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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le jeudi 7 novembre 1991 - Vol. 31 N° 55

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante-trois minutes)

Le Président (M. Doyon): La commission de la culture continue son travail et poursuit l'exécution du mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale. Il s'agit pour nous de procéder à une consultation générale attenant à des auditions publiques sur la proposition d'une politique des arts et de la culture, telle que présentée à l'Assemblée nationale au mois de juin l'an dernier. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des députés qui ont demandé à être remplacés?

Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacement, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Très bien. L'ordre du jour a été affiché à la porte de la salle; donc, on me dispensera d'en faire lecture. Sans plus de délai, j'invite l'Association des créateurs et des intervenants de la bande dessinée, représentée par M. Jean Lacombe, à bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît. Alors, M. Lacombe, bonjour.

Association des créateurs et des intervenants de la bande dessinée

M. Lacombe (Jean): Bonjour M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Vous avez 10-15 minutes pour nous entretenir. Après ça, les membres de la commission vont vouloir discuter avec vous pour quelques minutes aussi. Alors, soit que vous nous fassiez la lecture du mémoire que vous nous avez déjà envoyé, mais vous savez sans doute que les membres ont eu l'occasion d'en prendre connaissance, ou vous pouvez aussi, tout simplement, à bâtons rompus comme ça, nous faire part de vos réflexions. Vous avez la parole, M. Lacombe.

M. Lacombe: Merci, M. le Président. C'est avec un grand plaisir que nous avons accepté de venir présenter, de vive voix, notre contribution. Si c'est vrai que le temps est venu de considérer la culture comme une mission essentielle de l'État, ça nous fait d'autant plus plaisir. Ça serait un petit peu long de lire de bout en bout le mémoire. J'ai préparé un petit texte, je vais essayer de vous faire ça comme un grand.

L'Association des créateurs et des intervenants de la bande dessinée - son nom le dit assez bien - ça regroupe des créateurs, donc des dessinateurs, des scénaristes et aussi des intervenants, soit des éditeurs, des libraires, des journalistes et même des critiques, tous du monde réuni autour d'une même idée: la promotion de la bande dessinée québécoise. L'ACIBD est donc un organisme sans but lucratif dont le but est d'encourager la réalisation, l'édition, la diffusion et la promotion de la bande dessinée québécoise. Sa mission est de coordonner les interventions de ses membres auprès des différentes instances privées et publiques, de manière à favoriser le développement de la bande dessinée d'ici.

Pour en venir au mémoire donc, en 1985, lors de sa fondation, un des premiers gestes posés par notre Association, ça a été de rédiger le mémoire sur la situation de la bande dessinée au Québec. Et à l'automne de cette année, dans la foulée du rapport Arpin, nous avons procédé à la mise à jour de ce mémoire-là. C'est bien simple, il contient 19 recommandations qui sont autant de balises pour que la culture, pour que la bande dessinée d'ici, c'est-à-dire, prenne toute sa place dans le réaménagement de la politique sur la culture et qu'elle continue à participer et participe encore plus activement au développement de notre culture.

Ces recommandations prennent pour point de départ la reconnaissance de la bande dessinée, en tant que mode d'expression artistique à part entière, et qui participe étroitement de la spécificité culturelle du Québec, d'où l'urgence du soutien de l'État. Ce soutien devra se concrétiser par la création d'un secteur BD, spécifiquement distinct des autres, avec une enveloppe budgétaire, disposant de modes de fonctionnement autonomes et des jurés spécifiques. C'est la recommandation no 2 que je vous lis à peu près textuellement, quand je vous dis ça. Si vous voulez, c'est un peu la charnière, le fondement. Ici, on est au coeur de ce dont il est question.

Il nous apparaît capital que le gouvernement reconnaisse l'importance de l'ensemble des activités reliées à la bande dessinée, au même titre qu'il le fait pour, par exemple, la littérature, le cinéma, le théâtre, etc., tous des domaines qui bénéficient de programmes variés et vraiment complémentaires, les uns par rapport aux autres. On parle ici de bourses de création, de bourses de perfectionnement, d'aide à l'édition, de programmes de tournée et d'aide à la promotion et à la mise en marché. On sait que cette aide-là existe déjà, mais une nouvelle politique culturelle devra apporter ce coup de pouce de plus, cette véritable reconnaissance institutionnelle pleine et entière pour la bande dessinée. C'est ça qui nous fait dire que le gouvernement doit reconnaître l'importance artistique et culturelle de la bande dessinée - je l'ai dit, donc, je le répète - en créant un program-

me, en créant un secteur BD, parfaitement distinct. Justement, cette simple reconnaissance, étant donné une nouvelle politique sur la culture, devra se donner des moyens d'intervention au plus près du terrain, c'est-à-dire favoriser directement la création. Mais aussi, une nouvelle politique culturelle devra intervenir au niveau de l'édition et de la mise en marché.

Rappelons qu'il y a trois supports éditoriaux névralgiques pour la bande dessinée québécoise; ce sont les périodiques, les albums et aussi les quotidiens. Je voudrais juste élaborer, tout de suite, sur le support journalistique, c'est-à-dire les journaux, les quotidiens. Ensuite, si j'ai un petit peu de temps, je reviendrai sur le support périodiques et albums.

Pour ce qui est du support journalistique, une nouvelle politique culturelle devra se donner des moyens d'intervention adaptés. En somme, ici, on est devant une occasion parfaite d'impliquer les groupes de presse, de les amener à embarquer dans le jeu, et ça, d'une façon facile, bien pratique et efficace. Les groupes de presse, rappelons-le, diffusent à peu près exclusivement de la bande dessinée américaine et européenne. Au départ, il apparaît exclu que le gouvernement puisse imposer des quotas. Néanmoins, nous croyons qu'il est possible de soutenir concrètement le marché des "strips", des bandes quotidiennes québécoises. Les groupes de presse qui s'engageraient à diffuser des "strips" québécois ou canadiens pourraient se voir accorder diverses formes d'exemption fiscale, par exemple des réductions d'impôt, et puis le gouvernement aussi, conjointement avec les éditeurs de journaux intéressés, pourrait assumer une partie des frais encourus pour la fabrication et la diffusion de "strips" québécois.

Ces programmes d'aide combinés pourraient être pris en charge à travers certains programmes de subvention qui existent déjà. À la recommandation no 7, on le formule à peu près comme je viens de vous le dire: Que le gouvernement explore diverses formes d'exemption fiscale québécois et canadiens susceptibles d'encourager la production, l'achat et la diffusion de "strips" par les médias écrits, dans l'ensemble du pays. C'est bien simple, si demain les journaux quotidiens prenaient, accordaient 50 % de leur espace qui sont réservés aux "strips" quotidiens et puis qu'ils prenaient des produits locaux, la bande dessinée québécoise serait lancée.

Je disais qu'il y a trois supports éditoriaux névralgiques; je viens de parier des journaux, avec ça il y a, bien entendu, les périodiques et les albums. Pour ce qui est des périodiques, actuellement, au Québec, il n'existe pas de revues professionnelles consacrées exclusivement à la bande dessinée. Les principaux débouchés rémunérateurs pour les créateurs de bandes dessinées d'ici se limitent à Vidéopresse, qui est un magazine appartenant à des intérêts européens et qui diffuse une part très importante de matériel étranger. Il y a, bien sûr, Croc, mais on ne peut pas dire que Croc est un magazine de bandes dessinées. C'est un mensuel satirique qui consacre environ 30 % de son contenu à la bande dessinée. Puis il y a aussi Safarir qui, lui, est un mensuel humoristique dont une large part du contenu est vouée à la bande dessinée. Il y a de nombreuses tentatives qui l'ont démontré, les projets de périodiques québécois de bandes dessinées ne peuvent espérer connaître un certain succès et un minimum de continuité que s'ils bénéficient, au départ, d'une aide gouvernementale appropriée.

Et puis ça nous mène à la recommandation no 10 qui dit à peu près: Que le gouvernement encourage et soutienne, à travers ses programmes de soutien aux périodiques, les projets visant la création de périodiques québécois et canadiens de bandes dessinées, en prenant en considération le fait que l'aide est tout particulièrement nécessaire au moment du démarrage de ces entreprises et au cours des premières années d'opération.

Troisième support, le support albums, albums de bandes dessinées. Il en va un petit peu de même pour les albums de bandes dessinées. Comme le marché québécois de la bande dessinée est encore très jeune et méconnu, les éditeurs déjà implantés sont, à juste titre, craintifs. Depuis quelques années, plusieurs éditeurs québécois spécialisés se risquent à publier de la bande dessinée et ce, à perte. Nous croyons que ces éditeurs devraient pouvoir obtenir des formes d'aide plus conséquentes, de même que d'autres éditeurs, issus de l'édition en général, éventuellement intéressés par ces programmes d'aide appropriés. Dans la mesure où en matière de bande dessinée l'édition à compte d'auteur tend également à se développer, les programmes d'aide devraient prendre en considération ce phénomène particulier, qui compte pour une part importante de l'édition de bandes dessinées au Québec et au Canada.

En conclusion, je peux rien que revenir sur ce que j'ai déjà dit, pour commencer, que si le temps est venu de considérer la culture comme une mission essentielle de l'État, tout ce qu'on peut souhaiter, c'est que le gouvernement soit prêt, parce que nous, on est prêts, on est prêts tout de suite. Et s'il est prêt, qu'il le démontre, qu'il crée un secteur de bande dessinée, un secteur de bande dessinée distinct avec son enveloppe budgétaire et ses jurys spécifiques et puis un fonctionnement autonome.

Bien, là-dessus, je vous remercie. Je vous remercie de l'intérêt généreux que vous portez à notre modeste contribution et je suis disponible, si vous avez des questions.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Lacombe, de votre exposé. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Lacombe.

Vous avez fait un tour d'horizon un peu... Puis on l'a regardé... De toute façon, je regardais aussi, je révisais votre mémoire au niveau, justement, de la bande dessinée. Vous parlez du soutien et de l'aide. Au moment présent, dans la situation actuelle, vous avez accès au programme d'aide aux artistes professionnels. Ensuite, dans le cadre des programmes d'aide à l'édition, cette discipline a été reconnue prioritaire parce que plus difficile, évidemment, à percer.

Donc, on offre une subvention aux éditeurs égale à 15 % de leur montant de vente, de bande dessinée versus le roman qui est à 10 %. Il y a quand même eu des efforts de faits, considérant la situation un peu différente et délicate, si on veut, des artisans, des artistes et créateurs de bande dessinée. Mais en plus de ces mesures, vous dites qu'il faudrait créer des programmes spéciaux à l'intérieur de... Il y a beaucoup de disciplines qui sont peut-être un peu différentes, surtout au Québec, parce que c'est sûr que notre bassin n'est pas très, très grand. Donc, il y aurait à créer de multiples programmes d'aide spécifique s'il fallait vraiment, là, dans différentes disciplines. Alors, à l'intérieur même de nos programmes, par exemple, où est-ce qu'il aurait lieu... qu'est-ce que vous voyez en termes d'aide encore plus percutante que celle-là? Est-ce qu'il y aurait lieu d'aider à l'exportation? Est-ce qu'il y aurait lieu d'aider ou d'augmenter au niveau de l'aide à l'artiste?

M. Lacombe: Oui, justement, parlons-en de l'exportation. Il y a une...

Mme Frulla-Hébert: Parce que c'est difficile, hein, au niveau de l'exportation.

M. Lacombe: C'est ça, on parle d'un travail à long terme. C'est faisable, exporter. Il y a des exemples bien heureux d'exportation qui rendent fier le milieu de la bande dessinée au Québec...

Une voix:...

M. Lacombe: ...c'en est un exemple, oui, c'est ça. Ha, ha, ha! On a un connaisseur ici. Mais c'est ça, comme je disais, c'est du long terme, et puis c'est un fait que c'est d'autant plus important pour ça d'avoir des programmes spécifiques pour l'exportation. Il y a la recommandation no 12, par exemple, qui encourage le gouvernement, qui demande au gouvernement, c'est-à-dire, d'encourager la prospection en direction de marchés étrangers, dans le but de favoriser la promotion et l'exportation de la bande dessinée québécoise. (10 heures)

La présence concrète de la production québécoise et canadienne de bande dessinée sur les marchés étrangers européens et américains est à toutes fins pratiques nulle pour l'instant. Pourtant, certains signes nous montrent qu'en

Europe, par exemple, un certain intérêt commence à se manifester vis-à-vis de notre production. Dans la mesure où des projets particuliers se donneraient pour objectif d'exporter des bandes dessinées québécoises à l'étranger, nous croyons que le gouvernement devrait nous encourager en mettant à leur disposition toutes les ressources matérielles et financières nécessaires, ainsi que l'expertise technique dont il pourrait avoir besoin. Ça fait qu'on pense que ce ne serait pas grand-chose, une nouvelle politique sur la culture, de partir avec les programmes qui existent déjà et d'avoir des dispositions bien spécifiques pour l'édition de la bande dessinée québécoise, pour la prospection de marchés étrangers, pour le travail de promotion à l'étranger.

Mme Frulla-Hébert: On va revenir encore au niveau de la promotion. Maintenant il y a le Festival de la bande dessinée. Il me semble qu'il y a quand même un phénomène et, en tout cas, il y a deux ou trois ans, il y a eu une espèce d'expansion au niveau de la conscientisation, la notoriété, si on veut, de la bande dessinée ces dernières années. Dites-moi si j'ai raison ou tort. Et est-ce qu'au niveau des cégeps, des universités... Parce que c'est aussi l'outil par excellence pour que les jeunes puissent avoir le goût à la lecture. C'est difficile de nos jours avec tous les moyens électroniques etc., finalement, ça entre aussi dans l'espèce de pattern d'apprentissage, c'est vidéoclip un peu mais, finalement, ils doivent faire l'effort de lire. C'est déjà beaucoup. Alors, est-ce que... Deux choses, d'abord. Au niveau des institutions, par exemple, au niveau de l'éducation, est-ce qu'on se sert de ça, est-ce qu'on est conscient de ça, d'une part, et, deuxièmement, au niveau de la promotion, est-ce que le phénomène, en tout cas, qui semble se créer, est-ce que ça continue au niveau de la promotion, de la conscientisation dans cette discipline-là. Ou est-ce que ça a été, ou vous sentez que ça a été, un vent passager? Et là, il faut y redonner un autre coup de pouce pour que ça reparte, ou bien vous me dites: Bien, c'est parti, il y a une conscientisation, mais il faut pousser plus loin?

M. Lacombe: Non, au contraire, il y a quelque chose qui se passe, on sent que ça bouillonne, mais je voudrais juste, pour illustrer ça, prendre l'exemple d'un nouveau magazine qui vient tout juste de sortir, qui s'appelle Anormal, tout juste, ça remonte au printemps et ça montre bien le bouillonnement. Les créateurs sont affamés pour des supports comme ça, ils demandent juste à être publiés. Il y en a du talent, il faut que ça sorte. Mais, d'un autre côté, on a l'impression bien souvent que c'est toujours à recommencer. Ça ne veut pas dire, parce qu'il y a des revues qui naissent, que ça marche, que ça a du succès, que ça fait parler d'eux autres. Ça

ne veut pas dire que s'il y a des festivals qui sont bien publicistes et tout ça, que ça va de soi. Il faut toujours être là, il faut toujours pousser et, justement, profiter de cet élan-là pour donner une poussée supplémentaire pour continuer, et que ça aille encore plus loin. La première partie de votre question, ça concernait...

Mme Frulla-Hébert: ...l'éducation, de se servir de ça, parce que la meilleure mise en marché, finalement, c'est d'habituer le jeune public, ensuite le jeune adulte. Veux veux pas, regardez, on vient au même phénomène, entre autres Astérix: le dernier Astérix qui vient de sortir, on l'a tous. C'est automatique, tu es curieux, tu y vas parce que tu as été habitué aussi et parce que tu as commencé à lire ça quand tu avais 16,17,18 ans puis...

M. Lacombe: O.K., du bien concret. On pense que ce serait très simple d'avoir une politique d'achat qui parte des bibliothèques, des écoles et des municipalités, que tu aies... appelons ça un quota, mettons, supposons qu'il y a dix albums de bandes dessinées qui sortent par année, c'est à peu près ça, ces dix albums se retrouvent systématiquement sur les rayons des bibliothèques, dans les écoles, dans toutes les municipalités, et aussi, bien c'est à peu près ça. C'est un fait que la bande dessinée, c'est un outil...

Mme Frulla-Hébert: Pédagogue.

M. Lacombe: ...avec une force incroyable pour faire passer des messages. Il y a deux albums, il y a un album et un magazine qui ont été publiés cette année et qui contiennent de l'information sur le sida, les maladies transmises sexuellement, les comportements à risque et tout ça. Bon, c'est des histoires avec des personnages, une intrigue, un début et un punch à la fin. Mais là-dedans, tu fais passer des messages, et ça, ça s'adresse spécifiquement à des jeunes que tu ne pourrais pas rejoindre d'une autre façon. Comme ces initiatives-là viennent d'un département de santé communautaire - il y en a à Victoriaville et il y en a un autre ici à Montréal. Ils se sont dit: La bande dessinée, c'est ça que ça nous prend. C'est l'outil parfait pour aller rejoindre le monde qu'on veut rejoindre, je pense que ça illustre bien.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. Lacombe, je veux vous dire que l'Assemblée nationale a jugé la bande dessinée extrêmement importante, puisque le Bureau de l'Assemblée nationale a décidé, il y a déjà un an et demi, de créer une bande dessinée que nous remettons à tous les étudiants qui viennent nous visiter. Il me fait plaisir de vous les offrir, si madame peut vous les apporter.

M. Lacombe: Merci.

M. Boulerice: Vous avez raison, elle est très pédagogique, elle est vulgarisatrice dans son sens le plus noble. Je me dois de saluer la qualité de votre mémoire, un mémoire qui est très articulé sur l'évolution de la bande dessinée, celle d'ici comme d'ailleurs. Mais, je remarque qu'elle propose une stratégie qui est cohérente et intégrée du développement de cet art qu'est la bande dessinée. Je rappelle d'ailleurs la prestation de votre association, lors du statut de l'artiste, en 1987, c'est ça, lors, justement, de cette commission. Votre mémoire reprend, pour l'essentiel, les mêmes recommandations qu'en 1987, ce qui m'amène à conclure que vos appels sont malheureusement restés sans écho, depuis quatre ans au ministère. Pourtant, la bande dessinée québécoise se développe et offre de plus en plus de qualités. J'y ai fait allusion tantôt, je pense qu'il faut le souligner, l'un des plus importants éditeurs de bandes dessinées, Dargaud édite en Europe les aventures de notre ineffable Red Ketchup, qu'on peut lire dans Croc, d'ailleurs, avec Fournier et Godbout, depuis quand même quelques années. Mais face à la concurrence étrangère, pour consolider son développement qui, somme toute, est quand même récent, je pense que la bande dessinée québécoise doit pouvoir miser sur les autres formes d'expression du secteur des arts visuels, sinon, on n'en sort pas.

Donc, si j'ai bien interprété votre mémoire, les problèmes les plus criants des bédéistes québécois passent par la présence de support d'édition et par la mise en place des véritables structures de diffusion et de mise en marché, face à une concurrence qui est presque dévastatrice. Qu'on n'y voit aucune mauvaise intention, Mme la ministre a dit: On a tous Astérix. Oui, je l'ai moi aussi, mais il faudrait qu'on ait tous Gargouille aussi.

La première question que je vais vous poser, M. Lacombe, c'est compte tenu de l'expertise européenne en matière de bandes dessinées, si l'on veut assurer une formation, un perfectionnement des bédéistes, c'est important si on veut percer sur les marchés internationaux. Et il est vaste notre marché; francophonie, c'est 200 000 000 et francophilie, c'est 450 000 000 de personnes. Alors, si on regarde l'expertise européenne, si on veut assurer une formation de perfectionnement à des bédéistes québécois, ceux-ci devraient avoir accès à des bourses de création, de recherche et de séjour à l'étranger, et ce n'est pas admissible pour vous actuellement.

M. Lacombe: Ça, c'est une chose essentielle, et une nouvelle politique de la culture devrait

aussi soutenir des projets concrets de coédition. On pense que la coédition, c'est la solution.

M. Boulerice: D'accord.

M. Lacombe: Mais, par exemple, si Red Ketchup a fait cette percée sur le marché francophone européen, c'est parce que les éditeurs de Croc, de Ludcom et Dargaud se sont entendus pour travailler ensemble dans le cadre d'une coalition. Par exemple, c'est Pitcom qui publie Croc au Québec, mais l'album porte l'étiquette Dargaud en Europe. Dargaud a fait refaire la couverture et a conservé à peu près la même maquette. Ils ont juste changé le titre et ils ont fait refaire le lettrage à l'intérieur. Pourquoi? On se le demande. C'est leur caprice à eux. S'il y avait une nouvelle politique culturelle, qui se donnait des moyens d'intervention, en plus des bourses pour les voyages d'études à l'étranger, si elle se donnait en plus des moyens d'intervention pour favoriser des projets comme ça, des projets de coalition, les partenaires étrangers et la bande dessinée québécoise, ça serait comme un minimum.

M. Boulerice: Je pense que ça pourrait être une avenue, autant pour votre sphère d'activité que pour bien d'autres, peut-être d'en arriver à une espèce d'office de mise en marché de nos produits culturels à l'étranger. D'ailleurs, je pense que notre délégation à Prague a un secteur culturel qui commence à s'articuler de façon assez précise. C'est peut-être intéressant, puisque c'est Bilal qui a prévu, il y a deux ou trois ans, tous les bouleversements de l'Europe de l'Est. Je pense que vous avez lu cette BD comme moi. Quand je vous pariais tantôt des bourses de création, de recherche et de séjour à l'étranger, lorsqu'on discutait de la bande dessinée, la ministre des Affaires culturelles m'indiquait qu'il n'y avait pas eu de demandes de bourses de création, de recherche et de séjour à l'étranger au ministère. Ou s'il y en avait eu, c'était une toute petite... Vous m'avez dit qu'il y en a eu...

Mme Frulla-Hébert: ...admissibilité. Depuis 1987, tout ce qui s'appelle bande dessinée est considéré comme discipline à part entière. Donc, toute l'accessibilité... C'est qu'il n'y a pas, à part des 15 %... Ça fait partie de l'ensemble de la littérature québécoise et aussi de l'édition spécialisée, mais québécoise. Donc, au même titre que tous les autres intervenants, tout le monde est admissible, et c'est inscrit aussi dans la loi du statut de l'artiste, etc.

M. Boulerice: Comment expliquez-vous que nos bédéistes ne sentent pas le besoin de profiter de ce programme, puisqu'il existe?

M. Lacombe: J'ai l'impression que s'il n'y a pas encore de demandes, ça ne va pas tarder à venir. Je suis pas mal sûr que cet exemple - on revient toujours - Red Ketchup, va donner le goût à un paquet de créateurs d'essayer d'en faire autant. Il y a plein d'artistes qui demandent rien que ça, qui se disent: Si Godbout et Fournier sont capables, pourquoi pas nous autres? C'est pris en note, c'est bien évident.

M. Boulerice: D'accord. Je vous remercie, M. Lacombe. Je crois que nous allons, sans aucun doute, tous deux, refaire une deuxième lecture du mémoire que vous nous avez présenté parce qu'il y a une importante matière, et c'est un secteur de l'édition québécoise qui éclate, dans son beau sens du terme. Je pense qu'il faut que cette fleur continue d'éclater et non pas se refermer, ce serait tragique pour nous. Merci de votre présence et nos amitiés à Red Ketchup.

Le Président (M. Doyon): Très bien. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Je me joins à mon collègue pour vous remercier. Comme mon collègue le disait, il y a toute la question de la mise en marché, je pense, qui est capitale, d'une part et, deuxièmement, à l'intérieur même, c'est beau l'étranger, mais il faut être aussi non pas prophète dans son propre pays. Au niveau des écoles, des systèmes d'éducation, c'est peut-être plus dans ce sens qu'on va orienter aussi nos actions pour encourager la pénétration. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, au nom des membres de la commission, M. Lacombe. Je vous remercie d'avoir bien voulu venir nous entretenir des problèmes que rencontrent les créateurs de bandes dessinées, vous permettant de vous retirer, M. Lacombe.

Maintenant je vais demander aux représentants de l'Institut d'histoire de l'Amérique française de bien vouloir prendre place en avant. Je suspends les travaux pour une minute.

(Suspension de la séance à 10 h 16)

(Reprise à 10 h 19)

Le Président (M. Doyon): Maintenant que nos invités ont pu prendre place en avant, je leur souhaite la bienvenue. Je les invite à nous faire part de leurs représentations pendant 10 ou 15 minutes. Ensuite, la discussion va s'amorcer avec les membres de la commission pour ce qui restera de temps. Veuillez tout d'abord vous présenter, pour que nous puissions avoir vos noms dans le Journal des débats.

Institut d'histoire de l'Amérique française

M. Roy (Jean): Je suis Jean Roy, président de l'Institut. Ma collègue, Sylvie Dépatie, qui est

la secrétaire, ainsi que Jean-Claude Robert, historien de l'Université du Québec à Montréal.

Le Président (M. Doyon): Très bien. Vous avez la parole.

M. Roy: M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. de la commission, au nom de l'Institut, je vous remercie de nous recevoir devant cette commission. L'Institut d'histoire de l'Amérique française a pour mission de promouvoir la place de l'histoire dans la société. L'association que nous représentons est composée de plus de 800 membres individuels pour qui l'enseignement et la recherche historique sont des préoccupations. Ils travaillent dans des institutions d'enseignement et de recherche, dans les institutions culturelles de l'État et privées. D'autres sont consultants. Où qu'ils soient, ils sont concernés par la proposition contenue dans le rapport Arpin qui, dans ses énoncés, fait une petite place à l'histoire, à la culture historique, au lieu de son expression, c'est-à-dire les musées et les biens patrimoniaux, au moyen de son enseignement, le livre, par exemple, aux institutions qui conservent une grande partie des sources utiles à la construction de l'histoire, telle les Archives nationales et la Bibliothèque nationale mais, au survol, n'est pas une politique de développement culturel. Si on veut s'en donner une, il faudra, nous sembie-t-il, prendre en compte l'histoire du Québec elle-même. Celle-ci est suffisamment longue, suffisamment riche, suffisamment complexe pour alimenter la réflexion sur le présent qu'elle a d'ailleurs préparée.

Reprenant la citation de Guy Frégault, placée au début du rapport, il nous semble, en effet, que la poussière d'événements qu'agite le vent de l'actualité tomberait mieux si on s'attardait davantage à expliquer l'histoire qui heurte le socle des siècles. C'est dans cet esprit, dans cette perspective aussi que notre mémoire a été présenté. Et je laisserai maintenant à Mme Dé-patie le soin d'en reprendre les grandes lignes.

Le Président (M. Doyon): Mme Dépatie.

Mme Dépatie (Sylvie): M. le Président, Mme la ministre, MM., Mmes de la commission, trois points spécifiques de la proposition politique de la culture et des arts ont retenu l'attention de l'Institut: l'éducation culturelle, le partage des responsabilités en matière culturelle et la recherche sur le patrimoine. Avant de traiter plus longuement de chacun de ces sujets, qu'il me soit permis de donner la réaction globale de l'Institut au rapport Arpin.

Nous nous réjouissons du fait que l'histoire et le patrimoine soient considérés dans ce rapport comme des éléments primordiaux de la culture. À plusieurs reprises, en effet, dans le texte du rapport, on souligne le rôle fondamental de l'histoire et du patrimoine dans la création et dans l'éducation culturelles. Cependant, nous déplorons que le rapport propose plus de moyens concrets pour leur développement et, à l'instar de plusieurs organismes qui sont déjà venus ici devant la commission, nous estimons que la proposition politique privilégie le domaine des arts au détriment des autres éléments de la culture.

Un bon exemple de cet état de fait est la place réservée à l'histoire dans l'éducation culturelle. Selon la proposition politique, l'histoire est une des clés pour la vie dont devraient être dotés les élèves du primaire et du secondaire. Le rapport insiste avec raison sur le fait que la connaissance de l'histoire permet la dissociation critique. L'Institut est évidemment en accord avec ces propos, mais il note qu'au-delà de la rhétorique, aucune proposition n'est faite quant aux moyens à prendre pour favoriser l'acquisition de la connaissance historique.

Or, l'enseignement de l'histoire à tous les niveaux scolaires, c'est-à-dire primaire, secondaire, collégial, est de nature à favoriser l'acceptation de l'autre et de ses différences, de même qu'il peut contribuer à augmenter la cohésion sociale. De l'avis de l'Institut, cette réalité devrait être soulignée auprès des ministères responsables de l'éducation, de la formation des maîtres ainsi que de l'immigration et des communautés culturelles.

Nous voyons là un bon exemple d'un dossier où la concertation interministérielle, souhaitée par le rapport, devrait se manifester. . Le second point du rapport Arpin ayant retenu notre attention est le partage des responsabilités en matière culturelle. Ce partage est abordé en deux endroits dans la proposition de politique. D'une part, au point de vue géographique, lorsqu'il est question de l'établissement d'un réseau culturel sur l'ensemble du territoire et, d'autre part, plus directement, lors de la discussion sur le partage de compétences entre le ministère des Affaires culturelles et les gouvernements locaux. Le rapport Arpin divise le territoire québécois en trois pôles et définit des projets et une vocation pour chacun d'entre eux. À première vue, la proposition de politique fait une large place à la région de Montréal dans le développement culturel. Pourtant, à notre avis, les recommandations qui la concernent sont nettement incomplètes. Ainsi, alors que le rapport insiste sur la diversité ethnique de la population, aucun moyen n'est identifié pour tenir compte de cet aspect dans le développement culturel. Par ailleurs, à la lecture des différentes recommandations, il est clair que la proposition de politique préconise une division spatiale des activités culturelles qu'on peut résumer ainsi: à Montréal et à Québec, la création; à l'ensemble régional, la consommation. Cette spécialisation géographique des activités culturelles ne tient pas compte des dynamismes et des compétences présentes en région et en

fait des réceptacles d'une culture créée ailleurs. Or, l'accès à la culture doit être plus qu'un accès à la consommation culturelle. Une politique culturelle globale doit donc favoriser les activités de création en région. Cependant, cette reconnaissance des compétences et des dynamismes dans les régions ne doit pas amener le ministère à se désengager totalement de certaines sphères d'activité.

