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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 19 novembre 1991 - Vol. 31 N° 59

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts


Journal des débats

 

(Quinze heures trente-six minutes)

Le Président (M. Gobé): Veuillez prendre place afin que la commission puisse commencer ses travaux. M. le député de Charlevoix, nous vous souhaitons la bienvenue à cette commission. Mme la ministre, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, pourriez-vous regagner vos places respectives?

Alors, je constate qu'il y a maintenant quorum dans notre commission et je déclare donc la séance ouverte. Je vous rappelle... S'il vous plaît! À l'ordre! Je vous rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur la proposition de politique de la culture et des arts.

M. le secrétaire, y aurait-il des remplacements aujourd'hui?

Le Secrétaire: M. Godin (Mercier) est remplacé par M. Jolivet (Laviolette), M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, avez-vous des problèmes avec votre siège?

M. Boulerice: Oui, M. le Président. Mon siège de parlementaire est solide, vous le savez, mais c'est mon siège en commission qui laisse à désirer. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): Nous verrons ça dans quelques années, M. le député. Donc, les remplacements, M. le député de...

Le Secrétaire: Je les ai annoncés.

Le Président (M. Gobé): Y a-t-il des remplacements du côté ministériel?

Le Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Alors, je vous donnerai maintenant lecture de l'ordre du jour pour la séance de cet après-midi et je vous rappellerai que nous allons, à partir de 15 h 30, donc dès maintenant, recevoir les représentants du Conseil régional de la culture Mauricie, Bois-Francs, Centre du Québec. À 16 h 15, par la suite, nous allons rencontrer le Syndicat des techniciens et techniciennes du cinéma et de la vidéo du Québec, bien entendu. À 17 heures, nous rencontrerons la Société des auteurs et compositeurs dramatiques pour, enfin, à 17 h 45, rencontrer les représentants du Regroupement des écoles de musique privées du Québec. Nous ajournerons nos travaux à demain aux alentours de 18 h 30.

Alors, sans plus tarder, j'inviterais les représentants du Conseil régional de la culture Mauricie, Bois-Francs, Centre du Québec à venir prendre place en avant. Oui, M. le député de Laviolette?

M. Jolivet: Vous avez dit "du Québec" tantôt. Ça pourrait être d'Ottawa depuis ce qu'on a vu aujourd'hui.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): Alors, madame et messieurs, il me fait plaisir de vous accueillir.

J'apprécierais si vous vouliez bien vous présenter.

M. Babin (Pierre): Je suis M. Pierre Babin, vice-président du Conseil régional de la culture. Je suis accompagné de Mme Munroe de Montigny, qui est présidente de la Conférence des arts visuels, et de M. Normand Ferrier Le Clerc, qui est le directeur général du Conseil régional de la culture.

Le Président (M. Gobé): Bonjour et bienvenue parmi nous. Vous pouvez maintenant commencer la présentation de votre mémoire. Je vous rappelle rapidement que vous avez une période de temps d'approximativement 15 minutes pour faire votre présentation ou expliquer votre point. Par la suite, chaque parti de cette commission, soit Mme la ministre des Affaires culturelles et M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, porte-parole de l'Opposition en matière d'Affaires culturelles, aura 15 minutes ou environ 15 minutes pour terminer la discussion avec vous. Alors, vous avez maintenant la parole. Vous pouvez commencer.

Conseil régional de la culture Mauricie, Bois-Francs, Centre du Québec

M. Babin: M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, permettez-moi, en l'absence de notre président, M. Brochu, qui est retenu chez lui, de vous présenter, au nom des membres du conseil d'administration du Conseil régional de la culture, les observations sur le projet de politique culturelle du gouvernement.

Jusqu'ici, tout, sans doute, a été dit sur cette proposition, mais non par nous. Alors, permettez-nous de vous exprimer nos attentes à notre façon. D'abord, je ferai la lecture de la communication préparée par notre président, M.

Brochu, et, ensuite, Mme Munroe vous fera valoir les préoccupations particulières des créateurs de notre région. Enfin, M. Ferrier Le Clerc vous transmettra les attentes de la Conférence du patrimoine.

Mesdames, messieurs, notre démarche, au Québec, ou notre recherche de notre façon d'être bien québécoise nous a permis d'entrer de plain-pied dans la modernité pendant les années soixante. Puis on a partagé des richesses et on s'est donné des sécurités pendant les années soixante-dix. Après 10 ans de restrictions, de solutions privées, où les idéologies, la pensée ont été évacuées à l'avantage d'un discours de profits, de performances et de rendement, notre société a fini par créer la discontinuité pendant les années quatre-vingt. L'inconfort de cette discontinuité nous amène, depuis quelques temps, à recommencer à discuter, à penser. On crée partout des forums pour débattre de notre avenir collectif. La confusion actuelle de notre société, tout autant que de ses leaders, s'estompera uniquement quand nous aurons rétabli le contact avec notre nature profonde, après avoir reconnu notre nature par notre culture, dans nos propres milieux de vie, pas dans des tours à bureaux.

La centralisation, l'urbanisation de la pensée et la normalisation gouvernementale et médiatique de la pensée ont évacué la création, l'innovation et l'invention. Les régions, les villes fortes, en région, génèrent un dynamisme qui se meurt ou avorte sous les normes centralisatrices de marché ou d'uniformité.

Pour l'essentiel, depuis Georges-Emile Lapalme, on en est toujours au même point au Québec: la culture c'est important, mais ça ne préoccupe personne au sommet du gouvernement. Rappelions-nous que le livre vert pour l'évolution de la politique culturelle de 1976 n'a pas trouvé preneur au bureau du premier ministre, le même premier ministre qu'aujourd'hui. Et d'entrée de jeu, nous estimons que le premier ministre doit se prononcer. La question ici, aujourd'hui, est de savoir s'il est prêt à s'engager devant cette commission parlementaire. Sans cette volonté, nous continuerons à changer de ministre, à changer d'organigramme et de programmes de subventions à chaque changement de ministre pour toujours être au même point: pondre d'éloquents rapports, pondre des mémoires.

Quand vous parlez de l'efficacité du gouvernement dans la gestion de la mission culturelle et de mandater le ministère des Affaires culturelles pour qu'il soit le maître d'oeuvre de l'activité culturelle, c'est un peu comme demander si un pommier doit donner des pommes. Nous avons en somme, un ministère des affaires culturelles, mais avec un ministre dont on aura le temps de se rappeler le nom.

En termes d'accès à la vie culturelle, la proposition de politique culturelle aborde le Québec depuis Montréal, sa métropole, Québec, sa capitale, et l'ensemble des régions pour le reste de la population. C'est comme avoir des lunettes à trois foyers, pendant qu'il existe des lunettes à foyer progressif. Il serait utile que le gouvernement se dote de cette sorte de lunettes pour avoir, du Québec, une vision claire, peu importe là où il regarde et même d'où il regarde. Cela éviterait de sombrer dans le tout économique, dans la fascination du résultat économique et permettrait de réaliser que tout part, dans une société, de l'homme; que tout part également des territoires, parce qu'on est toujours, homme ou femme, homme ou femme de quelque part, surtout dans un monde où l'on n'est plus de nulle part, faute de culture.

Nous ne voulons pas d'une politique pour gérer des épiphénomènes culturels, mais une pensée qui colle à notre mémoire collective face aux collectivités nouvelles et au fractionnement des groupes d'intérêt qui peuvent colorer et enrichir nos comportements collectifs, ouverts et différenciés.

Si le Québec manifeste de plus en plus d'exigences pour se reconnaître dans des institutions plus efficaces et plus participatives vis-à-vis du Canada, parce que l'on se reconnaît de moins en moins et même pas du tout dans un fédéralisme dilué, il en est de même pour les régions au Québec, et même, à l'intérieur de notre propre région, pour au moins quatre pôles urbains, bien identifiés et bien affirmés. (15 h 45)

Les innovations sont étouffées par le central, confrontées à une société individualisée, repliée vers le privé, préoccupée de carrière, de bonheur privé, de consommation dans un contexte d'apathie politique et sans inspiration dépassant les sondages. Pour réussir, l'action du gouvernement doit être appuyée par une volonté de prendre les moyens, même si l'idée du partenariat est toujours extrêmement sulfureuse pour les pouvoirs en place.

Partenariat ne doit pas signifier pelleter sa neige ailleurs. Le monde municipal n'est pas prêt à jouer une fonction de premier plan dans le champs culturel, ni à assumer une charge financière additionnelle. La mission culturelle est celle du gouvernement, même si mieux que personne, les municipalités peuvent faire le pont et doivent faire le pont entre les activités culturelles et le citoyen lui-même.

La culture n'est pas un secteur parmi d'autres de l'activité sociale mais plutôt un point de convergence de tous les secteurs, un état d'être, une attitude qui imprime son dynamisme à tous les aspects de la vie. La culture se vit au quotidien, se lie dans le temps et s'exprime par l'économie. Si le quotidien est géré par la politique, le temps, lui, est mesuré par la culture qui manifeste les caractères et les pulsions des sociétés. Dans ce sens, la forme et les moyens culturels génèrent l'économie dont la personne humaine doit être à la fois le sujet et l'objet de développement.

En un mot comme en mille, une politique culturelle doit être le décalque de nos valeurs culturelles. Seule la culture pourra faire la différence entre l'affolement et la sérénité dans les débats qui s'engagent dans notre société. Les travaux de votre commission, grâce à des contributions multiples, pourront loger à l'enseigne de l'imagination, car c'est l'imagination qui nous permet de vivre et la culture qui nous permet de vivre en société. C'est aussi la diversité culturelle et des opinions qui permet à la liberté intellectuelle et spirituelle de s'épanouir. Notre politique culturelle devra le consigner. Sa rédaction devra s'inspirer du coeur, laisser sa réglementation à la raison et, finalement, nous donner un ministère de la culture. Merci.

Le Président (M. Gobé): Madame.

Mme Munroe de Montigny (Marlene): M. le Président, Mme la ministre de l'Assemblée, je représente les artistes en arts visuels pour la région Mauricie-Bois-Francs et je parle aussi pour les autres artistes créateurs de la région. On tient à demeurer et à travailler en région, dans notre région parce qu'on aime la qualité de vie. Aujourd'hui, c'est possible de demeurer en région, et, avec les communications, d'être au courant, et de faire un bon travail. On tient à notre qualité de vie et je pense que de plus en plus les gens vont venir vers les régions justement pour la qualité de vie. Et qui dit qualité de vie parle nécessairement de qualité de culture.

Alors, pour nous, il faut être capable de faire la diffusion en région et dans les grandes villes, que nos muses et nos galeries accréditées ne fassent pas que recevoir le travail des Montréalais. Réellement, par exemple, actuellement ils reçoivent aussi notre travail. On veut que ça continue. On veut que notre travail puisse circuler et aller aussi dans les grandes villes, Montréal et Québec. On veut recevoir. On ne veut pas que l'échange soit à sens unique, Montréal vers la région 04, mais notre travail de créateur en région également.

Évidemment, aujourd'hui c'est le village global, nous sommes tous d'accord, et puis, comme je l'ai bien dit, avec les communications, ce n'est pas parce qu'on est en région qu'on fait un travail régional. Je pense qu'on peut faire un travail qui est à la mesure des gens qui demeurent à New York, ou à Paris, ou à Montréal, ou n'importe où.

Mais il y a aussi un reflet de notre travail, de la région où on demeure. Je prend l'exemple de Riopelle. S'il était resté à son atelier à Saint-Cyr, en dehors de Paris, et s'il n'avait pas été à Montmagny, peut-être que ses travaux récents n'auraient pas eu comme sujet l'oie blanche. Alors, c'est aussi un aspect du travail en région. On ne peut pas tous être à Montréal, mais il faut nous aider un peu. Bon, ça c'est le deuxième point.

J'ai un autre point. Je pense que c'est très important que l'excellence soit la priorité dans les choix d'oeuvres pour représenter le Québec ou pour être vu à Montréal. Je ne le répète pas trois fois, mais je trouve que c'est assez important de parier de l'excellence; pour le dire trois fois; je vous sauve le temps de le dire. Par contre, dans la vraie vie, il y a des cliques. On a des cliques à Trois-Rivières, on a des cliques au Cap. Mais nous, les gens en région, on n'a pas la chance d'être dans ces milieux où les gens se côtoient, se connaissent et s'entraident entre amis. Alors, dans ces choix d'excellence toujours, il faudrait peut-être, puisqu'on n'a pas, disons, les connexions, nous donner un petit coup de main pour que notre travail soit vu en dehors de notre région. Merci.

M. Ferrier Le Clerc (Normand): II me reste une minute?

Le Président (M. Gobé): Oui, une minute.

M. Ferrier Le Clerc: Alors, ça ne sera pas long. Étant donné qu'on a accordé très peu d'importance, dans la proposition de M. Arpin, au patrimoine, j'aimerais prendre au moins une minute pour vous dire que les gens qui se préoccupent du patrimoine chez nous ont été pour le moins étonnés de constater qu'on faisait très peu de cas du patrimoine dans cette proposition-là. Pour nous, une politique culturelle ne saurait évacuer le témoignage qui participe à notre mémoire collective. Chaque milieu de vie, chaque région, nos capitales possèdent des éléments symboles des étapes de notre évolution et de nos valeurs. En faire abstraction au profit d'une approche événementielle, c'est se couper de notre héritage, c'est renier le vécu de nos pères.

Nous avons plaidé, dans notre mémoire, pour que vous accordiez attention et conscience aux documents et aux éléments symboles de tout le Québec, même s'il doit y avoir plusieurs versions témoignant d'un mode de vie identique. En fait, c'est de l'expérience humaine dont il est témoin, cet objet, et les lieux, c'est la même approche. Ce sont ces témoignages de vie humaine, d'expérience humaine qui importent. Alors, il peut y avoir plusieurs objets qui témoignent de plusieurs expériences humaines et qui méritent notre attention.

Les membres de notre conférence réclament, Mme la ministre, une politique culturelle qui sauvegarde un si riche héritage avant que l'ignorance, le culte du modernisme et parfois la honte de nos origines simples l'aient complètement oblitéré, occulté et nous réduisent à un marché de la culture des autres. Le patrimoine est pourtant à un peuple ce que le code génétique est à l'individu. Il est à la récolte ce qu'est la terre. Nous insistons pour que votre approche, soit dans cette politique, soit autrement, soit versée, préoccupée de ce témoignage de ce qu'a

été la vie de ceux qui nous ont précédés parce qu'ils éclairent notre vie d'aujourd'hui. Merci.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup. Je passerai maintenant la parole à Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie.

Le Président (M. Gobé): II me fait plaisir d'accueillir le député de Jacques-Cartier qui vient de se joindre à nous. Si vous voulez la parole, M. le député, vous nous le ferez savoir afin qu'on puisse répartir le temps entre les formations et vous-même. Alors, Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Frulla-Hébert: Ça nous fait plaisir de vous recevoir. D'ailleurs, nous avons reçu tous les CRC du Québec. Ça me fait d'autant plus plaisir qu'effectivement votre région est une région qui non seulement est extrêmement créatrice, mais bouillonne de nouvelles idées aussi et est riche, très riche au niveau patrimonial.

Quelques précisions, par exemple. Quand je regardais le mémoire, enfin écrit par votre président... Vous savez, on parle de politique culturelle et on dit: Ah! Est-ce que c'est encore en discussion? En 1976, il y a eu l'effort de M. L'Allier, mais on se rappelle qu'il y a eu les élections aussi. Alors, il n'y a pas eu de suite. Par contre, par contre, tous les ministres qui ont eu la chance d'avoir le dossier des Affaires culturelles ont fait avancer la cause, et ça, quel que soit le parti ou le gouvernement en place. Mais ça fait 30 ans qu'on développe et, après tant de temps, il y a une remise en question, à savoir si notre façon de faire est viable pour les 30 prochaines années. Bon. C'est une question qui est large, mais c'est la question qu'on se pose. C'est la première fois, d'ailleurs, que tous les milieux, pas juste les milieux proprement dits culturels mais le socio-économique, l'éducation, les municipalités, participent à cette grande discussion.

Ceci dit, vous mentionnez aussi un peu votre réticence, au niveau des municipalités, à vous embarquer. Vous savez que les municipalités en soi... Si on veut la collaboration des municipalités, c'est vraiment en partenariat et non pas en délestage. On ne veut pas arriver et leur dire: Bien, voilà! Je le pense sincèrement et c'est un acquis, ça, que le gouvernement du Québec se doit d'avoir le leadership et d'être le maître d'oeuvre du développement culturel. Mais ça nous prend des partenaires, on n'a pas le choix, et on va aller chercher des partenaires au niveau de l'éducation, au niveau du socio-économique, et il faut aller chercher aussi des partenaires au niveau des municipalités, tout simplement parce que c'est l'instance la plus proche des citoyens. La politique culturelle, on va en faire ce qu'on veut bien en faire, c'est-à-dire qu'il faut que le citoyen aussi participe.

Alors, c'est beaucoup plus dans ce contexte-là, notre approche avec les municipalités. Et je dois dire qu'à la prochaine table Québec-municipalités - ce sont les municipalités elles-mêmes qui ont insisté pour avoir une table sur le développement culturel... Alors, tout ça fait qu'il y a un partenariat qui est très ouvert et il y a une volonté aussi, une volonté de faire comprendre que la culture - vous l'avez mentionné vous-même - c'est la base même d'une qualité de vie et la base même aussi... C'est ce qui fait en sorte qu'il y a un sentiment d'appartenance dans une région et dans une ville.

Alors, je tenais seulement à faire cette mise au point. Enfin, M. le Président, si vous le voulez bien, je vais céder la parole à mon collègue.

Le Président (M. Doyon): Oui, M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Richard: M. le Président...

Le Président (M. Doyon): Oui, j'aimerais obtenir tout d'abord...

Une voix: Le consentement. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): ...le consentement de cette commission pour que le député puisse intervenir à titre exceptionnel, étant donné qu'il n'est pas membre de la commission. Est-ce qu'il y a consentement?

M. Boulerice: Que l'agriculture s'occupe de culture, nous nous en réjouissons.

M. Richard: Magnifique!

Le Président (M. Doyon): Alors, vous pouvez y aller. Nous allons essayer de moissonner avec vous.

M. Richard: Merci, M. le Président... Des voix: Ha, ha, ha!

M. Richard: ...merci, chers collègues. Je suis très heureux, premièrement, de faire partie de la même région que la vôtre, Mauricie-Bois-Francs-Drummond. Maintenant, je vais passer directement au questionnement. Dans votre mémoire, vous affirmez, entre autres, que le gouvernement doit tracer la voie et définir une stratégie globale à moyen et à long termes pour le développement culturel. Mais, en même temps, vous dites, dans le même document, que, par ailleurs, l'État devrait se mêler le moins possible du secteur des arts et de la culture. Est-ce

qu'on pourrait me préciser, par exemple, la pensée au niveau de la stratégie qui devrait être mise de l'avant par le gouvernement et surtout, particulièrement dans quel secteur on devrait porter ce type de stratégie? C'est dans le même document. On dit - c'est un peu une antithèse - que le gouvernement devrait s'en mêler, mais qu'il y a une limite à s'en mêler.

M. Ferrier Le Clerc: Le sens de cette observation vaut pour la création elle-même, c'est-à-dire que l'artiste lui-même, que ce soit un écrivain, un artiste peintre, un musicien ou quoi que ce soit, a besoin de soutien et d'aide, mais non pas d'une forme d'aide et de soutien qui constitue un carcan dans la démarche de création ou dans la recherche qu'il manifeste dans ses oeuvres. C'est dans ce sens-là que les artistes de la région, au moment où on les a consultés, sollicitaient, oui, de l'aide, mais ils appréhendaient... Pour certains, l'État peut facilement, soit par des critères, soit par des normes, ou par des conditions et autres choses du genre, établir des contraintes qui vont empêcher l'artiste de libérer ce qu'il recherche ou ce qu'il trouve dans son mode d'expression. Je répète que c'est peu importe la discipline.

