d'un artiste québécois vivant; enfin, tel que vous le recommandez vous-mêmes, l'application de mesures fiscales d'exemption aux particuliers pour l'achat d'oeuvres d'artistes québécois vivants.

Il ne faut pas oublier non plus que les artistes en arts visuels sont toujours complètement démunis d'un régime de sécurité au travail et de rentes ou pension, que les associations professionnelles devraient pouvoir administrer si leur revenu et leur stabilité leur permettaient d'embaucher le personnel nécessaire. Ces deux points-là - c'est juste une petite parenthèse - l'application de mesures fiscales d'exemption aux particuliers et la question des régimes de sécurité et rentes, il en était déjà question en 1985, dans cette salle. (11 h 45)

Alors, pour revenir à la question des taxes, il faut bien voir que la TPS et la TVQ exercent d'aussi effroyables ravages sur les ventes d'oeuvres d'art contemporaines québécoises que sur les ventes de livres. C'est taxer la culture dans les deux cas et contribuer à détruire d'une main ce que l'on prétend soutenir de l'autre. L'hécatombe a été telle parmi les galeries d'art, dans le cours de 1990-1991, qu'il est devenu difficile pour celles qui survivent de risquer une exposition solo, même pour un artiste réputé, et qu'il se trouve actuellement, à Montréal comme ailleurs, une foule d'artistes qui ont perdu leur marchand et que les galeries subsistantes ne peuvent absorber.

Au chapitre 2, "Favoriser l'accès à la vie culturelle", nous constatons tous, n'est-ce pas, que le futur public éclairé des artistes québécois devrait se former à l'école puisqu'il est irréaliste d'attendre cela de toutes les familles. Or, nous ne croyons pas un seul instant à ce qu'on appelle l'intégration des arts dans les diverses autres matières du programme, par des professeurs aussi pleins de bonne volonté que dépourvus de connaissances ou d'aptitudes artistiques sérieuses. Nous avons eu le temps d'en voir les résultats. Nous préconisons à la place deux choses: l'affichage sur les murs des écoles de reproductions modestes d'oeuvres d'art de tous les temps, québécoises comprises évidemment, pour lesquelles il pourrait exister une collection centrale et un système de rotation...

Le Président (M. Gobé): Je vais vous demander de conclure votre présentation, madame, parce que nous allons devoir commencer les discussions.

Mme Joubert: J'achève. Je vais aller vite. Deuxièmement, nous recommandons absolument, à défaut de professeurs et de cours spécialisés, le contact entre les élèves et les professionnels du monde des arts. Comme les budgets sont serrés et les horaires aussi, nous pensons qu'on pourrait s'inspirer du système d'artistes en résidence, pratiqué avec succès dans un certain nombre d'écoles de l'Ontario, et du programme dit "Des artistes créateurs dans les écoles", de la même province. Nous nous tenons prêts à vous renseigner avec précision sur ce sujet.

Hors des écoles devrait s'ajouter, pour l'information du public en général, la multiplication dans les lieux publics de vitrines ou autres facilités d'exposition pour la présentation d'oeuvres québécoises contemporaines. C'est du côté du Japon qu'il faut regarder pour ça.

Et, finalement, au chapitre 3, "Accroître l'efficacité du gouvernement et de ses partenaires". Eh bien, une longue expérience de la compétition que se livrent les deux paliers de gouvernement, provincial et fédéral, sur le plan culturel, compétition dont nous sommes les otages, l'évidence de la disproportion des moyens financiers actuels en présence, et la conviction que la culture spécifique d'une société distincte ne peut être comprise et défendue que par elle-même nous conduisent à préconiser le rapatriement intégral et rapide, par le gouvernement du Québec, de toutes les compétences en matière de culture et de communications et, bien entendu, les sommes d'argent qui vont avec.

Des médias québécois renforcés d'autant pourraient ainsi devenir des partenaires extrêmement Importants pour la promotion de notre culture. Sans cette mesure, nous croyons qu'il n'y aura jamais d'efficacité réelle pour le Québec.

Le Président (M. Gobé): En conclusion, madame.

Mm* Joubsrt: Et nous verrons se reproduire - j'espère que vous me poserez la question - bien des hontes du genre de l'exposition "Songs of Experience" qui avait un titre français, "Chants d'expérience". Voilà, j'espère que vous lirez.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Cela met fin à votre présentation. Je demanderais à Mme la ministre des Affaires culturelles de bien vouloir maintenant prendre la parole...

Mme Frulla-Hébert: Bienvenue, mesdames...

Le Président (M. Gobé): ...pour un temps de 10 minutes, madame, s'il vous plaît.

Mme Frulla-Hébert: II faut tenir le temps. Bienvenue, mesdames. Ça me fait plaisir de vous recevoir. J'étais un peu surprise. On est quand même... Surtout provenant de l'entreprise privée, quand on entend les gens dire: On présente, on présente, on présente, et puis il n'y a rien qui aboutit. D'un autre côté - c'est vrai que ça fait un an que je suis en poste ici, aux Affaires culturelles - c'est un peu décourageant. Et fait à noter... parce que, des fois, c'est difficile pour vous autres de voir l'impact. On dit: On présente énormément de choses et on dirait qu'il n'y a rien qui aboutit. Mais fait à noter, c'est qu'après votre présentation au niveau de la commission - c'était la commission parlementaire, à l'époque, sur le statut de l'artiste - la ministre de l'époque, Mme Bacon, a doublé immédiatement le budget de l'aide aux artistes, en plus d'instaurer la fameuse compensation aux artistes qui exposent. Cette année, on a augmenté le budget de 300 000 $ exactement parce que, oui, il y a une sensibilité à la condition de l'artiste. On sait que ce n'est pas facile. Mais il y a eu des choses immédiates qui ont été faites. Peut-être pas à la mesure de nos ambitions, j'en suis, mais il y a des choses immédiates. Tout simplement pour vous dire que, non, vous n'êtes pas ici pour rien; non, vous ne vous présentez pas pour rien et, oui, c'est important d'avoir un dialogue, et un dialogue constant. Parce que, veux veux pas, on est pris, nous, avec toute l'infrastructure gouvernementale qui fait en sorte que, oui, c'est un carcan difficile, quels que soient les gouvernements. C'est bon aussi qu'on ait officiellement - parce qu'on peut en avoir officieusement - aussi ces rencontres avec la clientèle, de telle sorte que c'est noté aussi officiellement.

Ceci dit, je voudrais revenir au niveau de la création et de la notion de la création. Je le demande à toutes les organisations. Dans le rapport Arpin, on parle de création et de la notion de créateur. C'est Important, parce que c'est le principe même. L'UNEQ, par exemple, l'Union des écrivains, a un petit peu réagi à ça, en disant: Le créateur, c'est celui qui part de rien. C'est lui, le créateur, celui qui part du néant, celui qui part de rien. Les autres sont des interprètes, sans dévaloriser la fonction. Mais est-ce que vous êtes d'accord avec ta notion de création telle que définie dans le rapport Arpin?

Mme Joubert: Je serais sans doute assez d'accord avec les écrivains, avec peut-être un tout petit peu plus de modestie. Parce que ce n'est pas vrai qu'on part de rien. On part toujours de toutes sortes de choses qui nous ont entourés et précédés. Je crois que le créateur, c'est celui qui finalise l'invention, finalement, à partir, bien entendu, d'un support, d'un support qui vient de partout. Ce n'est pas vrai qu'on travaille à partir de rien. Je ne sais pas si ma réponse vous satisfera.

Mme Frulla-Hébert: C'était juste, finalement, la différence entre le créateur et celui qui interprète.

Mme Joubert: Voyez-vous, dans notre milieu des artistes en arts visuels, les interprètes sont rares.

Mme Frulla-Hébert: Oui, d'accord. La notion elle-même, elle est pour nous quand même Importante.

Mme Joubert: Mme Pelletier.

Mme Pelletier (Hélène): Je voudrais spécifier

qu'on fait toujours l'erreur de considérer l'artiste en arts visuels au même titre que tous les autres artistes. Alors que, celui-là, ce qui le différencie, c'est qu'il est un chercheur, il doit investir dans sa propre entreprise. Il est chercheur et il est un travailleur autonome. Alors, il n'a pas qu'un papier et un crayon à s'acheter pour travailler. En plus de son génie, il doit acheter des équipements. C'est souvent un gagne-petit. Ça, on en parle rarement. C'est un travail autonome qui doit fournir de lui-même parce qu'il n'y a personne qui veut investir dans une aussi petite entreprise. C'est à ce moment-là que l'artiste s'inquiète avec le rapport Arpin. On parle de l'investissement au niveau du chercheur, c'est-à-dire de tout ce que le gouvernement donne comme subsides à l'aide à la création. Mais, compte tenu des demandes et du peu d'élus qui passent par des jurys ou des concours, 11 y a peu de gens qui reçoivent des sous finalement, qui reçoivent des aides. Parce qu'il y a beaucoup de demandes et qu'il y a peu d'élus au niveau de la recherche, parce que l'artiste est vraiment un chercheur.

Mme Frulla-Hébert: On revient beaucoup à la recherche et développement. On en a beaucoup parlé. Chaque jour, ça revient, un fonds de recherche et développement. La plupart des disciplines, à date, semblent le demander. Comment voyez-vous ça, la création, dans votre discipline à vous, d'un fonds de recherche et développement? Parce que, effectivement, vous soulevez un bon point. Les budgets ont doublé et maintenant triplé depuis, excepté que... C'est vrai que vous achetez des matériaux. Alors, l'impact est peut-être moins tangible. Mais si on parle d'un fonds de recherche' et développement, comment le verriez-vous, ce fonds-là?

Mme Joubert: Comment le financerions-nous? Surtout, à partir de quoi? Nous n'avons pas le genre de gains de la Place des Arts. Dans la majorité des cas - je suis sûre que vous connaissez les chiffres, Mme la ministre - les frais de production des artistes sont souvent tellement proches et même parfois dépassent leurs rentrées. Où va-t-on le prendre, ce fonds de production? D'une certaine manière...

Mme Frulla-Hébert: Non, provenant de nous là. Excusez-moi, je vais m'expliquer. Si, nous, on décidait finalement d'investir dans un fonds de recherche et de développement, est-ce que vous l'appliqueriez aux nouvelles méthodes, aux nouvelles...

Mme Joubert: Je pense que l'aide à la création, c'est un fonds. Le programme d'aide à la création, c'est, à toutes fins pratiques, un fonds de recherche et de développement avec un système de jury par les pairs. Bref, peut-être encore là, jamais rien n'est parfait, mais c'est peut-être encore la meilleure manière de distribuer équitablement et démocratiquement les fonds. Tant qu'un artiste n'a pas eu une bourse pour un projet et tant qu'il n'a pas réalisé un projet, vous savez, c'est un peu comme Gaétan Boucher, cette fameuse caricature - je ne me rappelle plus, au moment où il avait gagné - qui nous le montrait disant: Dire que, la semaine dernière, on ne m'aurait pas donné un billet de métro pour me rendre à l'entraînement. Et c'est vrai. Il faut d'abord que l'artiste fasse ses preuves pour qu'on veuille Investir. C'est les 20 premières années qui sont les plus dures dans la carrière d'un artiste. D'où l'importance, en attendant, des subventions que je qualifierais d'indirectes, celles qui peuvent venir par le biais d'exemptions fiscales aux particuliers. C'est tellement important, ça. Ça fait longtemps qu'on en parle. Ça serait bien si vous réussissiez ça. Ça n'a pas été réussi encore.

Mme Frulla-Hébert: Pour vous, ça serait le plus important, dans le fond...

Mme Joubert: Ça serait considérable.

Mme Frulla-Hébert: Parce que le ministre des Finances, oui, ce n'est pas...

Mme Joubert: Mais évidemment, là, il est important de dire: II faut que ce soient des artistes québécois, oui, mais vivants. On ne parle pas de Krieghoff. Bon. Première chose. Et le statut fiscal approprié qui aiderait aussi, c'est des subventions indirectes qui aideraient un artiste... Par exemple, la question de l'étalement du revenu, ça, c'est un drame pour nous autres. Moi, j'ai même... Je connais des exemples que je pourrais vous donner. Un artiste fait, une certaine année - des fois, la seule dans sa carrière - 40 000 $ parce qu'il a eu un gros contrat public. C'est la seule fois de sa vie qu'il a vu 40 000 $ parce que, le reste du temps, son revenu se tient entre 7000 $ et 18 000 $. Là, il fait 40 000 $. Tout de suite, impôt. On ne peut pas étaler le revenu en question. Mais, l'année d'avant, il a fait 7000 $ et, l'année d'après, il en a fait 8000 $. Et 40 000 $, on lui coupe la tête tout de suite. Ça, c'est assez dramatique.

Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, vous avez terminé? Très bien. Je vais maintenant passer la parole à M. le porte-parole de l'Opposition officielle et député de Sainte-Marli-Saint-Jacques. Vous avez la parole.

M. Boulerice: Heureux de saluer votre présidence, M. le député de LaFontaine. Nous passons de l'autocratie à la république. Ce n'est pas mauvais pour les travaux de cette commission. Mme Joubert, Mme Pelletier, Vous êtes du Conseil de la peinture. Vous venez d'un milieu pour lequel j'ai un faible. Le directeur de ma

banque dit plutôt que j'ai des faiblesses, mais tant qu'il me conserve ma marge de crédit, j'oublie ce qu'il me dit. Vous avez touché des choses extrêmement vraies et que je peux mesurer. Bon. Ça agace, mais, que voulez-vous, c'est comme ça. Ce n'est quand même pas de ma faute si Graff est dans ma circonscription. Ce n'est quand même pas de ma faute si Michel Tétreault est dans ma circonscription. Ce n'est quand même pas de ma faute si je suis ami avec Lorraine Palardy, si... 3 Points avec Eric Devlin, c'est un endroit que je fréquente. Et ça, vous avez raison, nous sommes en train de mettre en péril les galeries d'art, comme tantôt vos collègues libraires disaient qu'on est en train de mettre en péril les librairies et les éditeurs. (12 heures)

Vous l'avez dit, il y a les effets néfastes de la TPS et de la TVQ, ce qui est extrêmement dramatique. Vous avez parlé de l'artiste qui crée son oeuvre. Il paie 17 % de taxes sur l'achat de son matériel, donc il doit la vendre plus cher. La vendant plus cher, l'Imposition est plus forte. C'est vicieux comme cercle.

Mme Joubert: II ne peut pas vendre plus cher.

M. Boulerlce: II essaie quand même, pour essayer d'amortir, mais je suis d'accord avec vous, Mme Joubert, il préfère, dans le contexte actuel, réduire sa marge de profit qui est déjà presque Insignifiante, en se disant: Bien, au moins, je vais vendre. Au moins, Je vais vendre. Je pense que c'est un peu beaucoup demander.

Une question que j'aimerais vous poser: D'après vous, est-ce qu'il faut attendre l'établissement d'une politique culturelle au Québec pour avoir des mesures plus efficaces que le droit d'auteur pour les artistes en arts visuels?

Mme Joubert: Vous me posez une question à laquelle je peux... Vous savez, pour nous, hier aurait été préférable à demain. Mais comment puis-je répondre à votre question? Parce que j'avoue ne pas connaître les méandres des gouvernements. Je sais seulement que j'étais Ici en 1985 et que nous avions parlé des mêmes choses avec Mme Bacon, qui m'a écoutée avec beaucoup de sympathie et de gentillesse, mais que je suis encore là, six ans plus tard, à parler des mêmes choses.

M. Boulerice: II n'y avait pas de politique culturelle au Québec, lorsque vous êtes venue pour le statut de l'artiste. L'Assemblée nationale a voté deux lois. Est-ce que vous croyez qu'il nous faut absolument une politique culturelle avant d'établir une loi d'assouplissement du régime fiscal et la reconnaissance d'un statut fiscal particulier pour l'artiste?

Mme Joubert: Vous me posez une question qui n'est pas de mon ressort. Moi, je voudrais que ça existe et que ça ait existé hier. Mais je ne connais pas les méandres gouvernementaux pour s'y rendre. Est-ce que vous avez une meilleure réponse, Mme Pelletier?

Mme Pelletier: Oui. Une politique culturelle, on aimerait bien! On aurait bien aimé aussi, II y a 10 ou 20 ans. Mais, vous savez, quand on en est à des problèmes de nécessité, on ne pense pas à une infrastructure ou à dès choses aussi sophistiquées qu'une politique à venir. L'artiste maintenant, qui est un simple chercheur, a des difficultés à diffuser. Tantôt, vous me pariiez de l'artiste qui peut reprendre ses frais en vendant plus cher, mais on ne peut même pas vendre nos oeuvres maintenant puisque, au niveau de la diffusion, il y a un énorme problème. Je ne sais pas si les gens des galeries ou des musées sont venus, mais c'est très difficile pour les artistes de produire, de diffuser leur oeuvre; maintenant, c'est presque impossible. Plusieurs ont été pris le doigt dans la porte avec des faillites. Les artistes ont perdu des tableaux, et je vous en passe. Mais on est un peu blasé de toutes ces consultations. Nous, les artistes, on voudrait bien qu'il y en ait une politique, mais on vient juste faire un cri d'alarme un peu, parce que c'est pénible.

M. Boulerice: Mme Joubert, Mme Pelletier, au risque de vous agacer un peu, est-ce que vous croyez qu'il nous faille absolument adopter une politique culturelle pour le Québec avant d'abolir la taxe de vente sur les oeuvres?

Mme Joubert: Moi, je vais vous répondre dans la pratique. SI ça prend beaucoup de temps à mettre sur pied une politique culturelle et que les mesures que nous avons demandées, un statut fiscal particulier, qu'il y ait un statut fiscal qui prenne en considération nos circonstances, les exemptions d'impôt aux particuliers pour l'achat d'oeuvres québécoises... Personne n'a eu l'air de remarquer que nous avons demandé l'exemption totale de toute forme de taxe pour la première vente d'une oeuvre qu'un artiste québécois vend. Si ça prend beaucoup de temps avant que ces mesures-là soient appliquées, eh bien! vous allez vous retrouver avec un monde de la culture, un monde des arts visuels - on est ici pour les peintres au niveau des arts visuels - détruit ou dont il ne restera qu'une petite partie. On ne peut pas attendre.

M. Boulerice: Mme Joubert, l'amateur et le modeste collectionneur va vous dire qu'en tant que législateur, le mardi 16, le ministre des Finances peut se lever en Chambre, faire une déclaration ministérielle et annoncer qu'il n'y a pas de taxe de vente sur les oeuvres.

Mme Joubert: Ce serait superbe! Mardi,

dites-vous? Je vais être devant mon appareil. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: II pourrait le faire. Il s'agirait que, mardi, la ministre des Affaires culturelles dépose le projet de loi 001 annonçant qu'il y a un assouplissement du régime fiscal et la reconnaissance du statut fiscal particulier.

Mme Joubert: Et ce serait superbe.

M. Boulerice: Alors, oui, je veux une politique culturelle, mais ma crainte, Mme Joubert - et je ne sais pas si vous la partagez, et vous-même, Mme Pelletier - est que, oui, on va finir par en faire une... à moins qu'on ne soit tous idiots dans ce pays, et j'en doute. Je ne nie pas les efforts que la ministre fait. Elle n'a peut-être pas toute l'aide nécessaire au niveau de son gouvernement, mais, moi, j'essaie de lui apporter la mienne en tout cas; ç'a réussi quelques fois. On a eu une belle complicité dans le livre, et je ne suis pas gêné de le dire. Mais, moi, j'ai peur que l'on oublie des mesures concrètes qui influencent le quotidien, le vécu de l'artiste, du créateur, alors qu'on peut le faire rapidement. On ne va pas me faire croire que, dans ce ministère sur Grande-Allée, il n'y a pas, quelque part, 58 rapports qui nous permettraient d'établir une politique d'étalement fiscal. Je serais curieux d'aller fouiller là-dedans. J'aurai peut-être une chance un jour, mais... en tout cas. Mais j'espérais que la loi vienne avant.

Mme Joubert: II y aurait une chose bien intéressante là. Ce serait donc merveilleux, mardi. Si ça arrivait, il y aurait peut-être un effet... Peut-être, je ne dis pas... Il y aurait soit un effet d'entraînement, soit un effet de honte. Parce que n'oubliez pas qu'en tant qu'artiste on n'est pas soumis seulement au système fiscal du Québec. On est également soumis au système fiscal fédéral, qui n'est pas une graine plus généreux. Dans le cas de la TVQ, par exemple, sur les livres, si le livre est exempté de la TVQ ou, enfin, de la taxe québécoise, c'est déjà beaucoup et, à ce moment-là, le gouvernement fédéral suit ou ne suit pas; de toute façon, s'il ne suit pas, c'est un peu honteux et, s'il suit, tant mieux pour les libraires. Et la même chose se passerait peut-être parce que n'oubliez pas que c'est toujours sur deux fronts que ça se joue, cette affaire-là. Je dois dire que, pour l'instant, le Québec n'est pas en avance; il n'est pas en avant. Ce serait bien s'il l'était, Mme Hébert, ça vous ferait une belle plume à votre chapeau, mais il y aurait un exemple à donner du point de vue québécois.

M. Boulerice: Mme Joubert, Mme Pelletier, pour conclure, parce que le temps est limité, qu'est-ce que vous penseriez d'un REART, d'un régime d'épargne-art où on jouerait le jeu de la fiscalité? On le fait pour de grandes entreprises, mais on pourrait peut-être inciter - je vais employer l'expression habituelle - le Québécois moyen, le jeune qui n'a peut-être pas toutes les ressources financières, en lui disant: À l'achat d'une oeuvre, il y a une déduction fiscale possible. Croyez-vous que ça permettrait d'augmenter... On peut pirater l'idée si on veut, et j'en serais très content. Ça permettrait, d'une part, d'augmenter le nombre de ventes, et c'est normal qu'un artiste vende; ce n'est pas péché. Il ne faut pas dire: L'argent, c'est mauvais. Il faut qu'il vive.

Une voix:...

M. Boulerice: Ça permettrait également d'initier à la peinture des gens qui nécessairement n'ont peut-être pas les moyens d'investir 700 $ ou 800 $, parce que c'est à peu près le prix moyen des oeuvres actuellement. Et ça nous permettrait éventuellement d'en arriver à l'établissement d'une espèce de commission des valeurs mobilières, mais pour l'art. On pourrait même pousser ça plus loin. Je pense qu'on pourrait même en arriver à créer au Québec - et, là, on serait en avance sur tout le monde, on serait le seul pays au monde à avoir ça - une bourse des arts, mais bourse des arts dans son sens anglophone de "stock exchange for the arts". Qu'est-ce que vous penseriez d'une idée comme celle-là? On n'a pas besoin d'une politique. On pourrait voter ça rapidement.

Mme Joubert: C'est peut-être applicable, mais, moi, j'aimerais beaucoup... Il y a un projet auquel je tiens énormément, et j'aurais bien aimé que vous me posiez la question, au sujet de la sécurité au travail et...

M. Boulerice: Je viens de vous la poser, madame.

Mme Joubert: Vous me la posez. Alors, vous me l'avez posée. Je vous remercie. C'est un sujet qui nous tient énormément à coeur. Le monde du spectacle est un peu mieux organisé sur ce plan-là. Imaginez-vous donc qu'à Toronto - alors il faut se dépêcher si on veut être en avant - il est question d'ouvrir une maison pour les artistes en arts visuels âgés; alors une maison de retraite avec des ateliers, etc. Mais, n'oubliez pas, il n'y a pas de sécurité au travail. Si un artiste en arts visuels a un handicap subit et permanent, s'il ne s'est pas muni lui-même d'une assurance, il n'a rien; ça n'existe pas l'assurance-chômage pour les artistes. La plupart d'entre nous ont des emplois à temps partiel parce qu'on veut produire. Bon. On ne peut pas avoir trois emplois, ce n'est pas possible. Et un emploi à temps partiel, bien, ça n'apporte pas ou à peu près pas ou, enfin, seulement des broutilles du côté de

l'assurance-chômage, à peu près rien côté pension de retraite. On aura 80 $ par mois quand on sera vieux, comme pension de retraite. Je ne sais pas ce qu'on va faire avec ça. Et ça, c'est quelque chose pour lequel il faut vraiment s'asseoir pour en discuter avec des avocats, comment on fait. Il ne faut pas qu'il y ait de passe-droits sociaux. Il faut que les artistes cotisent comme tout le monde, mais cotisent à leur échelle. Il faudrait qu'il y ait... Il n'y a pas d'employeur là. Est-ce que le gouvernement accepterait d'intervenir dans ce domaine-là, de jouer le rôle de l'employeur du point de vue des cotisations? Ça, ça fait déjà... La dernière fois, c'est il y a six ans qu'on a parlé de ça ici et, croyez-le ou non, ça avait fait beaucoup de bruit. On en avait parlé jusque sur le réseau national de télévision, enfin canadien de télévision. Ça n'a pas donné grand-chose.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Jou-bert. Si vous le désirez, M. le député, quelques mots...

M. Boulerice: Très brièvement, M. le Président. Mme Joubert, Mme Pelletier, j'ai presque le goût de vous dire que je souhaite que ce soit la dernière fois qu'on se rencontre dans le contexte d'une commission parlementaire où on demande, mais j'aimerais bien vous revoir dans le cadre d'une commission parlementaire où on vous offrira un REART, où on vous offrira un statut fiscal particulier, un assouplissement du régime fiscal. On m'a dit tantôt que j'étais comédien, donc je partage cette vie d'artiste. Ce sera toujours un perpétuel combat, mais je vois qu'il y a deux femmes d'énergie qui étaient devant nous aujourd'hui. J'étais heureux de vous entendre. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci. Encore une fois, je vous remercie aussi, comme vous le dites si bien, de cette patience, malgré le fait que ça rapporte aussi des résultats. Je voudrais vous faire remarquer... On a parlé beaucoup de fiscalité. On va la regarder de près parce qu'on sait qu'il y a là un filon, excepté qu'effectivement ça relève du ministère des Finances. Donc, il y a, de notre part à nous aussi, preuve qu'on peut le faire avec une équité parce qu'il y a d'autres groupes aussi d'ailleurs qui peuvent revendiquer la même chose. Alors, c'est l'éternel problème du ministre des Finances qui, d'ailleurs, existait à l'époque de l'autre gouvernement. À ce que je sache, ils n'ont pas enlevé la taxe de vente sur les arts non plus. Alors, on va essayer de le regarder de très, très près. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci.

Mme Joubert: Merci, Mme la ministre.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Joubert. Merci beaucoup, Mme Pelletier.

Mme Joubert: M. le Président... Le Président (M. Doyon): Oui

Mme Joubert: ...à vous, cette fois. Deux artistes en arts visuels sont ici et regardent les deux bouquets de fleurs artificielles fanées que vous avez dans votre dos, et on n'en revient pas. (12 h 15)

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Joubert: On se dit: Avec tous les artistes qu'il y a au Québec, vous pourriez certainement faire mieux que ça.

Le Président (M. Doyon): C'est pour permettre aux députés de continuer de ressortir dans le décor, madame.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Le message, bien entendu, on le transmettra au président de l'Assemblée nationale. Vous avez parfaitement raison. Maintenant, c'est au tour du Mouvement international pour une nouvelle muséologie de bien vouloir s'avancer pour nous faire leur présentation.

J'invite donc M. Rivard et Mme Céré à bien vouloir prendre place, ce qu'ils font. Je ne perdrai pas de temps à leur indiquer comment on procède, de façon à ce que nous puissions les écouter dès maintenant. Je leur donne donc la parole dès ce moment, leur indiquant que les règles ordinaires vont s'appliquer dans le cadre que j'ai indiqué tout à l'heure. Alors, M. Rivard ou Mme Céré, vous avez la parole.

Mouvement international pour une nouvelle muséologie

M. Rivard (René): Bonjour, Mme la ministre, que je ne vois plus...

Le Président (M. Doyon): Elle est juste là.

M. Rivard (René): ...M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Elle a lu votre mémoire, monsieur.

M. Rivard (René): Bon. Les membres québécois du Mouvement international pour une nouvelle muséologie ont décidé de présenter un rapport pour faire, peut-être, contrepoids ou, en tout cas, pour faire réfléchir sur une dimension qui nous semble un peu absente de la politique, c'est-à-dire du rapport de M. Arpin. Le MINOM,

pour ceux qui aimeraient le savoir, est un mouvement, donc n'est pas une institution. Nous sommes membres et nous parlons ici à titre de membres. Il n'y a pas de président, nous n'avons pas de structure organisationnelle de ce genre. Le Mouvement a été créé au Québec en 1984 et il préconise que les populations prennent part activement au développement culturel.

Premièrement, à notre avis, la véritable politique de la culture et des arts doit s'inscrire dans un projet de société et refléter tous les aspects culturels de la population québécoise. Notre premier point, c'est que, dans le document "Une politique de la culture et des arts", une grande partie de la population du Québec est oubliée ou, à tout le moins, n'est ' pas mentionnée. Je parle ici de tous les groupes de néo-Québécois qui enrichissent notre société. Je parle aussi des groupes autochtones que nous côtoyons depuis près de 500 ans sans oser véritablement les connaître. Donc, la proposition de politique fait abstraction des communautés ethniques, des premières nations et d'une strate très nombreuse et importante de notre société, une strate qui n'est pas organisée, qui est fluide d'une certaine façon, qui, au plan culturel, n'a pas de porte-parole puissant et n'a pas de place non plus dans les médias. Donc, nous aimerions que la future politique de la culture tienne compte de ces groupes populaires, de ces groupes de néo-Québécois et de ces groupes autochtones.

Deuxièmement, nous croyons que la proposition de politique est énoncée comme s'il n'y avait au Québec qu'une seule culture, c'est-à-dire la culture savante et la culture élitaire - je n'ai pas mentionné élitiste - et une culture de nivellement qui se concocte et se fabrique, un peu comme s'est fabriquée aussi cette proposition de politique, par les grandes institutions artistiques et éducatives. Pourtant, les fondements mêmes de notre culture n'en sont pas issus. Notre culture populaire, cette culture du quotidien ou ce que d'autres appellent la culture des autres, constitue notre véritable incubateur culturel, c'est-à-dire un lieu constamment en mouvement et en évolution, un lieu d'où sont sortis nos grands artistes, nos penseurs, nos hommes d'affaires, nos politiciens. C'est un peu à la défense de cette culture du quotidien que le Mouvement international pour une nouvelle muséologie présente ce rapport. Autrement dit, il dit qu'il n'y a pas seulement la culture dominante, celle des riches et des instruits, qui doit être présentée dans cette politique. Il dit aussi que, tout comme le rapport dit: "Une politique de la culture et des arts", mais que, dans toutes les têtes de chapitre qui suivent, on dit qu'il faut maintenir les arts et la culture, à notre avis, ce document est une politique des arts plus spécifiquement et non pas une politique culturelle.

Si on regarde, par exemple, dans d'autres domaines les politiques culturelles qui ont été élaborées, par exemple par la Suède, la politique culturelle de la Suède tient sur un côté de cette page. Elle est en neuf points. Je pense qu'elle offre là toutes sortes de mécanismes et de possibilités pour différents groupes populaires de se prendre en main et de se développer culturel-lement. Nous croyons, de plus, que les solutions économiques sont souvent et la plupart du temps trouvées dans les solutions qui sont intégrées à la culture même des populations. C'est pour ça que nous croyons que la politique culturelle devrait reconnaître la culture du quotidien, la culture du Québec et favoriser les possibilités, ou les organismes, ou les gens qui travaillent à ce niveau par une action culturelle concertée au niveau des localités, au niveau des régions et au niveau même des quartiers urbains, avec les groupes et uniques et avec les populations autochtones, etc.

Donc, la politique culturelle ne doit pas uniquement se concentrer sur le développement des arts, mais aussi sur la culture tout court et son développement, en se rappelant évidemment que, peut-être là, on trouvera des solutions à notre développement global. Je vais passer la parole à Mme Céré pour continuer la lecture de notre mémoire.

Le Président (M. Doyon): Oui, Mme Céré.

Mme Céré (Maude): Avant de continuer la lecture, j'aimerais peut-être me présenter, parce que vous allez probablement me revoir bientôt avec un autre chapeau.

Le Président (M. Doyon): Ça nous fera plaisir.

Mme Céré: Je suis directrice du Conseil culturel de la Montérégie, mais ce n'est pas à ce titre aujourd'hui que je présente une partie du mémoire. J'ai oeuvré pendant six ans à la création, en tant qu'animatrice et directrice de l'Écomusée de la Haute-Beauce. J'ai aussi travaillé pendant un an à l'Écomusée de Saint-Constant, avant d'être directrice générale. Je continue à oeuvrer à titre de conférencière, conseillère et même bénévole auprès de plusieurs organismes au Québec et un petit peu à l'étranger aussi. Notamment, je suis conseillère de l'écomusée de Acadia, à l'île-du-Prince-Édouard aussi. Alors, c'est davantage à ce titre-là.

Comme le disait M. Rivard tantôt, nous représentons un mouvement. Ce n'est pas un organisme. Alors, nous sommes plusieurs au Québec à défendre ce type de position là. J'aimerais souligner que, dans la salle, il y a également M. Pierre Myrand, qui est président du Mouvement international pour une nouvelle muséologie, dont le siège social est à Montréal, et qui a été créé au Québec en i984. Depuis, chaque année, il y a des ateliers internationaux qui se tiennent un peu partout dans le monde. Il y a également M. Cyril Simard qui est président

de la Commission des biens culturels, mais qui aussi est président de l'Économusée de la papeterie Saint-Gilles, qui est un autre organisme qui découle de cette philosophie de la nouvelle muséologie.

J'entre maintenant dans la poursuite de notre mémoire. Alors, la proposition de la politique de juin 1991 semble s'articuler autour d'une dialectique unique, celle de la création et de la diffusion. Ça me rappelle que ce rapport Arpin fait suite aussi au rapport Coupet sur le financement des arts qui, lui, parlait de la dialectique offre et demande.

Alors, on tourne toujours... C'est finalement à peu près synonyme. Les artistes sont seuls, semble-t-il, mandatés pour créer. On leur en donne les moyens, mais peut-être pas - je veux dire, à la lumière de ce que madame vient de nous dire tantôt - autant qu'on croit. La population ne fait que consommer cette culture ainsi créée et diffusée. Tout le domaine de l'action culturelle semble avoir été délibérément écarté de cette proposition-là.

Il y a énormément de gens qui, chaque année, sortent de nos universités et font de l'action culturelle. Que l'on pense à des historiens de l'art, enfin à des gens qui sont en animation culturelle, en développement, en géographie, en anthropologie, en ethnologie. Enfin, il y a toute une multitude de disciplines, de gens qui oeuvrent au développement culturel à travers le Québec. Mais ces professionnels et ces consultants-là ne semblent pas être intégrés à la politique, à la proposition de politique de M. Arpin.

Tout le domaine du développement culturel, à l'exception des arts savants, semble aussi avoir été mis sous le boisseau. Alors, du développement culturel, il s'en fait un peu partout. Évidemment, nous, on parle de nouvelle muséologie, mais on sait qu'il y en a aussi dans toutes sortes d'autres disciplines. Récemment, un diffuseur de spectacles dans une région me disait que, lui, son action culturelle fait que, son public, il le travaille. Quand il reçoit une pièce compliquée, difficile d'accès, qui vient de Montréal, il reçoit en proportion trois fois plus de public que pour cette même pièce jouée à Montréal. Alors, il y a toute une opération, une action culturelle en profondeur qui se fait notamment dans les régions, même dans les régions de Montréal, parce qu'à travers les quartiers on sait qu'il y a aussi ce type d'action culturelle qui est mené.

Nous, du MINOM, sommes d'avis qu'une réelle politique de la culture, en plus d'encourager la recherche et la création artistique - évidemment qu'on n'est pas contre, et c'est tout à fait normal - doit aussi se préoccuper du développement culturel complet de l'ensemble de la population. Récemment, lors d'un congrès de l'Union des producteurs agricoles, M. Fernand Dumont nous rappelait que le développement des régions rurales du Québec et le développement du

Québec profond, des 60 % de la population qui ne consomme pas le produit culturel qu'on leur offre, donc ce développement-là doit passer par la culture. Alors, ce n'est pas uniquement une culture savante, mais c'est une culture en profondeur qu'il faut travailler et permettre de se développer.

Souvent aussi, il y a la notion d'association de ce développement - et, de plus en plus, c'est fréquent - dans le concept de développement durable. Je pense que M. Rivard va vous en parler un peu tantôt, mais toutes les régions, lors de la commission Bélanger-Campeau, en ont parlé, les actes du colloque en Abitibi-Témis-camingue sur le développement en région. On sait que le développement économique ne passe pas uniquement par des notions environnementales, sociales, mais aussi culturelles. Et ça doit se faire en parallèle. Et ça, on rejoint le rapport Arpin qui dit que, normalement, la culture doit être aussi importante que le social et l'économie.

Nous croyons que plusieurs groupes peuvent se prendre en main et atteindre de hauts niveaux de culture, que ce soit chez les peuples autochtones, chez les groupes ethniques ou encore au sein des villages, de petites villes ou de quartiers des grandes villes. D'ailleurs, plusieurs de ces prises en ' charge sont maintenant reconnues comme des modèles au niveau international. Encore là, le rapport Arpin, quand il parle de l'internationalisme dans son rapport, c'est surtout pour aider les grands organismes, les grandes vedettes, les grandes institutions. Mais il faut dire que, depuis une dizaine d'années, au niveau de la nouvelle muséologie, le Québec est un modèle dans le monde. Nous sommes branchés avec plusieurs pays et continents. Je pense qu'il y a juste l'Asie avec laquelle on n'a pas encore établi de contacts. Nous travaillons étroitement avec les pays d'Afrique, d'Europe, il va sans dire, mais aussi d'Amérique du Nord et un petit peu d'Amérique du Sud. Récemment, nous avons fait des contacts avec l'Australie, aussi. Alors, que l'on pense à la Maison du Fier-Monde à Montréal, qui oeuvre depuis 1980, je crois, qui n'a toujours pas obtenu sa reconnaissance, que l'on parle de l'Écomusée de la Haute-Beauce et que l'on parle maintenant des maisons de la transmission, au concept muséal qui a été développé chez les Inuit à Nunavik.

J'aimerais peut-être vous donner quelques exemples de ce qui peut se faire, justement, quand on parle de nouvelle muséologie. Je vais parler peut-être de l'Écomusée de la Haute-Beauce, quoique je crois que le groupe sera invité. Mais il reste que l'Écomusée de la Haute-Beauce, quand on a commencé en 1979-1980, il n'y avait aucun organisme culturel... Le premier était à Québec ou à Sherbrooke. Il y avait le musée minéralogique à Thetford. Il n'y avait pas de bibliothèque, absolument rien. Alors, quand on s'est implanté, en travaillant étroitement avec la population, en concevant, réalisant, animant et

finançant les expositions, on a parti... donc à travailler, les professionnels, étroitement avec la population pour faire des expositions qui sont reconnues, par les professionnels, de calibre professionnel. D'autre part, récemment, on a mis en contact l'art actuel avec les populations et 5000 visiteurs, en une fin de semaine, au Symposium d'arts visuels à Saint-Honoré ont pu... Donc, les artistes de facture traditionnelle, amateurs ont côtoyé des grands artistes d'art actuel de la région et venus de l'étranger.

Il y a également toute la prise en charge au niveau de l'écologie, de l'environnement et de l'économie. Actuellement on fait face, dans cette région-là, à un problème grave. La compagnie Domtar veut démolir un boisé qui est le coeur de cette région-là et on sait maintenant qu'il y a 40 000 visiteurs qui parcourent les sept équipements permanents de l'Écomusée de la Haute-Beauce, donc qui a été créé avec l'impulsion et les sous de la région, évidemment du ministère, mais beaucoup et grandement grâce à l'opération des populations. Alors, les populations se sont sensibilisées et c'est vraiment là que la nouvelle muséologie entre en ligne de compte parce qu'on ne travaille pas uniquement à la mise en valeur esthétique du patrimoine, mais à la mise en valeur du patrimoine vivant, des paysages naturels, enfin, et à la prise en charge... Et on sait que le développement social et économique de la région en dépend. Alors, c'est toute une action concertée qui se développe.

Ce travail de longue haleine, de pénétration en profondeur des populations, nous apparaît extrêmement important. Il y a plusieurs cas au Québec - on ne peut pas tous les citer - qui auraient intérêt à être reconnus. Actuellement, il n'y a que l'Écomusée de la Haute-Beauce qui est reconnu comme musée accrédité. Les autres éco-musées ont maintenant un épuisement et s'essouffle, depuis une dizaine d'années. Je pense à l'Écomusée de la Vallée de la Rouge, à l'Écomusée des Deux-Rives. On vient d'avoir - M. Khelfa de Sorel va s'en rendre compte - de subir un échec assez dramatique dans la région de Tracy au sujet du projet d'écomusée. Et on se rend compte qu'il y a eu des blocages systématiques aussi de la part du ministère pour ne plus développer ce type de muséologie là. On a davantage inciter les gens à proposer des projets de type interprétatif plutôt que vraiment l'implication des populations dans un territoire éclaté. (12 h 30)

Donc, si on revient au texte, la politique culturelle doit faire reconnaître par le ministère non seulement les créateurs et diffuseurs de haute culture, mais également les professionnels oeuvrant en action culturelle et en développement, notamment en région. Elle doit aussi faire reconnaître tous les organismes populaires et, encore là, notamment peut-être ceux qui oeuvrent au niveau du patrimoine vivant, ce patrimoine qui est souvent laissé pour compte. C'est d'autant plus facile de reconnaître le patrimoine bâti parce que c'est visible, c'est visuel, mais tout le patrimoine de la transmission orale, la mémoire collective, les savoirs: le savoir-faire, le savoir-vivre des gens, ça aussi ça doit être mis en valeur et protégé parce qu'on subit un envahissement culturel, comme vous le savez, et d'autant plus que cette culture doit être mise en valeur, protégée et aussi prise en charge par les populations elles-mêmes, donc tous ces organismes qui travaillent d'arrache-pied pour sensibiliser culturellement leur milieu, pour développer des projets en évolution avec les populations qu'ils desservent, pour faire en sorte que la population soit actante plutôt que subissante.

