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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le jeudi 24 octobre 1991 - Vol. 31 N° 49

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Consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts


Journal des débats

 

(Neuf heures trente-neuf minutes)

Le Président (Gobé): Mesdames et messieurs, bonjour à cette séance de notre commission ce matin. Je vois qu'il y a quorum. Donc, nous allons déclarer la séance ouverte. Je vous rappellerai rapidement le mandat de notre commission qui est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur la proposition de politique de la culture et des arts, ceci faisant suite, comme chacun le sait, à la publication du rapport Arpin et à une demande de Mme la ministre des Affaires culturelles. M. le secrétaire, auriez-vous des remplacements?

Le Secrétaire: Aucun remplacement.

Le Président (Gobé): C'est très bien. Je vais donc donner rapidement lecture de l'ordre du jour. Alors, en ce jeudi 24 octobre 1991, nous allons entendre, dès 9 h 30, la Fédération des sociétés d'histoire du Québec; à 10 h 15, le Regroupement des services universitaires d'animation culturelle et communautaire; à 11 heures, les représentants de la ville de Montréal; à 11 h 45, l'Association québécoise des distributeurs et exportateurs de films et de vidéo et la Fédération professionnelle des distributeurs et exportateurs de films. Nous suspendrons nos travaux aux alentours de 12 h 30 pour le déjeuner et nous reviendrons à 15 h 30. Là, nous aurons les représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec; à 16 h 15, le Grand Conseil des Cris du Québec; à 17 heures, l'Université du Québec à Trois-Rivières; à 17 h 45, les représentants de la ville de Longueuil. Nous ajournerons nos travaux vers 18 h 30.

Alors, ceci étant fait, je peux maintenant demander aux représentants de la Fédération des sociétés d'histoire du Québec... qui est représentée par M. Mario Boucher?

M. Boucher (Mario): Oui, c'est ça.

Le Président (Gobé): Bonjour, M. Boucher. M. Roland Bélanger?

M. Bélanger (Roland): Bonjour.

Le Président (Gobé): Bonjour, M. Bélanger, et M. Alain Côté?

M. Côté (Alain): Oui.

Le Président (Gobé): Bonjour, M. Côté. Alors, vous pouvez commencer la présentation de votre mémoire; vous avez 15 minutes pour ce faire. Vous n'êtes pas obligés de le lire complètement s'il est plus épais. Par la suite, nous procéderons à une période de discussion entre les représentants et Mme la ministre et le délégué de l'Opposition officielle, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Alors, ça s'applique, ces normes-là, pour toutes les auditions. Vous avez la parole.

Fédération des sociétés d'histoire du Québec

M. Bélanger (Roland): Merci, M. le Président. Mme la ministre, mesdames et messieurs, la Fédération des sociétés d'histoire du Québec est un regroupement qui rassemble 108 sociétés d'histoire réparties à travers tout le territoire du Québec. La Fédération a été fondée en 1963 et, depuis ce temps, nous ne cessons de concerter les sociétés ensemble, les amener à vivre des activités en commun. Nous organisons à chaque année des colloques, un congrès, toutes sortes d'activités, si bien que, finalement, au bout de la ligne, la société et la Fédération regroupent 22 000 personnes. Donc, c'est pratiquement 22 000 bénévoles qui travaillent au service du ministère des Affaires culturelles. Finalement, c'est à l'intérieur des sociétés d'histoire, bien souvent, que le patrimoine québécois est mis en valeur et conservé.

Les objectifs de la Fédération sont les suivants: préserver le patrimoine culturel du Québec; valoriser les multiples composantes du patrimoine culturel local et régional; développer et encourager la recherche historique; coopérer et collaborer avec les diverses instances politiques, sociales et avec les organismes affinitaires; et représenter les sociétés membres auprès des diverses instances politiques et sociales.

Un mot qui résume aussi la Fédération des sociétés d'histoire en rapport avec ses 22 000 personnes, c'est qu'il y a un regroupement de tous les intervenants dans tous les secteurs d'activité en rapport avec le patrimoine. Ça, c'est une réalité qui n'existe pas dans les autres organismes qui oeuvrent dans le même secteur.

Pour en venir à la politique proposée par le groupe-conseil, le titre c'est: proposition d'une politique sur la culture et les arts. En réalité, dans le contenu, c'est plutôt le secteur des arts qui est mis en avant. C'est surtout les arts, finalement, qui bénéficient de ce rapport. Finalement, la culture est mise en second plan. Pourtant, la culture, c'est une entité globale. Ensuite, le patrimoine est totalement ou pratiquement écarté. Il y a quatre pages qui concernent le patrimoine. Il y a cinq recommandations, sur l'ensemble, qui concernent le patrimoine.

Dans le domaine des archives, il n'y a pratiquement rien. Finalement, le rapport présente beaucoup de faiblesses en rapport avec le domaine dans lequel nous oeuvrons.

À travers les recommandations que nous avons faites, évidemment, nous en avons une qui concerne la politique d'agrément afin de maintenir cette politique et même de la développer. À l'intérieur du ministère, c'est une des belles initiatives qui ont été prises au cours des dernières années pour que le patrimoine archivis-tique privé soit mieux conservé et pour que les organismes qui oeuvrent dans ce domaine, aussi, soient mieux argentés pour s'occuper de leurs responsabilités.

Au sein de la Fédération, nous préconisons un partenariat. Il existe actuellement, à l'intérieur du Québec, plusieurs organismes qui oeuvrent dans le même domaine. Vous avez le Centre de valorisation du patrimoine vivant, vous avez le Conseil des monuments et sites du Québec. Enfin, il y a une multitude d'organismes. Nous, nous amenons l'idée d'une sorte de confédération, de regroupement de ces organismes-là. Chacun agit d'une façon isolée. Je pense qu'on devrait, dans les prochaines années, en arriver à pouvoir avoir un système qui va faire qu'ensemble nous puissions élaborer des objectifs en commun, des activités communes, des orientations communes, des concertations. Il faut déplorer le fait que tous ces organismes-là oeuvrent d'une façon isolée. Chacun intervient auprès du ministère pour des demandes de subvention, et tout ça. Finalement, je pense qu'il faudrait en arriver à quelque chose de plus fort que des actions isolées, via une forme de regroupement. Je pense que le ministère des Affaires culturelles pourrait peut-être aider, soit la Fédération ou, enfin, aider à l'idée qu'elle puisse, sous une certaine forme, se concrétiser.

M. Boucher: Des recommandations qui sont faites par la Fédération - vous avez probablement le document entre les mains, il y a une liste de 13 recommandations - il y a deux recommandations qui nous tiennent particulièrement à coeur. Celle que M. Bélanger vient de mentionner, qui est vraiment une confédération des organismes oeuvrant en patrimoine culturel, pour qu'ils puissent un jour se développer, et ce, le plus rapidement possible, non pas afin d'aller chercher des sommes d'argent supplémentaires auprès des différents ministères du gouvernement du Québec, mais que le patrimoine culturel, pour une fois, au bout de 300 et quelques années, soit réellement reconnu non seulement des gens du gouvernement, mais aussi des pairs, c'est-à-dire de tous les Québécois et de toutes les Québécoises. Je pense qu'elle est primordiale. Le rapport du comité Arpin est plein de belles phrases qui disent: On ne peut croître à l'extérieur de nos racines. On ne peut évoluer sans connaître notre passé. C'est plein de voeux pieux, mais de voeux pieux qui n'amènent absolument rien, par contre, pour aider une reconnaissance du patrimoine ou de ce que nous sommes. Si nous désirons être une société distincte, il faudrait savoir, en premier lieu, ce qui nous distingue, outre la langue que nous parlons. C'est une des recommandations qu'amène la Fédération des sociétés d'histoire du Québec.

La deuxième recommandation, toujours dans l'idée de culture et de société distincte, c'est d'éviter d'avoir des pôles centraux comme Montréal et Québec et le reste de la province. Nous croyons que chacune des régions de la province est importante pour le développement culturel du Québec. Si on parle d'une entité culturelle, au Québec, c'est que chacune des régions apporte sa contribution à cette culture-là qui forme un tout, qu'on appelle culture québécoise. Pour des raisons administratives, nous comprenons que Montréal, Québec et les autres régions aient des centres du ministère des Affaires culturelles pour les aider.

Par contre, il ne devrait pas y avoir de distinction quand viendra le moment de diffuser, le moment de valoriser, le moment d'aider le développement de la culture dans les régions. Alors, grosso modo, ce sont un peu les recommandations principales que la Fédération des sociétés d'histoire veut amener à la commission parlementaire. Si vous le désirez, on peut passer immédiatement à la période de discussion.

Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie, monsieur. Je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles.

Mme Frulla-Hébert: Bienvenue, MM. Boucher, Bélanger et Côté. Je vous souhaite la bienvenue à cette commission. Je profite de l'occasion, aussi, pour souligner l'importance de la contribution de votre Fédération et de celle de l'ensemble des sociétés qui la composent. Vous dites, à un moment donné, dans votre rapport que, pour suppléer aux faiblesses du rapport Arpin concernant le patrimoine culturel, vous proposez la mise sur pied d'un autre groupe-conseil mandaté pour définir une véritable politique culturelle. ' Permettez-moi d'avoir des réserves. On a essayé de tout regrouper. Quand même, je tiens à souligner le rôle de l'énoncé de politique culturelle. C'était justement pour regrouper ce qu'il y avait et aussi une bonne et solide base de discussion pour ensuite pouvoir bonifier et pouvoir voir ce qui manque. Je pense qu'on a les composantes, la plupart des organismes représentant le patrimoine, qu'ils soient du patrimoine historique ou du patrimoine vivant, nous ont dit... Bon, ils nous ont fait la remarque que le patrimoine n'était pas assez présent. Donc, nous en prenons bonne note parce que vous avez raison. Pour mieux voir ou, enfin, pour mieux

entrevoir et planifier notre avenir, il faut quand même bien connaître notre passé.

Dans la vraie politique culturelle, évidemment, que nous voulons la plus souple possible, nous allons pallier aussi à ces faiblesses. Je vais prendre la première question et, ensuite, je passerai finalement la parole à mon collègue. Dans votre recommandation 6, vous demandez au MAC de favoriser le regroupement. Vous en avez refait mention à deux ou trois reprises dans votre présentation. Quels sont les organismes que vous aimeriez regrouper dans votre Fédération? Vous avez raison quand vous dites qu'il y a toute une pédagogie à faire au niveau du patrimoine, c'est-à-dire que les gens, notre population québécoise, vont être attirés, ils vont visiter... Dans bien des cas, aussi, ce sont les attraits touristiques importants... Il y a les centres d'interprétation, etc.

Mais cette conscience du patrimoine global, je pense... Je ne me trompe pas, en tout cas, corrigez-moi si je lis mal la situation, mais je pense qu'on ne l'a pas encore, cette conscience automatique. Alors, quels seraient les organismes que vous... Comment voyez-vous ça?

M. Boucher: Comme le mentionnait M. Bélanger, on voit ça beaucoup plus du côté d'une confédération ou d'un regroupement libre d'organismes tels que la Société québécoise des ethnologues, la société des archéologues. Ça peut être aussi des gens du conseil des monuments historiques, de la Fédération québécoise des sociétés de généalogie, du Centre de valorisation du patrimoine vivant. Il y a énormément d'intervenants présentement en matière patrimoniale au Québec. Il y en a vraiment beaucoup, sauf qu'une concertation de ces gens-là serait sûrement la bienvenue. Il y a présentement - je suis persuadé que vous en êtes informés - deux grandes étapes qui se font du côté patrimonial. Il va y avoir bientôt le forum du patrimoine qui sera tenu par le Conseil des monuments et sites et il y aura, le printemps prochain, les états généraux du patrimoine vivant. Nous, ce que nous aimerions faire, à la suite de ces rencontres-là, c'est d'organiser une rencontre avec justement les organisateurs de ces deux événements-là et voir les points communs des recommandations qui seront faites pour qu'il puisse y avoir une recommandation au bout de la ligne. En fin de compte, ce qu'on aimerait faire, la prochaine fois qu'on ira vous rencontrer, Mme la ministre, c'est de vous amener une feuille avec les recommandations de tout le monde et non pas 500 feuilles avec une recommandation dessus.

Mme Frulla-Hébert: Ce serait bienvenu. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bélanger (Roland): Si vous me permettez, regroupement ne veut pas dire fusion.

Mme Frulla-Hébert: Pariait. Je pense que mon collègue...

Le Président (M. Gobé): Oui, M. le député de Saint-Hyacinthe, vous avez la parole.

M. Messier: Oui, s'il vous plaît. Merci. Compte tenu de l'importance de votre Fédération... Je regardais tout à l'heure et il me faisait plaisir de voir que la Société d'histoire de Saint-Hyacinthe fait partie de votre regroupement. Ils sont très dynamiques. D'ailleurs, ils vont présenter sous peu à la ministre un projet d'envergure pour Saint-Hyacinthe. C'est pour ça que ma question nous amène à la question, parce qu'ils sont quand même très impliqués avec la ville de Saint-Hyacinthe. À la lecture de votre document, vous semblez un petit peu réfractaires à une sorte de décentralisation ou à un partage des responsabilités dans le domaine du patrimoine culturel. Le rôle des municipalités... En tout cas, il y a plusieurs municipalités qui ont fait valoir qu'elles avaient un rôle à jouer et vous, vous ne semblez pas voir ce rôle-là. J'aimerais ça avoir des explications de votre part sur le rôle des municipalités, des MRC, et sur le patrimoine culturel.

M. Boucher: Mot, je pense que le rôle des municipalités va devenir de plus en plus difficile aussitôt que la réforme Ryan aura été mise en place. Il y avait justement un article hier, dans La Presse, qui disait que, selon un sondage de l'Union des municipalités du Québec, 62 % des contribuables s'entendent... Non, ce n'est pas ça, attendez un petit instant, là...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boucher: C'est des choses qui arrivent. Il y avait 43 % des 1000 personnes qui avaient été consultées qui étaient d'accord pour qu'il y ait des coupures dans les loisirs, et 42 % des 1000 personnes qui étaient d'accord pour qu'il y ait des coupures dans la culture, dans les municipalités. Nous sommes d'accord avec le rôle des municipalités. Le rôle est, d'après moi, très important, sauf que, d'un côté, même si on vous dit que le rôle des municipalités est important, d'un autre côté, elles vont avoir les mains liées quelque part. Puis, elles ne pourront plus rien faire ou elles vont avoir de la difficulté à faire parce qu'elles n'auront plus l'argent nécessaire pour poser des gestes concrets en matière de patrimoine ou en matière de culture, point.

M. Messier: Mais, abstraction faite de la réforme Ryan ou d'une réforme gouvernementale qui porte le nom du ministre, abstraction faite du... Est-ce que vous sentez que les municipalités réclament des pouvoirs en matière culturelle, pouvoirs dispensés sur le territoire pour avoir la maîtrise d'oeuvre d'une politique

culturelle ou une décentralisation du ministère des Affaires culturelles en région, et où les municipalités auraient un rôle à jouer?

M. Boucher: Je pense qu'il est primordial que les municipalités aient un rôle important à jouer en matière culturelle parce qu'on parle justement de distinctif, de régionalisme. La réalité à Gaspé n'est pas la même que la réalité au Saguenay. Donc, je pense que l'intervention, autant de la ville de Gaspé - en matière de culture - que celle de la ville de Chicoutimi, de la ville de Montréal ou de la ville de Château-guay est importante. Il faut qu'il y ait une relation entre les artistes, les gens de la culture et la municipalité. Il faut qu'il se passe quelque chose, il faut qu'il y ait une osmose entre ces deux groupes-là. Mais, encore une fois, est-ce qu'on va avoir les possibilités de créer une telle osmose? Ça, c'est moins sûr.

M. Messier: O.K.

M. Bélanger (Roland): Si vous me le permettez... Il y a plusieurs municipalités, effectivement, qui font des gestes quand même assez importants en rapport avec le maintien de certaines sociétés d'histoire. Il y a plusieurs municipalités qui financent une grande partie de leurs opérations. On pourrait donner un exemple dans les Cantons de l'Est: la Société d'histoire de Sherbrooke est un beau cas. Dans la région, chez nous, il y a la ville d'Alma qui, quand même, fait beaucoup. Elle fournit le local, elle fournit tout un paquet de services techniques à la Société d'histoire. Enfin, ça peut se chiffrer aux alentours de 85 000 $. C'est la contribution de la municipalité à la Société historique du Lac-Saint-Jean. Toujours est-il que, finalement, c'est un fait... Mais il reste que c'est la conscientisa-tion de l'ensemble des municipalités qui est difficile. Il y a des municipalités où c'est plus facile, il y a des municipalités où c'est plus difficile. Ça dépend des individus qui y croient ou qui n'y croient pas, à la conservation, à la mise en valeur du patrimoine ou à l'intérêt de le faire. Pour beaucoup, le développement en matière de conservation de l'histoire est un frein à l'investissement. Si on peut finir par enrayer, comment dirais-je, ce réflexe négatif, je pense que là il va y avoir beaucoup plus d'implications des municipalités. Moi, si vous me le permettez, sans vouloir donner à outrance des exemples par rapport à la région chez nous, il demeure que le maire de l'Anse-Saint-Jean a développé le mécanisme suivant, c'est-à-dire que si, par exemple, quelqu'un rénove, restaure ou fait des travaux à sa résidence, et garde le cachet historique, il n'a pas d'augmentation de taxes pendant trois ans. Alors, c'est peut-être un petit geste, ce n'est peut-être pas grand-chose...

M. Messier: Non, mais ça...

M. Bélanger (Roland): Mais ça a - excusez l'expression populaire - un succès fou dans le secteur. Je pense que ça pourrait être une formule qui pourrait être développée. Vous savez, ça devient difficile, on n'est pas toujours à l'affût ou on n'a pas toujours les opportunités de rencontrer tous les maires ensemble. Enfin, si quelqu'un pouvait, à un moment donné, leur glisser cette idée-là. Je pense qu'à l'intérieur du ministère, vous, Mme la ministre, là-dessus, vous pouvez être une bonne ambassadrice de cette solution. (10 heures)

M. Messier: Ca va. Peut-être une dernière question, M. le Président, avant de passer à quelqu'un d'autre. À la page 18, recommandation 11, au niveau du réseau des centres régionaux d'archives, vous dites: "En adoptant une politique de reconnaissance et de financement". Ça existe déjà. Je voulais juste savoir de quoi vous parlez dans ce temps-là, quand vous dites de consolider et de reconnaître... Une politique de reconnaissance, ça va. De financement, ça existe déjà parce qu'il y a peut-être une dizaine de centres d'archivage et il y en a d'autres qui sont en agrément.

M. Bélanger (Roland): Effectivement, c'est peut-être un jeu, une question de formulation, essentiellement. Finalement, nous autres, la crainte qu'on avait, c'est qu'à un moment donné on abolisse... Je veux bien croire que c'est récent, ce programme, mais on aurait pu... On se disait: Ça peut être une possibilité qu'à un moment donné - je ne sais pas, moi - on efface, on mette la croix sur ce mécanisme d'aide à des organismes privés. Nous, c'était tout simplement d'amener le ministère à maintenir cette politique d'agrément. On trouve que c'est une formule géniale pour venir en aide à des organismes qui sont hautement structurés et organisés pour la conservation d'archives privées. Finalement, c'est un dégagement qui se fait en rapport avec les Archives nationales. À ce moment-là, il y a comme un partenariat. Chacun s'occupe de son secteur. Il y en a un, ce sont les archives privées, l'autre, ce sont les archives publiques, parapubliques si bien que, finalement, il y a des économies de temps et d'argent au sein des Archives nationales.

D'autre part, c'était tout simplement d'en arriver à développer aussi, peut-être un peu, le programme. Sur quoi? C'est qu'à un moment donné ces centres d'archives agréés ont tous des besoins, etc., souvent nombreux. C'était tout simplement d'en arriver, peut-être, à développer des formules pour que ces organismes en arrivent à vivre l'autofinancement et non pas à dépendre, peut-être, de la fameuse subvention qui est accolée à l'agrément. Par exemple, ça pourrait être des programmes d'aide à l'emploi régressifs, comme certains ont déposé dans les mémoires. Par exemple - je no sais pas, moi - ça peut être

un programme qui donne 100 % du salaire la première année, 75 % la deuxième, etc. Là, l'organisme a le temps, entre-temps, de développer des mécanismes pour maintenir cet emploi.

Une autre formule qui a été avancée par une autre société d'histoire: par exemple, que le ministère verse 1 $ pour chaque dollar qui a été recueilli dans le milieu pour une fondation. Par exemple, une société qui a une fondation, il suffit qu'elle ait un capital de x pour lui permettre de... Il y a des sociétés qui ont des fondations sous l'ancienne loi, si bien que, si elles recueillent 15 000 $ dans l'année, les 15 000 $ en entier sont investis dans la fondation alors qu'aujourd'hui ce n'est pas le cas. Il y a un gros pourcentage qui est dépensé, en tout cas, qui est utilisé pour l'année en cours et il y a un petit pourcentage qui est investi réellement. En fait, les sociétés qui ont la fondation sous l'ancienne loi, ce serait intéressant si elles pouvaient être encouragées de cette façon-là, par exemple, via le dollar du ministère ou du gouvernement qui est donné en rapport avec le dollar recueilli dans le milieu. À un moment donné, elles arriveraient avec un capital qui permettrait d'avoir le montant d'intérêts suffisant pour faire leurs opérations. Alors, voyez-vous? Peut-être, j'avoue...

M. Messier: Non, c'est parce que la Société d'histoire, sur un autre dossier, travaille énormément pour la reconnaissance d'un centre à Saint-Hyacinthe...

M. Bélanger (Roland): Oui. Ils ont un beau centre d'archives, d'ailleurs...

M. Messier: ...d'un centre national d'archives avec le Séminaire de Saint-Hyacinthe.

M. Bélanger (Roland): ...ils méritent l'agrément.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Messier: Le deuxième message qui vient de passer.

Le Président (M. Gobé): Je vais maintenant donner la parole à M. le critique officiel de l'Opposition en matière d'affaires culturelles, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Vous avez la parole.

M. Boulerice: M. Bélanger, M. Boucher, M. Côté, bienvenue à cette commission. Déjà, quelques intervenants d'autres secteurs se sont présentés à la commission et nous ont fait état, en tout premier lieu, effectivement, que le rapport Arpin n'a pas mis l'insistance qu'ils auraient souhaitée au niveau du patrimoine, tant la conservation que sa promotion comme telle.

On nous a fait état également d'incidents, récents ou moins récents dans le temps, où des biens patrimoniaux ont été saccagés. Quand je dis "patrimoniaux", c'est dans le sens polymorphe. Je ne parle pas uniquement de vieilles pierres, je parle de ce que vous incluez, les notions d'archives, les enregistrements sonores, etc. La question que je vous poserais est: Quelles sont les relations que vous avez avec la Commission des biens culturels, la commission du patrimoine?

M. Boucher: Oui. La Fédération entretient des relations quand même assez étroites avec la Commission des biens culturels. Par contre, le problème que l'on vit présentement au Québec, le problème, comme vous le mentionniez, de saccage ou de destruction d'éléments patrimoniaux, c'est que le Québec est plein de ces éléments-là. Il devient, à un moment ou à un autre, impossible de faire un répertoire global de tout ce qu'il y a sur le territoire. Il devient impossible aussi, jusqu'à un certain point, d'agir rapidement. Il y a beaucoup d'interventions qui se font, je dirais, sournoisement. On peut prendre, par exemple, le fameux pont couvert d'Arnqui qui a failli être démoli...

M. Boulerice: Le couvent de Montmagny qui, lui, l'a été...

M. Boucher: Oui. Mais j'aime mieux parler du pont d'Amqui parce que, lui, il a été sauvé. C'est parce que les choses qui ne sont plus là, ça ne vaut plus la peine d'en parler, il est trop tard. Parlons de ce qui reste, on peut encore sauver ce qui reste. Donc, c'est ça. Pour le fameux pont couvert d'Amqui, il y a eu des interventions et la Fédération a fait une intervention auprès du ministère des Affaires culturelles, auprès du ministère des Transports, auprès du ministère du Tourisme, etc., pour, justement, qu'il y ait une reconnaissance et un interdit de destruction de ce pont-là. Dans la correspondance que j'ai reçue du ministère des Affaires culturelles, on me donnait non seulement un avis comme quoi le pont, finalement, ne serait pas démoli, mais qu'en plus de ça la situation des 99 autres ponts couverts qui restent encore au Québec serait étudiée à la loupe dans les jours qui suivaient.

Donc, je pense que, pour l'instant, et depuis un bon nombre d'années, les relations entre la Commission des biens culturels et la Fédération des sociétés d'histoire sont quand même assez bonnes et, je dirais, assez étroites. Par contre, il y a toujours place à amélioration, il y a toujours place aussi au développement. Il est évident que les interventions ne peuvent pas se faire, comme je vous le disais, en l'espace de 24 heures et c'est souvent, comme dans le cas de Montmagny, ce qui arrive. C'est qu'il y a un incendie, il y a quelque chose du genre qui se déclare et, malheureusement, il est trop tard.

Mais il faut quand même faire attention aussi parce que, dans plusieurs cas, les incendies sont de main criminelle. On veut faire disparaître l'élément en question, et l'incendie est une bonne méthode dans plusieurs des cas.

M. Boulerice: Dans ma circonscription, on appelle ça des petits feux payants.

M. Boucher: Oui, mais ça dépend pour qui, hein!

M. Boulerice: Pour le promoteur qui veut construire après.

M. Boucher: Pour le promoteur, oui, effectivement; pour le Québec, ce n'est pas très très payant.

M. Bélanger (Roland): Mais je pense, si vous me le permettez, que la Commission des biens culturels vit... enfin, on vit tous le même problème, le ministère, la Commission des biens culturels, la Fédération, les sociétés d'histoire locales, c'est qu'on est alertés en catastrophe. Finalement, on est obligés tout le temps d'agir en pompiers. Heureusement, il y a plusieurs directions régionales des Affaires culturelles qui entreprennent, à l'intérieur de chacune de leurs régions respectives, ou qui font plutôt une incitation, ils font des pressions assez importantes pour faire en sorte qu'à l'intérieur des régions on fasse l'inventaire des éléments patrimoniaux. D'ailleurs, il y a beaucoup de MRC qui l'ont fait, cet exercice-là. Finalement, tout ça va mener à des politiques, pas des politiques, mais plutôt à des réglementations internes qui vont faire qu'à un moment donné, bien, on va faire la liste de ce qui devrait être préservé. Quand viendra le temps d'élaborer des projets ou d'approuver ou de refuser des projets, tout ça se fera en conséquence de ce qu'on voudra bien conserver. C'est qu'à un moment donné, aussi, il y a tout un système de jeu de lois, et beaucoup les contournent. À un moment donné, à l'intérieur d'une municipalité, on va dire: C'est zone résidentiel, puis on ne peut pas faire un édifice de plus de tant d'étages. Un bon matin, on se ramasse avec une autorisation qui tombe des nuages et là on se ramasse avec une bâtisse qui a cinq, six étages, alors qu'en fait il ne devrait pas y avoir... S'il n'y avait pas de choses comme ça, il y aurait tellement moins de problèmes dans la conservation.

Mais je pense qu'il ne faut pas désespérer. Les directions régionales, de ce temps-ci, je pense qu'il y en a plusieurs - en tout cas, j'en connais plusieurs - qui font un beau travail à ce niveau-là et qui incitent les organismes et les municipalités locales à faire l'inventaire de ce qui devrait être conservé pour en arriver à décider en commun qu'on fait la liste, puis, enfin, bon... Mais c'est ça qu'il faut, il faut accélérer ce processus-là.

M. Boulerice: Vous avez dit: Bien, ce qui a été détruit est détruit, parlons de ce qui reste. Donc, je vais me rattacher à la phrase de Vigneault: "S'il y a eu du temps perdu, il n'y a plus de temps à perdre." Vous parlez de décentralisation impliquant un partage de responsabilités, de pouvoirs et de moyens. On avait annoncé, il y a longtemps, l'introduction d'une nouvelle loi sur les biens culturels. Malheureusement, ce n'est pas apparu au feuilleton.

Si on vous proposait une société du patrimoine et que cette société du patrimoine avait pour objectifs principaux le dépistage, la protection, la conservation, le classement et la diffusion du patrimoine québécois - dans son sens polymorphe, j'y reviens toujours - que la société demeurait le maître d'oeuvre et la coordonnatrice de toutes ses réalisations, bien qu'elle puisse s'adjoindre d'autres paliers de gouvernement ou différents organismes... Autonome dans son fonctionnement, cette société aurait le mandat de tenir des audiences publiques, elle agirait en lieu et place de la présente Commission des biens culturels, elle assumerait la responsabilité et détiendrait les pouvoirs attribués au ministère des Arts, de la Culture et des Communications par la Loi sur les biens culturels. Les commissions régionales des biens culturels composées de représentants du milieu l'assisteraient dans son travail. Avec l'aide des organismes voués à la protection du patrimoine, le ministère des Arts, de la Culture et des Communications procéderait à un inventaire des biens culturels, immobiliers et mobiliers, ainsi que des arrondissements historiques sur tout le territoire. Cet inventaire complété, la société, de concert avec les organismes, procéderait à la sélection des biens et des arrondissements naturels à protéger et à mettre en valeur. Les propriétaires seraient consultés, mais la société pourrait intervenir sans leur accord. Le ministère des Arts, de la Culture et des Communications devrait avoir une politique d'aide aux propriétaires de biens reconnus ou classés; cette aide à la fois technique et financière serait plus généreuse selon l'accessibilité du bien en question. La connaissance du patrimoine doit faire partie de l'enseignement à tous les niveaux. Une attention particulière doit être accordée à la protection, à la conservation et à la connaissance des valeurs et des objets reliés à tous les aspects de l'histoire et du patrimoine. Je passe le reste... Comment recevriez-vous ça?

M. Boucher: Au départ, je vais vous dire qu'il y a aussi des gens au Québec. Il n'y a pas juste des bâtisses, il n'y a pas juste des sites. Il y a encore des porteurs de tradition au Québec, des gens qui exercent des métiers traditionnels depuis des générations. C'est transmis de génération en génération. Donc, du texte que vous

venez de lire, je vois tout de suite un manquement, une lacune. C'est un peu le problème avec tout le monde, on attache énormément...

M. Boulerice: Je m'excuse...

M. Boucher: ...d'importance aux biens tangibles: une bâtisse, une maison, une église, un porte-stylo... Mais, quand vient le temps de payer les taxes, c'est le monde qui fait ça, par exemple. Il faudrait peut-être attacher un petit peu d'importance aux gens qu'il y a au Québec aussi. On est en train de perdre au Québec - je suis persuadé que les gens du Centre de valorisation du patrimoine vivant vous l'ont dit - on est en train de perdre une richesse inestimable. Tout ce qui est porteur de tradition, tous les gens qui sont encore en vie, qui peuvent nous transmettre des informations importantes sur ce qui se passe au Québec, sur ce qui s'est passé, sur comment ça se passait, comment ça se transmettait, comment on pratiquait tel ou tel métier, comment on jouait de tel instrument, c'est des éléments qui sont importants. Je pense qu'une politique du patrimoine ou une politique culturelle qui engloberait un volet patrimoine devrait tenir compte, non seulement des édifices, non seulement du patrimoine tangible, mais aussi du patrimoine intangible, c'est-à-dire de tout ce qui est transmis de génération en génération.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Je m'excuse, j'ai commis une omission qui est celle de vous lire le paragraphe 5: La même protection et la même mise en valeur comprennent le patrimoine bâti, le paysage naturel, le savoir, les techniques, l'outillage, le patrimoine génétique, animal et végétal.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Votre lecture étant terminée... Votre collègue de Mercier avait demandé la parole. Même si le temps est dépassé, on va vous donner, M. le député de Mercier...

M. Boulerice: II y a avantage à réviser le vote avec 32 % d'intentions de vote.

Le Président (M. Gobé): ...une minute ou deux pour faire valoir votre point de vue.

M. Godin: Pas de chicane à matin, pas de politique ici, monsieur.

Le Président (M. Gobé): Je pense qu'il y a consentement des membres pour qu'on dépasse un petit peu le temps.

M. Boulerice: Oui, monsieur, tout est politique dans la vie, cher collègue, n'en déplaise à...

Le Président (M. Gobé): M. le député, s'il vous plaît.

M. Godin: Est-ce que j'ai la parole, M. le Président?

Le Président (M. Gobé): Vous avez le consentement pour dépasser le temps et l'avoir, M. le député.

M. Godin: Je souhaite que vous surveilliez aussi bien mon collègue voisin que l'arbitre qui a surveillé hier les patins d'un joueur de hochey des Nordiques, je pense!

Le Président (M. Gobé): Comptez sur moi pour l'avoir à l'oeil!

M. Godin: Merci, M. le Président. J'aimerais savoir de vous, MM. des sociétés d'histoire, d'où vient votre financement.

M. Boucher: La majeure partie... non, je ne dirai pas la majeure partie, mais une bonne partie du financement de la Fédération vient présentement du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, aussi étonnant que cela puisse paraître. Une bonne partie aussi vient du ministère des Affaires culturelles, et je dirais même une presque aussi bonne partie. Mais, là encore, il y a toujours place à amélioration comme le disait votre collègue. Il y a une importante partie aussi du financement de la Fédération qui vient de ce que nous appelons l'autofinancement, c'est-à-dire par la tenue d'activités, que ce soit des colloques ou des congrès qui aident, justement, à boucler la boucle financière.

Par contre, une chose qui devra être prise en considération, c'est que la gestion d'un organisme culturel ne coûte pas moins cher que la gestion de n'importe quel autre organisme. Si un organisme culturel veut évoluer, il se doit d'avoir un personnel compétent et un personnel compétent, ça se paie avec des salaires, je pense, équitables. Ça, c'est un des points qu'on doit considérer. Il est présentement assez difficile d'accepter des subventions qui sont accordées dans d'autres milieux et qui peuvent franchir des 50 000 $, 60 000 $, 70 000 $ pour de l'aide au fonctionnement alors que des organismes culturels vont parfois se retrouver avec une aide au fonctionnement de 7000 $ ou 8000 $. C'est un petit peu difficile à accepter pour les gens du côté culturel, surtout du côté du patrimoine parce qu'il y a toujours eu aussi une connation très folklorique par rapport au patrimoine. Les violoneux, au début du siècle, on les payait avec deux bières pour une soirée de musique. Essayez de faire passer ça maintenant à la Guilde des

musiciens, deux bières pour une soirée de musique, je ne pense pas que ça passe!

Une voix: Deux joints.

M. Boucher: C'est ça, il faudrait voir à ce que l'ensemble des organismes culturels puisse recevoir une part peut-être équitable de la tarte.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup. Merci, M. le député de Mercier.

M. Godin: Une dernière, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Très vite, car nous avons dépassé.

M. Godin: J'aimerais aussi savoir de vous, messieurs, si les profits autogénérés englobent l'édition des publications.

M. Boucher: Le mandat de la Fédération ne rejoint pas l'édition, la publication. Le mandat de la Fédération, comme tel, est de soutenir l'action de ses membres. Certains de ses membres vont publier des ouvrages de toutes sortes en histoire régionale, en histoire locale ou en patrimoine, sauf que l'action directe de la Fédération ne touche pas l'édition.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup. C'est là malheureusement tout le temps qui était imparti. Mme la ministre, un mot de remerciement, s'il vous plaît.

Mme Frulla-Hébert: Effectivement, je vous remercie. Encore une fois, évidemment, si on est ici, c'est parce qu'il y a des choses à changer et tout cet apport... Finalement, c'est un côté extrêmement positif de cette commission parce que plusieurs groupes ont pu s'exprimer, dont des groupes... sur le patrimoine. On a parlé, encore une fois, de patrimoine vivant. On a parié aussi d'architecture. Je pense que ça donne un regard beaucoup plus étendu, si on veut, sur toute la question. Alors, merci encore d'être ici.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Messieurs, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier d'être venus devant nous, ce matin, pour nous présenter votre mémoire et faire valoir vos opinions. Soyez assurés que nous en avons pris bonne note, et ceci met fin à votre audition. Vous pouvez maintenant vous retirer. J'appellerai le groupe suivant, soit le Regroupement des services universitaires d'animation culturelle et communautaire, et lui demanderai de bien vouloir se présenter. Pour ce faire, je vais suspendre une minute.

(Suspension de la séance à 10 h 22)

(Reprisée 10 h 23)

Regroupement des services universitaires d'animation culturelle et communautaire

Le Président (M. Gobé): Bonjour, mesdames et messieurs.

La commission reprend maintenant ses travaux. Je vois, selon mes informations, que le Regroupement des services universitaires d'animation culturelle et communautaire est représenté par M. Michel Beauchemin, mais qu'une autre personne vous accompagne.

Mme Lambert (Henriette): Je vais me présenter. Je suis Henriette Lambert, directrice du Service des activités socioculturelles de l'Université Laval et...

Le Président (M. Gobé): Bonjour, Mme Lambert. Bienvenue parmi nous.

Mme Lambert: ...coordonnatrice du Regroupement des services universitaires d'animation culturelle et communautaire. Mon collègue, Michel Beauchemin, est directeur du Service d'animation des activités culturelles de l'Université de Montréal et ex-coordonnateur du Regroupement.

Le Président (M. Gobé): Très bien. Alors, vous pouvez maintenant commencer la présentation de votre mémoire. Pour vous aussi, c'est une quinzaine de minutes. Par la suite, discussion avec les membres de cette commission.

Mme Lambert: Merci.

Le Président (M. Gobé): Je vous avertirai un petit peu à l'avance si je vois que vous dépassez un petit peu le temps. Alors, vous avez la parole.

Mme Lambert: M. le Président, Mme la ministre, M. Bouierice, Mmes et MM. membres de la commission de la culture, nous sommes heureux que vous ayez accepté de nous entendre et nous vous en remercions. Permettez-moi de vous parler très brièvement de l'organisme que nous représentons, le Regroupement des services universitaires d'animation culturelle et communautaire.

C'est au cours de l'année 1986 que prit forme notre groupement. Les responsables de ces organismes, face à un besoin imminent de contrer leur isolement, tant dans leur institution qu'auprès des autres organismes provinciaux, ont souhaité posséder un lieu de concertation et d'échanges sur leurs activités respectives. Lors de sa création, au mois de mai de cette même année, tous et toutes ont convenu que le Regroupement aurait la forme d'une table de concertation interuniversitaire, quitte, à la lumière du fonctionnement et des expériences, à la

transformer en une association formelle.

Dès sa formation, les représentants et les représentantes ont unanimement considéré l'Université d'Ottawa, compte tenu de sa proximité et de son caractère bilingue, et l'Université de Moncton, compte tenu de son caractère francophone. Notre mandat: regrouper les services d'activités socioculturelles des universités québécoises et défendre leurs intérêts auprès des diverses instances qui peuvent influencer leur développement - universités, collègues, différents ministères et autres.

Nos objectifs fondamentaux sont de permettre aux services membres de s'unir par l'échange d'information au niveau des directeurs et des directrices de service et des responsables des secteurs d'activité à l'intérieur de chacun de nos services; de mettre sur pied des programmes d'activité communs, tels des festivals de théâtre, des réseaux de spectacles qui permettront aux services membres d'augmenter le nombre de leurs activités et d'en améliorer la qualité; de promouvoir l'importance des activités organisées par les divers services membres au sein de leur institution respective et, finalement, de favoriser la réflexion sur la place de l'activité culturelle et artistique en milieu universitaire auprès de toutes les instances, et de défendre - c'est bien important - son importance auprès de toutes les instances compétentes.

Nous représentons aujourd'hui les services d'animation culturelle de 10 universités francophones québécoises et hors Québec. Il faut entendre, dans les universités québécoises, que toutes les composantes de l'Université du Québec sont présentes. La gamme de nos services et de nos activités représente des initiatives qui sont de l'ordre du soutien à la création, de l'offre d'ateliers de formation et de la diffusion sur tous ces aspects: spectacles, expositions, revues littéraires, autres. C'est ainsi qu'au cours d'une année régulière le personnel professionnel de nos services produit des centaines de projets en arts d'interprétation, en arts visuels et en création littéraire. Qu'elles soient amateures parce qu'elles mettent à contribution les talents de notre clientèle, ou qu'elles soient professionnelles, ces activités rejoignent annuellement plus de 200 000 personnes. Ces dernières proviennent non seulement de nos campus, mais également des populations urbaines où nos universités s'insèrent. C'est un de nos apports au rayonnement de notre institution dans la région. Voilà, en quelques mots, ce que représente le Regroupement des services universitaires d'animation culturelle et communautaire.

Au nom du Regroupement, nous sommes ici, aujourd'hui, pour sensibiliser et défendre le rôle fondamental de la pratique des arts à titre de loisir culturel dans nos institutions d'éducation, et pour que cette pratique soit reconnue à l'intérieur d'une politique sur les arts et la culture au Québec. La responsabilité de l'éduca- tion dans le domaine culturel est double. En effet, complémentairement à la formation académique, il y a tous ces rôles d'éveil et de sensibilisation par la pratique et la consommation des arts. Il est évident que cette avenue du loisir culturel permet, par la participation active des étudiants et des étudiantes, de découvrir de nouveaux créateurs et de former, d'initier, de préparer des consommatrices et des consommateurs avertis. Ce volet, que nous considérons fondamental dans la formation culturelle de la population, nous a semblé être escamoté dans le rapport sur la politique de la culture et des arts au Québec.

Je vais laisser la parole à mon collègue, Michel Beauchemin, qui tentera en quelques minutes d'expliciter la place que devrait occuper, selon nous, le loisir artistique dans une future politique de la culture et des arts au Québec. Merci.

M. Beauchemin (Michel): Je ne parlerai pas longuement parce que Mme Lambert a déjà bien situé le problème, mais je vais simplement rappeler pourquoi nous considérons le loisir culturel comme important. Le rapport Coupet, qu'on a aussi intitulé "Étude sur le financement des arts et de la culture", a beaucoup insisté pour dire qu'il y avait, au Québec, un non-public de 60 % de la population, c'est-à-dire que, pour M. Coupet, 60 % des Québécois ne consomment aucune activité culturelle en dehors de leur domicile. Je préfère, disons, présenter les choses comme ça plutôt que de parler de non-public parce que les gens qui sont assis chez eux ont une consommation culturelle passive, soit devant leur téléviseur, soit devant une cassette vidéo, soit en lisant des revues, des journaux. Donc, c'est une pratique culturelle qui existe et je pense qu'on doit la reconnaître et non pas la nier.

Ceci dit, ce sont souvent des gens qui ont une consommation culturelle limitée dans le sens qu'on va parier plus de téléromans, de séries américaines, de revues. Donc, ce n'est pas une pratique culturelle qui encourage vraiment un développement de la culture québécoise, sauf dans l'aspect téléroman et, peut-être un peu, variétés. Elle ne permet pas non plus un financement des arts parce que les gens ne sont pas dans les salles et ne font pas vivre des créateurs. Donc, pour nous, c'est essentiellement important et la pratique culturelle est très limitée, elle manque de profondeur.

Quelles sont les raisons de cette non-fréquentation? Bon, le rapport Coupet en a identifié plusieurs. Je vais simplement les rappeler, c'est-à-dire le coût des billets, le coût de la sortie - si on ajoute les frais de garderie et le reste - et le manque de temps de loisirs. À cela, nous ajoutons comme principale raison, selon nous, de cette non-consommation culturelle l'absence de formation culturelle. Quand on

affirme ça, on s'appuie sur des études qui nous ont été communiquées par M. Colbert, que vous avez reçues hier ou avant-hier, des études du Conseil des arts de l'Ontario, du Conseil des arts du Canada qui ont été faites dans les années soixante-dix et quatre-vingt et qui faisaient état... Quand on essayait de tracer le portrait des personnes qui consommaient de la culture, on disait: Une personne qui consomme de la culture à l'âge adulte, c'est une personne qui, pendant son cours primaire et son cours secondaire, a été mise en contact avec la culture, qui a été amenée dans des salles de théâtre, qui a été amenée dans des salles de cinéma, qui a été amenée dans des galeries, qui a été amenée dans des musées. Si une personne, dans son jeune âge, n'a pas connu ces expériences dans sa famille, mais surtout dans le système d'éducation, elle ne sera jamais une consommatrice, quoi qu'on fasse, quoi qu'on dise, rendue à l'âge adulte, malgré quelques exceptions.

