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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 30 octobre 1991 - Vol. 31 N° 51

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante-deux minutes)

Le Président (M. Gobé): À l'ordre, s'il vous plaît!

Si vous voulez bien prendre place autour de la table, nous allons commencer les travaux de cette journée. M. le député de Charlevoix.

Il me fait plaisir de voir que nous avons maintenant le quorum. Donc, cette séance est maintenant ouverte.

Je vous rappellerai brièvement le mandat de notre commission qui est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur la proposition de politique de la culture et des arts. Ce mandat découle, bien entendu, du dépôt du rapport Arpin et se tient suite à une demande et suggestion de Mme la ministre des Affaires culturelles, Liza Frulla-Hébert. M. le secrétaire, avez-vous des remplacements?

Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacement, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): II n'y a pas de remplacement. Merci. Je vais maintenant donner lecture de l'ordre du jour afin que nous sachions quel va être notre menu d'aujourd'hui. Alors, dès 9 h 30, c'est-à-dire tout de suite même si nous avons un peu de retard, nous allons entendre les représentants du Groupe de recherche en muséologie et, par la suite, les représentants du Parti québécois; à 11 heures, la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec; à 11 h 45, l'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Nous suspendrons les travaux pour le déjeuner vers 12 h 30 et nous reprendrons à 15 h 30, alors que les représentants de la Brasserie Molson O'Keefe viendront nous rencontrer; à 16 h 15, les représentants du Théâtre de la Marmaille; à 17 heures, L'Institut canadien de Québec; à 17 h 45, le Centre de musique canadienne. Nous suspendrons les travaux vers 18 h 30 pour le dîner et nous reviendrons à 20 heures où, là, nous entendrons les représentants de l'Université de Montréal; à 20 h 45, le Réseau des diffuseurs de spectacles Laurentides-Lanaudière-Montérégie; à 21 h 30, les représentants du Conseil de la culture de l'Abitibi-Témiscamingue. Nous ajournerons nos travaux aux environs de 22 h 15 jusqu'au lendemain.

Je vous rappellerai maintenant un peu les règles qui vont régir notre journée. Le temps alloué à chaque groupe est d'environ 45 minutes, 15 minutes pour la présentation du mémoire - vous n'êtes pas obligés de le lire, pour les gens qui en ont un trop volumineux; les membres de la commission en prennent connaissance de toute façon - et, par la suite, 15 minutes de chaque côté pour dialoguer. S'il y a un peu de temps en trop ou en moins, la présidence se réserve la discrétion de l'allouer selon les nécessités des intervenants.

Ceci étant dit, je crois que nous pouvons maintenant commencer sans plus tarder et j'inviterais donc les représentants du Groupe de recherche en muséologie à bien vouloir se présenter.

Groupe de recherche en muséologie

M. Dubé (Philippe): Merci. Mon nom est Philippe Dubé. Ma collègue est Andrée Lapointe. Je vais faire une brève présentation. Je vais devoir lire parce que je voudrais me limiter dans le temps et vraiment respecter le temps qui nous est alloué, ce qui fait que je vais essayer de faire une lecture dynamique tout de même, mais je me suis astreint à me résumer au meilleur de ma connaissance. Donc, je vais faire une présentation, Andrée va suivre et rappeler les principaux points de son mémoire et je vais revenir à la toute fin de sa présentation.

Le Groupe de recherche en muséologie nommé IM-MEDIA réunit prioritairement d'une manière informelle des chercheurs qui oeuvrent au sein du diplôme de deuxième cycle en muséologie à l'Université Laval, soit à titre de professeurs, d'étudiants, de chargés de cours ou de professionnels intéressés par ces différents projets.

Depuis la mise sur pied du programme et mon entrée en fonction à titre de responsable, en décembre 1989, nous avons dirigé plusieurs études pour le compte de divers organismes culturels dont, notamment, une pour le Musée François-Pilote et une autre pour le Musée de la civilisation à Québec. Notre champ d'expertise se développe principalement à partir d'une pratique de l'ethnohistoire où, par des exercices typologiques, nous tentons d'identifier dans le vaste domaine de la muséologie québécoise les dynamiques en présence.

L'intérêt que nous avons porté à la politique culturelle ces derniers mois s'inscrit dans un processus de questionnement au sujet de l'incidence des politiques gouvernementales sur le développement, tant ancien qu'actuel, de la muséologie d'ici. Nos travaux nous amènent souvent à traiter non pas seulement d'études de cas isolés, mais, de plus en plus, à les relier à un plus large contexte que nous pourrions qualifier de socioculturel. Nul doute que cette approche contextuelle apporte de nouveaux

éclairages sur des situations difficilement inextricables autrement. C'est pourquoi nous sommes maintenant convaincus que les moindres gestes de la part d'un gouvernement ou même l'absence totale d'une action volontaire influencent tout de même la vie culturelle et, plus encore, celle de la muséologie au sens le plus généreux du terme.

Par intérêt et surtout pour les besoins de l'avancement des connaissances en ce domaine, nous sommes constamment à la recherche de modèles conceptuels qui permettront de mieux comprendre les processus qui animent notre vie culturelle. Par exemple, de vérifier combien le curieux et le studieux sont des vecteurs signifiants du développement muséologique occupe depuis le début une part importante de nos activités de recherche. Ou encore par quelle architecture capricieuse s'est bâti notre réseau muséal reste une préoccupation dominante pour notre jeune équipe. Enfin, dégager des mécaniques de fonctionnement à partir des mouvements complexes de culture est notre lot quotidien. C'est pourquoi nous avons pris le temps d'examiner avec soin la proposition sur la politique des arts et de la culture du groupe Arpin afin d'en extirper, à partir d'un modèle, l'essence profonde et de profiter de cette occasion pour exprimer nos attentes à partir du cumul de notre expérience universitaire.

Le mémoire que nous vous avons soumis est articulé en deux temps, et là, Je parle du mémoire du 16 septembre. D'abord, un modèle descriptif de politique culturelle est élaboré pour mieux saisir éventuellement sa portée, puis nous avons adopté une prise de position pour une politique culturelle en transition. Par l'intervention de ce matin, nous tenterons de cerner les éléments clés qui, à la lumière des débats en cours, nous semblent encore percutants. D'une part, Mme Andrée Lapointe va utiliser son modèle descriptif pour dégager de l'idéal souhaité les composantes d'un réel possible. Est-il bon de rappeler, et je cite Augustin Girard, dans "Les enjeux de la fin du siècle", "qu'en matière de culture, l'enjeu est autant dans les processus que dans les oeuvres, autant dans les méthodes d'action et les attitudes que dans les objectifs et les contenus." D'autre part, à titre de responsable de IM-MEDIA, je conclurai sur les axes qui nous semblent les plus structurants pour une politique élaborée en fonction d'un développement culturel démocratique qui rendra le citoyen et la citoyenne plus libres face à leur destin, sans pour autant les soustraire à leurs responsabilités. Le rapport Arpin affirme sans ambages que, et je cite en page 297, "la culture ne trouve tout son sens que dans la liberté, elle ne souffre pas l'exclusive", et c'est sur la base de ce principe axiomatique que nous avons appuyé notre point de vue. Andrée.

Mme Lapointe (Andrée): À la lecture du rapport Arpin, on a un peu l'impression de se trouver devant le menu complet d'un restaurant offrant la gastronomie la plus large. Face à cette variété d'éléments et aux interventions nombreuses qu'ils ont suscitées, cette première partie de notre présentation va tenter de choisir parmi les propositions de l'idéal souhaité les articulations qui soutiennent un réel possible. Donc, notre première partie s'intitule "Les revendications ou le grand défoulement" et notre deuxième partie s'intitule "Les choix difficiles".

Ce que j'ai retenu des revendications qui vous ont été présentées et des commentaires qui vous ont été présentés depuis le début des débats, que je suis avec grand intérêt, c'est qu'il y a quatre éléments qui sont vraiment répétés par plusieurs groupes. D'abord, ce qui effraie beaucoup d'individus ou de groupes, c'est l'aspect du financement. On est venu souvent dire, demander: Qui va payer? On est venu demander: Combien d'argent faudra-t-il? Puisque, évidemment, tout le monde réclame plus d'argent. On est venu dire que, par exemple, le point de vue politique, le rapatriement sans l'argent, ça ne donnait rien, ce n'était pas efficace. C'est vraiment central au point de vue des commentaires qui ont été présentés devant la commission. On pourrait résumer ça en disant, de façon humoristique: Les gens sont venus vous dire que "deux tiens vaut mieux qu'un tu l'auras".

En deuxième partie, le pouvoir est aussi un aspect qu'on est venu beaucoup discuter devant la commission. On est venu souligner qu'on ne sent pas fortement une volonté du gouvernement du Québec d'intervenir au point de vue culturel. On ne l'a pas sentie dans le passé et on ne la sent pas encore aujourd'hui. C'est peu convaincant. On est venu exprimer une certaine méfiance envers les structures et la bureaucratie, je n'ai pas besoin d'élaborer là-dessus, ça a vraiment été un point important. Et on est venu dire aussi que certains créateurs considèrent que le fait d'avoir la possibilité de faire appel à deux paliers de gouvernement est rassurant, parce que, quand on ne peut pas réussir d'un côté, on peut toujours s'adresser à l'autre. Alors, on pourrait résumer ça en disant qu'on est venu dire que deux têtes valent mieux qu'une.

Après le financement et après le pouvoir, le troisième point qui était important, on est venu nous dire le problème de l'importance de la création versus la consommation, l'importance de l'aspect créateur de l'artiste vis-à-vis de l'aspect clientèle publique. C'est un débat qui ne finit pas dans le secteur de la culture. Chaque secteur disciplinaire a une vision privilégiée de l'équilibre qu'il souhaite. La création, on est venu dire que c'était l'équivalent de la recherche. Dans le milieu industriel, la recherche, c'est un investissement à long terme. On est venu dire: La création, les artistes, c'est aussi un investissement à long terme par rapport au côté clientèle consommation qui, lui, est un investissement à

court terme. On est venu dire aussi que, même dans les industries culturelles, il y a toujours un risque. Le risque culturel est là et on ne peut pas fonctionner avec les mêmes paramètres que dans l'industrie.

Le quatrième point que je voudrais faire remarquer, rapidement, c'est la balance difficile entre l'équilibre territorial et l'équilibre entre les secteurs disciplinaires. À travers les politiques culturelles qu'on a eues dans le passé, on a toujours cherché à les atteindre, à atteindre un équilibre entre les grands centres par rapport aux régions. Beaucoup de gens sont venus vous en parler et essayer de marquer l'importance de leurs positions et aussi l'importance des secteurs disciplinaires entre eux: comment faire un équilibre entre le théâtre, la danse, des éléments aussi variés que les arts visuels, les musées, etc.

Donc, les quatre grands points que j'ai retenus des revendications qui vous ont été présentées, c'est l'aspect financement, l'aspect pouvoir, l'aspect création versus consommation et l'équilibre entre les territoires et entre les secteurs disciplinaires.

En deuxième partie, ce que je voudrais faire, c'est des choix, des choix difficiles. La commission de la politique culturelle doit fonctionner dans un contexte ponctuel d'incertitudes sur le plan politique. Pour la société québécoise actuelle, la politique culturelle devra définir un cycle prospectif qui permette une action immédiate. Le modèle de politique culturelle que vous retrouvez à la fin du mémoire qui vous a été présenté nous servira maintenant à proposer ces choix nécessaires.

La première étape dans l'élaboration d'une politique culturelle consiste en une évaluation des besoins culturels. Alors, il y a de nombreuses études qu'il reste à accomplir et que votre commission devra recommander avant d'élaborer une politique culturelle. Par exemple, une cartographie des éléments qui composent les structures sur le territoire. Cette évaluation devra se faire en fonction de la création, donc en fonction du long terme, et en fonction de la clientèle, c'est-à-dire en fonction du court terme.

Passons à la deuxième étape. Après avoir évalué, la politique culturelle devra faire la planification de l'évolution des besoins. Cette planification sera un élément moteur à une nécessaire concertation entre les différents gouvernements qui agissent ici au Québec. Dans le court terme, on sait qu'on va toujours avoir affaire au fédéral. Le provincial devra composer, donc, avec des niveaux de gouvernement fédéral, municipal et aussi avec le secteur privé. Moi, ce que je propose, c'est qu'on planifie en fonction de faire du gouvernement provincial du Québec un élément de concertation, le moteur de la concertation entre ces différents niveaux de gouvernement dans une politique culturelle en transition. Il faut tendre à rapatrier les pouvoirs et les fonds en matière culturelle, mais on sait que ça ne se fera pas dans l'immédiat. Il faut tendre à remettre les responsabilités et les moyens au niveau le plus proche du citoyen, donc essayer, dans une politique en transition, de remettre les moyens et l'argent au niveau municipal.

En troisième étape, après l'évaluation des besoins et la planification de l'évolution de ces besoins-là, on a la détermination de l'échelle des moyens et de son utilisation optimale. Donc, il faudra d'abord que la politique culturelle tente d'établir un seuil minimal en deçà duquel aucune politique culturelle ne sera efficace, et ça n'a jamais été fait. Il faudra ensuite faire une répartition en surface permettant d'envisager un maximum, aller voir le minimum en deçà duquel on ne peut pas fonctionner, aller voir quel serait l'optimum, avec quoi on pourrait accomplir tout ce qu'on veut faire. Ensuite, il faut faire une ventilation réelle; cet exercice-là est absolument fondamental. Et, ensuite, on pourra décider de la nature du soutien financier, législatif et moral qui sont les trois façons par lesquelles l'État intervient dans les secteurs comme le secteur culturel.

À la suite de ces démarches-là, il s'agira de faire la programmation des ressources et c'est ici qu'on va chercher l'équilibre: l'équilibre entre la création et la consommation, l'équilibre entre les grands centres et les régions pour, finalement, arriver à un grand équilibre qui s'exercerait entre les secteurs disciplinaires et les secteurs territoriaux.

Le dernier élément de la politique culturelle consistera en la mise en place de structures. On recommande dans le document du rapport Arpin d'avoir un ministère d'intervention à l'horizontale, et je crois que c'est très important, un ministère qui peut intervenir dans les secteurs culturels qui sont dévolus aux autres ministères québécois; un ministère de concertation à la verticale, c'est-à-dire un ministère qui peut aller discuter avec le fédéral, discuter avec le municipal et le secteur privé pour concerter les actions - qu'on coopère au lieu de se com-pétitionner et, finalement, qu'on mette en place des structures d'allocation de fonds qui minimisent les actions d'ingérence, qu'on se serve des modèles qui existent dans d'autres structures étatiques pour perfectionner nos structures ministérielles.

Alors, après avoir fait ce tour d'horizon rapide, je cède maintenant la parole à Philippe Dubé qui, sur la base de l'analyse que nous avons élaborée, va développer des principes d'orientation d'une politique culturelle, maintenant, à partir de l'expérience muséologique.

Le Président (M. Gobé): Je voudrais vous avertir qu'il vous reste à peu près cinq minutes de votre temps, afin que vous puissiez...

M. Dubé: Très bien.

Le Président (M. Gobé):... condenser votre analyse.

M. Dubé: Alors, si on accepte qu'une politique gouvernementale obéit à un ordre structurel qui lui est propre, on peut aussi adhérer à l'idée que cette même politique occupe une certaine volumétrie sociale avec ses pôles d'activité bien définis. Voici, selon nous, les cinq principaux champs d'action d'une politique culturelle. Premièrement, la conservation et mise en valeur du patrimoine est certainement un secteur clé qui assure l'avenir de l'identité culturelle d'une société alors que la création, deuxième point, est la partie vivante et active du bouillon de culture dans lequel cette société se meut. La formation est certainement le troisième point, selon nous, qui devrait occuper une part aussi importante d'un programme d'action puisqu'elle assure la relève et peut ainsi élever la qualité des produits en circulation. Le quatrième point, c'est la diffusion et certes l'aboutissant d'une action gouvernementale dont le but est de faire profiter le plus grand nombre et d'ainsi améliorer, par cette valeur ajoutée, la vie en société.

Mais, un aspect sur lequel nous n'insisterons jamais assez, c'est le dernier point, c'est l'importance de l'animation culturelle du tissu social afin que l'éventail des interventions mentionnées agisse profondément au sein d'une population qui vivra réellement de culture. Certes, l'essentiel de la mission culturelle revient à l'État qui se doit de doter le public de services adéquats, tant au niveau des équipements qu'à l'échelle des programmes de subvention. Cependant, l'ensemble de ces efforts collectifs n'aura de sens que si la population prend en main la satisfaction de ses besoins en matière de culture et porte haut cette dernière en la considérant comme la noblesse du monde. Ce n'est qu'à cette stricte condition qu'une politique gouvernementale serait justifiée d'être élaborée en poursuivant l'objectif principal et explicite de rendre la population plus libre, plus épanouie et encore plus sûre d'elle. La culture ici n'est qu'un moyen de faire perdre du terrain à l'ignorance qui a été de tout temps le geôlier des peuples soumis à sa domination. Est-ce trop exiger d'une politique culturelle que d'attendre qu'elle soit un outil d'émancipation sociale qui fasse que la vie au quotidien soit plus enrichissante parce que plus nombreux seront nos concitoyens et concitoyennes vivant dans la dignité? Et là, je cite à nouveau Augustin Girard qui dit des choses fort intéressantes dans "Les enjeux de la fin du siècle": "Culture et démocratie semblent ainsi pragmatiquement liées, l'une étant à l'autre son instrument nécessaire en même temps qu'elle est sa finalité. Dans la démocratie culturelle, la fin et les moyens, enfin, se rejoignent. "

Il faut comprendre ici qu'il ne s'agit pas d'une profession de foi idéologique avec un parti pris social en faveur, nécessairement, des plus démunis, ni d'un élan à la fois coupable et généreux envers les classes laissées-pour-compte. Non, il s'agit plutôt d'une orientation globale qui offrirait à la société qui s'y engage une garantie de civilisation, un rempart contre la barbarie parfois tranquille de l'ignorance. On pourra toujours l'entendre comme un plaidoyer socialisant en lui accolant une étiquette à gauche, mais il faut saisir l'apport important que la culture peut donner à la dignité humaine. C'est plutôt d'une position centriste qu'il s'agit, puisque c'est le client qui sera recentré dans cette nouvelle perspective. (10 heures)

Dans une vision économiste à tous crins, ce rappel peut sembler être une note discordante de plus dans la cacophonie déjà régnante, mais nous persistons à croire que la dimension culturelle est tout aussi garante de la qualité de la vie en société que le bien-être matériel en est son fondement. Autrement dit, pour une vie sociale riche et stimulante, on ne peut pas faire l'économie de la culture, elle en est son ciment.

Le Président (M. Gobé): Avez-vous terminé, M. Dubé?

M. Dubé: Tout juste. Je dirais simplement, peut-être, que ce parti pris envers le public utilisateur découle des quelques enseignements que la recherche en muséologie nous a révélés. L'approche clientéliste devrait animer les architectes de cette future politique culturelle et le sens du service civil devrait orienter toute son action. Et c'est ainsi que, dans une société en transition, la culture, l'État et les citoyens se trouveront en équilibre de développement malgré l'instabilité du contexte politique.

En conclusion, nous nous déclarons favorables au rapport Arpin dans son effort surtout de faire de la culture un bien essentiel. Mais nous souhaitons que la part de revient aux citoyens soit plus manifeste dans une politique gouvernementale. Ces commentaires sont, en quelque sorte, une reconnaissance de la valeur d'une telle proposition et nous voudrions ici saluer cette commission d'avoir soutenu un débat public qui aura, finalement, le mérite de son courage en prenant le pouls réel de la situation de la culture au Québec. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Dubé. Mme la ministre, vous avez une dizaine de minutes.

Mme Frulla-Hébert: Oui. Merci, M. Dubé et Mme Lapointe. Je vous remercie, d'ailleurs, du mémoire qui est vraiment une analyse en profondeur du rapport et aussi de la commission. Parce que vous avez, à date, extrêmement bien résumé les diverses orientations émises par les groupes qui sont venus discuter avec nous à cette

commission et, effectivement, les quatre pôles, on les retrouve. Vous savez comme moi que, une fois cela dit, il y a toujours cet équilibre, le fameux équilibre entre la création et la consommation. Évidemment, il y a les entreprises culturelles qui disent: Nous, on est importants parce qu'on fait travailler. Il y a les créateurs qui disent: Oui, mais, sans nous, il n'y en aurait pas d'entreprises culturelles. Et vous parlez toujours du juste équilibre, vous le touchez dans votre mémoire, mais j'aimerais vous entendre là-dessus. Comment on fait, selon vos analyses, pour justement faire une base? Vous dites: C'est à l'État ensuite à faire l'équilibre entre les deux. Parce que, veux veux pas... On voudrait bien faire un consensus et j'espère bien que nous allons réussir, avec mon collègue d'en face aussi, à faire un consensus. Mais, encore là, il va y avoir équilibre et avec l'équilibre c'est toujours délicat. J'aimerais vous entendre, j'aimerais que vous élaboriez un peu plus là-dessus.

M. Dubé: Enfin, je vais peut-être me répéter, mais au fond, à partir de l'expérience, évidemment, que nous avons, qui est relativement courte, quand on examine un peu l'histoire de la muséologie, celle qui nous préoccupe au premier plan, on se rend bien compte que le succès réel d'une orientation gouvernementale pour la chose culturelle repose ou reposera sur une attitude, une approche clientéliste des plus sensibles. Quand on parle de clientèle, évidemment, pour le ministère, ça veut dire tous les intervenants dans la culture, jusqu'à un certain point, et c'est beaucoup de monde à contenter.

Mais, au point de départ, s'il y a une priorité à donner, à notre avis, c'est du côté de la consommation, des clientèles, donc des citoyens qui paient pour avoir ces services collectifs et qui doivent, quelque part, en avoir pour leur argent. Pour parler crûment, je pense qu'il s'agit vraiment, de notre point de vue, d'avoir tout au long cette préoccupation de satisfaire les besoins et de donner aussi les outils aux citoyens pour éventuellement exprimer leurs besoins. Et ça, au niveau de l'appareil, je ne sais pas très bien comment ça peut s'exprimer. Mais il reste que le cumul de l'expérience nous dit - puis ça, ça s'applique, je pense, dans tous les secteurs d'activité industrielle ou culturelle - que la sensibilité au client est, somme toute, une garantie de succès.

Je ne sais pas, Andrée, si tu as des choses à...

Mme Lapointe: Oui, je rajouterais, pour parler précisément de l'équilibre, que je pense que ce qu'on a essayé de faire dans le passé, c'est d'avoir une approche globalisante, de voir comment une politique culturelle s'oriente vraiment du côté du consommateur. Ce qui a été, la plupart du temps, le cas puisque c'est une approche: on essaie de rendre la culture au public, de démocratiser la culture.

Je pense que l'approche la plus logique maintenant dans le contexte dans lequel on vit, et que les autres pays vivent aussi, c'est l'approche par secteur disciplinaire. Et on va voir par secteur disciplinaire quelle importance a la création, quelle importance a la diffusion. C'est bien évident que pour le secteur des arts visuels ça ne sera pas la même chose que pour le secteur du théâtre, ça ne sera pas la même chose que pour le secteur des musées ou du cinéma, et je pense qu'on le sent dans les mémoires qui ont été présentés à la commission. Dans certains mémoires, les gens vont venir dire, les artistes vont venir dire: Écoutez, on nous oublie, on n'est pas là; c'est bien beau démocratiser la culture, mais nous, ce qu'on fait, ce n'est pas rentable à court terme; cependant, dans 20 ans, ça sera l'actualité; oubliez-nous pas.

Il y a des secteurs disciplinaires où il faut vraiment mettre l'accent sur l'aspect création, il y en a d'autres où on met l'accent sur l'aspect consommation et il y en a d'autres où on va atteindre un équilibre entre les deux. Ce n'est jamais 100 % d'un bord et 0 % de l'autre côté. La façon, je pense, à travers laquelle la commission - et la politique culturelle qui devrait en découler - pourra atteindre cet équilibre par secteur disciplinaire, c'est de donner la parole aux associations représentatives d'un secteur disciplinaire et d'aller consulter ces gens-là lorsqu'on fera l'évaluation. À l'étape de l'évaluation, c'est là qu'on pourra aller consulter les gens et trouver quel équilibre est, à ce moment-ci, opportun. Il ne faut pas s'illusionner. Si l'exercice est fait, par exemple en 1992, il sera à recommencer au plus tard cinq ans après. Ce sont des évaluations à court terme qui nous permettent de planifier à long terme. C'est vraiment la meilleure façon par laquelle je pourrais exprimer ce que notre analyse nous montre jusqu'à maintenant.

Mme Frulla-Hébert: Est-ce que mon collègue a une question?

Le Président (M. Gobé): M. le député de Saint-Hyacinthe, vous avez la parole.

M. Messier: Je crois que c'est vous, Mme Lapointe, qui avez rédigé le texte en question.

Mme Lapointe: Oui.

M. Messier: Vous avez une très belle plume. Je fais des études de maîtrise et c'est le style de documents qu'on reçoit pour faire nos études bien précises.

Vous parlez de responsabilité de l'État, je pense que vous en avez parlé avec Mme la ministre, et vous parlez aussi de responsabilité au niveau de l'entreprise privée. Mais on ne voit pas, dans votre mémoire, la démarcation qu'il

doit y avoir entre où l'État commence et où l'État termine, où commence l'entreprise privée et où termine l'entreprise privée. Où est la ligne de démarcation entre le rôle de l'État et le rôle de l'entreprise privée?

Mme Lapointe: C'est une question à laquelle je peux difficilement répondre avec l'état de mes connaissances. Tout ce que je pourrais dire, c'est que moi, je vois l'État comme ayant un rôle de concertation. Où est la limite entre ce que l'État peut accomplir et où le secteur privé intervient? Ce n'est pas le secteur privé en tout cas - ça, on le sait - qui va être un moteur de concertation. Ce n'est pas lui qui va venir et qui va dire: Écoutez, on va tous se rassembler et on va voir ce qu'on peut faire ensemble: ce que moi, je peux faire et ce que vous autres, vous pouvez faire. Je crois que c'est vraiment le rôle de l'État d'aller provoquer des choses. Il devrait être un provocateur. Il devrait être quelqu'un qui réunit les gens et qui les aide à coopérer. Et là, la situation dans laquelle on se trouve, c'est non seulement une situation où l'État ne parle pas tellement au secteur privé, mais où les différents paliers de gouvernement ne se consultent même pas entre eux la plupart du temps. C'est évident qu'on est en transition et c'est évident qu'on est dans un passage vers autre chose, mais, dans ce passage-là, justement, le gouvernement québécois a vraiment une opportunité de se positionner et se positionner en tant que leader, en tant que celui qui va provoquer des choses. À ce moment-là, je pense que la démarcation entre le secteur privé et l'État, on ne peut pas la mettre, de toute façon, de façon définitive parce que ça aussi, c'est en évolution. Si on regarde le mécénat d'il y a quelques années, le secteur privé était très peu présent à l'intérieur de la culture. On a une évolution là-dedans aussi, et je pense que plus ça va aller plus on va réussir à travailler ensemble, à travailler en symbiose. Donc, la démarcation va toujours évoluer et, espérons-le, elle va devenir beaucoup moins éloignée et les partenaires vont se rapprocher.

M. Messier: Dans ce rôle globalisant du ministère des Affaires culturelles, il y a plusieurs organismes qui sont venus nous dire qu'ils avaient peur du trop grand dirigisme du ministère des Affaires culturelles. Ça ne vous fait pas peur, ça, de donner, disons, je ne le sais pas... Au niveau du ministère des Affaires culturelles, est-ce que vous voyez que le ministère devrait rapatrier tous les pouvoirs, parce que, au niveau du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, il y a certaines actions qui sont prises, mais qui ne relèvent pas du ministère des Affaires culturelles? Est-ce que vous les regrouperiez pour avoir un guichet unique au niveau du ministère des Affaires culturelles ou non? Comment vous le voyez?

Mme Lapointe: Non. C'est ce que je voulais dire quand je parlais d'un ministère d'intervention à l'horizontale. Il y a des interventions qui sont du domaine culturel et qui vont rester de la responsabilité d'autres ministères, c'est bien évident. Il y en a de nombreuses et elles impliquent des fonds assez considérables. Maintenant, je crois que le ministère des Affaires culturelles devrait avoir un pouvoir d'intervention à l'horizontale pour avoir la possibilité d'aller voir ce qui se passe dans les autres ministères et de s'assurer que c'est fait aussi en concertation avec les actions, la mission du ministère, la politique culturelle, de s'assurer que ces autres ministères sont au courant de la politique culturelle qui est adoptée par le ministère des Affaires culturelles et qu'on fonctionne tous dans la même direction. Mais je ne crois pas qu'on pourrait arriver à un ministère des Affaires culturelles qui rapatrierait, à l'intérieur de sa législation, tous les aspects culturels de la société. La culture, ça va dans tous les secteurs de la société; on ne peut vraiment pas arriver à concentrer ça à l'intérieur d'un seul ministère.

M. Messier: Dans cette volonté...

Le Président (M. Gobé): En terminant, M. le député.

M. Messier: Oui, une petite question. Dans cette volonté que vous dites de ne pas rapatrier au sein du ministère des Affaires culturelles, comment voyez-vous le rôle des municipalités ou des municipalités régionales de comté dans une politique culturelle?

Mme Lapointe: Moi, je vois leur rôle grandissant. C'est sûr que, pour l'instant, on a une peur avec la réforme qui s'est passée dernièrement, on a une peur, encore une fois, et on l'a sentie beaucoup dans le mémoire présenté, d'hériter de responsabilités sans hériter des moyens qui vont avec. Moi, je crois qu'une politique culturelle doit se rapprocher du citoyen, sauf pour ce qu'on appelle les institutions nationales qui vont demeurer de régime soit fédéral ou provincial. Mais pour tout ce qui est de la culture qui touche le citoyen, on devrait vraiment tenter de ramener, dans une transition, dans une période de long terme - je ne parle pas du court terme - les responsabilités au niveau municipal et ça, ça veut dire aussi de "dévoluer" les fonds, d'envoyer les responsabilités avec les fonds. C'est là que le financement est le problème no 1. C'est pour ça que je l'ai mis en premier dans ma liste. Si on n'arrive pas à avoir une volonté politique qui augmente les fonds au niveau de la culture, on n'arrivera évidemment pas à construire une politique culturelle qui soit efficace.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme

Lapointe. Ceci met fin aux interventions de M. le député de Saint-Hyacinthe. Je vais maintenant passer la parole à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques et porte-parole officiel de l'Opposition en matière d'affaires culturelles.

M. Boulerice: Oui. Mme Lapointe, M. Dubé, je me permettrai une observation avant d'aller au questionnement. En faisant la lecture de votre mémoire et compte tenu de l'étendue de son contenu, je ne pouvais quand même pas m'em-pêcher de faire une relation avec une des propositions du rapport Arpin qui est la création d'un observatoire. La question que je me posais était: Est-ce que nous devons créer une nouvelle structure, un nouvel organisme? Ne pouvons-nous pas utiliser déjà des ressources existantes, que nous avons, et qui sont justement nos chercheurs dans les universités? Disons que j'avais déjà, au départ, un préjugé favorable et vous le renforcez par votre mémoire.

Ceci étant dit, à la page 8, vous dites: Quelle que soit la formule constitutionnelle que va choisir le Québec... Vous dites que le Québec, forcément, doit avoir la compétence exclusive au chapitre des responsabilités légales, monétaires, fiscales, et je pense que vous ajoutez même morales, et tout ça en relation avec le secteur de la culture. Et, du même souffle, vous souhaitez, par contre, que le gouvernement fédéral ait juridiction sur certaines institutions nationales. Alors, quelles sont les institutions que vous souhaitez voir maintenues sous la responsabilité fédérale? Bref, comment effectuer ce partage des responsabilités pour consacrer la compétence exclusive du Québec en matière culturelle?

M. Oubé: Je pourrais peut-être me risquer en disant, dans un premier temps, qu'au fond, dépendamment du point de vue où l'on se place, on n'a pas de souhait vraiment exprimé, dans le sens qu'on n'est pas naïfs non plus, et il est très clair que le gouvernement fédéral ne laissera pas tomber des secteurs dans lesquels il a déjà beaucoup investi. Ça, c'est un scénario qui nous apparaît irréaliste. Par contre, il y a des éléments qui sont forcément clés dans le domaine de la culture que ce gouvernement-ci, le gouvernement du Québec, doit occuper de façon dominante. Et, dans ce sens-là, ça relève peut-être davantage d'une vision politique de l'avenir culturel de notre société que réellement d'une approche, disons, réfléchie sur les responsabilités propres, en matière de culture, de chacun des gouvernements.

M. Boulerice: Vous dites qu'il n'y a pas d'adéquation entre la culture canadienne et la culture québécoise. La question que je pose: Pourquoi ne peut-il y avoir d'adéquation possible entre ces deux cultures qui se concurrencent par l'intermédiaire de leurs structures gouvernementales respectives?

Mme Lapointe: Je pense que c'est tout un secteur qu'on a très peu abordé à l'intérieur du mémoire, parce que, juste sur la question de l'identité culturelle, on pourrait écrire trois tomes. Je pense - et, effectivement, on l'exprime de façon très sommaire dans le mémoire - qu'il ne peut pas y avoir d'adéquation entre identité canadienne et identité québécoise, parce que les paramètres qui les définissent ou, en tout cas, qui tentent de les définir ne sont pas les mêmes. Et, vraiment, l'effort d'intégrer une identité québécoise à l'intérieur d'une identité canadienne, c'est ce qui pose des problèmes depuis les débuts de tout ce processus qu'on a vu, depuis, finalement, l'échec du lac Meech. Mais ne rentrons pas là-dedans. Je trouve que c'est vraiment une question pour laquelle je ne suis pas spécialiste, et il y a des gens de science politique qui pourraient probablement vous répondre beaucoup mieux que moi.

Cependant, j'aimerais tout simplement remarquer... Tout à l'heure, vous parliez d'un observatoire des politiques culturelles et vous avez bien raison. Un observatoire, c'est un mécanisme comme un autre par lequel on peut effectuer une certaine recherche, une certaine analyse. Ce sera aux gens qui développeront la politique culturelle de proposer le mécanisme le plus adéquat. Cela en est un. Il y a aussi, à l'intérieur du ministère, un département de la recherche et la prospective qu'on pourrait développer, et on pourrait le faire, comme vous dites, à l'intérieur des cercles universitaires qui sont très présents et très efficaces.

Quant aux institutions ou aux secteurs culturels qui vont demeurer à des paliers de gouvernement différents, qu'on pense tout simplement, pour donner des exemples, aux archives ou aux institutions muséales nationales qui sont instituées du côté fédéral. Je pense qu'il est utopique, en tout cas, à court terme, de penser à un transfert de législations en ce qui les concerne, et de responsabilités, au point de vue provincial. Cependant, il ne s'agit pas ici d'une guerre entre différents gouvernements pour obtenir les pouvoirs totaux. Il s'agit tout simplement d'aller faire un partage qui permette pour le citoyen une utilisation optimale des ressources et des possibilités. Je pense qu'à l'intérieur des secteurs que le fédéral couvre en ce moment pour la culture, il y a beaucoup de choses qui devraient être transférées au niveau provincial qui, lui, à son tour, dans le long terme, pourra tenter de redistribuer, au niveau municipal, certaines responsabilités.

M. Boulerice: Est-ce que la compétence exclusive implique non seulement la récupération du pouvoir de dépenser fédéral à travers le réseau de ces organismes subventionnaires, dont le Conseil des arts et Téléfilm, mais aussi une récupération du pouvoir de réglementation du gouvernement fédéral, peut-être particulièrement

celui du CRTC?

Mme Lapointe: J'avoue ne pas avoir les compétences pour vous répondre. Je ne sais pas si Philippe...

M. Dubé: Non plus.

M. Boulerice: Non plus. La quatrième question découle un peu de la troisième: Est-ce qu'on peut parler de véritable politique culturelle sans intégrer la dimension des communications?

M. Dubé: Encore là, c'est une très bonne question. Le point de vue que nous avons développé est, évidemment, à partir du développement muséologique. Donc, toute cette dimension des communications nous est un peu étrangère. Je ne sais pas, Andrée, si tu as des choses à dire là-dessus, mais en ce qui me concerne, c'est un problème qui me dépasse complètement.

Mme Lapointe: Je pense, encore là, que probablement, à la lumière des évaluations qui seront faites, il y aura certaines institutions qui demeureront d'instance fédérale. Et c'est vraiment un point de vue personnel que je vous donne là, sans être étayé d'aucune recherche. Mais je crois qu'il y a certains aspects du secteur des communications qui doivent être transférés du côté des provinces. Maintenant, lesquels? Ce sera à la lumière des évaluations qu'on pourra vraiment le savoir.

M. Boulerice: Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Cela met fin à votre intervention. Mme la ministre, un petit mot de remerciement.

Mme Frulla-Hébert: Oui. M. Dubé et Mme Lapointe, merci énormément. Merci aussi de la profondeur de cette analyse. Évidemment, je pense que vous allez continuer à nous suivre puisque je vois, comme je disais tantôt, l'analyse que vous avez faite de cette commission qui en est rendue presque à sa moitié. Merci encore, et c'est sûr que nous allons avoir besoin de collaborateurs pour tout mettre ça ensemble. Alors, votre ouverture au niveau non seulement de votre société, mais des cercles universitaires, etc., évidemment, est fort bienvenue. Alors, merci. Merci d'être ici.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.

M. Dubé: Nous vous remercions.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Dubé et Mme Lapointe. Ceci met fin à votre audition. Au nom des membres de cette commission, je vous remercie. Vous pouvez vous retirer. Je vais maintenant suspendre les travaux une minute afin de permettre aux représentants du Parti québécois de s'installer en avant.

(Suspension de la séance à 10 h 20)

(Reprise à 10 h 21)

Le Président (M. Gobé): Veuillez prendre vos places, la commission va poursuivre ses travaux.

Alors, je rappellerai brièvement le mandat de notre commission, aujourd'hui, qui est de tenir une consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts faisant suite, bien entendu, au dépôt du rapport Arpin et à l'invitation de Mme la ministre des Affaires culturelles, Liza Frulla-Hébert.

Nous allons maintenant entendre des représentants du Parti québécois qui est représenté aujourd'hui par M. Bernard Landry, vice-président...

M. Landry (Bernard): C'est ça.

Le Président (M. Gobé): Bonjour, M. Landry, et Mme Francine Lalonde, conseillère au programme.

Mme Lalonde (Francine): Bonjour.

Le Président (M. Gobé): Bonjour, Mme Lalonde. Alors, vous avez maintenant la parole. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, nous échangerons avec chacun des deux côtés. S'il reste du temps, on verra à le répartir équitablement.

Parti québécois

M. Landry: Mme Lalonde m'accompagne, bien sûr, à cause de sa compétence et parce qu'elle est notre conseillère au programme, mais on a pensé aussi que la ministre allait apprécier qu'un de ses anciens professeurs vienne témoigner devant la commission où elle joue un rôle aussi important.

Nos députés, M. le Président, hommes et femmes, ont joué un rôle très assidu auprès de cette commission. Et je les vois, très nombreux d'ailleurs, outrancièrement nombreux par rapport à leurs vis-à-vis, mais je crois que c'est l'attitude qu'il faut adopter devant une commission aussi sérieuse. Si nos députés ont fait cet effort, pourquoi nous apparaît-il nécessaire comme parti de venir, en quelque sorte, en rajouter? Tout simplement pour dire et redire que, pour notre formation politique, la question culturelle est d'une importance vitale. C'est dans la nature des choses et c'est facile à comprendre. Je mettrais

en exergue de notre présentation, comme on le fait au début d'un volume ou d'un chapitre d'un volume, une jolie histoire que raconte Jacques Godbout, grand écrivain québécois, dans le dernier numéro de L'actualité, où il parle de deux individus qui, un vendredi soir, choisissent, l'un, de passer trois heures dans un centre commercial et l'autre, trois heures à lire des romans russes. À la fin de la soirée, celui qui est allé au centre commercial est généralement appauvri; celui qui a lu les romans russes est généralement enrichi. Ça illustre le sens global de notre propos.

Nous croyons que la culture, pour n'importe quel peuple, qu'il soit grand, qu'il soit petit, qu'il soit du tiers monde ou du premier monde, est une chose vitale parce que c'est un élément majeur de la qualité de la vie, donc, pour employer un grand mot mais qui est approprié, un élément majeur du bonheur humain. Il n'y a pas de mesure du bonheur national brut, comme on le fait matériellement pour le PNB et le PIB, mais si cette mesure existait, les peuples qui sont capables de rendre leur population... ou, du moins, de créer des conditions pour l'épanouissement le plus grand sont ceux qui prennent au sérieux les questions culturelles et qui ont un niveau culturel élevé.

Pour le Québec, peuple en nombre plus petit, mais dans une situation géographique et historique tout à fait particulière, ce qui s'applique aux grands peuples s'applique de façon plus imperative encore. Nous sommes les seuls à partager notre culture dans le monde. Notre culture n'est pas la culture française, c'est la culture québécoise. Elle est donc sui generis. En plus, à l'intérieur de notre continent, sauf quelques exceptions insulaires dans la Caraïbe, nous sommes les seuls à parler notre langue et, bien sûr, à partager notre culture. Ça nous donne une spécificité intéressante et positive, mais ça nous donne un devoir de vigilance aussi extraordinairement important.

J'en veux pour preuve le rôle que les artistes et les créateurs ont joué, jouent et joueront dans ce pays. La Révolution tranquille a commencé de façon plus que symbolique quand des créateurs ont publié le "Refus global". Les grands mouvements d'émancipation politique du Québec ont été très marqués à partir du début par les créateurs et les créatrices et, sans faire injure ou ombrage à quiconque, le parti que je représente, sans revendiquer l'exclusivité de représentation des créateurs et des créatrices, en a toujours eu un contingent largement majoritaire. Ils et elles nous ont fait l'honneur de voter pour nous, massivement. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas qui votent pour vous aussi.

Je voudrais également insister sur le fait qu'à l'heure de la mondialisation de l'économie, qui est maintenant un phénomène inéluctable, je crois qu'il n'y a plus d'esprit chagrin qui conteste je fait que les frontières économiques sont en train de fondre comme neige au soleil et que les espaces économiques sont en train de s'intégrer en Amérique comme en Europe. Et même le bloc de l'Est a fini par rejoindre ce qu'on a appelé l'esprit de Bretton Woods, c'est-à-dire participer lui aussi ou, en tout cas, en exprimer le désir, au marché mondial des biens matériels et des services. L'Union soviétique a demandé son admission, par exemple, au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale et a été admise à titre d'observateur dans ces institutions, comme au GATT. Donc, c'est inéluctable que l'économie s'homogénéise.

La meilleure façon de prendre acte de ce phénomène et de le rendre totalement positif, c'est de faire un vigoureux combat pour les différences culturelles. Le service des identités et des différences culturelles devient un contrepoids nécessaire, comme jamais dans l'histoire humaine, à ce rouleau compresseur de la mondialisation économique. Être tenté de penser que les combats d'identités culturelles sont des combats rétrogrades, c'est faire une erreur. Ce sont les combats d'aujourd'hui et de demain beaucoup plus que ceux d'hier.

Les quelques idées que nous allons exprimer, enfin, je veux le dire modestement, ne sont pas exhaustives. Nous ne sommes pas le gouvernement. Nous avons l'honneur d'être l'Opposition officielle, pour quelque temps encore. Alors, on ne va pas essayer de faire la politique du gouvernement. On va simplement contribuer honnêtement à améliorer celle qu'il tente de mettre de l'avant, comme l'ont fait nos députés par leur travail assidu à cette commission.

Alors, quatre ou cinq principes de base pour résumer la pensée culturelle de notre parti à ce jour. Premièrement, nous croyons que la culture doit faire l'objet d'une approche intégrée. On ne peut dissocier, surtout dans l'optique gouvernementale, les arts, qui sont un peu la microéconomie de la culture, les arts, entendus par lieux mêmes de la création individuelle ou de groupe, les secteurs culturels, qui sont les institutions, les industries culturelles et les communications; ils doivent faire l'objet d'une approche intégrée. C'est une circonstance intéressante que la ministre ait été titulaire - et je pense que ce n'est pas arrivé souvent dans l'histoire du Québec - des deux postes. Elle est bien placée pour comprendre que ces deux réalités sont indissociables.

Deuxième élément fondamental de notre présentation, le pouvoir et la structure du pouvoir. Pour souligner, encore une fois, qu'en matière culturelle ce pouvoir et cette structure de pouvoir sont entre les mains d'un gouvernement qui n'a pas son siège dans cette maison, mais à Ottawa. On vous a parlé, j'imagine, jusqu'à plus soif, des chiffres, des fameux 75 % du temps culturel que les Québécois consacrent à la radio et à la télévision. Ces 75 % sont totale-

ment ou à peu près contrôlés par le gouvernement du Canada. On vous a parlé des 57 % de moyens financiers qui viennent du gouvernement fédéral. Si on considère que ces 57 % d'argent fédéral sont largement liés à l'audiovisuel dont il a le contrôle, les deux phénomènes s'additionnent. On peut penser que la structure du pouvoir en matière de culture et d'intervention étatique au Québec est concentrée à Ottawa. (10 h 30)

Je reviens rapidement sur la globalisation, les grands marchés, l'Europe. Est-ce que, dans cet espace économique européen qui, depuis la semaine passée, comporte 19 pays, après en avoir eu 12 et puis 6, on pourrait penser un seul instant que la République française voudrait que sa politique culturelle soit faite à Bruxelles, ou que l'Allemagne ou la Hollande décident de confier à la Commission européenne la culture néerlandophone ou germanophone? Poser la question, c'est y répondre.

Dans l'optique qui est la vôtre d'un gouvernement provincial, la question est épineuse. Vous l'avez bien vu, tous les intervenants n'ont pas partagé votre idée de rapatriement exclusif des pouvoirs. Dans l'optique de la souveraineté, tout serait beaucoup plus simple, évidemment: tous les pouvoirs vont être à Québec, donc ceux qui concernent la culture également. Mais même dans votre optique provinciale - et je n'ose pas dire provincialiste, je pense que ce serait réduire votre pensée - je vous recommande, ne serait-ce que pour préparer le terrain à notre propre optique, de commencer le rapatriement total et complet de tous les pouvoirs. Le programme du Parti libéral est clair là-dessus, c'est essentiellement le rapport Allaire. Je vous le cite. Vos jeunes vont venir vous le dire dans quelques minutes, si j'ai bien compris. "Le Québec doit exercer la juridiction exclusive dans tous les champs de compétence et d'intervention touchant la culture et les communications." Sur ce point, votre formation politique et la nôtre sont dans une harmonie totale et exemplaire. Votre contexte d'application de cette mesure est différent du nôtre, mais c'est une question de contexte et non pas d'essence.

Je voudrais parler maintenant brièvement de financement par l'État des activités culturelles, pour dire, premièrement, que l'État doit être très présent et non pas moins présent dans l'avenir qu'il l'a été dans le passé, non seulement par ses interventions financières, mais aussi par ses interventions régaliennes, c'est-à-dire son pouvoir de réglementation, d'attribution des permis de radiodiffusion et de télédiffusion, les droits d'auteur, les droits voisins. Je dis rapidement que pour nous - ce n'est pas parce que je le dis rapidement que ce n'est pas prioritaire -le Québec doit conserver des institutions publiques à 100 % de radio et de télévision coexistant avec un secteur privé abondant, varié. Je n'ai aucune réserve contre le secteur privé. Je dis qu'on doit garder des réseaux publics.

En matière de financement toujours, je me joins à plusieurs intervenants qui ont préconisé que les interventions financières de l'État soient faites à travers des intermédiaires. C'est le fameux "arm's length", la distance nécessaire. Je crois que cette distance est nécessaire pour ne pas donner au pouvoir exécutif la tentation d'aller au moindre degré contre la liberté d'expression des créateurs. Je pense que ce n'est pas le Conseil des ministres ou son agent direct, le ministère des Affaires culturelles, ou quelque autre ministère qui doit décider qui recevra l'aide de l'État en ces matières délicates. Ce doit être des agences où les créateurs y retrouvent leurs pairs, en particulier.

Je voudrais dire un mot du saupoudrage aussi, qui a fait l'objet de beaucoup de discussions. Peut-être vous surprendrai-je, M. le Président, en vous disant que le saupoudrage est une chose qui ne me scandalise aucunement. S'il n'y avait pas eu de saupoudrage, et si le premier ministre René Lévesque n'avait pas décidé lui-même, presque sur ses fonds propres, discrétionnaires, d'aider le Cirque du soleil, il n'y aurait pas eu la grande aventure du Cirque du soleil. Et je fais référence au même raisonnement, quand j'étais responsable de ministères économiques, et où des gens disaient: Ah! Le saupoudrage... il faudrait consolider les grands. Bien, celui qui a donné naissance à l'empire Bombardier, c'était un garagiste d'un petit village des Cantons de l'Est. Alors, si on avait eu une politique de non-intervention pour les cent fleurs qui peuvent pousser dans le jardin de l'économie, bien, on serait passé à côté d'Armand Bombardier, comme on serait passé à côté du Cirque du soleil et de bien d'autres. Vous me direz que ce n'est pas facile de concilier consolidation et saupoudrage; je pense que des balises convenables pour les agences de subventionnement devraient permettre de réconcilier ces deux réalités.

Le financement de l'État en volume, maintenant. Il m'apparaît clair que, dans un contexte de souveraineté, le problème du 1 % est réglé automatiquement et largement, parce qu'en volume, il ne faut pas, et notre parti s'engage à cela, que les sommes consacrées à l'intervention culturelle de l'État soient inférieures à ce que le gouvernement du Canada y consacre présentement, plus le gouvernement du Québec, plus les économies relevant de la rationalisation des dépenses. Ça veut dire qu'on n'est pas dans un "zero-sum gain". Une fois ces opérations d'addition faites, on a plus de moyens disponibles qu'on en avait dans le statu quo ante, et j'ajoute, pour faire une analyse un peu plus fine, que les sommes récupérées de la rationalisation devraient aller aux arts, qui est toujours le secteur, semble-t-il, qui se sent le plus démuni.

Je veux dire aussi que, dans la foulée de ce que j'ai mentionné pour la radiotélévision privée, nous croyons à l'intervention du privé en matière

culturelle. Nous la souhaitons, nous la sollicitons, mais nous sommes également réalistes. Dans un peuple de 7 000 000 d'habitants, le marché, sauf les fulgurantes exceptions internationales que nous connaissons déjà, ne sera jamais générateur de profits très abondants. Deuxièmement, même dans la meilleure hypothèse d'un Québec triomphant sur le plan économique, nous n'aurons jamais la fondation Ford, la fondation Rockefeller ou la Guggenheim, dont une seule a des budgets beaucoup plus importants que ceux du ministère des Affaires culturelles du Québec et des interventions culturelles d'Ottawa réunis. Donc, le secteur privé oui, mais nous en subodorons les limites en termes de capacité de payer.

Enfin, élément essentiel de nos idées de base en matière de culture: les régions. Nous sommes aujourd'hui en plein Festival du film de Rouyn-Noranda. Ce n'était pas évident que dans une politique technocratique de la culture on aurait pensé que Rouyn-Noranda serait le siège d'un festival du film important. Je suis originaire de la région de Lanaudière. J'ai vu, presque au cours du dernier quart de siècle, monter le puissant substrat culturel, musical en particulier, de cette région. Et je crois que chaque région du Québec doit faire l'objet d'une attention particulière en matière de culture, d'abord pour une raison bien simple, qui est un corollaire de ce que j'ai dit au tout début de mon propos. Si la culture est un élément essentiel de la qualité de la vie, tous les Québécois et les Québécoises, où qu'ils ou elles habitent, ont un droit à la qualité de la vie, donc un droit à la culture. Alors, il y a un droit à la qualité culturelle des régions.

Et le problème n'est pas si complexe, en vérité, puisque dans toutes les régions du Québec, déjà, on a des pôles assez importants de structuration possible et d'addition. Dans toutes les régions du Québec actuellement il y a une université, soit du réseau de l'Université du Québec, ou, comme l'Université de Sherbrooke, une université indépendante. Et partout où il y a une université, il y a aussi des moyens de production de radio et de télévision importants. Simplement à partir de la conjonction de ces deux facteurs, on peut facilement consolider des pôles régionaux. Je pense, en particulier, à ces néfastes coupures de la desserte des régions par la Société Radio-Canada. Il est évident que, dans un Québec souverain ou même dans un Québec provincial bien géré sur le plan culturel, il faut que les régions soient desservies en termes de production. Et là, sans mépris pour Saskatoon et Moose Jaw, dont on entend parler à la télévision de Radio-Canada à peu près tous les soirs, moi, ce que je voudrais entendre, c'est des choses venant de Rimouski et de Chicoutimi, et accessoirement de l'univers entier. Je crois que ce n'est pas correct de privilégier des endroits, sans doute passionnants, mais qui ne rendent pas justice aux régions.

Le Président (M. Gobé): M. Landry, je vous demanderais de bien vouloir conclure, car nous avons déjà dépassé le temps qui vous est alloué.

M. Landry: Je vous remercie de votre indulgence, M. le Président, et de votre synchronisme, parce que j'allais conclure de toute manière.

Le Président (M. Gobé): Alors, nous sommes sur la même longueur d'onde au moins pour ça.

M. Landry: Absolument. Conclusion en quelques phrases. La culture est une des missions essentielles de l'État, au même titre que l'action économique, l'action sociale et l'action régalien-ne. Deuxièmement, les politiques culturelles sont, évidemment, et seront complexes. Parce que c'est un univers complexe, comme celui de l'économie et comme celui du développement social. Mais on ne dit pas: On ne s'occupera pas de l'économie parce que c'est complexe.

Je dis, en terminant, que l'Opposition se prépare à bien des choses, évidemment, dont la chose essentielle, celle de remplacer le gouvernement, mais se prépare aussi en matière culturelle depuis novembre 1990. Nous avons intensifié nos recherches et nos travaux, en particulier sous la direction habile et dynamique du député de Saint-Jacques. Nous ne sommes pas encore en mesure, je l'ai dit, de formuler une politique définitive. Nous allons continuer les travaux entrepris dans la concertation avec les divers milieux. Nous allons analyser les mémoires qui sont présentés ici. Nous allons solliciter d'autres contacts avec les gens de l'univers de la culture, de façon à servir au mieux les intérêts non seulement des créateurs et des créatrices du Québec, mais les intérêts du Québec tout court.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Landry. Nous allons maintenant entamer la période de discussion. Et je vais commencer par Mme la ministre des Affaires culturelles. Vous avez la parole, madame.

