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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le jeudi 31 octobre 1991 - Vol. 31 N° 52

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts


Journal des débats

 

(Neuf heures cinquante minutes)

Le Président (M. Doyon): La séance de la commission de la culture est ouverte. Le mandat de la commission est le suivant, je le rappelle très brièvement; il s'agit pour nous de procéder à la consultation qui a été entreprise il y a quelques semaines, et de tenir des auditions publiques pour discuter et examiner la proposition de politique de la culture et des arts telle qu'elle a été déposée à l'Assemblée nationale le 14 juin dernier.

M. le secrétaire y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacements, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Donc aucun remplacement. On me dispense...

M. Boulerice: II y a M. le député de Mont-réal-Papineau, qui nous salue du haut de sa grande grandeur.

Le Président (M. Doyon): Ah, le président... M. Boulerice: Laurier, je m'excuse.

Une voix: Saint-Denis.

M. Boulerice: Saint-Denis... Mais tu voyages tellement!

Le Président (M. Doyon): Un instant, M. le député. Un petit peu de décorum. Cette commission parlementaire est... Et vous me permettrez de vous saluer, nous avons pris le petit déjeuner ensemble. Ça me fait plaisir de vous voir dans les galeries et de vous souhaiter un bon séjour à Québec. Je sais que vous êtes ici pour examiner la façon dont les commissions parlementaires procèdent en ce qui concerne la télévision. Et vous allez voir comment nous procédons. Alors, à tous et chacun d'entre vous, bonne journée et bon séjour parmi nous.

M. Gobé: Ça surprendra le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, mais ce sont encore les représentants du gouvernement fédéral.

M. Boulerice: Je saluais un ami, monsieur.

Le Président (M. Doyon): Donc, on me dispensera de la lecture de l'ordre du jour. Je vois que nos invités sont déjà en avant, prêts à nous entretenir du sujet qui les intéresse, c'est-à-dire la politique de la culture et des arts au Québec. Il s'agit de la Confédération des syndicats na- tionaux. Je leur souhaite la plus cordiale des bienvenues. Je leur demande tout simplement de se présenter rapidement. On les connaît, bien sûr, mais c'est pour les fins de l'enregistrement de nos débats. Après ça, ils disposent d'une quinzaine de minutes pour faire leur présentation, un résumé de leur mémoire, de la façon dont ils voudront bien s'y prendre. Et, ensuite, le reste du temps est consacré à la discussion avec les membres de cette commission pour les quelques minutes qui resteront après vous avoir entendus.

M. Larose, vous avez la parole.

CSN

M. Larose (Gérald): Merci, M. le Président. Je vous présente, à ma gauche, M. Pierre Bonnet, qui est conseiller à l'exécutif de la CSN et responsable des travaux sur la question de la culture.

Je voudrais, dans un premier temps, vous soumettre que la CSN ne prétend pas être spécialiste de cette question, même si elle rassemble dans son organisation quelque chose comme 10 000 professeurs de cégep, 5000 travailleurs et travailleuses du domaine des communications; il y a 17 000 personnes qui travaillent dans le soutien au niveau du réseau scolaire et des cégeps, en même temps que 7000 professeurs ou chargés de cours des universités, de même que 1000 professeurs d'université.

Mais la CSN prétend, par ailleurs, faire partie du patrimoine québécois et de la culture québécoise. C'est une organisation syndicale née en 1921 précisément pour affirmer le fait québécois dans le cadre du travail chez les travailleurs et les travailleuses, en même temps que nous prétendons refléter de façon particulière les composantes de cette société puisque notre organisation regroupe plusieurs dizaines de milliers de membres, y compris des anglophones, des communautés ethniques, des autochtones et, évidemment aussi, des francophones. Et, si nos objectifs sont de promouvoir et de défendre les intérêts sociaux, politiques et économiques de nos membres, c'est également de défendre et de promouvoir leurs intérêts culturels.

Je voudrais, d'entrée de jeu, affirmer que, pour nous, la production du rapport Arpin est intéressante et est un cadre extrêmement valable pour déterminer une politique en matière des arts et de la culture. Nous souscrivons aux trois principes qui traversent ce rapport, celui de reconnaître que c'est un bien essentiel pour la collectivité, qu'il faut en promouvoir par tous les moyens l'accessibilité, en même temps que l'État doit être un élément important pour son develop-

pement. Nous partageons aussi, même si nous prenons d'autres mots que nous avons clairement exprimés dans le mémoire que nous avons défendu devant la commission Bélanger-Campeau, que la culture, ça demeure un corps complexe de normes, de symboles et d'images qui pénètrent les individus pour structurer leurs instincts et orienter leurs émotions. Ce n'est pas seulement une ou des activités, c'est un élément définisseur de l'ensemble de la collectivité et, pour nous, il faut reconnaître que l'État québécois a à assumer cette fonction culturelle de la même manière qu'il a à assumer les fonctions aux plans économique, politique et social.

La culture, c'est un ingrédient essentiel de la qualité de vie en même temps qu'un élément important pour la détermination de l'identité collective. C'est quelque chose qui est très intime à notre collectivité et, dans ce sens-là, on comprendra facilement qu'en cette matière nous n'entretenons aucun flou aussi artistique soit-il, quant au rôle du Québec et de l'État québécois en matière de culture. Pour nous, en matière juridictionnelle, l'ensemble doit être rapatrié nettement, complètement, et l'ensemble des fonds disponibles par ce rapatriement doit être réservé à la culture. Nous incluons dans cette perspective ce qu'on peut peut-être trop facilement réduire à l'état de véhicule, mais qui demeure un support essentiel pour la promotion et le développement de la culture québécoise, nous incluons les communications.

Peut-être quelques mots sur un ou deux aspects pour ensuite ouvrir le débat. Et, quand je dis que je souhaite dire deux ou trois mots sur des aspects particuliers, ce sont des aspects sur lesquels nous exprimons des réserves ou nous exprimons des critiques. Il nous semble que le rapport ne fait pas suffisamment de place au pluralisme culturel de notre société. Fait partie de la culture québécoise non seulement son expression francophone, mais aussi son expression anglophone, ethnique et des autochtones. Là-dessus, nous souhaitons voir une prise en compte de la réalité pluraliste du Québec moderne.

Un deuxième élément sur lequel nous voudrions exprimer une part de réserve ou de critique, c'est dans le fait de privilégier deux grands centres, celui de Montréal, celui de Québec, en même temps qu'une allusion à l'ensemble régional. Il nous semble que ça ne correspond pas à la dynamique qui s'est développée depuis plusieurs années dans l'ensemble des régions du Québec, dynamique qui s'est exprimée de façon très forte, notamment lorsque la commission Bélanger-Campeau a fait ses travaux, qui est la dynamique régionale. Les régions ne doivent pas être considérées uniquement comme des réceptacles de grands centres de production, mais sont également des agents actifs dans la production et le développement de la culture du Québec.

Un autre élément sur lequel nous attirons votre attention, c'est d'être vigilant pour que ce qui est production et support à cette production ne soit pas exclusivement réservé aux productions de type professionnel ou aux instruments qui ne portent que cette production-là. Pour nous, la culture demeure un fait de société. Elle reflète la composition de la société. Beaucoup de gens en vivent, doivent en vivre et, là-dessus, il y a des responsabilités particulières à assumer. Mais il faut se rendre compte que la culture, c'est aussi une certaine manière de vivre en société pour l'ensemble des composantes de la société. (10 heures)

Donc, il y a aussi une culture populaire qui passe par de multiples canaux, de multiples réseaux. Et on peut témoigner de notre propre expérience. La CSN, sans être un organisme culturel, produit, par année, moult textes, affiches, pièces de théâtre, vidéos, fait intervenir des producteurs culturels, achète des pièces d'art, bref est un élément ou un réseau où circule une certaine culture. Et il y a comme ça dans la société plusieurs organisations qui sont, en même temps, des éléments actifs en termes de production et de diffusion. Nous souhaiterions que, dans une politique globale, on puisse tenir compte de ces réseaux moins professionnels ou plus collés sur le terrain, mais qui peuvent être facilement une armature sur le terrain pour asseoir et consolider l'ensemble de la production culturelle du Québec.

Nous attirons également votre attention sur le secteur de l'éducation. À notre avis, il faut qu'il y ait un apprentissage plus large de la culture, à travers notre réseau d'éducation, pour qu'il ne soit pas réduit à seulement une approche en matière d'arts et de lettres, mais vraiment une approche sur l'ensemble des sciences et des humanités.

Nous avons tenu un colloque, il y a de cela deux ans, pour les 20 ans du secteur des cégeps. Guy Rocher, un professeur émérite de l'Université Laval, était venu faire une démonstration assez claire d'un certain éclatement du savoir depuis une vingtaine d'années et d'une difficile interdisciplinarité au niveau de la transmission du savoir. Et il faisait la remarque qu'il fallait le plus rapidement possible s'organiser pour que, en matière d'éducation, la formation ne soit pas uniquement orientée vers le marché du travail, mais aussi vers l'humain pour précisément consolider un ensemble culturel qui est un ciment essentiel au développement de notre société.

Un dernier élément sur lequel nous attirons votre attention, c'est sur le rôle de l'État, le rôle des différents instruments que l'État met à la disposition de l'ensemble des intervenants et des intervenantes. Nous ne nions pas ce rôle, au contraire. L'État doit assumer, notamment au chapitre des grands instruments, une stabilité évidente de ces instruments - je prends un seul exemple qui est celui de Radio-Québec - mais en

aucun cas l'État ne devrait devenir ou l'intervention ne devrait se transformer en immense machine bureaucratique qui ferait que beaucoup d'énergie et de filtrage pourrait contrevenir à la fois à la production et à l'expression libre de la création artistique. Dans ce sens-là, on partage un certain nombre de réticences qui ont pu être exprimées devant vous.

Nous nous résumons en disant que cette politique culturelle doit être davantage travaillée pour inclure les éléments du pluralisme de la composition de la société québécoise, doit avoir un développement plus articulé au niveau des régions et suppose également une stratégie fiscale particulière pour supporter l'ensemble de cette production et de cette diffusion. Et la CSN elle-même, à la faveur de ce débat public sur une politique de la culture et des arts, en plus de tout ce qu'elle fait annuellement, prend l'engagement de consacrer 10 000 $ supplémentaires pour l'achat et la circulation des éléments de culture du Québec dans ses propres rangs, dans ses propres édifices.

Je m'arrêterai là, Mme la ministre, pour pouvoir vous réserver quelque temps pour débattre, en vous informant que nous avons un avion à prendre vers les 11 heures.

Le Président (M. Doyon): Cela sera terminé, M. Larose.

Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup, M. Larose, M. Bonnet. Cela nous fait plaisir, d'autant plus que vous nous arrivez avec des choses, une offre tangible qu'on accepte parce que, évidemment, toute aide nous est extrêmement bénéfique au niveau culturel.

M. Larose, votre organisme, depuis 70 ans, s'est porté à la défense de tous les travailleurs et travailleuses. À l'intérieur même de votre organisme, vous représentez à peu près 10 000 professeurs de cégep, donc le système d'éducation. Et on a beaucoup parlé de l'implication de l'éducation au niveau du développement culturel du Québec. C'est que, je pense, il y a un consensus général, autant au niveau du monde de l'éducation que du monde de l'industrie culturelle, que finalement le développement culturel part de nos tout-petits, part justement du système d'éducation. Mais quand nos gens, nos compagnies de théâtre viennent nous voir, spécialement ceux qui sont spécialisés dans le théâtre pour enfants, par exemple, mais la musique c'est la même chose, on leur demande: Comment faites-vous pour entrer dans les écoles? Est-ce que c'est facile? Il semble y avoir entre la volonté, le constat et la pratique deux mondes. Dans ce sens où il y en a beaucoup qui nous disent: Bien, c'est difficile parce que c'est tellement rigide, les quarts de travail sont tellement rigides, donc il n'y a pas de flexibilité et c'est sûr que, quand on veut inclure la discipline culturelle, quand on veut faire de la sensibilisation culturelle, cela prend une certaine flexibilité. Par exemple, on prend les enfants, on les amène au théâtre, on revient, tu ne finis pas à 15 h 30, tu finis plus tard, bon. Et il semblerait y avoir, entre cette rigidité-là au niveau de l'éducation et ce qu'on voudrait faire deux mondes comme je le disais tantôt.

Est-ce que c'est cela? Est-ce que vous sentez cela et est-ce qu'il y a des choses à faire pour avoir une espèce de consensus, si on veut, au niveau de cette sensibilisation culturelle? Un peu le contrat social que vous êtes en train de faire maintenant et que vous avez fait avec vos travailleurs et la partie patronale au niveau d'autres industries. Peut-on viser ça pour la culture?

M. Larose: On ne peut pas nier que tous les réseaux sécrètent un certain nombre de rigidités. Je pense que c'est le propre de tous les ensembles de sécréter ça. Mais prétendre que c'est cette rigidité qui empêche à la fois les investissements et tout le développement de l'approche au plan de la culture dans le réseau, je pense que c'est se réfugier derrière un alibi ou derrière un prétexte. Ça s'adonne que je connais passablement ce réseau. Non seulement la CSN représente 1000 professeurs d'université et 7000 chargés de cours, 10 000 profs de cégep, mais dans ma famille il y a 7 professeurs. Et curieusement, quand elles veulent développer des activités pour précisément aller au théâtre ou faire des activités de type culturel, à ce que je sache, ça n'a jamais été ce genre de rigidité qui a pu les empêcher de le faire.

Moi, je dis que ce qui manque, c'est un peu l'approche comme pour la recherche et le développement. Dans notre société, la culture pour la recherche et le développement, je dirais qu'elle est déficitaire par rapport à ce qui existe dans d'autres sociétés. On va finir par assumer cette fonction-là - et je ferai l'analogie avec la culture tout de suite après - le jour où ça deviendra collectivement une priorité qu'on s'est fixée. Et, dans ce sens-là, la recherche et le développement, les résultats ne sont pas pour demain matin. Ils sont peut-être pour dans un an, deux ans, peut-être cinq ans. Mais si on ne fait pas aujourd'hui les investissements en recherche et développement parce qu'on n'aura pas les résultats tout de suite demain matin, eh bien, effectivement on ne les fera jamais.

Au plan culturel, je dis qu'il faut à peu près la même approche. Et, dans ce sens-là, il faut s'organiser pour démocratiser, pour populariser, pour faire en sorte que l'intervention soit multiforme. Le réseau scolaire est un des réseaux, mais il n'y a pas rien que ça. Et je pense qu'il se fait déjà quand même un peu de choses. Hier, je discutais avec la fédération des réalisateurs de télévision et on parlait de l'impact d'une émission qui est celle de "Passe-Partout",

exemple. Bon, il y a là, je dirais, une approche pédagogique, y compris au plan culturel parce que, si on a une conception un peu large de la culture, ce n'est pas rien que d'admirer des tableaux puis d'aller voir des films. Eh bien, il y a là une approche pédagogique extraordinaire, bien ciblée au plan pédagogique et on peut avoir les résultats ou on découvre déjà des résultats. Enfin, depuis plusieurs années, ça a eu une influence importante dans l'éducation des enfants. On peut imaginer que par d'autres médias, y compris par les réseaux existants, et ce peut être le réseau scolaire, il peut y avoir semblable stratégie, qui soit plus musclée, plus organisée. Moi je regrette - c'est moi personnellement qui m'exprime là-dessus - qu'il n'y ait pas de façon systématique, à travers le réseau scolaire, une approche par rapport à la musique des grands orchestres. Ça existait dans mon temps.

Mme Frulla-Hébert: C'est ça.

M. Larose: Je dirais que c'était peut-être la seule chose qui existait à l'époque, mais il me semble que ça laissait des traces quand même. Alors, des grandes stratégies comme ça, il me semble qu'il faudait en convenir à travers les différents ministères responsables de ce type d'activités là.

Mme Frulla-Hébert: Je voudrais toucher aussi toute la question du pluriculturalisme, ethnoculturalisme. C'est drôle, parce que, encore une fois, on a plusieurs termes pour le définir dépendant de la conception, mais chose certaine, c'est que là aussi il y a un consensus en disant que les nouveaux arrivants sont une partie importante et tissent justement non seulement le tissu social, mais culturel du Québec. Et cet ajout-là fait en sorte que, un, le contexte change, autant social que culturel, mais c'est un ajout important et très riche aussi. Quelles seraient les recommandations pour justement intégrer davantage, selon vous, tout cet apport, spécialement on voit beaucoup ça dans la région de Montréal, mais pour que ça déborde aussi la région de Montréal? A Montréal, c'est une réalité maintenant, mais il faut que ça déborde aussi la région de Montréal et qu'il y ait vraiment une intégration qui fait en sorte que tout le monde puisse participer finalement et bénéficier de cet ajout, d'une part, et aussi bien intégrer ces nouveaux arrivants au Québec.

M. Larose: D'abord, personnellement, je souhaite qu'on ait une compréhension plus précise de la composition de la société québécoise. Je me méfie comme de la peste du grand rêve canadien multiculturel qui est une immense "balloune" soufflée pour masquer bien des réalités, plus particulièrement la réalité québécoise. Il faut d'abord, à mon avis, faire le consensus sur le fait qu'au Québec, sur le territoire du Québec, il y a une société qui a un ciment commun qui est le français. Mais la composition de cette société-là elle se déploie au minimum sous quatre volets: oui, il y a une majorité francophone, mais il y a une minorité anglophone, il y a des communautés culturelles, et il y a les autochtones. Ces quatre composantes au plan politique ou au plan sociologique n'ont peut-être pas la même reconnaissance en termes de droits collectifs. C'est un autre débat qu'on peut faire, mais je veux dire que les autochtones et l'autre minorité qui est la minorité anglophone, on peut leur reconnaître des droits collectifs qu'on ne reconnaîtra pas, par ailleurs, aux communautés culturelles. Alors, la dynamique en terre québécoise sera essentiellement une dynamique interculturelle, c'est-à-dire un échange constant entre les différentes cultures, mais qui vont partager un tronc commun qui est cette société québécoise, cimentée par une langue commune qui est le français. (10 h 15)

Maintenant, comment on peut faire en sorte que cet échange soit un échange enrichissant les uns pour les autres? Moi, je vais y aller très directement, je pense qu'il faut avoir une approche qui fasse en sorte que, pour l'expression culturelle... Et je prends un exemple très, très précis, je prends, par exemple, les médiums visuels à la télévision. Moi, je regrette personnellement qu'on n'ait pas, de façon systématique et à peu près pondérée, une représentation suffisante à la fois des autochtones et des communautés culturelles sur nos écrans de télévision, sur la production en termes d'information ou bien sur les variétés, etc. Je pense que là-dessus il y a de l'action positive qu'il nous faut faire. Et, dans ce sens-là, il y a des responsabilités au niveau de ceux qui travaillent sur la programmation ou qui ont des responsabilités de cet ordre-là. Je suis convaincu qu'on ne pourra jamais être mécanique, mais si on veut faire en sorte qu'il y ait un enrichissement, c'est ce genre d'opération qu'il faut faire, en étant conscient - puis, là-dessus, il ne faut pas se cacher la réalité - que, comme société, on vit dans un rapport de force global au plan continental. Et il est évident que comme francophones il nous faudra toujours nous assurer qu'on ne perde pas de terrain, je dirais par l'exercice brut du rapport de force global. Et, dans ce sens-là, c'est des questions de quantité qu'il nous faut aussi surveiller. Et, si on veut qu'il y ait un échange et une intégration de tout le monde, eh bien, je pense qu'il faut aussi avoir des mécanismes d'accessibilité pour que notamment les communautés culturelles, la minorité anglophone et les autochtones puissent avoir accès largement au tronc commun. Et, disons, il y a plusieurs mécanismes qui peuvent se développer là-dessus.

Le Président (M. Doyon): M. le député de

Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, M. Larose, M. Bonnet, bienvenue à cette commission. On va faire en sorte que vous ne ratiez pas votre vol de retour, mais vous connaissez le contexte du retard que nous accusons. Il s'agissait pour notre formation d'honorer la mémoire de M. Lévesque, donc son décès.

Je vais vous poser d'emblée les trois questions que je veux vous adresser et comme ça je pourrai accueillir vos réponses. La première, vous dites très clairement: Notre culture et notre identité collective ne peuvent être partagées entre Québec et Ottawa, et, en conséquence, la souveraineté culturelle ne peut être acquise qu'avec la souveraineté du Québec. La deuxième, vous dites que le gouvernement ne doit pas prendre prétexte des négociations sur le rapatriement des responsabilités fédérales pour adopter un plan d'action pour une politique culturelle à partir du rapport Arpin, et vous incitez l'État québécois à passer immédiatement à l'action. Quelles devraient être les priorités d'action, notamment en termes de restauration de l'enveloppe budgétaire? Et la troisième, à la page 11 de votre mémoire, et l'énoncé était très important, novateur, la création de fonds de soutien à la culture et aux arts. Est-ce que vous pourriez me préciser votre vision quant au mandat et au mode de financement du fonds auquel votre puissante centrale syndicale serait intéressée à contribuer?

M. Larose: O.K. Bien, peut-être, commençons par la question du fonds. Je pense qu'on exprime dans le mémoire notre disponibilité pour travailler à l'opérationalisation ou, en tout cas, à la mise en place de fonds comme celui-là. Je pense qu'on ne va pas dans le détail au niveau du mémoire, mais supposons qu'on s'entend pour que la politique du 1 % s'applique, et s'applique de façon systématique, que ce soit la contribution de l'ensemble des fonds publics, exemple par le biais de la construction des édifices, etc. Supposons qu'on décide qu'on va y aller de façon systématique, qu'est-ce qui interdit qu'à chaque projet qui naît, au niveau gouvernemental, au niveau municipal, et je pense qu'on peut même penser au niveau du privé... Pourquoi il ne pourrait pas y avoir des fonds régionaux qui géreraient le 1 %? Et, quand je dis que la CSN est prête à mettre 10 000 $ de plus, en plus de ce qu'elle fait, peut-être qu'on pourrait stimuler un ensemble de contributions annuelles pas nécessairement liées seulement à la construction de bâtiments, mais ça peut être à la tenue d'activités publiques. Exemple, nous, quand on organise des colloques, il y a systématiquement ce qu'on appelle des soirées de solidarité. On fait venir des gens. Eh bien, si on pouvait systématiser ça pour la tenue de l'ensemble des événements d'ordre public, je pense que ça pourrait être un levier très important pour supporter le développement de la culture et qui pourrait être de la culture plus populaire aussi, plus régionale également. Mais c'est à titre de suggestion là. Des choses comme celles-là, nous souhaiterions pouvoir en débattre.

Maintenant, un plan d'action, c'est-à-dire les priorités. Bon. Je vous dirai: Des fois, moi, je trouve que plus on avance, plus on recule. Y aurait-il moyen qu'en matière de responsabilité dans ce champ-là on soit clair une fois pour toutes? Parce que les cadres étant flous - et je parle des juridictions - il me semble qu'il faut savoir que le demain du Québec, en termes culturels de responsabilités, de juridictions, ça va être totalement québécois. Moi, je pense que, là-dessus, il y a à finir ce débat-là. Deuxièmement, bon, par où on commence? Moi, je dirais volontiers qu'il faut d'abord voir au maintien et à la consolidation des instrument existants. J'ai été un peu scandalisé que, notamment, il y ait eu un groupe pour proposer qu'on ferme les conservatoires et qu'on hausse le prix des places à la Place des Arts, etc. J'ai dit que c'était des propos de taverne. Je pense que c'en était, mais disons que ça illustre un peu le peu de précautions qu'on a pour la culture. Moi, je pense que là-dessus, en termes de volonté politique, il faut que ce soit largement partagé. On est une société particulière en terre d'Amérique. Si on n'est pas le moindrement vigilant, c'est trop facile, oui, de dire qu'il vaut mieux un lit d'hôpital qu'une salle de concerts.

Je dirais que la culture est à la société comme le bardeau de cèdre à une maison, c'est-à-dire que, s'il n'y a pas de "clapboard" sur la maison, bien, à terme, la maison, elle va pourrir debout. La culture, c'est un peu ça. Ça ne paraît pas évident que le bardeau est important pour tout de suite, mais c'est quand même à la fois ce qui protège la maison, c'est à la fois ce qui lui donne une certaine allure, c'est un peu ce qui va la conserver pendant longtemps. Alors, dans ce sens-là, je pense qu'il faut que ces investissements-là se poursuivent et qu'on développe une véritable culture de la culture. Je ne sais pas si c'est...

M. Boulerice: M. le président, M. Bonnet, je sais qu'il y a la contrainte du vol de retour vers Montréal. Je ne voudrais pas vous empêcher de le prendre et de manquer à d'autres activités. Donc, je vous remercierai pour votre excellent mémoire, la présentation habituelle, colorée du président de la CSN, en faisant une dernière petite parenthèse. À la page 23, vous parlez de culture ouvrière ou populaire. Je vous ai posé une question: Quelles devraient être les priorités d'action? Dans votre énoncé de la page 23, j'ai lu un appui non équivoque et une pression forte envers la ministre pour qu'elle donne finalement l'accréditation à l'Écomusée du Fier-Monde dont nous sommes des partenaires solides. Je vous

remercie beaucoup, M. Larose, M. Bonnet. Bon retour dans la métropole.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, quelques mots, si vous voulez bien.

Mme Frulla-Hébert: Encore là, oui, je ne veux pas vous retarder, mais je le savais. Maintenant qu'on sait qu'on a votre appui et tout ça, quand on va sortir de cette commission, alors, à ce moment-là, nous allons procéder, d'une part. Deuxièmement, merci beaucoup, aussi, de votre appui, invitation qui sera évidemment prise au mot, au niveau d'un comité sur la taxation, d'abord, et, deuxièmement, au niveau de la création, finalement, de cette activité dans le fonds régional. Merci d'avoir été ici et, évidemment, vu l'importance des groupes que vous représentez, bien, cette prestation était capitale pour nous, pour nous faire avancer dans notre débat.

Le Président (M. Doyon): Alors, il me reste, en tant que président de la commission, à vous remercier aussi, à vous permettre de vous retirer. Il vous reste une demi-heure pour vous rendre à l'aéroport et sauter dans l'avion. Bon voyage de retour.

J'invite maintenant l'Association des éditeurs et la Société des éditeurs de manuels scolaires du Québec à bien vouloir s'avancer, à prendre place à la table qui leur est réservée en avant de cette commission, pour que nous puissions nous entretenir avec eux.

Maintenant que nos invités sont en place, je leur souhaite la bienvenue au nom de la commission. Je les invite à bien vouloir se présenter pour que nous puissions savoir qui nous parie lors de la transcription des débats. Et ils disposent d'une quinzaine de minutes pour nous entretenir de leur point de vue sur la politique de la culture. Ensuite, la commission va discuter avec eux de ce qui découle de leur présentation. Vous avez la parole.

ADE et SEMSQ

M. Vézlna (Raymond): M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les commissaires, mon nom est Raymond Vézina. Je représente l'Association nationale de l'industrie du livre qui a été formée hier, résultat de la fusion des deux associations: celle présidée par M. Hervé Foulon, qui est président de l'Association des éditeurs et la Société des éditeurs de manuels scolaires du Québec que je représente.

Vous avez à ma gauche Mme Carole Levert, des éditions Libre Expression, elle est directrice des éditions. À ma droite, M. Richard Vézina, qui est trésorier de l'ADE, président-directeur général des éditions Saint-Martin, et Mme Johanne Guay, qui est directrice générale de l'ADE et directrice générale de la nouvelle association, doit-on dire aussi.

À la lecture de notre mémoire, vous avez constaté combien nous appuyons votre point de vue sur l'importance du développement de la culture dans notre société et le rôle essentiel du livre comme outil de formation, de communication et de développement. Nous désirons insister particulièrement sur trois points que nous considérons essentiels et qui constituent les idées maîtresses de notre mémoire. Premièrement, l'importance fondamentale du livre et de la lecture comme biens de première nécessité. Deuxièmement, les forces et les faiblesses de l'industrie québécoise de l'édition. Troisièmement, la nécessité d'une volonté politique réelle du gouvernement de se doter d'une véritable politique culturelle et de l'appliquer dans des actions précises et concrètes.

À la suite de tous les mémoires qui ont été présentés devant cette commission par tous nos partenaires de l'industrie du livre, les auteurs, les bibliothécaires, les libraires, les salons du livre, les périodiques culturels, à la suite aussi de certains mémoires présentés par des entreprises privées comme Bell Canada, dont nous appuyons fermement les recommandations, faut-il insister, donc, pour dire que le livre est l'instrument premier de l'accès à la connaissance, la principale porte d'entrée dans l'univers de l'imaginaire? On l'utilise d'ailleurs aussi pour le loisir, pour la détente. C'est un outil essentiel de formation dans les écoles et les universités, autant que dans l'entreprise. Le livre possède aussi un caractère de pérennité qui lui permet souvent de jouer un rôle capital à un moment donné de l'évolution d'une société et de continuer à jouer ce rôle à travers les âges par la suite. Songeons seulement à quelques grands classiques qui nous sont venus du passé par le livre: "l'Iliade" et "l'Odyssée", la Bible, des textes de chez nous comme le "Petit catéchisme", "Les Insolences du Frère Untel", les oeuvres de Nelligan, de Félix Leclerc, de Jacques Ferron et enfin peut-être le rapport Arpin, si jamais le gouvernement se décide à y donner suite, après avoir, hélas, rangé sur une tablette - et on les a apportés ici - tous les livres bleus, blancs ou verts qu'il a produits ou commandés dans le passé. (10 h 30)

Mais entrons tout de suite dans le sujet qui constitue notre spécialité et qui est l'objet de nos principales préoccupations, c'est-à-dire l'industrie québécoise du livre. Notre mémoire illustre bien, du moins nous l'espérons, à la fois la maturité de cette industrie qui a eu une forte croissance depuis les années soixante et sa fragilité qui tient à l'étroitesse de notre marché, à la concurrence que nous livrent sur ce petit marché les géants de l'édition internationale, à la faiblesse de la capitalisation de la grande majorité de nos maisons d'édition, qui sont de petites et moyennes maisons d'édition, faiblesse

qui est accentuée de façon cyclique par les récessions et par l'imposition de la TPS fédérale, et par la menace voilée que laisse planer le ministre des Finances du Québec du rétablissement possible de la TVQ sur le livre.

Rappelons simplement quelques chiffres tirés de notre mémoire. Premièrement, la moyenne des profits des entreprises d'édition, après impôt et après subventions, s'établit à 5,9 % des ventes, ce qui est nettement inférieur à ce qui se passe dans les pays plus évolués comme les États-Unis ou la France. Le livre importé représente environ 70 % des ventes réalisées en librairie au Québec. Plus de 60 % du chiffre d'affaires dans le domaine du matériel didactique est réalisé par des entreprises appartenant à 50 % et plus à des intérêts étrangers. C'est-à-dire que toutes nos énergies, finalement, doivent être consacrées en priorité à l'occupation de notre propre marché, de préférence à l'exportation. Ce n'est pas que nous négligeons l'exportation, mais c'est vraiment la conquête du marché local, qui est notre priorité, tant dans le domaine littéraire que dans le domaine scolaire.

Quand des maisons d'édition se voient contraintes de se mettre en vente ou de s'associer à des maisons plus puissantes à cause de difficultés financières et qu'elles passent très souvent entre des mains étrangères, comme cela s'est produit au cours des deux dernières années pour cinq maisons d'édition au motn^ on peut s'interroger longuement sur la valeur du soutien que le gouvernement accorde présentement à l'industrie nationale du livre et de l'édition, et l'efficacité de la législation qui a été mise en place pour la protéger. On notera à ce sujet que c'est dans le domaine de l'édition que le MAC investit le moins, alors que ce secteur représente une activité économique très importante, avec la possibilité de retombées financières dans le domaine du film, de la télévision, de la radio, etc. Qu'on pense, par exemple, aux "Filles de Caleb", au "Matou", au "Déclin de l'empire américain", au "Chat de l'Oratoire" de la collection "Contes pour tous" et à quelques autres titres dans cette collection.

D'où l'importance pour nous d'appuyer sans réserve les recommandations 104 et 72 de la proposition de politique, qui recommandent que toute l'action du gouvernement soit imprégnée par la conviction que la culture est un élément moteur du développement collectif. Et nous croyons, comme Bell Canada, que cela touche directement le développement économique et la culture technologique; donc, que la priorité accordée à la culture par le gouvernement s'exprime au plus haut niveau et soit traduite dans un projet de loi à cet effet.

C'est pourquoi nous demandons instamment au gouvernement du Québec, en particulier au premier ministre, au ministre des Finances, ainsi qu'au chef de l'Opposition qu'ils se prononcent publiquement sur ces deux recommandations capitales et qu'ils déclarent solennellement vouloir donner au futur ministère de la culture la stature requise au sein du gouvernement et les moyens financiers nécessaires à l'atteinte des objectifs dont dépendent l'avenir et l'identité propre de la société québécoise.

Ajoutons que ces engagements doivent être pris ici et maintenant, indépendamment de tout contexte électoral et du débat constitutionnel qui occupe présentement, malheureusement, l'esprit de tout le monde.

N'oublions pas que c'est le livre qui est la principale clé de notre développement intellectuel, une clé très importante également dans le domaine du développement économique. C'est le premier véhicule des idées et un catalyseur essentiel du développement de l'éducation, des arts et de la culture. Le gouvernement doit reconnaître cette importance et agir en conséquence. Je vous remercie de votre attention et vous invite à nous poser des questions. Mes collègues et moi sommes à votre entière disposition.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Vézina. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Vézina. Je vous souhaite à tous la bienvenue. Vous savez, quand on parle de l'importance de tout ce secteur, de l'importance du livre - d'ailleurs, si on regarde au niveau du rapport Arpin, il y avait un de vos représentants qui siégeait sur le groupe-conseil - force est d'admettre que le gouvernement du Québec a quand même pris ses responsabilités au niveau de la taxe de vente, d'abord, qui était un investissement du gouvernement, enfin, de 32 000 000 $, pendant que le fédéral, lui, malgré toutes vos pressions, et les miennes avec les vôtres, a maintenu sa TPS. Alors, je pense qu'à ce niveau-là le gouvernement du Québec a justement "priorisé" le secteur du livre dans sa pensée. Au moment où on se parle - et je ne parle pas du report de la TVQ - ou l'année dernière, pendant qu'oh imposait la TVQ, c'est le seul secteur qui a bénéficié d'une exemption. Je pense que là c'est une preuve quand même assez évidente de l'importance qu'on accorde au livre.