Ces deux études-là, qui datent quand même un peu, semblent vouloir être confirmées par une étude qui est faite actuellement par la firme Cultur'inc, la firme de consultants en arts, et Décima, étude dont les premiers résultats semblent confirmer qu'au Québec, en tout cas, cette réalité-là existe. Donc, cette enquête-là a été commandée, à ce qu'on me dit, par les ministères de la culture des 10 provinces canadiennes et les trois grandes villes, Montréal, Toronto et Vancouver, pour connaître vraiment le portrait culturel du Canadien. Il semble bien qu'on va arriver aux mêmes conclusions qu'on avait rencontrées dans les années soixante-dix et quatre-vingt.

D'où, donc, notre insistance sur la formation culturelle qui devrait être faite à l'intérieur du système scolaire; d'où aussi notre satisfaction que le rapport Arpin mette beaucoup l'accent sur la formation culturelle. Je ne me souviens pas du numéro des recommandations, mais il accorde suffisamment d'importance à la formation culturelle pour faire une vingtaine de recommandations sur le sujet; d'où notre déception aussi vis-à-vis le rapport Arpin, pour les raisons suivantes. C'est que, d'une part, on semble confondre système d'éducation et ministère de l'Éducation. Jamais on ne considère le MESS, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, qui est responsable des universités, et jamais on ne considère les commissions scolaires locales, les commissions scolaires régionales, les cégeps, les fédérations de cégeps et les universités. On fait comme si le système d'éducation était à Québec alors que ceux qui font vivre le système d'éducation sont dans les écoles, sont dans les commissions scolaires.

Nous pensons que ces gens-là devraient être des partenaires au même titre que les municipalités parce que ce sont des gouvernements élus, en ce qui concerne les commissions scolaires locales et régionales. Ils sont très près des besoins de la population, ils rencontrent chaque enfant de la province pendant une période de 10 à 15 ans. Donc, on pense que ces gens-là devraient être associés en tant que partenaires, au même titre que les municipalités, à une politique culturelle, parce que c'est par eux que la formation culturelle va se faire, quels que soient les programmes, les projets qu'on pourra avoir dans les officines ministérielles à Québec.

Donc, c'est un premier sujet de déception qu'on ne mette pas plus l'accent sur le système scolaire en termes très concrets. Deuxième déception, c'est qu'on ne reconnaît pas le rôle du loisir culturel dans la formation. Ce matin, je ne parlerai pas vraiment des programmes culturels qui devraient être ajoutés. Comme nous sommes des services de loisir, ce n'est pas notre mandat de définir les cours qui devraient être donnés, mais disons que nous souhaitons qu'à tous les cycles d'enseignement on donne une formation minimale en histoire de l'art, en peinture, en musique. Donc, les arts concrets et l'histoire des arts, on trouve que c'est très important. Je pense que l'Université Laval a déposé un mémoire qui fait état de considérations fort intéressantes sur la façon dont l'enseignement des arts devrait être fait au primaire et surtout sur la qualité du corps professoral qu'on devrait y retrouver. Donc, je n'insisterai pas plus sur cet aspect-là. Je vais insister simplement sur l'aspect loisir culturel.

Pourquoi disons-nous que le loisir culturel est important? Parce qu'on le sait, le loisir culturel est très méprisé. Je n'ai retrouvé, dans tout le rapport Arpin, qu'une seule mention du loisir culturel, quand on énumère les tâches qui devraient être celles des municipalités. Entre autres choses, on dit: Elles devraient être responsables du loisir culturel. On ne parle jamais du loisir culturel qui se fait en milieu scolaire, on n'en parle pas au niveau des responsabilités du ministère. Bref, on ne fait pas l'évaluation du loisir et il nous semble que c'est une grave erreur. Est-ce qu'on apprend la bicyclette en deux leçons et, si on ne remonte jamais sur une bicyclette, est-ce qu'on va pouvoir dire qu'on sait faire de la bicyclette? Est-ce qu'on devient un bon nageur en suivant un cours de 45 heures et en remisant après ça, en disant: Je ne mets jamais le pied à l'eau? La réponse, c'est évidemment non. C'est la même chose dans la culture. On aura beau suivre un cours de guitare, suivre un cours de piano, suivre un cours de peinture, si, parallèlement à notre formation, on ne peut pas avoir accès à des structures de loisir qui nous permettent de mettre en pratique ces connaissances, il est bien évident que le peu de formation, les 45 heures de cours qui ont été données en première année du primaire, puis en deuxième année et en troisième année, tout ça va être oublié au fur et à mesure. Donc, on n'arrivera jamais à une véritable formation culturelle et on n'incitera

pas les gens à pratiquer un loisir culturel. Si on ne leur montre pas à aller régulièrement dans un théâtre, dans un musée, à une exposition chaque année, donc, on va avoir échoué daris l'aspect formation culturelle. C'est pour ça que, nous, nous faisons du travail de loisir culturel en milieu scolaire depuis près de 20 ans, Mme Lambert et moi, et en milieu universitaire. Finalement, ce qui est important, c'est d'appuyer le travail de formation académique par du loisir, parce qu'à ce moment-là le loisir culturel n'est pas une corvée, ce n'est pas un devoir à faire, ce n'est pas une critique de pièce de théâtre à faire. Simplement, il y a tout un aspect ludique dans le loisir qui fait que l'enfant ou l'adolescent va apprécier la culture. Et si on fait référence aux études, comme on l'a dit tout à l'heure, si on l'a fait au primaire et au secondaire et qu'on le continue au collégial et à l'université, on va former vraiment une relève des spectateurs - on va créer des Spectateurs, d'abord, parce qu'il en manque - et ensuite on va créer, au fur et à mesure des années, une relève. Donc, ce n'est peut-être plus 60 % de non-consommateurs qu'on aura, ou de gens qui ne sortent pas de la maison pour consommer des produits culturels, mais c'est peut-être 40 %, 30 %, 25 % de gens qui ne consommeront jamais de produits culturels.

En gros, je pense que ça présente, ça donne assez bien ce que je voulais dire. Maintenant, que demandons-nous? Parce que je pense que c'est une tradition ici, quand les gens viennent, ils disent. Vous nous avez oubliés. Je pense que ce qui est important de voir, c'est que les services universitaires d'animation culturelle ne sont pas ici pour demander au ministère des Affaires culturelles du financement, en tout cas, pour ce qui est des opérations courantes. Le système scolaire, on pourra l'expliciter, si ça vous intéresse, au niveau des formes de financement. Le système universitaire s'occupe déjà de financer les activités courantes, en tout cas, des services d'animation culturelle.

Nous sommes ici ce matin pour faire valoir que la politique culturelle devrait faire une place aux loisirs culturels comme pièce maîtresse dans la formation culturelle et que, en ce sens-là, le ministère des Affaires culturelles devrait considérer de son devoir, au même titre qu'il entend faire pression sur les municipalités pour les amener à faire de la politique culturelle, ça devrait être dans le mandat du MAC ou du futur ministère de la culture et des arts de faire pression sur les divers niveaux scolaires, du primaire à l'universitaire, pour qu'ils s'emparent de leurs responsabilités dans la formation culturelle. C'est ce que M. Arpin, je pense, appelle un ministère horizontal, c'est-à-dire que le ministère ne deviendra pas le formateur, l'élaborateur des programmes, mais il va devoir avoir un rôle un peu comme le ministère de l'Environnement: Vous devez faire ça si vous voulez bâtir tel projet. Donc, en gros, ce que nous demandons, c'est ça.

Une deuxième chose que nous demandons, un des problèmes spécifiques que nous avons en termes de financement - puisqu'il y a toujours un problème de financement - c'est qu'actuellement le loisir culturel en milieu scolaire est face à un cul-de-sac. Si je me présente aux relations internationales pour avoir une subvention parce que je veux envoyer une troupe de théâtre à l'étranger ou recevoir une troupe de théâtre, comme on l'a fait l'année dernière avec une troupe de Pologne et une troupe du Mexique, on doit tout financer parce que, là, on est amateurs, on est classés amateurs par le ministère des Affaires culturelles, donc le ministère des relations extérieures refuse de nous subventionner. Si on se présente au MAC, on nous dit: Vous êtes amateurs, allez au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche - ce qui est un peu aberrant, de toute façon - et, quand on arrive au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, on nous dit: Vous dépendez du ministère de l'Éducation, allez au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science. Je ne parie pas de nos activités courantes, je parle des activités comme le Festival du théâtre universitaire international. On reçoit des troupes étrangères, on envoie des troupes à l'étranger, on ne peut pas avoir d'aide financière; on a été obligés de s'incorporer, de faire semblant que ce n'était pas universitaire, pour réussir à avoir une maigre subvention du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, ce qui fait rigoler beaucoup de monde en Europe et aux États-Unis, je peux vous le dire.

Le Président (M. Gobé): M. Beauchemin, en conclusion, s'il vous plaît, car le temps file.

M. Beauchemin: En fait, la conclusion est là, je pense, c'est qu'on vous demande de prendre en compte l'importance du loisir.

Le Président (M. Gobé): Merci. Mme la ministre, vous avez maintenant la parole.

Mme Frulla-Hébert: Oui, merci, M. Beauchemin et Mme Lambert. Nous sommes heureux de vous accueillir, d'autant plus que, comme vous l'avez mentionné, il y a certaines universités et certains cégeps qui sont venus devant cette commission et il y en a d'autres, d'ailleurs, qui vont y venir. Toute la question de l'éducation, d'une espèce de maillage entre l'éducation et la culture, je trouve ça non seulement important, mais c'est fondamental et, là-dessus, c'était rafraîchissant de lire votre mémoire, mais c'était très encourageant, aussi, en ce sens-là.

Je veux revenir à la question du rôle du MAC et des loisirs culturels. Je laisserai la parole à ma collègue, députée de Châteauguay, au niveau de la formation. Il y a deux choses que je

veux toucher. D'abord, quand vous parlez du rôle du ministère au niveau du loisir... Et ça, là-dessus, effectivement, c'est un peu drôle, j'ai de la difficulté aussi. En 1977, toute la section du loisir et des amateurs a été transférée au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Pourquoi? Je ne le sais pas, là, mais, chose certaine, c'est que c'est difficile de faire un peu la part des choses. Nous, on ne touche que le professionnel, donc on part de là, si on veut. Mais, quand vous parlez du rôle du ministère, effectivement, à l'intérieur de tout ça, vous l'avez touché un petit peu, vous dites, bon, bien c'est un peu comme l'Environnement, d'une certaine façon. Alors, est-ce que le ministère en soi se doit d'être l'instigateur ou encore le rassem-bleur? Comment voyez-vous ça en pratique, en réalité?

M. Beauchemin: Idéalement, je verrais, en tout cas, que tout l'aspect loisir artistique, culturel au sens strict... Et on le voyait tout à l'heure avec la Société d'histoire qui disait: Nous aussi, on est à Loisir, Chasse et Pêche et au patrimoine; est-ce que ça a du bon sens? Je vous laisse en juger. Mais moi, ce que je verrais très bien, c'est qu'on brise la frontière qui a été établie en 1976 dans le livre blanc du prédécesseur de M. Boulerice, qui était le livre blanc sur le loisir, la municipalisation du loisir, qui avait été fait par le ministre Charron au moment où il était ministre de la Jeunesse. À ce moment-là, on a fait une Muraille de Chine entre la culture professionnelle et le loisir. On a dit: Tout ce qui est loisir, c'est pelleté déjà dans la cour des municipalités. Et la les maisons d'éducation, à ce moment-là, on s'est retrouvé dans une espèce de "no man's land"; on n'a plus jamais eu de place où se raccrocher parce que le MESS, en fait, il n'existait pas à l'époque...

Mme Frulla-Hébert: C'est une autre conception du loisir aussi, là. On le voit quand on est avec eux, oui.

M. Beauchemin: C'était toute la politique de municipalisation du loisir et le système d'éducation a été exclu. Donc, ça répond à la question que vous posiez.

Mme Frulla-Hébert: Bon, d'accord.

M. Beauchemin: Moi, en tout cas, ce que je verrais très bien, c'est qu'il faudrait voir l'importance de l'intégration du loisir culturel et de la culture professionnelle parce que c'est nous qui, éventuellement, allons amener des gens dans les salles, et c'est peut-être nous qui allons révéler un futur Chopin dans nos activités. Aussi, parce qu'il y a beaucoup d'artistes qui ont commencé dans le loisir, qui ont pris la piqûre et qui, ensuite, sont devenus des artistes professionnels. Je pense que les programmes de subven- tions ou les programmes d'encadrement du loisir culturel devraient être faits par le futur ministère de la culture...

Mme Frulla-Hébert: Oui.

M. Beauchemin: ...et sortis du sport et du... Comme je vous dis, ça, c'est une opinion, mais qui ne repose pas sur une étude approfondie faite par notre regroupement. C'est pour ça qu'on est restés un peu flous en disant...

Mme Frulla-Hébert: II faudrait le regarder de près, oui. Autre chose, avant de passer la parole à ma collègue, vous êtes les seuls, vous êtes les premiers intervenants à soulever le cas des francophones hors Québec. J'y touche parce que vous êtes vraiment les premiers intervenants. Comment voyez-vous, concrètement, cette articulation entre la politique culturelle d'une part et la défense des communautés francophones hors Québec? On a tendance à dire: Bien oui, il faut que ça rayonne, évidemment, il faut protéger, bon, tout ça, mais il y une autre tendance à dire: II y a des changements à faire. Si on est ici, ce n'est pas parce que c'est un monde idéal et parfait. Donc, comment voyez-vous cette espèce d'interrelation entre les deux?

M. Beauchemin: En fait, je peux répondre à ça de deux façons. D'une part, pourquoi est-ce que nous avons des universités francophones non québécoises dans notre regroupement, c'est-à-dire l'Université d'Ottawa et deux constituantes de l'Université de Moncton? Parce que ce sont elles qui nous ont approchés, d'abord. Ce n'était pas dans nos plans et ce qu'elles nous ont dit, c'est: Pour nous, isolées comme nous le sommes dans une mer anglophone au niveau du système d'éducation universitaire, il est essentiel que nous puissions prendre contact avec le système universitaire et confronter nos expériences avec les vôtres, nous enrichir de vos expériences et, possiblement, vous amener aussi, à un moment donné, des éléments d'enrichissement. Et ça, disons que la première réponse qu'on pourrait faire, c'est que nous, on trouve qu'il faut briser, aider les minorités à briser leur isolement et leur faire part de nos expériences, pas dans une optique paternaliste, mais ça voudrait dire qu'on collabore, qu'on fait des activités communes et, par une espèce de synergie, les acquis québécois passent dans les universités hors Québec et vice versa. Ça, c'est le premier niveau.

Le deuxième niveau, un niveau plus politique en général, nous pensons, contrairement à bien des gens, que les minorités hors Québec ne sont pas des cadavres chauds et que, même si c'étaient des cadavres chauds, il faudrait peut-être les aider à se garder chauds et que nous n'avons pas à porter un oeil méprisant sur les minorités hors Québec. Et, quand on parle d'une politique culturelle québécoise, c'est important

qu'on assure un rayonnement de la culture québécoise à travers le corpus ou à travers la communauté francophone canadienne et, éventuellement, nord-américaine - si on pense jusqu'à la Louisiane - quel que soit le statut du Québec, qu'on soit partie du Canada ou qu'on soit un pays indépendant, on ne se prononce pas là-dessus. Disons que, pour nous, c'est vraiment ça qui est important et ce qu'il faut voir, c'est qu'on considère que le Québec offre vis-à-vis de la francophonie canadienne et nord-américaine une responsabilité similaire à ce que la France fait pour le Québec. Par exemple, elle nous a beaucoup aidés, elle nous a envoyé beaucoup d'artistes et il y a eu des échanges de faits. Je pense qu'à un moment donné le Québec va avoir, selon le résultat qu'on aura des débats actuels, une responsabilité, peut-être même au niveau du financement de certaines activités pour les minorités hors Québec. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

Mme Frulla-Hébert: Oui, parfait, M. Beau-chemin. Je vais passer la parole, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Alors, Mme la députée. Vous pouvez commencer.

Mme Cardinal: Merci, M. le Président. Vous insistez, à juste titre, sur l'importance de la formation dès le primaire et le secondaire, et je suis parfaitement en accord avec ça. Cependant, vous mentionnez également que le MAC et le MLCP devraient reconnaître à des fins de subvention les services universitaires et collégiaux d'animation culturelle. Est-ce à dire qu'on pourrait davantage préconiser, peut-être, l'aide à la formation dès le primaire et le secondaire, de façon à ce qu'éventuellement nos jeunes soient formés à aimer et à s'engager dans les arts, quel que soit le choix de leur engagement? (10 h 45)

Mme Lambert: En tout cas, je peux commencer, là. Quand on parle de favoriser... Bon, notre recommandation dit: être ouverts pour que le MLCP et le MAC puissent nous accorder, à l'occasion, des subventions; on dit bien "à l'occasion", parce qu'on a précisé qu'on ne vient pas chercher du financement à long terme pour nos organismes. Ce serait pour des projets ponctuels. Alors, est-ce à dire - je ne sais pas si j'ai bien compris votre question - que vous devriez déjà, dès le primaire ou le secondaire, subventionner les activités...

Mme Cardinal: "Prioriser".

Mme Lambert: ...de formation dans le para-académique? C'est dans ce sens-là, votre question?

Mme Cardinal: Oui, effectivement; "prioriser" dès le départ.

Mme Lambert: Évidemment, plus on commence tôt, mieux c'est, mais pour nous, c'était... Évidemment, je serais d'accord si c'était possible, mais, pour nous, c'est simplement de ne pas être exclus d'office. Quand je dis "nous", là, les services universitaires d'animation culturelle et les services collégiaux aussi, c'est de ne pas être exclus d'office de tous ces ministères-là, parce qu'en bout de ligne il n'y avait aucune porte qui nous était ouverte: pas le ministère de l'Éducation, etc.

M. Beauchemin: Pour répondre très brièvement à votre question, je dirais que, s'il n'y a qu'un dollar à donner par le MAC, vous devez le donner au primaire.

Mme Cardinal: Bon, c'est ce que je voulais entendre.

M. Beauchemin: Vous devez le donner au primaire, parce que si on a une bonne formation culturelle au primaire et au secondaire, quand l'étudiant va arriver à l'Université de Montréal, je ne me ferai pas dire: Monsieur, je ne connais pas qui est Shakespeare. Ça nous est arrivé l'année dernière. 50 étudiants étaient réunis pour faire une pièce de théâtre dans laquelle ils investiraient 100 à 200 heures de bénévolat. Quand ma responsable du théâtre leur a demandé: Bien, seriez-vous intéressés à monter une pièce de Shakespeare? ils ont dit: Qui est Shakespeare? On n'en a jamais entendu parler.

Mme Cardinal: C'est incroyable.

M. Beauchemin: Des étudiants universitaires! Ah bien, peut-être un Molière. Molière? Ah, c'est un Français, ça, je pense, hein? Vous voyez où on en est. Alors, si la formation culturelle s'améliore au primaire et au secondaire, je vais être gagnant et je n'aurai peut-être pas besoin de vos 2000 $, 4000 $ ou 5000 $. J'en ai peut-être besoin pour quelques années encore parce qu'on n'en est pas là, mais ceci dit, si vous nous amenez une clientèle formée, qui est intéressée à payer pour aller voir un produit culturel de qualité, je ne vous achalerai pas pour avoir plus d'argent parce qu'ils vont me le donner à la porte, à la caisse, parce qu'on charge pour nos activités.

Mme Cardinal: Est-ce qu'on pourrait savoir d'où vient votre mode de financement, parce qu'on mentionne que vous disposez de 3 500 000 $ pour l'ensemble de vos... Est-ce qu'on pourrait savoir d'où provient cet argent?

Mme Lambert: Oui, 3 500 000 $, c'est pour l'ensemble des services.

Mme Cardinal: Oui, je dis bien pour l'ensemble des universités que vous mentionnez.

Mme Lambert: Je dois dire qu'à l'Université Laval et à l'Université de Montréal nous avons les deux plus gros budgets de tous les services.

M. Beauchemin: 2 000 000 $ sur 3 500 000 $, pour ne rien vous cacher.

Mme Lambert: Alors, la principale source de nos revenus sont les frais afférents des étudiants. Il y a les frais académiques, les frais de scolarité et les frais afférents, qui sont partagés pour l'ensemble des services aux étudiants. Les services aux étudiants dans les universités, c'est orientation, counseling, bourses, aide financière, sports, socioculturel, santé, animation religieuse. Les frais afférents sont partagés entre tous ces services-là. Alors, c'est la principale source de revenus de nos services d'animation culturelle. La deuxième source de revenus, ce sont les revenus d'activités; la troisième source de revenus, ce sont les commanditaires. On va quêter beaucoup, parce qu'on est des services qui doivent s'autofinancer. Donc, quand on sort un dollar, il faut que le dollar rentre afin que ça fasse zéro. Alors, ce sont nos principales sources de revenus.

Mme Cardinal: Brièvement...

M. Beauchemin: Une autre source: il y a une subvention spéciale du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science pour les fins des services aux étudiants, qui est d'à peu près, mettons, l'équivalent de 50 $ pour un étudiant régulier à temps complet; et là-dessus, nous, on touche à peu près 5 $, à l'Université de Montréal.

Mme Lambert: À Laval, on n'en touche pas. Dans les universités, c'est différent un peu, le partage. Comme à Laval, ce sont seulement les frais afférents pour nos services, puis...

Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie M. Beauchemin, merci Mme la députée de Châteauguay. C'était fort intéressant. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, la parole est à vous maintenant.

M. Boulerice: Je vous remercie. Mme Lambert, M. Beauchemin, si vous me permettez, en entrée en matière, deux observations: la première, effectivement, Mme la ministre l'a souligné, vous êtes le premier groupe qui fait référence à ce que, moi, j'appelle notre diaspora. À l'exception des Acadiens qui sont un peuple distinct, ceux que l'on retrouve en Ontario, au Manitoba, en Colombie-Britannique sont des morceaux du peuple français, enfin du peuple québécois, dis-je plutôt, qui se retrouvent là-bas. Mais |e pense qu'effectivement on doit avoir ce souci. A titre de chargé de la francophonie, je les ai souvent rencontrés sur leur terrain même, et je peux vous dire que, dans le cas de nos compatriotes qui sont en Colombie-Britannique, l'éloignement géographique a des incidences atroces au niveau culturel. Il y a certains efforts qui sont faits. Mon collègue, le député de Shefford, pourrait vous en parler; le Festival de la chanson de Granby insiste toujours sur une participation des francophones hors Québec. Et il ne faut pas oublier qu'on ajoute dans notre patrimoine des noms qu'on a tendance à considérer comme québécois, mais tout le monde sait que Daniel Lavoie est un Franco-Manitobain. Un peu comme tout le monde croit que Brel est Français, mais c'est faux. Brel est Belge. Donc, le fait d'avoir apporté cette dimension est intéressant et je pense que c'est une piste très importante que vous avez tracée.

Au niveau du loisir culturel, je vous donnerai raison à 101 %, même, puisque j'ai assumé, il y a quelques mois, la présidence du Festival de théâtre amateur et je vous avoue que j'en suis ressorti, non pas ébranlé, ce n'est pas le terme, au contraire, enthousiaste, mais avec effectivement la même certitude que vous. Il y a là une préparation de la relève, il va de soi. Je dis "la relève"; je n'aime pas le mot, comme Vigneault - ou la continuité - personne n'est tombé encore, mais disons qu'on emploie le mot "relève". Et en questionnant les gens à l'entracte, à l'entrée, à la sortie, etc., il est de toute évidence, et vous avez bien raison, que c'est, là aussi, un lieu de préparation à la consommation d'oeuvres culturelles, de manifestations culturelles. Donc, ramener ceci au niveau du ministère des arts et de la culture, je pense que c'est un objectif vers lequel on devrait tendre.

Ceci dit, les deux questions que j'aimerais vous poser: Comment pourrait-on assurer une meilleure concertation entre les milieux scolaires et les municipalités au chapitre de l'utilisation des équipements culturels et à celui du soutien à la diffusion des productions culturelles en région? Vous avez fait allusion à mon illustre prédécesseur qui avait émis un livre blanc pour ce qui est de la concertation municipalités-commissions scolaires pour l'utilisation des équipements sportifs. J'ai peur que la politique n'ait pas donné tous les effets qu'on avait souhaités mais, au moins, il y a eu des tentatives. Enfin, je me rappelle qu'à l'époque j'étais administrateur d'une commission scolaire; chez nous, nous l'avons réussi. Bon. Est-ce que c'est égal au niveau de l'ensemble du territoire québécois? Je me pose toujours la question. Mais, au niveau des arts et de la culture, qu'est-ce qu'on devrait faire pour avoir cette meilleure concertation et cette utilisation maximum des équipements qu'on a?

Mme Lambert: Je n'ai pas de recette miracle. D'abord, c'est peut-être d'instaurer dans la tête des gens une volonté de se concerter, de mettre nos ressources en commun, comme on

peut le faire à l'Université Laval où je vais me concerter avec certaines facultés pour utiliser, soit des locaux ou des équipements plutôt que d'acheter en double. Ça se fait déjà dans certaines universités; je pense à Sherbrooke, entre autres, où il y a une concertation avec la ville pour l'utilisation du centre culturel. Donc, le service d'animation culturelle de Sherbrooke ne programmera pas certains spectacles parce que, déjà, le centre culturel en programme. Il va y avoir des ententes avec le service pour donner un meilleur accès aux étudiants. Bon, c'en est une, forme de concertation. Je pense à chez nous. Je parle de moi pour ne pas parler des autres, mais la salle Albert-Rousseau s'est donné comme mission... Ce sont des spectacles professionnels de théâtre, d'une certaine forme de théâtre, etc.

À l'Université Laval, notre cher Théâtre de la cité universitaire, sa mission première, pour l'instant, ces années-ci, ce sont vraiment des productions étudiantes de chez nous, pour favoriser le talent de nos étudiants. Ce sont nos objectifs présentement. Alors, on ne se fait pas concurrence. S'il vient un artiste professionnel, c'est peut-être dans le cadre d'un événement bien spécial chez nous, mais on ne veut pas concurrencer la salle Albert-Rousseau. Puis on a fait aussi certaines ententes avec la ville de Sainte-Foy; je pense, entre autres, à des ateliers de musique, parce qu'on n'avait pas accès à des locaux de musique.

Il y a déjà une forme de concertation, peut-être parce qu'on est des vieux de la vieille puis qu'on a déjà eu des contacts avec les municipalités qui nous entourent. Je n'ai pas de recette miracle, mais je dis: II s'en fait déjà. Pourquoi faire double emploi de nos locaux, de nos équipements? Peut-être que Michel peut rajouter quelque chose.

M. Boulerice: Oui, je vous en prie.

M. Beauchemin: Deux petites choses. Ce sont deux exemples, en fait, puis je pense qu'ils vont illustrer ce qu'on pourrait souhaiter. D'une part, c'est qu'il y a quelques années le Conseil des arts de la Communauté urbaine de Montréal avait fait une étude sur les salles de spectacle. Dans le milieu scolaire, on est arrivé à la conclusion... Puis j'ai le rapport qui est très beau, qui a dû coûter très cher et qui est resté sans suite, malheureusement. Mais on faisait état du nombre d'amphithéâtres, de salles de spectacle, de salles de théâtre qui sont cachés dans les écoles secondaires, dans les cégeps, dans les universités et qui ne sont pas utilisés plus que quatre, cinq ou six mois par année. Puis on dirait qu'il pourrait y avoir une synergie entre les municipalités, par exemple, qui pourraient louer ces salles-là ou utiliser ces salles-là et les mettre à la disposition de troupes de théâtre amateur de quartier, ou, en fait, bon, s'en servir.

Donc, il pourrait y avoir... Il existe des équipements qui, actuellement, ne sont pas utilisés. Je sais que, moi, mon théâtre, qui est parfaitement équipé, est utilisé vraiment six mois par année ou cinq mois par année. Pourtant, on paie le chauffage toute l'année. Enfin, bref, il nous coûte des frais. Donc, ça pourrait être une piste qui pourrait être faite au niveau des inventaires, puis de dire systématiquement... Je ne parle pas de la culture professionnelle parce que, souvent, amener des consommateurs qui paient cher au sixième étage d'un immeuble comme chez nous, ce n'est pas évident. Mais, pour ce qui est de la culture amateur, ça pourrait être possible.

Et si on pense aussi, par exemple, à un cas plus concret, celui de la Maison-Théâtre dont on va peut-être régler le problème un jour mais qui, pour le moment, en tout cas, est logée dans le cégep du Vieux-Montréal. Ça été un très grand progrès pour les troupes de théâtre pour enfants que les commissions scolaires puissent prendre des enfants dans leur écoles et les amener en autobus jaunes à la salle de théâtre plutôt que de demander aux troupes d'arriver dans un mauvais gymnase sans sono, sans éclairage, puis de donner aux enfants, finalement, une mauvaise image du théâtre, parce que c'est plate, c'est mal organisé, c'est branlant. Là on les amène dans une bonne salle, ils sont bien assis, ils voient ça dans des bonnes conditions, donc ils apprécient le théâtre. Ça rentabilise un équipement scolaire, ça empêche des frais aux maisons d'éducation ou aux écoles pour se donner des salles de spectacle et, en même temps, tout le monde est content.

Donc, ça pourrait être organisé. C'est deux exemples qui, je pense, donnent ce que pourrait être le résultat d'une collaboration entre des niveaux d'éducation, comme dans le cas de la Maison-Théâtre ou entre des maisons d'éducation et des services municipaux de loisir. Et je pense qu'il faudrait le faire dans une période de pénurie budgétaire comme maintenant, et il faudrait tirer le meilleur parti de tous les équipements.

M. Boulerice: À la page 7 de votre mémoire, vous dites: "Cette "exposition" à la culture dépend en bonne partie de la dynamique familiale. Mais un jeune de 7 à 17 ans vit plus d'heures actives en milieu scolaire qu'en milieu familial." Bon, mon passé fait que je vous donne raison. L'école a une influence énorme. Tu changes d'école, tu changes de société. Mais lorsqu'ils sont en milieu familial, Mme Lambert, M. Beau-chemin, on sait fort bien que le temps d'activité à la maison n'est pas nécessairement un temps d'échanges avec papa, maman, la grande soeur ou le petit frère, mais il est devant l'appareil télé. Est-ce que vous considérez qu'on peut se donner, au Québec, une politique des arts et de la culture sans englober tout ce gigantesque secteur de la communication, c'est-à-dire, je

pense, tout l'audiovisuel, la télédiffusion, radiodiffusion, etc.?

M. Beauchemin: Je suis tout à fait d'accord parce qu'il y a eu des études de faites, effectivement, qui montrent que le nombre d'heures que les enfants et les adolescents passent devant la télé est supérieur au nombre d'heures de cours qu'ils reçoivent. Je n'ai pas exactement les chiffres mais, en tout cas, je suis allé à un colloque la semaine dernière, organisé par les HEC, et on faisait état, justement, de cette information que l'enfant consomme plus de télé que de pédagogie ou de cours. Dans ce sens-là, la télévision est capitale et fondamentale dans la formation de l'enfant et dans sa formation culturelle. Et c'est évident que je suis tout à fait d'accord avec vous qu'au niveau des politiques d'émissions pour enfants, par exemple, et pour adolescents, la télévision a un rôle extrêmement important à jouer, qu'elle joue assez bien si on pense à des émissions comme "Passe-Partout". Je pense que la télévision pour enfants a été reconnue, en tout cas, jusqu'à tout récemment, comme meilleure que la télévison pour adultes, mais disons que je ne suis pas un spécialiste de la télé et j'avoue que, si j'écoute la télévision quatre heures par mois, c'est beaucoup. Je suis ce qu'on appelle le bon consommateur culturel qui va en salle, qui va au cinéma, mais qui passe fort peu de temps devant sa télé.

Disons que je suis d'accord avec vous que c'est très important, mais en même temps, si on arrive à une pratique active du loisir culturel, ça va sortir les enfants; les enfants ne seront pas devant la télé. S'ils sont à l'école entre 16 heures et 18 heures pour faire du ballet, pour faire de la musique, s'ils font une sortie culturelle au théâtre le samedi, s'ils vont au musée, si, enfin... ça va limiter le temps qui va être passé devant la télé aussi. Ce serait, à mon avis, une très bonne chose que de leur donner un loisir actif plutôt qu'un loisir essentiellement passif qui, en général... En tout cas, il y a eu des études, là, qu'on pourrait...je peux vous en donner copie, mais, sur les jeux de Nitendo, il y a une étude qui a été faite par une professeure de sciences de l'éducation de l'Université de Montréal, qui vient d'être publiée et qui montre que l'écoute de la télévision, la pratique des jeux vidéo tuent la créativité chez l'enfant et qu'il faudrait vraiment combattre cette surconsommation de télé et de jeux vidéo.

M. Boulerice: Mme Lambert, M. Beauchemin, à bien des égards, vous nous avez apporté un discours nouveau. À nous de retenir ce que vous nous avez dit. Donc, je vais vous remercier de votre participation à cette commission et, surtout, de ce mémoire que vous avez déposé. J'espère qu'on en tiendra compte dans l'élaboration d'une politique des arts et de la culture. Merci.

Le Président (M. Gobé): Alors merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, en terminant.

Mme Frulla-Hébert: Oui, merci. Encore une fois, un très très grand merci. Vous savez que nous avons entrepris - bon, cette fois, c'est avec le ministère de l'Éducation parce qu'il faut commencer par là aussi - des rencontres. Et il y a une volonté, aussi, au niveau du ministère de l'Éducation, justement, une conscientisation d'abord, et une volonté de voir maintenant tout... de revoir tout le domaine culturel dans le système. Mais vous nous avez apporté aussi une espèce de confirmation de ce qu'on voulait faire, c'est-à-dire de partir, de travailler avec les commissions scolaires, les commissaires, etc. Parce qu'effectivement c'est un système qui est un peu indépendant et très rigide. Alors, merci beaucoup beaucoup.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Madame, monsieur, je vous remercie au nom des membres de cette commission. Nous avons apprécié votre présence et votre audition. Alors, ceci, maintenant, termine le temps qui vous était alloué; vous pouvez donc vous retirer. Je vais suspendre les travaux pour une minute, le temps que Son Honneur M. le maire de Montréal daigne venir prendre place dans notre humble enceinte.

(Suspension de la séance à 11 h 3)

(Reprise à 11 h 10)

Ville de Montréal

Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, la commission de la culture va reprendre ses travaux. Mme la ministre, s'il vous plaît, je vous prierais de bien vouloir gagner votre siège. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, la même chose pour vous. Alors, nous allons entendre, pour une période de 45 minutes, les représentants de la ville de Montréal qui est représentée aujourd'hui par M. le maire Jean Doré, maire de Montréal. Bonjour, M. le maire.

M. Doré (Jean): Bonjour, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): M. Joseph Biello, membre du comité exécutif et responsable des dossiers culturels à la ville de Montréal -bonjour, M. Biello - et par Mme Manon Forget, conseillère et adjointe au comité exécutif de la ville de Montréal. Je vous rappellerai brièvement le mandat de notre commission aujourd'hui, qui est de tenir une consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts. Ceci fait suite, comme chacun sait, au dépôt du

rapport Arpin et cette commission a été initiée à la demande de Mme la ministre des Affaires cultureffes. M. le maire, vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire, ou votre représentant. Par la suite, nous verrons à dialoguer avec chacun des partis politiques qui sont représentés à cette table, soit Mme la ministre ou ses représentants et M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, porte-parole officiel de l'Opposition en matière d'affaires culturelles. Vous avez la parole, M. le maire.

M. Doré: Merci, M. le Président. Alors, merci de nous accueillir ce matin, Mme la ministre, M. le critique de l'Opposition, mesdames, messieurs membres de la commission de la culture. D'abord, je veux vous dire que la ville de Montréal salue l'initiative du gouvernement de doter le Québec d'une politique culturelle, et je pense que aussi bien l'intérêt général que l'avenir même de notre société dépendent de l'adoption d'une telle politique. La ville de Montréal reconnaît la maîtrise d'oeuvre du gouvernement québécois en matière culturelle sur son territoire et, j'ajouterais, l'importance cruciale de la culture comme moyen d'expression et d'épanouissement d'un peuple. Et la ville de Montréal souhaite donc, comme d'ailleurs le recommande le rapport du groupe-conseil Arpin, que le gouvernement fasse de la culture une priorité d'État, au sens d'en faire un axe fondamental du développement du Québec.

La ville de Montréal, pour sa part, se présente devant cette commission, M. le Président, comme une administration publique responsable, soucieuse du développement et de l'accessibilité des arts et de la culture sur l'ensemble du territoire québécois. Montréal demande que les organismes culturels, et notamment les organismes montréalais à vocation nationale et internationale, obtiennent des moyens de faire adéquatement leur travail, aussi bien de création que de diffusion. Et je dirais que c'est là un juste retour des choses quand on constate à quel point le milieu culturel et j'ajouterai la population québécoise dans son ensemble ont réussi, souvent à bout de bras, en quelques décennies, ce que d'autres peuples ont pris des siècles à bâtir. Et, quand on considère la réussite indéniable au plan international de nos organismes culturels qui sont des ambassadeurs de premier plan, qui véhiculent à travers le monde l'image d'un Québec moderne, eh bien, je pense qu'il s'agit là d'une réussite assez remarquable. Et, dans ce développement historique, la production culturelle, particulièrement à Montréal, a constitué un élément essentiel.

La ville considère également la culture comme un instrument, un outil important de son propre développement, et on constate chaque jour le poids croissant de ce secteur d'activité dans l'harmonisation de sa vie sociale et dans la bonne marche de son économie. Et, à titre de métropole qui accueille la majeure partie des organismes culturels professionnels du Québec, on invite le gouvernement à prendre appui, entre autres, sur le secteur culturel, dans ses efforts pour consolider l'avenir du Québec et de sa métropole.

Il n'y a aucune des grandes villes nord-américaines qui ait, à l'égard de la culture qu'elle représente, l'importance qu'a Montréal par rapport à la culture francophone du Québec. Aucune ne peut prétendre abriter avec un tel degré, je dirais, l'essentiel des formes d'expression de la culture d'un peuple. Montréal est le principal foyer de recherche et d'expression artistique au Québec et au Canada. C'est ainsi que la métropole accueille, je dirais, le seul milieu des arts et de la culture qui soit parvenu, au Canada, à composer un secteur socio-économique complet, c'est-à-dire où toutes les disciplines sont représentées, où toutes les fonctions essentielles à ce secteur s'y retrouvent en synergie: la recherche, la création, la formation, la production, la mise en marché; où toutes les tendances sont autorisées: classicisme, relève, avant-garde y trouvent leur place; où toutes les formes de diffusion, j'ajouterai de télédiffusion, y ont leurs assises; et où quelque 80 communautés culturelles, aussi, facilitent la participation et l'intégration du Québec et de sa métropole aux grands courants internationaux. Il ne faut jamais oublier l'apport de ces mêmes communautés à la richesse et à la diversité culturelle montréalaise. Et je pense ici à des artistes comme Oscar Peterson, Oliver Jones, Ludmilla Chiriaef, Agnes Grossman, Marco Micone, pour n'en nommer que quelques-uns.

Nos leaders artistiques, nos têtes d'affiche essentielles au rayonnement public de notre culture émergent d'un milieu en effervescence et font maintenant partie du peloton de tête international, celui qui, dans le monde entier, façonne les tendances plutôt que de les suivre. Et disons le d'entrée de jeu, le talent des artistes, l'autonomie et l'originalité des directions artistiques sont au coeur de cette réussite.

Il aura fallu, somme toute, un peu moins de deux décennies à ce milieu culturel pour se développer et se structurer ainsi. Pour une poignée d'organismes qui parviennent à survivre sur le territoire de Montréal à la fin des années soixante, on en répertorie aujourd'hui plus de 1000. La fulgurance d'un tel essor n'a pas d'égal, dans aucune autre région du Québec ou du Canada. Le centre-ville de Montréal accueille à lui seul une concentration extraordinaire d'activités et de talents. Et nul autre tissu urbain ne peut offrir une telle densité nécessaire au rayonnement national et international. Cette concentration souhaitable favorise le voisinage des disciplines, assure la polyvalence des artistes, le renouvellement du milieu artistique et fait en sorte que les idées nouvelles voyagent rapidement. Cette masse critique est, en quelque sorte,

un bien collectif essentiel à la survie d'une production culturelle nationale.

De ce point de vue, Montréal joue un rôle stratégique dans le développement culturel du Québec, et c'est un élément fondamental que la commission et le gouvernement devraient prendre en compte. Je pense que tout le Québec, tous ses artistes peuvent s'appuyer sur cette masse critique et doivent veiller à la protéger. Je pense qu'on pourrait citer par dizaines des artistes du Québec qui ont d'abord percé en région et qui ont pu s'affirmer à l'échelle de notre société québécoise pour ensuite se projeter sur la scène internationale.

En revanche, si on doit dresser une liste très sommaire - et là j'ai parlé des forces - je dirais des problèmes qui sont rencontrés par le milieu culturel actif sur notre territoire, on peut constater un certain nombre de faiblesses: d'abord, l'économie de survivance dans laquelle s'exerce la pratique culturelle, l'insuffisance du soutien accordé aux artistes et aux milliers d'organismes culturels montréalais, souvent jeunes, fragiles, de petite taille, ainsi que le sous-financement des fonctions, tant nationales qu'internationales, qui leur incombent. Donc, premier élément, je dirais, du diagnostic.

Je vous souligne qu'on doit prendre conscience de ce que les entreprises culturelles, les institutions, je dirais, tout autant que la relève, qui ont vécu à ce jour dans ce qu'on appelle cette économie de survivance, ont quand même permis à la culture québécoise de maintenir le cap. Il faut maintenant, à notre point de vue, de toute urgence, doter les organismes existants, grands et petits, et particulièrement ceux qui représentent les forces vives de notre culture, ceux qui la renouvellent, les doter des moyens nécessaires à l'accomplissement de leur travail. Et cela est essentiel si on veut que notre culture ne s'épuise pas et ne se tarisse pas.

Des organismes comme l'OSM ou comme le TNM, comme Carbone 14, La, la, la, Human Steps ou les producteurs, les diffuseurs des Marjo, des Michel Rivard aussi bien qu'un film de Denys Arcand, personne, dans ce contexte actuellement, ne nage dans l'abondance. Ces organismes ont des fonctions précises à remplir, et elles doivent l'être dans des conditions décentes. Et, de ce point de vue, la qualité et l'accessibilité, tant nationales qu'internationales, imposent des normes, et j'ajouterai des coûts, qu'on ne peut plus ignorer.

Autre faiblesse, un déficit en matière d'équipements de diffusion d'envergure nationale et internationale, bien qu'on puisse constater, sur le plan muséologique en particulier, qu'un rattrapage s'est opéré depuis un certain nombre d'années. Mais je pense encore que Montréal ne compte ni maison de la musique symphonique, ni salle spécialisée, encore, dans la diffusion de spectacles à l'intention du jeune public, bien que la réputation de notre jeune théâtre, le théâtre jeune public, est mondialement reconnue ou encore - même du point de vue d'un aspect plus large dans la définition de la culture - ni même de musée des sciences et des technologies, qui sont là des fonctions nationales essentielles et des domaines dans lesquels le Québec excelle; parce qu'il faut bien reconnaître que, dans le domaine muséologique, le Québec a produit des choses extrêmement intéressantes, créatrices et novatrices, aussi bien dans la capitale et dans les régions que dans la métropole.

Par ailleurs, il faut quand même aussi, dernière faiblesse, penser à la vétusté de plusieurs équipements culturels existants, que ce soient ceux du théâtre à Montréal, Espace Go, Espace Libre, le TNM, ou la Bibliothèque centrale qui joue un rôle important aussi, comme diffuseur culturel. Et, à ce chapitre, et là je cite une étude faite pour le gouvernement fédéral en 1989, pour le ministère des Communications, on nous rappelait que Montréal possède moins d'équipements culturels d'importance que Calgary, Edmonton, Vancouver et Toronto, et que ceux qu'elle possède sont généralement d'une qualité inférieure à ceux des villes citées. Le constater, ce n'est pas une critique, c'est simplement de dire: Voilà, malgré ces carences, ce qu'on a pu produire. Disons-nous que, si nous nous dotions d'une priorité d'État en matière de culture, d'en faire vraiment un instrument, un axe de développement du Québec et qu'on y affectait les ressources conséquentes, voilà ce qu'on pourrait faire pour rayonner encore davantage et développer notre appareil culturel.

