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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le jeudi 10 octobre 1991 - Vol. 31 N° 43

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts


Journal des débats

(Neuf heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Doyon): La séance est ouverte. La commission poursuit le mandat qu'elle a entrepris la semaine dernière. Il s'agit de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur la proposition de politique de la culture et des arts déposée à l'Assemblée nationale le 14 juin dernier. M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacements, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le secrétaire. Je vais m'abstenir de faire lecture de l'ordre du jour pour indiquer dès maintenant que nos premiers invités sont les représentants de l'Orchestre symphonique de Montréal. Je leur souhaite, au nom de la commission, la plus cordiale des bienvenues et je leur indique que nos règles sont les suivantes: la présentation dure environ 15 minutes. Prenez pour acquis que, si votre mémoire a été déposé en temps utile, il a été lu et examiné par les membres de la commission. Si vous voulez en faire un résumé, libre à vous. Ensuite, après ce quart d'heure, la discussion s'engage pour le reste du temps avec les membres de la commission, qui vous poseront des questions et vous demanderont des éclaircissements ou discuteront tout simplement et échangeront avec vous. Alors, vous avez la parole. Si vous voulez bien vous présenter, s'il vous plaît.

Orchestre symphonique de Montréal

M. Brunet (Pierre): M. Pierre Brunet, président de l'Orchestre symphonique de Montréal.

M. Spickler (Robert): Robert Spickler, directeur général de l'Orchestre symphonique de Montréal.

Le Président (M. Doyon): Très bien. Soyez les bienvenus.

M. Spickler: Merci. M. le Président, effectivement, nous ne ferons pas une lecture intégrale de l'ensemble du mémoire, mais nous aimerions néanmoins en tirer certains extraits qui nous apparaissent pertinents pour ouvrir le dialogue avec vous, si vous nous le permettez.

Nous ne ferons pas, bien sûr, une présentation exhaustive de l'Orchestre symphonique de Montréal. Je pense que l'organisme est assez bien connu. Il faut savoir et se rappeler que l'Orchestre symphonique de Montréal se classe maintenant parmi les 10 meilleurs et plus grands orchestres au monde, et c'est très important de se le rappeler. On peut attribuer ce succès, bien sûr, à Charles Dutoit qui, au cours des 13 dernières années, a fait un travail absolument incroyable et, bien sûr, à la qualité de nos 104 musiciens. Nos succès se mesurent aussi par les nombreuses invitations que nous recevons de nous produire sur les grandes scènes du monde et par quelque 30 prix internationaux que nous avons déjà reçus pour 50 enregistrements sur disque. Il est important de savoir que l'Orchestre symphonique de Montréal est le plus grand vendeur de disques numériques de musique symphonique au Japon et qu'il a récemment remporté le Grand prix du disque du Japon.

Les succès internationaux sont couplés avec nos performances ici même au Québec, particulièrement à Montréal, bien sûr, où nous donnons plus de 100 concerts par année et auxquels s'ajoutent une vingtaine durant l'été. Et, au cours de la dernière année, c'est plus de 600 000 personnes, autant à Montréal, au Québec, au Canada que sur les grandes scènes du monde, qui ont assisté à un concert de l'OSM.

Une réussite impressionnante comme celle-là fait, bien sûr, de l'OSM une institution culturelle majeure. Cependant, il y a des aspects peut-être un peu moins flamboyants qu'il faut rappeler. Après 57 années d'existence, l'Orchestre symphonique de Montréal vit la même fragilité et la même vulnérabilité qu'au premier jour de sa fondation en 1934. C'est un aspect, bien sûr, méconnu de la vie de l'Orchestre et ça mérite peut-être qu'on s'y arrête quelques instants. Nous croyons que la politique culturelle dont souhaite se doter le gouvernement du Québec doit permettre à des organismes culturels majeurs, dont l'OSM, de réaliser leur mandat artistique sur des bases solides, en plus d'assurer leur stabilité à long terme. Nous souscrivons, bien sûr, au postulat de base du rapport du groupe-conseil sur la politique culturelle qui parle de la dimension culturelle essentielle à la vie de notre société.

Le Québec est une société jeune et son ministère des Affaires culturelles aussi, qui a tout juste 30 ans. Il est né sous le signe de la nécessité et même de l'urgence. Au cours de ces années, le MAC a fait un effort énorme pour mettre en place des infrastructures, combler des retards, développer la vie culturelle au Québec. Il s'est, à juste titre, préoccupé des objectifs de développement. Mais, au terme des trois décennies, nous croyons que le ministère doit maintenant prendre le recul nécessaire et évaluer les résultats de cette action-là. Il y a des assises,

maintenant, qui sont créées, il y a des traditions qui existent. Le rôle de l'État, croyons-nous, à cet égard, est appelé à évoluer. Tout en demeurant ouvert à la création et au développement, nous croyons que le ministère doit maintenant aussi favoriser de façon urgente la consolidation des institutions qu'il a aidé à mettre sur pied et dont les bases demeurent fragiles.

Après 30 ans de développement, donc, la politique de très large ouverture du ministère l'a conduit à en faire trop et trop peu à la fois. L'apparition d'organismes tout aussi nombreux qu'éphémères a eu pour résultat, observe d'ailleurs le groupe-conseil, et je le cite "que l'aide de l'État est réduite inévitablement à une forme de saupoudrage qui se révèle rapidement peu efficace pour le maintien des organismes subventionnés et, en définitive, pour la qualité de la vie culturelle. "

Nous croyons que l'OSM, comme d'autres organismes majeurs au Québec, a fait les frais de cette politique. La brève analyse qui suit sur l'évolution de la situation financière de l'OSM, que va vous présenter maintenant M. Pierre Brunet, en témoigne.

M. Brunet: Merci. Je vais simplement vous résumer, à travers mon objectivité connue comme président de l'Orchestre symphonique de Montréal, ma perception de certains points que j'aimerais mentionner en fonction d'une politique générale.

D'abord, l'ordre de priorités des choses: s'assurer qu'il y a une priorité de donnée à certains éléments plus importants l'un que l'autre. Dans la nature, on reconnaît qu'il y a des choses plus importantes que d'autres; donc, la même chose dans les organismes culturels. Et, en même temps, le principe de récompenser le bon management et le succès.

Si je fais une courte rétrospective monétaire de l'Orchestre symphonique de Montréal, je vous dirais que, depuis 11 ans que je participe à l'exécutif de cet Orchestre, le budget, il y a 11 ans, était de 3 900 000 $ de revenus, il est maintenant de 15 000 000 $ par année. Donc, une progression assez exceptionnelle et, en même temps, grâce à 80 membres du conseil d'administration et à plus de 200 bénévoles, nous avons réussi, en dons, à aller chercher près de 2 600 000 $ par année. C'est le seul organisme québécois qui réussit par une longue marge à aller chercher beaucoup plus que d'autres grâce à un travail acharné de beaucoup de personnes.

Si on le compare dans le contexte canadien, vous serez peut-être surpris d'apprendre que l'Orchestre symphonique de Toronto, dans un milieu beaucoup plus influent, si vous voulez, va chercher presque 1 000 000 $ de moins que nous en dons et qu'il y a seulement deux organismes canadiens qui vont chercher à peu près le même montant que nous, c'est le Ballet national du Canada et le Canadian Opera Co. Donc, je pense qu'il faut reconnaître que l'Orchestre symphonique de Montréal fait un boulot exceptionnel de ce côté-là.

Deuxièmement, un management ou un exécutif qui a su, au cours des années, garder des déficits en ligne de 200 000 $, 300 000 $ par année, même si cette année c'est un peu plus difficile, si on regarde la période de 11 années: beaucoup de sérieux en fonction de ça. Donc, la compétence que M. Spickler vous mentionnait tantôt au point de vue de la réputation de l'Orchestre également s'est fait sentir au cours des derniers 10 ans. Il y a 10 ans, l'Orchestre symphonique de Montréal n'était pas du tout connu.

Donc, conclusion à tout ça, le point que je veux faire, c'est que, dans une politique générale, à cause du succès de l'Orchestre, à cause du succès que nous avons eu à aller chercher des dons, des commandites, des montants supérieurs aux autres organismes culturels, d'une certaine façon l'OSM n'a pas été récompensé par une politique pour des montants concordants. Si je regarde les autres organismes culturels du Québec, par exemple, qui, en moyenne, reçoivent 16 % de leurs revenus totaux comme subvention, l'OSM reçoit 9 %. C'est compréhensible par le succès qu'on a eu, mais, par contre, il y a des organismes qui, peut-être avec moins de succès ou un moins bon management, finissent par avoir plus à cause du manque de succès.

Donc, je pense que les politiques devraient être réajustées en fonction de deux points: le premier, s'assurer que certains organismes culturels, tel l'OSM, qui sont d'intérêt national, entre parenthèses, dans le sens qu'ils ont atteint un sommet qu'il ne faut jamais perdre ou voir rebaisser, si l'on veut, parce que la réputation internationale est telle qu'il est important de le conserver. Et, deuxièmement, s'assurer que les politiques de subvention soient biaisées, si on veut employer ce mot, en fonction du succès, ou récompenser le succès ou récompenser, d'une certaine façon, l'ensemble d'un bon management. C'est les deux points que je voulais faire.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup.

M. Spickler: Pour compléter, M. le Président, nous avons, dans notre mémoire, présenté deux recommandations majeures visant à peut-être illustrer de façon concrète notre appui à une des recommandations du rapport du groupe-conseil relativement à la création de partenariat entre l'État et le secteur privé dont, je pense, l'OSM est un exemple éloquent. Nous croyons que, dans la situation actuelle, il existe au Québec un certain nombre d'organismes culturels majeurs qui devraient être nommés par l'État "institutions culturelles nationales" et être dotés d'un appui de l'État suffisant pour assurer un bon fonctionnement dans leurs opérations. Et c'est la raison pour laquelle nous croyons - et

c'est là l'objet de notre première recommandation - que des institutions culturelles nationales devraient être créées par l'État du Québec afin de consolider le travail des grands organismes culturels qui rendent des services dans le développement de la culture au Québec.

La deuxième recommandation vise à bien indiquer que nous ne voulons pas laisser l'État seul faire tout le travail et que l'OSM doit continuer, et va continuer, à développer des modèles de partenariat. Mais il faut pouvoir permettre à un orchestre comme le nôtre, à une institution comme l'Orchestre symphonique de Montréal, de le faire à long terme et non pas toujours d'aller de crise économique en crise économique. À cet égard, si l'État est en mesure de faire bénéficier de crédits d'impôt allant jusqu'à 100 % et pour une période de 10 ans les individus et les corporations qui verseraient des dons aux institutions nationales pour qu'elles créent des fonds de dotation, nous croyons qu'à long terme les revenus de ces fonds de dotation, sans pour autant suppléer au rôle de l'État, viendront à tout le moins combler les écarts qui seront toujours existants dans les budgets d'opération de manière à venir stabiliser les opérations à long terme d'institutions comme les nôtres. Ce sont les deux recommandations majeures que nous avons déposées.

Je voudrais simplement dire, en terminant, que nous croyons que ces solutions-là doivent être étudiées très rapidement. L'OSM vit en ce moment un état de crise grave et son avenir, au moment où on se parle, est incertain. Si un organisme comme le nôtre après 57 ans doit encore parler de sa fragilité et de sa vulnérabilité, je ne pense pas à ce moment-ci que ce soit extrêmement inspirant pour d'autres organismes artistiques qui nous suivent et qui aspirent à un développement.

Alors, i'OSM connaît de grands succès. Montréal et le Québec, en particulier, en sont extrêmement fiers, mais on est venus aussi vous dire ce matin que les géants admirés ont des pieds d'argile. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Spick-ler. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie, M. le Président. Bienvenue, ce matin, M. Brunet, M. Spickler. M. Spickler, je tiens à souligner votre participation au groupe-conseil Arpin puisque vous y siégiez, d'une part, et, deuxièmement, à vous remercier aussi de votre collaboration. Je sais que, pendant ces mois où vous avez cogité ensemble, vous avez fait un très bon travail, d'une part, mais je pense que c'a été aussi un travail assez ardu. Alors, merci de votre support et de votre collaboration.

Vous dites aussi que le Québec est une société jeune et que le MAC est né sous le signe de la nécessité, même de l'urgence. On le voit et, effectivement, quand on a parlé de nécessité, il y a 30 ans, il n'y avait rien, il n'y avait aucun organisme, enfin, il n'y avait aucun réseau et le système était très, très déficient.

J'aimerais revenir à certaines de vos recommandations et je voudrais parler de Montréal aussi. D'une part, au niveau de l'Orchestre, vous avez fait deux recommandations: la première, c'est la désignation d'institutions culturelles à caractère national. Autrement dit, ce que vous dites, c'est qu'il devrait y avoir des institutions à caractère national financées directement à ce titre et autres institutions. Maintenant, je vois déjà, moi, la situation. C'est que ce que, nous, on peut considérer naturellement comme des institutions à caractère national, dans d'autres régions, évidemment, ce sera la même chose et la discussion va revenir en disant: Bien, pourquoi eux et pas nous? Bon. Alors, expliquez-nous un peu si cette mesure ferait en sorte qu'il y ait comme deux paliers, si on veut, les institutions à caractère national et les autres, pour éviter justement cette perception.

M. Spickler: Strictement, Mme la ministre, sur le plan des ressources, si le Québec reconnaissait - et ce n'est pas nous qui allons faire les choix, c'est un privilège de ministre, ça, de faire les choix et de l'État aussi - quelles sont ces institutions culturelles nationales et si des crédits nouveaux sont débloqués pour ces institutions. On sait que ce sont des institutions qui commandent des crédits extrêmement importants. Si on leur développe et qu'on leur assigne des crédits particuliers, nous, ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est que ça ne doit pas être pris à même l'enveloppe budgétaire actuelle du ministère. Nous croyons même, au contraire, que le ministère libérerait des crédits actuels importants qu'il assigne à ces organismes-là et pourrait s'en servir pour le développement, la création et le soutien d'autres organismes. Actuellement, vous dépensez énormément d'argent pour certaines grandes institutions qui en commandent d'ailleurs plus que ça.

Il ne faut pas se leurrer, un orchestre comme le nôtre, ça va toujours coûter de plus en plus cher. Si on n'a pas les moyens de se stabiliser, autant par l'aide de l'État que par les systèmes de partenariat que nous voulons développer, ça va aller de pis en pis et on va aller de crise en crise. Nous croyons que, si l'État reconnaît qu'il possède... Les Japonais, eux, appellent ça des trésors nationaux. Appelons ça, ici, des institutions nationales, mais, au Japon, ça existe aussi. En Europe, ça existe aussi. En Angleterre, en France, en Suède, en Allemagne, il y a ces organismes nationaux. Si l'État le reconnaît, il appartient à l'État, de façon générale, de soutenir de façon normale ces organismes-là avec de nouveaux crédits et le ministère serait libéré d'une partie des crédits importants qu'il consacre déjà à ces organismes

pour rencontrer les autres objectifs qu'il a en matière de développement, de soutien à la création et à la recherche, et aussi à la consolidation d'organismes intermédiaires.

Mme Frulla-Hébert: Qu'est-ce qui arrive dans un cas semblable au niveau du financement privé? Est-ce qu'il y aurait un risque, finalement, qu'on se dise: Bien, ce sont des institutions nationales financées avec une enveloppe provenant directement, par exemple, du Conseil du trésor? Je tiens à vous féliciter, d'ailleurs, pour l'effort que vous faites, mais, dans cet effort aussi d'aller chercher d'autres partenaires, est-ce qu'il n'y aurait pas un risque?

M. Spickler: Écoutez, on sait très bien que les sommes qui seraient consenties ne viendraient pas rencontrer tous les besoins, et vous me permettrez de prendre l'exemple d'un orchestre, celui de Boston. Boston est un des meilleurs orchestres au monde. C'est le "success story" des orchestres américains. Bien, il faut savoir que, l'an dernier, l'Orchestre symphonique de Boston a eu un déficit d'opération de 4 000 000 $ sur un budget de 30 000 000 $; 13 % de son budget déficitaires. Nous, on a un déficit important, mais c'est 8,5 % de notre budget. Ça ne veut pas dire que Boston est mal géré, mais Boston n'a pas les problèmes financiers que nous avons parce qu'il est muni d'un fonds de dotation et les revenus de ce fonds-là viennent équilibrer son budget.

Nous, ce qu'on dit, c'est qu'on ne pense pas que la participation de l'État doit être 100 % de nos opérations. Elle doit pouvoir couvrir les opérations normales, mais il y aura toujours - passez-moi l'expression - des intempéries qu'il faudra essayer d'atténuer, des crises économiques comme celle qu'on a vécue récemment et qu'on vit encore un peu, des chutes de public cycliques qui se produisent et qui font que très rapidement, dans le cas d'un orchestre, on a des frais fixes énormes, compte tenu du nombre de musiciens que nous avons à rémunérer. Compte tenu de cela, on est facilement et rapidement confrontés à ces déficits-là, de telle sorte que c'est le cercle vicieux qui s'installe; on finit par avoir des difficultés à opérer parce qu'on traîne des déficits de plus en plus lourds. Ces fonds de dotation là viendraient combler ou stabiliser un peu le fonctionnement de l'organisation.

Donc, si des institutions nationales sont reconnues, nous croyons que l'État doit faire en sorte aussi de créer et de signer véritablement, et de façon concertée, un partenariat avec le secteur privé en disant: Voilà, nous ferions notre part pour protéger ces trésors nationaux là, à vous également de faire la vôtre. Il y a des incitations, des mesures fiscales qui devraient être données aux particuliers autant qu'aux corporations pour leur permettre d'injecter des sommes dans ces fonds de dotation là pour que, avec les années, ces fonds s'accumulant là, les revenus tirés de ces fonds-là permettent de stabiliser à long terme des organismes de la taille et de l'importance de l'OSM.

Mme Frulla-Hébert: Par exemple, je veux parler des fonds de dotation... Au niveau de - passez-moi l'expression - la classification des organismes dits nationaux versus d'autres organismes qui auraient un autre fonctionnement au niveau financier, qui statuerait? Parce que, honnêtement, avec l'expérience et les gens qui viennent ici à la commission s'exprimer - c'est ce qu'on voulait, d'ailleurs, c'est pour ça que j'ai tenu une commission - on s'aperçoit que c'est toujours extrêmement sensible et chacun, évidemment, défend son organisme, et Dieu merci! Mais comment pourrait-on statuer qu'un organisme soit un organisme dit national versus d'autres?

M. Spickler: II y a un certain nombre de critères qui sont utilisés, bien sûr. Je pense qu'on peut parler de l'importance de la contribution d'une institution ou d'un organisme culturel à la culture québécoise et au rayonnement du Québec sur le plan international; ce sont des critères de ça. L'impact auprès des citoyens du milieu artistique qu'il défend, le rôle qu'il joue dans la vie culturelle collective. Il y a un certain nombre de critères qui doivent être établis et qui font que, lorsque l'État nomme des institutions nationales, comme je disais tantôt, un peu comme le Japon a ses trésors nationaux, c'est une célébration, ça. Ce n'est pas fait antidémocrati-quement contre les autres.

La tendance qu'on a actuellement, parce qu'on a fait beaucoup de développement, c'est de s'assurer que tout le monde va être traité de la même façon, de la même manière, avec le même statut, ce qui fait qu'à force de le faire à tout le monde on finit par ne satisfaire et n'aider personne. Je pense qu'au contraire reconnaître qu'il y a des organismes qui ont atteint ces niveaux-là, c'est précisément dire aux autres qui continuent, c'est une émulation aussi: Voici, l'État possède ses institutions culturelles nationales et ça n'a pas pour effet de se faire au détriment des autres. Je pense qu'il faut que ça soit fait de façon très positive. La démocratisation à outrance est un des problèmes dans le soutien aux arts. On veut aider tout le monde et bien faire tout le temps. On n'a pas fini. Il y en a d'autres qui vont venir encore à la porte. Alors, ce que nous disons, c'est qu'à force de vouloir aider tout le monde de la même façon et de mieux faire, et de s'assurer que le développement se continue sans arrêt, on finit par ne pas régler un certain nombre de problèmes majeurs qui se posent dès le départ. Il y a des organismes qui ont contribué énormément qui demeurent extrêmement vulnérables et qui coûtent de plus en plus cher à l'État, à cause de ça.

Mme Frulla-Hébert: Je voudrais passer rapidement... En tout cas, si on a le temps, je voudrais revenir sur le fonds de dotation que peut-être mon collègue va reprendre, mais je veux parler de Montréal aussi. À vous deux, M. Brunet aussi particulièrement, puisque vous vous êtes occupé évidemment de la Chambre de commerce de Montréal... On a beaucoup entendu parler de Montréal. Effectivement, dans le libellé, si on veut, du rapport Arpin, on parle de Montréal, on parte de Québec et on parle des régions comme blocs. Alors, ça a été interprété souvent en disant: Les régions, c'est le reste. C'est Montréal et Québec. Ce qui, selon M. Turgeon - et peut-être, M. Spickler, que vous pouvez, finalement, le réitérer - n'était pas l'intention. Mais je veux revenir à Montréal. Montréal donne toujours l'impression d'être la plus choyée. Montréal donne toujours l'impression d'avoir tout comparativement aux autres. Montréal donne l'impression qu'il n'y a pas de problèmes dans le fond avec ces grandes institutions. (10 heures)

Nous, on sait qu'à chaque fois qu'il y a un déficit, à chaque fois qu'il arrive une crise économique, c'est un problème énorme pour le MAC parce que, effectivement, là, il faut compresser, il faut aller chercher des budgets et, souvent, on est obligés de les prendre soit à même... ou de faire des demandes au Conseil du trésor et ils ne sont pas prêts. Donc, le fait de se doter d'institutions nationales, c'est quand même une bonne voie. Mais je veux revenir à Montréal. Quelle est votre lecture du Montréal culturel, au moment où on se parle, à l'heure actuelle?

M. Spickler: Je vais laisser peut-être Pierre aussi commenter, mais c'est clair que c'est le grand centre culturel du Québec. Qu'on le veuille ou pas, la masse critique de la population est là. La très grande majorité des activités de nature culturelle se fait à Montréal. Un des problèmes qui fait que Montréal n'a pas encore, à notre point de vue, le soutien nécessaire, autant de la ville, ceci dit, que du Québec, qui doivent se concerter beaucoup plus à cet égard-là, c'est qu'on a malheureusement trop longtemps traité Montréal comme étant une région, au même titre que d'autres régions. Moi, je veux bien qu'on soit équitable à l'endroit de l'ensemble des Québécois, c'est un principe inaliénable. On a - le rapport Arpin le mentionne aussi - une sorte de géographie extrêmement difficile. Mais il reste, néanmoins, qu'on ne peut pas, non plus, reconnaître qu'il n'y a pas de métropole. Montréal, ce n'est pas une région; c'est une métropole et elle doit être traitée comme telle.

Ça ne veut pas dire que tous les privilèges doivent aller à Montréal, mais la lecture que je fais en ce moment, c'est que la masse critique d'organismes, la masse critique d'artistes qui y sont - on parle de se doter de grands équipe- ments; Montréal a encore une crise de logement d'équipements culturels aussi - fait que ça ne m'apparaft pas encore être... L'énergie qui doit s'en dégager sur le plan culturel ne fait pas encore de Montréal ce qu'elle doit être aussi, c'est-à-dire la grande porte ouverte sur le plan international, dans les échanges culturels et le rayonnement du Québec. Cet aspect-là m'apparaît encore extrêmement important à développer et c'est comme métropole que Montréal doit être traitée et non comme une région.

M. Brunet: C'a été bien dit. C'est difficile d'ajouter à ça, mais peut-être dire que ça semble être un éternel problème. Si on le regarde du côté économique, il a toujours été dit que Montréal est choyée quand on est en région et vice versa quand Montréal va en région. La géographie du Québec est ainsi faite, c'est que 50 % de la population demeure dans le Montréal métropolitain et c'est un pôle d'attraction. Plus Montréal fonctionne bien, plus la province va fonctionner. Donc, manque de tradition culturelle des fois, mais, quand on compare avec les autres villes, si on prend, par exemple, l'Orchestre symphonique, il y a une baisse d'assistance, mais cette baisse d'assistance est internationale, universelle. C'est la même chose à New York, c'est la même chose à Boston, c'est la même chose en Europe. Mais est-ce qu'on l'attribue à la qualité des enregistrements aujourd'hui à cause des CD, des disques... Il y a un phénomène qui se passe en fonction... Quand il y a une récession également, les premières coupures des individus dans leur budget sont peut-être du côté culturel, si on veut, en fonction de l'assistance aux organismes culturels.

Je ne pense pas que Montréal soit pire que d'autres villes, comparativement, mais, par contre, au Québec, on aura toujours le syndrome de région versus Montréal. Il faudrait peut-être se débarrasser de ça et voir que Montréal est quand même un coeur important à cause de sa population.

Mme Frulla-Hébert: Vous parlez des baisses au niveau de l'assistance etc., et, effectivement, il y a plusieurs organismes majeurs à supporter à Montréal. Vous parliez du partenariat accru avec la ville de Montréal. Finalement, la CUM était avec nous hier; on va recevoir la ville de Montréal la semaine prochaine, je pense. Comment augmenter cette concertation? On a, avec la ville de Montréal, l'entente MAC-villes et on travaille très fort au niveau des organismes. Il y a aussi une entente avec Montréal; elle s'occupe de l'infrastructure de certains équipements, dont bibliothèques, maisons de la culture, mais, nous, on prend le fonctionnement, d'une part, et, deuxièmement, on s'occupe des grands organismes de Montréal, tels la Place des Arts, les musées, etc. Mais comment augmenter cette concertation? Comment faire justement pour que nos efforts

soient en synergie et non pas parallèles?

M. Spickler: Nous sommes tous, d'ailleurs, encore en attente d'une politique culturelle de la ville de Montréal. Ils ont eu des auditions l'an dernier, il y a des recommandations qui sont sur la table. Nous avons été informés que la ville réservait jusqu'après sa présentation ici le dépôt d'une politique culturelle. La ville de Montréal, historiquement, est toujours un peu écartelée entre son mandat de servir des citoyens d'une municipalité, celui d'être le centre régional le plus important du Québec et celui, conséquem-ment, par la force de ses activités et par le caractère très original au Québec et à Montréal en particulier, d'être extrêmement forte sur le plan culturel, d'être une porte d'entrée internationale. Montréal est toujours écartelée entre les décisions qu'elle doit prendre pour servir ses citoyens au niveau local et la politique culturelle qui doit aussi faire en sorte qu'elle doit être une métropole internationale. Je pense que c'est à cet égard-là, parce que, lorsqu'elle dessert bien et qu'elle rayonne bien de par le monde, cette ville-là, elle sert aussi et fait bien rayonner le Québec. Je pense que c'est surtout sur les mandats nationaux et internationaux du rôle de Montréal sur le plan culturel qu'il devrait y avoir de meilleures relations entre l'État et la ville de Montréal.

Le Président (M. Doyon): M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, M. le Président. J'ai bien apprécié les distinctions que vous faites quant au rôle de Montréal et aux problèmes qu'elle peut rencontrer dans l'accomplissement de ses mandats envers les citoyens et les gros équipements. Je disais hier à cette commission, à un autre groupe qui était là, un peu le paradoxe dans lequel on se trouve. On se trouve, à Montréal, avec de gros équipements qui sont centraux, qui desservent toute la grande région, pas seulement Montréal, même peut-être le Québec ou une grande partie du Québec et, de l'autre côté, des quartiers importants de la ville de Montréal comme Pointe-aux-Trembles, Rivière-des-Prairies n'ont pas une infrastructure culturelle, pas de bibliothèque, pas de maison de la culture. Je me demande si la culture, ça ne commence pas déjà par le début, à la base, en intéressant les citoyens et si on ne devrait pas, à ce moment-là, peut-être, revoir un peu le mandat ou certaines ententes qui ont été prises qui font que Montréal ne reçoit pas d'aide des gouvernements pour développer ses infrastructures de base envers les citoyens, comme les bibliothèques et les maisons de la culture.

M. Brunet: C'est plus difficile pour nous de répondre à cette question en fonction de notre mandat, à l'orchestre, qui n'englobe pas toute la ville de Montréal.

M. Gobé: On n'a pas de salle de concerts dans l'est, par exemple.

M. Brunet: Je comprends. Par contre, pour vous répondre et pour répondre aussi en fonction d'une certaine responsabilité de chacun de ces organismes, je vous mentionnerais que l'Orchestre symphonique de Montréal fait beaucoup pour aller dans les régions, autour, et fait beaucoup pour l'éducation. Je pense que Robert pourrait vous donner les chiffres. Je n'ai pas les chiffres disponibles ici, mais le nombre d'étudiants qui assistent aux matinées, avec des cours de préparation, en fonction de toutes les écoles... Même le ministre de l'Éducation a assisté à une de ces représentations-là et, durant un morceau de Bach, il y a 700 étudiants qui se sont levés avec une flûte pour jouer en même temps que l'Orchestre symphonique de Montréal. Il y a beaucoup de choses qui se font le matin. Alors, la culture, c'est quelque chose qui se communique et l'OSM se sent très responsable face à ça et fait beaucoup de ce côté-là.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. Brunet, M. Spickler, bienvenue! Merci pour ce mémoire et, pourquoi pas, merci aussi pour la discographie que vous avez incluse au mémoire. Je me suis aperçu qu'il en manque encore beaucoup à ma collection; alors, je tenterai de m'y employer dans les jours qui viennent. La fin de semaine qui vient est longue, donc, elle sera propice pour aller chez Archambault, parce qu'il faut d'abord acheter dans sa circonscription, M. le député de LaFontaine sera d'accord avec moi.

Vous faites état, en dépit de votre progression et de vos succès quand même remarquables, éloquemment remarquables, autant à l'étranger qu'au Québec, d'une situation financière précaire, d'un déficit accumulé de 2 000 000 $, malgré que vous ayez ramassé, l'an dernier, 3 000 000 $ auprès de votre public; alors que l'aide de l'État, elle, est passée de 40 % à 20 % de vos revenus. La question que je me pose est: Comment l'État peut-il contribuer à la stabilité financière d'une grande institution culturelle comme la vôtre, alors que, comme prime à l'excellence, on a déjà vu mieux? Vous êtes, en quelque sorte, pénalisés par votre succès. Si le public vous donne 3 000 000 $, c'est qu'il vous apprécie. Mais, en contrepartie, l'aide de l'État diminue. C'est presque vous dire: Mais ne ramassez pas!

M. Brunet: Dans ma présentation, tantôt, je disais qu'une des priorités des politiques devrait être une certaine récompense au management ou au succès d'une organisation en fonction d'une

certaine reconnaissance. Il est évident que, si, au cours des derniers 10 ans, le management de l'Orchestre avait été beaucoup plus relax, pour prendre une expression entre parenthèses, ou peut-être un petit peu plus fluent, à ce moment-là, on aurait peut-être eu des déficits de 400 000 $ ou 500 000 $ et il y aurait eu état de crise beaucoup plus tôt. On sait que, selon l'expression de mon vieux grand-père qui disait toujours: C'est toujours le cochon qui crie qui a la bouette, bien, à un moment donné, c'est ça qui arrive. C'est ça qui est malheureux peut-être dans une politique générale dans l'ensemble des derniers 10, 15 ans au Québec, c'est que les organismes qui ont parti quelque chose, mais qui sont devenus en difficulté ont eu de l'aide pour éviter la crise sans tenir compte des autres organismes qui, eux, faisaient quand même un boulot assez exceptionnel.

Je pense que, en revenant à la discussion de tantôt, à savoir s'il y a lieu de reconnaître certains organismes d'intérêt national - et, c'est une discussion que Mme la ministre nous amenait, il y a des dangers là-dedans - moi, je dirais oui, mais, par contre, si on le fait avec un minimum d'institutions, je pense que ça peut se faire. Ça peut être une voie ou une politique assez précise d'encouragement aux organismes culturels qui ont réussi à bien gérer leurs choses et à connaître un certain succès.

M. Boulerice: II n'y a pas de prime à l'excellence. Vous savez, il y a des épisodes un peu malheureux. Là, vous parlez d'un fonds de dotation. Je vais vous donner l'exemple d'une autre institution assez prestigieuse à Montréal, qui est le Musée d'art contemporain qui, par une gestion aussi serrée que la vôtre, par des efforts de financement, se retrouve avec un fonds de dotation de 500 000 $, ce qui est merveilleux. Mais, en contrepartie, le ministère leur dit: Bien oui, mais vous avez les 500 000 $. Alors, à ce moment-là, on réduit le budget que l'État, normalement, leur accordait. C'est un hold-up culturel à ce niveau-là et ce n'est pas incitatif, c'est démoralisant pour une institution.

M. Brunet: Je crois qu'il y aurait lieu de s'entendre sur les définitions. Vous avez raison, c'est peut-être de cette façon-là, mais, nous, notre intention si on avait un fonds de dotation, ce serait très clair. Le partenariat, prenons comme hypothèse 50-50 et on ferait une définition très claire du management. Le management du fonds de dotation pourrait être indépendant de l'Orchestre et dire: II va servir pour telle, telle, telle chose.

Au début, il y a cinq ans, quand nous avons pensé à le partir, on voulait le faire en fonction de la Maison de la musique. C'est un projet qu'on a mis de côté, qui est de côté actuellement vu la récession, la période économique, mais on penserait également à en faire un. Quand on a fait le tour de l'ensemble des entreprises et des bienfaiteurs de l'Orchestre, on avait identifié, à l'intérieur d'un mois, à peu près l'équivalent de 15 000 000 $ qu'on pourrait avoir pour un fonds de dotation. Je pense qu'on pourrait le revoir. Alors, si vous parlez d'un partenariat, prenons un exemple. Si l'État mettait 10 000 000 $ et l'entreprise privée et les individus 10 000 000 $ d'un coup sec, si ces 20 000 000 $ étaient investis, théoriquement, ils rapporteraient 2 000 000 $ par année. La stabilité financière de l'Orchestre est là. Mais la définition à l'intérieur du fonds de dotation doit être faite pour savoir pourquoi on se sert de ces 2 000 000 $ là. Il faut bien le définir.

M. Boulerice: Tout le monde s'entend pour soutenir la culture alors qu'on la taxe. Le 1er janvier, tout billet pour un de vos concerts sera taxé de 27,5 %. Je ne sais pas quel est actuellement l'état de fréquentation de vos concerts, mais vous avez sans doute subi une baisse, compte tenu de la TPS, compte tenu d'une récession qui est loin d'être terminée et qui frappe durement. Là, vous serez, au 1er janvier, avec 27,5 % de taxes sur chaque billet. Et on peut se parler entre nous; le prix des billets, c'est accessible à la classe moyenne, moyenne supérieure etc., mais j'essaie, moi, de penser à un travailleur dans ma circonscription qui a tout juste le salaire minimum et qui aimerait bien entendre l'Orchestre symphonique. À 27,5 % de taxes sur un billet, c'est presque prohibitif maintenant. Quels sont les impacts que ça a chez vous actuellement, M. Spickler? (10 h 15)

M. Spickler: Taxes et autres situations économiques actuellement ont pour effet qu'on peut dire qu'il y a une baisse générale de public d'environ 10 %. Les concerts de l'Orchestre, autour de 70 % de salle, c'est devenu entre 55 % et 60 % de salle en ce moment, à ce point-là.

Vous parlez de 27,5 %. On peut en ajouter un autre 10 %. Il faut bien se rappeler qu'on a aussi la taxe d'amusement, le droit sur les divertissements. Il faut se rappeler aussi que nous avons une redevance à la Place des Arts pour tout billet d'au-dessus de 10 $, ce qui fait que, quand on se fait dire et par l'État et par notre conseil d'administration, tout à fait légitimement: Nous avons besoin d'accroître aussi nos revenus autonomes, au cours des trois dernières années, l'Orchestre a accru le revenu net de ses billets d'environ 15 %, mais, en fait, ils auront crû de 37,5 % au cours des trois dernières années. Alors, c'est hors contrôle. C'est définitif que l'objectif est d'être le plus démocratique, mais que l'Orchestre, qui est subventionné par des fonds publics et qui a un mandat de desservir l'ensemble de la population, finit par avoir un prix de billet qui ne sert pas l'ensemble de la population, mais sert simplement ceux qui ont les moyens de le payer, de plus en plus.

L'écart qu'il y avait il y a 10 ou 15 ans entre le prix d'un billet à Montréal, à New York et dans les autres grandes capitales était énorme et on disait: Ah oui! Mais, vous savez, eux autres, ils le font; cet écart-là n'est plus aussi grand qu'on le croit et, au cours des dernières années, le coût des billets à New York n'a pas tellement augmenté, alors qu'à Montréal et à Québec il augmente considérablement. L'écart est maintenant extrêmement réduit; ça devient prohibitif et vous avez tout à fait raison de dire qu'on n'est plus en mesure de desservir la totalité de la population.

M. Boulerice: Une dernière question parce que mon collègue, le député de Mercier, aimerait beaucoup échanger avec vous. Pour vos tournées qui vous mènent un peu partout à travers le monde et, je pense, au Japon très prochainement, non pas au Japon, en Suisse, je crois, plutôt, est-ce que vous êtes satisfaits des efforts déployés par le ministère des Affaires internationales et son réseau de délégations?

M. Spickler: II n'y a pas beaucoup de délégations du Québec partout dans le monde, mais je peux vous parler d'une expérience récente cependant et en témoigner de façon positive. Nous avons, l'été dernier, fait une tournée en Amérique du Sud. Il y a une Délégation du Québec à Caracas qui couvre littéralement toute l'Amérique du Sud, et ils ont toute mon admiration parce que leur haut degré de connaissance du territoire de l'Amérique du Sud et ce qu'ils ont à desservir d'un seul bureau à Caracas est énorme. Durant notre séjour là, la Délégation du Québec tout comme celle du Canada ont été présentes, ont bien aidé, soutenu, supporté l'Orchestre et ça nous a été extrêmement utile.

Là où le bât blesse, je dois vous dire cependant, c'est que - et c'est aussi une des recommandations du rapport du groupe-conseil - nous croyons et nous continuons de croire que le maître d'oeuvre en matière de politique culturelle doit être le ministère des Affaires culturelles, y inclus dans son volet international. On parlait de partenariat; il y a un partenariat à créer aussi entre le ministère des Affaires culturelles et celui des Affaires internationales pour qu'il y ait une sensibilité à cet égard-là. Quand nous tournons à travers le monde, on fait faire énormément de millage au Québec. On porte dans notre nom même le nom de la ville de Montréal et on est aussi un organisme du Québec. Les milieux d'affaires, les milieux économiques pourraient tirer profit énormément de la présence de l'Orchestre dans certaines villes. Les triomphes qu'on connaît dans certaines villes à l'extérieur du pays font en sorte qu'il est possible de faire des affaires autant internationales que culturelles en même temps, et même commerciales. Mais, malheureusement, actuellement, ce n'est pas le cas.

Nous sommes, vous le savez, subventionnés aussi pour nos tournées par le ministère des Affaires extérieures du Canada et, eux, ils en font. Et on pense qu'à ce niveau-là le ministère des Affaires internationales devrait, avec le ministère des Affaires culturelles, renforcer sa position et son soutien international aux activités d'organismes artistiques qui ont ce rayonnement-là.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Mercier.

M. Godin: M. le Président, je vous remercie. M. Brunet, j'ai une question à vous poser, et une seule, avec peut-être quelques incises plus tard, dépendamment de votre réponse. Au moment de mon agonie comme ministre des Affaires culturelles, il y avait des réunions avec la ville de Montréal, l'Université du Québec à Montréal, les Affaires culturelles, mes fonctionnaires et puis, évidemment, l'Orchestre symphonique de Montréal pour l'établissement, à Montréal, d'une salle de concerts qui devait être située dans le stationnement de Dupuis Frères à l'époque, donc au coin de Berri et Sainte-Catherine.

J'aimerais que vous me fassiez le point, M. Brunet, sur l'état de ce projet-là au moment où on se parle et les intentions de l'Orchestre par rapport à ce projet-là qui, si je me souviens bien, allait chercher un budget d'environ 80 000 000 $ de construction tout simplement et qui faisait saliver les promoteurs de Montréal, entre autres, M. Gaucher qui est connu de vous, j'imagine, autant que de moi, et dont l'implantation était destinée à rehausser l'activité dans l'est de Montréal encore plus qu'elle ne l'est maintenant. J'aimerais savoir, donc, de vous, M. Brunet, et de vous, M. Spickler, où en est l'état des choses au sujet de ce projet.

Le Président (M. Doyon): Je suis obligé de vous demander de faire rapidement, M. Brunet ou M. Spickler, compte tenu que le temps est malheureusement déjà écoulé. Vous avez la parole.

M. Brunet: Très rapidement. Nous sommes devenus des experts en salles de concerts. Nous avons des plans pour à peu près une dizaine de salles de concerts parce qu'il y a eu plusieurs projets au cours des années, dont celui que vous mentionnez. Les raisons pour lesquelles Berri-De Montigny a été mis de côté, c'est qu'il n'y avait pas moyen de s'entendre sur la qualité intérieure. La coquille pour la musique, comme c'était la promotion d'un groupe qui voulait construire, c'était l'une des raisons principales. Par la suite, récemment, c'est-à-dire il y a deux ans, nous avons repris le tout et, vu la situation économique qui est la récession actuellement, on a décidé de mettre ça de côté temporairement.

C'est quelque chose qui va revenir dans le temps.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, quelques mots maintenant.

M. Boulerice: Oui. Merci, M. Brunet; merci, M. Spickler. Pour ce qui est de cette maison, je vous avoue que j'aurais bien aimé la voir. On aurait peut-être pu travailler les plans. Elle avait l'avantage d'être à la fois dans ma circonscription et dans l'est de Montréal, ce qui réjouit le député de LaFontaine et moi-même. Merci de votre participation. Je vais me permettre une simple allusion. Je n'irai pas plus loin puisque ce sont des problèmes qui vous concernent, vous, d'abord et avant tout. J'ose espérer que les petites dissidences qu'il y a actuellement au niveau de l'Orchestre se résoudront le plus rapidement possible de façon à ce que, malheureusement, on ne vive pas avec l'Orchestre symphonique de Montréal les affreux problèmes qu'on a vécus avec l'Orchestre symphonique de Québec. On n'a pas les moyens de se payer une dégradation d'un organisme extrêmement prestigieux et probablement un des meilleurs ambassadeurs du Québec. Je vous remercie de votre présence et de votre participation.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: M. Brunet et M. Spickler, évidemment, merci de votre participation. L'Orchestre, c'est la fierté des Québécois, la fierté de Montréal aussi et c'est évident, comme le disait aussi mon collègue, que votre problème est mon problème. Si on peut en arriver à une solution de telle sorte qu'on puisse assurer la santé financière des grands organismes sans pour autant pénaliser le ministère, parce que le système fait que c'est ce qui se passe maintenant, on va travailler ensemble pour trouver une solution parce qu'on en est tous pénalisés. Vous l'êtes, nous le sommes et, évidemment, ceux que l'on aide le sont aussi.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors, il me reste, comme président de la commission, à vous remercier d'être venus nous rencontrer. Vous auriez beaucoup à dire, j'en suis sûr. J'arrive de Vienne et je rencontrais le directeur artistique du Festival de Salzbourg et on discutait de la possibilité pour votre orchestre de faire un tour là-bas. Ils sont extrêmement intéressés. Je leur ai remis deux disques. Les grandes institutions nationales à Vienne, évidemment, sont là depuis longtemps. C'est une solution qu'ils ont adoptée avec de fort bons résultats. La ville de Vienne a un rôle prédominant dans toute la vie culturelle autrichienne et l'Autriche s'en porte très bien. Il y a toutes sortes de leçons peut-être à tirer. Il ne faudrait peut-être pas réinventer la roue constamment. Il y a peut-être moyen d'aller trouver des façons de faire qui ont fait leurs preuves ailleurs et c'est pour ça que je suis allé là-bas. J'aurais pu en discuter longtemps, mais le temps nous manque pour les parlementaires et pour moi aussi. Alors, je vous remercie et je vous dis: Au revoir et bonne chance.

J'inviterais maintenant la Fédération d'art dramatique du Québec à bien vouloir prendre place en avant. C'est leur tour de nous présenter leur mémoire. Alors, en souhaitant la bienvenue à nos invités, je les invite, sans plus de retard, compte tenu que nous avons un horaire à respecter, qui est extrêmement serré. Je rappelle à tous les membres de la commission qu'il est essentiel que nous nous en tenions à l'horaire; autrement, on n'en sortira pas. Nous avons 238 mémoires à entendre. C'est une tâche considérable et le président a l'odieux de rappeler cette exigence constamment.

Une voix: On vous pardonne.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. Donc, vous êtes ici depuis le début de nos travaux. Vous connaissez nos règles. Vous vous présentez. Vous avez une quinzaine de minutes pour faire la présentation de votre "rapport" ou un résumé que vous voudrez bien faire et, après ça, la conversation s'engage avec les membres de la commission. Donc, si vous voulez bien vous présenter et procéder. Merci.

Fédération d'art dramatique du Québec

M. Bergman (Michael): Merci beaucoup. Bonjour aux membres de la commission, M. le Président, Mme la ministre. Je suis Me Michael Bergman, président du conseil d'administration de notre fédération. J'ai avec moi, à ma droite, M. Guy Rodgers, directeur général, Mme Claire Shapiro, membre du conseil d'administration, et Mme Pauline Abarca, aussi membre du conseil d'administration.

Comme vous le savez, nous sommes une fédération d'artistes de théâtre anglophones au Québec. Nous sommes heureux d'être ici pour participer au développement et au processus d'établir une structure culturelle au Québec vers le prochain siècle. À cet égard, le rapport Arpin est une première étape pour réviser les structures soit législatives, soit institutionnelles, soit politiques de la culture au Québec. Nous sommes ici afin de participer fortement à ce processus.

La révision des politiques implique, à mon avis, deux choses: une certaine philosophie, une certaine théorie des arts et de la culture et, en même temps, une deuxième chose très importante, des structures pratiques, c'est-à-dire la fondation, le regroupement des activités culturelles au niveau gouvernemental et sans doute la question des subventions et des programmes économiques

pour soutenir la culture québécoise.