Alors, les artistes n'ont pas fait état de contraintes identifiées qui auraient constitué, jusqu'à date en tout cas, des empêchements majeurs. Ils appréhendent cette forme d'intervention là par rapport à la perception qu'ils ont de certains comportements au niveau de la façon dont les subventions sont accordées dans certains cas. Mais il n'y a pas eu de recherche exhaustive pour identifier des cas très précis.

M. Richard: Vous me permettrez de dire que c'était, à nos yeux, douteux un peu. On se disait: Comment se fait-il qu'ils disent: Oui, intervenez, mais soyez limitatifs, soyez plus... Ça répond à ma question. Maintenant, une autre question exactement dans le sens où vous avez un court temps pour extrapoler, M. Le Clerc. Dans le mémoire, vous déplorez, en fonction du rapport Arpin, entre autres, le fait qu'il soit peu question du patrimoine architectural.

M. Ferrier Le Clerc: Oui.

M. Richard: Bon, dans quels termes, en fait, la future politique culturelle du Québec pourrait-elle aborder la question, effectivement, du patrimoine architectural? (16 heures)

M. Ferrier Le Clerc: Le patrimoine, dans son sens large, et l'architecture en particulier, tout autant que les archives, d'ailleurs, constituent à peu près ce qui reste d'une civilisation quand elle est disparue. Si on regarde la mutilation ou la modification significative qui s'est faite dans notre architecture traditionnelle au cours des 10 ou 20 dernières années, souvent avec des programmes gouvernementaux qui avaient de très bonnes intentions pour intervenir et assister des gens qui avaient des besoins impérieux, on a comme défiguré notre paysage architectural.

Nous avons fait, nous, une représentation auprès des 170 municipalités de notre région pour vérifier leur intérêt et leur sensibilité au profit de leur héritage architectural. Vous savez, c'est fascinant. On passe dans un petit village et on dit: Aïe, il "était-u" beau! Pourquoi? Parce qu'il y a là une agglomération de maisons qui sont semblables, qui sont belles, bien entretenues, avec des garnitures. Vous allez me dire: Ça, c'est vivre au passé, mais c'est l'image qu'on retient. C'est avec ça qu'on fait un calendrier. C'est avec ça qu'on véhicule un souvenir. Même les grandes compagnies d'automobiles, à l'heure actuelle, nous mettent dans des décors de cette nature-là pour nous convaincre d'acheter une voiture moderne. Donc, c'est parce que ça rejoint quelque chose de profond chez nous. Les municipalités s'étaient déclarées intéressées, sensibles à la chose et on a tenté de développer une ressource pour les alimenter en matériel d'information afin qu'elles puissent informer leurs citoyens, qui voulaient modifier ou transformer leur maison, d'être sensibles à cet aspect-là. Ça n'a pas eu de suite. Ce n'est pas dramatique en soi. On n'en fait pas de reproche comme tel parce qu'on a passé pour des innovateurs, comme le disait Mme la ministre tantôt, et les fonctionnaires qui ont reçu cette demande-là ont été tellement impressionnés qu'ils ont dit: Ce n'est pas recevable. Ce n'est pas grave. On va revenir, si c'est comme ça qu'on chemine. il reste qu'au niveau des archives, au niveau de l'architecture et de certains éléments témoins qui ont marqué des moments forts dans la vie d'une collectivité, on doit être sensible à ça, et une politique du patrimoine devrait avoir cette capacité d'identifier ces aspects-là et non pas de dire: Bon, eh bien, un musée du bûcheron, il va y en avoir rien qu'un au Québec, il n'y en aura pas deux. Je vous avoue que l'histoire de l'Outaouais est aussi riche que celle de la Mauricie; celle du Saguenay ou de l'Abitibi l'est tout autant, 150 ans plus tard, mais ce n'est pas grave. Ce qui compte, ce sont les expériences de vie, les modes de vie qui se sont développés là et, pour ces gens-là, c'est important pour eux.

M. Richard: Merci, M. le Président. J'aurais une dernière question, si vous le permettez. Quelles sont les responsabilités additionnelles que vous aimeriez assumer? Dans votre document, vous affirmez aussi que le gouvernement ne se sert tout simplement pas suffisamment des conseils de la culture à travers le Québec. Ça nous fait poser cette question-là. Ça veut dire: Bon, écoutez, on est là. Servez-vous donc de nous, là. Ça veut dire en même temps: Vous ne nous donnez pas assez de responsabilités ou

vous nous donnez des tâches dont on aimerait mieux peut-être être délestés pour en obtenir d'autres. Qu'est-ce que vous aimeriez faire, en fait, éventuellement, comme conseil de la culture dans nos régions?

M. Babin: Quoique, fondamentalement, on soit une organisation de concertation d'abord des gens du milieu, la difficulté c'est que, bien sûr, il y a des avantages à la régionalisation, à la présence en région d'un bureau du ministère, sauf que tout l'aspect de partage des rôles entre deux intervenants au niveau municipal crée des difficultés d'intervention et des difficultés d'appartenance pour le bénéficiaire même. Quand une municipalité, un groupe culturel ou un artiste lui-même est en démarche de demande de subvention ou d'élaboration de projet dans un programme donné avec les fonctionnaires d'un ministère, son intérêt, c'est de recevoir son bénéfice à lui. Sa conscience d'appartenance à une région, si, dans ses rapports avec le bureau du ministère, on ne lui permet pas de se détacher de l'unique programme auquel il fait appel, de manifester son intérêt ou son appartenance à une région, ça ne lui donne pas une attache trop forte au Conseil régional de la culture, si, par ailleurs, le Conseil régional est appelé à donner une version, une appréciation des programmes ou des politiques.

Cette double appartenance, en somme, je dirais, du... Quel est le moteur du développement dans une région si ce n'est pas partager le rôle de concertation, d'animation et le rôle de gestion ou d'administration des affaires culturelles? On a des problèmes, à ce moment-là, et c'est... En tout cas, chez nous, c'est ce qu'on a vécu, c'est ce qu'on vit encore.

Le besoin d'animation a été longtemps fait par les fonctionnaires du ministère, ce qui fait que ce n'est pas clair, le rôle de l'un et de l'autre. Je pense qu'il va falloir départager ça fortement pour que les gens qui veulent s'impliquer dans le développement culturel d'une région puissent le faire dans ces instances de concertation et d'implication au niveau quasi politique ou politique. Ceux qui veulent gérer des affaires culturelles vont travailler au développement de ces affaires culturelles là avec les fonctionnaires.

Je pense qu'il y a une distinction à faire entre la vie culturelle et son développement dans une région ou la gestion qu'on fait de nos affaires culturelles en région. Ce ne sont pas toujours les mêmes intervenants. Il faut distinguer ça aussi. Je pense que c'est là qu'est la limite du rôle d'une instance de concertation qui n'a pas à s'adresser juste aux bénéficiaires du ministère des Affaires culturelles, mais qui doit tenir compte de l'ensemble des besoins de la population qu'elle dessert. Notre clientèle à nous ce n'est pas les bénéficiaires du ministère, ce n'est pas les artistes, ce n'est pas ceux qui reçoivent des subventions, c'est la population de la région et c'est à eux... Et c'est cette difficulté-là qui est mal définie dans la convention qui nous lie avec le ministère et les relations que nous établissons avec fe bureau régional.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. Mme Munroe de Monti-gny, bienvenue à cette commission. M. Babin et M. Le Clerc, heureux de vous revoir. Vous nous avez présenté un mémoire de haute tenue. J'en suis très heureux et c'est sans aucun doute l'avis que partage mon collègue et ami le député de Laviolette. Je vais vous poser une question et, après, vous comprendrez qu'il souhaite amorcer le dialogue avec vous, rien n'est plus naturel, vous êtes de la même région.

En page 7, vous dites: "Partenariat ne doit pas signifier pelleter sa neige ailleurs." Je pense que vous lancez là un message de sympathie aux municipalités qui ont vécu un pelletage dont elles ne sont pas près de se remettre. Vous dites: "Le monde municipal n'est pas prêt à jouer une fonction de premier plan dans le champ culturel, ni à assumer une charge financière additionnelle." Je comprends que c'est un constat, mais non pas un blocage dans le sens que vous souhaitez, effectivement, que les municipalités - dans la mesure où on leur donnera les moyens également, parce que le mot "pelletage" que vous avez mis à l'avant est forcément un indicatif - finissent un jour, au Québec, par jouer un rôle aussi actif dans le domaine de la culture qu'on peut le voir dans la tradition européenne.

M. Babin: Excusez-moi, j'ai mal saisi la dernière intervention, la dernière partie de votre intervention.

M. Boulerice: Je vous disais que... Bon. Vous avez parlé du pelletage. Forcément, il y a eu un pelletage qui s'est fait dans un autre domaine. Et vous avez dit: "Le monde municipal n'est pas prêt à jouer une fonction de premier pian dans le champ culturel, ni à assumer une charge financière additionnelle."

La question que je vous posais est que vous faites urt constat de la situation, vous la déplorez, mais vous souhaitez - enfin, est-ce que je lis bien entre les lignes? - que l'on en vienne un jour à ce que les municipalités jouent un rôle de premier plan dans le domaine de la culture, un peu dans la tradition européenne où les municipalités sont très impliquées.

M. Babin: Exactement, parce que, évidemment, l'instance politique la plus près du citoyen étant la municipalité, ça revient à ce que je disais tantôt par rapport à la place du citoyen dans la définition de son devenir culturel et comment, nous, on veut que ces choses-là

s'harmonisent. Mais, si on parle de moyens des municipalités pour y parvenir, je pense qu'on n'a pas le choix d'être vigilants aussi.

Prenons juste un exemple qui me préoccupe plus particulièrement au niveau de la diffusion. Il y aura, en janvier prochain, une nouvelle taxe et celle-ci, pour le domaine du spectacle, s'ajoute à une taxe qu'on connaît déjà qui s'appelle la taxe d'amusement. C'est qu'on a déjà voulu donner aux municipalités des pouvoirs d'intervention avec des moyens d'intervention en disant: II y a un champ de taxation qui vous appartient. Mais, à partir de bientôt, ça coûtera au-dessus de 25 % de taxes pour assister à un spectacle. Si on veut que la municipalité puisse pouvoir intervenir dans l'évolution de la vie culturelle et jouer son rôle de mettre en place des événements culturels pour ses citoyens ou supporter des groupes de citoyens, je pense que c'est important aussi de voir comment on développe ces moyens-là.

M. Boulerice: D'accord.

Le Président (M. Ooyon): M. le député.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. J'ai cru comprendre, à la lecture de votre document, que vous faites mention qu'il y a Québec, Montréal, et l'ensemble de toutes les régions, mais que vous ne voulez pas être amalgamé au fait que vous êtes une troisième partie d'un tout. Vous êtes, dans l'ensemble, une partie importante. Vous semblez dire que les régions sont peut-être un peu délaissées à ce niveau-là.

Je vous pose la question au niveau du partenariat. Je continue dans l'hypothèse de mon collègue. Il vous avait fait mention d'une taxe, il fart toujours mention de 27,5 % d'augmentation à partir de l'an prochain. Dans cette hypothèse, vous dites: On est une région, on veut participer à l'éclosion, à l'ensemble du Québec, de toute la culture, pas simplement être le bouche-trou pour d'autres ou le rendez-vous de gens qui font une tournée à travers le Québec, dans les salles de spectacles ou ailleurs, ou des expositions.

Vous dites "partenariat". Si on se base sur les grosses discussions qui se font actuellement à travers le Québec, sur une décentralisation, sur une régionalisation, les gens disent: Une décentralisation c'est bien beau, mais, si la décision appartient à une centralisation au niveau régional, on n'est pas plus intéressés non plus, si on parle de régionalisation, mais, finalement, que c'est à Québec que la décision se prend et puis qu'on a juste à l'appliquer. On veut un vrai partenariat. Ça implique quoi, pour vous autres, un vrai partenariat? Est-ce que ça implique que vous dites: On serait même prêt à avoir une enveloppe qui pourrait être redistribuée régiona-lement et qu'on aurait, selon certains critères, à aménager, à discuter, faisant en sorte que cette enveloppe-là serait administrée régionalement?

M. Babin: Je crois que, par rapport à l'intervention du ministère des Affaires culturelles ou des affaires gérées par ce ministère, il est important de voir la spécificité de chacune des régions là-dessus. Je pense que des normes nationales d'accès à un programme de subventions, ou d'aide aux artistes, ou d'aide à la création, ou d'aide à la production n'ont pas la même signification dans une région qu'à Montréal, dans la métropole, ou à Québec aussi. C'est une première distinction. Et ça, que chacune des régions puisse, selon des instances définies, utiliser, au meilleur de son besoin, l'argent disponible, je pense que ça, c'est une partie importante de la garantie de l'évolution du développement culturel dans nos régions.

Cependant, on ne veut pas dire que les régions, c'est une troisième section dans le Québec. Je pense qu'il faut voir ça plus spécifique pour chacune des régions. Je pense qu'au Québec il y a des régions qui sont disctinctes les unes des autres, mais ce n'est pas tout ça ensemble que l'on doit opposer à Montréal ou a Québec comme pôle. Je pense que chacune de ces régions-là a ses particularités et ses besoins. C'est bien sûr que la Côte-Nord n'a pas les moyens, et n'aura jamais les moyens, de faire vivre une troupe de théâtre professionnelle, sauf que les gens qui habitent la Côte-Nord, comme la Mauricie, ont besoin d'avoir accès à des productions de théâtre. Si, dans leur évolution puis dans leur façon de faire, ça s'appelle du théâtre dit, entre guillemets, amateur, bien c'est quand même un accès à leur culture et à la culture.

Mais ça, il faudrait aussi faire attention à ça, si on veut qu'on ait une évolution et un développement. Quand les gens auront apprivoisé le théâtre, ils pourront recevoir une troupe professionnelle et puis ils pourront revoir des classiques ou des pièces plus avant-gardistes dans leur région. Mais, en attendant, ils ont besoin d'en vivre. Ils ont besoin du théâtre pour vivre aussi, ils ont besoin de l'apprivoiser. C'est ça qu'il faut distinguer: ce qui se passe dans les régions et ce qui se passe à Montréal.

À Montréal, la municipalité intervient beaucoup dans chaque quartier, donc il y a déjà une part importante de la vie culturelle qui se développe là. Sauf que ce qui rejaillit sur le Québec, c'est les choses qui sont dites nationales. C'est les institutions nationales. On ne le voit pas, ce qui se passe dans les quartiers à Montréal ou à Québec.

M. Jolivet: Pour aider les régions... Là, vous m'ouvrez une porte, parce que j'ai fait partie, et d'autres aussi, à l'époque, d'une troupe de théâtre à Grand-Mère, qui s'appelait les Copains de Grand-Mère, qui a donné une pépinière de gens qui sont allés ensuite à Montréal ou ailleurs. Vous avez Louise Matteau, Normand Gélinas de Shawinigan - je vais faire de la publicité - mon frère, qui est à Radio-Canada,

Gérard. Ce sont des gens qui ont passé par un creuset qui était le théâtre amateur chez nous, ce qui a donné naissance à des gens à La Tuque qui sont des personnes qui actuellement sont à Radio-Canada parce qu'ils ont appris le théâtre d'abord à leur école, puis ils ont continué. Ils ont eu de l'aide un peu, mais pas suffisamment. On a des gens qui vont même à l'extérieur au niveau européen actuellement, qui sont des gens dans la peinture, qui sont reconnus là-bas et qui ne sont pas reconnus ici. Et ça, ça fait toujours... Les municipalités ont de la difficulté à reconnaître ça.

Donc, ce que vous êtes en train de dire, c'est que, si on avait la possibilité de développer, dans notre région, notre spécificité régionale, on aurait la chance d'être une pépinière pour d'autres lieux, pas nécessairement seulement au Québec, mais sur la scène internationale. C'est ce que je crois comprendre.

M. Babin: Oui. C'est dans le sens aussi où notre spécificité régionale... C'est qu'on a à peu près tous besoin de la même chose, mais d'une façon différente, qu'on soit n'importe où au Québec.

Pour reprendre votre exemple de formation de théâtre, à ce moment-là il y avait des institutions qui s'appelaient les collèges classiques ou autres, qui encadraient, qui animaient et qui favorisaient ces troupes de théâtre là ou ces organisations-là, et ça fonctionnait, ce qui a donné une possibilité que Montréal ou Québec récupère nos artistes. Et ça, pour chaque région, il y a des exemples multiples.

M. Jolivet: Le partenariat que vous proposez, c'est d'être ceux qui vont animer ce milieu-là pour permettre justement l'éclosion de ces personnes. (16 h 15)

M. Ferrier Le Clerc: Oui. D'ailleurs, on a vécu dans la région, en l'espace de six ou sept ans à peu près, là, une aventure assez extraordinaire. Vous avez fait état tantôt d'une petite enveloppe. Il y avait un aspect dans le budget du bureau régional qui s'appelait l'enveloppe de développement régional. Contrairement, on est la seule région dans le tout le Québec qui n'a pas affecté cette petite enveloppe là - on dit petite parce que ça jouait entre 30 000 $, 50 000 $, 60 000 $, 90 000 $ parfois, mais c'était quand même substantiel - systématiquement en amélioration d'enveloppes normées - je prends un jargon, là. On ne l'a pas fait, parce qu'on s'est dit... L'expérience qu'on a faite avec le directeur du bureau régional à l'époque, M. Bonneau, en particulier - grand bien lui fasse, même s'il était l'abolisseur professionnel des conseils de la culture au Québec à leur naissance, lorsqu'il est arrivé chez nous - on l'a gagnée.

On s'est servi de cette enveloppe-là pour expérimenter des choses. Alors, les résultats, au bout de cinq ou six ans, c'est le moulin d'Ulver-ton. On a pris une portion de cet argent-là - on faisait la concertation, M. Bonneau faisait les négociations et il avait bonne gueule parce qu'il arrachait l'argent - et on a développé un musée qui s'appelle le moulin d'Ulverton aujourd'hui. Avec ça, on a fait l'expérience. On a expérimenté aussi, avec cette enveloppe-là, la capacité des Mackinaw à devenir quelque chose, une institution. On a expérimenté avec cette enveloppe-là la capacité de Drummondville d'avoir un festival mondial de folklore.

On a expérimenté comme ça une bonne douzaine d'institutions reconnues, réputées à travers le monde, dans certains cas dans notre région, qui, avec ça, ont fait la démonstration de leur capacité d'être, de se manifester et de rayonner. Au bout de deux ou trois ans, on avait un argument de poids pour corriger l'enveloppe normée au ministère à Québec, et l'amélioration des enveloppes disciplinaires s'est toute faite comme ça en l'espace de sept ou huit ans. La seule place où on a dérapé, où on n'a pas été capable, c'est le patrimoine. Là, on a bloqué bien dur. Mais toutes les autres enveloppes ont été doublées ou triplées avec ce principe-là.

Alors, vous voyez, si les régions disposaient en intelligence, dans une action de développement par rapport à une action de gestion, d'administration, et en concertation l'une avec l'autre, en complément l'une de l'autre, non pas en compétition... Un conseil de la culture, ça peut faire faire une déprime à un fonctionnaire, mais un fonctionnaire ça peut aussi désarticuler un conseil de la culture. Et personne ne gagne là-dedans. Celui qui perd le plus ce n'est pas le fonctionnaire ni le conseil, mais le milieu.