D'abord, je voudrais vous souhaiter bonne chance dans cette initiative de fusion de vos associations, d'une part. J'aimerais revenir à ce dont vous parliez au niveau de l'étroitesse du marché québécois. Effectivement, qu'on regarde dans tous les secteurs économiques, notre marché est étroit et il faut trouver nos opportunités ailleurs, finalement. Vous parlez d'une stratégie pour augmenter, si on veut, la demande versus travailler sur l'offre. J'aimerais que vous élaboriez un peu là-dessus; au niveau de la demande, quelles sont les actions concrètes maintenant qu'il faudrait faire? On est impliqué dans les salons du livre, on est impliqué partout dans la

chaîne, finalement, au niveau du livre. On essaie d'aider aussi au niveau du marché du côté international, mais qu'est-ce qu'il faut faire? Est-ce qu'il y a une résistance... Parce qu'on sait qu'il y a une résistance au niveau de la France. Il y a une espèce de protectionnisme déguisé, mais qui est là. Est-ce que c'est réaliste, d'une part, de penser que, oui, on est capables d'agrandir les marchés? Si oui, comment fait-on et quels sont les moyens concrets, les priorités à court terme, à moyen terme à long terme, pour ce faire?

Le Président (M. Doyon): M. Vézina.

M. Vézina: D'abord, sur la question de la TVQ, c'est sûr que nous avons grandement apprécié le geste du gouvernement et on l'en a félicité. C'est d'ailleurs présent dans notre mémoire. Ce que nous voulons essentiellement sur ce sujet particulier, c'est que la décision soit maintenue, non pas d'année en année, mais de façon définitive et, deuxièmement, que le gouvernement du Québec soit notre allié dans la lutte qu'on va reprendre incessamment pour contrer la TPS. Et, là-dessus, l'industrie étant plus forte qu'elle était auparavant, je pense, avec la fusion, on a besoin de l'appui de tous les ministres impliqués dans le gouvernement et du gouvernement lui-même. Quant aux moyens concrets, je pense que je vais laisser mon collègue Hervé Foulon vous en présenter quelques-uns.

Le Président (M. Doyon): M. Foulon.

M. Foulon (Hervé): Merci. Quand on parle d'augmentation de la demande, je pense qu'il y a un point qui est très important, c'est que l'on souhaite que la perception du livre dans le marché change par rapport à ce qu'elle est aujourd'hui. Trop souvent, le livre n'est pas perçu comme un bien de première nécessité comme nombre d'autres produits, et ce, dès le premier lieu qui devrait et qui doit être un lieu de connaissance du livre, de familiarisation avec le livre, c'est-à-dire l'école. Aujourd'hui, à quoi on assiste, très souvent, malheureusement, les budgets que les commissions scolaires ont à leur disposition sont trop restreints et elles n'arrivent même pas à respecter la loi de l'instruction publique qui les oblige, normalement, à mettre à la disposition de chaque élève un manuel pour chaque matière de base. Alors, comment voulez-vous qu'un Jeune qui n'a pas à sa disposition ces premiers livres - quand il en a, très souvent, il est obligé de les laisser à l'école parce qu'ils servent pour plusieurs classes; il ne peut pas donc rapporter ces livres chez lui pour en faire une utilisation qui serait constructive, celle de consultation - soit poussé, après, à la consommation d'autres livres?

On peut prendre également l'exemple des bibliothèques scolaires aussi, si on se base sur ce marché qui est, à mon avis, très important parce que c'est là où on va former des lecteurs, où on va donner le goût. Dans les bibliothèques scolaires, il y a eu plusieurs rapports qui ont été faits et on sait la pauvreté des ouvrages qui y existent. Il y a eu des exemples qui ont été donnés comme quoi des élèves pouvaient se rendre dans une bibliothèque où on trouvait comme livres à caractère encyclopédique des ouvrages où on annonçait bientôt l'arrivée des hommes sur la lune! C'est évident que ce n'est pas !à non plus des moyens pour inciter les jeunes à la lecture.

Quand on parle d'augmentation de la demande, c'est en premier lieu à ce niveau ou dans le milieu de l'enseignement. Et, quand je parie d'enseignement, je prends cela dans un cadre très large, pas seulement la classe, mais les bibliothèques et vous parliez des salons, les salons en sont aussi. C'est d'aller au-delà de l'offre de service, mais de s'assurer que le produit va être présent, le produit d'actualité également va être en place, et c'est un moyen de promouvoir notre culture, nos auteurs qu'on arrive à faire du livre un produit de première nécessité. Il est inadmissible que, aujourd'hui, on soit en train de compter les quelques sous pour pouvoir procurer des ouvrages dans un milieu scolaire, alors qu'on ne se pose jamais la question à savoir: Est-ce qu'il faut mettre de l'argent disponible pour - je parle dans les familles - acheter du matériel sportif, par exemple? On râle souvent sur le coût d'un livre qui peut s'élever seulement à 15 $ et je n'ai jamais entendu personne se plaindre sur le coût d'une paire de patins à glace qui peut en coûter 100 $ ou 150 $. C'est surtout dans cette voie qu'on parle d'augmenter la demande.

Mme Levert voudrait ajouter quelque chose.

Le Président (M. Doyon): Oui, madame.

Mme Levert (Carole): En complément à l'intervention de M. Foulon et c'est votre remarque sur étroitesse du marché qui me le suggère. Oui, le marché québécois est étroit et, dans nos discussions, on se disait: Oui, il est encore plus étroit si on se met à penser que nous n'y occupons que 30 %. C'est un peu ce défi-là. C'est-à-dire que, oui, le marché est étroit, mais si on augmente notre part sur ce marché, pour nous qui sommes habitués à vivre avec 30 %, si on arrivait à en occuper 70 % tout à coup, il deviendrait très large. Je pense que les éditeurs québécois ont démontré qu'ils étaient capables de travailler avec seulement 20 % et 30 %. Imaginez ce qu'ils pourraient faire s'ils pouvaient avoir 70 %.

En complément au type d'intervention très nécessaire que M. Foulon suggérait, il faut "promotionner" le livre, mais il faut aussi penser à faire une campagne de promotion qui valorise

notre production. Si nous-mêmes, au Québec, ne valorisons pas nos créateurs, notre style d'édition qui nous est particulier, les éditeurs québécois produisent des livres qui nous ressemblent, si on valorise notre production à nous en premier lieu, non pas au détriment de personne d'autre, mais en se disant que c'est nous, on va faire un gain aussi. On va dire aux gens: Oui, on est non seulement aussi intéressants, mais on est plus intéressants. On travaille spécifiquement pour vous. Et c'est pour cela qu'une valorisation qui peut prendre la forme d'une promotion de notre production favoriserait sûrement un dynamisme des mentalités parce que cela se fait partout.

On parlait tout à l'heure du milieu scolaire, etc. Cela veut aussi dire que tous les organismes peuvent travailler à "promotionner" le livre, mais aussi à faire en sorte que ce soit des livres de nos auteurs et de nos éditeurs dont on parle le plus souvent, et que cela soit coordonné. Certainement, une impulsion peut être donnée par un ministère de la culture; dans les exemples que l'on donne dans les livres eux-mêmes, pourquoi ne pas prendre des exemples d'auteurs de chez nous, etc.? C'est un exemple que je donne, mais faire en sorte que ce soit général et qu'on ait le goût de le faire. Donc "promotionner" notre production, nos créateurs et notre style d'édition.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. M. Foulon, MM. Vézina, Mme Levert et Mme Guay, heureux de vous revoir. Oui, je vais me réjouir que, maintenant, H y ait, appelons cela ainsi, un consortium, c'est-à-dire une union - et Dieu seul sait que l'union fait la force - et je pense que dans ce domaine c'est très important. (10 h 45)

J'ai trouvé intéressant que vous fassiez allusion aux "Filles de Caleb". Cela a pris un écrivain, un éditeur, des libraires qui ont vendu, une télévision qui en a fait une série. Résultat: un afflux touristique d'au-delà de 150 000 en Mauricie. Cela mène loin, un livre. Et vous aurez remarqué que je n'ai pas pris de chance; je me suis fait accompagner ce matin d'un auteur, d'un éditeur et ancien ministre de la culture.

Quant à l'engagement solennel que vous avez réclamé tantôt, je me permettrais de vous rappeler qu'en cette commission, à sa séance inaugurale, le message de l'Opposition a été livré en quasi-exclusivité non pas uniquement par le porte-parole, mais bien par le chef de l'Opposition avec des engagements très précis; d'ailleurs, je me permettrai de vous envoyer une transcription de ces débats.

Ceci étant dit, la première question que j'aimerais vous poser, tout en faisant peut-être encore une petite digression. Il y a une chute d'Intérêt envers la lecture chez les Jeunes entre la troisième et la sixième année. Je pense que M. Foulon a donné aussi quand même un peu un élément de réponse en parlant de la vétusté des livres qui sont là, qui ne sont plus actuels. Je pense qu'une bonne partie de l'explication vient également de là. Sauf qu'il y a quand même des choses à faire au niveau de l'école. J'aimerais peut-être vous entendre un petit peu plus là-dessus.

M. Foulon: II y a le problème de la vétusté des livres ou du manque de budgets. C'est un point. Je ne pense que ce soit la seule raison pour laquelle il y a une chute de la lecture. Je pense qu'il y a - et Mme Levert l'avait aussi abordé - un problème au niveau du souci, dans les programmes qui sont mis de l'avant, de promouvoir et de s'appuyer sur notre littérature, sur notre culture. Et là, ça rejoint un point, je pense, qui est très important. C'est le souci qu'il y ait un lien entre le ministère des Affaires culturelles et les autres ministères. Quand on parle de culture, on parle également d'éducation, de formation. Donc, le ministère de l'Éducation est naturellement très fortement impliqué, le ministère de l'Enseignement supérieur également et il serait souhaitable, comme Mme Levert le mentionnait tantôt, que l'on s'appuie sur nos auteurs, sur nos textes dans des ouvrages de littérature, dans des ouvrages d'histoire. Il serait aussi utile que peut-être on resonge dans les programmes d'enseignement à y mettre l'enseignement de l'histoire de la littérature, à y mettre également l'enseignement de notre histoire du Québec, et ce, pas seulement sur une année, mais peut-être réparti beaucoup plus sur tout le primaire, voire le secondaire, afin que les gens soient imprégnés de cette culture et, à travers, ça puissent se référer régulièrement aux livres qui existent.

M. Boulerice: Nous avons fait un pas assez... Oui, je m'excuse M. Vézina.

M. Vézina: Pour appuyer M. Foulon dans ce sens, il faudrait aussi contrer peut-être la photocopie qui est une abomination dans nos écoles, qui remplace et les manuels scolaires et les textes littéraires. Alors, en combattant la photocopie... On a, d'ailleurs, déjà des projets qui ont été faits là-dessus. Là aussi, on remercie le gouvernement pour ses prises de position, mais ce n'est pas encore suffisant. Et ce sont des photocopies massives qui se font encore particulièrement dans les collèges, les universités où on copie à tour de bras. Dans les commissions scolaires des écoles du primaire, les enfants, au lieu d'avoir des livres bien présentés, des textes littéraires, des romans de nos auteurs, ont des photocopies de chapitres, des extraits, etc. Dans toute la politique que nous allons défendre auprès du ministère de l'Éducation, nous allons

insister sur le respect de l'oeuvre littéraire dans les programmes scolaires.

Et je voulais signaler également une autre initiative du ministère des Affaires culturelles, qui est le soutien de campagnes de lecture faites par Communication-Jeunesse comme la Itvromanie, la Itvromagle qui ont suscité pour les titres qui sont choisis des recettes absolument intéressantes. Et, d'ailleurs, le soutien à l'édition de livres pour enfants a fait de l'industrie du livre pour enfants, qui était moribonde dans les années soixante-dix, un des secteurs de l'industrie qui est parmi les plus prospères dans le domaine de la littérature générale. Alors, des campagnes semblables... On fait des concours d'orthographe à la télévision. Pourquoi Radio-Québec ne trouverait-elle pas une idée pour intéresser les gens à un quiz sur les romans québécois qui nous obligerait à lire? Enfin, tout est à faire dans ce domaine, dans les médias et dans les journaux.

M. Boulerice: Tous s'accordent pour dire qu'on a quand même fait un pas assez intéressant au Québec et là je fais allusion à la loi 51 sur l'Industrie du livre. Comment peut-on bonifier l'application de la loi 51?

M. Vézina: Nos associations ont déjà présenté des points de vue là-dessus, les bibliothécaires également ont un point de vue. C'est un problème délicat, parce qu'on est souvent en discussions avec les libraires qui ne sont pas toujours du même avis que nous. Je pense qu'on doit s'entendre entre nous dans la profession pour arriver... On sait que dans les bibliothèques l'imposition de la loi 51 a réduit d'un pourcentage important l'achat des livres. Ça ne veut pas dire que la loi 51 n'est pas bonne, mais il faudrait peut-être la réévaluer. De la même façon, tous les ouvrages utilisés dans les collèges du Québec sont majorés de presque 15 % parce qu'ils sont soumis à la loi 51. Alors, si la loi... On ne dit pas que demain matin les prix baisseraient de 15 %, mais II y aurait au moins une stabilisation et à moyen terme une baisse des prix, parce que l'économie de l'édition est la même pour tout le monde. Le prix est toujours fixé en fonction d'une demande, de la concurrence et des coûts de l'éditeur, compte tenu d'une certaine rentabilité qui est nécessaire pour réinvestir dans des projets.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Mercier.

M. Boulerice: Si vous me permettez, juste une petite dernière. Est-ce que mes collègues auraient...

M. Godin: Hél Vous, ià! Il m'a donné la parole, le président. C'est lui qui mène ici; ce n'est pas vous, mon cher député.

M. Boulerice: Allez-y, M. le député de Mercier.

M. Godln: Alors, cessons nos luttes fratricides. J'aurais deux questions à poser à MM. Foulon et Vézina. La SOGIC fournit du capital de risque à l'édition québécoise. Pourrait-on améliorer le fonctionnement de la SOGIC à cet égard parce que dans tous les autres domaines dont la SOGIC s'occupe, comme on dit dans les médias, c'est le bordel? Alors, j'aimerais savoir si, dans le domaine de l'édition de manuels scolaires, la SOGIC se conduit de la même manière, aussi brutalement et de façon aussi impertinente qu'avec le domaine du cinéma, par exemple?

M. Vézina: C'est une question délicate, je vais demander à mon ami Hervé d'intervenir.

M. Godin: En quoi est-elle délicate? M. Foulon: Je vais vous...

M. Vézina: Elle a une dimension politique très importante. C'est tout ce que je peux dire.

M. Godin: Exactement. C'est ça qui me gêne, moi: quand on pense SOGIC on pense politique et on pense bureau du premier ministre du Québec, et on ne pense pas a une institution qui est, comment dire, virginale et respectable totalement. Et c'est bien ce qui est gênant: pour ce qui touche une partie importante de l'activité du Québec dans le domaine culturel, la SOGIC, c'est le contraire de ce que les Anglais, et la ministre aussi, appellent le "arm's length". La SOGIC, c'est le bras, la main sur l'épaule du demandeur ou du requérant, du quémandeur parce que au fond à la longue c'est ça qui s'est développé. Les gens quémandent à la SOGIC et ne se trouvent pas devant des normes connues, mais presque de l'arbitraire. Je voudrais savoir si, d'après vous, les rapports entre la SOGIC et le monde de l'édition des manuels scolaires pourraient être améliorés et, si oui, comment.

M. Foulon: Mon point de vue sur la SOGIC et, je dirais, sur tout organisme paragouver-nemental qui pourrait être du même ordre que la SOGIC, c'est que ce sont des organismes qui doivent être au service de l'industrie, dans le sens que des programmes ou des politiques peuvent être énoncés par le gouvernement en consultation avec l'industrie et que la SOGIC doit tout mettre en oeuvre à ce moment-là pour aider l'industrie à réaliser ses développements, ses plans d'action. Quand on regarde actuellement la manière dont fonctionne la SOGIC, c'est certain qu'on peut se poser quelques questions. Quand les taux d'intérêt qui sont accordés par la

SOGIC sont plus élevés que ceux que l'on peut obtenir auprès d'une banque, effectivement, on se demande quel intérêt on peut avoir à aller frapper à sa porte. Quand parfois le souci de la SOGIC est plus de se mettre de l'avant que de favoriser la vitrine de l'édition ou du livre, enfin de l'édition en ce qui nous concerne, là aussi on peut se poser des questions. Je pense que le rôle de la SOGIC n'est pas de se mettre, elle, de l'avant, mais au contraire de nous aider, nous, à nous développer, à nous faire connaître et à nous mettre de l'avant. Je pense que c'est son rôle, je dirais, comme élément multiplicateur pour favoriser ce développement de l'Industrie du livre, de l'édition québécoise.

Le Président (M. Doyon): Une autre question, M. le député de Mercier?

M. Godin: Non, je vous rends le micro, M. le Président, et disposez-en à votre gré.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Vos collègues libraires nous ont donné l'impact, enfin m'ont donné à moi l'impact de la TPS. Le gouvernement fédéral veut continuer d'intervenir, d'ailleurs. M. Beaty l'a dit, nous voulons votre bien et nous l'aurons. Donc, vos collègues libraires nous ont donné l'impact de cette scélérate taxe, comme disait notre ami Pierre Tisseyre, en termes de diminution en pourcentage des revenus des libraires. Dans le cas des éditeurs, est-ce que vous avez un portrait sépla sans aucun doute de la situation?

M. Vézina: Bien, le portrait est aussi désastreux dans l'édition. Il est cependant plus difficile à distinguer que dans d'autres secteurs de l'industrie par rapport à l'influence de la récession. Mais, c'est clair que, si les ventes des libraires baissent d'une proportion, c'est logique, et c'est la conséquence, que les ventes des éditeurs le font de la même façon.

Dans le domaine scolaire, l'impact est peut-être moins grand parce qu'il y a une ristourne. Ça occasionne surtout des tracasseries administratives. Mais, il reste que le coût du livre a augmenté pour les commissions scolaires, alors que les budgets restaient stables, d'environ 30 % à 35 %, plus l'administration de la taxe.

Et, dans le domaine littéraire, enfin mes éditeurs collègues, je les laisse répondre de l'impact de la taxe sur chacune de leurs maisons, mais je pense qu'il est aussi considérable que celui qui a été énoncé par nos libraires. Et, là-dessus, vous savez la bataille qu'on a menée tous ensemble; toute l'industrie du livre au complet a fait bloc. Et c'est cette solidarité qui nous a permis justement de vous convaincre, de vous aider, en tout cas, à vous convaincre que c'était

Important, l'industrie du livre, et que la taxe devait être exemptée. Alors, je pense que le mouvement du côté du fédéral devrait être le même.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Mercier, une courte question.

M. Godin: Oui, une question, mais précédée d'un préambule, comme on dit dans l'autre Chambre à côté, préambule consistant en deux citations qui touchent le livre et l'édition.

À Paris, sur la rue Jean-Nicolet, pas loin de ce qu'on appelle Port-Royal, il y a une citation sur le mur d'une école, de Jean Guéhenno. La citation dit: "Chaque livre est un instrument de libération". C'est une réflexion que je me fais souvent, me souvenant de mon passé d'éditeur, qui m'a mené en prison, MM. les éditeurs, vous ne vous en souvenez peut-être pas. Et il y a un autre proverbe aussi, qui lui est chinois, qui dit: "Un éditeur est une personne qui fait circuler quelques idées et qui meurt ruinée". Alors, j'aimerais laisser à votre réflexion ces deux propos, en espérant que vous ne mouriez pas d'abord, ni mourir, ni être ruinés.

J'aimerais savoir en terminant - une dernière, dernière, dernière, M. le Président, je vous assure: Est-ce que le processus de sélection et d'autorisation des manuels scolaires par le ministère de l'Éducation est aussi interminable qu'il y a quelques années ou est-ce, encore là, une question à laquelle vous ne voulez pas toucher parce que c'est trop politique? Vous voulez y toucher?

M. Vézina: Je pense que vous êtes bien informé, monsieur, parce que non seulement c'est interminable, mais c'est pire.

M. Godin: Ah, mon Dieu!

M. Vézina: Et on nous a annoncé récemment, parce qu'il y avait trop de demandes de la part des éditeurs, qu'on ajoutait... Il fut un temps où le ministère a pris jusqu'à six semaines. Ça été leur record. Ensuite, on a grimpé à 8 semaines, 11 semaines. Et là, on nous annonce que, pour la prochaine ronde qui arrivera le printemps prochain... Parce qu'on nous demande de faire des prévisions. On fait des prévisions, mais ils sont incapables de s'organiser pour répondre à la demande que nous leur faisons. On nous annonce que le délai va être étendu à 14 ou 15 semaines. D'autant plus que ça ferme complètement pendant l'été, alors qu'on sait que, pour nous, la période de rentrée est capitale et nos livres autant que possible doivent être approuvés avant la fin de l'année scolaire. Et, même si ça arrive pendant l'été, bien, il y a des gens qui retardent leur décision jusqu'au mois d'août. Si on avait des décisions. Mais c'est un autre point et, si vous

l'abordez, je suis d'accord pour vous donner entièrement raison sur cette question. Et c'est un problème. D'ailleurs, nous allons rencontrer la semaine prochaine des gens du cabinet du ministre pour discuter précisément de cette question.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Vézina. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, en conclusion.

M. Boulerice: Oui, en vous remerciant de votre participation à cette commission. Je pense que le monde du livre se devait d'intervenir et je vous rappellerai que certains ont parlé des doubles guichets, mais, malheureusement, ils ont oublié les doubles taxations. La TPS fait mal. Donc, il faudrait peut-être songer à un rapatriement. Le rapatriement signifie tous les pouvoirs, tout l'argent. Donc, impossibilité pour un gouvernement étranger de taxer les produits qui sont les nôtres. Cette question mérite réflexion. Elle est plus que politique, elle est existentielle. Alors, M. Foulon, MM. Vézina, Mme Guay, Mme Levert, encore une fois merci de votre participation et c'est le 14, je crois, qu'on se revolt. Vous êtes toujours au salon du livre?

Une voix: Bien sûr.

M. Boulerice: Sauf qu'il y a 50 participants de moins, me dit-on, à cause de l'impact justement des taxes, etc. Je pense que ce chiffre-là se devait d'être mentionné. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. M. le député de Sauvé, vous voulez remercier nos invités au nom de la ministre?

M. Parent: Oui, je vais les remercier, M. le Président. Mais, avant de les remercier, je voudrais juste faire un petit commentaire ou une réflexion très, très personnelle, mais, je pense, qui est importante. J'écoutais le président tout à l'heure, encore, nous rappeler que le marché québécois du livre est très restreint et que ça devient très, très difficile, enfin, d'en faire une Industrie rentable. On sait que la culture est difficilement rentable, mais dans le domaine du livre c'est peut-être plus évident.

Je me demande, M. le Président, si notre gouvernement et si la ministre de la culture ne devraient pas, je pense, sécuriser nos éditeurs en faisant un effort pour que nos délégations générales dans la francophonie, nos représentants spécialement dans l'Afrique de l'Ouest, dans l'Afrique francophone, soient des structures de soutien et d'aide aux gens qui veulent éditer des livres et qui veulent les diffuser. Tout à l'heure, la ministre faisait allusion à un protectionnisme peut-être déguisé de la France face à un monopole sur le contrôle de la diffusion du livre, mais je suis certain qu'avec notre présence en Afrique francophone il y a certainement un marché intéressant, là, pour nos éditeurs. Alors, j'en ai pour preuve, enfin, des ententes qui ont été faites dernièrement encore avec le CEDA, avec nos gens de la Côte-d'lvoire. Alors, je pense que notre gouvernement devrait mettre à la disposition des éditeurs toutes les ressources nécessaires via le MAI, via notre ministère de la francophonie, via nos délégations générales pour les aider.

MM. Vézina, M. Foulon, Mme Guay, Mme Levert, au nom de la ministre des Affaires culturelles du Québec, je tiens à vous remercier et à vous encourager a continuer à faire oeuvre dans le domaine de l'édition du livre. Un peuple sans livres est un peuple qui est appelé à disparaître et on ne veut pas disparaître. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Un court, court, court mot, Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Court. Merci. Je tiens seulement à rappeler quand même qu'il y a une mission là, au niveau des éditeurs du livre, et qu'on sera là, enfin notre directeur sera présent, d'une part. Deuxièmement, vous nous avez demandé notre partenariat. Je pense qu'on vous l'a accordé et on va continuer de vous l'accorder. Au niveau des pressions auprès du fédéral, ça va nous faire plaisir parce que, mon collègue l'a dit, c'est là le problème: On fait des actions bénéfiques et, si on n'est pas suivi, bien, évidemment, tout s'annule. Alors, vous pouvez compter sur notre collaboration et aussi au niveau de la promotion du livre, promotion et action promotionnelle aussi. Une chose, par exemple, le ministre de l'Éducation...

Le Président (M. Doyon): Rapidement, Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: ...rapidement, était avec nous jeudi dernier et, on peut le citer, II a dit qu'il faisait des bibliothèques scolaires et de tout le manuel scolaire une priorité, et ce, dès l'année 1992. Donc, grande sensibilisation et bon espoir de collaboration.

Le Président (M. Doyon): Merci. Alors, au nom de la commission...

M. Godin: M. le Président...

Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Godin: ...me permettrez-vous de poser une petite dernière question en supplémentaire, comme on dit au hockey?

Le Président (M. Doyon): M. le député, je vous signale que le temps est expiré. Cependant...

M. Godin: Bien oui, justement.

Le Président (M. Doyon): ...une exception qui ne sera pas un précédent.

M. Godin: Si je vous demande une permission spéciale...

Le Président (M. Doyon): Allez, allez, allez.

M. Godin: ...c'est parce que je sais que c'est écoulé. Si ce n'était pas écoulé, j'irais sans vergogne.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Godin: Ma question est la suivante: Est-ce que les éditeurs américains, McGraw-Hill et les autres géants de la même farine, font une concurrence à l'édition québécoise, qui est, à vos yeux, importante et même fortement nuisible en ce qui a trait - et non pas au niveau de, parce qu'on n'est pas des architectes - à votre marché et à vos ventes éventuelles?

M. Vézina: Absolument. Dans le cas de McGraw-Hill que vous citez, c'est évident que c'est un... Vous savez qu'il n'y a pas très longtemps tout le livre universitaire dans le domaine de la gestion, c'était des livres en anglais. Mes deux frères ont étudié dans des livres anglais à l'UQAM, à Montréal, au début. Maintenant, il y a eu un progrès qui a été fait: la plupart des ouvrages, des instruments de base sont en français. Mais, dès qu'on arrive au niveau de la maîtrise dans le domaine des sciences, de la gestion, n'importe quoi, et du doctorat, la plupart des ouvrages sont encore en anglais. Ça, il ne faut pas se le cacher.

Aux niveaux primaire et secondaire, ils sont présents, ils sont très actifs dans le domaine des langues secondes, du français, et ce qui est pire, c'est qu'ils sont souvent présents sans qu'on le sache trop, trop. Par exemple, des maisons d'édition qui appartiennent à 100 % à des intérêts étrangers s'appellent Études vivantes, s'appellent HRW, mais ce sont des capitaux à 100 % étrangers, et ces gens-là font évidemment du livre québécois, des auteurs québécois, on n'a pas le choix. Nos programmes, heureusement, nous protègent en ce sens qu'ils sont très spécifiques. On ne peut plus comme autrefois adapter ou traduire les manuels américains.

Mais c'est quand même des capitaux qui proviennent de l'étranger et dont le bénéfice retourne à l'étranger, et sur lesquels on n'a pas de contrôle. La compétition, je vous évoquais tantôt les 60 %, ça s'applique aux Américains et aux Français qui, étant donné la relative stabilité du livre au Québec, ont tendance à revenir investir, comme ça s'est vu récemment, dans nos maisons d'édition.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Alors, II me reste, au nom de la commission, à vous remercier de votre prestation et à vous souhaiter un bon retour, vous donnant quelques instants pour vous retirer de la table. J'invite maintenant le Comité d'étude sur les industries de la culture et des communications au Canada à bien vouloir prendre votre place.

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Godin: M. le Président... Le Président (M. Doyon): Suspension. (Suspension de la séance à 11 h 8)

(Reprise à 11 h 9)

Le Président (M. Doyon): Maintenant que nos invités sont en place et que les effusions sont terminées, il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue et de vous inviter à faire les présentations d'usage pour la transcription de nos débats. Ensuite, vous disposez de 10, 15 minutes pour faire la présentation de votre mémoire, ou un résumé que vous voudrez bien en faire, pour permettre aux membres de cette commission d'engager la conversation avec vous. Vous avez la parole.

Comité d'étude sur les industries de la culture et des communications du Canada

M. Greenberg (Harold): Bonjour, mesdames et messieurs. C'est M. André Bureau et, ici, M. Gordon Ritchie. Avant que je commence, je vais mettre un peu mes notes... Mme la ministre et tous les députés, je pense qu'il est temps d'approuver et de vous féliciter pour deux choses en particulier aujourd'hui. D'abord, pour le dynamisme et le coeur que vous mettez à remplir vos fonctions, et aussi pour avoir réussi à organiser cette consultation d'importance critique pour notre avenir, parce que ses résultats devront orienter la politique gouvernementale. En un mot, merci.

Bonjour, je suis très heureux d'être à la commission de la culture aujourd'hui afin de présenter la position du Comité d'étude sur les industries de la culture et des communications sur la proposition de politique de la culture et des arts. Les propos soulevés dans le rapport Arpin au niveau de l'importance de la culture pour notre société sont autant de notions que notre groupe partage, quoique nous les évoquons d'un point de vue différent.

Mon nom est Harold Greenberg; je suis président du conseil et directeur général d'Astral, ainsi que le porte-parole de notre Comité. J'ai introduit André Bureau et Gordon Ritchie.

André Bureau est le président-directeur général et vice-président du conseil des communications à Astral Bellevue et il a occupé le poste de président du CRTC de 1983 à 1989. Gordon Ritchie est le président de Stratigico, d'Ottawa. Il a été intimement liée aux négociations de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Il siège sur notre Comité.

J'aimerais débuter mon entretien en vous nommant les membres du Comité et vous énoncer le mandat et les buts que le Comité d'étude sur les industries de la culture et des communications s'est proposés. Les membres de notre Comité sont des dirigeants du monde des affaires dans les industries culturelles. M. Serge Gouin, président et chef de l'exploitation du Groupe Vidéotron, de Montréal; M. Andrew Hermat, président de Manta Sound, de Toronto; M. Doug Holtby, président de Western International communications, à Vancouver; ' Mme Anna Porter, présidente de Key Porter Books, à Toronto; M. Philippe De Gaspé-Beaubien, président de Télémédia, à Montréal; M. André Di Cesare, président des disques Star, à Montréal; M. Claude Fournier, président Rose Films, à Montréal; M. Donald Campbell, président du conseil, MacLean Hunter, à Toronto; M. John Fisher, président de Southam; et M. Steven Roth, président de Passport Productions. Mon Dieu, on va être beaucoup de présidentsl

Notre comité est d'avis que les industries culturelles du Canada devraient être exclues des négociations de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Le principe de base de la politique gouvernementale depuis la fin des années 1920 a été le développement et le renforcement de notre identité dans les industries de la culture et des communications. Notre Comité considère que les mesures gouvernementales actuellement en vigueur au Canada et au Québec pour appuyer, promouvoir et améliorer ces Industries doivent non seulement ne pas être affaiblies, mais se doivent d'être affermies.

Les industries de la culture et des communications incluent la radiodiffusion et la télédiffusion, les magazines, les journaux, la production et la distribution cinématographiques et magnétoscopiques, l'édition et la distribution de livres, les services de télévision payante et spécialisés, la câblodistribution, les arts et spectacles, ainsi que la production et la distribution de disques. Ces industries représentent une activité économique très importante. En effet, elles représentent une activité économique appréciable au Québec. La télédiffusion et la radiodiffusion justifient 8200 emplois et rapportent des revenus annuels d'environ 650 000 000 $. Les productions indépendantes emploient 2700 personnes et génèrent 175 000 000 $ annuellement.

Les compagnies de câble-vision, de télévision payante et de services spécialisés embauchent au-delà de 2600 Québécois, touchant des revenus annuels d'environ 400 000 000 $. Les médias écrits emploient environ 7000 travailleurs et génèrent un peu en deçà de 900 000 000 $ par année. C'est une sphère importante au niveau des emplois et des revenus. À ce moment, je veux M. André Bureau pour parler sur les nouvelles technologies.

Le Président (M. Doyon): M. Bureau.

M. Bureau (André): M. le Président, l'opinion qui est émise par les industries culturelles vis-à-vis les négociations qui ont eu lieu entre le Canada, le Mexique et les États-Unis, tout autant que les négociations qui ont eu lieu au niveau du GATT, est extrêmement importante lorsqu'on est au courant de ce que nous réserve le secteur de l'audiovisuel sous peu. Deux développements technologiques créeront, d'ici quelques années, un nouvel environnement susceptible d'engendrer des changements radicaux dans ce secteur d'activité et, partant, d'avoir un impact important sur l'avenir de nos créateurs, de nos artistes, de nos techniciens.

Abordons d'abord le sujet de la technique de la compression des signaux vidéo. Qu'elle se fasse par relais satellite ou par système de câblodistribution, celle-ce accroîtra de trois à cinq fols la capacité de distribution actuelle. En d'autres mots, les 32 canaux du satellite Anlk E de Télésat pourraient distribuer, d'ici deux ans, de 96 à 128 canaux vidéo plutôt que les 32 qu'ils offrent actuellement. Les systèmes de câble ayant des capacités de 50 canaux environ, comme partout Ici au Québec, pourraient en offrir de 150 à 200 à leurs abonnés.