Quatrièmement, nous voulons porter à l'attention de la commission parlementaire le nouveau découpage de la cartographie culturelle du Québec telle qu'elle est énoncée et trop souvent sous-entendue dans la proposition du groupe-conseil. Établie d'en haut, cette cartographie nous semble totalement désincarnée des réalités de création, de production et de diffusion en région. Elle nous apparaît illusoire et ne mène à rien d'autre qu'à la domination d'une élite montréalaise sur le reste du Québec. Cette cartographie est d'autant plus surprenante que le ministère achève la décentralisation de son appareil en région et qu'il préconise, tout comme la proposition de politique, une plus grande implication des municipalités dans le domaine culturel. Les municipalités et les régions devront-elles oeuvrer seulement au niveau de la diffusion, alors que toute la création sera concentrée dans le quadrilatère culturel de Montréal? Cela ressemble étrangement à un "Golden Square Mile" du monde de l'art. Il faut se rappeler que les régions, notamment par l'exercice heureux des sommets économiques, avaient pris l'habitude de déterminer clairement et de façon réaliste leurs priorités en matière de développement culturel régional.

Compte tenu des acquis décentralisateurs déjà en place, la politique culturelle du Québec doit permettre aux régions de conserver et même d'accroître leur marge de manoeuvre dans le choix des organismes qu'elles veulent reconnaître et subventionner, d'autant plus qu'on sait que la politique culturelle qu'on s'apprête à adopter va donner le ton à la politique du patrimoine et des musées qu'on attend depuis cinq ans. Et nous nous inquiétons, parce que, établir d'en haut une liste de qui sera reconnu ou pas reconnu... Je sais que, par exemple, l'Écomusée de la Haute-Beauce, dans ce contexte-là, ne serait plus reconnu. On l'a été, mais on ne le serait plus. Je dis encore "on" comme si j'y étais, je m'en excuse, mais... Alors, c'est ne plus permettre l'émergence d'organismes qui vont s'occuper de ce type de patrimoine étroitement lié à la population.

Elle doit donc favoriser non seulement la diffusion de la culture en région, mais aussi la création culturelle et artistique à tous les niveaux. De plus, elle doit assurer des soutiens et des budgets suffisants aux organismes oeuvrant dans des contextes décentralisés de création, de diffusion, d'animation et, évidemment, d'action culturelle.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Céré. Merci.

Mme Céré: M. Rivard?

Le Président (M. Doyon): Est-ce que ça termine votre présentation?

M. Rivard (René): Je peux conclure peut-être qu'à l'instar de plusieurs pays, notamment de la Suède qui se dotait, il y a près de 20 ans, d'une politique culturelle exemplaire, le Québec devrait se doter d'une politique de la culture qui soit à la fois simple, globale, souple et efficace; une politique décentralisatrice qui laisse aux organes et aux programmes gouvernementaux, ainsi qu'aux diverses instances régionales et municipales, le soin d'assurer le soutien et le développement; une politique basée sur beaucoup plus que la dialectique création-diffusion afin que la culture des Québécois soit autre chose que de la culture savante et pas seulement des consommations culturelles, des industries culturelles ou des affaires culturelles. Seulement à ce moment-là, nous, lorsque ce sera fait, nous aimerions que le ministère devienne un ministère de la Culture.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Rivard. Mme la ministre, vous avez une dizaine de minutes.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Rivard, Mme Céré. Je veux revenir sur tout ce concept de nouvelle muséologie. C'est un concept qui m'enthousiasme; M. Simard est là d'ailleurs pour en témoigner au niveau des économusées, par exemple. Et il y a aussi des écomusées; on est à la veille d'en accréditer un en novembre prochain si tout va bien. Mais je veux revenir là-dessus. Vous avez dit à un moment donné: Ah! je sais qu'il y a deux ans le ministère ne poussait pas. Le ministère a arrêté au niveau de l'accréditation tout simplement parce qu'on s'est dit: II faut consolider ce qu'on a déjà. Bon, deux ans plus tard, et on va le voir au cours de la discussion, on dit: Faites attention au saupoudrage. On a une politique muséale, on l'a en main, il faut retravailler certaines choses parce que ce n'est pas tout à fait exact, mais, quand même, elle est à la veille, on veut passer à travers l'exercice mais, encore là, on fait: Attention, il y a des manques de ressources énormes en ce qui existe déjà. Il y a des musées qui sont des coquilles vides, en région aussi, beaucoup de bénévolat, peu de personnel - dans ce qu'on a développé, là - qualifié. Alors on se dit: Avant d'en développer d'autres, il faudrait peut-être consolider ceux qu'on a. Comment concilier cette demande, d'une part, avec toute cette dynamique qui est assez extraordinaire de rapprochement de la culture à l'intérieur même de la société - les économusées qui deviennent autosuffisants -comment on fait pour rapprocher les deux?

Mme Céré: Par rapport au financement, vous voulez dire, notamment?

Mme Frulla-Hébert: Oui, c'est-à-dire par rapport à la demande où on nous dit: Faites attention au saupoudrage. Bon, il faut consolider ce qu'on a, donc ne vous embarquez pas dans d'autres concepts pour nous appauvrir et appauvrir tout le monde dans le fond. Ça, c'est une chose. Et comment on fait pour dire: Bien là, il y a des nouvelles tendances qui sont intéressantes à exploiter, mais on ne veut pas non plus partir dans une nouvelle tendance et se retrouver à la fin et dire qu'on n'est pas capable de les financer?

M. Rivard (René): En fait, c'est la même problématique que les budgets de recherche et développement en milieu industriel. Je pense qu'il faudrait consacrer un pourcentage x à la recherche et développement, R & D, et, à mon avis, aux écomusées; pas seulement aux écomusées institutionnalisés, mais aux initiatives d'action culturelle au niveau des quartiers, au niveau des petites villes. Parce que ça n'a pas besoin de prendre le nom d'ecomusée ou de nouvelle muséologie; tout groupe populaire qui veut se prendre en main, qui veut reprendre ses pouvoirs qu'il avait délégués, en fait peut-être pas officiellement, à des professionnels, qui veut les reprendre pour se doter d'outils d'identification, d'identité culturelle, mais aussi se doter d'outils qui vont faire qu'il va progresser vers un développement culturel et économique, parce que je pense que les deux sont intimement liés. Je pense qu'il faudrait qu'au niveau des budgets il y ait cette part à vouer à la recherche et au développement de nouvelles avenues par rapport au patrimoine qui est en train de se construire dans le moment, et aussi aux arts actuels.

Elle mentionnait le phénomène de cet été, à Saint-Honoré-de-Shenley, dans ce tout petit village où on a fait une véritable galerie d'art, mais c'étaient 23 ou 24 galeries de maison qui sont devenues des lieux d'exposition pour des artistes de Montréal, mais aussi pour des artistes locaux et régionaux. Et je pense que ça, ça devrait être aidé, parce que c'est une recherche nouvelle, à mon avis, de contact public avec les arts visuels. Mais on pourrait faire la même chose... parce que la politique culturelle doit aussi s'occuper de musique. Je suis musicien de

formation et il y aurait toutes sortes d'autres avenues possibles dans ce domaine au niveau de la musique et au niveau du théâtre. Regardez les théâtres d'été, ce qu'ils ont fait. Ils ont rapproché énormément le théâtre, peut-être à travers du vaudeville ou, enfin, des comédies un peu légères, mais remarquez son évolution dans les dernières années, comment la qualité et comment aussi l'éducation du public change maintenant; le public demande des oeuvres théâtrales qui sont beaucoup plus sérieuses, tout en étant drôles, peut-être. Alors, je pense qu'au niveau patrimoine on pourrait faire la même chose.

Mme Frulla-Hébert: Je veux développer un peu ce que vous dites, parce que la recherche et développement, évidemment, ça revient continuellement. Les théâtres d'été, par exemple, je reprends juste votre exemple, ne sont pas subventionnés, c'est-à-dire...

M. Rivard (René): Oui, je le sais.

Mme Frulla-Hébert: ...que ce sont des théâtres qui sont populaires, bon, et qui s'autofinancent.. Prendre la recherche et le développement d'une part, le principe de recherche et développement, il y a une certaine capacité de payer de l'État. Veux veux pas, là, dans n'importe quel système, il y a une certaine capacité de payer de l'État. Est-ce que c'est possible de penser à donner de l'argent pour inciter, si on veut, ce jet et aussi mettre tout le monde ensemble, donc inciter cette pulsion mais ne pas être obligé quand même d'être là, récurrent, année par année, au niveau du fonctionnement? C'est ça qui nous tue.

M. Rivard (René): Oui.

Mme Frulla-Hébert: Parce que ce qui arrive, c'est que cet argent qui est là, année par année, gelé, nous empêche bien souvent évidemment de le reprendre et de le réinvestir dans la recherche et le développement.

M. Rivard (René): Oui

Mme Frulla-Hébert: Et ce n'est pas vrai, dans n'importe quel système, ce n'est pas vrai que l'argent va être illimité, que ce soit dans un Québec souverain ou dans un nouveau fédéralisme; moi, je n'y crois pas. Alors, comment fait-on?

M. Rivard (René): Je suis d'accord avec ça. C'est que, là, vous parlez de budgets qui deviennent forcément institutionnalisés. À mon avis, des programmes, par exemple, comme l'aide au patrimoine, qui ont été des projets... Regardez ce que ça a fait dans les 10 dernières années, ces projets d'initiative et d'aide au patrimoine; à mon avis, ça a fait beaucoup de choses. Ça a d'ailleurs créé des nouveaux mouvements et tout ça. Peut-être qu'il y aurait lieu de ne pas s'embarquer justement dans des programmes de subvention continus, mais, à travers des normes qui pourraient être différentes pour ces organismes-là, de créer ou de continuer certains programmes d'aide à des initiatives culturelles locales et populaires. Je suis un peu anti-institution là, alors... Par contre, les gens d'institutions pourraient peut-être dire: Non, il faut absolument avoir des budgets de fonctionnement.

Mme Céré: J'aimerais peut-être répondre à votre question par deux aspects: D'abord, il y a un déséquilibre. Là, il y a des sociétés d'État qui sont extrêmement riches. Je pense notamment au Musée de la civilisation, enfin aux grands musées du Québec. Je pense qu'à date il y a 4 500 000 $ pour tous les musées accrédités en région, alors que, pour un seul musée, le Musée de la civilisation, je crois que c'est 33 000 000 $ par année là. Je me trompe peut-être de 1 000 000 $ ou de 2 000 000 $, mais il y a quand même un déséquilibre, il y a quand même une injustice, à notre avis. Tous ceux qui oeuvrent en région, on trouve difficile d'accepter cette situation-là. D'abord, il pourrait y avoir, à mon avis, une meilleure répartition à ce niveau-là, parce que la civilisation, elle est partout au Québec, elle n'est pas qu'à Québec, et on sait qu'il y a beaucoup de difficultés à travailler avec le Musée de la civilisation en région, il y a plusieurs cas qui ne font pas leurs preuves à ce moment-ci.

L'autre aspect, c'est une vision de société, à mon avis, parce que le développement culturel... Si on veut que les régions se vident, on va les vider; il n'y aura plus que Montréal au Québec. Décider de développer les régions du Québec, c'est mettre en place des organismes et encourager ces organismes-là au développement culturel, parce qu'ils contribuent aussi à la dimension sociale et économique des régions. Ce que vous appelez, vous, le saupoudrage, nous on trouve que ce n'est pas assez; on en voudrait plus. Effectivement, vous, vous voyez ça, parce que vous avez la globalité du Québec à subventionner, à financer; nous, on pense qu'il faut quand même aider. C'est un choix de société; on peut dire qu'on met tout sur les grandes institutions, les grandes sociétés d'État, les grands organismes nationaux et qu'on ne met à peu près rien en région, en confiant ça aux municipalités. C'est un choix. Mais nous, on pense que l'autre choix, ce serait de vraiment le répartir, cet argent-là, à travers tout le Québec. S'il y avait notamment des écomusées, des économusées ou toutes sortes d'autres actions prises en charge par les populations, imaginez ce que serait le développement du Québec d'ici quelques années. Et je pense que c'est une volonté politique, sociale et une vision du Québec que, nous, on

propose et qu'on vous demande évidemment d'entériner.

Mme Frulla-Hébert: Mais il y aussi des concepts qui sont nouveaux. Nos grandes institutions, elles sont là pour avoir justement une vision à portée internationale; ça prend des grandes institutions. Hier, j'écoutais le maire L'Allier parler de Québec capitale. Québec capitale, Musée du Québec, Musée de la civilisation, ça prend aussi des grandes institutions et ça prend des initiatives pour justement rapprocher la culture de la société, pour regrouper aussi, aller chercher les communautés culturelles ou ceux qui tissent aussi notre tissu culturel québécois. Je pense que c'est une juste mesure entre les deux, mais il y a des concepts aussi, tels les économusées, qui sont des concepts où on aide au départ et qui, après ça, ont trouvé une façon de s'autofinancer. Il faudrait peut-être regarder aussi cette avenue. (12 h 45)

M. Rivard (René): Mais, moi, je pense que les grandes institutions devraient aussi regarder à leurs dépenses, notamment au niveau des coûts d'exposition, par exemple. Si le Musée de la civilisation prend de 250 $ à 300 $ du pied carré pour faire une exposition, moi, je dis qu'il est capable d'en faire a des coûts beaucoup moindres qui pourraient donc permettre à certains fonds de s'en aller... Et, là, je ne parle pas de qualité, parce que la qualité et le génie, souvent, sont créés par un manque de moyens. Si je regarde ce que le Centre national d'exposition de Suède fait à tous les ans avec 65 personnes, où ils développent au moins 400 expositions itinérantes, où ils en font circuler à peu près 4000 pour une population de 8 500 000, ici, au Québec, avec nos 40, 50 expositions qui circulent et un budget à peu près équivalent, on n'arrive pas en productivité, à mon avis, à ce qu'on pourrait arriver. Et, là, je pense qu'il y a des choix qui sont à faire au niveau institutionnel et au niveau du ministère.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Rivard. M. le député.

M. Boulerice: Mme Céré, M. Rivard, d'une part, rassurez-vous, je ne suis pas, je ne me sens pas heurté par "élite montréalaise", je suis de Lanaudière, d'abord. La deuxième chose, je vous remercie d'avoir parlé de Maison du Fier-Monde qui est une bataille de six ans déjà. La ministre a dît: "... en novembre si", et j'ai bien enregistré le "si". Mais je suis quand même reconnaissant que vous ayez fait mention du travail extraordinaire... Et mon collègue, le député de LaFontaine, et moi sommes très agacés que, nous, dans l'est de Montréal, notre lot, ce soit les fermetures d'usines et non pas le développement culturel. Le fait que vous veniez ici et que vous parliez de nous à travers cet écomusée, je pense que c'est un encouragement à poursuivre la lutte commune qu'on a tous les deux.

J'ai l'impression qu'on ne comprend pas la notion d'écomusée. J'ai l'impression qu'on ne comprend pas cette notion de nouvelle muséologie. Tantôt on a dit: C'est rapprocher la population de la culture. L'écomusée, pour moi, c'est cette nouvelle muséologie. Vous me direz si je me trompe, Mme Céré, M. Rivard. Pour moi, c'est de dire à la population: C'est vous la culture. C'est vous la culture! C'est l'identité, c'est des racines, c'est de revivre un vécu. Ce n'est pas passif, c'est au contraire très actif, et c'est le centrer sur l'individu. Et après une oeuvre qu'il a produite, quand la muséologie traditionnelle vous montre l'oeuvre, après vous dites: Bien, c'était un tel, un tel.

Et quand vous en parlez, moi, je reprends ce que nous ont dit, hier, l'Association touristique... enfin une association qui disait que le Québec était dans une situation de monopole et que son meilleur vendeur, c'était sa culture. Et la culture québécoise, c'est quoi? Mais c'est ce que nous sommes, c'est ce que nous avons été à différentes tranches de notre histoire. Ce n'est pas uniquement ce que nous étions en 1608, lors de la fondation de Québec, ou en 1759, pour les Plaines d'Abraham, mais c'est ce que nous étions comme classe ouvrière, avec l'écomusée du Fier-Monde. Ça m'apparaît extrêmement important. Et, moi, je suis en train de me dire que cette notion de nouvelle muséologie, c'est probablement le créneau le plus fort qui peut exister quand on veut parler d'une véritable politique de développement culturel en région, parce qu'il n'y aura pas un Musée des beaux-arts de 450 000 000 $, comme il y a eu le Musée des civilisations à Hull; il n'y en aura pas un à Rimouski. Mais, à côté de Rimouski, il y a le dernier exemplaire, avec tout l'équipement, d'une tannerie, ce que c'était une tannerie au Québec, et c'est menacé de disparition. Est-ce que je me trompe dans ma conception de la nouvelle muséologie et est-ce que je me trompe en disant que c'est un des créneaux les plus forts dans le développement culturel des régions où ils ne sont pas que des réceptacles mais des créateurs? Et c'est alentour de ça aussi que doit s'articuler une grande partie de l'économie récréotouristique culturelle des régions.

Mme Céré: Je pense que vous ne vous trompez pas beaucoup. Je pourrais peut-être juste préciser certains autres aspects de l'écomuséolo-gie. On dit souvent que les écomusées, ce sont des musées éclatés, décentralisés, qui n'ont pas nécessairement un symbole physique comme on voit le musée, habituellement, avec ses quatre murs. Donc, c'est un musée éclaté et décentralisé, le musée pour tous et par tous. C'est un musée qui à la fois présente le passé, le présent et le futur, autant à travers l'homme, la nature

que les industries. C'est un peu dans l'esprit de l'écosystème de... Mon Dieu! je ne me rappelle pas le nom du philosophe. Alors, je m'excuse, j'ai un blanc.

Donc, c'est une vision globale qui se fait auprès et avec les gens entièrement. C'est tout à fait une autre approche. Les gens s'investissent à la fois dans la recherche, dans l'animation, dans les techniques d'exposition. Ils se forment constamment. On donne des cours de formation à ces gens-là. Ils en suivent, ils se développent et, par eux-mêmes, de plus en plus, prennent en charge des responsabilités. Ils font évidemment des expositions, parce que la muséologie est davantage axée... c'est le mode d'expression visuelle par excellence, mais il y a toute une autre série d'actions, de prise en charge du développement avec d'autres partenaires en région, notamment au niveau économique, environnemental, social. Juste un cas: on s'occupe des décrocheurs à l'Écomusée de la Haute-Beauce. Alors, ça, c'est une problématique qui est assez pertinente dans cette région-là du pays.

Il y a toutes sortes de sujets, de volets. Il n'y a pas de limites. Donc, la muséologie dite conventionnelle va davantage mettre en valeur les objets, aura une notion esthétisante plutôt qu'une notion socialisante, ce qui serait le lot des écomusées. Je ne sais pas si ça complète ou...

M. Boulerice: Donc, cette nouvelle muséologie, elle est plus pédagogique, elle est plus didactique que la muséologie traditionnelle.

Mme Céré: Oui. Ce que je voudrais, pour ne pas aussi qu'il y ait... On pourrait souvent l'associer au loisir culturel. Mais, c'est plus que ça. Je pense que les gens qui oeuvrent au sein de l'écomusée... Moi, pendant les six ans où j'ai été là, j'ai bâti, avec la population, 70 expositions. Certaines étaient permanentes, d'autres temporaires à travers différents lieux du territoire. On a créé des exhibits de plein air. On a créé des centres d'interprétation. Toutes ces expositions-là ont été entièrement faites, conçues, réalisées et animées par la population. C'est devenu une intégration de vie culturelle. Ce n'était pas: Ça, on va faire ça après les heures de travail, c'était devenu...

En 1982, dans une opération sur l'ensemble du territoire, il y a 260 personnes qui ont travaillé à travers tout le territoire, dans tous les processus de la mise en place du musée sur le territoire à travers notre programme d'exhibits de plein air, par exemple. Je ne sais pas s'il y a beaucoup d'exemples comme ça. C'est une action qui n'est pas comparable, ce que le musée à caractère régional peut faire.

Si on revient par rapport à Montréal, il y a des régions dans Montréal aussi - et c'est pour ça qu'on les inclut, les quartiers défavorisés de

Montréal - où travaillent l'Écomusée de la Maison du Fier-Monde, l'Atelier d'histoire Hochela-ga-Maisonneuve, qui est le quartier voisin. Ils font ce genre de travail là, et ça devrait être soutenu davantage. C'est comme s'il y avait une espèce de mépris par rapport à la culture savante. On dit: On s'occupe des gens qui ne sont pas professionnels, qui ne sont donc pas compétents. Et je pense qu'il faut donner la parole à ces gens-là. Il faut donner les moyens aux professionnels qui travaillent étroitement avec cette population-là, parce que je vous assure que ça prend énormément de notre santé physique et émotive pour faire ce genre de travail là. Et je pense qu'on doit les soutenir. C'est sûr qu'il y a des types de programmes ponctuels qui pourraient être adaptés, mais je pense qu'il y a quand même des organismes qui devraient pouvoir atteindre un budget de fonctionnement récurrent et régulier.

M. Boulerice: Bien écoutez, je me demande pourquoi on tarde à le reconnaître au Québec, parce que cet été, durant mes vacances, moi, j'ai discuté avec un groupe qui s'appelle Césam à Paris, qui avait un mandat très clair et très précis du ministère de la Solidarité, et ils avaient comme action de base que la revitalisation des quartiers défavorisés devait passer par le développement culturel.

Mme Céré: C'est actuellement le discours international. À l'écomusée, à l'époque où j'y étais, je recevais 370 professionnels a travers le monde entier qui venaient à l'écomusée. Ils venaient à Montréal et ils venaient à Québec, mais ils venaient à l'Écomusée de la Haute-Beauce, que ce soient des géographes, des gens du développement régional, des maires, des anthropologues, des ethnologues, des gens du tourisme, des gens, en fait, de toutes les disciplines. Ils venaient constater cette expérience-là au Québec et voulaient la transposer chez eux. Et c'est vraiment une tendance générale. On va vers ça. Il s'agit que ça soit reconnu quand même au niveau de l'État, mais on ne peut pas juste faire de la culture par en haut. Elle doit être ramifiée. Ça a l'air d'être un vieux discours des années soixante, des années des hippies, si on peut dire, mais il est remis à la mode avec la notion de développement durable, par exemple. Et je pense qu'on l'a réactualisé. Ça ne fait plus fleur bleue du tout. Et les gens qui s'assoient à la table pour discuter à la fois de problématique de coupe de bois d'une forêt qui va mettre en péril les paysages culturels de cette région-là, bien je pense qu'il y a tout un pas qui a été fait. Il y a 10 ans, on n'aurait pas pu le faire. Aujourd'hui, ça se fait; on s'assoit et on négocie avec la Domtar, et la Domtar la fait, la négociation, parce qu'elle se rend compte que, si elle ne la fait pas, c'est son image publique, à elle aussi, qui va être mise en péril. Alors, je pense

qu'il y a une tendance vers ça; il s'agirait qu'elle soit davantage reconnue, à notre avis.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député, en terminant.

M. Boulerice: En terminant, M. Rlvard, Mme Céré, merci, mais j'en retiens, à moins, encore là, que je ne me trompe, que le développement culturel en région, mais dans le sens de production, d'animation, doit nécessairement passer par de nouvelles avenues qui sont celles que vous venez de nous exprimer.

Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Qui, Mme Céré, je relève seulement ce que vous disiez tantôt: il semble que ce n'est pas reconnu. Ce n'est pas que ce n'est pas reconnu, au contraire, c'est toujours et avant tout... Vous étiez ici ce matin. Si vous aviez été ici hier et avant-hier... C'est toujours une question de sous. Il n'y a pas un groupe qui s'est présenté ici sans demander davantage. On avoue nous-mêmes une sous-capitalisation de nos infrastructures. Alors, je veux juste vous rassurer dans ce sens où, effectivement, la culture commence par le citoyen, on en est tous très conscients.

C'est pour ça que j'ai finalement, avec un peu d'insistance, trouvé des façons de faire pour que, oui, on puisse le faire et se développer, mais, oui, quelque part où on peut aussi ensemble faire profiter des sommes qui sont là. Mais ce n'est pas un manque, si on veut, on y croit, à ce concept-là, et ce n'est pas le fait qu'on le considère moins, si on veut, que la culture élitiste, au contraire.

Le Président (M. Doyon): Merci. Merci beaucoup, M. Rivard, merci beaucoup, Mme Céré. Donc, nous suspendons nos travaux jusqu'à 14 heures alors que nous recevrons les représentants de l'Union des artistes.

(Suspension de la séance à 12 h 57)

(Reprise à 14 h 11)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de la culture poursuit donc ses travaux. Notre horaire prévoit que le premier groupe cet après-midi est celui de l'Union des artistes. Je vois qu'ils sont déjà à la table de nos invités. Je leur souhaite la bienvenue. Bonjour, M. Turgeon, bonjour, M. Demers, M. Gauthier, je ne sais trop, et Mme Pinson-nault. Les règles veulent que vous ayez environ 15 minutes pour faire la présentation de votre mémoire ou un résumé. Et, après ça, la conversation s'engage pour le temps qui reste entre vous et les représentants des partis politiques, ici à la table. Je devrai m'en tenir à l'horaire strict, ce que j'ai indiqué ce matin, compte tenu du nombre de mémoires que nous avons à entendre, et je me verrai dans l'obligation de rappeler l'heure. Sans plus de délai, vous avez donc la parole et nous vous écoutons avec attention.

Union des artistes

M. Turgeon (Serge): Je vous remercie, M. le Président. Mme la ministre, M. le représentant de l'Opposition en matière culturelle, Mmes, MM. les députés, l'Union des artistes vous remercie d'avoir accepté de l'entendre à ces audiences qui, à ce moment-ci de l'histoire du Québec et du Canada, revêtent une importance tout à fait particulière. Comment, en effet, soustraire du débat constitutionnel une question aussi fondamentale que la culture, une notion bien difficile à définir et qui demeurera toujours une idée à la fois confuse et contradictoire? On peut cependant dire sans trop se tromper que la culture, ça tient à la fois de la tradition et de la modernité. C'est tout ce que nous décidons de garder d'un passé, parce que nous le sentons bien accordé à notre âme et à notre coeur d'aujourd'hui, et c'est aussi tout l'effort que nous mettons dans l'imaginaire d'aujourd'hui pour répondre à une nouvelle civilisation.

Et je dirais que la culture, c'est la Science et c'est l'Art, avec un grand S et un grand A, pour mieux comprendre le monde et pour mieux l'habiter. La culture, c'est en somme notre façon d'être, notre façon de vivre à nous. La culture, c'est une façon de parler, c'est une façon de comprendre et c'est une façon de juger. Elle n'est pas sans influence sur nos comportements les plus fondamentaux. Voilà pourquoi nos enjeux culturels sont étroitement lies à nos enjeux collectifs.

Cela dit, l'Union des artistes s'étonne et se réjouit à la fois. Il y a de quoi s'étonner à la pensée qu'une société qui continue de se définir pour elle-même et certainement pas contre les autres n'ait pas encore dégagé son espace véritable et ne se soit pas encore donné une véritable politique culturelle qui affirme que tout ce qu'est une société, c'est aussi tout ce qu'elle veut être, sans pour autant s'enfermer dans quelque définition que ce soit. Mais il y a de quoi se réjouir de voir qu'enfin, après 30 ans d'existence d'un ministère qui devait se faire l'âme de notre peuple, pour reprendre la très belle expression des créateurs de ce ministère, on songe à l'élaboration d'une telle politique.

Le rapport Arpin, qui propose une politique de la culture et des arts et sur lequel j'ai eu le privilège de travailler avec d'autres camarades de différents secteurs de la vie culturelle et artistique du Québec, n'est pas un document de quelque parti politique que ce soit. C'est un rapport qui vous a été remis, Mme la ministre, et qui

s'adresse d'abord et surtout à votre gouvernement et au premier ministre. C'est un rapport qui interpelle le pouvoir politique, mais aussi toute la société dans laquelle nous évoluons, dans laquelle nous vivons, dans laquelle nous faisons des affaires, dans laquelle nous faisons des enfants et dans laquelle nous transmettons à la fois et nos joies et nos peines.

Le rapport que, moi, j'ai signé et auquel l'organisme que je préside souscrit en grande partie, considérant qu'il s'agit d'abord et avant tout d'un document de base qui doit nous mener encore plus haut, encore plus loin, le rapport que, moi, j'ai signé dit qu'il est plus que temps que l'on confère à la culture le statut et la place qui lui reviennent dans une société toute jeune et toute déterminée à se doter d'un pays. Et n'ayons pas peur de ce mot. C'est donc dire que, désormais, la culture au Québec doit se retrouver là où se discutent les grands enjeux de ce qui reste à faire et à créer.

Ce rapport Arpin dit qu'au coeur d'un projet de société que nous devrons bien nous donner un jour il faut mettre le projet culturel et qu'au coeur de ce projet culturel il y a la création que nous devrons favoriser de toutes les façons. Ce rapport dit au gouvernement du Québec que, dans une société aussi vulnérable que la nôtre - même pas 7 000 000 d'habitants - il y va de sa responsabilité d'assumer un véritable leadership en mettant chacun et chacune, institutions, sociétés ou simples individus, devant ses responsabilités culturelles et en faisant en sorte que tout le champ du Québec soit fertile à la création, mais sans devoir s'ingérer ou se mettre lui-même le nez dans la création. La création est l'affaire des seuls créateurs, mais il y va certainement de la responsabilité de l'État de faire en sorte que la terre d'ici soit bonne à la création, à sa production et à sa diffusion. Ce n'est que cela que suggère le rapport Arpin, mais c'est tout cela. Cette proposition s'inscrit donc dans le cheminement d'un Québec à créer, quel que soit le statut constitutionnel pour lequel il optera.

Mais l'Union des artistes que je préside et que nous dirigeons depuis maintenant plus de six ans souhaite qu'on aille plus loin et qu'on dise plus clairement les choses. Les positions affirmées par l'Union des artistes émanent directement de son dernier congrès d'orientation et s'appuient, pour ce qui est de la question constitutionnelle, non seulement sur la volonté de ce congrès, mais aussi sur les résultats d'un référendum tenu auprès de tous ses membres et suivant lequel plus de 90 % d'entre eux se sont prononcés en faveur de la souveraineté du Québec. En ce sens, l'Union des artistes, qui représente tous les artistes interprètes du Québec, n'a jamais dévié de sa logique et de sa cohérence. C'est ainsi que, pour l'Union des artistes, le projet culturel des Québécois reste intimement lié à l'usage et au rayonnement de la langue française, usage que nous proposons de généraliser partout chez nous, et notamment au sein des technologies de communication et d'information.

Le Québec de demain ne se fera pas non plus sans l'apport de ses nouveaux immigrants et de ses concitoyens québécois de langue anglaise et, en ce sens, une politique d'intégration à la culture québécoise s'impose pour ceux à qui nous donnons asile et une autre s'impose, de reconnaissance et de respect des droits de nos compatriotes anglophones, dans un esprit d'équité et d'ouverture.

Quant à la souveraineté politique du Québec, c'est pour nous un état naturel. Les dernières propositions fédérales en matière de culture, propositions que vous avez énergique-ment rejetées, Mme la ministre, de même que l'Opposition officielle, démontrent clairement que, dans la logique pancanadienne, les Canadiens anglais ont compris qu'en reconnaissant la nature distincte de notre culture il leur faudrait accorder au Québec le pouvoir politique allant de pair, et ils ont dit: Non! Le Québec, en conséquence, doit donc assumer une fois pour toutes les conséquences de sa spécificité et occuper de manière définitive son espace mental, culturel, géographique, politique et économique, et les responsabilités culturelles sont énormes puisque c'est la culture qui définit une société par rapport à une autre et qui fait que les peuples affirment leur identité et polarisent la solidarité nationale qui les unit.

Voila pourquoi il ne faut plus que la main droite ignore ce que fait la main gauche. Voilà pourquoi nous disons qu'un système bicéphale, qui n'engendre qu'une invraisemblable confusion, devient préjudiciable à une vie culturelle saine: Mais, devant des choix fondamentaux qui restent à faire, les créateurs ont le droit d'exiger des garanties, et il est du devoir des politiques de les leur confirmer. Le gouvernement, ou tout parti politique qui aspire à devenir ce gouvernement, doit tout de suite, à notre sens, affirmer que le rapatriement des pouvoirs ne se fera pas sans que les ressources et les fonds qui les accompagnent soient affectés en totalité au soutien de notre vie culturelle.

En d'autres mots, si le Québec devait accéder à la souveraineté, les créateurs et tout le peuple du Québec seraient en droit de s'attendre à ce que tout l'argent actuellement investi par l'un et l'autre gouvernement dans la culture québécoise soit minimalement réinvesti dans cette même culture. Mais il faudra aller encore plus loin, et plus loin que ne va la proposition du rapport Arpin. Il faudra procéder à l'intégration structurelle du domaine des arts, de la culture et des communications et, pour ce faire, l'État québécois devra se doter d'un véritable ministère des arts, de la culture et des communications et décentraliser vers les municipalités régionales et les communautés urbaines

plusieurs volets de la question des arts et de la culture, afin de rapprocher celles-ci des artistes et des publics et permettre ainsi l'éclosion des traits régionaux de la culture québécoise, tout cela en reconnaissant à Montréal son rôle de métropole du Québec, une métropole qui doit avoir du souffle et savoir donner le ton, et à Québec son rôle de capitale, et donc de carrefour culturel.

D'une véritable politique culturelle pourra découler ensuite un véritable plan d'action, pas autrement. Mais celui-ci ne saurait tarder. Tout l'univers des arts d'interprétation vit des moments difficiles, dans le contexte d'une crise économique qui est au fond une crise de valeurs, de valeurs culturelles, et qui s'ajoute à la précarité déjà légendaire des conditions de vie des artistes interprètes.

Le Québec en soi est porteur de culture. Les créateurs d'ici sont reconnus partout dans le monde, sauf très souvent, hélas, chez eux. La danse, chez nous, est toujours laissée pour compte. Pourquoi? C'est honteux, c'est irresponsable. Le chant lyrique souffre de l'absence d'orientation et de structures fermes. Le théâtre souffre d'instabilité chronique, faute d'un financement approprié. Quant à la télévision, au cinéma et à la vidéo, il faut bien reconnaître qu'Ottawa est devenu le grand maître de l'audiovisuel en s'appropriant presque tout le domaine des communications, et bien souvent malgré la volonté du Québec. Et ainsi, Québec a perdu le contrôle de ses industries culturelles au profit d'Ottawa, ce qui fait notamment que l'importance de Montréal comme centre principal de création et de production audiovisuelles a été considérablement réduite, d'où perte de milliers d'emplois pour les artistes, artisans et techniciens montréalais et québécois. On l'a souvent dit, l'artiste et le créateur sont la pierre angulaire de toute véritable politique culturelle. Alors, quoi de plus logique que d'adopter et appliquer une charte québécoise des arts et de la culture, légitimant ce droit fondamental des citoyens et des artistes à la vie culturelle et à ses conditions inhérentes?

Quant au financement, il importe de bien affirmer que, comme pour tous les pays de la taille du Québec, le financement des arts et de la culture ne saurait se passer du soutien de l'État. Il faudra donc prévoir d'accroître la contribution de l'État et aller bien au-delà d'un symbolique et maigre 1 %. Mais il y a aussi une limite à payer de l'État et, pour cela, il importe de diversifier les sources de financement. Il faudrait discuter et non pas imposer, mais discuter de la contribution des municipalités, du secteur privé et des individus, et cela ne pourra bien se faire que dans une relation de partenariat. Nous considérons en outre que les oeuvres et l'accessibilité en art ne doivent pas être taxées et, en conséquence, que les instances gouvernementales doivent mettre fin à cette pratique qui empêche la consommation des choses de l'art et de l'esprit.

L'Union des artistes tend aujourd'hui la perche au gouvernement et aux intervenants économiques et sociaux afin de libérer l'artiste de cet état de dépendance et de quémandage perpétuels. Pourquoi ne pas créer une sorte de fonds inspiré du Fonds de solidarité de la FTQ, une formule qui aurait l'avantage d'assurer aux investisseurs, sous forme d'avantages sociaux, un rendement sur le capital investi, de générer un roulement financier dans le milieu culturel et, enfin, de partager avec d'autres intervenants que l'État le financement de la culture? Mais, en aucun cas, entendons-nous bien, cela ne devra servir de prétexte à l'État pour se désengager et réduire son soutien à la culture.

En conclusion, M. le Président, tout est possible aujourd'hui pour le Québec, même de se prendre lui-même en main. Son développement économique et social passe d'abord et avant tout par son développement culturel et, en conséquence, nous disons que la culture doit être au coeur du projet de société qu'élaborent présentement les Québécois, qu'au coeur de ce projet culturel la création doit être favorisée et recevoir toutes les ressources nécessaires à son épanouissement, que l'État doit exercer, par l'intermédiaire de son ministère des arts, de la culture et des communications, un leadership, en précisant avec eux le rôle des partenaires et en assurant la coordination de leur action. Et, enfin, nous recommandons que l'État, à titre d'initiateur et d'organisateur veille, en se gardant bien d'intervenir dans la création, à assurer la fertilité de l'espace culturel québécois. Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Tur-geon. Merci, M. le président. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir d'accueillir ici les différents dirigeants de l'Union des artistes. Je veux aussi remercier M. Turgeon, personnellement, sur l'implication quant à la rédaction du rapport Arpin.

M. le Président, je voudrais me concentrer sur la mission de cette commission, c'est-à-dire sur les moyens que doit se donner, comme on disait tantôt, notre société pour nous assurer d'une culture québécoise qui soit riche de ses particularités dans un Québec de demain. Et je reprends la perche dont vous parliez, que vous venez de nous mentionner, c'est-à-dire que je me joins à vous aussi pour rassembler le monde, qu'il soit économique, municipal, et que tous ensemble on puisse finalement s'attabler, mettre les problèmes sur la table et ensuite élaborer cette politique culturelle tant attendue. Parce que, effectivement, comme vous le dites, M. Turgeon, une politique culturelle, oui, le maître d'oeuvre se doit d'être l'État, mais il faut aussi que les Québécois y participent, et ce, de très

près.

Je veux revenir, M. Turgeon, puisque vous étiez aussi coauteur avec les autres membres du conseil... Vous dites dans votre mémoire: "L'État doit orienter la culture... " On nous a fait part de cette crainte du dirigisme de l'État. Vous-même, vous avez dit: "... sans diriger la culture". J'aimerais que vous élaboriez cette pensée; j'aimerais que vous explicitiez aussi ce qui est écrit dans le rapport Arpin puisque, tout à coup, il y a eu un vent disant: Oh! l'Étatveut diriger, l'État veut fonctionnariser, ce qui n'était pas, je pense, au départ, l'objet du tout.

M. Turgeon: Effectivement. Et moi, je vous assure, Mme la ministre, que je n'ai jamais signé un rapport qui favoriserait un tel dirigisme. Je crois malheureusement qu'on a beaucoup critiqué le rapport Arpin, mais sans l'avoir lu dans le fond des choses. On a souvent regardé des mots en leur donnant un sens premier et rien d'autre. Quand on dit que le gouvernement du Québec doit assumer la maîtrise d'oeuvre, qu'il doit diriger et veiller, ça veut dire qu'il doit faire en sorte que les trois pôles de la chaîne culturelle soient respectés, c'est-à-dire la création, la production et la diffusion; c'est ça que ça veut dire. Ça ne veut jamais dire que le gouvernement doit avoir droit de vie ou de mort sur tel ou tel créateur, sur telle ou telle création. Jamais le rapport Arpin ne dit ça. Et je vous souligne, Mme la ministre, que, dans ce même rapport, quelques lignes plus loin que ce que vous mentionnez, on dit justement qu'une véritable politique de la culture et des arts ne devra jamais être le seul fait d'un ministère de la Culture et que les créateurs doivent aussi s'impliquer là-dedans, et que c'est ensemble qu'on pourra élaborer une telle politique. D'où la proposition, dans ce rapport, de créer une sorte de comité consultatif et un observatoire - c'est ça que ça veut dire - pour prendre constamment le pouls de ce qui se passe dans le milieu et faire ensemble les choses, ensemble.

Mme Frulla-Hébert: M. Turgeon, l'observatoire, cette implantation de l'observatoire, finalement, a souvent été interprétée comme une fonctionnarisation, un autre organisme qui chapeaute, alourdit le processus. Parce qu'il faut quand même être honnête, on doit souvent frapper à plusieurs portes pour bénéficier de programmes et d'aide; on essaie d'ailleurs d'alléger le processus. Parlez-nous de l'observatoire.