Sur le plan de la philosophie, nous sommes heureux qu'Arpin reconnaisse l'importance primordiale de la culture comme une des trois fondations d'une société harmonieuse et riche. Mais nous sommes un peu inquiets à la lecture des 113 recommandations d'Arpin parce que, parmi ces études et ces recommandations, il semble que nos membres soient oubliés, sinon perdus. Nous sommes, évidemment, partie d'une culture minoritaire au Québec, c'est-à-dire la culture anglophone, mais néanmoins québécoise. (10 h 30)

Arpin parle de l'intérêt national du Québec dans le domaine culturel. Nous sommes d'accord que la culture est dans l'intérêt national du Québec, mais nous voulons être une partie de cet intérêt national. Nous voulons contribuer à toute la richesse culturelle du Québec et, pour ça, il faut reconnaître sur le plan de la philosophie que les cultures minoritaires québécoises sont partie intégrale de l'intérêt national du Québec, parce que, sans une telle base de philosophie, c'est très difficile de planifier des structures législatives et politiques, des plans pragmatiques pour le développement et l'épanouissement de la culture québécoise dans toutes ses faces. C'est pourquoi, dans notre mémoire, nous avons quelques recommandations sur le plan législatif pour faire en sorte que nous reconnaissions que nous sommes une partie importante des activités culturelles québécoises.

Sur le plan pratique, on a, évidemment, la fameuse question du financement. C'est sûr que la première façon, le premier moyen gouvernemental de soutenir les arts et la culture, c'est par voie d'aide financière. Toutes les institutions d'éducation, de formation, toute la bonne foi, ça ne sert à rien s'il n'y a pas un mode de financer la culture québécoise. Et la culture, évidemment, ça, c'est un domaine public. C'est pourquoi le gouvernement et l'Assemblée nationale ont raison, et ont l'obligation de financer adéquatement la culture québécoise. À cet égard, nous avons, évidemment, la question des programmes de subventions économiques et aussi nous notons qu'Arpin recommande quelques modes de procéder. La première chose qu'il recommande, c'est le modèle de la République française, c'est-à-dire l'intervention directe du gouvernement sur le plan culturel. Il y a d'autres pays qui ont choisi d'autres modèles, soit l'établissement des institutions indépendantes de tout gouvernement pour décider quel groupe sera subventionné. Évidemment, Arpin trouve ces autres modèles inacceptables dans notre milieu. Mais, néanmoins, nous pensons qu'il faut réviser et porter un deuxième coup d'oeil a ces modèles.

Le fameux Canada Council, le conseil des arts canadien, est un exemple type où nous avons une institution indépendante du gouvernement qui agit - c'est des normes établies par les artistes eux-mêmes - sur une base d'objectivité qui donne suite à la phrase que justice doit être faite et aussi sembler être faite. Ce n'est pas pour dire que, dans l'état actuel, le gouvernement québécois ou le ministère des Affaires culturelles est arbitraire ou préférentiel à l'un ou l'autre des artistes ou associations ou troupes d'artistes, mais c'est très important, si le Québec veut reprendre la juridiction culturelle, qu'ayant, après cette "repatriation", une seule juridiction culturelle québécoise, cette juridiction soit exercée avec des précautions et des institutions qui mesurent avec objectivité les besoins professionnels des artistes québécois. En même temps, s'il y a une "repatriation" de la juridiction, la question de l'argent qui provient des coffrets fédéraux nous semble très inquiétante; il faudrait que, par les formules qui seraient utilisées, il y ait vraiment une base des niveaux d'argent disponible.

Autre chose, sur le plan pratique, nous voulons des garanties, pour les programmes qui nous concernent, c'est-à-dire les programmes qui concernent les artistes anglophones, que nous serons représentés sur les jurys, les comités d'évaluation, pour être sûrs que nous ayons un échange d'idées sur les questions financières, que nos intérêts seront protégés, mais pour assurer aussi que nous serons jugés par les mêmes bases professionnelles que notre homologue franco-québécois.

Enfin, si je peux résumer, Arpin est une première étape, mais c'était peut-être une étude trop mince pour nos besoins comme une société culturelle. Nous avons une stratégie pour le prochain siècle, une stratégie qui regroupe les intérêts de tous les groupes culturels, soit majoritaires ou minoritaires, québécois et des programmes d'aide financière pour garantir notre développement.

Ayant fait ce petit résumé et quelques remarques d'ouverture, nous sommes heureux de répondre à toutes vos questions. Merci.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie.

Je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci. Merci d'être ici. Un des éléments majeurs de votre mémoire concerne toute la diversité culturelle de notre société québécoise et la nécessité de la traduire dans une politique, diversité culturelle d'autant plus vraie à Montréal qu'ailleurs en province. Ils ont une grosse concentration à Montréal et dans la région de Montréal. On en discutait, d'ailleurs, hier soir avec des gens de la ville de LaSalle qui ont aussi beaucoup de communautés culturelles, à l'intérieur de la ville. J'aimerais savoir, en premier lieu - cette nécessité de tenir compte de la diversité culturelle québécoise ne fait pas de doute dans mon esprit - quels sont les aspects où nous devrions nous améliorer en toute priorité

pour assurer, justement, un soutien approprié au développement culturel de ces diversités. Encore là, hier soir, on avait des témoignages où c'est relativement difficile de rejoindre, c'est difficile de regrouper. Probablement aussi parce que les masses de gens sont regroupées dans certaines poches de la ville, c'est difficile d'embarquer, c'est difficile de regrouper. Ensuite, ensemble, on va parler de ce que le rapport Arpin définissait au niveau de la culture par rapport à l'intérêt national et le sentiment au niveau de l'intérêt national. Mais, là, qu'est-ce qu'il faut faire, justement, pour bien représenter les communautés et attirer l'intérêt d'autres communautés culturelles, spécialement dans la grande région de Montréal?

M. Bergman: À mon avis, si Arpin avait fait ses propres travaux, il pourrait avoir une telle considération. C'est peut-être facile, mais simple de poser la question: Qu'est-ce que c'est, vos besoins? Comment peut-on, nous, identifier vos associations, vos groupes et vos besoins? Une première étape, c'est un processus éducatif pour rechercher exactement les besoins des groupes minoritaires. J'imagine et je peux le dire de notre part que peut-être la question était mal posée dans le passé, mais c'est, premièrement, une question de ramasser les faits et l'information. Évidemment, de notre côté, à la Fédération d'art dramatique du Québec, nous sommes très intéressés, nous sommes ici, mais je doute que tous les autres associations ou groupes des cultures minoritaires aient aussi connaissance que ce processus est en train, que nous sommes à l'heure d'identifier nos besoins et de rapporter ces besoins à l'Assemblée nationale, ainsi qu'au gouvernement québécois. Travaillant ensemble, nous pourrons avoir avec ces renseignements une politique stable pour établir et identifier les besoins et les ressources nécessaires. J'espère que notre présence aujourd'hui est une partie de ce processus.

Mme Frulla-Hébert: Oui, votre présence ici est importante parce que ça va m'amener, justement, au deuxième point. Vous savez, dans le rapport Arpin, on parle des artistes professionnels en général. Dans votre mémoire, vous dites qu'on ne fait pas assez état des artistes non francophones. Au niveau du rapport Arpin, on ne faisait pas de catégories entre francophone et anglophone; on parlait tout simplement des artistes professionnels du Québec.

Ceci dit, vous touchez aussi dans votre mémoire la question d'un seul contrôle au niveau du financement. Vous dites aussi dans votre mémoire que vous êtes préoccupés par les dangers que poserait à la liberté de l'artiste le contrôle centralisé du financement. J'aimerais que vous élaboriez là-dessus. Par exemple, pour vous aider, si on avait ici ou si on instituait ici - appelez-le comme vous voulez - disons, un conseil des arts québécois qui, de par ses moyens, aiderait tous les groupes, évidemment sans exception, parce que tout le monde fart partie, comme vous l'avez si bien dit, du tissu culturel québécois; qu'on soit des communautés culturelles, qu'on soit francophone, anglophone, on est tous des Québécois faisant partie du tissu culturel québécois et apportant à ce tissu culturel... S'il y avait, finalement, un conseil québécois de telle sorte que les artistes n'auraient pas à aller cogner à deux portes ou trois portes, mais où tout serait regroupé à la même place, est-ce que vous sentiriez cette même réticence au niveau de la liberté de l'artiste?

M. Bergman: Vous avez raison quand vous dites qu'effectivement tous les artistes québécois ont trois chances maintenant. Ils ont une chance aux niveaux fédéral, québécois et municipal. Par des bonnes chances, chaque palier aura ses propres règles, pas des règles communes ou des standards communs. Si on perd à l'étape québécoise, on a l'étape fédérale ou l'étape municipale. Si nous avons une certaine centrale pour tout financement, il me semble que l'échange entre ces trois jeux ou ces trois lotos, si je peux dire, sera l'établissement des organismes du financement parapublic, paragouvernemental, mais indépendant, qui peut établir des normes professionnelles et objectives, des standards agréables, faits en concertation avec tous les artistes québécois. (10 h 45)

II faut connaître ce que c'est les normes et ce qu'est le baromètre, en échange d'avoir un seul palier au lieu de trois. Je parle seulement pour ma fédération, mais, à mon avis, tous les artistes québécois sont inquiets des possibilités financières. C'est très pratique ici. Ce n'est pas une grande question constitutionnelle ou nationalistes contre fédéralistes, c'est très, très simple et pratique ici. Sans connaître les standards, quelles normes on doit accomplir pour être subventionné, je pense que tout le monde aura des problèmes. D'un autre côté, ça peut avoir un impact sur notre problème d'identification des cultures minoritaires avec l'intérêt national québécois, parce que, d'après le rapport Arpin, on ne sait pas ces normes et standards. Peut-être que les conclusions Arpin sont des questions, pas des réponses, à un certain égard, et c'est normal pour tout dossier comme tel.

M. Rodgers (Guy): Je voudrais rajouter quelques pensées, après Michael. La première question est très importante. Nous autres, on est des artistes professionnels, on est aussi anglophones. On voudrait travailler. On reste au Québec, on vit au Québec parce qu'on trouve le milieu culturel excitant, vivant. C'est une culture mondialement connue et intéressante. C'est pour ça qu'on reste ici. On ne reste pas ici pour être des anglophones. On ne se voit pas vraiment

comme une communauté culturelle. On reconnaît qu'on est minoritaires en tant qu'anglophones, mais on est ici pour être artistes. On croit maintenant qu'on est jugés par des comités d'évaluation comme des artistes. On est jugés sur le sérieux de notre travail. On est satisfaits du système comme tel. Ce qui nous inquiète dans le rapport Arpin, c'est l'équation: langue égale culture. Si on travaille dans une autre langue, qu'est-ce que ça veut dire? Chaque fois qu'on fait l'équation entre langue et culture et qu'on parle de la culture, est-ce qu'on parle d'une culture qui est uniquement francophone? Ça nous inquiète, ce n'est pas clair du tout dans le rapport.

Pour la deuxième question, ce n'est pas encore clair comment un nouveau système fonctionnerait. Le système Conseil des arts du Canada, ministère des Affaires culturelles et les villes, ça fonctionne bien. Pour remplacer ça, il faut que ce soit clair pour les artistes que ça va fonctionner aussi bien ou mieux. Ce n'est pas du tout clair. Alors, ça revient toujours à la même question. Tout le processus s'est passé tellement vite qu'on ne comprend pas où ça s'en va.

Le Président (M. Doyon): Une dernière question, Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Tout simplement, une spécification. Évidemment, le rapport Arpin est tout simplement une base de discussion; un groupe indépendant donne une base de discussion pour, justement, engendrer cette discussion à la commission parlementaire et non pas faire venir des groupes et leur dire: Bon, parlez-moi de la culture au Québec. On part de quelque chose. Mais le rapport ne se voulait pas, non plus, la politique culturelle, au contraire. C'est justement une base de discussion pour faire sortir ces inquiétudes et pour faire sortir aussi les bons points, les points faibles et les points forts, finalement, d'une réflexion faite par un groupe indépendant de gens qui ont quand même beaucoup d'expérience. Mais ce n'est pas, loin de là, la politique culturelle du Québec.

Mais ce que je comprends, c'est que vous nous dites: Le système, présentement, est un système qui assure notre financement et, même si on doit cogner à plusieurs portes, on a quand même un certain financement garanti; si ce n'est pas d'une place, c'est d'une autre, mais on peut jouer sur les trois paliers. Si on arrive avec un système différent, il faut avoir des mesures garantissant, finalement, que ce financement-là sera le même, sinon mieux, parce qu'on sait qu'on a des besoins; donc, visons pour mieux.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. Mesdames et messieurs, I will go a few lines in English and then switch to

French because what I want to say is very important.

I am glad you are here because I think that your Federation is coming here with a more mature attitude than the Quebec English Publishers who came last week, at the very beginning of this commission, telling us that we have the totalitarian temptation, which was, to my standard, quite insulting. So, I see, in your presentation, interrogations, questions, but everything is asked in a climate that favours the dialogue. So, again, I am very pleased that you are here today.

Je vais aller un peu dans le même sens que la ministre. Vous n'avez pas d'inquiétude, mais vous avez effectivement des interrogations. D'une part, la diversité des sources de financement n'a rien à voir, à mon point de vue, avec la liberté de création. C'est tout simplement les sous pour l'avoir. Il y a une porte où il y a 5 $, il y a une porte où il y a 10 $ et il y a une porte où il y a 40 $. Bien entendu qu'à la porte où il y a 5 $, bien, comme il y a des gens qui se sont présentés avant vous, ça risque d'être épuisé. À celle où il y a 10 $, vous frappez et on vous dit: Vous étiez l'avant-dernier; si vous étiez venu une semaine plus tôt, vous l'auriez eu. Et, là, vous arrivez à celle où il y a 40 $ et il en reste encore; donc, vous l'avez. S'il n'y a qu'un seul et unique guichet et qu'on a 50 $, vous l'aurez.

Alors, voici la question que je veux vous poser. Si on vous donne les garanties - et je pense que les artistes sont en droit de s'attendre à avoir des garanties formelles - que toutes les sommes qui sont dévolues au ministère fédéral des Communications et au Secrétariat d'État font une traversée latérale, que tous les budgets vont de façon intégrale au ministère de la culture, donc vous avez le financement assuré. Le problème du financement n'est pas qu'il y ait trois portes. C'est qu'il y ait l'argent quand vous allez frapper. Si on vous donne les garanties que les sommes ne seront pas trafiquées, elles seront au ministère de la culture ou des arts ou des arts et de la culture. On peut parler 50 ans pour savoir quel nom on va lui donner, mais le principal, ce sont les moyens qu'il y aura à l'intérieur. Est-ce que cela vous satisfait? Et on le fait - je m'excuse, M. Bergman - avec un organisme qui a fait quand même des preuves, une structure dans le style Conseil des arts, mais toujours en respectant ce principe très important du "arm's length".

M. Bergman: Jugez-nous comme nos homologues francophones. Jugez-nous sur la même base, les mêmes normes professionnelles comme tout le monde. Jugez-nous sur les mêmes besoins financiers. C'est la seule chose que nous demandons, mais en reconnaissant qu'il y a une diversité culturelle québécoise, que les circonstances des Montréalais, c'est un peu différent des circonstances en province, que les circonstances des

artistes anglophones ou d'autres artistes minoritaires sont un peu différentes. Mais jugez-nous sur une base d'égalité. C'est la seule chose que nous demandons. Peut-être que mon...

M. Rodgers: Oui, je voudrais rajouter quelques idées. Si je comprends bien la question, pour le moment, on a construit des compagnies, des institutions avec les financements qui existent. Alors, si on changeait toutes les règles du jeu, on serait perdus pendant un temps. Pour l'instant, purement au niveau financier, ce serait rassurant pour nous que toutes les enveloppes soient transférées du fédéral au provincial. Mais ça, c'est juste le côté argent. Il reste toute la philosophie, tout le côté politique qui est plus complexe. Mais, si je comprends la question, ça nous rassurerait sur la question financière.

Mme Abarca (Pauline): J'aimerais ajouter quelque chose...

M. Boulerice: Si je vous comprends bien, M. Rodgers...

Le Président (M. Doyon): Oui, madame. Mme Abarca: Oui, s'il vous plaît. M. Boulerice: Je m'excuse.

Mme Abarca: C'est bien. Merci, monsieur. Je pensais que vous disiez: L'idée d'avoir un ministère, pour l'artiste, dans un certain sens, c'est plus facile parce que, de cette façon, moi, je ne dois pas écrire trois ou quatre "applications", parler, savoir qui pense quoi, et c'est un jeu pour moi. C'est fatigant vraiment. Alors, j'aime l'idée que vous proposez; s'il y a du financement pour faire ça, c'est une excellente idée. Mais, en même temps, mes préoccupations, c'est qu'on ait un jury, un conseil de gens des différentes communautés ethniques. Par exemple, si, moi, je vous présente une pièce et que je vous dis: Moi, je veux faire une pièce de Molière et que mon collègue autochtone vous dit: On va faire une pièce sur un homme qui s'appelle Running Bear, ça a une sensibilité qui est difficile à comprendre. Alors, à ce moment-là, dans les différents conseils, je sens qu'il y a différents individus qui connaissent la réalité anglophone bien plus que les autres. Même, par l'anglais, ils peuvent comprendre les pièces quand je les monte, ils ont un peu une connaissance de la réalité théâtrale, ils ont lu l'étude sur le développement du théâtre anglophone à Montréal, par exemple. Alors, ce serait ça ma préoccupation, que vous ayez un conseil qui reflète bien tous les artistes, toutes les préoccupations et les réalités qui, comme vous l'avez peut-être lu dans notre étude, sont différentes; comme le salaire des artistes anglophones, c'est différent. Toutes ces sortes de choses sont bien, bien importantes.

Mais, en principe, c'est une bonne idée d'avoir une...

M. Boulerice: Juste une petite remarque. Vous avez dit que le salaire des artistes anglophones est différent. Il est peut-être différent, mais il n'est sans doute pas plus élevé que le salaire des francophones. Mais c'est autre chose.

Mme Abarca: Ah oui! C'est sûr. Ce n'est pas suffisant, c'est sûr.

M. Boulerice: Je veux vous donner un exemple pour expliquer ma pensée. Je vous dis: Moi, personnellement, je ne suis pas partisan... Premièrement, je trouve ça humiliant qu'un artiste québécois, disons, d'origine arménienne, qui est peintre et qui veut organiser une exposition de peinture parce qu'il a une belle production, soit obligé d'aller frapper à la porte des communautés culturelles. Vous savez: "Line number 3 and form the line." Je trouve ça humiliant. Il fait partie de la culture québécoise; il devrait s'adresser au ministère de la culture. Je ne suis pas partisan qu'au ministère de la culture on commence à dire dans les... Il devrait y avoir effectivement un reflet de la composante québécoise, mais j'ai toujours peur des quotas. Je vais vous donner un exemple et je me demande pourquoi le Québec ne serait pas capable de parvenir à un tel état. Je vais vous donner l'exemple que j'ai en tête et qui est probablement le plus percutant. Tout le monde connaît le grand prix Eurovision de la chanson. C'est quelque chose d'extraordinaire, c'est la consécration et, si on l'a gagné et qu'on y est passé, on est assuré d'une carrière immédiatement. L'an dernier, la chanteuse qui représentait la France s'appelle Amina, ce qui va plaire à mon collègue, le député de Richelieu. C'est une jeune Française d'origine algérienne qui chante principalement en arabe. Elle n'a pas demandé une subvention au ministère de l'immigration et de l'Intégration. Elle n'a pas demandé de subvention au ministère de la Culture d'Algérie, qui est le pays de ses ancêtres, mais elle est allée comme tous au ministère de la Culture et de la Communication de France et on lui a dit: Mais oui, madame, voilà et vous allez à Eurovision. (11 heures)

Pourquoi? Parce qu'on a placé aussi des gens qui étaient capables d'avoir cette ouverture et de dire: Mais il y a une importante communauté arabe en France; ça fait partie maintenant de notre bagage culturel. Donc, on a trouvé des gens à l'esprit ouvert. Si on arrive à cela, peut-il y avoir des inquiétudes pour nos compatriotes québécois qui chantent, qui jouent dans une autre langue que le français? Vous avez remarqué que je n'ai pas parlé d'Anglo-Québécois et d'allophones. J'ai hâte qu'on enlève de notre vocabulaire ces distinctions.

Mme Abarca: Si je peux faire un commentaire, je suis complètement d'accord avec vous. Je trouve votre pensée très moderne et je suis complètement d'accord. Mais, en disant ça, comme je vous dis, le problème, c'est que, quelquefois, quand on va au Conseil, le ministre ou la personne qui est chargée de venir voir les pièces qu'on fait en anglais ne parie pas anglais. C'est un problème. C'est un texte, c'est basé sur la langue. Ce n'est pas comme la danse. C'est basé sur la langue, le théâtre. Alors, c'est important qu'il ait une connaissance un peu de mon travail, de ce qu'on essaie de faire. C'est tout.

M. Boulerice: Donc, en définitive, il y a, disons, certains mécanismes, je vais employer le mot, de management, à savoir, employons l'expression américaine ou anglophone, "the right man or the right woman at the right place" et, à partir de cela, on atteint les objectifs que l'on s'est fixés. Ça vous convient?

Mme Abarca: Hum, hum!

M. Boulerice: D'accord. Juste une toute dernière...

Le Président (M. Doyon): Une dernière question, M. le député.

M. Boulerice: ...petite question, M. le Président, parce qu'on accuse un peu de retard. Bon, ils ont la gentillesse de m'inviter régulièrement, donc je vais au Centaur Theatre. D'ailleurs, c'est le Centaur Theatre qui a fait la seule pièce sur l'ancien premier ministre, M. Lévesque. Étonnant, hein! Est-ce que, dans le cas d'institutions culturelles qui s'expriment en anglais, la formule d'entente triennale, de financement triennal leur permettrait de mieux stabiliser leurs activités?

M. Rodgers: Je pense qu'en général toutes les compagnies qui sont rendues au niveau du fonctionnement aimeraient bien le fonctionnement triennal. Ça aide énormément à la stabilité, aux planifications. Je pense que Claire et Pauline ont toutes les deux quelques mots à ajouter, mais, pour moi, toutes les compagnies souhaiteraient une politique comme ça.

Mme Abarca: Je suis d'accord.

Le Président (M. Doyon): M. le député...

Mme Abarca: Excusez.

Le Président (M. Doyon): Oui, madame, allez.

Mme Abarca: Un dernier commentaire. Je voulais seulement dire que c'est important que vous sachiez qu'on sent qu'on a une grande, grande croissance du public anglophone, de l'intérêt pour le théâtre et qu'on essaie aussi de faire des choses qui vont montrer à nos gens anglophones la culture québécoise d'une façon plus comprehensive. C'est le Centaur, vous me disiez, qui a fait la pièce, mais il y a d'autres gens qui font ça aussi et des pièces plus intéressantes que ça. Et c'est ça que je vous dis. C'est tout.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): Merci, madame. M. le député, en terminant.

M. Boulerice: Oui. Mme Abarca, Mme Shapiro, M. Rodgers, M. Bergman, je ne dirai qu'une seule chose. Je crois que votre présence à cette commission, le discours que vous avez tenu, les échanges que nous avons eus avec vous, Mme la ministre et moi, sont, à mon point de vue, et je ne crois pas exagérer, un moment que j'oserais même qualifier d'historique.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Je veux entériner, justement, ce que mon collègue dit. Effectivement, on retient "communication accrue", on le retient. On le reconnaît aussi, parce que les besoins sont tellement grands qu'il faut toujours parer au plus pressant. Effectivement, spécifiquement encore dans la région de Montréal, surtout, il y a un manque de notre part au niveau des communications. Oui, on donne, on contribue, mais ce n'est pas la même chose que de s'asseoir et de communiquer. Alors, on prend bonne note de ça. Merci beaucoup de votre présence.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Des voix: Merci.

Le Président (M. Doyon): Maintenant qu'est terminée la présentation que devait faire la Fédération d'art dramatique du Québec, je demande à l'Association québécoise des organismes régionaux de concertation et de développement de bien vouloir s'avancer et de prendre place à la table de nos invités.

Je leur souhaite donc la bienvenue. Je les vois dans la salle depuis tout à l'heure; donc, ils savent comment nous procédons. Ils disposeront d'une quinzaine de minutes et, après ça, la conversation va s'engager avec eux. Si vous voulez bien, tout d'abord, vous présenter et, ensuite, procéder à la lecture ou au résumé de votre mémoire. Étant entendu que votre mémoire a déjà été distribué et que les membres de la

commission en ont déjà pris connaissance, libre à vous de procéder comme vous voulez. Vous avez la parole.

AQORCD

Mme Griffin (Paillette): M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les commissaires, permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent. D'abord, mon nom, c'est Paulette Griffin. Je suis présidente de l'Association québécoise des organismes régionaux de concertation et de développement. À ma gauche, M. Gilles Gagné qui, également, fait partie du même organisme que moi et qui est aussi premier vice-président du Conseil de la culture de l'Outaouais et qui siège aussi au niveau de ce qu'on appelait autrefois l'ancien CRD. Alors, M. Gagné, et Normand Thériault qui est le directeur général des organismes de concertation.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue.

Mme Griffin: L'Association québécoise des organismes régionaux de concertation et de développement remercie chaleureusement la commission de la culture d'avoir accepté de recevoir ses porte-parole pour entendre son point de vue sur la proposition de politique de la culture et des arts qui vous a été formulée par un groupe-conseil présidé par M. Roland Arpin.

Il est utile de rappeler aux membres de cette commission que l'AQORCD regroupe la plupart des organismes régionaux de concertation et de développement, antérieurement connus sous le vocable de CRD, lesquels poursuivent des objectifs de développement. Leur membership comprend l'ensemble des intervenants politiques et socio-économiques de leur région.

M. le Président, quand nous avons refermé le livre intitulé "Une politique de la culture et des arts", nous avons ressenti un certain malaise par rapport à plusieurs éléments de problématique qui étaient exposés, ainsi qu'à la formulation des orientations pour développer le domaine des arts et de la culture, favoriser l'accès à la vie culturelle, accroître l'efficacité du gouvernement et de ses partenaires dans la gestion de la mission culturelle. Le malaise ressenti provenait du sentiment que la vie culturelle québécoise n'avait de signification que dans la mesure où l'on arrivait à la mettre en boîte - ceci entre parenthèses - pour mieux la faire voyager partout au Québec comme à l'étranger. Le défi qu'il nous restait à relever se limitait à bien identifier, selon certains produits, la forme, la taille, la couleur, le nom et le prix de chaque contenant.

L'impression que nous a laissée la lecture du document est que la vie culturelle des 14 régions, que vous appelez le troisième pôle, n'avait pas les standards de qualité requise pour qu'il soit rentable de la mettre en boîte. Puis, après réflexion, nous avons pensé que le document que nous venions de lire s'apparentait davantage à une proposition de relance de l'industrie culturelle montréalaise qu'à une véritable politique panquébécoise de développement culturel.

Ceci dit, nous avons pris la décision de vous adresser un mémoire dont voici les principaux éléments. Étant donné la mission qui nous est confiée, à savoir la défense des intérêts collectifs de chacune des régions du Québec incluant les intérêts culturels, nous avons choisi de commenter les orientations de la proposition qui pourraient avoir des effets négatifs sur la qualité de vie culturelle des diverses régions du Québec. Notre objectif est de sensibiliser les concepteurs et décideurs de la future politique de la culture et des arts à la nécessité d'y intégrer la réalité et la richesse culturelle de chacune des régions du Québec, ce qui assurerait l'épanouissement culturel de chacun des citoyens du Québec, peu importent leurs régions d'appartenance.

Dès lors, il est approprié de rappeler une succincte évocation historique bien concrète. Les régions du Québec ont la plupart du temps été insatisfaites des politiques et programmes des divers ministères gouvernementaux principalement à cause de leur insensibilité régionale. Le Plan d'action en matière de développement régional, rendu public en 1988, misait sur la modulation des programmes gouvernementaux pour corriger la plupart des iniquités faites aux régions et particulièrement celles qui sont les plus démunies. Or, les ministères sectoriels, incluant celui des Affaires culturelles, n'ont respecté que du bout des lèvres cette orientation dictée par le Conseil des ministres lui-même et qui avait enthousiasmé le ministre Marc-Yvan Côté, alors responsable du Développement régional.

Nulle part dans le rapport du groupe-conseil on ne retrouve le concept de la modulation des programmes pour prendre en compte les nombreuses spécificités régionales. Beaucoup de régions et en particulier celles qui sont les plus éloignées des grands centres ne disposent pas encore de toutes les infrastructures de base nécessaires à leur épanouissement socioculturel.

Au moment où le phénomène de la régionalisation prend de plus en plus racine aux quatre coins du Québec, le groupe-conseil demande expressément au gouvernement d'axer désormais le développement des arts et de la culture autour des deux principaux pôles urbains que sont Montréal et Québec et, là même, il y a une nuance. Qu'il suffise de rappeler à la commission de la culture que certains économistes, Martin, Higgins, Raynauld, ont, dans le passé, préconisé une telle approche de renforcement de la métropole et le temps nous a démontré qu'ils avaient tort. Ni Montréal, ni les régions n'en sont sorties gagnantes. Plusieurs pays européens ont adopté une philosophie inverse au cours de la

dernière décennie et le temps est en train de leur donner raison. L'approche européenne consiste plutôt à renforcer les pôles et les sous-pôles régionaux pour que le vent synergique souffle d'un bout à l'autre du pays.

On ne retrouve pas dans cette proposition une volonté réelle d'associer tous les Québécois à ce nouveau projet culturel. Le plus bel exemple pour illustrer ce phénomène est celui de la stratégie qui fait de Montréal et de Québec les deux pôles de la création, de la production et de la diffusion dans le domaine des arts et de la culture au Québec, alors que les 14 autres régions sont, à toutes fins pratiques, identifiées à de simples contenants destinés à recevoir le produit culturel de la métropole et de la capitale québécoise. Une telle stratégie semble faire fi sciemment des forces et potentiels des régions en matière de développement culturel et artistique au Québec. Elle ne tient pas compte, non plus, de l'échec encaissé par le concept du développement polarisé, lequel privilégiait, en 1970, la région de Montréal comme principal pôle de croissance susceptible d'entraîner dans son sillage le développement de l'ensemble des autres régions. Dans les faits, une grande partie de la force de Montréal est tributaire du dynamisme de l'ensemble des régions du Québec.

Par ailleurs, nous avons dénoncé dans notre mémoire les orientations qui avaient pour effet de priver les régions d'outils qu'elles possèdent déjà, entre autres, le 1 % et les conseils régionaux de la culture, pour ensuite nous attaquer à celles qui visent la décentralisation des pouvoirs au niveau des municipalités. En principe, nous sommes d'accord avec la décentralisation des pouvoirs, mais, compte tenu de la petite taille de la grande majorité des municipalités, il est illusoire de penser qu'elles auront les moyens d'intégrer cette responsabilité additionnelle, d'autant plus qu'il n'est pas évident que le gouvernement puisse leur fournir l'assistance nécessaire. C'est plutôt au niveau du palier régional qu'il faut faire atterrir cette orientation, comme l'a annoncé dernièrement le ministre Yvon Picotte en matière de développement régional.

Parlons maintenant, si vous voulez bien, d'un élément stratégique de cette proposition de politique culturelle, à savoir, la pleine et entière souveraineté du Québec en cette matière. Il est important d'y revenir, car nous voulons nous assurer que notre message soit entendu correctement. En principe, nous sommes d'accord, mais, dans la pratique, nous avons de sérieuses réserves sur les modalités. En effet, dans l'hypothèse où le Québec aurait gain de cause, nous ne sommes pas convaincus qu'il consacrerait à la mission culturelle toutes les sommes récupérées en compensations financières. (11 h 15)

Lors de la tenue des audiences de la commission Bélanger-Campeau, nous avions livré le message suivant: "Le retour sur les interven- tions des deux niveaux de gouvernement nous a fait encore mieux comprendre, si besoin en était, que les outils du développement régional sont restés ou bien à Québec ou bien à Ottawa - et que ni l'un ni l'autre n'a réussi à faire servir au mieux les pouvoirs dont il disposait. La seule issue possible, c'est que se négocie un partage des pouvoirs et moyens d'intervention entre le gouvernement et les régions. Un nouveau Québec plus autonome ne doit pas se faire au détriment de l'émergence du Québec des régions. "

Vous comprendrez que les régions n'ont aucune raison de supporter une hypothèse de rapatriement qui établirait un état de fait où elles deviendraient des laissées-pour-compte. Elles ne peuvent, en aucun cas, cautionner une politique culturelle qui serait suicidaire pour elles.

Dans le but de dresser une toile de fond aux recommandations qui sont formulées plus bas, nous avons choisi de reproduire en introduction deux énoncés que le conseil d'administration de l'AQORCD a proposés à la réflexion des participants à notre congrès de l'an dernier. Premièrement, la poursuite du développement régional doit être centrée sur la recherche de solutions aux besoins socio-économiques des personnes et des collectivités. La concertation permanente entre le gouvernement du Québec et les régions est essentielle dans la définition des grandes politiques nationales ayant une incidence sur le développement régional.

Par ailleurs, nous avons utilisé les cinq verbes d'action du groupe-conseil pour regrouper quelques-unes des recommandations que nous avons choisi de porter à votre attention.

D'abord, reconnaître. L'AQORCD recommande que le ministère des Affaires culturelles reconnaisse que le développement culturel est indissociable des activités des autres secteurs; que le ministère reconnaisse les spécificités régionales et que ses programmes soient modulés en conséquence.

Au niveau de la sensibilisation, l'AQORCD recommande que les programmes actuels continuent de s'appliquer en région en tenant compte du principe de la modulation.

Quand on parle de développer, l'AQORCD recommande que le ministère s'inspire du modèle de développement de l'organisation des sports professionnels en établissant en région des clubs fermes ou pépinières pour favoriser l'éclosion de talents locaux et régionaux; que tous les ministères qui interviennent en région se préoccupent de la dimension culturelle de leurs actions en concertation avec le milieu et le ministère des Affaires culturelles.

Afin d'irradier, l'AQORCD recommande que le ministère consacre autant d'efforts à diffuser les créations régionales qu'il en mettra à diffuser celles des régions de Montréal et de Québec.

Si on parle de mobiliser, l'AQORCD recommande que le ministère mobilise les forces des conseils régionaux de la culture pour engager, en

concertation avec les municipalités, le processus de la décentralisation que lui recommande le groupe-conseil; que le ministère fasse connaître les paramètres de cette décentralisation et les moyens qui doivent y être associés avant d'engager le processus.

En conclusion, au terme de cet exercice, l'AQORCD remercie la ministre des Affaires culturelles, Mme Hébert, d'avoir pris l'initiative d'enclencher cette démarche de planification dont les retombées auront des effets bénéfiques, nous le souhaitons, pour l'ensemble de la population québécoise. Il est cependant espéré que la commission de la culture demandera au ministère des Affaires culturelles du Québec de prendre en sérieuse considération les lacunes soulevées par l'Association québécoise des organismes régionaux de concertation et de développement et les propositions qu'elle formule pour les contrer.

En terminant, l'Association québécoise des organismes régionaux de concertation et de développement souscrit entièrement à la pensée de M. Augustin Girard quand il écrit: "II faut surtout favoriser et accueillir la demande locale dans son foisonnement hétéroclite [...] l'important est de donner aux gens, là où ils travaillent et où ils vivent, la culture de ce qu'ils font, de ce qu'ils sont, de là où ils sont."

Comme dernier élément de réflexion, nous vous proposons de partager le contenu de cette interrogation de Charles Côté, dans son livre intitulé "Désintégration des régions: le sous-développement durable au Québec": "Est-il acceptable de ramener le Québec à la dimension d'une fraction minuscule de son territoire habité en faisant comme si les autres régions ne faisaient pas, au même titre, partie de l'ensemble?"

Alors, je vous remercie de nous avoir entendus et nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Gobé): Très bien, madame. Nous vous remercions, nous aussi, de nous avoir fait part de votre mémoire. Je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre de la culture.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le Président. Mme Griffin, M. Gagné, M. Thériault, bienvenue. Deux précisions, d'abord. La première, c'est qu'effectivement, dans le rapport Arpin, on parle de la métropole, de la capitale et des régions, probablement sans vraiment vouloir dire que les régions, c'est un bloc monolithique - on s'en était parlé, d'ailleurs - et que, finalement, les pôles d'attraction sont Montréal et Québec. Je pense qu'on est mieux de parler de 16 régions distinctes, une métropole et une capitale, parce qu'il y a une métropole, il y a une capitale et il y a 16 régions ensemble qui ont chacune leurs distinctions.

Deuxièmement, quand on parle de parents pauvres, il faut aussi vous donner certaines précisions. C'est qu'à l'extérieur de Montréal on dépense quand même au ministère des Affaires culturelles plus de 100 000 000 $. Évidemment, il y a un sous-financement d'à peu près tout, il n'y a pas un groupe qui n'arrive en nous disant: On a besoin de sous, on a besoin de ci, on a pas besoin de ça. Je ne pense pas que, demain matin, on va avoir 100 000 000 $ de plus, non plus, mais, d'une certaine façon, on essaie, en plus de réaliser la sous-capitalisation, d'être plus efficace.

Ce qui m'amène à une question. Vous parlez de décentralisation, une décentralisation à opérer. Selon votre expérience, j'aimerais que vous m'en parliez un peu, cette décentralisation s'opérerait vers qui? Est-ce que c'est une plus grande décentralisation vers la municipalité, la MRC ou à un niveau qui est régional? Mais comment ça pourrait-il fonctionner? Vous savez, comme, nous, on gère des fonds publics, on se doit d'être transparents, d'une part, et, deuxièmement, notre grand objectif, c'est évidemment d'aider le développement culturel, et ce, le mieux possible pour servir les régions, et ça aussi, le plus efficacement possible.

Mme Griffin: Pour répondre à votre question, d'abord, quand on parle de centralisation, ce que les régions veulent, c'est être partie prenante au niveau des décisions, considérant que les gens des régions connaissent bien leurs problèmes. On sait, dans nos régions, où sont nos besoins, puis comment on pourrait les régler. Je pense qu'ensemble on est capables de faire des consensus maintenant et d'arriver à trouver des solutions qui seraient acceptables et par les régions et par les gouvernements, et qui ne coûteraient pas plus cher à l'État pour être capable de donner une satisfaction ou en tout cas, faire en sorte que les régions se développent. Maintenant, on sait actuellement qu'on parle beaucoup de décentralisation. M. Picotte, dans le rapport... Actuellement, est en cours le comité Bernier; on ne connaît pas encore l'issue ou la réponse qui va sortir de ce rapport-là, mais ce qu'on peut voir par les médias, c'est qu'il va y avoir une certaine décentralisation où les gens des milieux vont pouvoir intervenir dans les décisions.

Quand on parle de la culture, c'est la même chose parce que, dans les régions, les conseils de la culture, bon, le ministère en région sont capables de se concerter avec nous, on est capables de les rencontrer, ils sont près de nous, ils connaissent aussi les réalités des régions. Et on pense que, compte tenu qu'on connaît les budgets qui sont là, on est capables d'intervenir, tout en respectant des normes qui sont, quand même, peut-être modulées dépendamment des besoins qu'on y retrouve.

Quand vous parlez des municipalités, moi, je

suis une élue municipale, je ne veux quand même pas faire la chicane avec les élus municipaux, mais, en tant qu'élue municipale, dans les petites municipalités, je ne pense pas qu'on puisse penser, même si on y rêve, un jour avoir chacun chez nous notre petit conseil de la culture. Ce n'est pas vrai. Il va falloir qu'ensemble autour d'une grande région administrative - déjà, ça se fait - que les municipalités qui composent les MRC soient capables d'apporter ça à une table quelconque ou à une instance régionale et de dire: Voici, chez nous, chez nous, chez nous, ce qu'on pourrait faire et, dans l'ensemble d'une grande région, voici les axes de développement qu'on devrait faire. Et on devra ensemble, avec les MRC et avec les organismes régionaux, faire des concertations et des consensus, puis faire des sacrifices aussi parce qu'on ne pourra pas tout avoir, c'est évident. Mais peut-être que, quand on aura fixé nos objectifs et priorisé des choses, c'est là-dessus qu'on s'en ira. Quand on parle de décentralisation, c'est comme ça. Alors, si quelqu'un de mes voisins veut répondre.

Mme Frulla-Hébert: Justement, vous nous informez, vous nous dites que vous êtes une élue municipale. Il y a tout le rôle des municipalités dans le développement culturel et un partenariat, je ne dirais pas à bâtir parce que, avec le ministère des Affaires culturelles, l'exemple des bibliothèques, le partenariat est là. La décentralisation du ministère - on parle maintenant de décentralisation au niveau du gouvernement - je dois vous dire que, pour une fois, on est à l'avant-garde. Nous avons le ministère le plus décentralisé du gouvernement au moment où on se parie. Alors, s'il y a une décentralisation globale, nous, on est prêts. Je pense que c'est dans notre mentalité, en plus; on a terminé la décentralisation cette année et c'est dans notre mentalité, en plus, justement, de travailler de façon décentralisée parce que, nous, on y croit.

Mais je veux revenir aux municipalités. Vous dites, a un moment donné, que les relations qui s'établiront avec les municipalités court-circuiteront le palier régional. Est-ce que c'est parce que vous jugez que les municipalités ne doivent pas intervenir dans le développement culturel ou, finalement, si c'est un rôle différent, en termes de partenariat, que vous leur donnez?

Mme Griffin: Moi, je pense que les municipalités ont un rôle de partenariat. La municipalité est la créature la plus proche de ses citoyens. Les besoins sont là. La municipalité seule ne peut pas faire ça. La municipalité a des responsabilités face à sa culture, mais elle doit le faire en concertation avec sa MRC, élargir son territoire, si on peut dire, au niveau des problèmes de la région. Mais, pour être vraiment capable d'asseoir des outils dans la région et de se donner une qualité au niveau de la culture, on ne peut pas, non plus, rester au niveau d'une seule MRC parce qu'on va vivre encore trop petit, dépendamment du nombre de municipalités qu'on regroupe et de leur taille. Ce qui veut dire qu'il faut agrandir un peu le cercle et c'est pour ça qu'on le verrait plus au niveau d'une région administrative.

D'ailleurs, dans la région administrative, on rencontre nos élus des MRC, on rencontre nos préfets, on rencontre les maires des municipalités plus urbaines. Alors, ces gens-là sont les porte-parole de leurs citoyens et sont capables d'apporter ça autour d'une table de concertation qui inclut d'autres personnes aussi, qui inclut la culture, les loisirs, l'industrie et autres. Mais, quand on parle de culture, ça veut dire que les municipalités apportent leur vision et on est capable de faire un cheminement ensemble, de se donner des priorités, des axes de développement au niveau de la culture. Ça ne se passera peut-être pas chez nous, mais, si ça se passe à Rivière-du-Loup, je ne vois pas pourquoi il n'y aurait pas quelque chose d'intéressant là. Je vais en bénéficier. Et c'est comme ça qu'on doit se rejoindre et s'entraider.

Mme Frulla-Hébert: Pensez-vous que, justement, en créant cette décentralisation vers des instances régionales... Il y a des villes, d'ailleurs, qui sont venues nous voir - et il y en a plusieurs autres, d'ailleurs, qui vont venir - qui nous parlaient d'être des pôles régionaux. Des villes qui sont extrêmement - d'abord, des grosses villes - impliquées au niveau culturel nous parlaient, nous suggéraient qu'il devrait y avoir, dans ces regroupements, des pôles régionaux pilotés par une ou des grosses villes et, évidemment, ce rayonnement serait très bénéfique pour le développement culturel de cette région-là. Est-ce que vous voyez ça comme ça?

M. Gagné (Gilles): C'est certain que, urt peu comme, par rapport à l'ensemble de la province, Montréal, à ce moment-là, constitue un pôle, dans chacune des régions, c'est le cas aussi, mais ça doit être quand même fait avec une volonté qui vient rejoindre l'ensemble des citoyens au niveau d'une région. Quand, dans une grande ville, ils élaborent des politiques culturelles ou, enfin, ce qu'ils font dans ce domaine-là, mais s'en tiennent uniquement à leur ville, ce n'est pas suffisant. Mais c'est certain qu'il y a des municipalités qui peuvent avoir des rôles beaucoup plus importants, c'est-à-dire d'être des locomotives pour le reste du développement culturel d'une région. Ça, c'est certain, mais ça doit se faire avec tous les partenaires, je crois.

Mme Frulla-Hébert: Ma dernière question, M. le Président?

Le Président (M. Gobé): Allez-y (11 h 30)

Mme Frulla-Hébert: Une petite. Tantôt, on

a eu des représentants de l'Orchestre sympho-nique de Montréal et, effectivement, on est tous d'accord, comme je vous le disais, on chemine vers 16 régions qui sont distinctes - est-ce que c'est 16? Ce sera 13, dépendant s'il y aura une configuration gouvernementale différente - spécifiques avec leurs besoins spécifiques. Mais il n'en reste pas moins qu'il y a deux particularités aussi. Il y a une métropole, avec 50 % de la population ou presque, et il y a une capitale. Il va falloir définir, nous, à un moment donné. Est-ce que vous êtes en accord avec ce constat?

M. Gagné: En fait, qu'il y ait, bien sûr, de l'argent ou des moyens particuliers donnés pour à la fois la métropole et la capitale, c'est tout à fait normal, ça, c'est évident. Mais, peut-être que l'élément le plus difficile dans le rapport Arpin, c'est de croire que c'est uniquement ces pôles-là qui vont être des créateurs ou que la production va originer de là et que les régions, elles, sont là pour recevoir ce qui se fait particulièrement au niveau de la métropole. Pour nous, c'est inacceptable parce que, de toute façon, les artistes, même ceux qui se produisent à Montréal, sont aussi, souvent, même très souvent, originaires des régions. Alors, c'est plus pour qu'il puisse y avoir une vie culturelle pour l'ensemble de la province. Mais c'est évident que l'orchestre philharmonique qui peut avoir un rayonnement international, il a plus de chances de se retrouver à Montréal que, je ne sais pas, moi, à Cabano, par exemple, qui est la ville de Mme Griffin.

Mme Frulla-Hébert: Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, c'est à votre tour.

M. Boulerice: Mme Griffin, M. Gagné, M. Thériault, oui, effectivement, je savais que vous veniez de Cabano, donc le sous-développement permanent. Malheureusement, je pense que vous en êtes au niveau du doctorat dans votre cas, compte tenu de la situation extrêmement dramatique qui existe. Le livre, d'ailleurs, que vous avez cité est passablement pessimiste. J'ose espérer qu'on pourra faire changer le cours des choses; sinon, qu'est-ce que ça donne d'avoir Québec comme capitale, donc la tête, Montréal, les poumons, si les membres du corps sont atrophiés? Et je pense que c'est l'image la plus évocatrice de la situation du Québec. Une tête qui fonctionne, des poumons qui respirent, mais des membres atrophiés, ça ne fait pas un corps tellement en santé.

À la page 9, vous parlez de la future politique, et vous mettez "future" entre guillemets. Vous dites que le rapatriement de pouvoirs que l'on souhaite voir dans la politique est "improbable ni prévisible dans un horizon de temps clairement arrêté." Vous mettez en cause cette prémisse qu'on récupérerait tous les pouvoirs, au niveau de la culture, du gouvernement fédéral.