Ainsi, l'Institut s'inquiète de la volonté exprimée dans le rapport Arpin de confier aux municipalités le mandat de conserver, de mettre en valeur et de diffuser le patrimoine. Tout en étant d'accord avec le principe de décentralisation qui inspire cette mesure, l'Institut doute que les municipalités ait la capacité financière d'assumer les nouvelles responsabilités qu'on veut leur confier en matière culturelle. Par ailleurs, l'Institut remet en cause la proposition d'écarter les loisirs culturels du domaine de l'intérêt du ministère.

Dans le rapport, on recommande que les loisirs culturels soit confiés exclusivement aux municipalités. Cette suggestion trahit à notre avis une conception trop commerciale de la culture et entre en contradiction avec l'objectif de développer l'éducation culturelle. Les loisirs culturels peuvent en effet être des lieux de sensibilisation à la culture, voire des lieux de création. Par exemple, dans notre domaine, les sociétés historiques locales, les sociétés d'archéologie, les sociétés de conservation du patrimoine peuvent jouer un rôle éducatif important, et même être à la source de projets culturels valables. Encore faut-il leur en donner les moyens en leur fournissant un financement et un support technique adéquat.

Le troisième point ayant retenu l'attention de l'Institut est le traitement réservé à la recherche et au patrimoine dans la proposition de politique. Il s'agit de l'aspect du rappport Arpin qui suscite le plus d'inquiétudes du point de vue des historiens. Nous estimons en effet que le rapport méconnaît totalement le rôle indispensable de la recherche dans la conservation, la mise en valeur du patrimoine et, plus globalement, dans le développement de la culture. Cela tient en partie à une conception statique du patrimoine, et à une notion étriquée de la création culturelle. La proposition de politique introduit en effet la notion de patrimoine culturel, qui dépasse largement la notion plus usuelle de patrimoine historique. Cette notion englobe toute la culture au sens ethnologique, les productions matérielles et mentales du passé, et même la création actuelle définie comme patrimoine futur. Elle se veut donc en apparence large et dynamique; en réalité, elle est selon nous restrictive et statique. Le patrimoine culturel est en effet conçu dans le rapport comme une somme de divers objets. Le rapport oppose l'histoire qui est réécrite par chaque génération au patrimoine qui, par sa permanence et son objectivité, assure la continuité de notre histoire.

En somme, le rapport présente le patrimoine comme existant en soi; selon cette vision, le patrimoine n'aurait plus qu'à être conservé, inventorié et mis en valeur. Défini ainsi, le patrimoine s'oppose à la création. Il est à notre avis, d'ailleurs, révélateur que le premier chapitre consacré au développement de la culture n'en fasse pas mention, et que le patrimoine ne soit traité que dans le chapitre sur l'accès à la vie culturelle où, fait plus significatif encore, il est rangé parmi les éléments de l'éducation culturelle, au même titre que les médias ou l'école. Cela révèle une conception restreinte de la création culturelle qu'on limite dans le rapport à la création artistique.

Associée à une notion large mais statique du patrimoine, qui ne serait qu'une somme d'objets à conserver, cette notion étriquée de la création culturelle débouche sur une définition restreinte de la vie culturelle. D'un côté, il y a les créateurs artistiques qui produisent des oeuvres qui viennent s'ajouter progressivement au patrimoine culturel; de l'autre, il y a le public qui consomme la création, passée ou actuelle. Entre les deux, il y a des gestionnaires et des diffuseurs qui s'occupent de la conservation et de la mise en valeur du patrimoine côté passé, pour reprendre l'expression de la politique, et de la diffusion du patrimoine côté futur.

Cette façon de voir est limitée à plusieurs égards. Du point de vue des historiens, elle est étroite, puisqu'elle néglige tout le travail de création, de recherche et d'analyse scientifique qui précède et accompagne la mise en valeur du patrimoine. Contrairement à ce que prétend le rapport, le patrimoine historique n'est pas une somme d'objets matériels ou mentaux qui s'additionnent à mesure qu'ils deviennent anciens. Le patrimoine historique n'est ni permanent, ni objectif; il est construit et le résultat de choix. La recherche historique fondamentale est donc essentielle au développement du patrimoine historique. Elle ne saurait cependant, à elle seule, assurer l'accessibilité à ce patrimoine. La mise en valeur du patrimoine exige également un travail de recherche appliqué.

À notre avis, les institutions nationales ne sauraient donc pas se contenter, comme le suggère le rapport, d'assurer la conservation, de favoriser la connaissance et la diffusion d'objets culturels et de faciliter la recherche sur des collections d'ouvrages et d'oeuvres d'art. Elles doivent elles-mêmes être des lieux de recherche.

La recherche historique occupe une place essentielle dans le champ de la culture. Création culturelle en elle-même, elle est aussi à la base de plusieurs créations artistiques, du développement et de la mise en valeur du patrimoine. Dans cette perspective, la qualité et l'approfondissement de la recherche historique est garante de la qualité de plusieurs produits culturels, qu'il

s'agisse de la mise en valeur d'un site historique, de la production d'un spectacle à caractère historique ou de l'écriture d'un roman.

Compte tenu de l'importance de la recherche historique basée sur le patrimoine documentaire pour le développement culturel, une politique de la culture doit définir de façon concrète les moyens par lesquels les institutions nationales responsables de la conservation et de la diffusion du patrimoine documentaire - je parle ici notamment des Archives nationales du Québec et de la Bibliothèque nationale - pourront remplir leur fonction de base.

Un plan de développement et de relocalisation pour la Bibliothèque nationale est, bien sûr, nécessaire, comme le souligne le rapport, mais nous tenons à souligner que, pour compléter le réseau des institutions nationales, il faut aussi que les Archives nationales du Québec à Montréal bénéficient d'une telle décision. De plus, des budgets suffisants doivent être accordés pour que ces institutions puissent remplir leur mandat respectif. Évidemment, des sommes importantes ont été investies en fonction de cet objectif ces dernières années, mais il faut noter que celui-ci n'est pas encore atteint. Ainsi, à titre d'exemple, les horaires de la Bibliothèque nationale en font une institution assez difficile d'accès pour le public.

Les historiens reconnaissent que des orientations positives se dégagent de plusieurs actions récentes du ministère des Affaires culturelles, en ce qui concerne la valorisation et la conservation du patrimoine. Ainsi, la création de musées régionaux, la politique de l'agrément des centres d'archives privés, la politique sur les archives judiciaires sont autant de mesures importantes dont l'esprit devrait animer les futures politiques du ministère. Malheureusement, à ce chapitre, la proposition de politique est restée muette.

En conclusion, nous voulons insister sur le fait que, pour donner lieu à un projet culturel qu'on veut - je cite le rapport - enraciné, dynamique, complet et ouvert, la politique culturelle du Québec devra faire place à tous les éléments de la culture et à tous les intervenants du domaine culturel. Globalement, cet objectif ne pourra être atteint que si on met de l'avant une vision de la culture plus large et moins associée au discours de la consommation. Entre autres, la compétence et le dynamisme présents en régions devront davantage être pris en compte, sans que cela entraîne un désengagement financier de la part de l'État québécois. (10 h 30)

Plus spécifiquement, dans le champ de l'histoire et du patrimoine, l'objectif suppose que l'histoire soit reconnue comme une dimension fondamentale de la culture et que le patrimoine soit considéré autant comme un élément à construire qu'à conserver et à diffuser. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme Dépatie. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Oui, merci, Mme Dépatie. Bienvenue à tous. Vous savez, vous parlez de l'histoire et de l'importance, finalement, de l'histoire dans notre système, plus particulièrement, le système d'éducation. Honnêtement, on déplore aussi que l'enseignement de l'histoire soit souvent facultatif, c'est-à-dire au choix de l'élève, ce qui ne devrait pas être, au contraire. On essaie, d'ailleurs... On va travailler en collaboration avec le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, ne serait-ce que pour la sensibilisation culturelle, autant au niveau des arts que... culturelle plus globale. Et c'est sûr que tout le domaine de l'histoire et du patrimoine... Nous, ce qui nous touche, en fait, où on a des actions immédiates, évidemment, comme vous le disiez tantôt, toute la question du patrimoine, d'une part...

On a du retard au niveau du patrimoine. Il y a plusieurs organismes qui sont venus, qui se spécialisent justement dans la conservation du patrimoine, qui sont venus nous faire d'excellentes suggestions. Mais on sait, on en est très conscients aussi, que le retard fait en sorte qu'il y a d'énormes investissements qui sont là et qui se devront d'être appliqués; il s'agit juste maintenant de les répartir dans le temps parce que c'est sûr que c'est une pression financière énorme au niveau du ministère et du gouvernement.

Il y a une chose, par exemple. Vous mentionnez dans votre mémoire que la politique culturelle devrait reconnaître la recherche historique comme une création culturelle. Je dois vous dire que, là-dessus, je diffère un peu d'opinion dans un sens. Vous savez, une politique culturelle... Tout est culture, dans le fond. Notre façon de nous habiller, la façon de se nourrir, et c'est de la culture. À un moment donné, pour ne pas être tellement tout et devenir tellement grand et dilué que ça t'empêche de bouger, il va falloir un peu centrer nos actions et laisser, et travailler en collaboration avec d'autres responsables, de telle sorte qu'ils puissent promouvoir dans leurs champs d'activité les activités dites culturelles, ou qui font partie de la culture à son sens large.

Mais pourquoi... J'ai de la difficulté à comprendre, non pas que ce n'est pas créatif en soi, au contraire. Mais il y a tout le programme du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, les programmes de recherche, qui seraient une porte, en fait, beaucoup plus naturelle d'une certaine façon, qu'au niveau des Affaires culturelles.

Mme Dépatie: Je pense que ce qui était entendu par cette phrase, ce n'est pas évidemment la recherche fondamentale qui est menée par des universitaires et qui est subventionnée

par le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur. Ce qui était entendu dans cette phrase, c'est qu'au point de vue de la mise en valeur du patrimoine, cette mise en valeur exige une recherche historique qui, elle, doit être conduite par des organismes qui dépendent du ministère des Affaires culturelles. Et c'est à ça qu'on faisait référence lorsqu'on demandait que la recherche historique soit reconnue comme une création, parce qu'elle crée le patrimoine.

Dans le mémoire, nous donnions l'exemple des édifices industriels du XIXe siècle qui, sans recherche historique, n'auraient jamais été considérés comme faisant partie du patrimoine, mais qui tout à coup le sont devenus parce qu'on s'est rendu compte qu'ils sont des témoins d'une période de notre histoire. Donc, nous ne confondons pas les responsabilités respectives des ministères. C'est tout simplement qu'il y a surtout de la recherche appliquée qui doit être menée dans les organismes qui dépendent du ministère des Affaires culturelles, et c'est sur ce point que nous désirions insister.

Mme Frulla-Hébert: À partir des organismes. Je veux revenir aussi aux grandes institutions. Vous proposez que les institutions nationales deviennent des lieux de recherche en collaboration étroite avec le monde universitaire, par le biais de comités scientifiques. Est-ce que vous pourriez expliquer davantage votre vision, justement, du rôle de la Bibliothèque nationale, par exemple, en termes de recherche? Et finalement, des grandes institutions. Expliquez-nous un peu comment vous les voyez.

M. Robert (Jean-Claude): Ce qu'on a voulu souligner, c'est moins l'idée que ces institutions devraient être transformées en organismes subventionnaires pour créer de la recherche, mais de souligner l'importance pour ces organismes-là, à l'interne, d'avoir et de maintenir une fonction recherche.

Je vous donne un exemple précis: les Archives nationales du Québec viennent de recevoir des kilomètres d'archives des archives judiciaires du Québec. Pour exploiter ces archives-là, on doit faire une recherche préalable, ne serait-ce que pour savoir comment fonctionnaient les cours en 1846, par exemple. Alors, c'est de cette recherche-là qu'on parle. C'est une recherche qui doit être menée par l'institution elle-même pour l'exploitation, pour la compréhension de son patrimoine parce que si on ne fait pas cette recherche-là - par exemple, je reviens au cas des archives judiciaires - on ne pourra jamais les utiliser. Les chercheurs ne pourront pas y avoir accès parce qu'on ne comprendra pas comment ça fonctionne.

Même chose pour la Bibliothèque nationale. La Bibliothèque nationale a une responsabilité patrimoniale énorme. Elle doit être capable de faire la recherche qui s'impose. Je pense simple- ment ici à la controverse autour de la vieille collection à Saint-Sulpice qui, à mon avis, représente un bloc important du patrimoine scientifique québécois, qui n'est pas objet québécois, mais il est partie du patrimoine. Or, pour le connaître, là aussi, on a besoin de fonction de recherche.

Donc, lorsqu'on a parlé de la recherche dans les institutions, c'est uniquement en termes de besoins de cette fonction-là pour constituer le patrimoine, le mettre en valeur, le maintenir et le développer.

Mme Frulla-Hébert: Alors, en fait, c'est en fonction d'une meilleure exploitation des ressources que l'on a, dans le fond, c'est-à-dire que les archives étant ce qu'elles sont, elles peuvent devenir extrêmement dynamiques quand on sait et quand on en connaît non seulement le contenu mais le fonctionnement passé versus les archives sont là alors, elles sont classées, archivées et...

M. Robert (Jean-Claude): J'irais plus loin que ça. Je pense que c'est absolument fondamental à l'utilisation du patrimoine...

Mme Frulla-Hébert: C'est ça.

M. Robert (Jean-Claude):... que les organismes qui sont chargés de la conservation les connaissent parce que, autrement, si on considère les archives comme un immense dépôt, c'est absolument inutile. Tout peut être là-dedans, mais comment s'y retrouver? Et ça, on ne peut répondre à cette question uniquement que par une recherche. C'est la même chose pour les musées. Je pense que ça, c'est vraiment très, très important.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, madame, messieurs, vous dites à la page 7, et je cite: "Associée à une notion large mais statique du patrimoine qui ne serait qu'une somme d'objets à conserver, cette notion étriquée de la création culturelle débouche sur une définition restreinte de la vie culturelle. "

Bon, enfin, c'est le reproche fondamental que vous faites au rapport Arpin qui vous amène à condamner le peu d'égard du rapport en ce qui concerne le patrimoine et l'histoire. Tout en reconnaissant comme vous que les historiens sont à la fois créateurs et diffuseurs de la culture, je ne vais pas vous questionner sur la notion de patrimoine comme telle, j'irais plutôt dans l'avenue de l'histoire. Comment on pourrait assurer une relance de l'enseignement de l'histoire à tous - et je dis vraiment à tous - les niveaux scolaires et comment y intégrer aussi davantage la dimension régionale? Les régions ont une histoire également.

M. Roy: Oui, tout à l'heure j'ai amené cette citation de Guy Frégault. J'aurais pu poursuivre en disant que j'aurais aimé que ce soit un fil conducteur pour tout le rapport, pour la suite de la rédaction du rapport. Ça n'a pas été le cas, et je le regrette d'une certaine façon parce qu'il aurait été possible de rappeler à ce moment-là que le Québec d'aujourd'hui s'est constitué au cours des siècles à coups de migration, d'immigration, qu'il existe un Québec des régions, qui a peu à voir avec la région administrative mais que l'administration étatique dessert aussi. Chacune de ces régions a son histoire qui, bien sûr, aussi, doit être mise en relation avec celle de l'État. Mais chacune aussi a ses particularités, ses témoins architecturaux et patrimoniaux ainsi que ses paysages. Donc, chacune, à mon point de vue, participe à l'histoire du Québec. Par extension, on pourrait dire la même chose de Montréal.

Alors, en résumé, s'il est vrai que le Québec est davantage que la somme de ses parties ou de ses régions, il est également vrai qu'aucune d'entre elles n'est un microcosme du Québec. Il nous semble que le reconnaître, ce serait accorder la primauté aux Québécois eux-mêmes et à tous les Québécois. C'est dans cette perspective que la relance de l'histoire à tous les niveaux demande peut-être une nouvelle prise en charge de l'histoire récente, mais en lui donnant des éclairages plus lointains. Et ce qui se passe dans la région montréalaise, qui sont les événements, pourrait-on dire, et la poussière des événements qui sont importants, qui sont cruciaux et qui nous interrogent constamment, doivent être ramassés, interrogés sur une plus longue période là où on peut avoir des éclairages. Il me semble que c'est respecter tout le monde que de le faire ainsi, et c'est l'avenue que je privilégierais, mais il est certain que... Tout à l'heure on disait que seule la concertation va permettre cela. Une meilleure formation des maîtres. Et je crois que beaucoup de l'enseignement de l'histoire doit partir de là, d'une meilleure connaissance du Québec contemporain, une meilleure formation, bon, je pourrais ajouter autre chose aussi, et une plus longue formation, plus profonde.

M. Robert (Jean-Claude): Peut-être pour finir là-dessus, si je peux me permettre. Je pense que la relance de l'histoire, c'est quelque chose qui est déjà entamé aussi. Mon collègue parlait de concertation. C'est d'autant plus important que, par exemple, au niveau recherche, depuis une quinzaine d'années, avec le développement, entre autres, du réseau de l'Université du Québec en région, on a assisté à la constitution d'une historiographie extraordinairement riche, mais qui est encore à l'intérieur du cercle des spécialistes. Alors, c'est bien sûr que nous sommes là dans une deuxième étape et il faudrait avoir une concertation avec, sans doute, le ministère de l'Éducation pour être capable de rendre cette histoire-là plus accessible.

Il y a quelques années, avec deux collègues, je me suis attelé à la tâche d'écrire une histoire du Québec contemporain et on n'aurait pas pu faire cette histoire-là si on n'avait pas eu une mine de mémoires de maîtrise, de thèses de doctorat faites dans les universités depuis 25 ans. Alors, le matériel est là. Ça, si vous voulez, le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur a assuré ce genre de constitution de patrimoine et, là, il faudrait trouver des moyens pour utiliser, pour vulgariser, au sens le plus noble du terme, ces connaissances acquises.

Alors, c'est pour ça que, pour moi, la relance de l'histoire, c'est quelque chose qui est déjà acquis au niveau, si vous voulez, de la recherche. Il reste maintenant à la réinsérer, je dirais, dans la vie culturelle plus large de la collectivité.

M. Boulerice: Je pense qu'il n'y a pas un pays au monde qui ne voit pas la nécessité d'avoir deux institutions qui sont vraiment primordiales. Je pense que la notion de pays n'existe pas si, au départ, on n'a pas cela: une bibliothèque nationale et des archives nationales. Nos structures sont là, mais, quant à leur opération - j'essaie de trouver le mot le plus juste - opération, le rayonnement, l'accessibilité et, si vous me permettez l'expression un peu vulgaire, le manque, peut-être, de "glamour" vous fait vous questionner énormément sur la présence des deux institutions nationales capitales, entre guillemets. J'aimerais ça vous entendre un peu plus là-dessus.

M. Robert (Jean-Claude): Volontiers. Je pense que le principal problème qu'on peut voir, eu égard à ces deux institutions-là, c'est vraiment le manque de ressources. Ça fait pitié. Par exemple, je pense à la Bibliothèque nationale du Québec qui est fermée au public le lundi, le soir, parce qu'on n'ouvre que du mardi au samedi, de 9 heures à 17 heures. Ça apparaît aberrant. C'est en plein centre-ville où il y a un public pour y aller. Pourquoi cette situation s'est développée? Eh bien! C'est un peu en rognant les budgets à gauche, à droite, on a fini par faire en sorte que les chercheurs n'y vont plus dans cette bibliothèque-là. Je me rappelle d'avoir dit devant le conservateur, qui n'avait pas aimé la chose, que grâce, par exemple, à leur pratique d'heures d'ouverture et leur pratique de coûts de photocopies élevés, ils avaient réussi à protéger leurs collections de Québec ancien en éloignant les chercheurs, les usagers parce qu'ils n'iront pas, c'est trop malcommode, c'est trop coûteux d'avoir la reproduction.

Donc, ça, ce sont des éléments de détail pour vous montrer comment, en ne finançant pas adéquatement ces institutions-là, on se prépare des lendemains qui ne changeront pas parce

qu'un jour, on ne pourra plus maintenir ces institutions-là.

(10 h 45)

Les Archives nationales, c'est même pire. Il y a 11 kilomètres linéaires d'archives judiciaires qui s'en viennent. Ils ne savent pas où les mettre. Si le ministère de la Justice téléphone aux archivistes à Montréal en disant "Des camions s'en viennent" ils paniquent. Ils vont paniquer parce que les espaces de rayonnage ne sont pas là. Les Archives nationales du Québec à Montréal, qui sont les plus mal logées dans une ancienne école, qui n'est pas conçue pour la conservation archivistique, bien, si on ne fait pas quelque chose, on ne pourra même pas recevoir les versements des ministères qui, pourtant, comme vous le savez, doivent être reçus en vertu de la Loi sur les archives.

Alors, ça c'est le point principal sur lequel j'aimerais insister et l'Institut aimerait insister, c'est que trop souvent, ici, on a sous-financé ces institutions-là en ayant des politiques, en n'ayant pas les moyens de ces politiques. Je pense qu'il est temps de regarder si on peut maintenir ces institutions-là ouvertes avant de penser exten-sionner leur aire d'influence. Je vous dis, j'ai de la crainte pour le développement de ces institutions-là dans l'état actuel des choses.

M. Boulerice: Moi je vous avais dit: Je ne parlerai pas de patrimoine, mais tant pis, je vais revenir sur ma décision. Une question très brève que je capsule. Est-ce que je vous interprète bien lorsque l'on parle d'aller vers les municipalités - dans votre cas, ce n'est pas une objection de principe. C'est tout simplement: Balisons parce que, bon, je ne vous le cacherai pas, je viens d'une ville, Montréal, où malheureusement une administration a pratiqué un saccage éhonté. On a énormément démoli. On a refusé, comme je le dis, de donner un avenir à notre passé. Donc, ce n'est pas une objection de principe, c'est: Balisons, amenons tranquillement et viendra un temps où, à l'exemple d'autres pays, notamment l'Europe, les municipalités pourront assumer pleinement leurs responsabilités, mais dans le contexte actuel, l'État doit demeurer quand même tuteur à certains égards. C'est dans ce sens-là.

Le Président (M. Doyon): M. Roy, vous aimeriez réagir, peut-être.

M. Roy: Oui. Moi je suis plutôt heureux qu'une question de cette nature soit posée. Effectivement, on n'est pas, en principe, contre une prise en charge beaucoup plus grande de la part des municipalités. Ça se rapproche ainsi des citoyens qui doivent être, eux, principalement préoccupés. C'est eux qu'il faut sensibiliser. Mais il arrive cependant que dans l'état actuel des choses, nos élus municipaux ont d'autres préoccupations financières, et ça arrive toujours en bas de liste.

Nous faisons des représentations, et j'en ai fait d'ailleurs lundi dernier, sur un budget de plusieurs dizaines de millions de dollars, qui a été présenté, arrive aussi une demande d'une évaluation dans le bâtiment que nous jugeons importante pour l'histoire de notre municipalité: 683 $ qu'est l'évaluation. C'a paru un peu exagéré quand on a fait notre demande. Bien sûr, quand nous sommes allés en conseil, ils ont dit: Ce n'est pas beaucoup. Mais reste que c'est ça la réalité dans laquelle nous vivons quand nous nous préoccupons de ces choses-là.

Deuxièmement, l'autre point: On va parler du point de vue financier. Mais le point de vue financier, ici, recouvre l'encadrement nécessaire, à savoir que pour travailler en matière de patrimoine, il faut aussi avoir des compétences, certaines compétences. L'intérêt, tous peuvent l'avoir, mais pour intervenir efficacement et de façon convaincante, il faut des compétences, il faut des techniciens, il faut aussi des historiens, des ethnologues. Les municipalités ont-elles cela? Bien évidemment que non.

Je dirais même que les ministères en régions ne les ont pas. Ils ont des gens qui gèrent, mais ils ne fournissent pas l'encadrement, et c'est un des grands malheurs que nous ayons, à savoir qu'il y a des programmes qui sont bien gérés, on est d'accord avec ça. Ce n'est pas là que ça se situe. Mais il reste que quantité de sociétés d'histoire régionales qui auraient besoin d'une impulsion venant d'un... Et que seul un encadrement efficace pourrait fournir, ils ne l'ont pas, faute de fonds; elles meurent. C'est ça aussi la vie culturelle dans les régions.

Le Président (M. Doyon): M. le député, en terminant.

M. Boulerice: Oui, en terminant. Écoutez, je pense qu'il est important de dissiper parce que... Bon, les municipalités, vous le savez, durant des années, des décennies, on pourrait même dire des siècles, on leur a dit: Écoutez, vous, c'est la patinoire, c'est l'aqueduc et c'est l'asphalte des rues. Ils se sont cantonnés dans ce domaine. Que voulez-vous, c'est le mandat qu'on leur avait donné. Certaines commencent à avoir une nouvelle sensibilité. Bravo! Sauf que, je vous avoue, j'ai été un petit peu heurté de voir que certains opposaient un non catégorique alors que des municipalités voulaient consentir des efforts, étaient très sensibles. Il y avait une espèce de braquage.

Donc, je suis content de la nuance que vous apportez à ce niveau-là. Je vous remercie pour votre participation à cette commission et peut-être en soulignant que l'an prochain, il y aura quand même un anniversaire assez important que vous allez célébrer et qui est les 45 ans de votre revue d'histoire, qui est d'ailleurs fort intéressante. J'espère qu'il y aura un numéro tout à fait spécial qui va nous... Déjà, tous les numéros

sont spéciaux, mais il me semble que celui-ci est attendu avec plus d'impatience que tous les autres. Je vous remercie de votre participation.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Bien sûr, je vous remercie. Des fois, vous savez, quand on entend les groupes parler, on se dit: II y a tellement à faire. Ce n'est pas possible. Et quand vous dites que, bien souvent, on ne s'est pas donné les moyens des politiques, vous avez raison, vous avez absolument raison. Mais il faut aussi se rappeler, sans excuser personne, c'est qu'il y a 30 ans, la société québécoise était beaucoup plus intéressée à mettre du beurre sur son pain. Et c'est ce qu'on se fait dire en régions. Et maintenant, tout à coup, il y a un essor et, Dieu merci, une conscientisation au niveau du patrimoine, au niveau des arts. Maintenant, on a le goût de bâtir des bibliothèques versus des arenas. Alors, on a du chemin de fait, mais il y a beaucoup de chemin à faire. Au niveau de la Bibliothèque nationale, il y a un projet de déménagement, les archives aussi. Il s'agit maintenant, évidemment, de l'acheminer à travers les canaux et passer au travers le Conseil du trésor. Mais on est très conscients de tout ça. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors, il me reste, au nom des membres de la commission, à vous remercier d'avoir bien voulu venir nous entretenir des problèmes que vous connaissez et que vous nous avez fait partager. Merci beaucoup.

En vous permettant de vous retirer, la commission me permettra de faire état d'une lettre qui m'était adressée par le recteur de l'Université Laval comme président de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec. Alors, il ne s'agit pas d'un mémoire à proprement parler. C'est une lettre qui est adressée au président et elle date du 17 septembre. Elle vient de m'être remise. Je demanderai tout simplement au secrétaire de bien vouloir en faire parvenir une copie à tous les membres de la commission ainsi qu'à Mme la ministre. M. le secrétaire, si vous voulez bien. Merci.

J'invite maintenant le Conseil de la culture de l'Estrie à bien vouloir prendre place à la table de nos invités. Alors, leur tour est venu de nous présenter leur mémoire. Ils le feront, s'ils le veulent bien, selon les règles qui sont les nôtres, soit 10 à 15 minutes de présentation ou de résumé du mémoire à proprement parler, étant entendu que les membres de la commission ont eu en main votre mémoire et qu'ils ont eu l'occasion d'en prendre connaissance à loisir. Et après ça, la conversation s'engagera pour un certain temps avec les membres de la commission.

Si vous voulez bien commencer par vous présenter, de façon à ce que nous puissions avoir vos noms dans notre transcription des débats et, après ça, vous avez la parole.

Conseil de la culture de l'Estrie

Mme Marchessault (Jovette): Merci. Mon nom est Jovette Marchessault. Je suis présidente du Conseil de la culture de l'Estrie. Je suis une artiste. Je suis peintre, sculpteur, romancière et dramaturge.

Le Président (M. Doyon): Vous êtes accompagnée de?

Mme Marchessault: Je suis accompagnée de Danielle Dupuy qui est une ex... pas présidente pardon, mais l'ex-directrice du Conseil de la culture et Mme Dupuy est aussi directrice générale du théâtre du Sang neuf. Elle est membre du Conseil consultatif de la lecture et du livre. Ensuite, Mme Gertrude Savoie, qui est notre nouvelle directrice générale au Conseil de la culture de l'Estrie; M. Pierre Paquet, qui est administrateur du Conseil de la culture de l'Estrie et animateur du comité culturel de Mégantic en diffusion. Il est aussi administrateur de la bibliothèque municipale de Lac-Mégantic et vice-président de la Conférence des conseils. Ici, à ma gauche, Mme Sylvia Bertolini, trésorière du conseil d'administration de notre Conseil de la culture et elle est directrice de la Société d'histoire et musée Colby-Curtis de Standstead; et Mme Isabelle Boisclair, secrétaire du conseil d'administration du Conseil de la culture de l'Estrie et directrice artistique du Salon du livre de l'Estrie.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue à tous et chacun, chacune.

Mme Marchessault: Avant de commencer la lecture du mémoire, j'aimerais distribuer ceci, puisque nous sommes autour d'une grande table.

Le Président (M. Doyon): On va s'en charger, madame, vous pouvez laisser ça là.

Mme Marchessault: C'est un napperon culturel qui fait partie de notre action quotidienne dans l'Estrie. Il est tiré à 10 000 exemplaires et distribué sur tout le territoire.