M. Turgeon: Bien, l'observatoire, c'est très simple: en quelques mots, c'est qu'on a besoin de se donner des outils. On est en compétition, compétitivité partout, avec le monde. On a besoin de se donner des outils dans cette industrie qu'est la chose culturelle; on a besoin de savoir quelles sont les tendances du public, quels sont les rapports entre public et créateurs; on a besoin de tout ça. On a besoin de savoir ce qui se passe ailleurs, etc. On a besoin d'observer, c'est ça que ça veut dire. Donnons-nous ces moyens-là. On a besoin d'un véritable institut de recherche qui soit relié aux choses de la culture et des arts. C'est ça essentiellement le principe. Ce n'est pas d'alourdir une machine, c'est tout simplement d'orienter les outils que nous avons peut-être mais dont on se sert mal en ce moment, de les réorienter finalement pour qu'ils génèrent un petit peu d'imagination et d'efficacité. (14 h 30)

Mme Frulla-Hébert: Dans votre mémoire, vous reprenez aussi un peu ce qui a été écrit dans le rapport Arpin en parlant de Montréal, Québec et les régions. Je reviens d'une tournée régionale que j'ai faite durant tout l'été et c'est sûr que, quand on arrive dans les régions, on nous dit: On nous traite comme un bloc monolithique. On n'est pas "des régions"; au contraire, chacune a sa personnalité. Les gens ont été assez véhéments là-dessus. Mais vous le reprenez dans le mémoire.

M. Turgeon: On reprend le terme, mais, ça, peut-être qu'effectivement on n'a pas encore trouvé le bon terme. Je comprends, si vous voulez, la susceptibilité - je mets ce mot-là entre guillemets - des gens des régions. On parle de Montréal. Montréal, c'est la métropole du Québec. Montréal, ça doit donner, ça doit créer le mouvement très souvent. Les régions ont besoin d'une métropole forte, elles ne doivent pas l'oublier. Ce n'est pas parce qu'on va donner aux régions qu'il faudra enlever à Montréal. Il faut donc maintenir vraiment le rôle de Montréal métropole. Québec, la capitale, doit devenir, et je souscris tout à fait en cela aux propos du maire L'Allier hier, un véritable carrefour culturel.

Les régions. L'Union des artistes le dit depuis assez longtemps, les créateurs ont le droit de vivre de ce qu'ils sont et de ce qu'ils produisent là où ils sont, en région. On ne doit jamais vider une région de ses créateurs. Il faudra s'asseoir ensemble. Il faudra départager ensemble les pouvoirs et les responsabilités. Et si vous voulez me permettre, je vais reprendre une citation de Fernand Dumont, Fernand Dumont qui disait ceci: "À quoi pourrait conduire un réaménagement des structures si les régions se vident de leurs ressources créatrices et si elles sont dépourvues des moyens par lesquels s'affirment les styles de vie et s'alimentent les enracinements. " C'est ça qu'il faut comprendre. Les régions ont leur personnalité. Chaque région doit pouvoir ressortir pour ce qu'elle est, mais encore faut-il qu'elles participent toutes et que tout le Québec participe au même projet, d'où l'importance d'avoir une vraie politique culturelle à laquelle tout le monde va adhérer, et de cette politique culturelle découlera donc un plan

d'action qui vaut pour les régions comme pour les secteurs des arts.

Mme Frulla-Hébert: Vous avez parlé aussi dans votre mémoire d'une intervention législative pour protéger notre identité culturelle dans le contexte nord-américain. Hier matin, M. Chagnon, de Vidéotron, est venu nous dire que les développements technologiques des prochaines années, et ça, dans un avenir très, très rapproché, rendront caducs toutes les réglementations du CRTC. Il parlait de télévision à la carte. Il parlait beaucoup plus de contenu et de divers contenus que d'une réglementation demandant ou donnant un certain pourcentage sur ce qui doit être diffusé et ne pas être diffusé. Alors, sa théorie, lui, est dans un sens non pas d'une réglementation mais de beaucoup plus se préparer vers l'internationalisation, parce que, si on ne le fait pas, les autres vont le faire chez nous, dans notre marché.

M. Turgeon: Je pense que M. Chagnon a certainement raison quand il dit qu'on s'en va vers ça et que c'est ce qui nous attend, mais, moi, je dirais qu'à ce moment-là voilà le beau plaidoyer en faveur du fait qu'il faut intégrer à la culture toutes les communications. Notre culture va passer par là. Il faut non pas se fermer à ça, il va falloir s'ouvrir à cette nouvelle technologie, à ces nouveaux marchés, mais il faut faire en sorte de ne pas tomber dans le piège de l'uniformisation, de l'uniformisation culturelle et je dirais même de l'uniformisation culturelle internationale. Et la seule façon de nous protéger de ça, parce que c'est fondamental pour ce que nous sommes, la seule façon, c'est de posséder nous-mêmes tous les leviers qui nous permettrons de le faire et de posséder nous-mêmes la complète maîtrise d'oeuvre en matière culturelle et des communications. Et c'est pourquoi l'Union des artistes insiste là-dessus. On ne peut pas dissocier les champs de la culture et des communications.

Mme Frulla-Hébert: Oui.

Le Président (M. Doyon): M. le député de LaFontaine, vous avez une question.

M. Gobé: Oui, M. le Président. M. Turgeon, à vous écouter parler avec grande véhémence, on pourrait être impressionné sur le ton, mais il y a quand même des choses qu'il faut remettre en évidence. Vous avez peut-être écouté le chef de l'Opposition, M. Parizeau, faire son discours d'ouverture mardi matin. Si, toutefois, vous ne l'avez pas écouté, peut-être que vous avez lu les journaux et que vous avez pu voir l'essentiel de ses déclarations. Et, si j'ai bien compris et si je l'ai bien lu, j'ai vu que M. Parizeau, dans son discours, avait mentionné que le Conseil des arts du Canada et que les politiques canadiennes en matière de culture n'avaient pas desservi le Québec et même que le Québec avait été assez bien servi. Quand on sait que M. Parizeau a pour vocation la séparation du Québec, on peut comprendre que, dans le même souffle, il demande quand même le rapatriement et les sommes qui vont avec. Je ne partage pas son opinion mais je le comprends.

Mais vous, là, vous venez de dire le contraire. Depuis 10 minutes, vous dites qu'il faut rapatrier ça, que ça va bien, qu'Ottawa a pris le contrôle et qu'on a besoin de tous ces leviers-là nous-mêmes. D'abord, je considère qu'on peut partager votre opinion ou ne pas la partager. Moi, je partagerais plus celle de M. Parizeau, de ce côté-là. Maintenant, j'ai l'impression qu'avant de dire des choses comme ça, de faire accroire ou croire aux gens que la politique fédérale ou que le gouvernement du Canada a mal servi les Québécois en matière de culture, il faut faire attention. Il y a peut-être des problèmes, il y a peut-être des difficultés, il y a sûrement des choses à corriger, mais de là à lancer des cris d'alarme comme vous l'avez fait, je crois que ça frise un petit peu l'irresponsabilité. Quand on voit les arts, aujourd'hui, au Québec, au Canada, et qu'on voit l'impact que le gouvernement du Canada a eu, on se rend compte que ce n'était pas si mauvais. Alors, je vous pose la question: Le croyez-vous vraiment? Ou alors vous défendez une idéologie politique et, à ce moment-là, je trouve ça dommage parce que ce n'est peut-être pas l'endroit ou le forum pour ce faire.

M. Turgeon: M. le député, avec tout le respect que j'ai pour vous, je ne sais pas si vous avez vraiment compris les déclarations de M. Parizeau. Moi, je n'ai pas compris ça tout à fait dans ce sens-là.

M. Gobé: Vous prendrez les journaux.

M. Turgeon: Bien que, si ce qu'il a dit, c'est que les institutions fédérales avaient bien servi le Québec et le Québec culturellement, je suis le premier à le reconnaître, à reconnaître l'apport...

M. Gobé: Bon.

M. Turgeon: Mais là, vous allez me laisser aller jusqu'au bout. ...à reconnaître l'apport de Radio-Canada, l'apport de l'Office national du film, l'apport, en ce moment, de Téléfilm Canada, c'est très bien.

Ce que je dis, c'est qu'il y a eu les belles années de Radio-Canada, il y a eu les belles années de l'Office national du film et, ça, il faut que vous en soyez conscient. À l'époque où le mandat de ces organismes culturels en était un d'identité nationale, ça allait très bien. Et les créateurs québécois ont fait aussi Radio-Canada.

Est-ce que c'est Radio-Canada qui a fait des Jean Duceppe, qui a fait des René Lévesque ou est-ce que ce n'est pas plutôt des Jean Duceppe et des René Lévesque qui ont fait Radio-Canada? Parce que du côté du Canada anglais, vous aviez la même machine, vous aviez les mêmes sommes d'argent, même davantage, et ça n'a pas donné du tout les mêmes retombées.

Mais là où les choses ont commencé à changer de sens, c'est quand le mandat de ces institutions est devenu un mandat d'unité nationale. Et c'est là où on fausse les choses, et c'est là où c'est une vue de l'esprit de penser que le Québec et le Canada anglais peuvent être unis à ce niveau de la pensée et de la culture; ce n'est pas vrai. Et si c'est ça qu'on veut continuer de maintenir avec les institutions fédérales, en leur permettant non seulement d'entrer ici et d'investir dans des champs de juridiction qui, très souvent, appartiennent au Québec, mais en leur permettant également de légiférer, je dis que c'est là où le bât blesse parce que les objectifs sont différents, les visions sont différentes et les visions étant différentes, les visées sont différentes.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Tur-geon. Le temps étant écoulé pour le parti ministériel, je me dois de passer la parole au représentant de l'Opposition, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. Turgeon, M. Demers, Mme Pinsonnault, une observation. Au départ, vous avez interpellé les deux formations politiques majeures du Québec; je me permettrai, moi, de donner la réponse quant à ma formation politique. D'une part, dans votre mémoire, je vois avec beaucoup de satisfaction que vous proposez la création d'un ministère des arts, de la culture et des communications, qui est une proposition que j'ai fait adopter par le congrès de mon parti et qui est là. Et vous savez que, dans notre tradition, nous sommes, au gouvernement, liés par le programme du parti. Qu'il soit voté le samedi ou le dimanche, tout le monde est présent et tout le monde suit le programme après. Et il y avait également d'ajouté que tous les budgets actuellement affectés dans ces secteurs, au niveau fédéral, seront intégralement rapatriés et affectés aux mêmes secteurs lorsqu'ils seront sous plein contrôle québécois. Et ceci a été voté, j'aimerais vous le dire, à l'unanimité.

Ceci dit, M. Turgeon, vous avez parlé de Radio-Canada. Vous êtes sans doute au courant de cette note de service du 30 septembre à tous les journalistes, réalisateurs de l'information radio et télévision, et je me permets de vous en donner quelques lignes: "II faut donner des informations pertinentes sur les positions tenues par les analystes et commentateurs. Si un invité a pris publiquement position sur la question débattue, que le public en soit informé. Si un politicologue est un souverainiste actif, on ne doit pas le présenter simplement comme un professeur de sciences politiques. Si un commentateur est un partisan connu de l'unilinguisme, que cette donnée fasse partie de la présentation. " Et je pourrais poursuivre en vous donnant un autre exemple que ne pratiquent plus certains pays: "Les émissions d'affaires publiques doivent refléter le Canada comme nation et évoquer les avantages sociaux, économiques, culturels et politiques apportés à chacun d'entre nous au fil des ans par l'appartenance à la communauté canadienne. "

Mais c'est précédé, M. Turgeon, par un paragraphe: "Nous vous informons, par la même occasion, que le Centre des données compilera. des relevés de façon à nous permettre de suivre la bonne marche du débat selon les principes généraux qui nous gouvernent". Ici Radio-Pravda.

Et à cette commission, hier, on a qualifié la volonté québécoise de rapatrier tous les pouvoirs dans le domaine de la culture de tentation totalitaire. On a parlé de dirigisme. Vous avez fait partie de la commission Bélanger-Campeau, vous avez fait partie de la commission Arpin. Vous connaissez le rapport Allaire du Parti libéral. Vous connaissez, j'espère, le programme du Parti québécois. Avez-vous vu, dans aucun de ces documents, cette volonté - c'est tellement difficile à prononcer que c'est impossible de l'appliquer - totalitaire de la part des Québécois, quelle que soit leur formation politique? Avez-vous senti ce dirigisme? Je ne crois pas que vous auriez signé un document dirigiste, vous l'avez bien dit tantôt.

Et comment expliquer aussi, M. Demers, que certains organismes culturels, que vous connaissez bien, s'opposent au rapatriement des responsabilités fédérales par méfiance et craignent du dirigisme d'un ministère québécois des Affaires culturelles?

M. Demers (Serge): Écoutez, M. le député, je pense que le milieu culturel, dans son ensemble, est un milieu qui, je dirais par tradition, a vécu dans l'insécurité. C'est un milieu qui s'est développé à bout de bras, qui fait des débats constamment pour sa survie. On sait que les industries culturelles - et ce sont les chiffres de l'UNESCO - dès qu'il n'y a pas un bassin de population de 15 000 000 - et c'étaient des chiffres d'il y a déjà une dizaine d'années - ont besoin de l'État justement pour être en mesure de s'épanouir et de se développer.

Donc, ça a créé, dans certains milieux et dans certaines strates, je dirais, du milieu culturel, certains réflexes. Et je ne vous cacherai pas que, dans certaines catégories de producteurs, notamment dans le domaine du cinéma, on peut dire facilement que ces gens-là sont un peu les enfants gâtés du système. Il faut savoir qu'on a retiré des fonds à Radio-Canada pour les donner soi-disant à des producteurs indépendants.

Ça fait longtemps, nous, qu'on aimerait avoir un certain bilan de cette opération pour voir qu'est-ce que ça a donné effectivement dans les faits, eu égard aux objectifs qui étaient sur la table au moment où on a décidé d'aller dans cette direction.

On a toujours été favorables à la production indépendante, mais on a toujours cru qu'il fallait se donner une politique pour être en mesure de bâtir des industries de production qui, à un moment donné, pourraient voler de leurs propres ailes en capitalisant, en se développant comme n'importe quel autre type d'entreprise. Or, dans les faits, ce qu'on constate, c'est que ce n'est pas allé tout à fait dans cette direction-là. Et, depuis déjà quelques décennies, on constate qu'il y a des gens qui sont abonnés au système et qui, finalement, gèrent dans le privé des fonds publics dans le domaine de la production.

Quand on voit le rôle qu'a pris le fédéral, particulièrement dans le domaine du cinéma et de la production indépendante télévisuelle, bien je pense qu'on ne peut pas se surprendre qu'il y ait certaines réactions de gens qui peuvent voir peut-être leur statut actuel et leurs avantages actuels possiblement menacés. Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras. Alors, les fonds de Téléfilm étant là, on est un peu insecure et on réagit, je pense, dans certains cas avec honnêteté, et on s'interroge. On a besoin de garanties. Et je pense que ce que M. Turgeon disait, c'est qu'on doit avoir, de la part des partis politiques et du gouvernement, ces garanties-là à l'effet que ce qui est acquis va demeurer acquis pour la communauté. Cependant, je ne vous cacherai pas qu'il y a quelques personnes qui utilisent ces interrogations légitimes à d'autres fins, et lorsqu'on parle d'idéologie, aux fins d'autres idéologies, dont l'idéologie fédéraliste, et je pense qu'il y a eu un peu une manipulation à travers tout ce débat-là. (14 h 45)

M. Boulerice: Quels sont les avantages dont pourraient bénéficier les Québécois et les organismes culturels d'ici d'un rapatriement des responsabilités fédérales tout en reconnaissant, comme nous, que le Québec ne pourra obtenir sa souveraineté culturelle qu'en accédant' à la souveraineté politique d'abord? M. Beatty a été clair. Il n'a pas été question de céder; il veut protéger la culture québécoise.

M. Turgeon: Justement, je pense que c'est ça qui est important. Il faut bien voir ce qu'a dit M. Beatty, et je comprends le Canada anglais de réagir comme ça. M. Beatty est venu d'ailleurs ici même, à Québec, dire que le Québec est une région comme les autres. M. Beatty est venu expliquer pourquoi, dans les propositions fédérales, on ne pouvait pas en donner davantage pour la culture. Et ça se comprend, la culture, c'est le ciment des choses. C'est ça qui va le maintenir, le Canada anglais, et puis on l'espère. Et c'est ce que je vous disais tantôt, c'est une vue de l'esprit de penser que ce même ciment va pouvoir nous tenir tous à l'intérieur de ce rêve - entre guillemets - canadien. C'est là où le bât blesse.

M. Demers: Écoutez, moi, je siège à la Conférence canadienne des arts dont je suis le vice-président. J'ai participé ce printemps à une assemblée annuelle à Saskatoon. À fa Conférence canadienne des arts, il y a les représentants de la communauté culturelle à travers tout le Canada et des représentants aussi des producteurs à travers tout le Canada. Il s'est dégagé à notre assemblée un consensus que je partage entièrement, à savoir: Au Canada anglais, on a besoin que le fédéral joue un rôle déterminant dans le domaine culturel. Mais le Canada anglais - et à l'assemblée de Saskatoon, on a été très clair - accepte que, pour le Québec, il en soit autrement et la résolution qui a été adoptée à ce moment-là était très claire: Les Québécois peuvent décider de ce qu'ils ont besoin et de ce qu'ils souhaitent comme politique culturelle ou comme rapatriement éventuel au niveau des pouvoirs en matière culturelle. Mais, en ce qui concerne le reste du Canada, la communauté dit: Écoutez, nous, on pense que le fédéral a un rôle important à jouer.

En d'autres termes, qu'on se définisse pour nous-mêmes, ifs acceptent ça et ils considèrent ça normal, mais, eux, ont des besoins spécifiques qui ne sont pas à l'encontre des nôtres et ils sont prêts à respecter nos aspirations et nos besoins. Je pense que, si la direction politique du pays à Ottawa était aussi ouverte d'esprit que l'a été la communauté culturelle au moment où on a fait ce débat-là, ça fait longtemps qu'on serait passé à autre chose et qu'on aurait réussi à régler nos problèmes.

M. Turgeon: En somme, il faut aller au bout de la logique de la spécificité québécoise. Et c'est ça que nous sommes venus dire aujourd'hui.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Mercier, tout en vous rappelant que, malheureusement, il reste à peine quelques minutes. M. le député.

M. Godin: M. le Président, je me souviens d'avoir vu ces mêmes personnes lorsque le gouvernement libéral a fait adopter le statut de l'artiste il y a plus d'un an, si je me souviens bien. Je me souviens que la ministre était accompagnée du ministre du Revenu et qu'à l'époque, il y avait sur la table deux grandes pistes de solution, M. le Président - même si ça ne veut rien dire, des pistes de solution, les solutions ne laissent pas de pistes, à ma connaissance, à moins qu'elles ne marchent; je vole ça à mon président, comme formule - et qu'à l'époque

donc il avait beaucoup été question de l'étalement des revenus des artistes, peintres, écrivains ou autres qui ont des prix littéraires importants, et que, dès le lendemain, un comité au Revenu et aux Finances se mettait en marche pour proposer aux artistes une solution fiscale à leur problème.

J'aimerais poser deux questions là-dessus, M. le Président. Est-ce que vous avez déjà eu d'autres échos de ce comité-là depuis le jour où il devait se réunir de toute urgence jusqu'à maintenant?

M. Turgeon: Alors...

M. Godin: Et deuxième question, si vous permettez: Est-ce que les problèmes mentionnés à l'époque sont encore les mêmes?

M. Turgeon: Alors, M. Godin, je pense que - vous l'avez un peu souligné et nous l'avons dit à l'époque - un grand pas a été accompli avec le dépôt et l'adoption de cette loi sur le statut de l'artiste. La loi sur le statut de l'artiste devait avoir un corollaire évident qui était au niveau fiscal. A ce moment-là, un comité s'est effectivement réuni et, à ce moment-là, une réglementation a été changée, au niveau du gouvernement du Québec, en matière fiscale. Cependant, une réglementation, c'est une réglementation, et ça peut être changé et modifié n'importe quand. Le souhait de l'Union des artistes, c'est de faire en sorte que la Loi sur les impôts soit amendée maintenant, puisqu'une telle loi reconnaît le statut spécifique des gens de la culture et des arts. Et, là-dessus, nous continuons à travailler et les choses avancent. Mais vous savez, ce sont les états d'esprit qu'il faut amener à se modifier et ça, c'est ce qu'il y a de plus long à faire dans une société, je pense. Mais les choses sont en voie, on est toujours en discussion, mais il n'y a pas, à l'heure actuelle, pour répondre à votre question, effectivement, de proposition concrète sur la table d'amendements à la Loi sur les impôts.

Autre chose, et qui ne facilite guère les choses, et notamment au point de vue fiscal, c'est qu'il faut un petit peu adapter notre réalité ici à celle d'Ottawa. Et du côté d'Ottawa, ça n'a pas encore beaucoup bougé. Bien qu'il y ait, depuis des années, un projet de loi sur la table sur le statut de l'artiste, je vous rappelle qu'à cette heure-ci ce projet de loi n'est toujours pas adopté. Voyez-vous l'embêtement qu'on retrouve toujours à être à cheval sur deux juridictions, cette histoire de chevauchement toujours à devoir essayer d'obtenir d'un bord; et, là, on n'a pas la même chose de l'autre côté, on est en déséquilibre, on s'en va le chercher. On nous force quasiment à tenir des comportements de schizophènes et de schizophrénie avancée dans bien des cas. C'est ça que l'on dénonce. Quand le Québec aura un objectif précis et qu'on se ralliera à cet objectif, parce que c'est un gain de société et de collectivité, je pense qu'on aura résolu bien des problèmes.

M. Deniers: Si vous permettez, j'aimerais ajouter un commentaire là-dessus. Je pense qu'on a toujours dit qu'on considérait la loi sur le statut de l'artiste comme la pierre angulaire d'un édifice à construire. Et, évidemment, il y a des amendements à la loi du revenu, à la Loi sur les impôts qui, pour nous autres, sont très importants, je dirais même capitaux pour nos membres. Mais, dans d'autres lois, dans d'autres secteurs aussi, il y a des aménagements qui s'avèrent importants. Je pense, entre autres, à toute la réglementation de la santé et sécurité au travail, pour faire en sorte que nos membres, qui ont maintenant un statut, puissent aussi bénéficier de la protection qui est accordée aux salariés via la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Je pense aussi à toute la problématique qui est autour du revenu et de l'assurance-chômage, où là aussi il y a un travail énorme à accomplir parce que, encore une fois, on est défavorisés.

Je vous donnerais un simple exemple. En 1991, au moment où on se parle, les femmes artistes interprètes qui, à un moment donné, se retrouvent enceintes n'ont pas le droit, comme future maman, de bénéficier des prestations d'assurance-chômage au même titre que n'importe quelle femme salariée dans notre société. Et on est en 1991. Alors, il y a encore beaucoup de travail à accomplir. On pousse et il arrivera peut-être un moment donné où on deviendra impatient et on devra réagir peut-être avec plus de véhémence. Mais il y a énormément de choses fondamentales à régler encore.

Le Président (M. Ooyon): Merci. Malheureusement le temps...

M. Godin: Ma dernière question n'a pas eu sa réponse.

Le Président (M. Doyon): Oui, je comprends.

M. Godin: Est-ce que les conditions financières des artistes justifieraient encore aujourd'hui des modifications majeures à la Loi sur les impôts...

M. Turgeon: Définitivement.

M. Godin: ...ou si elle a été tellement améliorée que ce n'est plus fa peine d'en parler?

M. Turgeon: Non, non! Il y a eu un pas de fait, mais un pas ce n'est qu'un pas. Je veux dire qu'il faut aller plus loin et qu'il y a encore beaucoup à faire là-dessus. Ça, c'est certain.

M. Godin: Merci.

M. Demers: Et si vous parlez d'étalement, M. Godin, c'est d'autant plus important qu'on vit une récession et qu'en période de récession nos industries sont touchées actuellement gravement, que ce soit dans le domaine de la télévision, du cinéma, des annonces commerciales; partout. Et, par conséquent, toute la signification d'un étalement au niveau de l'impôt prendrait beaucoup de substance dans un contexte de récession où nos membres voient, dans beaucoup de cas, leurs revenus diminuer de façon assez drastique.

Le Président (M. Doyon): Très bien.

M. Godin: J'ai eu mes réponses, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. Je m'en réjouis.

M. Godin: Et la ministre aussi.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, quelques mots de remerciement, brièvement.

M. Boulerice: Bien, tout simplement pour dire à M. Turgeon, à M. Demers et à Mme Pinsonnault que l'Union des artistes est toujours constante dans son raisonnement et surtout son cheminement. Elle est d'accord qu'il n'y aura pas de pleine et entière souveraineté culturelle sans souveraineté politique pour le Québec et que, loin d'y voir un dirigisme, au contraire, cela pourrait être - parce que les Québécois sont capables de s'administrer autant que les autres sans dirigisme, au contraire avec beaucoup de générosité - un Québec culturellement beaucoup plus fort et beaucoup plus prolifique qu'actuellement. Je vous remercie de votre participation et, sans aucun doute, d'autres discussions amèneront une nouvelle rencontre.

Le Président (M. Doyon): Très bien. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Encore une fois, un gros merci. Vous savez, malgré tout, malgré certaines divergences, on remarque toujours l'action positive et aussi constructive de votre organisation. Je pense que la question a été posée hier et qu'on doit encore la poser, c'est-à-dire: Quelle est la place que l'État veut accorder à sa culture et quelle est la place que les Québécois veulent accorder à leur culture? Merci.

M. Turgeon: J'aimerais ajouter, si vous me permettez en terminant, que ce que fait le rapport Arpin, c'est qu'il interpelle le pouvoir politique et on espère qu'il va répondre.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le président. Merci beaucoup, M. le directeur général, Mme Pinsonnault. Alors, tout en vous permettant de vous retirer de la table, j'invite les représentants de la ville de Trois-Rivières à bien vouloir prendre place.

Sans plus de retard, je souhaite la bienvenue à M. le maire de Trois-Rivières, ainsi qu'à... Je pense qu'il y a M. Gamelin avec lui et M. Lahaye. Si vous voulez bien présenter les gens qui vous accompagnent, M. le maire, et, après ça, nous allons procéder dès maintenant, selon les règles que vous connaissez. Vous avez donc la parole.

Ville de Trois-Rivières

M. Leblanc (Guy): Ici, à ma gauche, M. le conseiller Alain Gamelin, qui est également président du comité consultatif sur la culture, et M. François Lahaye, qui est directeur de tout l'aspect culturel des services culturels de la ville de Trois-Rivières.

Le Président (M. Doyon): Au nom de la commission, soyez les bienvenus.

M. Leblanc: Merci beaucoup. M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les commissaires, je veux d'abord remercier bien sincèrement les membres de cette commission de nous donner aujourd'hui l'occasion de développer notre point de vue en regard de la présente proposition de politique culturelle. Nous nous réjouissons d'abord de voir le gouvernement s'engager dans une telle démarche fondamentale et nous voulons féliciter les auteurs de la proposition présentée à Mme la ministre des Affaires culturelles. Ce document vient éclairer notre réflexion collective d'une lecture de la situation qui nous paraît à la fois lucide et réaliste. Si la culture est l'âme d'un peuple, il importe pour nous que le peuple de toutes les parties d'un territoire ait des chances égales d'accéder à la culture. Pour ce faire, il nous semble primordial que des foyers d'ébullition culturelle soient reconnus et entretenus en dehors des grands centres.

Vous avez reçu et sans doute lu le mémoire de la ville de Trois-Rivières intitulé "Les capitales régionales: des partenaires privilégiés". Ce mémoire, comme vous l'avez remarqué, réagit très favorablement à l'invitation des auteurs de la proposition, en ce qui a trait à un nouveau partenariat entre les intervenants du domaine culturel. Oui, notre municipalité veut discuter de nouveau partage des responsabilités; oui, Trois-Rivières veut continuer de jouer un rôle de leader du développement culturel dans son milieu régional, mais, comme nous l'écrivions dans notre mémoire, pour nous, ce nouveau partage des responsabilités, cette redéfinition de notre rôle, voire même une amplification de notre leadership dans le milieu vont de pair avec la reconnaissance d'un concept essentiel, celui de capitale

régionale. (15 heures)

Permettez-moi de prendre les quelques minutes qui me sont accordées pour vous préciser ce que signifie pour nous cette réalité de capitale régionale au regard de la dynamique culturelle de notre milieu. Comme nous l'expliquions dans notre document, une ville comme Trois-Rivières assume, en tant que capitale régionale, la responsabilité d'infrastructures dont le rayonnement déborde largement le territoire de sa municipalité. Mais quel est ce territoire? Pour nous, c'est l'aire de rayonnement de Trois-Rivières en matière culturelle qui rejoint Gron-dines à l'est, Louiseville à l'ouest, englobe Nicolet et Bécancour au sud et touche, au nord, des populations aussi éloignées que les résidents de La Tuque pour certaines manifestations.

Si on considère seulement l'environnement immédiat de Trois-Rivières, on trouve donc plus de 131 000 personnes, soit près de trois fois la population de la capitale régionale elle-même. Or, il se trouve que la majorité des événements, organismes, structures et attraits à caractère culturel de cette région sont localisés à Trois-Rivières: orchestre symphonique, les ateliers Silex, Presse papier, Papyrus, Les écrits des Forges, la bibliothèque municipale avec ses collections importantes, la revue Lé Sabord, les centres d'exposition tels que la Galerie du parc, le musée Pierre-Boucher, la salle Raymond-Lasnier du centre culturel, les galeries privées, la salle de spectacles J.-A.-Thompson, celle du centre culturel et du réseau privé, libraires et disquaires.

De plus, les principales maisons d'enseignement de la région sont concentrées à Trois-Rivières, que ce soient les collèges et l'université, le conservatoire de musique, l'École des Petits chanteurs. Toutes ces institutions contribuent aussi et ainsi au foisonnement culturel de Trois-Rivières. Ajoutons le prix littéraire de Trois-Rivières, une distinction régionale attribuée par la ville en collaboration avec l'université, le cégep et la société des écrivains de la Mauricie. Voilà donc un portrait sommaire de notre ville en tant que creuset culturel actif.

Soulignons également que Trois-Rivières, la deuxième ville plus ancienne de l'Amérique, offre un attrait patrimonial hors du commun. Son arrondissement historique, qui rejoint en intérêt, toutes proportions gardées, bien sûr, ceux de Montréal et de Québec, témoigne d'éloquente façon de la présence française en Amérique. À ce titre, H fait partie du patrimoine national.

Enfin, il importe de rappeler quelques-uns des événements culturels majeurs de notre milieu qui ont tous cours dans nos murs: Festival des Trois-Rivières, Symposium de sculpture, Festival international de la poésie, Biennale de céramique. Notons, enfin, qu'un nouveau pôle d'attraction devrait s'ajouter à cette liste avec l'avènement, nous le souhaitons très prochain, du Musée des arts et de la tradition populaire. Donc, à l'exception du Centre culturel de Shawinigan et du Musée des religions de Nicolet, on peut affirmer que la quasi-totalité des infrastructures de diffusion culturelle, des événements et des organismes prennent place et ont lieu sur le territoire de la municipalité de Trois-Rivières. Et, il est évident que ces attraits bénéficient à une population plus vaste qu'aux seuls citoyennes et citoyens de Trois-Rivières. Or, ce sont ces derniers qui soutiennent de leurs taxes ces organisations et ces équipements de diffusion.

Les chiffres de fréquentation des diverses manifestations décrites plus haut indiquent clairement qu'elles touchent une importante clientèle régionale. C'est ce que démontrent les statistiques de la bibliothèque municipale de Trois-Rivières ainsi que des sondages effectués auprès du public du Festival des Trois-Rivières et des utilisateurs de la salle J.-A.-Thompson. Dans ce dernier cas, les études révèlent que seulement 55 % de la clientèle provient de Trois-Rivières. Pour ce qui est du Festival, la proportion baisse à 45 %. Il est tout à fait plausible d'appliquer un tel ratio à des événements comme la Biennale de céramique et le Festival international de la poésie.

Il convient aussi de souligner que Trois-Rivières contribue, en entretenant des structures d'accueil de qualité professionnelle, à la vitalité d'un important réseau national de diffusion. Il s'agit d'un apport de première valeur au rayonnement et à la viabilité de la création québécoise.

Il est évident que seules des structures d'accueil de qualité comme la salle J.-A.-Thompson, par exemple, peuvent permettre la circulation des productions d'envergure. Comme ces productions ont souvent profité de subventions gouvernementales, la simple cohérence veut que l'on soutienne la qualité des ressources techniques et humaines à l'intérieur du réseau de diffusion, de manière à assurer le meilleur retour sur l'investissement. De fait, la qualité du réseau de diffusion permet les tournées, donc la multiplication des représentations et, par conséquent, une meilleure rentabilité pour la production. Les infrastructures d'accueil favorisent également l'accès à la culture pour les populations hors grands centres. C'est donc grâce aux infrastructures soutenues par les capitales régionales que s'opère la symbiose souhaitée par le rapport Arpin entre les grands centres et l'ensemble régional. Parce que la plus grande partie de l'activité culturelle de la région se déroule sur leur territoire, les citoyens de la capitale régionale doivent assumer seuls les coûts reliés à ces activités. Pourtant, la population environnante profite également de ces activités, sans en payer toute la facture.

Le citoyen de la capitale régionale paie donc, à trois reprises, pour un même service. Comme les autres utilisateurs, il paie, première-

ment, son billet d'entrée. Ensuite, comme les autres contribuables, il défraie sa part des subventions gouvernementales, mais, et c'est ce qui est important pour nous, il est seul à contribuer d'une troisième façon, c'est-à-dire par ses taxes municipales. A cet égard, vous me permettrez de souligner que l'effort des contribuables trifluviens à la cause culturelle est vraiment remarquable. Le budget municipal alloué à la culture - et on parle évidemment uniquement de culture et non de socio-culturel - est passé de 1 200 000 $ en 1988 à près de 2 000 000 $ en 1990.

L'affectation culturelle représentait 2,9 % du budget en 1988, elfe a atteint 3,95 % en 1990. En ce qui concerne l'évaluation foncière, la part du budget consacrée à la culture se chiffrait à 10,87 $ du 100 $ d'évaluation en 1988, pour atteindre 16,42 $ en 1992. Les budgets d'opération des principales infrastructures indiquent des déboursés considérables couverts par les seuls revenus des taxes municipales de la capitale régionale.

Les subventions du ministère des Affaires culturelles, par ailleurs, totalisaient 176 000 $ l'année dernière, soit 9,11 % seulement de l'engagement municipal total. Soulignons de plus que l'abolition de la taxe d'amusement au profit de la TVQ privera la municipalité de sa seule possibilité de toucher directement l'utilisateur non résident et, à ce moment-là, on parle d'environ 225 000 $ annuellement. Il s'agissait là d'un bel exemple de répartition des coûts rendue possible grâce au pouvoir supralocal du gouvernement.

En résumé, nous voulons, Mme la ministre, Mmes, MM. les commissaires, vous faire bien saisir la portée de l'action spécifique de la capitale régionale dans le domaine culturel: premièrement, contribution à la collectivité régionale en tant que carrefour de la création et de la diffusion; deuxièmement, contribution à la collectivité québécoise dans son ensemble par son arrondissement historique et par son soutien à la diffusion de la culture nationale et, troisièmement, aménagement d'un milieu de vie, d'un environnement permettant ou favorisant de maintenir ou de développer des créateurs et des créations de niveau supérieur.

Pour ces raisons, nous estimons indispensable que le gouvernement identifie clairement les capitales régionales comme des partenaires privilégiés du développement culturel et nous souhaitons à cet égard une reconnaissance politique au plus haut niveau. Cette reconnaissance permettra de créer un véritable partenariat impliquant la négociation de mandats précis. L'engagement du gouvernement dans un tel processus nous paraît essentiel parce qu'il est le seul à exercer son pouvoir sur l'ensemble des contribuables d'une région. Il est donc le seul à pouvoir mettre en place des mécanismes har-monisateurs capables d'assurer un partage plus équitable des responsabilités et des coûts. Non seulement le gouvernement a-t-il le pouvoir de réaliser une telle reconnaissance, il en a aussi le devoir puisqu'il s'agit d'un moyen privilégié pour atteindre l'objectif primordial de rendre la culture accessible à toutes les citoyennes et à tous les citoyens du territoire québécois.

Nous réitérons, en terminant, notre détermination à jouer pleinement notre rôle de leader du développement culturel dans notre milieu régional. Trois-Rivières a déjà pris des initiatives importantes, elle en a soutenu d'autres émanant des créateurs de son milieu. La reconnaissance de son statut de capitale régionale et de partenaire privilégié lui permettra d'accentuer ce rôle et de devenir un véritable foyer régénérateur de la culture régionale et nationale. Merci de votre bonne attention.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. le maire. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: M. le maire, M. Gamelin et M. Lahaye, bienvenue. Si votre présence ici me fait tant plaisir, c'est qu'on se rappelle la première fois qu'on avait, cet été, réuni tous les milieux culturels pour justement les rencontrer et voir à leurs besoins. Vous impressionnez aussi par votre dynamisme, le dynamisme de votre ville autour de cette cause, cette grande cause culturelle.

Hier, nous recevions la visite, aussi, du maire d'Amos. On s'aperçoit que, de plus en plus, maintenant, les villes embarquent. Le maire d'Amos, lui, parlait de culture de survie parce que la culture, chez lui, c'était finalement le gage du sentiment d'appartenance pour les gens de la région. J'aimerais ça que vous nous développiez cette notion de capitale régionale. Est-ce que votre proposition, votre suggestion irait jusqu'à ce qu'on puisse confier formellement les responsabilités en matière de développement culturel? Il y a une place, aussi, dans le rapport Arpin, et c'a été même aussi repris avant, en ce qui concerne le rapport Coupet, en disant: On pourrait, ensemble, gérer un fonds pour justement être encore plus près des besoins de la clientèle.

M. Leblanc: Vous me parlez du maire d'Amos, dont je n'ai pas entendu l'intervention. Il dit que, pour lui, c'est une question de survie, mais je pense que c'est une question de survie pour la culture québécoise où qu'elle soit, où qu'on veuille la faire rayonner. Chez nous, on a toujours eu, peut-être aussi à cause de l'histoire de notre ville, du passé glorieux et de l'avenir brillant qui attend Trois-Rivières, ce creuset au niveau de la création et des créateurs.

On est un milieu qui est avantagé et désavantagé en même temps parce qu'on est entre les deux grands pôles qui exercent un attrait certain. Et c'est pourquoi on insiste sur

ce rôle de capitale régionale. Et tout au long du rapport Arpin, et dans des parties encore plus spécifiques, on parle de synergie. C'est dans ce sens-là qu'on voit vraiment notre rôle, accentué par des relations spécifiques et directes entre, nous le souhaitons, le prochain ministère de la culture et la ville de Trois-Rivières comme capitale régionale, mais comme capitale culturelle aussi.

Dans le rapport Arpin, on nous parle des villes de groupe 1, à un moment donné, qui recouvrent à peu près les capitales régionales. On parle de Sherbrooke, on parle de villes qui ont déjà, qui jouent déjà un rôle dans leur région comme pôle. Et, nous croyons fermement que ça serait finalement reconnaître peut-être de façon formelle ce rôle qui est déjà joué par les capitales régionales, où sont concentres les équipements, bien sûr, mais surtout les créateurs qui sont en région, qui sont hors Montréal et Québec.

Mme Frulla-Hébert: Comment faire, M. le maire, pour... Parce qu'il y a eu une plainte à un moment donné où on disait: II y a certaines municipalités, justement les grandes municipalités, celles que vous appelez capitales régionales, qui investissent, qui se dotent maintenant de politique culturelle, qui veulent travailler - on travaille ensemble sur des ententes MAC-villes triennales - et d'autres municipalités qui se fient bien souvent - et corrigez-moi si j'ai tort - sur ces grandes capitales régionales en se disant: Bien, ils vont prendre soin des équipements, ils investissent dans les équipements. Nous, évidemment, on a d'autres préoccupations. Il faut comprendre aussi qu'il y a plusieurs petites municipalités qui n'ont pas les fonds - on considère ça - même pas pour investir un tout petit pourcentage, ne serait-ce que pour donner un coup de main. Est-ce que c'est possible d'inciter ces gens-là ou si c'est tout simplement parce qu'ils n'en ont pas les moyens et qu'il ne faut pas y penser?

M. Leblanc: Je pense qu'on en a toujours les moyens. Il y a peut-être aussi que, les capitales régionales jouant un très grand rôle et peut-être occupant toute la place, les municipalités limitrophes ou qui entourent ces capitales-là se sont peut-être habituées à la facilité de voir la capitale prendre le leadership, investir, faire les gestes, poser les gestes et investir les montants nécessaires.

Et, nous, on voyait comme moyens, parce que vous nous pariez de moyens... On pense, par exemple, à la réforme de M. Ryan au niveau municipal. Il nous parle de transport en commun et décide d'enlever certaines subventions, mais de donner une chance aux villes qui donnent le service non pas seulement à leurs citoyens, mais qui profitent également aux gens, aux localités limitrophes, de dire: Bien, on va prendre un 30 $ sur les permis de conduire, mais sur un bassin de population donné. Et nous, on voyait qu'on pourrait également... D'ailleurs, dans le rapport Arpin, on dit que, dans la TVQ, il pourrait peut-être y avoir un certain pourcentage qui soit remis dans le budget de la culture.