À première vue, ce nouvel apport semble extraordinaire pour les abonnés. Cette technologie révolutionnaire signifierait, pour les abonnés, qu'ils pourraient visionner à peu près sur demande toutes les émissions qu'ils veulent regarder. Cette augmentation, au niveau de la capacité de distribution, ne crée pas - et c'est important de le souligner - de besoins additionnels d'accroître le nombre de postes de télévision, ni le nombre de services offerts. De fait, dans un environnement comportant 100, 150 ou 200 canaux, les services actuels tels que les services de films comme SuperÉcran, les services spécialisés comme RDS, MusiquePlus ou News-world, ou les services de télévision à la carte, qui commencent dans quelques heures sur Vidéotron, pourraient présenter leur programmation selon des horaires différents sur des canaux de distribution différents.

Il n'y a pas donc besoin de nouveaux services de télévision; il s'agit d'apporter des modifications aux horaires des services existants. Donc, cette évolution technique paraît tout à fait bénéfique puisqu'elle offre à l'abonné la possibilité de voir ce qu'il l'intéresse, quand ça l'intéresse et quand ça lui convient. Il faut cependant que Télésat, que les services de télévision, que les systèmes de câblodistribution

et que leurs abonnés puissent assumer les frais de cette technologie nouvelle.

Mais qu'on soit ou non en mesure de défrayer les coûts occasionnés par cette nouvelle technologie chez nous, une autre technologie pointe à l'horizon et elle pourrait, elle aussi, avoir des répercussions de grande portée sur notre système de radiodiffusion. Je veux parler des services de télévision directe par satellite, qui nous parviendront des États-Unis et qui offriront, via un relais satellite de haute puissance qui va utiliser, lui aussi, la technologie de compression de signaux vidéo, de 60 à 100 canaux de services de télévision américaine conventionnelle, de télévision payante américaine et de services de télévision à la carte américaine.

Ces services seraient relayés directement du satellite à tous les foyers canadiens équipés d'un récepteur. Qu'est-ce que ce récepteur-là? C'est une soucoupe de 18 pouces de diamètre que n'importe qui peut acheter n'importe où et qu'il peut installer lui-même n'importe où dans sa maison ou dans son appartement. Pour aussi peu que 700 $ - et sachons que 700 $, c'est moins que le prix d'un magnétoscope et que 62 % des foyers sont déjà équipés de magnétoscopes - ce récepteur donnera donc accès à des canaux de télévision commerciale américaine, en clair, moyennant un déboursé d'environ 10 $ par mois, la moitié de ce qu'on paie pour le câble, et des dizaines de services de télévision payante américaine pour une mensualité d'environ 10 $ à 20 $ par mois, plus des dizaines de services de télévision à la carte américaine aussi offrant environ 10 longs métrages par mois, chacun présenté sur 5 canaux différents. Chaque long métrage, donc, va commencer à toutes les 12 minutes, ce qui fait qu'au point de vue "convenience", comme disent les Américains, on ne peut pas trouver mieux. On est rendu vraiment à la télévision sur demande.

Il est important de constater qu'à partir du moment où ces services de télévision directe par satellite commenceront à transmettre leurs émissions, et en supposant que ces émissions-là aient un certain caractère attrayant, ces services deviendront des compétiteurs importants pour nos systèmes de câble. Il est primordial de noter qu'aucun de ces services de télévision directe par satellite n'offrira le moindre contenu canadien ou québécois. Ce service qui comporte un potentiel menaçant débutera au plus tard au mois de juillet 1994. Les satellites à haute intensité sont actuellement en phase de fabrication. Les sociétés Hughes Communications et Hubbard Broadcasting sont présentement à négocier les droits pour la programmation.

Ces services de télévision directe américaine par satellite vont, à cause de leur situation géographique, pleuvoir sur tous les foyers canadiens, aussi bien que sur le territoire mexicain, portoricain ou antillais et, de plus, et c'est très important, ces services-là en télévision directe, parce qu'ils vont avoir ce potentiel de pénétration extraordinaire, pourraient négocier des ententes pour avoir l'exclusivité des programmes, ce qui fait qu'à ce moment-là on n'y a plus accès, nous, ici.

Alors, qu'est-ce qu'on peut faire? Est-ce qu'on peut stopper ces services-là aux frontières? C'est impossible. Est-ce qu'on peut les rendre illégaux et poursuivre les hors-la-loi dans chaque foyer canadien? On n'aura jamais assez de polices pour faire ça. Devons-nous permettre aux services américains de télévision directe, puisqu'ils deviennent disponibles, d'être distribués par le câble? Bien, vous voyez, à ce moment-là, le déséquilibre incroyable au niveau des systèmes de câble entre nos produits à nous et le produit américain. Ce serait une invasion intolérable.

D'après nous, la meilleure solution, c'est celle qui consiste à s'assurer que nos services de câble vont être en mesure d'offrir un service comparable et aussi attrayant que le service de DBS américain. Et cette approche va assurer que les abonnés vont rester abonnés au câble, donc, que les services de télévision canadiens et québécois vont continuer à pouvoir bénéficier de leur auditoire. Est-ce que c'est faisable? Certainement que c'est faisable. C'est certainement faisable de s'organiser pour passer de 50 canaux à 100 canaux en s'assurant que nos services existants réétudient leurs cédules de programmation pour les rendre disponibles à un plus grand nombre de gens. Et, si nous n'offrons pas cet univers de 100 canaux par le biais de nos systèmes de câble, nous risquons un contourne-ment très important de nos systèmes de câble et, par le fait-même, une perte d'auditoire importante pour tout notre système de radiodiffusion.

Alors, donc, Télésat, les systèmes de câble, les diffuseurs se doivent de s'adapter à ce nouvel environnement, mais il faut s'entendre sur le plan des stratégies pour permettre à cet univers de 100 canaux d'être offert par une source que nous contrôlons chez nous. Il va falloir regarder les lois, les mesures fiscales et l'encadrement réglementaire pour s'assurer qu'on soit en mesure de le faire à des coûts qui soient raisonnables.

Ce serait épouvantable de capituler devant cette invasion américaine des DBS. Ce serait surtout une terrible ironie au moment où, pour la première fois dans notre histoire, en termes de producteurs d'émissions de télévision ou de producteurs de cinéma, mais particulièrement de production d'émissions de télévision, s'ouvre à nous un potentiel gigantesque en Europe. Pour la première fols, les Français ont besoin de nous autres pour vrai. Pour la première fols, ils nous traitent d'égal à égal. Ça fait du bien. Pour la première fois, ils ont besoin de l'apport de gens qui ont de l'expertise, qui ont acquis une expertise en matière de télévision, grâce à la concurrence qu'on a eu à faire avec les Améri-

cains et qui ont développé un talent qu'eux autres sont en train de développer.

Mais, ce qu'il est important de retenir, c'est qu'on n'aura accès à ce marché qu'à la condition que nos traités actuels - et c'est pour ça que je vous parlais tout à l'heure de l'importance des négociations du GATT - entre le Canada et une vingtaine de pays continuent à être respectés, nos traités qui favorisent les coproductions. Parce que, vous le savez, ces coproductions-là donnent la double nationalité au produit, c'est-à-dire la nationalité française là-bas et la nationalité canadienne ici. Ces coproductions-là, quel est leur effet? Elles engendrent des productions à haut budget. Elles engendrent des productions de plus grande qualité et donnent des plus grandes chances à nos produits, à ceux auxquels on participe, d'être vendus dans d'autres pays. Et c'est à l'avantage de nos producteurs. C'est à l'avantage de nos artistes, de nos réalisateurs et même de nos techniciens. Ces coproductions pourraient, d'ailleurs, dans une stratégie globale pour les communications chez nous, devenir le meilleur support financier de notre industrie de production indépendante.

Je terminerai juste sur un exemple. TF1, la station la plus populaire en France, et la 5, la station la moins populaire à l'autre bout des canaux, ensemble ont besoin, cette année, de 600 téléfilms. Ils en ont 112 sur les tablettes, qu'ils peuvent utiliser, des téléfilms en français. Il y a donc un besoin de 488 téléfilms. On ne sera jamais capables de faire 10 % de ça nous-mêmes. Et, si on le faisait, tous nos producteurs travailleraient pendant toute l'année pour faire ça. Mais, imaginez-vous si on pouvait percer ce marché-là et si on a le support nécessaire pour le faire! Je vous signale simplement qu'il faut s'assurer que, chez nous, notre système continue d'être fort, parce qu'à l'horizon, enfin, on a les débouchés qui permettent à nos talents d'être exportés. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la ministre.

M. Greenberg: M. Gordon Ritchie.

Le Président (M. Doyon): M. Ritchie, à peine quelques minutes si vous voulez discuter avec les membres, parce que le temps passe. M. Ritchie.

M. Ritchie (Gordon): Merci, M. le Président. Mme la ministre, membres de la commission, je serai très bref. C'est à mol à vous ramener des ondes pour parler plutôt des choses banales, des questions de politique commerciale. La politique canadienne comporte deux volets. Le premier, c'est de garder une ouverture d'esprit et de marché envers des produits de l'étranger qui se sont accaparés maintenant entre deux tiers et 100 % de nos marchés au Canada. Et le deuxième volet, de garder certaines protections minimales pour assurer la survie des industries canadiennes. Ces protections faisaient l'objet des demandes américaines dans les négociations de l'Accord de libre-échange où j'avais l'honneur d'être l'ambassadeur canadien et font l'objet, aujourd'hui, de demandes dans les négociations trilatérales et dans les négociations du GATT.

Brièvement, ces mesures comprennent d'abord le bill C-58, des incitations fiscales pour encourager à ce que des annonces publicitaires soient placées dans des journaux et des périodiques canadiens plutôt qu'étrangers, les règlements pour le contenu canadien dans la radiodiffusion, une gamme d'instruments pour contrôler les investissements, une politique d'importation et de distribution des films et des vidéos, une politique pas encore légiférée, et quelques subventions avant tout pour les périodiques. Dans les négociations de l'Accord de libre-échange, les Américains avaient comme objet de faire disparaître tout ou une bonne partie de ces mesures-là. Le résultat a été plutôt l'exemption des industries culturelles de ces négociations, à l'exception de trois mesures très spécifiques: la réduction des tarifs, une modification de la politique de Baie-Comeau et un nouveau régime pour la câbloretransmission. (11 h 30)

Maintenant, nous sommes encore à la table et les mesures de protection sont encore sur la table, bon gré mal gré. Il est fort possible qu'il y aura une entente mexico-américalne Les Mexicains eux-mêmes s'y intéressent. Ils cherchent à avoir un accès amélioré au grand marché de langue espagnole aux États-Unis. Mais, pour les États-Unis, l'intérêt est centré toujours plutôt sur le Canada et plutôt sur ses mesures de protection. Donc, c'est pour ça que moi et les autres membres du Comité qui comparaissent devant vous aujourd'hui, nous sommes en faveur d'une position gouvernementale canadienne qui résiste à tout prix à négocier le démantèlement de ces protections minimales qui nous restent. Merci bien.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci. Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Frulla-Hébert: D'abord, c'est un très grand plaisir de vous accueillir ici, M. Greenberg, M. Bureau, M. Ritchie. M. Greenberg, encore une fois, félicitations pour l'honneur qui vous a été dévolu par l'Ordre du Canada.

Je vais aller tout de suite au but parce qu'on aurait une foule de questions à vous poser et on poursuivra probablement ces discussions un peu plus tard. Mais, pour le bénéfice de cette commission, quand on vous entend, M. Bureau, parler de tous ces changements, M. Chagnon était avec nous aussi, qui nous prédisait la même chose. On sait que le cadre télévisuel, par exemple, va être complètement chambardé d'ici

quelque temps, et ce, dans un avenir quand même assez rapproché, à vous écouter. Quand on parle, M. Ritchie, de faire des ententes et d'essayer, finalement, par nos ententes, de conserver notre place, moi, là-dessus, sans être pessimiste, je vous demande sincèrement: Pour la culture québécoise et la protection de notre culture - on est envahi par un bassin de 330 000 000 d'anglophones - est-ce que, un, c'est possible et, deuxièmement, qu'est-ce qu'on fait? Vous allez dire: Oui, la qualité, mais, d'un autre côté, même si on pousse, est-ce qu'on va avoir les moyens pour contrer, là, le géant américain? Je négocie présentement au niveau du film et de la vidéo et on sait que c'est presque impossible de négocier avec eux. Ils ont la force parce que nos gens, les consommateurs, veulent avoir aussi de ces produits. C'est bien facile de dire aux consommateurs: Bon, parfait, on fait du protectionnisme, ce ne sera que nos produits, mais le consommateur veut avoir accès aussi à ces produits-là. On ne peut pas, non plus, l'en blâmer. Il faut quand même avoir une ouverture d'esprit. Mais est-ce qu'il y a espoir? Et qu'est-ce qu'on fait si oui?

M. Bureau: Bien, écoutez, je vais commencer, mon collègue, M. Ritchie, pourra ajouter. La première des choses, c'est qu'il faut réaliser que les 330 000 000 d'anglophones qui nous entourent, c'est évidemment une constante préoccupation quand on veut faire des choses en français et continuer à maintenir notre caractère ici. Mais il faut aussi réaliser que, même pour nos collègues de langue anglaise du Canada, c'est un péril immense que d'être face à face avec des gens qui parlent la même langue et qui peuvent donc entrer chez eux beaucoup plus facilement. Alors, donc, on participe, à tous les niveaux, anglophones et francophones, à une situation où il faut se mettre ensemble pour résister.

La façon de le faire, moi, je pense qu'on a prouvé, au cours des années, qu'on a trouvé des formules tout le temps pour empêcher cette invasion-là. Elle n'a jamais été facile et, écoutez, on est partis de loin. Il a été un temps où on était des répétiteurs des grands réseaux américains de radio. Aujourd'hui, on a notre propre système de radiodiffusion, à 100 % chez nous. Dans le temps, il y a 30 ans, on était des répétiteurs des réseaux américains. Alors, on a réussi à gagner du terrain, je dirais. Et, si on le regarde sur une période un peu plus large et si on regarde les Initiatives qu'on a prises durant ces années-là, je ne vois pas pourquoi, aujourd'hui, on manquerait de ces bonnes idées qu'on a eues au cours des ans pour se défendre.

J'en arrive à un exemple précis. Par exemple, au Québec, supposons que, sur les systèmes de câble, on ait les moyens de se payer un système de câble à 100 canaux, pour empêcher que nos gens s'achètent la sacrée soucoupe, qu'ils l'installent à leur fenêtre et qu'ils se mettent à ne recevoir que du produit américain, en langue anglaise, pour un prix dérisoire. Supposons qu'on est capables de se le payer. Et ça, ça devient une question de financement et ça devient une question de politique de déterminer si on va être capables de donner des avantages fiscaux à Norsk Hydro et ne pas en donner pour protéger notre culture. À un moment donné, il va falloir qu'on prenne nos responsabilités et qu'on se dise: Bien, moi, si je suis capable de donner des services d'Hydro-Québec à tarif réduit pour amener des emplois chez nous, je devrais être capable de faire quelque chose, par exemple, comme des "tax shelter" bien administrés, pour assurer que les individus investissent dans des entreprises qui vont protéger ma culture.

Si on est capables de se payer, donc, 100 canaux chez nous, à partir de ce moment-là, Télé-Métropole prend ses nouvelles à toutes les heures du jour et les rejoue sur un deuxième canal, mais en continuité. Alors, si jamais quelqu'un arrive chez lui et veut voir des nouvelles, il sait qu'au canal 39, 41, 71, quel que soit le canal, il peut avoir des nouvelles à longueur de journée, qui lui proviennent des studios de Télé-Métropole. Ça n'empêchera pas d'augmenter la valeur de ces nouvelles-là, si on veut, ils le font déjà avec Vidéoway. Mais ils sont capables facilement de faire un deuxième canal tout de suite rien qu'au niveau de l'information. On peut y ajouter les émissions d'affaires publiques. Il n'y a rien qui empêche ces émissions d'être rejouées pour atteindre un plus grand auditoire. Il y a toutes sortes de moyens de ce genre-là qu'on peut faire pour s'assurer qu'on soit capables d'offrir chez nous des choses qui intéressent les gens. Il ne faut pas se conter d'histoires: des choses qui intéressent vraiment les gens, pas l'ours polaire. On va avoir un canal qui va avoir des choses que les gens ont l'habitude de regarder, mais qu'ils ne sont pas capables de voir parce qu'ils travaillent à cette heure-là; on va leur rendre ça plus facile.

M. Ritchie: Si vous me permettez, je peux aussi ajouter que, d'abord, en tant qu'anglophone, je peux vous assurer que les Anglos se sentent au moins aussi menacés que les Américains. Et nous, non plus, nous n'avons pas grand intérêt à parler plutôt à l'américaine. Il faut reconnaître, par ailleurs, qu'en faisant front commun, ensemble, on a réussi jusqu'à date à résister aux Américains et à protéger une partie de notre marché. Nous ne sommes pas sans force de négociation en tant que septième pays industrialisé du monde et, donc, c'est dans ce contexte-là que je crois bien qu'on devrait être en mesure de maintenir les protections. Mais je termine en notant bien que ce n'est pas pour protéger tout notre marché, mais le marché qui nous reste. C'est le tiers au moins de notre marché global ici au Canada et, quand les Américains cherchent à ouvrir ce marché-là,

c'est pour avoir le tout. Et ça, ce n'est pas acceptable, ce n'est pas négociable et, ensemble, on pourrait essayer d'y résister.

Mme Frulla-Hébert: Juste une question. Par la suite, M. Greenberg. Vous savez que les Québécois, M. Ritchie, ont été très pro-libre-échange, en se disant aussi qu'on a une opportunité parce que, nous, évidemment, c'est un avantage, notre culture et notre langue, et on a des produits différents à exporter. Par contre, il y a présentement une crainte, parce qu'on dit: Oui au libre-échange, mais ça va très vite. Est-ce que, finalement, nos mécanismes ont été suffisamment développés pour justement répondre rapidement à cette compétition et, comme industries, est-ce que, de par ces mécanismes, on a été suffisamment préparés, justement, devant toute cette compétition? Oui, il y a de l'opportunité, mais il y aussi ce qui arrive sur notre marché. Si je rapporte ça à nos industries culturelles, par exemple, est-ce que vous pensez qu'en ajoutant la nouvelle technologie, qui va souvent plus vite que l'Intelligence humaine même, devant ce défi-là, en termes de gouvernement, en termes de politique, on va être capables de réagir assez rapidement, justement, pour bénéficier des opportunités, mais sans être à l'affût de tous les désavantages du libre-échange?

M. Ritchie: C'est un défi extrêmement difficile et les gouvernements ne se sont pas montrés à date très susceptibles de faire les adaptations nécesalres aux changements technologiques extrêmement vite. Sur le plan encore plutôt banal des politiques commerciales, oui, je pense qu'il est toujours possible de garder un certain niveau de protections. Ces protections permettront à nos industries culturelles de se regrouper et de se restructurer en arrière de ces barrières qui restent en place. Mais, comme M. Bureau l'a bien souligné, les pressions technologiques et, en conséquence, économiques, mais sans libre-échange, sont extraordinaires et, pour relever ce défi, ça va prendre un effort extraordinaire.

Mme Frulla-Hébert: II y a d'autres choses aussi, et même M. Greenberg essaie, vous pouvez embarquer. On parle beaucoup de se doter soi-même de nos propres leviers de développement. On parle beaucoup du rapatriement au niveau de la culture et des communications, tout simplement parce qu'on se dit: Comme société, on est peut-être plus aptes à cette conscientisation et à, justement, protéger nous-mêmes cette culture québécoise et ne pas faire toujours partie du "package deal". Dans un contexte comme cela, vous avez négocié, est-ce que c'est réaliste de penser: Oui, il faut être maîtres de notre propre culture et on est capables de se doter de ces mécanismes-là pour ce faire?

M. Ritchie: II faut bien reconnaître que les négociations entre les gouvernements nationaux ont offert jusqu'à date une protection assez importante pour le gouvernement québécois. Autrement dit, les engagements qui ont été acceptés c'était au niveau national, un tout autre ordre d'engagements que les engagements qui s'appliquent à des gouvernements provinciaux. Ce qui nous a permis, par le biais je ne dirais pas du parapluie, mais de la protection que nous offre le palier national, de mieux protéger notre capacité de réagir dans le domaine de la culture et dans d'autres domaines au niveau provincial.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie. C'est là tout le temps qui vous était imparti. Vous avez dépassé, Mme la ministre, de quelques minutes.

M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, je vous avertis que le temps sera aussi écourté.

M. Boulerice: Oui, sauf, M. le Président, que le député n'a jamais ambitionné. M. Greenberg, M. Ritchie et M. Bureau, je serais presque tenté de dire, sans vouloir faire injure à qui que ce soit, puisque nous parlons des communications dans leur sens le plus large, de tout l'audiovisuel et des changements technologiques: Enfin, les vraies personnes sont devant nous!

Je voudrais aussi que vous ne doutiez pas de ma sincérité dans le questionnement. Quand J'ai commencé la lutte contre la TPS et la TVQ sur le livre, j'appelais mon ami Adrian Clarkson, à Toronto, et je lui disais: Quant à "the Federal GST, do not tax the book reading. " Pourquoi ne criez-vous pas aussi fort que nous, les Québécois, puisque le Canada anglais est aussi menacé que le Québec peut l'être?

Vous me parlez de radiotélévision, vous me parlez de câblodistribution, vous me parlez de téléphonie, vous me pariez de satellites, vous me pariez après cela d'encadrement réglementaire, de lois, de mesures fiscales, de participation à des tables décisionnelles Internationales telles que le GATT, rien de tout cela n'est de juridiction québécoise. Tout est à Ottawa. Je ne vous pose pas la question de façon méchante. Vous nous sensibilisez et merci, je l'apprécie, vous ne pouvez pas savoir mais j'ai presque le goût de vous dire: Vous vous trompez peut-être de Parlement, malheureusement!

M. Bureau: Je ne pense pas! Si on regarde ce qui se passe au niveau de la télévision et de sa distribution dans la câblodistribution, au départ, il faut toujours qu'il y ait un programme. Il faut partir de là: il faut un programme de télévision. À l'heure actuelle, les experts en fabrication de programmes de télévision en Europe, il y en a très peu. Ils viennent chercher l'expertise des Québécois et des Canadiens. C'est pour cela que je suis très à l'aise pour en parler ici et j'espère qu'on ne se trompe pas de forum.

Je pense qu'il y a un rôle extrêmement important, même dans les structures actuelles, à jouer au niveau du Québec pour soutenir cette exportation de notre expertise. Parce que si on ne le fait pas-Tantôt, je n'ai pas eu le temps de finir l'exposé que je donnais quand je disais que je pensais qu'on était capables de faire face à l'envahissement possible des États-Unis, mais cela passe, à mon sens, par aller chercher le marché européen, ou une partie du marché européen, pour tenir tête. Pour tout cela, on va avoir une sacrée misère. Mais, pour une fois, on a une chance d'aller chercher une partie du marché européen. Comment peut-on le faire? Il y avait des 'lax shelters", ici au Québec, qui étaient une risée parce que, à un moment donné, c'était devenu une fraude monumentale, cette histoire-là. Mais il y a des "tax shelters" qui peuvent être faits comme il faut, qui peuvent être Contrôlés comme il faut et qui, au lieu que le gouvernement soit obligé d'investir de l'argent dans des agences qui vont distribuer de l'argent aux producteurs, permettraient à des individus qui sont prêts, que cela soit des dentistes, des docteurs, des avocats ou des notaires, je m'en... (11 h 45)

M. Boulerice: On a compris.

M. Bureau: De toute façon, si ces gens-là sont prêts à épauler l'effort qui doit être fait pour aller se chercher une partie du marché européen, ça ne vaut pas la peine, ça? Moi, je trouve que ça vaut au moins autant la peine que de faire venir Michelin dans les provinces maritimes ou de faire venir Norsk Hydro de l'autre bord de Trois-Rivières, M. Godln. Je pense que c'est important qu'on fasse l'effort de ce côté-là. C'est pour ça que je pense qu'on a le bon forum pour en parler.

M. Greenberg: J'attends pour pouvoir parler. On est ici pour deux choses: pour montrer le problème des technologies. Je veux vous répondre. Toute l'affaire qui a été faite au fédéral, ça a commencé à Québec. Tous les programmes, toutes les négociations avec les Américains - et on a deux personnes ici qui connaissent ça - ont été faits à Québec. Québec, par les personnes qui viennent de l'industrie, a été en avant de ça. Pour moi, c'est deux choses. On avait les nouvelles technologies. Je parle ici de vos besoins, le gouvernement a besoin d'une stratégie industrielle pour le supporter. Je ne suis pas ici pour demander de l'argent, je ne suis pas ici pour parler de la SOGIC, je ne suis pas ici pour dire qu'on a besoin de ça. Je dis que tout le groupe ici, on avait des talents au Québec, on avait des personnes qui faisaient de la coproduction. Je veux vous dire que la coproduction l'année passée, c'est plus de 250 000 000 $. Quand on fait des affaires, nous, on avait des affaires avec les Américains, les Anglais, les

Français, on avait des coproductions. Parce que la France, l'Italie ou l'Allemagne, c'est une nouvelle "international strategy" et ici au Québec on peut jouer dans cette ligue. On avait des problèmes et on avait besoin de parler de technique. Ce n'est pas nous autres, c'est la technique de tout le monde. Mais, moi, des fois, on me dit que je suis trop québécois quand je fais des négociations. Mais, pour la ministre, j'ai eu un "debate" avec Valenti à New Orleans en janvier...

Une voix: Pauvre lui! Pauvre Valenti! Des voix: Ha, ha, ha!

M. Greenberg: ...pour parler de la raison pour laquelle on avait une politique québécoise, c'est très important. Une autre partie, c'est canadien en tout. On a besoin d'utiliser toutes nos ressources pour travailler ensemble parce que, moi, je pense qu'on peut avoir une force très bonne dans la globalisation, on avait une partie à jouer. Et, pour moi, je vous laisse ici avec un message: le gouvernement a besoin de voir que c'est une grosse industrie et beaucoup de travail pour nos Québécois.

M. Boulerice: Oui.

M. Greenberg: Et on a besoin de penser pas juste à donner de l'argent pour la culture, mais aussi à donner du travail aux Québécois. Et, quand j'ai fait mes quatre films, j'ai fait ça à Toronto et le producteur était un Québécois. Ils m'ont dit: Pourquoi? On avait beaucoup de personnes en Ontario. J'ai dit: Pour moi, j'ai mis le "plus bon" homme pour le faire. Je n'ai pas demandé qui il était. J'ai demandé qu'il ait du bon sens. O.K.

M. Boulerice: M. Greenberg, vous êtes ici, je ne vous laisserai pas sortir, je vais en profiter. Vous avez dit: Je ne suis pas ici pour parler de la SOGIC; M. Greenberg, vous allez m'en parler. Vous êtes dans le domaine du cinéma. M. Greenberg, vous m'avez dit tantôt qu'il faut produire massivement des téléfilms, puis vous avez donné deux beaux exemples, TF1 et la 5. Mais tout le milieu, et c'est unanime, est en train de nous dire - et je vais faire une figure de style peut-être un peu forte - que la SOGIC est à l'industrie du cinéma et de l'audiovisuel ce que Dracula est à la Croix-Rouge.

M. Greenberg: Je peux faire la réponse. Si vous donnez à la SOGIC l'argent dont elle a besoin pour faire son travail pour les industries, ça va changer. La frustration que vit la SOGIC, elle n'a pas l'argent pour donner. Je connais beaucoup de producteurs, ils viennent me voir. Ils m'ont expliqué ça. Si vous avez un projet, puis que vous avez une personne qui vous donne

l'argent, vous l'aimez. Si vous allez à une place, puis qu'ils n'ont pas d'argent à mettre dans le projet, vous ne les aimez pas. Peut-être qu'on a besoin de regarder si on a fait ça avant qu'on dise: C'est bon ou pas bon. Je pense que c'est très important, pas pour moi, je cite les personnes, de dire: Ce qui ne marche pas, c'est l'argent, pour voir si dans le système l'argent pour le support est là.

M. Boulerice: Mais les intervenants nous disent que, oui, il y a un problème d'argent, mais il y a une attitude méprisante et arrogante envers les gens du milieu du cinéma. Ils nous disent: À budget pour budget, quand c'était la Société générale des industries du cinéma avant 1985, on n'avait pas de problème, ces gens-là avaient la sensibilité. Avec la SOGIC, on a l'impression d'être reçus en audience.

M. Greenberg: J'ai parlé à beaucoup de monde qui est venu ici. Avant que je vienne ici, ils m'ont appelé. Ils ont dit: Forcez dans la présentation que les industries, ce ne sont pas des enfants qui ont besoin de l'argent tout seul. Donnez les perspectives. Puis, ils ont parlé de SOGIC, ils ont parlé avec d'autres. Si c'est une personnalité, ça, je ne suis pas capable de vous le dire. Mais la fonction de SOGIC est très importante.

M. Boulerice: Bon, je vais convenir que d'envoyer aux orties Harold Greenberg, c'est peut-être difficile, mais John Doe à la SOGIC ou Jos Bleau, comme on dit en québécois, lui, il ne se fait pas recevoir.

M. Bureau: Non, ce n'est pas correct, ça, parce que, nous autres, on n'a pas accès à la SOGIC.

M. Greenberg: Oui.

Une voix: On n'est pas des producteurs. Alors, on n'a pas du tout accès à la SOGIC.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le député.

M. Boulerice: C'est une figure, une image, M. Bureau. Ne vous emportez pas. C'est une métaphore.

Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, un mot de remerciement, s'il vous plaît, très rapidement.

Mme Frulla-Hébert: Alors, merci. Puis, je me joins certainement à mon collègue. Je vous remercie pour la qualité de votre intervention. Je pense que mon collègue et moi, ainsi que tous les membres de cette commission, on aurait pu continuer très longtemps parce que c'est une menace et c'est une oppurtunité. Il s'agit maintenant de prendre l'opportunité, mais de faire face à la menace. Et, quand vous nous dites que les gouvernements, à date, n'ont pas montré, de part et d'autre, la volonté, la détermination pour faire face à ce grand défi, je peux vous dire aussi que c'est inquiétant et on va travailler ensemble, et il faut absolument pousser dans la même direction. Merci.

Le Président (M. Gobé): M. Greenberg, M. Ritchie, M. Bureau, merci. Ceci met fin à votre intervention. Je vais maintenant appeler les représentants du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, et nous allons continuer tout de suite car nous sommes déjà en retard.

Je demanderais maintenant au représentant ou à la représentante du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration... Mme Ray-monde Folco. Bonjour, madame. Il me fait plaisir de vous voir ici. Vous connaissant personnellement en plus, c'est un double plaisir.

Mme Folco (Raymonde): Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Je vous demanderais donc de bien vouloir commencer votre présentation.

Conseil des communautés culturelles et de l'immigration

Mme Folco: Alors, je commencerai très rapidement. Tout d'abord, je voudrais vous remercier, M. le Président de la commission parlementaire, Mme la ministre, les membres du gouvernement et MM. les commissaires, de m'avoir reçue ce matin. Deux mots très rapides quand même sur le Conseil qui a été créé par une loi de l'Assemblée nationale du Québec en 1985 et qui est un organisme permanent et autonome dont la fonction principale est de conseiller la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration. Le Conseil a été créé avec un mandat de consultation et de recherche et il a donc un rôle essentiel à jouer pour convier la population et les principaux secteurs de la société à une réflexion collective sur les questions relatives à l'immigration et aux communautés culturelles. Ainsi, les questions concernant l'intégration et la participation active de membres des communautés culturelles au développement culturel et artistique du milieu québécois font d'emblée partie de son champ normal de préoccupation et de responsabilité.

Il faut dire que le Conseil a eu l'occasion à quelques reprises de traiter des enjeux et des difficultés de l'intégration des membres des communautés culturelles dans les milieux, les réseaux et les circuits de la création et de la diffusion culturelle et artistique au Québec. Je ne

vous ferai pas une liste, elle se retrouve à la page 2 de notre mémoire.

L'énoncé de la politique québécoise en matière d'immigration et d'intégration identifiait un enjeu majeur que le Conseil considère important également dans le contexte de la proposition de politique de la culture et des arts: celui de l'intégration sociale, économique et culturelle des immigrants et des membres des communautés culturelles établis au Québec. C'est évidemment le volet culturel de l'intégration qui nous concernera plus particulièrement ici dans nos commentaires et recommandations.

Précisons que, dans ce qui va suivre, l'usage que nous faisons du vocable "Québécois des communautés culturelles" désigne l'ensemble des Québécois ayant la citoyenneté canadienne et dont l'origine nationale est autre que francophone de souche, britannique ou autochtone.

Avant d'aborder des questions plus particulières traitées dans la proposition de politique, nous tenons à préciser d'abord trois points qui nous paraissent importants et qui relèvent des principes d'orientation générale soulevés dans ce document majeur. Tout d'abord, la place de la culture comme troisième grand vecteur des décisions majeures du gouvernement. Le Conseil souscrit entièrement à cette idée de politique qui est adoptée comme le premier des trois principes fondamentaux de la proposition: "la culture est un bien essentiel et la dimension culturelle est nécessaire à la vie en société, au même titre que les dimensions sociale et économique." Le deuxième principe fondamental établit la jonction entre le droit à la vie culturelle et la nécessicité de rendre celle-ci accessible à tous: "le droit à la vie culturelle fait partie des droits de la personne et c'est pourquoi l'activité culturelle doit être accessible à l'ensemble des citoyens." (12 heures)

Le Conseil croit qu'il serait pertinent de rappeler ici, dans le texte final de l'éventuel énoncé qui fera suite à la proposition de politique, l'article 43 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, qui affirme ce même droit, encore plus spécifiquement à propos des membres des communautés culturelles du Québec. Je cite: "Les personnes appartenant à des minorités ethniques ont le droit de maintenir et de faire progresser leur propre vie culturelle avec les autres membres de leur groupe". Au Québec, c'est là un droit au sens strict, alors que l'article 27 de la Charte canadienne n'a que le statut d'une clause interprétative.