Alors, je remercie d'abord la commission de cette invitation. Je suis heureuse de vous revoir, Mme la ministre, et de vous saluer. Je m'adresse à vous en tant que présidente du Conseil de la culture de l'Estrie, car le Conseil de la culture de l'Estrie, comme les 10 autres conseils, est un organisme à vocation régionale. Nous allons, dans les quelques pages qui suivent, faire entendre la voie d'une des plus belles régions du Québec, car nous croyons que cette région sera porteuse

d'art, de beauté, de liberté d'expression tant et aussi longtemps que les forces vives de ses créateurs et de ses créatrices, sans discrimination de sexe, d'âge et d'ethnie, pourront s'y exprimer en pleine, entière et chaleureuse relation avec le reste des artistes du Québec et du monde.

Les mots "région" ou "régional" ne sont pas très populaires chez le groupe-conseil. Pourtant, le Petit Robert est d'accord avec nous pour nous définir comme direction, frontière, contrée, territoire possédant des caractéristiques humaines et physiques particulières qui en font une unité distincte des régions voisines au sein d'un ensemble qui l'englobe.

En vieille Estrie comme en nouvelle Estrie, ce Royaume de l'Est, nous savons et réaffirmons que les réalités culturelles régionales sont essentielles au grand projet culturel de notre Québec. En refusant d'encourager et de financer adéquatement ce qui constitue l'aspiration de l'âme de toutes les régions que nous animons, on nie la pertinence de notre existence, ainsi que la force, l'énergie et la générosité de tout ce qui nous motive. Ainsi, présenter Montréal comme le principal creuset par lequel se forme le Québec de l'avenir, page 121, et affirmer quelques pages plus loin que le développement cuturel passe en effet par la reconnaissance enthousiaste d'une mission métropolitaine qui prenne appui sur les forces existantes et qui contribue à baliser les voies de l'avenir, c'est bien mal poser la question. À titre d'exemple concret, la seule région métropolitaine de Sherbrooke forme, avec celles de Montréal et Québec, le triangle industriel le plus important du Québec. À notre avis, le groupe-conseil propose une vision partielle et réductrice de la réalité culturelle régionale en refusant de reconnaître que ce sont aussi nos artistes régionaux qui, par un exode massif - mais ont-ils le choix? - vont alimenter ces centrales d'énergie que sont Montréal et Québec.

Depuis la fondation des conseils de la culture, nous avons accordé la priorité à la consultation, à la concertation et au développement. Dans son travail quotidien, un conseil de la culture, en plus d'encadrer, anime, organise, développe et crée, dans le milieu où il oeuvre, des interactions qui se répercutent dans la vie sociale, politique et culturelle. Notre plan d'action est axé sur trois grands pôles: école et culture, municipalité et culture, média et culture, où nous avons mis en place des mécanismes d'intervention. À ce propos, nous avons constaté avec plaisir que le groupe-conseil a bien saisi ces dimensions qu'en Estrie nous avions déjà identifiées.

La reconnaissance que nous recevons de nos partenaires régionaux de l'industrie du tourisme et de la culture prend la forme d'invitations à siéger sur différents comités qui sollicitent notre expertise en matière de développement culturel. Malgré nos maigres ressources financières, notre manque de personnel, nous avons su créer des alliances avec des organismes nationaux et sectoriels. Nous travaillons également en étroite collaboration avec notre communauté anglophone dans les dossiers concernant l'éducation, le patrimoine, etc. En Estrie, de Sherbrooke jusqu'à Lac-Mégantic, d'Asbestos à Coaticook jusqu'au Vermont, nous voyageons vers toutes les destinations de l'intérieur de nos frontières jusqu'à la Nouvelle-Angleterre. (11 heures)

Les élus municipaux ont toujours eu des responsabilités à assumer dans le développement culturel. L'histoire de notre Conseil est jalonnée d'expériences fructueuses avec la majorité des instances municipales. Du Sherbrooke métropolitain en passant pas les MRC à la plus petite municipalité, où, par nos interventions, nous sommes le lien nécessaire entre les besoins des artistes et ceux des municipalités. Là comme ailleurs, notre premier souci a été de faire valoir et de faire entendre le point de vue des créateurs et créatrices dont nous sommes le messager. Nous sommes sensibles comme milieu et nous comprenons que le monde municipal doit pouvoir compter sur des programmes nationaux et des crédits de transfert suffisants pour assumer des responsabilités que vous partagez avec lui et que vous aurez pris soin de négocier avec leurs représentants.

À travers le temps, l'évolution des actions et des mandats, que ce soit la direction générale des Affaires culturelles qui doit rendre des comptes à ses ministres, d'un comité culturel qui doit rendre des comptes à ses municipalités et d'un conseil de la culture qui doit rendre des comptes à ses artistes, l'évolution de ces mandats, disions-nous, a connu de courtes périodes de chevauchement. Maintenant que les mandats ne se chevauchent plus et que les actions s'y harmonisent, ce que le conseil fait, personne d'autre ne peut le faire: parler au nom des artistes qui, avec nous, sont libres de s'exprimer sans s'autocensurer. Elles savent et ils savent que nous ferons entendre leurs voix auprès de ceux qui doivent les entendre, que nous hausserons le ton auprès de ceux qui se bouchent les oreilles.

Au lieu de questionner la pertinence de notre existence et malgré l'évaluation favorable des conseils régionaux de la culture par la firme Multi-réseau, que le ministère avait mandaté pour nous évaluer, le groupe-conseil ne reconnaît pas le travail phénoménal de l'ensemble des conseils de la culture. Nous avons toujours placé notre coeur et notre intelligence au service des artistes et de la culture en faisant tout pour que notre action comporte toujours un objectif utile pour la collectivité québécoise.

En novembre 1990, à l'occasion du Congrès d'orientation de l'assemblée des conseils, tous les intervenants se sont prononcés fermement en faveur d'une politique décentralisée, permettant à

tout le Québec de se développer en matière culturelle. En Estrie, les actions de notre conseil témoignent de l'importance accordée au développement culturel fondé sur le dynamisme des intervenants locaux et régionaux basé sur des programmes correspondant à leurs véritables besoins, en tenant compte de la spécificité de notre région, afin d'obtenir une meilleure cohérence avec le national. Il y a quelque temps, nous avons entendu quelqu'un déclarer qu'il n'y avait que les grands couteaux et les gros "guns" pour faire bouger le gouvernement. Cette personne faisait bien sûr allusion aux bistouris du corps médical et aux revolvers du corps policier. Mais comme vous le savez, il n'a jamais été dans la mentalité de ceux et celles, qui sont à la fois le passé et l'avenir culturel de notre Québec d'adopter une attitude menaçante ou encore d'utiliser le chantage. Pouvons-nous imaginer un instant Marie-Claire Blais, qui habite notre région, et Anne Hébert avec des matraques, Réjean Ducharme, Michel Tremblay avec des "guns"? Certes, nous déplorons depuis longtemps la lenteur du gouvernement dans l'important et vital dossier de la culture, mais nous continuons de croire à l'effet foudroyant des ressources morales mais aussi financières pour faire évoluer une situation.

Au Conseil de la culture de l'Estrie, nous croyons qu'il est important de soutenir et d'être soutenus par nos partenaires, les organismes nationaux et sectoriels, et de faire sortir les fonctionnaires de leur indétermination. Comme nous ne sommes pas des quêteux et des quêteuses, nous demandons plus qu'une petite pièce de monnaie; nous demandons qu'on aille plus loin en faisant enfin quelque chose de concret en vue d'une répartition plus juste de la richesse collective. Devons-nous vous rappeler que la force de l'ensemble s'appuie sur celle de chacune de ses composantes et qu'il est d'intérêt national de soutenir la qualité, qu'elle soit régionale ou nationale?

Pour nous, Mme la ministre, la culture, ce n'est pas seulement ce que nous apprenons à l'école ou à l'université. C'est aussi et surtout ce que nous devenons au cours de notre existence sur la terre.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Mme Marchessault, il me fait plaisir de tous vous revoir. D'ailleurs, vous venez d'un des, je pense que c'est le plus beau coin du Québec - il n'y a personne, on est entre nous - ne serait-ce qu'un des plus beaux coins du monde; nous en faisions partie, Sutton, on est maintenant en Montérégie, mais ce n'est pas grave, c'est un coin qui est magnifique et aussi, extrêmement actif. On a eu la chance d'avoir énormément de représentants de votre région; d'ailleurs, j'avais commencé par vous. Et c'est drôle, parce que votre réaction au niveau de récriture, comme disait mon collègue, un peu courte du rapport Arpin, au niveau de Québec, bon, à Montréal, Québec et les régions et Dieu sait! Je suis certaine que ce n'était pas l'intention de dire non plus: C'est un bloc monolithique, je vous l'avais dit. Mais c'est drôle parce que, finalement, je vous avais dit que c'était pour engendrer une discussion et bien cela a eu une discussion extraordinaire à travers le Québec et une levée de boucliers qui fait en sorte qu'il y a une espèce de conscientisation encore plus grande de la part de Montréal et de Québec, de la présence des régions et même des régions aussi de se dire: Nous, on est des forces vives. D'ailleurs, hier, on se rappelle dans Le Devoir, on parlait de la création en Abitibi, des choses qu'on ne voyait pas ou plus rarement et j'espère qu'on va continuer à développer, à voir de plus en plus et à le dire aussi haut et fort.

Mme Marchessault: Je pense que c'est vraiment irréversible, Mme la ministre. Il y a vraiment une force de création et d'énergie résolument unique au Québec, et je trouve que nous sommes aussi une société qui est très évoluée.

Mme Frulla-Hébert: Moi aussi. Mme Marchessault, vous qui avez toujours oeuvré à l'intérieur du... non seulement vous avez donné un apport extraordinaire au niveau du monde culturel, des arts. Vous dites, on est une société évoluée. Moi, je suis d'accord, je pense qu'on a fait un très, très grand bout de chemin en termes de société.

Mme Marchessault: En très peu de temps.

Mme Frulla-Hébert: Oui c'est ça. Oui parce que d'il y a 30 ans maintenant.

Mme Marchessault: Vous le disiez tout à l'heure.

Mme Frulla-Hébert: Oui, veux veux pas. On a beau dire finalement... On peut se donner puis s'accuser de tous les torts, on est ici parce que l'on a un besoin de changement. Les gens acceptent de venir discuter. On se dit franchement nos vérités, mais, effectivement, en très peu de temps. Par contre, je vous donne un exemple: On est tous à pousser sur une bibliothèque ou encore un centre culturel. Par exemple, une région qui est venue nous voir - je ne la nommerai pas - et qui nous disait: Ah! Comparativement, en périphérie de la capitale, ils nous disaient: Nous autres, comparativement aux investissements, on n'a rien, on s'organise pour doter d'un équipement dont ils ont besoin. Référendum: La population, évidemment, c'est une petite augmentation au niveau de la municipalité, très petite. 50 $ au niveau du compte de taxes annuel, ce n'est pas énorme, ça, c'est six paquets

de cigarette ou à peu près. Et battu par référendum et voilà, !e beau projet à l'eau. Il faut encore recommencer tout ça. Il y a bien des fois, c'est au niveau, c'est décourageant aussi de l'autre côté.

Alors, vous dites, on est une société évoluée. Vous dites que c'est irréversible, donc vous nous encouragez. Mais au niveau de votre région, il semble y avoir une stimulation énorme et une sensibilisation énorme au niveau culturel. Dites-nous comment vous faites et versus ce qu'on peut prendre justement comme exemple puis l'amener dans d'autres régions, parce que ce n'est pas évident partout.

Mme Marchessault: Le Conseil de la culture, grâce d'ailleurs à Danielle Dupuy qui est ici avec nous ce matin, s'est donne il y a quelques années des axes de développement d'ailleurs qu'on reprend, qui sont dans le rapport Arpin, que nous avions déjà identifiés avant M. Arpin, et qui sont des axes de développement très importants: médias et culture, écoles et culture et municipalités et culture.

Alors, il y a une espèce de, quelque chose que je pourrais qualifier d'harmonie, je pense, entre les intérêts de chacun et de chacune. Il faut absolument se serrer les coudes, les temps sont durs, il faut se serrer les coudes, il faut tirer sur l'attelage dans le même sens. Maintenant, j'aimerais que Mme Savoie vous parle un peu de ce que l'on fait parce qu'elle travaille beaucoup en région avec les municipalités, parce que c'est vraiment... Il faut compter, nous en avons plusieurs, nous avons beaucoup d'organismes en Estrie qui sont membres du Conseil de la culture, qui viennent chez nous et qui sont très attachés au Conseil de la culture, mais Mme Savoie travaille particulièrement en région, et j'aimerais qu'elle vous en parie un peu, Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Juste un peu avant de commencer, Mme Savoie, expliquez-moi aussi. Évidemment, les groupes que nous avons reçus, on a reçu la Société de développement économique, la ville de Sherbrooke qui se dote d'une politique culturelle. Finalement, même l'Association touristique en est très consciente et se sert de la culture. Alors, comment votre organisme... parce que vous êtes dans une région très bien organisée... Il y a l'université aussi...

Mme Marchessault: Grâce au Conseil de la culture, parce qu'on était là pour pousser, pour critiquer, pour chialer, pour dire: Écoutez, non vraiment, la ville de Sherbrooke s'est donné évidemment une action culturelle, une politique culturelle, mais là, ils en sont à la deuxième version. La première version, nous n'étions pas satisfaits. Quand je dis nous, je parle de tous les artistes de la région et des organismes que nous représentons. Alors, ils nous disent: Nous, on aime pas telle ou telle chose. Donc, on peut, parce qu'on les représente vraiment et qu'on est vraiment leur porte-parole puis, dans l'espace de quelques heures, on peut pratiquement se mettre au téléphone et consulter à peu près tout le monde. Or, on a pu faire des pressions et la ville de Sherbrooke, parce qu'il y a des gens quand même compétents et de très bonne foi et qui veulent faire des choses, ont révisé certaines choses, et on a pu faire avancer les choses grâce à ça.

M. Paquet (Pierre): Pour le cas auquel vous avez fait allusion, je pense qu'il faut insister sur le fait... D'abord, je vous dirai que mon père est originaire de cette région-là, qu'il m'avait dit qu'ils le perdraient parce qu'il était allé voir ses beaux-frères et belles-soeurs la fin de semaine précédente, et si je vous dis ça c'est pour insister sur l'importance que ces gens-là se laissent convaincre par leurs semblables, par les gens qui, dans leur milieu, sont les plus vendus à la chose culture. C'est une région qui n'a pas été très favorisée dans le sens d'avoir des outils de concertation culturelle autant qu'ils ont pu en avoir en Estrie par exemple, parce qu'ils étaient rattachés à une autre région, il y avait 2, 3 régions. C'est ça qui fait la différence entre le gain et la perte et, pour avoir parlé à la personne qui était responsable du comité hier sur cette question-là, parce qu'on est intéressé à les aider et qu'ils viennent nous voir parce que nous, on ouvre notre bibliothèque et que c'était leur projet de base, ils vont remettre la roue en branle pour avoir perdu une bataille, mais pas la guerre. Donc, c'est de maintenir des moyens à ces gens-là pour qu'ils puissent continuer à opérer ces sensibilisations-là.

Mme Savoie (Gertrude): Si je peux me permettre de revenir au travail de Sherbrooke, de la Société de développement, pour vous dire que nous sommes différents en ce sens que nous sommes heureux que Sherbrooke se dote d'une politique culturelle, nous sommes heureux aussi que la MRC de Memphrémagog se dote d'une politique culturelle, nous y avons travaillé, nous avons travaillé de concertation avec les élus municipaux pour qu'on puisse y arriver. Mais notre travail se fait sur tout le territoire. Il ne se concentre pas nécessairement dans la région de Sherbrooke. Notre territoire est beaucoup plus vaste que la seule région de Sherbrooke et les environs. Et si je peux me permettre de revenir à cet axe de développement municipalités et culture où nous investissons beaucoup de notre temps à sensibiliser, à informer les élus municipaux de tout notre territoire de l'importance de se doter de politiques culturelles et de les soutenir dans ce travail qui est d'autant plus difficile que les investissements financiers ne sont pas adéquats en ce moment, et particulièrement avec la réforme qui leur arrive. Nous

investissons du temps au niveau de commissions territoriales où nous réunissons des élus municipaux, le milieu culturel pour arriver à concerter les individus autant du côté de la municipalité que des créateurs et des artistes de la région pour concerter les besoins, autant d'un côté comme de l'autre, et arriver à développer, à mettre en place des plans réels de développement culturel. D'autre part, nous investissons aussi au niveau d'une activité annuelle, municipalités et culture, où nous réunissons les élus municipaux et les créateurs de tout notre territoire pour se pencher sur des problématiques particulières. Notamment cette année, nous allons nous pencher sur la fiscalité et la culture.

Mme Frulla-Hébert: Mme Marchessault, avant de terminer - parce que le temps presse et je vais laisser la parole aussi à mes collègues - on nous a beaucoup demandé ici, on nous a demandé beaucoup d'appuyer et d'améliorer la condition du créateur. Il y a une grande discussion ici versus création et industrie culturelle. Même il y en a certains qui poussent l'idée assez loin, de dire: Les industries culturelles, une fois qu'elles sont bien parties, devraient bénéficier de programmes du ministère de l'Industrie et du Commerce, et le ministère des Affaires culturelles devrait se concentrer beaucoup plus sur la création et tout le jaillissement créatif, si on veut, et concentrer ses actions là-dessus. Qu'est-ce que vous en pensez, un peu de création, créateurs vs entreprises culturelles, ou est-ce qu'il doit y avoir une juste, finalement, mesure entre les deux? (11 h 15)

Mme Marchessault: Parce qu'on parle de quelque chose qui, à mes yeux, n'est pas monnayable, combien ça coûte écrire une pièce de théâtre. Je veux dire... Il faut voir les conditions de vie, je pense qu'on devrait avoir des conditions, je ne dirais pas minimum, mais des conditions de vie... C'est extrêmement difficile, parce que moi, ma priorité, c'est pas de l'argent. J'arrive bientôt à 54 ans. Je suis toujours en deçà du seuil de la pauvreté et je ne suis pas angoissée. Parce qu'évidemment, j'ai d'autres pensées. Je suis habitée par autre chose.

Maintenant, pour les jeunes artistes, je pense que c'est vraiment terrible. À l'époque où moi, j'ai sollicité mes premières bourses - c'est au Conseil des arts du Canada - il y en avait beaucoup moins. Maintenant, il y a vraiment une explosion. Il faut trouver des moyens et, entre autres, et c'est là que le rôle des régions est tellement important, il faut que nos artistes, Mme la ministre, cessent d'aller grossir les rangs des chômeurs et des chômeuses à Montréal. Il faut que les... Oui.

Mme Frulla-Hébert: C'est parce que vous dites: là, à l'époque, il y en avait beaucoup moins. Maintenant, il y a une prolifération. Et effectivement, au niveau des musiciens, on en forme beaucoup; au niveau de l'art dramatique, on en forme beaucoup. Il y a deux choses aussi: on ne peut pas arrêter non plus l'effort et la formation, parce que... bon... mais d'un autre côté, comment on fait aussi pour subvenir à tout cet influx positif, oui, mais cette prolifération?

Mme Marchessault: Je pense que c'est impossible de l'arrêter. Enfin, à mon avis, moi... Vous parlez de prolifération... Au contraire, je trouve que c'est ce qui fait aussi la société, le tissu...

Mme Frulla-Hébert: Effectivement, oui.

Mme Marchessault: ...la texture même de la société québécoise, c'est cette, comme vous dites, entre guillemets, prolifération. C'est qu'il y a des artistes partout. Et c'est ce qui fait qu'on est une société évoluée. Et moi, quand je parie d'une société évoluée - j'ai des amis un peu partout dans le monde, je suis une femme cosmopolite, et je vois comment ces gens réagissent, et je vois comment nous, nous réagissons sur le plan humain, sur le plan des artistes, et tout ça, et je me dis combien nous sommes avancés sur le plan philosophique, sur le plan historique, sur le plan de la pensée, sur le plan de la verbalisation. Alors, je dis: II ne faut pas essayer de contenir cette prolifération. Au contraire, c'est ça qui fait la richesse de la société maintenant. Je suis obligée d'employer un mot anglais, de "dealer" avec ça, Mme la ministre. Ça veut dire qu'il va falloir trouver une place pour tout le monde, d'abord en commençant par la région, parce que nous, en région, on vit vraiment un exode massif. Mais moi, je suis l'exemple contraire. J'ai quitté Montréal pour aller vivre en région. Il y a Michel Garneau qui est maintenant en région.

Mme Frulla-Hébert: Mais est-ce que...

Mme Marchessault: II y a Marie-Claire Blais...

Mme Frulla-Hébert: C'est ça.

Mme Marchessault: ...qui est tout près de chez moi.

Mme Frulla-Hébert: On ne voit pas maintenant, justement, ce que vous dites...

Mme Marchessault: Comprenez-vous?

Le Président (M. Doyon): Je devrais donner la parole maintenant à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. Mme Marchessault, ma-

dame la directrice générale, félicitations et meilleurs voeux de succès dans vos fonctions. Mesdames et M. Paquet, qui est un habitué des commissions parlementaires et de ce Parlement. Un tout bref commentaire, une question que je vous adresserai et mon collègue estrien d'adoption, le député de Mercier aussi, voudra vous questionner.

La première, je trouve que c'est une victoire à la Pyrrhus de dire que le rapport Arpin, ayant été court au niveau des régions, cela permettait aux régions de venir s'affirmer. Je pense qu'on aurait pu trouver d'autres moyens que celui-ci. La question que je veux vous poser a deux volets. Je vous la fais le plus bref possible pour donner le temps à la discussion. Oui, on a menacé les conseils régionaux de la culture. Résultat: j'ai entendu à cette commission une MRC s'interroger vraiment sur le rôle du Conseil de la culture en se disant: Qu'est-ce qu'ils font là comme tel? C'était celle de Mem-phrémagog, je crois, ce qui me heurtait un peu. Le deuxième volet est: Quels sont les liens qui existent entre le Conseil de la culture de l'Estrie et les intervenants culturels de la communauté anglophone, en Estrie, qui est quand même importante?

Mme Bertolini (Sylvia): Moi, je peux répondre à cette question parce que je suis de la Société historique de Stanstead. À Stanstead, on est justement au-dessus de la frontière américaine-canadienne, et je vais vous dire que le Conseil de la culture, en ce moment, est en train de monter un programme échange Québec-Ver-mont. C'est le Conseil de la culture qui est en train de le faire. Plusieurs d'entre nous, on va descendre... Ça veut dire les peintres, les artistes, les musiciens, il va y avoir de la danse, entre autres...

Une voix: Le théâtre.

Mme Bertoloni: ...le théâtre, le patrimoine. Nous allons tous au Vermont, faire un échange de même type avec des gens qui sont nos pairs, là-bas, au Vermont. Et c'est un échange culturel qui se fait, et ce sont des anglophones, et c'est le Conseil de la culture qui a mis ça sur pied. Et nous, le musée à Stanstead, le Conseil de la culture nous a aidés énormément à savoir quelle voie, quel chemin prendre pour avoir certaines informations.

M. Boulerice: Heureux de cette réponse.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Mercier.

M. Godin: M. le Président, je vous remercie. À force d'attendre, ma question s'est dissoute dans les ténèbres de la mémoire. Mais je voudrais quand même en profiter pour saluer mon amie, Jovette Marchessault, qui a contribué au développement du théâtre québécois, avec des oeuvres qu'on peut qualifier carrément de révolutionnaires, et qui ont fait reculer les frontières de la liberté au théâtre, ce qui est important, parce que ça se transfère dans le comportement des gens.

J'aimerais savoir de vous pour quelles raisons on ne trouve pas avec vous, ce matin, les porte-parole du théâtre du Piggery, par exemple, qui est une des plus anciennes institutions de la région et qui, malheureusement, n'est pas ici. J'aurais aimé leur poser quelques questions parce que moi ça m'apparait un peu presque magique que le Piggery existe toujours, et miraculeux que je dirais quasiment, que le Piggery existe toujours et qu'il continue à travailler, à produire et remplir leurs salles. Leur seul défaut peut-être jusqu'à maintenant c'est qu'ils n'ont pas joué encore une pièce de Mme Marchessault, mais j'imagine que c'est une question de temps.

Mme Marchessault: Je suis jouée seulement à Toronto, Gérald. Je ne suis pas rendue encore chez les anglophones des Cantons-de-l'Est.

M. Godin: Qui sont vos voisins.

Mme Marchessault: Qui sont mes voisins et mes voisines.

Mme Bertolini: ...qui est au théâtre du Piggery, il fait partie du conseil administratif du Conseil de la culture.

M. Godin: Bon. Alors, ça répond à ma question.

Mme Marchessault: J'ai laissé plusieurs messages sur son répondeur et il est peut-être en tournée aux États-Unis, je ne sais pas, mais il est membre de notre conseil d'administration, et les relations sont vraiment excellentes.

Une voix: Avec le Piggery. Mme Marchessault: Oui et Mike.

M. Godin: M. le Président, une toute dernière. Nous savons de plus en plus maintenant en siégeant ici qu'il y a des manifestations culturelles en régions. Est-ce qu'on peut corrol-lairement dire aussi qu'existe une culture des régions qui serait différente de la culture des régions voisines? Je sais bien que Trois-Rivières, par exemple, a une forme de culture parce que c'est mon coin natal. Je connais, par adoption, comme a dit mon collègue de Sainte-Marie-Saint-Jacques, la culture de votre région à vous. Et j'ai constaté des différences.

Pourriez-vous me donner votre opinion là-dessus, si vous en avez une au moment où on se parle?

Mme Marchessault: Je pense qu'il y a des couleurs, chaque région a ses couleurs. Mais en-dessous des couleurs, en-dessous des vêtements, pour moi, il y a du sang, il y a un coeur, il y a un esprit. Je pense que la dynamique est partout la même. Il y a des endroits où elle est plus évidente, où il y a plus d'énergie encore. Mais de ce que je sais, de tous les conseils, des 10 autres conseils de la culture, parce que j'ai lu les mémoires des autres conseils de la culture, et moi j'étais absolument estomaquée et emballée par ce qui se disait, par ce que ces conseils-là de la culture arrivaient à faire, en consultation et en concertation puisqu'on représente les artistes, avec les artistes.

M. Paquet: Je pense qu'on doit ajouter qu'il y a des différences qui sont évidentes, il y en a d'autres qui sont plus subtiles. Ce qu'il faut, je pense, ce à quoi on s'attend d'une politique culturelle, c'est qu'elle donne des moyens de consolider les forces dans les régions. Je pense, par exemple, aux arts de la scène en Estrie, par rapport à d'autres régions. Il est évident, ne serait-ce que par la liste des personnes qui reçoivent des subventions et l'investissement de l'État qui est jumelé à celle du privé et des artistes dans notre région, c'est plus fort qu'une autre région.

Dans une autre région, pour la vôtre, je pense qu'il y a des forces évidentes au niveau de l'édition de la poésie, et ça ne veut pas dire que tous les autres sont faibles, mais ça c'est une très grande force par rapport à d'autres régions.

Ce qu'on doit reconnaître, c'est que la politique culturelle, enfin, ce qu'on en attend, c'est qu'elle permette aux forces de continuer, de poursuivre, que ces forces-là, dans des échanges interrégionaux, puissent servir les autres régions et que la politique reconnaisse également que les faiblesses dans des régions puissent avoir accès à des moyens de développement. Je pense que c'est l'attente la plus grande de tous les artistes de toutes les régions.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Paquet. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, brièvement puisque déjà, le temps file et d'autres groupes veulent intervenir. Mme Marchessault s'est demandé si Marie-Claire Blais et Anne Hébert pouvaient avec des matraques, Ducharme et Tremblay peut-être avec des "guns"... Tremblay, je ne le sais pas, mais Ducharme, là, j'aurais des doutes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Mais je peux vous dire...

Mme Marchessault: Je n'ai pas osé mettre mon nom non plus parce qu'on aurait dit oui, peut-être. Alors... Ha, ha, ha!

M. Boulerice: J'allais dire: Mme Marchessault, vous avez une arme qui est merveilleuse et qui pourrait constituer une menace pour ceux qui n'écriront pas une politique culturelle satisfaisante. Vous avez la plus belle arme dans les mains qui est une plume.

Mme Marchessault: Voltaire serait d'accord avec vous, M. Boulerice.

M. Boulerice: Je n'ai pas pu le consulter faute de temps mais...

Mme Marchessault: Non.

M. Boulerice: Ha, ha, ha! Je vous remercie beaucoup Mme Marchessault ainsi que les collègues.

Mme Marchessault: Pourrais-je ajouter que la culture n'a pas de frontière et n'a pas non plus de problème de langue.

M. Boulerice: Je suis bien d'accord avec vous.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame. Est-ce qu'il y a consentement pour... Vous voulez la parole, M. le député?

M. Benoit: Oui, si c'est possible.

Le Président (M. Doyon): Oui, si vous me la demandez, il y a moyen de s'arranger mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): ...je n'avais pas... Une voix: Demandez et vous recevrez. Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Boulerice: II y a une entente entre le ministre et le porte-parole, mais disons que compte tenu que c'est un groupe de l'Estrie, alors, nous allons...

Le Président (M. Doyon): Est-ce qu'il y a consentement? Oui?

M. Boulerice: Oui.

Le Président (M. Doyon): M. le député, quelques mots de remerciements.

M. Benoit: Alors, Mme Marchessault, merci d'être venue nous rencontrer. Au nom de la deputation de l'Estrie qui sont tous pris en commission parlementaire - je l'étais moi-môme jusqu'à il y a quelques minutes - vous remercier

d'être venus ici. Entre le moment où je suis arrivé dans l'Estrie il y a 20 ans et aujourd'hui, même à travers les problèmes que vous nous mentionnez, il y a eu une explosion culturelle. Je pense à des choses telles que le Musée des beaux-arts de Sherbrooke, il y a 20 ans, il n'y en avait pas. Il y avait le Séminaire. Maintenant, on a un beau musée organisé avec des bénévoles. Je pense à des activités populaires. Je pense à la Traversée qui a mis une option activités culturelles et qui, finalement, après quelques années, va très bien. Le Symposium de peinture, depuis deux années, 5000 à 6000 personnes l'an passé, cette année, 13 000. À cette vitesse-là, il y aura 100 000 personnes qui viendront voir les oeuvres d'art de nos peintres dans quelques années. Et je pourrais continuer. Je pense à votre musée avec le Vermont et combien d'autres choses.