Et, nous, on voyait possiblement ce même type de prélèvement sur une taxe qui serait perçue sur une région, qui pourrait être redonnée à la capitale régionale pour justement, sans être obligés de faire des discussions interminables - on parle du pouvoir supralocal dont le gouvernement dispose - rétablir l'équilibre, confirmer le rôle de capitale et, je dirais, développer ces autres foyers. Parce que on ne peut pas penser seulement aux grands foyers culturels de Montréal et de Québec. Il faut également en développer d'autres en support et en synergie, si on la veut véritable, cette synergie.

Mme Frulla-Hébert: Une question. Vous savez, maintenant vous êtes à vous doter d'une politique culturelle. Vous soutenez aussi des organismes que, nous, on soutient. Est-ce qu'il y a lieu à une meilleure harmonisation? Vous savez, avant, nous étions quand même très présents. Les municipalités, on se reporte à il y a 15 ans, quand je parlais à des directeurs de BCP un peu partout à travers le Québec, il y en a un qui me disait... Moi, j'arrivais et le maire d'une certaine municipalité, à l'époque, me disait: Écoutez, moi, je n'ai jamais lu puis je ne suis pas mort. (15 h 15)

On a beaucoup changé depuis 15 ans. Les villes se dotent, et la vôtre, Sherbrooke est venue hier, des représentants de la région... et, là, on s'aperçoit que les villes parlent de politique culturelle, on sent le besoin de créer justement cette appartenance. Est-ce qu'il y aurait lieu à une meilleure harmonisation, finalement, entre ce que vous faites et, maintenant, ce que nous faisons pour, justement, faire profiter davantage le milieu?

M. Leblanc: C'est évident que, quand on dit qu'on trouve que la lecture que les gens qui ont écrit le rapport Arpin font de la situation est lucide et qu'elle correspond à la réalité, ce n'est pas seulement des formules vagues de politesse, c'est parce qu'on fait également, nous aussi, la même constatation dans notre milieu. Au niveau de l'harmonisation, on a déjà commencé à travailler dans le même sens que le rapport Arpin le souhaite et dont vous nous avez entretenu quand vous êtes venus chez nous. On commence justement, nous aussi, à signer des ententes avec des regroupements, des artistes ou des événements chez nous sur une période de trois ans, pour leur faciliter la tâche, pour qu'ils puissent planifier et parce qu'il faut le voir aussi comme... Ce n'est pas seulement du folklore; il faut faciliter la tâche de tous ces créateurs, de

tous ces gens qui s'impliquent, qui ne comptent pas les heures, ni le temps ni l'énergie qu'ils mettent dans leur création ou dans des organismes comme le festival de la poésie. Il faut, à ce moment-là, absolument avoir plus de synergie pour éviter qu'on se fasse jouer l'un contre l'autre ou encore qu'on arrive en compétition l'un contre l'autre.

Maintenant, quand je vois "synergie", je veux bien qu'on s'en tienne au mot "synergie" et non pas qu'on tombe dans un centralisme où, si vous ne passez pas par une porte, il n'y a plus rien de possible pour la culture dans votre milieu. Je pense qu'il faut rester avec une structure plus efficiente, mais qui doit demeurer quand même flexible, et c'est dans ce sens-là que j'aime bien le terme "synergie". Mais je ne vois pas une seule porte d'entrée qui ferait que, si vous ne pouvez pas vous cadrer dans ces normes, vous ne pouvez plus exister culturellement ou vous ne pouvez plus avoir accès à des subventions, mais que, nous, on s'adapte et qu'on fasse chacun un bout de chemin dans ce sens-là, moi, je suis entièrement d'accord.

Indépendamment de la politique qui en découlera, nous sommes déjà prêts à faire ce geste-là, qu'il soit englobé dans une politique ou qu'il soit sur une base, je dirais, purement au niveau des bonnes relations qu'on pourrait développer avec vos représentants en région. Mais, en l'officialisant, peut-être que ça faciliterait l'ouverture de représentants politiques de niveau municipal qui seraient peut-être moins sensibles à la culture et à tout ce qu'elle peut représenter pour la survie du peuple québécois.

Mme Frulla-Hébert: M. le maire, je vais vous poser la question qu'on nous pose aussi ici, en commission parlementaire, quelquefois: Pourquoi une politique culturelle? On s'est développé, à date. On n'a pas eu besoin de ça. Alors pourquoi tout à coup une politique culturelle?

M. Leblanc: Je pense que, premièrement, ce n'est pas tout à coup ni tout d'un coup parce que ça prend assez de temps.

Mme Frulla-Hébert: On nous dit ça à nous.

M. Leblanc: Non, non, je sais ce qu'on vous dit, très bien, et c'est à eux que je réponds. Je pense que ça fait partie d'un cheminement où on s'aperçoit que nos interventions à la pièce, nos interventions seulement suite aux demandes qu'on peut nous faire sont peut-être, pas seulement peut-être, mais sont sûrement à courte vue et ne favorisent pas ce grand développement de la culture que souhaite le rapport Arpin qui, je dois l'avouer, m'a sensibilisé aussi encore plus, même si j'étais déjà vendu à la culture, qui m'a sensibilisé encore davantage, spécialement quand on parle de la relation horizontale qu'il devrait y avoir avec tous les autres ministères; nous, on veut développer exactement cette même approche avec vraiment un développement horizontal dans toute la ville, avec les commissions scolaires, même si ce n'est pas déjà réglé aux niveaux plus élevés, avec l'université, avec le Séminaire de Trois-Rivières, etc. C'est dans ce sens-là que, nous, on voit vraiment la politique, parce que la politique, on ne la voit pas comme juste une brique, mais on la voit comme de nouvelles ouvertures, de nouvelles possibilités pour nos créateurs en région de réaliser ce qu'ils font et surtout d'y faire participer la population, les investisseurs privés, mais aussi tous les gens qui ont soif de culture même s'ils ne sont pas à Montréal et à Québec. Pour nous, c'est très important.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. le maire. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. M. le maire, je vais me réjouir. C'est très rare, dans une commission de la culture, que l'on voit trois maires arriver: le maire d'Amos, le maire de Québec et le maire de la ville de Trois-Rivières. J'ose espérer - je n'ai pas vu l'agenda - que le maire de Montréal y sera.

M. le maire, j'ai toute une question à vous poser. Vous allez dire: Pour sa première question, il est peut-être un peu agressant. Mais n'y voyez pas de malice de ma part. Je ne comprends pas, M. Leblanc, que vous acceptiez la recommandation 99 du rapport Arpin au sujet de la TVQ. Elle est libellée comme suit: "Que la taxe de vente du Québec serve notamment à soutenir la culture et que, pour ce faire, elle soit réduite à 3 % sur les biens culturels; qu'une partie de la TVQ, 1,5, soit appliquée sur les médias consacrés à des entreprises culturelles et à des initiatives visant à stimuler la demande". Alors, M. le maire, que M. Morin, le directeur général de la Place des Arts, alors que M. Lahaye, qui est immédiatement à votre droite géographique, il faut s'entendre, nous ont expliqué, hier, que la taxe provoquait une baisse de fréquentation. La recommandation 99... Il est prouvé, la taxe, actuellement, de 17 % et qui serait de 27 %... Enfin, toute taxe provoque une baisse. Donc, on leur dit: Écoutez, on va vous taxer de façon à ce que vous en demandiez plus alors que vous allez en voir moins.

M. Leblanc: C'est la fin de votre question? M. Boulerice: Oui, j'attends votre réponse. M. Leblanc: O.K. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Leblanc: Oui, alors, je pense qu'il faut se rappeler que j'ai dit: Comme ce moyen-là, et

non pas que j'endossais ce moyen-là, et ça n'a jamais été, parce qu'on a quand même beaucoup travaillé avant de... Et on travaille sur notre politique. On n'a jamais dit qu'on endossait ce moyen de fonctionner. Quand on dit: Comme ce moyen-là, c'est qu'on se place à titre de capitale régionale et qu'on dit: Bon... Parce que je pense que c'est peut-être plus facile au niveau du gouvernement de dire: Bon, on prend la notion de capitales régionales. Comment, maintenant, on peut les financer? Bien, si, nous autres, on dit: Ce qui, déjà, se perçoit chez nous, si on en retrouve une partie comme on en retrouvait une partie à l'époque de la taxe d'amusement, nous, ce serait un moyen sur lequel on pourrait compter, qui ne serait pas sujet aux aléas de politiques ou de coupures par la suite, et les gens pourraient retrouver une partie de ce qu'ils ont versé. Mais ne prenez pas ça comme un endossement. De toute façon, qui endosse paye, alors il faut faire attention.

M. Boulerice: M. le maire, je n'ai pas posé la question au maire de la capitale nationale, je n'ai pas posé la question au maire d'Amos, mais je vais vous la poser puisque vous êtes effectivement une capitale régionale d'importance. Il y en a peut-être deux autres qui ont l'étendue de la vôtre, peut-être Sherbrooke, pour l'Estrie, et Chicoutimi, pour le Saguenay. Donc, vous êtes aussi... Certes, Trois-Rivières est une ville d'industries, de commerces, mais c'est une ville d'institutions, puisque ce sont des grandes capitales régionales, donc d'institutions, d'équipements. Alors, la question que je veux vous poser, et je pense que c'est vous qui allez probablement peut-être me donner la réponse: Comment permettre une meilleure concertation entre les municipalités et les milieux scolaires - le milieu scolaire dans son sens très générique - au chapitre du soutien aux organismes culturels et a la gestion des équipements culturels?

M. Leblanc: Bon. Je peux parler surtout pour notre ville, dans un premier temps, parce qu'on a déjà commencé des discussions avec des présidents de commissions scolaires, des directeurs de cégeps et des représentants d'université. C'est qu'on se retrouve tous avec des salles de spectacles, salles de répétition, seulement au niveau des équipements. Après ça, on peut parler des équipements de sonorisation, d'éclairage. On peut parler de toutes les ressources humaines que les institutions scolaires ont, tant cégeps qu'université, qu'institutions privées. On peut parler de tous nos équipements à nous et des ressources humaines que nous avons également. Alors, plutôt, je dirais, que de se multiplier de façon à retrouver les mêmes services dans chacune des petites tours d'ivoire, si on veut, c'est qu'on , veut ouvrir plus grandes les portes. Par exemple, le cégep pourrait se spécialiser plus dans la danse, l'université plus dans le théâtre, Trois-Rivières plus dans d'autres types de manifestations culturelles, et que les équipements qui doivent rendre plus efficaces ou plus performants - on parle au niveau sonorisation et éclairage - soient plus dédiés, mais qu'on en ait une salle dans la ville plutôt qu'en avoir trois à peu près équipées. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on voit la synergie parce que tout le monde, tant au niveau de l'éducation que des villes, on fait face à des besoins toujours grandissants, des ressources qui sont déjà... en tout cas des revenus qu'on tire des mêmes payeurs de taxes qui sont peut-être à leur maximum. On essaie de faire plus avec ce qu'on a déjà et de rentabiliser les équipements qui sont déjà en place, sans nécessairement compter sur le pouvoir, à Québec, mais en se débrouillant en région. C'est ce qu'on fait dans le moment.

M. Boulerice: Très brièvement, parce qu'il y a un digne fils de Trois-Rivières qui veut intervenir, qui est mon collègue de Mercier. Cette concertation, si je vous ai bien compris, M. le maire, vous ne voulez pas qu'elle soit encadrée par des règles venant de Québec, mais en disant: Laissez-nous, nous en région, nous débrouiller au niveau de la concertation, on est capables de la faire.

M. Leblanc: C'est-à-dire qu'on le fait. M. Boulerice: Vous le faites, mais...

M. Leblanc: Et les régions ont toujours été habituées à se débrouiller. Ce qu'on demande aujourd'hui du pouvoir central, c'est: Aidez-nous à continuer dans ce sens-là. On parle souvent au gouvernement, on dit: Laissons l'entreprise privée se débrouiller; on va, des fois, la soutenir. C'est un peu la même chose. Je pense que, par rapport à un supragouvernement qui est peut-être mieux équipé, on est peut-être des structures plus légères qui sont plus flexibles, qui peuvent apporter des résultats grandement, mais on a besoin, bien sûr, de ressources, et c'est un peu le cri du coeur de la capitale régionale.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Mercier.

M. Godin: Oui, M. le Président, merci. M. le maire et vos accompagnateurs - sans penser à la musique - votre ville s'est fait connaître dans le reste du Québec par un slogan qui disait: "Le pont, il nous le faut et enfin nous l'aurons". Nous, les péquistes, on dit: La souveraineté, il nous la faut et "betôt" nous l'aurons - sans allusion politique, Mme la ministre, je sais que vous n'aimez pas ça. Alors, vous avez parlé tout à l'heure, très brièvement et en surface, un peu du Musée de la civilisation que vous attendez pour bientôt. Je souhaite qu'on puisse di-

re - parce que c'est une collection qui m'est très chère, étant un grand ami de Robert-Lionel

Séguin: Le musée, il nous le faut et enfin nous l'aurons. Par ailleurs, il y a un bémol à ce musée, c'est que les frais, Mme la ministre, les frais, pour le musée, la deuxième année, il y a des frais de...

Une voix: Fonctionnement.

M. Godin: ...fonctionnement, le ministère n'a pas les moyens pour l'instant de les payer parce qu'il y a trop de musées au Québec, si on peut dire, y compris le musée de Saint-Lin, où il y a les vieux vêtements de Laurier, et éventuellement le musée Trudeau, où il y aura ses vestes indiennes. Alors, est-ce que la ville de Trois-Rivières peut envisager défrayer une partie des frais de fonctionnement de ce musée-là pour s'assurer que ce ne soit pas un fardeau tellement lourd pour le ministère qu'il ne puisse pas aller de l'avant dans ce dossier-là? À moins d'avoir, de la part dudit musée et de la ville de Trois-Rivières, j'imagine, certaines garanties que le financement va venir, comme pour le festival mondial de la poésie de Trois-Rivières, d'entreprises locales, de la municipalité, entre autres, ce qui va garantir l'implantation beaucoup plus rapide du musée, m'a-t-on dit au ministère. Alors, je pose la question: Est-ce que la ville de Trois-Rivières peut envisager défrayer une partie des dépenses? Ça va se chiffrer, je pense, madame, à 3 000 000 $...

Mme Frulla-Hébert: Les dépenses de fonctionnement, oui. (15 h 30)

M. Godin: ...par année. Donc, il faudrait que la ville, déjà, planifie. Et moi, comme j'ai déjà couvert, à Trois-Rivières, les séances du conseil dans le temps de M. Paradis, M. J.A. Montgrain et vos prédécesseurs illustres, dans la réunion préparatoire à la séance publique, j'aimerais que vous preniez toutes les garanties pour que le ministère ne se sente pas alourdi d'autant par des frais de fonctionnement d'un musée qui risque de devenir une attraction au moins aussi importante dans la région en question, qui est la mienne, que le fameux village d'Emilie qui, entre vous et moi, n'est pas comparable d'aucune manière avec ce musée-là, même si on peut dire que le village d'Emilie se situe un peu dans la perspective culturelle du musée, qu'on pourrait appeler, amicalement, le musée Séguin. Je vous pose la question en espérant une réponse qui facilite le travail de la ministre auprès de ses collègues du Conseil des ministres.

M. Leblanc: M. le député, je suis content, d'ailleurs, de vous saluer.

M. Godin: Vous n'êtes pas sous serment ici.

M. Leblanc: Ha, ha, ha! Non, c'est pire, il faut signer un chèque. Alors, je suis content de voir que tant le Parti québécois que le gouvernement au pouvoir semblent s'entendre pour doter Trois-Rivières d'un musée qui sera d'envergure nationale. On parle d'un musée des arts et de la tradition. C'est probablement, peut-être, un fait unique qu'une ville, qu'une collectivité, qu'une communauté possède déjà sa collection, et pas n'importe laquelle, parce que c'est sûrement unique en Amérique du Nord comme collection et ce qui est mieux, c'est que cette collection relate tout le passé des Québécois, comment nous avons vécu au jour le jour, pas seulement les grandes batailles mais les petites batailles de tous les jours. Pour nous, on conçoit que c'est, et je pense également pour la ministre et pour vous, M. le député, vraiment une collection et un musée qui seront d'envergure nationale. C'est certain que la ville de Trois-Rivières va faire son effort. On a déjà promis des exemptions de taxes. On pariait de 5 ans, on serait prêt à aller possiblement jusqu'à 10 ans et on parle que ça recouvre des montants qui pourraient être de l'ordre de plusieurs millions de dollars dont la ville pourrait ainsi faire bénéficier l'organisation et la corporation du musée.

Maintenant, pour connaître les budgets d'opération, j'ai mentionné tout à l'heure que nous étions à 3,95 % de notre budget et c'est un montant qu'on doit considérer comme un effort très honnête; très honnête, compte tenu des obligations des villes-centres qui, vous le savez, se départissent tranquillement de leur population, mais augmentent leurs implications et conservent les mêmes obligations. Alors, il y aura peut-être des choix à faire à ce moment-là.

Le Président (M. Doyon): M. le maire, en terminant... Oui, si vous voulez, M. le député.

M. Godin: ...pour des raisons affectives évidentes. M. le maire, donc, on peut dire: Notre musée, il nous le faut et enfin nous l'aurons.

M. Leblanc: De tout coeur.

M. Godin: Avec l'appui de la ministre, au moins moral, parce que je sais que, moralement, elle est tout à fait d'accord. Quand au reste, c'est à vous de la convaincre, M. le maire.

M. Leblanc: Ça me fera plaisir.

M. Boulerice: Par tous les moyens possibles.

M. Godin: En tout cas, pour connaître les villes où il y a des musées et que des musées, comme Washington, les hôtels ne désemplissent pas, à Washington, de la clientèle des musées. Et si vous voyiez la rue où il y a tous ces musées-là, le Musée de l'Aviation, etc., etc., etc., j'en passe et des meilleurs... Je suis sûr qu'un musée

comme celui-là va être un capital extrêmement important pour le Québec et Trois-Rivières et va devenir un lieu de recherche, à mon avis, international parce que, pour avoir vu le musée analogue en France, c'est plein de monde tout le temps, parce que, vous avez raison, c'est par les outils qu'a ramassés Robert-Lionel Séguin qu'on peut le mieux lire et comprendre l'histoire du Québec.

M. Leblanc: Quand on parle de culture, je pense que ça fait partie intégrante et intrinsèque de ce que nous sommes aujourd'hui. Et c'est dans ce sens-là que le gouvernement aura également des décisions à prendre; vous mentionnez qu'il y a des musées qui n'ont seulement que le titre de musée mais pas vraiment de contenu. Nous, au contraire, on a le contenu, il nous manque le contenant et l'opération.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, en terminant.

Mme Frulla-Hébert: Merci énormément d'avoir accepté notre invitation. Vous savez que les gens de Trois-Rivières continuent à influencer énormément le domaine culturel, non seulement par notre illustre collègue, mais aussi par ma sous-ministre ici, qui était originaire de Trois-Rivières, voisine de notre collègue quand elle avait sept, huit ans. Alors, merci encore et, encore une fois, vous êtes un exemple, M. le maire. Merci.

M. Leblanc: Merci, Mme la ministre.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. le maire. Merci à vos collaborateurs. . M. Leblanc: M. le Président, merci beaucoup, aux commissaires aussi.

Le Président (M. Doyon): En vous laissant le temps de vous retirer, je demanderais au prochain groupe de bien vouloir s'approcher de la table. Il s'agit du Regroupement des bibliothèques centrales de prêt du Québec. Il est représenté par M. Mandeville, Mme Desruisseaux et par MM. Boivin et Fink. Je vois qu'ils sont déjà en avant; ils étaient déjà avec nous depuis un certain temps. Les règles sont connues; vous disposez d'une quinzaine de minutes et, après ça, la discussion s'engage, pour le temps qu'il reste, d'une façon équivalente entre les deux parties. Je vous souhaite la bienvenue. Je vous demande de vous présenter et de commencer dès maintenant votre présentation ou votre résumé de mémoire, comme vous voudrez.

Regroupement des bibliothèques centrales de prêt du Québec

M. Mandeville (Normand): Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. membres de la commission. Je vous remercie, au nom des 11 bibliothèques centrales de prêt de la province et de leurs 7000 bénévoles, de nous offrir l'opportunité de vous présenter notre éclairage sur le projet de politique culturelle du Québec. L'à-propos de l'énoncé et surtout de l'adoption d'une politique culturelle pour le Québec nous apparaît évident; les enjeux constitutionnels le démontrent. La spécificité québécoise ne se fonde-t-elle pas en majeure partie sur sa culture distincte? Le peuple québécois est présentement en processus de rédaction des plus importantes pages de son histoire et d'aucuns, autour de cette table, conviendront que le chapitre portant sur le cadre de vie culturel occupera une place prépondérante et déterminante dans la fresque historique que liront les générations futures. M. le Président, je peux continuer pareil? Oui? Ça fait chic de dire ça.

M. le Président, je voudrais, en passant, féliciter Mme la ministre pour sa prise de position dernièrement, face aux propositions fédérales; on ne pouvait attendre moins de la part de notre ministre. Parmi les centaines de définitions de la notion de culture, nous souscrivons, à titre de praticiens, à celle, ou plutôt à l'approche du groupe-conseil présidé par M. Arpin, puisqu'elle a permis de proposer des gestes concrets appliqués au développement de la culture et de l'action culturelle, une politique culturelle globale qui saura encadrer, pour les 10 prochaines années, nous dit-on, nos choix en regard du développement culturel. Nous avons compris, M. le Président, que le défi que nous propose M. Arpin en est un de vision et de prospective afin d'apprécier l'environnement culturel québécois des années 2000 et, en conséquence, il nous faut poser, au cours des prochains mois, des prochaines années, des gestes déterminants et, dans certains cas, éclatants pour atteindre les résultats escomptés.

M. le Président, la lecture du mémoire du Regroupement des BCP du Québec a permis sans aucun doute à ceux et à celles qui l'ont lu d'apprécier toute la dynamique des institutions culturelles régionales que sont les bibliothèques centrales de prêt. Elles forment le plus vaste réseau de diffusion de biens et services culturels dans la région du Québec parce qu'elles pratiquent l'addition et le partage des ressources en vue de favoriser une accessibilité élargie et permanente en milieu à faible densité de population. C'est précisément en vertu de ce mandat que les bibliothèques centrales de prêt sont stimulées par la portée des grandes orientations du projet culturel québécois proposé par M. Arpin.

De l'orientation visant l'accès à la vie culturelle, les bibliothèques centrales de prêt y souscrivent d'emblée, M. le Président. Toutefois, elles ne partagent pas la vision polarisante des espaces culturels retenus, soit Montréal, Québec,

les régions. Il est vrai que les régions ont besoin de Montréal et de Québec, mais il est aussi vrai, et il ne faudrait pas l'oublier, que Montréal et Québec ont besoin des régions. Le projet qu'on nous propose laisse pour compte la ruralité et l'isolement de centaines de communautés, 1360 exactement, qui, en régions périphériques, regroupent plus de la moitié des populations régionales. Les BCP perçoivent une marginalisation de ces espaces culturels, ce qui serait un appauvrissement non seulement pour les régions elles-mêmes, mais pour le Québec tout entier. Peut-on imaginer l'expression de la culture québécoise sans des Vigneault, des Leclerc, des Beauchemin, des Fortin, des Lemieux, des Bour-gault et tant d'autres issus des régions du Québec? Pourtant, M. le Président, le rapport Arpin est éloquent. Citons la page 41: "Une politique culturelle pour une société démocratique n'a de sens que si elle s'adresse à l'ensemble des citoyens et propose des mesures qui, tout en assurant la qualité d'une vie culturelle intense, rendent celle-ci accessible au plus grand nombre." Et la page 195: "...l'important est de donner aux gens, là où ils travaillent et où ils vivent, la culture de ce qu'ils font, de ce qu'ils sont, de là où ils sont." Et encore: "La culture nous aide à apprivoiser l'espace où nous sommes dans l'univers." Cet espace, M. le Président, là où ils sont, c'est pour des centaines de milliers de Québécois, des milieux ruraux et isolés. C'est, surtout en ces milieux qu'interviennent les BCP, qu'elles expriment leur dynamisme dans le soutien au développement culturel par le biais de leurs bibliothèques publiques affiliées.

Comme l'exprimait si bien la sous-ministre des Affaires culturelles, Mme Courchesne, lors de l'ouverture du forum de l'ADIBIPUQ, les bibliothèques publiques sont le moteur du développement culturel du Québec. Une affirmation qui ne saurait être plus authentique, plus perspicace, plus véritable qu'en milieu rural et isolé. (15 h 45)

M. le Président, dans une perspective de voie à emprunter pour les 10 prochaines années, le ministère des Affaires culturelles peut-il se permettre de sous-utiliser plus longuement le potentiel de ce vaste réseau de diffusion culturelle que forment les BCP, pour élargir l'accessibilité à la chose culturelle? À moins de transformer radicalement les réalités d'aujourd'hui et de demain, les bibliothèques publiques sont et seront virtuellement les seuls foyers culturels permanents en mesure de diffuser des biens et services culturels dans nos villages et nos paroisses. Si les bibliothèques publiques doivent se restreindre à leur mission traditionnellement reconnue, la dimension culturelle des milieux qu'elles desservent sera essentiellement limitée à la lecture, et rien d'autre.

L'accès équitable aux biens et services culturels à tous les citoyens et citoyennes du Québec n'exige-t-il pas la reconnaissance et le soutien d'un rôle élargi des foyers culturels que sont nos bibliothèques publiques? À notre avis, c'est le moyen à privilégier pour relever le défi de la diffusion culturelle, selon l'étalement de la population en région.

De toute évidence M. le Président, les BCP souscrivent au rapport Arpin qui énonce, en page 157, que "la situation de la lecture chez les jeunes et celle d'une certaine pauvreté de nos bibliothèques publiques - c'est M. Arpin qui dit ça - devraient faire partie des dossiers prioritaires". Cette pauvreté, M. le Président, elle est plus que certaine, elle est alarmante. Dans le contenu de nos bibliothèques, c'est la pauvreté des collections, c'est le vieillissement des volumes, c'est l'absence de diversité, de ressources adaptées aux lecteurs d'aujourd'hui et de demain, c'est la sous-utilisation des nouvelles technologies de l'information par les bibliothèques affiliées aux BCP. À moins d'investissements significatifs, pour ne pas dire considérables, dans les collections, nos bibliothèques seront en état de choc avant le milieu de cette décennie. C'est peut-être des choses qui sont dures, mais il faut les dire.

Depuis la publication du rapport de la Commission d'étude sur les bibliothèques publiques du Québec en 1987, le ministère a mené plusieurs études qui ont suscité plusieurs attentes dans le milieu. Où en sommes-nous avec le projet de loi sur les bibliothèques publiques, le plan de développement? Le Regroupement des BCP, M. le Président, croit que la plus grande lacune de la proposition du groupe-conseil, c'est l'évacuation du bénévolat culturel. Comment peut-on ignorer 7000 femmes et hommes, 7000 bénévoles dans le seul réseau des BCP? Sans le soutien constant d'une action bénévole, l'accessibilité aux produits culturels sera irrémédiablement réduite, voire même anéantie, particulièrement dans les milieux à faible densité de population. Le bénévolat constitue l'un des principaux partenaires de l'État et des organismes qu'il soutient. Lorsqu'il dispose de moyens d'action, de motivation et de valorisation, le bénévolat culturel permet à la population d'agir elle-même sur son environnement culturel.

Disposant d'une formation adaptée à ses besoins et à ses limites, le bénévole culturel peut agir localement comme multiplicateur des organismes, telles les BCP, à titre de gestionnaire, d'animateur, d'éducateur culturel. Le bénévolat culturel, c'est l'expression d'une action culturelle par les citoyens, pour les citoyens, un partenariat indispensable en région.

M. le Président, les BCP et leur vaste réseau peuvent agir également comme partenaires des institutions régionales et nationales pour diffuser des activités et services culturels adaptés au profil de nos villes et de nos villages et paroisses. Le réseau de BCP offre aussi un tremplin privilégié, une clientèle inexploitée aux artistes, créateurs et créatrices de la relève: 900

foyers culturels, 1 200 000 consommateurs de produits culturels. N'y a-t-il pas là un marché potentiellement lucratif pouvant soutenir l'émergence de nos grands artistes et créateurs? En terminant, M. le Président...

Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît.

M. Mandeville:... le Regroupement des BCP sait fort bien que les bibliothèques sont quelque peu noyées dans cette politique de la culture et des arts. Cependant nous croyons que celles-ci sont la base de toute activité culturelle. M. le Président, la proposition présentée par le groupe-conseil Arpin est un outil fort important et bien reçu par les BCP. Cependant, à notre avis, II aurait été presque parfait si on y avait mis autant de temps à parler de bibliothèques qu'on en a mis à parler de musées.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Mandeville. Juste avant de passer la parole à Mme la ministre pour la discussion, il y a des gens qui sont assis à côté de vous qui n'ont pas été identifiés pour les fins de l'enregistrement. Si, des fois, vous aviez à parler, peut-être vous présenter à ce moment-là. D'accord? Alors, maintenant, Mme la ministre des Affaires culturelles, vous avez la parole pour une quinzaine de minutes.

Mme Frulla-Hébert: M. Mandeville, Mme Desruisseaux, M. Boivin, M. Fink, vous avez apporté, je pense, deux points très importants. Le premier point, c'est, finalement, tout le rôle des bénévoles. Tout comme vous, on remarque et je remarque aussi presque l'absence, au niveau du rapport Arpin, de tout ce réseau de bénévoles. Je pense que, dans le cas des BCP, c'est plus de 1500 heures, et même on me dit 15 000 heures que les bénévoles donnent. C'est sûr que, s'il fallait payer tous ces gens-là, ce serait totalement impossible. Alors donc, il faut le souligner. Et on sait que, dans le contexte du loisir, par exemple, ça, ça a été mentionné aussi dans la tournée, on me disait: Les bénévoles sont reconnus. Et nous, en culture, les bénévoles le sont moins, parce qu'il y a chez vous et il y a aussi les autres secteurs.

Comment faites-vous pour mousser justement ce travail des bénévoles? Souvent on dit: Bien le bénévolat se meurt, mais pas dans votre secteur en tout cas. Alors, comment faites-vous justement pour mousser ce travail-là?

M. Mandeville: C'est une question fort difficile à répondre. Nous essayons, au niveau de chacune des municipalités, et nous essayons, disons, au niveau des 11 BCP, de sensibiliser, de rencontrer... Nous avons des rencontres de secteurs, nous avons des rencontres avec certaines bibliothèques. Nous les rencontrons et disons qu'à l'occasion nous soulignons les 10 ou 15 ans de travail de bénévolat. Et, vous savez, nous en avons beaucoup chaque année et nous essayons de ne pas manquer une occasion. Je crois aussi que, dans les milieux, parce que, nous, nous couvrons des municipalités en bas de 5000, et, dans certains milieux, vous savez, des municipalités qui ont 300, 400 et 500 de population, des fois moins de 300, à ce moment-là, la bibliothèque et le ou la bénévole qui est là, c'est la vie de ce village-là, ce qui fait que le ou la bénévole prend énormément d'importance face à sa population. Je pense que c'est peut-être le point.

Mme Frulla-Hébert: Une question de valorisation. Vous parliez d'élargir le rôle des bibliothèques afin de créer un véritable réseau de diffusion à caractère multisectoriel. Vous dénoncez vous-même la pauvreté des collections et les retards là-dessus du Québec par rapport à la moyenne canadienne, je vais revenir à ça. Ma première question: Par cet élargissement-là que vous demandez, est-ce que vous ne craignez pas que ça entraîne une négligence de la vocation première, c'est-à-dire d'amener finalement la lecture directement au milieu?

M. Mandeville: Vous savez, depuis la création des BCP, toutes ces choses-là, nous les avons faites et nous étions obligés de les faire. Nous étions obligés de les faire.

Mme Frulla-Hébert: II n'y a pas de choix.

M. Mandeville: Je ne sais pas... Si vous parlez de Blanc-Sablon ou si vous parlez de Val-Paradis, chez nous, à ce moment-là, nous sommes obligés, dans ces milieux-là, d'apporter une aide au développement culturel, et c'est peut-être la seule vie, la seule voie que ces populations ont. Maintenant, vous savez que le rôle de la bibliothèque, traditionnellement reconnu, est à changer. La bibliothèque, maintenant, ce n'est plus le livre empoussiéré. Alors, vous avez des moyens électroniques, vous avez différentes choses. Vous avez raison de poser la question. Maintenant, il faut aussi entrer dans la technologie.

Mme Frulla-Hébert: Pour vous, finalement, c'est comme... Et c'est vrai, on voit l'évolution des bibliothèques maintenant qui sont de vrais centres socio-culturels. C'est...

M. Mandeville: Ce sont des foyers culturels.

Mme Frulla-Hébert: Ce sont des foyers culturels.

M. Mandeville: Pour nous, ici, à un moment donné, nous avons des foyers culturels. Vous savez que vous avez une exposition itinérante. On vous envoie - le Musée national des arts, par

exemple - une sculpture. On vous dit: Si vous voulez la recevoir, ayez un dégagement de 25 pieds autour. Eh bien, à Blanc Sablon, les 25 pieds, écoutez!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mandeville: Mais c'est ça. Ce n'est pas adapté à nos besoins.

Mme Frulla-Hébert: Oui, ça, on l'a entendu pas mal, surtout quand je me suis promenée en région. Il y a des gens justement qui représentent les grands musées, etc., à qui on veut poser certaines questions. M. Mandeville, pour ne pas dire M. le maire, il y a quelques questions ici que j'aimerais vous poser là-dessus. Effectivement, il y a notre Loi sur les bibliothèques et surtout le plan d'action. Vous savez comme moi qu'on ne peut pas vraiment l'impliquer sans s'asseoir avec les diverses municipalités et, finalement, ensemble, déterminer où on en est et jusqu'où on veut se rendre.

Ceci dit, vous déplorez encore une fois la pauvreté des collections, et j'en suis. Vous donnez là-dessus toute la responsabilité à l'État et, d'un autre côté, il faut que je vous pose la question: La municipalité en elle-même n'aurait pas une responsabilité, aussi petite soit-elle? Je comprends que les petites municipalités n'ont pas les sous pour vraiment supporter. Ça, je comprends ça. Mais il y a certaines municipalités, vous le savez comme moi, qui ne participent pas ou qui ne veulent pas participer. De moins en moins, Dieu merci! mais, encore là, il y a du travail de pédagogie à faire. Est-ce qu'il y a une façon, selon vous, premièrement, de convaincre les municipalités? Et, deuxièmement, le rôle des municipalités aussi à l'intérieur même du système des BCP.

M. Mandeville: Vous poser la question et vous répondre, moi, j'aurais peur de m'enfarger parce que je suis maire de municipalité et préfet de MRC. Ça me met dans l'eau bouillante, là.

Des voix: Ha, ha, ha! (16 heures)

M. Mandeville: Je peux vous dire une chose concernant des BCP, et ça ne serait peut-être pas partagé par mes commettants de l'autre côté. Tout d'abord, soyons clairs, je pense que le ministère des Affaires culturelles a assez bien traité ses BCP, ses bibliothèques. Ce n'est pas que tout est mal. Correct? Maintenant, il faudrait aussi que le ministère des Affaires culturelles reconnaisse que les municipalités, depuis quatre ou cinq ans, ont énormément investi. Puis, surtout à l'heure actuelle, où il y a certains autres défis, je pense que les municipalités changent leur mentalité. Autrefois, il y avait le loisir qui comptait, mais c'était le loisir sportif. Aujourd'hui, la vapeur est remplacée parce qu'il y a certaines municipalités qui veulent même vendre, à un moment donné, leur aréna. Elles disent: On va vous passer ça au culturel, nous autres, on n'en a plus besoin. Et je les comprend aussi. Les municipalités fournissent également dans les locaux, dans le fonctionnement des bibliothèques. Une petite région, l'Abitibi, l'an dernier, a fourni 200 000 $. Les municipalités ont fourni 200 000 $ pour l'entretien, pour leur bibliothèque. C'est un apport important. Qu'il y ait certaines municipalités qui ne fassent pas leur effort, d'accord, et que les villes disent: Nous autres, on fait notre effort, on donne, à un moment donné, tant, c'est peut-être vrai, mais enlevez le salaire des professionnels qui sont là et faites l'équilibre; à ce moment-là, vous allez vous apercevoir que les petites municipalités font aussi leur effort.

Je pense qu'il faut établir un partenariat sincère, il faut l'établir avec le gouvernement et ne pas arriver avec des normes, imposer des normes. Ça, ça ne fonctionnera pas. Mais si vous arrivez avec un dialogue pour faire comprendre, je pense, à un moment donné, que les municipalités vont embarquer.

Mme Frulla-Hébert: Les gens sont prêts. Une chose que je voulais vous demander aussi, avant de terminer, la Loi sur les bibliothèques, il y a le plan d'action. À l'intérieur même de ce plan d'action, évidemment, quand tout ça a été formulé et en collaboration, on nous a demandé aussi une certaine tarification. Il y en a qui demandaient une certaine tarification. Ça peut vous toucher, vous aussi. Alors, tout ça, on doit s'asseoir, justement, ce qu'on devrait faire au mois de novembre, à la table Québec-municipalités sur la culture.

Mais, entre-temps, le maire d'Amos, hier, je lui ai dit: Bien, tarification, est-ce qu'on devrait déterminer ce qu'on doit tarifer? Parce que vous parlez d'accessibilité, hein? et la culture se doit d'être accessible. D'un autre côté, on nous dit: Certains services devraient être tarifés parce que ça nous permettrait, à nous, d'avoir des revenus pour réinjecter, il faut s'assurer que ce soit réinjecté. Parfait.

Tout en parlant au maire d'Amos, celui-ci nous dit: Mêlez-vous de vos affaires; nous autres, on va tarifer et on va savoir où et quand tarifer et, si on se trompe, on va se faire taper sur les doigts nous-mêmes, on n'a pas besoin du gouvernement pour nous dire où on va tarifer chez nous, dans nos bibliothèques. C'est un point de vue aussi. Moi, je le partage pour les grosses villes, et tout ça, ça va bien. Mais est-ce que vous y voyez un danger, d'abord, à la tarification au niveau de l'accessibilité et, deuxièmement, à laisser la liberté, si on veut, de le faire selon, évidemment, divers services, parce que, comme vous le dites, ce n'est plus seulement le livre, mais il y a divers autres services qui coûtent aussi de l'argent?

M. Mandeville: Voyez-vous, actuellement, on veut tarifer un peu partout. Je ne vois pas pourquoi on serait exempts de ce côté-là, du niveau culturel. Moi, je ne serais pas aussi drastique que le maire d'Amos, M. Brunet, mais je dirais: Laissez donc ça, permettez... D'ailleurs, ça se fait actuellement et c'est tarifé. Je pense que c'est une tarification qui est beaucoup plus symbolique, du moins pour les BCP; c'est une tarification qui est symbolique, qui donne de l'importance aux gestes posés. C'est symbolique actuellement et je pense qu'il n'y aura pas une municipalité, qu'il n'y aura pas une bibliothèque qui va aller imposer, dans la municipalité, une tarification qui va avoir pour effet de désengager, à un moment donné, ses lecteurs et ses lectrices. C'est sa clientèle. Autrement, s'il y a une grosse tarification, elle va perdre ses lecteurs. Moi, je pense qu'on devrait laisser ça aux municipalités.

Mme Frulla-Hébert: Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Mandeville. Merci, Mme Ja ministre. Je vais maintenant demander à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, qui est porte-parole officiel de l'Opposition en matière de culture, de bien vouloir prendre la parole. M. le député.

M. Boulerice: M. le Président, j'aurais presque le goût de dire: Gaudeamus, habemus textum. Mais il y a des choses là-dedans et je vous écoutais, M. Mandeville, M. le maire, M. le préfet même, je crois?

M. Mandeville: Non, je suis président du Regroupement des BCP aujourd'hui.

M. Boulerice: D'accord. Une première remarque. Au moment où tous s'entendent et, d'ailleurs, je trouvais le document d'un stalinisme... À la page 157: "II serait pour le moins contradictoire de laisser anéantir des années d'effort. À l'automne 1990, le ministère des Affaires culturelles a exercé un leadership décisif dans la grande coalition qui s'est mobilisée sous le thème "Taxer les livres, c'est imposer l'ignorance". " Bon, ça, on en reparlera. Mais, au moment où tout le monde vient ici, M. Mandeville, et demande de détaxer la vente du livre, vous, comme le maire d'Amos, me parlez de taxer le prêt de livres. Je vous avoue que j'ai un peu de difficultés à accepter ce principe-là. Ceci dit, on pourra peut-être faire les discussions. Je ne vous dis pas que je suis campé, mais je n'ai pas de préjugé favorable au départ. Je n'ai pas de préjugé favorable au départ.