Mme Frulla-Hébert: Merci. M. Landry, Mme Lalonde. Vous avez raison, c'est un grand plaisir pour moi de voir mon professeur, qui a d'ailleurs été un des meilleurs professeurs que j'ai eus en histoire. Et l'élève, finalement, ne peut pas avoir tourné aussi mal parce que je crois qu'on peut se rejoindre sur une partie très importante des positions que vous formulez. Quand on regarde au niveau de l'avenir, malgré que la méthode est peut-être divergente, je pense qu'on s'entend tous pour avoir, premièrement, nos leviers de développement, et deuxièmement, accorder à la culture l'importance qu'il se doit. Mais, moi, je veux revenir justement, et c'est à Mme Lalonde, si vous me permettez, M. Landry, que je veux poser la question...

M. Landry: Elle est venue pour ça.

Mme Frulla-Hébert: Ce sur quoi je veux revenir aussi, c'est sur l'ensemble de la question, la question historique et fondamentale. C'est-à-dire que, au niveau culturel, tout l'exercice que l'on fait présentement, c'est parce que, bon, depuis 30 ans, on se développe, les programmes se sont ajoutés, et, là, crac! la machine, ça ne fonctionne plus. Si on est ici, c'est parce qu'on a besoin, un profond besoin de changement dans notre façon de faire, dans notre façon de voir aussi et d'entrevoir la culture, pour la préparer aussi pour les générations qui suivent.

Mais ça, depuis 30 ans, on n'a jamais réussi... On a beau dire le fédéral, le fédéral... Je suis comme vous, là, on se dit: Ils sont partout, ils sont sur notre territoire. Le pouvoir de dépenser, c'est probablement le pouvoir le plus vicieux qui existe. Mais, ceci dit, on leur a quand même laissé beaucoup de place. Et je reviens à ce que M. L'Allier disait: Si on faisait le ménage chez nous, après ça, on pourrait peut-être voir ce dont on a besoin. Mais, moi, je veux avoir le "ce pourquoi". On part de loin, on est rendu maintenant en 1991, mais comment se fait-il qu'on n'a jamais, de part et d'autre, il faut quand même se l'avouer, laissé toute la place au développement culturel?

Mme Lalonde: Merci de cette extraordinaire question, mais je pense que tu sais la réponse. Ma première réponse, ça va être que la culture, c'est d'abord et avant tout l'expression de la personnalité d'un peuple. Et ce peuple, je dirais, aspire profondément à être capable de contrôler sa destinée. Et le désarroi d'un certain nombre de milieux vient du fait qu'après avoir fait des progrès étonnants au niveau culturel... Moi, je me souviens d'avoir accompagné un milieu spécifique, depuis les années soixante, qui est celui du cinéma, m'être interrogée de façon angoissée sur les capacités qu'on avait de faire un cinéma qui soit de calibre international. Je vols maintenant une floraison extraordinaire mais, en même temps, des artistes, des artisans qui se demandent si, dans la nouvelle donne internationale, ils vont être capables d'avoir les moyens suffisants pour compétitionner avec les autres.

Bernard a fait l'introduction qui, je pense, explique. Nous vivons une période de mutation, de changement. Nous avons fait un progrès énorme et je crois que nous vivons une crise de croissance, et, à ce moment précis, nous avons besoin de part et d'autre des moyens nécessaires qui vont nous permettre, je dirais, d'assurer les artistes créateurs et artisans qu'ils ont un État derrière eux, qui ne leur dit pas quoi faire, mais que les moyens, ils vont les avoir pour continuer à exprimer leur talent. Je pense que nous vivons effectivement un moment de crise, au sens de la fin d'un monde et du début d'un autre.

M. Landry: Est-ce que je pourrais, de façon très matérialiste, compléter la réponse excellente de ma collègue? Moi, c'est l'économie que j'enseigne. Et une des raisons pour lesquelles le gouvernement du Québec n'a pas pris sa place, c'est parce qu'une loi de base de la science économique, c'est que les moyens sont limités et rares. Et, comme le gouvernement du Canada, à la suite de jugements de cour dans l'affaire de la radio ou de la télévision en particulier, plus tard - ça a commencé par la radio - a pris à peu près toute la place, non seulement d'opération mais de taxation, le contribuable québécois et les gouvernants et gouvernantes du Québec ont été obligés de prendre acte du fait que les moyens consacrés à la culture, ils étaient déjà divertis par le gouvernement du Canada. Et ça aurait été une injustice fiscale, et même un peu scandaleux de demander aux Québécois de faire l'effort aux deux niveaux: payer pour l'ONF, payer pour Radio-Canada, payer pour le Conseil des arts, payer le quart de toutes les dépenses fédérales, et se faire retaxer ici pour les mêmes raisons. Dans le contexte d'aujourd'hui, ça serait la rébellion, c'est sûr! Mais, même dans le contexte d'autrefois, ça aurait été de l'injustice.

Mme Frulla-Hébert: Évidemment, on a beaucoup parié de moyens. C'est sûr que les groupes, plusieurs groupes qui sont venus nous rencontrer, évidemment, nous disent, et avec raison: Les moyens ne pleuvent pas. Alors, ils se disent: On ne veut quand même pas être privés de ce qu'on a déjà, parce que ce n'est déjà pas assez. Alors, il y a deux réactions. Et, je le disais hier, il y a une réaction qui dit: Nous autres, ça nous prend des garanties parce que, veux veux pas, le fédéral plus le provincial, plus les économies d'échelle au niveau du dédoublement... Ça, vous avez raison, j'en suis, puis, avec les calculs qu'on fait rapidement, il en manque encore. Veux veux pas, si on veut se développer et accéder à l'ambition justement de nos groupes, il va falloir aussi en ajouter. Mais, ceci dit, on nous dit deux choses. D'abord, il y a les moyens, les garanties de moyens, mais on nous dit aussi: On peut aller frapper à deux portes. Donc, des fois, tu vas frapper, une dit non et l'autre dit oui; des fois, on peut faire pression sur la première quand l'autre dit oui. Donc, ça devient une police d'assurance. (10 h 45)

Là, je veux revenir au principe. Qu'est-ce que vous dites de ça... Parce que j'ai été surprise de cette réaction-là. Comme M. Campeau l'a dit hier: On a une maison et on peut faire plusieurs portes dans la maison. Cette réaction-là m'a surprise, d'une part. Deuxièmement, toute la stratégie du "arm's length". Parce que ça aussi, c'est revenu beaucoup. Le Conseil des arts. Tout à coup, le Conseil des arts, c'est la solution

magique. Mais on sait très bien que le Conseil des arts, au moment où on se parle, a aussi des difficultés et que le bras est rendu un peu plus court. Alors, c'est dans toute cette... D'abord, qu'est-ce que vous dites de cette police d'assurance et, deuxièmement, expliquez-moi un peu cette structure, supposément, de "arm's length".

M. Landry: Le double niveau, d'abord, je crois que nous sommes d'accord, Mme la ministre, que c'est plus votre problème que le nôtre. Quand nous aurons à gouverner le Québec, il n'y aura plus deux niveaux. Alors, je comprends que les artistes, en attendant, pour certains d'entre eux, font de la double porte une police d'assurance et, plus que ça, un credo politique. Ils ne sont pas en faveur de la souveraineté du Québec - un certain nombre d'entre eux. Mais, ce que j'ai entendu et décodé de l'immense majorité des mémoires, c'est qu'ils disent: Tant qu'on aura un système à deux têtes et qu'on sait que c'est très rare que le gouvernement fédéral laisse aller de l'argent vers Québec, on veut l'assurance de la double porte. Mais là, ce n'est plus en soi, comme le premier groupe dont j'ai parlé, c'est en attendant. Mais ça, c'est un raisonnement très dangereux. Ça m'étonne de voir l'élite culturelle tenir ce raisonnement alors que, pendant la discussion du libre-échange, elle criait au meurtre parce qu'elle pensait que certains pouvoirs canadiens s'en iraient à Washington. Pourtant, ça ferait trois portes. Si deux portes c'est bon, trois portes, c'est mieux. Je pense qu'il n'y a pas une logique implacable là-dedans.

Vous avez parlé de garantie aussi. Vous avez raison. Quelle est la meilleure garantie que les gouvernements donnent? C'est celle d'être dans un contexte démocratique. Les gouvernements s'engagent, parfois réalisent leurs engagements; s'ils ne réalisent pas leurs engagements, on change les gouvernements. C'est la démocratie qui donne la garantie, et il n'y a pas d'autre garantie, dans un système démocratique, que la parole des dirigeants et des dirigeantes. Si elle est respectée, bien; si elle ne l'est pas, la sanction est connue.

Quant au mécanisme de distance, je crois que c'est une des choses intéressantes dont nous avons hérité de la démocratie britannique, qui a utilisé ça dans toutes sortes d'organismes culturels ou autres. Les Américains l'ont fait également; il y a même, en droit de faillite, ce concept qui est typiquement de droit administratif britannique. C'est très utile, mais c'est vieillot et ça pourrait être complété par des normes et des balises qui, en préservant l'essentiel de la philosophie du système, c'est-à-dire que ce n'est pas le pouvoir exécutif qui décide, mais des espèces de magistrats, entre guillemets - c'est bien de ça qu'il s'agit... Si on consolide ce statut de magistrat, entre guillemets, et qu'on met des balises comme les juges des tribunaux ordinaires ont des codes pour interpréter la réalité et régler les différends, je pense qu'on pourrait tirer, de cette notion d'être "at arm's length", des virtualités que même les premiers penseurs britanniques n'avaient pas vues.

Mme Lalonde: Je voudrais ajouter quelque chose, si vous le permettez, ayant vécu aussi de l'intérieur ce qu'était ce jugement péremptoire de fonctionnaires qui vont dire oui ou non à un projet sur lequel on a sué pendant des mois, avec des sacrifices financiers énormes, sang et eau. Parce que je pense que les artistes et les artisans sont venus ici crier, pour un grand nombre, que, pour quelques-uns qui réussissent, il y en a un nombre très important qui vivent mal, et très mal, et pour qui le BS n'est pas une réprobation sociale parce qu'ils sont nombreux ou à être là ou à être passés par là. Alors, je pense que cette expression, c'est aussi l'expression de la petite misère à laquelle ils sont habitués et, quand ton projet est refusé, tu penses que c'est bête. Tu penses que tu es génial ou que tu as bien travaillé, tu peux au moins aller frapper à l'autre porte. C'est l'expression, je pense, de la difficulté dans laquelle plusieurs sont et sur laquelle il faut se pencher. C'est pour ça que nous voulons nous pencher sur les moyens qu'ont les artistes et artisans qui ne sont pas encore parvenus à se faire reconnaître de vivre et d'exprimer cette réalité qu'ils ont en eux et qui est souvent, même avant qu'elle ne soit exprimée, notre culture.

Mme Frulla-Hébert: Est-ce que je peux poser juste une petite question, M. le Président, avant que vous passiez la parole? Juste une petite?

Le Président (M. Gobé): C'est parce que le temps est écoulé, madame.

Mme Frulla-Hébert: Ah!

Le Président (M. Gobé): Mais on va faire pour vous un consentement spécial...

Mme Frulla-Hébert: Bon. Un petit consentement.

Le Président (M. Gobé): ...à la demande du député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Consentement.

Mme Frulla-Hébert: Le défi du pluricul-turalisme. Vous l'avez touché un peu. On parle, bon, de multiculturalisme, etc. On en a beaucoup parlé puis, enfin, on s'en va beaucoup vers l'interculturalisme, le pluriculturalisme. Plusieurs groupes sont venus aussi, des groupes de plusieurs communautés culturelles et autochtones.

Comment voyez-vous ce défi-là, qui est surtout pertinent à la région de Montréal, si on peut dire, mais aussi qui émane sur tout le Québec? Comment on fait? Est-ce que c'est vraiment finalement une espèce d'intégration dans la culture québécoise ou encore une espèce de vase communicant qui fait en sorte que c'est un enrichissement au niveau de la communauté?

M. Landry: Mis à part les cas très spécifiques des autochtones et des anglophones traditionnels du Québec, nous ne croyons pas au multiculturalisme. Nous croyons en un Québec pluraliste, multiethnique - il l'est déjà, il va probablement l'être de plus en plus - mais nous pensons que tous les Québécois et les Québécoises sont conviés à construire la culture québécoise, qui est une culture de langue française, qui a un tronc majoritaire puisé dans les 350 hivers passés ici depuis la découverte et la colonisation, mais qui s'enrichit des apports venus de partout, de tous les continents, avec accélération depuis la Deuxième Guerre mondiale. Mais, nous croyons que ta notion de multiculturalisme qui est la politique officielle du Canada, qui a un ministère du Multiculturalisme, est une politique dangereuse, qu'on ne bâtit pas un pays sur le culte de la différence payée par les taxes. Ça ne veut pas dire que sur le plan individuel les gens ne peuvent pas pratiquer toutes les différences qui les intéressent à l'abri des chartes des droits et tout cela. Mais on parle de l'intervention de l'État et des normes officielles, juridiques ou autres du développement culturel. Nous en sommes restés, après approfondissement, à notre notion de convergence culturelle plutôt que de multiculturalisme.

La convergence culturelle dans le Québec ouvert d'aujourd'hui, elle va se faire presque automatiquement. J'aime bien raconter une petite chose d'observation quotidienne pour moi. J'enseigne dans un département de sciences administratives de l'Université du Québec à Montréal, une des meilleures universités du Canada, soit dit en passant. L'étude de Maclean's est une injure grossière, non seulement à l'UQAM, mais au système universitaire québécois. Dans le département de sciences administratives où j'enseigne, croiriez-vous, madame, qu'une personne sur deux n'a rien à voir avec des origines Gagnon ou Tremblay, et est arrivée récemment, et que dans un cas sur deux, même le directeur du département n'a rien à voir avec les Gagnon et les Tremblay? Je crois que ça doit être un des cas uniques dans le continent nord-américain où un corps professoral est à 50 % recruté dans des arrivées récentes. Je crois que c'est fantastique, et c'est ça la convergence culturelle. Mais notre département est un département québécois, de culture administrative économique québécoise et ouvert sur le monde.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame.

Mme Lalonde: Est-ce que je pourrais ajouter quelque chose aussi sur cette question-là?

Le Président (M. Gobé): Mme Lalonde, malheureusement...

Mme Lalonde: J'essaierai d'y répondre...

Le Président (M. Gobé): Allez-y. Si c'est court, on va vous laisser la... Allez-y.

Mme Lalonde: Je veux dire qu'au niveau de l'intégration des jeunes enfants immigrants, l'expression artistique est souvent une des meilleures façons de s'intégrer dans le pays d'accueil. Je pense que la question posée, nous devons nous y adresser. Comment stimuler, dans le cadre de ce que Bernard a dit, c'est-à-dire dans le cadre d'un peuple québécois qui fait place à l'expression des immigrants et immigrantes qui veulent devenir Québécois, l'expression artistique qui, forcément, enrichit la nôtre? Mais, je suppose que ce que vous voulez dire, c'est que ça oblige à une sorte de souplesse dans les programmes. Je n'ai pas de réponse précise, mais je suis certaine que c'est un vrai problème.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Lalonde. Moi, j'avais une question à poser à M. Landry, mais, malheureusement, le temps étant passé, j'ai peut-être une petite remarque, M. Landry. Vous avez fait allusion tout à l'heure à la Communauté économique européenne et aux pays de l'ALE qui se sont réunis la semaine dernière. Vous disiez, notamment, qu'ils n'interviennent pas dans la culture. Ce n'est pas tout à fait exact, car la Communauté économique européenne intervient dans certains aspects de la culture par des subventions directes, particulièrement dans la protection du patrimoine. Et M. le maire Doré, qui était là la semaine dernière, nous disait: Le patrimoine, c'est aussi la culture. Et vous avez des endroits en France, en Belgique et en Allemagne, où le conseil de la Communauté économique européenne a aidé des projets de restauration de châteaux, d'édifices ou même va subventionner des troupes de théâtre ou de ballet-jazz. Alors, il y a là une implication. Sur quelle base elle se fait exactement? Est-ce que c'est en accord avec les pays d'origine? Est-ce que c'est en accord avec la région?

Je sais que dans le Nord-Pas-de-Calais, où les fameux terrils étaient pour être démolis avec les puits de mines, ils ont fait un musée du charbonnage. Ça s'est fait avec la région Nord-Pas-de-Calais, le conseil régional et la Communauté économique européenne qui a payé pour ça, parce qu'une partie du patrimoine était pour disparaître. Ceci étant dit, on n'a pas beaucoup le temps pour en débattre, mais il y a ce côté-là qui existe dans la Communauté économique européenne.

M. Landry: M. le Président, aussi brièvement que vous, je ne peux pas ne pas relever votre intervention. Je n'ai jamais dit que la Communauté n'intervenait pas. J'ai dit que jamais la République française ne confierait à Bruxelles sa politique culturelle. Et les interventions de la Communauté sont tellement marginales - et si Ottawa voulait faire ça, même après l'indépendance, ce serait très bien - qu'elles sont moindres que les interventions de la fondation Rockefeller, qui est très américaine, pour restaurer des monuments français ou italiens.

Vous savez, M. le Président - vous le savez sans doute - quel est le poste essentiel de la dépense de la Communauté économique européenne à hauteur de 75 %? Ce n'est pas la culture, c'est l'agriculture. Et il reste 25 % pour tout le reste et la moitié, à peu près, va en frais de traduction pour la fonction publique européenne. Alors, on n'est pas du tout dans le même contexte.

Le Président (M. Gobé): Vous savez que c'est une fédération en mutation, en mouvance, qui, selon M. Delors, s'en va de plus en plus... Alors, on verra peut-être dans l'avenir qu'est-ce qui va arriver avec ça. Malheureusement... J'aurais aimé ça en parler avec vous longuement. Je pense que vous connaissez bien ça.

M. Landry: II faudrait convenir que quand le ministère des Affaires culturelles français sera transporté à Bruxelles, on pourra refaire une commission parlementaire sur le destin Québec-Canada.

Le Président (M. Gobé): On en a un ici, nous aussi. On en a un au Québec, un ministère.

M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, malheureusement, je vais vous donner la parole. J'aurais aimé ça continuer, mais...

M. Boulerice: Comment "malheureusement"?

Le Président (M. Gobé): Ou heureusement pour vous et pour la commission. Ha, ha, ha! Malheureusement pour moi.

M. Boulerice: M. le vice-président, Mme la conseillère, chers amis, les règles du Parlement font que je suis assis à ce fauteuil, mais vous savez que, de coeur, j'étais avec vous à la table de présentation. Le Québec va devenir un État souverain au moment où un siècle va se terminer et où va commencer un nouveau millénaire. Donc, ça implique deux actions: la première, qui est celle de la rigueur, puisqu'il y a un pays à construire mais, par contre, une grande audace, puisque nous allons entrer dans un monde nouveau.

Il y a trois questions précises que j'aimerais vous poser. La première: Pourquoi arts, culture et communications? La deuxième: Quand vous parlez de rationalisation des dépenses, vous parlez des coûts de duplication d'administration, je veux dire l'établissement d'un ministère fédéral dont l'économie nous permettrait de réinjecter sans doute plus. Au niveau du "arm's length", donc, la distance comme telle, est-ce que vous songez à la création d'organismes québécois pratiquant ce "arm's length" dans le sens de Téléfilm, Conseil des arts, etc.?

M. Landry: Sur la question de l'intégration - ça ne vous étonnera pas si je retourne à mes images économiques - c'est comme si on voulait dissocier la micro-économie de la macroéconomie et oublier, dans une politique économique, soit la banque centrale ou soit les PME qui produisent les biens et les services. Pour tout économiste, l'idée serait absurde. Pour tout spécialiste de la culture, l'idée doit être absurde aussi de dissocier ces secteurs. Et je vais vous donner quelques chiffres qui sont extrêmement convaincants. Globalement, 80 % des revenus des artistes membres de l'Union des artistes proviennent de la télévision, de la publicité et du cinéma: 8 sur 10 des dollars gagnés. Pour le théâtre, par exemple, qui est une activité extraordinairement riche, c'est un pourcentage presque insignifiant à côté, c'est moins de 15 %. Alors, dissocier les deux, c'est perdre le contrôle de la réalité, c'est être un peu condamné à des interventions, même de bonne foi... (11 heures)

Le ministère des Affaires culturelles du Québec, fondé par Georges Lapalme, n'a pas fait que des choses absurdes, mais cette approche intégrée n'a pas été à sa portée pour les raisons énoncées avant. Tant qu'on n'aura pas cette approche intégrée, on va s'acharner sur les marges. On va dire: Je suis le ou la ministre des Affaires culturelles du Québec, et tout le monde va décoder que c'est une position marginale par rapport aux interventions étatiques en matière de culture. Donc, il faut une approche intégrée, sous peine de perdre toute crédibilité. J'ai vu, comme tous les Québécois et les Québécoises, la frustration - je crois que c'est le mot - de certains milieux de création devant cette commission. Elle est explicable partiellement par la désarticulation institutionnelle et par le fait qu'ils ne savent plus à quel saint se vouer, ils ne savent plus à quelle porte frapper. Les ressources ne sont pas à l'endroit où sont les intentions ou l'inverse. Veux-tu, Francine, prendre la relève?

Mme Lalonde: Oui. Est-ce que je pourrais ajouter quelques éléments à ce que Bernard a dit? Quand on veut agir sur la culture au sens large, il faut savoir quels sont les véhicules principaux. Bernard vient de dire que 80 % des revenus proviennent des communications. Or, nous savons que c'est le CRTC, c'est le gouvernement central qui agit au niveau de l'ensemble de la réglementation, et nous savons que c'est la

politique radio-canadienne qui va déterminer que, justement, au lieu d'avoir des nouvelles directes de Chicoutimi et de Rimouski, on aura des nouvelles de Moose Jaw et de ce qui se passe dans des régions canadiennes. Alors, on ne peut donc, sur le plan de l'information, sur le plan du développement du contenu, dissocier le support qui commande le support de ce qui va être également produit. C'est impensable.

M. Boulerice: Rationalisation des dépenses dans le cadre d'un rapatriement, M. Landry, vous aviez commencé à l'aborder.

M. Landry: L'aspect rationalisation, le troisième membre de l'équation. Les deux premiers, je pense, c'est le budget du Québec, le budget du Canada au prorata s'additionnant, dépensé sur le territoire du Québec. Prenons juste les efforts des ministères québécois des Affaires culturelles et des Communications au fil des années, incluant l'époque de M. L'Allier, incluant les périodes bleues, les périodes rouges et les autres. Une grande partie de l'activité de ces ministères a été de combattre des politiques fédérales, de s'opposer à des politiques fédérales avec des épisodes d'opérette. Il faut se souvenir qu'il y a eu des opérations de police pour saisir des antennes de télévision dans le bout de Rimouski. On a frôlé le ridicule. Mais, pendant tout ce temps-là, pendant qu'on mettait sur pied le conseil québécois de la radio et de la télévision, qu'on faisait des audiences publiques, qu'on avait des commissaires, tout ça était des moyens... des énergies d'hommes et de femmes dépensées, et de l'argent, en pure perte! Parce qu'Ottawa n'a jamais cédé un pouce du terrain, ils ont plutôt avancé, et même par des opérations policières. Pensez-vous que ça ne coûte pas cher, ça?

Là, je ne veux pas non plus être amer vis-à-vis de la ville d'Ottawa ou du gouvernement du Canada - tout le monde sait ce qu'on pense du gouvernement du Canada et on n'en pense pas que du mal - mais comment se fait-il que la capitale culturelle du Québec, la métropole du Québec, Montréal, soit sous-équipée par rapport à ce qui était, jusqu'à tout récemment, une petite ville de province, Ottawa? Ottawa a concentré des moyens culturels qui sont à peu près ceux de la ville de Paris qui a pratiquement autant d'habitants que le Québec réuni, et plus, si on compte la banlieue. Est-ce que ça veut dire que la Fédération canadienne a comme finalité principale le confort culturel des hommes et des femmes qui habitent la capitale du Canada? Comment se fait-il que Québec n'ait pas des équipements comparables, ni Montréal, où est concentrée une telle partie de la population? Je pense qu'il y a eu une disproportion des efforts et un gaspillage invraisemblable.

M. Boulerice: Au niveau de la dimension de ce qu'on appelle "at arm's length", c'est-à-dire à distance de bras, et la non-ingérence du politique dans l'acte de création, l'attribution de l'aide de l'État, c'est-à-dire l'État, enfin, par la voie de son ministère, beaucoup plus partenaire que tuteur comme tel, notre position est déjà un embryon de réponse, mais j'aimerais encore vous entendre un petit peu plus à ce niveau-là.

M. Landry: Moi, je pense que le pouvoir exécutif doit décider des enveloppes et le ministère jouer son rôle. Et, une fois que les enveloppes de subvention, qui sont toujours une partie importante du budget du ministère, sont décidées, elles devraient être administrées par des organisations indépendantes du pouvoir exécutif et choisies de façon à peu près paritaire chez les créateurs, les représentants du milieu culturel et les usagers, et ayant un statut non pas de magistrat, parce que je ne veux pas la permanence à vie et les émoluments plantureux, mais un statut qui s'assimile à celui du magistrat quant à la liberté de décision - et je reviens à mes obsessions de comparaisons économiques -un peu comme un banquier central par rapport au ministre des Finances. Le banquier central n'est pas aux ordres du ministre des Finances. M. Greenspan, ou ses successeurs, ou le président de la Bundesbank, ou ses successeurs, ne sont pas aux ordres du gouvernement de Bonn ou de Washington, mais ils jouent un rôle central dans l'État. Alors, ces organisations de subventionne-ment en matière culturelle jouent un rôle central et ne sont pas aux ordres de l'Exécutif, mais agissent dans des balises établies par l'Exécutif. Et, dans ces balises, je redis qu'il doit y avoir la protection des petits. En d'autres termes, le saupoudrage que certains considèrent comme un mal est plutôt vu par nous comme un élément positif de disparités et de possibilités plus grandes d'aider la création.

M. Boulerice: On parle d'une crise au niveau des arts et de la culture. Ma question serait à Mme Lalonde: Ne croyez-vous pas que, s'il y a, oui, crise, il y a également crise de croissance?

Mme Lalonde: C'est tout à fait ce que j'ai voulu dire au début de mon intervention et j'espère que c'a été bien compris. Quand on regarde ce qu'étaient les différentes expressions artistiques et culturelles au début des annés soixante - quand j'enseignais au collège Basile-Moreau - et ce que c'est maintenant, on peut dire qu'il y a eu un foisonnement extraordinaire. Non seulement la quantité, mais la qualité est là. Et quand je disais tantôt qu'il y a crise, c'est que, cependant, nous entrons dans un monde différent où les supports vont être différents et exiger davantage de moyens, et je pense que c'est là l'inquiétude des créateurs et des artisans: leur capacité, dans ce monde en transfor-

mation, de continuer à être là. Parce que c'est extraordinaire déjà ce qu'ils font. Et ils l'expriment peut-être de façon confuse, mais je pense que c'est ce qu'ils expriment.

Et je tiens à rappeler qu'en ce moment l'action du ministère des Affaires culturelles touche moins de 20 % de la réalité culturelle et que le ministère des Communications touchait, quant à lui, autour de 12 % de la téléphonie et 10 % de la TV. Alors, qu'ils veuillent parler à ceux qui ont du pouvoir quand ils en ont encore, c'est tout à fait normal mais, nous, notre projet, c'est de dire: Nous avons un besoin urgent de récupérer l'ensemble de ces pouvoirs et d'assurer les artistes qu'il y aura un État avec les moyens suffisants et à distance pour qu'ils puissent continuer à étonner, dans bien des cas, le Québec et le monde.

Le Président (M. Gobé): Merci. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques a une question.

M. Boulerice: Une dernière question, M. le vice-président. On parle de rapatriement des pouvoirs, on parle de rapatriement de tous les pouvoirs. Nous, nous parlons de rapatriement de tous les pouvoirs et forcément de tout l'argent, avec un transport latéral et intégral. Que tout ce qui est dépensé à Ottawa dans la case arts, culture et communications revienne à la case arts, culture et communications au Québec. Est-ce que vous croyez qu'on peut véritablement opérer ce rapatriement dans le contexte actuel?

M. Landry: Franchement, je n'y crois pas. Je sais que le gouvernement, lui, a dit à cent reprises que c'était possible, et le parti gouvernemental a ça comme élément de son programme. Je ne suis pas le meilleur témoin pour répondre à cela. Le premier ministre du Canada a redit, à des époques tout à fait contemporaines, il y a quelques semaines et il y a quelques mois, que la Société Radio-Canada était là pour rester, que c'était un élément majeur de l'unité canadienne. Alors, dans ces conditions, je dis "bonne chance!" à ceux et celles qui voudraient en rapatrier le contrôle au Québec. C'est leur problème. Pour des souverainistes, ce n'est pas un problème. Le transfert latéral, c'est un transfert universel de tous les moyens et de tous les pouvoirs. Dans un contexte fédéral souple, il aurait pu être concevable que la ministre gagne son point, mais le contexte fédéral du Canada n'est pas souple, comme chacun le sait, et on est plutôt, avec les dernières offres sur la table, dans une offensive de centralisation que de décentralisation.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Landry. M. le député de Mercier, vous avez demandé la parole tout à l'heure, je crois. Alors, très rapidement, le temps est un peu dépassé...

M. Godin: II y a déjà longtemps, mais comme je l'avais écrite ici...

Le Président (M. Gobé): ...mais cette commission fait toujours un peu...

M. Godin: ...donc je vais m'en rappeler. Deux choses, M. Landry et Mme Lalonde. Il y a une chose qui me frappe, c'est que la coexistence de trois sources de financement pour les artistes - le ministère des Communications à Ottawa, le ministère des Affaires culturelles à Québec et la ville de Montréal, le mini budget qu'elle a pour la culture - fait d'eux des péripatéticiennes perpétuelles. Ils font le trottoir, à la porte des... Ils remplissent des formules des trois services subventionnâmes et, quand ils sont chanceux ou chanceuses, ils frappent le "jackpot", comme on dit, ou une petite loterie temporaire, jusqu'à la prochaine sortie des péripatéticiennes. Donc, au plus coupant, pour ne pas dire pire - au plus "tabarslak", comme aurait dit Jean Duceppe - il urge qu'il n'y ait qu'une porte où frapper et qu'on ne transforme pas les malheureux artistes du Québec en péripatéticiennes perpétuelles.

D'autre part, M. le Président, j'aimerais demander aux porte-parole du PQ ici ce matin, puisque le fédéral après tant d'années dans les plates-bandes de la culture n'a pas fait que des conneries: Est-ce qu'on ne pourrait pas faire un inventaire des politiques qu'il a mises sur pied et dont les résultats sont importants pour les artistes, nommément la politique qu'il appelle de prêts publics? À chaque année le fédéral fait faire une extrapolation du nombre de prêts de livres dans les bibliothèques publiques de tout le Canada et, à partir des sorties de livres, il attribue annuellement des montants aux auteurs québécois. Moi, je connais un grand nombre d'écrivains dont c'est le seul revenu pour toute l'année. Et je ne veux mentionner à titre d'exemple que Gilbert Langevin et Gaston Miron, deux grands poètes qui, quand le budget fédéral est enfin adopté, se mettent à vérifier le passage du facteur tous les matins pour s'assurer que, le jour où leur chèque est dans le courrier du matin, à moins de grève des postiers, ils soient les premiers à le recevoir, à mettre la main dessus pour aller rembourser quelques dettes, payer quelques comptes et surtout, dans bien des cas, leur dépanneur. Alors, ces gens-là sont un peu inquiets de voir le rapatriement de tous les pouvoirs, de tout l'argent du fédéral, parce qu'ils craignent que ces programmes-là soient abolis par un gouvernement du Québec souverainiste ou un ministère des Affaires culturelles unique pour l'ensemble de la communauté créatrice du Québec.

Le Président (M. Gobé): M. Landry, vous avez la parole.

M. Landry: C'est Mme Lalonde qui va

commencer.

Le Président (M. Gobé): Très rapidement, Mme Lalonde, parce que nous avons maintenant dépassé depuis une dizaine de minutes.

Mme Lalonde: Avant que le député de Mercier n'arrive, j'avais soulevé moi-même cette question-là, à laquelle il faut comme peuple s'adresser, parce que, effectivement, les artistes créateurs artisans sont souvent dans une situation pénible. Et ce qu'on reproche à Ottawa, c'est d'être celui qui fait, pas nécessairement les programmes qui ont été faits, et je pense que c'est quelque chose qu'il faut retenir. Par ailleurs, que les créateurs et artisans aient souvent été des "peddlers" si vous pouvez me permettre l'expression, oui, et ça n'a pas de sens.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Lalonde. M. Landry, un petit mot à ajouter? Non? (11 h 15)

M. Landry: Oui, pour ajouter que le gouvernement du Canada sur le territoire du Québec, avec l'aide de générations de Québécois et de Québécoises du milieu de la création, a fait des choses extraordinaires: la Société Radio-Canada, l'Office national du film. Et il faut regarder, sur le plan historique, que les plus dynamiques en matière de radio, par exemple, au Canada, ont été des Québécois qui s'appelaient Geoffrion et autres. C'est la Cour suprême, en définitive, qui a déplacé vers Ottawa le pouvoir réel, mais l'initiative était au Québec. Et dans la pensée souverainiste, il n'y a jamais eu le moindre mépris pour ces extraordinaires réalisations du gouvernement du Canada, faites dans le cadre institutionnel fédéral par des Québécois et des Québécoises sur notre territoire.

Pour le reste, je veux simplement, M. le Président, vous remercier de votre attention, de votre indulgence, puisque vous nous avez laissé dépasser un peu le temps. Je remercie également la ministre, les députés des deux côtés de cette commission qui nous ont écoutés ou questionnés. Et je les félicite pour leur persévérance et le sérieux avec lequel ils s'occupent d'une question aussi sérieuse: la politique culturelle.

Le Président (M. Gobé): Avec des groupes comme le vôtre, on aurait pu passer deux ou trois heures, et on aurait eu encore des choses à dire. Avant de terminer, peut-être, Mme la ministre, un mot de remerciement.

Mme Frulla-Hébert: Oui. Mme Lalonde, M. Landry, vous savez, pendant qu'on discutait et pendant que vous parliez... Je pense qu'ensemble ici, à cette commission parlementaire, nous avons la chance de nous exprimer sur ce qui fait de nous l'essence même de notre société distincte, c'est-à-dire notre culture. Il y a beaucoup de groupes qui sont venus ici et qui ont parlé des politiciens, des ambitions de politiciens et, mon collègue le sait, je réagis toujours un peu là-dessus. Parce que, malgré nos divergences d'opinion au niveau du statut du Québec et ce qui fait partie d'un ensemble et d'un tout global, il est important, à l'heure de ces grands changements - et là-dessus on est fondamentalement d'accord au niveau des objectifs, au niveau de la maturité que nous avons atteinte comme société - ces grands changements, vous l'avez dit, qu'ils soient mondiaux... Mme Lalonde, vous l'avez dit: On est à l'heure de ces changements-là. On est tous d'accord pour dire que notre culture, c'est ce qui est, chez nous, le plus important, c'est notre essence même, c'est le "nous" du Québécois. Je pense qu'on prouve maintenant qu'ensemble, et de part et d'autre, on est capables de se pencher sur ce sujet qui est capital. J'espère que les Québécois en tirent aussi une très bonne leçon. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Merci, M. Landry. Au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Ceci met fin à votre audition et vous pouvez maintenant vous retirer.

Je vais maintenant appeler les représentants de la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec et leur demander de bien vouloir prendre place en avant.

Mesdames et messieurs, si vous voulez bien reprendre vos places afin que la commission puisse poursuivre ses travaux. Merci beaucoup. Il nous fait maintenant plaisir d'accueillir la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec qui est représentée aujourd'hui par M. Mario Dumont, président. Bonjour, M. Dumont.

Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec

M. Dumont (Mario): Bonjour.

Le Président (M. Gobé): Par M. Éric Montmigny, coordonnateur aux affaires politiques.

M. Montmigny (Éric): Bonjour.

Le Président (M. Gobé): Bonjour, monsieur. Et la troisième personne qui vous accompagne n'étant pas sur notre liste, peut-être que vous pourriez la présenter, M. Dumont.

M. Dumont: Oui, c'est M. Martin Lapointe, qui est le représentant de la région Lac-Saint-Jean, qui a travaillé sur le dossier culturel au sein de la Commission-Jeunesse.

Le Président (M. Gobé): Bonjour, M. Lapointe. Bienvenue parmi nous. Et nous rajoutons votre nom sur nos listes tout de suite. Alors, M. Dumont, vous avez une quinzaine de

minutes pour faire votre présentation. Par la suite, discussion avec le côté ministériel et le côté de l'Opposition officielle pour une autre quinzaine de minutes à peu près. Donc, vous avez maintenant la parole.

M. Dumont: Merci. D'abord, je voudrais amorcer la présentation. Elle va être en plusieurs points. Martin et puis Éric vont me suivre. La Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec, ce sont les membres du Parti libéral du Québec de 25 ans et moins qui, évidemment, font avancer les idées des jeunes au sein du Parti libéral du Québec et qui, au-delà de l'action partisane à l'intérieur du parti, se donnent également un mandat pour prendre position par rapport à des dossiers d'actualité, par exemple dans le cadre de cette commission sur la culture.

Évidemment, au sein du Parti libéral du Québec, c'est assez facile de parler du dossier culturel. Je pense que notre parti a fait avancer au fil des 30 dernières années, de façon importante, le dossier culturel. Qu'on pense à la création du ministère lui-même il y a une trentaine d'années, qu'on pense plus récemment au statut de l'artiste, à l'accroissement récent des budgets depuis qu'on est au pouvoir. Je pense que c'est opportun qu'un gouvernement libéral, à ce moment-ci, prépare une politique de la culture et des arts et mette en place les structures nécessaires pour y arriver.

Le moment est particulièrement bien choisi, selon nous, pour parler d'une politique de la culture et des arts - on sait que le Québec a été, et va continuer de l'être au cours des prochains mois, dans des moments de grande réflexion et de grande décision - et, dans cet esprit-là, je pense qu'on l'a dit et redit, en tant que société qui est clairement distincte dans toute l'Amérique du Nord, pour se doter d'une politique qui investit l'État québécois clairement d'une mission en matière culturelle.

A priori, la Commission-Jeunesse appuie plusieurs, et même l'ensemble des grandes idées qui sont inscrites dans le rapport du groupe Arpin. D'abord, l'idée d'une politique culturelle elle-même, également le rôle de l'Etat, spécialement au Québec, compte tenu qu'on est la seule société avec un gouvernement à majorité francophone en Amérique du Nord; donc, le rôle que cela confère à notre gouvernement en ce sens-là au niveau du soutien aux créateurs, du soutien aux organismes, ça, on est derrière ça.

On est également derrière toute la dynamique qui veut favoriser l'accès à la vie culturelle, parce que la vie culturelle, c'est d'abord et avant tout pour notre population. On est également en faveur des mesures visant à accroître l'efficacité des interventions, à diversifier le financement. Alors, il y a là tout le fondement d'une activité culturelle qui soit fonctionnelle.

Pour nous, une politique de la culture et des arts, ça signifie un document de base qui puisse finalement donner de grandes orientations, assurer une cohésion des actions, qui puisse réunir l'ensemble des intervenants concernés derrière une même vision pour, évidemment, améliorer l'utilisation des ressources et renforcer des structures qui sont déjà en place et qu'on a pu construire depuis 30 ans, depuis, surtout, la création du ministère.

Une des recommandations du rapport, je pense, qui est appuyée par plusieurs groupes, et qui pour nous autres est fondamentale et essentielle, c'est de réclamer l'exclusivité des pouvoirs pour le Québec. Pour la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec, pour nous aussi, il est essentiel que le Québec détienne l'exclusivité des pouvoirs en cette matière. Et, d'ailleurs, je pense que ça fait partie clairement de l'historique de notre parti. Qu'on se réfère aussi loin qu'en 1971, alors que M. Bourassa parlait de souveraineté culturelle, donc du rapatriement des pouvoirs en matière de culture et de communications. Et, en ce sens-là, si vous référez au programme de notre parti, évidemment, on s'aperçoit que le programme du Parti libéral réunit et obtient l'adhésion de différents groupes dans la société québécoise.

De plus en plus, je pense quand même important qu'en tant que membres du Parti on le réitère. On dit dans le rapport du Parti: II y a deux niveaux de gouvernement qui sont en concurrence, d'où une incitation à la surenchère, aux conflits, à l'inefficacité. Le fédéral s'est taillé une place de choix dans la vie culturelle du Québec grâce à plusieurs institutions: les archives publiques, la Galerie nationale, Radio-Canada, le Conseil national de recherches, l'Office national du film. Certaines juridictions de nature exclusivement fédérale ont des répercussions importantes évidemment sur le secteur culturel québécois et, entre autres, dans le domaine des communications. Or, le rapport du Parti est clair, le Québec doit exercer la juridiction exclusive dans tous les champs de compétence et d'intervention touchant la culture et les communications. Évidemment, cela nous apparaît incontournable dans l'élaboration d'une politique québécoise, proprement québécoise, de la culture et des arts.

Comme on amorçait cette réflexion-là lors de notre dernier congrès des jeunes cet été, et comme l'a fait le rapport Arpin, il est essentiel dès maintenant de préparer ce futur-là, cette situation future où le Québec sera le responsable de l'ensemble des leviers de son développement, entre autres en matière culturelle. Et on appuie l'idée qui est dans le rapport du groupe Arpin, justement, de commencer à mettre en place des structures en fonction d'un gouvernement du Québec responsable de la plénitude des pouvoirs en matière culturelle. Or, quand on dit préparer le Québec à être le seul maître d'oeuvre en matière culturelle, on veut dire éviter dès maintenant les objectifs concurrentiels, donner

une orientation claire et donner une vision, donner des objectifs qui sont conformes, évidemment, aux aspirations du Québec.

On appuie également l'idée d'avoir, comme il est dit dans l'énoncé de politique, un ministère de la Culture comme tel. Pour nous, dans la culture, il y a trois grands axes qui sont la création, la production et la diffusion, et une politique adéquate de la culture et des arts doit tenir compte des trois axes, donc de la production, de la création et de la diffusion. Or, au-delà du changement de nom du ministère, il nous apparaît foncièrement important de tenir compte de changements en profondeur et, dans ces changements en profondeur qu'on envisage, on pense que devrait être étudiée très sérieusement la possibilité de regrouper justement ces trois axes en un seul ministère. Et regrouper ces trois axes en un seul ministère, ça signifie regrouper les deux ministères qui existent actuellement, donc le ministère des Affaires culturelles ainsi que le ministère des Communications. Dans ce sens-là, la diffusion, qui est d'abord et avant tout la responsabilité du ministère des Communications, est un élément extrêmement important dans l'élaboration d'une politique culturelle et, pour nous, c'est pour ça qu'il faut regrouper ça au sein d'un ministère commun.

En terminant, dans le rapport Arpin qui, je pense, est clair, on commence déjà à amorcer un élément de réflexion sur des éléments du ministère des Communications qui pourraient être rapatriés au sein du ministère de la Culture ou des Affaires culturelles. Pour nous, il n'y a qu'un pas entre dire que certains éléments importants doivent être rapatriés et dire, finalement, au niveau administratif et au niveau efficacité: Ayons un ministère qui soit englobant.

Finalement, en termes d'efficacité - un dernier commentaire que je voudrais ajouter - il ne nous apparaît pas opportun de multiplier les organismes de la nature d'un... on parle d'un observatoire des politiques culturelles ou d'autres organismes de cette nature-là. Pour nous, il serait préférable de privilégier une meilleure utilisation des organismes, des structures qui sont déjà en place. Par exemple, face au problème du manque de données en matière culturelle, du manque de statistiques, on voit davantage un rôle pour les universités, auxquelles il pourrait être commandé justement ce genre de travail et de réflexion, qui est leur rôle social fondamental, et qui éviterait la création de nouveaux organismes, la multiplication des organismes et des structures au sein de l'appareil gouvernemental. Alors, Martin, au niveau du volet des régions, tu peux continuer.

M. Lapointe (Martin): Nous, de la Commission-Jeunesse, sommes quand même d'accord avec le fait que chaque Québécois a droit à l'accès à la culture, et ce, en région, spécialement. Cela dit, le rapport Arpin définit sur trois axes le

Québec: Montréal, Québec et les autres régions. Nous disons qu'il ne faut quand même pas pour autant négliger ces régions. Ainsi, nous profitons un petit peu de cette commission parlementaire pour dire nos inquiétudes concernant les avenues qui se dégagent du rapport Arpin au niveau de la problématique culturelle en région.

Donc, nous disons qu'il est peut-être dangereux de simplifier la spécificité régionale sous le vocable d'"ensemble régional" puisque chaque région du Québec a une problématique particulière. Dans les faits, l'Abitibi n'a pas les mêmes problèmes d'évolution culturelle que la Mauricie ou la Gaspésie. En plus, le rapport présente une proposition qui favorise un centralisme accru de l'activité culturelle à Montréal. Donc, on favorise la production et la création à Montréal, la construction d'infrastructures et la diffusion dans les régions pour présenter des créations montréalaises.

Il est quand même important de dire que l'évolution culturelle du Québec doit émerger de partout et pas seulement de la région montréalaise. L'intérêt pour la population des régions au niveau culturel ne pourra continuer que s'il y a des activités de création et de production issues de leur milieu, et des spectacles passagers ou des tournées venant de la région métropolitaine ne seront peut-être pas une fin en soi. (11 h 30)

À titre d'exemple, une partie de la population du Saguenay-Lac-Saint-Jean, d'où j'ai la chance de venir, a un orchestre symphonique, et je dois dire que cet orchestre symphonique, le fait d'en avoir un dans la région a vraiment développé un engouement pour ce qui est de la musique classique en général. Donc, bien sûr, la production de spectacles en provenance de Montréal est importante en région, mais la chose n'est pas une base solide pour initier, éduquer des gens à la culture. Alors, il est important de donner des outils aux acteurs et aux intervenants régionaux pour continuer à créer et à produire, car ce sont eux qui, on pense, sont vraiment les gens qui sont au fait de leur milieu. D'ailleurs, des organismes comme les conseils régionaux de la culture font un travail considérable au niveau de la représentation, de la consultation et de la concertation de l'ensemble des organismes et intervenants du milieu culturel de leur région. Cependant, le rapport Arpin se questionne sur le rôle de ces CRC vis-à-vis des directions régionales du ministère. Je crois que cela nécessite quand même un éclaircissement pour un meilleur développement au niveau des régions.

Donc, nous, de la Commission-Jeunesse, proposons que soit redéfini le rôle des CRC de façon qu'ils deviennent des instances de concertation et de soutien au développement culturel. De même, H faudra accroître leur autonomie en augmentant le support financier ainsi que la liberté de gestion de leur enveloppe budgétaire

pour répondre plus efficacement aux besoins spécifiques de leur région.

Pour finir, le gouvernement du Québec doit favoriser la création ainsi que la pratique des artistes en région. Cela est d'autant plus important parce qu'on assiste à l'heure actuelle à un exode massif des populations des régions vers les milieux urbains, ce qui risque d'augmenter, en fait, le nombre de chômeurs culturels dans la région métropolitaine.

Nous reconnaissons tout de même le rôle de Montréal et de Québec à plusieurs niveaux et la nécessité d'y concentrer des forces. Nous tenons aussi à réaffirmer que le développement culturel ne doit pas être que le fait d'une métropole urbaine, mais plutôt le reflet de l'ensemble du Québec. Donc, des régions fortes pour un Québec fort.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Lapointe. C'est là maintenant tout le temps qui était imparti pour votre présentation. Vous avez quelque chose à dire, vous, monsieur?

M. Montmigny: Oui. C'est parce que... Je vais peut-être y aller rapidement.

Le Président (M. Gobé): Très rapidement, s'il vous plaît.

M. Montmigny: Un des points majeurs du mémoire, la Commission-Jeunesse affiche vraiment sa déception de ne pas retrouver dans le rapport Arpin un volet spécifique pour la jeunesse, donc la relève. Et, justement, ce qu'on demande présentement à cette commission-là, c'est que la future politique culturelle québécoise inclue un volet culturel pour la relève québécoise. On sait que les problèmes... Actuellement, on a un manque d'études par rapport justement aux besoins de la relève. Donc, le premier point à faire, la première démarche à entreprendre - et on aurait espéré que le rapport Arpin le fasse -c'est d'enclencher justement une réflexion et de faire un bilan sur la situation des jeunes artistes.

On sait pourtant que près d'un artiste sur cinq a moins de 30 ans et que, pour 60 % d'entre eux, ils gagnent moins de 5000 $ par année. Donc, un des points fondamentaux, je pense, de la nouvelle politique culturelle du Québec, c'est d'avoir un volet pour venir en aide à la relève québécoise parce que l'avenir de la culture au Québec dépend de cette relève-là et de la capacité de se renouveler.

Je vais peut-être y aller rapidement. Dans le mémoire, on parle de rayonnement international. C'est là un volet fondamental et important pour la politique culturelle, et on est d'accord avec les recommandations du rapport Arpin dans ce sens-là, et on demande que ces recommandations-là soient appliquées le plus rapidement possible.

Et, finalement, en terminant, au point de vue du financement, on sait que le financement, c'est vraiment le nerf de la guerre au point de vue culturel, on amène quelques points. On sait que le ministère des Affaires culturelles, depuis les dernières années, a connu une augmentation substantielle de son budget par rapport aux autres budgets des autres ministères. Ce qu'on dit, c'est que la Commission-Jeunesse réitère l'engagement électoral pris en 1985 par le Parti libéral du Québec et réitéré en 1989 d'accorder le 1 % des dépenses publiques au ministère de la culture, sauf que le 1 % ne doit pas être seulement une fin en soi. Il faut aller au-delà du 1 %, surtout quand on regarde l'ensemble des nouveaux pouvoirs en matière culturelle dont le Québec devrait être doté et du réaménagement des structures administratives qu'on propose en matière de communications.

Il est aussi essentiel de développer un partenariat. On parle de financement accru des municipalités, on parle aussi d'une implication accrue du secteur privé dans le domaine de la culture. On sait qu'au Québec, comparativement à ce qui se fait ailleurs, ces deux secteurs-là ont été moins présents dans le passé. Donc, on dit qu'il faut que les municipalités participent davantage et il faut aussi que le secteur privé participe davantage, mais ça, ça prend des incitatifs. Ça prend des incitatifs fiscaux, différents incitatifs ou mécanismes pour permettre justement à l'ensemble de ces paliers-là ou à l'ensemble des intervenants de s'entendre et de se mettre d'accord sur les orientations à prendre. Ce partenariat devrait mener aussi à la création de fonds de capitalisation pour le développement culturel, un peu comme ça se fait pour le développement économique, surtout quand on regarde les problèmes de capital de risque, d'avoir du capital pour développer des grands projets.

Finalement, en terminant, on dit oui à un financement accru du secteur culturel, mais oui à un financement qui doit être bien dirigé, c'est-à-dire qui doit vraiment être ciblé et aller selon les attentes du milieu québécois. L'efficacité, justement, de ce financement-là et l'efficacité de la politique culturelle seront évaluées en fonction de la capacité d'accorder le plus d'aide, le plus de soutien aux acteurs, aux différents artistes et non aux structures gouvernementales comme telles. Arpin propose d'éviter le saupoudrage, comme c'est le cas en France. Et la Commission-Jeunesse trouve ça un peu dangereux, parce qu'en évitant le saupoudrage, on favorise les élites et pour qu'il y ait un renouveau des élites, ça prend de la relève. Et si on n'accorde pas de soutien à la relève, on n'aura pas de renouvellement continu de la culture québécoise.

Peut-être un autre point...

Le Président (M. Gobé): En conclusion, s'il vous plaît, parce que le temps est maintenant...

M. Montmigny: D'accord. Toujours sur la relève, un point que j'aimerais amener. Au point de vue de ce qui est de la relève amateur et de la relève profesionnelle, ce qu'on suggère... C'est parce que, actuellement, tout le point de la relève amateur est au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Et, justement, en termes d'efficacité, on dit que l'ensemble des politiques de relève culturelle doivent être au ministère de la culture.

Finalement, le financement de la culture ne doit pas être dirigé uniquement vers une élite, mais être plutôt le reflet d'un société.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Montmigny. Alors, M. Dumont, c'est là, malheureusement, tout le temps qui était alloué, mais vous allez pouvoir continuer la discussion avec Mme la ministre. Auparavant, j'annoncerai aux membres de la commission qu'en vertu de l'article 132, je requiers leur consentement afin que le député de Vimont puisse participer à la commission.

M. Boulerice: Sous réserve. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): Je vois qu'il y a un large consensus. Donc, M. le député, vous pourrez participer à nos travaux. Maintenant, Mme (a ministre, vous avez la parole.

Mme Frulla-Hébert: Rapidement, pour laisser la parole à Benoît. On parle beaucoup des jeunes. On parle beaucoup d'habitudes de consommation au niveau des jeunes. On parte beaucoup d'habitudes de consommation versus les produits américains, donc, une non-sensibilisation - et corrigez-moi si j'ai tort - de cette culture québécoise provenant peut-être d'un manque au niveau de notre système d'éducation - ça, c'est à voir. Mais, dans une politique culturelle, quelles seraient les actions qui seraient susceptibles de favoriser un accroissement de la consommation des produits québécois par des jeunes, d'une part? Puis, deuxièmement, est-ce que c'est faisable? Vous nous dites: On est envahi par tout le monde et les Américains sont tellement forts... Selon vous?

Le Président (M. Gobé): M. Dumont, vous avez la parole.

M. Dumont: Je vois un certain nombre d'éléments de réponse à ça. D'une part, il nous apparaît qu'entre autres, au niveau du système d'éducation, pour commencer là, au niveau plus avancé, quand on arrive au collégial, à l'université, if y a une mise en contact assez importante avec la chose culturelle. Au niveau secondaire, on sent clairement que c'est plus faible, à quelques exceptions près - qu'on parle de cours d'arts plastiques, dans la plupart des écoles, en secondaire I ou II, qui sont une forme d'art très spécifique - la mise en contact générale avec des arts comme le cinéma, etc., c'est assez restreint.

D'autre part, je ne suis peut-être pas aussi pessimiste sur la question de l'envahissement, par exemple, de la culture américaine. Je pense que pour qu'il y ait de la consommation, il faut qu'il y ait une production intéressante qui crée une demande. Et, dans cet esprit-là, on a de plus en plus de gens au Québec, entre autres, au niveau de la chanson, du cinéma, qui performent et qui, de par leur performance... Et, ça, c'est... On a créé un ministère des Affaires culturelles il y a 30 ans; on n'a pas un historique de siècles à cet égard-là, mais je pense que, déjà, on sent les résultats qui se font sentir. Il y en a de plus en plus, d'artistes québécois, qui intéressent les jeunes Québécois. Alors, la consommation est évidemment une question de demande. Je pense que ce sont les principaux éléments. Et, évidemment, en renforçant les outils au niveau de la création, comme on propose certaines choses dans notre mémoire, je pense qu'on pallie une partie du problème.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Dumont. M. le député de Vimont.

M. Fradet: Merci, M. le Président. Je tiens, en premier lieu, à remercier les membres de me laisser participer à cette commission et j'aimerais peut-être que le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques me fasse part, éventuellement, de ses réserves.