Bien sûr, une telle carence freine le développement de l'excellence dans certains secteurs artistiques et je pense que, de ce point de vue là, le soutien gouvernemental apporté à la diffusion culturelle sur le marché québécois, qui est restreint et parcellisé, devient essentiel si on veut miser sur certains créneaux d'excellence. Dans un monde qui est marqué par une internationalisation grandissante des échanges, on ne peut pas se fermer aux produits culturels étrangers. Il faut constater qu'on forme une petite collectivité, somme toute, de 6 000 000 habitants et qu'on doit donc - et je pense que c'est vital - assurer la compétitivité du produit culturel du Québec, ce qui rend, de ce point de vue là, l'action du gouvernement absolument essentielle. Elle est, cette culture, avant tout un des fondements de notre identité nationale, et c'est donc, je pense, au gouvernement de lui accorder toute l'attention, non seulement politique, mais financière qui est requise.

Je rappelle que, selon le rapport Arpin, la valeur de la production culturelle montréalaise se chiffrait, en 1987, à quelque 3 000 000 000 $, une masse salariale qui atteignait près de 2 000 000 000 $; 75 000 personnes, travailleurs et travailleuses, oeuvrent dans des professions culturelles dans une région qui concentre 86 % de la production culturelle du Québec, bien qu'au

total elle ne reçoive que 55 % des budgets de transferts du ministère. J'évoque ce fait pour dire que pour une ville comme Montréal, comme pour le Québec, 3 000 000 000 $ dans l'activité culturelle pour la métropole, ça en fait un des secteurs importants d'activité économique génératrice d'emplois et de développement.

Et, si on regarde vers l'avenir, plusieurs éléments laissent, à notre point de vue, présager une importance encore croissante de la culture dans l'économie et dans le développement social de Montréal. D'abord, la mutation de Montréal qui fait d'elle une ville centrale qui privilégie les entreprises de haute technologie, les activités de services dans lesquelles s'inscrit tout naturellement la culture. De plus en plus, dans le positionnement des entreprises, dans les facteurs de localisation des entreprises, dans la capacité qu'ont les villes d'attirer des cerveaux dans une économie centrée sur l'information, l'offre culturelle devient une composante extraordinaire-ment importante.

D'autre part, dans l'espace compact du territoire du centre-ville, qui abrite une concentration naturelle d'activités artistiques de talent, la culture, de ce point de vue là aussi, devient, dans bien des cas, un recycleur d'espaces, y compris de zones industrielles, un support important des secteurs névralgiques de l'économie, notamment de l'industrie touristique. La culture est un secteur d'activité qui dispose d'une "entrepreneurial" prêt à vivre sans heurt les changements d'une métropole .en rnutation, et je souligne que le secteur culturel est un secteur en croissance: 38,7 % d'augmentation du nombre d'employés, de 1985 à 1987. Enfin, îa culture est un outil important d'interpénétration des cultures, un ferment intégrateur, un foyer d'identité essentiel pour une grande ville comme Montréal, dans la mesure où on tient toujours en tête que c'est cette ville, cette région qui accueille près de 90 % des immigrants au Québec. Dans ce contexte, donc - et je veux terminer là-dessus cette partie, je laisserai M. Biello peut-être compléter un peu plus loin - la culture apparaît pour nous comme une solution d'avenir pour la métropole. Je pense que cette démonstration m'apparaît assez claire.

Je me permets juste d'ajouter que cet avenir de la métropole... Comme métropole internationale, Montréal est à la fois, du point de vue culturel, ville d'accueil et vitrine sur le monde. Sa visibilité à l'échelle internationale lui permet de contribuer au rayonnement de la culture. Comme métropole du Québec - donc deuxième rôle, Montréal, métropole internationale - Montréal est un relais obligé, en synergie avec chacune des régions. Beaucoup d'artistes qui se développent en région se servent de Montréal comme tremplin pour essaimer sur l'ensemble de la société québécoise et se projeter à l'échelle internationale après coup. Comme, je dirais, ville régionale à l'échelle de la région, l'offre cul- turelle de Montréal est importante et, on le sait, une bonne partie des utilisateurs et des utilisatrices de ce qu'on offre à Montréal sont des gens qui nous proviennent de l'ensemble de la région et qui bénéficient des infrastructures culturelles de Montréal.

Et, enfin, je me permets d'ajouter qu'au niveau local, dans sa mission purement municipale, la ville répond à une société extrêmement diversifiée, une société vieillissante, une société diverse sur le plan ethnique, une société où il y a une polarisation des revenus, ce qui nous amène à devoir traduire cette réalité par des moyens de satisfaire des besoins culturels qui sont très diversifiés et qui supposent forcément des investissements importants. Et, à ce chapitre, je vais peut-être demander à M. Biello de compléter un peu le tableau du point de vue de l'effort de la ville dans le domaine culturel, pour finir sur les recommandations.

Le Président (M. Gobé): Alors, à ce moment-là, je dois vous avertir, M. le maire et M. Biello, que le temps qui vous était alloué est maintenant terminé, mais que par consentement, si mes collègues l'acceptent...

M. Doré: Alors, écoutez...

Le Président (M. Gobé): ...nous pouvons déborder quelques minutes; si ce n'est pas trop long, écoutez...

M. Doré: Ce que je vais faire, M. le Président, si vous permettez, de toute façon, vous avez en main le texte du mémoire...

Le Président (M. Gobé): Non, mais M. Biello peut... Allez. Quelques minutes, à condition que ce ne soit pas un autre dix minutes, là. Allez-y, M. Biello.

M. Doré: Je vais plutôt passer aux recommandations; je préfère qu'on échange. Alors, si vous me dites qu'on est coincés, je vais juste rappeler qu'en ce qui concerne, je dirais, l'offre culturelle à Montréal, la contribution de la ville, pour le rappeler aux membres de la commission, 33 % de l'ensemble des dépenses consenties par les municipalités du Québec au chapitre de la culture sont consenties par la ville de Montréal, alors qu'elle ne représente que 15 % de la population du Québec. Ces chiffres sont tirés, bien sûr, du rapport Samson Bélair qui a servi de point d'appui à la rédaction du groupe-conseil Arpin. On rappelle notamment que le budget, à la ville de Montréal, consacré au sens large à la culture - parce qu'on y inclut la muséologie scientifique - correspond à 3,4 % du budget global de la ville, sans tenir compte, bien sûr, de cette année, en 1992, des sommes allouées au 350e ni des 17 000 000 $ qui, eux, émargent au budget d'immobilisation de la ville, en soutien à

des équipements culturels. Si on distingue la muséologie scientifique du budget culturel, ça ramène quand même l'offre de la ville, l'effort financier de la ville dans le secteur culturel à 2,6 % pour l'ensemble des réseaux de maisons de la culture, du soutien aux entreprises comme du réseau des bibliothèques.

La ville participe, bien sûr, dans cet effort, à 55 % du budget du Conseil des arts, qui a triplé au cours des dernières années. Elle offre un soutien financier aux entreprises culturelles. On travaille avec le milieu d'affaires dans le programme arts et affaires. On a consenti des allégements fiscaux dont ont bénéficié plus de 150 organismes. On a bien sûr, aussi, un certain nombre d'équipements de diffusion. On pense notamment à ceux du Palais de la civilisation et, bientôt, du concept d'archéologie de la Pointe-à-Callières, sans parler de l'ensemble des équipements scientifiques du Bureau du cinéma, du Bureau des festivals, du Bureau de l'art public, du réseau des 12 maisons de la culture, de la gestion du plus grand réseau francophone de bibliothèques en Amérique, avec 23 bibliothèques de quartier, un fonds, pour 25 langues différentes, qui dessert 48 bibliothèques publiques au Canada, un service de prêt à domicile et aussi une aide particulière pour la lutte à l'analphabétisme. Bref, tous ces projets entraînent, pour Montréal, des coûts que nulle autre municipalité au Québec n'a assumés, et qui sont ceux du rôle de la métropole.

Conséquemment, et sur ce fond de scène là, je glisse rapidement à l'étape des recommandations et je dirai que nous recommandons au gouvernement du Québec, si je vais à l'essentiel, d'abord que la culture devienne une priorité d'État; que, dans la définition de ce qu'on appelle le domaine des arts et de la culture, on intègre des éléments moteurs de la création, dont les activités relatives aux nouvelles approches en matière patrimoniale, y compris les éléments reliés à l'architecture, au design, aux métiers d'art, à la diffusion scientifique et aux nouvelles technologies; donc une version large de ce que devrait être une politique culturelle, qui ne doit pas nécessairement être concentrée dans un seul ministère mais devenir un projet gouvernemental.

Une approche plus globalisante, ça ne se fait pas, bien sûr, au détriment des enveloppes réservées aux secteurs traditionnellement couverts par le ministère, notamment le soutien à l'art et aux organismes culturels. Que la culture fasse sien un des axes majeurs de ces politiques et intègre l'activité culturelle aux stratégies et aux programmes de développement social et économique. Au coeur des stratégies de développement et de relance de la métropole, la culture doit apparaître. Que, bien sûr, ça s'accompagne de moyens financiers appropriés pour toute modification dans le partage des responsabilités en matière culturelle avec les villes, la culture devant faire partie, je dirais, de partenariats actifs entre le gouvernement et les villes.

On souligne, en ce qui concerne les retombées de la loi 145, que le gouvernement du Québec, éventuellement, dans l'application de la taxe de vente au Québec et, donc, parce que ça constituerait en quelque sorte une surtaxation du secteur culturel, que le gouvernement du Québec consente une compensation financière pour les droits sur les divertissements - champ qu'occupe la ville de Montréal, notamment, depuis maintenant plus de 80 ans - ce qui permettrait de maintenir un effort en matière de développement culturel, faute de quoi des villes comme Montréal et d'autres se verraient peut-être obligées de réévaluer leur stratégie en matière culturelle et les efforts qu'elles y consentent, faute de financement. Que, bien sûr, la recommandation faite lors des auditions sur la loi 145 devienne réalité comme politique gouvernementale. On pense qu'il est important d'avoir une commission spéciale sur le rôle de Montréal comme métropole dans le Québec et son meilleur arrimage avec les régions. Que, de ce point de vue là, il y ait une reconnaissance par le gouvernement de Montréal comme métropole culturelle, mais aussi que Montréal puisse avoir un certain nombre de moyens financiers pour lui permettre, notamment, d'assumer ses responsabilités dans le domaine, je dirais, des équipements à caractère national et international. Qu'on s'engage à soutenir plus adéquatement les artistes et à consolider les organismes culturels à vocation nationale et internationale et, enfin, qu'on fasse de l'inter-culturalisme un axe propre au développement culturel de Montréal. (11 h 30)

Les deux dernières recommandations: On souhaite que, une fois définie une politique culturelle large, il soit une priorité d'État pour le gouvernement du Québec qu'une entente puisse lier le gouvernement et sa métropole du point de vue du développement culturel et qu'enfin, on puisse créer un lieu de concertation qui réunirait l'ensemble des intervenants du milieu culturel de Montréal pour mieux assurer un partenariat harmonieux avec le milieu.

Je vous souligne simplement - et on conclut là-dessus - qu'en 1839 un certain lord Durham évoquait l'absence de culture sur le territoire du Québec et que, 150 ans plus tard, un leader dans le domaine artistique newyorkais, Joseph Mellilo célébrait la culture québécoise non pas comme une espèce en voie de disparation, mais comme l'une des cultures les plus originales de la fin du XXe siècle et qui, l'année dernière, à l'automne 90, était fêtée à New York sous l'égide du "Next Wave, Next Door", le festival important qui s'appelait "New Currents from Montréal". Donc, ces deux dates nous servent en quelque sorte de points de repère, je pense, qui nous permettent de mesurer le chemin parcouru dans la définition pour le Québec de son identité culturelle, d'une culture qui soit partie à la limite de la survie et

d'une autre qui soit maintenant une culture originale, forte, qui se regénère à un rythme accéléré et qui explose sur le monde. Si on veut continuer sur cette lancée, on pense que le gouvernement du Québec doit faire des choix qui s'imposent et, dans ces choix, on croit que, notamment, la métropole et son milieu culturel sont d'indispensables, et je me permettrais d'ajouter: d'incontournables acteurs.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M. le maire.

M. Doré: Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): C'est maintenant le temps de passer peut-être au dialogue, aux discussions. Alors, nous allons commencer par Mme la ministre des Affaires culturelles. Nous avons une quinzaine de minutes encore car on va laisser dépasser un petit peu le temps, étant donné que ce n'est pas tous les jours que la commission de la culture peut recevoir le maire de Montréal et ses assistants.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le maire. Bienvenue, M. Biello, Mme Forget. Je vous remercie d'ailleurs d'être ici. Je pense que le Sommet des grandes villes du monde qui vient de se terminer chez vous, à Montréal, montre bien plutôt que notre métropole a largement sa part comme ville internationale, spécialement à l'heure où elle s'apprête à fêter son 350e anniversaire.

Ça fait du bien aussi de parler de la métropole. On a beaucoup parlé du rôle des 16 régions. Maintenant, nous allons parler métropole comme, quand nous avons reçu le maire de Québec, nous avons parlé de capitale.

Au point de vue culturel, vous avez fait aussi sortir votre caractère particulier, c'est-à-dire celui d'une ville qui est diversifiée à différents points de vue, notamment par les multiples communautés ethniques qui l'habitent. Et on devient aussi de plus en plus sensibles à cette réalité, et cette réalité qui enrichit aussi notre culture québécoise. On en a beaucoup parlé, plusieurs groupes qui sont venus et plusieurs groupes qui vont venir aussi à cette commission. Et parce que justement, c'est particulier, spécialement à Montréal, j'aimerais vous parler de la problématique multi-ethnique. Comment intervenez-vous, M. le maire, dans ce secteur à travers le domaine culturel présentement et comment voyez-vous... On a beaucoup parlé aussi du fait que la culture est le principal lien au niveau des Québécois et des nouveaux arrivants. C'est le lieu aussi ou, enfin, l'outil privilégié justement lorsqu'on parle d'accueil, d'intégration. Et évidemment, au niveau de Montréal et de la métropole, je pense que là c'est vraiment le temps d'en parler.

M. Doré: Moi, je vais vous dire, Mme la ministre, que ma réponse irait en deux temps. La première va être liée au coeur de notre mémoire. Je suis profondément convaincu que le meilleur outil dont on dispose pour faciliter l'intégration, c'est de rendre la culture francophone attrayante, dynamique et rayonnante. Personne n'est intéressé à s'intégrer dans une société et adhérer à cette société et à ses valeurs s'il estime, à toutes fins pratiques, que ce à quoi il adhère, c'est quelque chose qui est moribond ou qui n'a pas de rayonnement. Il n'y a pas de meilleur impact du point de vue des communautés culturelles que d'avoir dans La Presse, dans le Le Devoir ou dans The Gazette des articles qui nous viennent de New York et qui nous disent, par exemple, que notre produit culturel original est acclamé comme étant dans les grandes forces de ce qui se fait dans le monde. Parce que c'est ce qui s'est dit. Berlin était une capitale importante, un lieu de culture. Montréal en est un. Il y a une synergie particulière. Et je dirais qu'un des premiers éléments gagnants dans la capacité qu'on aura de faciliter l'intégration, c'est de développer encore davantage l'originalité, l'approche diversifiée et, en même temps, le caractère de rayonnement. On veut s'intégrer à quelque chose dont nous sommes fiers. Et je pense que, de ce point de vue là, une politique dont la maîtrise d'oeuvre serait assurée par le Québec est une composante essentielle.

Sur les autres aspects, ça se fait de diverses façons. J'ai fait référence d'abord au réseau des bibliothèques de Montréal dont certaines servent beaucoup à alimenter 48 bibliothèques à travers le Québec. Je l'ai fait non seulement à travers l'animation... d'abord et avant tout, l'apprentissage de la culture se fait souvent par le livre et le savoir, à travers les activités qui s'y déroulent et à travers la programmation des maisons de la culture qui reflète de plus en plus la composante multicul-turelle de Montréal. On organise de plus en plus de spectacles qui mettent en valeur des artistes des communautés culturelles, des produits culturels qui, souvent, nous viennent de l'étranger, mais correspondent aussi aux besoins de nos propres communautés. Donc, c'est autour, à la fois, de rendre attrayante la culture de la majorité, de la faire connaître, de la valoriser et de la diffuser et, en même temps, de mettre en valeur ce qu'on appelle l'interculturalisme, c'est-à-dire l'enrichissement de la culture de la majorité par l'apport d'autres cultures et son reflet dans notre programmation du réseau des maisons de la culture qui est un réseau de diffusion local, mais qui profite aussi à la région. C'est autour de ces axes-là que nous travaillons à favoriser une intégration culturelle par le biais du volet culturel.

Un dernier élément, peut-être et je pense que la remarque est juste. Un peu comme l'environnement doit devenir, quand on en fait une priorité gouvernementale ou municipale, un

élément horizontal et intégrateur, un peu la même chose, l'interculturalisme et l'approche dans les priorités d'action et de la réalité pluriculturelle et pluriethnique de Montréal doivent devenir aussi un élément de la composante de l'offre dans l'ensemble de nos services. Donc, on a adopté de ce point de vue là non seulement une politique culturelle, mais des politiques horizontales où ça se reflète dans divers niveaux, de façon à développer aussi à travers tout ça un sentiment d'appartenance à la ville et à ses services, et en même temps au fait que le message est clair: Nous sommes accueillants à des gens qui font le pari dans le respect, je dirais, de la culture de la majorité de venir développer Montréal et le Québec avec nous.

Mme Frulla-Hébert: Justement, quand on parle de gens, j'aimerais aussi parler de l'accessibilité à la population. La Conférence des évêques est venue présenter un mémoire fort intéressant la semaine dernière, où on a beaucoup parlé d'accessibilité, parce que, évidemment, on a fait un parallèle avec la culture cultivée et aussi la culture populaire, qui est si importante pour justement attirer. Parce que, comme vous le dites, pour que la culture devienne une priorité d'État, il faut aussi que cette priorité passe par nos concitoyens et concitoyennes et qu'eux aussi y voient un enjeu de très très grande importance.

Alors, quand on parle d'accessibilité, M. le maire, on voit aussi que les activités culturelles, vous l'avez écrit, c'est un des rares secteurs en croissance à Montréal. Comment peut-on joindre nos efforts, les vôtres et les nôtres, justement, pour favoriser et développer le goût de la culture du reste de notre population? Vous avez parlé des maisons de la culture. Vous avez dit au niveau des infrastructures, par exemple, que force est d'admettre, même s'il reste des choses à faire, qu'il y a eu de gros efforts de faits depuis 1985, non seulement au niveau muséal, mais aussi au niveau de diffusion. Oui, il y a des projets maintenant que nous allons terminer avec les différents groupes et compléter. Mais à part ça, question d'accessibilité, tout n'est pas accessible non plus, alors comment on fait, nos actions communes?

M. Doré: Si vous fartes référence à la présentation, du moins à ce que j'en ai lu, qui était celle des évêques et qui disait dans le fond:

Les gens les plus démunis de notre société n'auront jamais en quelque sorte accès à la culture d'une certaine façon... Enfin, j'avais compris...

Mme Frulla-Hébert: La conscientisation.

M. Doré: Oui, c'est ça.

Mme Frulla-Hébert: Eux parlaient de partir avec la conscientisation. Parce que, même dans votre mémoire, vous dites que la culture joue un rôle social et c'est d'autant plus vrai aussi pour Montréal, quand on regarde les poches de pauvreté et qu'on regarde certains quartiers qui sont difficiles.

M. Doré: C'est pour ça qu'on a mis tant d'efforts dans toutes sortes de programmes qui permettent, comment dirais-je? de renouveler les auditoires en ciblant d'abord et avant tout les jeunes là où ils sont. À la Ville de Montréal, ça se traduit par d'abord, bien sûr - pas juste le réseau, mais il est important - par les 12 maisons de la culture. Et, quand on parle de maisons, ce n'est pas toujours des lieux physiques; souvent, on a cette notion de réappropriation de lieux éclatés, mais où on organise une offre culturelle, aussi bien dans le domaine de l'art visuel, de l'art d'interprétation, dans des programmes qui s'adressent spécifiquement à des plus jeunes, à des publics jeunes. On le fait à travers l'ensemble de la programmation dans les parcs aussi à travers l'usage du théâtre, de la roulotte et ainsi de suite qui permettent de le faire. On a réorganisé les programmes du Conseil des arts de façon qu'à l'extérieur du centre-ville de Montréal des institutions importantes, y compris l'Orchestre métropolitain du Grand Montréal, donc de la musique de chambre aussi bien que des grands ensembles, mais pas juste de la musique, le théâtre également, puissent rejoindre les publics là où ils vivent, là où il se trouvent, et très souvent à faible coût, pour ne pas dire gratuitement, parce que le réseau art et culture est gratuit.

Dans tout l'ensemble des bibliothèques, j'ai glissé rapidement sur l'effort qu'on fait en matière d'alphabétisation. Même si techniquement l'éducation ne relève pas du tout du domaine municipal et qu'on ne finance pas avec des taxes foncières, on a quand même mis en place dans nos bibliothèques des gens, avec non seulement des volumes et toutes les séries de collections adaptées aux analphabètes fonctionnels, on a mis des animateurs qui travaillent en lien avec les groupes communautaires et les gens du quartier. Parce qu'on ne peut pas parler de culture si, d'abord, les gens sont "aculturés" au sens où ils n'ont même pas la capacité de pouvoir lire et satisfaire ce besoin fondamental de savoir. Et, conséquemment aussi, ça se reflète chez les enfants. Donc, c'est autour de cette approche et de cet environnement qu'on est en train de conclure avec la CECM davantage de liens du point de vue des bibliothèques scolaires aussi, de façon à compléter l'effort que l'on fait. Donc, de créer un environnement qui va permettre, je pense, de faire que la culture, même en région difficile et dans des quartiers où la population vit une situation de marginalité où les taux de dépendance sociale sont intolérables et trop importants, que même dans ces quartiers-là

l'offre culturelle et la capacité qu'ont les jeunes, notamment - parce que c'est eux l'avenir, c'est sur eux qu'il faut viser - qu'ils puissent avoir accès et développer l'habitude d'aller aux bibliothèques, de participer aux spectacles et d'avoir accès à ces éléments-là. Donc, c'est un peu cette stratégie qui nous permet d'y arriver.

Mme Frulla-Hébert: Mais je reviens encore au mémoire, et je vais passer la parole à mon collègue. Ce qui veut dire que vous croyez profondément que la culture est l'outil essentiel comme remède, si on veut, à certains problèmes sociaux.

M. Doré: Moi, je pense que la culture... C'est pour ça, quand on dit une priorité, et doit constituer pour le gouvernement un axe de développement comme le sont le développement économique et le développement social. L'individu dans notre société forme un tout et la culture, la capacité de connaître, de faire l'apprentissage de connaissances, de s'ouvrir à d'autres réalités, c'est un instrument d'épanouissement fondamental, je dirais, au même titre que de pouvoir être autonome et prendre ses décisions sur le plan du travail ou sur le plan personnel. Et, en ce sens-là, les efforts qui ont été faits vont précisément à démocratiser la culture. C'est pourquoi aussi, je me permets de le souligner, je suis très sensible à ce que les régions viennent ici en cette commission dire: On doit, nous aussi, avoir des lieux de diffusion, mais on doit aussi être reconnues comme des lieux de création. Et je comprends parfaitement ça. La culture est un droit. L'accessibilité doit être la plus large possible et elle doit pouvoir rejoindre le public québécois là où il est, et il n'est pas juste... C'est vrai que Montréal est une ville importante, mais qu'est-ce que vous voulez, le fait est qu'il y a 3 000 000 sur à peu près 6 250 000 qui vivent dans l'agglomération, la région de Montréal. Il n'y a pas beaucoup d'États nationaux que je connaisse dans le monde où plus de 50 % de la population vit dans un rayon de 35 kilomètres de Peel et Sainte-Catherine. C'est le cas au Québec. On ne peut pas changer ça, c'est ça la réalité. Utilisons-la comme force.

Je me permets juste de le souligner, j'étais aux Îles-de-la-Madeleine l'été dernier. J'ai vu un groupe qui s'appelle Suroît. Suroît est un groupe extraordinaire qui a renouvelé le genre traditionnel avec une approche extrêmement créatrice. Bien, ce groupe-là était en première partie de Gilles Vigneault qui, lui aussi, est un artiste de la Côte-Nord, et qui jouait sur une scène de Montréal. Et ce groupe-là va peut-être faire partie éventuellement des fêtes de la francophonie et va se faire connaître. C'est un produit. Il faut que les Madelinots puissent avoir des lieux d'expression au même titre que n'importe quel autre. Donc, la responsabilité du gouvernement de ce point de vue là, ce n'est pas de dire:

Montréal en a trop, donc on va en mettre plus dans les régions. Ça serait une catastrophe, parce que les Laurence Jalbert, des groupes comme ceux-là, au même titre que l'ensemble des artistes, les Lepage, enfin, tous ces gens qui se sont d'abord développés, tout le théâtre pour l'enfance qui est davantage reconnu malheureusement à l'étranger et qui est souvent plus vu à l'étranger qu'il n'est vu au Québec, tout ça c'est un produit pas juste de Montréal, des régions. La créativité n'est pas juste concentrée dans la métropole, mais la métropole a une densité et un rayonnement, à cause de ses instruments de diffusion, à cause de la radiotélédiffusion qui est essentielle à ce que les artistes émargent. Et, après coup, il faut qu'ils puissent se projeter sur l'international. Donc, on ne peut pas avoir une politique culturelle qui diminue le rôle de la métropole en disant: On va se renforcer. Non, on va empêcher nos artistes de rayonner et il faut qu'ils puissent rayonner, y compris à l'étranger.

Je pense qu'il n'y pas de doute qu'en bout de ligne il va falloir mettre plus de ressources quelque part, si on en fait une priorité. Et, à mon point de vue, c'est la décision que le gouvernement va devoir prendre. (11 h 45)

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme la ministre. M. le maire, c'est là le député de LaFontaine et non le président qui va vous parler. Il me fait plaisir de vous accueillir, vous êtes mon maire. J'écoutais avec attention votre présentation, j'ai lu votre mémoire depuis que je l'ai en ma possession. Il y a une question qui me revient tout le temps, M. le maire, c'est quand vous parlez d'accessibilité, rapprochement des activités culturelles de la population, diffusion de la culture. Des beaux mots, des mots que je partage, avec lesquels je n'ai aucune difficulté à vivre lorsqu'ils viennent du maire de ma ville. Mais force est de constater que, dans certains quartiers, certaines régions, l'accessibilité n'est pas encore là: maison de la culture, bibliothèque. Et probablement que vous savez où je veux en venir, je parle en particulier de la bibliothèque de Rivière-des-Prairies, je parle de la Maison de la culture de Pointe-aux-Trembles. Vous vous souvenez sans doute qu'il y avait une entente qui avait été faite, dans le temps, avec le ministre de l'Éducation et la ville pour faire une bibliothèque adjacente à l'école secondaire de Rivière-des-Prairies. On a préféré mettre fin à cette entente pour promouvoir la bibliothèque d'un centre d'achats. Le centre d'achats a fait faillite, la bibliothèque n'est toujours pas là. Pendant ce temps-là, les gens, les jeunes, les enfants, les personnes âgées de Rivière-des-Prairies font la queue devant un minibus comme dans les années cinquante dans les campagnes d'où on vient à peu près tous, moi, de France, vous probablement du Québec, dans la "slush" l'hiver et...

M. Doré: Si vous me permettez...

Le Président (M. Gobé): Je n'ai pas fini, M. le maire. Si vous le permettez...

M. Doré: Non, non.

Le Président (M. Gobé): ...et je trouve qu'à l'aube de l'an 2000, dans une ville qui n'a pas peur de mettre des millions de dollars pour rénover le Vieux-Montréal... On voit des sommes de 34 000 000 $ pour un kilomètre de granite sur la rue de la Commune. Je trouve ça très bien, je n'ai rien contre ça, mais est-ce que les priorités ne devraient pas être mises plus près de la population? Est-ce qu'on rie devrait pas, avant de mettre ces sommes d'argent dans ces gros investissements, faire en sorte que Rivière-des-Prairies ait une bibliothèque, que les enfants arrêtent d'attendre dans la "slush" et sentent l'odeur des livres dans une bibliothèque et que la Maison de la culture de Pointe-aux-Trembles, qui est retardée pour une autre année, se fasse?

Je comprends qu'il y a d'autres priorités, je comprends qu'il y a des urgences qui sont là, mais je me demande, M. le maire, quand on lit votre énoncé de politique, si, pour être cohérents, on ne devrait pas faire en sorte que les citoyens de Rivière-des-Prairies, qui paient des taxes très importantes, puissent avoir très rapidement leurs infrastructures culturelles. Parce que la bibliothèque, c'est la base de la connaissance; s'il n'y a pas de connaissance, il n'y a pas de culture. Quand même on ferait les plus beaux mémoires, tout le monde, il n'y en aura pas, de culture. Et vous l'avez dit vous-même, c'est important que les gens commencent à lire; mais, pour leur apprendre à lire, encore faut-il qu'il y ait une bibliothèque. Vous pouvez parler, M. le maire.

M. Doré: D'accord. Alors, je veux juste peut-être corriger deux ou trois petites choses. Premièrement, et je vais commencer par ça, si vous avez lu le mémoire, vous allez comprendre que le patrimoine, ça fait aussi partie d'une notion large de la culture. Et contrairement à ce que vous venez d'affirmer, ce qui est faux, ce n'est pas 34 000 000 $ pour un kilomètre de granite, c'est un projet d'ensemble qui, quand il sera réalisé sur la plus importante artère historique en Amérique du Nord, la rue de la Commune, le plus bel ensemble d'immeubles du XIXe siècle, oui, va remettre en valeur le plus grand quartier historique en Amérique du Nord. Quand ce sera complété, au complet, ça aura coûté ça. Auquel projet le ministère et la ville sont partenaires à 50 % parce que les deux considèrent que la revalorisation du patrimoine, c'est non seulement un acquis pour les générations actuelles, mais surtout pour les générations futures. Il n'y a pas de culture, dans notre société, s'il n'y a pas de mémoire et sans histoire. Ce qui se fait actuellement, c'est un premier tronçon qui est en place et qui sera terminé pour l'an prochain, et qui va permettre de continuer à revitaliser un secteur historique qui ne l'a pas été suffisamment dans le passé.

Je vous souligne que l'entente MAC-ville, entre le ministère des Affaires culturelles et la ville de Montréal, a été un instrument levier qui s'est traduit par 800 000 000 $ d'investissements dans le Vieux-Montréal, quartier auquel on avait historiquement tourné le dos dans le développement de la ville et qui n'appartient pas seulement aux touristes, mais à tous les Montréalais et Montréalaises et à tous les Québécois et Québécoises: il fait partie de notre patrimoine. Alors, si vous me dites que cela, ce n'est pas faire du travail culturel, c'en est et ce ne sont pas les chiffres que vous venez de citer. Alors, laissons faire la démagogie facile à laquelle se livre trop facilement, je me permets de le dire, une certaine presse, pour venir... Ce sont des investissements dans le dur et on en fait d'autres.

Dans le cas de Rivière-des-Prairies, vous savez pertinemment que la ville de Montréal avait conclu une entente avec un développeur. Les contrats étaient signés pour installer une maison de la culture complète, avec une bibliothèque, un lieu de diffusion, dans un centre commercial qui a malheureusement fait faillite. Je ne suis pas responsable de la situation. Au moment où on se parle, construire dans le dur une nouvelle maison de la culture, c'est un investissement qui, actuellement, s'évalue avec un lieu de diffusion adapté aux normes scénographi-ques modernes et des lieux adaptés pour la diffusion des oeuvres dans le domaine de l'art visuel et une bibliothèque, quelque chose qui s'évalue entre 10 000 000 $ et 12 000 000 $. Nous n'avons pas, actuellement, dans le budget municipal, 10 000 000 $ à 12 000 000 $ à mettre dans le quartier Rivière-des-Prairies pour cette année. Parce qu'il faut bien comprendre qu'on a aussi d'autres affaires à assumer, y compris des factures dans le transport en commun. Parce qu'on va continuer à desservir le quartier de Rivière-des-Prairies en transport en commun.

Conséquemment, on va poursuivre l'effort, mais je vous ferai remarquer que, actuellement, nous sommes seuls. Il fut un temps où les maisons de la culture, quand elles se sont développées, le gouvernement du Québec avait un programme d'appui. Il n'y en a pas plus. Ce sont des décisions purement locales financées par des taxes foncières. Ça va venir. Vous avez raison d'être impatient. Je suis tout à fait d'accord que l'fdéal devrait être que le quartier de Rivière-des-Prairies soit desservi, et il le sera. Le contexte à la fois, je dirais, d'abord de l'échec du projet auquel nous nous étions ralliés et qui faisait bien l'affaire des gens de Rivière-des-Prairies, parce que bien situé, et bien l'affaire des développeurs locaux, parce qu'il s'agissait d'un appui à un projet important qui, sur le plan économique, avait des retombées positives, la

conjoncture a fait que le projet n'a pas pu décoller. Ça va se faire.

Mais faites attention de ne pas mêler les choses. La notion de la culture, les investissements qu'on concentre notamment dans le patrimoine font partie non pas d'une notion de ce qu'on appelle les arts mais de la culture au sens large et c'est important aussi pour maintenir la mémoire de l'histoire qui est une composante dans l'évolution de toute société, une composante essentielle de son oeuvre culturelle.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le maire. Une rapide réponse parce que je ne veux pas faire perdurer ce débat. Simplement vous dire que le patrimoine m'intéresse aussi, mais c'est une question de priorité. Lorsqu'il y a des gens qui n'ont pas de bibliothèque, je crois qu'on devrait regarder s'il n'est pas plus prioritaire de la leur donner et de mettre plus loin ou plus tard peut-être ces grands projets de revitalisation du patrimoine...

M. Doré: Ce ne sont pas des grands projets...

Le Président (M. Gobé): Si vous permettez, M. le maire, je vous ai laissé parler, vous allez me laisser terminer. En ce qui concerne maintenant l'entente avec les promoteurs, je pense que si l'entente qui avait prise dans le temps avec les autorités scolaires de Montréal pour faire la bibliothèque avec l'école secondaire, qui a été terminée il y a deux ans, nous aurions une bibliothèque. En plus de ça, le ministre de l'Éducation, M. Ryan, était prêt à participer pour un montant de 700 000 $ pour y collaborer. Et je trouve dommage que, pour favoriser un développeur et même si je le connais bien, on ait mis de côté ce projet de mettre la bibliothèque avec l'école secondaire, et c'était là le voeu des citoyens et du comité de vigilance de Rivière-des-Prairies.

Ceci étant dit, M. le maire, je comprends que vous avez l'ensemble de la ville, vous, à représenter, et le Vieux-Montréal est dans votre ville. Moi, je suis le député de Rivière-des-Prairies, dans l'est de Montréal, et je me dois de défendre...

M. Doré: M. le Président, c'est que...

Le Président (M. Gobé): ...prioritairement les intérêts des gens de Rivière-des-Prairies et de l'est de Montréal.

M. Doré: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas un lieu physique qui s'appelle "maison de la culture", qu'il n'y a pas d'offres culturelles dans Rivière-des-Prairies. Il y a un agent culturel, il y a des spectacles qui s'organisent aussi bien au collège Marie-

Victorin que dans d'autres lieux de diffusion. Il y a une offre culturelle dans Rivière-des-Prairies malgré l'absence de lieux physiques. C'est vrai que, à l'époque, quand l'opportunité s'est ouverte de pouvoir installer dans un centre commercial largement fréquenté, bien desservi par le transport en commun, à moindre coût que de construire un équipement neuf, une large salle de diffusion, on a fait le choix, à l'époque, d'investir dans un autre équipement manquant à Rivière-des-Prairies qui était une piscine, un centre aquatique dont vous pouvez être fier, je pense. On aurait pu faire Iles deux. Au lieu de faire un équipement de 12 000 000 $ dans le dur, on a fait une pisciine à 9 000 000 $ puis on faisait une maison de la culture à 3 000 000 $ et vous aviez le meilleur des deux mondes. Le malheur a voulu que, dans le deuxième cas, la conjoncture économique l'a empêché. On va le reprendre; ce n'est que retardé. Ce n'est pas remis aux calendes grecques et c'est possible. J'ai dit tantôt qu'on est en train de négocier avec les commissions scolaires une meilleure approche au point de vue des bibliothèques dans la rationalisation et dans l'approche. Ce projet-là n'est pas mort, c'est possible de le revitaliser. Mais je vous dis simplement: Ne concluez pas pour autant que le quartier de Rivière-des-Prairies est complètement dépossédé de toute offre culturelle puisqu'il y a une programmation éclatée dans divers lieux, mais une programmation dans le secteur culturel qui existe dans ce quartier comme dans d'autres.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M. le maire. Je j prends bonne note de votre intérêt pour le i développement futur d'une bibliothèque et d'une maison de la culture...

M. Doré: Cela dit, on pourrait peut-être élargir le débat à l'ensemble du Québec.

Le Président (M. Gobé): ...dans Rivière-des-Prairies. Maintenant, je passe la parole à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. le maire, Mme ma conseillère municipale - on ne peut pas empêcher un coeur d'aimer, vous le comprendrez - M. Biello, heureux de vous accueillir. Oui, effectivement, l'ancien gouvernement, au début des années quatre-vingt, avait décidé du rapatriement en centre-ville de Montréal du Musée d'art contemporain, l'agrandissement du Musée des beaux-arts, la création des maisons de la culture et je suis en mesure, M. le maire, en regardant la maison de la culture Frontenac, de vous dire quel rôle essentiel elle joue dans la revitalisation d'un quartier défavorisé. Et Mme la conseillère pourrait faire exactement la même remarque pour celle du Plateau-Mont-Royal auquel va souscrire d'ailleurs mon collègue député de Mercier et ancien ministre de, la culture. Mais le moratoire imposé en 1985 p|ar Mme Bacon fait en sorte

que - puis vous avez bien fait de le dire -Montréal est privée d'institutions importantes et qui lui sont utiles, nécessaires, je dirais même imperatives: une maison de l'Orchestre symphoni-que, une vraie maison du théâtre pour enfants, une vraie maison de la danse, un musée de la science et de la technologie et de l'industrie.

Je pense que Montréal est un lieu de création mais, une fois que l'oeuvre est créée, il faut la produire; l'artiste ou ses interprètes a besoin de lieux appropriés. Et, Montréal a besoin de ces lieux appropriés. Et, quand on donne à Montréal, il faut s'enlever de l'idée - parce que c'est un discours que j'entends - que lorsque l'on donne à Montréal on enlève à l'ensemble du Québec. Ceci est totalement faux. Et, vous l'avez bien exprimé, M. le maire, nous sommes à Montréal heureusement dans une situation de monopole au niveau international et au niveau continental. Nous avons une ville francophone, une ville francophone avec plusieurs accents, avec un bassin immense qui ne demande qu'à venir chez nous voir ce que nous produisons. Et regardons le succès des grandes manifestations culturelles à Montréal actuellement.

Ceci étant dit, vous êtes aux prises - et je ne vous l'apprends pas - avec les conséquences de la réforme Ryan dans le secteur du transport en commun. Au moment aussi où on retarde encore le dépôt d'un plan de relance pour Montréal, je vous comprends, à ce moment-ci, je vous comprends de dire que Montréal n'acceptera pas que la culture fasse l'objet d'un délestage de la part du gouvernement.

J'aimerais, M. le maire, vous entendre un peu plus sur l'impact de la perte des revenus de la taxe d'amusement sur les produits culturels, les manifestations culturelles, quant à la capacité financière d'assumer l'ensemble de vos responsabilités en matière culturelle.

M. Doré: Bien, j'ai souligné dans l'intervention que les droits sur les divertissements sont une source de financement que la ville de Montréal utilise depuis maintenant, je pense, 80 ans. Elle a la caractéristique, et ça décrit une autre réalité de la ville-centre, c'est que la ville-centre a des institutions qui servent bien la périphérie. Et donc beaucoup de gens de la rive nord ou de la rive sud viennent consommer le produit culturel au centre-ville de Montréal, ce qui est excellent. Je pense que c'est le rôle qu'une métropole, le coeur d'une région métropolitaine, doit jouer. 50 % des droits sur les divertissements sont payés par des non Montréalais, ce qui, en quelque sorte aussi, est une mesure d'atténuation des efforts fiscaux supplémentaires que doit assumer une ville-centre lorsqu'elle dessert l'ensemble d'une région.

Donc, il s'agit là pour nous de sommes importantes. On parle de 9 000 000 $ dans le seul secteur culturel et dans les bonnes années ça peut monter à 11 000 000 $. Et bien sûr, à partir du moment où les gouvernements supérieurs, d'abord le gouvernement fédéral avec la TPS, maintenant la décision gouvernementale d'envahir le champ du secteur des services culturels par le biais d'une nouvelle taxe, eh bien, nous, on a toujours perçu qu'il s'agissait là d'un champ qu'on occupait déjà. Si le gouvernement décide, pour des raisons qui sont les siennes et qu'on peut respecter, de l'envahir, bien ça constituerait en quelque sorte... C'est clair que, si on la maintient, les villes, les industries culturelles, les organismes culturels ne peuvent pas continuer à supporter 26 %. Je me permettrais d'ajouter que même les organismes de type, aussi bien de l'offre dans le domaine sportif que de l'offre dans le domaine des foires et ainsi de suite, personne ne peut continuer à survivre avec sur le billet 26 % au départ qui s'en va en ristourne aux trois niveaux de gouvernement.

Alors, on a émis, je dirais, non seulement le souhait, mais l'exigence d'une certaine façon que si le gouvernement décide d'imposer la TVQ à l'ensemble du secteur culturel, bien, que le gouvernement puisse, à même ces nouvelles sources de revenu qui seront importantes, compenser les villes pour les pertes et le manque à gagner de façon à ce que les villes puissent continuer à maintenir leur effort.

Le culturel, aussi fondamental soit-il, demeure quand même - on pourra le dire, nonobstant l'importance qu'on y accorde, et Dieu sait si la personne qui vous parle y croit - mais si, éventuellement, les choix sont entre ça et des fonctions encore plus fondamentales quant à ce qu'une ville doit fournir comme services à ses citoyens, à un moment donné, je veux dire, on est obligés de revoir nos obligations et nos engagements. Ou, comme on l'a dit souvent, on ne conservera que ce qui est purement local et en essayant de dire: Bien, tout ce qu'on fait qui, dans le fond, renforce les institutions à caractère national et international, qu'on contribue financièrement à donner un coup de main au Cirque du soleil et à assurer sa diffusion, qu'on puisse de temps en temps, à l'ensemble des organisations qui organisent des festivals à Montréal et des activités culturelles, y contribuer, bien ça, éventuellement on remettra ça en cause. On ne pourra pas continuer. (12 heures)

Alors, je pense que c'est simple. Ce qu'on a dit, c'est que si le gouvernement maintient la TVQ, les villes - pas juste Montréal - Montréal, la capitale, Québec... Evidemment, Montréal est la grande perceptrice pour à peu près 80 % des droits sur les divertissements. On a besoin de ces sommes-là pour maintenir notre effort dans le milieu culturel et il serait possible de convenir d'une entente par laquelle le gouvernement qui envahit le champ puisse compenser. Il ne peut pas y avoir... En fait, on peut assimiler ça, s'il n'y avait pas de compensation, à une certaine

forme d'expropriation sans compensation. On se fait exproprier d'un champ de fiscalité qu'on occupe depuis 80 ans, il me semble qu'il devrait y avoir une compensation si, au demeurant, on veut que les villes continuent à maintenir un effort dans le domaine culturel.

M. Boulerice: M. le maire, vous avez fait état des forces de la culture à Montréal mais, à l'inverse, vous avez dû, nécessairement, relever certaines faiblesses et vous parlez de l'insuffisance du soutien accordé aux artistes, le sous-financement de quelque 1000 organismes culturels montréalais et, je vous cite bien, "souvent jeunes, fragiles et de petite taille". La fin dudit saupoudrage va-t-elle signifier, à brève échéance, la disparition de ces organismes "jeunes, fragiles et de petite taille"?