M. Thériault (Normand): Je pense que ce n'est pas qu'on remet tellement ça en cause, c'est que...

M. Boulerice: Vous ne remettez pas le bien-fondé en cause, mais vous dites: Jamais, ils ne nous les donneront.

M. Thériault: Si on ne va pas les chercher, si on n'est pas capables d'aller les chercher, ils ne nous les donneront pas. Ils ne nous feront pas de cadeau. C'est ça, en gros, qu'on vous dit. Ce n'est pas vrai que le gouvernement fédéral va, demain matin, nous donner pleins pouvoirs en culture, pleins pouvoirs en développement régional, pleins pouvoirs ici, pleins pouvoirs là. Il va falloir aller les chercher. Il y a une stratégie que les représentants des différents secteurs ont adoptée lors de la commission Bélanger-Campeau où chacun est venu dire, un peu pour son secteur: Oui, on souhaiterait avoir les pleins pouvoirs. Il n'y en a pas beaucoup qui ont osé dire: Pleins pouvoirs dans tout, pleine souveraineté. Bon, beaucoup ont hésité à aller jusque-là, c'est sûr.

Nous-mêmes, devant la commission Bélanger-Campeau, nous avons dit qu'en matière de développement régional on souhaitait les pleins pouvoirs au Québec. On le souhaite aussi pour la culture, mais on a des inquiétudes quant aux modalités parce qu'on a l'impression que, si ça se fait à la pièce, justement, le Québec va être tenté d'utiliser les sommes récupérées pour les affecter où bon lui semble, sans la concertation des régions en particulier. On est inquiets là-dessus parce qu'on souhaiterait qu'avant que ça se passe il y ait vraiment une concertation gouvernement-régions pour s'entendre, pour qu'on ait des garanties que, si ces pouvoirs-là sont rapatriés, on ait en région notre part du gâteau et qu'on ait les pleines sommes pour le secteur concerné. C'est ça, le message.

M. Gagné: En fait, c'est les mêmes inquiétudes que pour, peut-être, des regroupements d'artistes dans des secteurs particuliers. C'est d'être certains que, dans les changements qui vont se produire, les régions deviennent aussi un des partenaires dans le rapatriement de pouvoirs, mais avec une certaine décentralisation pour permettre que tous les acteurs ou les personnes impliqués puissent avoir, au fond, ce qui leur revient et ce qui doit normalement être attribué pour permettre l'épanouissement culturel.

M. Boulerice: Employons le mot; c'est le seul que je trouve et disons qu'on va convenir de l'utiliser. Cette, disons, méfiance un peu que

vous avez, elle ne naît pas de ce qu'ont vécu des instruments extrêmement importants avec lesquels vous collaborez de façon évidente, je le sais, qui sont les conseils régionaux de la culture et qui, depuis 1985, voient un gel de leur budget. Cette année, ils ont eu un petit quelque chose, mais ça n'a pas effacé une perte de 20 % puisqu'on n'a pas indexé depuis 1985. On s'est même longuement interrogés si on devait les maintenir. Et, dans le rapport Arpin, la place des conseils régionaux, comme on dit en bon québécois, cherchez-la!

M. Thériault: On l'a soulevé dans notre "rapport".

M. Boulerice: Alors, ce sont des éléments qui entretiennent forcément, chez les gens des régions...

M. Thériault: De l'inquiétude.

M. Boulerice:... certaines appréhensions.

M. Thériault: Voilà!

Mme Griffin: Une grande inquiétude.

M. Boulerice: Une grande inquiétude. Donc, si je vous comprends bien, ce que vous favorisez, c'est qu'il y ait des enveloppes régionales réservées, protégées, suffisantes, et vous dites bien... Et ça, c'est important que vous le disiez à un député montréalais, sauf que, avant d'être montréalais, on a été régionaux.

Mme Griffin: Voilà!

M. Boulerice: Alentour d'une table à Montréal, demandez à ceux qui sont nés, "born and raised in Montréal", comme on dit, de lever la main, on n'est pas nombreux. On vient tous d'une région, donc nos racines sont encore là. Vous dites: On est capables de s'arranger. Ça, je trouve ça intéressant parce que je ne vois pas en vertu de quelle prétention, comme député montréalais, je pourrais aller vous dire, à vous les gens de Cabano: Eh bien, la culture et le développement culturel chez vous, ça se fait par a, b, c et d. C'est un peu prétentieux, ne trouvez-vous pas?

M. Thériault: D'accord.

M. Boulerice: Oui, Mme Griffin.

Mme Griffin: Quand on parle du pôle de Montréal, qu'on parle de la métropole, qu'on parle des régions, ce n'est pas qu'on veuille que Montréal ne fasse rien. Au contraire, il faut qu'il se fasse des choses. À Québec aussi. Mais il ne faut pas oublier les régions. Moi, je pense qu'il faut que Montréal soit forte. On se rend compte aujourd'hui que Montréal est en train de se désagréger, presque, avec des poches de pauvreté, et que les régions s'en vont un peu chez le diable, comme on dirait par chez nous. Qu'est-ce qu'on va faire devant cet état de fait?

Il faut changer les règles du jeu et les règles du jeu, c'est qu'il faut que ce soit tout le monde qui participe maintenant au développement du Québec, y compris les régions, y compris la région de Montréal et de Québec. Mais, pour ça, il faut avoir les outils pour le faire et l'un des outils, c'est aussi le financement. Les municipalités, les régions sont prêtes à faire des efforts; on en fait, d'ailleurs. Maintenant, si on est capables, ensemble, de faire des choses, mais d'avoir voix au chapitre, je pense qu'on peut trouver des solutions qui seraient fort intéressantes pour le développement et de la région de Montréal sous tous ses aspects et des 14 régions du Québec.

Alors, c'est là-dessus qu'on parle de décentralisation de pouvoir de décision, avec des enveloppes qu'on connaît, une harmonisation dans tout ça, et ça ne coûterait pas plus cher au gouvernement du Québec, je ne le pense pas.

M. Boulerice: Et... Oui, je m'excuse. Allez-y.

M. Thériault: Je voudrais ajouter là-dessus qu'une inquiétude qu'on a eue avec le rapport Arpin, c'est quand il parle d'arrêter le saupoudrage. La lecture qu'on en a faite, c'est privons les régions de leur enveloppe, puis concentrons à Montréal - je caricature quand je dis ça, bien sûr - les budgets ou l'argent dont on dispose. Compte tenu qu'on est en période difficile, que le gouvernement a moins d'argent, utilisons le peu qui nous reste pour, au moins, consolider Montréal et le reste, bien, ils attendront. C'est le message, grosso modo, qu'on a retenu du rapport Arpin.

M. Boulerice: Vous avez bien raison. Qu'est-ce qui nous dit que le prochain premier violon de l'Orchestre symphonique de Québec ou de Montréal ne viendra pas du Conservatoire de musique de Rimouski?

Mme Griffin, vous êtes une élue municipale très fortement préoccupée de développement régional, mais je vois aussi, avec satisfaction, de culture. Est-ce qu'on peut dire que vous opposez une fin de non-recevoir au ministère au niveau des régions et des municipalités, si c'est pour être fait - parce que tout le monde a vécu une expérience un peu dramatique - en vertu du principe du délestage? On vous le donne, arrangez-vous avec, mais il n'est pas question pour vous d'avoir le coffre à outils et l'enveloppe qui l'accompagne.

Mme Griffin: Si on parle, de la façon dont on vient de le connaître, d'un certain délestage au niveau des municipalités... Dans nos régions,

quand on parie de décentralisation, on parie d'une décentralisation après s'être concertés, après avoir établi avec nos partenaires, qui sont le gouvernement du Québec, qu'est-ce qu'on décentralise et quel partage on fait. Mais, dans mon esprit, ce n'est pas un délestage de factures via les régions et les municipalités parce qu'on n'a rien à dire dans ça. Mais qu'on s'assoie à une table ensemble et qu'on se concerte, qu'on décide ce qu'on va faire. Dans les régions et les municipalités, c'est sûr qu'il y a une crainte. Quand on dit qu'un chat échaudé en vaut je ne sais pas combien, mais, en tout cas, plusieurs...

Une voix: Craint l'eau chaude.

Mme Griffin: Craint l'eau chaude, bon. Alors, c'est un peu ça, mais...

M. Boulerice: L'eau froide.

Mme Griffin: L'eau froide.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouierice: II ne faut pas se tromper.

Mme Griffin: Je ne suis pas bonne dans mes affaires. Alors, ce qu'on veut dire, au fond, c'est qu'au niveau du principe, au niveau du désir de décentralisation, ça, c'est là. Si vous étiez au congrès de l'UMRCQ la semaine dernière, ça a été ça. Les gens sont d'accord, c'est la solution qu'on entrevoit comme la meilleure, mais le délestage, il ne faudrait pas que ça se passe comme ça.

M. Boulerice: Une toute dernière question, si vous me le permettez. Je ne l'ai jamais posée et j'aimerais bien connaître l'avis de gens comme vous. Il y a eu l'établissement de directions régionales du ministère. Est-ce que ça a été de la déconcentration ou si ça a été véritablement de la décentralisation? Parce qu'il faut faire attention; souvent, on parie, sous le vocable décentralisation, de ce qui n'est, en définitive, que de la déconcentration.

M. Thériault: Effectivement, vous avez raison de soulever ça parce que, justement, Mme Frulla-Hébert, tout à l'heure, l'a évoqué. Elle a dit: Le ministère des Affaires culturelles est le plus décentralisé des ministères. Si elle parie des grandes institutions montréalaises, québécoises ou d'autres institutions en région, c'est oui parce qu'il y a des conseils d'administration dans ces organisations, dans ces organismes-là, dans ces institutions. Mais si elle parie des directions régionales du ministère, je dis: Non, ce n'est pas de la décentralisation, c'est de la déconcentration.

On est inquiets là-dessus parce que le rapport Arpin, lui, recommande que ce soient les fonctionnaires du ministère qui aillent animer le milieu municipal pour répandre la bonne nouvelle, les associer. Bien, moi, je peux vous dire une chose: Ils ont besoin d'être armés, ces fonctionnaires-là, parce qu'ils vont se faire recevoir avec une brique et un fanal dans plusieurs municipalités parce qu'on a l'impression qu'ils vont arriver les mains vides. Ils n'auront rien à mettre sur la table pour inciter les municipalités à en faire plus en matière de développement culturel.

Et on dit aussi que c'est impensable de procéder de cette façon-là, compte tenu que le phénomène de la régionalisation au Québec s'en va de plus en plus vers une réelle décentralisation des pouvoirs. Le plus bel exemple, c'est ce que s'apprête à nous annoncer M. Yvon Picotte en matière de développement régional. Depuis qu'il a mis sur pied, en février dernier, ce groupe de sous-ministres qui doit y réfléchir, il n'arrête pas de dire: Je veux une plus grande responsabilisation des régions. Et pas au niveau des municipalités comme telles en matière de développement régional, mais au niveau du palier de la région administrative, donc des 16 régions administratives du Québec. Alors, on trouve un peu étonnant de voir dans le rapport Arpin qu'on passe par-dessus le palier régional pour s'en aller directement faire de l'animation au niveau des municipalités avec la direction régionale du ministère. (11 h 45)

M. Boulerice: Juste une petite anecdote avant de terminer. Cet énonce du ministre Picotte avait été énoncé il y a très exactement cinq ans par M. Jolivet, député de Laviolette et ancien ministre. M. Picotte lui avait dit: Écoutez, cette idée est tellement farfelue, après tout le dégât que vous avez causé. Et voilà que l'idée est bonne en 1991. On va s'en réjouir. Vaut mieux qu'il se rétracte, qu'il s'en attribue tous les mérites que d'avoir persisté et d'être vaincu, comme vous l'avez dit si bien.

Je pense que c'est le temps de prendre congé de vous. Je vous dirai que c'est fort probablement, depuis l'ouverture de cette commission, la réflexion la plus structurée, la plus profonde et la plus pertinente qui ait été faite au niveau du développement culturel régional et du développement des régions. Je suis rocardien de formation. Le développement culturel précède le développement économique et le développement industriel, et je pense que votre mémoire et la déclaration de Mme Griffin sont des pièces essentielles à l'élaboration d'une politique culturelle au Québec. Je vous remercie, Mme Griffin. Je vous remercie, M. Gagné, M. Thériault, en espérant vous voir à Rivière-du-Loup prochainement, parce qu'on va beaucoup discuter de régions.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre,

en conclusion.

Mme Frulla-Hébert: Mme Griffin, M. Gagné, M. Thériault, une précision à apporter. Vous aviez raison quand vous parliez de déconcentration, pendant un bout de temps, mais il faut quand même préciser que, depuis le mois d'avril, c'est une décentralisation. Chacune des régions gère maintenant son propre budget. Maintenant, vous allez me dire: II n'y en a pas assez. Mais il n'y en a assez pour personne. Finalement, on est dans la portion de tous ceux qui demandent plus d'investissements pour la culture. Une chose, c'est sûr que notre action se fera, évidemment - comme je vous le dis, nous, on est prêts - en harmonisation avec les actions gouvernementales. On n'en sera que plus forts, mais, chose certaine, c'est que, puisqu'on a maintenant procédé, justement, à cette gestion régionale des budgets, on va continuer dans ce sens-là et nous croyons fermement qu'il y a 16 régions distinctes, interactives. Ça, il n'y a pas à en démordre.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Madame et messieurs, je tiens à vous remercier au nom des membres de cette commission. Ceci met fin à votre intervention. Vous pouvez donc maintenant vous retirer. Je vais appeler le groupe suivant, soit les représentants de l'Opéra de Québec. Je leur demanderais de bien vouloir prendre place devant cette table et nous allons tout de suite reprendre les débats de cette commission. Alors, bonjour, messieurs, bonjour, madame. Si je comprends bien, les gens qui sont devant nous sont M. Paul Audet, président. Bonjour, M. Audet.

M. Audet (Paul-A.): Bonjour, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): M. Jean-Paul Cloutier, trésorier.

M. Cloutier (Jean-Paul): C'est ça.

Le Président (M. Gobé): Bonjour, M. Cloutier. M. Pierre Lamontagne, administrateur.

M. Audet (Paul-A.): M. Lamontagne est absent, malheureusement. Il a dû s'absenter.

Le Président (M. Gobé): M. Lamontagne est absent. Mme Lise St-Onge, administratrice. Bonjour, madame. Il me fait plaisir de vous accueillir ici. M. Guy Bélanger, directeur artistique et musical.

M. Bélanger (Guy): C'est ça.

Le Président (M. Gobé): Bonjour, M Bélanger. Alors, vous pouvez commencer votre présentation sans plus attendre.

Opéra de Québec

M. Audet (Paul-A.): Alors, M. le Président, Mme la ministre, messieurs, nous représentons la corporation de l'Opéra de Québec, corporation qui a été mise sur pied en 1985, à la demande du ministre des Affaires culturelles de l'époque. La mission de la corporation de l'Opéra de Québec spécifiée à ce moment-là était de préparer, de présenter et de produire deux opéras majeurs annuellement. Les sources de financement de cette société d'opéra devaient être et sont encore, d'abord, le ministère des Affaires culturelles du Québec - et je les nomme dans l'ordre d'importance des subventions ou des montants impliqués - deuxièmement, les recettes des salles; troisièmement, le Conseil des arts du Canada; ensuite, la Fondation de l'Opéra de Québec; la ville de Québec, et enfin, certaines commandites ad hoc qui viennent, de temps à autre, apporter de l'eau au moulin, si vous voulez.

Cette société d'opéra, qui, à date, a rempli sa mission, s'est inspirée de trois principes: d'abord, qualité des spectacles. Qualité des spectacles, ça veut dire qualité des artistes, qualité de la production, des décors, de la salle, du choix des salles, de l'interprétation musicale, etc.

Le deuxième principe, ça a été d'assurer ce que j'appellerais la mission de Québec comme tremplin - Québec devant servir de tremplin -pour la carrière de nos jeunes artistes, de nos artistes qui sont en début de carrière ou d'autres qui sortent à peine des conservatoires. Et les artistes, ça comprend évidemment les chanteurs, puisqu'on parle d'art lyrique, mais aussi des danseurs, des musiciens et tous les métiers connexes qui, dans l'ombre, viennent s'ajouter et qui sont indispensables à la production de spectacles d'opéra: les éclairagistes, les maquilleurs, maquilleuses, les coiffeurs, etc. Tout ça fait partie d'une production d'opéra et ces gens-là, nous les encourageons, nous leur servons de tremplin et plusieurs, d'ailleurs, ont maintenant entrepris des carrières à l'échelle nationale et même internationale.

Le troisième principe, c'était et c'est encore l'importance de Québec comme pôle de diffusion. Et je ferai remarquer, M. le Président, que nous parlons, évidemment, ici, d'opéra; ce n'est pas quelque chose qui peut se produire un peu partout en province. Mais Québec tient à affirmer sa place, et c'est reconnu par le rapport Arpin. Le rapport Arpin mentionne les pôles de diffusion et mentionne particulièrement Québec. Là où nous tenons à amplifier cette mention du rapport Arpin, c'est que Québec... On mentionne Montréal, avec 3 500 000 de population - Montréal, évidemment, est un centre majeur - et puis Québec est mentionnée, mais toujours avec 300 000, 350 000 de population. Alors, la ville de Québec, le centre, le pôle de diffusion qu'est

Québec dessert une population qui dépasse de beaucoup les limites corporatives de la ville de Québec et de sa banlieue. Québec est un centre de diffusion qui rayonne sur tout l'est du Québec et c'est extrêmement important lorsqu'on parle de réalisation d'opéras. Et ceci, on doit en être conscients. Si vous avez 50 % de la population de la province qui habite la grande région de Montréal, il en reste quand même 50 % qui habitent ailleurs que dans la région de Montréal. On doit garder à l'idée que Québec, ce n'est pas un centre de 350 000 de population, mais que ça dessert une population qui va chercher bien au-delà de 1 500 000.

Alors, cette société d'opéra, humblement, pense avoir réalisé les objectifs qu'on lui a donnés. Nos collègues de l'OSM, ce matin, parlaient de récompense à la bonne gestion, au - comment est-ce qu'ils l'appelaient? - le management, au bon management? Alors, je crois que nous pouvons également réclamer ce titre pour l'Opéra de Québec qui, comme notre mémoire vous l'expose, a réussi, en dépit de la récession et de facteurs négatifs, à terminer sa dernière année fiscale sans déficit et, en même temps, à annuler, à combler le déficit qui avait été accumulé. Alors, nous avons rempli notre mission. Je crois que nous avons bien fait, mais on voudrait faire davantage. On voudrait faire mieux encore. On nous demande beaucoup. Il y a beaucoup de demandes pour une opérette, par exemple, une troisième production, soit dans le cadre du carnaval, l'hiver, soit dans le cadre du Festival d'été. Alors, tout ça, on l'étudié présentement. Ça veut dire des budgets supplémentaires importants et c'est pour réaliser mieux et davantage que nous tournons les yeux vers vous, messieurs.

J'aimerais maintenant céder la parole à notre trésorier qui est en même temps le président de la Fondation de l'Opéra. Je n'ai pas besoin de faire l'éloge de la Fondation de l'Opéra. S'il n'y avait pas eu la Fondation, je ne crois pas qu'il y aurait eu de l'opéra à Québec. Alors, M. Cloutier, si vous voulez parler de votre fondation, de notre fondation.

M. Cloutier: M. le Président, Mme la ministre et membres de la commission, d'abord, vous dire le plaisir que j'ai à me retrouver dans cette salle, dans ce milieu où j'ai oeuvré pendant 11 ans comme député et comme ministre. Je constate toujours le même sérieux. La sérénité, ça dépend des intervenants, évidemment, qui sont ici. Quand ils sont sereins, ça aide la commission à l'être également.

Un petit mot de la Fondation. Il y aura 10 ans l'an prochain que la Fondation a été mise sur pied, en pleine récession. Il fallait avoir confiance, il fallait avoir de l'optimisme, mais je pense que la suite a prouvé que nous avions raison de tenter cette aventure. Sauf erreur, je pense que, dans le domaine culturel, il n'y avait pas de fondations à ce moment-là. Nous étions, sinon la première, du moins l'une des premières fondations à venir assurer une certaine sécurité à un groupe culturel.

Nos objectifs étaient très précis; ils sont encore les mêmes, d'ailleurs. Nous les amplifions en cours de route, au fur et à mesure que nos moyens nous le permettent. D'abord, subventionner les producteurs d'opéra; non seulement l'Opéra de Québec - c'est notre intervenant majeur, bien sûr - mais les jeunes qui font des spectacles d'opéra comme l'Atelier d'opéra de l'Université Laval, le Conservatoire de musique de Québec et d'autres troupes, aussi, qui font des productions d'opéra. Alors, donc, c'est notre premier objectif et je pense qu'on l'a assumé pleinement puisqu'on a redistribué - on ne le fabrique pas, l'argent, on le redistribue - au-delà de 600 000 $ aux producteurs d'opéra.

Notre deuxième volet, c'est l'aide aux jeunes talents, la relève du Québec. Ça, nous en sommes très fiers parce que la Fondation de l'Opéra a contribué à faire connaître, à encourager, à lancer dans la carrière des jeunes de talent - je pourrais vous en nommer ici, vous en connaissez - par des moyens comme la bourse, le prix Raoul-Jobin que l'on accorde à l'élève à la suite d'un concours. Il y a déjà huit lauréats et lauréates de diplômés. C'est un prix de 4000 $, c'est quand même important. Il y a aussi la formule des récitals d'opéra, ce qui nous permet de donner non seulement des cachets, mais aussi des bourses aux jeunes talents de la relève. (12 heures)

Je pense que c'est intéressant de mentionner ici qu'on a soumis au président de l'Assemblée nationale, M. Saintonge, le projet de venir faire ce genre de récital ici, dans le salon rouge - à condition d'enlever les pupitres - en novembre, pour faire connaître aux parlementaires les talents d'ici, les jeunes qui ont énormément de talent. Alors, ce serait un récital de grands airs d'opéra et M. Bélanger, notre directeur artistique, participerait. On pourrait faire remettre des bourses par le premier ministre, les ministres, le chef de l'Opposition et les représentants parlementaires, ici. Alors, c'est un de nos projets.

Troisièmement, c'est le fonds de sécurité qu'on accumule. La Fondation est là pour accumuler un fonds. J'entendais ce matin l'importance qu'on attache, tous les groupes qui viennent ici, je pense, à l'aspect financier. C'est sûr que l'Opéra de Québec, sachant que la Fondation est là avec un fonds important, qu'on veut rendre aussi plus important avec les années, se sent beaucoup plus en sécurité. S'il arrivait des mauvais coups, s'il arrivait des situations ou une production où le public ne répond pas, je pense que la Fondation, avec son fonds de sécurité, peut rassurer tout le monde, artistes, artisans et tous ceux qui oeuvrent dans le milieu de l'opéra. Alors, ce sont, M. le Président, les trois objec-

tifs de la Fondation de l'Opéra qui va souligner l'an prochain son dixième anniversaire. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Cloutier. Maintenant, nous allons entamer la discussion. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Bienvenue, M. Audet, M. Cloutier, M. Lamontagne, Mme St-Onge. Deux choses d'abord. L'Opéra de Québec, on le sait, fait partie intégrante de la vie culturelle des gens de Québec. À l'Opéra de Québec et à l'Opéra de Montréal, on s'aperçoit maintenant de l'engouement des gens pour cette forme d'art qui relie tout, autant art dramatique que musique et voix. J'aimerais quand même vous poser deux questions: une question au niveau de l'organisme même, et j'aimerais aussi qu'on ait, un peu au niveau de Québec comme capitale à peu près le même genre de discussion que nous avons eue avec les gens de l'Orchestre symphonique ce matin.

Vous parlez de l'appui des pouvoirs publics. Vous voudriez, par la quantité et l'ampleur de vos productions, participer au développement du goût du public de Québec pour l'art lyrique. Quelles sont les responsabilités que votre organisme voudrait assumer pour favoriser le développement de nouveaux publics et, si on peut parler d'un certain pourcentage budgétaire, quel pourcentage budgétaire y attribueriez-vous? Parce qu'il y avait des recommandations... Vous savez, il y a un an, quand le rapport Coupet est sorti, on disait: On a développé, on a créé l'offre; maintenant, il faut travailler sur la demande. Finalement, il faut travailler sur les publics, aller les chercher, les développer. Alors, comment voyez-vous ça, le développement de nouveaux publics à partir de ce que vous avez vécu du début et de ce qu'il reste à faire?

M. Audet (Paul-A. ): Voici, madame, nous avons mis sur pied un comité de développement qui est présidé par un de nos administrateurs, qui a déjà, avec l'aide d'une entreprise de communication, fait des premières constatations pour cibler le marché actuel et également celui que nous pourrions espérer intéresser à l'art lyrique, à l'opéra. Un des moyens qui est présentement en cours, c'est d'organiser des choses qui sont moins lourdes, comme par exemple le récital d'airs d'opéra qui a été mis sur pied. Nous l'avons réalisé à l'église Saint-Roch l'été dernier, dans le cadre du Festival d'été. Ça a été couronné d'un très grand succès. Notre directeur artistique a survécu à cette expérience épouvantable dans une chaleur torride à l'intérieur de l'église, mais nous avons, là, touché un auditoire nouveau. Les récitals d'hiver, également organisés par la Fondation, font partie de cette tentative. Nous sommes encouragés présentement par Du Maurier à essayer de trouver une méthode quelconque pour, justement, répondre à votre demande, pour élargir le public. Et notre espoir de réaliser une opérette, qui, je pense, s'adresse non seulement à un public d'opéra, mais à un public beaucoup plus large, fait partie de cette tentative-là.

Le Grand Théâtre de Québec a déjà en main une étude importante que nous ne voulons pas doubler - c'est pour ça que nous allons dans une autre direction, pour essayer d'accommoder tout ça ensemble - qui indique que l'opéra a encore beaucoup de défrichage à faire chez les jeunes, par exemple. Alors, l'opérette - c'est un genre plus léger et ces jeunes-là sont plus portés vers ce genre de musique - est peut-être quelque chose qui répondrait à cette attente.

Je ne sais pas si Guy aurait... Comme directeur artistique, il connaît la musique beaucoup mieux que moi. Peut-être qu'il aurait quelque chose à ajouter. Guy.

M. Bélanger (Guy): Oui, bien sûr. Alors, au niveau du développement culturel, il est évident que l'approche que nos deux grands orchestres symphoniques ont choisie, c'est-à-dire celle de présenter des matinées symphoniques, avec de larges explications sur les instruments, les formes musicales, le travail strictement musical, permet, comme on a dit tout à l'heure, à 6000 ou 7000, je ne sais pas combien, ou 8000 personnes de jouer, par exemple, de la flûte accompagnées du grand orchestre, sur un travail de préparation. Donc, ça touche l'éducation, c'est clair. On ne peut pas séparer culture et art de l'éducation, à mon avis, c'est très simple. Mais, c'est peut-être plus facile.

Par contre, en ce qui nous concerne, je pense qu'il serait souhaitable qu'on puisse arriver un jour, par exemple... Bon, voici, nous donnerons en octobre prochain "La Flûte enchantée. " Eh bien, qu'il y ait une distribution formée, par exemple, d'étudiants du conservatoire, peut-être avec un jeune metteur en scène, l'orchestre même du conservatoire, qui fasse une présentation pour les jeunes aussi. Qu'on ait des matinées d'opéra.

Évidemment, comme M. Audet l'a spécifié, le spectacle qui s'appelle opéra, l'événement de monter un opéra ne peut pas se faire au coin d'une rue. Il faut un théâtre. Il faut une infrastructure culturelle qui est dispendieuse, qui est lourde, des machinistes, tout l'équipement. C'est un spectacle large, il est donc coûteux. Et, dans le cadre d'une production pour des matinées, c'est compliqué parce que, comme vous le savez, nous ne sommes pas propriétaires du théâtre. Le théâtre est là comme équipement culturel. Je me réfère ici au principe européen où, eh bien, ce sont les maisons d'opéra qui sont propriétaires du théâtre. On peut affecter le temps du théâtre comme on veut. Mais, ici, on ne peut pas. Vous avez la variété qui se donne, vous avez toutes sortes d'activités rattachées au théâtre. Alors, le

temps d'emploi est très dispendieux et fort restreint. C'est un peu compliqué de le faire.

Et faire, par exemple, de l'opéra de chambre avec des petites troupes, il y a des avantages; il y a aussi des inconvénients. C'est que ça ne donne pas l'ampleur tout le temps de ce qu'est l'opéra. Il y a des moyens d'y arriver, mais ça impliquerait des sources financières et, là, il faudrait adjoindre l'Éducation parce que la culture n'est pas seulement, à mon avis, du ressort du ministère des Affaires culturelles. L'Éducation devrait... À mon avis, on néglige ce rôle du ministère de l'Éducation et de l'éducation dans son ensemble. Il faudrait qu'il y ait un partenariat, à mon avis, une volonté. Enfin, dans le genre de démonstration que nous pouvons faire, il faut que l'Éducation soit comprise.

Alors, disons que ce n'est pas inclus dans notre "rapport" en tant que tel, parce que nous n'avons pas actuellement le financement. Pour répondre, Mme la ministre, à votre question: Qu'est-ce que nous pourrions faire pour aller plus loin? compte tenu des sommes dont nous disposons, il faudrait avoir une assiette budgétaire supplémentaire pour structurer, justement, cette façon d'aller plus loin dans l'approche avec les jeunes, dans l'approche avec l'éducation, donc avec l'enseignement aussi aux jeunes. Et ça, ça ouvre une porte, en même temps, sur un autre problème qui est celui de l'éducation musicale. Et je crois que ce n'est pas dans le sens de l'étude de cette commission.

M. Audet (Paul-A.): Si vous me permettez, Mme la ministre et M. le Président, j'ajouterais simplement ceci. C'est que, dans cet effort pour élargir l'auditoire et participer à l'éducation, l'Opéra de Québec a été très heureux de fournir gratuitement aux étudiants de Laval, le printemps dernier, les surtitres pour l'opéra qu'ils ont monté, qui était "La Flûte enchantée". Nous le présentons à la fin du mois, on vous invite cordialement. Mais nous avons fourni aux étudiants les surtitres, ce qui est une autre manière, encore, d'intéresser davantage à cet art parce que, quand on comprend ce qui se fait, ce qui se passe devant soi, on est plus intéressés.

M. Bélanger (Guy): Oui, voilà. Et peut-être une dernière chose, c'est qu'on essaie actuellement... Le facteur prix, on en a parlé, on parle du prix des billets, de la condition économique, de la récession. Pour certaines représentations qui sont bien définies, nous offrons des billets à prix réduit pour les étudiants qui le veulent bien; c'est presque le quart du prix. Quand on sait que, quelquefois, même des étudiants sont prêts à payer des sommes assez fabuleuses pour aller voir certains spectacles autres que les nôtres! Oui, eh bien, je pense que ça fait partie de nos efforts. Je pense que ça peut aider à répondre à votre question dans le sens de ce que nous pouvons faire actuellement avec les ressources dont nous disposons. Je pense que ça permet, en tout cas, à ceux qui le veulent, bien sûr... On ne peut pas forcer les gens à aimer l'opéra, mais on peut leur montrer ce que c'est. C'est un goût, c'est une culture, c'est une sensibilité. C'est ça qu'il faut développer, d'où la qualité de vie.

Mme Frulla-Hébert: Vous parlez de laisser les prix à un quart du billet, bon. Effectivement, il y a un lien à établir avec tout le système d'éducation, on le sait, ça a été dit et je suis certaine que ça va continuer à être mentionné. On a reçu la Fédération des cégeps. On va recevoir d'autres universités, etc. Mais, avec le fait de laisser le prix à un quart du billet, par exemple, est-ce qu'il y a une possibilité ou une ouverture au niveau des différents collèges, cégeps, commissions scolaires, pour qu'eux s'organisent, dans le cadre d'un programme, que ce soit un programme même pas d'enseignement musical, mais d'enseignement d'histoire, d'enseignement du français, pour dire: Bon, bien, partait, ce sera une de nos soirées, une de nos sorties. Dans un sens, bon, les billets sont moins chers; c'est sûr que l'étudiant va défrayer le billet, mais le billet est beaucoup moins cher et peut-être que le réseau peut payer le transport. Est-ce que c'est possible? Est-ce que ça se fait ou si on nous dit que c'est impossible dans le cadre de l'enseignement?

M. Bélanger (Guy): Je peux vous dire que, très curieusement, ça rejoint, encore là, la dimension des régions. J'ai trouvé, d'ailleurs, très intéressant d'assister au débat que nous avons eu l'occasion d'entendre tout à l'heure au niveau des régions. Je vous citerai simplement un exemple qui vient un petit peu ponctuer cet élément. Il y a une école, dans la région de Trois-Rivières - je ne la citerai pas pour ne pas gêner, mais on devrait peut-être le faire puisque c'est une initiative extraordinaire - où il y a un professeur - et ce n'est pas un professeur de musique, c'est un professeur titulaire de toutes les matières - qui, lui, a monté, et pendant plusieurs années, toujours avec ses élèves dans le cadre probablement des arts plastiques autant que de la musique puisque l'opéra touche tous les arts... Opéra vient du latin opus, operis qui veut dire oeuvre; ça veut dire synthèse de tous les arts connus et même, maintenant, on ajoute le septième art, comme vous le savez. C'est une synthèse d'histoire; la littérature, la musique, les arts plastiques, le visuel, la danse, tout y est, jusqu'au cinéma. Alors, c'est très riche comme tissu culturel. Donc, ce professeur, avec ses élèves du primaire - et, selon moi, c'est au primaire que la semence doit être lancée; au secondaire, c'est trop tard, c'est au primaire qu'il faut travailler parce que, là, il n'y a pas les frontières, les oeillères que l'on connaît - dans le déroulement de son année, a bien préparé les élèves à

l'écoute. Entre autres, ça a commencé avec l'année "Carmen". Bon, ça a permis de parler un petit peu de géographie, de l'Espagne, de parier de tous les aspects. Il y a l'histoire. Il a parlé de tout. Bon. Il y a une scène qui se passe, évidemment, avec le toréador. Alors, qu'est-ce qu'un toréador? Qu'est-ce que c'est, cette histoire-là? Il greffait très subtilement au phénomène de l'opéra une foule d'autres aspects culturels, et ça s'est terminé avec des auditions, bien sûr.

Ces élèves sont venus en autobus de Trois-Rivières. Tout le monde a payé les billets. C'était en accord avec les parents. Ils sont venus assister à la représentation et, à la suite de la représentation, on leur a permis d'exprimer, au moyen de dessins ou de textes, ce qu'on voulait dire, comment on avait perçu la chose. Et ils nous ont envoyé des lettres que les enfants avaient écrites, des textes à la suite de ça. C'était très émouvant de voir comment ces enfants-là avaient été très loin dans la compréhension et dans l'acceptation de l'opéra, jusqu'au plus profond d'eux-mêmes, comment ils avaient été émus par la chose parce que, là, on les avait cultivés - je prends le terme; je ferai une parenthèse tout à l'heure face au rapport parce qu'il y a des choses que j'aimerais dire - on les avait préparés, on les avait amenés à ça. Ils sont arrivés et le spectacle a été comme une récompense, comme une apothéose, et je suis certain que, pour ces jeunes, le mot "opéra" ne sera jamais négatif. On peut aimer ou ne pas aimer, mais sans avoir vraiment senti le langage de l'opéra. Ces gens-là ont quelque chose de plus que les autres, vous voyez?

Mme Frulla-Hébert: Vous parlez de Trois-Rivières. Quand on est passionné, on en parle. Est-ce qu'à Québec - Québec, c'est à côté - il y a eu les mêmes ouvertures et les mêmes efforts des différents réseaux scolaires de Québec ou de Sainte-Foy, des régions environnantes? (12 h 15)

M. Audet (Paul-A.): Il y a quelques écoles qui le font, mais je voudrais dire que, malheureusement, ce sont toujours les mêmes. Il y a trois ou quatre écoles. Il y en a une de Lévis. Je ne suis pas en mesure de vous donner les noms, malheureusement, mais il y en a une de la Rive-Sud, de Lévis, et trois ou quatre de Québec, mais ce sont toujours les mêmes. Ça dépend probablement de l'intérêt des professeurs de ces classes-là.

Une voix: De la motivation.

Mme Frulla-Hébert: C'est ça. Le problème, c'est que tout dépend aussi de l'intérêt des individus enseignant ou encore c'est qu'il n'y a pas de programmes qui sont spécifiques à l'appréciation de l'art. On les force à apprendre la musique; on les force à apprendre les arts plastiques, mais ce n'est pas ça. Il n'y a rien, il n'y a pas de cours ou de programme au niveau de l'appréciation, tout simplement, puisque l'art doit se vivre.

Autre chose aussi, avant de terminer. L'implication des diverses municipalités, l'implication de la ville, par exemple. Vous parlez de nouveaux projets. Nous, on s'est embarqués dans un nouveau projet; la ville a dit: On s'embarque. Bon. Est-ce qu'il y a aussi une réceptivité au niveau de cette forme d'art, j'imagine, au niveau de la ville et au niveau des diverses municipalités environnantes?

M. Audet (Paul-A.): La ville de Québec, présentement, est dans d'excellentes dispositions, de même que la Communauté urbaine qui, elle, souscrit à la Fondation.

M. Cloutier: Oui. On a présenté un dossier il y a quelques années à la Communauté urbaine pour sensibiliser davantage les villes qui étaient un petit peu plus réticentes. Elles n'ont pas toutes le même désir d'implication. Mais on a réussi et, chaque année maintenant, la Communauté urbaine de Québec s'implique dans l'opéra. Pour revenir un petit peu sur ce qui s'est dit cet avant-midi, c'était intéressant du point de vue des municipalités, mais au niveau régional, moi, j'ai vécu des expériences où c'était important d'agir au niveau de la MRC de la région parce que, on a tous les interlocuteurs. Ils ont des dossiers en commun. Alors, la Communauté urbaine de Québec, les MRC, c'est intéressant et c'est bénéfique de les sensibiliser en groupe parce qu'on n'a pas à répéter vis-à-vis de chacune de ces municipalités tout l'effort de persuasion.

Il y a, dans les municipalités et dans les MRC, des leaders et il faut les rencontrer et les convaincre. Moi, je vais vous donner l'expérience, disons, que j'ai vécue sur la Côte-du-Sud aussi. Des villes comme Montmagny, comme L'Islet, comme La Pocatière ont beaucoup d'influence au sein de leur MRC. Alors, il faut les voir personnellement, si vous voulez, pour les convaincre de l'importance du dossier qu'on va soumettre, après ça, à l'ensemble. Mais le travail, c'est eux autres qui le font et c'est eux autres qui le continuent au sein du groupe. Alors, notre intervention de persuasion doit se faire à deux niveaux; il s'agit, pour nous, de repérer qui sont les leaders au niveau régional, de leur faire une présentation, de les convaincre et, après ça, je pense que ça a un effet d'entraînement et de multiplication.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Cloutier. Cela met fin à votre intervention. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.

M. Boulerice: Mme la ministre, M. le Pré-

sident, Mme St-Onge, M. Bélanger, vous connaissez l'intérêt que le chef de ma formation politique porte à l'opéra, alors, je vais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: ...à la fois me faire plaisir et, je vais vous l'avouer, me positionner. Mon questionnement va un peu sortir de l'orthodoxie du questionnement qu'on a habituellement depuis le début de notre commission. En premier, je vais faire une brève observation. Vous avez fait état d'un projet dont vous avez discuté avec le président Saintonge. À titre de membre du Bureau de l'Assemblée nationale, je ne pense pas dévoiler de secret en vous disant qu'on était vraiment très enthousiastes et très heureux à l'idée que l'Assemblée nationale, qui est une salle des fêtes, en définitive, tellement elle est belle, puisse servir à des manifestations culturelles et non pas uniquement politiques comme telles. Je pense que l'Assemblée nationale doit être le centre de toute la vie sous tous ses aspects au niveau du Québec. Donc, pour vous dire que la seule chose que nous espérons maintenant, c'est la concrétisation le plus rapidement possible de ce projet enthousiasmant qu'on nous a présenté.

La deuxième chose, et c'est là où je voulais en venir quand je vous ai parlé de sortir de l'orthodoxie du questionnement habituel, je lisais qu'à la page 3 vous dites: "À remarquer que la ville de Québec n'est pas, à proprement parler, une ville d'affaires et que, partant, il est impossible de compter sur l'appui financier d'un nombre important de grandes entreprises. Le mécénat en est surtout un d'individus et de petites et moyennes entreprises. La base de l'Opéra de Québec est avant tout populaire - ce qui est extraordinaire - d'où, peut-être - et là, je pense que vous aviez raison d'insister - besoin encore plus grand d'un apport des pouvoirs publics."

C'est la première fois que je vais avoir, probablement, l'occasion d'en discuter avec quelqu'un et devant témoins en plus, ce qui est intéressant. On a donné à cette ville le statut de capitale. Certains ambitionnent qu'elle soit une capitale nationale. Il n'en demeure pas moins qu'elle est quand même une capitale. Elle est la "vieille capitale", comme on l'appelle très affectueusement, et cette capitale a des institutions culturelles qui sont prestigieuses: un orchestre symphonique, l'Opéra, etc. Êtes-vous capables de m'expliquer d'où vient cette espèce d'incapacité chronique - et j'insiste sur les mots "incapacité chronique" - de l'État québécois à se servir de ses grandes institutions culturelles dans sa capitale? En exemple, on a reçu je ne sais pas combien de conférences prestigieuses: le Sommet de la francophonie; nous avons déjà reçu l'assemblée générale des parlementaires de langue française, ça regroupe 42 ou 47 pays; nous recevons régulièrement des chefs d'État: de mémoire, le président Mitterrand, le président Reagan, la reine Béatrice de Hollande. Et, quand vous êtes chef d'État, chef de gouvernement, monarque, si vous allez en Hollande, vous allez passer obligatoirement par le Concertgebouw. Si vous allez à Londres, vous allez être au Royal Albert Hall. Si vous allez en Union soviétique, vous passerez obligatoirement par le Bolchoï, mais jamais, chez nous, enfin, à ma connaissance - si jamais je me trompe, de grâce, dites-le-moi - on ne s'est servi de nos grandes institutions culturelles et on n'a offert à nos visiteurs quelque chose. Je trouve que c'est petit, misérabiliste, et je pourrais employer je ne sais combien de qualificatifs. Mais c'est un circuit, un trajet obligatoire. Je vous ai nommé deux, trois, quatre pays, mais c'est obligatoire. Pouvez-vous penser à la visite d'un chef d'État en France, quel que soit son pays d'origine, sans qu'on l'amène à l'Opéra Garnier ou qu'on l'amène au nouvel Opéra de la Bastille? Mais, chez nous, on ne se sert absolument pas de ce que nous possédons de riche dans notre capitale. Ça vient d'où? On n'a pas cette culture? Mais, si on ne l'a pas, qu'est-ce que ça prend pour nous la donner? Moi, je trouve ça lamentable.

M. Audet (Paul-A.): M. Boulerice, je pense que, pour répondre à une question semblable, personne ne pourrait être plus qualifié qu'un ancien ministre. Jean-Paul?

M. Cloutier: D'abord, c'est très intéressant, ce que vous soulevez en ce moment, cette jonction entre le politique et le culturel, si vous voulez, à l'occasion des grandes visites que l'on reçoit ici, à Québec, et ça ne va pas en diminuant, ça peut aller en augmentant. Je voudrais vous mentionner qu'on a fait une expérience, nous, de la Fondation de l'Opéra. Durant le Sommet de la francophonie, ici à Québec, on a présenté au Grand Théâtre un récital d'opéra d'envergure, avec tous les lauréats et les lauréates du prix Raoul-Jobin, le choeur de l'Opéra et l'Orchestre symphonique.

Le seul point où on n'a pas réussi, je pense, c'est a déplacer des délégations qui étaient ici, à Québec, à cette occasion, pour les amener au Grand Théâtre. Évidemment, il y avait probablement des problèmes de sécurité, qu'on nous a dit, mais je pense qu'à ce moment-là notre difficulté - et je le sais, j'ai beaucoup participé, j'ai été un des instigateurs de cet événement: l'organisation de cet événement culturel a été donnée, si ma mémoire est bonne, à des gens de l'extérieur du gouvernement, qui, je pense, n'y ont pas vu toute l'importance que, nous, on y attachait. Parce qu'on aurait été fiers de faire connaître à ces délégations de tous les pays francophones la qualité de l'Orchestre symphonique ici, à Québec, la qualité du choeur de l'Opéra, et ça, je pense qu'on n'a pas besoin de faire une longue démonstration. Tous les

artistes étrangers qui viennent ici, qui viennent de l'Europe, qui viennent des États-Unis, qui viennent jouer un rôle à l'Opéra, un rôle majeur, sont surpris de la qualité du choeur de l'Opéra de Québec.

Et nos jeunes artistes, les jeunes solistes de l'Opéra, on n'a pas besoin d'en parler longuement, je pense que le talent est là. Mais cette expérience-là pourrait se répéter beaucoup plus et je suis très heureux que... Je pense que la ministre serait prête, de ce côté-là, à collaborer. Et, nous, notre collaboration est acquise pour essayer de voir de quelle façon ça pourrait se concrétiser. Évidemment, il y a deux opéras par année; il y a huit soirs. Ce n'est pas facile, là, de combiner la visite des chefs d'État, comme un pays, une maison d'opéra qui fonctionne continuellement comme le Met, si on veut. Mais, toutes proportions gardées, je pense qu'il y aurait lieu de faire beaucoup plus sous cet aspect et, nous, on serait fiers de collaborer à cette jonction du culturel et du politique.

M. Boulerice: Que mon collègue, le député de LaFontaine, me corrige si je me trompe, le service DVO, des visites officielles, en France, relève forcément du Quai d'Orsay, mais il y a obligatoirement un représentant du ministère de la Culture. Et on doit absolument s'assurer que, lorsque M. le ministre Cloutier arrive en France, eh bien, il y ait un contenu culturel à sa visite. Et je l'ai vécu dans les missions, moi, où on voit vraiment cette insistance de la part des Européens à nous montrer ce qu'ils ont. Je suis bien d'accord avec vous que, forcément, on ne peut pas agencer une visite officielle en fonction d'un calendrier de productions, mais, comme on dit en bon québécois, selon l'expression populaire, il y a toujours moyen de moyenner. Donc, ces choses-là devraient être faites.

Je crois que M. Bélanger brûle de rajouter, mais je pense que, dans le temps, il me restera suffisamment d'espace pour ma deuxième question.