M. Boulerice: C'était sur le ton taquin, M. le député de Vimont. Vous connaissez...

Le Président (M. Gobé): Oui, mais depuis le début des audiences de cette commission, nous avons adopté une attitude d'ouverture envers tous les députés qui veulent y participer et on a vu de nombreux députés libéraux, comme de l'Opposition, de régions, venir encourager ou questionner les réglons, les maires et les groupes communautaires, enfin tout le monde, et vous êtes dans cette tradition-là...

M. Fradet: Alors, je vous remercie, M. le Président...

Le Président (M. Gobé): ...des gens qui suivez.

M. Fradet: ...mais je tiens aussi à remercier les membres de cette commission pour leur collaboration.

M. Dumont, j'ai trouvé votre mémoire excellent. J'ai aussi pris en note que vous avez, comme priorité, en matière de culture au Québec, noté qu'il se doit d'y avoir un rapatriement de la part du fédéral ou, en tout cas, une pleine

juridiction sur les pouvoirs de la culture et de la communication. Vous avez fait le parallèle avec le rapport Allaire. On en a parlé beaucoup, on va continuer d'en parler. Le dossier constitutionnel est toujours très vivant. Je suis convaincu qu'avec l'aide d'une partie, d'une aile qui est très dynamique au Parti libéral du Québec, qui est la Commission-Jeunesse, qui a présenté des mémoires au gouvernement dans plusieurs dossiers et qui revient aujourd'hui dans le dossier de la culture, vous pouvez contribuer grandement à l'essor politique du Québec.

Une voix:...

M. Fradet: Oui, merci, je fais juste des petits commentaires, M. le Président. Vous parlez, dans votre mémoire, que vous affichiez - M. Montmigny en a parlé tout à l'heure - une profonde déception face au rapport Arpin parce que, dans ce rapport, n'a pas été précisé le rôle ou la problématique face aux jeunes. Vous avez fait aussi ressortir que plus d'un artiste sur cinq a moins de 30 ans. Alors, c'est quand même assez substantiel.

J'aimerais vous poser une question, M. Dumont, ou à un de vos collaborateurs: Quels sont les moyens concrets que vous pouvez penser ou proposer en matière d'éducation, que ce soit au secondaire, au primaire, au cégep ou à l'université? Quels sont les moyens concrets, quand vous dites, dans votre mémoire, que la future politique doit tenir compte de la situation et des besoins des jeunes artistes et mettre en place des outils pour leur permettre de meilleures conditions de travail? Est-ce que vous avez des idées face aux outils que le gouvernement devrait donner aux jeunes?

M. Dumont: Je pense qu'Éric a abordé un élément important au niveau de la distinction entre les artistes amateurs et les artistes professionnels. Donc, déjà là, il y a un élément qui est important au niveau du soutien, spécialement des jeunes parce que la relève, dans n'importe quoi, ça concerne a priori les jeunes.

En ce qui concerne notre système d'éducation, je reviendrai avec la question que je soulevais tout à l'heure. Au niveau du collégial et de l'université, encore là, il me semble y avoir une structure de formation qui peut être améliorée comme toute chose, mais qui est assez bien en place, sauf que les niveaux d'éducation qui précèdent, ça ne donne pas nécessairement une base au niveau culturel, au niveau de la formation culturelle qui correspond à ça. Je dirais même que la base est extrêmement minime.

Les moyens... Il y a un certain nombre de politiques, il y en a déjà qui existent, qui ont été mises en place par le gouvernement libéral au cours des années quatre-vingt pour aider les jeunes, spécifiquement aider la relève artistique. Donc, je pense qu'il faut continuer dans ce sens- là, peut-être revoir ça et amplifier ça en fonction des besoins. Là, c'est ça qu'on aurait aimé là-dedans, avoir une étude: Qu'est-ce qui en était? Quel est le résultat des mesures actuelles et comment elles pourraient être améliorées? Il y a aussi, évidemment, tout le contexte général du soutien à la relève qui détermine, finalement, le sort qui va être réservé aux jeunes. Pour l'instant, le soutien à la relève étant assez minime dans certains cas, on se retrouve avec la précarité d'emploi, la précarité du revenu, etc. C'est une situation que les jeunes vivent de façon générale dans notre société, on le sait, mais qui, dans le domaine de la culture, est encore plus pressante. Donc, ça aussi, le soutien général à la relève, c'est un élément. Je ne sais pas si tu as des compléments.

M. Fradet: Merci. De un, vous avez dit "jeunes professionnels par rapport aux amateurs". C'est parce que les jeunes ne sont pas tous amateurs; c'est la relation que vous vouliez faire entre jeunes professionnels et jeunes amateurs.

Juste une autre petite question, peut-être. On a des programmes au secondaire, dans plusieurs écoles secondaires, qui font en sorte qu'il y a sports-études et culture-études. Le jeune peut se concentrer activement sur une branche, que ce soit la musique ou l'art dramatique, peu importe. Pensez-vous qu'on devrait développer davantage ce concept-là au secondaire? Parce que vous dites qu'au cégep et à l'université, on a déjà des structures qui sont bien établies, mais au secondaire, un programme de sports-culture, admettons, pourrait être développé davantage. (11 h 45)

M. Montmigny: Dans le présent mémoire, on a mis des idées de l'avant, mais, globalement, pour répondre à la question, on ne touche pas vraiment à ça dans le mémoire, sauf que les pistes sur lesquelles on peut réfléchir justement, c'est que c'est important, comme le rapport Arpin le souligne, qu'il y ait une sensibilisation accrue des jeunes dès le primaire et dès le secondaire. Et si, justement, cette modalité-là peut permettre aux jeunes de développer assez tôt la pratique d'un art, pourquoi pas? Sauf qu'il existe aussi plusieurs instituts, plusieurs écoles parallèles qu'il est important de consolider présentement dans le réseau, qui souffrent d'un sous-financement accru et je pense que la priorité du réseau, ça doit être vraiment de soutenir ceux qui sont déjà en place.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Vimont.

M. Fradet: Merci, monsieur. Mais ce que je voulais dire, bien entendu, c'est dans des programmes spécifiques. Je faisais allusion... Parce que je connais des gens qui bénéficient de sports-études, mais je sais qu'il n'y a pas

spécifiquement de culture-études. Ça serait peut-être quelque chose qu'il faudrait proposer et développer. Quand vous parlez d'arts plastiques aussi au secondaire - c'est M. Dumont, le président, qui a parlé de ça tout à l'heure - que ce soit différents dessins et tout ça - on a tous vécu ça - croyez-vous que ça ne serait peut-être pas davantage bénéfique pour les jeunes, pour que la culture soit inculquée, qu'on ait un programme d'art général, si vous voulez, plutôt que d'arts plastiques? Sensibilisation à différents domaines de la culture, que ce soit la musique...

M. Dumont: Moi, il m'apparaît - on n'a pas développé l'idée dans notre mémoire - en tant que jeune et de ce que j'ai entendu des jeunes, qu'il est clair que le programme d'arts plastiques présentement n'est pas très inclusif. C'est: Tu es habile de tes mains ou tu n'es pas habile de tes mains. Si tu n'es pas habile de tes mains en arts plastiques, ta sensibilisation par rapport au fait culturel demeure assez restreinte dans le programme actuel. Des programmes, évidemment, de culture-études pour ceux qui voudraient aller encore plus loin, sur le même principe que sports-études, c'est évidemment un moyen très, très concret de rapprocher un jeune, de permettre à un jeune, en continuant ses études secondaires, de se mettre déjà là en contact et de progresser dans le domaine culturel tout en poursuivant ses études secondaires.

M. Fradet: Je vous remercie, M. Dumont et MM. les collaborateurs de la Commission-Jeunesse. Vous avez fait un très bon travail et je suis convaincu que vous allez continuer à travailler aussi fort pour ce qui préoccupe davantage les jeunes dans notre société aujourd'hui. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Vimont. Je vais maintenant passer la parole à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. Dumont, M. Montmigny et M. Lapointe, je dois vous avouer - aveu, non, aveu est culpabilité - je vais plutôt vous dire qu'à l'exception peut-être d'une petite statistique, je serais bien tenté d'aller signer votre mémoire. C'est sans doute M. Lapointe qui a introduit la notion régionale et la présence des conseils régionaux de la culture. Rassurez-vous, je ne vous le dis pas de façon prétentieuse, mais c'est le discours que je tiens depuis six ans. Je suis heureux qu'on travaille ensemble dans la même direction. Cette dimension régionale est là. Les conseils régionaux de la culture sont importants. Je suis vraiment très heureux que vous l'ayez souligné. La toute première question que j'aimerais vous poser: Vous avez été, la Commission-Jeunesse, le fer de lance du rapport Allaire. C'était, de toute évidence, admirable de vous voir travailler sur le plancher du congrès, comme on dit. Et le rapport Allaire est très clair à ce niveau-là. Mais, compte tenu des positions actuelles, est-ce que vous en faites toujours une condition de l'adhésion du Québec à tout arrangement constitutionnel, ce rapatriement des arts et de la culture?

M. Dumont: Je pense que là-dessus notre rapport est assez clair comme les positions qu'on a prises antérieurement. Et ces leviers-là, comme d'autres, sont essentiels, je pense, et la culture, on pourrait, comme vous le dites, dire plus que les autres, étant donné que ça fait plusieurs années, à l'intérieur du Parti libéral du Québec, qu'on défend ce type de revendications. Donc, on part de 1971 où, clairement, le Québec revendiquait ça. Or, je pense qu'à ce moment-ci on pourrait difficilement reculer là-dessus.

M. Boulerice: À la lumière des récentes propositions constitutionnelles fédérales et des déclarations très claires du premier ministre fédéral, M. Mulroney, et du ministre fédéral des Communications, M. Beatty, Ottawa entend clairement maintenir les activités de ses institutions culturelles nationales sur le territoire québécois. Ça, c'est ce qu'ils disent en réponse, justement, aux requêtes du Québec. Est-ce que vous croyez qu'il est encore possible pour le Québec de songer au rapatriement de l'ensemble des responsabilités fédérales en matière de culture, dans le cadre du régime fédéral qu'on nous propose, là?

M. Dumont: Bien, écoutez, je ne me lancerai pas à faire des pronostics sur ce qu'il est possible de faire ou de ne pas faire, d'obtenir ou de ne pas obtenir. Sur cette question-là, notre position à nous est claire, elle est connue, et, en fonction des événements qui suivront, on agira en conséquence. Mais de là à faire des pronostics sur la possibilité ou les probabilités, au risque de me tromper, je vais m'abstenir de me prononcer là-dessus.

M. Boulerice: D'accord, mais je note que c'est toujours une condition absolue à l'adhésion du Québec à tout arrangement constitutionnel.

M. Dumont: Oui, comme je l'ai dit tout à l'heure...

M. Boulerice: Oui, effectivement.

M. Dumont:... cette position-là est claire, elle est dans notre document et dans le programme du Parti: ces leviers-là, comme d'autres, sont essentiels au Québec, et ça va de soi.

M. Boulerice: Quand vous dites, à la page 8, qu"'il serait pertinent d'étudier la possibilité de regrouper au sein d'un ministère de la culture l'ensemble des leviers de soutien, de création, de

production et de diffusion", est-ce que cette proposition veut dire l'intégration de l'ensemble des activités du ministère des Communications au sein du ministère de la culture ou, enfin, peu importe son appellation, là, par suite du renforcement de son mandat?

M. Dumont: C'est-à-dire que les éléments qu'on veut souligner là-dedans... Il y a des choses qui se font présentement au ministère des Communications - on pourrait nommer Communication-Québec - qui, à mon sens, dans le cas d'une proposition comme on demande, pourraient être rapatriées, par exemple, par un ministère comme le ministère des Approvisionnements et Services, où ça cadrerait autant qu'au ministère des Communications.

M. Boulerice: D'accord avec vous.

M. Dumont: Mais, dans l'ensemble, quand on parle du rôle de diffusion de la culture qui est dévolu au ministère des Communications, bien, cette partie-là, il m'apparaîtrait pertinent de ramener ça, d'une part, pour l'efficacité, dans un seul et même ministère et, d'autre part, pour donner davantage de poids aux porte-parole de ce ministère-là au sein de l'ensemble des prises de décision, en tant que porte-parole de l'ensemble, comme je le disais, des trois axes: la création, la production et la diffusion de la culture au Québec.

M. Boulerice: Nous faisons front commun pour la culture et cela n'est pas mauvais. Effectivement, ces leviers-là sont trop interreliés, interdépendants pour les laisser de côté. Le rapport Arpin parle de saupoudrage - bon, je n'aime pas le terme mais, de toute façon, c'est celui qu'on emploie - et propose de mettre fin à ce saupoudrage-là au chapitre du financement, ce que, nous, nous contestons comme assertion. Vous semblez émettre des réserves à cet égard, au niveau du saupoudrage. Est-ce que vous pouvez en préciser le sens?

M. Dumont: Non, attention, il ne faut pas confondre les choses. Je ne pense pas qu'on puisse être en faveur du saupoudrage, et quand on dit qu'on veut regrouper en un ministère, qu'on veut éviter que les artistes amateurs relèvent du MLCP, etc., je pense qu'il y a là une volonté de clarifier les rôles, et également d'éviter un saupoudrage un peu disparate de l'aide qui est faite aux artistes. Là où on a une réserve, c'est de dire que d'éviter le saupoudrage - il y a des mentions qui peuvent porter à cette interprétation-là dans le rapport - ça pourrait mener à une forme d'élitisme, c'est-à-dire qu'on s'en tienne à la consolidation de ce qui existe déjà ou ce qui est une élite. Qu'on regarde tout ce qui a eu du succès au Québec en matière culturelle, et, au départ, je ne pense pas qu'on puisse dire que c'étaient toutes des élites. Et c'est dans ce sens-là qu'on dit, en tant que jeunes, a priori, qu'il y a un danger là. Si on veut simplement financer ce qui va déjà bien et ce qui est déjà fort et le consolider, on ne peut pas être contre cet objectif-là de consolider et d'aller encore plus loin avec ce qui est déjà fort. Mais il ne faudrait pas non plus le faire aux dépens de la relève qui tente d'émerger et qui n'est pas encore, de toute évidence, une élite.

M. Boulerice: O.K. Si je vous comprends bien, c'est que oui, il y a une part nécessaire de consolidation. Par contre, on ne peut pas baser tout sur le saupoudrage. Le saupoudrage demeure quand même très souvent une avenue et on pourrait peut-être le prouver en regardant les activités, ou les organismes, ou les individus qui ont bénéficié du saupoudrage. Très souvent, l'aide, justement, à cette relève... Vous étiez présent dans la salle tantôt, vous avez entendu que le Cirque du soleil, c'a été un saupoudrage. Le saupoudrage a des fonctions heureuses à l'occasion, et, notamment, M. Lapointe, des fois, dans les régions, "saupoudrage" peut signifier existence.

M. Dumont: Ce que je serais porté à répondre à ça, c'est qu'au niveau du saupoudrage, il y a différents éléments. Quand on parie de saupoudrage, que n'importe qui lance des subventions un peu... Dans cet élément, on parie de la région du Lac-Saint-Jean. Il me semble que si on clarifie le rôle des organismes en région, ceux-là pourront ensuite apporter - on peut appeler ça un saupoudrage, peu importe - une aide en fonction des besoins, une aide qui ne soit pas seulement réservée à l'élite en région, mais qui puisse être saupoudrée, entre guillemets, entre d'autres groupes. Mais il faut, je pense, quand même être prudent. L'amélioration des structures... Quand on parie, dans le rapport, de l'amélioration de l'efficacité des structures, on évite une partie du saupoudrage et de l'aide qui provient de différents organismes, qui provient d'organismes qui n'ont pas de vocation culturelle, mais qui viennent aider... Évidemment, ça a pu avoir, dans le passé, des répercussions fort heureuses que, par exemple, une aide discrétionnaire soit apportée. Sauf que la question que ça m'amène, c'est: Est-ce qu'il ne serait pas nécessaire d'avoir en place les structures pour qu'une aide discrétionnaire, qui ne vient pas du milieu culturel, soit nécessaire? Ou est-ce que le milieu culturel ne devrait pas être assez bien structuré pour voir ces besoins-là et les distribuer de façon efficace? Je pense que c'est ça l'esprit de la partie qui concerne l'efficacité dans le rapport.

M. Boulerice: Vous avez parié de l'enseignement des arts, mais vous en avez parié selon deux volets, à la fois l'initiation aux arts comme

telle, c'est-à-dire dans les programmes académiques, mais il y a également la formation comme telle. Certains vont peut-être dire que ce n'est pas décidé, que c'était hypothétique, que c'était un élément de discussion, etc., sauf que le pavé a été jeté dans la mare. Il y a 18 députés ministériels qui ont dit que l'on devrait fermer les conservatoires de musique et d'art dramatique et fermer Radio-Québec. Que répondez-vous à ceci?

M. Dumont: Je pense que c'est encore des choses qui sont pour fins de discussion. Je n'ai pas la nature de ces propositions-là. Je ne pense pas qu'on veuille éliminer carrément des structures comme celles-là. Si c'était le cas, je ne pense pas que la Commission-Jeunesse - et là, je n'ai pas la position de mon groupe par rapport à ces choses récentes qui sont sorties... Ce que je peux vous répondre pour aujourd'hui, c'est que je ne pense pas que mon groupe supporterait ce genre de propositions, et encore moins celle concernant Radio-Québec.

Le Président (M. Gobé): Si vous vouliez conclure, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Eh bien, M. le Président, quand j'écoute la Commission-Jeunesse du Parti libéral, je me dis que j'ai peut-être fait une phrase qui va passer à l'histoire. J'ai toujours dit que, quand les vieux renards que nous sommes peut-être s'allieront aux jeunes loups que vous êtes assurément, il y a bien des choses qui seront possibles au Québec. Et je vous félicite pour votre intervention, votre mémoire. Pardon?

M. Brassard: Ça va être inquiétant pour les poules.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Ça va être effectivement inquiétant pour les poules fédéralistes tous azimuts qui ne veulent pas donner, effectivement, au Québec les pouvoirs qu'il est en droit d'obtenir au niveau des arts de la culture. Vous avez parlé d'"unique et seul responsable". Bon, on n'est plus une société distincte, il paraît qu'on est une société unique. Je ne sais pas si, en vous rasant le matin dans le miroir, vous avez cette transe métaphysique de vous demander si vous êtes unique ou distinct. Je pense qu'on est à la fois unique et distinct. Mais ça, il y a un fait, votre réponse, jointe à celle de plusieurs, y compris celle de ma formation politique, donne un poids aux revendications du Québec. J'étais vraiment très heureux de vous entendre, M. Dumont, M. Montmigny et M. Lapointe. Merci.

Le Président (M. Gobé): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Moi, je me joins à mon collègue, évidemment, pour vous dire un gros merci. Et, encore une fois... On dit toujours: Ce que femme veut, Dieu le veut, mais M. Levesque l'a dit, alors on peut dire maintenant: Ce que jeunesse veut, Dieu le veut.

Une voix:...

Mme Frulla-Hébert: Non, je parle de Gérard D., en Chambre. Je vais laisser la parole à mon collègue, si vous permettez, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Oui. Peut-être même remercier tout le monde au nom des collègues de cette commission, M. le député.

M. Fradet: Oui, c'est ça. Je voudrais juste faire une petite rectification. Le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, critique en matière de culture, porte beaucoup d'importance au rapport du comité Poulin. Je voudrais juste rectifier. Le député a parlé des conservatoires. Je voudrais juste dire que le rapport du comité Poulin, il n'est pas écrit encore et il n'a pas été présenté au premier ministre encore. Je pense qu'il faut que ça soit clair. Il y a eu des choses qui ont été discutées à un moment donné et qui ont été mises sur la table, mais qui ont été rejetées tout de suite.

M. Boulerice: Si ce n'est pas écrit, pourquoi le document se promène? (12 heures)

M. Fradet: Le rapport du comité n'est pas encore écrit; il n'a pas encore été présenté au premier ministre, et je voudrais...

Le Président (M. Gobé): Si vous voulez conclure.

M. Fradet: ...en terminant, M. le Président, remercier les membres de la Commission-Jeunesse de nous avoir présenté un mémoire et remercier aussi les membres de la commission de la culture d'avoir bien voulu me permettre de prendre la parole et de participer à leurs travaux. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député. M. Dumont, vos collègues... Vous avez un petit mot à dire, M. Dumont?

M. Dumont: Ah non.

Le Président (M. Gobé): Non? Je vous voyais lever les mains, c'est pour cela. Nous vous remercions. Ceci met fin à votre audition, vous pouvez maintenant vous retirer. Et j'appelle sans plus tarder, car nous avons une demi-heure de retard, le groupe Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Je vous demanderais de bien vouloir prendre place en avant.

Alors, mesdames et messieurs, si vous

voulez bien rejoindre vos places afin que nous puissions continuer les travaux de cette commission. Merci beaucoup. Il me fait plaisir maintenant d'accueillir les représentants de l'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Bonjour madame mademoiselle. Alors, je vous demanderai de bien vouloir vous présenter, et présenter les gens qui vous accompagnent, et vous pourrez commencer votre présentation sans plus attendre.

Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean

Mme Larouche (Lise): D'accord. Alors, je vous remercie en tout premier lieu, M. le Président, de l'opportunité que vous nous donnez de faire en sorte que le son des régions se rende et qu'on puisse y prêter une oreille attentive.

Je me présente, je suis Lise Larouche, vice-présidente de l'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean. J'ai ici, à ma droite, M. Gilles Larouche qui est directeur administratif de l'Orchestre symphonique ainsi que Mme Régine Hamelin qui siège sur le conseil d'administration de notre organisme.

Le Président (M. Gobé): Vous pouvez commencer votre présentation.

Mme Larouche: D'accord. Cet organisme est un organisme régional qui a pour mission de faire la diffusion de la musique classique et de la musique symphonique sur tout le territoire d'une région, dont le territoire est non négligeable, et qui fait partie des régions qui, à mon sens à moi et au sens de notre organisme, méritent d'avoir le respect qui leur revient.

Alors, ce qui est important pour nous, l'exercice auquel on veut se prêter ce matin, c'est de vous faire la preuve que la viabilité d'une infrastructure symphonique, c'est possible dans une région. Et on peut s'inscrire à ce moment-là comme modèle, je pense, de développement et d'efficacité. On a démontré, nous, depuis les 12 dernières années d'existence de notre organisme, que c'est possible de faire de la diffusion en collaboration, dans des objectifs qui rejoignent finalement ceux du rapport Arpin, des objectifs de cohésion au niveau des ressources, de concertation avec le milieu. Et, jusqu'à maintenant, en tout cas, on vous manifeste un peu nos inquiétudes par rapport à la place qu'on pourra désormais obtenir. Et cette place-là, je vous soumets qu'elle est bien prise, dans le sens qu'on a des acquis qui sont non négligeables et qui tiennent compte, finalement, du sentiment d'appartenance qu'ont les gens de notre région envers les organismes culturels; et ce sentiment d'appartenance est très fort et directement relié à la réussite des activités.

Il ne faut pas perdre de vue que le taux d'insertion qu'on a réussi à atteindre fait en sorte qu'on couvre l'ensemble du territoire du Saguenay-Lac-Saint-Jean avec des concerts de grande qualité. Depuis les 10 dernières années, nous avons accumulé plus de 160 concerts. Si vous vérifiez à l'annexe, on a un tableau qui illustre très bien, finalement, la couverture que nous faisons avec des concerts de qualité. C'a été qualifié comme étant un exemple important. L'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean est considéré comme l'orchestre symphonique régional le plus performant du Québec et je pense que c'est dû à la façon dont l'infrastructure s'est articulée. Je vous suggérerais peut-être de jeter un coup d'oeil à l'organigramme pour vous donner un aperçu visuel de ce que nous sommes, faute de pouvoir faire entendre notre brillant Quatuor Alcan, dont vous avez sans doute entendu parler. Il représente, soit dit en passant, un fleuron dont nous sommes très fiers et qui a fait en sorte, entre autres, récemment, que la Société d'électrolyse et de chimie Alcan a remporté le prix du Financial Post pour la participation d'une multinationale au développement d'une région et de l'art en région, et pour la contribution à l'amélioration de la qualité de vie.

Je vous réfère à l'annexe II pour vous démontrer l'organigramme artistique et faire la preuve qu'une cohésion au niveau de la gestion administrative et une direction artistique articulée peut donner des résultats et atteindre des objectifs de diffusion sans nécessairement qu'on ait à servir, finalement, de simple élément de diffusion des organismes qui sont situés dans les grands centres. Vous avez la preuve que nous réussissons à orchestrer, si vous me permettez l'expression un orchestre de chambre, le Quatuor à cordes Alcan, un orchestre préparatoire qui, en fait, contribue au développement de l'auditoire et à l'avenir de nos ressources de musiciens, en même temps, un rassemblement des cordes et la production de petits ensembles, tout ça sous une seule administration. Ça nous apparaît un exemple évident de cohérence au niveau de l'administration et de la concentration des ressources malgré que tout ça se fasse en région. Alors, je pense que ce serait important que la commission puisse avoir une lecture précise de ce qui peut se faire dans ce sens-là. Et, à notre sens à nous, j'irais peut-être jusqu'à dire qu'une région peut se présenter comme étant une entité distincte en soi, parce que c'est une expression qui est très populaire de ce temps-ci, mais j'irais jusqu'à vous dire que chaque région a effectivement son tissu culturel et un sentiment d'appartenance qui est à la base des performances, sur le plan culturel, qu'on peut faire en région, qui n'est pas négligeable. Il serait hasardeux de croire que les orchestres des grands centres puissent desservir les régions avec succès s'il n'y a pas une structure comme celle que nous avons.

Le leadership de l'Orchestre a fait des

siennes également. Sur le plan de la diffusion, nous diffusons de façon régulière sur le réseau national de Radio-Canada, que ce soit au niveau de notre orchestre de chambre qui est sous la direction de Jean-François Rivest, qui est également compositeur... Donc, dans ce sens-là, on se trouve à permettre la diffusion des créateurs régionaux. Nos directeurs artistiques ne sont pas en région par dépit; ce sont des personnes extrêmement compétentes - entre autres, M. Jacques Clément qui est, en l'occurrence, directeur du Conservatoire de musique de Chicoutimi - des personnes-ressources qui sont en région, qui connaissent exactement la réalité régionale et qui sont en mesure de pouvoir articuler, finalement, la diffusion de la musique dans tous les coins de la région, et ce n'est pas négligeable.

Ce qu'on a de particulier dans notre région, c'est qu'il faut couvrir un énorme territoire et, en ce sens, il faudrait s'interroger sur ce qui en est de la distribution de l'argent au niveau des enveloppes budgétaires régionales. Si on tient compte, par exemple, que l'enveloppe régionale du ministère des Affaires culturelles est de l'ordre de 1,8 % en termes de distribution des subventions par le ministère des Affaires culturelles, on peut s'interroger sur la proportion qui pourrait peut-être être ajustée pour tenir compte de la réalité culturelle de chaque région et de la dynamique qui peut se produire à ce moment-là. Pour avoir la lecture la plus adéquate possible de la situation, c'est évident qu'il faut s'en référer à des critères qui passent par le principe de dire: On ne peut pas faire de compromis sur la qualité et il faut s'assurer de rejoindre le plus de monde possible. C'est ce qui nous distingue, d'ailleurs, au niveau des organismes culturels par rapport aux organismes des autres PME. On ne peut pas faire de compromis sur la qualité, nous.

Au niveau de nos différents volets, on ne doit pas perdre de vue le volet éducatif également que l'Orchestre intègre et qui nous apparaît très important, considérant le vieillissement de l'auditoire, constat qui a attiré l'attention de l'Association des orchestres du Québec et de l'Association des orchestres canadiens, par ailleurs, et on met le paquet de ce côté-là.

Alors, les efforts que nous avons faits sont concrets. Il y a, dans notre région, une infrastructure solide et la preuve est faite que ça marche. Ça marche, pourquoi? Ça marche parce qu'on a le soutien du milieu. Nous sommes à même de vous dire que nous sommes un des rares organismes culturels... Et là, on n'est pas là pour quêter des subventions, je veux que vous ayez une lecture de ce qui se passe là-bas, parce qu'il m'apparaît qu'il faut que ce son-là se rende ici. On fait partie des organismes culturels qui s'autofinancent à 75 % et qui sont subventionnés à 25 % grâce à un support du secteur privé de l'ordre de 42 %. Je ne vous dis pas que c'est rose, je ne vous dis pas qu'on n'a pas de déficit accumulé. Le déficit accumulé que nous avons est un déficit accumulé de développement qui est dû à la mise sur pied du Quatuor Alcan. Nous disons que la gestion d'un organisme culturel en région passe par la saine gestion administrative et par le meilleur ministère qui est la musique. Il faudra toujours avoir à l'esprit qu'on ne peut pas faire de compromis sur la qualité quand on parle de musique. Il faudra toujours s'assurer que quiconque prendra les décisions en termes de répartition des sommes budgétaires, que ça passe par une expertise quelque part au niveau de la définition des attributions de sommes.

La contribution d'un orchestre symphonique et d'une infrastructure symphonique régionale à l'amélioration de la qualité de la vie en région est non négligeable. On vous soumet que, sur le plan économique, les régions ont des besoins. On ne peut pas taire les besoins des régions. La présence d'un orchestre symphonique en région contribue à attirer les compétences professionnelles dans tous les autres domaines. Il ne faut pas se leurrer. On parle des problèmes qu'on a en matière de santé et de services sociaux, des besoins qu'on a en termes d'avoir des médecins spécialistes en région, et des besoins également au niveau des compétences professionnelles dans l'ensemble des domaines socio-économiques de la région. C'est évident que, quand quelqu'un veut aller s'établir dans une région comme la nôtre, le fait d'avoir une infrastructure culturelle solide va faire en sorte qu'on va contribuer au maintien et à la viabilité de la région comme telle et c'est non négligeable en termes de contribution à la qualité de la vie.

Il faudrait également tenir compte, s'interroger grandement sur la preuve de la possibilité d'un partenariat économique intéressant avec les agents du milieu. Je pense aux contributions des PME et des multinationales aux secteurs culturels en région, et je ne saurais de quelle façon vous faire comprendre qu'on ne peut pas faire autrement que de passer par ce partenariat-là. Et il ne faudrait pas, à un moment donné, que les efforts qui ont été faits de la part de ces gens-là pour mettre l'épaule à la roue puissent être dilués par une perspective de concentration et de politique de concentration vers les grands centres, parce que j'ai l'impression qu'à quelque part il y aurait peut-être des joueurs qui sortiraient du circuit.

Je vais vous dire quelque chose qui pourra peut-être toucher ceux d'entre vous qui sont plus sensibles aux sports. J'irais jusqu'à vous dire qu'une "game" de hockey des Canadiens dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean ne vaudra jamais une série des Saguenéens - je ne sais pas si on me suit là-dessus - et j'irais jusqu'à dire, de manière à s'assurer que la juste proportion des 3 200 000 personnes que représentent les gens des régions... qu'il ne faudrait pas faire de ces gens-là des "Val-Jalbert de la culture".

Le Président (M. Gobé): Mme Larouche, je vous demanderais de bien vouloir conclure, s'il vous plaît, parce que le temps imparti est maintenant écoulé...

Mme Larouche: Je vous remercie.

Le Président (M. Gobé): ...et nous allons devoir entamer la discussion avec Mme la ministre.

Mme Larouche: On vous dit qu'il peut y avoir de la place pour des organismes qui se gèrent de façon efficace dans une région comme la nôtre, dans un souci de concertation, d'économie des ressources. Et je ne saurais passer sous silence le partenariat exemplaire que nous avons développé avec le Conservatoire de musique de Chicoutimi. Nous soumettons que la présence de cette institution nationale dans notre région est capitale dans le développement que nous connaissons. Et Dieu sait que ce développement a été maintes fois cité en exemple. Et le Conseil canadien pour le monde des affaires et des arts est très intéressé par la formule que nous avons développée. (12 h 15)

Nous soumettons que ce genre de partenariat et cette grille de fonctionnement pourraient facilement être adaptés avec la distinction qui caractérise chaque région. Évidemment, au niveau du tissu culturel, il faut toujours avoir le souci de regarder ce qui arrive au niveau du milieu. Je soumets que cette forme de développement a fait ses preuves et pourrait facilement être adaptée à d'autres régions. C'est l'éclairage que je voulais apporter à la commission et je vous en remercie.

Le Président (M. Gobé): II est très clair, madame. Nous vous remercions. Je donnerai donc maintenant la parole à Mme la ministre pour une quinzaine de minutes.

Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup, Mme Larouche, et vous tous. Je vous remercie d'abord pour la clarté de vos réflexions et aussi pour le plaidoyer que vous faites au niveau de la création et de la diffusion en région. Vous êtes un exemple remarquable - et je vais revenir là-dessus - au niveau de l'intégration du conservatoire à la vie culturelle de la région. Et ça ne se passe pas partout de la même façon. Mais, chez vous, vous êtes vraiment un exemple. Et quand on s'est vus, quand j'y suis allée, tout émane, finalement, tout le monde est impliqué. Alors, expliquez-nous un peu comment ça fonctionne, d'où ça vient, ne serait-ce que pour donner l'exemple à d'autres.

Mme Larouche: Ce qui existe actuellement, c'est un protocole d'entente avec le Conservatoire de musique de Chicoutimi qui fait en sorte que l'Orchestre symphonique permet au Conservatoire de dispenser la classe d'orchestre aux élèves du Conservatoire. Et, sur la base de cet échange de services, nous bénéficions des locaux du Conservatoire et de l'expertise qui s'y trouve. Nous contribuons à compléter l'infrastructure et il ne faut pas oublier que tout est intégré au niveau du développement de la musique dans la région. Il y a également notre implication aussi et nos liens avec les écoles de musique privées, qui sont les gens qui préparent les jeunes à l'entrée au conservatoire. Nous, on complète, en fait, l'orchestration, si vous me permettez le terme, de tout ça avec notre volet éducatif qui vient boucler la boucle et qui permet aux jeunes violonistes, par exemple, de pouvoir aspirer à être dirigés par un vrai chef d'orchestre à quelques reprises durant l'année. Je parle du rassemblement des cordes et de l'orchestre préparatoire qui est, en fait, l'orchestre-relève qui nous permet de puiser des éléments avant qu'ils n'atteignent le niveau professionnel, de manière à les insérer par la suite dans le processus d'audition pour faire partie de l'Orchestre symphonique.

Alors tout ça, on sent là-dedans - c'est ce que je veux faire ressortir - qu'il y a une cohésion au niveau de la direction artistique et ça, ce n'est pas négligeable. Il y a une direction artistique, il y a une ligne de tracée qui fait que chacun trouve sa place. Tous les organismes musicaux, que ce soient les chorales, que ce soit le cégep d'Alma qui a une concentration musique également, tout ça fait en sorte que les artistes peuvent vivre de leur art en région, que ce soit en obtenant leurs revenus, une partie d'enseignement, une partie en cachets parce que-Quelque chose qui est assez rare aussi, c'est qu'il y a 75 % de nos revenus qui sont donnés directement aux musiciens; 75 % de notre enveloppe budgétaire est en cachets. On s'autofinance quand même dans une proportion remarquable. Ça dénote qu'il y a un besoin; ça dénote qu'il y a un support du milieu et qu'il y a un sentiment d'appartenance.

Mme Frulla-Hébert: Je vais juste pousser un peu là-dessus parce que je vais laisser la parole, ensuite, à ma collègue. L'Orchestre symphonique de Québec, par exemple, est venu nous voir et nous a demandé de qualifier, si on peut dire, certains organismes. Autrement dit, il y a les organismes dits nationaux - Orchestre symphonique de Montréal, Orchestre symphonique de Québec - et les organismes dits régionaux. L'Orchestre symphonique de Québec dans son mémoire, nous dit qu'il pourrait prendre la fonction d'aller faire de la tournée en région, mais, d'un autre côté, vous êtes là. Il y a d'autres orchestres, comme à Rouyn, par exemple, où ils sont là aussi, au niveau de l'Abitibi. Alors, qu'est-ce que vous pensez de cette proposition-là? Ou, est-ce qu'il y aurait une autre formule? Parce que vous

parlez aussi de la qualification de votre orchestre comme organisme régional.

Mme Larouche: Oui et on pourrait appliquer comme orchestre professionnel facilement. Ce que je vous dis, c'est qu'au niveau de la qualité artistique, il faut quand même s'assurer de comparer ce qui est comparable. O.K.? Il ne faut pas tomber dans le panneau de comparer des bananes avec des oranges. D'accord? Ce que je vous dis, c'est que c'est évident que tout le monde y gagnera à pouvoir avoir la visite de l'OSQ ou de l'OSM, peut-être une fois par année, mais ce que je dis, c'est qu'il faudra nécessairement qu'ils passent par l'infrastructure qui est en place et qui, elle, est insérée dans le milieu. Il ne faut pas s'imaginer qu'on pourra... Ça va être hasardeux, si on embarque dans le panneau de faire de la diffusion, de se servir de nos organismes comme étant de simples organismes de diffusion des grands ensembles. On sent le besoin, effectivement, d'entendre les grands ensembles. Nous produisons, nous avons produit I Musici de Montréal, nous avons, dans le temps de l'OJQ, reçu l'OJQ à l'intérieur de notre structure, et quand ça passait par notre structure, on avait des succès. Je doute de la possibilité... Je pense que c'est illusoire de penser, premièrement, que ça va coûter moins cher...

Parlons-nous de sous, que ce que ça coûte. Ça ne peut pas faire autrement que de coûter plus cher que ce que ça coûte actuellement que d'envisager des tournées systématiques comme ça, sans qu'il y ait l'infrastructure de base. On ne peut pas penser qu'on va avoir la même mobilisation pour recevoir un grand ensemble et arriver avec un événement ponctuel de cette façon-là, une fois par année. On ne peut pas penser qu'on va atteindre l'objectif de diffusion que nous atteignons, nous, en faisant plus de 50 activités de concert par année sur l'ensemble du territoire en allant dans tous les endroits. Je vous avoue que notre mission régionale coûte cher à l'organisme, mais il ne faut pas lâcher, il ne faut pas cesser le travail qui a été fait de ce côté-là parce qu'on ne pourra jamais arriver à dire... On ne peut pas arriver à prétendre qu'on puisse ratisser le terrain autant en faisant venir un grand ensemble une fois dans l'année alors que nous, on balaie le terrain, l'ensemble du territoire, de façon régulière.

Je ne vous dis pas que ça ne coûte pas cher de déplacer un orchestre symphonique sur un territoire comme le nôtre, mais je vous dis, par exemple, qu'on s'est dotés d'une infrastructure qui permet au Quatuor Alcan, qui coûte moins cher à déplacer, d'aller dans les moindres petits villages et d'aller donner des conférences, des ateliers pédagogiques dans les écoles et de faire en sorte qu'il y ait de la diffusion, de la sensibilisation et du développement de l'auditoire sur le terrain. Je n'exclus pas la possibilité même que nous, on puisse aussi faire des tournées provinciales comme on essaie, des fois, de le faire à titre de tentatives. L'orchestre de chambre est venu faire le Messie de Haendel à quelques reprises ici à Québec, avec brio, avec succès. Le Quatuor Alcan joue à Montréal assez régulièrement, avec succès d'ailleurs. Je vous réfère aux annexes, au niveau de la presse que le Quatuor Alcan peut avoir. Je vous soumets que ce n'est pas parce que ça vient des régions que ce n'est pas bon. Non, l'inverse peut se faire. Est-ce qu'on peut penser que ça va coûter plus cher de nous maintenir que de nous parachuter des choses qui viennent d'ailleurs? Moi, je vous dis: II ne faut pas rêver là-dessus, parce qu'il y a le sentiment d'appartenance qu'il ne faut pas négliger. Et ça, c'est une donnée qui existe dans l'administration culturelle, que j'ai vérifiée dans mes participations au niveau de l'Association des orchestres canadiens à plusieurs reprises. On ne pourra jamais passer à travers le principe du sentiment d'appartenance des gens des régions envers leurs organismes culturels régionaux. Il n'y a pas de solution autre que ça à la politique culturelle et à ce qu'on veut en faire au niveau des régions, la nôtre en tout cas. Et je voulais vous donner l'éclairage que c'est possible et que ça marche.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Larouche. Je vais maintenant passer la parole à Mme la députée de Châteauguay.

Mme Cardinal: Merci, M. le Président. Vous mentionnez beaucoup le partenariat entre, non seulement les groupes culturels, les groupes privés, le secteur privé, mais aussi avec les municipalités. Est-ce que vous avez des suggestions à faire au niveau d'un partenariat accru, de façon...

Mme Larouche: Bien sûr. Nous tenons ce discours-là, ma chère madame, depuis à tout le moins les cinq dernières années où j'ai siégé sur le conseil d'administration de l'orchestre. Bien sûr que les municipalités ont leur place et doivent se sensibiliser davantage à la cause de l'art dans les régions ou ailleurs. Bien sûr que nous travaillons avec acharnement à faire en sorte de leur donner l'heure juste sur ce que devrait être leur contribution. Mais je vous soumets qu'il y a encore beaucoup de sensibilisation à faire, et qu'à ce stade-ci, il serait peut-être hasardeux aussi d'envisager de donner des pouvoirs décisionnels, en termes d'évaluation de qualité artistique, par exemple. J'ai des réserves à ce stade-ci, parce qu'on n'assiste pas à une lecture... Actuellement, le constat, c'est qu'il n'y a pas de politique culturelle municipale dans notre région. A tout événement, il n'y en a pas qui soit actuellement assez structurée pour pouvoir faire face à la musique.

Mme Cardinal: Mais, est-ce que vos ap-

proches ont permis d'avoir espérance qu'effectivement les municipalités vont emboîter le pas, surtout, comme vous l'avez si bien mentionné, au niveau d'une conservation, pour permettre de rester dans son milieu, de s'épanouir dans son milieu, et de développer une culture qui nous soit propre, en rapport avec nos régions?

Mme Larouche: Écoutez, je vous soumets qu'il faut, quand on parle d'évaluation de la qualité artistique, être prudent. Il faut être prudent. Quand on parle de l'insistance où devront se prendre les décisions et qui va attribuer les sommes, il faut être extrêment prudent.

Mme Cardinal: Et à qui.

Mme Larouche: Dans le sens qu'il faut faire bien attention de ne pas tomber dans le panneau et dire que ça va se faire de façon trop administrative. Il faut qu'il y ait une volonté des élus qui soit manifestée à quelque part - à mon avis, au niveau central - qu'il y ait des orientations qui soient fixées, établies, et, rendu à l'application et à savoir comment les organismes vont passer l'examen, ça prend un professeur qualifié pour faire passer des examens, il ne faut pas perdre ça de vue, jamais.

Mme Cardinal: Merci, madame.

Mme Larouche: Et je ne sais pas quelle organisation vous trouverez, là, quelle solution vous trouverez, mais il ne faut pas perdre de vue qu'il ne faudra jamais faire de compromis sur la qualité artistique là-dedans, et il faudra aussi avoir un oeil attentif sur la façon dont c'est géré. On ne peut plus se permettre... Je pense que le contexte économique fait qu'il faut être très attentif dans la façon de faire l'évaluation de la saine gestion administrative des organismes. Et là-dessus, je pense qu'il y a des organismes qui vont démontrer qu'ils vont contribuer grandement à cause de l'énergie qu'il ne faut pas sous-estimer qui est à la base. Et elle est où? Elle est sur le terrain, cette énergie-là, et il ne faut pas perdre de vue qu'on ne peut pas envoyer quoi que ce soit sans passer par l'énergie qu'il y a en arrière, qui, elle, est significative dans ce qu'on appellera "la diffusion de la culture québécoise de demain".

Le Président (M. Gobé): Merci, madame.

Mme Larouche: J'apprécie énormément la possibilité de pouvoir participer à cette affaire.

Le Président (M. Gobé): Ce n'est pas fini. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous aviez une petite déclaration à nous faire, semble-t-il? Une petite annonce.

M. Boulerice: Oui, M. le Président. J'ai deux choses. Premièrement, Nietzsche disait toujours, à propos de la musique que, sans elle, la vie serait une erreur. Et je vois que vous en parlez avec passion de façon à ce que le Saguenay-Lac-Saint-Jean ne sombre pas dans l'erreur. Et, à date, je pense qu'il est loin d'y tomber, compte tenu de vos activités. Je vous avoue très candidement que je connaissais peu l'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean, mais à la lecture de votre mémoire, j'ai bien hâte d'assister à un de vos concerts. Ceci étant dit, j'ai toujours fait la remarque que nous sommes 30 députés de ma formation politique, et si je suis le porte-parole, j'ai la chance d'avoir 29 adjoints au niveau de ce dossier, dont une spécialement affectée au Saguenay et un autre spécialement affecté au Lac-Saint-Jean. Vous comprendrez que je parle de ma collègue, la députée de Chicoutimi, Mme Blackburn, et de mon collègue, le député de Lac-Saint-Jean et whip de l'Opposition. Alors, si vous le permettez, je les laisserai faire le questionnement pour l'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Je pense que quand on parle des régions, et je n'ai jamais bifurqué, je ne vais pas dire aux régions quoi faire. Je pense que vous allez bien échanger ensemble.

Mme Larouche: D'accord. (12 h 30)

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. En ce qui concerne notre collègue, le député de Lac-Saint-Jean, je requiers, au nom de l'article 132, le consentement pour qu'il puisse participer aux travaux de notre commission. Et je vois que nous l'avons à vos sourires. Vous êtes donc maintenant habilité à participer, M. le député. Mme la députée de Chicoutimi...

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): ...vous pouvez parler la première.

Mme Blackburn: D'abord, il me fait plaisir de vous accueillir, à titre de membre de cette commission, aux travaux de cette commission. Votre réflexion, la qualité de votre travail et de vos réalisations viennent certainement enrichir les réflexions de ce comité et, d'évidence, c'est un exemple parfait, vivant que Arpin fait fausse route. Il fait fausse route en concentrant son action à Québec et à Montréal et en faisant des régions, des réceptacles.

Je suis heureuse de vous avoir ici parce que ça me permet un peu de faire état des réalisations des organismes de notre région; 10 000 personnes par année qui assistent aux représentations des concerts, et ça n'inclut pas tous les autres concerts qui sont donnés, auxquels j'assiste régulièrement, par le Quatuor à cordes Alcan ou l'Orchestre de chambre. On atteint

ainsi un nombre remarquable de personnes et je suis certaine que, si on comparait le rapport qualité-prix, c'est-à-dire le nombre de personnes touchées, la qualité des interventions par rapport à ce que ça coûte, on serait largement, largement en deçà de ce qu'il en coûte, par exemple, pour soutenir nos grandes institutions. Moi, je pense qu'il y a là un exemple tout à fait parlant de ce qu'il est possible de faire.

Ce que vous dites également et qui m'impressionne beaucoup, et on ne fait pas souvent ces rapports ici, c'est que la présence de l'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean dans la région permet non seulement d'éviter l'exode de nos artistes, mais amène et nous ramène des artistes. L'économie d'une région repose aussi sur les infrastructures culturelles. Je profite de l'occasion pour souligner le zèle, la volonté, la détermination et l'engagement des membres du conseil d'administration. Je pense à Mme Larouche, à M. Larouche et à Régine, et à tous ces membres du conseil d'administration que je fréquente régulièrement et je vois qu'ils consacrent... Mme Larouche, en particulier, parce que nos bureaux sont voisins, je pense qu'elle doit consacrer la moitié de son temps à l'Orchestre symphonique.

Je ne vais pas en parler longuement, mais il y a un groupe de travail composé de députés libéraux, 18, ce qui est beaucoup, et c'est ce qui m'a étonnée, qui proposaient ni plus ni moins que la fermeture des conservatoires. Alors, dans votre cas, je comprends que la fermeture du Conservatoire, à Chicoutimi, c'est l'équivalent de la mort de l'Orchestre symphonique.

Mme Larouche: Écoutez, le partenariat qu'on a développé avec le Conservatoire de musique à Chicoutimi, et le rayonnement du Conservatoire de musique à Chicoutimi dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean sont sans contredit une preuve de la possibilité d'une culture accessible. Ça prend des véhicules en quelque part pour faire en sorte qu'on puisse dynamiser une région sur le plan culturel et ça prend des leaders qui sont performants et qualifiés. Et le leadership incontestable que le Conservatoire de musique de Chicoutimi peut avoir sur la diffusion, finalement, et sur la formation... Ce qu'on vous dit, c'est que la viabilité de la musique en région passe par tout ça. Il faut regarder ça dans une optique globale.

Vous savez qu'il y a beaucoup d'argent d'investi dans la formation de la musique; il faut qu'il y en ait également dans la diffusion, et l'un va avec l'autre. Il ne faudrait pas qu'on en arrive à faire en sorte que la main gauche ne sache pas ce que la main droite est en train de faire. Il faut qu'il y ait de la cohésion entre la formation et la diffusion. Il faut s'assurer que les gens qui sont à la tête de ces décisions se parient. Il faut s'assurer que les musiciens professionnels que les conservatoires du Québec forment puis- sent être engagés par des employeurs.

Moi, je vous dis que l'Orchestre symphonique constitue l'employeur qui va faire en sorte que les musiciens qui sont formés vont pouvoir vivre de leur musique en région; et c'est vrai que ça peut se faire, vivre de leur musique dans la région. C'est évident qu'il faut qu'ils aillent se perfectionner ailleurs dans les grands centres, en Europe et aux États-Unis. C'est évident que nos jeunes vont partir se perfectionner, mais il faut qu'ils aient la possibilité d'y revenir. Alors, les gens qui sont formés au Conservatoire de musique de Chicoutimi vont pouvoir revenir dans leur région d'origine pour jouer et vivre de leur musique. L'incidence du Conservatoire de musique dans une région comme la nôtre est énorme et, effectivement, s'il advenait... Mais je ne crois pas qu'on puisse arriver à cette conclusion-là de façon cohérente; ce serait un dur coup pour toute la vie musicale dans notre région, c'est sûr. Et je ne suis pas sûre que ça pourrait être remediable. Je vous dis qu'il y a une infrastructure où tout est interrelié là-dedans, et ça fonctionne, il y a une cohésion, il y a de la cohérence, il y a de la rationalisation des ressources. Tout ça est chapeauté par des administrations qui sont concentrées, mais sur place, en région, et je vous dis que c'est un modèle super intéressant et qu'il ne faut pas arriver à la conclusion de remettre en question ce genre de performance indéniable.

Mme Blackburn: Je pense que la ministre n'a pas non plus l'intention de fermer le Conservatoire. Cependant, ce qui est inquiétant... Le fait qu'on retrouve seulement cette idée dans un rapport où il y a 18 membres de la deputation ministérielle qui siègent sur le comité, c'est comme quelque chose... Je souhaiterais juste - et je le dis a la blague - que jamais une telle proposition, un tel rapport, ne sorte des frontières du Québec. C'est parce qu'on ferait rire de nous autres comme ça n'a pas de bon sens; je veux dire à sa face même.

Je reviens donc... Vous avez réussi à établir des liens serrés de partenariat avec les médias, avec les conservatoires, avec les écoles de musique, les villes, les entreprises privées. Vous avez établi des pôles de diffusion. Vous êtes un exemple absolument remarquable de ce qu'on peut faire. Deux questions, parce que je sais que le temps va filer vite et mon collègue veut aussi poser des questions. Qu'est-ce qu'il faudrait pour mieux soutenir vos activités, pour mieux soutenir ces activités et leur permettre de consolider leurs actions? Et la deuxième question: On sait que vous avez un financement assez soutenu et intéressant de la part d'Alcan. Mais d'autres entreprises comme Hydro-Québec, c'est ponctuel, alors qu'on sait qu'ils ont investi beaucoup, à Hauterive, en particulier. Bell Canada. Abitibi Price, les autres grosses entreprises ont-elles développé cette habitude d'investir chez nous

plutôt que d'aller investir dans l'Orchestre symphonique de Montréal ou de Québec?

Mme Larouche: En ce qui concerne l'infrastructure symphonique que nous gérons, nous avons le partenariat de toutes les grandes entreprises présentes dans la région, effectivement, pas toutes dans la même proportion, mais elles sont toutes des partenaires impliquées dans l'Orchestre. Et ce qui est intéressant de noter, c'est que le partenariat se fait non seulement en termes d'injection de fonds, mais également en termes d'insertion à l'intérieur des entreprises. Les entreprises sont intéressées. Les papetières, entre autres, sont intéressées - et on le fait - à faire en sorte que leurs employés, par exemple, puissent bénéficier d'un concert de Noël, parce que c'est sûr que c'est plus accessible, et elles vont subventionner l'Orchestre en conséquence, de manière à permettre une insertion de la musique classique à l'intérieur des usines. O.K.? On en est rendu la.

Alors, ce travail, c'est non négligeable. Elles sont non seulement partenaires sur le plan financier, mais elles sont partenaires également au niveau de l'intégration de la musique classique à l'intérieur des entreprises. Une papetière, dont je vous parle, entre autres, c'est l'exemple précis. Et on a, bien sûr, Alcan qui y est pour beaucoup et qui s'inscrit non seulement dans le cadre d'un partenariat économique, mais aussi... En tout cas, je pense qu'il y a un bon retour au niveau de leur contribution à l'amélioration de la qualité de la vie. Bien sûr, elles profitent des ressources de la région, mais je pense qu'on peut considérer leur implication, en tout cas, sur le plan culturel, de façon assez significative. Et cette infrastructure, elle est existante et...

Mme Blackburn: Et la première question, le soutien que vous souhaiteriez pour que...

Mme Larouche: Ce qu'on souhaiterait, c'est que les municipalités comprennent davantage. Ça, c'est sûr que la part de subventions... Vous allez dire: On ne vient pas ici pour chercher des subventions. Mais ce que je vous dis, c'est qu'il devrait y avoir à quelque part des primes au mérite, un forme d'indexation, peut-être, des subventions en fonction des performances artistiques et administratives. Il ne faudrait jamais dissocier les deux, mais il faut que, quelque part, il y ait un juste équilibre entre la responsabilité de l'État en matière culturelle et la responsabilité du milieu. Toute politique qui sera de nature à provoquer le partenariat - il y a déjà eu le "matching fund" qu'on appelait, le fonds d'appariement - à stimuler autant les bénévoles et les troupes des organismes culturels à la base, ceux qui font que ça joue puis que ça se crée... Ça stimule de savoir que, plus ils vont mettre d'efforts, à quelque part, il y a un mécanisme qui fait qu'ils vont avoir des perspec- tives d'amélioration de leur situation financière. Et ça, c'est le genre de politiques qui sont susceptibles de créer une dynamique intéressante et de faire en sorte qu'on ne tombe pas dans le panneau de croire qu'on n'est pas des bons... On développe l'auditoire de l'OSM, nous aussi. Il ne faut pas perdre ça de vue. On développe l'auditoire de l'OSQ aussi. Et ça va nous faire plaisir d'avoir la visite de l'OSQ. Mais je vous dis qu'il faudra que ça passe par notre infrastructure parce que, sinon, peut-être que les gens ne viendront pas. C'est ça que je vous dis.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame.