La question que je me pose, c'est que vous vous refusez à la lecture optimiste du rapport Arpin à l'égard des bibliothèques publiques. Vous parlez, vous, de pauvreté des collections, de retard quant aux nouvelles technologies, de maintien du sous-développement de nos bibliothèques par rapport à la moyenne canadienne. Je vous trouve, mon Dieu! drôlement pessimiste, presque déconnecté de la réalité, M. Mandeville. Moi, j'observe tout à fait autre chose. Ça va très bien. Écoutez, ça va tellement bien que, lorsque je suis arrivé ici comme député et immédiatement nommé comme porte-parole de ma formation pour les arts et la culture, le premier budget qu'on a voté, il y avait une coupure de 4 000 000 $ pour les bibliothèques. Il y avait de l'argent de trop. La deuxième année, Mme Bacon a coupé 3 000 000 $ pour les bibliothèques. Il y avait encore beaucoup trop d'argent pour les bibliothèques. 7 000 000 $ en deux ans. Il y a eu le rapport Mittermeyer sur les bibliothèques scolaires. Écoutez, ça devait être un mauvais négatif, on l'a mis sur les tablettes. Il y a eu le rapport Sauvageau. Il devait être dans la même erreur que nous tous puisqu'on l'a mis sur les tablettes, le rapport Sauvageau. Et on a même vu apparaître, gaudeamus, au feuilleton de l'Assemblée nationale, une Loi sur les bibliothèques publiques. Mais une bonne journée, il y avait un avis du leader de la majorité en Chambre nous annonçant que c'était retiré du feuilleton. Alors, je ne comprends pas votre lecture pessimiste du rapport Arpin, lecture optimiste, dis-je, plutôt, du rapport Arpin à l'égard des bibliothèques publiques. Comprenez que c'est un portrait-charge.

M. Mandeville: Est-ce que c'est une question que vous posez?

M. Boulerice: Oui.

M. Mandeville: Moi, je ne voudrais pas prendre ceci, ce fait, pour faire de la politique. Je serais mal vu. Cependant, on peut vous dire qu'on adhère, disons, à l'analyse que le rapport Arpin fait: Nos bibliothèques, actuellement, nos collections sont pauvres. On vous dira tantôt pourquoi nos collections sont pauvres. Et moi, de me comparer avec l'Ontario, quand même je suis un petit peu plus en bas de la norme, ça me convient, mais, quand je me compare avec Terre-Neuve, par exemple, que je suis en bas de Terre-Neuve, ça je ne l'accepte pas. Maintenant, là vous entrez dans un domaine, disons, peut-être plus technique et je demanderai ici au secrétaire du Regroupement, M. Boivin, de pouvoir répondre à cette question.

Le Président (M. Gobé): M. Boivin, vous avez la parole.

M. Boivin (Richard): M. Boulerice, je pense, le président du Regroupement n'a jamais dit qu'il était pour taxer la fréquentation, le prêt des BCP. Ce que M. Mandeville a dit, c'est une situation de fait que la majorité des bibliothèques ont des frais d'inscription ou des frais

symboliques. C'est ça. Donc, il n'était pas question, pour le Regroupement des BCP, de changer son orientation. On est pour la gratuité, il va de soi.

Quant à: On ne partage pas, c'est-à-dire ce que le rapport Arpin dit, le peu qu'il dit des bibliothèques... Il énonce la pauvreté des collections. Si on atteignait la moyenne nationale, ça nous prendrait presque 1 300 000 volumes de plus de disponibles dans le réseau des BCP. Multipliez ça par 22 $, c'est le coût que le Conseil du trésor attribue pour les volumes. Si on atteignait la parité avec les bibliothèques autonomes, les bibliothèques urbaines, il nous faudrait 500 000 volumes de plus dans les bibliothèques centrales de prêt actuellement.

Les collections des BCP, plusieurs datent de 15, 20 ans. Il faut savoir qu'au Québec, la lecture, c'est aussi de la lecture de consommation. Ce n'est pas juste de la lecture de conservation. Il faut avoir Scarlett, c'est important. Pour garder la fréquentation des réseaux, il faut aussi avoir des ouvrages de référence. Donc, on a une carence dans la disponibilité, mais on a aussi un vieillissement des collections qui commence à se faire sentir. Naturellement, ce vieillissement n'apparaît pas immédiatement dans les chiffres. Vous savez comme moi - vous les fréquentez, les bibliothèques, les librairies - on va pour un premier choix de lecture. Si on ne trouve pas le premier choix et qu'on aime lire, on prend le deuxième choix de lecture et il y en a qui vont prendre le troisième choix, et, si vous êtes vraiment quelqu'un qui lit n'importe quoi, vous allez vous rendre au quatrième choix. Mais on a de moins en moins de premiers choix de lecture dans nos bibliothèques. De plus en plus, nos usagers doivent se contenter d'un deuxième choix.

Naturellement, on est conscients du problème du développement des collections et les municipalités, depuis quatre, cinq ans, ont fait un effort pour se doter de collections locales. Mais si les municipalités augmentent leur part au niveau des collections locales, il est important aussi que le ministère des Affaires culturelles maintienne la valeur du remplacement des collections. Vous savez qu'indexer de 5 % un budget de collections, c'est l'indexation selon l'inflation, moyenne. Mais le coût des livres, juste au niveau de la TPS, pour une BCP moyenne, ça représente, avec le retour, parce qu'on paie 3,5 %, 15 000 $ à 20 000 $ de moins de pouvoir d'achat des volumes. Donc, on partage avec le rapport Arpin le diagnostic que les collections sont faibles.

Ce qu'on trouve, c'est que le rapport Arpin a une certaine, entre guillemets, complaisance, en laissant croire que la situation des bibliothèques est réglée au Québec. On attend toujours la loi, on attend toujours le plan de développement. Je crois et mes collègues aussi croient que le partenariat dans les bibliothèques centrales de prêt avec les municipalités rurales, on n'a pas attendu les colloques de l'UMQ, on n'a pas attendu la réforme Ryan, ça se pratique depuis 25 ans, le partenariat pour le développement des bibliothèques.

M. Boulerice: Allez-vous, M. Boivin, convenir avec moi que, compte tenu des coupures drastiques qui ont eu lieu en 1986 et en 1987, compte tenu des retards constatés par Mitter-meyer et Sauvageau, de la non-déposition d'une loi sur les bibliothèques, si on attend l'énoncé d'une politique culturelle pour le Québec avant d'avoir une loi sur les bibliothèques, on risque d'atteindre un point de non-retour tellement la situation se dégrade, tellement elle est dégradée? On est à Terre-Neuve, M. Mandeville l'a dit. Bon, je ne veux pas aller dans les blagues de "newfie", mais ce n'est pas la comparaison la plus flatteuse pour nous.

M. Boivin: C'est certain qu'une loi, c'est important; surtout quand la loi date de 25 ans, de 22, 23 ans, c'est important une révision de la loi. Mais une loi sans programme, une loi sans accroissement de l'effort financier, nous, on peut se priver d'une loi encore. Ce qu'on a besoin de connaître actuellement, c'est le programme que propose le ministère, parce que la loi est accompagnée d'un programme quinquennal de développement des bibliothèques publiques. Et cette attitude attentiste présentement, on attend pour savoir ce qu'on va faire au niveau de la formation de nos 7000 bénévoles, parce qu'on est censé avoir un programme de formation national pour les bénévoles. On attend pour savoir si le développement des collections locales des municipalités, il va y avoir un encouragement, un incitatif à demander aux municipalités de développer davantage des collections permanentes dans leurs bibliothèques. C'est plutôt actuellement l'attente du plan quinquennal que l'attente de la loi qui rend le milieu nerveux, parce que ce qu'on veut savoir, en fait, c'est, pour les prochaines années, le type de partenariat qu'on va avoir à développer avec les municipalités. Est-ce que le programme de formation, ils vont assumer 50 % des coûts? Qui va en être le maître d'oeuvre? Est-ce que ça va être le ministère des Affaires culturelles? Est-ce qu'il va le déléguer aux bibliothèques centrales de prêt? Et c'est ces hésitations-là qui font qu'on est obligés d'attendre. Mais on comprend très bien, on a compris que la Loi sur les bibliothèques publiques pouvait faire partie d'un plus grand tout, qui est une politique culturelle. Mais, comme vous le dites si bien, c'est une question de calendrier pour la loi, mais pour le programme, on aimerait en connaître au plus tôt la politique, l'orientation du ministère des Affaires culturelles.

M. Boulerice: Est-ce que vous convenez que,

dans le rapport Arpin, le fait de ne pas avoir joint les communications handicape drôlement l'élaboration d'une politique des arts et de la culture, et notamment dans ce secteur extrêmement névralgique qui est la lecture, quand on a pu voir dans certains pays, l'utilisation de la télématique, etc. - et c'est dommage qu'on n'ait pas avec nous M. Chagnon, de Vidéotron, il pourrait vous parler de la petite pointe de l'iceberg qu'on voit comparée à ce qui arrivera demain - qu'on risque peut-être de passer à côté si on ne fait pas la jonction entre ces deux secteurs, et surtout le deuxième étant technologiquement dans un développement incroyable?

M. Mandeville: Moi, je voudrais dire une chose. Ce qui me choque le plus dans le rapport Arpin, c'est le peu de place qu'il fait aux bibliothèques. J'ai dit en boutade tantôt qu'on parlait de musées; à quasiment toutes les pages on a parlé de musées. Mais on ne parle pas de bibliothèques, aussi peu que point, si peu que point; Moi, je pense que ça dénote quelque chose et d'autant plus que, parmi les membres de la commission qui étaient là, ou du Groupe-conseil, je ne sais pas qui il y avait des bibliothèques. On n'a même pas voulu rencontrer, on n'a même pas rencontré le Regroupement des bibliothèques.

M. Boulerice: Ah oui?

M. Mandeville: Même pas. Alors, vous avez tout ça. Et, à la question précise que vous posez, oui, il est temps de prendre le tournant technologique, il est temps et il est grand temps.

M. Boulerice: M. Mandeville, je vais vous poser une dernière question. C'est une question facile, mais la réponse est fondamentale. Dans de petites communautés, dans de petites localités, dans de petits villages disséminés à travers le Québec et, notamment, dans les régions, qu'est-ce qui est le pivot culturel, dans ces localités?

M. Mandeville: Actuellement, c'est la bibliothèque. C'est la bibliothèque.

Le Président (M. Gobé): Merci.

M. Mandeville: Et on a au-delà de 860 municipalités comme ça sur 1565. On en a plus que la moitié.

Le Président (M. Gobé): Merci. M. Mandeville. C'est là votre dernier mot, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques?

M. Boulerice: Oui, en assurant M. Mandeville, Mme Desruisseaux, M. Boivin et M. Fink, qui est de l'Abitibi-Témiscamingue, je crois, une région assez dynamique même si on la dit éloignée, de la vigilance de l'Opposition pour ce qui est des bibliothèques. Je me permettrais, comme dernier mot, de vous dire: Je suis de l'école Vaugeois.

Le Président (M. Gobé): Sur ces bonnes paroles, je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre pour la conclusion

Mme Frulla-Hébert: Deux minutes. M. Mandeville, Mme Desruisseaux, M. Boivin, M. Fink, je sais que les gens du rapport Arpin n'ont pas rencontré le Regroupement, mais il y avait eu un document d'orientation, par exemple, qui les guidait. De toute façon, vous avez vu notre action au niveau de la taxe sur le livre, c'est parce qu'on prend la lecture au sérieux.

Effectivement, et je le dis une fois pour toutes, la Loi sur les bibliothèques ainsi que le plan d'action n'ont pas été déposés l'année dernière tout simplement parce qu'il faut s'asseoir avec les municipalités et, l'an dernier, vous savez comme moi que c'était assez difficile de le faire. Alors, on s'attend à le faire d'ici novembre et, à ce moment-là, on va pouvoir mettre tout le plan, qui est déjà là, mais le déposer. Merci.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme la ministre. Sur ce, je vous remercie et ceci met fin à votre témoignage. Aussi, je vous demanderais de vous retirer et j'appellerais le groupe suivant qui est Québec-Téléphone, afin qu'il prenne place. Je suspends une minute afin que les gens puissent se retirer et que les autres prennent place.

(Suspension de la séance à 16 h 20)

(Reprise à 16 h 22)

Le Président (M. Gobé): Alors, tout le monde est autour de la table. Nous allons maintenant commencer avec Québec-Téléphone représentée par M. Ghislain Bouchard. Est-ce exact? Bonjour, M. Bouchard.

M. Bouchard (Ghislain): Bonjour, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Vous avez maintenant la parole pour une quinzaine de minutes.

Québec-Téléphone

M. Bouchard: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme la ministre. Bonjour, mesdames et messieurs. Il me fait plaisir, au nom de Québec-Téléphone, de commenter brièvement devant cette commission le judicieux travail de prospective, le rapport Arpin, visant à définir une véritable politique culturelle pour le Québec.

Québec-Téléphone, comme vous le savez sans doute, est le plus important télécommunica-teur sous juridiction québécoise, opérant dans

40 % du territoire de la province de Québec situé en milieu urbain et rural, plus particulièrement, oserais-je dire, rural. Depuis plus de 20 ans, nous contribuons à la promotion des arts, entre autres en reproduisant, sur nos annuaires téléphoniques, des tableaux de peintres québécois, et nous distribuons également ces tableaux-là gratuitement comme affiches, et je dois vous dire que nous en distribuons actuellement environ 12 000 annuellement. Dans le domaine de la musique, nous offrons des bourses d'études aux élèves de conservatoire, nous parrainons aussi divers concours de musique, ralliements chorals, concerts d'orgue et autres. Pour tout dire, le tiers des fonds que Québec-Téléphone attribue à ses programmes de mécénat social est destiné aux arts et à la culture, la moyenne nationale, comme vous le savez, de l'engagement du secteur privé à ce chapitre étant d'environ 14 % pour 1990.

Dans notre territoire de desserte, l'expression artistique coule de source. Elle s'est toujours manifestée en étroite harmonie avec l'environnement, car il est impossible de résister à l'influence des forces naturelles qui façonnent nos manières de vivre. Nous avons donc lu avec beaucoup d'intérêt la proposition de politique de la culture et des arts sur laquelle nous exprimons ici notre avis, évidemment sur certains des points spécifiques n'ayant pas la compétence pour commenter toutes les recommandations du rapport Arpin. Ce document dont nous louons la justesse et la clarté atteste, selon nous, un exercice de discernement qui fait honneur à l'administration publique québécoise. Nous y trouvons des axes importants de réflexion et un riche inventaire de recommandations qui rejoignent substantiellement nos propres perceptions.

Dans le cadre de ce bref témoignage, nous allons respecter l'architecture du document en soulignant, pour plusieurs de ses parties, les idées maîtresses que nous recevons avec le plus vif intérêt. Nous accompagnons notre propos de quelques recommandations, avec l'espoir de baliser, voire même d'enrichir quelque peu, la mise en oeuvre de ce vigoureux plan d'ensemble.

Le rapport du groupe-conseil sur la politique culturelle reconnaît la création comme le fondement de la culture et de la vie des arts. Nous ratifions ce constat car la création nous apparaît comme la seule ressource renouvelable qui soit de nature à résoudre la plupart de nos problèmes de société. Le poids des contraintes matérielles déroute, hélas, plusieurs artistes qui doivent s'écarter souvent de leur objectif premier, produire de la beauté. Même si les vrais créateurs ont l'habitude de subordonner le profit à l'expression de leur sensibilité personnelle, il ne faut pas abuser de leur tolérance à l'instabilité financière. La proposition no 3 de considérer les industries culturelles, aux fins de l'aide gouvernementale, comme bénéficiaires des créneaux de recherche et développement nous apparaît séduisante. La perspective d'investissements à moyen et long terme est une avenue intéressante même si une telle approche économique n'est pas exempte de danger. Le risque le plus plausible, selon nous, est l'incitation à la production de masse qui ne rallierait que les promoteurs d'un art utilitaire ou de simple copie.

On ne pourra jamais évaluer la somme des heures que chaque artiste consacre à apprivoiser son médium, à surmonter l'isolement d'une pratique solitaire au nom d'un grand idéal de plaisir partagé. Aussi, nous apparaît-il important de garantir à ceux et celles qui affichent une telle persévérance tout l'encouragement que mérite leur investissement dans la production culturelle.

Ce n'est pas faire injure à la pureté des actes de création que d'admettre en filigrane la nécessité d'une gestion rigoureuse des actifs et d'un marketing intelligent. Chaque oeuvre qui arrive sur le marché est assujettie à des pressions concurrentielles avant de s'imposer comme le choix véritable d'un consommateur déjà très sollicité.

L'équilibre à maintenir entre l'offre et la demande suppose une intense concertation entre les organismes culturels qui, dans l'élaboration de leur programmation ou de leur campagne d'abonnement, doivent tenir compte de la capacité d'accueil du public et des limites de son budget.

Comme complément à la recommandation no 6 qui prévoit la conduite de certaines études pour discerner et suivre l'évolution des goûts et des attentes des divers publics, nous estimons utile de proposer une harmonisation conjointe des calendriers de spectacles par leurs différents producteurs dans chacune des régions du Québec afin que l'attention des usagers de manifestations culturelles ne soit pas sollicitée à outrance, comme c'est le cas en certains endroits de la province à certaines périodes de l'année. Ce que nous voulons dire par ceci, c'est que dans une ville comme Rimouski où, évidemment, il y a des troupes de théâtre de passage, des concerts et autres activités culturelles, il peut arriver qu'une même semaine il y ait deux ou trois spectacles, et même un même soir, ce qui, évidemment, fait en sorte, à ce moment-là, que certains des spectacles ne peuvent avoir lieu parce qu'on a mal planifié. Et la clientèle, de toute façon, est relativement réduite, et c'est la même clientèle qui assiste au fur et à mesure des spectacles chez nous.

Le ressourcement professionnel est une activité capitale. Revitaliser les rapports humains et accroître les échanges est une bonne façon de contrer l'impression de stagnation qui guette les artistes les plus sujets à l'isolement. Il importe donc de rendre plus accessibles les stages de formation en plusieurs disciplines et des voies de perfectionnement tout aussi diversifiées. À ce su\et, nous appuyons sans réserve les recomman-

dations touchant l'identification des besoins, l'harmonisation des programmes et le concept de la formation continue.

De même, nous souscrivons d'emblée à la recommandation no 32 visant une action concertée des cégeps et des universités pour assurer le développement harmonieux de la formation des gestionnaires de la culture. Si nous voulons que les créateurs accèdent à plus de maîtrise et d'autonomie financière, nous nous devons d'encourager le rapprochement entre deux mondes, celui de l'art et celui de la gestion.

Les diplômés de nos écoles d'administration qui possèdent en principe les compétences requises pour gérer des entreprises artistiques se sont jusqu'à maintenant tenus à l'écart de ce secteur d'activité, et ce, malgré l'effervescence d'une industrie culturelle qui génère des retombées économiques toujours croissantes. Il y a là, selon nous, de toute évidence une anomalie à corriger.

On pourrait, à titre d'exemple, familiariser les étudiants en beaux-arts avec les principes et les méthodes de l'administration et, dans la même mesure, assurer aux futurs gestionnaires des cours spécialisés en gestion des arts. À défaut d'oeuvrer ensuite en ce secteur d'activité, ces personnes, ces nouveaux gestionnaires et administrateurs seront capables d'intégrer à la culture de leur entreprise la dimension artistique.

Le deuxième chapitre de la proposition de politique, qui développe le thème de l'accès des citoyens à la vie culturelle, détermine une gamme de recommandations particulières à trois pôles sociologiques importants: Montréal, Québec et l'ensemble des régions. Les propositions 49 à 51 visant les activités et services à promouvoir dans l'ensemble des régions nous semblent très opportuns, mais cependant incomplets. S'il est tout à fait justifié d'encourager la libre circulation en province des activités culturelles qui reflètent les valeurs et la sensibilité des grands centres, il n'est certes pas nécessaire de se doter à grands frais d'équipements haut de gamme destinés à satisfaire par moments seulement les exigences techniques de plus en plus grandes des groupes de passage, alors que les infrastructures en place, améliorées à ce moment-là s'il le faut, peuvent satisfaire pleinement l'expression courante et prioritaire de l'énergie créatrice du milieu régional qui les entretient.

Dans une société qui devient plus rationnelle dans ses choix, plus exigeante quant à l'efficacité, plus consciente aussi de la précarité de ses moyens, faut-il mettre l'accent sur une culture d'emprunt, déjà très largement véhiculée par les médias de masse, ou favoriser l'exploitation d'un génie propre qui ne tarde jamais à refaire surface pour peu qu'on le sollicite avec confiance? La réponse à cette question aura une influence déterminante sur le mode d'allocation et d'aménagement des ressources artistiques en chacun de nos milieux de vie.

À notre avis, il n'existe pas, dans le territoire que nous desservons, de modèle uniforme de développement culturel, car les valeurs et les normes, les expériences et les traditions sont très différentes d'un endroit à un autre. La culture en région nous semble donc un phénomène pluriel qu'on pourrait facilement trahir à trop vouloir le réduire en données homogènes.

Nous tenons cependant à donner notre entier appui à la recommandation no 52 visant à faciliter les échanges interrégionaux en matière de manifestations d'artistes et d'organismes à l'échelle du Québec. Nous attribuons à cette idée un grand pouvoir de renouveau, tant par la mise en commun des talents et compétences que par le bon accueil de la créativité d'autrui.

Le troisième chapitre de la proposition de politique, consacré à la gestion de la mission culturelle de l'État, éclaire d'une lumière nouvelle le champ des relations à promouvoir entre la culture et les autres aspects de la vie collective. L'approche intégrée que préconise le groupe-conseil quant à l'orientation des politiques gouvernementales nous semble de bon augure. Nous sommes en effet solidaires de la volonté de créer des ponts entre les missions sociale, économique et culturelle de façon à ce que le domaine artistique ne soit pas un cul-de-sac ou une voie secondaire, mais un échangeur stratégique, un carrefour d'audace et d'innovation.

Pour que la création et la diffusion de l'art rejoignent le plus grand nombre possible de citoyens dans leur expérience quotidienne, il faut que l'État donne à sa mission culturelle le caractère d'activité vitale pour la collectivité. Dans cette foulée, la bienveillance de l'État envers les créateurs ne sera plus perçue comme un cadeau ou un privilège, mais comme un devoir envers des multiplicateurs d'influence qui entretiennent l'hygiène morale de la société.

Nous endossons la recommandation no 74 en faveur de la création d'un ministère de la Culture et nous espérons que cette instance saura coordonner avec imagination et audace l'action des nombreux intervenants du monde de la culture de manière à atténuer le chevauchement apparent de leur action.

Au sujet du financement de l'activité artistique, nous nous rallions totalement à la volonté exprimée par le groupe-conseil d'inciter et d'encourager tes entreprises à investir de plus en plus dans la culture. Le nombre d'administrations qui soutiennent l'initiative artistique ne cesse de croître au Québec et chacune définit sa manière propre et son créneau particulier. Il importe d'enrichir la fécondité de ce partenariat.

Nous croyons, à Québec-Téléphone, que l'apport des milieux de travail à la dynamique culturelle doit s'enrichir de dimensions nouvelles au-delà de la simple contribution financière. L'engagement de gestionnaires dans le soutien administratif des organismes, le bénévolat tech-

nique, le prêt de locaux ou d'équipements, l'aide à la diffusion sont autant de manifestations d'un intérêt sincère pour la culture. Mais j'ose affirmer que cet encouragement doit refléter des valeurs authentiques bien appuyées par la collectivité. Un souci de pérennité peut toutefois conduire les organisateurs de grandes manifestations populaires à perpétuer des formules d'animation socio-culturelle qui ont perdu de leur intérêt. Quand l'essoufflement se propage, quand le bénévolat s'estompe, on voit disparaître peu à peu des traditions que l'on estimait bien ancrées. Il ne faut pas s'étonner outre mesure de cet émondage qui nous apparaît tout à fait normal.

Plusieurs organismes culturels de nos milieux se croient tenus de favoriser la croissance de leurs activités, mais ces mouvements se heurtent tôt ou tard à des barrières insurmontables. C'est le cas de certains festivals artistiques de province qui aspirent à un rayonnement international. Pour s'assurer la participation de juges et de critiques de l'extérieur, les organisateurs engagent des dépenses toujours croissantes sans pour autant recruter un public plus large, celui qui se trouve uniquement dans les grands centres, par exemple. Plusieurs commanditaires du secteur privé ont tendance, et nous-mêmes agissons ainsi, à suspendre alors leur appui à de bonnes idées dont la mise en valeur dépasse la capacité d'accueil et d'encadrement des milieux qui les soutiennent. Je suis porté à conclure que nos visées culturelles dans les milieux à taille humaine doivent être constamment proportionnées à nos besoins.

Au nom de Québec-Téléphone, je vous remercie d'avoir pris la peine d'entendre notre mémoire.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Bouchard. Je vais maintenant passer la parole à M. le député de Charlevoix qui va discuter avec vous de votre présentation. Je vous rappellerai que vous avez 10 minutes, M. le député de Charlevoix, parce que nous avons dépassé un peu le temps. J'ai laissé M. Bouchard terminer la présentation de son mémoire. Donc, je vais être obligé de prendre un peu de temps de chacun de nos deux côtés. Le mémoire était tellement intéressant que j'ai jugé utile de vous laisser le lire jusqu'à la fin.

Une voix:...

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, mon cher ami.

M. Bradet: Merci, M. le Président. M. Bouchard, je voudrais vous remercier de votre présentation. Je suis très heureux, avec l'ensemble de mes collègues de cette commission, de constater l'importance et la diversité du mécénat que vous exercez dans le domaine des arts et de la culture, surtout en région. Cette sensibilité, je pense, dont vous faites preuve à l'égard de la réalité et des besoins culturels hors des grands centres mérite d'être soulignée, d'autant plus qu'à la page 1 de votre mémoire, en fin de paragraphe, on dit: "Le tiers des fonds que Québec-Téléphone attribue à ses programmes de mécénat social est destiné aux arts et à la culture, la moyenne nationale de l'engagement du secteur privé à ce chapitre étant de 14 %." Alors, c'est tout à votre honneur. Je ne peux que vous féliciter et vous encourager à continuer dans cette voie.

Ma première question concerne précisément cet item du mécénat. Vous nous proposez d'inciter et d'encourager des entreprises à investir de plus en plus dans la culture. Quels sont les moyens concrets que vous proposez pour encourager le mécénat des entreprises à l'égard des arts et de la culture? En somme, faites-vous une différence entre commandite et mécénat?

M. Bouchard: Je pense, effectivement, qu'il pourrait y avoir des mesures fiscales; on en parle dans le rapport Arpin. N'étant pas un spécialiste en cette matière, je n'ai pas voulu commenter et dire que nous exigions que cela se fasse. C'est quand même, je pense, un moyen incitatif, à ce moment-là, pour les entreprises à faire du mécénat. Cependant, ce qui m'apparaît le plus important, quant à moi... Je dois vous avouer que, parfois, on peut faire des choses qui ne coûtent pas très cher. Toutes les grandes entreprises, effectivement, ont des collections de peinture, ne serait-ce que pour décorer les bureaux de la direction. Nous avons jugé opportun, parce que nous devons publier un annuaire téléphonique à chacune des années, de prendre une des toiles de notre collection et de la reproduire sur l'annuaire téléphonique. Ça ne nous coûte rien de plus pour la confection de l'annuaire téléphonique, ou simplement quelques milliers de dollars pour le traitement de séparation de couleurs de ces toiles-là, et ça permet à 350 000 reproductions de ces toiles, sur nos annuaires, de circuler. Je pense que les entreprises doivent effectivement, dans la conduite de leurs activités, essayer d'intégrer le plus possible toute la gestion des affaires culturelles à leur quotidien, ne serait-ce que de trouver des choses qui peuvent être faites qui ne coûtent rien de plus. Pourquoi, à l'intérieur des rapports annuels des diverses entreprises qui doivent en produire, n'y aurait-il pas une reproduction d'une toile d'un artiste québécois, ou d'une sculpture, ou autre chose? Je pense donc que c'est par l'imagination des entreprises, sur des dépenses qu'elles sont tenues de faire de toute façon, que l'entreprise pourrait le mieux développer son expertise pour aider à promouvoir la culture au Québec.

M. Bradet: M. Bouchard, j'aimerais que vous

nous éclairiez au sujet d'une de vos propositions parlant d'une action concertée des cégeps et des universités quant au développement de la formation des gestionnaires de la culture. Cette formation, à votre avis, devrait-elle s'adresser aux seuls futurs gestionnaires des arts ou devrait-elle également inclure l'ensemble des étudiants des différentes disciplines artistiques?

M. Bouchard: II nous apparaît clair que la formation devrait, effectivement, inclure l'ensemble des étudiants et, à titre d'ancien président de commission scolaire durant une douzaine d'années, vous me permettrez de dire qu'il m'apparaît excessivement important qu'il y ait, dès le niveau primaire, un travail de fait auprès des jeunes. Et, à titre de président, ancien également, du Musée de Rimouski, nous avions développé un genre de partenariat entre le Musée régional de Rimouski et la commission scolaire pour que les jeunes ne soient pas déconcertés par l'art. C'est notre clientèle de demain. Et si les personnes qui, à Rimouski, ont entre 35 et 50 ans, par exemple, ou au-delà, ne vont pas au musée, probablement que leurs enfants et leurs petits-enfants iront. Il m'apparaît qu'il est excessivement important que l'on essaie de trouver, non pas toujours des moyens qui vont coûter plus cher, mais des moyens pour développer la concertation à ce niveau-là. Lorsque je dis qu'il est important également que les étudiants, qui seront des gestionnaires ultérieurement ou des professionnels, bénéficient de ces cours-là, c'est qu'il m'apparaît, à ce moment-là, que ces gens-là, lorsqu'ils auront à prendre des décisions, pourront effectivement les teinter le plus possible avec une dimension artistique et un soutien à la culture, comme je le disais tout à l'heure, dans des activités quotidiennes que, de toute façon, ils doivent faire.

Le Président (M. Gobé): Vous avez terminé,

M. le député de Charlevoix? Alors, il vous reste deux minutes, madame, sur le temps du député de Charlevoix.

Mme Frulla-Hébert: J'aimerais, M. Bouchard, juste...

Une voix:...

Mme Frulla-Hébert: J'ai vu certains sourires, en plus de ça, derrière. Vous dites, à la page 7 de votre mémoire: "...on peut se demander s'il est vraiment nécessaire de se doter à grands frais d'équipements haut de gamme destinés à satisfaire par moments les exigences techniques de plus en plus grandes des groupes de passage". Pourriez-vous juste expliquer un peu plus? Parce que, nous, on investit à grands frais dans les équipements haut de gamme, les demandes sont là, partout.

M. Bouchard: Bon. Ce que je veux dire par cette phrase-là, c'est évidemment qu'il est impensable qu'il y ait à Rimouski une Place des Arts ou un Grand-Théâtre de la même dimension que ça peut exister ici, à Québec, ou à Montréal. Et, évidemment, dans d'autres milieux encore plus restreints que ne l'est Rimouski au niveau de la population, si nous faisons des investissements dans des édifices haut de gamme, que nous qualifions, pour, à ce moment-là, peut-être accueillir et justifier le haut de gamme pour quatre, cinq ou six manifestations par année, est-ce que cela est nécessairement correct? C'est la question que nous posons.

Mme Frulla-Hébert: C'est la question de l'utilisation. (16 h 45)

M. Bouchard: Évidemment, si l'État ou les municipalités peuvent le payer... Mais jusqu'où - on l'a discuté beaucoup à Rimouski, M. Tremblay le sait également - jusqu'où la population de Rimouski est-elle prête à investir dans un règlement d'emprunt et à payer des taxes ultérieurement pour la construction d'une salle qui coûterait x millions de dollars? Jusqu'où doit-on aller? Et doit-on toujours se permettre... Un exemple qui me vient à l'esprit, c'est la salle de Baie-Comeau. Heureusement pour les gens de Baie-Comeau, j'en suis, si on peut avoir ça partout. Mais, si je ne m'abuse, Hydro-Québec a investi quelque 4 000 000 $ à 5 000 000 $ dans cette salle-là.

Mme Frulla-Hébert: 5 000 000 $.

M. Bouchard: Je me pose des questions. Si on peut le faire, tant mieux. Je serais entièrement d'accord. Mais, évidemment, comme administrateur d'une entreprise dont, en plus, le taux de rendement est réglementé, nous sommes habitués à donner le maximum avec le minimum.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Bouchard. Merci, Mme la ministre. Je dois maintenant passer la parole à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. Bouchard, comme entrée en matière, je vous dirai qu'au mois d'avril j'ai décidé de précéder ma collègue, vis-à-vis et néanmoins amie, et d'aller dans votre région où j'ai rencontré différents intervenants du milieu de la culture: le Conseil régional, le directeur du musée, etc. Je pense que l'honnêteté doit prévaloir, j'ai entendu des commentaires extrêmement élogieux quant à l'implication de Québec-Téléphone. Je pense qu'il faut le dire. Je remarque d'ailleurs que vous êtes sous juridiction québécoise. Enfin, je le savais, mais j'ai trouvé ça intéressant que vous le disiez. Vous n'avez pas l'air de vous trop, trop mal porter. Les tenants de la double juridiction en prennent peut-être

pour leur rhume en vous voyant. Vous n'avez pas l'air trop magané d'être sous une seule juridiction.

M. Bouchard: Je ne commenterai pas là-dessus, si ça ne vous fait rien.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Je ne sais pas si je l'ai lu comme il faut, à la page 9, vous dites, M. Bouchard: "Nous croyons à Québec-Téléphone - qui est peut-être l'embryon du Québec-Télécom, on ne sait pas - que l'apport des milieux de travail à la dynamique culturelle doit s'enrichir de dimensions nouvelles au-delà de la simple contribution financière. L'engagement de gestionnaires dans le soutien administratif des organismes, le bénévolat technique, le prêt de locaux ou d'équipements, l'aide à la diffusion sont autant de manifestations d'un intérêt sincère pour la culture. " C'est-à-dire qu'il y a pratique, si vous voulez, de prêt de cadres, de gestionnaires de la part de Québec-Téléphone auprès des organismes culturels.

M. Bouchard: Effectivement, ce que nous encourageons chez nos gestionnaires à Québec-Téléphone, et dans la dimension la plus large possible, effectivement, puisque nous avons des personnes qui, à l'intérieur de l'entreprise, ne sont pas considérées comme des gestionnaires, étant, par exemple, des installateurs-réparateurs qui peuvent être maire de leur municipalité, nous encourageons notre personnel à adhérer à divers organismes et à y oeuvrer. Et lorsque nous parlons de cet engagement, nous sommes fiers que nos gens apportent leur expertise dans les divers milieux, incluant celui de la culture et des arts.

Quand on parle de bénévolat technique, de prêt de locaux, il nous arrive... et je vais encore donner des exemples quand j'étais président de la corporation du Musée de Rimouski. Si je parlais avec ce chapeau-là, je dirais qu'on manquait absolument d'argent. Il fallait encore faire preuve d'une plus grande imagination. Mais nous avons eu des expositions qui étaient montées pour le musée par d'anciens employés de Québec-Téléphone, qui allaient bénévolement aider à monter l'exposition. Ce sont des choses du genre que j'indique, à ce moment-là, lorsque je parle de prêt de locaux, de prêt d'équipements. Je pense que les entreprises peuvent, à ce moment-là, non seulement penser toujours dire: Je vais vous donner 1000 $, je vais vous donner 5000 $, ou 200 $, ou peu importe, mais également, avec leur service d'imprimerie, à un moment donné, aider une corporation sans but lucratif à faire un dépliant publicitaire ou à faire autre chose. Donc, ce que nous voulons encourager, c'est de demander aux entreprises et que les entreprises soient incitées à faire preuve d'ingéniosité dans les moyens. Ce n'est pas uniquement une question de remise d'argent.

M. Boulerice: Je vous avoue que je trouve que c'est effectivement une avenue intéressante. Mais, voyez-vous, dans la circonscription que je représente, M. Bouchard, j'ai Molson O'keefe, c'est gros, FUR Macdonald, Gaz Métropolitain, je peux vous en nommer plusieurs, qui sont de puissantes sociétés, avec des revenus, etc. Donc, quand on parle de mécénat, bien oui, la première chose qu'on demande, effectivement, c'est des sous, sauf qu'il a d'autres façons d'aider, au même titre que dans nos bureaux respectifs de députés. On va voir le député de Marguerite-Bourgeoys, il dit: Je n'ai peut-être pas de sous, mais je pourrais peut-être vous donner des services, ce qui est une formule qui est avantageuse. Alors, moi, j'ai, au niveau du mécénat, dans ma circonscription, un bassin drôlement important. Par contre, chez vous, vous êtes pratiquement tout seul. Vous me parliez de Baie-Comeau où il y a l'équivalent, peu importe quelle est sa sphère d'activité; en Abitibi, iI n'y en a qu'un seul; au Lac-Saint-Jean, c'est Alcan; tandis que nous, à Montréal, dans un grand centre urbain - et même, à ce niveau-là, je suis en train de me demander si Québec capitale n'est pas défavorisée, elle aussi, par rapport au grand centre urbain de Montréal - il y a l'abondance, on peut aller frapper à 15, 20, 30 portes, les compagnies d'assurances, les mutuelles, les banques, en veux-tu en v'Ià, comme on dit en bon québécois.

Alors, quand on parle du mécénat d'entreprises qui se cultive au Québec, qui se cultive d'ailleurs de plus en plus, moi, il y a toujours deux choses qui m'inquiètent. Je dis oui au mécénat et je vais faire tout pour l'inciter, mais il y a deux choses qui m'inquiètent, M. Bouchard, et j'aimerais entendre vos commentaires là-dessus, puisque vous le vivez. Qu'est-ce qu'on fait en région quand il n'y en a qu'un seul, mécène? La seule porte où je peux aller frapper, si je suis un Rimouskois, c'est chez vous, vous êtes le seul. Ce n'est pas facile, facile. Bon, peut-être celle-là, et je formulerai l'autre dans deux secondes.

M. Bouchard: C'est évident que c'est un problème que nous vivons quotidiennement que vous soulevez. Il faut quand même essayer, je pense, à ce moment-là, et c'est ce que nous réussissons parfois à faire avec d'autres entreprises - je pense aux grandes entreprises qui sont sur la Côte-Nord, que ce soit la Reynolds, que ce soit la Compagnie de papier Québec et Ontario... Il s'est développé, entre nos entreprises, des contacts à cet égard et il peut, effectivement, survenir que nous devions unir nos efforts. Il est évident, si on comparait les budgets dont. Québec-Téléphone peut disposer au niveau des dons et de sa politique de mécénat,

que c'est très, très, très mince. Même si nous consacrons une enveloppe importante de notre portefeuille, si l'on veut, à cet égard-là, c'est mince comme montant global. Ça ne se compare pas à ce que peut faire Hydro-Québec, Bell Canada ou les grandes compagnies d'assurances dont vous parliez tout à l'heure. Mais je pense également que, même s'il est exact qu'il y a peu d'entreprises dans le territoire où nous opérons, dont le siège social s'y situe, il n'en demeure pas moins que les grandes banques, les compagnies d'assurances auxquelles vous faites référence viennent opérer dans ces territoires-là et qu'elles font de l'argent. Il m'apparaît très important que les groupes chez nous, dans le territoire où nous opérons, s'adressent également à ces entreprises-là, même si leur siège social est à l'extérieur du territoire d'opération, et ces entreprises-là devraient, à ce moment-là, dans leur mission sociale, accepter qu'une partie de l'argent y retourne. D'ailleurs, Hydro-Québec, chez nous à Rimouski, qui n'a quand même pas un bureau extraordinairement important, consacre des montants d'argent, pour le secteur du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, relativement importants. On est en contact quotidien avec eux et on le sait. C'est l'entreprise qui est aussi sollicitée que nous dans le territoire, à Rimouski.

M. Boulerice: M. Bouchard, comme me faisait remarquer avec humour mon collègue, le député d'Ungava: Hydro-Québec prend son eau dans ma circonscription, mais le robinet d'argent coule dans la tienne. Je pense que la dimension que vous apportez est importante.

Toujours dans le mécénat d'entreprises, M. Bouchard, moi, j'ai une autre, je ne sais pas si je dois dire inquiétude ou désolation, enfin vous jugerez après l'expression que je vais en faire. C'est bien entendu que, quand il y a une grande fête sous la présidence d'honneur du ou de la députée, on ne hait pas ça être assis à la table d'honneur, hein? Alors, moi, je dis que l'entreprise qui donne, parce qu'elle donne quand même des sous, est portée très souvent - et j'ai vécu des expériences - à aller vers un produit haut de gamme, un produit de grande visibilité. Bon. Je ne veux pas être mesquin envers certaines compagnies, donc je ne donnerai pas de noms, mais je vois les compagnies subventionner les Grands Ballets canadiens; c'est chic, c'est beau et on est en • smoking ce soir-là. Par contre, il y a une petite troupe qui fait du théâtre expérimental et qui fait du théâtre expérimental pour femmes. Ils sont venus me voir en disant: On voudrait faire une petite levée de fonds. Je ne vous dirai pas ce que j'avais dans les mains quand je suis allé solliciter: d'un côté, j'avais le billet, mais, de l'autre, j'avais autre chose. Ça, c'était moins "glamour", il y avait moins de propension à aller vers cela. Je me dis: Si on va vers un mécénat qui n'est pas sensible à cette autre réalité de l'expression culturelle qui est...