M. Bélanger (Guy): Bien oui. C'est parce qu'il y a quelque chose que je veux ajouter, qui touche le rapport, mais pour un petit peu compléter ça, je fais une parenthèse, quand même, sur l'à-propos de la culture face à la diplomatie, par exemple, des pays d'Europe. Il ne faut pas oublier qu'on est un peuple européen de source et de racines. Avant 350, 400 ans, notre histoire, c'était l'histoire de la France, de l'Italie, dépendant de nos origines. Nous sommes un peuple européen. Je pense que, comme peuple québécois, il faudra qu'on redéfinisse certaines choses en partant de nos sources, de nos racines, pour savoir où on va maintenant. Et je veux compléter le sens de mon intervention comme ceci. Bon, on nous demande une réflexion, donc, sur le rapport de M. Roland Arpin qui a fait un travail formidable et, justement, c'en est un qui a été dans sa vie très préoccupé par l'éducation puisqu'il a été lui-même mêlé à des maisons d'enseignement majeures, sa formation de sous-ministre des Affaires culturelles l'a démontré, et maintenant par le Musée. Donc, il cumule un peu tout ça, son goût et sa nature.

J'aurais aimé, dans le cadre d'un rapport comme celui-là, qu'on essaie de définir, en partant... Peut-être que d'autres vous l'ont dit; malheureusement, je n'ai pas pu suivre tous les débats parce que ce matin, je me suis sauvé des répétitions de "La Flûte enchantée" pour venir ici. Je devrais être en train de répéter, mais, enfin, on a fait une parenthèse. J'aurais aimé, et peut-être que ça peut s'ajouter aux trois... Vous savez, au tout début, quand on dit: "La culture est un bien essentiel et la dimension culturelle est nécessaire à la vie en société, au même titre que les dimensions sociale et économique" il y a là un principe. "Le droit à la vie culturelle fait partie des droits de la personne et c'est pourquoi l'activité culturelle doit être accessible à l'ensemble des citoyens," un deuxième principe majeur. Bon, ce n'est pas nécessaire que je les cite tous.

Mais, avant de citer les principes, je crois qu'il aurait peut-être fallu - et ça pourra s'ajouter si vous en décidez ainsi - essayer de définir ces trois mots: politique, culture et art, dans le sens de la construction que nous avons ici. Et je réfléchissais à ça parce qu'il y a des réponses qui vont sortir de ça. Politique, dans son emploi ici, ce n'est pas le sens premier. C'est déjà un sens figuré. Ça vient du grec "polis" qui veut dire ville et, au début, ça voulait dire administration d'une ville. Alors, ici, on parle de politique; il y a un sens d'administration, mais ce n'est pas rattaché à la ville. Ça peut être rattaché aux citoyens, par extension, à une communauté plus qu'à une ville. On a un deuxième mot qui est ambigu: culture. Ça vient de cultura, en latin, qui veut dire agriculture. Il y a un lien, donc, avec culture; ça veut dire qu'il y a des choses qu'il faut connaître. Avant de cultiver il faut savoir que la plante va pousser, il faut savoir quelle plante va naître. La culture a un sens de culte aussi. Il y a un lien qui peut se faire, mais à la connaissance. Et le troisième mot, art, lui aussi, a un sens un peu ambigu. Art veut dire façon de faire.

Alors, on parle de la culture québécoise; moi, je pense qu'on devrait parler de la culture du Québécois. Et, pour parler de ça, eh bien, politique dans le sens d'administration; culture dans le sens de connaissance, donc éducation; art dans le sens de façon de faire. Alors, tout ça regroupe le passé, nos sources, nos origines. Le présent, c'est ce que nous allons essayer de faire et la création, c'est le futur, c'est l'avenir. C'est ce que l'on fera, compte tenu de ce que nous aurons gardé. Vous savez, plus simplement, la culture qu'est-ce que c'est? C'est ce à quoi on tient, une fois qu'on a fait l'élagage de nos

explorations dans le passé et de nos sens.

Alors, l'opéra, et je termine là-dessus, c'est pour ça que, moi, j'y ai consacré ma vie, je me dis: C'est un art de culture et c'est un art qui nous attache à nos sources qui sont les sources européennes; donc, art de vivre, donc, façon d'être, façon de penser, raffinement. Quand on reçoit nos diplomates, bien sûr que j'aimerais qu'on en soit fiers. M. Cloutier l'a évoqué, au fameux Sommet de la francophonie en 1987, on était fiers d'être québécois, d'avoir ces jeunes artistes. Où on est moins fiers, et je terminerai là-dessus, c'est quand on fait des cérémonies pour la fête nationale, mais, très curieusement, l'OSM n'y est pas, l'OSQ non plus, l'Opéra de Montréal non plus, comme si ce monde culturel ne faisait pas partie de la vie québécoise. Et c'est ce qui m'attriste le plus, parce que je travaille beaucoup avec les jeunes qui sont talentueux et je comprends mal qu'on soit toujours comme un ballon à part. Non, le Québécois aime chanter, le Québécois aime la voix. Il faut démystifier les choses, et c'est ce pourquoi on produit et c'est ce que l'on veut faire: développer cette qualité de vie à Québec.

Alors, les moyens, écoutez, on a les moyens que l'on décide. On a la société que l'on veut, on a la population que l'on veut, qu'on mérite. Ça, ce sera à définir. Mais je crois que le but, ici, de cette réflexion - et, je le dis, ça me touche beaucoup, évidemment, ça me passionne, tout ça - il faudrait qu'on essaie d'abord de définir les choses plutôt que d'essayer d'aller s'arracher une assiette budgétaire définitivement soit par le Conseil des arts... Le Conseil des arts ne fait pas bien son travail et... C'est vrai qu'il y a des choses qui ne fonctionnent pas, mais je crois que, si on veut aller plus loin autant dans la mécanique administrative, et en cela les liens sont compliqués, que politique - c'est le premier mot de cette étude, politique - il faudra d'abord savoir ce que l'on veut comme individus. Un Québécois, qu'est-ce que c'est? La culture non pas québécoise, mais du Québécois me semblerait un point beaucoup plus important actuellement. Et comment on pourra y arriver? Moi, je suis un producteur d'opéra, mais je sais que l'éducation, c'est ça qui manque. Il y a quelque chose parce que, si on veut aller plus loin... Les gens de l'OSM disaient: Oui, on a des problèmes. Les gens viennent moins aux concerts de l'OSM...

Le Président (M. Gobé): Malheureusement, M. Bélanger, je vais devoir vous arrêter, mais c'est fort intéressant.

M. Bélanger (Guy): C'est mon défaut.

Le Président (M. Gobé): Je pense que vous avez le mérite de soulever un certain nombre de questions qui sont, d'après moi, très intéressantes pour les membres de cette commission. Vous parliez d'histoire, aussi. Il faut savoir d'où on vient. Mais, pour la gouverne de mon collègue, le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, lorsqu'il parle des gouvernements et de leur action dans la diplomatie, sur les artistes, il faut se rappeler que les gouvernants, de tout temps, ont été les protecteurs des artistes. Que ce soit Athènes, les Égyptiens, la Grèce, plus près de nous, Charlemagne à la fin du premier millénaire, François 1er avec la Renaissance, on se rappelle qu'il a fait venir Léonard de Vinci, dans ce temps-là, et combien d'autres, Louis XIV, enfin. Alors, c'est une tradition européenne, en effet, culturelle, qui est non pas de voir les arts comme une business, mais comme quelque chose qui sort de l'esprit, qui enrichit l'homme et l'humanité, et ils se sentaient obligés d'en être les protecteurs, à ce moment-là. M. le député de Sainte-Marie, sans vouloir prendre votre temps encore plus, je vous laisserai conclure.

M. Boulerice: Je dois conclure, mais ce que vient de nous lancer comme message le président est qu'il faut retrouver nos racines, c'est important. J'aurais voulu vous interroger sur les effets désastreux de la taxe de 27,5 % qui vous frappera à partir...

M. Bélanger (Guy): II est trop tard.

M. Boulerice: Oui, mais le drame, c'est que j'ai peur qu'il soit trop tard pour l'opéra, la journée où ça tombera. Mais je ne vous reprocherai pas, M. Bélanger, d'avoir eu beaucoup de sensibilité, beaucoup de passion. Si on n'en a pas, on n'a rien à faire dans le domaine de la culture. Je vous saluerai en vous rappelant cette phrase de Nietzsche qui disait, à propos de la musique: "Sans elle, la vie serait une erreur". Donc, donnons-nous comme prochain rendez-vous, au plus tard "La Flûte enchantée" et sans doute une autre discussion avant "La Flûte enchantée". Merci de votre présence, M. le ministre, M. le président, Mme St-Onge, M. Bélanger, au plaisir de vous revoir très bientôt.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, le mot de remerciement, s'il vous plaît.

Mme Frulla-Hébert: Oui. Merci à vous tous. D'abord, deux points. Le premier, j'aurais voulu le faire tantôt, sur place: avant de dire que, quand les dignitaires viennent, la culture n'y est pas, je veux vous informer, entre autres, que demain la reine du Danemark vient. Je l'accompagne. Nous allons au Musée de la civilisation, au Musée du Québec, pour terminer évidemment demain soir puisqu'elle doit quitter très tôt samedi matin. Le président de la Hongrie vient samedi prochain et nous serons à la Place des Arts...

M. Boulerice: il ne peut pas être le prési-

dent de la Hongrie.

Mme Frulla-Hébert: ...au ballet. M. Val My Féaux, de la Belgique vient et nous l'avons invité - on va voir si c'est possible - à venir tout simplement nous jaser en commission parlementaire. Donc, dire que la culture est absente au niveau des grandes rencontres diplomatiques, je pense que les temps changent et ce n'est pas tout à fait le cas.

Maintenant, un défi à vous tous, ainsi qu'à M. le ministre, le projet dont vous avez parlé et que vous concoctez avec M. Saintonge m'intéresse fortement, alors je vous offre toute ma collaboration. Et je pense que ce serait une excellente idée, soit en novembre ou en décembre pendant la session intensive, ça calmerait les esprits. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, Mme la ministre. M. Audet, M. Cloutier, madame, M. Bélanger, ça nous a fait plaisir de vous recevoir à cette commission. On a dépassé un peu le temps, mais c'était fort intéressant. On l'a pris sur l'heure de notre lunch et ça nous a fait plaisir. Alors, je vous remercie et je suspends les travaux de cette commission jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 39)

(Reprise à 14 h 10)

Le Président (M. Ooyon): La commission de la culture reprend donc ses travaux. Nous allons continuer le mandat qui nous a été donné par l'Assemblée. Et, pour commencer, nous allons entendre le Centre canadien d'architecture. Je demanderais à Mme Phyllis Lambert de bien vouloir s'avancer. Bonjour! Veuillez prendre place en avant. Nous allons procéder comme nous l'avons fait jusqu'à maintenant: il y a trois quarts d'heure qui sont prévus pour la rencontre que nous avons avec vous; un quart d'heure étant consacré à la présentation de votre mémoire ou à un résumé que vous voudrez bien faire; ensuite, la conversation s'engage avec les membres de la commission pour le temps qui reste. Si vous voulez bien vous présenter maintenant, Mme Lambert, ainsi que les gens qui vous accompagnent, pour les fins du Journal des débats, vous avez dès maintenant la parole.

Centre canadien d'architecture

Mme Lambert (Phyllis): Merci beaucoup et bonjour. Merci de m'avoir invitée à prendre la parole devant la commission. Je prends la parole pour le Centre canadien d'architecture. Et je veux présenter mes deux compagnons: Mme Wendy Reid, qui est tout à fait à droite, qui est le directeur adjoint responsable des affaires publiques dans les programmes éducatif et culturel au centre, et M. Yves Savoie, qui est chef des services de financement.

Ma présentation devant cette commission portera sur quelques idées maîtresses de notre mémoire et sur l'architecture qui est une composante majeure de notre culture, sujet sur lequel nous n'avons pas encore élaboré et dont je parlerai aujourd'hui devant la commission. Je vais procéder par certains titres.

Le premier, c'est le MAC, puissant, mais non centralisateur. Tout d'abord, nous voulons affirmer que nous sommes d'accord avec le rapport Arpin, selon lequel le Québec a besoin d'un ministère des Affaires culturelles puissant. Cependant, nous ne croyons pas que la centralisation des pouvoirs, comme le préconise le rapport Arpin, soit bénéfique, tout au contraire. Le MAC devrait avoir toute latitude pour assurer l'application de politiques adéquates et avoir accès à suffisamment de ressources pour soutenir la création artistique.

Il importe, en effet, de se préoccuper d'abord des artistes et de leurs créations, et non des fonctionnaires. Nous devons appuyer les artistes là où ils sont, dans leur milieu. La dynamique vient d'eux et non des structures administratives, surtout si celles-ci sont imprégnées de dirigisme. Les choix centralisateurs du groupe-conseil vont à rencontre d'un développement viable et dynamique de la culture québécoise et nuisent à l'épanouissement des créateurs. D'abord, ces choix étouffent la culture et, fait plus regrettable encore, ils la politisent inévitablement.

Deuxièmement, les régions. Le rapport Arpin s'étend sur la notion des métropoles comme locomotives du développement culturel à partir desquelles les régions s'alimenteraient. À notre avis, cette structure statique et dirigiste ne peut créer un climat propice pour les régions. De plus, elle renie le caractère distinct des régions et ne reconnaît pas leur apport essentiel au développement culturel de Québec. Enfin, de tels choix n'encouragent pas la participation du secteur privé, des municipalités ou d'autres partenaires. Au contraire, le modèle évident est celui d'une écologie de la culture, un modèle qui ne se veut pas unidirectionnel, mais où toutes les institutions s'alignent d'une façon réciproque.

Troisièmement, pour une culture forte partout au Québec. Nous sommes convaincus qu'il est essentiel d'avoir une structure perméable à travers laquelle on pourrait tirer parti d'initiatives privées qui, à leur tour, stimuleraient les forces créatrices et l'identité culturelle dans les régions et dans l'ensemble du Québec. Ainsi, le MAC servirait de catalyseur, puisqu'il appuierait les initiatives venant des milieux artistiques. Le ministère des Affaires culturelles doit donner aux créateurs et créatrices, à leurs institutions et aux promoteurs de projets les outils nécessaires qui leur permettront de constituer un réseau,

d'échanger des idées et des services. Le MAC doit aussi s'assurer que les promoteurs et artistes ont les coudées franches lorsqu'il s'agit de créer, mais, en même temps, il doit se montrer équitable en appuyant les initiatives valables. À titre d'exemple, mentionnons le projet de la Société des musées québécois: grâce à une subvention et à l'appui des spécialistes du Réseau canadien d'information sur le patrimoine, la Société a créé un module afin d'appuyer l'enregistrement des collections très importantes des musées québécois de petite et de moyenne envergure. Voilà un exemple d'une initiative prise par un réseau d'institutions québécoises qui a pu se concrétiser grâce à l'aide du gouvernement.

Quatrièmement, le partenariat. Comme il est dit dans le rapport Coupet et dans notre mémoire, il importe d'élargir fe partenariat, mais beaucoup plus qu'on ne le préconise dans le rapport Arpin. Le partenariat ne doit surtout pas être une porte de sortie pour le MAC. Le partenariat n'élimine en aucune façon l'urgente nécessité pour le ministre de combler les lacunes en matière d'équipement et de budgets de fonctionnement. Après avoir produit tant d'études, nous devons passer à l'action. Faut-il rappeler qu'un grand nombre d'institutions muséales manquent de soutien, que l'accréditation de plusieurs institutions tarde? Le CCA n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Ces institutions et établissements ne peuvent compter sur l'appui au fonctionnement du MAC, faute de critères transparents et de ressources qui permettraient de le faire.

C'est en s'appuyant sur des initiatives privées et locales, et en favorisant le partenariat que le MAC permettra l'épanouissement des forces créatrices et aidera les artistes, leurs institutions et les promoteurs à constituer des réseaux à l'échelle régionale, nationale et internationale. Les relations, les échanges et un dialogue outre-frontières assureront l'essor d'un Québec fort sur les plans culturel et artistique. Cette approche dynamique évitera au Québec de se replier sur lui-même.

Nous avons plusieurs exemples où le Québec a rayonné sur le plan international et de l'enrichissement que cela apportait de part et d'autre. À titre d'exemple, j'aimerais mentionner la participation officielle du Canada à la Cinquième exposition internationale d'architecture de la Biennale de Venise le mois dernier. La présentation de l'exposition du Centre canadien d'architecture à cet événement démontre l'importance capitale d'avoir des échanges entre les artistes, entre les institutions, d'avoir d'excellentes relations avec les divers paliers de gouvernement et les entreprises si nous voulons que les artistes québécois aient la place qu'ils méritent sur la scène mondiale.

Faut-il rappeler l'importance de la continuité et de la rigueur? Des interventions spo-radiques et un saupoudrage des effectifs ne fa- vorisent aucunement la consolidation de ce qui est acquis. Beaucoup de projets entrepris et laissés en plan nous ont fait perdre des acquis trop précieux. Nous devons donc implanter une politique qui assure aux artistes et institutions créatrices de tous les horizons des perspectives d'avenir intéressantes. Prenons, par exemple, la pratique des concours d'architecture, qui s'est développée depuis une dizaine d'années en France et qui a permis à ce pays de conquérir une place internationale en matière de production architecturale de qualité. Il est important de se rendre compte, dans le cadre de cette commission aujourd'hui, que ces concours sont gérés par une supraagence qu'on a nommée la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques.

Cinquièmement, l'art de l'architecture. Le rapport Arpin ne touche qu'en passant à la question de l'architecture et, pourtant, l'architecture est au coeur de notre vie quotidienne puisqu'elle en est le cadre. Tout le monde naît dans un bâtiment, tout le monde vit dans un bâtiment, tout le monde meurt dans un bâtiment. Et, pourtant, nous n'avons pas cette compréhension profonde de l'art de l'architecture. Nous parlons ici de culture architecturale et non de l'architecture comme produit de consommation. La connaissance de l'architecture au sens le plus large du terme est la connaissance de la civilisation; elle exige une grande maîtrise du savoir humaniste.

Au Québec, nous n'avons pas encore une culture de l'architecture. Nous n'avons pas non plus de méthode suivie et rigoureuse pour sauver notre patrimoine et insérer des éléments nouveaux dans nos villes. La ville qui est pour tous les architectes, les autres artistes, les historiens, les philosophes, les scientifiques et tous ceux qui militent pour préserver le patrimoine, le lieu de prise de conscience et d'action.

Au Québec, trop de ce qui a été construit avec tant de fierté a disparu sous le pic des démolisseurs. Malheureusement, la plupart des villes et villages québécois n'ont pu échapper au ravage. Il est triste de voir que le tissu urbain et la structure sociale ont été détruits aveuglément parce que l'incidence de l'architecture et son rôle dans la société demeurent méconnus.

Pour faire connaître la culture architecturale, premièrement, il est indispensable d'insérer l'architecture au programme d'études des niveaux primaire et secondaire. Nos enfants doivent comprendre ce que c'est que d'habiter dans la ville. Ils doivent apprendre le vocabulaire de l'architecture, comprendre ses murs, ses formes, ses décors, ses espaces publics et privés, ses symboles, bref tout ce qui est indispensable à leur bien-être physique et intellectuel. Deuxièmement, nos écoles d'architecture et d'aménagement doivent élargir leurs vues intellectuelles et sociales. Les programmes universitaires de préservation du patrimoine commencent à peine.

On enseigne depuis peu de temps l'histoire et la théorie de l'architecture. La plupart des étudiants sont en effet obligés de compléter leur formation au plus haut niveau à l'étranger. Troisièmement, la connaissance du milieu est tout aussi urgente. Les architectes, comment peuvent-ils bâtir quelque chose de significatif dans leur ville s'ils ne connaissent pas les idées génératrices de la forme urbaine et de son histoire? Même à cela, peuvent-ils vraiment faire quelque chose de valable si les citadins ne disposent d'aucun moyen adéquat pour comprendre leur cadre de vie? La publication de journaux, d'articles dans la presse, de livres sur l'architecture et l'aménagement paysager à travers le monde a augmenté prodigieusement au cours des dernières 10 années. Au Québec, on peut compter sur les doigts de la main les ouvrages critiques et analytiques sur l'architecture écrits à partir de documents originaux.

Quant au public, il doit participer activement au débat sur l'architecture si nous voulons que les architectes jouent honnêtement leur rôle. Au cours des années soixante-dix, période marquée par la destruction massive des villes en Amérique du Nord et partout dans le monde, il y a eu nombre de débats à la radio et à la télévision sur l'architecture. Depuis, l'architecture est rarement la cause de débats dans le milieu électronique. Par exemple, l'un des outils les plus propices à véhiculer les programmes architecturaux, une émission très étudiée pour les enfants, "Robin et Stella", vient d'être retirée de la programmation de Radio-Québec.

Ce dont nous avons besoin, c'est d'une architecture en communion avec le monde plus vaste des idées internationales, mais qui soit également enracinée dans les valeurs de sa propre collectivité. Pour être en contact avec le "village global" de Marshall McLuhan, nous avons besoin de réseaux de communications adéquats. Il faut que l'architecture soit le fruit d'un large consensus et résulte d'un choix éclairé.

Or, il faut assurer l'enseignement de l'architecture à nos enfants, aux universitaires et au grand public. Pour que s'engage un débat multidisciplinaire sur la ville et les valeurs sociales, il faut promouvoir la culture architecturale; il faut que tous participent à la prise de conscience collective et il faut absolument que l'architecture soit une composante de la politique sur la culture et les arts que déposera bientôt le ministère des Affaires culturelles.

Un Québec économiquement fort n'est pas viable sans une compréhension profonde de sa société. Le culte du passé ne signifie pas qu'il faille s'en tenir à la compilation de données historiques. Il doit nous permettre, entre autres, de comprendre l'environnement culturel dans lequel nous vivons. C'est en redécouvrant le passé que nous pourrons jeter les bases de l'avenir. Pour que le Québec soit distinct, il faut que les institutions culturelles arrivent à un consensus pour susciter la créativité. Nous devons donc mettre la priorité sur l'éducation et les arts, ce qui permettra aux artistes québécois de jouer le rôle qui leur revient sur le plan international. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme Lambert. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup. Bienvenue. Je tiens à souligner ici, Mme Lambert, votre très grande implication culturelle. On parle beaucoup de partenaires, on parie beaucoup de mécénat, je pense que vous êtes "la" mécène au Québec et, pour cela, je voulais le souligner publiquement. Vous avez toujours eu à coeur le patrimoine, l'architecture en soi. Mais j'aimerais, avant d'aborder ce domaine de l'architecture - parce que, effectivement, on en a parlé avec l'Ordre des architectes, mais on n'en a pas beaucoup parlé - revenir à un point dans votre présentation.

Vous parlez de l'importance d'échanges au niveau des artistes et des institutions au niveau international pour justement pouvoir en bénéficier et se ressourcer de l'extérieur. Vous avez aussi, au niveau de votre mémoire, parlé du fait que plus il y a de partenaires, plus la culture a des chances de mieux se développer. Ce qui nous amène à penser: Selon vous et selon votre expérience, au niveau des partenaires que nous avons - évidemment, c'est le fédéral, le provincial, le municipal et le privé; au moment où on se parle, ce sont les quatre partenaires - est-ce que le système, tel qu'il se définit présentement, avec des modifications évidemment, fonctionne bien? Ce qui me ramène à mon ouverture, quand vous parlez d'échanges au niveau international. Le système, tel qu'on le connaît maintenant, avec le Québec intervenant, le fédéral intervenant, est-ce que c'est un système qui assure aussi mieux, si on veut, selon vous toujours, les échanges aux niveaux internationaux? La facilité, si on veut...

Mme Lambert: Laissez-moi commencer par dire: Je crois qu'il y a cinq partenaires, il y a les villes aussi.

Mme Frulla-Hébert: Oui, mais c'est ça que j'ai dit, les municipalités. J'ai mentionné le fédéral, le provincial, les municipalités et le privé.

Mme Lambert: Les municipalités. Pardon. Alors, j'ai mal compté.

Mme Frulla-Hébert: D'accord.

Mme Lambert: Je crois que le système qui existe a beaucoup de failles, qu'il pourrait être mille fois mieux. En marge, il pourrait être augmenté évidemment avec des fonds, tout ça,

mais je crois qu'il n'y a pas grand-chose qui, au fond, encourage en ce moment. Il y a quand même une entente qui a été faite avec le Québec et le New Hampshire, aux États-Unis. Il y a aussi l'entente qui vient d'être faite, qui a été faite par Marcel Masse, effectivement, entre le Québec, le Canada, au fond, et la France. Et je crois que votre ministère est en train de faire des ententes avec la France et l'Europe. Ça, c'est très important; il faut avoir des intervenants en Europe. Et puis, je crois que les pays européens ont des programmes tout à fait intéressants, où on fait des tournées des artistes, des effectifs, des gens dans les musées, dans les réseaux en France. Ça, c'est primordial, c'est le face-à-face qui est très important. Il faut connaître ça. Yves, vous voulez ajouter quelque chose? (14 h 30)

M. Savoie (Yves): Je crois, dans le texte de Mme Lambert et du Centre canadien d'architecture, que l'importance qu'elle voit, c'est qu'il y ait plusieurs intervenants: qu'il y ait des intervenants au plan fédéral, qu'il y ait des interventions par le provincial et que, dans l'éventualité d'une refonte, finalement, d'un nouveau Québec, d'un transfert de juridiction ou de l'indépendance, cette dualité-là soit maintenue, que le ministère des Affaires culturelles ne s'approprie pas la seule et unique responsabilité en matière de culture. L'important, aux yeux des représentants du Centre canadien d'architecture, c'est qu'il y ait une pluralité d'interventions, de mécanismes, de politiques et d'appuis financiers.

Mme Lambert: O.K. Je veux ajouter à ça que, si nous refusons de jouer à ce jeu, il faut rétablir un équilibre où on s'assurerait de la diversité, c'est-à-dire qu'il y ait des sources de fonds, des politiques et des interventions, toutes ces choses, pas uniquement de l'argent. L'argent amène, évidemment, un intérêt énorme, mais c'est les politiques et les interventions qui comptent aussi. Et puis, c'est cette diversité qui permet de briser le carcan de la dépendance et d'affirmer la liberté. Alors, pour moi, d'avoir une seule source, c'est le néant, c'est vraiment impossible. Et le plus de sources qu'on a... Je sais qu'il y a des gens qui ont peur du privé, mais plus vous en avez... Si vous avez une trentaine d'intervenants et que vous en perdez un ou deux, vous pouvez toujours en chercher d'autres, mais, si vous en avez un ou deux, le résultat est évident.

Mme Frulla-Hébert: II y a, évidemment, deux théories. On dit: Bon, parfait - et c'est celle qui, finalement, est véhiculée dans le rapport Arpin - ce serait important d'avoir ou de rapatrier tous les pouvoirs en matière de culture ici, au Québec, pour mieux se développer. C'en est une. Il y a une autre théorie - on l'a entendue au niveau des divers intervenants - qui dit: Bien, finalement, qu'on se coordonne mieux.

Premièrement, qu'on regarde et qu'on répare les torts ici au Québec d'abord; deuxièmement, qu'on se coordonne mieux, mais, effectivement, il nous faut des garanties et plusieurs sources valent mieux qu'une, en termes de garanties. Est-ce que, finalement, c'est la théorie que vous prônez?

Mme Lambert: Je ne vois pas comment on peut s'assurer - premièrement, ce que le fédéral fait, le fédéral le fait - qu'on va avoir le Conseil des arts, l'Office national du film. Il y a des tas d'organismes comme ça qui sont d'une grande importance. Et je sais que beaucoup d'intervenants, qui ont parlé devant cette commission de cette problématique, ont peur de ne pas récupérer ça. Et, en plus de ça, on ne peut pas... Je vais utiliser un mot anglais, parce que c'est un concept intéressant: "You cannot bargain".

Mme Frulla-Hébert: Yes, well that is it.

Mme Lambert: O.K.? Ça, c'est très important. Et puis, comment va-t-on s'assurer aussi qu'on va avoir l'argent? Est-ce que ce n'est pas une idée d'aller chercher l'argent chez le fédéral pour en avoir plus ici? Je ne comprends pas. Je crois que ça va desservir la communauté. Mais ce n'est pas uniquement le fédéral; il faut aller chercher les fonds dans beaucoup d'autres directions. Je me répète.

Mme Frulla-Hébert: Ce qui m'amène à parler des municipalités aussi. Dans le mémoire que nous avons, vous semblez un peu sceptique au niveau de la collaboration des municipalités. Évidemment, dépendant aussi de nos expériences, ça fait en sorte qu'on croit aux municipalités ou, enfin, au partenariat des municipalités ou non. Parlez-nous donc un peu de ça, parce que, selon vous, plus il y a de partenaires, mieux c'est. Parfait, ça va, mais les municipalités sont aussi un partenaire important, que ce soit au niveau patrimonial, que ce soit au niveau du développement culturel en général. Est-ce que vous y croyez, vous, à l'implication des municipalités? Et, là, je reviens plus spécifiquement au niveau du patrimoine et au niveau de l'architecture.

Mme Lambert: Je suis tout à fait contente de parler de ça. J'ai dit dans mon "rapport", je veux le réaffirmer maintenant et je le dis dans mon discours, qu'il ne faut pas que le ministère des Affaires culturelles ne prenne pas les responsabilités. Il ne faut pas faire de pelletage, O.K.? Pour les villes, pour n'importe qui. D'un autre côté, au point de vue des villes, les villes, comme vous le savez très bien, sont les créatures des provinces. Les villes ont deux moyens d'aller chercher de l'argent: elles ont le moyen des taxes foncières, elles ont le moyen des taxes d'amusement. Je ne sais pas si c'est tombé ou

non, on m'a parlé de ça un peu. Dans tous les cas, tous les deux nuisent à la culture. Les taxes foncières, parce que, premièrement, c'est le seul moyen, ça nuit à la culture, puis, en plus de ça, les villes n'ont pas le contrôle sur les fonds qu'elles ramassent. Il faut que ça aille ici, puis ça revient à la province.

Je sais que le ministère des Affaires culturelles est en train de faire un excellent travail: aller en région, avoir des bureaux régionaux, mais il y a un grand problème là-dedans. Vous savez, la culture ça se prend lentement. Ce n'est pas d'un jour à l'autre. Alors, qu'est-ce que vous faites à Longueuil, par exemple, quand vous avez un bâtiment, le foyer Saint-Antoine, à sauvegarder? Et puis, le milieu qui habite autour, il y a une grande population qui comprend l'importance de cette culture, de ce patrimoine. Et nous tous, à Québec, ça nous importe parce que, si on reste juste avec un monument au centre d'une ville ou quelque chose comme ça, on n'a pas une culture, on a vraiment des expositions de bâtiments, et ça, ce n'est pas une culture vivable. Alors, qu'est-ce que vous faites quand le maire d'une ville comme Longueuil ne veut pas protéger le patrimoine, n'utilise pas les outils qui sont donnés dans les régions?

Je ne dis pas pour ça qu'il faut évincer ce système, qu'il ne faut pas le garder, mais il faut chercher des moyens, il faut regarder toutes les problématiques qui vont exister. Et puis, moi, j'ai très peur du renforcement de l'économie qui va venir bientôt, parce que c'est toujours le renforcement de l'économie qui, vraiment, va à rencontre aussi du patrimoine, parce que tout le monde veut prendre les meilleures places. Alors, on débâtit des bâtiments magnifiques ou des rangées de bâtiments, tout un quartier, et on remplace ça par quelque chose d'autre. Il faut sauvegarder ça.

Et à Montréal, où nous avons notre bureau du patrimoine, même quand le ministère des Affaires culturelles avait en main les outils pour classer des bâtiments, on a cessé de les classer. Je n'ai pas les chiffres avec moi, mais, pendant les années soixante-dix, on classait, on classait et puis, par la suite, on ne classait plus. C'est un grand problème parce qu'il y a beaucoup de quartiers, beaucoup de secteurs qui ne sont pas protégés à Montréal et vous avez des problèmes d'insertion. Je crois qu'on n'a pas gagné encore. Il n'y a pas vraiment d'installée au Québec l'idée qu'il y a des quartiers, il y a des milieux qui sont sacrés, qu'il faut vivre avec et qu'il faut composer avec.

Regardez Paris. On fait les quartiers nouveaux en dehors de Paris. On fait la même chose à Washington. On fait la même chose à Lucerne. Vous savez, il y a des moyens de faire ça et il faut renforcer ce que nous avons.

Le Président (M. Doyon): Dernière question,

Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci. On parle de moyens. L'Ordre des architectes nous a parlé aussi du patrimoine habité. On a parlé beaucoup de pédagogie. Il faut faire de la pédagogie. Parce que, veux veux pas - et vous avez raison - si, nous, on a la possibilité de classer et qu'un maire décide de détruire durant la nuit, nos seuls choix sont de poursuivre. Et, là, vous pouvez vous imaginer, on peut poursuivre à travers le Québec. C'est une méthode qui est coercitive versus une méthode incitative.

Comment on fait pour continuer à pousser, c'est-à-dire continuer une action qui est beaucoup plus pédagogique et encourager, par la population aussi, ce patrimoine habité, ce patrimoine vivant? Parce qu'il semble que c'est ça aussi. On classe et ça reste là au lieu de l'habiter, de le faire vivre, finalement. Ça arrive très souvent, spécialement dans certaines régions qui sont peut-être un peu plus éloignées.

Mme Lambert: Ça prend beaucoup de moyens et c'est interrelié. Ce n'est pas l'un ou l'autre, c'est toute une gamme d'actions qu'il faut. J'ai parlé d'éducation. Il faut, d'une façon ou d'une autre, que nous arrivions à mettre dans les écoles des programmes pour que... Dans l'arithmétique, on peut parler de l'architecture, dans la géographie, dans tous les cours de base des étudiants, on peut le faire. Il faut avoir des cours formalisés aussi sur l'architecture.

Au niveau de nos écoles d'architecture, je dois dire qu'au Québec elles ne se comparent pas très bien mondialement. Là, c'est aussi un grand problème. Il n'y a pas une culture... On commence juste - j'ai dit ça dans ma présentation - à avoir certains cours, dans les programmes de deuxième et de troisième cycles, d'histoire de l'architecture. On fait juste commencer à la comprendre.

Les publications. Le ministère, par la CBC, a publié ce livre, cette série "Les chemins de la mémoire". Important, très, très important. C'est très important pour nous, c'est très important pour l'exportation, pour qu'on ait la fierté de nous-mêmes. Il faut aussi des livres qui explicitent ces bâtiments, dans tout le contexte historique et intellectuel, et le lien avec les lois. Il y a toute une richesse. C'est juste à un petit niveau. Il y a beaucoup à faire.

J'ai parlé de la télévision, j'ai parlé de ce programme télévisé qui est très recherché. On peut aussi arriver a avoir des modules sur l'architecture. C'est une question... Plus on va, plus on... Moi, j'apprends tous les jours. Chaque fois que je fais une nouvelle intervention, je vois quelque chose de plus que je peux ajouter. Je comprends plus ce qu'on a à faire. Je comprends qu'il faut toujours commencer avec ce qu'on a. Et puis, c'est de là qu'on invente. Ce n'est pas en implantant quelque chose de l'exté-

rieur et puis le mettre en place. Il faut cet enracinement, mais profond. Il faut comprendre ce que c'est le système cadastral de la ville, ça explique énormément de choses. Il faut le sauvegarder. Et je peux sortir des milliers d'exemples, mais ce n'est pas la place pour le faire.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Mme Lambert, Mme Reid, M. Savoie, heureux de vous accueillir en cette commission. Dans le rapport Arpin, j'ai toujours dit qu'il y avait certaines hérésies et, malheureusement, de graves oublis, et des oubliés. Vous avez fait état, Mme Lambert, puisque vous êtes directeur du Centre canadien d'architecture, de toute cette notion de l'architecture. J'ai eu l'occasion d'en parler avec l'Ordre des architectes. On a oublié un immense volet, extrêmement important et vraiment en synergie avec les arts et la culture, qui est tout le domaine des communications. Et, parmi les oubliés, il y avait les régions. Et j'ai pu remarquer, avec beaucoup de satisfaction, que vous venez de leur apporter aujourd'hui un appui non équivoque, un appui de taille, et ça, j'en suis très heureux.

On vous décrit comme un mécène. Il y a des mécènes par bonne conscience, il y a des mécènes par conviction. Je pense que votre passé et ses réalisations font que vous êtes mécène, mais mécène de conviction. Vous avez effectivement donné au Québec, donné à Montréal un extraordinaire musée, et surtout un centre de documentation impressionnant, unique au monde. Je pense qu'il était de bon aloi, Mme Lambert, que vous glissiez que ce centre n'a encore aucune reconnaissance de la part du ministère. Je trouve ça un peu navrant. (14 h 45)

Ceci dit, j'ai remarqué dans votre mémoire, à la page 5 et à la page 8, deux phrases extrêmement marquantes, que j'aimerais vous entendre développer, et je les cite. Vous dites: "Le ministère a de grands pas à faire pour qu'on lui reconnaisse la crédibilité nécessaire faisant de lui l'un des trois vecteurs de décision politique." Et, en page 8, allusion encore là aussi au rapport Arpin, vous dites: "Nous devons éviter la tromperie des mots, l'euphorie des envolées rhétoriques. Cette politique culturelle doit se donner les moyens de ses ambitions." J'aimerais vous entendre développer là-dessus, Mme Lambert.

Mme Lambert: Je crois qu'il faut passer à l'action, il ne faut pas dire qu'on a du beau et toutes ces choses-là. Il faut s'appliquer avec rigueur. Nous avons tous une construction énorme à faire. J'ai parlé des documents, des connaissances, mais il nous faut former les gens, il faut former les structures pour faire une culture. Je vais prendre encore un exemple. En

France, à Paris, il y a un endroit qui s'appelle l'Arsenal. C'est un outil fantastique où on peut voir ce qui se passe, les nouveaux bâtiments, à Paris, dans les quartiers, et puis on voit l'histoire derrière. Alors, ici, nous n'avons pas de documents, nous n'avons pas cette profondeur des documents. Ça va nous prendre 10 ans à le faire, vous savez, mais on va le faire. Il faut le faire.

Je vois même le soin de nos documents. Essayez de voir, de trouver des documents sur Expo 67. Essayez de trouver des documents originaux de Montréal XVIIIe. J'en parle parce que nous faisons une exposition, vous le savez, pour le 350e. Vous voyez l'état dans lequel les documents se trouvent, ils ne sont pas protégés. Nous avons les Archives nationales du Québec à Montréal. En Europe, on n'a pas ça; on n'a pas de documents comme ça parce qu'il y a eu trop de guerres et de feux. Nous avons eu des feux, aussi. Ces documents tellement précieux sont dans le sous-sol d'un endroit où il fait trop chaud ou il fait trop froid; ils vont passer en poudre. Et ce n'est pas parce qu'on prend des photocopies de ces documents qu'on peut s'assurer de la continuité.

Qu'est-ce que nous avons comme bibliothèques? Les bibliothèques, à Montréal, est-ce une exagération de dire que c'est une pitié? Nous n'avons rien, nous n'avons pas une culture de bibliothèque, nous n'avons pas les outils. Et, d'abord, au point de vue d'autres formes d'éducation, des musées, regardez une ville comme Basel, une ville qui a à peu près la même taille que Montréal, la richesse des musées dans tous les endroits.

Depuis quelques années, on commence à le faire. Regardez la façon dont nous faisons les compétitions, les concours d'architecture que nous faisons. J'ai pris l'exemple de la France, mais nous n'avons pas une culture pour le faire. On le fait d'une façon une fois et puis on laisse tomber. Tout ce qu'on a fait, tous les moyens qu'on a pris, on les perd et puis il faut recommencer. C'est ça, c'est une perte d'énergie, d'un côté, une perte de formation et puis aussi un manque d'outils, et un manque de sauvegarde des outils.

M. Boulerice: Mme Lambert, il y a un rapport Arpin. La ministre, après les auditions - nous recevons 265 groupes - ira à ses devoirs, les présentera au Conseil des ministres, reviendra à ses devoirs, présentera encore, dans une autre commission parlementaire, un énoncé de politique qui devra être corrigé, remontré au Conseil des ministres pour finalement déboucher sur une politique culturelle du Québec.

Mais, pour emprunter à ce type de "soap opera" américain, "As Time Goes By", quels seraient, d'après vous, les gestes concrets qu'il nous faudrait poser en regard des artistes qui sont les piliers de la culture au Québec et qui

n'ont pas besoin d'attendre qu'on ait une politique de la culture?

Mme Lambert: Alors, il faut, évidemment, établir certains moyens et puis faire un rattrapage énorme sur ce que nous avons. J'ai parlé juste avant, en répondant à votre dernière question, de certaines choses qui nous manquent terriblement. On n'a pas besoin d'une politique culturelle pour faire quelque chose pour les archives, parce que ça, c'est des documents des biens culturels. On n'a pas besoin d'une politique culturelle pour trouver un moyen de sauvegarder les bâtiments, les oeuvres architecturales dans les villes où les maires ne veulent pas le faire. D'ailleurs, je crois qu'il y a une politique sur le patrimoine qui est prête à sortir; on pourrait la sortir et on peut faire un débat là-dessus. Je crois qu'il y a beaucoup d'outils sur la culture qui sont depuis des années sur les tablettes du ministère et qu'on pourrait mettre en marche. Je crois qu'il faut laisser les gens agir et il faut quand même avoir une certaine vision de ce qu'on va faire, et puis bâtir ça année par année, décennie par décennie.

M. Boulerice: Vous partez beaucoup de patrimoine et vous avez à votre actif certaines réalisations, notamment, le fameux Milton Park, quartier qu'on a réussi à sauver à Montréal, sinon, il aurait été sous le pic des démolisseurs. Vous êtes très critique à l'égard du ministère face à ses actions au niveau de la préservation du patrimoine. Vous avez parlé d'Amqui; je pourrais vous parler de la démolition du couvent de Montmagny, où on a fait une réunion du conseil municipal le samedi et les bulldozers arrivent quelques minutes après.

Est-ce que vous seriez d'accord avec la création d'une société des biens patrimoniaux qui serait totalement indépendante du ministère, mais qui aurait les pouvoirs et qui gérerait le dossier du patrimoine au Québec?

Mme Lambert: Ça me semble intéressant, évidemment. Mais la chose que je trouve intéressante dans ça, c'est de ne pas avoir les interactions entre tout le monde; c'est-à-dire que nous le faisons tous entre nous et, de temps en temps, quand il y a un feu quelque part, on court l'éteindre, mais nous n'avons pas le temps de construire. Alors, si on avait quelque chose comme ça où il y aurait quand même... Je m'arrête, parce que je pense que c'est un peu comme ça en France, au fond. Il y a quand même le Comité du patrimoine de la France réunie. Il y a la même chose pour les musées réunis. Tout le monde vient autour de la table. Il y a le même pot d'argent; tout le monde décide comment ça va se répartir entre les musées; pas uniquement les musées à Paris, mais les musées en région. Alors, je crois que ce pourrait être quelque chose comme ça. Pour ça, il faut quand même une administration permanente, mais je crois que ça donnerait beaucoup plus de moyens d'avoir des liens entre les gens. Nous avons un tout petit peu ça avec la Société des musées québécois, mais ce n'est pas épanoui encore. Pour la structure, je ne sais pas exactement. Mais je crois que tout ce qu'on peut faire pour interagir et élargir la perspective de chaque personne et de chaque institution, ça irait dans la bonne direction parce que, effectivement, la chose qui nuit aussi, c'est de ne pas avoir ces liens entre les gens et de les avoir uniquement au niveau gouvernemental.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame. Une dernière question, en terminant, M. le député.

M. Boulerice: Une dernière et très brève question, Mme Lambert. Le 1 %, certains disent que c'est un faux débat que de parler du 1 %. Mais on sait fort bien que la culture nécessite des investissements. Et j'emploie bien le mot "investissement" puisque l'argent mis dans la culture n'est pas une perte; c'est un investissement qui enrichit l'ensemble d'une collectivité. Votre position à ce niveau?

Mme Lambert: Comme vous savez, quand j'étais avec la Conférence canadienne des arts, section québécoise, j'ai travaillé avec tous les regroupements là-dessus. Et 1 %, peut-être on utilisait ça parce qu'il fallait avoir un focus, mais est-ce que c'était 1 %, est-ce que ce n'était pas 2 %, est-ce que c'est 3 %? C'est-à-dire qu'il faut décider quelle est la place que la culture doit avoir dans notre société. Est-ce que c'est quelque chose d'important? À cette époque-là, il fallait mettre une moyenne. Il y a de la culture un peu partout. Il y a beaucoup de façons de ramasser l'argent que nous avons aussi. Je crois qu'il y a beaucoup à faire. Je crois que les moyens, c'est essentiel. On ne peut pas faire ce qu'il y a à faire sans une base établie d'argent. Ça, c'est évident. On ne peut pas faire un bon bâtiment si on ne peut pas mettre des matériaux qui vont durer 100 ans et plus de 100 ans.

M. Boulerice: Merci.

Le Président (M. Doyon): Alors, Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Encore une fois, Mme Lambert, merci de votre grande implication culturelle. Vous avez raison, vous savez, on n'a pas besoin de politique culturelle pour agir sur certains dossiers qui sont ponctuels. Au contraire, on n'a pas l'intention d'attendre la politique culturelle pour le faire. On a besoin d'argent; ça, vous avez raison. On a besoin d'une politique culturelle, par exemple, pour changer la loi sur le ministère, pour former ou décentraliser

au maximum, pour trouver des mécanismes extrêmement souples pour justement servir mieux notre clientèle et le faire par priorités, soit priorités à court, moyen et long terme. De ça, on en a besoin parce que, évidemment, nous passons, mais les institutions restent. Merci, Mme Lambert.

Mme Lambert: Merci, Mme Hébert.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme Lambert. M. le député, un mot? Merci beaucoup.

Tout en vous donnant le temps de vous retirer de la table, je demanderais peut-être aux représentants de la ville de Drummondville de bien vouloir se préparer. C'est maintenant à eux d'être entendus par la commission. J'invite les représentants de la ville de Drummondville à bien vouloir prendre place en avant, s'il vous plaît. Sans plus de préambule, je leur dis de bien vouloir faire les présentations et de commencer soit la lecture ou le résumé de leur mémoire. Vous avez la parole.

Ville de Drummondville

Mme Ruest-Jutras (Francine): Mme la ministre, MM. les parlementaires, c'est avec plaisir que les autorités de la ville de Drummondville ont répondu à l'invitation que nous avait lancée Mme Liza Frulla-Hébert lors d'une visite qu'elle avait effectuée à Drummondville dans une des industries culturelles les plus progressistes, soit Disques Améric.