Citons aussi le dernier paragraphe de la déclaration du gouvernement du Québec sur les relations interethniques et interraciales, datant de 1986, qui rejoint simultanément les trois principes fondamentaux de la proposition de politique de la culture et des arts: "Le gouvernement du Québec fera tout ce qui est en son pouvoir pour favoriser la pleine participation de toute personne, indépendamment de sa race, de sa couleur, de sa religion, de son origine ethnique ou nationale, au progrès économique, social et culturel du Québec."

Le troisième principe fondamental de la proposition de politique découle du premier: "l'État a le devoir de soutenir et de promouvoir la dimension culturelle de la société, en utilisant des moyens comparables à ceux qu'il prend pour soutenir et promouvoir les dimensions sociale et économique de cette même société." Le Conseil souscrit entièrement à ce principe. "Le monde entier est déjà parmi nous et nous sommes présents au monde." Cette phrase citée en exergue dans la proposition visait plus particulièrement l'ouverture au monde et l'action internationale en matière d'échanges et de diffusion culturels; mais elle nous rappelle utilement aussi que les citoyens québécois sont notamment, pour une partie d'entre eux, originaires d'un grand nombre des pays du monde et qu'ils peuvent être, pour le Québec, des médiateurs précieux de cette ouverture aux échanges internationaux dans le domaine culturel, en plus de contribuer directement déjà, à leur façon originale, à enrichir le développement du patrimoine culturel et artistique du Québec lui-même, en diversifiant le fonds humain de ses sources créatrices. Le texte de la proposition de politique le souligne, d'ailleurs, fort justement à la page 44.

Le Conseil limitera ses remarques à deux thèmes traités dans la proposition de politique: le problème d'un nécessaire "pluralisme des priorités" dans la politique culturelle d'une société déjà soucieuse de préserver l'identité de sa propre majorité francophone de souche, dans un contexte de ressources limitées, et la nécessité d'accommoder ou de compléter les mesures générales proposées visant à assurer les conditions essentielles à l'excellence profesionnelle dans les milieux de la création et de la diffusion des arts et de la culture, afin de composer avec les circonstances et les besoins particuliers des artistes et autres intervenants appartenant aux communautés culturelles et de faciliter ainsi leur insertion et leur intégration dans ces milieux.

Parmi les divers facteurs évolutifs de la situation, qui doivent être pris en compte par le ministère des Affaires culturelles dans l'exercice de ses responsabilités en choisissant "les accents nouveaux, adaptés à d'autres priorités et s'ins-crivant dans la logique de la maturité", le texte de la proposition de politique note "la présence de plus en plus dynamique des communautés ethniques et le caractère multiethnique du Québec qui s'accentue et qui remet en question une intervention gouvernementale fortement centrée sur la préservation de l'identité culturelle francophone".

Rappelons que cette même question, qu'il faut prendre au sérieux, a été soulevée également

dans l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration. Les règles du jeu gouvernant l'intégration des immigrants sont résumées dans la formule d'un contrat moral liant réciproquement les immigrants et le Québec comme société d'accueil. Or, les droits et obligations réciproques de ce contrat moral découlent des trois choix de société définissant le Québec comme une société résolument francophone, démocratique et pluraliste où les valeurs de justice et d'égalité sont respectées. Sur ce point, les auteurs de la proposition de politique font nommément leurs ces trois principes de l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration.

Rappelons en quels termes est défini le troisième principe qui nous concerne plus directement ici: "Le Québec est une société pluraliste ouverte aux multiples apports dans les limites qu'imposent le respect des valeurs démocratiques fondamentales et la nécessité de l'échange intercommunautaire."

Si, donc, le pluralisme, notamment, fait partie de l'identité culturelle des Québécois francophones de souche, cette norme culturelle devrait normalement se manifester à travers diverses formes actives d'ouverture à la présence et aux contributions culturelles et artistiques des Québécois des communautés culturelles. Agir autrement serait, en quelque sorte, renier une dimension essentielle du caractère national des francophones de souche, celle qui nous demande, ici, l'ouverture à des communautés culturelles dont les membres sont d'abord des citoyens québécois à part entière, sans compter que ce serait violer l'esprit, sinon la lettre, de notre propre Charte des droits et libertés de la personne!

En principe donc, le Conseil en tire la conclusion qu'un éventuel ministère de la culture devra établir ses priorités de soutien technique et financier en tenant compte explicitement de la présence différenciée et des besoins particuliers des Québécois des communautés culturelles oeuvrant ou cherchant à oeuvrer dans les milieux de la création et de la diffusion culturelles et artistiques.

La proposition de politique met un très fort accent sur la nécessité de la professionnalisation comme garant de l'excellence aussi bien chez les artistes eux-mêmes que chez les gestionnaires des organismes et entreprises engagés dans des activités de création et de diffusion culturelles et artistiques. La formation technique de base et la formation sur mesure sont naturellement proposées comme des moyens privilégiés de préparation permettant aux intéressés d'accéder à cet état de professionnalisme souhaitable.

Il nous semble, toutefois, que de tels dispositifs supposent déjà acquises et réunies chez les participants intéressés un ensemble minimal de conditions techniques, institutionnelles et socio-économiques préalables: celles qui caractérisent justement la maturité d'expérience des praticiens d'un domaine particulier de la culture ou des arts, la formation préalable, l'accès aux moyens techniques de création ou de production, les contacts familiers avec le milieu, avec ses réseaux de collaboration ou d'entraide, ses circuits de diffusion et de mise en marché, avec les règles du jeu qui y ont cours, avec les services de soutien disponibles et les façons d'y accéder. Or, il n'est pas évident qu'on puisse prendre pour acquise l'existence d'une masse critique suffisante de ces conditions préalables chez des personnes plus récemment arrivées dont les chances d'intégration initiale ne sont pas aussi minimalement assurées au départ, n'ayant pas une familiarisation naturelle ni une expérience spontanée antérieure avec les intervenants et avec les pratiques établies des milieux concernés en milieu québécois.

Telle est bien, croyons-nous, la situation problématique vécue par les personnes appartenant aux communautés culturelles lorsque ces personnes désirent s'insérer dans les circuits actifs de la création et de la diffusion culturelles et artistiques au Québec. C'est déjà la situation des jeunes artistes débutants en général lorsqu'ils cherchent leur point de percée initiale, mais les artistes - de tous âges - des communautés culturelles ont à vivre ce problème à double titre avec des distances encore plus difficiles à franchir. Il existe pour elles et pour eux un problème important d'accessibilité des sources de financement et des circuits de diffusion et de distribution des produits culturels.

Nos observations ne minimisent en rien l'importance stratégique des diverses mesures préconisées dans la proposition de politique, bien au contraire. Nos réflexions nous conduisent plutôt à souhaiter l'ajout d'autres mesures préalables qui sont nécessaires pour lever - ou aider à franchir plus aisément - les obstacles à l'insertion et à l'intégration normales des membres des communautés culturelles désirant participer activement au développement de la vie culturelle et artistique dans leur pays d'adoption. Il s'agit, au fond, d'accommoder ou de compléter sélectivement les mesures générales proposées et non pas de concevoir un régime spécial, complet de mesures distinctes réservées aux communautés culturelles. C'est à cette condition et dans cet esprit que les artistes des communautés culturelles pourront entrer et se tailler leur place dans l'espace commun de la création et de la diffusion culturelles dans notre société, bref s'y intégrer avec les mêmes chances et en assumant les mêmes risques que tous les autres intervenants malgré les distances initiales à réduire, mais avec les atouts culturels particuliers qui sont aussi les leurs.

Le Président (M. Gobé): Veuillez conclure, Mme Folco. Il vous reste une minute et demie à peu près.

Mme Folco: Je vais simplement, plutôt que de vous lire l'ensemble des recommandations, vous dire que nous les avons regroupées sous trois thèmes ou trois catégories, le premier étant la consultation de représentants des artistes et producteurs appartenant aux communautés culturelles où, là, nous faisons cinq recommandations suggérant justement que des membres des communautés culturelles soient Inclus dans divers groupes de travail dans la commission consultative sur la culture, dans les groupes pressentis lors des consultations préalables au programme d'action, et ainsi de suite.

Le deuxième thème concerne le soutien aux actions à entreprendre en partenariat avec les organismes concernés et, en particulier, avec les organismes culturels associés aux communautés culturelles où, là, justement, nous recommandons que soient favorisées, par exemple, toutes formes de mises en commun de services, en y associant, encore une fois, les associations et regroupements rejoignant des artistes et producteurs issus des communautés culturelles. Je passe très rapidement, bien sûr.

La troisième catégorie inclut les mesures d'accommodation ou de rattrapage et les mesures complémentaires visant à créer des conditions équitables d'intégration des artistes et producteurs issus des communautés culturelles, et à faire une place visible aux cultures minoritaires dans l'ensemble des manifestations communes de la culture et des arts. Et là, nous faisons plusieurs recommandations touchant les ensembles de règles et les mesures de soutien financier qui pourraient rejoindre les membres des communautés culturelles dans le domaine des arts et de la culture. Plutôt que de les passer très rapidement, je pense que je vous donnerai peut-être le temps de m'adresser des questions. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, Mme Folco. Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie, Mme Foulco et je remercie aussi le Conseil des communautés culturelles et l'immigration de son mémoire. Vous savez, on a rencontré plusieurs groupes, évidemment, de diverses communautés, sort des artisans comme le "Canadian Actor's Equity", le "Playwrights' Workshop", le Congrès ou les Services communautaires juifs de Montréal, etc. Et il y a aussi plusieurs autres groupes, telle la CSN qu'on a entendue ce matin, qui parlaient de l'importance, justement, de cette contribution pluriethnique à notre tissu culturel québécois.

Et, selon vous, quelles sont les actions les plus urgentes que le Québec devrait entreprendre - et là, je dirais au-dessus des actions que nous faisons déjà - pour, justement, finalement, mousser cette collaboration entre les communau- tés culturelles et évidemment la communauté francophone québécoise?

Mme Folco: II me semble qu'il y aurait peut-être deux grandes orientations à prendre. La première dans la région de Montréal qui reçoit presque 90 % des nouveaux immigrants; il me semble que là il y a une reconnaissance accrue à donner à l'apport des membres des communautés culturelles dans ce domaine. Et nous suggérons, quelque part dans nos recommandations, que le gouvernement soit un partenaire, dans la dimension culturelle du Grand Montréal, à reconnaître et à développer la diversité, et qu'il y ait même une exposition ou un événement culturel régulier qui se répète chaque année ou tous les deux ans, selon, mais qu'il y ait un événement culturel qui puisse, justement, non seulement valoriser l'apport des membres des communautés culturelles, mais valoriser l'apport de tous les Québécois, mais où les membres des communautés culturelles auraient leur place, eux aussi. Ça, c'est de façon très générale pour la ville de Montréal.

Pour l'extérieur de la grande communauté de Montréal, vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a peu d'immigrants qui s'installent, sauf dans les centres urbains moyens tels que Hull, Trois-Rivières, Québec et Sherbrooke. Mais il y a quand même un certain nombre de membres des communautés culturelles qui s'y installent et il me semble qu'à l'intérieur d'une politique plus générale de régionalisation de l'Immigration, ce que le Conseil a recommandé à notre ministre, on pourrait voir assez facilement que les organismes culturels, les musées, les maisons de la culture - il y en a plusieurs à travers les régions - que ces personnes-là, que ces organismes-là incluent les membres des communautés culturelles non seulement à travers leurs expositions, mais aussi à travers leurs jurys, leurs membres du conseil d'administration et ainsi de suite pour que ces personnes-là soient incluses non seulement à la toute fin du processus, mais à travers tout le processus. (12 h 15)

Mme Frulla-Hébert: Je reviens à votre idée pour Montréal, par exemple, d'un événement pluriethnique. Il y a quand même à Montréal des événements qui sont de communautés culturelles, mais spécifiques. Vous, ce dont vous parlez, c'est d'un événement regroupant toutes les communautés culturelles de Montréal.

Mme Folco: En partie. Si vous incluez les Québécois francophones comme étant une communauté culturelle, je dirais oui. Pour nous, les communautés culturelles, ce sont, excusez l'expression, les autres, n'est-ce pas? Mais, je ne souhaiterais pas voir une exposition où il n'y a que les communautés culturelles, les allophones si vous voulez. Je pense que de plus en plus au Québec on conçoit des activités où tous les citoyens québécois sont là ensemble, tout à fait.

Mme Frulla-Hébert: Mais, alors, je reviens à ma question: Ça ne se fait pas présentement?

Mme Folco: Eh bien, nous avons recommandé, il y a trois ans, à la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration une Semaine de l'éducation interculturelle qui a été acceptée et qui a eu lieu l'année dernière, et qui se répète au mois d'avril 1992. L'année dernière, la toute première Semaine, a été, je pense, un franc succès. Mais cela ne touche que l'éducation interculturelle, donc seulement dans les milieux scolaires. Et ce qui serait intéressant de voir, c'est d'élargir ou de diversifier ce type de semaine où, là encore, on réunirait tous les citoyens sur un thème commun.

Mme Frulla-Hébert: Je veux revenir aussi à la discussion fondamentale que nous avons eue ce matin avec la CSN et d'autres groupes aussi, où on dit: L'apport est bien, il est souhaitable, bon, mais il ne faut jamais oublier que la communauté québécoise est une communauté francophone et qu'il faut protéger finalement cette francophonie.

Compte tenu de certaines communautés culturelles qui, oui, sont intégrées presque de force au niveau de la communauté francophone, est-ce que vous voyez une dichotomie entre les deux ou si on devrait laisser, si on veut, le libre choix?

Mme Folco: Bien, écoutez, nous sommes dans un pays démocratique et il est tout à fait normal que les individus aient le libre choix de leurs actions, n'est-ce pas? Ceci dit, lorsqu'on regarde les domaines de la culture, qui ne sont pas des domaines purement linguistiques, -bonjour, Mme la ministre- c'est-à-dire les domaines des arts visuels, par exemple, les arts visuels n'ont pas de langue. Ils sont internationaux et ils touchent tous les êtres humains quelle que soit leur culture, quelle que soit leur nationalité.

Je pense que là on voit déjà l'apport des membres des communautés culturelles sur la culture québécoise. Ce que je souhaite, c'est que cet apport soit, comment dirais-je, plus apprécié de l'ensemble de la population, d'une part, et du ministère des Affaires culturelles, d'autre part.

Mme Frulla-Hébert: M. le Président, si ma collègue...

Le Président (M. Gobé): Oui, madame.

Mme Frulla-Hébert: ...veut souhaiter la bienvenue.

Le Président (M. Gobé): Alors, Mme la ministre, en vertu de l'article 132, si j'ai le consentement de M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.. .

M. Boulerice: Si elle m'a rapporté un cadeau.

Le Président (M. Gobé): ...pour que vous puissiez intervenir, il me fera plaisir de vous céder la parole pour quelques minutes.

Mme Gagnon-Tremblay: Bien, écoutez, M. le Président, je vous remercie et je remercie ma collègue. Je voudrais tout simplement saluer la présence de la présidente du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration et lui dire que c'est avec beaucoup de plaisir que j'ai pris connaissance de son document, et qu'avec ma collègue nous pourrons donner suite à ce document. Merci.

Mme Folco: Je vous remercie, Mme Gagnon-Tremblay.

M. Boulerice: Qu'est-ce qu'il y a là?

Le Président (M. Gobé): Non, la parole est toujours à Mme la ministre. Il lui reste quelques minutes.

Mme Frulla-Hébert: Justement, on parlait de cette interrogation au niveau francophone, quand vous dites, bon, c'est normal. Concrètement là, au niveau de vos attentes par rapport à une politique culturelle... Il y a certains groupes qui nous ont dit: On ne s'est pas retrouvés au niveau du rapport Arpin. Par contre, l'idée première du rapport Arpin, c'est un peu ce que vous dites, c'est-à-dire de ne pas faire de ghettos non plus, mais tout simplement d'inclure naturellement, parce que c'est naturel à notre tissu québécois, les nouveaux arrivants et les communautés culturelles.

Est-ce qu'il y aurait lieu de faire un aparté, enfin pas un aparté mais un chapitre précis sur les communautés culturelles ou, tout simplement, d'une façon plus naturelle, d'intégrer cette dimension au niveau du rapport global?

Mme Folco: Les artistes, membres des communautés culturelles, vivent les mêmes problèmes que tous les autres Québécois, mais ils ont des problèmes supplémentaires que j'ai très rapidement approchés ici. Je ne souhaiterais pas que, dans l'énoncé de politique, il y ait un "focus" très long particulièrement sur les membres des communautés culturelles. Mais il faut dire quand même que ces personnes-là ont des problèmes supplémentaires qui complexifient leur accès à des budgets, qui complexrfient leur accès à des centres de diffusion. Et je pense que les recommandations que nous vous faisons ici, c'est justement pour... Nous avons pris l'ensemble des recommandations. Nous sommes d'accord en très grande partie avec ces recommandations-là, mais ce que nous souhaiterions voir, c'est, si vous voulez, une reconnaissance et une pénétration à l'intérieur de ces recommandations de la présence

des membres des communautés culturelles, compétence étant égale, n'est-ce pas, avec les membres de la communauté québécoise de souche. Alors, pour répondre plus directement à votre question, pas nécessairement un chapitre, mais une reconnaissance diffusée à travers l'énoncé de politique de la présence et des difficultés additionnelles que vivent ces personnes-là.

Mme Frulla-Hébert: Je vous écoutais parier et il me vient une question qui est peut-être beaucoup plus globale. On a beaucoup parlé de multiculturalisme versus pluriculturalisme versus ethnoculturalisme versus, bon... Où en êtes-vous au niveau des communautés culturelles à ce niveau-là? C'est très global comme question, mais quand môme ça nous situe un peu dans le débat.

Mme Folco: Écoutez, sur la question politique, multiculturalisme par rapport à intercul-turalisme, il y a autant d'opinions qu'il peut y avoir d'Individus peut-être. Je ne voudrais surtout pas me prononcer sur cet aspect-là ce matin. Je ne peux pas vraiment parler au nom des communautés culturelles en particulier. Mais ce que nous souhaitons, et là je peux parler en leur nom, c'est non pas des communautés qui vivent côte à côte sans interpénétration les unes dans les autres et sans contact avec la communauté majoritaire, la communauté québécoise francophone, mais plutôt des contacts fréquents et une interpénétration constante de part et d'autre.

Mme Gagnon-Tremblay, dans son énoncé de politique sur l'immigration et l'intégration des communautés culturelles, je pense, l'a bien dit. Ce concept de contrat moral où il y a des responsabilités et des droits de part et d'autre, c'est-à-dire de la part des personnes nouvellement arrivées et d'autres qui sont venues avant elles et de la part de la société d'accueil, est un concept qui me semble fondamental où on voit qu'il n'y à pas deux directions opposées, mais qu'il y a une interpénétration constante dans la société d'accueil, chez les groupes culturels vers un but commun que sont les objectifs de la société québécoise.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Mme la ministre, c'est là tout le temps qui vous était alloué. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. Mme Folco, je vais être très "inorthodoxe". Je vais commencer par une première assertion. Au niveau de la culture, les Québécois - je le mets au pluriel, donc vous comprenez - relèvent du ministère de la culture; ils ne doivent pas relever du ministère des Communautés culturelles. Je trouve humiliant qu'un Québécois, artiste, quelle que soit son origine, mais surtout s'il avait une origine autre que "tuque et bas de laine", aille frapper à un guichet spécifique. Je trouve que c'est dans la notion de ghetto. Je pense que le rôle du ministère des Communautés culturelles est de fournir un support aux organismes dits communautaires et Dieu seul sait que les besoins sont nombreux. On en a souvent parlé, Mme la ministre et moi. On a fait du boulot ensemble et je pense qu'on a fait du bon boulot. Au niveau de la culture, ces Québécois-là ont droit au même ministère de la culture, ont droit aux mêmes programmes. Je ne conçois pas qu'il faille aller au ministère des Communautés culturelles si on veut organiser une exposition d'un jeune peintre québécois d'origine arménienne, tandis que le "tuque et bas de laine", il va frapper trois portes plus loin. Cette notion du double guichet, personnellement, je suis contre. Je ne sais pas si vous partagez mon point de vue.

Mme Folco: Tout à fait, M. Boulerice.

M. Boulerice: Merveilleux! Maintenant, comme je vous le disais, ma question "inorthodoxe". Je cherche, je cherche, je cherche. Reggiani, Montand sont fils d'immigrants italiens. Georges Moustaki est d'origine grecque. Isabelle Adjani est fille d'Arabes, d'Algériens. Mgr Lustiger, cardinal archevêque de Paris, est juif polonais. Moi, j'écoute Oumkaulson à en devenir ivre. Je mange français, chinois et grec. C'est la réalité de ma circonscription. Mais, avec les Grecs, on boit un petit peu plus, c'est agréable. Je parle espagnol. Celle qui, à mon point de vue, le mieux Satie et Ferré, c'est une chanteuse italienne que j'ai découverte à Rome et qui s'appelle Alice. Vous la connaissez sans doute. Je me meubre d'art déco, période allemande. Je fréquente les communautés culturelles à un point où je suis en train de me demander si une bonne journée ils ne vont pas me dire: On t'a suffisamment vu, veux-tu, s'il te plaît, nous lâcher les basques, comme on dit en bon québécois?

Mais, depuis tout ce temps, les deux seules choses que j'ai vues, à mon point de vue, d'adhésion et de véritable intégration, ça a été ce groupe chilien-québécois Exilio qui chante en espagnol les poèmes de Godin, de Mironm, de Nelligan et c'est à vous fendre l'âme tellement c'est beau, c'est magnifique. Et Marco Micone qui a écrit sans aucun doute une des plus belles pièces que j'aie jamais vues théâtre La Licorne parce que c'était un reflet de moi-même vu par un Québécois qui, compte tenu de ses origines, avait une paire de lunettes différentes des miennes. Il me renvoyait une image de moi que, moi, je ne pouvais pas voir. J'étais enrichi quand je suis sorti de là, ce n'est pas possible! Sauf que je n'ai pas encore vu - et c'est la question que je vous pose après ce long préambule - une jeune Québécoise issue d'une communauté culturelle devenir la plus grande interprète de Vigneault ou bien de Leclerc et je ne suis pas

encore capable d'applaudir au théâtre un jeune Québécois d'origine chinoise qui connaît à la fois nos grands classiques québécois et nos grands classiques français, puisqu'on appartient quand même à une gigantesque culture. Et rarement, dans les manifestations des communautés culturelles, j'ai entendu un mixage des deux expressions. Ma question, c'est pourquoi? Mais la grande question, c'est quand? Je le souhaite. Et je ne suis pas le seul, j'ai l'impression qu'on le partage tous.

Mme Folco: M. Boulerice. M. Boulerice: Oui.

Mme Folco: D'abord, je ne suis pas tout à fait d'accord avec cette assertion. Il me semble qu'il y a des Québécois des communautés culturelles, ou leurs enfants ou leurs petits-enfants, qui sont justement des grandes vedettes québécoises. Sans les pointer du doigt, comme on dit souvent, quand on parle de Maria Orsini, je pense, qui est de descendance autre que québécoise pure laine, c'est une jeune femme qui est très connue, très acceptée et qui parle à tous les Québécois, et elle est représentante aussi d'une certaine forme de culture, une des formes de la culture québécoise. Quand on parle de Roberto Medile, qui est italien de souche, qui a traduit les chansons de Vigneault, il me semble, en italien et qui les a chantées à la télévision, et qui fait des concerts avec Danielle Oddera, sa femme... Je ne veux pas nommer des noms et des noms. Je pense qu'il n'y en a pas peut-être un nombre effarant, mais il y en a.

Il faut dire que - et je pense que vous le savez peut-être même mieux que moi - pour s'approprier une culture, cela prend du temps. Il ne faut pas nécessairement être né dans une culture pour pouvoir se l'approprier, mais c'est une question de coeur aussi. Et le coeur, il faut lui donner le temps de se transformer et de savoir apprécier, et de savoir aimer. Cela ne veut pas dire qu'il faut laisser au temps toute l'action, qu'il ne faut pas aider l'action à se développer. Mais, la question de temps est une question importante dans l'intégration des immigrants. Et il me semble que, si on revenait se parler d'ici 30 ans, je pourrais sûrement vous donner plus de 2 noms de personnes qui sont des communautés culturelles ou qui sont descendants d'anciens immigrants, et qui font partie complètement de la culture québécoise. Au fur et à mesure que je vous parle, je pense à d'autres personnes. La personne qu'on nomme le plus souvent, évidemment, c'est Normand Brathwaite, il y en a d'autres. Normand Brathwaite, si on fermait les yeux, on le verrait tout à fait comme un Québécois absolument pure laine, n'est-ce pas? La seule chose qui le distingue, sur l'écran du moins...

Alors, là, il y a une question de coeur, il y a une question de temps, il y a aussi une question, M. Boulerice, d'opportunité. C'est-à-dire que ce que nous espérons, nous, dans notre mémoire, c'est que les actions du gouvernement vont aider les immigrants en particulier et les membres des communautés culturelles en les amenant, en les aidant à s'intégrer dans ce monde culturel. Nous avons préparé un avis pour la ministre, justement, il y a deux ans et demi, portant sur les artistes des communautés culturelles et ce qu'ils nous ont dit, c'est que la vie est très dure. Évidemment, la vie est très dure pour tous les artistes. Il faut montrer qu'on a du talent. Et, même quand on a du talent, que le talent soit reconnu pendant notre vie, c'est déjà quelque chose qui n'est pas donné à tout le monde. Mais les artistes nous disent souvent qu'ils n'ont pas accès aux centres de diffusion, parce que les galeries, ce sont des centres fermés, des petites coteries d'amis, qu'ils ont difficilement accès aux subventions, qu'ils ne savent pas trop comment présenter leurs dossiers. Donc, quand ces personnes-là, qui ont du talent, veulent accéder à la culture québécoise et veulent se voir comme faisant partie de la culture québécoise, il y a des difficultés inhérentes et systémiques dans le système, qui font que c'est doublement difficile pour ces personnes-là d'y avoir accès.

M. Boulerice: Je vous écoute, Mme Folco, et, déjà, il me vient un autre nom, Alice Poz-nanska Parizeau. Mais je suis montréalais, Mme Folco, je vis dans une ville cosmopolite, je vis dans une ville où il y a, ne serait-ce qu'en chiffres, une présence Incroyable, je les côtoie dans la rue. La question que je vous pose n'est pas une question-traquenard. Je n'en ai pas assez et j'en veux plus. Je trouve que les scènes de mes théâtres ne reflètent pas la réalité. Ma télévision la reflète un petit peu, mais pas encore suffisamment. Est-ce que le problème vient peut-être... On a beaucoup parle de la relation art, enseignement des arts, également de l'enseignement de la culture au niveau de l'éducation. Est-ce qu'on a notre manque à ce premier maillon, qui fait qu'on ne développe pas ou qu'on ne suscite pas ces talents?

Il y a peut-être une autre adéquation. Vous l'avez bien dit: Oui, ce n'est pas facile d'être artiste. Je sais que, quand on est immigrant, on vient ici pour bien des raisons, mais il y a celle aussi de vivre dans un contexte économique meilleur. Si j'étais un nouvel immigrant - bon, donnons un exemple - que, malheureusement, je venais peut-être d'un coin un peu moins favorisé du Portugal et que j'annonçais à mon père que je veux être peintre ou artiste, lui qui avait quitté son Portugal natal pour des raisons économiques, je ne sais pas s'il m'encouragerait. Il préférerait peut-être que je devienne un businessman, un homme d'affaires. Je ne sais pas s'il m'encouragerait.

Mme Folco: Écoutez, c'est bien évident que, quand les personnes immigrent, la majorité de ces personnes-là ou presque la totalité de ces personnes-là essaient de se trouver une vie meilleure, bien entendu pour des raisons économiques ou pour des raisons politiques, et que la première chose qu'ils cherchent, c'est un emploi, un logement, une vie décente et honorable pour elles et pour leur famille. C'est difficile pour les enfants d'immigrants - et M. Micone, dans une de ses pièces, l'a bien dit, dans A Dolorata en particulier - de se faire une place en tant qu'artistes parce que leurs parents ont connu des difficultés d'ordre économique et eux-mêmes ont de la difficulté aussi à s'insérer dans la communauté québécoise de souche en ce qui concerne la vie culturelle.

Encore une fois, dans l'avis que nous avions soumis il y a trois ans à notre ministre, nous avons bien noté que les immigrants ont de la difficulté à s'insérer dans le système, dans le réseau de création et de diffusion. Certains nous ont même parlé d'une "ethnocentricité" dans le milieu artistique. Ils nous ont parlé, il y a de cela trois ans, du fait que souvent, lorsqu'ils allaient voir des propriétaires ou des gérants de galeries, ces gérants-là n'étaient pas en mesure d'évaluer la qualité artistique de leur oeuvre parce qu'elle venait d'une tradition tout à fait autre, n'est-ce pas? Donc, ce qui arrivait en bout de ligne, c'était le refus de vouloir diffuser ces oeuvres-là. Je parle surtout des oeuvres visuelles, c'est-à-dire des tableaux et des sculptures. Je ne parle pas des oeuvres écrites où il y a quelquefois des difficultés additionnelles par rapport à la langue.

Il y a des difficultés d'ordre économique pour ces enfants-là qui ont vécu, Jeunes, les difficultés qu'ont vécues leurs parents. Mais il faut dire aussi que souvent la société, la société culturelle, si vous voulez, ne reconnaît pas suffisamment l'apport de ces artistes-là et n'est pas souvent en mesure de les aider à accéder aux subventions, à accéder aux centres de diffusion, autant à Montréal qu'en région, M. Boulerice. Parce que c'est un problème aussi en région.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, un mot de remerciement, s'il vous plaît.

M. Boulerice: Bien, je regrette, malheureusement, qu'on ne puisse pas continuer, parce qu'on est sur le même bateau, tous les deux, et on cherche le port d'arrivée le meilleur pour y réussir. Mais vous avez dit, Mme Folco, que très souvent, pour l'artiste, la reconnaissance venait après la mort. De peur qu'il m'arrive le même sort en tant que député, j'aimerais tout simplement vous annoncer qu'il y a café-galerie qui ouvre dans ma circonscription, le propriétaire est venu spontanément me voir en disant: Avez-vous des artistes à suggérer, moi, malheureusement, je ne connais pas ça. J'aime ça, mais je ne connais pas ça? Et on va commencer avec un artiste...

Mme Folco: Comment s'appelle cette galerie?

M. Boulerice: On ne lui a pas encore donné de nom, mais elle va être au coin de Plessis et Sainte-Catherine. On va vous inviter. Mais on veut débuter avec un jeune québécois d'origine haïtienne.

Mme Folco: Eh bien, je vous remercie. Si jamais ils veulent avoir des noms d'artistes, dites-leur de nous appeler, nous nous ferons un plaisir de leur donner quelques noms. Nous avons tout un réseau au Conseil, évidemment. Il y a quand même une autre galerie sur la rue Jean-Talon, Jean-Talon et Berri, la galerie Occurrence qui, de temps en temps, présente des oeuvres des communautés culturelles. Il faut dire qu'il y a un début, mais ce début est lent à partir.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame.

M. Boulerice: Je vais envoyer la transcription de nos conversations au Musée d'art contemporain, si vous me le permettez.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Ça serait une bonne pièce de musée. Mme la ministre, un mot de remerciement.

Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Folco, pour la clarté de vos propos. Vos recommandations vont être étudiées. Il ne faut quand même pas oublier non plus que la ministre des Affaires culturelles vient d'une communauté culturelle.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Merci, Mme Folco. Merci, Mme la ministre des Communautés culturelles, il me fait plaisir de vous avoir eu parmi nous. Mme Folco, nous vous remercions d'être venue nous rencontrer. Et, au nom des membres de cette commission, je vous souhaite un bon retour. Je vais donc suspendre les travaux de cette commission jusqu'à 15 h 30 cet après-midi, en cette salle. Bon appétit à tout le monde.

(Suspension de la séance à 12 h 38)

(Reprise à 15 h 39)

Le Président (M. Gobé): La commission va recommencer ses travaux. Alors, sans plus attendre, j'inviterai les représentants du Parc archéologique de la Pointe du Buisson à bien vouloir se présenter en avant. En attendant, je vais rapidement vous rappeler le but de notre

commission, qui est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur la proposition de politique de la culture et des arts au Québec, bien entendu, ceci faisant suite au dépôt du rapport Arpin sur la recommandation ou l'incitation de Mme la ministre des Affaires culturelles. Alors, si vous voulez vous présenter, vous pouvez commencer votre exposé sans plus attendre.

Parc archéologique de la Pointe du Buisson

Mme Reid (Marie-Claude): Alors, Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire, au nom du conseil d'administration du Parc archéologique de la Pointe du Buisson et du conseil municipal de Melocheville, dont les représentants sont Mme Angélique Jacques, conseillère municipale, et M. Normand Charette, secrétaire-trésorier, nous tenons à vous remercier de nous avoir invités pour vous présenter nos préoccupations et nos impressions sur votre proposition de politique culturelle.

D'abord, nos propos vont concerner les institutions muséales, secteur auquel nous nous rattachons. Les points qu'on aimerait mettre en lumière sont, d'abord, que les institutions muséales en région contribuent beaucoup au développement, tant au niveau touristique, économique, social, éducatif, parce qu'on met en branle plusieurs projets d'exposition, d'activités éducatives, de recherche tant archéologique qu'historique, et ça, pour des coûts qui sont relativement bas. Par exemple, au Parc archéologique, qui est l'organisme que nous représentons, en 1989, la contribution du ministère des Affaires culturelles faisait en sorte qu'un visiteur qui accédait au parc, ça coûtait 3,50 $, c'est-à-dire que le ministère investissait 3,50 $ par visiteur au parc. En 1991, le montant est plus important, c'est 4,56 $, parce qu'on a vécu la crise autochtone et qu'on a connu une baisse importante de nos visiteurs.