M. Doré: Moi, je pense qu'il faut travailler... Je ne parlerais pas de ça. Moi, je parlerais plutôt de consolidation. Dans les jeunes organismes, qu'on dit jeunes et fragiles, ce qui est bien souvent la réalité, dans bien des cas, il y a aussi de l'excellence. Dans bien des cas, il y a beaucoup d'originalité. Dans bien des cas, ce sont des gens qui sont en train de renouveler les genres et, conséquemment, c'est beaucoup plus important pour nous que dans toute politique... Et là je pourrais peut-être - je sais que le temps va s'écouler rapidement - passer un dernier message: Si on veut faire de la culture une priorité d'État, si on veut faire du gouvernement du Québec le maître d'oeuvre d'une politique culturelle pour le Québec et le faire dans le contexte d'en faire un axe de développement aussi fort que le développement social ou économique, je l'ai dit tantôt, il va falloir y consentir des ressources. Pas pour créer des immenses machins, des superstructures, des bureaucraties, pour soutenir les créateurs et les organismes culturels, les entreprises culturelles.

Et, en ce sens-là, c'est clair que ce que l'on souhaite, c'est de voir davantage de ressources consacrées, parce qu'elles sont payantes et socialement et économiquement. C'est un dollar bien investi, le domaine de la culture. Il a un effet générateur incroyable. Parce que le secteur culturel est, par définition, à forte utilisation de main-d'oeuvre, ça a des dividendes extraordinairement importants sur l'ensemble de l'économie et ce n'est pas une dépense au sens où on l'a... On a toujours pensé que la culture, c'était une affaire qu'on devait subventionner et que, dans le fond, on subventionnait des pauvres qui n'avaient pas le moyen de se donner des jobs. On a souvent perçu la culture en disant: Comment ça se fait? C'est une "business". Ça devrait marcher comme une "business". Ce n'est pas vrai. Ça ne marche pas comme une "business". On ne peut pas tester un produit culturel comme on teste une nouvelle soupe sur le marché. Ça ne marche pas de même. Par défini- tion, on essaie. Et le créateur développe quelque chose et le public marche ou ne marche pas et les critiques accueillent ou n'accueillent pas, et tout à coup, oups! il y a quelque chose qui, effectivement, devient novateur, une nouvelle façon de faire les choses et ça attire des gens. Ça ne peut pas toujours se rentabiliser comme au sens classique du terme mais ça se rentabilise socialement et économiquement sur le long terme.

Moi, je pense que là-dessus, si j'avais une dernière recommandation à faire, c'est qu'il y a une ressource, la voir sous l'angle d'investissement. Faites les études d'impact économique de l'activité culturelle sur le territoire du Québec et vous allez vous rendre compte que bien souvent le gouvernement, par la poche de gauche, récupère pour beaucoup, largement ce qu'il a distribué par sa main droite.

Le dernier élément, c'est que, si on veut garder le plus possible les sommes disponibles pour la culture pour qu'elles aillent là où elles doivent aller, personnellement - et là j'exprime une opinion qui m'est personnelle, ce n'était pas dans le mémoire - je pense qu'on doit miser sur la créativité, sur un peu les ressources du milieu, sur l'excellence du milieu et sur le bénévolat du milieu. Et je préfère, personnellement, un organisme redistributeur de type conseil des arts qui permet de diminuer les sommes consacrées à l'administration, à la bureaucratie et davantage d'affecter des sommes directement au soutien, comme approche. Ça ne veut pas dire que le ministère des Affaires culturelles ne doit pas continuer d'avoir un rôle. Le ministère, du point de vue des services, du soutien à l'entreprise, de la diffusion, des équipements, est un organisme essentiel. Mais, quand il s'agit de soutenir les arts, les organismes, j'ai une approche personnelle qui va davantage... Et l'expérience qu'on a à Montréal est un peu celle-là avec le Conseil des arts de la Communauté versus la CIDEC chez nous. La CIDEC est un service municipal qui fournit des services: un peu de subventions, de soutien financier, de soutien de services, qui organise, qui se met en lien avec d'autres services aussi bien pour le cinéma que pour n'importe quelle activité et grand festival, qui coordonne, soutient, facilite le support technique, financier, mais c'est le Conseil des arts qui soutient le secteur culturel du point de vue des arts et de la création et des organismes. Bon, il y a encore beaucoup de travail à faire pour en faire un organisme performant mais c'est le milieu qui, bénévolement, l'anime. C'est les jurys du milieu qui peuvent déceler à travers tout ça. Je demeure toujours prudent. Une priorité d'État de la culture ne veut pas dire une culture d'État. La culture, par définition, c'est lié à la liberté d'expression. L'originalité de notre culture, c'est qu'elle s'est justement librement exprimée. Il faut conserver cet atout, le soutenir et le consolider. C'est comme ça que j'aurais tendance à vouloir répondre à votre question.

M. Boulerice: Je souscris à votre point de vue. Vous recommandez que le ministère des Affaires culturelles conclue des ententes avec Montréal, lui permettant d'assumer sa vocation de métropole culturelle. Est-ce que vous pourriez être plus explicite sur la nature des ententes que vous souhaitez conclure? Je ne sais pas, moi, est-ce que ça s'appuierait un peu sur le modèle de l'entente de la mise en valeur du Vieux-Montréal?

M. Doré: Est-ce que ça serait, vous dites... Excusez-moi?

M. Boulerice: Quand vous parlez d'ententes pour mieux assumer la vocation de métropole, ce type d'ententes, est-ce que vous croyez que ça s'appuierait un peu sur le modèle de l'entente qui existe actuellement sur la mise en valeur du Vieux-Montréal?

M. Doré: Oui. Je pense que là-dessus c'est un peu différent. Dans le cas de la mise en valeur du Vieux-Montréal, on travaille dans de la pierre. On faisait référence au granite, tantôt. Il y a un mythe, actuellement au Québec, comme si le granite, on faisait venir ça de la planète Mars ou que c'était du marbre de Carrare qui nous venait d'Italie. Ça demeure un matériau noble qui est fait au Québec et qui fait travailler les Québécois. Cela dit, on travaille dans du dur, on travaille dans ce qui est la mission de la ville de réparer des rues, de retaper des édifices et de services. Et, dans ce sens-là, il y a une contribution qui est 50-50.

Quand je parle d'une entente du point de vue culturel, ce qu'on souhaite comme partenariat, je pense que dans l'ensemble des missions que sont celles de la ville - locales, régionales, nationales et internationales - dans l'ensemble de l'analyse de nos priorités, du point de vue aussi bien des équipements que de la diffusion, je pense qu'il est utile de développer un partenariat, de nous entendre sur des priorités, de mieux les gérer ensemble et de pouvoir être capables de mieux répartir les responsabilités. La ville de Montréal, tant qu'elle aura les ressources fiscales qui sont les siennes et qui sont essentiellement foncières maintenant - on a été complètement évacués de la taxe de vente et on n'a que des sources foncières pour financer - ça limite la marge de manoeuvre.

Évidemment, si, une journée, le gouvernement du Québec décidait de faire, je ne sais pas, comme la Saskatchewan a fait avec Winnipeg, lui donner des mandats additionnels, en disant: On va te donner un ou deux points d'impôt pour les satisfaire, ça change la donne quant au niveau de contribution et au soutien, y compris dans le domaine culturel ou dans des problématiques sociales. Mais on n'en est pas là. Alors, on est assez prudents de ce point de vue là. Mais je pense que, oui, il serait important de pouvoir en arriver à des ententes pour dire: Dans le domaine de tel type d'équipements, c'est, bien sûr, une intervention - une fois, bien sûr, que le gouvernement a fait de la culture une priorité d'Etat et qu'il y a une politique culturelle à l'intérieur de laquelle on peut s'insérer - de définir un partenariat qui reconnaisse d'abord à Montréal son rôle de métropole et de diffuseur important sur le plan national. Et qu'il puisse dire: On va s'entendre, d'abord, pour privilégier et accentuer sur, je dirais, l'excellence artistique. On va s'entendre pour consolider. On va mettre de l'ordre du point de vue des équipements et on va les "prioriser. " On ne va pas tous les faire en même temps, on n'a pas toutes les sommes, mais on vit tous sur la même planète et on est tous les mêmes payeurs de taxe.

Conséquemment, on va s'entendre sur ce type de priorités, on va les gérer et on va développer un meilleur partenariat avec les milieux. Plutôt que d'être à couteaux tirés actuellement, comme on l'est trop souvent et où, d'ailleurs, le milieu culturel, dans bien des cas, essaie d'obtenir, fait pression sur Québec... Par exemple, la ville de Montréal fait pression partout. Parce que, je le comprends, le milieu culturel n'a pas ce qu'il faut pour faire la job. Essayons donc de créer un contexte où on peut être capables de répondre à ces besoins-là et de développer un partenariat actif, et de mieux mettre en commun nos ressources pour satisfaire la mise en oeuvre de cette politique que je souhaite beaucoup que le gouvernement du Québec se dote suite aux recommandations de la commission.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le maire. Je vais maintenant passer la parole à M. le député de Mercier. M. le député, quelques minutes. Nous avons déjà passé, mais on va vous donner la chance, vous aussi, comme député montréalais.

M. Godin: Oui d'accord. Évidemment, je suis de Montréal, moi aussi, comme mon collègue. Ma question, M. le maire, Mme Forget, M. Biello, porte sur un des aspects de la vie des artistes dans toutes les capitales du monde. On se demande pourquoi, souvent, comment se fait-il que les grands peintres contemporains - Picasso, Van Gogh et autres - sont soit passés par Paris ou ont vécu à Paris la majeure partie de leur vie. C'est parce qu'il y avait à Paris les logements les moins chers de l'Europe et ça drainait vers cette ville-là les artistes de partout en Europe et même d'ailleurs. Alors, est-ce que, dans le cadre du programme existant, la fondation de HLM, par exemple, est-ce que le comité des arts, au conseil de ville, ne pourrait pas penser à un HLM pour les artistes?

M. Doré: Vous savez, une des caractérisques de Montréal, c'est que Montréal est encore une

ville abordable quand on la compare à d'autres. Bien sûr, le coût du logement y est plus élevé qu'ailleurs au Québec, mais il demeure substantiellement beaucoup moins élevé que dans n'importe quelle métropole culturelle importante à travers le monde. La priorité qui a été identifiée par le milieu culturel de Montréal, en ce qui concerne l'aide que la ville pourrait apporter, et la recommandation que la Commission du développement culturel a faite à l'époque et sur laquelle on travaille actuellement, c'est davantage de travailler à définir, comment dirais-je, des lieux où les artistes peuvent s'exprimer. C'est bien beau d'avoir un appartement, mais, quand tu es sculpteur, tu as besoin d'un atelier quand tu es peintre aussi, surtout dans la peinture moderne, tu as besoin de grands espaces et tu ne peux pas faire ça dans un deux pièces et demie. Alors, d'une certaine façon, le travail qu'on fait actuellement, c'est d'essayer, dans le cas du plan d'urbanisme qu'on fait actuellement, de revoir certaines vocations de certains vieux quartiers industriels, de certains vieux immeubles industriels, qui sont zones industriels, qu'on pourrait peut-être revoir en termes de zonage mixte: résidentiel-atelier. Par exemple, des lofts. Les gens pourraient y rester et en même temps... Ça n'existe pas actuellement, c'est impossible. Quelqu'un qui décide de faire un atelier, d'abord, ce n'est pas de l'industrie; il y a une espèce de "no man's land". D'ailleurs, il y a beaucoup d'artistes chez nous qui ont été harcelés par nos propres services, parce qu'ils se situent en porte-à-faux: ils habitent un immeuble industriel, ils logent dedans. Ils n'ont pas le droit, ce n'est pas résidentiel. Ils font de la création dans un atelier dans un secteur industriel alors que, chez nous, ils s'apparenteraient davantage à du commerce.

Donc, on a décidé de mettre de l'ordre pour permettre effectivement - et vous avez raison, M. le député - de fournir aux artistes des lieux, particulièrement aux artistes dans le domaine des arts visuels, je devrais dire, mais aussi aux autres. Il y a des troupes de théâtre qui ont besoin d'endroits pour faire du décor pas cher. Il y a donc toutes sortes de besoins qui s'expriment et qui nous permettraient peut-être de développer quelque chose d'intéressant pour répondre à leurs besoins.

L'autre élément, c'est que ça pourrait être intéressant, dans le cadre des politiques que le gouvernement pourrait mettre en place, d'avoir peut-être certaines exemptions de taxes foncières dans le soutien à une politique d'artistes ou même, dans certains cas, des incitatifs fiscaux à l'achat de productions artistiques dans le domaine des arts visuels. Mais ça, je pense que c'est des recommandations qui ont déjà été faites à la commission et qui pourraient servir de stimulants.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le maire. Merci. Avez-vous fini, M. le député de Mercier?

M. Godin: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Mercier. Un mot de remerciement, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques?

M. Boulerice: Oui, comme conclusion, je reprendrai une des conclusions du rapport de la ville: "Montréal affirme que toutes les municipalités du Québec doivent être considérées comme partenaires des stratégies gouvernementales. Montréal demande donc au gouvernement de reconnaître le rôle de chacune d'entre elles comme indispensable dans la planification et l'élaboration d'une politique culturelle nationale. " Je crois que, pour beaucoup, l'essentiel est également là. Je vous remercie, M. le maire, Mme Forget, M. Biello.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député. Mme la ministre, un mot de remerciement vous aussi?

Mme Frulla-Hébert: Oui, M. le maire, et M. Biello, Mme Forget, merci. Je vous vois défendre la culture et je vous sais d'ailleurs très sincères. Et c'est réconfortant, vous savez. Quand on demande une commission, c'est pour avoir des changements. Et quand le maire de Montréal qui représente... Et je dois dire aussi, à la décharge de toutes les municipalités qui sont venues ici d'une façon très dynamique... Alors, quand on parle collaboration, ce n'est pas difficile de collaborer avec des gens qui y croient et qui sont très dynamiques. Mais, quand le maire de Montréal dit que maintenant il est temps de faire de la culture une priorité, non seulement gouvernementale mais une priorité de société, bien, pour une ministre des Affaires culturelles, c'est très encourageant.

Autre petite chose aussi. Quand vous parlez de regarder l'impact économique et de voir l'analyse - et là, que le milieu me pardonne -on parle quand même de 3 500 000 000 $, de 65 000 emplois directs et de 112 000 emplois indirects. Alors, là-dessus, vous avez raison, c'est le sixième plus gros employeur au Québec et il est temps qu'on le dise! Merci, M. le maire.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme la ministre, M. le maire, M. Biello, Mme Forget. Au nom des membres de cette commission, je vous remercie d'être venus devant nous. Nous avons pris connaissance de votre mémoire avec intérêt. Soyez assurés que nous en tiendrons compte dans l'élaboration des futures politiques. Alors, je vous remercie. Ceci met fin à votre audition. M. le maire, un dernier mot?

M. Doré: Ah bon. Alors, écoutez...

Le Président (M. Gobé): On vous laisse le dernier mot. (12 h 15)

M. Doré: Je remercie le président et les membres de la commission de nous avoir, somme toute, alloué 20 minutes de plus que ce qui nous était alloué. J'ose croire qu'il s'agit là d'un reflet de l'importance de la communication et des propositions que l'on vous faisait. Et je pense que, effectivement, vous pouvez vous servir de la ville de Montréal et de son maire, Mme la ministre, commo point d'appui auprès do vos col lègues. Je mo fais fort, si lus recommandations de la commission vont dans le sens que l'on souhaite, d'appuyer largement l'effort de Mme la ministre et, j'en suis convaincu, avec l'appui de l'Opposition, pour faire de la culture une véritable priorité et un secteur de développement important de notre société.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le maire, et bon retour à Montréal.

M. Doré: Merci.

Le Président (M. Gobé): Ceci met fin aux audiences de la ville de Montréal.

Nous allons maintenant accueillir l'Association québécoise des distributeurs et exportateurs de films et de vidéo et la Fédération professionnelle des distributeurs et exportateurs de films. Je vais vous demander de bien vouloir prendre place assez rapidement, car nous sommes un petit peu en retard. Alors, bonjour, messieurs.

M. Beaubien (Joseph F.): Oui.

Le Président (M. Gobé): Vous êtes M. Beaubien?

M. Beaubien: Mon nom est Joseph Beaubien.

Le Président (M. Gobé): Vous pouvez commencer votre présentation.

AQDEFV et FPDEFQ

M. Beaubien: Je suis le porte-parole des deux associations. Normalement, je devrais être entouré de distributeurs. Je dois vous dire que, actuellement, ils sont soit en Europe pour le MIFED ou à Los Angeles pour le American Film Market.

Le Président (M. Gobé): Vous pouvez commencer votre présentation, M. Beaubien. Nous sommes prêts.

M. Beaubien: On m'a dit que j'avais les épaules assez larges pour le faire seul. M. le Président, Mme la ministre, M. le critique de l'Opposition, messieurs, mesdames, à l'heure des débats sur la Constitution canadienne, du rapport

Arpin sur l'industrie culturelle et des négociations sur le libre-échange, les distributeurs de films et de vidéo sentent l'urgence de faire le point sur la situation des industries culturelles au Québec et tout particulièrement sur l'industrie du cinéma.

Le récent rapport Arpin sur les industries culturelles vient jeter une lumière nouvelle sur la définition de la culture et sur la façon dont le Québec se propose de la gérer. En fait, le rapport s'applique surtout, quant à nous, à la gestion d'une culture dite classique, sans doute quantifiable dans une bonne mesure dos cas do musées et d'orchestres symphoniques - mais il ne cerne pas suffisamment, quant à nous, la nature des industries culturelles, dont le cinéma, qui, elles, sont sujettes à des lois du marché et requièrent des investissements substantiels tout en prenant des risques très élevés.

Ce même rapport Arpin propose, et je cite, "que le gouvernement fédéral doit se retirer complètement du champ culturel, quel que soit le statut constitutionnel du Québec". C'est à la page 232. Or, l'industrie du cinéma doit son existence historiquement à l'Office national du film, puis à la Société de développement de l'industrie cinématographique canadienne, qui est devenue Téléfilm Canada, ainsi qu'aux régimes fiscaux des années soixante-dix. Par ailleurs, au contraire du fédéral, quant à nous, le Québec n'a jamais vraiment établi une politique industrielle pour le cinéma. Cette industrie, et en particulier le secteur de la distribution, ne voit pas, dans l'optique d'un rapatriement provincial, la possibilité de demeurer viable.

Finalement, dans l'optique du rapatriement, la gestion des fonds alloués aux industries du cinéma serait probablement confiée à la SOGIC. Or, nous verrons comment cette perspective peut paraître alarmante pour le milieu du cinéma.

Pour bien comprendre le rapport Arpin, je crois qu'on doit voir que, sur le plan culturel, les deux nations fondatrices ont des traditions foncièrement différentes. En France, il y a une vision centralisatrice de la culture depuis le règne de Louis XIV et de Versailles. Cette vision s'est perpétuée jusqu'au XXe siècle avec le régime de Gaulle, et M. André Malraux a joué un rôle déterminant. C'est dans les années soixante que le Québec s'est intéressé à la question culturelle et sa vision a été fort marquée par le régime gaulliste, tandis que la tradition britannique est fort différente. On a toujours voulu tenir le pouvoir à l'écart de la question culturelle d'après le fameux principe de "arm's length". C'est une tradition qui a permis la création et le développement de la BBC et d'autres organismes du même genre.

Cette tradition britannique a grandement influencé certains organismes canadiens tels le Conseil des arts, Radio-Canada, l'Office national du film et Téléfilm Canada. Dans ce cas, l'État joue un rôle de "banque" spécialisée dans le

domaine des arts et des industries culturelles. Son rôle se limite à choisir les meilleurs candidats selon des programmes déterminés. C'est, en somme, le régime libéral en son sens véritable.

Or, le rapport Arpin s'inscrit dans cette tradition française que nous venons de décrire. Il propose de rebaptiser le ministère des Affaires culturelles en ministère de la Culture et des Arts et il veut que ce ministère soit doté d'un observatoire qui, notons-le bien, prenne appui sur des données quantitatives et qualitatives sur la culture, les pratiques culturelles, l'action culturelle, le financement culturel, les arts et les industries culturelles. Et qui siégerait à cet observatoire? Des professeurs, des fonctionnaires, des artistes, des amis du pouvoir?

En somme, le rapport Arpin va plus loin. Il prévoit la création d'une commission consultative sur la culture pour fournir régulièrement au ministre de la Culture et des Arts avis sur la politique culturelle à suivre. De nouveau, silence sur qui doit siéger à cette commission. Et pourquoi cet observatoire? Pourquoi cette commission? C'est pour assurer une maîtrise d'oeuvre unique dans le domaine culturel.

En somme, nous venons de voir que le rapport Arpin vise la centralisation de toutes les activités culturelles mais il ne fait pas, quant à nous, la distinction nécessaire entre la culture dite classique et celle des industries culturelles. La culture classique reproduit et met en valeur, dans une salle de concert ou un musée, des exemples d'oeuvres déjà créées. On peut mesurer exactement, quant à nous, le coût d'une telle opération. Si l'on propose de construire une salle de concert à Montréal ou à Québec, on peut aisément faire le calcul des coûts de la construction, des salaires du chef d'orchestre et des musiciens, des frais d'entretien, etc. Ce n'est pas du tout le cas des industries culturelles. Avec un film qui peut coûter 5 000 000 $, sinon plus, on peut se retrouver, le lendemain de la sortie du film, avec personne dans les cinémas. Donc, ce n'est pas du tout le même esprit quant à nous.

On parle du transfert des fonds du fédéral au provincial. On comprend mal comment le fédéral fonctionne, car tous les programmes qui sont actuellement accordés par le fédéal pour le cinéma, ce sont des programmes qui sont votés individuellement par le Parlement canadien: qu'on parle du Fonds d'aide à la distribution de longs métrages, du Fonds de développement d'émissions canadiennes de télévision et du Fonds de financement de longs métrages. Si des industries culturelles passaient sous la juridiction provinciale, le Parlement canadien cesserait de voter des fonds en faveur de ce programme. Il n'y aurait tout simplement pas de fonds à transférer.

Nous avons déjà mentionné le rôle indispensable qu'a joué le fédéral dans la mise sur pied de la cinématographie canadienne. Et ils ont développé, depuis ce temps-là, toutes sortes de régimes. Il ne faut pas oublier que Téléfilm Canada a dépensé eniron 166 500 000 $, a dépensé justement ça pour l'année 1989-1990. Nous parlons de sommes substantielles. Et tout ceci, évidemment, dans le contexte du libre-échange où, je dois vous dire, les distributeurs se sentent placés très difficilement. Pourquoi? Parce que le Canada a pu obtenir jusqu'à maintenant d'exclure les industries culturelles des discussions sur le libre-échange. M. Wilson a tout récemment réitéré sa position à l'Association nationale des distributeurs, au moment de l'ouverture des discussions entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. On sent toutefois que la négociatrice américaine, Mme Caria Hills, fait tout pour rouvrir le dossier.

Pour l'instant, le Canada tient ferme. Pour combien de temps encore? Le Québec, quant à lui, ne peut intervenir dans ce débat car il ne jouit pas du statut juridique pour ce faire. Dans l'éventualité de la souveraineté, il bénéficierait certainement du statut juridique nécessaire, mais la question se pose: Aurait-il la stature pour faire face à lui seul à l'envahissement de la culture américaine?

Maintenant, venons à la SOGIC. Cette fusion, que nous connaissons tous, entre la SGC et la SODICC, pour former la SOGIC, fut bien accueillie par le milieu du cinéma au tout début parce qu'il y avait en même temps une promesse de nouveaux fonds. Or, je cite M. Roger Frap-pier, récemment, qui a donné un interview dans La Presse: "Rien de tout cela ne s'est réalisé". Au contraire, avec la SOGIC...

En janvier 1990, l'Institut québécois du cinéma a présenté un rapport sur les orientations en matière de cinéma à Mme Lucienne Robillard, alors ministre des Affaires culturelles. En page 12 du rapport, il est dit: "Les reproches adressés à la SOGIC font unanimité dans la profession et confirment un fossé qui s'est creusé entre les deux (entre le milieu du cinéma et la SOGIC). Son absence des débats importants, son attitude distante, son refus de travailler en relation soutenue avec le milieu, la remise en question de sa compétence professionnelle, sa bureaucratisation sont autant de critiques sévères entendues lors des consultations."

Un an et demi plus tard, il n'y a pas longtemps, nous étions dans cette pièce, lors des auditions parlementaires sur le projet de loi 117. Et là je vais citer M. Boulerice, qui faisait le point sur la situation: "La critique, là aussi, a été unanime. (Dans les deux cas, on parle d'unanimité). Les intervenants n'ont pas confiance en la SOGIC et condamnent sa gestion."

Plus loin, tout récemment, M. Frappier, dans la même interview disait ceci: "S'il n'y avait au Québec qu'une institution d'aide du cinéma et que ça devait être la SOGIC, ce serait le baiser de la mort pour notre cinéma. Le gouvernement fédéral via Téléfilm a pris le

leadership dans la production. La SOGIC a beau faire des efforts, elle a perdu ce leadership. Si tout devait être réparti à la SOGIC, de la façon dont elle fonctionne en ce moment, je pense qu'il n'y aurait pas d'avenir pour le cinéma québécois."

Peut-être pour terminer sur une note un peu plus personnelle. On me dit que la commission est un peu déprimée. Il ne faudrait pas, quant à moi, que ceci continue. Je pense qu'on devrait considérer le rapport Arpin comme un début. Je suis très encouragé de voir qu'il y a au-delà de 260 mémoires qui ont été déposés, ce qui veut dire, quant à moi, que la culture et les industries culturelles sont importantes pour les Québécois. Aussi, nous avons vu l'intervention de certains organismes comme la FTQ qui n'avait vraiment pas fait savoir ses positions encore. Quand la FTQ est venue, on m'a dit, pour présenter son mémoire, elle n'était justement jamais vraiment intervenue dans ce domaine et ça, pour un organisme qui joue un rôle très important.

Troisièmement, je pense que c'est vraiment le moment propice pour toutes ces interventions et pour faire le point sur certaines chose. J'ose espérer que justement, dans ce deuxième temps, si vous voulez, on va vraiment étudier les industries culturelles d'une façon à part de la culture en général. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Beaubien. Mme la ministre, vous avez maintenant la parole.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Beaubien. Vous savez, vous dites: La commission est un peu déprimée. Pas du tout!

M. Beaubien: Ah bon!

Mme Frulla-Hébert: Dans un sens où... Non, pas du tout parce que, si j'ai demandé une commission parlementaire et si on en fait une, c'est justement pour procéder à des changements et pour que les gens s'expriment très ouvertement et très honnêtement. Si tout allait bien dans le meilleur des mondes, on ne serait ici personne et on ferait autre chose.

Mais, ceci dit, vous avez raison, il y a énormément de positif qui sort de cette commission. Ne serait-ce qu'entendre le maire de Montréal parler de culture avec autant d'enthousiasme, déjà, c'est un très grand positif et c'est aussi un exemple pour beaucoup de gens dans cette population.

Je suis heureuse aussi finalement que les associations en général viennent discuter - vous les représentez là - les associations de distributeurs québécois qui sont ici représentées par vous. Vous savez aussi l'importance que j'accorde à ce que tous les distributeurs travaillent ensemble.

M. Beaubien: Je pense qu'on est quasiment parvenu à ça, Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Ce serait bien. Ce serait bien.

M. Beaubien: II reste un petit bout de chemin mais je pense qu'on va y arriver.

Mme Frulla-Hébert: Parce que, face aux négociations avec les Américains, vous savez que ce n'est pas facile, particulièrement dans le secteur de la vidéo. Ils ont une grande force de pouvoir auprès de notre population et de ce que la population veut; alors, il faut unir évidemment toutes les forces. (12 h 30)

II y a d'autres représentants... Je vais aller directement au coeur du sujet parce qu'à un moment donné, dans le mémoire... vous n'y avez pas touché, mais vous dites: "Nonobstant toutes ces études, le pouvoir, qu'il soit libéral ou péquiste, a toujours négligé les industries culturelles. Le manque évident d'intérêt se traduit par un manque perpétuel de financement au ministère des Affaires culturelles." Bon, et j'en passe. Et vous citez Talleyrand en disant: "Plus ça change, plus ça reste la même chose." Moi, je ne le sais pas... Et je pense que je peux parler et pour moi et pour mes confrères, dont M. Godin, qui est aussi ex-ministre des Affaires culturelles: II y a des choses qui ont évolué, il y a des choses qui ont changé, il y a des choses qui se sont améliorées. C'est là que je refuse quand même un peu le pessimisme. Dire qu'on a besoin d'argent, qu'on est sous-capitalisé et tout ça, effectivement, mais il faut quand même voir d'où on vient. Et là je cite M. Doré qui disait que, si on regarde où on était il y a 30 ans et où on est maintenant, il y a quand même un bon bout de chemin de fait, et ça, grâce à la participation de tous les intervenants. Maintenant, si on peut accroître la sensibilité au point où la culture, tel que l'environnement, comme on l'a si bien dit, devient aussi une préoccupation automatique, je pense qu'on aura gagné beaucoup de choses dans le développement culturel.

M. Beaubien: Juste pour répondre à ça. Je pense qu'on l'a dit, oui, il y a eu des efforts de faits, mais, malheureusement, le pouvoir politique comme tel n'a pas toujours appuyé le travail des ministres en question. C'est ça qu'on voulait surtout dire. Oui, il y a eu des travaux de faits, mais on n'a jamais senti en haut, si vous voulez, que le travail de ces différents ministres avait une portée. Quand je cite, dans mon mémoire, ce commentaire de M. Jean Lesage et de M. Geor-ges-Émile Lapalme qui sûrement a démissionné, c'est que, oui, on a fait, comme justement le maire Doré disait: On parlait un peu de culture

comme donnant un peu d'argent aux pauvres, mais ce que je pense - et c'est ce que les quelque 260 mémoires qui sont parvenus à la commission font valoir - c'est que ce n'est justement pas une question de pauvres, c'est une question qui intéresse toute la province. C'est surtout ça qu'on voulait dire.

Mme Frulla-Hébert: Mais, comme souvent je dis, souvent on reflète le désir de la population quand on est à faire des priorités. Effectivement, si la population peut être assez consciente et que la population arrête de répondre aussi à des sondages quand on demande: Quels services voulez-vous couper? et que 43 % de la population disent: Les loisirs, et que 42 % disent: La culture, ça ne nous aide pas non plus.

M. Beaubien: Non.

Mme Frulla-Hébert: Je voudrais revenir à votre secteur spécifique. Je vais revenir au niveau... Ça a commencé un peu chez vous, tout ça. Quand on parle du Québec et d'un Québec capable de gérer l'ensemble des fonds à la disposition de la culture, donc que le Québec soit vraiment le vrai maître d'oeuvre de sa culture, ne croyez-vous pas, même si effectivement on n'a pas toujours été parfait - mais le fédéral non plus n'a pas toujours été pariait; je peux vous citer énormément de cas où le fédéral faute - qu'on serait capable d'assumer seul la responsabilité d'aider correctement votre secteur d'activité? Et je reviens vraiment à votre secteur d'activité parce que, ces dernières années, oui, on parle beaucoup de la SOGIC, on parle surtout des problèmes de fonctionnement avec la SOGIC, ça, c'est une chose, mais dépassons les personnes et les conflits de personnalités, etc., et allons-y avec le principe. Il y a eu quand même des crédits d'impôt de donnés par le gouvernement du Québec d'une valeur de 32 000 000 $ au moment où on se parle. Oui, la SOGIC donne des aides directes de l'ordre d'à peu 12 000 000$ versus 44 000 000$ à Téléfilm, mais Téléfilm n'a pas les crédits d'impôt. Alors, quand on regarde le secteur global - je me suis fait sortir ça un peu, la semaine passée - c'est de l'ordre de 53 000 000 $ versus 56 000 000 $ par le fédéral, donnés de façon différente, je l'accorde. Si c'est une façon de faire de changée, ça, c'est autre chose. Mais on nous dit que, si on faisait le transfert de responsabilités, le milieu souffrirait énormément. Ne pensez-vous pas que cette élimination de duplication, par exemple, entre... Parce que c'est des programmes qui se chevauchent dans votre secteur plus que dans tout autre secteur. Ne pensez-vous pas que, mis à part le fonctionnement, je l'accorde, mais dans le principe, si on éliminait cette duplication, si évidemment on se concentrait secteur par secteur, mais à gérer selon nos priorités, les priorités du secteur, en collaboration avec le secteur, les fonds, ne croyez-vous pas que le Québec est capable d'assumer seul cette responsabilité-là?

M. Beaubien: Je pourrais avoir une réponse un peu méchante. C'est qu'il n'y a pas de duplication, quant à nous, justement à cause des problèmes de la SOGIC. Évidemment que le Québec peut le faire seul, mais ce n'est pas ce qu'on vit actuellement. Il y a des problèmes, c'est vrai. Ça a commencé avec nous un peu, ce qu'on vit actuellement. Un des problèmes qu'on vit, c'est justement quand je parlais de manque de volonté politique. Vous savez qu'il y a quelques années il y a eu un problème à Téléfilm, un problème de gestion, disons. Ça a pris au fédéral deux mois pour régler ce problème-là. Il y a eu des démissions, de nouvelles nominations et, dans deux mois, la machine fonctionnait. Ce qu'on vit actuellement, Mme la ministre, je dois vous le souligner de nouveau, ça fait deux ans qu'on vit ça avec la SOGIC et on ne voit pas le bout du tunnel. C'est ça qui, je pense, empêche le dialogue. On est ici parce qu'on veut dialoguer et c'est ça qui nous empêche de dialoguer, parce que pour régler... Et je dois vous dire que c'étaient à peu près les mêmes genres de problèmes. Si, pour le fédéral, ils ont pris deux mois, je veux bien vous accorder, pour le cas québécois, six mois ou un an. Mais, là, nous commençons... Ça fait deux ans que ce problème-là traîne. Alors, autant on peut avoir de bonne volonté, et je pense que nous avons montré vis-à-vis du Québec beaucoup de bonne volonté, on est bloqué par ces cas pratiques. À certains moments, les milieux, si vous voulez... Quand on dit: Pourquoi le milieu s'est révolté contre le rapport Arpin? C'est parce qu'il y a eu certains cas qui ont fait que c'est peut-être la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. C'est ça, le problème qu'on vit actuellement. C'est pour ça que je dis que le rapport Arpin est peut-être un début. Peut-être justement qu'on va prendre tout ça et que ça va vous aider à faire certaines choses, ce qui va nous amener peut-être, dans six mois ou un an, un autre genre de rapport où, là, on va pouvoir s'asseoir et dialoguer. Mais, là, on est bloqué. Il faut le dire très brutalement, je pense: Le milieu est bloqué vis-à-vis du Québec à cause de ces choses-là. Il faut nettoyer ces choses-là.

Mme Frulla-Hébert: Je veux revenir à une question peut-être un peu plus pointue.

M. Beaubien: Oui.

Mme Frulla-Hébert: On a remarqué, d'ailleurs... Oui, il peut y avoir une question de personnalités, mais à l'intérieur même de la SOGIC, quand on regarde la loi de la SOGIC, la loi est ainsi faite que la SOGIC a le pouvoir de juger de la qualité, ce qui lui donne un pouvoir

discriminatoire. Est-ce que ce ne serait pas plutôt ça ou si le problème est un grand problème de fonctionnement, c'est-à-dire que vous prônez l'automatisme... On a beaucoup défendu l'automatisme au niveau du programme d'aide, par exemple, aux variétés et magazines, si on veut, au niveau télévisuel. Mais n'est-ce pas plutôt là que le bât blesse, c'est-à-dire que la SOGIC, au moment où on se parle, de par sa loi, a, si on interprète et si on extrapole un peu la loi, un pouvoir discriminatoire?

M. Beaubien: Bien, je dirais que tout ce qui peut devenir plus automatique, évidemment, ça aide énormément. Je peux vous dire que j'ai joué un rôle important dans le fonds de distribution de Téléfilm, où on est arrivé avec des normes qui sont quasiment automatiques. Pour qu'un distributeur puisse profiter du programme, il y a certaines normes à remplir et, une fois qu'il les remplit, boum, l'argent tombe en place, donc ça aide énormément. Mais il ne faut pas croire que, simplement en réglant ce problème-là, ça va régler tous les problèmes. Dans le cas de Téléfilm, il y a aussi d'autres programmes qui ne sont pas automatiques et qui fonctionnent très bien merci. Évidemment, ça n'aide pas. Personnellement, j'ai été impliqué dans l'affaire Nelli-gan où... D'abord, il y a eu quatre ou cinq projets qui étaient là. Finalement, on avait un projet, je pense, de qualité pour toute notre culture. Quand même, Nelligan, c'est notre grand poète national. On a eu un premier rejet du projet à la SOGIC. J'ai rencontré votre sous-ministre ajoint, M. Chaput. Là, j'ai crié, j'ai pleuré, j'ai tout fait. M. Chaput a pu obtenir une autre étude par la SOGIC, où on l'a donné au même comité dans les mêmes conditions, et on a connu la même réponse une deuxième fois. Donc, il y a aussi des lapsus administratifs, à mon avis, très graves.

Mme Frulla-Hébert: Vous savez, il y a des avantages, et vous en faites état, à du "arm's length", mais il y a aussi des désavantages quand il y a des cas comme ça qui arrivent. Alors, il faut voir aussi les deux côtés de la médaille. On nous prie d'avoir du "arm's length" absolument, moi j'en suis, mais, bien souvent, il y a aussi des problèmes. Moi, je veux juste terminer rapidement parce que le temps nous presse. Le libre-échange. Vous avez touché une question fondamentale au niveau du libre-échange et vous voulez... Quelque part, vous dites que l'association avec le Canada nous protège versus le libre-échange, qu'on soit...

M. Beaubien: Jusqu'à maintenant, comme on dit.

Mme Frulla-Hébert: Oui. Mais, dans le même ordre, vous dites: Que ce soit souverain ou non, mieux vaut finalement faire partie du Canada en fonction de la menace du libre-échange. Vous semblez dire que le Québec n'aurait pas la stature, si on veut, pour faire face, lui tout seul, à l'envahissement de la culture américaine. Je veux quand même remettre sur table que nous sommes les seuls au Canada à avoir une entente avec les "majors". On pourrait les empêcher d'entrer, etc. La population québécoise ne veut pas, mais on a quand même une entente avec les "majors". On a protégé quand même notre distribution, on a une Loi sur le cinéma qui fait en sorte que les autres provinces, tel l'Ontario, nous envient cette loi pour toutes sortes de raisons. Le fédéral en a une, ça fait longtemps, mais j'ai l'impression qu'au niveau de toutes les négociations globales elle est peut-être un peu malvenue. Alors, on s'est tout de même bien protégé contre l'envahissement américain, en plus de notre langue qui, là-dessus, est un atout important.

M. Beaubien: Absolument.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Merci, monsieur. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. Me Beaubien, nous ne sommes pas pessimistes. Au contraire, nous sommes très optimistes par rapport à l'élaboration d'une politique culturelle québécoise. Mais, vous, vous êtes négatif on ne peut mieux ou on ne peut plus. Et, après ça, on va être obligé de se dire les choses en face. Si on ne se gêne pas pour dire ce qu'on veut dire envers les élus, je pense que les élus ont également droit de parole. Il n'y a personne en tout cas qui va me priver du mien. La journée où on m'en privera... Il y a bien d'autres choses à faire dans la vie que de la politique. Je veux dire, il y a René-Daniel Dubois qui court désespérément les couloirs de ce parlement à la recherche d'André Malraux et, vous, vous ne voulez pas le voir. Je ne sais pas dans quel placard vous voulez le cacher. Il va falloir qu'il y ait des gens qui se parlent. Me Beaubien, on n'aura pas 48 ou 52 politiques. On va avoir une politique. J'entends bien, par contre, qu'elle reflète les différents secteurs. Vous parlez du...

M. Beaubien: Puis-je vous...

M. Boulerice: ...et ça, personnellement, ça me heurte.

M. Beaubien: Justement, vous...

M. Boulerice: Vous parlez de la tradition britannique, là.

M. Beaubien: Non. Mais, avant que vous ne rentriez dans ça, si vous me permettez. Je pense que je n'ai pas assez souligné cet aspect-là qui

est essentiel. C'est que le rapport Arpin n'a pas fait cette distinction essentielle entre la culture dite classique et les industries culturelles, et c'est un des graves défauts. Il tente de tout englober continuellement. Quant à nous, si on peut justement sortir de ces auditions avec une volonté vraiment de faire une étude déterminante sur les industries culturelles, je pense qu'on aura obtenu beaucoup de la commission. Simplement faire cette parenthèse.

M. Boulerice: J'accepte bien qu'on puisse sombrer dans une britannomanie, mais, sans être mesquin, si je regarde Paris et que je regarde Londres, j'ai l'impression que la deuxième ville peut peut-être souffrir d'un petit complexe d'infériorité au niveau de l'évolution et de l'ébullition culturelles. Vous allez après - justement la ministre y a fait allusion - dans le cas de l'Accord de libre-échange... Me Beaubien, le Canada a résisté, au niveau des industries culturelles, à l'Accord de libre-échange, mais parce qu'il y avait le Québec. Ne soyons pas mesquins là non plus, mais jetons quand même un oeil critique. Le libre-échange, pour ce qui est de nos compatriotes anglo-canadiens puisque nous formons encore une constitution, ils sont américanisés beaucoup plus que nous. Je pense qu'on doute de notre capacité et de notre volonté et Dieu seul sait qu'elle est là parce que nous avons, au départ, notre distinction. Quand on a, au départ, cette conviction, je pense ' qu'on est capable d'avoir la stature de faire face à des choses. Ce qui m'inquiète dans le discours que vous tenez et que l'ensemble du secteur que vous représentez tient, c'est qu'on est en train d'inculquer au Québec... Au moment où, depuis 1960, on se dit: On est capable, là, je ne sais pas, ça semble devenir la mode du jour de nous dire: On n'est plus capable. Qn n'est pas capable. On ne sera pas assez gros. On ne sera pas assez fort, on ne sera pas assez puissant, etc. Le discours est extrêmement démobilisateur. Je comprends, M. Beaubien, qu'il puisse y avoir des méfiances. Le 1 % n'est pas là, je le dénonce tous les jours. La SOGIC, je pense être monté aux barricades. Me Beaubien, je suis allé aux barricades avant que les gens du milieu ne décident, après, de me suivre. Ça m'a pris du temps à leur dire: Mais venez donc le dire. Avant, c'était: Bien non, je ne le dirai pas, M. Boulerice, tout d'un coup je suis dans le trouble. Je comprends votre frustation que ça ne soit pas encore réglé, qu'on ne soit pas revenu à la Société générale du cinéma qu'on avait, où il n'y avait quand même pas tellement de récriminations, si je me rappelle bien. Ça semblait fonctionner assez bien. Donc, avouez qu'on avait quand même une capacité. Si un gouvernement a fait une erreur administrative, ça peut toujours se corriger et changer ceci.

M. Beaubien: Je répondrai, de toute façon.

Quand je parle justement du libre-échange, oui, je prends pour acquis, dans ce contexte-là, que le Québec est partie intégrante du Canada. Il ne faut pas se le cacher, je pense que, s'il y a des gens qui sont dynamiques dans l'industrie soit de la production ou de la distribution au Canada, c'est bien les Québécois. Quels sont les films les plus populaires dans notre cinématographie canadienne? Ce sont toujours les films québécois. Donc, on n'a aucune difficulté avec ça. Si vous regardez les leaders de la cinématographie canadienne, vous trouvez, en général, des Québécois.

M. Boulerice: M. Beaubien, comme question, je reprends les paroles du chef de l'Opposition et je vous transforme ça en forme de question. M. Parizeau est venu ici, au début de la commission, et a dit: Moi, j'accepte le principe du "arm's length". Rapatriement des pouvoirs, mais rapatriement des argents aussi, si vous me permettez cette mauvaise expression. Mais, attention là! Rapatriement des argents, mais je ne vais pas aller prendre x, c'est un rapatriement unilatéral. Tout ce qui est dépensé à Téléfilm, tout ce qui est dépensé dans d'autres unités administratives des ministères concernés au fédéral, Communications, etc., tout ça est transporté et replacé dans la même case au niveau du ministère des arts et de la culture, mais nous, on parle du ministère des arts, de la culture et des communications. Je vous ai donné des garanties on ne peut mieux. Pouvez-vous refuser?