Oui, il y a des problèmes. On a parlé du mémoire de la MRC de Memphrémagog qui était ici plus tôt la semaine dernière. Ce que je retiens du vôtre, c'est que vous avez mentionné la collaboration ou l'étroite collaboration que vous avez avec la communauté anglophone. Et ça, on a reproché à la MRC de Memphrémagog de ne pas l'avoir fait alors qu'on sait qu'il y a une grande partie des arts qui est venue de ce milieu-là originalement.

Alors, on vous remercie de votre présence. Les années à venir seront, espérons-le, un peu plus faciles. Et vous avez certainement fait avancer la chose des arts ici aujourd'hui. Merci.

Le Président (M. Doyon): Alors, au nom de la commission, Mme Marchessault ainsi que tous les gens qui vous accompagnent, il me reste, comme président, à vous remercier d'avoir bien voulu prendre le temps de nous entretenir comme vous l'avez fait, d'une façon aussi convaincante. Et en vous souhaitant un bon retour, je vous permets de vous retirer de la table. Merci beaucoup encore une fois.

Suspension des travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 29)

(Reprise à 11 h 31)

Le Président (M. Doyon): S'il vous plaît! La commission va reprendre ses travaux maintenant. Les conversations peuvent se poursuivre à l'extérieur de l'assemblée, s'il vous plaît. M. le député d'Orford. J'invite maintenant la Société généalogique canadienne-française à bien vouloir s'installer pour qu'elle puisse s'adresser à la commission.

Une voix: M. le Président, merci pour votre collaboration.

Le Président (M. Doyon): Maintenant que M.

Normand Robert a pris place à la table de nos invités, il me reste tout simplement à lui souhaiter la bienvenue et à l'inviter à s'adresser à nous, de la même façon que les autres l'ont fait, 10, 15 minutes et, après ça, nous allons commencer la discussion avec vous. Vous avez la parole, M. Robert.

Société généalogique canadienne-française

M. Robert (Normand): Merci beaucoup. Mme la ministre, M. le représentant de l'Opposition officielle, M. le Président de la commission, mesdames, messieurs. Pour situer les membres de la commission, quelques mots sur la Société généalogique canadienne-française.

Cet organisme a été fondé en 1943 et fêtera son 50e anniversaire en 1993. Elle regroupe plus de 3500 membres au Québec, mais également dans des régions, bon, diverses provinces canadiennes et aux États-Unis. Et nous avons quelques membres en Europe, en Afrique, en Asie et même un en Océanie. Donc, ça nous permet de dire qu'on est international. Elle publie une revue trimestrielle depuis 1944, qui se compare avantageusement à celle de la Revue d'histoire de l'Amérique française, là, les gens qui se sont présentés il y a environ une heure. Elle entretient une bibliothèque, la plus importante du genre en Amérique française; elle est située boulevard Rosemont à Montréal, dans un quartier bien populaire. Elle offre des cours de formation et de recherche en généalogie; elle publie des instruments de recherche et organise tous les cinq ans un congrès, qui attire bon nombre d'Américains à ses activités.

Toutes ses activités fontionnent grâce au bénévolat indéfectible de ses membres et sans subside gouvernemental. Notre budget annuel est d'environ... bon, dépasse les 100 000 $; l'année dernière, c'était 115 000 $, ça varie d'une année à l'autre, là, mais ça tourne toujours aux alentours de 100 000 $. J'aimerais que les gens de la commission se souviennent de ce chiffre-là, parce que je vais faire une comparaison avec notre noble institution, les Archives nationales, tantôt, et je pense que le chiffre de 100 000 $ va être très explicite. Signalons également que la généalogie est le troisième loisir en importance au Québec, après les sports et les arts, et ce mouvement ne pourra sans doute que s'accentuer, surtout si l'on songe à la tendance globale du vieillissement de la population.

Maintenant, entrons dans le vif du sujet. J'aimerais signaler, entre autres, trois recommandations que nous appuyons fortement - bon, nous en appuyons un certain nombre - mais je vais en souligner trois, qui nous apparaissent plus importantes.

La première, c'est la recommandation qui demande une modification de nom au ministère actuel. Nous appuyons cette modification-là, et nous serions fiers de voir un ministère de la

culture au Québec.

Nous appuyons également la recommandation à l'effet du rapatriement complet des champs de compétence relevant du domaine culturel, mais à la réserve d'obtenir les pleines compensations financières nécessaires à cette prise en charge de ces nouveaux leviers de développement culturel. Au sujet de l'objectif de 1 % du budget total de l'État accordé à la culture, cela nous apparaît comme étant un minimum pour le développement de ce secteur de notre société et il faudrait plutôt penser à 2 % du budget total de l'État.

Par contre, nous avons été extrêmement déçus après la lecture des 113 recommandations pour constater que la majeure partie portait sur les arts. À notre avis, c'est une importance exagérée et restrictive. D'ailleurs, les arts ne sont qu'une facette ou une expression de la culture. Nous avons toujours eu l'impression que la culture commençait au berceau par le rapport privilégié entre les parents et l'enfant et se poursuivait à l'école et non par l'assistance à un spectacle ou la visite d'un musée.

D'ailleurs, nous trouvons également que la dichotomie entre créateurs, d'un côté, consommateurs de biens culturels et d'art, de l'autre, est une erreur grossière. Nous devons plutôt favoriser l'implication de la population dans le processus culturel. La véritable démocratisation de la culture et des arts passe par une participation active des citoyens à la culture. Donc, je crois que le grand succès dans le domaine sportif devrait également s'appliquer dans le domaine de la culture. Je crois que la culture devrait laisser une place aux amateurs.

Maintenant, sur un plan plus précis. Comme nous le mentionnons dans notre mémoire, nous nous intéressons plus particulièrement au patrimoine archivistique, qui est la mémoire de notre peuple et la base de notre loisir culturel, la généalogie. Ce patrimoine nous apparaît négligé. La direction des Archives nationales du Québec est, à notre avis, le parent pauvre de la culture. Si le ministère des Affaires culturelles est le parent pauvre de l'ensemble des ministères, la direction culturelle des Archives nationales, c'est le tiers monde carrément.

Je vais vous prouver ça assez facilement. Le budget de fonctionnement pour l'année 1987-1988 - malheureusement je n'ai pas pu trouver des chiffres plus à date que ça, mais je crois que c'est quand même des chiffres qui ne sont pas tellement modifiés. Le budget donc 1987-1988, 1 000 000 $ pour les Archives nationales. C'est un chiffre qui peut paraître assez bien comme point de départ par contre, lorsqu'on sait que 1 000 000 $ est divisé en neuf centres d'archives pour faire fonctionner un réseau complet, c'est déjà moins bien. Lorsqu'on regarde la ventilation, par exemple, là c'est une autre histoire.

Quelques exemples: centre de Rimouski, 14 500 $, pour le budget de fonctionnement; le centre de Trois-Rivières, 15 000 $; centre de Sherbrooke, 14 200 $; le centre de Hull, 14 000 $. Ça, c'est un budget familial en deçà du seuil de pauvreté. C'est environ 250 $ à 300 $ par semaine. Peut-on envisager de promouvoir le domaine archivistique au Québec avec si peu de fonds? Le salaire des employés coûte plus cher que leur budget de fonctionnement, et ces gens-là sont obligés de s'appuyer sur leur milieu pour réussir à joindre les deux bouts, ce qui m'ap-paraît un non-sens pour une institution qui devrait être considérée comme une des institutions nobles au Québec, parce qu'elle conserve l'ensemble de notre patrimoine archivistique.

Les Archives nationales ont un programme d'aide financière. Non seulement, eltes sont le parent pauvre, mais en plus elles donnent une partie de leur avoir pour, entre parenthèses, aider l'archivistique en régions. Le budget de cette année - au moins pour cette fois-ci, j'ai des chiffres actuels - pour l'année 1991-1992, le budget est de 186 000 $. La région de Montréal a eu 60 000 $. Donc, la région de Montréal, quand même, représente plus que le tiers de la population et plus que le tiers aussi des organismes qui oeuvrent dans le domaine de l'archivisti-que et de l'histoire et obtient seulement un tiers.

Bon, dans mon mémoire, je souligne qu'il y a eu 66 présentations de projets; 44 ont été retenus par le jury de sélection pour la région de Montréal et 11 ont été lauréats. Divisons les 60 000 $ par 11, ça nous permet d'avoir 5500 $ grosso modo par organisme, ce qui oblige ces organismes-là, bien sûr s'ils acceptent la subvention, à rendre à terme le projet qu'ils ont soumis et de faire des employés de ces projets-là de gentils artisans - pour employer un terme qui était la vogue dans les années soixante-dix - du sous-prolétariat qui, en fin de compte, des gens qui travaillent en fin de compte en deçà du salaire minimum. Moi, je suis convaincu que ces gens-là travaillent en deçà de 1 $ de l'heure. Mais il faut dire que, habituellement, dans le domaine culturel, on est habitué à ça. On aime ce que l'on fait. Donc, on doit payer monétatre-ment parce qu'on aime ça. Donc, à mon avis, ça ne devrait pas exister, cette situation-là. Je pense que tout le monde devrait avoir au moins droit au chapitre du salaire minimum.

Autre incohérence aux Archives nationales: les gens de l'Institut tantôt parlaient d'un versement de 11 kilomètres d'archives judiciaires. La totalité est d'environ 80 kilomètres d'archives judiciaires. Bien sûr, il faut conserver les archives. C'est une chose, c'est une bonne chose, et on ne reviendra pas là-dessus. Par contre, il faut également les mettre en valeur. Je crois que dans l'état actuel des choses, les archives judiciaires, on ne pourra jamais les mettre en valeur. 80 kilomètres, qu'est-ce que c'est en termes de distance? 80 kilomètres linéaires, c'est

la distance entre Montréal et Louiseville. Je l'ai vérifié ce matin en partant de Montréal. Donc, c'est quand même impressionnant. On ne peut pas conserver des archives pour les conserver. On conserve les archives pour les mettre en valeur, pour s'en servir. Donc, il faut se donner les moyens de pouvoir mettre en valeur ce patrimoine-là, soit en concevant de nouveaux programmes de subventions afin de s'associer les forces vives du milieu pour les mettre en valeur.

Enfin, en terminant, je dirai... Le rapport Arpin souligne que les équipements culturels sont complets à l'exception de la BN à Montréal, la Bibliothèque nationale. Il fait erreur. En 1987, les Archives nationales ont été relocalisées dans une polyvalente de Pointe-Saint-Charles qui est un quartier, à mon avis, hasardeux de Montréal. Et on nous disait à l'époque: C'est une relocalisation temporaire, en février 1987. On attend encore. On entend parler d'un projet éventuel de relocalisation, mais les budgets n'ont pas passé encore le Conseil des ministres. Donc, on peut s'inquiéter si jamais ce projet-là se réalise et d'autant plus que c'est conservé, comme je vous le disais, dans une polyvalente. C'est un édifice qui n'est pas conçu pour la conservation des archives.

En terminant, je vous dirai tout simplement que la culture, nous, nous prenons ça au sérieux puisqu'elle représente le mortier qui cimente l'édifice social. Merci.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie beaucoup. Mme la ministre, des questions? (11 h 45)

Mme Frulla-Hébert: Oui, merci beaucoup. Merci beaucoup. Nous aussi, on prend ça au sérieux. Ça tombe bien. On s'adonne sur ce point-là.

Vous parlez du médium de la passivité dans votre mémoire. Vous parlez du cinéma, de la télévision, de la radio et du théâtre en disant qu'il faut avoir un retour à la lecture, évidemment, et qu'elle doit être encouragée chez les jeunes. On est parfaitement d'accord, mais est-ce que vous avez des suggestions, quant au champ de priorisation qui devrait être privilégié en termes de sensibilisation au niveau des jeunes? Et expliquez-moi donc aussi pourquoi vous mettez le théâtre, par exemple, qui... évidemment on regarde une pièce de théâtre, mais quand même, de là à dire qu'on est passif? Cinéma et télévision, ce sont des grands courants ou moyens d'influence aussi, au niveau culturel, alors, j'aimerais que vous élaboriez un peu là-dessus, en disant qu'on est d'accord avec vous, là, la lecture évidemment, c'est le fondement, c'est la base.

M. Robert (Normand): Mais en fin de compte, il y a deux optiques différentes. À mon avis, c'est qu'après la lecture du rapport Arpin, on a l'impression que la culture, c'est environ moins de 1 % de la population, ce qui m'apparaît tout à fait faux. La culture, c'est l'ensemble de la population qui la fait, c'est comme la langue, ça. Ce n'est pas les académiciens qui décident; c'est le peuple qui décide ce que va être la langue, ce que va être la culture.

Bon, la passivité, c'est-à-dire s'asseoir devant son téléviseur le soir, c'est la facilité, bien sûr, tout le monde le fait, je le fais, là; je ne reviendrai pas là-dessus, je n'ai pas pris mon téléviseur et je n'ai pas été le porter dans le sous-sol. J'écoute, il y a certaines émissions qui m'intéressent; j'écoute même des séries: on a besoin d'évasion comme tout le monde. Par contre, il faut impliquer les gens. Si on veut que... Bon. Je vais vous donner l'exemple d'une jeune fille qui étudie le violon: bien sûr, si elle étudie le violon, en conséquence, elle va s'intéresser à la musique; elle va être mieux placée pour apprécier un concert de l'OSM, pour voir toutes les nuances de ce concert-là; donc, elle est impliquée elle-même dans la culture. Et je pense que c'est là qu'il faut aller. À ce moment-là, il y a de la place pour tous les artistes au Québec, en tant que professeurs, pour aider les gens à les impliquer dans la culture et non qu'on enferme les gens dans des salles et qu'on leur serve la culture, le fast-food de la culture, là. Tandis que si chacun met la main à la pâte, si moi, j'ai joué dans une pièce de théâtre, j'ai eu le sentiment, j'ai connu le trac, j'ai bafouillé en parlant, je vais me rendre compte que je vais être peut-être plus sensible à l'ensemble du jeu théâtral d'une troupe de théâtre par la suite. Et je vais être beaucoup plus sensible aussi à cette activité-là.

Donc, je pense que c'est une optique qu'il faut développer. Notre loisir, nous, à la Société généalogique, c'est un loisir culturel, les gens se prennent en charge. Je ne suis peut-être pas représentatif de mes membres, parce que c'est des gens surtout retraités qui participent à ça. Les gens du conseil d'administration, on est plutôt jeunes, on est tous des gens qui travaillons à l'extérieur, mais les gens qui pratiquent ce loisir-là le font avec beaucoup de vigueur. Ils ont quitté leur emploi et ils ont trouvé une nouvelle façon de vivre, de nouveaux objectifs, ils cherchent leurs ancêtres; ce n'est pas facile. Ils font une recherche, ils ont la chance de créer et de devenir auteur dans notre vue. Bien sûr, on a un bon comité de rédaction, qui relit les textes - parce que ce n'est pas tout le monde qui a la chance d'avoir une bonne plume - on polit certains textes, mais ça valorise les personnes. Et je pense que c'est ça, la culture, et non seulement d'en consommer en tant qu'auditoire mais aussi d'en faire.

Mme Frulla-Hébert: Dernière question: Vous parlez et vous dites: C'est le peuple qui décide, finalement, de son... Dites-moi si je vous interprète mal, là, mais un peu de son devenir

culturel, ce qu'il veut en faire de cette culture. Et d'un autre côté, il faut quand même donner ou enfin donner des directions qui sont assez fermes et spéciales pour que les gens nous suivent. Je ne pense pas que la culture se serait développée comme elle s'est développée durant les 30 dernières années et même avant, là, il y a beaucoup qui s'est fait avant, mais c'est une évolution. S'il n'y avait pas eu, justement, non seulement les gouvernements, mais aussi des gens qui y croyaient, autant dans le monde de l'éducation que dans le milieu culturel pour, justement, élever la barre assez haute pour que les gens puissent vouloir y accéder. Et c'est là, quand vous dites, au niveau de la passivité, moi, je suis plus ou moins d'accord, parce qu'il faut aussi qu'on voit des choses. Et plus on voit des choses qui nous inspirent et qui nous aspirent, plus on peut en arriver à une conscientisation culturelle et à un vouloir culturel fort.

M. Robert (Normand): Permettez-moi... Je ne suis pas tout à fait d'accord. Bien sûr, il faut viser l'excellence. Bien sûr, il y a Molière, il y a Einstein dans la pyramide intellectuelle, si on veut, de l'humanité. Mais je pense que tout le monde a droit au chapitre. Dans le sport... Le sport, je pense, a un bon succès. Les gens écoutent le hockey à la télévision, ils regardent Gretzky. On peut regarder Mario Lemieux, etc., et aussi on peut pratiquer le sport.

Mme Frulla-Hébert: Ah! oui ça, je suis d'accord...

M. Robert (Normand): Donc, il est faux... Mme Frulla-Hébert:... dans ce sens-là.

M. Robert (Normand): Et puis, je pense qu'on a besoin de se baigner dans la culture pour vraiment en apprécier...

Mme Frulla-Hébert: Vous parlez juste de la culture. Au niveau - je ne peux pas dire gérontologie, non - du bel âge, les gens se trouvent, comme vous dites, une occupation, une passion même. Je suis de celles qui prônent que la culture, entre autres, peut régler beaucoup de problèmes sociaux, autant au niveau des jeunes que du vieillissement de la population, c'est-à-dire qu'on offre une variété d'activités qui ensuite se développent vraiment en passions. Je pense que le jour où on cesse d'être passionné, on vieillit et on meurt. Mais le jour où on conserve le feu, on reste éternellement jeune.

M. Robert (Normand): Voyez-vous, là-dessus, je suis tout à fait d'accord avec vous.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. Robert, j'ai lu attentivement votre mémoire. J'ai lu, d'ailleurs, une expression que j'ai trouvé très belle: les "détectives du passé". Vous avez fait état aussi, en tout premier lieu... Le dernier des congrès où la thématique était "Nos ancêtres n'étaient pas tous français", juste par curiosité, j'ai le goût de vous en parler. J'ai réussi à mettre la main sur un document qui nous indiquait que, dans l'équipage de Jacques Cartier, il y avait trois marins croates.

M. Robert (Normand): Effectivement. En fin de compte, l'intégration des immigrants s'est toujours faits, dans la société francophone. Sous le Régime français, il y avait, grosso modo, 400 à 500 immigrants autres que français dans la colonie. Il faut dire que la population immigrante était environ 10 000. C'est sûr que la population souche des francophones en Amérique du Nord, ce n'est pas beaucoup. Par la suite, on a intégré les Irlandais, les Allemands. Les Allemands sont venus immédiatement après le Régime français, etc. La société québécoise a toujours été une société d'accueil. Par contre, semble-t-il, aujourd'hui, on dit le contraire, mais ça, c'est un autre problème.

M. Boulerice: C'est vrai que cette découverte que je viens de faire nous incite sans doute à avoir une pensée spéciale pour nos amis croates qui sont victimes d'une agression sauvage de la part non pas de l'armée yougoslave, mais de l'armée serbe. On massacre - d'ailleurs, en tant que Québécois, je pense qu'on devrait être solidaires - on est en train de démolir Du-brovnik, qui est une ville classée patrimoine national, comme notre capitale à nous.

Ceci étant dit, je vais vous poser la question: D'où nous vient, nous Québécois, ce goût presque incommensurable de la généalogie? J'ai même appris une autre chose: tous ceux qui, au Québec, s'appellent Lippé sont des Van Lippe Bisterfeld.

M. Robert (Normand): Pardon?

M. Boulerice: Tous ceux qui, au Québec, s'appellent Lippé sont des Van Lippe Bisterfeld, cousins de la reine Juliana, à cause du prince Bernard. On apprend des choses incroyables. Ça, M. Robert, mon collègue, le député de LaFon-taine avec qui j'étais cet été en Europe... Les Français sont très impressionnés de voir cette recherche que nous faisons, arriver dans le petit village en disant: Nous, nous venons de - je ne sais pas, moi - Saint-Féliu-d'Amont ou Saint-Féliu-D' Avale. Ils sont toujours impressionnés que je leur dise: Mon ancêtre a quitté en 1686, à Brest... Ils sont étonnés de voir qu'on a ce goût-là. Ça nous vient comment?

M. Robert (Normand): C'est difficile à dire.

Pour commencer, on a des archives complètes, ce qui nous permet de faire des recherches assez facilement. Lorsqu'on compare un arbre généalogique québécois avec un arbre généalogique français, par exemple, un Français qui a réussi à faire, à identifier 15 % ou 20 % de ses ancêtres, il se trouve totalement heureux tandis que nous, on peut aller jusqu'à pratiquement 99 % ou 100 % dans certains cas.

Ceci dit, on a la facilité d'utiliser les archives, des archives complètes et aussi, peut-être, une insécurité pas sociale, mais culturelle à mon avis. Les gens ont besoin de se raconter. Ce n'est pas pour rien que c'est surtout des personnes âgées qui pratiquent ce loisir-là. C'est des gens qui ont besoin... Ils sentent peut-être qu'ils sont sur les derniers milles. La mort s'en vient, et tout individu a besoin de se raconter, je crois, et une façon de se raconter, c'est peut-être de savoir d'où on vient et de remonter jusqu'à ses racines.

M. Boulerice: Ça, vous avez bien raison, savoir d'où on vient. De toute façon, si on ne sait pas d'où on vient, on a bien des chances de ne pas savoir où on va.

Juste deux brèves petites questions parce que mon collègue, député de Mercier, veut aussi intervenir, et le président l'autorisera, j'en suis persuadé. Je suis très préoccupé par les loisirs, j'allais dire: personnes âgées, je n'aime pas le terme. Chez moi, je les appelle "les jeunesses prolongées". Je suis très préoccupé, et tous les députés le savent. Quand on va chez les jeunesses prolongées, l'occupation principale est le bingo. Je ne peux plus supporter ça. Je ne peux plus supporter cela. Je me dis: Mais qu'est-ce qu'on pourrait faire pour leur donner une occupation peut-être un petit peu plus dynamique, etc.? Est-ce que vous pensez que ce serait possible de mettre justement des programmes de recherches au niveau généalogique, mais qui seraient accessibles à des personnes de quartiers comme ceux qu'on représente?

Et ma deuxième était: Est-ce qu'on pourrait mettre en place aussi des programmes similaires en se servant d'archives nationales, de registres d'état civil, etc., et le faire au niveau des écoles? Il me semble que ce serait intéressant pour un petit bonhomme ou une petite bonne femme, même du niveau primaire, mais enfin peut-être les classes terminales du primaire ou très tôt au secondaire, d'avoir une espèce de travail comme ça, peut-être à l'intérieur d'un cours d'histoire ou quelque chose de particulier. Je ne sais pas, mais il me semble qu'il y aurait quelque chose là-dedans.

M. Robert (Normand): Pour les jeunes, je crois que, tantôt, on parlait... Les gens de l'Institut d'histoire de l'Amérique française cherchaient une façon d'intéresser la jeunesse actuelle à l'histoire. La meilleure façon - moi, j'ai déjà enseigné, il y a quelques années, ça fait déjà dix ans de ça - et la meilleure façon d'intéresser les jeunes, c'est de leur parler bien sûr de leur vécu et leur vécu, c'est très facile, c'est leurs parents, leurs grands-parents. Et après ça, on remonte d'une génération et d'une autre et d'une autre. Ils découvrent à ce moment-là que... Bien sûr, ils peuvent trouver peut-être leurs grands-parents bizarres de s'être accomodés seulement de la radio comme passe-temps. Maintenant, on a le Nintendo, la télévision, etc. Mais ça leur fait découvrir la perspective historique, ce qui n'est pas évident chez les enfants. D'ailleurs, même chez les adolescents, le monde commence avec eux. Ils découvrent tout, le sexe et autre, et c'est comme si les 6 000 000 000 de population qui existent aujourd'hui, on était une génération spontanée. Donc, toutes les aspirations que, nous, on a eues dans notre jeunesse et que nous avons encore aujourd'hui pour construire quelque chose, ça n'existe pas non plus pour eux. Donc, la meilleure façon d'intéresser les jeunes, c'est en passant par la généalogie, mais ça, c'est le ministère de l'Éducation qui devrait créer un programme, effectivement, où serait inséré un volet généalogique à l'intérieur de cours d'histoire.

M. Boulerice: D'accord. Oui, merci.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Mercier.

M. Godin: Oui, très brièvement, M. le Président et monsieur... C'est bien Normand Robert et non pas Robert Normand?

M. Robert (Normand): Non, je ne travaille pas au Soleil, malheureusement.

M. Godin: On a dans notre mémoire à tous ici un Robert Normand qui était sous-ministre aux Finances, qui est maintenant rendu au Soleil. Les personnes qui l'ont rencontré ne l'ont jamais oublié.

M. Normand, j'aimerais savoir de vous si, dans vos recherches, vous avez trouvé des traces de Québécois francophones en Australie.

M. Robert (Normand): Oui.

M. Godin: Suite à la déportation des...

M. Robert (Normand): C'est à cause... En fin de compte, les francophones d'Australie...

M. Godin: ...rebelles.

M. Robert (Normand): ...qui sont originaires du Québec, en réalité, c'est des gens qui ont participé aux troupes de 1837-1838, qui ont été déportés en Australie. Ils étaient une quarantaine ou une cinquantaine, dans une prison là-bas et,

lorsqu'est venu le temps de la libération, il y en a certains qui ont adopté l'Australie comme pays pour y demeurer. D'ailleurs, le membre que nous avons en Australie est un ancien patriote, un descendant d'un ancien patriote.

M. Godin: Donc, on pourrait le rejoindre via votre...

M. Robert (Normand): Notre organisme, oui.

M. Godin: ...société.

M. Robert (Normand): Effectivement.

M. Godin: On se verra après la session. M. le Président, j'ai terminé. Merci.

M. Robert (Normand): Moi, je suis venu ici...

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député.

M. Robert (Normand): Est-ce que je peux ajouter un mot?

Le Président (M. Gobé): Oui.

M. Robert (Normand): J'ai fait trois heures de route et j'aimerais ajouter un mot, si vous le permettez. Je suis venu ici, non pas pour défendre les intérêts d'une société particulière, mais je suis venu pour défendre le loisir généalogique et nous, notre loisir généalogique, il passe par les Archives nationales. On aimerait que les Archives nationales aient un budget qui est convenable. Il y a des gens très compétents aux Archives nationales et ils ne peuvent même pas exercer leurs compétences, ils n'ont pas de budget pour les exercer. Je vous remercie.

Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie. Juste pour rajouter à votre chronique sur l'Australie. Je vous mentionnerai, et probablement que vous le savez aussi, qu'il y a eu, vers 1634, une grosse immigration de gens qui étaient persécutés au moment des guerres de religion, en France, et qui sont allés s'établir en Australie. C'est peut-être des gens d'origine protestante qui sont allés là-bas; il y en avait peut-être 5000 ou 6000 qui sont partis et qui se sont établis dans la région de Perth ou quelque chose comme ça. Voilà!

M. Boulerice: M. Normand...

Le Président (M. Gobé): Ça s'ajoute à vos 40.

M. Bouierice: Pour vous remercier, moi, je vous dis que, non, je suis persuadé que ni la ministre ni moi-même ne vous avons perçu comme quelqu'un venant défendre un intérêt particulier. Au contraire, vous venez défendre notre histoire à tous, la mienne, la vôtre, celle de ma collègue. Au moment où on recherche, justement, des formes de loisir culturel plus valorisantes peut-être pour des personnes, je pense que vous nous avez apporté des pistes intéressantes.

Le Président (M. Gobé): Merci...

M. Boulerice: Le chemin n'a pas été fait en vain, mais vous nous indiquez qu'il faut refaire le chemin vers le passé, ce qui n'est pas mauvais.

Le Président (M. Gobé): Merci. Mme la ministre, un mot de remerciement?

Mme Frulla-Hébert: Oui. J'ai eu aussi l'occasion d'aller visiter, à plusieurs reprises, nos Archives nationales et de constater, d'une part, et vous avez raison, que les ressources manquent et la location, effectivement, c'est une location... localisée de façon très, très temporaire. Donc, pour vous dire qu'on en est plus que conscients et qu'on a un projet définitif pour les déménager. Il s'agit juste que le projet fasse son cours, d'une part.

Deuxièmement, vous nous avez rappelé quand même, à mon attaché de presse et à moi-même, quelques souvenirs quand vous avez parlé de généalogie. On s'est retrouvé, il y a un an et demi, à Brouage, en France, et, des fois, notre amour de la généalogie nous fait faire des périples un peu spéciaux. Mais cela dit, je pense que tout le monde est intéressé à retrouver ses racines et ses origines. Alors, vous défendez une belle cause, spécialement, comme mon collègue le dit, au niveau du loisir aussi pour aînés parce qu'on s'en va tous vers là, veux veux pas! Alors, merci d'avoir été ici.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci. Ceci met fin à votre audition. Vous pouvez maintenant vous retirer. Je vais suspendre les travaux jusqu'à cet après-midi, 15 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 4)

(Reprise à 15 h 38)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Godin: Tout le monde est à l'ordre.

Le Président (M. Doyon): Ça fait partie du rite. Oui, à l'ordre. Rien de nouveau à l'Ouest. Donc, la commission de la culture reprend ses travaux en entendant, tout d'abord, le Centre de production et de diffusion de l'art actuel.

J'imagine qu'ils sont dans la salle. S'ils sont dans la salle, je les invite à bien vouloir s'avancer, à prendre place à la table de nos invités.

M. Godin: M. le Président, avec votre permission et avant que les "hostilités sympathiques" commencent, je voudrais que vous m'autorisiez à remettre à la ministre le rapport de Grandpré dont j'avais fait état il y a déjà quelques jours, le jour où Mme Reid de Publicor était ici. Alors, si vous permettez, M. le Président, je vais faire...

Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Godin: Je vais passer derrière vous.

Le Président (M. Doyon): La livraison peut se faire...

M. Godin: "Da mano a mano".

Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Godin: De main à main.