Les activités que nous avons mises en branle et que nous mettons en branle sont là pour aider la collectivité à mieux connaître son patrimoine.

Le Président (M. Gobé): J'aimerais vous rappeler que vous avez 15 minutes pour faire l'ensemble de votre exposé et de vos recommandations. D'accord?

Mme Reid: Oui, parfait.

Le Président (M. Gobé): Parce que je vous vois commencer à faire une présentation. Alors, puis-je vous mentionner que l'ensemble de l'enveloppe est de 15 minutes? D'accord?

Mme Reld: Merci. Étant donné que nous devons beaucoup investir dans nos activités et que ces activités sont faites de façon très professionnelle, les musées, dont le nôtre, vivent une période de sous-financement chronique. Dans votre proposition, vous en faites d'ailleurs état à la page 68. Ceci nous amène à vous demander s'il serait important de prévoir, dans votre politique, un rattrapage, parce que plus ça va aller, plus ça va être difficile pour les institutions muséales de continuer leur mandat.

Pour ce faire, d'ailleurs, nous devons nous joindre plusieurs partenaires, que ce soit le milieu public par des dons, que ce soient les entreprises, que ce soit le gouvernement fédéral qui, par ses programmes de création d'emplois ou ses programmes du ministère des Communications, nous aide à répondre à nos mandats, et également sous forme de partenariat avec les municipalités.

Dans votre politique, d'ailleurs, vous encouragez la formule de partenariat. Nous avons quelques questions par rapport à votre projet qui encourage le partenariat et qui mentionne qu'il y aura des mesures incitatives. Nous aimerions savoir lesquelles, qu'est-ce qui sera pris en considération quand on parle de partenariat. Est-ce que ce sera la participation de la ville par rapport au montant qu'elle investit au prorata de ses citoyens ou plutôt l'enveloppe globale de sa contribution soit monétaire ou en services?

On voudrait des réponses à ça, d'ailleurs, parce qu'on vit une expérience de partenariat depuis 1986. Cette expérience-là au point de départ était très positive. On a déjà d'ailleurs été de bons porte-parole de cette formule-là auprès du milieu, de la collectivité et du public, mais je vous dirais que, depuis quelques années, cette formule-là perd de la popularité auprès des élus de Melocheville, parce que la contribution dans le fonctionnement, que nous recevons du ministère des Affaires culturelles, est toujours allée de façon décroissante, sans tenir compte de l'indexation au coût de la vie, c'est-à-dire qu'en 1986 la subvention de fonctionnement était supérieure à celle que nous avons aujourd'hui, et ça, ça ne tient pas compte de l'indexation au coût de la vie.

D'autre part, notre partenaire, qui est la municipalité de Melocheville, elle, a dû compenser et augmenter sa participation de 12 000 $ à 27 500 $. C'est un montant qui peut paraître faible si c'était pour une municipalité importante, mais, dans le cas où la municipalité n'a que de 2200 citoyens, c'est un montant énorme per capita. Alors, on se demande si votre formule de partenariat est là pour faire en sorte que les partenaires évoluent ensemble et contribuent de façon équivalente dans le fonctionnement ou si ça n'a pas pour but de laisser un peu plus la part à la ville.

Par ailleurs, la formule de partenariat avec les municipalités est intéressante si elle était sur une base d'entente au moins triennale, parce que,

quand on parle de fonctionnement, on doit rassembler les différents partenaires et les différentes formes de fonctionnement. Dans notre cas, pour l'Université de Montréal, ça ne se pose pas tellement puisque c'est en services, mais, dans le cas de la municipalité de Melocheville, ces enveloppes budgétaires sont prévues en novembre en prévision de leur année de janvier. Quand on sait que, pour les vôtres, ça se fait de février, mars en prévision d'avril, on planifie nos années avec une incertitude dès le départ et on ne sait souvent qu'en mai ou juin quel est le portrait réel de notre année, ce qui souvent débalance complètement nos activités. Alors, pour pouvoir prévoir un développement et pour pouvoir fonctionner de façon à développer et aussi à réaliser nos mandats, c'est préférable que ça se fasse sur des ententes minimales de trois ans.

Je voudrais également rajouter qu'ayant un statut de centre d'interprétation, de lieu de diffusion ou de site archéologique, on se trouve dans une position qui est assez difficile puisque nous ne pouvons pas conserver nos collections de façon à respecter les normes muséales. Il serait donc important qu'il y ait une politique qui tienne en ligne de compte l'ensemble des institutions muséales et que les priorités soient accordées en fonction de leurs fonctions, de leurs caractéristiques propres plutôt qu'en fonction d'un statut qui leur a été attribué.

Il nous est impossible, pour l'instant, de bénéficier de programmes qui concernent les musées accrédités, donc, qui ont rapport à la gestion des collections, aux mesures de conservation, puisqu'on est considéré comme un lieu de diffusion et un centre d'interprétation. Enfin, je voudrais terminer en soulignant que, dans votre politique, nous avons trouvé peu de place laissée à l'archéologie. Est-ce que vous prévoyez qu'il y aura des programmes pour mettre en valeur ou pour activer la recherche dans ce domaine?

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, madame. Je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles. Madame, vous avez la parole.

Mme Frulla-Hébert: Oui, merci beaucoup. Vous savez, quand la Société des musées est venue faire une présentation, évidemment, avec Mme Gascon, on s'est entendu aussi pour se rencontrer sur la politique muséale, parce qu'on voulait passer à travers celle-ci. Comme vous dites, il n'y a pas assez de place pour l'archéologie, etc., bon. Il faut voir aussi les failles. On s'est entendu pour se rencontrer le 7 novembre. La commission parlementaire va s'étendre. Alors, là, on a fixé le 21 novembre, bon. Mais, aussitôt que la commission parlementaire se termine, on rencontre les principaux intervenants et, à ce moment-là, on démarre la politique muséale.

Cela dit, il y a des choses. Quand vous dites le MAC a intérêt à encourager les petits et moyens musées, alors que les grands musées coûtent, de par leur coût, énormément plus cher, c'est sûr, qu'est-ce que vous voulez dire par là?

Mme Reid: C'est-à-dire que, pour les actions que les petits musées font, finalement, versus le nombre de visiteurs qu'ils accueillent, les coûts sont moindres. Alors, ça coûte beaucoup moins cher de pouvoir investir un peu plus dans les musées en région pour qu'ils puissent développer davantage leur produit et faire en sorte, entre autres, de pouvoir accueillir des expositions de grands musées, ce qu'on ne peut pas faire dans le moment. Beaucoup d'institutions en région n'ont pas les conditions pour pouvoir bénéficier des services des grosses institutions.

Alors, au bout de la ligne, le produit, qui est bien, des grosses institutions ne peut même pas parvenir à nous et ce que, nous, nous réussissons à produire se fait toujours avec beaucoup de difficultés, parce que nos ressources ne nous permettent plus de continuer dans la production, que ce soient des activités au niveau des écoles, que ce soit la préparation d'expositions, que ce soient des publications. Mais, par l'argent que vous investissez, par exemple, dans les activités qui se font chez nous, ça vous coûte quand même beaucoup moins cher par citoyen qui visite nos institutions.

Mme Frulla-Hébert: Vous parliez du sous-financement des institutions muséales et vous parliez aussi d'ententes triennales. Mais qu'est-ce que vous pensez d'un fonds de dotation - il y a certaines sociétés d'histoire qui ont ça, notamment celle de la Gaspésie - en partenariat avec l'entreprise privée, par exemple? Est-ce que c'est possible?

Mme Reid: Vous entendez par là que, si l'entreprise privée contribue, vous mettez...

Mme Frulla-Hébert: Oui. Ou encore nous, l'entreprise privée, les municipalités, mais c'est un fonds de dotation. Donc, les montants sont fixes et, évidemment, il y a toutes sortes de formules, dont vivre, par exemple, avec les intérêts...

Mme Reid: Effectivement, si c'est une formule qui nous permet d'opérer et que les fonds permettent de générer suffisamment pour opérer de façon adéquate, ça peut être très intéressant.

Mme Frulla-Hébert: Au niveau des municipalités, vous dites que les municipalités sont moins intéressées à contribuer. Votre municipalité, vous y avez touché, mais pourriez-vous élaborer un peu plus pour que je comprenne bien?

Mme Reid: Je vais donner la parole aux gens de la municipalité; je pense qu'ils vont pouvoir mieux vous répondre.

Mme Jacques (Angélique): Quand ça a débuté en 1986, l'ouverture officielle, on était bien fiers parce qu'on avait un beau site. Melocheville avait été reconnue, mais ce n'était pas un thème facile à vendre, l'archéologie. Déjà qu'on disait: On a une entente de partenariat, nous autres, on croyait qu'au niveau du MAC, à un moment donné, si on commençait à un montant, peut-être... On n'en demandait pas terriblement, mais l'indexation... Mais à chaque année, il y a toujours eu quelque chose qui arrivait. On a commencé à 78 500 $, là c'était beau; c'était la première année. On a fait des "pamphlets" publicitaires, on a sorti un logo, on a tout fait pour faire connaître le parc archéologique, avec l'archéologie. Ensuite, ç'a été 75 000 $, mais ils nous disaient: La politique de la culture s'en vient, c'est pour ça; on ne sait pas sur quelle base on va s'arrêter. La troisième année, là, on a descendu à 70 000 $, mais on avait encore une bonne raison, c'était échelonné sur deux ans.

Quand on regarde ça, on a vécu beaucoup d'insécurité. De 1986 à 1991, ça fait trois ministres qui passent, vous êtes la troisième. On a changé, ç'a été trois agents. On disait: Bien, ils ne connaissent pas le dossier. Ça va peut-être s'améliorer. Mais on a toujours eu des déceptions. Ça fait qu'aujourd'hui, si nous autres, à Melocheville, au niveau des gens... Au début, les gens n'étaient pas tellement favorables, mais on voulait prouver aux gens de Melocheville que c'était un projet valable, surtout à la région et au niveau de la MRC qu'on pouvait faire quelque chose à Melocheville, montrer aussi au MAC qu'une petite population de 2200 pouvait faire quelque chose dans la culture. Mais on s'aperçoit qu'on a investi beaucoup d'énergie et que le MAC a été un peu un vendeur d'illusions. Il nous a toujours fait accroire: Ah, ça va s'améliorer! La politique de la culture, on la vit depuis 1986, nous autres. C'est toujours un peu... Ah! Là, on est rendu à la Montérégie. Ça a l'air que ça devait s'améliorer, on n'a pas eu encore d'effet concret.

Donc, au niveau municipal, on se demande, nous autres, avec une population de 2200: Qu'est-ce qu'on fait au niveau de la culture? Il faut penser qu'on n'a pas juste le Parc; nous avons un centre multifonctionnel qu'on vient d'ouvrir, on va avoir une bibliothèque. Quel sera le montant qu'on devra investir? Nous autres, notre part est réellement faite. Partenariat, on pensait égal: la municipalité monte, le MAC monte, mais ce n'est pas ça. Ça n'a pas été indexé. Nous autres, on a suivi la courbe ascendante. Je ne sais pas si, au niveau de l'économie, ça fonctionne comme ça, mais, au lieu de monter, nous autres, on descend. Ça fait qu'on a un rattrapage énorme. On se demande où on va aller. On est encore prêts à faire des efforts énormes, mais là on ne peut plus avancer comme ça. Il va falloir s'asseoir et réellement discuter.

Aussi, depuis 1986, j'aimerais rappeler que ça fait trois prix qu'on gagne. Un pour l'innovation touristique; là aussi, on disait: II va y avoir des retombées. On vit toujours d'espoir. Cette année, on a gagné deux prix, le prix Miniconsult, la municipalité qui a eu un apport exceptionnel au niveau de la culture et on a gagné à l'UMRCQ, le prix Jean-Marie-Moreau. On se demande quand on va avoir des retombées de tout ça.

Mme Frulla-Hébert: Bon. Je ne peux pas me cacher, c'est vrai que je suis la troisième. Je pense bien que je vais être là pour rester.

Mme Jacques: J'espère que vous allez venir nous rendre visite. Ha, ha, ha!

Mme Frulla-Hébert: Mon collègue va trop s'ennuyer. Je ne peux pas partir. Impossible. Il y a deux choses d'abord, c'est que, sur que tout le rôle, effectivement, des municipalités, par exemple, avec le MAC, on prévoit s'asseoir avec une table Québec-municipalités d'ici peu. Bon, ça, c'est au niveau des bibliothèques. Par contre, au niveau de l'ensemble, vous avez raison: quand on a un partenaire, évidemment, il faut encourager le partenaire. Alors, la seule chose que je peux vous dire à ce niveau-là, c'est qu'on s'est organisé, de toute façon... Justement, votre député m'a sensibilisée; on va se voir d'ici peu et on va voir ce qu'on peut faire.

Maintenant, cela étant dit, pour la grande politique au niveau archéologique, effectivement, vous dites qu'il y a un manque au niveau du rapport Arpin, par exemple. Mais est-ce que, selon vous, la question patrimoniale pourrait englober les deux ou s'il faudrait vraiment faire une...

Mme Reid: C'est-à-dire qu'elle peut englober les deux en autant que c'est clairement identifié. C'est que, là, même la question patrimoniale, on l'aborde, mais est-ce que ça inclut les lieux de diffusion, toute la diffusion qui peut être faite par les sociétés historiques? Est-ce que ça touche les programmes de revitalisation, d'aménagement des lieux patrimoniaux dans les secteurs municipaux? Est-ce que ça touche l'archéologie? Ça serait bien que ça soit précisé si ça touche ça et jusqu'à quel niveau.

Le Président (M. Gobé): Avez-vous terminé? Vous voulez parler, M. le député de..

M. Boulerice: S'il veut parler, nous allons lui donner notre consentement...

Le Président (M Gobé): Alors, c'est ça.

M. Boulerice: ...si c'est la façon de réparer le mal psychologique qui a été fait pour les conservatoires et Radio-Québec. Vous faisiez partie du comité, vous, là.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous sortez de la pertinence du dossier présenté devant nous. On parle d'archéologie, on ne parle pas de conservatoires. Que je sache, les conservatoires ne sont pas encore dans la catégorie de l'archéologie et des ruines.

M. Godin: Trêve de billevesées!

Le Président (M. Gobé): Cela étant dit, M. le député de "Salaberry-Vaudreuil"...

M. Marcil: Soulanges.

Une voix: II aurait du faire de l'archéologie.

M. Marcil: Ou de la géographie.

Le Président (M. Gobé): ...Soulanges, je m'excuse, en vertu de l'article 132 de notre règlement et vu qu'il y a consentement, vous pouvez maintenant parler avec le représentant du groupe de la Pointe du Buisson.

M. Marcil: Merci, M. le Président. Je m'aperçois que ça fait déjà deux ans que j'occupe le poste de député de cette nouvelle circonscription électorale qui est Salaberry-Soulanges, qui, anciennement, s'appelait Beauhar-nois, mais avec le découpage on a changé des municipalités et notre circonscription en a pris d'autres. C'est une seigneurie également, la seigneurie de Soulanges. Malheureusement, je m'aperçois qu'à l'Assemblée nationale on a tendance à oublier souvent ce nom-là parce qu'à chaque fois soit le président de l'Assemblée ou dans une commission et même entre nous, collègues, on mêle toujours Salaberry-Beauhamois ou Beauharnois-Salaberry, mais c'est Salaberry-Soulanges, je vais le répéter une autre fois. C'est à force de le répéter que les gens vont comprendre.

Le Président (M. Gobé): Nous en prenons bonne note, M. le député.

M. Marcil: Je veux dire en passant que le Parc archéologique de la Pointe du Buisson est un parc formidable. Au niveau du Québec, c'est un des plus beaux parcs dont la thématique autochtone est mise en valeur parce que c'est un ancien site, justement, de chasseurs et ainsi de suite, qui accueille beaucoup de visiteurs également et qui a des difficultés. On en tient compte, c'est-à-dire on en a pris note. Moi, la question que j'aimerais vous poser, c'est qu'on s'est aperçu dans le rapport Arpin qu'on n'a pas tellement touché à ce secteur-là, on n'a pas tellement de propositions concrètes. Probablement que c'est un domaine qui est un petit peu, comment je pourrais dire? hors normes par rapport à la culture en général. Parce que la culture en général chez nous, c'est la chanson, les théâtres, les musées. Lorsqu'on tombe dans la recherche, on a tendance à l'oublier parce qu'on a tendance à penser que l'archéologie a un lien direct avec plutôt la recherche, le ministère de l'Enseignement supérieur. On sait que l'Université de Montréal a des ententes avec vous également. Mais on a tendance à oublier qu'il y a un patrimoine culturel extraordinaire.

Si vous étiez ministre des Affaires culturelles demain matin et si Mme la ministre avait une expérience dans votre domaine et avait travaillé pendant des années dans ce secteur-là, qu'est-ce que vous proposeriez comme mesures justement pour venir supporter ce genre de travail que vous réalisez à tous les jours et le genre de sites également qu'on fait connaître à la population, pas seulement aux Québécois, mais également à l'ensemble de la population canadienne et américaine?

Mme Reid: C'est évident que, j'imagine, comme tous les secteurs de la culture, ce que nous jugeons important en archéologie, c'est d'avoir des programmes qui permettent de faire de la recherche de terrain, mais également de l'analyse, pour pouvoir par la suite la diffuser au public. Donc, c'est un ensemble, je pense, qui est important. C'est de faire comprendre aux gens que le patrimoine archéologique est important, mais c'est également leur permettre d'y avoir accès et, pour y avoir accès, également de pouvoir leur offrir et leur donner de l'information; donc, faire de la fouille, faire de l'analyse, rendre les résultats connus, donc par des programmes d'accès, de vulgarisation et de mise en valeur. Alors, à ce moment-là, on pourrait mieux comprendre le patrimoine archéologique tant au niveau préhistorique qu'historique.

Je voudrais juste dire qu'au fédéral, dans le moment, ils ont mis un programme d'accès à l'archéologie. Je vous dirais que, dans le contexte actuel, pour nous, il nous a été utile puisqu'on avait des collections d'archéologie historique, qui dataient de 1965 jusqu'à aujourd'hui, qui n'avaient pu être analysées et, grâce à une subvention de ce programme-là, on pourra au moins connaître le matériel et, par la suite, informer le public du contenu de nos collections. Par contre, autant le côté de l'information est important, quand on fait de l'archéologie, il y a tout le côté de la conservation qui est important et, à ce moment-là, à qui revient la conservation et à qui revient la gestion des collections? C'est également un problème qu'on vit; donc, pour nous, c'est important de pouvoir à la fois les conserver, les gérer, permettre aux chercheurs d'y avoir accès, de même qu'au grand

public. Or, à ça, il y a également des coûts qui, souvent, ne se retrouvent pas dans une enveloppe plus que dans une autre. Parce qu'on n'a pas un statut où on est considéré comme un musée accrédité qui peut accéder aux fonds, souvent les formules qui s'offrent à nous sont difficiles parce que, justement, les représentants du ministère nous disent: Bon, il faudrait voir si ça s'adresse à un programme ou à l'autre et ce n'est pas clairement identifié. Donc, nos statuts ne sont pas clairs et l'accès à ces programmes-là n'est pas clair et, souvent, ils ont peu de fonds. Tout ça fait en sorte que l'archéologie, de même que sa mise en valeur, n'est pas encore bien, bien établie.

M. Marcil: Est-ce qu'il devrait exister, à votre avis, des programmes, je n'emploierai pas le mot "bilatéraux" mais des programmes conjoints entre l'Enseignement supérieur et le ministère des Affaires culturelles, compte tenu que vous avez une double mission également?

Mme Reid: Oui, c'est sûr que ça serait intéressant. D'ailleurs, on a pu, grâce à un programme Étalez votre science, aménager une partie de notre laboratoire en salle d'exploration en archéologie pour permettre aux visiteurs de comprendre la démarche scientifique d'analyse en laboratoire. Mais, encore là, il serait important qu'il y ait des ententes au niveau du fonctionnement, parce que, au bout de la ligne, il y a des programmes pour développer ou mettre en valeur, mais le problème, c'est qu'un coup que les installations sont là on revit toujours le même problème de départ qui est: on a besoin d'opérer pour ouvrir ces installations-là. Par exemple, chez nous, il y a un employé permanent, deux employés six mois par année et, dans la mesure où nos budgets de fonctionnement sont décroissants, notre saison, qui ouvrait de mai à octobre, sera probablement pour 1992 écourtée à la fin d'août. Donc, après tout l'effort qu'on a fait dans le milieu de l'éducation, surtout secondaire et cégep qui est très difficile à accéder et qui viennent nous voir à l'automne, on ne pourra probablement plus continuer à les accueillir parce que, justement, même si on a les installations adéquates, on n'a pas les ressources nécessaires pour pouvoir continuer.

Vous savez, c'est difficile à demander à un partenaire. Nous, Alcan est très présente dans nos activités d'animation, c'est visible. C'est facile à vendre pour une entreprise, mais lui vendre le compte d'électricité, c'est une autre paire de manches. La même chose aux élus municipaux. Quand ils ont payé la facture, ils se demandent: L'année prochaine, est-ce que ce sera l'ensemble des factures? Tout ça crée une situation où on avance dans notre développement et on régresse dans notre fonctionnement. Donc, à un moment donné, on ne pourra plus. On va devoir fermer ou faire en sorte d'offrir un produit qui sera ce qu'on appelle souvent un produit de site dont on dit: Bon, c'est juste saisonnier. Ce n'est pas grave si on ne renouvelle pas ça, c'est la trois mois par année. Je regrette, mais je pense que, quand on veut faire de la muséologie, quand on veut faire du développement en archéologie, on doit offrir un produit, le maintenir toujours avec un calibre professionnel et faire en sorte que toutes les ressources humaines qui sont professionnelles, l'expertise qu'on va chercher à l'extérieur se retrouvent et évoluent dans le centre. C'est pour ça qu'on croit qu'une formule de partenariat comme on vit, elle est intéressante si nos partenaires peuvent continuer à nous supporter de la même façon qu'ils ont fait au début.

M. Marcil: Merci beaucoup.

Le Président (M. Gobé): Vous avez terminé, M. le député? Merci beaucoup. Je passe maintenant la parole à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, en vous mentionnant que votre collègue, le député de Mercier, m'a souligné qu'il aimerait peut-être intervenir par la suite. Alors, vous avez la parole.

M. Boulerice: Mme Reid, Mme Jacques, M. Charest, j'ai trois très, très, brèves questions à vous poser. La première en est une de curiosité.

Le Président (M. Gobé): M. le député, vous me verrez dans l'obligation de vous interrompre car nous allons avoir un vote dans notre Chambre.

M. Boulerice: Ah bon!

Le Président (M. Gobé): J'ai été averti auparavant que, lorsque la cloche sonnerait, ce serait pour un vote.

M. Boulerice: Donc, nous sommes interrompus, si je vous ai bien compris?

Le Président (M. Gobé): Alors, je vais donc suspendre Ses travaux le temps de ...

M. Boulerice: Ma première, c'était facile. Je vais vous confier un secret.

Le Président (M. Gobé): C'est une motion d'ajournement.

M. Boulerice: Quand j'étais au collège, je voulais devenir archéologue.

Le Président (M. Gobé): Je m'excuse, mais les votes de la Chambre ont priorité sur tous nos autres travaux pour permettre aux membres de l'Assemblée nationale de faire leur devoir qui est de voter en priorité. Je vais donc suspendre les

travaux pour la durée de la période du vote. Nous reviendrons par la suite.

(Suspension de la séance à 16 h 8)

(Reprise à 16 h 25)

Le Président (M. Gobé): Faites donc une motion, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. le Président, j'aurais une motion de blâme à présenter envers les députés qui ont voté en faveur de l'ajournement des travaux de la Chambre.

Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Nous étions en train de discuter. Vous aviez fa parole relativement aux représentants du Parc archéologique de la Pointe du Buisson. Je pense qu'il serait plus sage, étant donné qu'on a perdu un peu de temps, d'y retourner rapidement. Alors, M. le député, vous avez la parole.

M. Boulerice: Comme je le disais à Mme Reid, à Mme Jacques et à M. Charette, j'avais trois questions. On a déjà élucidé la première. La deuxième. Dans un secteur comme le vôtre et surtout dans une région géographique comme la vôtre, on sait que les multinationales, on ne trouve pas ça à tous les coins de rue, là, contrairement à un centre-ville de métropole. Il y a eu une mesure, à mon point de vue, extraordinaire qui a été mise sur pied par Clément Richard, l'ancien ministre des Affaires culturelles, qui était le fonds d'appariement. Vous avez été reconnus en 1986, je crois. C'est ça. Le fonds d'appariement existait encore, quoiqu'il avait été légèrement modifié. Nous, c'était 1 $ pour 1 $. Mme Bacon l'avait réduit à 1 $ et 0,50 $. Est-ce que vous avez profité de ce fonds d'appariement?

Mme Reid: C'est-à-dire que la Corporation des amis de la Pointe du Buisson en avait bénéficié.

M. Boulerice: Est-ce que c'était stimulant pour vous?

Mme Reid: Oui. Évidemment, ça avait été stimulant pour les bénévoles, sachant bien que l'argent qu'ils ramassaient ne serait pas doublé, mais, quand même, qu'ils bénéficieraient de 50 % de plus que le montant qu'ils avaient ramassé, finalement.

M. Boulerice: Vous avez parlé de budgets non indexés, etc. Est-ce que vous pourriez peut-être nous faire le portrait de ce que ça peut représenter, pour vous, une non-indexation?

M. Charette (Normand): Oui. Si on regarde le budget qui était alloué par le ministère, en 1986, on parlait d'une subvention de 78 500 $, qui est descendue, en 1990, à 70 000 $ pour remonter à 72 900 $ en 1991. Si on avait seulement indexé la subvention initiale à 4,5 %, ce qui est quand même un taux assez raisonnable si on tient compte du coût de la vie, on devrait avoir, aujourd'hui, 101 500 $ de subvention. Si la subvention du ministère avait suivi la même courbe que celle de l'augmentation de la contribution de la municipalité, on devrait parler de 179 700 $. Donc, on voit que le ministère n'a pas tout à fait suivi sa politique de partenariat. C'est ce qui est notre gros problème de fonctionnement aujourd'hui.

M. Boulerice: Je vous avoue que c'est vrai que les chiffres parlent, mais, dans votre cas, c'est un peu éloquent. Mais, avec le budget que vous avez actuellement, les perspectives d'avenir sont quoi? Il y a des choses que vous devrez nécessairement laisser tomber si on ne ramène pas ça aux chiffres que vous nous avez cités.

Mme Reid: Disons que cette année ce sera la première année où on clôturera notre exercice financier avec un déficit de 12 000 $, ce qui veut dire que ça laisse déjà prévoir qu'en 1992, s'il n'y a pas un réajustement en partant, excluant le déficit qu'on prévoit, on ne sera pas en mesure d'opérer pour l'année complète puisque, en partant, on sait bien qu'il nous manquera un minimum de 15 000 $, de 15 000 $ à 18 000 $ minimalement.

Ce qui serait intéressant, c'est que M. Charette vous explique... C'est difficile à chiffrer, la participation d'une ville dans un projet comme celui-là. C'est sûr qu'on parle toujours, nous, de 27 500 $ comme contribution de la municipalité, mais on oublie souvent beaucoup de services, on oublie les dons, par exemple, de photocopieurs, de mobilier; on ne comptabilise pas le vandalisme sur les bâtiments et là on dit aux employés de la ville de venir réparer. Également, on ne comptabilise pas les pertes - je pense que M. Charette peut vous en parler - au niveau de revenus pour les terrains et des choses comme ça.

M. Charette: Oui. On a fait un petit calcul. Disons que, si au lieu d'utiliser le site pour la culture, on avait utilisé ça tout simplement pour des bungalows, on aurait pu générer sur ce site une évaluation d'environ 15 000 000 $, donc, qui nous aurait rapporté peut-être 100 000 $ de taxes annuellement. Et il y a aussi la valeur du terrain qui vaut environ 1 000 000 $ si on l'avait vendu, donc, un autre 100 000 $ si on l'avait placé seulement à 10 %. Si on regarde tout ça, ça fait 200 000 $, la contribution de la municipalité, plus les 27 000 $ de fonctionnement, plus tous les services qui n'ont pas été comptés,

comme Mme Reid vous le disait, on arrive à un chiffre minimum de 227 000 $ comme contribution de la municipalité annuellement. Parce qu'on a quand même un manque à gagner. La culture, on est d'accord; on le voulait, le site, mais il faut quand même aussi être réaliste. Si on prend ces chiffres-là, on en arrive à une contribution municipale de 94,74 $ par habitant et par année. Donc, on pense qu'on fait réellement un effort qui est louable.

M. Boulerice: Ça, inévitablement, M. le secrétaire-trésorier, quand on regarde la taille de votre municipalité et ce que vous donnez en subvention au Parc, c'est effectivement une partie assez importante du budget. Vous avez privilégié la culture; vous avez eu foi en cela en disant que ça avait un impact également sur l'industrie touristique. Et il y a des intervenants précédents qui nous ont dit qu'on était avantagés au Québec parce qu'on était en situation de monopole, culture différente, histoire différente. Donc, on avait des atouts majeurs dans un contexte nord-américain et, dans votre cas, il ne semble pas que l'on veuille aider. Je sais qu'il y a des municipalités qui ont avancé un principe qui était: oui, mais il y a des municipalités qui malheureusement ne font rien; incitons-les à faire des choses. Pour les municipalités qui, elles, s'engagent, et s'engagent de façon éclatante, il faudrait peut-être qu'il y ait une certaine prime au rendement. Là, quand on regarde la non-indexation, la perte que vous avez, je vous avoue que c'est inquiétant.

L'autre question que j'aimerais vous poser, celle-ci est plutôt sur la nature de vos activités comme telles. J'ai pu voir une expérience assez heureuse au niveau de fouilles archéologiques cet été, où on invitait la population à participer aux fouilles archéologiques, c'était une espèce d'initiation, de participation. Donc, forcément ça a procuré après une énorme sensibilisation à l'archéologie. Est-ce que vous avez un programme similaire?

Mme Reid: Nous, on aura au printemps une sensibilisation par notre salle d'exploration, c'est-à-dire que le visiteur pourra expérimenter la phase d'analyse en laboratoire. Par contre, sur le terrain, pour l'instant, on n'y a pas encore touché, parce que le matériel préhistorique est beaucoup plus difficile à identifier que le matériel historique. C'est-à-dire qu'entre un éclat provenant d'une pierre et, par exemple, une monture de lunettes, il y a une différence, ou un morceau de céramique glacée par rapport à un morceau de poterie, le fond d'un morceau de poterie brûlé, c'est difficile à identifier. Donc, avec les archéologues, pour l'instant on a choisi de "prioriser" le secteur d'analyse en laboratoire plutôt que de sensibilisation sur le terrain. Par contre, on a de mai à août des archéologues qui fouillent devant le public, c'est-à-dire que le visiteur va directement au chantier de fouilles et discute avec l'archéologue pour en savoir davantage sur sa technique, tout ça, mais, par contre, il ne peut pas fouiller lui-même.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député. M. le député de Mercier, vous vouliez la parole? Alors, vous l'avez.

M. Godin: Vous lisez dans mon esprit, mon cher président.

Le Président (M. Gobé): Votre collègue, le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques vous cède une partie du temps imparti.

M. Godin: M. Charette, quand vous nous avez énuméré les millions qui vous volent dans la tête quand vous rêvez à transformer ce parc archéologique en un terrain subdivisé en lots, je vous avoue que ça me semble une pensée sacrilège.

M. Charette: Oui. C'est sûr que, nous aussi, on est pour la culture. Si on pense économique, c'est sûr que c'est beaucoup plus rentable d'aller avec des bungalows. Mais le conseil et la population de Melocheville sont d'accord avec la culture. C'était seulement à titre d'exemple pour vous montrer l'apport, la contribution qui est faite par la municipalité. Parce qu'il y a quand même, qu'on le veuille ou non, un manque à gagner. C'est très bien, la culture; tout le monde est d'accord avec la culture. Mais il faut aussi voir les coûts que ça implique, surtout quand on parle d'une petite municipalité.

Le Président (M. Gobé): Avez-vous terminé?

M. Godin: Les coûts, M. le trésorier, c'est certainement de votre poste de trésorier que viennent ces pensées, ces péchés mortels.

M. Boulerice: Non, ce n'était pas leur intention, Gérald.

M. Godin: Non, mais je veux dire: II a fait une étude dans sa tête, j'imagine, ou peut-être même sur papier pour savoir combien ça rapporterait, la subdivision en lots et l'érection de bungalows. C'est un parc avec de l'archéologie indienne, si je comprends bien. À ma courte honte, je ne connais pas votre Parc archéologique de la Pointe du Buisson. Je pense qu'il y a un défaut de publicité dans votre parc parce qu'il est étonnant qu'on en sache si peu en dehors du comté de mon collègue Marcil, de Salaberry-Soulanges.

M. Charette: On en revient toujours à la question du montant de fonctionnement. Si on n'a pas de budget de fonctionnement, c'est très difficile de faire de la publicité. Le premier

endroit où on coupe, quand on doit couper, c'est la publicité. C'est sûr qu'on ne peut pas couper sur le personnel. Donc, invariablement, plus les budgets vont descendre, plus la publicité va descendre et probablement aussi fa fréquentation du parc.

M. Godin: M. le Président...

Le Président (M. Gobé): Oui. Une dernière question, M. le député.

M. Godin: Oui, une dernière, mais, enfin, ne me poussez pas trop dans le coin parce que je n'aime pas ça. Il y a une revue américaine, qui s'appelle Archeology, que sûrement l'un ou l'une d'entre eux connaît, dans laquelle revue il y a des annonces de parcs archéologiques américains. Récemment, justement, il y a eu aux États-Unis une grande campagne pour sauver un parc archéologique où les Américains allaient chaque week-end, chaque fin de semaine, faire de l'archéologie, je dirais, profane ou populaire. Il y avait des centaines de gens qui allaient faire de l'archéologie dans ce parc-là.