M. Beaubien: Évidemment, M. le critique de l'Opposition, c'est une question hypothétique.

M. Boulerice: Hypothétique...

M. Beaubien: Non, non, non. Laissez-moi... Évidemment, le "arm's length", quant à nous, c'est essentiel. Ça, c'est sûr. L'autre aspect cependant, je pense, parce que vous avez critiqué jusqu'à un certain point le milieu d'être un peu négatif, c'est qu'on pense que peut-être on n'a pas suffisamment étudié - et on espère que peut-être ça va se faire dans ce que j'appelle cette deuxième étape - toute cette question de transfert des fonds.

C'est que, actuellement, la culture n'est pas un domaine fédéral ou provincial. C'est un domaine où tout le monde peut être impliqué. Alors, espérer que, justement, si jamais il y avait séparation ou indépendance, il y aurait un transfert de fonds, quant à nous, jusqu'à ce moment-ci - et puis, justement, on espère que ça va être quelque chose à étudier dans une deuxième étape - on ne le voit pas comme une possibilité de transfert de fonds. C'est que là, à ce moment-là, le fédéral cesserait tout simplement de voter ces lois. C'est le Parlement qui vote chaque programme.

Alors, vous allez me dire: Ça serait le fruit d'une négociation à venir, etc. Je réponds, à ce moment-là: II faut voir. Mais, légalement, actuellement ces programmes sont votés par le Parlement. Si, par exemple, le Parlement canadien décidait: Bon, on ne va pas voter pour le fonds de distribution de longs métrages ou pour le fonds de développement d'émissions... Il cesserait tout simplement de voter ces fonds-là et, quant à moi, dirait au Québec: Vous voulez vous en occuper? Parfait!

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Beaubien. Je vais passer la parole à M. le député de Mercier, vous avez demandé la parole. Mais très rapidement, s'il vous plaît.

M. Godin: Oui, M. le Président. J'aimerais demander à Me Beaubien si la fameuse entente Bacon-Valenti, dont la ministre s'est targuée tout à l'heure comme étant la seule qui existerait entre une province canadienne et les "majors", a modifié quelque chose dans votre situation quant à l'acquisition de produits américains... Oui?

M. Beaubien: Ce qu'elle a fait surtout, c'est confirmer une question de fait. Elle nous a aidés, en effet, à obtenir les films européens. À ce moment-là, au tout début, quand Mme Bacon est intervenue, il y avait, pour les compagnies américaines, toute cette question d'Orion Classic, etc., où elles faisaient l'achat pour l'Amérique du Nord de films européens. Depuis ce temps-là, évidemment, elles ont perdu intérêt dans ce domaine-là. En toute franchise, je ne sais pas exactement où en sont les négociations parce que je pense que l'accord se termine très bientôt. J'ai ouï dire qu'il y avait d'autres négociations...

M. Godin: En cours.

M. Beaubien: ...qui avaient lieu. On n'a pas eu de nouvelles officielles, mais on sait que ça se négocie, si vous voulez. Mais on n'a pas les détails de la nouvelle négociation.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Beaubien. Merci, M. le député de Mercier. Un mot de remerciement, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques?

M. Boulerice: Bien, mon mot de remerciement serait une question que je voudrais poser à Me Beaubien, mais je sais qu'il ne pourra pas répondre. Vous me dites: Dans le contexte actuel, non, ils ne nous donneront pas l'argent. La seule façon de l'avoir, ce serait si on avait la souveraineté. Je l'ai remarqué avec d'autres groupes. Je leur ai dit: Bien oui, mais, à ce moment-là, êtes-vous d'accord avec la souveraineté? Et là ils me répondent: Non. Ça fait que...

Le Président (M. Gobé): C'est la quadrature du cercle. Merci, M. le député. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, Me Beaubien. Au niveau de la loi, évidemment, je veux juste rappeler que la loi a été votée aussi cette année en collaboration, d'ailleurs, avec mon collègue; nous l'avons votée à l'unanimité moins un. Cela dit, effectivement, les négociations ont cours. Nous avons resigné jusqu'au 31 janvier pour le film, pour l'entente parce que, comme je vous dis, au niveau de la vidéo qui n'est pas incluse présentement, ce n'est pas une négociation qui est facile. Donc, nous poursuivons les négociations.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Merci, M. Beaubien.

M. Beaubien: Merci, tout le monde.

Le Président (M. Gobé): Ceci met fin à nos auditions pour cette partie de la journée. Je vais donc suspendre les travaux jusqu'à 15 h 30 cet après-midi, en cette salle. La commission est suspendue.

(Suspension de la séance à 12 h 52)

(Reprise à 15 h 40)

Le Président (M. Gobé): Alors, mesdames et messieurs, si vous voulez bien prendre place autour de la table, la commission de la culture va maintenant reprendre ses audiences. Nous allons commencer sans plus tarder en invitant les représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec à prendre place en avant de nous.

Alors, bonjour, Mme Pagé. Il nous fait plaisir de vous accueillir. M. Laberge, bonjour. C'est vous qui représentez la Centrale de l'enseignement du Québec. Vous allez donc pouvoir exposer votre mémoire. Pour ce faire, vous aurez une période de 15 minutes. Par la suite, une période de 15 minutes sera allouée de chaque côté, à chaque formation politique afin de pouvoir discuter avec vous et dialoguer sur votre mémoire. Alors, sans plus attendre, je vous demanderais de bien vouloir commencer la présentation de votre mémoire.

Centrale de l'enseignement du Québec

Mme Pagé (Lorraine): Merci, M. le Président. Alors, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, il me fait plaisir de vous présenter le mémoire de la CEQ sur le rapport Arpin. Tout d'abord, vous rappeler que la CEQ représente 110 000 personnes: personnel enseignant, éducateur, professionnel, technique, de bureau et de soutien, qui sont principalement à l'emploi des commissions scolaires, des cégeps, des universités, des établissements d'enseignement privés.

Nous avons également des membres qui travaillent dans le secteur de la santé, des affaires sociales, des loisirs et des organismes de radioté-lédiffusion. Nos membres travaillent très souvent dans des milieux ethniques où ils ont à favoriser l'intégration à la culture nationale du Québec. Plusieurs d'entre elles et d'entre eux sont reliés au monde de la création artistique, soit par l'enseignement des arts et de la littérature ou par la diffusion de produits culturels, à titre, par exemple, de spécialistes en arts au primaire ou au secondaire, de professeurs en formation professionnelle en arts, de bibliothécaires ou de travailleurs ou travailleuses à Radio-Québec. Nous avons toujours accordé beaucoup d'importance aux questions relatives à la préservation et à la mise en valeur de notre patrimoine national, à la création artistique et littéraire et à la diffusion de la culture. C'est pourquoi nous nous présentons devant la commission parlementaire aujourd'hui.

En résumé, la CEQ salue la publication du rapport Arpin qui soumet un ensemble impressionnant de recommandations. Nous appuyons son esprit général, plus particulièrement les principes fondamentaux qui fondent la proposition de politique. Nous sommes d'accord avec les auteurs pour reconnaître la culture comme un bien essentiel et la participation à la vie culturelle comme un besoin essentiel qui doit faire l'objet d'un droit de la personne et qui doit être accessible à l'ensemble des Québécoises et des Québécois. Nous sommes enfin d'accord avec les auteurs du rapport pour dire que l'État québécois a le devoir de soutenir et de promouvoir la dimension culturelle.

Notre mémoire est en quatre parties: une première qui y va de réflexions sur la culture en général; une deuxième qui aborde plus spécifiquement le domaine de la littérature et des arts; une troisième partie qui porte sur le financement; enfin, la dernière partie qui porte sur l'éducation. Vous comprendrez que nous insisterons plus particulièrement sur les troisième et quatrième parties de notre mémoire.

Tout d'abord, vous signaler que nous sommes un peu déçus que les auteurs du rapport Arpin n'aient pas donné une définition claire de la culture. Pour comprendre la portée de certaines recommandations, une définition claire aurait été souhaitable. Je vous donne plus précisément des exemples. Quand on parle de la mise sur pied d'un véritable ministère de la culture, cela a un sens très différent si la culture se résume aux composantes identifées à la page 38 ou bien si la culture est prise dans son sens le plus global et le plus général. C'est la même chose quand on parle de la recommandation 94, où on réclame le rapatriement complet de la culture. Encore faudrait-il s'entendre sur ce qu'il faut rapatrier. Pour notre part - et je le précise immédiatement, vous connaissez nos positions sur l'indépendance nationale - nous ne voyons pas comment un peuple pourrait revendiquer une pleine compétence sur tout ce qui est relatif à sa culture sans revendiquer l'indépendance nationale complète.

Nous souscrivons à l'objectif de faire de la culture une priorité de l'État québécois. À notre avis, la première contribution du législateur consiste à édicter de bonnes lois. Nous appuyons donc la recommandation d'une loi générale sur la culture. D'ailleurs, à notre avis, certains éléments devraient être intégrés dans la constitution québécoise.

Rapides réflexions sur l'éducation culturelle. Là aussi, selon la définition que l'on donne à la culture, le sens peut être très différent. Si on parle de la culture selon les composantes qui apparaissent à la page 38, on aura comme interprétation qu'à l'école l'éducation culturelle visera simplement à préparer les élèves à être de bons créateurs ou bien des consommateurs avertis. Mais, si on a une vision beaucoup plus large de la culture, on voit immédiatement que cela prend une tout autre portée et que ça englobera l'activité éducative dans toutes ses finalités.

Enfin, parler de culture, c'est parler d'intégration culturelle, d'intégration des familles, des groupes qui appartiennent à des communautés ethniques minoritaires, se rappeler que l'école est là pour transmettre la culture nationale. Dans le cas qui nous occupe, la culture nationale, c'est la culture du Québec; ce n'est pas la culture canadienne. Également, l'intégration des personnes vivant dans les différentes régions du Québec. Quand on aborde la question de l'intégration culturelle, il faut avoir cela aussi en mémoire. Un des grands mérites du rapport Arpin, à notre avis, c'est de faire ressortir la nécessité pour une société moderne d'accorder une priorité au développement dans le domaine de la littérature et des arts. Le fait de donner un statut privilégié à la production artistique littéraire et d'attacher une grande valeur à la qualité des oeuvres, c'est déjà développer un modèle d'attitude qui est intéressant et qui engage toute la collectivité. Il n'est pas fortuit que la conscience de l'identité québécoise, au cours des trois dernières décennies, ait coïncidé avec un foisonnement de la production littéraire et artistique. Celle-ci est à la fois un révélateur et un activateur du développement de l'identité québécoise.

Investir dans le développement du domaine artistique et littéraire est donc une nécessité vitale pour notre peuple et l'État national doit soutenir tous les efforts nécessaires en ce domaine. À cet égard, nous sommes d'accord avec les recommandations relatives à la protection du droit d'auteur qui nous apparaît comme fondamentale et nous demandons au gouvernement du Québec de faire pression sur celui d'Ottawa pour obtenir une révison de cette loi, tout en signalant, par ailleurs, qu'à notre avis il y a

quand même une certaine incohérence à revendiquer les pleines compétences sur toutes les questions à portée culturelle et de se fier au gouvernement d'Ottawa pour régler un problème qui est d'importance. Nous demandons également que le Québec adhère le plus tôt possible aux conventions internationales sur les droits d'auteur et les droits voisins. Nous croyons que les volets de soutien à la création et à la diffusion des oeuvres et des échanges culturels doivent être considérés comme prioritaires dans l'action internationale du Québec et, particulièrement, le Québec devra intensifier sa participation aux organismes de la francophonie.

Un petit bout sur Radio-Québec pour rappeler l'importance de la disponibilité d'équipement culturel dans toutes les régions du Québec. Il nous semble qu'il serait indiqué de confier à Radio-Québec un rôle de premier plan dans le rayonnement de la culture québécoise et dans la réalisation de nos objectifs de développement culturel. Cela, bien sûr, amène à poser la question d'un financement plus adéquat et le renforcement de la mission culturelle de Radio-Canada qui s'est affaiblie au cours des dernières années. Nous sommes d'accord avec la suggestion qui a été mise de l'avant par le ministère des Communications pour rapatrier toute la compétence législative et administrative dans le domaine des communications. Nous appuyons fortement, donc, l'objectif d'un tel rapatriement.

Enfin, nous attirons votre attention sur les bibliothèques publiques qui sont reconnues par l'UNESCO comme une responsabilité des pouvoirs publics. Nous regrettons que le rapport Arpin n'ait pas davantage développé sa réflexion sur l'accessibilité du public a la lecture. Nous demandons donc à la commission parlementaire de remettre à l'ordre du jour les 76 recommandations du rapport Sauvageau, de réviser la Loi sur les bibliothèques publiques qui est vieille de plus de 30 ans et de développer une politique dynamique à l'égard des bibliothèques publiques en affirmant sa volonté politique d'y investir les montants nécessaires. À notre avis, une bibliothèque, ce n'est pas qu'un dépôt de livres, c'est un lieu d'animation culturelle.

Maintenant, un financement adéquat des arts et de la culture. Les artistes portent les arts et la culture à bout de bras, au Québec. C'est elles et c'est eux qui en assurent le financement. Leur condition d'artiste constitue une injustice sociale criante avec un taux de pauvreté qui dépasse 80 %. Il y a donc un sous-financement dans le secteur culturel qui a pour effet de limiter l'accès aux arts et à la culture et qui maintient les artisans, une bonne proportion d'entre eux, dans un état de pauvreté inacceptable. Pourtant, notre société s'identifie fortement aux arts et à la culture. La vitalité de notre culture québécoise est remarquable, mais fort probablement y a-t-il une illusion entretenue par les médias qui présentent les gagnants dans nos artisans et nos artisanes et qui vient déformer la perception populaire et occulter le sous-financement qui existe dans le secteur culturel.

On peut bien dire qu'il y a étroitesse du marché potentiel, qu'il y a diversification des activités de loisir, qu'il y a plafonnement de la demande, qu'il y a quasi-impossibilité d'enregistrer des gains de productivité, toutes ces raisons sont là, mais n'expliquent pas tout. L'activité artistique et culturelle répond à des impératifs. C'est un bien public et l'État québécois se doit d'être le maître d'oeuvre de l'épanouissement de la culture et des arts au Québec.

Nous souscrivons à la vision qui réclame l'injection de ressources financières en vous disant que nous ne devons pas considérer ces investissements comme une dépense d'épicerie, mais comme un investissement collectif. Je pense qu'il y a là des comparaisons, des parallèles à faire avec ce que nous disons autour de l'éducation. Tout autant les dépenses en éducation sont un investissement collectif, les dépenses dans le domaine culturel sont également un investissement collectif.

Le situation géopolitique du Québec justifie un investissement culturel gouvernemental accru. L'objectif du 1 % qui est souvent réclamé, à notre avis, semble un leurre parce qu'il ne serait qu'un cataplasme sur une situation qui est dramatique dans certains cas. Bien sûr, on nous parlera de la contrainte financière de l'État, mais nous devons constater qu'il y a des manques à gagner qui sont le résultat de certaines concessions fiscales qui n'ont pas fait l'objet d'évaluation, qui représentent des pertes de centaines de millions en recettes et qui n'ont pas été des mesures efficaces aux plans économique et social. À notre avis, quand on aborde la question des contraintes financières de l'État, ça nous amène à réclamer une commission d'enquête sur la fiscalité québécoise. Nous avons vraiment à regarder le problème dans son ensemble.

Nous préconisons le rapatriement à Québec de tous les pouvoirs normalement dévolus. Ces compétences vont s'accompagner de ressources fiscales qui permettront au Québec d'être véritablement le maître d'oeuvre du projet culturel québécois et cela, même si certaines associations, particulièrement dans le cinéma, ont peur de perdre la manne fédérale. Il faudrait rappeler que la manne fédérale, c'est nos impôts tout simplement et qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter outre mesure.

La part des municipalités dans les dépenses publiques au titre des arts et de la culture est faible, au Québec, à peine 22 %. C'est ce qui explique que, dans les régions, les bibliothèques publiques, les musées privés et les salles de spectacle manquent de moyens. Si on peut convenir qu'il y a lieu de faire des municipalités un intervenant déterminant, qu'il y a une nécessaire décentralisation à envisager, il ne

faudrait pas que, dans les faits, cela soit un délestage de responsabilités et un affaiblissement de financement qui viendraient empirer une situation.

Nous sommes surpris que le rapport Arpin soit aussi timide au niveau du financement. C'est vraiment la partie où on est le plus dans le flou artistique et dans les voeux pieux. Il nous semble que miser seulement sur des mesures incitatives, c'est aléatoire, que c'est également inéquitable parce que les effets par rapport à la strate de revenus et à l'économie d'impôt ne sont pas les mêmes. Enfin, ce n'est pas un financement qui est garanti de stabilité. Nous pensons également qu'affecter les recettes de la TVQ au soutien de la culture nous apparaît comme une drôle de mesure; surtout au moment où on va surseoir à l'application de la TVQ et où on se rend compte des effets nocifs de la TVQ, il nous semble que ce n'est pas réaliste de réclamer l'affectation des recettes de la TVQ. Il nous semble, au contraire, qu'il faille envisager cela par une fiscalité progressive et équitable.

Enfin, sur le mécénat. Nous ne sommes pas contre le mécénat, mais ce n'est pas une formule de financement d'avenir pour le secteur culturel. C'est même le contraire d'une démocratisation des choix culturels.

Éducation et culture, la dernière partie. Pour assumer le progrès culturel du Québec, il faut redonner la priorité à l'éducation parce que c'est sur l'école qu'on doit d'abord compter et miser pour réaliser une véritable politique éducative et culturelle. Une politique de promotion de la culture québécoise qui ne mettrait pas l'accent sur la revalorisation et sur l'amélioration de l'éducation scolaire serait incomplète et vouée à l'échec. À cet égard, quelques recommandations.

Le Président (M. Gobé): Mme Pagé, je vous demanderais de conclure peut-être un peu plus rapidement...

Mme Pagé: Oui.

Le Président (M. Gobé): ...parce que le temps est maintenant dépassé, pour pouvoir favoriser la discussion après peut-être.

Mme Pagé: Parfait. Alors, rapidement, vous dire qu'en règle générale nous souscrivons à l'approche du Conseil supérieur de l'éducation sur l'éducation culturelle, sur le fondement de l'éducation artistique. Un bémol que je dois vous signaler immédiatement, c'est quand le rapport Arpin dit que le ministère de l'Éducation avance dans la bonne direction quand il met des programmes d'éducation artistique à l'intention des élèves doués. Pour nous, l'éducation artistique ne doit pas être réservée aux enfants doués. Elle est un facteur de motivation et d'intégration pour les enfants en général. L'éducation artisti- que doit être le lot de tous les élèves, pas seulement celui des élèves doués. À cet égard-là, nous avons une réserve très marquée par rapport à l'orientation du rapport Arpin.

Enfin, un dernier bout sur les bibliothèques scolaires. Le rapport Arpin est muet sur les bibliothèques scolaires. C'est une grave lacune, à notre avis. La bibliothèque, c'est le parent pauvre de l'école québécoise et elle est dans une impasse, notre bibliothèque scolaire. Il n'y a pas de disposition législative. Dans la Loi sur l'instruction publique, il n'y a rien sur les bibliothèques scolaires. La bibliothèque scolaire ne figure pas au chapitre des services éducatifs proprement dits. Il y a donc un vide juridique, un manque de ressources. Nous demandons à la commission parlementaire et au gouvernement de reconnaître le rôle essentiel de la bibliothèque à l'école, de combler le vide juridique, d'accorder les crédits nécessaires, de prévoir un volet de formation des élèves à l'utilisation des documents et de mettre sur pied des tables de concertation avec les Affaires culturelles pour élaborer et mettre en oeuvre une politique de lecture publique qui favoriserait la coordination entre les bibliothèques publiques et les bibliothèques scolaires.

Donc, nous attendons beaucoup du gouvernement. Nous attendons de l'État québécois qu'il élabore et mette en oeuvre une politique culturelle qui soit québécoise, qui se réapproprie les moyens d'une politique, qu'il prenne au sérieux sa responsabilité, qu'il en fasse le point de repère obligé de ses décisions politiques et qu'il reconnaisse le droit à la culture comme fondamental pour les Québécoises et les Québécois.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la présidente. Je vais maintenant passer ta parole au côté gouvernemental. Vu que nous avons le plaisir et l'honneur d'avoir avec nous M. le ministre de l'Éducation qui désirait intervenir, je demanderais le consentement des membres de cette commission parce que, lorsqu'un député n'est pas membre d'une commission, ça requiert, pour qu'il puisse intervenir, le consentement unanime des membres de cette commission. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, M. le député de Shefford.

M. Boulerice: Sous réserve... Sérieusement, M. le Président, avec plaisir. Je pense qu'on est très heureux d'avoir le ministre de l'Éducation avec nous aujourd'hui. Il est d'ailleurs le premier des ministres qui se présente et on en est vraiment très heureux.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Charlevoix.

M. Boulerice: J'ose espérer que vous serez solidaire de votre ministre.

Le Président (M. Gobé): M. le ministre, vu

qu'if y a consentement, il nous fait plaisir de vous céder la parole. Vous pouvez commencer le dialogue avec Mme la présidente de la CEQ.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier mes collègues de me permettre de faire part, pendant quelques minutes seulement... Je n'ai pas l'intention d'abuser du temps de cette commission. On sait que le temps est très limité et que les collègues veulent poser des questions. D'abord, je voudrais saluer Mme la présidente de la Centrale de l'enseignement du Québec, Lorraine Pagé, ainsi que M. Laberge qui l'accompagne, et les remercier de participer à ce débat très important.

Le rapport Arpin vient établir des références à ce qui pourrait être fait au Québec dans le cadre de notre responsabilité, pour que la culture, sous tous ses angles, se véhicule dans notre société, soit bien ancrée et bien enracinée. Ça interpelle évidemment plusieurs ministères dont le mien, principalement le ministère de l'Éducation. J'apprécie la présentation qui est faite par la Centrale de l'enseignement du Québec aujourd'hui. On reconnaît la Centrale, on reconnaît les enseignants et les enseignantes du Québec, des gens, pour 60 000 d'entre elles et d'entre eux, qui sont bien engagés dans une mission qui est essentiellement une mission éducative quotidiennement. J'ai eu l'occasion de lire le document et de prendre connaissance des grandes recommandations, des questionnements, des voeux, etc., qui y sont formulés. J'aimerais vous dire bienvenue au Parlement. Aussi, par ma présence ici, je veux indiquer non seulement à la Centrale de l'enseignement du Québec, mais à mes collègues la volonté très claire, très nette de travailler conjointement entre les ministères. (16 heures)

Dans ce document, c'est non seulement le ministère des Affaires culturelles, sous la responsabilité de ma collègue, Mme Frulla, mais aussi le ministère des Communications et le ministère des Communautés culturelles, etc. Je crois que la production de ce document - j'avais d'ailleurs eu l'occasion de l'indiquer, non pas comme ministre de l'Éducation mais aussi comme leader parlementaire du gouvernement, quand j'avais confirmé la tenue de cette commission parlementaire dès le moment du dépôt du document le 14 juin dernier... C'est une consultation quand même très vaste puisque c'est un nombre important, appréciable mais aussi en même temps intéressant; c'est intéressant qu'autant d'organismes se manifestent pour faire valoir leur perception des différents créneaux qui devraient être privilégiés par le gouvernement et par la société en général.

Mme Pagé, merci. J'ai bien apprécié le premier commentaire de votre document: "Être ensemble est une immense opération, une orchestration infiniment complexe, dont le chef invisible est la conviction partagée que cet ensemble existe, qu'il a un sens à travers l'histoire, qu'il nous faut y être attentifs afin qu'il ne se relâche pas, et que cette attention à plusieurs hauteurs a des des synomymes qui sont liberté, démocratie, justice sociale, humanité. Le plus grave désastre qui puisse menacer un peuple n'est pas l'anéantissement militaire, c'est l'indifférence de ses membres à la forme de son avenir." C'est une citation de M. Emmanuel, aux Éditions du Seuil, 1971. Je reconnais là votre organisme, votre association et c'est bien qu'il en soit ainsi.

Quelques commentaires. Depuis le dépôt du document, le ministère de l'Éducation, immédiatement après son dépôt, mon équipe sous-ministérielle et les membres de mon équipe immédiate ont procédé à l'analyse du document. Déjà, je peux vous donner l'assurance que mon ministère et le ministère des Affaires culturelles, par la voie de nos deux sous-ministres respectifs, sont au travail dans une perspective d'intervention véritablement intégrée en fonction d'objectifs communs que nous partageons et auxquels on réfère ici. On n'a qu'à citer la participation du ministère de l'Éducation dans des démarches qui interpellent le ministère des Communications et aussi les Affaires culturelles avec Radio-Québec. Il se fait de belles choses chez nous et on doit mettre davantage d'accent via des structures comme celles de Radio-Québec qui font la fierté des Québécois.

Vous avez référé aux bibliothèques scolaires. Mme Pagé, là-dessus, je dois vous indiquer ceci. En 1991-1992, j'ai fait part, au moment de l'énoncé budgétaire, de l'obligation que nous avions de régler ou de pourvoir à des investissements importants pour doter nos écoles secondaires de laboratoires, compte tenu que l'enseignement des sciences devient obligatoire à partir de cette année, l'an prochain. Mais j'avais à ce moment-là indiqué très clairement et formellement au nom du gouvernement que la prochaine étape, pas prochaine étape en termes de calendrier sur une période prolongée, mais prochaine étape d'investissements ad hoc spéciaux, ce serait adressé aux bibliothèques scolaires. J'ai été à même de visiter de nombreuses écoles au Québec et j'ai été à même de voir en même temps des carences très très évidentes, très grandes. Et c'est définitif qu'une école, c'est une âme, c'est du capital humain qui l'articulent, qui la font vivre quotidiennement. Ils font vibrer la démarche éducative parce que la démarche éducative va au-delà uniquement et simplement des résultats scolaires. L'école est de plus en plus interpellée et l'attente de la société, c'est de plus en plus évident que l'école est perçue comme devant être le carrefour de formation, d'éveil à la connaissance, de stimulation, bon, etc. Et, pour moi, un des principaux carrefours dans l'école, ça doit être la bibliothèque. La bibliothèque dans l'école doit s'inscrire de façon complémentaire à la famille, ce qui se vit dans la famille parce que ça sera toujours la première

référence de développer le goût de l'apprentissage. Ça, ça doit puiser sa source dans la famille. Mais comme l'école doit s'inscrire de plus en plus de façon complémentaire et même, dans certains cas, de façon supplétive à la famille, la bibliothèque scolaire et non seulement la bibliothèque comme espace physique mais aussi la bibliothèque avec le personnel qui y est affecté et la dynamique qui se crée peut constituer, selon moi, un élément de fond dans le goût d'apprendre. Et, à cet égard-là, merci de l'avoir signalé encore aujourd'hui. Vous savez que j'endosse la très très grande majorité des objectifs que vous poursuivez, des moyens que vous nous demandez de prendre. Donc, j'ai bon espoir que, pour 1992-1993, on soit en mesure de voter un montant substantiel pour faire face à cette responsabilité qui est la nôtre.

Autre élément. Nous entendons, les Affaires culturelles et l'Éducation, travailler de façon beaucoup plus étroite pour - excusez-moi le terme - optimaliser, finalement, nos investissements. On a eu l'occasion, ma collègue et moi, d'inaugurer des bibliothèques qui servent à la fois à des fins scolaires mais qui servent aussi pour l'ensemble de la population soit des quartiers ou des villages. Et la bibliothèque, dans cette forme de concept municipal et scolaire, ça devient souventefois la seule ou la principale référence culturelle du secteur, de la municipalité ou du quartier parce que ça déborde, évidemment, le livre. Ça va à la musique, ça peut aller aux expositions, les ateliers, l'animation, bon, etc.

Autre élément aussi, j'ai l'intention, je l'ai indiqué dans le cadre de ma tournée, de privilégier, d'inciter les commissions scolaires à faire davantage en ce qui concerne les arts d'interprétation. J'espère, je suis persuadé que la Centrale de l'enseignement du Québec va y souscrire. On a beaucoup de... Exemple concret, je me suis inquiété quand j'ai constaté que probablement 80 % des élèves qui suivent des cours de théâtre dans nos écoles, 80 % probablement, n'ont jamais vu une pièce de théâtre, de visu, soit à la Place des Arts, soit au Grand Théâtre, peu importe à quel endroit. Pour moi, on doit ramener le monde des affaires à l'école mais on doit aussi accroître la présence de celles et ceux, finalement, qui, soit par leurs chansons, soit par leurs écritures, soit par le théâtre, peu importe, véhiculent qui nous sommes et on doit les ramener à l'école. À cet égard-là, j'entends associer pleinement et entièrement les artistes du Québec à nos activités et particulièrement dans le cadre soit des activités complémentaires ou dans le cadre de concentrations. On a des écoles avec des concentrations en... On a des programmes enrichis dans le sport, sport-étude, bon, etc., et je crois qu'on devrait, mais non seulement on devrait, je peux vous dire que j'entends, comme ministre de l'Éducation, développer ces créneaux comme le théâtre, la danse, bon, etc.

Mme Pagé, merci beaucoup d'être venue. Ça a été bien agréable. Je vais devoir m'excuser auprès de mes collègues. Je dois rentrer à Montréal, je dois rencontrer la CECM et le MEMO demain. Je dois rencontrer le président de la CECM ce soir, rencontrer les commissions scolaires, être près d'elles quand elles ont besoin d'être guidées, sans paternalisme et en vertu des pouvoirs qui m'appartiennent. J'entends d'ailleurs... Et là je ne veux pas faire de coq-à-l'âne, j'étais tellement surpris cet après-midi. Ces bonnes gens qui me demandent de l'argent, de l'argent, de l'argent. Il ne manque, il en manque, hein? J'ai l'intention de questionner entre autres la CECM demain sur le fait que, la semaine prochaine, 150 personnes du Québec, 150 Québécois, des gens des réseaux scolaires - Mme Pagé, vous ne serez peut-être pas surprise mais, en tout cas, moi, je l'ai été - de nos réseaux des commissions scolaires seront au congrès de la Fédération des directeurs d'école à Montpellier - j'ai vu le programme; c'est deux jours là-bas et un séjour de trois, quatre jours a Madrid avant et une couple de jours au retour - dont 22 de la CECM. Et, ensuite, on s'arrache les cheveux, chacun, chacune d'entre nous, pour lutter contre la pauvreté, pour améliorer les équipements et, parallèlement à ça, on dénonce les budgets du ministre. Alors, c'est le genre de question que je vais poser. Je vois votre assentiment, M. le député. Je dois dire que je vais questionner d'ailleurs Jérôme-Le Royer, votre commission scolaire, qui, hier, décidait d'envoyer un commissaire assister au lancement de la navette au Cap Canaveral. Alors, c'est le genre de... Je comprends que la mission du ministère de l'Éducation, c'est une mission fondamentale, noble, ça va de soi, c'est le fondement d'une société, mais j'ai appris aussi qu'on doit surveiller la façon dont l'argent est dépensé. Et merci de nous le rappeler à l'occasion, Mme Pagé.

Mme Pagé: Je voudrais en même temps vous rappeler qu'aux dernières nouvelles, à la CECM, il devait rester sept bibliothécaires en poste au grand maximum. Alors, au moment où on parle des bibliothèques scolaires, que vous parlez de la revitalisation des bibliothèques, il y a à se poser ce type de question sur les services éducatifs. On ne peut pas faire fonctionner une bibliothèque scolaire en ne comptant que sur le bénévolat des mères de famille.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Pagé. M. le ministre.

M. Boulerice: ...M. le ministre.

Le Président (M. Gobé): D'autant plus, M. le ministre, que j'étais au téléphone, lundi, avec le président de la commission scolaire de l'île pour

essayer de collecter 10 000 $ qui ont été coupés à l'école Montmartre à Pointe-aux-Trembles pour les services aux défavorisés et il me disait qu'il n'y avait pas de fonds à Jérôme-Le Royer. Peut-être que vous pourriez en parler au président...

M. Pagé: Vous aussi.

Le Président (M. Gobé): Je lai fait, M. le ministre, je l'ai fait. Je vous remercie beaucoup. Nous sommes fiers de vous avoir eu à cette commission. Soyez assuré, M. le ministre, que la culture et l'éducation, ça va de pair, et on sait que vous y croyez. On vous remercie, M. le ministre. Alors, Mme la ministre, il vous reste quelques minutes.

Mme Frulla-Hébert: Oui, il ne me reste que quelques minutes. Je pense que c'était important. Je remercie d'ailleurs très chaleureusement mon collègue parce que c'est vrai qu'ici on peut dire: Bon, oui, on travaille avec le ministère de l'Éducation, oui, c'est sérieux. Mais on voulait aussi vous montrer la preuve tangible que, oui, c'est sérieux.

Je veux revenir un peu à ce matin. Nous avons eu un groupe, les représentants du Regroupement des services universitaires d'animation culturelle et communautaire. Finalement, ils nous ont présenté un mémoire fort intéressant qui, basé sur certaines de leurs recherches, disait que, si le développement artistique n'avait pas lieu au primaire et au secondaire, c'était inutile de penser à développer des nouveaux marchés.

Il y a eu aussi des témoignages de gens, de groupes, par exemple, la Compagnie de théâtre pour jeunes, qui nous ont exprimé eux aussi leurs problèmes à travailler avec les commissions scolaires. Exemple, ils sont prêts à les recevoir, ils sont prêts a avoir des tarifs spéciaux, mais le problème, c'est le transport, par exemple. Les élèves qui doivent arriver à une telle heure versus une autre. Mme Pagé, comment on fait pour concilier les deux? Parce qu'il semble, de l'extérieur, vue de la ministre des Affaires culturelles, que le système est tellement rigide que, oui, on peut amener des écrivains à l'école, on peut amener... Mais, comme mon collègue disait, faire sortir les élèves, par exemple, surtout les jeunes... Au niveau universitaire, c'est moins... On se regroupe ensemble et on organise une activité. Mais les jeunes, il faut les organiser. Il me semble que c'est tellement difficile. Est-ce que c'est vrai qu'il y a une rigidité à ce point-là au niveau du système, au niveau des commissions scolaires?

Mme Pagé: II y a une certaine forme de rigidité, effectivement, et c'est dommage que le ministre de l'Éducation soit parti parce qu'un des éléments que nous lui avons signalés, autour de sa réflexion sur le calcul resserré du nombre de jours de classe, c'est que ça introduirait une nouvelle forme de rigidité. Parce que nous savons qu'il y a des administrateurs scolaires qui vont prendre prétexte de cela pour mettre fin à des expériences, ce que j'appelle, moi, de l'école "hors les murs" parce que l'éducation culturelle ne peut pas se faire que dans les murs de l'école, il y a une éducation "hors les murs".

Et ces nouvelles consignes autour du nombre de jours, du nombre d'heures de classe vont amener un resserrement au niveau du fonctionnement général des commissions scolaires, vont accroître les normes administratives et vont parfois venir nous priver d'une bouffée d'oxygène. Maintenant, il faut savoir qu'introduire de la souplesse, ça suppose une marge de manoeuvre financière et budgétaire. Parce que, quand on veut, par exemple, particulièrement dans les régions, où on est tributaires du transport scolaire, faciliter des déplacements des jeunes, ça suppose avoir les budgets qu'il faut pour du transport scolaire supplémentaire et cela doit faire partie d'orientations claires au niveau du ministère de l'Éducation ou du ministère des Affaires culturelles sur la priorité à accorder à certaines choses.

Et, malheureusement, il faut constater que par exemple, au niveau... Pour donner un exemple concret, pour illustrer ça quand les messages sont ambigus, quand le ministère de l'Éducation a fait disparaître le service des bibliothèques d'enseignement au ministère, quand les directions générales du ministère de l'Éducation ont diminué dans leurs services d'expertise, les commissions scolaires ont interprété cela comme moins d'importance aux bibliothèques scolaires, les budgets ont été décentralisés dans les écoles, au niveau des bibliothèques, et chacun des directeurs d'école a pris des décisions administratives qui ont desservi la mission des bibliothèques scolaires dans les écoles. S'il y a le même langage ambigu au niveau de l'éducation culturelle dans nos écoles, on va faire le même constat dans quelques mois, dans quelques années quant à la portée qu'auront eue nos bonnes intentions. (16 h 15)

Mme Frulla-Hébert: Vous dites, finalement, dans votre mémoire, que le ministère doit être partie prenante et non pas ne se fier qu'aux commissions scolaires. Mais, rapidement, parce que je veux laisser la chance aussi aux autres, au niveau des programmes, par exemple, on voit la popularité qu'a prise la dictée. On se souvient, dans notre temps, la dictée était un pensum épouvantable. Et là, tout à coup, on a des concours de dictée, nos jeunes... Et tout est parti de l'émission de Bernard Pivot, concours avec Radio-Québec, etc. Donc, il y a une interaction à faire. Mais est-ce que c'est possible de penser aussi, à l'intérieur même des cours, des programmes, au lieu d'enseigner de façon rigide, d'y aller peut-être d'une façon un peu plus, je dirais, libérale - dans un sens où tu fais

venir un écrivain, tu fais... - d'intégrer les ressources que l'on a présentement au Québec? Parce que nos artistes, nos écrivains, tout ça, nous disent: On veut bien mais on n'a pas toujours l'accès. Donc, intégrer justement ces sources, ces forces vives et les amener aux enfants pour qu'ils apprennent non pas de livres mais de la bouche même de gens qui font justement la culture et qui y travaillent.

Mme Pagé: Je vous disais tantôt qu'une bibliothèque scolaire, ce n'est pas un dépôt de livres. C'est un lieu d'animation culturelle.

Mme Frulla-Hébert: Donc, vous servir de la bibliothèque...

Mme Pagé: Dans ce sens-là, on peut penser que la bibliothèque scolaire peut devenir un lieu, le moment où on va à la bibliothèque scolaire, un moment d'animation culturelle; à notre sens, c'est très important. Il y aura toujours de l'enseignement artistique qui devra se faire . par des spécialistes. Quand on pense à la danse, quand on pense aux arts, quand on pense à la flûte à bec ou au piano, on ne s'improvise pas professeur dans ces domaines mais les généralistes, les titulaires peuvent jouer un rôle très important dans l'éducation artistique. Encore faut-il qu'ils aient les instruments pédagogiques, qu'ils aient la formation, le perfectionnement pour pouvoir le faire, mais c'est possible. Et vous avez signalé la revalorisation qu'a connue la dictée. Mais je pense qu'une étape qui nous attend, c'est la revalorisation de la lecture parce que la lecture c'est l'accessibilité à la connaissance, au savoir, à la culture des autres, à notre propre culture et on pourrait aussi penser à l'apport pédagogique très important que pourrait représenter la chanson comme instrument d'acquisition du français, comme ouverture sur notre culture et la culture francophone en général. C'est une approche qui permet à la fois de lier l'expression rythmique avec l'expression des mots. Et cela est très important dans les modes d'apprentissage.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Pagé. Le temps est maintenant écoulé pour Mme la ministre. Je me rappelle avoir fait une émission de télévision avec vous à une époque où on avait parlé de la dictée, Mme Pagé.

Mme Pagé: De la dictée?

Le Président (M. Gobé): En 1985...

Mme Pagé: Oui.

Le Président (M. Gobé): ...et il y avait des gens qui m'avaient vilipendé parce que je voulais ramener la dictée et votre prédécesseur, M. Charbonneau, qui était avec nous, avait, au contraire, fait preuve de vision. Il avait dit: Un jour, elle va revenir; vous allez voir. Alors, je vois que c'est une suite dans...

Mme Pagé: La dictée est revenue. Là, il manque la lecture.

Le Président (M. Gobé): Peut-être qu'on pourrait vous inviter un jour... Peut-être que la commission...

Mme Pagé: Parce que là nos jeunes ne lisent pas beaucoup, voyez-vous. Peut-être font-ils plus de dictées mais ils ne lisent pas beaucoup.

Le Président (M. Gobé): Mais ça va venir. C'est le stade suivant, en effet. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.

M. Boulerice: Oui, Mme Pagé, M. Laberge, vous avez bien raison: La lecture prédispose à la dictée. À la page 39 de votre mémoire - je ne peux quand même pas oublier une très belle période de ma vie qui a été celle d'éducateur spécialisé auprès d'enfants en difficulté d'apprentissage - vous dites: "II existe de nombreux indices à l'effet que, loin de nuire aux autres apprentissages scolaires, la pratique des arts peut contribuer utilement à renouveler la motivation pour les études et ceci, aussi bien chez les élèves - entre guillemets - "ordinaires", que chez les élèves dits - toujours entre guillemets -"doués". Dans cette perspective, refuser aux plus démunis l'accès à un programme qui pourrait les remotiver et les revaloriser et ne l'offrir qu'aux doués nous apparaît tout à fait inacceptable." J'aimerais que vous nous en parliez un peu plus, Mme Pagé.

Mme Pagé: Ah oui! Je suis bien contente que vous me posiez cette question-là parce que c'est l'une des recommandations avec lesquelles nous avons le plus de divergence avec les auteurs du rapport Arpin. Je le répète, pour les auteurs du rapport Arpin, l'approche qui a été développée par le ministère de l'Éducation de soutenir des programmes particuliers au plan de l'éducation artistique pour les élèves doués est un pas dans la bonne direction. Pour nous, c'est le contraire d'un pas dans la bonne direction. Et je m'explique. Tout d'abord, il y a une approche là-dedans qui est vicieuse. Si on laisse croire que les seuls enfants qui peuvent bénéficier d'éducation artistique de qualité, ce sont ceux et celles qui réussissent dans les matières de base, ça vient renforcer un préjugé populaire à l'effet qu'il y a les matières importantes à l'école, et les matières qui ne le sont pas.

Or, pour le développement intégral de nos jeunes, toutes les matières sont importantes. De façon différente, en servant des objectifs différents, mais tout est important, y compris

l'éducation artistique. Et nous vivons dans des commissions scolaires présentement, des écoles où le programme d'éducation à la musique, par exemple, va se faire sous forme de concentration, avec des spécialistes. On va l'avoir pour la danse, on va l'avoir pour les arts plastiques. Mais, au même moment, dans les autres écoles de milieux populaires, de milieux défavorisés, de milieux ordinaires tout simplement, on n'aura pas de spécialistes en musique, on n'aura pas de spécialistes en arts plastiques, et là, finalement, un élément de motivation et d'intérêt pour des jeunes, qui parfois ont de la difficulté avec les approches intellectuelles, mais qui pourraient trouver du renforcement dans une approche qui fait appel à d'autres sensibilités, ces enfants-là n'ont pas cet apport de l'éducation artistique. Et en même temps, je le répète, on maintient l'approche que les seuls enfants qui peuvent avoir l'éducation artistique, c'est ceux qui n'ont pas de difficultés dans les matières importantes, parce que l'éducation artistique n'est pas une matière importante.

Et c'est ça qui est dangereux dans cette approche. Et c'est pour ça que nous sommes en désaccord avec l'accord que donnent les auteurs du rapport Arpin à cette approche qui s'est développée dans les commissions scolaires, la plupart du temps pour faire concurrence aux écoles privées, faut-il le dire. Sauf que l'école publique n'a pas à se mettre à ce niveau de concurrence avec l'école privée. Elle doit penser formation fondamentale et formation globale de nos jeunes.

M. Boulerice: Mme Pagé, on pourrait se référer à Pierre Emmanuel qui introduisait votre mémoire "... c'est l'indifférence de ses membres à la forme de son avenir". La CEQ n'a jamais souffert d'indifférence quant à la forme de l'avenir du Québec et de son peuple.

Pourquoi est-il illusoire de penser, comme le prétendent certains, que le Québec peut récupérer l'ensemble des responsabilités fédérales dans le domaine de la culture dans un régime fédéral? Et pourquoi le rapatriement ne peut être logiquement envisagé que dans le cadre de la pleine et entière souveraineté du Québec?

Mme Pagé: Je pense qu'il ne faut pas envisager le rapatriement seulement dans le cadre de l'indépendance ou de la souveraineté. Mais nous pensons que la première garantie de la pleine juridiction et de la pleine compétence, de la compétence des compétences dans le domaine culturel, c'est la souveraineté et l'indépendance nationale.