Le Président (M. Doyon): C'est ça.

M. Godin: Bonne lecture, Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci bien.

Le Président (M. Doyon): Donc, nous aurons le plaisir d'entendre le Centre de production et de diffusion de l'art actuel, qui sont installés en avant. Je leur souhaite la bienvenue. Vous disposez de 10, 15 minutes pour nous faire l'exposé qui est le vôtre et, ensuite, les membres de la commission vont s'entretenir avec vous pendant quelques minutes aussi. Si vous voulez bien vous présenter, tout d'abord, et dès ce moment-là, dès après ça, commencer votre exposé.

Centre de production et de diffusion de l'art actuel

Mme Marion (Rachel): Je me présente, Rachel Marion, vice-présidente de la Corporation de l'Oreille recousue.

Le Président (M. Doyon): Oui.

M. St-Pierre (Luc): Moi, c'est Luc St-Pierre, président de cette même corporation.

Le Président (M. Doyon): Très bien. Une voix: M. le Président, je n'ai pas...

Le Président (M. Doyon): II y a Mme

Marion et M. Luc St-Pierre. Mme Marion est la vice-présidente et M. Luc St-Pierre est le président, je pense. C'est ça?

M. St-Pierre: C'est bien ça.

Le Président (M. Doyon): Donc, soyez bienvenus. Vous avez la parole.

M. St-Pierre: Alors, M. le Président, Mme la ministre et distingués membres de cette commission, les artistes que nous représentons vous remercient pour cette oreille que vous nous prêtez aujourd'hui. Je ne veux pas lire, ni en partie ni en totalité, un quelconque extrait de notre mémoire. Je demanderais donc que ce mémoire soit consigné aux minutes.

Évidemment, pour ce qui est de cette commission et de son but, après 30 ans d'existence, il est tout à fait pertinent pour ce ministère d'aller dans le sens de découvrir une réelle politique de la culture et des arts au Québec. Nous n'allons pas nous attarder à regarder ce qui s'est fait dans le passé et, pour citer notre Gilles Vigneault national, "s'il y a eu tant de temps perdu, c'est qu'il n'en reste plus tellement à perdre". Dans ce sens-là, nous croyons humblement pouvoir contribuer à ce débat. Nous ne viendrons pas déposer ici une liste d'épicerie pour le groupe particulier que nous représentons, mais nous allons tenter de vous présenter un point de vue général de la part des artistes en art visuel qui sont, rappelons-le, des peintres, sculpteurs, graveurs, photographes.

Tout d'abord, dans le sens politique le plus large, un thème qu'il nous apparaît extrêmement important de discuter lorsqu'il est question d'art visuel, c'est de la dignité des artistes. Pour la majorité de la population, c'est-à-dire plus de 50 % selon les statistiques, le soutien à la vie artistique, aux individus qui créent, ne reçoit aucune espèce de soutien. On associe les artistes créateurs en art visuel à des marginaux et, de là, on les associe facilement à des êtres pauvres, une race à nourrir plutôt qu'une race qui nourrit, comme nous nous considérons.

Pour redresser cette image, nous envisageons une seule possibilité; c'est que les artistes créateurs en arts visuels soient capables de pratiquer en toute autonomie, et cette autonomie doit être autant esthétique, philosophique que financière. Lorsque le rapport Arpin parle de la vie associative des artistes en arts visuels, il nous inquiète grandement. Nous concédons qu'il existe une multitude d'organismes qui représentent les artistes en arts visuels, mais les artistes en arts visuels constituent autant d'égaux que le requiert leur pratique. En ce sens-là, ces artistes devraient bénéficier d'une pleine liberté de s'associer ou non. Lorsque le rapport Arpin suggère de faire un ménage, de tenter de distribuer la représentativité des artistes à des groupes donnés, nous nous opposons à cette mesure.

Si le ministère veut toujours soutenir la vie associative des artistes, qu'il le fasse au prorata

des memberships de tous les corps constituants ou qu'il s'en retire totalement. Les artistes contribuent largement à la vie associative de leur groupe et une telle mesure fait en sorte de différencier certaines catégories d'associations, les plus subventionnées étant les plus riches et les plus représentatives et les non subventionnées étant les plus faibles naturellement.

Ce qui serait important aussi pour maintenir l'autonomie financière des artistes, c'est de maintenir la concurrence des différents États, gouvernements et les efforts du secteur privé. Le secteur des arts visuels n'échappe pas davantage à la loi de la libre-concurrence que celle de la gravité de Newton. Nous avons besoin de cette pluralité d'intervenants dans le secteur.

Pour ce qui est maintenant des subventions directes à l'artiste, pour ce qui est du mode d'attribution qui existe au Québec, mettons que ce modèle-là est calqué sur le modèle français, un modèle que les artistes français eux autres mêmes contestent depuis plus de 150 ans.

Nous considérons que tenter d'analyser la qualité du travail d'un artiste par rapport à celui d'un autre est une opération éminemment subjective, sans compter l'influence qu'elle peut avoir sur l'état de la création ou sur la liberté d'expression des artistes. Tout idéal de justice a nécessairement laissé place à la complaisance en ce domaine et, bien que n'étant pas ici pour nourrir un quelconque scandale, il est fort à noter que la subvention directe à l'artiste relève de l'obscurantisme, et voire même du chauvinisme. (15 h 45)

Nous demandons donc que le ministère des Affaires culturelles cesse toute forme de subvention directe aux artistes. La meilleure forme de soutien que l'État pourrait donner aux artistes, c'est de leur ouvrir le marché, changer l'image que nous décrivions plus tôt par des campagnes de presse pour faire en sorte que la population reconnaisse ses artistes et, comme le rapport Arpin le soulignait avec beaucoup de timidité, instaurer un programme fiscal qui ferait en sorte que les oeuvres d'art des artistes du Québec bénéficient d'un dégrèvement fiscal. On parle ici des oeuvres de première ligne et non pas des oeuvres qui sont vendues pour une xième fois sur des bases spéculatives. Ça couvre à peu près ce que notre bref mémoire racontait. Je vous remercie et je serai heureux de répondre à vos questions.

Le President (M. Doyon): Merci, M. St-Pier-re. Mme la ministre, vous avez quelques questions?

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. St-Pierre. Bienvenue à tous les deux. Vous avez une approche qui est un peu différente des autres... Au niveau du discours, on est tous d'accord que la place du ministère, d'une part, et c'est toujours le problème, il ne faut pas s'en cacher non plus, finalement, à savoir et ce, pendant toutes ces années au gouvernement, quel que soit le gouvernement, est-ce que la culture et les affaires culturelles ont tenu la place qu'elle, en tant que culture, se doit. La réponse, c'est non, malgré que...

Je lisais, d'ailleurs, dans votre introduction, à un moment donné, une citation relevée de François Arcand de "Culture", dans Le Devoir, François Arcand qui participe aussi à plusieurs de nos recherches et qui disait que, finalement, le MAC pouvait lui-même être classé comme site archéologique. Ça, je ne suis pas d'accord, par exemple, parce que, s'il n'y avait pas eu le ministre des Affaires culturelles durant 30 ans, on n'aurait pas développé comme on développe là. Il y a eu un apport, peut-être pas l'apport qu'on aurait voulu; on n'a pas pris la place qu'on aurait dû, je suis d'accord avec tout ça, mais il ne faut quand même pas discréditer les efforts de tous ceux et celles, autant au niveau des fonctionnaires et des gens qui ont tenu le ministère, pour dire: C'était inutile. C'était un effort inutile. Alors, je trouve la critique de M. Arcand un peu sévère et non appropriée.

Mais ceci dit, vous dites qu'on devrait cesser le soutien, donc on a nos programmes de l'aide à l'artiste, et vraiment vous aider à développer des marchés. J'aimerais que vous élaboriez un peu là-dessus, parce qu'il y a beaucoup de groupes qui nous disent: Bien non! Au contraire. Il y a eu le statut de l'artiste, d'une part. On va regarder de très, très près aussi toute la question de la fiscalité parce que c'est demandé et redemandé, et les Finances sont toujours un petit peu plus réticents quand on entre dans leur domaine, mais là, on fait assez de bruit qu'on sent qu'il peut y avoir une ouverture. Mais, à part ça, vous dites que l'aide directe, mieux vaut concentrer cet argent-là justement pour aider à la mise en marché, pour aider à ce que les gens voient versus... Parlez-moi donc de ça un peu.

Le Président (M. Doyon): M. St-Pierre.

M. St-Pierre: Compte tenu des moyens qui s'en vont s'amenuisant, déjà, dans le passé, la subvention directe à l'artiste était réservée à une très petite minorité d'artistes, et ces subventions-là revenaient souvent à des artistes de même acabit ou de même nature. La subvention directe à l'artiste, à notre sens, est une opération subjective, dans le sens qu'on doit analyser des artistes par rapport à d'autres artistes.

Il est facile de juger du rendement d'un comptable par rapport à un autre comptable puisque ce sont des choses concrètes. Mais comment, Mme la ministre, chiffrer ou mesurer ou doser cette insaisissable après lequel court l'artiste? Aussi, ce qui se passe dans le cas de

l'artiste qui est subventionné lui-même, personnellement, c'est que c'est une aide qui est très ponctuelle, qu'on peut comparer à l'aide sociale. Cette aide-là prend beaucoup de temps à venir; cette aide-là prend beaucoup de temps à préparer. Il y a beaucoup de formulaires; il y a beaucoup d'administration avant, après, pendant, tout ça pour faire en sorte que l'artiste, finalement, en retire un revenu. Le choyé artiste qui sera élu en retire un revenu qui est bien en deçà du seuil de la pauvreté, qui est même en deçà du seuil des allocations que le ministère des Affaires sociales donne aux assistés sociaux, ce qui fait que cette mesure-là est inefficace dans le sens du soutien de la pratique des arts. Une ouverture du marché serait éminemment plus rentable pour l'ensemble des artistes.

Mme Frulla-Hébert: il y a eu beaucoup de discussions au niveau, par exemple, d'un conseil des arts, genre de... Évidemment, là aussi il y a des forces et des faiblesses. Mais si on parle dans l'absolu, alors, à ce niveau-là, vous ne voyez pas non plus l'utilité, si je suis votre pensée, de transformer, finalement, le ministère en un genre... plus que ça, mais avoir des organismes qui sont indépendants, donc procéder par jury, etc., que le ministère, lui, gère les grandes orientations et que ce sont les organismes qui font le financement, et organismes gérés d'une façon ou d'une autre par les pairs, toujours. Il faut toujours avoir une certaine transparence, ce sont des fonds publics, quand même. C'est pour ça, les formulaires. Les formulaires, en bout de ligne, il y a des gens qui nous demandent... Les contribuables nous demandent des comptes-rendus. À ce moment-là, on n'aurait pas besoin de ça non plus. Ce serait beaucoup plus - encore là, pour suivre votre pensée, parce que je veux bien comprendre - une aide beaucoup plus au développement de marchés, à la diffusion. Carrefour Art et Art était avec nous hier et eux nous disaient: Nous, on montre les artistes, on rend ça accessible et, au niveau de l'art visuel, par exemple, au moins, on s'organise pour que les gens voient nos artistes. C'est beaucoup plus dans ce sens-là. Finalement, on n'aurait pas besoin de ça non plus.

Mme Marion: Dans ce sens-là, justement, ce n'est pas juste la visibilité, la diffusion, mais la vente par des politiques fiscales qui seraient appliquées. Si la vente est stimulée, à ce moment-là, les artistes peuvent vivre de leur production. Après ça, il y a beaucoup de possibilités de diffusion qui s'ouvrent, à ce moment-là, aux artistes. La stimulation se fait par un marché ouvert et possible pour les artistes, plus qu'en étant obligé de se chicaner pour obtenir la subvention cette année.

Mme Frulla-Hébert: Au niveau de l'art qui est beaucoup plus l'art actuel, par exemple, qui a un aspect beaucoup plus novateur, à ce moment-là, on situe ça beaucoup plus au niveau de la recherche, finalement, cette forme d'art, ce qui fait que... Est-ce que vous voyez, par contre, des mesures d'exception, c'est-à-dire un genre de fonds recherche, développement, aide aux artistes pour ce genre-là ou, finalement, vous dites: Quelle que soit la discipline, on va beaucoup plus aider, justement, finalement à l'acquisition des oeuvres, etc., et on laisse le marché aussi faire le reste?

Mme Marion: Un aspect qui pourrait continuer d'être considéré, c'est l'aide à l'équipement, l'aide à la base, à la production, des locaux, des lieux, des centres d'art. À ce moment-là, il peut y avoir une assistance au niveau des lieux, pour produire, où les artistes peuvent faire de la recherche. Il y a des artistes, je citerais Cristo, qui fait des choses assez inusitées et qui, en grande partie, se subventionne par ses recherches et ses dessins d'étude, ses dessins préliminaires et qui vend. Il y a d'autres possibilités que la subvention pour arriver à faire un travail de recherche.

M. St-Pierre: Entre autres, la rentabilité. On sait qu'une entreprise rentable est à même de financer elle-même son fonds de recherche et de développement. C'est la même chose dans le cas des artistes.

Mme Frulla-Hébert: Ah oui. Mais non, je vous remercie. C'est finalement un élément qui est nouveau, qui apporte, en fait, un aspect nouveau à notre réflexion. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. M. St-Pierre, Mme Marion, je suis heureux de vous revoir. Je ne sais pas à quelle heure s'est terminée la soirée de lundi, mais au moment où je l'ai quittée, elle allait bien. On en reparlera sans doute cette semaine.

La première chose, ce n'est peut-être pas le meilleur accueil que l'on puisse réserver à des gens, mais je ne peux pas esquiver la question. Quand vous parlez de transférer le ministère des Affaires culturelles à Montréal, je vous réponds très catégoriquement: Non. Le Québec s'est donné comme capitale Québec et les ministères demeureront à Québec. Si vous me demandez ou si vous suggérez à cette commission et notamment, à la ministre, de renforcer les effectifs du ministère à Montréal, à ce moment-là, je vous répondrai que oui, on peut aller dans cette voie, parce que, effectivement, c'est le plus grand pôle de création au niveau de la culture. Mais une capitale est le siège du gouvernement et des ministères, et je ne crois pas qu'un simple

rapprochement géographique pourrait changer les mentalités comme telles. Travaillons plutôt à changer certaines mentalités, mais ce n'est pas parce que je serai à un mètre de vous que je deviendrai peut-être un interlocuteur plus crédible. À ce niveau-là, je voudrais que la chose soit très claire, pour ce qui me concerne, et je ne crois pas que ce soit l'intention du présent gouvernement - ou même si je le combats, là-dessus, je vais l'appuyer - de transférer les ministères à Montréal.

Ceci étant dit, quelle devrait être, selon vous, la politique de reconnaissance des regroupements d'artistes par le ministère des Affaires culturelles? Vous semblez remettre en question les deux lois que nous avons votées, dites du statut de l'artiste, qui favorisaient le regroupement.

M. St-Pienre: Nous ne croyons pas que la pleine reconnaissance du statut de l'artiste soit en question dans notre mémoire. Ce que notre mémoire dit, c'est que, au niveau de la représentativité des groupes d'artistes, il n'appartient pas au ministère des Affaires culturelles de définir qui représente qui. Les artistes ont le droit de se constituer des groupes pour les représenter; les artistes doivent aussi avoir le droit de n'adhérer à aucun groupe. Toute liberté d'association a son corollaire, qui est la liberté de ne pas s'associer. Nous demandons simplement que si le ministère veut continuer à soutenir la vie associative des artistes, il le fasse au prorata des "memberships" de chaque groupe normalement et sérieusement constitué ou qu'il retire unilatéralement son aide à la vie associative des artistes, sinon, la liberté d'association est, à notre avis, entachée sérieusement.

On sait qu'il y a beaucoup d'organismes qui représentent les artistes, qui sont des organismes qui transigent du statut ou du prestige en échange de sommes, bon, on n'en nommera pas, mais ça existe. Les artistes sont à la constante recherche de reconnaissance et puis, ils sont les victimes faciles; on peut facilement, en ce qui me concerne, comme artiste-peintre, être représenté par huit organismes différents et ne bénéficier d'aucun service autre que matière à curriculum ou porte d'entrée pour une galerie ou pour un réseau ou etc. Ce qui fait que cette situation-là, on devrait laisser la chance aux artistes de faire le ménage dans les groupes qui les représentent. Il n'appartient pas à aucune commission ou à aucun ministère de déterminer qui va représenter qui. C'est le sens de notre mémoire.

M. Boulerice: D'accord. En page 8 de votre mémoire, M. St-Pierre, vous dites: "Le droit des municipalités de se doter de politiques culturelles distinctes du ministère des Affaires culturelles doit être maintenu et n'être altéré d'aucune façon. Les créateurs en arts visuels ne peuvent faire l'économie d'aucune de leurs ressources." Remarquez que ça s'adresse également aux autres créateurs, mais le fait que vous vous sentiez interpellé en premier lieu est tout à fait normal. Mais est-ce que vous avez lu, dans le rapport Arpin, une indication à l'effet que ce serait la volonté du ministère, dans l'élaboration d'une politique, d'empêcher les municipalités d'avoir des politiques culturelles qui leur sont propres?

M. St-Pierre: Sans extraire mot à mot des textes de la commission Arpin, ceci représente plus une mise en garde, puisqu'on est consulté, on donne une espèce de petite mise en garde. Le gouvernement a mis ses doigts dans la taxe d'amusement, bon, c'est une façon d'intervenir dans la vie culturelle municipale, si on touche à l'argent qui concerne la vie culturelle municipale et puis, on voudrait simplement que les municipalités qui ont des politiques culturelles puissent continuer à en avoir tout simplement. (16 heures)

M. Boulerice: Oui. Bon. Là-dessus, je peux vous dire que nous partageons exactement la même vision. Les municipalités, d'ailleurs, on les incite fortement à avoir des politiques culturelles. Nous incitons certaines communautés urbaines à avoir leur conseil des arts, par exemple, la Communauté urbaine de Québec, malheureusement, n'en a pas et Montréal a un Conseil des arts pour lequel les commentaires que j'ai sont relativement bons. Donc, il va de soi, oui, que les municipalités doivent avoir leur politique et, naturellement, je dois convenir avec vous qu'une politique, pour l'avoir, il faut également avoir les moyens. Je vous avoue que dans le contexte actuel, c'est un peu problématique, compte tenu de la réforme Ryan qui prive les municipalités de revenus assez importants puisqu'elles doivent assumer de nouvelles dépenses. Ça rend plus difficile effectivement, et d'ailleurs rassurez-vous, beaucoup de maires de grandes villes, de municipalités régionales de comté sont venus abonder dans le même sens que vous.

Maintenant, l'autre question que j'aimerais vous poser: Pour quelle raison, d'après vous, le rapport Arpin fait-il fausse route en mettant en question le rôle et les activités des conseils régionaux de la culture? Pourquoi souhaitez-vous que les conseils régionaux de la culture continuent d'être ce qu'ils sont? Je vous avoue que votre opinion est importante puisque vous êtes Montréalais et qu'il n'y a pas de conseil de la culture à Montréal; ce sont toujours les conseils régionaux. Donc de voir un "montréaliste", comme dit avec humour Doris Lussier, défendre les conseils régionaux de la culture, je vous avoue que je suis heureux de voir cela.

M. St-Pierre: II existe beaucoup d'artistes à

Montréal qui sont des artistes de région exilés en ville et il y a certains artistes de la ville qui ont des frères artistes en région. En ce qui me

concerne, c'est vrai dans les deux sens du terme, j'ai des frères: personnellement, mon frère qui est artiste et qui était sur le Conseil régional de la culture d'Abitibi-Témiscamingue. Les gens en régions ont développé cette connaissance du milieu régional, ont développé certaines expertises de la culture en régions, et il m'apparaît extrêmement important que les comités régionaux de la culture existent et continuent d'exister, puisque ces comités sont formés à partir de gens de régions. Ils ne sont pas des directions régionales d'un bureau de Québec en régions; ils sont des gens de la région qui tentent de rayonner vers Québec. Et c'est pour ça que dans les recommandations du rapport Arpin qu'on cite de 88, 89 et 90, je crois, c'est extrêmement inquiétant lorsqu'on dit que les conseils régionaux de la culture peuvent être jusqu'à éliminés complètement s'ils ne répondent pas aux nouvelles visées politiques du ministère. C'est très inquiétant.

M. Boulerice: II y a des mesures fiscales qui existent dans bien des secteurs d'activité. Quelles seraient, d'après vous, les mesures fiscales qui permettraient de stimuler le marché de l'art? Je vais vous donner un exemple. Il y a, mon Dieu, deux ans, deux ans et demi, je crois, je lançais une idée. Bon. Elle vaut ce qu'elle vaut, mais il faut quand même la tester, comme on dit en bon Québécois, d'un REA, régime épargne art, en me disant que je n'avais aucun droit d'auteur dessus et que quiconque voudrait la prendre et l'appliquer, j'en serais le premier heureux, c'est-à-dire jouer le levier de la fiscalité dans le cas d'un individu, puisque cela est vrai pour les compagnies, dans le cas d'un individu qui achèterait une oeuvre d'art ou qui pourrait déduire jusqu'à concurrence de x, etc. Est-ce que ce serait une mesure intéressante ou si vous en avez d'autres à nous suggérer?

M. St-Pierre: Ce serait une excellente mesure. Maintenant, il faudrait voir à ce que les définitions sous-tendant une telle mesure soient approuvées par les artistes. On entre dans un débat qui est très épineux, à savoir qu'est-ce qui est une oeuvre d'art et qu'est-ce qui n'en est pas une. À ce moment-là, laquelle deviendrait admissible au programme laquelle ne le deviendrait pas? Pour répondre à ces questions, on proposait la tenue d'états généraux des arts visuels. Maintenant, il est évident que ces mesures-là devraient s'appliquer à une oeuvre de première ligne, c'est-à-dire une oeuvre qui est produite par un artiste du Québec et qui est vendue pour la première fois par cet artiste du Québec, son agent ou sa galerie. On sait que la spéculation sur les oeuvres d'art occupe la majeure partie du marché des transactions en or, actuellement, sauf que les artistes vivants ou leurs ayants droit ne retirent aucun bénéfice de ces gains spéculatifs sur les oeuvres d'art. Et même ironie, ces gains effectués sur la spéculation d'oeuvres d'art constituent un gain de capital qui est admissible aux exemptions personnelles à vie qui sont de 100 000 $, je crois, pour la province de Québec - qu'on me reprenne si le montant n'est pas exact - et au fédéral, c'est la même chose.

Pour faire bénéficier les artistes créateurs en art visuel, il serait très compliqué de collecter des redevances sur cette spéculation. À notre avis, il apparaîtrait éminemment plus pertinent de considérer ces gains spéculatifs comme des gains imposables. C'est une autre des mesures fiscales qui pourraient servir à supporter l'exemption sur les achats d'oeuvres d'art.

M. Boulerice: Alors, on convient, là, qu'on ne va quand même pas jouer au sous-ministre cet après-midi et commencer à élaborer le régime comme tel.

M. St-Pierre: Non.

M. Boulerice: Mais disons que pour ce qui est du principe, quitte à le voir, effectivement... Je pense qu'on peut adopter une politique et quand on voit les programmes, on peut les faire également conjointement. Vous convenez que cet exemple, enfin, celui que vous apportez, serait des mesures incitatives importantes, bénéfiques, tout au moins, pour le milieu des arts visuels.

M. St-Pierre: Tout à fait. M. Boulerice: D'accord.

Le Président (M. Doyon): Quelques mots de remerciement, M. le député.

M. Boulerice: Oui, j'ai quelques mots de remerciement. J'aurais préféré poser une question, parce qu'il a parlé du financement privé. Alors, au premier chef, je me sentais très concerné. Je ne sais pas si c'était une critique ou une incitation au dépassement dans le financement privé, mais on pourra toujours reprendre la discussion.

Je retiens des choses, effectivement, de votre mémoire. Oui, il y a des regroupements, effectivement, mais il faut... Enfin, moi, j'appartiens à une formation politique qui a, comme un des premiers articles, le droit à la dissidence. Je vous avoue que, quelquefois, je dis: Bien, on l'invoque trop souvent, sauf qu'il est là, il peut servir. Donc, le droit au regroupement, certes, est souhaitable et louable, sauf que le droit de ne pas participer à un regroupement, également, doit être reconnu, à mon point de vue.

Alors, je vous remercie, M. St-Pierre, Mme Marion, de votre participation à cette commission. Pour ce qui est de nos autres transactions et échanges, nous nous reverrons bientôt, j'en suis persuadé.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Oui. Je me joins à mon collègue pour vous remercier M. St-Pierre, Mme Marion. En fait, comme je vous dis, vous avez apporté quand même des éléments qui sont neufs à la discussion, et on va les prendre en considération vraiment sérieusement. Évidemment, on est ici pour faire des changements. Alors, toute recommandation nouvelle qui diffère un peu, finalement, de ce qui était dans le passé est toujours très bienvenue, mais je pense que le milieu en est là aussi. Le fait de recommander des choses en disant: Nous, on va se prendre en main, mais ouvrez-nous des marchés et tout ça, ça veut déjà dire beaucoup aussi de l'évolution du milieu. Alors, merci beaucoup.

Le Président (M. Doyon): Au nom des membres de la commission, M. St-Pierre et Mme Marion, je tiens à vous remercier d'avoir bien voulu passer ce peu de temps avec nous. Merci beaucoup. Le temps de vous permettre de vous retirer, et j'inviterai dès maintenant les représentants des Grands Ballets canadiens à bien vouloir prendre place à l'avant. Je pense qu'ils sont présents dans la salle. Oui. Alors, je les invite à s'avancer et à bien vouloir s'installer à la table de nos invités.

Je constate que les quatre représentants et représentantes sont installés. Je les invite tout simplement à s'identifier et à se présenter. Après ça, ils diposeront de 10 à 15 minutes pour nous faire part de leurs réflexions ou de leurs réactions vis-à-vis ce qui a été publié par le ministère comme étant une proposition de politique, une ébauche de politique. Après ça, la conversation va s'engager avec les membres de la commission pour avoir plus de détails sur vos prises de position. Vous avez donc la parole.

Grands Ballets canadiens

Mme Pathy (Constance V.): Merci. Je suis Constance Pathy, présidente du conseil d'administration des Grands Ballets canadiens.

Mme Gaynor (Kim): Kim Gaynor, directrice administrative des Grands Ballets canadiens.

M. D'Amours (Alban): Je suis Alban D'Amours. Je suis le premier vice-président de la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins et membre du conseil d'administration des Grands Ballets canadiens.

M. Lebrun (François): Je suis François Lebrun, vice-président chez Raymond Chabot Martin Paré, ex-président du conseil d'administration des Grands Ballets canadiens et toujours membre de ce même conseil.

Le Président (M. Doyon): Très bien. Soyez les bienvenus.

Mme Pathy: Merci. Mme la ministre, M. le Président, Mmes, MM. les membres de la commission, au nom des Grands Ballets canadiens et de son conseil d'administration, j'aimerais vous remercier vivement pour votre invitation à venir présenter le mémoire des Grands Ballets canadiens devant la commission parlementaire.

Nous sommes tous d'accord pour dire que le temps est venu de se pencher collectivement sur la place que nous voulons accorder aux arts et à notre culture au cours des prochaines décennies. Une société qui ne se soucie pas de stimuler la création, d'encourager ses artistes et de démocratiser la vie culturelle est une société sans âme, une société sans renouvellement, une société sans progrès. Un juste équilibre entre politiques sociales et économiques et politiques culturelles et artistiques génère le dynamisme nécessaire pour assurer l'excellence et la compétitivité d'une société.

Fondée le 17 avril 1957 par Mme Ludmilla Chiriaeff et installée à Montréal depuis près de 35 ans, la compagnie des Grands Ballets canadiens a toujours eu comme mandat principal de, et je cite, "promouvoir le ballet pour qu'il soit reconnu comme moyen d'expression d'art canadien". Plus concrètement, il s'agit de présenter des grandes oeuvres du répertoire de ballet et de créer de nouvelles oeuvres. Et permettez-moi de souligner que la création a constitué, dès le départ, un des principaux piliers des Grands Ballets et ce, dans le but de faire évoluer la discipline de la danse et en faire découvrir toutes les dimensions au public canadien.

Qualité et excellence ont toujours caractérisé l'oeuvre des Grands Ballets canadiens. Sous la direction artistique actuelle de M. Rhodes, la compagnie atteint des sommets artistiques de plus en plus élevés qui en fait aujourd'hui une institution d'envergure internationale. La compagnie est désormais un véritable ambassadeur du Québec par ses tournées à l'extérieur de la province, à travers le Canada, aux États-Unis, en Europe, en Amérique latine et en Extrême-Orient.

On ne peut qu'applaudir l'ensemble des recommandations du rapport Arpin tant pour l'importance accordée à la création, à l'excellence, au rayonnement international que pour son intention d'éliminer la politique de saupoudrage et de concentrer les fonds disponibles à des projets de haute qualité. La stabilité financière des Grands Ballets devrait constituer la priorité principale pour tous. Avec une troupe de 38 danseurs de formation professionnelle et une équipe de 32 autres personnes employées dans les secteurs divers de l'administration et des opérations techniques et artistiques, la compagnie est constamment aux prises avec des préoccupations de survie quotidienne. (16 h 15)

En ce moment, nous faisons face à la pire crise que nous ayons connue en raison d'une conjoncture économique tout à fait hors de notre contrôle. En résumé, notre enveloppe budgétaire actuelle est nettement trop restreinte pour assurer le fonctionnement normal de la compagnie. Il est bien clair que: a) pour que les Grands Ballets continuent à maintenir le niveau de qualité supérieure de ses spectacles; b) pour pouvoir poursuivre ses activités de création; c) pour améliorer les conditions de travail et augmenter l'enveloppe salariale de ses danseurs - un point que, j'espère, sera plus détaillé dans les questions, dans la période de questions; d)pour pouvoir continuer à se développer; e) pour connaître un plus grand rayonnement en région; il est fondamental que le gouvernement s'engage à: 1) Augmenter de façon substantielle la base de subventions accordées aux grandes institutions en proportion de leur envergure et en tenant compte des coûts réels de fonctionnement; 2) Garantir une planification triennale proportionnelle à la croissance des activités de l'institution; 3) Garantir une indexation des subventions ajustée au coût de la vie; 4) Mettre en place des mécanismes suscitant l'apport financier du secteur privé pour en arriver, par exemple, à l'établissement de fonds de dotation et de fonds de stabilisation ou encore pour encourager les commandites, etc.; 5) Exonérer les organsimes culturels et artistiques de toute forme de taxation. Il est incompréhensible qu'on reprenne de la main gauche sous forme de taxes ce que la main droite a donné en subvention. Par exemple, la taxe d'amusement que nous devons payer à la Ville de Montréal diminue de 50 % environ la subvention accordée par le Conseil des arts de la Communauté urbaine de Montréal, sans compter que de nouvelles taxes viennent sans cesse s'ajouter, notamment, la TPS et, bientôt, la TVQ. Et voir à ce sujet notre mémoire pour des chiffres éloquents en la matière; 6) Favoriser l'accès à la vie culturelle, en tenant compte tant des exigences financières que des exigences physiques d'une telle politique. Le rapport Arpin prend pour acquis que - et je cite - "toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté". Il ne faut pas oublier que l'accessibilité à la vie culturelle comporte deux dimensions distinctes: la dimension monétaire ainsi que la dimension physique.