À un moment donné, l'État américain a eu la même pensée sacrilège que la vôtre, M. le trésorier. Ils ont dit: On va laisser l'exploitation pétrolière entrer là. Il y a eu des manifestations jusqu'à la Maison-Blanche, Mme la présidente du Parc, Mme Reid plutôt. En fin de compte, la décision a été renversée; il n'y aurait point d'exploitation pétrolière sur ce terrain-là parce qu'on préférait que les Américains s'initient eux-mêmes à l'archéologie et apprennent ainsi à préserver ce qui peut se trouver dans leur sous-sol national. Ils ont estimé qu'à long terme c'était un meilleur choix que de laisser le pétrole être exploité, comme ils vont le faire, mettons, en Alaska. Ils vont ouvrir de grands champs de neige de Prudhoe Bay pour se rassurer par rapport à des guerres éventuelles dans le Golfe, d'où vient, actuellement, la majeure partie du pétrole que les Américains consomment. Tout ça, c'est la revue Archeology qui m'a appris ça. J'ai vu dans cette revue-là des placards publicitaires, justement, de ces parcs archéologiques américains et du Nouveau-Mexique. Je n'ai vu, malheureusement - j'aurais peut-être appris, si je l'eusse vu, l'existence du Parc de chez vous - aucune mention de l'existence, au Québec, à quelques minutes de Montréal en fin de compte, d'un tel parc.

Mme Reid: Je peux vous dire que, dans le National Geographic du mois de novembre, ils ont incorporé une carte de lieux et sites archéologiques dans laquelle on mentionnait Melocheville, la Pointe du Buisson, ainsi que son centre d'interprétation.

Pour ce qui est des calculs de M. Charette, c'est évident que la ville, si elle a choisi, en 1985, de transformer son site en parc archéolo- gique auquel elle contribue activement depuis cinq ans, ce n'est absolument pas pour en faire un développement domiciliaire. C'est pour faire comprendre, c'est pour expliquer que, quand on parle d'une contribution d'une municipalité à la culture, c'est souvent plus qu'un chiffre qu'on avance en disant 27 500 $, ça va plus loin. C'est également pour faire comprendre qu'on a besoin d'avoir un support pour continuer une action aussi importante qui est la sensibilisation à l'archéologie, parce qu'un site comme la Pointe du Buisson, c'est 66 arpents, avec deux bâtiments, un laboratoire, des salles d'exposition et que les coûts pour opérer un centre comme ça, c'est dispendieux. Alors, la ville peut faire ce qu'elle est en mesure de faire, mais, à un moment donné, ses citoyens ont aussi des priorités qui ne sont pas toujours... Même si un espace vert et de la culture qui conserve des vestiges préhistoriques sont intéressants, ils ont également d'autres obligations.

Alors, la ville de Melocheville n'a pas l'idée de vendre ces terrains, mais c'est pour vous expliquer que sa contribution n'est pas simplement de 27 500 $, mais qu'elle est la aussi par d'autres... D'ailleurs, juste en choisissant de transformer son site en parc archéologique, c'était une contribution énorme à la culture.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le député. Le temps est maintenant écoulé.

M. Godin: J'aimerais savoir combien de touristes chaque année vont à votre parc.

Mme Reid: C'était 20 000; maintenant, depuis la crise autochtone, c'est 15 000. Alors, là, on veut faire de la promotion, mais, avant de faire de la promotion, on va devoir avoir des fonds pour pouvoir justement faire une promotion pour d'abord informer les gens qu'on existe et aussi panser les blessures qu'il y a parce que Melocheville est située entre Saint-Régis, Kah-nawake et en face d'Oka. Alors, on est vraiment dans le secteur qui a été bloqué par la crise autochtone et, quand on parle à des gens de Châteauguay de venir voir un site préhistorique autochtone, ce n'est pas aussi facile que c'était en 1986.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député.

M. Godin: Ça répond à toutes mes questions, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Je suis désolé, M. le député, le temps est maintenant dépassé. Je suis vraiment désolé, mais on doit maintenant conclure. Mme la ministre, un mot de remerciement?

Mme Frulla-Hébert: Pour ça, je vais passer

la parole... Un gros merci d'être ici.

Le Président (M. Gobé): Vous allez passer la parole à...

Mme Frulla-Hébert: M. le Président, je vais laisser la parole au député.

Le Président (M. Gobé): Alors, M. le député de Salaberry-Soulanges, comme c'est un peu de tradition, quand on a un député de région qui vient voir un de ses groupes, on lui laisse dire le dernier mot. C'est votre tour maintenant.

M. Marcil: J'aurais aimé, M. le Président, qu'on permette encore au député de poser au moins une dernière question, du moins en guise de conclusion. Je tiens à remercier les gens de Melocheville qui font un travail extraordinaire, plus particulièrement Mme Reid, et ajouter quelques informations aussi. Le problème, c'est un problème au niveau du budget de fonctionnement. Mais on reçoit également certaines subventions; on a reçu dernièrement une subvention de 35 000 $ de l'Enseignement supérieur pour la mise en place d'un laboratoire. On reçoit également une subvention de tout près de 10 000 $ pour permettre un système de signalisation sur les routes pour pouvoir bien identifier le site. Moi, je me propose également de m'asseoir avec eux pour essayer de voir... Au niveau du ministère du Tourisme, il existe des programmes de promotion touristique à l'extérieur du Québec et ces programmes, ça vaudrait la peine de les exploiter. Merci beaucoup et félicitations pour votre merveilleux travail!

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Salaberry-Soulanges. Merci, mesdames et messieurs. Il m'a fait plaisir de vous accueillir ici. Ceci met fin à votre audition. Sans plus tarder, je vais appeler les représentants du groupe suivant, soit les représentants de la MRC de Memphrémagog. Je leur demanderais de bien vouloir se présenter en avant sans plus tarder.

Alors, mesdames et messieurs, si vous voulez bien reprendre votre place, nous allons maintenant recommencer nos travaux. Il me fait plaisir d'accueillir les représentants de la MRC de Memphrémagog. Je vois que nous avons à côté de nous, qui s'est joint à nous, le député d'Or-ford. Bonjour, M. le député. Il me fait plaisir de vous accueillir à cette commission. On sait que c'est un groupe de votre région qui est là et c'est pour cette raison que vous êtes avec nous. Alors, en vertu de l'article 132, je pense qu'il n'est point nécessaire de redemander le consentement. C'est généralement accordé avec gracieuseté par tous les membres de cette commission pour tous les députés qui viennent voir un de leurs groupes. Alors, je vous demanderais maintenant, sans plus tarder, de bien vouloir vous présenter et commencer votre exposé.

MRC de Memphrémagog

M. Petitclerc (Raoul): M. le Président, Mme la ministre, messieurs et madame, j'aimerais vous présenter ici mes collègues: Paul-René Gilbert, maire de la ville de Magog; Jacques Oelorme, maire du canton d'Orford; Pierre Riverin, maire du canton de Stukely. (16 h 45)

Le Président (M. Gobé): Bonjour, messieurs, ou bonsoir. Vous pouvez commencer maintenant votre présentation.

M. Petitclerc: En février 1988, entrait en vigueur le schéma d'aménagement de la MRC de Memphrémagog par lequel notre région se dotait d'un document d'orientation et de planification du développement de son territoire. Au cours de l'élaboration de ce schéma, la MRC avait reconnu l'importance de préciser le portrait culturel régional. Ce portrait fit ressortir certains constats qui ont fait l'objet de recommandations précises au schéma d'aménagement. En 1988, la MRC de Memphrémagog confirmait donc sa préoccupation et formulait des recommandations visant à doter notre région d'un véritable plan de développement culturel.

Cette affirmation régionale vis-à-vis le développement culturel a suscité, de la part de certains élus municipaux, un intérêt accru pour ce volet de l'activité régionale. Plusieurs maires souhaitèrent la formation d'un comité culturel qui aurait pour mandat de promouvoir le développement de la vie culturelle régionale, d'aider à la coordination d'activités, d'encourager la communication à même le milieu culturel et, finalement, d'aider à la diffusion et à la promotion de la vie culturelle en région. Ce comité fut mis en place en mars 1989. Dès sa formation, le comité s'est attelé à la tâche en reprenant les recommandations du schéma d'aménagement. On précisa davantage le portrait culturel régional, on effectua une réflexion en profondeur du devenir culturel régional et on confirma le tout par l'élaboration d'un plan de développement culturel déposé officiellement en mai 1991.

Aujourd'hui, ce comité attaque la mise en oeuvre du plan avec enthousiasme et conviction. Jusqu'à ce jour, le comité croit que la démarche réalisée est saine et souhaitable puisqu'elle a réussi à rallier les intérêts du milieu, à favoriser la concertation, à impliquer les municipalités et, finalement, à harmoniser le développement culturel régional.

Aujourd'hui, nous prenons connaissance du rapport Arpin. Les orientations proposées, les principes invoqués et les moyens présentés sont loin de satisfaire notre comité. Au contraire, ce rapport tend à refroidir drôlement l'ardeur du comité qui voit ainsi ses orientations s'inscrire à contre-courant de la proposition de politique. Le comité perçoit donc cette proposition comme un danger à notre développement régional. Bien sûr,

certains éléments de la proposition constituent des points positifs et il importe de les souligner au même titre que les points jugés négatifs.

Dans son objectif d'accroître l'efficacité du gouvernement, la proposition de décentralisation des services du ministère vers les régions est saluée. Nous avons expérimenté le dialogue avec la direction régionale et croyons qu'il s'agit de l'approche la plus efficace. L'utilisation de services encore centralisés impose une lourdeur et une longueur administratives loin d'être essentielles et on gagnera en efficacité par la décentralisation. L'amorce d'un dialogue sera d'autant plus facile qu'il y aura réduction des intermédiaires. Ce dialogue, lié à "la connaissance de l'action sur le terrain des fonctionnaires régionaux", ne pourra qu'être positif, à notre avis.

Il est tout à fait vrai que le développement culturel des enfants constituera la culture de demain. L'éducation actuelle ne laisse pas assez de place à la culture et cet aspect doit être amélioré. Certains efforts ont été réalisés en éducation, mais il en faut davantage pour permettre à nos générations futures de développer la culture. Qu'il s'agisse de patrimoine, d'arts visuels, d'architecture, d'arts d'interprétation, il est évident que l'éducation scolaire peut faire davantage pour donner une base de connaissances qui suscitera l'intérêt des jeunes. Il est aussi vrai qu'il ne faut pas donner toute la responsabilité au milieu scolaire. La proposition en ce sens est appréciable et fondée.

La recommandation 100 du rapport veut inciter les municipalités à s'engager davantage dans le soutien aux arts et à la culture. En général, nous sommes d'accord avec cette recommandation et les comparaisons avec d'autres pays et le reste du Canada démontrent bien qu'il y a des efforts à faire de ce côté. Jusqu'à récemment et dans la majorité des municipalités, la part culturelle accordée dans les budgets était quasi nulle ou carrément absente. Cependant, cette situation tend à changer et il y a lieu de poursuivre cet effort.

Le soutien à la culture par le citoyen représente un atout non négociable qui, par la recommandation 102, serait réalisable et fort probablement efficace.

Les aspects critiqués de la proposition. La définition d'organisme culturel présentée dans la proposition est choquante et lourde de conséquences, à notre avis. Le fait de ne considérer que les organismes professionnels, tel que le sous-tend la définition, laisse croire que la politique culturelle s'adresse exclusivement à ce type d'organismes et qu'elle laissera en plan tout le secteur à but non lucratif dont font partie la plupart des groupes et activités qui s'activent dans les régions. Implicitement, en plus de vouloir remettre aux municipalités la responsabilité des organismes et équipements à caractère régional et local, elles devront composer avec tout ce qui est non professionnel.

La détermination des trois pôles, dont un englobera toute la province sauf Montréal et Québec, démontre une piètre opinion de l'activité culturelle des régions et une faible reconnaissance de ces mêmes régions qui ont toute leur propre authenticité et méritent d'être maintenues. Depuis l'avènement de la loi 125 sur l'aménagement et l'urbanisme, les municipalités régionales de comté ont été créées selon le sentiment d'appartenance des citoyens en vue d'en faire un véritable intervenant régional. Depuis ce temps, les MRC se sont acharnées à se faire reconnaître par les différents ministères. Elles méritent d'être également maintenues et reconnues par le ministère des Affaires culturelles. Que l'on donne à l'un ou à l'autre une spécificité particulière est tout à fait possible. Mais que l'on accorde à Montréal et Québec tous les atouts et que l'on fasse de l'ensemble régional un lieu d'accueil de ce qui se fait dans les deux autres pôles va tout simplement détruire le dynamisme des régions qui ont maintes fois initié des projets ou talents aujourd'hui reconnus.

Dans sa proposition, le groupe-conseii a clairement indiqué son intention de faire de l'ensemble régional (auquel nous nous objectons) un lieu d'accueil à la création qui se développe dans les deux pôles urbains. Qui plus est, on veut également donner au gouvernement la responsabilité des équipements à caractère national qui pourraient être localisés dans l'ensemble régional. Toujours dans la même tangente, c'est le ministère, avec les organismes professionnels, qui établira l'admissibilité au financement gouvernemental.

Finalement, les municipalités devront composer avec le reste et tenter tant bien que mal d'assurer la survie d'une certaine vie culturelle intrinsèque qui n'intéressera plus le ministère et qui n'aura aucune chance d'atteindre les standards de Montréal ou Québec. On va rafistoler et consolider les équipements nécessaires à l'accueil de la culture métropolitaine, on va intéresser les jeunes à la culture et on les Invitera à compléter leur recherche ou leur désir de créer à Montréal ou à Québec, ou à l'étranger. La première impression que nous avons ressentie s'appelle indignation. Nous désapprouvons totalement cette approche.

La nouvelle politique viserait à accentuer le rôle des municipalités en ce qui a trait à la culture et aux arts. Nous l'avons mentionné, nous sommes d'accord à ce que les municipalités s'impliquent davantage.

Le rapport laisse entendre, à la recommandation 78, son souci de ne pas donner une impression de délestage de la part du gouvernement. Pourtant, dans son contenu, la proposition confirme un délestage évident, selon nous. On remet aux municipalités les responsabilités de financement de tout ce qui n'est pas profession-

nel et de tout ce qui est professionnel, mais qui n'atteint pas le seuil établi par le ministère. Toutes ces propositions sont faites unilatéralement et sont proposées sans concertation avec le milieu municipal. Il est facile de remettre dans la cour du voisin lorsque ce dernier est absent. Il est cependant beaucoup plus souhaitable, en vue de maximiser l'efficacité d'un projet, de l'élaborer en concertation avec toutes les parties concernées.

Voilà l'essentiel de nos impressions sur cette proposition. Nous nous sommes tracé, en tant que région, un plan culturel à réaliser auquel nous croyons et qui permet aux municipalités de s'impliquer progressivement à l'action culturelle. Cette démarche, nous la recommandons, mais elle exige une étroite collaboration avec les intervenants et le ministère. Nous pensons que la proposition nuira grandement à notre projet. Nous croyons que le rôle accordé aux réglons et aux municipalités est Inadéquat et contesté.

À défaut de présenter des propositions concertées avec les parties concernées, nous doutons fortement que cette politique, si elle ne change pas, puisse atteindre les objectifs visés. Nous croyons que le monde municipal et régional est prêt à collaborer, qu'il est prêt à mettre l'épaule à la roue, dans la mesure où il est consulté et écouté. La loi 145 a laissé un goût amer et une extrême méfiance du monde municipal envers les visées du gouvernement provincial. Le rapport Arpin ne dissipe en rien cette impression et nous ne voulons pas croire que le ministère des Affaires culturelles veuille s'inspirer des mêmes méthodes envers le monde municipal.

Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie. Je vais maintenant demander à Mme la ministre des Affaires culturelles de bien vouloir prendre la parole.

Mme Frulla-Hébert: Oui. Merci, M. Petit-clerc. MM. les maires, je vais répondre tout de suite à votre dernière affirmation. Vous savez, le ministère des Affaires culturelles, qui est le plus décentralisé au gouvernement, a toujours travaillé en étroite collaboration avec les municipalités et ce partenariat a fait en sorte que nous avons développé un réseau de bibliothèques. Même s'il n'est pas parfait, je pense qu'on peut quand même en être fier, considérant d'où nous partions il y a 15 ans. On prouve qu'avec le partenariat, d'ailleurs, on peut faire de grandes choses. Croyez-moi, ce partenariat-là va continuer. Il n'est pas question de délestage, au contraire, mais tout simplement de voir ensemble ce qu'on peut faire de plus.

Maintenant, aussi au niveau des régions, la définition que nous privilégions et qui semble faire consensus, c'est beaucoup plus 16 régions distinctes et interactives, avec, évidemment, une métropole et une capitale; ça, on n'en sort pas, c'est là. Mais ce sont 16 régions distinctes et interactives qui contribuent énormément aussi à tout l'apport à la vie culturelle du Québec. Alors, ça aussi, ça semble faire consensus un peu partout, à la commission parlementaire et chez les différents groupes, et on y croit fermement.

Ceci dit, M. le Président, comme on a la chance d'avoir le député avec nous, si vous permettez, je vais lui passer la parole.

Le Président (M. Gobé): Vous ne pouvez pas la lui passer.

Mme Frulla-Hébert: Enfin, je vous demande-Le Président (M. Gobé): Vous pouvez demander qu'on la lui passe.

Mme Frulla-Hébert: ...M. le Président qu'on lui passe la parole.

Le Président (M. Gobé): Car les droits de la présidence seraient là usurpés et je crois qu'il y aurait des plaintes de la part des membres. Oui, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: En vertu du principe qu'il y a également deux autres députés de cette commission, qui sont très Impliqués dans l'Estrie, M. le député de Mercier et M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, à Graniteville.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Shefford, vous n'êtes pas loin de là non plus.

M. Paré: Juste à côté.

Le Président (M. Gobé): Ça veut dire qu'on a donc quatre députés, plus la ministre, ça fait cinq. Mme la députée de Châteauguay?

Mme Cardinal: Non, je vais attendre.

Le Président (M. Gobé): Non, un peu moins? L'ensemble des députés aime l'Estrie, d'après ce que je peux voir. Alors, c'est là une très bonne chose. M. le député d'Orford, ceci étant dit, vous avez la parole.

M. Benoit: M. le Président, merci. Je viens de rajouter un nouvel électeur de Graniteville, que je ne connaissais pas. Je le salue. Je connaissais les autres, mais je ne connaissais pas ce nouveau résident de Graniteville...

M. Boulerice: "Estivalier" seulement.

M. Benoit: ...qui est une belle municipalité. Les routes n'étaient pas très bonnes, d'ailleurs, dans cette région-là, au printemps.

Alors, je voudrais saluer, moi aussi, M.

Petitclerc qui est de la commission culturelle de la MRC, qui est un pédagogue et un échevin d'Austin. Les trois autres personnes sont des maires. M. Gilbert est un artiste peintre dans ses temps libres. Jacques Delorme est un architecte de grande réputation non seulement chez nous, mais beaucoup plus largement que ça. Et Pierre Riverin, qui est connu par sa galerie d'art contemporain, est aussi maire d'une ville de la MRC. C'est une des grandes galeries d'art contemporain en Amérique. Je tiens aussi à souligner la réalisation, Mme la ministre, d'une oeuvre, d'un bouquin qui a été fait par la MRC récemment sur les réalisations et les beautés de notre patrimoine dans la MRC, un magnifique bouquin. (17 heures)

Je voudrais rappeler aux gens qui sont ici aujourd'hui que notre MRC a une longue tradition culturelle. Ne pensez qu'au Camp des jeunesses musicales où vous avez eu le plaisir d'être présente il y a quelque temps. Les écrivains, ça va aussi loin qu'Alfred Desrochers, un des grands poètes du Québec. Les peintres, nous avons Normand Hudon et une multitude d'autres. Je rappellerai le Symposium de peinture qui a eu un succès absolument extraordinaire cette année. On a une des grandes galeries d'art naïf de l'Amérique à North Hatley, que le député connaît sûrement, et cette galerie d'art contemporain, sans oublier les autres. Au niveau de la musique, on a le Quatuor Orford qui a maintenant une réputation mondiale. Le Théâtre de Marjolaine, le théâtre le Piggery, des institutions qui ont dépassé les barrières, bien entendu, de notre MRC et nous en sommes très fiers.

Messieurs, merci d'être avec nous aujourd'hui. J'ai lu votre mémoire et j'aimerais peut-être aller un peu plus en profondeur. Vous nous parlez d'un plan de développement culturel. Pourriez-vous nous indiquer les grandes lignes, d'abord, de ce plan de développement culturel? Et j'aimerais connaître, après la liste que je viens de faire, quels sont les effets économiques - on sait que des villes comme Boston, New York ont eu des regains grâce à la culture - de la culture dans notre patelin, à Magog, à Eastman, à North Hatley. Est-ce qu'on est capable de quantifier ça à ce point-ci?

M. Petitclerc: D'abord, peut-être pour parler de nos objectifs majeurs, c'est sûr que, dans une région comme la nôtre, le respect des initiatives culturelles ou patrimoniales qui proviennent du milieu, ça, c'est bien important. Et puis, un autre aspect aussi, c'est dans nos objectifs de créer les conditions fondamentales à l'émergence d'un sentiment d'appartenance. Et puis, tout ça, ça donnera un peu des résultats. C'est une région touristique et on est intéressés à amener un bon menu à nos touristes qui viennent nous visiter. Alors, quand on a de la qualité, on attire aussi la qualité. Alors, c'est un peu dans ce sens-là qu'on était préoccupés par cette définition.

Et il y a l'autre aspect aussi. C'est que dans notre milieu on a des permanents et des saisonniers. Et il y a tout l'autre aspect de gens qui sont en permanence dans notre région et la qualité de vie, l'accès à la vie culturelle, c'est important pour eux autres. C'est un peu dans ce sens-là aussi qu'on a parlé dans notre développement de politique culturelle de ces deux aspects-là.

M. Benoit: Est-ce que le développement de votre MRC passe par le monde culturel? Est-ce que c'est important comme axe de développement? M. le maire me parle souvent du monde touristique, du monde industriel. Est-ce que le monde culturel est un monde qui aura des répercussions importantes dans votre MRC?

M. Gilbert (Paul-René): M. Benoit, je dois vous dire une chose, c'est que la région de la MRC de Memphrémagog, si nous allons dans le passé et regardons l'histoire de cette région depuis de nombreuses années, a toujours été dotée d'équipements culturels très importants. Lorsqu'on veut comparer les activités culturelles et les équipements que nous avons dans notre région, ça ne peut pas faire autrement qu'avoir eu un impact sur l'attrait que créent ces activités et ces équipements. On n'a qu'à prendre le Centre d'arts Orford qui, depuis plus de 30 ans, a une réputation qui dépasse de beaucoup le Québec et le Canada, et nous avons d'autres équipements ou d'autres activités, tels les théâtres d'été. On une autre activité qui prend beaucoup d'ampleur au Québec au point de vue commercial, si on veut prendre le culturel commercial comme le Vieux Clocher à Magog. Nous avons une diversité d'activités et de choix, un menu culturel qui est très intéressant et qui est très attirant, je crois, comme réputation et comme attrait touristique. On emploie le mot "touristique", mais c'est attirer les gens dans la région.

M. Benoit: Je voudrais revenir au développement culturel, M. Petitclerc, dans ses grandes lignes. Au moment où vous avez fait ce travail-là, dans son élaboration, est-ce que vous avez réussi à mettre toutes les municipalités finalement sur l'ensemble du projet? Comment avez-vous procédé? Il y a plein d'autres gens qui vous écoutent ou qui vont lire ce que vous dites ici. On est un modèle; je m'exclus, je ne suis pas partie de votre travail, mais je pense que vous êtes un modèle, finalement, au Québec. Comment vous vous y êtes pris pour arriver à voir tout ce beau monde là s'entendre sur un développement culturel et sur un programme de développement culturel?

M. Petitclerc: C'est-à-dire que le programme

a été voté au niveau de la table de la MRC. Tous les maires ont voté en faveur, mais, maintenant - c'est là qu'est le travail en profondeur - on veut s'allier tous les conseils municipaux. Des fois, il y a de petites contradictions; un maire peut-être voter pour une politique à la MRC, mais c'est plus laborieux quand ça arrive au niveau du conseil local. Alors, on est rendus à ce point-là. On est rendus à cette étape-là. C'est sûr que notre objectif, nous, c'est de voir les 23 municipalités accepter ce principe de développement culturel dans la MRC. Je dois vous avouer que c'est un travail qui est assez laborieux, qui est assez long.

M. Benoit: Est-ce qu'on peut aller aussi loin que de penser qu'il y aura un partage des coûts dans les équipements? Dans votre vision des choses, jusqu'où on peut aller? Je sais qu'il y a de bonnes rumeurs de symposium, par exemple, de sculpture qui pourrait être à la grandeur de la MRC ou de la région. Est-ce qu'on peut penser que l'ensemble des municipalités pourrait embarquer dans un partage de coûts ou si c'est rêver en couleur?

M. Delorme (Jacques): En fait, un partage de coûts, on a déjà commencé à faire l'expérience, l'an dernier, avec une tournée de concerts dans certaines petites municipalités de la région et les coûts ont été partagés, en fait, même supportés totalement dans certains cas par certaines municipalités. Dans d'autres projets qu'on regarde à l'heure actuelle, il y a des municipalités, c'est sûr, qui sont prêtes à s'embarquer dans des projets au niveau de la MRC, mais, comme le disait M. Petitclerc, même si le plan est adopté au niveau de la MRC, il y a encore un travail en profondeur qui reste à faire auprès de plusieurs municipalités. Par contre, il y en a certaines qui ont déjà adopté le plan et qui fonctionnent là-dedans. Mais il y a une volonté, en tout cas, de plusieurs des maires, au niveau de la MRC, de s'impliquer carrément là-dedans. On est conscients qu'une partie de l'argent doit venir des municipalités.

Maintenant, pour répondre à votre question, du côté économique, que vous avez posée tout à l'heure, il n'y a pas eu d'étude encore, chez nous, pour évaluer ce que peut être l'impact au niveau économique de ce qui se fait au niveau culturel dans la région. Il y a beaucoup de choses qui se passent. Je peux donner un exemple: dans une petite municipalité comme chez nous, où il y a 500 habitants, avec ce qu'on percevait au niveau des taxes avec le Théâtre de Marjolaine, c'était presque des fois 10 % du budget de la municipalité. Alors, c'est sûr que ça nous permettait de faire des choses culturelles, ça. On va le perdre éventuellement, il semblerait, mais c'est un impact.

M. Benoit: Dans votre mémoire, vous parlez du champ d'intervention des municipalités en matière culturelle. Quel devrait être, selon vous, ce champ d'intervention des municipalités en matière culturelle? Je sais que vous faites une distinction entre les professionnels et les moins professionnels. Jusqu'où on doit aller là-dedans comme gouvernement? Ou jusqu'où êtes-vous prêtes à aller, devrais-je dire, les municipalités?

M. Riverin (Pierre): Là-dessus, Je peux dire que les certaines municipalités sont prêtes à aller très loin. Mon confrère vous a mentionné qu'actuellement il y a des municipalités qui ont embarqué, d'emblée, dans le projet. Pour la première manifestation qu'il y a eu l'an passé, avec une tournée de concerts, six municipalités de la MRC y sont allées d'emblée, y ont mis de l'argent, ont reçu les activités qui étaient sous forme d'un concert. Ça a eu et ça aura dans l'avenir certainement un effet d'entraînement auprès des autres municipalités dont les conseils sont peut-être un peu moins sensibilisés à l'aspect culturel ou au développement culturel de la MRC. Ça, c'est ce qu'on espère actuellement.

Le comité culturel de la MRC n'a pas un rôle d'exécutant; il a un rôle de concertation pour faciliter les échanges, pour faciliter ce volet-là. Aussitôt que les maires se rendent compte que le volet culturel a un intérêt pour la population, c'est évident que, d'emblée, ils vont embarquer et d'emblée ils vont mettre l'argent nécessaire à la réalisation des projets. Là-dessus, je peux vous dire que, dans la MRC, il y a plusieurs municipalités qui ont une très forte volonté de ce côté-là.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. MM. les maires, M. le conseiller municipal et président du comité culturel, ma première question, tout de suite, ça va être: Oui, vous représentez une municipalité régionale de comté. Mais, là, je vois que vous m'avez parlé, enfin vous nous avez parie... Entre parenthèses, je m'excuse, notre collègue a malheureusement oublié dans le domaine de la littérature, un eminent estrlen qui est Mordecai Ritchler, mais qui est plutôt du style pamphlétaire, ces derniers temps.

Ceci étant dit, vous m'avez parlé d'un comité culturel. À date, je n'ai pas entendu beaucoup de MRC me dire qu'elles avaient un comité culturel. Je ne vous en fais pas le reproche, au contraire.

M. Deiorme: On est effectivement la première MRC à avoir un comité culturel, comité culturel qui n'est pas formé uniquement de maires; il y a des gens qui viennent du milieu aussi et il faut dire qu'on a eu la collaboration aussi des gens du ministère au niveau régional. Mais on est la seule MRC présentement qui a un

plan de développement culturel.

M. Bouler/ce: Bien, alors, au départ, moi, je vous en félicite. Je suis vraiment très heureux d'apprendre cela. J'ose espérer - comme disait notre collègue, vous allez être entendus et lus - que ce soit incitatif à ce niveau-là et que les MRC se donnent la même implication que vous avez.

Forcément, vous venez d'une région, une vaste région avec sa densité de population qui est n'est quand même pas négligeable. L'Estrie, c'est quand même assez populeux. Depuis 1985, il va de sol que le discours du ministère face aux conseils régionaux de la culture n'a pas été le plus motivant pour les conseils régionaux de la culture. Il est inévitable qu'à un moment donné certains ont peut-être pu décoder que régions, ça n'avait pas tellement d'importance; d'où une écriture passablement déficiente du rapport Arpin quand il s'agit des régions comme telles.

Quelle est la relation que vous avez, votre comité culturel, l'instance politique dite de la municipalité régionale de comté et votre conseil régional de la culture, celui de l'Estrie que je connais très bien et qui est très actif, très articulé?

M. Pet it clerc: Je dois vous dire que le conseil régional de la culture en Estrie, par rapport à notre région - on est 23 autres municipalités, c'est un petit, peu plus loin que Sherbrooke - quand on a élaboré notre politique de développement culturel, c'est qu'on l'a fait plutôt avec la direction du ministère des Affaires culturelles régional. Et même, je me souviens, on s'était plaint à un moment donné; on se demandait cet autre organisme qui était le conseil de la culture, qu'est-ce qu'il faisait, c'était quoi sa mission et on s'est posé la question à ce moment-là. Mais, par contre, on s'est pris en main, on a eu le soutien du ministère des Affaires culturelles régional et je pense qu'il y avait une volonté de la part du milieu municipal pour pousser, élaborer notre plan culturel.

M. Boulerice: D'accord. Il n'était peut-être pas présent au moment de l'élaboration de votre comité culturel, mais est-ce qu'il y a eu un rapprochement, est-ce que vous avez commencé à établir - le mot est à la mode, il est peut-être galvaudé, mais quelquefois il est bien appliqué - un partenariat avec eux?

M. Delorme: Écoutez, on a peut-être senti au départ que le conseil culturel était peut-être un petit peu loin de chez nous. Il n'y a pas eu, au cours de toutes les rencontres nombreuses qui ont eu lieu pour bâtir ce plan de développement là, de rencontre avec le conseil de la culture comme tel. En dernier, toutefois, quand il y a eu les rencontres publiques, effectivement, le président est venu faire ses recommandations. C'est à peu près le seul contact qu'on a eu avec eux. On s'est pris en main, nous, pour notre région et on a fonctionné sans trop s'occuper de ce qui se passait à Sherbrooke.

M. Gilbert: J'aimerais rajouter un petit élément aussi à ça. On sait qu'au niveau des régions on a le conseil de la culture qui est régional, on a des tables des MRC et on a un lot d'organisations régionales qui regroupent beaucoup plus que nos MRC. Mais, lorsque vient le temps de parler de développement économique et de plusieurs catégories de concertation ou de développement, si on parle surtout de développement économique, il semblera peut-être curieux que chez nous, au niveau de la MRC, on favorise trois secteurs au niveau du développement économique, qui sont le secteur industrie, le secteur touristique et, au niveau de notre MRC dans notre développement, on a aussi un secteur culturel. Ce sont trois secteurs très identifiés qui regroupent les 23 municipalités de la MRC et qui doivent fonctionner en collaboration.

Alors, le but du comité est aussi de regrouper les gens de notre MRC à travailler ensemble dans tout le secteur développement, tout en étant partie de ces organismes régionaux là qui dépassent de beaucoup notre région immédiate. (17 h 15)

M. Boulerice: Que vous ayez identifié la culture comme un secteur de développement à être "priorisé", pas après les autres, mais en même temps que les autres, je ne peux pas vous le reprocher, tout au contraire. Moi, je vais dans votre belle région parce qu'il y a des belles montagnes, des lacs et des rivières canadiennes-françaises et catholiques. Mais j'y vais également parce que je sais que je vais trouver - là, je m'adresse en particulier peut-être au maire de Magog - effectivement des produits culturels, des manifestations culturelles qui m'intéressent. Ça fait partie de ma motivation. Le lac est beau, il y va de soi, mais le soir j'aime bien entendre... Il y a une petite boîte de jazz, d'ailleurs, qui est extraordinaire; le théâtre, vous en avez fait mention, il va de soi.

Lorsque vient le temps de parler des régions, c'est inévitable, on a parlé beaucoup du délestage que le ministre des Affaires municipales a fait dans les cours, le gravier est tombé dans votre cour. Malheureusement, la poussière avec le vent vient toujours vers la ministre à cause des actions de son collègue. Mais les gens posent toujours la question en disant: Oui, on est prêts à s'impliquer, mais on ne va pas s'impliquer si on n'a quand même pas les sous pour le faire. Lorsque vient le temps de parler des sous, la majorité des intervenants, qu'on a rencontrés et qui vivent la même réalité que vous disent: Donnez-nous une enveloppe, nous, en région, et nous sommes capables, en partenariat avec tous les intervenants, de gérer cette enveloppe. Nous

avons suffisamment l'expertise de notre milieu pour le faire nous-mêmes en toute autonomie, tout en respectant les grandes lignes d'une politique nationale que vous votere2. C'est votre attitude également? Quoi que vous ayez mis à "région" effectivement une petite nuance et je vous comprends, M. le maire.