Vous pourrez, avec vos fonctionnaires, faire la lecture, faire une recherche - il y a des gens qui aiment ça faire des recherches au ministère - sur l'utilisation qu'on a faite de cette enveloppe-là. On s'est fait faire des reproches par d'autres conseils de la culture parce qu'on avait fait ça, mais, nous, on y a tenu jusqu'à la dernière limite, jusqu'à il y a deux ans. C'est comme ça qu'ont été initiées des tas de choses dans la région. Alors, ce principe-là, en intelligence, entre deux instances qui cohabitent et qui cherchent le même objectif, l'intensité de la vie culturelle dans le territoire, donnerait certainement plus de résultats que toutes sortes de grandes affaires, pour employer une expression que j'ai entendue hier, qui finalement partent de la raison et oublient le cordon du coeur qui donne un sens à la raison.

Le Président (M. Doyon): M. le député soit de Laviolette ou de Sainte-Marie-Saint-Jacques, voulez-vous remercier nos invités?

M. Jolivet: Oui, je vous remercie. J'ai fait sortir ce que je voulais de la part de Normand, en disant que l'expression que j'ai toujours

utilisée dans le temps, quand j'étais dans le syndicat, c'était: On ne peut pas mettre à tous les hommes du Québec - excusez-moi les femmes, là, mais prenons cet exemple-là - une chemise de 15 de collet et 32 de manches. Notre collègue, le député de Maskinongé et ministre, avec la formule dans le développement régional, lui, ce qu'il emploie, ce qu'il dit c'est: On doit adapter le chapeau à la tête et non pas la tête au chapeau. Alors, dans ce contexte-là, les régions pourront se développer et permettre à l'ensemble du corps national de se développer. Merci beaucoup.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Moi aussi, c'est à moi de vous remercier. En fait, un petit détail qui a son importance, il n'y a pas de taxe qui va s'appliquer au mois de janvier...

M. Babin: Ou plus tard, en son temps.

Mme Frulla-Hébert: ...ce qui nous donne, par contre, encore aussi la latitude de regarder le dossier dans son ensemble, d'une part. Deuxièmement, quand vous parlez d'instances qui cohabitent, effectivement, il y a quelques années, le ministère n'était pas décentralisé comme il l'est. On est le ministère le plus décentralisé au gouvernement et, depuis le mois d'avril, le ministère, au niveau de ses directions régionales, a décentralisé aussi son budget. Donc, il y a aussi maintenant - c'est comme un couple - un ajustement à faire autant au niveau des conseils régionaux, missions, etc. et au niveau aussi des directions régionales du ministère - on ne se le cache pas - pour qu'ensemble on travaille conjointement et, vous l'avez si bien dit, pas l'un contre l'autre, mais que l'un complète l'autre aussi. Alors, c'est dans cette voie probable qu'on va regarder les choses et aussi, justement, l'ensemble de la politique gouvernementale sur le développement des régions. Merci beaucoup de votre présence.

Le Président (M. Doyon): Alors, ces remerciements étant faits, je ne les répéterai pas. Simplement, nous avons pris bonne note de vos propos. Alors, en vous permettant de vous retirer, j'invite maintenant les représentants du Syndicat des techniciens et techniciennes du cinéma et de la vidéo du Québec à bien vouloir prendre place en avant. Il me fait plaisir, donc... Je les accueille ici au nom de la commission. Je les invite à nous faire la présentation qu'ils ont à nous faire. Ils disposent de 10 à 15 minutes pour ça. Ils peuvent le faire brièvement en rappelant les grandes lignes de leur mémoire ou en faisant un résumé, comme ils voudront. Après ça, les membres de la commission vont engager la conversation et s'entretenir avec eux. Si vous voulez bien tout d'abord vous présenter pour les fins d'enregistrement de nos débats.

Syndicat des techniciens et techniciennes du cinéma et de la vidéo du Québec

M. Houx (Patrice): Tout à fait. Je suis Patrice Houx, président du Syndicat des techniciens et techniciennes du cinéma et de la vidéo du Québec. À ma droite, Mme Babalou Hamelin, qui est membre depuis plusieurs années du conseil de direction. Je vous salue, M. le Président...

Le Président (M. Doyon): Bonjour à vous deux.

M. Houx: ...Mme la ministre, Mmes, MM. les membres et participants de la commission. La façon dont je vais procéder, étant donné que notre mémoire n'est pas très long, c'est non pas le lire mot à mot, mais le commenter tout en lisant certaines parties.

Mme la ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, je voudrais d'abord préciser notre position en expliquant pourquoi le STCVQ s'est joint à la coalition ayant rejeté globalement le rapport Arpin en conférence de presse. Je vais d'abord préciser que, quand nous employons le terme "globalement", ce n'est pas que nous l'avons rejeté dans le détail, c'est que nous avons reçu le rapport Arpin comme un bloc. Nous n'avons eu le temps que de le juger comme un bloc. C'est de cette façon-là qu'on a réagi, ce qui ne veut pas dire que, dans le rapport Arpin, il n'y a pas des points que nous jugeons excellents. C'est simplement que nous avons eu une réaction sur l'ensemble du rapport et non pas au point par point.

Nous sommes l'association reconnue officiellement par le gouvernement du Québec, par la Commission de reconnaissance des associations d'artistes comme représentant tous les techniciens, artistes pour ce qui est des tournages réalisés sur support film. Nous existons depuis maintenant 22 ans et nous avons contribué, tout au long de ces années, à l'avancement du cinéma et de la télévision et à parfaire la stabilité de cette industrie.

La raison d'être du STCVQ a pout objet l'étude, la défense et le développement des intérêts professionnels, économiques, sociaux et moraux des techniciens pigistes membres oeuvrant dans le domaine de la production de documents ou d'oeuvres audiovisuelles par procédés cinématographique, magnétoscopique, photographique ou autres. Quand je vous cite cette partie-là, c'est ce qui est partie interne de nos statuts et règlements, c'est ce qui est notre raison d'être, notre raison d'existence.

C'est, entre autres, parce que nous croyions que cette proposition de politique de la culture et des arts, telle qu'elle est rédigée, allait à l'encontre de nos objectifs qu'elle était pour

nous inacceptable, mais aussi parce que les propositions du rapport nous semblaient extrêmement dangereuses pour toute l'industrie du cinéma et de la télévision et pour (a culture en général au Québec. Quand on dit "extrêmement dangereuses", il faut quand même restreindre un peu. On ne pense pas que ça peut faire sauter tout le système culturel au Québec, mais on croit quand même qu'il germe des choses qu'on juge très dangereuses pour l'industrie, telle qu'elle essaie de se stabiliser dans le moment.

Ce n'est cependant pas pour rejeter le rapport Arpin du revers de la main que nous l'avons dénoncé. C'est à cause de sa présentation du rapatriement des pouvoirs comme solution de tous les problèmes de la culture, sans être très clair sur les modalités de ce rapatriement, en instituant, du même coup, des superstructures bureaucratiques n'ayant aucune commune mesure avec la réalité des besoins actuels du marché culturel et des travailleurs culturels de toutes sortes.

Si on nous avait demandé il y a quelques mois notre avis sur la nécessité d'un rapatriement aux Québécois des pouvoirs sur leur culture, nous aurions sûrement été d'accord et aurions collaboré à établir un projet de politique réaliste dans le contexte actuel. Mais justement, la proposition actuelle ne tient pas du tout compte de la réalité. C'est-à-dire que nous ne sommes pas fondamentalement contre le fait que les Québécois aient pleine main sur leur culture, bien au contraire, mais la recette proposée par le rapport Arpin ne nous plaît pas du tout. La précipitation du processus nous a aussi profondément indisposés.

J'en profiterais pour excuser personnellement certaines fautes d'orthographe ou de syntaxe qui se sont retrouvées dans mon rapport. Il a été imprimé et envoyé par messager pour arriver à peu près à cinq minutes d'avis, dans les limites que la commission nous avait données. Ça a été corrigé depuis le temps mais, évidemment, la copie que vous avez en main...

À peine avions-nous reçu nos deux copies du rapport Arpin qu'il aurait fallu arrêter toutes nos activités journalières essentielles pour une lecture et une analyse précipitée du rapport afin d'y répondre en commission parlementaire. Je vous rappelle que le rapport Arpin, nous en avons reçu deux copies. À cause de tout ce qui est loi des droits d'auteur, et tout ça, que nous respectons énormément, nous ne pouvions pas le photocopier et nous n'avions qu'une semaine et demie à deux semaines environ pour l'analyser, ce qui était à peu près impossible dans un processus démocratique.

Nous ne croyons pas que toutes les recommandations qui s'y trouvent, bien au contraire, soient mauvaises, mais nous avons reçu le rapport comme un bloc et nous l'avons considéré dans son ensemble. Je me permets respectueusement de rappeler que nous ne pouvons profiter d'une armée de personnel de bureau pour décortiquer un tel rapport et y répondre efficacement. Nous devons fonctionner avec les ressources très serrées, en argent et en personnel, dont nous disposons pour répondre à toutes les exigences du fonctionnement quotidien de notre organisme.-Cet aspect est d'ailleurs clairement expliqué dans le rapport Arpin.

Le milieu du cinéma et de la télévision a fait, ces dernières années, ses devoirs, tel que le souhaitait l'État et l'exigeait la santé de l'industrie. Nous avons amélioré les structures de notre industrie culturelle. Le partenariat dans les relations que nous avons entre nous fonctionne bien, même dans certains cas où nos intérêts divergent. La réaction très claire que nous avons eue ensemble au rapport Arpin lors d'une rencontre de concertation demandée par l'Institut québécois du cinéma le démontre très bien.

J'en profite pour rappeler que nous n'avons toujours pas de représentant à l'Institut québécois du cinéma depuis maintenant trois ans et n'avons donc pas eu notre mot à dire dans la préparation du rapport, pas directement du moins. La ministre nous avait pourtant promis que cette lacune serait corrigée très rapidement lors de notre dernière visite ici même. Cela n'a pas été fait et nous avons su par hasard, cette semaine - je parle au moment de la rédaction du rapport - que c'était parce que tous les représentants de l'IQC allaient être nommés au mois d'octobre. Nous sommes maintenant à la mi-novembre et je n'en ai toujours pas de nouvelles. Nous aurions mérité la considération d'être avertis directement par la ministre.

Mais revenons au rapport. Que l'ensemble des associations du cinéma et de la télévision décide de rejeter en bloc le rapport Arpin doit être reçu comme un message très clair: cette proposition est passée à côté de la question, du moins en grande partie. Avant d'envisager le rapatriement des pouvoirs liés à la culture et aux communications, il faut d'abord faire le ménage de la maison destinée à les recevoir et il ne faut pas que ces pouvoirs servent à alourdir sa structure au point de ne la rendre accessible qu'à ceux qui en ont la charge.

J'ajouterai, pour notre part, que . certaines erreurs prélevées dans le rapport Arpin nous ont fait douter de la précision des renseignements qui s'y trouvent. Le rapport affirme, entre autres, que le STCVQ représente 202 membres. En fait, le STCVQ représente plus de 780 membres et plus de 1800 permissionnaires oeuvrant principalement dans le milieu du cinéma au Québec, sans compter les apprentis qui bénéficient de nouvelles politiques mises en place cette année.

Je terminerai sur le rapport Arpin en le citant et en appuyant tout à fait ie principe d'un fonctionnement de l'État québécois selon trois axes équilatéraux: culture, social et économie, et les trois grands principes de base qui vous ont

souvent été répétés et qui se retrouvent dans le rapport Arpln: La culture est un bien essentiel et la dimension culturelle est nécessaire à la vie en société, au même titre que les dimensions sociale et économique; le droit à la vie culturelle fait partie des droits de la personne et c'est pourquoi l'activité culturelle doit être accessible à l'ensemble des citoyens; l'État a le devoir de soutenir et de promouvoir la dimension culturelle de la société en utilisant des moyens comparables à ceux qu'il prend pour soutenir et promouvoir les dimensions sociale et économique de cette même société.

L'avenir à court terme. Je reviendrai d'abord sur les 18 derniers mois. Durant cette période, les membres du STCVQ, c'est-à-dire tous les techniciens et professionnels pigistes du film au Québec, ont profondément travaillé à accomplir leur métier en favorisant la production cinématographique au Québec. C'est dans cet esprit qu'ils se sont entendus avec les producteurs pour signer une nouvelle entente collective adaptée à la réalité actuelle et future en introduisant, entre autres une politique claire pour adapter l'entente collective aux films dits artisanaux ou à petit budget, des mécanismes pour favoriser la relève, entre autres, des mécanismes pour les apprentis puisqu'en cinéma, actuellement, tous les métiers s'apprennent sur le tas et qu'à ce moment-là la méthode du compagnonnage nous semble être la plus efficace, à condition d'avoir un compagnonnage bien organisé et efficace.

Aussi, dans la nouvelle convention collective toujours, des assouplissements pour l'engagement de temporaires et pour les relations entre la production et les délégués ou les représentants syndicaux, des méthodes beaucoup plus commodes pour établir les horaires à toutes les étapes de la production, un système pour harmoniser l'entente aux conditions changeantes pour intervenir au cours des trois ans de son application, tout cela en acceptant une augmentation moyenne, à la fin de l'entente collective en 1994, par rapport au salaire minimum de 1988, de moins de 2 % sur 6 ans.

Toute la mentalité de nos relations avec l'employeur, les producteurs, est d'être continuellement à l'écoute des particularités de chaque tournage. C'est ce que les divers gouvernements n'arrivent, de leur côté, toujours pas à faire. Si nous avons pu, producteurs et techniciens, prendre un virage aussi fondamental dans nos relations, pourquoi le gouvernement n'y arrive-t-il pas? Peut-être devrait-il, entre autres, s'inspirer de la façon dont nous avons qualifié nos dernières négociations: nous avons parlé, nous avons écouté, nous nous sommes entendus. Malheureusement, le gouvernement parle beaucoup mais ne semble pas écouter ni entendre. (16 h 30)

Je ne signalerai ici que certaines des nécessités et des corrections apportées à ce qui existe actuellement, sans élaborer puisque, dans la plupart des cas, cela a déjà été fait par divers organismes, dont le nôtre, par les années passées. Nous sommes d'ailleurs prêts à apporter les précisions demandées en commission parlementaire.

Bien sûr, nous favorisons la création d'une politique d'intégration du cinéma et de la télévision. Nous sommes d'ailleurs prêts à collaborer à l'élaboration d'une telle politique, ce que nous n'avons pas eu la chance de faire pour le rapport Arpin puisque personne ne nous a demandé notre avis. Cette politique devient de plus en plus nécessaire puisque les deux médias sont maintenant définitivement interreliés.

La SOGIC doit en venir à un véritable fonctionnement démocratique. Actuellement, nous avons l'impression d'être en face d'un organisme des hautes sphères du pouvoir, ne rendant de compte à personne et dont les décisions se prennent sans que personne ne puisse comprendre ce qui les a motivées. L'Institut québécois du cinéma, qui devrait d'ailleurs devenir l'institut québécois du cinéma et de la télévision, doit conserver non seulement son pouvoir de conseil, mais on doit aussi lui rendre les pouvoirs qui lui permettraient de fixer à la SOGIC un plan de travail et d'en vérifier l'application. Si nous nous fions à ce qui s'est passé ces dernières années à la SOGIC et aux nombreuses plaintes du milieu à son propos, il est maintenant urgent d'agir en ce sens. Et qui serait plus à même que les représentants du milieu, via l'Institut québécois du cinéma, pour exercer ce contrôle sur la SOGIC? Ce même milieu, qui soutient l'industrie du cinéma et, en partie, de la télévision par ses activités, ce milieu que l'Institut québécois du cinéma rencontrerait périodiquement pour préciser ses besoins face à un organisme comme la SOGIC dont le but premier est de l'aider.

La loi sur le statut de l'artiste doit aussi être amendée urgemment. Actuellement, nous devrions déjà sentir les effets bénéfiques de cette loi sur le statut fiscal des artistes. Mais, dans notre cas, elle a créé un déséquilibre fiscal chez les techniciens qui oeuvrent côte à côte lors des tournages et avec les mêmes impératifs, les mêmes types de rémunération, les mêmes obligations professionnelles, etc., mais avec un statut fiscal différent.

Nous voulons que, si le gouvernement s'entête à vouloir décider arbitrairement qui, parmi les techniciens, est un artiste et qui ne l'est pas, nous ayons tous des conditions équivalentes, puisque nous faisons tous le même métier de pigiste, technicien du cinéma et de la vidéo, avec les mêmes obligations, les mêmes instabilités du métier de pigiste, les mêmes exigences, mais pas les mêmes droits.

Puisque la loi sur la reconnaissance des associations d'artistes nous a donné une reconnaissance légale pour tous les techniciens artistes oeuvrant sur les productions réalisées sur support

film et que l'intention de la loi est de nous donner le pouvoir d'obliger tout producteur à négocier avec nous les conditions de travail de ces artistes, nous demandons au gouvernement de cesser le financement des films qui sont tournés en dehors des structures professionnelles établies par ses négociations, par le milieu. Nous demandons par là au gouvernement de respecter ses propres engagements et demandes de stabilisation et de ne plus encourager le tournage de films dits au noir.

Puisque les intentions du gouvernement étaient de protéger les artistes dans l'accomplissement de leur art, nous ne comprenons pas qu'il accepte de financer des projets qui ne respectent pas les conditions minimales de travail telles qu'elles ont été établies par le milieu ou par les lois. Le gouvernement agit comme si, après avoir établi un décret dans la construction, il faisait appel à des travailleurs au noir pour construire ses propres édifices. Ce sont donc toujours les mêmes qui finissent par payer la note, les techniciens et leur association qui essaie de leur assurer une certaine sécurité de travail. N'est-ce pas là encore une fois les intentions de la loi?

Le ministère des Affaires culturelles doit aussi agir de façon à ce que se concertent les divers organismes provinciaux et fédéraux qui investissent dans la production de films et voir à ce que cesse tout financement de projets qui ne rencontrent pas les exigences professionnelles du marché.

Nous ne voulons pas par là nuire aux productions dites artisanales ou à petit budget. Au contraire, nous nous montrons toujours très coopératifs et collaborons à ces projets. Dans la majorité des cas, d'ailleurs, les techniciens sont appelés à investir de leur temps et une grande partie de leur salaire dans ces projets. Mais nous faisons la différence entre ces projets et les productions à gros budget qui se font hors des normes professionnelles. Ce sont ces dernières qui minent ainsi toute l'industrie par leur concurrence déloyale encouragée, sommes-nous obligés de comprendre, par les gouvernements.

Je me permettrais, à ce niveau, de citer un rapport rendu public par l'IQC dernièrement qui, en fait, résumait...

Mme Hamelin (Babalou): Oui, qui s'appelle "Le prix de la liberté, la production cinématographique indépendante". Alors, on y dit qu'en fait les techniciens ont été les... Excusez, je vais vous... "Le Syndicat des techniciens et techniciennes a toujours davantage fait preuve d'ouverture envers les projets des indépendants que l'Association des producteurs". En fait, on prend la peine de citer parce que je crois qu'effectivement les techniciens ont toujours, de tout temps, donné de leur temps, de leurs sous, encourage la production et ça continue toujours, d'ailleurs.

M. Houx: J'ai d'ailleurs reçu cette année de 10 à 12 projets à petit budget et aucun n'a été refusé. Les seules exigences qu'on a eues, c'est que ça soit bien structuré et sûr d'arriver à bout.

Une attention très particulière doit être apportée au projet des enveloppes de financement accordées à des producteurs pour des périodes déterminées. En passant, sur ce projet, je dois avouer que nous sommes très inquiets quant au fait de financer à l'avance des producteurs. Nous pensons qu'il serait de beaucoup meilleure avenue de permettre à des producteurs de commencer des préparations de tournage en attente de réponses, par exemple, de la SOGIC, de Téléfilm ou autre. Mais créer un ghetto entre deux sortes de producteurs, ceux qui ont du financement et ceux qui n'en ont pas, risque surtout de miner tout ce qui est projet personnel, projet d'auteur, etc.