Et nous souscrivons à l'approche du rapport Arpin qui dit qu'il faut rapatrier les pouvoirs. Parce que rapatrier les pouvoirs, ça sera rapatrier les ressources financières, les ressources fiscales également. Mais nous disons que, pour avoir la pleine compétence, c'est par la voie de l'indépendance et de la souveraineté que ça doit passer. Parce que la culture, ce n'est pas que l'expression artistique, ce n'est pas que de décider si l'office du cinéma va être financé à même les impôts qu'on verse à Ottawa, ou à même les impôts qu'on verse au Québec. C'est une question qui est beaucoup plus large que cela et qui, à notre avis, doit vraiment se poser en faisant le lien de façon très étroite avec le projet d'avenir que nous portons, avec l'avenir de notre peuple, ainsi que M. Emmanuel le dit dans son introduction à notre mémoire. Et Henri peut compléter ma réponse.

M. Laberge (Henri): Oui, je voudrais compléter en disant que si c'était possible qu'on puisse récupérer tous les pouvoirs dans le domaine des communications et puis dans le domaine des affaires culturelles, à l'intérieur du régime fédéral, on ne serait évidemment pas contre ça. Sauf que ça nous semble assez illusoire, parce qu'il y a deux intérêts nationaux qui sont en contradiction ici, et puis qui sont légitimes.

C'est qu'il y a une culture canadienne, canadienne-anglaise qui a besoin d'être protégée également. Et je pense que ça serait impensable et ce n'est même pas souhaitable de demander au gouvernement fédéral de se délester de toute responsabilité à l'égard de la culture, et de se délester des instruments que sont, par exemple, le domaine des communications. Je pense que c'est important pour le Canada anglais que d'avoir un lieu où la culture nationale du Canada anglais est défendue et protégée.

Alors, demander simplement le transfert des pouvoirs dans le domaine culturel à l'ensemble des provinces, c'est une illusion et ce ne serait même pas souhaitable. Ce qu'il faut demander, c'est que le Québec les ait, parce que le Québec a une culture différente à défendre.

M. Boulerice: Mme Pagé, vous qui, mardi, inauguriez la sculpture de Pacijou ici à Québec, dans la quartier Saint-Roch, savez fort bien que ces valeurs humanistes que les enseignants tentent de donner aux enfants dans nos écoles peuvent être facilement détruites par certains médias, notamment celui qui nous est le plus accessible, qui est la télévision. La question que j'aimerais vous poser: Est-ce que vous croyez qu'une politique culturelle peut prétendre être une véritable politique culturelle si elle n'intègre pas la dimension des communications, notamment l'importance de la télévision, comme je vous l'ai souligné?

Mme Pagé: Non.

M. Boulerice: Ce ne serait pas une vraie politique des arts et de la culture.

Mme Pagé: Exactement, parce que la

culture, ce n'est pas que le théâtre, ce n'est pas que la danse, ce n'est pas que les beaux-arts. Pour la majorité de nos jeunes enfants, de nos adolescents, leur premier contact avec la culture, c'est par le biais de la télévision. Dans certains cas, c'est même leur seul contact culturel. Tantôt, on parlait du faible taux de lecture. Donc, quand on fait ce constat de la réalité, on s'aperçoit bien que la culture, ça ne peut pas, en 1991, se concevoir sans aborder la question des communications et de la radiotélédiffusion parce que. c'est un segment de notre vie culturelle qui va constamment en prenant de l'importance et qui a de plus en plus de rayonnement, et qui rentre partout, dans tous les foyers, à toutes les heures du jour et de la nuit.

M. Boulerice: En dernière question, Mme Pagé. Tout en étant favorable aux grandes orientations du rapport Arpin, vous déplorez la timidité des propositions du rapport quant au financement des arts et de la culture. Est-ce que vous pourriez peut-être élaborer davantage, notamment sur la nécessité d'élargir le débat alentour du 1 %?

Mme Pagé: Oui. Vous rappelez, donc, que sur le rapport Arpin nous trouvons qu'au niveau du financement on est dans le flou artistique. Les positions qui sont mises de l'avant ne nous semblent pas donner des garanties de stabilité dans le financement. C'est le cas, par exemple, des approches volontaires ou des mesures... Je ne me souviens plus du terme exact.

M. Boulerice: Incitatives.

Mme Pagé: ...incitatives. C'est le cas du mécénat. Ce ne sont pas des choses mauvaises en soi, mais qui ne sont sûrement pas suffisantes, qui ne donnent pas les garanties de stabilité dans le financement et qui ne donnent pas les garanties non plus quant à la démocratisation du financement. Le 1 %, c'est un objectif qui est souhaitable. Affecter 1 % de son budget à la culture, il n'y a personne qui sera contre cela, mais, si on ne fait que ça, c'est un cataplasme sur une jambe de bois, parce que ça ne réglera pas le problème de fond qui est le sous-financement de la culture au Québec. C'est pour ça que la culture n'est pas accessible dans toutes les régions. C'est pour cela que nos artisans et nos artisanes vivent dans une situation de pauvreté. Tant qu'on n'aura pas trouvé des solutions permanentes à cela, nous continuerons de perpétuer le problème.

À cet égard-là, il nous semble que le rapport Arpin, les membres du comité Arpin auraient dû scruter plus attentivement les suggestions qui étaient contenues dans le rapport Coupet. À la page 34 de notre mémoire, nous en signalons quelques-unes: des fonds régionaux pour le développement des arts et de la culture; des programmes de soutien à l'emploi de gestionnaires dans les organismes artistiques et culturels; une société de financement des industries et des activités culturelles. Il y avait là des hypothèses, dans le rapport Coupet, et les membres du comité Arpin auraient dû regarder ça de façon beaucoup plus attentive. Je conclus en disant que, de toute façon, notre sentiment, c'est que nous sommes rendus à un débat public sur la fiscalité au Québec pour être capables de regarder les choses dans leur ensemble.

Le Président (M. Gobé): Merci. M. le député, en terminant. (16 h 30)

M. Boulerice: Le président me demande, Mme Pagé, M. Laberge, chers amis, de conclure. Je conclurai très brièvement en deux points. Le premier. En introduction, vous avez situé les grands champs d'activité où la CEQ est toujours intervenue, de façon imminente d'ailleurs, et, lorsqu'on n'a pas écouté sa voix et qu'on ne l'a pas prise en considération, nous avons dû refaire nos devoirs comme hommes politiques ou femmes politiques. Première chose. Deuxième chose, pour ajouter à la question. Il aurait peut-être fallu aussi prendre en considération le Conseil des Affaires sociales sur le Québec cassé en deux. N'en convenez-vous point?

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, un petit mot de remerciement à Mme la présidente de la CEQ?

Mme Frulla-Hébert: Oui. D'abord, un gros merci. Il y aurait une foule de questions que j'aurais voulu explorer avec vous, mais, évidemment, ce n'est que partie remise parce qu'il faut l'élaborer aussi, cette politique. Si on est ici, c'est parce qu'on a un profond besoin de changement et cette volonté de changement, bien, elle est ici. Alors, encore une fois, un gros gros merci et félicitations encore pour votre mémoire.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame.

Mme Pagé: La commission parlementaire sera terminée bientôt, en tout cas, notre comparution est terminée, mais je peux vous dire que nous sommes disponibles à la fois pour vous rencontrer ou pour travailler au sein de comités de travail entre le ministère de l'Éducation et le ministère des Affaires culturelles pour aller plus loin dans la réflexion, particulièrement au chapitre de l'éducation culturelle. Vous pouvez compter sur notre disposition et notre collaboration et notre expertise.

Le Président (M. Gobé): Alors, Mme Pagé, M. Laberge, je vous remercie. Mme Pagé, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous faire savoir tout l'intérêt que nous avons

eu à vous écouter et à prendre connaissance de votre mémoire et je peux vous assurer que nous en prendrons bonne note dans l'élaboration de nos prochaines politiques. Ceci met fin à votre audition et vous allez donc pouvoir maintenant vous retirer. Je vais accueillir le groupe suivant, les représentants du Grand Conseil des Cris du Québec.

M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous aviez une demande spéciale que vous m'avez faite en attendant que les gens s'installent, peut-être?

M. Boulerice: Oui, effectivement, M. le Président. Je devrai quitter immédiatement pour Montréal, mon père ayant été hospitalisé. J'écouterai l'intervention de M. Saganash; je serai remplacé par mon collègue, le député de Duples-sis. Je vous demanderais de m'excuser auprès des représentants de l'Université du Québec à Trois-Rivières; mon collègue, M. Paré, les interrogera. Et, dans le cas de la ville de Longueuil, je vous prierais de m'excuser auprès de M. le maire Ferland; ma collègue, Mme la députée de Marie-Victorin, me remplacera. Je demanderai à mes autres collègues de bien vouloir m'excuser, mais je pense qu'ils comprennent les circonstances de ce départ.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, nous comprenons et nous compatissons avec vous. Nous souhaitons un bon rétablissement à votre père et vous allez nous manquer pour la suite de cette audience car votre présence est toujours dynamique et très stimulante pour les débats de cette commission.

Alors, j'accueille maintenant M. Diom Roméo Saganash, qui est chef exécutif et vice-président du Grand Conseil des Cris. Bonjour, monsieur. Vous pouvez commencer la présentation de votre mémoire.

Grand Conseil des Cris

M. Saganash (Diom Roméo): M. le Président. (S'exprime dans sa langue).

Mme la ministre des Affaires culturelles, membres de la commission parlementaire, c'est avec un vif intérêt que le Grand Conseil des Cris s'associe aux travaux de la commission parlementaire chargée de faire l'examen de la politique de la culture et des arts, telle que proposée par le groupe-conseil placé sous la présidence de M. Roland Arpin.

Dans un contexte sociopolitique fortement marqué par les débats constitutionnels et les questions économiques, il est rafraîchissant de constater en effet qu'il y a un forum, au plus haut niveau, qui s'intéresse à la place centrale de la culture dans la société québécoise. Il est vrai qu'à cet égard le groupe-conseil a lui-même donné l'exemple en faisant un vibrant plaidoyer pour faire reconnaître l'importance de la dimen- sion culturelle dans notre vie collective.

Les Cris, M. le Président, n'ont évidemment pas la prétention de parler au nom des autres nations autochtones. Cependant, il y a, en regard de la culture, une profonde communauté de valeurs entre les autochtones, ne serait-ce qu'en raison des batailles que nous avons dû faire pour préserver notre identité. Il est donc fort plausible que nos propos rejoignent les préoccupations d'autres nations à l'endroit de la culture.

Dans le première partie du mémoire, nous commentons brièvement le rapport Arpin avant d'aborder plus directement, dans une deuxième partie, la problématique du développement culturel autochtone et, dans la troisième partie, l'enjeu que représente la préservation de l'identité culturelle.

Le rapport Arpin a fait l'objet de nombreux commentaires, tantôt favorables, tantôt défavorables, tout en reconnaissant presque toujours qu'il constitue une solide base de discussion. Le grand mérite du document est sans doute de présenter une vision extrêmement dynamique de la culture comme force motrice d'une société. Nous sommes parfaitement en accord avec les trois principes généraux qui sous-tendent toute la démarche proposée. D'abord, la culture est un bien essentiel et la dimension culturelle est nécessaire à la vie en société, au même titre que les dimensions sociales et économiques. Ensuite, le droit à la vie culturelle fait partie des droits de la personne. Finalement, l'État a le devoir de soutenir et de promouvoir la dimension culturelle de la société.

Nous sommes également en accord avec la vision large de la culture, telle qu'elle est présentée tout au long du rapport, mais qui est remarquablement bien décrite dans deux paragraphes que l'on retrouve à la page 37 du rapport et qu'il n'est sans doute pas inutile de rappeler, et je cite: "La culture "vitalise" et exprime dans leurs gestes quotidiens la société et les individus. Manière d'être, de penser, de vivre, la culture ressortit au domaine des valeurs. Large enveloppe qui modèle les choix tant individuels que collectifs, elle appartient à l'ordre des fins. C'est ce qui la différencie notamment de l'économie qui, malgré son importance pour l'organisation sociale, appartient à l'ordre des moyens. "La culture est un fait concret. Elle repose sur une géographie donnée, sur une population, une histoire puisant à plusieurs sources; elle est le produit de la longue marche des nations, l'expression de la riche sédimentation occasionnée par l'expérience humaine. L'identité culturelle est composée de l'ensemble de l'évolution d'un peuple, des choix qu'il a faits et de ceux que lui impose l'histoire." Fin de la citation.

À la lecture de ce texte, M. le Président, on s'est dit qu'il devait y avoir une place pour la culture autochtone... et pourtant...

Le rapport fait complètement abstraction des cultures autochtones, comme si elles

n'avaient jamais existé, comme si elles n'existaient pas et comme si elles n'avaient jamais contribué à façonner la culture des Québécois, comme si elle n'avait aucune importance pour l'avenir... Simple oubli? Volonté délibérée? Exclusion des priorités? Nous nous le demandons.

La seule mention des autochtones tient en quatre lignes à la page 43 du rapport et se lit comme suit: "Plusieurs siècles avant les francophones, les Amérindiens et les Inuit habitaient déjà le territoire québécois. Ceux-ci ont tenu à sauvegarder leur identité culturelle." C'est très peu et un peu court.

Reste le prix de consolation de contribuer à faire une société diversifiée, à l'instar des néo-Québécois, de façon à fournir une forme de garantie d'ouverture au monde et un contrepoids au repli sur soi. Cette absence de préoccupation pour les cultures autochtones est d'autant plus difficile, M. le Président, à comprendre, que de tous les ministères québécois c'est probablement celui des Affaires culturelles qui a fait le plus d'efforts, modestes certes, mais louables quand même pour se rapprocher des autochtones.

Bref, il nous faut conclure que la proposition de politique sur la culture et les arts est faite sur mesure pour les Québécois d'origine francophone. Les nations autochtones ne peuvent pas se reconnaître dans cet énoncé de la politique. Ils sont victimes du même procédé de laminage culturel, entre guillemets, que l'on reproche souvent à Ottawa dans le cas des francophones et qui ramène les peuples ou les nations à une collection d'individus en con-curence libre sur le marché de la culture.

Cependant, il est possible pour les nations autochtones de faire une autre lecture du rapport par voie de comparaison avec la majorité francophone du Québec qui, ne représentant que 3 % de la population dans la masse anglophone de l'Amérique du Nord, n'a pas d'autre choix que de se redonner les leviers et les pouvoirs nécessaires pour protéger et développer sa spécificité. C'est cette lecture du rapport que nous préférons et nous aurons l'occasion d'y revenir plus loin après avoir traité de la problématique du développement culturel en milieu autochtone.

On comprendra sans doute qu'il est impossible, en quelques pages, de faire état de toute la complexité du développement culturel chez les nations autochtones, d'autant plus que nous avons affaire non pas à une seule culture, mais à plusieurs. Notre intention est plutôt d'indiquer les principaux paramètres à considérer pour qui veut saisir la réalité des cultures autochtones.

Ce n'est pas faire injure à l'histoire que de faire la constatation que, depuis les premiers contacts avec les Européens, les premières nations de ce continent ont vécu une véritable dépossession. Dépossession de nos terres par l'exploitation souvent abusive de nos ressources et dépossession de nos cultures par les nombreuses tentatives d'assimilation. Pour des raisons qui tiennent sans doute à la force même de nos cultures, nous avons réussi à survivre comme nations et, dans la plupart des cas, à préserver nos langues si importantes pour assurer le maintien et le développement de nos cultures. Aujourd'hui, la bataille est loin d'être gagnée, mais les conditions internes aussi bien qu'externes ont changé de sorte qu'il apparaît possible à terme de réapproprier pleinement nos cultures. Cependant, il est évident que la dépossession a laissé des traces profondes sous forme de perte d'identité culturelle et de problèmes sociaux de toute nature qui l'accompagnent. Il faut du temps pour se relever, retrouver sa dignité et réapproprier sa culture.

Ce qui caractérise la culture autochtone, au-delà des différences entre nations et communautés, c'est une relation privilégiée avec la terre considérée comme mère nourricière. "Nous appartenons à la terre, nous ne la possédons pas", dit-on souvent pour expliquer cette relation particulière qui permet à l'être humain d'entrer en communication avec les êtres vivants et les éléments de la nature qui forment "le cercle sacré de la vie", chacun ayant sa place et formant avec les autres un équilibre constant, mais facile à rompre. Dans cette perspective, le patrimoine culturel, c'est d'abord le territoire avec ses lacs, ses rivières, ses forêts, sa faune et sa flore que nous avons nommés et pour lequel nos langues disposent d'une variété presque infinie de mots quand il s'agit de les décrire. Dans cette perspective aussi, les mégaprojets de développement, sous forme d'exploitation forestière, minière ou hydroélectrique, frappent au coeur de notre culture en plus, bien entendu, de déranger notre mode de vie. Dans cette perspective encore, les concepts modernes de développement durable, d'exploitation soutenable et de gestion intégrée des ressources rejoignent les fondements de la culture autochtone. Il faut reconnaître que cette notion de patrimoine naturel est assez éloignée du patrimoine tel que défini généralement et qui fait référence à l'architecture, à l'aménagement du territoire, à la littérature.

En outre, ce patrimoine est extrêmement précieux, non seulement pour les autochtones, mais pour l'ensemble de l'humanité comme en témoigne un extrait souvent cité du célèbre rapport Brundtland: "Ces communautés, disait le rapport, sont dépositaires d'un riche patrimoine de connaissances et d'expériences traditionnelles qui rattachent l'humanité à ses origines lointaines. Leur disparition est une perte pour toute la société qui aurait beaucoup à apprendre de leur savoir-faire traditionnel à gérer rationnellement les systèmes écologiques très complexes. Par une ironie terrible, lorsque le développement s'enfonce dans les forêts pluviales, des déserts et d'autres environnements isolés, il tend à détruire les seules cultures qui aient réussi à prospérer dans les environnements." Fin de la citation.

Si les cultures autochtones partagent une philosophie commune en regard du territoire, il faut bien reconnaître que, pour le reste, elles sont extrêmement diversifiées et composent une mosaïque remplie de nuances de toutes sortes. Différents facteurs expliquent cette diversité: géographie, histoire, degré de contact avec les autres cultures, préservation de la langue, etc. Cette diversification ou cette absence d'homogénéité n'est qu'un signe parmi d'autres que les cultures autochtones ne sont pas figées dans le temps et qu'elles évoluent comme toutes les cultures.

À voir l'effervescence culturelle que l'on retrouve actuellement dans plusieurs de nos communautés...

Le Président (M. Gobé): M. Saganash, je veux vous avertir que le temps qui vous est imparti est maintenant écoulé. Si vous voulez que nous commencions la discussion, je vous demanderais de bien vouloir conclure peut-être votre présentation. Je vois qu'il vous reste une dizaine de pages à peu près. Malheureusement, nous n'aurons pas le temps de tout traverser ce mémoire.

M. Saganash: J'aurai...

Le Président (M. Gobé): Mais je vous assure que les membres de la commission en ont pris connaissance. Lorsqu'on les reçoit, on en fait lecture. (16 h 45)

M. Saganash: Alors, on aura probablement l'occasion de discuter des aspects québécois et canadiens, et de l'intervention de ces gouvernements dans... Est-ce que vous me permettez de conclure?

Le Président (M. Gobé): Oui, allez-y, une petite conclusion.

M. Saganash: En conclusion, M. le Président, les nations autochtones, tout au long de leur histoire, au début par leurs propres moyens, ensuite par isolement, ensuite encore par la résistance, aujourd'hui par choix, ont toujours voulu se développer à partir de leur propre héritage culturel. Comme pour les autres nations engagées dans un processus de réappropriation de leur culture, nations dont le nombro no cossu do s'accroître comme en témoignent les bouleversements qui se passent actuellement dans les pays de l'Est, les premières nations de ce pays veulent récupérer les pouvoirs nécessaires pour survivre et se développer conformément à leur génie propre.

Loin d'être un repli sur soi, la démarche d'autonomie des nations autochtones s'inscrit naturellement dans le courant de l'histoire moderne, caractérisée, d'une part, par la mondialisation des échanges et, d'autre part, par la reconnaissance des diversités des cultures. Pour ceux et celles qui n'en seraient pas encore convaincus, je me permets de citer, en terminant, les propos à cet égard - à l'occasion d'une récente entrevue accordée au journal Le Devoir - par M. Maurice Strong, ce haut fonctionnaire d'origine canadienne aux Nations unies qui est estimé par ses pairs au point d'être considéré comme le "gardien de la planète": "Le mouvement général vers l'autonomie et vers les micro-États fait partie d'un processus d'universalisation. Car tous les pays croient qu'ils sont uniques. Et c'est vrai que chaque culture a ses aspects uniques. Les gens sentent qu'ils ont besoin de s'asseoir sur des racines solides, profondes. Ce n'est pas mauvais en soi, ce qui est mauvais, c'est lorsque cette culture se replie sur elle-même, imperméable à toutes les autres cultures."

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, M. Saganash. Je vais maintenant demander le consentement des membres de cette commission, en vertu de l'article 132, qui veut qu'un député qui n'est pas membre d'une commission puisse intervenir s'il y a consentement, au bénéfice du député de Laurier et ministre délégué aux Affaires autochtones. Est-ce qu'il y a consentement?

Une voix: Avec plaisir.

Le Président (M. Gobé): Bien entendu, par la suite nous reviendrons pour vous, la même chose, M. le député. Alors, M. le député de Laurier vous avez maintenant la parole. Je vous préviendrai une minute ou deux...

M. Sirros: Merci M. le Président. Pardon?

Le Président (M. Gobé): Je vous préviendrai un petit peu avant que vous n'ayez terminé pour passer la parole à Mme la ministre.

M. Sirros: D'accord. Merci beaucoup M. le Président. M. Saganash, c'est un plaisir encore de se retrouver, comme à chaque fois d'ailleurs. J'ai lu avec intérêt votre mémoire, tout le mémoire, même si vous n'avez pas eu le temps de le finir. J'aurais au moins trois interventions ou trois questions sur lesquelles je pense qu'on peut échanger un petit pou Dans votre mémoiro, vous reliez très étroitement culture et mode de vie autochtone. Vous mentionnez en particulier que ce qui caractérise la culture autochtone c'est la relation privilégiée qui est entretenue avec la terre, considère comme la mère nourricière. Et vous avez raison. Dans toutes les civilisations, culture et mode de vie sont effectivement étroitement liés. Vous réalisez cependant aussi qu'un bon nombre d'autochtones, et c'est votre cas en particulier, étant donné que vous avez vous-même fait des études universitaires, choisis-

sent d'avoir, pour une foule de raisons, un contact intensif avec d'autres modes de vie, et cela pour toutes sortes de raisons. Et donc, dans ce mode en mutation, il peut arriver que des éléments importants de votre culture se perdent, ou tout au moins qu'ils soient altérés à cause des contacts plus fréquents et prolongés avec les non-autochtones, et vice versa, ça peut arriver aussi.

Puisque ce sont là des changements qui se produisent actuellement dans votre milieu et qui vous préoccupent hautement, vous avez déjà envisagé des mesures concrètes qui seraient de nature non seulement à protéger la culture autochtone, mais à l'enrichir. D'ailleurs, toute la trame de votre mémoire fait en sorte que vous parlez nécessairement et avec raison de la nécessaire acquisition d'instruments, de leviers de pouvoir, de juridictions pour en quelque sorte assurer cette survie culturelle tout au moins. Et, dans ce sens-là, il me semble que vous pourriez peut-être nous faire part un peu de votre réflexion à cet égard, que vous nous indiquiez un petit peu comment on peut collaborer ensemble ou si on peut collaborer ensemble. Je le souhaite, je crois qu'on peut - et j'aimerais vous entendre sur ça - en vue d'atteindre ces objectifs.

M. Saganash: Le problème, actuellement M. Sirros, c'est qu'il y a, et le rapport Arpin est une preuve de ça, c'est qu'on a souvent tendance à oublier qu'il y a des autochtones dans cette province, dans ce pays. Que ce soit au niveau culturel, le rapport Arpin, je viens de le mentionner, en fait abstraction, que ce soit au niveau énergétique, que ce soit au niveau développement, il y a du mépris à l'égard de la culture autochtone et des autochtones en général. Alors, c'est ça, le problème. Les autochtones, et on a eu l'occasion d'en discuter avec plusieurs personnes, ne sont pas contre le développement, quelque forme qu'il prenne. On n'a jamais été contre le développement. On est contre le développement irrationnel, et vous savez pourquoi.

Ceci étant dit, je pense qu'il est important de le mentionner, si, demain matin, M. Sirros, votre gouvernement reconnaissait que le territoire de la Baie James, par exemple, appartient aux Cris, je pense qu'on serait en mesure de se prendre en main très facilement et qu'on n'aurait plus besoin de personne.

M. Sirros: Mais entre la reconnaissance - et je ne sais pas trop ce que ça pourrait dire - que le territoire de la Baie James appartient aux Cris, comme si on pouvait, en quelque sorte... En tout cas, entre ça et la non-reconnaissance - parlons plus largement - vis-à-vis des autochtones en général, de leur autonomie, étant donné la situation et le cadre dans lequel on évolue ou avec lequel on est pris, si vous voulez, vu tout ce qu'on a connu jusqu'à main- tenant - et je parle plus précisément, vous y faites référence dans votre mémoire, par exemple, que le gouvernement fédéral soit le fiduciaire, donc, en quelque sorte, que les autochtones sont en tutelle, un genre de curateur public -entre cette non-reconnaissance de quelque autonomie que ce soit et l'appartenance d'un territoire à une communauté donnée, sans plus d'explication que ça, est-ce qu'il n'y a pas des façons de régler, en quelque sorte, nos relations, que ce soit par la mise sur la table ou la négociation d'ententes, de traités, comme celle qu'on a négociée en 1975? Et, dans ce sens-là, est-ce qu'on est pris nécessairement entre un extrême ou l'autre?

M. Saganash: Je ne crois pas. Je pense qu'on vous a fait part de nos préoccupations de façon précise, lors de notre rencontre avec Mme Bacon, au mois de juin. Oui, les Cris sont prêts à s'asseoir à une table de négociation pour, entre autres, mettre en oeuvre la Convention de la Baie James. On sait qu'il y a des problèmes de mise en oeuvre, de ce côté-là. Les Cris ont mentionné à Mme Bacon, à cette occasion-là, qu'ils étaient prêts à négocier pour mettre en oeuvre la Convention de la Baie James. Cependant, le problème a toujours été, c'est toujours le problème, c'est toujours l'impasse à ce niveau-là, Mme Bacon fait du chantage à notre égard, dans le sens qu'elle dit: Oui, je suis prête à mettre en place la table de négociation pour mettre en oeuvre la Convention de la Baie James, à la condition que vous acceptiez de parler du projet Grande-Baleine. Alors, on nous donne un carré de sable et on nous dit: Vous entrez là-dedans, vous négociez et vous n'avez pas le droit de sortir de ça.

M. Sirros: M. Saganash...

M. Saganash: Ce n'est pas, pour nous, des négociations. Il n'y a personne qui accepterait de négocier à partir de ces bases-là.

M. Sirros: M. Saganash, il n'est pas de mon intention d'essayer aujourd'hui, ici, tout particulièrement de centrer le débat sur toute la polémique ou la dynamique qui peut exister. Je retiens de ce que vous avez dit...

M. Saganash: Mais je vous réponds tout simplement que, oui, nous sommes prêts à discuter.

M. Sirros: Voilà. J'allais dire que je retiens de ce que vous avez dit que vous êtes disposés à parler et à discuter de la mise en oeuvre de la Convention qui est, en quelque sorte, le document qui régit les relations qu'on pourrait avoir et qu'on peut avoir entre les Cris qui habitent un territoire donné et le gouvernement du Québec, et le gouvernement du Canada de l'autre

côté.

Mais, pour poursuivre un peu dans le sens de votre mémoire, vous mentionnez que les premières nations veulent récupérer des pouvoirs pour survivre et se développer conformément à leur génie propre. Il serait intéressant, surtout dans le contexte dans lequel nous sommes, dans cette discussion autour de toute la question constitutionnelle - le processus que nous avons entamé, ici, au Québec - que vous nous indiquiez la nature des pouvoirs auxquels vous faites allusion et comment vous entendez les exercer. Ce sont des questions que je me pose et je profite de l'occasion de vous avoir ici pour vous les poser. Est-ce que vous voyez, par exemple, ces pouvoirs concentrés surtout au niveau de la communauté, au niveau de la nation? Est-ce qu'il y a un mélange qui peut être fait? Et lesquels vous voyez à quel niveau? Ça vous tente de vous aventurer un peu sur ça?

M. Saganash: Lorsqu'on parle de pouvoirs, évidemment... De toute façon, les gens, au ministère des Affaires culturelles, surtout ceux qui s'occupent principalement des relations avec les autochtones, il y a déjà un processus d'enclenché à ce niveau-là. J'ai pris connaissance des ententes, par exemple, signées avec les Algonquins, les Inuit et je ne pense pas qu'il y ait actuellement quelque chose qui empêcherait une entente du même genre d'être signée avec les autochtones pour qu'ils puissent, eux, déterminer leurs priorités, leurs besoins au niveau culturel. Je pense qu'il y a des moyens, à ce niveau-là, et nous sommes tout à fait prêts, nous avons même déjà commencé à discuter avec les gens du ministère des Affaires culturelles, à ce niveau-là, l'été passé. Alors, je pense qu'il y a déjà quelque chose qui se fait à ce niveau-là, qu'on le fasse graduellement ou qu'on le fasse globalement, d'un coup, je pense qu'il y a une ouverture de ce côté-là.

M. Sirros: Est-ce que vous voyez un rôle pour chaque communauté? Est-ce que c'est le Grand Conseil qui...

M. Saganash: Ça, c'est à nous à le déterminer.

M. Sirros: C'est ce que je vous demande, comment le voyez-vous?

M. Saganash: On le déterminera par nous-mêmes.

M. Sirros: Peut-être qu'on ne se comprend pas. Moi, ce que j'essaie de savoir ou de saisir, c'est dans une perspective d'autonomie, dans une perspective de prise en charge par la nation, les nations autochtones, de certains pouvoirs ou des pouvoirs qui leur permettent de sentir qu'ils sont en mesure d'une part, d'avoir une sécurité vis-à-vis leur avenir comme peuple, leur identité, de pouvoir également orienter ce futur dans l'avenir, il y a probablement une nécessité, pour un certain nombre de pouvoirs... Vous en faites d'ailleurs mention dans votre mémoire en disant, en particulier, que, si les Québécois, qui font 3 % dans la masse anglophone, réclament des pouvoirs, vous allez comprendre comment nous, qui sommes, dans le cas des Cris au Québec, 10 000 ou 11 000 sur 7 000 000, on peut avoir ce même genre de sentiment, j'imagine.

Alors, le Québec est engagé actuellement dans des discussions qui vont d'un éventail où il y en a certains qui disent: Bon, c'est la création d'un autre pays que ça nous prend. D'autres disent: Bon, il y a des réarrangements à l'intérieur du pays avec un certain nombre de pouvoirs qui assurent cette garantie vis-à-vis le gouvernement du Québec. La question que je vous pose, en quelque sorte: Est-ce que cette discussion se ferait entre le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada et chacune des communautés ou le Grand Conseil ou les deux, dépendant des sujets? Je ne le vois pas comme une question piège, c'est une question...

M. Saganash: On va se concenter sur l'aspect de la culture.

Le Président (M. Gobé): ...M. Saganash, parce que le temps imparti au côté ministériel est maintenant écoulé.

M. Sirros: Vous m'avisez deux minutes avant?

Le Président (M. Gobé): C'était tellement intéressant, M. le ministre, que...

M. Sirros: Consentement, peut-être.

Le Président (M. Gobé): Allez-y, M. Saganash, on va vous laisser terminer.

M. Saganash: Pour s'en tenir à la question de la culture, de la façon dont ça s'est fait dans le passé, on a négocié des ententes et avec le Québec et avec le Canada, avec le ministère des Affaires indiennes. Et...

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Saganash. M. le ministre, une dernière question?

M. Sirros: J'ai peut-être juste une... Peut-être trois minutes de plus, s'il n'y a pas d'objection.

Le Président (M. Gobé): Allez-y, M. le ministre.

M. Godin: Le thème n'est guère pertinent par rapport au mandat de notre commission Mais je m'excuse de le souligner au ministre.

Le Président (M. Gobé): C'est vôtre privilège, M. le député. (17 heures)

M. Godin: C'est ce que je fais en passant par vous, M. le Président. Je me demande si c'est bien le lieu d'ouvrir une discussion, comme le fait le ministre responsable des groupes autochtones, des premières nations... Est-ce que c'est bien le lieu, ici, d'en profiter littéralement pour faire du "bandwagon" aux dépens de la commission, en fait, pour amener le porte-parole des Cris à s'embarquer dans des sujets ou des pistes de solutions sur lesquels il n'a présenté aucun mémoire, M. le Président, et qui ne sont pas, non plus, la raison de sa présence ici aujourd'hui?

Le Président (M. Gobé): Alors, vous faites appel à la pertinence des débats, si je comprends bien.

M. Godin: Exactement, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Au respect du mandat de cette commission.

M. Godin: Voilà.

Le Président (M. Gobé): Je dirai quand même qu'il faut prendre le mandat dans son sens un peu large. On parle de culture, la culture étant l'expression de la société en général. On a vu notre collègue de Sainte-Marie-Saint-Jacques déborder lui aussi, à l'occasion, on entend, sur le cadre constitutionnel. Je l'ai vu même décrier, à l'occasion, un certain nombre de choses, et ce n'était peut-être pas toujours pertinent. Il restait deux ou trois minutes à M. le ministre, on pourrait lui donner peut-être la latitude de terminer. Mais je prends bonne note de ce que vous dites et je pense que, sur le fond, vous avez certainement un argument valable.

M. Godin: Je n'ai pas d'objection à ce que mon collègue de Laurier, mon voisin géographique, responsable des premières nations, du Plateau-Mont-Royal, poursuive, mais en lui soulignant bien qu'il est vraiment au bord de...

Le Président (M. Gobé): Du précipice.

M. Godin: ...au bord de l'impertinence, de la non-pertinence, devrais-je dire.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M. le député. Et comme je le disais en effet, si on se fie au strict cadre de notre mandat, nous nous en sommes éloignés un petit peu, mais la culture étant tellement... C'est difficile à quantifier.

M. Sirros: D'autant plus, si je peux, sur cette question de règlement...

Le Président (M. Gobé): M. le ministre.

M. Sirros: ...finalement, je m'excuse, au niveau de la pertinence, il me semble que c'est M. Saganash lui-même, dans le mémoire, qui a placé toute la question culturelle sous le signe de "La préservation de l'identité culturelle: un enjeu politique avant tout". Je discutais dans le sens des pouvoirs nécessaires peut-être pour une nation autochtone pour, justement, pouvoir préserver son identité culturelle, chose que, j'imagine, le député de Mercier et mon voisin géographique comprend et appuie. Dans ce sens-là, et je voulais être très très franc, je n'essayais pas d'entamer un débat sur la Convention ou sur autre chose, mais il me semble qu'on peut difficilement, des fois, et je partage le point de vue de M. Saganash, faire abstraction de la culture et de la réalité politique, dans son sens large, qui l'entoure.

Si vous me permettez de conclure, ma troisième intervention faisait référence au mémoire de M. Saganash qui cite 3 des 15 principes qui sont édictés par le gouvernement du Québec et qu'on retrouve dans les fondements de la politique du gouvernement du Québec en matière autochtone en ce qui concerne plus précisément le domaine de la culture. Et ces principes font référence...

M. Godin: Mes collègues et moi sommes d'accord.

Le Président (M. Gobé): Alors, M. le ministre, il y a consentement et, de toute façon...

M. Sirros: Merci.

Le Président (M. Gobé): Le temps coule. Alors, si vous voulez procéder.

M. Sirros: Oui. Ces principes font référence, entre autres, M. Saganash, à la reconnaissance par le gouvernement du Québec des peuples aborigènes comme des nations distinctes et de leur droit à leur culture, à leur langue, à leurs coutumes et traditions et à leur droit d'avoir et de contrôler des institutions qui correspondent à leurs besoins. Ces principes ont été édictés il y a déjà quelques années et, me semble-t-il, le moment est maintenant venu d'aller au-delà des principes et de traduire dans des politiques concrètes leur signification et de se doter des outils nécessaires pour leur mise en oeuvre. Et c'est là précisément le mandat que m'a confié le gouvernement au niveau de l'élaboration d'une politique, comme vous le savez, et, dans le cadre de cette politique que j'entends proposer au gouvernement, j'ai bien l'intention de faire une place de choix au volet culturel et ce sera sans doute l'occasion d'apporter à la politique de la culture et des arts ce complément essentiel. Les

discussions que j'ai déjà eues avec la ministre des Affaires culturelles m'assurent d'ores et déjà de pouvoir compter sur sa collaboration. Comme vous l'avez souligné, elle a toujours fait une démonstration claire de la volonté du ministère des Affaires culturelles de faire les efforts nécessaires de rapprochement. Dans ce sens-là, je ne peux que souhaiter, M. Saganash, que, pour que, en quelque sorte, les propositions que je puisse faire un an plus tard au gouvernement quant à la nécessité d'aborder cette question sous l'angle de la différence, comme vous souhaitez le voir... À votre question, et je pourrai y revenir, je pense que la réponse du gouvernement du Québec est claire, que c'est oui, on peut effectivement reconnaître et on est prêts à reconnaître la différence; et aussi sous le signe de la nécessaire autonomie des autochtones, il me semble que ce serait beaucoup plus approprié si la participation des autochtones et en particulier de la nation crie était assurée ou, tout au moins, je ne peux que vous transmettre que c'est vivement souhaité. Alors, dans ce sens-la, ce n'est peut-être pas une question, mais un souhait que j'exprime. Merci.

Le Président (M. Gobé): La question avait été tranchée. Je vous remercie beaucoup. Je vais maintenant demander le consentement en vertu de l'article 132 afin que notre collègue, le député de Duplessis, puisse participer à cette commission. Est-ce qu'il y a consentement? Alors, M. le député de Duplessis, vous avez la parole pour une quinzaine de minutes, vous aussi.

M. Perron: Merci, M. le Président. Vous me permettrez sûrement de souhaiter la bienvenue, au nom de l'Opposition officielle, à M. Roméo Saganash que j'ai eu l'occasion de rencontrer à quelques reprises, en particulier en janvier dernier, il va s'en souvenir sûrement. Maintenant, avant de passer aux questions, je voudrais souligner au ministre qui vient, justement, de mentionner certains des principes de 1983 qui ont été endossés dans la résolution de l'Assemblée nationale de mars 1985 - et il a ajouté qu'il fallait non seulement parler de principes, mais aller plus loin que les principes - ce que je voudrais lui rappeler, c'est que ça fait maintenant six ans, près de sept ans que ces principes-là sont en place, mais ça fait six ans que le gouvernement est en place aussi, c'est-à-dire le gouvernement libéral. Là, on arrive à un moment donné où il dit: II faut aller plus loin que les principes, six ans après.

M. Saganash, dans votre mémoire, vous déplorez l'absence de recommandations spécifiques sur la préservation et le développement de la culture des peuples autochtones. Mais vous faites une bonne lecture, d'après nous, du rapport Arpin, en particulier à la page 5, lorsque vous dites que c'est le choix inévitable d'une majorité francophone du Québec qui ne représen- te que 3 % de l'îlot anglophone qu'est l'Amérique du Nord et que, si elle veut conserver sa culture, les Québécois et les Québécoises doivent se redonner les leviers et les pouvoirs nécessaires. J'étais très heureux de voir ce genre de conclusion dans votre mémoire.

Ma première question est la suivante. Selon vous, qui représentez les Cris ici aujourd'hui, le Grand Conseil des Cris, quelle devrait être la place de la culture autochtone au sein d'une politique culturelle québécoise puisque vous êtes lune des composantes de cette société québécoise? Et, lorsque je parle de la composante québécoise, je parle toujours de nation à nation. Moi, je dis: II y a une nation québécoise, mais il y a aussi une nation crie, comme il y a une nation attikamek, comme il y a une nation montagnaise, ce qui a été reconnu d'ailleurs en 1985. Alors, selon vous, qu'est-ce qui devrait être mis en place?

M. Saganash: Je ne sais pas si vous vous rappelez du vieux regret de Jean Monnet, le père de l'Europe, qui disait: Si c'était à refaire, disait-il à la fin de sa vie, je commencerais par la culture. Je pense que c'est une déclaration qui rapproche de très près notre réflexion sur cette question-là aussi. Pour n'importe quelle nation, je pense qu'il est important de reconnaître si on fait quelque chose en tant que nation, mais la culture, je pense que c'est la composante la plus importante de tout ce qu'on veut faire, au-delà de l'économie, au-delà du social.

M. Perron: Merci, M. Saganash.

M. Saganash: Mais si, effectivement, il y a une plus grande place qui peut être donnée à la culture autochtone, parce qu'il ne faut pas oublier qu'on a quand même contribué à la société québécoise ne serait-ce qu'au niveau toponymique, ce serait bénéfique non seulement pour nous, autochtones, qui voulons préserver cette identité, mais aussi pour les Québécois en général. Ce serait une plus-value culturelle pour la nation du Québec si on en vient là.

M. Perron: M. Saganash, je suis parfaitement d'accord avec ce que vous venez de dire parce que, si on prend la culture autochtone et si on fait en sorte que cette culture autochtone fasse partie de notre éducation quotidienne, que ce soit à l'école, que ce soit par des moyens télévisés ou par la radio ou encore par les journaux, c'est qu'il y a beaucoup de de Québécois et de Québécoises, entre guillemets, des Blancs, qui vont peut-être beaucoup plus comprendre le pourquoi de certains agissements de la part de certaines personnes qui font partie de différentes nations autochtones.

Ma deuxième question est la suivante, M. Saganash. Quels sont les rapports actuels entre votre communauté et le ministère des Affaires

culturelles et comment peut-on - c'est extrêmement important cette partie culturelle - les bonifier? Notamment, en multipliant des initiatives comme l'exposition "L'oeil amérindien, regards sur l'animal", qui a été présentée au Musée de la civilisation, et vous en faites mention d'ailleurs dans votre mémoire. Mais comment aller plus loin que de présenter cette exposition-là? Quoi faire pour aller plus loin? Qu'est-ce qu'on pourrait faire, nous, et qu'est-ce que le gouvernement pourrait faire pour vous aider à mettre en place ces initiatives?

M. Saganash: S'il y a quelque chose que la crise d'Oka nous a fait reconnaître l'année passée, c'est que toute la question autochtone était fort méconnue, autant au Québec qu'au Canada. Que ce soit au niveau des droits ou de la culture autochtones, c'est quelque chose de fortement méconnu. Alors, c'est par le biais des expositions, par exemple, que vous mentionnez, que nous, nous avons voulu, parce qu'on a participé financièrement à cette exposition-là et nous en sommes fiers parce que je pense qu'il est à l'avantage de tout le monde de connaître la culture autochtone... Je pense qu'il y a un grand effort de sensibilisation qui doit être fait à ce niveau-là, mais on n'a pas les moyens de le faire. On n'a pas les moyens de le faire.

M. Perron: Des moyens financiers, des moyens...

M. Saganash: On parle de moyens financiers surtout. Surtout, parce qu'on sait ce qu'on veut au niveau culturel chez nous. Chaque communauté sait ce qu'elle veut au niveau culturel, sauf qu'on n'a pas les moyens financiers à l'heure actuelle.

M. Perron: Donc, si je comprends bien, vous voudriez que soient mis en place des programmes culturels où il y aurait la participation financière du gouvernement du Québec pour, justement, faire valoir votre culture, mais par différents moyens. Au niveau des moyens, est-ce que vous pourriez nous donner des informations en donnant d'autres exemples que le Musée de la civilisation? Est-ce que vous avez déjà des demandes de faites, au ministère des Affaires culturelles ou à d'autres ministères, à l'effet d'aller plus loin que le Musée de la civilisation?