Maintenant, je vais passer la parole à M. le député de Lac-Saint-Jean. Vous avez la parole, M. le député.

M. Brassard: Très brièvement, compte tenu de l'heure. Je voudrais d'abord vous dire que je pense que vous avez réussi à atteindre votre objectif ou à faire la démonstration qu'il était tout à fait possible, dans une région comme la nôtre, que puisse d'abord exister, mais aussi développer et mettre en oeuvre un programme de diffusion tout à fait remarquable, une institution comme l'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean. En tout cas, moi, vous m'avez convaincu. J'espère que c'est le cas aussi des autres membres de la commission. En plus de ça, ce qu'il est important de noter, c'est que vous couvrez vraiment tout le territoire de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean et c'est un territoire très vaste. Moi, à Aima, et celui qui aime la musique à Roberval, on n'a pas besoin de se déplacer à Chicoutimi pour aller assister à un concert. On vient à Aima et on va à Roberval et on va à Dolbeau et ça, c'est vraiment tout à fait une dimension remarquable de la façon dont vous fonctionnez.

Vous avez évoqué le financement. Moi, c'est sur le financement, surtout. Votre taux d'autofinancement est de l'ordre de 75 %, ce qui est extrêmement élevé. C'est donc une participation très active et substantielle de ce que vous appelez "les agents du milieu", ce qui inclut Alcan. Et je pense que vous avez raison de mentionner le fait qu'Alcan est un contributeur tout à fait remarquable à la vie culturelle de la région. À ce chapitre-là, il se comporte en bon citoyen corporatif. Donc, 75 %, 25 % de subventions du ministère des Affaires culturelles... Non?

Mme Larouche: 25 % de... Non...

M. Brassard: Non.

Mme Larouche: ...et là, il faut faire la nuance: 25 % de subventions de toutes sources...

M. Brassard: De toutes sources...

Mme Larouche: On est subventionné par le

Conseil des arts du Canada...

M. Brassard: ...y incluant le Conseil des arts aussi.

Mme Larouche: ...incluant les municipalités, Emploi et Immigration Canada, incluant tous les projets même de développement d'emploi.

M. Brassard: Donc, en provenance de tout ce qu'on appelle les gouvernements dits supérieurs ou...

Mme Larouche: Subventions de toutes sources, M. Brassard.

M. Brassard: Toutes sources. Mme Larouche: Oui.

M. Brassard: Votre financement, 75 %, c'est vraiment le maximum d'autofinancement. D'après ce que vous me dites et ce que vous faites dans le milieu, j'ai l'impression que vous ne pouvez pas aller au-delà de ça.

Mme Larouche: Écoutez, je vous dis que c'est évident qu'il faudrait qu'il y ait... Il faut qu'il y ait des primes au mérite, quelque part. C'est évident qu'on a un déficit accumulé qui prend de l'expansion. Parce que, écoutez, il ne faut pas se leurrer, c'est écrit dans le rapport. En 1985, le budget de l'Orchestre était de 50 000 $. Je me souviens, Gilles est arrivé à ce moment-là. Je suis arrivée l'année d'ensuite et c'était 59 000 $. Le budget actuel de notre orchestre est maintenant de 400 000 $. Vous allez dire: Qu'est-ce qui s'est passé? Bien, je vous dis: Regardez ce qui se passe dans la région, c'est ça qui s'est passé. Il s'est passé qu'on s'est dotés d'une infrastructure. Il s'est passé qu'on a informatisé complètement les opérations de l'Orchestre, et là, pas en gaspillant de l'argent pour acheter des ordinateurs, en quêtant les ordinateurs, en quêtant les "fax", en maximisant le rendement de la gestion administrative au maximum, en faisant une gestion des ressources, qui passe toujours par la direction artistique. Et c'est faux de dire que les artistes ne savent pas se gérer. Il faut que les artistes aient le réflexe de s'aider en s'associant, finalement, à du monde qui ne demande pas mieux que de leur faire faire ce qu'ils veulent.

Et ce qui est important aussi dans tout organisme et dans une politique culturelle, c'est de faire en sorte qu'il y ait toujours un vase communicant entre la direction artistique et la direction administrative de même qu'avec le conseil d'administration. Elle est là, la recette. Nous, on a des membres du conseil d'administration qui ont tous une formation musicale. Alors, ils sont sensibles... Ils n'ont pas besoin d'être convaincus par une démonstration bien, bien longue. Quand on a un désir qui est exprimé par un directeur artistique, on regarde la possibilité, on va quêter en conséquence.

M. Brassard: Ce que je veux dire...

Mme Larouche: Finalement, ce qu'il y a de spécial, c'est qu'il y a une cohérence au niveau de la direction artistique dans cet organisme-là. Il y a une stabilité administrative. C'est ça, la recette.

Le Président (M. Gobé): Je vous demanderai de bien vouloir conclure, M. le député.

M. Brassard: Ce que je veux dire et ce que je veux que vous admettiez devant la commission, c'est que, donc, d'aller chercher 75 % - c'est-à-dire 300 000 $, si on considère le budget que vous avez présentement - dans le milieu, c'est vraiment le maximum qu'un organisme comme le vôtre peut faire et que, par conséquent, il faut être conscient que les 25 % qui sont financés sous forme de subventions sont absolument essentiels. Ça signifie aussi que vus de Québec, vus de la capitale, ces 25 % - c'est même moins dans le cas du ministère des Affaires culturelles - ça peut apparaître comme étant peut-être du saupoudrage qu'il faut rationaliser, mais vus de chez nous, ce n'est pas du saupoudrage, c'est une contribution vitale et essentielle.

Mme Larouche: J'oserais peut-être...

Le Président (M. Gobé): En terminant, madame, parce que nous avons dépassé le temps.

Mme Larouche: Oui. En terminant, c'est tout simplement...

Le Président (M. Gobé): II y a d'autres réunions qui...

Mme Larouche: Je vous comprends et j'apprécie votre qualité d'écoute à cette heure-ci. Maintenant, je vous rappellerai tout simplement qu'il faudrait peut-être songer. On finit par une question: Songeons à la répartition du budget du ministère des Affaires culturelles. Quand on regarde au niveau de la région métropolitaine, 57,3 % des subventions du ministère des Affaires culturelles sont donnés là. Pour la région de Québec, c'est 27,3 % et, en ce qui nous concerne, sauf erreur, il semblerait que ce soit dans une proportion de 1,8 % de tout le budget du ministère des Affaires culturelles qui est donné au niveau de l'enveloppe budgétaire régionale. Ça ne doit pas être beaucoup plus que 2 %, si mon chiffre n'est pas à jour.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame.

Mme Larouche: ...mais ce que je peux vous

dire, c'est qu'il faudrait qu'en quelque part on fasse en sorte que tout ça se tienne. La culture d'un peuple, quand on regarde en Europe, par exemple, ça passe par la culture qu'il y a sur le terrain. Quels sont les petits villages en Europe qui n'ont pas leur petit festival international? Quelles sont les petites municipalités qui n'ont pas, en quelque part, un orchestre symphonique qui fait, dans le fond, le cachet de toute l'infrastructure culturelle européenne? Il ne faudrait pas tomber dans le panneau de ne pas s'inspirer un peu de ça en quelque part.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Larouche.

Mme Larouche: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Gobé): Je suis désolé. Mme la ministre, un mot de remerciement, avant de terminer?

Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Larouche.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean.

Mme Frulla-Hébert: Encore félicitations pour votre dynanisme et le rayonnement aussi au niveau de la région, l'activité que vous y générez. Finalement, soyez convaincus qu'au niveau des régions, on sait, on en est très conscient d'ailleurs, que les régions ont une part importante, autant au niveau de la création que de la diffusion. Maintenant, c'est sûr que si on se compare à l'Europe, il faut savoir qu'en Europe il y a les départements, il y a les municipalités qui participent énormément. Finalement, le pouvoir, si on l'appelle national, n'y participe qu'à 30 %. C'est une structure de financement tout à fait différente.

Le Président (M. Gobé): Merci.

Mme Frulla-Hébert: Alors, il s'agit de trouver des choses qui sont propres à nous, mais vous êtes vraiment un modèle en termes de rayonnement musical. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.

Mme Larouche: On va continuer, j'espère bien.

Le Président (M. Gobé): Mme Larouche, M. Larouche, Mme Hamelin, au nom des membres de cette commission, je vous remercie d'être venus nous rencontrer. Ceci met fin à notre audition. Je vais donc maintenant suspendre les travaux de cette commission jusqu'à 15 h 30 cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 48)

(Reprise à 15 h 41)

Le Président (M. Doyon): La commission de la culture reprend ses travaux et le premier groupe que nous allons entendre cet après-midi est la Brasserie Molson O'Keefe. Je vois qu'ils sont déjà en place à la table de nos invités. Je leur souhaite la bienvenue. Je leur demande de bien vouloir s'identifier pour les fins du Journal des débats et de procéder à la lecture ou au résumé de leur mémoire, comme ils voudront, pour une quinzaine de minutes, après quoi, la conversation va s'engager avec les membres de la commission pour le temps qu'il restera, le président se réservant le droit, évidemment, de faire respecter l'horaire qui est le nôtre. Vous avez la parole. Si vous voulez bien vous présenter, s'il vous plaît.

Brasserie Molson O'Keefe

M. Asselin (Alban): Oui, Alban Asselin, vice-président, affaires publiques, Molson O'Keefe.

M. Moisan (Richard): Richard Moisan, directeur des communications.

Le Président (M. Doyon): Soyez les bienvenus.

M. Asselin: Merci. Alors, M. le Président, Mme la ministre, messieurs et mesdames, membres de la commission, je voudrais tout d'abord excuser M. André Tranchemontagne, le président de la Brasserie qui devait être ici cet après-midi et qui est retenu par d'autres priorités. Il m'a demandé de vous faire lecture du message que nous avons ici. Évidemment, je n'ai pas tout à fait repris le mémoire tel qu'il était rédigé initialement parce que j'ai décidé d'y apporter quelques suggestions à la dernière minute. Alors, si vous me le permettez, je vais en faire lecture.

Permettez-moi d'abord de féliciter le ministère des Affaires culturelles d'avoir lancé cette vaste consultation publique sur une nouvelle politique culturelle québécoise. La Brasserie Molson O'Keefe a jugé primordial d'exprimer à cette tribune la vision d'une des plus grandes entreprises du Québec sur l'avenir et le rayonnement de la culture québécoise. Nous avons délibérément choisi de limiter nos observations au champ que nous connaissons le mieux, soit le financement et la commandite, et nous touchons brièvement le rayonnement en région et le rôle des médias. Nous laissons donc à d'autres organismes qui nous ont précédés et qui nous suivront le soin de traiter, mieux que nous, les autres sujets que désire aborder cette commission. Nous espérons que notre modeste contribution saura éclairer la commission sur la perception d'une grande entreprise face au financement et à la commandite dans le monde de la culture.

Nous avons toujours vécu près du peuple québécois, et pour une raison très simple: la Brasserie a des ramifications dans chacune des régions du Québec et s'est fait un devoir, dès sa fondation, d'être complice de la vie sociale et communautaire des Québécois. Notre fondateur, John Molson, avait déclaré en 1786 que les entreprises se devaient de redonner une partie de ce qu'elles reçoivent à leur communauté. Je peux vous assurer que plus de 200 ans plus tard, la famille Maison, qui est l'une des plus grandes familles montréalaises n'a jamais dérogé à cette philosophie. Cette approche communautaire est d'ailleurs retransmise aux employés de génération en génération afin de maintenir ce fondement de la Brasserie.

L'engagement de Molson O'Keefe s'est exprimé de plusieurs façons au cours des années, entre autres par des dons ou commandites à des activités les plus diverses, qu'elles soient communautaires, philanthropiques et, dans une très large mesure, culturelles. Du Festival de folklore de Drummondville au Festival d'été de Québec, la Brasserie Molson O'Keefe soutient toute une gamme d'activités à caractère culturel, et ce, partout au Québec. Pour Molson O'Keefe, comme pour les autres entreprises privées, il s'agit avant tout de réinvestir dans la communauté en soutenant le développement des formes artistiques et en permettant au public de développer son goût pour la culture et de vivre de nouvelles expériences.

Au cours de ma présentation, je décrirai d'abord les différentes formes de soutien qui sont offertes par la Brasserie et, afin de bien situer notre intervention dans le domaine de la culture, je m'attarderai ensuite principalement sur les modes de financement et je toucherai sommairement la culture en région et l'apport des médias.

La culture est au coeur des préoccupations de la Brasserie, qui consacre aux organismes culturels une part importante des budgets et d'énergie par le biais d'activités en partenariat - les commandites - et du mécénat - les dons, les bourses et la participation à des activités de financement.

Je voudrais expliquer ici la distinction que fait la Brasserie entre ces différentes formes d'aide, puisqu'elles appellent des contextes différents. Tout d'abord, la commandite, c'est une forme d'association commerciale qui répond à des critères de rendement et de visibilité très précis, c'est-à-dire que la Brasserie verse une somme pour la réalisation d'une activité culturelle en échange d'une visibilité définie. En termes de budget, la commandite est la forme d'aide la plus importante apportée par la Brasserie au secteur culturel; et Richard Moisan qui est ici, à ma gauche, est directeur du Service des communications et responsable de ce budget des commandites. La Brasserie verse aussi des dons par l'entremise du Fonds de bienfaisance des com- pagnies Molson. Ces dons sont désintéressés, c'est-à-dire qu'une visibilité minimale est attendue en retour. Et nous ajoutons à cela des bourses. La Brasserie donne son nom à des prix remis à des organismes culturels, selon leurs critères, et verse une bourse en argent aux récipiendaires. Enfin, Molson O'Keefe participe chaque année à de nombreuses activités de financement dans le secteur culturel par l'achat de billets pour des galas, spectacles-bénéfices et autres.

J'aimerais m'attarder maintenant sur les commandites. Je vais peut-être en étonner quelques-uns ici, le sport n'est pas notre seul domaine important d'intérêt. Dans le cas de commandites d'envergure provinciale, la Brasserie consacre tout près - je dis bien tout près - de la moitié de son budget à des événements culturels ou artistiques, ce qui est considérable si l'on tient compte des réalités de la commandite, dont je vous parlerai plus tard. Les commandites constituent le levier du soutien financier offert par la Brasserie Molson O'Keefe aux entreprises culturelles. Elles sont soigneusement élaborées dans un esprit de partenariat avec le milieu culturel. Les commandites relèvent du Service de la promotion s'il s'agit de commandites d'envergure provinciale comme le Gala de l'ADISQ et les tournées de spectacles, et elles relèvent des services des ventes régionaux dans le cas d'événements ou d'institutions à portée locale, tels les théâtres d'été, par exemple. Dans la plupart des cas, ces commandites se traduisent pour le consommateur - et c'est très important de le retenir - par un accès à une plus grande variété de spectacles, la réduction du prix du billet et, à l'occasion, par des spectacles gratuits, en plus, évidemment, d'aider au financement et à la promotion des activités culturelles.

La Brasserie commandite des événements et organismes culturels variés, mais en raison de la nature de cette aide, elle s'adresse plus particulièrement aux grands événements publics capables d'offrir à Molson O'Keefe une visibilité dans la mesure du soutien financier qu'elle accorde. Ces activités vont de la musique classique aux théâtres d'été, sans oublier les différents spectacles au programme des nombreux festivals. La totalité du budget de promotion de la Brasserie pour le domaine culturel est versée à des artistes ou promoteurs québécois, faisant ainsi vivre toute l'industrie, à partir des artistes, en passant par les techniciens, jusqu'aux professionnels du milieu.

La Brasserîe ne se contente pas d'offrir un appui financier direct. Elle offre en plus, à l'occasion, une aide aux relations publiques, à la promotion et à ta réalisation d'événements, ce qui accroît la visibilité d'un tel événement et la valeur en argent des commandites. La Brasserie offre, finalement, une aide plus subtile mais non moins importante en offrant des produits lors des lancements, réceptions, tournages de films, ou

encore en prêtant l'usage de ses salles de réception à Montréal et à Québec. La Brasserie a également fait quelques opérations de sauvetage au cours des années. Par exemple, dans les années quatre-vingt, la Brasserie O'Keefe a liquidé une hypothèque de 360 000 $ contractée par le TNM, permettant ainsi au théâtre de conserver l'édifice de la rue Sainte-Catherine. Depuis, la Brasserie Molson O'Keefe est devenue un partenaire privilégié du TNM.

La Brasserie Molson O'Keefe est associée à trois prix prestigieux remis à des artistes qui se font remarquer dans les domaines de la littérature - le prix Molson de l'Académie canadienne-française - des métiers d'arts - le prix Jean-Marie Gauvreau Molson - et du cinéma - le prix LE. Ouimet Molson. Ces trois prix sont accompagnés d'une importante bourse. Comme dans le cas des événements commandités, la Brasserie participe au soutien promotionnel de la remise de ces bourses, une aide qui est très appréciée des organismes.

Finalement, les dons. Le Fonds de bienfaisance des compagnies Molson est une fiducie philanthropique incorporée en vue d'aider toutes les communautés où Molson est présente au Canada. Chaque année, le Fonds de bienfaisance distribue un pourcentage des profits des entreprises des compagnies Molson à la recherche médicale, à des organismes de bienfaisance, à des organismes culturels, à des associations liées à l'environnement, aux sports et au domaine récréatif. La proportion des dons du Fonds de bienfaisance des compagnies Molson accordés à des organismes artistiques et culturels québécois a augmenté de façon constante pour atteindre, en 1990-1991, 11,4 % du budget total pour tout le Québec.

La nouvelle politique sur la culture aura, évidemment, si elle est proposée, des retombées budgétaires importantes et, à ce chapitre, nous demandons à la ministre des Affaires culturelles de faire preuve de prudence. Il ne faut pas voir l'argent comme la seule solution à tous les problèmes. Nous croyons que la réflexion doit être beaucoup plus large et inventorier toutes les formules de collaboration afin de permettre l'émancipation de la culture. La situation du financement des arts et de la culture souffre, à notre avis, d'un important manque d'imagination. Nous croyons primordial d'innover en matière de commandite, de méthodes de financement et de sources de financement. Si les entreprises culturelles pouvaient offrir une visibilité de l'envergure de celle offerte dans le milieu sportif, les entreprises collaboreraient sans doute davantage en termes de commandites. Les gens du milieu culturel auraient avantage à innover avec des formules de visibilité plus appropriées à leur discipline, qui répondraient aux besoins promotionnels de l'entreprise privée. Les entreprises sont ouvertes aux formules de commandite offrant une visibilité originale, dans les limites que les organismes culturels jugent acceptables, mais tout aussi efficace.

La commandite est un secteur très spécialisé, avec des critères d'évaluation de plus en plus rigoureux. Aussi, il faut bien comprendre que le mécanisme même de cette forme d'aide nécessite une ouverture, une compréhension et une flexibilité accrues de la part des organismes culturels. Le contexte de la commandite est très particulier. Un récent sondage Gallup a révélé que les commandites d'événements sportifs professionnels sont celles que le public retient le plus, les commandites d'événements artistiques et culturels n'étant retenues que dans une proportion de 19 % pour le public, loin derrière les commandites de sport amateur et d'événements éducatifs ou scientifiques.

Une entreprise qui prend ces données au pied de la lettre serait donc portée à consacrer la majeure partie de ses budgets de commandite aux événements sportifs. Il reste donc beaucoup de travail à faire pour que les commandites d'activités culturelles retiennent davantage l'intérêt du public et que les entreprises offrent leur collaboration tout en respectant les règles de la commandite. Nous appuyons toute initiative du gouvernement visant à encourager les organismes culturels à diversifier leurs sources de financement. Toutefois, pour accroître la participation du secteur privé, il est nécessaire de mettre en place des formules fiscales qui porteront les entreprises privées et la population à investir davantage dans le secteur culturel.

Nous suggérons, par exemple, la création d'un fonds voué au développement de la culture, c'est-à-dire une espèce de Centraide de la culture, dont le financement proviendrait de dons corporatifs et individuels. Tout comme Centraide peut le faire pour les organismes communautaires, le fonds pourrait être dirigé par des bénévoles intéressés provenant de différents milieux. Le fonds servirait à soutenir le développement des entreprises culturelles et les artistes qui pourraient y avoir accès moyennant certaines conditions. De plus, le fonds permettrait de canaliser les demandes de dons corporatifs vers un organisme doté d'une expertise en développement culturel. Ce fonds, qui pourrait être appuyé par le ministère, serait un complément aux programmes existants. Le gouvernement devrait alors mettre en place des incitatifs fiscaux pour encourager les entreprises, le grand public et même le monde du milieu culturel à souscrire au fonds de développement. Chaque région pourrait aussi mettre sur pied son propre fonds régional de développement de la culture, un peu comme on le fait avec Centraide dans le domaine communautaire.

Les entreprises et le public sont moins portés à accorder un appui financier à certaines formes artistiques nouvelles encore en développement, telles la musique d'avant-garde, la nouvelle danse, la performance. Ainsi, pour

assurer la viabilité et le développement de la création artistique québécoise, qui risque fort de faire partie de notre paysage quotidien dans les 10 ou 20 prochaines années, le financement des disciplines artistiques plus nouvelles, qui intéressent encore un public très restreint, devrait être prioritairement à la charge de l'État, comme le suggère le rapport Arpin.

Il ne faut pas croire pour autant que les entreprises n'investissent que dans des valeurs sûres et fuient l'innovation. La Brasserie Molson O'Keefe a été parmi les tout premiers commanditaires de la Ligue nationale d'improvisation, un geste visionnaire si l'on considère le grand succès que connaissent aujourd'hui la LNI et l'improvisation théâtrale. La Brasserie Molson O'Keefe reçoit d'année en année un nombre croissant de demandes d'aide financière d'organismes culturels les plus diversifiés. Nous ne pouvons répondre à toutes, et pour des raisons évidentes. Les organismes oeuvrant dans le domaine de la santé, de l'éducation et des affaires sociales ont aussi des besoins accrus et nous devons y accorder également une aide importante, surtout en période de récession.

Comme l'expliquait le groupe-conseil présidé par M. Roland Arpin, le secteur privé ne peut garantir un niveau d'aide constant puisqu'il est assujetti aux fluctuations de ses propres revenus. La marge de manoeuvre du secteur privé est mince. Il faut donc que le secteur culturel soit assuré de s'autofinancer et de se développer, et voilà pourquoi le fonds de développement de la culture - idée que j'ai développée préalablement - devient très important.

Comme je l'ai expliqué plus tôt, la Brasserie commandite une variété d'activités culturelles dans toutes les régions du Québec. Nous sommes à même de constater l'importance de la culture à l'extérieur de Montréal et de Québec. Nos dirigeants régionaux des différents coins de la province jouissent d'une grande latitude pour le choix des activités locales à commanditer. La majeure partie de celles-ci ont un rayonnement très limité et ne seront peut-être jamais connues à l'extérieur de la région. Toutefois, jamais la Brasserie ne remettra en cause l'importance de faire rayonner la culture en région, sans nécessairement s'attendre à ce qu'elle rejaillisse dans la métropole et la capitale.

Vous me permettrez sûrement de glisser quelques mots sur le rôle des médias. Le rôle des médias est prépondérant pour assurer le rayonnement de l'activité culturelle. Cette situation est d'autant plus vraie pour la Brasserie que la commandite est le soutien le plus important qu'elle accorde au milieu culturel. En effet, la commandite ne réussit que dans la mesure où il y a une synergie entre l'entreprise commanditaire, l'organisme commandité et les médias qui y sont associés. Plutôt que de formuler des exigences précises à l'égard des médias qui sont déjà très ouverts à la notion de commandite, nous voulons ici les encourager à poursuivre et à accroître leur collaboration et à continuer d'innover dans ce domaine.

M. le Président, voici quelques recommandations que la Brasserie Molson O'Keefe soumet à la commission, dans les limites de sa connaissance et de son expérience du milieu culturel. Un, l'État doit continuer d'investir de façon importante dans la culture au Québec afin de protéger notre identité dans un environnement nord-américain. L'État doit encourager les artistes et les organismes culturels qui font des efforts pour se trouver d'autres sources de financement que les fonds publics. L'État doit trouver des formules d'encouragement pour les entreprises et le grand public qui participent au financement des activités culturelles, par exemple la création d'un fonds voué au développement de la culture, type Centraide de la culture. L'État doit subvenir à l'émancipation des formes d'art moins connues du grand public, et l'État, les responsables du milieu culturel et les gens d'affaires doivent faire preuve d'une grande complicité pour promouvoir la culture au Québec.

M. le Président, j'aimerais conclure en espérant que ces quelques remarques et nos deux siècles d'engagement dans la communauté québécoise sauront guider la commission dans l'élaboration d'une politique culturelle. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup, M. Moisan, M. Asselin. Il me fait plaisir de vous accueillir ici. D'ailleurs, je faisais un signe à mon collègue d'en face. On a encore plus que la culture en commun: Vous êtes dans son comté, j'ai travaillé dans le domaine brassicole pendant sept ans et demi; alors, on est faits pour s'entendre.

Une voix: Et il boit de la bière.

Mme Frulla-Hébert: Et il boit de la bière, en plus. Alors, bon, c'est le bonheur total.

M. Boulerice: ...malheureusement. (16 heures)

Mme Frulla-Hébert: C'est le bonheur total. Je voudrais revenir au niveau de l'implication, justement, des entreprises privées comme la vôtre. C'est vrai qu'on a toujours eu le réflexe premier de dire: Bon, bien, les brasseries, c'est le sport. Et, effectivement, je sais, pour avoir travaillé beaucoup dans ce domaine-là, que le domaine culturel a pris énormément d'importance. Et vous avez toujours été aussi très près de ce domaine-là. On dit souvent, et plusieurs intervenants sont venus nous le dire: C'est difficile de se fier à l'entreprise privée parce que, évidemment, compte tenu des fluctuations économiques, l'entreprise privée ne devrait pas

être considérée, au niveau, par exemple, du gouvernement, comme une source de financement. Si elle y vient, elle y vient, mais ça ne devrait pas être considéré comme faisant partie du partenariat habituel. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça, compte tenu de ce que vous faites, compte tenu de votre implication au niveau des commandites? M. Moisan.

M. Asselin: Je vais débuter la réponse et je vais laisser Richard la compléter. Moi, tout simplement, ma réaction à votre question est la suivante. À la Brasserie - dans notre document on le mentionne - nous croyons que la culture, c'est une expression d'une population, d'un groupe, et que la culture n'est pas uniquement l'affaire de l'État. Et dans ce sens-là, l'entreprise privée a une responsabilité. Elle y trouve son avantage lorsqu'elle y va par le biais des commandites - que Richard touchera tantôt - lorsqu'elle retourne à son public des activités qui lui plaisent.

Par ailleurs, là où c'est plus difficile au niveau des entreprises, c'est que vous avez des budgets qui sont beaucoup plus réduits en matière de dons - le mécénat, comme on l'appelle. Ces fonds-là sont limités et ils sont habituellement consacrés à des organismes dont on n'attend pas énormément de visibilité, mais c'est pour leur développement. Et c'est pour ça que je reviens avec l'idée de créer un fonds de développement de la culture, avec avantages fiscaux, un peu comme on peut en obtenir lorsqu'on verse des sommes à Centraide, par exemple, un fonds ou un véhicule important pour le développement de la culture, qui ne soit pas un véhicule d'État. En soi, c'est déjà extrêmement important de passer, par ailleurs, et de faire appel à l'implication de tous dans ce domaine-là.

Alors, c'est notre vision. On ne pense pas que l'État soit le moteur ou le seul moteur du maintien de la culture. Je pense que l'État a aussi, autant que les entreprises aujourd'hui, des moyens limités, M. le Président. Alors, Richard, si tu veux compléter.

Le Président (M. Doyon): M. Moisan.

Mme Frulla-Hébert: Avant de commencer, M. Moisan, parce que ça pourrait peut-être aussi être un complément à votre réponse, quand vous parlez de fonds, est-ce que c'est possible - et vous me répondrez en deuxième - de penser à ce que... Bon, est-ce que vous voulez dire que plusieurs compagnies, par exemple, participeraient à ce fameux fonds? Ça pourrait être la compagnie Alcan, la Brasserie, Hydro-Québec, Bell, etc., un énorme fonds. Et, à ce moment-là, ce fonds-là serait dirigé par des bénévoles. Donc, c'est à peu près ça, là, votre idée.

M. Asselin: Oui. En fait, en termes de concept, c'est un peu comme Centraide. Vous faites des levées de fonds et, en retour de votre levée de fonds, vous avez une espèce d'incitatif fiscal qui fait en sorte que c'est intéressant de placer de l'argent à l'intérieur de ce fonds-là. Vous pouvez le créer avec des entreprises et vous pouvez aussi faire appel... Parce que vous avez des artistes, vous avez des gens du milieu culturel qui, possiblement aussi, pourraient s'impliquer. Et ce fonds-là pourrait consacrer toute son activité, être géré par des gestionnaires du monde privé, de l'entreprise privée intéressée et du domaine culturel, qui pourraient, selon certains critères, investir dans le développement des activités, des entreprises ou d'artistes qui assurent la relève.

M. Moisan: Alors, si je peux me permettre d'ajouter à ce que M. Asselin vient de dire, dans votre question, Mme la ministre, il y avait deux volets: Est-ce que l'entreprise privée est en position d'assurer une certaine garantie permanente ou une espèce de partenariat avec le milieu culturel et artistique? Je ne pense pas que l'entreprise privée en général puisse le faire, étant donné qu'il y a toujours des considérations économiques, comme M. Asselin en a fait état dans son document ici, dans sa présentation.

Le fonds qu'on suggère de créer aurait peut-être plus tendance à assurer cette permanence-là qui est recherchée, une espèce de subvention ou de fonds qui assurerait la continuité de partenariat de multiples entreprises à ce fonds-là et qui assurerait un partenariat à l'ensemble de la communauté culturelle et artistique. D'un autre côté, étant donné, justement, les restrictions budgétaires que les entreprises peuvent avoir à l'occasion, elles ne sont pas en mesure d'assurer à long terme un support constant et toujours au même niveau du monde culturel en général. Par contre, je dirais que certains événements culturels peuvent s'assurer d'une certaine continuité et s'assurer de certaines garanties en fonction des retombées et des valeurs promotionnelles qu'ils vont livrer à leurs partenaires commanditaires, dans le sens que si on a une bonne promotion à travers un bon événement, on va avoir tendance à protéger ces événements-là.

Le Président (M. Doyon): Oui, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, M. le Président. Messieurs, il me fait plaisir de vous saluer ici.

M. Moisan: Bonjour.

M. Gobé: Vous et moi, c'est depuis de nombreuses années que nous nous connaissons.

Une voix:...

M. Gobé: Ah, je ne gagerais peut-être pas là-dessus, M. le député. Il me fait plaisir de vous voir à cette réunion-ci, surtout que je fais un parallèle avec d'autres rencontres que nous avions eues l'an dernier, puis l'année précédente, à l'époque où l'association des brasseurs nous avait réunis pour nous entretenir de certaines difficultés ou de certains problèmes que votre industrie pourrait traverser dans le futur, dû à l'augmentation des taxes, la libéralisation des marchés, la concentration d'entreprises, enfin... Je trouve ça intéressant. Lorsque vous étiez venus nous voir, c'était un groupe de pression qui venait voir les députés pour défendre un intérêt corporatif. Et là, aujourd'hui, on voit cette même corporation qui vient nous démontrer que notre appui, tout compte fait, n'est pas si mal que ça, parce qu'une des retombées, qui est l'action - pas bénévole - philanthropique d'une entreprise comme la vôtre exige vraiment... On le voit dans le sport, mais on se dit toujours: Le sport, c'est parce que ça se passe à la télévision, que ça ramène de la publicité. Mais, dans la culture, c'est un peu moins évident. Et c'est donc peut-être le côté vraiment philanthropique de ce genre d'entreprise qui est plus aigu au niveau de l'aide à la culture.

Mais ce que je crains qui puisse arriver - ça rejoint notre dernière discussion ensemble -advenant une libéralisation totale des marchés et advenant ce que vous craignez ou ce que vous sembliez craindre en termes d'envahissement du marché canadien par les brasseries étrangères, on pourrait voir arriver, peut-être, à un moment donné, la disparition d'une entreprise comme la vôtre au Québec ou, du moins, son déplacement vers d'autres régions canadiennes à cause, peut-être, d'une plus grosse concentration de l'appareil de production pour répondre à la compétition internationale. À ce moment-là, ça aurait certainement un impact important sur les commandites philanthropiques que vous faites. Sur le sport, probablement pas, parce que probablement que Heineken ou Budweiser sauront reprendre le flambeau publicitaire. Mais je crois qu'au niveau peut-être plus local, philanthropique, au niveau des petites communautés, je me demande si on n'assisterait pas là à une perte sèche ou à une diminution importante des commandites dites philanthropiques au niveau de la culture.

Le Président (M. Doyon): M. Asselin ou M. Moisan.

M. Asselin: Je vais débuter en essayant de rassurer M. Gobé. Nous venons d'investir 150 000 000 $ pour l'agrandissement et la construction de la Brasserie à Montréal. Nous avons porté nos capacités de production de 2 500 000 hectolitres à 4 000 000 d'hectolitres; nous sommes actuellement en mesure de servir adéquatement et nous sommes préparés à faire face à la concurrence internationale. Évidemment, au cours des prochaines années, l'industrie brassicole canadienne au complet va être bouleversée.

Vous avez les recommandations du GATT qui viennent de sortir et qui recommandent que les bières importées soient disponibles en magasin dans tous les mêmes endroits où vous trouvez la bière domestique ou, en tout cas, celle qu'on appelle la bière locale ou domestique. Évidemment, ça risque... Et c'est une menace, si on tient compte de ce qui s'est passé dans l'Ouest canadien tout récemment, ou en Ontario. On est conscients de ces impacts-là sur le plan budgétaire et, évidemment, on rationalise et on tient compte de ces phénomènes-là lorsque vient le temps de prendre des décisions.

C'est pourquoi les budgets de dons, ce que j'appellerais les budgets de mécénat vont être plus affectés que les budgets de commandite en soi. Parce qu'il reste une chose, c'est que la commandite - je vous l'ai dit tantôt - c'est une activité ou une association qui a pour but de nous offrir la visibilité. Là-dessus, je vais laisser Richard expliquer un peu plus loin comment, lui, il voit ça. Moi, je pense qu'au niveau de ia rationalisation des budgets... Vous avez parié de ça tantôt à l'Assemblée. Je suis allé vous écouter et vous avez parlé de la gestion de la qualité: faire bien du premier coup, ou juste d'un coup. En tout cas, ça ressemble à ça. Alors, effectivement, au niveau des commandites et au niveau de la gestion de la qualité de nos interventions publiques, on va viser à toujours avoir le meilleur retour sur l'investissement qu'on va faire.

Mais le budget de mécénat, évidemment, risque d'être plus touché. C'est pourquoi, si on veut maintenir le développement de la culture, il faudra avoir un fonds ou un endroit où on aura une expertise dans le domaine de la culture parce que c'est très difficile de discriminer à l'intérieur des différentes demandes que l'on reçoit de troupes de théâtre, de formes d'expression d'art, d'artistes qui viennent nous voir pour demander de l'appui. Ils ne nous demandent pas une commandite, ils nous demandent un don ou une contribution, et c'est très difficile de déterminer si c'est valable ou pas parce que vous n'avez pas de critères dans ce domaine-là. Ce n'est pas facile. Il faudrait pratiquement avoir cet organisme qui serait compétent dans le domaine culturel, parce que ce n'est pas facile pour quelqu'un qui est assis dans son bureau, qui est aux affaires publiques et qui a à gérer un fonds de dons, de dire: Oui, je donne à cette personne-là plutôt qu'à celle-là ou, éventuellement, à telle troupe de théâtre ou à telle autre. Je pense qu'on devrait avoir cette espèce d'organisme en quelque part où on pourrait canaliser des dons et cet organisme-là verrait à faire en sorte que l'argent soit distribué à bon escient. Au niveau des commandites...

Le Président (M. Doyon): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Je regrette, le temps est terminé. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, M. le Président, j'espère que mon collègue, le député de LaFontaine ne prend pas outrage du fait que nous nous disputons mutuellement M. Asselin. Que voulez-vous? Nous avons eu tous deux le privilège de jouer dans les mêmes rues de la même ville, et ça crée des liens très solides, mais qui ne vous excluent point. J'ai bien des raisons de saluer votre présence, M. Asselin, M. Moisan. Vous êtes - et cela, je pense, était tout à fait légitime de votre part de le mentionner - une des plus anciennes industries au Québec et, de surcroît, vous êtes situés dans le centre-sud où vous êtes impliqués. Vous êtes impliqués dans toutes les activités de toutes les composantes qui forment le tissu social de ce beau petit coin de ville dont j'ai l'honneur d'être le député. Et je pourrais même également ajouter que vous êtes propriétaires d'un édifice patrimonial dont vous conservez jalousement le cachet et que vous avez même développé, en quelque sorte, à des dimensions certes modestes mais qui, quand même, peuvent servir d'exemple, une sorte d'écomusée de la brasserie. Ce sont des valeurs, effectivement, qu'il nous faut souligner et je renchérirai sur les propos de M. le député de LaFontaine. Oui, effectivement, vous êtes venus défendre des droits corporatifs. Je n'avais aucune gêne à vous écouter et à vous appuyer dans plusieurs de ces revendications parce que je sais au départ que vous respectez la philosophie première du fondateur, donc que vous êtes effectivement très impliqués dans ce quartier.

Ceci étant dit, M. Asselin, M. Moisan, vous avez donné des statistiques comme telles. Je serais quand même curieux de voir l'illustration en chiffres, comme on dit, des investissements de votre entreprise en matière culturelle sous forme de commandites, de dons et de bourses. Ça s'élève à combien de milliers de dollars?

M. Moisan: Ça serait assez difficile de vous donner, M. Boulerice, un chiffre précis, étant donné que je sais que nos compétiteurs sont à l'écoute pour savoir combien on investit dans le domaine de la commandite.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Moisan: Mais, par contre, on peut dire que ça dépasse largement... Disons que c'est plusieurs millions de dollars annuellement qui sont investis au Québec en termes de commandites dans le domaine culturel. Je pourrais en mentionner quelques-unes: les concerts rock au Forum, qui ne sont pas nécessairement seulement de la culture québécoise mais qui encouragent toutes les formes de culture, qui présentent toutes les formes de culture; la Grande Fête Laurentide Rock; le Festival d'été de Québec; le programme Relève Laurentide Rock, qui encourage les jeunes musiciens qui ne sont pas encore connus, qui n'ont pas encore endisqué; le Théâtre Molson, et j'en passe. Il y en a plusieurs, qui totalisent au-delà de 2 000 000 $ par année, facilement.

M. Boulerice: On a souvent reproché, M. Moisan, aux grandes entreprises d'aller uniquement vers la commandite, entre guillemets, glamour, d'aller dans des manifestations culturelles, entre guillemets, académiques dans le sens des beaux-arts comme tels, de ne jamais prendre de risques et d'aller vers la nouveauté. Mais, par contre, vous vous êtes engagés dans quelque chose qui était nouveau, qui était le Festival international rock. Ayant piloté ce dossier, je suis témoin que bien des gens ont fermé la porte, mais vous, vous l'avez ouverte.

M. Moisan: On l'a ouverte justement l'an dernier. On a récupéré un organisme qui accusait un déficit accumulé d'environ 50 000 $. On a tenté de lui donner une nouvelle vigueur en l'associant de très près à un événement que nous avions créé pour aller chercher un peu de visibilité, qui s'appelle la Grande Fête Laurentide Rock, sur la rue Saint-Denis. Cet organisme-là en a été reconnaissant, a passé une bonne année. Je pense qu'on lui a donné une visibilité extraordinaire par rapport à ce qu'il avait auparavant, une visibilité qu'on pouvait qualifier auparavant de «underground», si vous me permettez le mot. On l'a mis sur la carte au cours de l'été dernier. (16 h 15)

Cependant, si je peux me permettre, là, on peut voir un petit peu de quelle façon le monde culturel est difficile pour nous à gérer quand on veut s'associer comme commanditaire. Le Festival international rock de Montréal revient à la charge cette année avec des demandes extraordinaires en termes de support financier, qu'on ne sera pas en mesure de lui accorder. Alors, on passe du simple, je ne dirais pas au double, mais au quadruple en termes de demandes de commandite d'une année à l'autre, sans égard à ce qu'on a pu faire l'an dernier. Alors, il faudra gérer ça, parler avec eux et négocier avec eux. Mais ce sont, dans le monde de la commandite, des difficultés auxquelles ont fait souvent face. À cet égard-là, nous, on avait créé pour nous donner justement la visibilité qu'on recherche à travers la commandite... On s'associe à des événements à des fins strictement commerciales, sauf pour la partie dont M. Asselin faisait état tantôt, le mécénat en général. Les commandites ont un but commercial, un but d'aller chercher de la visibilité pour l'une ou l'autre de nos marques et aussi des buts de vente et d'échantillonnage de nos produits, ce que ne nous donnent pas toujours l'occasion de faire certaines entreprises du

Festival.

Alors, on a senti le besoin, nous, de créer à Montréal notre propre événement, de lui donner un nom qu'on va véhiculer. Par exemple, sur la rue Saint-Denis, la Grande fête Lauren-tide, qui dure une fin de semaine complète, tout près de la fête de la Saint-Jean, et ça, on a créé, on- a donné un nom et une vocation culturelle à cet événement. Ce sont des entreprises vers lesquelles on doit se tourner, malheureusement, parce que d'autres entreprises bénévoles, comme le Festival international rock de Montréal, ne pourraient pas nous consentir le titre d'un événement, par exemple. Je pense que, dans le domaine culturel, c'est difficile à imaginer - pas pour nous - pour certains promoteurs d'événements culturels, qui imaginent avoir un festival Molson de jazz, par exemple, à Montréal. Alors, c'est très difficile. À ce moment-là, on crée nos événements.

M. Godin: M. le Président, merci beaucoup de me donner le micro. J'aimerais savoir de vous, M. Asselin, ou de vous, M. Moisan, quel est le mode de procédure et de distribution des commandites? Est-ce qu'il y a des jurys qui émanent du milieu ou si c'est la Brasserie qui prend sur elle de décider elle-même que telle bourse on l'accorde, telle commandite on la prend? C'est ma question, M. le Président.

M. Asselin: Les commandites sont reçues chez nous par mon service, le Service de promotion. En général, elles sont acheminées à d'autres services et, finalement, elles sont acheminées à notre service de promotion. On a des critères de sélection très précis et très rigoureux en ce qui concerne l'attribution d'une commandite. On a des critères que je pourrais rapidement énumérer. Par exemple, des critères par lesquels on pourra mesurer la visibilité sur le site d'un événement; par visibilité, j'entends affichage. Des critères, à savoir: Est-ce que l'événement a un impact régional, provincial, local? Si l'événement est un événement provincial, il retiendra plus notre attention. Est-ce que l'événement peut nous donner des retombées de presse, médiatiques, gratuites, entre parenthèses, par l'entremise de la couverture de presse? Est-ce que l'événement pourra nous donner des retombées au niveau des ventes ou de l'échantillonnage? Est-ce que l'événement pourra améliorer notre distribution de produits? Alors, il y a une série de critères comme ça. Je pourrais en énumérer plusieurs qui vont nous servir pour sélectionner un événement par rapport à un autre.

M. Godin: La formule de Centraide pour les arts me plaît beaucoup, mais je me demande si le nom ne serait pas vu comme étant mal choisi pour les artistes qui, déjà, se sentent...

M. Boulerice: Une solidarité.

M. Asselin: Oui, en fait, c'était...

M. Godin: ...un peu misérables et un peu miséreux.

M. Boulerice: "Solidaire-art".

M. Asselin: Le nom était trouvé. Écoutez, c'était pour faire image. J'ai appelé ça un fonds de développement de la culture, et en prenant le concept de Centraide, je voulais tout simplement rattacher à ça l'idée que, dans Centraide, vous contribuez dans un endroit centralisé, reconnu, crédible dans lequel vous versez des sommes, et vous recevez un avantage fiscal pour avoir contribué. Et cet organisme-là reçoit une majorité, un grand nombre de demandes, il analyse les demandes et, ensuite de ça, il alloue des sommes à des organisations. Je dis: C'est le concept global beaucoup plus que dire: C'est un Centraide. En réalité, c'était juste pour faire image, ça, parce que l'idée était d'avoir un fonds de développement de la culture qui soit mis sur pied et qui soit valorisé. C'est ça qui était l'idée.

M. Godin: M. Asselin, je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): En terminant, M. le député. Malheureusement, le temps est écoulé.

M. Boulerice: Bien en terminant...

Le Président (M. Doyon): Ou peut-être un mot de remerciement, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: En terminant, moi, j'ai quand même apprécié que, dans votre mémoire, vous repreniez cette phrase de Samson, Bélair, Deloit-te & Touche: "II faut cesser de s'attendre à des retombées financières immédiates lorqu'on subventionne une entreprise culturelle. C'est un investissement à long terme qui s'inscrit dans la perspective beaucoup plus large de la sauvegarde de la culture québécoise." Venant, encore là, justement d'une entreprise, donc, qui est liée forcément à la notion de profit, sinon une entreprise n'existe pas, je pense que votre message est d'autant plus percutant.

Je regrette qu'on n'ait pas plus de temps pour voir l'aide que vous accordez au niveau d'institutions comme les musées, etc., parce que, là aussi, on peut jouer le levier de la fiscalité très facilement de façon à aider à la culture, mais aider aussi à la culture en région. Je pense que vous nous avez indiqué des pistes quant à un centre d'aide aux arts, à la culture, donc aux artistes. Il y a dans votre mémoire matière à réflexion. Je vous remercie beaucoup, M. Asselin, M. Moisan, et on se reverra sans doute sur la rue Notre-Dame ou sur la rue Sainte-Catherine.

M. Asselin: C'est bon signe. Des voix: Ha,ha, ha!

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, à vous maintenant.

Mme Frulla-Hébert: C'est à mon tour de me joindre à mon collègue et de vous remercier. Je vous écoutais parler, M. Moisan, et vous me rappelez des souvenirs, sept ans et demi de souvenirs. Mais l'idée, par contre, d'un centre "Solidart", ou qu'on appelle ça comme on voudra, ce qui est intéressant à travers cette idée-là, ce n'est pas de se décharger pour ça, au contraire... Excepté que ça conscientise et ça force aussi la population en général, les industries en général aussi, comme concept, à participer, en plus, de ce qu'on appelle du "over and above", mais quand même à participer. Et c'est un geste de marketing qui serait massif pour, justement, mettre la culture sur...

M. Asselin: Sur la place publique.

M. Moisan: Ça permettrait de partager l'effort, surtout, entre plusieurs...

Mme Frulla-Hébert: Bien, c'est ça.

M. Moisan:... qui ne participent pas à la culture.

Mme Frulla-Hébert: En tout cas, c'est finalement une voie à explorer. Merci encore d'être ici. Merci aussi pour votre apport.

Évidemment, vous prônez une culture qui soit une culture accessible, forcément, et je pense qu'on en est là aussi. Il faut que tout le monde bénéficie de cette culture-là. Merci beaucoup.

Le Président (M. Doyon): Merci. Alors, il me reste, au nom des membres de la commission, à vous exprimer nos remerciements et à vous permettre de vous retirer de la table, en espérant que vous ayez...

M. Moisan: Merci beaucoup.

Le Président (M. Doyon):... un bon voyage de retour.

Nous recevons maintenant le Théâtre de la Marmaille. J'invite M. Daniel Meilleur ainsi que M. Pierre Mac Duff à bien vouloir prendre place en avant. Alors, bienvenue à vous deux. Si vous voulez bien vous présenter très brièvement et ensuite procéder à la lecture ou au résumé de votre mémoire, comme vous voudrez. Après ça, le temps qui restera va être partagé entre les deux formations politiques pour discuter de la présentation que vous aurez faite et d'un certain nombre d'autres idées. Vous avez la parole.

Théâtre de la Marmaille

M. Mac Duff (Pierre): Merci. Bien, je suis Pierre Mac Duff, directeur général du Théâtre de la Marmaille. Je suis accompagné par M. Daniel Meilleur, qui est cofondateur et codirecteur artistique de la compagnie.

Alors, M. le Président, Mme la ministre des Affaires culturelles, mesdames et messieurs de la commission de la culture, nous vous remercions tout d'abord sincèrement de nous avoir conviés à expliquer la teneur du mémoire que nous avons soumis dans le cadre de cette commission. Permettez-nous tout d'abord... Nos premiers mots iraient à Mme Frulla-Hébert. Nous voudrions féliciter sincèrement la ministre des Affaires culturelles qui, comme elle s'y était engagée formellement dès son entrée en fonction, a réussi à relever le défi de tenir une commission parlementaire sur la culture, et ce, dans les délais prévus. C'est quelque chose de très important, d'autant plus que, comme vous le savez, il s'agit de la première commission de la culture. C'est donc un événement pour la communauté culturelle mais, plus largement, pour le Québec. D'ailleurs, comme vous avez pu le constater, nombre d'artistes et d'organismes artistiques, de corporations publiques et privées, d'administrations municipales même, en somme d'instances de toutes sortes ont présenté un mémoire et ont demandé à comparaître devant cette commission, ce qui témoigne de l'importance de cette commission elle-même, mais aussi de l'importance que la société québécoise accorde à cette première commission parlementaire à se tenir en vue de l'adoption d'une politique culturelle. Ceci ne devra jamais être oublié, malgré toutes les réserves que l'on pourrait émettre à l'endroit du document final soumis par le groupe-conseil et qui fait l'objet des présentes études.

La Marmaille ne reprendra pas ici chacun des éléments mis de l'avant dans son mémoire, ni ne répétera ce que vous avez entendu à maintes reprises par la voix des représentants d'autres entreprises artistiques. Nous voulons cependant rappeler que nous sommes d'accord avec les grands principes qui sous-tendent le rapport du groupe Arpin, à commencer par la nécessité que le gouvernement du Québec fasse de la culture une priorité de l'État. Nous tenons aussi à dire que la Marmaille endosse totalement le mémoire de la Maison-Théâtre quant à la présentation de la problématique et des besoins des compagnies qui oeuvrent pour le jeune public. Nous endossons totalement le mémoire du Conseil québécois du théâtre quant aux appuis, aux réserves et aux critiques qu'il émet à l'endroit du rapport Arpin, et particulièrement ses mises en garde face aux industries culturelles.

Nous tenons également à souligner la qualité et le grand intérêt à nos yeux du mémoire de la Société d'histoire du théâtre du Québec, quant à la fonction que devrait tenir le ministère

des Affaires culturelles et quant à son rôle. Nous voulons revenir sur ce rôle. Il nous apparaît impératif que le soutien des arts et des activités artistiques professionnelles doive demeurer la raison d'être première et fondamentale du ministère des Affaires culturelles. Il nous apparaît nécessaire de le rappeler ici, puisque la lecture du rapport du groupe-conseil a soulevé chez nous de vives inquiétudes, à cause, notamment, de la confusion des genres qui prévaut entre culture, art, activités artistiques et, pour reprendre l'expression du Regroupement des centres d'artistes autogérés du Québec, "les industries du divertissement."

Ceci nous amène à formuler une première proposition, que je rappelle, à savoir que, conformément a l'esprit de la loi qui a prévalu à sa création, le rôle premier et fondamental du ministère des Affaires culturelles, quelle que soit la nouvelle appellation qu'il adopterait éventuellement, demeure d'assurer un soutien à l'activité artistique professionnelle, ceci constituant la raison d'être du ministère, et que l'essentiel des budgets de ce ministère soit affecté aux programmes destinés à soutenir les organismes de création et les artistes. Or, on le sait, à ce chapitre, il y a déjà beaucoup de chemin à faire.

Enfin, la Marmaille vient donc témoigner d'une réalité qui est d'abord la sienne. Nous ne prétendons pas parler au nom d'une discipline en particulier ou en général, ni au nom d'un milieu en particulier. Nous venons faire état d'une réalité qui est la nôtre, celle d'une compagnie qui a 18 ans d'existence à son actif et un nombre significatif de réalisations théâtrales. Pour vous en parler, je vais céder la parole au codirecteur artistique et cofondateur de la Marmaille, Daniel Meilleur.

Le Président (M. Doyon): Vous avez la parole. (16 h 30)

M. Meilleur (Daniel): Merci. D'abord, nous, on est chanceux d'être ici. On est entre deux tournées. On arrive de France et on part à Bruxelles dimanche. Et, quand M. Richard avait fait sa consultation, il y a quelques années, nous étions encore entre deux tournées. Alors, nous sommes très contents de pouvoir être là parce que, évidemment, quand on a travaillé pendant 18 ans, on a établi, au cours des 18 dernières années, des rapports privilégiés avec le ministère des Affaires culturelles. Il est clair pour nous que le ministère des Affaires culturelles a été attentif à la Marmaille depuis longtemps, attentif tant au niveau du fonctionnement, de nos projets internationaux, qu'au niveau des équipements et des projets spéciaux. Pour nous, le ministère des Affaires culturelles est un partenaire extrêmement important depuis le début.

Alors, moi, quand j'ai lu le rapport Arpin, j'ai eu une surprise énorme, surtout dans la première partie, parce que nous nous sommes reconnus, nous, le Théâtre de la Marmaille, à travers le rapport Arpin dans le sens suivant. C'est que le rapport Arpin, par exemple, dit qu'il veut favoriser la création. Or, nous sommes un groupe de création. Nous avons créé 18 spectacles originaux en 18 ans avec des dizaines d'auteurs québécois. Nous sommes allés chez les Inuit à partir desquels on a fait un spectacle. Nous sommes allés en Amérique centrale à partir de quoi on a fait un spectacle. Nous avons travaillé avec des Italiens, créé un spectacle qui s'appelait 'Terre promise". On a des projets maintenant avec des Africains, avec des Vietnamiens, et avec des Québécois, évidemment. Plusieurs de ces textes ont été publiés. Donc, favoriser la création dans le rapport Arpin, oui, c'est la Marmaille.

Deux, assurer la stabilité des organismes culturels que préconise le rapport. Nous, on aura bientôt 20 ans et ceux qui sont à la direction de la troupe, avec Monique Rioux, France Mercille et Michel Robidoux, nous sommes là depuis le début. Alors, cette stabilité, disons que nous l'avons assurée, et avec un équilibre budgétaire aussi qui a toujours été là. Nous avons un budget équilibré et nous tentons de l'équilibrer. Alors, assurer cette stabilité-là, nous nous reconnaissons à travers cet objectif.

Développer et maintenir au Québec la compétence professionnelle. Nous, on a gagné de nombreux prix, ici comme ailleurs. Je crois que les travaux qu'on a faits ont été célébrés un peu partout et aussi nous avons donné des ateliers pendant des années pour assurer une relève, une relève à nous et une relève aussi au milieu. C'est un objectif de la Marmaille de développer et de maintenir au Québec la compétence professionnelle.