Puisque le gouvernement désire établir une nouvelle politique de la culture et des arts, un volet très particulier de cette politique doit être réservé au cinéma et à la télévision. Nous demandons cela pour des raisons qui nous semblent évidentes. La télévision rejoint chaque jour tous les Québécois chez eux et est le canal par lequel ils ont un contact, non seulement le plus important, mais journalier avec la culture d'ici, et ce, de leur plus petite enfance jusqu'à leur mort. La télévision façonne une société et lui permet de se regarder elle-même, à condition, bien sûr, de lui donner une vision québécoise de qualité, répondant à ses exigences, et non pas une vision majoritairement étrangère.

Le cinéma reste encore la sortie culturelle privilégiée de la majorité des Québécois. Dans les deux cas, rien n'indique que cette situation est appelée à changer, au contraire. Surtout dans le cas de la télévision, tout indique que son importance ira en augmentant. Si nous voulons être à même d'y répondre par un contenu de qualité et bien intégré, il est déjà très tard pour s'y préparer. Mais nous sommes prêts, à condition que cela se fasse en complicité avec l'État et non en se débattant contre lui.

La politique de la culture et des arts doit se faire en concertation avec les intervenants du milieu et à la lumière de tous les mémoires que vous avez reçus jusqu'à maintenant. Nous sommes prêts à travailler encore à la préparation de la politique culturelle globale du Québec, particulièrement quant à son volet cinéma et télévision.

Je dirais un simple dernier mot. Au moment où la coalition de l'Institut québécois du cinéma a dénoncé le rapport Arpin, les journalistes se sont jetés sur le fait de dire que le milieu du cinéma retournait sa veste de côté et devenait profédéraiiste, etc., etc. Je crois que les journalistes sont très facilement tombés dans le panneau de ce que c'était, et c'était beaucoup autre chose.

Par rapport à la SOGIC, on nous a beau-

coup dit aussi, entre autres Mme Bissonnette à quelques reprises dans Le Devoir, que nous nous plaignions de la SOGIC pour une question de gros sous, ce qui n'est pas le cas. Bien sûr, nous en avons de ce côté-là aussi, mais c'est d'abord et avant tout du fonctionnement démocratique de la SOGIC dont nous nous sommes plaints. C'est tout pour ma part. Je vous remercie de m'avoir écouté avec patience.

Le Président (M. Doyon): Merci, monsieur Houx. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup, M. Houx. Ça nous fait plaisir de vous revoir, Mme Hamelin. Deux ou trois choses. Je dois vous dire qu'effectivement, mon collègue et moi, quand on a vu toute cette démonstration avant la commission parlementaire... moi, je dois vous dire que, personnellement, j'ai été un peu surprise de la réaction. Vous me donnez un peu la réponse dans le sens où vous dites: On a rejeté globalement; on n'y est pas allé en détail, mais on l'a fait globalement. Moi, je dois vous dire que, cette réaction-là, honnêtement, je trouve ça un peu dangereux, dans le sens où le rapport a été fait par un groupe de gens professionnels, bien intentionnés, dont un membre - et, vous savez, non le moindre - de l'IQC, à partir de recherches et de données qu'on avait et essayant d'avoir justement une base de discussion. Ils ont apporté toute leur attention, leur expérience, leur savoir-faire, à partir de ce qu'on avait aussi de documents, et ils sont arrivés avec un rapport. Et de dire: Bien, nous autres, on ne l'a pas pris en considération en détail, on l'a rejeté globalement...

Ma question, c'est que, si on en arrive à une politique culturelle où on peut... On va travailler avec le milieu, on ne fait pas un exercice fermé, comme vous pouvez le voir. On ne peut pas être plus ouverts. Je pense que ça ne s'est jamais fait aussi ouvertement. Est-ce que, parce que, bon, le ton pour certaines choses nous inquiète, on va la rejeter globalement? C'est ça, à quelque part, qui m'a vraiment inquiétée. Alors, c'est juste pour vous éclairer.

Autre chose aussi, quand vous dites: Tout est basé sur le rapatriement. Si on lit le rapport Arpin comme il faut, là, le rapport Arpin nous dit: II ne faudrait pas non plus prendre le rapatriement comme une échappatoire, au contraire. On parle d'une politique culturelle; un peu ce que M. L'Allier disait, on va essayer de nettoyer chez nous, là, puis, après ça, on verra dans son ensemble. Mais il ne faut pas non plus dire: On va attendre le rapatriement pour faire quelque chose. C'est ça que le rapport Arpin dit. Le rapport Arpin ne dit pas: S'il n'y a pas de rapatriement, on ne fait rien. Alors, c'est cette réaction-là qui m'a surprise.

Ensuite, vous dites: On a eu 15 jours. C'est qu'il faut comprendre aussi la procédure par- lementaire. C'est que la politique a été déposée à l'Assemblée nationale le 14 juin. Les documents ont été expédiés, 3000 exemplaires, partout à travers le Québec pour avoir une réimpression, immédiatement, mais il faut se donner 65 jours avant de commencer et d'aller en commission parlementaire. Ça, ce sont les règlements. Donc, ce n'est pas 15 jours. Les gens nous disent: Oui, mais on était en vacances. Bien oui, on était en vacances, mais je pense que la politique culturelle, c'est quelque chose de plus important que les vacances. On était en vacances, nous autres aussi, mais on travaillait.

Alors, c'est tout ça qui fait que la réaction, je l'ai trouvée dangereuse. Qu'on dise: II y a telle chose qui ne fait pas notre affaire... Et il y a des gens qui sont venus; on a entendu 182 mémoires et personnes. Il y en a encore, des mémoires, sur 263 à date. Qu'on dise: II y a telle chose qui ne fait pas notre affaire, telle chose que vous avez oubliée, ça, c'est correct. Mais rejeter globalement, dans l'ensemble, le travail, et tout ça, ça, ça nous a chicoté un peu.

Alors, je reviens à ma question. Si on en arrive à travailler ensemble tout ça et à dire: Bon, on fait une politique culturelle et il y a des choses à être discutées, est-ce que ça va être du revers de la main et est-ce qu'on dira: Bon, bien, nous autres, tout le secteur, on rejette ça globalement parce qu'il y a des irritants? Ça, j'en conviens qu'il y a des irritants. Je suis d'accord avec vous, mais c'est tout ça qui nous a fait réagir.

Mme Hamelin: Si vous me permettez, je vais vous donner une première réponse que Patrice va compléter. Il y a beaucoup de questions dans votre intervention. La première, c'est que l'Institut du cinéma nous a convoqués le 11 septembre, si ma mémoire est bonne. L'IQC, je crois que la réunion était, enfin, très tard. Je comprends les délais que vous avez, mais nous, nos délais étaient encore plus courts. Je veux dire, on devait remettre nos mémoires quelques jours après. Donc, pour nous, ça paraissait, de prime abord, comme une fausse consultation. Donc, tout de suite, déjà, je dois dire que tout le monde était un peu choqué par ça. Également, avec le nombre de recommandations que le rapport Arpin fait, on ne peut pas discuter de ça en une demi-journée ou en une journée. Il nous aurait fallu beaucoup plus de temps. Ça, c'est évident.

Je pense que le fait que le milieu du cinéma, tout à coup, se met en bloc, c'est peut-être parce qu'il lui a semblé qu'il y avait un manque de volonté de la part du gouvernement de répondre aux recommandations du milieu du cinéma. Je pense que le milieu du cinéma, jusqu'ici... Je ne veux pas citer M. Cesare, qui disait que la culture est un combat, mais je pense que le cinéma a toujours fait ses devoirs. Il s'est toujours battu pour que cet art existe et

soit reconnu et, en fait, on avait l'impression - et c'est pour ça que tout le monde s'est mis d'accord - qu'on ne tenait pas compte de tous les mémoires et de toutes les recommandations qu'on faisait au gouvernement. il est sûr, comme disait Patrice, que la question du rapatriement n'aurait peut-être pas fait l'unanimité. On était d'accord que la proposition était très floue et nous semblait un peu déposée à la légère, mais c'était surtout pour alerter, sonner une sonnette en disant: Écoutez, si vous voulez vraiment qu'on travaille ensemble, répondez déjà au moins à tout ce qu'on a déposé et à tout ce qu'on a déjà demandé.

Ça, c'est pour répondre. Je vais laisser M. Houx continuer.

M. Houx: Je dirai simplement que, oui, je comprends les délais et tout ça. Nous, notre organisme, nous avons reçu, fin août, en tout cas, si je me rappelle bien, le rapport Arpin. La réunion de l'IQC, je crois, avait lieu le 3 ou 4 septembre et je crois que les mémoires devaient être envoyés pour le 11. On a réussi, en discutant, et tout ça, à avoir quelques jours pour l'envoyer, mais globalement, alors que, comme je disais, on ne pouvait pas en faire de photocopies à cause du droit d'auteur - ce qui est une bonne chose - et que j'ai 18 personnes sur mon conseil de direction à aller chercher, à convoquer et à regarder, et tout ça, on s'est retrouvés serrés dans le temps et, commencer à vouloir analyser chaque petit point... (16 h 45)

Pour nous, ça nous semblait effectivement moins dangereux et plus efficace de prendre en bloc le rapport Arpin et d'être précis, de dire: Ce ne sont pas les 113 recommandations que nous rejetons. Nous rejetons le mécanisme qui nous a amené ça sur la table et d'avoir à y répondre. Avoir eu plus de temps, là on aurait pu prendre chacune des recommandations, en fait surtout celles qui nous touchent plus directement, et répondre en pour ou en contre. Bien sûr, il y en a qui sont excellentes dedans, mais c'était très complexe.

Mme Frulla-Hébert: Vous savez... Juste une chose. Vous savez, on se bat tous ici pour la culture, autant mon collègue, moi-même, vous-même, et vous avez raison quand vous dites: Le milieu, on se bat. Les créateurs vont arriver et ils vont dire: On se bat, bon. Le Québec est relativement jeune. Le ministère a 30 ans, n'a que 30 ans. Si on se rappelle ce qui a été fait il y a 30 ans... Il y a des gens ici qui sont venus avec leur mémoire aussi - enfin, je parle de leur mémoire en termes professionnels - nous rappeler aussi ce qui s'est fait, la conférence des évêques, par exemple, ce qui était et ce qui est maintenant. Alors, il faut être fier aussi de ce qui a été fait durant 30 ans.

La seule chose, c'est qu'ayant un membre de l'IQC même sur le conseil, j'espère juste que... Il faut réaliser aussi que cet aspect-là, bien souvent, provenant d'un milieu aussi qui a dû se battre, et tout ça, peut créer une réaction, parce que vous dites: Bon, il nous semblait, il nous semblait, etc., mais qui donne, finalement, vraiment une mauvaise impression de l'intention de ce qui est déjà. En plus, c'est que vous aviez déjà un membre de l'IQC.

Maintenant, je veux répondre aussi à quelque chose, parler de...

Le Président (M. Doyon): Rapidement, Mme la ministre, il reste à peine quelques instants.

Mme Frulla-Hébert: On n'est pas là-dessus et on a... Oui, M. le Président, merci. On nous demande si on n'a pas nommé des membres, etc. Juste pour vous dire qu'à cause de certains délais aussi de l'IQC il n'y a aucun membre qui a été nommé au conseil d'administration, aucun, et ça va se faire vraiment sous peu. Ce que je vous ai dit à la commission sur le cinéma, je le maintiens. Merci.

Le Président (M. Doyon): Je n'en doute pas. Brève réponse, s'il vous plaît.

M. Houx: Très brève réponse. Je dirais tout simplement que je suis d'accord avec, mais je dirais simplement que je suis content qu'on l'ait rejeté globalement. Je crois que ça a été, entre autres, une des raisons qui a déclenché le nombre de rapports qui ont été déposés ici et qui à brassé énormément de choses et énormément de questionnements dans tous les sens. Je pense que c'est une bonne chose.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Houx. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. Mme Hamelin, M. Houx, à la blague, je vous dirai que, si vous avez excusé certains aspects de votre mémoire, je pense que vous n'aviez pas à le faire. Ce n'est pas parce qu'on est à côté de l'église Immaculée Conception qu'on est obligé de faire des miracles. La deuxième chose, c'est que je vais vous chicaner amicalement. Lorsqu'il y a un document qui émane de l'État et de ses ministères et que vous avez peur de ne pas l'avoir ou de ne pas l'avoir à temps, faites donc comme tous les organismes de Sainte-Marie-Saint-Jacques; composez le 525-2501, qui est le bureau de votre député, et vous l'aurez. Ha, ha, ha!

M. Houx: Je sais que, du côté de l'Association des producteurs, ils ont demandé d'en avoir d'autres copies. On leur a dit: C'est impossible pour le moment. Ils ont demandé: Est-ce qu'on peut le photocopier pour l'étudier? On leur a dit: Non, le droit d'auteur l'interdit. Il n'y a pas eu moyen de leur côté. Je n'ai pas vérifié person-

nellement, mais je sais que, de leur côté, il n'y a pas eu moyen de le faire.

M. Boulerice: Ceci dit, l'offre de...

M. Houx: Mais j'y penserai la prochaine fois, je vous le promets.

M. Boulerice: L'offre de service étant faite, M. Houx, je serai heureux de remplir les commandes.

M. Houx: Tout à fait.

M. Boulerice: Bon. Ça, je ne vous le cacherai pas - et ma collègue, la ministre des Affaires culturelles, vient d'en faire mention - il est entendu que l'écriture journalistique de votre conférence de presse, de la déclaration des gens de votre milieu m'a heurté. Ça, je ne vous le cacherai pas. Il y a eu une caricature aussi qui, moi, personnellement, m'a un peu blessé. Je pense que les procès d'intention sont souvent les formes les plus exécrables de procès. Mais, moi, j'ai compris des choses là-dedans. Ceux qui oeuvrent dans le domaine de la télévision ne sont quand même pas des imbéciles. Ils savent fort bien que le gouvernement fédéral a des pouvoirs de réglementation et des pouvoirs de législation que le Québec n'a pas et que le rapatriement, tel que préconisé à la fois dans le rapport Arpin et dans le rapport Allaire du Parti libéral, ne signifie pas qu'on peut rapatrier Radio-Québec comme tel. Mais est-ce qu'on a un CRTQ? Ah, ah! Drôle de question!

Alors, moi, je comprenais un peu en filigrane ce que vous ressentiez. Il peut y avoir un rapatriement, mais le rapatriement pourrait être un demi-rapatriement, tout compte fait, puisque, certains pouvoirs demeurant encore au sein du gouvernement fédéral, ça ne vient en définitive que compliquer vos actions et vos demandes à certains niveaux. Moi, je suis conscient que tous les problèmes se règlent au niveau des dédoublements de juridiction, etc., dans la mesure où il n'y a qu'un seul intervenant. Mais ça, nous ne l'aurons qu'avec la nécessaire souveraineté, la souveraineté nécessaire.

Ceci étant dit, est-ce que vous croyez... On parle d'une politique des arts et de la culture. Nous, nous parlons d'une politique des arts, de la culture et des communications. Nous estimons que c'est trop étroitement relié, que ce n'est plus possible de fonctionner avec les structures actuelles, c'est-à-dire, au niveau du Québec, deux ministères. Vous devez aller frapper souvent à deux portes et, après ça, à une troisième. C'est pour ça que tantôt vos collègues parlaient de lunettes à double foyer quand on pourrait avoir des lunettes à foyer progressif. Est-ce que vous croyez qu'on va plutôt aller vers une politique des arts, de la culture et des communications de façon à avoir véritablement une gestion intégrée de ces trois domaines-là qui sont tellement reliés ensemble maintenant?

M. Houx: Oui. Ma réponse va avoir l'air un peu courte, mais je crois que oui, effectivement, tout ce qui se passe actuellement en arts, en culture et en communication est effectivement interrelié, qu'on le veuille ou non, que ça nous plaise ou non. Ça fonctionne comme ça. C'est la réalité et on est très fort sur ça. Il faut être réaliste sur ce qui se passe. C'est un peu pour ça que, quand on parle de fédéral et de provincial, quand le milieu a réagi à ça... Le milieu, en général, est beaucoup plus nationaliste québécois que nationaliste canadien, en général. Sauf que, la, il a placé dans des enveloppes les organismes avec qui les relations vont bien et les organismes avec qui les relations vont mal. Malheureusement, il y avait beaucoup d'organismes avec qui ça allait bien qui étaient fédéraux et beaucoup d'organismes avec qui ça allait mal qui étaient provinciaux. Mais effectivement, si on revient au point de vue d'une politique intégrée arts, culture et communications, je crois que c'est évident.

M. Boulerice: Bien gros de vos appréhensions - et ça, il ne faut pas se le cacher, c'est en fonction du vieux dicton qui dit: Chat échau-dé, là, et vous connaissez le reste - viennent de la SOGIC, où les gens de votre milieu ont eu un traitement... Je vous avoue avoir de la difficulté à trouver l'épithète pour qualifier le traitement auquel vous avez eu droit. Je pourrais donner un exemple. Vous êtes sans doute au courant de ce projet de film qui avait été présenté par le groupe Azinamé, qui relatait toute l'histoire, vous savez, de la construction de la bombe nucléaire qui s'est faite à Montréal, à l'Université de Montréal. La SOGIC les a envoyés, excusez l'expression, comme on dit en bon québécois, péter dans les fleurs. Alors, ils ont réussi à le faire par eux-mêmes et maintenant, voyez-vous, ça a remporté un prix. Et la ministre qui, à l'époque, était titulaire, qui leur avait dit: C'est bien beau, mais on va laisser faire, les a félicités récemment, ce qui est apparu un peu odieux à ce groupe-là. Voilà qu'ils sont sélectionnés pour le festival de Palaiseau, qui est en banlieue sud-ouest de Paris, et qu'ils seront au festival de Tokyo.

Je pense que c'est un des exemples on ne peut plus éloquents du traitement qui est réservé aux gens du milieu du cinéma et de la télévision à la SOGIC. Mais, malgré les moult récriminations qui ont été faites, rien n'a encore été fait. Donc, ça ne vous incite pas, vous, à regarder un projet de politique au moment où on vous dit qu'il y a encore, dans le décor, un organisme qui va fonctionner comme il fonctionne actuellement, et vous réclamez un fonctionnement démocratique.

M. Houx: En fait, c'est ça. J'irais avec un exemple beaucoup plus précis au niveau du fonctionnement de la SOGIC qui a refusé de financer le film "Nelligan" en disant que ce n'était pas un sujet pertinent au Québec. On se posera la question de la façon dont on veut. Pour ce qui est... J'ai perdu le fil quant à l'autre chose que je voulais dire. An oui!

Pour ce qui est de la politique des arts et de la culture, l'impression qu'on en a un peu, c'est que, depuis sans doute 30 ans d'existence du ministère, II se dépose des rapports, il se dépose des projets venant du milieu, et tout ça et, à chaque fois, le gouvernement nous revient en disant: Bon, d'accord, on sait ce qu'on va faire. On vous propose, en rappel à tout ça, telle chose. On dit: Ce n'est pas tout à fait ce qu'on avait demandé, mais, bon, on va essayer ça, et ça ne fonctionne pas à notre goût. On revient sur d'autres rapports, d'autres mémoires, et tout ça et le gouvernement nous rappelle: O.K., on sait ce qu'on va faire. On va le faire de cette façon. Ce n'est pas encore efficace et tel qu'on te voudrait. On revient comme ça, on joue à cette chaise-là depuis des années et c'est pour ça que le milieu, à un moment donné, se lève et dit: Écoutez là, ça fait des années qu'on dépose des rapports et qu'on dit la même chose à chaque année, mais ça ne se retrouve jamais là et ça ne fonctionne jamais comme on pense que ça devrait fonctionner. Nous, de notre côté, on fait fonctionner l'industrie, on la structure, on la rend efficace, et tout ça et on se retrouve à être plus bloqués qu'aidés, dans certains cas, par le gouvernement.