Il y a peut-être les grandes institutions, mais il y a peut-être celles qui seront les grandes institutions dans 5 ans, dans 10 ans, dans 15 ans. On fait peut-être fausse route. Comment faire pour sensibiliser le mécénat d'entreprises à des activités, je ne dis pas bas de gamme, là, mais des activités, mettons, entre guillemets, moins "glamour"?

M. Bouchard: Ce n'est pas une question qui est à l'extérieur du rapport Arpin que vous soulevez parce qu'à l'intérieur du rapport on parle, à un moment donné, de saupoudrage et qu'on devrait possiblement cesser ça et avoir plus d'argent pour des choses qui le méritent plus. Il est difficile de concilier les deux choses, mais je pense qu'il est important, au sein des entreprises, d'analyser ce qui en est. Je vais vous donner l'expérience que je connais la mieux, c'est celle de chez nous. Si nous sommes en mesure de subventionner un concert de l'Orchestre symphonique de Québec à Rimouski, qui, autrement, ne viendrait pas si nous ne la subventionnions pas, et probablement à peu près personne d'autre que nous ne peut le faire à Rimouski, si nous avons ce rôle-là, je crois que nous avons également l'obligation de consacrer des montants d'argent à des ensembles qui sont beaucoup plus petits. Je vais vous donner un exemple. Nous avons subventionné l'ensemble Fleuriault, M. Tremblay le connaît sûrement, à Rimouski, qui est un petit ensemble vocal de quatre personnes qui ont fait une tournée dans le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, qui a été financée par Québec-Téléphone. Nous avons financé ce même groupe-là à la période des fêtes pour aller dans les foyers de personnes âgées. Donc, je ne sais pas si c'est parce que nous sommes plus près de la population, n'étant pas encore des super-entreprises dont vous semblez avoir la vision en tête, mais je pense qu'il est possible de marier les deux choses, et ça m'apparaît dans le rôle social de l'entreprise de le faire également. Ce n'est pas facile, par contre.

M. Boulerice: Ce n'est pas facile, oui. J'ai l'impression que le président va me sonner la cloche bientôt.

Le Président (M. Gobé): II vous reste quelques secondes, M. le député.

M. Boulerice: Quelques secondes. Je vous dirai tout simplement, M. Bouchard, que j'ai énormément apprécié votre participation à cette commission, l'échange que nous avons eu, mon collègue de Charlevoix, Mme la ministre et moi. C'est bien entendu que je vais me servir de la transcription des débats puisque ce que vous venez de dire est enregistré, et les gens moins sensibles que vous que je connais à Montréal se feront servir votre argumentaire en disant: Bien, s'il y a des gens sensibles à Rimouski, il devrait

y en avoir en région métropolitaine, et, effectivement: Renversez donc la tuyauterie; si l'eau est prise dans Chibougamau, ne faites pas couler uniquement en région métropolitaine. Encore une fois, merci, M. Bouchard, et au plaisir de vous revoir à Rimouski bientôt.

M. Bouchard: Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

Mme Frulla-Hébert: Merci, monsieur...

Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Frulla-Hébert:... par dessus mon président, on est délinquant à cinq heures.

M. Boulerice: C'était le "fun". C'est bon, ça.

Le Président (M. Gobé): Comme d'habitude.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Bouchard. Évidemment, il y a toute cette histoire de la salle de concert chez vous. Alors, on verra ça. Finalement, espérons que nous pourrons continuer ce partenariat.

M. Bouchard: Souhaitons-le. Mme Frulla-Hébert: Merci.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Bouchard. Merci, Mme la ministre. Ceci met fin à votre présentation. Je vous demanderai de vous retirer et au prochain groupe de bien vouloir se présenter. Il s'agit de l'Ordre des architectes du Québec. Pour ce faire, je suspends les travaux une minute.

(Suspension de la séance à 17 h 1 )

(Reprise 17h 2)

Le Président (M. Gobé): Alors, mesdames et messieurs, bonsoir, bon après-midi. Nous allons maintenant entendre l'Ordre des architectes du Québec et je vais vous nommer, ça va aller plus vite. Si vous voulez, identifiez-vous au fur et à mesure pour que celui qui fait la transcription en haut puisse vous reconnaître si vous intervenez. M. Bernard McNamara, président?

M. McNamara (Bernard): M. le Président, j'aimerais présenter les membres de notre groupe, si vous me le permettez.

Le Président (M. Gobé): Oui, faites-le. Allez-y.

Ordre des architectes du Québec

M. McNamara: Tout d'abord, M. le Président, Mme la ministre et mesdames et messieurs membres de cette commission, nous tenons à vous remercier de votre invitation. Les membres de notre groupe. En fait, à partir de ma gauche, je vous présente M. Jean-Pierre Hardenne, diplômé de l'École nationale supérieure des arts visuels de Cambre en Belgique. M. Hardenne est directeur et fondateur du département de design de l'Université du Québec à Montréal. M. Jean-Louis Robillard; en plus de pratiquer l'architecture, M. Robillard est professeur fondateur du programme de design de l'environnement de l'Université du Québec à Montréal, cofondateur de la revue Architecture Québec et président initiateur des Archifêtes des années quatre-vingt. À ma droite, Mme Josette Michaud, vice-présidente de l'Ordre des architectes du Québec. En plus de pratiquer l'architecture, Mme Michaud est l'auteure de plusieurs publications sur l'architecture. M. Pierre Thibault, membre du bureau de l'Ordre des architectes du Québec; en plus de pratiquer l'architecture, M. Thibault est professeur à l'École d'architecture de l'Université Laval et est membre du Conseil des monuments et sites historiques. Le dernier et non le moindre, M. Jean-Marie Roy. M. Roy et son étude se sont distingués à plusieurs reprises en recevant la médaille du gouverneur général du Canada en 1967 et en 1985, la médaille du mérite de l'Ordre des architectes du Québec en 1989 et le prix d'excellence en architecture de l'Ordre des architectes du Québec en 1985. M. Roy a aussi été président du conseil d'administration du Musée du Québec de 1984 à 1989.

M. le Président, j'aimerais tout d'abord vous présenter rapidement nôtre corporation professionnelle.

Le Président (M. Gobé): Je m'excuse, monsieur, mais le temps, incluant votre témoignage, est parti depuis 17 heures. Alors, si vos présentations sont longues, vous pourriez peut-être manquer tout à l'heure de temps pour expliquer votre mémoire.

M. McNamara: Nous avons essayé de planifier assez bien notre présentation de manière à ce que nous ne manquions pas de temps.

Le Président (M. Gobé): Je comprends. C'est parce que je ne voudrais pas que vous pensiez qu'au moment où vous allez commencer votre mémoire, le temps part. C'est dès le début. Allez-y, continuez.

M. McNamara: Alors, l'Ordre des architectes du Québec a été fondé en 1890 et regroupe 2500 architectes et à peu près 1000 stagiaires qui pratiquent l'architecture dans le secteur privé

autant que dans le secteur public. Depuis 1974, date de la fondation de l'Office des professions, l'OAQ a pour fonction d'assurer la protection du public dans la production de notre environnement construit. L'Office des professions est certes l'instance toute désignée pour encadrer les activités de l'Ordre des architectes du Québec, mais nous croyons toutefois que le ministère des Affaires culturelles est pour nous l'interlocuteur privilégié pour affirmer et développer l'aspect culturel de l'architecture.

Depuis une décennie, l'Ordre des architectes du Québec a réalisé certains événements pour démontrer l'importance culturelle de l'architecture, que ce soient les Archifêtes des années quatre-vingt, ou le Congrès mondial de l'Union internationale des architectes en 1990, année de notre centenaire, ou les publications que l'Ordre a présentées en 1983 au premier ministre de l'époque, l'honorable René Lévesque, "Vers une politique de l'architecture", ou le document "Pour une politique de l'architecture" présenté aux Affaires culturelles en janvier 1990.

Suite à la parution du rapport Arpin en juillet dernier, l'OAQ a déposé un mémoire, car l'OAQ est convaincu qu'il est de son devoir de s'impliquer dans ce débat, d'autant plus que le rapport Arpin a relégué l'architecture au second plan. Nous voulons donc aujourd'hui vous sensibiliser à une reconnaissance de l'architecture comme production culturelle et vous faire part de nos attentes.

Le mémoire que nous vous avons déposé réaffirme et développe les positions de l'Ordre des architectes du Québec à partir de trois thèmes fondamentaux. Je demanderai à mon collègue, M. Jean-Louis Robillard, de vous les présenter, et, par la suite, à Mme Josette Michaud de vous faire part de nos recommandations.

M. Robillard (Jean-Louis): En fait, le mémoire que nous déposons a trois objectifs. Le premier, c'est de rappeler au ministère des Affaires culturelles que l'architecture fait partie intégrante de la culture, ce que le rapport Arpin n'a pas fait.

Le deuxième objectif aussi, c'est de rappeler au ministère des Affaires culturelles que cette décennie a été déclarée décennie du développement culturel par l'UNESCO et que le Québec, en 1990, lors du congrès de l'Union internationale des architectes, a initié, a été initiateur, en tout cas, d'une déclaration qui s'est appelée "Déclaration de Montréal", qui a été approuvée par 80 pays, pour développer des politiques nationales d'architecture. Nous croyons que le ministère des Affaires culturelles doit assurer le suivi d'un tel engagement.

Enfin, nous voulons convaincre le ministère des Affaires culturelles, puisque cela n'a pas été possible depuis 10 ans d'interventions ponctuelles, que le dossier architecture est de son ressort et qu'il doit en assumer le leadership auprès de l'ensemble des instances gouvernementales. Cette responsabilité est d'autant plus urgente que le gouvernement n'a pas considéré essentiel qu'il y ait un ou des ministères nommément responsables de l'aménagement du territoire, de la ville ou de l'habitation.

Il va sans dire que nous savons déjà que les sommes qui pourraient être consacrées à cette responsabilité sont déjà dans les poches de plusieurs autres organismes qui gèrent présentement le parc immobilier, par exemple, du gouvernement, c'est-à-dire la SIQ, et d'autres organismes qui, autant que des ministères, gèrent des programmes de construction absolument considérables.

Le premier thème de l'architecture et de la société québécoise, c'est très facile à expliquer: toute société est productrice d'architecture et, en même temps, celle-ci est son reflet, un reflet qui est celui de son histoire, celui de son évolution et celui de cette sensibilité à son milieu. En ce sens-là, je crois que ça serait bien difficile de vous dire que la maison québécoise, qui est connue internationalement, nous a reflétés et implique, et imprime notre appartenance à un lieu, mais aussi à nos institutions du Régime français; l'extraordinaire patrimoine que nous avons développé, et qui est le patrimoine victorien, a saisi tout à fait le caractère québécois, ce caractère exubérant du peuple québécois. Et cette série d'exemples vient jusqu'aux années soixante, au moment de la Révolution tranquille, où l'architecture s'est développée au Québec et s'est affirmée: dans le métro de Montréal, dans les églises du Lac-Saint-Jean, et jusqu'à l'Expo 67 qui a été la plus grande manifestation d'accueil d'une architecture de qualité, et pas seulement un accueil de production internationale, mais une production à laquelle nous avons bien contribué.

Je dois dire - c'est une sorte d'aparté mais qui est essentiel aussi - que nous avions aussi un personnage politique qui s'est appelé Jean Drapeau, qui a cru à l'architecture comme étant une valeur fondamentale dans le développement et dans l'expression de ce que nous avions à dire.

Malgré ces moments privilégiés, on pourrait quand même questionner que l'architecture soit reconnue comme une valeur culturelle de premier plan au Québec. La population y voit d'abord un patrimoine et c'est à peu près la seule chose qu'elle y reconnaît puisqu'on le "propagande", surtout sur l'aspect touristique. Les élus et les dirigeants ont plus peur que n'importe qui des architectes, vous le savez, puisqu'on pose des pièges économiques qui semblent très difficiles à solutionner. Il va sans dire que le Stade tout comme le Palais des congrès ont été des exemples vibrants. Et, ce qui est même plus désolant, c'est que même l'élite artistique intellectuelle du Québec ne croit pas que l'architecture a cette

prépondérance culturelle.

Il y a une priorité qui est culturelle, mais il y a une priorité sociale, au même titre que l'éducation et la santé qui ont été les deux grands sujets de la naissance du Québec moderne; la priorité sociale de l'architecture et de ('"habité" n'a pas été prise en compte par le gouvernement. C'est donc dire que nous demandons, et nous demanderons, de reconnaître le statut d'intérêt public de l'architecture au même titre que l'éducation et la santé.

C'est assez facile, aussi, de dire que l'architecture est une production culturelle puisque, quotidiennement, la culture matérielle de notre peuple, qui comprend tous nos objets, notre architecture et nos espaces, est complètement le fruit de notre sensibilité et de notre appréhension du monde et, en même temps, nous donne la possibilité d'exprimer cet élément de distinction que tout le monde cherche. L'exemple des pays Scandinaves, dont l'échelle démographique est très semblable à celle du Québec, nous a prouvé que le meuble Scandinave, je dirais même le produit, le bois de teck des années cinquante, a fait partie d'une définition très claire de ce qu'était la Scandinavie pour nous, c'est-à-dire que ce sont des producteurs de mobilier de qualité. Aujourd'hui, IKEA a pris la suite, par exemple.

Les Pays-Bas, sur le plan de l'architecture et surtout sur le plan de l'habitation, ont montré à quel point ils avaient même consacré certains coûts de projets d'habitation pour loger des artistes et inclure déjà un aspect qui était comme un mécénat culturel à l'intérieur même de projets dont l'échelle est primordiale, est considérée comme primordiale aux Pays-Bas.

Parlons des grands travaux du président Mitterrand. C'est bien certain que la France vit une explosion économique importante, mais aussi une explosion architecturale d'autant plus importante que, maintenant, après 20 ans, elle devient presque "préséante" sur le plan mondial avec un programme de concours d'architecture publique, avec des grands travaux qui, bien certainement, devraient aussi peut-être nous qualifier. Ça ne veut pas nécessairement dire qu'il faut absolument un président pour des grands travaux, vous savez. C'est absolument important de penser que cette production culturelle doit maintenant devenir la mission. L'architecture a trois composantes, c'est bien certain. Elle est économique et technique; elle résout ces problèmes-là. De toute façon, à travers le Québec, on a presque l'exemple que c'est d'abord cet aspect-là qui est solutionné.

Il y a aussi les préoccupations sociales. Il va sans dire que, tant sur le plan du logement que sur le plan de la répartition ou des problèmes qui sont causés maintenant par l'accroissement des banlieues, l'aménagement du territoire et les problèmes de l'environnement, qui sont tout aussi reliés, c'est évident que l'architecture doit résoudre ces choses-là. Mais si on n'y ajoute pas et qu'on n'appuie pas sur... si on n'insiste pas sur l'aspect culturel que cette architecture permet de reconnaître comme étant un élément fondamental, Je crois qu'on n'appellera plus ça de l'architecture, on va appeler ça de la construction, du bâtiment, et on a énormément d'industries qui s'en occupent d'ores et déjà. (17 h 15)

II faut donc penser qu'il faudra une reconnaissance nationale et internationale de notre architecture et, pour ce faire, il va falloir que ce ne soit pas simplement en attendant de reconnaître le nom de Moshe Safdie pour Habitat 67 que ce sera le cas ou le temps de le faire. Il est bien certain que, si on prenait les tours de la ville de Montréal depuis 12 ans, toutes les tours à bureaux qui ont poussé, et qu'on essayait de savoir en quoi, à travers les publications internationales, elles ont quelque chose de marquant, je serais fort surpris que vous ou nous puissions en nommer. Les gens viennent de partout et disent: Ah bon! Il y a beaucoup de tours; mais ça s'arrête là. Et c'est assez marrant parce qu'un petit bâtiment - je dirais petit, mais peut-être fort important pour nous - le Centre canadien d'architecture, a montré qu'en très peu de temps il pouvait obtenir une reconnaissance internationale. Il y a quelque chose qui se passe. Il y a quelque chose dans le processus qui doit être compris et c'est pourquoi nous sommes ici.

En tant qu'architecture et création, il va sans dire, que ce soit par Michel-Ange - le dôme de Saint-Pierre - jusqu'à Le Corbusier, Frank Lloyd Wright ou Mies van der Rohe dont on a les bâtiments, l'architecte est quand même connu et peut être reconnu comme un créateur. Ce n'est pas le cas au Québec. Et il n'y a aucun programme d'aide qui nous permette de penser qu'au-delà du marché et de la commande un peu aléatoire dont nous sommes tributaires il y a une aide de reconnaissance de cet élément créatif. Il n'y a que le Conseil des arts du Canada qui a un programme de subvention à l'architecture.

Je crois que le premier objectif du rapport Arpin était de favoriser la création. C'est bien certain qu'en termes d'architecture nous demandons la même chose. En ce sens, nous avons malheureusement été surpris que le mot architecture soit trop, et presque seulement relié à la notion de patrimoine, qu'il soit aussi délayé dans l'expression "cadre culturel de vie", ce qui ne veut absolument pas dire ce que la réalité de l'architecture d'aménagement du territoire est, mais au contraire, c'est une notion qui a permis au rapport Arpin de nous reléguer aux oubliettes dans un projet à long terme.

En ce qui nous concerne, au-delà du patrimoine, il y a l'architecture contemporaine d'aujourd'hui. Il y a le besoin de l'architecture du Québec de s'exprimer. On a un immense retard et on a besoin, maintenant, d'une pollti-

que de l'architecture, mais nous sommes bien d'accord que cette politique de l'architecture doit d'abord commencer par une place dans la politique de la culture du Québec.

Je crois que Mme Michaud pourra maintenant...

Le Président (M. Gobé): Oui, nous vous rappelons que votre temps est maintenant écoulé et que vous êtes sur le temps de chacun des deux partis. Alors, cela va limiter d'autant les discussions que nous aurons après. Vous pouvez y aller pareil, madame.

Mme Michaud (Josette): C'est un bâillon?

Le Président (M. Gobé): Non. C'est les règles établies par les membres de cette commission pour les 260 groupes qui vont venir témoigner.

Mme Michaud: . J'essaierai d'être brève. On aura compris, au ton que nous tenons ici, que nous ne tolérons plus - et c'est ce que nous sommes venus dire ici - d'être relégués dans l'oubli, encore pire dans l'indifférence du gouvernement qui n'a prononcé le mot "architecture" dans le rapport Arpin que deux fois. Et ce que nous venons réclamer ici, c'est une déclaration d'intérêt public de l'architecture comme production culturelle. Quand je parle de déclaration, je ne parle pas d'une déclaration qu'on peut rejeter, comme une déclaration d'amour, mais d'une déclaration qui implique le gouvernement et qui le responsabilise comme l'impliquera peut-être une déclaration d'indépendance. Quand le gouvernement aura déclaré d'intérêt public l'architecture, il devra se rendre compte qu'il a une responsabilité face à sa production architecturale, de la même manière qu'il reconnaît qu'il a une responsabilité face à l'industrie et au commerce. Je crois que c'est le fondement de tout ce que nous demandons.

La première décision qu'aura à prendre le gouvernement après qu'il se sera responsabilisé sera de créer, à l'intérieur de l'actuel ministère des Affaires culturelles, une instance décisionnelle d'importance, tout à fait distincte de la Direction du patrimoine et entièrement dédiée à l'architecture. Je m'explique ici. On comprend très bien, à l'intérieur du ministère des Affaires culturelles, qu'il y a une distinction entre la création et la préservation des oeuvres. On ne confond pas les musées et la production des arts visuels, mais il semble qu'on confonde très bien l'architecture, sa production, avec sa conservation qui est la conservation du patrimoine. C'est pourquoi nous réclamons la création d'une instance décisionnelle distincte à l'intérieur du ministère.

Nous voulons aussi des programmes d'aide et de soutien à l'architecture, de la même manière qu'il y en a pour les autres arts. En ce moment, seul le gouvernement du Canada a des programmes distincts qui reconnaissent les productions des architectes d'aujourd'hui; j'en appelle au Prix du gouverneur général du Canada.

Nous voulons aussi une aide directe aux publications. Le gouvernement de la province a montré de façon très éloquente toute la confiance qu'il a dans les publications par rapport au patrimoine. Il tient des collections exceptionnelles depuis une quinzaine d'années - et même la toute récente qui a été faite la semaine dernière - qui sont magnifiques. Le gouvernement montre qu'il a confiance que la publication aide à la préservation, mais on veut maintenant qu'il montre qu'il a confiance que des publications aideront à la création architecturale. Nous voulons un soutien à nos revues d'architecture. Nous voulons un soutien à nos expositions. Nous voulons aussi des créations de prix d'architecture que le gouvernement se refuse à tenir et que l'Ordre des architectes est obligé de tenir à bout de bras, lui-même, parce que personne ne s'y intéresse. Nous voulons une participation du gouvernement, immédiate.

À long terme, nous sommes entièrement d'accord avec la commission Arpin. Nous croyons que le futur ministère de la Culture pourra avoir un rayonnement horizontal et pourra avoir une incidence sur les autres niveaux de gouvernement pour qu'enfin on ait une politique intégrée d'architecture.

Le Président (M. Gobé): En conclusion, madame.

Mme Michaud: J'ai terminé.

Le Président (M. Gobé): Vous avez terminé? Oui?

Mme Michaud: Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup.

Mme la ministre, vous avez la parole, il reste, dans votre cas, à peu près une dizaine de minutes.

Mme Frulla-Hébert: Alors, bonsoir à tous. J'ai été sensibilisée, en me promenant dans les régions - dans les régions et partout au Québec, quand on inaugure des projets, que ce soient des salles ou quoi que ce soit, on vient aussi beaucoup en contact avec les concepteurs-artisans de ces projets - aussi à cette demande. Et je vous comprends, parce que, effectivement, quand on parle, on a souvent tendance... Quand on regarde dans l'ensemble, c'est tellement ferme, on a tendance à vouloir associer architecture avec patrimoine. Si je vous comprends bien, c'est tout simplement de dissocier les deux et d'avoir, justement, un intérêt. Parce que le jour où le ministère des Affaires culturelles, évidemment,

consacre l'intérêt, à ce moment-là, c'est sûr qu'on consacre la création architecturale, et tout s'ensuit. Là-dessus, je vous comprends.

Vous nous adressez quand même plusieurs demandes pour faire la promotion de la pratique architecturale, mais ce mandat-là et aussi celui de l'Ordre des architectes... Pour ma bonne compréhension, expliquez-moi comment on peut être complémentaire. Vous savez, il y a beaucoup de groupes qui vont... De toute façon, on en a pour le mois. Il y a des groupes qui sont ici et qui... Ce matin, par exemple, un groupe regroupant tous les artistes en arts visuels nous arrive et nous dit: Vous savez, madame, on va peut-être gagner 40 000 $ par année juste une fois dans notre vie. Il y a d'autres groupes aussi qui ont énormément de besoins. Ils ont des besoins. Et le pire, c'est que, bien souvent, le potentiel, évidemment, il est quand même assez limité. Alors, dans un cas comme le vôtre, au niveau de votre association, comment fait-on pour vous aider? Comment fait-on pour être complémentaire? Finalement, comment... Le gouvernement, on est là, on vous écoute. On est là à vous écouter parce qu'on comprend l'acte créatif. Mais comment fait-on maintenant pour vous aider?

M. McNamara: On avait émis plusieurs recommandations dans notre mémoire. Si vous me permettez, M. le Président...

Le Président (M. Gobé): Allez-y.

M. McNamara: ...je demanderais à mon collègue, M. Jean-Pierre Hardenne, de les commenter.

M. Hardenne (Jean-Pierre): Par toute une série de décisions qui ont tendance à soutenir quelque chose qui doit être là. Je crois que la mauvaise vision que nous avons du domaine de l'architecture, en général, c'est que ça brasse énormément d'argent et que, dans le fond, ça pourrait fonctionner tout seul. Je crois que ça a été très clairement dit. Si on laisse les forces vives du marché fonctionner, on atteint en général la qualité d'un bâtiment qui se construit, mais rarement une qualité architecturale. Il y a toute une série de mesures que le futur ministère de la Culture pourrait prendre, qui sont des mesures d'encouragement et de soutien en partenariat avec l'industrie privée et l'Ordre des architectes. Je crois qu'il y a une série de mesures qui ont été testées dans différents pays, qui sont des mesures aujourd'hui bien connues et qui permettent de soutenir l'architecture pour qu'elle puisse déboucher.

Mme Frulla-Hébert: Excusez-moi. Pourriez-vous, dans le concret, nous donner...

M. Hardenne: Un exemple précis.

Mme Frulla-Hébert: ...un exemple, s'il vous plaît?

M. Hardenne: Prenons l'exemple de la mission interministérielle pour la qualité de l'architecture en France qui a organisé, au cours de l'année 1990-1991, 1200 concours d'architecture sur le territoire français. Toute infrastructure publique ou relevant des autorités locales, de plus de 1000 mètres carrés, est obligatoirement sujette à concours, concours qui est un concours restreint. Ils ont fait, au cours d'à peu près 5 ou 6 années, toute une série d'expériences et ils en sont arrivés au fait qu'ils faisaient un appel général, ouvert d'ailleurs à toutes les nationalités, où ils reçoivent, pour un programme donné, disons 100 envois. Tous ces envois sont colligés par un jury et on demande à 4 ou 5 équipes, rémunérées à un taux minimum, qui est celui de l'effort réel consenti par ces gens pour oeuvrer, de participer à un concours sur le programme donné. Il y a un lauréat et le lauréat construit.

Au début, ça a été très difficile en France. Aujourd'hui, les pouvoirs publics se sont rendu compte de trois choses, c'est qu'une politique de l'architecture et une politique de concours sont rentables économiquement, sont rentables cul-turellement et - là, c'est à vous que je m'adresse - sont aussi rentables politiquement. Parce que tous les maires des villes, tous les ministres se sont rendu compte qu'inaugurer un bâtiment architectural qui a une caution nationale et internationale est un plus pour l'élu mais aussi pour l'ensemble de la collectivité.

Et nous avons, à ce moment-là, une série d'autres exemples. On pourrait en prendre en Suède, on pourrait en prendre en Hollande, mais je crois qu'on avait aussi fait référence à des exemples qui sont peut-être de grands exemples, entre autres les travaux du président. Il faut quand même reconnaître, rappelons-le, que les travaux du président, reliés au président Mitterrand sont, pour fa plupart, des oeuvres faites par des architectes étrangers et non français. Il y a donc là une ouverture sur le monde absolument extraordinaire qui permet d'une part la reconnaissance d'une qualité architecturale mais aussi la reconnaissance d'une société qui permet de les accepter. Je crois qu'il y a là un double jeu. Mais revenons à des choses beaucoup plus simples.

Je vais prendre un autre exemple qui est l'Ordre des architectes de la région "rhônale". Il y a, aujourd'hui, 2500 architectes, exactement le même nombre d'architectes que nous avons au Québec. Ils ont fait, dans l'année 1990-1991, 150 concours d'architecture, concours, donc, qui ont permis d'une part de publiciser un programme, qui ont permis à une série de jeunes architectes d'avoir leur première commande et, en même temps - et ça, ça nous semble essentiel parce que je crois que c'est un objectif qui est en

général sous-jacent à toutes les politiques parcellaires d'architecture qu'on retrouve dans les différents pays, qu'ils soient européens ou même asiatiques - qui expriment la volonté de sensibiliser les donneurs d'ouvrage. Parce que, au moment où on parvient à sensibiliser les donneurs d'ouvrage au fait que la qualité architecturale paye, il y a une espèce de fonctionnement et d'entraînement qui permet que, doucement, je dirais, une sensibilité architecturale se diffuse dans la société, et tout le monde est demandeur d'architecture. Et je crois que ça ne peut se faire... Ça se faisait traditionnellement à travers ce qu'on pourrait appeler la commande du pouvoir personnel, que ce soit le roi ou le président; je crois que, dans le cas de Québec, ça ne peut être soutenu que par le pouvoir public.

Le Président (M. Gobé): Vous avez terminé, madame?

Mme Frulla-Hébert: Non, juste une minute. Le rôle des divers paliers... C'est-à-dire que, par exemple, vous avez donné l'exemple de M. Drapeau. Bon. Alors, les villes, souvent, veulent avoir et garder ce pouvoir, justement, de travailler avec ces artisans, de choisir ces artisans et d'être maîtres d'oeuvre et... Bon. Alors, comment on concilie ça? Comment on concilie le rôle du gouvernement du Québec, des municipalités? Parce que ça ne changera pas, ça non plus. Il faut les amener avec nous. On parle de plus en plus de partenariat. Je pense que c'est la clé, de toute façon, pour les années quatre-vingt-dix et deux mille. Alors, comment on fait? (17 h 30)

M. Hardenne: La meilleure façon de concilier, c'est à partir d'une incitation de votre part qui déboucherait sur une certaine obligation d'avoir affaire à une pratique qui est en général la pratique la plus courante, qui est celle du concours, mais qu'après chacun des paliers organisera à partir de règles générales. Ça, ça me semble essentiel. Mais je crois que l'incitatif ne peut venir que de vous.

Mme Frulla-Hébert: Parfait. Merci.

Le Président (M. Gobé): Vous devez terminer, Mme la ministre?

Mme Frulla-Hébert: Oui. Mais là...

Le Président (M. Gobé): Ah oui! Bien, moi, j'aurais peut-être eu une petite question. Oui, je pense qu'il nous reste encore une quinzaine de minutes.

M. Boulerice: Si vous me permettez, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Oui, mon cher.

M. Boulerice: Juste très brièvement, avant de poursuivre et de retrouver nos interlocuteurs, j'aimerais, si vous me permettez, saluer la présence à notre Assemblée nationale de militaires vétérans de Thasal, l'armée israélienne, qui sont à leur première visite au Québec et qui tenaient à voir notre Assemblée nationale. Alors, si vous permettez, je les saluerai de notre part à tous en leur disant dans leur langue:... Merci.

Le Président (M. Gobé): Alors, M. le député. Je vous remercie d'avoir fait ça au nom de tous les parlementaires. On leur souhaite la bienvenue, nous aussi, comme à tous les gens qui sont ici à cette commission d'ailleurs, vous êtes tous bienvenus. Ça me fait plaisir de voir que des citoyens s'intéressent à ce qui se passe dans ce Parlement. Il arrive qu'à l'occasion il y ait moins de monde et, là, nous sommes choyés parce que les tribunes sont pleines et je pense que ça prouve la qualité des intervenants au niveau de cette commission.

J'écoutais parler tout à l'heure monsieur, là-bas, son nom m'échappe maintenant, M. Hardenne, si je ne me trompe pas? Vous parliez des concours étrangers. C'est vrai qu'à Paris, si on regarde actuellement - vous avez pris la France comme exemple, il y a d'autres pays - le nouvel Opéra Bastille, je pense que c'est fait par un Canadien. On regarde la pyramide du Louvre, je pense que c'est un Japonais, quelque chose comme ça, non?

M. Hardenne: C'est un Américain d'origine chinoise.

Le Président (M. Gobé): C'est ça, d'origine chinoise, oui. Alors, dès qu'on est un peu loin, on perçoit les choses avec une petite nuance. C'est parce que, là, on parle de culture québécoise nationale, qui est une spécificité. On conçoit tous qu'au niveau de la langue on a une particularité, ici, en Amérique du Nord, qui fait qu'on ne pense peut-être pas tout à fait... on ne lit pas tout à fait les mêmes livres que nos collègues, nos voisins canadiens du reste du Canada ou même des États-Unis, et c'est un peu ça qu'on appelle cette culture québécoise. Donc, notre philosophie n'est pas la même, nos pièces de théâtre ne sont pas les mêmes; nous, c'est Molière, eux, c'est Shakespeare. Enfin, chacun peut avoir sa diversité. Mais, en termes d'architecture, je pense que c'est vous-même qui l'avez un peu confirmé. Je m'interroge, à savoir c'est quoi la spécificité québécoise? Comment peut-on parler de culture québécoise en architecture, alors que ça semble plutôt être mondial, cette affaire-là? Et la preuve, c'est que les concours que les Français - qui sont assez généralement protectionnistes chez eux, dans leurs choses - eux, font très souvent pour les grands travaux, ce sont des gens d'origine étrangère qui les gagnent. Alors, y a-t-il vrai-

ment un créneau national dans l'architecture?

M. Hardenne: Totalement, M. le Président, mais...

Le Président (M. Gobé): En termes de culture, je parle, hein.

M. Hardenne: C'est une question extrêmement, je dirais, difficile, dans le sens où... Je vais prendre un exemple, je crois que c'est ce qu'il y a de plus simple. C'est comme si, il y a 10 ans, avant l'effort majeur du ministère des Affaires culturelles pour le soutien à la danse au Québec, on s'était au préalable posé la question: Qu'est-ce que la danse québécoise? Je crois que, dans 20 ans, on ne l'aurait pas encore définie. Je crois que le ministère des Affaires culturelles a fait ce qu'il fallait faire; il a soutenu la danse au Québec et je crois qu'aujourd'hui l'expression québécoise à travers un médium, une création, qui est la danse, a son originalité, sa spécificité reconnue par l'ensemble des autres sociétés et qu'elle est effectivement le reflet de notre sensibilité, d'un terroir, d'une façon de voir le monde. Mais poser la question au préalable, je crois que c'est se donner., en fin de compte, c'est se mettre dans une situation où on ne peut pas donner de réponse. Je crois que l'architecture québécoise se fera en se faisant.

Le Président (M. Gobé): C'est parce que plus personne ne va nier dans cette salle que l'architecture fait partie des arts, en effet...

M. Hardenne: Totalement.

Le Président (M. Gobé): ...et je pense qu'au fond les gens qui penseraient ça n'aurait pas affaire à cette table, d'ailleurs. D'après moi, c'est plutôt un art international, il me semble. On voit M. Le Corbusier qui est allé à... je crois que c'est à Brasilia qu'il a fait une partie d'une ville du Brésil et les gens ne pensaient pas que c'était l'art français. C'était lui, c'était Le Corbusier. Chacun a sa spécificité. Est-ce que ce n'est pas plutôt la sensibilité de l'individu, quelle que soit la latitude à laquelle il vit? Picasso était d'origine espagnole, Léonard de Vinci, Italien de Gênes a vécu en France très longtemps, et pourtant... Je pense même qu'il y a un conflit entre les Français et les Italiens; il y en a qui disent: Bien, vu qu'il a vécu à Amboise, 11 est un peu Français, et d'autres disent: II est Italien. Est-ce que l'architecture, à vouloir trop la régionaliser, on ne risque pas... pas d'étouffer, mais de... pas de réduire non plus, de... de limiter?

M. McNamara: M. le Président, je pourrais vous suggérer un autre de mes collègues qui désirerait s'exprimer sur cette question.

Le Président (M. Gobé): Oui, si vous voulez, oui.

M. McNamara: M. Roy.

M. Roy (Jean-Marie): Vous savez, oeuvrer en architecture durant l'ère contemporaine, c'est assez particulier pour chaque pays qui a à le faire parce que chaque pays a un patrimoine à conserver et le développement de ce patrimoine-là doit se faire, d'une certaine façon, du bout des doigts. On a beau faire une opération monstre pour conserver le patrimoine, et ça se fait bien au Québec, si on se laisse enterrer par une architecture qui l'écrase, on manque notre coup avec le patrimoine. Je vois l'exemple de IHe d'Orléans qui a perdu tout ce qu'elle avait, depuis 20 ans, avec des mesures tout à fait bien pensées. Il n'y en a plus d'île d'Orléans. Le patrimoine de l'île d'Orléans, il est parti à cause de l'injection d'une nouvelle architecture. Or, la nouvelle architecture, c'est celle qui respecte le passé et qui va tranquillement vers l'avenir. Elle peut avoir une odeur internationale, mais avec une pensée nationale. C'est sûr que les méthodes, les écoles, elles s'internationalisent, mais il peut y avoir un ton, une couleur qui est nationale. Mais surtout, la couleur qui existe, c'est celle qui respecte le passé, notre passé à nous.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie.

M. Thibault (Pierre): Peut-être dans la même veine, juste une minute.

Le Président (M. Gobé): Rapidement, parce que mon collègue de Sainte-Marie-Saint-Jacques s'impatiente. Mais allez-y, je vous en prie.

M. Thibault: Enfin, là-dessus, je crois qu'on a l'exemple des pays Scandinaves. Eux aussi ont, par exemple, l'utilisation du bois, des matériaux qui sont propres à des régions données. Ce qui arrive ici, ce qu'on demande... C'est qu'on ne prend pas le temps, on ne donne pas le rôle de créateur à l'architecte. On lui fait faire des projets à la va-vite et cette réflexion - on parlait de la danse - donc, cet encouragement à penser ce que serait une architecture québécoise... Justement, on fait référence à IHe; II faut donc intégrer une architecture contemporaine, mais qui soit respectueuse de notre environnement, de nos matériaux, qu'on puisse travailler avec ça plutôt que de faire parfois des copies de projets internationaux sans intérêt.

Alors, on a à développer ici, je crois, le rôle de créateur de l'architecte et à donner ce qu'on demande, enfin les mesures nécessaires pour que ce rôle-là soit valorisé. Et, malheureusement, le gouvernement, actuellement, dans la méthode de sélection de ses professionnels, néglige complètement, banalise... On ne choisit jamais un architecte à cause de ses talents de

créateur, mais peut-être parce qu'il est capable de répondre aux autres. On parlait des quatre dimensions essentielles. Pour la dimension technique et le budget, ça, on a des bonnes équipes; mais s'il est temps de faire de la création, au niveau créatif et au niveau social, il y a des lacunes fondamentales. Donc, l'exemple des missions interministérielles, c'était peut-être pour guider, pour conseiller aux municipalités et aux ministères de choisir des équipes compétentes qui sont imaginatives, qui ne feront pas que répéter des solutions qu'on a déjà vues, sans imagination. Je crois qu'on a, ici, tout un potentiel qui ne demande qu'à être mis de l'avant.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie. J'aurais aimé parler plus longtemps avec vous, mais peut-être en d'autres lieux parce que, là, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques a certainement des questions très intéressantes. Je me souviens de l'avoir vu, cet été, en Europe, nous faire des leçons d'architecture dans la ville de La Rochelle. Alors, M. le député, vous avez la parole.

M. Boulerice: Écoutez, on n'en est pas à une ou deux minutes près. De toute façon, les parlementaires peuvent parler tant qu'ils veulent dans ce Parlement, il est peut-être temps que les architectes fassent entendre leur voix. Juste à titre d'information, le groupe qui était ici tantôt était conduit, certes, peut-être par un officier de réserve, mais architecte de formation. J'ai bien hâte d'entendre ses commentaires sur vos propos.

Ça va vous paraître bizarre, mais je ne vais probablement pas vous poser des questions, ou peut-être une toute petite. Je vais peut-être plutôt aller vers des commentaires. De toute façon, si je vous posais des questions, je risquerais une sanction incroyable qui me viendrait d'une architecte très connue, que vous connaissez bien, qui est une amie personnelle. Si elle m'entendait vous poser des questions, je risquerais peut-être d'avoir la réplique cinglante: Mais, cher André, vous n'avez rien compris à mon discours depuis 10 ans. Je ne voudrais pas avoir cette sanction.

Lorsque j'ai lu votre mémoire et que j'ai forcément appris votre présence, il y a deux phrases qui me sont revenues en tête. La première... Je ne me souviens pas de son nom, mais il est le chroniqueur d'architecture au New York Times. Il disait: C'est le bâtiment qui, d'abord, anime la rue. Et quand on se promène dans notre belle ville de Montréal, je ne vois pas grande animation au niveau du bâtiment. Et quand je regarde les constructions récentes... vous y avez fait allusion peut-être avec plus de délicatesse que, moi, j'en aurai. Je me rappelle cette phrase de Raoul Castro qui, lui, disait: II n'y a pas de démocratie possible quand c'est laid. Et je vous avoue que je suis inquiet de la démocratie dans bien des quartiers de Montréal, parce que je trouve que, malheureusement, c'est laid. C'est très laid.

Vous avez fait allusion, effectivement, à de grands travaux. L'Amérique a développé une autre culture, d'autres attitudes. Nos chefs d'État laissent je ne sais quoi comme postérité. Les présidents des républiques en Europe, ou certains monarques, eux, laissent la Grande Arche, l'Arche de la Défense, Beaubourg, qui a été l'objet d'une polémique incroyable à l'époque.. Je me souviens d'avoir participé non pas à des discussions mais à des batailles de rue, à savoir si c'était beau ou si c'était laid, mais c'est encore là, et c'est très visité.

Donc, l'architecture, oui, c'est un art. C'est probablement l'art le plus quotidien, parce qu'on habite tous quelque part. Et on sort de l'endroit qu'on habite pour travailler dans un autre endroit qu'on doit habiter. Maintenant, architecture, design, tout ça c'est connexe pour moi. Corrigez-moi si je fais une hérésie, mais, souvent, on se retrouve dans un bâtiment qui, comme je vous le disais, selon la conception de ce chroniqueur, n'anime pas la rue; il n'est pas habité, même s'il y a des personnes qui sont à l'intérieur. Moi, je trouve ça triste, mais enfin, bon.