Premièrement, la dimension monétaire. Pour un grand nombre d'adeptes du ballet, le prix d'un billet de spectacle des Grands Ballets est déjà prohibitif et hors de sa portée. Il va de soi qu'un tel prix exclut une partie substantielle de public potentiel, particulièrement en période de récession. Si on ajoute à ce prix d'autres taxes, il est bien évident que l'accès à la vie culturelle ne restera qu'un voeu pieux. Si l'on désire réellement en démocratiser la vie culturelle, le gouvernement devra prendre les mesures financières nécessaires pour corriger la situation actuelle en sorte que le citoyen ordinaire puisse lui aussi participer activement.

Quant à la dimension physique, nous sommes tout à fart d'accord avec l'idée de faire reconnaître Montréal comme lieu culturel et centre d'incubation de la création par excellence et de stimuler son développement. Il faudrait donc, grâce à des politiques appropriées, soutenir et promouvoir l'expression des multiples disciplines artistiques de façon à faire de notre métropole le lieu privilégié pour la création et la représentation culturelles.

Quant à la ville de Québec, nous sommes d'avis que "la capitale soit considérée comme un pôle privilégié de développement culturel, des arts vivants et de l'art actuel", comme le dit le rapport Arpin. Les Grands Ballets canadiens devraient se produire à Québec comme à Montréal, de façon régulière, en collaboration avec l'Orchestre symphonique de Québec. D'ailleurs, ce dossier fait déjà l'objet de discussions suite à une proposition faite au ministère des Affaires culturelles.

Quant à l'ensemble régional du territoire, pour que tes Grands Ballets canadiens puissent s'y produire, il est indispensable qu'on acquière un réseau d'équipement adéquat, adapté aux besoins de représentation des arts de la scène. Les tournées au Québec vues comme partie intégrante du mandat de la compagnie ne peuvent s'effectuer actuellement que de façon très fractionnée.

Mon but, cet après-midi, vise essentiellement à souligner certains points du rapport Arpin et à présenter quelques recommandations. De toute évidence, la compagnie des Grands Ballets canadiens est un élément moteur de la vie culturelle de la province et pourrait y contribuer encore bien davantage. En conséquence, nous proposons: 1) Qu'une fois pour toutes, l'importance nationale de cette grande institution soit reconnue; 2) Que le gouvernement garantisse des fonds substantiels à notre institution afin d'assurer un financement adéquat et stable à long terme; 3) Qu'on crée un conseil non politique, tel que le Conseil des arts du Québec, pour assurer un soutien indépendant aux arts. Le gouvernement actuel appuie le développement de la culture et le domaine des arts en général. Il est très important qu'une telle politique de soutien indépendant soit maintenue de façon à ce que les arts soient à l'abri des vicissitudes et changements politiques de toutes sortes. Un organisme

tel que le Conseil éviterait une trop grande bureaucratisation ainsi qu'une trop grande concentration des pouvoirs au ministère, tout en garantissant le fonctionnement autonome des organismes culturels; 4) Que soient créés des fonds de dotation en partenariat avec le secteur privé par l'intermédiaire d'incitatifs fiscaux.

En conclusion, les arts du Québec ont connu sans contredit un essor extraordinaire au cours des 30 dernières années. La vie culturelle de la société québécoise a su se donner un caractère unique et fort enviable. Nous devons toutefois veiller au grain et mobiliser toutes nos forces pour traverser la période d'instabilité actuelle et faire face au défi du prochain siècle. Nos artistes ont désespérément besoin du soutien économique et financier de leur gouvernement. Le public aussi a besoin de politiques gouvernementales qui rendront véritablement ce droit à la vie culturelle accessible à tous. Un juste équilibre entre la concertation des interventions, la coordination du soutien économique et la libre expression en matière de création artistique et culturelle constituent la clé de voûte de notre démarche commune en vue d'une plus grande démocratisation de la vie cultuelle et de l'épanouissement de notre société. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la présidente. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Pathy, bienvenue. Je veux vous remercier aussi de l'excellent travail que vous faites, je sais que ce n'est pas facile, spécialement de nos jours et aussi, spécialement, dans le secteur de la danse. Je pense qu'il faut regarder les choses honnêtement et en face et je vais passer d'ailleurs tantôt, pour ce faire, la parole à ma collègue, la députée de Châteauguay, dont la fille est professionnelle en danse, et on va discuter ouvertement aussi du problème que les danseurs, tel que mon collègue les appelle d'ailleurs, "les sans-abri de la culture", ont a faire face. Je pense que c'est le temps aussi qu'on mette ça sur la table et qu'on le dise haut et fort.

Une chose, par exemple, que j'aimerais vous demander. Il y a un problème au niveau de l'accessibilité. Effectivement, le coût à la Place des Arts... Ça coûte cher de se produire à la Place des Arts pour plusieurs raisons, dont une raison au niveau du syndicat, donc ça coûte cher. Et il y a aussi le public. Il semble y avoir, ou dites-moi si je me trompe, une certaine résistance ou un désintéressement de la part du public au niveau de la danse, mais comment on fait alors pour, justement, aller intéresser les nouveaux publics? Est-ce qu'on va en régions? Est-ce qu'on brise un peu le corps de ballet de telle sorte qu'il y a des représentations en plus petit nombre qui vont dans des plus petites salles, se faire connaître dans les... ou amener les écoles? Mais qu'est-ce qu'on peut faire justement pour augmenter, ne serait-ce que le marché, au niveau de la danse?

Mme Pathy: D'abord, je dois souligner que la compagnie est une compagnie de 38 danseurs. Alors, notre premier mandat doit être de présenter des oeuvres qui utilisent toute la troupe. Pour fin de promotion, sans doute c'est possible de diviser la troupe en deux pour faire des petites tournées au Québec, dans des lieux où il n'y a pas de salle propice pour toute la troupe, une quarantaine de danseurs, et peut-être pour des promotions en ville, à Montréal, mais... Est-ce que tu aimerais ajouter quelque chose?

Mme Frulla-Hébert: Au niveau de la tournée, par exemple, parce que quand je suis... Lors de ma tournée justement, cet été, j'ai eu plusieurs demandes de gens qui disaient: Nous, nous essayons de développer des écoles de danse, ça va bien, on organise des concerts, des récitals, mais ce serait bon d'avoir aussi, si c'était possible, de voir ou de pouvoir montrer justement, évidemment, des gens des Grands Ballets, des danseurs solistes, etc., des Grands Ballets, de telle sorte qu'on puisse donner un exemple. Alors, c'est possible de penser à augmenter les tournées régionales?

Mme Pathy: Alors, on est toujours prêts à regarder toute proposition. Notre but est d'élargir notre public de façon épatante. Alors, si ça aidait d'aller en tournée en plus petite formation, on est prêts à le regarder.

Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la députée de Châteauguay.

Mme Cardinal: Merci, M. le Président. Tout le monde reconnaît la compétence et la qualité de votre travail en ce qui concerne les danseurs et la qualité technique aussi qui est très reconnue. C'est sûr que tous les jeunes qui aspirent à la danse, évidemment, voudraient aller et être reconnus surtout par les Grands Ballets. Est-ce que vous pourriez donner davantage, expliciter vos choix quant à la sélection de ces jeunes? Parce que je sais que... On peut dire qu'il y a beaucoup d'appelés et très peu d'élus, et ça serait peut-être intéressant de voir de quelle façon les jeunes pourraient, dès le départ, s'attendre ou ce qu'ils peuvent espérer, jusqu'où ils peuvent aller dans la formation que vous exigez. Parce que vous avez une technique tout à fait parfaite, vous avez des exigences qui sont à la hauteur, évidemment, de vos réalisations. (16 h 30)

Mme Pathy: Les Grands Ballets ont, comme premier but, une excellence de haut niveau, et on essaie toujours d'améliorer la qualité encore. Je vous remercie de vos compliments, mais,

quand même, on a un bout de chemin à faire, on pense. Comment est-ce qu'on trouve les danseurs? Alors, on cherche des danseurs de qualité qui peuvent promouvoir ces buts-là. À Montréal, très souvent, on a des concours, des auditions pour les danseurs. Le noyau de votre question, en effet, c'est la formation des danseurs. La compagnie n'est pas impliquée dans la formation des danseurs, mais si... Dans le rapport Arpin, la formation est entamée d'une façon importante, et nous autres, aux Grands Ballets canadiens, endossons ces idées d'améliorer la formation des danseurs.

Par exemple, il y a une école de danse qui est liée d'une façon pas formelle aux Grands Ballets canadiens. On prend, chaque année, à peu près deux apprentis ou, de temps à autre, un danseur qui entre dans la compagnie, mais, en effet, les danseurs qui sortent de l'école ne sont pas au niveau exigé par la compagnie et notre désir est d'avoir un bassin, là, tout de suite pour nos danseurs. À ce moment-là, s'il y a une école avec des gradués qui sont à la hauteur, ce n'est pas nécessaire de chercher ailleurs. Ça facilite notre tâche beaucoup.

Mme Cardinal: II devrait y avoir peut-être une meilleure collaboration ou peut-être que le terme n'est pas juste là, mais entre, justement, l'École de formation et les Grands Ballets qui pourraient avoir un noyau intéressant de jeunes artistes et de jeunes professionnels qui pourraient profiter, évidemment, des avantages que vous pouvez leur offrir. Comme vous disiez, l'excellence, je pense bien qu'on peut toujours y tendre et vous continuez à le faire. Mais est-ce que cette collaboration, ce partenariat entre l'école de formation de danse et les Grands Ballets canadiens ne serait pas intéressant pour la naissance de nos jeunes, non seulement nos jeunes mais de danseurs et danseuses de qualité qui pourraient, effectivement, répondre mieux à vos exigences d'après la formation que vous pourriez exiger en étroite collaboration?

Mme Pathy: C'est Mme Gaynor qui répondra.

Mme Gaynor: Notre directeur artistique participe maintenant d'une façon très active sur un comité pédagogique à l'École supérieure de danse. Il s'intéresse beaucoup à ce qui se passe à l'École. En plus de ça, on engage souvent ou on fait participer des élèves de l'École supérieure de danse dans nos productions. Je donne juste un exemple... qui vient de passer où on avait cinq ou six étudiants de l'École qui ont participé. D'une façon régulière aussi, M. Rhodes est là à l'École pour voir la relève, pour voir les jeunes qui sont là. Alors, d'une certaine façon, les jeunes qui sont là sont avantagés par rapport aux autres personnes qui viennent, à travers le monde, parce que le monde de la danse classique c'est très international, pour les auditions une fois par année. Donc, on essaie de chercher les meilleurs et souvent on en trouve à l'École, des fois on en trouve ailleurs.

Mme Cardinal: Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la députée. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, Mme la Présidente, Mme la directrice, M. Lebrun. M. Lebrun, je suis curieux, vous n'étiez pas notre délégué général à Toronto?

M. Lebrun: II y a déjà longtemps.

M. Boulerice: II y a déjà longtemps, bon!

M. Lebrun: Avant de revenir à la Société de développement industriel. Donc, ce qui prouve que la culture et l'industrie, ça peut se concilier.

M. Boulerice: M. D'Amours, bienvenue à cette commission. Je dois vous dire que ce mémoire... J'essaie de trouver les mots, je ne vous le cacherai pas. Ça fait au-delà d'un mois et demi que ma collègue ministre et d'autres collègues députés sommes à cette commission de 9 h 30 à 22 h 30, ce qui provoque, vous le savez, une fatigue physique et également une fatigue intellectuelle, puisque nous devons toujours être en alerte; ce que vous dites, ce que nous devons vous poser comme question, etc., mais ma fatigue vient de s'estomper un peu avec votre présentation.

Mme Pathy, je suis sidéré mais heureux de voir qu'une de mes compatriotes, anglophone, venant d'un secteur où on sait que c'est là malheureusement que les carrières sont les plus éphémères, donc les plus fragiles, viennent et ne sont pas frileux, quoiqu'ils vivent des conditions de précarité, et se positionnent très clairement en disant que la culture fasse l'objet d'un rapatriement complet avec les fonds correspondant et une pleine compensation financière, que les sommes provenant de toute forme de compensation financière soient affectées en totalité à la culture par le gouvernement du Québec. Merci.

Mme Pathy: Est-ce que je peux répondre à cette remarque?

M. Boulerice: Je ne vous en fais pas le reproche, vous le comprenez bien. Je suis ravi, c'est le mot! Et deuxièmement, ce qui me touche aussi, c'est l'importance que vous avez attachée dans votre présentation au rôle que doit avoir Québec comme capitale culturelle également du Québec. J'aimerais ça que vous poursuiviez un peu plus dans ces deux énoncés.

Mme Pathy: Au sujet de la première remarque, j'aimerais dire que les Grands Ballets canadiens siègent à Montréal. C'est la seule compagnie de ballet de cette envergure dans la province de Québec. On sent en ce moment que le gouvernement québécois provincial nous favorise. Au moment où le mémoire a été écrit, le Conseil des arts du Canada a coupé notre subvention de 75 000 $ sans préavis. C'est dans cet esprit qu'on a endossé le rapatriement des fonds.

Quant au sujet de la capitale, Québec, Québec est un lieu très spécial dans la province. C'est le berceau du patrimoine et c'est très important que les arts soient développés ici de la même façon qu'à Montréal. Montréal est une ville "cosmopolitaine". C'est bien sûr que c'est très important comme centre culturel, mais ça ne doit pas être le seul centre des arts et de la culture à Québec. Je trouve que c'est bien important d'avoir une présence à Québec. M. D'Amours.

M. D'Amours: II faut bien souligner ici le fait que ce que Mme Pathy nous dit, c'est qu'il s'agit d'une compagnie qui a acquis ses lettres de noblesse au Québec, qui a été un lieu d'accueil aussi pour des artistes internationaux et qui a créé donc, au Québec, un milieu d'accueil extraordinaire pour l'excellence dans le domaine de la danse. Dans ce sens-là, ça fait partie d'un orgueil des Québécois que d'avoir cette compagnie, et l'on croit que son développement sera encore mieux assuré s'il l'est à l'intérieur de nos politiques québécoises et de nos orientations québécoises. C'est pour ça qu'on réclame le rapatriement des pouvoirs et des fonds, évidemment, qui l'accompagnent. Ce n'est pas un geste qui est anodin, vous l'avez remarqué, M. le député, dans ce contexte interculturel où évolue la compagnie. C'est une décision qui est longuement réfléchie et pesante.

Le Président (M. Doyon): M. le député...

Mme Pathy: Permettez-moi d'ajouter un petit mot. Avant que ces mesures soient prises, c'est bien nécessaire d'avoir des statuts en place pour qu'on soit rassurés que les fonds sont vraiment versés aux organismes culturels. Comme on demande déjà qu'on augmente notre enveloppe budgétaire, on prend soin de ça aussi, qu'on augmente l'enveloppe totale de subvention.

M. Boulerice: Je peux vous répondre, Mme Pathy, que, dans le cas de ma formation politique, II s'agit d'un transfert latéral intégral de toutes les sommes. Si jamais notre statut politique devait changer, les économies d'administration devront être rajoutées à ce ministère. Mais je crois qu'il y a un député très fier, puisqu'il est député de la circonscription de Mercier où se trouvent à la fois les Grands Ballets et l'école, qui aimerait vous poser une question.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Mercier, vous voulez avoir la parole?

M. Godin: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Vous lavez, M. le député.

M. Godin: Mon voisin me dit que je poserais seulement une question, mais ça ne le concerne pas. C'est vous qui êtes le patron ici.

Le Président (M. Doyon): C'est ça.

M. Godin: Alors, Mme Gaynor ainsi que ceux qui vous accompagnent, je me souviens d'une fois, dans une tournée ministérielle, j'étais allé dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Il y avait une école complète qui servait d'école de ballet pour la région Saguenay-Lac-Saint-Jean. Je sais que dans beaucoup de régions du Québec il y a une espèce de passion pour le ballet qui s'est développée à cause de quelques films qui ont incité les gens, les jeunes surtout, à se lancer à corps perdu, je dirais, dans ce très bel art. Et j'aimerais savoir s'il y a un effet de vases communicants d'une école de ballet du Saguenay, de Chicoutimi, mettons, et votre école des Grands Ballets, qui est située à deux pas de mon bureau. J'aimerais savoir si vous prélevez ou si vous engagez des jeunes qui ont commencé leur entraînement ou leur formation en dehors de votre école?

Mme Gaynor: D'abord, j'aimerais dire que l'École supérieure de danse du Québec, ce n'est pas relié, sauf d'une façon informelle, avec les Grands Ballets canadiens. Donc, jusqu'à une certaine façon, on ne contrôle pas ce qui se passe à l'Ecole. Ça, c'est complètement une autre administration. Mais je dois dire que quand on lance l'appel aux auditions, on envoie ça à travers le Québec, à travers le Canada, à travers le monde, finalement, pour chercher les jeunes qui s'intéressent... qui ont fini leur formation professionnelle, parce que, ça, c'est important aussi. Il y a beaucoup d'écoles où il y a la formation en ballet, mais ce n'est pas vraiment une formation professionnelle et, là, on cherche des professionnels dans le métier. Mais on envoie notre invitation à l'audition à un très grand public et on invite les gens de se présenter pour fes auditions chez nous. Et tout le monde qui est qualifié vient, puis on fait notre choix parmi ces gens. Il n'y a personne qui est exclu. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Godin: J'aimerais savoir, si c'est possible - sûrement que ça l'est - si vous pouviez nous fournir, à la commission ici, une liste des régions qui sont maintenant ou daps les Grands Ballets canadiens ou dans l'École j nationale de ballet pour savoir si, effectivement, les Grands

Ballets canadiens et l'École, même si ce n'est pas lié organiquement, si vous voulez, représentent vraiment le Québec dans son ensemble et si les Grands Ballets canadiens ne sont pas déjà le ballet national du Québec, c'est qu'il a des grandes chances de le devenir, j'espère, dans un avenir pas trop lointain, et c'est ce que la ministre va souhaiter probablement elle aussi, la connaissant comme je la connais.

Et, donc, s'il y avait - mais ce n'est pas une condition, si je peux vous dire, sine qua non - s'il y avait une présence de l'ensemble du Québec dans les Grands Ballets, elle serait déjà la compagnie nationale de ballet du Québec. C'est ma question, M. le Président, j'ai terminé.

Mme Gaynor: Je peux vous dire qu'on a des danseurs dans notre compagnie qui viennent de partout dans le monde. Pour les danseurs qui viennent du Québec, on a un grand nombre qui habitent maintenant à Montréal, évidemment. Je ne peux pas vous dire d'où viennent ces danseurs sans avoir fait une recherche quelconque. Pour ce qui concerne l'École, je n'ai vraiment aucune idée. Je peux m'informer.

Mme Pathy: L'École a sa propre administration, son propre directeur général, son propre conseil d'administration. Alors, peut-être qu'on se trouve dans le même édifice, on a un contact régulier, mais on se mêle, en effet, dans ces affaires.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame. Oui, M. Lebrun. (16 h 45)

M. Lebrun: Je pourrais peut-être, sur cet aspect, à partir de ce qui a déjà été mentionné, je vais peut-être vous dire qu'en ce qui nous concerne, nous sommes déjà les grands ballets du Québec, dans les faits. Et je pense qu'on fait des efforts pour recruter, le plus possible, de jeunes danseurs et danseuses. Mais, comme vous savez, nos traditions sont assez récentes en matière de ballet. L'an prochain, on fête notre 35e anniversaire. Mais c'est assez court dans la vie d'un peuple. Quand Mme Chiriaeff est arrivée ici, il y a quelques années, c'était encore péché mortel de danser le ballet.

Donc, il y a beaucoup d'efforts qui ont été faits. Il y a des cours qui se donnent maintenant dans plusieurs écoles. On invite beaucoup de jeunes. Il y a des matinées éducatives, comme on les appelle. On invite les gens des écoles au niveau secondaire et peut-être primaire à venir voir les Grands Ballets. Donc, on fait beaucoup d'efforts pour recruter le plus possible de gens d'ici, les sensibiliser, attirer notre public, mais, en même temps, on voudrait que cette troupe d'envergure puisse tirer les meilleurs talents d'un peu partout à travers le monde. On a eu le privilège, il y a quelques années, d'aller chercher des danseurs exceptionnels en Chine. Cette année, on vient de faire l'acquisition d'un couple de danseur et danseuse italiens. Et on est très fiers de ces acquisitions. Donc, en maintenant un juste équilibre, ça nous permet d'avoir une des meilleures troupes et de faire rayonner le Québec au plan international.

M. Boulerice: J'aurais une toute petite question que j'aimerais poser à M. Lebrun.

Le Président (M. Doyon): M. le député.

M. Boulerice: M. Lebrun, ces danseurs que vous réussissez à amener au Québec, à partir de l'étranger, est-ce qu'à la fin de leur carrière, pour plusieurs, il y a une rétention, c'est-à-dire qu'ils restent au Québec et deviennent des enseignants, soit au bénéfice de l'École nationale ou d'autres écoles de danse?

M. Lebrun: J'en connais quelques-uns. Mme Gaynor pourra peut-être compléter. J'en connais quelques-uns. D'abord, il faut dire que c'est un métier ou une profession où il y a beaucoup de mobilité. Donc, il y en a qui viennent ici pendant deux ou trois ans, et le rêve des danseurs, c'est d'aller dans les meilleures troupes du monde. Heureusement, on fait partie de cette catégorie, je pense qu'il faut le dire; à l'échelle mondiale, on fait partie des ligues majeures. En passant, moi, je les ai accompagnés lors d'une tournée européenne. Je peux vous dire que quand on se déplace, on est reçus dans les grandes villes de ce monde, on est très fiers d'être Québécois à ce moment-là, de voir qu'on rayonne de cette façon-là à l'étranger.

Donc, il y en a - même des Québécois, d'ailleurs - qui sont à New York, un peu partout, qui font partie de cette mobilité à l'échelle internationale, mais il y en a d'autres qui restent. Il y en a d'ailleurs plusieurs qui s'intègrent. Ces gens-là restent ici. J'en connais quelques-uns qui sont très heureux au Québec et à Montréal et, après ça, eh bien, comme vous le savez le cycle d'une carrière de danseur et danseuse est assez court. Il y en a qu'on a engagé sans doute comme professeurs. Il y en a d'autres qui doivent retourner à l'école. Très souvent, ces gens-là ont commencé à un bas âge, donc, ils arrivent à 35 ans, ils n'ont pas de métier. Donc, il y en a sûrement qui restent ici. Je n'ai pas les statistiques. Peut-être que Mme Gaynor pourrait élaborer là-dessus.

Mme Gaynor: Je n'ai pas les statistiques vraiment non plus, mais je peux juste donner quelques exemples. On en a quelques-uns qui se sont mariés avec des Québécois, donc, évidemment ils sont restés. Ils avaient leur famille ici. Il y a d'autres danseurs qu'on essaie de recycler, si vous voulez, à l'administration; quand leur

carrière de danseur est finie, on essaie de leur trouver du travail à l'administration. Alors, on essaie de les encourager le plus possible à rester ici évidemment. Je peux vous dire que les Italiens ont déjà dit qu'ils trouvent la ville de Montréal une ville superbe, et ce sont des gens qui connaissent le monde. Alors, c'est un compliment. Ils aimeraient rester ici.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame.

M. Boulerice: Je crois qu'est venu le temps de prendre congé. Il y aurait eu bien d'autres questions. Mais de toute façon, la rue Rivard n'est pas tellement éloignée de ma circonscription. Donc, il y aura bien des occasions de se revoir. Je vous remercie de votre participation, Mme Pathy, Mme Gaynor, M. Lebrun et M. D'Amours, et je vous demanderais de bien vouloir transmettre à Mme Chiriaeff nos salutations les plus distinguées et surtout nos voeux les meilleurs.

Mme Gaynor: Merci, et j'aimerais bien vous inviter au prochain spectacle de "Casse Noisette" qui se déroule ici en décembre. Alors, c'est très proche.

M. Boulerice: Nous acceptons.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Oui, moi aussi je me joins à mes collègues. J'avais oublié de discuter d'ailleurs de ça au lunch, aujourd'hui, quand j'étais avec vous. Effectivement, tout l'apport ou enfin l'entrée de nos danseurs québécois dans les Grands Ballets, je pense que c'est un point qu'il faut toucher. Je comprends que finalement, ça prend l'excellence, et on est tous d'accord. Par contre, si je compare, par exemple, à l'Orchestre symphonique de Montréal, 75 % - et j'étais surprise moi aussi - de leurs musiciens sont des musiciens du Québec et du Canada. Une grosse proportion du Québec, des conservatoires, etc. Alors, je pense qu'il ne faut pas oublier non plus et garder ça en tête parce qu'on forme énormément et, évidemment, on veut leur donner des débouchés chez nous. Merci d'être venus.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Merci beaucoup. Alors, au nom de la commission, il me reste à vous remercier, Mme Pathy, Mme Gaynor, M. Lebrun. M. Lacoste devait être là. Il n'y est pas. Vous lui direz bonjour de ma part. Alors, merci d'être venus nous rencontrer. Merci d'avoir pris le temps de nous exposer votre point de vue.

Donc, je suspends les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 51)

(Reprise à 16 h 53)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Je vais demander que cette commission se mette à l'ordre pour que nous puissions recommencer nos travaux.

Donc, nous poursuivons avec l'Association Presse Papier. Je vois qu'ils sont en avant. Je leur souhaite la bienvenue. Ils sont ici depuis un certain temps. On va procéder avec eux comme on a procédé avec les autres. Vous nous faites votre exposé pendant une dizaine de minutes et, après ça, la conversation va s'engager avec les membres de cette commission pour quelques minutes aussi.

Alors, si vous voulez bien vous présenter pour que nous puissions avoir vos noms dans notre journal de la transcription des débats et, ensuite, vous pourrez commencer sans plus de délai. Vous avez la parole.

Association Presse Papier

Mme Lanneville (Jo Ann): D'accord. Alors, je suis Jo Ann Lanneville. Je suis la présidente de l'Association Presse Papier.

M. Charland (Denis): Je suis Denis Charland. Je suis artiste, membre de l'atelier depuis 13 ans.

M. Langevin (Guy): Mon nom est Guy

Langevin. Je suis artiste et membre de l'atelier.

Le Président (M. Doyon): Je vous souhaite la bienvenue au nom des membres de la commission.

Mme Lanneville: Mme la ministre, M. le Président, mesdames et messieurs, j'aimerais d'abord vous remercier de nous entendre à la commission. Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais vous présenter l'association que nous sommes.

L'atelier Presse Papier est une association à but non lucratif d'artistes graveurs professionnels. En 1979, Presse Papier est née de la volonté des artistes qui l'ont formée de travailler l'estampe dans la région de Trois-Rivières. L'idée première était de se regrouper collectivement pour produire et diffuser leur travail.

Depuis 12 ans, l'oeuvre de l'ensemble des membres de Presse Papier s'élève à plus d'un millier d'estampes. Les mandats de Presse Papier se distribuent sur trois avenues: la recherche et production, la diffusion et l'administration. L'Association, actuellement, est composée de 18 artistes professionnels et est dirigée par un conseil d'administration composé de 5 membres, qui travaillent bénévolement. Notre atelier génère deux emplois à temps plein, une coordonnatrice et un assistant technique, et un à temps partiel pour la surveillance de la galerie. En plus des ateliers de

production, celle-ci administre une galerie d'art actuel et possède ses propres bâtiments. Les sources de financement de Presse Papier proviennent en partie du ministère des Affaires culturelles du Québec pour 55 %, du Conseil des arts du Canada pour 9 %, de l'aide privée, 5,5 %, des cotisations, 6 %, et ses revenus de loyer et d'intérêt pour 21 %.

Presse Papier a aussi un grand rôle quant au rayonnement régional. En choisissant d'avoir pignon sur rue et laissant nos portes grandes ouvertes, nous sommes conscients d'avoir un rôle éducatif, tout en étant un lieu de création régional à vocation nationale et internationale. De plus, depuis 12 ans, Presse Papier a toujours tenu un rôle très important dans le milieu culturel trifluvien. Chaque année, Presse Papier invite des artistes étrangers à venir travailler avec nous pour échanger, partager techniques et création. À ce jour, nous avons reçu des artistes des États-Unis, du Mexique, de Cuba, de la République dominicaine, de la Belgique, de la France et du Japon. En 1992, nous recevrons des artistes provenant de la Tchécoslovaquie et de l'Espagne. L'inverse se fait aussi. Nos membres vont faire régulièrement des stages et séjours de travail en pays étrangers. Ainsi, ils ont pu travailler en France, au Japon, en Angleterre, en Belgique, en Suisse, dans le Nord canadien, aux États-Unis, à Terre-Neuve et j'en passe.

Nous travaillons continuellement à avoir une grande visibilité et crédibilité aux niveaux régional, national et international, sans nécessairement passer par Montréal. Les membres de Presse Papier sont sollicités régulièrement à partager leurs connaissances, en donnant des stages à Chicoutimi, à Joliette, à Rouyn-Noranda, à Montréal et aux États-Unis.