En ce qui concerne l'autre objectif du rapport, qui est d'accroître l'ouverture au monde et l'action internationale, c'est sûr que nous, nous donnons plus de la moitié de nos représentations à l'étranger. À titre d'exemple, cette année, nous ferons en kilomètres l'équivalent de deux fois et demie le tour de la terre, et on a calculé que, depuis 18 ans, on a parcouru la distance de la terre à la lune en kilomètres, mais nous n'avons jamais joué à Drummondville, à Trois-Rivières, à Sherbrooke, à Amos et à Thetford-Mines, ma ville natale, à titre d'exemple.

Donc, ce qui m'amène à dire que, dans les volontés du rapport Arpin, nous sommes là, mais là où il y a des "mais", c'est que plus nous devenons le rapport Arpin, plus nous sommes le rapport Arpin, plus l'aide de l'État diminue proportionnellement. C'est curieux, mais c'est la réalité. Alors, malgré les performances et malgré aussi les apparences de notre théâtre, le Théâtre de la Marmaille, notre situation est précaire. Nous manquons de personnel. Nous sous-payons nos gens et nous-mêmes, et c'est toujours l'avenir de la troupe qui est en jeu. Bon. Évi-

demment, si nous jouons à l'étranger, c'est parce que les réseaux de tournée ici sont déficients, mais je pense que ça a déjà été dit assez souvent. Nous aimerions jouer au Québec davantage, mais les théâtres ne sont pas là et l'argent n'est pas là non plus.

Sur la scène internationale, on a assez voyagé pour pouvoir vous dire que nous, la Marmaille, et d'autres compagnies québécoises, donnons l'image d'une société jeune, dynamique, vivante, vivifiante; c'est de l'oxygène. Dans plusieurs pays, on nous dit: Mais c'est fantastique ce que vous faites. Qu'est-ce qui se passe au Québec? Qu'est-ce qui se passe à Montréal, de ce temps-là, en danse, en musique, en théâtre? Les gens sont épatés par la production. Il y a vraiment un engouement avec le cinéma aussi. Alors, nous jouons beaucoup à l'étranger, mais plusieurs de nos confrères veulent venir au Québec et il y a un problème. Il n'y a pas de place pour eux et personne n'a d'argent pour les recevoir. Et ça, qu'on le veuille ou non, on donne l'image d'une société qui est un peu repliée sur elle-même, qui est fermée parce qu'il n'y a pas de place.

Je donne un exemple. Amadou Hambâte-Bâ, qui est un auteur africain, disait: "À chaque fois qu'un vieillard africain meurt, c'est une bibliothèque qui brûle." Moi, je dis qu'à chaque fois qu'un festival international meurt au Québec, c'est des ambassades qu'on ferme. À chaque fois que des artistes étrangers veulent venir au Québec et qu'on ne peut pas les accueillir, ce sont des ambassadeurs qu'on refuse. Je crois qu'on doit absolument rendre la pareille. Les événements internationaux pendant l'année sont rares. Il y a les festivals, évidemment. Mais on ne peut pas laisser des ambassades ouvertes deux semaines par année. Je crois qu'il faudrait absolument faire circuler au Québec les productions marquantes et majeures. Il devrait y avoir un terrain pour ça.

Alors, nous, ce que nous voulons vous dire, c'est que nous voudrions que ce gouvernement dise oui à la culture. Nous avons besoin du ministère des Affaires culturelles pour nous développer. Nous nous considérons, pour avoir tant voyagé, comme un grand petit peuple dans une grande province sur un immense continent. Qui, sur cette terre, a des concitoyens inuit, amérindiens, anglais, polonais, italiens, grecs, etc.? Nous sommes un peuple unique avec une culture très forte. Nous avons des histoires à raconter au monde et le monde veut entendre nos histoires. Donc, nous avons besoin d'un oui à la culture. Je crois que ce gouvernement, par exemple, du côté de l'agriculture, peut faire la différence entre celui qui est producteur de lait et celui qui fait pousser les pétunias. Je ne crois pas que le gouvernement subventionne la culture des pétunias, même si les pétunias, c'est beau. Je crois qu'il y a des priorités en agriculture; il devrait y en avoir aussi en culture, je crois. Et tout est là, à mon avis, pour qu'on puisse prendre une grande place.

Le Président (M. Doyon): M. Mac Duff, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Mac Duff: Si ce n'est cette importance... Je crois qu'au-delà de toutes les réserves qu'on pourrait émettre sur l'énoncé de politique, ce qui ressort, je vous le dis, sur la base des mémoires que j'ai lus, et j'en ai lu plusieurs... Vous avez le privilège de les avoir tous lus ou d'avoir pris connaissance de la totalité. Mais ce qui m'apparaît ressortir, c'est la nécessité qu'il y ait un débat de fond sur la place que le gouvernement du Québec entend faire à l'art et à ses artistes. Nous sommes un peuple qui a un potentiel extraordinaire au niveau artistique. Nous sommes conscients que cette dimension artistique, qui fait la force du Québec, se voit prise dans un discours, dans des représentations certes légitimes par d'autres groupes d'intérêts qui disposent de moyens financiers substantiels et qui ont tout intérêt à entretenir le flou qui existe entre l'art, l'industrie, la culture, le loisir.

Nous sommes mûrs pour un débat de fond et pour redonner la place aux arts qui devrait être la sienne dans ce gouvernement, compte tenu du potentiel de ses artistes, c'est-à-dire la première. Il est important que le message se rende tant ici qu'à l'étranger puisque - et c'est une parenthèse que nous ferons - la Marmaille, pour avoir circulé dans plusieurs pays, est malheureusement en situation de dire qu'elle fréquente relativement peu les délégations du Québec à l'étranger, puisque les délégations du Québec à l'étranger s'intéressent relativement peu aux arts au Québec.

Alors, je crois qu'il y a un travail énorme à faire aussi, un travail d'information, un travail au niveau du personnel qui est là, au niveau des outils qui sont donnés, au niveau des compétences quant à l'aptitude à comprendre la dynamique profonde de ce qui se passe au Québec. Il y a là aussi un chemin énorme, et investir dans la culture, c'est investir dans l'avenir et dans la raison d'être fondamentale du Québec.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Mac Duff. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Mac Duff. D'abord, M. Meilleur, M. Mac Duff, on vous souhaite la bienvenue. Bon, M. Mac Duff, pour avoir beaucoup parlé avec vous... Je vous disais hier: On s'est ennuyé de vous, hier soir. Par contre, on a la chance de vous retrouver aujourd'hui. Je veux revenir à deux choses, d'abord - et ça, on s'en était beaucoup parlé - c'est toute la question de la consolidation. On sent beaucoup de réserves. La plupart des troupes... On voit deux choses. On voit des troupes qui, comme la vôtre, sont des troupes qui sont bien

établies et qui fonctionnent bien, et qui disent: Oui, il faut consolider. Au moment où on se parle, on a beaucoup développé. Il faut consolider. On le voit dans votre mémoire.

Évidemment, il y a d'autres troupes qui disent: Ah oui! mais c'est parce que là, si vous consolidez puis nous autres, si on n'a pas... Et, bon, de là le fameux mot "saupoudrage", mais moi, je préfère parler de consolidation. En tout cas, on dit: Bien oui, mais c'est parce qu'on a besoin de cet argent-là, nous autres, juste pour nous partir.

Je veux juste vous demander si, selon vous... Vous avez énormément d'expérience tous les deux dans le développement du théâtre, dans le développement des compagnies de théâtre. Au moment où on se parle, il y a une grosse effervescence, mais est-ce qu'il n'y a pas lieu, tel que vous le dites dans votre mémoire, de prendre non pas un temps d'arrêt permanent, au contraire, mais de dire: Bon, bien, voici maintenant ce qui existe. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de se fixer un temps et de dire: Bien là, on va consolider ce qu'on a? Parce qu'on fait face vraiment à deux théories, au moment où on se parle.

M. Mac Duff: Le problème, c'est toujours la différence entre ce que l'on dit et ce que l'on fait. On en arrive, de ce côté-ci, à avoir le sentiment qu'on travaille avec un État schizo-phrénique, qui a un discours x et qui a un comportement y. Nous parlons de consolidation. Ce que nous disions tout à l'heure, c'est que plus nous devenons le modèle préconisé par le rapport Arpin, plus, en proportion, l'aide du gouvernement du Québec se réduit. Il y a un problème.

On parle de consolidation. Or, cette année, une compagnie, par exemple, comme la Marmaille, qui existe depuis 18 ans et qui est celle que vous savez, reçoit 150 000 $ par année de fonctionnement. Dans une ère de consolidation, nous avons reçu 5000 $ de plus et on a dit: Nous sommes dans la consolidation. Nous sommes probablement dans cette salle les deux personnes les moins payées de l'assistance. Il y a un problème.

Moi, je travaille pour la compagnie de théâtre la Marmaille et j'ai 20 ans d'expérience dans ce métier. Au moment où je vous parle, je tire mes revenus de l'assurance-chômage et je travaille pour la compagnie qui, à mes yeux, est la plus performante, la meilleure au Québec, dont la réputation est internationale. Il y a un problème. Comment se fait-il qu'au Québec, on ne soit pas capable de gagner sa vie, même dans les compagnies qui sont les plus performantes, les meilleures, reconnues à l'étranger, et qui contribuent à développer le théâtre, les auditoires, le public de demain, la dramaturgie?

Je sais ce que je fais, pourquoi je le fais, pourquoi je le dis. Et vous voulez savoir le pire?

Je suis convaincu que, dans cinq ans ou dans dix ans, je ne sais pas ce que je ferai. Je sais que je travaillerai encore au théâtre et je sais que je serai probablement, à 50 ans, 55 ans, obligé quand même de retirer une partie substantielle de mes revenus de l'assurance-chômage. Il y a un problème, non?

Mme Frulla-Hébert: Oui, il y a un problème. Puis, d'ailleurs, vous parliez de débat de fond. Si on est ici, c'est parce qu'effectivement il y a un problème. On l'a tous réalisé: On a un profond besoin de changement. Il s'agit maintenant de savoir quels sont les changements et qu'est-ce qu'on veut apporter ensemble en toute conscience.

Vous parliez, finalement, des problèmes de salle, par exemple, des tournées. Il y a quelque chose dans votre rapport qui me crève le coeur et vous avez aussi raison: c'est tout le sujet la Place des Arts. Parce que c'est quelque chose aussi d'avoir un organisme d'État fortement subventionné et, en bout de ligne, vous dites que la programmation est faite par le syndicat parce que là, c'est trop cher. On parie d'un nouveau contrat social avec les syndicats au niveau de l'économie, etc. Il va falloir vraiment se pencher aussi sur un contrat social avec les syndicats et, si c'est possible, au niveau culturel, parce que c'est d'autant plus pressant.

Mais vous me parlez des salles. Revenons au niveau des salles à Drummondville. Bon, vous dites: Partout, en tournée et à Montréal, on a beaucoup investi dans l'équipement, dans des salles. Seulement, moi, ça fait un an que je suis au ministère et j'en ai annoncé, j'en ai aussi inauguré quelques-unes parce qu'on sait qu'il y a un problème au niveau de la tournée. Il semble, malgré ces investissements-là, que ce soit à Baie-Comeau, que ce soit à Sept-îies, que ce soit en Gaspésie, qu'on parle toujours d'un problème de salles. J'aimerais ça que vous élaboriez un peu là-dessus. Où est-ce qu'il est le problème? Est-ce que les salles sont trop grandes? Vous parlez de salles abordables. (16 h 45)

M. Meilleur: Nos conditions économiques étant difficiles, évidemment, les invitations qu'on reçoit pour aller aux États-Unis, sans subvention, payés en argent américain ou avec des cachets en francs français, qui sont trois, quatre, cinq fois ce qu'on reçoit ici, on ne peut pas refuser ça. Nous, on a un budget à équilibrer. Il faut gagner notre vie, là. On a peu d'invitations du Québec. Est-ce que c'est parce que les producteurs pensent que le public québécois de Drummondville ou d'ailleurs n'est pas prêt pour nos spectacles? Moi, je ne crois pas à ça. Moi, ça fart 18 ans que je fais du théâtre. Ça fait 18 ans que je me fais dire par des producteurs de salle... Ce spectacle-là, par exemple, un spectacle avec les Inuit, sur les Inuit, les mythologies, un spectacle pour 100 personnes, c'est parce que

c'est un spectacle où il y a une participation du public. Un producteur américain très important m'a dit: "You won't sell one show", vous n'en vendrez pas un aux États-Unis. Eh bien, on en a vendu des dizaines au prix que ça coûtait, sans subvention.

Donc, ce discours des producteurs: Mon public n'est pas prêt, il ne viendra pas, il n'aimera pas ça, il n'est pas assez développé, il aime telle chose et pas telle chose, moi, je le discute. Si nous écoutions les producteurs, nous ne ferions pas le théâtre que nous faisons là et nous ne ferions pas le tour du monde comme on le fait là. Alors, il y a un problème peut-être là. Il y a un problème, je crois aussi, de financement. Ça, c'est sûr. En France, par exemple, les conditions de tournée sont idéales. Il y a de l'argent, il y a une structure, les villes sont impliquées, le département est impliqué, l'État est impliqué beaucoup.

Mme Frulla-Hébert: C'est ça, oui.

M. Meilleur: Ensuite, il y a les groupes de travail dans les usines. Bon, la tradition n'est pas la même, c'est sûr, mais il y a un travail de fond.

Mme Frulla-Hébert: Mais vous parlez justement... Je veux profiter de cette expérience-là. C'est vrai, vous parlez de la France... Il y a une implication qui est globale. Honnêtement, ce n'est pas juste l'Etat. C'est 30 % de l'État, mais il y a les départements, les villes, etc., comme vous le dites.

Si on allait par priorités, par exemple, est-ce que c'est possible? On dit: On s'en va par priorités. Il faut faire connaître. Il y a tout le réseau, surtout pour vous autres, le système d'éducation, tout le réseau. On a eu plusieurs intervenants qui sont venus du réseau de l'éducation, ne serait-ce que pour sensibiliser très fort et, finalement, créer l'échange. Eux-mêmes disent qu'en termes d'éducation, il y a un gros travail à faire. Mais si on y allait en termes de priorités, quelles seraient les priorités pour dire: Pour nous autres, ce serait plus facile, par exemple, de se produire au niveau du Québec?

M. Mac Duff: II ne faut jamais oublier d'où on est partis. On est partis de tellement loin, il y avait tellement de choses à faire en si peu de temps que les priorités sont nombreuses et de plusieurs ordres.

Je voudrais quand même revenir sur la question de la diffusion. Il ne faut pas oublier qu'au Québec 70 % de la diffusion théâtrale est faite par les compagnies elles-mêmes, donc, par les compagnies de théâtre. Celles qui disposent d'un lieu et celles qui ne disposent pas d'un lieu essaient de se produire; elles doivent faire affaire soit avec les diffuseurs multidiscipl inaires, soit avec les quelques compagnies qui disposent d'un lieu.

À mon sens, on a tout intérêt à aller vers la consolidation des compagnies qui disposent d'un lieu parce que ce sont elles qui ont développé le public de théâtre; ce ne sont pas les diffuseurs multidisciplinaires qui ont développé le public de théâtre au Québec. Le public s'est développé parce que des compagnies ont pris la parole, ont pris l'espace, souvent dans des conditions invraisemblables, pour imposer, développer leurs produits, et, ce faisant, développer un public, et elles ont souvent été aux prises... On fait état de la Marmaille, mais combien de compagnies ont eu à faire face à un discours des diffuseurs pour qui le produit qu'on présente n'est jamais celui pour lequel leur public est prêt?

Le problème, c'est qu'à force de ne pas présenter de spectacles pour lesquels le public n'est pas prêt, le public, finalement, n'est jamais prêt à rien parce qu'il n'a jamais accès à rien, sinon à ce qu'il connaît. Comment peut-il avancer si on ne présente que ce qu'il connaît? Donc, une des attentions particulières du ministère devrait être à l'endroit des compagnies de théâtre qui ont des lieux, celles qui veulent en avoir parce que ce sont elles qui ont contribué principalement à développer le public de théâtre. Il y a peut-être des exceptions du côté de la diffusion multidisciplinaire, mais ce sont des exceptions.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. M. Mac Duff, M. Meilleur, si c'est vrai que nul n'est prophète dans son pays, il est quelquefois... d'avoir raison en son temps. Je me souviens, quand j'interrogeais la prédécesseure de la précédesseure de l'actuelle ministre, sur le moratoire des équipements culturels, elle me répondait, avec la verdeur qui caractérise son vocabulaire, qu'elle n'investirait pas dans le béton, mais bien dans l'aide aux artistes. Au niveau de l'aide aux artistes, je vous écoute et j'écoute ceux qui sont passés auparavant. Il ne semble pas que suffisamment a été fait et vous me dites, dans votre texte, à la page 4, que faute de lieux adéquats... Eh bien, vous êtes peut-être allés à Bruxelles, etc., mais Sherbrooke, Drummondville, Jonquière, Trois-Rivières sont des villes qui sont exclues de votre parcours. Et ça, effectivement, ça m'apparaît tout à fait anormal que les Québécois ne puissent pas bénéficier des productions culturelles qui viennent de leur propre pays. Le vieux dicton peut s'appliquer, là: Charité bien ordonnée devrait commencer par soi-même. Qu'on les voie, nous, et après, heureusement, qu'on les renvoie à l'extérieur.

Ceci étant dit, plus vos activités progressent, plus elles résonnent... elles rayonnent, je m'excuse. Elles résonnent, oui, parce que l'écho

revient - c'était peut-être un lapsus voulu. Elles progressent, elles rayonnent, par contre, l'apport du ministère diminue. C'est véritablement le contraire d'une incitation au rendement. Mais quand on vous dit que vous aurez moins, on le motive comment? Comment le ministère vous motive-t-il cela? Vous êtes bons, vous progressez, vous grossissez. Bravo! Maintenant, on va vous donner moins cette année.

M. Meilleur: Quoi dire? Moi, j'étais venu ici dans l'esprit de parler de façon plus globale de nous, la Marmaille, et en général de ce qui se passe au Québec. Moi, j'aurais envie de répondre de façon plus globale, je crois, que l'esprit du rapport Arpin est clair. On veut reconnaître et inscrire la culture comme une priorité d'État, c'est-à-dire que, quand ça va bien, ça va bien pour tous les ministères, puis, quand ça va mal, ça va mal pour tous les ministères. Mais, dans ce cas-ci, nous, que ça aille bien ou que ça aille mal, le ministère des Affaires culturelles est toujours coincé, alors que, si on reconnaît ça, je crois que le ministère va changer de budget. Si ça passe, l'idée, pour moi, je le souhaite de tout mon coeur que ça passe, le budget doublera ou triplera, quoi.

D'autre part, ce budget-là, avec le fonctionnement qu'a le ministère des Affaires culturelles actuellement, avec les fonctionnaires que, moi, je connais, et le fonctionnement que je connais du ministère des Affaires culturelles, il y a en place les gens, les compétences pour administrer ce double ou ce triple budget. Alors, les fonctionnaires, qui sont très attentifs - il y en a qui sont là depuis très longtemps - au lieu de faire des recommandations pour dire: Votre projet est très bon, mais il n'y a pas d'argent, ils vont dire: Votre projet est très bon et nous l'appuyons avec tant.

C'est ça que je crois qu'il devrait se passer parce que, si on parle des 5000 $ du Théâtre de la Marmaille, ça n'intéresse absolument personne. Moi, c'est mon année qui est en jeu, mais ça n'intéresse personne dans le débat actuel, là. Je crois que ça devrait être ça, l'objectif. Je le souhaite, nous le souhaitons et nous le militons en plus parce que nous l'avons, cette culture. Nous l'avons. Ça fait 15 ans qu'on fait le tour du monde. On le sait.

En Australie, ils ont une peur, eux. Ils ont des théâtres partout dans le pays, un immense pays, comme dans ce pays-ci. Il y a des théâtres partout et il y a le syndrome du "black box", la boîte noire: il y a des théâtres, il n'y a rien dedans.

M. Boulerice: Nous, c'est l'inverse.

M. Meilleur: Nous, on a le syndrome du clochard. On a plein d'artistes, mais ils sont dans la rue. Ça quête pour trouver une salle, ça quête pour se faire voir, ça quête... Ça a fait des décors dans de la fripe et ça passe pour des génies d'avoir fait un décor de fripe de la rue Ontario. Il y a des limites à tailler dans la fripe. Je pense qu'on est un peuple qui mérite plus que de la fripe. D'abord, on est une société riche, on est dans un pays riche et j'aimerais que la culture prenne sa place dans ce panorama-là. Je suis sûr qu'on a les moyens de ça, et ce n'est rien dans un budget.

M. Boulerice: Donc, on ne tournera pas autour du pot. La question que vous posez est... Bravo pour les grands énoncés! Félicitations pour votre beau programme! Oui, nous voulons une politique globale des arts et de la culture. Mettons-la dans une charte s'il le faut. Mais est-ce que cette volonté politique de se donner une politique - en définitive, c'est la question que vous posez - va procurer au ministère les moyens financiers d'agir? Donc, les 90 000 000 $ qui manquent pour atteindre la promesse de 1985 du 1 %, ce serait déjà énorme.

M. Mac Duff: Oui, mais vous savez, évidemment, il faut que les budgets suivent. Cela dit, il y a certainement moyen de réorienter des priorités, au sein même du ministère, qui vont faire en sorte que la création et l'art vivant vont recevoir autre chose que la part qui est la leur actuellement. Vous savez, on a souvent tendance à dire qu'il y a trop d'organismes qui sont subventionnés et que le ministère procède peut-être à un saupoudrage.

Deux choses là-dessus. Il est important qu'il y ait aussi de nouveaux groupes, donc, de la relève, faire à la relève la place qui devrait légitimement être la sienne dans tout domaine. D'autre part, en théâtre, vous savez, on a calculé le saupoudrage, c'est-à-dire qu'il a été évalué à la suite des travaux réalisés par le comité d'évaluation national, qui avait identifié un certain nombre d'organismes qui ne répondaient pas nécessairement aux critères, et à l'endroit desquels le ministère avait suggéré un retrait; ça totalisait à peu près 300 000 $.

Alors, ce n'est pas avec 300 000 $ qu'on pourrait dire, en théâtre, être de l'argent qui aurait été saupoudré, qu'on va régler le problème. 300 000 $, c'est à peine le seuil minimal d'une compagnie de moyenne envergure. Donc, on aurait réglé le cas d'une compagnie. Je vous ferais remarquer que 300 000 $, ça demeure quand même le double de ce qu'une compagnie comme la Marmaille, qui existe depuis 18 ans, reçoit pour son fonctionnement, du ministère.

Je reviens sur ce qu'on disait quand même au début. Si on parle de la compagnie, il ne faut quand même pas perdre de vue que nous estimons être, parmi nos collègues, l'une des compagnies la plus et la mieux soutenue. Si on se compare aux autres, on est mieux que d'autres. Ce que nous venons dire ici, c'est: Imaginez les autres aussi, imaginez nos propres conditions et ima-

ginez les autres qui sont pires que nous. Dans d'autres sociétés, ça ne prend pas 18 spectacles pour se voir reconnaître, se voir doter d'instruments. Lorsqu'on demande des lieux de théâtre, ce qu'on demande, c'est des outils. Vous savez que ces outils-là, si c'est d'abord les artistes qui en sont les usagers, c'est quand même la population qui en profite quelque part. Ce qu'on demande, c'est des outils.

M. Boulerice: M. Mac Duff, si vous dites que le saupoudrage s'évalue à environ 300 000 $ par année et qu'on ne va quand même pas couper les autres, c'est-à-dire qu'on ne déshabille pas saint Pierre pour habiller saint Paul, selon le vieil adage, vous allez quand même convenir qu'il faut une augmentation substantielle des budgets.

M. Meilleur: Oui, mais par rapport à la volonté politique, moi, j'interprète le rapport

Arpin et les travaux qui se font ici comme une volonté politique devant déboucher sur des énoncés de politique, des projets de loi et des budgets, sinon... J'espère qu'on n'a pas fait ça pour rien.

M. Mac Duff: Écoutez, il y a quand même 250 groupes, organismes et personnes qui ont déposé des mémoires. Ça me semble suffisamment éloquent de la priorité et de la nécessité non seulement qu'il y ait une politique culturelle, mais qu'il y ait une suite logique de ces travaux, c'est-à-dire un réajustement substantiel à l'endroit du ministère des Affaires culturelles. Je pense que les travaux que vous tenez présentement en témoignent avec éloquence. Tout comme il est normal de faire ici état des points avec lesquels on est moins d'accord ou qui méritent un réajustement de tir, il ne faut pas oublier, fondamentalement, que tout le monde estime ces travaux importants, nécessaires, vitaux et qu'ils doivent être assortis de la suite et de la volonté politique logique qui devrait s'ensuivre, laquelle devrait, en toute cohérence, déboucher sur des augmentations substantielles du budget du ministère. C'est l'impression, en tout cas - et ce sont les attentes des milieux culturels - sous laquelle tout le monde est, à juste titre. Cette fois, espérons-nous, aurons-nous été entendus.

M. Boulerice: Puis-je conclure que le substantiel est, au minimum, l'objectif fixé, qui est le 1 %. C'est quand même 90 000 000 $ de rajoutés, là.

M. Mac Duff: Dans la mesure où cet argent s'en va aux forces vives de la création. Le budget du ministère des Affaires culturelles a augmenté au cours des dernières années, mais la part du budget qui va soutenir les activités artistiques et les organismes va, elle, diminuant. Il y a un problème. Donc, oui, il faut qu'il y ait plus d'argent, mais surtout, il faut que cet argent neuf aille prioritairement et de toute urgence à la création, particulièrement - vous comprendrez que je plaide pour les arts d'interprétation - mais ce n'est pas non plus un constat qui vient uniquement de nous puisque, dans l'avant-dernière version du rapport Arpin, le rapport était traversé par d'incessants cris d'alarme à l'endroit de la précarité des arts d'interprétation, tous des cris d'alarme qui ont disparu de la version finale. Je voudrais les rappeler ici.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Mac Duff. M. le député.

M. Boulerice: Je vous dirai candidement que c'est la réponse que je souhaitais de votre part, M. Mac Duff, et vous me l'avez donnée. Dernière question et brièvement...

Le Président (M. Doyon): Rapidement.

M. Boulerice: On parle de rapatriement des pouvoirs à Ottawa, mais également de tout l'argent, c'est-à-dire un rapatriement universel avec un transport latéral et intégral des budgets. Est-ce que vous croyez que ce serait intéressant, compte tenu que le fédéral dépense au niveau des arts et de la culture au Québec, mais pas nécessairement en fonction des priorités que le Québec voudrait se donner lui-même? (17 heures)

Je vais vous donner un exemple. Il y a un immense bâtiment qu'on devra éventuellement entretenir dans une ville, qui n'était peut-être pas dans la préoccupation muséale du Québec, mais qu'on devra entretenir, alors qu'on aurait peut-être jugé plus important, nous, d'investir l'argent, si nous le contrôlions tous justement, dans l'aide à la création.

Le Président (M. Doyon): Une brève réponse, M. Mac Duff, M. Meilleur.

M. Mac Duff: Bien, écoutez, je pense que les artistes sont ceux qui, dans leur quotidien et dans leur exercice, ont comme préoccupation fondamentale de voir quels sont les meilleurs créneaux pour que leurs oeuvres et leur apport à la population se rendent à la collectivité qui leur a permis de se développer. Il n'est pas sûr, dans l'actuelle formulation des recommandations sur lesquelles on travaille, c'est-à-dire le rapport Arpin, si le rapatriement devait s'exercer selon les paramètres qui sont définis ou mis de l'avant dans le rapport Arpin, qu'au bout du compte, la population du Québec y gagnerait et grandirait dans sa fréquentation de la chose artistique. Un contexte, des paramètres différents, un projet de loi différent, ce sera un débat différent et nous serons disposés à le tenir à ce moment-là, lorsqu'on saura plus précisément quels sont les enjeux réels et les incidences réelles, tant pour

les artistes que pour la population québécoise. Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup.

M. Boulerice: Je vous remercierai, M. Mac Duff, M. Meilleur, en présumant que je vous ai compris, c'est-à-dire oui à une politique, oui au retour de l'argent, mais vous voudrez bien qu'on discute ensemble de l'établissement des programmes.

Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Oui, moi aussi, je vous remercie, d'une part. Deuxièmement, vous avez raison, si on fait tout ça et que, en bout de ligne, on n'aboutit pas à des changements, bien, finalement, et vous, et moi, et tout le monde, on aura perdu notre temps. Alors, ce n'est pas ça, l'objectif, non plus. Maintenant, encore une fois, merci. On va regarder ça de très près aussi au niveau du rayonnement des salles en région et de toute la question du réseau. On essaie de bâtir, mais il semble toujours que, de part... Vous dites: On est découragés, on n'arrive jamais à rien. Nous, de notre côté, on se dit: On investit, on investit et, en bout de ligne, on ne règle jamais les problèmes. Alors, finalement, de là la commission et on va faire notre possible, on va essayer et je ne pense pas qu'on perde notre temps à faire ça. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Il me reste, au nom de la commission, à vous remercier et à vous permettre de vous retirer pour que nous puissions entendre le groupe qui vous suit. Merci beaucoup! À l'ordre, s'il vous plaît!

Mme la ministre, nous continuerons la prochaine fois pour une... Il ne sert à rien de tenter de respecter l'horaire si, pendant le battement, la discussion se continue et que nous ne pouvons pas commencer nos travaux. C'est absolument inutile. Alors, j'invite L'Institut canadien à bien vouloir prendre place en avant. Comme président de la commission, je leur souhaite la bienvenue. Je les invite à se présenter pour les fins de transcription de nos débats. Ensuite, ils disposeront d'une quinzaine de minutes pour présenter leur mémoire et le restant du temps sera employé à discuter avec les membres de la commission. Vous avez la parole dès maintenant.

L'Institut canadien de Québec

Mme Lelièvre-Bilodeau (Claire): Alors, M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs, j'aimerais d'abord vous présenter mes collègues, M. Jean Payeur, le directeur général de L'Institut canadien de Québec, et M. Pierre Mino, le directeur des manifestations culturelles.

Mon nom est Claire Lelièvre-Bilodeau. Je suis présidente du conseil d'administration.

Alors, L'Institut canadien tient d'abord à féliciter le ministère des Affaires culturelles pour avoir suscité une réflexion de fond sur une politique de la culture et des arts et nous tenons à vous remercier de nous entendre aujourd'hui.

Dans un premier temps, vous me permettrez de vous présenter notre organisme qui a plus de 140 ans et qui joue un rôle important et dynamique au sein de la société québécoise. L'origine de L'Institut canadien de Québec et de son principal volet d'activité, la Bibliothèque de Québec, se confond parfois avec l'histoire du Québec. Dès 1848, L'Institut canadien de Québec s'était donné comme mission de diffuser la culture française dans une ville aux allures britanniques. Même à cette époque lointaine, L'Institut était déjà beaucoup plus qu'une simple salle de lecture. C'était avant tout un véritable lieu d'échanges où d'illustres Québécois - Octave Crémazie, François-Xavier Gameau et les autres - ont puisé une bonne part de leur inspiration mais aussi de leur détermination à faire survivre le fait français en Amérique.

L'Institut a toujours été au coeur de la vie culturelle et artistique de Québec. Il en est à la fois le diffuseur, le défenseur et le témoin privilégié de son évolution sur près d'un siècle et demi. Aujourd'hui, L'Institut canadien administre pour la ville de Québec l'un des plus importants réseaux de bibliothèques publiques du Québec. Composé de dix entités réparties à travers la ville, le réseau reçoit près de 1 500 000 visiteurs par année et réalise tout autant de prêts de livres. Au coeur du réseau, la bibliothèque Gabrielle-Roy, située au coeur de la ville de Québec, offre une grande variété de services qui ont contribué à faire sa renommée, j'oserais dire, presque internationale: le prêt d'oeuvres, la consultation de logiciels, la vidéothèque. De plus, elle réalise chaque année, via son secteur de manifestations culturelles, plusieurs expositions et plus de 300 activités reliées aux arts de la scène.

Depuis les 15 dernières années, les efforts concertés et soutenus des municipalités et du ministère des Affaires culturelles ont permis au Québec de sortir de son état de sous-développement dans le domaine des bibliothèques publiques. Aujourd'hui, près de 90 % de la population du Québec est desservie par le réseau des bibliothèques publiques. Derrière cette donnée statistique positive se cache pourtant une réalité moins étincelante. En effet, le réseau des bibliothèques publiques, bien que présent sur l'ensemble du territoire québécois, demeure fragile et anémique. Comparativement aux autres provinces canadiennes, le Québec se situe encore près du dernier rang lorsqu'on tient compte du nombre de livres, de prêts ou de bibliothécaires par habitant.

Si le rapport Arpin a reconnu l'importance du livre et de la lecture dans le développement

et la survie même de notre culture, il a malheureusement passé sous silence le rôle fondamental des bibliothèques publiques. Pourtant, L'Institut canadien avait cru que la Commission d'étude sur les bibliothèques du Québec en avait fait la démonstration. Depuis le dépôt du rapport de cette commission, en 1987, nous attendons toujours que le ministère fasse connaître ses orientations. La situation revêt maintenant un caractère d'urgence, puisque l'effet combiné de la réforme Ryan et de la diminution des subventions de fonctionnement risque non seulement de retarder le développement des bibliothèques, mais compromet sérieusement les acquis. Dans plusieurs municipalités émerge déjà le spectre des coupures de services et de la tarification.

Comme l'affirme le rapport Arpin, L'Institut canadien de Québec croit qu'une politique culturelle pour une société démocratique n'a de sens que si elle s'adresse à l'ensemble des citoyens. Or, les tendances prévisibles dans le secteur des bibliothèques publiques s'opposeront de plus en plus à ce principe d'accessibilité universelle. En 1990, 68 % des villes québécoises de plus de 10 000 habitants n'appliquaient aucune tarification à l'abonnement de la bibliothèque pour le résident. Dans l'ensemble des villes où l'abonnement est gratuit, on observait une participation moyenne de 37,9 %. Or, dans l'ensemble des villes qui appliquaient une tarification, cette moyenne ne dépassait pas 18 %. Même minime, une tarification en bibliothèque sera toujours perçue comme un ticket modérateur, une barrière à l'information et à la connaissance.

L'Institut canadien affirme que le développement et le maintien d'un réseau de bibliothèques publiques au Québec doit faire l'objet d'un véritable projet de société. À l'heure où le Québec prend conscience que son développement économique doit passer par la créativité et l'entrepreneurship de sa population, nous croyons qu'investir dans un réseau de bibliothèques, c'est aussi investir dans l'avenir. Parce qu'elle transcende la simple notion de loisir culturel, la mission des bibliothèques publiques doit donc demeurer une responsabilité a partager, au même titre que l'éducation. Le réseau des bibliothèques publiques, comme celui des salles de spectacles et des musées, doit participer au même titre que le système d'enseignement à élargir l'horizon culturel des Québécois. Dans certaines régions du Québec, une amorce de concertation s'est développée entre ces différents partenaires. Encore trop timide, cette forme de collaboration doit être encouragée et soutenue, car elle accélère la prise de contact avec le produit culturel et favorise la création.

Dans ce contexte, l'émergence, depuis 15 ans, d'un réseau de biliothèques publiques et de salles de spectacles apparaît comme l'un des éléments structurants d'une politique culturelle. Il aurait été souhaitable que le groupe-conseil accorde plus d'importance à cette dimension. Avant de mettre en place de nouvelles structures, tel que le propose le rapport Arpin, L'Institut souhaiterait que l'État cherche à arrimer celles qui existent déjà. Seule une vision globale de l'activité culturelle peut conduire l'État à envisager une telle orientation.

Dans l'attente que le processus visant à donner à la culture la place qui lui revient donne des effets tangibles, et pour combler les faiblesses identifiées dans le rapport Arpin au niveau de la formation culturelle des Québécois et de l'accès à la culture, nous suggérons qu'à court terme soit renforcé et élargi le mandat de formation et de diffusion culturelle des deux infrastructures réparties le plus largement sur le territoire québécois, soient les bibliothèques publiques et les salles de spectacles, et ce, en cohérence et en continuité avec les investissements déjà consentis dans ces secteurs. Je vous remercie.

Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie madame. Je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre. Vous avez la parole, madame.

Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie sincèrement. Votre témoignage est d'autant plus précieux qu'il vient, comme on le disait tantôt, d'un organisme qui existe depuis plus d'un siècle. De toute façon, vous nous disiez: Nous étions le ministère des Affaires culturelles, dans le fond, et vous avez raison. J'aimerais parler aussi un peu du fonctionnement, justement, de votre organisme. Vous gérez pour la municipalité, finalement, salle de concert et réseau de bibliothèques. C'est bien ça, si je comprend bien?

Mme Lelièvre-Bilodeau: Je vais laisser M. Payeur vous parler.

M. Payeur (Jean): Oui, c'est ça. En fait, L'Institut canadien est une corporation à but non lucratif qui administre pour la ville de Québec un réseau de bibliothèques publiques. En fait, il faut bien dire, pour faire juste un peu d'histoire, que L'Institut canadien, évidemment, exploitait, bien antérieurement à celui du réseau des bibliothèques publiques, une billiothèque privée pour ses membres. En fait, en 1848, quand est apparue la bibliothèque - on a parlé d'Octave Crémazie et du fondateur Plamondon - à l'époque, c'était une bibliothèque réservée aux membres.

Graduellement, au fil de l'histoire, la bibliothèque est devenue de plus en plus fréquentée par la population en général et, au tournant des années quarante, la ville de Québec a fait une proposition à L'Institut canadien. Elle a dit: Nous sommes prêts à investir dans ce réseau-là, mais laissez nos citoyens fréquenter votre bibliothèque. De fil en aiguille, de 1940, on pourrait dire, jusqu'à 1988, où il y a eu un

protocole formel d'entente signé avec la ville de Québec, qui liait les deux organismes, la bibliothèque privée est devenue tout doucement une bibliothèque publique. (17 h 15)

Mme Frulla-Hébert: Est-ce qu'il y aurait lieu, par exemple, de... Vous, vous avez, bon, une tradition, finalement, depuis le temps, mais est-ce qu'il y aurait lieu d'implanter un fonctionnement semblable dans d'autres municipalités? Ou, finalement, est-ce que c'est vraiment propre à Québec d'être capable de gérer ses choses?

M. Payeur: Je pense que, sauf erreur, il y a à peu près une dizaine de bibliothèques publiques au Québec qui sont gérées par des associations et des corporations privées. En fait, il y a un exemple dans la ville de Saint-Hyacinthe. Je crois qu'il y a une autre association semblable à la nôtre. Et c'est un peu aussi à l'image du modèle ontarien, à cette différence près que la corporation qui gère la bibliothèque de Québec est une corporation dont les membres du conseil d'administration sont élus en assemblée générale, alors que le modèle ontarien est plutôt, en fait, un modèle de "board" de gestion, où les gens qui participent au conseil d'administration sont des gens souvent nommés par la ville, par la municipalité et la communauté. Alors, il y a une différence entre le modèle ontarien et le nôtre, mais je pense qu'effectivement notre modèle pourrait facilement s'adapter dans plusieurs municipalités et donnerait ce qu'on appelle une autonomie de gestion intéressante aux bibliothèques publiques.

Mme Frulla-Hébert: Ça, c'est que je suis en train de penser... Vous m'ouvrez la porte sur le modèle ontarien. C'est un modèle presque idéal. Les bibliothèques, de toute façon, en Ontario, c'est une longue tradition et elles sont, finalement, beaucoup mieux équipées que les nôtres - ça, on en est très conscients - et beaucoup plus avancées dans le développement non seulement du réseau, mais dans le fonctionnement au niveau du réseau de bibliothèques. Mais en quoi, au niveau du Québec, par exemple, voyez-vous... Où est-ce qu'on pourrait améliorer pour en arriver là au niveau de la différence? Parce qu'en Ontario les municipalités sont très impliquées au niveau de leurs bibliothèques et ça fait partie aussi beaucoup de la tradition, ça fait beaucoup partie des moeurs. Mais, qu'est-ce qu'on peut faire pour se rendre jusque là, à part de dire: Oui, il faut que vous investissiez massivement, bon, et tout ça, mais encore au niveau du fonctionnement?

M. Payeur: Oui. En fait, on parle beaucoup de la mentalité. Il y a une habitude de lecture. Les pays anglo-saxons, de façon générale - il n'y a pas que l'Ontario, mais les États-Unis et l'Angleterre, en fait - la plupart des pays anglo- saxons ont une tradition de bibliothèques publiques. C'est, je dirais, entré dans les moeurs. Mais je pense qu'avant de miser sur une formule, en fait, de gestion ou de type d'administration, on doit d'abord susciter chez les Québécois l'habitude de la lecture. Je pense que si, à ce stade-ci, on essaie de faire voler de ses propres ailes le réseau québécois en trouvant différentes formules, on risque l'échec puisqu'il n'y a pas encore véritablement d'habitude de lecture d'ancrée au Québec. On est encore au niveau du développement. On a investi beaucoup, depuis les 15 dernières années, dans la structure, effectivement. Ça commence à donner des dividendes. Il commence à y avoir un début d'achalandage.

Nous, on peut dire qu'à Québec, en fait, depuis 15 ans, on observe qu'il y a un enracinement de la clientèle. Ce n'est pas le cas dans la plupart des municipalités. Ça demeure très fragile. Au niveau des collections, si on touche un tant soit peu à la qualité des services offerts, on sent une désaffection de la part du public. Je dirais qu'on est dans ce qu'on appelle un point, une zone de transition très importante actuellement. Moi, je peux dire: Je l'ai vu, le développement. Je suis sorti de l'école de bibliothécono-mie, il y a 13 ans, et j'ai vu le développement à peu près sur toute sa ligne puisque, il y a à peu près 13 ans, les bibliothèques publiques au Québec, ce n'était rien. Le réseau de la bibliothèque de Québec, il y a 13 ans, s'il faut s'y rapporter, c'était un sous-sol, en fait, d'une église et quelques succursales à l'intérieur de centres paroissiaux. Aujourd'hui, il faut voir ce que c'est. Il faut voir aussi que l'habitude de lecture a été longue à obtenir de la part des gens. Je pense que, avant de créer des structures qui remettent dans les mains, en fait, des citoyens la gestion de ces réseaux-là, il y a encore des étapes à franchir. Il me semble que c'est prématuré à ce stade-ci. C'est peut-être souhaitable qu'on arrive au modèle ontarien, qu'on laisse un petit peu plus d'autonomie à des instruments de gestion, mais on n'est pas encore rendus, à ce stade-ci... On est encore...

Mme Frulla-Hébert: Vous m'encouragez au moins quand vous dites qu'il y a des réseaux, il y a 13 ans... Parce qu'on n'y pense pas. On ne pense pas à ce qu'on avait l'air il y a 30 ans. On a tellement à faire qu'on dirait qu'on veut tout récupérer, que ce soit en patrimoine, que ce soit, finalement, dans les arts vivants, que ce soit au niveau du réseau de diffusion, au niveau des bibliothèques; on a tellement de rattrapage à faire. Ceci dit, je pense que je vais laisser la parole à ma collègue et, s'il y a quelque chose, je reprendrai.

Le Président (M. Gobé): Alors, Mme la députée de Châteauguay. Nous sommes...

Mme Cardinal: Merci, M. le Président. Je

voudrais quand même vous féliciter pour votre rayonnement depuis tant d'années, surtout que vous avez gardé votre dynamisme, et ça, c'est fort encourageant.

Dans votre mémoire, en page 3, vous mentionnez: "Le goût de s'exprimer ou de "consommer" doit donc être développé en renforçant chaque élément possédant un potentiel évolutif, de l'école jusqu'aux lieux de diffusion professionnelle et de la région jusqu'au rayonnement international." Est-ce que vous voyez, vous, cette implication dès le départ, au primaire, dans la formation, d'encourager nos jeunes, premièrement, comme vous l'avez si bien mentionné, à la lecture, à la culture? Parce que je pense qu'on tend maintenant davantage à considérer, peut-être même le niveau secondaire, le niveau cégep et même universitaire. Alors, de quelle façon voyez-vous l'implication de l'école quant à la formation dès le niveau primaire?

Mme Lelièvre-Bilodeau: On pourrait peut-être demander à M. Mino de répondre à cette question-là.

M. Mino (Pierre): Bien, on ne s'est pas vraiment penchés... On n'est pas des spécialistes du milieu scolaire. Mais ce qu'on a voulu dire, c'est qu'un des problèmes qu'on ressent actuellement, c'est un peu le manque de cohérence dans les interventions du gouvernement ou des Affaires culturelles sur les différentes étapes. Alors, on est d'accord avec ce que dit le rapport Arpin. Il faut qu'à l'école, déjà, on forme un public plus cultivé, plus sensible à la culture. Mais il faut aussi qu'en toute cohérence on forme des gens, des artistes dans une autre étape, qu'on les aide de façon tout aussi cohérente à la création et à la production et qu'on aille jusqu'à la diffusion régionale, provinciale, internationale. Actuellement, nous sentons une faiblesse, parce que c'est notre spécialité, au niveau de la diffusion. Particulièrement, c'est de ça qu'on a traité entre nous et non pas du problème scolaire. On est d'accord quant à cette démarche-là. Nous ne sommes pas des spécialistes cependant de ce secteur-là. Mais ce qu'on souhaite plutôt, c'est qu'au niveau de la diffusion il y ait un renforcement.

Tout à l'heure, vous avez entendu le Théâtre de la Marmaille qui témoignait de sa difficulté à circuler au Québec dans une petite population de quelques millions d'habitants. Effectivement, c'est ce problème-là: la diffusion est très faible. Et ce qu'on revendique par cette expression-là, c'est un peu une intervention cohérente dans toute la chaîne de ce qui constitue la vie culturelle. Donc, à partir de l'école, de la formation des artistes dans la création, mais aussi dans la diffusion.

La Marmaille mentionnait qu'en Europe les cachets sont trois ou quatre fois ce qu'on donne au Québec, mais la raison, c'est que la structure est différente aussi en Europe. Le diffuseur est beaucoup plus présent dans la vie artistique. Mais là, je ne voudrais pas faire un combat entre: Va-t-on donner aux créateurs ou aux diffuseurs? Ce qu'on revendique, c'est plus une vue d'ensemble d'un système et une vue équilibrée et cohérente. C'est évident que, depuis quelques années... J'ai été sept ans sur les jurys des Affaires culturelles. J'ai été depuis le début au conseil de la culture de Québec et j'ai vu des artistes et le lobby des artistes se manifester et, bien sûr, ces gens-là, s'ils n'ont pas de subsides, sont pris dans des situations un peu comme celle que nous décrivait le Théâtre de la Marmaille. Cependant, le lobby est beaucoup moins fort au niveau de l'Éducation, qui ne joue pas encore tout à fait le rôle qu'il pourrait jouer au niveau du développement de la culture. Et au niveau des diffuseurs aussi, il y a des problèmes. Mais peut-être que ce qu'on attendrait d'une politique, s'il n'y a qu'une chose, ça serait au moins cette cohérence d'intervention dans l'ensemble des éléments.

Mme Cardinal: Dans une meilleure incidence de coordination dans l'ensemble des programmes, et d'incitation au niveau de la diffusion et de la formation.

M. Mino: À tous les niveaux. Mme Cardinal: À tous les niveaux.

M. Mino: Bien, c'est-à-dire que le ministère des Affaires culturelles finance peut-être actuellement quelque chose comme 300 - je ne suis pas un spécialiste des chiffres du ministère - ou 325 groupes. Il n'y en a pas 25 qui font plus de 10 salles au Québec. Ça, c'est un problème. C'est peut-être parce que la diffusion ne joue pas tout à fait son rôle ou n'est pas tout à fait soutenue en fonction de ça.

Mme Cardinal: Merci.

Le Président (M. Gobé): Vous avez terminé, madame? Alors, je vais maintenant passer la parole à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Je ne vous poserai pas, Mme Bilodeau, M. Payeur et M. Mino, de questions sur l'état des bibliothèques. Quand je suis arrivé ici, j'ai assisté aux coupures. J'ai visionné cinq ou six fois "Farhenheit 451", de Truffaut, et je sais qu'on s'en rapproche grandement. La solution n'est pas compliquée, c'est: II faut un plan Vaugeois 2. Sinon, on ne s'en sort pas au niveau des bibliothèques, et on aura le triste record d'avoir été battu par Terre-Neuve. La fierté nationale va en prendre un coup. Et Rivière-des-Prairies, effectivement... Je vais être solidaire du président de la commission qui, lui, a encore un

vieux bibliobus qui ressemble, vous rappelez-vous, aux stands à patates frites de notre adolescence.

Le Président (M. Gobé): C'est vrai. En plein centre de Montréal.

M. Boulerice: En plein centre de Montréal. Dans votre mémoire, vous dites que le rapport Arpin accorde une trop grande importance au rôle de l'État. Pourquoi?

Mme Lelièvre-Bilodeau: Jean, je te laisse la parole.

M. Payeur: On sent que, dans le rapport Arpin, de toute façon, on mise beaucoup sur la structure. Nous, on dit, en fait: La culture ne se décrète pas; la culture apparaît dans la société et doit être défendue, supportée par les organismes du milieu. C'est ce qu'on déplore un petit peu du rapport. Quand on dit qu'on aurait aimé voir, dans le rapport, une approche systémique, c'est que la culture, en fait, c'est appareillage à une chaîne écologique, si on veut. On a différents aspects, de l'école jusqu'à la diffusion. On doit faire évoluer à la fois les clientèles et faire évoluer les créateurs. Tout ça doit se faire à tous les niveaux de l'intervention. Si on avait aimé voir le développement d'une structure, c'aurait été plutôt à ce niveau-là. On aurait aimé voir ça transparaître dans le rapport. Malheureusement, c'est encore plus un positionnement de l'État que vraiment de voir apparaître une structure ou de reconnaître que les différents organismes forment entre eux une structure.

M. Boulerice: Vous parlez de la nécessité d'un meilleur arrimage entre les composantes du réseau actuel - bibliothèques publiques, salles de spectacles - avant de créer, justement, de nouvelles structures. Les problèmes d'arrimage du réseau, ce sont lesquels?

M. Payeur: Je laisserais peut-être Pierre...

M. Mino: Par exemple, avec le ministère de l'Éducation, actuellement, à cause de la loi 147, on ne peut pas contacter les commissions scolaires pour leur faire part des activités, des manifestations culturelles que l'on tient. Par exemple, je suis dans une région, je fais venir l'Orchestre symphonique de Trois-Rivières, mais je voudrais organiser des activités scolaires en dehors du cadre scolaire, informer la population que Je ferai une matinée, etc. La commission scolaire, pour l'instant, ne collaborera pas avec moi parce qu'elle a des règles strictes de fonctionnement. L'arrimage n'est pas fait. Pourtant, le diffuseur aura fait l'effort de faire venir l'Orchestre symphonique de Trois-Rivières et il n'aura pas ça. Alors, disons qu'avec le ministère de l'Éducation, c'est un exemple, il y a des démarches à faire pour se servir des ressources du milieu, par exemple. Mais ça s'applique à tous les éléments. Quand on dit: se servir des bibliothèques, se servir davantage des diffuseurs, effectivement, c'est tout ça.

M. Boulerice: J'avais dit que je ne vous parlerais pas... Ce n'est pas la fatigue, c'est aussi un petit peu le désespoir. Parce que vous savez que je suis, pour employer l'expression européenne, assez "branché" avec les directeurs de bibliothèques... Pardon?

Mme Cardinal: Soyez optimiste.

M. Boulerice: Ah, mais madame, quand on a...

Mme Cardinal: Ce n'est pas en étant dépressif...

M. Boulerice: ...assisté aux millions de coupures que votre gouvernement a faites dans le réseau des bibliothèques publiques - des millions, madame - je vous avoue que l'optimisme n'est pas de rigueur pour le moment.

Le rapport Arpin propose une vision qui est assez limitée du rôle des bibliothèques. Ça, je suis d'accord avec vous. Le rattrapage de ce secteur, qui est nécessaire pour faire des bibliothèques un véritable intervenant culturel de première ligne, ce serait quoi? Parce que la bibliothèque, dans presque 90 % des municipalités au Québec, c'est la maison de la culture. C'est l'endroit culturel, point, dans 90 % des villes du Québec.

Mme Lelièvre-Bilodeau: C'est sûr que nous croyons énormément à l'effet synergétique de nos services. Les enfants qui fréquentent notre bibliothèque aujourd'hui, ce sont nos usagers de demain. C'est aujourd'hui qu'ils peuvent découvrir le goût de venir chez nous. Les gens qui viennent à nos spectacles, à nos expositions, ce ne sont pas nécessairement des gens qui ont l'habitude de fréquenter nos bibliothèques. S'ils sont attirés chez nous par un spectacle ou une exposition, ils peuvent découvrir toutes les richesses qu'on possède et avoir le goût. Alors, c'est important pour nous de pouvoir offrir des services polyvalents. C'est une façon, si vous voulez, d'aller chercher les gens dans ce qui est important pour eux. Jean, as-tu des choses à ajouter? (17 h 30)

M. Payeur: Juste pour un petit peu aller dans le sens de votre interrogation. Si vous questionnez, par exemple, les gens de Québec ou les gens de n'importe quelle ville au Québec et que vous leur demandez: Quelle est la principale intervention de votre ville en matière culturelle? ils vont vous répondre tout naturellement: La bibliothèque. On donnait tout à l'heure des chiffres; dans beaucoup de municipalités où il n'y

a pas de tarification, il y a environ de 35 % à 37 % de la population qui participe. Si vous comparez ça à n'importe quel autre type d'activité de loisir, ou d'activité communautaire, vous dépassez, en fait, ces quotas-là de beaucoup. J'ai vu récemment des chiffres de l'IQOP. On avait fait une enquête qui a été menée par le Service des loisirs de la ville de Québec sur les habitudes de loisirs à Québec; dans la plupart des secteurs, on se rend compte que la bibliothèque dépasse de loin toutes les autres activités confondues: piscine, aréna, piste cyclable. La bibliothèque est toujours au premier rang.

Quand on parlait tout à l'heure de la fréquentation des bibliothèques publiques et de l'état de pauvreté des bibliothèques dans l'ensemble du Québec, moi, ma principale préoccupation, c'est de me rendre compte, finalement, que, dans beaucoup de municipalités, ce sont les services de loisirs qui administrent les bibliothèques publiques et on se rend bien compte que, pour eux, ce n'est que la dimension du loisir culturel ou de l'activité communautaire qui est vraiment prise en compte. On néglige... On n'a pas de vision généralement, à part les grands centres peut-être, mais, je dirais, dans 80 % des municipalités du Québec, on ne reconnaît qu'un mandat de loisir culturel aux bibliothèques publiques. Je dirais que c'est le principal vice de forme actuellement, ou la principale préoccupation des bibliothécaires au Québec actuellement, c'est ça, c'est de se faire reconnaître un autre mandat que celui du loisir culturel, entre guillemets, alors qu'on a bien d'autres dimensions. À mon avis, le rôle des bibliothèques publiques est tout aussi important que celui de l'éducation permanente.