M. Saganash: La question autochtone suscite beaucoup d'intérêt, surtout à l'approche de 1992, pour des raisons évidentes. Il y a toutes sortes de moyens, avec les moyens de communication que nous avons aujourd'hui. Les écoles, je pense qu'on essaie, autant que possible, de participer au niveau de l'éducation, autant au Québec que sur notre territoire, parce qu'on n'enseigne pas seulement aux autochtones, mais également aux non-autochtones qui se trouvent sur le territoire de la Baie James. Et c'est par le biais de ces avenues-là qu'on pourrait le faire.

M. Perron: À la page 8 de votre mémoire, vous mentionnez à 2.5, et je cite: "Entre le passé et l'avenir. Parmi ces défis, le plus important est sans contredit de combler le fossé qui s'installe entre les générations (60 % des autochtones ont moins de 30 ans) pour réussir à aménager un espace autochtone moderne qui soit en même temps fortement enraciné dans l'héritage culturel." Depuis quelques années, on peut voir que ces cultures très différentes à la grandeur de la planète semblent vouloir se mêler ensemble pour créer ce qu'on pourrait appeler une culture mondiale. Les barrières ont tendance à s'abaisser de plus en plus. Ma question est la suivante. Croyez-vous qu'il s'agirait là d'une bonne façon d'envisager la solution aux problèmes que vous avez soulevés dans votre mémoire?

M. Saganash: Je mentionnerais qu'il y a, sur les 53 langues autochtones au Canada...

M. Perron: Ou encore, si vous permettez, M. Saganash, est-ce que vous pensez qu'il y aurait un danger pour votre culture traditionnelle, chez les Cris, par exemple? (17 h 15)

M. Saganash: Je ne crois pas. Mais je vais revenir là-dessus. Sur les 53 langues autochtones qui sont parlées actuellement au Canada, on estime qu'il y en aura 3 qui vont survivre, à peu près, dont la langue crie. Le fossé dont on parle dans le mémoire, c'est ce fossé qui existe actuellement entre les aînés chez nous et les jeunes. On n'a rien contre le fait que l'on retrouve, dans nos nations, des gens qui vont étudier en droit ou qui vont étudier dans d'autres domaines à l'université. Je pense que c'est tout à fait à l'avantage de chaque individu ou chaque être humain. Moi-même, j'ai vécu la moitié de ma vie dans le bois et j'ai étudié durant l'autre moitié. Donc, il y a un côté autochtone ou cri chez moi autant qu'il y a un côté québécois. Je parle votre langue.

M. Perron: Vous parlez très bien le français, d'ailleurs.

M. Saganash: Je parle la langue crie aussi, je parle l'anglais et l'espagnol. Je suis même marié à une femme québécoise. Quand on parle de rapatrier des pouvoirs au niveau culturel, il ne faut pas voir là un repli sur nous-mêmes ou essayer de nous enfermer dans notre petit monde. Ce n'est pas ça qu'on veut dire. On veut continuer à préserver cette culture qui est si importante pour nous et cette langue qui est si importante pour nous également. Je pense qu'on veut faire profiter de cette culture à d'autres aussi, autant qu'on veut profiter de votre culture à vous. C'est de cette façon-là qu'on...

Le Président (M. Gobé): En conclusion, M. le député de Duplessis...

M. Perron: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Gobé):... car votre collègue de Mercier aimerait peut-être poser une question.

M. Perron: Oui. Écoutez, c'est dommage qu'on n'ait pas plus de temps que ça, parce qu'il y a plusieurs questions que j'aurais voulu poser. Je vais en poser une dernière au lieu de conclure, M. le Président, si vous me permettez. Je suis heureux que, dans votre mémoire, vous signaliez les 15 principes adoptés par l'ancien gouvernement du Parti québécois et la reconnaissance qu'ils impliquent pour les nations autochtones. Vous nous dites qu'ils ont entraîné diverses formes d'aide financière, surtout en rapport avec le ministère des Affaires culturelles, il faut le reconnaître, mais vous déplorez qu'on n'ait pas vu la mise en place d'une vraie politique culturelle spécifique aux autochtones. Pourriez-vous élaborer sur la forme et le contenu que pourrait avoir une telle politique culturelle autochtone? Je pense que c'est extrêmement intéressant que vous ayez mentionné ça dans votre mémoire, une vraie politique culturelle autochtone. Je voudrais que vous élaboriez davantage là-dessus. Je ne reviendrai pas avec d'autres questions parce que le temps est écoulé en ce qui me concerne.

M. Saganash: Juste un commentaire sur les 15 principes adoptés par l'Assemblée nationale, avant de répondre à votre question. Je pense que ça a été mentionné à trois reprises depuis que je suis devant vous. Oui, on est bien fiers d'avoir ces 15 principes adoptés par résolution par l'Assemblée nationale, mais ce qu'on a remarqué, par contre, c'est que, malgré ces 15 principes adoptés par l'Assemblée nationale, je ne crois pas, aujourd'hui, qu'il y ait un ministre qui, avant de prendre une décision sur quoi que ce soit qui concerne les autochtones, prenne ces 15 principes-là et qui regarde: Bon, est-ce que je peux faire ça, ça, ça avant de prendre une décision... Ça ne se passe pas comme ça, comme vous le savez.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Saganash. M. le député de Mercier, il reste un peu de temps pour une courte question.

M. Godin: Merci, M. le Président. J'aurais deux questions à vous poser, M. Saganash, qui portent sur le même sujet, en fait. J'aimerais que vous m'expliquiez ce qui, pour moi, apparaît comme un mystère. Comment se fait la transmission de la langue et de la culture traditionnelles dans la nation crie? Vous dites qu'entre les plus jeunes et les moins jeunes il y a déjà un fossé qui existe, comme on dit aux États-Unis, une "generation gap". Moi, ce qui m'importe après avoir vu comment, ici, la langue est transmise plus ou moins bien et comment sur nos fermes, qui sont nos territoires fondamentaux à nous... j'ai vu comment les fermiers transmettaient la manière de tirer les vaches, par exemple, parce qu'à l'époque ce n'étaient pas encore les trayeuses, comment faire un clos, une clôture pour ne pas que les vaches se sauvent dans le bois. Ça se transmet par la pratique. J'aimerais savoir, de votre côté, comment ça se transmet. Est-ce que la nation crie ou les Cris plus anciens ont inventé une pédagogie particulière pour transmettre leur langue aux plus jeunes, pour que la langue ne disparaisse pas et ne meure pas? Par exemple, pour débusquer un animal dans le bois, c'est une technique extrêmement raffinée, comme tout chasseur le sait. J'aimerais savoir comment vous transmettez ces connaissances-là aux plus jeunes?

M. Saganash: D'abord, sur la langue, du fait que c'est parlé, c'est la langue parlée dans les maisons et les parents se font un devoir de parler à leurs enfants en cri, ça y est pour beaucoup. Évidemment, avec la télévision aujourd'hui, c'est un peu plus difficile parce qu'on est bombardés de toutes sortes de messages de l'extérieur. Mais je pense que les parents réalisent pleinement qu'il est important de faire ça à la maison surtout, surtout à la maison, parce que, dans la rue, ils n'ont plus de contrôle, à l'école, ils n'ont plus le contrôle de ça. Et je pense qu'ils sont fiers de le faire à la maison et les enfants réalisent ça aussi. Lorsqu'on parle d'une "generation gap", c'est surtout la génération entre 20 et 30 ans, ceux qui ont été littéralement kidnappés de leur famille, de leur territoire pour être envoyés dans les résidences indiennes, là où on n'avait pas le droit de parler notre langue. On parlait de politique d'assimilation dans notre mémoire; ça, je pense que c'est un exemple parfait. Parce que, dans ces résidences-là, et j'ai moi-même fréquenté une de ces résidences-là qui se trouvait à La Tuque, en Mauricie, On n'avait pas le droit de parler notre langue, parce que toute la politique des Affaires indiennes était pour assimiler tous les autochtones. Je vous rappellerai que la première loi sur les Indiens s'intitulait la loi pour civiliser les sauvages au Canada. Aujourd'hui, c'est à peu près la même loi, sauf qu'ils l'ont changée de nom, ça paraît mieux au niveau international, mais c'est ça.

Le Président (M. Gobé): M. Saganash, en terminant.

M. Saganash: Juste pour toucher la question de la transmission culturelle dans la forêt. La culture autochtone étant surtout une culture visuelle, parce qu'on n'écrivait pas, mais c'est surtout une culture visuelle, bon, c'est en

amenant les enfants dans le bois pour qu'ils puissent voir leurs parents à l'oeuvre dans le bois qu'ils ont appris, eux aussi, à faire les mêmes choses.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Merci, M. le député de Duplessis. Merci, M. le député de Mercier. Mme la ministre, en terminant.

Mme Frulla-Hébert: M. Saganash, il y a quelque chose de drôle dans notre système, quand même, de commission parlementaire, c'est que j'ai initié la commission, j'ai encouragé des groupes et je suis la seule qui n'a pas parlé. Mais ceci...

Le Président (M. Gobé): II y a tellement de gens qui sont intéressés...

Mme Frulla-Hébert: Je comprends, je comprends.

Le Président (M. Gobé): ...à participer à cette commission que le temps est trop court, alors...

Mme Frulla-Hébert: Voilà, mais ça ne fait rien. Ça a été fort intéressant, M. Saganash, et on vous remercie d'être ici. Mais je veux quand même noter qu'à la page 4 de votre mémoire vous dites: "...de tous les ministères québécois, c'est probablement celui des Affaires culturelles qui a fait le plus d'efforts, modestes certes, mais louables quand même, pour se rapprocher des autochtones." Ceci dit, vous pouvez compter sur notre contribution. Merci encore.

M. Saganash: Merci.

Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, c'est vrai, votre remarque est tout à fait pertinente. Peut-être que, pour certains groupes, on aurait pu aménager plus de temps. Ceci étant dit...

Mme Frulla-Hébert: Vous êtes le président, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): ...M. Saganash, je tiens à vous remercier. Ceci met fin à votre audience. Vous pouvez maintenant vous retirer. Je vais appeler le groupe suivant, soit les représentants de l'Université du Québec à Trois-Rivières.

Université du Québec à Trois-Rivières

La commission reprend maintenant ses travaux et nous tenons à saluer les représentants de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Si vous voulez vous identifier quand je vous présenterai. M. Jacques Parent, recteur. Bonjour,

M. Parent.

M. Parent (Jacques): Bonjour.

Le Président (M. Gobé): M. André Thibault, vice-recteur, enseignement et recherche. Bonjour, M. Thibault. M. Normand Séguin, directeur du Centre d'études québécoises.

M. Parent (Jacques): II est absent.

Le Président (M. Gobé): II est absent. M. Georges Massé, directeur du Département des sciences humaines. Bonjour, M. Massé. M. Gilles Beaudry, doyen des études avancées et de la recherche.

M. Parent (Jacques): II n'est pas là.

Le Président (M. Gobé): II n'est pas là. M. Raymond Champagne, doyen des études du premier cycle.

M. Parent (Jacques): Ils sont demeurés à la maison.

Le Président (M. Gobé): Ils sont demeurés à la maison. À ceux qui sont là, je souhaite la bienvenue et vous pouvez maintenant... Oh! Il y a un autre monsieur.

M. Parent (Jacques): Non, ça va. Vous permettez que je le fasse, M. le Président?

Le Président (M. Gobé): Oui, allez-y.

M. Parent (Jacques): Rapidement, M. le Président, l'Université du Québec à Trois-Rivières vous remercie profondément, Mme la ministre et mesdames, messieurs les membres de cette commission, de lui accorder audience aujourd'hui. Comme vous aurez pu le constater en prenant connaissance de notre mémoire, nous avons étudié la proposition de la politique de la culture et des arts à travers notre réalité d'université. Nous avons, en effet, cherché à voir comment un établissement comme le nôtre, situé en région, pouvait, sur la base de cette politique, mieux jouer encore son rôle proprement éducatif et culturel, évidemment, de concert avec la communauté de près de 12 000 personnes qu'il regroupe, étudiants, professeurs, chargés de cours et personnel et membres du personnel non enseignant. Plusieurs collègues ou professeurs de nos départements d'arts, de sciences humaines, de sciences du loisir et de littérature ont été associés à notre démarche et, comme vous l'avez mentionné, M. le Président, j'ai le plaisir aujourd'hui d'être accompagné par certains d'entre eux: à ma gauche, M. le vice-recteur Thibault qui a, d'ailleurs, présidé le groupe de travail chargé de préparer le mémoire; M. le directeur du Département des sciences humaines de l'Université, M.

Georges Massé, historien; et, à ma droite, M. le professeur Paul-Louis Martin, historien, ethnologue, membre du Département des sciences humaines et aussi membre du Centre d'études québécoises de notre Université. (17 h 30)

Dans notre présentation d'aujourd'hui, nous allons insister sur quatre points de notre mémoire qui, nous semble-t-il, dépeignent bien notre apport à la culture. Je ne fais que les énumérer d'abord. Premier point. Notre Université est une ouvrière de la culture en tant qu'artiste et intellectuelle et elle veut s'assurer que les décideurs en matière de politique culturelle jaugent bien son rôle et aient le réflexe de recourir au milieu universitaire pour animer, produire et diffuser la culture. Deuxième point. L'université est également, à sa manière, bien sûr, une école d'art, de musique et de création littéraire, qui se spécialise aussi dans la formation et le perfectionnement de maîtres en arts. À ce titre, elle fait quotidiennement, jour après jour, l'expérience d'un système universitaire qui n'est pas parfaitement adapté aux besoins spécifiques de la formation et de la recherche en création artistique. Alors, comment mieux tenir compte de cette réalité dont dépend pour beaucoup, comme vous le savez tous et toutes, l'efficacité du rôle de notre système scolaire dans l'initiation aux arts et à la culture et dans la préparation des artistes?

Troisième point, l'Université, fortement identifiée à une région, fortement enracinée dans une région, soit celle de la Mauricie-Bois-Francs-Drummond, l'Université, dis-je, croit fermement que le développement culturel du Québec doit passer par une valorisation de l'espace régional, non pas seulement comme milieu de consommation et de diffusion de productions culturelles, mais aussi comme milieu de recherche et de création. L'Université, d'ailleurs, considère que ce serait un recul pour le Québec d'agir autrement.

Quatrième et dernier point, l'Université formule le voeu que la future politique culturelle soit celle du partenariat. Il est nécessaire, selon nous, de miser sur des liens plus serrés entre les milieux de formation et de recherche et les organismes, les groupes et les personnes qui oeuvrent dans le champ culturel.

Mesdames et messieurs, sur l'un et l'autre de ces points que je viens d'énumérer, je vais rappeler les constats suivants. Premièrement, en mentionnant tout d'abord que l'Université est une ouvrière de la culture, nous voulons inviter la commission à situer la culture dans son champ le plus large possible. Les formes d'expression de la culture naissent autant des activités des chercheurs que de celles des artistes, autant des créateurs populaires que des penseurs. En cela, nous sommes d'avis qu'une future politique de la culture et des arts ne peut faire abstraction de la culture scientifique. À cet égard, je précise que la recherche fondamentale est un levier puissant de notre développement collectif qui repose, notamment, sur les intellectuels des universités qui sont, comme vous le savez, des agents critiques permanents de la formation et de la diffusion des savoirs et cela, dans tous les domaines.

À notre sens, à notre avis, le développement économique, social et culturel deviendra de plus en plus dépendant de la compétence des citoyens et des citoyennes, de leur maîtrise scientifique et de leur capacité à s'adapter aux besoins des entreprises et des organismes de toute nature, et ce, non seulement dans les sciences dites naturelles, appliquées ou de la santé, comme on le pense beaucoup trop souvent encore, mais aussi dans les sciences sociales et humaines et dans les arts. La présence au sein de notre établissement d'un Centre d'études québécoises voué à la recherche sur le changement culturel est un exemple éloquent du leadership que les universités exercent à cet égard.

Tout en reconnaissant ici le rôle primordial de l'école ainsi que l'intervention essentielle des ministères de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur et de la Science, nous souhaitons une attitude ouverte et énergique du ministère des Affaires culturelles en particulier pour soutenir en complémentarité avec ces ministères, bien sûr, le secteur de la découverte et de l'édition. De plus, et j'insiste beaucoup sur ce point, il est urgent de trouver des moyens additionnels d'épauler la recherche-action auprès des groupes communautaires préoccupés par les grandes questions sociales.

Arrêtons-nous maintenant sur le deuxième point, soit celui de l'université, école d'art, de musique et de création littéraire. Bien, en évoquant l'activité de l'université dans la formation des artistes et des créateurs, nous voulons sensibiliser la commission aux défis importants que représente le développement de cette formation à l'université. Les exemples d'activités que nous avons identifiées dans notre mémoire illustrent, entre autres, trois choses: premièrement, que le mode actuel de financement universitaire permet difficilement à l'université, je devrais peut-être même dire, ne permet pas à l'université de faire de l'enseignement individualisé pour former les artistes, tel que le recommande le rapport du groupe-conseil; deuxièmement, que l'université assume une vocation spécifique dans la formation et le perfectionner ment des maîtres en arts et, selon nous, ce devrait être un centre d'intérêt majeur de la future politique des arts et de la culture qui néglige, malheureusement, cette dimension fondamentale et aussi toute la complémentarité qu'elle suppose dans l'utilisation des ressources avec les écoles de formation d'artistes professionnels; troisièmement, que la création continue d'être le parent pauvre des organismes subven-tionnaires québécois qui tardent à se donner des

mécanismes de reconnaissance propres à cette activité. La production artistique, il faut le reconnaître, n'est pas très confortable dans le système traditionnel de reconnaissance des travaux scientifiques et académiques. Ce n'est certainement pas un incitatif à se diriger vers ce domaine.

Passons maintenant au troisième point. Une partie importante de notre mémoire est consacrée à la place des régions dans le champ culturel. Nous proposons à cette commission de prendre exemple sur le développement du système universitaire au Québec pour mieux voir toute l'importance de la valorisation des régions. En effet, l'enseignement supérieur au Québec a d'abord été fortement concentré sur la métropole et la capitale. Puis, avec le temps, une prise de conscience de l'importance de rendre les études universitaires plus accessibles a donné naissance au réseau de l'Université du Québec avec des établissements bien enracinés dans la presque totalité des régions du Québec et l'évolution connue depuis montre bien la réussite de ce modèle de développement qui pourrait inciter à l'appliquer au domaine des arts et de la culture. Nous sommes d'avis que la future politique des arts et de la culture doit s'appuyer sur un principe fondamental qui reconnaît le dynamisme interne, la réalité vivante, distincte, spécifique de chacune des régions et aussi de la ville qui lui sert de moteur économique et culturel. On ne doit pas les percevoir uniquement, ces régions, comme des lieux de consommation ou de diffusion des productions culturelles des grands centres, mais tout autant comme des explorateurs et des producteurs du domaine culturel, d'où la nécessité de leur fournir aussi, à ces régions, les moyens de se réaliser, les moyens d'exporter à leur tour.

En ce sens, et c'est là notre quatrième et dernier point, M. le Président, nous nous inscrivons résolument comme université dans une relation de partenariat avec notre région afin de mieux soutenir le développement culturel. Cette association nous paraît absolument nécessaire et à encourager au plus haut point. Nous avons la responsabilité de favoriser le transfert des connaissances dans le milieu et, à ce titre, nous devons être présents sur le terrain. Voilà pourquoi nous réclamons, par exemple, que les établissements à vocation culturelle puissent accueillir des universitaires au sein de leur conseil d'administration ou puissent se doter de comités scientifiques. Plusieurs exemples mentionnés dans notre mémoire sont effectivement des fruits de ce partenariat avec le milieu. Pensons au Festival international de la poésie de Trois-Rivières, la participation à la sauvegarde du patrimoine archéologique et industriel de la Mauricie ou encore le Symposium sur la famille que nous tenons aujourd'hui même à l'Université du Québec à Trois-Rivières, avec tous les intervenants régionaux. Et je me per- mets d'ajouter, en terminant, qu'un projet d'envergure nationale comme le Musée des arts et traditions populaires du Québec dont l'Université du Québec à Trois-Rivières est l'instigatrice ne pourrait voir le jour sans un partenariat avec le milieu. Nous avons d'ailleurs été très heureux d'apprendre hier que sa construction dans notre région vient de recevoir l'aval, bien sûr à certaines conditions, de la ministre des Affaires culturelles.

Nous terminons sur cet exemple de dynamisme régional en réitérant que nous comptons beaucoup sur un appui ferme de la commission et de la ministre des Affaires culturelles pour promouvoir l'action des régions et continuer d'appuyer le rôle que les universités y jouent. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie. Je passerai maintenant, sans plus attendre, la parole à Mme la ministre. Vous avez la parole pour vous toute seule, Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci. Merci. Ha, ha, ha! Je vous remercie.

Le Président (M. Gobé): Même le président ne dira plus rien.

Mme Frulla-Hébert: Bon. D'abord, je vous remercie de votre participation à nos travaux. Vous avez exposé votre grande implication dans le développement artistique et culturel et on le voit, de toute façon, par votre rayonnement partout dans la région. On a abordé à plusieurs reprises ici, à cette commission, toute la question de la formation. D'ailleurs, le directeur général des conservatoires... J'aimerais qu'on revienne là-dessus parce qu'il va y avoir quand même des décisions à prendre. Si j'ai bien compris votre analyse de la situation, vous dites que les écoles d'art et les conservatoires doivent se consacrer exclusivement à la formation d'artistes professionnels alors que l'université doit mettre l'accent sur la formation des maîtres. Moi, j'aimerais en savoir en peu plus parce qu'il y a d'autres universités qui, elles, veulent tout simplement faire l'inverse ou inclure les deux. Comme on ne voudrait pas avoir quand même de chevauchement et pour être plus efficaces, j'aimerais vous entendre un peu plus là-dessus.

M. Parent (Jacques): Si vous permettez, Mme la ministre, comme je l'ai souligne tout à l'heure, comme le vice-recteur, enseignement et recherche, a présidé le groupe de travail qui est à la base de la préparation de notre mémoire et comme il discute de cette problématique régulièrement depuis un certain nombre de jours, ce serait certes intéressant de l'entendre.

Mme Frulla-Hébert: Avec plaisir.

M. Thibault (André): Mme la ministre, notre approche se base sur ce que sont nos mandats premiers et on parle de cette formation des maîtres, d'une part, et, d'autre part, on n'exclut pas qu'on puisse faire une formation d'artistes, mais nous sommes très conscients que le contexte et les exigences pédagogiques particulières à cette formation ne sont pas particulièrement adaptés - on le disait dans le mémoire - à nos propres modes de financement. Alors, voilà deux aspects qui sont complémentaires et non pas nécessairement contradictoires, en ce qui nous concerne.

Vous avez soulevé la question des conservatoires. Déjà, depuis quatre ou cinq ans, nous avons renouvelé nos programmes de formation en y mettant l'accent sur l'aspect de la pédagogie, notre espoir étant de développer, cependant, une forte complémentarité avec les conservatoires, notamment dans le cas de la formation aux instruments. Il est difficile pour nous, d'une part, d'avoir accès à cette gamme très large de spécialistes de formation aux instruments et de donner les formations souvent individualisées que cela requiert. Alors, déjà, avec le conservatoire de la région, chez nous, depuis cinq ou six ans, nous avons cette discussion. Par ailleurs, on a pris connaissance tout récemment de certains projets des conservatoires qui, eux-mêmes, semblent vouloir développer certains programmes et demander notre propre collaboration. Alors, pour éviter toute duplication, je pense qu'il y a là une discussion de coordination en tenant compte, comme principe, de l'expertise de chacun.

Mme Frulla-Hébert: Juste pour approfondir un peu là-dessus, il y a des théories qui disent, dans le cas d'un ministère des arts et de la culture - on le définira, on l'appellera comme on voudra une fois fait - ou d'un ministère qui a une influence, si on veut, de façon horizontale et verticale, verticale au niveau des arts, horizontale au niveau culturel, donc partenariat... On a beaucoup évoqué aussi l'exemple de l'environnement. Je ne veux pas prétendre non plus qu'on va assimiler tous les ministères, au contraire, mais être une espèce de conscience, si on veut, une conscience culturelle sur les autres ministères.. Dans un contexte comme ça, est-ce que la formation proprement dite, que ce soit au niveau de la musique, au niveau des arts dramatiques, devrait relever de ce ministère-là ou si elle devrait relever du ministère qui, techniquement, est l'expert, si on veut, en formation, que ce soit Enseignement supérieur, que ce soit Éducation? Parce que c'est le grand débat. Il va falloir, quand même, à certains moments donnés, le regarder en face et trancher, si on veut. (17 h 45)

Maintenant, vous parliez des structures. L'École de cirque est venue nous voir en disant que les structures au niveau de l'éducation, finalement, ne s'adaptaient pas, mais pas du tout à ses besoins. Est-ce que les structures sont rigides au point où c'est impensable ou encore est-ce que, selon certaines modifications, la formation telle qu'on l'entend, pour donner des meilleurs services, une meilleure complémentarité, une fois rendue dans le système et les opérations, devrait relever d'un versus l'autre?

M. Thibault: Le système n'est pas rigide nécessairement à ce point. Certaines conditions d'exercice et de souplesse, cependant, doivent être rencontrées. On a parlé, notamment, des modes de crédits universitaires, par exemple, des modes de répartition de tâches chez les professeurs et, à la limite, évidemment, des modes de financement. On a eu longuement, avec le Département des arts plastiques... J'ai parié de musique, mais on a la même question en arts plastiques. Ces gens nous disent: Nous pouvons faire, par rapport à la formation traditionnelle en arts, d'école d'art, comme on les a connus, certains pas qui permettent, effectivement, de former des artistes dans un contexte universitaire. Cependant, de notre propre point de vue, nous devons nous aussi aller un peu plus loin. Donc, c'est possible, il y a là la formation... Puisqu'on parle de formation, le geste pédagogique en formation des arts, je dirais, est le geste fondamental favorisant en cela la démarche de création de la personne. Et, à ce titre-là, les institutions d'enseignement possèdent, bien sûr, l'expertise pédagogique nécessaire et, à certains égards, vont faire appel, soit par des coopérations avec des institutions existantes - s'il faut trancher, on y reviendra... Je veux dire, c'est possible d'intégrer cette nouvelle expertise, mais on le fait dans le domaine des arts plastiques où il n'y a pas d'école d'art comme on l'a en musique, par l'utilisation, chez nous, de ce qui s'appelle les chargés de cours, où on fait appel nettement à des artistes dans chacun des domaines. Il y a cette souplesse qui permet d'aller chercher les bonnes ressources. Mais, fondamentalement, la pédagogie à la création, l'expertise pour cela se retrouve effectivement dans le domaine. Je pense qu'il faut éviter de faire ce qui a été fait il y a une vingtaine d'années dans une intégration, permettez, un peu bête de ce qui se faisait en disant: Dorénavant, les artistes, vous entrez chez nous et on vous forme comme des ingénieurs. Donc, il y a...

Mme Frulla-Hébert: Cette flexibilité-là, au moment où on se parle, compte tenu du fameux système et de ses fameuses normes, est-ce que ce serait rêver en couleur de dire: Au lieu de faire de l'intégration... Moi, j'ai été la première... Quand on parlait de l'École des beaux-arts, ça avait une connotation, les beaux-arts et, quelque part, finalement, ça rayonne aussi, tout ça. Mais est-ce que c'est possible, en 1991, de penser, au lieu d'avoir une intégration ou, enfin, une

annexion, si on veut, parler beaucoup plus d'intégration et que le modèle de l'un aussi puisse bénéficier à l'autre?

M. Thibault: Absolument. Je pense que c'est possible et, d'ailleurs, il y a un mouvement. On a vécu une intégration, je le disais tout à l'heure, un peu bête. Vous rentrez dans les carreaux. Mais on constate que, dans beaucoup d'universités maintenant, la notion de différenciation prend sa place. Qu'on soit dans le domaine de l'administration ou qu'on travaille sur un programme en chiropratique avec clinique sur place, etc., cette différenciation-là est aussi en train de se réaliser. Il y a à tout le moins des indices de souplesse.

M. Parent (Jacques): Mme la ministre, je pense que vous soulevez un point central du mémoire, comme on le mentionnait tout à l'heure, et c'est toute la problématique du rôle très spécifique, très particulier de l'université dans le cadre de la formation des maîtres à laquelle on a fait allusion tout à l'heure. C'est toute la problématique, sans faire de jeu de mots, de l'harmonisation des objectifs de formation - c'est un débat très large qu'on met sur la table - des contenus aussi, des contenus de formation, toute la problématique, comme on l'a mentionné aussi, dans la présentation de la gestion rationnelle des ressources, ce dont nous sommes très conscients, donc d'une nécessaire coordination, Mme la ministre, entre les différents niveaux d'intervention. Et sans vouloir parler au nom de la Conférence des recteurs et des principaux des universités, on vous a fait parvenir une lettré où l'invitation était vraiment présente, à savoir...

Mme Frulla-Hébert: Oui, absolument:

i M. Parent (Jacques): Et c'est dans la foulée des recommandations, d'ailleurs, du rapport Arpin, où il pourrait y avoir et il devrait, je pense, il devrait y avoir, dans la suite de ce rapport, des rencontres de coordination auxquelles nous serions extrêmement intéressés de participer - ça, c'est très clair, Mme la ministre - et faire part de l'expérience que nous avons vécue, parce que nous avons développé, jusqu'à un certain point, un modèle, chez nous, d'intervention dans le secteur, comme vient de le souligner le vice-recteur, enseignement et recherche. Peut-être que ça pourrait être différent, d'ailleurs. Donc, voilà l'importance de la coordination nécessaire.

Mme Frulla-Hébert: Ce qui serait souhaitable, d'une certaine façon, parce qu'on s'aperçoit aussi... En fait, c'est le même problème que la formation professionnelle aussi...

Des voix: Tout à fait.

Mme Frulla-Hébert: ...d'une certaine façon, où le secteur était tellement... Enfin, nos modèles étaient tellement rigides qu'on se retrouve aussi avec une formation professionnelle qui n'est pas vraiment préparée et on se retrouve aussi avec une efficacité qui est beaucoup moindre si on se compare à d'autres pays.

M. Thibault: J'aimerais compléter, si vous permettez, sous quelques aspects. Je pense qu'un ministère comme le ministère des Affaires culturelles - et le nom, on assistera au baptême un jour - peut jouer le même rôle, par exemple, que certaines corporations professionnelles jouent dans la formation. Il y a, la semaine prochaine, le comité d'agrément de l'Ordre des ingénieurs qui vient voir si le type de formation est conforme aux objectifs qu'ils poursuivent, d'une part.

L'autre élément qui m'apparaît un avantage, et là j'en parle du point de vue des étudiants mêmes, on le constate dans nos relances d'étudiants que ce ne seront pas... C'est une portion réduite des étudiants qui s'inscrivent à ces cours en musique, en arts ou en littérature qui seront des producteurs. Et déjà, pour eux, de bénéficier aussi d'une possibilité d'une formation un peu plus large en même temps que cette formation-là les outille davantage aussi pour faire face à d'autres types de carrière ou pour faire soit de l'éducation dans leur domaine ou d'autres types de prestations qui sont toujours autour de ce domaine-là sans être de leur domaine de base, sans toujours être strictement de la production en tant que concertiste ou qu'artiste même. Alors, le fait de pouvoir utiliser un lieu plus large de formation, ça me paraît important.

Le troisième aspect, et ça on le constate tous les jours chez nous, autant à l'intérieur de notre propre communauté ou de notre région, il reste aussi que la présence en nos murs de ces formations-là contribue à ce qu'on va appeler aussi cette sensibilisation à la culture et aux arts de sorte que, si on en fait des groupes trop à part à certains moments, bon, en tout cas on peut beaucoup moins profiter - j'insiste sur le mot "profiter"... Ce n'est pas une donnée nécessairement essentielle, mais, quant à l'avoir, autant le vivre. Et je vous dirais que, par exemple, notre section des arts plastiques, de toutes les sections à l'Université, est probablement celle qui a eu le plus d'impact dans sa région et c'est assez étonnant aussi comme facteur de développement.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Je passerai maintenant la parole à M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui, merci, M. le Président. Je me joins à la ministre pour vous souhaiter la bienvenue. Dans votre présentation, tantôt, vous parliez de l'Université du Québec à Trois-Riviè-

res comme une ouvrière de la culture et, quand on vous écoute et qu'on lit votre mémoire, on s'aperçoit qu'effectivement votre implication dans le milieu, que ce soit par les institutions que vous avez mises sur pied, les expositions ou toutes les activités que vous avez organisées, la qualité de votre mémoire et votre présence témoignent qu'effectivement, dans le milieu de Trois-Rivières, l'université est une ouvrière au niveau culturel. C'est important dans une région, parce que, effectivement, c'est très régional, la présence d'une institution universitaire, on en a la preuve, au niveau culturel.

Quand on lit votre mémoire, et c'est pour ça que je parle d'une université en région, on s'aperçoit qu'il y a une préoccupation, peut-être même une crainte, et vous n'êtes pas les premiers à l'avoir apportée à cette commission. C'est pour ça que je veux qu'on en traite un peu. Le premier sujet, c'est les régions. Quand on regarde - je prenais des notes tantôt - tout de suite au début, à la page 1, on dit: "L'Université du Québec à Trois-Rivières recommande que les mesures gouvernementales s'appliquent et s'enracinent simultanément dans chacune des régions qui apparaissent comme autant de lieux d'expression culturelle", donc pas seulement des gens qui reçoivent, mais qui produisent aussi. On s'en va à la page 8 et on retrouve encore la même chose: "C'est dire du même coup tout le potentiel des régions comme lieux de réalisation culturelle." Et, à la dernière page, à la conclusion: "À cet égard, la proposition devra reconnaître et promouvoir les régions comme espaces de recherche et de production culturelles." Venant d'une région, même si elle est assez proche de Montréal, vous n'aurez pas de difficulté à me convaincre que les régions ont une place et que toutes les régions ont une place importante. Il va falloir, à un moment donné, comme société, comme ministère, comme gouvernement, qu'on se pose des questions par rapport au genre de Québec qu'on veut.

Très souvent, et il va falloir regarder ça, je suis convaincu, quand vous organisez quelque chose, quand on a des investissements dans les régions, dans les municipalités, la participation de la population, autant dans les ateliers de formation que dans les salles où on présente des productions de l'extérieur de la région, comme des productions locales, l'achalandage a probablement un taux supérieur à ce qu'on retrouve dans les grands centres. Et l'argent investi - on ne fait pas ça souvent, je pense, on le fait en industrie, en commerce, mais en culture, on ne le fait peut-être pas assez - la rentabilité des dollars investis dans les régions, les petits 5000 $, les petits 10 000 $, les petits 50 000 $ qu'on met, comment ça génère par le bénévolat, par la participation, par la collaboration, ce que vous avez dit tantôt, puis vous l'avez prouvé... Si on faisait un rendement en pourcentage, je dois vous dire que j'ai l'impression que ce serait probablement ce qu'il y a de plus payant et de plus rentable. Et la force du Québec, c'est la force de ses régions. Si tout le rapport dit que la culture, le culturel doit être aussi important que le social et l'économique - on a juste à regarder le social et l'économique, on veut que ce soit étendu à travers tout le territoire, que les services se retrouvent partout et que les gens participent au développement économique, qu'ils s'impliquent, puis on parle de régies régionales et tout... La culture, si on veut que ce soit important, puis ça l'est puis c'est probablement notre seul ou, en tout cas, notre principale bouée de sauvetage pour la reprise économique présentement, il faut que ce soit partout parce que la beauté et la force du Québec, c'est la beauté et la force de ses régions.

Ma question est bien simple et je pense qu'on se rejoint là-dessus: Au-delà de se rejoindre, par quels moyens pensez-vous qu'une véritable politique culturelle peut assurer que la création dans les régions soit soutenue et encouragée? Quels moyens concrets voyez-vous pour qu'on puisse s'assurer qu'on va aider les régions à créer, à se développer?

M. Parent (Jacques): M. Martin.

M. Martin (Paul-Louis): Oui, si vous permettez. Juste avant nous, vous avez entendu comme moi M. Saganash féliciter l'action du ministère depuis plusieurs années et, effectivement, le ministère a créé ' parfois des modèles qu'il aurait peut-être eu avantage à répandre plus largement. Le ministère a créé le centre Aavataq, le centre culturel Avataq, c'est-à-dire, il ne l'a pas créé, mais il le finance, il le soutient. Le ministère soutient aussi les organismes culturels cris, montagnais, en leur donnant une très large marge d'autonomie. Alors, nous, nous pensons qu'effectivement il y aurait moyen d'atteindre un équilibre tout en maintenant les grandes missions nationales au niveau culturel, de créer vraisemblablement des fonds régionaux de développement et de création culturelle, Ces fonds régionaux, ils existent partiellement déjà, si vous voulez, à travers les budgets régionalisés, décentralisés des ministères, mais vous n'êtes pas sans savoir, comme moi qui ai suivi de l'extérieur vos débats, que la population est un peu parfois excédée par la bureaucratie, la paperasse, la lourdeur administrative, etc. Or, le domaine culturel est précisément le domaine où, à notre point de vue, il devrait exister la plus grande liberté et la plus grande proportion de jugements par les pairs, de jugements par les régionaux eux-mêmes, de jugements par les consommateurs, des produits qui s'expriment à travers la culture. Et donc, dans ce sens-là, nous sommes d'avis que des fonds régionaux, la proposition a déjà été avancée, devraient être un des bons moyens de susciter en région et surtout de maintenir en région une créativité.

J'ajoute, en terminant là-dessus, que nos voisins en Ontario ont eu, depuis plusieurs années, l'heureuse idée de consacrer des fonds de la loterie ontarienne régulièrement au développement social ou culturel. Et je pense bien que les Québécois, avec la création éventuelle d'une nouvelle loterie qui pourrait être mensuelle ou annuelle ou, que sais-je, semestrielle, seraient les premiers à investir des fonds particuliers, des fonds nouveaux dans le développement culturel des régions. C'est autant, si vous voulez, de moyens très concrets qu'on peut vous suggérer. Ce ne sont sûrement pas les seuls.

M. Paré: Oui, monsieur...

Le Président (M. Gobé): Monsieur...

M. Parent (Jacques): M. Massé. (18 heures)

M. Massé (Georges): Si vous me permettiez, je voudrais ajouter un certain nombre d'éléments dans la foulée de ce que vient de dire mon collègue Paul-Louis pour essayer de répondre à votre question. Alors, il est sûr que notre rapport fait état du rôle qu'a joué l'université comme agent culturel important dans une région, mais on pourrait reprendre le cas de Chicoutimi pour montrer que l'université a joué un rôle important à cet égard comme agent culturel. Bien sûr, il faut nous assurer les moyens de mieux illustrer, dans le fond, notre implication dans la région et de faire en sorte de mieux former les étudiants qui sont en arts plastiques, les étudiants qui sont en musique, ou qui sont en histoire, parce qu'on aurait pu être plus virulents dans le rapport. Dans le fond, on est un peu préoccupés par une attitude que l'on perçoit, nous, comme étant un peu discriminante dans le mémoire: établir une hiérarchie allant de Montréal à Québec, la capitale, et à un ensemble régional où c'est le fourre-tout. On a l'impression que c'est un traitement qui ne tient pas compte des dynamismes régionaux. Quand on se met à faire la liste - à certains égards, le rapport le fait aussi - des activités qui se déroulent sur le territoire régional, ce que le rapport appelle l'ensemble régional, on se rend compte qu'il y a beaucoup de choses qui ont été faites et qui sont sous-estimées.

Alors, il est sûr que nous, à l'Université du Québec, il y a un centre de recherche qui est unique dans les universités québécoises, où un groupe de chercheurs de tendances pluridisciplinaires mettent en commun leurs efforts pour réfléchir sur toute la problématique du changement culturel, et mettre leur problématique pour mieux comprendre la notion de culture.

Un des éléments qui nous semble déplorable aussi dans le rapport - on peut comprendre pourquoi - c'est d'avoir privilégié ce qu'on appelle une approche empirique. L'approche empirique voulant que l'on se cantonne, parce que c'est plus facile à comptabiliser et plus facile à mesurer, du côté de la création, on néglige l'élément qui est tout aussi fondamental que sont les manières de sentir, les manières de penser, les manières de voir. Si on pense à la réponse de M. Saganash, tantôt, à la question de Gerald Godin, l'Indien dans sa forêt, il est dans un milieu qui lui est familier. Ce n'est pas uniquement physiologique, c'est aussi culturel cela. Toute cette dimension-là nous semble évacuée complètement du rapport, et ça nous fait peur.

Par contre, je comprends aussi que dans le rapport du Dr Laurin, en 1978... On avait un rapport, à cette époque, qui avait une plus grande amplitude au niveau conceptuel. Dans la réalité, par contre, ça n'a pas aidé beaucoup mieux le Québec à définir ses priorités culturelles. On en est encore là, maintenant.

Alors, si l'approche empirique permet de mieux nous centrer sur des cibles, allons-y, mais à condition de ne pas, dans le fond, vider la culture de son contenu.

Le Président (M. Gobé): Merci. Alors, en conclusion, M. le député de Shefford.

M. Paré: En conclusion, bien.. Le Président (M. Gobé): Le mot de la fin. M. Paré: Mon Dieu, ça n'a pas de bon sens. Le Président (M. Gobé): Ça va vite là.

M. Paré: Oui, ça va un peu trop vite. En tout cas, ce qu'il va falloir faire... Puis, je pense que, de plus en plus, quand on avance dans les discussions de la commission, on s'aperçoit que ça sera de moins en moins la querelle Montréal, Québec et les régions, mais que ça sera ce que le maire de Montréal appelait ce matin l'équilibre entre la capitale, la métropole et l'ensemble du territoire québécois. La culture au Québec, oui, c'est le Festival de jazz de Montréal où il y a beaucoup de monde, mais c'est comme chez vous, le Festival international de la poésie, le Festival d'été de Québec, le Festival de la chanson de Granby, Lanaudière, les Marionnettes géantes d'Upton, le grand spectacle de Chicoutimi, c'est le Québec débordant.

Je pense que, effectivement, on va oublier les mots querelles et disputes entre capitale, métropole et régions. Mais c'est toutes les régions où il devra y avoir un équilibre. Vous avez l'air d'avoir quelque chose à ajouter là-dessus.

M. Parent (Jacques): Nous sommes bien contents que le maire de Montréal ait dit cela ce matin en commission parlementaire, parce que nous l'avons aussi mentionné dans notre mémoire.

Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie beaucoup.

M. Paré: C'est la preuve qu'on a la même vision. Ce qu'il disait, c'est exactement la même chose. C'est un équilibre, ce n'est pas des régions contre d'autres. Mais, si c'est une priorité, il faut y mettre l'argent nécessaire. Merci beaucoup de votre présentation.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Shefford. Mme la ministre, un mot de remerciement.

Mme Frulla-Hébert: Je me joins aussi à mon collègue pour vous remercier et seulement apporter une note pour éclairer. Quand je me suis assise avec Roland Arpin - seulement pour donner un peu l'envol, après ça ils sont partis travailler et m'ont remis le rapport - on a beaucoup parlé de ça, la définition de culture dans son sens très large, ou culture versus culture et développement des arts, etc. On a trouvé que tout est culture dans le fond, notre façon de se nourrir, de s'habiller, tout est culture.

Alors, je reviens un peu à la définition empirique dans un sens où on a des besoins très précis aussi. Là, il s'agit de trouver finalement la meilleure façon, la meilleure définition et aussi la meilleure politique, la plus flexible possible pour, justement, pouvoir travailler sur ces besoins. Alors, c'est un peu pour ça l'orientation, ce qui semble avoir été évacué, et qui ne l'est pas dans le fond.

M. Thibault: Est-ce que je peux réagir, madame? Très rapidement.

Mme Frulla-Hébert: Très rapidement.

Le Président (M. Gobé): Très rapidement parce que nous sommes 20 minutes en retard.

M. Thibault: Je pense qu'il y a les choix empiriques pour la mission verticale du ministère. Il y a aussi des choix empiriques probablement et des objectifs empiriques pour sa mission horizontale dans le gouvernement.

Mme Frulla-Hébert: Peut-être, oui.

M. Thibault: C'est probablement cette partie-là qu'il nous reste ensemble à définir.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup. Ceci met fin à votre audition. Vous pouvez donc maintenant vous retirer. Je vous remercie, au nom des membres de toute la commission.

Des voix: Merci beaucoup.

Le Président (M. Gobé): Je vais maintenant appeler les représentants de la ville de Lon-gueuil. Oui, monsieur, mon cher collègue.