Ceci dit, vous demandez des choses. Je les ai devant moi. Vous demandez qu'il y ait une sensibilisation, qu'on reconnaisse l'architecture comme une composante majeure de notre culture et qu'on prenne les mesures nécessaires pour assumer son développement. On peut aimer ou ne pas aimer, mais quand on est à Montpellier, on voit.... On peut ne pas aimer Bofill. Il y a même eu des phrases méchantes disant que c'était post-Adrien et pré-Mussolini. Mais on sent qu'il y a eu quand même une préoccupation de la part du député-maire, polémiste, mais ça fait peut-être son charme, il y a eu une préoccupation d'architecture. Il y a eu une préoccupation d'architecture dans cette ville. Et, effectivement je trouve qu'on ne l'a pas ici. Elle est bien difficile. Je suis capable, dans certaines villes, puisque je suis maniaque d'art déco, de vous dire: Oui, cet édifice-là a été construit par Untel, etc., mais je vous avoue que ça m'est bien difficile de le faire à Montréal, à l'exception de deux endroits. Et vous en avez énuméré un d'ailleurs, qui est celui dans le Vieux-Port, Habitat 67. C'est probablement un des seuls et un des rares à Montréal qu'on est capables véritablement d'identifier. Bon, on ne fera pas injure au Centre canadien d'architecture là, mais c'est là.

Ceci dit, moi, je vous l'ai dit, je ne vous poserai peut-être pas de questions, mais j'irais plutôt de commentaires. Cette préoccupation, elle est là. À l'époque où ma formation politique était au gouvernement, elle n'a peut-être pas répondu, on n'a sans doute pas répondu à cette préoccupation. Mais, comme je dis, je n'étais pas

député, je ne suis pas là pour gérer le passé mais bien pour administrer l'avenir. Je vais prendre à témoin mon collègue, on avait une résolution pour notre congrès, qui était: Politique nationale d'architecture, et relevant du ministère des Arts, de la Culture et des Communications. Puis, vous savez, dans un congrès, il se passe la même chose qu'en commission parlementaire. Le président dit: Fin de la période. Et malheureusement, elle était l'avant-dernière. Je me sens moralement obligé de la considérer comme étant adoptée.

Alors, je vous dis que de toutes les recommandations que vous faites... et cela est transcrit. Vous en recevrez une copie, donc vous pourrez venir me le mettre sous le nez si jamais nous sommes appelés à former le prochain gouvernement. Moi, pour employer cette mauvaise phrase en français, j'achète les points que je trouve dans votre mémoire sans aucune réserve, sans aucune réserve. (17 h 45)

Je disais que je ne vous poserais peut-être pas de questions, juste une. Quand vous dites: "...Dissoudre l'architecture sous la notion vague et globalisante de ce concept ou de la confondre avec le patrimoine" je réponds, oui, parfait, sauf que doit-on estimer que le bâti d'aujourd'hui sera le patrimoine de demain? Et si je regarde ce qu'on est en train de bâtir aujourd'hui, est-ce que vous croyez qu'on aura besoin d'une commission des biens culturels dans 50 ou 100 ans au Québec?

M. Hardenne: Je crois que si le futur ministère de la Culture agit dans le sens où nous l'espérons, oui.

M. Boulerice: Sinon? M. Hardenne: Sinon, non.

M. Boulerice: M. le Président, il reste encore... S'il reste quelque temps...

Le Président (M. Gobé): Je suis tout ouïe; je vous écoute, mon cher.

M. Boulerice: ...je vous le remets pour ajouter autre chose. Moi, je pense que j'ai fait mes couleurs et que j'ai fait surtout mon lit.

M. McNamara: On apprécie beaucoup la position, disons officieuse, de la commission à ce point-ci. En fait, la réception que vous faites de notre mémoire, on n'en demandait pas moins. Évidemment, pour nous, c'est important que la création architecturale soit reconnue comme faisant partie de notre culture, et de là découlent une série de mesures. On a énuméré certaines mesures dans notre mémoire. On a parlé tantôt des concours qui sont un aspect, qui sont une de nos recommandations qui, selon nous,

i peut améliorer énormément la qualité de l'architecture. Il y en a d'autres, évidemment, qui touchent peut-être un peu moins le ministère des Affaires culturelles ou le futur ministère de la Culture, quand on parle d'enseignement ou qu'on parle aussi d'assurer un certain leadership au point de vue de l'ensemble des ministères au niveau de la production architecturale au Québec. Est-ce que j'ai des confrères qui veulent ajouter un mot là-dessus?

Le Président (M. Gobé): En conclusion, en terminant, oui. Allez-y, rapidement.

M. Robillard: Sur ces points-là qui rejoignent, en fait, les principaux objectifs qu'on avait énumérés dans un document qui s'est appelé "Pour une politique d'architecture", II est bien certain que c'est comme l'oeuf et la poule. Il faut former de bons architectes pour qu'ils produisent une bonne architecture, et vice versa. Je crois que ce qui est essentiel... et ce qu'on a eu de la difficulté à considérer dans l'option du rapport Arpin, c'est le fait qu'il n'y avait rien qui était traité en urgence ni qui devait être, à court terme, pris comme une série de mesures.

Vous savez, c'est certain que c'est aussi un projet à très long terme, cette politique de l'architecture. Avant de développer une culture architecturale plus sensible au Québec, il est bien clair qu'on doit aussi assurer une meilleure recherche dans le domaine de l'architecture, autant théorique que pratique. On dort assurer une meilleure éducation, on doit commencer surtout à sensibiliser la commande gouvernementale parce que c'est elle qui constitue la plus grande commande; le plus gros donneur d'ouvrage au Québec, c'est le gouvernement. Et l'ensemble des centaines de millions de dollars, de milliards de dollars qui sont consacrés aux bâtiments, pas juste aux bâtiments justement, mais qui devraient être consacrés à l'architecture, ça doit commencer maintenant. Et c'est sur ça qu'on espère que la commission parlementaire, non seulement sera d'accord avec nous, mais ne tergiversera pas trop par la suite pour mettre... Donc, nous, on ne s'est pas fiés simplement à l'idée qu'on attendait le ministère de la Culture, mais on est déjà prêts à être partenaires avec le ministère des Affaires culturelles existant.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, en terminant, rapidement, s'il vous plaît.

M. Boulerice: Oui. En terminant...

Le Président (M. Gobé): En terminant. Prenez votre temps.

M. Boulerice: En terminant, mon collègue mais néanmoins ami, même s'il est d'une autre

formation politique, a vanté, mais avec démesure, mes qualités de professeur en architecture à La Rochelle. Je vais quand même lui retourner une partie du compliment en disant qu'il était un excellent élève. Et comme vous savez que l'Hôtel-Dieu sera dans la circonscription qu'il représente, bien, moi, si je me suis avancé pour ma formation politique, nous allons faire une jonction tous les deux et nous assurer, mon collègue, le député de LaFontaine, et moi, que, peu importe quel sera le gouvernement en place, il y aura un concours d'architecture pour cet hôpital et que ça ne sera pas un camp de concentration pour malades.

Le Président (M. Gobé): Étant donné que c'est une promesse, un engagement apolitique de mon collègue, je ne peux qu'y souscrire. Ceci étant dit, je passe la parole à Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Bon, finalement!

Le Président (M. Gobé): Elle veut un hôpital, elle aussi, alors! Vous pouvez parler. Je pense qu'on a annoncé un hôpital dans la ville de LaSalle bientôt; il y aura peut-être là besoin d'un concours d'architecture aussi.

Mme Frulla-Hébert: Comme on dit toujours, un tiens vaut mieux que deux tu l'auras. Je suis votre "tiens". Effectivement, je discutais justement avec Mme Courchesne, ma sous-ministre qui est aussi urbaniste, et on va regarder ça de très près au niveau du rôle gouvernemental. Vous savez, ce que vous nous demandez au niveau des concours, j'en suis parce que je partage l'avis - ce n'est pas toujours vrai - de mon collègue, que c'est laid. Il y a beaucoup de choses qui sont très laides et qui sont là souvent parce qu'on sauve des coûts; ça a été fait ailleurs, donc on l'implante ici et, effectivement, pour les coûts qu'on sauve, c'est des coûts qu'on paie dans le futur. Mais ça bouleverse énormément la structure. Ça bouleverse la structure municipale parce que les municipalités sont très, très jalouses, et vous le savez. Ça bouleverse aussi la SIQ, la Société d'habitation, etc.

De toute façon, chose certaine, vous dites: On veut avoir maintenant. On n'est pas ici pour donner maintenant, on est ici pour discuter. Mais, chose certaine, ce que je peux vous dire maintenant, c'est qu'on va regarder ça avec Mme Courchesne de très, très près et voir d'abord ce qu'il y a à faire pour implanter. Ensuite, comme je vous le dis, là, c'est toute une question de bouleversement, de s'ingérer... et il faut voir aussi comment on le fait. Nous allons travailler ensemble, et de très près, ça, je peux vous le promettre.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme fa ministre. Madame et messieurs... Oui, allons, pourquoi pas!

M. McNamara: Suite à l'allocution de Mme la ministre, j'aimerais mentionner que l'Ordre des architectes offre son entière collaboration pour établir une certaine politique de concours. Il faut reconnaître qu'au Québec il y a eu quelques expériences qui n'ont pas nécessairement eu les résultats escomptés et qu'on a nos armes à faire dans ce domaine-là. Il faut voir ça sur une période un peu plus longue que ce qui a été fait par le passé. L'Ordre des architectes offre son entière collaboration pour mener à bien une politique de concours sérieuse et fonctionnelle, si on peut dire, où tous les intervenants seraient satisfaits.

Le Président (M. Gobé): Au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier, madame et messieurs. Votre mémoire fut très intéressant et les interventions furent fort amicales, je vous en remercie. Ceci met fin à votre intervention. Je vais demander aux personnes suivantes de bien vouloir se présenter, soit les représentants de la Conférence nationale des conseils régionaux de la culture du Québec.

La commission de la culture va reprendre ses auditions. Maintenant, nous allons entendre les gens de la Conférence nationale des conseils régionaux de la culture du Québec. Je vous demanderai de bien vouloir commencer votre présentation et de vous présenter. Vous avez une quinzaine de minutes pour ce faire.

Conférence nationale des conseils régionaux de la culture du Québec

M. Pilote (Bernard): Mme Rita Giguère, secrétaire du conseil d'administration; M. Pierre Paquet, vice-président; M. Normand Ferrier le Clerc, trésorier - j'avais de la difficulté à trouver son poste - Mme Chantal Payeur, qui est la semi-permanente de notre organisation, et M. Bernard Pilote, président de la Conférence.

M. le Président, Mme la ministre, MM. et Mmes les députés, Mme Courchesne, la Conférence nationale des conseils régionaux de la culture se réjouit de l'importance, du sérieux et des efforts déployés afin de doter enfin le Québec d'une politique culturelle. Nous remercions cette commission de nous recevoir aujourd'hui, nous permettant ainsi d'émettre notre point de vue sur les effets que devrait avoir la future politique du développement culturel régional.

Le rapport Arpin s'élabore autour de trois principes fondamentaux avec lesquels nous sommes en accord: l'importance fondamentale de la culture au sein d'une société, le droit à la vie culturelle et la responsabilité de l'État à l'égard de la culture. Ça ne soulève, en effet, aucun doute dans notre esprit.

Les conseils de la culture existent maintenant depuis plusieurs années. Leur expérience les amène à formuler certaines constatations et,

de là, à élaborer certains principes sur lesquels doit reposer le développement régional.

Notre exposé d'aujourd'hui consiste essentiellement à énoncer ce que nous considérons être les principes de base à respecter pour un réel développement culturel régional. Auparavant, mentionnons que notre réflexion s'appuie sur trois postulats de base, trois affirmations, à notre avis indissociables de l'idée de politique culturelle. Ce sont les suivants: l'importance sociale de la culture doit se concrétiser par une volonté étatique de la développer; la future politique culturelle devra conséquemment être celle du gouvernement et non celle d'un seul ministère; le développement de toutes les régions est vital pour la société québécoise et, finalement, le développement culturel d'une région est intimement lié à son développement global, et nous soutenons que la vitalité culturelle en est un des moteurs. Le développement culturel doit donc être favorisé sur l'ensemble du territoire québécois.

Permettez-moi maintenant de vous exprimer un peu ce qu'est la Conférence des CRC. Alors, la Conférence des CRC regroupe 11 conseils régionaux de la culture répartis sur le territoire et desservant l'ensemble des régions, à l'exception de I'île de Montréal et I'île de Laval. D'après l'étude effectuée en 1990 par la firme Multi-Réso, les conseils régionaux de la culture regroupent 661 organismes culturels, 248 organismes non culturels, 1160 individus, artistes, artisans et travailleurs culturels, sans compter les milliers de bénévoles qui contribuent à la vie culturelle régionale.

Les principales fonctions des conseils de la culture sont de l'ordre du rassemblement, de la représentation des intervenants culturels, de la consultation, de la concertation menant au développement. Mais nous laisserons aux conseils eux-mêmes le soin de vous exprimer plus à fond leur rôle. La Conférence, quant à elle, est un lieu d'échanges pour les conseils de la culture, un outil de représentation, de défense du développement culturel régional et des intérêts de ses membres, un lieu d'analyse des dossiers nationaux influant sur le développement culturel régional. (18 heures)

Nous croyons que le développement culturel des régions du Québec est conditionnel à un soutien adéquat de la dynamique création, production et diffusion. Selon nous, le développement culturel du Québec doit favoriser le maintien, dans les régions, des artistes matures. La création en région doit être soutenue adéquatement. Les régions doivent bénéficier d'une aide financière favorisant l'émergence de la relève, de même que des conditions favorables au perfectionnement de cette relève, des artistes matures et des travailleurs culturels. La création et la production de qualité existent dans toutes les régions, mais, actuellement, en pratique, il n'y a que peu ou pas de circulation, de diffusion des produits culturels régionaux, ni à l'intérieur d'une région, ni interrégions et encore moins entre régions et grands centres urbains. Les artistes professionnels des régions sont donc peu vus et, de ce fait, peu connus et reconnus.

Par ailleurs, un préjugé courant à propos des régions est à l'effet que les artistes, artisans et travailleurs culturels y oeuvrant fassent surtout partie de la relève et, de ce fait, seraient en voie d'obtenir la parfaite maîtrise de leur art ou savoir-faire, bref leur maturité. Or, les régions du Québec fournissent, il est vrai, une importante part de la relève, mais il y a également des artistes reconnus, matures qui, bon gré mal gré, ont choisi de créer et de demeurer en région.

Qu'on se le dise une fois pour toutes, les différentes disciplines artistiques se côtoient sur tout le territoire québécois. De plus, la création, la production et la diffusion du produit culturel sont trois aspects d'une même dynamique que l'on est forcé de respecter dans son intégralité. Favoriser l'un de ces aspects au détriment des autres serait un véritable aveuglement. Les régions ne sont pas que des réceptacles.

En ce qui concerne la diffusion, le réseau de diffusion, le réseau des équipements culturels doit être complété dans le respect des normes techniques professionnelles et, notamment, en assurant au personnel professionnel y oeuvrant des conditions de travail acceptables, et ce, partout sur le territoire. La mise en place d'un réseau de diffusion à axes multiples est impérative afin de favoriser l'expression artistique sur tout le territoire.

Nous croyons que le rôle des médias doit être renforcé par le biais d'une production télévisuelle régionale, par la programmation d'activités culturelles régionales au centre et en région. Il suffit d'énoncer certains faits pour que la situation s'éclaire d'elle-même: les réseaux de télévision nationaux diffusent peu ou pas d'information culturelle régionale; on constate une quasi-absence de production télévisuelle régionale; il existe peu ou pas de quotidiens régionaux. Les productions culturelles régionales font donc souvent face à un désert médiatique. Elle sont peu vues, mais if ne faut pas conclure pour autant à leur absence.

Quant au développement culturel des régions du Québec, nous croyons qu'il repose sur la reconnaissance de leur dynamisme, de leur vitalité respective, de leur spécificité. En effet, les régions ne forment pas un bloc monolithique et cela nous amène à aborder la question de la spécificité régionale. Cette entité que l'on appelle les régions ne constitue pas un bloc, non plus qu'une troisième réalité. Il n'y a pas une, mais des réalités régionales. Chaque région a ses caractéristiques, ses besoins propres. Elles sont plus ou moins densément peuplées, à proximité ou non des centres, limitrophes a une autre province ou bien carrément en périphérie. Certaines ré-

gions sont bien développées en rapport avec une discipline et moins dans une autre. Bref, il ne peut y avoir de solution magique applicable à toutes les régions.

Les conseils de la culture sont favorables à une politique culturelle décentralisée permettant à tout le Québec de se développer en matière culturelle. Ainsi, ils adhèrent aux principes de développement régional énoncés par le gouvernement en 1986 qui sont les suivants: le développement des régions doit être le reflet des préoccupations économiques, sociales, culturelles, éducatives et politiques des communautés; le développement des régions doit se fonder sur les dynamismes locaux; le gouvernement du Québec est responsable des orientations nationales de développement et il doit assurer à chacune des régions les conditions minimales à leur développement; le développement des régions doit reposer sur une responsabilité partagée entre les régions et le gouvernement et doit donc faire appel à une véritable concertation.

La Conférence des conseils régionaux de la culture pense que le gouvernement du Québec doit maintenir et renforcer le réseau des conseils régionaux de la culture afin de favoriser la concertation, le rassemblement des intervenants sur tout le territoire. Pourquoi, nous direz-vous? Parce que les conseils régionaux de la culture sont interpellés par des intervenants culturels et des organismes professionnels qui veulent s'inscrire dans la dynamique régionale de développement culturel, d'une part, et, d'autre part, par les autres secteurs, économique, social, municipal, de leur territoire qui ont besoin d'un interlocuteur culturel régional. Mais voilà, il est très difficile, à l'heure actuelle, compte tenu des faibles ressources financières des conseils, de répondre convenablement à la fois à la concertation culturelle et à la concertation sectorielle.

Le rôle-conseil des conseils de la culture doit être renforcé de manière à assurer un lien étroit, un suivi adéquat dans l'application de la politique, et ce, dans un souci d'harmonisation entre celle-ci et les différentes spécificités régionales.

En conclusion, si nous devions résumer en un mot l'esprit de cette future politique culturelle dans l'intérêt national, ce serait le mot "reconnaissance". D'une manière générale: reconnaissance de l'importance sociale de la culture et de son développement; reconnaissance du fait que le développement des régions est vital pour l'ensemble du Québec; reconnaissance que le développement culturel d'une région est lié au développement global de celle-ci; reconnaissance que le développement culturel nécessite des moyens financiers conséquents; reconnaissance de l'existence, de la qualité, de la nécessité de la vie culturelle en région; reconnaissance de la nécessité d'agir maintenant. D'une manière particulière: reconnaissance du fait que le développement culturel d'une région doit impli- quer tous les acteurs sociaux pour être viable; reconnaissance de la nécessité d'une concertation de ces acteurs pour une action éclairée; reconnaissance des conseils de la culture comme maîtres d'oeuvre de cette concertation intersectorielle et interdisciplinaire en région; reconnaissance de la complémentarité des fonctions des conseils de la culture et des directions régionales du ministère des Affaires culturelles; reconnaissance, enfin, du rôle-conseil des conseils de la culture et de la responsabilité des milieux culturels régionaux à l'égard du développement culturel de leur région.

La question du développement culturel est indissociable de la notion de développement global d'une société. Nous soutenons que la vitalité culturelle d'une société est l'un des moteurs de son développement. Nous allons même jusqu'à affirmer que, sans culture, il n'y a pas de société et pas de société sans culture. La culture habite un territoire puisqu'elle est le fait d'une collectivité. La responsabilité du gouvernement du Québec est donc de développer culturel-lement le Québec sur l'ensemble de son territoire et, conséquemment, d'assurer à chacune des régions du Québec les conditions nécessaires à leur développement global dont la culture est l'un des aspects fondamentaux. Merci.

Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Frulla-Hébert: Merci. Nous, on s'est rencontrés quand même à plusieurs reprises et, en faisant le tour, justement, de toutes les régions, effectivement, on a discuté beaucoup ensemble du fait ou, enfin, de l'énoncé - M. Turgeon a bien expliqué que ce n'était pas l'intention vraiment, telle qu'énoncée, mais ça ne fait rien, ça a engendré la discussion et c'était sain - Montréal, Québec et les régions. Donc, votre préoccupation, c'est vraiment une préoccupation à l'égard du développement régional et, effectivement, elle est juste.

Deux choses. Vous parlez des artistes de chez vous qui ne sont pas très connus, c'est-à-dire de cet intermouvement, finalement, c'est ça. Qu'est-ce que les conseils régionaux font face à ça? Vous vous rencontrez ensemble, de par l'association, tout ça. Est-ce qu'il y a des choses que vous faites ou que vous pouvez pousser pour être très actifs dans ça?

Mme Giguère (Rita): En fait, les conseils régionaux tentent, par tous les moyens, qu'il y ait une diffusion des produits culturels dans leur région, dans un premier temps, de même qu'une diffusion de la pratique artistique avec, évidemment, les moyens existant dans les régions. Il y a certaines régions dont je suis, puisque je viens du Bas-Saint-Laurent, qui se sont vu amputer dernièrement de certains moyens de diffusion médiatique plus larges, telle, entre autres...

Mme Frulla-Hébert: Radio Canada.

Mme Giguère: ...en tout cas, la production télévisée de Radio-Canada. Mais il y a, effectivement, d'autres types de moyens. En termes de diffusion, il y a énormément d'association entre les conseils de la culture et les associations touristiques...

Mme Frulla-Hébert: C'est ça que je vais vous demander.

Mme Giguère: ...oui, pour effectivement faire une forme de diffusion qui s'adresse à la fois au tourisme et à la population en général. Il y a aussi certains conseils qui ont fait des approches plus spécifiques avec l'ensemble des médias de leur territoire pour faire en sorte qu'effectivement dans les médias écrits, entre autres - parce que toutes les régions ont des hebdos, c'est finalement les hebdos qui couvrent l'ensemble des régions - il y ait une place plus grande de faite à ce qui se produit et ce qui se fait dans les régions. Mais il y a quand même une énorme difficulté que l'on a habituellement dans les régions, particulièrement au niveau de certaines formes d'art et de certaines formes d'art de pointe, parce qu'il n'y a pas de critiques d'art, ou très peu, dans nos régions et ça cause un problème. À un moment donné, les chroniqueurs culturels peuvent, effectivement, parler d'un type de spectacle qui va avoir lieu ou d'une exposition qui s'est tenue, mais, le plus souvent, on va tout simplement dire, par rapport à une exposition, que, bon, les formes sont assez grandes, qu'il y a beaucoup de couleurs ou... Ce n'est pas de la critique, finalement, et c'est très difficile, à ce moment-là, pour les artistes de se positionner et de se faire reconnaître même dans leur région et, évidemment, encore plus dans les grands centres, parce qu'ils n'arrivent pas avec des dossiers de presse vraiment très, très bien fournis. C'est un problème qu'on n'a pas, je ne pense pas, tout le monde, encore résolu, mais on a des tentatives dans ce sens-là.

Mme Frulla-Hébert: Vous parlez de votre association avec les associations touristiques. Hier soir, on recevait un groupe, en fait les représentants de l'association, et il semble que les associations touristiques... C'est drôle parce qu'ils nous ont dit, à un moment donné, que, ah! ils réalisaient que la culture c'est très important pour eux, et vice, versa, mais c'était comme... et ils l'avouaient eux-mêmes, que ça n'a pas toujours été évident. Et là les gens viennent pour voir des choses et, évidemment, les équipements culturels, d'abord, les centres d'interprétation, etc., ce sont des bons outils d'attrait. Comment travaillez-vous avec les relations... Parce que eux nous ont exprimé non seulement une ouverture, mais une volonté de travailler avec le monde culturel

M. Ferrier le Clerc (Normand): J'ai le goût de vous raconter une petite anecdote. J'ai été invité il y a quelques années, trois ou quatre ans à peu près, avec le directeur général de l'association touristique chez nous et le directeur général, également, de l'association, c'est-à-dire du regroupement des loisirs, à présenter la région devant un groupe de quelques centaines de visiteurs étrangers et, étant donné que le touriste, c'est important - c'étaient des touristes - le représentant de l'association touristique a parié le premier. Après ça, on a parlé des loisirs. Quand est venu mon tour pour parler, présenter les ressources de la région, j'ai été obligé d'être confiné à dire qu'on avait une université, un réseau scolaire important, des bibliothèques publiques et un orchestre sym-phonique. C'est la seule chose que l'association touristique n'avait pas mentionnée dans la présentation de la région. Et, à part quelques petites montagnes et quelques grands lacs, parce que la Mauricie a beaucoup de lacs et pas vraiment de grandes montagnes, la pêche et la chasse, tout le reste qui constituait les attractions touristiques de la région était des activités, y compris le Festival mondial de. folklore qui est une attraction touristique, évidemment, mais qui n'a rien à voir avec la culture. Alors, les associations touristiques ne différencient pas - et le discours des municipalités n'est pas plus élaboré non plus - toujours ce qui est une qualité touristique d'un lieu donné et son potentiel touristique. Alors, on est comme toujours à la remorque d'une initiative, que ce soit le village d'Emilie avec ses 140 000 visiteurs, c'est impressionnant et c'est fantastique parce qu'il y a un quotidien qui a été raconté là, mais on peut énu-mérer... Dans toutes les régions du Québec, il y a des événements ou des lieux donnés qui sont essentiellement des équipements touristiques, essentiellement des équipements culturels ou des témoignages qui ont un potentiel touristique énorme, mais la différence, dans notre société, on ne la fait pas, ce n'est pas seulement l'association touristique. (18 h 15)

Mme Frulla-Hébert: Entre loisir, culture...

M. Ferrier le Clerc: Le loisir, c'est ça. La plus grande carence à notre propre développement culturel est peut-être la propre reconnaissance de notre culture.

Mme Frulla-Hébert: Ça, j'en suis. On a rencontré, d'abord, quelques maires; moi, j'en ai rencontré beaucoup, beaucoup; il y en a d'autres qui vont venir, de toute façon, témoigner ici à la commission parlementaire. Les maires nous disent que ça change, qu'avant le budget loisir et culture, d'ailleurs qui est bien souvent tout mis ensemble, parce qu'ils ne voulaient pas montrer qu'ils investissaient dans la culture... Mais, de plus en plus, ça change. Il y a encore des toutes

petites municipalités qui sont peut-être encore un peu inconfortables. On s'aperçoit, d'ailleurs, que la situation change aussi avec la personnalité du maire en place. Donc, s'il y a une volonté au niveau des associations touristiques, ils le réalisent à un moment donné. Si, du côté des municipalités aussi, il y a une évolution de pensée à ce niveau-là, est-ce qu'on peut penser que votre rôle à l'intérieur de ça, finalement d'essayer avec les partenaires de former un groupe très représentatif... J'en viens au dernier groupe que nous avons reçu hier soir, le Groupe Malette, au niveau de la région de Sherbrooke, qui avait formé un groupe extrêmement actif, une espèce de société qui investissait autant au niveau économique, culturel, et tout était très organisé. Est-ce que c'est pensable de voir le rôle des CRC, par exemple, à l'intérieur d'une espèce de société?

Mme Giguère: En fait, si on peut parler de ce qu'ont fait les conseils de la culture depuis plusieurs années - et c'est ce vers quoi on s'en va - c'est que, dans un premier temps, les conseils de la culture en général ont plutôt concerté et consolidé la vie culturelle dans leur région. Évidemment, c'est jamais acquis pour la vie. Donc, ce sont toujours des actions qu'on doit continuer. Mais, de plus en plus, il y a effectivement une sollicitation qui se fait de la part d'autres secteurs d'activité dans une région donnée. De plus en plus, on est appelés à siéger et à collaborer et de très près et dans des actions très, très concrètes, que ce soit avec des associations touristiques, que ce soit avec les ORCD - on les appelle CRD, CRCD, peu importe - au niveau de la région, ou encore avec d'autres groupes économiques et, évidemment, avec les municipalités qui nous demandent, finalement, de nous investir avec les groupes culturels au niveau d'actions de plus en plus concrètes. Je pense, entre autres, justement, au niveau de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent où il y a eu des études de marché de faites au niveau touristique et, évidemment, la majorité des touristes s'y déplacent pour les grands espaces et les paysages magnifiques, sauf que, le soir, ils veulent faire quelque chose et ils veulent faire des choses culturelles. C'est ce qui a probablement fait en sorte que de plus en plus - probablement qu'il y a d'autres études de marché aussi ailleurs - les associations touristiques veulent qu'il y ait un regroupement au niveau culturel et que, finalement, la culture apparaisse non seulement dans la restauration ou encore dans le fait qu'il y a des forfaits-ski ou qu'il y a des forfaits-voyage en mer, et tout ça, mais que la culture soit prise en compte comme une entité, comme une force dans une région donnée. On est appelés effectivement, à un moment donné, par exemple, à mettre de l'avant tout ce qui se produit au niveau des métiers d'art dans une région ou encore à mettre de l'avant le réseau patrimonial et muséal et à s'associer bien souvent, parce qu'il y a une question de sous, à des entreprises privées qui vont soutenir, finalement, la publicité et la promotion de ces secteurs-là. Je pense que, dans toutes les régions, à l'heure actuelle, il y a une série d'actions qui se font qui sont sûrement fort différentes les unes des autres, mais dans ce sens-là.

M. Pilote: En fait, il n'y a pas une région qui est pareille. Chez nous, dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, déjà depuis quatre, cinq ans que le Conseil régional de la culture est représenté à une table avec les différents conseils régionaux, dont l'association touristique régionale à l'intérieur du Conseil régional de concertation et de développement, on a déjà enclenché beaucoup de projets ensemble, d'événements majeurs dans le domaine des arts visuels qui sont publicises par les bulletins ou par les guides de l'Association touristique. Donc, il y a déjà passablement de collaboration chez nous, mais il n'y a pas une région au Québec qui est identique. Le développement se fait par escalier.

M. Paquet (Pierre): On vient d'entendre deux groupes qui nous ont précédés et qui sont interreliés à l'action et à la question que vous avez soulevées. On vient d'entendre le secteur privé par Québec-Téléphone et on vient d'entendre l'Ordre des architectes. Je pense que pour l'intérêt de la société à avoir ses artisans et ses artistes dans les régions représentés et à faire partie du débat, c'est justement parce qu'on doit aussi aller dans le sens de maintenir la qualité, maintenir l'innovation, maintenir également l'intérêt des gens qui sont sollicités dans le privé à investir à la fois en regard du visible, du connu, de l'agréable, mais aussi un peu beaucoup de la recherche. Et dans les régions, on est presque aussi bien équipé qu'à Montréal pour pouvoir la faire, cette chose-là, par rapport à la recherche. C'est plus difficile pour une petite troupe de danse qui commence à Montréal de trouver des commandites. En tout cas, ce n'est pas plus difficile en région qu'à Montréal. Dans ce sens-là, c'est très important que> le monde culturel continue d'être présent, représenté et ait droit de parole, puisse s'asseoir avec les intervenants, qu'ils soient du tourisme, qu'ils soient du secteur privé ou qu'ils soient des municipalités, pour maintenir cet intérêt à la qualité, sinon on risquerait de se retrouver avec une perte au niveau de la dynamique de création.

Le Président (M. Gobé): Madame, malheureusement, les 15 minutes qui vous étaient imparties sont terminées et je dois maintenant passer la parole à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Bouierice: Merci, M. le Président. La

première question que je veux vous poser: Avez-vous rempli votre questionnaire et l'avez-vous posté?

Mme Giguère: C'est à dire? M. Pilote: Le questionnaire de?

M. Boulerice: Bien, vous avez reçu un questionnaire pour vous évaluer.

Mme Giguère: Oui, oui. Ça, on l'a fait avec plaisir.

M. Pilote: Oui.

M. Boulerice: Merveilleux!

Mme Giguère: On était très contents de participer à une évaluation. Vous parlez de l'évaluation avec la firme Multi-Réso?

M. Pilote: L'évaluation qui s'est faite l'an dernier?

M. Boulerice: Non. Ça s'est fait au printemps, je pense.

Mme Giguère: Non, non, non. L'an dernier.

M. Pilote: Non, c'est l'an dernier, la firme Multi-Réso?

Une voix: Oui.

M. Pilote: Les conseils régionaux de la culture ont participé avec empressement à cette évaluation parce qu'on était évaluables. Alors, il n'y a pas de gêne. Moi, comme enseignant, j'ai à évaluer mes étudiants et je pense qu'on accepte très bien l'évaluation, et je pense que ça a été même favorable à l'ensemble des conseils régionaux.

M. Boulerice: Puis, quand on est évalués, on a une note.

Mme Giguère: Ah oui!

M. Boulerice: Voilà. Alors, est-ce qu'on vous a dit que, comme vous étiez bons, on cesserait de geler vos budgets et qu'il y aurait une augmentation?

M. Pilote: On a eu une petite prime cette année, de 4,2 %. Alors, c'était déjà mieux...

M. Boulerice: Ça compense le...

M. Pilote: ...que depuis les quatre ou cinq dernières années où il y avait eu un gel des subventions à des conseils régionaux.

M. Boulerice: Vous êtes toujours, compte tenu de l'indice d'inflation, en déficit d'environ 16 % sur le budget.

Mme Giguère: La vie n'est pas facile. M. Boulerice: Pardon?

Mme Giguère: Ce n'est pas facile parce que, effectivement, il y a énormément d'attentes à la fois des milieux culturels et, de plus en plus, je pense que c'est surtout... Les conférences socio-économiques ont suscité énormément d'attentes vis-à-vis des organismes comme les nôtres, puisque ça a été un exercice très intéressant, parce qu'on a pu y être présents au même titre que d'autres secteurs. Ça nous a permis aussi de pouvoir discuter, effectivement, avec l'ensemble des autres secteurs et ce n'est pas fini même si, pour le moment, les conférences socio-économiques sont comme en suspens. La complicité intersectorielle dans les régions continue et tout le monde est en attente aussi du fameux rapport Bernier. Mais il y a quand même des demandes assez précises en provenance de tous les secteurs d'activité dans les régions pour qu'il y ait effectivement une plus grande part de décisions qui proviennent des régions et, dans cette optique-là, les conseils de la culture sont considérés comme étant des partenaires des autres secteurs d'activité.

M. Pilote: Évidemment, si on compare à d'autres organismes dans nos collectivités, les conseils régionaux de la culture sont sous-supportés dans le sens que la plupart des conseils régionaux ont deux ou trois employés permanents, ce qui fait que c'est des territoires immenses à couvrir, et le fait que vous releviez ce point-là... C'est évident que - on l'avait d'ailleurs indiqué dans notre mémoire - on a besoin de davantage de support financier pour pouvoir alimenter nos régions.

M. Paquet: On n'a pas dit, nulle part, dans notre mémoire qu'il y avait besoin de pas mal plus de sous au ministère des Affaires culturelles, mais disons qu'on prend pour acquis que le rapport Arpin mentionne ça quelque part. On connaît assez bien les besoins des artistes, des artisans, des intervenants, on connaît aussi beaucoup l'implication du personnel bénévole dans nos régions qui donne, et sans compter, pour savoir que, s'il y a une augmentation substantielle, c'est un peu tout le monde qui va devoir en avoir parce que c'est tout le monde qui est dans cet état-là.

M. Boulerice: Une question à Mme Giguère. Vous êtes du conseil régional du Bas-du-Fleuve. Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine avait demandé d'avoir son propre conseil de la culture. Qu'est-ce qui est arrivé?

Mme Giguère: Bien, ils sont en train de le mettre en place avec notre support. En fait, à l'heure actuelle, nous, on fonctionne en assemblée générale, présentement, à la fois avec les intervenants culturels du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine. C'est une demande qui est sur la table depuis trois ans, il y a eu des consultations et, présentement, il y une forme de partenariat qui s'est instaurée avec le CRCD de la Gaspésie-les Îles, la BCP de la Gaspésie - les Îles et nous. Et, présentement, il y a un groupe de travail qui est à monter tout un dossier qui sera acheminé d'ici le mois de décembre à la ministre, Mme Frulla-Hébert, pour, effectivement, combler ce besoin qu'a cette région d'avoir son entité propre au niveau culturel.

M. Boulerice: Parce qu'on a donné une direction régionale à Gaspé d'abord, puis, après, le Conseil de la culture, potentiellement.

Mme Giguère: C'est-à-dire que la direction régionale n'est pas implantée, non plus. À l'heure actuelle, c'est la direction régionale qui a son siège social à Rimouski qui couvre les deux régions.

M. Boulerice: Avez-vous demandé à la ministre comment elle évalue le rapport Arpin par rapport à la dimension régions, justement, dans ce rapport?

Mme Giguère: On a rencontré Mme la ministre en tournée puis elle s'est montrée très favorable à ce qu'effectivement il y ait une écoute plus grande au niveau des régions. En tout cas, c'est ce qui est ressorti de la tournée qu'elle a faite dans nos deux régions.

M. Boulerice: Donc, vous me dites qu'elle est insatisfaite de la place que le rapport Arpin a faite aux régions.

Mme Giguère: J'espère! Ha, ha, ha!

M. Pilote: Elle a surtout sollicité nos avis, nous a invité à l'exprimer nous-mêmes. Elle disait qu'elle avait hâte d'entendre nos propos sur notre appréciation de cette absence ou de cette présence, comme vous dites. Mais je pense que les conseils ont déposé des mémoires et pourraient répondre à son invitation personnelle et venir faire ça ici dans la forme qu'ils estiment la meilleure, selon leur dynamique.

M. Boulerice: Quel commentaire formulez-vous à l'égard de la recommandation du rapport Arpin qui vise à mettre fin au saupoudrage?

Mme Giguère: Ça dépend ce qu'on entend par saupoudrage. Si c'est effectivement de cesser de donner de très petites sommes à un très grand nombre d'organismes, mais plutôt de faire en sorte que les organismes qui reçoivent des montants d'aide financière en reçoivent de façon adéquate, je pense que nous sommes tout à fait en accord et toujours dans la mesure où, dans notre philosophie, le ministère des Affaires culturelles, à l'heure actuelle, n'a absolument pas un budget adéquat pour desservir le Québec.

M. Boulerice: Ne trouvez-vous pas qu'il y a un danger dans votre réponse?

M. Pilote: Par contre, il y a un danger à ça. C'est qu'en voulant consolider les organismes en place, la relève peut être négligée là-dedans. Alors, il faut quand même avoir des nuances sur cet aspect-là.

M. Boulerice: Mais si je me servais de l'argument de Mme Giguère en tant que ministre des arts et de la culture et que je disais: Écoutez, vous donnez un petit peu à beaucoup, vous êtes trop de conseils régionaux de la culture, on va diviser ça en deux: la moitié s'en va, vous allez en avoir plus. Vous ne trouvez pas qu'il y a un danger là-dedans? (18 h 30)

M. Ferrier le Clerc: C'est peut-être le gouvernement qui va avoir un problème si les conseils disparaissent; ce n'est pas les milieux culturels parce qu'ils vont se structurer n'importe comment. Faites ce que vous voudrez, appelez ça des conseils de la culture ou autrement, il y aura obligatoirement et vitalement, et c'est viscéral chez les êtres humains, une volonté et un besoin de se regrouper sous quelque forme que ce soit. Si vous faites un coup de crayon, si le gouvernement décidait, par un coup de crayon, d'éliminer quelque chose, il va apparaître 10 choses différentes après. C'était le cas au moment de la création des conseils de la culture; il y avait toutes sortes de structures qui essayaient d'émerger au niveau des régions et des territoires. C'était variable d'une région à l'autre, comme la dynamique des conseils actuels peut l'être. Mais ce n'est peut-être pas en faisant disparaître les conseils de la culture qu'on va améliorer le sort des artistes, de la société et de la vie culturelle au Québec; c'est peut-être en faisant évoluer les choses et les situations en rapport avec l'actualité. Qn est né pour un besoin. Il y a peut-être d'autres besoins aujourd'hui, mais ça ne veut pas dire faire disparaître ce qu'on a.

M. Boulerice: J'ai joué l'avocat du diable. M. Ferrier le Clerc: Oui, oui, oui.

M. Boulerice: Ce n'est pas dans mon intention puisqu'à la page 156 du programme de ma formation politique, j'ai fait inclure, et je me permets de vous le lire, au 2. 3: "Doter les

régions du Québec d'enveloppes budgétaires autonomes et suffisantes afin de garantir leur autonomie d'intervention en matière culturelle. On accordera aux conseils régionaux de la culture des crédits de fonctionnement accrus. Ils deviendront des interlocuteurs privilégiés. Les directions régionales des ministères à vocation culturelle assumeront des responsabilités supplémentaires avec l'autorité et le budget requis, notamment quant aux investissements en infrastructures. Elles seront alors tenues de demander l'avis des conseils régionaux de la culture et de tenir compte de leurs recommandations." Maintenant, je pense que, dans mon cas, ma position est claire à l'égard de votre existence.

Mme Giguère: Alors, c'est très intéressant et ce qui est surtout très important, je pense, c'est que, dans la future politique culturelle du gouvernement, il y ait, effectivement, une reconnaissance de la notion de territoire. Comme les conseils de la culture sont des organismes qui oeuvrent, comme on le disait au début, dans le domaine du développement culturel d'un territoire, effectivement, je pense que les conseils sont des organismes qui, à l'heure actuelle, sont peut-être sous-employés au niveau, finalement, de la représentativité des demandes et des besoins des milieux culturels. Dans la mesure où, effectivement, la politique reconnaîtra la notion de territoire et le besoin qu'a l'ensemble des Québécois d'avoir les ressources autant au niveau de la formation, de la production, de la création que de la diffusion, je pense que les conseils de la culture auront un rôle à jouer et encore, même, un rôle plus grand que celui qu'ils ont joué par le passé parce que, comme je vous le disais, les autres secteurs d'activité tiennent à ce qu'il y ait un représentant sectoriel culture, avec lesquels il puisse travailler au développement régional dans son ensemble.