Je vous fais la présentation des membres qui m'accompagnent cet après-midi. Vous avez M. Noël Sylvain, qui est président de la corporation du Centre culturel de Drummondville, qui est également le P.-D.G. de l'Union-Vie, une compagnie qui est étroitement associée au développement culturel chez nous; René Frechette, qui est le directeur artistique de la compagnie Mackinaw, qui est une troupe folklorique. Vous avez également M. Maurice Rhéaume, qui est le directeur général du Festival mondial de folklore de Drummondville; Mme Normande Letellier, qui est une consultante à l'emploi d'une firme, Le Chaînon manquant, qui a rédigé, qui a colligé les réflexions d'un groupe d'étude, qui constituent notre "rapport", et qui a également piloté une étude sur les retombées économiques du secteur culturel chez nous, de même que M. Roland Janelle, qui est le directeur général du centre culturel. Alors, en fonction des questions qui seront posées par la suite, chacun pourra répondre aux différentes interventions.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue! (15 heures)

Mme Ruest-Jutras: Merci. Alors, je ne vous ferai pas la lecture, bien sûr, du "rapport" dont vous avez pris connaissance. Je voudrais simple- ment vous dire que c'est un "rapport" qui est issu des discussions d'une table de concertation où on a retrouvé ensemble les gens du milieu culturel drummondvillois, des gens d'affaires. On y retrouvait la Chambre de commerce, Disques Améric, l'Union-Vie, des gens aussi du secteur de l'éducation tant public que privé, les gens de la MRC de Drummond, le député provincial et, bien entendu, des représentants de la ville de Drummondville.

Je vous dirai au départ qu'on a fait nôtre l'énoncé d'un principe fondamental qu'on retrouve dans le rapport Arpin, qui est: "La culture est un bien essentiel et la dimension culturelle est nécessaire à la vie en société, au même titre que les dimensions sociale et économique; le droit à la vie culturelle fait partie des droits de la personne et c'est pourquoi l'activité culturelle doit être accessible à l'ensemble des citoyens." Par voie de conséquence, "l'État a le devoir de soutenir et de promouvoir la dimension culturelle de la société, en utilisant des moyens comparables à ceux qu'il prend pour soutenir et promouvoir les dimensions sociale et économique de cette même société." On espère, bien sûr, que le gouvernement fera siens ces principes fondamentaux avec tout ce que cela implique et ça implique - et on va entrer tout de suite dans le vif du sujet - des moyens financiers pour mettre en application une politique de développement culturel.

Tout à l'heure, on a fait référence au 1 %. Le 1 %, ce n'est pas une panacée, mais c'est probablement un objectif minimal qu'il faut se fixer. Si on regarde le cheminement des pourcentages du budget québécois qui ont été investis au niveau de la culture, on s'aperçoit qu'au cours des 10 dernières années on n'a pas encore réussi à atteindre cet objectif minimal. Pourquoi est-ce qu'on parle de ça, une municipalité? C'est parce que, chez nous, c'est 5 % - M. le député le sait très bien - de notre budget qui est dévolu à la promotion et au développement du secteur culturel. Ce n'est donc pas étonnant que Drummondville ait gagné, cette année, le prix Rideau pour l'apport exceptionnel que nous faisons au chapitre de la diffusion des arts en région. Nous considérons donc qu'il faut mettre les moyens pour faire du développement culturel, comme il faut mettre les moyens pour protéger l'environnement ou pour nous doter de politiques de loisir adéquates.

Pourquoi on met 5 % de notre budget? Parce qu'on y croit, au secteur culturel, parce que, chez nous, c'est vraiment fonction des besoins et aussi fonction d'une réalité. Je dis fonction d'une réalité. On a voulu aller vérifier sur le terrain si, effectivement, ce secteur d'activité là était générateur de retombées économiques importantes. On a donc jugé à propos, en collaboration avec le MAC, le secteur privé, la MRC de faire une étude sur les retombées économiques de la culture parce que c'est

souvent ce qui permet à un gouvernement de vendre ça auprès des payeurs de taxes.

Cette étude, elle s'est avérée concluante et elle nous signalait, entre autres choses, que le secteur culturel de la région de Drummondville avait généré en 1990 des revenus de plus de 40 000 000 $, que ses dépenses d'opération étaient de l'ordre de plus de 34 000 000 $, tandis que ses dépenses d'immobilisation s'élevaient à près de 8 000 000 $. Chez nous, ce secteur crée un total de 883 emplois composés de 689 emplois directs et de 194 indirects. Chaque dollar d'effet direct génère 0,8 $ d'effet indirect.

Je vous dirai que nous avons également, cette année, remporté la palme d'un nouveau concours organisé par l'Association des manufacturiers québécois, qui est le prix de la ville industrielle de l'année. Pourquoi je vous parle de ça maintenant? C'est parce que je pense qu'on a su faire une jonction harmonieuse entre le développement économique et le développement culturel. Dans la promotion, dans la recherche de nouvelles entreprises, nous utilisons la force de notre secteur culturel pour vendre à des entreprises l'idée de venir s'implanter chez nous.

Le rapport Arpin souligne qu'il peut y avoir, effectivement, un lien intéressant à faire entre l'implantation d'usines ou l'établissement de sièges sociaux avec la vigueur, la vitalité d'une vie culturelle intense dans une municipalité et la disponibilité des équipements qu'on y retrouve. Je vous avoue que cet arrimage-là, chez nous, on le fait et ça donne des résultats qui sont très positifs, sauf qu'il faut se rendre à une évidence aussi: à 5 % de notre budget, je pense qu'on pourra difficilement faire plus. Si on investit aussi massivement, c'est parce que - et vous retrouvez ça dans notre "rapport" - la richesse et la diversité du milieu culturel drummondvillois sont assez fantastiques. On en fait état pendant au moins 14 pages de notre "rapport".

On vous le mentionne de façon assez exhaustive parce qu'on déplore le fait que, dans le rapport Arpin, on parle beaucoup de Montréal et de Québec. On a fait référence aux régions, tout à l'heure, en semblant évacuer toute la vitalité culturelle qu'on peut retrouver dans les régions. On n'a rien contre les grands centres. On veut bien que Montréal prenne toute la place qui lui revient. C'est le coeur du Québec. La métropole doit avoir une vitalité culturelle majeure. Mais faire des régions, particulièrement comme Drummondville. Parce qu'on parle un petit peu des pôles régionaux, mais on évacue des villes comme la nôtre. On ne veut absolument pas être laissés pour compte, d'autant qu'on fait, je pense, largement notre part.

De toute cette dynamique culturelle drum-mondvilloise a émergé un créneau qui nous est particulier, qui nous est propre, un créneau d'excellence qui est celui du patrimoine, celui de folklore. On a chez nous notre troupe folklorique

Mackinaw, qui a été la bougie d'allumage de cet événement qui est reconnu comme un événement majeur maintenant, qui est le Festival mondial de folklore où on accueille chaque année une vingtaine de troupes qui viennent des quatre coins du monde et où défilent, soit via nos spectacles en salle ou encore sur les scènes extérieures, plus de 650 000 spectateurs. Donc, c'est assez exceptionnel.

L'émergence de ce créneau-là s'inscrit dans la continuité de la vie culturelle qu'on retrouve chez nous et qui a débuté, il y a déjà quelques années, avec la venue du centre culturel qui, chez nous, est une véritable maison de la culture où on loge tous nos groupes culturels locaux. Ce qui fait que le centre, chez nous, ce n'est pas un monument, ce n'est pas un éléphant blanc; ça fait partie vraiment du paysage drummondvillois. C'est tellement ancré qu'il ne viendrait pas à l'idée des payeurs de taxes chez nous de critiquer l'effort financier que fait la municipalité.

Cette notion, donc, de patrimoine vivant qui nous est propre, on ne la retrouve pas dans le rapport Arpin. Il s'agit pour nous d'une lacune importante qu'il faudrait voir à combler.

J'en arrive tout de suite aux recommandations que nous avons jugé pertinent de faire, qui découlent donc de constats que nous faisons sur le terrain. Je vous les lis l'une après l'autre en y apportant des commentaires au fur et à mesure.

Alors, ce qu'on y lit, c'est: "Considérant la vigueur et la diversité de la vie culturelle à Drummondville - on pourra y revenir tout à l'heure, lors de la période de questions - considérant le fait que la ville de Drummondville injecte 5 % de son budget dans ce secteur et qu'elle pourra difficilement faire plus, cet effort financier étant déjà remarquable - on pense qu'on est crédibles lorsqu'on parle de développement culturel; on ne vient pas quêter ici des choses, on vient chercher un véritable partenariat - considérant que Drummondville et sa région ont su développer un créneau d'excellence, celui du patrimoine..." C'est tellement vrai que nous avons fait faire une étude de développement touristique pour identifier de grands axes de développement et l'axe particulier qu'on y retrouvait, c'était culture et patrimoine.

Alors, ce qu'on voudrait voir, ce qu'on voudrait retrouver dans une politique de développement culturel globale, mais aussi avec des incidences particulières à notre région, c'est "de reconnaître la région de Drummondville comme pôle culturel important au Québec et d'y affecter les budgets nécessaires". Je le répète: On n'a rien contre les grands centres, mais il nous apparaît tout à fait invraisemblable de ne pas tenir compte de milieux qui se sont pris en charge depuis longtemps pour créer une vitalité culturelle chez eux. "De faire reconnaître et de protéger l'unicité de ses infrastructures et événements spé-

ciaux concernant le patrimoine." Alors, on se réfère, bien sûr, au Village québécois d'antan. C'est sûr que c'est un équipement patrimonial qui traite de la période allant de 1810 à 1910. Si on retrouve à l'intérieur du territoire québécois plusieurs équipements de ce type-là, je pense que ça va les affaiblir les uns et les autres. On se réfère également à cet événement qu'est le Festival mondial de folklore. Je vous dirai que la ville investit beaucoup dans cet équipement et dans cet événement. C'est plus de 140 000 $ que nous mettrons cette année pour le Village québécois et plus de 220 000 $ pour le Festival. C'est donc un effort important que font les contribuables chez nous.

On voudrait, de façon générale, que le patrimoine vivant soit considéré, donc, tout l'aspect folklore, au même titre que le patrimoine architectural. On voudrait que Drummondville soit désignée comme capitale nationale du folklore, question d'asseoir un créneau qui nous est propre. On veut voir se créer un véritable partenariat avec les municipalités dans la mise en place d'une politique de la culture, après consultation et en concertation avec ces dernières. Vous savez que la réforme Ryan fait que les municipalités sont un peu craintives par rapport à une possibilité de désengagement ou de délestage de la part du gouvernement. On a parlé beaucoup de faire avec; on parle de faire plus avec moins. Nous, ce qu'on voudrait, c'est faire ensemble. On pense que c'est la voie de l'avenir. On est prêt à faire notre part. On le démontre, mais on voudrait vraiment être considérés comme des partenaires importants et non pas comme des créatures. On sait qu'on est des créatures du gouvernement, mais on pense qu'on a notre mot à dire dans le développement culturel.

Je parlais de désengagement au niveau de la bibliothèque. Le rapport Arpin parle de l'importance de la lecture, de l'importance du réseau des bibliothèques publiques, mais la participation financière gouvernementale au niveau de la bibliothèque municipale va en diminuant depuis 1986. Comme on veut maintenir un niveau d'excellence par rapport à ce volet-là de l'activité culturelle, on pense qu'il y a là des choses importantes à faire.

On demande aussi de sensibiliser les MRC à l'importance de la culture et de favoriser la signature d'ententes intermunicipales quant à l'utilisation des équipements à vocation culturelle. Nous, on est la municipalité centrale d'une MRC de 25 petites municipalités. Ça fait qu'on supporte seuls les coûts d'opération d'équipements majeurs et ça accroît, bien sûr, le fardeau fiscal de nos contribuables. Tout ça s'inscrit dans une problématique d'équité fiscale.

On voudrait vous voir appuyer les compagnies culturelles en région dans leurs projets de reconnaissance et de développement. Mackinaw, qui est avec nous cet après-midi, vous le savez, madame, voudrait bien avoir une troupe professionnelle. C'est un groupe qui a déjà - et c'est très rare pour une troupe en région - une troupe de spectacle, une troupe de relève et qui a également une école. On voudrait, finalement, vous voir inciter, par voie fiscale, les entreprises privées et les particuliers à investir dans le secteur des arts et de la culture. Alors, c'est en gros l'essentiel de notre "rapport". (15 h 15)

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup.

Mme Ruest-Jutras: On sera disponibles pour des questions.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Jut ras. Ça me fait d'autant plus plaisir de vous accueillir que je suis allée plusieurs fois chez vous et ce qui m'a frappée, c'était cette démonstration de l'implication municipale dans le domaine culturel, ce dynamisme, le dialogue aussi que vous avez entre le milieu culturel, le monde des affaires, le milieu de l'éducation, les instances régionales, le bureau de votre député. Enfin, c'est un exemple parfait de synergie au niveau des efforts et je tiens à vous en féliciter.

Si vous me le permettez, M. le Président, parce que je suis certaine que le député de la place va vouloir parler, je voudrais revenir au principe du pôle de la région. Plusieurs villes nous ont parlé, et des villes qui s'impliquent aussi, qu'effectivement, dans une dérégionalisation, il devrait y avoir certaines villes considérées comme des pôles et que ces villes-là, justement par leur statut, viendraient à bout de rayonner suffisamment au niveau de la région de telle sorte que l'implication d'autres municipalités qui sont peut-être soit un peu plus réticentes ou plus petites d'abord - oui, mais il y en a aussi encore qui sont un peu plus réticentes - cela ferait en sorte que cette implication-là serait beaucoup plus facile à aller chercher si on avait certaines villes identifiées dans un cadre de décentralisation, donc, régional. Finalement, on en arriverait peut-être à l'objectif visé qui est d'activer ce dynamisme culturel partout, partout au Québec.

Mme Ruest-Jutras: Je ne sais pas ce que ça pourrait avoir comme impact au niveau de la participation financière des municipalités de la MRC de Drummond, mais je pense que, lorsqu'on demande à être reconnu comme un pôle culturel important, ce qu'on demande, c'est simplement de reconnaître la réalité. Dans le rapport Arpin, on parle de Montréal, on parle de Québec; il y en a un petit peu pour les capitales régionales. Les régions administratives, quant à nous, en tout cas, ne reflètent pas nécessairement la réalité telle qu'on la vit. Dans la Mauricie, les Bois-Francs, Drummond, c'est assez évident. Lorsqu'on

regarde la région du coeur du Québec, je pense que Drummondville, de par sa situation géographique, de par son dynamisme aussi qui transpire pas seulement au niveau culturel, mais à maints égards dans bien des secteurs d'activité, c'est une région quasi et Drummondville devrait, bien sûr, être reconnue.

Toute la problématique de la participation financière des municipalités périphériques par rapport à un pôle central urbain fort, c'est un débat qui dure depuis un bout de temps, qui se fait à l'intérieur des deux unions municipales, de toute façon. Comment on peut les amener à participer à l'opération ou encore aux immobilisations d'équipements majeurs ou encore d'événements qui, pour la région, sont moteurs d'activités économiques aussi? On n'a pas encore trouvé la solution tant qu'elles sentiront qu'elles peuvent très bien profiter de ces choses-là sans avoir à mettre la main dans leur poche.

Je pense que c'est comme ça que les choses vont se passer. On essaie de leur vendre une participation au Festival, par exemple. Pour la très, très grande majorité d'entre elles, c'est peine perdue même si elles profitent de toute cette mouvance artistique là qui est chez nous pendant 10 jours. On va tenter de leur vendre un engagement au niveau du Village québécois qui est un site patrimonial majeur au Québec. Elles n'en sentiront pas la pertinence puisqu'on prend sur nous de faire vivre cet équipement-là. Mais ce qu'on lance un peu aussi, c'est un cri d'alerte en disant: On est rendus à un point où on voit difficilement comment, à partir des nouvelles responsabilités qui vont nous être imparties, on va pouvoir faire plus que ce qu'on fait déjà.

Mme Frulla-Hébert: Est-ce qu'il y aurait, selon vous, des façons de faire? D'abord, premièrement, est-ce qu'il y a une évolution au niveau de ces mentalités-là? C'est la question que je pose aux diverses villes dans les diverses régions. Plusieurs me disent: Oui, maintenant, il y a une espèce de pression qui est en train de se faire, une pression sociale qui fait en sorte que le culturel devient important, autant qu'à l'époque le loisir et le sport l'étaient. Là, il y a une espèce de priorité mise sur le culturel.

Est-ce que dans votre région, près de chez vous, on sent ça? Est-ce qu'on sent une évolution ou si, finalement, c'est la même chose, certaines villes extrêmement actives et d'autres, bien évidemment, qui profitent de l'activité et du dynamisme de ces villes-là?

Mme Ruest-Jutras: Je dirais que, oui, il y a une évolution des mentalités et que progressivement, il y a une prise de conscience, de la part des élus municipaux, de l'importance qu'on doit accorder collectivement au développement culturel. Mais c'est souvent ce que j'appellerais un support moral et ça ne se traduit pas toujours par une contribution en espèces sonnantes et trébuchantes. Mais enfin, c'est déjà un premier pas, remarquez. Si ces municipalités-là, qui, auparavant, étaient complètement étrangères au développement culturel, en arrivent à penser qu'elles doivent faire leur part et trouver ça important, c'est un pas de franchi, mais qui est dû en grande partie, je pense, aux efforts que, collectivement, la communauté drummondvilloise a faits pour promouvoir ce secteur-là d'activité humaine.

Le Président (M. Doyon): Est-ce qu'il y a consentement pour que M. le député de Drummond puisse intervenir? M. le député de Drummond.

Une voix: Consentement.

M. St-Roch: Je vous remercie, M. le Président, et je remercie mes collègues. Parler de la région de Drummond en ce qui concerne les arts et la culture, je pense que c'est constater qu'une des faiblesses qui a été signalée même dans le mémoire, c'est qu'il faut tenir compte des régions. Parce que si vous avez un milieu où c'est pris en main, qui a osé utiliser la culture comme étant une amélioration de sa qualité de vie, c'est la grande région que j'ai le plaisir de représenter à l'Assemblée nationale.

Beaucoup de choses ont été soulignées avec justesse. On a misé sur le patrimoine vivant. Dans l'exposé précédent, on reconnaissait l'importance de protéger le côté architectural. Or, vous avez le Village québécois d'antan qui est reconstitué à partir de bâtiments d'origine. Mais, comme l'a si bien souligné Mme la mairesse aussi, il y a un caractère d'unicité et je pense qu'on doit s'attacher à ce contexte-là que, dû à l'étroitesse du marché québécois, si on laisse se créer un musée patrimonial qui va couvrir la période 1810 à 1910, à ce moment-là, on met en danger tous les efforts qui ont été mis par la collectivité.

J'aurais beaucoup de questions, mais je vais essayer de faire une synthèse rapide en disant: Ce qui est unique, M. le Président, à Drummond, c'est la complicité qu'il y a eu entre les différents paliers gouvernementaux et aussi le milieu privé. Je pense que c'est quelque chose, là, qui est une nécessité pour nous et, définitivement, il faudra reconnaître le patrimoine vivant à l'intérieur de la prochaine politique.

Alors, vu que vous me permettez une question seulement, M. le Président, je dois m'adresser à quelqu'un qui vient du privé et qui a fait beaucoup pour le milieu. Dans le mémoire, on recommande d'utiliser beaucoup la voie fiscale pour inciter davantage, autant les individus que les entreprises, à collaborer. Or, ma question s'adresserait à M. Sylvain. M. Sylvain, on est à la veille... Le ministre des Finances, dans quelques semaines, se penchera sur le prochain

budget du Québec. Si vous étiez le ministre des Finances, qu'est-ce que vous proposeriez, dans votre budget, à la collectivité québécoise au niveau d'une réforme fiscale aidant l'encouragement du développement des arts et de la culture au Québec?

Le Président (M. Doyon): M. Sylvain.

M. Sylvain (Noël): Ah, c'est un grande question! Mais je me référerais au rapport Samson, Bélair, etc., à la page 193 et aux pages suivantes, où on donne un exemple d'un fonds régional pour le développement des arts et de la culture, ' d'un fonds tripartite alimenté en partie par les municipalités, par le ministère et par les entreprises privées. En tout cas, nous, nous souscrivons à cette idée-là.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Mme la mairesse et ceux qui vous accompagnent, bienvenue et heureux de vous revoir. Je me trouvais dans votre ville, ce dimanche fatidique, il y a déjà quelques années. Plusieurs maires de municipalité sont venus, Mme Jutras, et dans cette espèce de palmarès des municipalités qu'on est en train de dresser, si ça peut être rassurant pour vous, valorisant, forcément pour notre collègue, votre député, vous êtes la municipalité qui, à date, cote le plus haut, 5 % de son budget. Je pense que c'est loin d'être négligeable. Au contraire, c'est exemplaire jusqu'à date. Bon. Je ne sais pas si d'autres municipalités arriveront avec des pourcentages plus élevés, mais disons que, selon l'expression populaire, vous êtes "top one" au "hit parade" des municipalités, au moment où on se parle.

Vous avez parlé, dans votre mémoire, sur le ton de vraiment je déplore, de l'absence de recommandations sur les bibliothèques publiques et les BCP. Dieu seul sait qu'en région la bibliothèque est, 9 fois sur 10, le centre culturel. Dans le cas d'un territoire où les superficies sont quand même assez vastes, la bibliothèque centrale de prêt est probablement le seul contact qu'on puisse établir avec le livre. La situation dans votre région et, notamment dans votre ville, se situe à quel niveau actuellement?

Mme Ruest-Jutras: Le constat qui avait été fait, lorsqu'on parlait de la BCP, c'est qu'elle n'offrait même pas de services à 10 municipalités de la MRC. Je disais tout à l'heure qu'on est 25 municipalités dans la MRC. Il y en a 10 qui ne bénéficient même pas de ça. Ça veut dire a peu près presque 20 000 personnes qui n'ont pas accès à cette ressource-là qui est quand même minimale. Nous, à Drummondville, on a une bibliothèque qui est une belle bibliothèque. C'est une bonne bibliothèque dans laquelle on investit, la ville, près de 900 000 $ par année. C'est beaucoup.

Je soulignais tout à l'heure le fait que, bon, on se retrouve au niveau de l'acquisition de volumes, périodiques, tout ça, dans une politique d'appariement, ce qui oblige les municipalités à faire un effort financier important pour procéder à l'acquisition de volumes. Une bibliothèque, c'est d'abord des livres. Donc, il faut offrir cette ressource-là à nos citoyens. Mais c'est au chapitre peut-être des dépenses d'opération que la contribution du ministère semble vouloir se ratatiner un petit peu comme une peau de chagrin, et je pense qu'il va falloir qu'il y ait là peut-être une révision de ce qui se passe actuellement. (15 h 30)

Tout le volet de la lecture dans l'activité humaine, c'est quelque chose de fondamental. On dit souvent qu'un livre, c'est le meilleur ami que quelqu'un peut avoir. Peut-être qu'il y aurait moins de désoeuvrement ou de désespérance, entre autres, chez les personnes âgées si elles avaient pris tôt le goût de la lecture. On essaie, chez nous, en tout cas, d'accueillir le plus tôt possible les jeunes dans notre bibliothèque par la mise en place d'animation qui vise particulièrement les jeunes. On a fait des heures du conte, on essaie de leur faire prendre rapidement contact avec cette ressource-là du milieu. On investit massivement dans nos collections jeunesse justement pour que ça devienne quelque chose d'intéressant, en prenant pour acquis qu'un jeune qui développe le goût de la lecture rapidement continuera à s'intéresser à ça. Mais les BCP, nous, ça ne nous touche pas comme tels. Pour les municipalités de la périphérie, pour certaines municipalités de la MRC, le service ne les rejoint même pas encore.

Peut-être ouvrir sur les bibliothèques, sur quelque chose dont je n'ai pas fait mention tout à l'heure. Lorsqu'on retrouve un pôle central qui a un équipement majeur comme la bibliothèque de Drummondville, on voit mal comment le gouvernement pourrait subventionner de façon assez massive l'implantation d'une bibliothèque dans une municipalité qui est à la périphérie de nous autres: 200 000 $ ou 250 000 $ pour construire une bibliothèque, alors que c'est là peut-être qu'on devrait inciter cette municipalité-là à faire une entente intermunicipale avec la ville-centre. Il n'est pas question de distance. On est sur la même rue et on est dans des municipalités différentes. On sait comment ont été créées les municipalités au Québec. On en connaît le nombre assez effarant, bon. C'est peut-être un des leviers dont dispose le gouvernement pour inciter une municipalité à signer avec sa voisine une entente intermunicipale et, à ce moment-là, à donner à la municipalité qui déjà a un équipement qui est important des moyens supplémentaires pour la faire grossir.

Le Président (M. Doyon): M. le député de

Mercier, vous aviez une question.

M. Godin: M. le Président, oui, une. Mme la mairesse, comme nous sommes de vieux amis, je vais me permettre de me faire l'avocat du diable. Est-ce que vous ne craignez pas que le Festival mondial de folklore, qui est une réussite exceptionnelle, ne masque certains défauts d'activités culturelles autres? Est-ce que la salle dont vous parliez tout à l'heure sert à d'autres spectacles que le Festival mondial de folklore qui est, je pense, dans le colisée? Je crains, moi, je le dis souvent... J'ai longtemps été à Drummondville, à l'époque où j'avais une copine à Drummondville, Mlle Laferté, la petite-fille d'Hector Laferté, et j'ai rarement vu des activités... À l'époque, je pense qu'il n'y avait même pas de cinéma, encore moins de ciné-club. J'y suis retourné après, à cause du festival de folklore, en tant que ministre des Affaires culturelles. J'avais beaucoup apprécié le spectacle parce que c'était effectivement exceptionnel.

Maintenant, ce que je crains en vous écoutant, vous dites: II y a 5 % à la culture. Une grande partie va probablement au Festival mondial de folklore. Là, vous dites une phrase qui m'inquiète. Vous dites: On est tellement rendus haut dans le pourcentage que je doute qu'on en ait pour autre chose.

Alors, est-ce qu'il y a une troupe de théâtre à Drummondville, comme dans d'autres villes de la région?

Mme Ruest-Jutras: On avait une troupe de théâtre jeunesse qui, malheureusement, n'opère plus. Mais n'ayez crainte quant au nombre d'activités qu'on retrouve sur la scène du centre culturel. M. Janelle, qui est ici, pourra vous dire ce qui se passe. Mais qu'il suffise de savoir qu'il y a deux ans on a gagné le Félix du diffuseur de l'année au Gala de l'ADISQ, ce qui, je pense, témoigne de tout ce qui se fait chez nous en termes de diffusion de spectacles. On a le plus haut ratio événements-population dans les salles de spectacle au Québec. Donc, c'est que ça roule et que les gens sont intéressés à aller voir ce qui se produit sur la scène du centre culturel.

Maintenant, si on n'a pas de troupe de théâtre, on a des troupes de folklore, on a des chorales, on a une académie de ballet, on a une école de musique qui est au centre culturel et qui est à la fine pointe de l'enseignement. On a une guilde des artistes qui expose, parce qu'on a aussi une galerie d'art au centre culturel. On a un regroupement d'artisans. On a même fait, à l'occasion du 175e anniversaire de Drummondville, la première d'une biennale en sculpture où on avait des sculpteurs qui venaient de l'étranger même. On remet ça sur la planche à dessin l'an prochain. Ça va devenir une activité récurrente. On a intégré ces oeuvres d'art là au patrimoine, je veux dire, à l'environnement urbain. Non, on n'a pas de ciné-club, mais, par ailleurs, on a un cinéma maintenant qui produit du cinéma de répertoire aussi.

Je pense qu'on est chanceux pour un petit milieu, parce que Drummondville, c'est 37 000 de population. La MRC, c'est autour de 78 000. On est chanceux, et ça frappe les gens qui viennent s'implanter chez nous, cette richesse, cette vitalité, cette diversité de la vie culturelle. Je laisserai peut-être Roland Janelle vous parler, entre autres, de ce qu'on a fait avec notre centre culturel qui est vraiment devenu une maison de la culture parce qu'on est, je pense, une des rares villes à avoir aménagé des locaux justement pour nos groupes culturels.

Le centre culturel est géré par une corporation indépendante, mais à laquelle on demande - et c'est quasi de façon péremptoire - de loger gratuitement ces groupes-là pour faire en sorte qu'il y ait toujours une dynamique, il y ait toujours une vie qui se passe à l'intérieur de cette maison de la culture, même lorsqu'il n'y a pas de spectacles qui se produisent sur scène. Alors, je vais laisser...

M. Janelle (Roland): O.K., merci. Oui, effectivement, ce que dit Mme Jutras, c'est la réalité de tous les jours dans ce bâtiment que nous appelons le centre culturel. Depuis les années soixante-dix, cette politique et cette orientation d'accueillir les participants à l'activité culturelle dans ce bâtiment qui s'appelle le centre culturel, on n'y a jamais dérogé. D'année en année, ça augmente, il se crée beaucoup d'intérêt. Aller au centre culturel, c'est devenu aussi naturel maintenant que d'aller à l'aréna au hockey. Permettez-moi de vous dire qu'il y a autant d'inscriptions chez les jeunes dans les activités qui les concernent qu'il y en a au hockey mineur chez nous à Drummondville. Je pense que la comparaison dit tout, effectivement.

M. Godin: Je vous ferai remarquer que je n'ai eu pas une réponse, mais plusieurs réponses qui confirment que Drummondville n'est pas seulement axée sur le festival de folklore et que tout son budget serait consacré à cette seule activité, mais qu'au contraire il y a un feu d'artifice, pour reprendre l'expression de M. Rozon, d'activités autour du centre culturel, avec le budget de 5 % plus quelques autres contributions, j'imagine, à d'autres activités.

Mme Ruest-Jutras: Quand on dit...

Le Président (M. Doyon): En terminant, madame, le temps est... Allez, nous vous écoutons. Vous avez la parole.

Mme Ruest-Jutras: Quand on dit 5 % de notre budget, ce n'est pas 5 % pour le festival, c'est 5 %...

M. Godin: Non, je le sais bien.

Mme Ruest-Jutras: ...pour nos équipements. C'est ça. Alors, strictement pour le centre culturel, par exemple, c'est 465 000 $ qu'on va donner pour faire en sorte qu'au niveau de la diffusion des arts en région il y ait quelque chose d'intéressant. On subventionne de façon récurrente aussi nos groupes culturels. On va faire des choses de façon, ponctuelle avec eux, mais on s'assure que tous les créneaux de la vie culturelle bénéficient d'un support de la municipalité. Alors, le folklore oui, mais aussi le chant, la danse, la sculpture. C'est ça qui fait que ça bouge bien et qu'il y a constamment de nouvelles propositions qui nous sont faites pour soutenir le milieu. Lui-même, il est en effervescence.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la mairesse. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, peut-être quelques mots de remerciement, si vous voulez.

M. Boulerice: Oui, en vous disant, Mme la mairesse, que, en tout cas, moi j'ai retenu une chose, qu'il est nécessaire inévitablement que les régions gèrent leur culture. Je pense que vous l'avez dit et je pense que votre ville, donc, et sa région nous ont montré qu'elles avaient des voies et des moyens. D'ailleurs, il y a ce prix que je connais bien que vous avez reçu. Donc, je pense que c'est un témoignage, effectivement, très éloquent. Les régions sont très oubliées dans le rapport Arpin. Encore là, j'ose espérer que l'expérience véhiculée par votre ville comme celle des autres villes, même si les pourcentages sont moindres, pourra quand même influer sur la place que l'on va donner aux régions. Pour rappeler une phrase d'une de mes collègues: Si Québec est la tête et Montréal est les poumons, si on se retrouve avec un corps dont les membres sont atrophiés, il n'y a pas grand vie possible. Transposons-le au niveau de la culture et ça donnerait le même portrait aussi désastreux. Je vous remercie beaucoup, Mme Jutras et vos collègues qui vous accompagnaient.

Le Président (M. Doyon): Je permettrai maintenant peut-être au député de Drummond de remercier, au nom de Mme la ministre, nos invités.

M. St-Roch: Merci, M. le Président. Alors, je pense que, Mme la ministre, mesdames et messieurs de la commission, vous avez eu seulement un pâle reflet de ce qu'est la vie culturelle dans Drummond. Je vous invite à venir nous visiter et je suis convaincu que vous allez me permettre ce petit message, parce que ça va peut-être combler aussi les inquiétudes de mon collègue de Mercier. Hier, on avait le bonheur d'annoncer qu'il y aura, au manoir Trent, peut-être l'exposition la plus importante au niveau international, regroupant un des sculpteurs fameux de France. Alors, cette exposition-là débutera en mai, ce qui vous montre quand même le dynamisme de notre région. On continue à aller de l'avant. Le folklore est un des pivots, mais aussi le centre culturel et tout ce qui gravite alentour du centre, avec la complicité du milieu privé, du milieu gouvernemental, fait en sorte qu'on a drôlement changé la qualité de vie au courant des décennies.

Félicitations à tous les partenaires du milieu de Drummondville et à nous, maintenant, du côté gouvernemental, de faire que vos préoccupations soient comblées à l'intérieur d'une politique qui comble les régions. Vous pouvez compter, comme toujours, sur la collaboration de votre député. Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. Je vous remercie au nom de la commission et vous souhaite un bon voyage de retour. Je vous laisse le temps peut-être de vous retirer. J'invite maintenant le Regroupement des professionnels de la danse du Québec à bien vouloir prendre place en avant.

Le Président (M. Gobé): Alors, bonjour, messieurs. Bonjour, madame. Si vous voulez vous présenter, ainsi que les gens qui vous accompagnent, nous allons pouvoir commencer l'audition.

Regroupement des professionnels de la danse du Québec

M. Perreault (Jean-Pierre): Alors, nous sommes le Regroupement des professionnels de la danse du Québec. J'aimerais d'abord présenter Mme Jeanne Renaud, chorégraphe, Prix du Québec en 1989, prix Denise-Pelletier. À mon extrême droite, M. Vincent Warren, ex-danseur, ex-président du Regroupement des professionnels de la danse et professeur de ballet; à l'extrême gauche, Sylvain Lafortune, premier danseur aux Grands Ballets canadiens et vice-président du Regroupement des professionnels de la danse du Québec; à ma gauche, Gaétan Patenaude, directeur général du Regroupement des professionnels de la danse du Québec, et moi-même, Jean-Pierre Perreault, chorégraphe, directeur artistique et président du Regroupement.

Le Président (M. Gobé): Alors, bonjour et bienvenue parmi nous. Vous pouvez maintenant commencer votre présentataion.

M. Perreault: Merci. Je vais tout d'abord passer la parole à M. Gaétan Patenaude qui va faire un exposé des principales recommandations contenues dans le mémoire que nous avons présenté à la commission. Gaétan. (15 h 45)

M. Patenaude (Gaétan): Merci, Jean-Pierre. M. le Président, Mme la ministre et membres de la commission, le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui s'intitule: "Sur la voie tranquille

d'une révolution culturelle, un nouveau contrat social se profile". Cette voie tranquille, nous la voyons comme un carrefour où se rencontrent le milieu des arts et la population du Québec, aidés en cela par l'État du Québec, pour favoriser un dialogue constructif et dynamique pour assurer l'épanouissement de notre société.

C'est un volumineux mémoire que l'on aurait voulu plus bref, mais, à la suite du dépôt du rapport Arpin, on s'est bien rendu compte que le mémoire présenté au groupe Arpin ne suffisait pas, que l'envergure du rapport commandait une analyse détaillée et une réflexion approfondie pour nous assurer une rencontre de premier plan avec ce rendez-vous historique. La façon dont le rapport est écrit et son contenu nous laissent présager une nouvelle révolution au Québec, une révolution culturelle. C'est ce qu'une lecture attentive du rapport Arpin nous laisse entrevoir. Et c'est également ce dont a besoin, un besoin vital, non seulement le milieu des arts, mais également la culture au Québec. Le présent mémoire n'est pas une apologie de la danse, mais bien une analyse qui veut donner un cadre général à l'intérieur duquel nous voulons voir s'inscrire une politique sectorielle pour la danse.

On parlait de dialogue, tout à l'heure. On a deux éléments: d'une part, le développement des arts; de l'autre, l'accès à la production des arts. Dans la première section du rapport, on parle de droit à la création et au développement des arts, un droit fondamental. On souligne une réalité extrêmement importante, c'est-à-dire un développement asymétrique entre les disciplines. Il est important de le bien prendre en compte parce que ça suppose une intervention qui n'est pas uniforme pour l'ensemble des disciplines artistiques, mais qui prend en compte le développement asymétrique, c'est-à-dire inégal, et qui prend en compte le processus différent dans chacune des disciplines.

Pourquoi asymétrie? Quatre causes sont identifiées par les auteurs du rapport, c'est-à-dire évolution spécifique des oeuvres, faible population et vaste territoire pour le Québec et le fait qu'il y ait une intervention d'ensemble inexistante par le gouvernement du Québec; finalement, on parle de concilier la planification et la liberté de création et de choix des artistes, donc, un équilibre très difficile et pourtant extrêmement important.

On identifie quatre orientations principales pour réaliser un projet culturel qui se veut enraciné, dynamique, complet et ouvert. Ces quatre éléments sont: favoriser la création, assurer la stabilité des organismes culturels, accroître l'action internationale, développer et maintenir au Québec la compétence professionnelle dans le domaine culturel. On souligne, dans le chapitre pour favoriser la création, une réalité extrêmement importante. On parle de sensibilisation et d'éducation aux arts, qui se sont développées de façon peu homogène au Québec. On souligne que le théâtre, par rapport à la danse, est beaucoup plus avancé pour des raisons historiques; il y a des retards qui devront être corrigés.

Lorsqu'on parle d'initiation aux arts, récemment, dans le quotidien Le Devoir, on parlait de "macédoine" à l'école, une approche où on voit une espèce de prolifération sans approche structurée et où on voit l'apologie de l'expression individuelle hissée au rang fondamental, plutôt que de voir l'épanouissement de l'individu encadré en relation avec les arts professionnels. Je pense qu'il y a un travail à faire de ce côté-là.

Pour assurer le développement des arts, il est fondamental de stabiliser les organismes, donc, de leur donner un soutien constant et modulé en fonction de leurs besoins évolutifs. Bien sûr, si on veut assurer le développement des arts au Québec, il faut maintenir et développer la compétence professionnelle, et ça se fait de deux façons. D'une part, en assurant un développement et une formation professionnelle de base et, d'autre part, en assurant une formation continue, une chose qui est dans le discours, mais qu'on arrive difficilement à traduire dans la réalité. À titre d'exemple, on peut voir comment sont modulés nos programmes de formation professionnelle ou d'aide au développement de l'emploi qui sont, en général, des programmes à courte vue, qui sont plus souvent des soustracteurs de chômeurs que de véritables développeurs de main-d'oeuvre et d'emplois.

Au niveau de la formation professionnelle de base, on souligne, dans le rapport, une inadéquation entre la formation, d'une part, et le développement économique du marché du travail. Donc, je pense qu'il y a un examen à faire entre le nombre d'artistes qui sont amenés sur le marché du travail et la capacité d'accueil du marché, non pas dans le sens d'un contingentement, mais, je pense, dans le sens de travailler au développement du marché du travail.

On souligne également dans le rapport la formation en art dans les écoles privées. Comme on le sait, récemment, la commission de l'éducation examinait un projet de loi sur l'enseignement privé et, à ce titre, nous avons fait une représentation auprès du ministre, M. Pagé, à l'effet de se poser des questions, à savoir, si on envoie les écoles dites de culture personnelle à l'Office de protection du consommateur, si on va tout simplement transférer la juridiction sans se préoccuper de la qualité de l'enseignement. Lorsqu'on sait que l'enseignement de la danse, ce n'est pas la coiffure et qu'on peut défaire des dos, je pense que couper des cheveux croche, ça repousse, mais de défaire une colonne vertébrale, ça n'a pas la même implication. L'État a une responsabilité de préservation de l'intégrité physique et psychologique des enfants qui suivent des cours.

L'amélioration des conditions de la pratique

des métiers artistiques. On identifie dans le rapport les droits d'auteur. On sait la problématique du chorégraphe: comparativement, par exemple, à l'écrivain, pour qui, lorsqu'il écrit son oeuvre, elle est fixée, donc protégée de facto par la Loi sur le droit d'auteur, le chorégraphe, lui, en créant son oeuvre, ne la fixe pas, puisque c'est une oeuvre qui est sur scène avec des danseurs; donc, on peut imaginer la difficulté de la fixer, ça suppose un autre élément. Il y a très peu de revenus de droits d'auteur en chorégraphie. Donc, sans dire qu'il ne faut pas continuer le travail de protection des droits d'auteur en chorégraphie, il faut continuer, oui, mais en même temps ne pas imaginer que c'est - le revenu du chorégraphe est actuellement en moyenne de 800 $ par année, selon les dernières statistiques - avec ça qu'on va corriger la situation.

L'amélioration des conditions de la pratique des métiers suppose une organisation des milieux et il ne faudrait pas croire que, par exemple - la loi sur le statut de l'artiste, qui a été adoptée par le gouvernement du Québec, est une première et nous en saluons notre gouvernement - c'est simplement avec la loi structurante qu'on va arriver à faire en sorte que les artistes, danseurs et chorégraphes du domaine subventionné, donc, de la danse de création, vont demander aux compagnies de danse qui les embauchent d'augmenter ou de leur donner des meilleures conditions, alors qu'on sait très bien que les compagnies sont, au fond, des gestionnaires des subventions et que le véritable producteur au sens où nous l'entendons, c'est-à-dire celui qui prend les risques, c'est l'État.

Donc, si on imagine améliorer les conditions de travail dans le domaine de la danse sans que l'État y joue un premier rôle au départ, on se leurre à ce niveau-là. Donc, pour y arriver, oui, l'État doit intervenir et, en même temps, il faut adopter une mesure qui fasse qu'on accroisse les opportunités d'emploi, en même temps qu'on travaille sur le développement de la clientèle, c'est-à-dire le public, pour faire en sorte que, dans un court terme, on se retrouve avec un équilibre entre les contributions de l'État et le financement par la voie du guichet.

Une dimension qui est mentionnée, on parle d'organisation des milieux artistiques et on sait que l'amélioration des conditions d'exercice des métiers dans notre société s'est beaucoup faite, si on prend l'exemple des secteurs des affaires sociales et de l'éducation, par les fameux fronts communs. Donc, des actions des groupes organisés qui ont réussi, par leur force organisée, à déstabiliser le gouvernement et à forcer des investissements accrus.

Vous êtes tous conscients des démarches, depuis 1986, de la Coalition du monde des arts et des affaires culturelles qui a revendiqué l'augmentation ou l'investissement par l'État de 1 % pour le ministère des Affaires culturelles. Sous toutes réserves, cette dynamique visait à cons-cientiser le gouvernement à l'importance d'accroître les investissements dans le secteur culturel et je pense que la réponse, l'invitation qui nous est faite de définir une politique va beaucoup plus loin que 1 %.

Ceci dit, qu'est-ce qui est arrivé dans cette dynamique? Nous avons vu un des joueurs, un des associés de la Coalition, jouer seul, faire son lobby avec succès et convaincre la classe politique d'investir dans un temple du rire. L'investissement consenti correspond à environ quatre fois le budget des Affaires culturelles pour la danse. Évidemment, c'est un investissement de plusieurs paliers de gouvernement. Nous ne sommes pas à remettre en question le projet. Nous sommes simplement à dire: "Juste pour rire", est-ce que c'est le rôle de l'État de subventionner l'humour, alors que les enveloppes, nous dit-on, rétrécissent? Est-ce que c'est dans l'ordre des priorités de l'État de subventionner l'humour?

Les moyens de favoriser l'exercice du droit à l'activité culturelle. L'un des grands objectifs de la Révolution tranquille était la modernisation de notre société, la démocratisation de l'accès aux services sociaux et éducatifs, de même que l'émancipation économique et sociale des Québécois. Sur le plan sociologique, les transformations vécues au sein de la société québécoise sont nécessairement teintées d'une dimension culturelle. De toute évidence, la présence et la qualité de la pratique artistique et de l'activité culturelle se sont largement répandues et, dans certaines régions ou villes, profondément enracinées, comme en donnait l'exemple la ville de Drummondville, tout à l'heure. Toutefois, les progrès sensibles des 30 dernières années ne sauraient nous faire oublier les disparités criantes qu'il nous est possible de constater quotidiennement dans les rues du centre-ville de Montréal entre les différentes composantes sociales. Tout comme il est possible de constater un développement asymétrique entre les disciplines artistiques, il nous est possible de constater un développement asymétrique entre nos concitoyens et nos régions.

L'amorce tranquille d'une nouvelle révolution au Québec devrait logiquement faire passer la culture au rang de troisième axe de l'action de l'État en matière de développement. Si le secteur des arts et de la culture recherche la reconnaissance par l'État de son rôle et, par voie de conséquence, demande à l'État de soutenir ses actions et ses projets, c'est parce qu'il croit vital pour la société québécoise que la culture irradie les couches sociales et teinte l'ensemble des activités de la société. Tout comme les recherches de pointe ne sont accessibles qu'à un groupe d'initiés, mais tout de même essentielles au développement de la société; tout comme il existe des personnes aptes à traduire dans un langage simple des réalités

complexes, nous croyons que les oeuvres les plus difficiles d'accès peuvent devenir des expériences esthétiques et émotives d'une grande richesse si elles sont introduites au public visé d'une façon adéquate.

Par ailleurs, il restera toujours une part de mystère, de merveilleux et d'inconnu dans les oeuvres artistiques qui demanderont un effort de la part des spectateurs, des lecteurs, des auditeurs. Nous pouvons constater des variations sur le plan de la qualité des productions offertes en raison des talents variables des artistes; il en est de même du degré d'ouverture et du niveau de compréhension des citoyens. C'est pour ces raisons que le défi que sous-tend la réalisation d'un vértable projet culturel est de réduire les disparités sociales, de favoriser un épanouissement des individus et de préserver les fondements et le caractère de la société québécoise. Cette affirmation peut sembler ambitieuse, voire idéaliste; elle n'en traduit pas moins un profond sentiment d'urgence et un cri de ralliement pour que nous puissions contrer le dérapage et le désarroi de plus en plus visible d'un trop grand nombre de nos concitoyens, tout en préservant et en mettant en valeur la richesse collective que constituent nos artistes.