Alors, dans la présentation de notre mémoire à la commission, nous avons soulevé deux points importants sur le rapport Arpin: c'est dans la définition de la culture et sur le territoire. Je vais passer la parole à mes collègues.

M. Charland: Lorsqu'on parle d'une politique culturelle du gouvernement du Québec, nous voulons nous interroger en tout premier lieu sur le sens du mot "culture". Le groupe-conseil, le rapport Arpin, affirme l'importance du bien essentiel qu'est la culture, de son accessibilité et de l'importance de l'intervention de l'État au même titre que le social et l'économique. Il nous apparaît primordial de bien distinguer la notion de culture comme phénomène d'une société donnée du champ d'intervention devant être occupé par un ministère de la culture. L'anthropologue américaine Margaret Mead définit la culture d'un peuple comme étant "the way of life", définition englobant l'ensemble des activités d'une société. Le rôle de l'État est précisément d'intervenir sur cet ensemble complexe et interdépendant. Pour ce faire, il a créé différents ministères devant intervenir dans le domaine du social, de l'éducation, de la santé, de l'économique et de la culture.

Le mot "culture" est ambigu si l'on en juge peut-être par le nombre impressionnant d'organismes qui sont venus ici devant cette commission pour lui donner un sens correspondant à leur champ d'activité spécifique et, de manière bien honnête, pour en réclamer une certaine appropriation. De notre côté, nous croyons qu'en prémisse à toute réflexion sur une politique culturelle, le gouvernement doit définir le champ d'action de ce ministère, il doit identifier la spécificité de ses interventions. (17 heures)

Et comment la définir? La réponse à cette question se trouve partiellement dans l'analyse du cheminement des 30 dernières années du ministère des Affaires culturelles. Le MAC au cours de ces années a favorisé le développement, souvent même l'émergence d'institutions à vocation artistique, patrimoniale et culturelle. Le MAC a soutenu la recherche, les artistes et certains projets de diffusion.

Cette démarche a-t-elle porté fruit? Oui, souvent, nous le croyons, mais à quel prix? À celui de l'engagement inconditionnel de nombreux artistes et intervenants culturels qui ont oeuvré bénévolement à la réalisation de leurs projets et de leurs aspirations les plus profondes. Si nous acceptons de nous interroger sur le rôle de l'État en matière culturelle, c'est qu'il nous reste beaucoup de chemin à parcourir et que les enjeux en valent la peine. L'Association Presse Papier propose que le ministère des Affaires culturelles du Québec soit désigné sous le nom de "ministère des arts et de la culture". Cette dénomination affirmerait avec conviction et cohérence la mission spécifique du ministère, et serait plus signifiante que le "ministère de la culture" proposé par le groupe-conseil. Cette dénomination irait dans le prolongement de la démarche antérieure de l'État en matière de culture artistique et patrimoniale. Ce geste serait en quelque sorte une reconnaissance concrète de la très grande importance que l'État accorde à la culture et aux arts.

L'Association Presse Papier propose également d'augmenter substantiellement les ressources du ministère, l'objectif fixé du 1 % étant déjà insuffisant pour corriger les injustices subies par le milieu artistique et pour répondre aux besoins de croissance de ce qu'on appelle l'industrie culturelle. Cet argent neuf proviendrait certes d'une augmentation du budget de l'État accordé au ministère des arts et de la culture, mais aussi, il pourrait être issu de collaborations nouvelles avec d'autres ministères ou organismes gouvernementaux. La SIQ, entre autres, pourrait être mise à profit, les Communications, le ministère de l'Éducation, etc. Nous verrions ainsi une prise en charge plus globale de la responsabilité de l'État en matière d'arts et de culture.

L'Association Presse Papier croit aussi à la

nécessité d'accroître le soutien de l'État aux arts et à la culture. Tout en minimisant les tâches administratives, la formule d'une entente triennale que nous avons conclue avec le ministère nous semble un très bon exemple de cet allègement. L'Association Presse Papier propose aussi d'inclure dans la nouvelle politique culturelle du Québec des objectifs de diffusion locale, nationale et internationale et d'y consacrer les ressources appropriées. Il faudra innover pour mieux informer, il faudra innover pour impliquer aussi les médias.

Je terminerai ma réflexion sur une mise en garde, celle de réduire, pour atteindre un plus large public, la qualité et la profondeur de l'expression artistique. Je vais céder la parole à Guy Langevin qui va nous parler de la vie artistique en région.

M. Langevin: L'implication du ministère des Affaires culturelles en région, comme celle des artistes, est de toute première importance. Unies, les deux énergies que nous représentons deviennent une force créatrice génératrice de grandes choses. On n'a qu'à penser aux équipements culturels dont se sont dotées les régions depuis quelques années, équipements qui ont, bien sûr, été Initiés par les artistes eux-mêmes et qui répondent à un besoin réel, mais dont la mise sur pied n'aurait peut-être pas été possible sans le soutien des Affaires culturelles.

Dans la région de Trois-Rivières, citons, outre Presse Papier, Atelier Silex et Papyrus, l'OSTR, la Biennale nationale de céramique, le Festival international de la Poésie, la revue culturelle Le Sabord. On attend toujours Impatiemment notre musée des arts et traditions populaires. Techniquement, on pourrait croire notre région très bien équipée, on pourrait se dire qu'elle a atteint une certaine maturité, mais ce n'est pas tout à fait le cas. Notre région, comme les autres, a des lacunes, des trous béants dans ses équipements. En arts visuels, nous déplorons l'absence d'un centre d'exposition adéquatement équipé et permettant la présentation d'expositions d'envergure dans le domaine de l'art actuel. En effet, malgré la présence et la vivacité des créateurs en art visuel, nous nous voyons obligés d'exposer dans des salles petites, vétustes ou inadaptées.

Dans le domaine des arts de la scène, les équipements y sont mais, comme le dit le rapport Arpin, en page 131, la situation est bien plus pénible en ce qui concerne le contenu. Des impératifs de rentabilité font qu'il ne s'y produit aucun événement qui pourrait constituer un risque financier. On a donc droit à du théâtre d'été tout l'hiver et à quelques spectacles commerciaux.

La danse actuelle, la musique actuelle, le théâtre actuel sont des manifestations qui se passent peut-être actuellement, mais toujours ailleurs.

Doter une région de quelques équipements est une bonne chose, mais il faut que l'aide s'étende aussi au fonctionnement de ces équipements. Il ne saurait être question, bien sûr, de doter chaque région d'un musée d'art contemporain, d'une place des arts ou d'une maison d'opéra, mats il est aussi inadmissible que nous soyons privés de manifestations de qualité.

Nous pensons qu'il est de la responsabilité du MAC de voir à une certaine circulation d'événements majeurs à travers le Québec. Par exemple, on serait peut-être surpris de la réponse du public si une production d'opéra visitait quelques endroits au Québec à toutes les années. Les régions sont parties intégrantes du territoire. Quel que soit le gouvernement, il est de sa responsabilité de voir à ce que ses citoyens, ses électeurs jouissent d'une qualité de vie comparable.

Dans le mémoire que nous avons déposé, nous soulignons que la position prise par le rapport Arpin risque de créer un exode des artistes vers la région de Montréal. La commission, dans les dernières semaines, a entendu beaucoup de mémoires dénonçant cette position du rapport. Opérer une politique centralisatrice ne viendra que diviser le monde artistique en deux catégories dissemblables, inégales et peut-être même antagonistes.

Dans cette histoire, on se trouve tous, autant en région qu'à Montréal, devant le même problème: te manque chronique de fonds. Ne serait-ce pas le temps de réaliser enfin que le budget dont disposent les Affaires culturelles ne répond pas à la demande de la population? Ne serait-ce pas le temps de faire que ce budget atteigne ou dépasse le 1 % du budget total du Québec? C'est là une réclamation que tout le milieu culturel fait depuis des années et qui, jusqu'à présent, ne semble servir régulièrement que de promesse, et être ensuite reportée aux calendes grecques. Il faut atteindre et dépasser cet objectif du 1 % et faire en sotte que cette augmentation du budget du MAC soit, dans sa plus large part, attribuée à la production et à la diffusion du produit artistique. Souvenez-vous de l'étude de la firme Samson Bélair qui disait que dans toute l'industrie culturelle, ce sont les artistes qui arrivent le plus, difficilement à gagner leur vie. Pourtant, c'est bien grâce à la vivacité de ces derniers que cette industrie culturelle existe.

Comprenons-nous bien. Il ne s'agit pas de faire vivre artificiellement tous les artistes ou ceux qui prétendent l'être. Nous ne sommes pas - et refusons d'être - des bénéficiaires, comme nous qualifie le rapport Arpin en page 206. Il s'agit plutôt d'un investissement pour les gouvernements et, qui plus est, un des investissements les plus rentables politiquement. N'est-ce pas à partir de notre culture que nous revendiquons notre statut particulier dans cette Amérique?

Pourquoi s'obstiner à créer en région? Une

des raisons primordiales pour un artiste de créer est l'attachement au lieu. C'est un rapport physique et émotif, un fort sentiment d'appartenance. Il faut qu'il y ait aussi des créateurs en région. Ils assurent une saine diversité dans l'oeuvre produite au Québec. Un artiste qui traite d'un sujet, quel qu'il soit, est influencé par son lieu, imprégné par son milieu. Il est fort probable que sa production puisse être différente selon qu'il habite les îles, le Saguenay, la Mauricie, Québec ou Montréal. Cependant, il ne faut pas croire que cette différence signifie que l'oeuvre subisse un quelconque retard proportionnel aux distances qui séparent l'artiste des grands centres. Dans le monde où nous vivons, l'uniformisation de l'information et son immense diffusion font que l'artiste, où qu'il soit sur le territoire, peut se tenir au fait de la connaissance dans son domaine.

Il faut soutenir de plus en plus la création en région. Le visage de Montréal change rapidement depuis quelques années. L'arrivée de différentes ethnies vient enrichir notre collectivité et diversifier les bases de notre culture collective.

La Présidente (Mme Cardinal): Vous allez devoir terminer, s'il vous plaît. Vous avez quelques minutes.

M. Lange vin: J'ai deux phrases.

La Présidente (Mme Cardinal): D'accord. Merci.

M. Langevin: Montréal est et restera, pour un certain temps, le pôle d'attraction de ces nouveaux Québécois. Les régions, qu'on le veuille ou non, deviendront les derniers bastions de notre culture francophone, cette différence qui est nôtre au sein de cette Amérique cosmopolite. Il est donc primordial de continuer, voire même d'accentuer l'aide qu'on donne déjà à la création artistique qui se produit en région. Merci.

La Présidente (Mme Cardinal): Merci. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci. Ça me fait plaisir, je vous le disais tantôt, de vous revoir. Je suis sensible - je vous l'ai dit, d'ailleurs, quand j'étais chez vous - encore une fois, à votre vision du dynamisme culturel au plan des régions. Vous avez raison, d'ailleurs. Je vous l'avais prédit. Il y a eu plusieurs groupes qui sont venus, justement, nous apporter un fort plaidoyer pour les régions. Il y a juste une chose, par contre. Il faut quand même être réaliste, vous savez, et dans votre allocution, vous dites qu'il est temps qu'on ait, au niveau des affaires culturelles, le budget que la population demande. Je veux juste vous rappeler un sondage. Il n'y a pas plus tard que deux semaines, une semaine et demie, quand on a demandé aux gens s'il fallait couper quelque part, au niveau des municipalités, on a dit: Les premiers, loisirs et culture, à 43 % et 42 %. Alors, c'est vous dire que la bataille n'est pas gagnée, ni d'une part ni de l'autre.

Où vous avez parfaitement raison, c'est quand on se plaît à dire qu'on est une société distincte. Les gens font... Finalement, oui, on le dit. Le discours est très beau. Oui, pour la protection de notre langue, mais quand on tombe au niveau culturel, bien, c'est là qu'on ménage. Alors, c'est juste pour vous dire que, là-dessus, je partage... Deuxièmement, il va falloir continuer à faire de la pédagogie parce que veux veux pas, si on a fait de très grands pas... On écoutait les Grands Ballets qui disaient que danser le ballet était péché mortel en 1953 ou 1954. Pas besoin de vous dire qu'on se rappelle ce que ça voulait dire, un péché mortel. Mme Chiriaeff avait été excommuniée. Alors, on a fait quand même de grands pas, mais ce n'est pas acquis. Alors, il va falloir continuer à taper sur le clou.

Le groupe précédent, c'est-à-dire le Centre de production et de diffusion de l'art actuel, nous disait, et vous étiez là: Bien, plutôt que d'encourager l'aide directe aux artistes, il faudrait plutôt aider un peu - en fait, ce que vous faites - la production, la diffusion, la mise en marché. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

M. Langevin: Pas du tout.

Mme Frulla-Hébert: II me semblait aussi. C'est les seuls.

M. Langevin: Pas du tout, pour une raison bien simple. Je pense que la production artistique est la base même de la vie culturelle. Ne pas aider les artistes à produire, au Québec, créerait un vacuum épouvantable. Premièrement, avant de soutenir une machine, il faut soutenir ce qui fait fonctionner cette machine-là, c'est-à-dire les artistes eux-mêmes.

Mme Frulla-Hébert: Finalement, au niveau de la production et de la diffusion, vous parlez de ce qui se passe en région. Vous êtes extrêmement actifs et votre région, d'ailleurs, elle est, on se l'était dit, extrêmement active, avec des idées ou des événements très différents ou, enfin, uniques, si on peut dire, au Québec. Je pense au Festival international de la Poésie. Évidemment, c'est naturel avec l'université, mais quand même. Il y a aussi toute la musique actuelle. Expliquez-moi un peu, au niveau des régions ou de votre région, d'où vient tout ce dynamisme, d'une part? Comment peut-on se servir de votre expérience, justement, pour aider d'autres régions? Vous n'êtes pas loin de Montréal, c'est loin et ce n'est pas loin. Ce n'est pas comme Sept-îles, ce n'est pas comme Baie-

Comeau où c'est vraiment un périple de se rapprocher de ce qu'on appelle la métropole ou de la capitale, mais ce n'est pas votre cas. (17 h 15)

M. Langevin: Je pense que ce qui arrive avec les artistes dans notre région, on est un petit peu, comme vous le dites, loin et proche de la métropole et de la capitale, ce qui fait que pour avoir une vie culturelle active, on a à se débattre énormément. C'est une des caractéristiques, premièrement, de notre région, mais aussi d'à peu près toutes les régions qui ne sont pas très éloignées des grands centres. Ils doivent accorder beaucoup d'énergie pour monter des activités parce que l'attraction des grands centres est d'autant plus forte. Chez nous, les groupes sont très actifs, le milieu culturel est très actif. On a encore, comme on disait tantôt, des lacunes énormes, mais je pense que depuis une dizaine d'années, il y a eu beaucoup de chemin de fait. Et ça, on l'a dit: C'est, en grande partie, grâce à l'implication du ministère des Affaires culturelles. À la base, je pense que c'est l'implication des artistes qui est importante dans les régions.

Mme Frulla-Hébert: Provenant même du milieu.

M. Chartand: J'ajouterais un commentaire. Je suis d'accord avec ce que vient de dire Guy, mais j'ajouterais qu'une entreprise ou une association d'artistes ou une entreprise culturelle ou artistique, c'est quelque chose qui grandit. C'est quelque chose qui est mobile et qui est organique. Lorsqu'on démarre une activité un peu comme celle de Presse Papier, on ne peut plus arrêter. Nos ambitions nous amènent à vouloir exporter notre produit à l'étranger. De plus en plus, on acquiert des compétences. On en a encore beaucoup à acquérir, mais de plus en plus on acquiert des compétences. Le soutien ou, en tout cas, l'envergure nécessite des ressources de plus en plus grandes en même temps aussi, d'autant plus que la population - j'étais très heureux d'entendre 43 % ou 42 % de la population qui... J'aurais cru que c'était plus bas que ça. Je trouve qu'on s'approche quand même d'une majorité de gens qui sont conscients de l'importance des arts et de la culture parce qu'il y a 20 ans, je pense que le chiffre aurait été de beaucoup inférieur.

Mme Frulla-Hébert: Oui, c'aurait été 80 %.

M. Charland: Oui. Donc, il y a un bon chemin de parcouru.

Mme Frulla-Hébert: Quand je vous ai visité, vous aviez une artiste de l'extérieur qui venait vous visiter. On a aussi parlé, dans cette commission, de tout l'apport et de l'échange entre artistes, justement, et du besoin d'échange. Pour vous, est-ce que c'est une activité, si on veut, finalement cruciale ou capitale au niveau du développement de votre centre?

Mme Lanneville: Oui. On le fait d'abord sur une base régulière. Cette année, il y avait justement une artiste qui venait de la Virginie, mais il y avait aussi un Américain qui venait du Vermont. Cet échange-là qui se fait, cet échange culturel - parce que c'est vraiment une différence culturelle - c'est plein de stimulation. Alors, que l'on reçoive des artistes ou que, nous, on aille visiter des artistes à l'étranger, je pense que c'est même une mission primordiale pour Presse Papier et, à chaque année, on met toujours de l'avant des projets, que ce soit de recevoir ou de voyage, pour justement avoir une plus grande émulation dans notre domaine a nous.

Mme Frulla-Hébert: Autrement dit, ce que vous dites aussi, c'est que dans une future politique, il faudrait traiter la question des échanges culturels en priorité, d'une certaine façon.

Mme Lanneville: Les échanges culturels?

Mme Frulla-Hébert: C'est-à-dire les échanges, justement, au...

Mme Lanneville: Oui.

Mme Frulla-Hébert: ...niveau international, au niveau culturel...

Mme Lanneville: Oui.

Mme Frulla-Hébert: ...en priorité. Parfait. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, M. le Président. Merci. Mme Lanneville, M. Langevin et M. Charland, je ne peux pas empêcher ma collègue de donner des statistiques, sauf que, vous savez, il y a des statistiques qui invitent aussi à réduire le nombre de députés et à rétablir la peine de mort. Alors, je pense qu'on ne bâtira pas une politique culturelle là-dessus. On voit d'ailleurs ce que ça donne de gouverner par sondage, regardez notre premier ministre. Ça ne fait pas quelque chose de bien bien fort. Je ne veux pas parler de vous, j'ai parlé du premier ministre. Vous pouvez prendre vos distances.

Ceci étant dit, sur un autre ton, vous savez quel est l'avantage d'un député montréalais? C'est qu'il doit passer par la ville de Trois-Rivières deux fois par semaine, et vous venez de me donner une adresse drôlement intéressante. Il est peut-être bon que vous sachiez à qui vous

parlez. Vous parlez à quelqu'un qui a fumé des Gitanes, bu des expressos des soirées et des nuits de temps avec une femme qui s'appelle Francine Beauvais et qui, après ça, a connu Lorraine Béique, etc. Donc, j'ai l'impression que si j'arrête au 75 de la rue Saint-Antoine, je vais probablement enrichir ma collection bientôt.

Ceci étant dit, et j'en discutais justement hier avec un groupe qui est venu, que je connais bien... Pour ce qui est de tout... appelons ça arts graphiques. Actuellement, ce qui est le plus accessible - je parle au niveau financier - c'est la gravure. Comment va-t-on pouvoir en arriver... Je veux dire, il y a des grandeurs extraordinaires. Je viens d'en nommer trois, je pourrais en nommer plusieurs dizaines d'autres. Comment va-t-on arriver à changer les mentalités? Vous savez, le couple nu en velours noir bordé de doré qu'on achète chez Woolworth est quelquefois deux fois plus cher qu'une jolie petite gravure.

Une voix: ...originale...

M. Boulerice: ...originale, authentique et qui prend de la valeur, si on veut regarder cet autre aspect de l'art qui est le marché de l'art. Comment va-t-on en arriver... Quand on a bâti la loi sur le statut de l'artiste, aussi perfectible qu'elle peut l'être - c'était du droit nouveau pour nous - l'Union des artistes faisait un parallèle avec les producteurs agricoles. Alors, on s'amusait à des bonnes blagues: culture, agriculture, etc., sauf que pour obtenir leur statut, ils se servaient du statut qu'avaient obtenu les agriculteurs. Est-ce qu'on pourrait songer à une espèce d'office de mise en marché, de promotion, etc., afin de réussir à inculquer aux gens qu'ils peuvent - parce que c'est accessible, à un prix abordable, raisonnable - acquérir quelque chose d'original, quelque chose qui est beau, quelque chose qui prend de la valeur et encourager aussi des talents qui sont de chez eux. J'ai parlé du couple nu en velours, il y a aussi l'affiche. On est débordé d'affiches, et ce ne sont pas, la plupart du temps, des laminages des artistes québécois, hein? Ça ne nous profite pas comme marché, mais c'est très populaire. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Lanneville: C'est aussi dans le rôle d'éducation qu'on a, que nous, on s'est donné. On a vraiment, comme je le disais tout à l'heure, pignon sur rue. Nos portes sont ouvertes. Les gens peuvent entrer et voir comment se fait la gravure d'abord. Dans un autre temps, à chaque année, nous avons une campagne d'autofinancement où on vend des gravures qui sont vraiment offertes à rabais à toute la population. Alors, en publicisant cette campagne-là, a chaque année, on s'ouvre à une nouvelle clientèle. Aussi, on offre la possibilité aux gens de comprendre ce que c'est, la gravure, et on les habitue à acheter des oeuvres originales. Alors, de cette façon-là, c'est...

M. Boulerice: Avez-vous un portrait-robot de votre clientèle?

Mme Lanneville: Non. C'est une clientèle qui se promène, qui voyage, qui... Je devrais dire qu'au début on avait une clientèle qui était nos "chums", ceux qui nous encourageaient parce qu'on débutait. Mais, de plus en plus, notre clientèle grossit. Maintenant, ceux qui viennent à l'atelier ou à la galerie, c'est des gens qu'on ne connaît pas. C'est vraiment par une volonté de connaître, que ce soit la gravure ou une autre discipline. À la galerie qu'on administre, il n'y a pas que de la gravure, il y a aussi de la peinture, de la sculpture, des installations. Alors, c'est une plaque visible dans notre région, et on essaie d'intéresser les gens le plus possible.

M. Godin: M. le Président.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Mercier.

M. Boulerice: Qui est un Trifluvien, entre parenthèses. Vous avez une grande production, en plus de la gravure, de ministres de la culture: M. Vaugeois, M. Godin, Mme Bacon.

M. Godin: Mme Frulla-Hébert aimerait beaucoup être de chez nous.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Godin: C'est ce qu'elle m'a dit. M. le Président, je voudrais juste rappeler - puisqu'on a eu ce matin la généalogie - la généalogie un peu du développement de la culture à Trois-Rivières. Je pense qu'il n'y a pas de génération spontanée. Moi, quand je me rappelle ma jeunesse, il y avait à l'époque, comme peintre, Raymond Lasnier qui, d'après moi, est un génie de la peinture québécoise, inconnu. À la même époque, il y avait Jordi Bonnet qui, lui, est connu mondialement. Il a fait ses classes à Trois-Rivières, à la galerie de Gilles Lemaire. Il y avait aussi, à l'époque, la galerie Jacques Gaudreault près du Nouvelliste. Je ne sais pas si les plus vieux de votre groupe se souviennent.

M. Langevin: Jean-Marc Gaudreault. M. Godin: Non, c'était Jacques. M. Langevin: II signait Gaudreault.

M. Godin: II était fleuriste et, dans sa boutique de fleurs, il y avait aussi...

M. Langevin: Ah! Je ne le connais pas, lui.

M. Godin: ...un espace galerie. Il y avait aussi le vieux moulin Seigneuriale de Pointe-du-Lac qui est la galerie où Réjean Ducharme a exposé ses premières oeuvres, ses boites surréalistes. C'est là que Réjean Ducharme a commencé à exposer ses oeuvres, ses boîtes, ses tableaux. Je tiens à le mentionner parce que tout ça illustre le cheminement généalogique de Presse Papier, de la semaine de poésie. Je me demande aujourd'hui qui sont les Raymond Lasnier qui vont enchaîner avec la relève qui s'en vient, qui, elle, se réclamera de vous? On se rend compte que dans le domaine de l'art, il y a une espèce de continuité, une chaîne, en fait, qui ne se coupera jamais.

Si on évoque le temps de Raymond Lasnier, qui était, à l'époque, son mécène? C'était Maurice Duplessis lui-même, et la conseillère des arts de Maurice Duplessis, c'était Mme Auréa Cloutier, sa secrétaire, que les férus d'histoire connaissent. Il fallait qu'on aille se présenter au bureau de Mme Cloutier qui consultait son "boss", et qui disait oui ou non suivant la couleur politique du peintre ou de sa famille. Donc, tout ça fait partie d'un ensemble.

J'aimerais savoir si, d'après vous, aujourd'hui, il y a des Raymond Lasnier actuellement à Trois-Rivières qui provoqueront le déclenchement de la passion pour les arts?

M. Charland: Moi, je pense qu'il y a plusieurs Raymond Lasnier. En fait, maintenant, on a un phénomène où il y a plusieurs artistes ou plusieurs personnes talentueuses qui sont formées dans les écoles alors que, auparavant, il y en avait peu. On assiste finalement à des générations où il y a un nombre plus important d'artistes qu'il y a 30 ans. Il y a 30 ou 40 ans, il y avait 2 ou 3 peintres par région et, maintenant, en fait, toute la stimulation du milieu permet à de nombreux talents de pouvoir s'affirmer et se développer.

Je voudrais dire aussi que l'estampe, c'est vrai que c'est un produit qui peut être plus accessible en termes de coûts, mais ça subit à peu près les mêmes contraintes que la peinture parce que c'est une idée, c'est un concept actuel, c'est une approche esthétique qui doit d'abord être acceptée par un public. Au niveau de la mise en marché - au niveau de l'acceptation, que vous disiez, M. Boulerice - de la vente, il y a un gros travail à faire au niveau des médias. C'est un travail de longue haleine, ça ne se fera pas du jour au lendemain. Il y a certainement des mesures que le futur ministère des arts et de la culture pourra prendre pour inciter les médias à couvrir les arts visuels. La presse écrite dispose de moyens, plein de couleurs pour faire des pages, plein de couleurs... mais on reproduit rarement des oeuvres d'art. La technologie est là, les moyens sont là, c'est juste qu'il faut vouloir le faire maintenant.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député de...

M. Boulerice: On parle d'incitatifs pour ce qui est du marché des arts. On parle beaucoup d'abris fiscaux. Je lance depuis quelque temps une idée qui est celle des REEART. Je crois que vous étiez ici. Est-ce que vous étiez ici, tantôt, quand j'en ai parlé. Vous, ça vous dit quoi, quelque chose comme ça?

M. Charland: Oui, je pense qu'ajouter un intérêt financier à la consommation de l'oeuvre artistique, ça peut être un incitatif d'ordre matériel qui peut être avantageux. Il reste que c'est peut-être plus un palliatif. C'est souhaitable, mais ce qui serait davantage souhaitable, c'est une prise de conscience et un intérêt général pour les manifestations, pour les activités artistiques ou le produit artistique. Pour cela, je pense, une chose que j'aimerais dire, c'est qu'il ne faut pas réduire non plus la qualité de l'oeuvre artistique pour en vendre davantage. L'important, ce n'est pas uniquement la quantité de produits artistiques distribués, c'est aussi la qualité. Il faut garder le niveau et la qualité de la production artistique, il faut la maintenir, avoir des programmes qui favorisent le maintien de cette qualité-là.

Le Président (M. Doyon): M. le député, je vous demanderais de conclure rapidement.

M. Boulerice: Très brièvement. On devient consommateur quand on a appris d'ailleurs ce que pouvaient signifier un peu les techniques, etc. Est-ce que la bibliothèque municipale chez vous est encore cette espèce d'atelier qu'il y avait pour les plus jeunes?

Une voix: Le samedi. M. Boulerice: C'était le samedi. M. Charland: Mon fils... Une voix: Je ne pense pas.

M. Charland: ...a deux ans et demi, ii n'a pas encore... Mais je ne crois pas, je n'ai pas connaissance de ça actuellement. C'est une bonne façon aussi d'initier les jeunes très tôt, de les initier à l'art. Ça fera des adultes intéressés.

M. Boulerice: En vous remerciant, je vais en profiter pour vous poser une question à laquelle vous ne pourrez peut-être pas répondre. Enfin, l'idée est lancée. Je présume que vous ouvrez également vos ateliers aux classes qui désirent les voir parce que c'est intéressant de visiter l'atelier d'un peintre, d'un graveur, d'un sculpteur. Écoutez, je vous remercie, et soyez certain que je note: 75, rue Saint-Antoine.

Maintenant, vous avez une vente annuelle... Alors, il me fera plaisir de vous adresser la liste de tous les députés de l'Assemblée nationale avec leurs adresses et numéros de téléphone. Je suis certain qu'ils vont encourager... qu'ils vont se précipiter, qu'ils vont se presser pour aller voir l'atelier Presse Papier. Je vous remercie de votre présence et bon retour. On se reverra peut-être demain après-midi. Tenez, je vous l'ai dit, il faut passer par Trois-Rivières pour retourner à Montréal. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. Mme la ministre, à vous maintenant.

Mme Frulla-Hébert: Vous me l'avez transformé en courtier! Seigneur! Ha, ha, ha! Je vous remercie. Je ne veux pas que vous désespériez par contre. Si je suis une Montréalaise pure laine, ma sous-ministre est de Trois-Rivières, Mme Courchesne. Alors on est toujours rappelés. Ha, ha, ha! C'est ça, exactement. Mais on passe nous aussi. Cela étant dit, merci. Oui, continuez au niveau de l'éducation parce que veux veux pas... Vous avez raison, on en a fait beaucoup. On parlait de Duplessis, ça ne fait pas si longtemps que ça quand même. On donne l'argent, quelle que soit la couleur, ça ne fait pas si longtemps. Alors, effectivement, on a fait beaucoup ce matin. Jovette Marchessault nous disait qu'on était une société très évoluée. Des fois, quand on se compare, bon... je pense que c'est important parce qu'on s'encourage. Mais cela étant dit, continuez votre travail en éducation. J'espère aussi, vous l'avez mentionné, que l'entente triennale vous donne un bon coup de main parce que c'est une... et on continue. Alors, s'il y a des choses, faites-nous-le savoir. Merci beaucoup d'être venus. Ça vaut la peine, effectivement, d'aller faire un tour. Merci.