M. Boulerice: Une toute dernière question. Lorsque j'étais dans votre capitale régionale, en avril ou en mai - je ne me souviens plus - j'ai été longuement interrogé par les médias - enfin, j'ai presque le goût triste de vous dire: Par ce qui reste des médias électroniques. Est-ce que vous croyez que c'est une grave lacune du rapport Arptn d'avoir complètement évacué tout le domaine des communications comme tel? Et souscrivez-vous à l'énoncé de ma formation, repris d'ailleurs cet après-midi par l'Union des artistes, que nous devrions avoir un ministère des arts, de la culture et des communications?

M. Ferrier le Clerc: On ne sait pas par...

Une voix: Ha, ha, ha! Moi, je sais que...

M. Ferrier le Clerc: Comme ancien jour- naliste, je peux vous dire - je pense que Mme la ministre a fricoté avec ce métier-là: Qui contrôle l'information, détient le pouvoir. Alors, si on ne s'occupe pas des communications, on n'a pas le goût du pouvoir, c'est sûr.

M. Boulerice: Mais si la culture contrôle les communications, il y a peut-être des chances que la culture bénéficie des communications.

Le Président (M. Gobé): Votre conclusion, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, s'il vous plaît!

M. Boulerice: Ma conclusion est que ça fait...

Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît!

M. Boulerice: ...mon Dieu! je ne sais pas, six ans que je suis ici, ça fait six ans que je suis sur la même longueur d'onde avec les conseils régionaux de la culture. Je peux leur donner l'assurance que ce n'est pas demain la veille où je vais changer d'idée. Je serai vigilant pour le temps qui reste et, j'ose espérer, très actif avec votre vigilance, cette fois-ci, à vous pour le temps qui suivra.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député. Mme la ministre, le mot de la fin, s'il vous plaît!

Mme Frulla-Hébert: D'ailleurs, merci à tous d'avoir répondu à l'invitation. Finalement, comme je vous l'ai dit en région et je le répète: Le rapport est la base de discussion, le rapport Arpin. Ce n'est pas des promesses, on n'en fait pas. Chose certaine, c'est que la reconnaissance des régions, comme l'a exprimé le cosignataire du rapport Arpin, M. Turgeon, est quand même là, est présente et, évidemment, étant à la tête du ministère le plus décentralisé, le plus régionalisé, ce n'est pas la veille, non plus, où on va abandonner les régions, quand même. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Merci, mesdames et messieurs. Ceci met fin à votre intervention.

M. Pilote: On vous remercie tous et on suivra de façon très ponctuelle tout le déroulement de la commission.

Le Président (M. Gobé): Très bien, monsieur. Merci beaucoup. Alors, je vais maintenant appeler la Fédération des sociétés d'histoire du Lac-Saint-Jean. Je vous demanderais de prendre place dès maintenant afin que nous puissions commencer l'audition.

(Suspension de la séance à 18 h 40)

(Reprise à 18 h 43)

Le Président (M. Gobé): La commission va maintenant reprendre ses travaux et nous allons entendre la Fédération des sociétés d'histoire du Lac-Saint-Jean qui est représentée... Mme Marie Brassard, présidente, peut-être voulez-vous présenter les gens qui vous accompagnent?

Mme Brassard (Marie): Je vais plutôt laisser à M. Roger Lajoie le soin d'intervenir maintenant.

Le Président (M. Gobé): Alors, M. Lajoie, nous vous laissons...

Fédération des sociétés d'histoire du Lac-Saint-Jean

M. Lajoie (Roger): Merci. M. le Président, Mme la ministre, permettez que je me présente: Roger Lajoie. Je suis le président de la Table de coordination régionale des archives privées du Saguenay-Lac-Saint-Jean, président également de la Société d'histoire du Làc-Saint-Jean qui oeuvre sur le territoire de la MRC de Lac-Saint-Jean-Est, de même que je suis conseiller pédagogique en histoire à la commission scolaire du Lac-Saint-Jean.

Mme Brassard, à ma droite, qui est journaliste à CBJ, Radio-Canada, est également présidente de la Société d'histoire et de généalogie de Dolbeau; elle est la fondatrice du Centre d'archives Maria-Chapdelaine et elle préside la Fédération des sociétés d'histoire du Lac-Saint-Jean. À l'extrême droite, notre collègue, M. Ghislain Gagnon, qui est fondateur de la Société zoologique de Saint-Félicien, directeur de la Fondation du jardin zoologique de Saint-Félicien et l'instigateur du premier voyage de découverte du patrimoine au pays de l'Ashuapmuchuan, qui a eu lieu il y a deux semaines; il est le président de la Société d'histoire de Saint-Félicien et également membre de la Table de coordination et de la Fédération des sociétés d'histoire du Lac-Saint-Jean.

Donc, nous vous présentons un mémoire commun, conjoint, de la Fédération des sociétés d'histoire et de la Table de coordination régionale des archives privées. Le fruit de nombreuses rencontres et de plusieurs années d'efforts a été exprimé dans le mémoire dont nous allons vous livrer le contenu. J'invite Mme Brassard à vous en lire le préambule et l'introduction.

Le Président (M. Gobé): Madame.

Mme Brassard: Merci. La Table de coordination des archives privées du Saguenay-Lac-Saint-Jean a été créée en 1990 et sa mission s'inscrit dans l'application de la Loi sur les archives du Québec. À l'invitation de l'archiviste régional, M. Laurent Thibeault, quelques dizaines de centres d'archives privées et de sociétés d'histoire donnaient mandat à cette table de coordination régionale: d'abord, de mettre en place une structure et des mécanismes afin de conserver, de traiter et de rendre accessibles à la population les archives privées déjà recueillies; également de coordonner une recherche régionale en vue de dresser l'inventaire des fonds d'archives non encore protégés et, enfin, de développer une stratégie de pénétration de l'ensemble du territoire - on parle du grand ensemble Saguenay-Lac-Saint-Jean et Chibougamau-Chapais - afin de recueillir, traiter et diffuser ce capital archivis-tique d'importance.

Le second intervenant aujourd'hui, c'est la Fédération des sociétés d'histoire du Lac-Saint-Jean. C'est un regroupement volontaire de six sociétés d'histoire, qui sont réparties sur le territoire géographique du Lac-Saint-Jean, en vue de structurer et de coordonner le développement de dépôts d'archives, de centres de diffusion du patrimoine et de bibliothèques généalogiques, dans le respect des orientations respectives de ses sociétés membres. La Fédération des sociétés d'histoire du Lac-Saint-Jean projette de déposer un dossier d'admissibilité à l'agrément en décembre prochain.

En préambule de notre mémoire, j'aimerais vous indiquer des éléments majeurs qui ressor-tent. D'abord, la motivation de nos organismes voués à la conservation du patrimoine archivisti-que de toute une région a été mise à rude épreuve suite à la lecture et à l'analyse de la proposition de politique de la culture et des arts déposée par le groupe-conseil présidé par M. Arpin. En dépit des efforts considérables investis par tous les partenaires de nos réseaux, force nous est d'admettre que l'ensemble des activités économiques et culturelles reliées au patrimoine historique du Québec est demeuré en dehors du champ d'expertise de la commission Arpin.

Ignorer l'histoire et ses impacts sur la recherche et le développement du Québec nous semble inadmissible, surtout dans une démarche d'analyse des futures politiques de soutien à la culture et aux arts.

Nous prenons à coeur, M. le Président, Mme la ministre, notre rôle de porte-parole devant cette audience afin que toutes les activités éducatives, socio-culturelles et économiques issues du mouvement des sociétés d'histoire soient mieux connues d'abord, puis soutenues de façon à accentuer leur rayonnement dans les autres champs de l'activité humaine au Québec.

M. Lajoie: Je vais vous présenter le profil du réseau régional des archives privées dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de Cha-pais-Chibougamau également.

La création de la Table régionale de coordination des archives privées permet de situer assez précisément l'importance de développer, en complémentarité avec le réseau des

Archives nationales du Québec, les services de cueillette et de conservation, de traitement et de diffusion des archives privées.

Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, le bureau régional des Archives nationales du Québec jouit d'une grande notoriété et son taux de fréquentation est en croissance. Compte tenu de son mandat, il lui est cependant impossible de répondre aux attentes du secteur privé. Cette préoccupation de conserver le patrimoine archi-vistique s'est manifestée à titre précurseur avec la naissance de la Société historique du Saguenay en 1934. La présence d'institutions, tels l'Université du Québec à Chicoutimi, les cégeps de Chi-coutimi et Jonquière, les structures municipales et supramunicipales - MRC du Fjord-du-Saguenay et 15 municipalités - les organismes régionaux et locaux, et d'importantes corporations privées constituent une ramification déjà préoccupée de conservation des archives. Le territoire du Saguenay est donc une terre déjà fertilisée et la reconnaissance de la Société historique du Saguenay à titre de premier centre d'archives privées agréé de la région est venue confirmer cette vocation.

Au Lac-Saint-Jean, la doyenne des sociétés d'histoire, la Société d'histoire du Lac-Saint-Jean, célébrera cette année son 50e anniversaire, après avoir lutté au fil des ans pour se tailler une place distincte sur le plan géographique. Avec un support croissant du secteur municipal, Aima a su établir solidement les bases d'un centre d'archives sous-régional et d'un musée qui génèrent nombre d'initiatives socio-culturelles et pédagogiques. Plus récemment, cinq nouvelles sociétés d'histoire prenaient corps autour du Lac-Saint-Jean, soit celles de Dolbeau, de Roberval, de Pointe-Bleue, de Saint-Félicien et de Saint-Prime.

La même préoccupation de cueillette, de traitement et de diffusion des archives privées anime les jeunes sociétés qui, pour mieux coordonner leurs efforts, se regroupaient, en janvier dernier, sous forme de fédération. De plus, la Fédération entretient un lien avec le secteur Chibougamau-Chapais afin de favoriser la prise en charge d'un noyau de soutien dans ce secteur.

La Fédération des sociétés d'histoire du Lac-Saint-Jean se partage en trois entités l'ensemble du territoire sous-régional, empruntant le découpage actuel des municipalités régionales de comté. Le réseau des MRC, avec leurs municipalités périphériques, est ainsi sensibilisé aux notions de préservation du patrimoine archivisti-que et le rayonnement sur l'ensemble du territoire permet de rejoindre le secteur municipal, scolaire, les réseaux de la santé ainsi que les grandes, moyennes et petites entreprises génératrices de la majorité des fonds d'archives.

Voilà, Mme la ministre et M. le Président, l'exemple d'une région qui se préoccupe de préserver son patrimoine historique depuis nombre d'années et qui, réagissant à la poussée de modernisation qui vient bouleverser les procédés traditionnels de gestion des archives, se prépare à assumer son rôle de protecteur de son patrimoine.

Le réseau des archives privées au Saguenay-Lac-Saint-Jean, c'est plus de 1500 membres actifs et des milliers d'usagers qui fréquentent régulièrement les centres de consultation. Ce sont aussi les grandes sociétés, telle Alcan, les institutions majeures, telles l'Université du Québec et les congrégations religieuses solidement enracinées dans l'histoire régionale. Notre réseau participe, de plus, à la Fédération des sociétés d'histoire du Québec et aux autres regroupements provinciaux.

Le rôle de protecteur du patrimoine historique est un fait, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui est connu et partagé tant par nos chefs de file que par un large bassin de notre population. S'il est évident que les centres d'archives privées ont consenti des efforts croissants afin de protéger les archives régionales, le mouvement populaire a indiscutablement démontré, par son intérêt et son militantisme, sa préoccupation pour la protection du patrimoine en posant des gestes concrets. Tous efforts réunis, Mme la ministre et M. le Président, nous pouvons retrouver chez nous une démonstration collective de la mission de conservation, de traitement, de consultation et de diffusion de ce capital archivistique qui nous est propre.

Mme Brassard: Nous aimerions maintenant jeter un regard vers une politique de développement en matière d'archives. Nos organismes respectifs estiment périmée l'époque où l'on traitait les historiens comme des marginaux aimant la poussière et s'abreuvant d'une passion monastique axée plus sur l'occultisme que sur la culture proprement dite.

Nous comptons dans nos rangs nombre de professionnels des sciences du patrimoine, historiens, archivistes, ethnologues, archéologues, généalogistes et enseignants, auxquels s'ajoutent des techniciens compétents, des administrateurs intéressés et d'ardents défenseurs des valeurs traditionnelles qui, tous ensemble, participent à cette mission socio-culturelle. De plus, nous ne pouvons négliger de souligner l'apport du bénévolat engagé qui permet d'alimenter les organismes de défense du patrimoine, de soutenir leurs actions et interventions. Enfin, à travers la pratique de certains loisirs culturels spécialisés, telle la généalogie, l'on découvre d'autres facettes qui illustrent bien l'existence des vases communicants en matière de patrimoine historique.

Or, les réseaux en pleine expansion sont privés d'une reconnaissance au sein du réseau culturel au Québec et les conséquences de ce manque de visibilité entraînent un ralentissement de leur progression, pourtant souhaitée, au niveau des services.

La première revendication des partenaires de la Table de coordination des archives privées du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de la Fédération des sociétés d'histoire du Lac-Saint-Jean est la suivante: Accorder au réseau des archives privées un statut comparable à ceux de la muséologie, des bibliothèques, de façon à leur permettre de développer leurs services à la population en matière de conservation, de traitement, de consultation et de diffusion des richesses propres à l'histoire locale, régionale et provinciale.

Le manque de ressources permettant d'instaurer, de développer et de rentabiliser progressivement certains services à la population vient principalement de l'absence d'une politique de soutien à la création d'emplois pour les professionnels aptes à oeuvrer au sein de ce réseau. En conséquence, nous croyons opportun de proposer à la commission cette deuxième recommandation: Soutenir la création d'emplois pour les professionnels aptes à dynamiser le réseau des archives privées, principalement en accordant des crédits de 75 % des salaires la première année d'embauché, 50 % la seconde et 25 % la troisième; une telle mesure pourrait, selon nous, s'avérer un excellent stimulant à l'acquisition des compétences dans ces champs de spécialisation.

Pour survivre au cours des dernières années, nos sociétés d'histoire et nos centres d'archives ont dû faire appel à divers programmes fédéraux de création d'emplois compte tenu des maigres enveloppes allouées par le ministère des Affaires culturelles à son réseau d'archives. Or, ces programmes ne satisfont pas à nos attentes en matière de stabilisation des emplois et de développement de services permanents. Nous croyons de première importance que la commission renforce les crédits de base alloués au réseau des archives privées et, en conséquence, nous proposons que les programmes émanant du ministère des Affaires culturelles du Québec soient bonifiés de façon à supporter les efforts du milieu en matière de traitement des archives, de diffusion, d'accès aux chercheurs et de promotion du patrimoine. Outre son programme d'agrément, le gouvernement du Québec pourrait établir un soutien de base dégressif afin de supporter la croissance des centres d'archives en développement jusqu'à ce que ces derniers atteignent leur autofinancement complet.

Fortement ancrés dans une région productive, innovatrice et réputée comme une pépinière de talents dans toutes les sphères de l'activité humaine, nous déplorons avec une certaine frustration la notion de centralisation du domaine de la culture et des arts.

Nous ne croyons pas que le développement culturel puisse se générer de haut en bas, du pôle vers les périphéries, sans créer une dichotomie profonde. Le soutien à la créativité et l'accès aux services doivent s'appliquer à tous les Québécois, sans égard à leur situation géographique, si l'on veut générer un courant proculturel actif. Se concentrer à Montréal ou à Québec pour y soutenir la culture créerait, à notre avis, un cercle vicieux qui viserait l'aliénation des régions en leur ravissant systématiquement tout leur potentiel initial.

Quel archiviste ou historien, ethnologue et autres spécialistes pourraient résister au courant lucratif pour demeurer fidèle, dans de telles conditions, à sa région d'origine? Bien qu'on reconnaisse l'importance de centres de diffusion majeurs dans les grands centres urbains, la Table de coordination des archives privées du Saguenay-Lac-Saint-Jean et la Fédération des sociétés d'histoire du Lac-Saint-Jean s'opposent à l'établissement d'une polarisation de la culture qui ne peut qu'entraîner une sclérose progressive de toutes les initiatives en provenance des régions. Une telle situation tendrait à affaiblir le bassin de pourvoyeurs d'idées nouvelles et finirait par menacer l'identité même des créateurs à l'échelle du Québec. En conséquence, nous souhaitons que chaque région dispose d'un droit fondamental de générer des initiatives culturelles et que le gouvernement du Québec favorise, par la création de structures décentralisées, l'éclosion des talents et autres initiatives de création, de diffusion et de manifestation propres à favoriser l'identité créatrice de chacune des régions.

Pour permettre à la culture et aux arts de se développer sans créer uns dépendance outran-cière face à l'État, nous estimons souhaitable que des incitatifs fiscaux soient accordés aux partenaires du secteur privé. Or, nous considérons que l'impulsion ne peut provenir que du gouvernement si l'on entend stabiliser les réseaux culturels. Une fois l'aide gouvernementale obtenue, le soutien régional, sous-régional, municipal et privé vient compléter l'apport à l'autofinancement des réseaux. Dans le secteur des archives privées et de la conservation du patrimoine historique, le partenariat proposé nous semble réaliste et applicable. Compte tenu des efforts majeurs que le milieu a déjà consentis pour créer et développer ses services dans le passé, nous sommes à même d'identifier clairement une carence sur le plan du soutien gouvernemental à titre de support au développement et d'aide à la consolidation des services, notamment en matière d'équipements de traitement, de conservation et de consultation des fonds d'archives. (19 heures)

En conséquence, nous proposons que des programmes d'aide spécifiques, reliés au domaine de l'archivistique, soient créés, afin de permettre à tous les centres d'archives d'avoir accès à des équipements techniques de traitement, de conservation, de consultation des archives, et que le souci de rejoindre les régions demeure une priorité gouvernementale d'accessibilité à la culture pour tous les Québécois. La mise en place d'incitatifs visant à favoriser le partenariat privé avec les organismes privés est donc souhaitable.

Le rôle de mise en valeur de l'histoire et du patrimoine que jouent les sociétés d'histoire et les centres d'archives privées au Québec pourrait s'orienter de façon permanente vers le domaine de l'éducation. En effet, les divers spécialistes qui oeuvrent dans ces champs de compétence pourraient de bon droit assumer une vocation pédagogique auprès des clientèles scolaires de tous les niveaux, considérant que les centres d'archives demeurent les meilleurs lieux de diffusion de l'histoire qui soient. Il nous apparaît nécessaire de suggérer à la ministre ce rapprochement entre le secteur scolaire et le milieu des archives, car ce jumelage permettrait d'établir les centres d'archives privées à titre de laboratoires et d'y encourager les visites, la tenue de cours, l'orientation vers la recherche et créerait un véritable enracinement du fait historique dans la formation des jeunes.

En conséquence, nous recommandons que les centres d'archives privées soient reconnus comme des lieux d'éducation en histoire locale et régionale et qu'on y pratique des enseignements de type laboratoire inclus aux activités d'apprentissage des programmes académiques de niveaux primaire, secondaire et postsecondaire. À cet effet, qu'on reconnaisse la compétence des historiens, archivistes, ethnologues et autres professionnels des sciences du patrimoine à titre de ressources pédagogiques complémentaires au réseau actuel de l'éducation.

Le Président (M. Gobé): Je vous demanderais de commencer à faire votre conclusion, madame, s'il vous plaît, parce que le temps coule, mais...

Mme Brassard: Nous y venons.

Le Président (M. Gobé): J'ai dit: Commencer à la faire. D'accord.

Mme Brassard: Nous prétendons assumer le rôle de gardien des archives québécoises en complémentarité avec le réseau des Archives nationales du Québec sachant la lourdeur de la tâche dévolue au système public eu égard à l'évolution technologique et à la multiplication des dossiers. Il nous apparaît important que la nouvelle politique sur la culture et les arts accepte de prendre le virage du développement des réseaux d'archives privées.

S'il est une région qui manifeste de façon concrète son désir d'assumer ce rôle, nous en sommes les artisans et nous avons le capital humain pour assurer cette responsabilité. Pour soutenir cette volonté, il nous manque la reconnaissance, le soutien financier et l'ouverture pédagogique.

M. Lajoie: Si vous me permettez, M. le Président, de terminer brièvement la conclusion.

Le Président (M. Gobé): Oui, allez-y. Allez-y, monsieur, assez rapidement, quand même, parce qu'on est... Mais allez-y.

M. Lajoie: D'accord. Le rapport Arpin néglige de signaler l'apport important en "membership" du réseau des archives privées et des sociétés d'histoire. Dans la seule région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, nous regroupons plus de 1500 membres actifs et nos professionnels appartiennent à des regroupements qui ont été, eux aussi, ignorés du groupe-conseil - je ne vous en fais pas la lecture. L'ère des archivistes effacés et des historiens atemporels devrait laisser place à des gestionnaires efficaces des archives privées, à des historiens méthodiques, à des pédagogues soucieux de la portée du message patrimonial, à des archéologues valorisés dans leurs démarches de reconstitution du passé et à des ethnologues plus accessibles sur les équipes multidisciplinaires en diffusion, en muséologie, en vulgarisation.

Le développement des centres d'archives privées est, selon nous, la PME de l'heure; elle assure la conservation d'un patrimoine qui ne peut résister encore longtemps aux changements technologiques et dont le réseau public ne peut prendre charge; elle crée et consolide des centaines d'emplois.

Peut-on espérer une meilleure sensibilisation du gouvernement du Québec face à son réseau d'archives privées, alors que les programmes d'agrément commencent à peine à démontrer leur efficacité? Nous le souhaitons, bien évidemment, en soulignant à Mme la ministre que nulle politique de la culture et des arts ne peut se concrétiser sans la connaissance fondamentale de l'histoire et sans le respect constant de son patrimoine. C'est à titre de fournisseur de cette matière culturelle essentielle au développement et à l'expression de toutes les formes de créativité que nous désirons obtenir une reconnaissance officielle, assortie des supports qui garantiront le rayonnement souhaité, dès à présent.

Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie, M. Lajoie. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Moi, j'ai une question; le député va en avoir une aussi. D'abord, il faut quand même faire un rappel de tous les bénévoles qui travaillent et qui ont travaillé dans ce secteur et, là-dessus, vous avez raison. Je veux quand même rappeler, puis j'essaie de faire la part des choses... Justement, je parlais à Mme Courchesne, parce qu'on a eu un incident au niveau des archives, ce qu'on appelle le parapu-blic. Parce que ce n'est pas évident; il faut, comme vous le disiez tantôt, que le système d'éducation, les municipalités veuillent les céder aussi. Ça, c'est autre chose. Nous, nos archives, évidemment, sont cédées au centre d'Archives nationales. Mais je veux rappeler qu'en 1989 le

MAC a adopté une politique ministérielle sur les archives privées, vous en avez parlé tantôt. Il y a eu aussi un règlement qui concernait les conditions d'agrément des centres d'archives privées. Il y en a eu 10 qui ont été agréés, il y en a six autres qui vont l'être et qui sont à l'étude. Je voudrais que vous me précisiez deux choses. D'abord, la reconnaissance du réseau d'archives dont vous parlez, est-ce que c'est un prolongement de celui que le MAC est à mettre en place ou s'il s'agit d'un autre projet?

Mme Brassard: Je pense, Mme la ministre, que le réseau de développement des archives privées dans toutes les régions du Québec est un réseau qui émerge d'associations sans but lucratif. Le réseau peut se structurer de la façon suivante. C'est que les organismes donnent naissance à des services de cueillette d'archives, de traitement et de diffusion. Ces réseaux-là progressent lentement, jusqu'au moment où ils peuvent aspirer au programme d'agrément et, là encore, le programme étant très contingenté et suffisamment sévère pour ne laisser passer que les organismes vraiment professionnels; on peut penser que le réseau d'archives privées, à son sens le plus large, c'est-à-dire dans le sens où il rayonnerait sur l'ensemble du territoire, mériterait d'être reconnu de telle sorte que le milieu municipal et supramunicipal lui accorde son soutien, son intérêt et une part de financement. Qu'on le reconnaisse comme étant un réseau culturel collectif qui peut progresser et, par exemple, avec un appui sur une base triennale, aspirer à devenir membre du réseau des centres d'archives agréés, donc à atteindre par palier le réseau officiel des centres d'archives privées. C'est un peu la vision que, nous, on développe au Saguenay-Lac-Saint-Jean en faisant progresser tranquillement une société d'histoire vers la création d'un centre d'archives sous-régional. Et, ensuite, ces centres d'archives, une fois outillés, équipés, pourront aspirer à devenir agréés et donc à entrer dans le réseau officiel qui était énoncé dans le programme d'agrément.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Mme la députée de Saint-Henri, vous avez démandé la parole.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Dans votre rapport, à la page 6, à la deuxième proposition que vous faites à Mme la ministre, le deuxième volet de votre proposition, au sujet de l'autofinancement complet - ce sont des mots que les gouvernements aiment bien entendre de temps à autre, l'autofinancement complet - j'aimerais que vous puissiez un peu élaborer sur vos sources de revenus afin d'arriver justement, éventuellement, à cet autofinancement-là complet.

Le Président (M. Gobé): Madame, ou M. Lajoie, oui.

M. Lajoie: Bien, comme on le propose ici, à la page 5, on pense qu'un programme triennal d'aide régressive, à raison de 75 % des salaires qui pourraient être accordés la première année, de 50 % la seconde et de 25 % la troisième, ça donne quand même trois années pendant lesquelles la société d'histoire ou le centre d'archives en question peut se structurer, peut faire sa sensibilisation dans le milieu, puis, au bout de trois ans, on estime que le milieu pourrait supporter entièrement ce centre d'archives. Sinon, au point de départ, on pense que c'est à peu près impossible, si on regarde la réalité actuelle. Du jour au lendemain, on ne peut pas demander, par exemple, à une municipalité de subventionner ou de financer à 100 % un centre d'archives privées ou une société d'histoire parce qu'il faut lui laisser le temps de faire ses preuves, notamment de démontrer qu'un centre d'archives privées ou une société d'histoire, ce n'est pas un club social. C'est une institution, c'est même une industrie culturelle avec des retombées économique, qui crée des emplois. C'est une institution de services et ça prend quand même, estime-t-on, au moins un bon trois ans pour sensibiliser le milieu à l'importance et à la nécessité de s'impliquer. Parce que, souvent, les municipalités vont nous demander - et là je parle d'exemples sans donner de noms: Bon! démontrez-nous qu'une société d'histoire, ça a un rôle à jouer dans la communauté municipale ou dans la communauté régionale. Démontrez-le-nous. On voudrait voir des chiffres, on voudrait que ça ait de la visibilité, que ça paraisse que ça fait partie vraiment de la vie économique du milieu. Je pense qu'en trois ans ça devient possible. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Lajoie. Est-ce que c'est l'essentiel de votre question?

Mme Loiselle: Oui.

Le Président (M. Gobé): Vous avez terminé, madame? Très bien. Alors, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole à votre tour.

M. Boulerice: Oui, merci, M. le Président. D'une part, moi, je vous trouve très raisonnable. Je pense que ma collègue, Mme la députée de Saint-Henri, vient de le dire, son autre collègue député, sans doute, partage le même point de vue. Vous dites: Oui, mais nous, on ne veut pas être tributaires de vous ad vitam aeternam; donnez-nous le coup de pouce pour partir puis, après ça, ne vous inquiétez pas, on se débrouillera. C'est ce que vous dites, en des termes peut-être plus raffinés que ceux que j'ai employés, mais c'est essentiellement cela: Donnez-nous le coup de pouce pour partir. Est-ce que vous êtes au courant, est-ce qu'il y a d'autres

sociétés semblables à la vôtre qui ont commencé à s'implanter?

M. Lajoie: Semblable à la nôtre, à notre Fédération des sociétés d'histoire, en termes de fédération?

M. Boulerice: Oui. Il y a d'autres regroupements qui ont commencé à se faire au niveau du Québec, à l'exception du vôtre.

Mme Brassard: La Fédération des sociétés d'histoire du Québec existe depuis nombre d'années. Elle regroupe au moins 120 sociétés d'histoire à l'échelle du Québec. Maintenant, le modèle du Saguenay-Lac-Saint-Jean est un modèle qui est développé depuis deux ans, avec un intérêt soutenu, puisqu'il tend à développer d'abord l'autonomie du réseau, à le rendre complémentaire au réseau des Archives nationales du Québec, à circonscrire son action à titre d'intervenant majeur pour conserver les fonds du secteur privé, et ils sont nombreux dans une région comme la nôtre. Le réseau s'est ramifié, en quelque sorte, sous un modèle de découpage du territoire en MRC, puisque ça convenait bien à une espèce d'ensemble naturel des collectivités. La présence de la Société historique du Saguenay, depuis nombre d'années, emprunte le modèle du découpage du territoire de la MRC du Fjord-du-Saguenay et les autres sociétés d'histoire se sont partagé le territoire sur le modèle du découpage des MRC.

L'idée de se fédérer, de se regrouper pour être en mesure de se développer de façon harmonieuse vient évidemment de l'éclatement géographique, mais aussi d'un esprit de concertation. Nous pensons qu'il est plus rationnel de tenter de développer un réseau à partir d'un regroupement que de rêver à obtenir des agréments, par exemple, individuellement ou de demander beaucoup plus de support au développement en se fractionnant. Nous croyons que le fait d'être partenaire dans une démarche d'agrément, sur un territoire qui a une configuration géographique éclatée, en forme de pointe de tarte, qu'elle soit aux bleuets ou autre, nous permet de penser que nous pourrons arriver à créer une concertation et, je pense, arriver à atteindre vraiment nos objectifs, c'est-à-dire recueillir sur l'ensemble de notre territoire les fonds d'archives qui sont actuellement en danger, qui, à cause de l'évolution technologique, de l'informatisation des bureaux, se jettent actuellement à la tonne. Et on sait que, dans une région comme la nôtre, si on n'a pas maintenant, au cours des cinq prochaines années, une offensive très précise pour recueillir ces fonds-là, eh bien, le capital de notre société s'en va graduellement aux poubelles ou au recyclage, ce qui est encore peu considérer les informations qu'ils contiennent sur le plan de l'histoire. (19 h 15)

M. Boulerice: Ah ça! madame, vous avez raison comme ce n'est pas possible, malheureusement! Il y a bien des supports pour ce qui est de la mémoire. Je vais vous donner juste un exemple. C'est dramatique! J'ai quelqu'un à mon bureau qui agit très spécifiquement à titre de conseiller là-dedans. Vous savez qu'à Radio-Canada on a jeté je ne sais pas combien de dizaines de milliers de 78 tours. C'est épouvantable! Sans aucun archivage préalable. Ça a été comme ça, à vau-l'eau. Je ne sais même pas s'ils ont récupéré le prix du plastique; ce serait une piètre consolation.

Et puisque vous êtes ici, et je suis assez content de vous voir, j'aimerais ça qu'on déborde un petit peu. L'enseignement de l'histoire au Québec, votre diagnostic, et un diagnostic en médecine, vous savez qu'il y a toujours un pronostic après.

M. Lajoie: Je suis dans le milieu de l'éducation depuis 25 ans, ma formation est en histoire et j'ai enseigné l'histoire; maintenant, je suis conseiller pédagogique en histoire, en géographie et en économique également, puis, bon, je suis impliqué au niveau de la Société d'histoire du Lac-Saint-Jean comme président. Je dois vous faire une réponse quand même courte parce que le temps nous manque, mais vous vous souvenez en...

M. Boulerice: Oh! mais ce sujet est tellement d'importance là.

M. Lajoie: D'accord. Vous vous souvenez qu'en 1974 on a fait le constat qu'ici, au Québec, le cours d'histoire nationale du Québec et du Canada n'était pas obligatoire et qu'il y avait au moins 40 % à 50 % des jeunes qui faisaient tout leur cours primaire et secondaire sans jamais voir un mot de leur histoire. Mais c'est lors d'une motion à l'Assemblée nationale que cette obligation a été instaurée en 1974. Il faut dire aussi que ça s'inscrit dans le développement de nombreuses sciences qui se sont retrouvées, à cause do leur importance, dans des programmes qu'on a voulu insérer dans nos écoles, dans nos commissions scolaires et qui, forcément, ont mis à la porte ou ont mis de côté un certain nombre de cours dont l'histoire. Mais, actuellement, je pense que l'histoire... Parce que c'est obligatoire, vous savez, en deuxième secondaire, de même qu'en quatrième secondaire, et même que le cours d'histoire du Québec et du Canada, en quatrième secondaire, fait l'objet d'un examen du ministère; chaque élève doit réussir cet examen pour avoir son diplôme d'études secondaires. Donc, c'est dire l'importance qu'on accorde à ce cours d'histoire. Alors, je dirais que la situation, dans les écoles, du cours d'histoire s'est améliorée, mais qu'il y a encore place à amélioration parce que le cours d'histoire contemporaine, l'histoire d'aujourd'hui, n'est pas obligatoire, de sorte que

nos jeunes sortent de l'école sans savoir ce qui se passe dans le monde. Ils reçoivent beaucoup d'Information à la radio et à la télévision sans savoir quoi faire avec cette information-là. Il y a quand même place à amélioration. Je demeure optimiste quant au cours d'histoire.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Lajoie. Avant de vous demander votre conclusion, M. le... Ah, vous avez terminé?

M. Boulerice: J'aurais eu juste une autre petite question à poser...

Le Président (M. Gobé): Oui, oui, faites.

M. Boulerice:... parce que, je l'ai dit, le sujet est tellement d'importance. Là, vous me dites qu'on sort du niveau secondaire avec un diplôme où il faut prouver qu'on sait que Jacques Cartier est arrivé en 1534, Champlain en 1608, que Laviolette est passé par Québec en 1632. Mais tout le bloc, je ne sais pas, moi, le bloc après-guerre, le bloc récent, pour l'actualiser, le visualiser, on est en train de me dire que les jeunes Québécois n'apprennent pas, en sortant du secondaire, ce qui a été une période quand même charnière dans notre histoire, la Révolution tranquille, 1960.

M. Lajoie: Vous permettez?

M. Boulerice: Oui, je vous en prie.

M. Lajoie: Oui, ça fait l'objet, ça, du cours d'histoire du Québec et du Canada. Pour être plus précis, c'est le dernier chapitre qu'on appelle le module 7, puis, même, ça fait l'objet d'examen, de questions lors de l'examen du ministère à chaque mois de juin, et ça va, enfin, jusqu'aux cinq dernières années. Alors, c'est pour vous dire que ça va quand même assez loin. Ça veut dire qu'en juin prochain les élèves peuvent être questionnés sur l'histoire du Québec jusqu'en 1986.

Le Président (M. Gobé): Élection du gouvernement libéral. Ha, ha, ha!

Mme Brassard: Si je peux apporter...

M. Boulerice: L'histoire ne peut pas qu'enseigner de bonnes choses, hein? Ha, ha, ha!

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Lajoie: L'histoire doit enseigner autant que possible la vérité. La vérité, bon...

Le Président (M. Gobé): L'histoire est l'histoire.

M. Lajoie:... étant donné ce qu'elle est.

Mme Brassard: Elle est dans les documents. M. Lajoie: Elle est dans les documents.

Le Président (M. Gobé): Et lorsqu'on fait de l'histoire, on se rend compte que, très souvent, elle se répète siècle après siècle et décennie après décennie.

Mme Brassard: D'où l'importance de conserver nos sources documentaires en histoire et en patrimoine pour pouvoir démontrer, effectivement, qu'on ne réinvente rien, que les sociétés évoluent, mais toujours à partir de leur fondement premier.

Le Président (M. Gobé): C'est cela.

Mme Brassard: L'histoire, c'est leur première connaissance.

Le Président (M. Gobé): Avant de terminer, il y a M. je député de Richelieu qui m'avait fait signe. Aviez-vous une question, M. le député?

M. Khelfa: Oui, c'est juste...

Le Président (M. Gobé): Alors, faites. On dépasse un peu le temps, mais, vous savez, avec le consentement de mon collègue et de madame...

M. Khelfa:... une réaction en ce qui a trait à ce que mon collègue de Sainte-Marie-Saint-Jacques mentionnait sur l'enseignement de l'histoire. Je constate que vous êtes bien informé et que vous avez donné la réplique exacte, mais j'aimerais ajouter un point. Le régime pédagogique, avec le livre vert et le livre orange, avec toute la consultation qui est sortie pour donner à l'élève diplômé du secondaire des outils et une connaissance de l'histoire, ça nous amène à une réalité, que l'élève d'aujourd'hui sort avec plus de connaissances de l'histoire du Québec et du Canada. Vous avez bien mentionné, monsieur, l'importance de ce phénomène. En ce qui a trait à l'histoire internationale, ça a été décidé par les décideurs, à l'époque, en 1978, de mettre de côté l'histoire internationale pour approfondir l'histoire du Canada et du Québec surtout. Est-ce que vous avez une façon de trouver un trou dans la maquette des cours pour aider l'élève à approfondir la connaissance de l'histoire internationale?

M. Lajoie: Je vais vous répondre à deux niveaux. Pour l'instant, c'est le pouvoir de chaque commission scolaire d'en décider. Il y a une commission scolaire dans notre région, soit Valin, où le cours d'histoire contemporaine, qui s'appelle "Le 20e siècle, histoire et civilisation", est obligatoire pour tous les élèves de cinquième secondaire. Mais je pense que cette obligation devrait venir plutôt du ministère de l'Éducation,

à mon avis, compte tenu de ce...

M. Khelfa: C'est dans le volet des cours optionnels.

M. Lajoie: Pardon?

M. Khelfa: Dans le volet des cours optionnels.

M. Lajoie: Oui. Il y a place dans la maquette. Ça aussi, c'est basé sur le principe, vous savez... Tout dépend dans quelle mesure l'on considère que le cours secondaire est un cours de formation générale ou pas. Si c'est vraiment un cours général, un cours de base, je dis que, dans cette mesure-là, on est justifié de rendre obligatoire un cours d'histoire contemporaine.

Le Président (M. Gobé): De toute façon, il n'y a pas de culture sans histoire.

M. Lajoie: II n'y a pas de culture sans histoire.

M. Khelfa: Et sans histoire, sans culture.

Le Président (M. Gobé): Vous êtes vous-même professeur d'histoire, M. le député, je pense, hein?

M. Khelfa: Merci.

Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, le mot de la fin?

Mme Frulla-Hébert: Ah oui! On finit en beauté cette semaine. On va regarder ça de près. Ce que j'ai compris, c'est que vous avez de la difficulté à accéder au réseau tout simplement parce qu'il manque de ressources. Vous savez, quand on gère des fonds publics, lorsqu'on agrée, il faut être certain que le centre d'archives ait toutes les compétences pour, justement, bien fonctionner parce que, veux veux pas, un agrément, après ça, au niveau du fonctionnement, coûte quand même de l'argent au gouvernement. On va regarder, de toute façon, une façon d'aider les centres à devenir éligibles à l'agrément. C'est ce que je retiens, entre autres, de l'ensemble. On a eu beaucoup de demandes au niveau des mesures fiscales. Alors, ça va faire partie d'un ensemble global.

M. Lajoie: Merci. M. le Président, je ne veux pas voler la vedette à Mme la ministre, mais est-ce que je pourrais...

Le Président (M. Gobé): Vous ne le pourriez pas.

Mme Frulla-Hébert: Allez-y.

Le Président (M. Gobé): Le voudriez-vous que vous ne le pourriez.

M. Lajoie: Vous permettez que je vous lise la conclusion que nous avions prévue?

Le Président (M. Gobé): Si elle n'est pas trop longue, avec plaisir.

M. Lajoie: D'accord. Si une région dite éloignée comme celle du Saguenay-Lac-Saint-Jean peut imprégner un tel souffle à son réseau régional d'archives et lui permettre d'émerger dans un contexte aussi difficile, économiquement et culturellement parlant, les autres régions le peuvent aussi, et nous oserions dire que c'est tout un réseau provincial de quelque 120 sociétés d'histoire et centres d'archives privées qui demeurent aujourd'hui en attente d'une reconnaissance officielle et des appuis à leur développement. Ce vaste réseau provincial dont nous faisons partie et auquel nous contribuons sur le plan humain et financier est privé d'oxygène depuis trop longtemps.

Nous souhaitons, Mme la ministre, M. le Président, que notre intervention d'aujourd'hui qui se veut ouverte sur le dialogue puisse permettre l'avancement de cette cause qui nous tient à coeur collectivement, celle de la mise en valeur de notre patrimoine culturel.

Nous remercions le secrétariat de la commission de nous avoir aidés également à présenter ce mémoire. Je vous remercie au nom de mes collègues.

Le Président (M. Gobé): Nous vous remercions, nous aussi. Vous avez vu qu'on a été un peu souples avec le temps, mais, vu que vous venez de très loin, du Lac-Saint-Jean, et que vous avez attendu toute la journée, j'ai jugé utile de laisser un peu la rigueur de l'horaire. Je tiens à vous remercier de vous être déplacés. Je vous souhaite un bon retour, ainsi qu'à tous mes collègues qui rentrent dans leur comté maintenant. Je me dois d'ajourner les travaux au mercredi 9 octobre 1991, à 9 h 30, en cette salle. La commission est maintenant ajournée.

(Fin de la séance à 19 h 25)

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