En guise de constat, les moyens, maintenant, pour favoriser ce dialogue entre les artistes, la communauté artistique et les citoyens du Québec. On parle - et nous appuyons - d'établir un réseau sur l'ensemble du territoire. Dans le rapport Arpin, on situe trois grands pôles, c'est-à-dire Montréal, la métropole, Québec, la capitale, et un ensemble régional. La reconnaissance sociologique qui est traduite par le rapport Arpin est courageuse, puisque nier que Montréal soit une métropole et un grand centre, ce n'est pas aider le développement régional. Je pense que ce qu'il faut arriver à faire, c'est prendre en compte et faire en sorte que le développement que Montréal peut apporter au Québec favorise l'ensemble du territoire québécois. (16 heures)

Dans les recommandations qui touchent le Grand Montréal, un silence redoutable qui nous inquiète. Nulle part il n'est question de la problématique réelle du réseau de diffusion à Montréal - des salles existantes ou à réaliser - de la problématique de leur accessibilité, du mode de financement des immobilisations et du fonctionnement des salles. Un rôle tenu sous silence, celui de la Place des Arts qui, en 1964, alors qu'elle était inaugurée, était considérée comme la salle des autres. Le texte que nous avons fait publier dans Le Devoir en décembre dernier posait la question: Quel est le rôle de la Place des Arts? Et nous pourrions l'étendre au Grand Théâtre de Québec. Alors, on demandait à cette commission d'examiner publiquement ce rôle dans l'esprit du rapport Arpin, c'est-à-dire du développement des arts et de l'accessibilité de ces arts à la clientèle et à la population québé- coise.

Tout ce qui est sur la question régionale sera traité un petit peu plus loin.

On identifie - et nous sommes tout à fait d'accord - les médias électroniques et les hautes technologies comme éléments de soutien et de diffusion large des arts. Nos réserves. Au niveau de la télévision, on parle beaucoup d'émissions culturelles. On parle très peu d'émissions artistiques. Lorsqu'on préparait notre intervention, on se disait: À Radio-Canada, si on avait un FM de la télévision, ce serait extraordinaire. La radio FM est considérée comme une des meilleures radios au monde. La télévision est populaire. Malheureusement, on a une mauvaise conception de la popularité, c'est-à-dire le nivellement par le bas. Je pense qu'il faudrait qu'on fasse entrer dans nos télévisions publiques cette notion d'art et d'excellence.

La troisième analyse du rapport Arpin est la gestion de la mission culturelle et sa relation avec les partenaires de l'État. On identifie cinq grands verbes pour résumer cette proposition. Un des plus importants est celui de reconnaître le statut des arts, ce qui veut dire pour l'État situer la culture au plus haut niveau des préoccupations de l'État, faire de la culture un des trois vecteurs de toutes les grandes décisions du gouvernement, reconnaître aux arts un véritable statut de service d'éducation et d'épanouissement de tous les citoyens. Les autres verbes sont stabiliser, développer, irradier, mobiliser. Comme on peut le constater, c'est d'une véritable révolution culturelle qu'il est question et, si toutes ces actions étaient réalisées, le Québec serait doté pour son entrée dans le troisième millénaire d'une puissante et solide assise sociale et culturelle.

Dans les moyens pour actualiser la politique, on parle de créer un observatoire des politiques culturelles. À cet égard, nous sommes en défaveur. Nous croyons que, plutôt que de demander à une structure nouvelle d'analyser, d'étudier, de faire le bilan de l'impact de la politique culturelle, de son actualité et de ses retombées positives ou négatives, on doit plutôt... Ça, c'est un des paradoxes du rapport Arpin. D'un côté, on propose la création d'un observatoire et, en même temps, on reconnaît un rôle extraordinaire aux associations professionnelles. On parle de les consolider. Mais pourquoi ne pas les consolider en leur donnant des vrais mandats, en reconnaissant l'expertise qu'elles ont et en s'appuyant sur les ressources professionnelles et les élus de ces associations pour jouer un rôle avec le ministère, avec le gouvernement?

Au niveau d'un conseil consultatif, nous sommes d'accord, mais dans la mesure où il est formé d'experts et où on étudie la relation qu'il pourrait avoir avec les associations. La question névralgique du rapport a deux niveaux. D'une part, la maîtrise d'oeuvre du ministère en matière de politique culturelle et la fameuse

question cruciale qui est débattue ailleurs présentement par deux autres commissions, le partage des pouvoirs, la question constitutionnelle et la culture. À ce niveau, sans vouloir évacuer le débat, nous croyons que, plutôt que de passer par le rapatriement des pouvoirs en matière culturelle et de l'argent, et d'ouvrir à nouveau un front hypothétique sur le partage des pouvoirs avec les risques d'affrontements entre le fédéral et le provincial, le Québec a déjà la capacité d'inscrire dans son action et d'occuper tout le territoire qu'il est en mesure d'occuper sans accepter le statu quo.

La question constitutionnelle sera à débattre. Nous ne sommes pas là pour prendre position pour le Québec. Nous sommes là pour dire: Les arts et la culture sont prioritaires. C'est de ça qu'il est question. La question constitutionnelle, oui, il y a une politique dite nationale au gouvernement canadien et c'est cette politique qui doit être actualisée en tenant compte des caractéristiques spécifiques du Québec, en tenant compte des priorités du Québec et, le cas échéant, les citoyens du Québec seront appelés à se prononcer sur le meilleur arrangement constitutionnel ou à opter pour un autre statut pour le Québec.

Et, bien sûr, lorsqu'on parle du gouvernement fédéral et lorsqu'on regarde le projet de proposition qui est soumis par le groupe Arpin, on se dit: On a une vision horizontale du développement de la culture pour le Québec, donc une vision où le gouvernement devrait intégrer à son action l'ensemble des composantes de son gouvernement pour que la culture en soit teintée. Donc, c'est le troisième axe, le troisième vecteur de l'action du gouvernement. Et, tout d'un coup, on se retourne vers Ottawa et là on rapatrie selon les icônes que sont les grandes agences fédérales. Est-ce qu'on peut considérer que la politique culturelle, si elle est horizontale pour le Québec, serait verticale pour Ottawa? Dans le contexte où les appropriations pour ces agences sont annuelles et par le Parlement, imaginons que, demain matin, le gouvernement fédéral décrète: urgence nationale, rapatriez pour le Québec les agences mais vous n'avez plus d'argent parce que, là, on est en déficit national et il y a urgence. Scénario hypothétique, mais...

Un autre élément qui nous apparaît important de souligner: la culture comme instrument de liaison entre les communautés. Si on fait sur le dos de la culture un rapatriement de pouvoirs, le risque est grand qu'on coupe des ponts entre des amitiés historiques, des amitiés artistiques, et ça, c'est extrêmement dangereux.

La question des municipalités et du développement régional. Cette question détaillée dans notre mémoire est extrêmement délicate et ce qui nous apparaît important, c'est non pas de considérer le développement régional comme quelque chose d'inférieur, mais de voir le développement des arts en région et l'acces- sibilité en région aux activités professionnelles. Dans la mesure où on mêle régionalisme et développement des arts, on se fourvoie. Je pense qu'il faut poser le problème juste: le développement des arts en région, avec la logique qui voudrait peut-être qu'on donne plus pour assurer à des artistes professionnels en région une prime à l'éloignement, comme on a pour les gens qui travaillent à Sept-îles ou à la Baie James.

En conclusion, le simple fait d'évoquer la possibilité que le Québec amorce une révolution culturelle et que celle-ci puisse donner lieu à l'adoption d'un nouveau contrat social entre l'État et ses partenaires suscite des attentes profondes de la part de ces derniers, mais également un vif espoir que cette révolution culturelle complète, pour l'entrée dans le troisième millénaire, la modernisation du Québec.

Dans le contexte d'une récession économique et de l'insécurité sociale qu'elle engendre, et dans le cadre de la crise constitutionnelle qui confronte le Québec et le Canada, le défi lancé à la classe politique et aux gestionnaires de l'État est de taille. Toutefois, non seulement les enjeux pour le développement de la société québécoise justifient-ils qu'ils fassent preuve de courage et de vision, mais la légitimité même des revendications traditionnelles du Québec le commande. Les enjeux que sous-tend la mise en chantier de la proposition de politique des arts et de la culture sont simples. Il s'agit de faire du Québec un territoire où il est possible d'exercer, dans des conditions de dignité, son droit à la création et au développement de son imaginaire et où il est possible aux citoyens de toutes origines et de toutes conditions d'exercer un droit universellement reconnu d'accès à l'activité culturelle.

Si le défi à relever soulève des attentes et des espoirs, il comprend également des écueils redoutables si l'opération n'est pas amorcée en gardant à l'esprit ce que sont les objectifs premiers: le développement des arts et de la culture pour assurer l'essor de la société québécoise. Ce faisant, nous nous assurerons que les démarches à entreprendre pour repartager les responsabilités du développement des arts et de la culture au Canada et au Québec et pour transférer les sommes correspondantes ne conduiront pas à des affrontements stériles entre les différents paliers de gouvernement.

Le plus grand écueil qui guette le Québec, si le défi de faire de la pratique des arts et du développement culturel une priorité de société n'est pas réalisé, c'est la perte de confiance des artistes et des professionnels de la culture dans la capacité de notre société, et de sa classe politique, de véritablement assumer son caractère distinct d'une façon constructive et de l'affirmer positivement au reste du monde.

À cet égard, permettez-nous de citer un extrait de "À l'aube du XXIe siècle, le Québec se prépare-t-il une culture à blanc? Une culture à blanc, c'est ce qui guette le Québec du prochain

millénaire si celui-ci ne prend pas les dispositions pour s'assurer que nos créateurs et nos interprètes trouvent ici non seulement les ressources nécessaires pour poursuivre leurs recherches et leur travail de création, mais également un territoire propice pour les accueillir. Le danger qui nous guette - et peut-être qu'il est déjà là - si nous ne préparons pas les adultes de demain à une intégration organique de l'activité créatrice dans la société québécoise, c'est la fuite de nos meilleures ressources vers les centres de production artistique d'envergure internationale, c'est la pénétration profonde des productions étrangères standardisées, et c'est l'appauvrissement de la dimension créatrice des composantes de notre société." Comme en témoigne-Le Président (M. Gobé): M. Patenaude, je vous demanderais de bien vouloir conclure, car vous dépassez déjà le temps. Devant l'intérêt de votre mémoire, j'ai laissé aller, sauf que, là, je vous demanderais de...

M. Patenaude: Je vous remercie. Deux petites lignes...

Le Président (M. Gobé): Oui, allez-y, je vous en prie.

M. Patenaude: Notre participation et la richesse de notre délégation, les forces vives qui la composent, qu'elle représente dans notre milieu, témoignent de notre confiance dans le processus démocratique et dans la capacité de nos institutions et de nos élus à faire preuve d'ouverture et de sensibilité à l'égard de ce qui pourrait s'avérer un rendez-vous crucial à ne pas manquer avec l'Histoire, celui de l'affirmation culturelle du Québec et de l'adoption d'un modèle de développement spécifiquement québécois.

Nous attendons donc de nos élus qu'ils et elles prennent les décisions susceptibles de stabiliser le cadre de développement des arts et de la culture au Québec, et nous leur offrons toute notre collaboration afin que ce projet de révolution culturelle favorise d'une façon large et constante la liberté d'expression. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Patenaude. Et, sans plus attendre, je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre, en vous rappelant, madame, que nous avons dépassé, donc de restreindre un petit peu le temps qui vous est alloué.

Mme Frulla-Hébert: Merci. Merci et bienvenue à tous. Merci, M. Patenaude. Vous m'avez enlevé les mots de la bouche; quand on parle des forces vives de la danse au Québec, vous êtes ici devant nous. Et je vous remercie aussi de l'analyse approfondie de la proposition de politique de la culture et des arts. Vous avez mis en lumière des choses qui sont très intéressantes.

Maintenant, justement parce que le temps file, je vais passer directement à certaines questions. Au niveau de la danse, j'aimerais parler du public. D'un côté, on parle d'une diminution du public intéressé à la danse au Québec. Dites-moi si j'ai raison dans mon constat. D'un autre côté, on vient de terminer le festival de la nouvelle danse, grand succès.

Parlez-nous de ce développement des nouveaux publics au Québec et sur la scène internationale, mais principalement ici, au Québec.

M. Patenaude: Je vais laisser notre président répondre à cette question. Jean-Pierre.

M. Perreauit: Oui, effectivement, il y a eu la croissance d'un public. Il y a une effervescence énorme dans le milieu, qui a été suivie par une augmentation du public à Montréal. Il faut faire attention quand on regarde quelque chose comme le Festival international de la nouvelle danse, qui a rempli des salles à 95 %, le Québec adore les festivals. Si on fait un festival de la saucisse, on va manger de la saucisse toute la semaine avec un grand plaisir. Il faut faire attention à ça.

En réalité, le public n'a pas été bâti comme il se devrait, autant à Montréal qu'en région, et surtout en région. À Montréal, c'est un problème; il y a un problème d'éducation, mais il y a aussi un problème d'infrastructures. Pendant des années, les troupes sont allées d'un hangar à l'autre. Nous n'avions pas d'endroits pour y amener la danse de façon régulière. Quand la danse arrive d'une façon tellement sporadique, ce n'est pas possible de créer une habitude face à un public. (16 h 15)

En région, il n'y a pas de structures, mais surtout il y a un écart énorme entre les attentes du public et ce qu'a vu le public, le contact qu'il a eu avec la danse et ce qui se fait en danse au niveau de la création. Nous avons des troupes qui diffusent énormément au niveau international. On joue dans un petit théâtre à Montréal et on joue dans les grandes maisons d'opéra en Europe. Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas d'éducation qui a été faite. Il n'y a pas de pénétration profonde et réelle. On commence à éduquer et à aller chercher un public à partir do la base, et ça se fait en longueur. Ça ne se fart pas avec de la publicité; ça se fait par des moyens et des initiatives qui sont basés sur le concret et le contact d'un individu qui est le public avec un autre individu qui est le créateur.

Mme Frulla-Hébert: Par exemple, au niveau pratique et concret, on a parlé beaucoup du système d'éducation, on a parlé beaucoup de l'utilisation, justement, de nos institutions ou de nos organismes, de nos forces créatrices pour

justement aller chercher le jeune public, l'enfant qui part dans le système scolaire. Mais, encore une fois, pour cette initiation, pour initier ces jeunes et, finalement, bâtir un public au niveau de la danse, entre autres, quelles seraient les suggestions, selon vous, selon votre expérience?

M. Perreauit: C'est de pouvoir avoir des contacts directs, de pouvoir créer des résidences dans les régions, de pouvoir s'assurer que les troupes ne vont pas tout simplement un soir dans une ville et repartent le lendemain matin. Il faut pouvoir construire à mesure qu'on est là. Ce qui est malheureux chez nous, c'est que, les villes étant relativement petites, on arrive dans des villes où il n'y a pas de milieu professionnel; donc, il n'y a pas de continuité entre une troupe qui est en tournée et autre chose. Je ne peux pas vous dire exactement tout ce qu'il y a à faire, il y a tellement à faire parce que rien n'a jamais été fait. La diffusion de la danse au Québec, c'est Montréal en ce moment. On ne peut même pas venir à Québec. Je n'ai jamais dansé à Québec avec ma compagnie. Je peux aller en Europe, pas à Québec, parce que le Grand Théâtre de Québec, ça ne nous est pas encore ouvert.

Le problème, c'est qu'il n'y a rien qui a été fait. On encourage un peu la tournée et, ensuite, les tournées se font devant des salles vides. Mais, il faudrait s'asseoir. Parce que, là, on parle d'une politique culturelle, mais il y a des politiques sectorielles qui doivent être fartes et, pour ça, on doit s'asseoir; il y a un gros travail à faire entre le milieu et les organismes correspondants au niveau des gouvernements, mais il faut s'asseoir avec nous pour le faire, parce qu'on n'arrivera pas avec des recettes miracles.

C'est certain que, en ce moment, la dichotomie entre le degré de sophistication de la création et où en est le milieu, l'écart est tellement large qu'on se lève le matin et on se dit: Mais qu'est-ce que je fais là? Est-ce que je suis un objet de luxe ou quelqu'un qui est complètement en dehors de son milieu? Parce que, si on est ici, c'est par choix, mais on veut aussi correspondre à quelque chose de réel, de tangible. La création, c'est le rêve, mais pas sans la vie quotidienne et le contact qu'on a avec la population. On ne crée pas pour créer. On ne crée pas non plus juste pour aller se promener à travers le monde. On aimerait ça pouvoir rester chez nous. Et, en ce moment, c'est de plus en plus tentant de rester à l'extérieur; on a de moins en moins le goût de revenir. Essayez de nous garder ici et, pendant que vous ferez une politique culturelle, pensez que c'est des individus qui font la culture.

Mme Frulla-Hébert: Mais, je veux seulement vous rassurer là-dessus: une politique culturelle, ce sont des grands énoncés, tout simplement, comme je disais, pour changer les lois, etc., mais tous les plans d'action qui sont sectoriels seront commencés, d'ailleurs, très rapidement. On en a déjà. Une politique culturelle, c'est pour le futur, c'est pour vraiment dire au peuple québécois: Qu'est-ce que vous voulez en termes de culture? Qu'est-ce que vous voulez investir? Et soyons sérieux. C'est ça, dans le fond, ce qui n'empêche pas un plan d'action. Un plan d'action se travaille avec le milieu, il ne se travaille pas dans les grandes instances et au niveau des fonctionnaires.

Rapidement, M. Lafortune, vous êtes un jeune danseur qui êtes parmi la relève des Grands Ballets; vous parliez des jeunes, vous parliez aussi, finalement, de cette séparation entre le public, d'un côté, et où en est rendue la création, de l'autre. Vous qui êtes parmi la relève, comment voyez-vous ça, l'avenir des jeunes dans la danse, au Québec?

M. Lafortune (Sylvain): Je pense que le contact avec la danse doit être au niveau des médias, mais je pense aussi à un contact direct, comme on en a parlé avant. Je pense que la danse devrait être accessible non seulement comme forme d'art privilégiée de quelques professionnels, mais en tant que pratique à plusieurs niveaux, pas nécessairement seulement pour créer une relève, ce qui serait une façon de le faire, mais aussi pour créer un public. Je pense que le meilleur public, ce sera celui qui aura goûté à la danse personnellement. Je pense qu'il y aurait du travail à faire pour apporter la danse. Par exemple, s'il y a des compagnies qui sont en tournée, ce serait excellent aussi d'avoir un contact avec les étudiants dans les écoles, comme ça arrive, malheureusement, trop peu souvent. Mais il y a eu, en tout cas, des occasions en tournée, où on a rencontré les étudiants dans les écoles et c'est toujours, pour eux, une introduction à la danse qui est excellente pour la formation d'un public. Je pense que c'est le genre d'intervention qui pourrait être développé à grande échelle.

Mme Frulla-Hébert: Juste une petite. Au niveau de la formation, vous nous avez dit, à un moment donné - c'est écrit dans le mémoire - M. Patenaude: II s'agit de savoir maintenant le nombre ou, enfin, sans contingenter, de regarder le nombre de personnes que l'on forme versus le potentiel. Ça veut dire quoi, ça, au juste? Vous dites "sans contingenter". Effectivement, on ne peut pas contingenter, non plus, le talent et le développement de ce talent-là. Par contre, il y a des déceptions aussi, souvent, en bout de ligne, autant au niveau de la musique qu'au niveau de la danse ou du théâtre. Comment voyez-vous ça? Comment peut-on faire les deux: aucun contingentement d'un côté, mais, de l'autre côté, on dit: Faites attention au niveau des gens que l'on développe?

M. Patenaude: Peut-être qu'on peut contingenter si c'est la façon de le faire, si c'est nécessaire. Prenons, par exemple, l'enseignement de la danse à l'école. L'université forme des enseignants pour enseigner aux jeunes en milieu scolaire. On sait qu'aux niveaux primaire et secondaire il y a des difficultés, il y a des contraintes qui devraient faire l'objet d'un examen. Je pense qu'on doit se poser... On n'a qu'à regarder les contraintes que l'on donne à nos organismes artistiques. On est constamment en contrainte: il faut équilibrer les budgets, on a des ressources limitées, il faut courir après les différentes sources de revenus. Et, en même temps, on a l'impression qu'il y a des endroits où il n'y a pas d'analyse, où il n'y a pas de règles. On a, par exemple, des universités où on forme et on forme, et il n'y a pas d'adéquation avec le marché du travail. Soit qu'on développe le marché du travail, ce qui serait une réponse positive au contingentement, ou bien qu'on... Je pense qu'on doit faire l'adéquation entre les deux. On ne peut pas tout simplement développer et ne pas se poser de questions sur la sortie.

On le fait en médecine, on dit: II y a tant de médecins. Plutôt que de contingenter, on va avoir une politique proactive pour la présence de médecins en région. Peut-être qu'on pourrait avoir des développements. Quand on parle d'une harmonisation de la politique gouvernementale, si le ministère de l'Éducation favorise la formation de professeurs pour enseigner à l'école, il faudrait peut-être que le ministère de l'Éducation favorise aussi l'entrée des professeurs à l'école, pour que ce ne soient pas des gens non spécialistes.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Patenaude. Je me dois maintenant de passer la parole à M. le porte-parole de l'Opposition officielle, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, pour une dizaine de minutes parce que nous sommes vraiment en retard.

M. Boulerice: M. le Président, effectivement, porte-parole de l'Opposition officielle pour les arts et la culture, membre du conseil d'administration d'une troupe de danse contemporaine, "subventionneur" comme député, mécène à l'occasion, lorsque mes fins de mois ne sont pas trop difficiles, donc, je peux vous dire qu'entre nous je pense que le contact peut être direct. Ma première question va aller à M. Patenaude, en disant: Mais est-ce que vous étiez sérieux tantôt ou si c'était sur un mode grammatical acceptable, celui de l'ironie, cet enthousiasme du garde rouge qui soulignait l'arrivée imminente de la grande révolution culturelle? La ministre étant habillée de rouge, je me dis: Ça y est, elle va être Mme Mao des arts, demain. Elle s'est retrouvée, malheureusement, en prison.

Mais tous les points que vous avez développés après, M. Patenaude, sont des choses que je vous ai entendu dire lors de la commission sur le statut de l'artiste, qui ne sont pas, aujourd'hui, réglées et qui, pour la plupart, ne demandent pas l'élaboration d'une grande politique culturelle. Ce sont des gestes législatifs ou administratifs extrêmement concrets qu'il resterait à poser, mais qui ne l'ont pas été.

J'étais un peu débalancé par votre entrée en matière à ce niveau-là et, après, il y a cette notion qui, moi, m'a heurté aussi: quand on regarde le rapport Arpin, je veux dire que vous n'êtes pas les favorisés à l'intérieur de cela. C'est une révolution où vous ne serez pas parmi la garde montante. C'est un rapport qui privilégie l'institutionnel, beaucoup. Vous l'avez lu autant, sinon plus que moi parce que c'est votre fonction première. Et après... Là, je vais aller quand même à des questions.

Bon! Oui, il y a le débat constitutionnel comme tel, mais personnellement je n'accepte pas de dire que, lorsque le Québec se bat, c'est des affrontements stériles, mais, quand Ottawa vient fouiller dans nos affaires, bien, là, mon Dieu, ils sont purs. Vous avez entendu, les régions sont venues tantôt en nous disant: Donnez-nous l'argent, on est capables de s'occuper de nos choses. Ils ont confiance en eux-mêmes. Si on dit: Bien oui, mais c'est dangereux et risqué pour nous, le Québec, qu'on ait tous les pouvoirs et tout l'argent, c'est, au départ, manquer de confiance en nous-mêmes. Si, moi, je me bats pour qu'on enlève une taxe sur les livres, est-ce que c'est stérile alors que le fédéral les taxe? Comme disait M. Beatty, il veut protéger la culture québécoise. Il a la devise des compagnies de finance: "Je veux votre bien et je l'aurai." Alors, je pense qu'il faut être prudents à ce niveau-là et il n'est pas du tout question de briser des liens et des amitiés. Si on a fait allusion à un continent, il n'y aura pas de muraille qui va nous séparer.

Ceci étant dit - puisque je voulais quand même me soulager, et on ne le fait que devant des gens qu'on aime bien; les autres, on les ignore - vous parlez de l'utilisation de la télévision comme instrument supplémentaire de diffusion des arts vivants. Mais, par contre, je retrouve un petit peu plus loin que vous avez des appréhensions quant à la possibilité de fusionner le ministère des Affaires culturelles et le ministère des Communications. 85 % du temps culturel québécois se passe à la télévision, vous le savez autant que moi. Si on veut diffuser nos produits culturels... De la danse contemporaine, entre moi et vous, à Radio-Canada et à Radio-Québec, ça ne court pas les rues, hein? C'est quand, la dernière année où vous en avez vu? Au moins deux ans, peut-être. Non, je ne comprends pas votre appréhension. Vous parliez d'un FM de la télévision. S'il y a une gamme assez diversifiée dans la radio d'État en France, avec France-Musique, France-Culture, France Info ou France-Inter, c'est que ça relève du ministère de la

Culture et de la Communication. Je ne comprends pas votre appréhension au moment où la culture pourrait s'approprier le plus gigantesque appareil de diffusion qui peut exister.

M. Patenaude: Beaucoup de questions.

M. Boulerice: Vaste programme, aurait dit de Gaulle, oui.

M. Patenaude: Je ne répondrai pas, je pense, à toutes. Premièrement, nous sommes la bande des cinq. La Bande des Quatre n'était pas dans la garde-robe quand on a écrit le mémoire. C'est sûr qu'à l'heure où on est les statues tombent. Lénine disait qu'à chaque fois qu'il parlait il le faisait à un cran plus élevé. Vous avez entendu, je pense qu'on est à un cran plus élevé et, là, on est au moment où on attend de l'État des gestes. On n'attend plus de nous d'écrire des mémoires; je pense qu'ils sont écrits, je pense que vous les avez tous reçus. Vous en avez des piles. Je pense qu'on est prêts pour une politique des arts. Ce que l'on dit: Pas de croisade de rapatriement. N'ouvrons pas des fronts qui sont déjà assez chatouilleux. Actions prioritaires pour le développement des arts, des professions artistiques et si, c'est l'axe, après, il y a des éléments et, à travers d'autres démarches, je pense qu'il peut y avoir des éléments. (16 h 30)

Quand on parle des craintes, ce n'est pas nous qui l'avons inventée, la fuite dans les journaux sur la politique québécoise des communications. Est-ce que, entre le ministère des Affaires culturelles québécois et le ministère des Communications, on est en train de se battre pour garder ses chasses-gardées, ou bien le gouvernement du Québec... Et c'est ça qui nous a inquiétés; on laisse au gouvernement actuel le soin de gérer ces dossiers, mais ce qu'on dit, nous, c'est qu'on voit les pièges et on veut s'en préserver. Quand vous dites la danse, oui, mais il n'y aura pas de priorité à la danse s'il n'y a pas déjà une priorité aux arts au gouvernement. M. Perreault.

M. Perreault: Quand nous avons parlé de l'accès aux communications, à la télévision, c'était beaucoup plus parce que, pour nous, c'est seulement une partie du problème. On n'y voit pas un créneau autant de diffusion que d'éducation, finalement. Pour nous, nos problèmes sont beaucoup plus au niveau des trois axes, création, diffusion, éducation du public, et la production. Ça, ce sont nos problèmes urgents et immédiats, et c'est ceux auxquels on fait face dans le quotidien. Donc, c'est ce à quoi nous voulons donner priorité. Les autres moyens, c'est ce qui va permettre que la création demeure intelligente.

Ce qu'on veut, c'est que le gouvernement ou les gouvernements reconnaissent l'intelligence, le besoin d'intelligence d'un peuple et la place que les artistes ont dans cette société-là. Les gouvernements sont très contents quand on s'en va à l'étranger et qu'on représente le pays. On prend beaucoup de place. Le Québec est un des plus gros exportateurs de danse. C'est incroyable, c'est rare, mais ce n'est pas reflété dans notre quotidien quand on fait encore nos décors nous-mêmes et qu'on ne peut même pas se payer un camionneur. Et c'est ça, la réalité au Québec, c'est celle dans laquelle on vit.

On dit: II y a une urgence et regardez-nous, ne jouez pas. Nous, le jeu politique, c'est en tant que citoyens qu'on le vit. En tant qu'artistes, on vit des choses très concrètes. On vit avec des artistes autour de nous qui sont très pauvres. On joue avec le fait qu'on ne peut plus rêver, qu'on doit tout simplement s'ancrer et faire de l'administration et de la gestion en tant qu'artistes. C'est ça, notre problème. Alors, c'est de ça qu'on veut parler et on veut une concertation à ce niveau-là.

Tout le grand débat, moi, je vais vous dire franchement, je n'ai pas eu le temps de le suivre au complet, parce que j'ai des problèmes de créateur, parce que c'est dur de créer ici, d'être un créateur dans une société comme la nôtre. Et ça vient de haut, ça, dans le gouvernement. On n'a pas un leadership politique, et je parle de tous les partis qui ont donné l'exemple, qui amène le peuple québécois et le peuple canadien - parce que ce n'est pas plus drôle de l'autre côté de la frontière - à favoriser la culture. Et c'est là qu'est le débat. Donc, dans tout ce travail-là, ce n'est pas de... Quand on a regardé, nous, le rapport Arpin, on l'a regardé au niveau du futur. On ne l'a pas regardé pour savoir: est-ce que le partage de la tarte était égal? Je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites... Parce que je crois, à la lecture du rapport Arpin, qu'il ne favorise pas que les institutions. Je crois qu'il faut faire une lecture à un niveau un petit peu plus élevé que ça et regarder les choses d'une façon beaucoup plus globale.

M. Patenaude: Peut-être une réponse complémentaire, M. Boulerice.

M. Boulerice: Oui, allez-y.

Le Président (M. Gobé): C'est parce que...

M. Patenaude: Très brève, sur cette question.

Le Président (M. Gobé): Très brève, s'il vous plaît, oui.

M. Patenaude: Moi, d'après la lecture que j'en ai faite à plusieurs reprises, je n'ai pas trouvé dans le rapport Arpin une démonstration éloquente du rapatriement des pouvoirs, la

justification. Ce que j'ai trouvé de très éloquent, c'est la maîtrise d'oeuvre par le gouvernement du Québec. Et ça, je pense qu'on a actuellement tous les moyens pour occuper tout le territoire dans ce créneau-là et, à ce moment-là, le gouvernement fédéral n'aura pas d'autre choix que de coopérer avec le Québec sur l'établissement des priorités, et ces priorités-là, ça émane du milieu des arts et de la culture.

M. Boulerice: Bien, mon attitude n'est peut-être pas aussi élevée que le souhaite M. Per-reault, mais, moi, je vous dis qu'il ne peut pas y avoir de maîtrise d'oeuvre. Je peux vous confier la maîtrise d'oeuvre de la maison que je veux construire, mais si je vous dis: Je regrette, tu ne touches pas aux sous, je me demande ce que vous allez faire comme maîtrise d'oeuvre. Ce que j'essaie de vous faire comprendre, c'est que... Je ne dis pas qu'il ne se fait que de mauvaises choses, au fédéral, c'est faux. Mais on nous entraîne très souvent dans des choses que vous avez vous-mêmes dénoncées, et ça, je suis entièrement solidaire de ma collègue, la ministre, dans cette histoire de musée du rire.

J'ai toujours parlé de vous comme étant les sans-abri de la culture. Je ne l'ai jamais dit de façon méchante, mais je voulais exprimer une réalité qui est la vôtre. Les 20 000 000 $ qui ont été investis là-dedans, le Québec avait un revolver sur la tempe de la part du fédéral, devant tout un parterre, et c'était face à la ministre québécoise: Si tu ne le mets pas, toi, tu as l'air d'une "cheap". Est-ce que c'est ça qu'on veut se donner comme maîtrise d'oeuvre, à savoir que, nous, on n'injectera pas là où on a établi nos priorités?

Je peux bien dire que la danse est l'objectif premier de ma politique, mais si je n'ai pas les moyens de ma politique... Et vous savez que les moyens, ça consiste dans les sous, vous faisiez partie du 1 %. Alors, nous, on les veut tous, ces sous; c'est dans ce sens-là.

M. Patenaude: M. Boulerice, la réponse est assez claire. Nous ne disons pas le statu quo, nous disons: Les garde-fous, les voici. S'il y a une politique nationale dans un contexte où on demeure une fédération, nous disons: Voici les garde-fous de la politique nationale, qui n'a pas toujours servi le Québec. Voici les balises: le respect de la distinction spécifique et culturelle du Québec. Voici le développement professionnel et artistique que nous attendons. Je pense qu'il y a des paramètres à l'intérieur d'un régime dans lequel nous nous trouvons. Si le Québec, en tant qu'entité, décide, si les citoyens du Québec décident, à ce moment-là, si c'est ça - parce qu'on n'a pas de boule de cristal, personne - que sera l'avenir constitutionnel du Québec, si on a pris nos choses en main sur le plan des arts, bien, là, le rapatriement ou le réaménagement des rapports et des finances, bien, on aura déjà, nous... Je pense qu'il y a un travail à faire de ce côté-là.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Patenaude, M. le député, malheureusement, on a dépassé de beaucoup. Si vous voulez remercier, nous allons terminer.

M. Boulerice: Bon, bien, en guise de remerciement et de conclusion, en définitive, peu importe le statut constitutionnel, ce que les gens de la danse nous disent: Après notre 396e mémoire, nous sommes toujours dans la même situation et, comme on dit en latin, "enough is enough", assez est assez, pour ce qui est de la danse. C'est bien cela?

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Je dois maintenant accélérer un peu et demander à Mme la ministre de bien vouloir remercier le groupe, elle aussi.

Mme Frulla-Hébert: Oui. Grand merci de vous être tous déplacés. Je pense que vous avez raison: il y a d'autres tribunes, ici, pour parler de constitution. Nous sommes ici pour régler nos affaires, entre nous; je pense que c'est important. On a des lacunes et on est ici pour les exprimer. Et, dans le fond, vous savez, une politique culturelle, c'est un contrat culturel entre l'État, c'est-à-dire son peuple et sa culture. C'est pour ça qu'on essaie d'en faire plus. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Mesdames et messieurs, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier; votre mémoire fut fort intéressant, très d'actualité. On a dépassé un peu le temps, mais je pense que ça valait la peine et je tiens à vous remercier de l'avoir présenté. Ceci met fin à votre témoignage, à votre prestation, et vous pouvez maintenant vous retirer. J'appellerai par la suite les représentants du Théâtre Périscope.

Alors, bonjour, mesdames et messieurs. Il me fait plaisir de vous accueillir. On s'excuse de vous recevoir un peu en retard, mais vous avez pu voir que le groupe auparavant avait tellement de choses à nous dire. On espère qu'il en sera de même pour vous, tout en essayant de tenir l'horaire pareil. Alors, si vous voulez vous présenter et, par la suite, vous pourrez commencer votre présentation.

Productions Les Gros Becs, Théâtre Blanc,

Théâtre de la Commune, Théâtre Niveau Parking,

Théâtre Périscope et Théâtre Repère

M. Gilbert (Bernard): D'abord, le mémoire que nous venons déposer et défendre ici aujourd'hui est présenté par six organismes: Produc-

fions Les Gros Becs, Théâtre Blanc, Théâtre de la Commune, Théâtre Niveau Parking, Théâtre Périscope et Théâtre Repère. Louise Allaire, à l'extrême gauche, représente le Théâtre Blanc, Jacques Lessard représente le Théâtre Repère, Diane Lavoie représente Productions Les Gros Becs, et moi, Bernard Gilbert, je représente, donc, le Théâtre Périscope.

Le Président (M. Gobé): Alors, bonjour, et vous pouvez y aller.

M. Gilbert: Mme la ministre, membres de ta commission, bonjour à vous. Quand le gouvernement du Québec a annoncé son intention de tenir cette commission parlementaire, nous avons décidé d'emblée d'y participer, de faire entendre notre voix, celle d'organismes en théâtre, compagnies, diffuseurs, celle des individus aussi qui participent à la vie théâtrale de Québec par le biais des organismes signataires. Une telle occasion de discourir sur la place publique de ce qui nous tient tant à coeur, notre métier, notre passion pour le théâtre, une telle occasion est rare. Nous tenons donc d'abord - cela est de circonstance - à remercier le gouvernement et la ministre des Affaires culturelles, Mme Frulla-Hébert, de nous donner cette opportunité.

L'objectif premier et fondamental de notre mémoire est de transmettre un réquisitoire pour la création. Nous insisterons donc ici aujourd'hui sur cet aspect de la vie culturelle dans ses multiples dimensions qui impliquent la recherche personnelle des artistes, la conception et la réalisation de spectacles, ainsi que leur diffusion, autant locale, nationale qu'internationale. La question que sous-tend notre propos est claire et nous attendons que la politique culturelle y réponde sans ambiguïté: L'État québécois est-il maintenant prêt à faire le pas requis pour concrétiser les besoins essentiels des artistes et de notre peuple, pour la culture et les arts, avec les moyens adéquats?

Les six signataires du présent mémoire couvrent l'ensemble de la chaîne de production en arts d'interprétation, plus précisément en théâtre. Quatre sont des compagnies de théâtre: Théâtre Blanc, Théâtre de la Commune, Théâtre Niveau Parking et Théâtre Repère; les deux autres signataires, Productions Les Gros Becs et Théâtre Périscope, sont des diffuseurs spécialisés. Théâtre Périscope est propriétaire d'un immeuble situé en haute ville de Québec qui abrite une salle polyvalente pouvant accueillir entre 100 et 260 spectateurs. Les six organismes signataires y ont leurs bureaux. Le fait d'habiter sous un même toit a motivé, au premier chef, la rédaction de ce mémoire. Ajoutons enfin que les six organismes ici représentés partagent une autre particularité qui nous importe beaucoup: le bassin d'artistes et d'artisans qui travaillent pour nos organismes est constitué, pour une large part, de jeunes professionnels. Cela explique, notamment, que nous accompagnent cet après-midi les étudiants du Conservatoire d'art dramatique de Québec; ils vivront, eux aussi, avec les retombées de la politique culturelle du Québec.

Nous parlerons maintenant des orientations générales de la proposition de politique de la culture et des arts. Il importe donc, d'abord, de souligner que nous sommes pour le principe défendu dans la proposition. Développer les arts et la culture, favoriser l'accès à la vie culturelle, accroître l'efficacité du gouvernement et de ses partenaires sont à nos yeux des balises conséquentes pour une politique culturelle. Passant des principes aux applications, nous devons malheureusement émettre de sérieux doutes quant aux orientations générales de la proposition. Que l'État québécois doive exercer un leadership fort dans le développement culturel - page 179 - est une évidence, sinon une tautologie. Cela dit, la façon dont s'exercera ce leadership, telle que surtout décrite dans le chapitre 3 de la proposition, ne laisse pas de soulever plusieurs interrogations sérieuses.

Le rapatriement est sûrement un des éléments majeurs qui nous préoccupe ici. Nous sommes pour le principe du rapatriement. En effet, les choix concernant la culture québécoise doivent être déterminés par le Québec. Le discours que sous-tend la proposition de politique de la culture et des arts éveille cependant de grandes craintes quant à ses orientations générales. (16 h 45)

Le rapatriement met en veilleuse l'importance historique capitale des institutions fédérales quant au développement culturel. Pendant plusieurs années et souvent encore aujourd'hui, c'est le soutien apporté par le Conseil des arts du Canada, Radio-Canada et d'autres qui a permis de développer plusieurs secteurs de création. Nous prendrons ici pour exemple la question de la diffusion du théâtre. L'aide à la tournée fournie par le Québec est extrêmement limitée. La capacité du réseau des équipements de diffusion sur le territoire québécois et l'extrême réticence des diffuseurs à prendre des risques limitent la circulation du théâtre dit de création, que nous représentons plus précisément ici, à quelques villes. Considérant l'état du réseau et les conditions de diffusion, une tournée québécoise, par exemple, pour le Théâtre Repère, se limiterait ainsi à Québec, Montréal et Ottawa vu la proximité du Centre national des arts et son Théâtre français. Et j'ai bien parlé d'une tournée québécoise. La majeure partie des revenus de tournées des compagnies de Québec provient de la diffusion au Canada et à l'étranger et, nous le savons pertinemment, ces tournées sont financées par l'Office des tournées du Conseil des arts du Canada, par le Secrétariat d'État et par le ministère fédéral des Relations extérieures.

Comment la proposition de politique de la culture et des arts propose-t-elle de compenser

cette perte en termes de rayonnement, de diffusion, de revenus de tournées advenant le rapatriement des pouvoirs publics? D'où proviendra le manque à gagner en termes de revenus de fonctionnement? Qu'arrivera-t-il pendant l'éventuelle période de transition? Le document n'apporte pas de réponse. Ne nous le cachons pas: le peu d'implication historique des gouvernements en matière culturelle est, à nos yeux, contrebalancé par la présence d'un palier décisionnel supplémentaire qui est présentement le gouvernement fédéral. Devant le manque scandaleux de ressources et le manque de volonté du Québec, il ne faut pas s'étonner que les artistes craignent la disparition de ce double guichet.

La création. La liberté de l'acte créateur est un prérequis absolu pour assurer la production d'un art riche et novateur. Or, comment la mise en place d'un ministère de la culture, telle que recommandée par la proposition, garantira-t-elle cette autonomie? Les choix ministériels en termes de programmes de consolidation financière, tels que proposés par le groupe-conseil, auront-ils comme effet d'encarcaner les structures de création, de production et de diffusion? Le développement culturel repose déjà entre les mains des fonctionnaires, pour une large part, entre les mains d'une ministre, entre les mains du Conseil des ministres qui a choisi depuis 30 ans de dire non à la culture, sinon pour cette commission. La création deviendra-t-elle maintenant une denrée partisane? Sera-t-elle déterminée par l'État à son profit, au détriment des artistes? Il ne saurait être question d'accepter pareille éventualité.

Ces craintes ne sont pas que réactions paranoïaques. Nous fondant sur l'historique de l'engagement culturel du gouvernement et sur la place du ministère des Affaires culturelles au sein du gouvernement, nous arrivons à la conclusion que les politiciens du Québec n'ont jamais fait la preuve qu'ils sont capables d'assumer un tel rôle vis-à-vis la culture. La culture intéresse-t-elle les politiciens? Il n'est que de constater l'état des lieux et les conditions dans lesquelles pratiquent les artistes pour, malheureusement, deviner une réponse négative. Le peu d'empressement manifesté par le Parti libéral du Québec face à la question du 1 % - une promesse, à ce qu'on se rappelle - nous oblige aussi à répondre non à cette question.

Lisant la proposition, les propos relatifs à la consolidation des structures existantes et à la restauration d'assises financières solides sont, certes, les bienvenus. Par contre, dès que l'on quitte le domaine facilement identifiable, et confortable, des organismes déjà reconnus, les recommandations formulées ravivent nos craintes.

La relève est, au premier chef, touchée par les choix qu'a faits le groupe-conseil. Recoupant une double réalité, ce terme englobe tout autant les jeunes achevant leur formation et qui enta- ment une carrière professionnelle que les nouveaux organismes. La relève est aussi formée des artistes qui, individuellement ou en groupe, annoncent un potentiel de renouvellement du discours artistique. Le constat qui apparaît à la lecture de la proposition est troublant: le secteur qui aura le plus à pâtir de la rationalisation proposée est, certes, celui de la relève. Nous ne pouvons cautionner cette hypothèse. Il est culturellement suicidaire de couper l'accès aux subventions pour les tenants de la relève et pour tous ceux et celles qui font de l'expérimentation un objectif de travail. Que l'on pense à Robert Lepage, à Edouard Lock, à René Lussier, les membres de cette commission devront bien admettre une chose: personne n'aurait pu goûter le fruit de leur travail s'il n'y avait pas eu de place pour la relève au moment où, jeunes à leur tour, ils ont bousculé les conventions de leurs disciplines respectives.

Ce que la proposition définit comme du "saupoudrage" mérite, par ailleurs, certains éclaircissements. Il faut savoir, en effet, que l'obtention pour un artiste, un jeune organisme ou un regroupement ponctuel d'une petite subvention constitue souvent un signe d'encouragement important, au même titre qu'une bonne réponse du public. Ces subventions, victimes attendues de la rationalisation proposée, garantissent le renouvellement du bassin de professionnels et, de facto, le renouvellement du discours artistique. Lorsque la proposition parle d'éviter le saupoudrage, cette affirmation ne sera admissible que le jour où on fournira les moyens adéquats à tous les organismes dont la mission est reconnue par leurs pairs, incluant la relève. Autrement, le développement artistique du Québec se heurtera bientôt à un douloureux cul-de-sac.

Parlons maintenant de théâtre. Les six organismes signataires éprouvent des difficultés en termes de financement. Notre évolution en est ralentie, confinée à la stagnation; dans certains cas, cela est carrément contreproductif. Des investissements majeurs sont requis pour maintenir le niveau de production artistique, pour améliorer les conditions de travail des artistes et des gestionnaires, pour améliorer la diffusion locale, nationale et internationale, ainsi que pour développer les outils adéquats de commercialisation.

La proposition reprend plusieurs demandes maintes fois formulées et défendues par le milieu théâtral, que ce soit lors des congrès québécois du théâtre, par le biais du Conseil québécois du théâtre ou encore, pour nous, par le biais de la table de théâtre du Conseil de la culture de la région de Québec. Plusieurs de ces demandes ont été maintes fois expliquées, réitérées. Certaines datent de plusieurs années. Elles ont trait au financement, à la diffusion, aux lieux de théâtre, aux conditions de la pratique artistique.

Bien que les titulaires du ministère aient

reconnu, à l'occasion et en partie, le bien-fondé de ces revendications, il faut noter que la situation d'ensemble du théâtre ne s'est guère améliorée ces dernières années. Assez que nous nous demandons comment une politique pourrait réussir mieux, nonobstant les discours et les promesses. Ne nous le cachons pas: la majorité des problèmes reposent sur la réalité financière des organismes, dans le manque chronique de fonds dévolus au théâtre comme à l'ensemble de la culture, des lettres et des arts.

Le deuxième chapitre de la proposition: "Favoriser l'accès à la vie culturelle", traite, entre autres, de la distribution territoriale de la culture et des arts. Ce faisant, le groupe-conseil procède à une division des fonctions culturelles entre Montréal, Québec et ce qu'on nomme l'ensemble régional. Les remarques qui suivent s'adressent plus particulièrement au statut recommandé pour la capitale.

Depuis déjà plusieurs années, les artisans de la région de la capitale revendiquent des efforts concertés pour que Québec soit reconnue comme pôle national de production. Leur emboîtant le pas, le congrès québécois du théâtre de 1990, comme l'Union des artistes ont adopté des résolutions revendiquant que Québec puisse développer ses capacités de production et soit reconnue, à juste titre, comme un centre de premier ordre. Cela voudrait dire y faciliter l'implantation d'industries culturelles, notamment des producteurs audiovisuels ayant accès à des créneaux réputés nationaux. Cela voudrait dire aussi le retour de facilités de production dans la capitale pour Radio-Québec et la mise en place de mécanismes permettant aux artistes de Québec de se faire mieux connaître sans devoir déménager à Montréal.