M. Boulerice: La situation de vos gens face à la commission de reconnaissance du statut de l'artiste semble être très problématique. Moi, j'avais suggéré, comme mandat d'initiative à cette commission, que l'on regarde cette loi, puisque c'était du droit nouveau, mais qu'il fallait peut-être voir où on en était. Mais, dans votre cas, il semble qu'on ne se soit pas rendu aux espérances.

M. Houx: On a eu plusieurs problèmes. Les intentions de la loi sont très bonnes, ça, aucun problème de ce côté-là. Ça s'est d'ailleurs parlé beaucoup samedi dernier. Il y avait une conférence du groupe ALAI sur le statut de l'artiste à laquelle j'ai assisté et le STCVQ a beaucoup servi d'exemple parce qu'à un moment donné, quand notre cas est passé, il a fallu déterminer qui était artiste et qui ne l'était pas, ce qui a été extrêmement complexe. Ce qui a fait qu'on s'est retrouvé avec une loi qui nous donne une reconnaissance officielle comme organisation regroupant des artistes, qui nous donne le pouvoir de négocier avec des producteurs, mais non pas d'obliger d'arriver à une entente. On peut négocier tant que les deux côtés négocient de bonne foi. Ça peut durer le temps que ça peut durer et ça peut durer des années. Il n'y a aucun mécanisme coercittf pour obliger d'arriver à certaines ententes, sauf si, d'un côté ou de l'autre, il y a négociation de mauvaise foi.

Pour ce qui est du statut fiscal que ça donne aux artistes de pouvoir être des travailleurs autonomes, c'est un statut qui existe déjà et, d'ailleurs, ça a amené certaines facilités. Mais le fait de ne choisir que 16 postes d'artiste chez nous, sur les 56 métiers qui existent, a fait que c'est devenu un argument pour les producteurs avec qui nous négocions, qui, avant, ne se posaient même pas la question à savoir s'ils négociaient pour tout le monde en même temps. À partir du moment où on a été reconnus seulement pour 16 postes, ils ont dit: Bien, maintenant, on veut rien que vous parier pour 16 de vos postes; les autres, ils n'existent pas. Bon, bien sûr, à cause de la solidarité du milieu, ça n'a jamais causé trop de problèmes, mais l'argument revient à chaque fois; un argument qui n'existait pas avant. Ça ne nous a apporté rien de concret.

Mme Hamelin: Puis c'est terrible pour un syndicat d'être quand même divisé. On ne divise pas un syndicat. Ça divise un syndicat. Ça veut dire les artistes et les non-artistes. C'est aberrant.

M. Houx: Mme Hamelin est une artiste et je n'en suis pas un. Même si j'avais parlé de la qualité de la lumière, ici, la dernière fois que je suis venu, aujourd'hui, je ne peux évidemment pas le faire. Mais, par exemple, c'est ça, je veux dire... Je pense que, à part la différence qu'elle soit une femme et moi un homme, il n'y a pas de différence dans nos métiers en tant que tels.

M. Boulerice: D'accord. Mme Hamelin...

Le Président (M. Doyon): Alors, quelques mots de remerciement, M. le député.

M. Boulerice: Oui. Mme Hamelin et M. Houx, je vous remercie de votre participation. Au-delà du contenu de votre mémoire, où il y a effectivement des éléments fort intéressants, je pense que votre présence aura aussi permis de dissiper un malentendu et, pour emprunter à un film célèbre, une méprise qui, normalement, ne devrait pas avoir lieu pour ce qui est des gens du cinéma et de la télévision versus une loi des arts, de la culture ou, ce que, moi, je souhaite, arts, culture et communications.

Donc, merci pour votre présence. On a déjà vu votre Syndicat pour la loi sur le statut de l'artiste, la Loi sur le cinéma. Maintenant, nous voici avec ce projet de politique, mais j'espère que, si vous devez revenir une quatrième fois, cette fois-ci, ce sera dans une condition où on aura répondu à vos demandes comme telles. Je le souhaite ardemment. Merci et bon retour

sur la rue Papineau.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

M. Houx: De notre côté, que vous n'ayez pas encore des problèmes avec votre chaise, puisque vous en aviez déjà la dernière fois où je suis venu.

M. Boulerlce: Vous voyez, le temps passe, mais ce n'est pas vrai que les choses changent.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: C'est à mon tour de vous remercier, d'une part. Deuxièmement, effectivement, je pense que je joins ma voix à celle de mon collègue dans un sens où, vous savez, tous les deux, ainsi que les membres de la commission, on travaille fort pour qu'il y ait une politique des arts et de la culture. C'est la première fois, d'ailleurs, que tous les milieux, l'éducation, le socioculturel, tout le monde - ce n'est pas que notre milieu mais le milieu en général - vient et participe aussi. On espère vraiment continuer en ce sens.

Pour vous dire aussi qu'effectivement on est conscients qu'il y a certains problèmes. Vous êtes venus pour la loi sur le statut de l'artiste. Il y a des irritants, on va les regarder, mais elle est là et c'est la première au monde. La Loi sur le cinéma, que nous avons votée tous les deux unanimement, elle est là aussi. Alors, on va essayer que tout soit parfait, mais, en attendant, je pense que ce qui est important aussi, c'est de bouger et de faire avancer les choses. Alors, merci encore de votre participation.

Le Président (M. Doyon): Au nom des membres de la commission, je remercie M. Houx et Mme Hamelin d'avoir pris la peine de venir nous rencontrer. Alors, simplement pour vous donner le temps de vous retirer de la table, je suspends les travaux pour à peine une minute.

(Suspension de la séance à 17 h 1 )

(Reprise à 17 h 2)

Le Président (M. Doyon): La commission reprend ses travaux. Nous allons maintenant entendre la Société des auteurs et compositeurs dramatiques. Je les invite à bien vouloir s'avancer à la table ici, devant moi.

C'est un plaisir d'avoir M. Marcel Beaulieu et Mme Elisabeth Schlittler avec nous. Je leur souhaite la bienvenue. Je les invite tout simplement à se conformer aux règles qu'ils connaissent parce qu'ils sont ici depuis un certain temps. Donc, 10 à 15 minutes pour votre présentation, ensuite, la discussion va commencer avec les membres de cette commission.

Vous avez la parole.

Société des auteurs et compositeurs dramatiques

Mme Schlittler (Elisabeth): Alors, M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs, permettez-nous tout d'abord de vous remercier de votre invitation à nous faire entendre, comme nous en avions manifesté le souhait.

Comme nous l'avons écrit dans notre mémoire, il nous apparaît important de pouvoir expliquer la nature des activités de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, qui est une société de gestion collective de droits d'auteurs, oeuvrant principalement dans les domaines de la télévision, du cinéma, de la radio et des arts de la scène.

Après avoir pris connaissance de la proposition de politique de la culture et des arts, à laquelle nous sommes dans l'ensemble favorables, nous nous interrogeons tout particulièrement sur la signification de la recommandation 36d qui suggère la mise sur pied d'une infrastructure complète de perception et de répartition et pour établir les relations qui s'imposent avec les interlocuteurs étrangers pour la perception des droits à l'échelle internationale.

Est-ce que cette recommandation signifie qu'il faut créer de nouvelles sociétés de gestion qui effectueront de la perception et de la répartition? Est-ce qu'elle suggère la création d'une société de gestion unique? Dans la première hypothèse, nous estimons que les sociétés de gestion actuellement en place couvrent les domaines importants, à savoir les droits musicaux, les droits de reproduction et les droits de représentations scéniques et audiovisuelles.

Dans la seconde hypothèse, soit la création d'une société de gestion unique, nous estimons que cette recommandation irait à rencontre de la pratique internationale et ne servirait pas la cause des auteurs, vu les principes de gestion particuliers appliqués aux différents secteurs. Par ailleurs, comme nous l'avons déjà mentionné dans notre mémoire, il faut à tout prix éviter de répéter l'expérience malheureuse d'il y a quelques années, qui n'a contribué d'aucune façon à faire progresser le droit d'auteur.

Durant les premières années du siècle, la SACD percevait au Québec exclusivement les droits dus par les théâtres aux auteurs francophones européens. Puis, avec l'avènement de la télévision, des conventions ont été conclues avec les télédiffuseurs québécois pour percevoir la rémunération due aux auteurs francophones européens d'ouvrages audiovisuels, radiophoniques ou scéniques adaptés à ces modes d'exploitation. À la suite du rayonnement des oeuvres québécoises sur la scène européenne, les auteurs québécois ont exprimé le souhait d'être représentés par une société francophone internationale.

Depuis, plus de 350 auteurs québécois ont adhéré à la SACD et, de ce fait, profitent de son intervention aussi bien auprès des sociétés de télévision québécoises qu'européennes. Il en va de même pour les auteurs d'oeuvres scéniques qui sont assurés d'être rémunérés pour la représentation de leurs oeuvres à l'étranger, par notre intermédiaire ou celui de sociétés soeurs, comme la SGAE en Espagne, la VAP en URSS, et la SBAT au Brésil.

Une oeuvre née de l'imagination et de l'expérience d'un auteur est un élément essentiel de la culture vivante. Elle n'est pas un produit et ne peut être assimilée à un simple service. Par son système de gestion collective, la SACD assure aux auteurs d'être liés à la durée de vie économique de leurs oeuvres. Son répertoire se compose d'oeuvres scéniques, de pièces, de ballets, d'opéras, d'opérettes, de revues, de comédies musicales, de mimes, de sketches et d'oeuvres audiovisuelles qui sont constituées de téléfilms, de séries, de feuilletons, de dessins animés, de longs métrages et également d'oeuvres radiophoniques.

Si l'auteur peut négocier seul ou avec l'aide de la SACD face aux directeurs de théâtre et de tournée, II n'en est pas de même dans le secteur de l'audiovisuel, car il se trouve confronté à des organismes publics ou privés, sociétés de télévision, de radiodiffusion, avec lesquels il lui est impossible d'avoir un dialogue équilibré et face auxquels la gestion collective du droit d'auteur est indispensable dans l'intérêt des deux parties.

À ce jour, la SACD a conclu des ententes avec Radio-Canada, Radio-Québec, Télé-Métropole, Télévision Quatre Saisons et, en Europe, avec plus de 25 sociétés de télévision européennes, sur la base de forfaits annuels répartis entre les auteurs, oeuvre par oeuvre, selon l'utilisation de leur répertoire par les diffuseurs.

Pour les pays où la SACD n'a pas conclu d'entente, le producteur est responsable de la rémunération due aux auteurs, aux conditions établies par le contrat qui a été signé. En ce qui a trait aux contrats intervenant entre un auteur et un producteur, il est essentiel de préciser que l'auteur n'a pas à céder, selon la formule consacrée, tous ses droits d'auteur. Afin d'être en mesure d'exploiter une oeuvre audiovisuelle, le producteur ne doit obtenir de l'auteur que l'autorisation de produire et d'exploiter ladite oeuvre aux conditions financières déterminées par ledit contrat et, bien sûr, en respectant le droit moral de l'auteur.

Au-delà des droits de diffusion télévisuelle et scénique, des droits sont perçus en Europe et sont également répartis au titre de la copie privée aux auteurs québécois. Ces droits sont perçus auprès des fabricants et des importateurs de cassettes et nous souhaitons vivement que l'on instaure cette perception chez nous afin que les auteurs bénéficient de cette rémunération qui leur est due.

Dans le domaine théâtral, l'auteur décide de l'opportunité de la représentation. L'auteur seul peut autoriser ou interdire toute exploitation de son oeuvre. La SACD ne fait que négocier des conditions de perception avec les utilisateurs. Elle établit, après avoir obtenu l'accord de l'auteur, un contrat de représentation qui définit l'ensemble des conditions et des garanties applicables à l'exploitation. Elle perçoit ensuite les droits dus. Il s'agit généralement d'un pourcentage sur les entrées aux guichets. Les auteurs reçoivent l'intégralité des sommes perçues sous la seule déduction d'une retenue destinée à couvrir les frais d'administration de la SACD.

En terminant, nous tenons à préciser que la SACD québécoise n'est ni un syndicat, ni une entreprise commerciale, ni une société subventionnée par des fonds publics, mais bien une société qui a été chargée par ses membres, auteurs, scénaristes, compositeurs, réalisateurs, chorégraphes, metteurs en scène d'oeuvres à caractère dramatique, de percevoir et de répartir leurs droits.

Nous souhaitons que ces quelques informations auront pu préciser la nature de nos activités et vous convaincre de la nécessité de consulter une société de gestion collective comme la nôtre lorsque le ministère des Affaires culturelles entreprend des études qui touchent les auteurs que nous représentons.

M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs, nous vous remercions de l'attention que vous avez bien voulu nous accorder.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Schlittler. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup et merci beaucoup aussi, Mme Schlittler, de votre offre de collaboration. J'aimerais qu'on parte justement du point principal de votre mémoire, c'est-à-dire la recommandation 36d du rapport Arpin et cette mise sur pied qui a été proposée d'une infrastructure complète de perception et de répartition.

On a beaucoup parlé du droit d'auteur. Il y a eu évidemment la SPACQ et d'autres groupes qui aussi représentent et qui sont des experts en droits d'auteur. C'est évidemment très, très vivant comme discussion. Le droit d'auteur et la loi sur le droit d'auteur étant fédérales aussi, notre intervention en est une, finalement, de pression, si on veut, de conscientisation, de vigilance, mais la loi demeure, au moment où on se parle, fédérale.

Maintenant, il y a certains intervenants qui ont recommandé dans leur mémoire que le Québec se dote lui-même d'une véritable loi sur le droit d'auteur, beaucoup plus qu'une loi sur le copyright. Maintenant, évidemment, leur argumentation repose, finalement, sur le fait qu'une loi sur le droit d'auteur est beaucoup plus

conforme à notre tradition juridique que celle du copyright. Donc, quelle différence fondamentale, pour vous qui le vivez, faites-vous entre les deux types de législation et qu'est-ce que vous pensez aussi d'une telle recommandation, c'est-à-dire d'aller plus vers l'esprit de la loi ou, enfin, l'esprit d'une loi qui serait une loi sur le droit d'auteur versus celle qu'on a présentement, c'est-à-dire celle du copyright?

M. Beaulieu (Marcel): Permettez-moi de répondre. En fait et forcément, en tant qu'auteur, je vais vous dire: II faut privilégier une loi sur le droit d'auteur, c'est-à-dire donner les outils nécessaires pour que les auteurs, les créateurs soient liés à l'exploitation de leur oeuvre. Mais ceci est à la base, c'est-à-dire que le possesseur des droits, par la loi du droit d'auteur, est l'auteur, alors que le copyright, c'est l'exploitant, en fait, entre guillemets, qui, somme toute, est possesseur des droits d'exploitation, ce qui est une nuance, mais une nuance capitale, c'est-à-dire que c'est à nous, à la base, auteurs, de pouvoir justement, au niveau contractuel, au niveau entente, soit avec les producteurs en cinéma, soit avec les télédiffuseurs dans certains cas, enfin avec ceux avec qui nous devons composer, nous devons nous entendre... Il est capital que nous ayons à la base les droits nécessaires pour justement établir une forme de rémunération cohérente et non pas aléatoire. Parce qu'il faut faire attention. Qu'il y ait une loi du copyright, je crois qu'elle doit découler de la loi du droit d'auteur, il est évident. Mais il faudrait qu'avant cette loi-là il y ait la bonne base, la base essentielle, c'est-à-dire un droit d'auteur appartenant à l'auteur, et qu'il puisse gérer forcément, par l'entremise de ces associations, et par l'entremise de sociétés de gestion, son droit, mais un droit qu'il doit posséder à la base et non pas seulement un droit dit moral, mats bien un droit dit juridique.

Mme Frulla-Hébert: Oui.

M. Beaulieu: Qu'il puisse dire: Voici, je cède ceci en compensation de ceci. En fait, on ne cède jamais. Ce sont des licences qui sont accordées, etc., par la loi du droit d'auteur, par la notion d'auteur et non pas l'inverse, alors que le copyright, c'est une fois le produit, en fait... et forcément c'est la continuité.

Mme Frulla-Hébert: En fait, ce que vous dites, d'une part, c'est, bon - on se comprend bien, là - que le créateur a les droits et le producteur versus... Présentement, le créateur cède ses droits au producteur et c'est le producteur qui l'exploite.

M. Beaulieu: Oui. En fait...

Mme Frulla-Hébert: C'est simplifié, là.

M. Beaulieu: Oui, c'est simplifié, mais oui, ça revient un peu à ça. En fait, on dit: Voici. Le créateur, l'auteur qui conçoit l'oeuvre a les droits, mais, forcément, qu'est-ce qu'on fait d'une oeuvre, par exemple d'un scénario? Moi, j'écris des scénarios. Alors, qu'est-ce que je fais avec un scénario? Je le mets dans mon tiroir, ça n'existe pas? Non merci. Alors, j'ai besoin qu'il y ait production. Forcément. J'ai besoin qu'il y ait exploitation de cette oeuvre-là pour en tirer aussi les profits non seulement artistiques, mais pécuniaires.

Donc - et c'est là qu'est l'entente - on disait: Voici. Alors, j'ai les droits de ceci. J'ai créé ceci et je vous accorde, nous vous accordons les droits nécessaires dans les champs d'exploitation que vous avez, etc. Mais, au départ, c'est à la personne, je dirais c'est votre enfant. Alors, est-ce que vous laissez aux autres le soin de décider ce que votre enfant va devenir? Non. C'est impossible. Alors, c'est pour ça que le droit d'auteur, en fart, c'est le droit de naissance, c'est tout simplement ça. C'est le lien que nous possédons avec notre oeuvre au départ et, ensuite, c'est une question de gérance commune.

Mme Frulla-Hébert: On a beaucoup discuté aussi de la copie privée. Dans votre mémoire, vous disiez, de toute façon, vous affirmiez que votre Société s'occupe de répartir les droits au titre de la copie privée. Je veux savoir: Est-ce qu'elle perçoit la redevance pour les oeuvres audiovisuelles québécoises en France et dans les pays qui reconnaissent finalement aussi les droits de la copie privée? Parce qu'il y a deux discussions, dans un sens où, bon, il y a toute la question de la copie privée où nous allons travailler avec la SPACQ aussitôt que la commission sera terminée, là, pour voir vraiment ce qu'on peut faire. Ça, c'est une chose. Deuxièmement, vous, votre Société, est-ce qu'elle les perçoit aussi, ces redevances-là, mais à travers...

Mme Schlittler: Bien, la Société, effectivement, fait de la perception de copie privée, mais par l'intermédiaire d'une société qui s'appelle Copie France, pour ce qui est des droits à provenir de la copie privée, qui fait finalement la répartition entre toutes les sociétés qui sont membres de cet organisme qui s'appelle Copie France. Alors, la SACQ touche effectivement des droits au titre de la copie privée, qu'elle répartit ensuite aux auteurs québécois qui sont concernés par ces droits-là. Mais disons que la SACD, dans ce domaine-là, est un intermédiaire, parce qu'ils ont créé Copie France qui s'occupe de cette perception et de cette répartition entre tous les collèges d'auteurs et les collèges de producteurs concernés. Alors, on est un intermédiaire. Mais on fait de la répartition pour nos auteurs québécois, effectivement. (17 h 15)

Mme Frulla-Hébert: Ah bon! D'accord. Je vous disais tantôt que nous avons reçu plusieurs groupes, autant l'ADISQ que la SPACQ, l'UNEQ, l'UDA, donc ce sont tous, justement, des auteurs, des créateurs qui y sont représentés, qui, finalement, trouvent inéquitable toute la question, la loi telle qu'elle est présentement pour eux. Deuxièmement, il y a toute la question des droits voisins que le fédéral essaie de... Enfin, a entrouvert une porte, mais, là, il s'agit aussi de les suivre de près.