M. Gilbert: Regardez, moi, je vous ai embarqués dans un nouvel élément lorsque j'ai mis culture dans développement économique. Il est entendu que la culture fait partie de la qualité de vie. Il y a un point, c'est qu'en région on a des équipements déjà existants. Mais notre région est une région assez âgée. Lorsque ce comité régional a été formé, il a été formé parce qu'on a réalisé et on constatait un manque d'équipements qui auraient dû être en place. Exemple, ce n'est pas un fleuron qu'on a à s'envoyer, mais on sait que la bibliothèque de Magog n'a été municipalisée qu'en 1990. Alors, il est entendu qu'on était beaucoup en retard sur d'autres régions. Et il y a d'autres projets à vocation culturelle, pour la diffusion de la culture. Le but du comité a été de diffuser la culture au niveau de la région et des 23 municipalités. Il est entendu que, pour coordonner ce développement au niveau de notre propre région, au niveau des échanges intermunicipaux, il y a un besoin d'équipements qui devront être améliorés ou peut-être rajoutés. Il est entendu que, si le ministère nous arrive avec une proposition d'une enveloppe globale, je crois qu'on sera en mesure de la gérer.

Mais un petit élément peut-être très simple. Le comité de la MRC existe depuis deux ans déjà. Je dois vous dire que nous évaluons ça actuellement et nous réalisons que les municipalités, pour leur fonctionnement de l'élément culturel, nous avons procédé selon nos propres moyens et avec nos propres deniers. Il est entendu que le développement va amener peut-être un éclatement parce qu'on est une région où on n'a pas de personnel qui est affecté à la chose culturelle officiellement, mais on devra, avec révolution qui se produit aujourd'hui, aller vers l'engagement d'animateurs culturels, de gens spécialisés dans le domaine et, à ce moment-là, on compte peut-être sur une collaboration et une participation des gouvernements supérieurs.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Mercier, il reste à peine deux minutes au maximum.

M. Godin: Oui, comme d'habitude! Je ramasse les miettes, mais je m'en satisfait, M. le Président. C'est pour ça...

Le Président (M. Doyon): Je n'y suis pour rien, M. le député.

M. Godin: Non, non je sais que...

M. Boulerice: Job est allé au paradis.

M. Godin: ...que ce n'est pas de votre faute, M. le Président. Vous devez passer les gens à mesure qu'ils lèvent la main. Moi, qui habite North Hatley la moitié de l'année, la belle saison en fait, ce qui me frappe en regardant notre belle région qui inclut Magog et tout le reste, les 23 municipalités, c'est qu'il y a des manifestations de toutes sortes, de tous ordres dans la région. Entre autres, il y a de l'abbaye Saint-Benoît-du-Lac qui attire beaucoup de personnes. Il y a le Vieux Moulin. J'aimerais poser une question sur le Vieux Moulin. Est-ce que la municipalité aide au fonctionnement du Vieux Moulin budgétairement ou autrement?

M. Gilbert: Je pense que le Vieux Moulin n'est peut-être pas... C'est le Vieux Clocher.

M. Godin: Le Vieux Clocher, oui.

M. Gilbert: Le Vieux Clocher de Magog. L'année 1990, je dois vous dire que c'est la première année où il y a une participation de la municipalité, un budget d'encouragement au Vieux Clocher. Mais ce n'était qu'un début. Ça continuera.

M. Godin: II y a aussi la traversée du lac Memphrémagog, qui attire beaucoup, beaucoup de gens...

M. Gilbert: Oui.

M. Godin: ...et qui a sûrement des retombées économiques multiples et diverses pour au moins la fin de semaine ou le week-end où ça a lieu. Vous avez aussi le Festival du bison. Je ne sais pas si ça existe encore.

M. Gilbert: Ça n'existe plus.

M. Godin: Le bison est mort de vieillesse.

M. Gilbert: Ce qui est intéressant, lorsque vous mentionnez la traversée du lac Memphrémagog, qui est devenue un événement touristique important au Québec, c'était une activité qui était strictement sportive et de compétition. Et, depuis les quatre dernières années, la traversée du lac Memphrémagog a ajouté justement à ses activités un volet culturel. L'an dernier, le comité culturel de la ville de Magog a participé beaucoup à l'organisation d'animation culturelle, en commençant par les enfants plus jeunes, par des activités d'éducation, de participation du public. Encore là, il y a une contribution municipale et aussi il y a beaucoup de contributions gouvernementales.

Le Président (M. Doyon): Malheureusement, le temps est écoulé. Un mot de remerciement.

M. Godin: M. le Président, si vous me permettez, suite à la semaine du domaine de ski Montjoye, il y a eu un afflux de touristes qui voulaient voir ce lieu-là. Ce qui me fait dire qu'au fond le public était un peu naïf. Aussi bien, l'année passée, 7000 personnes sont arrêtées à Trois-Pistoles pour voir la cabane de Junior, un personnage de "L'Héritage", aussi, ils ont été voir le manoir du centre de ski Montjoye pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la télévision, autrement que le bulletin de nouvelles.

Évidemment, on ne peut pas prévoir chaque année qu'il y aura un lieu qui sera ainsi béni des dieux, mais ça me frappe qu'il y a une multitude d'activités culturelles, de près ou de loin dans la région, qui attestent - comment dire ça? - de son côté fontaine de jouvence. Parmi les écrivains qui sont dans votre coin, qui y vivent, au-delà d'Alfred Desrochers, il y a aussi encore maintenant Hugh MacLennan, à moins que je me trompe. À l'époque, il avait une très belle résidence à North Hatley.

Il y avait aussi le théâtre le Piggery qui marche toujours très bien. Chaque fois que j'y passe, moi, à l'heure du théâtre, c'est plein de voitures dans le stationnement. Mais ce qui me désole un peu, en tant que pêcheur sportif, c'est que le lac Massawippi, lui, a été abandonné, a été laissé en friche comme lieu de pêche depuis quelques années, suite à la fermeture d'une entreprise de pourvoirie, qui était celle de M. Reed, qui louait des chaloupes et des moteurs. Je souhaitais que quelqu'un reparte l'entreprise parce qu'il y avait à l'époque, chaque soir, à la tombée du soleil, des pêcheurs qui allaient là et qui achetaient chez Reid, qui est d'ailleurs l'oncle de Reed Scowen, un de nos anciens collègues...

Le Président (M. Doyon): M. le député, vous allez être obligé d'abréger un peu. Pouvez-vous conclure, s'il vous plaît?

M. Godin: J'abrège. Non seulement j'abrège, mais je termine, M. le Président. On se reverra à North Hatley.

Le Président (M. Doyon): Merci. Malheureusement, le temps manque. Je sais que tous ces propos sont fort intéressants. Tout simplement, merci, M. le député, compte tenu qu'il ne reste plus de temps.

M. Boulerice: Oui, merci, et je vous avoue que j'aurais aimé poser une question au maire qui, de surcroît, est architecte. Puisque l'Ordre des architectes a proposé une politique nationale d'architecture, j'aurais aimé voir comment l'architecte réagit compte tenu du fait qu'il est un élu. Mais on peut peut-être se donner rendez-vous quand la belle saison va revenir sur les bords du lac ou en haut de la montagne. Alors, je vous remercie beaucoup d'être...

M. Riverin: J'en serais fort heureux, M. le député.

M. Boulerice: Fort heureux. Merveilleux! Alors, nous prenons rendez-vous, M. le maire.

M. Riverin: Merci.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, quelques mots aussi.

Mme Frulla-Hébert: Oui, moi aussi, je vous remercie. D'ailleurs, on vous a beaucoup aidés à vous regrouper. Je pense que c'est un exemple aussi à étendre dans plusieurs autres municipalités et, M. le Président, je vais laisser la parole...

Le Président (M. Doyon): Alors, M. le député.

M. Benoit: Messieurs de la MRC, merci d'être venus ici. C'est un exemple à suivre au Québec, votre MRC, au niveau de la culture, et je pense qu'on a fait avancer un peu la chose culturelle au Québec par vos interventions ici, cet après-midi. Merci infiniment.

Le Président (M. Doyon): Au nom des membres de la commission, laissez-moi vous remercier et vous permettre de vous retirer pour que vous puissiez céder la place aux gens qui vous suivent. Il y a d'autres groupes qui sont prêts à nous entretenir.

M. Godin: Les archéologues.

Le Président (M. Doyon): Les archéologues. L'Association des archéologues. J'invite l'Association des archéologues à bien vouloir prendre place en avant. Suspension.

(Suspension de la séance à 17 h 27)

(Reprise à 17 h 28)

Le Président (M. Doyon): Je les prie de bien vouloir prendre place en avant. Je leur souhaite la bienvenue au nom de la commission et je les invite à se présenter pour les fins de la transcription de nos discussions et, ensuite, à procéder à leurs propos tout simplement pour 10, 15 minutes. Ensuite, les membres de la commission vont s'entretenir avec eux. Vous avez la parole.

Association des archéologues du Québec

Mme Duguay (Françoise): Bonjour, Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de cette commission. J'aimerais vous présenter mon collègue, Jean-Yves Pintal, archéologue lui aussi, qui est le représentant de l'Association des

archéologues auprès du Forum du patrimoine. Moi, je suis la présidente de l'Association, Françoise Duguay.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue.

Mme Duguay: Je voudrais d'abord vous remercier de cette invitation au nom de tous les membres de l'AAQ. Notre Association est un organisme à but non lucratif, qui regroupe une grande part des archéologues professionnels québécois. Ses objectifs sont de veiller à la bonne gestion des ressources archéologiques, de définir et de promouvoir une éthique professionnelle et des standards de la pratique archéologique, d'étudier, d'établir, de définir, de défendre et de développer les intérêts professionnels et sociaux de ses membres, d'entretenir des liens privilégiés avec la communauté archéologique hors Québec et d'être un interlocuteur dans l'élaboration des politiques archéologiques au Québec.

Les réalisations de l'AAQ vont toutes en ce sens, que ce soit dans le cadre du colloque annuel, des cycles de conférences, des publications ou d'une implication dans les dossiers qui concernent la gestion des ressources archéologiques et les droits collectifs de ses membres.

Il est nécessaire de souligner que notre présentation portera essentiellement sur la situation de l'archéologie au Québec et plus particulièrement au ministère des Affaires culturelles puisque la dimension culturelle de l'archéologie est, à toutes fins, absente de la politique proposée sur la culture et les arts. On ne relève, en effet, dans le texte du rapport que de courts passages qui se rapportent de loin à l'archéologie. "Le patrimoine - et je cite - c'est également la culture au sens ethnologique du terme avec les différentes manifestations de la pensée et de l'agir des humains, les croyances, les légendes, les coutumes, les vêtements, les mobiliers, les outils, et quoi encore, considérés et retenus dans le patrimoine comme des témoins de la vie quotidienne des différentes collectivités qui ont habité notre terre à travers les siècles."

On retrouve dans ce même document que "le patrimoine culturel, c'est aussi l'histoire au présent, que l'on voit devant soi, quand on visite un site archéologique." On y pose même les questions suivantes: "Pourquoi la mémoire des choses et des lieux? Pourquoi des personnes consacrent-elles leur vie professionnelle à l'archéologie?" Même si les deux premières citations ne le laissent pas présager de prime abord, ces questions restent sans réponse définie puisque le flot du propos se maintient presque exclusivement au niveau des productions culturelles de type artistique.

Certaines des recommandations qui concernent le patrimoine culturel pourraient avoir un impact positif en archéologie, mais l'évacuation de la dimension archéologique est telle au sein de la politique proposée qu'il nous est permis de douter de leur applicabilité. L'archéologie est liée aux sciences sociales par le fait qu'elle étudie les comportements humains à travers les vestiges concrets qui demeurent de l'utilisation d'un lieu. L'archéologie étudie les cultures dans le sens anthropologique du terme à travers les vestiges concrets laissés sur place.

Étude de ces phénomènes qui, à titre de phénomènes culturels, proviennent d'une transformation de leur état naturel en état aménagé, que ce soit au niveau des structures, des objets ou des écofacts, l'archéologie permet de révéler des exemples concrets de notre passé culturel qui, autrement, demeureraient dissimulés à nos yeux.

Au Québec, ce type d'études prend de l'ampleur dès les années soixante, soit à partir du moment où l'archéologie est vraiment encadrée sur une base académique et par la création d'un service d'archéologie au ministère des Affaires culturelles. La foi des biens culturels, adoptée en 1972, permet de légaliser l'existence même de l'archéologie en assurant le contrôle et la gestion des ressources archéologiques. Ces dernières se devaient d'être protégées étant donné leur caractère non renouvelable et le fait qu'elles requièrent des méthodes de protection spécifiques. On se doutera aisément que la gestion de tels phénomènes est complexe et que des standards internationaux ont dû être définis par des organismes comme l'UNESCO et ICOMOS.

La nature particulière des méthodes d'acquisition des données exige d'ailleurs que les activités archéologiques se déroulent sous la direction d'archéologues professionnels dans le but d'assurer leur enregistrement adéquat. Le statut professionnel des archéologues est maintenant reconnu à cet égard. Il demeure toutefois qu'il reste encore un long chemin à parcourir en ce qui concerne l'acceptation des archéologues à titre de professionnels de la culture. Il est donc nécessaire de confirmer le statut des archéologues professionnels à titre d'intervenants dans le domaine culturel et de prévoir leur présence à toutes les étapes des projets archéologiques, tant sur le terrain qu'en laboratoire, mais aussi dans le cadre de projets multidisciplinaires tels que la mise en valeur des sites ou des objets archéologiques. Leur apport dans l'élaboration des politiques culturelles offre aussi l'avantage d'obtenir une vision élargie du patrimoine et de la culture.

L'encadrement du travail des archéologues doit se faire par une définition des mandats de chacun des intervenants, que ce soit au niveau provincial ou régional. Le principe directeur du mandat du ministère des Affaires culturelles en est déjà un de protection, de conservation et de mise en valeur des ressources archéologiques. Il s'agit donc d'un mandat global qui ne tient pas compte des situations particulières.

Certains centres urbains tels que Montréal

et Québec ont su se doter de services d'archéologie municipaux qui sont déjà à l'oeuvre dans le but d'élaborer des politiques spécifiques à l'archéologie. Malheureusement, pour sa part, le ministère des Affaires culturelles ne poursuit toujours pas sur sa lancée de 1987 qui avait vu naître une première phase d'élaboration d'une politique patrimoniale nationale qui comportait un volet archéologique. Cette situation pourrait perdurer car l'actuelle politique proposée de la culture et des arts fait fi de ces premiers travaux en intégrant mal l'archéologie et le patrimoine en général au milieu culturel.

Une vision restreinte de la culture confinée au seul domaine artistique est aujourd'hui dépassée car les notions de patrimoine et de culture se sont beaucoup élargies et diversifiées au fil des ans. De nombreux intervenants se sont adaptés à cette situation, si l'on considère que des services d'archéologie sont maintenant présents dans plusieurs organismes gouvernementaux fédéraux comme le ministère de l'Environnement, celui des Communications, ainsi qu'à la Société du Vieux-Port de Montréal. On retrouve également des archéologues au sein de quelques organismes paragouvernementaux comme HydroQuébec, ainsi que d'autres types d'institutions tels les musées et les universités. Certains organismes autochtones se sont aussi dotés d'archéologues. Avataq, chez les Inuit, l'Administration régionale crie et le Conseil Atti-kamek-Montagnais en sont des exemples.

Le MAC s'est pourtant doté au fil des ans d'un personnel et d'outils de gestion archéologique efficaces qui facilitent tant la tâche des gestionnaires que celle des autres archéologues. Les éléments de cette infrastructure comportent, entre autres, la centralisation des données scientifiques, l'inventaire des sites, le laboratoire d'archéologie, la réserve des collections, le centre de conservation, ainsi que le système des permis. Ces services encadrent les interventions archéologiques au Québec et permettent d'accroître la qualité de nos activités. Ces acquis doivent continuer à être reconnus et conservés pour maintenir les standards actuels.

Plus encore, il nous apparaît primordial que le rôle du ministère des Affaires culturelles se diversifie, et la politique de la culture et des arts devrait en être le reflet. Cette dernière devrait chercher à sensibiliser et à responsabiliser d'autres ministères québécois. En effet, seul le ministère des Transports dispose d'archéologues, mais le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et ceux de l'Environnement et de l'Énergie et des Ressources, pour ne citer que ceux-là, ont un impact parfois important sur les ressources archéologiques dans le cadre de leurs projets d'aménagement.

Les propositions contenues dans la politique proposée devraient aussi viser à favoriser l'accès du public aux ressources archéologiques et la diffusion de l'information. Pour ce faire, il serait nécessaire de tisser des liens étroits avec les ministères de l'Éducation et des Communications, ce qui permettrait le rayonnement de l'information, entre autres, auprès de la clientèle scolaire.

Les sites archéologiques sont aussi de puissants moteurs du développement régional car ils sont aptes à servir de points d'ancrage à l'élaboration d'une politique touristique locale. Les fouilles archéologiques, tant dans un cadre de recherche académique que dans celui dès firmes privées, ont toujours eu l'heur d'intéresser la population en général. Ce n'est donc pas seulement les sites et leurs composantes qui doivent être mis en valeur, mais aussi le travail même des archéologues.

Le processus d'accessibilité à l'archéologie se doit donc de développer une approche qui tient compte de ces facteurs en favorisant la participation du public aux projets archéologiques qui s'y prêtent. Cette optique prend d'autant plus de sens lorsque l'on considère non seulement l'archéologie des peuples euroquébécois ou ceux d'autres provenances, mais aussi celle des nations autochtones.

La diffusion de certains types d'archéologie est déjà amorcée dans le cadre de quelques expositions et de projets de mise en valeur. Mais une exposition permanente sur l'histoire des autochtones n'existe toujours pas, au même titre que leur histoire est évacuée des manuels scolaires. Les données archéologiques recouvrées au fil des ans pourraient maintenant être utilisées de façon à compléter la documentation disponible. Cette forme de diffusion pourrait se faire à partir d'une institution muséologique indépendante ou s'incorporer à une institution déjà existante.

Les commentaires soumis à votre attention soulignent le manque d'intégration de la dimension archéologique au sein du milieu culturel québécois. Cette absence semble découler d'une vision restreinte de la culture parce que réduite au seul sens que lui confère son association aux productions artistiques. L'élargissement de la notion de culture aurait pour conséquence de mieux intégrer l'archéologie et le patrimoine en général au domaine culturel. Nous espérons que la vision particulière des archéologues en matière de culture sera prise en considération lors de la version finale de la politique de la culture, et des arts et c'est avec plaisir que l'AAQ s'impliquerait par la suite dans l'élaboration d'une future politique du patrimoine et de son volet archéologique qui, nous le souhaitons, prendra forme d'ici peu. Je vous remercie de l'intérêt que vous démontrez aux questions patrimoniales et plus spécifiquement à celles qui touchent l'archéologie québécoise.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme Duguay. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le Président.

Mme Duguay, M. Pintal, au niveau de la politique du patrimoine, elle est là, elle est prête. Il fallait passer au travers justement cet exercice, ne serait-ce que ça, pour justement voir qu'est-ce qui manque et donc votre suggestion de nous aider à améliorer le volet archéologie est acceptée d'emblée. Je veux vous dire aussi... Vous avez vu l'historique du ministère et, de part et d'autre, je pense, on est convaincus que l'archéologie, c'est une partie intégrante de notre culture, évidemment, et aussi de notre histoire, au même titre que les musées, au même titre que les biens culturels et le patrimoine.

J'aimerais quand même vous demander quelques questions. Vous déplorez qu'au niveau régional les interventions soient très inégales d'une région à l'autre. Vous dites aussi que certaines régions sont laissées pour compte dans le domaine de l'archéologie et que le ministère devrait démontrer plus de dynamisme pour une intervention qui serait convenable en région. D'après vous, quelle serait justement cette intervention convenable du MAC en région?

M. Pintal (Jean-Yves): Si on parle région par région, ça serait un petit peu compliqué. Parlons de...

Mme Frulla-Hébert: Mais dans l'ensemble? Parce qu'il y a des régions qui sont très actives, on le sait, on s'implique, bon, et il y a d'autres régions où c'est difficile, les municipalités y croient moins. On a vu d'ailleurs qu'à Pointe du Buisson ils y croient.

M. Pintal: Oui. Ça nous prendrait un projet d'envergure nationale à ce moment-là, parce que l'archéologie, on a beau dire qu'en région, effectivement, ça amène un développement régional, mais si on a un projet national, par exemple, de quand date le peuplement initial du Québec par les autochtones, à ce moment-là, on pourrait traverser les Cantons de l'Est, rejoindre l'Outaouais et peut-être rejoindre aussi la Mauricie. Donc, avec un projet d'envergure nationale, on pourrait stimuler certaines régions et, par le fait même, stimuler la recherche archéologique et, en même temps un peu favoriser l'intérêt de l'archéologie dans la population.

Mme Frulla-Hébert: Une sous-question à ça: Si on en arrivait à développer un projet justement d'envergure nationale - je trouve que l'idée est très bonne - est-ce que vous parlez du ministère versus les autres ministères et de la synergie entre les deux? Parce que je vois très bien, évidemment, l'Éducation, l'Enseignement supérieur, etc. Qu'est-ce que...

M. Pintal: II y a un mariage essentiel entre les ministères pour ça. Du point de vue de l'archéologie, nous sommes une science ou une discipline qui se veut scientifique, mais c'est évident qu'il y a un mariage essentiel entre les ministères, particulièrement au point de vue de l'archéologie, l'éducation supérieure, oui, l'Environnement, c'est essentiel, les Transports chaque fois qu'il y a une route, Hydro-Québec investit beaucoup. Donc, le ministère des Affaires culturelles a créé une ossature pour le travail archéologique, qui est très bonne, qui mérite d'être bonifiée légèrement et que nous voulons garder centralisée absolument, mais, si on greffe un projet d'envergure nationale à cela, c'est évident qu'il va falloir s'associer des partenaires qui sont les universités, certaines municipalités, certaines MRC, les cégeps particulièrement, de façon à aller chercher les gens. Nous, ce qu'on veut, c'est faire un projet d'envergure nationale ou des projets régionaux, mais aller chercher soit des autochtones, soit des gens qui vivent dans les régions pour les impliquer dans ces régions-là de façon à ce que nos recherches aient des répercussions locales.

Mme Frulla-Hébert: Je trouve votre idée excellente. À ce moment-là, il faudrait justement l'implication, comme vous dites, et du privé et des municipalités, donc c'est vraiment un partenariat collectif...

M. Pintal: C'est un partenariat complet, oui.

Mme Frulla-Hébert:... oui, ainsi que des citoyens.

Mme Duguay: Au niveau des MRC et à tous les niveaux...

Mme Frulla-Hébert: Oui, c'est ça.

Mme Duguay:... même au niveau des municipalités. Parce que ce qu'on remarque, c'est que l'archéologie est surtout concentrée dans les grands centres urbains et, à part de ça, ça suit le développement, si on veut, ça suit au niveau des études d'impact dans la plupart des cas. Dans le développement dans le nord avec HydroQuébec, il y a de l'archéologie qui se fait à ce moment-là. Même au niveau des municipalités aussi, c'est encore dans un cadre d'étude d'impact à mesure que le développement progresse. Et c'est ça qu'il faudrait peut-être un peu modifier pour mieux encadrer l'ensemble des activités archéologiques pour que ça ait un but; sinon, on va ramasser des données pendant des années et ça n'arrivera à rien.

M. Pintal: De là viennent nos recommandations au niveau des rapports avec le ministère de l'Éducation pour que ces données soient présentes dans les manuels d'histoire. Aussi, je pense que certains des intervenants de la commission de la culture qui ont fait référence à une culture scientifique et l'archéologie s'Intègre tout à fait

dans ce domaine-là, c'est-à-dire que les gens s'intéressent à la culture, mais, par le fait même, ils vont s'intéresser à la géologie, à l'éthologie animale. Donc, on va étendre la conception de la culture à l'ensemble du territoire québécois par notre compréhension complète de l'environnement.

Mme Frulla-Hébert: M. le Président, je...

Le Président (M. Doyon): Oui, Mme la députée de Châteauguay.

Mme Cardinal: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir à l'implication des villes étant donné qu'on a beaucoup parlé de l'implication des villes davantage au niveau des arts, au niveau de la culture. Vous mentionnez évidemment l'implication des villes de Montréal et de Québec, mais parallèlement, si nous parlons des municipalités, elles n'ont quand même pas les mêmes moyens. Alors, comment pouvez-vous inciter les municipalités en région, par exemple, à s'impliquer davantage?

Mme Duguay: C'est pour ça qu'on parlait de partenariat, parce que c'est l'évidence même que les municipalités, surtout les petites municipalités, vont avoir moins de moyens financiers; donc, il faut absolument qu'il y ait des partenaires. Donc, il faudrait que ça se fasse au niveau d'un regroupement de municipalités ou d'un partenariat avec un ministère, comme le ministère des Affaires culturelles ou d'autres ministères qui interviennent dans certaines régions.

Mme Cardinal: Effectivement, si vous parlez de partenariat, c'est très intéressant, mais encore faudrait-il que les municipalités croient à l'importance du patrimoine archéologique. (17 h 45)

M. Pintal: C'est qu'on leur propose un nouvel axe de développement. On parle beaucoup de culture. Moi - je vais prendre un exemple personnel - je travaille en Basse-Côte-Nord. On est dans une région qui a une ressource naturelle qui est exploitable. Ils n'ont pas d'autres axes de développement possibles. On leur propose l'archéologie comme étant un axe de développement touristique et en même temps éducatif. Donc, l'idée, c'est de les inciter à voir l'archéologie non pas comme étant une recherche, une acquisition de données, mais comme étant un axe de développement possible dans leurs produits touristiques, culturels et éducatifs.

Mme Cardinal: Alors, je vais vous inviter dans ma région. Moi, j'ai, évidemment, Kah-nawake qui est un centre très intéressant près de Châteauguay et j'aimerais bien qu'on puisse, par une collaboration ville et réserve, développer ce secteur. Ce serait peut-être une façon de reprendre le bon voisinage, enfin, suite aux événements sur lesquels on ne reviendra pas, de toute façon, de l'été 1990.

M. Pintal: C'est pour ça qu'on propose le musée des autochtones, parce que c'est inacceptable qu'au Québec on ne retrouve aucun endroit où l'histoire des autochtones est exposée au grand public. Il y a un travail énorme à faire à ce niveau-là. Il faudrait aller chercher chacune des premières nations et essayer de travailler avec elles afin de proposer un produit touristique, culturel et éducatif au Québec à ce niveau-là.

Mme Cardinal: Alors, j'aimerais bien avoir vos impressions à savoir comment arriver à cette confiance et à cette collaboration que nous pourrions...

M. Pintal: II y a des archéologues qui travaillent avec les premières nations, ici.

Mme Duguay: Justement, il y a notre collègue, ici, qui va sûrement intervenir un peu plus tard, qui travaille avec les Cris. C'est un déroulement courant au Québec que les archéologues travaillent conjointement avec... Pas juste conjointement, les groupes autochtones engagent carrément des archéologues pour faire des interventions archéologiques. C'est une des provinces où ça se produit le plus souvent. Donc, il faudrait continuer en ce sens-là et l'exemple de Kahnawake, ce n'en est pas un mauvais. Effectivement, il y aurait sûrement des ententes qui pourraient se faire parce que, généralement, les conseils de bande sont intéressés à avoir de la formation auprès des jeunes surtout qui vont trouver là une espèce de travail d'été, si vous voulez, qui est intéressant pour eux, mais ça va beaucoup plus loin que ça aussi, parce qu'il y en a qui continuent. Il y a des autochtones qui vont faire des études académiques plus tard, qui vont se retrouver à l'université pour aboutir à avoir des archéologues qui proviennent des nations autochtones, ce qui est encore plus intéressant.

Mme Cardinal: Et c'est intéressant dans la recherche de leur identité et dans une meilleure compréhension de leur...

Mme Duguay: Bien, c'est-à-dire qu'à ce moment-là ils sont impliqués directement dans leur passé culturel. Ce n'est pas juste des gens qui arrivent de l'extérieur, comme nous qui sommes des non-autochtones, qui viennent dans leur culture. Ils sont complètement intégrés à tout ce processus-là.

Mme Cardinal: Bien, ce serait très souhaitable et j'apprécierais beaucoup avoir ce privilège de collaborer dans ce domaine. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la députée. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, merci, M. le Président. Mme Duguay, M. Pintal, juste une petite curiosité avant de commencer. Est-ce que vous connaissez Denis Faubert? Oui?

M. Pintal: Oui. Mme Duguay: Oui.

M. Boulerice: D'accord. C'est parce que c'est mon voisin.

Mme Duguay: Ah bon!

M. Boulerice: Ça m'entretient. Le Plateau-Mont-Royal, vous savez, étant le pivot cosmique et le centre de l'univers culturel montréalais, on discute souvent. Je sais qu'il a fait des choses sur la terrasse Dufferin il y a quelque temps, je pense, il y a deux ans ou quelque chose comme ça. Voilà!

Moi, je voudrais aborder une piste différente de celle de mes collègues, non pas parce qu'elles n'ont pas d'intérêt, mais faute de temps, inévitablement, implicitement, il y a toujours un certain partage du questionnement. Bien oui, l'archéologie, forcément, c'est une science, une science qui m'a longuement tenté. Je ne sais pas si vous étiez témoins quand j'ai fait cette confession tantôt que ça avait été mon rêve de jeunesse, mais que ça ne s'est pas matérialisé. Au niveau de la formation en archéologie au Québec, votre évaluation?

Mme Duguay: II y a deux types de formation académique en archéologie. Il y en a. une qui se fait dans le cadre des départements d'anthropologie et une autre qui se fait surtout au niveau de l'histoire, mais les deux demeurent dans les sciences sociales. Donc, quand même, on demeure au niveau des études de l'espèce humaine, des êtres humains. L'évaluation de ça, c'est comme dans tous les domaines: on apprend les données théoriques à l'université et on les applique ensuite dans le cadre d'une vie professionnelle ou dans un cadre académique. Je ne crois pas qu'on puisse dire que le niveau académique de l'archéologie est mauvais au Québec, au contraire.

M. Boulerice: Mais est-ce qu'elle l'est suffisamment pour dire: Bon, ça va, je suis bien armé, si vous me permettez cette expression, ou si elle nécessite quand même - je vais employez le mot, entre guillemets - un parachèvement dans des universités étrangères?

Mme Duguay: Non, absolument pas, parce que, dans la plupart des cas, les personnes qui veulent s'en aller en archéologie vont étudier ici et s'impliquer dans une archéologie nord-américaine. Dans certains cas, on peut étudier une archéologie qu'on dit plus classique et, à ce moment-là, qui conduit vers des sites européens, et les étudiants qui veulent poursuivre dans cette veine-là vont généralement s'en aller en Europe. Mais, quand on demeure en archéologie nord-américaine, on ne va pas étudier en Europe. On peut aller aux États-Unis, on peut aller dans une province canadienne, mais on n'ira pas étudier en Europe parce que le niveau théorique et les éléments mêmes qui sont étudiés sont différents.

M. Boulerice: Dans tout ce vaste domaine reviennent très souvent les notions de R-D, c'est-à-dire recherche-développement. L'archéologie a besoin de recherche; l'archéologie doit utiliser des techniques qui existent. Quand je parie de techniques, il y a également des instruments... J'emploie encore là le mot "mécaniques", mais ce n'est peut-être pas le terme le plus approprié. Au Québec, on en est où?

Mme Duguay: Au niveau des techniques?

M. Boulerice: Au niveau des techniques. Est-ce que nos archéologues sont bien équipés?

Mme Duguay: Oui, nos archéologues sont très bien équipés. Il y a même des cas d'expertises où on est à l'avant-garde, si on compare... Pour l'archéologie historique du XVIIIe siècle, les Français vont venir chercher une expertise chez nous, parce que de l'archéologie du XVIIIe siècle, ils n'en ont jamais fait. Donc, c'est très dynamique, l'archéologie au Québec. C'est en croissance constante; c'est l'avantage d'avoir une science jeune. C'est qu'on poursuit une phase de dynamisme pendant très longtemps. As-tu quelque chose à ajouter?

M. Pintal: La seule chose c'est que, oui, on est très dynamiques, on s'intègre beaucoup personnellement. Par contre, financièrement on n'est pas très appuyés par... Disons que, si on fait un projet de recherche, on est bien payés pour la fouille; quand vient le temps des analyses, les subventions diminuent et, quand vient le temps des publications, il faut se battre énormément pour arriver à publier quelque chose. Donc, dès qu'on arrive à la diffusion, il y a un problème qui se crée. Pour les analyses, il faut fournir nos ordinateurs, il faut acheter nos propres programmes, il faut payer de notre poche pour analyser le matériel trouvé.

Mme Duguay: Le gros problème de diffusion qui se passe tout le temps, et c'est ce qui fait que les gens voient l'archéologie souvent comme étant une salade pour spécialistes, c'est que justement on ne peut pas sortir les publications qui permettraient à l'ensemble de la population

de comprendre que justement ce n'est pas un ramassis de techniques seulement, l'archéologie, mais c'est quelque chose qui se vit, quelque chose qui se voit et quelque chose qui s'explique.

M. Boulerice: Je m'excuse, j'avais une autre question. O.K. D'accord. Vous avez presque fait mention, vous m'avez presque dit que l'archéologue au Québec était un petit peu dans la même situation que bien des gens au niveau des arts: il était plus souvent qu'autrement pigiste.