Le Président (M. Gobé): Je vous demanderais de faire votre conclusion parce que le temps qui vous est imparti pour votre présentation achève et, après, nous pourrons discuter. S'il vous plaît.

M. Gilbert: Uniquement pour me retrouver...

Le Président (M. Gobé): Prenez votre temps quand même, là, allez-y.

M. Gilbert: Avant de parler des questions de financement, ouvrons une parenthèse - le financement sera la dernière parenthèse avant de conclure - sur la vie associative régionale. Il importe, en effet, pour nous, ici, de soulever une question lourde de conséquences, qui se trouve dans le rapport, et que nous devons réfuter. Cette question concerne les conseils de la culture. La proposition établit, ce qui est fort surprenant, que les directions régionales du ministère des Affaires culturelles dédoubleraient les conseils régionaux de la culture. Cette assertion est fausse dans la mesure où, au contraire, les conseils régionaux de la culture sont souvent les seuls interlocuteurs outillés pour recevoir et questionner les volontés ministérielles. En ce qui concerne les signataires du présent mémoire, le fait de participer aux travaux du Conseil de la culture de la région de Québec constitue un aspect nécessaire du mode de relations entretenu avec les instances gouvernementales. Nous demandons donc que la politique culturelle du Québec engage le ministère des Affaires culturelles à compléter et renforcer le réseau des conseils de la culture.

Ce qui devrait advenir de cette proposition de politique de la culture et des arts. Tentée par le coup d'éclat, la mondialisation et la culture-spectacle, la vision proposée par le groupe-conseil s'appuie principalement sur les secteurs mieux intégrés au système économique québécois. La politique favoriserait donc les institutions nationales, les industries culturelles et l'action internationale qui deviendraient les locomotives pour l'ensemble de la vie des arts, des lettres et de la culture, des leviers qui tireraient, en quelque sorte, la culture vers le progrès.

Pour nous, c'est exactement dans le sens inverse que devrait agir une politique culturelle efficace. C'est d'abord à la base que les mesures doivent agir, là où les jeunes apprennent, et puis dans la création et la production devenues matures, dans les centres et organismes de notre gabarit, où oeuvrent d'ailleurs la très grande majorité des créateurs professionnels. La culture doit être poussée vers sa maturité. Le réseau culturel, dont tant d'éléments sont interreliés, doit en toute logique développer d'abord des assises solides.

Nous appuierons une politique de la culture, des lettres et des arts à la condition expresse et inaliénable qu'elle garantisse, chèques à l'appui, que le financement des créateurs et des organismes les regroupant sera, selon leurs propres besoins, adéquat pour assurer leur consolidation et le développement continu. De même, nous l'appuierons si le gouvernement s'engage, jouant à fond le jeu du rapatriement, à déléguer, moyens à l'appui, des pouvoirs réels aux régions et municipalités. De plus, nous adhérerions plus facilement à cette proposition si le gouvernement s'engageait formellement à créer un conseil des arts du Québec, correctement doté, qui jouirait de toute l'autonomie requise pour jouer ce rôle de soutien aux arts et aux lettres. Le respect des créateurs et des structures qu'ils ont inventées pour pratiquer leur art en marge du libre marché milite pour une telle alternative. Pour ce qui est des industries culturelles, elles devraient relever des programmes réguliers d'aide à l'entreprise et à l'industrie, ceux du ministère de l'Industrie et du Commerce et de la Société de développement industriel, dans la mesure où ces programmes deviennent accessibles et ouverts aux entreprises culturelles.

Le statut particulier de notre réalité en

tant que peuple, peut-être bientôt en tant que pays, devrait motiver au premier chef nos dirigeants à comprendre l'importance de bien doter la culture, cela sans considération partisane dictée par le débat constitutionnel actuel. Ce n'est, d'ailleurs, pas tant une question politique qu'une question d'émotion, de fierté, d'appartenance, et nous croyons sans peine que l'ensemble de nos concitoyens voterait en ce sens. Notre passion est contagieuse, nous en avons l'intime conviction.

Beaucoup plus qu'on ne l'y invite dans la proposition de politique culturelle dont nous discutons aujourd'hui, le gouvernement doit s'engager. Cet engagement doit être indéfectible, inaliénable, au même titre que doit être indéfectible l'engagement du gouvernement pour le Québec. Il y va non seulement de notre développement culturel, mais aussi de notre survie nationale.

Nous sommes tous disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Gobé): Très bien, M. Gilbert. Je vais maintenant demander à Mme la ministre de la culture de discuter avec vous, pour une dizaine de minutes, madame.

Mme Frulla-Hébert: Parfait. M. Gilbert, vous tous, je vous remercie d'être ici. Je pense qu'on est d'accord avec la place prépondérante que le rapport Arpin veut donner à la culture, comme base de discussion. Mais, je ne peux pas faire autrement - et c'est rare que je le dis, hein - que vous dire que je suis déçue, déçue et un peu déprimée. Dans un sens, vous parlez des politiciens, de la non-volonté de l'État, bon. Moi, je veux bien, là, accepter tout ça, excepté que dans la mesure où on a augmenté pour le théâtre... En 1986, le budget était de 4 600 000 $ pour l'aide au théâtre; en 1991, à 8 500 000 $, sans compter l'aide aux artistes, un budget de 5 000 000 $, et l'aide à la relève, un budget de 5 000 000 $. Il y a eu le comité Action-théâtre; on s'est rencontres au mois d'avril, on a demandé un rapport pour juin. Déjà, les moyens sont débloqués au niveau de la promotion. On a acheté le Théâtre Périscope à 90 %, on leur a donné cette année 75 000 $ au niveau des rénovations. Quelque part, je peux comprendre qu'il n'y a rien qui s'est fait, mais il y a tout de même un peu qui s'est fait.

M. Gilbert: Je ne dis pas qu'il n'y a rien qui s'est fait, Mme la ministre, il faudrait faire attention. On pourrait faire aussi la liste de toutes les subventions qui ont été attribuées aux organismes culturels et on serait conscients qu'il y a quelque chose qui se fait et qui existe. Sauf que ce que, nous, on doit admettre, c'est que ce n'est pas encore suffisant.

Mme Frulla-Hébert: Ah, bien, là!

M. Gilbert: Je pourrais aussi vous donner des chiffres. Est-ce qu'on peut concevoir qu'une entreprise comme le Périscope, qui a quand même un fonctionnement annuel, qui diffuse plus de 150 représentations théâtrales par année, qui a besoin pour son fonctionnement de 6 permanents, ne puisse leur allouer, en tout et pour tout, que la somme, en salaires, de 120 000 $? Est-ce que vous croyez que ce sont des moyens qui nous permettent, de façon conséquente, d'assurer le développement de l'équipement qu'on a entre les mains, d'assurer le développement du théâtre et la diffusion du théâtre de création à Québec? Est-ce que vous croyez que ça nous donne les moyens suffisants, l'expertise et l'expérience suffisantes pour pouvoir générer, en termes de mise en marché, de commercialisation, ce que nous devrions faire? (17 heures)

Mme Frulla-Hébert: Écoutez, j'avoue que, quand vous dites: On n'en a pas assez, c'est correct, ça. Je comprends. On est tous ici pour ça. On est tous ici, aussi, pour discuter à savoir s'il y a des choses à améliorer; sinon, on n'aurait pas eu de commission parlementaire et on aurait continué à garder... On ouvre la boite et on dit: Qu'est-ce qui ne va pas? tout le monde ensemble. C'est juste cette non-confiance... Honnêtement, à 17 heures, cette non-confiance, je trouve ça un petit peu difficile à prendre.

Je veux revenir aussi au niveau de Québec capitale. Je voudrais en parler, moi, de la ville de Québec, l'aide aussi au niveau de la municipalité, au niveau de la diffusion et au niveau des salles. Comment ça fonctionne ici au niveau de Québec, au niveau de la capitale, au niveau des municipalités? Comment la voyez-vous, cette vie culturelle, ici, dans cette région?

M. Gilbert: Ce qu'on peut dire de la capitale, c'est que, s'il n'y avait pas la municipalité de Québec, il n'y aurait rien d'autre. Il s'agit de voir, et M. L'Allier lui-même est le premier à le dire, que dans le moment - et on le constate tous avec lui - si la ville de Québec ne faisait rien, il n'y a personne qui ferait grand-chose. La Communauté urbaine de Québec fait peu, sinon pour quelques institutions, mais probablement qu'elle le fait dans les limites qu'on veut bien lui donner. Mais, là encore, il faut concevoir que - et ça, c'est une question difficile qu'on vit ici à Québec - le rapport de force qui oppose en général Québec aux municipalités de ceinture, au sein de la Communauté urbaine de Québec, rend très difficile pour M. L'Allier et les gens qui travaillent avec lui, de défendre les dossiers culturels. On parle du conseil des arts de la Communauté urbaine de Québec depuis 1969, date de la création de la Communauté urbaine de Québec, mais il n'y a rien sur la table encore qui nous laisse présager qu'on va avoir quelque chose. Lorsqu'on entend M. L'Allier lui-même dire que la réforme Ryan

l'obligera peut-être à diminuer son engagement pour la culture et alors qu'on entend un ancien ministre des Affaires culturelles parler, donc, quelqu'un d'éminemment sensibilisé, il faut constater que ce n'est pas de ce côté-là qu'on va obtenir la manne, et que la manne va pouvoir tomber du ciel.

Mme Frulla-Hébert: On va parler de la manne. La consolidation versus le saupoudrage. On s'est rencontrés, on avait parlé de saupoudrage. Le saupoudrage, ce n'est pas le fait de dire: On arrête d'en donner, au contraire. C'était, je pense, une discussion que nous avions eue, tout le groupe, en disant: Qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'il faut continuer de développer ou enfin d'encourager les nouvelles initiatives, quelles qu'elles soient, ou se dire - et ça, c'est la question que j'ai lancée au milieu - pendant un certain temps: Peut-être qu'il y a eu quand même assez ou beaucoup de développement, on devrait consolider? Je repose la question, sachant que les fonds, même s'il nous en manque et qu'on essaie d'en avoir plus, il va toujours en manquer. On ne répondra jamais à 100 % à la demande. Parce que, si on répond à 100 %, l'année d'après, ça sera 120 % par rapport aux 100 %. Il va toujours y avoir... Alors, compte tenu d'un contexte réaliste, est-ce qu'on devrait, pour un bout de temps, dire: Consolidons, pour l'instant. Il y eu des belles iniatives et on consolide; on fait un petit ménage et, après ça, on continuera de se développer.

M. Lessard (Jacques): Si vous voyez la consolidation comme une façon, par exemple, de donner plus de moyens aux troupes de théâtre qui travaillent ici à Québec, dans le sens où elles pourront engager les gens qui sortent de notre école, dans le sens où elles pourront donner des distributions qui ont de l'allure, oui, certes. Mais il y a aussi un aspect, je crois, de choix. Il y a des choix à faire, il y a un courage et ce n'est pas moi qui vais le donner aux responsables, à ceux qui regardent nos dossiers. Il y a des choix à faire. On pourrait en discuter longuement. Ce n'est pas le but ici de notre intervention. Il y a une question de courage artistique à certains niveaux décisionnels qu'il faut qu'il se prenne, vraiment.

Mme Frulla-Hébert: C'est parce que, vous savez, le problème que nous avons, c'est que, aux nouvelles émergences, on ne peut pas dire non et on veut aider, d'une part. Peut-être - je dis bien "peut-être" - qu'on serait mieux d'encourager plus le maillage. Déficits, d'autre part, imprévus. Donc, on aide aux déficits imprévus et quelque part ça force la machine. Ça nous force aussi. Ce qui fait que c'est difficile de toujours aider ceux - comme vous en parliez tantôt, au niveau des ressources et tout ça - qui en ont vraiment besoin. Parce que, à un moment donné, un an, quelqu'un fait un déficit et oups! on éteint le feu. Et, veux, veux pas, les fonds ne seront pas illimités pour faire ça, non plus. On prend certaines décisions; par exemple, au niveau de la Quinzaine, on en a pris une décision, ce qui n'empêche pas le développement d'un autre événement semblable, mais dans un contexte différent.

Mme Lavoie (Diane): Mme la ministre, ce qu'il est important de comprendre, à mon avis, des fois, c'est qu'on va se retrouver d'une façon ou d'une autre dans une situation très douloureuse à court terme, à moyen terme, si on n'y voit pas maintenant. Chaque fois que j'entends des créateurs venus ici, on nous dit: On crée et on a du génie. Et tout le monde dit: Oui, c'est vrai, on est tellement beaux et tellement fins à l'extérieur, et on a de la difficulté ici. Évidemment que votre ministère, depuis quelques années - parce qu'il y a des gens brillants qui y travaillent aussi - a fait faire des efforts aux politiciens et a travaillé pour que ces créateurs-là aient le moyen de créer. Ce n'est pas encore idéal, et ça ne le sera jamais, c'est clair, mais ça va augmenter.

L'autre problème, j'en entends parler ici depuis le début. Comment diffuse-t-on notre produit, chère madame? D'abord, ça coûte cher, on ne peut rencontrer personne, on n'a pas de place. Évidemment qu'il y a une priorité qui s'annonce, et elle est très grave. Si Bernard parlait tantôt du double guichet des Canadiens - et je parle de tout ce qui est en dehors du Québec, de l'est à l'ouest - c'est évidemment pour la petite et la moyenne troupe de théâtre professionnelle, de musique, de danse quelquefois - un mosus de guichet, Mme la ministre, parce que, un, 20 % à 50 % des revenus des troupes qui sont subventionnées et qui travaillent ici, ça vient du Canada. Donc, c'est acheté, payé, organisé, subventionné. Ça, madame, c'est un marché que nous avons développé à bout de bras, c'est-à-dire que c'est l'investissement de nous, ça. On l'a investi ailleurs qu'ici parce qu'on n'était pas capables, Mme la ministre, de l'investir ici, on n'en avait pas, d'oreille, ici.

Par ailleurs, les gens du ministère nous disaient: Développez-le, votre maudit marché, faites quelque chose! Où est-ce qu'elles étaient, nos portes, hein? Du côté du Canada et, maintenant, du côté des États-Unis qui viennent de faire une frontière de protection. Alors, là, on va se retrouver avec un problème, madame, qui fait qu'à moyen terme, qu'on se sépare, qu'on ne se sépare pas, le jour où le Québec va dire: Je rapatrie mes pouvoirs, il y a un contexte socio-affectif politique qui va se développer ailleurs et ces troupes-là n'auront plus 20 % à 50 % de leur guichet subventionné par le Conseil des arts pour aller voir les gens, là-bas. Les liens sont créés - ils en ont parlé - dans la danse, c'est vrai. Mais, pendant ce temps-là, nous autres,

est-ce qu'on va l'avoir développé en deux ans, notre réseau de diffusion pour les faire travailler, ces gens-là? Je ne parle même plus de la relève, je ne parle même plus des créateurs qui s'en viennent, je parle de ceux qui existent maintenant. Vous allez donc vous trouver avec un déficit pour ces compagnies-là qui sont professionnelles, un déficit d'opération. Même si vous leur donnez 20 % de plus pour leurs créations, elles vont avoir 50 % de revenus de moins parce qu'elles ne l'auront plus, ce marché-là.

Alors, vous me parlez de priorités, regardons, voyons ce qui se fait. Qu'est-ce que ça veut dire? À partir de maintenant, où est-ce qu'on les met, les priorités? C'est évident qu'à moyen terme, Mme la ministre, nous allons trouver le moyen de balancer la création, nous allons trouver le moyen de balancer l'investissement. Le saupoudrage va probablement diminuer. Mais, dans les cinq années, les dix années qui s'annoncent, il ne sera même pas question de réfléchir sur le saupoudrage, madame, ça va être: Comment va-t-on faire pour que ces troupes-là puissent circuler? Au Périscope, chez nous - je parle: Périscope adulte, théâtre professionnel, enfant, jeunesse, de mon bord - j'ai de la difficulté à les engager. Les troupes qui viennent, chez elles, ce ne sont pas des mauvaises troupes. Au contraire, ce sont des troupes qui font des tournées internationales, comme chez nous. Eh bien, elles ont de la difficulté à payer la location parce que le taux de rentabilité est très bas. Bien, qu'est-ce que ça va faire, ça, dans trois ans? Ça va être les mêmes troupes, mais elles n'auront même plus le moyen de venir chez nous. Ou vous allez sur-subventionner les gens pour qu'ils achètent les spectacles ou vous allez subventionner la troupe pour qu'elle vienne. Alors, à court et à moyen terme, la job, Mme la ministre, elle va être de regarder ça à la base, ce que ça veut dire et, après ça, de regarder comment on va évaluer le reste.

J'ai trouvé ça drôle, Mme la ministre, que vous ayez sauté sur l'implication des villes et des municipalités. Vous savez, il faut toujours regarder d'où vient le regard bienveillant. Quand le fédéral a eu un meilleur regard bienveillant sur les arts pour le Québec, c'est parce qu'on était les meilleurs, de toute façon, il n'y en avait pas ailleurs au Canada, quasiment. Maintenant, ça s'est développé dans le reste du Canada. Il ne faut pas se fermer les yeux, là. Ils sont bons à Toronto, ils sont bons à Vancouver et ça s'en vient bon un peu partout. Donc, le besoin qu'ils auront de notre culture, je ne suis pas certaine que ça va être comme ça dans les 10 prochaines années. Alors, quand le regard bienveillant vient du fédéral au début, là, le provincial se réveille. Ça vous choque quand on parle des politiciens, Mme la ministre, mais...

Mme Frulla-Hébert: Non.

Mme Lavoie: ...le regard bienveillant vient d'en haut, aussi.

Mme Frulla-Hébert: Mais fartes attention parce que ce n'est pas une question...

Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, la parole est à madame et quand elle aura fini...

Mme Frulla-Hébert: Non, mais attendez une seconde, je veux juste...

Mme Lavoie: Non, non, c'est correct.

Mme Frulla-Hébert: Le regard, ce n'est pas ça. C'est juste quand on parle, vous semblez avoir dans le ton une certaine méfiance quand ce n'est pas ça. Effectivement, on est là et on essaie d'aider. Les moyens sont limités, on est tous conscients de ça, et on en souffre tous, nous les premiers, parce qu'on voudrait en donner plus.

Mme Lavoie: Je le sais.

Une voix: II faudrait un exemple.

Mme Frulla-Hébert: Le partenariat avec les municipalités, on le travaille, on le développe. On va avoir un autre problème au niveau de la fiscalité, ça va être une autre grande discussion qu'il va falloir entreprendre. Et effectivement ce n'est pas facile, je pense, dans aucun contexte. Et, que ce soit d'un côté ou de l'autre, on a toujours essayé, dans une société jeune, de développer. Où je vous rejoins, au fur et à mesure qu'on a cette discussion ensemble - et c'est pour ça qu'elle est bonne, parce que ce n'est pas évident - c'est vrai qu'au niveau de l'implication du fédéral il faut s'assurer et avoir les garanties - si jamais - de rapatrier les sous parce que sans finances pas de gestion. Alors, il faut absolument s'assurer... Et ça, il va falloir l'analyser de très près, et aussi le développement de marchés, et ça, c'est un nouveau point que vous apportez. Effectivement, il est à considérer fortement.

Mme Lavoie: Rien que pour finir un petit peu...

Le Président (M. Gobé): En terminant, madame, parce que c'est tout le temps qui reste.

Mme Lavoie: Oui, rien que pour finir. Quand je parle du regard bienveillant, c'est évident que la petite municipalité de comté ne peut pas avoir un regard si bienveillant que ça, puisque l'exemple n'est pas venu de haut encore. Québec se réveille comme ville, finalement, aux arts. On le sait bien. Alors, il y a une maturité, mais il faut être vraiment très vigilants de la part du provincial, autant que de notre part, les artistes.

Et c'est pour ça que la maturité, elle se crée, elle n'arrive pas comme ça.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame.

C'était là tout le temps qui vous était imparti.

M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.

M. Boulerice: Oui. Non, c'était bien amorcé; le drame, c'est que la plus grande frustration, si c'est l'argent à quelques endroits, c'est également le temps. Au début, deux interventions. La première est pour vous remercier du ton, de la fermeté et surtout de la clarté de votre énoncé quand est venu le temps de parler des conseils de la culture et de l'appui inconditionnel que vous leur accordez. Ça fait six ans que je me bats en ce Parlement pour qu'ils survivent. Je suis heureux de voir que, bon, j'étais peut-être tout seul ici sur le terrain, mais qu'il y en avait d'autres en arrière qui pensaient la même chose que moi. C'est réconfortant de temps en temps pour un politicien de dire qu'il y en a quelques-uns en arrière qui pensent la même chose.

La deuxième, ça, je suis d'accord avec vous, la notion de l'État architecte, ça me fatigue un peu. Vous avez parlé de la création d'un conseil des arts pour le Québec. Juste une petite anecdote, il a été aboli l'an passé, parce que vous saviez qu'il existait au Québec.

M. Gilbert: Oui, il était encore dans l'organigramme du ministère dans un petit coin caché.

M. Boulerice: J'avais dit à la ministre: Bien oui, il n'a peut-être pas servi, mais on serait mieux de le garder, tout d'un coup qu'on en a besoin un jour. Alors, on va être obligés de revoter la loi. Bon, paradoxe de la politique, me direz-vous. Ceci dit, vous parlez de Québec capitale. Oui, Québec est une capitale et, ce matin, je ne sais pas si vous étiez ici, mais les gens de l'Opéra de Québec étaient ici. Ils disaient que Québec n'était pas une ville d'affaires, entre guillemets. Au mètre carré, les sièges sociaux, à Québec, il n'y en a pas beaucoup. Ce n'est pas la plus forte densité, mais au mètre carré, par contre, les ministères, ça il y en a. Donc, il y a une présence énorme de l'État et l'Opéra mettait en garde au niveau du financement, d'une part, contre le délestage face aux municipalités et, deuxièmement, le mécénat. Le mécénat existe, mais il a ses limitations. Vous, vous le vivez comment, ici à Québec?

M. Gilbert: Bien, le financement privé est, en général, de toute façon, une source de revenus assez limitée pour un organisme culturel comme le nôtre, d'autant plus que, si on parle des six organismes signataires ici, si on excepte le Théâtre Repère, aucun ou à peu près d'entre nous n'a une visibilité ou un prestige fort ou d'envergure, disons, nationale. Il est clair que, pour obtenir de l'entreprise privée une forme de mécénat ou des sommes suffisantes pour nous permettre de couvrir les besoins que l'on pourrait avoir, les démarches, les ressources, les moyens que l'on doit y consentir sont énormes et, en général, sont assez difficiles à obtenir. (17 h 15)

Ceci dit, il faut voir aussi, justement, comme vous le dites, que le peu de sièges sociaux que l'on trouve ici, à Québec, donnent des limites qui sont, évidemment, encore plus restreintes aux possibilités du financement privé. Lorsqu'on se rend compte que quatre ou cinq grandes institutions existant ici, à Québec, vont chercher déjà une large part de cette manne, je vois mal comment les six organismes ici représentés pourraient concurrencer, disons, le Festival d'été de Québec ou même l'Opéra ou l'Orchestre symphonique, bien qu'il y ait, il ne faut pas non plus se le cacher, un potentiel, qui n'est pas énorme, en collecte de fonds et en commandites pour les organismes ici, à Québec. C'est sûr que ça ne pourra jamais remplacer la part du financement public et le mécénat individuel. Bien, si on considère le prix que les gens paient pour leurs spectacles, puisque, nous, on fait des activités à guichets, il est évident qu'il est très aléatoire de croire que le public pourrait vouloir donner plus pour des activités culturelles pour lesquelles il paie déjà, disons, 17 $ à 18 $ du billet, plus le double en frais de gardienne, de stationnement, etc.

M. Boulerice: II y avait une formule d'incitatif au mécénat qui était intéressante et qui avait été lancée par Clément Richard, qui était l'appariement. C'était 1 $ dans 1 $. Mme Bacon l'avait réduit à 0,50 $ pour 1 $, mais, après ça, ça a été aboli. Est-ce que vous avez profité de cette forme d'appariement?

M. Gilbert: Moi, j'en ai profité, à ce moment-là, pour les organismes dans lesquels j'étais et qui n'étaient aucun des six qui sont ici aujourd'hui. Je pense qu'il est clair... On se rappelle pourquoi Mme Bacon avait dû couper de 1 $ à 0,50 $ la participation.

M. Lessard: Je m'excuse, mais je voudrais intervenir. Je ne trouve pas ça très important par rapport à l'intervention que nous faisons, qui est centrée sur la création, M. Boulerice, je vous le rappellerai. C'est une question qui est mineure dans l'instant, parce que, dans le plaidoyer que nous faisons présentement, on demande à cette commission de se pencher sur le fait que la création, c'est l'âme d'un peuple, de se pencher sur le fait que, si on n'encourage pas d'abord les créateurs dans une ville et même dans une province où l'art est très jeune encore, si on ne donne pas un premier regard important sur ça, on passe à côté de nous-mêmes. Moi, je le sais,

au Repère, lorsque nous jouons dans un autre pays et que je suis reçu à la Maison du Québec à Londres, par exemple, et qu'on me dit: On est fiers de vous, c'est de l'âme québécoise qu'on est fiers. Je dois insister sur le fait que notre plaidoyer, bien plus que les petits détails qu'on soulève de financement, c'est de dire: On donne une chance aux créateurs, au silence nécessaire pour que les créateurs puissent créer. On donne un appui inconditionnel pour que notre culture devienne vie, prenne racine. Et ça, c'est plus important que tout, pour moi qui suis un créateur.

M. Boulerice: Mais je peux vous répondre oui. Je vous donne un appui inconditionnel à la création. S'il n'y a pas de création, il n'y a pas de culture. Mais, après vous avoir dit un beau oui sympathique, la tape dans le dos, ma photo avec vous que je vais mettre dans mon envoi sans adresse, comme député, ça paraît bien, vous allez me demander autre chose. Vous allez quand même me demander des sous.

M. Gilbert: Ce que je vous demanderais aussi, ce serait peut-être de donner l'exemple en tant que politicien. Je pensais à cela, tout à l'heure, quand Mme Frulla-Hébert pariait. Il y a quelque chose qui m'étonne de façon absolument invraisemblable. Je travaille au Périscope depuis près de trois ans maintenant. Comment se fait-il que je n'aie jamais eu conscience qu'un député, politicien de ma nation, veuille venir assister à un spectacle donné chez nous, que ce soit "La Trilogie des dragons", le grand succès que l'on vient d'avoir, ou le spectacle d'une jeune compagnie de création? Où est l'intérêt premier s'il n'est pas même chez l'individu? Là, on entre dans le noeud du débat. Moi, c'est cet exemple-là que je veux. Je veux que les gens qui sont au pouvoir et qui décident d'agir pour la culture, eux-mêmes adhèrent à cette culture. Et je ne fais pas de jugement de personnalité, ici. C'est juste un fait étonnant.

M. Boulerice: Là-dessus, je suis entièrement d'accord avec vous. Si vous me l'adressez à moi, attention, il y a libelle diffamatoire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Des fois, je peux être bien déguisé. Les gens de ma circonscription que vous connaissez, Licorne, Espace libre, etc., je vais les faire comparaître comme témoins. Mais ce que vous dites, effectivement, est vrai et, si Mme la ministre a trouvé dur ce qui a été dit par rapport aux politiciens, moi, je dis: Oui, il y a des fois des choses dures à prendre, mais je pense que ça fait partie du métier au même titre que vous, des fois, la réponse de la salle n'est pas ce que vous souhaitez, les applaudissements ne sont pas ce que vous auriez espéré.

Mais je pense qu'effectivement il faudrait peut-être faire une sociologie de l'homme politique québécois et une sociologie du Québec. Comment se fait-il qu'on n'ait pas développé les mêmes comportements qu'on peut avoir développés ailleurs, effectivement? Je sais que je souffre toujours par comparaison - mais il faut quelquefois se regarder soi-même - quand je vais en Europe, de voir l'importance que le député-maire de la ville accorde à me montrer sa maison de la culture, son musée de, son église du Xllle... Remarquez que des églises du Xllle, on n'en a peut-être pas beaucoup au Québec, mais il y a quand même plusieurs choses. Et ça, c'est un fait que la sensibilisation, elle ne fait que commencer. Pourquoi n'a-t-elle pas commencé avant? Moi, je me dis: On pourrait peut-être faire l'anthologie du passé, mais je me rattache toujours à cette phrase de Vigneault qui dit: S'il y a eu du temps perdu, "il n'y a plus de temps à perdre."

Le Président (M. Gobé): Est-ce là votre conclusion, M. le député?

M. Boulerice: Oui, c'est ça qui est frustrant. Mais si, après cette commission, et ce sera ma conclusion, vous ne sentez pas que cela change au niveau des politiciens, rappelez-vous que les votes sont aux politiciens ce que les applaudissements sont aux artistes. Quand on en manque, on finit par être un peu déprimé ou on finit par quitter comme tel.

Mais il y a quand même une question fondamentale. Oui, moi, je suis d'accord, il faut établir la culture en disant: C'est un des trois vecteurs, mais quand on a décidé, au Québec, que la santé, c'était très important, que l'éducation, c'était très important, on n'a pas lésiné. La santé, c'est 14 000 000 000 $. L'éducation, c'est quoi, chers collègues? 7 000 000 000 $, 8 000 000 000 $, 9 000 000 000 $ peut-être. La culture, actuellement, c'est 280 000 000 $ et quelques. Eh bien, veux veux pas, il va falloir faire un choix, parce que je peux vous donner un contexte, un climat dans lequel la création sera favorisée, mais si je ne peux vous soutenir financièrement, à ce moment-là votre création va être dans les conditions qui ne sont pas optimales. Et c'est faux que l'on crée mieux lorsqu'on est pauvre, isolé dans un taudis. Ce n'est pas vrai, ça.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Le choix restera à faire pour nous après, mais je vous le dis, à un mauvais spectacle il y a une sanction, on n'applaudit pas. Il y a des sanctions pour les hommes politiques également.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup.

Mme la ministre, un mot de remerciement...

M. Boulerice: I! y a des femmes politiques, il ne faut pas que je sois sexiste.

Le Président (M. Gobé): ...aux représentants du théâtre, s'il vous plaît.

Mme Frulla-Hébert: Merci encore. Merci de votre présence. Écoutez, la seule chose qu'on peut vous dire, c'est qu'on essaie de toute notre force de se doter, en fait... Comme je vous le disais tantôt, ce n'est pas de se doter d'une politique, ça a l'air gros; c'est d'essayer de faire comprendre aux Québécois, parce que c'est là que ça commence - quand vous parlez de la fréquentation de vos théâtres, c'est là aussi que ça commence, chez le Québécois - en 1991 que nous avons fait un grand chemin et qu'il nous en reste à faire, et d'aller chercher aussi au niveau du Québécois l'engagement et de là, par le fait même, l'engagement du gouvernement et l'engagement de l'État.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Ça a aussi un petit peu dépassé le temps, mais ça a été très intéressant. Je crois qu'après quelques semaines de cette commission on entend maintenant des groupes qui parlent vrai, comme on dit. Ce n'est pas toujours plaisant pour les politiciens, mais on n'est pas là pour que vous nous fassiez plaisir, mais pour vous écouter, pour dialoguer avec vous. Je pense que c'est ça, la démocratie, et je pense qu'on remplit notre mission en le faisant. Alors, je vous remercie et vous pouvez maintenant vous retirer. Ça met fin à votre audition.

Une voix: Merci.

M. Boulerice: S'il a parlé vrai, c'est un socialiste.

Le Président (M. Gobé): J'appelle maintenant les représentants de la ville de Lévis, afin qu'ils prennent place et je céderai la place à mon collègue et ami, le député de Louis-Hébert.

Le Président (M. Doyon): Donc, nous reprenons nos travaux avec les représentants de la ville de Lévis, qui sont ici pour nous présenter leur mémoire. Il y a trois personnes qui sont devant nous. Je les invite à se présenter et à commencer dès maintenant la lecture ou le résumé de leur mémoire pour que nous puissions discuter avec elles Vous avez la parole.

Ville de Lévis

M. Samson (Clément): Merci, M. le Président. Mon nom est Clément Samson. Je suis conseiller municipal à la ville de Lévis. M. le maire n'a pu assister étant retenu ailleurs. À tout événement, je voudrais quand même vous présenter les personnes qui m'accompagnent. À ma gauche, M. Robert Martel, directeur du service de l'urbanisme de la ville de Lévis, et, à ma droite, M. Philippe Meurant, agent de développement économique pour notre ville.

La présentation de notre mémoire se fera comme suit, c'est-à-dire que ce sera la lecture du mémoire, très court mémoire, d'ailleurs, parce que le mémoire est concentré sur un point bien précis, comme vous avez certainement pu en prendre connaissance. Et je me permettrai peut-être certains commentaires.

La ville de Lévis a pris connaissance de la proposition de politique de la culture et des arts présentée au mois de juin dernier à Mme Liza Frulla-Hébert, ministre des Affaires culturelles, par le groupe-conseil sur la politique culturelle du Québec, que présidait M. Roland Arpin, un document où est notamment souligné le devoir qui incombe à l'État en matière de soutien et de promotion de la dimension culturelle au Québec.

Tout en regrettant que le rapport déposé par le groupe-conseil ne fasse pas a ce niveau plus ample état du patrimoine architectural québécois et des moyens permettant de restaurer et préserver plus avant cet héritage collectif, la ville de Lévis abonde dans le sens de la recommandation formulée en la matière par le groupe-conseil - et cette recommandation, je comprends qu'elle s'applique à Montréal, mais je vais vous dire que j'aimerais bien qu'elle s'applique parfois aussi à d'autres villes - à savoir "que le patrimoine architectural fasse l'objet de conservation, de mise en valeur et de développement, et que les ententes à cette fin continuent à se développer." Là, j'arrête ici juste avant de vous parler du problème de la ville de Lévis. En somme, on vous présente notre problème à nous.

Il faut se replacer à l'époque, en 1860. Pour votre information, et peut-être que vous le savez, la ville de Lévis était la troisième ville d'importance au Québec. Après Montréal, Québec, c'était la ville de Lévis parce que Lévis se développait à l'époque où le pont n'était pas construit. Le chemin de fer du Grand Tronc passait chez nous. La construction navale se faisait chez nous. Tant et si bien que Lévis a connu ses heures de gloire.

Et puis, là-dessus, j'ai retrouvé une revue où on rapporte une décision du conseil municipal en 1879. Et ça se lit comme suit: "Une requête de F.-X. Lemieux et 46 autres citoyens demande à ce que la corporation veuille bien mettre un homme de police pour surveiller tous les jours et, entre autres, jours de marché, dans la Côte du Passage, près de M. Edouard Brochu et M. Bolduc, maison de pension, afin de rétablir l'ordre." Et le commentaire est le suivant: "À cette époque, il faut dire, la Côte du Passage bourdonnait d'animation. Ce que les citoyens réclamaient du conseil de ville, c'était de pouvoir

emprunter sans heurt cette côte qui, bordée de part et d'autre de commerces, reliait la haute ville et la basse ville. Certains jours, les travailleurs des entrepôts de transbordement des chantiers navals ou des installations ferroviaires près du quai, les marins et les voyageurs en transit et les Lévisiennes venues faire leurs achats y formaient un véritable essaim d'humains." En somme, c'est simplement vous décrire très sommairement ce dont pouvait avoir l'air Lévis il y a 100 ans. Et, nous, on se retrouve aujourd'hui avec un patrimoine architectural un peu particulier. On a un immense quartier du XIXe siècle. Je reviens maintenant à mon mémoire.

Le territoire de la ville de Lévis renferme, en effet, un patrimoine bâti de première importance évalué à plusieurs centaines d'édifices; le chiffre, 1270 édifices. Et, d'ailleurs, le ministère des Affaires culturelles, dans les trois dernières années, avait aidé la ville à colliger tous les bâtiments qui ont un certain caractère patrimonial. Il y a, chez nous, 1270 bâtiments. Et je continue. Actuellement, chez nous, il n'y a que six bâtiments qui sont protégés, soit par la Loi sur les biens culturels du Québec ou par la Loi sur les parcs historiques nationaux du Canada. Il y a la maison Alphonse Desjardins, la maison Louis-Fréchette, le Centre communautaire de Lauzon, la chapelle Saint-François-Xavier, la chapelle Sainte-Anne, et le Fort no 1 de la Pointe-Lévy. (17 h 30)

Et, quand on regarde de près quels sont les bâtiments patrimoniaux vraiment bien protégés, la maison Desjardins est prise en charge par le Mouvement Desjardins, le Centre communautaire de Lauzon, la chapelle Saint-François-Xavier et la chapelle Sainte-Anne sont pris en charge par la ville, et, finalement, le Fort no 1 appartient au gouvernement canadien. Il ne reste, en somme, qu'une seule maison qui est actuellement en voie d'être reconnue, à savoir la maison Louis-Fréchette de l'écrivain qui a vécu chez nous, M. Frechette. C'est donc dire le nombre élevé d'immeubles patrimoniaux et d'intérêt qui seront tôt ou tard appelés à disparaître ou à être gravement altérés si rien n'est fait pour les préserver à temps, voire les restaurer pour les plus anciens et les plus dégradés.

Le programme d'aide à la restauration des biens patrimoniaux administré par le ministère des Affaires culturelles du Québec requiert, en effet, dans sa forme actuelle, qu'un bien immobilier d'intérêt patrimonial soit officiellement classé comme tel en vertu de la Loi sur les biens culturels pour que son propriétaire puisse bénéficier d'une quelconque aide financière de la part du gouvernement du Québec dans le cadre d'une opération visant à le restaurer. À défaut d'être classé, ce bien doit être situé dans une zone décrétée "arrondissement historique" par les autorités concernées pour donner droit à l'obten- tion d'une contribution financière à ce niveau.

Dans le cas de la ville de Lévis, comme nous l'avons vu, seuls quelques éléments du patrimoine bâti, à savoir 6 sur 1270... Et je conviens avec vous que les 1270 n'ont pas tous le même caractère que la maison Alphonse-Desjardins peut avoir chez nous, mais, à tout événement, il y a quand même des éléments patrimoniaux intéressants parmi ces bâtiments. En somme, ce qu'on voudrait, ce seraient des mesures particulières visant à préserver leur intérêt patrimonial pour avoir été déclarés soit éligibles au programme de subvention précité ou encore être propriété du gouvernement fédéral. C'est actuellement les seules protections qu'on a.

Les autorités de la ville proposent donc au ministère des Affaires culturelles du Québec la mise sur pied d'un nouveau programme d'aide financière a la restauration d'immeubles d'intérêt patrimonial, programme en vertu duquel le ministère des Affaires culturelles pourrait s'engager à soutenir financièrement, dans leurs travaux de restauration, les propriétaires de biens patrimoniaux et d'intérêt reconnus comme tels par le ministère sur proposition de la municipalité. La liste présentée dans notre mémoire, qui est issue d'une compilation dont je vous ai fait part tout à l'heure, n'en révèle que certains et, déjà, vous avez des bâtiments de grande importance.

Dans le cadre de la définition de son plan d'urbanisme actuellement en voie d'adoption, la ville de Lévis a, en effet, désigné comme "zones à rénover", au chapitre des territoires d'interventions particulières identifiés à son plan des affectations du sol, un certain nombre de secteurs de son territoire auxquels s'ajoute la zone de la rue Saint-Laurent qui est sur le bord du fleuve, celle d'où on voit Québec sous son plus bel angle.

Pour tous les immeubles situés dans ces secteurs désignés, qui correspondent aux secteurs les plus anciens et les plus détériorés du territoire de notre ville, les autorités municipales s'engagent à analyser la faisabilité d'un programme d'aide financière sous la forme d'un crédit de taxes foncières restant à définir et d'aide technique visant à encourager les propriétaires fonciers concernés à rénover leurs bâtiments, tout en conservant, s'il y a lieu, la valeur patrimoniale de ceux-ci. Soit dit en passant, pour ce qui est des crédits de taxes, il faut se dire que tout ce qu'on ferait - parce que ça fait partie des pouvoirs qui sont impartis aux municipalités - c'est de dire: Bien, écoutez, pour votre rénovation patrimoniale, la plus-value qui est due à votre surcoût c'est-à-dire la proportion qui équivaut à la survalue de votre immeuble, on ne l'impose pas pendant trois ans. Mais c'est à peu près tout ce qu'on peut faire si ce n'est intervenir directement, ce que la ville, dans le contexte actuel, n'a pas les moyens de faire.

Dans le cas où le ministère des Affaires

ulturelles agréerait à la proposition de la ville quant à la mise sur pied d'un nouveau programme de rénovation patrimoniale, les autorités municipales souhaiteraient que les immeubles situés dans les zones désignées ci-avant puissent en priorité bénéficier de ces aides financières, particulièrement les immeubles à vocation résidentielle. Parce qu'il est bien évident qu'une personne qui est propriétaire d'un immeuble qui a un caractère patrimonial, quand elle veut le protéger, elle doit elle-même investir de sa propre bourse des sommes importantes quand on veut garder le caractère patrimonial.

Impliquée actuellement dans le processus d'adoption de son plan d'urbanisme, la ville de Lévis reconnaît l'importance de la donnée culturelle, tout autant que la nécessité de définir des priorités d'intervention dans le domaine de la culture et de l'action culturelle au Québec, raisons pour lesquelles elle entend faire connaître son point de vue sur une des composantes majeures de cette action, à savoir la protection et la préservation du patrimoine bâti québécois, au moment où se fait jour une réflexion devant conduire à l'application et à la formulation de mesures concrètes et pratiques à ce dessein par le biais de notre plan d'urbanisme.

C'est, en somme, le commentaire de la ville de Lévis qui, par rapport peut-être à d'autres interventions qui ont précédé, est plus pointu et qui ne porte que sur un aspect, à savoir une suggestion qui est faite à la politique culturelle d'y ajouter la protection du patrimoine architectural. Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Merci, M. Samson. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Oui, merci. M. Samson, bienvenue. Vous savez, le Conseil des monuments et sites et aussi Mme Phyllis Lambert nous parlaient qu'ils ont un peu une méfiance par rapport aux municipalités en ce qui a trait au patrimoine. Par contre, votre municipalité est très impliquée, très à l'avant-garde, effectivement parce que vous avez une histoire riche, mais vous avez cette conscience de votre passé et de vos biens patrimoniaux. Comment peut-on s'organiser pour que ce soit contagieux? C'est-à-dire quels moyens peut-on prendre pour encourager les municipalités environnantes à avoir le même intérêt ou un intérêt similaire?

M. Samson: C'est-à-dire que chez nous on a un peu d'histoire et c'est cette histoire-là qui nous encourage à conserver l'histoire. Bien entendu que d'autres villes, des villes qui sont nées plus récemment, n'ont peut-être pas la riche histoire, je me permets de le dire, que, nous, on a. De quelle façon l'encourager? Je vais vous dire, actuellement, c'est peut-être les programmes de subvention. J'ai entendu les autres commentaires que vous avez faits en disant: Bien, écoutez, nous, on est limités dans notre capacité de payer. Ça, je vous comprends parce que, nous aussi, on l'est et on l'est d'autant plus qu'un de vos collègues nous a transféré des taxes, si bien qu'on est obligés aujourd'hui de taxer davantage nos gens si on veut rejoindre les deux bouts. Je vais vous dire, on opère actuellement avec peu de marge de manoeuvre. Nous, comme tels, on ne peut pas s'impliquer là-dedans et on se retrouve conscients qu'on a plus de 1000 immeubles qui ont un certain caractère patrimonial, du plus au moins important, mais, quand même, on en a beaucoup chez nous. Puis, dans la grande région de Québec, là, j'entends la très grande région de Québec, après Québec, c'est nous qui avons, si on veut, la concentration patrimoniale architecturale la plus forte. Si on intervient ici, c'est peut-être dû au fait que, justement, on a ça chez nous. De quelle façon les gens pourraient le faire? Bien, s'ils en ont chez eux, peut-être sont-ils sensibles à ça.

Mme Frulla-Hébert: Est-ce que vous seriez d'accord à avoir une politique d'architecture chez vous, par exemple?

M. Samson: Une politique d'architecture, dites-vous?

Mme Frulla-Hébert: Des concours d'architecture au niveau des constructions, par exemple?

M. Samson: C'est-à-dire qu'on a même pensé, en termes de rénovation, à lancer des concours...

Mme Frulla-Hébert: C'est ça.

M. Samson: ...pour stimuler chez nous, si on veut, la préservation du patrimoine. Mais, je vais vous dire, encore là, on pense à accorder des crédits de taxes à ceux qui voudront rénover en protégeant le caractère patrimonial de leurs immeubles. Mais on peut difficilement aller au-delà de ça; sinon, on augmente nos dépenses. Là, tout simplement, c'est qu'on refuse d'augmenter nos revenus pendant quelques années, le temps que la loi nous permet de le faire, mais on fait ce qu'on peut, écoutez, parce que, chez nous, la concentration est forte. Peut-être qu'ailleurs elle ne l'est pas, mais chez nous elle l'est, forte. Je vais vous donner un simple exemple qu'on a actuellement. Nous sommes en discussion avec votre ministère pour relocaliser notre bibliothèque centrale et le Collège de Lévis nous a offert sa chapelle; chapelle qui, soit dit en passant, est tout un monument. Puis, là, la ville est face à cette offre, alors que, nous, on avait déjà pensé construire une bibliothèque neuve. Bien des membres du conseil sont actuellement enclins à penser que la seule façon de sauvegarder du

patrimoine, c'est d'y investir directement. En tout cas, c'est un problème qu'on a actuellement à Lévis et probablement que bientôt une telle demande va se retrouver sur votre bureau à cet effet-là. On veut sauvegarder notre patrimoine et puis la façon qu'on a de le faire, c'est de prendre les moyens qu'on a à ce moment-là. Actuellement, on a un programme de bibliothèque municipale; on est à 47 % de la norme. On veut aller dans le sens du 100 % et, pour ce faire, au lieu de faire une construction neuve, peut-être serons-nous portés à investir dans du vieux, mais avec tous les problèmes que cela occasionne, parce que construire dans du vieux, ce n'est pas nécessairement la solution la moins coûteuse.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le député.

M. Boulerice: Oui. M. Samson, M. Martel, M. Meurant, je ne vais quand même pas m'attris-ter de voir devant moi un conseiller municipal, assisté d'un agent de développement économique, donc, l'intérêt culturel versus l'économie, qui viennent devant nous et qui ont des préoccupations au niveau du patrimoine. Je dois vous avouer que la proposition que vous faites comme telle, ça m'est, à ce moment-ci, peut-être un peu difficile de l'évaluer, de vous dire oui, de vous dire non. De toute façon, même si je vous disais oui, ce n'est pas moi qui suis ministre, c'est ma collègue qui prend la décision. Mais, d'une part, là, comme je vous le disais, je pense que c'est quand même intéressant de voir une ville venir très spontanément nous parler de patrimoine, puisque, bon, il y a eu certaines récriminations à l'effet que, dans le rapport Arpin, on n'avait pas donné au patrimoine toute la place nécessaire, etc.