Des voix: Merci.

Le Président (M. Doyon): Au nom de la commission, je vous remercie d'avoir pris le temps de passer cet après-midi avec nous, de nous avoir fait part de votre point de vue. Vous permettant de vous retirer, je vais suspendre les travaux pour une minute ou deux.

(Suspension de la séance à 17 h 33)

(Reprise à 17 h 36)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre! Nous avons le plaisir, maintenant, de recevoir le dernier groupe pour cet après-midi. Il s'agit de la Société du Grand Théâtre de Québec à qui je souhaite une bienvenue toute particulière pour des raisons qui me sont propres. Ils sont ici depuis un certain temps. Ils savent comment nous procédons. Vous avez 10 minutes environ pour la présentation de votre mémoire, le président vous faisant signe, si c'est nécessaire. Après ça, la conversation s'engage, comme ça, sans plus de cérémonie, avec les membres de la commission qui voudront s'enquérir de certains détails qui pourront valoir la peine d'être approfondis. Alors, Me Vézina, Mme Mercier, vous avez la parole. Voulez-vous juste vous présenter pour les fins du Journal des débats. Après ça, nous commencerons.

Société du Grand Théâtre de Québec

M. Vézina (Louis): Alors, je suis Louis Vézina. Je suis le président du conseil d'administration de la Société du Grand Théâtre de Québec. Je suis accompagné de Mme Michelle Mercier, qui est la directrice générale et artistique de la Société du Grand Théâtre.

Le Président (M. Doyon): Je suis très heureux de vous avoir avec nous.

M. Vézina: Nous partageons ce bonheur. M. le Président, vous avez entendu, depuis un certain temps, nombre de mémoires, et j'ai toujours eu beaucoup de difficulté à me convaincre que nous étions efficaces dans l'ennui. Aussi, je vais essayer de ne toucher que des points particuliers à la Société du Grand Théâtre, et éviter de répéter ce que vous avez entendu, ce que j'ai lu dans le Journal des débats ou dans les médias.

En autant qu'un organisme culturel comme la Société du Grand Théâtre est concerné, dans notre mémoire, nous voulons attirer votre attention sur deux points en particulier. Ceci, évidemment, ne signifie pas que nous minimisons nos autres recommandations, mais ce sont peut-être nos deux recommandations, nos deux souhaits majeurs.

D'abord, à la page 11 de notre mémoire, suite à une recommandation que l'on retrouve dans le rapport Arpin, à la page 171 - je me permettrai de la citer parce qu'elle est très courte - où l'on dit ceci: "Que le réseau des équipements soit graduellement complété pour qu'on puisse y organiser des activités culturelles adéquates et recevoir des artistes en provenance de l'extérieur" et ceci, dans le cadre concernant l'ensemble régional. C'est une recommandation au niveau d'une région. Nous ne parlerons donc que de notre région, la région de Québec.

Nous sommes d'opinion que le réseau des équipements culturels de diffusion dans la région de Québec risque, à court terme, d'être sursaturé. Vous avez, actuellement, le Grand Théâtre de Québec, vous avez la salle Albert-Rousseau, vous avez le palais Montcalm... J'arrête là, pour le moment. Voici trois institutions qui font partie de notre vie culturelle, dans lesquelles l'État québécois a investi des sommes considérables, soit directement ou indirectement, qui répondent,

nous semble-t-il, aux besoins et qui répondent adéquatement aux besoins de la diffusion des spectacles culturels de notre région.

Il y a peut-être un certain chevauchement entre ces trois institutions, mais si vous faites l'addition et que vous arrivez au pointillé, aux "dotted lines" - si vous me permettez l'expression anglaise - on s'aperçoit que nous avons répondu adéquatement à peu près à tous les créneaux en termes de spectacles. La Société du Grand Théâtre, bien sûr, exerce un leadership incontestable dans notre région. Nous avons des équipements majeurs. Nous attaquons et présentons des spectacles dans des créneaux où nous sommes les seuls. Exemple, la danse.

Permettez-moi de vous souligner que depuis quatre ou cinq ans, de 200 ou 300 abonnements aux spectacles de danse au Grand Théâtre - à force d'investissements à même notre fonds de production, à force du travail remarquable de ma collègue, Mme Mercier - nous sommes rendus à 1300 ou 1400 abonnements pour nos spectacles de danse. Nous avons également les résidents. C'est majeur pour la vie culturelle de notre région. Parlons de l'Orchestre symphonique, de l'Opéra, du Trident, du Club musical, ça joue depuis des années à Québec, et ça fait partie de notre essence même. Moi qui suis un Québécois de souche, je me souviens... On était une famille nombreuse à la maison, les dollars ne pleuvaient pas, mais quand maman était fatiguée, elle s'en allait au Club musical. Elle prenait 2 $ ou 3 $ pour aller au Club musical. J'ai 54 ans et je vous parle d'un souvenir d'il y a 50 ans.

Donc, ces résidents-là font partie essentiellement de la vie culturelle québécoise. Le Grand Théâtre est l'endroit où ils peuvent évoluer adéquatement. Si la politique du gouvernement n'est pas prudente à ce chapitre des investissements nouveaux, nous risquons de risquer le produit, nous risquons de mettre en compétition, aux dépens du contribuable amateur de spectacles, des institutions qui, finalement, auront été subventionnées par l'ensemble de la population via son gouvernement. Donc, dans notre recommandation, nous avons certains critères que nous pensons être des critères valables pour - dans notre région - décider s'il y a lieu ou non de continuer à investir dans des équipements culturels.

L'autre recommandation qui nous paraît également très importante parce qu'elle nous permettrait d'être de meilleurs gestionnaires des fonds publics que constituent les fonds du Grand Théâtre, et de meilleurs "prévisionnaires" disons - entre guillemets, ce n'est pas certain que c'est français - de ce qui peut arriver dans deux ans, dans trois ans... Vous savez que, chez nous, on prend des décisions actuellement pour des spectacles qui viendront en 1993, en 1994. C'est le temps de prendre les décisions. Or, nous vivons toujours dans une certaine incertitude économique. La première chose, c'est que nous recommandons que la loi soit amendée pour que nos surplus d'opération nous soient laissés. Nous avons déjà manifesté ce désir lors du dépôt de notre programme, de notre plan de développement que nous avons déposé au ministère, il y a quelque temps.

Ce peut être balisé, il peut y avoir des conditions, ça c'est de la mécanique. Mais le principe: nous laisser nos surplus. Qu'est-ce qui arrive en pratique? Pourquoi serais-je motivé d'aller chercher 5000 $, 10 000 $ ou 25 000 $ dans une gestion plus serrée, si les fruits de mon travail ne reviennent pas à notre société? Dans des fonds de production, je suis bien prêt à baliser l'utilisation de ces fonds pour améliorer encore.

Deuxièmement, si nous connaissions des mécanismes par lesquels nous pourrions évaluer, sur un plan triennal, continuellement le quantum de notre subvention, pas nécessairement le montant, mais nous dire: Comptez sur x dollars. Il peut y avoir un mécanisme déterminé par règlement du gouvernement ou par loi - je n'en suis pas sur le véhicule - qui nous permettrait de savoir, à peu près, à l'avance, de combien, de quelle somme d'argent nous allons disposer. Pour nos décisions internes, ce serait fondamental. (17 h 45)

Ça nous permettrait, à mon sens, d'avoir une meilleure gestion, d'avoir des spectacles peut-être encore plus nombreux, d'avoir des spectacles - parce que vous savez que nous, on est à peu près, au Grand Théâtre, le seul endroit à Québec où des gens de l'extérieur, au sens de "l'extérieur du Québec"... qui présentons des artistes de l'extérieur d'une façon continue, régulièrement, que ce soit des troupes de théâtre, des individus, etc. C'est important de savoir vers quoi on s'en va.

Incidemment, prenez la salle Albert-Rousseau. Vous savez que c'est une salle qui permet non pas aux artistes de notre région de se faire valoir, mais aux artistes de Montréal. La très, très grande majorité des spectacles sont donnés par des artistes de la région de Montréal. Je n'ai rien contre ça, au contraire, j'y vais, à Montréal, voir des spectacles. Mais, c'est pour vous indiquer combien il faut être parcimonieux dans l'établissement des nouvelles salles et des budgets, et bien savoir l'utilisation qu'on en fera. On ne peut pas, au Grand Théâtre, avoir le même rôle local puisqu'on est un peu l'oeil sur le monde pour les gens de notre région. Les troupes, les individus, les artistes individuels, on se fait un devoir de les amener à Québec, le plus possible, justement pour l'ouverture d'esprit. Nos prédécesseurs y ont fait allusion d'une façon remarquable.

Alors, ce sont là, à peu près, les deux recommandations majeures pour une boîte comme la nôtre. Évidemment, je n'ai pas la prétention, ici, de traiter de l'ensemble d'une politique culturelle. Bien sûr, je n'ai ni la compétence, ni

la prétention de le faire. Mais mon expérience, au bout de... ça m'a paru 15 jours, mais je pense que ça fait 4 ans ou 5 ans que je préside à la destinée du Grand Théâtre, c'est la conviction intime que j'ai acquise. Je vais demander à Mme Mercier si elle veut ajouter quelque chose sans prendre inutilement trop le temps de la commission.

Mme Mercier (Michelle): Merci, M. le Président. Je ne peux que corroborer et appuyer l'essentiel de votre message. Mme la ministre, MM. les membres de la commission, mesdames et messieurs, je ne peux, comme je vous le dis, souligner davantage l'importance que la Société du Grand Théâtre accorde à une utilisation maximale de ses équipements. Comme M. Vézina vient de vous le souligner, nous croyons que, présentement, avec les données que nous possédons, notre région est bien dotée en équipements culturels pour les arts de la scène pour bien desservir la population présente. D'autre part, je veux également vous dire simplement que nous sommes entièrement d'accord avec la possibilité d'amender la Loi sur la Société du Grand Théâtre pour lui permettre de garder ses surplus, ce qui lui permettrait évidemment, dans une planification triennale, de réinvestir ces sommes-là - s'il y en a, bien sûr - dans la création, dans la production et dans la diffusion des spectacles. Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme la directrice générale. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie M. Vézina, Mme Mercier. Ça me fait plaisir, c'est toujours un plaisir, de vous revoir. D'ailleurs, il faut dire que Mme Mercier a été une des veuves du rapport Arpin. Alors, on remercie - parce que M. Spickler était du groupe-conseil, et il y a passé beaucoup de temps et d'énergie. Je veux revenir... Vous dites: On a beaucoup d'équipements à Québec et dans la région de Québec. Expliquez-moi donc pourquoi alors... Si vous me dites: On a beaucoup d'équipements... Le maire L'Allier voulait absolument avoir son palais Montcalm, c'était bien important, c'était capital. Il y a le Capitol...

Une voix:...

Mme Frulla-Hébert: C'est ça. Il y a aussi le Capitol qui s'en vient, mais ça a une fonction quand même touristique qui est peut-être différente parce que c'est un studio de production aussi. Évidemment, il y a la salle...

Le Président (M. Doyon): Ne parlez pas contre la salle Albert-Rousseau.

Mme Frulla-Hébert: Je ne parle pas contre l'Albert parce que nous y avons investi nous- mêmes. Mais il y en a d'autres, maintenant, qui nous demandent aussi d'investir dans des plus petites salles. Alors, d'où vient, un, d'un côté, la demande? De l'autre côté, vous statuez, vous dites qu'on en a assez.

Le Président (M. Doyon): M. Vézina.

M. Vézina: On va commencer par la demande. Le palais Montcalm existe à Québec depuis 1932. Le maire L'Allier ne veut pas un palais Montcalm, il y a un palais Montcalm. Ce qu'il veut, c'est changer la vocation du palais Montcalm, c'est différent. Ce n'est pas une question d'équipement, c'est une question d'utilisation de l'équipement et de modification de sa vocation.

J'ai examiné avec beaucoup d'attention le rapport que M. L'Allier avait fait en 1985 - un rapport assez complet, je pense - dans lequel il nous disait que, dans la région de Québec, nous avions suffisamment d'équipement, en 1985. Première partie. Deuxième partie de la réponse: d'où vient la demande? Il peut y avoir, madame, certaines demandes spécialisées. Prenons le théâtre d'avant-garde. Il est possible, je ne ie sais pas, qu'il manque à Québec certaines petites salles. Il est possible, je ne suis pas fermé à l'idée. Je parlais dans mon intervention - je pensais avoir été assez clair, je m'en excuse - des salles majeures; majeures voulant dire des salles qui peuvent accueillir quelques centaines, sinon des milliers de personnes. C'est dans ce sens-là que je disais que l'équipement est suffisant.

Qu'il manque peut-être une salle de 300 places pour du théâtre d'avant-garde, qu'il manque une salle de 300 places pour certaines formes de musique de chambre, etc. Vous savez, je n'ai pas parlé de l'Institut canadien qui fait partie de Québec depuis 100 ans ou environ, qui donne des spectacles de très grande qualité, une salle d'environ 500, 600, 700 places. Je n'ai pas parlé de l'auditorium du Collège de Lévis, sur la rive sud, que je connais particulièrement pour y avoir étudié et chanté, et qui conserve à peu près 800 à 1000 places. Je n'ai pas parlé des salles de l'Université Laval qui donnent des spectacles de théâtre et de musique. Je n'ai pas parlé de la salle de la bibliothèque Gabrielle-Roy qui a environ 300 places, magnifique salle récente, neuve, moderne. Je n'ai pas parlé du Capitol où il y aurait 1400 places.

Que je sache, la population de notre région n'augmente pas, elle stagne, elle vieillit. Alors, je ne suis pas contre l'idée que l'entreprise privée - Dieu sait si je suis favorable à l'entreprise - développe le Capitol, absolument pas. Je me pose des questions sur l'opportunité d'un investissement public dans le Capitol. Je pense que c'est différent. Si la population de Québec décide d'aller au Capitol, on doit respecter son choix, me semble-t-il, mais c'est à nous - quand je dis nous, je vise les salles majeures actuelles,

la salle Albert-Rousseau, le palais Montcalm, le Grand Théâtre - d'offrir des spectacles de qualité. Si elles veulent faire style un peu boîte de nuit, hôtel Château-Champlain, etc., c'est merveilleux, c'est magnifique. J'ai des bonnes amies qui vont sûrement apprécier d'y être invitées, mais ce n'est pas notre rôle à nous. Ce sera peut-être leur rôle à eux; ce sera une espèce de complément d'amusement. C'est dans ce sens-là, madame, que je disais que nous croyons que l'équipement est suffisant.

Mme Frulla-Hébert: II ne faut pas oublier... oui, c'est ça.

M. Vézina: II faut peut-être l'améliorer, l'équipement, aussi.

Mme Frulla-Hébert: II ne faut pas oublier non plus que... Je pourrais revenir au Capitol. Pour être claire, c'est un monument classé. Alors, à ce moment-là, on est obligés de participer. C'est à ce titre-là, d'ailleurs, que notre investissement est là.

M. Vézina: Vous savez, madame, j'ai étudié à Saint-Louis-de-Gonzague. Nous étions à l'ombre du Capitol. Quand le soleil se couchait, dans notre cour d'école, on était dans l'ombre à cause du Capitol. Alors, je le connais de alpha à oméga. Il n'y a, quant à moi, de valeur que les chapitaux extérieurs...

Mme Frulla-Hébert: La salle à l'intérieur.

M. Vézina: ...les colonnes avant, le grand chandelier de la salle d'accueil. Point à la ligne. C'est mon opinion, madame. Alors, il faut faire attention à... parce que c'est classé... enfin.

Mme Frulla-Hébert: II y a des opinions différentes. Mais, de toute façon, quand on regarde, par contre, le Grand Théâtre... On en a parlé, les Grands Ballets étaient ici. C'est la même problématique qu'à la Place des Arts. Il y a, évidemment, le coût de se produire au Grand Théâtre et à la Place des Arts à cause du syndicat, tout simplement, l'IATSE. À l'heure où on parle de contrats sociaux entre la partie patronale et la partie syndicale... C'est partout, autant au niveau des syndicats de la fonction publique... On a aperçu le geste, ces mois derniers, où il y a eu un règlement en partenariat. Même chose aussi dans les entreprises privées où les gens disent: Bon, il faut contribuer sinon, finalement, comme société, on risque de perdre tous. Est-ce que c'est possible de penser travailler ensemble ou voir la même chose? C'est une question très naïve que je vous pose. C'est une idée que j'ai eu en parlant aux gens des Grands Ballets qui nous disaient: Ça nous coûte une fortune d'aller à la Place des

Arts. C'est les organismes qui viennent nous voir et qui nous disent: On essaie de trouver des salles qui ne sont pas syndiquées, qui ne sont pas soumises à l'IATSE parce que, nous autres, on n'est pas capables de payer ça et on ne veut pas y aller. Donc, on se retrouve avec des équipements que l'on subventionne, d'un côté, et des équipements d'État, mais dont les gens ne veulent pas se servir parce que, dans le fond, ils ne sont pas capables d'affronter les coûts. Est-ce que ce serait possible, est-ce pensable de s'asseoir avec le syndicat et de l'amener dans le même mouvement? Je vous le dis, c'est une question comme ça qui me vient parce que vous êtes là, et suite a la discussion que j'ai eue avec les gens des Grands Ballets, entre autres.

M. Vézina: Je vois que, parce qu'on est là, on fait naître en vous de magnifiques questions pas faciles.

Mme Frulla-Hébert: Non. Pas faciles, je suis d'accord.

M. Vézina: Nous avons actuellement une réflexion au Grand Théâtre sur notre relation avec l'IATSE, et les éléments que vous avez soulevés ont déjà - je ne dirais pas ont déjà fait l'objet d'un examen complet - mais ont déjà été mis sur la table et discutés. Il est certain que, dans un avenir plus ou moins rapproché, il faudra revoir en profondeur notre relation avec l'IATSE. Dans quelle direction exacte? À l'intérieur de quelles balises exactement? Je n'ai pas la prétention d'avoir la réponse ici, ce soir. Mais, sur le principe de revoir en profondeur notre relation avec l'IATSE, madame, je peux vous donner l'assurance que, à court terme, la Société du Grand Théâtre, en collaboration le plus possible avec les autorités de la Place des Arts, nous voulons revoir en profondeur la conception même de notre relation de travail, donc avec le syndicat qui représente les ouvriers, enfin les travailleurs des services scéniques.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Vézina. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Simplement pour vous encourager, nous, on a déjà commencé, au niveau du ministère, à regarder ça. Ça n'a pas été facile, l'année passée, la négociation parce que le beau bout du bâton, c'est toujours de dire: Parfait, on sort. Donc, les Grands Ballets en déficit énorme, l'Orchestre symphonique de Montréal, entre autres à cause de ça, en déficit énorme. Alors, c'est du chantage constant. Mais, là-dessus, on va vous encourager et avec le ministère du Travail aussi parce que ça n'a pas de bon sens.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. Vézina, Mme Mercier, je pense que vous allez comprendre mon désarroi. La première question que je voulais vous poser était sur vos surplus budgétaires. Vous y avez répondu avant que je pose la question. Ma collègue, après, a posé des questions sur les équipements; c'était ma deuxième question, à peu près pareille.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Ma troisième question était sur le problème de l'IATSE, puisque j'en ai discuté avec vos vis-à-vis de la Place des Arts. Alors, je ne le sais pas, mais je pense que je vais demander...

Le Président (M. Doyon): Est-ce que je peux vous suggérer quelque chose, M. le député?

M. Boulerice: Oui, oui.

Le Président (M. Doyon): Vous vous êtes fait le chantre du Capitol. Vous pourriez en prendre la défense et là, engager la conversation avec notre...

M. Boulerice: Ah oui! Effectivement. Le Capitol, je trouve que c'est un magnifique bâtiment. C'est le seul bâtiment de style Beaux-Arts qui existe à Québec. Moi, je voulais qu'on y conserve une vocation culturelle. On me dit qu'il aura quand même une vocation culturelle. Qu'il ait une mixité avec une entreprise commerciale, je n'en suis plus au stade où le négoce est caca - je m'excuse de l'expression. Non, je pense qu'on peut facilement marier les deux, à moins que la ministre me passe une question parce que vous comprendrez que le calcul des questions n'est pas infini sur un sujet.

Mme Frulla-Hébert:... ce qu'on reçoit de l'extérieur.

M. Boulerice: Pardon?

Mme Frulla-Hébert: Garages versus productions. Vous savez, les productions locales, ce que vous disiez, versus les productions que l'on reçoit de l'extérieur.

M. Boulerice: Oui, oui. Non, mais où je veux aller, d'abord, parce que l'année budgétaire se termine le 31 mars pour vous aussi.

M. Vézina:...

M. Boulerice: Alors, cette loi - Me Vézina, vous êtes avocat, je n'ai pas cette qualité - c'est long à faire, ça? Ce n'est pas compliqué? Je sais que le dépôt...

M. Vézina: Faire une loi, ça peut être court, faire une bonne loi, ça peut être long.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Oui. Là, vous m'avez donné une réponse de juriste...

Une voix: Normand. (18 heures)

M. Boulerice:... normand. Moi, je suis entièrement d'accord avec cela. L'utilisation que j'y voyais était d'aider justement des productions dites de la relève - je n'aime pas le mot "relève", je parle plutôt de continuité, des fois, on les appelle marginaux, etc. - d'aider de petits, petits producteurs à réussir à monter quelque chose dans un endroit qui est quand même prestigieux. Le Grand Théâtre, excusez l'expression encore une fois, ce n'est pas une binerie. Je le voyais dans ce sens-là. Je ne sais pas si vous avez des surplus budgétaires cette année, je vous le souhaite.

M. Vézina: Au 31 août dernier - nous avons pris connaissance de nos états financiers déposés par le Vérificateur général, hier soir - il était de quelque 16 000 $. L'année précédente, il était de quelque 200 000 $. Cette année, nous avons acheté, acquis en toute propriété, le terrain et l'édifice du Grand Théâtre de Québec, du gouvernement du Québec, pour la somme de 1 $. Mais ça commandait certaines dépenses accessoires, ce qui fait que ça a rogné un surplus prévisible qui était autour de 70 000 $.

M. Boulerice: Je vous posais la question, mais j'étais même prêt à négocier avec la ministre. Si la loi était facile... La date limite est le 15. Si ça avait été facile de faire une loi rapidement pour corriger cette situation-là, et aider le Grand Théâtre et la Place des Arts, moi, je suis prêt à aller intervenir auprès du leader de l'Opposition pour accepter le dépôt d'une loi, même après le 15 novembre, mais qui permettrait au Grand Théâtre et à la société de la Place des Arts de conserver ces surplus. Je sais ce que la Place des Arts veut en faire. Donc, je présume que vous voulez aller dans la même direction, pas faire les mêmes choses, mais aller dans la même direction. Donc, je pense que c'est louable, et ça devient un petit peu odieux, effectivement, de vous saisir cela puisque vous avez été bon gestionnaire, quand on pourrait vous le laisser et en aider d'autres. Je lui tend la perche. L'absence de questions aura probablement permis de régler une grande question qui est celle-ci. Libre à la ministre d'évaluer les bonnes dispositions de son vis-à-vis, mais qu'elle se dépêche parce que ça peut changer.

Mme Frulla-Hébert: On a regardé ça parce qu'on en a parlé aussi. Effectivement, on en a parlé avec les gens de la Place des Arts. Il s'agit

de savoir maintenant s'il y a un précédent. Deuxièmement, avec le Conseil du trésor et les Finances parce que, effectivement, c'est ridicule. Est-ce que c'est créé par tous les précédents et tout ça? Mais on est prêts à la faire, nous, en tout cas, à la préparer relativement rapidement.

Le Président (M. Doyon): M. le député, cette conversation pouvant se poursuivre à d'autres instants, je vous demanderai peut-être de conclure.

M. Boulerice: D'accord. Mais je présume que le Grand Théâtre, forcément, est en faveur des ententes triennales de financement. Enfin, on dit triennales, certains ont mentionné quinquennales, mais qu'il y ait au moins une planification budgétaire. Vous me disiez tantôt, Me Vézina, que vous étiez en train de programmer des événements de 1994, mais vous ne connaissez pas votre budget de 1994. Donc, il y a toujours, forcément, une part de risques chez vous à faire une planification. Donc, une triennale, pour vous, forcément, ce serait très acceptable, voire même très souhaitable dans l'immédiat.

M. Vézina: Définitivement. Mme Mercier peut vous en parler de façon plus particulière, étant responsable de l'administration de la Société.

Mme Mercier: Bien sûr, les créations... Nous recevons par exemple, ce soir - et hier soir - Gilles Maheux de Carbone 14. Ces jeunes compagnies, ces troupes de danse là et d'autres font des créations ou créent peut-être une oeuvre artistique à tous les deux ans, compte tenu qu'ils font plusieurs tournées. Bien sûr, ces compagnies-là ont besoin de soutien dans leur création et cherchent toujours à compléter leur structure de financement.

Bien sûr, ils viennent cogner à notre porte et nous disent: Je suis en train de créer un spectacle. Voici l'allure, le devis du spectacle qui sera probablement disponible dans un an, un an et demi. Seriez-vous prêts à contribuer à la production de ce nouveau spectacle-là qui pourrait être éventuellement présenté dans vos salles? Comme nous voulons favoriser la création de nos artistes québécois... Bien sûr, comme dit M. le Président, nous favorisons également la venue de spectacles d'ailleurs, mais il faut qu'il y ait un échange. Donc, je reviens à ceci: Nous voulons favoriser la création québécoise. Il serait bon de savoir que, dans une planification, bien sûr, triennale, nous disposons de sommes qui pourront être investies dans la création. Par exemple, "Le Dortoir" - M. Gilles Maheux - qui sera créé l'an deux pour être diffusé fin an deux ou début an trois. Mais nous devons planifier aujourd'hui les entrées et les sorties de fonds. C'est un exemple.

M. Boulerice: Je vous comprends. Il y a un arrimage nécessaire entre les deux. Il faut qu'eux aussi aient un plan triennal et que, vous, vous ayez le vôtre...

Mme Mercier: Tout à fait.

M. Boulerice: ...parce que, eux, peuvent proposer quelque chose et le financement ne correspondra pas, donc vous ne l'aurez pas. Mais si vous, non plus, vous ne l'avez pas, leur proposition est hypothétique. Un moment donné, vous n'êtes pas certain si vous pourrez l'accueH-lir chez vous. Il y a une certaine complexité effectivement.

Mme Mercier: C'est pour ça que nous sommes d'accord avec la proposition qui fait partie du rapport Arpin, soit d'appliquer à la Société du Grand Théâtre les ententes triennales qui sont déjà amorcées, je crois, avec certaines compagnies. Alors, justement, ça permettrait à l'ensemble de la communauté de mieux planifier parce que l'un sans l'autre, on n'existe pas. Ils dépendent de nous et nous dépendons d'eux.

Le Président (M. Doyon): M. le député, en terminant.

M. Vézina: Si vous permettez, M. le...

Le Président (M. Doyon): Oui, M. le président.

M. Vézina: M. le Président, à la page 14 de notre mémoire, on fait état, au milieu de la page: "...évaluer rigoureusement les plans de développement des organismes que le ministère subventionne." Il faudrait, à notre avis, que pour tout organisme subventionné par le ministère, ce soit un prérequis de déposer des plans de développement triennaux. Le ministère saurait où il va, il aurait fa profondeur de la pensée de l'organisme et tout. À mon sens, ce n'est pas tout de dire: Je veux organiser un festival de la chanson dans mon village. Il s'agit de savoir comment ça s'intègre dans un plan triennal de développement de cet organisme-là. Il ne faut pas que ce soit des sautes d'humeur d'organismes qui font qu'on va au ministère, qu'on essaie d'avoir des subventions et qu'on crie sur les toits: Ça nous prend une subvention. Il peut y avoir des choses ponctuelles, bien sûr, mais excluons ces événements ponctuels. Il faut, à mon sens - et je me permets de vous le dire, comme on fait dans nos entreprises, dans nos bureaux - avoir des plans triennaux continuellement sur la table de travail, et qu'on remodèle, qu'on améliore, auxquels on ajoute... C'est là qu'on voit le développement, les gens peuvent voir où on va, et comment on voudrait y aller, me semble-t-il.

M. Boulerice: D'accord.

Le Président (M. Doyon): En terminant, M. le député.

M. Boulerice: Eh bien, voyez-vous, malgré tout, on a réussi, sans question, à élucider certains points. Me Vézina, Mme Mercier, je vous remercie. Mme Mercier, vous savez que nous avons un lourd grief envers vous, cette invitation tentatrice que vous nous avez envoyée mercredi alors que nous étions en commission parlementaire. On ne sera pas toujours en commission parlementaire, donc vous pouvez récidiver, on ne vous en tiendra par rigueur.

Des voix: Ha, ha, ha! Mme Mercier: Merci. Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Oui, merci. C'est à moi de vous remercier tous les deux. La loi, évidemment, on la regarde de près... Plus que ça, on est en train de la changer, sérieusement. Évidemment, il y a toutes les étapes... Il reste à savoir s'il y a des précédents ou non... Vous savez comment ça marche. Mais, ceci dit, encore une fois, il y a une grosse clé à tout ça, ce sont les relations avec l'IATSE. Merci.

Le Président (M. Doyon): Très bien. Merci, Mme la ministre. Alors, il me reste, au nom de la commission et à titre de président, à vous remercier et à porter témoignage au rôle que joue le Grand Théâtre. Comme vous le savez peut-être, je suis, depuis 20 ans, un assidu du Grand Théâtre. Je pense que je fais partie des meubles un peu. Alors, bravo, continuez votre travail, votre bon travail, comme on dit. Merci d'être venus nous voir à cette heure tardive. J'ajourne les travaux de cette commission jusqu'à mardi matin. Ce sera le 12 novembre, après la période des questions, donc vers 15 heures trente. La suspension est déclarée.

(Fin de la séance à 18 h 10)

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