Mme Duguay: Oui. Il y a quand même une certaine répartition des archéologues. Il y a des archéologues qui sont impliqués dans les universités, dans tout le niveau académique; il y en a d'autres qui sont au niveau des gestionnaires dans certains organismes; il y en a d'autres qui sont dans les musées et d'autres organismes de ce type-là, mais le gros de la population dans le domaine archéologique va se situer au niveau des experts, des consultants.

M. Boulerice: D'accord. C'est revenu souvent, les populations autochtones. C'est une lapalissade de vous dire qu'ils sont arrivés ici avant nous. Vous avez parlé de projets avec les autochtones. Vous en avez quand même vécu plusieurs. Est-ce que ce sont plutôt eux qui vous approchent ou si c'est plutôt vous qui allez vers eux?

Mme Duguay: C'est très variable. Ça va dépendre de l'implication des gens dans la communauté. Hem! Excusez-moi, j'ai un chat.

M. Boulerice: Je vous en prie.

Mme Duguay: Ça va se produire de plusieurs façons. Il peut y avoir un organisme à but non lucratif qui va approcher un organisme autochtone qui va approcher des archéologues ou des archéologues, qui veulent faire quelque chose, qui vont aller approcher un groupe autochtone. Tout dépend du contexte. C'est très variable, ce n'est pas à sens unique.

M. Boulerice: Est-ce que ça arrive dans votre profession que l'entreprise privée fasse appel à vous? Parce que j'ai un bel exemple à vous donner. Mme Duguay, je me demande pourquoi on le cacherait, on vient du même coin de ville et vous savez que la Brasserie Molson est en train d'agrandir ses installations. Les installations seront souterraines. Mon Dieu! Je suis en train de me regarder et je pense que je commence à parler comme Scully à la télévision. C'est peut-être la fatigue. Donc, ils sont en train de faire des choses souterraines, mais il faut bien voir où est située la Brasserie Molson. Elle est géographiquement dans l'endroit... Je m'excuse.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Elle est géographiquement dans l'endroit où furent vraiment les premières installations de Montréal, donc une possibilité énorme. Et, lorsque je suis allé voir la belle petite maison historique, complètement perdue à côté de chez Molson, et que je voyais ces excavations, ça a été la première pensée que j'ai eue. Je ne voyais pas de gens qui travaillaient, je ne voyais pas de cordon; donc, je ne vous voyais pas, en définitive. Je ne dis pas vous personnellement, mais dans le sens que je ne voyais pas d'archéologues. Je l'écoute trop souvent peut-être.

Mme Duguay: Premièrement, idéalement, à chaque fois qu'il y a un impact, n'importe où, qui risque d'endommager des ressources archéologiques qui sont, répétons-le, non renouvelables...

M. Boulerice: Oui.

Mme Duguay: ...il faudrait intervenir sur une base archéologique. Il y a une question de budget. Je ne vois pas quel archéologue... Mais oui, j'en ai déjà vu qui vont le faire, qui vont se pointer quelque part, qui vont voir qu'il se produit une destruction archéologique et qui vont le signifier aux fonctionnaires adéquats, soit au niveau municipal ou québécois, au ministère des Affaires culturelles. Mais il y a des niveaux budgétaires. Donc, s'il y a des organismes ou des ministères gouvernementaux qui vont faire des interventions, naturellement, ils vont faire des études d'impact et, dans le cadre des études d'impact, on va étudier le potentiel archéologique et éventuellement faire des activités sur le territoire. Dans le cas des promoteurs privés, c'est très difficile de les obliger. J'ai vu quelques cas où des promoteurs privés, à force de persuasion, se sont impliqués pour donner quelques milliers de dollars pour une intervention archéologique, mais ce n'est pas vraiment un cas qui se répète - je vais reprendre vos mouvements - et qui revient de façon perpétuelle dans le cadre du développement au Québec.

M. Boulerice: C'est peut-être une piste puisque Mme la ministre et moi avons quand même nos relations. On essaie de mettre un peu d'humour parce que vous comprendrez que ce sont des semaines lourdes, à la fois autant pour vous que nous. Vous préparez des mémoires, des choses, nous, on les entend. Bon. Disons, en bon québécois, qu'on a des contacts à la Brasserie Molson par la force des choses. La ministre est une ancienne brasseuse...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Moi, c'est situé dans ma circonscription, enfin dans notre circonscription.

Je ne sais pas dans quelle mesure... Non, parce que vous convenez, là, on fait de l'humour, mais on garde toujours quand même le cap sur le sérieux de cela, un terrain qui est probablement très fertile. Je ne sais pas dans quelle mesure, fort, entre guillemets, de l'appui de la ministre, du contre-ministre, on pourrait peut-être aller frapper à la porte de chez Molson, parce que, moi, ça m'inquiète.

Mme Duguay: D'ailleurs, on le disait bien dans le texte du mémoire qu'il y a trop de projets de développement qui échappent encore aux études d'impact. À ce moment-là, ce serait probablement un point Important à noter dans une future politique du patrimoine, une politique qui contiendrait un volet archéologique, que des études d'impact, les "développeurs", excusez, c'est un terme anglais, les promoteurs devraient être sensibilisés à ça et ça devrait être probablement un des rôles du MAC de faire ça.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame. M. le député...

M. Boulerice: Oui.

Le Président (M. Doyon): ...quelques mots de remerciement, s'il vous plaît.

M. Boulerice: Mme Duguay, M. Pintal, vraiment, je vous remercie beaucoup d'être venus à cette commission. Le mot peut-être semble galvaudé, mais croyez mon propos très sincère, vous nous avez sensibilisés à une facette que, non pas par mauvaise volonté, mais par trop de sollicitations à côté, on a peut-être négligée. Mais, là, je pense qu'avec votre mémoire, vos observations, vous avez visé juste. Dans votre cas, comme dans le cas d'autres groupes qui sont intéressés à la grande notion de patrimoine, moi, je donne toujours, en guise de salutation de départ, un slogan que j'avais inventé et mon Dieu que j'en suis fier: Donnons un avenir à notre passé. Alors, je vous remercie beaucoup de votre présence.

Mme Duguay: Merci infiniment.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Oui, merci beaucoup, Mme Duguay et M. Pintal. Je me joins à mon collègue pour vous remercier, d'une part. Et, deuxièmement, surtout que mon collègue était un ex-aspirant archéologue, alors croyez-moi que l'archéologie ne sera pas oubliée dans la politique du patrimoine. De toute façon, comme je vous le dis, on prend votre invitation au sérieux pour nous aider à y voir et à l'élaborer.

Mme Duguay: Je crois aussi que monsieur votre collègue a réalisé que je pourrais le per- sécuter étant presque sa voisine. Mme Frulla-Hébert: Ah bon! M. Boulerice: Oui!

Mme Frulla-Hébert: Alors, c'est encore mieux!

M. Boulerice: Mais j'aime ça!

Le Président (M. Doyon): Pourvu que vous n'en fassiez pas une ruine!

M. Boulerice: Je prendrais de la valeur, peut-être avant mon temps.

Le Président (M. Doyon): II me reste à vous remercier et à vous permettre de vous retirer pour que nous puissions entendre les suivants.

Mme Duguay: Merci infiniment. Le Président (M. Doyon): Suspension. (Suspension de la séance à 18 h 2)

(Reprisée 18 h 3)

Le Président (M. Doyon): La commission reprend ses travaux. Je vais maintenant inviter les gens de la Société pour la promotion de la science et de la technologie à bien vouloir s'avancer et à prendre les fauteuils qui leur sont réservés en avant. Bienvenue. J'imagine que nous avons M. Bois devant nous.

M. Bois (Michel): Exact.

Le Président (M. Doyon): Oui, alors, bienvenue, M. Bois. Vous êtes ici depuis un certain temps. Vous connaissez les règles. Je vous laisse, dès maintenant, la parole.

Société pour la promotion de la science

et de la technologie et Conseil de développement du loisir scientifique

M. Bois: Je vous remercie, M. le Président, Mme la ministre et Mmes et MM. les députés. Je voudrais d'abord excuser quelques membres du conseil d'administration, qui ne sont pas avec moi et qui devaient l'être. Un changement du moment d'audition nous a occasionné des difficultés d'horaire. Et une personne a dû se décommander à la dernière minute pour des raisons de maladie. La grippe fait partie de notre culture ici. Alors, il faut vivre avec!

J'aimerais d'abord rapidement vous présenter la Société pour la promotion de la science et de la technologie, qui est un organisme sans but lucratif qui regroupe des personnes provenant

des milieux de l'enseignement supérieur et des entreprises, qui se sont regroupées dans le but d'intéresser davantage le public, en général, et les jeunes en particulier aux questions scientifiques.

Et l'organisme qui présente conjointement le mémoire, le Conseil de développement du loisir scientifique, oeuvre, quant à lui, auprès des jeunes surtout dans la pratique d'activités, que l'on pense, entre autres, aux expo-sciences, au club des petits débrouillards pour les plus jeunes, qui sont tous des programmes qui ont été implantés au cours des dernières années par cet organisme.

L'objectif que nous avons poursuivi en vous présentant notre mémoire, d'abord, on n'avait pas l'intention de se prononcer sur les différentes recommandations inscrites au rapport du groupe Arpin. Le groupe a fait un choix de problématiques initiales qui touchent à un certain nombre de domaines reliés à la culture et on entendait laisser aux organismes ainsi concernés le soin de réagir sur ces propositions. Notre objectif est, avant tout, de vous convaincre de l'importance d'intégrer la culture scientifique comme une des constituantes de toute politique culturelle gouvernementale qui se veut moderne et au diapason des réalités du monde d'aujourd'hui.

Pourquoi intégrer la culture scientifque dans une politique culturelle? L'extrait de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui a été reprise, d'ailleurs, dans le rapport Arpin, dit: Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent."

Ce que nous disons, en conséquence, c'est que la culture ne peut se réduire aux domaines traditionnels et qu'il manque une pièce maîtresse à l'édifice culturel québécois, tel qu'il est présenté dans le rapport, soit, évidemment, la culture scientifique.

Voilà pour l'élément que l'on pourrait peut-être qualifier d'un peu théorique, mais ce n'est sans doute pas à la légère que l'UNESCO avance ses positions en matière culturelle. Si on regarde du côté de la lorgnette un peu plus concret, je prendrais comme exemple la France, un pays où la culture occupe une large place. On y revient toujours, à ce pays, mais, au sein de la population, la culture est importante et ceci se reflète également du. côté des politiques gouvernementales. Dans tout cet ensemble, la culture scientifique là-bas est reconnue comme un fait de société. Celle-ci bénéficie, d'ailleurs, de politiques particulières qui se traduisent par des gestes concrets à tous les paliers de l'administration publique, du niveau local jusqu'aux grandes institutions nationales.

On compte sur le territoire français quelque 400 musées scientifiques. La Cité des sciences et de l'industrie de la Villette, à Paris, compte plus de 1200 personnes qui travaillent à diffuser au grand public tout ce qui touche la science et la technologie. On le voit tout de suite, la culture scientifique fait partie intégrante de la politique culturelle du gouvernement français.

Au Québec, malgré des initiatives originales et certains programmes de soutien élaborés par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, nous accusons tout de même un retard important dans ce domaine. Les équipements grand public sont plus que limités et se concentrent autour des sciences naturelles. Des institutions Importantes, comme le Jardin botanique de Montréal, le Planétarium, le musée Redpath de l'Université McGill, ont été créées il y a plusieurs années. Aucune de ces institutions n'a pu bénéficier du support du gouvernement du Québec pour ses opérations. Des projets plus récents sont en voie de réalisation comme le Biodôme et le Musée des sciences et des techniques de Montréal. Aucun n'a encore les garanties gouvernementales nécessaires pour opérer sur une base régulière. Parce que les musées scientifiques n'opèrent pas sur des bases identiques aux musées patrimoniaux, ils cadraient difficilement dans les politiques du ministère des Affaires culturelles. Ils ont ainsi été largement défavorisés dans l'attribution de subventions et plusieurs ne peuvent même pas être reconnus et subventionnés.

Le ministère des Affaires culturelles a annoncé son intention de se retirer complètement de ce secteur pour se concentrer sur le patrimoine. La décision est logique et sans doute bonne, mais le gouvernement du Québec a-t-il envisagé de confier ce mandat particulier à un autre ministère, comme l'Enseignement supérieur et la Science, avant de le retirer des Affaires culturelles? Il semble bien se dessiner ici un trou administratif qu'il faudrait combler rapidement. Pourquoi cette hésitation face à la culture scientifique? Pourtant, je n'exagère pas en disant que la science est devenue un objet de culture de masse. Tout le monde parle de l'effet de serre, de l'impact de la diminution de la couche d'ozone, des conséquences de la pollution. On connaît depuis 10 ans une pénétration croissante de la technologie dans nos vies quotidiennes. Même le milieu de la production culturelle n'y échappe pas. Pour le grand public, cependant, aucun mécanisme de base n'a été conçu pour favoriser l'appropriation de ces technologies. Les utilisateurs se la voient souvent imposer et, parce que souvent ils ne comprennent pas leurs principes de fonctionnement, ils donnent aux machines le bon Dieu sans confession. Ça marche, donc je n'ai pas à me poser de questions.

L'intérêt du public est là comme l'a démontré une recherche publiée l'an dernier et réalisée par deux professeurs de l'UQAM. Près de la moitié des répondants considèrent qu'il n'y a pas assez d'information scientifique dans les médias, contre seulement moins de 2 % qui considéraient qu'il y en avait trop. 90 % de ces répondants

appuyaient l'implantation d'un musée des sciences et des techniques à Montréal. Il y a beaucoup à faire avant que les gens puissent avoir accès à cette information de base nécessaire à une compréhension minimale des outils technologiques qui nous entourent et des enjeux véritables reliés aux grandes questions de développement.

Ce qui est en cause ici, c'est la capacité des individus à jouer véritablement leur rôle de citoyens responsables à l'intérieur d'une société dite démocratique. La population fait actuellement face à plusieurs problématiques cruciales en matière d'environnement notamment. En l'absence de culture scientifique, la population risque d'être à la merci de quelques individus ou organisations qui se diront spécialistes. Grande-Baleine ne doit pas être un débat entre les Cris et Hydro-Québec, mais bien un choix collectif en matière d'énergie. Établir nos choix de société est un exercice de démocratie, qui exige d'informer sur les enjeux et de faire valoir le pour et le contre. Nous sommes de plus en plus exposés à faire ce genre de choix et la culture scientifique nous aide à faire la démarche avec un meilleur éclairage. D'ailleurs, le niveau d'intérêt de la population pour les questions scientifiques augmente. En 1990, 87 % de la population estimaient que, si on leur donne de bonnes explications, ils pourront comprendre les sujets scientifiques. En 1985, ce pourcentage s'établissait à 82 %.

Pourquoi insister sur l'importance de développer la culture scientifique? Malgré certaines réticences qu'on peut relever dans le milieu culturel lorsqu'on aborde les questions sous l'angle économique, je voudrais tout de même faire ressortir quelques éléments fondamentaux qui militent en faveur d'une plus grande implication du gouvernement du Québec dans ce domaine, en plus des enjeux que j'ai soulevés précédemment.

L'avenir des Québécois et le maintien de notre niveau de vie ici sont concernés. Notre avenir économique et social est lié à notre capacité de concevoir de nouvelles formes de production et de développer de nouveaux produits à valeur ajoutée. La seule façon d'y arriver, tout en respectant l'environnement, c'est d'accélérer notre développement scientifique et technologique par l'Innovation et l'Implantation de nouvelles techniques. Il n'y a pas d'autre solution. Pour cela, il nous faut multiplier les efforts en recherche et développement.

Or, au lieu de gagner du terrain par rapport aux leaders mondiaux, nous en perdons. La Suède, les États-Unis, l'Allemagne, le Japon consacrent près de 3 % de leur produit intérieur brut en recherche-développement. Le Québec, c'est 1,16 %, soit la moitié, moins de la moitié même. Cette triste performance marque même un recul par rapport à 1985 alors que nous étions à 1,38 %. Per capita, le Québec consacre 224 $ à la recherche-développement. Les États-Unis, 556 $, et la Suède, 419 $.

Ce n'est pas en soi une question d'argent ou de subventions. C'est une question de ressources humaines formées et disponibles. C'est surtout une question de mentalité collective, de culture. Au Québec, la population n'a pas une sensibilité assez grande face aux questions scientifiques. Les médias n'en parlent pas suffisamment et nous devons, par le biais d'une politique de culture scientifique, essayer d'améliorer cette situation. La situation actuelle n'est pas très étonnante parce que longtemps confinées dans les laboratoires, exclues de nos préoccupations quotidiennes et trop absentes de nos médias, on en est sans doute venu individuellement à considérer que les sciences étaient l'affaire des autres et qu'il ne s'agissait surtout pas de culture.

Par la force des choses, les mentalités progressent actuellement et le public en demande davantage. Mais les organisations et les politiques gouvernementales tardent à prendre le virage nécessaire et je le répète: Ce n'est pas nécessairement une question d'argent. Pour beaucoup de nos décideurs, la science représente encore quelque chose d'inaccessible et que l'on craint d'aborder. Les conséquences d'une telle situation sont dramatiques pour nous tous. Notre balance commerciale se détériore et nous avons connu, en 1989, notre premier déficit à cette balance depuis 13 ans. (18 h 15)

Nous sommes le pays industrialisé qui exporte la plus forte proportion de produits provenant de nos richesses naturelles par rapport à des produits finis. Nous représentons un cas unique. Le Québec manque de compétences. C'est un problème d'ailleurs qui est canadien, mais le Québec ne remonte pas la moyenne canadienne. Au Canada, 40 000 scientifiques et chercheurs; au Japon, 665 000; 1 000 000 aux États-Unis. Si on ramène ça aux proportions de la population, on remarque quand même un décalage très important. Nous ne formons certainement pas assez de spécialistes pour gagner la bataille des cerveaux. Les inscriptions dans nos universités en sciences pures et en sciences appliquées stagnent ou déclinent: 36 900 Inscriptions en 1987, 40 000 en 1985. Quelques secteurs ont augmenté au cours des dernières années, mais c'est Insuffisant. Généralement, la tendance est à la diminution. Déjà, une forte proportion de nos entreprises n'arrivent pas à recruter le personnel dont elles ont besoin pour poursuivre leur développement, au moment où nous connaissons un taux de chômage important au Québec. Il est primordial d'intéresser nos jeunes à la science.

Dans un rapport récent, le Conseil de la science et de la technologie prônait avec raison le développement et l'enracinement de la culture scientifique chez nous. Il nous faut promouvoir davantage, et plus que jamais, la culture scientifique partout dans notre société, non pas

comme le seul élément nécessaire au développement social harmonieux, bien au contraire, mais comme un atout essentiel à l'équilibre social futur.

Il faut que la société, de façon générale, valorise davantage les sciences et s'y intéresse comme élément nécessaire à la culture moderne. Notre culture scientifique est faible, très faible. Nous n'arrivons pas à intéresser les jeunes aux carrières scientifiques, même s'ils ont la personnalité et les aptitudes requises. Cette responsabilité incombe en partie aux responsables de nos politiques culturelles. Nous avons beaucoup de chemin à faire pour y parvenir. Le gouvernement du Québec ne peut ignorer l'aspect scientifique dans l'élaboration de ses politiques culturelles. Il n'est pas pour autant obligé de confier au ministère des Affaires culturelles le mandat d'appliquer les politiques qu'il pourra adopter pour ce secteur en particulier, mais il appartient sans doute aux responsables des affaires culturelles de sensibiliser le gouvernement à cette problématique.

Fernand Seguin disait, quelque temps avant sa mort, que ia seule façon de susciter l'intérêt général envers la réalité scientifique, c'est de développer cher nous une véritable culture scientifique, mais, si les gens qui sont responsables de l'épanouissement de ia culture dans notre société ne s'en préoccupent pas, qui va s'en occuper?

Le Président (M. Doyon): M. Bois, je vous signale qu'il reste à peine quelques minutes aux membres pour vous poser quelques questions. Si vous voulez peut-être abréger un peu. Autrement, il ne restera pas de temps ou à peu près pas de temps pour vous poser au moins une question.

M. Bois: J'avais terminé, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Allez, M. Bois.

M. Bois: J'avais de l'information sur le Québec par rapport à la sitaution sur le plan fédéral, au gouvernement fédéral; si ça peut intéresser les membres, je pourrai y répondre.

Le Président (M. Doyon): Les membres ont déjà pris connaissance de votre mémoire, M. Bois. Mme la ministre, peut-être que vous pouvez...

Mme Frulla-Hébert: Oui, merci, M. Bois. On est tous d'accord, d'abord, sur deux choses. Le développement technologique, on a des gens qui sont venus nous en parier à plusieurs reprises, que ce soit dans le domaine de l'audiovisuel, que ce soit aussi dans le domaine de la création, comme vous le mentionnez dans votre mémoire. Par contre, dans le rapport Arpin, c'est vrai, il y a culture et arts, et il y a eu de grandes discussions, d'ailleurs, à savoir soit qu'on s'étend et tout peut être culture ou encore, au niveau du ministère des Affaires culturelles, on se restreint, c'est-à-dire on coordonne au niveau des autres ministères et on s'occupe beaucoup plus des arts, de la diffusion des arts, ce qui n'exclut pas, évidemment, tout l'apport technologique et scientifique. Au niveau des musées, proprement dits, scientifiques, nous en avons quelques-uns, je vous l'accorde, que ce soit, le Musée minéra-logique et minier de la région de l'Amiante, le Musée du Séminaire de Sherbrooke, le Centre canadien d'architecture. Il y en a d'autres qui sont dans nos cartons. Par contre, le musée des sciences et technologies, effectivement, vous avez raison, c'est au MESS parce que, pour tout le domaine du développement technologique, du développement scientifique relié avec les universités, quelque part, finalement, le lien se fait de façon beaucoup plus naturelle, beaucoup plus efficace entre l'Enseignement supérieur, comme vous l'avez dit, et les universités, et il a justement les outils pour que les universités puissent en profiter. À l'intérieur de ça, donnons un exemple, aussi: le Musée de la civilisation et la communauté scientifique, dans le cadre du deuxième Festival international du film scientifique, sont en partenariat. C'est un exemple intéressant où, à ce moment-là, le ministère des Affaires culturelles, par le biais de ses infrastructures, et la communauté scientifique peuvent faire un mariage intéressant.

Mais, pour pousser plus loin cette pensée, comment voyez-vous là-dedans le rôle du MAC? Moi, personnellement, je vois mal le MAC, par exemple, être le maître d'oeuvre là-dedans. Je verrais beaucoup plus le MAC être coordonnateur et jouer un rôle de support à ce niveau-là, quand je parle des grands musées scientifiques.

Le Président (M. Doyon): M. Bois.

M. Bois: Ce qu'on essaie de faire valoir, je pense, c'est qu'il y a peut-être une certaine responsabilité du ministère des Affaires culturelles vis-à-vis du gouvernement, de lui dire: Écoutez, la culture scientifique est un éléments important. Éventuellement, compte tenu de ia problématique particulière ou inhabituelle par rapport aux activités du ministère, c'est un autre ministère qui peut s'en occuper, mais, au niveau gouvernemental, je pense qu'il doit y avoir une politique articulée, très bien établie. Il n'y a actuellement, je pense, que des orientations, en matière de culture scientifique, qui ont été établies par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, mais aucune politique gouvernementale. Ce qu'on dit, c'est que le Québec, s'il veut se doter d'une politique culturelle, ne peut pas passer à côté de la culture scientifique, même si ce n'est pas spécifiquement le ministère des Affaires culturelles qui en a la responsabilité d'application.

Mme Frulla-Hébert: Là-dessus, je vous suis très, très bien. Au niveau du développement technologique, vous dites qu'on est en retard, etc. Je pense que, comme société, et ça fait partie de l'éveil total, autant au niveau canadien qu'au niveau québécois, on s'aperçoit qu'effectivement on est en retard. On est en retard dans notre développement, notre productivité. Notre main-d'oeuvre accuse énormément de retard et, vous le dites vous-même, c'est difficile d'aller chercher des gens, maintenant, pour remplir les postes qui sont ouverts. Si on prend le développement technologique, par exemple, au niveau de nos industries, dans le domaine des arts proprement dits, comment voyez-vous, justement, le rôle et l'apport de cette conscientisation technologique versus nos industries et aussi des industries qui sont moins habituées à avoir affaire à la haute technologie ou au domaine scientifique?

M. Bois: Je pense que ce qu'il faut arriver à faire, c'est très bien informer les jeunes sur ce que sont les activités professionnelles en technologie, que ce soit appliqué aux arts ou à d'autres domaines. Mais, parce que les sciences ont été très longtemps considérées comme étant l'affaire de chercheurs, tout seuls, isolés dans leurs laboratoires, les jeunes ne comprennent pas et ne se font qu'une idée très partielle de ce que peut être le travail de chercheur. J'ai entendu, il y a quelque temps, quelqu'un qui me disait qu'un orienteur, dans une école ici à Québec, a dit à ses étudiants: Écoutez, si vous voulez travailler tout seuls, allez-vous-en en sciences; si vous voulez plus travailler en équipe, prenez d'autres secteurs. C'est aberrant d'entendre des choses comme ça. Pourquoi on les entend encore? Parce que ces gens-là n'ont pas eu de contact, lorsqu'ils étaient sans doute plus jeunes, avec la culture scientifique. Il n'y a pas d'institution majeure au Québec en culture scientifique. Cette mentalité face aux sciences se reflète dans tous les créneaux de société, dans les organisations, dans les syndicats, dans la population en général. Alors, il faut faire un changement de cap par rapport à la perception des gens face aux sciences. Le seul moyen, c'est la culture scientifique.

Mme Frulla-Hébert: Je...

Le Président (M. Doyon): Dernière question, Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Oui, merci, M. le Président. En tout dernier, la ministre de l'Enseignement supérieur, pas plus tard que lundi, à la remise des prix du Québec, a incite - je ne sais pas si vous y étiez...

M. Bois: Oui.

Mme Frulla-Hébert: ...les femmes aussi à s'impliquer au niveau des sciences et de la recherche scientifique et technologique. Donc, il y a une ouverture au niveau... C'est-à-dire qu'il y a tout un changement, je pense, en tout cas, et une ouverture d'esprit au niveau de l'Enseignement supérieur. Non? Est-ce que vous sentez ça?

M. Bois: Oui. Il y a une volonté, je pense, de faire avancer les choses, mais ce que j'allais dire dans la section sur le fédéral, qui n'apparaît pas au mémoire de toute façon, c'est que le Québec a assuré un leadership sur te plan canadien dans ce domaine-là, en termes de politique concrète d'appui aux organismes, par exemple. Maintenant, le gouvernement fédéral a pris conscience de l'importance de sensibiliser le public aux sciences et à la technologie, et a investi des fonds importants en campagnes publicitaires à travers le Canada, y compris en français au Québec. Si le Québec veut garder son rôle de leader dans ce domaine-là, il se doit aussi d'établir clairement où il veut aller avec sa politique en culture scientifique. C'est peut-être une démarche qu'il reste à faire.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: J'aurais le goût de poser une question vicieuse: Comment se fait-il que le rapport Arpin soit aussi muet, alors que M. Arpin est un des administrateurs de votre société?

M. Bois: Nous lui avons posé la question, bien évidemment.

M. Boulerice: Ha, ha, ha! Bien évidemment.

M. Bois: Dans notre mémoire, on le disait un peu, je pense qu'il y a eu un choix de fait au départ par rapport à une problématique qui était relativement cohérente pour un secteur du domaine culturel. On respecte ce choix-là. Ce qu'on dit, c'est que, si le gouvernement établit, après ça, sa politique générale en culture, là on ne peut pas passer à côté de la culture scientifique. Alors, c'est plus le rapport Arpin qu'il faudrait que le gouvernement établisse comme politique.

M. Boulerice: M. Bois, vous allez sans doute me répondre que ma vie privée ne vous regarde pas, mais je l'ai déjà dit: J'ai la chance d'être le parrain d'un adorable petit monstre qui a 10 ans. On a fait une expérience qui a été celle de l'Insectarium qui est magnifique, qui est de toute beauté, et du Planétarium. J'ai pu voir la curiosité de cet enfant, le désir énorme de questionnement. Et, entre parenthèses, le parrain au niveau des réponses, je vous avoue qu'à un

moment donné ça venait court, mais, comme je suis ses progrès scolaires assez régulièrement, sa maîtresse, comme il dit, donc son institutrice, déjà avait noté des changements. Oui, il y a un manque, au niveau du Québec, au niveau des carrières scientifiques, au niveau des carrières technologiques. J'ai visité la Villette, je l'ai visitée à plusieurs reprises. Entre parenthèses, l'adjointe au directeur des relations publiques est une jeune Québécoise, il ne faudrait peut-être pas l'oublier. J'ai toujours été fasciné... Et celui de Toronto aussi n'est quand même pas un élément négligeable, mais celui de la Villette est probablement l'un des plus beaux exemples au monde à ce niveau-là.

Dans quelle mesure, un musée de cette nature n'est pas justement le plus bel incitatif auprès des jeunes puisqu'il y a tout l'attrait de la nouveauté, et c'est présenté d'une façon... Il y a une vulgarisation. On sait comment les jeunes sont attirés vers les nouvelles techniques, les gadgets, etc. Ce n'est pas, d'après vous, le plus bel incitatif qui peut peut-être être, à un moment donné, le déclencheur? Parce que c'est souvent très jeune qu'à un moment il y a un choc et, plus tard, on se dit: Ah! Bien moi, je veux faire ça. Si on faisait - excusez l'expression - une psychanalyse, on s'apercevrait que ça vient peut-être de l'âge de 7 ans, 9 ans, 10 ans, etc. Et là, je ne pourrai quand même pas m'em-pêcher de tourner avant la fin de la commission, en disant: Ce musée-là, nous l'avions prévu et, en 1985, on nous a dit: Aïe! Il ne faut pas construire du béton! Le béton, c'était horrible sauf que, le résultat, on ne l'a pas, et on accuse les retards immenses que vous avez montrés.

M. Bois: Oui, le Musée des sciences est effectivement une pièce maîtresse d'une politique de culture scientifique pour le Québec. Je pense que c'est l'essentiel et l'impact, au niveau des clientèles scolaires, notamment, n'est plus à démontrer si on regarde ce qui se passe dans les autres pays avec de telles institutions. Ce qu'il faut dénoncer, effectivement, c'est qu'en 1991 le Québec n'en ait pas un seul d'importance. Ça, je pense qu'il faut y voir, mais ce n'est pas, non plus, suffisant parce que c'est quand même centré à Montréal. Il faut aller plus loin que ça et nous avons, au Québec, beaucoup de ressources qui sont capables de s'investir vis-à-vis des jeunes.

Je donnerai comme exemple, rapidement, une opération que la Société a lancée, récemment. Avec relativement peu d'efforts, nous avons sollicité des entreprises, grandes et moyennes. Ça s'appelle le parrainage scientifique. Alors, sur 20 jours, il y a eu 500 jeunes - fin secondaire, collégial - qui sont allés passer une journée complète en milieu de travail en entreprise, avec un scientifique; donc 500 jeunes, 500 scientifiques. Ces jeunes-là ont décpuvert ce que c'était que le travail en sciences, que ce n'était pas chercher tout seul dans un laboratoire. Il faut absolument inciter les entreprises, les commissions scolaires qui ont des ressources importantes. C'est uniquement une question de préoccupation, de mentalités. Ce n'est pas une question d'argent ni de subventions, je pense, mais il faut qu'il y ait quelqu'un, quelque part - et je pense que ça revient au gouvernement du Québec - qui dise: Oui, c'est Important. Oui, il faut que les gens, dans leur milieu respectif, y participent et, avec un certain nombre d'organismes qui sont dans le milieu, qui peuvent coordonner et bâtir des programmes intéressants, lancer véritablement une opération de sensibilisation et de développement de culture scientifique, en plus du musée qui va devenir une plaque tournante autour de laquelle plusieurs de ces initiatives pourront s'appuyer. Mais il est urgent de bouger là-dessus.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député, puis-je vous demander de remercier notre invité?

M. Boulerice: La ministre dit un gros merci à chaque fois. Je la taquine en disant: Quand allez-vous dire un petit merci? Je vais vous dire un gros merci, moi aussi, pour l'exposé. Je pense, enfin, que le gouvernement qui était issu de mon parti avait pris une position là-dessus. Alors, le gouvernement actuel a pris sa décision. Il a "scrappé" le projet, si vous me permettez l'expression vulgaire, mais le geste l'était peut-être autant. Mais, durant ce temps-là, on perd du temps. Des fois, ce n'est pas vrai que le temps nous permet de récupérer le temps. Vous le savez autant que moi. Merci de votre participation.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Je ne sais pas si je dois vous dire encore un gros merci quand même.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Frulla-Hébert: Je pense qu'il y a une conscientisation maintenant auprès du gouvernement, ne serait-ce que vous nous sensibilisez et, effectivement, il y a ce projet. On n'a pas parlé d'Ottawa non plus là-dedans. D'une part, on s'aperçoit aussi, au niveau de l'Enseignement supérieur, qu'il y a un éveil et au niveau du ministère de l'Industrie et du Commerce qui s'aperçoit du retard et qui pousse énormément. Ce qui fait que cette sensibilisation-là se doit d'être éminente. Félicitations encore, d'ailleurs, pour tout l'aspect vulgarisation, si on peut dire, et promotion de cette culture scientifique. Évidemment, avec M. Arpin, nous restons quand même en contact. Alors, on va y voir.

M. Bois: Je vous remercie.

Mme Frulla-Hébert: Merci.

Le Président (M. Doyon): Au nom de la commission, je me joins aux remerciements qui viennent de vous être adressés et, sans plus d'ambages, j'ajourne les travaux jusqu'à mardi...

M. Boulerice: À mi-temps de notre commission...

Le Président (M. Doyon): À mi-temps de notre commission ou à peu près.

M. Boulerice:... nous avons déjà vu la moitié des groupes et il ne nous en reste que 130.

Le Président (M. Doyon): On a la moitié des mémoires à peu près d'entendus. Alors, nous ajournons à mardi, au moment où le leader du gouvernement annoncera que nous devrons nous réunir à nouveau. Ajournement.

(Fin de la séance à 18 h 33)

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