Ensuite, encore là, comme je disais, la copie privée... Est-ce que vous pensez qu'il est possible, pour toutes ces diverses associations, d'arrimer leurs actions dans ce secteur, finalement, d'arrimer leurs besoins pour n'en faire qu'un bloc et, si oui, de quelle façon pourraient-elles y arriver?

M. Beaulieu: Oh, la question est large! En fait, je crois qu'il y a des besoins spécifiques pour chaque domaine de création. En fait, que l'on parle de l'audiovisuel, du cinéma, entre autres... en en parlant, le cinéma, les salles, il n'y a aucune billetterie, il n'y a rien. Alors, un exemple: Est-ce qu'une société devant percevoir, je dirais, gérer des droits voisins, des grands droits, des droits avec des distributeurs, des tenants de salles, etc., des télédiffuseurs...

Vous savez, c'est un problème, on le sait, tout le monde le sait, excessivement complexe, les droits et les redevances, entre autres, et tout. Qu'une seule société le fasse, ce serait une société qui engagerait beaucoup de gens, qui aurait sûrement beaucoup de problèmes à l'intérieur. Parce qu'on en discute souvent. Même nous, on se retrouve, certains membres, à la SACD... Vous savez, il y a différents types de créateurs et ces créateurs-là, plusieurs se retrouvent dans les mêmes sociétés, et on diverge souvent d'opinion, pour la simple et bonne raison que le parolier d'une chanson, l'auteur d'un livret, l'auteur d'un téléfilm ou même la personne qui réalise... en passant, elle n'a pas de droits d'auteur, elle n'est pas reconnue.

Alors, tout ça fait qu'on se retrouve finalement avec... On aurait une société qui aurait beaucoup de têtes. Ça, c'est peut-être le danger ultime de tout vouloir regrouper. Enfin, moi, ça m'apparaît très dangereux personnellement et, pour avoir fait partie de la SARDEC, être encore membre de la SARDEC, de différents organismes, c'est excessivement dangereux parce qu'il y a des organismes qui sont de type syndical, d'autres des sociétés de perception, de gestion, et tout, alors...

Mme Frulla-Hébert: C'est difficile de concilier.

M Beaulieu: Mais, moi, je vous dirais... Je ne crois pas qu'on ait à dire oui ou non, mais il faut être...

Mme Frulla-Hébert: Prudent.

M. Beaulieu: ...excessivement prudent face à ça et analyser ça par deux fois.

Le Président (M. Doyon): Merci. Mme Frulla-Hébert : Parfait. Merci.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, Mme Schlittler, M. Beaulieu, je regardais la liste de votre comité d'auteurs. L'occasion est fort belle, je ne saurais la rater. Je vous prierais de transmettre vraiment mes félicitations les plus enthousiastes à Mme Laberge puisque, dimanche soir, je suis allé voir "Le Fourgon". Je pense que c'est un moment très fort de l'écriture théâtrale au Québec. C'est vraiment extraordinaire, merveilleux.

M. Beaulieu: Ça nous fera plaisir de lui dire.

M. Boulerice: Oui. En plus, c'était à l'intérieur d'une soirée-bénéfice pour un organisme de ma circonscription en vertu de la fondation Jean-Claude Malépart, donc un collègue qui a laissé sa marque dans mon quartier. Donc, les artistes au service de grandes causes, sauf qu'il faudrait peut-être épouser la leur une bonne fois. Ceci étant dit, je vais vous poser deux questions. Il y en a une que vous allez peut-être trouver un peu rude, mais, en tout cas, j'aurais aimé connaître votre opinion. Mais ça, c'est la deuxième.

La première. Oui, des groupes l'ont dit, ma collègue, Mme la ministre, vient d'en faire allusion aussi, certains nous ont recommandé effectivement de se doter, au Québec, d'une loi s'apparentant au droit voisin en fonction des grandes conventions internationales qui existent, mais quelle serait la valeur d'une telle politique au Quebec, compte tenu que c'est de juridiction fédérale et que, si le fédéral ne bouge pas... Je vais être très franc avec vous, là. Ils n'ont pas bougé depuis 1924.

M. Beaulieu: On s'en aperçoit.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Alors... Pardon?

M. Beaulieu: J'ai dit: On s'en aperçoit.

M. Boulerice: Vous vous en apercevez. Alors, vous savez, il y a une masse d'inertie, là, j'ai bien peur, qui va être très lourde à soulever. Je vous avoue que je serais tenté, mais je me

dis: Est-ce que c'est un exercice pour un exercice? Je vais être malheureux si j'en vote une puis que ça n'a pas d'effet. À moins que l'on puisse obtenir de l'ensemble des intervenants sur notre territoire une espèce de lien moral où ils s'engageraient solennellement, et même, comme je le dis à la blague, en signant avec leur sang, à la respecter même si elle n'a pas de force constitutionnelle. Mais là, hein, l'utopie est un pays loin.

M. Beaulieu: Premièrement, c'est malheureux, je ne suis pas juriste.

M. Boulerice: C'est peut-être heureux.

M. Beaulieu: Ha, ha, ha! Enfin! Évidemment, c'est un peu ce que l'on disait tantôt. On en revient à oui, rapatrier la culture, les mécanismes servant à promouvoir la culture, mais, juridiquement aussi, nous avons besoin... Dans cet esprit-là, je crois que tout gouvernement... et là je ne veux pas faire de politique, mais ce que je veux dire, c'est que, si vous voulez rapatrier les conséquences, les causes, il faudrait peut-être commencer par avoir possession, justement, des outils nécessaires à la base. On en parle pour en parler. On a dit que c'était un débat assez libre. Je n'engage personne là-dedans, surtout pas aucune société. Je parle en tant qu'artiste, c'est tout. Mais pour avoir travaillé, potassé longtemps au niveau des droits, autant voisins, au niveau des droits d'auteurs, des grands droits, et tout, c'est évident que, pour l'instant, c'est purement théorique de la part du ministère des Affaires culturelles du Québec d'imaginer de pouvoir aider les artistes à ce niveau-là, pour l'instant du moins.

M. Boulerice: Oui et... Je m'excuse. Est-ce que vous vouliez ajouter quelque chose, là, Mme Schlittler? Non? O.K. Mais, M. Beaulieu, bon, sans vouloir vous faire dire ce que soit vous ne voulez pas dire ou bien, donc, vous n'avez pas le mandat de dire dans le cadre de cette présentation, est-ce que c'est quand même votre sentiment, même si la loi n'est pas là actuellement, au niveau du ministère des Affaires culturelles du Québec, que le Québec, son ministère, sa population, ses traditions, etc., est beaucoup plus sensible à cette notion que peut l'être le gouvernement fédéral, qui est un gouvernement largement, majoritairement anglais, donc notion du copyright, et que, si on avait tous les pouvoirs - écoutez, pour employer une expression américaine: "Odds against tomorrow" - il y aurait plus de chances qu'au Québec on vote une loi comme celle-là rapidement?

M. Beaulieu: Oui, traditionnellement, forcément. Parce qu'on se souvient très bien que, comme les Américains ont voté pour le "Labor Act", c'est-à-dire le travail rémunéré à la pièce et des droits de suite, c'est-à-dire un pourcentage x négocié à la tête du client, à sa réputation, et tout... Ça, c'est une chose. Alors qu'ici, traditionnellement, du côté latin... D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que la SACD est une société française à la base, francophone, qui a rayonné à travers toute la francophonie et non seulement la francophonie, l'Europe en général, mais même la déborde, et pour une raison: c'est que la notion du droit d'auteur n'est pas saxonne, mais beaucoup plus latine, c'est-à-dire c'est...

Oui, pour répondre à la question, je dirais que oui, nous sommes plus sensibles, forcément, je crois, ici. Parce que je sais qu'il y a eu des débats, il y a plusieurs mois, au Sénat, et tout, et c'était très compliqué parce qu'on voulait favoriser l'accès, sans restriction du droit d'auteur, à tous les consommateurs culturels, dû à une pensée traditionnelle saxonne, c'est-à-dire du copyright. Nous, évidemment, on a sauté ça de haut, je peux vous le dire tout de suite. Ça a été horrible parce que... En fait, on s'est dit: Oui, mais à ce compte-là, on peut déposséder n'importe qui de n'importe quoi. Ce n'est pas grave, on va te payer, de toute façon. Ne t'inquiète pas pour la somme, ça ne te regarde pas, mais on va te payer.

Mais ça va au-delà de ça. Il y a aussi un droit moral. Et ça, dans la notion du droit d'auteur, ce qui est défendu par les sociétés de gestion, et tout, c'est aussi ce fameux droit moral qui n'est pas un droit pour empêcher les gens de l'exploiter. Au contraire, je l'ai dit tantôt, tout ce qu'on veut, c'est qu'on exploite nos oeuvres intelligemment, mais aussi on veut être partie prenante de cette exploitation-là, forcément, parce que nous l'entraînons à la base, nous la provoquons, règle générale, je dirais dans 99,9 % des cas. Alors, le copyright est forcément une notion qui n'est pas inintéressante non plus, mais dangereuse si elle est appliquée comme étant une loi du droit d'auteur. Et ça, c'est excessivement dangereux pour nous.

M. Boulerice: La prochaine question, que j'ai le goût de mettre entre guillemets, est bebête. C'est pour m'aider à comprendre puis je vous avoue que j'ai eu un certain blocage. Très à tort, certains croient que je suis un grand collectionneur. Rassurez-vous, c'est faux. La collection Lavalin n'est pas chez moi; je n'ai pas ces moyens-là. C'est malheureux, je suis le premier à le regretter, mais disons que j'ai quelques pièces assez intéressantes. J'ai fait l'acquisition récemment d'une pièce. J'accepte bien, effectivement, que... Je n'ai quand même pas altéré cette pièce, ça va de soi. Je n'ai quand même pas changé le pastel, etc. Je vous avoue que j'étais très tenté de la faire photographier et peut-être d'en faire une carte de voeux personnalisée. J'accepte qu'il y ait quand même des choses à payer, ça va de soi. tyais à partir

de cette notion de droit de propriété et de droit voisin, etc., l'auteur voulait aller jusqu'à me faire signer un papier disant que, bon, alors, je l'avais payée tel montant, dans x années, elle vaudra peut-être tant et que, si je devais la vendre, moi, ou que mes héritiers devaient la vendre - mais, entre parenthèses, par testament, ils ne peuvent pas la vendre à l'extérieur du Québec, ha, ha! sinon ça s'en va dans les musées nationaux - nous devrions partager - enfin, moi ou mes ayants droit - le montant de la plus-value entre mes héritiers et les héritiers de l'auteur. Je vous avoue que je suis tombé à la renverse. Je me disais: J'ai le goût d'agir dans ce domaine-là, mais est-ce qu'on ne va pas un peu à l'excès? (17 h 30)

M. Beaulieu: Bien, écoutez, je ne sais pas. Oui, c'est effectivement... Je vous écoute parler depuis tantôt. Les questions que vous posez... Je pense que, quand vous parlez du copyright... Écoutez, je pense qu'une loi ne va pas sans l'autre - ça, c'est personnel - mais que ça prend la première. Sauter tout de suite à la deuxième, ça m'apparaît étonnant; c'est se priver de la première et c'est se priver beaucoup. Parce que, avec tous les modes de reproduction d'aujourd'hui, les modes de diffusion et les modes de retransmission, on a forcément besoin aussi d'une loi, d'une législation qui nous permette, justement, d'aller contrôler ces formes nouvelles et à venir. Dans tous les contrats, d'ailleurs, qu'on nous fait signer, on nous parle toujours de formes nouvelles et à venir. On ne sait pas trop de quoi ils parlent, mais ce n'est pas trop grave, qu'importe.

Pour en revenir à votre question M. le député, il y a une chose qui... Moi, je vis avec une sculpteure présentement. Savez-vous combien elle gagne par année? J'aime autant ne pas vous le dire; tout le monde ici serait gêné. Heureusement qu'il y a un autre artiste qui arrive à en faire un peu plus, parce que ce serait terrible. Ce n'est pas une question d'exploitation, mais s'il y a une plus-value... Quand je regarde les auteurs, traditionnellement, on a accepté que ceux qui prennent la plume, ils aient droit, après leur mort et pendant 50 ans... Il y a les ayants droit, et la succession, et tout ça. Pourquoi quelqu'un ferait-il une peinture ou une sculpture, . qui est forcément considérée comme une oeuvre unique, elle prend une plus-value, etc., et en serait forcément dissocié? Pourquoi tout artiste en arts visuels devrait-il attendre sa retraite pour profiter un peu de son travail? Je ne le sais pas. Je n'en ai aucune idée. Subséquemment, pourquoi pas après? Mais tout ça, je le sais, n'est pas dans nos moeurs, dans nos habitudes. C'est sûr que ça nous contraint toujours un peu, et c'est pour ça que ça nous prendrait une loi équitable qui permette, justement, d'éviter ces vides-tà, que ça devienne du personne à personne.

Je vais vous dire que ce ne sont pas tous les créateurs qui sont brillants et qui sont cohérents face à l'exploitation de leurs oeuvres. J'en ai vu donner leur travail et j'en ai vu d'autres demander des fortunes alors que ça ne valait rien. Mais ça, c'est un jugement que je porte. Mais, au-delà du jugement, il y a des inégalités incroyables parce que c'est à l'avenant. C'est selon le pouvoir de négociation de chacun. Effectivement, vous pouvez acquérir une toile ou une sculpture et l'artiste, pour des raisons x, peut décider personnellement d'établir un contrat avec vous, qui aura foi de loi, et d'y mettre des clauses aberrantes au moment où vous voulez tellement l'oeuvre que vous allez signer, absolument. Alors, forcément, oui, vous pouvez être-Sauf que, si on avait l'éthique et une loi précise, bien ordonnée et bien construite, je crois que ces problèmes-là ne se poseraient plus. Ils seraient de l'ordre, presque, de la pensée collective, ce qui n'est pas le cas pour l'instant, évidemment. Ça nous apparaît aberrant de devoir payer un supplément à un artiste, soit un peintre, soit un sculpteur, oui. Mais je crois que, dans l'avenir, il faudra peut-être y penser.

Le Président (M. Doyon): Dernière question, M. le député.

M. Boulerice: Brièvement, M. le Président. L'absence d'une billetterie informatisée chez nous, ça fait longtemps qu'on en parle, hein?

M. Beaulieu: Ça fait longtemps qu'on la souhaite. Vous savez, une société de perception ne peut percevoir que si elle a la possibilité de percevoir. Quand on pense au cinéma où les gouvernements mettent des sommes énormes! Je ne ferai pas le débat de la SOGIQ et de Téléfilm Canada, même si j'ai déjà travaillé pour la Société générale, à l'époque, du cinéma . québécois. D'ailleurs, c'est un faux débat, à mon avis. Bref, la billetterie, oui, on en a besoin. Comment les gouvernements peuvent-ils mettre autant d'argent et laisser couler autant d'argent - j'appelle ça laisser couler de l'argent - à des exploitants X, qui sont parfois, vous savez... Je pense à certains exemples de films qui ont été des succès extraordinaires - pour ne pas les nommer, "Le déclin de l'empire américain" et d'autres films - et il doit presque y avoir des batailles pour aller retirer un peu d'argent de la part de ces créateurs-là. Je trouve ça inadmissible. C'est justement parce qu'il n'y a pas de billetterie, justement parce que l'exploitation de ces oeuvres-là, ce n'est qu'un marchandage, et un marchandage où, forcément, le créateur est la dernière personne qui y a droit, parce qu'il y a tellement d'intervenants. Comment aller négocier? Est-ce qu'un réalisateur ou un scénariste va aller négocier ses droits avec un exploitant de salles - c'est impossible - en disant: II y a eu combien d'entrées? Il ne se mettra pas à la

porte de tous les cinémas pour vérifier combien il y a eu d'entrées. Donc, dans ce sens-là, oui, on a besoin d'une billetterie, on a besoin d'un système de contrôle, tout simplement.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Beau-lieu.

M. Beaulieu: Je vous en prie.

M. Boulerice: Mme Schlittler, merci. Je vous remercie, d'ailleurs, pour la documentation que vous avez eu la gentillesse de m'adresser. M. Beaulieu, vous nous avez indiqué, avec votre collègue, que c'était un vaste chantier, sauf que ce n'était pas une raison de se mettre en branle immédiatement. Et vous avez tendu la perche; votre conjointe est sculpteure, donc on se reparlera sans doute.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: C'est à mon tour de vous remercier, M. Beaulieu, Mme Schlittler. On se parle, et vous avez raison en disant que c'est extrêmement complexe, tout ce dossier-là. On va essayer d'y voir clair, malgré qu'effectivement il y ait deux juridictions, donc ça complique. Et il semblerait... et c'est ce que j'ai de la difficulté à comprendre; on va aller fouiller après la commission. C'est que je ne comprends pas pourquoi, d'une certaine façon, malgré les normes internationales, etc., les auteurs canadiens aussi - un auteur est un auteur et a besoin de vivre - ne demandent pas la même chose. Ou s'ils le font, ils ne le font peut-être pas de façon aussi claire que nous, encore une fois. Alors, on va essayer, finalement, de regarder, mais de regarder tout ça dans son ensemble. Alors, merci d'avoir été ici.

M. Beaulieu: Nous vous remercions aussi, et bonne chance. C'est un travail énorme que vous avez entrepris et qui vous attend encore. Nous vous remercions de cet effort, et de le faire. Merci.

Le Président (M. Doyon): Alors, au nom des membres de la commission, M. Beaulieu, Mme Schlittler, ça m'a fait plaisir de vous recevoir. Je vous permets de vous retirer pour que nous puissions entendre les représentants du Regroupement des écoles de musique privées du Québec inc. Merci beaucoup.

J'inviterais maintenant ces personnes à bien vouloir prendre place à la table de nos invités. Je suis très heureux que nous puissions les avoir parmi nous. Je leur souhaite la bienvenue. Je les invite à nous faire leur présentation de mémoire, enfin à résumer leur propos d'une façon ou d'une autre, comme ils le voudront bien, pour que nous puissions ensuite commencer la discussion avec eux. Vous avez la parole.

Mme Boily (Brigitte): M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs, il existe au Québec près de 150 écoles de musique, avec ou sans but lucratif.

Le Président (M. Doyon): J'ai négligé de vous demander de bien vouloir vous identifier, s'il vous plaît.

Mme Boily: Oui, je suis Brigitte Boily, la secrétaire du Regroupement des écoles de musique privées du Québec.

Le Président (M. Doyon): J'en conclus que c'est Mme Morrier-Gauthier, l'autre personne.

Mme Morrier-Gauthier (Pauline): Pauline Morrier-Gauthier, présidente du Regroupement des écoles de musique.

Le Président (M. Doyon): Très bien.

Regroupement des écoles de musique privées du Québec inc.

Mme Boily: Alors, des écoles avec ou sans but lucratif, qui possèdent présentement un permis de culture personnelle du ministère de l'Éducation. 29 de ces écoles provenant de diverses régions du Québec, telles la Côte-Nord, l'Estrie, le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie, Montréal, Québec, l'Abitibi-Témiscamingue et le Saguenay-Lac-Saint-Jean, forment le Regroupement des écoles de musique privées du Québec. Il regroupe au-delà de 7000 élèves et près de 350 professeurs.

Parmi les principaux objectifs retenus par les membres du Regroupement, on remarque la reconnaissance d'un statut, la promotion de la qualité de la formation musicale qu'ils transmettent, la promotion de leur accessibilité, la recherche de sources de financement adéquates et une concertation des actions auprès des instances gouvernementales pour assurer leur viabilité et ainsi apporter des retombées, tant au niveau local que régional et provincial.