M. Godin: Ça fait une demi-heure que j'ai demandé la parole. Je constate que je l'ai quand il n'y a plus de temps.

Le Président (M. Gobé): Ah! Je m'excuse, M. le député, mais je n'ai pas vu votre geste. Si je l'avais vu, je vous l'aurais donnée.

M. Godin: Merci.

Ville de Longueuil

Le Président (M. Gobé): Alors, mesdames et messieurs, la commission va maintenant reprendre ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir, tout d'abord, les représentants de la ville de Longueuil, soit M. Roger Ferland, le maire.

M. Ferland (Roger): Oui.

Le Président (M. Gobé): Bonsoir, M. le maire.

M. Ferland: Bonsoir.

Le Président (M. Gobé): M. Gilles Pineault, président du conseil d'administration de la SODAC.

M. Pineault (Gilles): Bonsoir.

Le Président (M. Gobé): Bonsoir, M Pineault. M. Michel Timperio, membre du conseil d'administration de la SODAC et conseiller municipal.

M. Timperio (Michel): Bonjour.

Le Président (M. Gobé): Bonsoir, M. Timperio. M. Serge Sévigny, conseiller municipal et membre du comité exécutif.

M. Sévigny (Serge): Bonsoir.

Le Président (M. Gobé): Bonsoir, M. Sévigny. Nous avons accueilli aussi la députée de Marie-Victorin, qui est la députée de votre région, et Mme la députée de Taillon. Alors, bienvenue à cette commission. Tout à l'heure, en vertu de l'article 132, je requerrai le consentement pour que Mme la députée de Marie-Victorin puisse intervenir et vous, par la suite. Vous avez fait une petite demande. Tout en vous rappelant que nous sommes limités à 15 minutes, M. Ferland, M. le maire, je vous laisse maintenant la parole pour faire votre présentation.

M. Ferland: Ça va.

Le Président (M. Gobé): Vous avez une quinzaine de minutes, vous aussi.

M. Ferland: Alors, merci, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés. Selon nous, le rapport Arpin traite des fondements mêmes de notre identité collective. Je l'ai donc lu à la fois en ma qualité de citoyen du Québec et d'administrateur de la ville de Lon-gueuil. Ne vous étonnez donc pas si mes remarques, bien qu'elles portent sur les mécanismes de gestion de la culture, sont aussi porteuses d'une certaine idée de la société québécoise.

Cela dit, je n'ai pas l'intention de traiter des aspects qui touchent au litige constitutionnel et, en l'absence d'un règlement de ce litige, je n'ai pas non plus l'intention de priver la population de Longueuil de la portion de ses taxes fédérales qui se traduisent en interventions de type culturel par le gouvernement central.

Les thèmes que je vais traiter sont les suivants: la situation à Longueuil et la question de sa proximité avec Montréal; des remarques générales sur le rapport Arpin; la notion de régionalisation et de son pendant, le partenariat des municipalités avec le ministère; la question de l'évolution du rôle de nos bibliothèques; et, enfin, l'épineuse question des rapports entre les pouvoirs publics et les artistes.

Les débuts de Longueuil remontent au XVIIe siècle, ce qui explique notre sensibilité particulière envers l'histoire et le patrimoine, donc, en définitive, envers la culture. D'ailleurs, je vois une certaine logique entre culture et stabilité, illustrée par le fait que les résidents de Longueuil, dans un sondage mené en 1986, ont répondu à 61 % que, s'ils avaient à déménager, ils demeureraient à Longueuil. J'en déduis que nos traditions nous servent bien. Notre proximité de Montréal détermine fatalement les comportements des Longueuillois et Longueuilloises en matière de fréquentation des infrastructures culturelles et ça colore, par conséquent, notre développement en matière de culture. À titre d'exemple, nous ne nous sommes pas encore pourvus de grandes structures de diffusion devant le fait qu'il y a toutes les salles et tous les musées de Montréal, à 20 minutes de Longueuil en métro. Grosso modo, le voisinage de la métropole est, au plan culturel, autant un facteur d'inhibition que d'économie d'échelle pour Longueuil. Mais Longueuil n'est pas pour autant inactive en matière culturelle. D'abord, parce qu'il y a une identité longueuilloise à préserver et à enrichir.

Deuxièmement, une ville a, selon nous, l'obligation de dispenser certains services culturels voisins de l'éducation sans compter le bénéfice évident, pour la qualité de vie municipale, d'avoir des résidents qui soient promoteurs de la beauté, du respect de la nature et de l'effort créateur. À ce chapitre, rien ni personne ne peut se substituer à la ville. Longueuil consacre environ 2,8 % de son budget à la culture, soit environ 3 700 000 $ en 1991.

En vertu d'une politique de développement culturel adoptée en 1990, la ville intervient dans les trois axes que sont la formation - qui est chez nous l'axe le plus développé - la création et la diffusion. La formation consiste, chez nous, à dispenser une initiation aux arts et un apprentissage sommaire de la création. Ça s'adresse évidemment aux amateurs, le but étant d'ouvrir les esprits et d'instaurer la civilité dans la population. Le réseau dont nous nous servons pour dispenser nos services culturels gravite autour du centre culturel Jacques-Ferron, avec des ramifications dans presque tous les quartiers de la ville via les comités de loisirs.

Pour ce qui est des activités de diffusion, à part de ce que permet notre nouveau Théâtre de la ville, très peu de choses se passent chez nous par comparaison à d'autres villes, même de taille inférieure, en conséquence justement de la proximité de Montréal. La ville cherche quand même à soutenir les artistes, artisans et organismes professionnels de Longueuil. Elle a récemment créé un organisme distinct appelé Société de développement des arts et de la culture, ou la SODAC, doté d'un budget initial de 300 000 $. La politique longueuilloise d'intervention culturelle touche également d'autres aspects.

L'histoire même de Longueuil fait que la ville s'implique dans la préservation et la promotion du patrimoine en conjonction avec un nombre étonnant de bénévoles regroupés en diverses associations dévouées à cette cause. Il en découle pour elle la responsabilité de configurer le développement municipal en harmonie avec le passé et les vestiges qu'il a laissés. C'est ce qui nous a inspiré la récente réappropriation de nos berges, la réfection de la rue Saint-Charles dans le Vieux-Longueuil, ainsi que celle de l'historique Chemin de Chambly et, enfin, la mise sur pied récente du projet Rues principales.

Un dernier axe d'intervention culturelle à Longueuil touche le développement des bibliothèques qui consomment plus de 21 % du budget de la Direction du loisir et de la culture, soit maintenant environ 1 800 000 $ par année. Nous avons un réseau de deux bibliothèques et de cinq succursales qui possèdent ensemble plus de 170 000 volumes. Le résultat de tout ça est un peu ambigu. D'un côté, Longueuil se porte bien en matière de promotion du patrimoine et de formation artistique de niveau amateur, et elle offre comme ville un visage remarquablement distinct. En contrepartie, la proximité de Montréal nous dérobe un certain dynamisme.

Quant au rapport Arpin, voici quelques remarques générales qu'il nous inspire et les contradictions que nous y voyons. En lisant le rapport, j'ai eu l'impression qu'il avait été écrit par deux personnes diamétralement opposées l'une de l'autre. La première, que j'appellerai désormais "le prophète", jette sur papier des pistes

nouvelles et la deuxième, que j'appellerai "le technocrate", prend davantage soin de ne pas trop contester les structures existantes. Nécessairement, ça confère au rapport parfois des ambiguïtés sans gravité, mais plus souvent des contradictions fondamentales jamais résolues. Il arrive qu'on y lise ici une chose, et plus loin son contraire. Mais j'en déduis que nous avons été invités ici pour améliorer ce qui était perfectible.

Une des pistes intéressantes ouverte par le rapport concerne l'appellation même du ministère, qui deviendrait le ministère de la Culture. À ce sujet, justement, la première manifestation de la dualité non résolue entre le prophète et le technocrate surgit dans le contexte de la définition même de la culture. Le rapport propose ici et là les éléments d'une définition large de la culture, comme ce passage à la page 160, manifestement inspiré par le prophète qui dit que "définir le niveau culturel d'un pays, d'une population, c'est identifier un certain nombre de facteurs qui expriment l'ordre, la beauté et l'excellence". Un peu plus loin, à la page 166, il dit: "Culture et civilisation sont deux soeurs siamoises." (18 h 15)

Mais on trouve aussi dans le rapport, à rencontre de cette largeur de vue, l'expression d'une pensée sans doute inspirée par le technocrate, et qui s'en va dans un tout autre sens beaucoup plus restreint. Je fais ici allusion aux mots "arts" et "culture" souvent traités dans le rapport comme des synonymes ou comme deux sphères d'activité voisines et de même niveau comme sports et loisirs ou chasse et pêche, ce que le technocrate doit trouver plus facile à concevoir et à gérer.

Confondre arts et culture ou réduire la culture au seul domaine des arts est, selon nous, une erreur. Ça risque de déboucher sur une politique défectueuse qui consisterait à dire que la finalité du ministère, ce sont les artistes, indépendamment de tous les autres agents de la société. Ça amène, tôt ou tard, à concevoir et à soutenir la littérature pour les écrivains, le théâtre pour les dramaturges et les acteurs et la peinture pour les peintres, un peu comme si on faisait un réseau routier pour les entrepreneurs et la pomiculture pour les pomiculteurs.

La culture nous apparaît être plus que les arts puisque la culture, c'est le fait de toute la collectivité. Je crois que c'est André Malraux qui disait de la culture que c'est "le domaine de la transmission des valeurs". Or, si le ministère, comme le suggère le rapport à la page 294, doit chercher "à susciter l'intérêt du plus grand nombre", il doit redéfinir sa mission et sa clientèle en des termes beaucoup plus larges qu'avant.

Le ministère des Finances n'est pas celui des financiers, pas plus que le ministère de l'Environnement n'est la chapelle des environ- nementalistes. Dans une perspective élargie, le ministère de la Culture n'est pas le ministère des seuls artistes. C'est le ministère de notre identité, de nos valeurs, c'est le ministère de tout le monde. D'ailleurs, à la page 41 et, de toute évidence, sous la plume du prophète, on peut lire de la culture que "celle-ci fait que c'est ici que nous habitons plutôt que dans un autre pays". Bref, le prophète associe clairement la culture à la question de l'identité d'une collectivité, laquelle est exprimée et stimulée aussi, j'en conviens, par les artistes, mais pas seulement par eux. J'en parle avec d'autant plus de conviction qu'en 1988 la ville de Longueuil a produit un document intitulé "Politique de développement culturel" qui disait ceci: "Le développement culturel s'inscrit dans l'objectif global de la ville, soit celui de la qualité de vie." Car, à la limite, j'en suis sûr, il y a une corrélation entre la vigueur économique des sociétés, leur culture et leur qualité de vie.

Que font les artistes dans tout ça? Consciemment ou inconsciemment, depuis le début de l'histoire du monde, à partir des fresques de Lascaux jusqu'à "Guernica" et jusqu'aux "Gens de mon pays" et "À toi pour toujours, ta Marie-Lou", les artistes ne créent pas dans le vide. Ils proposent à leurs congénères des représentations de leur propre identité collective.

Si le gouvernement veut bel et bien un ministère de la Culture et non un ministère des Arts, ce ministère doit devenir, en matière culturelle, le médiateur, le rassembleur entre la population, les artistes, les autres pouvoirs publics, les entreprises et les mécènes. Voilà une démarche dans laquelle nous pourrions embarquer. Cela dit, grosso modo, nous applaudissons aux énoncés de principe contenus dans le rapport. Nous sommes d'accord avec la notion d'horizontalité, de l'arrimage de la dimension culturelle à toutes les autres. Nous sommes d'accord aussi pour que tous les pouvoirs publics au Québec soient des agents moteurs de la dynamique culturelle. Enfin, nous convenons, au chapitre des finalités de la politique culturelle du gouvernement, qu'il faut les définir en termes de développement, d'accessibilité et d'efficacité des mécanismes d'intervention.

Le Président (M. Gobé): M. le maire, malheureusement, le temps est presque écoulé. Je vous demanderais de bien vouloir résumer au complet votre mémoire pour que nous puissions passer aux discussions. De toute façon, les membres de la commission en ont pris connaissance.

M. Ferland: II me reste combien de temps, vous dites?

Le Président (M. Gobé): Comment?

M. Ferland: II me reste combien de temps?

Le Président (M. Gobé): II vous reste une minute et demie, deux minutes, maximum.

M. Ferland: M. le Président, je regrette. Enfin, c'est dommage. J'aurais aimé insister un petit peu sur la partie du partenariat. Si les deux partis voulaient se donner la peine de l'entendre. Je vais essayer de le faire quand même assez rapidement.

Le Président (M. Gobé): O.K., à ce moment-là, je tiens à prévenir les participants que nous devrons réduire le temps de chacun d'autant. Alors, vous pouvez continuer.

M. Ferland: Merci, M. le Président. Merci, mesdames et messieurs. Le rapport Arpin ne contient que sept pages sur le rôle des municipalités, dont cette recommandation à la page 282, où il est proposé que "le ministère des Affaires culturelles s'associe au milieu municipal [...] dans le cadre d'une politique culturelle favorisant un plus grand engagement des municipalités dans la culture". J'aimerais bien croire que le mot "s'associe" ne veut pas dire que le ministère décide et que les municipalités paient. D'ailleurs, le prophète a glissé à la page 196 une petite phrase qui en dit long: "Parler du partage des responsabilités, c'est toujours parler un peu, beaucoup même, du partage des pouvoirs." Mais, hélas, le technocrate affirme une toute autre chose. Il a déjà dit, en page 31: "L'État, par l'intermédiaire de son ministère des Affaires culturelles, doit se poser en seul maître d'oeuvre." Il ajoute, à la page 194, comme pour être bien sûr qu'on a bien compris: "II est tout à fait normal [...] que les responsabilités d'orientation, de planification, d'élaboration de politiques et de programmes de recherche soient de la compétence de l'unité centrale du ministère [...] Les fonctionnaires qui travaillent en région assument pour leur part des fonctions de relayeurs."

J'avoue que le technocrate m'a fait peur car quiconque a une expérience, si petite soit-elle, de traiter avec le gouvernement, surtout quand celui-ci s'arroge le monopole de l'expertise, verra dans le tableau de la page 220 une traduction fidèle de sa manière autoritaire de concevoir le partenariat. Selon ce tableau, tous les éléments à teneur décisionnelle sont du côté de l'État. Le rôle d'expert, donc de dépositaire de l'information pertinente, est également casé du même côté avec, en plus, le rôle d'initiateur.

Alors nous, les municipalités, on fait quoi? N'est-ce pas pourtant au niveau des municipalités que le pouls des populations est le plus perceptible? Est-ce que ce ne sont pas les habitants du lieu qui ont l'expertise pour déterminer s'il leur faut une bibliothèque, un studio vidéo ou une salle de spectacle? Le ministère ne peut pas dire une chose et son contraire. Il ne peut pas parler de partenariat et, en même temps, s'arroger toute la science et toute l'autorité.

Je souhaiterais, par conséquent, que les choses se passent en trois temps. Premièrement, que le ministère, ayant d'abord reconnu les spécificités des régions et leur expertise, élabore des plans régionaux de concert avec les pouvoirs publics régionaux, un peu comme on le fait lors des sommets économiques. Ensuite, qu'il définisse, en toute indépendance, je vous l'accorde, les enveloppes de ressources de tous ordres qu'il entend attribuer à chaque région. S'il y a une bataille politique à faire, qu'elle se fasse là, au grand jour. Je vous dis tout de suite que nous résisterons certainement, en principe comme en pratique, à ce qu'une part indue soit dévolue à Montréal et à Québec. Troisièmement, que le ministère nous donne de vrais interlocuteurs dans les bureaux régionaux, avec qui nous pourrons planifier avec pertinence, nous renseigner mutuellement sur ce que nous faisons de part et d'autre, et ainsi éviter les duplications et les surenchères. Faute de cela, je ne vois pas comment on pourrait parler de partenariat.

J'ai été ravi de lire, en page 133: "Le temps est venu de se doter d'une carte de la distribution des équipements culturels, d'un plan intégré, connu, public et, bien sûr, sujet à discussion." Je crois, en effet, que la notion de discussion est essentielle à la régionalisation. Mais il faut débarrasser au plus tôt la Rive-Sud de cette définition trop vaste que le technocrate en donne encore à la page 130, sous le nom de Montérégie. Une carte de distribution des équipements culturels fondée sur une telle définition de la Rive-Sud ne servirait pas les objectifs du concept de régionalisation.

Regardez plutôt ce qui se passe sur la Rive-Sud dans d'autres domaines comme l'assainissement des eaux, le transport en commun, la concertation politique ou économique et même l'implantation éventuelle d'un centre de tri régional. Regardez quels gens se parlent, quelles institutions locales transigent ensemble spontanément, et vous ne serez pas loin d'une définition fonctionnelle de la Rive-Sud sur tous les plans, y compris au plan culturel. Oui, la Rive-Sud est en banlieue de Montréal, mais elle n'est pas simplement une banlieue satellite de Montréal. Elle est différente de Montréal, elle est différente de la Montérégie, et notre population n'a pas à être lésée dans ses besoins culturels fondamentaux.

Pour ce qui est des bibliothèques, le rapport Arpin dit, à la page 157: "La situation de la lecture chez les jeunes et celle d'une certaine pauvreté de nos bibliothèques publiques [...] sont des questions connexes." Dans cette perspective, la ville de Longueuil se prépare à consolider bientôt son service de bibliothèque en créant une bibliothèque centrale à laquelle les cinq autres se raccorderont. Mais le problème est beaucoup plus profond et plus ancien. J'ai comme l'impression que le concept même de bibliothèque n'a pas beaucoup évolué depuis celle d'Alexandrie, trois

siècles avant notre ère. Elle est d'abord là, la pauvreté de nos bibliothèques publiques.

Si on en croit Alvin Toffler, on s'en va vers le siècle de l'information. Les sociétés, dit-il en substance, dont les citoyens pourront obtenir et traiter l'information survivront. Les autres sociétés vont péricliter. Savez-vous qu'à l'heure actuelle n'importe qui, équipé d'un microordinateur et d'un modem, peut consulter à toute heure du jour le ficher central de la bibliothèque du Congres américain et d'autres bases de données américaines, pourvu qu'il soit abonné à un réseau américain comme CompuServe ou à plusieurs autres réseaux également américains? Avons-nous seulement idée de l'effet débilitant sur notre culture de cette nouvelle génération de bibliothèques électroniques américaines si nous ne réagissons pas? La lecture n'est plus seulement un divertissement, ni seulement un loisir, ni seulement un outil de formation permanente. Ça devient un outil essentiel de travail, donc une nécessité collective, économiquement comme culturellement. Si je veux que ma ville soit hospitalière pour les gens actifs qui consomment de l'information de manière constante et vitale, il ne faut plus qu'ils doivent aller à Montréal pour faire leurs recherches ou consulter les ouvrages de référence dont ils ont besoin.

Mais il y a plus. Au plan culturel national, il faut un plan d'ensemble qui permettra à nos bibliothèques de faire au plus tôt le grand bond technologique en avant qui leur redonnera leur fonction millénaire de pivot central de la distribution de l'information. Ne craignez rien: quand ce sera fait, quand les supports de l'information auront été mis à jour au plan technologique, les jeunes n'auront pas besoin, la magie de l'informatique aidant, qu'on leur fasse un dessin pour comprendre que la lecture aussi est "in", mais qu'elle est encore plus vitale que la forme physique et la mode vestimentaire.

Pour boucler la boucle, j'aimerais traiter enfin des artistes et des rapports que les pouvoirs publics doivent établir avec eux. Le sentiment d'isolement chez certains artistes, et même d'abandon face à l'appareil de l'État, est d'une triste évidence. Mais l'État n'est-il pas lui-même la cause de cet état de choses depuis le moment où il a substitué toutes sortes de mécanismes au nécessaire dialogue entre les artistes et la collectivité? Si l'artiste québécois est isolé, c'est du public qu'il est isolé, du jugement du public, de l'influence du public. Une subvention versée directement à l'artiste, si bien intentionnée soit-elle, ne remplacera jamais, et elle peut même détruire, l'indispensable réciprocité entre l'artiste et le public. Au pire, les artistes en arrivent même à l'aberration de considérer l'État comme leur pourvoyeur unique.

Le rapport Arpin comporte pourtant, en page 58, ces lignes lumineuses que j'attribue à la plume du prophète: "Le domaine de la culture et des arts est par excellence la terre d'élection de la liberté, de l'initiative personnelle et de la spontanéité des créateurs, mais également celle du libre choix du public et des goûts culturels variables selon les modes et les temps. Toute démarche qui vise à introduire une certaine planification dans le domaine culturel doit préserver cet aspect vital de la culture."

Mais, à la page 60, le technocrate dit pratiquement le contraire: "La création artistique et les innovations culturelles ont besoin d'être soutenues pour elles-mêmes", ajoutant, en page 98: "Que les disciplines artistiques qui connaissent certaines difficultés provisoires ou qui arrivent plus difficilement à se donner un public soient soutenues de façon particulière." Mais qui va déterminer si telle avant-garde picturale a de l'avenir et mérite la respiration artificielle, ou si telle approche à l'écriture romanesque est pertinente, ou si le Québec a besoin de 500 comédiens ou de 5000? Souvenons-nous que même le grand Leopold, empereur d'Autriche et grand mécène, s'est trompé en favorisant Salieri plutôt que Mozart, et que notre propre ministère des Affaires culturelles lui-même a déjà levé le nez sur Michel Tremblay. Traitons plutôt nos artistes professionnels comme des gens responsables, responsables de produire des oeuvres qui touchent la population, et prêts à accepter les conséquences de leur échec dans le cas contraire car il n'y a pas de culture sans l'assentiment de toute la collectivité.

Il m'apparaît par conséquent plus sage pour le ministère, sachant que sa politique colore fatalement celle de tous les autres corps publics, d'investir beaucoup moins dans la subsistance des personnes et beaucoup plus dans les occasions de rencontre entre l'artiste et le public. Nous favorisons donc, par conséquent, une politique culturelle axée en priorité sur la diffusion, sur l'établissement partout au Québec de lieux de rencontre. Cela aurait le quadruple avantage 1° de mettre fin à cette relation éternellement frustrante entre l'artiste et l'État-pourvoyeur; 2° de garder les artistes en état de saine réciprocité avec le public; 3° de répondre plus vite aux objectifs nationaux d'accessibilité universelle et 4° de fournir au ministère et aux municipalités des secteurs d'intervention similaires et qui concorderont davantage avec leurs niveaux réels de compétence. (18 h 30)

En conclusion, la position de Longueuil se résume en quatre phrases fort simples. Le changement de nom du ministère en ministère de la Culture doit donner lieu à une reformulation de sa politique autour d'une définition large et mobilisante de la culture; la notion de régionalisation ne sera matérialisée que si les mécanismes de décision en matière culturelle sont révisés dans un véritable esprit de partenariat; Longueuil fait partie d'un ensemble original que nous appelons la Rive-Sud, distinct de Montréal et distinct de la Montérégie, avec des besoins qui

découlent de sa distinction, principalement en matière de diffusion; il faut assainir les relations entre l'artiste et les pouvoirs publics en fournissant aux créateurs les moyens de diffusion sans lesquels la création n'a aucun sens culturel.

Je souhaite donc que le prophète et le technocrate se mettent d'accord sur une vision unifiée de la culture, et qu'ils en conçoivent une politique cohérente qui nous permettra ensuite, à vous et à nous, dans la pratique, de gouverner de part et d'autre sans nous contredire et selon nos compétences véritables. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le maire. Vous avez fait ça très vite, c'est bien. Là, on a maintenant Mme la ministre. Vous avez la parole.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le maire. Bienvenue à tous. Comme le temps nous presse, je vais premièrement vous féliciter pour votre mémoire parce qu'il est très... Vraiment, il aborde plusieurs sujets, mais de façon très pratique aussi. Je voudrais parler, d'une part, de la question de la région ou, enfin, d'une ville périphérique parce qu'en périphérie de Montréal. On a touché cette question-là aussi, hier, quand on a parlé de la région Chaudière-Appalaches, par exemple, avec toute la problématique de Lévis versus Québec. Vous avez parlé de l'influence de la proximité de Montréal sur le développement culturel de Longueuil évidemment, particulièrement au chapitre de la diffusion. Vous avez dit aussi que, pour que les artistes de la région se développement et pour créer une vitalité en soi, il faut avoir ses équipements, avoir des équipements, en tout cas, appropriés à ses objectifs. Ceci dit, quel lien de coopération devrait-il y avoir entre les deux pour vraiment assurer un meilleur développement? Ce matin, le maire Doré nous disait: Nous, oui, on est une métropole, mais il ne faut pas non plus appauvrir les régions. Ça va de soi, mais on est une métropole quand même. Alors, comment faites-vous? Quel lien entrevoyez-vous avec une ville qui est si près de Montréal pour avoir sa caractéristique propre?

M. Ferland: Je disais tantôt que les Lon-gueuillois et les Longueuilloises, quand ils veulent aller voir un grand spectacle à la Place des Arts, par exemple, c'est facile, ils y vont. On ne prétend pas, non plus, qu'à Longueuil on aura un jour une Place des Arts, sauf que je pense que Longueuil doit quand même avoir ses équipements comme on eh retrouverait dans d'autres régions pour les artistes qui ne peuvent pas se payer la Place des Arts. Alors, on a, chez nous, le Théâtre de la ville qui est une petite salle de 300, 350 places. C'est une salle et c'est la seule, à toutes fins utiles, dans la région que j'appelle la Rive-Sud. Je pense que quand il y a des artistes qui percent et qui vont commander éventuellement un grand public, un très grand public, ils vont aller à la Place des Arts et les gens vont se déplacer. Mais, pour que ces artistes-là atteignent ce point-là, il y a un niveau intermédiaire où on ne leur fournit pas...

Mme Frulla-Hébert: C'est ça.

M. Ferland: ...d'équipements suffisants pour qu'ils puissent faire de la diffusion et pour qu'ils puissent se faire connaître. C'est à ça que je fais allusion.

Mme Frulla-Hébert: Évidemment, Montréal aussi, ce matin, se plaignait un peu de ses salles intermédiaires. Mais ce que vous dites, c'est que chacune des salles intermédiaires ou, enfin, l'équipement pour, justement... On se comprend au niveau de l'expression "intermédiaires", mais versus ces grosses infrastructures, à ce moment-là, ce devrait être propre à chacune des municipalités pour chacun de leurs besoins.

M. Ferland: Enfin, je ne dis pas à chacune...

Mme Frulla-Hébert: Ou enfin...

M. Ferland: ...des municipalités, mais quand même...

Mme Frulla-Hébert: ...rayonnantes.

M. Ferland: ...réparties sur le territoire régional que j'appelle la Rive-Sud. J'insiste sur la région...

Mme Frulla-Hébert: Oui.

M. Ferland: ...Rive-Sud par opposition à Montérégie.

Mme Frulla-Hébert: Oui, parce qu'elle est très vaste. Il y a une autre chose aussi. Comparativement à Laval, par exemple, qui est une ville avec un énorme territoire, la Rive-Sud est composée de plusieurs municipalités. On s'aperçoit, parce qu'il y a plusieurs municipalités maintenant qui viennent nous voir... Le problème, c'est que bien souvent les municipalités sont des pôles et les municipalités environnantes plus petites profitent des équipements sans pour autant vouloir participer aux frais, justement, des équipements culturels. Est-ce que c'est comme ça chez vous? Si oui, est-ce qu'il y a une façon de regrouper certaines municipalités, si on veut, versus un même objectif pour pouvoir se partager certains équipements de telle sorte que... Là, on a des demandes de partout. Chacune des municipalités veut avoir ses équipements et, à un moment donné, c'est irréaliste de penser aussi qu'il peut y avoir une salle de concert dans chacune des municipalités.

M. Ferland: Oui. Je suis tout à fait d'accord avec vous, Mme la ministre, et je ne pense pas que chacune des villes puisse avoir sa salle de 350 places, mais je pense quand même qu'il doit y avoir à travers la région des salles de ce niveau-là.

Mme Frulla-Hébert: Oui, oui, d'accord.

M. Ferland: Maintenant, c'est sûr que, si on arrive dans un coin où ce sont toutes des petites villes, peut-être qu'elles vont se battre pour avoir la salle. Mais là je pense que le ministère va faire sa part et peut-être que les petites villes peuvent se cotiser. Ça peut se faire au niveau de la MRC.

Mme Frulla-Hébert: C'est ça, mais est-ce que c'est possible de penser à un système, par exemple - chez vous, de toute façon, il y a des villes, c'est sûr que vos villes, c'est peut-être une caractéristique un peu différente - de collaboration qui est encore plus intense, si on veut, pour se dire: Voici, on parlait de la cartographie, mais la même chose... Voici une région donnée et, dans cette région-là, nous avons besoin de tant d'équipement. Une ville peut en prendre, l'autre... et aussi une participation globale des villes à l'ensemble. Ce à quoi j'essaie d'en venir, c'est d'avoir une espèce de planification qui est beaucoup plus régionale, sans parler d'une grande région, mais...

M. Ferland: Oui, oui, moi je pense que c'est faisable. Écoutez, nous, on a mis sur pied le Théâtre de la ville conjointement avec le cégep Édouard-Montpetit et avec une subvention du ministère des Affaires culturelles.

Mme Frulla-Hébert: Possiblement, oui.

M. Ferland: Bon, évidemment, Longueuil est une ville de 135 000 habitants.

Mme Frulla-Hébert: C'est la quatrième plus grosse ville, oui.

M. Ferland: C'est la quatrième au Québec. Donc, on pouvait peut-être, nous, se payer ça. Peut-être qu'un peu plus loin, si on a besoin d'une salle, il va falloir travailler au niveau de la MRC ou, enfin, amener les villes à se parler et à s'entendre.

Mme Frulla-Hébert: C'est tout? Est-ce que je peux en poser une autre toute petite? C'est sur la Société de développement des arts et de la culture, la SODAC. Qu'est-ce qui a incité la ville de Longueuil à soutenir la SODAC pour gérer son développement culturel - vous la financez à 100 %? De toute façon, on le voit par le mémoire, vous y croyez, vous êtes des vendus. Alors, pas besoin de faire un plaidoyer. Mais jo trouvo intéressant ce concept.

M. Ferland: Qu'est-ce qui a amené la création de la société, de la SODAC? On avait mis sur pied, il y a environ, je dirais, tout près de quatre ans, une commission des affaires culturelles, un peu comme vous le faites ici. On a invité tous les artistes de Longueuil, que ce soit des compagnies de théâtre ou des artistes individuels, à venir témoigner, à venir nous présenter des mémoires. C'est suite à toutes ces rencontres que nous avons déduit que nos artistes avaient besoin d'être encouragés, d'être aidés. Mais on ne donne pas de subvention comme telle.

Ce qu'on fait, c'est que la SODAC a pour mission de favoriser la création et d'aider aussi à la diffusion des oeuvres. Alors, la SODAC... On vient tout juste de faire un lauréat en art visuel contemporain qui est un très grand succès. Il y a eu une participation de 135 artistes. Alors, je pense que c'est ce genre d'encouragement que les artistes veulent, et la SODAC a pour mission de réaliser ces projets-là.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le maire. Merci, madame. Alors, je vais maintenant passer la parole à Mme la députée de Marie-Victorin et... ensuite - pardon, je suis fatigué, ce soir -à Mme la députée de Taillon. Auparavant, je demanderai le consentement en vertu de l'article 132 de notre règlement. Alors, Mme la ministre, nous le donnons. Je vous dis qu'il reste à peu près une dizaine de minutes.

Mme Vermette: Alors, M. le maire Ferland, le conseiller, M. Michel Timperio, M. - les noms, je les vois trop souvent - Sévigny, et M. Pineault, bienvenue. En fait, ça nous fait plaisir do vous accueillir au nom do la formation politique. Bon, je vais le mettre de ce côté, ça va aller mieux.

Alors, écoutez, on dit souvent: Ce qui manque dans nos sociétés, c'est l'imagination et la créativité. Je pense que votre mémoire fait preuve que vous avez de l'imagination et de la créativité. C'est un bon pas dans le domaine de la culture et des arts, le développement des arts.

Ce que je retrouve surtout et qui est tout à votre avantage, ce que vous relevez beaucoup, c'est que la culture vous apparaît être plus que les arts puisque la culture, c'est le fait de toute la collectivité. Je pense que, effectivement, il faut toujours regarder la culture dans son ensemble. Vous avez sorti des choses très importantes, en fait. Vous avez parlé aussi de la proximité, du problème que cause la proximité de Montréal, dans votre mémoire. Je pense qu'on en a discuté avec la ministre. Vous avez aussi parlé d'un véritable partenariat que vous vouliez avec le ministère de la Culture et des Arts, d'une connaissance ou d'une reconnaissance du territoire do la Rive Sud par rapport à l'ensemble

de la Montérégie, d'une définition du territoire et d'une participation en fait avec une formule ou un contrat de développement cuturel. Je pense que tout ça, c'est des éléments importants qu'il faut soulever parce que ça va faire partie de la politique avec laquelle vous devrez vivre aussi.

Est-ce qu'il est possible, à partir des bons voeux et des souhaits du prophète, d'envisager sérieusement une implication financière accrue des municipalités en matière de culture dans le contexte de la réforme Ryan, telle qu'elle est actuellement, s'il n'y a pas un délestage au niveau financier?

M. Ferland: Je pense qu'on peut envisager un accroissement de la participation financière des municipalités, mais je dirais pas n'importe comment, vraiment dans un esprit de partenariat. Je pense que je le fais assez bien ressortir dans le mémoire qu'on ne voudrait pas que le ministère prenne des décisions et qu'on paie. Ça, dans ce sens-là, on n'est pas intéressés. Par contre, on est prêts à travailler sur des projets conjoints qu'on va négocier et sur lesquels on va s'entendre. Pour ce genre de partenariat, oui, je pense que les municipalités sont prêtes à mettre un peu d'argent. En tout cas, je vais parler pour Longueuil, je ne peux pas parler pour toutes les municipalités du Québec. Mais, à Longueuil, on a pris un certain engagement vis-à-vis de la culture. On ne peut pas tout payer mais, dans la mesure où on a un bon partenaire comme le ministère des Affaires culturelles, oui, on est prêts à mettre de l'argent. Mais on aimerait participer aux décisions, par exemple.

Mme Vermette: Oui. Je pense que l'un ne va pas sans l'autre. Vous l'avez très bien relevé dans votre mémoire, on l'a lu. Vous soulevez un autre point qui est assez important, c'est la relation entre l'artiste et les pouvoirs publics. Je pense que ça, c'est un point important. J'aimerais ça que vous élaboriez davantage là-dessus. De quelle façon, justement, pourriez-vous fournir des moyens aux créateurs pour que se crée ce lien, les relations entre l'artiste et les pouvoirs publics?

M. Ferland: Si on s'en tient à la philosophie du prophète, dans le rapport Arpin, qui dit que la culture, c'est une question de liberté, que l'artiste doit donner libre cours, enfin, qu'il ne faut pas qu'il y ait d'entrave et tout ça, on veut bien. Mais, en contrepartie, on dit aussi que le public doit exercer ses choix et dire qu'il aime ou qu'il n'aime pas. Quand il y aura une communion entre les deux, on pourra dire qu'on a quelque chose qui fait l'affaire de tout le monde. Alors, nous, on est d'accord avec cette notion-là. Donc, on ne paie pas l'artiste pour produire sans savoir si ce qu'il va produire est bon ou pas bon. Ce qu'on dit, par contre: Quand il aura produit, venez tester avec le public si ce que vous avez produit est acceptable pour le public. Pour ça, il faut lui donner des moyens de diffusion, d'où l'emphase qu'on met plutôt sur la diffusion que sur la création.

Mme Vermette: D'ailleurs, c'est là-dessus que vous avez parti le programme des lauréats pour les créateurs?

M. Ferland: Les lauréats, c'est un exemple typique de ce qu'on vient de dire. C'est qu'on n'a donné à personne de moyens de produire. Tout ce qu'on a fait, c'est qu'on a fait un concours. On les a invités et il y a eu 137 artistes qui ont participé. Je trouve ça formidable. Par contre, ils ont eu le plaisir de voir leurs oeuvres exposées et diffusées. On leur donne aussi une reconnaissance.

Mme Vermette: La relation avec le public, avec les artistes et avec le pouvoir public - parce que Longueuil, c'est une ville où il y a beaucoup d'artistes - est-ce que ça se vit bien? Est-ce que c'est facile à gérer tout ça?

M. Ferland: Écoutez, on l'a fait un peu via la SODAC. Ce n'est jamais facile. Tout le monde sait que la culture, c'est le parent pauvre de la société. On est toujours au niveau des moyens. Les difficultés qu'on rencontre, c'est toujours au niveau des moyens. Alors, c'est difficile au point de vue financier, il faut trouver de l'argent. Même pour le concours des lauréats de 1991, on est allés chercher des partenaires dans l'entreprise privée. Je pense que ça, en soi, c'est quasiment un tour de force. On est allés chercher de l'argent ailleurs, à l'extérieur. On continue à croire que la culture, c'est l'affaire de tout le monde. Alors, dans ce sens-là, ce n'est pas facile d'aller convaincre les gens qu'ils doivent, eux aussi, participer à la culture. Je pense qu'on y arrive quand même.

Mme Vermette: J'aurais eu d'autres questions à vous poser, mais le temps nous manque. Je sais que ma collègue veut vous poser aussi des questions. Ça me fait plaisir de vous avoir reçu ici.

Le Président (M. Gobé): Vous êtes bien aimable. Merci, madame.

Mme Marois: Merci. Ça va être très bref, M. le Président. J'ai une question.

Le Président (M. Gobé): Vous n'avez pas encore la parole, madame.

Mme Marois: Pardon?

Le Président (M. Gobé): Je ne vous ai pas encore donné la parole.

Mme Marois: Je m'excuse, M. le Président. Vous voyez, j'essaie de sauver du temps.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: J'essaie de sauver du temps.

Le Président (M. Gobé): Vous l'avez, je vous la donne.

Mme Marois: J'ai beaucoup aimé le mémoire.

Il est succinct, il est clair et il est bref. Comme le dit Mme la ministre, il est pratique et c'est intéressant de le lire.

M. Ferland: II est long, par exemple.

Mme Marois: Non. Il est trop long quand vous le lisez à voix haute. Bien sûr, il prend un certain temps à être lu, mais il est très intéressant à lire. Il ne prend pas de temps à être lu, mais il a du contenu. Je trouve que ça reflète bien aussi la réalité longueuilloise. Ma question, elle est simple, elle est directe, elle est un peu drue peut être. Est-ce que vous remettez en question le fait qu'il y ait une région qui soit la Montérégie?

M. Ferland: Je pense, madame, que vous avez très bien lu entre les lignes. Oui, nous remettons en question qu'il y ait une région qui s'appelle la Montérégie. J'aimerais quand même vous expliquer pourquoi.

Mme Marois: J'aimerais ça que vous élaboriez un petit peu parce que je pense que c'est important.

M. Ferland: C'est parce que la Montérégie est un immense territoire géographique de 1 100 000 de population, je crois. Ce que moi j'appelle la Rive-Sud, comment la définir? Tantôt, j'ai dit: Regardez qui se parle dans l'assainissement des eaux, dans les projets de centres de tri et ainsi de suite... Prenons juste les quatre MRC qui sont là dans le voisinage immédiat: II y a la MRC de Champlain, où Longueuil se trouve, et les trois qui l'entourent. On parle d'une population de 600 000, donc un peu plus de la moitié de la Montérégie dans 4 MRC, sur un territoire beaucoup plus petit alors que le reste - je pense qu'il y a 15 MRC dans la Montérégie - ça veut dire qu'il reste 11 MRC dans le reste du territoire. On parle d'une zone qui est quand même assez dense, assez urbanisée versus une autre zone qui est plutôt de type agricole où les gens sont assez éparpillés. On ne sent pas beaucoup d'affinités avec les gens de la Montérégie, à l'extérieur de la Rive-Sud. Non pas qu'on ne les aime pas, on n'a absolument rien contre eux sauf qu'on n'a pas ce sentiment d'appartenance qu'on devrait avoir pour notre région comme on l'a sur la Rive-Sud.

Mme Marois: D'ailleurs, c'est assez semblable cette situation-là à ce qu'ont vécu Laurentides et Lanaudière, avec des variables évidemment. Mais je pense que la conséquence de ça, c'est que la Montérégie et ses deux composantes qui sont, d'une part, la Rive-Sud mais, d'autre part, la périphérie, si l'on veut, avec des villes importantes - je pense a mon collègue de Shefford avec Granby - l'une et l'autre sont toujours défavorisées parce qu'on les traite globalement. Finalement, les équipements ne correspondent pas à cette réalité que sont la Rive-Sud et la Montérégie qui sont, à mon point de vue, deux réalités. Dans ce sens-là, évidemment, je pense qu'on ouvre le débat. Il ne s'agit pas de le terminer ici, mais ça aura un impact ensuite pour la détermination des équipements et l'organisation des investissements à cet égard. Moi, je suis très sensible à cette réalité-là, surtout dans une perspective où on discute beaucoup, justement, de décentralisation et de nouveaux pouvoirs à loger dans les régions.

Alors, je suis aussi brève que je l'avais dit, M. le Président. J'ai terminé, à moins que M. le maire veuille ajouter quelque chose.

M. Ferland: Si vous permettez, juste un petit ajout à ce que vous dites. Si les équipements devaient être distribués géographiquement, je pense qu'on serait en manque d'équipements, d'où encore une autre bonne raison pour isoler cette partie - qui est moins dense - de la nôtre qui est très dense.

Le Président (M. Gobé): Alors, Mme la députée de Taillon, non seulement vous fûtes brève mais vous fûtes claire aussi.

Mme Marois: Merci, M. le Président, vous êtes fort gentil à mon égard. J'essaie de l'être, mais ça ne réussit pas tout le temps. Il faut croire que, cette fois, ça a réussi.

Le Président (M. Gobé): C'est une de vos qualités, je pense, d'ailleurs.

Mme Marois: Pardon?

Le Président (M. Gobé): C'est une de vos qualités, d'ailleurs, je pense.

Mme Marois: Merci, c'est gentil. Vous allez me gêner, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): M le député de Shefford, vous avez la parole.

M. Paré: En étant aussi clair et aussi rapide pour vous remercier et vous dire que ce que vous venez de dire - ce qu'on retrouvait de toute façon dans le mémoire - d'une façon aussi claire et aussi franche n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Étant député de la Montéré-

gie, de l'extrémité, donc complètement à l'autre bout, étant membre du conseil de la Société montérégienne de développement, vous venez de jeter dans la culture montérégienne une grosse roche qui va nous amener dans des débats - j'ai l'impression - très rapidement puisqu'on sera en rencontre annuelle de concertation bientôt. J'ai l'impression que de la culture, vous venez de nous emmener à des structures qui vont nous amener beaucoup de discussions au cours des prochaines semaines et des prochains mois. Ça me fera plaisir parce que sur bien des points on est d'accord.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Shefford. Mme la ministre, le mot de la fin de la semaine maintenant.

Mme Frulla-Hébert: Bien oui, justement, je m'informais. Merci, ce fut une très belle semaine avec des très bons débats. C'est drôle, quand on voit les municipalités, c'est toujours très encourageant parce que chacune des municipalités - le député de Shefford est ici très souvent... On s'aperçoit qu'il y a une espèce de vigueur. Finalement, c'est fort encourageant et ça nous remonte le moral. Quand on voit un sondage publié à grands coups de médias et fait par l'Union des municipalités, où les gens disent à 43 %: Bien, si on a à couper, il faudrait couper dans la culture, ça n'aide pas trop notre cause non plus. Alors, s'il vous plaît, continuez. Continuez à nous aider et on va se fier là-dessus aussi. On va faire appel à vous. Merci.

Le Président (M. Gobé): Alors, M. le maire, au nom des membres de cette commission, je vous remercie. Je vous prierais de transmettre à vos concitoyens les remerciements et l'appréciation de votre travail, au nom de cette commission.

M. Ferland: À mon tour, je remercie les membres de la commission de nous avoir reçus.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le maire. Je vais donc maintenant ajourner les travaux au mardi 29 octobre 1991, à 15 h 30, en cette salle.

(Fin de la séance à 18 h 51)

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