La question que j'aimerais vous poser, c'est que l'administration municipale de Lévis, les élus, semblent, pas semblent, de toute évidence, ont cette préoccupation-là. Mais est-ce que vous pouvez me dire si elle est partagée par la population? Parce que, très souvent, dans le classement, M. Samson, il y a malheureusement quelquefois peu d'intérêt, sinon presque une réticence, de la part du propriétaire.

M. Samson: Je vais vous dire que, là-dessus, j'ai une réponse très fraîche, à savoir les audiences publiques qu'on a eues sur notre consultation pour le plan d'urbanisme. On vient de refaire tout l'exercice en entier et on a un chapitre VI qui s'appelle "Patrimoine" et qui porte exactement sur ce dont je viens de vous parler. Et on a un autre chapitre, le chapitre II, qui en parle également, à savoir que, chez nous, on a peut-être une municipalité avec de vieux et très beaux édifices, mais ce sont des édifices qui commencent à prendre de l'âge. Je prends l'exemple que je vous donnais tout à l'heure, la chapelle du Collège de Lévis. Si la ville ne la prend pas - et, écoutez, c'est deux fois grand comme cette salle ici, l'intérieur de la chapelle, et c'est grandiose, avec les dorures et tout ce que vous voudrez - c'est les démolisseurs qui vont la prendre. Elle est dans cet état-là actuellement et tout est à refaire en termes de fenestration, de toiture; donc, on s'embarque dans de gros travaux si on décide de prendre cette direction-là. Mais, pour répondre précisément à votre question, oui, notre population... Et je vais vous dire, les audiences publiques ont eu lieu deux soirs, il n'y a pas si longtemps, il y a deux semaines...

Une voix: Les 11 et 12 septembre.

M. Samson: ...les 11 et 12 septembre, et la population a très bien répondu à ça. Nos préoccupations sont bien ancrées dans la population et ce n'est pas simplement au conseil municipal; des groupes de pression qui font partie de notre milieu se sont montrés même plus préoccupés que le conseil, pour certains, en regard du patrimoine bâti.

M. Boulerice: II y a une conscience. Juste une dernière brève question, M. Samson: Cette chapelle dont vous parlez, bon, j'ai vu l'extérieur. Parce que vous avez dit que c'est à partir de Lévis qu'on a la plus belle vue de Québec, j'ai pris l'habitude, depuis un certain temps, de ne plus traverser le pont lorsque j'arrive de Montréal, mais de prendre le traversier; c'est effectivement superbe. On devrait charger une taxe, d'ailleurs, pour ceux qui veulent aller voir Québec de Lévis.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Est-ce que... Pardon?

Mme Frulla-Hébert: On demeure à Lévis pour voir Québec!

M. Boulerice: Oui, c'est ce que je dis à votre député, d'ailleurs: C'est Lévis qui permet à Québec d'être vue. Est-ce que cette chapelle-là a fait l'objet de classement, comme telle? (17 h 45)

M. Samson: Elle n'a pas fait l'objet de classement et c'est un des exemples, un des très, très nombreux exemples. Écoutez, dans le mémoire que vous avez, elle est, je pense, au huitième rang, ici. On dit: Collège de Lévis et la chapelle est un de ces éléments-là. L'Université du Québec à Rimouski, qui est maintenant installée chez nous, a fait en sorte qu'on a rénové une autre partie de ce collège-là, mais je vais vous dire, par exemple, que tout le reste du collège mériterait aussi d'être rénové parce que c'est vraiment... Si vous avez vu la chapelle, vous avez vu le bâtiment qui s'y rattache et c'est le collège qui est, lui aussi, très beau.

M. Boulerice: Pour ce qui est de la chapelle, j'ai vu la structure extérieure, mais je ne peux pas me prononcer sur l'intérieur. Ce qu'il me reste à vous souhaiter, M. Samson, c'est que peut-être une équipe du patrimoine du ministère pourrait aller voir - la ministre y a peut-être répondu tantôt; Je répète peut-être ses propos - cette chapelle-là et, si, effectivement, elle a les éléments patrimoniaux utiles, eh bien, il y aura deux députés pour vous appuyer et une ministre pour sanctionner. Merci de votre participation.

M. Samson: Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: On la connaît, la chapelle...

Le Président (M. Doyon): Oui, monsieur. Oui avant de... Rapidement.

M. Cooke (Robert): Oui. C'est pour répondre à la question de Mme la ministre qui nous demandait comment faire pour encourager d'autres municipalités à aller dans le même sens, dans la protection et la mise en valeur du patrimoine. Nous oserions proposer d'encourager d'abord les municipalités qui sont prêtes à faire un bout de chemin dans la protection et la mise en valeur du patrimoine pour donner le goût aux autres municipalités d'emboîter le pas. Nous, à Lévis, nous avons appris par l'exemple, avec toutes les préoccupations de protection et de mise en valeur que nous avons vues sur la rive nord, à Québec notamment, qui donnent le goût à une municipalité qui est de l'autre côté du fleuve de faire la même chose avec son patrimoine et de miser sur ce patrimoine pour développer un autre aspect de son économie, soit le développement touristique. C'est dans ce sens que nous voulons aller dans les prochaines années. Nous sommes conscients que nous avons une échelle moins importante que Québec au niveau du patrimoine en termes de nombre, oui, mais aussi d'importance de chacun des bâtiments.

Par contre, nous sommes un deuxième palier d'intervention au niveau de la protection et de la mise en valeur du patrimoine, ce qui va faire peut-être en sorte que des municipalités moins importantes se soucieront davantage de leur propre patrimoine et ne démoliront pas, les samedis et les soirées, leur patrimoine immobilier.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci.

Une voix: Une bonne suggestion!

Mme Frulla-Hébert: Oui, bonne suggestion. On pourrait probablement aussi regarder avec vous la possibilité d'une entente MAC-villes au niveau du patrimoine. Je n'ai qu'à vous féliciter de cette conscience que vous avez de votre passé et à vous encourager à continuer. Effectivement, nous sommes prêts à vous encourager à continuer aussi. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors, au nom de la commission, il me reste à vous remercier. Le voyage est moins long pour vous que pour d'autres, alors...

M. Boulerice: J'espère que vous venez par le traversier.

Le Président (M. Doyon): J'en étais convaincu. Alors, merci beaucoup de votre présentation. Je suis sûr que vos remarques ne sont pas tombées dans l'oreille de sourds.

C'est maintenant au tour du dernier groupe pour cette semaine, le Conseil de la culture de l'Est du Québec, de nous faire sa présentation. Dès que nos invités de Lévis auront quitté la table de nos invités, je demanderai aux représentants du Conseil de la culture de l'Est du Québec de bien vouloir prendre place, de s'avancer et de s'installer.

Je leur souhaite la bienvenue. Je sais qu'ils sont avec nous depuis un certain temps. On va procéder de la même façon. Vous vous présentez; ensuite, vous faites soit la lecture ou le résumé de votre mémoire et, après ça, la conversation s'engage entre vous et les membres de la commission. Vous avez donc la parole.

Conseil de la culture de l'Est du Québec

Mme Lévesque (Loraine): M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission, j'aimerais tout d'abord vous présenter les porte-parole du Conseil de la culture de l'Est du Québec. Il s'agit de François Lachapelle, membre du conseil d'administration et directeur du Musée régional de Rimouski; Benoit Vaillancourt, membre du conseil d'administration et directeur général du Théâtre Les Gens d'en Bas; Ginette Lepage, agente de développement au Conseil de la culture de l'Est du Québec; Rita Giguère, directrice générale du Conseil de la culture de l'Est, et moi-même, Loraine Lévesque, présidente du Conseil et présidente de l'École de musique du Bas-Saint-Laurent.

Le Président (M. Doyon): Soyez les bienvenus.

Mme Lévesque: Merci, monsieur. Dans l'Est du Québec, le Conseil de la culture est né officiellement en 1976 d'une volonté des artistes

et organismes culturels de la région de se doter d'un regroupement, d'une structure de concertation et de représentation forte dont le mandat premier visait le développement culturel de la région.

Le membership du Conseil est essentiellement composé de professionnels issus du milieu culturel. Le Conseil de la culture de l'Est couvre deux régions administratives, soit le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, lesquelles totalisent 14 MRC fort différentes les unes des autres. Soulignons que seulement 6 des 200 municipalités de l'Est ont une population supérieure à 5000 habitants, ce qui n'est pas sans influencer grandement notre mode de fonctionnement.

Afin de maximiser nos interventions en tenant compte à la fois de nos ressources humaines et financières, de même que de cette dispersion de population sur un aussi vaste territoire grand comme la Suisse, nous avons mis en place des réseaux et des regroupements dans les différents secteurs d'activité culturelle et nous avons donc très rapidement privilégié une démarche intégrant les dimensions sectorielles et territoriales.

Pour nous, la présentation d'un mémoire devant une commission parlementaire sur la culture est un moment important. Toutefois, la réflexion que nous soumettons à votre attention s'inscrit, en ce qui nous concerne, dans un processus enclenche au sein même de notre organisation depuis quelques années. Le Conseil de la culture de l'Est entreprenait dès 1988 une large tournée de consultation des milieux culturels actifs dans les 14 MRC de son territoire, soit de La Pocatière aux Îles-de-la-Madeleine, et l'un des thèmes abordés concernait les rôles et mandats d'un conseil de la culture dans les années quatre-vingt-dix. Le rapport déposé en juin dernier par le groupe Arpin nous fournissait donc une occasion supplémentaire d'approfondir cette réflexion en tentant d'y lier ce qui, jusqu'ici, a toujours eu tendance à s'opposer, à savoir une vision à la fois sectorielle et territoriale des arts et de la culture au Québec.

Nous reconnaissons que les éléments de réflexion présentés dans notre mémoire proposent un changement radical quant à la philosophie de gestion jusqu'ici privilégiée au sein du gouvernement québécois. Cependant, le moment est on ne peut mieux choisi ici pour partager un questionnement qui, nous le souhaitons, se poursuivra. L'angle que nous avons favorisé dans notre mémoire est donc celui des grands principes de base d'une véritable politique des arts et de la culture au Québec. En d'autres mots, ce que nous proposons, c'est une philosophie de gestion qui s'appuie sur les trois notions suivantes: l'équité, l'importance des pairs et un partenariat véritable.

Pour un projet de société. Le Conseil est en accord avec le principe de base de conférer à la culture le statut de mission essentielle de l'État. Nous croyons que, pour conférer à la culture ce statut de mission essentielle, la volonté gouvernementale devra être présente dans les sphères d'activité directement et indirectement interpellées par l'application d'une politique culturelle. À l'heure actuelle, le leadership du ministère des Affaires culturelles auprès des autres ministères québécois nous apparaît plutôt faible. Nous recommandons que soient élaborés, à l'intérieur même de la politique des arts et de la culture, les principes régissant les liens interministériels d'un ministère responsable des arts et de la culture.

Pour un Québec des régions maintenant. Nous appuyons sans réserve le principe fondamental portant sur le droit à la vie culturelle comme faisant partie des droits de la personne et devant être accessible à l'ensemble des citoyens. Ce principe est primordial dans l'élaboration d'une véritable politique. Cependant, plusieurs lacunes apparaissent dans l'application des orientations privilégiées. Le territoire québécois est beaucoup plus diversifié que ne le laisse entendre la proposition du groupe présidé par M. Arpin. Il se compose de régions qui recèlent leur propre réalité et spécificité aux plans social, économique, politique et culturel. Nous croyons que le Québec réel est constitué de régions réelles au sens du sentiment d'appartenance et de la dynamique propre que chaque partie du territoire québécois a développés.

Pour une vision dynamique du développement culturel du territoire québécois. Au plan économique, on parle de développement qui repose sur l'interaction entre les secteurs primaire, secondaire et tertiaire d'activité. Au plan des arts et de la culture, la synergie entre les fonctions de formation, création, production et diffusion est tout aussi essentielle. Notre région revendique la reconnaissance du développement culturel en termes de renforcement de cette synergie des fonctions de formation, création, production et diffusion. Ce modèle est à coup sûr plus complexe puisqu'il doit s'élaborer en fonction non pas d'une seule réalité culturelle, mais bien de plusieurs réalités spécifiques à interrelier, contribuant ainsi à la multiplication des effets. La proposition de politique, telle que formulée par le groupe Arpin, tend à réduire la vie culturelle des régions à un rôle passif de consommation. Il faut pourtant, dans une politique visionnaire, contrer cette tendance.

Recommandations revues et corrigées. La recommandation 39 devient: Que le dossier culturel soit considéré comme un élément moteur du développement partout au Québec. La recommandation 40 devient: Que soit reconnue et développée la dimension culturelle des régions du Québec tout en reconnaissant à Montréal le rôle de métropole culturelle. Un ajout: Que soit reconnues et soutenues les fonctions de formation, création, production et diffusion partout où elles se manifestent sur le territoire québécois.

Un autre ajout: Que le soutien soit accordé en tenant compte des conditions spécifiques liées à la territorialité, et ce, dans le but de favoriser la meilleure équité pour les milieux concernés. Et la recommandation 49 devient: Que le réseau des équipements soit graduellement complété, qu'y soit soutenue la présence de professionnels pour qu'on puisse y organiser des activités culturelles adéquates et recevoir des artistes de toute provenance.

M. Vaillancourt (Benoit): La création, comme fondement de la vie culturelle. Considérer la culture comme un bien essentiel et la dimension culturelle comme nécessaire à la vie en société au même titre que les dimensions sociale et économique, voilà un principe sur lequel il a été facile de faire l'unanimité tout comme de vouloir développer le domaine des arts et de la culture. Cependant, certaines recommandations formulées nous posent problème. En effet, comment peut-on recommander un soutien prioritaire à la création si dans un même souffle on recommande une rationalisation budgétaire dans ce même secteur? Pourtant, tous s'entendent pour dire que l'État doit consacrer davantage de budget à la culture. Nous recommandons que le ministère responsable des arts et de la culture, en partenariat avec les pairs, détermine les organismes et les institutions admissibles à l'aide gouvernementale et les critères en définissant les modalités d'application.

À l'orientation d'assurer la stabilité des organismes culturels, nous devrions ajouter les observations et les orientations suivantes: Que soient favorisés le développement, l'expansion et l'émergence d'organismes culturels sur tout le territoire. Que soit accentuée la circulation des produits culturels à l'intérieur même du marché québécois.

Pour une responsabilité partagée. Nous sommes d'accord avec le fait que l'État a le devoir de soutenir et de promouvoir la dimension culturelle de la société en utilisant des moyens comparables à ceux qu'il prend pour soutenir et promouvoir les dimensions sociale et économique de cette même société. Dans la mesure où le sens des "moyens comparables" signifie l'investissement monétaire et le soutien technique d'un appareil administratif à la réalisation de politiques claires et partagées par l'ensemble de la société, nous n'avons pas de problème. Ce qui nous préoccupe, c'est la philosophie de gestion en vigueur au gouvernement. Nous souhaitons fortement un changement majeur à ce niveau.

La présence des pairs dans les jurys n'est pas suffisante. Le ministère responsable devrait, de plus, être redevable aux pairs de ses prises de position, de l'élaboration de ses politiques et, par conséquent, les y associer étroitement. Nous recommandons que le ministère responsable de la politique des arts et de la culture soit reconnu comme le maître d'oeuvre auprès des autres ministères et qu'il partage cette responsabilité en reconnaissant le pouvoir des pairs pour tout ce qui concerne l'élaboration des politiques, l'expertise et le soutien à l'évaluation. (18 heures)

Pour un véritable partenariat, maintenant. Dans la mesure où l'on veut que le développement culturel devienne le projet de la société québécoise, il nous semble primordial d'associer le plus grand nombre possible d'institutions, d'organisations et les divers paliers gouvernementaux non seulement au soutien financier de la culture et des arts, mais surtout au partage des objectifs à atteindre. Or, la notion de partenariat véhiculée tout au long du document du groupe-conseil nous est apparue être une notion strictement liée au financement. Contrairement à l'approche centralisatrice que nous propose le groupe-conseil Arpin, nous pensons que seule une approche décentralisée permettra de faire en sorte que s'effectue un nouveau partage des responsabilités. De plus, un ministère responsable aurait intérêt à miser sur ses alliés naturels que sont les regroupements et associations culturels.

Deux types d'interventions complémentaires sont à associer dans une démarche d'application d'une politique des arts et de la culture: d'une part, les organismes responsables de la vie associative disciplinaire et, d'autre part, les organismes responsables de la vie associative régionale, soit les conseils régionaux de la culture.

Nous recommandons que le partenariat au niveau culturel dépasse le seul aspect financier pour y inclure le partage des objectifs et des responsabilités, et ce, dans son rapport avec les municipalités et les entreprises privées, et que, dans le partenariat culturel à développer, la vie associative disciplinaire et la vie associative régionale soient reconnues comme des partenaires de première ligne.

Mme Lévesque: Maintenant, pour un conseil régional de la culture partenaire du développement régional. Dans la vision présentée tout au long de notre mémoire, une politique des arts et de la culture pour le Québec doit fonder ses assises sur le renforcement des fonctions de formation, création, production et diffusion partout sur le territoire, et ce, en s'appuyant sur un véritable partenariat.

En région, la même dynamique se doit d'être préservée. Il y a donc nécessité que le ministère responsable profite de l'expertise que détient le conseil de la culture. En fait, l'implication du Conseil de la culture de l'Est du Québec au plan régional, si elle se manifeste au départ par un travail de concertation, l'amène à exercer une fonction-conseil réclamée par les différents partenaires du milieu, qu'il s'agisse de municipalités, d'institutions scolaires ou d'organismes socio-économiques.

Cette fonction-conseil, à l'origine, s'exer-

çait principalement auprès du ministère des Affaires culturelles. Depuis 1986, aucun mécanisme officiel ne lui permet d'assumer cette fonction auprès du ministère. Le ministère responsable de l'application d'une politique des arts et de la culture se priverait d'un partenaire de première ligne si cette situation devait perdurer.

Maintenant, pour l'avenir. Le recrutement, la consultation, la concertation et la recherche ne sont jamais acquis et demandent un travail assidu. De plus, la conjoncture du développement régional commande que le secteur culturel agisse au même titre que les autres secteurs d'activité. La notion de regroupement prend donc de plus en plus d'importance et les conseils de la culture devront, dans un avenir prochain, disposer des moyens nécessaires pour accentuer leur association aux différents partenaires régionaux.

Depuis plusieurs années, les régions ont développé des contrats avec le gouvernement québécois et le gouvernement canadien. Ce sont les ententes-cadres. Un type d'entente similaire pourrait s'appliquer sur le plan culturel. Les objectifs de développement culturel d'une région devraient, évidemment, s'insérer dans le cadre de politiques sectorielles québécoises et tenir compte des grands objectifs de la politique des arts et de la culture.

Nous recommandons que les conseils régionaux de la culture soient reconnus pour leur rôle-conseil et leurs fonctions de représentation, consultation, concertation et recherche, et qu'ils soient soutenus en ce sens; que les régions se dotent d'une politique de développement culturel régional fondée sur le dynamisme des intervenants locaux et régionaux, basée sur des programmes correspondant à leur véritables besoins et tenant compte de la spécificité des régions afin d'obtenir une meilleure cohérence entre le national et le régional. Les situations géographiques et le développement économique sont des facteurs influençant le développement culturel régional.

Voilà donc les éléments essentiels de notre réflexion qu'il nous importait de partager avec vous. Il faut également signaler que l'étroitesse de l'échéancier entre le dépôt officiel du rapport du groupe-conseil et la date limite pour soumettre un mémoire aura été, pour plusieurs intervenants dans notre région, un empêchement à prendre formellement position. C'est le cas, entre autres, de quelques municipalités de l'Est qui nous ont contactés à ce sujet. Quant à nous, cet échéancier serré nous a amenés à cibler très étroitement notre intervention à ce qui nous paraît minimalement essentiel à l'élaboration d'une politique des arts et de la culture au Québec. Nous avons donc l'espoir que cette réflexion s'approfondisse en se poursuivant. Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, madame. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie. Je vous remercie d'être ici aussi et d'avoir attendu. Je reçois avec beaucoup d'intérêt toutes les remarques que les différents groupes nous apportent et je suis prête à considérer tous les points de vue qui nous sont communiqués, dans le but, évidemment, de doter le Québec d'une politique de la culture et des arts. J'aimerais prendre, quand même, certains points basés sur votre expérience. On a beaucoup parlé des régions, de régionalisation et de décentralisation surtout. Le ministère, comme je le disais ce matin, est celui qui est le plus décentralisé au Québec et on peut bien parler de décentralisation; au lieu d'être déconcentré, il est vraiment décentralisé, puisque depuis le mois d'avril les régions gèrent leur budget. Ceci dit, j'aimerais qu'on pousse un peu sur cette décentralisation. Quel serait le modèle idéal? Est-ce que des villes comme pôle culturel principal de par leur rayonnement créeraient un dynamisme chez les autres municipalités? Est-ce que vous vous êtes penchés là-dessus?

M. Vaillancourt: Vous parlez du modèle idéal d'une politique culturelle au Québec ou d'un fonctionnement...

Mme Frulla-Hébert: Non, de la décentralisation au niveau des régions.

M. Vaillancourt: De la décentralisation? Mme Frulla-Hébert: Oui. M. Vaillancourt: D'accord.

Mme Giguère (Rita): Je peux y aller un peu là-dessus, parce que disons que dans la région on a commencé à y réfléchir, compte tenu du fameux rapport Bernier qui, semble-t-il, commence peut-être à circuler. M. Picotte en a parlé quelques fois. Qui va faire quoi? Entre les mains de qui le pouvoir d'une région pourrait-il se retrouver? Je ne suis pas certaine qu'il y ait des réponses qui conviennent de la même manière à toutes les régions à l'heure actuelle. D'après ce que j'ai pu comprendre aussi, il y a quand même des idéologies partagées à ce niveau-là, que ce soit ce qui est mis de l'avant par l'UMQ vs l'UMRCQ vs l'UPA vs l'AQORCD que vous avez entendue ce matin. Ce qu'on peut dire, c'est que je pense que ça serait intéressant de poursuivre la réflexion avec les éléments dynamiques de différentes régions à ce niveau-là.

Mais, en ce qui nous concerne, nous, au niveau culturel, on a commencé à avoir des liens beaucoup plus suivis avec d'autres partenaires régionaux, particulièrement dans le cadre des sommets socio-économiques. Et on s'est rendu compte, bien souvent, de l'ampleur de l'ignorance des autres secteurs d'activité de ce qui se passait au niveau culturel et surtout de la

dynamique qui avait cours au niveau culturel.

Je pense qu'il y aurait moyen, au niveau culturel, de faire en sorte qu'il y ait des prises de position régionales, à partir, évidemment, d'une étude de situation, à partir aussi du fait qu'on "prioriserait" des actions et qu'on serait capables d'établir un plan de travail sur trois ans ou sur cinq ans, selon le cas, et qu'on négocie par la suite, soit au niveau de la région, soit au niveau national, tout en tenant compte, évidemment, de ce qui doit prévaloir au niveau sectoriel des activités culturelles au niveau de l'ensemble du Québec. C'est que, finalement, les prises de position des régions pour se développer culturellement seraient aussi en lien avec ce qui se fait au niveau de l'ensemble du territoire. Tout ça pourrait, effectivement, s'insérer, dans un avenir plus ou moins près, à ce qui va se passer dans les autres secteurs d'activité au niveau de ce que plusieurs commencent déjà à appeler les conférences régionales.

Mme Frulla-Hébert: Qu'est-ce que vous penseriez, par exemple, de l'idée... On a beaucoup véhiculé l'idée des conseils des arts. Il y a beaucoup de critiques au niveau du conseil des arts aussi à Ottawa, mais ce que les gens apprécient au niveau du Conseil des arts, c'est cette distance, dans le fond, qui existe entre le milieu et le ministère. À un conseil des arts, finalement, les décisions se prennent sous forme de jury, comme au ministère, mais il semble que cette distance est appréciée. Qu'est-ce que vous penseriez de conseils des arts régionaux, par exemple? Est-ce que ça aurait du sens ou si c'est trop de structures et c'est encore trop lourd?

M. Lachapelle (François): Si vous permettez, je vais répondre à cette question. Le Conseil des arts n'a pas à traiter avec les questions qui sont d'ordre régional. Le Conseil des arts est strictement disciplinaire, donc sectoriel, et il n'a à traiter que des questions de l'excellence artistique. Le Conseil des arts n'a pas à traiter le développement d'une région. C'est un conseil des arts, ça n'a pas une vocation ministérielle.

Mme Frulla-Hébert: D'accord, mais c'est parce qu'il y a eu une suggestion où on parlait d'implanter des conseils des arts régionaux, tout simplement, de fonctionnement autonome; un conseil des arts, mais au niveau des différentes régions, par exemple.

M. Lachapelle: Personnellement, ce n'est pas une proposition sur laquelle je serais peut-être positif. Je pense qu'il y a énormément de problématiques sur lesquelles un ministère a à se pencher et sur lesquelles un conseil des arts n'a pas à se pencher. Et l'une d'elles, et peut-être une de celles qui nous importent le plus en ce moment, est la problématique du développement de la région, du rayonnement de certaines institutions, organismes ou artistes créateurs de cette région-là sur le plan national et international.

Je pense qu'un conseil des arts régional pourrait peut-être à long terme provoquer un certain ghetto. Je crois que, s'il y a un point sur lequel nous nous entendons tous, au Conseil de la culture de l'Est du Québec, c'est de ne pas créer des mécanismes qui créeraient ce phénomène de ghetto là, mais de bien voir toute action ministérielle agir sur peut-être un axe vertical et un axe horizontal où il y a mon père, à moi, comme directeur de musée, et d'autres directrices de musée, ou Benoit Vaillancourt, au plan régional. Quand je parle de formation, de développement professionnel, par exemple, au niveau de certaines problématiques propres à la région de Rimouski ou du Bas-Saint-Laurent, mon collègue, c'est Benoit. Quand je parle de formation professionnelle, de certaines fonctions muséales, je parle, à ce moment-là, à des collègues qui sont des directrices ou des directeurs d'autres musées.

Je crois que des conseils des arts régionaux, à moins qu'il y ait un mécanisme en plus... Et ce n'est peut-être pas ce qui nous intéresse ici, quand on parle de rendre un petit peu plus efficace une administration publique, de rajouter des structures. Je crois qu'il y a des structures en ce moment qui peuvent devenir excessivement efficaces au plan régional.

Mme Frulla-Hébert: En fait, ce ne serait pas d'en ajouter, ce serait...

M. Lachapelle: Non, ce ne serait peut-être pas l'idée.

Mme Frulla-Hébert: ...de les transformer. On ne parle pas d'ajouter, du tout, du tout. Dans le domaine de la formation, vous dites, à la page 6 de votre mémoire, qu'il est "primordial de permettre à des professionnels de dispenser en région* une formation de qualité." Est-ce que vous pourriez expliquer davantage votre point de vue sur la question de la formation, justement, en nous indiquant comment vous voyez le rôle des divers ministères à ce niveau-là?

M. Vaillancourt: II y a deux choses dont on parle. Vous parlez de notre recommandation sur les réseaux d'équipements et tout ça. Il y a deux choses. Il y a, d'abord, la reconnaissance du travailleur culturel. Quand on parle d'un réseau d'équipements, habituellement, on pense à des bâtisses. Pour nous, c'est plus que des bâtisses, ce sont aussi les gens qui sont à l'intérieur, qui les gèrent, qui leur donnent vie et qui font que ces lieux-là deviennent des stimulants dans la communauté. Ça, c'est une chose. C'est la reconnaissance du travailleur culturel, qu'il soit créateur, producteur, diffuseur ou formateur.

Après ça, on entre dans les besoins de formation. Les besoins de formation, il y en a deux sortes. Il y a ceux des artisans de la culture eux-mêmes, donc, en termes de perfectionnement, en termes d'avancement, et il y a les besoins de formation dans la société. On a entendu les gens de la danse, on a entendu les gens du théâtre, on pourrait entendre les gens de la musique classique et tout ça. Nous sommes une société qui a un urgent besoin de formation artistique et culturelle.

Depuis plusieurs années, pour toutes sortes de raisons plus ou moins valables, certaines très valables, d'autres moins, on a un mode de fonctionnement qui fait qu'un professeur de mathématiques, par exemple, va se retrouver à enseigner la musique au primaire. Il y a là tout un besoin de faire du ménage là-dedans et que des personnes compétentes enseignent les arts dès le plus bas niveau, ne serait-ce que pour donner un vrai goût des arts aux enfants. (18 h 15)

Pour ce qui est des rapports interministériels, là, il y a toute la question du fédéral, du provincial et entre les ministères. Et ça, ça répond en partie aussi à une question qui a été souvent posée aujourd'hui, à savoir: Pourquoi une politique culturelle au Québec? Un des aspects, à mon avis, c'est pour que justement le gouvernement québécois fasse sien ce voeu d'une société culturelle et que le ministère des Affaires culturelles puisse donc avoir une emprise sur les autres ministères. Et là on parlera de formation et on parlera de transport et autres.

Mais, pour aller un peu plus loin dans les rapports entre ministères et entre gouvernements, Ginette, ici, est notre spécialiste de la formation puisqu'elle travaille à ce dossier-là dans le quotidien et elle a probablement des choses à ajouter.

Mme Lepage (Ginette): Bien, ce que je voulais...

Le Président (M. Doyon): En quelques mots, s'il vous plaît, compte tenu du temps qui s'écoule.

Mme Lepage: Pardon?

Le Président (M. Doyon): En quelques mots, s'il vous plaît.

Mme Lepage: Je vais faire ça vite, vite. En fait, c'est ça, c'est qu'il faut distinguer les trois niveaux. Il y a la formation à l'école, il y a la formation perfectionnement et il y a l'initiation. Nous, on dit: Oui, le perfectionnement des ressources professionnelles dans une région, c'est quelque chose de précieux. Ce qu'on dit aussi, c'est: Oui, dans les écoles, il y a de l'enseignement des arts. On sait que ça fait des années que tout le monde critique l'enseignement des arts ou la place qu'il occupe dans les écoles. Malgré les beaux programmes, il y a des applications difficiles. Ce qu'on dit, c'est que, s'il y avait des ressources professionnelles, des artistes en exercice qui pouvaient donner cette formation-là, ce serait génial.

Et la troisième chose qui est très importante en région éloignée, c'est l'initiation. Chez nous, on a un noyau d'écoles de musique et de camps musicaux qui sont très importants et ce que ça crée au niveau de la synergie des fonctions dont on parle dans le document, en termes de formation, création, production, diffusion, c'est inimaginable. Ça crée des emplois. Ça permet à des musiciens de travailler dans leur discipline, tout en donnant des activités de concert en se produisant en public. Ça amène toute une foule de gens à s'intéresser aux activités de diffusion des spectacles. Et je vais m'arrêter là parce que je pourrais en parler pendant une demi-heure encore.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Je m'excuse là. Le travail en commission parlementaire est sans doute le plus valorisant pour un parlementaire, mais je dois vous avouer que c'est le plus fatigant puisqu'on doit être en état d'alerte intellectuelle constant. Donc, excusez si j'ai bâillé un peu. Écoutez, heureux de vous revoir, ça va de soi. Je ne vous referai pas le discours sur la place des régions, sur l'importance des conseils régionaux pour l'excellente raison que je n'ai pas changé d'idée depuis ma rencontre à Rimouski. Je suis toujours sur mes positions. Vous les avez ramenées à juste propos - enfin, je dis que vous les avez ramenées, pas nécessairement les miennes, mais disons qu'on avait ceci en commun - et vous insistez parce que, effectivement, le rapport Arpin ne donnait pas aux conseils régionaux de la culture la place qu'on leur souhaitait mutuellement.

Cela dit, j'aurais deux questions particulières à vous poser. La première, vous parlez de rétablir et soutenir la production télévisuelle régionale. Bon, la démonstration n'est pas à faire. Bien de vos collègues qui sont venus nous l'ont faite en disant que le drame, c'est qu'il n'y avait plus de production. Le drame qui découle du premier drame est que les régions ont perdu aussi ou sont en train de perdre l'expertise et les techniciens de production. Donc, on se retrouve dans un état de reprise à zéro. Ça c'est toujours plus pénible que de faire un certain rattrapage. Repartir le compteur à zéro, c'est toujours un petit peu plus difficile. Et, quand vous parlez de rétablir et de soutenir la production télévisuelle régionale, vous dites de faire une large place aux arts et à la culture dans la programmation de la télévision publique.

Nous, on avance - quand je dis nous, je

parle de ma formation politique - plutôt la création d'un ministère des arts, de la culture et des communications - parce que, dans le rapport Arpin, tout le volet communications, malheureusement, est absent - en disant que la radiotélévision doit relever de ce ministère, que c'est la seule façon, d'après nous, de réussir à avoir un certain contrôle - quand je parle de contrôle, je parle d'un contrôle "soft" là, vous comprenez l'expression - si l'on veut que notre télévision soit axée sur la diffusion de nos produits culturels. Alors, j'aimerais connaître votre opinion. Est-ce que vous soutenez cette position que, nous, nous avançons ou bien non?

M. Lachapelle: Moi, je pense que la réponse à cette question est assez simple. Quand on parle de télévision, on ne parle pas seulement de diffusion. Un des gros problèmes du rapport Arpin, c'est de prendre la région comme étant un réceptacle de productions faites au central, qu'il soit à Québec, à Montréal, à Toronto ou à Vancouver, lorsqu'on parle de télévision.

Le rôle d'une télévision ou de la présence d'une chaîne et d'un réseau de chaînes à l'intérieur d'une région n'amène pas que la diffusion des produits de Montréal vers Rimouski ou des produits culturels de Rimouski vers Montréal. Elle amène aussi une production à Matane, à Gaspé ou à Rimouski. Elle amène une production qui permet à plusieurs secteurs de la vie artistique, donc, à plusieurs créateurs de différentes disciplines artistiques ou à plusieurs professionnels, si l'on parle de techniciens de différents secteurs qui sont reliés à ce genre de productions là, d'être là et, donc, de participer au développement culturel. Si un ministère ou une ministre, a comme objectif de développer d'une manière équitable une production culturelle sur l'ensemble du territoire québécois, ce ministère doit s'arranger pour qu'il y ait non seulement réception, mais aussi production, création, diffusion. Alors, c'est en ce même sens qu'on vous répond à la question pour ce qui est de la télédiffusion ou de la radio, des médias en général.

Mme Giguère: J'aimerais dire aussi que, dans notre première prise de position au tout début du mémoire, ce qu'on dit, c'est qu'on aimerait, effectivement, qu'un des principes qui sous-tend le rapport Arpin, c'est-à-dire une politique pour un gouvernement... En fait, ce qu'on discute depuis le début, ce n'est pas une politique pour un ministère; c'est une politique pour un gouvernement. Dans cette optique-là, on se dit que, peu importe la mécanique, de qui relèveront ou pas les communications, il faut qu'il y ait un ministère à quelque part - appelons-le comme on voudra, à part de ça, on ne fera pas de guerre sémantique ici - qu'il s'appelle ministère de la culture ou des arts et de la culture, peu importe.

On dit que ce ministère devrait avoir des responsabilités horizontales beaucoup plus fortes qu'il peut en avoir maintenant. Même s'il voulait en avoir, il est dans l'incapacité d'en avoir et on peut donner plein d'exemples là-dessus dans nos régions: que ce soit au niveau du loisir culturel où on estime que le MLCP, à l'heure actuelle, ne joue pas véritablement son rôle, quand même le ministère des Affaires culturelles actuel voudrait intervenir, il n'en a pas la possibilité; que ce soit le ministère des Transports qui démolit des ponts couverts, le ministère des Affaires culturelles n'est pas... L'exemple d'Amqui qui a été apporté par Mme Lambert, je le connais un peu. Que ce soit les communications, à l'heure actuelle, Radio-Québec, ça ne relève pas du fédéral, ça relève de Québec et la production de Radio-Québec chez nous, on a la nette impression d'avoir énormément perdu.

Alors, on se dit: Dans le fond, ce qui est important c'est que les ministères qui ont des actions à incidence directe ou indirecte au niveau culturel devront être redevables d'un ministère responsable et, avant de prendre des actions du genre, avoir au moins des discussions, sinon autre chose, avec un ministère responsable des arts et de la culture. C'est ça qu'on trouve primordial.

M. Boulerice: D'accord. Je n'ai peut-être pas été très précis dans ma question, Mme Giguère, M. Lachapelle. Nous, on a fait le constat: nos voisins du Sud, bon, ils ont des défauts, mais ils ont quand même des qualités. C'est le pays où il y a la plus grande consommation de produits culturels domestiques au monde. Les Américains consomment américain à une proportion effarante, peut-être un peu trop! Pardon?

Mme Giguère: Je dis: Des hot-dogs aussi.

M. Boulerice: Oui, des hot-dogs aussi. Mais, au niveau du produit culturel, ils consomment d'abord et avant tout américain dans une proportion de... Écoutez, vous savez 98,7 % des films à la télévision américaine sont des films américains; même pas des films britanniques, ni australiens, etc. Donc, c'est un puissant moyen de diffusion des produits culturels.

On dit toujours que la culture doit se battre et doit se battre. Alors, je me dis: C'est beau se battre, mais il faudrait peut-être essayer d'avoir la meilleure arme possible. À date, dans la diffusion - quand je dis diffusion, je ne dis pas uniquement l'émetteur central de Montréal - l'arme la plus efficace est la télévision. Ce qu'on voit aujourd'hui n'est rien à comparer à ce qu'on va voir demain. Il serait peut-être intéressant que la culture s'approprie ce véhicule extraordinairement puissant qui va nous permettre de développer des habitudes de consommation culturelle. On va montrer ce que les gens de

Rimouski produisent et les gens de votre région sauront ce qui se passe beaucoup mieux. Et, après ça, pour les béotiens de Montréal ou de Québec, on saura peut-être mieux ce qui se passe à Rimouski. Et au lieu d'aller - je ne sais pas, moi - à une compétition de planche à voile de Newport, Rhode Island, on serait peut-être plus tentés - pour faire une image grossière - d'aller voir le festival de jazz de Rimouski qui prend quand même ses lettres de noblesse, le festival du jeune cinéma aussi qui est drôlement intéressant, mais qui a fait l'objet uniquement de deux petits flashes de 30 secondes, gentils, mignons comme tout, à Télé-Métropole.

M. Vaillancourt: Vous avez tout à fait raison quand vous dites qu'il est important que les médias - on parle de télévision, puis vous parlez de radio et on peut parler de journaux aussi - véhiculent notre culture. Vous prenez l'exemple américain et il est très bon, effectivement. Il faut voir comment fonctionne la société américaine, le chauvinisme américain aussi. Ça a du bon comme ça a du mauvais. Ça a du bon, dans ce cas-là, parce qu'ils disent: On va vendre nos choses. C'est donc un point de vue de société américaine et c'est un point de vue d'État et non pas seulement d'un ministère. Là-bas, on ne se pose pas la question, à savoir: Est-ce que ça doit être tel ministère ou tel autre? On dit: En tant qu'État, on intervient comme ça et on défend notre culture, ce qu'on est. On revient, donc, à ce qu'on disait tout à l'heure: II faut que l'État québécois soit fier et conscient de sa culture, et que le principal ministère responsable ait donc un peu d'ascendant sur les autres ministères.

Le ministère a des alliés là-dessus et ce sont, justement, les organismes culturels, les groupes culturels, les travailleurs culturels qui font le développement terrain de la culture. Le ministère a donc tout avantage à s'associer et à s'appuyer sur ces organisations, qu'elles soient nationales ou régionales, pour être plus fort et pouvoir avoir... Vous partiez de votes tout à l'heure. J'ai compris que vous parliez aussi de crédibilité politique. Un ministère qui s'appuierait, donc, sur ces travailleurs et sur leurs associations aurait derrière lui un vaste mouvement de gens qui l'appuieraient dans ses démarches auprès des autres ministères. Alors, ça, c'est quelque chose de très important et c'est là qu'on dit justement que le partenariat doit être plus que seulement financier. Il doit aussi reposer sur un échange d'expertises et sur une capacité à utiliser ces expertises-là.

J'en profiterais pour - vu que je suis sur ma lancée - dire deux mots sur les municipalités, parce qu'on en a parlé tout à l'heure. Il faut être prudent: il y a des municipalités qui sont très intéressantes, mais je pense que j'ai suffisamment de doigts dans une main pour compter le nombre de municipalités au Québec qui ont une politique de développement culturel. On n'avait pas d'exemple à leur donner, nous-mêmes, en tant que société, étant donné qu'on avait des programmes, mais pas vraiment de grandes politiques. Il y en a très peu.

Dans le climat actuel, leur cour est pleine, pour prendre cette image, leur cour est pleine et, à chaque fois qu'on leur parle de quelque chose, ils disent: Combien ça coûte? Très peu de municipalités savent comment elles interviendraient. Si, comme dans le rapport Arpin, on leur dit: Prenez donc la création, prenez donc la production, par exemple, si elle est d'envergure dite régionale et assumez ça à même vos budgets, elles ne sont pas prêtes à ça. C'est même parfois contradictoire avec leur début de vision culturelle, puisque ça commence d'abord par un souci d'accessibilité, le souci que la plus grande quantité de citoyens aient accès à tel ou tel type de services culturels.

Alors, entrer dans les secteurs plus de pointe que sont la création et la production ferait, je pense, avorter les projets de création. Ce serait vraiment les tuer a la base. Il faut commencer, avec les municipalités, par dire: En tant que société québécoise, nous avons cette vision du développement de notre culture. Voulez-vous qu'on travaille avec vous pour regarder ce que ça pourrait être chez vous...

Le Président (M. Doyon): En terminant, s'il vous plaît, M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt: ...avec votre expertise? Et, pour faire ça, il y a des complices un peu partout dans les régions.

Le Président (M. Ooyon): Merci. M. le député, quelques mots de remerciement.

M. Boulerice: Bon, je vais demander une petite minute, M. le Président, ayant été gentil envers le député de Drummond tantôt.

Le Président (M. Doyon): Vous ne gardez pas vos dettes longtemps.

M. Boulerice: Bien non. La lancée de M. Vaillancourt m'empêche d'aller dans les filets de M. Lachapelle. J'aurais aimé parler du musée, mais juste une brève question. Votre conseil régional préconise la formule de contrats de région via le développement d'une conférence régionale. Mais, à ce que je retiens de ma visite chez vous, vous l'avez presque amorcée, chez vous, cette conférence-là.

Mme Giguère: Bien, c'est-à-dire qu'au niveau du développement général dans son ensemble, du développement général global, oui et non. C'est-à-dire qu'il y a des choses qui sont amorcées au niveau des différents secteurs par rapport à des réflexions, mais tout est lié à des

contrats spécifiques qu'on peut développer. En ce qui nous concerne, c'est une question de ressources, de ressources humaines et financières, si on veut faire du travail qui a de l'allure, à un moment donné.

En passant, j'aimerais beaucoup dire que, de toutes mes années de travail, même si celles que j'accomplis actuellement au Conseil de la culture sont très enrichissantes, ce sont les plus frustrantes parce qu'on a peu de moyens. On a connaissance de tous les besoins et les idées, ça ne manque pas, on est très nombreux et très nombreuses autour des tables, mais on a très peu de moyens. C'est la même chose au niveau des contrats de région, je dirais, plus culturels. Quand on a réussi à faire des choses qui étaient très intéressantes et qu'on a poussées très loin comme, entre autres, tout le plan de développement des équipements culturels dont les deux régions se sont servies pour, justement, les conférences socio-économiques - c'est pour ça, d'ailleurs, je pense, que les deux ont été très performantes au niveau de l'acquisition d'équipements culturels - c'est parce qu'on a eu de l'aide financière spéciale pour pouvoir le faire.

Il faut faire de la recherche, il faut faire des études pour arriver à cibler ce qui est le plus pertinent, en plus de continuer toujours la concertation. Laissez-moi vous dire - et vous devez en savoir quelque chose - que de la concertation, ce n'est pas toujours gagné et il faut souvent discuter longtemps avant d'arriver à des décisions qui ne plairont peut-être pas toutes à M. et Mme Tout-le-Monde, mais qui vont répondre au plus grand nombre, à une majorité, en tout cas, des personnes avec qui on discute habituellement. Pour avoir un contrat de plan, comme ça s'appelle en France, ou un contrat de région - comme on pourrait les appeler plutôt, en ce qui nous concerne - lié au secteur culturel, bien, ça prendrait des engagements formels financiers après avoir fait tout le processus d'étude, de recherche, de discussions, d'échanges avec différents partenaires. On a peut-être fait des choses dans certains secteurs, de façon minime, mais pas à cette échelle-là. On n'a pas les moyens.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame.

M. Boulerice: Là, il va me demander de vous remercier.

Le Président (M. Doyon): En terminant, M. le député.

M. Boulerice: Ce que je vais faire, mais ce que je voulais vous amener à dire, et vous y êtes arrivée, peut-être pas jusqu'au bout, mais enfin, c'est que les conseils régionaux ont une pratique de concertation avec les organismes, qu'ils soient scolaires, municipaux, etc. Donc, ce que j'allais dire, c'est que la proposition que vous faites, que vous soyez l'organisme de concertation au niveau régional, n'est pas farfelue. Elle est appuyée par une expérience que vous avez, en tout cas, une expérience qu'au départ, moi, je vous reconnais.

Bien, M. Lachapelle, on va discuter de musées peut-être par téléphone. Ah non! C'est vrai, je retourne dans votre région prochainement. Alors, on parlera du musée et on parlera d'autres choses. Alors, Mme Lévesque, Mme Giguère, Mme Lepage, M. Lachapelle et M. Vaillancourt, merci de votre présence chez nous et bon succès. La relance des régions passe par le développement culturel, j'en suis persuadé.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Bien, je me joins aussi à mon collègue pour vous remercier de votre présence. Évidemment, Mme Giguère, vous savez, en parlant de frustration, vous n'êtes pas la seule. Alors, on la partage, on se comprend. Effectivement, il y a beaucoup de choses à faire et, malheureusement, les ressources sont limitées. Ceci dit, croyez-nous sincères quand on voit et qu'on considère l'importance des régions, leur développement et aussi leurs distinctions à chacune. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Il me reste donc, au nom de la commission, à remercier le Conseil de la culture de l'Est du Québec d'avoir bien voulu se déplacer pour venir nous rencontrer. Bon voyage de retour. J'ajourne donc les travaux de cette commission à 15 h 30, après les affaires courantes du mardi 15 octobre.

(Fin de la séance à 18 h 36)

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