Mme Morrier-Gauthier: Alors, après les membres de la création, c'est la formation. On devrait aussi parler de création, puisque nos écoles sont des créations du milieu. Les membres du Regroupement des écoles de musique privées du Québec ont examiné la proposition qui a été présentée au ministère des Affaires culturelles par le groupe-conseil présidé par M. Roland Arpin relativement à la politique de la culture et des arts au Québec.

Directement concernés par la politique de la culture et des arts du Québec, nous, du Regroupement des écoles de musique privées du Québec, soucieux de l'avenir de la formation musicale au Québec, semblons percevoir à la lecture de la proposition: 1° un désengagement total - puisque

absence de propos - en ce qui concerne la formation spécialisée offerte par tout le réseau des écoles de musique privées subventionnées par le ministère des Affaires culturelles; 2° une ambiguïté en ce qui a trait aux principales voies que devront emprunter au cours des 10 prochaines années ceux qui se consacrent au développement de la culture et à l'action culturelle.

Qu'adviendrait-il au soutien moral et financier du Regroupement des écoles de musique privées du Québec? Alors, celui-ci désire exposer ses craintes et élaborer les motifs justifiant le bien-fondé du rôle du ministère des Affaires culturelles de promouvoir et de soutenir, tant moralement que financièrement, les écoles de musique privées. Il est primordial que les écoles de musique privées possédant un permis d'enseignement accordé officiellement par le ministère de l'Éducation, ancrées dans la structure de la formation générale spécialisée et professionnelle de la musique, demeurent au sein du ministère des Affaires culturelles. Il en va de sa survie. Qui soutiendra la formation musicale au Québec si le ministère des Affaires culturelles ne le fait pas?

La musique a été reconnue depuis fort longtemps comme une discipline privilégiée dans la formation des individus. Il faut que chaque enfant ait réellement accès à une formation musicale de qualité, quel que soit l'endroit où il est né, où il habite, où il étudie. Le rôle des écoles de musique privées est à considérer dans la formation de base et préprofessionnelle. Leur présence dans des milieux diversifiés améliore l'accessibilité des jeunes musiciens et musiciennes qui veulent poursuivre des études musicales. Cette formation, loin de doubler l'enseignement donné dans le secteur public, est un complément essentiel à chaque élève qui manifeste le désir de se spécialiser dans la formation musicale. L'école publique suscite un premier éveil alors que l'école de musique privée répond au besoin suscité chez ceux qui souhaitent poursuivre une démarche musicale plus approfondie.

Il faut reconnaître la compétence des écoles de musique privées du Québec comme partenaires privilégiés pour l'avancement du niveau musical au Québec. Ces écoles suppléent à une lacune évidente et font évoluer indéniablement la qualité de la formation musicale. Ces écoles sont nées pour et par le milieu. Celui-ci a créé cette spécialisation pour satisfaire un besoin indispensable et pour compléter des services déjà offerts par le ministère de l'Éducation - les commissions scolaires - et par le ministère des Affaires culturelles - les conservatoires. Le milieu a développé les écoles de musique privées où l'on apprend la musique et où l'on vit la musique. Ces écoles existent depuis une vingtaine d'années, sont légalement structurées, clairement définies, ont des objectifs précis et offrent des programmes officiels. Elles collaborent étroitement avec les autres institutions offrant la formation musicale afin de garantir l'accessibilité et la continuité de la formation à tous les niveaux.

Ayant déjà reçu du ministère des Affaires culturelles, le 13 février 1991, l'assurance que la question du volet formation serait abordée par le groupe-conseil Arpin sur la politique culturelle, le Regroupement des écoles de musique privées ne comprend pas et s'étonne du silence du groupe-conseil Arpin qui, malgré tout, timidement, propose à la fois une politique de développement et d'accessibilité à la culture et une politique qui semble être à rencontre, c'est-à-dire un désengagement total du ministère des Affaires culturelles de la formation musicale, et ce, à tous les niveaux.

Qu'adviendra-t-il de la formation musicale spécialisée? Qu'adviendrait-il des professionnels de la musique, ces artistes pédagogues enseignant dans les écoles de musique si celles-ci venaient à disparaître? Qu'adviendra-il des artistes créateurs et interprètes s'ils perdaient leurs revenus garantis par ces écoles de musique pour leur enseignement? Qu'adviendra-t-il de la mission des conservatoires sans l'existence des écoles de musique privées en formation spécialisée? Et que dire de la survivance de l'orchestre symphonique régional, de l'orchestre préparatoire, des camps musicaux, et le reste?

Dans son avis au ministre de l'Éducation sur l'éducation artistique à l'école, le Conseil supérieur de l'éducation rappelle le bien-fondé des objectifs de développement intégral définis pour ('éducation. Il réaffirme l'importance irremplaçable de l'éducation artistique, à la fois comme composante d'une formation de base équilibrée et comme moyen de développer des facettes de plus en plus reconnues comme déterminantes du processus d'apprentissage lui-même. (17 h 45)

Tout le travail de formation ne se fait pas à l'école. Il y a trop de contraintes d'horaire, de contraintes de temps. Alors, il faut compléter par l'école de musique privée.

Je voudrais vous définir exactement ce que c'est, une école de musique privée. C'est un milieu où non seulement on apprend la musique, mais où l'on fait de la musique et où l'on vit la musique. C'est un organisme sans but lucratif. C'est un milieu accessible à la formation musicale. C'est un milieu où l'enfant et l'adulte se côtoient dans la recherche, la découverte, la création, l'expression et la communication. C'est un lieu où chacun retrouve la satisfaction de ses besoins identifiés, l'atteinte de ses objectifs. C'est un lieu où chacun façonne son idéal culturel. C'est un lieu qui permet à chaque élève qui en manifeste l'intérêt et les aptitudes d'atteindre, dans des conditions essentielles, la formation musicale désirée. Alors, cette formation, il peut l'obtenir à son rythme, à l'âge désiré, dans la discipline de son choix, en cours individuel ou en cours de groupe, avec un

professeur spécialiste de la discipline de son choix, en suivant un programme spécifique et reconnu, c'est-à-dire menant à la certification, et en suivant un programme garantissant la continuité dans un environnement approprié et enrichissant, dans un milieu de vie musicale où il y a des locaux aménagés, du matériel spécialisé et adéquat, dans une ambiance vitale pour cet art - regroupement de professeurs et d'élèves, possibilité offerte aux parents d'assister aux cours - dans un milieu qui offre des activités spécialisées complémentaires, tels concerts, cliniques, classes de maître, musique d'ensemble, cours de formation de base plus cours d'histoire de la musique, et le reste, avec un encadrement personnalisé, compétent et indispensable. Toutes ces écoles ont un calendrier pédagogique de 30 semaines.

Les objectifs pour ces écoles sont de favoriser la promotion de la musique; de rendre l'éducation musicale graduelle et spécialisée à la portée de tous; d'offrir des méthodes nouvelles d'apprentissage; d'offrir une programmation souple adaptée aux besoins et au rythme des étudiants; de permettre une vie musicale aux étudiants en leur offrant la possibilité de mettre en application dans l'immédiat les connaissances acquises aux cours par une participation aux activités de l'école; enfin, de préparer en vue d'études supérieures les étudiants qui en manifestent le goût et les aptitudes par une reconnaissance de droit et de permettre périodiquement aux étudiants ou à des groupes d'étudiants de se produire en public.

Les professeurs de ces écoles possèdent une maîtrise en musique, ou un baccalauréat en musique, ou un permis d'enseignement. Quelques-uns détiennent un DEC, mais avec supervision de la direction. Les professeurs doivent être autorisés par les écoles reconnues afin de préparer et de présenter leurs élèves aux examens de contrôle. En grande majorité, les professeurs se perfectionnent de façon continue et assidue.

An niveau collaboration, d'une pan:, les écoles de musique sont un apport vital au Conservatoire de musique du Québec dans le sens que ces écoles préparent adéquatement les élèves qui ont déjà choisi de devenir des musiciens professionnels. Il en est de même pour les niveaux collégial et universitaire, les camps musicaux, les orchestres, les harmonies. D'autre part, des collaborations très étroites s'établissent en ce qui concerne les classes de maître, les cliniques, les concerts conjoints, les concerts d'élèves, les examens, l'orchestre symphonique, le perfectionnement des maîtres, la publicité. De plus, elles sont un soutien important pour les créateurs et leurs oeuvres, le marché d'instruments de musique, de la musique en feuilles et du disque, des concerts, de la radio, de la télévision. Il est important de remarquer que les écoles de musique privées du Québec peuvent répondre adéquatement et professionnellement à diverses ententes avec les commissions scolaires.

Au niveau affiliation et contrôle, les écoles de musique privées sont affiliées à de grandes écoles reconnues provincialement pour la rigueur de leurs programmes et de leurs examens. Ces grandes écoles reconnues provincialement sont l'Académie de musique de Québec; le Conservatoire de musique du Québec; l'École de musique de l'Université McGill; l'École de musique Vincent d'Indy; l'École préparatoire de musique de l'Université du Québec à Montréal; l'Extension de l'École de musique de l'Université Laval; le Mouvement de guitare classique La Soribande; le Mouvement musical Vivaldi; les Petits violons.

Dans les écoles de musique privées du Québec, la qualité de l'enseignement est assurée, supervisée, contrôlée professionnellement grâce à l'aide de ces écoles. Régulièrement, les professeurs suivent des stages de pédagogie ou participent à des ateliers de formation ou d'information concernant les programmes de ces grandes écoles. Des musiciens nommés par ces institutions reconnues viennent annuellement juger les examens, ou les élèves se rendent dans ces institutions pour passer les examens. Les élèves défraient les coûts des examens. Les grandes écoles reconnues remettent les résultats d'examens, les diplômes et les commentaires des juges.

Au niveau administration, toutes ces écoles sont administrées par une assemblée générale et un conseil d'administration. Elles sont toutes sans but lucratif. Au niveau financement, les écoles de musique privées sont, d'une part, partiellement aidées par le gouvernement municipal ou par des programmes du gouvernement provincial - le ministère des Affaires culturelles et le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu - et par des programmes du ministère de l'Emploi et de l'Immigration du Canada, d'autre part, et pour la plus grande partie de leur budget, par l'autofinancement, c'est-à-dire frais de cours, frais d'inscription, activités-bénéfice, commandites, bénévolat, il faut offrir les cours à un coût accessible, un coût qui soit à la portée d'un plus grand nombre possible d'élèves, de quelque milieu qu'ils soient, un coût qui pourrait éviter toute discrimination socioculturelle, puisque chaque jeune a droit à une formation intégrale.

Toutes les écoles de musique privées tiennent un rôle primordial de préparation lointaine et immédiate dans la formation générale, spécialisée et professionnelle des musiciens et des musiciennes. Elles ont une vocation spécifique dans l'organigramme de la structure et de la formation musicale, secteurs privé et public, cette vocation spécifique étant clairement identifiée en 1989 dans les actes du Sommet sur l'avenir de la formation musicale au Québec, et je cite: "L'école de musique privée est actuellement un pôle essentiel du développement culturel de nombreux milieux." On en retrouve donc dans toutes les régions. Elles contribuent au develop-

pement de la collectivité, transmettent des valeurs de base à notre société et sont des employeurs importants.

Les écoles de musique sont un outil complémentaire et spécifique. Il existe déjà une amorce dans le développement d'ententes entre le privé et le public, entre ces écoles et des commissions scolaires qui utilisent leurs ressources musicales et pédagogiques lorsqu'elles les associent à leurs écoles à vocation musicale, entre autres Arts-Études. La qualité des services qui y sont donnés vient s'ajouter à l'impact du secteur public et animer la vie artistique et culturelle en général. Par un phénomène de mise en valeur des ressources, elles servent de moteur à l'évolution musicale si difficile à maintenir actuellement.

Les écoles de musique privées du Québec ont été mises sur pied à force de travail et de bénévolat. Elles se sont souciées de la qualité des services de formation et doivent, à ce titre, maintenir un statut d'établissements de formation spécialisée par des professionnels. Assurer l'enseignement spécialisé qui mène à la formation préprofessionnelle et professionnelle est une tradition forte au Québec. Cependant, les contraintes politiques fluctuantes, les moratoires sur les subventions de fonctionnement et d'aide à l'équipement, qui durent depuis quatre ans chez ces organismes de formation, ainsi que la disparition des fonds d'appariement entraînent des problèmes sérieux de développement, voire même de viabilité.

Nous croyons que le ministère des Affaires culturelles doit réaliser l'importance du rôle des écoles de musique privées du Québec et les consulter par l'entremise du Regroupement des écoles de musique privées du Québec dans Je processus d'élaboration des orientations de la formation musicale dans notre province. Cette reconnaissance est essentielle pour les écoles de musique privées qui vivent une situation financière précaire. Leur survie est fragile et force nous est donnée de constater l'essoufflement des permanents et des bénévoles.

En résumé, les propositions du Regroupement des écoles de musique privées du Québec, je1 les formule ici:

Considérant que la formation musicale spécialisée est déjà, depuis plus de 20 ans, offerte par des organismes privés offrant des garanties d'enseignement de qualité et l'importance de toute cette formation musicale au Québec, alors le Regroupement des écoles de musique privées du Québec propose: 1° Que le MAC considère la formation spécialisée de la musique comme un volet essentiel du rôle de son ministère; 2° Que la formation musicale spécialisée soit accessible dans toutes les régions; 3° Que le MAC reconnaisse le Regroupement des écoles de musique privées inc. comme une association culturelle provinciale; 4° Que le MAC reconnaisse la complémentarité des efforts du REMPQ dans la formation musicale au Québec; 5° Que le MAC reconnaisse le REMPQ comme partenaire essentiel pour l'activité culturelle pour l'ensemble des citoyens; 6° Que le MAC reconnaisse le REMPQ comme partenaire privilégié pour la formation spécialisée de la musique et, ainsi, pour l'avancement du niveau musical au Québec; 7° Que le MAC soutienne économiquement les écoles de musique privées faisant partie du REMPQ; 8° Que le MAC facilite l'accessibilité à l'enseignement spécialisé offert par les écoles de musique privées faisant partie du REMPQ; 9° Enfin, que le MAC facilite les ententes entre le MEQ et le REMPQ pour des projets complémentaires de formation.

Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, madame. Mme la ministre, vous avez maintenant la parole.

Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup, Mme Morrier-Gauthier, Mme Boily aussi. Vous dites: On a passé quand même rapidement, au niveau du rapport Arpin, sur tout l'enseignement de la musique. Je voudrais profiter de l'occasion pour souligner l'apport essentiel, justement, des écoles de musique privées - j'en parlais avec M. Thibault - à l'avancement et à la connaissance de la musique. Vous savez, quand on élabore - et, de toute façon, on s'en était parlé - une politique culturelle, c'est le temps de se remettre en question au complet. Et ça, c'est dans tous les milieux qu'on se remet en question. Et, à un moment donné, on s'est dit: Bon, l'enseignement en soi, tout l'enseignement - je ne parle pas des orientations, je ne parle pas, finalement, de l'analyse des besoins, mais ce dont on parle, c'est de l'opération, écoles de musique, même conservatoires - une fois que les orientations sont données, et tout ça, est-ce que ça devrait être chez nous ou est-ce que ça devrait aller au ministère de l'Éducation? Il y a la formation aussi. Ils font de la formation professionnelle. Sont-ils mieux équipés que nous pour répondre à vos besoins au niveau des plans d'ensemble, en comprenant toujours que les orientations, puis tout ça, relèvent quand même du ministère des Affaires culturelles, puisque, bon, au niveau du dossier culture, ça devrait relever du ministère des Affaires culturelles?

Mme Morrier-Gauthier: À l'école, dans le secteur public, le temps est tellement restreint pour toutes les disciplines qui existent que l'enseignement se fait par groupes. Et la différence principale qui fait en sorte que les écoles de musique privées, le conservatoire et les écoles du secteur public ne sont pas un duplica-

ta, c'est que, dans le secteur public, on parie du violon, alors que, dans les autres écoles, on en joue. C'est ce qui fait toute la différence.

Mme Frulla-Hébert: Juste une précision. Je pense que, pour bien me faire comprendre, moi, je ne dis pas: On abolit. Au contraire, parce que c'est de l'enseignement spécialisé et c'est de la formation. Moi, ce que je dis, c'est que le réseau, tout le système - écoles de musique privées, conservatoires, etc. - est-ce que ça devrait rester chez nous, au niveau des opérations, ou s'en aller, toujours selon notre supervision en termes d'orientation, de contenu, puis tout ça, en collaboration mais au ministère de l'Éducation? C'est ça que je dis.

Mme Morrier-Gauthler: C'est sûr, parce que le mot "éducation" est attaché à cette formule-là. Mais il ne faut pas oublier, ici, que c'est l'éducation culturelle et une éducation spécifique. Même si le ministère des Affaires culturelles gardait les orientations, je ne pense pas qu'on puisse jamais, dans le secteur public, avoir l'opportunité de remplacer ce que le ministère des Affaires culturelles peut arriver à faire au niveau de la formation culturelle, et spécialement du côté de la musique.

Mme Frulla-Hébert: Moi, ce que je veux dire... Comme les collèges privés, par exemple, existent dans le réseau, comme l'enseignement spécialisé existe aussi dans le réseau de l'éducation, moi, je dis: Est-ce que ce serait mieux de garder le concept des écoles de musique privées? Pas dire: On va les remplacer, et ce sont les écoles publiques qui donneront la formation. Ce n'est pas ça, là. C'est le concept des écoles de musique privées, comme les collèges privés, comme la formation professionnelle, et puis tout ça, mais au niveau du réseau de l'éducation, si on veut, faisant partie du ministère de l'Éducation versus le ministère des Affaires culturelles.

Mme Morrier-Gauthier: Oui, je comprends très bien, sauf que...

Mme Frulla-Hébert: C'est ça, là, je ne veux pas qu'on parie...

Mme Morrier-Gauthier: ...si les orientations sont bien définies, on peut tout réussir. La seule chose qui manque, ce sont les ressources financières. Si le ministère de l'Éducation, financièrement, est en mesure de recevoir toute cette éducation ou toute cette formation plus spécialisée, moi, je dirais que c'est...

Mme Frulla-Hébert: Autrement dit, c'est...

Mme Morrier-Gauthier: ...sûr que, peut-être, le ministère... Mais je regarde juste dans les régions; peut-être que dans des secteurs qui sont privilégiés un peu plus, comme Montréal, ces écoles... Chaque fois qu'une commission scolaire veut ouvrir une école, à cause du phénomène de douance, si on veut - alors, les arts, c'est un petit peu la même chose si on veut les pousser - les gens s'objectent, les professeurs s'objectent, les syndicats s'objectent. Ils ne veulent pas privilégier une discipline plutôt qu'une autre. Alors, si on veut instaurer des écoles à vocation, des écoles Arts-Études, etc., dans les régions, c'est toujours plus difficile. Compte tenu du fait que les payeurs de taxes sont encore les mêmes, il faudrait arriver à changer toute la mentalité. Peut-être que l'Éducation peut englober toute l'éducation, y compris l'éducation culturelle, mais, à ce moment-là, il y a l'éducation sportive, l'éducation au sens très large. Alors que, là, le ministère des Affaires culturelles a un rôle très précis: la culture. Et même, je pense qu'à un moment donné, si le ministère des Affaires culturelles disait: Vous, au ministère de l'Éducation, il faut faire telle chose... Je ne sais pas jusqu'à quel point deux ministères peuvent... En tout cas, moi, je pense que, s'il y a des sous au ministère de l'Éducation pour recevoir toute cette formation, ça peut se faire, mais il va falloir qu'à la base les principes ou les grands objectifs généraux du ministère de l'Éducation soient orientés de façon différente. (18 heures)

Mme Frulla-Hébert: Quand on parie du programme Arts-Études, est-ce que vous faites partie de... Vous dites que vous faites partie de ces programmes-là. C'est parce qu'on a beaucoup parlé avec les intervenants du monde de l'éducation, et on aura un dernier intervenant, aussi, demain. Ils sont vraiment venus en bloc et il y a un consensus. Ce n'est pas facile d'avoir des consensus, finalement, spécialement au niveau du milieu et au niveau des affaires culturelles, mais il y a certains consensus qui, finalement, émanent de cette commission parlementaire. Il y en a un, c'est le rôle que le ministère de l'Éducation doit jouer au niveau culturel, c'est-à-dire que toute la sensibilisation culturelle passe par là. J'étais au Salon du livre hier après-midi et des jeunes sont venus. Il paraît qu'on voyait des jeunes dans les allées, bouquinant. C'est tout ça, là, et ça commence là. Je me dis: Qu'est-ce qu'il y aurait à faire? On se demandait si le ministère de l'Éducation devait tout prendre. Ce serait une bonne façon, justement, de conscientiser à l'importance de mieux intégrer les deux. Ou, sinon, qu'est-ce qu'il y aurait à faire, justement, pour avoir des programmes peut-être mieux intégrés ou en faire plus au niveau du système scolaire?