M. Boulerice: J'ai une dernière et brève question à vous poser, mais, en pensant à la formuler, j'ai peur que vous me répondiez: Mais, M. Boulerice, vous êtes en train de faire de la futurologie. C'est vrai que c'est une science d'avenir, la futurologie. Vous savez, par exemple, quand on est à Paris, on prend le Minitel, on compose sur le clavier et on est branché avec la bibliothèque du XXe arrondissement et on peut voir si le dernier roman - et vous me permettrez d'être égoïste, de prendre un auteur nouvellement québécois qui habite ma circonscription - si le dernier roman d'Yves Navarre est disponible à la bibliothèque, disons, du XXe arrondissement, métro Saint-Fargeau. Vous allez me dire: Bien oui, c'est beau, mais dans l'état où on est, nous, on n'a même pas pensé cinq secondes à cela. Mais est-ce que déjà, dans le milieu, on commence à s'interroger? En plus du retard qu'on a au niveau de l'implantation des bibliothèques... Puis, attention, notre Minitel s'en vient, ça s'appelle Vidéoway; c'est ça qui va être notre Minitel à nous, les Québécois. Oui, il y a les problèmes d'acquisition de volumes récents, les taxes qui s'ajoutent, diminution... Les municipali- tés viennent d'être délestées. Je veux dire, là, c'est l'abri nucléaire actuellement... Est-ce qu'on a déjà commencé à réfléchir, au niveau des bibliothèques, à l'introduction des nouvelles technologies, et dans quelle mesure on n'est pas en train de se placer dans un état tel que ces nouvelles technologies qui sont là, bien, à nous, malheureusement, ne nous seront pas utiles?

M. Payeur: Je vous dirais, au risque de vous étonner, que la bibliothèque de Québec avait fait une étude de faisabilité, il y a cinq ans, sur le jumelage d'une banque de données avec le système Minitel, à l'époque. Parce que vous vous rappelez que Minitel a failli s'implanter au Québec.

M. Boulerice: II a failli, oui.

M. Payeur: Bon. Ensuite, on a fait des démarches, qui ont été un petit peu plus loin, avec Bell Canada, avec le système Alex qui, malheureusement, ne viendra pas à Québec - ce n'est pas pour demain - et on a étudié aussi, mais on n'a pas de démarches entreprises formelles avec Vidéoway. Bien sûr, pour des raisons budgétaires, on doit ignorer ces orientations-là. Si on avait un projet d'ensemble... C'est ce qu'en fait on espère avec l'apparition d'une étude sur l'informatisation, une étude qui vient d'être publiée par le ministère des Affaires culturelles, en collaboration avec l'ADIBIPUQ. Cette étude préconise, entre autres, l'instauration de réseaux régionaux. En fait, une des principales recommandations va dans ce sens-là, et nous, on l'appuie énormément. Évidemment, pour l'instant, cette étude-là ne va pas au-delà de ce qu'on appelle l'échange informatique à l'intérieur de réseaux structurés et ne fait pas encore appel à la notion de ce qu'on appelle la télématique grand public, comme dans le cas de Minitel, c'est de la télématique grand public. Nous, on y voit cependant, au niveau local... Le COBIPUQ, le Comité des bibliothèques publiques de la région de Québec, s'est déjà penché sur la question dans un sens d'économie: Est-ce qu'il n'y aurait pas quelque part la possiblité d'échanger ou de voir ce que le voisin a, via ces systèmes-là, ou d'orienter le public? Mais tout ça suppose au préalable qu'il y ait des ententes intermunicipales qui permettent l'échange de documents. On est loin encore de cette dimension-là. Je vois l'intérêt d'un système comme Vidéoway, mais à la condition qu'à l'intérieur d'une région donnée on puisse se donner des instruments d'échange et, évidemment, avec les contentieux qui existent souvent dans certaines régions, il est difficile d'en arriver à des consensus.

Le Président (M. Gobé): Merci. M. le député.

M. Boulerice: Oui, je sentais que la guil-

lotine était pour tomber. Alors, Mme Bilodeau, M. Payeur et M. Mino, merci de votre présence, et en espérant que L'Institut canadien ne sera pas le dépositaire de la dernière copie de la cassette, piratée peut-être, de Fahrenheit 451.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député. Mme la ministre, un bref merci?

Mme Frulla-Hébert: Oui. Pour encourager mon collègue député, que j'aime bien, on a quand même mis 45 000 000 $ en investissements immobiliers et on rejoint 88 % de la population; 24 000 000 $ de fonctionnement. Il reste à faire, mais vous êtes plus encourageant. Il faut lui remonter le moral.

M. Boulerice: Rivière-des-Prairies. Ha, ha, ha!

Mme Frulla-Hébert: Oui, et on va aider le député à en avoir une - parce que je pense que c'est urgent - à Rivière-des-Prairies. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Frulla-Hébert: Ceci dit, le rapport Sauvageau, évidemment, tout est prêt, c'est qu'il faut s'asseoir avec les municipalités, à une table Québec-municipalités.

M. Boulerice: ...la chaise, ils ne peuvent plus s'asseoir. Ha, ha, ha!

Mme Frulla-Hébert: Non, non. Mais pas avec le ministère, c'est parce qu'ils nous ont dit, au contraire, les municipalités qui sont venues ici sont très très dynamiques.

Le Président (M. Gobé): Madame a la parole.

M. Boulerice: Non, mais c'est votre "chum", là, qui a tout fait ça.

Mme Frulla-Hébert: Non, les municipalités sont ici. Elles ont présenté un visage très dynamique, d'ailleurs, de leur volonté au niveau culturel, évidemment, avec une promesse de non-délestage, ce qui n'est pas du tout notre intention. Ceci dit, c'est sûr qu'aussitôt qu'on pourra s'asseoir, et on le prévoit vers la fin de novembre, avec les municipalités, c'est une priorité. D'ailleurs, c'est tout là, c'est tout prêt. Alors, merci de votre apport.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie. D'ailleurs, madame, pour vous connaître depuis quelques années maintenant, je dois dire qu'en effet la culture, ça vous intéresse, ça vous concerne. Et je dois dire que je ne me sens pas du tout menacé dans aucun acquis culturel tant que vous serez à ce ministère, car votre manière de défendre les dossiers est assez vive et décidée que je ne vois pas qui oserait s'y frotter.

M. Boulerice: Les budgets maintenant. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): Ceci étant dit, je vous remercie beaucoup d'être venus devant nous et cela met fin à votre intervention. Vous pouvez maintenant vous retirer. Je vais demander aux représentants du Centre de musique canadienne, soit le groupe suivant, de bien vouloir venir prendre place en avant et nous allons commencer la présentation.

Centre de musique canadienne au Québec

Bonsoir, mesdames. Mme Anne Lauber, vous êtes la présidente?

Mme Lauber (Anne): C'est ça. Le Président (M. Gobé): Bonsoir. Mme Lauber: Bonsoir.

Le Président (M. Gobé): Vous êtes accompagnée par Mme Mireille Gagné, directrice du Québec. Est-ce exact?

Mme Gagné (Mireille): Oui, c'est ça.

Le Président (M. Gobé): Bonsoir, madame.

Mme Gagné: Bonsoir.

Le Président (M. Gobé): Vous pouvez maintenant commencer votre présentation. Vous avez une quinzaine de minutes et le temps qu'il restera sera utilisé par les députés présents. Vous avez la parole.

Mme Lauber: M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, j'aimerais tout d'abord vous remercier, au nom de Mme Gagné et de moi-même, de l'occasion que vous nous donnez aujourd'hui de nous exprimer devant vous. Dans un premier temps, pour faire un résumé rapide de ce qu'est le Centre de musique canadienne, plutôt que de lire le mémoire, j'aimerais aller droit au but, c'est-à-dire vous donner un aperçu de notre travail dans les grandes lignes.

Le Centre de musique canadienne a un double mandat: celui, d'une part, de sauvegarder le patrimoine, c'est-à-dire les manuscrits de nos compositeurs, et celui plus dynamique de promouvoir la musique québécoise. J'aimerais tout de suite faire une distinction importante: quand je parle de musique canadienne et de musique québécoise, il s'agit de la musique dite de concert ou de la musique dite sérieuse - je

n'aime pas beaucoup ce terme - disons, musique de concert. Nos besoins sont très différents de la musique plus populaire, qui est une musique de divertissement. Nos problèmes ne sont pas les mêmes, nos besoins ne sont pas les mêmes non plus. Alors, c'est bien de cette musique-là que je parle. Depuis 1953, nous avons senti ici le besoin de mettre nos efforts en commun. Les compositeurs ont voulu se regrouper pour aider à promouvoir leurs oeuvres, parce que nous n'avons pas d'agent, nous n'avons pas, non plus, de maison d'édition. En 1959, le Centre de musique canadienne a vu le jour à Toronto, le national, et, en 1973, grâce à une subvention du ministère des Affaires culturelles, le Centre de musique canadienne a vu le jour au Québec. Depuis, évidemment, nous avons grandi. Plusieurs de nos compositeurs sont reconnus aux États-Unis, à l'étranger, en Europe, un peu partout. Il y a un grand rayonnement. Mais, depuis 1985, beaucoup de nos projets n'ont pu voir le jour à cause des coupures budgétaires. Donc, je pense qu'il est vraiment temps de se pencher sur le problème de cette musique et sur les difficultés que nous rencontrons et d'établir une politique générale sur la culture qui soit basée sur l'excellence et qui représente nos créateurs ici au Québec.

Je voudrais passer la parole à Mme Gagné qui vous expliquera un peu mieux que moi les détails.

Le Président (M. Gobé): Allez-y, Mme Gagné, vous avez la parole.

Mme Gagné: Merci. Je crois qu'on est ici, d'une part, parce que, entre autres, on est bien d'accord avec la démarche entreprise par le ministère des Affaires culturelles. Moi, ce qui m'a plu lorsque j'ai lu le rapport Arpin, c'est évidemment le premier chapitre, la création. Ça ne veut pas dire que c'est nécessairement la première priorité qui sera élue du fameux chapeau dans lequel il y a peut-être 75 priorités, mais, en tout cas, j'étais heureuse de voir ce terme-là. Et, évidemment, nous sommes relativement d'accord avec les cinq propositions qui concernent le chapitre de la création.

Mais j'aimerais quand même, même si on parle de création, et surtout à cause de la création en musique, c'est-à-dire la composition musicale, j'aimerais quand même redire une chose qui, d'après nous, ne semble pas encore tout à fait comprise, c'est-à-dire que la création, dans le domaine des arts d'interprétation, précède tout acte artistique. Lundi soir dernier, lors de la remise des Prix du Québec, Gilles Tremblay, compositeur de musique d'avant-garde qui a reçu ce prix d'excellence de la part du ministère, a signalé cette chose et, évidemment, nous surenchérissons là-dessus. Donc, pour bien établir ce principe que la création précède l'acte artistique, l'interprétation, il faut faire certains pas pour reconnaître l'importance de la création.

En musique, la création musicale est donc ensevelie dans la section des arts d'interprétation et, entre autres, les compositeurs ont accès à un programme qui s'intitule Soutien à la pratique professionnelle. Où est le mot "création" dans ça? Où est le mot "composition"? Il est fort loin et ça permet justement, je ne veux pas dire des abus, mais ça permet quand même des glissades ou des attributions de subventions à des projets qui ne sont pas nécessairement spécifiquement de création. Or, ce que nous considérerions comme premier pas à faire, ce serait de sortir la création musicale, pour ne pas avoir l'air trop égoïste et dire: Bien, faites un programme juste juste juste pour la création musicale, quoique ça se fasse au niveau du Conseil des arts du Canada... Mais, si ça semble trop compliqué à administrer, il serait important que toutes créations - le rapport Arpin le dit, la création, c'est pluriel: il y a de la création en littérature, en chorégraphie, en cinéma, donc en musique aussi... Alors, peut-être réaménager les programmes du ministère pour faire en sorte que tout travail ou toute demande de la part des artistes au niveau de la création soit inclus dans un programme spécifiquement réservé à la création. (17 h 45)

Deuxième pas, je souligne encore l'intervention de M. Gilles Tremblay, lundi soir dernier. Il disait: Le gouvernement du Québec n'a pas de programme officiel de commandes aux compositeurs. Or, ça fait plusieurs fois, dans plusieurs mémoires, que le Centre de musique canadienne au Québec recommande que lors d'événements officiels, lorsqu'il y a des inaugurations d'édifices, enfin, des activités d'envergure nationale et internationale, il y ait des commandes officielles, au même titre qu'on peut commander une oeuvre artistique picturale ou sculpturale pour inaugurer un édifice ou qu'on peut commander aussi, parfois, des musiques, mais, enfin, plutôt rarement et même quasiment jamais, dans le domaine de la musique de concert, comme notre présidente vous l'a souligné. Il faudrait aussi, évidemment, établir un programme de commandes à longueur d'année, pour permettre un appui plus sérieux aux compositeurs qui ont besoin... enfin, qui vivent de ça. Ce ne sont pas tous les compositeurs qui enseignent dans les universités ou dans les conservatoires. Alors, ceux qui ne vivent que de création, eh bien, ce n'est pas une petite commande à 5000 $ par année qui peut permettre, n'est-ce pas, de vivre décemment. Et aussi, apporter une attention particulière... Parce que ça arrive fort souvent que ces compositeurs reçoivent des commandes d'organismes internationaux. Alors, il serait important d'encourager ce domaine-là pour permettre aux compositeurs d'avoir un rayonnement, pas seulement au pays, mais aussi à l'étranger.

Troisième pas à faire, il faudrait, évidemment, donner, vous le comprendrez, du temps et des sous aux compositeurs pour leur permettre de

réfléchir, de chercher et d'écrire leurs oeuvres, au même titre que le domaine des industries encourage... La plupart des grandes industries, des grandes compagnies ont un secteur recherche qui leur permet d'aller plus loin dans l'excellence et dans la qualité des produits qu'elles veulent offrir à la population. Donc, ce serait un petit peu la même chose: considérer la création comme un acte à la fois de recherche, de découverte, une manière de nous distinguer, une manière de nous aider à nous sortir de l'anonymat, une manière aussi de promouvoir l'art musical du Québec.

Évidemment, le saupoudrage, ça, c'est un des graves problèmes; donner 5000 $ à un compositeur pour écrire une oeuvre et, après, il n'y a pas d'argent pour recopier l'oeuvre. Si c'est une oeuvre pour un orchestre symphonique qui compte 100 musiciens, chaque musicien doit avoir sa partition, et ça, ça coûte des sous et, souvent, il n'y a pas d'argent pour ça. Alors, le compositeur dort, en plus, réécrire chacune des partitions. Ça demande un temps fou et il n'est pas payé pour ça. Donc, il faut aussi faire attention, lorsqu'on accorde une commande, qu'on inclue à la fois l'argent pour la créer et aussi la mettre sur un support de diffusion nécessaire.

Donc, une reconnaissance officielle est essentielle de la part du ministère des Affaires culturelles parce que la musique d'avant-garde, c'est une aventure risquée, on l'a entendu de la part de la Brasserie Molson O'Keefe, quoiqu'elle ait déjà donné des subventions, des dons, mais ce n'est pas une aventure qu'en général le secteur privé aime entreprendre. Donc, pour nous, le fait qu'il y aurait une reconnaissance officielle de la part du ministère et du gouvernement en général constituerait une sorte d'appui, aurait sûrement un effet d'entraînement auprès de ce secteur privé qui se sent parfois mal outillé pour dire: Bien, oui, O.K., on s'embarque dans cette aventure-là, parce que, bon, il ne sait pas ce qu'il pourrait en ressortir. Ce serait une sorte de garantie d'excellence et de qualité si notre ministère, évidemment, appuyait de façon très nette la création. Il faudrait aussi travailler énormément à la création d'incitatifs fiscaux sérieux, intéressants, spécifiques au domaine de la musique d'avant-garde ou, enfin, même de tout le secteur de l'avant-garde, pour inciter ces compagnies-là, qui sont plus craintives, à s'engager, comme je le disais, dans ce domaine. Il faut aussi, quatrième pas, donner des outils efficaces pour la promotion et la diffusion de ces oeuvres artistiques, de ces oeuvres musicales, dont le Centre est un outil.

Alors, je pense que notre présence vous a fait comprendre que c'est important de soutenir le Centre pour nous permettre d'aider à promouvoir les oeuvres des compositeurs. Au niveau du disque, c'est un outil primordial. Aujourd'hui, les chefs d'orchestre, les musiciens n'ont pas grand temps, ils regardent la partition, et ce n'est, évidemment, pas toujours un langage aussi facile à lire qu'une partition de Beethoven que ça fait 150 fois qu'ils jouent, la musique contemporaine, c'est un petit peu plus délicat à lire. Alors, avoir un support sur disque pour les aider à apprivoiser ou à comprendre cette oeuvre-là, c'est essentiel. L'édition musicale, il y a très peu de choses aussi qui se font dans le domaine de l'édition musicale. Il y a peu de compagnies qui osent se risquer dans ce domaine-là parce que ce n'est pas payant. On a aussi besoin de l'appui d'agents spéciaux de promotion qui nous aideraient à promouvoir notre musique ailleurs. Aussi, un autre domaine très important, les médias. On a besoin, on ne peut pas vivre sans les médias, et nous sommes quasi absents... Au niveau radio, ça peut aller, mais au niveau télévision et vidéo, nous n'avons pas accès à ces médias.

Priorité, oui, à la création, mais aussi à l'éducation. Nous avons mentionné dans notre mémoire l'importance de développer un dialogue entre le ministère de l'Éducation et le ministère des Affaires culturelles. Il est absolument urgent... S'il y a une baisse d'assistance aux concerts, s'il y a une baisse d'assistance ou d'intérêt aux arts en général, c'est, entre autres, parce que les jeunes du primaire, même de la maternelle, si vous voulez, ne sont pas sensibilisés, n'ont pas accès à toutes sortes de formes d'art. Donc, c'est absolument important qu'il y ait une commission permanente interministérielle entre ces deux ministères et qu'il y ait des consensus d'établis, qu'il y ait une collaboration, un partenariat, qu'on s'entende sur des projets et qu'on ne les fasse pas juste pour deux ans ou trois ans, mais qu'ils soient vraiment maintenus à long terme.

L'action internationale, bien sûr, elle est essentielle. Le rayonnement de la musique québécoise au Canada, ça ne va pas si mal, mais il faut aussi développer, il faut sortir de notre cour, il faut absolument qu'elle soit mise sur la scène internationale.

Donc, en conclusion, nous avons besoin d'un énoncé non équivoque pour la culture et les arts principalement. C'est un élément essentiel de la société et nous voyons ça d'un très bon oeil que ça devienne le quatrième pilier de notre société, c'est-à-dire avec l'économique, le politique et le social. Il faudra, avec cet accord de principe, que cela s'incarne dans un déblocage de fonds substantiels pour intégrer l'art à toutes les étapes de la vie. Évidemment, le soutien politique et économique devra faire preuve de souplesse, d'ouverture, si possible sans attaches, pour permettre une grande liberté à la création. Et il faudra aussi essayer de voir à sortir les arts du ballottement, d'une élection à l'autre. C'est très difficile de faire de la planification, de faire du développement lorsque, comme je vous le disais, un programme dure trois ans et, au bout de trois ans, on n'y a plus accès. Donc, ce serait important pour nous, pour nous permettre une meil-

leure planification à court et moyen terme. Et, donc, en finale, nous avons besoin d'un ministère fort qui puisse aller parler pour nous, et aller chercher les sous qu'il nous faut. Merci.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, madame. Cette question s'adresse directement à Mme la ministre, et c'est la meilleure personne pour y répondre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Lauber, Mme Gagné. Ça nous fait plaisir de vous avoir ici. Vous avez été très patientes d'ailleurs; vous avez été avec nous pour toute la partie, enfin, une bonne partie de l'après-midi.

En conservant les manuscrits originaux, votre centre contribue à bâtir un patrimoine musical du Québec, d'une part, et nous vous en remercions, et aussi, vous agissez au niveau de la promotion de toute cette musique contemporaine. Je veux en venir à cette musique-là parce que, effectivement, quand vous... Au niveau des écoles, par exemple, au niveau de l'éducation, vous disiez que c'est très très important d'entrer dans le réseau de l'éducation. C'est vrai que les médias, par exemple, vous couvrent. Bon, il y a Radio-Canada qui va vous couvrir, niais, finalement, les grands médias populaires ne vous couvrent pas. Alors, comment on fait? Parce que ce n'est pas évident, non plus. C'est une musique qui surprend. C'est une musique qu'il faut apprendre à connaître et à apprivoiser. Alors, comment faites-vous, finalement, pour, justement, travailler à la promotion de cette musique-là?

Mme Lauber: J'aimerais répondre à ça parce que, en tant que compositeur, je suis confrontée moi-même à ce genre de musique. Tout d'abord, il y a une chose importante dont il faut tenir compte, c'est qu'on a trop tendance, et c'est dommage, à tout mettre dans le même panier. C'est vrai que cette musique est difficile d'accès, mais c'est surtout vrai qu'elle est très diversifiée et les gens ne le savent pas. Il y a des musiques difficiles et il y a des musiques faciles d'accès. Je ne citerai pas de noms, mais il y a certains compositeurs qui écrivent dans un langage très traditionnel et d'autres qui sont beaucoup plus avant-gardistes. Alors, il faut faire une grande distinction et le grand public n'est pas au courant.

En ce qui concerne l'éducation dans les écoles, j'ai moi-même participé une fois, par intérêt, à une classe d'immersion française à Ottawa. C'étaient des enfants surdoués, de 10 ans, et j'ai fait des tests avec ça, justement. Alors, je leur ai fait entendre différentes sortes de musique et, pour certaines musiques, la première réaction était vraiment surprenante. Ils trouvaient que c'était du bruit. Ils trouvaient que c'était drôle. Ils trouvaient que ce n'était pas de la musique. Et, après l'avoir réécoutée, après avoir expliqué comment c'était fait, ils aimaient ça. Ils ont compris aussi qu'il y avait différentes sortes de musique. Et même ces enfants-là, à la fin du cours, ont commencé à composer eux-mêmes paroles et musique en inventant leurs propres instruments de musique avec des cartons, avec toutes sortes de choses. Donc, pour faire connaître cette musique, je pense qu'il faut d'abord faire comprendre qu'elle n'est pas toute pareille. Elle est très différente.

Mme Frulla-Hébert: Oui, je pense que ça, c'est la base parce que, si je ne me réfère, finalement, qu'aux spectacles que nous avons eus ou, enfin, à la pause musicale que nous avons eue, lundi, par exemple, il y avait une variété. L'oeuvre de Gilles Tremblay était plus difficile comparativement à d'autres. Alors, on a vu cette variété-là et, effectivement, les gens sont plus ou moins au courant. Ce qui m'amène à la proposition, quand vous dites le programme du 1 % dans la politique d'intégration - et M. Tremblay en a parlé d'ailleurs en disant: II faudrait, finalement, qu'on commande des oeuvres de la même façon qu'on le fait automatiquement au niveau des arts d'architecture. Expliquez-moi donc un peu comment vous voyez ça? Au niveau des Olympiques, par exemple, je me souviens, en 1976, l'oeuvre était commandée. Pour le 350e, non...

Mme Gagné: Oui, c'est une commande, mais enfin...

Mme Frulla-Hébert: Oui, d'accord, mais je parle des grands événements. Le 350e de Montréal, supposément, il y a une oeuvre de commandée. Mais c'est ça là, on me dit ça, on a vécu des choses demandées par les municipalités, et tout ça. Mais, ce n'est pas ça. Selon votre réaction, ce n'est pas de ça que vous parlez.

Mme Gagné: Non, bien, enfin, comme on essaie d'expliquer, c'est ça, c'est qu'il y a différentes musiques et, à l'intérieur de la grande musique, il y a différents styles. Ce qu'on a souvent tendance à faire, comme je vous le disais, au niveau des grands spectacles... Il y a eu tous les maires des villes qui sont venus à Montréal...

Mme Frulla-Hébert: Oui.

Mme Gagné: Ce qu'on a présenté - je ne sais pas, je n'ai même pas tout regardé - en tout cas, entre autres, un gros "show" autour de Diane Dufresne. Ce n'est pas mauvais, ce n'est pas contre ça qu'on lutte. Par contre, nous, on se dit: Où est-ce qu'on se situe? Quand est-ce qu'on va entendre notre musique, même si c'est une musique... Justement, le Centre peut aider les organisateurs de grands événements comme ça. Si on me dit, évidemment, que c'est un événement populaire...

Mme Frulla-Hébert: Oui, c'est ça, c'est sûr.

Mme Gagné: ...je n'irai pas vous proposer le compositeur qui écrit la musique la plus compliquée au monde. Je vais comprendre le contexte et on a 11 000 titres dans notre bibliothèque. Alors, je pense que parmi ça il y a des oeuvres et il y a des compositeurs qui sont capables de comprendre et d'écrire en fonction de circonstances précises.

Mme Frulla-Hébert: Je vais passer la parole à ma collègue. Vous savez, de toute façon, ma collègue, sa fille est artiste, alors c'est pour ça qu'elle participe beaucoup à la commission.

Mme Cardinal: Merci, Mme la ministre.

Le Président (M. Gobé): Mme la députée de Châteauguay, vous avez la parole.

Mme Cardinal: Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, en page 6 - recommandation 6 -vous recommandez "l'établissement d'un réseau de diffusion des oeuvres d'avant-garde à travers la province et en communication avec d'autres réseaux déjà existants comme en Nouvelle-Angleterre..." Selon vous, comment un tel réseau peut-il être établi? Et, dans le même ordre d'idées, quel rôle le gouvernement pourrait-il jouer, et particulièrement le ministère des Affaires culturelles, pour la mise en place d'un tel réseau de création?

Mme Gagné: C'est un petit peu comme avec le Théâtre de la Marmaille, c'est le problème d'aller présenter des spectacles, ou des concerts d'avant-garde ou de création, ou même de musique plus traditionnelle. Dès qu'on dit que c'est un produit québécois d'un compositeur contemporain, les diffuseurs se bouchent les oreilles. Et je pense que le problème est souvent plus au niveau des diffuseurs qu'au niveau nécessairement du public. S'il y a un travail de sensibilisation, s'il y a un battage publicitaire qui précède la venue de la SMCQ ou d'un nouvel ensemble moderne qui vont jouer des oeuvres de musique contemporaine, s'il y a des ateliers-explications avec le public, les gens vont embarquer, parce qu'on en a fait des expériences comme ça et les gens embarquent. Le problème, c'est de convaincre ces diffuseurs, ces propriétaires de salles qui décident, en fait, pour le public. (18 heures)

Et c'est un peu la même chose au niveau des professeurs dans les écoles. Le problème auquel on se bute continuellement, ce sont les professeurs, ce ne sont pas les étudiants. Les professeurs n'ont pas eu accès eux-mêmes à cette musique et, donc, ne se sentent pas outillés, ne se sentent même pas intéressés, impliqués, à la diffuser, à l'enseigner, à la faire comprendre aux gens. Donc, c'est un des problèmes. Et ce réseau de diffusion, il peut suivre le même réseau que le théâtre, la danse. On peut bénéficier de ce même développement. Ça pourrait profiter à tous les autres arts. Nous, on embarquerait dans ça, tout simplement. Mais il faut arriver à convaincre les diffuseurs d'un intérêt à présenter cette chose-là, et promouvoir, évidemment, la musique contemporaine. Les arguments pour décider un diffuseur ne sont pas les mêmes que de dire: Bon, bien, achète donc l'OSM qui va aller jouer la Neuvième de Beethoven. Ça demande des gens un petit peu plus aguerris à la chose.

Mme Cardinal: Vous avez raison parce qu'on est rarement prophète en son pays. Il faut s'expatrier assez souvent pour se faire reconnaître. J'en sais quelque chose.

Mme Gagné: Ce serait le "fun" qu'on change le dicton et qu'on en invente un nouveau.

Mme Cardinal: J'en sais quelque chose puisque, justement, ma fille est à l'extérieur. Ceci dit, vous affirmez qu'il est primordial pour le Centre de musique canadienne au Québec qu'on lui impute un statut spécial, au même titre que les Archives ou la Bibliothèque nationale. Pouvez-vous me préciser davantage votre pensée quant à ce statut?

Mme Gagné: J'ai de grandes ambitions pour le Centre.

Mme Cardinal: Bravo! Allez-y!

Mme Gagné: Ça fait 11 ans que j'y travaille et je sens que... Bien sûr, on peut continuer notre petit train-train, comme ça, mais, si on veut se développer et s'installer dans le firmament des vedettes de la musique, il faut passer à une autre étape, et le fait d'avoir une reconnaissance plus officielle en tant qu'organisme qui est le seul en son genre... Nulle part au Canada, vous ne pouvez obtenir les manuscrits, les partitions des compositeurs, ce n'est qu'au Centre. Alors, on n'est pas en compétition avec personne et, donc, on est un organisme essentiel à la vie et au rayonnement de la musique. Pour nous, l'importance de cette mission nous fait penser que ce serait important qu'on nous aide. Les manuscrits des compositeurs sont conservés, au Centre, à l'air, sur une tablette de bois. Je suis dans le Vieux-Montréal, dans un édifice où il y a de belles poutres en bois. Alors, un feu, puis floue! c'est parti, c'est détruit soit par l'eau ou par le feu. Alors, je n'ai pas de conditions acceptables. Et référer ces partitions-là au centre d'archives existant ou à la Bibliothèque nationale, ce n'est pas la solution idéale. Ou, en tout cas, qu'on nous permette, à ce moment-là, de faire des copies maîtresses pour nous permet-

tre de diffuser. Parce que ce n'est pas au centre d'archives ou à la Bibliothèque de prêter le matériel qui va aller en France, en Italie ou au Japon, c'est le rôle du Centre de faire ça. Mais on le fait toujours à partir du manuscrit, pour nous permettre de photocopier ces choses-là de façon plus propre. Donc, on a besoin, justement, de conditions qui soient des conditions normales de conservation d'archives. Ou alors, si ce n'est pas ça, qu'on nous donne, à ce moment-là, des budgets suffisants pour nous permettre de tout doubler et de prendre ce matériel-là, ces manuscrits-là et de les déposer dans un centre d'archives ou à la Bibliothèque nationale.

Le Président (M. Gobé): Vous avez fini, Mme la députée de Châteauguay?

Mme Cardinal: Merci. Si mon temps est écoulé...

Le Président (M. Gobé): Oui, un petit peu...

Mme Cardinal: C'était fort intéressant. J'aurais pu continuer. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, pour le temps qu'il reste.

M. Boulerice: Oui. Quelques brefs commentaires en guise de préambule, tout en vous souhaitant la bienvenue et en vous disant que votre présence est particulière, dans le sens que c'est vraiment un domaine malheureusement négligé et, que vous nous apportiez cette sensibilité-là, je l'apprécie énormément. Je ne peux souscrire à votre prémisse de remplacer un ministère de la culture par un simple Conseil des arts du Québec. Ça reviendrait un peu à retourner à l'époque où l'éducation relevait du ministère de l'Agriculture. Vous vous rappelez ça? L'instruction publique relevait du ministre de l'Agriculture. Je pense qu'on peut avoir un ministère qui se donne, justement, le principe dit britannique, mais qui n'est quand même pas le modèle parfait, même s'il a certains avantages, "at arm's length", donc, un conseil des arts du Québec. Sauf que, pour la petite histoire de notre commission, j'aimerais vous rappeler, Mme Lauber et Mme Gagné, que le Conseil des arts du Québec existait, mais le gouvernement l'a aboli il y a deux ans. Et j'avais dit: II ne faut pas abolir, tout d'un coup ça pourrait nous servir. Et voyez-vous que, voilà, on va être obligés de le revoter. Bon.

Ceci étant dit, je pense qu'il faut arrêter de dire que la musique contemporaine est inaccessible, qu'elle est difficile d'accès. Vous savez, la ministre m'en parlait, lundi soir, elle a été impressionnée par le petit concert qui a été donné. Et on discutait, on disait: Oui, nos artistes peintres contemporains sont célébrés, il y a des expositions partout; nos metteurs en scène... La danse contemporaine a quand même sa place. Et elle me disait: Mais quand avons-nous entendu pour la dernière fois une oeuvre de Papineau-Couture? Quand? Je serais curieux... Je trouvais que la question qu'elle me posait était pertinente. Malheureusement...

Le Président (M. Gobé): Aviez-vous la réponse?

M. Boulerice: Pardon?

Le Président (M. Gobé): Aviez-vous la réponse?

M. Boulerice: Malheureusement non. Je ne me souviens pas quand il y a eu une interprétation publique d'une oeuvre de Jean Papineau-Couture. J'étais sensible aux propos que la ministre m'exprimait.

Mme Frulla-Hébert: II y a eu un concert l'an dernier, je pense. C'est ça que tu me dis? Mais ce n'est pas évident. C'est ça.

M. Boulerice: Un concert l'an dernier? Ce n'est pas évident. Au mois de juin, oui. Mais ce n'est pas évident, voyez-vous?

Mme Gagné: Au mois de juin, oui, pour le 25e anniversaire de la SMCQ, il y a eu une oeuvre... Mais, enfin!

M. Boulerice: Voyez-vous, c'est grâce à madame qu'on a pu s'en rappeler parce qu'il n'y a rien qui supporte... Vous, vous parlez de la difficulté au niveau de l'enregistrement du disque. Sans avoir un ministère, je suis quand même équipé, j'ai un bénévole, si vous voulez, qui travaille le dossier de la musique à mon bureau, M. Duchesne, et M. Duchesne m'a longuement parlé de l'expérience française, l'étiquette Errato. Est-ce que vous croyez qu'une mesure comme celle-ci serait peut-être une seule mesure, mais, au départ, un grand pas pour régler les difficultés que l'on rencontre dans ce secteur?

Mme Lauber: Si je peux répondre à ça...

M. Boulerice: Je m'excuse, madame, je ne dis pas que ça va tout régler, mais, au départ, si déjà on commençait à songer à investir à ce niveau-là.

Le Président (M. Gobé): Mme Lauber, vous avez la parole.

Mme Lauber: II n'y a pas que la difficulté de l'enregistrement sur disque, il y a aussi la difficulté de la distribution; nous avons une compagnie de disques, mais c'est de distribuer

ces disques-là. Quand nos compositeurs écrivent pour orchestre, une oeuvre pour orchestre sur disque coûte des fortunes. Alors, c'est encore un autre problème. Nous avons la Société nouvelle d'enregistrement, Gilles Poirier, qui a des disques, mais qui n'a pas de réseau de distribution. Nous avons Centredisques. Nous avons démarré une maison de disques, mais il n'y a pas de service de distribution. Quand on veut mettre des oeuvres de valeur sur disque, on est toujours limité au choix de la musique de chambre parce que c'est moins coûteux.

Mme Gagné: Là aussi, c'est parce que... Excusez-moi, si je peux rajouter.

M. Boulerice: Je vous en prie.

Mme Gagné: II y a aussi un problème. Je pense qu'on parlait de syndicat tout à l'heure. La Guilde des musiciens, évidemment, ne collabore pas beaucoup parce qu'ils demandent, évidemment, des tarifs, des cachets supplémentaires, et ça coûte toujours très cher de faire un concert, faire un disque. Alors, c'est une entrave.

Mme Lauber: Un grand problème.

Mme Gagné: On parle de distribution, mais aussi de promotion. Si on nous donnait le même montant pour promouvoir un disque d'un compositeur qu'on donne à la musique rock, ou à la musique pop ou à la musique country, je pense qu'on pourrait se mettre sur la carte nationale et internationale, nous aussi. Mais quand on vous donne 2000 $ pour faire la promotion d'un disque de musique contemporaine, où est-ce que vous voulez aller avec ça? Qu'est-ce que vous voulez faire avec ça? C'est aussi un autre problème.

M. Boulerice: 2000 $ seulement, vous me dites?

Mme Gagné: Oui, entre autres. "Le Bestiaire", "La belle et les bêtes", de Christine Lemelin, elle a eu 2000 $ pour faire une promotion.

M. Boulerice: Vous me donnez un chiffre qui porte à réfléchir. Et si on voulait bonifier nos intentions au chapitre du soutien à la création, justement dans votre domaine, exception faite de la sensibilisation au niveau du ministère de l'Éducation, donc des jeunes publics, etc., ce serait quoi?

Mme Lauber: Qu'est-ce que vous entendez par "bonifier"?

M. Boulerice: Je dis "bonifier" le soutien à la création.

Mme Lauber: Le soutien. Il y a le program- me de commandes aux compositeurs aussi, c'est sûr.

M. Boulerice: Qui est une formule, je vous avoue, assez intéressante. Le 1 % aux arts, est-ce que ça doit être nécessairement de la sculpture? Ça, je suis d'accord.

Mme Lauber: II ne faut pas oublier une chose, aussi, et j'aimerais bien souligner ce fait, c'est que de la bonne et de la mauvaise musique, il y en a, il y en a toujours eu, et on ne peut pas aujourd'hui savoir quelle musique est bonne, laquelle n'est pas bonne, c'est très difficile. Il faut tenir compte que les oeuvres de Jean-Sébastien Bach sont restées 100 ans dans le tiroir avant qu'on le découvre. L'oeuvre qui va être promue aujourd'hui, c'est peut-être la bonne, ça peut aussi ne pas être la bonne. Comme on disait, c'est une organisation à risque. C'est pour ça aussi que le secteur privé s'intéresse moins à ce genre de choses. La musique, c'est l'âme d'un peuple, hein? C'est la première chose qu'il faut... Je ne sais pas comment l'expliquer, mais il faut que les gens soient tenus au courant. Alors, il y a beaucoup de façons de le faire: plus d'accès dans les écoles... Peut-être qu'il y aurait moyen d'avoir des connexions avec le ministère de l'Éducation pour avoir des entrées dans les écoles, comme ça se fait en Ontario. Il y a un programme qui s'appelle "Composer in the classroom"; le compositeur va dans les écoles, il parle de son travail. Les gens sont surpris de voir qu'un compositeur, ça parle, que c'est vivant, que ce n'est pas une vieille barbe enterrée, et qu'on ne vit pas dans une tour d'ivoire. Il y a tout un mythe qu'il faut démystifier dans ça. On n'est pas dans une tour d'ivoire, on n'est pas des gens détraqués qui se réveillent à minuit pour écrire une symphonie, puis qui dorment jusqu'à midi le lendemain. Ce n'est pas vrai. C'est très structuré, c'est beaucoup de discipline, il faut recommencer souvent, et c'est de tout ça que le public est mal informé. Alors, c'est une façon de la promouvoir, cette musique, parce qu'on sait à ce moment-là qu'on est des êtres humains, des créateurs, mais qui sont confrontés à des problèmes normaux que tout le monde connaît. Il y a l'histoire du compositeur, qui aide à faire comprendre sa musique. Donc, il faut en parler. Il faut la faire entendre et la faire entendre plusieurs fois, parce que la première écoute, souvent, est surprenante. Donc, le disque est une façon.

Les contacts avec les conservatoires, les universités, nous les avons, mais nous faisons constamment des pressions, c'est toujours à recommencer, et nous manquons de personnes-ressources, de gens qui pourraient faire de la promotion. Mme Gagné ne peut pas tout faire. Moi, je fais du bénévolat là-dedans; j'enseigne à côté de ça. Donc, c'est comme tous les compositeurs, on est pris par d'autres activités. Puis

quand on veut créer une oeuvre, il faut plus que trois jours en ligne pour la faire; autrement, on perd le fil. C'est difficile d'avoir... Je ne peux pas m'asseoir et me dire: Bon, j'ai une heure, je vais écrire quelque chose. Ça ne marche pas comme ça. Donc, Mme Gagné, elle passe son temps à faire des contacts et à recommencer, mais elle est seule, en plus de l'administration et tout. On a besoin de ressources humaines et de fonds pour les payer. Quelqu'un qui ferait le marketing, la promotion, quelqu'un qui s'occuperait de l'administration, et que le compositeur puisse avoir plus que trois jours en ligne pour travailler, ce serait l'idéal.

M. Boulerice: Vous parlez des problèmes de diffusion, forcément des problèmes de promotion, vous parlez de la création, mais il y a d'abord et avant tout la formation de l'artiste comme telle. Et la question que je vais vous poser: Comment réagissez-vous quand 18 députés libéraux, dont 3 qui sont membres de la commission de la culture, lancent un document où ils parlent de fermeture des conservatoires de musique?

Mme Lauber: C'est la dernière chose à fermer, à mon avis, en tout cas.

Le Président (M. Gobé): En conclusion, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, c'est là le temps qui nous est imparti.

Mme Lauber: Ça nous fait très peur.

M. Boulerice: Bien. Tantôt, vous avez parlé de la musique de Bach qui a été dans les tiroirs durant une centaine d'années. Bach composait de la musique contemporaine, hein?

Mme Lauber: Oui. Nous aussi.

M. Boulerice: Bien, voilà! La musique contemporaine devient une...

Mme Lauber: Voilà!

M. Boulerice: ...musique classique.

Mme Lauber: Et Bach, on considérait qu'il était trop mathématique et que c'était trop académique. Aujourd'hui, on l'écoute d'une autre oreille.

M. Boulerice: Voilà! Je pense que vous...

Mme Lauber: Alors, je vous en prie, ne fermez pas les conservatoires. Il y a beaucoup de talents au Québec.

M. Boulerice: Nous nous battrons très fort, madame.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: II ne faut pas faire la chasse aux sorcières, quand même, mon cher ami. Il ne faut pas. Non, non, non. C'est que c'est dans un contexte où on remet tout en question. Mais, autant on a demandé aussi aux détenus de payer leur pension... Il y a donc des solutions des plus farfelues aux plus réalistes. Ça faisait partie de ça.

M. Boulerice: C'est plutôt les pas farfelues! Voyons!

Mme Frulla-Hébert: Non, évidemment, il n'en est pas question. D'ailleurs, il y a un communiqué qui est sorti exactement là-dessus. Justement, il n'en est pas question.

M. Boulerice: Ah! vous rejetez catégoriquement, Mme la ministre, cette assertion. Non, mais c'est important pour cette commission.

Mme Frulla-Hébert: Non, absolument. Même dans la volonté... Le député, ce matin, qui était sur le comité, l'a dit lui-même que ce n'est même pas retenu comme solution éventuelle dans le document éventuel; c'est un document de travail tout simplement qui a été coulé.

M. Boulerice: Mais y avoir pensé est déjà péché.

Mme Frulla-Hébert: Mais ceci dit, on connaît...

Le Président (M. Gobé): II ne faut pas faire des procès d'intention, M. le député, il faut attendre d'aller aux actes, aux faits.

Mme Frulla-Hébert: Ah! il y en a qui sont plus ou moins sensibilisés, mais ça... On parle de sensibilisation, on parle justement de promotion, de faire de la pédagogie. Or, il reste de la pédagogie à faire; autant nous, il nous en reste que vous, il vous en reste. Mais, chose certaine, ce qui est important aussi, c'est de pouvoir donner accès à toutes sortes et à toutes formes d'oeuvres de culture et de musique aussi. Alors, je pense que l'action que vous faites est fort importante et merci encore de votre contribution.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Merci, mesdames. Merci, M, le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Ceci met fin à notre travail pour cet après-midi. Je vais donc suspendre les travaux jusqu'à ce soir 20 heures, en cette salle, et nous vous remercions d'être venues nous voir. Bon repas et bon appétit!

(Suspension de la séance à 18 h 16)

(Reprise à 20 h 5)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de la culture reprend ses travaux en entendant comme premier groupe les représentants de l'Université de Montréal qui sont ici présents, je pense. Je les invite à s'avancer. Prenez place à la table de nos invités. Oui, c'est celle-là, oui.

Université de Montréal

Alors, je vous souhaite la bienvenue et je vous indique que notre façon de procéder est la suivante: Vous disposez d'une quinzaine de minutes pour faire la présentation de votre mémoire, ou un résumé, comme vous voudrez. Ensuite, la discussion s'engage avec les membres de la commission. Les micros fonctionnent automatiquement. Vous ne touchez à rien, tout va bien aller quand ça sera le temps. Et, donc, la conversation s'engage avec les membres de la commission pour ce qui reste des 45 minutes qui vous sont allouées.

Tout d'abord, je vous demanderais de bien vouloir vous présenter, pour les fins de la transcription de nos débats.

Mme Cinq-Mars (Irène): D'accord, je vous remercie. Je vais d'abord me présenter, Irène Cinq-Mars, et M. Jacques Boucher.

Le Président (M. Doyon): Soyez les bienvenus. Vous avez la parole dès maintenant.

Mme Cinq-Mars: Merci beaucoup. Alors, Mme la ministre, M. le Président, Mmes et MM. les députés, nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion ce soir de présenter le mémoire de la direction de l'Université de Montréal.

Avant de commencer j'aimerais toutefois faire une réserve qui m'apparaît importante. Le document que vous avez lu, qui est déposé, ne prétend pas représenter le point de vue de l'ensemble des collègues de l'Université. Nous n'avons pas pu, faute de temps, procéder à une consultation élargie. Néanmoins, grâce à la collaboration de Mme Demers, qui est malheureusement absente ce soir, qui est directrice scientifique des Presses de l'Université, de M. Robert Leroux, doyen de la Faculté de musique, ainsi que de M. Jacques Boucher, nous pouvons réagir aux objectifs visés par la commission, et en particulier sur les recommandations concernant la formation et l'éducation. C'est principalement ce secteur du rapport sur lequel nous nous sommes attardés. Alors, dans un premier temps, je vais commenter les principales idées contenues dans le mémoire, je ne vais pas en faire lecture, et M. Boucher va présenter ensuite quelques aspects particuliers.

Nous sommes partis du constat que les recommandations 22 et 23 du rapport Arpin, comme on l'appelle, parlent avant tout de la formation et du perfectionnement des artistes, des créateurs, des gestionnaires et des professionnels du milieu des arts, mais que, par ailleurs, les recommandations 57 à 70 réfèrent à l'idée de développer l'éducation culturelle dès l'enseignement primaire. Alors, partant de ce constat, nous affirmons... Nos trois principales idées, si vous voulez, s'appuient sur un postulat qui nous apparaît fondamental, à savoir que l'éducation de toute la population constitue l'assise d'une politique sur le développement culturel. Alors, partant de là, nous avons développé trois idées principales.

La première veut que les universités soient des institutions dépositaires d'une part importante du patrimoine collectif à préserver, à transmettre et à développer. La seconde stipule que la mission d'enseignement et de recherche des universités leur confère un rôle privilégié à jouer pour favoriser le développement culturel. Et, enfin, la troisième propose que les universités soient des partenaires dans l'élaboration d'une politique et aussi dans sa mise en place, et qu'il faut maintenir vivant, dans chaque personne, le désir de la création, pour que chacun s'approprie sa part de responsabilité dans la participation au développement de la culture. Ce sont les trois principales idées. J'aimerais les commenter brièvement.

Pour affirmer, donc, que les universitaires sont dépositaires d'un patrimoine culturel, nous nous sommes référés à une définition large de la culture, qui recouvre un champ plus vaste que celui des arts d'interprétation, en particulier. Nous pensons que la culture s'étend aux manières de penser, d'être et de faire d'une société. Ce sont autant les expressions culturelles propres aux artistes qui nous intéressent, propres aux professionnels de la culture que celles, savantes, des scientifiques, et les autres, populaires ou vernaculaires.

La culture, pour nous, c'est ce qui émane de la société, une société qui veut s'ouvrir à d'autres cultures et à d'autres sociétés. Donc, nous associons à la production culturelle des artistes celle d'autres pratiques qu'on peut considérer comme étant également culturelles, parce qu'elles participent à la production du cadre de vie, à son amélioration, peu importe sur quel plan on se situe: fonctionnel, esthétique, technologique, etc.

Je vais passer à la prochaine idée. Dès lors, dans la mesure où on trouve réunies dans les universités une diversité d'acteurs formés, une diversité de programmes dans différents secteurs, arts et sciences, des activités de recherche également qui transmettent et développent ces manières de penser, d'être et d'agir, le concept de patrimoine auquel on référait se trouve là, présent. Les universités sont donc dépositaires et responsables de la préservation et de la trans-

mission de ce patrimoine. Par ailleurs, la deuxième idée, qui dit que la mission d'enseignement et de recherche confère aux universités un rôle privilégié, s'appuie sur deux principes qu'on retrouve d'ailleurs dans le rapport.

Vous dites... enfin, vous dites... le rapport dit que le développement de la culture s'appuie sur la formation de spécialistes et sur leur perfectionnement. Nous sommes tout à fait d'accord avec ça. Et c'est d'ailleurs un des objectifs ciblés dans les missions d'enseignement, dans les universités, en particulier à l'Université de Montréal. Le développement de la culture, pour nous, s'appuie également sur l'élévation du niveau de scolarité, sur le développement de la personne de manière à favoriser la prise en compte de l'amélioration du cadre de vie. Au premier cycle, il est dit expressément dans notre document qui s'appelle "Énoncé de mission" que la formation vise l'acquisition d'une pensée autonome, créatrice d'habiletés de communication et de ressources d'adaptation à l'évolution rapide des savoirs et des pratiques. Et, aux cycles supérieurs, on veut développer les aptitudes à l'innovation, à la créativité, etc., inciter le renouvellement d'une critique constructive de la société. On dit aussi dans le rapport que le développement de la culture s'appuie sur la vigueur de la création. Nous sommes tout à fait d'accord avec ça.

Également, dans T'Énonce de mission" de l'Université, on lit: "L'existence des grandes universités de recherche... Parce que, chez nous, la création, ça s'appuie aussi sur les activités de recherche et nous avons plusieurs types de recherche: fondamentale, appliquée, créative. On dit que ces activités sont essentielles à la vie, au progrès, à l'avenir d'une société. Ces missions de recherche dans les universités doivent occuper une place centrale dans nos valeurs, parce que nous contribuons au développement technologique, économique et culturel de la société.

Alors, à l'Université de Montréal, à l'instar des autres partenaires du réseau, nous voulons maintenir vivante la création d'oeuvres artistiques et scientifiques tout autant que la réflexion sur fa création. À partir de cela, nous considérons que les universités doivent être des partenaires dans l'élaboration et la mise en place d'une politique. Nous appuyons la création d'un groupe de travail formé de représentants, comme il est dit à la recommandation 24, mais ce que nous souhaiterions, c'est de considérer les milieux universitaires comme partenaires, d'une part, et, d'autre part, que le mandat de ce comité s'appuie sur une définition élargie de la culture et reconnaisse l'éducation culturelle comme devant être accessible à toute la population.

Nous n'avons pas insisté, dans cette présentation, sur d'autres principes évoqués dans le mémoire concernant la gestion de la mission culturelle, du moins pas dans cette présentation orale, mais dans le document que vous avez lu, on y fait référence. Ce que j'aimerais dire, par contre, j'aimerais souligner une dimension importante concernant cette gestion, justement, c'est qu'elle peut être, disons, encadrée par les institutions - ministères, universités, etc. - mais ces institutions ne doivent pas se substituer à la volonté et à la responsabilité de chaque personne. C'est plutôt en tant que souteneur ou soutien qu'on devrait regarder la mission, enfin, le rôle des institutions dans la gestion du développement culturel. La volonté et la responsabilité de chaque personne garantissent l'engagement. Et, sans cet engagement, comment espérer le développement de la culture dans une société? C'est pourquoi nous disons que l'éducation constitue l'assise du développement culturel. C'est par l'éducation que l'on peut provoquer, stimuler la motivation personnelle, moteur d'une culture vivante et renouvelable.

M. Boucher a peut-être quelques aspects à développer. Est-ce qu'on a encore du temps?

Le Président (M. Doyon): Oui, quelques minutes encore. M. Boucher. (20 h 15)

M. Boucher (Jacques): Quelques minutes. M. le Président, Mme la ministre, MM. et Mmes les députés. À la recommandation 28, on parle de formation continue et de perfectionnement, mais dans une perspective relativement étroite. Je me permets d'insister sur la nécessité d'élargir par rapport à la culture cette notion de formation permanente et cette notion de formation continue, sous deux aspects. Le premier. Je dirige une faculté qui, par exemple, est responsable de ce qu'on appelle "Les Belles Soirées", qui sont effectivement une institution culturelle dans le Montréal métropolitain et qui rassemblent de 8000 à 10 000 personnes par année autour d'événements à caractère culturel et où les personnes viennent se ressourcer autour d'événements particuliers. Les universités jouent un rôle de ce côté-là.

Je pense que, qui dit culture, dans une société comme la nôtre, dit nécessairement, et pour l'ensemble de la population, une formation continue, un perfectionnement qui doit être permanent. Il me semble que c'est une notion sur laquelle il faut insister davantage qu'on ne le fait - soumis respectueusement dans ce mémoire - pour l'ensemble de la population et aussi pour les créateurs. La relation des créateurs avec le monde de l'éducation est un peu spéciale. Les créateurs se vantent d'avoir été peu exposés ou mal exposés à l'école, à l'université, d'y être restés en marge et d'en être sortis bien rapidement. Je comprends cette espèce de réaction, mais il reste quand même que, pour les créateurs, comme pour les architectes, les avocats, les informaticiens ou les infirmières, le besoin d'une formation permanente et d'un ressource-ment continuel autour de bases, autour de

formations fondamentales, autour de nouvelles techniques, autour de nouvelles approches m'apparaît absolument fondamental, et je ne suis pas certain que les créateurs sont suffisamment conscients de cette nécessité de retourner se ressourcer. Je ne dis pas nécessairement à l'université, je ne dis pas nécessairement au cégep, mais ils ont besoin, eux aussi, dans leur processus créateur, de se renouveler, et c'est une chose sur laquelle, je pense, une politique de la culture devrait insister en tout premier lieu.

Deuxième remarque. À la recommandation 58 - et je ne suis pas certain que je comprends bien - on parle de formes de collaboration avec le ministère de l'Éducation, bien sûr, et de nombreuses démarches visant à rénover la formation fondamentale. Il n'y a pas de culture pour une société sans le retour à des valeurs fondamentales et, notamment, à la maîtrise des langages de base. Dans une société comme la nôtre, nord-américaine et internationale, la maîtrise, bien sûr, du français au Québec, mais d'une deuxième langue est un élément absolument essentiel d'une culture valable. De même également, dans une société comme celle dans laquelle nous vivons et surtout dans laquelle nous vivrons demain, la connaissance des langages de base en mathématiques et en informatique est aussi une notion ou un besoin pour des personnes éclairées et cultivées. Et, après ça, à mon sens, une fois que ça c'est maîtrisé, la culture, l'humanisme - une culture scientifique ou en sciences humaines ou une ouverture aux humanités - peut devenir possible. Et, bien sûr, un cinquième langage - le français, un deuxième langage, les mathématiques, l'informatique - c'est la sensibilité au langage artistique, et ça se fait à partir du primaire. Tout cela pour dire que le ministère des Affaires culturelles doit, à tout prix, être en cheville avec le ministère de l'Éducation qui est un partenaire et, à sa façon, lui aussi, un maître d'oeuvre de la politique et de la réalisation d'une culture au Québec.