Mme Morrier-Gauthier Pour vous donner un exemple, dans notre région, en ce qui concerne Arts-Études, c'est un programme qui s'est préparé pendant trois ans et a eu comme résultat que 35 élèves en musique des écoles et

23 du conservatoire - donc, disons seulement 60 élèves sur 2500 à 3000 - peuvent y participer. Ce sont des élèves qui ont fait des choix, bien sûr, mais on ne répondra pas, avec une école Arts-Études, à une population, ou on ne donnera pas l'accès à une société de jeunes en général.

Maintenant, si le ministère de l'Éducation changeait ses politiques et les rendait plus appropriées à l'unité étudiante - on est toujours dans un grand ensemble, et c'est ce qui est difficile - l'élève recevrait, à la base, une formation générale et un goût qui lui permettraient d'atteindre la formation plus spécialisée; le spécialisé va vers le professionnel et, de là, au perfectionnement. Il faudrait qu'il y ait de gros déblocages au ministère de l'Éducation pour arriver à faire exactement ce qui se fait présentement de mieux, et à une petite échelle. C'est encore à une petite échelle.

Mme Frulla-Hébert: Parfait. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.

M. Boulerice: Oui. Mme Morrier-Gauthier, Mme Boily, bonsoir et bienvenue à cette commission. Vous avez bien fait de mentionner dans votre mémoire le sommet de 1989 auquel, d'ailleurs, j'assistais. Je me rappelle, d'ailleurs, la remarquable prestation de M. Lussato à ce moment-là. Je pense qu'il en est sorti, effectivement, des actes fort intéressants. Je sais qu'en fin de semaine prochaine ça se discutera encore à Montréal.

Donc, moi, je vous dis d'emblée que j'ai de très grandes réserves quant à un délestage de ce secteur vers un autre ministère. C'est une opinion que partage mon collègue et ami, le député de Jonquière, qui m'accompagne et qui, d'ailleurs, interviendra. Je ne suis pas favorable à ce délestage, de peur d'un certain nivellement. On reconnaît, d'ailleurs, l'importance de votre Regroupement en termes de qualité de formation. Je sais que, dans fa longue nomenclature des institutions qui vous sont apparentées, il y a le Centre d'art de Préville auquel j'ai été associé. J'espère que mon amie Véra continue toujours d'y oeuvrer, et si vous la revoyez avant moi vous lui ferez mes salutations. Donc, ceci étant dit, quant au positionnement de ma formation politique face à votre Regroupement, la chose est faite. Maintenant, si vous le permettez, mon collègue demandera le consentement de la commission, parce qu'il désirerait que vous engagiez le dialogue avec lui. Le député-maire de Jonquière a toujours eu de profonds intérêts dans le développement de la musique.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, avec une demande aussi explicative que celle vous venez de faire, on ne saurait, je crois, de ce côté-ci, refuser le consentement pour notre collègue, le député de Jonquière. Vous avez la parole.

M. Dufour: Merci beaucoup, M. le Président. Je peux vous dire que, oui, je me considère comme privilégié de pouvoir m'adresser à des gens de mon milieu, que je connais bien, que j'ai vus à l'oeuvre et qui ont produit des résultats extraordinaires avec de faibles moyens. Je peux vous dire que le mémoire qui nous est présenté est assez neutre, en fait, puisqu'il présente l'aspect général du Regroupement des écoles de musique privées du Québec. Mais j'aurais aimé, à partir du général, aller un petit peu plus dans le détail. Je voudrais demander, justement, en partant de ce principe-là, à Mme Morrier-Gauthier ou à Mme Boily - parce que je sais que ça pourrait peut-être toucher l'humilité de l'une ou l'autre, ou des deux - combien d'élèves vous avez dans votre école?

Mme Morrier-Gauthier: Dans l'école... dans le secteur de Jonquière?

M. Dufour: Dans l'Atelier de musique de Jonquière.

Mme Morrier-Gauthier: Entre 1000 et 1200 depuis une dizaine d'années. À chaque année, donc, nous avons entre 1000 et 1200 élèves.

M. Dufour: Est-ce que vous pouvez me donner, de mémoire, la participation de la municipalité à cette école?

Mme Morrier-Gauthier: La municipalité nous donne une subvention monétaire de 18 000 $, 20 000 $ ou 22 000 $, variant d'une année à l'autre. Elle nous loge également gratuitement dans une école désaffectée qui appartient à la commission scolaire et elle nous offre une partie du service de l'entretien, donc les frais qui sont attachés à l'entretien de la bâtisse. Elle nous permet également de travailler dans une autre bâtisse qui appartient à la ville de Jonquière, soit le centre culturel, et ce, tout à fait gratuitement. De plus, elle nous prête du matériel didactique, des instruments de musique et elle nous permet d'avoir accès à des services techniques qui sont diversifiés, tels photocopie et secrétariat.

M. Dufour: Donc, l'implication de la ville est très forte et régulière. Elle a une action soutenue. Au point de vue monétaire, vous n'avez pas fait l'évaluation exacte des coûts? Est-ce que vous avez l'évaluation exacte des coûts? Par exemple, une école, quand on la chauffe, qu'on l'entretient, avec les produits, etc., il y a un montant qui est assez important, parce que c'était une école de 300 ou 400 élèves quand elle était en fonction, en autant que je me

rappelle. Le centre culturel est un endroit où la municipalité contribue, pour le fonctionnement, certainement au-dessus de 100 000 $, pas mal plus que 100 000 $. On pourrait évaluer facilement à 200 000 $, peut-être, l'implication de la municipalité si on la mettait dans un cadre comme tel.

Est-ce que vous croyez que, si votre école était transférée au ministère de l'Éducation, la municipalité pourrait justifier de faire autant pour l'école?

Mme Morrier-Gauthier: J'en doute. Je pense que la municipalité fait toujours des ententes avec la commission scolaire pour le prêt de ses salles. Maintenant, nous avons déjà eu une gratuité de la part de la commission scolaire et, après, ils nous ont dit: Vous ne relevez pas de notre système, donc il faudra essayer de trouver une autre solution. Et c'est la ville qui nous a aidés. Mais je ne pense pas qu'on pourrait avoir cette opportunité-là, puisque, déjà, c'est la commission scolaire qui fait payer la ville de Jonquière pour l'entretien, la location, le loyer, le chauffage, l'eau et tout le reste. Ce sont donc déjà des frais qui sont chargés par la commission scolaire à notre organisme, mais payés d'une autre façon.

M. Dufour: Vous avez en plus les participations des étudiants, les frais de cours, la participation de la ville, quelque peu le scolaire - je pense qu'ils doivent continuer un peu à vous supporter, bon, d'une certaine façon - que vous avez aussi les campagnes de financement. Et quand je parle de votre école comme telle, j'imagine que toutes les écoles de musique au Québec procèdent un peu de cette façon-là. Il y a peut-être des petites variantes; elles ne sont pas toutes aussi grosses et aussi nombreuses au point de vue du nombre d'élèves. Est-ce que vous avez des campagnes de support par le public, du public, provenant du public?

Mme Morrier-Gauthier: Je pourrais parler de notre école, mais je pourrais également dire que c'est la même chose qui se répète dans toutes les écoles de la province.

M. Dufour: Non, mais ça, je pense qu'on fait la mise en garde comme telle. On sait bien que, quand je m'adresse à vous, pour votre école à vous ou l'école l'Atelier de musique de Jonquière, ça veut dire que c'est sensiblement la même chose ailleurs.

Mme Morrier-Gauthier: C'est ça.

M. Dufour: Mais, je pense qu'il faut particulariser, parce que, sans ça, c'est difficile de se mettre dans un contexte. Parce que, moi, ce que j'essaie de démontrer... Bien, vous verrez tout à l'heure ce que j'essaie de démontrer.

Mme Morrier-Gauthier: Alors, présentement nous sommes en campagne de financement. Nous faisons un tirage; d'autre part, nous vendons du chocolat, des épinglettes, des chandails et différentes choses dans la bâtisse. À l'extérieur, nous vendons des billets pour le tirage d'une auto; nous espérons aller chercher quelque chose comme 24 000 $. Nous préparons un grand concert à la fin de l'année, avec des artistes invités, et nous remplissons une grande salle de 1000 personnes. Nous essayons encore d'aller chercher des fonds par l'entremise d'ambassadeurs. Alors, les ambassadeurs, nous les choisissons au niveau des chefs d'entreprise, de l'industrie, du commerce - les professionnels, en fait - et nous essayons de travailler avec les Chevaliers de Colomb, les clubs Richelieu, et le reste. En fait, nous essayons d'aller chercher tout ce qu'on peut dans le milieu. Et, d'année en année, il faut recommencer. C'est toujours la même chose. Il faut recommencer. Dépendamment des périodes où on arrive, des portes se ferment, des portes s'ouvrent. Alors, il faut aller un petit peu partout pour essayer de trouver des fonds.

M. Dufour: Pour la participation du public en général, est-ce que vous pouvez quantifier à peu près les montants que, chaque année, vous pouvez aller chercher dans le milieu?

Mme Morrier-Gauthier: II faut toujours aller chercher à peu près de 12 % à 15 % de notre budget dans le milieu. Et, pour donner une idée, la subvention du ministère des Affaires culturelles est de 4 %.

M. Dufour: Est-ce que vous connaissez beaucoup d'activités scolaires qui reçoivent autant ou qui travaillent autant pour obtenir des fonds de la part du public, de la part des mécènes, comme on les appelle un peu partout? Est-ce que vous en connaissez, des activités scolaires? Moi, j'en connais. Je peux vous en donner. Par exemple, à un certain moment donné, il y a des élèves qui décident d'aller faire un tour au Manitoba, un échange d'étudiants; ils vont faire une activité très spéciale pour ça, là, spécifiquement, mais il n'y a pas de suite. C'est des hauts et puis des bas. Une équipe de hockey, bien, c'est scolaire plus ou moins, là, mais ils vont faire certains efforts pour trouver de l'argent. Est-ce que vous connaissez des groupes, là, ou des... Par exemple, au niveau scolaire, il y a certainement des campagnes de sécurité qui se font, mais je n'ai jamais vu de campagne de promotion pour aller chercher des sommes d'argent du public. Est-ce que vous pouvez nous en identifier?

Mme Morrier-Gauthier: En fait, j'enseigne également dans le secteur public, à temps plein aussi. À chaque année, on détermine tout simplement des concerts auxquels les élèves vont

participer. Alors, cette année, il y aura un concert par école, auquel tous les élèves pourront participer, et qui engagera des fonds minimes de la part de chaque école au niveau du comité d'orientation. Maintenant, de grands projets qui ont une continuité, non. Ce sont toujours des choses ponctuelles, des activités ponctuelles.

M. Dufour: En partant des deux principes ou d'un constat que, d'une part, les municipalités s'impliquent beaucoup, règle générale, avec les écoles de musique, que le public participe, que les parents sont intéressés - puisque c'est en dehors des heures scolaires que vous donnez ces cours-là, donc c'est une augmentation à la culture de l'élève - si on transfère au ministère de l'Éducation, ça va se faire dans les heures des cours réguliers, à ce que je sache, en grande partie. Est-ce que vous pouvez confirmer ou infirmer? (18 h 15)

Mme Morrier-Gauthier: Oui, peut-être que je pourrais revenir à Arts-Études, projet auquel Mme la ministre faisait référence tout à l'heure. Nous travaillons avec le projet Arts-Études présentement, mais ce n'est pas la commission scolaire qui investit des sommes pour les élèves au niveau musique. Alors, c'est chaque élève qui paie ses cours, qui paie son temps en musique. Ce que la commission scolaire nous apporte comme aide, c'est qu'elle permet un horaire modifié, c'est-à-dire que les élèves font leur temps de pédagogie le matin.

M. Dufour: Donc, je pense qu'il y a un danger, à travers tout ça, qui nous guetterait. D'abord, c'est moins accessible. Le programme Arts-Études, on peut dire qu'en principe tous les étudiants y ont accès. Mais, en pratique, c'est encore l'élite qui va en profiter. En fait, je pense que c'est un peu tout ça. Mais je voudrais aller un petit peu plus loin. En tout cas, pour moi, je m'inscris au même titre que mon collègue, le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, à l'effet que je vois mal que ça puisse être transféré au ministère de l'Éducation. Qu'on donne une formation générale, oui, ça pourrait aller, mais si on veut aller un peu plus loin, j'ai comme l'impression qu'on vient de fermer le couvercle puis on va produire moins de choses, moins de résultats.

Souvent, on dit: On va juger l'arbre à ses fruits. Comme école de musique populaire - on va l'appeler comme ça - moi, je sais que votre enseignement, il est professionnel, il est pédagogique. Je questionne au profit, peut-être, de la commission comme telle. Est-ce que vous pouvez m'identifier des gens qui, chez vous, ont produit des résultats, qui se sont produits sur la scène régionale, nationale, internationale? Parce que, normalement, il faut pouvoir l'identifier; ce n'est pas désincarné pour moi, là, ce que vous faites.

C'est présent. J'en connais, des gens qui... Je ne veux pas blesser votre modestie, mais j'espère que vous pouvez nous donner des cas, indépendamment des personnes, où il y a eu des résultats: des concours de musique du Canada, etc., tout ce qui se passe. Est-ce que vous avez produit des choses de même dans votre école?

Mme Morrier-Gauthier: C'est sûr qu'on a des élèves... Hier, j'avais justement une communication d'une élève qui fait partie de l'Orchestre symphonique de Montréal. On a des élèves qui sont impliqués maintenant dans ces grands ensembles là. On a des élèves qui ont gagné des concours, qui en gagnent encore, de toute façon, au niveau des concours de musique du Canada - que ce soit notre école ou d'autres écoles, là - des concours provinciaux, la même chose, et des élèves qui, après x années, obtiennent des postes importants, des postes de valeur au niveau de grands ensembles qui sont renommés, qui sont importants, en fait des postes de prestige.

M. Dufour: Je sais que vous ne voudrez pas les identifier. Moi, j'en connais, des gens. Madame a deux filles qui se distinguent internationalement et... Une, en tout cas, se distingue internationalement; l'autre est trop jeune mais ça va venir. Mais il n'y a pas seulement ces cas-là, il y en a d'autres. Ce n'est pas une école familiale, chez nous. C'est vraiment une école de musique. Les meilleurs, bien, ils finissent par performer et ils vont un peu plus loin. Est-ce que vous en avez beaucoup, par exemple, qui se dirigent, à partir de chez vous, dans les conservatoires?

Mme Morrier-Gauthier: Oui. Nous travaillons beaucoup en collaboration avec les conservatoires. Présentement, je ne sais pas combien il y a d'élèves au conservatoire mais, en tout cas, je pense que du nombre d'élèves qui sont au conservatoire présentement, la moitié ou près de la moitié vient de notre école de musique. Mais je dois dire que tous les élèves qui sont au conservatoire viennent des écoles de musique, par exemple. Il y a également le fait que le conservatoire travaille dans notre région du côté préprofessionnel. Alors, plus d'une centaine d'élèves qui sont aptes, qui ont des dispositions précises quant à leur valeur comme interprètes reçoivent un montant ou ont un cours payé avec leur professeur dans nos écoles, pour se préparer à l'enseignement professionnel au conservatoire. Alors, ce sont des collaborations qui sont intenses, qui sont très profitables et pour les écoles et pour les conservatoires.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, madame. C'était tout le temps qui était... Peut-être un mot de remerciement, M. le député de Jonquière? Ce sont des gens de chez vous, là.

M. Dufour: Oui. Je voudrais surtout rendre hommage à l'Atelier de musique de Jonquière qui, à mes yeux, et je l'ai dit au départ, fait un travail extraordinaire dans le milieu. Mais je serais curieux, en tout cas, d'aller un peu plus loin, parce qu'on parle de culture, mais la culture, ça comprend toutes ses facettes, à mon point de vue. Et je suis convaincu que les gens dont ils ont la charge ou dont ils prennent la responsabilité pour un certain nombre d'heures de la journée ou de la semaine, ce ne sont pas les enfants les plus compliqués au point de vue délinquance. Moi, je suis certain qu'ils font une oeuvre extraordinaire. L'école est bien tenue. Comme maire ou comme ex-malre de la ville de Jonquière, j'ai eu l'occasion de les voir à l'oeuvre, de les entendre, de vivre avec les jeunes qu'ils ont en charge et puis avec les responsables et je pense bien que, chez nous, ça a toujours été à l'enseigne du succès, à l'enseigne aussi du sérieux et d'une volonté certaine de se développer musicalement et aussi cultu-rellement.

C'est dans ce sens-là que je vois tout l'apport des écoles privées. Je ne peux pas dire si c'est de même partout au Québec. Je le suppose. J'ai bien confiance que c'est exactement ce qui existe, d'autant plus que c'est une des écoles, chez nous, qui a possiblement la plus nombreuse clientèle. Elle a toujours été pénalisée par ce nombre, parce qu'il y a des critères qui font, au ministère - à moins que ça ait changé dernièrement - que, jusqu'à 500 ou 600 élèves, il y a un montant qui est donné et, plus que ça, ils sont bloqués. Ça ne les a pas empêchés d'avoir 1200 élèves et de continuer. Donc, le ministère s'est impliqué mais pas très fortement. Peut-être que ça serait bien qu'on regarde ça très sérieusement pour voir s'il y a quelque chose à faire là-dedans. J'ai bien confiance, et j'y crois, à cette école-là. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député. Nous partageons votre confiance. Mme la ministre, vous avez un petit mot de remerciement?

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le Président. Mme Morrier-Gauthier et Mme Boily aussi, je vous remercie. Vous nous avez aidés aussi à cheminer dans notre discussion. C'est parce qu'à un moment donné on regarde et on dit que le système d'éducation - nous avons d'ailleurs le chef de cabinet de l'Enseignement supérieur et de la Science avec nous - est un système qui, globalement, est de 11 000 000 000 $ versus le budget des Affaires culturelles où, veux veux pas, on essaie d'en donner à tout le monde mais... Alors, on se dit: Où peut-on être plus efficaces? Mais toujours avec l'objectif, par exemple, de donner, de dispenser le meilleur enseignement possible et de promouvoir aussi la culture chez les jeunes. Alors, de là part la discussion. Mais vous nous avez aidés à cheminer, alors je vous remercie sincèrement d'avoir accepté notre invitation.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Mme Morrier-Gauthier et Mme Boily, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Ceci met fin à votre audition et aux travaux de cette journée. Je vais donc maintenant ajourner les travaux de la commission à demain matin, 10 h 15, en cette salle.

La commission est maintenant ajournée. Bon appétit à tout le monde!

(Fin de la séance à 18 h 23)

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