Une dernière remarque. Je sais qu'on a beaucoup contesté le rapatriement de l'argent et des pouvoirs au sujet de la culture. Un exemple dans le monde qui est celui des universitaires, nous avons notre double forum, nous aussi. Nous avons une source de financement qui est, par exemple, le FCAR, au Québec, et nous avons aussi les grands conseils fédéraux. Rapatrier l'argent, dans l'hypothèse où cet argent serait entièrement consacré... ne règle pas le problème. Les universitaires ont besoin d'un forum élargi où ils viennent, je m'excuse, se coltailler avec leurs pairs à un niveau national ou international. Et ce n'est pas seulement une question d'argent que cette question de rapatriement, c'est la possibilité, encore une fois, de faire face à des normes plus vastes que celles auxquelles on a à faire face d'une façon quotidienne. Donc, quelques remarques, M. le Président, qui ne sont pas dans le rapport, j'en conviens, mais qui en découlent, d'une certaine façon, et qui peuvent peut-être éclairer le débat, du moins, je l'espère.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le doyen. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup. Ça me fait plaisir de vous avoir ici. On a eu, d'ailleurs, plusieurs représentants de différentes universités du Québec, du monde de l'enseignement et de l'éducation. D'ailleurs, le ministre de l'Éducation était avec nous, la semaine dernière, pour recevoir Mme Pagé, et Mme Robillard, évidemment, ayant passé une courte année au ministère, mais quand même, elle est assez sensibilisée à toute cette question. Vous avez raison, je pense que la base, le fondement même d'une culture forte, c'est, évidemment, nos jeunes qui sont sensibilisés. Ça part de là, ça part de l'éducation et ça part de la culture entrée de façon importante au niveau du primaire, du secondaire et aussi à l'enseignement supérieur.

Maintenant, je voudrais revenir un peu aux précisions que vous avez apportées, justement, et je pense que ma collègue, Mme Cardinal, va aussi poser des questions. D'abord, je voudrais vous demander... Il y a toute la question de l'enseignement de la musique, par exemple, ou de l'enseignement dans les diverses écoles, que ce soit de la musique, de l'art dramatique au niveau des conservatoires versus les universités, d'abord, et encore là, tout l'enseignement général des arts, est-ce que ça doit relever du ministère des Affaires culturelles? Même si le ministère est un grand coordonnateur, au niveau de la formation, au niveau de la technique même, est-ce que ça devrait relever du ministère de l'Éducation? Alors, ce sont des questions qu'on se pose.

Je vous écoute parler et vous parlez de connaissances obligatoires, autant en mathématiques, en informatique - et ça, j'en suis, et vous avez raison. Par contre, il y a d'autres intervenants qui sont venus nous voir en disant: Le système est trop rigide - l'École de cirque, par exemple - nous, on a besoin de beaucoup plus de flexibilité. On a besoin d'une structure, ne serait-ce qu'au niveau du temps, qui est très différente, et d'une flexibilité qui est très différente du contexte rigide du système de l'éducation actuelle, autant à l'enseignement supérieur qu'au niveau du système d'éducation primaire et secondaire. Qu'est-ce que vous répondez à ça? Est-ce que c'est possible de penser à avoir une certaine flexibilité, de telle sorte qu'on puisse s'épanouir aussi au niveau de l'art et ne pas être soumis à des contraintes qui sont aussi rigides, par exemple, que dans d'autres secteurs?

Mme Cinq-Mars: Bon. J'aimerais apporter des éléments de réponse. Je n'ai pas la prétention, et personne ne l'a d'ailleurs, je pense, d'apporter tout ce qu'il faut dire là-dessus. Vous

avez posé deux questions: La première concerne la répartition, en gros, des territoires de responsabilité entre le MESS et le ministère des Affaires culturelles. Je vois bien, en ce qui concerne les contenus effectivement, et comme vous le disiez, l'aspect plus technique proche du développement des programmes, la création et tout ça, que le ministère de l'Éducation et le MESS soient près de ça et peut-être qu'il pourrait y avoir une coordination au niveau du ministère des Affaires culturelles. Vous l'avez dit vous-même, et je serais plutôt d'accord avec ce genre de situation-là, parce que, sinon, il risque d'y avoir double emploi; ça peut devenir très compliqué en termes de chevauchement et de cheminement de programmes. En tout cas, c'est tout un univers en soi et qui fonctionne relativement bien pour le moment. Alors, c'est peut-être plus la mission de coordination via des tables de concertation, je ne sais pas, qu'il faudrait regarder.

Pour ce qui est de l'enseignement des matières de base, à savoir si ce qui concerne les arts constituerait un enseignement fondamental, une façon de répondre à ça, c'est de dire: Oui, il faut de la flexibilité, mais il faudrait aussi regarder du côté des formules pédagogiques, des modèles d'enseignement. Quand je vous écoute, j'entends un peu des gens au niveau universitaire qui enseignent des disciplines au premier cycle et qui nous disent: Vous savez, les connaissances évoluent tellement qu'on voudrait tout mettre, on voudrait en mettre beaucoup beaucoup, mais on est pris avec un temps x, avec des contraintes telles qu'il faudrait allonger les études de cinq ans, six ans, sept ans pour arriver à tout donner à nos étudiants du premier cycle. C'est un peu ce que j'entends, par analogie, dire: Bien, mon Dieu, au primaire, on est pris aussi avec des problèmes concrets d'aménagement de l'enseignement. Alors, je me dis: Est-ce qu'on fait l'effort de chercher des formules, des méthodes d'enseignement? Qu'on définisse la formation en termes d'objectifs, plutôt que de dire: Ça prend telle matière, plus telle matière, plus telle matière, plus ça, plus ça, plus ça. Je ne sais pas si je me fais comprendre. Est-ce qu'on ne pourrait pas dire: Bien, l'objectif, justement, c'est de développer la personnalité, développer l'ouverture d'esprit chez nos jeunes, leur donner le goût de se cultiver, comment on fait ça? Alors, c'est peut-être à l'occasion de projets pédagogiques où, là, on leur demande, justement, de s'intéresser autant à la musique qu'à l'écriture, qu'à la mathématique. Je ne le sais pas, mais je pense qu'il faudrait regarder, répondre de ce côté-là, de l'innovation pédagogique.

Mme Frulla-Hébert: On parle, par exemple, de formation. Vous parlez de formation professionnelle, de ressourcement. Je vous donne un exemple: les facultés de musique versus les conservatoires. Pour qu'il n'y ait pas, justement, de double emploi... Les conservatoires sont importants parce qu'ils rayonnent aussi dans leur milieu énormément, mais pour qu'il n'y ait pas de double emploi... Parce que là, tout à coup, il y a eu les facultés de musique dans les universités qui se sont développées. Alors, comment fait-on pour que les deux soient vraiment en parfaite harmonie, si on veut, que l'un complète l'autre, ou qu'il y ait une certaine synergie?

Mme Cinq-Mars: II faudrait peut-être commencer par arriver à ce que ces gens-là se parlent, c'est-à-dire trouver une façon de regarder, de faire le bilan, d'abord, des enseignements: Où est-ce qu'il y a chevauchement? Où est-ce qu'il y a complémentarité? Les missions des universités sont spécifiques. La formation, habituellement, dans certains programmes, c'est en vue de poursuivre aux études supérieures, ce n'est pas nécessairement de s'arrêter à la première formation. Mais, je ne peux pas vous dire: Telle discipline ou tel champ appartient à l'université, tel autre au conservatoire. Je pense qu'il y aurait besoin de faire un bilan, d'amener ces gens-là à discuter ensemble et de voir comment ils pourraient se compléter plutôt que de se nuire. Il faudrait peut-être plus définir leur mission réciproque.

M. Boucher: Est-ce que je peux ajouter un commentaire, M. le Président?

Le Président (M. Doyon): Oui, bien sûr.

M. Boucher: Dans certains systèmes, les facultés de musique se contentent de faire de la musicologie et ne touchent pas aux instruments. À ma connaissance, dans le système français, il n'y a pas, comme telles, des facultés de musique. Tout ce qui s'appelle formation musicale et interprétation se fait dans des conservatoires. Aux États-Unis, ce qui se rapproche... Ils n'ont pas de conservatoires, tout se fait dans les facultés de musique. Nous avons un système un peu spécial, c'est vrai; c'est notre caractéristique. Ce que je peux dire, c'est qu'à l'Université de Montréal, tout au moins, nous avons un très fort secteur de musicologie qui, à ma connaissance, n'est pas présent dans les conservatoires. Par ailleurs, la Faculté de musique, nous tenons à ce qu'elle soit bien imbriquée dans le milieu et qu'elle soit, par conséquent, en cheville avec la Faculté des sciences de l'éducation, avec le Département d'histoire de l'art, avec le Département d'histoire, avec l'anthropologie, etc., pour que nos étudiants en musique aient quelque chose de plus que simplement des instrumentistes. Et on insiste beaucoup, en tout cas, dans notre université, sur une formation de base qui, à ma connaissance, n'est pas la caractéristique de ce qui se fait dans les conservatoires, où on forme des techniciens, au sens large et noble du terme. Il n'y a rien de péjoratif dans ce que je viens

de dire. (20 h 30)

Est-ce qu'il y a de la place pour les deux formules dans une société comme la nôtre? Je pense que oui. Je ne pense pas qu'il faille faire machine arrière et essayer de fondre ces deux courants-là. Je pense que les deux ont leur place. Certains forment, et à partir de l'âge des tout-petits, des enfants, dans le cas des conservatoires où on forme des interprètes. Et, dans les facultés de musique, l'on forme pour une part des interprètes, mais aussi avec une forte - en tout cas la plus forte possible - culture générale et une exposition à d'autres domaines, y compris la musicologie, l'histoire de l'art, etc. Ça peut être un début de réponse.

Mme Frulla-Hébert: Je vais laisser la parole à ma collègue.

Mme Cinq-Mars: Moi, j'aimerais bien que la réponse vienne des gens qui enseignent et qui sont les experts dans ces disciplines-là. C'est pour ça que je faisais appel à la concertation entre eux.

Mme Frulla-Hébert: Oui, d'accord.

Le Président (M. Ooyon): Mme la députée, est-ce que vous me demandez la parole?

Mme Cardinal: Oui, s'il vous plaît.

Le Président (M. Doyon): Oui? Alors, si vous le faites, vous l'aurez, mais si vous ne la demandez pas, vous ne l'aurez pas.

Mme Cardinal: Non? Mme la ministre me l'a offerte.

Le Président (M. Doyon): Non, ce n'est pas à Mme la ministre à faire ça.

Mme Cardinal: Non? Ce n'est pas suffisant?

Le Président (M. Doyon): Malgré tous les pouvoirs dont elle dispose, ce n'est pas un des siens.

Mme Cardinal: Alors, M. le Président...

Le Président (M. Doyon): Avec plaisir, allez.

Mme Cardinal: Merci, M. le Président. Bonsoir. Vous mentionnez dans votre mémoire, en page 5, article 3, "Accroître l'efficacité du gouvernement et de ses partenaires dans la gestion de la mission culturelle." Est-ce que vous pourriez expliciter un peu votre pensée?

Mme Cinq-Mars: Bien, je pense que nous avons repris là vos propres... "Vos"! J'ai toujours tendance à penser que je suis devant la commis- sion... C'est un des objectifs du rapport comme tel. Alors, ce qu'on expliquait tout à l'heure, c'est que, face à cet objectif-là, nous avons des commentaires à faire. Alors, les commentaires sont ici.

En gros, je ne vais pas reprendre la lecture, mais nous sommes d'accord qu'il faut rationaliser. Il y a un effort de rationalisation probablement des ressources... Il faut favoriser la stabilité dans l'existence des organismes culturels, comme nous le disons dans le texte, et nous appuyons un engagement du gouvernement là-dedans. Mais, plus loin, ce que nous disons, c'est que le gouvernement, enfin, le ministère n'est pas seul... Il ne devrait pas être le seul maître d'oeuvre dans ça. Il y a d'autres partenaires, pas seulement à consulter, mais avec lesquels il peut élaborer une éventuelle politique. Alors, ça, c'est une chose.

L'autre chose, c'est de faire attention de ne pas s'immiscer, de ne pas se substituer, ce serait le mot plus juste, en voulant gérer, coordonner, consolider, etc. Il ne faut quand même pas se susbtituer à la responsabilité que chaque individu doit avoir dans notre société concernant le développement de la culture.

Alors, ce qu'on fait là, c'est une sorte de mise en garde: Attention, en en faisant trop, de ne pas mettre les gens dans un état de dépendance en quelque sorte qui fait qu'à un moment donné on a tendance à dire: Bon, bien l'État va le faire, le gouvernement va le faire, etc. C'est cet équilibre-là, je pense, qui est une réserve, qui constitue la réserve qu'on émet ici.

Mme Cardinal: En un mot, c'est de supporter, d'appuyer, mais non pas d'avoir une mainmise proprement dite sur...

Mme Cinq-Mars: Ou se substituer... Mme Cardinal: Ou se substituer au...

Mme Cinq-Mars: ...au fait que chaque individu dans notre société doit être responsable. Et ça, cette idée-là, cette valeur-là, c'est par l'éducation qu'on la transmet.

Mme Cardinal: Effectivement, on a actuellement besoin de laisser cette plus grande liberté, cette prise en charge individuelle, au lieu d'être toujours plutôt dépendant de l'État ou d'autres organismes concernés. Alors, je vous remercie, madame.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la députée. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, M. le Président. Mme Cinq-Mars, M. Boucher. M. Boucher doit se douter que ma première question va aller vers lui, c'est inévitable, puisqu'il a abordé le problè-

me du rapatriement. Il a dit... Bon, ce n'est peut-être pas textuel, mais je retiens ceci de son intervention: Quoique le total de l'argent pourrait être garanti dans un milieu universitaire, il est préférable d'avoir deux portes. Est-ce que vous pourriez m'expliquer plus à fond les avantages d'avoir deux portes?

M. Boucher: Le système universitaire fonctionne sur la reconnaissance par les pairs et la stimulation, et encore une fois, la course, si je peux dire de façon non péjorative, aux subventions. Il est clair que pour les universitaires, être reconnus sur un forum ou un conseil de recherche en sciences naturelles ou en génie représente une étape différente de celle d'un forum purement local. De même que ceux qui sont reconnus également dans les forums internationaux sont à un autre niveau aussi. Ce sur quoi je veux insister, pour faire le lien avec le débat qui a lieu ici, ça n'est pas le plaisir de profiter de deux portes plutôt qu'une; ça n'est pas d'avoir deux fois le montant d'argent qu'on pourrait avoir; c'est tout simplement de faire face à une concurrence sur une plus grande échelle. C'est comme nos entreprises. Dans ce sens-là, je pense que ça a une valeur instructive. Maintenant, où est-ce qu'on s'arrête? Ça, c'est une autre question.

M. Boulerice: Où est-ce qu'on s'arrête? Pourquoi pas trois portes? Et par votre raisonnement, M. Boucher, vous êtes en train de me dire que les universités françaises, les universités britanniques, les universités allemandes - et on pourrait faire une longue enumeration - sont très nettement défavorisées par rapport aux universités québécoises qui, elles, ont deux portes, alors qu'eux n'ont qu'une seule porte. Je pense qu'en Allemagne la seule porte de financement est le gouvernement allemand, et le seul financement pour la France et la Grande-Bretagne est le gouvernement français et le gouvernement britannique.

Mme Cinq-Mars: Je pense que l'idée qu'on veut soumettre ici, c'est qu'au processus de financement se raccorde un processus, donc, d'évaluation. Ça, je pense que vous avez compris ça. On ne dit pas : II ne faut pas un ou deux financements. Mais s'il y a un financement, quel qu'il soit, il faudrait s'assurer qu'on puisse, du moins en s'appuyant sur ce qui se vit dans les universités, bénéficier d'un système d'évaluation qui nous permette de nous comparer et d'être stimulés par cette comparaison avec des collègues à l'échelle nationale et à l'échelle internationale.

M. Boucher: C'est bien ça.

M. Boulerice: Vous êtes en train de me dire que votre évaluation n'est valable que dans la mesure où vous êtes évalués par vos collègues du Canada. Si vous n'étiez évalués que par vos collègues du Québec, l'évaluation serait moins pertinente.

Mme Cinq-Mars: On ne dit pas que c'est moins pertinent, ça ajoute; ça n'enlève rien, ça ajoute et c'est même stimulant.

M. Boulerice: Là, vous me dites que les universités québécoises sont dans la meilleure situation au monde en ayant ce système-là?

Mme Cinq-Mars: Disons qu'elles sont dans une situation qui permet aux professeurs et aux chercheurs, en tout cas, de relever des défis. Tout dépend des secteurs, bien sûr. On ne peut peut-être pas comparer, je ne sais pas, moi, le secteur de la physique nucléaire avec le secteur de l'architecture ou de l'architecture de paysage, pour parler du mien, parce que je le connais bien, et on commence à le développer au Québec. À l'Université de Montréal... Il y a une seule école francophone dans toute l'Amérique du Nord, et elle se trouve à l'Université de Montréal, pour votre information. Alors, il est évident que, quand, nous, on se fait évaluer, on est un peu piégés parce qu'on n'a pas d'autres partenaires dans le réseau québécois. Donc, on est obligés de comparer notre production à celle des Canadiens, des Américains et des Français. Mais c'est très stimulant. Disons que cette avenue-là, ou cette possibilité-là, on souhaiterait qu'elle soit maintenue. C'est aussi simple que ça. Donc, c'est à l'occasion du financement qu'on en parle. Ça pourrait être autre chose.

M. Boulerice: D'accord, mais vous dites que ce type de financement vous permet de subir une évaluation de vos voisins. Mais à ce moment-là... Les universités canadiennes n'ont qu'un subven-tionnement, celui de l'État fédéral. Dans le cas des autres provinces, c'est Ottawa, ce n'est pas la province.

M. Boucher: M. le député. M. Boulerice: Oui.

M. Boucher: La question n'est pas de savoir si on a une porte ou deux portes. Bien sûr, les Allemands ont une porte et les Français en ont une. Ce n'est pas un avantage d'en avoir deux plutôt qu'une. Je vous dis qu'il y a, dans un système d'évaluation qui nous vient d'un financement à une plus grande échelle, une stimulation qui a sa valeur et dont il ne faut pas négliger l'importance. On peut bien décider, nous, comme collectivité, qu'on va se retirer. Je vous dis qu'il y a un prix à payer à ce retrait. C'est la seule raison pour laquelle on mentionnait cette dimension-là. Il y a un prix à payer. Il y a des avantages et il y a des inconvénients.

M. Boulerice: Je dois vous avouer que j'aimerais bien poursuivre le débat là-dessus, et sans aucun doute que mon collègue, le député de Labelle, que vous connaissez bien, serait intéressé d'y participer. On pourrait peut-être se donner rendez-vous à l'université, de préférence. Ce serait peut-être l'endroit idéal.

Cela dit, je passerai à une autre question. Vous dites à la page 4: "Le rapport préconise un enseignement personnalisé - pour les créateurs -et laisse sous-entendre que les universités ne peuvent assurer un tel type d'encadrement. Cette affirmation provient davantage d'une perception que des faits." Est-ce que vous pourriez préciser ceci davantage?

Mme Cinq-Mars: Oui, ce qu'on a voulu dire par là, c'est qu'il nous a semblé à la lecture du rapport que les universités, comme je le disais tout à l'heure, ne sont pas, je ne dirais pas valorisées, mais en tout cas ne sont pas suffisamment considérées comme des partenaires dans l'élaboration de la polititique. Peut-être qu'une des raisons pour cela... Bien, il y a plusieurs raisons pour cela. Mais une des raisons, on l'a trouvée: On affirme dans le rapport que les universités n'ont pas de façon d'encadrer et de suivre la formation des créateurs parce que, bon, on a des grands groupes-cours. Il y a une sorte de perception - de là le terme "perception" - comme quoi les modèles d'enseignement à l'université sont inappropriés pour la formation, l'accompagnement pédagogique, je dirais, des créateurs.

Or, pour ce qui est de l'Université de Montréal, on forme des gens dans le domaine du design, des concepteurs dans ce domaine-là, on forme des gens en écriture, en création littéraire, on forme des gens - on parlait de musique tout à l'heure - en histoire de l'art, il y a des majeures en cinéma. Tous ces types d'enseignement et de formation exigent des heures et des heures d'encadrement personnalisé. Tout ce qu'on veut dire là-dedans - et c'est probablement vrai à l'Université du Québec à Montréal, enfin, dans d'autres universités - c'est qu'il est possible de développer des programmes dans les universités - ils existent déjà, il est possible d'en créer d'autres - des programmes dont les objectifs sont de former des créateurs. C'est simplement ça qu'on veut dire ici.

M. Boulerice: Merci.

Le Président (M. Doyon): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir, moi aussi, comme mon collègue, sur l'aspect des deux portes. Comment, d'une manière, dire que c'est stimulant, que vous pouvez relever des défis, que le fait d'être évalué, ça vous permet une meilleure vision, et qu'en même temps, constamment, le gouvernement se retrouve devant des demandes des universités qui disent être sous-financées? Est-ce que ce défi-là vraiment et concrètement vous apporte les ressources financières nécessaires?

M. Boucher: Écoutez, je pense que c'est deux problèmes différents. Ce n'est pas ici que je vais dire que les universités ne sont pas sous-financées. Mon recteur me remercierait demain matin, j'imagine, si je disais une chose pareille. Je crois effectivement qu'on a des problèmes de sous-financement. Je pense que tout le monde le reconnaît. C'est une chose. L'autre chose est que nous avons dans le système actuel deux portes, comme on l'a dit. Le FCAR a joué un rôle capital dans le développement. Le forum québécois, si je remets ça dans le cadre de la discussion de ce soir, ajoute quelque chose de fondamental dans le développement de la recherche, dans la compétitivité, et dans le démarrage, dans certains cas, et dans le rattrapage des chercheurs, on pourrait dire des artistes québécois.

Par ailleurs, le forum national qui a aussi d'autres perspectives, qui a des ressources qui sont différentes, offre des avantages différents. Ça ne comble pas les lacunes du sous-financement. Ça permet bien sûr aux universitaires d'aller chercher de l'argent qui leur appartient puisque nous sommes dans un système où les taxations sont doubles. Par conséquent, il s'agit pour nous d'aller concurrencer à un autre niveau. Et ce que je vous dis tout simplement, que ce soit pour les artistes, que ce soit pour les médecins, que ce soit pour les biologistes, que ce soit pour les juristes, c'est un exercice extrêmement stimulant. (20 h 45)

D'abord, il y a un double niveau de participation. Premièrement, on présente des projets de recherche à cet endroit-là et on est jugés par des pairs à une échelle nationale. Deuxièmement, on est invités également à participer aux jurys et, à ce compte-là, on est exposés, là aussi, de l'autre côté de la clôture, à l'ensemble des idées. Pour l'avoir vécu à de multiples reprises et pour avoir vécu également la même expérience au FCAR, dans des jurys, comme président de groupe, etc., c'est un exercice qui est fascinant. Et je vous dis que, si on choisit d'en abandonner un, il y a un prix à payer, c'est tout. Maintenant, ça ne règle pas le problème du sous-financement des universités. Ce sont deux choses qui me semblent un peu différentes.

Mme Caron: Dans certains pays, il y a une seule porte, et on ne souffre pas de sous-financement. Il n'y a peut-être pas de défi, mais on ne souffre pas de sous-financement

Vous avez parlé d'être partenaires, donc partenaires, évidemment, avec le gouvernement, le ministère des Affaires culturelles, le ministère de l'Éducation, le ministère de l'Enseignement

supérieur. Est-ce que vous voyez d'autres partenaires qui pourraient se greffer?

Mme Cinq-Mars: Le rapport en identifie. Il identifie ce qu'il appelle les milieux culturels. Alors, j'imagine que ça englobe plusieurs types d'acteurs, donc, ça en fait partie. Il identifie les municipalités... Enfin, je ne sais pas s'il faut que je reprenne la nomenclature.

Mme Caron: Non. Votre rôle de partenaire à vous, avec ces milieux-là, vous le voyez comment?

Mme Cinq-Mars: Avec ces milieux-là? Tout dépend de la forme que pourrait prendre - comment dire? - le travail en concertation: s'il s'agit d'une commission, s'il s'agit d'une table de concertation, s'il s'agit d'un forum, je ne sais pas. Je le vois comme - je ne sais pas si je saisis bien votre question - un échange, un échange d'idées, une mise en commun, une recherche de solution autour de certains problèmes en commun. Je ne suis pas sûre d'avoir saisi votre question clairement. Peut-être que je réponds à côté.

Mme Caron: Vous parlez de la nécessité de redéfinir le mandat des Affaires culturelles. Bien concrètement, vous souhaitez quels changements par rapport à la situation actuelle et vous voyez votre rôle comment, à l'intérieur de ce nouveau mandat des Affaires culturelles qui va être défini avec les différents partenaires?

Mme Cinq-Mars: Un exemple très simple: La constitution, la composition même de la commission aurait pu inclure des représentants universitaires. Comprenez-vous?

Mme Caron: Oui. Mme Cinq-Mars: Bon.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, peut-être un mot de conclusion.

M. Boulerice: Oui. Écoutez, c'est toujours quand même très intéressant d'avoir l'opinion d'universitaires, sauf que je vais toujours relancer la balle à M. Boucher. Je suis ouvert pour un débat là-dessus. Je voudrais bien qu'on vide la question. Ha, ha, ha! C'est un défi que nous nous lançons et qui ajoute aux vôtres et sans doute aux miens. Ceci dit, abandonnons le ton badin. Je vous remercie beaucoup, Mme Cinq-Mars et M. Boucher, d'être venus à la commission. Du choc des idées, effectivement, jaillit la lumière.

Le Président (M. Doyon): C'est terminé, M. le député de Mercier, mais je vous permets un seul mot.

M. Boulerice: Je m'excuse. Vous avez dit, madame...

Mme Cinq-Mars: J'ai dit: C'est ce que nous nous tuons à dire à nos étudiants.

M. Boulerice: Oui. Ha, ha, ha! Avec succès?

Mme Cinq-Mars: Parfois.

M. Godin: Mme Cinq-Mars souligne qu'elle aurait souhaité que quelqu'un du monde universitaire siège ici. Mais, madame, pour siéger ici...

Mme Cinq-Mars: Pas ici, à la commission Arpin.

M. Godin: Arpin.

Mme Cinq-Mars: Non, parce qu'ici, je comprends qu'il y a tout un mode d'élection. Je parlais de la commission Arpin.

M. Godin: Prenons-les un par un. Ici, il faut être élu comme député pour siéger.

Mme Cinq-Mars: Je comprends tout à fait.

M. Boulerice: Mais un diplôme universitaire ne nuit pas, pour être élu. Ha, ha, ha!

Mme Caron: Mais ce n'est pas nécessaire.

Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Cinq-Mars. Merci, M. Boucher. Effectivement, il faut la participation du milieu de l'éducation, en général, malgré que nous soyons à une commission de la culture, donc, spécifiquement aussi pour étudier la culture et les arts, d'une part. Deuxièmement, il faut aussi se rappeler que M. Arpin était sous-ministre à l'Éducation. Il a participé énormément à l'élaboration de tout le système d'éducation que l'on connaît actuellement. Alors, il avait une expertise. Et c'est toujours en fonction aussi de la commission parlementaire, pour ensuite prendre l'ensemble des idées et les mettre sur une table de travail pour livrer une politique. Alors, vous allez être partie prenante, c'est sûr. Et je me fie aussi sur vous, je me fie aussi sur les universités et le système d'éducation pour en faire la promotion à l'intérieur même du réseau, parce qu'on s'aperçoit aussi qu'il y a des lacunes graves à ce niveau-là quant à toute la dimension culturelle.

M. Boucher: Est-ce qu'il est trop tard pour dire un petit mot, M. le Président?

Le Président (M. Doyon): Oui, allez, en

terminant, rapidement.

M. Boucher: En terminant, rapidement, l'impression - mais c'est vraiment seulement une impression sans doute et j'espère que j'ai tort - est que, d'une part, nous, comme université, nous sommes une entreprise culturelle importante dans une société comme le Québec et que, par ailleurs, le ministère des Affaires culturelles ne considère pas les universités comme faisant partie de son monde. Je comprends qu'il y a un autre ministère qui en est le titulaire et je ne veux pas entrer dans ces querelles-là, mais il reste quand même que la culture, puisque c'est de ça dont il s'agit ce soir, est quelque chose qui dépasse de beaucoup les limites étroites du monde des artistes. Nous en faisons partie et on aurait souhaité, dans certains cas, être un peu plus impliqués et ne pas se sentir en marge, comme des gens qui viennent ajouter un petit son de cloche ou un peu de crème sur le gâteau.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Boucher. Alors, il me reste, au nom des membres de la commission, à vous remercier et à vous souhaiter un bon retour. Votre apport à nos débats est sûrement très apprécié. Merci beaucoup.

Il est maintenant l'heure de recevoir le Réseau des diffuseurs de spectacles Laurentides-Lanaudière-Montérégie, me dit-on. Je les invite à s'avancer, à prendre la place qui leur est réservée en avant.

Bienvenue. Vous êtes ici depuis tout à l'heure. Alors, vous savez comment on procède. Vous vous présentez et vous disposez d'une quinzaine de minutes pour nous expliquer ce que vous avez à nous proposer, quel est le genre de débat que vous voulez engager avec les membres de la commission et, après ça, on prend le temps qui reste pour discuter avec vous. Vous avez la parole.

Réseau des diffuseurs de spectacles Laurentides-Lanaudière-Montérégie

M. Goulet (Claude): D'accord. M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs. Les personnes qui m'accompagnent: Mme Christine Bellefleur, présidente du Réseau des diffuseurs, de la ville de Mont-Laurier; M. Jean-Pierre Leduc, de Valspec. Mme Diane Perreault, du cégep de Saint-Jérôme, était censée être des nôtres, mais elle a eu une contrainte de dernière minute.

Tout d'abord, avant de céder la parole à mes confrères, je vais faire une courte description du Réseau et de ce qui nous a amenés à déposer un mémoire dans le cadre de la commission parlementaire. D'abord, juste pour situer les gens, le Réseau des diffuseurs de spectacles Laurentides-Lanaudière-Montérégie regroupe 15 salles de spectacles majeures et intermédiaires qui ont un gabarit de 500 à 1000 sièges dans les régions, comme je le disais tantôt, de la Monté-régie, des Laurentides et de Lanaudière. On fait de 700 à 800 représentations-année dans des salles de spectacles professionnelles, et ça, de septembre à mai. Ce qui veut dire que ça exclut tout le théâtre d'été. Le bassin de population dans lequel on retrouve nos membres comprend à peu près le tiers du Québec, c'est-à-dire dans les régions mentionnées. C'est assez important comme bassin de population.

Avant d'aller plus loin, j'aimerais aussi faire une espèce de correction. Dans notre mémoire, à la page 6... Ce n'est pas une correction, plutôt une mise en garde. C'est-à-dire que dans les chiffres qu'on retrouve à la page 6, on n'a pas tenu compte, bien entendu, comme il est mentionné, des chiffres de la Montérégie parce qu'ils ont été inclus dans le Réseau seulement à partir du 27 septembre. Aussi, on a omis volontairement de mettre, si on veut, les ventes de billets au niveau du théâtre jeune public, qui représentaient 41 000 $ l'année dernière et 61 000 $... C'est important parce que ça vient changer drôlement les chiffres.

Pourquoi on a présenté le mémoire à la commission, c'est qu'on était très inquiets de toute l'espèce d'esprit de centralisation qu'on retrouvait dans le rapport Arpin. Quant aux pouvoirs qu'on accordait dans ce rapport-là au ministère des Affaires culturelles, on dit: Oui, mais, de grâce, pas encore une superstructure, on n'a pas envie de vivre avec ça. Tout est orienté en fonction des organismes nationaux. On semble oublier complètement les régions. De plus, tout est orienté en fonction de Montréal et de Québec. On oublie la tendance réelle du développement des régions en périphérie de Montréal. Enfin, on parle d'éliminer le saupoudrage. Nous sommes tous pour la vertu, mais qui va définir le saupoudrage? Les lobbies? Une superstructure établie à Montréal? Sommes-nous le saupoudrage, le Réseau?

Finalement, l'organigramme qu'on présente dans le document, à la page 9, est un cadre de référence. Il vous dit où on intervient dans le maillon de la chaîne de diffusion au Québec et il démontre un peu le rôle qu'on joue. On est très indépendants de l'offre. Si on veut, on est le dépanneur du coin. On reçoit le produit. On n'a aucun contrôle sur l'offre qui nous est proposée et c'est nous, pourtant, qui avons le lien direct avec le consommateur, l'acheteur de billets. On a un intérêt très spécifique à mieux connaître la demande, parce qu'on fait face à plein de produits concurrentiels.

Donc, en résumé, c'est un peu le cadre de référence sur lequel on s'est appuyés pour faire le Réseau. Je cède la parole à Mme Bellefleur qui va vous expliquer, qui va vous parler des propositions 1 à 3. Moi, je vais revenir pour la proposition 4, et M. Leduc va conclure avec les propositions 5 et 6.

Le Président (M. Doyon): Mme Bellefleur.

Mme Bellefleur (Christine): Oui. Donc, comme M. Goulet l'a exprimé, notre première démarche a été de réagir sur l'hypothèse de centraliser dans de grandes institutions. Comme réseaux régionaux, on a aussi été inquiets de la réponse de l'Union des municipalités à qui on demandait sur quoi elle sacrifierait, le cas échéant, et qui a répondu sans hésitation: Sur les loisirs et sur la culture, dont nous faisons aussi partie, et évidemment, des incidences d'une économie qui est très fragile et dont on ne voit pas le moment où elle va reprendre son élan. Donc, l'exercice de consolider les partenaires devient de plus en plus important et nous nous considérons, nous, comme réseaux, comme un partenaire. Parce que pour être partenaire, il ne s'agit pas nécessairement d'injecter de l'argent neuf, mais d'activer des dossiers et, ça, les réseaux régionaux le font. Nous sommes des quatre-roues, nous sommes des gens de tout-terrain et nous exerçons ce travail-là quotidiennement, avec ou sans politique nationale sur le développement de la culture parce que, constamment, on doit répondre à la demande qui nous provient de façon très directe du consommateur de spectacles.

Donc, il est nécessaire, avec les heures qu'on vit maintenant au Québec, d'être cohérent dans la poursuite de nos objectifs et qu'ils soient communs. C'est important d'être complémentaire et de bien s'entendre sur le rôle que chacun devra jouer, mais il va aussi falloir faire des choix. En région, on ne peut pas être des organismes de diffusion spécialisée. On ne peut pas se concentrer dans un champ d'action donné. On doit être capable d'offrir un programme spécialisé dans toutes les disciplines. On doit offrir au public ce qu'il aime, mais on doit aussi lui faire aimer ce que le marché offre. L'offre, elle est bien connue. On a réussi, avec des organismes nationaux, à répertorier quand même assez bien ce qui s'offre comme produits artistiques. Les coûts aussi peuvent être assez bien déterminés, mais il faut former la demande. On parlait d'éducation avant nous. Ce n'est pas parce que les jeunes ou les adultes vont être des spécialistes dans la musique ou vont être formés à une forme d'art qu'on forme nécessairement des spectateurs, et le rôle de l'éducation est aussi de former des spectateurs, ce que nous faisons.

Donc, il vaut mieux comprendre la demande pour être plus rationnel, évidemment, par les années où l'argent est plus rare, mais il faut aussi - et c'est là toute la difficulté qu'on rencontre - ne pas sacrifier des formes d'art pour des raisons strictement économiques. Donc, ce qu'on demande, nous, comme réseaux régionaux, c'est d'être capable d'étudier le marché, de se donner des outils et que le ministère, dans cette démarche que nous lui proposons, nous garantisse des sommes d'argent et des outils qui vont nous permettre, par exemple, d'exécuter, comme l'année dernière, une étude de marché pour la région Laurentides-Lanaudière, qui nous a permis d'identifier les forces et les faiblesses de notre marché. À titre d'exemple, le diffuseur de Sainte-Thérèse a pu, suite à ça, exercer une activité de groupe de discussion auprès des consommateurs, ce qui lui a permis de diriger sa programmation vers du théâtre et lui a nettement donné raison de s'être orienté selon les groupes de discussion. (21 heures)

Donc, ça, c'est des faits, et ça se traduit par une économie d'argent, parce qu'on augmente nos assistances. Alors, toute la proposition que vous retrouvez, qui dit que nous recommandons au ministère de favoriser l'acquisition de nouveaux outils, c'est strictement par un souci de rationalisation dans notre démarche, pour que l'on cesse de donner et d'investir dans des secteurs inutilement, mais qu'on soit capables de mesurer aussi ce que cela nous rapporte à long terme. Il faut être capable d'avoir le souffle de faire des choses à long terme, ce qui nous manque souvent dans la diffusion. On est confrontés quotidiennement à l'obligation de renégocier des ententes avec le ministère, et l'es-souflement qui est conséquent à ça fait en sorte qu'on va peut-être moins aller courtiser d'autres partenaires financiers dans nos milieux, parce que, s'il faut d'abord convaincre le ministère, vous comprendrez que c'est de l'énergie qu'on n'a pas pour convaincre d'autres partenaires.

Ensuite, l'autre recommandation que nous faisons, à l'effet de créer un fonds régional de promotion pour les spectacles dits à risque, alors ceci vient aussi rejoindre... Une des failles dans l'organisation de la circulation des spectacles au Québec, c'est que, souvent, les spectacles sont lancés à Montréal, ou il y a organisation d'événements artistiques à Montréal et on ne prévoit à peu près pas de mécanismes de retombées en région. Alors, quand, nous, on achète, sur l'élan de la promotion montréalaise, un spectacle, on devient finalement comme le dernier client du producteur et nous devons ensuite assumer, avec peut-être une cinquantaine d'affiches, toute la mise en marché du produit dans nos régions. Il manque de soutien financier à cet égard-là; il manque de prolongement de coordination dans ces efforts-là. Évidemment, ce n'est pas parce qu'un artiste va passer quelques minutes à "Ad Lib" que cela va remplir nos salles. Alors, on a besoin d'un support qui est plus important que ça.

Enfin, pour ce qui est dans la même lignée, nous recommandons de pouvoir avoir accès, avec les producteurs, aux programmes du ministère sur les industries culturelles, de façon à pouvoir coordonner dès le départ la mise en marché d'un produit artistique. Parce que, comme nous le citions précédemment, nous sommes quand même

sur le terrain et nous devons combiner le besoin du spectateur avec le produit qui est offert et qui, souvent, ne va pas nécessairement répondre aux besoins du spectateur. La création est indisciplinée, et c'est une expression qui est à la base de l'expression d'un individu, mais qui doit aussi rencontrer celle de sa collectivité pour pouvoir connaître son cheminement. II est important, quand même, que l'on puisse, nous, comme diffuseurs, participer à la mise en forme d'une tournée qui est subventionnée par le ministère, mais qui prend souvent fin au Spectrum. Alors, voilà!

M. Goulet: Concernant les recommandations 3 et 4, tout est orienté, bien entendu, en fonction de la demande. Comment veut-on développer la demande ou intéresser le consommateur quand on fait le tour... On n'a qu'à faire le tour des salles de spectacles en région et, je vous le dis, le mot "brailler" est même désuet, est même petit, à regarder les équipements. Si on veut intéresser, si on a à se positionner dans le marché des arts d'interprétation, il faut qu'on ait les équipements techniques. Le ministère a identifié très simplement des programmes par lesquels il intervient financièrement au niveau de la diffusion des partenaires dans les régions. Si ces partenaires-là ont une entente et que ça va bien avec le ministère, le ministère devrait au moins donner la chance à ces diffuseurs-là d'avoir les outils, les équipements techniques pour enfin pouvoir se développer, s'ajuster et travailler la demande. Parce que, effectivement, quand on paie 23 $, 24 $ ou 25 $ pour un billet de spectacle, qu'on arrive et que le banc n'est plus là, c'est un peu catastrophique.

Donc, c'est intéressant de vérifier ça et aussi de regarder... On parle toujours, en termes d'équipement, de mégasalles, c'est-à-dire des salles de 1200 et 1500 sièges; ça fait simplement plaisir au producteur, et on n'a pas nécessairement besoin de ça, au Québec, de construire des mégasalles de cet ordre-là. On devrait s'orienter vers des salles d'un gabarit de 1000 et moins, et ça, ça répondrait suffisamment à la demande. Ça, je pense que ça devrait aussi être une priorité au niveau du ministère.

Et aussi, au niveau de la quatrième proposition, au niveau des festivals - ça fait aussi un lien avec ce que Mme Bellefleur disait tantôt -on voit souvent des festivals à Montréal. On parle des FrancoFolies, qui auront lieu dans peut-être deux semaines, trois semaines, du Festival de nouvelle danse, du Festival de théâtre des Amériques. Il n'y a aucune connexion qui se fait avec le marché en périphérie de Montréal. On a des artistes qui viennent, des fois, d'un peu partout dans le monde. Simplement, ce n'est pas pour rien que ces événements-là sont créés à Montréal, c'est parce que ces festivals-là cherchent un cadre événementiel, sinon il n'y a personne qui assiste aux spec- tacles. Donc, si on peut travailler avec des réseaux régionaux - et on a un outil avec les diffuseurs - pour qu'on puisse enfin en présenter, de la danse, enfin en présenter, du théâtre, qui finit souvent à La Licorne ou à Fred Barry, qui ne va pas en région. Il y a des pièces, souvent, qui sont excellentes.

Aussi, bien entendu, on a une certaine crainte. C'est-à-dire que le ministère, aussi, intervient financièrement avec ce qu'on appelle de l'incohérence, des fois, au niveau de l'aide financière. Au niveau de certains festivals en région, souvent, ça devient ce que j'appelle du "dumping" culturel. C'est-à-dire que le festival en région, comme il est écrit dans le mémoire, va vendre un artiste ou trois artistes à 9,99 $. Nous, la journée qu'on essaie de le développer en salle, on est obligés de le vendre 24 $, 25 $, le prix réel du marché. Comment veut-on intéresser le public à long terme et expliquer au public que, nous, on est obligés de vendre un billet 24 $ ou 25 $, quand le festival du coin l'a vendu 9 $? Et là, je ne dis pas au ministère de venir, si on veut, mettre la main dans l'ensemble des festivals, mais au moins dans les festivals dans lesquels il intervient. Je pense au cas bien précis d'un événement qui s'est passé cet été à Lanau-dière. Quand il y a des équipements qui servent comme ça, ça vient tuer tout le marché qu'on essaie de développer en salle depuis 19 ans. Donc, je cède la parole maintenant à M. Jean-Pierre Leduc.

M. Leduc (Jean-Pierre): II m'est imparti, mesdames et messieurs, de vous présenter les deux dernières recommandations de notre mémoire. Je voudrais simplement me situer personnellement, parce que j'ai l'intention de me prendre en exemple. Valspec est un organisme de diffusion de spectacles qui existe depuis 1977. Donc, on va fêter notre quinzième anniversaire et je peux témoigner, moi, qu'au cours des quinze dernières années, au Québec, un des phénomènes culturels les plus extraordinaires, ça s'est passé au niveau de la diffusion de spectacles, de l'essor de nombreuses salles de spectacles qui n'existaient pas, de la création d'organismes de diffusion. Une effervescence absolument exceptionnelle de toute cette dynamique de la diffusion de spectacles en région. Et nous sommes maintenant face, je crois, à un point tournant dans ce développement-là, oui, où il sied bien au ministère de réfléchir sur son orientation de politique générale. Je pense qu'il faudra que le ministère fasse une large réflexion sur l'appui et la contribution qu'il entend faire pour soutenir, maintenir, je dirais, le développement de ces salles de spectacles.

J'ai dit que j'allais me donner en exemple. À Valspec, quand nous avons commencé en 1977, nous avions un budget de 8000 $ et nous avons réalisé sept activités. L'an dernier, nous avons réalisé 114 activités de spectacles avec un budget

de 760 000 $. Et ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. À travers le Québec, il y a plein d'organismes du genre qui ont connu un essor exceptionnel, lié au fait qu'il y a un engouement qui se développe de plus en plus dans la population. Les gens ont de plus en plus le goût de voir des spectacles, il y a des habitudes de vie qui sont en train de changer. Les gens sont moins orientés vers les arenas et vers les spectacles sportifs et, de plus en plus, la qualité de vie est reliée à la possibilité d'avoir, dans son milieu, accès à une bibliothèque, à un musée, à une salle de spectacles. Et cette dynamique-là, elle est là pour rester. J'ai même ouï-dire que ça faisait maintenant partie de certains critères pour certaines entreprises, pour s'installer ou ne pas s'installer dans un milieu, de savoir s'il y avait, oui ou non, bibliothèques, salles de spectacles, etc.

Un autre phénomène - et là, ça m'amène à la recommandation qui est là - c'est le regroupement de ces diffuseurs-là en réseaux régionaux. Je dois vous avouer qu'il y a 10 ans je n'envisageais même pas que Valspec puisse faire partie d'un réseau régional monterégien. Je n'envisageais même pas la Montérégie à cette époque, c'est vous dire. On a appris à vivre avec la Montérégie. Mme Cardinal, ici présente, a assisté, elle aussi, à toute cette identification du milieu à une région montérégienne. Et, pourquoi, aujourd'hui, la Montérégie va-t-elle se coller avec Lanaudière et Laurentides? Faites le petit exercice suivant: Prenez un compas, mettez le pic du compas sur l'île de Montréal, en plein centre, et tracez un cercle; vous allez retrouver 14 de nos 15 membres, le quinzième étant, madame, Mont-Laurier, qui est un peu un cas d'espèce. Mont-Laurier a décidé un jour de se raccrocher à la région des Laurentides, de, finalement, basculer du côté métropole montréalaise et, par conséquent, Mont-Laurier fait partie de notre réseau. Mais, nous avons plein de choses en commun. À proximité de Montréal, j'ai, dans ma salle à Valleyfield, le même genre de problèmes que Marcel Laporte a dans sa salle à Joliette. Donc, ce réseau-là s'est développé - et je tiens à le dire et à l'affirmer - sur la volonté du milieu. Les diffuseurs de la Montérégie, tous et unanimement, ont décidé qu'il était de leur intérêt de se regrouper avec Laurentides-Lanau-dière et que ça deviendrait un outil de développement qui nous permettrait à tous d'aller plus loin.

Je crois que, si c'est vrai pour les diffuseurs de Laurentides-Lanaudière-Montérégie, c'est vrai pour ceux de la Côte-Nord, de la Gaspésie, de l'Abitibi-Témiscamingue. Donc, ce phénomène des réseaux régionaux doit être pris en compte par le ministère comme étant l'aboutissement d'une volonté du milieu. Je crois que le ministère doit entrevoir très sérieusement de déterminer les cadres d'un "partnership" avec ces réseaux-là, et on va aller très loin.

Peut-être, tantôt, aurons-nous l'occasion de répondre à une question concernant le réseau national et la compétition qu'il pourrait y avoir entre le réseau national et les réseaux régionaux. Je me ferai un plaisir de répondre si quelqu'un me pose la question.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Leduc: II y a un autre point de notre mémoire qui est très important, qui ressuscite d'une certaine manière le fonds d'appariement. Je ne sais pas s'il y a des gens qui sont au ministère depuis assez longtemps... Parce que, dans ce ministère des Affaires culturelles, les gens, malheureusement, changent trop vite, les ministres en particulier, pour nous permettre de véritablement avoir prise et développer quelque chose avec ce ministère. Il y avait un fonds d'appariement et la ministre de l'époque nous avait dit: Chaque fois qu'un organisme culturel ira chercher un dollar dans le milieu, je donnerai un dollar. C'était à peu près ça. Pardon?

M. Boulerice: C'est Clément Richard qui a fait ça.

M. Leduc: Clément Richard, bon, en tout cas.

M. Boulerice: Mme Bacon l'a modifié.

M. Leduc: Elle a simplement continué le processus. Toujours est-il que cette histoire n'a pas marché parce que la gageure que le milieu n'avait pas le dynamisme pour aller chercher l'argent a été perdue par le ministère. Nous avons le dynamisme pour aller chercher de l'argent dans le milieu. Nous l'avons prouvé. L'absence du fonds d'appariement est la preuve que nous avons ce dynamisme.

Maintenant, je pense qu'il faut prendre un autre chemin, et notre proposition, c'est d'aller, par des mesures fiscales, faire en sorte que les entreprises et les organismes de nos milieux que nous allons solliciter puissent mettre de l'argent dans nos industries culturelles en bénéficiant de mesures fiscales. Et, de cette façon, ce sera indirectement un fonds d'appariement, mais où le ministère n'aura pas la douloureuse tâche d'encaisser les impôts et de nous les redonner. On va prendre nos impôts nous-mêmes en allant offrir à des entreprises des mesures fiscales, des allégements fiscaux, parce qu'elles contribuent à soutenir un fonds régional de développement au niveau des organismes de diffusion et des organismes culturels en général.

Le Président (M. Doyon): Bon, on va permettre à la ministre ou à quelqu'un d'autre de vous poser des questions, autrement, il ne restera plus de temps. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Oui, ça me fait plaisir de vous entendre. De toute façon on s'était rencontrés quand j'ai fait ma tournée. Je vais laisser la parole à mon collègue de votre région. Mais, avant, on a beaucoup parlé de la baisse de fréquentation au niveau du réseau des salles. Bon, effectivement, il y a la crise économique, il y a eu l'ajout aussi de la TPS qui n'a pas aidé. Mais, il y a quelqu'un qui s'occupe justement de salles, en fait, qui est promoteur, et qui me disait la semaine dernière qu'on parle très peu de la qualité. Dans un sens où on nous dit: Oui, c'est ça, c'est à cause de la condition économique et tout ça, mais la qualité? Sur la qualité des spectacles qui sont offerts maintenant, cette personne-là, qui est très bien connue, disait que, en fait, on a un souci moins grand, c'est-à-dire qu'on a un artiste, on se dépêche à le pousser. Bon, l'artiste a fait une ou deux chansons et, tout de suite, il doit s'en aller faire une tournée de spectacles, ce qui fait en sorte que la qualité baisse. Évidemment, le public n'est pas dupe et le public n'y va plus. Compte tenu aussi du choix que l'on offre maintenant, une qualité de son - là, je vais parler plutôt des arts d'interprétation, mettons - le disque laser, etc., tout le choix qui s'offre - autant au niveau du cinéma -tout entre en ligne de compte, maintenant. Est-ce que vous avez vu ça, vous autres? Est-ce que vous percevez ça de façon peut-être aussi... Ou est-ce que vous êtes aussi critiques?

M. Goulet: Je pourrais débuter en disant: Vous savez, c'est que, si on travaille... En ce moment, l'ensemble de l'industrie fait en sorte qu'on travaille à court terme. C'est-à-dire, comme vous le dites, aussitôt qu'un produit est là et qu'un artiste a fait deux, trois chansons, on le lance sur le marché. On ne travaille pas pour demain. Et c'est pour ça que, quand on parle d'avoir accès à des programmes d'aide à la production, c'est essentiel. Ce n'est pas parce qu'un artiste a fait deux, trois spectacles à Montréal... Et on peut parler d'artistes connus, des fois, dans bien des cas. Et là, la journée où ils arrivent en région, il n'y a pas de support, rien. C'est vraiment lancé et là, on a peu de promotion, il n'y a rien de fait pour développer l'artiste. Et la journée où il n'y a pas d'artistes connus qui sont disponibles et qu'on essaye de présenter un artiste qu'on peut qualifier de la relève mais qui ne l'est pas vraiment... Je pense à des artistes comme Laurence Jalbert, et même Jim Corcoran, à la limite, parce que Jim Corcoran, ça a été catastrophique, la dernière tournée qu'il a faite au Québec. C'est-à-dire que ces artistes... On n'a pas eu de tournée avant. On n'a pas amené le public à se déplacer en salle. On n'a rien travaillé pour développer le goût du public à ça. Et c'est ça aussi. Il faut travailler à long terme.

Mme Frulla-Hébert: Est-ce que ce n'est pas la faute, à ce moment-là... Si on regarde la responsabilité, nous autres, on développe toute la chaîne, on développe la chaîne au niveau de la relève et tout ça. C'est une action gouvernementale. Mais, n'est-ce pas aussi un peu la responsabilité du producteur, par exemple, qui veut lancer, ou enfin qui veut faire de l'argent tout de suite, et celle de l'agent, même, de l'artiste, qui va le pousser, tout simplement, et l'exploiter trop vite au lieu, justement, de lui donner le temps de maturer, comme on le faisait peut-être avant, quand il y avait moins d'opportunités, donc que les gens avaient le temps, peut-être, de mûrir un peu plus longtemps?

Mme Bellefleur: Moi, je trouve qu'il y a comme deux questions dans votre question. En fait, il y a comme deux discussions qui pourraient se faire. Parce que, d'une part, c'est vrai, le départ précipité en tournée, parfois, de certains artistes, mais je ne pense pas que ce soit une question - quand vous parlez de qualité de spectacle - qui fait qu'il y ait eu une diminution des spectateurs. Parce que, moi, je suis plutôt très fière, règle générale, de ce qui circule dans nos salles. Je trouve que les artistes au Québec ont quand même un assez grand respect de leur public pour se présenter en salle. On ne parlera pas des exceptions, là, mais je pense que, globalement, ce n'est pas la qualité des spectacles qui fait que les assistances ont peut-être diminué. On parlait de chiffres. Bon, il y a 10 ans, quand on vendait la compagnie Jean Duceppe en tournée, les billets étaient à 6, 50 $ et là, c'était très cher parce qu'on était passé de 4, 50 $ à 6, 50 $. Je ne peux pas vous dire, il y a 10 ans, le salaire moyen, de combien il était, mais aujourd'hui, pour produire la compagnie Jean Duceppe à Mont-Laurier, il faudrait compter 32 $ avec les taxes. Donc, c'est une sortie de 64 $ parce que, c'est connu, c'est un fait de couples, souvent. Ça aussi, ça fait que les gens sont plus sélectifs, mais pas nécessairement parce que le produit théâtral est moins bon qu'avant. Tandis que l'espèce de parachutage qu'on fait des artistes en tournée, ça répond, ça, je pense, à une habitude de consommation de fast-food des Québécois, un peu du genre: C'est annoncé, on le veut tout de suite. Puis il y a aussi l'état star system qui entre en ligne de compte. Quand on veut voir un artiste à tout prix... (21 h 15)

M. Leduc: Pour répondre aussi à votre question concernant la qualité, il faut séparer les disciplines. Il tourne beaucoup de théâtre actuellement au Québec. Dans notre salle, nous allons présenter 11 pièces cette année, et je dois vous dire qu'au cours des 15 dernières années, j'ai assisté, quant à moi, à une amélioration de la qualité. Les présentations théâtrales sont d'une qualité de plus en plus grande, parce que c'est le secteur du marché, selon moi, au niveau tournée, qui est le mieux organisé, et c'est le secteur du

marché où les relations producteurs-diffuseurs sont les plus harmonieuses. Là où il y a eu aussi une notable amélioration de qualité, notamment dans une salle comme la nôtre, c'est qu'on a, grâce à une subvention du ministère, de l'OPDQ et de la ville, pu améliorer nos équipements techniques. Notre salle a été rénovée pour 1 200 000 $, et la qualité de présentation des spectacles s'en est trouvée immédiatement quintuplée.

Je pense que ça, c'est toute une démarche que le ministère a entreprise. Le ministère doit absolument compléter cette amélioration des équipements de présentation de spectacles à travers le Québec. Une chose qu'il faudrait aussi liquider, je pense, qui est un petit peu dangereuse dans le rapport Arpin, c'est cette espèce de théorie selon laquelle le monde devrait aller voir des spectacles à Montréal et à Québec. Les gens de Valleyfield, par exemple, qui sont à 45 minutes ou une heure de route, pourquoi ne vont-ils pas à Montréal? Ils ne vont pas à Montréal parce qu'ils n'y vont pas. Ils n'iront pas plus si on décide qu'ils doivent y aller.

Il y a une étude de Cultur'inc qui vient d'établir qu'en Montérégie, le pourcentage de fuite des amateurs de spectacles vers Montréal est de l'ordre de 6 %. Donc, 94 % des gens qui voient des spectacles en Montérégie les voient dans leur milieu. Avec toute cette organisation plus ou moins cahotique, très inégale, les gens préfèrent quand même voir des spectacles au coin de la rue. Et je sais, moi, dans ma ville, où je travaille depuis 15 ans, que j'ai des spectateurs... Nous avons 744 abonnés au théâtre, et je peux prétendre qu'il y a 25 % ou 30 % de ces gens-là qui n'ont jamais vu de théâtre ailleurs que dans notre salle et qui, si demain nous arrêtons d'en produire, n'iront pas en voir ailleurs parce que c'est comme ça qu'ils ont appris à apprécier le théâtre et à apprécier les spectacles.

L'autre problème de qualité, c'est au niveau des variétés. Et là...

Le Président (M. Doyon): Rapidement, parce que je dois donner la parole au représentant de l'Opposition.

M. Leduc: Ce n'est pas que les spectacles qui sont de mauvaise qualité, c'est la structure et l'organisation de mise en marché de tout le produit, depuis sa création jusqu'à son arrivée dans notre salle. Et ça, c'est un vaste problème au niveau des variétés, sur lequel le ministère devrait aussi se pencher et voir quel pourrait être son rôle pour améliorer ça.

Le Président (M. Doyon): Bien. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Brièvement, M. le Président. Bon. On s'est aperçu que vous aviez grossi, parce que c'était Laurentides-Lanaudière, et là, on voit que...

M. Goulet: Le titre du mémoire porte les trois régions, M. Boulerice.

M. Boulerice: Je le sais bien, mais quand on vous a annoncés, c'était Laurentides-Lanaudière; on a été heureux de voir que Montérégie était avec vous. Ce n'est pas un reproche que je vous fais.

M. Goulet: Ah non, non. M. Boulerice: Voilà!

M. Goulet: On était malheureux, nous, de voir que ce n'était pas inscrit.

M. Boulerice: M. Leduc, j'espère que vous avez compris, tantôt, quand j'ai dit "encore vous". C'est que, malheureusement, je vous ai confondu avec quelqu'un qui a une étonnante ressemblance et qui est venu deux fois.

M. Leduc: Heureux homme! Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Heureux homme! Alors, j'ai dit spontanément: Encore vous!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Mais votre discours est tellement passionnant qu'on pourrait peut-être s'arranger pour que vous reveniez. Écoutez, très brièvement, parce que ma collègue, la députée de Terrebonne, Mme Caron, veut vous poser des questions. Dans votre mémoire, justement, vous y êtes revenu, vous avez parlé de la mise en commun des ressources, des diffuseurs, et de la nécessité de le faire. Quels bénéfices comme tels avez-vous tirés du regroupement en ce qui regarde le développement de marchés à long terme?

Mme Bellefleur: Un des programmes sur lesquels on travaille depuis deux ans, parce que... Malheureusement, je ne sais pas ce que vous considérez comme du long terme. Nous autres aussi on aimerait ça travailler à long terme avec le ministère, sauf qu'à toutes les années il faut redemander nos programmes. Mais il y a un programme en particulier dont on est très fiers, qui se destine au développement du marché pour le théâtre jeune public, qu'on a structuré quand même assez rapidement, avec deux années de fonctionnement, et qui est très efficace. On mentionnait déjà à Mme la ministre, lors d'une rencontre, que l'argent injecté dans le programme l'Aventure T... représentait finalement une contribution de 0, 33 $ par enfant, parce qu'on

avait, la première année, 41 000 abonnements d'enfants, et on s'est adressés directement au milieu scolaire. L'objectif est de permettre à des enfants, dès leur jeune âge, d'assister à des représentations de théâtre professionnel dans des lieux professionnels et non pas dans les gymnases de leurs écoles primaires. Donc, on a reçu un bon accueil de la part du milieu scolaire, même si cela signifiait pour eux de sortir de leurs écoles, de prendre l'autobus, et tout l'exercice que cela constitue. Cet investissement-là, de 0, 33 $, comparativement à des institutions qui ont à peu près le même mandat qu'on s'est donné, de développer le marché jeune public... Vous pourrez vérifier, ces institutions, à Montréal, utilisent presque 3 $ par enfant pour venir à bout de financer cette opération-là. Donc, on pense qu'on a été assez efficaces et, la deuxième année, nous le serons parce qu'on a maintenant atteint - Claude, combien d'abonnements?

M. Goulet: 61 000.

Mme Bellefleur: 61 000 abonnements au théâtre, chez de jeunes enfants. Nous, ce qu'on souhaite, c'est de pouvoir - quand on parlait de souffle assez long - soutenir ce programme-là dans les milieux scolaires. Évidemment, c'est une clientèle qui est captive, donc qu'on oblige, finalement, à venir assister aux spectacles. Quand on parlait tantôt de formation du spectateur, c'est un peu l'opération qu'on veut faire. Mais pour pouvoir constater des retombées de ça, il faudrait être capable d'attendre que cette cuvée-là, de jeunes enfants qui auront profité du programme, arrive à l'âge adulte pour pouvoir mesurer l'impact. Maintenant, on ne considère pas que c'est un investissement énorme parce que, là, on parle d'à peu près 30 000 $ pour rejoindre 71 000 abonnés. Il y a un lien qui peut se créer comme ça et qui, en même temps, rejoint l'objectif de développement de marchés. Le milieu scolaire, c'est un partenaire privilégié.

Le Président (M. Doyon): J'ai négligé tout à l'heure de demander le consentement de cette commission pour permettre à Mme la députée de Terrebonne d'intervenir, elle qui n'est pas membre de la commission.

M. Gobé: Le député de Prévost voudrait le consentement pour, lui aussi, poser une question.

Le Président (M. Doyon): Ah! On verra. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gobé: M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, seriez-vous d'accord que mon collègue de Prévost, de Laurentides-Lanaudière...

Le Président (M. Doyon): M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît! Est-ce que j'ai le consentement de la commission?

M. Gobé: Si, en contrepartie du député de Prévost.

M. Boulerice: S'il vous plaît! Des voix: Ha, ha, ha!

M. Godin: On n'est pas à Madrid, ici, M. Gobé.

Le Président (M. Doyon): Mme la députée de Terrebonne, vous avez la parole.

Une voix: Donnant donnant.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, évidemment, à titre de députée de Laurentides-Lanaudière, j'apprécie beaucoup votre mémoire et je pense que vous décrivez très bien la situation de la couronne de Montréal, Laurentides-Lanau-dière-Montérégie, qui est une population en pleine croissance démographique et qui a besoin de spectacles. Pour les spectacles que j'ai vus - et j'en a) vu plusieurs - je pense qu'au niveau de la qualité, il n'y a pas de doute, la qualité est là et le besoin est là. Je suis très heureuse aussi que vous parliez beaucoup de formation des spectateurs parce que je pense que c'est la base première. Si on ne forme pas de spectateurs, même si on forme des créateurs, on ne peut pas aller plus loin. Vous avez parlé d'une étude qui a été faite de la demande des spectacles. Quels sont les principaux résultats de cette étude?

M. Goulet: Je peux répondre. La première étude de base qui a été faite - à l'époque, la Montérégie ne faisait pas partie du réseau -c'était une étude de marketing pour chacune des salles. C'était pour connaître les forces et les faiblesses de chacune des salles et voir sur quoi elles devaient s'aligner par rapport... Donc, chacune des salles a eu un plan de promotion qui était bien spécifique. Ça allait de la banque de données, si on veut, à des enquêtes, à faire des "focus". Mais ça a été vraiment pour connaître le portrait, forces et faiblesses de chacun, du diffuseur, de la programmation et du théâtre, c'est-à-dire: Est-ce qu'on connaît le théâtre, dans le milieu? Est-ce qu'on connaît c'est quoi, un diffuseur? C'est en ça que ça consistait.

La deuxième phase, ça a été les groupes de discussion que mentionnait Mme Bellefleur tantôt, qu'on a faits spécifiquement à Sainte-Thérèse pour voir exactement le potentiel, parce qu'il y a une salle qui n'est pas loin, qui est à Laval, et il y a une salle qui travaille aussi à Saint-Eustache. On voulait voir exactement sur quoi le diffuseur devait s'orienter en termes de programmation. Donc, on a confié à une firme privée ce mandat-là. Elle a réuni 10 personnes alentour d'une salle.

C'est une technique qui est utilisée depuis un bon nombre d'années en marketing; au niveau des arts, ça n'a jamais été traité. Et ça a vraiment permis, comme le disait Mme Bellefleur, aux diffuseurs de Sainte-Thérèse d'orienter une programmation en théâtre qui est tout à l'opposé de ce qui se passe dans les régions voisines ou chez le diffuseur voisin et atteindre un public cible, tel qu'elle le voulait, avec le résultat escompté au niveau des abonnements.

Le Président (M. Doyon): Merci. Un mot pour conclure, Mme la députée, malheureusement.

Mme Caron: Un seul mot. Eh bien, je vous remercie. L'autre point que vous avez soulevé dans votre mémoire et sur lequel j'aurais aimé vous interroger, c'est évidemment les équipements qui sont désuets et aussi les équipements inexistants dans certaines municipalités de ces régions. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la députée. J'ai le consentement de cette commission pour permettre au député de Prévost de remercier.

M. Forget: Juste une petite question. Une voix: Le député régional.

Le Président (M. Doyon): ...en délibéré. Alors, M. le député de Prévost. (21 h 30)

M. Forget: Merci, M. le Président. Je voudrais vous féliciter pour votre mémoire. Moi, c'est une petite question très courte. Tout à l'heure, j'entendais un monsieur de la région de la Montérégie qui disait tout simplement: II faut garder les gens chez nous, au niveau des régions. C'est vrai. Mais, par contre, il faut faire attention parce que c'est un échange avec Montréal. Il faut, au niveau des régions, donner un spectacle peut-être supérieur à celui de Montréal et on va attirer les gens de Montréal en région. Alors, c'est drôlement important. Parce que, lorsqu'on dit: On veut garder tout chez nous et on ne veut pas envoyer ailleurs, alors, je me pose des questions des fois. Ça m'inquiète un petit peu au niveau des spectacles.

M. Leduc: Je vous répondrai deux choses là-dessus.

M. Forget: Oui.

M. Leduc: Peut-être qu'on aurait dû souligner le fait qu'un réseau comme le nôtre a aussi comme objectif de faire émerger dans la région même nos propres artistes, parce que nous avons aussi nos propres créateurs. On a l'impression que tous les créateurs sont à Montréal, mais il y a des spectacles de production... En tout cas, dans certaines de nos salles, il y a des spectacles qui sont carrément montés par nous et qui mettent en lumière les ressources artistiques de notre milieu. Et, bien sûr qu'on espère que les gens de Montréal viendront voir ça. D'autre part, Montréal aura toujours sa place. "Les Misérables", je ne présenterai jamais ça chez nous, ni "Le Fantôme de l'Opéra".

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: "Les Misérables", c'est à Montréal. Ha, ha, ha!

M. Gobé: C'est Rivière-des-Prairies.

M. Leduc: Je ne vous demanderai pas d'élargir le cadre de scène chez nous, qui fait 30 pieds, à 75 pieds. Il y aura toujours une vocation pour Montréal, certains produits spécialisés au niveau culturel. Bon, l'Opéra de Montréal, l'Orchestre symphonique de Montréal, j'ai des gens, chez nous, qui sont abonnés. Je n'essaierai pas de les amener chez moi entendre de la musique classique, mais dans les disciplines qui sont populaires, le théâtre, la danse, etc., il y a place sur nos scènes pour les artistes de Montréal.

M. Forget: Merci, M. Leduc.

Le Président (M. Doyon): Très brève remarque, M. le député de Mercier.

M. Godin: Merci, M. le Président. M. Leduc, très souvent, viennent à Montréal, dans mon comté, dans les théâtres ethniques, des Amalia Rodriguez, des Melina Mercouri de la relève. Je me demande s'il n'y a pas un marché pour ces produits-là, des chanteurs ou des chanteuses de fados portugais, des chanteurs grecs avec des bouzoukis, comme on en a vu dans le film "Never on Sunday". Je me pose toujours la question, moi, quand je vais dans ces salles-là. Est-ce que ça ne pourrait pas marcher également à Trois-Rivières, Sherbrooke, Hull...

Mme Caron: Terrebonne.

M. Godin: ...Terrebonne, ou n'importe où dans le reste du Québec, puisque le peuple est le même partout? Est-ce qu'il n'y aurait pas une clientèle pour Amalia Rodriguez, à Sherbrooke, par exemple?

M. Leduc: Moi, je me mets de mon point de vue du diffuseur de spectacles à Valleyfield et je vous réponds: Quel cachet me demandez-vous? Ça va dépendre du cachet qu'on va me demander et selon quelles conditions on va pouvoir mettre ce produit-là sur notre marché. Moi, je suis ouvert à tous les produits. La seule chose que je demande, c'est de pouvoir fonctionner en relation

d'affaires avec des producteurs sur des bases claires, et quand on développe des produits nouveaux et qu'on fait des expériences nouvelles, d'être appuyés là-dedans, d'une part, par le producteur et, d'autre part, par le ministère. Parce que ça pourrait peut-être être une forme d'intervention du ministère de faire des expériences de marché avec nous.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. M. Godin: Merci, M. Leduc.

Le Président (M. Doyon): Alors, je me vois dans l'obligation d'interrompre cette fort intéressante discussion. Au nom des membres de la commission, aussi bien de Mme la ministre que des représentants de l'Opposition, je vous remercie et je vous permets de vous retirer de la table pour que nous puissions recevoir les gens qui vous suivent. Merci beaucoup.

Sans plus de délai, Mme la ministre, chers amis. MM. les parlementaires, il y a d'autres moments pour entreprendre des discussions. J'invite maintenant le Conseil de la culture de l'Abitibi-Témiscamingue à bien vouloir prendre place en avant. J'avertis qu'à 22 h 15 je terminerai la séance, quoi qu'il arrive.

Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants du Conseil de la culture de l'Abitibi-Témiscamingue. Je les invite à se présenter rapidement et à procéder à la lecture ou à un exposé de leur mémoire pour que les membres de la commission puissent discuter avec eux. Vous avez la parole.

Conseil de la culture de l'Abitibi-Témiscamingue

Mme Bédard (Michelle): Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, mon nom est Michelle Bédard. Je suis présidente du Conseil de la culture et les membres de la délégation sont M. Réal Couture, qui est professeur d'expression dramatique à l'école secondaire Marcel-Raymond, de Lorrainville; il est président de la salle Augustin-Chénier, de Ville-Marie, qui est une salle multifonctionnelle, et il est aussi actionnaire de l'hebdomadaire Le Reflet Témis-camien; M. Michel Vincent, qui est président de la compagnie théâtrale la Poudrerie, comédien et metteur en scène, représentant de l'Abitibi-Témiscamingue au comité des régions du Conseil québécois du théâtre; Mme Margot Lemire, qui est poète et dramaturge, auteure de la pièce de théâtre "La chambre froide", mise en scène par Alice Ronfard, à Montréal, en 1987, et récipiendaire du prix littéraire de l'Abitibi-Témiscamin-gue. Mme Lemire écrit à temps plein depuis six ans. Et M. Pierre Lapointe, qui est directeur général du Conseil de la culture.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue.

Mme Bédard: Alors, nous ne sommes pas les premiers à vous dire que la proposition du groupe-conseil présidé par M. Roland Arpin traduit une vision du développement culturel des régions qui est totalement inacceptable. Nous ne sommes pas les seuls à vous souligner à quel point il serait inquiétant pour l'avenir des arts et de la culture au Québec que ce soit cette vision qui prévale dans la politique culturelle de l'État.

Si on tenait tant à venir exprimer notre point de vue devant cette commission, ce n'est surtout pas parce qu'on trouve agréable et normal d'être obligés, à tout bout de champ, de justifier la légitimité des aspirations des régions à un développement culturel équilibré, ajusté à nos besoins et à nos particularités. Pour vous dire franchement, on en a assez qu'on remette régulièrement en cause l'importance de soutenir les artistes et les organismes culturels des régions.

Enfin, c'est parce que l'actuelle démarche visant à amener le gouvernement québécois à se donner une politique culturelle nous apparaît comme fondamentale, et c'est parce qu'il est essentiel que cette politique repose sur un principe d'équité pour l'ensemble du Québec que nous sommes ici aujourd'hui et que nous avons fait valoir à de nombreux organismes de notre milieu l'importance de se manifester dans ce débat.

La place réservée aux régions dans le rapport Arpin nous a en quelque sorte facilité les choses, comme en font foi les nombreuses réactions de notre région que vous avez pu tire et entendre depuis le début des auditions. Ce qu'on s'est attachés à mettre en lumière dans le mémoire qu'on vous a soumis, c'est que, oui, il existe une vie culturelle intense et stimulante dans les différentes zones de notre vaste région. Oui, les artistes et les organismes culturels de l'Abitibi-Témiscamingue sont performants. Ils travaillent d'arrache-pied et font de véritables miracles avec les ressources limitées dont ils disposent pour continuer à créer, à produire, à diffuser, à dispenser une formation artistique, à assurer la conservation et la mise en valeur de notre jeune patrimoine.

Oui, la région a pris en main son développement culturel. C'est incroyable tout ce qui a pu se faire depuis les 20 dernières années parce que, justement, nous avons, en Abitibi-Témis-camingue, des artistes, du personnel d'animation et de gestion, des bénévoles qui croient au potentiel artistique et culturel de leur milieu, qui poursuivent des démarches originales, profondément enracinées dans le paysage et l'âme de la région. Des gens compétents, convaincus et déterminés, qui contribuent, et veulent continuer de le faire, au rayonnement des arts et de la culture sur notre territoire, et dont plusieurs voient la qualité de leur travail reconnue au-delà de nos frontières, participant ainsi à l'enrichis-

sement de l'expression artistique du Québec tout entier.

À titre d'exemple, des auteurs comme Jeanne-Mance Delisle, qui a obtenu le Prix du gouverneur général en 1988, Margot Lemire, Denys Chabot, aussi Prix du gouverneur général en 1982, l'auteur compositeur et interprète Richard Desjardins, Grand Prix de la chanson d'expression française en 1990 et trois Félix au dernier gala. En arts visuels, des artistes comme Louis Brien, Virginia Bordeleau, Jean-Yves Brie, le photographe Arnold Zageris et tant d'autres, dont les oeuvres sont diffusées au Québec et à l'étranger.

Un bout de chemin remarquable a été parcouru, mais il faut bien comprendre que les acquis sont fragiles et qu'ils ne peuvent être maintenus et augmentés sans les efforts constants du milieu des arts et de la culture et l'engagement soutenu des partenaires. C'est pourquoi nous ne saurions trop insister sur l'absolue nécessité de fonder la politique culturelle du Québec sur un principe d'équité territoriale. C'est vrai que l'espace québécois est immense, que ses particularités démographiques posent un défi considérable, mais ce n'est pas nécessairement en ignorant ces réalités, en concentrant les ressources dans les seuls grands centres urbains et en niant à près de la moitié de la population du Québec le droit à un développement culturel complet et intégré qu'on assurera aux arts et à la culture cette place fondamentale que préconise le groupe Arpin.

S'il est incontestable que Montréal et Québec sont des pôles majeurs de vie culturelle, la désignation sommaire et monolithique de tout le reste du Québec comme "l'ensemble régional" ne reflète en rien la diversité et les particularités des régions. Ce qui est le plus inacceptable dans l'actuelle proposition de politique culturelle, c'est que dans les recommandations se rapportant à cet ensemble régional, on n'en voit pas une seule qui affirme la nécessité de soutenir la création et la production artistique dans les régions. Pas une seule non plus qui souligne une préoccupation pour la protection et la mise en valeur du patrimoine sur l'ensemble du territoire.

Or, si on veut réellement doter le Québec d'une politique culturelle qui soit valable sur tout son territoire, il faudra obligatoirement y inclure une véritable politique de régionalisation. Ça veut dire que les programmes de soutien du ministère des Affaires culturelles ou de la culture doivent absolument être modulables de façon à tenir compte des conditions particulières de création et de production dans les régions.

Le resserrement des critères d'admissibilité, la sélection rigoureuse de quelques élus - qu'on pense aux pratiques de pointe, aux grands organismes nationaux appelés par le rapport Arpin, renvoyant tout ce qui n'entre pas dans cette vision restrictive et élitiste de la culture à d'autres sources de financement, les municipa- lités - eh bien, si c'est cela qui devrait prévaloir dans la politique culturelle du Québec, ça voudrait dire que les arts et la culture qui se pratiquent dans la population restante seraient condamnés au sous-développement et à l'asphyxie. Sachez que nous n'accepterons jamais une politique culturelle qui confinerait les régions à n'être que des terres d'accueil des productions de l'extérieur. Ça aussi, c'est de la vassalisation et, pour nous, l'époque de la colonisation est terminée.

Comme nous vous l'avons souligné dans notre mémoire, nous aspirons à un développement culturel équilibré, ouvert sur l'extérieur, certes, mais qui se fonde aussi sur cette dimension essentielle qu'est le dynamisme généré et nourri par la création et la production des artistes et l'intervention des organismes de la région. Notre mémoire contient, en page 10, quelques statistiques qui illustrent la fréquentation des établissements culturels de l'Abitibi-Témiscamingue. Une réponse du public qui est remarquable, compte tenu de la population de la région, et qui démontre l'évidente corrélation entre la pratique culturelle et la proximité géographique des activités et des services.

Pour vous donner un aperçu de ce que signifierait le retrait du soutien du ministère des Affaires culturelles, je prendrai l'exemple d'un de nos réseaux, qui est actuellement menacé, celui des écoles de musique. Et je vous prie de croire que la recommandation du rapport Arpin qui réclame une nouvelle étude à l'intention des ministères de l'Éducation et des Affaires culturelles sur la formation musicale est loin d'être rassurante. Les quelque 2000 personnes provenant de tous les coins du Québec et de tous les secteurs d'intervention musicale qui ont participé à la démarche du sommet et de la biennale sur l'avenir de la formation musicale au Québec sont en droit d'être insultés que le groupe Arpin n'ait pas tenu compte de cette démarche.

Mais revenons-en à l'exemple de notre réseau d'écoles de musique. L'aide accordée par le ministère des Affaires culturelles ne représente que 8 % à 10 % du budget de ces écoles. Mais celles-ci ne pourraient survivre à un désengagement du ministère, car les écoles de musique font déjà plus que le maximum pour diversifier leurs sources de financement, et l'aide que le MAC apporte est un incitatif indispensable pour aller chercher la collaboration des autres partenaires que sont les municipalités - déjà - les commissions scolaires, les entreprises privées et pour faire des levées de fonds auprès du public. La limite pour une hausse des frais de scolarité est atteinte et les monter encore plus, c'est empêcher des gens d'y avoir accès. Si ces écoles ne peuvent plus continuer à fonctionner, ça signifie qu'un millier d'enfants dans la région, qui est petite, d'adolescents, ne pourront plus poursuivre une formation en musique dans les sept écoles de la région. Ça veut dire aussi

qu'une soixantaine de professionnels de la musique qui oeuvrent dans le milieu, dont une vingtaine sont à temps plein, perdront leur gagne-pain et devront, pour la plupart, quitter la région. Or, l'existence des écoles avait justement permis de ramener et d'attirer des professeurs qualifiés, et le rapport Arpin souligne l'importance de développer et de maintenir la compétence professionnelle au Québec. (21 h 45)

Ça veut dire également que l'Orchestre symphonique de l'Abitibi-Témiscamingue sera privé de nombreux musiciens et n'aura plus accès à une relève. Ça veut dire aussi que le Conservatoire n'aura plus sa raison d'être puisqu'il n'y aura plus d'élèves qualifiés qui pourront entrer au conservatoire. Et ça signifie, enfin, que la région perdra un attrait favorisant la venue chez nous de diverses ressources professionnelles qui considèrent important que leurs enfants puissent avoir accès à des cours de musique dispensés dans des établissements affiliés à des institutions reconnues.

La synergie engendrée par la présence de ces praticiens actifs localement dans leur secteur, et originalement, lors d'activités de rassemblement, d'événements en musique, se vérifie également dans d'autres disciplines comme le théâtre, la muséologie, la conservation et l'interprétation historique, entre autres. C'est pourquoi nous considérons qu'il est essentiel qu'une politique culturelle affirme avec vigueur la nécessité de soutenir le développement des arts et de la culture dans toutes les zones d'appartenance, territoires et MRC des régions.

D'autre part, nous sommes loin de partager l'avis du groupe-conseil quand il réclame du ministère de la culture qu'il exclue de son champ d'intervention toute pratique non reconnue comme professionnelle. L'histoire du développement de la pratique d'un métier en Abitibi-Témiscamingue nous a, au contraire, convaincus qu'il ne faut pas mettre de cloison étanche entre des pratiques de loisir en voie de profession-nalisation et les professionnels, parce que toutes ces sources viennent alimenter le dynamisme culturel et contribuent à l'avancement des disciplines. Il serait aberrant qu'on ne puisse pas compter sur un ministère des affaires culturelles ou de la culture pour être attentif aux initiatives qui permettent de professionnaliser l'intervention artistique et culturelle et d'accroître la qualité des productions.

C'est pourquoi nous vous réitérons la recommandation de notre mémoire à l'effet que le ministère des Affaires culturelles doit reconnaître sa mission à l'égard de la pratique culturelle non professionnelle et qu'il doit mettre en place des programmes accessibles à ceux qui ne peuvent se qualifier dans les programmes réguliers. Non pas en détournant des crédits destinés à la pratique professionnelle, mais en rapatriant, par exemple, les mandats et pouvoirs d'intervention culturelle transférés au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et en confiant la gestion de ces programmes aux directions régionales des Affaires culturelles. Voilà une mesure qui, nous le croyons, s'inscrit tout à fait dans l'objectif du rapport Arpin d'accroître l'efficacité du gouvernement et de ses partenaires dans la gestion de la mission culturelle.

Vous me permettrez, à propos de cet objectif, de resouligner qu'en Abitibi-Témis-camingue, le partage des responsabilités entre la Direction des affaires culturelles et le Conseil de la culture est bien délimité et que nous entretenons des pratiques d'échange et de collaboration qui nous permettent de conjuguer nos efforts, afin de maximiser le soutien au milieu culturel régional et de faire davantage avec les ressources dont nous disposons.

Et, puisqu'il est question d'efficacité des partenaires, vous ne m'en voudrez pas de prêcher pour notre paroisse en vous redisant que les conseils de la culture jouent un rôle majeur dans le développement culturel des régions et qu'ils doivent être maintenus et soutenus par le ministère des Affaires culturelles. Parce qu'ils sont bien implantés dans leur milieu et qu'ils rassemblent des intervenants de toutes les zones géographiques et de toutes les disciplines, les conseils assument un rôle clé pour stimuler des démarches d'ensemble, amener les gens à déterminer des objectifs et des priorités de développement, à identifier les moyens disponibles et les actions à mettre en oeuvre pour accentuer le rayonnement des arts et de la culture dans leur région.

Nous avons aussi, comme conseil, à véhiculer les besoins et les intérêts du milieu, notamment auprès des regroupements disciplinaires nationaux, à collaborer avec les associations pour les aider à rejoindre les artistes des régions, et parfois à suppléer à l'absence ou à l'inacces-sibilité en région des services de ces organismes. Ainsi, en Abitibi-Témiscamingue, le Conseil de la culture est actif depuis 15 ans. Son "membership" en 1991 est de 242 organismes et individus. Ce qu'il met au service de ses membres et du milieu culturel, c'est son expertise en animation-concertation, son support pour l'élaboration de plans de communication-marketing, la recherche de partenariat financier, l'organisation de sessions de perfectionnement, l'entrée et la mise à jour de dossiers d'artistes, en plus d'initier ou de coordonner des projets qui permettent d'augmenter la visibilité, la promotion des arts et de la culture.

Et, pour conclure sur le partenariat dans le développement culturel, nous pensons qu'effectivement il faut viser un accroissement de la participation des municipalités à la vie culturelle, mais certainement pas en leur refilant des factures sans tenir compte de leur taille et de leur capacité de payer. La progression de ce

dossier exigera la mise en place par l'État de mesures compensatoires suffisamment étalées dans le temps et de leviers qui soient de nature à susciter un engagement accru des gouvernements municipaux.

Il ne faut surtout pas perdre de vue que le soutien constant du ministère des Affaires culturelles restera toujours l'incitatif le plus convaincant qui soit pour amener les municipalités et l'entreprise privée à faire davantage pour les arts et la culture. Ce n'est pas en changeant quatre trente sous pour une piastre qu'on avance. Il faut investir davantage, et cela vaut pour tous les partenaires, l'État au premier chef, s'il veut véritablement assurer le développement des arts et de la culture sur l'ensemble de son territoire.

Créer un ministère de la culture qui ait une plus grande autorité politique, oui, mais à condition de lui donner les moyens d'intervention et les ressources financières qui correspondent à sa mission. À la condition aussi que son action soit guidée par une politique culturelle véritablement adaptée à la réalité québécoise dans toute sa richesse et ses particularités, et acceptée largement par la société québécoise, incluant, faut-il le rappeler, cette population restante de 3 000 000 d'habitants. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame. Mme la ministre, pour les quelques minutes qui restent.

Mme Frulla-Hébert: Oui. Merci, Mme Bédard. Bienvenue à tous, surtout que vous avez attendu, là, et il se fait tard. Mais on a beaucoup parlé, de toute façon, de la situation en région. Vous savez comme moi qu'il n'est pas question non plus de ne pas considérer les régions comme des touts. Et je vous disais 16 régions distinctes; il y a une métropole et une capitale, mais 16 régions vraiment distinctes et très actives. Je veux tomber quand même sur une première question. On me dit toujours que je parle trop, alors je vais laisser ensuite la parole à mon collègue député. Mais une chose. Vous affirmez dans votre mémoire que la politique culturelle doit inclure une véritable politique de régionalisation - ça, c'est une chose - avec des normes qui tiennent compte des besoins de la région. Parce qu'effectivement votre région est spécifique. On ne couvre que le professionnel, mais dans certaines régions on élargit, si on veut, le terme "professionnel. " Mais, d'un autre côté, vous dites aussi que vous n'êtes pas opposés à l'établissement de normes nationales fondées sur l'excellence. Est-ce que vous pouvez m'expliquer, sur un plan concret, comment on peut, finalement, harmoniser les deux?

Mme Bédard: Je pense qu'on pourrait prendre l'exemple des théâtres d'été et, à ce moment-là, ça serait plus Michel qui pourrait vous répondre. Quand on regarde, dans la région, il y a beaucoup d'épinettes, c'est loin, les gens se demandent encore si on a l'eau courante, et tout ça. Et les troupes professionnelles, je ne suis pas convaincue qu'elles sont prêtes à venir jouer en été. Alors, le problème, je vais laisser Michel l'expliquer.

M. Vincent (Michel): En ce qui concerne... En tout cas, c'est ce que vous souligniez, quand on parle d'excellence... Je vais peut-être être un peu bâtard quelque part. On demande aux troupes d'être professionnelles, de viser à avoir toujours des gens de chez nous qui veulent vivre de ce métier-là, et on sait que la réalité, elle est autre parce que c'est évident qu'il n'y a personne par chez nous qui peut vivre de l'art de la création, entre autres, du théâtre. En contrepartie, on est prêts, nous, à faire des efforts, ça va de soi, pour s'améliorer. Et je pense que tout organisme qui a un peu de bon sens vise à ça. En théâtre, c'est ce qu'on vise. En contrepartie, on n'a rien contre l'excellence parce que c'est ça qu'on vise aussi, à un moment donné, à sortir de nos barèmes, à sortir de notre champ, de notre milieu géographique. Mais il me semble qu'il y a des fois où on ne prend pas connaissance de la réalité du milieu comme tel. C'est bien évident que, chez nous, lorsqu'on parle de professionnels, on n'en aura pas des tonnes et on n'en aura pas tant qu'on en veut. Et si on en veut, il va falloir, à un moment donné, aller dans les grands centres, en faire venir chez nous pour travailler avec nous. Et, à ce moment-là, ça augmente les coûts, ça augmente un paquet d'affaires; il y a un paquet de difficultés.

Le plus bel exemple que j'ai à l'heure actuelle, c'est que, moi, je vais faire une mise en scène qui s'appelle "Aurélie, ma soeur". C'est sûr que le ministère des Affaires culturelles espère bien, parce que j'ai deux interprètes, que ces deux interprètes-là auront dans leur bagage le goût de vivre de l'art, de vivre du théâtre. Et dans notre tête, c'est ce qu'on vise et on l'espère. En contrepartie, le fait que je sois obligé d'aller chercher une interprète à Montréal, qui veut vivre de l'art - parce que, par chez nous, pour un des personnages, c'est plus difficile de trouver une interprète de calibre dit "professionnel" ou qui veut vivre de l'art - ça oblige la troupe, entre autres, la Poudrerie, à des frais de logement qui s'accumulent en cours de route. À un moment donné, on en vient à se poser de sérieuses questions: Jusqu'à quel point le ministère est-il conscient de ces difficultés qu'on a en région?

On vise l'excellence. On regarde ce qui se passe autour de chez nous puis, des fois, on est quand même surpris. Entre autres, au sein de la Poudrerie, on reste surpris, quand on fait une demande de subvention, des exigences, des critères, qui sont peut-être normaux, qui font partie de la "game", entre guillemets. Mais, en même temps, lorsque je regarde les infrastruc-

tures et les structures d'accueil - je pense au Théâtre du cuivre, je pense à la salle d'Amos et compagnie, qui sont subventionnés directement ou indirectement, soit par les municipalités ou par le gouvernement, et qui accueillent chez eux, à un moment donné, je pourrais dire, des productions de théâtre... Je n'ai rien contre Michel Forget ni Michaud, personnellement, mais c'est drôle, par exemple, qu'on n'exige pas de ces gens-là autant de critères, je pourrais dire, professionnels dans le sens d'exigences de recherche, de création de théâtre, et compagnie. C'est ce qu'on exige de nous, de tout le temps faire cette recherche-là, et, en contrepartie, on est toujours prêt à nous cogner sur les doigts si on fait, entre autres, du théâtre d'été. On laisse sous-entendre que c'est de moindre goût, c'est moins ci, c'est moins ça. Mais pourtant, dans ces centres d'accueil - j'appelle ça des centres d'accueil parce que c'est un peu ça aussi, des fois - ces places-là, on va encourager cette forme de théâtre-là. Et, en même temps, on se pose toujours la même question, nous autres: Pourquoi nous, on est pénalisés lorsqu'on veut faire cette démarche-là et, en contrepartie, pourquoi ces salles d'accueil, ces salles de spectacles là ne sont jamais pénalisées? Alors, c'est un peu cette ambivalence-là qu'on vit, nous autres aussi, quelque part.

Mme Frulla-Hébert: Oui, je comprends. Ce que vous dites, finalement, c'est que, bon, Forget, Michaud, etc., c'est des gens qui sont... C'est privé, complètement privé. Il n'y a aucune subvention de part et d'autre. Bon, ils fonctionnent, ils produisent, et puis, finalement, ils font ce qu'on appelle du théâtre très populaire. Mais ce que vous dites, c'est que, par exemple, la salle d'Amos, le Théâtre du cuivre, les salles qui ont été aidées au niveau de l'infrastructure, évidemment, leur but premier, c'est de remplir leurs salles et de vendre leurs sièges. Mais est-ce que vous iriez jusqu'à suggérer, du fait qu'on impose - parce que ça, c'est difficile pour nous autres; on va pousser ça jusqu'au bout, là - tant de jours, ou enfin tant de semaines à un autre genre de théâtre, que ce soit plus à risque, plus... bon, qualifiez-le comme vous voulez...

M. Vincent: À risque, oui, effectivement, Mme la ministre, et je trouve ça important. Par chez nous, à l'heure actuelle, on a une problématique qui est grave. On parle de formation par chez nous. On parle aussi de problèmes matériels, de problèmes financiers, effectivement, pour les troupes. Mais, entre autres, quand on veut se ressourcer, quand on veut agrandir et atteindre la fameuse excellence qu'on cherche toujours à atteindre, c'est curieux, on est toujours obligé de s'expatrier, de s'en venir dans les grands centres pour réussir à se ressourcer, à se refaire du sang neuf quelque part. Et, en contrepartie, chez nous, dans notre milieu, dans notre région, quand on travaille ça, c'est beaucoup plus difficile.

Mais, en contrepartie, on n'a jamais la chance, nous, par exemple... Si je pense - bon, c'est peut-être plus difficile - à "Carbone 14" ou à n'importe quel type de production de théâtre expérimental, c'est très rare qu'on ait la chance et l'occasion de recevoir ça chez nous. Je trouve ça pertinent et important, quand on parle d'équité, quelque part, à un moment donné, que nous autres aussi on ait cette possibilité-là. Il me semble que le ministère, à un moment donné, pourrait regarder aussi, avoir un regard un peu critique en ce qui concerne ça aussi.

Mme Frulla-Hébert: Est-ce que je peux laisser...

Le Président (M. Doyon): Oui, merci. M. le député de Charlevoix.

M. Bradet: J'aurais peut-être une question, M. le Président. Dans votre mémoire, vous affirmez que, malgré les efforts qui ont été faits pour développer des activités, développer du financement, les organismes culturels demeurent assez fragiles. Ce qui ne vous empêche pas, je pense, d'avoir un Festival international du cinéma et beaucoup d'autres activités, grâce à votre dynamisme. Vous dites qu'il faut trouver des moyens de soutenir davantage les organismes pour qu'ils puissent poursuivre leur action et faire face aux problèmes que posent les régions, c'est-à-dire l'éloignement, le marché un petit peu plus difficile et les coûts d'opération. J'aurais peut-être une question à deux volets. Dans votre esprit, est-ce que la consolidation d'organismes dont vous parlez s'adresse uniquement aux organismes professionnels? Et, deuxièmement, quelles seraient les mesures prioritaires à mettre en place pour consolider ces organismes-là? (22 heures)

M. Lapointe (Pierre): Je vais tenter de répondre à votre question. En fait, la consolidation d'organismes, pour nous autres... On mentionne quelque part dans notre mémoire que, pour nous, en Abitibi-Témiscamingue, c'est certain qu'il faut soutenir nos organismes professionnels. C'est très important, puis je pense qu'il faut leur donner des moyens accrus par rapport à ceux qu'ils ont déjà. Il faut trouver des moyens de leur donner plus d'argent pour qu'ils produisent mieux et qu'ils produisent plus, mais il faut aussi, en même temps, développer chez nous une relève et ça, c'est important de le mentionner. Et il faut aussi soutenir ces organismes-là d'une autre façon. On le mentionne dans notre mémoire.

Il n'est pas question, à un moment donné, de prendre des sous qui, normalement, devraient être dévolus à des organismes professionnels pour soutenir des organismes de relève, mais il faudrait trouver une façon de faire, au ministère des Affaires culturelles, pour créer des program-

mes qui permettraient aux organismes de relève de se développer. Et, à ce moment-là, ces organismes-là deviendront tranquillement aussi, à leur tour, des organismes professionnels. C'est un peu comme ça qu'on a vu naître, entre autres, par exemple, la troupe de théâtre la Poudrerie qui, je pense - tu me corrigeras, Michel - est née en 1965 ou alentour. Mais, au départ, cette troupe-là, ce n'était pas une troupe professionnelle; c'était une troupe tout à fait amateur qui faisait du théâtre pour le plaisir et, tranquillement, elle a développé une expertise, un professionnalisme et, aujourd'hui, elle a le statut de troupe professionnelle. Bien, il faut donner des moyens à ces organismes-là aussi, qui ne sont pas des organismes professionnels, de pouvoir se développer, les moyens étant en fonction, bien sûr, de ce qu'ils font. C'est certain qu'on ne donnera pas la même somme d'argent à un organisme qui est en voie de se professionnaliser qu'à un organisme qui est déjà professionnel. Je pense que ça va de soi.

Le Président (M. Doyon): M. Lapointe, vous me permettrez maintenant de donner la parole au représentant de l'Opposition. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. M. le Président. Je me suis senti tellement à l'aise et confortable chez vous durant la fin de semaine que M. Trudel a dû me rappeler, lundi matin, que c'était lui le député; alors, je pense que je vais le laisser dialoguer avec vous. Je ne veux pas me faire d'ennemis; je me suis fait trop d'amis durant la fin de semaine.

M. Trudel: Merci, M. le député.

Le Président (M. Doyon): Un instant! Est-ce qu'il y a consentement de la commission pour que M. le député puisse intervenir? Vous n'êtes pas membre, n'est-ce pas?

M. Gobé: À la demande du député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, on ne peut rien refuser, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Alors, il y a consentement. Allez!

M. Trudel: Merci, M. le Président, et merci aux membres de la commission. J'aimerais d'abord souligner, parce que je sais que le temps va filer rapidement et que ce sont de longs travaux qu'ont entrepris et que poursuivent les membres de la commission parlementaire, mais je veux, Mme la ministre, et les membres, que vous notiez ceci: Ces gens ont fait 10 heures de voiture pour se rendre devant la commission, cette commission de l'Assemblée nationale, pour venir nous dire que les régions du Québec veulent également être partie de la politique des arts et de la culture.

Et quand on dit que c'est souvent un petit peu plus difficile de faire de la culture et les arts en région, comme dans bien d'autres secteurs, c'est une illustration parfaite: ils ont quitté ce matin à 7 heures, en automobile, parce qu'ils n'ont pas les moyens de venir nous dire, pour les gens de théâtre, pour les gens du Témiscamingue, pour les gens du Conseil de la culture, pour les auteurs dramaturges, etc., pour Mme la présidente, ils n'ont pas les moyens de venir nous voir ici et de nous dire que l'Abitibi-Témiscamin-gue, elle veut être du Québec, et pleinement du Québec, et participer au développement à l'intérieur de cette politique, Mme la ministre, que vous aurez à élaborer suite à cette consultation.

C'est important de le noter, parce que ces efforts-là, ce n'est pas juste des gens qui se présentent devant nous à 9 h 30 le soir et qui, parfois, oui, répètent un message qu'on a peut-être déjà entendu ici. Il est modulé, ce message, non seulement par la foi, mais les oeuvres également, avec ce qu'ils font en région et ce qu'ils représentent dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue. Je voulais le souligner ici.

Comme ce ne sera pas très long comme moment d'interrogation, je voudrais parler à M. Couture, qui est de la région du Témiscamingue. On a, oui, effectivement, de belles réussites, comme, par exemple, le Festival international de cinéma - Mme la ministre était là dimanche soir, mon collègue de Sainte-Marie-Saint-Jacques, samedi soir, etc.. Ce sont de belles grandes réalisations et des chiffres assez impressionnants qui nous sont énumérés à la page 10 de votre mémoire. Comment une politique des arts et de la culture peut-elle intégrer ce qu'on appelle communément la sous-région, la région dans la région? Comment est-ce possible de prendre ça en considération, et qu'est-ce qu'il faudrait inclure dans cette politique des arts et de la culture pour que la sous-région du Témiscamingue puisse avoir le droit, elle aussi, de vivre et d'être de culture et des arts dans ce Québec-là? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Couture (Réal): D'accord. D'abord, ça va me permettre peut-être juste de rajouter que, pour la majorité des personnes, c'est 10 heures, mais pour moi, c'est 11 h 30.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Couture: Je suis parti à 5 h 30 ce matin.

M. Trudel: Ce qui fera 23 heures aller-retour.

M. Couture: Effectivement, c'est une région éloignée, mais en plus, nous, on est, à l'intérieur de cette région-là, encore un petit peu plus éloignés et, deuxièmement, on vit aussi un contexte un peu particulier. C'est que la région est éloignée, mais en même temps, c'est une

région à faible densité de population et, ça, je pense que c'est important de le souligner. C'est une région où il y a 17 000 personnes qui sont regroupées dans 21 petites municipalités sur un vaste territoire. Donc, quand on regarde l'organisation culturelle de ce milieu-là, ça devient important et très différent d'autres grands centres, à ce moment-là.

Je pense, entre autres, à la salle Augustin-Chénier qu'on a chez nous depuis déjà un certain nombre d'années, qui est une salle d'exposition accréditée, mais, à l'intérieur de cette salle-là, on fait d'autres choses parce que ce sont les besoins de la population. C'est la seule salle professionnelle en termes d'équipement pour produire de petits spectacles d'ordre professionnel puisqu'elle n'a qu'une capacité de 100 places. Alors, vous comprendrez d'abord que, dans une région comme la nôtre, les besoins en équipement sont encore là et sont encore très importants puisque c'est le seul lieu culturel. Du moment qu'on veut bénéficier de spectacles d'envergure, on en voit quelques-uns produits dans un gymnase ou on doit se déplacer à 85 milles, à 140 kilomètres de chez nous, au Théâtre du cuivre, à Rouyn. Donc, ça aussi, c'est un phénomène qui est important.

Alors, on vit énormément le problème de la fragilité de l'organisation culturelle chez nous et là, on ne parle pas de budget dans les six chiffres. Chez nous, c'est 75 000 $ à 85 000 $ que nous coûte l'administration de la petite salle, qui est un domaine excessivement important. Alors, c'est pour ça que, quand on parle de saupoudrage, si le saupoudrage veut dire ça, je vous assure que, pour nous autres, c'est l'élément vital. Ce n'est pas un besoin qu'on rajoute mais un élément qui est vital au niveau de l'organisation culturelle dans un milieu comme le nôtre.

Alors, je pense que ça, c'est important et très, très essentiel à développer quand on parle de décentralisation, quand on parle aussi de la spécificité d'un milieu, au niveau de l'organisation et de la gestion des activités culturelles. Ça ne se fait pas du tout. Même si Augustin-Chénier ressemble un peu au principe d'une maison de la culture, ça ne s'administre pas comme une maison de la culture à Montréal, c'est impossible. On vit des contextes beaucoup trop différents. Je planifie un spectacle, à un moment donné, le 24 janvier. Malheureusement, le 24 janvier en après-midi, il y a une tempête de neige. Vous comprenez les conséquences. Je veux dire que financièrement on a à supporter, à un moment donné, ces situations-là parce que les gens ne sont pas dans la même municipalité, les gens doivent se déplacer sur le territoire pour participer aux activités culturelles dans notre région.

M. Trudel: Très bien. J'aimerais aussi aller du côté des créateurs. Margot Lemire, poète et dramaturge de l'Abitibi-Témiscamingue. Qu'est-ce qu'il doit y avoir dans cette politique des arts et de la culture pour qu'une poète et dramaturge de l'Abitibi-Témiscamingue puisse vivre dans sa région et apporter une contribution significative à l'ensemble du Québec? Est-ce que c'est possible? Qu'est-ce qu'il faudrait inclure, aussi, dans cette politique des arts et de la culture? Et peut-être aussi, comment on vit ça actuellement dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue, avec un territoire de 300 000 kilomètres carrés, 160 000 de population? Comment on vit ça, Mme Lemire?

Mme Lemire (Margot): Bon, il y a là-dedans le vécu journalier ou quotidien d'être artiste, ou écrivain, ou poète en Abitibi-Témiscamingue. Ce n'est pas évident. Ce n'est pas évident dans le sens qu'il n'y a pas d'activités périphériques. Quand on a fait le tour de 10 écoles pour aller donner des ateliers de poésie, quand on a fait... bon, bien, ça va. Aussi, quand on a vu les étudiants une fois, une année, bien, l'année d'après, ils invitent quelqu'un d'autre. On ne peut pas gagner notre vie avec les activités périphériques de l'écriture. C'est impossible, à moins de développer autre chose qui va nous sortir de l'écriture, et il va être difficile, finalement, de faire un arrimage entre l'écriture et l'alimentaire, je dois dire.

Ce qui est difficile aussi, c'est les systèmes de subventions. Le soutien à la création qui arrive dans la région, c'a beaucoup augmenté depuis six ans, l'enveloppe globale a beaucoup augmenté. Mais le petit cochon est encore bien maigre. Alors, il y a beaucoup de monde qui se présente vis-à-vis du trou de la tirelire et on a comme une entente tacite qu'entre créateurs, chez nous, on vit... L'alimentaire va être fourni, par exemple, par l'aide sociale. On accepte ça, pour ne pas gruger dans la bourse. Même si on a le droit de demander 1000 $ de frais par mois, par exemple, pour vivre pendant qu'on va créer notre oeuvre, ce n'est pas ça qui se passe chez nous. Par exemple, si j'ai demandé une bourse, si je ne demande pas l'alimentaire dedans, qui va me permettre de vivre, en tout cas, de manger pendant ce temps-là, bien, peut-être que Jean-Yves Brie, peut-être que Louis Brien vont pouvoir avoir aussi une bourse pour les aider à créer. Ça, c'est comme une entente tacite.

C'est difficile aussi, parce qu'on est loin des grands centres, au niveau du ressourcement. C'est toujours le même problème. Ça nous prend plus d'argent pour sortir, aller voir les spectacles. Tout est cher. Il y a les transports en commun qui ne sont absolument pas... Il n'y a pas de métro, là. Alors, là, c'est toujours difficile, c'est toujours cher pour se déplacer. On doit également tout faire parce qu'en étant artiste on doit aussi être quelqu'un qui s'occupe de multiples comités parce que, bon, c'est comme ça. On n'est pas grand monde. On est des

pionniers dans tout. On fait tout.

L'autre patente, c'est que l'artiste n'a pas... En tout cas, je n'ai pas rencontré d'artiste en Abitibi-Témiscamingue qui avait un plan de carrière, style échelle de salaire des fonctionnaires: là, on fait une étape, là, on va faire une autre étape, et là, on veut déboucher, comme s'il y avait un bouchon quelque part et que tout le monde poussait dessus. En tout cas, chez nous, il me semble que c'est comme ça, l'artiste ne cherche pas à déboucher. Il cherche à créer. Et créer, ça veut dire déboucher au centre de soi. Et, au centre de moi, moi, je suis faite avec le paysage, les hivers et les mouches noires de l'Abitibi. Alors, plus j'entre au centre de moi, qu'on me mette n'importe où, à New York, à Paris, je vais quand même trouver le paysage de l'Abitibi en superposition de ce que je vois. Ce n'est pas ce que je veux offrir, mais c'est ce que je suis obligée d'offrir en tant qu'artiste. C'est ce qui sort de moi quand je produis. Et ça, ça donne un miroir aux Abitibiens et aux Abiti-biennes de ce que, moi, j'en vois. Alors, là, il y a comme un échange, et la culture ou le feeling passe entre nous comme ça.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Lemire. M. le député, quelques mots de remerciement, malheureusement.

M. Trudel: Quelques mots de remerciement pour avoir fait ce déplacement. J'aurais aimé poser la question aussi, parce que les conseils de la culture, M. le directeur général, Mme la présidente, ont reçu leur préavis de licenciement dans le rapport Arpin. Je suis sûr que vous auriez pu faire la démonstration que, comme instrument de concertation dans la région de VAbitibi-Témiscamingue - c'est éloquemment présenté ici - ça demeure, le Conseil de la culture, un endroit de ralliement, un instrument de concertation, de support et d'animation qui est essentiel pour la sous-région, pour la région, pour l'ensemble de l'Abitibi-Témiscamingue.

Merci d'avoir fart cet effort de déplacement et d'être venus nous dire qu'on peut être tout cela, bien réussir et contribuer à faire un Québec plus fort puis se développer, même quand on est à 900 kilomètres de la capitale nationale, ou 800 kilomètres, quelque chose comme ça, de la métropole. Merci. C'a été un grand plaisir de vous entendre.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Oui, effectivement, Mme Bédard, d'abord, vous savez, votre région, même si je n'y habite pas, j'y suis quand même allée quatre fois en l'espace de quatre mois, alors je m'en viens une régulière.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Frulla-Hébert: Et même, j'ai eu la chance d'avoir un recueil de poèmes et odes de Mme Lemire. Quand je suis avec mon "chum" aussi, j'en lis une couple. En tout cas. Ceci dit, oui, il y a du talent tout plein en région, et c'est une façon aussi de rendre la culture très accessible. Alors, vous prêchez à une convaincue, d'une part. Au niveau des CRC, dans une région comme la vôtre, les CRC, effectivement, sont extrêmement actifs. Il y a d'autres régions qui sont venues nous voir et qui nous ont dit: Bon, bien, là, les CRC se cherchent une vocation. Alors, c'est un peu, là, pour regarder, finalement, l'ensemble des actions et voir, bon: Est-ce qu'il y a des structures du même genre, mais qui s'appliquent plus dans une région versus une autre, et qu'est-ce qu'on fait?

Vous savez, chez vous, c'est particulier. On parle beaucoup de régionalisation. On a le ministère le plus décentralisé du gouvernement. On a l'intention aussi de capitaliser sur cette décentralisation-là et de dégager. C'est ça, finalement, le but de tout l'exercice, de cette discussion. Et finalement, ce n'est pas pour alourdir, mais c'est surtout pour alléger et, à ce moment-là, vraiment, encourager l'énergie et non pas centraliser, devenir tout à fait lourd et anticréateur.

Alors, merci encore. J'espère que vous ne partez pas ce soir. Profitez-en un peu. À la prochaine!

Le Président (M. Doyon): Alors, au nom des membres de la commission, je vous remercie beaucoup. Je vous souhaite un bon voyage de retour. Je sais que c'est très loin; je suis bien au courant de la géographie québécoise. Ayant marié une fille d'Amos et y ayant demeuré moi-même, je sais de quoi je parle.

Alors, les travaux sont ajournés jusqu'à demain matin, 9 h 30.

(Fin de la séance à 22 h 17)

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